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Droitcongolaisde Protectiondesmineurs

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Droit congolais de Protection des mineurs

Chapter · March 2023

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Kasongo Lukoji
Université de Gbadolite, Nord Ubangi, RD Congo
7 PUBLICATIONS 2 CITATIONS

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All content following this page was uploaded by Kasongo Lukoji on 28 March 2023.

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KASONGO LUKOJI GHISLAIN-DAVID

MANUEL DE DROIT CONGOLAIS DE PROTECTION DES MINEURS


Professeur associé, Docteur en droit,
Diplômé en criminologie et Avocat
Pour une première en droit congolais, cet ouvrage a le mérite de traiter quasi-
ment l’ensembl e des règles de protecti on des mineurs d’âge, avec une approche
pédoc entris te assumée, et dans une perspectiv e clairement autonomis te de la
matière. Suivant un plan académicien, simple et clair, ce manuel aborde cette
question ; d’une part, en droit privé, dans la cellule sociale de base qu’est la famille
et dans un cadre plus important et globalisant qu’est la société, et d’autre part, en
droit pénal, selon qu’il s’agit du mineur victime ou auteur des actes infractionnels .
Pour canaliser le lecteur, l’ouvrage est doté d’une introduction limpide et soi-
gnée reprenant le parcour s suivi, les fondements nécessair es et les compos antes
majeur es d’un droit congol ais de protecti on des mineurs, aux vestiges étrangèr es
belges et aux nouvelles accointances françaises, surtout dans le traitement du
mineur-délinquant.
Dans la même lignée, figurent en annexe un index thématique ainsi que les
principaux textes en la matière, permettant à chacun de plonger si besoin dans
la source de la matière, entre deux analyses, ou encore la liste des tribunaux pour
enfants de Kinshasa, avec l’indication de leur circonscripti on.

Ce manuel servira plus largement la cause d’une amélioration tangible de la


cause des mineurs dans cette région du monde et plus largement à un niveau inter-
national.

KASONGO LUKOJI Ghislain-David


L’auteur est professeur d’université, Doyen de la faculté de droit de l’Université
Nouveaux Horizons (Lubumbashi) et de Gbadolite, Ancien conseiller principal
du Président de la section du Contentieux du Conseil d’État, Avocat et Membre
référent/RDC du Comité International des Pénalistes francophones (CIPF). Après
une licence en droit privé et judiciaire obtenue à l’Université protestante au Congo
(2006), il s’est inscrit au barreau de Kinshasa/Matete (2008) avant de poursuivre
ses études en France, à Aix-Marseille université, ou il a obtenu successivement ; un
Master 1 en Droit privé et sciences criminelles (2012), un Master 2 en Droit public
Approfondi/Droits fondamentaux (2013), un diplôme universitaire de sciences
pénales et criminologie (2014) et un Doctorat en Droit (2017). Il est également
Expert sur les questions de participation des communautés locales dans le pro-
cessus REDD+.
KASONGO LUKOJI
GHISLAIN-DAVID
KASONGO LUKOJI Ghislain-David
Professeur Associé
Docteur en Droit (Aix-Marseille Université)
Diplômé en Criminologie (ISPEC/ Aix-Marseille Université)
Avocat

MANUEL DE
DROIT CONGOLAIS DE PROTECTION
DES MINEURS
(Extrait pour la promotion avec l’autorisation de l’éditeur)

Préface
Philippe BONFILS
Professeur à Aix-Marseille Université
Doyen honoraire de la Faculté de droit et de science politique
Avocat au Barreau de Marseille

Postface
Bienvenu A. WANE BAMEME
Professeur à l’Université de Kinshasa
Conseiller au Conseil d’Etat de la République Démocratique Congo
Docteur en droit / Aix-Marseille Université

KongoEditions, Kinshasa, 2022.


SOMMAIRE

INTRODUCTION
1. Evolution de la Protection des mineurs en RDC
2. Sources du droit de Protection des mineurs
3. Contenu du droit de Protection des mineurs

I. Première partie : LA PROTECTION DU MINEUR EN DROIT PRIVE


Titre I : Le Mineur dans sa famille
Chapitre 1er : Les droits du mineur relatifs à son humanité
Chapitre 2ème : Les droits du mineur relatifs à sa vulnérabilité
Titre II : Le Mineur dans la société
Chapitre 1er : Les acteurs de la protection sociale
Chapitre 2ème : Les mécanismes de protection sociale

II. Deuxième partie : LA PROTECTION DU MINEUR EN DROIT PENAL


Titre I: Le Mineur, auteur d’infraction
Chapitre 1er : Le mineur face à la responsabilité pénale
Chapitre 2ème : Le mineur face à la sanction pénale
Titre II : Le Mineur, victime d’infraction
Chapitre 1 er : La minorité de la victime, Condition préalable facultative
Chapitre 2 ème: La minorité de la victime, Condition préalable impérative
IN MEMORIAM

- du Professeur AKELE ADAU Pierre, pour m’avoir inspiré ;


- du Docteur LUMBALA KANYINDA Etienne et de son épouse TSHIKA LUMBALA Justine, pour m’avoir
élevé et entouré d’amour ;
- de mademoiselle PEMBA WASALUSU Beneth, pour m’avoir offert la paternité ;
- de Monsieur Marius-Trésor KABEYA MULUMBA, pour m’avoir offert son soutien indéfectible ;
- du Professeur Louis TSHIYOMBO KALONJI « Cicéron », pour toute son amitié.
REMERCIEMENTS

Nous témoignons notre gratitude à l’endroit de :


- nos parents (Mr. Dieudonné LUKOJI et Mme. NGOYA Espérance) ;
- messieurs les professeurs Felix VUNDUAWE Te PEMAKO (Premier président du Conseil d’Etat de la
RDC), Jean-Paul NGBOLUA KOTO te NYIWA (Recteur de l’Université de Gbadolite), NTUMBA
MUENA MWANZA (Recteur de l’Université KAM), Roger BIMWALA (Recteur de l’Université
William BOOTH), KUMBU-KI-NGIMBI (Doyen de la faculté de droit de l’Université Libre de
Kinshasa), Bienvenu WANE BAMEME (Conseiller au Conseil d’Etat) et Eddy MWANZO idin’
AMINYE (Porte-parole du Conseil d’Etat) ;
- monsieur le président du Conseil d’Etat et président de la Section du contentieux, Joseph TSIMBA
KHONDE ;
- nos filles Justice et Sagesse ;
- notre compagne, fidèle, source d’inspiration et de motivation ;
- mes dames et sieurs qui ont bien voulu lire et corriger le manuscrit de cet ouvrage ;
- nos ami(e)s, collaborateurs (trices) et assistants qui savent déjà tout ce que nous leur devons ;
- nos étudiants dont les préoccupations pertinentes ont également permis d’enrichir le présent manuel.
PREFACE
Il y a quelques années, Monsieur Ghislain-David KASONGO LUKOJI, qui avait rédigé sous ma direction
son mémoire de Master 2, soutenait à la Faculté de droit et de science politique d’Aix-en-Provence sa thèse de
doctorat intitulée « Essai sur la construction d’un droit pénal des mineurs en République Démocratique du
Congo à la lumière du droit comparé : Approches lege lata et lege ferenda ». Le jury, composé de Monsieur
Gilles MATHIEU, son directeur de thèse, du Doyen Roger BERNARDINI, de Madame Marie-Christine
SORDINO et de Monsieur Bienvenu WANE-BAMEME m’avait fait l’honneur de présider cette soutenance, et,
au terme d’échanges passionnants, Monsieur KASONGO LUKOJI était devenu docteur en droit.

Depuis, Monsieur KASONGO LUKOJI est retourné en République Démocratique du Congo, où il est
devenu avocat, professeur associé et conseiller principal du Président de la Section du contentieux du Conseil
d’Etat. Malgré un emploi du temps, que l’on imagine sans peine particulièrement chargé, il s’est attelé à la
rédaction d’un manuel de droit congolais de protection des mineurs, dont j’ai l’honneur de faire ici la préface.

Cet ouvrage est précieux, à plus d’un titre, et l’on peut savoir gré à son auteur d’avoir osé, puis réussi, une
telle entreprise.

D’abord, cet ouvrage s’adresse aux étudiants de la matière, et spécialement ceux de Monsieur KASONGO
LUKOJI. Il leur servira certainement beaucoup, même après qu’ils auront terminé leurs études.

Ensuite, c’est un livre qui sera d’une très grande utilité pour tous les spécialistes du droit des mineurs en
République Démocratique du Congo, qu’il s’agisse des avocats, des magistrats, des éducateurs, des greffiers, et
plus largement de tous les praticiens du monde de l’enfance de ce pays immense et très jeune.

Enfin, cet ouvrage intéresse bien au-delà de la République Démocratique du Congo, tous ceux qui, comme
moi et bien d’autres de mes collègues, s’intéressent à la protection des mineurs, en Afrique francophone et au-
delà.

En outre, la manière dont cet ouvrage est présenté mérite d’être saluée. Il s’agit, comme son nom l’indique,
d’un manuel, c’est-à-dire étymologiquement d’un ouvrage maniable, donc simple, clair et utile. Pour preuve,
figurent en annexe les principaux textes de la matière, permettant à chacun de plonger si besoin dans la source
de la matière, entre deux analyses, ou encore la liste des tribunaux pour enfants, avec l’indication de leur
circonscription.

Plus encore, cet ouvrage traite de l’ensemble des règles de protection des mineurs, avec une approche
pédocentriste assumée, et dans une perspective clairement autonomiste de la matière. Suivant un plan clair,
l’ouvrage aborde le mineur en droit privé, dans sa famille et dans la société, et le mineur en droit pénal, qu’il
s’agisse du mineur victime ou du mineur délinquant. C’est finalement tout le droit des mineurs qui se trouve
quasiment réuni ici dans cet ouvrage.

Je ne doute pas que ce manuel de droit congolais de la protection des mineurs jouera un rôle dans la
protection effective des mineurs en République Démocratique du Congo, et je forme le vœu qu’il serve plus
largement la cause d’une amélioration tangible de la cause des mineurs dans cette région du monde et plus
largement à un niveau international. Rappelons ici que le Droit, et spécialement le droit des mineurs, a vocation
à faire progresser la société, et à rendre les rapports humains plus justes.

Pour toutes ces raisons, c’est pour moi un grand honneur et un véritable plaisir, d’inviter à la lecture de ce
manuel de droit congolais de protection des mineurs.

Philippe BONFILS
Professeur à Aix-Marseille Université
Doyen honoraire de la faculté de droit et de science politique
Avocat au Barreau de Marseille
INTRODUCTION

1/ Intitulé et Objet de l’ouvrage. Le présent manuel est le support d’un enseignement de troisième année
de droit intitulé « Protection de l’enfant » ou, plus précisément, le « Droit de protection du (des) mineur(s)
». Cours à tronc commun de soixante-quinze heures (dont 60 théoriques et 15 pratiques) introduit en 2017 1 dans
le programme officiel de l’enseignement supérieur et universitaire, il a pour objectif majeur d’apprendre aux
étudiants ou aux lecteurs les règles qui régissent les rapports de droit relatifs à l’enfant, entendu encore à ce stade,
comme toute personne âgée de moins de dix-huit ans.
2/ En effet, l’enfant est, depuis quelques temps, l’objet d’une attention scientifique, juridique et sociale
particulière, à la fois sur le plan national qu’international. Cet intérêt, tributaire de la place qu’il occupe désormais
dans les sociétés modernes, n’est pas toujours linéaire, claire et homogène. Il faut parfois se doter d’un certain
« pédocentrisme » pour pouvoir déceler le contour d’un droit de l’enfant [ou du mineur]2 qui, même dans les
pays où il s’est affirmé dans son autonomie, est une discipline en pleine construction et mutation. Contrairement
à ce que l’on pourrait croire, la RDC n’est pas restée insensible à cette évolution : son droit positif s’est toujours
préoccupé du sort de ce sujet de droit particulier en lui consacrant crescendo des règles spécifiques dont
l’évolution remarquable ces dernières années a conduit à la promulgation d’un quasi-code de l’enfant, en
l’occurrence la Loi portant protection de l’enfant, et à l’instauration dans la faculté de droit d’un enseignement
y relatif. Ainsi pour canaliser le lecteur, il nous a paru utile, à titre de propos introductif, de circonscrire
l’évolution historique (I) de la discipline en droit écrit congolais, avant d’en décrire les sources (II) et le contenu
(III).

I. EVOLUTION DE LA PROTECTION DES MINEURS EN RD CONGO

3/ Protection de l’enfant, vestige de la Protection de l a jeunesse. Le droit congolais de la protection de


l’enfant est né de l’évolution d’un ancien cours d’option dispensé autrefois en Droit privé et judiciaire,
spécialement en 3 ème année de droit, intitulé « Protection de la jeunesse ». Ce changement terminologique est lié
à l’évolution juridique qu’a connue la matière en droit congolais. En effet, le texte de base qui a longtemps et
spécifiquement réglementé la problématique de l’enfant en droit congolais fut le décret du 06/12/1950 sur
l’enfance délinquante (D.1950). Il a été abrogé par la loi n° 09/001 du 10/01/2009 portant protection de l’enfant
(LPE). Les options axiologiques prises par chacun de ces textes ont justifié le recadrage conceptuel de la
discipline. Mais, s’il ne faut s’en tenir qu’à une approche purement terminologique, en comparant les termes
« jeunesse » et « enfant », l’on pourrait croire à l’amenuisement du contenu de ladite discipline ; pourtant la
réalité est toute autre. Pour s’en rendre compte, nous analyserons brièvement le décret de 1950.

