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La Presse Algérienne Aperçu Historique

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Première partie

Chapitre 01 : Aperçu historique sur la presse écrite


algérienne.

Chapitre 02 : Présentation du corpus.

Chapitre 03 : La presse écrite et ses catégories


rédactionnelles.

1
CHAPITRE 01

LA PRESSE ECRITE ALGERIENNE :

UN APERÇU HISTORIQUE

Avant de parler de l’aspect argumentatif de la modalité, il nous semble


important de nous intéresser à quelques repères que nous jugeons incontournables
pouvant nous ouvrir certaines pistes pour notre analyse et fournir des explications
concernant le fonctionnement de la presse écrite dans le contexte algérien. Raison pour
laquelle nous allons donner quelques éléments d’éclaircissement portant sur l’histoire
de la presse écrite en Algérie. Cette étape, nous l’espérons, permettra de voir de plus
près les différents stades de développement par lesquels est passée cette presse
algérienne avant l’apparition de ce qu’on prétend appeler la presse indépendante ou
privée.

A travers cet aperçu historique, nous ne visons pas à représenter ce que nous
pouvons appeler « l’histoire de la presse écrite en Algérie ». Pour nous, et pour des
raisons objectives, cette entreprise est à écarter. Nous nous sommes dit qu’il serait
utile d’entamer cette partie par ce petit rappel dans le but de donner des explications
sur l’importance de la situation actuelle que nous avons prise comme repères pour bien
constituer notre corpus et expliquer aussi le fonctionnement des journaux auxquels
appartiennent les articles à analyser.

2
Dans ce passage, nous allons expliquer nos divers choix et notamment les
raisons pour lesquelles nous voyons nécessaire d’expliquer et analyser le
fonctionnement de la modalité, et son aspect argumentatif, en tant que moyen qui
permet aux énonciateurs d’exprimer leurs attitudes.

La genèse de la presse écrite en Algérie :

Il convient de signaler qu’il nous parait un peu difficile de parler de l’histoire


de la presse écrite en Algérie. Premièrement, parce qu’elle est un peu récente par
rapport aux autres notamment la presse française et anglo-saxonne, (sachant bien
qu’elle n’a vu le jour que pendant la période coloniale). Deuxièmement, parce que son
histoire n’a pas présenté grand intérêt surtout pour l’ensemble de chercheurs dans le
domaine des sciences de l’information et de la communication.

L’un des journaux, qui a marqué l’histoire de la presse à cette époque colonial,
était « Alger républicain ». Compte tenu de la situation du pays, l’ensemble de
journalistes et écrivains-journalistes de ce journal, à l’instar de Mohamed Dib et Kateb
Yacine, avaient eu comme objectif d’informer les algériens et l’opinion internationale
sur la situation chaotique qui dominait et qui s’est caractérisée par une politique
d’injustice, de marginalisation et d’inégalité qui a été prise seulement contre les
aborigènes d’Algérie et non pas contre les colons français (Philipp Zessin : 2011, 45).

Après avoir fait quelques recherches sur ce sujet, nous avons retenu que
l’ensemble des chercheurs dans le domaine voient que la presse écrite en Algérie a
connu trois phases. La première est celle de 1962-1965, pendant laquelle le pays a
connu une sorte de transition dans presque tous les domaines et notamment le secteur
médiatique (Ayad Abla : 17). Ayant adopté une politique de nationalisation, le pouvoir
s’est trouvé obligé d’administrer, en l’absence des lois qui le régissent, un domaine
tellement stratégique. Ce facteur a permis au pouvoir en place de mettre la main sur la
presse.

