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Le Problème de La Cohabitation Au Kivu
Le Problème de La Cohabitation Au Kivu
Le Problème de La Cohabitation Au Kivu
I. PROBLEMATIQUE
Cette crise de conflits a brisé l’harmonie, la cohabitation et la concorde entre les peuples. Ceci
a produit plusieurs conséquences au sein de la population notamment : la méfiance, la haine,
la violence et entraînant ainsi une insécurité à tous les plans.
Pire encore est que ces conflits d’une manière ou d’une autre affectent différentes
populations du Kivu avec les tendances ethniques opposant ainsi les Banyarwanda au
collectif de leurs voisins notamment les Hunde, Nyanga et Nande pour le cas du Nord-Kivu et
les Fulero, Vira, Nyindu et Bembe pour le cas du Sud-Kivu.
En effet, dès les années 1960, les problèmes de cohabitation entre les Banyarwanda et leurs
voisins ci-haut cités ont entraîné des violences et tensions sociales très vives. Violences et
tensions qui, à partir des années 1990 ont dégénérées en des situations d’affrontements
meurtriers à caractère multidimensionnelles et complexes. Selon les associations des droits de
l’homme, le nombre total de mort était estimé en 1996 à 70.000 (1). Relevons cependant que
les violences à l’encontre des Banyamulenge (Banyarwanda du Sud-Kivu) furent
« relativement limitées », sans aucune comparaison avec les violences qui secouèrent le Nord-
Kivu et firent de très nombreux tués au sein de la communauté Banyarwanda. (2)
Suite à cette situation, plus de 30.000 Banyarwanda du Nord-Kivu ont été chassés de leurs
terres, privés presque de tous leurs biens et expulsés de leur pays vers le Rwanda.
(1) Chiffres rapportés par le journal Zaïrois, le Soft, 6 mai 1996, cité par Poutier, 1996
(2) Voir Rapport de l’Equipe d’enquête du Secrétaire Général sur les violations graves des droits de l’homme et
du droit international humanitaire en République Démocratique du Congo, ONU, 2juillet 1998.
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Le rapport de novembre 1998 du bureau d’OCHA (the Office for Humanitarian Affairs)
signale à ce sujet que le Rwanda a accueilli 31.651 réfugiés Banyarwanda du Kivu. Plus de
15.500 ont été installés respectivement à Gihembe dans la province de Byumba et 16.000 à
Kibuye dans le camp de Kiziba (1).
La situation ainsi créée a vite provoqué une crise de haute intensité inter-étatique, crise qui
a soulevé plusieurs questions à la fois, dont notamment celle des anciennes frontières
nationales, celle de la nationalité des Banyarwanda du Kivu et même celle du droit
d’ingérence humanitaire qui fait des Droits de l’homme « la préoccupation de la Communauté
Internationale en limitant la compétence étatique »(2).
« Ces « Banyamulenge »(3) dont vous entendez parler disait-il, sont nos congénères avec qui
nous partagions le Rwanda. Mais à partir des années 1960-1963, avec la fondation de
l’OUA, nous avons souscrit au principe d’intangibilité des frontières. C’est pourquoi, en
luttant contre le génocide et les massacres, nous nous sommes arrêtés à nos frontières sans
aller porter secours aux populations de Masisi, alors que nous étions capables, parce que
nous respectons la souveraineté d’un autre pays(…)Je voudrais dire aux « Banyamulenge »
qu’ils doivent faire la leçon d’histoire à ceux-là qui les pourchassent(…)et que ce sont ces
« Banyamulenge » qui devraient donner un ultimatum de s’en aller à ces Lucifer qui veulent
les exterminer et les renvoyer de leur pays. Il paraît qu’ils veulent les renvoyer au Rwanda.
Le Rwanda est habituellement une terre d’accueil pour ceux qui sont en détresse. Le Rwanda
ne peut pas refuser d’accueillir les frères. Mais si le pari est de chasser ceux-là qui ont vécu
dans ce pays depuis plus de 400 ans(…), les seuls « Banyamulenge » que nous accueillerons
sont les enfants et les vieilles femmes. » (1)
Eu égard à ce qui précède, il est sans doute vrai qu’une telle situation ne peut nous laisser
indifférent vu surtout la complexité du problème et le caractère délicat que cette crise interne
et externe de haute intensité présente dans la région. Ceci étant, elle nous a suggéré quelques
interrogations dont les deux principales sont :
II. HYPOTHESES
Le phénomène de crise de conflits récurrents entre les Banyarwanda et leurs voisins dans la
région du Nord-Kivu, phénomène avec quelques sommets d’intensité dans les années 1960-
1990 serait dû principalement :
(1) «Discours de Monsieur Pasteur Bizimungu, ex-président de la République rwandaise prononcé à Cyangugu
le jeudi 10 octobre 1996 »,traduit en kinyarwanda, Archives de l’Institut Africain-CEDAF,III-2985,
cité par WILLAME J-C, op.cit, p. 93.
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III. OBJECTIFS
- le premier objectif de notre étude est de montrer que la nature du conflit de cohabitation
ethnique entre les Banyarwanda et leurs voisins est non seulement complexe et
multidimensionnelle mais aussi, dangereuse pour la paix, la sécurité et la stabilité au Congo et
dans toute la région des Grands-Lacs.
-le deuxième objectif quant à lui consiste à montrer que,- à côté de la question foncière et
celle de la nationalité généralement évoquée dans la crise de cohabitation entre les
Banyarwanda et leurs voisins, trois autres principales questions y ont été très déterminantes
notamment de l’éducation, de la culture ainsi que celle de l’émergence socio-politique et
économique des Banyarwanda dans le Nord-Kivu.
-le troisième et dernier objectif de notre étude est de montrer à travers notre analyse que tous
les facteurs explicatifs de la crise de cohabitation qui nous concerne sont liés. Une des
solutions efficaces à cette crise est le traitement de ses causes profondes par une approche
globale. Pour cela, la connaissance et la détermination des racines de cette crise sont des
éléments clés de sa gestion et de sa résolution effective.
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Nous avons choisi d’étudier ce sujet pour deux motifs principaux : premièrement, ce sujet
nous hante en tant que natif de la région du Nord-Kivu. En effet, nous avons été non
seulement témoin, mais aussi victime des grands moments des conflits qui déchirent
aujourd’hui la région de notre étude.
Deuxièmement, nous nous sommes proposé de choisir ce sujet parce qu’il s’inscrit dans un
domaine de recherche qui nous passionne à savoir la prévention et la gestion des conflits. En
effet, depuis une décennie, notre Sous-Région des Grands-Lacs est confrontée aux conflits
divers. Ces conflits ont détruit des vies humaines et réduit le potentiel de développement
économique et de progression sociale.
La paix est une valeur humaine fondamentale et une condition nécessaire pour le progrès de
toutes les sociétés. Certes, sa culture est une entreprise difficile et parsemée d’embûches. Elle
requiert une vigilance constante sans laquelle la violence risque d’être au rendez-vous. Le
chantier est vaste et exige tous les hommes de bonne volonté de déployer des efforts soutenus
pour épargner aux générations actuelles et futures le fléau de la guerre et de son cortège
d’effets pervers.
La présente étude vient soutenir les initiatives de recherche comme celles menées par le projet
conjoint entre le Centre de Gestion des Conflits de l’Université Nationale du Rwanda (UNR)
et celui de l’Université de Maryland (CIDCM) dans le souci de satisfaire les besoins de la
Sous-Région en général et ceux de la société rwandaise en particulier en ce qui concerne la
prévention et la gestion des conflits qui nous entourent.
Pour ce qui est de l’intérêt que nous portons à notre sujet, il ne reste pas moins vrai que ce
sujet est non seulement complexe, mais aussi très sensible. Il est complexe parce qu’il aborde
à la fois un problème géo-historique et socio-politique de la région des Grands Lacs. Il est
sensible parce qu’il soulève d’une part la question épineuse des frontières héritées de la
colonisation et pose d’autre part deux principaux problèmes à savoir : le problème foncier et
celui de la citoyenneté des populations Banyarwanda du Kivu, problèmes qui jusqu’à
aujourd’hui restent d’actualité et très dangereux pour la paix et la sécurité au niveau local et
régional.
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Vu la spécificité de ce sujet, nous nous sommes senti appelé en tant que, étudiant en Sciences
politiques, à présenter notre modeste travail scientifique analysant quelques unes des
principales causes liées à la fois aux dimensions tant internes qu’externes dans le rapport
conflictuel opposant les populations Banyarwanda à leurs voisins dans la région du Nord-
Kivu, région devenue depuis les années 1990, l’un des foyers d’instabilités et de tensions les
plus ardents de la région des Grands Lacs africains.
V. DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE
Dans l’espace, nous n’abordons en fait qu’une seule des régions du Kivu, à savoir la Région
du Nord-Kivu au moment où le problème se présente aussi dans la Région du Sud-Kivu. De
ce fait, notre recherche a forcément un caractère partiel. Mais dans les circonstances
présentes, elle est la seule qui nous soit relativement faisable. Il est vrai que nous n’avions
pas la prétention de faire une étude exhaustive, compte tenu de la définition
traditionnellement reçue d’un mémoire de licence : une étude simple dont le but est de rendre
compte des aptitudes du candidat à la recherche scientifique.
Dans nos analyses, notre attention sera portée particulièrement à quatre territoires du Nord-
Kivu notamment Masisi, Goma, Walikale et Rutshuru. La raison de ces choix est que ces
territoires représentent pour nous les principaux points de départ de tous les différents
conflits violents du Nord-Kivu ayant opposé les Banyarwanda à leurs voisins.
Selon la dimension temporelle, notre étude a couvert une période allant de la veille de la
colonisation jusqu’en 1990. La période de la veille de la colonisation est pour notre étude
capitale parce qu'elle va nous permettre de mieux comprendre la question de l'organisation
sociale, politique et culturelle des peuples du Nord-Kivu notamment, les Banyarwanda, les
Hunde, les Nande et les Nyanga avant que les puissances occidentales, - pour coloniser, ont
éprouvé le besoin de chambarder les structures sociales des pays qu'elles soummettaient, afin
de mettre sur pied des nouvelles, qui seraient plus favorables à leurs projets (1).
(1) BALANDIER G., cité par NIZURUGERO J., Question des réfugiés: argumentaire des régimes successifs et
leurs connotations identitaires, in: Rwanda: Identité et citoyenneté, Ed. de l'UNR, Butare, 2003, p. 148.
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Nous avons préféré nous arrêter en 1990 parce que au delà de cette année, la dynamique
interne des conflits dans le Nord-Kivu se propage en dehors des frontières nationales et subit
des conflits externes, conflits qui augmenteront la complexité de la situation et créeront la
première guerre Africaine : ''Africa war one'' qui impliquera les pays lointains de la région
comme le Zimbabwe, l’Angola, la Namibie, le Tchad etc.
Pour la réalisation de ce travail, nous avons utilisé deux approches à savoir : l’approche
qualitative et l’approche quantitative.
La combinaison de ces deux approches nous a permis de tirer profit des avantages respectifs
que ces deux approches offrent.
Pour la collecte des données, nous avons utilisé quatre principales méthodes de collecte des
données dont notamment la recherche documentaire, l’entretien de recherche, la collecte et
l’analyse des données statistiques et l’observation.
Dans l’analyse et l’interprétation des données, nous nous sommes inspiré principalement de la
méthode analytique.
Ce travail est constitué d’une introduction générale, de trois chapitres et d’une conclusion
générale et recommandations.
Le premier chapitre porte sur les considérations conceptuelles et théoriques relatives au sujet
de notre étude. Nous définirons les concepts de : Banyarwanda , ethnie , voisin , immigré,
autochtone et conflit .
La définition des concepts clés est d’une nécessité primordiale pour éviter la confusion dans
la compréhension des termes que nous allons utiliser. Ceci s’explique par le fait que beaucoup
de concepts ont des significations différentielles raison pour laquelle, il faut préciser le
contexte dans lequel nous plaçons le concept. D’autre part, l’étude doit se situer dans un cadre
théorique précis, parce que la théorie est nécessaire pour éclairer la pratique.
I.1. « Banyarwanda ».
Le terme « Banyarwanda » est depuis très longtemps d’usage courant au Congo d’une façon
générale et dans la région du Nord-Kivu en particulier. S’il a subi une évolution dans l’espace
géographique inter-lacustre avec la partition de l’Afrique, il reste cependant le reflet d’une
ancienne identité politique et culturelle empruntée au lieu d’origine du clan royal, le Rwanda.
Suivant la littérature historique orale, le « Rwanda » était un petit territoire. Cependant, au fur
et à mesure que le temps passait, son espace s’est agrandi de l’espace rwandais actuel qu’à
l’extérieur de ses frontières avec le Congo à l’Ouest et l’Ouganda au Nord.
L’aberration consistant à tracer à la règle sur une carte, de futures frontières d’Etats a été non
seulement la cause de la fragmentation sous diverses citoyennetés de peuples solidement unis
mais aussi, le début de la complexité et de l’ambiguïté du terme « Banyarwanda ».
En effet, lorsque les frontières coloniales furent tracées, des centaines de milliers de personnes
de langue et de la culture Kinyarwanda se trouvèrent soudain, sans avoir bougé, intégrées
dans d’autres « pays » hors de ce qui devint le territoire allemand et par la suite belge, du
Ruanda-Urundi (1).
Dans les limites actuelles du Congo, il existe deux catégories des populations Banyarwanda. Il
s’agit principalement de celles du Nord et du Sud Kivu. Cette dernière catégorie ne nous
concernera pas.
Notons que ces Banyarwanda ne sont pas tous installés au Nord-Kivu. Certains sont partis
pour le Katanga ( Les Balundji), à Kinshasa, etc. Les Banyarwanda sont très nombreux au
Nord-Kivu où ils sont majoritaires avec près de 60% de la population. (2).
(1) KANYAMACHUMBI, P. , Les populations du Kivu et la loi sur la nationalité Zairoise, 1ère éd., Select,
Kinshasa 1993 et 2ème éd. Inédit, Goma, 2000, p. 4.
(2) MATHIEU P. , op. cit, pp. 125-126.
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En ce qui concerne les Banyarwanda appelés « Banyabwisha », nous pensons comme (Mgr)
Kanyamachumbi, P. que cette appellation est trop peu représentative.
En effet, dans le Nord-Kivu les « Banyarwanda » occupent une partie d’un territoire qui
historiquement a appartenu à l’ancien Royaume du Rwanda notamment le Bwisha. De là est
née une nouvelle dénomination, « Banyabwisha », qui pour l’ensemble du territoire national
et même pour tout le Nord-Kivu, est visiblement trop peu représentative de la population
d’expression et de culture kinyarwanda. Car avant la colonisation, les Banyarwanda
débordaient très largement le Bwisha (1).
D’après Semadwinga D. , « le pays des Rwanda » (c’est- à- dire des Banyarwanda) dans le
Nord-Kivu comprenait autrefois les chefferies de Bukumu, Bwishya (Bwisha), Jomba,
Busanza et Binja » (2).
Ici, nous constatons effectivement que le Bwisha ne représentait que l’un des cinq anciens
territoires qui faisaient partie du pays des « Banyarwanda » dans le Nord-Kivu.
D’autres part, le terme « Banyarwanda » entendu arbitrairement dans le sens d’originaires,
d’immigrés du Rwanda ou des citoyens rwandais, ne satisfait pas tout le monde (3). En vérité,
une partie seulement des membres de ce groupe (4) est de fait au cours du temps, et en des
circonstances diverses, venue du Rwanda pour s’établir définitivement au Congo. Mais une
volonté d’exclusion a écarté la constitution d’une communauté politique de culture rwandaise
sur le sol congolais.
(1) KANYAMACHUMBI, P. , Les populations du Kivu et la loi sur la nationalité. Vraie et fausse
problématique, 2ème édition, Revue et augmentée, Goma 2000, page 15.
(2) SEMADWINGA D. , La dynamique de l’expansion du Rwanda précolonial au Nord-Kivu, Mémoire,
Université Lovanium de Kinshasa, 1970, page 18. Voir en annexe les quelques
noms d’anciens Gouverneurs rwandais du Bwisha, Jomba, Busanza, etc.
(3) KANYAMACHUMBI, P. , op.cit, pp 15-16
(4) Il y a des Hutu et des Tutsi dont les origines migratoires n’ont apparemment aucun rapport avec le Rwanda
actuel. C’est le cas d’un bon nombre des familles du Bwisha qui situent leur origine en Uganda. Beaucoup
d’autres habitants de l’ancien Rwanda sont devenus Rwandais par l’adoption de la culture et par l’allégeance à
l’Etat Rwandais. Ils n’ont pas dû se déplacer.
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Comme le souligne Kanyamachumbi P. , « les témoins les plus proches du fait colonial et du
démembrement de l’ancien Rwanda ont bien compris que le Rwanda formait une seule nation
ou selon la vision coloniale, une seule ethnie, les Banyarwanda » (2). Des preuves existent du
sentiment ou de la conscience nationale; une langue, une religion,une culture commune,
l'occupation de l'espace, des institutions politiques constitutives de l'identité nationale. Les
termes «Hutu», «Tutsi» et «Twa» sont très anciens et n'ont pas été introduits par les Eurpéens
comme certains l'affirment. Mais ils ne sont à ce moment qu'un des éléments d'identification
des Rwandais , référence surtout faite aux catégories sociales et non ethniques (3).
Selon Kanyamachumbi P. (4), durant toute la période coloniale, sur tous les registres d'Etat
civil congolais antérieures à 1960 et au-delà de 1970 (5), les populations de culture rwandaise
ont été recensées et désignées comme des « Banyarwanda », même si les composantes Hutu,
Tutsi et Twa sont bien connues et notées par l’administration belge et la tradition séculaire du
Kivu.
A partir des années 1960 (1) le point de vue de l’unité des Banyarwanda ne faisait plus
l’unanimité. Car d’une part, après les troubles ethniques au Rwanda et au Burundi, qui ont
éclaté dès le début de l’indépendance des deux pays, après l’identification des Banyarwanda
aux réfugiés Tutsi, au Congo et ailleurs dans le monde, et spécialement après le
déclenchement au Rwanda, de la guerre de 1990 et surtout du génocide de 1994, les Hutu
d’abord et les Tutsi ensuite, ont préféré prendre leur distance les uns des autres.
Dans le travail qui nous concerne, les termes « Hutu » et « Tutsi » ne signifieront pas
« ethnies » comme certains l’affirment à des fins politiques mais plutôt, ils seront considérés
comme une ethnie, celle des Banyarwanda. Mais qu’est-ce qu’ une ethnie ?
1.2. Ethnie
Le mot « ethnie » provient du latin « ethnicus » et du grec « ethnos » qui signifie « peuple »,
« nation ».
Pour Roland Breton (3), au sens propre du terme, le mot « ethnie » s’applique à un
groupement d’individus partageant la même langue maternelle, autrement dit « ethnie » est
l’équivalent du « groupement linguistique » ou de « groupement maternel ».
Il poursuit en disant que l’ethnie est un groupe d’individus lié par un complexe de caractères
communs anthropologiques, linguistiques, politico-historiques etc. dont l’association
constitue un système propre, une structure essentiellement culturelle.
L’ « ethnie » est alors la collectivité ou mieux la communauté, soudée par une culture
particulière.
Biaya, T.K adopte cette définition : « l’ethnie est une communauté de gens formée
historiquement et dotée des caractéristiques culturelles communes et relativement stables
ainsi que d’une conscience de leur unité et de leur différences par rapport à des communautés
similaires » (1).
Jean Pierre Chrétien et G. Prunier, dans « Les ethnies ont une histoire », définissent l’ethnie
comme un groupe ayant une langue commune, un système religieux, des rites et des
croyances, un ensemble de techniques communes correspondant à une forme d’adaptation de
la société à son milieu ».
(1) BIAYA, T.K, « Ethnie comme idéologie et stratégie des classes dominantes, ethnicité socio-économique et
politique, lecture du conflit Lulua – Batetela 1980 – 1988 », in : Les conflits ethniques en
Afrique, Séminaire tenu à Bujumbura du 6 au 9 février, 1991, page 9.
(2) AMSELLE, J., et MBOKOLO, E., Au cœur de l’ethnie, Paris, éd. La Découverte 1985, page 51.
