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Introductio Et Titre I

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Université de Yaoundé II

FSJP
Année académique 2019/2020

Master 1 : Dpr : CJ - DAf


Cours de : Droit International
Privé 2
(Application des règles générales)
Cours du Pr Banamba

DROIT INTERNATIONAL PRIVE 2


(Application des règles générales)
CAMPUS DE SOA ET DE BERTOUA

PLAN DU COURS

INTRODUCTION
TITRE 1 : LES PERSONNES
CHAPITRE 1 : L’INDIVIDU
Section 1 : Le domaine d’exclusion de la loi personnelle
Paragraphe 1 : Les matières incontestablement exclues du statut personnel
A- Les actes d’état civil
B- Les droits de la personnalité
Paragraphe 2- Le domicile
Section 2 : Le domaine d’admission du statut personnel
Paragraphe 1 : La capacité
A- Les incapacités
1- Les différentes incapacités soumises à la loi nationale
a)- Les incapacités visées
b)- Le domaine de la loi nationale
2- Les exceptions à l’application de la loi nationale
a)- Les lois de police
b)- Le conflit mobile
c)- L’ignorance excusable de la loi étrangère
d)- L’ordre public et la fraude à la loi
B- La loi applicable à la protection des incapables
Paragraphe 2- Le nom
CHAPITRE 2 : LA FAMILLE
Section 1 : Le droit extrapatrimonial de la famille
Sous-section 1 : Le mariage
Paragraphe 1 : La formation du mariage
A- La loi applicable aux conditions de formation du mariage
1- Les conditions de fond
a)- Le principe de l’application de la loi nationale
b)- L’intervention de l’ordre public à l’encontre d’une loi étrangère
2- Les conditions de forme
B- La sanction du non respect des conditions de formation du mariage
1- Le refus de célébrer le mariage
2- L’annulation du mariage
C- Les effets du mariage

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1- Les matières qui relèvent de la loi des effets du mariage
a)- La détermination de la loi applicable
b)- La mise en œuvre de la règle de conflit de lois applicable à la famille
2- Les matières qui échappent la loi des effets du mariage
Paragraphe 2- La dissolution et le relâchement du lien matrimonial
A- La détermination de la loi applicable
B- Les exceptions à la loi compétente
1- Le cas des époux de nationalités différentes
2- Le changement de nationalité ou de domicile (le conflit mobile)
Sous-section 2 : La filiation
Paragraphe 1 : Filiation légitime et filiation naturelle
A- L’établissement de la filiation
B- Les effets de la filiation
Paragraphe 2 : La filiation adoptive
A- L’établissement du lien de filiation adoptive
1- Les conditions de fond
2- Les conditions de forme
B- La loi applicable aux effets de la filiation adoptive
Section 2 : Le droit patrimonial de la famille (Cf. TITRE 4)
TITRE 2 : LES OBLIGATIONS
CHAPITRE 1 : LES OBLIGATIONS LEGALES (Les faits juridiques)
Section 1 : La détermination de la loi locale
Paragraphe 1 : L’absence de rattachement
Paragraphe 2 : La pluralité de rattachements ou le délit complexe
A- Le rattachement de principe à la loi locale ou loi du lieu de survenance du délit
B- La remise en cause de la loi du lieu de survenance du délit
Section 2 : Le domaine de la loi applicable
Paragraphe 1 : L’application de la loi délictuelle aux différentes catégories de responsabilités
A- La responsabilité du fait des choses
B- La responsabilité du fait d’autrui
1- La responsabilité des parents
2- La responsabilité des commettants
Paragraphe 2 : L’application de la loi délictuelle au régime de l’obligation
A- Les éléments constitutifs de l’obligation délictuelle
B- La sanction de l’obligation délictuelle
CHAPITRE 2 : LES OBLIGATIONS VOLONTAIRES (Les actes juridiques)
Section 1 : La qualification du contrat international
Paragraphe 1 : L’approche anglaise du contrat international
A- The "Unfair contract terms Act"
B- The " Arbitration Act"
Paragraphe 2 : L’approche française du contrat international
A- La recherche d’un critère du contrat international
1- Le critère économique
2- Le critère juridique
B- La voie médiane
Section 2 : La loi applicable au contrat international
Paragraphe 1 : Le choix de la lex contractus
A- La loi d’autonomie
B- L’absence de choix de la loi applicable
Paragraphe 2 : Le domaine de la loi applicable au contrat
A- Les questions soumises à la loi applicable au contrat
1- Les questions soumises à la compétence exclusive de la loi du contrat
a)- La formation du contrat
b)- Les effets du contrat
2- Les questions soumises à la compétence partagée de la loi du contrat et une autre loi
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B- Les éléments exclus de la loi contractuelle
Titre 3 : Le statut réel
Chapitre 1 : Détermination de la loi de la situation
Section 1 : La localisation du bien
Paragraphe 1- Localisations complexes
A- Immeuble plurilocalisé
B- Meubles plurilocalisés
1- Meubles en déplacement (ou meubles en transit)
2- Meubles déplacés (Conflits mobiles)
Paragraphe 2- Localisations inexistantes
A- Absence de statut réel
B- Les biens incorporels
Section 2 : Effectivité de la localisation du bien par le lieu de situation
Chapitre 2 : Les différentes matières relevant du statut réel
Section 1 : Biens corporels
Section 2 : Les biens incorporels
TITRE 4 : LE DROIT PATRIMONIAL DE LA FAMILLE
Chapitre 1 : Les régimes matrimoniaux
Section 1 : Le régime matrimonial primaire ou fondamental
(Voir : Les matières qui échappent à la loi des effets du mariage)
Section 2 : Le régime matrimonial proprement dit (le régime matrimonial secondaire)
A- La détermination de la loi applicable
B- Le domaine de la loi applicable
Chapitre 2 : Les successions
Section 1 : La détermination de la loi applicable
Paragraphe 1 : Les successions ab intestat
A- Les successions mobilières
B- Les successions immobilières
Paragraphe 2 : Les successions testamentaires
A- les règles de fond
B- les règles de forme
Section 2 : Le domaine de la loi applicable
Section 3 : Mise en œuvre de la loi applicable
Paragraphe 1 : Le recours a l’exception d’ordre public et au mécanisme du renvoi
Paragraphe 2 : Le droit de prélèvement

INTRODUCTION

Après avoir étudié dans une partie générale les principes généraux de solution des conflits de lois,
nous sommes amenés dans une deuxième partie à envisager l’autre volet du conflit de lois à savoir,
leur application particulière aux différentes catégories de rattachement. L’objet essentiel de cette
partie spéciale va consister dans la description des règles de conflits de lois applicables aux diverses
questions de droit que l’on peut rencontrer en droit international privé.

Il s’agit concrètement d’étudier comment s’opère l’application des règles de conflits en ce qui
concerne les biens (meubles ou immeubles, suretés…), les contrats, les successions, les régimes

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matrimoniaux ; ou encore s’agissant du statut personnel, l’état civil de l’individu, le mariage, le
divorce, la filiation. Par exemple, il faudra résoudre la question de savoir quelle est la loi applicable
au divorce de deux époux de nationalités différentes, ou encore quelle est la loi applicable lorsque
dans une procédure de reconnaissance d’enfant on constate que l’enfant et le parent n’ont pas la
même nationalité.

Pour résoudre un litige de DIP, il est important d’identifier l’élément de rattachement grâce auquel
la loi applicable au fond du litige pourra être déterminée, et chaque pays a ses critères de
rattachement. Dans la perspective de notre étude, quelques catégories de rattachement seront
envisagées à savoir, les personnes (Titre 1) les obligations (Titre 2), les biens (Titre 3), et le
patrimoine de la famille (Titre 4).

Titre 1 : Les personnes

Le droit des personnes ou statut personnel constitue la première catégorie de rattachement au sein
de laquelle on regroupe l’ensemble des questions dans lesquelles la personne se trouve impliquée
ou du moins est directement mise en cause en tant qu’individu ou membre d’un groupe. L’unité de
cette catégorie est réalisée en DIP par la soumission des différentes matières ou sous catégories qui
la composent à une même loi qui est la loi personnelle. Cette loi présente un lien direct avec la
personne, et il peut s’agir soit de la loi nationale, soit de la loi du domicile. D’où la question de
savoir : quel rattachement faut-il retenir ? Le rattachement retenu convient-il à toutes les matières
du statut personnel ? Quel est le contenu de la catégorie «statut personnel » ?

S’agissant du rattachement retenu, les législations nationales sont divisées entre deux solutions
principales :

La première solution est de considérer que la nationalité est le rattachement adéquat pour le statut
personnel. C’est le système qui est utilisé dans de nombreux pays d’Europe, les pays de droit
musulman et les pays d’Afrique francophone.