4/ Le décret du 06/12/1950, un texte à caractère exclusivement pénal . Le droit congolais [écrit] ne s’était
jamais préoccupé de l’enfant en tant que « sujet particulier du droit », sauf en matière pénale à travers le décret
du 06/12/1950 sur l’enfance délinquante. Avant l’adoption de ce décret, les enfants [ou mineurs] congolais

1
Voir Arrêté ministériel n° 303/MINESU/CAB.MIN/TMF/RK3/CPM/2016 du 27/09/2016.
2
Sous réserve des précisions ultérieures, considérons les termes « enfant » et « mineur» comme identiques à ce stade.
traduits en justice pour des faits pénaux étaient soumis au régime de droit commun, c’est-à-dire le droit pénal
belge d’inspiration française. La situation fut très confuse quand le territoire était devenu une colonie belge. Face
d’une part, à l’absence de toute consécration expresse de la notion de « minorité pénale » en droit de la colonie,
et d’autre part, à une pratique confirmée en métropole qui reconnaissait un régime spécifique aux enfants auteurs
des faits infractionnels, les juges recouraient au bricolage : les infractions étaient réglées au cas par cas, en
fonction de la race, de l’âge, du délit commis et du discernement3 dudit enfant.
5/ Le décret du 06/12/1950, un texte relativement précurseur. Considéré généralement comme l’acte
fondateur du droit de l’enfant en RDC, le décret de 1950 ne fut pas en réalité le premier texte de droit écrit à
s’intéresser spécifiquement à l’enfant. Plusieurs autres textes 4 , dont la plupart concernaient la protection des
enfants indigènes moralement abandonnés, l’ont précédé. Il a, toutefois, eu le mérite de rassembler ces règles
éparses en un seul instrumentum et de constituer, par ailleurs, une rupture idéologique avec les textes qui l’ont
précédé par les principes directeurs qu’il consacrait ainsi que la procédure et les mesures qu’il instituait. Il s’est,
en effet, particularisé par des innovations de fond (A) et de forme (B).

A. Les innovations de fond du décret du 6 décembre 1950


6/ En ce qui concerne le fond, le D.1950 s’est particularisé, d’une part, par le fait de définir le mineur sur
le plan pénal, et d’autre part, de remplacer la peine de droit commun par des mesures spécifiques.
7/ La minorité pénale, un seuil par convention. En effet, ce décret avait institué un seuil d’âge que l’on
qualifiait de « minorité pénale » ou de « majorité pénale »5 dépendamment d’angles d’approche. Fixé à dix-huit
(18) ans à l’adoption dudit texte, il fut ramené à seize (16) ans en 1978, à l’occasion de la modification dudit
décret par l’ordonnance-loi n° 78/016 du 07/07/1978 . Ce qui signifie que pendant longtemps, la définition du
mineur était distinct selon que l’on est en présence d’un texte civiliste (code civil ou code de la famille) ou pénal
(décret du 06 décembre 1950). Cette minorité pénale doit, donc, s’entendre comme le seuil au-delà duquel un
individu, auteur d’une infraction, est soumis au droit commun de la responsabilité pénale 6 : c’est-à-dire, qu’il
est considéré moralement et pénalement responsable de ses actes d’après les modalités du droit commun et, de
ce fait, encourir une peine7. A contrario, il s’agit aussi de la limite à partir ou au-delà de laquelle l’individu (ou
l’infracteur) ne peut plus bénéficier du régime particulier ou dérogatoire. Car, en deçà dudit seuil, le droit pénal
a dorénavant l’obligation, non pas d’ignorer l’acte et/ou son auteur mais, surtout de s’y prendre différemment.
A cet effet, la limite supérieure de la minorité pénale coïncide avec la limite inférieure de la majorité pénale. Par
ailleurs, la minorité pénale implique aussi, à son tour, une limite inférieure, entendue comme le seuil à partir de
laquelle l’infracteur entre dans ledit régime dérogatoire : ce seuil se confond également avec celui

3
ENIKA NGONGO, « Le traitement de l'enfance délinquante au Congo belge : réflexions et état de la question », Bulletin de l'Association Belge pour
l'Histoire Contemporaine, xxxvi - 2014 - 2, pp.10-15 ; DELNEUVILLE J., Les enfants mineurs traduits en justice au Congo belge, Bruxelles, 1936 ;
WEMBOLUA OTSHUDI K., « L’anachronisme du décret sur l’enfance délinquante en RDC : Réflexion sur le vagabondage et les droits de l’enfant »,
Nouvelle tribune internationale des droits de l’enfant, n° 12, Mars 2007, pp.22-28.
4
On peut, à titre illustratif, citer ; le décret du 04/05/1885 sur la correction paternelle, le décret du 12/07/1890 relatif à la protection des enfants abandonnés
ou victimes de la traite, l’arrêté du 05/05/1896 sur le vagabondage et la mendicité, le décret du 23/05/1896 donnant également qualité au magistrat pou r
intervenir en cas de vagabondage, l’arrêté de 1937 de la Sous -commission d’Elisabethville (Katanga), l’ordonnance n° 76/J du 15/10/1931 sur le régime
pénitentiaire.
5
En réalité, avant la réforme de 2015 du code pénal ordinaire ayant inséré notamment l’article 22 ter, le législateur congolais n’avait jamais consacré le
concept « minorité pénale » ou « majorité pénale ». Il se limitait à définir le mineur, sur le plan pénal, voire civil, en fixant un seuil. C’est donc la doctrine
qui utilisait ces concepts. Voir aussi n°35, note 54.
6
GUINCHARD S. & DEBARD T. (dir.), Lexiques des termes juridiques, Dalloz, 25ème éd., Paris, 2017, pp.1298-1299, (Voir « Majorité »). Voir aussi
notre n° 252, 256.
7. Voir, CORNU G. (dir.), Vocabulaire juridique, PUF/Association Henri Capitant, 7ème éd. revue, Paris, 2005, p.633.
l’irresponsabilité absolue et du discernement [pénal]. Ignoré par certains législateurs, à l’exemple du D.1950, il
est parfois dégagé par la pratique. Nous y reviendrons plus loin (n° 35 et svt.).
8/ La déqualification8 pénale : un changement terminologique. Par ailleurs, le décret sous examen, ainsi
que son interprétation jurisprudentielle, avaient également instauré une substitution terminologique appliquée à
quelques concepts fondamentaux du droit pénal. L’on a estimé que l’usage des certains concepts à l’égard des
enfants, auteurs des faits infractionnels, aurait des effets pernicieux sur leur avenir du fait qu’il leur collerait un
certain « étiquetage social »9 pouvant conduire à leur stigmatisation ou mettre à mal leur réinsertion sociale.
Cette déqualification, par l’usage des termes estimés plus neutres, s’accompagne souvent de la préservation de
la vie privée 10 (par le secret durant la poursuite de l’identité du mineur, auteur des faits infractionnels, voire
même de tout mineur en contact avec la justice à quelque titre que ce soit). Ce faisant, les termes « mineur-
délinquant », « infraction » et « peine » devraient être remplacés respectivement par « enfant en conflit avec
la loi », « manquement » et « mesure de garde, d’éducation ou de préservation ».
9/ La déqualification pénale en droit des mineurs, une notion extrapolée par la doctrine congolaise.
Trois précisions doivent être apportées à ce sujet. Premièrement, nous ne partageons pas l’avis selon lequel ce
changement terminologique induirait une irresponsabilité pénale des mineurs. Au même titre que la minorité
pénale, cette substitution terminologique consacre uniquement la spécificité des mécanismes de la prise en charge
des mineurs, auteurs des faits pénaux. Elle ne doit être interprétée au-delà de sa motivation originelle et ré-
insertionnelle 11. Deuxièmement, des trois concepts subrogeant sus-évoqués, seul celui de « mesure de garde,
d’éducation ou de préservation » avait légalement et effectivement été consacré par le D.1950, particulièrement
en son article cinq. Les deux autres étaient d’origine doctrinale 12, jurisprudentielle et conventionnelle 13 .
Comment pouvait-on prétendre à la suppression du terme « enfant-délinquant » pendant que l’intitulé dudit décret
arborait fièrement l’expression « enfance délinquante » ? En outre, plusieurs dispositions du décret reprenaient
l’expression « infraction punissable » ; sans oublier que l’une des mesures spécifiques établies, en occurrence la
mise à la disposition du gouvernement, avait bien la nature de « peine »14. Enfin, même si la LPE ait
expressément consacré ces trois concepts de déqualification pénale, il y a lieu de préciser que leur contenu
respectif a quasiment été modifié.

8
Ce concept renvoie également à l’une des techniques de qualification judiciaire en vertu de laquelle le juge pénal peut retenir une qualification moins
grave par rapport à celle des parties ou du Parquet. Mais, il est ici utilisé dans le cadre de droit pénal substantiel, particulièrement des mineurs , et a une
autre définition. Voir : CORNU G. (dir.), Op.cit, p.1763 ; GUINCHARD S. & DEBARD T.(dir.), Op.cit., p.1670 (Voir « Qualification »).
9
La théorie de l’étiquetage (ou de la réaction sociale) a été formalisée par le sociologue américain Howard BECKER. Elle perçoit la déviance comme un
comportement que la société stigmatise et désigne comme tel. En d’autres termes, le processus par lequel est fabriqué un délinquant seréaliseen différentes
phases sociales, à savoir ; la désignation, l’identification-assimilation, la ségrégation, la description, l’accentuation, la conscientisation et l’auto -
conscientisation. Ce processus constitue, malheureusement, une stimulation, une suggestion ou mise en relief des traits de pe rsonnalité reprochés au
délinquant : il pousse l’individu à s’identifier, par rapport à soi-même, au milieu et sujet délinquant ; à devenir celle qu’il est décrit et à adhérer à des
groupes qui élaborent un système d’autojustification de transgression et incapable de revenir vers des affiliations conventionnelles. Pourplus dedétails,
lire : KASONGO LUKOJI G., Cours d’Introduction à la Criminologie générale, Inédit, G3 Droit, Université de Gbadolite/Université KAM, Université
William BOOTH, 2018-2019, n° 21, 165 ; LACAZE L. « La théorie de l'étiquetage modifiée ou l’analyse stigmatique revisitée », Nouvelle Revue de
psychosociologie, vol. 5, n° 1, 2008, pp.183-199.
10
Voir n° 92 et svt.
11
WANE BAMEME B.A & KASONGO LUKOJI G.D, « La responsabilité pénale des mineurs en droit international et en droit congolais : entre
pragmatisme justifié et dogmatisme affirmé », Fiat Justisia, 12 (3), 2018, pp.243-283.
12
Voir PIRON P. & DEVOS J., Codes et lois du Congo-Belge, T.II, Bruxelles, 1960, pp.98-101. Les commentateurs rappellent bel et bien que le rapport
du Conseil colonial ne remplaçait pas le terme « infraction » par « manquement » mais précisait seulement la portée que devrait avoir le fait infractionnel
commis par le mineur ; c’est-à-dire, être considéré comme un « manquement » matériel, détachable de l’aspect intellectuel mais constitutif d’un fait
qualifié d’infraction lorsqu’il se présente dans le chef des personnes que la loi déclare punissable s. Ils s’inspirent d’ailleurs du droit colonial où lemineur
commettait des « faits qualifiés d’infraction ». Il s’agit là juste d’une pure fiction juridique.
13
L’Observation générale n° 10(2007) du Comité des droits de l’Homme.
14
Articles 2, 6 à 8,10 D.1950, 5, 14d à k Code pénal ordinaire (CPO) et 26 Code pénal militaire (CPM). Lire : FOFE DJOFIA MALEWA J.P, Droit pénal
général de la RDC, L’Harmattan, Paris, 2020, pp.536-541 ; NYABIRUNGU mwene SONGA, Traité de Droit pénal général congolais, 2ème éd., EUA,
Kinshasa, 2007, pp.362-363, 389; SITA MUILA A., Manuel de Droit pénal général congolais, L’Harmattan, Paris, 2020, pp.265, 273-274.
B. Les innovations de forme du décret du 6 décembre 1950

10/ Quant aux aspects processuels, le D.1950 s’est distingué par l’instauration d’un « juge pour mineurs »
et d’une judiciarisation de la déviance des mineurs.

11/ Le juge de paix, juge spécial des mineurs [-délinquants] : la spécialisation de la prise en charge
judiciaire de la délinquance des mineurs. En effet, à la suite du modèle de Chicago 15 , la prise en charge des
mineurs-délinquants a été confiée en droit comparé à un juge spécifique. Construite autour du trio juge-
psychologue-éducateur [social], elle faisait ainsi appel à la fois aux structures judiciaires qu’extrajudiciaires.
La prise en charge judiciaire, qui nous intéresse à ce stade, relevait soit des juridictions ordinaires ayant intégré,
pour ce faire, des simples aménagements procéduraux (juge spécial des/pour enfants ou mineurs), soit des
juridictions totalement autonomisées (juge spécialisé des/pour enfants ou mineurs). Le texte de 1950 avait opté
pour le premier procédé : il avait institué des infimes aménagements processuels au sein des juridictions
ordinaires. Car, la juridiction compétente pour connaitre des infractions commises par des mineurs n’était autre
que le tribunal de première instance, devenu plus tard le tribunal de paix, statuant dans une chambre pénale
spécifique dénommée chambre d’enfance délinquante. Doté des larges pouvoirs et assisté d’un OMP (à tous
les stades de la procédure : art.1 al.1, 5 al.1, 15) ainsi que des délégués à la protection de l’enfance (art. 14), ce
juge était la plaque tournante de la prise en charge pénale de l’enfance délinquante. Il pouvait aussi cumuler les
fonctions de juge et de ministère public (art. 17 al.2 de l’ordonnance-loi n° 82-020 du 31/03/1982 portant ancien
Code d’organisation et de compétence judiciaires). La procédure suivie devant lui s’inspirait essentiellement du
droit commun étant donné que le décret n’y « dérogeait que lorsqu’il le stipulait de manière expresse »16 [sic].