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Nous constatons qu’ils insistent sur le partage de certaines valeurs. Pour compléter cette
définition, voyons ce que disent Kombanda Sevo et Gabriel Mountali sur l’ethnie et
l’organisation sociale en Afrique (1). Ils définissent le groupe ethnique comme composé de
quatre éléments au moins :
A travers les différentes définitions et acceptations que nous venons de passer en revue,
apparaissent un certain nombre de critères communs tels que la langue, un espace, des
coutumes, des valeurs, un nom, une même ascendance et la même conscience d’appartenir à
un même groupe.
(1) Cité par MANIRAGABA BALIBUTSA : Le mythe des fils de Gihanga ou l’Histoire d’une fraternité
toujours manquée ?, in : Les relations interethniques au Rwanda à la lumière de l’agression d’octobre 1990,
Ruhengeri, 1991, pages 93 – 94.
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Pour le cas qui nous concerne, à la lumière de tout ce qui vient d’être dit sur l’ethnie, nous
n’allons pas considérer séparément les Hutu et les Tutsi comme des ethnies . En effet, ils
forment tous un groupe humain présentant une unité ethnique notamment, la langue, la
culture, la religion, l’habitat etc. (1). Cependant, nous devons admettre que les termes Hutu et
Tutsi ont existaient dans la conscience du « Munyarwanda » de l'époque coloniale surtout qui
croyait que, - suite aux récits s'inspirant de spéculations évolutionnistes diffusionnistes et
d'anthropologie biblique, la société rwandaise se composait de trois groupes sociaux à
origines différentes, à établissement différent dans le pays et à positions différentes dans
l'espace politique et social: les Twa chasseurs et cueilleurs, estimés originaires du pays, les
Hutu arrivés en second lieu de la région du Lac Tchad et défricheurs de forêt ainsi agriculteur,
très nombreux. Ensuite et longtemps après, les Tutsi dits envahisseurs nomades et éleveurs,
pleins de ruse, d'ambition politique et de soif d'hégémonie (2).
1.3. « Immigré »
Le lexique des Sciences Sociales définit la « migration » comme étant «un déplacement
volontaire d’un groupe d’individus quittant leurs pays définitivement ou pour une longue
durée en général dans l’espoir de trouver du travail »(3).
D’après J. Hauser il est devenu courant, en France, d’utiliser le terme « immigré » en lieu et
place de « travailleur étranger » qui est supposé avoir quitté son pays par libre choix (4).
(1) Pour une étude détaillée de la question Banyarwanda comme une ethnie, voir le livre de SEBASONI M.
Servilien, Les origines du Rwanda, Ed. L’Harmattan, 2000, p. 43 – 48.
(2) NIZURUGERO J., Question des réfugiés: argumentaire des régimes successifs et leurs connotations
identitaires, dans: Rwanda: Identité et citoyenneté, Ed. de l'UNR, Butare, 2003, p. 148.
(3) Lexique des Sciences sociales, Dalloz, 1983.
(4) HAUSER, J.,« Un réfugié n’est pas un immigré », Hommes-Migrations, n° 1079 du 15 mars 1985, p. 21.
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Dans ce sens les personnes déplacées par le pouvoir colonial, les réfugiés etc. seront tous
considérés comme « immigrés » quitte à préciser, le cas échéant, le motif de déplacement qui
peut avoir soit un lien avec une question politique comme par exemple pour le cas des
réfugiés en général ou soit avec une question économique comme par exemple pour le cas des
personnes déplacées pour la raison de la main d’œuvre ou autre qui peut exister.
Pour notre étude, ce qui doit apparaître central dans la notion de « immigré » c’est la situation
d’inclusion dans un nouvel espace socio-géographique.
Au terme de « immigré » est opposé souvent celui de « autochtone ». Mais qu’est-ce qu’un
autochtone ?
1.4. « Autochtone »
D’après le Littré, le terme « autochtone » évoque l’idée que le peuple dont il s’agit a été de
tout temps dans le pays et n’y est pas venu par immigration (1).
Généralement, « rare dans le monde sont les sociétés à proprement habitées par les
autochtones, c’est- à-dire « issues du sol même où elles habitent »(…). L’autochtonie peut
donc être un préjugé ou une idéologie servant à justifier le droit ou à défendre l’authenticité
d’une culture par le seul fait qu’elle ne se serait jamais déplacée »(2).
Dans le contexte de cette étude, le terme « autochtone » va nous renvoyer à une personne
considérée comme originaire de la région ou du pays qu’elle habite. De ce fait, ce n’est pas la
naissance sur un territoire donné qui va conférer à un individu la qualité d’autochtone dudit
territoire mais son appartenance à une population considérée comme y ayant habité de tout
temps.
1.5. « voisin »
Le mot « voisin » peut avoir plusieurs sens: il peut signifier par exemple une personne qui vit,
habite le plus près ou à proximité d’une autre ou encore le même mot peut prendre le sens de
« autrui » qui veut dire l’autre.
Dans le cadre de notre travail, le terme « voisin » prendra le sens de tous ces collectifs sociaux
Hunde, Nyanga et Nande principalement, vivant, habitant avec les Banyarwanda dans la
région du Nord-Kivu. Mais aussi, il pourra refléter l’idée de l’ « autre » par rapport aux
personnes originaires du Rwanda car en effet dans la société du Nord-Kivu, d’une façon
générale, les principaux groupes ethniques rivaux des Banyarwanda se considèrent comme
ces « autres » c’est-à-dire ces « autochtones ».
1. 6. « Cohabitation »
Le terme « cohabitation » dans le contexte de notre étude signifiera le fait d’habiter, de vivre
ensemble.
Ce terme ci-haut dérive du mot « conflit » et peut signifier : qui constitue une source de
conflits.
1. 7. Conflit
Selon le Dictionnaire de politique (1), conflit en politique, désigne lutte entre deux ou
plusieurs pays. Que ses causes soient à l’état manifeste ou latent, on peut dire que le conflit
est inhérent à toute société.
A quelque niveau que l’on se situe, national, organisationnel, individuel, on observe en effet
des situations conflictuelles de types très diversifiés (guerre, grève, rivalité, etc.), toutes
solidaires de rapports de forces que la lutte engagée par les protagonistes a précisément pour
but de modifier.
Ces protagonistes peuvent être des nations en compétition pour l’appropriation de biens rares,
de marchés, de territoires, ou qui entrent en conflit pour imposer leur idéologie.
Il peut s’agir de groupes sociaux qui entretiennent des rapports d’antagonisme en raison d’une
répartition du pouvoir, de l’éducation, du revenu, contestée par les uns et défendue par les
autres. Dans ce cas, l’analyse du conflit doit tenir compte de l’organisation hiérarchique du
travail, de la segmentation des rôles et de la différenciation des statuts qui caractérisent le
système au sein duquel il apparaît ; elle marque les limites de la cohésion sociale en dévoilant
les tensions internes, susceptibles de s’aiguiser sur un front de classes, qu’il implique le mode
d’intégration mis en œuvre par la société. Pour ces deux types d’affrontements, inter sociaux
et intra sociaux, parfois associés (il n’est pas rare que des conflits internationaux), se pose
donc le problème du passage des tensions aux conflits.
(1) Dictionnaire de Politique, le présent en question, Ed. Larousse, 1979, pp. 67-68.
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Au niveau des critères de distinction des conflits, une double division selon le type et
l’intensité des conflits est utilisée. Les cinq types d’affrontements sont les suivants : (1)
I. 7. 1° Les conflits de pouvoir, c’est-à-dire ceux qui naissent d’une revendication socio-
économique ou politique et particulièrement d’une revendication liée à l’accès aux richesses
ou au pouvoir. Les motivations des acteurs sont plus souvent dominatrices que purement
égalitaires.
I. 7. 2° Les disputes territoriales, de plus en plus rares : entrent dans cette catégorie les
guerres classiques d’agression mettant aux prises deux Etats, l’un ayant des velléités sur un
territoire appartenant au second. La plupart du temps ces conflits sont basés sur des querelles
frontalières dues au découpage des frontières par les puissances coloniales et au statu quo
imposé par la suite lors du retrait de celles-ci.
Si ces affrontements sont historiques très importants, ils sont devenus moins nombreux : ainsi,
pour la période considérée, seuls les conflits Irak – Koweit, Mauritanie – Sénégal et Inde –
Pakistan ainsi que le plus récent conflit opposant le Pérou et l’Equateur répondent à ces
critères. Sont aussi à ranger dans cette catégorie les conflits qui éclatent à l’intérieur d’un Etat
et par la suite de l’accès à l’indépendance des belligérants deviennent internationaux : tel est
le cas de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan dans le Nagorno – Karabakh ou du conflit
opposant la Croatie et la Yougoslavie pour la Krajina.
Les différentes propositions de définition avancées insistent à la fois sur des critères objectifs
et subjectifs comprenant notamment : l’existence d’un groupe distinct par des traits ethniques,
linguistiques ou religieux ; son importance numérique ; le fait qu’il n’est pas dominant dans le
pays où il vit ; le fait que ses membres possèdent la nationalité de ce pays ; qu’ils partagent un
désir de survivre en tant que groupe distinct ou qu’il y ait un élément subjectif d’auto-
identification par rapport aux autres populations du pays. Une étude de M. Gurr a identifié,
pour les années quatre - vingt, 233 groupes ethniques organisés politiquement.
I.7. 4° Les guerres qui impliquent une demande sécessionniste : elles constituent une
catégorie hybride puisqu’il s’agit le plus souvent de conflits de minorités auxquelles les
revendications sécessionnistes confèrent une portée territoriale. Deux éléments sont requis, à
savoir l’existence d’un peuple et une revendication sur un territoire. Il s’agit donc en quelque
sorte d’une exacerbation du conflit de minorités, la communauté en question ne voyant plus
d’autre issue que la séparation pure et simple de l’Etat d’origine.
I. 7. 5° Les guerres de libération nationale, c’est - à -dire selon la définition qu’en donne les
Nations Unies, les luttes contre la domination coloniale ou la domination étrangère, et les
luttes contre un régime raciste. Il s’agit donc essentiellement de conflits issus de la vague de
décolonisation des années 50 – 70 et qui mettent en jeu des peuples exerçant leur droit à
l’autodétermination tel que reconnu dans la résolution 1514 de l’Assemblée Générale des
Nations Unies.
Rentrent dans cette catégorie les luttes des peuples Timorais contre l’Indonésie, Sahraouis
contre le Maroc, et Palestiniens contre Israël. Par ailleurs, le combat de l’ANC (Congrès
National Africain) contre l’apartheid en Afrique du Sud constituait le dernier exemple contre
« un régime raciste ».
22
Les trois derniers types se différentient principalement par les modalités du droit à
l’autodétermination que les revendications des parties font transparaître. Alors que le premier
cas met en cause le droit à l’autodétermination interne, c’est – à – dire l’aménagement d’un
modus vivendi à l’échelon interne, les deux autres types se caractérisent par la volonté de
séparer de l’Etat d’origine ou de s’émanciper de la tutelle de la puissance administrante (1).
D’autres considérations pratiques rendent les distinctions difficiles à opérer : en effet, il est
fréquent qu’un conflit fondé sur des motifs sociaux ou politiques se nourrisse à la fois des
tensions ethniques, religieuses ou linguistiques. Tel est souvent le cas des conflits d’Afrique
noire ou le népotisme est monnaie courante.
En ce qui concerne l’intensité des conflits, ces derniers peuvent être groupés en trois
catégories d’après le programme de recherche interdisciplinaire sur les causes des violations
des droits de la personne à l’Université de Leiden aux Pays – bas :
1° Les conflits majeurs ou conflits à haute intensité sont ceux qui produisent plus de mille
morts sur la seule année considérée ;
2° Les conflits intermédiaires ou conflits à faible intensité sont ceux qui, sans avoir fait
plus de mille victimes durant l’année considérée, ont cependant amené la mort de plus de
mille personnes depuis le début du conflit ;
3° Les conflits mineurs ou conflits politiques violents enfin sont ceux dans lesquels les
gouvernements et / ou groupes utilisent des tactiques violentes à des fins politiques mais à
moins grande échelle que dans les scénarios de faible intensité, faisant cent victimes ou moins
par an.
(1) Dans la résolution 1541, l’Assemblée Générale des Nations Unies distinguait trois manière d’atteindre la
pleine autonomie : l’accession à l’indépendance, la libre association à un Etat indépendant (ex : Porto Rico)
et l’intégration à un Etat indépendant (ex : Alaska)
23
A part les conflits de pouvoir et ceux de minorités développés dans notre partie théorique, la
région du Nord-Kivu a connu d'autres types des conflits notamment, d'ordre économique,
social, culturel. Nous y reviendrons un peu plus loin dans notre chapitre trois.
Aux yeux de leurs voisins, dans certains domaines notamment, socio-culturel ( éducation),
économique et politique pour ne citer que ceux là , domaines où les Banyarwanda ont été les
plus favorisés par rapport à leurs voisins dans la région du Nord-Kivu, , ils, c’est-à-dire les
Banyarwanda, tendaient en effet à désigner «une espèce d'envie collectif » qui mettait en
danger la promotion de leurs voisins dans tous ces domaines précités. Comme nous pouvons
l'imaginer, une telle situation ne pouvait qu'être conflictuelle.
24
Tout comme chaque serrure a sa clef , chaque problème scientifique et chaque sujet de
recherche exige une démarche privilégiée (1). La question qui se pose au chercheur réside
dans le choix de l’approche qu’il va mettre en œuvre pour collecter et analyser les données.
En d’autres termes, comment va-t-il aborder la dimension empirique de sa recherche ?
Il est de tradition en recherche de faire une distinction entre le qualitatif et le quantitatif (2).
Pourtant cette distinction est à la fois équivoque et ambiguë, ce qui conduit Brabet à
s’interroger : « faut-il encore parler d’approche qualitative et d’approche quantitative ? » (3)
Comme le montre cet auteur, la distinction est équivoque car elle repose sur une multiplicité
de critères.
(1) REZHOHAZY, R., Théorie et critique des faits sociaux, La renaissance du livre, 1971, page 39.
(2) GRAWITZ, M., Méthodes des sciences sociales, Paris :Dalloz, 1993, page 340.
(3) BRABET, J. « Faut-il encore parler d’approche qualitative et d’approche quantitative ? », Recherches et
applications en Marketing , Vol. III, N° 1, 1988, pp 75-89
25
La distinction entre le qualitatif et le quantitatif est, de plus, ambiguë car aucun de ces critères
ne permet une distinction absolue entre l’approche qualitative et l’approche quantitative.
Dans cette section, nous n’allons pas présenter un examen critique des différents critères de
ces deux approches. Nous nous livrerons à en dégager seulement quelques-unes des
caractéristiques essentielles à travers leur rapport d’ambiguïté.
L’approche quantitative est statistique et déductive, tandis que celle qualitative est
thématique et inductive. Dans une approche quantitative, les « données sont numériques » et
se présentent sous forme de chiffres tandis que dans l’ approche qualitative, les « données
sont non numériques » et se présentent sous forme de mots.
La différence entre ces deux approches peut être bien dégagée à travers les deux principales
méthodes de collecte des données utilisées dans notre travail à savoir :
- l’analyse des statistiques existantes qui nous a permis de traiter et résumer les résultats
de notre enquête en chiffres, pourcentages et tableaux essentiellement et
- l’entretien de recherche qui nous a aidé à recueillir des données non numériques sous
forme de mots, de témoignages, de récits, etc :
En effet, la théorie est établie avant puis testée pendant la recherche. Pour ce qui est de la
recherche qualitative, la logique de la démarche change. Ici, la théorie vient après et se
présente comme le résultat de la recherche. Selon l’orientation de la recherche, l’approche
qualitative explore et construit tandis que l’approche quantitative vérifie ou teste une théorie
qui est déjà connue d’avance.
Quantitative Qualitative
La méthodologie de -Enquête sociale -Observation participative
Collecte de données -Recherche Expérimentale -Observation non participative
-Analyse de contenu -Entretien approfondi
-Analyse de statistiques -Entretien de groupe
existantes
La démarche -Constructive Interprétative
L’intérêt - Variables - Les processus interactifs
- Evénements
Le chercheur et le - Distant - Près
sujet
La théorie et la - Vérifie l'hypothèse - La théorie résulte de la
recherche recherche
Le style d’analyse - Statistique, déductive - Thématique, inductive
Les données - Chiffres - Mots
Toutes ces deux approches présentent des avantages comme des inconvénients. La recherche
quantitative présente une structure flexible. Suivant le caractère objectif des résultats,
l’approche quantitative offre une plus grande garantie d’objectivité. Ses résultats sont
généralement clairs pour les lecteurs. Dans une approche qualitative, la recherche présente
une analyse approfondie et détaillée de la réalité étudiée. C’est ce qui lui donne son caractère
d’authenticité et de fiabilité. Les données dans l’approche qualitative sont limitées alors que
dans l’approche quantitative le chercheur se trouve confronté à de grandes quantités des
données. Selon le style d’analyse, les « données non numériques » fournies par l’approche
quantitative présentent des preuves de nature qualitative tandis que les données numériques
fournies par l ‘approche quantitative présentent des preuves de nature quantitative. Toutes les
deux approches sont complémentaires et utiles pour la recherche scientifique.
(source : Auteur)
28
Dans certaines recherches, une de ces approches (quantitative ou qualitative) peut suffire pour
répondre à la question ou aux questions de recherche posée(s) . Tout dépend donc de la nature
et de la finalité du problème que l’on veut étudier.
En ce qui nous concerne, nous avons utilisé simultanément les deux approches à savoir
l’approche qualitative et l’approche quantitative. La conjugaison de ces deux approches,
- c’est-à-dire leur utilisation complémentaire, nous a permis de bénéficier de leurs atouts
respectifs.
« Il n’y a pas de conflit fondamental entre les buts et les potentialités de méthodes ou des
données quantitatives et qualitatives (…) chacune des formes de données est utile pour la
vérification et la généralisation de théories » (GLASER & STRAUSS, cité par BRABET, J., op.cit,
p.88).
Trois principales méthodes de collecte des données nous ont été utiles pour réaliser ce travail .
Il s’agit de la recherche documentaire, de la technique d’entretien et celle d’observation.
Nous avons orienté notre recherche documentaire vers une fouille systématique de la
documentation écrite en rapport à notre objet d’étude.
A cet effet, nous avons consulté la thèse de doctorat, de HAKIZA Rukatsi qui porte sur
l’intégration des immigrés au Zaïre : le cas des personnes originaires du Rwanda. Dans ce
travail, l’auteur présente tous les courants migratoires qui se sont déroulés dans le Nord-Kivu
durant le XXe siècle et analyse profondément le niveau d’intégration des populations
Banyarwanda transférés à Masisi par le pouvoir colonial belge à travers le mouvement dit
d’immigration Banyarwanda (M.I.B) à partir de 1937.
29
Nous nous sommes grandement inspiré de cette thèse pour comprendre le rôle qu’occupe la
dimension coloniale dans les conflits qui opposent aujourd’hui les Banyarwanda et leurs
voisins au Kivu en général et dans le Nord-Kivu en particulier.
Nous nous sommes aussi servi du mémoire de licence en Histoire de Dénis Semadwinga qui
porte sur la dynamique de l’expansion du Rwanda pré colonial au Nord-Kivu. Ce travail,
même s’il parle d’un problème ancien par rapport à la limite de notre travail, il présente
néanmoins un bon cadre socio-culturel et politique de la région du Nord-Kivu et signale de
façon concrète l’existence, dans les limites de l’Etat congolais, d’une importante communauté
nationale, à la fois rwandaise par la culture et congolaise par l’histoire, celle qui résulte du fait
colonial.
Ce travail de mémoire, complété par d’autres ouvrages sur l’Histoire du Rwanda écrit par Jan
Vansina, Mgr Patient Kanyamachumbi, Servilien M. Sebasoni, R. Bourgeois etc. (voir
bibliographie), nous a grandement aidé à mieux comprendre la réalité complexe des
Banyarwanda dans la région des Grands Lacs.
Les principales sources des matériaux de base ayant servi à la réalisation de cette étude ont été
trouvées dans deux différents pays à savoir le Rwanda et le Congo.
Au Rwanda nous avons été dans dix principales bibliothèques réparties dans quatre provinces
à savoir : Butare, Kigali, Ruhengeri et Gisenyi. Les noms des bibliothèques visitées se
trouvent en annexe.
Pour ce qui est du Congo, nous avons visité trois bibliothèques de Goma (Nord-Kivu) à
savoir : la bibliothèque de Pole Institute, la bibliothèque de l’Université Libre des Pays des
Grands Lacs et celle du Centre Universitaire de Goma (une extension de l’université de
Kisangani).