La seconde solution désigne le domicile comme critère de rattachement, et celui-ci a la préférence


des pays anglo-saxons et d’Afrique australe.

La nationalité est souvent considérée comme un élément de rattachement contenant plus de


certitude. La loi applicable à la personne ou la loi personnelle sera alors la loi nationale de l’individu
(on dit encore loi de la nationalité de l’individu). L’expérience a montré que la détermination du
domicile est souvent source de graves difficultés à cause de son caractère intentionnel.

Pourtant le domicile est plus pratique car la loi du pays où l’on vit est celle dont la connaissance
est plus aisée. La loi applicable à la personne ou la loi personnelle sera alors la loi du domicile de
l’individu. Cette loi est plus accessible pour les sujets directement intéressés par le rapport
international, comme pour les tiers. De plus, le domicile rend aisé la concordance des compétences
législative et judiciaire car c’est généralement le tribunal du domicile qui est saisi. Enfin, le domicile
a l’avantage de faciliter l’unité de statut dans les rapports familiaux lorsque les personnes
impliquées ont des nationalités différentes.

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En ce qui concerne le droit camerounais, nous proposons de retenir le droit de la nationalité. C’est
un critère que l’on trouve dans le code civil (art. 3 al. 3).

La loi nationale correspond au tempérament des ressortissants d’un pays et les règles relatives au
statut personnel sont celles dont la permanence doit être fermement assurée. Mais il n’empêche
que la loi nationale n’interdit pas le recours aux autres critères de rattachement. Ainsi, le domicile,
la résidence, peuvent suppléer la nationalité dans certains cas.

En ce qui concerne la composition de la catégorie statut personnel, on note que l’unité de cette
catégorie ne doit pas cacher la grande diversité des institutions auxquelles peut s’appliquer la règle
de conflit de la loi nationale et qui composent cette catégorie de rattachement. A ce titre, comme
sous-catégories composant le statut personnel, l’on peut retenir : le nom, le domicile, la capacité, le
mariage, le divorce, la filiation.

Pour les commodités de notre étude, un regroupement de ces matières peut être effectué selon
qu’on envisage les personnes prises isolément ou faisant partie du groupe familial. Dans la
première hypothèse, on parlera de l’individu ou du statut individuel (Chapitre 1) ; et dans la
seconde hypothèse, l’on envisagera la famille ou le statut familial (Chapitre 2).

Chapitre 1- Les successions


On étudie dans ce sous-ensemble ou sous-catégorie toutes les matières qui concernent la personne
en tant qu’individu. Sont ici visés les actes d’état civil, les droits de la personnalité, le domicile, le
nom et la capacité.

Les deux premières matières sont unanimement exclues du domaine de la loi personnelle, c’est-à-
dire pour notre système, du domaine de la loi nationale (Section 1). Les autres matières peuvent
selon le cas, être intégrées dans le domaine d’admission de la personnelle, c’est-à-dire la loi
nationale (Section 2).

Section 1 : Le domaine d’exclusion de la loi personnelle


Certaines questions sont incontestablement exclues du statut personnel (Paragraphe 1). En
revanche, le classement du domicile dans cette catégorie fait débat (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les matières incontestablement exclues du statut personnel


Sont ici concernés, les actes d’état civil (A) et les droits de la personnalité (B).

A- Les actes d’état civil


Les actes d’état civil sont soumis à la loi de l’autorité qui les a établis. Ils sont donc soumis à la loi
du lieu de passation de l’acte ou lex regit actum. Ainsi, l’ordonnance de 1981 organise au Cameroun
le service camerounais de l’état civil. Cette ordonnance réglemente la confection et la tenue des
registres de l’état civil. Elle organise la façon dont ils peuvent être consultés et le mode
d’établissement des actes. Surtout, ce texte indique dans quel cas des actes doivent transcris ou
mentionnés ; quels effets sont attachés à l’accomplissement de ces formalités et quelles sont les

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sanctions au défaut d’accomplissement de ces formalités. C’est ainsi que toutes les naissances, les
mariages et décès qui surviennent sur le territoire camerounais, même concernant des étrangers,
donnent lieu à la rédaction d’un acte constatant ledit événement.

Il y a néanmoins une exception à cette règle, c’est celle qui concerne les mariages célébrés entre
deux étrangers au Cameroun par le consul représentant leur pays. Dans ce cas l’on appliquera bien
évidemment la loi de l’Etat de ces derniers, le consulat étant considéré comme le prolongement de
leur pays d’origine.

Par ailleurs la rectification des actes d’état civil camerounais relève de la compétence de la loi
camerounaise. On peut même se demander si la réglementation camerounaise de l’état civil ne
constitue pas des dispositions de police qui aux termes de l’art. 3 al. 3 C. civ. « obligent tous ceux qui
habitent le territoire ».

On peut du moins relever que les prescriptions de la loi camerounaise en ce qui concerne l’état civil
et qui ont pour objectif l’organisation de l’Etat, sont d’application immédiate et nécessaire à tous
les faits qui se produisent au Cameroun. Elles fixent elles-mêmes leur champ d’application dans
l’espace et par voie de conséquence n’admettent pas de conflit de lois dès lors que l’ordre juridique
camerounais se trouve concerné. Elles sont donc des lois de police.
En revanche les événements survenant en territoire étranger et concernant mêmes les camerounais
sont établis conformément à la loi du pays où ils sont survenus. Ils échappent à la compétence des
officiers d’état civil camerounais.

B- Les droits de la personnalité

Certains auteurs ont proposé de classer ces droits dans le domaine de la loi personnelle en les
soumettant à la loi nationale. La jurisprudence quant à elle s’est montrée réticente à cette solution.
On peut citer dans le sens de l’exclusion de la loi personnelle deux jugements du TGI de Paris, des
29 septembre 1982 et 27 avril 1983 (RCDIP 1983, p. 670, Note Gaudemet-Tallon). Lorsqu’il est
arrivé que les tribunaux soient amenés à se prononcer sur la demande de réparation du préjudice
causé par une atteinte à l’honneur et à la réputation, les juges ont orienté leur analyse non pas sur le
droit subjectif qu’il fallait protéger c’est-à-dire le droit de la personnalité en lui-même, mais sur
l’atteinte ou le préjudice causé par la divulgation de la vie privée. La loi applicable dans ce cas c’est
la loi du lieu de survenance du délit ou la lex loci delicti. Exemple : Dans une affaire relative à la vie
privée et au droit à l’image, la Cour de cassation française a affirmé la compétence de la loi du lieu
où l’atteinte a été commise, ou encore la loi du lieu où le fait dommageable est survenu (Civ. 1er, 30
mai 1967. Affaire Kieger, Revue crit. 1967, p. 728, note Bourel).

D’autres auteurs proposent un autre critère de rattachement, et ils estiment que la loi qui gouverne
le milieu social dans lequel vit la personne qui se plaint peut être appliquée. Il s’agirait donc de la loi
du domicile de l’individu. Selon ces auteurs, le rattachement des droits de la personnalité à la loi du
domicile doit être retenu lorsque la protection est demandée par le moyen d’une action en
responsabilité civile parce que cette action vise à assurer la réparation d’un préjudice qui est avant
tout d’ordre moral ; et la loi du pays où vit la victime constitue la loi du lieu le plus significatif
(considérée comme loi du lieu d’apparition du dommage).

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Enfin, certaines thèses proposent d’appliquer la lex fori qui peut avoir un rôle important soit en tant
que loi de police ou au titre du respect de l’ordre public du for pour écarter les lois étrangères qui
refuseraient toute protection à un étranger qui veut obtenir réparation à la suite d’une atteinte à la
vie privée.

Paragraphe 2 : Le domicile
Il y a d’abord un premier problème : c’est celui qui résulte de la diversité des systèmes juridiques
qui n’ont pas tous une même définition ou une même compréhension du domicile. Il y a par
exemple une nette opposition entre la Common law et le droit français.

Dans le droit anglais, la définition du domicile d’origine et les conditions très sévères auxquelles est
subordonnée l’acquisition du domicile de choix rapprochent cette notion de celle de la nationalité.
Ainsi, selon le droit anglais chaque individu ne possède qu’un seul domicile et ce domicile est
normalement situé dans son pays et le changement de domicile n’est possible qu’après une
procédure rigoureuse. Exemple : Il a été jugé qu’un anglais qui avait séjourné près d’une trentaine
d’années en Inde avait conservé son domicile en Angleterre contrairement à ses prétentions, dès
lors qu’il ne pouvait apporter la preuve qu’il avait changé de domicile.
En France comme au Cameroun (droit francophone), le domicile est considéré comme le principal
établissement de l’individu et le droit français admet que l’on puisse être français et avoir son
domicile à l’étranger.

