Nothing Special   »   [go: up one dir, main page]

Cours D Ocj Unilu 2024

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 56

Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala

COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

INTRODUCTION GENERALE
La connaissance de l’organisation et la compétence judiciaire s’impose à la formation de tout
juriste comme préalable de grande importance. En effet, autant qu’il est utile aux médecins de
maitriser les différentes parties ainsi que le fonctionnement du corps humain, autant qu’il
s’avère aussi indispensable aux juristes d’avoir une vision synoptique (qui présente une vue
d’ensemble) de la globalité du corps judiciaire avant de parvenir à dire ou à faire comprendre
le Droit, sa matière et son outil de travail.

Il existe en République Démocratique du Congo des Cours et Tribunaux qui ont reçu mission de
rendre justice. La justice n’est pas rendue n’importe comment. Elle suit un certain nombre de
règles précises. Dans l’organisation de la justice en République Démocratique du Congo, il y a
d’une part des juridictions civiles et militaires qui ont le pouvoir de rendre des jugements et,
d’autre part, les parquets et les auditorats militaires dont le rôle est de poursuivre les auteurs
présumés des infractions et de protéger les citoyens et, en particulier, les faibles. On distingue
donc dans le corps les Magistrats assis, appelés juges, et les magistrats débout ou magistrats
du parquet, appelés Ministère Public ou organe de la loi.

La justice élève une nation dit la bible au livre de Proverbe 14 :34. Sans justice, on ne peut rien
faire dans un pays ; ce sera une jungle où la loi du plus fort gouverne et les faibles sont appelés
à disparaitre. C’est ainsi que, pour assurer une bonne justice qui constitue la base de tout
développement, des institutions judiciaires sont mises en place afin de répondre aux besoins
de la population.

Au jour d’aujourd’hui, notre pays est régi par la Constitution du 18 février 2006 laquelle a
institué trois ordres de juridictions à savoir : la Cour Constitutionnelle ; les juridictions de l’ordre
judiciaire placées sous le contrôle de la Cour de Cassation et les juridictions de l’ordre
administratif coiffées par le Conseil d’Etat. Ces juridictions s’occupent de la justice et disent le
droit lorsqu’elles sont saisies des contestations de tous ordres, selon leurs compétences
respectives.

Quant à leur compétence, il faut noter que la Cour Constitutionnelle s’occupe principalement
du contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi ainsi que du
contentieux des élections présidentielles et législatives. A ce niveau, il sied préciser que les
cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs qui, eux, s’occupent du
contentieux des élections provinciales, urbaines et locales.

Les juridictions de l’ordre judiciaire connaissent des matières pénales, civiles, commerciales, du
travail et fiscales. Ces juridictions sont entre autres : les tribunaux de paix, les tribunaux
militaires de police, les tribunaux de grande instance, les tribunaux de commerce, les tribunaux
de travail, les tribunaux militaires de garnison, les Cours militaires, les Cours militaires
opérationnelles, les Cours d’appel, la Haute Cour militaire et la Cour de Cassation (Lire article 6
de la loi organique n°13/011-B).

1
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

A cette liste, il faut aussi ajouter, les tribunaux pour enfants qui sont également des juridictions
de l’ordre judiciaire spécialisées. Il est à noter que la loi organique n°13/011-B sur les
juridictions de l’ordre judiciaire n’a déterminé que l’organisation, le fonctionnement et la
compétence de quelques juridictions ordinaires. Mais d’autres lois spécifiques ont prévu des
juridictions spécialisées, notamment les tribunaux de travail, les tribunaux de commerce ainsi
que les tribunaux pour enfants.

Par ailleurs, il faut noter que l’article 153 de la Constitution du 18 février 2006 a institué un
ordre des juridictions judiciaires composé des Cours et tribunaux civils et militaires, mais tous,
sont des juridictions de l’ordre judiciaire. Les tribunaux militaires sont prévus par le Code de
justice militaire et la Cour Constitutionnelle est prévue par la loi organique n°13/026 du 15
octobre 2013 qui porte son organisation et son fonctionnement. Quant au Conseil d’Etat, il est
encore prévu dans la Constitution.

Enfin, les juridictions de l’ordre administratif traitent des contentieux liés aux décisions des
autorités tant nationales, provinciales que locales.

A. OBJECTIFS DU COURS

A l’instar de toutes les autres disciplines de Droit, le cours de l’organisation et la compétence


judiciaires vise essentiellement à mettre en relief et apporter à la connaissance de l’étudiant
en Droit et pourquoi pas de tout congolais, l’organisation de l’appareil qui s’occupe de la justice
dans notre pays ainsi que ses différentes structures dans les rouages de son fonctionnement.

Il faut noter que l’organisation et la compétence judiciaires tout comme le Droit procédural
constituent les subdivisions du Droit judiciaire qui se définit comme l’ensemble de règles de
procédure qui régissent l’organisation et le fonctionnement de la justice congolaise.

B. HISTOIRE DE L’ORGANISATION JUDICIAIRE

A l’origine des sociétés traditionnelles, le droit judiciaire au sens que nous le connaissons
aujourd’hui était inexistant. Chaque fois qu’il y avait litige entre hommes, ceux-ci
réglementeraient leur différend à leur guise. Avant que les juges judiciaires modernes existent,
c’était d’abord la loi de la jungle où l’on recourait à la force et à l’arbitraire. C’est donc la période
de la vengeance privée qui sera suivie de la loi du talion alors qu’en Afrique traditionnelle, il
existait des mécanismes de conciliation.

1) La vengeance privée

Elle consistait à ce que la victime outragée, lésée, puisse elle-même se rendre justice. On
constatera que celui qui se rendait justice dépassait même la proportion du préjudice qui lui a
été causé. A titre d’illustration, la victime du vol pouvait même tuer, assassiner le voleur, la
victime d’adultère pouvait tuer celui qui a commis l’adultère avec son épouse. Bref, tout le
monde se rendait justice à sa manière, selon son vouloir.

2
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Autrement dit, c’est la loi du plus fort qui s’imposait au plus faible. Mais cette « justice privée »
qui n’est pas une justice est contraire à l’Etat de droit. C’est ainsi que suite à ce désordre public,
les hommes ont eu l’idée de proportionner la vengeance à l’agression. C’est ce qu’on appelle
la loi du Talion, « œil pour œil, dent pour dent ».

2) La loi du Talion

La loi du Talion consistait à ce que celui qui a tué soit également tué d’où : « œil pour œil, dent
pour dent ». C’est qu’avec la loi du Talion, la vengeance a été proportionnée à l’attaque. On
trouve également la loi du Talion dans le Code d’Hammourabi (Chaldée), la loi de Moïse (Israël)
et la loi de 12 Tables (Rome). C’est dans le même ordre d’idées qu’on a institué « L’abandon
Noxal » qui consistait dans le fait d’abandonner l’auteur de l’infraction entre les mains de la
famille de la victime, qui est libre d’en faire ce qu’elle veut : le vendre, en faire un esclave, etc.

Dans la loi de 12 Tables de Rome, avec le temps (en 450 avant Jésus-Christ), la vengeance a été
remplacée par un procès dirigé par le roi, aussi bien en matière civile que pénale. Le roi
protégeait souvent la partie susceptible de faire l’objet d’une vengeance mais pouvait aussi
autoriser une vengeance mesurée.

D’autres mécanismes verront le jour pour limiter la vengeance privée, tels que la composition
qui permet aux familles en conflit de s’asseoir autour d’une table et de négocier la nature et le
montant des indemnités du fait du préjudice causé.

3) Les mécanismes de conciliation dans les sociétés traditionnelles africaines

Ces mécanismes ont surtout existé dans l’Afrique traditionnelle. En effet, la justice y était une
occasion de réconciliation plutôt qu’un moment de division. La justice était rendue par les chefs
de village, assistés des anciens et, à un niveau supérieur, par les chefs des Cantons entourés des
notables. Ce juge de l’Afrique traditionnelle apparaissait plutôt comme un conciliateur soucieux
de distribuer équitablement le blâme et la louange. C’est pourquoi, le but recherché n’était pas
tellement de punir que de régler le différend en restaurant l’harmonie des rapports sociaux.

Ce qui est significatif dans les sociétés traditionnelles africaines est qu’à la fin du litige, de
manière générale, les parties une fois leur litige réglé par la palabre, sont conviées à faire un
geste symbolique de réconciliation ; ce peut être le fait de partager une noix de cola, de boire
le vin traditionnel de banane « Kasigisi » ou le vin de palme « masanga ya mbila » ou « pombe
ya ngazi » l’un après l’autre dans une même calebasse, ou plus simplement de se serrer la main.

Lorsque les conflits opposaient les individus des clans différents, si les litiges ne prenaient pas
encore la dimension d’une guerre clanique, « les sages » s’employaient par la persuasion à lui
trouver, en accord avec l’ensemble de la collectivité, une issue pacifique.

Ainsi, dans une tribu du Soudan, lorsque survenait un grave différend interne tel un meurtre, il
était possible de dédommager la famille de la victime en lui offrant du bétail. Le chef de la tribu

3
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

approchait les deux familles, accomplissait des rites de purification et de réconciliation, faisait
admettre à la famille victime un certain nombre de bêtes en compensation du dommage et
évitait ainsi les représailles. Comme on peut le remarquer, le chef ne tranchait pas le litige mais
il facilitait une réconciliation entre parties.

Bref, dans l’Afrique traditionnelle, il n’y avait pas de juridictions légalement instituées et
organisées comme celles d’aujourd’hui car ce sont les autorités coutumières qui organisaient le
fonctionnement de la justice. Celles-ci ne se référaient pas à une loi préétablie pour trouver le
tribunal compétent selon la matière ou pour trouver les éléments de solution, mais se basant
sur la coutume ancestrale, elles cherchaient avant tout à rapprocher les positions des parties
en litige. Leur rôle était plus de préserver les équilibres sociaux que de donner raison l’un contre
l’autre. Ces « juges » saisis se comportaient alors en véritables conciliateurs, remplissant une
fonction maïeutique, aidant les parties à trouver une solution du litige.

C. INSTITUTION DU DROIT JUDICIAIRE

Avec la loi du Talion, la personne lésée n’était pas satisfaite complètement en ce sens que celle-
ci n’obtenait pas toute la réparation dont elle avait besoin. Il a fallu qu’une autorité supérieure
aux différentes familles et groupes ethniques existe pour que naisse l’idée d’un procès.
L’autorité supérieure, un roi, tranchait le litige en usant de son autorité et en se présentant
comme le représentant de Dieu sur la terre. Il faut, en effet, noter qu’à l’origine la procédure
était ritualiste et mêlée au religieux. On trouve cette situation en Mésopotamie (actuel Irak) et
aux origines du droit hébreux, grec et romain. Il semble aussi que le droit soit en grande partie
né de ces procès.

L’origine du droit n’est pas la loi mais plutôt le jugement. Les lois sont précisément intervenues
pour codifier les solutions dégagées par les juges. Le processus était le suivant : le juge tranchait
un litige puis était confronté à une affaire similaire ; il décidait alors d’apporter la même solution
; est née alors une règle générale selon laquelle à chaque fois que l’on se trouvait dans telle
situation, le juge prenait telle décision.

A noter aussi qu’aucune distinction n’était encore faite entre procédure pénale, civile et
administrative.

Dans les sociétés primitives, le droit s’apparente au sacré. En effet, le droit hébraïque n’a jamais
été détaché de la religion, c’est d’ailleurs par la Bible et le Talmud (du mot hébreux signifie
étude, c’est la forme écrite de la loi orale reçue selon la tradition par Moïse) qu’il est connu.
Selon la tradition hébraïque, le premier commandement que Dieu a donné à Noé, a été d’établir
la justice en créant des tribunaux. Dans le judaïsme ensemble de commentaires sur la Torah qui
est en même temps un recueil de droit civil et religieux juif.

Au départ, les patriarches étaient les juges de leur propre groupe et l’on recourrait à la
vengeance entre tribus. Lorsque la royauté fut instaurée vers l’an mille avant Jésus-Christ, le

4
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

roi se mit à assurer la justice en déléguant ce pouvoir à une Cour composée de prêtres et de
juges royaux.

Cette Cour traitait aussi bien les affaires civiles, criminelles que religieuses. Elle cherchait à
interpréter la volonté de Dieu et rendait, en ce sens, des jugements de Dieu. Il existait également
des juridictions inférieures nommées Conseils des anciens qui étaient une survivance de
l’organisation tribale de la justice. Comme on peut le remarquer, selon le droit hébraïque, les
premières juridictions avaient vocation d’appliquer la volonté de Dieu, c’est pourquoi, les
premiers juges sont des prêtres.

En Grèce, la vengeance privée fut remplacée par les procès à partir du moment où il exista une
autorité assez forte pour imposer cette solution aux parties. Puis le roi a délégué ses pouvoirs
à des juges.

A l’époque de la démocratie athénienne, l’organisation des tribunaux est devenue très


complexe en raison des réformes successives. La juridiction la plus importante était le tribunal
de l’Héliée crée pour servir de Cour d’appel. Il s’agissait d’un tribunal entièrement composé de
citoyens tirés au sort au nombre de 6.000 répartis dans 10 Cours de 501 personnes (les 1.000
citoyens restants sont des suppléants).

Les affaires criminelles et civiles n’étaient pas distinguées. Ce tribunal était à la justice ce qu’est
la démocratie directe à la politique : le peuple devient juge des citoyens à partir du moment où
il n’y a plus de roi. L’instruction est cependant confiée à un magistrat spécialisé mais il n’y avait
pas de ministère public. L’arrêt était rendu sans délibéré et par vote général.

On voit là l’origine des jurys populaires qui continuent d’exister de manière générale dans les
procédures de Commun law et particulièrement devant la Cour d’assises en France, en Belgique
et dans plusieurs pays de l’Afrique francophone. Puis la justice a été progressivement rendue par
des fonctionnaires et des possibilités d’appel ont été reconnues aux parties.

Enfin, devant l’Assemblée qui est un organe politique, tout citoyen pouvait intenter une action
dite publique, lorsqu’il considérait qu’un décret émis par l’Assemblée était illégal. On peut voir
là l’ancêtre du recours pour excès de pouvoir devant les juridictions de l’ordre administratif
(tribunal administratif, Cour administrative d’appel et Conseil d’Etat). Ces éléments ont été à la
base de la naissance du droit judiciaire moderne, spécialement l’organisation et compétence
judiciaires dont le but était de prévoir les institutions qui seraient permanentes et qui auront
pour mission de juger et faire réparer le préjudice causé par l’auteur de celui-ci.

C’est dans ce cadre que les Cours et tribunaux furent


instaurés et leurs différentes compétences.

En Afrique, les juridictions modernes ont été instituées par le biais de la colonisation. Celle-ci
a transposé les règles du droit judiciaire appliquées dans la métropole (Belgique et France selon

5
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

le cas). Certes, avant la colonisation, il y avait les institutions judiciaires traditionnelles mais qui
étaient différentes de celles d’aujourd’hui.

En effet, avant 1885 la République Démocratique du Congo était une mosaïque de Royaumes,
empires et d’autres communautés spécifiques ayant chacun à leur tête une autorité plus ou
moins confirmée. Ces peuples avaient élaboré des règles orales de sagesse qui se traduisaient
par une organisation sociale, politique et « judiciaire », sécuritaire et harmonisant ainsi des
rapports sociaux et économiques au sein d’un même groupe. Ces règles ont constitué un
ensemble de normes juridiques appelées aujourd’hui droit coutumier.

De 1885 à 1908, l’Etat Indépendant du Congo du Roi Léopold II de Belgique est créé ;
l’organisation et la compétence judiciaires étaient discriminatoires selon qu’il s’agissait des
indigènes ou des non indigènes. A côté des tribunaux de première instance et du tribunal d’appel
de Boma, il y avait des conseils de guerres institués dès la création de la Force Publique en 1888
sous le décret du 22 décembre 1888.

De 1908 à 1960, l’Etat Indépendant du Congo est devenu Congo Belge. Pendant cette période,
le pouvoir colonial avait créé une organisation judiciaire en instituant des juridictions nouvelles.
C’est ainsi que furent crées les tribunaux de police, de district, de première instance et les Cours
d’appel. La Cour de cassation et le Conseil d’Etat étaient ceux de la Belgique. Les limites de
juridiction correspondaient aux limites administratives de la colonie.

Cette période est caractérisée aussi par la reconnaissance


en 1926, par le pouvoir colonial, des juridictions coutumières ; la simplification de la procédure
civile ; la réglementation de la procédure pénale depuis la police judiciaire jusqu’à l’exécution
de jugement. Le Barreau a vu le jour le 7 novembre 1930, puis soumis à des modifications par
les trois autres décrets en 1932, 1947 et 1950. Il était caractérisé par l’absence d’autonomie,
car son organisation dépendait des Cours et tribunaux.

Depuis 1960, la République Démocratique du Congo est devenue indépendante. A partir de 1968
apparaîtra un foisonnement d’innovations axées sur l’organisation et compétence judiciaires
ainsi que la procédure pénale. Pour rapprocher la justice des justiciables, les tribunaux de paix,
de grande instance et une Cour d’appel dans chaque province furent créés ainsi que la Cour
suprême de justice. Un Code provisoire de justice militaire avait été institué par le décret - loi du
18 décembre 1964 qui régissait les juridictions militaires.