Plusieurs autres sources de données notamment ouvrages, textes, articles, documents officiels
ou privés nous ont été fournis par des particuliers. L’Internet via ses multiples moteurs de
recherche, a mis aussi à notre disposition une bonne quantité d’autres données inhérentes à
notre étude.
Outre les sources précitées, les films documentaires notamment, l'Afrique en morceaux et
Mobutu le Roi du Zaire, nous ont permis de mieux comprendre la part de la difficile
cohabitation entre les Banyarwanda et leurs voisins dans les conflits à ramification régionale
qui ravagent le Congo en général et le Nord-Kivu en particulier. Si le premier nous a aidé à
voir le sort du Congo à travers l'action des hommes qui l'ont fait, le second nous a aidé à
choisir le processus inverse : confronter la vie d'un homme à celle du pays qu'il a gouverné
pendant plus de trente ans.
Nous avons aussi été dans trois bureaux d’archives à savoir : le bureau d’archives de
l’Inspection d’Agricultures de Zone (B.I.A.Z), le bureau d’archives de la coordination
catholique de Goma et le bureau d’archives de l’évêché de Goma.
Ces trois bureaux d’archives nous ont fourni des statistiques utiles pour notre recherche.
Mais que signifie les statistiques ?
En effet, les statistiques sont des documents (officiels) chiffrés ayant pour but de dénombrer
soit les individus eux-mêmes, soit des éléments de production, soit des événements ou
faits (1).
L’ objectif qui nous a poussé à rechercher ces statistiques était de vérifier d’un côté, les
affirmations concernant le phénomène de l’ascension socio-politique et économique des
Banyarwanda par rapport à leur voisins dans les milieux retenus pour notre étude et de l’autre
côté, étudier le rapport entre ce phénomène et la problématique des violences à caractère
ethnique.
Il a été tiré du bureau de l’évêché de Goma des données statistiques sur la situation des
ordinations des prêtres diocésains depuis 1957-1996. Ces données, nous ont permis
d’identifier un autre secteur souvent ignoré dans les analyses en rapport avec le conflit de
cohabitation conflictuelle entre les Banyarwanda et leurs voisins. Il s’agit du secteur religieux
dans lequel les Banyarwanda ont pratiquement dominé leurs voisins dans la région du Nord-
Kivu.
Grâce à l’analyse de ces données, nous avons compris pourquoi les prêtres diocésains de
Goma en majorité Banyarwanda ont souvent été des victimes dans les conflits de cohabitation
au Nord-Kivu.
Le Bureau de la Coordination Catholique de Goma quant à lui, a mis à notre disposition des
données sur l’évolution de l’implantation des écoles et des missions catholiques dans le Nord-
Kivu. Cela nous a permis de comprendre la situation de l’évolution de la scolarisation et de
situer en partie l’origine du malaise social des groupes ethniques Hunde et Nyanga,
principaux rivaux des Banyarwanda dans la région.
Pour ce qui est du Bureau de l’Inspection d’Agriculture de Zone de Goma (BIAZ) , nous
avons récolté des données sur la situation des plantations et des fermes dans le Nord-Kivu et
principalement à Masisi, Rutshuru et Goma.
Le recueil et l’analyse approfondie de ces « données chiffrées » nous ont permis de
comprendre la raison d'être des conflits existant entre les populations Banyarwanda et leurs
voisins Hunde, Nyanga et Nande.
32
Toutes les données chiffrées et non chiffrées fouillées systématiquement lors de notre
recherche ne visaient généralement aucune communauté ethnique particulière.
Pour mieux analyser ces groupes, nous nous sommes inspiré de la méthode analytique.
Cette dernière, nous a aidé à analyser systématiquement toutes les informations récoltées.
En effet, cette méthode insiste beaucoup sur chaque cas, sur chaque élément d’un tout. Elle
considère les choses dans leurs éléments plutôt que dans leur ensemble (1).
Il était très difficile pour nous de savoir par exemple avec exactitude la place que pouvait
occuper une communauté ethnique « x » ou une communauté ethnique « y » sur l’échiquier
social, économique, politique etc.
Grâce à cette méthode, nous avons été en mesure d’avoir une vision détaillée sur la situation
de chaque communauté ethnique dans l’un ou l’autre principal domaine retenu pour notre
étude.
Bref, la recherche documentaire, nous a permis une étude dans le temps, mais aussi, elle nous
a offert l’avantage d’être doublement objectif à cause des statistiques exploitées d’une part et
d’autre part, des interprétations différentes que soulevaient les documents écrits chiffrés et
non chiffrés analysés, en une espèce de regards croisés.
Pour rendre notre travail plus consistant, nous avons aussi fait recours à la technique
d’entretien . Qu’en est-il de cette technique ? Quelles sont les personnes que nous avions
interviewées ? Comment le processus s’était-il déroulé? La section suivante répondra à ces
différentes interrogations.
(1) RWIGAMBA, B. : Cours d’initiation au travail scientifique, mars 2000, page 22.
33
II. 2. 3. 1. DEFINITION
L’entretien de recherche est une méthode de collecte qui vise à recueillir des données
(informations, ressentis, récits, témoignage) appelés matériaux, dans le but de les analyser (1).
Il s’inscrit dans un projet de recherche, obéit à des règles strictes, prend place dans une
démarche préparée.
Le type d’entretien utilisé dans notre étude est celui semi-directif. Dans ce type d’entretien, on
part des consignes de départ fixes. Puis les divers thèmes du guide d’entretien sont introduits
en fonction du déroulement de celui-ci, s’ils ne sont pas abordés par le sujet spontanément.
(1) Anonyme , « Méthode du travail écrit de fin d’études. Les outils d’enquête »
<www.fse.Ulaval.ca//ten / reveduc/vol 1 / aspsyst. htlml>, 24 Avril 2003.
(2) Anonyme, Idem.
34
- Monsieur Kibira Thomas ( un Nyanga, ancien Ministre des travaux publics dans la Province
du Nord-Kivu dans les années 1964-1966, Député national depuis 1969-1980 et ancien
Président du Barza inter-communautaire du Nord-Kivu) ; - Monsieur Semadwinga Denis
(Conseiller Principal de l’actuel Gouverneur du Nord-Kivu) ; - Monsieur Semuswa Patient (
Président de la Commission de la Pacification et de Concorde du Nord-Kivu et Député
provincial) ; etc. Toutes ces personnalités nous ont livré les informations importantes en ce
qui concerne les conflits de cohabitation entre les deux groupes retenus pour notre étude à
savoir les Banyarwanda et leurs voisins.
Nous avons aussi parlé avec des religieux notamment Mgr Kanyamachumbi (1) et l’Abbé
Sebunoti du diocèse de Goma pour certaines questions en rapport à la fois avec l’éducation, la
religion mais aussi avec les conflits au Nord-Kivu.
Pour les questions en rapport avec la vie économique, nous avons été avec Monsieur Safi
Adili, un des membres et ancien Directeur de l’Association des Coopératives des
Groupements d’Eleveurs du Nord-Kivu.
Notre père nous a aussi aidé à comprendre l’aspect complexe de la question et de la réalité
des Banyarwanda dans la région du Nord-Kivu. En effet, il est Munyarwanda « autochtone »
du Congo ( Nord-Kivu).
A Goma, nous avons même pu trouver une des rares personnes ayant travaillé avec
l’administrateur belge Monsieur Spitaels (2). Il s’agit de Monsieur Butera Désiré. Ce dernier
nous a livré des informations précieuses en ce qui concerne la Mission d’Immigration des
Banyarwanda au Nord-Kivu.
(1) Ce dernier se considère comme un historien autodidacte et a beaucoup écrit non seulement, sur la question de
la nationalité des Banyarwanda au Kivu mais, aussi sur l’histoire du Rwanda ancien.
(2) Ce dernier fut chargé par l’administration coloniale belge de diriger la mission dite d’Immigration des
Banyarwanda en 1937
35
La liste des personnes ressources n’est pas exhaustive. En annexe, nous présentons les autres
personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenues.
Lors du déroulement de notre enquête, un guide de l’entretien était déjà établi d’avance.
Ce guide de l’entretien permettait de ne pas se perdre lors de la recherche des informations
car, il était fonction des questions de recherche formulées et visant l’atteinte des objectifs
auxquels nous nous étions assignés.
Comme d’aucuns le savent peut être, la situation d’entretien n’est pas neutre, c’est une
situation sociale et de ce fait le sujet n’est pas « libre » de dire ce qu’il veut.
Au cours de l’enquête, l’entretien était semi-directif comme nous l’avons déjà signalé plus
haut. Cela veut dire que l’interrogé ne pouvait pas répondre n’importe quoi et n’importe
comment, il était devant un consigne de départ fixe. Au cas où il s’en écartait nous étions là
pour le ramener au sujet de l’enquête. Le protocole d’entretien était rédigé en français.
L’ordre des questions était logique, en allant du général au particulier.
Les sujets étant choisis, nous prenions généralement rendez-vous afin qu’ils puissent être
interrogés tout en étant préparés. A ce moment là, les risques de refus étaient moins
nombreux, car ils cherchaient presque toujours à respecter le rendez-vous donné.
Cette stratégie était payante, car elle nous a permis de récolter des informations riches et
fiables sur les différents thèmes retenus pour la recherche.
Pour mieux puiser toutes ces informations, l’attitude que nous avons privilégiée était celle de
favoriser un bon climat d’échange. Grâce à un climat favorable d’échange entre l’enquêteur et
l’enquêté, celui-ci ne se sent jamais dérangé et par conséquent il se met à répondre
automatiquement devant toute question sans attitudes biaisées.
36
La plupart de nos entretiens se passaient dans les bureaux de nos enquêtés et pendant que
l’enquête se déroulait, les données étaient enregistrées dans un carnet en vue de bien les
conserver et les revoir au cours de la phase de dépouillement et de l’interprétation des
résultats.
Partant de tout ce qui vient d’être dit, quelle conclusion pouvons-nous tirer de cette
technique ? disons tout de suite que cette technique nous a été très utile. En effet, non
seulement elle nous a permis d’explorer avec pertinence et en profondeur les différentes
questions qui nous préoccupaient mais aussi, elle nous a aidé à rendre notre travail plus
vivant.
II. 2. 4. L’OBSERVATION
II. 2. 4. 1. DEFINITION
Observer n’est pas seulement regarder, c’est une certaine organisation de la vision. Elle est
structurée de sorte à savoir ce qui est adéquat par rapport à un projet de recherche, à un cadre
théorique (1).
Selon Mucchielli Alex, observer « c’est participer réellement à la vie et aux activités des
sujets observés » (2).
Loubet del Bayle (3) relève par ailleurs deux formes d’observation à savoir l’observation
intuitive et l’observation scientifique.
Cette observation est spontanée. Elle ne s’appuie pas sur un plan préalable du chercheur.
Celui-ci se saisit simplement de toutes les occasions et utilise son imagination qui sont
fortement mises à contribution.
Dans le cadre de notre travail, nous avons utilisé la combinaison de ces deux formes
d’observation. En effet nous avons non seulement observé spontanément mais aussi
systématiquement le phénomène de notre étude à travers les comportements ou les
événements qui l’impliquent en notre qualité de natif, et surtout pour avoir vécu
principalement dans le Nord-Kivu.
Certes, le fait d’être natif impliquait le risque de ne pas prendre une distance suffisante par
rapport au sujet de la recherche et de faire parler les sentiments plutôt que les faits tels qu’ils
sont. Mais « il ne faut pas confondre objectivité et neutralité. La vérité n’est pas neutre… elle
est objective dans ce sens qu’elle est synonyme de faits établis sans préjugés » (1).
Le travail d’analyse et d’interprétation des résultats a été fait après avoir recherché et
rassemblé un ensemble d’informations et des connaissances formelles disponibles et prêtes à
être exploitées.
Selon Selltiz, C. et all., :
« L’analyse a pour objectif de faire le sommaire des observations qui ont été
faites de façon à ce qu’elles comprennent des réponses aux questions de la recherche.
L’interprétation, elle, vise à découvrir le sens le plus général de ces réponses en les rattachant
aux autres connaissances dont nous disposons »(1).
Le présent chapitre comprend les résultats trouvés après le traitement des données de source
primaire, c’est- à –dire de première main comme des entrevues et secondaire, c’est- à -dire de
seconde main comme des statistiques. Les points saillants de ce chapitre sont groupés dans
deux sections :
La seconde section concerne les causes de la crise de cohabitation entre les Banyarwanda et
leurs voisins dans la région de notre étude : le Nord-Kivu. Notre effort, dans cette section qui
constitue la partie centrale de cette étude, consiste à chercher à voir à partir de quand, à quel
moment, dans quelles circonstances les Banyarwanda et leurs voisins Hunde, Nande et
Nyanga essentiellement ont appris à se haïr et à mener une vie de cohabitation conflictuelle.
(1) SELLTIZ, C. et al., Les méthodes de recherche en sciences sociales, éd., HRW, Montréal, 1997.
39
III.1.1. INTRODUCTION
Le Nord-Kivu, l’une des onze Provinces de la République Démocratique du Congo est située
à l’Est du pays circonscrit entre les parallèles 0° 58’ Nord et 2° 3’ Sud et entre les longitudes
Est de 27° 14’ et 29° 58’(1). Il a une superficie de 59.483 km2 dont 26% sont constitués des
parcs et réserves forestières et 11% représente des massifs montagneux incultes et des
lacs (2).
Au Nord, il est limité par l’actuelle province Orientale (Kisangani), à l’Ouest par la province
de Maniema, au Sud par la province du Sud-Kivu et à l’Est par les Républiques de l’Ouganda
et du Rwanda.
Le relief du Nord-Kivu est très accidenté. Il est composé de plaines et des chaînes des
montagnes. On dénombre deux plaines alluviales : la plaine de Semliki et celle de la Rwindi-
Rutshuru.
L’hétérogénéité du relief amène une grande variété de climats qui confèrent aux sols du Nord-
Kivu une certaine complexité qui ne rend pas aisée une description succincte. On peut
néanmoins diviser les sols de cette Province en trois grandes classes :
-Le premier type provient des coulées de lave de volcan et renferme des sols
chimiquement riches. Ce type est rencontré entre Goma et Rutshuru.
-le second type provient de dépôts éoliens des cendres volcaniques et couvre
une partie de la presqu’île de Bobandana, la région de Sake-Kirosthe, la zone de haute
altitude de Kambo-Ngungu, les environs de Masisi de Mokoto, ainsi que les bords
immédiats des volcans où ces dépôts de coulées. Leur fertilité est connue des autochtones
qui y pratiquent d’intenses cultures vivrières ;
• Les sols des plaines alluviales formées d’une complexité de sols provenant des dépôts
lacustres, de dépôts des rivières et de colluvions des massifs qui bordent ces plaines ;
• Les sols dérivés de roches anciennes, de micaschistes et de gneiss. Ces sols sont
profonds et riches en humus.
Les rivières sont souvent bordées des galeries avec phoenix reclinata. La plaine de la lave
située au Nord du lac Kivu est couverte des formations végétales selon différentes altitudes. Il
s’agit notamment :
a) des forêts ombrophiles de montagnes observées dans l’étage situé entre 1.750 m et
2.400 m d’altitude. Ces forêts sont hétérogènes et leur composition diffère totalement
de celle des forêts ombrophiles équatoriales. On les rencontre dans les massifs et des
Virunga.
41
Cependant, ainsi qu’il est possible de s’en rendre compte à l’examen du tableau intitulé:
Nord-Kivu: population par collectivité et zones en annexe VIII , cette population était
inégalement répartie entre les différentes subdivisions administratives du Nord-Kivu. A côté
d’entités densément peuplées il s’en trouvait d’autres presque vide d’habitants. Il convient de
faire remarquer que la densité était très forte dans la partie orientale et relativement faible
dans la partie occidentale de la région.
Alors que la colonisation avait découragé la venu au Kivu des pasteurs Tutsi, on dénombrait
seulement 3.000 têtes de bétail dans les années 40-, l’inverse va se produire après 1960. En
1975, le cheptel dans le Masisi pouvait être estimé à plus de 300.000 têtes (1)
Le Nord-Kivu est une région principalement agro-pastorale. Son sol est en général fertile,
celui d’origine volcanique (environ 3000 km2) est même très fertile. Il permet d’y pratiquer
une grande variété de culture tant vivrières qu’industrielles. Les cultures vivrières du Nord-
Kivu sont le haricot, le manioc, le maïs, le sorgho, le petit poids, la banane et l’arachide.
Le café (tant arabica que robusta) y est la culture industrielle la plus importante à laquelle
s’ajoutent le thé et la papaïne. Ces cultures d’exportation citées sont surtout exploitées dans
les territoires de Beni et Lubero. L’élevage occupe la seconde position dans le Nord-Kivu et
se développe principalement dans les territoires de Masisi, Goma, Rutshuru et Beni. Il
comprend des bovins, ovins, suidé, gallinacés, capridés etc.… la chèvre y est l’animal
domestique le plus répandu. En milieu rural chaque famille en possède au moins quelques
têtes. L’élevage bovin y était également important aussi bien dans le secteur traditionnel que
dans le secteur moderne. Il constitue l’activité principale d’environ 45% des entreprises du
Nord-Kivu (3).
C’est dans ce contexte qu’à partir de 1979, il y a eu dans le Nord-Kivu une véritable ruée vers
les terres dans le but d’en faire des pâturages privées (2). Mais l’extension des pâturages
implique souvent la spoliation des petits paysans (cultivateurs ou éleveurs).
En effet (3), du premier janvier 1979 au 30 juin 1983, il avait été inscrit plus de 1000
demandes de terres au bureau sous régional des Titres Fonciers à Goma et enregistré 61
plaintes pour spoliations.
Tableau n° III : Situation des plaintes pour spoliations et demande de terres dans la
région du Nord-Kivu
Source: Dossiers et Registre des Faits Non Infractionnels (R.F.N.I) du Parquet Grande
Instance de Goma (Nord-Kivu).
La lecture de ce tableau montre que le problème foncier s’est posé avec acuité dans les
territoires de Masisi et de Goma relativement très peuplés. Nous y reviendrons un peu plus
loin.
En ce qui concerne ce dernier, jusqu’à une période très récente, le colombo-tantalite était
connu par un cercle restreint des « spécialisés » des mines au Congo (1). On a trouvé ce rare
minerai tout récemment à Masisi, Walikale et Lubero principalement dans les pâturages où les
vaches sont désormais remplacées par le fameux « carrés miniers » d’exploitation du
coltan (2).
La population autochtone du Nord-Kivu est répartie entre plusieurs groupes ethniques dont les
quatre principaux sont les Nandes, le Hunde, les Nyanga et les Banyarwanda étalés sur quatre
zones culturelles traditionnelles à savoir la zone Nande, Hunde, Nyanga et Banyarwanda.
Pour ce qui est de la zone culturelle Hunde, nous pouvons dire que cette dernière s’étale dans
tout le territoire de Masisi et se voit prolongée jusque dans une partie du territoire de Rutshuru
principalement dans la collectivité de Bwito.
S’agissant de la zone culturelle Banyarwanda, cette dernière couvre quant à elle presque tout
le territoire de Rutshuru et plus tard Masisi avec le Mouvement d’Immigrations des
Banyarwanda (MIB). Les langues parlées dans ces zones culturelles retenues dans notre étude
sont principalement le Ki-Nande pour les Nande, le Ki-Nyanga pour les Nyanga, le Ki-Hunde
pour les Hunde et enfin le Kinya-Rwanda pour les Banyarwanda.
Les zones culturelles, Hunde et Banyarwanda qui vont beaucoup nous concerner dans ce
travail, se trouvent respectivement à l’Ouest et à l’Est des monts Mitumba.
A l’ouest de cette chaîne montagneuse s’étend sur la région, coupée des vallées profondes,
difficilement accessible, de récent déboisement à ce qu’il paraît, et jadis faiblement
habitée (1).
A l’Est de la ligne de démarcation constituée par la chaîne de Kirumbe, s’étend la plaine dite
« volcans » depuis Goma, à la rive nord du Lac Kivu, jusqu’à la plaine de la Rwindi-
Rutshuru, au sud du lac Edouard (Idi Amin). Par endroits, la plaine est composée de collines
et de hauts-plateaux. Son sol d’origine volcanique désagrégé est très fertile autant que
propice pour l’élevage, surtout en bordure de la chaîne des volcans. Ceci fait que la région est
fortement peuplée.
Elle est le pays des rwanda (Banyarwanda) et comprenait autrefois les chefferies de Bukumu,
Bwishya, Jomba, Busanza et Binja. D’accès facile et situé aux portes même du Rwanda (1).