De telles divergences dans la définition du domicile montrent l’intérêt que peut présenter la
question préalable de la recherche de la loi applicable à la détermination du domicile. Normalement
comme le nom, le domicile sert à individualiser la personne ; sa détermination doit donc
conformément à l’art. 3 al. 3 C.civ. être soumise à la loi personnelle de l’individu, c’est-à-dire à la
loi nationale. Certaines décisions sont allées dans ce sens par exemple, pour déterminer le domicile
des mineurs ou le domicile de la femme mariée.

La solution qui consiste à soumettre la détermination du domicile à la loi nationale a l’avantage


d’assurer l’unité de statut de l’individu lorsque tous les membres de la famille ont la même
nationalité. Cette solution a cependant été contestée par une partie de la doctrine qui considère que
la détermination du domicile de l’individu obéit moins à des préoccupations de protection de
l’individu que d’indication aux tiers du siège effectif de la personne et de ses intérêts.

En outre, selon les mêmes auteurs, le domicile est utilisé lui-même comme critère de rattachement
et peut entrer dans l’interprétation ou l’application de certaines règles de conflit de lois. Or,
l’interprétation d’une règle de conflit est de la compétence de tout juge par rapport à sa propre loi.
C’est donc dans la loi du for qu’il faut rechercher les règles qui permettent la détermination du
domicile de l’individu.

La jurisprudence a majoritairement adopté cette solution (Cf., Tribunal civil de la seine, 6 février
1952, Revue crit. 1952, p. 494, note Freyria). Malgré cette préférence de la jurisprudence pour la
lex fori comme loi applicable à la détermination du domicile, cette solution n’a pas toujours été
généralisée. L’argument évoqué contre cette solution est que le domicile est normalement une
matière du statut personnel, et dans ces conditions sa détermination dépend de la loi nationale de

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l’individu. C’est cette loi qui a vocation à déterminer le domicile de la femme mariée ou celui de
l’enfant mineur.

Section 2 : Le domaine d’admission du statut personnel


Dans le statut individuel de la personne, on intègre la capacité (Paragraphe 1) et le nom
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La capacité

En droit camerounais, la pleine capacité constitue la situation normale d’une personne physique.
On dit que la capacité est le principe, l’incapacité l’exception. A ce titre, ce sont en réalité les
incapacités qu’il s’agit d’étudier. Ainsi, la règle de la soumission de la capacité à la loi nationale est
prévue pour s’appliquer, conformément à l’article 3 al. 3 C.civ., à la fois aux incapacités (A) et à
l’organisation de la protection des incapables (B).

A- Les incapacités

La loi applicable aux incapacités est bien-sûr la loi nationale. Il reste à identifier le domaine précis
d’application de cette loi (1). Ensuite les principaux problèmes que suscite la mise en œuvre de
cette loi seront étudiés (2).

1- Les différentes incapacités soumises à la loi nationale (ou le domaine d’application de la loi
nationale de l’incapable)
La loi nationale de l’individu dont la capacité est en cause est compétente pour constater
l’incapacité, c’est-à-dire pour déterminer les causes de l’incapacité, les actes qu’il est interdit à
l’incapable d’accomplir seul, et les sanctions de cette interdiction. Ces différentes questions
forment le domaine de la loi nationale (b) ; mais au préalable, il faut identifier les différentes
incapacités visées (a).

a)- Les incapacités visées


L’idée ici c’est de vérifier la compétence de la loi nationale au regard des différentes catégories
d’incapacité. En d’autres termes, quelles sont les incapacités soumises à la loi nationale ?
Traditionnellement, il existe une distinction entre: les incapacités générales et les incapacités
spéciales.

L’incapacité est un état de l’individu qui le rend inapte à exercer certaines prérogatives juridiques
qui lui sont normalement reconnues si son incapacité n’est pas établie. Un rappel sur le droit
interne est nécessaire.

Ici, plusieurs types d’incapacités peuvent être distingués, avec d’une part, les incapacités de
jouissance et les incapacités d’exercice et, d’autre part, les incapacités générales et les incapacités
spéciales. Une personne frappée d’une incapacité de jouissance est une personne privée d’un droit,
alors qu’une personne frappée d’une incapacité d’exercice est titulaire d’un droit qu’elle ne peut pas
exercer directement. Les incapacités générales de jouissance en droit camerounais ont disparu, ne
laissant subsister que les incapacités spéciales de jouissance. Autrement dit, les incapacités de

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jouissance ne sont, en droit camerounais, que des incapacités spéciales. Une telle incapacité est
prévue par exemple par le Code civil à l’article 909 al. 1 selon lequel « Les docteurs en médecine ou en
chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui ont traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne
pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elles auraient faites en leur faveur pendant le cours
de cette maladie ». Par contre, les incapacités d’exercice peuvent être des incapacités générales. C’est le
cas pour le mineur émancipé et pour le majeur sous tutelle.

On oppose les incapacités spéciales de jouissance aux incapacités générales d’exercice.

Les incapacités spéciales de jouissance sont établies pour protéger l’intérêt général (les tiers, la
famille, les héritiers, la société) et non l’intérêt particulier de l’incapable. Elles constituent toujours
un aspect particulier du fonctionnement d’une institution juridique soumise à une loi propre.
Exemple : - L’incapacité du tuteur de conclure un contrat avec le mineur qui est sous sa
protection est soumise à la loi qui régit la tutelle. - L’incapacité des époux de conclure entre eux
certains contrats est régie par la loi des effets du mariage. Ces deux exemples montrent que les
incapacités spéciales de jouissance sont gouvernées par la loi qui réglemente l’institution dont elles
dépendent (dans nos exemples, la tutelle ou les effets du mariage).

Les incapacités générales d’exercice qui retirent à l’individu (par exemple le mineur, le majeur en
tutelle ou en curatelle) l’exercice de ses droits ou restreignent l’exercice de ses droits, intéressent
l’état et la capacité de la personne, c’est-à-dire le statut personnel. Elles sont soumises à la loi
nationale de l’individu. Elles impliquent la nécessité d’une assistance ou d’une représentation de
l’incapable en fonction de l’incapacité. Elles sont donc destinées à protéger l’individu contre lui-
même parce qu’on pense qu’il ne peut agir librement sans danger.

Après cette analyse, on constate que ce sont les incapacités générales d’exercice qui nous
intéressent ici et qui constituent le domaine de la loi nationale.

b)- Le domaine de la loi nationale

C’est la loi nationale de l’individu qui régit les causes de l’incapacité. C’est elle qui détermine les
événements qui peuvent être la source d’une incapacité (démence, minorité, prodigalité…). La loi
nationale indique encore si l’intervention d’une autorité est nécessaire (cela intéresse les incapacités
judiciaires ou administratives). C’est ainsi que le système camerounais de protection des incapables
qui implique la participation du TGI est applicable à tout camerounais, mais inapplicable aux
étrangers, même si ceux-ci résident au Cameroun, sauf en cas d’urgence.

Une fois que l’incapacité est admise, c’est à la loi nationale de l’incapable qu’il convient de
déterminer l’étendue de l’incapacité quant aux actes. Concrètement, c’est elle qui précise les actes
qui sont interdits à l’incapable d’accomplir seul et qui nécessitent une assistance extérieure et les
actes que l’incapable peut effectuer seul. La loi nationale est encore compétente pour définir la
sanction de l’inobservation des formes protectrices ou prohibitives que cette loi édicte (nullité
relative ou absolue, réduction des engagements du mineur). Enfin la prescription de l’action est
soumise à la loi nationale. Selon l’arrêt Patino, la prescription forme avec l’incapacité et sa sanction
un ensemble indissociable soumis à une loi unique (Civ., 15 mai 1963, 2e arrêt, GAJDIP, n° 38, p.
341).

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2- Les exceptions à l’application de la loi nationale

Elles existent dans plusieurs cas : en présence des lois de police (a), en cas de conflit mobile (b), en
cas d’ignorance de la loi étrangère (c), en cas de contrariété avec l’ordre public international et de
fraude à la loi (d).

a)- Les lois de police

Bien que la loi nationale s’applique en matière d’incapacité, il est parfois indispensable d’appliquer
la loi camerounaise (comme loi du juge saisi) pour protéger l’incapable étranger immédiatement,
dans l’urgence. La loi camerounaise, loi du juge saisi, est mise en œuvre en tant que loi de police
pour une hospitalisation d’office par exemple. Exemple : Un arrêt de la Cour d’appel de Paris du
16 février 1966 (RCDIP 1966, p. 45, note P. Lagarde) a fait jouer une loi de police dans un cas où
un mineur allemand s’était engagé sans autorisation dans l’armée française (la Légion étrangère). La
Cour a considéré que « si la capacité est régie par la loi nationale, celle-ci ne saurait faire échec aux lois
françaises de police qui s’imposent même aux étrangers ; que tel est le cas des lois concourant à l’organisation de la
défense du pays, y compris leurs dispositions relatives à la capacité des mineurs de s’engager dans les armées ».