12/ Avant de prendre toute décision définitive sur le mineur, ce juge spécial pour mineurs diligentait une
enquête sur son état physique et mental, ainsi que ses conditions de vie. Sa décision ne le dessaisissait aucunement
du dossier : il veillait sur l’évolution du mineur durant l’exécution de la mesure. D’ailleurs, même les mineurs
qui n’avaient pas été mis à la disposition du gouvernement ou ceux dont l’internement avait été levé, demeuraient
sous un régime de la liberté surveillée jusqu’à leur vingt et unième, ou plus tard dix-huitième, année d’âge (art.13
al.1 D.1950). En cas d’appel, même si c’était à chercher en droit congolais, l’affaire intégrait le circuit pénal
ordinaire ; c’est-à-dire, elle était connue par la juridiction ordinaire immédiatement supérieure au tribunal de
première instance ou de paix, en l’occurrence le tribunal de grande instance, qui ne possédait pourtant pas une
chambre spécialisée pour mineurs (art.19 al.3 D.1950).

13/ Le juge pour enfants, juge spécial des mineurs déviants : la juridicisation et la « criminalisation »
de la déviance. Sous le D.1950, le juge pour enfants était, à cet effet, un juge exclusivement pénal. Le contentieux

15
Historiquement, l’on situe l’origine des premiers tribunaux pour mineurs (juvenile courts) au tournant du XXème Siècle à Chicago aux Etats-Unis
d’Amérique. Bon nombre de pays occidentaux prirent modèle sur eux et instituèren t des juridictions similaires (Childreen Act britannique de 1908 ; Loi
canadienne sur les jeunes délinquants de 1908 ; La loi belge du 15/05/1912 sur la protection de l’enfance ; Loi française du 29/07/1912 sur les tribunaux
pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée).
16
PIRON P. & DEVOS J., Op. cit.
de droit privé concernant le mineur relevait du droit commun, même s’il relevait également et essentiellement
de la compétence matérielle du tribunal de paix. Toutefois, une compétence spécifique était également confiée
au juge de paix, en sa qualité de juge pénal spécial et exclusif des mineurs : il connaissait, en outre, des faits qui
n’étaient pas constitutifs d’infractions mais assimilés à ces dernières. En effet, à la suite du droit belge qui l’a
inspiré, le décret était centré sur l’examen de la personnalité et des besoins spécifiques du mineur-auteur des faits
pénaux, désormais perçu comme une victime de l’inadaptation sociale et du défaut de surveillance parentale. Ce
qui a conduit à la mise en place d’une forme de contrôle socio-juridique aussi bien du comportement non
infractionnel qu’infractionnel des mineurs, et même, par ricochet, de l’exercice de la puissance paternelle (ou
autorité parentale). Dès lors, ce décret se déployait aussi bien sur les infractions proprement dites que les
déviances spécifiques, qualifiées également d’« actes pré-délinquantiels » ou de « délits d’état », à savoir ; le
vagabondage et la mendicité (art.2), l’inconduite et l’indiscipline notoires (art.3), la débauche et la prostitution
(art.4), les jeux, trafics et occupations exposant à la criminalité (art.4). Cette approche, dite « protectionnelle »
17 , s’inspire de la théorie de la défense sociale, chère à l’école pénale positiviste ou criminologique ayant émergé
à l’apogée de l’Etat-providence (welfare statute).
14/ L’emprise de l’école criminologique dans le décret du 6 décembre 1950. Rappelons que ce courant
pénal est né en contestation de l’école pénale classique (ou traditionnelle). Cette dernière ne percevait l’infraction
que dans son volet purement normatif comme une situation voulue (c’est-à-dire, un fait volontaire, d’où le
concept du « libre arbitre ») par le délinquant à l’encontre de qui l’on devrait appliquer une sanction afflictive,
infamante et rétributive (la peine). Par contre, pour le nouveau courant, il y avait lieu de considérer l’infraction
comme une situation subie par le délinquant (déterminisme) de par, à la fois, son hérédité ou ses stigmates
morphologiques, ses conditions sociales ou encore d’autres facteurs psychologiques. Il préconisait, alors, la
substitution de la peine, dont la principale faiblesse tiendrait de sa réactivité (post-délictum), par les mesures de
sûreté (prophylactiques) aptes à protéger plus efficacement la société grâce à leur caractère pro-actif (ante
delictum). L’élément qui permet d’intervenir en amont de la commission de l’infraction est l’état de dangerosité
qui se manifeste justement par des actes de déviance ou pré-délinquantiels augurant une forte probabilité d’une
activité criminelle future.18
15/ Définition du droit de Protection de la jeunesse sous le décret du 6 décembre 1950. De ce qui
précède, le droit protection de la jeunesse pouvait être définie comme l’ensemble des règles qui organisaient et
orientaient l’action publique en l’encontre des mineurs, entendus comme des personnes âgées de moins de seize
ans, auteurs tant des faits infractionnels que des déviances spécifiques. Elle fut cristallisée en droit congolais par
le D.1950 à qui l’on a souvent reproché une inadéquation congénitale aux réalités sociologiques congolaises, un
laconisme ainsi qu’une instrumentalisation par les juges. Ce qui fut à la base de plusieurs tentatives de réforme
qui n’aboutirent finalement qu’en 2009.

17
Nous y reviendrons plus loin. Toutefois, précis ons à ce stade que la prise en charge pénale des mineurs -délinquants en droit comparé se répartit
aujourd’hui en trois grands modèles dont deux classiques et un mixte (ou intermédiaire). Le modèles classiques sont ; soit « protectionnel » (appeléaussi
« tutélaire », « paternaliste » ou « de protection »), soit « répressionnel » (appelé aussi « pénal », « pénitentiaire » ou « de justice » ). Le modèle
protectionnel, dont il est question ici, considère les mineurs-délinquants comme des victimes des conditions de vie et du défaut de lasurveillanceparentale
qu’il préconise des mesures de sureté (de protection ou d’éducation) en lieu et place des peines classiques (Belgique, Canada, Portugal).Lire :KASONGO
LUKOJI G.D., Essai sur la construction d’un droit pénal des mineurs en RD Congo à la lumière du droit comparé. Analyses lege late et lege ferenda,
Thèse, Aix-Marseille, 2017, n° 23, pp.22-23 ; lois du 27/11/1891 pour la répression du vagabondage et de la mendicité et du 15/05/1912 sur la protection
de l’enfance (Belgique) ; loi du 29/07/1912 sur les tribunaux pour enfants et adolescents et sur la liberté surveillée ainsi que l’ordonnance n° 45-174 du
02/02/1945 relative à l’enfance-délinquante (France).
18
Lire nos développements dans Cours d’Introduction à la Criminologie générale, précit, n° 13, pp.8-9.
16/ Du droit de Protection de la jeunesse au Droit de Protection de l’enfant. Jusqu’en 2009, la
protection spécifique de l’enfant en droit congolais se rapportait essentiellement à l’aspect pénal tel qu’évoqué.
Devant l’inexistence d’un droit de protection sociale ou administrative, seul le Code de la famille prévoyait des
règles générales et protectrices de l’enfant (l’enregistrement obligatoire de l’enfant à l’état civil, la filiation, le
régime d’incapacités, le régime successoral et quelques incriminations dont l’enfant pouvait être objet…). C’est
plus tard que les bouleversements socio-politiques, qui secouent la RDC depuis près de deux décennies, ont
particulièrement mis en lumière la vulnérabilité de l’enfant (enfant-soldat, enfant-violé, enfant-esclave, enfant-
abandonné…) et la difficulté qu’éprouve le droit positif congolais à le protéger efficacement. C’est dans ce
contexte que le législateur de 2009, poussé par la société civile nationale et internationale, a été obligé, après une
série de réformes du code pénal ordinaire qui a débuté quelques années plus tôt, de revoir sa politique de
protection de l’enfant. Par la loi n° 09/001 du 10/01/2009 portant protection de l’enfant (LPE), le Législateur
congolais a pourvu l’arsenal juridique national d’une importante législation relative à cette matière. Ce texte, qui
vient combler les lacunes du D.1950, se veut un mini-code de l’enfance à l’instar de ses homologues français,
belge et malien, dont il s’inspire assurément : il régule la quasi-totalité des aspects juridiques de la vie du mineur
en apportant des innovations sur quatre axes majeurs : le droit privé (droit de la personne et de la famille), le
droit social, le droit judiciaire, enfin, le droit pénal. Il s’agit là, à notre avis, de la consécration d’une discipline
autonome, le droit de protection de l’enfant (ou du mineur) dont la matière charnière, comme en droit comparé
et au regard de l’évolution historique de cette discipline, reste le pénal 19 . Raison pour laquelle, nous estimons
que ce cours devrait plutôt être intitulé : « Droit (du) des mineur (s) » ou encore « Droit de l’enfant » plutôt que
« Droit de Protection de l’enfant ». Qu’à cela ne tienne, nous utiliserons indistinctement toutes ces expressions,
avec une légère préférence pour la première.

II. SOURCES DU DROIT DE PROTECTION DES MINEURS

19
Cette partie du droit congolais de protection des mineurs peut également, à juste titre être qualifiée de « Droit pénal des mineurs ». Malheureusement,
les théories pour réfuter l’existence de ce concept ( « droit pénal des mineurs ») ne cessent de se renouveler dans la doctrine congolaise qui, attachéeà
une vieille et dépassée approche protectionnelle ayant prévalue à une certaine époque en Belgique, estime que l’on ne peut pa s parler d’un « droit pénal
» à l’égard des « mineurs » qu’ils estiment, réputés « pénalement irresponsables ». La dernière thèse, pour la moins fantasmagorique, affirme qu’au nom
du principe de légalité criminelle, il n’existerait pas un « droit pénal des mineurs » parce que non consacré expressément par le Législateur. Curieusement,
elle ne trouve aucun inconvénient que l’on parle du « droit pénal de la famille », concept cher à madame le professeur SITA-AKELEMUILA Angélique;
du « droit pénal foncier et immobilier », cher au Professeur KALAMBAY LUMPUNGU ; du « droit pénal du travail », cher au professeur KUMBUKI
NGIMBI, etc pendant que ces concepts ne figurent aucunement dans un texte législatif ou règlementaire, encore moins dans le programme off iciel
d’enseignement. Faut-il encore rappeler que les concepts, notamment « Droit pénal général », « Droit pénal spécial », « éléments constitutifs de
l’infraction » (légal, matériel ou moral), sont souvent des pures inventions doctrinales ; et qu’au regard de son caractère satellitaire (ou sanctionnateur),
le droit pénal peut être démembré en autant de sous branches dépendamment de la nature de la valeur juridique protégée ? Faut-il encore rappeler qu’il
existe en programme de diplôme d’études supérieures (DES) de droit des universités congolaises, notamment celle de Kinshasa, un cours dénommé« Droit
pénal des mineurs »? Heureusement qu’une approche nouvelle, pragmatique, légaliste, dépassionnée et « dedogmatisée », semble confirmer, commeen
droit comparé, la consécration de l’existence et de l’autonomie du « droit pénal des mineurs », ou du moins « du droit de protection des mineurs,dans son
volet pénal ». En effet, depuis le D.1950, le droit congolais prévoit des règles pénales spécifiques (tant de fond que de forme) applicables aux mineurs,
auteurs des faits infractionnels qui, comme en droit européen et nord-américain du début du siècle dernier, ont fait soupçonner l’existenced’un droit pénal
de l’enfance ou des mineurs. Depuis la moitié des années 80, la discipline s’est affirmée en droit comparé : les uns la qualifient de droit d’exception, ne
dérogeant au droit commun que par des dispositions d’interprétation restrictive ; pendant que les autres de droit spécial constituant le droit commun
applicable à une matière donnée. Voir : AKELE A., « Argumentaire scientifique et documentation pour la réforme du code pénal congolais » in
KALAMBAY LUMPUNGU G. et AKELE ADAU P. (dir), Réforme du code pénal congolais : Etat des lieux et inventaire des problèmes du droit pénal
congolais », CEPAS, T.1, Kinshasa, 2006, pp.11-26, spéc. p.23 ; « Notes d’orientation », in AKELE ADAU (dir), Réforme du code pénal congolais : A
la recherche des options fondamentales, CEPAS, T.2, Kinshasa, 2008, pp.15-39 ; ANCEL M. & HERZOG J.B, « Introduction », In HEUYEUR G. &
CHOMBART DE LAUWE H. (dir.), Seuil d’âge et législation pénale : contribution à l’étude du problème des jeunes adultes délinquants, Cujas,Paris,
1961, pp. IX-XV, spéc. p.XIII ; AUDEOUD C., « la conception de la famille à travers le droit pénal des mineurs au XIXème siècle », Droit et cultures,
66/2013, pp.179-201 ; FOFE DJOFIA MALEWA J.P, Op. cit., pp.22-23 ; KASONGO LUKOJI G.D.[2017], Thèse préc., n° 45, pp.32-33 ; MARRION
B., Le mineur, son corps et le droit criminel, Thèse, Lorraine, 2010, n° 16, p.10 ; PRADEL J., Droit pénal général, CUJAS, 21ème éd., Paris, 2016, n° 54,
p.55 ; SITA-AKELE M.A, Le droit pénal de la famille. Essai d’analyse systémique et axiologique, Thèse, Aix-Marseille, 2001 ; WANE BAMEMEB.A.,
Cours de Droit pénal général, Inédit, G2 Droit, Université Protestante au Congo/Université Catholique du Congo/Université LibredeKinshasa/Université
William BOOTH, 2020-2021, p.25 ; WANE BAMEME B.A et KASONGO LUKOJI G.D., précité.
17/ Droit des mineurs, droit polymorphe, droit carrefour. De ce qui précède, le droit des mineurs
apparait comme une discipline hétérogène nécessitant une approche holistique (ou transversale). Sa formation et
la constitution ont été impulsées par des normes d’origine et de nature variées qui présentent, toutefois, une unité
axiologique (protection et relèvement du mineur). Ce qui fait dire à Madame GOUTTENOIRE Adeline 20 que la
richesse de cette matière réside sans doute plus dans ses objectifs que dans ses sources textuelles [diverses]. Cette
caractéristique peut constituer une force mais aussi une faiblesse lorsque la diversité normative même
conceptuelle, chère à cette branche du droit, n’est pas bien agencée et harmonisée. D’où le passage en revue de
ses sources parait indispensable.
18/ Sources du droit des mineurs. Par source, l’on entend, l’ensemble des procédés par lesquels naissent
les règles de droit ou à partir desquels elles tirent leur origine et leur substance. Il est très complexe de relever,
de manière exhaustive, toutes les sources du droit des mineurs étant donné que cette discipline cumule, à la fois,
des normes procédurales que substantielles, nationales qu’internationales. Schématiquement, cette nouvelle
branche s’est d’abord réalisée, de manière limitée, sur fondement des sources internes avant que les sources
internationales ne lui donnent une portée nouvelle et une dimension plus importante qui, à leur tour impulseront
les droits nationaux. Aussi, elle a été d’abord processuelle avant de se singulariser dans sa substance. Toutes ces
sources peuvent être classifiées de diverses manières dépendamment des auteurs. Elles seront analysées, dans le
présent ouvrage, selon qu’elles relèvent du droit international (A) ou du droit interne (B).
A. Les sources supranationales du droit des mineurs

