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Vers La Creation Dune Cour Constitutionnelle Au Senegal Contribution Au Debat 1

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Vers la création d’une Cour Constitutionnelle au Sénégal : Contribution au débat

………………………………………………………………………………………………

Dr. Ibrahima MANDIANG


Docteur en Droit Public
Maitre de Conférences Assimilé
FSJP / UCAD

INTRODUCTION
La décision de créer une Cour Constitutionnelle est une décision du pouvoir constituant
originaire1, mais il arrive qu’à titre provisoire, cette création ou cette modification soit le fait
du législateur organique ou spécial ou même ordinaire2, suivant les traditions juridiques3. La
transformation d’une juridiction Constitutionnelle doit répondre aux impératifs démocratiques4
aux impératifs d’assoir sa crédibilité et l’accorder plus de pouvoir dans la garantie et la
protection des droits et libertés fondamentaux5.
Si la justice constitutionnelle est un phénomène relativement nouveau dans l’histoire
constitutionnelle allemande avant 1949, on peut évoquer le cas de la tentative avortée de la
Constitution de l’Eglise Saint Paul du 28 mars 1849 de doter le tribunal d’Empire de
compétences qui rappellent celles de la Cour Constitutionnelle actuelle ou l’existence de la
Cour d’Etat créée par la Constitution de Weimar de 1919, jusqu’ à la création de la première
Cour Constitutionnelle en Tchécoslovaquie en février 1920 par la loi Constitutionnelle N°
21/1920 et la Constitution d’Autriche en octobre 1920. La signification première de la justice
constitutionnelle6 réside dans la garantie juridictionnelle des éléments structurels fondamentaux
de l’Etat moderne, la distribution des pouvoirs, la primauté normative de la Constitution7, les

1
ATANGANA- AMOUGOU J.L., « Les révisions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme
1
africain », Politeia, n° 7, Printemps 2007, p.583.
2
FALL Ismaila Madior, « Les révisions constitutionnelles au Sénégal. Révisions consolidantes et révisions
déconsolidantes de la démocratie sénégalaise, Dakar, CREDILA, 2012
3
MANDIANG Ibrahima, « Les incidences de la révision constitutionnelle n°2019-10 du 14 mai 2019 sur le
fonctionnement des institutions au Sénégal au regard du principe de la séparation des pouvoirs », in Ismaila Madior
FALL ( dir.), Théories et contentieux constitutionnels en Afrique, Mélanges en l’honneur du Professeur El Hadji
MBODJI, L’harmattan, Sénégal, vol. 1, 2022, pp.517-570.
4
DIALLO Fatima, « Le juge constitutionnel et la construction de l’Etat de droit au Sénégal », Land Law and
politics in Africa, Medaitory conflict and reshoping the state, in memory of Gerti HESSELING, 2011, p.266.
5
DIARRA Abdoulaye, « La protection constitutionnelle des droits et libertés en Afrique noire francophone depuis
1990. Les cas du Mali et du Bénin », in Afrilex, n°2, Septembre 2001, p.24 disponible sur
www.afrilex.u.bordeaux4.fr (consulté le 12 octobre 2023).
6
HOLLO Théodore, « L’émergence de la justice constitutionnelle », Pouvoirs, n°129, p.101.
7
BOURGI Albert, « L’évolution du constitutionnalisme en Afrique noire francophone », RJPC, n°3, 1995, p.282.
libertés accordées aux citoyens et aux individus8, la représentation démocratique, la défense de
l’ordre démocratique et l’organisation des fonctions étatiques9. C’est dans ce sens que nous
souhaitons une réforme de la justice constitutionnelle au Sénégal en vue de créer une Cour
Constitutionnelle.
La justice constitutionnelle s’entend de toute fonction juridictionnelle ayant
pour but d’assurer la suprématie et le respect des règles constitutionnelles essentiellement, mais
non exclusivement par les pouvoirs publics10. « Constitutionnaliser le pouvoir, c’est le
soumettre à des règles précises et plus particulièrement mettre au point des mécanismes de
représentation politique, établir auprès des gouvernements des censeurs qui seront qualifiés
pour dialoguer avec ceux-là »11. La justice constitutionnelle est définie à partir de l’approche
matérielle et formelle.
S’agissant de l’approche matérielle, Michel FROMONT, dans la conception de la
justice constitutionnelle, voit le juge constitutionnel, le juge des pouvoirs publics
constitutionnels, spécialement des pouvoirs législatifs et exécutif12. Dans cette approche
conceptuelle, le juge constitutionnel est tout juge qui statue sur les litiges opposant les pouvoirs
publics constitutionnels13, peu importe que les règles qu’il applique soient de rang
constitutionnel ou simplement législatif. C’est la conception du juge constitutionnel, arbitre ou
régulateur14.
Charles EISENMANN quant à lui privilégie une approche normative faisant de la
justice constitutionnelle le synonyme de contrôle de constitutionnalité des lois en précisant que
« le sens juridique de la justice constitutionnelle est de garantir la répartition de la compétence
entre législateur ordinaire et législateur constitutionnel, d’assurer le respect de la compétence
du système de règles ou de l’organe suprême de l’ordre étatique »15.
Quant à Guillaume DRAGO, il propose que « la justice constitutionnelle est l’activité
de contrôle de la conformité à la constitution des actes qui lui sont subordonnés ainsi que des

8
CONAC G., « Le juge constitutionnel en Afrique : Censeur ou pédagogue ? », in Les Cours suprêmes en Afrique, 2
Tome II, La jurisprudence, Paris, Economica, 1989, p.610.
9
KOKOROKO D., « L’apport de la jurisprudence constitutionnelle africaine à la consolidation des acquis
démocratiques. Le cas du Bénin, du Mali, du Sénégal et du Togo », RBSJA, n° 18, juin 2007, pp.85-128.
10
KANTE Babacar, « Les juridictions constitutionnelles et la régulation des systèmes politiques en Afrique »,
in Mélanges en l’honneur de Jean GIQUEL, Constitutions et Pouvoirs, Paris, Montchrestien, 2008, p.268.
11
HAURIOU André, Droit Constitutionnelle et Institutions politiques, Montchrestien, 1970, 4éme édition, p.73.
12
FROMONT Michel, La justice constitutionnelle dans le monde, Paris, Dalloz, 1996, pp. 2 et 3.
13
SY Demba, « Les fonctions de la justice constitutionnelle en Afrique », in O. NAREY ( dir.), La justice
constitutionnelle, Actes du Colloque international de l’ANDC, Paris, l’Harmattan, 2016, pp.47-54.
14
NAREY O., « La régulation du fonctionnement des Institutions par le juge Constitutionnel », in M. ONDA et
P.E ABANE ENGOLO, (dir.), Les transformations contemporaines du droit public, L’Harmattan, 2018, p.59.
15
EISENMANN Charles, La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d’Autriche, Paris, LGDJ,
1928, p.1.
actes et décisions des pouvoirs publics qui ont une dimension constitutionnelle »16. Pour le
Doyen Louis FAVOREAU, l’expression « justice constitutionnelle » désigne l’ensemble des
institutions et techniques grâce auxquelles est assurée sans restriction la suprématie de la
Constitution17.

