Mecanique Des Milieux Continus
Mecanique Des Milieux Continus
Mecanique Des Milieux Continus
Mars 2021
Centre Science des Matériaux et des Structures & LGF UMR CNRS 5307
École des Mines de Saint-Étienne
158, cours Fauriel ; CS 62362
42023 Saint-Étienne Cedex 2
Avant-propos
Ce support de cours a été réalisé dans le cadre du cours de Mécanique des Milieux
Continus (MMC) en 1re année de l’École des Mines de Saint-Étienne. L’objectif de ce cours est
d’introduire les concepts de base de la Mécanique des Milieux Continus et leur interprétation
physique. Les différents concepts seront illustrés par divers exemples issus de la mécanique des
solides. Le polycopié débute par la notion de cinématique d’un milieu continu à travers l’étude
de son mouvement puis de ses déformations. C’est l’occasion de revenir sur plusieurs notions
d’algèbre tensoriel indispensables dans le cadre de ce cours. La notion de contrainte associée aux
équations de bilan est ensuite introduite. Cette quantité centrale en mécanique est ensuite liée
aux déformations grâce à un modèle de comportement. Nous nous limiterons aux modèles de
comportements élastiques linéaires dans le cadre de ce cours. Le calcul variationnel appliqué à la
mécanique des milieux continus est ensuite introduit. Cet outil mathématique puissant permet
de caractériser l’équilibre mécanique à partir de l’étude de formes intégrales, et de déterminer
des solutions (en déplacements ou contraintes) à partir de fonctionnelles de nature énergétique.
Enfin, le cas particulier des solides élancés comme celui des poutres est présenté. Grâce à des
hypothèses simplificatrices fortes liées à des considérations géométriques (longueur très grande
devant les dimensions des sections transverses), l’équilibre mécanique 3D du solide peut être re-
formulé comme un problème 1D, permettant ainsi de simplifier grandement la résolution du problème.
Ce cours fait suite à ceux donnés par Roland Fortunier et Helmut Klöcker. Les auteurs les
remercient chaleureusement pour les avoir autorisés à reprendre certains éléments de leur notes de
cours.
iii
iv
Table des matières
1 Cinématique 1
1.1 Introduction, définitions et hypothèses principales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Mouvement d’un système matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.3 Description du mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.4 Déplacement, vitesse et accélération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.5 Lignes caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.6 Mouvements stationnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.7 Équations de conservation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.7.1 Dérivée particulaire d’une fonction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.7.2 Dérivée particulaire d’une intégrale de volume . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.7.3 Conservation de la masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.7.4 Bilan de la quantité de mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2 Déformations 19
2.1 Gradient de la transformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.2 Transport de quantité élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.3 Tenseurs des dilatations et des déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.3.1 Tenseurs des dilatations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.3.2 Tenseurs des déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.4 Décomposition polaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.5 Taux de déformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.6 Hypothèse des Petites Perturbations (HPP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.6.1 Tenseurs des déformations en HPP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.6.2 Décomposition polaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.6.3 Équations de compatibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3 Contraintes 43
3.1 Du vecteur contrainte au tenseur des contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.2 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.3 Équations d’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
v
vi
5 Principes variationnels 77
5.1 Attrait du calcul variationnel en MMC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
5.2 Notions de calcul variationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
5.2.1 Extremum d’une intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
5.2.2 Indépendance des formes de y dans la fonctionnelle I . . . . . . . . . . . . . 81
5.2.3 Condition de minimisation d’Euler-Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
5.2.4 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
vii
Sommaire
1.1 Introduction, définitions et hypothèses principales . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.2 Mouvement d’un système matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2
1.3 Description du mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.4 Déplacement, vitesse et accélération . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.5 Lignes caractéristiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
1.6 Mouvements stationnaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.7 Équations de conservation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.7.1 Dérivée particulaire d’une fonction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.7.2 Dérivée particulaire d’une intégrale de volume . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.7.3 Conservation de la masse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.7.4 Bilan de la quantité de mouvement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1
2 Chapitre 1. Cinématique
La mécanique des milieux continus (MMC) s’attache à décrire le mouvement et les dé-
formations de milieux matériels (par exemple fluides ou solides) à une échelle grande devant les
distances inter-moléculaires. Ainsi dans une approche MMC, il ne sera pas possible de prendre en
compte les discontinuités existantes à l’échelle microscopique. Par hypothèse, un milieu continu
sera donc considéré comme un milieu dont le comportement macroscopique peut être décrit en
supposant la matière répartie sur tout le domaine qu’il occupe, et non, comme dans la réalité, concen-
trée dans une partie de volume très petite [CNM13]. Cela signifie que les propriétés de la matière
(densité, propriétés mécaniques, . . .) sont continues. La validité de l’hypothèse de milieu continu,
qui dépend de l’échelle d’observation, peut être mise en défaut dans le cas de matériaux possédant
des microstructures dont l’échelle caractéristique est au-delà du micromètre (matériaux composites,
milieux granulaires . . .). C’est aussi le cas des gaz raréfiés, par exemple, où la diminution du nombre
de molécules dans le milieu fausse les effets de moyenne, et ne permet plus l’emploi d’un modèle de
type milieu continu.
Suite à cette définition d’un milieu continu et des hypothèses sous-jacentes, ce chapitre a pour
objectif de présenter la cinématique 1 d’un milieu continu dans le but d’introduire une description
mathématique du milieu et de ses propriétés.
C0 , le type d’analyse est dit lagrangien. Inversement, si toutes les grandeurs sont représentées dans
Ct , le type d’analyse est dit eulérien. Souvent, par abus de langage, on parle de configurations
lagrangienne ou eulérienne.
Une configuration de S est décrite par l’ensemble des positions de ses particules, ou points
matériels, dans le référentiel. Dans la configuration de référence C0 , ce repérage est réalisé par
−−→ →
−
le vecteur position OP d’un point matériel fixe P , noté aussi X , qui donne la position de chaque
particule de S à l’instant t0 à partir de l’origine O d’un repère R = (O, →
−e 1, →
−
e 2, →
−
e 3 ) lié au référentiel
R, et donné par : 3
−−→ → −
OP = X = X1 → −e 1 + X2 →
− e 3 = Xi →
e 2 + X3 →
− −
ei (1.1)
où (X , X , X ) sont les coordonnées dites matérielles et (→
1 2 3
−e ,→
−e ,→
1
−
e ) forme une base orthonormée
2 3
directe cartésienne. Le repère R ainsi formé est souvent orthonormé sans que ce soit une nécessité.
Dans la configuration courante Ct , ce même point matériel occupe désormais la position P ′
−−→
dont le vecteur position OP ′ , aussi noté →
−
x , est donné par :
−−→′ →
OP = − x = x1 →
−e 1 + x2 →
−
e 2 + x3 →
−
e 3 = xi →
−
ei (1.2)
où (x1 , x2 , x3 ) sont les coordonnées dites spatiales. On fait le choix, ici, de travailler dans le même
système de coordonnées pour les différentes configurations C0 et Ct . On adopte également la conven-
tion d’écriture suivante : les lettres capitales seront utilisées pour désigner les quantités relatives à C0
(configuration lagrangienne), et les lettres minuscules, celles relatives à Ct (configuration eulérienne).
Le déplacement des particules, autrement dit la loi de mouvement, est définie par l’évolution
de la position →
−
x (des coordonnées spatiales) d’un point matériel (identifié par ses coordonnées
3. En mathématiques et en physique, la convention de sommation d’Einstein ou notation d’Einstein est un
raccourci de notation utile pour la manipulation des équations concernant des coordonnées. Selon cette convention,
quand l’indice d’une variable apparaît deux fois dans un terme, on sous-entend la sommation sur toutes les valeurs que
P
peut prendre cet indice. Cet indice est dit muet. Par exemple, y = ci xi signifie y = 3i=1 ci xi .
4 Chapitre 1. Cinématique
→
−
matérielles X ) au cours du temps, tel que :
→
− → −
→
−
x = φ ( X , t)
ou (1.3)
xi = φi (X1 , X2 , X3 , t) i ∈ {1, 2, 3}
→
−
où les xi , respectivement φi , sont les composantes dans R de → −x , respectivement φ . Par abus de
→
− →
− →
−
notation, on pourra trouver la notation → −x = φ ( X , t) = →
−
x ( X , t). Les coordonnées matérielles sont
→
− → − →
−
invariantes dans le temps, c’est donc une information intrinsèque de la particule ( φ ( X , 0) = X ).
Par contre, les coordonnées spatiales → −
x de la particule évoluent dans le temps.
→
−
D’un point de vue mathématique, la transformation φ est une fonction vectorielle bijec-
→
−
tive. Autrement dit, à chaque point matériel X ne correspond qu’un seul point spatial image à tout
instant t. De même, deux points matériels différents ne peuvent aboutir à la même position spatiale
au même instant. Étant donné la bijection qui existe entre les coordonnées matérielles et spatiales,
on peut inverser la relation (1.3), et écrire :
→
− →
− −1 →
−
X = φ ( x , t)
ou (1.4)
Xi = φ−1
i (x1 , x2 , x3 , t) i ∈ {1, 2, 3}
→
−
La connaissance de la transformation φ , ou de son inverse, définit alors complètement le mouvement.
→
− →
−
Il existe cependant quelques restrictions mathématiques 4 pour garantir l’existence de φ et φ −1 :
→
− → − →
− →
−
• φ ( X , 0) = X puisque X est le vecteur position à l’instant initial t = 0,
→
− →
−
• φ ∈ C 1 , la fonction φ est continue et sa dérivée est continue par rapport aux variables
d’espaces et de temps,
→
−
• φ est biunivoque,
• le jacobien de la transformation est positif en tout point et à tout instant.
→
− → −
On appelle matrice jacobienne
de l’application φ ( X , t) la matrice 3 × 3 obtenue à l’aide des neuf
∂xi
dérivées partielles . Le jacobien est donc le déterminant de la matrice jacobienne, et
∂Xj i,j=1,2,3
s’écrit : " → #
− →−
∂ φ ( X , t)
J = det →
− >0 (1.5)
∂X
→
− →
−
Les conditions de régularité imposées à la fonction φ (et φ −1 ) entraînent d’une part la continuité
→
−
de J par rapport aux variables X et t, et d’autre part, que J est non nul, fini et garde un signe
→
− →
− →
−
constant. De plus, à t = 0, on a → −
x ( X , t)|t=0 = X , d’où J( X , 0) = 1. Cette quantité a une
interprétation physique importante que nous rencontrerons à plusieurs reprises dans la suite de ce
document, en particulier lors de l’étude des déformations au chapitre 2. En effet, les éléments de
volume dV = dX1 dX2 dX3 dans la configuration initiale et dv = dx1 dx2 dx3 dans la configuration
courante sont liés par la relation dv = JdV (cela correspond à la formule de changement de variable
dans une intégrale triple). Autrement dit, la quantité scalaire J représente la dilatation volumique
au voisinage d’une particule entre l’instant initial et l’instant courant t.
4. Ces conditions peuvent être assouplies dans certaines situations : voisinage d’une fissure, glissement dans
un solide, chocs. . . La prise en compte de surfaces de discontinuité dépasse largement le cadre de ce cours.
1.3. Description du mouvement 5
Compte tenu de la relation biunivoque qui existe entre les coordonnées matérielles et spa-
tiales (Éq. (1.3)), il est possible d’opter pour différentes descriptions. Nous nous intéressons ici aux
deux descriptions classiques du mouvement d’un milieu continu, la description lagrangienne ou
matérielle, et la description eulérienne ou spatiale.
La première est classiquement utilisée en mécanique des solides pour lesquels on connaît la
configuration initiale du système qui joue le rôle de configuration de référence (par exemple, l’état non
→
−
déformé d’un solide). Dans ce cas, on utilise le couple ( X , t) de variables indépendantes, aussi appelé
→
− →−
variables de Lagrange pour décrire le mouvement. La fonction φ ( X , t) représente la description
→
−
lagrangienne du mouvement du milieu continu, où les trois fonctions φi ( X , t), i ∈ {1, 2, 3} sont
appelées inconnues de Lagrange.
En mécanique des fluides, par exemple, on est surtout intéressé par l’évolution des positions
des particules et on ne connaît pas leur position initiale. On opte alors pour une description eulérienne
et le couple (→
−
x , t) de variables indépendantes, aussi appelé variables d’Euler, est utilisé pour décrire
le mouvement. La description eulérienne du mouvement implique de connaître à chaque instant t
et pour tout point dit « fixe », la vitesse →−
v de la particule qui passe en ce point à cet instant. On
appelle inconnues d’Euler les trois fonction scalaires vi (→ −x , t), i ∈ {1, 2, 3} composantes de →
−
v qui
seront décrites dans le prochain paragraphe.
Dans le référentiel R, la vitesse est décrite par la dérivée temporelle de la loi de mouvement
(1.3). Autrement dit en description matérielle, la vitesse d’une particule à l’instant t est donnée par
l’expression :
→
− → −
→
− → − ∂ φ ( X , t) →
−̇ →
−
V ( X , t) = = φ ( X , t)
∂t
(1.7)
ou
Vi (X1 , X2 , X3 , t) = ∂φi (X1 , X2 , X3 , t) = φ̇i (X1 , X2 , X3 , t) i ∈ {1, 2, 3}
∂t
→
− → −
La vitesse matérielle V ( X , t) correspond à la vitesse au temps t de la particule qui se trouvait en
→
−
X au temps t = t0 .
Souvent il est souhaitable de connaître le champs de vitesse en coordonnées spatiales → −x.
→
−
Connaissant la fonction φ −1 (→ −x , t), il est possible d’exprimer la vitesse en description spatiale, telle
que :
→
− →
− →− →
−
v (→
−
x , t) = V ( X , t) = V (φ−1 (→
−
x , t), t) (1.8)
6 Chapitre 1. Cinématique
→
−
Physiquement, cette vitesse spatiale →
−v (→
−
x , t) représente la vitesse de la particule X qui à l’instant
t se trouve au point de l’espace de coordonnée → −x , ou point géométrique → −
x.
Exemple 1.1:
On considère un solide soumis à un mouvement de rotation de vitesse angulaire ω constante,
décrit par l’expression (d’après [OdS17]) :
(
x1 = R sin(ωt + ϕ)
(1.11)
x2 = R cos(ωt + ϕ)
et la relation inverse : (
X1 = x1 cos(ωt) − x2 sin(ωt)
X2 = x1 sin(ωt) + x2 cos(ωt)
1.5. Lignes caractéristiques 7
Il est possible de définir trois types de lignes caractéristiques lors du mouvement d’un milieu
continu : les trajectoires, les lignes d’émissions et les lignes de courant.
Figure 1.2: Trajectoire d’un point matériel décrit par ses coordonnées matérielles à l’instant initial
t0 .
8 Chapitre 1. Cinématique
→
−
En description eulérienne, la vitesse → −
v (→
−
x , t) permet de reconstituer la fonction φ de la
relation de mouvement (1.3), et donc les trajectoires des points matériels, par intégration au cours
du temps du système différentiel suivant, auquel on associe une condition initiale :
→ − → −
∂ φ ( X , t) = →
− →
− → −
v ( φ ( X , t), t)
∂t (1.13)
→ − → − →
−
φ ( X , 0) = X
Ce problème peut s’écrire sous la forme différentielle suivante :
→ −
d x (t) = →
−v (→
−x (t), t)
dt (1.14)
→ − →
−
x (0) = X
Sous réserve que le vecteur vitesse →
−v (→
−
x , t) est suffisamment régulier, l’intégration dans le temps
du système différentiel précédent permet de déterminer pour chaque condition initiale une solution
unique sous la forme de l’expression (1.3).
Toutefois, comme la vitesse eulérienne → −v (→
−
x , t) d’un point matériel dépend de sa position
→
−
courante x , elle-même fonction de sa position initiale et du temps, l’intégration en temps peut
s’avérer délicate.
Exemple 1.2:
Reprenons l’exemple du solide soumis à un mouvement de rotation de vitesse angulaire ω
constante, décrit par la relation (1.11) p. 6. Nous venons d’établir l’expression du champs de
vitesse eulérien →
−
v (→
−
x , t) donné par :
(
v1 (→
−x , t) = ωx2
→
−
v2 ( x , t) = −ωx1
Question : Retrouver, par résolution du système différentiel (1.14), la loi de mouvement décrite
précédemment.
où C1 et C2 sont des constantes à déterminer à partir des conditions initiales. La solution pour
x1 (t) est obtenue à partir de l’expression dx2 /dt = −ωx1 , d’où x1 = −dx2 /ωdt, et donc :
(
x1 (C1 , C2 , t) = C1 sin(ωt) − C2 cos(ωt)
x2 (C1 , C2 , t) = C1 cos(ωt) + C2 sin(ωt)
On retrouve bien l’expression de la loi de mouvement postulée initialement (Eq. 1.11), qui n’est
rien d’autre que l’équation des trajectoires :
(
x1 = X1 cos(ωt) + X2 sin(ωt)
x2 = −X1 sin(ωt) + X2 cos(ωt)
Lignes d’émission Lorsque que l’on marque toutes les particules passant par un point géométrique
M fixe au cours du temps, les positions de ces particules à tout instant ultérieur t > t0 décrivent les
lignes d’émission de ce point.
→
− →
− →−
x (t) = φ ( φ −1 (→
−
x M , τ ), t) t0 ≤ τ ≤ t (1.15)
La Figure 1.3 permet d’illustrer cette définition qui n’est pas très intuitive. Toutefois, il s’agit
d’une courbe qu’il est souvent très facile de mettre en évidence expérimentalement. En mécanique
des fluides, par exemple, le filet coloré produit par une source colorante au sein d’un écoulement de
fluide correspond à une ligne d’émission.
Lignes de courant On appelle ligne de courant, à un instant donné t∗ fixé, la courbe géométrique
qui admet en chacun de ses points une tangente parallèle au vecteur vitesse en ce point et à cet
instant t∗ (Figure 1.4). En général, une ligne de courant est différente d’une trajectoire puisque cette
dernière admet en chacun de ses points des tangentes parallèles à des vecteurs vitesses correspondant
à des instants différents.
Figure 1.4: Lignes de courant à l’instant donné t∗ fixé (trajectoires de deux particules en pointillés).