La loi camerounaise (comme loi du juge saisi) peut être appliquée au titre de l’urgence, c’est-à-dire,
immédiatement. C’est ainsi que les mesures de protection de l’enfance, en particulier les mesures
d’assistance éducative des articles 375 et suivants du Code civil, ont été qualifiées de lois de police,
en ce sens qu’elles doivent en effet être appliquées à tous les enfants en danger qui se trouvent sur
le territoire camerounais, quelle que soit leur nationalité ou celle de leurs parents.

b)- Le conflit mobile

En cas de changement de nationalité, en matière de capacité ou d’incapacité, la loi de la nouvelle


nationalité s’applique immédiatement (ou application immédiate de la loi nationale nouvelle) ; il n’y
a là qu’une transposition de la solution du droit transitoire interne qui se justifie par des nécessités
essentiellement pratiques. Le cocontractant d’un incapable peut connaitre la nationalité actuelle de
ce dernier, donc la loi applicable à la capacité au moment de la conclusion du contrat, mais il ignore
sa nationalité antérieure. D’où la nécessité d’appliquer la loi nationale actuelle.

La jurisprudence va plus loin en considérant que l’absence d’incapacité dans la loi nationale
nouvelle met fin aux effets d’une décision qui avait prononcé cette incapacité conformément à
l’ancienne loi nationale. Exemple : La Cour de cassation a décidé que le prodigue français cesse
d’être frappé d’incapacité à partir du moment où il a acquis la nationalité américaine, car la loi
américaine ne fait pas de la prodigalité une cause d’incapacité.

c)- L’ignorance excusable de la loi étrangère

La loi nationale de l’incapable peut encore être écartée lorsque le contractant a pu ignorer, de
bonne foi, l’incapacité de son cocontractant. La Cour de cassation a pour la 1re fois consacré ce
principe dans l’affaire Lizardi (Req., 16 janvier 1861, GAJDIP, n° 5, p. 41).

Les faits de cette affaire se sont déroulés de 1853 à 1854. En l’espèce, un mexicain âgé de 22 ans
mais encore mineur d’après la loi mexicaine qui fixait la majorité à 25 ans, avait acheté des bijoux à
Paris auprès de commerçants français. Par la suite, il tente de faire annuler la vente pour incapacité,

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en application de sa loi nationale, la loi mexicaine. La Cour de cassation va repousser sa demande
en retenant que « Si en principe, on doit connaître la capacité de celui avec qui l’on contracte, cette règle ne peut
être aussi strictement et aussi rigoureusement appliquée à l’égard des étrangers contractants en France ; qu’en effet, la
capacité civile peut être facilement vérifiée quand il s’agit de transactions entre Français, mais qu’il en est autrement
quand elles ont lieu en France entre Français et étrangers ; que dans ce cas, le Français ne peut être tenu de connaître
les lois des diverses nations et leurs dispositions concernant notamment la minorité, la majorité et l’étendue des
engagements qui peuvent être pris par les étrangers dans la mesure de leur capacité civile ; qu’il suffit alors, pour la
validité du contrat, que le Français ait traité sans légèreté, sans imprudence et avec bonne foi ».

Dans leur décision, les juges français ont condamné Lizardi à payer sa dette pour la raison que les
bijoutiers français ne pouvaient pas connaitre les lois de diverses nations et surtout, ils ont
contracté sans légèreté, sans imprudence et de bonne foi. C’est ce que certains auteurs ont qualifié
« d’ignorance excusable ». Il faut dire que la solution retenue est cependant exceptionnelle car
l’ignorance de la loi étrangère n’est pas toujours excusable. Elle ne peut concerner plus facilement
que les contrats de la vie courante, que l’on passe vite, et non les actes graves et importants, pour
lesquels il ne serait pas excusable de ne pas s’inquiéter de la capacité des parties.

d)- L’ordre public et la fraude à la loi

Ces exceptions sont tirées des conséquences de la théorie générale du droit international privé.
D’une part, l’atteinte à l’ordre public conduit à écarter l’application de la loi nationale étrangère qui
sanctionne un individu d’une incapacité générale de jouissance. De même, la loi étrangère qui
impose des incapacités fondées sur des critères raciaux, politiques ou religieux ou encore fondées
sur le sexe, sera écartée ou évincée au nom de l’ordre public international du pays du juge saisi.

D’autre part, la fraude à la loi conduit à écarter une loi nationale étrangère. C’est ainsi qu’il a été
jugé que la fraude à la loi empêche de reconnaitre la naturalisation anglaise d’un prodigue français
parce que cette naturalisation avait été faite pour échapper à l’assistance d’un conseil judiciaire.

B- La loi applicable à la protection des incapables

On entend par protection des incapables, celle qui résulte de l’activité de certains organes mis en
place par l’Etat (tutelle, curatelle, conseil de famille…).

La protection organique s’oppose à la protection automatique qui est réalisée par les nullités, la
réduction des actes interdits, la rescision pour cause de lésion. Les organes de protection sont
parfois des personnes privées (tuteur, curateur, conseil de famille…) ; parfois des autorités
judiciaires ou administratives. A ce niveau, les droits nationaux sont très différents les uns des
autres et une même situation de fait peut donner lieu dans un pays à une protection essentiellement
familiale, et dans un autre à une protection exclusivement étatique.

Lorsque l’Etat dans lequel se trouve l’incapable n’a aucun intérêt particulier, on soumet les
modalités de protection de l’incapable à la même loi qui a prononcé l’incapacité, c’est-à-dire à la loi
nationale pour la simple raison qu’il existe des liens évidents entre les raisons de la protection et la
façon de protéger. C’est la loi nationale qui déterminera les personnes habilitées à intervenir ; elle
précisera le rôle des organes chargés de la protection et règlera les rapports entre les organes de
protection et l’incapable. Toutefois il existe d’autres règles de conflits qui peuvent jouer un autre

11
rôle. Ainsi, lorsque les actes de l’incapable portent sur les biens, la loi applicable s’agissant de la
protection organique de l’incapable, sera la loi du pays où est situé le bien en cause, c’est-à-dire la
lex rei sitae. De même, pour les mineurs soumis à l’autorité de leurs parents, on appliquera la loi qui
régit les effets de la filiation. Cependant, on exclut de la compétence de la loi nationale la
procédure à suivre qui relève de la loi du for ou de la loi de l’autorité saisie.

Lorsqu’un Etat sur le territoire duquel réside un incapable a un intérêt, les autorités de l’Etat de
résidence sont seules compétentes et décident suivant leurs propres lois. Ici la compétence est
dévolue exclusivement à la loi du for ou à la loi de l’autorité saisie. C’est le cas lorsque la santé
mentale de l’individu est la source de son incapacité, puisque sa santé mentale n’est pas seulement
un danger pour lui-même, mais aussi pour la collectivité. C’est encore le cas lorsque des mesures de
protection urgentes doivent être prononcées, notamment lorsque des préoccupations tirées de
l’intérêt de l’enfant sont privilégiées.

Paragraphe 2 : Le nom
Le nom est soumis à la loi personnelle, c’est-à-dire en DIP camerounais, à la loi nationale de
l’individu. Cependant, si l’on confie aisément le régime du nom, la validité du changement du nom
à la compétence de la loi nationale de l’intéressé, il y a quelques hésitations en ce qui concerne la loi
applicable à l’attribution du nom par mariage ou par filiation. Pour cela, il faut procéder à une
distinction.

Le régime du nom (protection du nom, possibilité de changement volontaire) est soumis à la loi
nationale de l’intéressé. En revanche l’attribution ou la transmission du nom par filiation ou par
mariage parait plutôt devoir être soumise à la loi des effets de la filiation (filiation naturelle : loi
nationale de l’enfant ou loi nationale de l’auteur), ou à la loi des effets du mariage (filiation
légitime : loi nationale des époux en cas de nationalité commune, ou loi du domicile en cas de
nationalités différentes des époux).

12
Université de Yaoundé II
FSJP
Année académique 2019/2020

Master 1 : Dpr : CJ - DAf


Cours de : Droit International
Privé 2
(Application des règles générales)
Cours du Pr Banamba

Chapitre 2 : La famille
Le droit international privé de la famille peut être envisagé dans le cadre du droit extrapatrimonial
de la famille d’une part (Section 1), et du droit patrimonial de la famille d’autre part (Section 2).

Section 1 : Le droit extrapatrimonial de la famille


Sont étudiés ici le mariage (Sous-section 1) et la filiation (Sous-section 2)

Sous-section 1 : Le mariage
Nous allons envisager successivement la formation du mariage (Paragraphe 1), et sa dissolution
(Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La formation du mariage


La détermination de la loi applicable concerne les conditions de formation du mariage (A), les
sanctions en cas de non respect desdites conditions (B), et les effets du mariage formé (C).

