La Presse Algérienne Aperçu Historique
La Presse Algérienne Aperçu Historique
La Presse Algérienne Aperçu Historique
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CHAPITRE 01
UN APERÇU HISTORIQUE
A travers cet aperçu historique, nous ne visons pas à représenter ce que nous
pouvons appeler « l’histoire de la presse écrite en Algérie ». Pour nous, et pour des
raisons objectives, cette entreprise est à écarter. Nous nous sommes dit qu’il serait
utile d’entamer cette partie par ce petit rappel dans le but de donner des explications
sur l’importance de la situation actuelle que nous avons prise comme repères pour bien
constituer notre corpus et expliquer aussi le fonctionnement des journaux auxquels
appartiennent les articles à analyser.
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Dans ce passage, nous allons expliquer nos divers choix et notamment les
raisons pour lesquelles nous voyons nécessaire d’expliquer et analyser le
fonctionnement de la modalité, et son aspect argumentatif, en tant que moyen qui
permet aux énonciateurs d’exprimer leurs attitudes.
L’un des journaux, qui a marqué l’histoire de la presse à cette époque colonial,
était « Alger républicain ». Compte tenu de la situation du pays, l’ensemble de
journalistes et écrivains-journalistes de ce journal, à l’instar de Mohamed Dib et Kateb
Yacine, avaient eu comme objectif d’informer les algériens et l’opinion internationale
sur la situation chaotique qui dominait et qui s’est caractérisée par une politique
d’injustice, de marginalisation et d’inégalité qui a été prise seulement contre les
aborigènes d’Algérie et non pas contre les colons français (Philipp Zessin : 2011, 45).
Après avoir fait quelques recherches sur ce sujet, nous avons retenu que
l’ensemble des chercheurs dans le domaine voient que la presse écrite en Algérie a
connu trois phases. La première est celle de 1962-1965, pendant laquelle le pays a
connu une sorte de transition dans presque tous les domaines et notamment le secteur
médiatique (Ayad Abla : 17). Ayant adopté une politique de nationalisation, le pouvoir
s’est trouvé obligé d’administrer, en l’absence des lois qui le régissent, un domaine
tellement stratégique. Ce facteur a permis au pouvoir en place de mettre la main sur la
presse.
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La deuxième période est celle de 1965-1976. Celle-ci a connu l’ascension
vertigineuse du régime du FLN au pouvoir. Le FLN et le pouvoir sont maintenant les
deux et les seules forces qui ont le droit de gérer et de contrôler la presse. Le FLN, en
suivant l’idéologie de l’Etat, exerce le contrôle au moyen de ses quotidiens, alors que
le second le fait par son ministère de l’information et de la culture. Accomplie avec
succès, cette mission a été automatiquement confiée à tous les ministres qui ont dirigé
le secteur après l’indépendance du pays. A titre d’exemple, nous pouvons citer une des
périodes où la liberté d’expression a été sévèrement réduite. C’est la période où T.A.
Ibrahimi a été désigné comme ministre de l’information et de la culture et ce entre
1970 et 1977 (A. Sayad : 2011, 20). Avec la politique de l’arabisation qu’a connu le
pays, certains quotidiens d’expression française ont été arabisés, à savoir la république
et Annasr, auquel cas, les lecteurs des journaux francophones vont se trouver obligés
de se diriger vers l’unique quotidien d’expression française El Moudjahid. Raison pour
laquelle le tirage des deux autres quotidiens a été considérablement diminué.
La réduction du nombre des médias dans le pays est l’une des conséquences de
la gestion des médias : pour un grand nombre d’algériens 1, il y avait seulement six
quotidiens de deux langues, arabe et française, une chaine de radio et une chaine de
télévision. En 1976, l’adoption d’une nouvelle constitution est l’un des événements qui
ont eu une incidence remarquable sur le secteur médiatique. Cette dernière, même si le
pouvoir en place n’était pas d’accord, proclame le droit à une information totale et
objective. A partir de là, un grand nombre de quotidiens ont connu une énorme
diffusion dans tout le territoire du pays aussi bien qu’une amélioration du tirage. Cela
traduit clairement, le grand intérêt que portaient les autorités aux médias. Dans cette
période, et malgré le décès du président Houari Boumediene, la domination du
monopartisme continue à gérer le secteur médiatique jusqu’aux événements
dramatiques d’Octobre 1988.