→
− ∂→
−
v (→
−
x , t)
v (→
−
x , t) = →
−
v (→
−
x) ⇔ =0 (1.16)
∂t
En conséquence, comme les champs de vitesse n’évoluent pas dans le temps :
• les lignes de courant sont statiques,
• les trajectoires coïncident avec les lignes de courant,
• les lignes d’émission coïncident également avec les lignes de courant.
1.5). Leur densités respectives coïncideront quand elles se trouveront au même point → −x (à différents
→
− →
− →
−
instants t1 et t2 ). On peut donc écrire ρ̄( X 1 , t1 ) = ρ̄( X 2 , t2 ) = ρ( x ). Autrement dit, pour un
observateur extérieur au milieu, la densité au niveau d’un point fixe → −
x est constante.
On peut définir d’autres types de mouvement comme les mouvements plans, de révolution,
etc.. Il est même possible de combiner les différents types de mouvement (mouvement plan station-
naire) mais nous renvoyons le lecteur aux références [CNM13] ou [Sal05] pour plus de détails.
Les équation de base de la mécanique des milieux continus résultent de l’écriture de lois de
bilan. Ces lois de la physique ne sont pas mises en défaut si l’on reste dans le cadre des hypothèses
de la physique classique (vitesse faible devant celle de la lumière, taille de système raisonnable) et
sont toujours vérifiées quelle que soit la nature du milieu (solide, fluide ou gazeux). Il existe plusieurs
lois de bilans ; les quatre lois de bilan utiles en mécanique sont :
— la conservation de la masse,
— le bilan de la quantité de mouvement,
— le bilan du moment cinétique,
— le bilan de l’énergie.
Nous nous limiterons dans le cadre de ce chapitre à l’étude de la conservation de la masse et au bilan
de la quantité de mouvement.
Pour écrire ces équations de bilan, il est important de prendre en compte le mouvement
du solide. Compte-tenu des différentes descriptions possibles (matérielle, spatiale), la représentation
d’une grandeur dans l’une ou l’autre de ces configurations change parfois sa valeur, et souvent sa
vitesse de variation. Nous allons donc introduire ici la notion de dérivée particulaire pour des fonctions
et pour les intégrales mises en jeu dans les lois de bilan.
On considère une grandeur physique λ définie par un champs scalaire sur le domaine matériel
(par exemple la masse volumique). La grandeur λ(→ −x , t) en un point géométrique et à un instant
12 Chapitre 1. Cinématique
donnés correspond également à la valeur de cette grandeur attachée à la particule qui se trouve à
→
−
ce point en cet instant, qu’on note Λ( X , t). Cela revient à écrire le passage de cette grandeur de la
configuration spatiale à la configuration matérielle :
→
−
λ(→
−
x , t) = Λ( X , t) (1.17)
∂λ(→
−x , t)
Dérivée eulérienne : (1.18)
∂t
dλ ∂λ
= + λ,j vj j ∈ {1, 2, 3}
dt ∂t
où la notation ,j désigne la dérivation par rapport à la variable spatiale xj .
Le dernier terme correspond à une dérivée convective liée à un transport de masse. Autre-
ment dit, si il n’y a pas de convection (→
−
v (→
−
x , t) = 0), le dernier terme de (1.20) disparaît.
1.7. Équations de conservation 13
Exemple 1.3:
Question : Connaissant la loi de mouvement suivante :
x1 = X1 + X2 t + X3 t
→
− →
−
x = φ( X , t) = x2 = X2 + 2X3 t ,
x3 = X3 + 3X1 t
Il est possible de calculer cette quantité en utilisant la dérivée particulaire de cette gran-
deur en description spatiale :
dλ(→
−x , t) ∂λ(→
−x , t) −−→ →
= + grad λ(−
x , t) · →
−
v (→
−
x , t)
dt ∂t
où
X2 + X3
3
∂λ(→
−x , t) →
− →
−
→
−
∂x −−→ → −
= 3, v ( x , t) = = 2X3 , grad λ( x , t) = 2 ,
∂t ∂t
3X1 0
L’expression de la dérivée matérielle en description matérielle s’écrit :
dλ(→
−x , t)
= 3X2 + 7X3 + 3
dt
On vérifie bien que les deux expressions de la dérivée matérielle sont identiques pour les deux
descriptions :
→
−
∂Λ( X , t) dλ(→
−x , t)
=
∂t dt
On vient de présenter la dérivée matérielle d’une fonction scalaire attachée à une particule
suivie dans son mouvement, autrement dit sa dérivée particulaire. Cette dérivée matérielle peut être
appliquée à des fonctions vectorielles (ou tensorielles). Prenons par exemple l’accélération d’une
particule dans un champ de vitesse. Si on connaît l’expression du champ de vitesse en description
14 Chapitre 1. Cinématique
Pour calculer cette intégrale, une des manières de procéder est de passer en représentation
lagrangienne pour réaliser la dérivée partielle par rapport au temps puis de repasser en description
eulérienne. On écrit donc : Z
dI dΛ dJ
= J +Λ dV (1.22)
dt D0 dt dt
en rappelant que dv = JdV , où J est le jacobien de la transformation.
d ∂ dJ
En description lagrangienne, et sont équivalentes. De plus, on peut écrire que =
→
− dt ∂t dt
Jdiv v . Ainsi, la relation (1.22) s’écrit :
Z
dI dΛ →
−
= J + ΛJdiv v dV (1.23)
dt D0 dt
La vitesse de variation de cette intégrale de volume en description eulérienne est alors donnée par
l’expression :
Z
dI dλ →
−
= + λdiv v dv (1.24)
dt Dt dt
En utilisant, l’expression de la dérivée particulaire vue précédemment et la relation : div(λ→ −
v) =
→
− −−→ →
−
λdiv v + gradλ · v (ou en notation indicielle : (λvi ),i = λvi,i + λ,i vi ), la dérivée particulaire de
l’intégrale de volume peut se réécrire de la manière suivante :
Z
dI ∂λ →
−
= + div(λ v ) dv (1.25)
dt Dt ∂t
1.7. Équations de conservation 15
où →
−
n est la normale unitaire sortante au domaine matériel Dt .
→
−
L’extension de (1.25) au cas où λ est une fonction vectorielle est immédiate en appliquant
→
−
les résultats précédents à chaque composante de λ dans une base cartésienne orthonormée. On
obtient le résultat suivant : Z
→
− →
− →
I (t) = λ (−x , t)dv (1.27)
Dt
→
− Z →
− !
dI ∂λ −→ →− → −
= + div( λ ⊗ v ) dv (1.28)
dt Dt ∂t
→
− −
où le résultat du produit tensoriel λ ⊗ →
v est un tenseur du second ordre.
avec ρ(→
−
x , t) la masse volumique (en description eulérienne).
En utilisant la formule donnant la dérivée particulaire d’une intégrale de volume (1.24),
on obtient la formulation intégrale ou globale de la conservation en description eulérienne
suivante : Z Z
d →
− dρ →
−
ρ( x , t)dv = + ρ div v dv = 0 ∀t (1.30)
dt Dt Dt dt
dρ
+ ρ div →
−
v = 0 ∀→
−
x ∈ Dt , ∀t (1.31)
dt
−−→ −
En utilisant la relation div(ρ→
−
v ) = ρdiv →
−
v + gradρ· →
v (ou en notation indicielle (ρvi ),i = ρvi,i +ρ,i vi ),
on peut réécrire l’équation locale sous la forme :
∂ρ
+ div(ρ→
−
v ) = 0 ∀→
−
x ∈ Dt , ∀t (1.32)
∂t
16 Chapitre 1. Cinématique
d’où la relation : Z Z
→
−
ρ0 ( X )dV = ρ(→
−
x , t)dv (1.34)
D0 Dt
Comme cette relation doit être vérifiée en tout point du domaine D0 , on en déduit la forme lagran-
gienne de la conservation de la masse :
→
− →
− → − →
−
ρ0 ( X ) = Jρ( φ ( X , t), t) ∀ X ∈ D0 , ∀t (1.36)
Cette équation signifie que la densité est inversement proportionnelle au changement de volume.
où →
−
a (→
−
x , t) est le vecteur accélération en description spatiale.
1.7. Équations de conservation 17
Sommaire
2.1 Gradient de la transformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.2 Transport de quantité élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.3 Tenseurs des dilatations et des déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.3.1 Tenseurs des dilatations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.3.2 Tenseurs des déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.4 Décomposition polaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.5 Taux de déformation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.6 Hypothèse des Petites Perturbations (HPP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
2.6.1 Tenseurs des déformations en HPP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
2.6.2 Décomposition polaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
2.6.3 Équations de compatibilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
19
20 Chapitre 2. Déformations
Les composantes Fij du tenseur du second ordre F , dans une base associée à des coordonnées
cartésiennes, correspondent aux neuf dérivées partielles des grandeurs x1 , x2 , x3 par rapport aux trois
2.1. Gradient de la transformation 21
variables X1 , X2 , X3 , autrement dit la matrice jacobienne introduite par la relation (1.5). Les éléments
de cette matrice sont l’expression des composantes de F dans une base cartésienne orthonormée mais
F est bien un tenseur du second ordre par nature. On rappelle que le déterminant de F , noté J, est
appelé jacobien de la transformation.
→
−
En tenant compte du caractère infinitésimal du vecteur élémentaire d X , on peut écrire le
développement de Taylor au premier ordre de d→ −
x (Eq. 2.2) :
→ →
− →
−
d−
x = F ( X , t) · d X
ou (2.4)
∂xi
dxi = dXj = Fij dXj i, j ∈ {1, 2, 3}
∂Xj
Les composantes de F sont sans dimension physique puisqu’elles font intervenir des rapports de
longueur.
où I est le tenseur identité, dont les composantes δij sont telles que δij = 1 si i = j, et δij = 0 si
i 6= j. δij est le symbole de Kronecker.
où →
−c est un vecteur à préciser.
22 Chapitre 2. Déformations
R · RT = RT · R = I (2.9)
Le gradient d’une telle transformation est clairement F = R. Autrement dit, pour un mouvement de
corps rigide, le tenseur F n’est pas nul mais égal au tenseur des rotations.
Exemple 2.1:
Prenons l’exemple de la transformation suivante qui, pour un instant donné, s’écrit :
x1 = X1 − AX3
→
− →
− → −
x = φ ( X , t) = x2 = X2 − AX3 (2.10)
x3 = −AX1 + AX2 + X3
→
−
• un vecteur élémentaire d X 1 au voisinage du point matériel M ,
• une surface élémentaire dS, ou élément de surface, construit à partir de deux vecteurs
→
− →
−
élémentaires d X 1 et d X 2 issus de M ,
• un volume élémentaire dV , ou élément de volume, construit à partir de trois vecteurs
→
− →
− →
−
élémentaires d X 1 , d X 2 et d X 3 issus de M ,
lors de la transformation.
Figure 2.2: Transport convectif de vecteur (a), surface (b) et volume (c) élémentaires.
Nous avons vu au paragraphe précédent que le transport d’un vecteur élémentaire se fait
directement par l’application linéaire tangente de la transformation (Figure 2.2(a)), ou à l’aide du
→
− →
− → − →
−
gradient des déplacements, et s’écrit d→−
x 1 = F · d X 1 = (I + grad U ( X , t)) · d X 1 .
dv = [d→
−
x 1 , d→
−
x 2 , d→−
x 3]
→
− →
− →
−
= [F · d X 1 , F · d X 2 , F · d X 3 ]
→
− →
− →
−
= det(F · d X 1 , F · d X 2 , F · d X 3 )
→
− →
− →
− (2.12)
= det(F · (d X 1 , d X 2 , d X 3 ))
→
− →
− →
−
= (det F ) det(d X 1 , d X 2 , d X 3 )
| {z } | {z }
=J =dV
autrement dit :
dv = JdV avec J = det F > 0 (2.13)
On comprend ici pourquoi le jacobien de la transformation J est aussi appelé dilatation volumique.
→
− →
−
On considère dans C0 , une surface élémentaire caractérisée par un vecteur d S = d X 1 ∧
→
− →
− →
−
d X 2 = N dS, où N est le vecteur unitaire normal à cette surface élémentaire, et dS son aire.
24 Chapitre 2. Déformations
→
− →
− →
−
(Figure 2.2(b)). Les vecteurs élémentaires d X 1 et d X 2 sont transportés, tel que d→
−
x 1 = F · d X 1 et
→
−
d→
−x 2 = F · d X 2 . On va donc chercher à exprimer le transport de cette surface élémentaire, notée ds
dans C , caractérisée par un vecteur d→
t
−s = d→−x ∧ d→−
1x =→ −n ds, où →
2
−
n est le vecteur unitaire normal
à cette surface élémentaire, et ds son aire.
Pour calculer l’évolution de cet élément de surface, on évalue l’action de →
−
n ds sur un vecteur
→
−
d y quelconque :
(→
−
n ds) · d→
−
y = (d→ −
x 1 ∧ d→ −x 2 ) · d→−
y
→
− →
− →
−
= [d x 1 , d x 2 , d y ]
→
− →
−
= [F · d X 1 , F · d X 2 , d→
−
y]
→
− →
− (2.14)
= (det F )[d X 1 , d X 2 , F −1 · d→
−
y)
→
−
= JdS N · (F −1 · d→ −
y)
= J(F −T
· N dS) · d→ −
y
→
−
On constate que le vecteur d→
−
s n’est pas le transporté du vecteur d S .
Dans cette partie, nous allons décrire le changement de forme ou déformation du milieu
continu à partir de la comparaison entre les configurations initiale et courante. Cela passe par la me-
sure des variations locales des distances et des angles à l’intérieur du milieu au cours du mouvement.
Comme on le verra dans ce chapitre, il existe plusieurs façons 1 pour quantifier la déformation.
Cependant, nous avons vu que pour un mouvement de corps rigide, le tenseur F n’est pas nul
et est égal au tenseur de rotation. Le tenseur F n’est donc pas une « bonne » mesure de déformation
puisqu’il est non nul pour des transformations n’impliquant aucune déformation.
Il convient donc de définir une « bonne » mesure de déformation comme un tenseur ayant les
propriétés suivantes [For15] : (i) il est symétrique et sans dimension physique, (ii) il est nul pour un
mouvement de corps rigide et en F = I, et enfin, (iii) son développement limité autour de F = I
→
− −
→
s’écrit 21 grad U + gradT U . Cette dernière condition sera discutée en § 2.6.
Pour arriver à la définition d’un tenseur de déformation, nous allons dans un premier temps
→
− →
−
évaluer le produit scalaire entre deux vecteurs élémentaire d X 1 et d X 2 de la configuration initiale
1. En fait, il existe une multitude de mesures de déformations. Les détails peuvent être trouvés dans des
références plus complètes, par exemple [For15].
2.3. Tenseurs des dilatations et des déformations 25
lorsqu’ils se transforment en d→
−
x 1 et d→
−
x 2 dans la configuration courante. On écrit alors :
→
− →
−
d→
−
x 1 · d→
−
x 2 = (F · d X 1 ) · (F · d X 2 )
→
− →
−
= d X 1 · (F T · F ) · d X 2 (2.16)
→
− →
−
= dX 1 · C · dX 2
Le tenseur C = F T ·F est appelé tenseur des dilatations de Cauchy-Green droit. C’est un tenseur
du deuxième ordre lagrangien (ou matériel) car il opère sur des vecteurs matériels. Les composantes
Cij du tenseur C dans une base cartésienne orthonormée s’écrivent :
∂xp ∂xp
Cij = Fpi Fpj = (2.17)
∂Xi ∂Xj
Notons que les composantes de C, comme celles de F sont adimensionnelles, elles mesurent des
quantités relatives.
On rappelle que A · B est le produit contracté de deux tenseurs d’ordre deux. Le résultat est
un tenseur d’ordre deux défini par : C = A · B, ou en notation indicielle : Cij = Aip Bpj .
C T = (F T · F )T = F T · (F T )T = F T · F = C (2.18)
Inversement, on peut exprimer le produit scalaire des vecteurs élémentaires dans la configu-
ration de référence à partir des vecteurs dans la configuration actuelle :
→
− →
−
d X 1 · d X 2 = (F −1 · d→−
x 1 ) · (F −1 · d→
−x 2)
→
−
= d x 1 · (F −T −1
·F )·dx2 →
− (2.19)
= d x 1 · B · d→
→
− −1 −x2
où B = F · F T est appelé tenseur des dilatation de Cauchy-Green gauche. Il s’agit d’un tenseur
symétrique (défini positif) du deuxième ordre eulérien (ou spatial) car il opère sur des vecteurs
spatiaux. On peut remarquer que dans le tenseur des dilatation de Cauchy-Green gauche (B =
F · F T ), F est à gauche alors que dans le tenseur des dilatation de Cauchy-Green droit (C = F T · F ),
F est à droite.
Exemple 2.2:
Pour la transformation donnée par la relation (2.10), on peut calculer les tenseurs de Cauchy
Green droit et gauche.
26 Chapitre 2. Déformations
Les tenseurs B et C, tout comme F , ne sont pas des mesures de déformations pertinentes
car pour un mouvement de corps rigide, on a C = B = I.
→
−
Toutefois, à l’aide du tenseur C, nous allons pouvoir comparer les normes de d→ −
x et d X en
→
− →
−
rappelant que kd→−
x k2 = d X · C · d X = Cpq dXp dXq . On introduit donc la dilatation λ d’un vecteur
élémentaire qui correspond à la variation relative de sa norme (grandeur sans dimension), qui s’écrit :
q
→
− →
− →
−
→
− kd x k dX · C · dX
λ(d X ) = → − = →
− (2.20)
kd X k kd X k
La connaissance de C en un point M de la configuration initiale C0 permet d’évaluer la dilatation,
autrement-dit la variation relative de longueur, de n’importe quel vecteur élémentaire d→ −x en
→
− →
−
ce point au cours de la transformation. En introduisant les vecteurs unitaires N et n , tel que
→
− →
− →− →
−
d X = kd X k N = dL N et d→−
x = kd→−x k→
−
n = dl→−
n , la relation précédente s’écrit :
q
→
− →
− →
−
λ(d N ) = d N · C · d N (2.21)
→
− →
− → −
aussi noté, λ(d N ) = (C(d N , d N ))1/2 .