S’agissant de l’approche organique ou formelle, la justice constitutionnelle se présente


comme l’institution chargée d’assurer la suprématie juridique de la Constitution18 soit par une
juridiction spécialement compétente soit le système juridictionnel général dont l’une des
compétences est le contrôle de constitutionnalité19. En fait, aussi bien le juge administratif en
charge du contrôle de légalité en particulier la chambre administrative de la Cour Suprême que
le juge judiciaire dans son appréciation de la régularité des actes de droit privé peuvent être
amenés dans certaines circonstances à être confrontés à des questions mettant en cause la
constitutionnalité des lois ou des engagements internationaux20.

La création de la Cour Constitutionnelle rapprochera le citoyen de la juridiction


constitutionnelle21. Cette proximité est une condition de la démocratie participative et la
construction d’une démocratie sociale substantielle22.
Car, « La justice constitutionnelle est consubstantielle au constitutionnalisme
triomphant à nouveau sur le continent africain depuis l’effondrement dans la dernière décennie
du XX éme siècle des différents régimes autoritaires qui avaient fleuri au lendemain de la
décolonisation »23.

Durant plusieurs années, la juridiction constitutionnelle présente des ambigüités24 dans


son organisation, son fonctionnement, ses attributions, ses décisions et avis qui sont sujets à

16
Guillaume DRAGO, Contentieux Constitutionnel français, 2 éme édition, refondue, Paris, PUF, 2006, p.30.
17 3
FAVOREAU Louis, « Justice constitutionnelle », in Olivier DUHAMEL ? Yves MENY (Sous la direction
de), Dictionnaire Constitutionnel, Paris, PUF, 1992, p. 556.
18
LE BRETTON J.P, « Les particularités de la juridiction constitutionnelle », RDP, 1983 ? P. 477
19
SOMA Abdoulaye, « Le contrôle de constitutionnalité des normes supra-législatives », pp.139-150.
20
SY M. M., La protection constitutionnelle des droits fondamentaux en Afrique, l’exemple du Sénégal,
L’Harmattan, 2007, p.404.
21
AIVO G, « Les recours individuels devant le juge constitutionnel béninois », in La Constitution Béninoise du
11 décembre 1990 : un modèle pour l’Afrique ? Mélanges en l’honneur de Maurice AHANHANZO-GLELE, p.
573.
22
SY Pape Mamour, Le développement de la justice constitutionnelle en Afrique noire francophone. Les exemples
du Bénin, du Gabon et du Sénégal, Thèse, FSJP/UCAD, 1999.
23
HOLO Théodore, « La justice Constitutionnelle », Pouvoirs, 2009, p.129.
24
DIAKHATE Meissa, « Les ambigüités de la juridiction constitutionnelle dans les Etats de l’Afrique noire
francophone », in Revue du droit public et de la Science politique en France et à l’étranger, 01 mai 2015, n- 3, p.
785.
interprétation voire à polémique25. L’absence caractérisée d’injonction à l’égard des autorités
publiques26, alors que le Conseil constitutionnel en tant qu’institution doit garantir la suprématie
de la Constitution27 et un meilleur contrôle de constitutionnalité des lois28 et engagements
internationaux29. Ceci remet fondamentalement en cause l’indépendance du Conseil
constitutionnel avec surtout des cas de déclaration d’incompétence30 malgré l’évolution
constitutionnelle au Sénégal31 et le renforcement des compétences du juge constitutionnel par
l’adoption de la loi organique 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au conseil Constitutionnel32,
abrogeant et remplaçant la loi organique 92-23 du 30 mai 1992.
Eu égard à toutes ces considérations, aux expressions « conseil constitutionnel », « sage »,
nous souhaitons la création d’une véritable Cour constitutionnelle, totalement indépendante,
autonome, innovante présentant une certaine originalité et innovation dans la sous région Ouest
africaine. Elle doit être une Cour Constitutionnelle située hors de l’appareil juridictionnel
ordinaire et indépendant de celui-ci comme des pouvoirs publics afin de renforcer et de
consolider la garantie juridictionnelle de la Constitution (I). Il s’agira d’innover organiquement
et fonctionnellement le fonctionnement de la justice constitutionnelle au Sénégal (II).

I- Le renforcement de la garantie juridictionnelle de la Constitution


La justice constitutionnelle est l’activité de contrôle de la conformité à la Constitution des
actes qui lui sont subordonnés ainsi que des actions et décisions des pouvoirs publics qui

25
FALL Ismaila Madior ( dir.), Les décisions et avis du Conseil constitutionnel du Sénégal, Dakar, CREDILA,
4
2008.
26
NDIAYE Sidy Alpha, « Le pouvoir d’injonction du juge constitutionnel en Afrique noire francophone »,
Annales Africaines, 2019
27
DIAGNE Mayacine, Le conseil constitutionnel, l’Institution et ses techniques, Dakar, 2012, Editions TMC
p.43.
28
FALL Ismaila Madior, « La loi organique dans les ordonnancements juridiques des Etats d’Afrique
francophone : Réflexion sur une norme particulière », RBSJA, n-32, 2014, p.24.
29
DIAGNE Mayacine, « Le juge constitutionnel et la technique des réserves d’interprétation », in Revue
Juridique et politique n° 3, 2008, p.371.
30
KEBE Abdoul Aziz Dabah, « Les réserves d’interprétation dans la jurisprudence constitutionnelle des Etats de
l’Afrique noire francophone », Annales Africaines, vol.1, 2015, p.266.
31
FALL Ismaila Madior, Evolution constitutionnelle du Sénégal, de la veille des indépendances aux élections de
2007, Dakar, CREDILA, 2007, pp. 141.
32
Loi organique 2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel, JORS n°6946 du 15 juillet 2016,
pp.927-930.
ont une dimension constitutionnelle33. Il peut s’agir de la vérification de la conformité à la
Constitution des normes qui lui sont subordonnées dans sa dimension normative ainsi que
de toutes autres actions et décisions des pouvoirs publics ayant une dimension
constitutionnelle34 . Cela renvoie à la mission régulatrice et protectrice du Conseil
Constitutionnel du Sénégal35 conformément à la loi organique 2016-23 du 14 juillet 2016
relative au Conseil Constitutionnel36. L’avantage serait avec la création d’une Cour
Constitutionnelle, l’extension des actes de contrôle (A). Mieux ça permettra davantage les
modalités de saisine du juge constitutionnel avec les recours Amparo à côté d’autres modes
de saisine de la Cour (B).