A- La loi applicable aux conditions de formation du mariage


Il s’agit des conditions de fond (1) et des conditions de forme (2).

1- Les conditions de fond


Le principe est en faveur de l’application de la loi nationale (a). Mais l’ordre public peut s’opposer à
son application lorsque la loi nationale compétente est étrangère (b).

a)- Le principe de l’application de la loi nationale

La question de la validité au fond du mariage fait partie incontestablement de la catégorie « état des
personnes », c’est-à-dire actuellement, de la compétence de l’article 3 al. 3 C.civ. C’est ainsi que le
mariage contracté par un Camerounais à l’étranger sera frappé de nullité s’il a violé les dispositions
de fond de la loi camerounaise (l’ordonnance de 1981). En revanche, il est normal que la personne
étrangère qui se marie devant un officier d’état civil camerounais soit tenue de faire la preuve
qu’elle remplit les conditions pour se marier selon sa loi nationale. Il s’agit bien d’une règle de

13
conflit bilatérale : les conditions du mariage sont celles du droit camerounais pour les Camerounais,
et celles du droit étranger pour le pays étranger identifié.

Lorsque les deux époux ont la même nationalité, la règle de la soumission des conditions de fond à
la loi nationale est d’application simple. Leur loi nationale commune sera appliquée.

Dans l’hypothèse où les futurs époux ont des nationalités différentes, on applique à chacun d’eux
sa loi nationale : on dit qu’il y a application distributive des deux lois nationales. Il faut admettre
que cette solution peut être à l’origine de difficultés. Il peut en effet arriver que l’application des
deux lois indépendamment l’une de l’autre ne soit pas aisée. Par exemple, en ce qui concerne les
empêchements à mariage. On distingue généralement les conditions de fond considérées comme
des empêchements bilatéraux, c’est-à-dire qui concernent à la fois les deux époux (parenté, alliance,
sexe, bigamie), et les conditions de fond considérées comme des empêchements unilatéraux, qui
engagent un seul des époux (capacité, âge, consentement ou autorisation parentale).

S’agissant des empêchements unilatéraux, incontestablement, ils concernent chacun des futurs
époux individuellement ; ils sont soumis normalement à la loi nationale de chacun des futurs
conjoints (application distributive des lois nationales).

S’agissant des empêchements bilatéraux, l’application de la loi nationale est nécessaire, dès lors que
la loi nationale de l’un des futurs époux fait référence à la loi nationale de l’autre. Exemple : La
règle qui interdit le mariage entre un homme encore engagé dans les liens d’un mariage
monogamique et une femme prend en compte la situation des deux personnes. Le mariage visé
n’est alors valable que si aucune des deux lois ne l’annule. L’application cumulative des deux lois
nationales est alors indispensable et dans ce système, c’est la loi la plus sévère qui est privilégiée. En
d’autre termes, on s’aligne sur la solution de la « loi la plus rigoureuse » (François Melin, Droit
international privé, Gualino éditeur, 2ème édition 2005).

b)- L’intervention de l’ordre public à l’encontre d’une loi étrangère

Dans l’application des règles de conflit de lois en matière de mariage, l’exception d’ordre public
joue fréquemment à l’encontre de la loi étrangère soit parce que celle-ci est trop libérale, soit parce
qu’elle est trop sévère. Mais il faut tenir compte dans l’application de l’exception d’ordre public de
l’effet atténué de l’ordre public qui s’oppose à l’éviction de la loi étrangère lorsque le mariage a été
célébré à l’étranger, sauf pour les violations les plus graves. Exemple : L’ordre public dans un pays
qui ne connaît pas la polygamie prescrit ou sanctionne par l’annulation tout mariage célébré par ce
pays en violation de la prohibition de la polygamie. En revanche, l’ordre public de ce pays
considérera comme valable une union polygamique contractée à l’étranger en application de la loi
étrangère normalement applicable.

2- Les conditions de forme


En règle générale, le mariage célébré en pays étranger entre Camerounais, et entre Camerounais et
étrangers sera valable s’il a été célébré dans les formes usitées dans le pays étranger. On applique
ainsi à la forme du mariage la loi du lieu de conclusion de l’acte ou plus précisément s’agissant du
mariage, la lex loci celebrationis (loi du lieu de célébration). En fait le problème de la loi applicable à la
forme est résolu par le principe selon lequel, c’est la loi de l’autorité saisi qui régit l’acte en la forme.

14
En effet, un officier d’état civil ne peut agir que selon les formes prévues par sa propre loi, c’est-à-
dire la loi de l’Etat qui lui a conféré ses pouvoirs internes. Concrètement, c’est cette loi qui régit la
compétence interne (compétence territoriale), la langue employée pour la conclusion de l’acte, les
formules prononcées, le nombre et le rôle des témoins… L’autorité normalement compétente est
celle de l’Etat sur le territoire duquel se trouvent les futurs époux au moment du mariage. Cela
conduit à reconnaître un mariage qui est célébré dans une forme religieuse ou un mariage intervenu
au cours d’une cérémonie privée. Cette règle générale résulte bien de l'article 170 du Code civil
selon lequel, « le mariage contracté en pays étranger entre Camerounais et étranger sera valable, s’il a été célébré
dans les formes usitées dans le pays, pourvu qu’il ait été précédé de la publication prescrite par l’article 54de
l’ordonnance du 29 juin 1981, et que le Camerounais n’ait pas contrevenu aux dispositions contenues dans l’article
55 du même texte ».
L’article 54 al.1 de l’Ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et
diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques dispose que « L’officier d’état civil saisi
procède immédiatement à la publication de ladite déclaration par voie d’affichage au centre d’état civil ». L’article
55 dispose quant à lui que « Le procureur de la République peut, pour des motifs graves requérant célérité,
accorder une dispense totale ou partielle de la publication du mariage… La dispense de publication est demandée par
lettre motivée des futurs époux, de leur père, mère ou tuteur en cas de minorité ».

Le principe de l’application de la locus regit actum est cependant tempéré dans certains cas. C’est ainsi
que l’ordonnance de 1981 donne compétence aux agents diplomatiques et aux consuls de l’Etat
dont les futurs époux sont ressortissants, pour célébrer les mariages en application de la loi de leurs
pays. Cela signifie que les ressortissants étrangers ont alors un choix entre la forme locale (c’est-à-
dire celle du pays qui les accueille) et la forme de leurs pays lorsqu’ils saisissent les autorités
diplomatiques ou consulaires de leurs pays.

B- La sanction du non respect des conditions de formation du mariage


Il existe deux catégories de sanctions : il y a d’une part le refus de célébrer le mariage (1), et d’autre
part son annulation (2).

1- Le refus de célébrer le mariage

L’officier d’état civil camerounais doit vérifier que les conditions de validité du mariage sont
remplies. La vérification en ce qui concerne la forme et la publicité s’opère en application de la loi
camerounaise. Quant au fond, si l’un des futurs époux est étranger, il faudra consulter sa loi
nationale, sauf s’il y a renvoi de sa loi nationale à la loi camerounaise ou à une autre loi.

L’officier d’état civil va donc être conduit, avec la collaboration du procureur de la République, à
appliquer les principes du DIP, c’est-à-dire à vérifier la conformité des conditions de fond par
rapport à la loi étrangère. L’officier d’état civil (ou le cas échéant les agents diplomatiques et
consulaires) est l’organe camerounais qui est donc appelé à constater et à sanctionner par le refus
de célébrer le mariage le non respect des conditions de fond et de forme du mariage. Cependant, si
le mariage a été néanmoins célébré, la sanction est d’une autre nature.

15
2- L’annulation du mariage
Dans notre système juridique, c’est la sanction prononcée par le juge en cas de violation des
conditions de fond et de forme du mariage. En DIP, c’est la loi applicable à la condition violée qui
est compétente pour indiquer la sanction de cette violation. C’est cette loi qui détermine la nature
de la sanction (nullité absolue ou nullité relative) ; c’est encore elle qui détermine les personnes qui
peuvent demander la sanction. C’est la même loi qui fixe les délais dans lesquels ces personnes
peuvent agir, qui détermine les fins de non-recevoir et les possibilités de confirmation du mariage.

Quant aux effets de la nullité, le choix n’est pas facile à opérer entre la loi applicable à la condition
violée et les lois respectivement applicables aux divers effets du mariage nul. Ainsi, s’il y a
putativité, la jurisprudence applique la loi qui prononce la nullité, c’est-à-dire la loi de la condition
violée. Parfois la jurisprudence applique à la putativité la loi des effets du mariage. Exemple : Le
régime matrimonial sera réputé avoir fonctionné et sera liquidé selon la loi explicitement ou
implicitement choisie par les époux au moment du mariage ou à défaut, selon la loi du premier
domicile conjugal.