Cela nous semble entièrement logique, surtout lorsqu’on sait que la gestion et le
contrôle du secteur médiatique s’attelait à éterniser la dominance du monopartisme.
Autrement dit, la gestion de ce secteur, comme celle des autres domaines à savoir
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En cette période, il y avait presque 17 millions d’algériens. D’après le site ; perspective
monde.
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l’éducation et l’économie, n’était pas dépendent ni des régimes ni des personnalités
politiques qui s’en chargent. Suivant cette logique, peu importait les hommes
politiques qui gouvernent le secteur, dès qu’ils prêtaient fidélité et obéissance à la
direction du parti unique.
D’après toutes les remarques que nous avons faites, il est utile de signaler qu’il
est un peu difficile de raconter toute l’histoire de l’évolution de la presse algérienne.
Mais pour bien réaliser une telle tâche, il est crucial de prendre en considération deux
éléments complémentaires : comprendre les mécanismes de fonctionnement de
différents systèmes politiques qu’a vu le pays depuis l’indépendance et les divers
paramètres ayant trait à la société algérienne qui s’est trouvée entre le projet de
l’arabisation qui, selon les chercheurs dans le domaine, a contribué à aggraver la
situation, d’un côté, et les diverses conséquences linguistiques provenant du passé
colonial, de l’autre. Cette tâche qui a été tentée par plusieurs chercheurs, peut sembler
importante pour d’autres problématiques, mais, elle ne l’est cependant pas pour celle
circonscrite dans le présent travail. Raison pour laquelle, et pour ne pas aller plus loin
dans cette question, nous allons, dans les lignes qui suivent, parler des conditions de
l’émergence de la presse dite indépendante en Algérie.
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lors des manifestations. Ils exigent aussi l’établissement des libertés démocratiques
pour que les masses populaires puissent s’exprimer autour de leur avenir.
Ce sont les journalistes de la wilaya d’Alger qui ont diffusé cette déclaration et
ce avant la mort de l’un de leurs collègues à Bab El-Oued, il s’agit du journaliste
Benmechiche Sid Ali (A. Saoudi : 2014). Même si cette déclaration n’a pas été signée
par un grand nombre de journalistes, elle représente un manifeste si important dans
l’histoire de la presse privée dans le pays. Les journalistes qui ont été présents lors des
manifestations avaient plusieurs objectifs entre autres : la liberté individuelle et
collective et la démocratisation du champ politique algérien. Ces mouvements, qui
n’étaient pas les seules qu’a connus le pays, ont permis également l’adoption d’une
nouvelle loi qui permettra non seulement d’ouvrir une nouvelle page dans l’histoire de
la presse indépendante dans le pays mais aussi de changer le paysage médiatique, il
s’agit de la loi relative à l’information d’avril 1990.
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nouveaux courants idéologiques comme l’islamisme, représenté principalement par le
FIS2 , et d’autres mouvements qui s’opposent surtout au régime comme le
communisme et les mouvements à caractère régional.
Avant ces événements et pour calmer les esprits, le régime s’est trouvé censé
procéder à un ensemble de mesures impensables. L’adoption d’une nouvelle
constitution en février 1989, pour donner le feu vert, dans le cadre de la loi sur
l’association politique, à la formation de plusieurs partis politiques, est la mesure la
plus radicale prise par le régime en place. Ce nouveau protocole, permettra de préparer
le terrain à la liberté d’opinion et d’expression et au multipartisme (A. Benziane :
2008, 6).