En particulier, la dilatation d’un vecteur de la base (→
−
e 1, →
−
e 2, →
−
e 3 ) s’écrit :
p
λ(→
−e i ) = Cii (2.22)
Attention, il s’agit du terme diagonal de C et non d’un indice muet répété, d’où l’emploi d’indices i
pour éviter la confusion. Cii correspond au carré de la dilatation (carré du rapport des dimensions
initiale / finale). Si λ = 1, il n’y a pas de variation de longueur.
On peut également se demander s’il est possible d’évaluer les changements éventuels de
→
− →
−
l’angle formé par deux vecteurs d X 1 et d X 2 orthogonaux dans la configuration initiale. Au cours de
la transformation, il n’y a aucune raison que ces deux vecteurs se transforment en deux vecteurs d→
−
x1
→
−
et d x 2 orthogonaux (Figure 2.3). Si on note α l’angle formé par ces deux vecteurs transformés, on
→
− →
−
nomme glissement des deux vecteurs initialement orthogonaux d X 1 et d X 2 , l’angle défini par :
→
− →
− π
γ(d X 1 , d X 2 ) = − α (2.23)
2
2.3. Tenseurs des dilatations et des déformations 27
→
− →
−
Comme l’angle initiale γ entre d X 1 et d X 2 vaut π/2, l’angle γ traduit la variation de cet angle
entre les configurations initiale et courante. Ainsi à partir de la relation (2.16), on peut écrire :
→
− →
−
→
− −
→ dX 1 · C · dX 2
sin γ(d X 1 , d X 2 ) = q q (2.24)
→
− →
− →
− →
−
dX 1 · C · dX 1 dX 2 · C · dX 2
→
− →
− → − →
− →
− →
− → −
En introduisant les vecteurs unitaires tels que d X 1 = kd X 1 k N 1 = dL1 N 1 et d X 2 = kd X 2 k N 2 =
→
−
dL2 N 2 respectivement, d→−
x 1 = kd→ −
x 1 k→
−n 1 = dl1 →
−
n 1 et d→
−
x 2 = kd→ −
x 2 k→
−
n 2 = dl2 →
−
n 2 , on obtient :
→
− →
−
dN 1 · C · dN 2
sin (γ) = →
− →
− (2.25)
λ( N 1 )λ( N 2 )
Cij
sin (γ(→
−
e i, →
−
e j )) = q (2.26)
Cii Cjj
Attention, encore une fois Cii et Cjj correspondent aux termes diagonaux de C.
C’est là un des avantages du tenseur C, qui permet de calculer à la fois les variations
de longueur (composantes diagonales) et d’angles (composantes hors-diagonales) au cours de la
transformation.
On reviendra un peu plus tard sur la raison de l’introduction de facteur 1/2 dans la définition de E
lors de l’étude de l’hypothèse des petites perturbations.
−−→ →− → −
En utilisant la formule (2.6) (F = I + grad( U ( X , t))) reliant le tenseur gradient de la
→
−
transformation F au vecteur déplacement U , le tenseur des déformations de Green-Lagrange E peut
s’écrire sous la forme :
1
E = FT · F − I
2
→
− − !T
→ − !T
→ →
− (2.29)
1 ∂ U ∂U ∂U ∂U
E = − + + · →
2 ∂→ X ∂X
→
− →
−
∂X
−
∂X
→
− →
−
On peut également calculer la quantité d→
−
x 1 · d→
−
x 2 − d X 1 · d X 2 en fonction du tenseur des
dilatations de Cauchy-Green gauche (2.19) :
→
− →
−
d→
−
x 1 · d→
−
x 2 − d X 1 · d X 2 = d→
−
x 1 · d→
− x 1 · B −1 · d→
x 2 − d→
− −
x2
= d→
−
x 1 · (I − B −1 ) · d→
−
x2 (2.31)
= 2d→
−
x 1 · e · d→
−
x2
( 1 T
E = 2 (R · R − I) = 0
(2.33)
1 −T
e = 2 (I − R · R−1 ) = 0
30 Chapitre 2. Déformations
Exemple 2.3:
Question : Pour la transformation donnée par la relation (2.10), calculer les tenseurs de défor-
mations de Green-Lagrange et d’Euler-Almansi.
1 →
− →
− →
− → −
d x · d x − dX · dX x · e · d→
= d→
− −
x
2 2
1 dl − dL 2 (2.37)
= →
−
n ·e·→ −n
2 dl2
Les termes diagonaux de e représentent quant à eux les changements relatifs de longueur de
vecteurs actuellement dirigés selon les vecteurs de base.
Les termes diagonaux des tenseurs E et e représentent donc la mesure des changements
de longueur relatifs de vecteurs élémentaires initialement ou actuellement dirigés selon les vecteurs
de base. Au contraire, les termes non diagonaux de ces tenseurs peuvent être interprétés comme le
glissement de deux directions initialement, respectivement actuellement, orthogonales, autrement dit
des changements d’angle.
→
− →
−
Ainsi, les deux vecteurs d X 1 et d X 2 initialement orthogonaux se transforment pour former
→
− →
− →
− →
−
un angle γ(d X 1 , d X 2 ) = π/2 − α (Figure 2.4(a)). En décomposant les vecteurs d X 1 et d X 2 selon
leur norme et leur orientation :
→
− →
− → − →
− →
− →
− → − →
−
d X 1 = kd X 1 k N 1 = dL1 N 1 et d X 2 = kd X 2 k N 2 = dL2 N 2 (2.38)
respectivement,
d→
−
x 1 = kd→
−
x 1 k→
−
n 1 = dl1 →
−
n1 et d→
−
x 2 = kd→
−
x 2 k→
−
n 2 = dl2 →
−
n2 (2.39)
On peut remarquer que les termes dl1 /dL1 et dl2 /dL2 ne sont rien d’autres que les dilatations
→
− →
−
associées aux directions N 1 et N 2 respectivement (tel que définis en (2.22)).
→
− →
−
Si on choisit le cas particulier où les vecteurs N 1 et N 2 correspondent aux vecteurs de base
→
−e 1 et →
−
e 2 alors on obtient :
1 dl1 dl2
sin γ = E12 (2.41)
2 dL1 dL2
(a) (b)
Figure 2.4: Glissement de deux directions initialement orthogonales (a) et actuellement orthogonales
(b).
1 dL1 dL2 →
sin γ ′ n1 ·e·→
=− −
n2 (2.42)
2 dl1 dl2
Par ailleurs, on peut remarquer que les tenseurs E et e ne sont pas indépendants. En effet,
→
−
en comparant leurs expressions (2.27) et (2.31) en fonction des vecteurs d→
−
x i et d X i , on peut relier
le tenseur des déformations de Green Lagrange E au tenseur des déformations d’Euler-Almansi e :
E = FT · e · F
ou (2.43)
∂xp ∂xq
E ij = epq i, j ∈ {1, 2, 3}
∂Xi ∂Xj
et
e = F −T · E · F −1
ou (2.44)
∂Xp ∂Xq
e ij = Epq i, j ∈ {1, 2, 3}
∂xi ∂xj
F =R·U =V ·R (2.45)
2.5. Taux de déformation 33
où R est le tenseur de rotation déjà évoqué précédemment. On rappelle que R est un tenseur
orthogonal c’est-à-dire que sa transposée coïncide avec son inverse (R · RT = RT · R = I). Les
tenseurs U et V sont des tenseurs symétriques définis positifs, appelés respectivement tenseur des
déformations pures à droite et tenseur des déformations pures à gauche. Il vient de l’équation
(2.45) que les tenseurs U et V sont liés par la relation :
V = R · U · RT (2.46)
C = F T · F = U T · RT · R · U = U · U = U 2 (2.47)
B = F · F T = V · R · RT · V T = V · V = V 2 (2.48)
1 1
E= U2 − I e= I − V −2 (2.49)
2 2
Même si U et V sont nommés tenseurs de déformation pure, il faut noter que U et V sont plus liés
à la notion de dilatation puisque U 2 = C et V 2 = B.
Nous avons introduit dans les sections précédentes différentes mesures de déformations à
→
− →
−
partir de la quantité d→
−
x 1 · d→
−
x 2 − d X 1 · d X 2 . Si nous voulons étudier le taux de variation au cours
34 Chapitre 2. Déformations
du temps de cette quantité d’un point du vue matériel (ou lagrangien), il faut calculer la dérivée
particulaire de cette quantité :
d → →
− −
→ d → − −
→
d−
x 1 · d→
−
x 2 − dX 1 · dX 2 = 2d X 1 · E · d X 2
dt dt
d → − dE →
→ −
(d−x 1 · d→
−x 2 ) = 2d X 1 · · dX 2 (2.50)
dt dt
d → − →
− →
− →
−
(d x 1 · d x 2 ) = 2d X 1 · Ė · d X 2
dt
Le tenseur Ė est appelé tenseur des taux de déformation lagrangien. Ce tenseur donne, pour
une particule donnée, le taux de variation de sa déformation au cours du temps.
La même démarche (qui ne sera pas détaillée) peut être suivie en représentation spatiale (ou
eulérienne) donnant lieu à l’introduction du tenseur des taux de déformation eulérien, noté D,
aussi appelé tenseur des vitesses de déformations :
d →
(d−
x 1 · d→
− x 1 · D · d→
x 2 ) = 2d→
− −
x2 (2.51)
dt
avec → T !
1 ∂→
−
v ∂−
v 1 →
− T→
−
D = + = grad v + grad v
2 ∂→
−
x ∂→
−
x 2
(2.52)
ou
1
D = (vi,j + vj,i ) i, j ∈ {1, 2, 3}
ij
2
d →
En comparant les relations (2.50) et (2.51) donnant l’expression de (d−
x 1 · d→
−
x 2 ) en fonc-
dt
tion de Ė et D respectivement, on peut écrire :
(
Ė = F T · D · F
(2.53)
D = F −T · Ė · F −1
Dans les sections précédentes, nous avons exprimé les tenseurs des dilatations et de défor-
mation, en particulier C et E, en fonction du tenseur gradient du déplacement, souvent noté
→
−
H = grad U . Ainsi, si les composantes de H, Hij = ∂Ui /∂Xj , sont petites devant l’unité, on va
pouvoir négliger les termes non linéaires dans les expressions C et E (par exemple dans (2.30)) liés au
→
− →
−
produit gradT U · grad U . Ainsi on linéarise la cinématique, ce qui simplifie grandement la résolution
finale du problème. On procède à ce processus de linéarisation dès lors qu’on fait l’hypothèse des
petites perturbations. Dans l’hypothèse des petites perturbations (HPP), les déplacements entre la
configuration de référence et la configuration actuelle sont très petits et le gradient des déplacements
est également petit. On considère dans ce cas que kHk ≪ 1. En HPP, les gradients de déplacement
dans le solide sont suffisamment faibles pour que l’on puisse décrire la transformation du solide à
partir de la configuration de initiale C0 . Ceci revient à confondre les configurations initiales C0 et
courante Ct .
2.6. Hypothèse des Petites Perturbations (HPP) 35
Le tenseur des déformations d’Euler-Almansi se confond également avec le tenseur des dé-
formations linéarisé au premier ordre, on peut donc écrire :
E≃e≃ε (2.55)
Nous allons nous intéresser désormais aux composantes du tenseur des déformations linéarisé
→
− →
− →
−
ε. En reprenant la décomposition des vecteurs d X et d→ −
x , telle que d X = dL N et d→
−
x = dl→ −
n , la
relation (2.35) p.30 peut se mettre sous la forme :
1 → →
− → − →
− →
−
d−x · d→−
x − dX · dX = dX · E · dX
2
1 dl2 − dL2 →
− →
−
2
= N ·E·N (2.56)
2 dL
1 →
− →
−
(1 + ε)2 − 1 = N ·E·N
2
avec ε qui représente l’allongement relatif du segment dL, tel que :
dl − dL dl
ε= = −1 (2.57)
dL dL
On remarque que ε est bien nul si dl = dL, autrement dit, si le milieu ne subit aucune transformation
autre qu’un éventuel mouvement de corps rigide.
Toujours en nous plaçant dans le cadre HPP, le terme en ε2 dans (2.56) peut être négligé
devant le terme ε, autrement dit (1 + ε)2 ≃ 1 + 2ε, et on peut alors remplacer le tenseur de Green-
Lagrange E par le tenseur des déformations linéarisé ε pour écrire :
→
− →
−
ε= N ·ε·N (2.58)
→
−
Ainsi, si on prend le cas particulier d’un vecteur N orienté dans la direction →
−
e i , alors chaque
terme diagonal du tenseur ε représente donc l’allongement relatif dans cette direction et
permet de calculer la dilatation λi dans cette direction :
λi = 1 + εii (2.59)
36 Chapitre 2. Déformations
Il est par ailleurs intéressant de remarquer que le terme (dl − dL)/dL n’est rien d’autre que le
développement limité au premier ordre du terme (dl2 − dL2 )/2dL2 .
→
−
Si on étudie une nouvelle fois le glissement de deux directions initialement orthogonales d X 1
→
−
et d X 2 , l’expression (2.27) p.27 s’écrit :
→
− →
− →
− →
−
d→
−x 1 · d→
−x 2 − d X 1 · d X 2 = 2d X 1 · E · d X 2
→
− ✘✘✘✘ −✘
→ ✿0
✘ →
− −
→
dl1 →
−
n 1 · dl2 →
−
n 2 −✘ dL✘1 N
✘ 1 · dL2 N 2 = 2 dL1 N 1 · E · dL2 N 2
dl1 dl2 →
− →
− (2.60)
1
2 sin γ dL dL = N1 · E · N2
1 2
1 →
− →
−
sin γ(1 + ε1 )(1 + ε2 ) = N 1 · E · N 2
2
en posant :
dl1 − dL1 dl2 − dL2
ε1 = et ε2 = (2.61)
dL1 dL2
On obtient au premier ordre :
γ → − →
−
= N1 · ε · N2 (2.62)
2
→
− →
−
Si on choisit comme vecteurs N 1 et N 2 les vecteurs de base →
−
e 1 et →
−
e 2 , l’expression précédente
devient :
γ
= ε12 (2.63)
2
Les termes non diagonaux du tenseur des déformations linéarisé sont égaux à la moitié de
la variation d’angle entre les vecteurs de base.
Pour résumer, les termes diagonaux représentent donc des changements de distances,
et les termes non diagonaux des changements d’angles.
Exemple 2.4:
La transformation donnée par la relation (2.10) peut valider l’HPP sous la condition que A ≪ 1.
Question : Dans ce cas, donner l’expression du tenseur des déformations linéarisé et comparer
aux expressions de E et e calculées précédemment.
On rappelle la relation de mouvement (2.10) :
x1 = X1 − AX3
→
− →
− →−
x = φ ( X , t) = x2 = X2 − AX3
x3 = −AX1 + AX2 + X3
→
− → −
Le tenseur gradient de déplacement H = grad U ( X , t) s’écrit :
∂U ∂U1 ∂U1
1
∂X1 ∂X2 ∂X3 0 0 −A
→
− → − ∂U2 ∂U2 ∂U2
H = grad U ( X , t) = ∂X1 ∂X2 ∂X3
= 0 0 −A
∂U3 ∂U3 ∂U3
∂X1 ∂X2 ∂X3 −A A 1
avec
q q
U = FT · F = (I + H)T + (I + H)
r
✯0 q
✟
U = I + H + H T + H✟T ✟
· H ≃ I + H + HT
✟
1
U ≃ I+ H + HT ≃ I + ε
|2 {z } (2.64)
ε
On constate donc, comme pour tout tenseur du second ordre, que H peut se décomposer en
la somme de sa partie symétrique et sa partie antisymétrique :
H =ε+ω (2.68)
Par ailleurs, on peut montrer facilement que le jacobien de la transformation peut s’exprimer
à partir de ε en utilisant la décomposition polaire 3 de F :
Cette expression permet de donner une approximation de la dilatation volumique dans le cadre HPP.
Une des conséquence très "pratique" de l’Hypothèse des Petites Perturbations est que les
→
− →
−
vecteurs X et → −
x sont quasiment identiques. Par conséquent les variables de Lagrange ( X , t) et
d’Euler (→
−
x , t) sont confondues. Ceci revient à confondre les configurations initiale et actuelle,
ce qui aura pour conséquence importante d’écrire les conditions aux limites directement sur
la configuration initiale.
Dans les sections précédentes, nous avons montré qu’il est assez simple de calculer le tenseur
→
−
des déformations linéarisé ε par dérivation du champs de déplacement U (Eq. (2.54)). En revanche,
l’inverse n’est pas vrai en général. En effet, pour qu’un tenseur symétrique de second ordre ε cor-
responde à un tenseur de déformation, autrement dit qu’il soit intégrable et associé à un champs
de déplacement continu, le tenseur doit respecter les relations de compatibilité pour garantir la
continuité du milieu continu lors de sa déformation (Figure 2.6).
Figure 2.6: Milieu continu soumis à un champ de déformations compatible (ε) et non compatible
(ε′ ).