En procédure pénale, les privilèges de juridiction sont accordés au chef de collectivité, aux
députés, ministres, magistrats, gouverneurs de province etc. L’autonomie du Barreau issu de
la loi n° 68/247 du 10 juillet 1968 fut affaiblie par les velléités d’ingérence du Procureur général
de la République.

En 1972, la justice militaire est instituée définitivement par l’ordonnance-loi n° 72/060 du 25


septembre 1972. En 1977, le Conseil Judiciaire est créé sous la forme pyramidale, puis collégiale

6
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

en 1987, et était intégré au sein du MPR, Parti-Etat, parallèlement à la Commission de discipline


du Comité central.

Le Statut des magistrats promulgué en 1988, consacrait l’ingérence du Ministre de la justice


dans la gestion de la carrière des Magistrats et la domination de l’exécutif sur le pouvoir
judiciaire. La Cour de sûreté de l’Etat, chargée de briser les positions dissidentes n’a pas
épargné, à travers ses procès, les droits de l’homme ni la dignité humaine. En 1987, la Cour des
comptes fut créée. La Cour d’ordre militaire est créée par le décret-loi n° 19 du 23 août 1997
portant création de la Cour d’ordre militaire. Cette Cour était un instrument de terreur et
d’horreur au regard des condamnations à mort qui y étaient prononcées et exécutées.

Depuis 2001, l’organisation et la compétence judiciaires a été profondément affirmée par la


création des tribunaux de commerce en 2001, un nouveau Code judiciaire militaire ainsi que la
création des tribunaux du travail en 2002.

La Constitution congolaise du 18 février 2006 crée les tribunaux administratifs, les Cours
administratives d’appel, le Conseil d’Etat, la Cour de cassation et la Cour constitutionnelle.

Un nouveau Statut des magistrats voit aussi le jour le 10 octobre 2006. L’indépendance des
juridictions y est clairement affirmée. Au niveau de l’Afrique, depuis janvier 2004, la Cour
Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples existe. Au niveau des Nations Unies, l’on
soulignera l’existence de la Cour Pénale internationale et la Cour Internationale de Justice de
la Haye. Toutes ces juridictions nationales et internationales créées donneront sans doute une
nouvelle impulsion à l’organisation et compétence judiciaires en République Démocratique du
Congo.

D. IMPORTANCE ET INTERET DES NOTIONS D’ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES

Les notions d’organisation et de compétence judiciaires ou le droit judiciaire, présentent un


intérêt fondamental et une importance considérable à l’endroit des étudiants, du personnel
judiciaire et des justiciables (toute personne).

1) A l’endroit des étudiants

Les notions d’organisation et compétence judiciaires apprendront aux étudiants de la Faculté


de Droit le mode de fonctionnement de l’appareil judiciaire congolais et les juridictions
internationales, et de ce fait, elles aideront l’étudiant à comprendre comment fonctionne la
justice congolaise et internationale, ainsi que les différentes compétences des Cours et
tribunaux avant que les étudiants (futurs Magistrats, avocats, défenseurs judiciaires, conseillers
juridiques ou autorités politiques) s’imprègnent de la réalité du terrain.

2) A l’endroit du personnel judiciaire

7
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Les notions d’organisation et compétence judiciaires informeront le personnel judiciaire à


connaître les attributions, les limites ainsi que la procédure à suivre pour l’ouverture d’un
dossier judiciaire, les compétences des Cours et tribunaux ainsi que l’orientation des
justiciables vers les juridictions compétentes.

3) A l’endroit des justiciables (tout citoyen)

Les notions d’organisation et compétence judiciaires pourront aider les justiciables (toute
personne qui a besoin de la justice : plaignant, accusé, prévenus) à s’orienter vers une juridiction
compétente matériellement, territorialement et personnellement.

La connaissance de ces notions permettra aux justiciables de savoir quelles sortes de


juridictions doivent-ils s’adresser chaque fois qu’ils (ou leurs proches) auront le problème avec
la justice. S’adresseront-ils au Tribunal de Paix, au Tribunal de Grande instance, à la Cour
d’appel, à la Cour de cassation ou au Tribunal de commerce, au Tribunal de travail ou au
Tribunal militaire de police, au Tribunal militaire de garnison, à la Cour militaire, à la Haute Cour
militaire ou au Tribunal administratif, à la Cour administrative d’appel, au Conseil d’Etat, à la
Cour des comptes ou au Tribunal coutumier ou à la Cour constitutionnelle ou à la Cour Africaine
des Droits de l’Homme et des Peuples ou enfin à la Cour Pénale Internationale?

Bref, nous disons que les notions d’organisation et compétence judiciaires sont importantes pour
la vie de tout homme car tout le monde devrait se sentir concerné de son contenu étant donné
qu’il est le carrefour même de tout l’appareil judiciaire.

E. SOURCES D’ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES

Le mot « source » n’a pas été défini par la loi. Nous retenons une définition simple et pratique.
Dans le cadre du présent cours, par source, nous entendons la base, la référence, le
soubassement, le fondement, en d’autres termes par où reposent les règles d’organisation et
compétence judiciaires. Ces sources sont subdivisées en deux : les sources internes et les
sources internationales.

1) Les sources internes


- La Constitution

C’est la loi suprême d’un pays qui détermine le mode d’exercice des pouvoirs. Elle constitue
une source d’organisation et compétence judiciaires dans la mesure où elle définit notamment
la mission du pouvoir judiciaire et l’indépendance de celui-ci, le droit de défense ainsi que
l’inamovibilité des juges (articles 149-169 de la Constitution approuvée par le référendum du
18 décembre 2005 et promulguée le 18 février 2006).
- Les traités internationaux (articles 213-217 de la Constitution)

Ils constituent une source d’organisation et compétence judiciaires en ce sens que ce sont les
traités internationaux qui règlent la question d’extradition (procédure internationale par
laquelle un Etat accepte de livrer à un autre Etat qui en fait la demande un individu se trouvant

8
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

sur son territoire pour être jugé et s’il a déjà été jugé, lui faire purger sa peine. Nous y
reviendrons lorsque nous aborderons les sources internationales.
- La loi

Nous pouvons définir la loi comme étant l’expression de la volonté populaire coulée dans des
textes juridiques, élaborée par un organe compétent et prévoyant des sanctions en cas de sa
violation. L’expression de la volonté populaire se manifeste par les élus du peuple, et l’organe
compétent dont il est question c’est l’Assemblée Nationale et le Sénat).

La loi constitue une source d’organisation et compétence judiciaires car c’est par la loi que les
Cours et tribunaux sont constitués ; le Statut des magistrats, la compétence des Cours et
tribunaux, les règles de procédure, la composition ; l’organisation et le fonctionnement du
pouvoir judiciaire relèvent du domaine de la loi (art. 153 al. 5 de la Constitution du 18 février
2006).
- La coutume

C’est l’ensemble des usages, des pratiques qui, à force d’être répétés dans une société bien
déterminée, ont acquis une force obligatoire. Sa force, son fondement juridique repose sur les
dispositions de l’article 153 de la Constitution, les articles 108 et 116 al. 1er du Code de
l’organisation et compétence judiciaires.

En effet, l’article 153 al. 4 de la Constitution dispose que : « Les Cours et Tribunaux, civils et
militaires (…) appliquent les lois et la coutume pour autant que celle-ci
soit conforme à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ». Et l’article 108 du Code d’OCJ
stipule : « Sans préjudice du droit des parties de se réserver et d’assurer elles-mêmes la
défense de leurs intérêts et de suivre la voie de leur choix, les tribunaux répressifs saisis de
l’action publique prononcent d’office les dommages intérêts et réparations, qui peuvent être
dus en vertu de la loi, de la coutume ou des usages locaux ». Aussi, l’article 116 al. 1 du
Code d’OCJ affirme : « Si une contestation doit être tranchée suivant la coutume, les Cours et
tribunaux appliquent celle-ci, pour autant qu’elle soit conforme aux lois et à l’ordre public ».

De même, le règlement d’ordre intérieur de la Cour de Cassation prévoit des experts en


coutume qui pourraient éclairer la justice en cas de besoin. Il en est de même de l’article 86 de
la loi organique n° 06/020 du 10 octobre 2006 portant Statut des magistrats qui prévoit les
juges assesseurs auprès des tribunaux de paix en qualité de consultants lorsque ceux-ci font
application de la coutume.

Enfin, l’ordonnance de l’administrateur général au Congo du 14 mai 1886 relative aux principes
à suivre dans les décisions judiciaires dit que quand la matière n’est pas prévue par un décret,
un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont de la compétence
des tribunaux du Congo seront jugées notamment d’après les coutumes locales.

En ce cas, le juge pourra prendre l’avis d’un ou plusieurs indigènes ou non indigènes, choisis
parmi les notables les plus capables. Il ressort de l’esprit de ces textes, pour que la coutume

9
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

soit appliquée par tribunaux :


- Elle croit être conforme aux lois, c’est-à-dire si une coutume est à l’encontre de la
loi, elle ne sera applicable par les cours et tribunaux ;

- Elle doit être conforme aux bonnes mœurs ;


- Elle doit être conforme à l’ordre public, c’est-à-dire elle ne peut permettre ce que
la loi interdit. Exemple : La coutume qui permet de soumettre des sévices à une
femme qui vient de perdre son mari ; cette coutume n’est pas conforme à l’ordre
public car la torture, les sévices sont des infractions prévues et punies par la loi
pénale (articles 43 et 46 du Code pénal congolais livre II).

La coutume constitue une source d’Organisation et Compétence Judiciaires car les juridictions
peuvent s’y référer à condition qu’elle soit conforme aux lois, à l’ordre public ou aux bonnes
mœurs.
- La jurisprudence

C’est l’ensemble des décisions, jugements ou arrêts rendus par les Cours et tribunaux. Il s’agit
simplement de l’ensemble des solutions apportées par les décisions constantes de justice dans
l’application du droit (lorsqu’il y a lieu à interprétation de loi, lorsqu’il y a ambiguïté ou
obscurité, etc.) ou même dans la création du droit lui-même (quand il faut compléter la loi,
suppléer une règle qui fait défaut). C’est par la voie de la jurisprudence que les usages, les
principes généraux du droit et les solutions d’équité ont été admis d’une manière stable et
précise en Droit congolais.

En effet, certaines juridictions, tels que la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, eu égard à leur
prestige et leur notoriété jouissent d’une autorité reconnue. Aussi, lorsqu’elles définissent une
règle jurisprudentielle, les juridictions inférieures se trouvent « moralement dans l’obligation »
d’appliquer cette règle.

Ce pouvoir qu’incarnent les hautes juridictions est le garant et l’instrument de la démocratie


s’il conserve une indépendance certaine, et s’il prend soin de bien motiver ses décisions pour
éviter tout risque d’arbitraire. La jurisprudence constitue une source d’organisation et
compétence judiciaires dans la mesure où les juridictions inférieures peuvent se référer aux
juridictions supérieures, la façon dont elles ont jugé une affaire donnée qui a de similitude avec
celle soumise devant le juge inférieur. Partant de cela, la jurisprudence est une source
d’organisation et compétence judiciaires.
- La doctrine

C’est l’ensemble des écrits des savants de droit, des professeurs, des chercheurs et praticiens
du Droit. Elle guide le législateur et le juge dans la formation du Droit. Le plus souvent la
doctrine est par ses écrits une source d’inspiration indirecte. Par ses travaux, la doctrine œuvre
à la cohérence du droit judiciaire et facilite sa compréhension en analysant la jurisprudence et
en exposant les fondements et finalités des règles de Droit.

10
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

La doctrine peut être aussi une source d’inspiration directe lorsque les juridictions s’y réfèrent
ou lorsque le législateur demande à des auteurs de participer à des commissions de réforme.
La doctrine constitue une source d’organisation et compétence judiciaires car les tribunaux
peuvent s’y référer lorsqu’ils veulent renforcer la motivation de ses jugements ou pour
suppléer au silence de la loi ou en cas d’absence de jurisprudence sur un point précis de Droit.
Ex. : La publication d’un ouvrage en Droit judiciaire congolais, sur Organisation et compétences
judiciaires ou la thèse de doctorat en Droit sur L’indépendance et l’impartialité du juge en droit
comparé belge, français et de l’Afrique francophone.

- Les principes généraux de droit

Ce sont des solutions juridiques universellement admises dans le Droit de plusieurs nations.
L’avocat général de la République du Congo Nkata Bayoko les définit comme étant des règles
de droit non écrites, dérivant de l’esprit des lois et des principes auxquels obéit
généralement le législateur, lesquelles règles s’appliquent aux contestations en l’absence de
textes de lois régissant la matière.

Pour le professeur Matadi Nenga Gamanda, ce sont des propositions premières non écrites,
normatives et juridiques qui fondent, à côté d’autres sources de droit, l’unité du système
juridique. Toutes ces définitions expliquent pratiquement la même chose. Leur force juridique
vient de l’article 116 al. 2 du Code de l’organisation et compétence judiciaires qui déclare : «
En cas d’absence de coutume ou lorsque la coutume n’est pas conforme aux lois et à l’ordre
public, les Cours et tribunaux s’inspirent des principes généraux du droit ».

Leur force juridique vient également de l’ordonnance législative du 14/05/1886 qui a toujours
force de loi. Cette ordonnance prévoit de juger les contestations d’après « les coutumes locales
; les principes généraux du droit et l’équité », pour suppléer aux silences de la loi, d’un décret ou
d’un règlement. On peut dans certaines mesures invoquer les dispositions du Code étranger
par exemple en droit congolais en tant que principes généraux de droit à condition qu’il y ait
silence de la loi congolaise et de la coutume ou celle-ci n’est pas conforme aux lois et à l’ordre
public.

Il convient de préciser que les principes généraux du droit ont un caractère supplétif, ils ne
peuvent donc être invoqués ou n’être d’application qu’en l’absence d’une loi spécifique qui
régit la matière. En conséquence, lorsqu’un principe général du droit est coulé sous forme de
loi dans la suite, il n’est plus à considérer comme un principe général du droit. On peut vraiment
se demander s’il est toujours nécessaire de continuer de se référer par exemple au Code belge
en tant que « principes généraux de droit » dès lors que la République Démocratique du Congo
est indépendante depuis plus de 60 ans.

En effet, l’ordonnance législative réglant cette question date de 1886 lorsque le Congo était la
propriété privée du Roi Léopold II de Belgique. Or aujourd’hui, la République Démocratique du
Congo est indépendante, et le droit judiciaire a beaucoup évolué, les Cours et tribunaux

11
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

internationaux qui n’existaient pas à l’époque sont une réalité, et contribuent à dégager les
normes universelles du procès équitable.

C’est pourquoi, nous pensons qu’à l’avenir, l’on devrait abroger ladite ordonnance législative
et prévoir comme « principes généraux de droit », notamment les normes universelles du
procès équitable (droit à un juge indépendant et impartial, droit d’être jugé dans un délai
raisonnable etc.).

D’ailleurs, les principes généraux du droit tendent à devenir de plus en plus communs à tous
les pays qui se réclament d’un Etat de droit. C’est dans ce sens que la doctrine moderne
reconnaît par exemple que le principe d’impartialité constitue un principe général de droit et
paraît aujourd’hui comme étant un principe de procédure universel. Pour plus de sécurité
juridique, il serait mieux de ne retenir que les principes généraux de droit approuvés par les
juridictions internationales (la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la Cour
Européenne des Droits de l’Homme, la Cour Pénale Internationale, la Cour Internationale de
Justice de la Haye et le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU).

Les principes généraux du droit constituent une source d’Organisation et Compétence


Judiciaires car les juridictions peuvent s’y inspirer.
- L’équité

C’est la solution éprouvée comme juste par la communauté à laquelle appartient le juge. C’est
donc le bon sens. En effet, l’article 155 al. 3 de la Constitution du 18 février 2006 prévoit que
le Conseil d’Etat se prononce en équité en tenant compte de toutes les circonstances d’intérêt
public ou privé.

L’on précisera que l’équité jouera un rôle purement supplétif, c’est-à-dire chaque fois que
législateur n’aura pris aucune disposition légale dans une matière et cette équité n’est pas à
confondre avec les normes du procès équitable. Mais le juge doit être prudent pour cette source
qui ne lui permet pas de faire ce que le législateur a entendu lui interdire car ce bon sens, qui
n’est pas la chose la mieux partagée du monde, échappe à une analyse qualitative et quantitative
; il n’est pas observable comme le serait une loi, un principe général du droit, préalablement
énoncé et ayant son existence en dehors du juge.

Comme on peut le constater, la notion d’équité échappe donc au droit entendu comme science
et dont l’objet, le droit, relève nécessairement de l’observation et de l’objectivité. C’est
pourquoi, une décision judiciaire qui se réfère uniquement à l’équité pour justifier une décision
n’est pas motivée. Et d’ailleurs, la Cour de cassation française avait affirmé que l’équité n’est pas
une source de droit.