Avec l’implantation du pouvoir colonial belge, la région du Nord Kivu était subdivisée en une
une multitude de clans ou tribus considérés à tort ou à raison comme d’entités politiques
étatiques ou des royaumes à cause de leur organisation politique centralisée.
Comme exemple, selon K.T Mashauri, chacun des quatre principaux clans Yira (Nande)
comprenait plusieurs petits Etats autonomes dont les limites territoriales correspondaient avec
les limites des domaines fonciers de grands lignages (2).
Les Hunde étaient eux aussi répartis entre plusieurs petits royaumes indépendants les uns des
autres (1).
Pour ce qui concerne les Banyarwanda, dans son étude sur les Banyarwanda au cours de leur
histoire plusieurs fois centenaire : comment sont-ils devenus Banyarwanda, Bahutu et
Batutsi ?, Kanyamacumbi, P. , nous fait observer qu’à la fin du 19e siècle, les Banyarwanda
formaient une seule nation, issue de plusieurs groupes socio-politiques, notamment des
ethnies Shi de Cyangugu, Havu de l’île d’Idjwi, Hunde du Bugoyi (Gisenyi), Kiga de la
région des volcans, Nyambo du Nord-Est, Nyiginya, Sindi, Singa, etc.
Aux origines, c’est cela la réalité complexe des Banyarwanda et de leur ancien royaume.
Suivant Paul Rutayisire, « il y avait des régions contrôlées par la monarchie où le pouvoir
était partagé entre trois chefs (des armées, de la terre et de l’élevage). Dans les régions
périphériques du Nord et du Sud-Ouest, plusieurs leaders claniques et Bahinza, qui ont
reconnu la souveraineté du roi et versaient la taxe royale (ikoro), ont été laissés en place. En
plus de ces régions périphériques il y avait d’autres endroits où le roi jouissait d’une certaine
influence mais où il ne gouvernait pas, par exemple les régions amputées et cédées au Congo
belge et à l’Ouganda. Ici les liens avec le pouvoir central étaient lâches » (2).
Il suffit de donner comme exemple le cas du Nord-Kivu. En effet dans la région Hunde, des
indices montrent cependant qu’il y avait entre le souverain Tutsi et des chefs Hunde des
rapports qui évoquent la relation politique du suzerain à vassal. La tradition par exemple
accrédite le fait que par endroits, au Bwito notamment, Rwabugiri a été contraint par les
événements à mener une politique d’alliances avec le chef Nyamuraga. Au Kamuronza, on
trouve en 1910 des gouverneurs Tutsi titulaires (...). Ce sont en ordre d’ascendance Nturo,
Nyirimigabo, Marara, Munana (3).
(1) VIANE, L. , L’organisation politique des Nyanga : Kongo overzee, XXII, 1 , 1952, p. 8, cité par HAKIZA
R., op.cit, p. 120.
(2) RUTAYISIRE P., Les enjeux des mouvements de résistance au Rwanda : Fin du 19e S – début du
20e S, UNR -Butare (ce document n’a pas de date mais semble être très récent)
page 8.
(3) SEMADWINGA D. , op.cit, page 64.
48
Au Mushari – Mokoto (Masisi), selon les propos du chef local Komakoma à E. Hubert, en
1945, les populations « jusqu’à la guerre mondiale de 1914 – 1918, devaient tribut au roi du
Rwanda (…). Quant aux autres régions de la zone, elles échappèrent complètement au
contrôle de l’autorité royale du Rwanda qui ne put installer nulle part une administration
régulière » (1).
« Considérant que toute la région formait jusqu’à notre arrivée dans le pays une province
dépendant du Rwanda et placée sous l’autorité unique de son roi qui en était devenu souverain
par droit de conquête ;
« Considérant que cette province était administrée par des ministres Watutsi, délégués du roi ;
« Que la délimitation des frontières… a consacré la séparation de la région de Rutshuru de
celle du Rwanda ;
« Que dès lors, toute la région s’est trouvée sans chefs,(…) ».
Malgré ces variations régionales au point de vue administratif, politique et même culturel, les
peuples qui formaient le royaume du Rwanda à l’arrivée des Européens avaient beaucoup de
choses en commun : Les relations sociales marquées par le clientélisme ( sur base du
bétail/vache ou de la terre), la référence à Imana, le culte de Lyangombe et Nyabingi, le
respect de l’autorité du roi (forte ou lâche) (1).
-le chef coutumier Mwami : ce dernier était détenteur de tous les droits fonciers au nom de la
communauté. Il était considéré comme propriétaire de toutes les terres de sa communauté.
-la noblesse se composait des notables bakama (chez les Nande) et Mbanamusinga (chez les
Hunde) qui étaient des intermédiaires entre les paysans et le mwami. Elle s’occupait
également de la gestion des terres et surtout de la distribution des champs entre les paysans.
-les clients ou sujets (du Mwami) composait toute la masse paysanne et ne disposaient
d’aucune propriété. Chacun obtenait la terre soit d’un mwami ou d’un notable et devait
fournir une redevance appelé « Mutulo » chez les Hunde et « Ngemo » chez les Nande.
L’organisation foncière chez les Banyarwanda était un peu particulière dans la région du
Nord-Kivu.
En effet, elle comprenait aussi trois acteurs rangés en trois catégories mais seulement à la tête
de la catégorie supérieure il n’y avait pas un chef coutumier ou Mwami comme chez les
Nande ou chez les Hunde .
Habituellement les « abakeberwa », étaient des immigrés qui s’étaient liés d’amitié par
l’échange des femmes ou le pacte de sang avec les ‘’abakonde’’ et qui avaient un droit
d’établissement illimité sur le territoire hôte. A moins d’un manquement grave envers le
groupe des ‘’Abakonde’’, un ‘’Umukeberwa’’ ne pouvait être expulsé du domaine foncier de
ses hôtes. La catégorie sociale inférieure était celle des ‘’Abatira’’ (du verbe ‘’gutira’’,
emprunter), terme qu’on peut traduire par ‘’locataire’’. Il s’agissait aussi des immigrés qui
recevaient l’autorisation d’exploiter les terres dont les ‘’Abakonde’’ n’avaient pas besoin dans
l’immédiat. Les ‘’Abatira’’ devaient fournir une redevance appelée ’’Isokamwa’’ aux
propriétaires des terres et restituer celles-ci n’importe quand. Ces trois catégories pouvaient se
rencontrer aussi bien parmi les Hutu que parmi les Tutsi mais en général, les ‘’Abakonde’’
Tutsi furent plutôt rares (1).
Durant cette période les terres sont encore abondantes et on observe souvent des conflits
entre royaumes voisins Centralisé ( le Rwanda) , les royaumes voisins centralisé mais en
segments (le Bushi ) et pas du tout centralisé ( le Buhunde ) pour aboutir ou pas à une
occupation permanente de l’espace.
Kajiga G. , écrit par exemple que dans certaines régions telles le Gisigari et Rugari dans le
territoire actuel de Rutshuru au Nord-Kivu, « les Hunde se vinrent dépouiller de riches
propriétés ancestrales,… Petit à petit, ils se retirèrent au Bukoma. D’autres regagnèrent leur
pays d’origine à savoir le Bwito et le Kamuronza. Enfin certains acceptèrent le voisinage des
immigrants (…) et se soumirent même aux chefs rwandais. » (1)
La période couverte par l’administration coloniale Belge au Congo marque le point de départ
explicatif de tous les conflits qui frappent aujourd’hui la région du Nord-Kivu. A la base de
tous ces conflits, il y a deux principales politiques coloniales qui ont joué un rôle primordial.
Il s’agit de la politique d’expropriation foncière et celle de déplacement de la population.
Dans les premières années de la colonisation, les différents textes législatifs concernant le
foncier reconnaissaient les droits des Africains (indigènes) sur les terres effectivement
occupées, c’est- à –dire les terres que les indigènes habitent, cultivent ou exploitent d’une
manière quelconque suivant les règles coutumières (2).
(1) KAJIGA G., « Cette immigration séculaire des Rwandais au Congo », in Bulletin du CEPSI, n° 32, cité par
SEMADWINGA D., op.cit., p. 36
(2) MATHIEU P. et al. , op cit, page 42.
52
Toutes les autres terres étaient considérées comme vacantes et entraient dans le domaine privé
de l’Etat. La gestion de cette dernière catégorie de terres revenait à l’Etat (1).
A vrai dire la création des Parcs Nationaux n'étaient sous le motif officiel qu’un prétexte de
protéger la flore et la faune. En effet, elle a servi comme moyen pour permettre à
l’administration coloniale d’exproprier la population et de la chasser vers les mines et les
plantations dans la région du Nord-Kivu. L’exemple du Parc Albert (Virunga actuellement)
montre dans quel esprit l’administration appliquait la loi. « En 1929, lors de sa création, on
interdit l’exercice des droits des paysans sans compensation ; ce n’est qu’en 1934 que l’on
commença à racheter les droits pour l’extension du parc. En 1939, une commission d’enquête
pour dédommager des paysans spoliés en 1929 fut dirigée sur des régions inhabitées !
L’affaire traînait encore après la guerre. Quant aux droits de pêche et de chasse, ils furent
totalement interdits en 1938 » (3).
Comme le souligne Auguste Maurel, « dans la période précoloniale comme dans la période
coloniale, la plupart des terres expropriées se trouvaient dans des régions densément
peuplées par les paysans qui depuis des siècles cultivaient les meilleurs sols. Durant la
période Léopoldienne, la présomption de « vacance » des terres jouait automatiquement en
faveur de l’Etat, c.à.d du roi. Par la suite, l’expropriation commençait par une « enquête de
vacance » soigneusement truquée. Au mieux, on déclarait vacantes les meilleures terres
laissées en jachère dans le cadre du système de culture congolais » (4).
Selon cet auteur, la superficie totale expropriée par l’impérialisme belge (sur une superficie
globale de 235 millions d’hectares) reste difficile à connaître avec exactitude : les statistiques
soigneusement truquées divergent sur ce point. Les chiffres les plus anciens sont sans doute
les meilleurs. En 1944, les services officiels évaluaient à plus de 12 millions d’hectares les
cessions et concessions (1).
Source : Inforcongo : Le Congo belge, 2 vol., 1958, cité par Auguste Maurel.
Suivant Auguste Maurel, aucun chiffre de ces deux colonnes ci-haut n’est exact : celui de
1944 est plus proche de la réalité que celui de 1957 (3).
Cette politique a produit des effets graves sur les systèmes sociaux des populations
autochtones.
(1) MAUREL A. , Le Congo de la colonisation belge à l’indépendance, L’Harmattan, 1992, page 62.
(2) MAUREL A, op. cit, page 70.
(3) Idem.
54
Pour permettre leur installation dans certaines régions, l’administration coloniale déplaça une
partie de la population des régions en question. Ce fut notamment le cas dans le Kivu où, ainsi
que le souligne E. Mendiaux, « les colons reçurent de grandes étendues de terres dans des
contrées très peuplées » (2). Dans le Nord-Kivu les contrées les plus peuplées se trouvent à
Rutshuru, Lubero, Beni.
La création du Parc National Albert (Virunga) en 1925, son extension sur toute la région des
volcans et la plaine du Lac Edouard (Mobutu) et enfin l’incorporation du massif du Rwenzori
au sein dudit parc en 1934, entraînèrent aussi l’évacuation, par les autochtones des contrées
concernées (3).
L’incorporation de la région des volcans et de la plaine du lac Edouard amputa une superficie
de 615.000 hectares aux domaines exploités par les autochtones (1).
D’après Auguste Maurel, « sous prétexte de protéger la flore et la faune, à partir de 1934, les
Parcs Nationaux permirent à l’administration d’exproprier les populations, en interdisant le
droit de la chasse, de la pêche, d’exploitation du bois sur ces réserves intégrales » (2).
Ces deux types de déplacement de population ont eu un impact négatif non seulement sur les
systèmes socio-politiques mais aussi économique des populations locales.
En effet, des clans entiers furent obligés de se déplacer pour être installés sur des terres
appartenant à d’autres clans, et placés de ce fait sous la dépendance foncière et politique des
clans hôtes.
D’après Kanyamacumbi, P. « pratiquement les immenses pâturages des vaches situés le long
des volcans furent supprimés ou plutôt interdits aux éleveurs (…) Dans un premier temps cela
a été compensé par la délimitation de quelques pâturages communautaires au milieu des terres
de culture. Par la suite, les Batutsi ont dû déménager avec leur bétail vers des terres alors
inhabitées. Ils furent placés sous l’autorité politique d’autres ethnies de la région, dans le
Bwito (Hunde), dans le Masisi (Hunde), Lubero (Nande) et Walikale (Nyanga) » (3).
(1) NOIROT J. , Lettre du chef de Province de Costermansville au Gouverneur général du Congo belge : cité par
Hakiza R, op.cit, page 62.
(2) MAUREL A., Le Congo, de la colonisation belge à l’indépendance ; F. Maspero, Paris, 1962, p.61.
(3) KANYAMACUMBI, P. , op.cit, page 70.
56
A part la décision de transférer les populations de certaines contrées vers d’autres pour des
raisons d’expropriation, il a existé d’autres motifs qui ont poussé l’administrateur colonial
belge à déplacer des populations. Il s’agit principalement de (2) :
(1) Voir entretien personnel avec KIBIRA Thomas, une personnalité de l’ethnie Nyanga déjà présentée.
(2) HAKIZA R., op.cit, page 61-62-63-64.
(3) Idem.
57
L’évacuation de certaines parties de la plaine de la Rutshuru en 1931 (1) ainsi que le transfert
des Songora et des Hema de la plaine de la Semliki vers les contre-forts du Rwenzori en 1936
(2) aurait été ordonnée pour mettre les populations concernées à l’abri des agents vecteurs de
la malaria.
« Que des gens fussent installés depuis deux, trois, quatre générations, qu’ils eussent leurs
marchés organisés, leurs plantations en rapport, que leurs moyens d’existence fussent tirés de
leur habitat approprié, on ne se soucie de rien. On trace des points sur une carte, on les
mobilise, on les échange, on les déplace, on les groupe et les natifs que représentent ces points
n’ont qu’à faire de même sur une injonction qui finit par rester anonyme, insaisissable quand
apparaît le Parquet. Plusieurs chefs déclarent sous la foi du serment que le début de cette
campagne de déracinement fut conduit par le Commissaire de District Beernaerts.
(1) Province orientale : Rapport AIMO pour l’année 1931, p. 14, cité par Hakiza R., op.cit., p. 62.
(2) Province de Constermansville : Rapport AIMO, 1936, p.16, cité par Hakiza R., op.cit.,p. 63.
(3) GUEBELS, L., : Relation complète des travaux de la commission permanente pour la protection des
indigènes 1911-1951, (sans date), cité par Hakiza. , R. , op.cit p.60.
58
Celui-ci se rendit dans la région et tint aux chefs ce langage « Nous, Blancs, nous savons
prévoir. Une maladie épouvantable va ravager les bords de la Lindi. Soucieux de vos
existences, je vais vous indiquer les lieux que la maladie n’atteindra pas. Si de rares chefs se
rendirent à ce présage, la plupart n’y eurent pas foi et c’est alors que les incendies furent
ordonnés ou suggérés » (1).
C’est surtout à la fin des années 1920 et au début des années 1930 que la politique de
« regroupement » de la population autochtone en village fut très largement appliquée dans la
Sous-Région actuelle du Nord-Kivu (2).
Cette sous section va nous intéresser de manière particulière parce qu’elle représente pour
notre étude la principale toile de fond de tous les conflits qui opposent aujourd’hui les
Banyarwanda et leurs voisins dans la région du Nord-Kivu.
a) Objectif
Abordant dans le même sens que Hakiza, R., nous pensons que l’objectif de transférer les
familles Banyarwanda dans le Nord-Kivu était d’accroître la rentabilité économique du Kivu
et non de résoudre le problème de la famine et celui du « décongestionnement » ou du
« dégorgement » du Rwanda surpeuplé comme d’aucuns le pensait.
(1) DETRY S. (Procureur du Roi) au Procureur Général : Stanleyville, le 13 février 1917. (AAB : AI. 1403/4).
(2) Voir à ce sujet Hakiza Rukatsi, op.cit., page 62.
59
A cette époque, l’administrateur colonial ne pouvait pas tirer suffisamment profit de la très
dense population Yira (Nande) des contreforts du Ruwenzori. Celle-ci soutenait encore une
résistance ouverte contre le colonisateur (2).
En 1927, le R.P. le Grand stigmatisa la situation du Kivu en ces termes : « Depuis un certain
temps, les indigènes sont accablés de corvées ; on ne leur laisse pas le temps. Dès maintenant,
ils ne mangent plus à leur faim et les cultures indigènes ont énormément diminué. Les écoles
sont de plus en plus délaissées, car les enfants doivent aller travailler sur les routes. Au Nord-
Est du Kivu, des milliers d’habitants qui constituent une grande partie de la population, se
sont retirés chez les Anglais, non pas, comme certains le pensent, attirés par des salaires plus
élevés, mais pour y faire un établissement définitif » (3).
De tels exodes ne faisaient qu’aggraver la crise de main d’œuvre et des divers vivres. Or ce
fut à une période où le pouvoir colonial souhaitait le développement d’une petite colonisation
belge dans le Kivu. Et l’installation de petits colons européens dépendant d’un certain nombre
de facteurs, notamment de la main d’œuvre (4).
(1) VANDERSTRAETEN, E. , L’agriculture et les industries agricoles du Congo belge, Ed. CUYPERS-
Bruxelles, 1945, p.55-56
(2) JASPAR, H. ; Le comité National du Kivu, Revue Economique Internationale, I,2,Février 1928, page 216
(3) Conseil Colonial Séance du 5 novembre 1927, pp. 795-796, cité par Hakiza R., op.cit, page 71.
(4) HAKIZA, R. , page 71
60
« pour la colonisation européenne, il faut de la bonne terre pour les vivres européens (blé,
légumes), de bon pâturages pour le bétail et de la main d’œuvre indigène. Parce que bien naïf
est celui qui pourrait croire que dans l’Afrique centrale, même sur les hauts plateaux, les
Européens pourraient croire se passer de la main d’œuvre indigène pour les travaux
agricoles » (1).
Eu égard à ce qui précède, nous pouvons affirmer, qu’étant donné que les travaux agricoles
nécessitant une importante main d’œuvre étaient saisonniers, pour dispenser les futurs colons
de la contrainte de recruter au loin, l’administration coloniale s’était décidée de transférer des
milliers de familles du Rwanda au Kivu.
Selon G. Tondeur, « tous les programmes de déplacement (de populations) avaient pour
mobile initial non pas le dégorgement des régions surpeuplées, mais la création de noyaux de
populations dans les zones improductives que l’on désirait ouvrir à l’activité économique par
l’installation d’entreprises agricoles européennes ou d’industries » (2).
Ce projet n’allait cependant pas se réaliser sans difficultés.
b) Problèmes rencontrés.
(1) SCHWETZ, J. , «Un voyage d’étude dans la région du Lac Kivu» ; Congo, Tome II, 1930, p.10
(2) TONDEUR G., « Surpopulation et déplacement de population », Bulletin agricole du Congo belge, n° 3-4
1949, cité par HAKIZA, R., op.cit, page 68.
(3) HAKIZA, R., op.cit, page 72
61
D’après Hakiza R, « en 1925, la commission des Mandats avait proclamé qu’elle lutterait
fermement contre les recrutements intensifs que les puissances mandataires avaient tendance à
effectuer dans les territoires sous mandat au profit de leurs colonies.” (1)
Dès le début des années 1920 des milliers des personnes émigraient du Rwanda vers les pays
limitrophes et en particulier vers les colonies britanniques. En 1924 plus de 50.000 personnes
auraient quitté le Ruanda-Urundi pour l’Uganda ou le territoire du Tanganyika (2).
Ces départs étaient provoqués par plusieurs facteurs dont les deux principaux suivants :
- Premièrement, les pressions administratives et en particulier les corvées qui pesaient sur les
autochtones. Selon Ph. Leurquin, « non seulement les corvées étaient multiples, mais leur
charge était encore sérieusement aggravée par les abus qu’elles engendraient » (3).
-Deuxièmement, les disettes et même les famines. Celles-ci étaient causées tantôt par l’excès
de pluies, tantôt par une longue sécheresse. D’après Ph. Leurquin, « il est difficile de croire
que les nombreuses famines que le Rwanda connut dans le passé soient une conséquence de la
surpopulation parce que historiquement, les zones les plus menacées par les famines étaient
précisément celles où la terre est la plus abondante » (4).
