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Travail Mémoire Master Droit Pénal Fin

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1

UNIVERSITE DE GOMA

B.P 204 GOMA


Faculté des Sciences Juridiques, Politiques, Administratives, Management et Relations
Internationales

DEPARTEMENT DU DROIT PENAL

Sujet : Les garanties procédurales devant les juridictions


Militaires en Droit Congolais pendant la période de l’Etat
de siège dans la province du Nord Kivu

Mémoire présenté et défendu en vue de l’obtention de


diplôme de Master en droit pénal

Par : MUNGO KAWALINA Emile

Dirigé par : KAKULE KALWAHALI Charles.

Professeur

Encadré par : ISHARA BAHATI Elie

Assistant.

ANNEE ACADEMIQUE 2023-2024


2

0. INTRODUCTION

1. CONTEXTE DE L’ETUDE

Les garanties procédurales devant les juridictions tant civiles que militaires
n’intéressent pas mal des chercheurs du fait qu’il est observable que ces dernières soient
violées ou pas respectées par les autorités judiciaires congolaises. Il est impérieux alors qu’un
ton soit levé afin de rappeler à l’ordre ces autorités pour qu’elles accomplissent leurs missions
en strict respect des dispositions légales du pays et que justiciables soient bénéficiaires de ces
droits.
Le droit à la justice est un droit particulièrement important : C'est pourquoi, il
serait inutile d'affirmer la prééminence de ce droit considéré comme l'une des valeurs de la
démocratie, si la justice n'est pas correctement rendue 1. C'est la nécessité de l'impérative
protection de justiciables. Le droit à la justice, et qui plus est à une bonne justice, est un
impératif majeur.
La réalisation de ce droit, passe par certaines exigences procédurales se
traduisant par un procès équitable. En matière pénale, le principe de la légalité, qui est un
principe cardinal constitue l'épicentre des garanties procédurales et il est un principe fondateur
de tout Etat de droit.
Par définition, les garanties procédurales sont l'ensemble des normes
applicables pour assurer l'équité du processus judicaire. Elles s'intéressent, particulièrement en
matière pénale, au respect des droits de l'accusé et l'exercice du pouvoir judiciaire par un
tribunal compétent, indépendant et impartial afin d'assurer l'équité du procès. Ces garanties
englobent également les droits des victimes du fait infractionnel car en réalité, ce sont elles les
plus touchées.
D'ailleurs, le procès serait vidé de sens si les victimes de l'infraction n'étaient
indemnisées pour couvrir les dommages subis.
Pour remplir ces exigences, les victimes doivent disposer de voie de mettre en
mouvement l'action publique en vue d'obtenir réparation, voie considérée comme contrepoids
à l'inertie du ministère public dans le système judiciaire ou il détient un quasi-monopole dans
l'exercice des poursuites.

1
RENUCCI J.F, Traité de droit européen des droits de l'homme, LGDJ, Montchrestien, Paris, 2007.
3

2. PROBLEMATIQUE
Un adage latin dit : « justicia omnibus », c’est-à-dire une même justice pour
tous. Pour les êtres humains, l’égalité est le principe qui fait que les hommes doivent être
traités de la même façon, avec la même dignité, qu’ils disposent des mêmes droits et sont
soumis aux mêmes devoirs. Même si les hommes sont to 2us différents (différence physique,
socio-économique, culturelles…), ils doivent être égaux devant la loi.
La justice élève une nation, dit-on, les militaires quand bien même ayant un statut
particulier, sont soumis au respect de la loi. Et la violation de cette même loi par le militaire,
quel que soit son grade ou sa fonction, l'infraction ne reste pas impunie. Voilà pourquoi le
législateur congolais a prévu des instances judiciaires propres aux militaires et leurs assimilés,
agissant dans une procédure propre à elle, ainsi, les juridictions militaires connaissent des
infractions commises par les membres des forces armées et de la police nationale. » de même,
à son dernier alinéa « la constitution consacre à la loi organique de fixer les règles de
compétences d’organisation et de fonctionnement des juridictions militaires 3.

La solution que visait le législateur en prévoyant les juridictions propres aux


militaires serait dominé par le fait que, ces derniers n’ont pas un mode de vie semblable aux
non militaires, mais aussi leurs manières de penser, d’agir diffèrent de celles des civiles, ceci
au fin de garantir la bonne administration de justice, sans pour autant oublier les grands
principes de cette dernière qui suppose : « le droit au juge naturel, le droit d’être jugé dans un
délai raisonnable et le droit de la défense4. »

Aujourd’hui l’égalité devant la loi ou l’égalité de droit trouve son origine dans
l’isonomie ou égalité citoyenne, mise en place à Athènes aux environs du 5 eme siècle avant
jésus christ, c’est la première pierre de la démocratie5.
Le droit à un procès équitable est fondamental, inhérent à la personne, inscrit
dans les instruments internationaux de la protection des droits de l’homme et dans la
constitution. Il requiert la mise en œuvre effective, par les instances judiciaires, de nombre
de principes notamment, l’accès à un tribunal indépendant et impartial, la comparution des

2
Article 12 de la constitution du 18 février 2006
3
Article 156 al 1 de la constitution du 18 février 2006 telle que modifié et complété par la loi n°11/002 du 20
janvier 2011. J.O.RDC, n° spécial du 20 janvier 2011
4
Article 19 de la constitution du 18 février 2006
5
« Egalité de tous devant la loi, réussite scolaire pour tous, », disponible sur www.google.com , consulté le 6
juillet, 2024.
4

parties dans la langue de leur choix, la publicité du débat, la facilité d’être jugé dans un délai
raisonnable, l’égalité des armes et la présomption d’innocence6.
C’est ce qui explique, que dans les Etats modernes l’institution des juridictions
et forte, afin de donner à chacune des parties la possibilité de faire valoir ses droits et de
proposer ses moyens de défenses. La mission des organes juridictionnels est plus exigeante en
ce qu’elle comporte notamment l’arbitrage entre intérêts divergents des justiciables, et c’est ce
qui est à la base du procès en tant qu’instance en justice.
Les parties au procès jouissent des moyens égaux en ce qui concerne la
production des preuves et moyens procéduraux pour soutenir leurs propos et mettre en doute
les allégations des autres, la norme, et ensuite de la vengeance privée longtemps animée, dans
l’esprit des sociétés primitives.
Dans le droit pénal ancien, c’est la loi du plus fort qui régnait dans la mesure
où ceux qui étaient plus forts que d’autres s’accaparaient de terres, des trônes, et des femmes
de leurs adversaires, comme butin de guerre.
Face à cette manifestation d’atteinte aux droits patrimoniaux, à savoir la justice
privée qui anime la société primitive et qui crée l’anarchie au sein de la société. En sus doit-
on retenir avec Bernard bouloc qui si rudimentaire et si brutale qu’elle soit la vengeance
privée constitue une garantie sommaire du maintien de l’ordre social dans les relations entre
clans7.
En effet, le droit pénal militaire comme toute autre branche du droit est
composé de deux types de règles : d’une part les règles de forme et d’autre part, les règles de
fond. Les règles de forme en droit sont également appelées les règles de procédure.
Elles contiennent un ensemble de dispositions qui permettent à une personne
lésée dans ses droits de saisir la juridiction compétente afin d’être rétablie dans ses droits.
Parmi les différentes dispositions qui composent le droit de la forme, figurent les règles de la
prescription de délai, la signification, la saisine, etc. Par contre les règles de fond comportent
l’organisation des juridictions militaires, les compétences des instances militaires de justice.
Ce qui explique la mission de l’Etat qui est d’accomplir avec plus d’efficacité
cette tâche de rechercher, d’instruire et de punir les coupables.
Pour un équilibre dans l’établissement des règles de droit, tout comme le soleil
brille sur les méchants comme sur le bon, la constitution de la RDC du 18 février 2006 telle
que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 dans son article 12 qui dispose : « tous
6
BIENFAIT UWIMANA, Le droit à l’égalité des armes dans les procès pénaux au nord Kivu ; regard sur les
pratiques judiciaires et perspectives, disponible sur https ;//pugoma,com consulté le 7 Avril, 2024.
7
KATAMBWE USENI, Op .cit, p.5.
5

les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois »8. Le
militaire étant de citoyen congolais devrais en profiter de ses règles fondamentales établir par
loi suprême du pays.
Le droit à un procès équitable est protégé par plusieurs instrument
internationaux, en effet, Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice, tout
congolais a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un
tribunal compétant indépendant et impartial établit par la loi… 9 Au niveau interne, l’article
12 de la constitution dispose « tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une
égale protection des lois. »10
Ainsi l’article 19 alinéa 4 de la constitution garantis le droit à la défense, d’où
toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de
son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et
l’instruction pré juridictionnelle.
En outre dans le code judiciaire militaire à son article 61 alinéa 2 garantit aussi
le droit à la défense dans sa manière « …Les avocats, défenseurs judiciaires ou militaires
agrées visés à l’alinéa premier ci-dessus doivent être de nationalité congolaise ». Ce qui reste
une contradiction avec la constitution congolaise qui donne le droit à un individu de se faire
assister par un avocats, défenseurs judiciaires de choix, sans tenir compte de la nationalité
congolaise. D’où une contradiction totale avec la loi suprême.11
C’est ici le lieu de signaler que les garanties du procès équitable sont multiples, à titre
illustratif : le droit d’accès à la justice, le droit à un tribunal indépendant et impartial, le droit à
l’assistance d’un avocat, à comparaitre dans la langue de son choix, à être jugé dans un délai
raisonnable, à la publicité des débats ou des audiences, au respect des droits de la défense,
l’égalité des armes, au contradictoire, à la présomption d’innocence et à la motivation de
jugement12.
Notre réflexion sera plus basée sur trois de ces garanties qui causent problème
actuellement pendant l’Etat de siège au nord Kivu et plus précisément à Goma. Dont : le
droit au juge naturel, au droit de la défense et le droit d’être jugé dans le délai raisonnable.
Voulant analyser l’effectivité de ces trois garanties tels que prévues par les textes nationaux
qu’internationaux.
8
Article12 de la Constitution de la République démocratique du Congo 18 février 2006
9
Article 14 al. 1 du pacte international relatif aux droit civil et politique, 16 décembre 1966
10
Article 12 de la constitution congolaise
11
Article 61 al 2 du code judiciaire Militaire
12
Article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 7 et 26 de la Charte africaine des droits
de l’homme et des peuples.
6

L'état de siège étant une circonstance exceptionnelle, il est admis à son sein une
législation exceptionnelle. Mais comme on peut le remarquer, la tendance est pour les
juridictions militaires de juger à tout prix les civils. Et pourtant, cela ne semble pas être le
vœu du constituant car l’article 156 de la constitution du 18 février dit :

Les juridictions militaires connaissent des infractions commises par les membres des forces
armées et de la police nationale.

Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable constitue un aspect important du principe de «
l’égalité des armes ». La défense et l’accusation doivent être traitées de manière à ce que les
deux parties puissent préparer le dossier et présenter leurs arguments en toute égalité 13

Nous pensons que ce droit doit être associé à la question du temps et des facilités
nécessaires pour préparer la défense : Concernant le temps nécessaire pour préparer sa
défense, il sied de noter que le temps nécessaire à la préparation de la défense dépend de la
nature de la procédure en cours (par exemple, s’il s’agit de l’instruction, du procès ou du
recours en appel), ainsi que des éléments de fait de chaque affaire.

Il est notamment fonction de la complexité de l’affaire, des conditions d’accès pour


l’accusé aux informations et aux éléments de preuve (ainsi que de la taille même du dossier)
et des possibilités dont il dispose pour communiquer avec son avocat, ou encore des délais
fixés par le droit national, bien que ceux-ci ne puissent à eux seuls être considérés comme
déterminant14.

En général, si le droit de la défense est violé, cela peut avoir un impact significatif sur
l'équité du procès et la protection des droits de l'accusé 15 Les recommandations pour remédier
à une violation du droit de la défense peuvent varier en fonction des circonstances spécifiques
de chaque affaire. Cependant, certaines mesures courantes pourraient inclure la révision du
procès16, la réparation des préjudices subis par l'accusé, la sanction des responsables de la
violation et l'amélioration des procédures judiciaires pour éviter de telles violations à l'avenir

En tout état de cause, deux questions méritent d’être posées comme


soubassement de ce travail :
13
Amnesty international, Pour des procès équitables, In Amnesty International Publications, Easton Street
Londres Royaume-Uni ,2014. p.73.
14
Amnesty international, Pour des procès équitables, op.cit. p.75.
15
Céline Laronde-Clerac, « Les droits de la défense », Louvain, in les indispensables de la procédure
pénale ,2019, p.29.
16
Anne -Marie Frisson-Rose, « Le droit de la défense en matière pénale » in droits et libertés
fondamentaux ,2014, p.4.
7

 Quid de la compétence personnelle des juridictions militaires, et du droit au


juge naturel comme garantie procédurale en droit congolais ?

 Le droit de la défense y compris le droit d’être jugé dans un délai


raisonnable devant les juridictions militaires pendant l’état de siège sont- ils
effectifs dans la ville de Goma ?

3. HYPOTHESES DE TRAVAIL
En guise des hypothèses :
 Le transfert des dossiers civils aux juridictions militaires, serait à la base de la
violation des garanties procédurales telles que le droit au juge naturel, le droit de la
défense et le droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
 Le droit de la défense et le droit d’être jugé dans un délai raisonnable comme garanties
procédurales ne s’appliqueraient que très faiblement au sein de la justice militaire
congolaise.

4. ETAT DE LA QUESTION

A l’heure actuelle, il n’est pas évident de mener une étude sans pour autant faire allusion
aux recherches des auteurs précédents qui ont abordé la question sous examen d’une manière
ou d’une autre. Ainsi, il est question de recours aux quelques travaux antérieurs pour
permettre de bien focaliser cette dissertation.
Nous ne sommes pas le premier à pouvoir aborder pareille étude, plusieurs autres
travaux ont été élaborés dans ce cadre.

Dans son article, KATEMBO ZAWADI axe son attention sur « le droit à l’usage
d’une langue de son choix dans un procès équitable : effectivité dans le ressort de la cour
d’appel de Goma / Nord-Kivu ». Il est arrivé à la conclusion selon laquelle le droit à un
procès équitable, qui incarne les droits et les garanties procédurales, soit, lors de la détention
préventive ou lors du déroulement du procès devant l’instance judiciaire, joue un rôle
prééminent dans une société démocratique ; c’est le noyau dur de tout système judiciaire qui
se veut fiable, et d’un état dont personne n’est au-dessus de la loi, y compris l’Etat lui-
même.17
17
KATEMBO ZAWADI, « le droit à l’usage d’une langue de son choix dans un procès équitable : effectivité
dans le ressort de la cour d’appel de Goma/Nord-Kivu » in Revue de la faculté de Droit de LUNIGOM, n°1,
8

pourtant dans le cours de droit pénal et procédure pénale militaire 18, KAMBALA
MUKENDI J.I Conclu qu’une bonne justice ou un bon procès n'est pas obligatoirement celui
où le coupable a été condamné, où l'innocent acquitté, mais celui aux cours duquel les règles
procédurales ont été respectées depuis la manifestation du fait répréhensible jusqu'à
l'exécution de la décision juridictionnelle ou jugement devenu irrévocable. Le droit
procédural reflète la beauté du droit.