Enfin, il est nécessaire de préciser que le droit de la famille romano-germanique accorde


moins d’importance à l’équité en tant que source de droit par rapport au droit Anglo-Saxon
ou le Common Law ; mais c’est celui-ci qui a tendance à influencer les juridictions
internationales telles que la Cour Européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg, la Cour

12
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Pénale Internationale, la Cour Internationale de Justice de La Haye et le Comité des Droits de


l’Homme de l’ONU.
- Les usages

Ce sont des pratiques applicables devant les juridictions bien déterminées. En effet, l’on ne doit
pas oublier l’importance de la pratique judiciaire qui crée des procédés que la loi n’avait point
prévus mais qui varient suivant les tribunaux établis dans les différents ressorts des Cours
d’appel. Mais les usages ne l’emporteront pas sur la règle légale s’ils sont en contradiction
avec elle, encore que la loi a souvent adopté certains usages qui s’étaient
imposés en les « coulant » dans des textes juridiques.
- Le pouvoir réglementaire du Président de la République (articles 82 et 87 de la
Constitution)

Le Président de la République réglemente par voie d’ordonnance.


C’est une source d’organisation et compétence judiciaires en ce sens qu’il est reconnu
au Président de la République le pouvoir de nommer et révoquer les Magistrats sur
proposition du Conseil Supérieur de la Magistrature.

Le Président de la République dispose du droit de grâce, il peut remettre, commuer ou réduire


les peines. Il ressort au pied de l’article 85 al. 1 de la Constitution du 18 février 2006 : « lorsque
des circonstances graves menacent d’une manière immédiate l’indépendance ou l’intégrité du
territoire national ou qu’elles provoquent l’interruption du fonctionnement régulier des
institutions, le Président de la République proclame l’état d’urgence ou l’état de siège après
concertation avec le Premier Ministre et les Présidents des deux Chambres conformément aux
articles 144 et 145 de la Constitution ».

De même, l’article 156 al. 2 de la Constitution du 18 février 2006 déclare : « En temps de


guerre ou lorsque l’état de siège ou d’urgence est proclamé, le président de la République (…)
peut suspendre sur tout ou partie de la République et pour la durée et les infractions qu’il fixe,
l’action répressive des Cours et tribunaux de droit commun au profit de celle des juridictions
militaire ». Cette situation peut avoir des répercussions dans l’organisation et la compétence
judiciaires.
- Le pouvoir réglementaire du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux

Traditionnellement, il est reconnu au Ministre de la Justice et Garde des Sceaux de prendre,


signer des arrêtés d’organisation judiciaire pour préciser les modalités pratiques d’une loi. Tel
est le cas de l’arrêté d’organisation judiciaire n° 299/79 du 20/08/1979 portant règlement
intérieur des Cours, tribunaux et Parquets. Cet arrêté complète le Code de
l’organisation et de la compétence judiciaires. De même, il est du pouvoir du ministre de la
justice et garde des Sceaux de créer des sièges secondaires des Cours, tribunaux et Parquets par
voie d’arrêté.

C’est dans cette logique, que le ministre de la justice et garde des Sceaux avait créé les sièges
secondaires du Tribunal et du Parquet de Grande Instance d’Uvira à Kavumu et Mwenga dans la

13
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Province du SudKivu. Mais depuis la promulgation de loi 10 octobre 2006 portant statut des
magistrats, ce pouvoir se fera en concertation avec le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Aussi, le ministre de la justice peut prendre des arrêtés portant modalités d’application d’une loi
qui a été votée au Parlement étant donné que la loi ne peut pas tout prévoir. Mais les arrêtés
pris par le Ministre ne doivent pas mettre en cause l’indépendance des Magistrats telle que
prévue par la Constitution du 18 février 2006 et la loi du 10 octobre 2006 portant statut des
Magistrats.

Enfin, il est reconnu au Ministre de la Justice et Garde des Sceaux d’accorder la libération
conditionnelle par voie d’arrêté après avis du directeur de la prison et du Parquet (article 38 du
Code pénal congolais livre 1er). Elle se définit comme une mise en liberté que l’administration
pénitentiaire accorde au condamné, et qui est destinée à stimuler l’amendement de ce dernier
par la perspective d’une libération définitive en cas de bonne conduite. Au regard de tous ces
éléments, le pouvoir réglementaire du Ministre de la Justice et Garde des Sceaux est une source
d’organisation et compétence judiciaires.
- Le pouvoir réglementaire des Présidents des Juridictions

Le Premier président de la Cour de la Cassation et le Premier président de la Cour d’appel, règlent


chacun par voie d’ordonnance le service intérieur des Cours et tribunaux de son ressort, leurs
greffes ainsi que la tenue des registres.

De même, le Président du Tribunal de grande instance et le Président du Tribunal de Paix


disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’organisation du service du siège et la répartition
des services. Exemple. : Ordonnances des Présidents de juridictions portant organisation des
Chambres.

Il est prohibé qu’une Chambre d’une juridiction s’attribue sans l’avis du chef de cette juridiction
une cause attribuée à une autre Chambre, étant donné que l’attribution des dossiers aux juges
est une prérogative exclusive du chef de cette juridiction. En principe, ce pouvoir
réglementaire contribue à l’indépendance du pouvoir judiciaire dans la plus large mesure
possible, mais le président de juridiction ne peut pas donner les injonctions au juge de son
ressort dans sa mission de juger.

2) Les sources internationales

Elles sont constituées par des conventions internationales. Ces sources sont des accords
bilatéraux ou multilatéraux dont l’objet est le plus souvent de régler les problèmes de
compétence ou de la loi applicable aux litiges internationaux ou de faciliter la notification des
jugements ou leur exécution.

De même, la plupart des traités internationaux constituent une source de droit judiciaire dans la
mesure où tous les Etats parties aux traités s’engagent à prendre , en accord avec leurs
procédures constitutionnelles et avec les dispositions desdits traités, les arrangements devant
permettre l’adoption de telles mesures d’ordre législatif ou autres, propres à donner effet aux

14
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

droits reconnus qui ne seraient pas déjà en vigueur dans leurs territoires. Actuellement il faut
noter que le droit judiciaire s’internationalise.

F. CONTENU DU COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES

Ce cours traitera de l’organisation, du fonctionnement et de la compétence de toutes les


juridictions instituées dans notre système juridique interne, il va s’agir des juridictions de
l’ordre judiciaire (les juridictions ordinaires ou de droit commun et les juridictions
spécialisées), les juridictions administratives ainsi que les juridictions des contentieux
constitutionnel et/ou électoral.

Ainsi, comme l’indique son intitulé, ce cours comprend deux parties : la première est
consacrée à l’organisation et au fonctionnement des juridictions.

Dans cette partie, nous allons analyser successivement l’organisation et fonctionnement des
juridictions de l’ordre judiciaire(I), l’organisation et fonctionnement des juridictions de l’ordre
administratif (II) et l’organisation et fonctionnement des juridictions des contentieux
constitutionnel et/ou électoral (III). Tandis que la seconde partie porte sur les compétences
des Cours et tribunaux.

PREMIERE PARTIE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DES


JURIDICTIONS CONGOLAISES

TITRE I : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS DE L’ORDRE JUDICIAIRE

15
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

CHAPITRE PRELIMINAIRE

Les juridictions de l’ordre judiciaire peuvent être subdivisées en deux groupes sur base de
l’étendue de leur compétence matérielle respective. Nous avons d’un côté, les juridictions de
droit commun ou juridictions ordinaires et, de l’autre, les juridictions spécialisées appelées
aussi juridictions d’exception.

Les juridictions de droit commun ou juridictions ordinaires sont celles qui rendent la justice
dans toutes les affaires qui leur sont soumises sans qu’aucun texte ne le leur refuse. Elles
sont normalement compétentes sauf lorsqu’un texte spécial exclut expressément cette
compétence. Elles ont une vocation à tout juger, déduction faite des affaires expressément
dévolues aux juridictions d’exception.

Les juridictions spécialisées ou d’exception sont, par contre, celles dont la compétence
d’attribution est déterminée par un texte précis ; donc, leur compétence est limitée,
formellement et expressément par le législateur, à certaines affaires. Ces juridictions ont
une simple compétence d’attribution et ne connaissent que des affaires qui leur sont été
confiées par un texte précis ; tel est le cas pour les tribunaux de commerce, les tribunaux de
travail et les tribunaux pour enfants.

NB. En pratique, cette distinction est d’une grande importance : 1) concernant l’étendue de la
compétence, les juridictions de droit commun ont une compétence générale tandis que les
juridictions spécialisées ont une compétence restreinte ; 2) la compétence d’exécution des
décisions de justice est réservée aux seules juridictions de droit commun pour une exécution
forcée alors que devant les juridictions spécialisées, il existe beaucoup de difficultés ; 3)
concernant les règles de procédure à suivre, celles-ci sont plus simples et rapides devant les
juridictions spécialisées que celles de droit commun(cfr traité OHADA) ; 4) le juge de droit
commun peut être saisi même des causes dont la compétence a été attribuée, chose qui ne
peut se faire devant les juridictions spécialisées qui ne jouissent pas de la plénitude de
juridiction.

CHAPITRE PREMIER : LES JURIDICTIONS ORDINAIRES OU DE DROIT COMMUN

Nous allons développer successivement dans ce chapitre, le personnel judiciaire, les cours et
tribunaux ainsi que les parquets qui exercent leurs attributions près chaque juridiction.

16
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

SECTION 1 : LE PERSONNEL JURICIAIRE

Les cours, tribunaux et parquets sont animés par un personnel appelé, personnel judiciaire.
L’article 1er de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation,
fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire énumère limitativement
le personnel judiciaire ; il s’agit des : « Magistrats, les agents de la police judiciaire des
parquets, les officiers de police judiciaire et ·les agents de l'ordre judiciaire des Cours,
Tribunaux et Parquets civils et militaires ».

Paragraphe 1 : Les Magistrats

Nous avons parmi les Magistrats, ceux qui exercent leurs fonctions dans les cours et tribunaux
civils et militaires, appelés juges ou Magistrats assis, et ceux qui sont affectés dans les parquets
civils et ou militaires qu’on appelle officiers du Ministère Public ou Magistrats débout.

Sont Magistrats du siège : «Le Premier président, les Présidents et les Conseillers de la Cour
de cassation ; le Premier président, les Présidents et les Conseillers de la Haute Cour militaire
; le Premier président, les Présidents et les Conseillers de la Cour d'appel ; le Premier
président, les Présidents et les Conseillers de la ·Cour militaire et de la Cour militaire
opérationnelle ; le Président et les juges des Tribunaux de grande instance ; le Président et les
juges des Tribunaux de commerce ; le Président et les juges des Tribunaux de travail ; le
Président et les juges des Tribunaux militaires de garnison ; le Président et les juges des
Tribunaux de paix ; le Président et les juges des Tribunaux militaires de police ».

NB. Il y’aura aussi quelques Magistrats qui seront affectés à la Cour Constitutionnelle, au
Conseil d’Etat et à la Cour de comptes. Tous ces Magistrats au différent niveau sont des juges
ou Magistrats assis. Les cours et tribunaux civils ou militaires, ordinaires ou spécialisés sont
animés par différents Magistrats, alors que dans les parquets, nous trouvons les officiers du
Ministère Public.

Sont Magistrats des Parquets : «Le Procureur général, les Premiers Avocats généraux et les
Avocats généraux près la Cour de cassation ; l'Auditeur général des forces armées, les Premiers
Avocats généraux des forces armées et les Avocats généraux des forces armées prés la Haute
Cour militaire ; le Procureur général, les Avocats généraux et les Substituts du procureur
général près les Cours d'Appel ; l'Auditeur militaire supérieur, les Avocats généraux militaires
et les Substituts de l'Auditeur militaire supérieur près les Cours militaires ; le Procureur de la
République, les Premiers substituts et substituts du Procureur de la République près les
Tribunaux de grande instance ; l'Auditeur militaire de garnison, les Premiers substituts et
substituts de l'Auditeur de garnison près les Tribunaux militaires de garnison ».

Nous devons aussi ajouter les chefs des parquets et les Substituts du Procureur de la
République près les tribunaux de Paix ; le Procureur Général, les premiers Avocats généraux
et les Avocats généraux près la Cour constitutionnelle, près le Conseil d’Etat et près la Cour
des comptes.

17
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Les Magistrats sont donc divisés en deux catégories : d’une part, les magistrats du siège ou
juges ou magistrats assis et, d’autre part, les magistrats des parquets ou magistrats débout ou
parquetiers.

Les magistrats assis sont ceux qui siègent dans les cours et tribunaux civils et militaires ; pour
les juridictions civiles, nous allons du juge de paix jusqu’au premier président de la Cour de
cassation ; tandis que pour les juridictions militaires, nous allons du juge du tribunal militaire
de police jusqu’au premier président de la Haute Cour Militaire.

Quant aux magistrats débout, ce sont les officiers du ministère public et se retrouvent dans
tous les parquets du pays ; pour le parquet civil, nous allons du substitut du procureur de la
République jusqu’au procureur général près la Cour constitutionnelle et près le conseil d’Etat ;
tandis que pour les parquets militaires, du substitut de l’auditeur de Garnison jusqu’à
l’auditeur général des forces armées.

Paragraphe 2 : Les autres animateurs de la justice

Dans cette catégorie de personnel judiciaire nous avons : les greffiers, les secrétaires des
parquets, les secrétaires des services de police judiciaire des parquets ainsi que les huissiers
de carrière ou agents de l’ordre judiciaire. Il y a enfin, les officiers de police judiciaire de tous
les secteurs de la police nationale OPJ en sigle, les agents de la police judiciaire des parquets
appelés « inspecteurs judiciaires », IPJ ou APJ.

SECTION 2 : LES JURIDICTIONS

Paragraphe 1 : Notions et catégories

A. Notions

La juridiction dans un premier sens il faut entendre comme le pouvoir de juger ou de rendre
justice. Dans un second sens, la juridiction c’est l’ensemble des tribunaux de même ordre, de
même nature ou de même degré hiérarchique.

B. Catégories des juridictions

L’ordre judiciaire congolais comporte des juridictions de droit commun et des juridictions
spécialisées. Sont juridictions de droit commun : les tribunaux de paix, les tribunaux de grande
instance, les cours d’appel et la cour de cassation ;

Les juridictions spécialisées sont des juridictions ayant une compétence d’attribution
déterminée par la loi, eu égard, soit à la nature de certaines infractions, soit à la qualité des
certaines infractions. Ces juridictions peuvent être regroupées en quatre catégories : les
juridictions militaires, les juridictions pour mineurs, les juridictions de commerce et les
juridictions de travail.

Les juridictions militaires sont : le tribunal militaire de police, le tribunal militaire de garnison,
la cour militaire, la cour militaire opérationnelle ainsi que la haute cour militaire.

18
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Le tribunal pour enfant a été institué par la loi n°09/001 du 10 janvier 2009 portant protection
de l’enfant. Ce tribunal est composé de la chambre de première instance et de la chambre
d’appel (art.84 et 87 de la loi n°09/001 du 10/01/2009).

Les tribunaux de commerce s’occupent du contentieux commercial et économique alors que


les tribunaux de travail traitent de litiges individuel ou collectif de travail.

Paragraphe 2 : Double degré de juridiction

A. Notions

Lorsqu’on parle du double degré de juridiction, on fait allusion à la voie de recours de


réformation qui est l’appel. Ainsi, il y a double degré de juridiction lorsqu’après un premier
jugement, un appel peut être interjeté.

En effet, l’appel permet de rectifier ou de reformer la première décision en redressant les


irrégularités dont celles-ci peut être entachée. Lorsque le premier juge rend sa décision et qu’il
ya appel, celle-ci ne sera plus exécutée. Il faut donc attendre l’issue du recours introduit.

Le fondement de double degré de juridiction est le souci d’une bonne et saine administration
de la justice et non l’idée de hiérarchie judiciaire. Il peut donc y avoir droit d’appel sans
juridiction hiérarchisée. Exemple du Tribunal pour enfant

B. Exceptions à la règle du double degré de juridiction

Nous avons d’abord l’exception qui résulte de la suppression du premier degré de juridiction.
C’est notamment dans l’hypothèse des dossiers concernant les bénéficiaires de privilège de
juridiction de la Cour de cassation (EX : Ministres nationaux et provinciaux, les députés et
sénateurs, les gouverneurs des provinces) ; dans ces cas, la décision de la cour est rendue en
dernier ressort et n’est susceptible d’aucun recours.

La deuxième exception résulte de la suppression du second degré. C’est dans l’hypothèse


d’évocation ou de demande nouvelle. Lorsque le premier juge rend une décision avant dire
droit mais interlocutoire (préjugeant le fond), en cas d’appel de cette décision, le juge du
second degré va évoquer, s’il annule la décision du premier juge pour autre cause que la
saisine irrégulière et l’incompétence. Il va statuer sur le fond de l’affaire et la décision à
intervenir ne sera susceptible d’appel.

C. Caractère du double degré de juridiction

Le double degré de juridiction a un double caractère : celui d’ordre public et celui d’intérêt
privé. Le caractère d’ordre public du droit d’appel a pour conséquence que les parties ne
peuvent pas, par accord préalable, créer un second degré là où le législateur en a supprimé
comme en cas d’évocation.
19
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Le caractère d’ordre privé du double degré de juridiction découle de ce que, pour les
particuliers, ce droit n’a qu’un caractère facultatif. Donc, ce double degré ne constitue pas une
obligation pour une partie d’exercer son droit de recours.