3
La deuxième période est celle de 1965-1976. Celle-ci a connu l’ascension
vertigineuse du régime du FLN au pouvoir. Le FLN et le pouvoir sont maintenant les
deux et les seules forces qui ont le droit de gérer et de contrôler la presse. Le FLN, en
suivant l’idéologie de l’Etat, exerce le contrôle au moyen de ses quotidiens, alors que
le second le fait par son ministère de l’information et de la culture. Accomplie avec
succès, cette mission a été automatiquement confiée à tous les ministres qui ont dirigé
le secteur après l’indépendance du pays. A titre d’exemple, nous pouvons citer une des
périodes où la liberté d’expression a été sévèrement réduite. C’est la période où T.A.
Ibrahimi a été désigné comme ministre de l’information et de la culture et ce entre
1970 et 1977 (A. Sayad : 2011, 20). Avec la politique de l’arabisation qu’a connu le
pays, certains quotidiens d’expression française ont été arabisés, à savoir la république
et Annasr, auquel cas, les lecteurs des journaux francophones vont se trouver obligés
de se diriger vers l’unique quotidien d’expression française El Moudjahid. Raison pour
laquelle le tirage des deux autres quotidiens a été considérablement diminué.

La réduction du nombre des médias dans le pays est l’une des conséquences de
la gestion des médias : pour un grand nombre d’algériens 1, il y avait seulement six
quotidiens de deux langues, arabe et française, une chaine de radio et une chaine de
télévision. En 1976, l’adoption d’une nouvelle constitution est l’un des événements qui
ont eu une incidence remarquable sur le secteur médiatique. Cette dernière, même si le
pouvoir en place n’était pas d’accord, proclame le droit à une information totale et
objective. A partir de là, un grand nombre de quotidiens ont connu une énorme
diffusion dans tout le territoire du pays aussi bien qu’une amélioration du tirage. Cela
traduit clairement, le grand intérêt que portaient les autorités aux médias. Dans cette
période, et malgré le décès du président Houari Boumediene, la domination du
monopartisme continue à gérer le secteur médiatique jusqu’aux événements
dramatiques d’Octobre 1988.

Cela nous semble entièrement logique, surtout lorsqu’on sait que la gestion et le
contrôle du secteur médiatique s’attelait à éterniser la dominance du monopartisme.
Autrement dit, la gestion de ce secteur, comme celle des autres domaines à savoir
1
En cette période, il y avait presque 17 millions d’algériens. D’après le site ; perspective
monde.
4
l’éducation et l’économie, n’était pas dépendent ni des régimes ni des personnalités
politiques qui s’en chargent. Suivant cette logique, peu importait les hommes
politiques qui gouvernent le secteur, dès qu’ils prêtaient fidélité et obéissance à la
direction du parti unique.

D’après toutes les remarques que nous avons faites, il est utile de signaler qu’il
est un peu difficile de raconter toute l’histoire de l’évolution de la presse algérienne.
Mais pour bien réaliser une telle tâche, il est crucial de prendre en considération deux
éléments complémentaires : comprendre les mécanismes de fonctionnement de
différents systèmes politiques qu’a vu le pays depuis l’indépendance et les divers
paramètres ayant trait à la société algérienne qui s’est trouvée entre le projet de
l’arabisation qui, selon les chercheurs dans le domaine, a contribué à aggraver la
situation, d’un côté, et les diverses conséquences linguistiques provenant du passé
colonial, de l’autre. Cette tâche qui a été tentée par plusieurs chercheurs, peut sembler
importante pour d’autres problématiques, mais, elle ne l’est cependant pas pour celle
circonscrite dans le présent travail. Raison pour laquelle, et pour ne pas aller plus loin
dans cette question, nous allons, dans les lignes qui suivent, parler des conditions de
l’émergence de la presse dite indépendante en Algérie.

Le secteur médiatique après les événements d’octobre 1988

Dans l’une de leurs déclarations, les journalistes qui se sont réunis le 10


Octobre 1988 à Alger ont voulu faire passer un message à travers lequel, ils veulent
informer l’opinion nationale et internationale qu’on leur interdit de rapporter
objectivement les faits et les événements qui ont eu lieu dans le pays depuis le 5
octobre (Douidi 2009, 114). Ces journalistes dénoncent aussi l’utilisation tendancieuse
des médias.