Les dérivées des composantes du tenseur rotation s’expriment, d’après l’Eq. (2.66) :
1
ωij,k = (Ui,jk − Uj,ik )
2
En ajoutant et soustrayant le terme Uk,ij /2 à l’expression précédente, et en supposant le champ
de déplacement au moins deux fois continûment dérivable, on peut intervertir l’ordre des dérivées
partielles et faire apparaître les dérivées des composantes du tenseur des déformations :
1 1
ωij,k = (Ui,jk + Uk,ij ) − (Uj,ik + Uk,ij )
2
2
1 1 (2.71)
= (Ui,k + Uk,i ) − (Uj,k + Uk,j )
2 ,j 2 ,i
= εik,j − εjk,i
40 Chapitre 2. Déformations
Si les déformations sont nulles (ε = 0), le tenseur des rotations ω est constant et le tenseur gradient
déplacements H est égale au tenseur des rotations ω = 0 :
ε = 0 ⇒ ω = constante, H = ω
Ainsi, la connaissance du champ des déformations définit le champ de déplacement à une rotation
→
− →− →
− b (t).
de corps solide et une translation près, soit après intégration U ( X , t) = ω(t) X + U
Le champ de déplacement doit donc satisfaire le système différentiel (2.71). Une condition
nécessaire et suffisante pour que ce système différentiel soit intégrable s’écrit : ωij,kl = ωij,lk pour
l 6= k (permutation de l’ordre des dérivées), ce qui se traduit sur les composantes ε par :
Sommaire
3.1 Du vecteur contrainte au tenseur des contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
3.2 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.3 Équations d’équilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.3.1 Description globale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.3.2 Equilibre des forces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
3.3.3 Equilibre des moments . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.4 Propriétés locales du tenseur des contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
3.4.1 Contraintes normale et tangentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
3.4.2 Contraintes principales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
3.4.3 Contrainte moyenne et déviateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
3.4.4 Contraintes équivalentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
3.4.5 États particuliers de contrainte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
43
44 Chapitre 3. Contraintes
Pour rappel, l’objectif d’un problème de mécanique des milieux continus est de déterminer
l’état mécanique en tout point M d’un milieu continu Ω, c’est à dire le champ de déplacement
et le champ de contrainte, ce dernier matérialisant les efforts intérieurs à ce milieu, comme nous
le verrons plus tard. Nous nous efforcerons d’ailleurs dans ce chapitre de clarifier et illustrer cette
notion un peu abstraite qu’est le tenseur des contraintes en mécanique.
Il convient tout d’abord de mentionner l’échelle d’observation que l’on doit adopter en
mécanique des milieux continus. Cette échelle est dite "macroscopique". Un volume élémentaire du
solide devra donc contenir suffisamment de matière pour que cette hypothèse soit valable comme
illustré sur la Figure 3.1. Par exemple, dans le cas des matériaux cristallins, ce volume devra être
largement supérieur au volume d’une maille élémentaire.
Figure 3.1: Position d’un problème de mécanique des milieux continus et conditions aux frontières
d’autres termes, tout corps ponctuel libre est en mouvement de translation uniforme dans ce réfé-
rentiel. A noter que pour appliquer la loi fondamentale de la mécanique dans un repère non galiléen,
il suffit d’ajouter aux efforts extérieurs appliqués au système, les efforts d’inertie d’entraînement et
les efforts d’inertie de Coriolis.
Pour appliquer cette loi fondamentale à toute partie Ω1 du milieu continu Ω, il suffit d’être
capable de définir les efforts extérieurs appliqués à Ω1 à un instant donné. Nous sommes donc
implicitement en configuration eulérienne. Comme le montre la Figure 3.2, ceux-ci sont de deux
natures :
— les efforts exercés sur Ω1 par les systèmes extérieurs à Ω comme les densités volumiques
→
−
d’efforts f v , liées à la gravité par exemple, ou encore les densités surfaciques d’efforts
→
−
de contact T d liées aux liaisons extérieures.
— les effort exercés sur Ω1 par les parties de Ω extérieures à Ω1 .
Ces derniers sont dits efforts intérieurs à Ω alors que les premiers sont les efforts extérieurs à Ω.
L’hypothèse fondamentale de la mécanique des milieux continus est que le rayon d’action de
ces efforts est suffisamment faible (de l’ordre des distances intermoléculaires) devant notre échelle
d’observation (macroscopique) pour que l’on puisse se limiter à leur seule action très proche de la
frontière de Ω1 . Pour résumer, nous admettons quant aux efforts intérieurs :
— ces efforts locaux traduisent des actions locales de contact permettant de respecter la
continuité du matériau (forces de cohésion).
— ces efforts sont représentés localement en chaque point M de la surface ∂Ω1 par une
→
−
densité surfacique de forces t
→
−
— Ce vecteur t ne dépend que du point M et du vecteur unitaire normal en M à ∂Ω1 ,
soit →
−n orienté vers l’extérieur de Ω1 .
— Ce vecteur sera dénommé par la suite vecteur contrainte et sera noté de la façon suivante :
→
−
t (M, →−
n ).
plan tangent en M , on obtiendra le même vecteur contrainte pour décrire les efforts en ce point ; c’est
→
−
à dire les efforts exercés par le complémentaire de Ω1 (ou Ω2 ) par rapport à Ω. Le vecteur t (M, → −n)
représente en quelque sorte l’action de contact appliquée sur un point M par un point immédiatement
voisin situé dans la direction →−n . Pour se persuader, il suffit de considérer le cas où Ω2 et Ω1 n’ont
pas le même plan tangent en M . En ce point M , les efforts exercés par le complémentaire de Ω1
par rapport à Ω ne sont évidemment pas les mêmes que les efforts exercés par le complémentaire de
Ω2 par rapport à Ω. En quelque sorte le voisin immédiat agissant sur le point M n’est pas le même
pour Ω1 et Ω2 en ce point.
Figure 3.3: Illustration de l’importance de la normale extérieure sur la transmission des efforts
intérieurs de Ω vers Ω1 ou vers Ω2
→
−
En résumé, le vecteur contrainte t (M, →
−n ) est une densité surfacique de forces (Figure 3.4)
s’exerçant sur une surface élémentaire normale au vecteur →−
n.
−→ →−
dF = t (M, →
−
n ) ds (3.2)
−→
avec dF l’élément d’effort appliqué par le point voisin dans la direction →
−
n et ds l’élément de surface
correspondant. Ainsi le vecteur contrainte ne dépend que de la forme locale de la frontière de ∂Ω1 au
premier ordre (direction du plan tangent). Un vecteur contrainte n’est donc pas forcément colinéaire
à la normale à la surface sur laquelle il s’applique (voir Figure 3.4). Nous verrons plus loin que
le vecteur contrainte sert aussi à schématiser les sollicitations extérieures appliquées à un solide.
Par exemple, il est possible d’appliquer une pression normale ou tangentielle sur une surface. Une
pression normale est décrite par un vecteur contrainte porté par la normale à la surface. Une pression
tangentielle est décrite par un vecteur contrainte tangent à la surface. L’unité des composantes du
vecteur contrainte est donc la même que celle d’une pression (force par unité de surface).
→
−
Le vecteur contrainte t (M, → −
n ), étant une densité de flux où →−n est un vecteur quelconque. C’est
→
−
une fonction linéaire de n . Elle définit donc à tout instant t et en tout point M de Ω un tenseur
σ(M ) par la relation suivante :
→
−
→
− →
−
t (M, n ) = σ(M ) · n
ou (3.3)
t (M, →
−
n ) = σij (M )nj i, j ∈ {1, 2, 3}
i
Cette relation signifie que si on connaît à un instant le champs de tenseur des contraintes σ(M ), on
peut déterminer très simplement les vecteurs contraintes en tout point de la frontière Ω1 intérieure
3.1. Du vecteur contrainte au tenseur des contraintes 47
Figure 3.4: A gauche : notion de vecteur contrainte. A droite : composantes des vecteurs contraintes
s’exerçant sur les faces d’un parallélépipède élémentaire d’arêtes parallèles aux axes du repère R
à Ω. Le tenseur σ(M ) ainsi défini est appelé tenseur des contraintes de Cauchy et tout comme
→
−
le vecteur contrainte t (M, → −n ), il est homogène à une pression. Comme illustrée sur la Figure
3.4,la signification physique des composantes σij (M ) est relativement claire. σ13 , σ23 et σ33 sont les
composantes sur les axes → −
ei du vecteur contrainte pour la direction →
−
n =→ −e 3 soit :
→ −
→
− →
− →
− →
−
t (M, e1 ) = σ11 (M ) e1 + σ21 (M ) e2 + σ31 (M ) e3
→
−
t (M, →
−e2 ) = σ12 (M )→−
e1 + σ22 (M )→−e2 + σ32 (M )→
−
e3 (3.4)
→ − →
− →
− →
− →
−
t (M, e3 ) = σ13 (M ) e1 + σ23 (M ) e2 + σ33 (M ) e3
→
−
On comprend la portée de cette définition commme le vecteur contrainte t (M, → −n ), fonction
vectorielle de 6 variables scalaires à travers la position de M (au sens eulérien x ), le vecteur →
→
− −
n et le
temps t, est entièrement définie par le champ de tenseurs des contraintes σ(M ) qui ne dépend que
de 4 variables scalaires - les variables eulériennes →−
x et t.
Dans la suite de ce document, nous utiliserons le tenseur des contraintes de Cauchy, symétrique,
pour lequel toutes les grandeurs sont exprimées dans la configuration courante Ct . Nous pouvons
également définir d’autres tenseurs des contraintes selon la configuration du solide à partir de
l’équation (3.2). On voit en effet que le choix de la configuration du solide dans laquelle seront
−→ →
−
représentés l’élément de force dF d’une part, et l’élément de surface ds = → −
n ds d’autre part,
influera sur le type de contrainte à utiliser.
−→ →
−
En transportant dF et ds dans la configuration initiale C0 via (2.15), nous obtenons
un tenseur des contraintes Π défini dans C0 . Ce tenseur des contraintes est appelé tenseur de
Piola-Kirchhoff. Il est lagrangien et symétrique :
−→ −
→
dF 0 = Π.dS avec Π = JF −1 .σ.F −T (3.5)
C0 :
−→ −
→
dF = B.dS avec B = Jσ.F −T (3.6)
D’une façon générale, comme nous l’avons évoqué précédemment, des conditions de pression
peuvent être appliquées à la frontière d’un solide (zone de chargement, face libre, ...). Ces conditions
sont alors dites "aux limites". Elles se traduisent par des relations du type :
−
→
σ·→
−
n = Fd (3.7)
−→
où F d est un vecteur contrainte représentant les pressions imposées sur la surface de normale unitaire
→
−
n . Cette relation peut être démontrée très simplement comme nous le verrons au chapitre 5. Comme
dans le cas des déplacements, il se peut que l’on ne connaisse que certaines composantes du vecteur
−
→
F d . La condition porte alors sur ces composantes connues, et pas sur les autres.
Un cas particulier de conditions aux frontières est la condition de surface libre (bord) qui
s’exprime sous la forme suivante
→
−
σ·→−n = 0 (3.8)
L’équilibre des forces extérieures du domaine Ω1 s’écrit en égalant la somme des forces
→
− →
−
extérieures agissant sur Ω1 (la densité volumique f v et la densité surfacique t ) à la résultante
dynamique (forces d’inertie) sur cette partie du solide :
Z Z Z
→
−v →
−
f (M )dv + t (M, →
−
n )ds = ρ→
−
γ dv (3.9)
Ω1 ∂Ω1 Ω1
Z Z Z
→
− −→
t (M, →
−
n )ds = σ(M ) · →
−
n ds = div(σ(M ))dv (3.10)
∂Ω1 ∂Ω1 Ω1
En reportant cette équation dans l’équation globale précédente, on obtient l’intégrale volu-
mique suivante, qui doit être nulle dans tout domaine Ω1 :
Z
−→ →
−
(div(σ) + f v − ρ→
−
γ )dv = 0 (3.11)
Ω1
Il s’ensuit que la quantité intégrée doit être nulle dans le domaine Ω, ce qui fournit l’équation
locale de l’équilibre :
−→ →
−
∀M ∈ Ω, div(σ) + f v = ρ→
−
γ (3.12)
L’équilibre des moments autour des axes passant par un point M0 du domaine Ω1 s’écrit :
Z Z Z
−−−→ → − −−−→ →− −−−→
M0 M ∧ f v (M )dv + M0 M ∧ t (M, →
−
n )ds = M0 M ∧ ρ→
−
γ dv (3.13)
Ω1 ∂Ω1 Ω1
Z
σ23 − σ32
−−−→ −→ →
−v →
− →
−
M0 M ∧ (div(σ) + f − ρ γ ) + σ31 − σ13 dv = 0 (3.14)
Ω1
σ12 − σ21
La quantité intégrée doit donc être nulle dans le domaine Ω. En tenant compte de l’équation
locale de l’équilibre 3.12, cette condition d’équilibre des moments conduit à
σ23 − σ32 = 0
σ31 − σ13 = 0 (3.15)
σ12 − σ21 = 0
Le tenseur des contraintes est symétrique et ne possède donc que six composantes indépendantes
(comme les tenseurs des déformations).
50 Chapitre 3. Contraintes
A titre d’exercice, nous proposons ci-dessous de démontrer l’équation 3.14. Pour cela
nous devons introduire le pseudo tenseur d’ordre 3 : εijk , dit tenseur de Levi-Civita. Ce tenseur
vaut 1 lorsque les trois indices i,j,k sont permutés de façon circulaire et −1 lorsque la permutation
n’est pas circulaire. Dans tous les autres cas, εijk = 0. Ce tenseur permet de définir facilement
le produit vectoriel en notation indiciel :
−
→
→
−a ∧ b = εijk aj bk (3.17)
i
−−−→
avec M0 M = xi → −ei . En appliquant le théorème de la divergence, nous obtenons alors :
Z Z Z Z
εijk xj σkl nl ds = (εijk xj σkl ),l dv = εijk xj σkl,l dv + εijk xj,l σkl dv (3.19)
∂Ω1 Ω1 Ω1 Ω1
Nous reconnaissons facilement la divergence des contraintes dans le premier terme du second
membre : Z Z
−−−→ −→
εijk xj σkl,l dv = M0 M ∧ div(σ)dv (3.20)
Ω1 Ω1 i
En ce qui concerne le second terme, les xj étant des variables indépendantes, nous pouvons alors
∂x
écrire xj,l = ∂xjl = δjl :
εijk xj,l σkl = εijk δjl σkl = εilk σkl (3.21)
Nous retrouvons alors bien la symétrie du tenseur des contraintes traduite par :
Comme nous l’avons vu précédemment, le tenseur des contraintes est défini à partir des
→
−
vecteurs contraintes t (M, →−
ei ). Il permet ainsi de définir une contrainte normale σn et une contrainte
tangentielle σt s’exerçant sur une facette de normale → −n (Figure 3.5).
Figure 3.5: A gauche : illustration en 3D de la notion de vecteur contrainte sur une facette. A
droite : décomposition du vecteur contrainte en contrainte normale (perpendiculaire à la facette) et
contrainte tangentielle (dans le plan de la facette)
→
−
σn (M, →
−
n ) = t (M, →
−
n)·→
−
n =→
−
n .σ(M ).→
−
n (3.23)
→
− →
− →
− →
−
n ) − σn →
σt b = t (M, →
− −
n ou σt = t (M, →
−
n ). b (3.24)
Les contraintes normale et tangentielle sont d’une grande importance en mécanique des
milieux continus. Elles permettent en particulier de définir les conditions aux limites en pression
(contrainte normale sur une face), les conditions d’interface (lois de frottement reliant les contraintes
normale et tangentielle), les critères limites pour le dimensionnement...
Comme nous venons de le démontrer, le tenseur des contraintes de Cauchy est symétrique.
Il est donc diagonalisable dans un repère orthonormé. Dans ce repère, dit principal, les trois valeurs
propres du tenseur des contraintes sont souvent notées σI , σII et σIII . Ce sont les contraintes
principales du tenseur σ. Dans le repère principal, le tenseur des contraintes s’écrit donc :
σI 0 0
σ(M ) = 0 σII 0 (3.25)
0 0 σIII
(−
→
e I ,−
e→ −−→
II ,eIII )
52 Chapitre 3. Contraintes
Il est constitué de trois contraintes normales appliquées sur les facettes orthogonales aux di-
rections du repère principal (M, → −
eI , −
e→ −−→
II , eIII ). Les contraintes sont habituellement classées par ordre
décroissant. Par définition, σI est la contrainte de tension la plus élevée au point M considéré, si tou-
tefois il existe un état de tension en ce point. Cette contrainte est utilisée dans le dimensionnement
des matériaux fragiles et est comparée à ce titre à la contrainte de clivage (Figure 3.6). La facette
associée de normale → −
eI correspond à la surface de clivage. Notons que ce discours, volontairement
simpliste dans un but pédagogique, sera fortement nuancé si vous abordez le cours dédié à la mé-
canique de la rupture en Majeure Mécanique. Réciproquement, la contrainte σIII est la contrainte
de compression la plus élevée au point M considéré, si toutefois il existe un état de compression en
ce point. A noter qu’une contrainte de compression importante, si elle prévient la propagation de
fissure, peut toutefois se révéler néfaste vis-à-vis de la durabilité de certains matériaux architecturés
comme les mousses, les matériaux composites ou les matériaux en couches minces en entraînant
dans le matériau des phénomènes d’instabilité comme le micro-flambement.
Figure 3.6: Rupture par clivage sous l’action de la contrainte principale maximale σI
Il est courant de décomposer le tenseur des contraintes de Cauchy en une partie dite sphérique
et une partie dite déviatorique sous la forme :
1
σ = s + σm I avec σm = tr(σ) (3.26)
3
1
sij = σij − σpp δij (3.27)
3
ou I est le tenseur identité. σm est appelée contrainte moyenne et s le tenseur déviateur des
contraintes. Par définition, le tenseur déviateur des contraintes s est symétrique et de trace nulle.
Du point de vue du sens physique, σm représente l’état de contrainte/pression hydrostatique.
C’est un invariant du tenseur des contraintes, c’est à dire qu’il est indépendant du repère dans lequel
on travaille. σm est l’opposé de la pression hydrostatique, notion classiquement utilisée en mécanique
des fluides (σm = −p). Le tenseur déviateur s représente l’état de cisaillement dans le matériau.
3.4. Propriétés locales du tenseur des contraintes 53
avec Y un seuil. La forme d’un critère est illustré sur la Figure 3.7 dans le repère des contraintes
principales.
Figure 3.7: Forme d’un critère en contraintes dans l’espace des contraintes principales
Pour exprimer cette fonction, il est commode d’utiliser des scalaires représentatifs du tenseur
des contraintes, qui sont indépendants du repère dans lequel on travaille. Comme tout tenseur
euclidien de dimension 2 dans un espace de dimension 3, le tenseur des contraintes de Cauchy
possède 3 invariants notés I1 , I2 et I3 , qui dépendent donc des composantes scalaires σij :
I1 = tr(σ) = σii
I2 = 12 tr(σ.σ) = 21 σij σji (3.29)
I3 = 31 tr(σ.σ.σ) = 31 σij σjl σli
Parmi ces 3 invariants, notons I1 qui est relié directement à la notion de contrainte moyenne σm =
1 1
3 tr(σ) = 3 I1 comme nous l’avons défini plus haut.