Les Rwandais dont l’émigration était dûe à la famine, résultant non pas d’un manque de terres
mais plutôt d’une calamité naturelle, n’envisageaient pas au départ une expatriation
définitive (5).
Ainsi que A. Marzorati le fit observer, « les populations du Ruanda-Urundi avaient une
extrême difficulté à s’expatrier » (1). Leur émigration avait un caractère principalement
saisonnier.
En effet, « au moment où le pouvoir colonial eut l’idée de transférer des familles du Ruanda-
Urundi dans la région du Kivu, c’est l’Etat qui était à la fois propriétaire et gestionnaire des
terres considérées comme vacantes dans l’actuel Nord-Kivu » (2)
Mais en 1928, la gestion des « terres vacantes » du Kivu fut confiée à une société à charte.
« Le comité National du Kivu » un des organismes d’expropriation et de coercition de la main
d’œuvre congolaise et éventuellement du petit colonat européen, aux pouvoirs très étendus
dont l’un des objectifs officiels était de favoriser le développement de l’implantation des
colons belges au Kivu (4). Nous y reviendrons.
Dès lors, la transplantation des Banyarwanda ne pouvait se faire que, soit sur des « terres
indigènes » soit sur des terres grevées de droits du CNKI. Or, légalement, les autochtones
n’avaient de droits que sur les terres qu’ils exploitaient effectivement et sur celles que
l’administration estimait nécessaires à leurs besoins futurs (5).
(1) MARZORATI, A. (Commissaire Royal) au Résident du Rwanda-Urundi, Usumbura le 12 juin 1924 : cité
par Hakiza, R. , op.cit, page 75
(2) Décret du 3 juin 1906 sur les terres indigènes B.O 1906 : cité par Hakiza, R., op.cit, page 77.
(3) Conseil Colonial. Examen du projet de décret portant création du CNKI, Séance du 5 novembre 1927, p. 779
(4) MAUREL A., Le Congo: de la colonisationn belge à l’indépendance, L’Harmattan, 1992, page 61.
(5) HAKIZA, R., op.cit, pp. 76-77
63
En principe aucune communauté locale ne pouvait accueillir un grand nombre d’immigrés sur
les territoires qui lui étaient dévolus sans provoquer une rapide surpopulation. C’est ce qu’il
fallait éviter.
Il en résulte que c’est seulement sur les terres considérées comme vacantes, que les familles à
transférer du Rwanda devaient être établies. Or, du point de vue strictement légal, dès 1928,
toute terre déclarée vacante dans le Kivu tombait automatiquement dans le domaine du CNKI.
C’est donc du CNKI qu’il fallait recevoir les terres à attribuer aux personnes déplacées du
Rwanda.
c) Stratégies adoptées.
Pour pallier toutes ces difficultés, l’administration coloniale belge adopta trois principales
stratégies (1):
-primo : accréditer la nécessité d’une émigration définitive.
-secundo : s’assurer la collaboration des autorités rwandaises.
-tertio : trouver un arrangement avec le Comité National du Kivu
« L'émigration est devenue une nécessité dans ce pays surpeuplé. Territoire d'une superficie
de 52.000 km2 , nourrissant 5.000.000 d'habitants et 1.000.000 de têtes de bétail, le Ruanda-
Urundi ne peut réserver à sa population, qui étouffe dans ses frontières, des possibilités
d'expansion suffisantes. Dès lors, les moindres mécomptes dans les récoltes ont un
retentissement fâcheux. La disette, voire la famine en dépit des efforts des autorités locales
sévissent parfois dans les territoires. D'autre part, le développement économique du pays n'a
pris un certain essor que depuis l'occupation belge et les autochtones ont d'autant moins
l'occasion de gagner leur vie en restant dans leur milieu que la faible étendue un obstacle à la
multiplication des entreprises européennes » (1).
Selon l'administration mandataire, cette émigration clandestine se faisait dans des conditions
déplorables et sans sécurité (2).
Officiellement, c'est dans le but de leur assurer de bonnes conditions d'existence que
l'administration voulait les transférer au Congo belge. A la Commission Permanente des
Mandats, le transfert de milliers de familles du Rwanda au Congo belge fut ainsi présenté
comme étant avant tout un acte d' humanité (3).
(1) Rapport sur l'administration belge au Ruanda-Urundi année 1926, cité par Hakiza R., op.cit., p.78.
(2) Le Commissaire Royal du Ruanda-Urundi au Ministre de Colonies. Usumbura le 27 mai 1925, cité par
Hakiza R., idem.
(3) HAKIZA R., op.cit., p.79.
65
Au roi Mutara III Rudahigwa ( roi du Rwanda), il fut promis que les « émigrés conserveraient
des liens politiques étroits avec le Rwanda. Ces liens devaient se matérialiser notamment par
la prérogative attribuée au roi du Rwanda de fournir les candidats-chefs devant administrer les
personnes déplacées » (2).
Le Comité National du Kivu fut un organisme fondé en 1928 par cent trente associés dont
l’Etat (belge), le chemin de Fer des Grands Lacs, trente-neuf banques
et sociétés financières (3).
L’un des objectifs officiels était de favoriser le développement de l’implantation des colons
belges au Kivu (4).
Trouver un arrangement avec le Comité National du Kivu n’a pas été facile.
En effet, selon le Président du CNKI, « une immigration de peuplement, de nombreux
Rwandais ou Burundais au Kivu, impliquait le sacrifice des intérêts de sa société » (5).
(1) MORTEMAN M.G. , Transplantation de Banyarwanda au Kivu, Léopodlville le 9 juin 1937, pp. 8 et 9.
- Voir à ce sujet Wiles P., Marzorati, A. et Hakiza, R., déjà cités.
(2) MAUREL A. , op cit, p. 61.
(3) HAKIZA R. , op.cit, page 84
(4) Décret du 12 janvier 1928 portant du CNKI cité par HAKIZA R., op.cit, page 77.
(5) HELBIG de BALZAC, Président du CNKI au chef de Province de Costermansville, le 23 décembre 1936 :
cité par Hakiza, R. , op.cit, page 82
66
d) Réalisation de l’opération.
Deux vagues de migrations furent cependant organisées par les autorités Belges vers la zone
de Masisi entre 1937-1945 et entre 1949-1955. La première vague introduisit dans le Gishari
(Masisi) 25.450 personnes et environ 2.800 têtes de bétail compte non tenu des infiltrations
non contrôlées. Le second flot portait officiellement sur plus de 60.000 personnes. En 1955,
on estimait que ces mouvements migratoires ont entraîné l’installation de plus de 175.000
Rwandais au Congo.
C’est sous le règne de André Kalinda qu’eut lieu l’installation massive de rwandais dans le
Masisi, et plus particulièrement dans le pays de Bashali où ils furent organisés en une
chefferie autonome.
Selon Hakiza R., « ce dernier avait été investi Grand Chef de la chefferie Hunde en 1930 ;
chefferie constituée après près de dix années de pression psychologique exercées par
l’administrateur colonial sur les autorités légitimes des Hunde afin de les amener à fusionner
leurs chefferies en une seule. Aux yeux de Bashali, le chef Kalinda (Hunde) passait pour
complice de cette immigration » (1).
Suivant Butera Désiré, un des rares immigrés de 1937 ayant travaillé avec l’administrateur
belge Spitaels dans la Mission d’immigration des Banyarwanda de 1937 :
« le Mwami du Rwanda Mutara Rudahigwa avait réussi à négocier avec le Mwami Kalinda
la chefferie de Gishari (Nyamitaba) où il installa le Chef Bideri (Tutsi) avec sa suite, laquelle
devenait une chefferie des Banyarwanda. Je me rappelle, que le Mwami du Rwanda avait
payé une prime équivalant en ce moment là à la somme de plus ou moins 29.000 francs
belges. Les documents existent … » (2).
Toujours dans le même ordre d’idées, nous trouvons cette remarque sous la plume de Hakiza :
« Les droits indigènes sur les 34.910 hectares qui constituaient la chefferie Gishari furent
rachetés au prix de 24.600 francs belges payés le 4 mai 1945 » (3)
L’exactitude du montant ne nous intéresse pas tellement dans notre étude. Ce qui est
important ici, c’est que nos deux informateurs reconnaissent au moins le rachat de la chefferie
en question.
Les chefs coutumiers hunde ne voyaient pas cette organisation politico-administrative d’un
bon œil. En effet, d’après eux, « il fallait constituer les familles transférées en groupements
spécifiques dirigées par les Chefs originaires du Rwanda, mais sous le contrôle des Grands
chefs autochtones » (1). Mais cela fut en pratique impossible car d’après F. Abstil, cité par
Hakiza R., « les autorités du Rwanda s’y opposèrent sous prétexte qu’aucun Mututsi ne
consentirait de dépendre d’un chef appartenant à une race qu’il considérait comme
inférieur » (2).
En effet, une conviction était largement répandue à cette époque dans les milieux des
Banyarwanda colonisés que les Tutsi étaient des Hamites, c’est- à -dire une race supérieure,
née pour dominer et conduire les autres indigènes. C’est pour cela que dès le début de leur
installation, les déplacés furent organisés en chefferie autonome et placés sous l’autorité des
chefs Tutsi, Joseph Bideri qui a été suivi par Winifred Bucyana. Ces chefs de Gishari furent
placés sous l’autorité directe de l’administration européenne, presque à pied d’égalité avec le
chef Kalinda (3).
Cette situation a sans nul doute renforcé le phénomène de complexes de supériorité chez les
uns et celui d’infériorité chez les autres, et aussi de jalousies comme il sera question de le
constater un peu plus loin à partir du tableau des séquences consacrées aux perceptions,
préjugés et stéréotypes des communautés du Nord-Kivu.
Avec cette situation, les nouveaux venus furent heureux d’avoir un espace vital et un pouvoir
autonome sur un territoire qui, aux yeux de la population autochtone ne leur appartenait pas.
Entre 1945 et 1957 il eut, un premier conflit entre les Banyarwanda et les autochtones Hunde
pour le contrôle du territoire de la chefferie de Gishari. Le nœud de ce conflit fut la démarche
des immigrés pour agrandir les limites de cette chefferie ci-haut citée (1).
L’afflux massif des Banyarwanda dans le Nord-Kivu présentait un certain danger au point de
vue de la politique internationale. En effet, dans une note adressée au vice-Gouverneur
Général chargé du Rwanda-Urundi, au moment où le transfert des Banyarwanda dans le
Nord-Kivu venait de reprendre en 1949, le gouverneur Général E Jungers écrit ce qui suit :
« l’immigration envisagée soulève d’autre part certains problèmes relevant de la politique
internationale et découlant en ordre principal :
(1) MASUMBUKO NGWASI et al. , Essai de synthèse des situations conflictuelles et des initiatives de paix au
Nord-Kivu, Goma, 2002, page 9.
(2) MATHIEU Paul et al. , « Compétition foncière, confusion politique et violences au Kivu : des dérives
irréversibles ? », < www : politique-africaine. Com/numeros /pdf / 067130. pdf >, le 28 juin 2003.
70
Il doit être entendu que l’immigration que permet la colonie est une immigration des
particuliers qui ne doit devenir pour le Rwanda la source d’aucun droit ni d’aucune
revendication politique. Elle ne doit pas davantage permettre au conseil de tutelle de
s’immiscer dans le Gouvernement ou l’administration du Congo-belge » (1)
Comme le constate Hakiza R. (2), les appréhensions des éventuelles revendications politiques
de la part des autorités autochtones du Rwanda sur les familles transférées dans le Kivu et de
l’immixtion du conseil de tutelle doivent être mises en rapport avec le contexte politique
international du lendemain de la deuxième guerre mondiale.
C’était, en effet, l’époque où les Nations Unies demandaient aux puissances coloniales de
tenir compte des aspirations politiques des populations colonisées. A ce propos, l’assemblée
Générale de l’ONU et le conseil de tutelle se montraient attentifs aux pétitions des
populations des territoires sous tutelle .
Nous pensons comme cet auteur que le Gouverneur Général avait le pressentiment que, si les
populations transférées dans le Kivu conservaient des liens politiques étroits avec les autorités
rwandaises, celles-ci risquaient de pousser les populations en question à demander leur
rattachement au Rwanda.
En d’autres termes, l’administration coloniale avait peur d’un éventuel irrédentisme rwandais.
C’est notamment en raison de cette peur que l’Administrateur Général des colonies s’opposa à
l’intensification du transfert de Banyarwanda au Kivu (3) et pensons-nous à « la démarche des
immigrés Banyarwanda pour agrandir les limites de la chefferie de Gishari ».
(1) JUNGERS, E, (Gouverneur Général) au vice G.G du Rwanda.Urundi Léopoldville, le 10 décembre 1949
(AAB :A1.4378, 91) cité par HAKIZA, R. , op.cit page 173.
(2) HAKIZA, R., op.cit, page 174.
(3) Idem.
71
En effet, « Pendant les dernières années d’avant l’indépendance, toute propagande pour
l’émigration cessa au Rwanda et il y eut un ralentissement du mouvement migratoire » (1).
D’après Mathieu Paul, en 1957, le pouvoir colonial avait supprimé la chefferie de Gishari et
rétablit les droits de la chefferie Hunde sur l’enclave. En effet, les migrants installés restaient
sur place, mais ils devaient clairement reconnaître l’autorité des chefs coutumiers autochtones
(2). Cette situation avait, sans doute,- marqué le début d’une relation fondamentalement
compétitive et méfiante entre les deux groupes.
La chefferie de Gishari fut supprimée par l’article 6 du décret du 10 mai 1957 relatif à
l’organisation administrative des circonscriptions du Nord-Kivu. (3)
La naturalisation des personnes originaire du Rwanda était en effet un problème délicat parce
que celles-ci avaient un statut juridique spécial.
Au moment de quitter le Rwanda, les personnes qui furent transférées dans le Nord-Kivu
savaient qu’ils émigraient définitivement et que les terres qu’elles occupaient au Rwanda,
étaient reprises par le chef local (4).
Aux yeux de l’administration coloniale, tant de l’ex- Congo que de l’ex- Ruanda-Urundi, les
personnes en question cessaient d’être considérées comme des ressortissants de ce dernier et
étaient assimilées aux Congolais autochtones (5).
A ce propos, les personnes qui furent transférées au Nord-Kivu recevaient la carte d’identité
des ressortissants du Ruanda-Urundi, juste au moment où elles quittaient le Rwanda (6).
(1) DURIEUX, A. , Nationalité et citoyenneté, ARSC, tome XXIII, 2, Bruxelles, 1959 p. 34. Les Congolais
étaient considérés comme des « nationaux belges » depuis 1908 jusqu’en 1960, les
Rwandais comme « Allemands » avant le traité de Versailles de 1919.
(2) MELONE, S. , La nationalité des personnes physiques ; Encyclopédie juridique de l’Afrique. Les nouvelles
éditions, Dakar, 1982, page 83
(3) HAKIZA, R. , op.cit, page 174
(4) MORTEHAN , G., Transplantation des Banyarwanda, Léopoldville, le 9 juin 1937. – voir aussi Butera
Désiré : entretien personnel.
(5) HAKIZA, R. , op.cit, page 185.
(6) Voir à ce sujet - Butera Désiré : entretien personnel
-SPITAELS, R. , Instructions générales au personnel de la Mission d'Immigration
Banyarwanda, Goma(1952) p . 60 , cité par HAKIZA , R. , op. cit, page 178.
73
Cette substitution de la carte d’identité des Congolais à celle de « Rwandais » était, croyons-
nous, une matérialisation d’une part de la rupture des liens politiques entre les personnes en
question et le Rwanda, d’autre part, de l’établissement d’un lien politique et juridique entre
elles et le Congo pays d’accueil.
Il est permis d’affirmer qu’à défaut d’être devenus des « Congolais de droit » par la
naturalisation, ces personnes étaient des « Congolais de fait » par une sorte de « possession
d’état ». Etre « national » d’un Etat par « possession d’état » c’est être considéré comme tel
dans tous les actes que l’on pose et donc jouir honnêtement de cette qualité.
Il convient de constater que ceux qui ne résident pas sur le territoire de leur groupe ethnique
se considèrent eux-même comme des étrangers. Lumuna Sando K. note que : « il demeure en
eux la conscience de vivre de façon transitoire, le temps d’obtenir la pension avant de
regagner leur mère- patrie, le berceau de leur nation tribale » (1).
L’une des plus évidentes matérialisations de cette conscience est le fait que généralement
certains grands personnages du Congo en l’occurrence les dignitaires politiques, demandent
d’être inhumés dans leur village d’origine.
Eu égard à ce qui précède, disons donc qu’à l’issue de la période coloniale, quelques grands
éléments sociologiques au cœur de la dynamique des conflits au Nord-Kivu étaient ainsi mis
en place.
Aussi faut-il souligner que sur le plan démographique, les Banyarwanda transférés à Masisi
représentaient une majorité numériquement écrasante par rapport à la population autochtone.
Cette situation ne pouvait que s’ajouter à d’autres existantes pour exacerber la tension sociale
à Masisi principalement. A partir des années 1959 et 1960 les Banyarwanda constituaient
environ 70% de la population de la chefferie des Bahunde (1).
C’est donc dans ce contexte du climat socio-politique qui commençait déjà à être tendu dans
le Nord-Kivu que les Banyarwanda immigrés ont été suivis par d’autres mouvements continus
d’infiltrés venant du Rwanda. Mais le flux migratoire le plus important après celui des
immigrés sera constitué des mouvements des réfugiés rwandais. Dans la suite de ce travail,
nous présentons quelques autres facteurs indispensables grâce auxquels tous les éléments
socio-politiques au cœur de la dynamique des conflits vus ont pu survivre et provoquer une
crise de cohabitation à haute intensité socio - politique et psychologique entre les
Banyarwanda et leurs voisins dans la région du Nord-Kivu.
Les causes de la crise des réfugiés rwandais qui éclata en 1959, sont profondément enracinées
dans l’histoire du Rwanda. En effet, dans les années 1930, la structure politico-administrative
de la population restée à l’intérieur du Rwanda avait déjà été profondément modifiée par
l’autorité coloniale suite à la décision de réserver exclusivement les postes auxiliaires de
commandement aux Tutsi des grandes familles.
Cette décision prévalut d'après Byanafashe D., jusqu’en 1959, date à laquelle le pouvoir
colonial, excédé par les revendications d’indépendance orchestrées par les Tutsi, limogea ses
collaborateurs habituels Tutsi et confia leurs places aux Hutu exclusivement parce qu’ils se
montraient toujours dociles.
Ce jeu discriminatoire alternatif cristallisa ainsi les clivages ethniques, développa
l’antagonisme Hutu-Tutsi et exacerba la politique coloniale d’exclusion qui se transposa
intégralement dans le gouvernement de la 1ère et de la deuxième République pour aboutir au
génocide en passant, périodiquement, par des massacres, des pillages, des destructions et des
incendies programmés. Ces drames s’accompagnaient toujours de flux de réfugiés (1) dans les
pays limitrophes notamment l’Ouganda, la Tanzanie, le Burundi et le Congo.
En ce qui concerne notre étude, une seule vague importante de réfugiés rwandais retiendra
notre attention. Mais quels sont ces réfugiés ? Il s’agit de réfugiés Banyarwanda Tutsi de
1959.
Les premiers afflux des réfugiés rwandais dans les pays limitrophes se situent entre les années
1959- 1960. Il s’agit principalement des Tutsi chassés de leur pays à la suite de la guerre dite
de la « révolution Hutu » déclenchées à la veille de l’indépendance du Rwanda. Cet afflux a
continué quelques années après suite à d’autres regains de tension inter-ethnique (Hutu-Tutsi)
qui entraînèrent d’autres départs d’exilés, en particulier des employés de l’administration
publique et du secteur privé, des étudiants universitaires et même des collégiens (2).
Le nombre de réfugiés rwandais établis au Congo n’est pas connu. Les chiffres avancés par
les différentes sources sont contradictoires.
(1) Voir le Professeur BYANAFASHE Déo (Université Nationale du Rwanda) : texte sur L’origine des conflits
ethniques au Rwanda (conférence), Butare 1999
(2) VIDAL, C. : Situation ethnique au Rwanda, in J.L. AMSELLE et E. Mbokolo : Au Cœur de l’ethnie, op.cit,
page 168.
76
D’après les estimations du HCR, le nombre de réfugiés rwandais établis dans la région du
Kivu était de 60.000 personnes en 1962 et environ 12.000 personnes en 1984 (1).