A travers leur mouvement, ils condamnent toute intervention violente et


agressive des forces de l’ordre en revendiquant aussi de mettre fin à l’état de siège
pour rétablir les algériens dans l’exercice de leur droit constitutionnel. Ces journalistes
demandent la liberté pour les protestataires et les détenus d’opinion qui ont été arrêtés

5
lors des manifestations. Ils exigent aussi l’établissement des libertés démocratiques
pour que les masses populaires puissent s’exprimer autour de leur avenir.

Ce sont les journalistes de la wilaya d’Alger qui ont diffusé cette déclaration et
ce avant la mort de l’un de leurs collègues à Bab El-Oued, il s’agit du journaliste
Benmechiche Sid Ali (A. Saoudi : 2014). Même si cette déclaration n’a pas été signée
par un grand nombre de journalistes, elle représente un manifeste si important dans
l’histoire de la presse privée dans le pays. Les journalistes qui ont été présents lors des
manifestations avaient plusieurs objectifs entre autres : la liberté individuelle et
collective et la démocratisation du champ politique algérien. Ces mouvements, qui
n’étaient pas les seules qu’a connus le pays, ont permis également l’adoption d’une
nouvelle loi qui permettra non seulement d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de
la presse indépendante dans le pays mais aussi de changer le paysage médiatique, il
s’agit de la loi relative à l’information d’avril 1990.

Dans l’histoire de l’Algérie indépendante, ces événements dramatiques qu’a


connus le pays en octobre 1988, peuvent être traduits comme le premier pas qu’a pris
le peuple vers la démocratie et la liberté d’expression. Ces événements si tragiques et
violents représentent le début d’une fin avec un système politique qui dominait depuis
l’indépendance. Ils représentent aussi une rupture se manifestant sur les deux plans : le
développement de la presse et le divorce avec le monopartisme, c’est-à-dire
l’ouverture du champ politique sur le multipartisme. Il convient de dire que c’est pour
cette raison que les spécialistes voient que l’un des acquis d’octobre 1988 était, la
presse écrite (A. Benziane : 2008, 6).

La situation socio-économique particulièrement dure est l’un des principaux


motifs du mouvement populaire d’octobre 1988 ; un endettement lourd, une baisse des
revenus pétroliers, des problèmes du chômage, aucune réforme sociale n’est prise par
le gouvernement (M.Ait Aoudia : 2015, 61). En somme, le peuple ne supporte plus
cette crise qui a touché presque tous les domaines. En se basant sur le monopartisme et
en appliquant une gestion centralisée de l’état et un contrôle si sévère sur les différents
secteurs et surtout le secteur médiatique, le régime en place est donc tenu responsable
de cette crise si aigue (M. Kirat : 1992, 169). Cette dernière a conduit à l’émergence de

6
nouveaux courants idéologiques comme l’islamisme, représenté principalement par le
FIS2 , et d’autres mouvements qui s’opposent surtout au régime comme le
communisme et les mouvements à caractère régional.

Avant ces événements et pour calmer les esprits, le régime s’est trouvé censé
procéder à un ensemble de mesures impensables. L’adoption d’une nouvelle
constitution en février 1989, pour donner le feu vert, dans le cadre de la loi sur
l’association politique, à la formation de plusieurs partis politiques, est la mesure la
plus radicale prise par le régime en place. Ce nouveau protocole, permettra de préparer
le terrain à la liberté d’opinion et d’expression et au multipartisme (A. Benziane :
2008, 6).