Paragraphe 3 : Question de la collégialité

La collégialité c’est le principe en vertu duquel la justice est rendue par plusieurs magistrats
(un président et un nombre variable de juges ou assesseurs) qui délibèrent leurs décisions à
la majorité absolue des voix. Ce principe s‘oppose à celui du juge unique qui délibère seul ses
décisions.

Le principe de collégialité constitue une garantie d’une bonne administration de la justice, car
avec les trois juges pendant le déroulement du procès, toutes les questions de droit sont
posées et au cours de délibéré, les juges font les débats sur toutes les questions soulevées et
cela rapproche la vérité judiciaire.

Paragraphe 4 : Ressort, composition et fonctionnement de chaque juridiction

A. Le Tribunal de Paix
a. Ressort

Il est institué un tribunal de paix dans chaque territoire, ville ou commune. Toutefois, un seul
tribunal de paix peut couvrir deux ou plusieurs territoires ou communes.

b. Composition et fonctionnement

Chaque tribunal de paix est composé d’un président et des juges. En matière pénale, le tripaix
siège avec trois juges tandis qu’en matière en civile, le tripaix siège à juge unique. Mais dans
tous les cas, il y a le concours du Ministère public et l’assistance du greffier.

c. Les greffiers et les huissiers


Il est rattaché un greffe à chaque tribunal de paix. Les greffiers assistent les juges dans leurs
fonctions de dire le droit. Ils siègent à toutes les audiences et prennent notent de tout ce qui
se passe à l’audience en consignant dans le procès-verbal d’audience ou feuille d’audience.

Le tribunal de paix dispose d’un greffe pénal, d’un greffe civil et d’un greffe d’exécution ainsi
que d’un greffe pour la conservation des archives.

Les huissiers sont chargés du service intérieur du tribunal et de la signification de tous les
exploits (assignation, citation directe, notification de date d’audience).

NB. Avant d’entrer en fonction, toute personne appelée à remplir les fonctions de greffier ou
d’huissier prête serment verbalement devant la juridiction ou par écrit entre les mains du
magistrat qui l’a désignée ou assumée, le serment suivant « je jure de remplir fidèlement et
loyalement les fonctions qui me sont confiées ».

20
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

B. Le Tribunal de Grande Instance


a. Ressort

Il est institué un ou plusieurs tribunaux de grande instance dans chaque ville. Cependant, un
seul tribunal de grande instance peut avoir comme ressort deux ou plusieurs territoires.

b. Composition et fonctionnement

Le tribunal de grande instance est composé d’un président et des juges ; ils siègent au nombre
de trois. Il ressort de l’article 16 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 qu’en toutes
matières pénale et civile, le tribunal de grande instance siège à trois juges. Le tribunal de
grande instance siège avec le concours du Ministère public et l’assistance du greffier.

c. Les greffiers et les huissiers


Il y a un greffe rattaché à chaque tribunal de grande instance. On y trouve un greffe civil, un
greffe pénal, un greffe des affaires coutumières, placés sous l’autorité du greffier
divisionnaire, assisté d’un ou plusieurs greffiers adjoints. Il y a aussi un greffe d’exécution ainsi
que d’un greffe pour la conservation des archives.

Les huissiers près le tribunal de grande instance jouent les mêmes rôles que ceux des
tribunaux de paix. Ils prêtent le même serment que ceux prêtés par les greffiers et les huissiers
des tribunaux de paix, avant d’entrer en fonction.

C. La Cour d’Appel
a. Ressort

Il est institué une Cour d’appel dans chaque province et la ville de Kinshasa dispose de deux
Cours d’appel : Cour d’appel de Kin/Gombe et la Cour d’appel de Kin/Matete.

La cour d’appel siège au nombre de trois membres pour toutes les affaires sauf lorsqu’il s’agit
des infractions au statut de Rome de la compétence de la Cour pénale internationale,
notamment, les infractions de génocide, le crime contre l’humanité et le crime de guerre. Dans
ces cas, elle siège au nombre de cinq membres.

b. Composition et fonctionnement

La cour d’appel est composée d’un premier président, d’un ou plusieurs présidents et des
conseillers. En cas d’absence ou d’empêchement, le premier président est remplacé d’après
l’ordre de nomination par le président le plus ancien et ce dernier, parle conseiller le plus
ancien.

Le premier président est chargé de la répartition de service. La Cour d’appel siège avec
l’assistance du greffier et le concours du ministère public.

c. Les greffiers et les huissiers

21
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Il existe un greffe rattaché à chaque cour d’appel ; on y trouve un greffe civil, un greffe pénal
et un greffe administratif dirigés par un greffier principal assisté d’un ou plusieurs greffiers
adjoints. Il y a également un greffe d’exécution ainsi que celui de la conservation des archives.

Les huissiers rattachés à la Cour d’appel remplissent les mêmes fonctions que ceux rattachés
au tribunal de grande instance. Ils sont chargés des mêmes taches que ceux des tribunaux de
paix. Ils prêtent le même serment que les autres avant d’entrer en fonction.

D. La Cour de Cassation
a. Ressort

Il est institué une Cour de cassation dont le ressort s’étend sur l’ensemble du territoire
national. Les cours et tribunaux civils et militaires de l’ordre judiciaire sont placés sous son
contrôle ; c’est-à-dire que toutes les décisions rendues en dernier ressort par les cours et
tribunaux ne peuvent être entreprises par le pourvoi en cassation que devant cette Cour.

b. Composition et fonctionnement

La cour de cassation comprend premier président, des présidents et des conseillers. Le


premier président est chargé de l’administration de la cour et fixe par ordonnance son
règlement intérieur. Il est aussi assisté d’un cabinet dont le personnel est choisi par lui. En cas
d’absence ou d’empêchement, le premier président est remplacé d’après l’ordre de
nomination par le président le plus ancien et ce dernier, parle conseiller le plus ancien.

c. Les greffiers et les huissiers


Il existe un greffe rattaché à la cour de cassation lequel comprend un greffe civil, un greffe
pénal, un greffe de législation placés sous la direction d’un greffier en chef assisté d’un ou de
plusieurs greffiers adjoints. Il y a également un greffe d’exécution et celui de la conservation
des archives.

Les huissiers rattachés à la Cour de cassation remplissent les mêmes fonctions que ceux
rattachés à la cour d’appel. Ils sont chargés des mêmes taches que ceux des juridictions
inférieures. Ils prêtent le même serment que les autres huissiers avant d’entrer en fonction.

d. Des formations de la Cour de cassation


La Cour de cassation comprend trois formations en son sein à savoir : 1) les chambres ; 2) les
chambres restreintes ; et les chambres réunies.

1. Les Chambres : Il y a quatre chambres à la Cour de cassation,


notamment : la chambre des pourvois en cassation en matière civile ; la chambre des
pourvois en cassation en matière commerciale (avec le traité de l’OHADA, ces matières
relèvent de la compétence de la Cour commune de justice et d’arbitrage) ; la chambre des
pourvois en cassation en matière sociale ; et la chambre des pourvois en cassation en

22
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

matière pénale. NB. Chaque chambre siège au nombre de cinq membres et présidée par son
président. Néanmoins, le premier président peut présider toutes les chambres.
2. Les chambres restreintes : chacune des chambres de la Cour de
cassation comprend une formation restreinte composée de trois juges et celle-ci a pour
compétence de statuer sur les pourvois manifestement irrecevables ou lorsque la cause ne
relève pas de la compétence de la Cour de cassation. Voir les arrêts de donné acte.
3. Les chambres réunies : la Cour de cassation, chambres réunies,
comprend tous les présidents des chambres ainsi que les conseillers les plus anciens de chaque
chambre. Les chambres réunies siègent au nombre de sept juges au moins et, elles siègent au
nombre impair. Là il s’agit de statuer sur les pourvois relatifs aux : questions de principe ; des
matières complexes ; pourvois soumis à la Cour de cassation lorsque le juge de renvoi ne s’est
pas conformé au droit ; des pourvois introduits après cassation ; des pourvois du procureur
général introduits sur injonction du Ministre de la justice ; des pourvois du procureur général
introduits dans le seul intérêt de la loi ; des pourvois introduits par le procureur général ou un
président de chambre ; des pourvois introduits pour la 2e fois après cassation entre parties ;
des renvois ordonnés après cassation ; des cas de revirement de jurisprudence de la Cour ; au
fond en premier et dernier ressort des infractions commises par les bénéficiaires de privilège
de juridiction de la Cour de cassation(Députés Nationaux).

Paragraphe 5 : Les audiences, le délibéré et le prononcé des décisions judiciaires

Les audiences des cours et tribunaux se tiennent à leur siège ordinaire. Le TGI Lubumbashi
tient ses audiences au croisement des avenues Tabora/Lomami au palais de justice, dans la
commune de Lubumbashi. Cependant, les cours et tribunaux peuvent siéger en audience
foraine en dehors de leur siège ordinaire dans toutes les localités de leurs ressorts respectifs.

Lorsque les juges instruisent une affaire et qu’ils s’estiment suffisamment éclairés, ils closent
les débats et prennent cette affaire en délibéré. A ce moment, les juges ne peuvent plus
recevoir aucune communication des parties sauf s’il s’agit d’une requête en réouverture des
débats ou des notes de plaidoirie via le greffe.

Les délibérés se déroulent de façon secrète. Seuls les juges qui ont siégé participent au
délibéré. Ils ne peuvent recevoir d’injonction de la part d’aucune autorité tant judiciaire que
politique.

Le prononcé intervient au plus tard dans les trente jours en matière civile, commerciale ou
sociale et dans les dix jours en matière pénale répressive. Cependant, ce délai de prononcé ne
peut être prolongé que de 15 jours pour les matières civiles, commerciales ou sociales et de 5
jours pour les matières pénales et cela, à la demande de la seule chambre saisie de l’affaire.

Paragraphe 6 : L’impartialité des membres des cours et tribunaux

23
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

La justice doit être rendue par des gens qui sont intègres et impartiaux pour que la population
ait confiance en elle. Si les injustices se commettent, cela pourra pousser la population à
recourir à la vengeance privée. C’est pourquoi, en vue de garantir l’administration d’une
bonne et saine justice, le législateur a prévu la procédure de récusation et de déport d’un
juge. Il en a de même de la suspicion légitime.

La récusation c’est la procédure par laquelle une partie au procès demande qu’un membre de
la composition s’abstient de siéger dans sa cause, parce qu’il y a de raisons de suspecter sa
partialité à son égard. Lire article 49 de la loi n°13/011-B.

De même, le juge qui se trouve dans l’une des hypothèses énumérées à l’article 49 susdit,
peut se déporter, en informant le président de la juridiction. S’il ne le fait pas, il peut encourir
des sanctions disciplinaires.

La suspicion légitime quant à elle vise la juridiction (cours et tribunaux) alors que la récusation
vise l’individu déterminé. Lire les articles 60 à 62 de la loi organique n°13 /011-B. Donc, la
suspicion légitime c’est le fait pour une des parties au procès de considérer tout le tribunal ou
toute la cour comme suspect de ne plus avoir confiance en tous les juges qui siègent dans une
affaire.

CHAPITRE DEUXIEME : LES JURIDICTIONS SPECIALISEES

SECTION LIMINAIRE : NOTION ET CATEGORIES

On parle des juridictions spécialisées, celles ayant une compétence d’attribution déterminée
par la loi, eu égard, soit à la nature de certaines infractions, soit à la qualité de certains
délinquants. Les juridictions spécialisées ou d’exception peuvent être regroupées en quatre
catégories : les juridictions militaires ; les tribunaux de commerce ; les tribunaux de travail
ainsi que les tribunaux pour enfants.

Ainsi donc, les juridictions spécialisées ou d’exception ont une compétence d’attribution et ne
connaissent que des affaires qui leur ont été confiées par un texte précis.

SECTION 1 : LES JURIDICITIONS MILITAIRES

Paragraphe 1 : Le personnel judiciaire militaire

Le personnel judiciaire militaire comprend les magistrats, les agents de l’ordre judiciaire et les
agents de la police judiciaire des auditorats militaires.

A. Les Magistrats du siège

Sont magistrats du siège le premier président, les présidents et les conseillers de la Haute Cour
militaire ; le premier président, les présidents et les conseillers de la Cour militaire supérieure ;
le premier président, les présidents et les conseillers de la Cour militaire opérationnelle (NB.
La Cour militaire opérationnelle est une juridiction établie uniquement pendant la guerre
24
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

ou l’Etat de siège dans une région troublée) ; les présidents et les juges des tribunaux
militaires de garnison ; les présidents et les juges des tribunaux militaires de police.

B. Les Magistrats Militaires du Ministère public ou des parquets Militaires

Sont magistrats militaires du Ministère public : l'Auditeur général des forces armées, les
Premiers Avocats généraux et les Avocats généraux des forces armées ; les Auditeurs militaires
supérieurs, les Avocats généraux militaires et les Substituts des Auditeurs militaires supérieurs
près les Cours militaires ; les Auditeurs militaires, les premiers substituts et substituts des
Auditeurs militaires près les Tribunaux militaires de garnison ».( Les tribunaux de police sont
supprimés par la loi organique n°13/011-B).

C. Les autres membres du personnel judiciaire militaire

Sont agents de l’ordre judiciaire militaire : les greffiers et les huissiers ; les inspecteurs
pénitentiaires et les secrétaires. Tandis que la police judiciaire des auditorats militaires
comprend : l’inspecteur judiciaire général et les autres inspecteurs ; les agents de police
judiciaire.

Paragraphe 2 : Les Cours et Tribunaux militaires

Les Cours et Tribunaux militaires sont constitués de : la Haute Cour militaire ; les cours
militaires supérieures et les cours militaires opérationnelles ; les tribunaux militaires de
garnison et les tribunaux militaire de police.

A. La Haute Cour militaire


1. Ressort

La Haute Cour militaire est la plus haute juridiction militaire à l’instar de la Cour de cassation,
en droit commun. Son siège ordinaire est basé à Kinshasa. Dans les circonstances
exceptionnelles, le siège de la Haute Cour militaire peut être fixé en un autre lieu, par le
président de la République. En temps de guerre, la Haute cour militaire tient les chambres
foraines en zones opérationnelles.

2. Composition

La Haute Cour militaire est composée d’un premier président, d’un ou plusieurs présidents et
des conseillers. Elle siège au nombre de cinq membres, tous officiers généraux ou supérieurs,
dont deux magistrats de carrière et avec le concours du ministère public et l’assistance du
greffier. Lorsqu’elle siège en appel, la haute cour militaire est composée de cinq membres
dont trois magistrats de carrière.

B. Les Cours militaires


1. Ressort

La Cour militaire est établie au chef-lieu de la province, dans la localité où se trouve le quartier
général de la région militaire ou dans tout autre lieu fixé par le président de la République.

25
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Dans les circonstances exceptionnelles, le siège de la Cour militaire peut être fixé en tout autre
lieu du ressort, par arrêté du ministre de la défense.

2. Composition et fonctionnement

La Cour militaire est composée d’un premier président, d’un ou plusieurs présidents et des
conseillers. En cas d’absence ou d’empêchement, le premier président est remplacé par le
président le plus ancien ou, à défaut, par un conseiller le plus ancien. Il est en ainsi du
président à l’égard des conseillers.

La Cour militaire siège au nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs au moins, dont
deux sont magistrats de carrière, et c’est avec le concours du ministère public et l’assistance
de greffier. Elle présidée par un officier général ou par un officier supérieur, magistrat de
carrière.

En cas de nécessité, le premier président de la Cour militaire peut requérir les services d’un
magistrat civil, en vue de compléter le siège.

C. Les Cours militaires opérationnelles


1. Ressort

En cas de guerre ou toutes autres circonstances exceptionnelles de nature à mettre en péril la


vie de la nation, notamment, les menaces de guerre, de rébellion ou d’insurrection armée, il
est établi dans les zones d’opération de guerre, des Cours militaires opérationnelles qui
accompagnent les fractions de l’armée en opération.

2. Composition et fonctionnement

La Cour militaire opérationnelle est composée de même manière que les cours militaires et
siège au nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs au moins, dont un est magistrat
de carrière. Elle siège avec le concours du ministère public et l’assistance de greffier.

D. Les Tribunaux militaires de garnison


1. Ressort

Le tribunal militaire de garnison est établi dans le ressort d’un district, d’une ville, d’une
garnison ou d’une base militaire. Le siège ordinaire est fixé au chef-lieu du district, dans la
ville où est situé l’état-major ou dans un lieu fixé par le président de la République.

2. Composition et fonctionnement

Le tribunal militaire de garnison est composé d’un président et des juges ; ils siègent au
nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs ou subalternes, dont au moins un
magistrat de carrière et c’est avec le concours du Ministère public et l’assistance du greffier.

26
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

E. Les Tribunaux militaires de Police


1. Ressort

Il est établi un ou plusieurs tribunaux militaires de police dans le ressort d’un tribunal militaire
de garnison.

2. Composition et fonctionnement

Le tribunal de police est composé d’un président et des magistrats militaires. Il siège au
nombre de trois juges, dont un magistrat de carrière avec le concours du Ministère public et
l’assistance du greffier.