Ils affirment que le but des garanties procédurales n'est ni la condamnation de


l'innocent, moins encore l'acquittement du coupable, mais et surtout la conformité du droit à
travers le bon fonctionnement de la justice. Elles visent le bon déroulement de l'instance
(mode de son organisation) et particulièrement le mode de réalisation des droits des parties à
l'instance.
En fin Le juge a pour rôle d'arbitrer, de départager sans parti pris des parties en
conflit et sa première obligation est d'être neutre. A cet effet, il se doit d'être complètement
extérieur au litige, sa seule relation avec l'affaire en cause étant précisément qu'il en est le
juge.
Les parties au procès jouissent des moyens égaux en ce qui concerne la
production des preuves et moyens procéduraux pour soutenir leurs propos et mettre en doute
les allégations des autres. Ainsi le souci profond du législateur est d’assure une défense
commune de la communauté toute entière contre les transgresseurs de la loi, dans sa mission
de rétablir l’ordre public.
Par contre KISEMBO DJOZA19démontre que la justice militaire est rendue
ineffective par un cadre législatif totalement anarchique et contraire aux normes
constitutionnelles et internationales sur le droit à un procès équitable.
Il donne une conclusion Du surcroît que l’indépendance de la justice militaire
est constamment minée par le contrôle de plus en plus accru qu’exerce le commandement
militaire sur son fonctionnement et les interférences politiques dans ses décisions judiciaires.
Plus préoccupant, les tribunaux militaires étendent leur compétence sur les civils, une pratique
à la fois contraire à la constitution et aux normes internationales et africaines applicables au
Congo.20

2016, pp.101-116,
18
KAMBALA MUKENDI J.I et MUKENDI, Droit pénal et procédure pénale militaire, cours ronéotype, FB,
DPJ, 2009-2010.
19
KISEMBO DJOZA J.P, Droit pénal militaire et procédure pénale militaire, cours, G3, F.D, DPJ, UNIKIS,
2016-2017, p.2.
20
KISEMBO DJOZA J.P, op.cit.
9

Alors, KATAMBWE USENI, 21 note que l’interdiction des voies de recours devant
la cour militaire opérationnelle serait une violation de la constitution qui consacre le double
degré de juridiction pour un procès équitable.
MBUSA BINDU 22 soutient que le code pénal militaire de la RDC prévoit parmi
les modalités de saisine du juge militaire, la décision de renvoi émanant de l’auditeur militaire
près la juridiction compétente, la décision de traduction directe, la comparution volontaire
ainsi que la saisine d’office ; le code n’ignore cependant pas la saisine en procédure de
flagrance. Cependant, il ignore complètement pour les justiciables des juridictions militaires
le droit de saisir ces dernières par voies de citation directe.
En fin de son côté le professeur KAVUNDJA MANENO23 plaide plutôt pour la
suppression des juridictions militaires en temps de paix. Il note à ce propos une panoplie de
critiques relatives à l’organisation et la compétence judiciaires des juridictions militaires au
regard des normes universelles du procès équitable. À la suppression des juridictions
militaires en temps de paix ainsi que leur maintien en temps de guerre.
Ainsi, pour ce chercheur, le procès étant toujours une situation dangereuse, des

Garanties procédurales doivent être respectées sur base des quelles sera examinée la valeur de
conclusion du résultat final. En effet, que chaque individu a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement.
Par contre, l’analyse faite au travers ce travail démontre les raisons de l’instauration
des garanties procédurales par le législateur, en droit pénal militaire congolais et en faire un
état de lieu et des perspective d’avenirs suite à son applicabilité dans les juridictions
militaires congolaise.
Notre travail se converge de ceux cités ci haut par le faite que nous
développons tous sur les garanties procédurales, et notre point de démarcation se situe au sens
que nous développerons sur trois de ces garanties développées supra dans la période de l’Etat
de siège dont : le droit de la défense, le droit au juge naturel et le délai raisonnable ; et des
perspectives d’avenirs suite à son applicabilité dans les juridictions militaires congolaise.

21
KATAMBWE USENI, L’interdiction de voies de recours contre les arrêts de la cour militaire opérationnelle
face au principe de double degré de juridiction ; cas de la cour militaire opérationnelle dans l’affaire minova
Nord Kivu, mémoire, DPJ, FD, UNIKIS, 2018, p.52.
22
MBUSA BINDU, De la saisine de juridiction militaires au regard de l’absence de la procédure de la citation
directe en procédure pénale militaire de la RDC, Mémoire, DPJ, FD, UNILU, 2010, p.7.
23
KAVUNDJA MANENO, Droit judiciaire congolais, Tome I : organisation et compétence judiciaires, 6
édition, faculté de droit, Université catholique de Bukavu, janvier 2008, p.230.
10

5. CHOIX OBJECTIFS ET INTERET DU SUJET


A. Choix
Le choix de ce sujet de recherche se fonde sur trois raisons. La Première la plus
importante, est incontestablement liée à l’actualité. Pendant que tous les Etats du monde font
des efforts pour matérialiser l’égalité entre leurs citoyens et renforcent leurs systèmes
judiciaires pour les adapter aux impératifs d’un Etat de droit, il convient qu’une réflexion soit
menée pour étudier l’égalité de tous les citoyens devant la loi en droit pénal militaire
congolais qui accuse beaucoup d’imperfections et d’inégalités pour les justiciables.
La deuxième est liée au fait que ce travail permettra au législateur congolais
d’apporter une réforme législative et l’applicabilité du principe d’égalité de justiciables devant
la loi au sein des juridictions militaires congolaises.
La troisième et la dernière est liée au respect de garantie procédurale devant les juridictions
militaires. Car nul n’ignore le respect dû aux normes supérieures, et on ne peut y déroger ;
cela veut tout simplement dire toutes les lois du pays doivent être conformes à la constitution,
c’est ainsi même que le contrôle de la constitutionnalité d’une loi est fait à priori et à
postériori24.
Il sied de constater au regard des dispositions soutenues, le non-respect à la loi
suprême et aux normes internationales a plusieurs conséquences pour le code pénal militaire
congolais.
Premièrement, le code pénal militaire doit être soit modifié et complété par des
normes qui respectent la constitution et des règles internationales ou soit sursoir les
juridictions militaires en temps de paix,

B. Intérêts du sujet
L’intérêt de cette dissertation se veut ainsi théorique et pratique.
Sur le plan théorique, cette dissertation sert de base de données pour tout
chercheur ou toute personne pensive d’un bon fonctionnement de la justice en république
démocratique du Congo, pour commenter les normes de droit pénal militaire au regard des
garanties procédurales.
Sur le plan pratique, cette dissertation consiste à apporter des informations
aux praticiens de droit. Par contre, pour les victimes, cette dissertation leur permettra de bien
saisir leurs droits et d’en réclamer l’applicabilité des garanties procédurales.
24
ILUME MOKE M., Droit constitutionnel, cou ronéotypé, 1er graduat, F.D, Unikis, 2015, p.45.
11

Enfin, pour le législateur, elle lui permettra d’avoir une lumière pour amener le
code pénal militaire au respect, de la constitution, des droits de l’homme et des garanties
procédurales à travers la modification dudit code.

6. OBJECTIFS DU TRAVAIL
En abordant cette réflexion, les objectifs suivants sont visés :
 Analyser les raisons de l’instauration de garantie procédurale dans la justice militaire
congolaise.
 Démontrer comment les garanties procédurales sont-elles appliquées dans la justice
pénale militaire.

0.7. METHODES ET TECHNIQUES DE RECHERCHE UTILISEES


L'accomplissement d'un travail scientifique oblige le chercheur à utiliser une
méthodologie adéquate incarnant les méthodes et techniques. En voici celles qui nous ont
guidées :
7.A. Méthodes de recherche
La méthode est l'ensemble d'opérations intellectuelles par lesquelles, une
discipline cherche à atteindre les vérités qu'elle poursuit, les vérifie et les démontre 25.Ce
faisant, pour la réalisation de cette étude, il est utile de procéder par la méthodologie juridique
à travers l’exégèse juridique et par l’analyse fonctionnaliste.
L’exégèse juridique permet d’analyser les différents textes juridiques, pour
dégager ce qui est du principe de garantie procédurale en droit pénal militaire et établir le sens
des textes à travers leur esprit et leur lettre.
L’analyse fonctionnaliste aidera quant à elle, de rechercher et à caractériser les
fonctions des garanties procédurales dans la justice militaire congolaise.
7. B. Techniques de recherche
Pour faciliter la récolte des données, sont utilisées les techniques
documentaires et d’interview libre.
La technique documentaire a permis de rassembler les données relatives au
sujet de recherche, notamment par lecture des divers rapports de service ainsi que la
consultation des registres de cours et tribunaux en vue d’un examen jurisprudentiel.

25
NDAMA et MASILA, Rédaction et présentation d’un travail scientifique, Ed. Enfance et paix, Kinshasa 1993,
p.18.
12

Par contre celle d’interview libre permet d’avoir une vue directe sur les réalités
en rapport avec le sujet, à travers l’entretien avec les avocats, les magistrats militaires et les
militaires, les justiciables de cette juridiction pour vérifier nos hypothèses.

0.8. DELIMITATION DU TRAVAIL


Le travail est délimité dans le temps et dans l’espace.
Temporellement, le travail est délimité sur une période allant de 2002 jusqu’en 2021. Le
choix de cette période est dû à ce qu’elle constitue l’entrée en vigueur du code pénal militaire
en R.D.C, code qui détermine les garanties procédurales au sein de la justice militaire l’année
2021 Etant l’année ou on a décrété l’Etat de siège dans la province du Nord Kivu et de l’Ituri.
Sur le plan spatial, cette dissertation couvre toute l’étendue du territoire
national de la R.D.C, pour autant que la loi portant code pénal militaire est appliquée sur toute
l’étendue de la République au nom du principe de la territorialité de la loi pénale. Tout en
mettant en exergue le Droit pénal Militaire, procédure pénale militaire, matières approfondies
choisies de Droit pénal et procédure pénale Militaire.

0.9. SUBDIVISION DU TRAVAIL


Hormis l’introduction et la conclusion, ce travail aborde la question de recherche en deux
chapitres : le chapitre premier traite de la compétence personnelle des juridictions militaires et
l'état de siège, le second, analyse de l’applicabilités des garanties procédurales en droit
judiciaire militaire : le droit de la défense et le droit d’être jugé dans le délai raisonnable.

CHAP. I : LA COMPETENCE PERSONNELLE DES JURIDICTIONS MILITAIRES


ET L'ÉTAT DE SIÈGE

Le principe est que la compétence personnelle des juridictions militaires s'exerce


d'abord et avant tout sur ceux qui ont la qualité de militaire des FARDC et sur les membres de
13

la police nationale. Tel est le prescrit de l'article 106 du code judiciaire militaire 26, qui rejoint
sur ce point l'article 156 alinéa 1er de la constitution.

Section 1 : compétence personnelle des juridictions militaires en droit congolais

En vertu de l’article 156, alinéa 1ier de la constitution, le champ de la compétence


personnelle des juridictions militaires se limite aux membres des forces armées et police 27.
Cette disposition rend inconstitutionnelle les dispositions du code judiciaire militaire qui
étendent la compétence des juridictions militaires aux civils.

Son deuxième alinéa autorisé néanmoins le président de la République, en temps de


guerre ou en cas d’état de siège ou d’état d’urgence, de substituer l’action des juridictions
militaires à celles du droit commun pour les infractions et une durée bien déterminée 28.Nous
retenons donc en bref deux catégories des justiciables devant les juridictions militaires.
Membres des forces armées et de la police nationale congolaise (§1) d'une part et les civils
d'autre part (§2).

§1. Membres des forces armées et membres de la police nationale congolaise

A. Membres des forces armées

La notion de militaire est définie et détaillée à l'article 107 du code judiciaire militaire qui
détermine les personnes revêtues de la qualité de militaire et justiciables des tribunaux
militaires. Il s’agit des personnes suivantes :

1. Les officiers, sous-officiers et hommes de rang


2. Ceux qui sont incorporés en vertu d’obligations légales ou d’engagements volontaires
et qui sont au service actif, sans qu’il soit en outre établi qu’ils ont reçu lecture des lois
militaires. Il en est de même quand, avant d’être incorporés, ils sont placés à titre
militaire dans un hôpital, un établissement pénitentiaire ou sous la garde de la force
publique, ou sont mis ou substance dans une unité.
3. Les reformés, les disponibles et réservistes même assimilés, appelés ou rappelés au
service depuis leur réunion en détachement pour rejoindre ou s’ils rejoignent
isolement, depuis leur arrivée jusqu’au jour inclus où ils sont renvoyés dans leurs
foyers.

26
Article 106 code judiciaire militaire :"
27
Article 156 alinéa 1ier de la constitution : « les juridictions militaires connaissent des infractions commises par
les membres des forces armées et de la police nationales »
28
Article 156 alinéa 2 de la constitution
14

4. Les militaires en congé illimités, réputés en service actif29

B. les membres des forces de police

La notion de membre de la police peut être appréhendée sur la base de la loi


n°13/013 du 1er juin 2013 portant statut du personnel de carrière de la police nationale. Cette
loi distingue en effet le personnel administratif de la police nationale, auquel elle ne
s'applique pas puisque ce personnel reste soumis au statut du personnel de carrière des
services publics de l'État, et le "personnel de carrière de la police nationale congolaise",
appelé "policier de carrière", auquel la loi du 1er janvier 2013 s'applique.

Selon l'article 2 de cette loi, "est policier de carrière toute personne recrutée,
formée et nommée à l'un des grades de la hiérarchie du corps des policiers de carrière de la
police nationale". L'article 3 de la loi précitée précise les différentes catégories composant le
corps de policiers de carrière.30Il s'ensuit que c'est avant tout aux policiers de carrière que la
compétence personnelle de principe des juridictions militaires s'applique.

La question de l’extension de la compétence des juridictions militaires à l’égard


des officiers et agents de la police a fait l’objet d’un débat animé aussi bien au sénat qu’à
l’Assemblée nationale. Pour les uns, en tant qu’agents de maintien de l’ordre, les policiers
devraient être le plus proche possible de la population. Autrement dit, ils devraient être des
civils et non des militaires. Pour les autres par contre, les policiers devraient être soumis à une
discipline rigoureuse à l’instar de celle à laquelle sont astreints les militaires. De là la
nécessité de leur assimilation aux dits militaires.

En fait, ce débat n’est pas nouveau en RDC. Il a été engagé également par le passé
au sujet des éléments de la gendarmerie nationale et ceux de la garde civile 31. En l’absence
d’une position claire du législateur en la matière, c’est plutôt à la jurisprudence éclairée par la
doctrine qu’on s’est tourné pour savoir les principes de solution.

Selon le professeur Akele, en se fondant sur les critères de rattachement des


éléments de la garde civile à l’armée, ce sont les juridictions militaires qui devraient être
compétente à leurs égards égard.