Le tenseur déviateur des contraintes possède également trois invariants, qui sont habituellement notés
J1 , J2 et J3 :
J1 = tr(s) = 0
J2 = 21 tr(s.s) (3.30)
1
J3 = 3 tr(s.s.s)
La fonction f (σ), lorsqu’elle est écrite en fonction des invariants ci-dessus, est habituellement
dénommée contrainte équivalente et est notée σ. Cette contrainte équivalente sert à comparer les
54 Chapitre 3. Contraintes
contraintes dans la structure étudiée aux caractéristiques du matériau, par exemple sa limite d’élas-
ticité représenté par Y dans l’eq (3.28). La contrainte équivalente la plus utilisée est celle de von
Mises qui s’écrit
p
σ= 3J2 (3.31)
Dans un repère orthonormé, la contrainte équivalente de von Mise s’écrit directement en fonction
des composantes du déviateur ou du tenseur des contraintes sous la forme :
s s
3X 3X 1 X
σ= sij sji = σij σji − ( σkk )2 (3.32)
2 2 2
ij ij k
Notons que la contrainte de von Mises est indépendante de la pression hydrostatique. Elle ne
dépend que du déviateur des contraintes. Par conséquent la contrainte de von Mises est une mesure du
cisaillement maximal. Elle est particulièrement adaptée pour les métaux, dont l’écoulement plastique
est piloté par le glissement des dislocations le long des plans atomiques denses à l’intérieur des grains
(Figure 3.8).
Figure 3.8: Mouvement d’une dislocation coin sous l’action d’une contrainte de cisaillement
Dans cette partie nous allons étudier 3 exemples remarquables d’état de contrainte comme
illustré sur la Figure 3.9 et nous clorons ce chapitre par l’analyse de l’état de contrainte plane.
C’est le cas où, au point considéré, le déviateur est identiquement nul. Les contraintes prin-
→
−
cipales sont égales. Le vecteur contrainte t (M, → −n ) est colinéaire à →
−
n quelle que soit →−
n , c’est
→
−
à dire t (M, →−n ) = σ→−
n . La contrainte normale pour toute facette → −
n est par conséquent égale à
σ. Cet état de contrainte est celui rencontré dans un fluide hydrostatique au repos. Pour cet état
de contrainte, la contrainte de von Mises est nulle, la contrainte moyenne vaut σ et la contrainte
principale maximale vaut σ également.
σ 0 0
σ(M ) = 0 σ 0 (3.33)
0 0 σ R
Un tenseur σ est dit uniaxial si et seulement si deux des contraintes normales principales sont
→
−
identiquement nulles. Cela signifie que le vecteur contrainte t (M, → −n ) est toujours colinéaire à l’un
→
− →
−
des axes ; nous choisirons ici l’axe e1 . Si la normale n de la facette considérée est orthogonale à cet
axe, alors le vecteur contrainte est nul. Cet état de contrainte est celui rencontré dans un essai de
traction simple, essai mécanique classique pour caractériser le comportement des matériaux. Pour cet
état de contrainte, la contrainte de von Mises vaut |σ|, la contrainte moyenne vaut σ3 et la contrainte
principale maximale vaut σ.
σ 0 0
σ= 0 0 0 (3.34)
0 0 0 R
→
− →
−
Un tenseur σ correspond à du cisaillement simple dans les axes e′1 et e′2 si tous les σij ′
′ = σ ′ = σ. Nous pourrons noter que nous avons défini ici un repère
sont nuls à l’exception de σ12 21 → − →− → −
différent du repère précédent. Ce repère (R′ ) = M, e′1 , e′2 , e′3 est en fait tourné de 45◦ par rapport
au repère (R) = (M, → −
e ,→
1
−
e ,→
2
−
e ) avec →
3
−
e ′) = →
3
−
e . Le tenseur des contraintes s’écrit donc :
3
σ 0 0 0 σ 0
σ = 0 −σ 0 = σ 0 0 (3.35)
0 0 0 R 0 0 0 R′
Cet état de contrainte est celui associé à une sollicitation de torsion ou à un effort tranchant.
√
Pour cet état de contrainte, la contrainte de von Mises vaut 3|σ|, la contrainte moyenne est nulle
et la contrainte principale maximale vaut σ.
56 Chapitre 3. Contraintes
Un tenseur σ est dit en contraintes planes par rapport au plan de normale → −e 3 si le vecteur
→
− →
− →
−
contrainte t (M, e 3 ) est nul. cela revient dire que la direction e 3 est la normale à une surface libre.
Cet état de contrainte est fréquemment rencontré dans les structures de type plaque (voir Figure
3.10). Un tenseur σ est un tenseur de contraintes planes si, et seulement si, l’une des contraintes
principales est nulle.
σ11 σ12 0
σ = σ21 σ22 0 (3.36)
0 0 0 R
Figure 3.10: A gauche : structure de type plaque dont l’épaisseur est tellement petite par rapport
à ses deux autres dimensions que l’état de contrainte peut être considéré comme plan. A droite :
définition du changement de base, notamment de l’angle ϕ dans le calcul des contraintes normales
et tangentielles dans le contexte de l’état de contraintes planes.
Cercle de Mohr
Nous avons vu précédemment qu’un état de cisaillement simple dans le plan selon des axes
donnés se traduisait par des contraintes normales de signe opposé dans un autre système d’axe. Nous
allons ici essayer de généraliser cette notion en utilisant la méthode des cercles de Mohr en 2D. Pour
→
− −
cela considérons une base associée à une facette de normale → −n . Cette base (→
−
n, b ,→
e 3 ) se déduit de
→
− →
− →
− →
−
la base ( e 1 , e 2 , e 3 ) par une rotation d’angle ϕ autour de e 3 comme illustré sur la Figure 3.10.
Nous pouvons alors calculer les contraintes sur cette facette de la façon suivante.
Considérons la contrainte normale σn :
→− →
− →
−
n = cos(ϕ) e1 + sin(ϕ) e2
σn = →−
n .σ.→
−
n
(3.37)
⇒ σn = σ11 + σ22 + σ11 − σ22 cos(2ϕ) + σ12 sin(2ϕ)
2 2
Nous pouvons alors déterminer les 2 contraintes principales σI et σII et leur direction respective → −
e1 et
→
−
e2 en utilisant la propriété σt = 0 dans le repère des contraintes principales. Soit ϕ1 l’angle permet-
tant de passer du repère initial au repère des contraintes principales. Avec la condition précédente,
nous obtenons alors tan(2ϕ1 ) = σ112σ−σ
12
22
. Les contraintes principales s’écrivent alors directement en
fonction des composantes du tenseur des contraintes :
q
σ11 + σ22 1
σI = + (σ11 − σ22 )2 + 4σ12
2
2 2
q (3.39)
σ = σ11 + σ22 − 1 (σ − σ )2 + 4σ 2
II 11 22 12
2 2
Ces deux systèmes équations montrentqque l’état de contrainte plane peut être représenté par un
cercle de centre σ11 +σ
2
22
et de rayon 21 (σ11 − σ22 )2 + 4σ12
2 comme illustré sur la Figure 3.11. Le
rayon de ce cercle est la cission maximale et la direction de cette cission est toujours orientée de 45◦
par rapport à l’un des axes du repère associé aux contraintes principales. Ce cercle permet, connais-
sant les composantes du tenseur de contraintes planes dans le repère (→ −e 1, →
−
e 2, →
−
e 3 ) de déterminer
graphiquement les contraintes principales ainsi que les composantes de ce tenseur dans le repère
→
− −
(→
−n, b ,→e 3 ). Ainsi si nous reprenons l’état de cisaillement simple précédent, nous trouvons que le
repère des contraintes principales est tourné de 45◦ par rapport à ce repère et que le tenseur des
contraintes de Cauchy s’exprime conformément à l’expression (3.35).
Sommaire
4.1 A propos du comportement mécanique des matériaux . . . . . . . . . . . . . . . . 60
4.2 L’essai de traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
4.2.1 Cinématique de l’essai de traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
4.2.2 Courbe rationnelle de traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62
4.3 Loi de comportement élastique linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
4.3.1 Loi de Hooke généralisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
4.3.2 Énergie de déformation élastique (potentiel élastique) . . . . . . . . . . . . 64
4.3.3 Relations de symétrie - élasticité linéaire isotrope . . . . . . . . . . . . . . 66
4.3.4 Retour vers l’essai de traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
4.3.5 Relations entre les coefficients d’élasticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
4.3.6 Un pas vers la thermoélasticité linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
4.4 Résolution des problèmes de mécanique du solide élastique . . . . . . . . . . . . . 71
4.4.1 Rappel des équations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
4.4.2 Méthode de résolution en déplacement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
4.4.3 Méthode de résolution en contrainte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72
4.5 Principe de superposition et unicité de la solution . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
4.6 Cas de l’élasticité plane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74
59
60 Chapitre 4. Mécanique des solides déformables élastiques
Jusqu’à présent, nous avons discuté des notions élémentaires de cinématique permettant de
définir/mesurer la déformation d’un point matériel. A travers la loi fondamentale de la mécanique
nous avons pu mettre en évidence l’existence d’une nouvelle notion, peut être moins palpable au
premier abord : la contrainte. Nous comprenons bien qu’une déformation d’un milieu continu
engendrera une réaction de ce milieu sous l’intermédiaire de la création de contraintes.
Mais comment faire le lien entre contrainte et déformation ? C’est là qu’interviennent naturellement
les matériaux constituant le milieu continu étudié. Par exemple, il n’est nul besoin de préciser la
différence entre un matériau caoutchoutique, un métal ou un verre à vitre ? Le premier pourra se
déformer fortement mais reviendra à sa position initiale - il est élastique. Le second se mettra en
forme sous l’action d’une sollicitation extérieure - il est plastique (ductile). Le troisième se déformera
très peu avant d’exploser en mille morceaux - il est fragile ! Ces 3 matériaux exhibent un domaine
d’élasticité linéaire aux petites déformations, c’est à dire que la contrainte augmente linéairement
avec la déformation et que cette déformation est réversible tant que la contrainte n’a pas atteint un
certain seuil (Figure 4.1). Nous parlons ici de loi de comportement des matériaux, qui apparaît
comme - selon une vision toutefois très simpliste - la brique manquante permettant de relier contrainte
et déformation. Il existe de nombreux ouvrages [BCCF01, LCBD20] traitant de ce sujet d’importance
vis à vis de la conception de systèmes mécaniques et de structures. Nous nous limiterons dans ce
chapitre au cas très simplifié de la mécanique des solides élastiques linéaires. Nous renvoyons le
lecteur désireux d’en savoir davantage sur ce domaine passionnant de la mécanique des matériaux à
la Majeure Mécanique.
Figure 4.1: illustration de la réponse mécanique des matériaux selon qu’ils soient ductiles (mé-
taux/polymères thermoplastiques) ou fragiles (verres/céramiques)
L’essai de traction est le test le plus couramment utilisé pour caractériser le comportement
mécanique d’un matériau, et donc établir sa "loi de comportement". Cet essai consiste le plus sou-
vent à soumettre une éprouvette (ou plus exactement une partie dite "utile" de l’éprouvette) à un
4.2. L’essai de traction 61
allongement ∆l par déplacement relatif de ses extrémités, et à mesurer la force F nécessaire à cet
allongement (Figure 4.2).
Figure 4.2: Eprouvette de traction unaxiale et déformation axiale résultante en fonction de l’hypo-
thèse de mesure choisie
Analysons les efforts appliqués à la partie utile de l’éprouvette de la Figure 4.2 pour la
déformer. Pour cela, nous nous plaçons dans un repère orthonormé. En choisissant l’axe → −e 3 comme
axe de traction, et en notant S la section courante de la partie utile, on constate que le vecteur
F → −
contrainte appliqué sur la surface normale à cet axe est parallèle à cet axe et vaut S(t) e 3 . Les vecteurs
contraintes appliqués sur les autres surfaces étant nuls, il s’ensuit que le tenseur des contraintes de
Cauchy correspond à un état uniaxial défini par :
0 0 0
σ= 0 0 0 (4.1)
F
0 0 σ33 = S(t)
X1 (1 − βt)
→
− →
− →− →
− →−
x = φ ( X , t) avec φ ( X , t) = X2 (1 − βt) (4.2)
X3 (1 + αt)
1
1− (1−βt)2
0 0
1
1
e= 0 1− 0 (4.3)
2 (1−βt)2
1
0 0 1− (1+αt)2
Notons que cette mesure des déformations n’est pas strictement équivalente à la mesure ob-
tenue via le tenseur d’Euler-Almansi e. Nous pouvons également tenter de mesurer cette déformation
via le tenseur des déformations linéarisés (Eq 2.54), en nous rappelant toutefois que cette mesure
n’a de sens que dans le cadre de l’hypothèse des petites perturbations :
−βt 0 0
ε= 0 −βt 0 (4.5)
0 0 αt
dans une direction. Toutefois, cette mesure s’avère souvent délicate. Cette courbe est à la base des
méthodes de caractérisation du comportement des matériaux. Elle permet de distinguer plusieurs
régimes :
Toutes ces notions seront développées dans le contexte de la majeure mécanique pour les élèves
désireux d’en savoir davantage sur le comportement mécanique des matériaux solides. Nous nous
limiterons dans la suite de ce cours aux solides élastiques linéaires.
Figure 4.3: Courbe rationnelle de traction. La partie linéaire correspond au régime de comportement
élastique du matériau caractérisé par un module de d’élasticité E dit module de Young et une
réversibilité de la déformation. Il est suivi d’un régime élastoplastique du matériau, caractérisé par des
déformations irréversibles - c.a.d plastiques. A partir d’une certaine valeur de déformation/contrainte,
la contrainte diminue, ce qui témoigne d’un endommagement du matériau amenant la ruine de
l’éprouvette.
64 Chapitre 4. Mécanique des solides déformables élastiques
Nous allons nous limiter maintenant au domaine d’élasticité qui s’avère la plupart du temps
correspondre au domaine des petites perturbations (configurations eulérienne et lagrangienne confon-
dues). Nous allons chercher à construire une relation linéaire entre le tenseur des contraintes de Cau-
chy et le tenseur des déformations en petites perturbations (ou tenseur des déformations linéarisées)
qui, pour rappel ((Eq 2.54), s’exprime de la façon suivante :
1
ε= grad→−u + gradT → −
u (4.7)
2
Dans un souci pédagogique, nous considérons que tenseur des déformations signifie tenseur des
déformations en petites perturbations ε. Comme nous nous limitons au cadre des petites pertur-
bations, cet abus de langage ne porte pas préjudice.
La loi de Hooke a été généralisée par Cauchy (1789-1857), qui a proposé d’exprimer chaque
composante du tenseur des contraintes comme une fonction linéaire des composantes du tenseur des
déformations. La loi de Hooke est donc aujourd’hui souvent écrite sous la forme :
où C est un tenseur du quatrième ordre appelé tenseur des rigidités (ou tenseur d’élasticité). Le
tenseur des rigidités fait intervenir l’ensemble des caractéristiques élastiques du matériau. Le tenseur
C a a priori 81 composantes (chaque indice varie de 1 à 3). Toutefois, nous avons vu que les
tenseurs des contraintes de Cauchy et des déformations sont symétriques. Ils n’ont donc chacun
que 6 composantes indépendantes, et leur liaison linéaire peut alors être réalisée à l’aide de 36
termes seulement. La forme suivante est souvent utilisée, dans un repère orthonormé, pour relier les
composantes des contraintes et des déformations :
σ11 C1111 C1122 C1133 C1123 C1131 C1112 ε11
σ22 C2211 C2222 C2233 C2223 C2231 C2212 ε22
σ33 C3311 C3322 C3333 C3323 C3331 C3312 ε33
= . (4.9)
σ23 C2311 C2322 C2333 C2323 C2331 C2312 2ε23
σ31 C3111 C3122 C3133 C3123 C3131 C3112 2ε31
σ12 C1211 C1222 C1233 C1223 C1231 C1212 2ε12
Les composantes de la matrice présente dans la relation précédente sont souvent notées CIJ , avec I
et J variant de 1 à 6 (notation de Voigt).
Nous avons jusqu’à présent utilisé la symétrie des tenseurs de contraintes et de déformations,
ainsi que leur relation linéaire via la loi de Hooke. Nous pouvons maintenant utiliser l’autre caracté-
ristique de la déformation élastique, qui est sa réversibilité. Nous pouvons ainsi postuler l’existence
d’un potentiel élastique, traduisant l’énergie de déformation élastique par unité de volume, tel que :
4.3. Loi de comportement élastique linéaire 65
∂w
σij = (εij ) (4.10)
∂εij
Comme notre théorie est une théorie linéaire, le second membre de l’equation (4.10) doit
être linéaire en εij . Il suffit donc de prendre pour w(εij ) une forme quadratique des εij . Celle-ci doit
être définie positive ce qui nous amène à écrire
1 1
w = ε : C : ε = εij Cijkl εkl (4.11)
2 2
Les relations précédentes se traduisent par le fait que la matrice 6x6 de l’équation 4.9 est
symétrique et définie positive. Cette matrice ne possède donc que 6x7/2=21 composantes indépen-
dantes. Le tenseur des rigidités élastiques C ne possède donc que 21 composantes indépendantes
dans le cas le plus général.
Nos deux variables d’état étant définies, nous pouvons alors postuler l’existence d’un
potentiel thermodynamique Ψ ε, T duquel dérivent les lois d’état. Nous verrons dans le cadre
de la majeure mécanique que ce potentiel doit être convexe par rapport à ε (et concave par
rapport à T ) pour satisfaire les conditions de stabilité thermodynamique. En combinant le premier
et le second principe, nous aboutissons alors aux deux équations suivantes :
∂Ψ
σ−ρ =0
∂ε (4.12)
∂Ψ
s+ =0
∂T
Nous aboutissons ainsi aux lois d’état de la thermo-élasticité :
∂Ψ
σ=ρ
∂ε T
(4.13)
∂Ψ
s=−
∂T ε
Remarquons que c’est par ce biais que nous pouvons définir les deux variables associées σ et
s à nos deux variables d’état ε et T . Pour obtenir une théorie élastique linéaire, il suffit alors
simplement de choisir comme potentiel d’état convexe, une forme quadratique définie positive
des composantes du tenseur des déformations soit :
1 1
ρΨ = ε : C : ε = εij Cijkl εkl (4.14)
2 2
Nous retrouvons, de façon certes plus élégante, la forme définie précédemment dans l’équation
(4.11).