C- Les effets du mariage


Il y a des matières qui relèvent de la loi des effets du mariage (1) et des matières qui échappent à la
compétence de cette loi (2).

1- Les matières qui relèvent de la loi des effets du mariage


La détermination de la loi applicable (a) précèdera la mise en œuvre de celle-ci (b).

a)- La détermination de la loi applicable

Comme la formation du mariage, l’article 3 al.3 du Code civil s’applique aussi aux effets du
mariage. Concrètement, la loi des effets du mariage possède un domaine relativement précis. Ainsi,
la loi des effets du mariage s’applique d’abord aux rapports personnels des époux, spécialement à
l’obligation de cohabitation, de fidélité, d’assistance ainsi qu’à l’autorité maritale.

La loi des effets du mariage détermine les principes généraux du mariage : elle régit l’incidence du
mariage sur le nom droit ou le devoir de la femme de porter le nom de son mari, la capacité de la
femme mariée, l’autorité maritale, l’émancipation par le mariage. Lorsque les deux époux ont la
même nationalité, les effets de leur mariage sont soumis à la loi de leur nationalité commune.
Lorsqu’en revanche ils sont de nationalités différentes, plusieurs solutions ont été conçues et
consacrées par la jurisprudence.

Dans certains systèmes juridiques, la préférence est donnée à la loi nationale du mari en
considération du fait que le mari est le chef de famille. Cette solution est contestée par plusieurs
auteurs qui considèrent que le principe de l’égalité des époux fait obstacle à une telle approche.
Néanmoins, cette solution parait judicieuse dans l’hypothèse d’un mariage polygamique avec des
femmes de diverses nationalités puisque dans ce cas la loi nationale du mari a vocation à assurer
l’unité du ménage polygamique. De manière générale, la jurisprudence qui s’est construite à
l’occasion des procès en divorce soumet les effets du mariage mixte à la loi du domicile des époux.

16
(Cf. Arrêt Rivière, Civ., 17 avril 1953 ; GAJDIP, n°26, p. 239 ; Arrêt Lewandowski, Civ., 15
mars 1955, Revue crit. 1955, p. 320, Note Batiffol).

S’il arrive que les époux de nationalités différentes, séparés de fait, aient dans ce cas des domiciles
différents, la jurisprudence applique aux effets de leur mariage la lex fori parce qu’elle a une
vocation subsidiaire. En d’autres termes, la lex fori a la possibilité de s’appliquer en cas de
défaillance de la loi normalement compétente (Cf. arrêt Tarwid, Civ., 15 mai 1961, RCDIP 1961, p.
547, note Batiffol).

La solution de l’application du domicile commun pose un problème, celui de la détermination de la


notion de domicile commun. Selon la Cour de cassation, le domicile commun est un établissement
commun dans le même pays (Cf. arrêt Tarwid précité et arrêt Corcos, Civ., 22 février 1961, RCDIP
1961, p. 332, note Batiffol). En application de cette définition, un séjour épisodique de l’un des
époux dans un autre pays ne supprime pas la communauté de domicile. Pour qu’il y ait domicile
commun, il faut que l’établissement soit effectif, stable, faute de quoi il suffirait à l’un des époux de
venir plaider au Cameroun pour pouvoir invoquer la loi du juge du for. Il suffit en outre que les
époux soient domiciliés dans le même pays, si leurs résidences sont séparées (Cf. arrêt Yechilzuke,
RCDIP 1979, p. 499, note Jacques Foyer).

b)- La mise en œuvre de la règle de conflit de lois applicable aux effets du mariage
La mise en œuvre de cette règle de conflit peut se heurter à plusieurs difficultés, spécialement en
cas de conflit mobile ou du fait de l’ordre public.
- Le conflit mobile
Normalement, les effets du mariage sont régis par la loi nationale des époux et le rattachement par
la nationalité traduit le souci d’assurer une permanence au statut des époux. Mais, on peut se
demander quelle loi nationale doit-on appliquer en cas de changement de nationalité? Faut-il
maintenir les effets du mariage sous le régime de l’ancienne loi nationale? C’est le cas par exemple
de deux époux Grecs naturalisés camerounais. Selon la jurisprudence, ils doivent être soumis à la
nouvelle loi nationale, c’est-à-dire la loi camerounaise.

Dans l’arrêt Chemouni, la Cour de cassation a appliqué la loi française du domicile au rapport
alimentaire entre une Tunisienne et son mari Tunisien au moment du mariage, mais naturalisé
français par la suite. La Cour a, dans cette affaire, tenu compte de la nouvelle nationalité du mari.
- L’ordre public
L’ordre public est très exigeant quant aux rapports personnels des époux. C’est ainsi qu’il s’est
opposé :
- à l’application des lois étrangères dispensant les deux époux de leur obligation de cohabiter. (Cf.
Tribunal civil d’Evreux, 15 Février 1861, DP 1862, 2ème partie, p. 39).
- à l’application des lois étrangères refusant à la femme une pension alimentaire (Cf. arrêt
Valentinis, 17 décembre 1958, Revue crit. 1959, p. 691, note Deprez),
- ou encore à l’application des lois étrangères obligeant la femme, au nom de la puissance maritale,
de suivre son mari (Cour d’appel de Poitiers, 24 Juillet 1980, Clunet 1981, p. 567, note Labrusse).

17
2- Les matières qui échappent la loi des effets du mariage
Sont particulièrement visés le régime matrimonial primaire ou régime matrimonial de base et le
régime matrimonial proprement dit, encore appelé régime matrimonial secondaire.

Le premier régime est organisé par les articles 212 et suivants du Code civil qui énoncent une
série de règles applicables aux personnes mariées quel que soit leur régime matrimonial. Elles
concernent un certain nombre de devoirs entre époux à savoir, l’obligation de fidélité, l’obligation
alimentaire c’est-à-dire le devoir de secours entre époux et la contribution aux charges du ménage ;
elles concernent aussi le devoir d’assistance entre époux, qui consiste en soins personnels. Ces
règles qui sont d’abord faites pour les époux camerounais vivant au Cameroun, s’appliquent-elles
aussi aux époux étrangers vivant au Cameroun et aux époux camerounais vivant à l’étranger ?

Une telle question soulève celle du choix de la méthode adoptée pour l’application de ces règles.
Faut-il utiliser la méthode de la règle de conflit classique, et déterminer si le régime matrimonial
primaire relève des effets personnels du mariage (question de statut personnel soumise à la loi
nationale) ou du régime matrimonial au sens strict (qualification contractuelle donc application de
la loi choisie par les parties), ou faut-il recourir à la méthode de la loi de police (loi applicable à
quiconque se trouve sur le territoire) ?

La jurisprudence a commencé par décider que l’institution concerne d’abord l’organisation du pays
et que les dispositions applicables au régime matrimonial primaire sont des lois de police et de
sûreté (Req., 27 mars 1922, D.P., 1923. I. 11), et s’appliqueraient donc à tous ceux qui se trouvent
sur le territoire. Aujourd’hui, la même jurisprudence et la doctrine rejettent la qualification de « loi
de police et de sûreté » et classent l’obligation de secours entre époux dans le statut personnel. La
cour de cassation l’a expressément consacré dans l’arrêt Chemouni de 1958 (Civ., 28 janvier
1958, Revue crit., 1958. P. 110, note Jambu-Merlin) en approuvant la loi nationale commune des
époux. Par cet arrêt, la jurisprudence écarte la thèse qui range l’obligation de secours dans la
catégorie des lois de police et de sûreté ou de la rattacher au régime matrimonial. Les
conséquences de cet arrêt ont donné lieu à débat, dans la mesure où sa portée semblait limitée ; il
avait été rendu dans une espèce où les époux avaient la même nationalité (tunisienne). Et la
question était de savoir quelle loi serait alors appliquée en cas d’époux de nationalité différente ?

Le deuxième arrêt Chemouni a mis fin à toute discussion à ce propos, en confiant la compétence à
la loi du domicile commun des époux, lorsque ceux-ci sont de nationalité différente (Civ., 19
février 1963, GAJDIP, n°30-31, p. 277). Le domicile commun est dans les arrêts qui l’ont retenu,
un critère de rattachement subsidiaire qui est utilisé à défaut de nationalité commune. Toutefois, le
domicile est retenu parce qu’on estime que c’est le lieu ou se déroulent matériellement les relations
matrimoniales ou encore le milieu juridique dans lequel les relations matrimoniales s’intègrent. A
noter encore que le Dip a soumis cette obligation à la loi de la résidence habituelle du créancier
d’aliments ou bien, lorsque cette loi n’ouvre pas droit à des aliments, à défaut à la loi du juge saisi.