[…]
B. Les sources nationales du droit des mineurs

[.. ]

32/ La doctrine en droit congolais des mineurs. Le rôle de la doctrine est primordial dans la science
juridique. Cette source stimule considérablement l’évolution du droit par ses analyses, ses critiques , ses
recherches et perspectives : elle peut créer un courant de pensée ou une orientation nouvelle. Elle permet ainsi,
d’une part au législateur d’améliorer des textes incomplets ou obscurs, et d’autre part, aux juges de s’informer
sur l’évolution d’une matière ou d’un point de vue donné (e) et d’harmoniser leurs œuvres. A ce titre, elle est
appelée à jouer, avec la jurisprudence, un rôle de premier plan en droit congolais des mineurs au vu de la novelleté
de cette discipline. Hélas, jusqu’à ce jour, elle n’est pas très abondante, autant la jurisprudence moins audacieuse.
Bien plus, cette maigre doctrine congolaise relative au mineur est divisée entre l’école civiliste 21 (plus généraliste
et qui semble considérer la discipline depuis son extension par la LPE comme une suite logique du droit civil des
personnes, particulièrement des incapacités) et l’école pénaliste et/ou criminologique 22 (plus spécialisée et

20
« La Convention internationale dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », COURBE P., & DEMEESTER M.L (dir.), Le
monde du droit, Ecrits rédigés en l’honneur de Jacques FOYER, Economica, Paris, 2008, p.49!.
21
BOMPAKA NKEYI MAKANI, « Les droits des enfants au regard du code de la famille », Justitia, Revue de la Faculté de droit de l’Université de
Lubumbashi, vol. IV, n° 2, pp.1-12 ; HERADY A., Droit civil, Volume 1 : les personnes, les incapacités, la famille, Editions de l’Université protestante
au Congo, Kinshasa, 2015 ; KABWA KABWE G., Droit civil congolais : les personnes, les incapacités, Tome I, Publications des facultés de droit des
universités du Congo, Kinshasa, 2016 ; KIFWABALA TEKILAZAYA J.P, Droit civil congolais : les personnes, les incapacités, la Famille, PUL,
Lubumbashi, 2008.
22
IDZUIMBUIR ASSOP J., La justice pour mineurs au Zaïre : Réalités et perspectives, éd. Universitaires africaines, Kinshasa, 1990 ; « Vers une
contextualisation du système de justice pour mineurs RD Congo », Actes des journées scientifiques de la Faculté du droit de l’UPC : « Le droit congolais
face à son avenir », 25-27/05/2000, Revue de la Faculté de Droit de l’UPC, n° 2, Kinshasa, 2001, pp.133-144 ; « La loi n° 09/001 du 10 janvier portant
protection de l’enfant, sept ans après : bilan et perspectives », in Si elles s’en mêlaient, Inédit ; La loi sur la protection de l’enfant en RDC : Analyse
situant la discipline à la suite du cours de la Protection de la jeunesse qui avait un soubassement pénal). Des
auteurs pénalistes, acquis quasiment à l’approche protectionnelle jadis prônée par le droit belge et le D.1950 23 ,
analysent généralement, voire sommairement, la minorité dans les causes d’irresponsabilité pénale, plus
précisément de non-imputabilité. Dans tous les cas deux observations sont à relever. D’une part, il n’existe pas
en droit congolais une étude transversale et globale sur les mineurs. D’autre part, les études partielles existantes
s’inscrivent essentiellement dans une approche dogmatique en refusant de prendre en compte l’évolution qu’a
connue la matière ou en la minimisant. On constate donc que ces dernières interprètent la loi du 10 janvier 2009
portant protection de l’enfant avec des lunettes du Décret du 06 Décembre 1950 sur l’enfance délinquante.

III. CONTENU DU DROIT DE PROTECTION DES MINEURS

33/ L’on peut comprendre et circonscrire le contour matériel d’une discipline, particulièrement celle qui
fait l’objet du présent ouvrage via, soit une approche terminologique (A), soit une analyse légistique (B).
A. Approche terminologique : définitions des concepts

34/ L’objet de la protection de l’enfant via l’approche terminologique. L’approche terminologique


consistera en la définition des termes (ou concepts) qui composent l’intitulé de cet enseignement tel que formulé
dans le programme officiel, à savoir ; « enfant » et « protection ».
1. Le concept « Enfant »

35/ Définition de l’ « enfant ». De prime abord, l’enfant est généralement défini comme tout(e) personne
ou être humain âgé(e) de moins de dix-huit ans accomplis (art. 2 CADE et 2 al.1 LPE). Mais lorsqu’on
approfondie la question, l’on se rend compte que cette définition, largement répandue et relayée pour des raisons
que nous évoquerons plus tard, n’est pas totalement exacte, ou mieux, la seule qui vaille. En effet, l’enfant es t
un concept polysémique, variable, tant en ce qui concerne son seuil et son contenu, aussi bien dans le temps 24
que dans l’espace 25 et selon les disciplines 26. Il est défini, de ce fait, au regard de plusieurs critères distincts qui
parfois sont cumulés. Sur le plan juridique, il renvoie, même en droit congolais, aussi bien à la filiation27 (art.

critique et perspectives, CEDESURK, Kinshasa, 2013 ; Les lois de protection de l’enfant en RDC : Difficultés de mise en œuvre, DES, Kinshasa, 2017 ;
IDZUIMBUIR ASSOP J. & KIENGE KIENGE I.R., L’enrôlement des enfants et leur participation aux conflits armés : état actuel des dispositions
juridiques, éd. Universitaires africaines, col. « Droits et sociétés », Kinshasa, 2000 ; ILUNGA YAMASANGO D., Les mesures judiciaires dans la justice
pour mineurs, Service de documentation et d’études du Ministère de la justice, Kinshasa, 2016 ; KASONGO LUKOJI G.D.[2017], Thèse préc ; KIENGE
KIENGE I.R., « Quelques spécificités de la charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant », Zaïre-Afrique, n° 295, Kinshasa, Mai 1995 ;Lecontrôle
policier de la délinquance des jeunes à Kinshasa : Une approche ethnographique en criminologie, Academia Bruylant & Kazi, Louvain-la-
Neuve/Kinshasa, 2011 ; MOLE MOGOLO G., Cours de Droit de la protection de l’enfant, G3 Droit, Université Catholique au Congo/Université librede
Kinshasa, 2018-2019; MUNZIMI INTSHIMI A., Mécanismes de protection de l’enfant en RDC, CIEDOS, Kinshasa, 2017 ; WANE BEMEME B.A, Les
éléments du droit pénal congolais des mineurs. Lecture pénale de la loi portant protection de l’enfant, [en publication] ; WANE BAMEME B.A &
KASONGO LUKOJI G.D., préc.
23
FOFE DJOFIA MALEWA J.P, Op. cit., pp.405-419 ; NYABIRUNGU mwene SONGA, Op.cit., pp.280-281, 302-304 ; NYABIRUNGU mwene
SONGA, BOKOLOMBE BATULI Y.S, MANASI N’KUSU-KALEBA R.., Op.cit., pp.211-212 ; SITA MUILA A., Op. Cit., pp.245-250.
24
Au sein d’une même société, le seuil de l’enfance, in fine de minorité, peut varier selon les époques. En France et en Belgique, par exemple, il a été
fixé aux alentours de 12/14 ans à l’époque romaine, à 25 ans jusqu’au XVII ème siècle, à 21 ans au début du siècle dernier, puis aux alentours de 18 ans à
la seconde moitié dudit siècle. Le droit congolais a quasiment suivi les modulations françaises, via le droit belge (25, 21 et 18 ans) ; pendant quela minorité
pénale fut fixée à 18 ans en 1950 puis rabaissée à 16 ans en 1978 avant d’être de nouveau ramenée à 18 ans en 2006 et 2015.
25
Il n’est pas exclu de trouver, même dans les sociétés modernes culturellement proches, des seuils différents durant une même période. En Afrique,
certaines personnes, ayant déjà dépassé l’âge légal de la minorité, sont encore considérées et traitées, par la communauté y compris les intervenants
judiciaires, comme des mineurs. D’ailleurs, le législateur congolais fait fréquemment usage de l’expression « d’enfant apparemment âgé » qui ne traduit
toujours pas, à notre avis, un aveu d’impuissance du pouvoir pub lic de nantir tout natif congolais d’un acte de naissance, mais plutôt une idée
d’«équivalence » ou d’ «à peu-prisme ».
26
La diversité de seuils de minorité, par conséquent de la capacité dolosive ou contractuelle, dépend également des branches de droit. A cet effet, la
capacité juridique, de surcroit d’exercice, diffère selon qu’il s’agit du droit civil (droit de nationalité, droit de respons abilité civile, droit bancaire…), du
droit du travail ou du droit pénal.
27
Dans ce sens, l’enfant est un ascendant au premier degré, fils ou fille, sans considération d’âge.
604, 608, 610, 682, 699 CF) qu’au régime d’incapacité où il est lié à l’âge (art. 215, 219 et svt. CF, art. 2 LPE).
Dans le langage courant, il désigne une personne humaine de bas âge et est souvent confondu avec
« adolescent28 » et « jeune29 ».