NB. Le premier président de la Cour militaire du ressort peut désigner un magistrat du tribunal
militaire de garnison pour siéger au tribunal militaire de police en vue de compléter le siège.

Paragraphe 3 : Les Auxiliaires de la justice Militaire

Dans ce paragraphe il faut retenir que parmi les auxiliaires nous trouvons, les greffes militaires,
les secrétaires des auditorats militaires et les agents de police judiciaire militaire ainsi que les
défenseurs judiciaires.

SECTION 1 : LES TRIBUNAUX POUR ENFANTS, LES TRIBUNAUX DE COMMERCE ET LES


TRIBUNAUX DE TRAVAIL

Paragraphe 1 : Les tribunaux pour enfants

Les tribunaux pour enfants ont été créés par la loi n°09/001 du 10 Janvier 2009 portant
protection de l’enfant. Avant cette loi, ce sont les tribunaux de paix qui jouaient ce rôle. Même
actuellement, là où les tribunaux pour enfants ne sont pas installés, ce sont les tribunaux de
paix qui remplissent cette fonction.

Aux termes de la loi portant protection de l’enfant, est enfant toute personne âgée de moins
de 18 ans.

A. Composition et fonctionnement

Le tribunal pour enfants est composé de la chambre de première instance et de la chambre


d’appel. Les deux chambres sont indépendantes l’une de l’autre quant à leur fonctionnement.

Le tribunal pour enfants est composé d’un président et des juges. Le président est chargé de
la répartition des charges. Et la chambre d’appel siège à trois juges. La chambre de première
instance et celle d’appel siègent avec le concours du ministère public près le TGI et l’assistance
d’un greffier.

Le tribunal pour enfants est doté d’au moins un assistant social affecté par les services
provinciaux ayant les affaires sociales dans leurs attributions. Du point de vue horizontal, le
tribunal pour enfants a le rang d’un tribunal de grande instance.

Paragraphe 2 : Les tribunaux de commerce


27
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Les tribunaux de commerce ont été créés par la loi n°002/2001 du 03 Juillet 2001 portant leur
création, organisation et fonctionnement. Le tribunal de commerce statue au premier degré
et, est composé des juges permanents qui sont des magistrats de carrière et des juges
consulaires.

Le tribunal de commerce siège au nombre de trois juges dont un permanent et deux


consulaires. Son siège et son ressort sont ceux du tribunal de grande instance.

A. Composition et fonctionnement

Le tribunal de commerce est composé d’un président et des juges. Il compte à son sein au
moins deux chambres mais pas comme celles du tribunal pour enfants. Toutes ces chambres
siègent au premier degré : la chambre pénale et la chambre civile. La chambre pénale s’occupe
de toutes les infractions en matières économiques et commerciale ; la chambre civile dite
civile s’occupe, elle, des affaires commerciales et économiques.

L’appel contre les décisions du tribunal de commerce est porté devant la Cour d’appel.
Toutefois, comme les tribunaux de commerce appliquent le traité de l’OHADA et les
dispositions des textes congolais qui ne sont pas contraires à ce traité.

Il n’y a pas un parquet approprié près le tribunal de commerce. C’est le procureur de la


République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve un tribunal de
commerce qui y exerce les fonctions du Ministère public. Ce tribunal comporte un greffe et
un huissariat comme ceux du tribunal de grande instance et donc, le tricom a rang du tribunal
de grande instance.

Paragraphe 3 : Les tribunaux de travail

Les tribunaux de travail ont été créés par la loi n°016/2002 du 16 octobre 2002 portant leur
création, organisation et fonctionnement. IL est établi dans le ressort de chaque tribunal de
grande instance et a, le même rang que celui-ci.

A. Composition et fonctionnement

Le tribunal de travail est composé d’un président, des juges et des juges assesseurs. Il siège
au nombre de trois juges : un président, magistrat de carrière et deux juges dont l’un
représente les employeurs et l’autre, les travailleurs. Il siège avec le concours du ministère
public et l’assistance du greffier.

Le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se


trouve le tribunal de travail exerce les fonctions du Ministère public près cette dernière
juridiction.

Les dispositions communes aux cours et tribunaux portant sur le greffe et l’huissariat, les
services de l’ordre intérieur et les itinérances, les délibérés telles que vues plus haut, sont
mutatis mutandis, applicables aux tribunaux de travail. Toutefois, les dispositions relatives à

28
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

la récusation et au déport ne sont pas applicables aux juges assesseurs des tribunaux de
travail.

TITRE II : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS DE L’ORDRE


ADMINISTRATIF

La constitution du 18 février 2006 telle modifiée à ce jour a prévu des juridictions de l’ordre
administratif, en l’occurrence, les tribunaux administratifs, les Cours administratives d’appel
ainsi que le Conseil d’Etat (article 154 Constitution).

29
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

L’ordre administratif désigne l’ensemble des juridictions compétentes à connaitre du


contentieux administratif. Il se charge du contrôle des actes pris par les autorités
administratives et assure, à ce titre, le contrôle juridictionnel de l’administration. Et donc, les
juridictions de l’ordre administratif sont compétentes pour connaitre des recours pour excès
de pouvoir contre les actes ou décisions pris par les autorités investies d’un pouvoir
administratif, qu’il s’agisse des autorités administratives du pouvoir central, des autorités
provinciales ou locales.

CHAPITRE PREMIER : LE CONSEIL D’ETAT

Le Conseil d’Etat est la plus haute juridiction de l’ordre administratif ; elle contrôle les cours
et tribunaux de cet ordre et connait des recours contre les décisions rendues par les
juridictions placées sous son autorité.

De l’Etat indépendant du Congo à ce jour, les juridictions administratives, en général, et le


Conseil d’Etat, en particulier, ont connu une évolution considérable. Le Conseil d’Etat a son
siège ordinaire à Kinshasa, mais peut, en cas de nécessité, être installé en tout autre lieu du
territoire national. Son ressort s’étend sur toute l’étendue du territoire national.

Section 1 : Composition et organisation

Le Conseil d’Etat comprend un premier président, des présidents et des conseillers. A ceux-là
s’ajoutent les conseillers référendaires qui peuvent y être affectés par le Conseil supérieur de
la magistrature et qui ont pour tâche, d’assister les magistrats du conseil d’Etat dans
l’accomplissement de leurs missions.

Le Conseil d’Etat comprend, en outre, une section consultative et une section du contentieux.
Chacune de sections est à son tour subdivisée en chambres. La section consultative comprend
trois chambres : la chambre d’avis qui connait des demandes d’avis consultatifs ; la chambre
d’interprétation qui donne des avis sur l’interprétation des textes autres que la constitution ;
la chambre d’études et d’inspection permanente des juridictions administratives qui est
chargée du contrôle des juridictions inférieures de l’ordre administratif.

La section du contentieux comprend six chambres ayant chacune des matières précises
qu’elle doit traiter : nous avons entre autres : la chambre de l’administration
générale (chargée du contentieux de l’organisation administrative, de la décentralisation et
de la déconcentration, des organes publics, des contrats administratifs, de l’indemnité et des
dommages) ; la chambre des finances publiques et fiscalité (chargée du contentieux fiscal,
des finances publiques locales, des marchés et travaux publics) ; la chambre des affaires
sociales et pensions (chargée des conflits de travail des agents publics et fonctionnaires, des
retraites, des pensions, des rémunérations et des avantages sociaux) ; la chambre des
élections, des partis et regroupements politiques et organismes professionnels (chargée du
contentieux électoral ; de l’organisation des partis politiques et des organismes
professionnels ) ; la chambre des matières économiques (chargée de la régulation des

30
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

secteurs économiques et techniques, de la concurrence) ; la chambre chargée de toutes les


matières non attribuées à d’autres chambres.

Section 2 : Bureau du Conseil d’Etat

Il est institué un Bureau au sein du Conseil d’Etat. Cet organe de réflexion et de décision mis à
la disposition du premier président et du procureur général près le conseil d’Etat pour la
gestion harmonieuse de celui-ci et des juridictions administratives. Le Bureau du Conseil d’Etat
n’a pas de compétence juridictionnelle. Il est chargé d’établir à la fin de chaque année, un
rapport complet des activités du Conseil d’Etat et des juridictions administratives.

Section 3 : Compétence du Conseil d’Etat

La section consultative du Conseil d’Etat est compétente pour donner un avis motivé sur la
régularité juridique de tout projet et de toute proposition de loi, d’ordonnance-loi,
d’ordonnance, de décret et d’arrêté. Elle examine les amendements à ces projets et les
propositions lui soumise par les autorités administratives.

La section du contentieux est le juge suprême de toutes les affaires qui relèvent de la
compétence des sections contentieuses des juridictions inférieures au Conseil d’Etat. Elle
connait, en premier et dernier ressort, des recours pour violation de la loi formés contre les
actes, les règlements et décisions des autorités administratives.

CHAPITRE DEUXIEME : LES COURS ADMINISTRATIVES D’APPEL

La Cour administrative d’appel est la juridiction immédiatement supérieure au tribunal


administratif d’instance. Dans chaque province et dans la ville de Kinshasa, il est prévu la
création d’une ou de plusieurs Cours administratives d’appel. Mais cependant, la loi portant
leur organisation et fonctionnement n’a pas encore été élaborée.

De l’Etat indépendant du Congo à ce jour, les juridictions administratives, en général, et le


Conseil d’Etat, en particulier, ont connu une évolution considérable. Le Conseil d’Etat a son
siège ordinaire à Kinshasa, mais peut, en cas de nécessité, être installé en tout autre lieu du
territoire national. Son ressort s’étend sur toute l’étendue du territoire national.

Section 1 : Composition et organisation

La Cour administrative d’appel est composée du premier président, d’un ou de plusieurs


présidents et des conseillers. Sur le plan structurel, la cour comprend deux sections : une
section consultative et une section contentieuse et chacune est subdivisée en plusieurs
chambre.

31
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

La composition du siège de la cour est collégiale. Le nombre de membres siégeant est toujours
impair lorsqu’il s’agit d’une matière contentieuse : trois au niveau de la chambre, cinq au
niveau de la section et sept au moins pour toutes les sections réunies. Les concours du
ministère public et l’assistance du greffier sont obligatoires pour la tenue des audiences.

Section 2 : La Compétence

Les compétences dévolues à la Cour administrative d’appel sont de plusieurs ordres. Il y a,


d’abord, celles qui exclusives à la chambre consultative ; ensuite, celles qui sont attribuées à
la chambre contentieuse ; et, enfin, celles qui sont communes à toutes les deux sections
réunies.

La section consultative de la Cour administrative d’appel est compétente pour donner des avis
sur les projets d’actes législatifs et règlementaires émanant des assemblées et gouvernement
provinciaux. Ces avis consultatifs et facultatifs sont également requis pour tout projet
d’amendement des textes législatifs et réglementaires. Donc, cette section attire l’attention
des pouvoirs publics provinciaux sur les reformes qui paraissent nécessaires pour l’intérêt
général.

La section du contentieux est compétence pour connaitre, au second degré, de l’appel des
jugements et ordonnances rendus par les tribunaux administratifs d’instance. Au premier
degré, elle connait des recours en annulation des actes, des règlements, et des décisions des
autorités administratives provinciales ou des organes publics placés sous leur autorité lorsque
ces actes violent la loi. Ex : le contentieux relatif aux élections provinciales relève, au premier
degré, de la compétence de la cour administrative.

CHAPITRE TROISIEME : LES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS

Le tribunal administratif est le premier échelon des juridictions de l’ordre administratif. C’est
le tribunal de première instance en matière administrative. Il en est créé un ou plusieurs dans
chaque ville et dans chaque territoire avec possibilité d’en créer un seul pour deux ou plusieurs
territoires selon le besoin. Ces tribunaux vont fonctionner dans le ressort des tribunaux de
grande instance et une loi va fixer leurs organisation et fonctionnement.

Section 1 : Composition et organisation

Le tribunal administratif est composé d’un président et des juges. En matière contentieuse, le
tribunal siège au nombre de trois juges au moins. Ce nombre peut être augmenté de cinq
lorsque le tribunal le juge nécessaire ou que la matière à examiner est délicate et importante.
Dans ce cas, c’est le chef de la juridiction qui préside l’audience.

Comme pour la juridiction de l’ordre judiciaire, il est accordé au président de la juridiction la


possibilité d’assumer, au titre de juge assesseur, sur réquisition motivée du procureur de la
République, un magistrat du parquet près ce tribunal ou un avocat exerçant au moins depuis
cinq ans et justifiant d’une expérience en matière administrative.

32
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

En matière consultative, le tribunal administratif siège en plénière mixte, c’est-à-dire avec les
deux chambres qui le composent, à savoir la chambre consultative et la chambre du
contentieux. Le tribunal siège toujours avec le concours du ministère public et l’assistance du
greffier.

Section 2 : La Compétence

Le tribunal administratif organise sa compétence comme suite : La première chambre est


habilitée à donner des avis qui sont purement consultatifs et, par conséquent, facultatifs sur
les projets d’actes réglementaires des autorités de la ville, des communes, des chefferies, des
secteurs, des territoires, des regroupements et des quartiers.

Lorsque se pose une difficulté d’interprétation de texte devant une juridiction ou devant une
autorité administrative, la chambre consultative peut donner son avis. Elle a aussi le devoir
d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur les réformes nécessaires pour l’intérêt général.

La deuxième chambre, celle du contentieux, est compétence pour trancher les contentieux
administratifs nés des actes, des décisions et règlements des autorités de la ville, des
communes, des chefferies, des secteurs, des territoires, des regroupements et des quartiers
ainsi que des établissements publics rattachés à ces entités.

Les actes pouvant être attaqués devant cette chambre doivent concerner les marchés ou
travaux publics, l’expropriation pour cause d’utilité publique, les réquisitions, l’organisation et
le fonctionnement des entités précitées. Dans d’autres cas, le tribunal administratif connait
des contentieux qui relèvent exclusivement des élections urbaines, communales et locales, du
contentieux fiscal et de tout autre contentieux dont la compétence n’est pas attribuée à une
autre juridiction administrative. NB. La compétence territoriale des tribunaux administratifs
est d’ordre public. Le respect de ce principe permet d’éviter les conflits d’attribution et la
litispendance.

CHAPITRE QUATRIEME : LA COUR DES COMPTES

La gestion des finances publiques est l’une des activités les plus délicates en matière
économique et financière. La mise sur pied de structures efficaces et permanentes chargées
de leur contrôle de gestion s’avère par conséquent nécessaire. Ce contrôle qui porte sur les
modalités d’exécution des comptes de l’Etat, se présente comme une garantie pour pallier à
toute tentative de détournement et empêcher toute forme de mégestion des derniers publics.

La cour des comptes a reçu les pouvoirs de contrôle sur les fonds de l’Etat. Elle est une
juridiction spécialisée instituée à cette fin. Ce contrôle porte essentiellement, d’une part, sur
l’exactitude, la légalité et la régularité pour les opérations budgétaires et comptables et,
d’autre part, sur l’efficacité, l’efficience et l’économie pour les opérations de la gestion des
entreprises publiques.

Section 1 : Historique de la Cour des comptes

33
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

L’existence de la Cour des comptes en RDC remonte à la période coloniale. L’article 13 de la


charte coloniale du 18 octobre 1908 soumettait les finances publiques de la colonie du Congo
belge à la vérification de la Cour des comptes de Belgique. A l’accession du pays à la
souveraineté nationale et internationale, la loi fondamentale du 19 mai 1960 relative aux
structures du Congo confirma la création d’une Cour des comptes et son article 243 dispose
que : « en attendant la mise en place de la Cour des comptes et son organisation sur le plan
des finances resteront soumises à la vérification de la Cour des comptes de Belgique, du moins
pour l’exercice budgétaire de 1960 ».

Le coup d’Etat du 24 novembre 1965 avait entrainé la dissolution de la Cour des comptes. Mais
après plusieurs révisions constitutionnelles, la Cour des comptes a été reconduite par la
constitution du 24 juin 1967 à son article 75 al.1 à 3. Il est institué dans la République une Cour
des comptes dont la composition, l’organisation et le fonctionnement sont réglés par la loi.

La loi organique n°16/027 du 15 octobre 2016 portant organisation, fonctionnement et


compétence des juridictions de l’ordre administratif classe la Cour des comptes dans l’ordre
administratif en tant qu’une juridiction spécialisée.

Section 2 : Nature de la Cour des comptes

La dimension juridictionnelle de la Cour des comptes pose de nombreuses questions non


encore résolues par la loi. Il s’agit d’une controverse autour de sa nature juridique : organe
du pouvoir législatif et juridiction spécialisée de l’ordre administratif. Donc ; cette Cour
n’appartient pas aux juridictions de l’ordre judiciaire.

Section 3 : Le personnel au sein des juridictions administratives

Au sein des juridictions administratives, on distingue deux catégories de personnel : les


magistrats, d’un côté ; les agents de greffe et du secrétariat des parquets ainsi que les huissiers
de l’autre.

Section 4 : Les axes de réformes de la Cour des comptes

L’obsolescence de la législation sur la Cour des comptes impose un constat sur son caractère
suranné au regard de l’ordre institutionnel actuel. La réforme à cette problématique passera
par l’actualisation des mécanismes ainsi que des procédures afin de retrouver indispensable
le contrôle efficace des comptes publics.