Cependant il y a toujours une possibilité de faire intervenir l’ordre public. Ainsi, les tribunaux
s’opposent au nom de l’ordre public, à l’application de lois nationales étrangères qui prévoient par
exemple des modalités d’attribution de l’obligation alimentaire différentes de celles de la loi du juge

18
saisi. Par exemple dans une espèce la loi française (lex fori) a substitué la loi étrangère normalement
compétente parce qu’elle refusait tout droit aux aliments au conjoint (Civ., 27 décembre 1958,
Clunet, 1959, p. 824, note Sialelli).

Certains aspects du régime primaire relèvent vraisemblablement, au Cameroun, des lois de police.
Il s’agit des rapports personnels des époux dominés par les mœurs et la morale, notamment le
devoir de fidélité.

Le second régime, en l’occurrence les régimes matrimoniaux sont exclus de la loi des effets du
mariage et relèvent d’un autre régime (Voir Les régimes matrimoniaux).

Paragraphe 2 : La dissolution et le relâchement du lien matrimonial


Il faut en cette matière saluer l’œuvre essentielle de la jurisprudence qui a construit un ensemble de
solutions relatives à la détermination de la loi applicable (A), et aux exceptions à la loi compétente
(B).

A- La détermination de la loi applicable


Le rattachement de la dissolution ou du relâchement du lien matrimonial au statut personnel
commande de soumettre le divorce et la séparation de corps (comme toutes les autres questions
d’état des personnes) à la loi nationale des époux. A l’évidence, l’application de cette loi ne pose
aucun problème lorsque les deux époux ont une nationalité commune. Il faut cependant regretter
la tendance irrationnelle des juges camerounais à appliquer systématiquement la loi camerounaise
au divorce d’époux étrangers de nationalité commune. La tendance jurisprudentielle est très
marquée à ce sujet, en témoignent les nombreuses décisions citées par Brigitte Duidje dans ses
observations sous l’affaire Papadopoulos (Djuidje B., observations sous CSCO, arrêt n° 55/CC
du 5 mai 1970, affaire Papadopoulos, Les grandes décisions de la jurisprudence civile
camerounaise, p. 590 et suiv.). S’agissant de la jurisprudence francophone : TGI du
Mfoundi, 24 avril 1991, jugement civil n° 341, aff. Rajan Daswani (époux de nationalité
indienne) ; CA de Yaoundé, 20 juillet 1994, arrêt n° 269 précité et CS, 25 janv. 1995, aff.
Kritikos, arrêt n° 56/CC précité (époux de nationalité grecque) ; CA de Douala, 16 oct.
1987, arrêt n° 14/CC, aff. époux Descars et CS, 14 oct. 1999, arrêt n° 01/CC, aff. Alix Franck
(époux de nationalité française). S’agissant des tribunaux anglophones : Suit n°
HCB/49MC/99-2000, Robert Henry Dulin V. Ha Marche, Unreported (les époux de
nationalité mixte américaine et camerounaise, domiciliés à New-York) ; Suit n°
HCB/28MC/98, Henry Nkemka V. Quinta Assah, Unreported (les époux de nationalité
mixte canadienne et camerounaise, le mari domicilié à Bamenda et son épouse résidant à
Montréal).

B- Les exceptions à la loi compétente


Ces exceptions sont inhérentes aux complications qui peuvent surgir dans l’application de la règle
de conflit retenue, notamment en cas de nationalités différentes (1) ou en cas de changement
intervenu dans la nationalité (2).

19
1- Le cas des époux de nationalités différentes
Plusieurs solutions ont été proposées pour résoudre le conflit entre deux lois nationales différentes.

Selon une première conception, favorable au cumul des lois, le divorce n’est valable que pour les
demandes admises à la fois par la loi du mari et par la loi de la femme. Cette solution est fondée
sur l’idée que le lien unissant deux membres d’une famille doit exister des deux côtés, de telle sorte
que la loi nationale de chacun doit être observée.

Mais cette conception se heurte à un obstacle. Lorsque les deux lois sont en contradiction, on ne
peut pas obéir à l’une sans désobéir à l’autre : le cumul des lois nationales aboutit à attribuer la
primauté à une loi unique, qui n’est autre que la loi la plus exigeante ou la plus sévère. Ainsi, si la
loi nationale du mari permet le divorce alors que la loi de la femme le refuse, l’application
cumulative des deux équivaut à priver les conjoints d’une possibilité que leur accorde la loi
personnelle du mari.

Un deuxième système, consacré par une grande partie de la jurisprudence, a consisté à faire une
application à chacun des époux de sa loi, c’est-à-dire, à faire une application distributive des lois
nationales des époux. Exemple : Arrêt Ferrari (Civ., 6 juillet1922, GAJDIP, n°12, p. 106).
Dans cette affaire, la Cour de cassation estime que la Française, mariée à un Italien, qui demande la
conversion en divorce d’une séparation de corps amiable prononcée en Italie ne peut exercer ce
droit qu’en se conformant aux règles édictées par la loi française. Or selon le droit français, la
conversion suppose nécessairement un jugement de séparation pour une cause déterminée. En
d’autres termes, si la séparation de corps amiable est accordée au mari italien conformément à la loi
italienne, elle n’est valable pour la femme française qui si elle respecte les prescriptions du droit
français.

La solution de l’application distributive des lois nationales, malgré son succès, reste néanmoins
source de difficultés. Elle peut en effet aboutir à une situation absurde : une femme encore mariée,
conformément à sa loi, mais divorcée en application de la loi du mari ou encore, une situation
valable selon une loi mais n’ayant aucune chance d’être reconnue à l’étranger. L’autre reproche fait
à ce système est d’ignorer que l’état d’époux ne peut se concevoir qu’en tenant compte des liens
qui unissent les deux conjoints, d’où la recherche d’une loi organisant un statut unique, commun
aux deux époux et d’une solution commune aux deux époux.

Enfin, il a y lieu de signaler une solution très minoritaire, et difficilement acceptable aujourd’hui,
selon laquelle le divorce des époux de nationalités différentes est régi par la loi personnelle du mari
pris en tant que chef de famille. La préférence pour la loi nationale du mari est malheureusement
contraire au principe de l’égalité des sexes et toute décision rendue sur la base d’une telle règle se
verra refuser l’exequatur.

C’est dans ce contexte qu’a été rendu l’arrêt Rivière (Civ., 17 avril 1953, GAJDIP, N° 26, p.
238). L’homme de nationalité équatorienne, était marié à une Française. Le couple avait son
domicile en Equateur. Selon la Cour de cassation, leur divorce est gouverné par la loi de leur
domicile (dans le même sens, pour le divorce entre un mari polonais et une Française. (Affaire
Lewandowski, Civ. 15 mars 1955, RCDIP 1955, p. 320, note Batiffol). Dans l’arrêt Corcos, la

20
Cour de cassation a apporté une précision en indiquant qu’il s’agit de la loi du domicile commun
effectif des époux (Civ., 22 février 1961, Clunet 1961, p. 734, note Goldman).

Un dernier problème à résoudre s’est posé, celui de savoir comment définir le domicile commun ?
Il a été résolu par l’arrêt Tarwid (Civ., 15 mai 1961, RCDIP 1961, p. 547, note Batiffol). Selon cet
arrêt, le domicile commun doit s’entendre de l’établissement effectif des deux époux dans le même
pays. Quant à la loi camerounaise, (article 102 al.1 C.civ.), l’établissement effectif des époux est le
domicile de son mari.

2- Le changement de nationalité ou de domicile (le conflit mobile)


La modification de l’élément de rattachement, lorsqu’elle intervient après la célébration du mariage,
a pour effet de modifier la loi applicable. C’est la question du conflit mobile. En effet, la nationalité
ou le domicile de l’un des époux, ou même des deux, peuvent être modifiés dans le temps. La
solution est celle de l’application immédiate de la loi de la nationalité nouvelle (arrêt Ferrari) ou la
loi du domicile nouveau.

Toutefois, affirmer une telle solution ne résout pas toutes les difficultés. Il y a par exemple la
difficulté qui apparaît lorsque les époux changent de nationalité ou de domicile en cours d’instance,
avec pour conséquence d’imposer un choix entre deux lois, la loi du jour de l’introduction de
l’instance et la loi liée au changement postérieur de la nationalité ou du domicile. La doctrine
considère qu’il faut prendre en compte le changement survenu en cours d’instance pour se
prononcer. C’est du moins l’avis de Loussouarn, Bourel et Batiffol. Il s’agit alors de prendre en
compte la nationalité actuelle ou le domicile actuel des parties, encore faudrait-il que ce
changement se soit opéré sans aucune fraude, et notamment dans le seul but de contourner la loi
normalement applicable.