36/ Problématique relative à la détermination des seuils de l’enfance en droit congolais. Même
lorsqu’on se situe dans son acception biologique et la plus répandue, – notamment grâce à l’essor des entités
supranationales –, qui la lie à l’incapacité et à l’âge, l’enfance implique deux seuils (limites), qui ne sont pas
toujours faciles à déterminer, à savoir ; un seuil supérieur et un seuil inférieur.
37/ Le seuil supérieur de l’enfance. L’enfance est généralement définie par opposition à l’adulte ou à un
seuil légal. Quoi qu’il soit fixé depuis deux ou trois décennies à dix-huit ans, le seuil supérieur de l’enfance n’est
toujours pas uniforme tant en droit comparé qu’en droit international. Pendant que l’article premier de la CIDE
laisse aux Etats-signataires la latitude de le fixer en deçà de dix-huit ans, d’autres conventions se limitent à
suggérer un seuil minimal de responsabilité pénale. En outre, les systèmes juridiques internes admettent
généralement la possibilité pour un individu qui n’a pas encore atteint ce seuil [légal] de ne plus être, pour
certaines raisons et dans certaines circonstances, considéré comme un enfant (mineur) ou incapable : tel est le
cas, par exemple en droit congolais, de la notion d’émancipation du mineur (art. 288 à 297 CF, 7 al.1 Acte
uniforme sur le droit commercial général), de la capacité par un mineur d’affilier son enfant (art. 616 al.1 et 2
CF), la capacité contractuelle en matière du travail (art. 3 à 6 du code du travail, 50 à 56 LPE).
38/ Critère additif de fixation du seuil supérieur de l’enfance : « révolu » et/ou « accompli ». Par
ailleurs, hormis quelques coquilles relatives aux modifications successives du seuil supérieur en droit congolais 30 ,
il est parfois ajouté à ce seuil un autre critère d’appréciation ou de précision qui dépend des textes : il s’agit des
concepts « accompli »31 et/ou « révolu »32 . En effet, l’âge d’un individu peut être défini comme le nombre
d’années de vie atteint en cours d’une année civile correspondant à la différence entre l’année de référence (au
moment du calcul) et l’année de naissance. En d’autres termes, un individu aura un an d’âge le jour où il viendrait
de terminer de vivre sa première année, plus précisément son trois cent soixante cinquième ou sixième jour, sur
terre. Or, l’association à l’« âge » de l’adjectif « accompli » ou « révolu » peut décaler ce moment : car, le
premier renvoie au jour J pendant que le second « au jour après le jour J » (Jour J +1). Ce qui fait qu’un individu
né le 01/01/2000 accèdera à la majorité le jour de son anniversaire (soit le 01/01/2018) d’après le concept
« accompli » ; mais le jour suivant (soit le 02/01/2018) d’après le concept « révolu ». Quid alors des actes

28
L’adolescence (« de ad » : faire, « olescere » : croitre ; ou « adolescere » : grandir), construction sociale de la seconde moitié du XXème siècle, peut
étymologiquement être traduite par la période de la croissance. Elle est l’âge qui succède à l'enfance et qui commence avec les premiers signes de la
puberté (Littré) ; ou encore, l’âge de la vie qui suit la petite enfance et s’étend jusqu’à l’âge adulte (Dictionnaire en ligne de l’Académie fra nçaise). La
puberté et l’âge viril étant flexibles, on s’accorde donc à situer l’adolescence entre 14 et 19/21 ans environ.
29
Pour Le Littré « adolescence » et « jeunesse » sont synonymes dans le langage scientifique et expriment l'âge compris entre l'enfance et l'état adulte ;
mais sont dissociés dans le langage ordinaire où « adolescence » désigne la première partie de la jeunesse. Quant au dictionnaire en ligne de l’Académie
française, il définit la jeunesse comme étant la période de vie entre l’enfan ce et l’âge mûr (qu’il situe à trente-cinq ans) que l’on peut scinder en deux ; la
première jeunesse (correspondant à l’adolescence) et la seconde jeunesse (de l’adolescence à la maturité). Dans le même ordre d’idée, la Charte africaine
de la jeunesse définit par « jeune », toute personne âgée de 15 à 35 ans. Il s’avère donc que les limites de la jeunesse ne sont pas précises : le seuilinférieur
fait appel à une notion biologique (fin de l’enfance ou la puberté) et le seuil supérieur, à une notion socio -psychologique plus complexe (la maturité).Dès
lors, pour le sociologue, est « jeune » celui que telle société considère comme tel : le jeune africain ne sera pas forcement identique au jeune européen.
Enfin, pour le juriste, la notion de « jeune » ou de « jeunesse» est «incasable» parce qu’étant à cheval entre deux catégories juridiques (minoritéet adulte).
Le pénaliste utilise parfois le concept « jeune-adulte délinquant » pour désigner les délinquants de 18 à 25 ans pour lesquels un courant depensée, estimant
que leur maturation physiologique, psychologique ou sociale ne soit encore achevée, suggère un régime de responsabilité proch e de celui des mineurs.
Lire aussi GUINCHARD S. & DEBARD T. (dir.), Op. cit., p.638.
30
Voir les articles 167, 168, 174b al.2 et 3, 174n, 223 pt.5h du code pénal ordinaire qui parlent d’« enfant âgé de moins de dix-huit ans accomplis » :
cette expression est pléonastique à moins que le seuil de l’enfance ne soit pas fixé à 18 ans. Elle apparait même curieusement dans la LPE (art. 187 al.2).
31
art. 219, 352 CF.
32
art. 41 al.1 Const.
infractionnels commis exactement le jour de son anniversaire ? Quel texte entre la Constitution et le Code de la
famille devra-t-on appliquer, étant donné que la loi de protection de l’enfant ignore ce débat ? Doit-on faire
prévaloir le principe de « lex spécialis derogat legi generali » ou s’en tenir à celui de la hiérarchie des normes ?
Quelle que soit la position adoptée, il est difficile de déterminer ici si l’âge relève du statut de la personne (dans
ce cas, l’on préfèrera le code de la famille) ou d’une question spécifique de l’enfance (dans ce cas, l’on préfèrera
la LPE qui pourtant méconnait ce débat). Nous estimons qu’il y a lieu de faire prévaloir, sur pied de l’article 110
al.4 LPE, le principe de l’interprétation favorable au détenu ou de la présomption de minorité qui conduirait à
préférer le concept « révolu » porté par la Constitution.
39/ Le seuil inférieur de l’enfance. Quant au seuil inférieur, il est objet à des controverses plus complexes
qui divisent les auteurs ainsi que les systèmes juridiques : il n’est pas toujours aisé de savoir quand commence
l’enfance. Les systèmes juridiques se résolvent à situer ce moment, soit à la conception, soit à la naissance. Ce
qui renvoie à la question du statut juridique de l’être simplement conçu, bref de l’être humain dans sa vie intra-
utérine, voire même in vitro, ainsi que de la personnalité juridique. Inadvertance ou lapsus révélateur, tout un
chapitre de la LPE se rapportant aux atteintes [directes et indirectes] contre l’intégrité physique du fœtus/embryon
est intitulé « De la protection de l’enfant avant sa naissance »33 : ce qui pourrait faire croire que l’enfance
commence dès la conception. Approche soutenue par d’aucuns au visa de l’article 211 du Code de la famille
pendant qu’il est clairement et uniquement question dans cette disposition de la « personnalité juridique ». Nous
ne souscrivons aucunement à une telle approche ; car l’âge, critère de référence de détermination de l’enfance
mis en exergue par les dispositions du deuxième article de la LPE, ne court qu’à partir de la naissance. Ce qui
signifie que contrairement à la personnalité juridique qui court à la conception, l’e nfance commence à la
naissance. Ainsi, les concepts tels que « enfant conçu », « enfant non conçu » ou « enfant âgé de moins de dix-
huit ans »34 peuvent être aujourd’hui, surtout lorsque l’on veut les sortir de leur contexte et des textes qui les
portent, sujets à débat en droit positif congolais. Raison pour laquelle certains auteurs estiment que la personnalité
juridique et/ou la capacité juridique, voire même l’ « enfance », dépendent des domaines juridiques, et
particulièrement ici selon que l’on est en droit pénal ou en droit civil 35 , dans la LPE ou dans le code de la famille
ou encore dans le code pénal. Nous reviendrons plus tard sur ce sujet.

40/ Pluralité des concepts en droit congolais (art. 41 Const., 219 CF, 2.1 LPE). Hormis la problématique
du seuil se pose également celle de la pluralité des concepts utilisés pour designer cette catégorie juridique ou
cette tranche d’âges. Le législateur congolais n’a pas été exempté de ce traquenard onomasiologique : il utilise
aussi plusieurs concepts, à savoir ; « mineur », « enfant mineur » et « enfant ». En effet, les premiers textes
pénaux et civilistes congolais (particulièrement le D.1950, l’ancien code civil ainsi que le Code de la famille en
son article 219) avaient consacré le terme « mineur »36. L’on retrouve également dans le Code de la famille, la
loi spéciale relative au statut des personnes, le concept « enfant » qui fait beaucoup plus référence à la filiation

33
Voir art.143-146 LPE. On retrouve également cette pensée dans Le préambule de la CIDE qui, se référant à la Déclaration des droits de l’enfant de
1959, rappelle que « l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d'une protection spéc iale et de soins spéciaux,
notamment d'une protection juridique appropriée, avant, comme après la naissance ».
34
Voir art.167 al.2, 168 al.2, 174b, 174n CPO.
35
MWANZO idin’ AMIN YE E., Cours de Droit civil : Personnes, Famille et incapacités, G1 Droit, Université Protestante au Congo/Université Libre
de Kinshasa, 8ème éd., 2016, p.14, spéc. note 13. Voir aussi nos n° 35 et svt., 62-66, 106-109.
36
La loi n° 04/024 du 12/11/2004 relative à la nationalité congolaise qui consacre le concept « mineur » le définit d’ailleurs, en son article 5.1, prudemment
comme « l’individu n’ayant pas encore atteint l’âge de la majorité civile tel que fixé par la Loi ».
qu’à l’incapacité. Raison pour laquelle, ce texte s’était en outre permis de consacrer les idiomes tels que « enfant
majeur » (art.610 CF), « enfant conçu » (art. 839 CF), « enfant non conçu » (art. 845 CF) ou « enfant
mineur »37 . Le droit international, de son coté, avait opté, sans méconnaitre le terme « mineur », celui d’« enfant
» qui fut largement répandu avec la ratification de la CIDE. Dès lors, les deux concepts (« mineur » et « enfant »)
subsistaient en droit congolais avec une légère ascendance, grâce à la doctrine dominante paternaliste et la
pratique, du second. En 2006, au lieu de mettre fin à cet imbroglio terminologique en tranchant en faveur de l’un
de ces deux concepts, l’article 41 de la Constitution, considéré par la doctrine comme l’amorce de
l’harmonisation des minorités pénale et civile, en consacre quasiment un troisième : « enfant mineur ». Ce
concept redondant nous aurait fait croire à une (r)évolution conceptuelle avant que la LPE ne vienne semer
encore le doute en revenant sur celui de « enfant » (art. 2.1). Car contrairement au code la famille où il désignait
les rapports relatifs à la fois à la parenté et à l’incapacité, il est exclusivement attaché à l’âge dans la Constitution.
Loin de tout juridisme stérile, il est de bon droit, surtout pour une meilleure intelligibilité de la norme, que le
Législateur harmonise ces concepts ou en consacre un seul. D’ailleurs, s’il faudrait être rigoureux et au regard
de la hiérarchie des normes, le concept « enfant mineur » devrait être préféré : les deux autres, tels que définis
respectivement par la LPE et le code de la famille, porteraient, de ce fait, des velléités inconstitutionnelles. En
définitive, en droit positif congolais, chaque texte utilise le terme qui lui parait convenable étant donné que les
trois concepts doivent être considérés comme équivalents dépendamment des circonstances.

41/ « Mineur », le terme le plus indiqué juridiquement. C’est à juste titre, que le concept « enfant »
demeure une « énigme pour le juriste en quête de certitude »38. C’est pourquoi, nous préférons le terme
« mineur »39 . Du grec « minor », il signifie étymologiquement « moins de »40 . En effet, à chaque fois qu’il est
utilisé, ce terme devrait être simplement suivi d’un âge. Sauf que depuis un temps, certains législateurs l’ont
utilisé pour désigner une catégorie juridique des personnes dont l’âge est en deçà d’un seuil spécifiquement
connu et contre qui, l’on ne pouvait retenir la responsabilité juridique de droit commun (21, 18 ou 16 ans). D’où,
l’expression « minorité »41 . Malgré qu’il lui soit reproché la dépersonnalisation au profit du juridisme, le concept
« mineur » a, à notre avis, le mérite justement de designer une catégorie juridique précise induisant des règles
juridiques précises, gage d’une sécurité juridique. Ces précisions ayant été apportées, il ne sera donc pas exclu
de recourir, par commodité de langage, au concept « enfant » ; lequel démontrera ses limites lorsqu’il s’agira des
règles relatives à la fois à la filiation et aux personnes âgées de moins de dix-huit ans42.

2. Le concept « Protection »

[…]
46/ De l’« enfant-objet de droit » à l’ « enfant-sujet de droit ». « La dynamique démocratique de la

37
Voir art. 198, 291, 317, 326, 612 CF ; mais aussi art .14, 17, 19 al.3 et 30 de la loi n° 04/024 du 12/11/2004 relative à la nationalité congolaise et 7 du
Code du travail.
38
BONFILS P. & GOUTTENOIRE A., Op.cit, p.3.
39
Ce terme n’est pas à confondre avec son homonymie « mineur », adjectif ou nom, ayant un radical différent et renvoyant à tout ce qui est relatif aux
mines ou désignant une personne qui travaille à l’exploitation d’une mine.
40
Dès lors, les expressions « mineur de moins » ou « mineur de » apparaissent toutes redondantes quoi que tolérées .
41
Exclusion faite également d’une autre approche de ce concept qui renvoie aux [groupes de] personnes sous-représentées, marginalisées :VoirProtection
des minorités en droit des sociétés ou en droit public.
42 C’est ainsi que nous utiliserons dans ce cas d’espèce le concept « enfant-mineur » (avec trait d’union) qui ne doit pas être confondu avec « enfant

mineur » (sans trait d’union) adopté par la Constitution.


moitié du siècle dernier ne pouvait plus se satisfaire de cette relation de tutelle renforcée ainsi que de cette
personnalité virtuelle »43. Il a paru injuste de considérer les enfants uniquement comme destinataires des droits
subjectifs ou des personnes dont le bien-être était présupposé connu par d’autres personnes ; pendant qu’ils
étaient dotés eux-mêmes d’une conscience et d’une volonté propres. De fil en aiguille, ce champ des prérogatives
éparses et circonstancielles reconnues à l’enfant s’élargira pour dégager plus tard un noyau des droits de l’enfant
(en tant que personne vulnérable, et surtout, personne humaine). Il lui sera alors reconnu une personnalité
juridique entière ainsi que la qualité de détenteur ou de sujet des droits. On va, en réalité, donc passer, d’une part,
d’un droit déclaratoire à un droit contraignant, et d’autre part, d’une graduelle capacité de jouissance à une
graduelle capacité d’exercice. Sauf fiction juridique, le clivage « Mineur-Adulte » cesse d’être celui
d’« incapacité-capacité » pour devenir « capacité spéciale - capacité générale »44 . Deux textes internationaux
importants séparés de trente ans permettent d’illustrer ce phénomène : la Déclaration des droits de l’enfant (1959)
et la Convention internationale des droits de l’enfant (1989). Pendant que le premier se limitait à proclamer
certains droits subjectifs reconnus à l’enfant, particulièrement les droits à la protection et à l’éducation ; le second,
quant à lui, n’envisage plus l’enfant dans sa négativité, mais dans sa subjectivité 45. Cette approche libératrice et
ambivalente du mineur a été relayée en droit conventionnel africain par la CADE et en droit congolais par la LPE
dont la quintessence constitue l’objet principal du présent ouvrage.