Les axes de la réforme concernant l’organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes


sont entre autre : son adaptation à la forme de l’Etat ainsi que les exigences du procès
équitable. Ainsi, la Cour des comptes a pour organes le Conseil supérieur de la Cour des
comptes et les formations de la Cour des comptes composées de l’assemblée générale, du
bureau, la chambre de conseil et le secrétariat. Pour ce qui est du Conseil supérieur de la
Cour des comptes, il s’agit de l’organe de gestion de la carrière des magistrats de la Cour des

34
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

comptes. Sa création renforce le caractère hybride de cette juridiction et permet de constater


que cet organe joue le même rôle que le CSM.

Le Conseil supérieur de la Cour des comptes comprend deux catégories des membres, à savoir
les membres de droit et les membres non permanents. Les membres de droit sont le premier
président, le procureur général, les présidents d chambres et le rapporteur général. Tandis
que les membres non permanents sont : ceux qui proviennent de la catégorie des conseillers
maitres, des conseillers référendaires et des conseillers ; ceux du Parquet Général (deux
magistrats du Parquet Général élus).

TITRE III : LE PARQUET OU MINISTERE PUBLIC

Les institutions judiciaires sont animées par un personnel composé principalement des
magistrats avec le concours des greffiers, des huissiers et les secrétariats. Le terme magistrat
désigne toute personne appartenant au corps judiciaire à titre professionnel et investie du

35
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

pouvoir de rendre la justice (pour le magistrat du siège) ou de la requérir au nom de l’Etat


(pour le magistrat du parquet).

Cette définition du terme magistrat fait ressortir deux catégories : les magistrats assis,
autrement appelés juges, qui exercent leur profession au sein des cours et tribunaux civils ou
militaires, et les magistrats débout, appelés aussi Procureur ou Ministère public, qui exercent
leur profession au sein des parquets civils ou militaires.

CHAPITRE PREMIER : NOTION, ORGANISATION ET CARACTERES DU MINISTERE PUBLIC

Section 1 : Notion du Ministère public

Le Ministère public est un ensemble des magistrats de carrière qui sont chargés, devant
certaines juridictions, de requérir l’application de la loi et veille aux intérêts généraux de la
société. Ainsi donc, le Ministère public c’est la catégorie des magistrats de carrière chargés
d’assurer la défense des intérêts de toute la société et de l’ordre public en veillant à ce que la
loi soit appliquée de manière égale à tous.

Généralement, le magistrat du parquet ou ministère public a pour mission de rechercher les


infractions lesquelles perturbent l’ordre public ; d’arrêter les auteurs et de les traduire devant
les cours et tribunaux en exerçant l’action publique afin de solliciter l’application des sanctions
prévues par le législateur.

Paragraphe 1 : Ministère public : institution ou membre de l’institution

Le Ministère public désigne à la fois l’institution et les membres qui composent cette
institution que sont les magistrats.

Le Ministère public en tant membre de l’institution est aussi appelé « magistrat du parquet,
organe de la loi, magistrat débout » étant donné que premièrement, c’est ici où se situe son
cabinet de travail. En sus, cela provient du fait que les magistrats du ministère public se lèvent
pendant l’audience lorsqu’il s’adresse au juge pour donner son avis en matière civile ou
requérir la condamnation en matière pénale.

L’expression « magistrat débout » s’oppose à celle dite de « magistrat assis » laquelle qui
désigne les juges. Ces derniers sont appelés ainsi parce qu’ils restent assis durant les
audiences ; c’est eux qui tiennent la police d’audience nonobstant le pouvoir du ministère
public de veiller au maintien de l’ordre public dans les cours et tribunaux.

Section 2 : Organisation du Ministère public

Près chaque juridiction, est rattaché un parquet qui exerce les fonctions du ministère public.

Paragraphe 1 : Ministère public près les juridictions ordinaires ou de droit commun

36
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Les juridictions ordinaires ou de droit commun sont, tel que souligné plus haut, des juridictions
normalement compétentes pour trancher tout litige, sauf lorsqu’un texte spécial exclut
expressément cette compétence. Elles ont donc une vocation de principe à tout juger,
déduction faites des affaires expressément dévolues aux juridictions spécialisées.

Les cours et tribunaux congolais de droit commun sont compétents pour connaitre de toute
infraction commise sur le territoire de la République, excepté les infractions militaires ou
celles commises par les enfants en conflit avec la loi ou encore les infractions économiques et
commerciales.

Près chaque juridiction de droit commun, il est institué un ministère public de manière à
exercer pleinement, en matière pénale, l’action publique afin d’en réclamer la punition contre
les auteurs des infractions. En matière de droit privé ou civile, c’est le même ministère public
qui peut agir soit par voie d’action principale dans l’intérêt de toute personne physique lésée
qui serait inapte à ester en justice, à assurer sa défense et y pourvoir ; soit par voie d’avis car,
sa présence étant obligatoire aux audiences des cours et tribunaux, il est tenu, de donner son
avis à chaque dossier examiné et instruit par le juge.

A. Le Ministère Public près la Cour de Cassation


Près la Cour de Cassation, il y est institué un parquet, appelé parquet général, composé d’un
procureur général assisté d’un ou plusieurs premiers avocats généraux et d’un ou plusieurs
avocats généraux. Le procureur général et ses adjoints exercent près la Cour de cassation les
fonctions du ministère public.
Il faut noter qu’avant la réforme judiciaire de 1982, la plénitude de l’action publique
appartenait au procureur général de la République près la Cour suprême de justice sur toute
l’étendue du territoire de la République ; mais à partir du 31 mars 1982, cette plénitude de
l’action publique était revenue aux procureurs généraux établis près chaque Cour d’appel. Il
en est de même dans l’actuelle loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant
organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire dans son
article 77.
Cependant, sur injonction du Ministre de la justice sous l’autorité duquel sont placés tous les
officiers du ministère public, le procureur général près la Cour de cassation peut initier ou
continuer toute instruction préparatoire portant sur des faits infractionnels qui e sont pas de
la compétence de cette Cour. Ex : infraction de vol simple commise par un étudiant ou par
tout autre citoyen qui ne jouit pas de privilège de juridiction de la Cour de cassation.

B. Le Ministère Public près les Cours d’Appel


Au niveau de chaque Cour d’appel, le ministère public est représenté par un procureur
général, secondé par un ou plusieurs avocats généraux et substituts du procureur général. Ces
derniers exercent leurs fonctions du ministère public sous sa surveillance et sa direction.

37
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

L’exercice de l’action publique dans toute sa plénitude et devant toutes les juridictions du
ressort de » la Cour d’appel appartient au procureur général.
Signalons que selon l’article 70 de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013, tous les
officiers du ministère public sont placés sous l’autorité du Ministre de la justice. Ce dernier
dispose d’un pouvoir d’injonction sur le parquet mais ne peut cependant, interférer dans les
conduites de l’action publique.
C. Le Ministère Public près les tribunaux de grande instance
Près chaque tribunal de grande instance est institué un parquet qui assume le rôle du
ministère public ; dans chaque parquet den grande instance, le ministère public comprend un
procureur de la République qui est le représentant du procureur général près la Cour
d’appel. Il exerce sous la surveillance et la direction de ce dernier, les fonctions du ministère
public près le tribunal de grande instance ainsi que près les tribunaux de paix de son ressort.
Un ou plusieurs premiers substituts et substituts du procureur de la République peuvent lui
être adjoints. Ces derniers exercent les fonctions du ministère public sous sa surveillance et
sa direction.
D. Le Ministère Public près les tribunaux de grande instance
Il est rattaché un parquet près chaque tribunal de paix, composé d’un premier substitut du
procureur de la République assisté d’un ou plusieurs substituts du procureur de la République.
Le Chef du parquet près le tribunal de paix a, désormais, des pouvoirs propres à l’instar de
ceux du procureur de la République.

Paragraphe 2 : Ministère public près les juridictions spécialisées

A. Le Ministère Public près les juridictions militaires


La loi n°023/2002 du 18 novembre 2002 a créé un nouvel ordre judiciaire militaire dans notre
pays, en instituant les cours et tribunaux militaires en remplacement de la Cour d’ordre
militaire. Près chacune de ces juridictions, il y a un auditorat lequel joue le rôle du ministère
public.
1) Le Ministère public près la Haute Cour Militaire

Pour mémoire, notons que la Haute Cour Militaire est la juridiction qui est au sommet de la
hiérarchie des juridictions militaires. Son siège ordinaire est fixé à Kinshasa et son ressort
s’étend sur toute l’étendue du territoire national, comme la Cour de cassation en droit
commun.

Le ministère public près la Haute Cour Militaire est constitué par l’auditorat général des forces
armées. Cet auditorat est composé de l’auditeur général des forces armées lequel est secondé
un ou plusieurs premiers avocats généraux des forces armées ainsi que les avocats généraux
des forces armées. L’auditeur général des forces armées et ses adjoints exercent près la Haute
Cour Militaire les fonctions du ministère public, en ce compris l’action publique.

Contrairement au droit commun, l’exercice de l’action publique dans toute sa plénitude et


devant toutes les juridictions militaires appartient à l’auditeur général des forces armées ;

38
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

alors qu’en droit commun, l’exercice de l’action publique appartient, non au procureur
général de la République que nous comparons ici à l’auditeur général des forces armées, mais
aux procureurs généraux, chacun dans son ressort.

Enfin, le Ministre de la défense nationale exerce le pouvoir d’injonction des poursuites vis-à-
vis de l’auditeur général des forces armées.

2) Le Ministère public près la Cour Militaire

Dans le ressort territorial de chaque province et de la ville de Kinshasa, il est institué une ou
deux Cours militaires. Le siège ordinaire d’une Cour militaire est établi au chef-lieu de la
province, dans la localité où se trouve le QG de la région militaire ou dans tout autre lieu fixé
par le président de la République.

La Cour militaire est composée d’un premier président, d’un ou plusieurs présidents et des
conseillers. Elle siège au nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs au moins, dont
deux magistrats de carrière.

Près chaque Cour militaire, le ministère public est représenté par un auditorat militaire
supérieur. Cet auditorat est composé d’un auditeur militaire supérieur lequel est assisté d’un
ou plusieurs avocats généraux militaires et des substituts de l’auditeur militaire supérieur.

L’auditeur militaire supérieur exerce, sous la surveillance et le contrôle de l’auditeur général


des forces armées, les fonctions de ministère public près toutes les juridictions militaires
établies dans le ressort de la Cour militaire. Il a la plénitude de l’action publique devant toutes
les juridictions militaires du ressort de la Cour militaire.

3) Le Ministère public près la Cour Militaire Opérationnelle

La Cour opérationnelle militaire est une variante de la Cour militaire ; elle est de même rang
que cette dernière. Sa composition et son fonctionnement obéissent aux mêmes règles
régissant la Cour militaire, mais avec quelques spécificités dans la mesure où, elle a une
organisation et des attributions propres.

La Cour opérationnelle est une juridiction temporaire, c’est-à-dire limitée dans le temps.
Lorsque les circonstances exceptionnelles qui ont milité à la création de cette Cour viennent
à disparaitre, le président de la République, en vertu du principe du parallélisme de forme et
de compétence, prend un décret faisant cesser son fonctionnement.

La compétence matérielle de la Cour militaire opérationnelle est illimitée car elle connait, sans
limite de compétence territoriale, de toutes les infractions relevant des juridictions militaires
lui déférées.

Ainsi, lorsqu’une Cour militaire opérationnelle est instituée par ordonnance présidentielle,
le parquet militaire près cette Cour est aussi mis en place ; ce parquet ou auditorat militaire
est dirigé par l’auditeur militaire opérationnel lequel est secondé d’un ou plusieurs avocats

39
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

généraux de l’auditeur militaire opérationnel et des substituts de l’auditeur militaire


opérationnel.

4) Le Ministère public près la Cour Militaire Opérationnelle

Il est établi un ou plusieurs tribunaux militaires de garnison dans le ressort d’un district, d’une
ville ou d’une base militaire. Son siège ordinaire est fixé au chef-lieu du district où est situé
l’état-major de la garnison ou dans un autre lieu fixé par le président de la République. Le
tribunal militaire de garnison est composé d’un président et des juges. Il siège au nombre de
cinq membres, tous officiers supérieurs ou subalternes, dont au moins un magistrat de
carrière.

Près chaque tribunal militaire de garnison, il est institué un parquet ou un auditorat militaire
qui joue le rôle du ministère public. Cet auditorat est composé d’un auditeur militaire lequel
est assisté d’un ou plusieurs premiers substituts et des substituts de l’auditeur militaire.

L’auditeur militaire exerce, sous la surveillance et la direction de l’auditeur militaire supérieur


près la Cour militaire, les fonctions de ministère public tant près le tribunal militaire de
garnison que près le tribunal militaire de police.

B. Le Ministère Public près les tribunaux pour enfants

NB. Il n’y a pas un ministère public près les tribunaux pour enfants ; le procureur de la
République et ses substituts dans le ressort duquel se trouve un tribunal pour enfants jouent
le rôle du ministère public.

C. Le Ministère Public près les tribunaux de Commerce

Près les tribunaux de commerce, il n’a pas été institué un parquet spécialisé pour exercer les
fonctions du ministère public. C’est toujours le procureur de la République près le tribunal de
Grande instance dans le ressort duquel se trouve le siège du tribunal de commerce qui exerce
aussi les fonctions du ministère public près cette dernière juridiction. Il recherche les
infractions à la législation économique et commerciale, poursuit et requiert des peines contre
leurs auteurs ou complices devant les tribunaux de commerce.

D. Le Ministère Public près les tribunaux de Travail

Il n’y a pas un ministère public près les tribunaux de travail; le procureur de la République, les
premiers substituts et ses substituts du procureur dans le ressort duquel se trouve un tribunal
de travail jouent le rôle du ministère public.

Section 2 : les caractères du ministère public

40
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Le ministère public ne constitue pas une juridiction comme le sont les cours et tribunaux ;
c’est une institution bien organisée et bien structurée régie par deux principes fondamentaux
afin de lui permettre de bien remplir des fonctions : il s’agit respectivement du principe de
«l’unité dans son organisation ou unicité du ministère public » et le principe de « liberté
dans son action ou l’indépendance du ministère public ».

L’unité dans l’organisation du ministère public se traduit par l’unité dans la direction laquelle
donne naissance à la subordination hiérarchique ; elle se traduit également par l’unité dans la
représentation laquelle donne naissance au principe de l’indivisibilité du ministère public.

La liberté dans l’action du ministère public se traduit par l’indépendance, l’irrécusabilité et


l’irresponsabilité. Ainsi, le ministère public présente cinq caractères notamment : la
subordination hiérarchique, l’indivisibilité, l’indépendance, l’irrécusabilité ainsi que
l’irresponsabilité.

Paragraphe 1 : La subordination hiérarchique du ministère public

L’organisation du ministère public est essentiellement caractérisée par la subordination


hiérarchique de celui-ci vis-à-vis de ses chefs hiérarchiques. En effet, contrairement aux juges
des juridictions de jugement qui n’ont à recevoir d’ordres de personne et qui jugent
uniquement selon leur conscience et leur intime conviction, les officiers du ministère public
sont placés sous la direction et le contrôle de leurs supérieurs hiérarchiques auxquels ils
doivent obéir et de qui ils reçoivent des ordres.

Aux termes de la Constitution en vigueur en RDC, bien qu’il n’ait pas la qualité d’officier du
ministère public, le ministre de la justice se trouve placé au sommet du ministère public et
demeure le véritable chef des magistrats du parquet. Ainsi donc, tous les magistrats du
ministère public exercent leurs fonctions sous l’autorité du ministre de la justice et garde des
sceaux.

Ainsi, le principe de la subordination hiérarchique signifie que les membres du ministère public
subalternes dépendent de leur hiérarchie ; et cette dernière est dotée d’un pouvoir de
surveillance, de direction et de commandement sur eux.

Le refus d’obtempérer aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques, constitue, au regard


de la loi, une faute disciplinaire. Selon l’article 46 du statut des magistrats, tout manquement
par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur ou à la dignité de ses fonctions, constitue
une faute disciplinaire dont les sanctions prévues peuvent conduire jusqu’à la révocation du
magistrat concerné.

Cependant, le principe de la subordination hiérarchique connait quelques limites, à savoir : le


pouvoir propre que dispose tous les chefs des parquets qui ne peut nullement empêcher
l’action judiciaire sauf l’action disciplinaire ; l’adage la plume est serve mais la parole est libre,
à l’audience le ministère public peut prendre, oralement, des réquisitions ou conclusions
différentes de celles écrites ou rédigées suivant les instructions ou injonctions reçues de ses

41
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

chefs supérieurs ; les voies de recours administratif et juridictionnel contre la sanction


décidée en son encontre par son chef hiérarchique.

Paragraphe 2 : L’indivisibilité du ministère public

L’unité dans l’organisation du ministère public se traduit aussi, par l’unité dans la
représentation laquelle donne naissance au caractère indivisible du ministère public. Il y a
donc, une seule action au parquet à laquelle le chef hiérarchique imprime une direction
unique.