29
Article 107 du code judiciaire militaire.
30
Cet article 3 dispose en effet que : "le corps des policiers de carrière comprend les catégories suivantes :(1) la
catégorie A1 : les commissaires divisionnaires de police ;(2) la catégorie A2 : les commissaires supérieurs de
police;(3) la catégorie B : les commissaires de police ;(4) les sous-commissaires de police ;(5) la catégorie D : les
Brigades de police;(6) la catégorie E: les Agents de police. La recrue est appelée élève policier".
31
Institute of international legal studies, l’Etat de droit et la justice militaire dans une force militaire
professionnelle. Un séminaire de justice militaire avec les forces armées de la RDC, Kinshasa, 2009, P96.
15

Ces critères de rattachement sont notamment l’utilisation des armes de guerre, le


fait que certains éléments des forces armées se sont retrouvés au sein de la garde civile, etc 32.

Les organisations des sociétés civiles ont critiqué l’intégration des militaires
dans les forces de police nationale et les conséquences qui en ont découlé, à savoir
l’assimilation aux militaires des éléments de la PNC et la soumission des mêmes éléments à
la justice militaire33.

Pour notre part, dans le contexte actuel de notre pays la question de l'assimilation
des membres de la police nationale à l'armée ne pose pas problème aussi longtemps que nous
avons un effectif faible dans l'armée ce qui justifierait la présence de la police pour combler le
vide. Dans ce cas, il est admis que ces membres soient justiciables auprès des juridictions
militaires car cela relève de la volonté du constituant.

C'est d'ailleurs dans le même ordre d'idée que le tribunal militaire de garnison
avait écarté l'argument du conseil de la défense. En effet, invoquant l'exposé de motifs de la
loi n°023 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire tel que modifié à ce jour au
point V qui dispose qu'il est entendu que les agents de la police nationale congolaise ne sont
pas justiciables devant les juridictions militaires que pour des infractions prévues par le code
pénal militaire et cela conformément à l'article 55 du décret-loi 002/2002 du 26 janvier 2002
portant institution , organisation et fonctionnement de la police nationale congolaise, le
conseil de la défense a dans l'affaire auditeur militaire de garnison Goma contre lieutenant
BLAISE et commissaire lumoo, demandé au tribunal militaire de céans de se déclarer
incompétent à l'égard de ce dernier, policier de sa qualité, parce que les infractions mises à sa
charge à savoir la destruction méchante et l'occupation illégale ne sont pas prévues par le
code judiciaire militaire.

Le tribunal de céans considérant que ce moyen ne résistant pas à la critique, il ne


pouvait se déclarer incompétent et a fondé sa compétence en soutenant que l'article 106 du
CJM énumère les justiciables des juridictions militaires congolaises à savoir les militaires de
Forces Armées Congolaises et les assimilés (membres de la police nationale congolaise). 34

Notons que l'exposé des motifs d'une loi, n'a pas une nature juridique consistante
pour lier le juge, il ne s'agit que d'un commentaire explicatif qui accompagne un texte soumis

32
P. AKELE, Audace a cour d’ordre militaire…, Art, op.cit., pp.567-568.
33
IDASA, le renforcement de la participation de la société civile à la réforme de la police en RDC, rapport
d’atelier décembre 2006-février 2007, P16, disponible en ligne à l’adresse littp://www.idasa.orgza. Consulté le 7
Avril, 2024.
34
TMG Goma, RP, 06/10/2003, Affaire Aud.Mil.Gson. Contre Lt Blaïse et commissaire lumoo, n°397, p3
16

à l'examen de l'autorité législative et ne faisant pas partie intégrante de la loi, ne peut être
évoqué pour fonder une prétention légale. La doctrine n'est pas constante à cette question
raison pour laquelle une autre doctrine soutient que l'exposé de motif est essentiel et par voie
des conséquences il est partie intégrante du corps du texte cela en s'appuyant sur le fait que
c'est dans cette partie qu'on trouve les objectifs même du texte voire la finalité et philosophie.

À ce débat la constitution a tranché ces controverses ayant reconnus à travers


l'article 156 la compétence pour les juridictions militaires de connaître les infractions
commises par les militaires et les policiers sans en déterminer la nature c'est-à-dire les
infractions qu'elles soient militaires ou de droit commun.

Cependant, la question à laquelle devrait graviter un grand débat c'est à ce qui


concerne la détention des armes par la police. La mission principale étant le maintien de
l'ordre public et la protection de la population et leurs biens, la police ne devrait en principe
pas porter les armes à feu. Ce n'est qu'exceptionnellement, en cas des nécessités que cette
hypothèse serait admise.

§2. Exception au principe de la compétence des juridictions militaires à l’égard des


militaires et des assimilés

Le code judiciaire militaire prévoit au moins cinq hypothèses de


dérogation au principe de la compétence des juridictions militaires à l’égard des militaires et
assimilés. Dans ces cinq hypothèses les juridictions civiles sont compétentes à l‘égard des
membres des forces armées et de police. Il s’agit de la commission des infractions
d’audiences devant les juridictions de droit commun 35, de la participation criminelle entre
justiciables des juridictions militaires et les civils 36, de la connexité37, de l’indivisibilité38 et de
la commission d’infractions continues dont certains éléments ont été réalisés pendant que les
personnes en cause étaient revêtues de la qualité des militaires ou assimilés 39.

Observation : Cette dernière hypothèse :"en cas d'infraction continue s'étendant d'une part sur
une période où le justiciable révélait de la juridiction de droit commun et d'autre part sur une

35
Lorsqu’une personne, qu’elle soit civile ou militaire, se rend coupable d’une infraction à l’occasion d’une
audience d’une juridiction civile, par exemple une injure publique ou d’un outrage à magistrat, elle sera jugée
par cette juridiction. Article 118 du code judiciaire militaire.
36
Lorsque plusieurs personnes, les unes civiles et les autres militaires concourent à la commission d’une ou
plusieurs infractions, elles sont toutes jugées par les juridictions du droit commun. Article 115 du code judiciaire
militaire et 115 du code de l’organisation de la compétence judiciaires.
37
Article 93 code judiciaire militaire. Selon le professeur LIKULIA, « on estime que… » LIKULIA Bolongo,
Droit pénal spécial zaïrois, paris, LGDJ, 1977, PP.144-145.
38
Selon le professeur LIKULIA, « la doctrine… ». LIKULIA Bolongo, op.cit, p145.
39
Article 119 code judiciaire militaire.
17

période pendant laquelle il relève de la juridiction militaire ou vice versa, la juridiction de sa


dernière qualité est la seule compétente".

Cet article vient d'être récemment modifié et complété par la loi organique
n°17/003 du 10 mars 2017 modifiant et complétant la loi n°023-2002 du 18 novembre 2002
portant code judiciaire militaire. Avant cette date, le principe affirmé par le code judiciaire
militaire était que "en cas d'infraction continue s'étendant d'une part, sur une période pendant
où le justiciable relevait de la juridiction de droit commun, d'autre part, sur une période
pendant laquelle il relève de la juridiction militaire ou vice versa, la juridiction militaire est
compétente.

§3. Compétence des juridictions militaires de juger les civils en période de l'état de siège

Le principe selon lequel juridictions militaires exercent leur compétence sur les
militaires et les policiers connaît toutefois plusieurs cas d'extension de la compétence
personnelle et qui peuvent faire que les juridictions militaires soient amenées à juger des
personnes étrangères à l'armée c'est-à-dire celles qui n'ont pas la qualité de militaire ni celle
de la police nationale comme tel.

Par« état de siège », il faut entendre « un régime restrictif des libertés publiques
pouvant être appliqué sur tout ou partie du territoire en cas de menace étrangère ou
d’insurrection, et caractérisé par l’accroissement du contenu des pouvoirs ordinaires de
police, par la possibilité d’un dessaisissement des autorités civiles par les autorités militaires,
et par l’élargissement de la compétence des tribunaux militaires ». 40 Ce régime peut
également être invoqué pour justifier certaines dérogations à des engagements internationaux
de protection des droits de l’homme, sous réserve toutefois des droits désignés comme
indélogeables par ces instruments.41

Il paraît alors impossible de concilier l'état de siège et le droit à un procès


équitable. En effet, le premier admet la violation de certains droits humains, y compris le droit
à un procès équitable, bien évidemment sous certaines conditions ; le second sert à repousser
les atteintes portées aux droits de l'homme. Dès lors, il s'avère difficile de concilier les deux
notions.42

40
Raymond GUILLIEN et Jean VINCENT, Lexique des termes juridiques, 12ième éd., Paris, 1999, pp 233-234.
41
Jean SALMON, Dictionnaire du droit international public, Bruxelles, 2001, p. 468.
42
Jean de Dieu KAKULE KAUSA : "État de siège et les droits inderrogeables" dans les annales de la faculté de
droit de l'ulpg-goma (AFD-ULPGL), revue annuelle n°4, 2020-2021, p8.
18

L'état de siège étant une circonstance exceptionnelle, il est admis à son sein une
législation exceptionnelle. Mais comme on peut le remarquer, la tendance est pour les
juridictions militaires de juger à tout prix les civils. Et pourtant, cela ne semble pas être le
vœu du constituant car l’article 156 de la constitution du 18 février dit :

Les juridictions militaires connaissent des infractions commises par les membres des forces
armées et de la police nationale.

En temps de guerre ou lorsque l’état de siège ou d’urgence est proclamé, le


président de la République par une décision délibérée en conseil des ministres, peut suspendre
sur tout ou partie de la République et pour la durée et les infractions qu’il fixe, l’action
répressive des cours et tribunaux de droit commun au profit de celle des juridictions
militaires. Cependant, le droit d’appel ne peut être suspendu.

Cet article signifie :

Premièrement, les juridictions militaires et les policiers, elles ne sont pas donc
compétentes pour juger les civils. La constitution du 18 février 2006 n’a pas envisagé
l’hypothèse où les juridictions militaires devraient juger les civils si non, elle allait le prévoir
ou ajoutant à la fin du 1ier alinéa de l’article 156 sauf dérogation prévue par la loi sous réserve
des dispositions du code judicaire militaire.

Deuxièmement, les seuls cas où les civils peuvent être jugés par les militaires se
trouve à l’article 156 alinéas 2 de la constitution.

 Délibération du conseil des ministres suivis de la décision de


proclamation de temps de guerre, l’état de siège, l’état d’urgence par le président de la
République.
 Suspension sur tout ou partie de la république de l’action répressive des
cours et tribunaux de droit commun au profit des juridictions militaires.
 La durée de cette suspension doit être précise et les infractions
concernées doivent être fixées.
En dehors de ces cas ainsi, relevés, rien ne justifie que les juridictions militaires
puissent juger les civils.43

43
Telesphore KAVUNJA MANENO, droit judiciaire congolais, Tome I organisation et compétence judiciaire,
éd. Médias Saint Paul, Kinshasa 2014, p 497
19

§4. De la substitution de la compétence des juridictions civiles répressives vers les


juridictions militaires sur l'administration de la justice.

Tout en ayant en esprit les dispositions de l’article 19 alinéa 1ier de la constitution du


18 février 2006, il est prévu que :"Nul ne peut être ni soustrait ni distrait contre son gré du
juge que la loi lui assigné". Mais l’Etat de siège étant une circonstance exceptionnelle il a
substitué le juge naturel des civils au profit du juge des juridictions militaires.
C’est ainsi l’article 3 de l’ordonnance N°21/015 du 03 mai 2021 portant proclamation de
l’état de siège sur une partie du territoire national de la République Démocratique du Congo
notamment des provinces de l’Ituri et au Nord-Kivu dit : « l’action des juridictions civiles sera
substituée par celle des juridictions militaires » selon le professeur Telesphore kavundja
maneno cela signifie que :
 Seules les juridictions militaires pourront s’occuper de l’administration de la justice
durant l’état de siège uniquement en matière pénale.
 Les juridictions militaires qui connaitront les différentes matières en remplacement
des juridictions civiles (de droit commun : tribunaux de paix, TGI et la cour d’appel)
sont les tribunaux militaires de police, TMG et la cour militaire.
À notre regard cette hypothèse pose problème d'abord en République Démocratique du
Congo où les tribunaux militaires des polices ne fonctionnent jusque-là pas. Ils sont
équivalents des tribunaux des paix. La conséquence est telle que ces sont les tribunaux
militaires des garnisons qui connaissent des faits relevant de la compétence de ces tribunaux.
Ainsi, pendant l'état de siège le tribunal militaire de garnison de Goma s'est confronté à ce
défis il est dans l'obligation de connaître des faits relevant de sa compétence évidemment et
ceux de la compétence des tribunaux de police sans pour autant laisser à côté ceux relevant de
la compétence des juridictions de droit commun.
 La composition du siège des juridictions militaires se fera conformément aux
dispositions du code judiciaire militaire.
 Toutes les affaires pénales nouvelles du parquet seront da la compétence des
auditorats militaires à la fin de l’état de siège elles devraient être transférées en l’état
aux parquets ou juridictions de droit commun selon le cas ;
 Les anciennes affaires pénales qui étaient déjà en instance au parquet ou devant les
juridictions de droit commun ou tribunal de commerce (uniquement en matière pénale)
ne devraient pas être transférées aux auditorats ou juridictions militaires.
20

 Les prévenus qui étaient en détention préventive avant l’état de siège restent dans cet
état jusqu’à la fin de l’état de siège.

Les juridictions militaires ne pourront donc pas s’occuper de ces détenus étant donné,
d’une part, il n’existe pas de chambre du conseil aux juridictions militaires pour régulariser
ou non la détention préventive44 et d’autre part, les anciens dossiers en instruction préparatoire
ou à l’audience des juridictions de droit commun restent de la compétence de ces dernières
après l’état de siège.

 Lorsque les justiciables civils ont commis des infractions au droit commun (exemple :
vol simple ou coups et blessures volontaires, les juridictions militaires appliqueront le
code pénal ordinaire mais la procédure pourrait être celle de droit commun et celle
prévue par le code judiciaire militaire).
 Les compétences des tribunaux pour enfants ne pourront en aucun cas être transférées
devant les juridictions militaires ; les tribunaux attendront la fin de l’état de siège pour
fonctionner ;
 La cour militaire opérationnelle du Nord-Kivu ou celle de l’Ituri garde leurs
compétences de juger les militaires qui ont commis les infractions pendant la guerre
avec les rebelles. Rappelons que les arrêts rendus par la CMO ne sont susceptibles
d’aucun recours c’est-à-dire de voies de recours 45 ordinaires (appel et opposition) ni
les voies de recours extra ordinaires (tierce opposition, révision et pourvoi en
cassation).

Mais il sied de se poser la question ici, cette substitution était-elle faite dans les formes
prescrites par la loi et/ou les instruments internationaux ?