Ces réfugiés au Congo furent reçus et installés principalement dans le Nord-Kivu à Bibwe
(Masisi) et à Ihula (Walikale) et plus tard dans les centres urbains. Nous y reviendrons.
Dans les trois zones (Masisi, Rutshuru, Goma) du Nord-Kivu où s’installèrent les réfugiés, il
y avait, au début des années 1990, environ 425.000 Banyarwanda pour une population totale
d’un peu plus d’un million, c’est-à-dire environ 40% ; dès lors, suite à l’injection massive de
réfugiés, les Rwandais et les Banyarwanda avaient constitué la majorité de la population (2)
L’installation des réfugiés rwandais depuis la révolution Hutu de 1959 a posé beaucoup de
problèmes au Kivu. En effet, la population locale n’avait jamais accepté l’implantation des
Rwandais sur les terres autochtones. Aucun accord n’avait été conclu avec les organismes qui
s’occupaient des réfugiés pour leur installation dans les différentes chefferies. Aux yeux des
chefs coutumiers locaux, l’implantation de plusieurs camps de réfugiés était une simple
expropriation foncière (3). C’est grâce à la pression du HCR exercée sur ces chefs coutumiers
locaux que les camps des réfugiés rwandais Tutsi de 1959 ont été installés dans les milieux
déjà cités.
(1) Rapports du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés 1962 à 1984.
(2) REYNTJENS Filip, La guerre des Grands Lacs : Alliances mouvantes et conflits extraterritoriaux en Afrique
centrale, L’Harmatan, 1999, page 16 et 17.
(3) MATHIEU P. , et al. , op.cit page 44.
77
Dans le territoire de Walikale où un camp a été installé à Ihula, les relations entre les réfugiés
et les autochtones étaient apparemment bonnes. Ils sont arrivés entre 1960-1961 et ils ont été
installés avec l’aide du Haut Commissariat aux Réfugiés et la Croix-Rouge (1).
Dans la zone de Masisi des camps des réfugiés ont été installés dans la chefferie Hunde
malgré une opposition farouche des autochtones et un passé déjà conflictuel avec les
différents mouvements des populations Banyarwanda (provoqués ou non) par le pouvoir
colonial belge à partir de 1937 dans cette zone.
Le camp de réfugiés le plus important a été installé à Bibwe. Sous la pression du HCR (2), les
notables Hunde vont accorder une autorisation d’occupation provisoire des terres aux réfugiés
tout en insistant que la terre reste propriété des autochtones (3).
La question du retour des réfugiés tant souhaitée par ces derniers n’était pas facile.
En effet, depuis la fin des années 60, les gouvernements rwandais avaient largement ignoré la
question des réfugiés (4).
Deux principales raisons peuvent expliquer cette attitude. Il s’agit premièrement de la raison
idéologique et deuxièmement de la raison politique qui se cachait derrière l’argument de
l’exiguïté territoriale avancée par le régime rwandais de Habyarimana.
Selon Kanyamachumbi P., « lors de l’indépendance, en chassant les Tutsi du pays, le parti de
Parmehutu victorieux des élections, se considérait comme le libérateur du peuple des
autochtones. Par là, il se créait une opinion selon laquelle le Rwanda s’émancipait d’une
colonisation séculaire, grâce à l’aide d’une puissance authentiquement coloniale considérée de
ce fait, comme bienfaitrice des Bahutu » (1).
Les Tutsi étaient considérés comme des hamites, c’est-à-dire des « géants guerriers d’origine
sémitique », « apparentés à la race blanche » et qui dominaient les « populations
indigènes » (2).
La possibilité du retour des réfugiés rwandais (Tutsi) était difficile et problématique comme
l’adresse à l’aide d’un mégaphone de cet officier rwandais du régime Habyarimana le laissait
voir aux réfugiés rwandais en Ouganda :
« Nous ne voulons pas de vous. Même Dieu ne veut pas de vous. Il ne vous reste qu’une
solution. Laisser le fleuve vous emporter et les survivants trouveront peut être un endroit
clément » (3).
Ce qui nous intéresse dans cette adresse ci-haut, c’est le fond de ce message qui en fait
concernait indirectement tous les réfugiés Tutsi, même s’il n’est pas dans le contexte du
Congo, pays hôte de la catégorie des réfugiés rwandais qui nous occupent dans ce travail.
Pour cette raison idéologique croyons-nous, les réfugiés rwandais Tutsi furent abandonnés
dans les pays d’asile, sans aucun programme concret de retour « chez-eux ». Mais cette raison
n’était pas la seule, la raison idéologique avancée était appuyée par un autre argument. C’est
ce que le point suivant nous montre.
« il faut (parlant des réfugiés) qu’ils sachent parfaitement que ce n’est pas parce que le
Rwanda ne voudrait pas, ardemment, que tous les réfugiés puissent revenir un jour, mais
parce qu’il ne voit pas du tout comment cela pourrait être possible, car les contraintes de notre
pays sont devenues telles, l’exiguïté territoriale extrême, la précarité de nos ressources s’y
ajoutant, sans compter l’extraordinaire croissance démographique nous posant des défis
presque insurmontables- que, raisonnablement, humainement parlant, il n’est tout simplement
pas possible d’imaginer le retour massif de nos réfugiés. Le Rwanda, tous les Rwandais,
comprennent la situation de douleur morale que ce constat implique, pour eux mêmes comme
pour nos compatriotes réfugiés à l’étranger, mais c’est pour en prévenir de plus grandes
encore que se justifie la position du Rwanda » (1).
L’impact de ce discours était énorme aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du Rwanda
comme il peut être constaté à travers ces deux points présentés ci-dessous .
* A l’extérieur du Rwanda.
A l’extérieur du Rwanda le message était clair : les réfugiés Rwandais dans les pays
limitrophes en général ne devaient plus rentrer dans leur pays pour des raisons évoquées, il
fallait donc qu’ils cherchent une insertion sociale dans les pays d’accueil.
(1) Discours Prononcé par le Président à l’occasion de la présentation du programme gouvernemental pour le
mandat 1989 – 1994, Kigali, le 15 janvier 1989, p. 60
80
III. 2. 2. 5. L’incidence du non-retour des réfugiés rwandais Tutsi sur la région du Nord-
Kivu.
Dans un contexte d’un exil trop prolongé et d’ apatridie imposée, nous pouvons comprendre
que les réfugiés rwandais Tutsi au Congo ont cherché pour leur survie à intégrer socialement
la société congolaise.
Il a existé plusieurs circonstances qui ont facilité cette intégration sociale des réfugiés
rwandais Tutsi au Congo. Nous retiendrons ici quatre principales, à savoir la présence au
Kivu en général et au Nord-Kivu en particulier d’une communauté importante d’autres
Banyarwanda, l’indifférence de la communauté internationale face à la question des réfugiés,
le régime Mobutu et l’attitude de certains chefs coutumiers.
1. Rôle stratégique :
2. Rôle humanitaire :
En effet, d’après notre enquête par entretiens réalisée à Goma, il a été retenu que la raison
humanitaire a joué un grand rôle dans le processus d’intégration sociale des rwandais réfugiés
dans le Kivu.
81
En effet, cette dernière, jusqu’à l’invasion d’octobre 1990, avait affiché une indifférence
manifeste quant à la question des réfugiés rwandais Tutsi de 1959. En 1967, tous les camps
des réfugiés Tutsi au Congo étaient supprimés. En terme de conséquence, cette situation va
agraver la question de la nationalité déjà soulevée et provoquer des frustrations vis-à-vis des
populations hôtes.
Nous pouvons nous permettre d’affirmer que c’est en grande partie à cause de cette action du
HCR de supprimer les camps des réfugiés Tutsi que le nombre de ces derniers établis dans la
région du Kivu a chuté vertigineusement de 60.000 personnes en 1962 à environ 12.000
personnes en 1984 (1) et 11.000 personnes en 1986 (2) comme il convient de le constater à
partir du graphique n°1.
(1) Rapports du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés 1962 à 1984.
(2) Le nombre des réfugiés de l’année 1986 est fourni par Guichaoua, A., op..cit, page 341.
82
Graphique n°I : Impact de la suppression des camps des réfugiés rwandais au Nord-Kivu :
70000
60000
50000
Nombres
40000
Années
30000 Réfugiés
20000
10000
0
1 2 3
Années
Les chiffres 1, 2, 3 sur l’axe des abscisses représentent respectivement les années 1962,
1984 et 1986.
Suite à cette situation, nous pouvons affirmer que le HCR à travers sa politique de supprimer
les camps des réfugiés Banyarwanda a indirectement contribué à agraver la crise .
Dans un contexte où la population autochtone ne voulait pas de l’implantation des réfugiés
dans leurs territoires, nous pouvons comprendre que cette action du HCR a produit des effets
socio-politiques difficilement mesurables à partir desquels tous les autres germes latents des
conflits déjà installés avaient trouvé un terrain fertile pour leur croissance.
La communauté internationale à travers le HCR n’a pas agi seul dans cette prise de décision
de fermer les camps des réfugiés rwandais Tutsi de 1959. En effet, elle a aussi bénéficié de la
complicité et de la bénédiction du régime de Mobutu.
c) Le régime de Mobutu.
Selon Hakiza R., « les services de l’état civil étaient caractérisés par une inefficacité sans
pareille. Jusque vers la fin des années 1970, le pouvoir central et principalement l’Exécutif eut
généralement tendance à assimiler les personnes originaires du Rwanda aux Congolais
(Zaïrois à cette époque) . En ce qui concerne la question de l’assimilation des personnes
originaires du Rwanda aux Congolais, Hakiza note que « cette assimilation se concrétisa
notamment par l’attribution automatique de la nationalité Zaïroise à celles parmi les
personnes originaires du Rwanda dont l’établissement au Zaïre (Congo) remontait à la période
coloniale, et cela en dépit de l’opposition de certains milieux autochtones »(1).
C’est dans ce contexte que certaines personnalités Banyarwanda joueront un rôle déterminant
dans l’épineuse question de la nationalité. Un des réfugiés rwandais souvent pointé du doigt
pour avoir aidé ses compatriotes rwandais Tutsi à s’intégrer socialement dans la nation
congolaise est Barthélemy Bisengimana. En effet, ce dernier fut promu directeur du bureau
de la Présidence de la République en mai 1969, un poste qu’il occupera jusqu’en février
1977 (3).
D’après Jean Claude Willame, « il sera aussi considéré comme le grand « parrain » des
Rwandais et en particulier des Tutsi installés légalement ou illégalement au Zaïre. Ses
détracteurs, qui lui attribuent une nationalité purement rwandaise, l’accusent d’avoir
régularisé les dossiers de nationalité de ses « compatriotes Tutsi ». En tout cas en 1972, une
loi, qu’il aurait fait adopter au Bureau politique du MPR, mis officiellement un terme au statut
incertain des Banyarwanda. Désormais, au terme de l’article 15 de cette loi, tous les
originaires du Rwanda-Urundi établis au Kivu avant le 1er janvier 1950 et qui ont continué à
résider depuis lors dans la République du Zaïre (Congo) sont censés être de nationalité
zaïroise( congolaise) » (4).
Cette décision concernait d’après cet auteur quelques 300.000 personnes rapatriées surtout
dans le Masisi et dans une mesure moindre dans les territoires de Rutshuru, Walikale et
Goma. (1).
Source : Léon de Saint Moulin, Atlas des collectivités du Zaïre, Kinshasa, Presse
Universitaire du Zaïre, 1976. cité par J-C. Willame, op.cit page 54.
Nous pouvons mesurer à la lecture de ce tableau l’impact qu’a pu avoir la nouvelle loi relative
à la nationalité sur la problématique de l’allochtonie et sur les nouveaux rapports à l’espace
qui se créent dans le Nord-Kivu. D’un seul coup, le Masisi, qui était antérieurement le lieu où
les affrontements de nationalité étaient les plus durs, change littéralement de « propriétaire ».
la population d’origine rwandaise devient majoritaire sans coup férir, ce qui pouvait être
regardé par les autochtones Hunde et Nyanga comme une consécration de leur statut de
« minorités » (2).
Les chefs coutumiers locaux ont joué un rôle très ambiguë face à la question de l’intégration
sociale des Banyarwanda réfugiés Tutsi. En effet, d’après Monseigneur Ngabu, évêque de
Goma, « ce sont ces mêmes chefs qui délivrèrent la carte d’identité de Zaïrois à certains
réfugiés » (3).
Ils éprouvaient certes comme l’a souligné Hakiza Rukatsi (1), l’anxiété d’être supplantés par
leurs hôtes, mais tout nouvel immigrant auquel ils concèdent une terre est pour eux un client
supplémentaire, et tout individu auquel ils donnent la carte d’identité de Zaïrois (congolais)
est leur électeur potentiel de plus. Au fait, ce que cherchent les chefs autochtones est d’assurer
l’hégémonie politique des « fils du sol » ( autochtones ) sur les immigrés et non le renvoi de
ces derniers.
Suivant cet auteur, « les chefs Hunde par exemple préféraient plutôt coopter les
« Banyarwanda » et leur conférer des droits politiques limités, en l’occurrence celui de voter
pas celui d’être voté, ce qui correspond à traiter ces derniers comme des citoyens Zaïrois
(congolais) de seconde zone » (2).
La conception de l’idée de la richesse chez les Hunde essentiellement a aussi joué un rôle
important dans cette prise de position ambiguë de leurs chefs au regard de la question de
l’intégration sociale de toutes les catégories confondues des personnes originaires du Rwanda.
Cela ne pouvait que fermenter la crise de cohabitation dans la région.
Eu égard à cette idée de la richesse, « les chefs Hunde ne souhaitaient même pas que les
personnes originaires du Rwanda aient le statut d’étrangers au même titre que les
ressortissants des autres pays parce que un tel statut rendrait les dits immigrés moins
dépendants des « fils du sol » (1).
D’après Butera Désiré (2), dans les années 1950, les Banyarwanda avaient déjà occupé toutes
les terres de Masisi. Même les chefs coutumiers leur vendaient les terres. En peu de temps,
toutes les terres de Masisi étaient mises en valeur. Les Hunde sont des chasseurs et
finalement, ils n’avaient plus où chasser et c’était trop tard.
Dans un contexte d’une forte présence des Banyarwanda agri-éleveurs dans un Masisi où la
quasi-totalité de la population vivait de la chasse et des cultures vivrières, nous pouvons
comprendre que les populations autochtones étaient prédisposées à dépendre d’une façon
directe ou non des Banyarwanda.
Suivant l’ opinion de Ngumire Canisius immigré Munyarwanda de 1937 ayant vécu à Masisi,
« 80% des Hunde (chef ou pas) devait vivre directement ou indirectement sur le dos des
Banyarwanda » (3).
En effet, d’après la même source, les Banyarwanda (toute tendance confondue) installés à
Masisi essentiellement devaient payer, pour le lopin de terre exploitée, une redevance,
annuellement ou mensuellement et surtout compte tenu de l’étendue du champ exploité. Le
plus souvent cette redevance payée était en nature (vache, sac de haricots, sac de maïs,
chèvres, etc.).
Comme on peut le constater, cette situation était loin de créer la paix sociale et favoriser une
bonne situation de cohabitation non conflictuelle entre les Banyarwanda et les Hunde au
Nord-Kivu et principalement à Masisi dans un contexte où ces deux groupes n’avaient pas
une même conception de la question foncière .
Aux yeux des Banyarwanda transférés par le pouvoir colonial entre les années 1937 et 1955 ,
l’exploitation économique des chefs Hunde vis-à-vis d’eux était perçue comme une injustice
sociale, car ils étaient convaincus d’être propriétaires des terres où elles avaient été installés
de façon « officielle » et par la plus haute autorité coloniale. Ils ne voyaient pas la raison de
payer encore cette « fameuse » redevance qui leur était imposée par les autorités coutumières
Hunde dans le territoire de Masisi.
D’après les opinions de certains des Banyarwanda transférés de 1937 notamment Monsieur
Butera Désiré et Ngumire Canisius, suite à cette situation, les relations entre les Hunde et les
immigrés venus du Rwanda n’étaient pas toujours harmonieuses. Cela avait,- à mainte reprise,
provoqué des situations d’antagonisme entre ces deux groupes, situations qui s’étaient
particulièrement manifestées à partir de 1963-1964 par la révolte dite « Kanyarwanda » ayant
eu lieu à Masisi. Cette révolte avait entraîné l’émigration de plusieurs Banyarwanda de la
collectivité Bashali vers la Zone de Rutshuru et celle de quelques familles Hunde des
Groupement Karuba et Muvunyi (collectivité Hunde) où les Banyarwanda étaient les plus
concentrés, vers l’ouest de la Zone de Masisi principalement dans les collectivités de Osso,
Katoyi etc.
88
Les conséquences de la révolte dite « Kanyarwanda » s’étaient même transférées jusque dans
la Zone de Rutshuru, au Bwito en particulier (un terroir traditionnel Hunde) où en 1964, les
groupes ethniques voisins des Banyarwanda avaient récupéré cette « révolte » qui eut lieu à
Masisi pour piller vaches, chèvres, moutons, récoltes et tuer les Banyarwanda,Tutsi
essentiellement (1).
Dans la région du Nord-Kivu, l’église catholique a joué un rôle de premier plan dans
l’ascension sociale et indirectement politique des Banyarwanda.
En effet selon Hakiza R. (2), jusqu’en 1960, le catholicisme occupait une position dominante
dans la région qui nous concerne. La très grande majorité de missionnaires catholiques en
poste au Congo belge était de nationalité belge et l’évangélisation de chaque région du Congo
était confiée à une seule congrégation. L’importance numérique des missionnaires était, dans
chaque région ,fonction des effectifs de la congrégation qui en avait la charge.
Au Nord-Kivu, ce sont les missionnaires Pères Blancs qui jusqu’en 1960 s’occupèrent seuls
de l’évangélisation et de l’éducation des populations de l’actuel Diocèse de Goma (3). Ce
dernier faisait partie du vicariat Apostolique de Bukavu qui englobait également tout le
District du Sud-Kivu.
Le réseau de l’enseignement primaire y était de loin moins développé que dans le vicariat de
Beni, tandis que les études post-primaires du vicariat de Bukavu étaient presque toutes
concentrées autour de la ville de Bukavu. C’est là que les ressortissants des territoires de
Rutshuru, Goma, Masisi et Walikale devaient se rendre pour y poursuivre leurs études de
niveau post-primaire (1).
Le Diocèse de Beni, fief des Pères de l’Assomption jusqu’en 1960 a, quant à lui ouvert ses
portes aux carmes et aux croisiers aussi (2). Ces derniers se consacrèrent autant à
l’évangélisation qu’à la scolarisation dans les milieux Nande à savoir Beni et Lubero. En
1958, le vicariat disposait d’un important réseau de l’enseignement primaire jusque dans les
villages les plus reculés de la brousse. Le réseau de l’enseignement post-primaire y était un
des plus important de tous les vicariats du Congo : il y avait, en effet une école d’assistants
agricoles et vétérinaires, un petit séminaire, quatre écoles normales et deux écoles
professionnelles (3).
Il résulte de cette différence de l’implantation des écoles dans les Territoires du Nord-Kivu et
ceux du Sud de la région du Nord-Kivu que le niveau de scolarisation fut plus élevé dans la
partie septentrionale que dans la partie méridionale de la région. C’est ce qui ressort des
données suivantes :
Evaluation de la scolarisation dans la région du Nord-Kivu vers la fin du régime colonial (4)
Une autre conséquence de cette implantation scolaire différentielle entre le Nord et le Sud de
la région fut que les jeunes scolarisables du Nord ne sortirent presque jamais de leur
environnement socio-culturel, alors que leurs collègues ressortissants du Sud du District
étaient confrontés au pluralisme socio-culturel dès qu’ils commençaient les études post-
primaires.
Il convient par ailleurs de signaler que les deux territoires du Nord (Beni-Lubero) étaient
habités par un groupe ethnique très dominant à savoir les Nande. Par contre, trois groupes
ethniques relativement importants se partageaient les quatre territoires du sud de la région : le
groupe Banyarwanda habitant principalement les territoires de Rutshuru et Goma, le groupe
Hunde, le territoire de Masisi (au sein duquel du reste, les immigrés rwandais constituaient
une importante majorité numérique) et le groupe Nyanga étant prédominant dans le territoire
de Walikale.