A) L’extension des actes de contrôle du juge constitutionnel


L’idéal serait d’intégrer dans les compétences d’attributions de cette Cour constitutionnelle, des
actes ou décisions d’acteurs publics, ayant un impact pour les personnes privées. C’est de mieux
prendre en compte, la question des droits fondamentaux dans sa dimension protectrice, c’est-à-
dire les droits fondamentaux constitutionnellement consacrés. Tout juge qui applique les règles
constitutionnelles pour régler un différend, un litige qui lui est soumis exerce la justice
Constitutionnelle. Au Sénégal, cette fonction est dévolue au Conseil Constitutionnel.
En effet, l’article 88 de la Constitution Sénégalaise du 22 janvier 2001 cite le Conseil
Constitutionnel comme une Institution appartenant au pouvoir judiciaire. L’article 89 précise
que « le Conseil Constitutionnel comprend (07) membres dont un Président, un vice Président
et cinq (juges). La durée de leur mandat est de six (06) ans. Le Président de la République
nomme les membres du Conseil constitutionnel dont deux sur une liste de quatre personnalités
proposées par le Président de l’Assemblée nationale.
Le Président du Conseil Constitutionnel est nommé par le Président de la République. Il a voix
prépondérante en cas de partage. Les conditions à remplir pour être nommé membre du Conseil
constitutionnel sont déterminées par la loi organique. Le mandat des membres du Conseil
constitutionnel ne peut être renouvelé. Il ne peut être mis fin aux fonctions des membres du

33
ATSIMOU S.A., « La participation des juridictions constitutionnelles au pouvoir constituant en Afrique noire 5
francophone », AJP, 2011, p.629.
34
FALL Ismaial Madior, « La réforme constitutionnelle de mars 2016 au Sénégal : un hommage à l’œuvre du
Professeur Babacar KANTE », in FALL ( I.M.) et SALL (A.), Mélanges en l’Honneur de Babacar KANTE :
Actualités du droit public et de la Science Politique en Afrique, L’Harmattan Sénégal, Dakar, 2017, p.129.
35
SY Demba, « Sur la reconnaissance du droit constitutionnel en Afrique. Question de méthode » ; Politea,
n°6, 2004, p.455.
36
Loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel du Sénégal, JORS, n°6946 DU
15 Juillet 2016, pp.927-930.
Conseil constitutionnel avant l’expiration de leur mandat que sur leur demande ou pour
incapacité physique, et dans les conditions prévues par la loi organique »37.

L’article 92 de la Constitution ajoute que « Le Conseil constitutionnel connait de la


Constitutionnalité des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre
le pouvoir exécutif et le pouvoir et le pouvoir législatif, ainsi que des exceptions
d’inconstitutionnalité soulevées devant la Cour d’Appel ou la Cour Suprême. Le Conseil
Constitutionnel peut être saisi par le Président de la République pour avis. L e Conseil
constitutionnel juge de la régularité des élections nationales et des consultations référendaires
et en proclame les résultats. Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles
d’aucune voie de recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités
administratives et juridictionnelles… »38. Aux termes de l’article 97 de la Constitution, « Si le
Conseil constitutionnel a déclaré qu’un engagement international comporte une clause
contraire à la Constitution, l’autorisation de le ratifier ou de l’approuver ne peut intervenir
qu’après la révision de la Constitution »39. Ces différentes dispositions permettent de
comprendre les différentes compétences du Conseil constitutionnel du Sénégal en matière
constitutionnelle, en matière électorale et en matière consultative.

S’agissant d’abord des compétences du Conseil constitutionnel en matière constitutionnelle,


le Conseil procède à un contrôle de constitutionnalité d’une loi organique en vue de sa
promulgation, au Président de la République (saisine obligatoire), en application de l’article 78
alinéa 2 de la Constitution40. Le Conseil constitutionnel contrôle la constitutionnalité d’une loi
avant sa promulgation ou d’un engagement international avant sa ratification, au Président de
la République et aux députés, représentant au moins le dixième des membres de l’Assemblée
nationale41.
Le Conseil constitutionnel, en matière constitutionnelle est compétent pour vérifier la
constitutionnalité d’une loi après sa promulgation, soulevée devant la Cour d’Appel ou devant
la Cour suprême. Il peut également statuer sur l’irrecevabilité d’une proposition de loi ou d’un
amendement parlementaire au Président de la République, à l’Assemblée nationale et au

37 6
Art. 89 de la Constitution du 22 janvier 2001.
38
Art.92 de la Constitution du 22 janvier 2001.
39
Art. 97 de la Constitution du 22 janvier 2001.
40
KANTE Babacar, « Les méthodes et techniques d’interprétation de la Constitution : l’exemple des pays
d’Afrique occidentale francophone », in Melin SOUCRAMANIEN (dir.), L’interprétation constitutionnelle,
p.165.
41
Loi Constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution.
Premier Ministre conformément à l’article 83 de la Constitution. Par ailleurs, il peut faire
déclarer qu’un texte de forme législative est intervenu dans le domaine du règlement sur le
fondement de l’article 76 de la Constitution. Enfin, il peut faire constater un cas de force
majeure en vue du report de la date du scrutin après dissolution de l’Assemblée nationale en
cas de saisine du Président de la République sur le fondement de l’article 52 de la Constitution.
Ensuite s’agissant des compétences du Conseil constitutionnel en matière électorale, le
Conseil constitutionnel est compétent pour connaitre les réclamations contre la liste des
candidats à l’élection présidentielle, par tout candidat et la régularité des opérations électorales
pour l’élection présidentielle. Pour l’élection législative, il est compétent pour connaitre des
contestations des décisions prises par le Ministre chargé des élections en matière de recevabilité
des listes ou de choix des couleurs, sigles et symboles, par le mandataire de la liste de candidats
concernée sur la base de l’article LO.180 du Code électoral.
Le Conseil constitutionnel est compétent pour connaitre la contestation de la régularité
d’élections législatives ou des membres du Haut Conseil des Collectivités territoriales par tout
candidat au scrutin conformément aux articles LO. 191 et LO.224 du Code électoral. Par
ailleurs dans d’autres matières, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Bureau de
l’Assemblée nationale, ou un groupe de députés ou le Président de la République pour faire
constater la déchéance d’un député dont l’inégibilité se révèle après la proclamation des
résultats comme le prévoit l’article LO.194, al.1 du Code électoral. Il peut être saisi par le
Procureur de la République pour faire constater la déchéance d’un député qui fait l’objet d’une
condamnation définitive après la proclamation des résultats comme le précise l’art LO.191,
alinéa.2 du Code électoral. Le Bureau du Haut Conseil des Collectivités territoriales ou par le
Président de la République pour un haut conseiller qui a fait l’objet d’une condamnation
définitive après la proclamation des résultats en application de l’article LO. 224, alinéa.2 du
Code électoral. Enfin s’agissant des compétences du Conseil constitutionnel en matière
consultative, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République pour
avis sur le fondement des articles 51 et 92 de la Constitution.
Ces différentes situations analysées relativement aux compétences de l’actuel Conseil
constitutionnel renseignent les limites matérielles de la compétence du juge constitutionnel du
Sénégal et le caractère limité des possibilités de saisine directe de ce Conseil.
Au regard de cette situation, si conformément à l’article 91 de la Constitution, « le pouvoir
judiciaire est gardien des droits et libertés définis par la Constitution et la loi » et que le Conseil
constitutionnel doit garantir la suprématie de la constitution et de sa protection juridictionnelle,