B. Approche légistique : déclinaisons du droit des mineurs congolais

47/ L’objet de la protection des mineurs via la structure de la loi portant protection de l’enfant46 .
Deux phénomènes ont sanctionné l’émergence des droits des mineurs : la restriction progressive de l’autorité
paternelle ou parentale ainsi que l’ingérence progressive de l’Etat dans la vie privée des familles. La LPE
également porte les traces de toute cette évolution. Elle peint non seulement le tableau d’un mineur qui est l’objet
des mêmes droits subjectifs qu’un majeur dont certains sont exercés par lui-même, mais aussi celui d’un mineur
qui doit être protégé plus qu’un majeur en raison de sa vulnérabilité, ou de son immaturité anatomo-
psychologique. Elle agence ces règles en cinq titres dont:
 Le premier porte les dispositions générales (définitions, principes généraux, droits et devoirs de l’enfant) ;
 Le deuxième se rapporte à la protection sociale de l’enfant qui se décline en trois formes ;
 la protection ordinaire concernant l’enfant dans sa famille et au travail,
 la protection spéciale relative à l’enfant déviant ou victime des conditions socio-économiques, et

43
YOUF D., « Construire un droit de l'enfance », Le Débat, 2002/4, n° 121, pp.158-166.
44
Le seul bastion de résistance en droit congolais reste le droit des contrats où le mineur est encore renfermé dans une incapacité d’exercice(art.8CCLIII),
voire de jouissance (donation : art. 833 CF ; testament : art. 834 CF). Toutefois, cette branche du droit admet également des dérogations notamment en
matière du travail (art. 50 à 56 LPE, 6, 102, 133 CT), de commerce (émancipation : art. 292 CF, 7 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial
général), de saisine du TPE (art. 102 LPE) ou du tribunal du travail (art. 15 à 16, 25, 26 loi n° 016/2002 du 16/10/2002 portant création, organisation et
fonctionnement des tribunaux du travail), des actes juridiques de vie courante (capacité contractuelle usuelle : art. 295 al.1-2, 296 CF). Malheureusement,
autant la loi que la doctrine congolaise adoptent une position ambiguë. Par exemple, il y a un débat dans la doctrine congolaise sur le fondement textuel
de la capacité contractuelle [usuelle] du mineur (KABWA KABWE G., Op.cit., n°304-306 ; pp.148-149 ; KIFWABALA TEKILAZAYA J.P, Op.cit.,
n°265-266, pp.165-166). L’on trouve également cette ambiguïté dans les propos de KABWA KABWE. D’une part, cet auteur affirme que « Lelégislateur
congolais a opté pour la méthode quantitative en fixant un seuil d’âge charnière entre l’incapacité totale et la pleinecapacité,faisant correspondrel’âge
de la capacité avec celui de la majorité [… et en admettant] aucune modulation tenant à l’acquisition progressive de la capacité du mineur» (pp.143à
144, spéc. n°297). D’autre part, il semble reconnaitre aux mineurs des îlots de capacité d’exercice, tant en droit des personnes que dans les autres branches
du droit, qu’il qualifie de « tempéraments du principe d’incapacité » (pp.163-194, n° 333-402) au point qu’il suggère même que le législateur consacre
expressément cette dérogation au principe d’incapacité d’exercice du mineur (n°335). Quant au code de la famille, il soumet le mineur au régime de
représentation (art. 215, 221), mais aussi à celui d’autorisation (art. 296 CF); sans compter que la jurisprudence évoque parfois aussi celui d’assistance
(CSJ, RPA 833, 17/06/1983, Dame MAYAKI c/ MP et GBONGIA). Lire également notre n°145.
45
PRASONG O., La protection des droits de l’enfant par la Cour européenne des droits de l’homme, Thèse, Bordeaux, 2016, p.11, n°1.
46
Rappelons que le législateur de 2009 a préféré utiliser le terme « enfant » que « mineur » ou « enfant mineur ».
 la protection exceptionnelle axée sur l’enfant en contact avec le conflit armé et victime des
catastrophes naturelles.
Dans les trois cas, il est essentiellement question des « enfants en situation difficile » (ESD) et de ceux
qui leur sont assimilés (les mineurs non-discernant)47.
 Le troisième est axé sur la protection judiciaire de l’enfant et porte essentiellement les règles
d’organisation et de fonctionnement du Tribunal pour enfants (TPE) et du Comité de médiation (CM). Il
s’agit globalement des « enfants en conflit avec la loi » (ECL).
 Le quatrième porte la protection pénale de l’enfant qui se conjugue exclusivement aux règles applicables
aux infractions commises contre les mineurs. Il s’agit ici des « enfants victimes d’infraction » (EVI).
 Le dernier titre porte les dispositions transitoires, abrogatoires et finales.
[…]
49/ Annonce de la subdivision de l’ouvrage. Ainsi, nous avons estimé utile de ne pas nous référer à
l’architecture de la LPE qui ne rend pas, à notre avis, fidèlement compte de toutes les imbrications de la
discipline. Notre ouvrage sera, dans une optique lege lata et lege ferenda, subdivisée en deux grandes
articulations. La première sera axée sur la protection du mineur en droit privé incluant, pour des raisons que nous
préciserons, un droit à tendance sociale et administrative (Partie 1) ; tandis que la seconde s’appesantira sur la
protection du mineur en droit pénal (Partie 2).
Partie 1: La Protection du mineur en droit privé.
Partie 2: La Protection du mineur en droit pénal.

[…]

47
Nous démontrerons plus loin, pourquoi nous avons inventé le concept d’« assimilés aux enfants en situation difficile » qui se rapportenotamment aux
mineurs de moins de quatorze ans, auteurs des faits infractionnels (enfant non -discernant) qui d’après les articles 95 et 96 doivent être, non seulement
déclarés irresponsables et relaxés, mais aussi référés à un assis tant social et/ou à un psychologue pour des mesures d’accompagnement, similaires en
réalité aux mécanismes de prise en charge des enfants en situation difficile (ESD).
CONCLUSION

« […] Qu’un scandale éclate, qu’un accident survienne, qu’un inconvénient se découvre
: la faute en est aux lacunes de la législation ». CARBONNIER Jean48

742/ Une prémonition ! L’histoire et le contenu de cet ouvrage nous rappellent notre thèse, défendue le 23
novembre 2017 à Aix-Marseille Université, que nous avons bouclé en ces termes : « cette étude se veut militante
et interpellatrice : elle a souhaité sortir des sentiers battus et relancer un débat sur un thème précocement clos.
A ce titre, elle n’est pas un aboutissement mais un début ; un « toolbox » (boite à outils) pour les générations
futures ». En effet, avons-nous constaté que, contrairement à d’autres pays où l’on peut remarquer une multi-
polarisation, voire une bipolarisation, de la pensée politico- juridique relative à la prise en charge des mineurs-
délinquants (entre surenchère sécuritaire et tutélaire), en RDC il y en a qu’une et une seule qui vaille : la pensée
tutélaire issue de la moule criminologique belge. Tous ceux qui ne la partagent pas ou n’y adhèrent pas sont
réputés méconnaitre le « droit de l’enfant », voir quasiment le « droit ». Que la loi change, évolue ou pas, l’on
est face à un statu quo reflexionnel, une forme de parole d’évangile. L’on tente même à censurer, parfois par
voies non-scientifiques, des points de vue opposés : un genre de « celui qui n’est pas avec nous est contre nous »
ramené, curieusement et malheureusement, sur le terrain scientifique. Pendant que l’on a toujours cru que la
beauté de la science résidait dans la diversité. Heureusement que dans tous les camps, il y a encore les amoureux
du droit.

743/ Une continuité. Le présent ouvrage se situe, sur le plan axiologique, à la suite de cette pensée
« dédogmatisée », réaliste, contextualisée et, surtout, anthropologique de notre thèse qui sera certainement et
toujours d’actualité au regard de la matière traitée et des positions d’autorité prises. Sans méconnaitre le mérite
des autres courants d’idées mais concoctant avec, il se veut oser et amener un autre son de cloche en vue
d’enrichir notre droit, et faire évoluer notre législation. Il a étendu, au-delà de notre thèse qui s’est limitée au
droit du mineur-délinquant, la réflexion sur tous les aspects du droit des mineurs au regard des bouleversements
apportés par des nouveaux textes, particulièrement la loi n°09/001 du 10 janvier 2009.

744/ Un challenge. Par ailleurs, il est le fruit, d’une part, de l’aboutissement de trois années d’enseignement
du « Cours de droit de la Protection de l’enfant » dans les différentes universités congolaises, et d’autre part, du
besoin de combler un vide scientifique ou doctrinal en la matière. Car, toutes les analyses relatives aux mineurs
menées en droit congolais se cantonnent généralement aux aspects, soit pénaux (mineur-délinquant : droit de
fond et/ou de forme), soit civils (responsabilité parentale, capacité juridique ou droits fondamentaux des
mineurs…). D’ailleurs, en ce qui concerne le mineur-victime d’infraction, seul l’ouvrage en pleine publication
du professeur WANE BAMEME aborde la question de manière spécifique et large. En définitive, aucune étude

48
Essais sur les lois, Répertoire du Notariat Dénefrois, Paris, 1979, p.276.
globale ou systémique sur le droit des mineurs n’a encore, à notre connaissance, été menée en RDC.

745/ Un tel défi n’a pas été facile à relever pour un pénaliste. Nous aurons souhaité associer d’autres
collègues ou auteurs, spécialistes en droit privé, particulièrement des mineurs. Hélas, le temps, les
indisponibilités et, surtout, l’attachement dogmatique ne l’ont pas permis. Il nous a, donc, fallu plus d’effo rts
scientifiques pour naviguer, non sans rigueur, dans les domaines de droit, autres que le nôtre, en l’occurrence le
droit civil, le droit public, voir le droit international d’autant plus qu’une grande partie du droit des mineurs est
sensiblement innervée par le droit conventionnel. Sur ce, notre bref cursus en droit public des droits
fondamentaux, qui a nous été suggéré par notre mentor, le défunt professeur AKELE ADAU d’heureuse
mémoire, nous a été d’une grande utilité. Dans tous les cas, le pénaliste reste un panéliste 49 au regard du caractère
satellitaire de sa discipline de prédilection.

746/ Ainsi, il s’est avéré tout au long de notre passionnante rédaction que le droit [de protection] des
mineurs est une discipline juridique importante (1) et ambitieuse qui regorge d’énormes enjeux et perceptives
(2).

1. Le droit [de protection] des mineurs, un droit complexe

747/ Le droit de protection des mineurs, une discipline méprisée par ignorance. De manière générale,
le « Droit des mineurs », « droit de l’enfant », « Droit de [la] protection de l’enfant » est parfois objet d’un dédain.
En effet, beaucoup d’étudiants, voire même des juristes, pensent qu’il s’agirait d’un « petit droit », d’un « droit-
mineur », d’un « droit dérisoire », d’un « droit négligeable », d’un « droit en miniature », étant donné qu’il
s’occupe des « petits », des « mineurs », des « enfants » qui nous tournent souvent en dérision. Cette vision est
également sous-tendue par la mentalité congolaise qui estime que le fait de reconnaitre des droits spécifiques aux
mineurs serait superflu, un mimétisme occidental de mauvais gout contraire à nos us. L’approche sectorielle des
juristes ayant analysé la question couplée au régime d’incapacité dans lequel sont renfermés les mineurs n’ont
fait qu’empirer la situation.

748/ Pendant qu’en réalité, le droit [de protection] des mineurs est un labyrinthe, voire une forteresse :
Quiconque s’y aventure avec des aprioris, surtout des règles générales, risque de s’y perdre. De par sa
transversalité, sa délicatesse et ses dérogations, il est une discipline autant complexe que les disciplines juridiques
traditionnelles réputées comme telles.

749/ En effet, contrairement à ce que l’on peut penser le mineur a de plus en plus un statut juridique à la
fois proche et distinct, selon les aspects, de celui de l’adulte : il lui est reconnu, comme nous l’avons démontré,
quasiment une capacité d’exercice modulée différemment selon les droits subjectifs. En plus, les conceptions
protectionniste et libérale concernant les mineurs ne sont pas foncièrement antagonistes. Quel que soit le modèle

49KASONGO LUKOJI G.D., « AKELE, le pénaliste et le panéliste », KIENGE KIENGE I.R (Dir.), Hommages au Professeur Pierre AKELE ADAU,
CEPAS, 2015, pp.87-88.
opté, les législateurs modernes procèdent toujours à un certain équilibre, parfois difficile à trouver, étant donné
que le mineur est à la fois un être en devenir (objet d’une protection spécifique) et un être à part entière.