La compétence pénale des juridictions civiles a été transférée aux juridictions militaires
sans que la nécessité et le bien-fondé de cette mesure ne soient précisés. L'article 156 de la
Constitution dispose que les infractions spécifiques qui seraient transférées aux juridictions
militaires dans le cadre de l'état de siège soient déterminées, ce qui n’est pas le cas. Comme
l’a souligné le Comité des droits de l'homme des Nations unies : « Lorsqu’ils proclament un
état d’urgence susceptible d’entraîner une dérogation à l’une quelconque des dispositions du

44
C’est l’Auditeur militaire de garnison qui fait office de la chambre du conseil (article 209 de la loi n°023-202
du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire, JORDC, n° spécial, 20 mars 2003, P1).
45
Article 87, 276 et 279 de la loi n°023-202 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire, JORDC,
spécial, 20 mars 2003, P1.
21

Pacte, les États doivent agir dans le cadre de leur constitution et des dispositions législatives
qui régissent l’exercice des pouvoirs exceptionnels »46.

Notons que cet aspect posait plus le problème en 2021 mais suite à des critiques il y'a eu
quand même des réformes d'autant que le 18 mars 2022, le président Félix TSHISEKEDI a
signé une nouvelle ordonnance qui modifie et complète l’ordonnance 21/016 du 3 mai 2021.
Il y est énuméré dix infractions pour lesquelles les juridictions militaires resteraient
compétentes à l'égard des civils, notamment pour :
 Meurtre;
 Assassinat;
 Enlèvement d'une personne ou arrestation et détention arbitraire ;
 Vol commis à l’aide de l’effraction, escalade ou fausses clés ;
 Vol commis de nuit dans une maison habitée ou ses dépendances ;
 Vol à main armée;
 Association de malfaiteurs;
 Evasion des détenus;
 Atteinte à la sécurité de l’État ;
 Torture et extortion47.
En vertu de l’ordonnance, toutes les autres infractions commises par des civils
relèveraient à nouveau de la compétence des juridictions civiles. Cette nouvelle ordonnance
visait à se conformer aux mesures relatives à l'état de siège sur l’obligation de la Constitution
prévue à l’article 156 (2) qui dispose qu’il faut définir les infractions pour lesquelles la justice
militaire serait compétente à l’égard des civils dans le cadre de l’état de siège.
Toutefois, force est de constater qu’elle n'est toujours pas conforme aux normes
internationales en matière de droits humains. Les pouvoirs accordés à la justice militaire sur
les civils sont encore restés trop étendus. Avant que cette précision n'intervienne même si
évidemment l'acte qui en a fait une, fait toujours défaut conformément à l'article 122 de la
constitution du 18 février 2006 telle que modifiée et complétée à ce jour.48

46
Voir Comité des droits de l’homme des Nations unies, Observations générales sur l’article 4 du PIDCP, § 2.
47
Article 6 de l'ordonnance n°21/016 du 03 mai 2021 portant mesure d'application de l'état de siège telle que
modifiée et complétée à ce jour par l'ordonnance n°22/024 du 18 mars 2022.
48
Article 122 alinéa 6 de la constitution du 18 février 2006 : " la détermination des infractions et des peines qui
leurs sont applicables, la procédure pénale, l'organisation judiciaire, la création de nouveaux ordres des
juridictions, le statut des magistrats, le régime juridique du conseil supérieur de la magistrature (...)"
22

Section 2. La suspension du droit au juge naturel

L’article 19 alinéa 1 et 2 de la constitution du 18 février 2006 dit : " Nul ne peut être ni
soustrait ni distrait contre son gré que la loi lui assidue." Toute personne a droit que sa cause
soit entendue dans un délai raisonnable par un juge compètent. La constitution a confié aux
juridictions militaires la mission de juger les militaires et les policiers, si ces juridictions
continuant à juger les civils, elles violeraient les articles 19 alinéa 1 et 2 et 156 de la
constitution du 18février 2006.
En droit italien, ce principe a, au départ, justifié l'interdiction d'instituer des tribunaux
extraordinaires, et de transférer une procédure a posteriori, du juge compétent vers un juge
initialement incompétent. Au fil du temps, cette dernière interdiction fut abandonnée. 49
Notons à ce point qu'il y'a des divergences au niveau international s'agissant de la
conciliation du droit au juge naturel et les circonstances exceptionnelles.
D'une part par la Commission Africaine des droits de l'homme et des peuples, les juridictions
militaires ne peuvent en aucune circonstance, juger les civils 50. D'autre part, par contre la
Comité des droits de l'homme de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) n'émettent pas
d'avis contraire à la compétence des juridictions militaires à juger les civils. Ce pendant, il ne
l'admet qu'à condition de:
 Respecter les prescrits du droit à un procès équitable tel que proclamé par l'article 14
du PIDCP ;
 Ne pas limiter les garanties de ce droit, suite au caractère militaire ou exceptionnel du
tribunal en question ;
 Recourir aux juridictions militaires pour juger les civils à titre d'exception, c'est-à-dire
dans le seul cas où l'État partie peut démontrer que les recours à de tels tribunaux est
nécessaire et justifié par des raisons objectives et sérieuses et ou, relativement à la
catégorie spécifique des personnes et infractions en question, les tribunaux civils
ordinaires ne sont pas en mesure d'entreprendre ces procès.51
En dehors des cas précis ci-dessus, la justice, les justiciables civils qui se verraient
poursuivi par les juridictions militaires ont le droit de saisir la cour constitutionnelle pour
contester la compétence de ces juridictions des lors que la constitution à prévu qu’ils seront
jugés par les juridictions du droit commun sur la base des articles 19 alinéa 1 et 2 et 156 de la
49
S. GUINCHARD et alii, Droit processus, droit commun et droit comparé du procès équitable, 5ē éd. Dalloz,
2009, Paris , n°314, pp. 679 et 680 cité par J.KAKULE KAUSA, op.cit pp.11.
50
Directives et principes sur le droit à un procès équitable et l'assistance judiciaire en Afrique, disponible sur
http://www.achpr.org/public/Document.file/French.pdf, consulté le 6 juillet 2024.
51
Observation générale n° 32 du comité de droits de l'homme de l'ONU, disponible sur
http://www.conernedhistorians.org/content_files/file/to/193.pdf, consulté le 6 juillet 2024.
23

constitution du 18 février 2006. C’est pourquoi, il est urgent d’adapter le code judiciaire
militaire du 18 novembre 2002 à la constitution du 18 février 2006.
Cette même position est soutenue par le professeur Nyabirungu dans son étude sur la
compétence judiciaire partagée entre les juridictions militaires et les juridictions civiles en
matière de crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. On a entendu des réflexions à
haute voix, selon lesquelles, les juridictions militaires pouvaient juger les civils car la
Constitution ne l’interdisait pas.
C’est perdre de vue qu’en matière judiciaire, la compétence est d’attribution ; elle ne
se présume pas. Elle doit être prévue par un texte pertinent. Si la compétence des juridictions
militaires sur les membres des FARDC et de la PNC peut et doit être affirmée, c’est parce que
la Constitution l’a ainsi décidé. Et si le Constituant voulait que cette compétence s’exerce sur
les civils, il l’aurait certainement et expressément dit. S’il a pu le dire pour les militaires et les
policiers, rien ne l’empêchait de le dire pour les civils. S’il ne l’a pas dit, c’est parce que telle
n’était pas sa volonté de voir les juridictions militaires juger les civils.
Une telle règle de valeur constitutionnelle ne saurait être contredite, contournée ou
déviée par une disposition légale ou réglementaire. Depuis la Constitution du 18 février 2006
telle que modifiée à ce jour, les juridictions militaires n’ont aucune compétence sur les civils,
et tous les jugements des civils par les juges militaires sont autant des violations de la
Constitution, et toutes les arrestations, détentions et condamnations opérées dans le cadre de
telles procédures, sont autant d’arrestations, de détentions et de condamnations arbitraires,
susceptibles à donner lieu à réparation.
Toutes ces critères que nous avons relevées dit Telesphore Kavundja contribuent sans
doute à la suppression des juridictions militaires en temps de paix selon le professeur allant
même par les enseignements du droit comparé, la loi N°023-2002 du 18 novembre 2002
portant code judiciaire militaire en République Démocratique du Congo tout comme
l’ordonnance loi N°72-060 du 25 septembre 1972 portant institution du code de justice
militaire s’est largement inspirée de l’ancien code de justice militaire français or, la France a
supprimé les juridictions militaires en temps de paix, il en est de même en Belgique où les
prédictions militaires sont également supprimées en temps de paix.
Etats démocratiques de la famille romano-germanique à laquelle appartient
République Démocratique du Congo, les juridictions militaires ont été supprimées en temps
de paix.
24

Cela étant une précision importante doit être apportée à la compétence personnelle de
principe des juridictions militaires : " les juridictions militaires sont incompétentes à l'égard
des personnes âgées de moins de dix-huit ans"52.
En excluant de la compétence des juridictions militaires les personnes âgées de moins
de 18 ans, le législateur congolais a introduit une innovation majeure et, il a pour ce faire,
voulu ainsi se conformer aux divers instruments internationaux visant la protection des droits
de l'enfant. Constatons que cet article 114 code judiciaire militaire accorde avec le principe n°
7 des principes sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires. Ce principe
consacré à "l'incompétence des tribunaux militaires pour juger les mineurs de 18 ans", dispose
en effet que "les mineurs, relevant de la catégorie des personnes vulnérables, ne doivent pas
être poursuivis et jugés que dans le strict respect des garanties prévues par la convention
relative aux droits de l'enfant et l'ensemble de règles minima des Nations Unies concernant
l'administration de la justice pour mineurs ( règles de Beijing)"; et qu'"en aucun cas, ils ne
devraient, par conséquent, être soumis à la compétence des juridictions militaires.
Il faudra toutefois relever que l'intitulé de ce principe est ambigu lorsqu'il parle des
"mineurs de 18 ans", alors qu'à 18 ans on n'est plus mineur. C'est en effet l'article 1er de la
convention relative aux droits de l'enfant qui dispose que " (...) un enfant s'entend de tout être
humain âgé de moins de 18 ans.53
Ainsi, c'est à juste titre que le tribunal militaire de garnison de Goma s'était déclaré
incompétent à l'égard des faits mis à charge du soldat DUNIA Donatien prévenu poursuivie
pour tentative d'extorsion au motif qu'au moment des faits le prévenu avait 17 ans 54.
Au-delà de la solution trouvée au problème de la compétence du tribunal militaire de
garnison, ce jugement a le mérite d'avoir énoncé le principe de l'applicabilité des lois de
compétence dans le temps par le juge militaire. En effet, les lois de compétence comme toutes
les lois se succèdent les unes aux autres et cela donne lieu à un doute sur la loi applicable
quand une situation se prolonge sous l'empire des 2 ou plusieurs mois contenant des
dispositions contraires. C'est-à-dire les faits sont commis sous l'empire d'une loi mais ne sont
jugés que sous l'empire d'une nouvelle loi.
In specie casus, les faits pour lesquels le prévenu DUNIA a été déféré devant le
tribunal militaire de garnison de Goma ont été perpétrés sous l'ordonnance-loi n°72/060 du 25
septembre 1972 portant code de justice militaire qui, spécialement à son article 129 rendait
52
Article 14 du code judiciaire militaire.
53
Jacques MBOKANI, notes de cours de droit pénal et procédure pénale militaires, inédit, UNIGOM, 2021-
2022, p26.
54
TMG GOMA, RP, le 11/10/2007, Affaire Aud. Mill. Garnison contre soldat DUNIA, n°978, p6.
25

compétence aux juridictions militaires de juger les militaires mineurs. Mais l'instruction de la
cause l'a été sous la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire qui
exclut les mineurs de moins de 18 ans à la compétence des juridictions militaires.
Cependant, rappelons qu’il est admis que les lois d'organisation judiciaire, de
compétence et des procédures sont des lois de forme et comme telles, elles visent à assurer
une meilleure administration de la justice et cours normal de tout procès surtout elles profitent
finalement au prévenu55.
Il découle de cette règle que le code judiciaire militaire étant favorable au prévenu que
l'ordonnance-loi de 1972, le tribunal militaire de garnison Goma en renvoyant le prévenu
devant son juge naturel avait fait une bonne application de la loi.

55
Gaston STEFANI, Georges LEVASSEUR, et Bernard BOULOC, procédure pénale DALLOZ, 1996, p6.
26

Chap. II. DE L’APPLICABILITE DES GARANTIES PROCEDURALES EN DROIT


JUDICIAIRE MILITAIRE.

Par définition, les garanties procédurales sont l'ensemble des normes


applicables pour assurer l'équité du processus judicaire. Elles s'intéressent, particulièrement
en matière pénale, au respect des droits de l'accusé et l'exercice du pouvoir judiciaire par un
tribunal compétent, indépendant et impartial afin d'assurer l'équité du procès.
Ces garanties englobent également les droits des victimes du fait infractionnel
car en réalité, ce sont elles les plus touchées. D'ailleurs, le procès serait vidé de sens si les
victimes de l'infraction n'étaient indemnisées pour couvrir les dommages subis.
Pour remplir ces exigences, les victimes doivent disposer la voie de mettre en mouvement
l'action publique en vue d'obtenir réparation, voie considérée comme contrepoids à

Le droit à la justice est un droit particulièrement important : C'est pourquoi, il


serait inutile d'affirmer la prééminence de ce droit considéré comme l'une des valeurs de la
démocratie, si la justice n'est pas correctement rendue 56. C'est la nécessité de l'impérative
protection de justiciables. Le droit à la justice, et qui plus est à une bonne justice, est un
impératif majeur57.
La réalisation de ce droit passe par certaines exigences procédurales se
traduisant par un procès équitable. En matière pénale, le principe de légalité, qui est un
principe cardinal constitue l'épicentre des garanties procédurales et il est un principe
fondateur de tout Etat de droit.
Ainsi pendant le présent chapitre, il est question de démontrer d’abord les
sources et le fondement des garanties procédurales (section I) avant de nous atteler sur les
deux principales garanties qui fondent notre réflexion : droit de la défense, et du délai
raisonnable (section II).
Section I. Sources et fondement des garanties procédurales.
§1. Sources.
Les garanties procédurales reconnues aux personnes poursuivies pourraient
être comparées à un fleuve aux maints affluents. Elles tirent leurs sources tant dans les
instruments internationaux (A) que ceux de droit interne (B).