7
il urge d’innover la compétence matérielle, la composition, l’organisation, la saisine et le
fonctionnement de ce Conseil constitutionnel.
Car le minimum commun d’une définition de la justice constitutionnelle est l’existence
d’une fonction contentieuse au service du règlement des questions constitutionnelles42. Par
conséquent, la Cour constitutionnelle doit être dotée de compétences de deux ordres : d’une
part s’assurer de la concrétisation conforme des normes selon l’ordre de production, d’autre
part, vérifier le respect des droits fondamentaux, qui sont directement applicables comme
normes de référence du contrôle exercé, de contrôler la légalité lato sensu de normes
individuelles. D’abord, le recours direct contre les décisions de justice administrative en vue
d’assurer une cohérence dans la répartition des compétences entre la Cour constitutionnelle et
la Cour Suprême43. En effet, les articles premier et 2 de la loi organique 2017-09 du janvier
2017 modifié par la loi organique 2022-16 du 23 mai 2022 portant Cour Suprême du Sénégal,
précisent les compétences de ladite Cour.
Aux termes de l’article Premier de cette loi organique « sous réserve des matières relevant
de la compétence d’attribution d’autres juridictions, la Cour Suprême se prononce sur les
pourvois en cassation dirigés contre :
-les jugements et arrêts rendus en dernier ressort par toutes les juridictions ;
-les décisions définitives des organismes administratifs à caractère juridictionnel ;
-les décisions émanant des conseils d’arbitrage des conflits du travail ;
- les décisions du Président du tribunal d’instance relatives au contentieux des inscriptions
sur les listes électorales ;
-les décisions de la Cour des Comptes.
La Cour Suprême est juge en premier et dernier ressort, de l’excès de pouvoir des autorités
administratives ainsi que de la légalité des actes des collectivités territoriales.
Elle est compétente, en appel, dans le contentieux de l’élection des membres des assemblées
autres que l’Assemblée nationale ».
L’article 2 de cette loi organique précitée sur la Cour Suprême, ajoute que « la Cour suprême
se prononce, en outre sur :
- les exceptions d’inconstitutionnalité, dans les conditions prévues à l’article 91 de la
présente loi organique ;
- les demandes en révision ;

42 8
KELSEN HANS, « La garantie juridictionnelle de la Constitution ( la justice constitutionnelle) », RDP, 1928
43
Loi organique n°2017-09 du 17 janvier 2017 abrogeant et remplaçant la loi organique n-2008-35 du 08 Août
2008 sur la Cour Suprême, modifiée par la loi organique n-2022-16 du 23 mai 2002.
- les demandes de renvoi d’une juridiction à une autre pour cause de suspicion
légitime ou de sûreté publique ;
- les règlements de juges entre juridiction n’ayant au-dessus d’elles aucune juridiction
supérieure commune autre que la Cour suprême ;
- les demandes de prise à partie contre une juridiction entière ;
- les contrariétés de jugements ou arrêts rendus en dernier ressort entre les mêmes
parties et sur les mêmes moyens entre différentes juridictions ;
- les avis de la chambre d’accusation en matière d’extradition ;
- les poursuites et le jugement des infractions commises par des magistrats ou certains
fonctionnaires ».
Car l’inconstitutionnalité de la décision administrative implique une différence de
contrôle. Il peut s’agir d’une part d’une atteinte aux droits constitutionnellement garantis du
requérant et d’autre part de la violation des droits qui ne se réduisent pas aux droits
constitutionnellement garantis du requérant résultant de l’application d’une norme fautive44.
Pour mieux protéger les droits fondamentaux des citoyens au Sénégal, il faut que les procédures
utilisées soient encouragées afin de garantir une efficacité dans la sauvegarde des droits et
libertés fondamentaux. Par ces procédés comme au Bénin, il y aura possibilité pour la Cour
constitutionnelle de contrôler des faits en dehors des domaines où des juridictions
constitutionnelles avaient de telles attributions à savoir le contentieux électoral ou de certains
aspects du comportement des autorités politiques. Il peut s’agir de la possibilité de contrôler
des faits en premier et dernier ressort comme juge de fond. Ce qui lui permettrait d’être
compétente pour se prononcer sur la légalité ou la constitutionnalité des actes non normatifs.
L’Etat de droit reste un élément central dans le développement, le renforcement et la
consolidation de la gouvernance démocratique et constitutionnelle. A cet égard, la Constitution
sénégalaise du 22 janvier 2001, tout comme les Constitutions des pays d’Afrique de l’Ouest et
d’ailleurs, accordent au pouvoir judiciaire la compétence en matière de contrôle de
constitutionnalité des lois et engagements internationaux.
En effet, le contrôle de la constitutionnalité des lois et engagements internationaux se
fait par la voie d’action et par voie d’exception au Sénégal sur le fondement des articles 74, 78,
92 de la Constitution. Relativement le contrôle par voie d’action, il peut être obligatoire ou
facultatif. Le contrôle obligatoire, prévu par l’article 78 de la Constitution, s’exerce sur les lois

44 9
PFERSMANN Otto, « La production des normes : production normative et hiérarchie des normes », in Michel
TROPER, Dominique CHAGNOLAUD (dir.), Traité international de droit constitutionnel : Distribution des
pouvoirs, Tome 2, Dalloz, Paris, 2012, pp.499-502.
organiques. Celles-ci ne peuvent, depuis la réforme constitutionnelle de mars 2016, être
promulguées si le Conseil constitutionnel, obligatoirement saisi par le Président de la
République, ne les a déclarées conformes à la Constitution. Quant au contrôle facultatif par voie
d’action, il est prévu par l’article 74 de la Constitution. Aux termes de cette disposition, le
Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de la République ou par un nombre de
députés au moins égal au dixième des membres de l’Assemblée nationale, d’un recours tendant
à faire déclarer non conforme à la Constitution, une loi, avant sa promulgation ou un
engagement international avant sa ratification ou son approbation conformément aux articles
74 et 92 de la Constitution.
Concernant le contrôle par voie d’exception, il est exercé contre les lois déjà
promulguées. C’est ce qui résulte de la loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016 relative au
Conseil Constitutionnel qui prévoit que toute partie à une instance pendante devant une Cour
d’appel ou la Cour Suprême peut soulever l’exception d’inconstitutionnalité de la loi applicable.
Dans ce cas, la juridiction saisie est tenue, lorsque la solution du litige portée devant elle est
subordonnée à l’appréciation de la conformé à la Constitution des dispositions d’une loi ou des
stipulations d’un traité, de saisir le Conseil constitutionnel et de sursoir à statuer jusqu’à la
décision de celui.ci45. Au regard de ces deux modalités de contrôle et de saisine, il est clairement
établi que la saisine du Conseil constitutionnel est restreinte, réservée exclusivement à quelques
autorités. Il n’existe pas de saisine directe du juge constitutionnel par les citoyens. Or dès lors
qu’un système ordonne ses règles entre d’une part, les lois suprêmes (Constitution) et d’autre
part, les autres lois et actes, il est nécessaire d’établir des mécanismes pour préserver cette
hiérarchie.

B) L’ouverture des modalités de saisine de la Cour Constitutionnelle


La Cour constitutionnelle doit être caractérisée par des innovations dans ses modalités
de saisine avec l’institutionnalisation de l’auto-saisine et la saisine populaire suivant le modèle
Amparo.