En pratique, les matériaux possèdent des symétries supplémentaires qui permettent de res-
treindre encore le nombre de composantes indépendantes du tenseur des rigidités. Comme ilustré sur
la Figure 4.4, les principaux cas rencontrés sont :
— l’orthotropie (symétrie par rapport à trois plans orthogonaux), qui réduit le nombre de
composantes à 9 (c’est le cas par exemple du bois et de certains matériaux composites),
— l’isotropie transverse (matériaux unidirectionnels) qui réduit le nombre de composantes à
5,
— la symétrie cubique (orthotropie avec des propriétés identiques dans les trois directions
orthogonales aux plans de symétrie), qui réduit le nombre de composantes à 3 (c’est la
cas de la structure de nombreux métaux),
— l’isotropie (mêmes propriétés dans toutes les directions), qui réduit le nombre de com-
posantes à 2 (cette hypothèse est largement utilisée en mécanique des milieux continus,
pour les matériaux courants).
Dans le cas isotrope, la forme quadratique w(εij ) s’exprime uniquement en fonction des
invariants de ε où ε1 = tr(ε) et ǫ2 = 12 tr(ε.ε) sont les deux premiers invariants. Cela nous amène
4.3. Loi de comportement élastique linéaire 67
qui s’écrit sinon sous forme matricielle de la façon suivante en notation de Voigt :
σ11 λ + 2µ λ λ 0 0 0 ε11
σ22 λ λ + 2µ λ 0 0 0 ε22
σ33 λ λ λ + 2µ 0 0 0
. ε33 (4.17)
σ = 0 0 0 µ 0 0 2ε23
23
σ31 0 0 0 0 µ 0 2ε31
σ12 0 0 0 0 0 µ 2ε12
Il convient maintenant de donner un sens physique à ces coefficients. Nous allons pour cela
revenir sur l’essai de traction présenté en section 4.2. Le domaine de l’élasticité linéaire représenté
sur la courbe 4.3 est caractérisé par une relation de proportionnalité entre la contrainte appliquée et
la déformation de l’éprouvette dans sa partie utile. Cette relation de proportionnalité peut s’écrire
entre les composantes de la courbe rationnelle sous la forme :
du module d’Young est la même que celle d’une contrainte, c’est-à-dire celle d’une pression (force
par unité de surface). En effet, les déformations sont sans unité. L’unité SI (Système International)
d’une pression est le Pascal (P a), qui vaut 1 Newton par mètre carré. Mais on rencontre souvent
d’autres unités pour représenter les contraintes et le module d’Young qui sont :
Nous avons vu que la section S de l’éprouvette de traction jouait un rôle dans le passage de
la force appliquée F à la contrainte de Cauchy. En fait, cette section évolue par l’intermédiaire des
déformations qui ont lieu perpendiculairement à l’axe de traction. Ainsi, selon les axes →−
e 1 et →
−e 2,
on constate que la déformation est donnée par :
où ν est appelé coefficient de Poisson (1781-1840). Le tenseur ε a donc la forme suivante dans un
essai de traction selon →
−
e3 sur un matériau élastique linéaire isotrope :
−ν 0 0
ε(M ) = ε33 0 −ν 0 (4.20)
0 0 1
Nous retrouvons bien deux coefficient permettant de décrire l’élasticité linéaire isotrope mais
ceux-ci sont différents des coefficients de Lamé. Ils se déduisent de ces deux coefficients par les
relations E = µ 3λ+2µ λ
λ+µ et ν = 2(λ+µ) . La loi de Hooke en élasticité linéaire isotrope s’écrit alors de
façon inverse :
1+ν ν
ε= σ − tr(σ)I (4.21)
E E
Le tableau 4.1 donne le module d’Young (en GP a) et le coefficient de Poisson (sans unité) de
différents matériaux à différentes températures. On constate que le coefficient de Poisson est souvent
voisin de 0, 3. Si on calcule l’augmentation relative de volume du matériau en cours de traction (par la
trace du tenseur des déformations), on remarque qu’elle vaut (1 − 2ν)ǫ33 . Dans un essai de traction,
le matériau s’allonge et augmente généralement son volume dans le domaine d’élasticité.
E
K = 3λ + 2µ = (4.22)
1 − 2ν
4.3. Loi de comportement élastique linéaire 69
E
G=µ= (4.23)
2(1 + ν)
Les matériaux sont souvent soumis à des chargements thermiques qui ont pour effet de
modifier les dimensions des structures. Les déformations d’origine thermique sont directement pro-
portionnelles à la variation de température ∆T , par le coefficient de dilatation thermique α :
70 Chapitre 4. Mécanique des solides déformables élastiques
Table 4.2: Relations entre les coefficients d’élasticité dans le contexte de l’élasticité linéaire isotrope
λ, µ E, ν E, G
Eν G(E − 2G)
λ λ
(1 + ν)(1 − 2ν) 3G − E
E
µ µ G
2(1 + ν)
µ(3λ + 2µ)
E E E
λ+µ
λ E − 2G
ν ν
2(λ + µ) 2G
2 E GE
K λ+ µ
3 3(1 − 2ν) 3(3G − E
Lorsque la structure n’est pas liée mécaniquement à l’extérieur, alors ce champ de déformation
thermique ne générera pas de contraintes s’il vérifie les équations de compatibilité. Dans le cas
contraire, ou si la structure est liée mécaniquement à l’extérieur (on parle de dilatation contrariée),
alors des contraintes seront générées dans le solide. D’une façon plus générale, lors d’une sollicitation
dite "thermo-mécanique", les déformations thermiques s’ajoutent aux déformations mécaniques, elles-
même reliées aux contraintes par l’élasticité du matériau.
Par exemple, lorsque l’on chauffe de façon homogène une barre de métal, celle-ci se dilate
sans qu’il y ait création de contraintes à l’intérieur. En revanche, si on impose à celle-ci de garder
la même longueur, alors une contrainte de compression sera créée dans la barre pour respecter cette
condition. En effet, si on considère que l’axe de la barre est orienté selon →
−
e1 alors
ε11 = εmeca
11 + εth
11 = 0
meca σ11
ε11 = E
(4.25)
εth
11 = α∆T
⇒ σ11 = −Eα∆T
Dans le cas élastique linéaire isotrope, on obtient une relation entre les déformations et les
contraintes sous la forme :
1+ν ν
ε= σ + α∆T − tr(σ) I (4.26)
E E
E ν E
σ= ε+ tr(ε)I − α∆T I (4.27)
1+ν 1 − 2ν 1 − 2ν
4.4. Résolution des problèmes de mécanique du solide élastique 71
Dans toute la suite de ce chapitre, nous faisons l’hypothèse des petites perturbations, nous
supposons que le solide suit un comportement linéaire élastique isotrope et nous négligeons les effets
d’accélération (notion d’équilibre statique). Le nombre d’inconnues dans un problème de mécanique
des milieux continus est égal à 15. En effet, l’objectif est de déterminer en chaque point du solide
le vecteur déplacement → −u (trois composantes), le tenseur des déformations ε (six composantes
indépendantes) et le tenseur des contraintes σ (six composantes indépendantes).
Pour résoudre un tel problème, nous devons donc disposer de 15 équations. Ces équations
sont
— les trois équations d’équilibre :
−→ →
− →
−
div(σ) + f v = 0 (4.28)
— les six équations de compatibilité des déformations, qui assurent que les déformations
dérivent d’un champ de déplacement selon l’equation (4.7) :
— les six équations de comportement reliant les contraintes aux déformations sous la forme :
→
− −
→
u = ud sur ∂Ωu
−→ (4.31)
→
−
t = σ.→
−
n = F d sur ∂ΩF
Il existe beaucoup de méthodes de résolution des équations précédentes. Toutefois, les mé-
thodes dites "semi-inverses" présentent l’avantage de fournir des expressions analytiques pour les
champs de déplacement, de déformations, et de contraintes dans le solide. Il existe deux grandes
méthodes de résolution semi-inverse de ce type de problèmes :
— La résolution en déplacements consiste à écrire toutes les conditions que doivent satisfaire
les déplacements dans la structure, pour en déduire une solution respectant les conditions
aux limites en pression (dites conditions aux limites statiques).
— La résolution en contraintes consiste à écrire ces équations l’aide du tenseur des
contraintes et de chercher une solution permettant de respecter les conditions aux li-
mites en déplacement.
72 Chapitre 4. Mécanique des solides déformables élastiques
La résolution de ces équations est surtout pratique lorsque les conditions aux limites sont exprimées
en déplacement. Si des conditions sont exprimées en contraintes, alors il convient de calculer le
tenseur des contraintes à partir du champ de déplacements, puis d’appliquer ces conditions pour
déterminer les constantes.
→
− → →
−
∆(−
u) = 0 (4.34)
Pour un matériau incompressible, la deformation moyenne devient nulle, ce qui se traduit par
(tr(ε) = div(→
−u ) = 0). Les équations de Lamé-Clapeyron (4.32) se réduisent alors à :
→
− − →
− →
−
µ ∆(→
u)+ f v = 0 (4.35)
Lorsque seules des conditions aux limites en contraintes existent, il peut être intéressant
de résoudre le problème en utilisant les six composantes indépendantes du tenseur des contraintes
comme inconnues. Il faut alors disposer de six équations. Nous utilisons pour cela les équations de
compatibilité (4.29) en écrivant que les déformations obtenues par la loi de comportement doivent
respecter ces équations. Les équations d’équilibre (4.28) sont donc ici utilisées pour simplifier les
4.5. Principe de superposition et unicité de la solution 73
équations de compatibilité exprimées en contraintes. Ceci conduit aux équations dites de "Beltrami-
Michell", qui s’écrivent sous la forme :
2(λ + µ) −−→
∆(σ) + grad grad(3σm )
3λ + 2µ
(4.36)
→
− →
− λ →
−
+ grad( f v ) + grad( f v )T − div( f v )I = 0
λ + 2µ
avec 3σm = tr(σ).
Ce système d’équations différentielles permet d’obtenir le champ de contraintes, à des
constantes près qu’il faut déterminer en utilisant les conditions aux limites en pression. Toutefois,
il est difficile ici d’introduire les conditions aux limites en déplacements, car le champ de déplace-
ments n’est pas obtenu directement à partir du champ de contraintes. Il faut pour cela intégrer les
déformations. Pour cette raison, la résolution en contraintes est beaucoup moins utilisée que celle en
déplacements.
Z Z
(1) (2)
W = w(ε −ε )dV = (ε(1) − ε(2) ) : C : (ε(1) − ε(2) )dV = 0 (4.37)
Ω Ω
Comme W est une forme quadratique définie positive qui ne peut s’annuler que si toutes les
composantes (ε(1) − ε(2) ) sont identiquement nulles, il vient qu’il ne peut exister qu’une seule
solution du problème de mécanique du solide, dans le contexte de l’élasticité linéaire et le
cadre des petites perturbations.
ε11 ε12 0
ε(M ) = ε21 ε22 0 (4.38)
0 0 0 R
σ11 σ12 0
σ = σ21 σ22 0 (4.39)
0 0 σ33 = ν(σ11 + σ22 ) R
Nous supposons également le champ des forces volumiques comme plan avec → −
g = g1 →
−
e1+
→
−
g2 e 2 . Les équations d’équilibre se réduisent à deux équations aux dérivées partielles :
∂σ11 ∂σ12
+ − ρg1 = 0
∂x1 ∂x2 (4.40)
∂σ21 ∂σ22
+ − ρg2 = 0
∂x1 ∂x2
−−→
En considérant que les forces volumiques dérivent d’un potentiel →
−
g = grad(ψ), il est alors
4.6. Cas de l’élasticité plane 75
En introduisant les équations (4.41) via la loi de comportement (4.30) dans l’équation de
compatibilité (4.42), on obtient pour la fonction de contrainte Φ une équation du quatrième ordre
qui dépend de l’opérateur différentiel ∆2 Φ :
Sommaire
5.1 Attrait du calcul variationnel en MMC . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
5.2 Notions de calcul variationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
5.2.1 Extremum d’une intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
5.2.2 Indépendance des formes de y dans la fonctionnelle I . . . . . . . . . . . . 81
5.2.3 Condition de minimisation d’Euler-Lagrange . . . . . . . . . . . . . . . . . 82
5.2.4 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
5.3 Équilibre mécanique via les principes variationnels . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
5.3.1 Liens entre équilibre et principe de Hamilton . . . . . . . . . . . . . . . . 88
5.3.2 Équivalence entre équations d’équilibre et principe de Hamilton pour un
système conservatif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92
5.4 Principe des Puissances Virtuelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
5.4.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
5.4.2 Le PPV comme méthode de caractérisation de l’équilibre . . . . . . . . . . 96
5.4.3 Principe des travaux virtuels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97
5.5 Encadrement de la solution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
5.5.1 Approche en déplacements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
5.5.2 Approche en contraintes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
5.5.3 Encadrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Le calcul variationnel, ou calcul des variations, est une branche de l’analyse fonctionnelle
qui consiste à rechercher des solutions conduisant à un optimum (maximum ou minimum) d’une
fonctionnelle, i.e. d’une fonction de fonction à valeur réelle. C’est un outil puissant qui permet de
caractériser une famille de solutions, donc admissible au sens des restrictions qui doivent être vérifiées
en termes de régularité et de conditions aux limites. Ce sont (encore une fois !) Euler (en 1744) et
Lagrange (vers 1760) qui ont introduit cette pensée où l’étude des équilibres mécaniques se fait en
manipulant des scalaires et non plus des vecteurs.
Il s’agit donc d’un formalisme Lagrangien basé sur des scalaires, et offre une vision complé-
mentaire de l’approche Newtonienne vue jusqu’à présent. C’est par la définition de formes intégrales
77
78 Chapitre 5. Principes variationnels
que peut être posée la formulation de problèmes de mécanique, en associant à cela un travail supplé-
mentaire pour traiter les conditions aux limites du système. Pour le cas de la mécanique des milieux
continus, l’intérêt du calcul variationnel est immédiat : il permet de caractériser l’équilibre à partir de
l’étude des formes intégrales des énergies et travaux mis en jeu, les potentiels. Le champ solution
(déplacements ou contraintes) rend stationnaire la fonctionnelle représentant l’énergie mise en jeu
au cours de la sollicitation, i.e. il réalise un extremum (minimum ou maximum ; local ou absolu). Ce
champ devra être C 1 comme indiqué précédemment et vérifier les conditions aux limites, naturelles
(Neumann) et essentielles (Dirichlet) imposées.
Ces potentiels prennent alors des formes connues, ce sont :
— l’énergie de déformation (interne),
— le travail des efforts extérieurs (externe),
— l’énergie cinétique qui dépend des vitesses (interne)
— le travail des quantités d’accélération (interne ou externe selon la formulation),
— les potentiels de dissipation pour les systèmes non-conservatifs (dissipation interne et
externe).
Comme nous le verrons, en dynamique le principe d’Hamilton (voir §5.3.1) est exactement cette
forme intégrale spatio-temporelle pour les systèmes conservatifs dont les liaisons avec l’extérieur ne
dépendent pas des vitesses ; liaisons dites holonômes.
Le calcul variationnel offre également la possibilité indispensable de déduire exactement en
nombre et en genre les conditions aux limites associées à un problème. Le recours au calcul variationnel
en MMC peut donc être motivé par 2 besoins typiques :
Le calcul variationnel est donc souvent mis en œuvre dans les méthode dites éner-
gétiques qui visent à caractériser la solution en partant de formulations de potentiels. Sans
entrer dans les détails et de façon non-exhaustive, nous traitons ici le cas de la MMC
à travers ces 2 approches réciproques - recherche de solution et établissement des équa-
tions d’équilibre. On peut indiquer que le calcul variationnel permet, par exemple, de ca-
ractériser une famille d’approximations dans les méthodes d’homogénéisation - cf support de
cours ’Mécanique des Composites Hautes Performances’ https://www.emse.fr/~drapier/index_
fichiers/CoursPDF/Composites/Composites_SDrapier-2021.pdf, de formuler les problèmes
résolus numériquement par des méthodes de types volumes finis, éléments de frontières et
surtout éléments finis en mécanique - cf Chapitre 6 du support de cours de ’Mécanique
des Structures’ https://www.emse.fr/~drapier/index_fichiers/CoursPDF/Meca-Structu2A/
Meca-struct-num-Octobre-2021.pdf ou encore d’établir les équations d’équilibre de problèmes
spatio-temporels en dynamique http://www.emse.fr/~drapier/index_fichiers/CoursPDF/
Dynamique-3A/Dynamique-SDrapier-janvier2012.pdf. Plus de détails du calcul variationnel
dans d’autres branches de la physique peuvent être trouvés, par exemple, dans l’ouvrage de M.
Bonvalet [Bon93].
5.2. Notions de calcul variationnel 79
Soit un intervalle de l’espace (1D ici pour simplifier) [x1 , x2 ] et des fonctions y : x 7→ y(x) ∈
]y1 , y2 [ et sa différentielle y ′ : x 7→ y ′ (x) = dy(x) ′ ′ 1
dx ∈ ]y1 , y2 [, toutes deux de classe C au moins
différentiables par morceaux. Les valeurs extrêmes (points fixes) de y(x) sont connues : y(x1 ) = y1 ,
y(x2 ) = y2 et prises comme homogènes dans un premier temps. Le problème posé consiste à trouver
la fonction y(x) qui corresponde à l’extremum (minimum ou maximum ; local ou global) de l’intégrale
au sens de Lebesgue à valeur réelle
Z x2
I (y(x)) = Φ(x; y, y ′ )dx (5.1)
x1
Ce problème est dit problème de Lagrange, et nous comprendrons rapidement pourquoi dans la suite
où il s’agira de minimiser le Lagrangien d’un système, avec des conditions aux extrémités fixes.