56
J.F RENNUCCI, traite de droit européen des droits de l’homme, LGDJ, Montchrétien, Paris 2007, p282.
57
Idem,
27

A. Sur le plan international


Nombreux instruments internationaux affirment les garanties nécessaires pour
une procédure juridictionnelle efficace. En effet, l'individu est également reconnu comme un
sujet de droit au plan international.
Le texte international central reste le pacte international relatif aux droits civils
et politiques58 dont l'article 14 dispose : Toute personne accusée d'une infraction pénale a
droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
 À être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de
façon détaillée, de la nature des motifs de l'accusation portée contre elle ;
 À disposer du temps et des facultés nécessaires à la préparation de sa défense et à
communiquer avec le conseil de son choix ;
 À être jugée sans retard excessif ;
 À être présente au procès et à se défendre elle-même ou avoir l'assistance d'un
défenseur de son choix, si elle n'a pas de défenseurs, à être informée de son droit
d'en avoir un, et chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, se voir attribuer
d'office un défenseur, sans frais, si elle n'a pas les moyens de le rémunérer ;
 À interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et
l'interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à
charge ;
 À se faire assister gratuitement d'un interprète si elle ne comprend pas ou ne parle
pas la langue employée à l'audience ;
 À ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable, »
Les mêmes droits se retrouvent mutatis mutandis posés dans le statut de Rome et dans la
charte africaine59.
B. Sur le plan national
Profitant de l'adoption de sa nouvelle constitution de 2006, la R.D Congo y a intégré
l'essentiel des garanties judiciaires et procédurales prévues en droit international.
Parmi ces garanties constitutionnelles, il y a : le principe du juge naturel et du droit à la
défense à tous les niveaux de la procédure pénale, de la publicité des audiences des Cours et
Tribunaux, de l'obligation d'écrire et de motiver les jugements, du droit de former recours

58
Art 14 du PIDCP, cité par M. CIFENDE KACIKO et S. SMIS, Code de droit international Africain, Edition Larcier, du 1èr
Juillet 2011, p. 212
59
L’article 67 du Statut de Rome qui énumère les garanties dont doit bénéficier l'accusé.
28

contre un jugement, le principe de non rétroactivité de la loi pénale et de la légalité des


peines, de même que la confirmation de la présomption d'innocence60.
Plus importante est encore l'article 28 de la constitution qui interdit « le respect des
ordres» en matière des crimes internationaux en disposant que 61 : « Nul n'est tenu d'exécuter
un ordre manifestement illégal ». Tout individu, tout agent de l'Etat est délié du devoir
d'obéissance, lorsque l'ordre reçu constitue une atteinte manifeste au respect des droits de
l'homme et des libertés publiques et de bonnes mœurs.
La preuve de l'illégalité manifeste de l'ordre incombe à la personne qui refuse de
l'exécuter. D'autres garanties sont légales et sont posées dans le code judicaire militaire en son
livre III intitulé «de la procédure devant les juridictions militaires ».
De par ces dispositions, nous constatons que la RDC fait preuve d'une avancée
législative en matière de garanties procédurales. Cependant, l'administration d'une bonne
justice ne peut être déduite seulement à de bons textes ; encore faut-il les appliquer pour
qu'elles ne soient pas lettres mortes (garanties papiers).
§2. Fondements
Comme l'a souligné KAMBALE MUKENDI J.I, une bonne justice ou un bon
procès n'est pas obligatoirement celui où le coupable a été condamné, où l'innocent acquitté,
mais celui aux cours duquel les règles procédurales ont été respectées depuis la manifestation
du fait répréhensible jusqu'à l'exécution de la décision juridictionnelle ou jugement devenu
irrévocable62.
Le droit procédural reflète la beauté du droit ; il est la voie par excellence de
l'expression du droit de fond, qui replace les faits dans le grillage circonstanciel de lieu, de
temps et de la personne de l'auteur afin de permettre de conclure sur la caricature du coupable
ou de l'innocent.
De par ces considérations, nous en déduisons qu'un procès en marge des règles
procédurales et judiciaires n'est qu'une justice fade.
Eu égard à tout ceci, il importe d’affirmer que le but des garanties procédurales
n'est ni la condamnation de l'innocent, moins encore l'acquittement du coupable, mais et
surtout la conformité du droit à travers le bon fonctionnement de la justice. Elles visent le bon
déroulement de l'instance (mode de son organisation) et particulièrement le mode de
réalisation des droits des parties à l'instance.

60
L’article 19 de la constitution du 18 février 2006
61
Article 28, idem
62
. I KAMBALA MUKENDI, op.cit., p.11
29

Loin de culpabilité ou d'innocence, la protection juridictionnelle du justiciable


est l'objectif essentiel qu'il faut atteindre. Ces garanties valent pour tous les accusés inclus
ceux des crimes internationaux qu'ils soient en liberté ou en détention.
Ayant déjà montré les différentes sources des garanties procédurales et son
fondement, il est alors impérieux de passer en détails des certaines garanties procédurales qui
ont plus attirés notre attention pendant la rédaction de ce travail à l’occurrence le droit de la
défense et du délai raisonnable.
Section II. Le droit de la défense et du délai raisonnable
§1. Le droit de la défense
La notion de droits de la défense est universellement partagée et appliquée par
l’ensemble des acteurs au procès dans tous les systèmes judiciaires, et constitue l’un des
piliers du droit processuel sans lequel l’on ne peut parler de d’un procès équitable. En
République Démocratique du Congo, ces droits, corolaire du principe de la présomption
d’innocence, sont consacrés par la Constitution. Cependant, la procédure de flagrance, la
durée plus ou moins longue des procès, la faible assistance des conseils et l’absence de
volonté politique de mettre en œuvre les réformes, rendent ineffectif la jouissance et l’exercice
de ces droits pourtant constitutionnellement garantis, entamant ainsi l’équité des procédures.
Or, un traitement injuste du suspect ou de l’accusé peut perturber la procédure à tel point qu’il
devient impossible de réunir les éléments constitutifs d’un procès équitable.

Il ne s’agit pas ici de traiter du dysfonctionnement de la justice pénale en RD Congo,


des études spécifiques,63 et les états généraux de la justice64 y étant déjà largement consacrées.
63
A titre d’exemple, KIFWABALA TEKILAZAYA, Defi FATAKI Wa LUHINDI et Marcel
WETSH’OKONDA KOSO, République Démocratique du Congo. Le secteur de la justice et l’Etat de droit. Un
Etat de droit en pointillé. Essai d’évaluation des efforts en vue de l’instauration de l’Etat de droit et
perspectives d’avenir, Une étude d’AfriMAP et de l’Open Society Initiative for Souther Africa, Johannesburg,
2013 ; Marcel WETSH’OKONDA KOSO, République Démocratique du Congo. La justice militaire et le
respect des droits de l’homme, l’urgence du parachèvement de la réforme, Johannesburg, 2009 ; Thierry
VIRCOULON, « Réforme de la justice : Réalisations, limites et questionnement », in Theodore TREFON
(dir.), Réformes au Congo (RDC). Attentes et désillusions, Tervuren, Paris, Cahiers africains, n° 76, pp. 87-
102; République Démocratique du Congo, Ministère de la Justice et droits humains, Programme des Nations
unies pour le développement, Monitoring judiciaire 2010-2011, Rapport sur les données relatives à la réponse
judiciaire relative aux cas des violences sexuelles à l’Est de le République Démocratique du Congo, Kinshasa,
PNUD & Ministère de la justice; République Démocratique du Congo, Ministère de la Justice, Plan d’actions
pour la réforme de la justice (2007-2011), Kinshasa, Ministère d la Justice, 2007.
64
En 2015, le Ministère de la justice et droits humains, avec le concours du Conseil supérieur de la magistrature,
a organisé à Kinshasa du 27 avril au 2 mai 2015, les Etats généraux de la Justice. Sous la modération et le
rapportage du Professeur NYABIRUNGU mwene SONGA, les Etats Généraux de la Justice ont réuni près de
300 participants, représentants de toutes les parties prenantes du secteur de la justice civile et militaire de la
République Démocratique du Congo, ainsi que le monde diplomatique, économique, des confessions religieuses,
de la société civile, des syndicats, des médias, des universités, afin d’aborder toutes les questions qui touchent au
fonctionnement, à la modernisation et aux conditions de bonne administration de la Justice en République
30

Il ne s’agit pas non plus de faire une revue des violations des droits de la défense mais plutôt
de démontrer les difficultés auxquelles se heurtent les accusés dans la jouissance ou l’exercice
de leurs droits. Dans ce cadre, ce paragraphe traite des questions des droits de la défense qui,
bien qu’elles existent dans tout procès, prennent une dimension particulière dans le procès
pénal., nous nous intéresserons essentiellement à la procédure pénale devant les tribunaux
militaires.

A. Consécration des droits de la défense

Le Code congolais de procédure pénale ne définit pas les droits de la défense. Ces derniers
dont la définition est donnée par la doctrine, sont cependant consacrés dans la Constitution
congolaise et dans les traités internationaux des droits de l’homme auxquels la RD Congo est
partie.

I. Notions des droits de la défense

Dans un cadre judiciaire, l’action de se défendre en justice peut se résumer à faire


valoir devant le juge ses droits ou ses intérêts, comme demandeur ou défendeur, soit par soi-
même, soit par représentation selon ce que la loi permet ou ordonne.

Pour Pradel, au sens large, les droits de la défense « incluent toutes les règles qui
tendent à protéger le suspect, la personne mise en examen, l’accusé ou le prévenu contre
l’arbitraire ou l’excès de zèle des autorités (règles régissant la garde à vue ou interdisant
l’obtention des preuves ou imposant au juge l’obligation de motiver sa décision). Dans un sens
plus étroit, qui intéresse la seule phase de l’instruction, les droits de la défense comprennent
deux prérogatives : le droit à l’assistance d’un avocat et le droit de participer à l’instruction
».65
Ces premières définitions semblent limiter les droits de la défense à la phase
préparatoire du procès pénal. Même s’il concède qu’au sens large, ils s’exercent sur
l’ensemble du procès pénal, a contrario, il laisse penser qu’en dehors de cette période
privilégiée, les droits de la défense ne sont plus garantis.

Démocratique du Congo. Les objectifs poursuivis étaient de poser un diagnostic complet sur le fonctionnement
du secteur de la justice en évaluant les réformes entreprises ; de créer un consensus autour des réformes et
actions prioritaires ; de définir les modalités de mise en œuvre des réformes ; de déterminer le mécanisme du
suivi, et enfin, de porter une attention particulière au niveau de l’ordre prioritaire des recommandations. Voir :
République Démocratique du Congo, Ministère de la Justice et droits humains, Rapport général des Etats
généraux de la justice en République Démocratique du Congo. Kinshasa, du 27 avril au 02 mai 2015, Kinshasa,
Ministère de la justice, 2015
65
Jean PRADEL, Procédure pénale, 9ième éd ; Paris, 1997, p. 537.
31

Les droits de la défense ne sont pas à circonscrire aux seules phases préparatoires au
procès, mais à l’ensemble du procès pénal. 66 En effet, le législateur congolais a institué toute
une série de mesures destinées à assurer le respect des droits de la défense aussi bien en phase
préliminaire que pendant la phase de l’instruction ainsi que pendant la phase jugement.

Dès lors, on peut définir les droits de la défense comme étant « l’ensemble des
prérogatives qui garantissent à l’inculpé la possibilité d’assurer effectivement sa défense dans
le procès pénal et dont la violation constitue une cause de nullité de la procédure même si
cette sanction n’est pas expressément attachée à la violation d’une règle légale ». 67
Connoté pénalement, les droits de la défense sont en réalité une notion de droit
processuel. Ils transcendent horizontalement toutes les branches du droit. En effet, le
développement des autres branches du droit, la fausse idée selon laquelle les droits de la
défense appartiennent exclusivement à la procédure pénale dépérit progressivement au profit
d’une évidence, aujourd’hui incontestée et reconnue de tous, les droits de la défense
transcendent les branches du droit. Ils constituent un élément intangible du procès.

En droit civil,68 en droit administratif,69 en droit du travail ou encore en droit de la


concurrence,70 ils sont présents dans tous les contentieux. Ils appartiennent à ce qu’il faut
appeler plus largement le droit processuel, qui recueille les éléments communs à toutes les
procédures.71 Ils « correspondent à une exigence supérieure de l’idéal de justice » et
participent de « ce fond commun à tout procès à travers les âges, depuis le droit romain », 72 ils
constituent un principe intangible du procès équitable.

66
Bernard BOULOC, Georges LEVASSEUR, Gaston STEFANI, Procédure pénale, 19ième éd., Paris, 2004, p. 30.
67
Gerard CORNU, Vocabulaire juridique, Coll. Quadrige, 7ième éd, Paris 2005.
68
Georges WIEDERKEHR, Droits de la défense et procédure civile, D. 1978, chron. n°8, p.36; Georges
BOLARD, Les principes directeurs du procès civil : Le droit positif depuis Henri Motulsky. JCP 1993, I, 3693;
Jean VINCENT, Serge GUINCHARD, Procédure civile, 27ième éd, Paris, 2003, pp. 543 et 544;
Jacques NORMAND, Le rapprochement des procédures civiles à l’intérieur de l’Union européenne.
Mélanges Roger Perrot, Paris, 1995, p. 337.
69
Jean-Marie BRETON, Le Conseil d’Etat et le principe du contradictoire : Réflexions sur les méthodes du juge
administratif et les exigences procédurales, PA du 12 février 1997, p. 11.
70
Asteris PLIAKOS, Les droits de la défense et le droit communautaire de la concurrence, Bruxelles, 1987, p.
295 ; Bernard BOULOC, Les droits de la défense dans la procédure pénale applicable en matière de concurrence,
Rev. sc. crim. 1982, p. 513.
71
William BARANES, Marie-Anne FRISON-ROCHE, Jacques-Henri ROBERT, Pour le droit processuel.

72
Serge GUINCHARD, Xavier LAGARDE, et alii, Droit processuel. Droit commun et droit comparé du procès
équitable, 4ième éd., 2007, p. 782.
32

Toutefois, en raison de leur trop forte connotation pénale, certains auteurs 73 préfèrent
le vocable du principe du contradictoire aux droits de la défense lorsqu’il s’agit de traiter de la
procédure civile. En effet, l’exercice des droits de la défense au pénal renvoie l’image d’un
procès déséquilibré entre l’accusation et la défense.

Or, tel n’est pas l’esprit du Code de procédure civile. Au surplus, de nombreuses
manifestations des droits de la défense peuvent être considérées comme des applications du
principe du contradictoire. Enfin, certains droits de la défense sont spécifiques à la matière
pénale et ignorés de la procédure civile, du fait de l’équilibre initial entre les parties au procès.

Au sujet du fondement et de l’origine des droits de la défense, la doctrine classique leur


reconnaît une valeur fondamentale selon « une démarche axiologique qui consiste à
reconnaître l’existence de principes supérieurs, justifiant les règles positives et ne tolérant pas
d’atteinte, car ils constituent les valeurs fondamentales du système juridique.

Leur supériorité est d’évidence. Et, il est acquis que les droits de la défense
appartiennent à ces derniers principes ». 74 Ils sont donc une valeur fondamentale issue du droit
naturel.