La loi d’avril 1990

Comme nous l’avons déjà signalé plus haut, ce n’est qu’après l’adoption de la
constitution du 23 février 1989 que la presse indépendante ou privée a vu le jour. Suite
à la loi promulguée le 5 juillet 1989 qui concerne les conditions de la formation des
partis politique, suite aussi à la loi sur la presse indépendante adoptée et décrétée le 3
avril 1990 par l’assemblée populaire nationale. La création de dix journaux entre
septembre 1990 et décembre 1991, est la conséquence de cette loi qui est née après une
crise sociopolitique si difficile et qui a posé des jalons pour la démocratie et la liberté
d’expression (C. Dris : 2018, 264-265). Signalons que ces quotidiens ont été créés et
dirigés soit par le milieu des affaires soit par les journalistes eux-mêmes. Pendant cette
période tellement courte, le tirage de ces quotidiens était vraiment important par
rapport à celui des autres quotidiens de l’Algérie poste-indépendante. Nous pouvons
citer, à titre d’exemple, le quotidien El Moudjahid. Le tirage de ce dernier va
connaitre une chute fulgurante surtout lorsqu’on sait qu’il est passé de trois cent mille
exemplaires en 1989 à cent quatre-vingt mille en 1991. Cette loi, et grâce à l’article
04, a permis la création de plusieurs quotidiens en plus des titres qui appartiennent au

2
Le front islamique du salut.
7
pouvoir. Elle avait pour but de fixer les principes, les règles et les conditions de
l’exercice du droit à l’information (A. Benziane : 2008, 9)

C’est en trois types de titres que le paysage médiatique a été subdivisé en


Algérie. Ceux des partis politiques, ceux contrôlés et gérés par le pouvoir et les titres
dits privés. Ces derniers à leur tour divisé en titres créés, dans le cadre de la circulaire
du premier ministre M. Hamrouche, par des collectifs de journalistes et ceux créés par
les particuliers. Ce sont ces derniers titres qu’on pourrait prétendre appeler
« indépendant ». On stipule dans l’article 04 que l’exercice du droit à l’information
n’est pas réservé uniquement aux organes du secteur public mais il est aussi exercé par
les titres et les organes créés par des personnes physiques ou morales de droit algérien
et aussi par les titres et les organes créés par les associations à caractère politique.

Cet article susdit fait l’objet d’une critique si sévère de la part des journalistes
(T. Leperlier : 2016). Même s’il sert à organiser la profession des journalistes, il
représente pour eux : « un code pénal bis ». Dans cette perspective, on note qu’une
distinction a été faite entre les deux genres de publications ; les titres et organes qui
relèvent du secteur public et l’édition des publications périodiques. Autrement dit, les
revues et les journaux publiés à intervalle régulier. Les publications périodiques sont
celles qui contiennent des publications périodiques spécialisées et les journaux
d’information générale.

Nonobstant les critiques émanant des journalistes et des spécialistes dans le


domaine à l’encontre de cette nouvelle loi, elle a été novatrice avec la création d’une
instance indépendante qui s’occupe de l’application de la loi et qui a été nommée
« conseil supérieur de l’information ». Cette entité qui a été ultérieurement supprimée,
était considérée comme la seule juge en cas de problèmes. Du temps du gouvernement
de Mouloud Hamrouche, l’initiateur de cette loi, « 90-07. Avril 1990 », le ministère
avait été supprimé et le conseil supérieur de l’information a été institué. Ce même
conseil et par un décret législatif avait été supprimé le 26 octobre 1993 après avoir été
installé le 27 juillet 1990 (François Gèze et Sahra Kettab : 2004, 6). Signalons que les
dispositions de la loi le concernant sont transformées aux organes appropriés ; Sid-
Ahmed Ghozali a recréé le ministère de la communication qui a été reconduit par
8
Belaid Abdesslam (ibid.). Ces dispositions, qui ont rendue unique l’expérience de
l’Algérie dans le domaine médiatique en Afrique et dans le monde arabe, peuvent être
traduites comme des indices d’une concrète volonté vers l’ouverture de ce champ
médiatique. A vrai dire, le peuple a vraiment joui de la liberté d’expression et de la
réelle situation qu’a connue le pays au début des années 90. Mais, malheureusement
cette situation ne va pas durer longtemps, surtout après les tragiques événements (le
terrorisme qui a prévalu et détruit le pays et l’assassinat du président Boudiaf le 29
juin 1992) où le pouvoir exécutif a cherché à reprendre le contrôle et gérer le secteur
médiatique.