On cherche parmi toutes les fonctions ỹ(x) admissibles (de classe C 1 ) celles qui conduisent
à une valeur extrêmale de I (x; y(x)), i.e. qui rendent cette intégrale stationnaire. On note y(x)
la famille des fonctions qui réalisent cet extremum. L’ensemble des fonctions admissibles ỹ(x) peut
donc s’exprimer comme ces solutions y(x) modulées au voisinage des extrema par une famille de
fonctions arbitraires η(x) :
ỹ(x) = y(x) + αη(x) (α ≪ 1) (5.2)
telles que cette perturbation ne modifie pas les conditions imposées aux bornes de l’intégrale. En
effet :
˜ ≤ I(α),
I(0) ˜ ∀ α ≪ 1. (5.3)
on vérifie que cette fonctionnelle sera stationnaire quand sa dérivée par rapport à α tendra vers 0
pour une perturbation α la plus petite possible, soit :
" # (
d ˜ (ỹ(x))
I η(x1 ) = 0
I˜′ (0) = et les C.L. (5.4)
dα η(x2 ) = 0
α→0
80 Chapitre 5. Principes variationnels
ce qu’on peut également réécrire sous une forme plus classique avec le passage à la limite, d’une
dérivée au sens de Gateaux (1889-1914) :
(
I (y(x) + αη(x)) − I(y(x)) δy(x1 ) = 0
δI = lim = 0 et les C.L. (5.5)
α→0 α δy(x2 ) = 0
α 6= 0
De plus, le calcul de la variation seconde d’une quantité scalaire n’a pas de sens - quelle serait sa
variation dans la même ’direction’ déjà testée ? -. Par contre, des variations d’ordre croissant peuvent
s’appliquer à la fonctionnelle si elle n’est pas simplement linéaire en y(x), et notamment la variation
seconde est définie si Φ est bien de classe C 2 :
D’ailleurs cette seconde variation représente un critère de stabilité extrêmement utile, qui permet de
détecter les instabilités matériaux (non-linéarité matériaux) aussi bien que les instabilités de structure
(termes non-linéaires géométriques) ; en effet, le signe positif de la seconde variation indique la (poly
ou quasi) convexité du potentiel associé, comme nous l’avons vu pour les lois de comportement
précédemment. C’est également le fondement du Théorème de Lejeune-Dirichlet pour les systèmes
dynamiques dont les liaisons sont indépendantes du temps, soumis à des forces dérivant d’un potentiel
indépendant du temps ; et qui peut être étendu à certains systèmes frottants (liaisons dépendant du
temps).
5.2. Notions de calcul variationnel 81
Finalement, le calcul des variations de l’intégrale (Eq. 5.1) permet de rechercher "simplement"
une fonction dont la forme conduit à réaliser un extremum sur l’intervalle donné.
1 2 ′
∂f (x; y, y ′ ) ∂f (x; y, y ′ ) ′
f (x; y, y ′ ) = k1 y (x) + k2 y 2 (x) ⇒ δf (x; y, y ′ ) = δy + δy
2 ∂y ∂y ′
= k1 y δy + k2 y ′ δy ′
(5.6)
La fonctionnelle étant strictement convexe, elle ne possède qu’un extremum et c’est un
minimum ((y, y ′ ) = (0, 0)). En effet, sa variation seconde est strictement positive :
∂ ∂
δ 2 f (x; y, y ′ ) = (δf (x; y, y ′ )) δy + ′ δf (x; y, y ′ ) δy ′
∂y ∂y
= δy k1 δy + δy ′ k2 δy ′ > 0 (5.7)
D’un point de vue plus général, on peut tout de même remarquer que le problème physique
posé avec cette formulation a pour solution la fonction y(x) dont la dérivée y ′ (x) dépend, bien
évidemment. Quelle est alors l’hypothèse, si hypothèse il y a, qui permet de supposer que y et y ′
sont indépendantes comme nous l’avons écrit ci-dessus (Eq. 5.6) ? Pour cela on étudie maintenant
le cas d’une fonctionnelle F qui dépend de y et d’une autre forme de y, notée g(y). On a alors la
différentielle totale de la fonctionnelle F (y, g(y)) :
dy
si, par exemple, g(y) est la différentielle telle que g(y) = = y ′ , alors la différentielle de F devient :
dx
En reportant la forme générale des fonctions à tester (Eq. 5.2 : ỹ(x) = y(x) + αη(x)) dans
l’expression de l’intégrale I dont on cherche un extremum (Eq. 5.1), on obtient une forme de I qui
peut être développée selon le théorème de Taylor-Mac Laurin en se rappelant que y et y ′ sont des
fonctions indépendantes d’un point de vue calculatoire (voir §5.2.2) et que δy = lim αη(x) (Eq.
α→0
5.2) :
Z x2 Z x2 Z x2
′ ′ ′ ∂Φ ∂Φ ′
Φ(x; y + δy, y + δy )dx = Φ(x; y, y )dx + α η(x) + ′ η (x) dx +T.O.S.
x1 x1 x1 ∂y ∂y
| {z }
⇔ I(ỹ) = I(y) + δI(y, δy)
(5.11)
5.2. Notions de calcul variationnel 83
avec le dernier terme δI qui est bien évidemment la première variation de I, et qui peut se réécrire
par intégration par parties en faisant apparaître les conditions aux limites :
Z x2 Z x2
∂Φ ∂Φ ′ ∂Φ ∂Φ ′
δI(y, δy) = δy + ′ δy dx = α η(x) + ′ η (x) dx
x1 ∂y ∂y x1 ∂y ∂y
↓ Intégration par parties
Z x2 x2 (5.12)
∂Φ d ∂Φ ∂Φ
= − αη(x) dx + α η(x)
x1 ∂y dx ∂y ′ ∂y ′ x1
Z x2 x2
∂Φ d ∂Φ ∂Φ
= − ′
δy dx + ′
δy
x1 ∂y dx ∂y ∂y x1
Notons la propriété suivante, appelée également Lemme fondamental du calcul des variations 1 :
Soit f (t) :]t1 , t2 ] 7→ R une fonction continue. Si, pour toute fonction test δf (t) : [t1 , t2 ] 7→ R,
Z t2
l’intégrale (au sens de Lebesgue) f (t)δf (t) dt est nulle, alors f (t) est identiquement nulle sur
t1
]t1 , t2 ]. Ou énoncé autrement dans notre cas
Z t2
Si l’intégrale f (t) δf (t) dt est nulle pour toute fonction test δf (t) continue et nulle au voisinage
t1
de t = t1 et t = t2 , alors la fonction f (t) est identiquement nulle sur ]t1 , t2 ] si elle est continue.
Nous recontrerons, notamment dans le Chapitre 6 consacré aux poutres, le cas où la dérivée
seconde du champ solution intervient dans la fonctionnelle du type :
Z x2
I (y(x)) = Φ(x; y, y ′ , y ′′ )dx (5.14)
x1
1. Ce lemme s’étend aux intégrales multiples et dans tout espace vectoriel normé. Il porte sur le produit scalaire
défini dans cet espace, pour la fonction test et sa dérivée : < f, δ f˙ > + < g, δf >. Il s’agit alors du lemme de Du
Bois-Reymond.
84 Chapitre 5. Principes variationnels
Aprés 2 intégrations par parties successives, on obtient la forme suivante de la première variation de
δI :
Z x2 x2
∂Φ d ∂Φ ∂Φ
δI = − δy dx + α η(x)
x1 ∂y dx ∂y ′ ∂y ′ x1
Z x2 2 x2 x2
d ∂Φ ∂Φ ′ d ∂Φ
+ 2 ′′
δy dx + α η (x) −α η(x)
x1 dx ∂y ∂y ′′ x1 dx ∂y ′′ x1 (5.15)
Z x2
∂Φ d ∂Φ d2 ∂Φ ∂Φ d ∂Φ ∂Φ ′ x1
= − + δy dx + − δy + δy
x1 ∂y dx ∂y ′ dx2 ∂y ′′ ∂y ′ dx ∂y ′′ ∂y ′′ x2
= 0
Cette première variation devant être nulle, on obtient la condition d’Euler-Lagrange suivante :
∂Φ d ∂Φ d2 ∂Φ
− + = 0, ∀ x ∈ ]x1 , x2 [. (5.16)
∂y dx ∂y ′ dx2 ∂y ′′
En effectuant une intégration par parties en espace, cette quantité à annuler s’écrit :
Z t 2 Z x2
∂Φ ∂ ∂Φ ∂Φ ∂ ∂Φ
δI (y(x)) = δy − δy + δ ẏ − δ ẏ dx dt
t1 x1 ∂y ∂x ∂y ′ ∂ ẏ ∂x ∂ ẏ ′
Z t2 x1
∂Φ ∂Φ (5.19)
+ δy + ′ δ ẏ dt
t1 ∂y ′ ∂ ẏ x2
= 0
Il faut noter que dans cette forme, les conditions aux limites associées à la variable y(x)
sont toutes homogènes. Si tel n’est pas le cas, les résultats établis à l’intérieur du domaine restent
inchangés puisqu’on travail ici sur des variations qui de toute façon sont telles qu’elles s’annulent au
bord. Classiquement dans un formalisme de (mécanique de) Lagrange, les termes de bord ne sont
pas intégrés directement dans les équations mais pris en compte en imposant au champs solution de
les vérifier. Pourtant, en MMC ces conditions aux limites sont primordiales comme nous l’avons vu,
et peuvent ne pas être triviales. Le calcul variationnel peut se révéler très utile, voire indispensable,
pour les exprimer comme nous allons le voir dans la suite.
Dans la relation Eq. 5.12 qui permet d’exprimer la condition de minimisation d’Euler-Lagrange
dans un cas simple, le terme de bord [(∂Φ/∂y ′ )δy]xx21 = 0 disparaît car la variation δy de l’inconnue
est par essence nulle aux bornes de l’intégrale. Ceci est en lien direct avec le formalisme de Lagrange
où les conditions de liaison avec l’extérieur sont traitées en introduisant un terme complémentaire,
appelé multiplicateur de ... Lagrange. Le plus souvent ce formalisme est adopté dans les cas discrets
où des forces dites généralisées sont associées aux degrés de liberté qui intègrent déjà une partie des
conditions de liaison avec l’extérieur pour aboutir à une paramétrisation minimale (détails au Chapitre
1 de la Partie 2 de http://www.emse.fr/~drapier/index_fichiers/CoursPDF/Dynamique-3A/
Dynamique-SDrapier-janvier2012.pdf). Pourtant, on peut essayer d’étendre ce travail sur la
minimisation à un formalisme de la MMC en précisant ces conditions aux limites dans la formulation
variationnelle continue.
En effet, dans la réalité on rencontrera des conditions aux limites non-homogènes et de
différents types, par exemple des conditions peuvent être imposées sur le gradient de l’inconnue,
y ′ (x) pour notre exemple 1D. En mécanique ce type de condition portera, de façon plus générale, sur
le flux de contraintes au bord. Ainsi, pour que la première variation δI (Eq. 5.12) de notre problème
type soit nulle, en plus de la condition d’Euler-Lagrange (Eq. 5.13) déjà vérifiée à l’intérieur
x2 du
∂Φ
domaine, il faut vérifier également une combinaison de conditions sur le bord : δy =0
∂y ′ x1
— La condition la plus directe correspond à δy = 0, soit y(x) |(x1 ,x2 ) = y d (avec y d éven-
tuellement nulle). Cette condition dite de première espèce porte sur l’inconnue choisie
pour formuler notre problème. En mécanique, pour un problème écrit en déplacement on
poserait y(x) = y d ∀x ∈ ∂Ωu , ou de façon équivalente y(x) C.A.,
— La seconde condition est moins directe et porte sur le flux. Il faut se rappeler que la
formulation proposée jusqu’à présent a strictement porté sur l’expression interne du pro-
blème de minimisation. C’est après intégration par parties que nous avons fait apparaître
ce terme de bord, tout en restant dans un formalisme purement de Lagrange. Pourtant,
ce terme doit être équilibré par un flux extérieur que nous devons prendre en compte. La
86 Chapitre 5. Principes variationnels
∂Φ
condition de seconde espèce porte donc sur le flux de l’inconnue et s’écrit = td en
∂y ′
1D. En mécanique cela correspondrait à y ′ (x) |(x1 ,x2 ) = y ′d ∀x ∈ ∂ΩF , terme qu’il faut
encore expliciter.
Pour préciser cette expression du flux, reprenons le calcul du terme de bord dans l’Eq. 5.12 mais en
3D :
Z Z
∂Φ → − ′ ∂Φ
→
− ′
δ y dV = δyi,j dV
Ω ∂ y Ω ∂yi,j
l’inconnue cinématique.
2/ Pour être plus général, considérons maintenant un solide tel que schématisé sur la Figure 5.2.
Sur son bord ∂Ω de normale sortante → −n , en tout point M on peut imposer 2 types de conditions
comme nous le savons depuis le Chapitre 4
— condition de première espèce (ou Dirichlet, ou essentielle) portant sur l’inconnue
→
−u (→
−x ) sur ∂Ωu : →
−
u (→
−x)=→ −
ud
— condition de seconde espèce (ou Neumann, ou naturelle) portant sur le flux de l’in-
connue grad→ −u (→
−
x ) sur ∂ΩF : σ(M ) · → −n = F d (M ). En se rappelant qu’en HPP
σij = Cijkl εkl = Cijkl 21 (uk,l + ul,k ) qui est donc bien un flux de l’inconnue cinéma-
tique.
Finalement, les conditions aux limites qui doivent être vérifiées au bord du domaine s’ex-
priment :
5.2. Notions de calcul variationnel 87
— en 1D :
x2
y(x) |(x1 ,x2 ) = y d (⇒ δy = 0)
∂Φ
δy =0⇔ ou (5.23)
∂y ′ x1
∂Φ
| = td
∂y ′ (x1 ,x2 )
— en 3D : d
Z yi = yi (⇒ δyi = 0) sur ∂Ωu
∂Φ ou
nj δyi dS = 0 ⇔ (5.24)
∂Ω ∂yi,j
∂Φ
nj = tdi sur ∂ΩF
∂yi,j
La condition de minimisation dans le domaine est donc complétée par les condi-
tions aux limites de première et seconde espèce, ce qui permet d’énoncer :
Si la fonction y(x) réalise un extremum de la fonctionnelle I(x; y, y ′ ) sur l’ensemble des fonctions
y(x) continues définies sur l’intervalle ]x1 , x2 [ et vérifiant les conditions essentielles et naturelles en
(x1 , x2 ), alors elle satisfait :
Cette approche des conditions aux limites ’à la main’ peut être traitée plus naturellement en
considérant non plus simplement des variations du champ réel comme fonctions test, fonctions par
essence nulles aux bords, mais imaginer plus largement des fonctions virtuelles qui remplissent ce
rôle de champs test, dans la limite des conditions de continuité et de dérivabilité proches de celles du
champ solution, mais moins contraints. Ce qui permet de définir les conditions aux limites de façon
plus directe et plus rigoureuse, par exemple en partant du Principe des Puissances Virtuelles que
nous verrons ci-après § 5.4 page 94. On obtiendra alors ce même résultat portant sur le gradient de
l’intégrande au bord, complémentaire des conditions sur l’inconnue. Enfin, pour être exhaustif, dans
le cas où des dérivées secondes et/ou des dérivées en temps interviennent dans la minimisation, les
conditions aux limites se déduisent du terme de bord à annuler dans la première variation δy, soit
dans les équations 5.19 et 5.20 respectivement.
Pour conclure sur ces conditions aux limites, comme l’indique M. Bonvalet [Bon93] “Il ressort
immédiatement de l’observation des situations précédentes que le calcul des variations présente la
88 Chapitre 5. Principes variationnels
Le formalisme de Lagrange permet d’établir l’équilibre interne d’un milieu, comme nous
venons de le voir. En se basant sur le même formalisme légèrement généralisé, il est possible de
s’intéresser également à l’équilibre du milieu sur ses frontières, et ainsi formuler le Principe des
Puissance Virtuelles qui inclut à la fois l’équilibre intérieur et les conditions aux limites naturelles, et
même essentielles sous certaines conditions. Par cette méthode, il s’agit de caractériser la puissance
ou le travail virtuel produit par l’équilibre sous l’action d’un champ test, qui peut être un champ
de déplacement (ou de vitesse) ou un champ de contraintes comme nous le verrons. Pour cela, la
restriction sur la variation du champ réel (variation nulle aux bords) peut être assouplie par rapport
à ce que nous venons de voir ci-dessus.
Ces premières notions de calcul variationnel vont nous permettre de caractériser l’équilibre
mécanique des milieux continus étudiés ici. En effet, la condition de minimisation d’Euler-Lagrange
associée aux conditions aux limites de première et seconde espèce (Eq. 5.25) est tout à fait géné-
rale ; nous l’appliquons ici au principe de Hamilton qui est un des principes variationnels essentiels
rencontrés en physique.
Considérons un solide S de masse volumique ρ supposée constante, tel que schématisé sur
la Figure 5.2. Ce solide occupe un domaine de mesure Ω et est en équilibre sous l’action d’efforts
→
− →
−
extérieurs volumiques à distance f v et d’une distribution d’efforts surfaciques t sur sa frontière
∂Ω. Les conditions aux limites cinématiques de ce milieu sont quant à elles appliquées sur la surface
∂Ωu et l’on a les conditions suivantes sur ces deux surfaces complémentaires : ∂ΩF ∪ ∂Ωu = ⊘ et
∂ΩF ∩ ∂Ωu = ∂Ω. Autrement formulé : en tout point de la frontière on doit imposer le déplacement
ou l’effort, mais les 2 ne peuvent être imposés simultanément 2 . Les efforts surfaciques sont composés
→
−
d’efforts connus F d appliqués sur sa frontière ∂ΩF , et de réactions (inconnues car résultant de la
réponse du milieu aux déplacements imposés) sur sa frontière ∂Ωu .