Comme nous l’avons déjà signalé plus haut, ce n’est qu’après l’adoption de la
constitution du 23 février 1989 que la presse indépendante ou privée a vu le jour. Suite
à la loi promulguée le 5 juillet 1989 qui concerne les conditions de la formation des
partis politique, suite aussi à la loi sur la presse indépendante adoptée et décrétée le 3
avril 1990 par l’assemblée populaire nationale. La création de dix journaux entre
septembre 1990 et décembre 1991, est la conséquence de cette loi qui est née après une
crise sociopolitique si difficile et qui a posé des jalons pour la démocratie et la liberté
d’expression (C. Dris : 2018, 264-265). Signalons que ces quotidiens ont été créés et
dirigés soit par le milieu des affaires soit par les journalistes eux-mêmes. Pendant cette
période tellement courte, le tirage de ces quotidiens était vraiment important par
rapport à celui des autres quotidiens de l’Algérie poste-indépendante. Nous pouvons
citer, à titre d’exemple, le quotidien El Moudjahid. Le tirage de ce dernier va
connaitre une chute fulgurante surtout lorsqu’on sait qu’il est passé de trois cent mille
exemplaires en 1989 à cent quatre-vingt mille en 1991. Cette loi, et grâce à l’article
04, a permis la création de plusieurs quotidiens en plus des titres qui appartiennent au
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Le front islamique du salut.
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pouvoir. Elle avait pour but de fixer les principes, les règles et les conditions de
l’exercice du droit à l’information (A. Benziane : 2008, 9)
Cet article susdit fait l’objet d’une critique si sévère de la part des journalistes
(T. Leperlier : 2016). Même s’il sert à organiser la profession des journalistes, il
représente pour eux : « un code pénal bis ». Dans cette perspective, on note qu’une
distinction a été faite entre les deux genres de publications ; les titres et organes qui
relèvent du secteur public et l’édition des publications périodiques. Autrement dit, les
revues et les journaux publiés à intervalle régulier. Les publications périodiques sont
celles qui contiennent des publications périodiques spécialisées et les journaux
d’information générale.
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statut du plus grand nombre de titres qui ont été transformés en entreprises publique
économiques. Autrement dit, transformées en SARL 3 et ultérieurement en SPA4 (A.
Sayad : 2011, 27). Par conséquent, ces titres ont été soumis aux lois du marché. Cela
entraine un plus grand professionnalisme du côté des journalistes et une plus grande
compétitivité de la part de ces titres.
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Société à responsabilité limitée.
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Société par action.
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Le paysage médiatique en Algérie. Acquis et blocages. Le Quotidien d’Oran le 28/062005 .
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médiatique a été entièrement bouleversé, avec tout ce que cela entraine comme
changement des caractéristiques de ces organes de presse.
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Front de forces socialistes.
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Cette circulaire concerne le régime d’exercice du secteur public.
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La chose qui a rendu possible cette expérience est le mouvement des
journalistes algériens (M JA). Ce mouvement, créé en mai 1988, avait pour objectif de
lutter pour la liberté d’expression et pour les droits des journalistes jusqu’à la
promulgation de la loi d’Avril 1990 (A. Benziane : 2008, 7). El Watan, Le Quotidien
d’Oran et Le Soir sont des quotidiens dans lesquels on trouve ce mode de gestion. Les
journalistes de ces derniers sont des membres fondateurs et ce faisant, ils disposent de
part égale des actions. Ils ont pu créer des journaux qui, dans un court laps de temps,
ont pu réaliser des tirages record. Notamment lorsqu’on sait qu’ils ont bénéficié de
plusieurs décisions étatiques à savoir l’annulation du monopole sur la publicité et la
mise à leur disposition de la maison de la presse à Alger.