Le déploiement des journaux indépendants

Il convient de signaler que, malgré l’attitude jugé négative de la part des


responsables du secteur et le grand recul qu’a enregistré l’Algérie par rapport aux
acquis d’octobre 1988, la situation effective de la presse (notamment les journaux
indépendants) dans le pays est de plus en plus confortable surtout si on la compare
avec celle de nos voisins ( la Tunisie et le Maroc). Malgré les circonstances difficiles
dans lesquelles la presse algérienne était née, elle a réussi dans un court laps de temps
d’occuper une grande place si importante. Notamment lorsqu’on sait qu’en Algérie,
en 2015, il y avait plus de trois cent titres, 86 quotidiens en langue arabe et 63
quotidiens en langue française. Le marché de la presse papier a enregistré un tirage si
important : 2,36 millions d’exemplaires par jour ; 1,52 millions pour les journaux en
langue arabe et 0,84 pour les journaux en langue française. Malgré les diverses
difficultés, surtout celles qui sont liées à l’augmentation du prix de l’imprimerie, la
non disponibilité du papiers et le problème de moyens de tirage, certains quotidiens
indépendants (privés) ont enregistré un tirage record, à l’instar d’El Watan et Le
Quotidiens d’Oran. En revanche, le tirage de la presse publique ou parfois appelée
gouvernementale est devenu de plus en plus insignifiant.

Entrée en vigueur au début de 1991, c’est la nouvelle organisation de la presse


écrite publique qui peut expliquer cette situation et qui a entrainé un changement de

9
statut du plus grand nombre de titres qui ont été transformés en entreprises publique
économiques. Autrement dit, transformées en SARL 3 et ultérieurement en SPA4 (A.
Sayad : 2011, 27). Par conséquent, ces titres ont été soumis aux lois du marché. Cela
entraine un plus grand professionnalisme du côté des journalistes et une plus grande
compétitivité de la part de ces titres.

Il convient de signaler que, malgré la nouvelle répartition, le discours que


véhiculent les différents quotidiens n’a pas beaucoup changé. En d’autres termes, les
journalistes ne cessent pas de présenter des images et des bilans positifs et ce en
contradiction avec la situation qui prévalait dans le pays et le vécu de la population.
Sans oublier la mauvaise gestion de ces quotidiens, en ce sens où l’Etat ne cesse pas de
soutenir financièrement des journaux déficitaires qui ne se vendent pas du fait qu’ils
n’enregistraient aucun impact sur les lecteurs qui étaient de plus en plus déçus, de plus
en plus exigeants. Ces derniers se sont trouvés obligés de s’orienter vers la presse
indépendante qui présente un contenu répondant à leurs besoins et à leurs aspirations,
ce qui permet à cette presse de s’imposer remarquablement dans tout le territoire du
pays.

Selon B. Brahim (20055) dans le domaine médiatique, la réussite des journaux


indépendants se traduit comme l’un des fruits du pluralisme résultant des événements
dramatiques qu’a connu le pays en octobre 1988. Cette réussite s’explique aussi par le
vide médiatique que les lecteurs ont pu, tant bien que mal, surmonter avant 1988.
Comme nous l’avons mentionné antérieurement, ce vide provient notamment de la
même vision que possédaient le pouvoir et le FLN. Ces derniers ont dû prendre en
considération l’importance de l’information et du rôle joué par les médias sans pour
autant asseoir les bases d’une gestion de ce secteur. Pour cela, la chose qui leur parait
utile était de mettre le secteur médiatique, à tout prix, à l’abri de toute sorte de
manipulation sans rendre compte de dangereuses conséquences que peuvent engendrer
cette politique. Cependant, c’est grâce à la presse indépendante que le paysage

3
Société à responsabilité limitée.
4
Société par action.
5
Le paysage médiatique en Algérie. Acquis et blocages. Le Quotidien d’Oran le 28/062005 .
10
médiatique a été entièrement bouleversé, avec tout ce que cela entraine comme
changement des caractéristiques de ces organes de presse.