45 10
Article 22 de la loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil Constitutionnel.
Sont susceptibles de le faire non seulement les parlementaires46, les avocats à la Cour,
les Maitres de Conférences et Professeurs de droit, les juristes ou encore une association ou
groupement ou collectif de citoyens47 qui estiment qu’une loi mérite d’être défendue ou bien,
au contraire comprend des dispositions entachées d’inconstitutionnalité.
Cette procédure principalement écrite peut être un document d’information technique
en rapport avec l’objet de la loi attaquée ou de traité, une note, un courrier, une consultation
juridique ou bien encore un mémoire sous forme de conclusions contentieuses48. Peuvent être
développés, des éléments factuels, économiques ou sociaux en donnant la priorité aux moyens
de droit pris de la méconnaissance des règles, principes et objectifs de valeur constitutionnelle
qui sont susceptibles d’emporter la conviction des juges de la Cour constitutionnelle. En plus
de cette possibilité de saisine, la saisine populaire sous le modèle amparo doit également être
prévue dans l’organisation, le fonctionnement et les compétences de la Cour constitutionnelle
Cette procédure permet au requérant d’attaquer directement devant la Cour
constitutionnelle, toute décision de justice administrative ou d’autorité administrative qui
porterait atteinte à ses droits subjectifs du fait de l’application d’une norme fautive. Une norme
fautive est une norme générale et abstraite non conforme à la norme qui lui est immédiatement
supérieure. Ici, la Cour constitutionnelle exerce son contrôle par rapport aux droits du requérant
qui peut invoquer des droits plus largement protégés ce qui augmenterait le nombre de normes
de référence du contrôle de la norme générale et abstraite au fondement de l’acte individuel.
L’inconstitutionnalité ou l’illégalité ne doit pas porter directement atteinte aux droits
fondamentaux, il suffit tout simplement de l’application d’une norme générale et abstraite non
conforme au droit objectif ou aux droits subjectifs garantis pour caractériser la violation d’un
droit du requérant. L’application de cette norme générale et abstraite deviendra une condition
nécessaire et préalable à tout recours et doit avoir un effet préjudiciable aux droits du requérant.
Concrètement, l’application de la norme générale par la juridiction concerne tout contenu de
manière immédiate ou indirecte dans la décision de justice ordinaire même celles qui sont
utilisées pour répondre à la question posée à la juridiction de manière préalable.
Ce type de recours appelé Amparo comme au Mexique et en Espagne permettra à tout
citoyen de demander la protection des libertés et des droits reconnus par la Constitution.

46 11
GUILLAUME Marc, « Le traitement des saisines parlementaires par le Conseil constitutionnel depuis la
QPC », Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel n°48, juin 2015, p.127.
47
VEDEL Georges, « L’accès des citoyens au juge constitutionnel : la porte étroite », La vie judiciaire, 11-17
mars 1991.
48
BECHILLON Denys, « Réflexions sur le statut des « portes étroites » devant le Conseil Constitutionnel », Les
notes du club des juristes, janvier 2017.
L’objectif de ce recours d’amparo sera constitué des dispositions d’actes juridiques ou de
simples comportements matériels des pouvoirs publics de l’Etat qui violent les droits des
citoyens. Il peut s’agir d’une part des décisions ou les actes n’ayant pas valeur de loi émanant
des autorités administratives, d’une assemblée législative. D’autre part, des dispositions d’actes
juridiques ou de simples comportements matériels du Gouvernement, de ses autorités ou de ses
fonctionnaires, ou des organes exécutifs collégiaux, des collectivités territoriales, enfin dans
certaines conditions, les actes ou omissions d’un organe juridictionnel49.
Par rapport à la recevabilité de ce recours direct des citoyens, les motifs suivants de rejet
ou d’irrecevabilité peuvent être invoqués :
- La demande ne remplit pas de façon manifeste et irréversible le respect de la
procédure ;
- La demande a trait à des droits ou libertés qui ne sont pas susceptibles de recours
citoyen direct c’est le cas des compétences exclusivement dévolues par exemple à
la Cour suprême ;
- Le tribunal a déjà débouté le requérant sur le fond un recours ou une question
d’inconstitutionnalité ou d’un recours d’amparo (populaire) dans un cas d’espèce
substantiellement identique ;
- Que la demande manque manifestement de contenu justifiant une décision du
tribunal.
Par rapport au jugement et effets du recours populaire, une fois jugé recevable, au cours de
l’examen de l’espèce, la Cour Constitutionnelle peut d’office ou sur la demande du requérant
suspendre l’exécution de l’acte des pouvoirs publics. Cet acte à propos duquel le recours direct
populaire constitutionnel est réclamé peut être suspendu sous forme de mesure conservatoire
ou ordonnance avant de prendre un arrêt ou décision dans le fond dans un délai minimum de
quatre (04) jours et maximum sept (07) jours calendaires. Ce qui permettra à tout justiciable de
saisir la Cour constitutionnelle comme au Bénin, d’une atteinte aux droits de la personne
humaine et autres libertés publiques sur le fondement de l’article 120 de la Constitution
Béninoise du 11 décembre 199050.
En outre tout citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des
lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité en application

49
L’article 53 de la Constitution Espagnole de 1978 prévoit des mécanismes de saisine directe d’amparo en 12
application des dispositions des articles 14, 29 et 30 de cette même Constitution.
50
Loi n° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin adoptée par référendum le
02 décembre 1990.
des dispositions des articles 91 de la loi organique 2017-09- du 17 janvier 2017 abrogeant et
remplaçant la loi organique 2008-36-5 du 8 Août 2008 relative à la Cour Suprême modifiée par
la loi organique 2022-16 du 23 mai 2022 et l’article 92 de la Constitution.
Par rapport à l’auto-saisine, en Afrique de l’Ouest, aujourd’hui, certaines juridictions
chargées de la justice constitutionnelle ont la possibilité de sauto-saisir de certaines questions
même en l’absence d’un recours introduit par un requérant. C’est le cas de la Cour
Constitutionnelle du Bénin. En effet l’alinéa 2 de l’article 121 de la Constitution Béninoise
prévoit que « la Cour se prononce d’office sur la constitutionnalité des lois et de tout texte
réglementaire censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ».
L’article 22 du Règlement intérieur de cette Cour lui permet de se saisir d’office d’une affaire
pour rectifier toute erreur matérielle dans l’une de ses décisions51.
Au Burkina Faso, en vertu de l’article 157 alinéa 3 de la Constitution, le Conseil
Constitutionnel est également autorisé à « se saisir de toutes questions relevant de sa
compétence s’il le juge nécessaire ». Au Libéria, la Cour Suprême peut appliquer une procédure
de saisine d’office sans initiative préalable d’un requérant si elle considère qu’une loi porte
atteinte à l’indépendance de la justice. Elle peut ensuite décider que cette loi est contraire à la
Constitution afin de protéger le pouvoir judiciaire52. L’auto-saisine permet au juge,
spontanément de créer de toutes pièces le procès. La saisine d’office désigne un mécanisme en
vertu duquel le juge constitutionnel a la faculté d’examiner d’office le problème de la
constitutionnalité d’une loi à partir d’un cas d’espèce, ce juge étant initialement saisi d’un
recours53. Au Cap Vert, l’article 20 de la Constitution lusophone donne aux personnes
physiques l’accès aux juridictions constitutionnelles grâce à une procédure spéciale dénommée
amparo dont les modalités opérationnelles sont réglementées par la loi 19/iv/94 du 24 octobre
1994. La réforme doit être menée à ce qu’à ce que la Cour constitutionnelle soit caractérisée
par des innovations importantes.
II) Les innovations souhaitables de la Cour Constitutionnelle
L’indépendance et l’impartialité du juge, piliers de l’Etat de droit, n’ont de sens que si
elles sont pensées comme un élément de politique publique : la justice au service de la
communauté. Quand un juge décide, il fait œuvre de « jurisprudence » », un concept très vaste
en théorie qui va de l’application stricte de la loi jusqu’à l’interprétation des nécessités