Au regard de cette caractéristique, les magistrats du ministère public faisant partie d’un
même parquet, sont considérés comme formant une seule personne et là, la personnalité de
chacun d’eux est absorbée par la fonction exercée. Donc, un acte fait par un magistrat du
parquet dans la mesure de ses pouvoirs, est réputé être fait par le parquet entier car le
magistrat du parquet a gi toujours au nom de la fonction.

C’est sur base de ce principe que les officiers du ministère public d’un même parquet peuvent
se substituer les uns les autres au cours d’une instruction, d’une poursuite voire d’une
audience d’une affaire.

Paragraphe 3 : L’indépendance du ministère public

Quand bien même le ministère public soit subordonné et indivisible, il est pourvu de toute
indépendance pour ainsi lui permettre d’avoir la liberté d’action ; Il est ainsi donc,
indépendant vis-à-vis du siège que vis-à-vis des justiciables.

Les magistrats du ministère public sont indépendants des juridictions auprès desquelles ils
exercent leurs fonctions. C’est dire que les cours et tribunaux ne peuvent, sous peine d’excès
de pouvoir, les adresser des blâmes ou des injonctions.

Vis-à-vis des justiciables, le ministère public est également indépendant. En matière de droit
privé, le ministère public intervient par voie d’avis ou par voie d’action principale. Lorsqu’il
donne son avis, il ne peut jamais être orienté par l’une des parties au procès, car son avis est
donné selon sa conscience et son intelligence.

Par voie d’action principale, le ministère public intervient si et seulement si, la partie au nom
et pour le compte de laquelle il agit, doit être inapte à ester en justice, à assurer sa défense et
à y pourvoir à chaque fois que l’ordre public est intéressé. Et, en matière pénale, c’est lui
l’organe principal de la répression.

Lorsque l’action publique est mise en mouvement, c’est le ministère public qui décide du sort
à réserver à cette action : il peut classer sans suite le dossier ou par amende transactionnelle
en dépit des pressions des plaignants, il peut fixer le dossier devant le tribunal bien que les
parties se soient entendues de clore le dossier entre elles. L’officier du ministère public peut
se saisir d’office des infractions dont les parties ne veulent ou n’ont jamais voulu soumettre
aux instances judiciaires (Il vise l’ordre public).

42
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

NB. Les officiers du ministère public sont dépendants vis-à-vis de leurs chefs hiérarchiques,
étant donné qu’ils remplissent leurs fonctions du ministère public sous leurs autorité, la
surveillance et direction. Ceci explique, la pratique de communication des dossiers des
parquets et les inspections effectuées par leur hiérarchie.

Dans ce même ordre d’idées, le magistrat du ministère public n’est pas tenu d’exécuter les
ordres de ses supérieurs qui se révèlent manifestement illégaux, cela en application du
système des « baïonnettes intelligentes ». Le ministre de la justice est également le chef
hiérarchique du ministère public car l’article 70 de la loi OFCJ décide que les officiers du
ministère public relèvent de son autorité et il a le pouvoir d’injonction sur eux.

Paragraphe 4 : L’irrécusabilité du ministère public

Le principe d’irrécusabilité du ministère public signifie que ce dernier constitue, en matière


pénale, la partie principale car c’est lui le demandeur à l’action public ; le prévenu qui est
adversaire ne peut être fondé à le récuser. Ce même principe s’applique aussi lorsqu’en
matière de droit privé, le ministère public intervient par voie d’action principale dans l’intérêt
de toute personne physique lésée qui serait inapte à ester en justice ou à assurer sa défense.
La récusation du ministère public ne peut avoir lieu que lorsqu’il intervient au procès civil
comme partie jointe pour donner son avis. Lire art.49 OFCJ.

Paragraphe 5 : L’irresponsabilité du ministère public

Pour assurer une grande liberté d’action dans l’exercice de la fonction de répression et éviter
une timidité préjudiciable à l’intérêt public, le droit pénal consacre l’irresponsabilité du
ministère public, même pour les conséquences dommageables de son activité. Imaginons le
cas d’un détenu accusé d’abus de confiance et après, l’instruction se révèle non concluante !
Aussi, le cas d’un étudiant incarcéré pendant la session de viol sur mineur, après instruction,
l’âge de la victime s’est avéré à 18 ans !

En dépit de toutes ce conséquences non les moindre, l’officier du ministère public, magistrat
instructeur, demeure irresponsable, car il est le mandataire de la société. Si le ministère public
était responsable des conséquences des actes de son ministère, il ne serait plus libre d’agir
car il serait habité par une crainte permanente d’être trainer en justice pour la réparation
des préjudicies par lui causés.

Bref, le ministère public est irresponsable de ses actes dommageables posés dans l’exercice
ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Mais un officier du ministère public ou un
magistrat instructeur qui donne des coups au plaignant, au témoin ou à l’inculpé ou qui
ordonne que l’inculpé soit torturé, qui profite de la situation de l’inculpée pour entretenir les
rapports sexuels, qui détourne l’argent lui remise pour le compte du plaignant, celui-là sera
poursuivi et sa responsabilité sera engagée en justice.

DEUXIEME PARTIE : COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

TITRE I : EXAMEN DU CONCEPT COMPETENCE ET SES IMPLICATIONS


43
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

CHAPITRE PREMIER : NOTIONS PRELIMINAIRES

Section 1 : Définition du concept « compétence judiciaire »

La compétence judiciaire est le pouvoir reconnu à un organe de justice, particulièrement les


cours, tribunaux et parquets, ou les officiers judiciaires, de connaitre d’une affaire de droit
privé ou de droit pénal ou de tout autre contentieux dont l’attribution est dévolue par la loi.
Dans ce sens, nous avons trois types de compétences, à savoir : la compétence matérielle, la
compétence territoriale et la compétence personnelle.

Paragraphe 1 : La compétence matérielle ou d’attribution

La compétence matérielle ou d’attribution ou encore, « ratione materiae » est celle qui


résulte des règles par lesquelles le pouvoir de dire le droit est reparti entre les différentes
catégories de juridiction et attribué à chacune d’entre elles selon l’importance ou la nature
du litige, le degré de gravité ou la nature de l’infraction ou selon l’ordre de juridictions.

Paragraphe 2 : La compétence territoriale

La compétence territoriale ou « ratione loci » est l’aptitude qu’a une juridiction de connaitre
une affaire en fonction d’une circonstance de lieu. Exemple : lieu de commission de
l’infraction, de la résidence ou de l’arrestation du prévenu, de situation de l’immeuble etc...

Paragraphe 3 : La compétence personnelle

La compétence personnelle ou « ratione personae » ne s’applique qu’en matière pénale. Elle


résulte, en effet, dans ce domaine, de la qualité ou de la personnalité des parties au procès. Il
s’agit de l’hypothèse des bénéficiaires du privilège de juridiction, celle de la minorité de
certains justiciables ou du statut militaire de ces derniers.

Il y a donc privilège de juridiction chaque fois qu’une personne, pour une infraction donnée,
est traduite, au regard de sa qualité ou sa position socioprofessionnelle, devant une juridiction
autre que celle dont la compétence a été attribuée pour ladite infraction. Exemple : lorsqu’un
ministre comment l’infraction d’abus de confiance, il sera traduit, non devant le tribunal de
paix, matériellement compétent, mais plutôt devant la Cour de cassation, juridiction
personnellement compétente.

Par ailleurs, lorsque l’infraction de meurtre a été commise par une personne âgée de moins
de 18 ans ou par un militaire, ce sont respectivement la juridiction pour enfants et la juridiction
militaire qui sont personnellement compétentes pour connaitre de ces affaires.

Section 2 : Caractère des règles de compétence

Paragraphe 1 : Caractère des règles de compétence d’attribution

44
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Les règles de compétence d’attribution ont un caractère d’ordre public lequel entraine
d’importantes conséquences sur le déroulement du procès. La notion d’ordre public est assez
délicate à cerner en raison du fait qu’elle est contingente et variable selon les pays et les
époques ; elle évolue donc dans le temps et le l’espace. Cependant, de façon générale,
l’expression « d’ordre public » se déduit au triple contenu, à savoir : la salubrité, la
tranquillité et la sécurité publiques.

Ce caractère des règles de compétence d’attribution couvre tous les domaines du droit
judiciaire, aussi bien pénal que civil, et que, d’autre part, l’exception d’incompétence peut
être soulevée par toutes les parties au procès et même d’office par le juge saisi à tous les
stades de la procédure.

Paragraphe 2 : Caractère des règles de compétence territoriale

Le caractère des règles de compétence territoriale est en droit civil, d’intérêt privé ; ces règles
sont, en effet, édictées dans le seul but de protéger les intérêts des parties. Celles-ci peuvent
librement apprécier leurs intérêts pour pouvoir y préférer, éventuellement, une autre solution
plus satisfaisante ou plus commode. En conséquence, les parties peuvent y déroger à leur
propre gré.

L’exception d’incompétence territoriale ne peut être soulevée que par le défendeur qui est
intéressé. Cette exception doit être soulevée IN LIMINE LITIS, donc au seuil du procès. Mais
contrairement au droit civil, en matière pénale, les règles de compétence territoriale sont
d’ordre public et le but étant le rétablissement rapide de l’ordre social troublé par l’infraction.
Ici, trois juges sont territorialement compétents, à savoir : le juge du lieu de la commission
de l’infraction, celui de la résidence du prévenu et celui du lieu d’arrestation du prévenu.

Section 3 : Dérogation aux règles de compétence

Paragraphe 1 : Le principe de prorogation de compétence

Compte tenu des besoins pressants de simplicité, d’opportunité et de saine administration de


justice, la rigidité des règles de compétence peut être amenée à subir des assouplissements
adaptés à ces nécessités. Ainsi, ces règles de compétence peuvent être atténuées ou écartées
par le principe de prorogation de compétence qui a pour effet, de provoquer une
concentration de pouvoirs juridictionnels au profit d’une seule et même juridiction, lorsqu’il
s’agit de plusieurs demandes relevant, en principe, des juridictions différentes.

L’on distingue dans ce cas de plusieurs formes de prorogation de compétence, à savoir :


judiciaire, légale ou conventionnelle.

A. La prorogation judiciaire de compétence

La prorogation judiciaire de compétence est l’extension du pouvoir de dire le droit d’une


juridiction résultant de la décision d’une autre juridiction régulièrement habilité, à cet effet,
45
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

par une disposition légale. Elle est dite indication judiciaire de juges ou attribution judiciaire
de compétence.

Cette prorogation de compétence suppose, en fait, la saisine d’une juridiction qui, selon les
règles ordinaires de compétence, n’est pas compétente mais le devient à la suite du renvoi
décidé par une autre juridiction généralement supérieure. Exemple : le renvoi pour cause de
suspicion légitime ou cause de sureté publique ; renvoi pour cause de récusation collective ou
d’impossibilité ; commission rogatoire octroyée à un autre juge ou à un autre tribunal.

B. La prorogation légale de compétence


La prorogation légale de compétence est l’extension par l’effet de la loi du pouvoir
juridictionnel d’un juge au-delà des limites de ce pouvoir. Exemple : lorsque le magistrat
inculpé est membre d’une cour d’appel ou d’un parquet général près cette cour, la cause est
renvoyée devant la Cour dont le siège est le plus proche de celui de la Cour au sein de laquelle
il exerce ses fonctions. Bien que territorialement incompétente, la Cour d’appel de renvoi doit
statuer sur l’affaire.

La prorogation légale de compétence s’exerce sur quatre domaines, à savoir : en cas de


demande incidente par rapport à une demande principale, en cas de demande connexe ou
indivisible, en cas de concours d’infraction ou enfin, en cas de participation criminelle.

C. La prorogation conventionnelle de compétence

Les parties sont admises à convenir dans leur contrat que si un litige naissait lors de l’exécution
de ce contrat que celui-ci soit porté devant telle ou telle autre juridiction de leur choix. Une
fois conclu, leur contrat devient une loi pour elles.

Paragraphe 2 : Sanctions des règles de compétence

En cas d’inobservation des règles de compétence, la juridiction saisie prononce une décision
constatant son incompétence. Si l’une des parties relève appel contre cette décision et le juge
de second degré confirme la décision du premier juge, elle doit introduire son action devant
le juge compétent. Mais la décision du premier juge est infirmée par le second juge, ce dernier
ne peut pas évoquer en matière pénale. Mais en matière civile, le juge évoquera dans ce cas
sous analyse.

CHAPITRE DEUXIEME : REPARTITION DES MATIERES SUIVANT LES COMPETENCES DES


JURIDICTIONS ORDINAIRES OU DE DROIT COMMUN

SECTION 1 : LES COURS ET TRIBUNAUX REPRESSIFS

46
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Paragraphe 1 : La compétence matérielle ou ratione materiae

La compétence matérielle ou « ratione materiae » c’est l’aptitude qu’a une juridiction pénale
à connaitre des infractions en fonction de leur nature et de leur taux. En droit positif congolais,
les juridictions répressives ordinaires sont : les tribunaux de paix, les tribunaux de grande
instance, les cours d’appel et la Cour de cassation.

A. Les Tribunaux de Paix

Les tribunaux de paix sont compétents pour connaitre des infractions punissables au
maximum de cinq ans de servitude pénale principale et d’une amende, quel que soit le taux,
ou l’une de ces peines seulement.

Notons que lorsqu’un tribunal de paix est saisi de plusieurs infractions de sa compétence
commises par un prévenu ou par plusieurs, en participation criminelle, il peut prononcer une
peine cumulée dépassant cinq ans mais après avoir prononcé une peine pour chaque
infraction.

Les tribunaux de paix peuvent également prendre des mesures d’internement de tout individu
tombant sous l’application de la législation sur le vagabondage et la mendicité.

Les jugements rendus par les tribunaux de paix sont susceptibles d’opposition et d’appel.
L’appel des jugements rendus par les tribunaux de paix est porté devant le tribunal de grande
instance.

B. Les Tribunaux de Grande Instance

Les tribunaux de grande instance sont compétents pour connaitre des infractions punissables
de la peine de mort et celles punissables d’une peine excédant cinq ans de servitude pénale
principale.

Les tribunaux de grande instance connaissent en premier ressort, des infractions commises
par les conseillers urbains, les bourgmestres, les chefs de secteur, les chefs de chefferie et
leurs adjoints ainsi que les conseillers communaux, les conseillers de secteur et les conseillers
des chefferies. Toutes ces personnes citées à l’article 89 de la loi portant OFCJ jouissent donc
du privilège de juridiction du tribunal de grande instance même si elles commettaient une
infraction de la compétence du tribunal de paix.

Les tribunaux de grande instance connaissent également au second degré, de l’appel des
jugements rendus par les tribunaux de paix.

Les jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de grande instance sont
susceptibles d’opposition et d’appel ; l’appel contre les jugements du tribunal de grande
instance est porté devant la Cour d’appel. Les jugements rendus au second degré sont, eux,
susceptibles de pourvoir en cassation.

47
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

C. La Cour d’Appel

Les Cours d’appel connaissent de l’appel des jugements rendus en premier ressort par les
tribunaux de grande instance, les tribunaux de travail et les tribunaux de commerce. Elles
connaissent, en outre, au premier degré : 1) du crime de génocide, de crime de guerre et de
crime contre l’humanité commis par les personnes relevant de leur compétence et de celle
des tribunaux de grande instance ; 2) des infractions commises par les membres de
l’assemblée provinciale, les magistrats, les maires et leurs adjoints, les présidents de conseils
urbains et les fonctionnaires des services publics de l’Etat ainsi que les dirigeants des
établissements ou entreprises publics revêtus au moins du grade de directeur.

Les arrêts rendus au premier degré par les Cours d’appel sont susceptibles d’opposition et
d’appel. L’appel est porté devant la Cour de cassation.

D. La Cour de Cassation

La cour de cassation n’a pas en principe de compétence matérielle propre ; elle n’a qu’une
compétence personnelle. C’est ainsi qu’elle est compétente pour connaitre, en premier et
dernier ressort, des infractions commises par :

1) Les membres de l’Assemblée Nationale et du Senat ;


2) Les membres du gouvernement autres que le 1er Ministre ;
3) Les membres de la Cour constitutionnelle et du parquet près cette Cour ;
4) Les membres de la cour de cassation et ceux du parquet près cette Cour ;
5) Les membres du Conseil d’Etat et ceux du parquet près cette Cour ;
6) Les membres de la Cour des comptes et ceux du parquet près cette Cour ;
7) Les premiers présidents des Cours d’appel et des Cours administratives d’appel
ainsi que les procureurs généraux près ces Cours ;
8) Les Gouverneurs, les vices Gouverneurs des provinces et les Ministres
provinciaux ainsi que les Présidents des assemblées provinciales ;
9) Le Gouverneur et le vice-gouverneur de la banque centrale ;
10) Les cinq experts appelés administrateurs de la banque centrale ;
11) Les membres de l’ordre national appelés héros nationaux ;
12) Les membres du conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication ;
13) Les membres de la commission électorale nationale indépendante.

La Cour de cassation connait aussi de l’appel des arrêts rendus au premier degré par les Cours
d’appel.

Elle connait, en outre, des pourvois en cassation pour violation des traités internationaux
dûment ratifiés, de la loi ou de la coutume formés contre les arrêts et jugements rendus en
dernier ressort par les cours et tribunaux civils et militaires de l’ordre judiciaire.