Malgré la régression de l’activité de la presse algérienne indépendante (vers la


fin des années 1990 jusqu’au début des années 2000), qui est liée à la proclamation de
l’état d’urgence et à la situation sécuritaire qui est devenue incontrôlable dans le pays,
la presse privée était considérée comme une presse d’opinion dans la mesure où elle
cherche toujours à commenter et à expliquer les événements ayant trait à la scène
politique en Algérie. En d’autres termes, cette presse ne donne pas beaucoup
d’importance aux sujets culturels ou économiques. En revanche elle consacre un
espace si large pour les questions politiques qui peuvent intéresser l’ensemble des
lecteurs.

A cause de la promulgation de l’état d’urgence et la crise politique qu’a connue


le pays dans les années 1990, certaines expériences ne sont pas restées longtemps.
Comme c’est le cas par exemple de certains partis politiques comme le FIS et le FFS 6
qui ont créé respectivement, à partir de 1989, les deux quotidiens « El Mounquid » et
« libre Algérie », mais comme nous venons de le dire, cette expérience a été d’une
courte durée.

Grâce au soutien du chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche, un grand


nombre de ces quotidiens étaient sous la direction des journalistes eux-mêmes et ce,
comme nous l’avons déjà signalé dans ce qui précède, après l’élaboration de la loi
relative à l’information : Avril 1990. Il faut noter que, dans la circulaire n° 4-90 7, deux
options ont été proposées par l’exécutif aux journalistes du secteur ; a) les journalistes
ont le droit de choisir de travailler dans la presse d’opinion ou de parti, b) les
journalistes peuvent former des collectifs professionnels afin de créer et d’éditer un
titre indépendant. Ainsi, les journalistes, qui ont pris la décision de quitter le secteur
public à partir de 1990, vont recevoir deux années de salaire.

6
Front de forces socialistes.
7
Cette circulaire concerne le régime d’exercice du secteur public.
11
La chose qui a rendu possible cette expérience est le mouvement des
journalistes algériens (M JA). Ce mouvement, créé en mai 1988, avait pour objectif de
lutter pour la liberté d’expression et pour les droits des journalistes jusqu’à la
promulgation de la loi d’Avril 1990 (A. Benziane : 2008, 7). El Watan, Le Quotidien
d’Oran et Le Soir sont des quotidiens dans lesquels on trouve ce mode de gestion. Les
journalistes de ces derniers sont des membres fondateurs et ce faisant, ils disposent de
part égale des actions. Ils ont pu créer des journaux qui, dans un court laps de temps,
ont pu réaliser des tirages record. Notamment lorsqu’on sait qu’ils ont bénéficié de
plusieurs décisions étatiques à savoir l’annulation du monopole sur la publicité et la
mise à leur disposition de la maison de la presse à Alger.

A partir de 1992, cette évolution de la presse privée va voir des moments


difficiles et rencontrer de multiples difficultés. Par cela nous entendons dire que la
presse va être gênée, et strictement bloquée. Cela s’explique par le fait que l’Algérie
va connaitre des moments douloureux (la décennie noire8) caractérisés notamment par
le terrorisme. Néanmoins, il faut signaler que, pendant ces années, les hommes du
pouvoir n’étaient pas prêts à admettre que la liberté d’expression est une réalité dans
les lois de la constitution. Par conséquent, ils interdisent toute sorte de critique ou de
commentaires de la part des journaux.

Durant ces années de terreur, le pays est entré dans un vrai labyrinthe : plusieurs
arrestations, des assassinats des journalistes et des personnalités intellectuelles. La
presse n’était pas à l’abri des conséquences de cette situation, dans la mesure où le
pouvoir a exercé des pressions économiques sur elle, notamment par Blaid Abdesslam
qui a confié les publicités à l’agence nationale de l’édition et de la publicité. Il s’agit
de priver les quotidiens d’une source de revenue très importante. En d’autres termes,
c’est un retour au monopole du pouvoir sur la publicité. Sans oublier le blocage itératif
des tirages des quotidiens qui véhiculent des discours critiquant le régime en place.