750/ Bien plus, la minorité a toujours été plurielle : il existe plusieurs catégories des mineurs (mineurs-
parents, des mineurs émancipés, des mineurs discernant, des pré-majeurs) qui ne sont pas toutes soumises aux
mêmes règles. L’on ne s’en rend pas parfois compte dans la société congolaise du fait que nos mineurs ne sont
pas intensément actifs dans la vie sociale : Il est rare de rencontrer un mineur congolais millionnaire ou ayant
réussi dans son activité professionnelle et qui sollicite ou réclame une autonomie de gestion de ses biens ou de
ses activités. Pendant que la loi leur offre plusieurs brèches pour être également acteurs majeurs de la vie sociale
(travail, commerce, parenté…). L’on entend souvent parler des mineurs dans notre société qu’en matière de la
maltraitance (enfants de la rue, enfants sorciers, enfants abandonnés, enfants soldats…) ou de la délinquance de
proximité. D’ailleurs, l’affaire Révérend KIM a démontré à suffisance que notre société est en pleine mutation
et doit adapter son droit. Et ce, dans tous ses aspects et dans toutes ses branches.

2. Le droit [de la protection] des mineurs, un droit carrefour

751/ Hormis sa complexité, le droit [de protection] des mineurs se caractérise également par sa
transversalité. En effet, le terrain d’élection privilégié des thématiques relatives à l’enfance est d’abord le droit
privé, principalement le droit des personnes ou de la famille. Le droit pénal lui emboite également les pas au
regard de la vulnérabilité des mineurs mise en exergue depuis peu par la société moderne et induisant une plus
grande protection pénale autant lors que ces derniers commettent un fait infractionnel (droit pénal du mineur-
délinquant) que lorsqu’ils en sont victimes (droit pénal du mineur-victime). II est plutôt rare, voire même
exceptionnel, de trouver une discipline de droit public interne consacrer des développements importants à cette
thématique. Or, autant dans les discipline juridiques où elle est censé être ancrée (droit privé et droit pénal) ou
méconnue (droit public), l’enfance reste un champ d’études ayant d’innombrables perceptives et potentiels. Le
droit [de protection] des mineurs n’a pas encore montré toutes ses facettes et ne doit, surtout pas, être réduit aux
aspects pénaux, voire criminologiques. D’où cet appel officiel lancé aux chercheurs, activistes, avocats,
magistrats, juristes et étudiants en vue de privilégier une approche holistique, multidisciplinaire et synergique de
cette thématique, et pourquoi, pas de militer pour la création d’un centre de recherche y dédiée.

752/ Perspectives du droit privé [de protection] des mineurs. Sur les aspects du droit privé, quelques
d’ajustements ou des reformes sont encore attendu(e)s notamment en ce qui concerne : les droits des beaux-
parents, l’encadrement des familles recomposées 50, l’adoption internationale, la gestion des biens du mineur
(commerçant, travailleur, émancipé), la question du mineur-parent, le double héritage des adoptés, l’accès à
certains droits du mineur vivant avec handicap, le droit de porter atteinte à l’intégrité physique du mineur pour
des raisons sanitaires contre l’avis de ses parents (cas de la transfusion, par exemple)…

753/ Perspectives du droit pénal [de protection] des mineurs. Sur plan pénal, loin de nous a été
l’intention de peindre un tableau alarmant laissant croire à la montée d’une cohorte ou d’une horde des mineurs

50
Il existe aujourd’hui avec la libéralisation des mœurs, plusieurs mariages avec des enfants des précé dents lits (familles recomposées) qui ne sont
forcément pas adoptés par le nouveau partenaire de leur géniteur (génitrice). Ces enfants vivent parfois à cheval entre les d eux ménages de leurs parents
biologiques que peuvent se poser la problématique de l’exercice effective de l’autorité parentale.…
sans foi, ni loi. Pour autant, force est de constater qu’aujourd’hui, comme à toutes époques, en République
démocratique du Congo comme ailleurs, les plus jeunes violent la loi pénale au point que tous les législateurs
modernes rivalisent d’ingéniosité afin d’apporter des réponses adéquates à cette problématique. Après des
positions tranchées, ils cumulent aujourd’hui généralement une réponse répressive, tendant à sauvegarder l’ordre
public, à une réponse éducative, basée sur la prévention et la réinsertion, en prenant également compte des
spécificités de cette population. De ce fait et de manière générale, l’évolution contemporaine des droits [de
protection] des mineurs s’est orientée, vers la conciliation de deux impératifs, apparemment contradictoires :
d’une part, la protection traditionnelle du mineur (coulée sous l’incapacité et l’autorité parentale), et d’autre part,
l’autonomie de ce dernier, dès lors qu’il est doué de discernement et capable d’exprimer sa volonté 51.

754/ Perspectives du droit public [de protection] des mineurs .Quant au droit public interne, l’on peut
identifier, en se référant aux modalités d’intervention de l’État dans la société moderne (Etat-providence), une
politique publique de l’enfance, encore théorique en droit congolais, dont les principaux acteurs publics sont
l’État lui-même, les collectivités territoriales et certains organismes publics.

755/ Le juge administratif, gardien des droits fondamentaux du mineur. La Constitution congolais
érige le juge judiciaire en gardien des libertés individuelles. Mais, le juge administratif 52, voire constitutionnel,
agit également dans la protection des droits et libertés fondamentaux reconnus aux citoyens, dont les mineurs.
En effet, plusieurs conventions internationales ainsi que des textes nationaux, particulièrement la LPE,
reconnaissent au mineur des droits subjectifs opposables même aux autorités publiques, particulièrement
administratives. Ces droits peuvent, soit s’avérer contraires à la Constitution (d’où, le contrôle de
constitutionnalité), soit être violés par les autorités politico -administratives (d’où, le contrôle de légalité). Sans
nier l’admission de telles actions judiciaires en droit congolais, il se pose toutefois la question de leur effectivité,
mieux de leur recevabilité. Le mineur, en qualité de citoyen ou d’administré, peut-il, régulièrement et sans
représentation, saisir le juge constitutionnel ou administratif congolais lorsqu’il s’estime lésé ? Le Conseil d’Etat
français a tranché cette question en reconnaissant au mineur le droit d’ester en justice lorsqu’un de ses droits
fondamentaux est en jeu (n° 306140, 11/07/2008). Cette question est récurrente en droit congolais au regard des
attributions de l’assistant social dans la protection de l’enfant. Entre auxiliaire de justice et autorité
administrative, cet organe est appelé à poser, sous ses différentes casquettes, des actes qui peuvent porter atteinte
aux droits fondamentaux du mineur.

756/ Loi portant protection de l’enfant, une réforme sans reforme. Dans tous les cas, tous ces horizons
du droit [de protection] des mineurs ne pouvaient être abordés dans un seul texte. Néanmoins, il est utile que le
législateur et/ou les décideurs, de quelque niveau que ce soit, les sache(nt) et les prenne(ent) en compte pour
faire œuvre utile. Tel a été d’ailleurs l’objectif de ce manuel. Avec la loi portant protection de l’enfant, le droit
congolais a tenté faire son aggiornamento ; malheureusement sans disposer des moyens humains et financiers,
voire législatifs nécessaires pour mener à bout cette réforme qui apparait donc et finalement comme un coup
d’épée dans l’eau. Il y a manifestement une insuffisance des textes de mise en application et une absence des

51
BONFILS P. et GOUTENOIRE A., Op.cit., §.134, p.91.
52 NTUMBA MUSUKA Z., Le rôle du juge administratif congolais dans l’émergence de l’état de droit , L’harmattan, Paris, 2014, pp.175-177, 221et svt.
structures de prise en charge des mineurs qui réduisent ce texte à un chapelet des bonnes intentions. L’on est
tenté de dire, avec Madame le Professeur Joséphine IDZUIMBUIR ASSOP que : « la volonté politique
congolaise s’exprime mais s’arrête souvent au niveau de la signature des textes et de la ratification, sans
implication effective à celui dans l’application sur le terrain […]53.

53 IDZUIMBUIR ASSOP J..[2017], Op.cit., p.18.


POSTFACE

De l’auteur. A la suite de la brillante soutenance de sa thèse de doctorat à Aix-Marseille Université le 23


novembre 2017, et de la charge horaire reçue à son retour au pays, Monsieur Ghislain-David KASONGO
LUKOJI a décidé de livrer à la société les conclusions de ses recherches, manifestement mieux élaborées, très
fouillées, davantage enrichies et soigneusement structurées dans cet ouvrage qu’il a pris soin d’intituler : Manuel
de droit congolais de protection des mineurs.

De notre rencontre et parcours. J’ai eu le bonheur de rencontrer le collègue vers les années 2003-2004 par
le truchement de notre maître commun, le Professeur ordinaire Pierre-Adrien Joseph AKELE ADAU, Colonel-
Magistrat. Concrètement, au moment où ce dernier dispensait la matière de droit pénal spécial à l’Université
Protestante au Congo, l’auteur du présent ouvrage, encore chef de promotion, y rédigeait son travail de fin de
cycle sous sa direction. Mais, suite à un incident inexpliqué de parcours, ce qui lui valut tout de même quelques
frayeurs dues aux remontrances, le directeur me désignera d’autorité, à l’accompagner dans ses recherches en
tant que rapporteur dudit travail. Ce qui fut fait sans ambages, jusqu’au dépôt du travail. Séparés, nous ne nous
rapprocherons à nouveau que pour le même exercice scientifique deux années plus tard, lorsqu’il accédera en
deuxième année de licence, avant d’embrasser la profession libérale d’avocat, et de nous rejoindre à l’époque au
Barreau.

Relation professionnelle établie, filiation scientifique reconnue, et lien ainsi tracé, c’est en ce moment que
je quitterai la République Démocratique du Congo et m’envolerai pour les études en France. Mais, en 2009, nous
reprendrons contact, lui, déjà avocat bien installé au Congo, et moi, ancien rapporteur, aux études à l’étranger.
Tout sera fait, puis, il me rejoindra à Aix-en-Provence en France, pour un maitrise, un master, un diplôme
universitaire et une thèse à Aix-Marseille Université, jadis appelée Université Paul-Cézanne ; celle-là même qui
a formé quelques éminents juristes de ce pays, savoir : LIKULIA BOLONGO, AKELE ADAU, LUZOLO
BAMBI, KOLA GONZE, SITA MWILA, et tant d’autres. Il obtiendra son inscription dans la même filière que
moi, sous la conduite de Gilles MATHIEU, promoteur de ma thèse, et un bel encadrement dans un esprit
d’ouverture de Philippe BONFILS, co-promoteur de ma thèse, lui qui présidera le jury de sa soutenance.

Il faut tout de suite préciser que nonobstant mon omniprésence dans son parcours, je n’étais pas prédestiné
à faire partie de la composition du jury de sa thèse. En effet, comme moi, mais peut-être aussi par moi, Ghislain
David KASONGO LUKOJI avait pour guide scientifique le professeur AKELE ADAU. Nous nous abreuvions
donc à la même source scientifique intarissable ; mais avec un décalage en temps, moi, pour avoir commencé à
me ressourcer quelques années avant, et lui, quelques années plus tard.

C’est donc le Professeur AKELE ADAU qui, après la soutenance de ma thèse, marquait son accord à
prendre part au jury de thèse de l’auteur du présent ouvrage, et cela, à l’occasion du dîner que lui avait offert les
promoteur et co-promoteur de ma thèse. Une fois dans sa chambre d’hôtel, alors qu’avec émotion, il nous
félicitait et nous remerciait de lui avoir donné l’occasion de revenir dans cette université de sa formation, soudain,
il fixera dans les yeux Ghislain David KASONGO LUKOJI, et comme par prémonition, il l’exhortera, au sujet
de sa thèse, d’y aller quelque peu vite. Et, je ne dirai pas plus…

Sauf que la brutale, la déchirante et l’inoubliable disparition de cette icône de droit, ce pénaliste et paneliste
incontesté, ce formateur, maître et parent parti trop tôt, a tout bouleversé. Et, compte tenu des indispo nibilités et
de l’urgence, il fallait s’assumer. C’est dans ces conditions assez laborieuses et non sans difficultés que Gilles
MATHIEU et Philippe BONFILS se décarcasseront pour que mon nom soit retenu parmi les membres de ce
prestigieux jury. Ce pourquoi, je leur serai infiniment reconnaissant.

Aujourd’hui, la décision du collègue tendant à me faire l’honneur de postfacer son ouvrage, est ni plus ni
moins une marque de considération et une leçon de vie que je promets de conserver jalousement, en mémoire e t
pour le plus grand honneur de notre maître commun, notre mentor parfait, un homme grand de par sa taille, et un
grand homme dans son esprit, un homme du savoir mais surtout du devoir, j’ai simplement voulu citer le
professeur Pierre-Adrien Joseph AKELE ADAU.

De l’ouvrage. Quant à l’œuvre, il me revient de noter que sur plus de 460 pages de textes, sous réserve de
format de publication, l’auteur s’est employé à construire un droit véritablement congolais organisant la
protection globale de la personne âgée de moins de dix-huit ans. L’originalité de cette œuvre, qui me paraît une
première au Congo, la pertinence de ses analyses dans un argumentaire très soutenu, en plus de la détermination
de l’auteur méritent mes sincères encouragements.

Je l’ai lu, et éprouvé le plaisir de le relire.