Sous-section 2 : La filiation
Elle appartient au statut personnel et appelle l’application de la loi nationale de l’intéressé. Lorsque
les deux parents et l’enfant sont de même nationalité, la loi de cette nationalité est seule
compétente tant en ce qui concerne l’établissement du lien de filiation que les effets de ce lien sous
réserve de l’ordre public. Le problème se pose donc dans l’éventualité d’une discordance entre les
nationalités. Il faut distinguer entre d’une part les filiations légitime et naturelle (Paragraphe 1), et
d’autre part la filiation adoptive (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Filiation légitime et filiation naturelle

L’établissement de la filiation (A) doit être étudié avec ses effets (B).

A- L’établissement de la filiation
La jurisprudence a opéré une distinction entre les filiations naturelle et légitime. La deuxième
depuis l’arrêt de la chambre civile du 4 novembre 1958, Arrêt Moens (RCDIP 1959, p. 303, note
Francescakis; Clunet 1959, p. 788, note Ponsard), a vu la confirmation de la jurisprudence
Rivière. Considérée comme un effet du mariage, la filiation légitime est soumise à la loi nationale
commune des époux régissant les effets du mariage et à défaut de nationalité commune, à la loi du
domicile commun. Dans le même sens, on peut citer l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 21 juin

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1955 (RCDIP 1955, note Batiffol ; Clunet 1956, p. 1008. Voir notamment Francescakis :
« l’application de la loi du domicile commun à la filiation légitime », RCDIP 1955, p. 254).

En effet, l’enfant légitime fait partie de la famille fondée par le mariage de ses auteurs et il est
souhaitable qu’une loi unique règle l’ensemble des rapports entre les membres d’une famille. La loi
des effets du mariage est considérée comme la « loi de la famille ».

Quant à la filiation naturelle, la jurisprudence a opté pour l’application de la loi nationale de


l’enfant. En tant que celui-ci est concerné à titre principal par l’existence du lien que ce soit pour la
recherche judiciaire de paternité (Civil 10 mars 1960, D. 1960, p. 548, note Malraux ; RCDIP 1960,
p. 205, note Batiffol), ou pour la reconnaissance volontaire : affaire Heinrich (Civ. 22 mai 1957,
RCDIP 1957, p. 466 ; Clunet 1957, p. 722, note Ponsard). A noter un jugement du TGI de
Yaoundé, affaire Bizière, qui semble avoir préféré une application distributive de la loi nationale du
père français et de la loi nationale de l’enfant (Inédit).

S’agissant du cas particulier de la légitimation, l’idée de faveur a conduit la jurisprudence à


soumettre cette institution à la loi des effets du mariage. Cela est logique puisqu’il s’agit de conférer
à l’enfant objet de la légitimation le statut d’enfant légitime (Affaire Weyrich-Laroche, Civ. 8 juillet
1969, RCDIP 1971, p. 255, note Weill ; D. 1970, note Malaurie). Dans le même sens (Affaire
Bonomo, Civ. 3 Mars 1970, Clunet 1970, p. 611, note Goldman ; JCP 1971, p. 16650, note
Gaudemet-Tallon).

B- Les effets de la filiation


En réalité, aucune distinction a priori n’est faite entre l’établissement et l’effet de la filiation.
Seulement, en cas de conflit mobile, la jurisprudence est souvent amenée à soumettre
l’établissement et les effets à deux lois différentes, la nationalité ou le domicile nouveau étant
immédiatement pris en compte pour les effets, tandis que l’établissement de la filiation reste régi
par la loi ancienne.

Les principaux effets de la filiation sont : l’obligation alimentaire, l’autorité parentale et la


transmission du nom. A retenir que très fréquemment l’exception d’ordre public écarte la loi
applicable à la filiation (quant à l’établissement et quant aux effets).

Néanmoins, des préoccupations tirées de l’intérêt de l’enfant peuvent conduire le juge camerounais
à privilégier la lex fori. Une application de cette règle nous est donnée dans un arrêt de la Cour
d’appel de Yaoundé, arrêt Tardieu, dans lequel on note que « l’urgence des mesures de protection a pu
justifier l’application de la loi du for, loi camerounaise, dans l’exercice du droit de garde de l’enfant d’un couple
franco-camerounais » (CA du Centre, 13 juil. 2001, arrêt n°344/civ., Les grandes décisions de la
jurisprudence civile camerounaise, préc., obs. B. Djuidje, p. 607).

Dans le même sens, (CA centre, 3 juin 1999, arrêt n°260/civ., Juridis Périodique, 2004, n°57,
p. 33, note B. Djuidje : le juge d’appel vise expressément l’intérêt de l’enfant.). L’arrêt rendu dans
cette affaire portait sur un litige relatif à la garde d’un enfant naturel, canadien par son père qui
résidait au Cameroun, et de mère camerounaise, installée en France. Cette dernière l’avait confié à
sa grand-mère. En application de la règle de conflit camerounaise, cette question relevait de la loi
personnelle de l’enfant, en l’occurrence, la loi canadienne. Pourtant, les juges, après avoir tenu
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compte de la situation de l’enfant dont l’éducation était sérieusement menacée, ont appliqué aux
faits de l’espèce la loi camerounaise, loi du juge saisi.

Paragraphe 2 : La filiation adoptive

L’adoption est une matière propice à l’émergence des conflits de lois. D’abord parce qu’elle revêt
souvent un caractère international, et ensuite parce qu’elle est le type même de filiation créée par la
loi et à ce titre elle présente des aspects très différents suivant les législations. En d’autres termes,
chaque système juridique conçoit l’adoption selon ses principes. On envisagera en premier lieu
l’établissement du lien de filiation adoptive (A), et en second lieu les effets de la filiation adoptive
(B).

A- L’établissement du lien de filiation adoptive


Il s’agit de déterminer la loi applicable aux conditions de fond (1) et aux conditions de forme (2).

1- Les conditions de fond


L’analyse de la doctrine et de la jurisprudence fait apparaitre la plus grande incertitude quant à la
solution du conflit résultant de la différence de nationalités de l’adoptant et de l’adopté.
Néanmoins après plusieurs hésitations, les tribunaux ont consacré le système de l’application
distributive. L’adoption est régie par la loi nationale du ou des adoptants, mais les conditions
relatives au consentement de l’adopté et à sa représentation sont soumises à la loi de l’adopté. Si
l’adoption est conjointement faite par deux époux de nationalités différentes, on considèrera
comme loi des adoptants la loi qui régit leurs rapports personnels c’est-à-dire la loi des effets du
mariage. En effet, les adoptants agissent en qualité d’époux ; c’est le couple qui adopte.

Il se peut cependant que l’une des lois ne connaisse pas l’institution ou qu’elle ne la connaisse pas
sous la même façon que l’autre loi. Dans la première hypothèse, pour la doctrine, seul importe le
point de vue de l’adoptant. Ainsi, si la loi de l’adoptant admet l’institution alors que la loi de
l’adopté l’ignore, les conditions relatives à l’adopté seront exceptionnellement définies par la loi de
l’adoptant. Si en revanche c’est celle-ci qui ignore l’adoption, cette dernière ne pourra pas avoir
lieu. Si les deux lois connaissent l’adoption mais sous des formes différentes (l’une entrainant par
exemple rupture des liens avec la famille d’origine et l’autre non), l’application de la loi de
l’adoptant comme loi de la création du lien est préféré aux autres. Dans tous les cas, il faut retenir
que l’intérêt de l’enfant peut guider le juge dans le choix de la loi applicable.

2- Les conditions de forme


L’adoption présente un visage particulier. Certaines formalités sont requises pour la validité de
l’adoption. On dit qu’elles sont intimement liées au fond et comme préoccupation de fond, elles
sont soumises à la loi personnelle c’est-à-dire à la loi nationale des parties, tout au moins quand les
parties ont une nationalité commune.

Lorsque les parties sont de nationalités différentes, il est difficile de respecter les deux procédures
et on ne peut songer ni à l’application distributive ni à l’application cumulative. Il faut donc
appliquer la loi de l’adoptant à titre de loi de la création des liens. En revanche, la procédure de

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l’adoption appartient à la loi locale ; il en est ainsi lorsqu’une juridiction camerounaise doit
intervenir.

B- La loi applicable aux effets de la filiation

En l’absence de jurisprudence, la doctrine est divisée entre la loi de l’adopté et celle de l’adoptant.
Dans l’hypothèse où l’adoption est l’œuvre des deux époux, l’intégration presque totale de l’adopté
dans la famille des adoptants, le souci d’assurer l’unité de statut à tous les enfants d’une même
famille, entrainent l’application de la loi des effets de la filiation c’est-à dire la loi du domicile
commun, en l’absence de nationalité commune des parents adoptifs.

Section 2 : Le droit patrimonial de la famille (Cf. Titre 4)

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