A cause de la situation sécuritaire de plus en plus difficile et à cause de sa


situation financière, la presse privée a été sur le point d’être étouffée. Après la
8
La guerre civile qu’a vu le pays en 1991 et 1999 et qui a fait entre 100 000 et 200 000 victimes entre
(Luis Martinez ; 2003 : 03)
12
promulgation de l’état d’urgence en février 1992, le pouvoir s’est trouvé obligé de
mettre la main, encore une fois, sur la presse et contrôler toutes les informations ayant
traits à la situation sécuritaire du pays.

Dans cette période, des massacres terroristes et la situation chaotique qui


entraine le pays vers l’inconnu, les autorités ont compris que le seul moyen qui
pourrait purifier l’image du pays à l’étranger et afin de briser ce mur isolant l’Algérie,
était la presse privée, étant donné que cette dernière est considérée comme un indice de
démocratie. A cet effet, des rotatives privées ont été installées en 2001 afin de
permettre aux quotidiens indépendants de maitriser les coûts de production et par
conséquent s’imposer dans le pays et à l’étranger. Ainsi l’’expérience que les deux
quotidiens « El Watan, El Khabar » ont menée ensemble où ils ont installé une
imprimerie de presse qui a dépassé les 300 millions de dinar.

Malgré tous les événements contribuant au développement de la presse écrite


en Algérie, il convient de signaler que pendant ces années l’Etat a toujours opté pour le
monopole sur la télévision où il n’y avait qu’une seule chaine de télévision terrestre
de laquelle dépendent les programmes des deux autres satellitaires adressées à la
diaspora algérienne dans le monde en l’occurrence, Canal Algérie et la troisième
chaine A3. Les responsables de ce secteur, qui ont dû suivre l’exemple de certains
pays qui ont ouvert le champ de l’audiovisuel sur le privé, ont préféré maintenir le
monopole sur la télévision. Raison pour laquelle la plupart des algériens ont
commencé à suivre les programmes des chaines des autres pays qui ne cessent de
présenter une image négative de l’Algérie. Mais ces dernières années, le secteur de
l’audiovisuel a pu, tant bien que mal, voir le bout du tunnel. Et ce n’est qu’à partir de
2011 que le déploiement médiatique des journaux s’est concrétisé et ce par la création
de plusieurs chaines satellitaires privées à savoir, Echorouk TV, Ennahar TV, pour ne
pas citer d’autres. Ces chaines ont réussi remarquablement à redorer l’image du pays
notamment après les derniers événements qui ont donné lieu à des actes de civisme de
la part des algériens comme le Hirak par exemple.

13
Après tout ce panorama, une chose très importante est à retenir, c’est le rôle très
crucial que les journalistes ont joué pendant ces années. Ces journalistes ont
certainement payé cher cette victoire, mais c’est grâce à eux que la liberté d’expression
est devenue une réalité dans les lois. En tout état de cause, c’est grâce à eux que la
presse s’est transformée en véritable pouvoir.

Le Hirak et la candidature de Bouteflika aux yeux des journalistes

Dans ce qui précède, nous avons essayé d’ébaucher l’historique de la presse


écrite et les médias dans le pays. Il est temps maintenant de parler un peu de notre
corpus et de la période retenue pour ce présent travail. Comme nous l’avons déjà
signalé, nous nous sommes dit qu’il serait utile de parler hâtivement, sans rentrer dans
les détails, de chaque période par laquelle est passée la presse écrite algérienne, car
cela n’apportera pas grand-chose, notamment pour les questionnements que nous
avons posés au début de notre travail. Cependant il en résulte, comme nous l’avons
essayé de le montrer, deux remarques pour ce qui suit :