A travers une introduction limpide et soignée, l’ouvrage présente le parcours suivi, les fondements
nécessaires et les composantes majeures du droit de protection des mineurs. Lorsqu’on s’y attarde dans la lecture,
l’on note qu’au Congo, le droit applicable aux mineurs, dans tous les aspects de sa vie, ne date pas d’aujourd’hui.
Il s’agit d’un droit d’avant l’indépendance, aux vestiges étrangères belges, ayant été importé, adopté mais sans
être correctement adapté. On compte divers textes avant l’avènement du décret du 06 décembre 1950, modifié
notamment en 1978, et qui laissera place à la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection de l’enfant.

Dès l’entame, l’ouvrage révèle qu’à côté de ces origines étrangères, le droit de protection des mineurs est
caractérisé par un enracinement international, avant de connaître son internalisation. Il définit les principaux
concepts usités, et décline le droit des mineurs en étude en relevant assez courageusement mais surtout très
pertinemment, qu’à ce jour le clivage « mineur-adulte » cesse d’être celui « d’incapacité-capacité » pour devenir
celui de « capacité spéciale-capacité générale ». En clair, l’auteur enseigne que toute personne âgée de moins
de dix-huit ans n’est pas systématiquement, obligatoirement et automatiquement incapable de discernement, face
à l’adulte, qui en serait exclusivement et absolument capable. L’évolution du droit congolais de l’enfant, à travers
la loi de 2009 permet en effet de nuancer de part et d’autre.

La structure de l’ouvrage. Ayant intelligemment opté pour une présentation binaire, l’auteur procède à
l’analyse des règles de protection des mineurs d’abord en droit privé, ensuite en droit pénal.
Dans l’analyse traitant de la protection du mineur en droit privé, le manuel entre nos mains situe l’enfant
d’abord dans la cellule de base qu’est la famille ; ainsi qu’ensuite dans un ensemble plus important et plus
globalisant, incluant plus d’une famille, savoir : la société.

D’une part, dans une présentation d’académicien, l’auteur retient la famille comme le lieu mais aussi le
lien de socialisation de l’enfant. Ce dernier n’a pas de repère tant qu’il n’a pas de famille. Très justement, il
retient la conception comme un critère de la personnalité juridique au Congo. De ce fait, il écarte la condition de
naissance, jadis prévue par le code de la famille. Avec un courage propre à lui, il s’en prend à la doctrine civiliste
congolaise en fustigeant son attitude s’apparentant à une indifférence, en ce qu’elle ne tire pas conséquence de
cette évolution ; laquelle, selon l’auteur, caractérise un renversement philosophique, voire axiologique, opéré par
le législateur. Dès lors, l’être (simplement) conçu ne bénéficie pas seulement d’une protection juridique spéciale
mais est dorénavant un sujet de droit à part entière, ou plutôt entièrement à part, note -t-il brouillement.

Relevant la complexité de la famille, et l’extrême prudence requise dans l’application des règles de droit,
l’auteur prend correctement appui sur le maître à penser (voir supra, §.55, l’auteur cite Madame SITA MUILA
AKELE A. dans La protection pénale de la famille et de ses membres : Comment la famille et ses membres sont -
ils protégés par la loi pénale…?, ODF édition, Kinshasa, 2002, lire avec intérêt la préface de Pierre AKELE
ADAU, p. 1), pour qui : « la famille, difficilement saisissable dans sa forme, complexe dans ses racines et sa
structure, forte dans ses traditions, préoccupée par ses intérêts moraux et jalouse de sa souveraineté domestique,
se montre allergique à toute ingérence extérieure. Elle produit ses propres normes, suscite son propre droit pour
servir ses besoins particuliers».

Il y a lieu de noter par ailleurs, et c’est ce qui est fascinant, que le manuel aborde et prend position dans
diverses questions de controverse dans la doctrine congolaise. Il en est ainsi notamment de la question du
discernement en droit congolais des mineurs. Méticuleusement, l’auteur analyse les quatre dispositions de la loi
de 2009, à travers lesquelles le législateur a utilement fait usage de ce concept. Il explique selon sa compréhension
le sens de chaque texte pris dans son exact contexte.

Une lecture attentive permet de retenir qu’il revient au juge seul d’apprécier le degré de discernement du
justiciable. C’est donc à tort qu’une certaine opinion, certes la plus ancienne, la plus connue, la plus répandue au
Congo et qui ne court pas moins le risque d’être la plus déphasée, tente d’affirmer, mais très faiblement,
puisqu’en totale violation des dispositions pré-rappelées, qu’à moins de dix-huit ans, nul ne serait pourvu de
discernement sur toute l’étendue du territoire de la République Démocratique du Congo. En réalité, de même
qu’il existe des catégories des majeurs dépourvus de discernement (le cas des personnes atteintes de démence,
ou ayant pour une raison ou une autre un discernement altéré ou aboli), de même, on peut trouver parmi les
mineurs des personnes capables de discernement, comme l’insinue assez exactement le législateur congolais aux
articles 7, 32 et même 33 de la loi de 2009.

Critiquant les limites de l’architecture matérielle de la loi de protection de l’enfant, il évoque ce qui peut
être qualifié d’extension de compétence personnelle des tribunaux pour enfants, en s’appuyant sur les
dispositions de l’article 131 de ladite loi. Il note en effet que ces tribunaux peuvent juger les adultes en cas
d’entrave à la justice. Alors que, la compétence étant d’attribution, celle des tribunaux pour enfants est limitée à
travers l’article 98 aux seules personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment des faits. Et que dès lors, les
majeurs ne pourront être jugés par les tribunaux pour enfants que si, après avoir violé la loi à moins de dix-huit
ans, ils n’ont été traduits en justice que plus tard à l’âge adulte. C’est l’hypothèse d’un père âgé de 17 ans, et
donc mineur d’âge (voir l’article 616 de la loi n°87-010 du 1 ier août 1987 tel que modifiée à ce jour, portant Code
de la famille), mais qui tue son propre enfant, et qui n’a été interpellé puis traduit en justice qu’à l’âge adulte.
Dans un tel cas, ce majeur sera régulièrement jugé devant le tribunal pour enfants.

Abordant la question de la peine de mort, dont le prononcé est interdit, comme celui de la peine de
servitude pénale à perpétuité, par le législateur congolais pour les infractions commises par un enfant, l’auteur
fait état de la controverse existante, mais note que cette disposition pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.
En revanche, il pense, sans insistance que cette interdiction serait inopportune, notamment, en droit congolais et
en droit belge. On notera tout de même que les motifs évoqués à l’étai de l’inopportunité vantée, semblent l’être,
plus par souci de commodité que par pure conviction. Sans lui en tenir rigueur, j’espère qu’une autre lecture est
tout à fait possible. Qu’elle peut permettre soit de nuancer, soit de relativiser la position. Car, d’une part, la
disposition décriée a un fondement conventionnel. Dès lors, la ratification de la Convention internationale des
droits de l’enfant du 20 novembre 1989 lie tant la Belgique que la République Démocratique du Congo. Aucun
des deux Etats ne peut régulièrement déroger notamment à l’article 37, sauf en cas d’adoption d’une formule de
non punissabilité absolue (abolissant ou enjoignant le remplacement obligatoire de la peine). D’autre part,
premièrement, sur le fondement de l’article 38 de la loi belge du 08 avril 1965 relative à la protection de la
jeunesse, le tribunal de la jeunesse devant lequel est déférée une personne âgée de plus de seize ans peut, par
décision motivée se dessaisir et renvoyer l’affaire au ministère public aux fins de poursuites devant la juridiction
compétente en vertu du droit commun (où il est prévu la peine privative de liberté à perpétuité). Deuxièmement,
en droit congolais, le principe jadis légal de remplacement obligatoire de la peine en droit pénal des mineurs par
des mesures de garde, d’éducation et de préservation n’est aujourd’hui prévu par aucun texte en vigueur. Le
législateur l’ayant écarté lucidement, nul ne peut le réimposer et espérer interdire le prononcé de toutes les autres
peines, sans pour autant courir le risque de violer manifestement la loi. N’est-il pas interdit à la jurisprudence et
à la doctrine d’interdire ce qui n’est pas interdit par le législateur en matière pénale ?

Par ailleurs, l’ouvrage a l’avantage d’analyser les différents droits reconnus par le législateur congolais à
l’enfant. Il présente en toute première position le droit à la vie et le justifie dans tous les cas. Il aborde également
les droits rattachés à ce droit à la vie. Il est intéressant de lire les développements se rapportant aux droits à
l’égalité, à la sûreté personnelle ; mais aussi, en ce qui concerne son épanouissement, le droit à la vie privée et à
la liberté d’expression ainsi que le droit à la liberté de culte et d’association reconnus par le législateur congolais
à la personne âgée de moins de dix-huit ans. Relevant la vulnérabilité de l’enfant, l’auteur prend bien soin de
souligner d’abord son droit à l’identité, en indiquant le droit d’être enregistré et d’être nommé, ainsi que le droit
à la filiation et à la nationalité ; sans oublier le droit à la garde.
On comprend ainsi que le premier manuel de droit congolais de protection des mineurs examine tous ou
presque tous les droits organisés par le législateur congolais en faveur de la personne âgée de moins de dix-huit.
Il énumère toutes les catégories des bénéficiaires de ladite protection, ainsi que les organes aussi bien spécialisés
que ceux non spécialisés dans la protection des mineurs. Il n’est pas trop risqué de le soupçonner de complétude.

L’auteur n’hésite pas de prendre position et de faire des suggestions face à certaines tournures, ou
expressions légales malencontreuses ou simplement incommodées voire inadaptées. C’est ainsi par exemple que
prêchant la dépénalisation de la déviance juvénile, l’auteur donne raison à NGOTO (voir supra, §.179, l’auteur
cite NGOTO Ngoie NGALINGI José, dans son Guide de protection de l’enfant, Droit et société, Kinshasa, 2017,
p. 47), pour qui : l’expression « protection administrative » semble plus appropriée que celle de « protection
sociale » utilisée par le législateur.

A travers l’analyse de la protection de l’enfant en droit pénal, l’auteur affirme très courage usement, mais
surtout avec amples arguments, d’une part, que la personne âgée de moins de dix-huit ans peut commettre une
infraction. Cette juste affirmation, non contraire à la loi, est corroborée par les différentes décisions rendues ces
jours par les tribunaux pour enfants, et qui retiennent aussi bien des infractions volontaires que celles
involontaires. Il note que l’irresponsabilité pénale toujours vantée en faveur de l’enfant sous le décret du 06
décembre 1950 n’était que dogmatique. Il faut dire que c’est la même opinion qui est encore soutenue aujourd’hui
par une partie de la doctrine, alors que la loi de 2009 est depuis bien longtemps entrée en vigueur. S’il est vrai
que par le passé, le législateur organisait un principe légal de remplacement des peines pour toute infraction
commise par l’enfant ; il n’est pas moins vrai qu’à ce jour, la loi de 2009, texte spécial en matière d’enfants,
n’irresponsabilise pénalement que l’une des catégories, savoir celle âgée de moins de quatorze ans. C’est donc à
juste titre que le manuel le souligne avec insistance et pertinence.

Traitant des mécanismes de prise en charge de la responsabilité pénale de l’enfant, l’auteur confirme la
compétence matérielle illimitée des tribunaux pour enfants ainsi que leur compétence personnelle à juger tout de
même, sans condamner au pénal, les personnes âgées de moins de quatorze ans ; ce qui, visiblement, prend à
contre-pied l’opinion selon laquelle l’individu âgé de moins de quatorze ans échapperait totalement et
absolument à la justice. Les développements y relatifs paraissent autant précieux qu’enrichissants.

Lorsqu’il retient le mineur dans sa situation de victime d’une infraction, le premier manuel de droit
congolais de protection des mineurs distingue selon qu’il s’agit d’une condition préalable facultative, ou
impérative. D’un côté, il dégage les infractions de droit commun pouvant s’appliquer et donc victimiser les
mineurs. De l’autre, il décortique les particules extrinsèques et intrinsèques des infractions prévues uniquement
à l’égard de l’enfant.

En définitive, la lecture du tout premier manuel de droit congolais de protection des mineurs est plus
qu’intéressante. Le style simple employé, les débats intéressants engagés, les démonstrations faites, la foultitude
d’éléments mais aussi la complexité des questions examinées dans cet ouvrage captivent. Le lecteur a davantage
envie de découvrir, étant donné que l’auteur y a fait preuve d’une bonne maîtrise de la question sous analyse.
Je reste convaincu que ce tout premier manuel de droit congolais de protection des mineurs profitera
véritablement et effectivement aux enfants. Qu’il éclairera la religion des professionnels du droit, en
l’occurrence : les magistrats, les avocats, les greffiers, les assistants sociaux, les psychologues et tous autres
professionnels impliqués directement ou non (ex. les officiers de l’Etat civil) dans les dossiers judiciaires ayant
connu l’implication des mineurs. Qu’il facilitera la compréhension de l’actuelle législation congolaise à tous les
applicateurs mais également aux chercheurs ainsi qu’à tous apprenants, étudiants ou autres scientifiques. Compte
tenu de la richesse qui le caractérise, et de la justesse des analyses qui y sont contenues, il me revient à ce stade,
à travers ma présente postface, de souhaiter le plus grand succès à cet ouvrage, et de recommander vivement sa
lecture. Je garde espoir que ce nouveau son de cloche, permettra d’améliorer tant soit peu la garantie de la
protection des mineurs en droit congolais.

Bienvenu A. WANE BAMEME


Professeur à l’Université de Kinshasa
Conseiller au Conseil d’Etat de la République Démocratique du Congo
Docteur en droit / Aix-Marseille Université.

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