Ainsi, Ortolan écrit en 1855 : « ni autrefois, ni aujourd’hui, le droit de défense n’est


formulé en une déclaration générale de principe, mais il est l’âme du système accusatoire ;
c’est un droit qui n’a besoin d’être écrit nulle part pour appartenir à tous. Sans ce droit exercé
largement et librement, la justice pénale n’est pas justice, elle est oppression ». 75
Le rattachement des droits de la défense au droit naturel, c’est-à-dire des principes
immuables, découverts par la raison, permettant d’éprouver la valeur des règles de conduite
positives admises par le droit objectif, semble être une évidence. Ainsi, pour Del Vecchio, « le
respect des droits de la défense appartient à la conscience commune avant même d’appartenir
à la science juridique ».76
Le respect des droits de la défense constitue donc une donnée de droit naturel et si
aucun texte n’ordonne le respect des droits de la défense, il n’empêche que le principe est

73
MUKADI MBONYI et KATUALA KABA KASHALA, Procédure civile, Kinshasa, 1999, pp. 68 et 81.
74
Rémy CABRILLAC, Marie-Anne FRISON-ROCHE et Thierry REVET, (dir.) Libertés et droits fondamentaux,
9ième éd., Paris, 2003, p. 470.
75
Giorgio Del VECCHIO, La justice-la vérité. Essai de philosophie et morale, Paris, 1955, p. 129.
76
Jacques LEAUTE, Les principes généraux relatifs aux droits de la défense, Rev. sc. crim. 1953, pp. 449.
33

unanimement considéré comme « fondamental »,77 « immuable »,78 constituant « la garantie


nécessaire d’une bonne justice ».79
II. Consécration légale des droits de la défense

Les droits de la défense ne sont pas consacrés dans les seuls textes nationaux. En tant
que principe général de droit universellement admis issu du droit naturel, ils sont également
consacrés dans les instruments juridiques internationaux.

a. Sur le plan international

Au plan international, la Déclaration universelle des droits de l’homme est le tout premier
instrument juridique à avoir traité des droits de la défense et des principes de l’équité des
procédures en général à travers ses articles 8, 10 et 11 alinéa premier.

Par la suite, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après
PIDCP) dont l’article 14 contient des règles élémentaires de droits de la Défense qui doivent
être appliqués en tout Etat, devant toute juridiction et en toute circonstance, est venu affirmer
ces droits. En effet dispose-t-il notamment, « toute personne accusée d’une infraction pénale a
droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :
a) A être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de
façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle ;
b) A disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à
communiquer avec le conseil de son choix ;
c) A être jugée sans retard excessif ;
d) A être présente au procès et à se défendre elle-même ou à avoir l’assistance d’un
défenseur de son choix ; si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir
un, et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur,
sans frais, si elle n’a pas les moyens de le rémunérer ;
e) A interroger ou faire interroger les témoins à charge et à obtenir la comparution et
l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
f) A se faire assister gratuitement d’un interprète si elle ne comprend pas ou ne parle
pas la langue employée à l’audience ;

77
Jacques LEAUTE, Les principes généraux relatifs aux droits de la défense, Rev. sc. crim. 1953, pp. 449.
78
Gérard CORNU, Jean FOYER, Procédure civile, Coll. Thémis, Paris, 1958, p. 373.
79
Henri VIZIOZ, Etudes de procédure, Bière, 1956, n°240, p. 449.
34

g) A ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable ».80


Aussi, une valeur fondamentale des droits de la défense est consacrée à l’article 6,
para. 2 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales de 1950 ; à l’article 8 de la Convention américaine relative aux droits de
l’homme des droits de l’homme de 1978 ; à l’article 7, para.1 litera c de la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples de 1981 ; à l’article 7 de la Charte arabe des droits de
l’homme de 1994 ; et aux articles 55 et 67 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale
de 1998.

b. Sur le plan National

En droit interne congolais, les droits de la défense sont une notion à valeur
constitutionnelle. En effet, ils sont consacrés par la Constitution qui dispose à son article 19
que le droit de la défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-
même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la
procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction pré juridictionnelle. Elle peut
se faire assister également devant les services de sécurité.81

Aussi, le Code pénal et la Constitution consacrent le principe « nullum crimen sine


lege » et « nulla poena sine lege », celui de la non rétroactivité et précisent que « la définition
d’un crime est d’interprétation stricte et ne peut être étendue par analogie ». 82La Constitution
consacre le principe de la présomption d’innocence, celui de la motivation des décisions de
justice, ou encore celui pour tout accusé d’être jugé dans un délai raisonnable, 83 nécessaires à
la mise en œuvre des droits de la défense.

La jurisprudence des juridictions internationales 84 comme les Tribunaux pénaux


internationaux ad hoc ou la Cour pénale internationale,85 ou encore la jurisprudence des

80
Article 14 para.3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, in JORDC,
numéro spécial, avril 1999.
81
Articles 19 al.3, 4 et 5 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006.
82
Article 17 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006 ; articles 1 er et 1er bis du Décret du 30 janvier
1940 portant code pénal congolais tel que modifié et complété par la loi n°15/022 du 31 décembre 2015, in
JORDC, numéro spécial, Kinshasa, 29 février 2016.
83
Article 19 al. 2 et 21 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006.
84
T.P.I.Y., Ch. II du 25 septembre 1996, Aff. Z. Deadic et al., IT-96-21-T. Décision tendant à obtenir les
documents dans la langue de l’accusé ; T.P.I.Y., du 29 mai 1996, Aff. Erdemovic, IT-96-22-I. A propos de la
désignation d’un avocat commis d’office qui ne parlait ni l’anglais ni le français, il lui était difficile d’assurer la
défense de l’accusé.
35

tribunaux des droits de l’homme comme la Commission africaine des droits de l’homme 86 et
de la Cour européenne des droits de l’homme 87 ou la Cour suprême de justice de la RD
Congo,31 sanctionnent les violations des droits de la défense.

Cependant, le Code de procédure pénale ne contient pas des règles élaborées des droits
de la défense. En effet, son article 73 du CPP dispose seulement que chacune des parties peut
se faire assister d’une personne agréée spécialement dans chaque cas par le tribunal pour
prendre la parole en son nom.88 Cela étant, les dispositions constitutionnelles nous semblent
larges et à même d’assurer les garanties relatives aux droits de la défense.

De plus, les autorités judiciaires congolaises, et plus particulièrement les juges, peuvent
appliquer les dispositions de l’article 14 du PIDCP pour garantir les droits de la défense, et ce
conformément à l’article 153 de la Constitution89 qui fait des traités internationaux dûment
ratifiés, une des sources du droit applicable.

Les droits de la défense sont donc un principe de droit naturel reconnu par l’ensemble
des institutions judiciaires nationales et internationales, quoique les pratiques prétoriennes en
RD Congo attestent leur violation.

- Quid de l’inconstitutionnalité du code judicaire Militaire et la constitution


congolaise en ce qui concerne le droit de la défense.

Le droit de se défendre et de se faire assister par un défenseur de son choix est


prévu par la constitution congolaise à son article 19 alinéa 3 de la manière suivante : " le
droit de la défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même

85
CPI, Situation en République Démocratique du Congo, Le Procureur c. Thomas Lubanga Dyilo, Arrêt relatif à
l’appel interjeté par Thomas Lubanga Dyilo contre la décision du 3 octobre 2006 relative à l’exception
d’incompétence de la Cour soulevée par la Défense en vertu de l’article 192‐a du Statut, le 14 décembre 2006,
ICC‐01/04‐01/06‐772‐tFRA para. 36-39. Voir aussi à ce sujet : Jean-Marie BIJU-DUVAL, La défense devant la
Cour pénale international, AJ pénal 2007, p. 257.
86
Commission Africaine des droits de l’homme et des peuples, Communication n° 393/10, Institute for Human
Rights and Development in Africa et autres C. République Démocratique du Congo, juin 2016.
87
Cour européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH) 08 février 1996, Aff. Murray c/RoyaumeUni, req.
N°18731/91 ; JCP 1997, I, 4000, obs. F. Sudre ; CEDH 23 novembre 1993, Aff. Poitrimol c/France, Série A,
n°277-A ; Rev. sc. crim. 1994, obs. R. Koering-Joulin, pp. 362-363. Voir aussi Fréderic SUDRE, Jean-Pierre
MARGUENAUD, Jean-Pierre., Joël ANDRIANTSIMBAZOVINA et alii, Les grands arrêts de la Cour européenne
des droits de l’homme, Coll. Thémis, 4ième éd., Paris, 2007, pp. 360-362.
88
Article 73 al.1er du Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure pénale, tel que modifié par la loi
n°15/024 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 6 août 1959 portant Code de procédure
pénale, in JORDC, 57ième année, numéro spécial, Kinshasa, 29 février 2016.
89
Article 153 al. 4 de la Constitution de la RD Congo du 18 février 2006. Il dispose notamment que les Cours et
Tribunaux congolais, civils et militaires appliquent les traités internationaux dûment ratifiés, les lois, la coutume .
36

ou de se faire défendre par un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure
pénale, y compris dans l'enquête policière et l'instruction pré juridictionnelle " 90

De même le législateur du code de procédure pénale, dans sa version 2015 91 , y a


accordé une place de choix à en consacrant une section VI portant sur les droits et la
protection de l'accusé, des victimes, des témoins et des intermédiaires". Cette loi présente un
sérieux intérêt en ce que dans un article elle groupe presque toutes les garanties du droit à un
procès équitable.

Par contre, le code judicaire militaire à son article 61 al 2 vient restreindre ce droit de
la défense consacré par la constitution congolaise à deux niveaux :

1°. D’une part, ces avocats, défenseur militaires doivent être de la nationalité congolaise. A ce
sujet selon Freddy MUKENDI, cette exigence de la nationalité congolaise n’est pas
suffisamment justifiée dès lors que les étrangers peuvent, sous réserve de réciprocité exercer
leur ministère devant les juridictions ordinaires congolaises. Il soutient sa thèse en avançant
le principe en droit international selon lequel un prévenu peut être assisté par un conseil qui
n’a pas la nationalité de la juridiction devant laquelle il plaide92.

Il cite à cet égard un certain nombre des instruments internationaux à l’occurrence :

a) La déclaration onusienne de la Have, qui dispose le principe du libre choix de l’avocat


sans aucune condition de la nationalité. Ce texte n’est pas coercitif mais il est essentiel
par ce qu’il pose les principes qui doivent aujourd’hui gouverner les conditions
d’intervention des avocats et de garanties qui doivent leur être offertes à l’occasion de
l’exercice de leur profession.
b) Le statut des juridictions pénales internationales qui ne prévoient évidemment pas
aucun caractère qui tiendrait à la nationalité des conseils ;
c) La charte africaine des droits de l’homme et du peuple qui permet à tout avocat, quel
que soit la nationalité d’intervenir devant la commission ;
d) La convention européenne des droits de l’homme ;
e) Les conventions bilatérales d’assistance judiciaire.

90
Article 19 al 3 de la constitution du 18 février 2006
91
Loi n°15/024 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le décret du 06 août 1959 portant code de
procédure pénale.
92
F. MUKENDI, procédure pénale militaire congolais, Kinshasa ,2013, pp. 138-141.
37

Si nous transposons ces arguments avancés par cet auteur, la RDC étant signataire de
plusieurs entre elles, l’article 61 du code judiciaire militaire est donc contraire à ces
conventions. Ainsi pour concilier cet article à ces normes et l’adapter au contexte actuel de
l’état de siège au nord Kivu, il est impérieux pour les juridictions militaires, de prendre des
dispositions pouvant permettre à un accusé de se faire assister par un conseil de son choix
quel que soit la nationalité de ce dernier.

2° D’autre part, les défenseurs judiciaires ne peuvent exercer leur ministère devant les
tribunaux militaires de garnison et de police du ressort du tribunal de grande ou ils sont
inscrits93. Cette limitation est concevable aussi longtemps que la loi sur le barreau l’admet.

La question qui subsiste est celle de savoir si au sein des juridictions militaires il y a
une limitation quant à l’exercice des fonctions des défenseurs militaires agrées. Ceux-ci
peuvent en effet, assister les prévenus devant toutes les juridictions militaires y compris les
cours militaires et la haute cours militaire, alors même que leur désignation n’est pas faite en
fonction de leur grade par rapport aux prévenus qu’ils assistent 94 (celui-ci peut être supérieur
en grade que le défenseur militaire).

C’est donc à juste titre que le colonel MUKENDI critique le recours à des militaires
dont la maitrise du droit n’est pas toujours évidente pour défendre les prévenus qui
comparaissent devant les cours militaires alors que les défenseurs judiciaires n’y sont pas
admis.95

Notons que cette exigence mérite d’être éclairée. En effet, il y a une controverse
doctrinale quant à ce qui concerne la conception de ces défenseurs militaires agrées. Les uns
estiment que le législateur avait envisagé cette hypothèse d’autant plus qu’il avait estimé que
ces défenseurs étant policier maitrisent mieux les règlements militaires, les effets militaires, la
discipline militaire, la manipulation des armes, les incriminations purement militaires etc…

D’autres estiment que le législateur avait voulu lutter contre les abus des avocats
notamment dans l’excès de fixation des honoraires. Aujourd’hui, cette controverse est désuète
par plusieurs hypothèses : la première est qu’en période de l’état de siège il n’y a pas que les
militaires qui sont justiciables des juridictions militaires. Les civils n’ayant pas commis les

93
Article 62 du code judiciaire militaire
94
Article 63 du code judiciaire militaire
95
F. MUKENDI op. Cit p.130.
38

infractions militaires devront-ils bénéficier de l’assistance d'un défenseur militaire agréé pour
les infractions du droit commun peut être que ce dernier n'est ni juriste ou n'a même pas fait
aucune formation en droit ?

Concernant le droit moderne qui fait valoir sur tout le droit à un procès équitable.
Comme nous l'avons souligné avant le prévenu a droit de se faire assister par un défenseur de
son choix et cela à tous les niveaux de la procédure pénale. Cependant, si le prévenu est
indigent il lui est nommé un avocat pro deo et devant les juridictions militaires un défenseur
militaire agréé.

Néanmoins, l'expression tous les niveaux de la procédure pénale attire notre attention.
Les défenseurs militaires agréés sont désignés par le président du tribunal militaire qu'en est-il
de l'assistance de ce prévenu pendant l'enquête policière ?

Pendant l'état de siège en cours ces questions n'ont pas eu de succès il en découle de
l'affaire Omari ramazani Jean et consorts contre l'auditeur militaire de garnison de Goma
ainsi que les parties civiles représentées que nous pouvons illustrer ces défis 96. Alors que les
prévenus étaient accusés de l'enlèvement d'enfant et association des malfaiteurs lesquelles
infractions encourent la peine de mort (peine capitale privative des libertés et de la vie) surtout
en période de l'état de siège où les peines sont aggravées au sein des juridictions militaires.
Soulignons que le pasteur Omari ramazani a été acquitté.

Pendant le procès, alors que l'un de Co prévenus Tumusifu Magloire Jacques


soutenais que ses dépositions au niveau de la mairie été de montage qu'on voulait imputer à
Omari. Le conseil du pasteur Omari ramazani avait profité pour soutenir cette allégation que
pendant l'enquête policière lorsque l'officier de la police judiciaire verbalisant avait constaté la
gravité des faits mis à charge du prévenu Omar l'avait dit d'appeler son conseil sans pour
autant donné cette possibilité aux autres prévenus. Ce faisant ainsi, il y aurait eu violation du
principe de l'égalité de tous devant la loi97.