Elle connait, enfin, des prises à parties, des demandes de révision, des règlements de juges,
des demandes en renvoi d’une Cour d’appel à une autre Cour d’appel ou d’une juridiction du

48
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

ressort de la Cour d’appel à une autre juridiction du même rang du ressort d’une Cour d’appel,
des renvois ordonnés après une deuxième cassation par la Cour de cassation et du pourvoi
ordonné sur injonction du Ministre de la justice.

La Cour de cassation est compétente pour connaitre les matières pénales en premier et
dernier ressort, au second degré, en cassation ou en révision. Le pourvoi en cassation
concerne les décisions de toutes les juridictions civiles et militaires. Ainsi, les décisions rendues
en dernier ressort par les tribunaux militaires de garnison, la Cour militaire et la Haute Cour
militaire peuvent être frappées de pourvoi en cassation devant la Cour de cassation. Mais les
arrêts rendus par la Cour militaire opérationnelle ne sont pas susceptibles d’aucun recours. Il
en est de même des décisions de la Cour d’appel rendues en matière commerciale et
économique. Dans ce cas, le pourvoi en cassation est déposé devant la Cour commune de
justice et d’arbitrage, basée à Abidjan en côte d’Ivoire, dans le cadre du traité de l’OHADA,
ratifié par la RD Congo en 2012.

Les arrêts de la Cour de cassation ne sont susceptibles d’aucun recours sous réserve de l’article
161 alinéa 4 de la Constitution. Toutefois, à la requête des parties ou du procureur général, la
Cour de cassation peut rectifier les erreurs matérielles de ses arrêts ou en donner
l’interprétation, les parties entendue.

Paragraphe 1 : La compétence territoriale ou Ratione Loci

Sont compétents, les juges du lieu où l’une des infractions a été commises, de la résidence du
prévenu et celui du lieu où le prévenu aura été trouvé. Lorsque plusieurs personnes sont
coauteurs ou complices d’une même infraction mais qu’elles résident à des endroits
différents, le tribunal compétent pour juger l’un d’elles l’est aussi pour juger les autres.

SECTION 1 : LES COURS ET TRIBUNAUX CIVILS

En RD Congo, les mêmes cours et tribunaux jouent à la fois le rôle de juridiction répressive et
de juridiction civile. Ce sont les mêmes juges qui sont tantôt répressifs tantôt civils.

Paragraphe 1 : La compétence matérielle

La compétence matérielle d’un tribunal civil est déterminée par la nature des affaires
réservées par la loi à ce tribunal et par le montant de la demande.

Les fruits, intérêts, dommages et intérêts, frais et autres accessoires ne sont ajoutés au
principal que s’ils ont une cause antérieure à la demande. Si la demande a plusieurs chefs qui
proviennent de la même cause, ils sont cumulés pour déterminer la compétence.

Si une somme réclamée fait partie d’une créance plus forte qui est contestée, c’est le montant
de celle-ci qui détermine la compétence. Si une demande est formée par plusieurs
demandeurs ou contre plusieurs défendeurs en vertu du même titre, la somme totale
réclamée fixez la compétence.

A. Les Tribunaux de Paix


49
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Les tribunaux de paix connaissent de toute contestation portant sur le droit de la famille, les
successions, les libéralités et les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume.
Ils connaissent en outre de toutes les autres contestations susceptibles d’évaluation pour
autant que leur valeur ne dépasse pas deux millions cinq cent mille francs congolais. Ils
connaissent enfin de l’exécution des actes authentiques.

Quelle que soit la valeur du litige, les présidents des tribunaux de paix ou, à défaut, les
présidents des tribunaux de grande instance, là où les tribunaux de paix ne sont pas installés,
peuvent autoriser les saisies-arrêts et les saisies conservatoires en matière civile ou
commerciale.

B. Les Tribunaux de Grande Instance

Les tribunaux de grande instance connaissent de toutes les contestations qui ne sont pas de
la compétence des tribunaux de paix. Ils connaissent aussi de l’appel des jugements rendus en
premier ressort par les tribunaux de paix.

Toutefois, saisi d’une action de compétence des tribunaux de paix, le tribunal de grande
instance statue au fond et en dernier ressort si le défendeur fait acter son accord exprès par
le greffier. Dans ce cas, le jugement intervenu dans ces conditions ne peut plus être
susceptible d’appel mais uniquement de pourvoi en cassation.

Les tribunaux de grande instance connaissent de l’exécution de toutes décisions de justice, à


l’exclusion de celle des jugements des tribunaux de paix qui relève de la compétence de ces
derniers. Cela veut dire que les jugements qui sont frappés d’appel ou de pourvoi en cassation
ou en révision, après la décision sur le recours exercé, doivent revenir au tribunal de grande
instance pour être exécuté.

Les tribunaux de grande instance connaissent, enfin, de l’appel des jugements rendus en
premier ressort par les tribunaux de paix.

C. La Cour d’Appel

Les Cours d’appel connaissent de l’appel des jugements rendus en premier ressort par les
tribunaux de grande instance, les tribunaux de travail et les tribunaux de commerce.

Ainsi, en matière civile, commerciale ou du travail, la Cour d’appel n’a aucune compétence
d’attribution appropriée qu’elle peut connaitre au premier degré. Toutes les affaires civiles,
commerciales ou du travail sont traitées au premier degré ou au second degré respectivement
par les tribunaux susindiqués.

La cour d’appel connait, en premier et dernier ressort, des recours introduits contre les
décisions rendues sur réclamation du contribuable, lorsque la cotisation d’impôt ou
d’accroissement d’impôt a été établie d’autorité par le fisc. Elle connait, en outre, de l’appel
des jugements rendus par les tribunaux de grande instance. Ce dernier tribunal est compétent
pour connaître de l’affaire opposant un contribuable ou un redevable de l’administration

50
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

fiscale lorsque celle-ci ne dispose pas de privilège du préalable en matière de taxation ou


d’accroissement d’impôt.

Et c’est le tribunal de grande instance du lieu du domicile ou de la résidence du contribuable


ou du lieu où sont situés les biens ayant donné lieu à taxation qui est territorialement
compétent.

D. La Cour de Cassation

La cour de cassation connait des pourvois en cassation contre les arrêts et jugements rendus
en dernier ressort par les juridictions de l’ordre judiciaire en matière civile, commerciale et
sociale.

NB. Depuis la mise en vigueur des traités de l’OHADA, la Cour de cassation devient
incompétente pour connaitre de pourvoi en cassation en matière commerciale. Le recours
est introduit devant la Cour commune de justice et d’arbitrage.

Paragraphe 2 : La compétence territoriale

CHAPITRE DEUXIEME : DE LA COMPETENCE DES JURIDICTIONS SPECIALISEES

SECTION LIMINAIRE : NOTION ET CATEGORIES

51
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

On parle des juridictions spécialisées, celles ayant une compétence d’attribution déterminée
par la loi, eu égard, soit à la nature de certaines infractions, soit à la qualité de certains
délinquants. Les juridictions spécialisées ou d’exception peuvent être regroupées en quatre
catégories : les juridictions militaires ; les tribunaux de commerce ; les tribunaux de travail
ainsi que les tribunaux pour enfants.

Ainsi donc, les juridictions spécialisées ou d’exception ont une compétence d’attribution et ne
connaissent que des affaires qui leur ont été confiées par un texte précis.

SECTION 1 : LES JURIDICITIONS MILITAIRES

Paragraphe 1 : Le personnel judiciaire militaire

Le personnel judiciaire militaire comprend les magistrats, les agents de l’ordre judiciaire et les
agents de la police judiciaire des auditorats militaires.

D. Les Magistrats du siège

Sont magistrats du siège le premier président, les présidents et les conseillers de la Haute Cour
militaire ; le premier président, les présidents et les conseillers de la Cour militaire supérieure ;
le premier président, les présidents et les conseillers de la Cour militaire opérationnelle (NB.
La Cour militaire opérationnelle est une juridiction établie uniquement pendant la guerre
ou l’Etat de siège dans une région troublée) ; les présidents et les juges des tribunaux
militaires de garnison ; les présidents et les juges des tribunaux militaires de police.

E. Les Magistrats Militaires du Ministère public ou des parquets Militaires

Sont magistrats militaires du Ministère public : l'Auditeur général des forces armées, les
Premiers Avocats généraux et les Avocats généraux des forces armées ; les Auditeurs militaires
supérieurs, les Avocats généraux militaires et les Substituts des Auditeurs militaires supérieurs
près les Cours militaires ; les Auditeurs militaires, les premiers substituts et substituts des
Auditeurs militaires près les Tribunaux militaires de garnison ».( Les tribunaux de police sont
supprimés par la loi organique n°13/011-B).

F. Les autres membres du personnel judiciaire militaire

Sont agents de l’ordre judiciaire militaire : les greffiers et les huissiers ; les inspecteurs
pénitentiaires et les secrétaires. Tandis que la police judiciaire des auditorats militaires
comprend : l’inspecteur judiciaire général et les autres inspecteurs ; les agents de police
judiciaire.

Paragraphe 2 : Les Cours et Tribunaux militaires

52
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Les Cours et Tribunaux militaires sont constitués de : la Haute Cour militaire ; les cours
militaires supérieures et les cours militaires opérationnelles ; les tribunaux militaires de
garnison et les tribunaux militaire de police.

F. La Haute Cour militaire


1. Ressort

La Haute Cour militaire est la plus haute juridiction militaire à l’instar de la Cour de cassation,
en droit commun. Son siège ordinaire est basé à Kinshasa. Dans les circonstances
exceptionnelles, le siège de la Haute Cour militaire peut être fixé en un autre lieu, par le
président de la République. En temps de guerre, la Haute cour militaire tient les chambres
foraines en zones opérationnelles.

2. Composition

La Haute Cour militaire est composée d’un premier président, d’un ou plusieurs présidents et
des conseillers. Elle siège au nombre de cinq membres, tous officiers généraux ou supérieurs,
dont deux magistrats de carrière et avec le concours du ministère public et l’assistance du
greffier. Lorsqu’elle siège en appel, la haute cour militaire est composée de cinq membres
dont trois magistrats de carrière.

G. Les Cours militaires


1. Ressort

La Cour militaire est établie au chef-lieu de la province, dans la localité où se trouve le quartier
général de la région militaire ou dans tout autre lieu fixé par le président de la République.
Dans les circonstances exceptionnelles, le siège de la Cour militaire peut être fixé en tout autre
lieu du ressort, par arrêté du ministre de la défense.

2. Composition et fonctionnement

La Cour militaire est composée d’un premier président, d’un ou plusieurs présidents et des
conseillers. En cas d’absence ou d’empêchement, le premier président est remplacé par le
président le plus ancien ou, à défaut, par un conseiller le plus ancien. Il est en ainsi du
président à l’égard des conseillers.

La Cour militaire siège au nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs au moins, dont
deux sont magistrats de carrière, et c’est avec le concours du ministère public et l’assistance
de greffier. Elle présidée par un officier général ou par un officier supérieur, magistrat de
carrière.

En cas de nécessité, le premier président de la Cour militaire peut requérir les services d’un
magistrat civil, en vue de compléter le siège.

H. Les Cours militaires opérationnelles


1. Ressort

53
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

En cas de guerre ou toutes autres circonstances exceptionnelles de nature à mettre en péril la


vie de la nation, notamment, les menaces de guerre, de rébellion ou d’insurrection armée, il
est établi dans les zones d’opération de guerre, des Cours militaires opérationnelles qui
accompagnent les fractions de l’armée en opération.

2. Composition et fonctionnement

La Cour militaire opérationnelle est composée de même manière que les cours militaires et
siège au nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs au moins, dont un est magistrat
de carrière. Elle siège avec le concours du ministère public et l’assistance de greffier.

I. Les Tribunaux militaires de garnison


1. Ressort

Le tribunal militaire de garnison est établi dans le ressort d’un district, d’une ville, d’une
garnison ou d’une base militaire. Le siège ordinaire est fixé au chef-lieu du district, dans la
ville où est situé l’état-major ou dans un lieu fixé par le président de la République.

2. Composition et fonctionnement

Le tribunal militaire de garnison est composé d’un président et des juges ; ils siègent au
nombre de cinq membres, tous officiers supérieurs ou subalternes, dont au moins un
magistrat de carrière et c’est avec le concours du Ministère public et l’assistance du greffier.

J. Les Tribunaux militaires de Police


1. Ressort

Il est établi un ou plusieurs tribunaux militaires de police dans le ressort d’un tribunal militaire
de garnison.

2. Composition et fonctionnement

Le tribunal de police est composé d’un président et des magistrats militaires. Il siège au
nombre de trois juges, dont un magistrat de carrière avec le concours du Ministère public et
l’assistance du greffier.

NB. Le premier président de la Cour militaire du ressort peut désigner un magistrat du tribunal
militaire de garnison pour siéger au tribunal militaire de police en vue de compléter le siège.

Paragraphe 3 : Les Auxiliaires de la justice Militaire

Dans ce paragraphe il faut retenir que parmi les auxiliaires nous trouvons, les greffes militaires,
les secrétaires des auditorats militaires et les agents de police judiciaire militaire ainsi que les
défenseurs judiciaires.

SECTION 1 : LES TRIBUNAUX POUR ENFANTS, LES TRIBUNAUX DE COMMERCE ET LES


TRIBUNAUX DE TRAVAIL

Paragraphe 1 : Les tribunaux pour enfants


54
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

Les tribunaux pour enfants ont été créés par la loi n°09/001 du 10 Janvier 2009 portant
protection de l’enfant. Avant cette loi, ce sont les tribunaux de paix qui jouaient ce rôle. Même
actuellement, là où les tribunaux pour enfants ne sont pas installés, ce sont les tribunaux de
paix qui remplissent cette fonction.

Aux termes de la loi portant protection de l’enfant, est enfant toute personne âgée de moins
de 18 ans.

B. Composition et fonctionnement

Le tribunal pour enfants est composé de la chambre de première instance et de la chambre


d’appel. Les deux chambres sont indépendantes l’une de l’autre quant à leur fonctionnement.

Le tribunal pour enfants est composé d’un président et des juges. Le président est chargé de
la répartition des charges. Et la chambre d’appel siège à trois juges. La chambre de première
instance et celle d’appel siègent avec le concours du ministère public près le TGI et l’assistance
d’un greffier.

Le tribunal pour enfants est doté d’au moins un assistant social affecté par les services
provinciaux ayant les affaires sociales dans leurs attributions. Du point de vue horizontal, le
tribunal pour enfants a le rang d’un tribunal de grande instance.

Paragraphe 2 : Les tribunaux de commerce

Les tribunaux de commerce ont été créés par la loi n°002/2001 du 03 Juillet 2001 portant leur
création, organisation et fonctionnement. Le tribunal de commerce statue au premier degré
et, est composé des juges permanents qui sont des magistrats de carrière et des juges
consulaires.

Le tribunal de commerce siège au nombre de trois juges dont un permanent et deux


consulaires. Son siège et son ressort sont ceux du tribunal de grande instance.

B. Composition et fonctionnement

Le tribunal de commerce est composé d’un président et des juges. Il compte à son sein au
moins deux chambres mais pas comme celles du tribunal pour enfants. Toutes ces chambres
siègent au premier degré : la chambre pénale et la chambre civile. La chambre pénale s’occupe
de toutes les infractions en matières économiques et commerciale ; la chambre civile dite
civile s’occupe, elle, des affaires commerciales et économiques.

L’appel contre les décisions du tribunal de commerce est porté devant la Cour d’appel.
Toutefois, comme les tribunaux de commerce appliquent le traité de l’OHADA et les
dispositions des textes congolais qui ne sont pas contraires à ce traité.

Il n’y a pas un parquet approprié près le tribunal de commerce. C’est le procureur de la


République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve un tribunal de
commerce qui y exerce les fonctions du Ministère public. Ce tribunal comporte un greffe et

55
Professeur-Magistrat Eliezer Costa Kolesha Tshiangala
COURS D’ORGANISATION ET COMPETENCES DES JURIDICTIONS CONGOLAISES

un huissariat comme ceux du tribunal de grande instance et donc, le tricom a rang du tribunal
de grande instance.

Paragraphe 3 : Les tribunaux de travail

Les tribunaux de travail ont été créés par la loi n°016/2002 du 16 octobre 2002 portant leur
création, organisation et fonctionnement. IL est établi dans le ressort de chaque tribunal de
grande instance et a, le même rang que celui-ci.

B. Composition et fonctionnement

Le tribunal de travail est composé d’un président, des juges et des juges assesseurs. Il siège
au nombre de trois juges : un président, magistrat de carrière et deux juges dont l’un
représente les employeurs et l’autre, les travailleurs. Il siège avec le concours du ministère
public et l’assistance du greffier.

Le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se


trouve le tribunal de travail exerce les fonctions du Ministère public près cette dernière
juridiction.

Les dispositions communes aux cours et tribunaux portant sur le greffe et l’huissariat, les
services de l’ordre intérieur et les itinérances, les délibérés telles que vues plus haut, sont
mutatis mutandis, applicables aux tribunaux de travail. Toutefois, les dispositions relatives à
la récusation et au déport ne sont pas applicables aux juges assesseurs des tribunaux de
travail.

56

Vous aimerez peut-être aussi