Premièrement, nous avons remarqué que la presse algérienne a connu des


moments tellement difficiles comme bien entendu la guerre civile (nommée : décennie
noire), qui a failli étouffer cette jeune presse, et même dernièrement surtout en 2019.
Cette année qui coïncide avec le scrutin présidentiel qui a dû avoir lieu le 18 avril mais
qui a été reporté à cause des événements qui se sont déroulés dans le pays juste après
l’annonce de la candidature de A. Bouteflika. C’est la période que nous avons retenue
pour constituer notre corpus. Dans cette période, la presse a été appelée à jouer un rôle
décisif dans le mesure où elle a donné lieu à une bataille entre les citoyens, qui sont
sortis dans les rues toutes les villes du pays pour dire non au cinquième mandat, et les
hommes politique, notamment les partisans du candidat-président A. Bouteflika qui
brigue une autre mandature.

A cette période, le secteur médiatique était partagé entre les journalistes qui ont
été, coûte que coûte, avec le peuple en critiquant amplement cette candidature en
rapportant et commentant objectivement les faits, et les journaux partisans qui
14
soutiennent le projet de cinquième mandat. Ce faisant, les relations entre les deux
pôles étaient très tendues. Le pouvoir en place a voulu, à tout prix, bâillonné les
journalistes voulant couvrir des sit-in et des manifestations qui ont lieu dans les artères
algériennes contre ce cinquième mandat. Par conséquent, des poursuites judiciaires ont
été lancées à l’encontre de plusieurs journalistes. Selon Reporter Sans Frontières
(RSF), les forces de l’ordre ont tout fait pour empêcher les journalistes de couvrir ce
mouvement populaire en les agressant et confisquant leur matériel. Ainsi, parmi les
moyens utilisés, on peut citer l’article 144 bis 2, (Loi n° 01-09 du 26 Juin 2001) : 

Est punie d’un emprisonnement de trois (3) mois à douze (12) mois et d’une
amende de 50.000 DA à 250.000 DA ou de l’une de ces deux peines seulement,
toute personne qui offense le Président de la République par une expression
outrageante, injurieuse ou diffamatoire, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de
déclaration, ou de tout autre support de la parole ou de l’image, ou que ce soit
par tout autre support électronique, informatique ou informationnel.

C’est pour cette raison que les journalistes ont été invités à être prudents dans
leurs textes journalistiques et ne pas attaquer ou critiquer ouvertement les hommes du
pouvoir ou du corps militaire. Mais après ce grand soulèvement populaire contre le
cinquième mandat, les journalistes de certains quotidiens indépendants, et parce qu’il
s’agit d’une question de vie ou de mort, ont pris le courage et décidé de ne pas rester
en dehors de ce mouvement historique. En bafouant l’article susdit, ils ont essayé, en
se servant des procédés langagiers dont ils disposent, de dénoncer la situation et ce par
l’emploi des modalisateurs par exemple.

Deuxièmement, cet historique nous a permis, comme nous l’avons déjà dit au
début de ce chapitre, de constater que la presse écrite algérienne est un peu jeune par
rapport à la presse française, anglo-saxonne et même arabe. Cette donne est très
importante, en ce sens où elle nous permettra d’être vigilent à l’égard des notions que
nous allons aborder tout au long de notre investigation, notamment la notion du genre.
Compte tenu des profils de certains journalistes. Nous avons constaté que certains
d’entre eux ont été formés dans d’autres domaines qu’en sciences de l’information et
15
de la communication. De là, apparaissent plusieurs problèmes chez ces journalistes,
dans la mesure où ils souffrent de ce qu’on peut appeler la « non maitrise » de
certaines normes en matière de journalisme. Cela ne veut évidemment pas dire que
leurs articles ne sont pas de bonnes qualités ou qu’ils ne sont pas importants pour notre
investigation scientifique. Dans cette optique, il est impératif, afin de parvenir à des
définitions homogènes de «  l’article d’information » et de « l’éditorial », de parler
des genres journalistique dans les lignes qui suivent.

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