Tableau n° VII : Population coutumière recensée au sein des 4 groupes au 31 décembre 1953
Groupes Population
Nande (Beni et Lubero) 294.146
Banyarwanda (Rutshuru et Goma) 198.735
Hunde (Masisi) 32.834
Nyanga (Walikale) 26.472
Dans la région du Nord-Kivu, l’Eglise catholique ne peut pas être ignorée dans l’analyse des
causes qui sont aujourd’hui à la base de la difficile cohabitation entre les Banyarwanda et
leurs voisins. En effet, comme au Rwanda, elle ne soutenait pas seulement la colonisation,
comme on le dit couramment. Elle s’intégrait dans le programme de la colonisation. (1)
En effet, il est, croyons-nous, parmi les facteurs qui pas forcément de manière intentionnelle,
ont contribué à semer une situation de disparité d’ordre socio-culturelle entre les
Banyarwanda et leurs voisins Hunde et Nyanga essentiellement dans la région du Nord-Kivu.
En effet, dans le diocèse de Goma par exemple qui comprend les actuels territoires de
Rutshuru, Masisi et Walikale, les missions et écoles catholiques étaient implantées presque
exclusivement dans les milieux Banyarwanda.
A la lecture de ce tableau, nous pouvons dire que dans le Diocèse de Goma, le territoire de
Rutshuru habité essentiellement par les Banyarwanda était plus favorisé dans la politique
d’implantation d’écoles et des missions catholiques par rapport aux autres territoires dudit
diocèse notamment Masisi et Walikale.
92
(1) Pour la raison d’analyse, nous avons préféré remettre Goma dans son ancien territoire Rutshuru.
Nous avons constitué ce tableau à partir des données des statistiques d’écoles et classes (1959
– 1960 ) trouvées au Bureau de la coordination catholique du Diocèse de Goma lors de notre
field-Work. Voir annexe.
Il résulte de cette différence de l’implantation des écoles et missions catholiques dans les
territoires de Walikale, Rutshuru et Masisi que le niveau de scolarisation et l’évangélisation
fut plus élevé dans le milieux où les Banyarwanda habitaient en majorité avant et surtout
après le MIB .
Cette situation ne pouvait que favoriser la montée sociale des Banyarwanda et provoquer des
tensions sociales dans les dits territoires.
Avant 1960 croyons-nous, le taux de scolarisation était différent chez tous ces groupes étant
donné qu’il y avait peu d’écoles secondaires dans l’actuel Diocèse de Goma dont le pays de
Hunde et Nyanga font partie.
93
A partir de la lecture de ce tableau ci-haut, il ressort que les ressortissants de Rutshuru avaient
d’une part plus de chance de terminer leur cycle complet que ceux de Masisi et de Walikale et
d’autre part plus de chance de poursuivre leur enseignement post-primaire en raison de 69,2
% de classe à cycle complet installé dans leur territoire.
Comme nous l’avons déjà signalé plus haut, avant 1951, les écoles post-primaires du vicariat
de Bukavu étaient presque toutes concentrées autour de la ville de Bukavu. C’est là que les
ressortissants des territoires de Rutshuru, Goma, Masisi et Walikale devaient se rendre pour y
poursuivre leurs études de niveau post-primaire. Le premier établissement de l’enseignement
post-primaire de la région englobant les actuels territoires de Rutshuru, Goma, Masisi et
Walikale ne fut ouvert qu’en 1951.
Eu égard à ce qui précède, nous pouvons nous permettre d’affirmer que ce sont seulement les
enfants boursiers ou ceux dont les parents étaient suffisamment riches pour leur payer une
place à l’internat ou bien ceux qui pouvaient se faire héberger dans une famille amie près
d’une grande école, qui poursuivaient leurs études. D’après nos interlocuteurs Banyarwanda,
au sein de la population scolarisée des territoires de Masisi, Rutshuru et Walikale, les
abandons des élèves Banyarwanda furent moins fréquents que ceux de leurs collègues Hunde
et Nyanga. Ces derniers non seulement ne voulaient pas étudier, mais aussi les moyens pour
soutenir leur scolarisation faisaient défaut.
En effet, ils étaient relativement pauvres par rapport aux Banyarwanda (Tutsi et Hutu).
Ces derniers en effet, avaient des vaches et travaillaient dans les plantations des colons. Chez
les Banyarwanda éleveurs (Tutsi) du Nord-Kivu, la vache a joué un rôle socio-économique
important : non seulement elle a assuré la prestige et l’héritage, produit le lait, la viande etc,
mais aussi elle couvrait les frais scolaires.
D’après Rwakabuba Cyprien, une des plus grandes anciennes personnalités politiques du
Nord-Kivu avec laquelle nous nous sommes entretenue à Goma lors de notre ‘field-work’, le
niveau d’instruction a joué un rôle crucial dans la montée politique des Banyarwanda au
Nord-Kivu. En effet, selon lui, l’un des critères de choix pour être nommé Ministre, député ou
choisi pour représenter une institution provinciale ou nationale quelconque dans les premières
années de l’après indépendance fut surtout le niveau d’études post-primaires.
Ceci étant, nous pouvons penser que c’est en partie ce qui aurait expliqué le grand écart entre
les Banyarwanda et les Nande d’une part et les Hunde et Nyanga essentiellement d’autre part
dans la course pour le contrôle du pouvoir politique dans la région. Comme il convient de le
constater, dans les institutions provinciales, nationales et les commissions ad hoc entre 1958
et 1964, les disparités étaient flagrantes comme ces tableaux ci-dessous nous le montrent :
95
Sur total de 5 membres de la délégation congolaise à Bruxelles choisis parmi les principaux
groupes ethniques, quatre sur cinq étaient des Banyarwanda et un sur cinq des Nyanga . Les
autres groupes à savoir les Nande et les Hunde n'avaient pas de réprésentations.
96
A partir de la lecture de ces tableaux ci-haut, il ressort que la place occupée par les
Banyarwanda dans les institutions provinciales et les commissions ad hoc entre 1960-1964 ne
pouvait que susciter des jalousies auprès des populations « autochtones » qui se voyaient
écartées de la compétition politique à cause de leur « niveau d’instruction » mis en rapport
avec la question du poids démographique des Banyarwanda au Nord-Kivu.
Déjà à partir de 1960, les Banyarwanda étaient devenus très nombreux et clairement
majoritaires dans certaines zones du Nord-Kivu comme Masisi, Rutshuru etc.
Comme le souligne Paul Mathieu et al, « les autorités coutumières Hunde à Masisi,-le
principal théâtre des événements sanglants qui ont dominé l’histoire du Nord-Kivu de 1962 à
1965,- ont insisté, dans leurs plaintes, sur la disproportion démographique entre la minorité
congolaise( lire hunde) et la majorité des Banyarwanda ou des ‘’Rwandais’’ » (1).
(1) MATHIEU P. et al. , La guerre des chiffres : une constante dans la politique au Nord-Kivu, in : L’Afrique
des Grands Lacs (1999 – 2000), p. 234.
97
Il est clair que le rapport entre « le petit nombre » et « le grand nombre » était un facteur
déterminant dans les discours et les pratiques politiques. L’expression « grand nombre » était
employé pour désigner globalement Hutu et Tutsi (Banyarwanda ) au cours de cette période.
(1) RAPPORT TEUWEN, Léopoldville, 6 novembre 1966, page 15, cité par Mathieu P., op.cit. , p. 234.
(2) Idem. P.16.
(3) Idem. P. 19.
98
Tableau n° XIV : Prêtres ordonnés : Diocèse de Goma (Nord-Kivu) (de 1957 à 1980)
En effet, entre les années 1957 et 1980, tous les prêtres du Diocèse de Goma étaient des
Banyarwanda excepté leur évêque Ngabu Faustin qui faisait partie du Groupe ethnique Hema.
Ce dernier est originaire de Drodro dans le Diocèse de Bunia en Ituri. Il a été nommé à Goma
comme un évêque de compromis pour remplacer Mgr. Busimba (Munyarwanda) (1).
Nous signalons en passant que, Mgr. Busimba, premier évêque de Goma s’était entouré de
deux vicaires généraux dans la gestion de son Diocèse. Un Hutu Mgr. Kajiga Gaspard et un
Tutsi Kanyamachumbi Patient. La succession de Busimba présageait une lutte d’accession au
trône entre le camp Hutu et le camp Tutsi (2).
C’est à partir des années 1980 que dans le Diocèse de Goma, les prêtres Nande, Hunde et
Nyanga commencèrent à faire leur apparition.
(1) TEGERA Aloys, « Mgr Ngabu Faustin, échappe de justesse à un attentat à la grenade 29 mars 2002, »
<http:// mail.voilà. fr/cgi-bin>, 24/8/2002.
(2) Idem.
99
Comme il peut être constaté à la lecture de ce tableau ci-haut, ce n’est qu’à partir de 1980 que
le Diocèse de Goma a commencé à compter parmi ses membres les autres groupes ethniques
du Nord-Kivu notamment les Nande et les Hunde. Tout ceci pensons-nous a contribué à
renforcer les conflits entre ces groupes étudiés
Il a existé aussi d’autres facteurs qui pouvaient, d’une façon ou d’une autre expliquer le
phénomène de cohabitation conflictuelle entre les Banyarwanda et leurs voisins. Dans cette
étude, nous avons retenu deux principaux à savoir le particularisme des Banyarwanda et
l’émergence économique de ces derniers.
En effet, dans des circonstances normales les Banyarwanda ont généralement des tendances
assez conservateurs sur le plan culturel : ils n’acceptent pas de changer leur us et coutumes
pour accepter d’autres.
Pour ce qui concerne l’aspect culturel et linguistique par exemple, dans son mémoire intitulé :
La dynamique de l’expansion du Rwanda pré colonial au Nord-Kivu, Semadwinga Dénis
note qu’au Bukumu, entre Goma sur la rive septentrionale du lac Kivu, et la trouée de
Kibumba, à l’entrée de la plaine des volcans proprement dite, se trouve une population de
culture rwandaise appelée Kumu qui parle un kinya-rwanda apparenté à celui du Bugoyi
voisin (Gisenyi).
100
D’après la même source, au Bukoma, au Busanza et au Binja les gens affirment leur
appartenance au groupe rwanda (Banyarwanda). Dans les régions de Bweza et de Jomba, le
parler semble le plus proche de celui du Mulera (Ruhengeri) et du Bugoyi (Gisenyi) au
Rwanda et revêt des allures de langue standard du Rwanda Central.
Partant de cette dimension culturelle et linguistique, nous pouvons nous permettre d’imaginer
que dans la société des Banyarwanda, il existait l’idée que leur culture était supérieure par
rapport à celle de leurs « voisins » car généralement, ce sont les sociétés qui se considèrent
comme supérieures, plus avancées, plus développées et plus civilisées qui transmettent aux
inférieures leurs modèles culturels (1).
Un autre aspect du particularisme rwandais est que les Banyarwanda peuvent accepter
d’autres expressions culturelles partagées par leurs voisins mais souvent ils les maintiennent
isolées et évitent surtout les relations matrimoniales. La question du mariage offre à un
observateur attentif une excellente pierre de touche.
Comme le constate Colette Braeckman, « les Banyarwanda, qu’ils soient Hutu ou Tutsi, ont
conservé une grande cohérence sociale. Ils se marient généralement entre eux. Les Tutsi, en
particulier, refusent de prendre femme chez les Bahunde ou même les Hutu, tous gardent
l’usage de leur langue et de leurs coutumes et demeurent fidèles au souvenir de leur vieux
pays d’origine, dont ils continuent à suivre l’évolution politique »(2).
Suivant les opinions des Banyarwanda recueillies lors de notre « field-work » à Goma, ce
n’est que dans les années 70 et 80 que les relations matrimoniales commençaient à changer
timidement de visage : « Un Hutu pouvait dans ces années avoir une femme Hunde non pas
comme femme marié mais comme concubine » (3).
D’après ce qui précède, chaque fois que nous posions la question de savoir « pourquoi ce
difficile échange dans les rapports matrimoniaux ? », à nos interlocuteurs Banyarwanda que
nous savions sincères, nous obtenions une réponse presque unanime : « Ils, (parlant de leurs
voisins Hunde, Nyanga, Nande, etc..) n’ont pas les mêmes manières, la même culture que
nous ».
Au yeux de leurs voisins, toutes ces dispositions à caractère ségrégatives ne pouvaient que
créer un contexte favorable aux pulsions haineuses et compromettre les rapports interculturels
et de cohabitation harmonieux.
Dans la région du Nord-Kivu, l’émergence économique des Banyarwanda ne peut pas être
considérée comme un mythe, mais une réalité incontestable. Il a existé trois principaux
facteurs à la base de ce phénomène notamment, la combinaison de la culture agro-pastorale et
du dynamisme des Banyarwanda, le départ des colons, la politique de Mobutu et le projet de
l’élevage au Nord-Kivu.
Généralement, tout peuple progresse dans sa différence. Si les Nande dans le Nord-Kivu ont
émergé économiquement grâce à leur culture liée au commerce, les Banyarwanda quant à eux,
ont affirmé leur différence grâce surtout à l’agriculture et à l’élevage, partie intégrante de leur
patrimoine culturel.
Grâce à leur dynamisme, ils ont pris le pas sur tous leurs voisins dans presque tous les
secteurs de la vie économique.
Le succès de certains devenus grands hommes d’affaires a suscité des jalousies auprès des
autochtones, jalousies qui en partie ont réussies avec d’autres facteurs à susciter, -au cours
des premières années de l’indépendance du Congo,- cette profonde crise politique très grave
déjà vue en rapport avec la création de la Province du Nord-Kivu.
102
Comme le souligne Tegera Aloys (1) , déjà dès le 25 mars 1962, les élus Nande, Hunde et
Nyanga signèrent ensemble une pétition demandant la création de la province du Nord-Kivu
sans que les élus Hutu et Tutsi en soient informés.
Selon Batibuka J., c’est à partir de ce moment que « les élus Nande, Hunde et Nyanga
propagèrent à Léopoldville le bruit selon lequel les « ethnies » Hutu et Tutsi ne voulaient pas
appartenir à la province du Nord-Kivu parce qu’ils étaient mus par l’intention de se détacher
du Congo et de réintégrer le Rwanda (2).
Ces mêmes élus provoquèrent une motion de censure à l’endroit de Marcel Bisukiro, alors
ministre du commerce extérieur, l’accusant de n’être pas congolais, d’avoir tenté de vendre le
Parc National Albert (Virunga), d’être propriétaire d’une imprimerie et de l’Hôtel Riviera à
Bukavu et d’avoir constitué une société de type communiste. La motion proposait en outre de
priver désormais les « ethnies » Hutu et Tutsi de l’exercice des droits politiques, l’effacement
du nom de Bisukiro de la liste des membres formant l »équipe ministérielle et de mener une
enquête au Kivu en ce qui concernait ses activités commerciales (3).
Notons que pendant que des motions et contre – motions pleuvaient contre et en faveur des
Bisukiro, ce grand commerçant qu’on traitait de « communiste » , la position occupée par
Rwiyereka Jean Népomuscène suscitait autant de protestations : « nous ne savons pas en vertu
de quelle loi un munyarwanda réfugié est arrivé à un rang aussi élevé que celui du ministre
provincial chargé des finances » (4).
Ces jalousies ont été à la base de certains mensonges ayant pour principal but de semer la
confusion et d’amener les populations voisines des Banyarwanda à cultiver un sentiment
intense de haine à l’égard de toutes les personnes originaires du Rwanda sans exception. En
effet, Jean Népomsène Rwiyereka par exemple qui fait l’objet de la protestation dans les
motions des politiciens Hunde, Nyanga et Nande ci-haut, n’était pas « munyarwanda réfugié »
comme ils le prétendaient mais bien un munyarwanda « autochtone » du Congo (1).
Notons que les arguments d’exclusion sur base ethnique et le terreau politique comme lieu
privilégié de la compétition économique formaient,- pour reprendre l’expression de Aloys
Tegera,- le nœud du discours des politiciens de la première heure depuis l’indépendance du
Congo .
D’après cet auteur, « c’est au cours de cette période que les rivalités politiques commencèrent
à se disputer sur une base ethnique brandissant l’autochtonie ou l’allogénie comme critère de
cooptation ou d’exclusion. C’est aussi au cours de cette même période que les massacres
politiques (opposants ou partisans de la nouvelle province) commencèrent à revêtir un
caractère ethnique d’autant plus que les opposants à la naissance de la nouvelle province sont
dans la plupart des Banyarwanda et ses partisans sont dans l’ensemble les Nande, Hunde et
Nyanga » (2).
Il convient de rappeler aussi, que les circonstances dans lesquelles le Congo a eu son
indépendance ont entraîné un effet très positif sur la montée sociale et surtout économique des
Banyarwanda au Kivu en général et dans le Nord en particulier.
(1) Nous le connaissons personellement et avons eu un entretien avec lui à Goma lors de notre field-work.
(1) TEGERA, A , op.cit, p.13.
104
En effet depuis le début de l’année 1959, la population d’origine européenne établie dans le
Kivu était en émoi, non pas à la suite des sanglants événements qui éclatèrent le 4 janvier
1959 à Léopoldville (Kinshasa) mais à la suite de la déclaration gouvernementale du 13
janvier 1959 relative à l’accession du Congo Belge à l’indépendance (1).
Ainsi que le souligne P. Masson, nombre d’Européens prenant peur renvoyèrent, en Belgique
familles et bagages au cours de l’année 1959 (2).
Entre juin 1960 et janvier 1961, la sécurité n’ayant pas été rétablie, le District du Nord-Kivu
se vida de presque tous les Européens (3).
Avec cette situation, presque toutes les plantations et les fermes du Nord-Kivu ayant
appartenues aux colons étaient passées des mains de ces derniers à celles des Banyarwanda.
Nous y reviendrons un peu plus loin.
En outre, le départ de ces derniers a provoqué un vide administratif qu’il fallait à tout prix
combler. Pour pallier cette situation, le Congo avait fait appel à une importante assistance
étrangère. D’après Hakiza R. , « Un bon nombre de réfugiés rwandais s’étaient fait engager au
Zaïre à titres d’assistants techniques. D’autres occupaient dans l’administration publique du
Zaïre (Congo), des postes convoités par des Zaïrois (Congolais) » (4).
Ce vide aura constitué à notre avis un terrain propice à l’occupation informelle de l’espace
social et économique congolais par une fraction importante de rwandophones, ce qui
contribuera par la suite à l’animosité à leur égard de la part des « autochtones ».
L’émergence économique des Banyarwanda a aussi un rapport direct avec la politique de feu
le Président Mobutu en tant que individu. En effet, pour ce dernier, ce qui le préoccupait le
plus c’était le maintien de son pouvoir. Sa stratégie politique selon Jean Claude Willame,
« consistait à faire monter au pouvoir les représentants de groupes ethniques qui ne
constituent pas une menace pour le régime du fait de leur faiblesse numérique et de
l’ambiguïté de leur statut social et politique (1).
C’est dans ce contexte que nous pouvons constater que pendant longtemps les Banyarwanda
avaient été favorisés par le Président Mobutu par rapport aux autres groupes ethniques qui
cherchaient à hisser les membres de leurs élites dans les alentours du pouvoir politique .
Au Congo (Zaïre) à cette époque, se tailler une place autour du pouvoir politique constituait
une garantie pour la richesse (2).
Les cas de ces trois anciens haut dignitaires du régime Mobutu nommés par ce dernier
notamment, Marcel Bisukiro, Cyprien Rwakabuba ( ancien Président de la commission de
discipline au sein du MPR :organe suprême du pays) et Barthélemy Bisengimana ( ancien
Directeur du cabinet du Président) en sont les plus éloquents. En effet d’après Jean Claude
Willame (3), le premier était représentant du premier gouvernement installé par Mobutu
auprès d’une grosse compagnie d’élevage, filiale de la Gécamines (Elvaluilu) ; le second était
propriétaire de la RWACICO (Rwakabuba Commerce et Industrie du Congo) et en fin le
troisième était à la tête de nombreuses entreprises d’Etat et était le grand inspirateur des
projets d’industrialisation somptuaires initiés par les sociétés d’ingénierie italiennes,
américaines, françaises etc.
D’après Safi Adili (2), membre et ancien Directeur chargé de la gestion quotidienne de
l’Association des Coopératives des Groupements d’Eleveurs du Nord-Kivu (ACOGENOKI),
la FAO et le Canada assistaient matériellement et financièrement les éleveurs du Nord-Kivu
réunis au sein de cette association citée ci-haut dans le cadre de la promotion d’élevage dans
la région.
L’ACOGENOKI envoyait à Kinshasa à peu près 50 tonnes de viande par semaine. En 1990,
l’approvisionnement de Kinshasa en produits bovins s’élevait à 2.400 tonnes de viande (3).