51
Décision DDC-03-135 du 21 Août 2003 de proclamation des résultats de l’élection présidentielle de 2001, 13
Recueil, p.261.
52
L’Institut International pour la démocratie et l’Assistance électorale, Les juridictions constitutionnelles en
Afrique de l’Ouest, Analyse comparée, 2016, 196p. Spéci. P.133.
53
BADET Gilles, Les attributions originales de la Cour Constitutionnelle du Bénin, avril 2013, p. 481.
sociales54. Il puisse dans ce faisceau pour interpréter la cause qui lui est soumise, charge, qu’il
s’acquitte selon la raison ou la logique rationnelle. La vertu sociale qui s’attache le plus
nettement à l’inspiration logique du jugement est sa prévisibilité55. Le juge est donc dans la
société, au confluent des relations complexes entre la justice et la société. Compte tenu des
multiples critiques sur le fonctionnement, l’organisation et le choix des juges au Conseil
constitutionnel actuel, la Cour Constitutionnelle à créer doit faire l’objet de plusieurs
innovations : Organique (A), dans les modalités et mécanismes de prise des arrêts de Cette Cour
Constitutionnelle (B).

A) Les innovations organiques de la Cour Constitutionnelle


Les innovations en termes de réformes doivent être faites dans la composition de la Cour d’une
part et d’autre part dans les pouvoirs de nomination des juges à cette Cour constitutionnelle.
Concernant les modes de désignation des juges et leurs assistants ou conseillers doivent
doter la Cour d’une légitimité démocratique. Les juges peuvent être élus de manière indirecte
par une commission spéciale créée. Les juges constitutionnels sont soumis au régime des
incompatibilités prévu par la Constitution et la loi organique relative au Conseil
Constitutionnel56. Dans le statut du juge constitutionnel, la détermination du mandat est sans
contexte un support essentiel de son indépendance. Du fait que toutes normes seront
attaquables devant la Cour constitutionnelle (traités, lois constitutionnelles, lois organiques, lois
ordinaires, les actes administratifs à caractère réglementaire ou individuel, décrets, arrêtés,
notes de services, circulaires), ou autres actes non normatifs en particulier la sacralité de la
parole donnée, il est nécessaire de prévoir une composition élargie de cette Cour.
La Cour devra être composée d’experts et de personnalité représentatifs au nom de leur
expérience en toute indépendance et en toute impartialité pour rendre des décisions
acceptables. Meissa DIAKAHATE, dans son analyse de l’ambigüité des juridictions
constitutionnelles dans les Etats d’Afrique noire francophone, en particulier les désignations
hétéroclites affirme que « dans certains Etats, le choix des membres de la juridiction
constitutionnelle est du ressort exclusif du Chef de l’Etat. Il arrive qu’il détermine seul la

54
FRYDMAN B, Le sens des lois. Histoire de l’interprétation et de la raison juridique, Paris-Bruxelles, LGDJ- 14
Bruylant 2005, Ch. 1ere, pp.39-74.
55
MBONGO Pascal (dir.), La qualité des décisions de justice, Institut de Droit Public, Faculté de Droit et de
Sciences Sociales de Poitiers, 2007, 187p.
56
AHADZI K, « Les nouvelles tendances du constitutionnalisme africain. Le cas des Etats d’Afrique noire
francophone », Afrique Juridique et Politique, vol. 1, n°2, 2002, pp.35-86.
plénitude du pouvoir de nomination »57. Au Sénégal, les articles 3 et 4 de la loi organique 2016-
23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil Constitutionnel et l’article 89 de la Constitution
notamment les alinéas 3 et 4 prévoient que « les membres du Conseil Constitutionnel sont
nommés par le Président de la République ». Sous ce rapport, Meissa DIAKHATE pointe du
doigt la banalisation du profil des juges en estimant que « la pratique du choix des membres
de la juridiction constitutionnelle suscite souvent des interrogations en liaison avec une
sociologie suspecte des juges »58. Pour éviter ces situations, nous souhaitons l’atomisation du
pouvoir de nomination des juges à la Cour Constitutionnelle.
S’agissant de la nomination des juges constitutionnels, au Sénégal, aux termes de
l’article 89 de la Constitution du 22 janvier 2001, « le Conseil constitutionnel comprend Sept
(07) membres dont un président, un vice président et cinq (05) juges. La durée de leur mandat
est de six (06) ans. Le Président de la République nomme les membres du Conseil
constitutionnel dont deux sur une liste de quatre personnalités proposées par le Président de
l’Assemblée nationale. Le président du Conseil constitutionnel a voix prépondérante en cas de
partage. Le mandat des membres du Conseil constitutionnel ne peut être renouvelé. L’article 4
de la loi organique 2016-23 du 14 juillet 202359 abrogeant et remplaçant la loi organique 92-
23 du 30 mai 1992 relative au Conseil Constitutionnel précise que « les membres du Conseil
constitutionnel sont choisis parmi :
-les magistrats ayant exercé les fonctions de Premier Président de la Cour Suprême, de
Procureur général près la Cour Suprême, de Président de chambre à la Cour Suprême, de
Premier avocat général près la Cour Suprême, de Président de Cour d’appel et de procureur
général près une Cour d’appel ;
-les Professeurs titulaires de droit ;
-les Inspecteurs généraux d’Etat ;
-les Avocats.
Les personnalités visées, en activité, doivent avoir au moins vingt ans d’ancienneté dans la
fonction publique ou vingt ans d’exercice de leur profession ». Aujourd’hui, il y a lieu de
remettre fondamentalement en cause ce mode de désignation des juges qui doivent siéger à la