Durant ces années de terreur, le pays est entré dans un vrai labyrinthe : plusieurs
arrestations, des assassinats des journalistes et des personnalités intellectuelles. La
presse n’était pas à l’abri des conséquences de cette situation, dans la mesure où le
pouvoir a exercé des pressions économiques sur elle, notamment par Blaid Abdesslam
qui a confié les publicités à l’agence nationale de l’édition et de la publicité. Il s’agit
de priver les quotidiens d’une source de revenue très importante. En d’autres termes,
c’est un retour au monopole du pouvoir sur la publicité. Sans oublier le blocage itératif
des tirages des quotidiens qui véhiculent des discours critiquant le régime en place.
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Après tout ce panorama, une chose très importante est à retenir, c’est le rôle très
crucial que les journalistes ont joué pendant ces années. Ces journalistes ont
certainement payé cher cette victoire, mais c’est grâce à eux que la liberté d’expression
est devenue une réalité dans les lois. En tout état de cause, c’est grâce à eux que la
presse s’est transformée en véritable pouvoir.
A cette période, le secteur médiatique était partagé entre les journalistes qui ont
été, coûte que coûte, avec le peuple en critiquant amplement cette candidature en
rapportant et commentant objectivement les faits, et les journaux partisans qui
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soutiennent le projet de cinquième mandat. Ce faisant, les relations entre les deux
pôles étaient très tendues. Le pouvoir en place a voulu, à tout prix, bâillonné les
journalistes voulant couvrir des sit-in et des manifestations qui ont lieu dans les artères
algériennes contre ce cinquième mandat. Par conséquent, des poursuites judiciaires ont
été lancées à l’encontre de plusieurs journalistes. Selon Reporter Sans Frontières
(RSF), les forces de l’ordre ont tout fait pour empêcher les journalistes de couvrir ce
mouvement populaire en les agressant et confisquant leur matériel. Ainsi, parmi les
moyens utilisés, on peut citer l’article 144 bis 2, (Loi n° 01-09 du 26 Juin 2001) :
Est punie d’un emprisonnement de trois (3) mois à douze (12) mois et d’une
amende de 50.000 DA à 250.000 DA ou de l’une de ces deux peines seulement,
toute personne qui offense le Président de la République par une expression
outrageante, injurieuse ou diffamatoire, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de
déclaration, ou de tout autre support de la parole ou de l’image, ou que ce soit
par tout autre support électronique, informatique ou informationnel.
C’est pour cette raison que les journalistes ont été invités à être prudents dans
leurs textes journalistiques et ne pas attaquer ou critiquer ouvertement les hommes du
pouvoir ou du corps militaire. Mais après ce grand soulèvement populaire contre le
cinquième mandat, les journalistes de certains quotidiens indépendants, et parce qu’il
s’agit d’une question de vie ou de mort, ont pris le courage et décidé de ne pas rester
en dehors de ce mouvement historique. En bafouant l’article susdit, ils ont essayé, en
se servant des procédés langagiers dont ils disposent, de dénoncer la situation et ce par
l’emploi des modalisateurs par exemple.
Deuxièmement, cet historique nous a permis, comme nous l’avons déjà dit au
début de ce chapitre, de constater que la presse écrite algérienne est un peu jeune par
rapport à la presse française, anglo-saxonne et même arabe. Cette donne est très
importante, en ce sens où elle nous permettra d’être vigilent à l’égard des notions que
nous allons aborder tout au long de notre investigation, notamment la notion du genre.
Compte tenu des profils de certains journalistes. Nous avons constaté que certains
d’entre eux ont été formés dans d’autres domaines qu’en sciences de l’information et
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de la communication. De là, apparaissent plusieurs problèmes chez ces journalistes,
dans la mesure où ils souffrent de ce qu’on peut appeler la « non maitrise » de
certaines normes en matière de journalisme. Cela ne veut évidemment pas dire que
leurs articles ne sont pas de bonnes qualités ou qu’ils ne sont pas importants pour notre
investigation scientifique. Dans cette optique, il est impératif, afin de parvenir à des
définitions homogènes de « l’article d’information » et de « l’éditorial », de parler
des genres journalistique dans les lignes qui suivent.
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