L’entrée dans une économie capitaliste à l’avantage de la bourgeoisie locale a accentué les
inégalités en enrichissant les uns et en appauvrissant les autres.
Comme l’a indiqué Jean Pierre Nzeza Kabu, il faut le souligner le projet de développement
d’élevage au Nord-Kivu n’a pas profité à tous (1). En effet, ce sont surtout les Banyarwanda
qui en ont énormément profité. La situation des plantations et pâturages du Nord-Kivu
présentée à travers les graphiques et tableaux ci-dessous nous en offre un exemple éloquent.
Pour ce qui concerne le territoire de Rutshuru, voici comment la situation des plantations et
pâturages se présentait :
Dans cette collectivité, il y a au total 129 plantations d’après le rapport du BIAZ consulté. Sur
82 plantations appartenant aux quatre groupes ethniques retenus pour notre étude, les
Banyarwanda, Hunde, Nande et Nyanga avaient respectivement 62,1%, 17%, 15%, 4,8%
comme ce tableau ci-dessous nous le montre.
Tableau n° XVI : Situation des plantations au Bwito.
Banyarwanda Hunde Nande Nyanga Total
Nombre de plantations 51 14 13 4 82
62,1% 17% 15,8% 4,8%
Superficie totale 5.571 1.271 764 210 7.816
71,2% 16,2% 9,7% 2,6%
Superficie en valeur 2.192 367 419 58 3.036
72,2% 12,0% 54,8% 1,9% 38,8%
Superficie non mise en 3379 904 345 152 4780
valeur 60% 71,1% 45,1% 72% 61%
Dans la collectivité de Bwisha, sur les 48 plantations existantes recensées par le Bureau
d’Inspection de Zone du Nord-Kivu à Goma, les Banyarwanda détiennent 91,6% et les Nande
8,3%. Les Hunde et Nyanga n’ont aucune plantation sur les 48 recensées au Bwisha.
Sur les 34 pâturages individuels se trouvant au Bwito, recensés par le Bureau d’Inspection
Agricole de Zone du Nord-kivu, 30 appartiennent aux quatre principaux groupes ethniques
retenus pour notre étude. Les quatre autres ne nous intéressent pas.
Tous ces pâturages se trouvent dans quatre groupements de Bwito à savoir Kihondo,
Mutanda, Bambo et Tongo. Nous y trouvons quatre principales races exploitées à savoir :
locale, Ankole, Brune-suisse, Friesland et croisée.
Dans le rapport de BIAZ, la situation des plantations n’a pas été relevée. Le nombre des
pâturages en activité recensé à Masisi s’élève à plus de 274. Toutes les fermes n’ont pas été
reprises sur la liste qui nous ont été donnée par le Bureau d’Inspection Agricole de Zone
(BIAZ) du Nord-kivu à Goma. La raison en était que les propriétaires de ces fermes étaient
invisibles lorsque le Bureau d’inspection pré-cité avait procédé au recensement des pâturages
en activité à Masisi.
- Situation des pâturages en activité dans la zone de Masisi :
Sur les 225 fermes recensées, 147 seulement sont détenues par les quatre groupes ethniques
retenus. Les 51 autres fermes sur les 225 recensées appartiennent aux autres exploitants non
Banyarwanda, Hunde, Nande et Nyanga.
(1) Voir Rapport annuel 1989 : Bureau d’Inspection Agricole de Zone (BIAZ), Nord-Kivu, mars 1990 page 47.
110
A partir de la lecture de ce tableau, nous pouvons constater que 74,7 % des pâturages de
Masisi appartenaient aux Banyarwanda ; 22,9 % aux Hunde et 2,2 % aux Nande. D’après ce
rapport, les Nyanga ne détenaient aucun pâturage dans cette zone. Les Hunde,- par rapport à
tous les groupes ethniques retenus dans cette étude,- détenaient un nombre supérieur de
pâturages dans le secteur de Masisi. Dans ce tableau, sur un nombre total de 36 pâturages, ils
détiennent 20. Ils sont suivis des Banyarwanda et de Nande respectivement avec 15 pâturages
pour les premiers et un seul pour les derniers.
En 1985, deux tiers des pâturages du Nord-Kivu étaient composés d’herbes semées (81%
dans le Masisi) tandis que le bétail croisé représentait le tiers des troupeaux moyens et la
moitié des gros troupeaux. Ces exploitations commerciales clôturées et aux formes
géométriques irrégulières sont très vastes. En effet, il faut compter un hectare de pâturage
amélioré pour nourrir une bête croisée adulte (500 kg) durant un an. Les plus grandes font de
1500 à 3000 hectares. Ces grands paddocks balafrent l’espace villageois, gênent la rotation
des cultures, l’accès à l’eau et la circulation en impliquant des longs détours.
L’intensification a mis en œuvre l’acquisition effective et forcée des espaces pastoraux et des
terres d’extension agricole. « Dès 1985, deux éleveurs sur trois étaient propriétaires de leurs
pâturages. Un éleveur sur cinq était locataire, un éleveur sur vingt n’avait pas de pâturage.
Seulement un éleveur sur huit utilisait encore les pâturages collectifs » (1).
Zone Masisi
Nature de la terre spoliée Terres des communautés locales
Le Spoliateur - Hommes d’affaires
- Cadres politico-administratifs et coutumiers
La victime La Masse paysanne
La Méthode de spoliation - Fausses enquêtes de vacance
- Jugements expéditifs
- Violences : arrestations + destructions
Les services incriminés - Titres fonciers
- Justice
- Collectivités, Zones
Cette situation comme il peut être constaté, ne pouvait qu’ entraîner des conflits fonciers dans
la région du Nord-Kivu où les problèmes inhérents à la scolarité, à la mauvaise application de
la loi foncière et à l’insuffisance des terres se posaient avec acuité dans les années après
l’indépendance du Congo.
D’après cet auteur, les enquêtes de vacances relatives à ces demandes étaient menées soit avec
légèreté, soit avec rapidité imposée par les avis de complaisance de certains chefs
traditionnels qui se croyant toujours maîtres de leurs terres, les vendaient au premier venu au
détriment de leurs masses laborieuses.
Dans une superficie qui demeure la même depuis l’époque coloniale, la région du Nord-Kivu
hébergeait une population qui n’avait pas cessé de s’agrandir avec une natalité croissante et
surtout des immigrations organisées ou spontanées à son intérieur.
L’espace vital diminuait non seulement en fonction de ces facteurs ci-haut cités, mais aussi et
surtout en fonction de celle du cheptel de l’élevage et des terres des cultures qui elles aussi,
ont connu une période d’extension.
Avec 450.000 bovins et à peu près 1.000.000 des caprins, il fallait autant de terre de pâturage,
il en fallait autant pour la culture du café, du thé et quinquina qui déjà faisait la richesse de
ceux qui les exploitaient.
D’après Katuala Kaba-Kashala qui a fait une enquête sur le problème foncier au Nord-Kivu,
ces terres, s’il n’était pas possible de les trouver dans la réserve domaniale, il fallait disaient,
ceux qui en avaient besoins, les arracher aux indigènes. Ceux-ci occupaient des terres sans
titres, il était plus facile suivant la même source de les acquérir et de les embaucher pour les
travaux de plantation ou d’élevage. Les débuts de tels projets étaient toujours bons, mais ils
tournaient à la dérive, lorsque pour une raison ou pour une autre l’acquéreur cherchait à
déplacer un individu ou tout un village.
Comme cet auteur, nous pensons que c’est au refus d’abandonner la terre de « leurs ancêtres »
et la source de leur bien-être, qu’éclataient des conflits. D’après ce qui précède, - dans un
contexte où, les Banyarwanda détenaient la quasi totalité des pâturages et des plantations dans
la région du Nord-Kivu,- il était inévitable que le rapport de cohabitation entre les
Banyarwanda et leurs voisins ne suscite une crise profonde au sein de ces deux groupes.
114
Défauts Qualités
Les Banyarwanda vus par les -Dominateurs (Hutu et Tutsi) -Travailleurs (Hutu)
Hunde, Nande et Nyanga -Plusieurs identités ou -Agriculteurs (Hutu)
identités multiples (Hutu et -Eleveurs (Tutsi )
Tutsi) -Nantis (Tutsi )
-Expansionnistes(Hutu et -Savent plaider leurs causes
Tutsi) (Tutsi)
-Usurpateurs des terres ( Hutu -Respect de la parole donnée
et Tutsi ) (Tutsi)
-Expropriateurs des terres -Nombreux (Hutu)
(Tutsi ) -Déterminants (Tutsi )
-Complexe de supériorité
(Tutsi )
-Agressifs ( Hutu )
-Manque d’intégration : pas
d’exogamie (Tutsi )
-Tribalistes ( Hutu etTutsi )
Les Banyarwanda vus par leurs voisins à partir de ce tableau semblent occuper une place de
choix non seulement dans les conflits d'ordre foncier mais aussi d'ordre psycho-social au
Nord-Kivu.
L'idée de la superiorité des Tutsi évoquée dans ce tableau pensons - nous, tire ses racines dans
les mythes hamites enseignés au Rwanda par l'administration belge. En effet, dans le discours
colonial, les Tutsi passaient pour intelligents, civilisés, organisés, etc.
115
Défauts Qualités
Les Hunde, Nande et Nyanga -Paresseux(Hunde et Nyanga) -Travailleurs (Nande et
vus par les Banyarwanda -Jaloux(Hunde, Nande et Nyanga)
Nyanga) -Agriculteurs ( Nande et
-Xénophobes( Nande) Hunde)
-Exclusionnistes (Hunde) -Commerçants (Nande)
-Tribalistes ( Nande) -Nombreux ( Nande)
-Egocentriques dans -Esprit d’initiative ( Nande )
l’administration et le -Prévaloir la coutume (Hunde
commerce (Nande) et Nyanga)
Tous les voisins des Banyarwanda retenus dans le cadre de notre étude dans le tableau ci-haut
sont jaloux, exclusionnistes, xénophobes (etc.) aux yeux des Banyarwanda. A part les Nande
que les Banyarwanda reconnaissent comme des travailleurs, les Hunde et les Nyanga sont des
paresseux. Ceci, nous a été confirmé à plusieurs reprises par nos interlocuteurs Banyarwanda
avec lesquels nous nous étions entretenus lors de notre enquête sur terrain.
A la lecture de ces deux tableaux ci-haut, nous pouvons constater que plusieurs éléments
inhérents aux qualités et défauts entre ces groupes ont largement contribué à justifier, non
seulement la complexité de la nature des conflits de cohabitation entre les Banyarwanda et
leurs voisins Hunde, Nande et Nyanga, mais aussi à renforcer la haine et la crise de
cohabitation pacifique.
116
Nous voici au terme de notre travail qui, rappelons-le, a porté sur la problématique de la
difficile cohabitation entre les Banyarwanda et leurs voisins.
Dans ce travail, il a été question de répondre d’une part, a la question de savoir quelles sont
les situations qui, au niveau de la région du Nord-Kivu en particulier peuvent justifier la
difficile cohabitation entre les Banyarwanda et leurs ethnies voisines Hunde, Nande et
Nyanga principalement, d’autres part à celle de savoir quel est le mobile ayant conduit ce
phénomène de conflit de cohabitation à être plus dramatique à Masisi.
Pour y arriver, il a fallu d’abord situer le sujet dans un cadre conceptuel et théorique bien
défini dans le souci de mieux le comprendre. C’est pour cette raison que les concepts de
Banyarwanda, de voisin et d’autres termes connexes ont été définis. Nous avons procédé
ensuite à développer la théorie relative aux conflits parce que notre travail se situe dans ce
cadre.
Nous avons dans un première temps examiné ce qui distingue les deux principales approches
à savoir : l’approche qualitative et l’approche quantitative. Dans le deuxième, nous avons
montré l’utilité de la combinaison de ces deux types d’approches citées au regard de notre
étude. Et enfin, dans le troisième, il a été question de présenter la manière dont nous avons
procédé pour utiliser et combiner ces deux approches.
A cet effet, trois principales méthodes de collecte des données nous ont été indispensables
pour réaliser ce travail. Il s’agit de la recherche documentaire, de la technique d’entretien et
celle d’observation.
La deuxième et dernière section quant à elle, a concerné les causes des conflits de
cohabitation entre ces deux groupes cités ci-haut. Dans cette dernière section, il a été ressorti
trois points essentiels :
1. Dans le premier, nous avons montré que la politique d’expropriation foncière initiée par le
pouvoir colonial a déposé le premier germe d’une future cohabitation conflictuelle en
opposant non intentionnellement deux peuples culturellement différents, à savoir les
Banyarwanda de Rutshuru principalement, des éleveurs Tutsi déplacés vers le territoire de
Bwito où habitaient essentiellement les Hunde qui avaient comme mode de vie traditionnel :
la chasse essentiellement.
2. Dans le deuxième, nous avons montré que le Nord-Kivu n’a pas connu seulement ce type
de mouvement interne de population provoqué par l’administration coloniale pour le motif
supposé scientifique. A partir de 1937 , il a été l’objet de deux autres types de déplacement de
population. L’un était interne et l’autre externe. Trois motifs essentiels étaient avancés par le
colonisateur pour justifier son action qui consistait à déplacer certaines population de
l’intérieur de la région du Nord-Kivu. Il s’agit principalement de la raison d’insalubrité
publique et celle pour plus de facilité d’encadrement administratif. Il a existé une autre raison
à côté de ces deux précitées.
Aujourd’hui, la plupart des études tendent à expliquer l’immigration des Banyarwanda au
Congo particulièrement dans la région du Nord – Kivu par le besoin qu’éprouvait le Rwanda
118
de trouver un exutoire pour le trop plein de sa population et que c’était dans ce but que
l’administration belge transférait des dizaines de milliers de familles du Rwanda au Kivu
entre 1937 – 1955. A partir des données récoltées lors de notre recherche sur cette question,
nous avons essayé de montrer à travers une analyse critique des circonstances dans les quelles
ces familles furent déplacées que c’est plutôt dans l’intérêt du Congo que le transfert des
Banyarwanda du Kivu fut organisé.
Toutefois, ce n’est pas la population autochtone qui avait besoin de cet apport migratoire en
provenance du Rwanda. Il profitait plutôt à d’autres immigrés notamment « les coloniaux,
qui avaient imposé leur tutelle politique aux populations autochtones. C’est cette tutelle qui
permit aux colonisateurs d’imposer aux « fils du sol » l’acceptation d’être hôtes d’immigrés
avec lesquels ils n’avaient pas contracté » (1).
A la longue, nous avons montré que cette action coloniale combinée à un autre facteur externe
particulier notamment la crise interne au Rwanda entre les Hutu et les Tutsi, - deux principaux
groupes sociaux que le même administrateur colonial belge a opposé,- ont réussi à provoquer
des conséquences dramatiques tant sur le plan politique, foncier, social, économique et même
psychologique des populations locales voisines des Banyarwanda au Nord-Kivu notamment
les Hunde, Nande et Nyanga essentiellement.
3. Dans le troisième et dernier point, nous avons montré que, - même si l’administration
coloniale et les conflits internes au Rwanda ont joué un rôle capitale dans la crise de
cohabitation entre les Banyarwanda et leurs voisins, il a existé d’autres facteurs qui y ont
aussi grandement contribué notamment :
- les Missionnaires catholiques : à travers certaines de leurs initiatives qui ont fait, - pas
forcément de manière intentionnelle, - des Banyarwanda, le corps de l’élite missionnaire,
polique et intellectuelle du Nord-Kivu ;
et les vendaient généralement aux personnes les plus nanties appartenant aux quatre
principaux groupes ethniques notamment, les Banyarwanda , les Nande, les Hunde et les
Nyanga essentiellement.
- le HCR : à travers surtout les effets pervers de sa décision de supprimer les camps des
réfugiés Tutsi de 1959 en 1967. En effet, la décision du HCR de supprimer ses camps a non
seulement fermenté le conflit en rapport avec la question de la nationalité des Banyarwanda
au Kivu, mais aussi provoquer une frustration chez les populations Hunde et Nyanga
principallement qui pouvaient voir à travers cette décision du HCR comme un moyen pour
aider les réfugiés rwandais à les forcer de devenir des congolais. Cette situation ne pouvait
que contribuer à faire du statut des personnes originaires du Rwanda encore plus majoritaires
par rapport à ces deux groupes cités ci-haut.
- le particularisme des Banyarwanda : dans des circonstances normales, nous avons vu que
des Banyarwanda avaient des tendances assez conservateurs sur le plan culturel et souvent,
maintenaient isolé les expressions culturelles de leurs voisins. En ce qui concerne la question
des relations matrimoniales, il a été constaté avec Colette Braeckman que les Banyarwanda,
qu’ils soient Hutu ou Tutsi, ont conservé une grande cohérence sociale : ils se marient
généralement entre eux et refusent de prendre femme chez leurs voisins. Tous gardent l’usage
de leur langue et de leurs coutumes. Aux yeux de leurs voisins, toutes ses dispositions à
caractère ségrégatives ne pouvaient que créer un contexte favorable aux pulsions haineuses et
compromettre les rapports interculturels et de cohabitation harmonieux.
a) le vide laissé par la colonisation : Ce vide comme nous l’avons montré, a sans doute
constitué un terrain propice à l’occupation informelle de l’espace social et économique
congolaise par une fraction importante de la population Banyarwanda au Nord-Kivu
(autochtones et immigrés) instruite,
b) la politique de Mobutu en tant qu’individu : Ce dernier a aidé beacoup de
Banyarwanda essentiellement à émerger économiquement au Congo et
particulièrement dans la région du Nord-Kivu grâce à sa stratégie politique qui
consistait comme l’a souligné Jean Claude Willame dans son livre déjà cité à faire
monter au pouvoir les représentants de groupes ethniques qui ne constituaient pas une
menace pour son régime du fait de leur faiblesse numérique et de l’ambiguité de leur
statut social et politique,
c) le projet d’appui à l’élevage bovin au Nord-Kivu : Ce projet a comme nous l’avons vu,
accentué non seulement la crise foncière mais aussi les inégalités en enrichissant la
classe bourgeoise locale essentiellement constituée de Banyarwanda détenteurs de
grands pâturages et plantations et en appauvrissant l’autre classe formée
essentiellement par une population de petits paysans locaux Hunde, Nande et Nyanga
qui se trouvaient ainsi abandonnés à la merci du plus instruit et des plus forts.
Nous le reconnaissons volontiers, notre étude est très limitée et n’avait pour seule ambition
que d’approfondir la question de la problématique de la difficile cohabitation entre les
Banyarwanda et leurs voisins, cohabitation qui aujourd’hui se situe au cœur des conflits
complexes et multidimensionnels. Cela, afin de contribuer à faire comprendre les racines de
ce qui peut aujourd’hui expliquer la naissance des graves conflits qui déchirent notre région et
121
que nous avons du mal à donner un nom. Y avons-nous réussi ? Il appartient aux lecteurs d’en
juger.
Aussi demandons-nous à tous ceux qui en ont la vocation et les moyens, de poursuivre la
recherche en vue de trouver une réponse plus satisfaisante à ce questionnement fondamental,
lourd de conséquences pour toute l’Afrique en générale et la région des Grands-Lacs en
particulier. Les recommandations que nous pouvons formuler en rapport avec notre travail
peuvent se résumer en trois principaux points :
1) Au niveau de la région du Nord-Kivu, l 'Etat congolais doit non seulement adopter une
politique de la bonne gouvernance comme la meilleure réponse possible aux
contradictions engendrées par certaines décisions de la politique coloniale et post-
coloniale, mais aussi mettre en place de forums institutionnels de negociation et
d'arbitrage des questions très délicates comme celles en rapport avec le foncier et la
nationalité, questions à propos desquelles les divers groupes étudiés se perçoivent en
compétition ou en insécurité.
2) Dans la définition de leurs priorités, les aides extérieures et les plans de développement
régional devraient prendre en compte toutes les conséquences sociales des options
techniques et sectorielles qu'elles envisagent d'appuyer.
3) En ce qui concerne la question de la nationalité, cette dernière devrait être traitée par un
organe compétent. Mais dans le cadre de ce travail, nous pouvons faire des suggestions. Il
faudrait que cette loi tienne compte des minorités, spécialement au Nord-Kivu où les
luttes interethniques sont déclenchées pour éviter la mort politique et cette loi électorale
constituerait une garantie pour la survie politique.
BIBLIOGRAPHIE ET FILMOGRAPHIE
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