57
DIAKHATE Meissa, « Les ambigüités de la juridiction constitutionnelle dans les Etats d’Afrique noire 15
francophone », ibid, p.13.
58
DIAKHATE Meissa, « Les ambigüités de la juridiction constitutionnelle dans les Etats d’Afrique noire
francophone », op.cit. p.8.
59
Loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil Constitutionnel, JORS, n°6946 du 15 juillet
2016, pp.927-930.
Cour constitutionnelle afin de leur accorder davantage d’indépendance, de crédibilité et de
garanties fondamentales dans l’exercice de leurs fonctions.
A cet égard, la composition de la Cour Constitutionnelle, les conditions d’élection, la
procédure d’élection ou de désignation des juges et la fin de leur mandat et des assistants ou
conseillers à la Cour Constitutionnelle seront déterminées par une loi organique. La
composition de la Cour doit être élargie quantitativement et qualitativement. La juridiction
compterait neuf (09) membres dont quatre (04) magistrats, trois (03) professeurs de droit, un
(01) sociologue et un (01) avocat. Outre les neuf ( 09) membres qui auront le statut de juge à la
Cour constitutionnelle, celle-ci pourra s’appuyer sur trois ( 03) autres personnes ayant au moins
le grade de docteur en droit avec des compétences en droit constitutionnel, en droit
administratif, en droit communautaire et en droit international dont deux ( 02) en droit public
et un ( 01) en droit privé.
Pour les juges à la Cour constitutionnelle, le Président de la République nommera quatre
(04) membres, le Président de l’Assemblée Nationale deux (02) membres, l’opposition
parlementaire un (01) membre, le Conseil Supérieur de la Magistrature, un (01) membre et
l’Ordre des avocats, un (01) membre. Le mandat des juges à la Cour constitutionnelle sera de
sept (07) ans non renouvelable et celui des Conseillers ou assistants sera de quatre (04)
renouvelable une fois. Toute nomination des juges constitutionnels doit faire l’objet
d’approbation législative à la majorité des 3/5 des membres de l’Assemblée nationale. Seuls les
Conseillers échapperont à cette règle car n’ayant pas le statut de juge et ne participeront pas
aux délibérations, ils peuvent être nommés directement par décret présidentiel sur proposition
du Président, du vice président ou la majorité des juges. Par ces modes de désignation, au-delà
des innovations, il s’agit de s’inscrire dans la dynamique en cours relativement aux modes et
procédures de désignation des juges dans les juridictions constitutionnelles.
Au Mali, conformément à l’article 145 de la Constitution adoptée le 28 juillet 2023, « la
Cour constitutionnelle comprend neuf (09) membres nommés par décret présidentiel pou un
mandat de 7 ans non renouvelable dont :
- deux (02) par le Président de la République ;
- un (01) par le Président de l’Assemblée nationale ;
- un (01) par le Président du Senat ;
- deux (02) par le Conseil Supérieur de la Magistrature ;
- Deux (02) Enseignants-Chercheurs de droit public désignés par un collège constitué
par les Recteurs des Universités publiques de droit ;

16
- Un (01) par l’ordre des avocats »60.
Le Président de la Cour constitutionnelle du Mali est élu par ses pairs, en cas d’empêchement
temporaire, ses fonctions sont assurées par le Conseiller le plus âgé aux termes de l’article 146
de la Constitution61. Au Mali, l’article 144 de la Constitution adoptée le 28 juillet 2023 et le
décret d’application N°2023-040/PT-RM du 22 juillet 2023 portant promulgation de la
Constitution62 prévoit que « la Cour constitutionnelle est juge de la constitutionnalité des lois
et elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques. Elle
est l’organe régulateur du fonctionnement des Institutions et de l’activité des pouvoirs publics.
Les membres à la Cour constitutionnelle du Mali, portent le titre de Conseillers.
Au Burkina Faso, en application de la dernière loi Constitutionnelle n°072-2015/CNT
du 05 novembre 2015 et le décret de promulgation n°2015-1396/PRES-TRANS du 26
novembre 2015, « le Conseil constitutionnel est l’institution compétente en matière
constitutionnelle et électorale. Il est chargé de statuer sur la constitutionnalité des lois, les
ordonnances ainsi que la conformité des traités et accords internationaux avec la Constitution63.
L’article 153 de la Constitution du Burkina Faso précise que le Conseil constitutionnel
comprend neuf (09) membres nommés pour un mandat unique de neuf (09) ans, ils sont
renouvelables par tiers tous les trois ans dans les conditions fixées par la loi sauf pour le
Président du Conseil constitutionnel64.
Au Togo, l’article 100 de la Constitution de la IV République version consolidée par la
loi constitutionnelle du 15 mai 2019 prévoit que « la Cour constitutionnelle est composée de
neuf (09) membres de probité reconnue désignés pour un mandat de six (06) ans renouvelable
une seule fois. Deux sont désignés par le Président de la République dont un (01) en raison de
ses compétences et de son expérience professionnelle en matière juridique et administrative.
Deux (02) sont élus par l’Assemblée nationale en dehors des députés à la majorité absolue de
ses membres dont (01) en raison de ses compétences et de son expérience professionnelle en
matière juridique et administrative. Deux (02) sont élus par le Senat en dehors des sénateurs, à
la majorité absolue de ses membres dont un (01) en raison de ses compétences et de son

60
V. article 145 de la Constitution du 28 juillet 2023. 17
61
V. article 146 de la Constitution du 28 juillet 2023.
62
Loi N°2022-001 du 15 février 2022 portant révision de la Charte de la Transition, JORM, numéro spécial 13 du
22 juillet 2023, pp.1-17.
63
V. article 152 de la Constitution du Burkina Faso. Deux lois ont modifié cet article. La loi constitutionnelle du
11 avril 2000 a scindé le deuxième alinéa en deux et la loi n° 015-2009/AN du 30 avril a complété le dernier alinéa
par cette phrase « la proclamation des résultats définitifs de ces élections relève de la compétence du Conseil
d’Etat ».
64
V. article 153 de la Constitution du Burkina Faso adoptée par Référendum le 02 juillet 1991.
expérience professionnelle en matière juridique et administrative, un (01) magistrat ayant au
moins quinze (15) ans d’ancienneté, élu par le Conseil supérieur de la Magistrature, un (01)
avocat élu par ses pairs et ayant au moins quinze (15) ans d’ancienneté. Un Enseignant-
chercheur en droit de rang A des Universités publiques du Togo, élu par ses pairs et ayant au
moins quinze (15) ans d’ancienneté ».
Au Madagascar, l’article 114 de la Constitution du 17 novembre 2010 de la Quatrième
République prévoit que « la Haute Cour constitutionnelle comprend neuf (09) membres. Leur
mandat est de sept (07) ans non renouvelable », dont 3 nommés par le Président de la
République, 02 élus par l’Assemblée Nationale, 02 par le Senat, 02 élus par le Conseil
Supérieur de la Magistrature. Le Président de la Haute Cour Constitutionnelle est élu par les
membres de ladite Cour. L’innovation doit étire poursuivie jusqu'à prévoir la tenue d’audience
publique et les possibilités de plaidoiries à la Cour Constitutionnelle.
B) L’innovation des modalités et mécanismes de prise des arrêts de la Cour
Constitutionnelle

La création de la Cour constitutionnelle doit être concrétisée dans son originalité par la
tenue d’audiences publiques, la possibilité de faire des plaidoiries (1) et l’acceptation des
opinions séparées des juges.