Mais cet aspect mérite d'être éclairé parce que les prévenus Tumusifu Magloire,
Mapatano birimweragi Dieu Merci et Rodrigue Dieu Merci Safari même à l'audience publique

96
TMG GOMA, RP n° 5002/021 le 17 novembre 2022, Affaire, Aud Mil Garnison contre OMARI RAMAZANI
et consorts.

97
Article 12 de la constitution du 18 février 2006
39

ils étaient assistés par les défenseurs militaires agréés (Commissaire Ilulu kalanga, Lieutenant-
colonel Amurabi bangwa et Capitaine Katsunga Blaise) tous désignés par le président du
tribunal militaire de garnison Goma conformément à l'article 63 code judiciaire militaire. Ça
parait clair que les prévenus n'avaient pas assez des moyens pour se constituer un conseil98.

C'est ici qu'il y'a le problème d'autant plus que ces prévenus n'avaient pas bénéficiés de
l'assistance pendant l'enquête policière. Faut-il envisager alors l'assistance des civils par des
défenseurs militaires agréés devant les juridictions militaires pour les infractions du droit
commun aussi longtemps que ces derniers ne sont pas nécessairement juristes ? Ou faudrait-il
qu'on envisage la désignation des avocats pro deo (sont présumés avoir la maîtrise du droit) en
faveur d'un civil au lieu et place d'un défenseur militaire agréé (la maîtrise du droit est à
craindre et son indépendance vis-à-vis du juge qui les a agréés) pour les infractions du droit
commun ?

Le juge aurait pu désigner un avocat pro deo qui a des compétences juridiques pour
que ces prévenus puissent se rattraper du vide ou du fait qu'ils n'étaient pas assistés au cours
des enquêtes policières. L'avocat pourrait faire mieux que le défenseur militaire agréé qui n'est
pas nécessaire investi de la qualité de juriste.

Faisant un coup d'œil à la doctrine le colonel MUKENDI un peu loin, écrit encore qu'"
il observe souvent à l'audience un déséquilibre manifeste entre ces militaires, réduits parfois à
faire de la simple figuration et le représentant du ministère public (...)99.

C'est dans ce sens même que le relève le professeur Jacques MBOKANI comme il est
apparu dans l'affaire cheka et consorts que la différence de grade entre défenseur militaire (de
grade inférieur) agréé par le tribunal par un magistrat militaire de grade supérieur au
défenseur précité peut impacter négativement sur la qualité de la défense100.

Le défenseur militaire pourrait en effet se trouver dans une situation de subordination


face au président du tribunal ou de la cour. Dans un contexte où la discipline militaire s'invite
même dans un procès, le rôle de ce défenseur pourrait alors être réduit à n'obéir qu'aux autres
qu'il reçoit de ce dernier plutôt que de défendre les intérêts de l'accusé, alors même que les
98
Article 63 du code judiciaire militaire " le juge militaire procède à la désignation d'un défenseur au profit d'un
prévenu au cas où celui-ci n'en aurait pas choisi".
99
F. MUKENDI op.cit. p.131.
100
Jacques MBOKANI, notes de cours de droit pénal et procédure pénale militaires, inédit, UNIGOM, 2021-
2022, p42.
40

intérêts de ce dernier ne coïncident pas nécessairement avec ceux de la juridiction du


jugement101.

Cet aspect se fait remarquer premièrement toujours dans l'affaire Omari ramazani et
consorts le défenseur militaire agréé à l'occurrence le commissaire Ilulu kalanga Jacques en
faveur de ces trois prévenus, la parole lui était accordée que rarement et cela parce que le juge
voulait faire respecter l'ordre de préséance qui, selon lui est d'ordre public. Deuxièmement
l’indépendance des défenseurs militaires agrées n'est pas totalement garantie aussitôt qu'ils
sont rémunérés par le tribunal qui les a agréés.

Toutefois, relevons que dans cette affaire ayant opposé l'auditeur militaire de Garnison
Goma à Omari ramazani et consorts nous rappeler l'incompatibilité de fonctions des membres
de la police et l'article 52 du décret-loi 002/2002 du 26 janvier 2002 portant institution,
organisation et fonctionnement de la police nationale congolaise.102

§2. Le doit d’être jugé dans un délai raisonnable

Le droit de toute personne « à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable » est
garanti par la constitution103 et par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.104

Bien que ce qui constitue un « délai raisonnable » ne soit pas défini avec
précision,105 il est indéniable que ce droit est régulièrement violé devant les tribunaux
militaires.106Il est donc difficile d'en dégager une définition universelle néanmoins cette
notion peut-être illustrée à partir de la gravité des faits et au nombre des dossiers enrôlés par
jour.

Les procédures devant les tribunaux militaires oscillent en effet entre deux
extrêmes : soit elles sont sommaires et expéditives, soit elles traînent indéfiniment. C'est face

101
Idem.
102
L’article 52 du décret-loi 002/2002 du 26 janvier 2002 portant institution, organisation et fonctionnement de
la police nationale congolaise.
103
Article 19 de la constitution du 18 février 2006.
104
Article 7 (1) (d) de la charte africaine des droits et des peuples.
105
La jurisprudence de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples contient néanmoins des
indications plus ou moins précises. Voir par exemple Lubuto c. Zambie RADH 2001 38 (CDH 1995) ; Mazou c.
Cameroun RADH 2001 8 (CDH 2001) ; M’Boissona (au nom Bozize) c. République Centrafricaine RADH 2001
25 ;(CDH 1994) ; Mouvement Burkinabé des Droits de l’Homme.
L’Homme et des Peuples c. Burkina Faso RADH 2001 53 (CADHP 2001).
106
Marcel WETSH'OKONDA KOSO, République Démocratique du Congo : la justice militaire et le respect des
de l'homme...p.80.
41

à cette première hypothèse que fait face l'administration de la justice en période de l'état de
siège.

En effet, comme nous l'avons relevé précédemment en cette période le tribunal


militaire de garnison exerce la compétence sur les civils pour les faits infractionnels qui
relèveraient de la compétence du tribunal de grande instance en période de paix. Mais
également étant donné que les tribunaux de polices ne sont pas encore fonctionnels le tribunal
militaire de garnison continue à connaître les faits infractionnels relevant de la commission de
ces derniers.

Avant de parler ce qui serait à la base de ce défi notons d'entrée de jeu que le
tribunal de grande instance est constitué de 4 chambres. Alors que le tribunal militaire de
garnison est constitué de 2 chambres. Il se pose déjà ici un problème qui est dû à des charges
des dossiers devant le TMG en cette période où il doit connaître plusieurs affaires qui
traînent.

Non seulement les dossiers traînent il y en a ceux qui sont instruits


sommairement, il paraît aberrant voir sur l'extrait de rôle du tribunal militaire de garnison y
être enrôlé plus de 4 affaires de viol, 2 d'enlèvement et association des malfaiteurs et 3
d'assassinat ou meurtre alors qu'il est constitué uniquement de 2 chambres.

Compte tenu de la gravité de ces genres des infractions certains dossiers restent
sans être traités indéfiniment et il y'a des remises excessives. Cela se fait constater également
pendant l'affaire Jean Omari ramazani et consorts contre l'auditeur militaire de garnison il
s'est observé que certaines affaires ayant été inscrites au rôle n'étaient pourtant pas traitées
suite à l'insuffisance du temps, ce qui faisait à ce que les conseils qui s'occupaient de ces
autres dossiers se trouvent dans une situation où leurs clients ne jouissent plus de la
présomption d'innocence.

En outre les certains dossiers étaient traités sommairement, le tribunal voudra


valoir le principe de la célérité qui caractérise souvent les juridictions militaires répressives 107.
Ce principe n'a pas échappé à des critiques de la part de la doctrine congolaise face aux
instruments internationaux ratifiés par la République Démocratique du Congo.Justifiant la
célérité des procès devant les juridictions militaires, le magistrat mukendi soutient la

107
Marcel WETSH'OKONDA KOSO, République Démocratique du Congo : la justice militaire et le respect des
droits de l'homme...op. cit., p.80.
42

procédure suivie devant ces juridictions est, pour une grande partie, celle qui est d'application
devant les juridictions de droit commun.

Toutefois, poursuit-il, tenant compte du rôle particulier de l'armée qui ne peut


s'encombrer des actions purement dilatoires à l'égard desquelles le code de procédure pénale
ordinaire se montre très indulgent ;le législateur a ménagé des dispositions dérogatoires à ce
droit commun afin d'éviter que les mauvais exemples ne fassent des émules et d'assurer une
répression rapide des comportements incriminés108.

La célérité dans la procédure militaire que l'on peut qualifier de spectaculaire trouve
une illustration dans plusieurs indicateurs. Le délai d'appel est de 5 jours 109 en procédure
pénale militaire alors qu'il est de dix jours en procédure pénale ordinaire 110. Le délai de
citation à prévenu est, en temps de paix de deux jours francs et en temps de guerre, de trois
heures et ce, à l'exclusion des délais de distance devant la justice militaire 111 alors qu'il est de
huit jours francs augmentés des délais de distance pour la procédure pénale ordinaire112.

Le professeur Jacques mbokani écrit à ce sujet traitent du délai de citation et de


remise devant les juridictions militaires. Rappelons d'abord que l'article 320 du code
judiciaire militaire dispose : " le délai entre le jour où la citation à comparaître est délivrée au
prévenu et le jour fixé par sa comparution est de deux jours francs au moins. En temps de
guerre, ce délai est réduit à trois heures. Aucun délai s'ajoute aux délais précités ". Comme
nous pouvons le constater cet article déroge aux prescrits de l'article 61 du code de procédure
pénale ordinaire qui fixe le délai de citation à 8 jours francs entre la citation et la
comparution et un jour pour cent kilomètres de distance.

C'est ici que le professeur Jacques intervient, en effet, qu'il s'agisse du délai de
citation ( y compris en temps de guerre), du délai de remise pour pouvoir s'imprégner du
dossier afin de mieux organiser sa défense, le droit congolais (législation et jurisprudence) est
difficile à concilier avec les exigences du droit à un procès équitable pour l'accusé. L'on peut
se demander dans quelle mesure un accusé peut véritablement et efficacement préparer sa
défense dans des délais aussi courts que ceux que prévoit le code judiciaire militaire.

108
Freddy MUKENDI, procédure pénale militaire congolaise, Kinshasa, édition on s'en sortira, 2013, p.2.
109
Article 258 alinéa 2 du code judiciaire militaire.
110
Article 97 du code de procédure pénale.
111
Article 320 du code judiciaire militaire.
112
Article 62 alinéa 2 du décret du 06/08/1959 portant code de procédure pénale in. B.O, 1959, p 1934 tel que
modifié par la loi n°06/019 du 20 juillet 2006, in JO RDC, et par la loi n°15/022 du 31 décembre 2015 in JO
RDC n° spécial, 29 février 2016.
43

Pour répondre à cette question par rapport au contexte actuel de l'état de siège,
notons d'une part que pour certaines infractions militaires comme l'abandon de poste cela
pourrait peut-être concevable. Ce n'est que dans les cas où il y'a des cas graves que cela
poserait problème. Le professeur Jacques écrit encore, il convient de rappeler que l'article 14
(3) (b)du pacte de 1966 prévoit que " toute personne accusée d'une infraction pénale a droit,
(...) à disposer de temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (...)".

La RDC ayant ratifié le pacte sans aucune réserve, il s'ensuit que cette disposition
s'applique en droit congolais, y compris dans les procès devant les juridictions militaires. Les
directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique
précisent que: " pour déterminer si le délai accordé à un accusé pour préparer sa défense est
suffisant, il faut notamment tenir compte de la complexité de l'affaire, de l'accusé aux
éléments de preuve, du délai prévu par les règles régissant telle ou telle procédure ou toute
atteinte éventuelle aux droits de la défense"113. C'est également dans ce même sens que le
comité des droits de l'homme a déclaré, dans l'observation générale n°32, que "le temps
nécessaire dépend de ces d'espèces"114

Lorsqu'on tient compte des engagements internationaux liant la RDC en matière


du procès équitable, l'on peut craindre que la célérité du procès militaire, laquelle semble
avoir comme base les articles 229 et 320 du code judiciaire militaire peut révéler une entorse
aux dispositions du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

La nature militaire du procès, caractérisée par la célérité, ne peut donc pas


justifier une entorse aux garanties de ce pacte 115. Il ressort de cette disposition qui rend
intéressant ce paragraphe c'est la nature militaire du procès qui caractérise la célérité.
Cependant, on peut se poser la question de savoir si ces genres des délais et ce principe
pouvaient être pris en compte pour les civils ayant commis des infractions complexes aussi
bien que le viol, association des malfaiteurs, crimes graves du droit international, etc. en
période de l'état de siège mais également se demander de la compatibilité de ces délais et les
droits de la défense lorsqu'il s'agit d'une infraction flagrante si ce délai est de 3 heures en
temps des circonstances exceptionnelles et quel délai pourrait-il être accordé à quelqu'un
accusé d'une infraction flagrante ? .
113
Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l'assistance judiciaire en Afrique (2003), in recueil
de documents clés de l'Union africaine relatifs aux droits de l'homme, Pretoria, Pretoria University Law Presse,
2013.
114
CDH, observation générale n°32, déjà citée, p32
115
Jacques MBOKANI, notes de cours de droit pénal et procédure pénale militaires, inédit, UNIGOM, 2021-
2022, p39.
44

Quid du « délais raisonnable » En quoi est-ce que la procédure de flagrance ne s’aligne pas
derrière ce principe ?

Toute personne accusée d’une infraction pénale doit pouvoir disposer du temps nécessaire
pour préparer sa défense116.

Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable constitue un aspect important du principe de «
l’égalité des armes ». La défense et l’accusation doivent être traitées de manière à ce que les
deux parties puissent préparer le dossier et présenter leurs arguments en toute égalité 117.

Nous pensons que ce droit doit être associé à la question du temps et des facilités nécessaires
pour préparer la défense.

Concernant le temps nécessaire pour préparer sa défense, il sied de noter que le temps
nécessaire à la préparation de la défense dépend de la nature de la procédure en cours (par
exemple, s’il s’agit de l’instruction, du procès ou du recours en appel), ainsi que des éléments
de fait de chaque affaire. Il est notamment fonction de la complexité de l’affaire, des
conditions d’accès pour l’accusé aux informations et aux éléments de preuve (ainsi que de la
taille même du dossier) et des possibilités dont il dispose pour communiquer avec son avocat,
ou encore des délais fixés par le droit national, bien que ceux-ci ne puissent à eux seuls être
considérés comme déterminants118.

Il convient de trouver le juste équilibre entre le droit d’être jugé dans un délai raisonnable et le
droit de disposer du temps nécessaire pour préparer sa défense119.

Comme nous l’avons évoqué dans les lignes précédentes nous pensons que comme la
procédure de flagrance est une procédure caractérisée par la célérité du procès, le juge prends
sa décision tout en s’alignant derrière l’idée de la vitesse de traitement des dossiers, en droit
positif congolais par exemple, il est prévu que le tribunal siège le même jour ou le prévenu
commet l’infraction flagrante et qu’il prenne une décision sur dispositif.

Avec une telle démarche, aucune chose ne pourrait provoquer l’acquittement du prévenu ;
nous considérons que le législateur en instituant la procédure de flagrance dans

L’ordonnance-loi n°78-001 du 24 février 1978 relative à la répression des infractions


intentionnelles flagrantes ; cherchait un moyen pour écraser les prévenus dans toutes les
mesures, la critique que nous portons à ce niveau qualifie la procédure de flagrance de
mascarade. Car en lisant minutieusement l’ordonnance-loi en examen nous avons compris que
toutes les notions qui concernent les droits de la défense n’y sont pas inclus comme il se doit,
cela est une preuve que la procédure de flagrance méconnait en quelque sorte ce principe.

Selon nous il est inconcevable d’organiser ses moyens de défense dans une telle procédure
compte tenu de la célérité que nécessite la flagrance d’un côté. Il est aussi dur de parler du
droit d’être jugé dans un délai raisonnable alors que selon nous, la procédure de flagrance est
organisée de telle manière que le verdict soit celui d’une éventuelle condamnation.

116
Amnesty international, pour des procès équitables, in Amnesty international Publication, Easton Street
Londres Royaume-Uni, 2014. p73
117
Idem.
118
Amnesty international, pour des procès équitables, op.cit. p75
119
Amnesty international, pour des procès équitables, op.cit. p74
45

La réduction de ces délais peut, en certaines circonstances, surtout pour les


affaires complexes , s'avérer contraire aux droits de la défense qui impliquent que les parties
aient le temps nécessaire pour préparer leurs moyens de défense120

S'agissant de la détention préventive, à cet effet, l'article 9 § 3 du PIDCP prescrit :"tout


individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus bref délai
devant le juge ou une autre autorité habilitée par la loi d'exercer des fonctions judiciaires, et
devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré... Quiconque se trouve privé de sa liberté
par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal afin que
celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la
détention est illégale".

Dans le cas des juridictions militaires, la détention préventive ou mieux provisoire est presque
entièrement soustraites au contrôle juridictionnel au profit du contrôle hiérarchique.
Rappelons tout d'abord que le mandat d'arrêt provisoire de ces juridictions est d'une durée de
validité de 15 jours. C'est l'auditeur militaire qui statue sur la détention provisoire et la
prorogation à l'expiration de ce délai, cela pour une durée d'un mois renouvelable plusieurs
fois mais sans la possibilité de dépasser douze mois de prorogation.

Le détenu peut être privé dans un premier de son droit à faire un recours devant un juge pour
examiner la légalité de sa détention. Et dans un second temps, l'auditeur militaire chargé de la
légalité de cette détention cumule les fonctions d'organe d'instruction et d'organe de
poursuites.

Concernant le droit de détenu d'être jugé dans un délai raisonnable à défaut d'être
relaxé, il est évident que dans le contexte actuel de l'état de siège, le droit à la célérité de la
procédure ne restera qu'une pure illusion couchée dans la littérature. L'engorgement des
juridictions militaires par une flambée des dossiers, pour ne tenir compte que de ce facteur
pour justifier ce pronostic chaotique 121 .

Conclusion

La défense pénale connaît plusieurs temps forts dans notre circuit judiciaire, depuis
l’arrestation, en passant par la garde à vue, l’instruction par le parquet, l’appel et l’instruction
de la cause par la juridiction de jugement et le prononcé de la décision. A chacune de ces
étapes, elle est, ou peut-être, présente tel que cela est stipulé par la Constitution de la RD
120
Jean de Dieu KAKULE KAUSA op.cit p.22
121
Jean de Dieu KAKULE KAUSA op.cit p.21
46

Congo et les traités des droits de l’homme dûment ratifiés par la RD Congo qui consacrent
nombre des garanties procédurales nécessaires à la jouissance et à l’exercice de leurs droits
par les accusés.

Toutefois, la justice pénale congolaise soumet l’effectivité de l’Etat de droit à une rude
épreuve, car elle connait plusieurs dysfonctionnements caractérisés par la lenteur des
procédures, le non-respect des droits de la défense, le déséquilibre entre l’accusation et la
défense entrainant la mauvaise qualité des décisions judiciaires. S’il est vrai que les différents
conflits qui ont sévi en RD Congo et qui ont pris fin depuis plus de 10 ans, ont affaibli son
administration et détruit les services publics, affectant substantiellement le service public de la
justice, avec des conséquences comme la destruction de l’appareil judiciaire, la montée
parallèle et la métamorphose de la criminalité de masse et l’impunité quasi généralisée.

Cependant, il nous semble notamment que l’insuffisance des moyens alloués au


secteur de justice et l’absence de volonté politique de mise en œuvre des réformes proposées
par les Etats généraux de la Justice et différents rapports, enfreignent la jouissance et
l’exercice des droits de la défense en RD Congo. En effet, la réforme du Code de procédure
pénale en y incorporant les dispositions garantissant les droits de la défense en cas de
procédure de flagrance, la prise en charge des procédures pro deo, le recrutement et la
formation des juges et procureurs et l’amélioration de leurs conditions de travail, requièrent
une volonté politique d’exécution des reformes proposées.

En outre, Il a été constaté que jusqu'aujourd'hui l'état de siège n'a eu qu'un seul
succès celui de la substitution de la compétence des juridictions pénales ordinaires au profit
de celles militaires (des autorités politiques et administratives au profit de celles militaires),
ainsi que des restrictions des libertés de la population, ce qui semble être sans rapport avec
l’objectif déclaré de l’état de siège qui est de combattre les groupes armés et de protéger la
population civile.

Cependant, l’accès à la justice, le droit à un procès équitable et le droit d’être


détenu dans des conditions humaines sont mis en péril par le transfert aux tribunaux militaires
de la compétence pénale sur les civils des tribunaux civils ; de plus la modification intervenue
en mars 2022 pour limiter la compétence des tribunaux militaires sur les civils à dix
infractions pénales est encore loin de répondre aux normes internationales.122

122
Comme l’ont montré les recherches d’Amnesty International
47

Les recherches ont démontrées que toutes ces violations proviennent du fait de la
substitution des juridictions militaires à juger les civils laquelle substitution n'a
malheureusement pas produit ce qu'on attendait d'elle. Nombreux des accusés ont été mis en
péril sous l'utilisation abusive du principe de la célérité qui caractérise ces dernières
juridictions.

Dans la même perspective ceux qui tentaient de critiquer ce régime ont été amené
en détention sans motif notamment les manifestants ou les militants de la lucha, les
journalistes et autres personnes.123 Il en est de même d'au moins 4 députés provinciaux et un
national qui auraient été poursuivi abusivement du fait d'avoir critiqué les effets que
produisent l'état de siège ou le renforcement du pouvoir des autorités militaires au détriment
de ce des autorités civiles et administratives. Il en est de même nombreux droits pourtant
inderrogeables ont été sacrifiés au nom de l'état de siège.

En matière pénale et administrative, toutes les règles de compétence sont d’ordre


public, car elles ont été instituées dans un intérêt public, celui de la bonne administration de la
justice pénale et administrative. Ainsi, le fait pour le président de la République de proclamer
l’état de siège lequel a substitué la compétence des juridictions du droit commun à celle des
juridictions militaires n’est pas une violation à la règle des compétences même si les
juridictions militaires ont fait preuve d’une très pauvre efficacité à lutter contre l’impunité
pour les crimes graves commis pour la plupart des membres des forces armées et de la police
aussi longtemps que cela relève de la volonté du constituant lui-même de la constitution de la
RDC. Il a été pourtant constaté que les juridictions militaires en violation du droit
international des droits de l’homme ont tendances à vouloir juger les civils qui ont commis
des infractions de droit commun en temps normal.

Cette extension de la compétence personnelle de ces juridictions à l'égard n'a


cependant échappé aux critiques par la doctrine congolaise. Certains auteurs pensent que les
juridictions militaires n'offrent pas le maximum des garanties pour le respect du droit à procès
équitable. D'ailleurs pour Telesphore kavunja étant à côté de ceux qui pensent qu'il était
temps pour la RDC de s'adapter à la justice moderne avait proposé la suppression des
juridictions militaires en temps de paix.

Il tire cet argument du fait que dans un premier temps la République


Démocratique du Congo est l'un des pays inspirateurs de l'État de droit et que certains pays se
123
Il s'agit de cas vérifiés par Amnesty International et, en tant que tels, ils ne sont ni exhaustifs ni pleinement
représentatifs de la situation.
48

trouvent dans la même situation ont déjà supprimés ces juridictions en temps de paix. Mais
aussi que le code judiciaire militaire étant inspiré par celui de la France et ses réalités, il serait
aberrant voir aujourd'hui la République Démocratique du Congo continuer à garder les
juridictions militaires en temps de paix alors que la France elle-même les a déjà supprimés.

Pas seulement cela mais aussi la rigueur excessive qui caractérise ces juridictions
ne permet pas ces dernières de garantir la sérénité et le respect des exigences d'un procès
équitable qui l'a caractéristique importante pour la formation d'un Etat de droit.

Il en est de même que le professeur nyabirungu qui soutient cette position et que
faisant partie à plusieurs instruments internationaux qui n'envisagent plus l'hypothèse selon
laquelle les juridictions militaires puissent juger les civils, il serait important que la
République Démocratique du Congo emprunter le même chemin que les autres donc retirer et
laisser aux celles juridictions de droit commun la compétence à juger les faits commis par les
civils.

L’état de siège tel que proclamé par le président de la République est une
circonstance exceptionnelle qui a opéré substitue la compétence personnelle des juridictions
de droit commun à celle des militaires par une ordonnance du président de la République
(acte réglementaire). Cette proclamation a fait asseoir des restrictions abusives des certains
droits et libertés fondamentaux des individus. Il a été constaté cependant que malgré
l'instauration de ce régime il n'arrive pas à produire un résultat positif à ce qui concerne la
protection de la société civile et combattre les groupes armés. Force est de constater que la
province du Nord-Kivu est en proie du groupe des terroristes M23 qui veulent occuper une
partie du territoire national et qui déjà en occupe certains milieux il y'a plusieurs mois.

La substitution en elle-même a eu des incidences sur l'administration de la justice


devant le tribunal militaire de garnison Goma cela était dû notamment à un faible effectif des
magistrats militaires qui serait dû à son tour à l'insuffisance des frais alloués au secteur de la
justice (conseil supérieur de la magistrature) raison pour laquelle d'ailleurs dans certains
temps les juridictions militaires pour combler cette carence faisait recours aux juges civils.

Mais également à la composition du siège près ce dernier. En effet, les tribunaux


militaires sont souvent composés de la majorité par les juges assesseurs qui la plupart n'ont
pas des connaissances ou ne sont pas juristes. Au départ la raison que pousse à ce que les
juridictions militaires soient composées de plusieurs assesseurs que ceux de carrière est tirée
de l'adage<<le militaire ne peut être jugé que par ses pairs ou ses supérieurs>>.
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Avec l'état de siège désormais ces juridictions militaires sont compétentes à


l'égard des civils. Cela paraît dans la mesure où ces juridictions ont pendant cette période la
possibilité de juger les civils d’autant plus que la plupart des infractions du droit commun
sont purement juridique et ont besoin d’être traitées par les juges de carrières.

En fin, l’Etat de siège ne pouvant procéder que du respect des libertés des
citoyens, une ordonnance (acte règlementaire) ne peut pas suspendre ou s’ingérer dans une
matière qui relevé de la loi et que donc en ce qui concerne les privilèges de juridiction
pendant l’Etat de siège toutes les règles en cette matière non prévues par la constitution sont
suspendues.

Recommandations
Nous recommandons, pour une bonne administration de la justice devant les
juridictions militaires en temps de paix et des circonstances exceptionnelles et l'efficacité de
l'instauration d'un État de droit en République Démocratique du Congo :

- Comme l'avait déjà recommandé Nyabirungu, au Parlement


d’abrogation de l’article 156, alinéa 2, de façon à exclure que, même en temps de
guerre ou en cas d’état de siège ou d’urgence, la compétence des juridictions militaires
ne s’étendent jamais aux civils124.
Mais pour concilier cette recommandation avec l'article 4 qui dispose
que« dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et
est proclamé par un acte officiel », les États parties « peuvent prendre, dans la stricte
mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le
présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les
autres obligations que leur impose le droit international » et qu'elles ne soient pas
discriminatoires125. Le parlement peut subsister la compétence des juridictions civiles
au profit de celle des juridictions militaires en période exceptionnelles mais dans le
strict respect de cet article du PIDCP ou sans pouvoir porter atteinte aux droits
iderrogeables.
 En vue de faire valoir le droit au juge naturel prévu par la constitution
congolaise, le juge naturel des civils doit être un civil. Ainsi nous recommandons pour
ce fait que toutes les dispositions du code judiciaire militaire congolais qui étendent
leurs compétences à l'égard des civils soient abrogées ou tout au moins soient
reformulées et adaptées aux réalités nouvelles.

124
NYABIRUNGU MWENE SONGA, étude sur la compétence judiciaire partagée entre les juridictions
militaires et les juridictions civiles en matière des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, Kinshasa,
2017.
125
L'article 4(1) du pacte international des droits civils et politiques.
50

 Par une ordonnance du président de la République sur l’état de siège la


compétence des juridictions civiles a été substituée à celle des juridictions militaires,
cela constituerait une violation des règles des compétences judiciaires étant donné que
l’article 122, 6 de la constitution prévoit que la loi fixe les règles concernant
notamment la procédure pénale, l’organisation fonctionnement du pouvoir judiciaire.
Alors qu’une ordonnance (acte règlementaire) ne peut substituer les juridictions de
droit commun par les juridictions militaires. Nous proposons que ces éléments soient
insérés dans le projet loi qui sera adoptée par le parlement car une ordonnance ne peut
pas enlever la compétence d’une juridiction qui est prévue par une loi organique et la
confier à une autre126
 Les militaires ne jugeant seulement plus semblables mais jugent
également les civils en période de l’état de siège. Nous recommandons sans pouvoir
porter atteinte au droit et faire valoir la subsistance des règles de la ratio legis, que
dans la loi qui sera adoptée que le législateur puisse faire une composition comportant
3 juges de carrières et 2 assesseurs au moins dont parmi ces 3 un militaire et 2 civils
tous de carrière, pour une infraction du droit commun et garder la même composition
(normale) du TMG pour les infractions militaires commis par les militaires ou les
policiers(abandon de poste, désertion, …).
 Les immunités et les privilèges des poursuites relèvent de la procédure
pénale or, au sens de l’article 122,6° de la constitution, c’est la loi qui fixe les règles
concernant la procédure pénale d’où c’est la loi qui devrait faire cela et non
l’ordonnance (acte règlementaire). Nous proposons que dans le projet loi à soumettre
au parlement que la législation puisse reconnaitre que pendant l’état de siège, toutes
les règles relatives au privilège de juridiction non prévues par la constitution sont
suspendues.
 Veiller à ce que toute nouvelle mesure visant à résoudre le conflit armé
dans l'est de la RDC soit prise et mise en œuvre en pleine conformité avec les normes
internationales en matière des droits humains.
 De pouvoir instituer un contrôle parlementaire et un contrôle
juridictionnel pour éviter les éventuels abus par la justice militaire en période de l'état
de siège.

Bibliographie

126
Telesphore KAVUNJA MANENO, incidence de l'état de siège sur l'administration de la justice dans le Nord-
Kivu et l'ituri.
51

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