En ce qui concerne la tenue d’audience publique, la Cour constitutionnelle doit


délibérer en séance plénière et publique sur les matières constitutionnelles, législatives,
électorales, administratives et non normatives. En effet, le principe d’impartialité est
indissociable de l’exercice des fonctions juridictionnelles. Il en résulte qu’en principe, une
juridiction ne saurait disposer de la faculté d’introduire spontanément une instance au terme de
laquelle, elle prononce une décision revêtue de l’autorité de chose jugée. Le principe
d’audience publique est au service des intérêts de la démocratie. Devant dévoiler à tout un
chacun la manière dont se déroulent ses audiences65, la Cour Constitutionnelle se doit de faire
gage de constance et d’équilibre maximum dans les décisions qu’elle doit rendre, autrement
dit sa jurisprudence. Cela l’empêchera, de recourir à l’arbitraire ou d’être taxée inégalitaire,
partiale, domestiquée, dépendante et docile vis-à-vis non seulement des justiciables en cas de
recours direct des citoyens mais également dans l’interprétation et l’application des normes

18
65
ROURE S, « L’élargissement du principe de publicité des débats judiciaires : une judiciarisation du débat
public », Revue Française de droit Constitutionnel, vol.68, n°4, 2006, p.741.
constitutionnelles, législatives, administratives ou internationales dans son rôle de garant du
respect de la Constitution66.
Le principe de publicité des audiences favorisera par là, une bonne administration de la
justice constitutionnelle et la garantie d’un procès équitable. L’audience est un lieu d’accueil
pour le justiciable, la justice l’accueille pour l’écouter. En échange, le justiciable ou le simple
citoyen qui l’occasion d’assister à l’audience, pourra plus facilement accepter la décision qui
sera prise. L’écoute publique qu’offrira la Cour Constitutionnelle lors d’une audience judiciaire
renforcera la légitimité de cette Institution. Que le justiciable s’exprime par lui-même devant la
Cour Constitutionnelle ou bien par l’intermédiaire de son avocat, l’exposé oral et public de sa
cause est important lors d’une audience. Par ce procédé, le caractère humain de l’institution de
la Cour passe nécessairement, voire essentiellement par la tenue d’audience publique.
Dans cette optique, certains instruments juridiques internationaux ratifiés par le Sénégal
prévoient, parmi les garanties des droits fondamentaux de la personne humaine, le déroulement
ou la tenue des audiences publiques. C’est le cas de l’article 14 paragraphe 1 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Cette disposition stipule que « Tous sont
égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial,
établi par la loi, qui décidera soit du bien- fondé de toute accusation en matière pénale dirigée
contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil… »67.
De même, l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme mentionne
expressément que « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue
équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial qui décidera de ses
droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée conte
elle ». Le dénominateur commun de tous les Etats modernes qui se réclament de l’idéologie
démocratique68, l’idée qui domine le droit constitutionnel avec l’apport de la jurisprudence
constitutionnel, est de consolider les acquis démocratiques69. Au Sénégal, l’article 14 de la loi
organique 2016- 23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil Constitutionnel précise que « la
procédure devant le Conseil constitutionnel n’est pas contradictoire », contrairement au Bénin
où l’article 31 de la loi N°2022-09 du 27 juin 2022 relative à la Cour constitutionnelle prévoit

66
CONAC Gérard, « L’évolution constitutionnelle des Etats d’Afrique noire et de la République démocratique 19
de malgache », in Les Institutions constitutionnelles des Etats d’Afrique francophone et de la République
Malgache, Paris, Economica, 1979, p.13.
67
V. Pacte international relatif aux droits civils et politiques, New York, le 19 décembre 1966
68
YOMBI Steve Modeste, « L’état de droit dans le renouveau démocratique en Afrique noire francophone »,
Revue réflexions constitutionnelles, 2019, n° 002, pp.1-134
69
CHEVALIER Jacques, Les doctrines de l’Etat de droit, La documentation française, 1998, pp.27 et ss.
les conditions de la tenue d’audience publique à la Cour Constitutionnelle. L’autre aspect
important de la réforme sera l’occasion pour les juges d’exprimer leurs opinions.
Concernant les opinions séparées souhaitables devant la Cour Constitutionnelle, une
opinion séparée70 peut être définie comme étant une opinion alternative à celle de la majorité
de la Cour rédigée par un ou plusieurs juges constitutionnels, soit par ce qu’elle propose une
solution différente, soit par ce qu’elle offre un fondement différent pour une solution identique.
Une opinion séparée peut en effet être soit dissidente soit concordante. Les opinions dissidentes
proprement dites comme dissinting opinions come aux Etats-Unis, votos discrepantes comme
en Espagne ne sont en effet qu’une variante des opinions séparées.
Dans une telle opinion, le juge minoritaire exprime sa dissidence tant à l’égard des
motifs de la décision que de son dispositif. Ainsi lors du processus d’adoption de la décision, il
peut émettre un vote négatif. C’est l’expression la plus absolue, la plus radicale de la faculté
offerte au juge de manifester son désaccord et par conséquent, son indépendance. L’autre
variante de l’opinion séparée en relation avec son objet est l’opinion communément désignée
sous le terme de concurrente. Dans ce cas, l’opinion minoritaire offre un fondement différent
pour une solution identique à celle approuvée par la majorité. Si elle s’écarte de la motivation,
cette opinion n’en rejoint pas moins le dispositif. L’autorité des décisions de la Cour
Constitutionnelle, loin d’être altérée, sera renforcée par la présence des opinions séparées. La
pression que représente l’éventualité de la publication d’opinions dénonçant l’insuffisance de
l’argumentation de la majorité entrainera une motivation mieux étayée. Par conséquent,
l’autorité de la décision et celle de la Cour constitutionnelle n’en sortiront que renforcées.
En effet, les opinions séparées sont indispensables comme le sont les divergences dans
l’interprétation du droit de manière générale et de la Constitution en particulier. Théoriquement,
de la conception que l’on a de l’activité interprétative du juge, découle l’acceptation ou le
respect des opinions séparées. Par leur fondement même, les théories constitutionnelles, rendent
aujourd’hui la survenance des divergences d’opinions au sein de la Cour, sera la preuve que
chaque juge peut délibérer librement en exerçant un choix, qui peut être différent de celui
d’un ou plusieurs de ses collègues. Une interprétation particulière peut recueillir l’unanimité
des membres de la juridiction, mais rares sont les textes normatifs dont la clarté et la concision
ne laisseraient pas de brèche ouverte à l’incertitude. Dans la mesure où il y a un doute, la simple

70 20
MASTOR Wanda, Les opinions séparées des juges constitutionnels, Economica/puam, Paris/ Aix-en-
Provence, 2005, 362 p.
logique ne constitue pas un instrument qui suffise et les juges même s’ils s’en cachent ou le
font d’une manière inconsciente sont appelées à exercer la prérogative souveraine du choix.
Ainsi, chaque juge peut joindre à un prononcé de la Cour, l’exposé de son opinion
individuelle dissidente71. A la Cour Internationale de Justice, (C.I.J), par exemple, l’article 57
de son Statut stipule que « Si l’arrêt n’exprime pas en tout ou en partie l’opinion unanime des
juges, tout aura le droit d’y joindre l’exposé de son opinion individuelle ». L’article 95
paragraphe2 du Règlement de la Cour Internationale de Justice précise que « tout juge peut s’il
le désire, joindre l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ou dissidente », un juge qui désire
faire constater son accord ou son dissentiment sans en donner les motifs, peut le faire sous la
forme d’une déclaration72. Nous souhaitons la création d’une véritable Cour Constitutionnelle,
innovante, indépendante pour contribuer davantage à la construction et à la consolidation de
l’Etat de droit au Sénégal.

Dakar, le 09 Août 2024

71
GUILLAUME Gilber, « Les déclarations jointes aux décisions de la Cour Internationale de Justice », Mélanges 21
J.M RUDA, LA HAYE , 2000, p.421 et suivantes.
72
ORAISON A, « Quelques réflexions générales sur les opinions séparées individuelles et dissidentes des juges
de la Cour Internationale de Justice », Revue de droit International, de Sciences diplomatiques et politiques, vol.78,
2000, p.167.

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