Figure 5.2: Solide (S) quelconque, occupant un volume Ω, en équilibre sous l’action d’efforts
extérieurs, et conditions aux limites associées.
intégrale en temps (et en espace ici) du Théorème de l’Energie Cinétique pour un système conservatif,
i.e. dont les actions extérieures ne dépendent pas du temps 4 , non soumis à des ondes de chocs ou de
pression, et dont les liaisons avec l’extérieur peuvent dépendre explicitement du temps mais pas des
vitesses, i.e. des liaisons holonômes qui peuvent être intégrées dans le temps 5 . Ce principe repose
donc sur la minimisation du Lagrangien du système, fonctionnelle définie comme la différence entre
→
−
l’énergie cinétique du système T (→ −u , u̇ , t) et son énergie potentielle extérieure Vext (→ −
u ) et intérieure
→
−
W ( u ) (pour des raisons de concision des écritures, on omettra de préciser la dépendance de ces
potentiels par rapport au gradient du déplacement → −
u ′ ). Dans le cas des milieux continus, comme nous
l’avons vu précédemment, le potentiel des actions intérieures n’est autre que l’énergie de déformation
élastique. Le principe de Hamilton s’écrit entre deux instants t1 et t2 pour un système continu et
s’énonce : La trajectoire réelle du système est celle qui rend stationnaire l’intégrale temporelle
de son Lagrangien par rapport à toute variation arbitraire de déplacement C.A.(0) entre 2
instants et s’annulant à ces instants :
Z t Z t2
2
→
− →
− →
−
δ L( u , u̇ , t) dt = δ T (→
−u , u̇ , t) − Vext (→
−
u ) − W (→−
u ) dt = 0,
t1 t1 (5.27)
∀ δ→ − →
−
u ( x ) C.A.(0) et C.I.(0)
On notera les restrictions sur les champs test : ce sont les variations de champs réels, ils doivent
donc être partiellement homogènes en espace et en temps ; plus précisément :
— On appelle champ Cinématiquement Admissible tout déplacement qui vérifie les condi-
tions cinématiques imposées sur la frontière ∂Ωu du solide : C.A. = {→ −u (→−
x , t) =
→
− d →
−
u , ∀ x (t) ∈ ∂Ωu }
4. L’extension à des systèmes non-conservatifs peut se faire en introduisant un potentiel des actions extérieures
corrigé [Bon93]
5. Dans ce cas, les liaisons apparaissent comme une contrainte supplémentaire, et on montre que la recherche
de la stationnarité du Lagrangien se fait par une minimisation sous contrainte, se traduisant par l’introduction d’un
multiplicateur de Lagrange tel que le gradient du Lagrangien et le gradient de la contrainte imposée sont co-linéaires.
90 Chapitre 5. Principes variationnels
∂w
∃ w(ε) / = σ(ε) δw = σ(ε) δε (5.28b)
∂ε
où σ est le tenseur des contraintes de Cauchy et ε est le tenseur des déformations linéarisé ; pour
être plus général les contraintes pourraient être représentées par le second tenseur des contraintes
de Piola-Kirchhoff et les déformations par le dual, le tenseur des déformations de Green-Lagrange,
mais nous nous limiterons ici aux petites perturbations par commodité εij = 21 (ui,j + uj,i )
On définit de manière courante l’énergie interne de déformation par l’intégrale du travail
fournit par les contraintes dans les déformations correspondantes (Figure 5.3), ce qui dans le cas
de contraintes indépendantes explicitement du temps se ramène au calcul sur le trajet de déforma-
tion. L’énergie complémentaire, notée wc (σ), est duale et se définit par l’intégrale sur le trajet de
contraintes du travail fournit par les déformations dans le solide. Ces deux grandeurs énergétiques
permettent de définir la loi de comportement, relation entre contraintes et déformations comme nous
l’avons vu précédemment.
On peut maintenant calculer sur le domaine entier les quantités intervenant dans le principe
de Hamilton :
Z Z Z Z
→
− →
−v →
− →
− →
−d →
Vext ( u ) = vol
vext dV + surf
vext dS = − f ( x , t) · u (x, t)dV − F (−
x , t) · →
−
u (x, t)dS
Ω ∂Ω Ω ∂Ω
Z F
Z F
1
Vint (→
−u) = w(→−
u ) dV = σ(ε) : ε(→
−
u ) dV pour un matériau constitutif linéaire
ΩZ 2 Ω
→
→
− 1 − 2
T ( u̇ ) = ρ u̇ dV
2 Ω
(5.29)
Z εij ∂w(ε)
w(ε) = σij dεij = σij
0 ∂εij
Z σij ∂wc (σ)
wc (σ) = εij dσij = εij
0 ∂σij
et appliquons les au Lagrangien que nous venons d’expliciter, écrit par élément de volume :
→
− →
−
Lv (→−
u , u̇ , t) = Tv (→
−
u , u̇ , t) − vext (→
−
u ) − w(→
−
u ). Il nous faut donc calculer les termes suivants à
l’intérieur du domaine (Ω/∂Ω) :
∂L ∂ ∂L ∂ ∂L ∂ ∂ ∂L
− − + =0
∂ui ∂xj ∂ui,j ∂t ∂ u̇i ∂t ∂xj ∂ u̇i,j
Le premier terme se calcule très directement et ne concerne que les potentiels extérieurs (Eqs.
5.28a) dont la composante à l’intérieur est :
∂L ∂ vol
=− v = fiv (→
−
x , t) (5.30)
∂ui |Ω ∂ui ext
tout comme le 3ième terme qui ne concerne que la partie cinétique linéaire en les vitesses (pour
une configuration fixe)
∂ ∂L ∂ ∂ 1 2
= ρ (u̇i )
∂t ∂ u̇i ∂t ∂ u̇i 2
∂
= ρu̇i = ρüi (5.31)
∂t
Le second terme concerne le potentiel de déformation et nécessite de remarquer que par
symétrie du tenseur des déformations et du tenseur des contraintes, on note
1
σij εij = σij (ui,j + uj,i )
2
1 1
= σij ui,j + σij uj,i
2 2 (5.32)
1 1
= σij ui,j + σji uj,i
2 2
= σij ui,j .
92 Chapitre 5. Principes variationnels
On notera que le 4ième terme de la condition de la minimisation est nul ici, il concernerait
par exemple un matériau dont la réponse dépendrait des vitesses de déformation (rhéo-XXX).
Finalement, en sommant ces 3 contributions l’équilibre intérieur d’un élément de volume s’écrit :
∂L
Pour l’équilibre au bord que nous avons écrit formellement (Eq. 5.22) ∂u i,j
nj = tdi ,
nous pouvons le préciser ici en faisant la somme des contributions issues de cette condition
de
bord, et des seulsefforts extérieurs au bord déterminés à partir du premier terme calculé
∂L ∂ surf
∂ui |∂Ω = ∂ui vext :
F
∂L ∂L
sur ∂ΩF : + nj = 0 ⇔ −Fid (→
−
x , t) + σij nj ⇒ σij nj = Fid (→
−
x , t) (5.35)
∂ui ∂ui,j
On reconnaît bien évidemment les relations déjà établies précédemment au Chapitre 3 pour un
milieu continu, à l’intérieur et au bord du solide.
Nous venons de retrouver l’équilibre dynamique déjà établi au Chapitre 3, mais en passant par
la minimisation des potentiels du problème. On peut également montrer très facilement ces même
relations en passant par le principe d’Hamilton directement.
Partant des expressions des potentiels présentées en 5.29, le principe de Hamilton (Eq. 5.27)
devient :
Z t2 Z t 2 Z Z
→
− →
− →
− v →− d →
−
δ L( u , u̇ , t)dt = ρu̇i δ u̇i − σij (ε) δεij ( u ) + fi ( x , t)δui dV + Fi ( x , t)δui dS dt
t1 t1 Ω ∂ΩF
= 0 , ∀ δ→
−
u (→
−
x , t) C.A.(0) et C.I(0)
(5.36)
en utilisant les conditions de vitesses nulles aux instants extrêmes, i.e. pour un champ de vitesse
C.I.(0), on obtient après intégration par partie en temps du terme inertiel provenant de la variation
de l’énergie cinétique :
Z t2 Z t2
ρu̇i δ u̇i dt = [ρu̇i δui ]tt21 − ρüi δui dt
t1 | {z } t1 (5.37)
0
5.3. Équilibre mécanique via les principes variationnels 93
Z Z
σij (ε) δεij (→
−
u ) dV = σij (ε) δui,j dV
Ω Ω
Z t2
→
−
δ L(→
−
u , u̇ , t) dt =
t1
Z t 2 Z
Z
v (5.39)
−ρüi + σij,j (ε) + fi δui dV + Fid − σij nj δui dS dt
t1 Ω ∂ΩF
= 0 , ∀ δ→
−
u (→
−
x ) C.A.(0) et C.I(0)
Compte-tenu des conditions de nullité du champ test aux instants extrêmes t1 et t2 , d’aprés
le lemme de l’intégrale nulle l’intégrande en temps est nulle quel que soit le champ test δ → −u (→
−
x , t)
continu sur Ω et défini sur le bord ∂ΩF - rappelons que par construction ce champ est nul sur le
bord complémentaire ∂Ωu , i.e. δ →−u (→
−
x , t) C.A.(0). Nous avons ici 2 termes séparés, un portant sur
l’intérieur du domaine et le second sur le bord où les efforts sont imposés, et donc où la variation
du déplacement n’est pas explicitement nulle. Ce cas est analogue à celui présenté au § 5.2.4 (Eq.
5.26) où le gradient de l’inconnu est contrôlé, plutôt que l’inconnue elle-même ; la différence étant
qu’ici cette condition est indirecte, elle provient de conditions imposées à la contrainte, elle-même
reliée au gradient de déplacement à travers le potentiel de déformation, i.e. la loi de comportement
(σij = ∂w(ε)/∂ui,j ).
Z
Fid − σij nj δui dS (5.40b)
∂ΩF
Nous venons donc de montrer l’équivalence entre le principe de Hamilton et l’équilibre dy-
namique déjà établi au Chapitre 3, à l’intérieur (Eq. 3.12 page 49) et au bord du solide, pour un
milieu continu. On notera que la condition de minimisation d’Euler-Lagrange est une généralisation
du principe de Hamilton à toute fonctionnelle convexe. Ce qui peut permettre d’inclure des potentiels
de dissipation par exemple, comme on le fait assez directement dans le formalisme de Lagrange ; mais
de toute façon la connaissance explicite de ces potentiels est nécessaire.
Dans les 2 approches, le rôle des conditions aux limites est primordial : puisqu’on travaille sur
des formulation intégrées dans le temps, les conditions aux limites peuvent dépendre du temps, mais
explicitement. Elles ne peuvent pas dépendre des vitesses (liaisons non-holonômes) comme dans le
cas des contacts intermittents par exemple. Quoi qu’il en soit, ce type de conditions rend difficile
la recherche de l’équilibre mécanique. Le PPV peut permettre de lever une partie de ces difficultés
car son écriture représente une trajectoire vers un état d’équilibre. C’est cette approche qui nous
permettra d’établir les équations d”équilibre pour les poutres au Chapitre 6.
Le Principe des Puissances Virtuelles, ou PPV, reprend les idées du calcul variationnel et
permet de formuler dans un cadre encore plus général que le principe de Hamilton, l’équilibre méca-
nique du solide. Le PPV est d’ailleurs le point de départ de nombreuses méthodes de caractérisation
de l’équilibre, qu’elles soient analytiques, semi-analytiques, ou numériques (dont la plus connue est
la Méthode des Éléments Finis). C’est en jouant sur les restrictions du champ test que ces diverses
méthodes peuvent être mises en œuvre.
5.4.1 Généralités
Les motivations qui ont conduit à l’utilisation très large du PPV sont diverses. Elles peuvent
être d’ordre numérique, puisque la manipulation d’une équation à valeur réelle, contenant la majeure
partie des contraintes que doit vérifier la solution, est d’un grand intérêt pratique. Ces motivations
sont également conceptuelles, puisque le choix de champ tests arbitraires permet de formuler des
familles de solutions approchées ; y compris pour dépouiller des essais mécaniques, avec notamment
la méthode des Champs Virtuels [Gré89]. C’est également cette possibilité de construction de fa-
milles qui permet de donner des encadrements de solutions comme nous le verrons ci-après pour les
Méthodes énergétiques.
5.4. Principe des Puissances Virtuelles 95
Sur le principe, le PPV peut être vu comme un ’essai’ qui consiste à perturber la solution ;
comme on sous-pèse un objet pour en évaluer le poids par exemple. Pour simplifier la présentation,
considérons un problème écrit en déplacement. On va donc chercher à minimiser la contribution
apportée par une perturbation → −
u ∗ (→
−
x ) de la même forme que le champ de déplacement solution
→
− →
− −
u ( x ), i.e. le déplacement considéré est de forme : ũ (→
→
− x) = → −
u (→−
x) + → −
u ∗ (→
−
x ). Ce champ de
perturbation étant virtuel, il peut être vu comme un déplacement, noté → −
u ∗ (→−
x ), ou bien comme
→
−
une vitesse, notée → − x ). On peut alors mesurer le travail W ∗ (σ, →
v ∗ (→
− −
u ∗ , u′ ∗ ), ou la puissance notée
→
−
P ∗ (σ, →
−
v ∗ , v ′ ∗ ) 6 pour être plus générique, produit par le champ de contraintes σ et les efforts
extérieurs (en fait l’équilibre des efforts internes et externes) dans cette perturbation : si le travail,
resp. la puissance, est nul(le) alors il s’agit bien d’un équilibre. Ceci correspond à la définition intuitive
présentée en début de chapitre pour le calcul variationnel (Eq. 5.3 : I(0) ˜ ˜
≤ I(α), ∀ α ≪ 1) , qui
peut se mettre dans notre cas sous la forme :
→
−
u (→
−
x , t) solution si stationnarité de P (σ, →
−
u ) ⇔ min P (σ, →
−
u +→
−
v ∗) , ∀ →
−
v ∗ (→
−
x , t)
⇔ P ∗ (σ, →
−
u,→
−
v ∗ ) = 0, ∀ →
−
v ∗ (→
−
x , t)
(5.41)
On se focalisera donc sur le dernier terme de l’Eq. 5.41, i.e. sur la puissance virtuelle totale P ∗ (σ, →
−
v ∗)
qui doit être nulle à l’équilibre quel que soit le champ virtuel.
→ Z
−d →
− →
− →
− →
−d → →
− −
P F ( x , t), u ( x , t) = F (−x , t) · u̇ (→
x , t) dS
∂ΩF
→ Z
−d →
− →
− →
− →
− −
W F ( x , t), u ( x , t) = P F d (→
x , t), →
−u (→−
x , t) dt (5.42)
Z t Z
→
−d → − →
− → −
= F ( x , t) · u̇ ( x , t) dS dt
t ∂ΩF
On voit que la puissance permet d’intégrer, par exemple, des effets temporels ainsi que des non-
linéarités (forces qui dépendent du déplacement par exemple). Ce qui rend cette formulation tout à
fait générale. Comme nous le verrons au § 5.4.3, le Principe des Travaux Virtuels n’est qu’un cas
particulier du PPV, où les non-linéarités et les dépendances en temps ne sont pas présentes.
6. Pour des raisons de commodité d’écriture, on ne précisera plus systématiquement que le gradient du dépla-
−
→
cement u′ intervient également dans ces expressions.
96 Chapitre 5. Principes variationnels
Nous allons à nouveau caractériser l’équilibre dynamique du solide S que nous étudions. Pour
cela, les conditions vues depuis le début de ce chapitre sont complétées par des conditions propres à la
mécanique. Ce sont notamment les deux énoncés fondamentaux du principe des puissances virtuelles
qui sont les axiomes d’objectivité et d’équilibre :
— l’axiome d’objectivité stipule que la puissance virtuelle des efforts intérieurs associée à
tout mouvement de corps rigide (mouvement dit rigidifiant, comme introduit au Chapitre
1 pour le champ de déplacement) est nulle.
— l’axiome d’équilibre impose que, pour tout milieu matériel isolé, de domaine Ω, repéré
dans un référentiel absolu, à chaque instant et pour tout mouvement virtuel, la puissance
virtuelle des quantités d’accélération Pa∗ est égale à la somme des puissances virtuelles
des efforts extérieurs Pe∗ et des efforts intérieurs Pi∗ .
−→
En appliquant la relation div(σ.→ −v ) = div(σ).→
−
v + σ : grad(→ −
v ) (ou en indiciel : (σij vj ),i = σij,j vj +
→
− ∗
σij vj,i ) au champ de vitesses virtuel v , et en utilisant le théorème de la divergence et la symétrie
du tenseur des contraintes (Eq. 5.32), on peut encore écrire cette puissance sous la forme :
Z
Pi (σ, v ) = − σ : grad(→
→
− −
∗ ∗ ∗
v )dV
Ω
Z
σ : ε∗ ( →
− ∗
= − v )dV (5.44)
Ω
Comme vu précédemment, les efforts extérieurs comprennent d’une part les efforts exercés à distance,
→
−
représentés par une densité volumique de forces f v dans le domaine Ω, et par les efforts de contact
→
−
exercés par des systèmes extérieurs t sur la surface extérieure ∂Ω. On définit alors la puissance
virtuelle des forces extérieures sous la forme :
Z Z
→
−v → →
− →
Pe∗ (σ, →
− f .− t .−
∗ ∗
v ∗) = v dV + v dS (5.45)
Ω ∂Ω
Enfin, la puissance virtuelle des quantités d’accélération s’écrit à partir des contributions en chaque
point M du solide : Z
→
− →
− −∗
∗ ∗
Pa (σ, v ) = ρ ü .→
v dV (5.46)
Ω
En sommant les contributions des puissances virtuelles telles que Pi∗ (σ, → −v ∗ ) + Pe∗ (σ, →
−
v ∗) =
Pa∗ (σ, →
−
v ∗ ), on peut écrire le principe des puissances virtuelles sous l’une des deux formes suivantes :
5.4. Principe des Puissances Virtuelles 97
Z Z
−→ →
− →
−
(div(σ) + f v − ρ→
−
γ ).→
− ( t − σ.→
−
n ).→
−
v dS = 0, ∀→
−
∗ ∗ ∗
v dV + v (5.47a)
Ω ∂Ω
Z Z Z Z
→
−v → →
− →
σ : ε (→
− ρ→
−
γ .→
− f .− t .−
v dS = 0, ∀→
−
∗ ∗ ∗ ∗ ∗ ∗
− v )dV − v dV + v dV + v (5.47b)
Ω Ω Ω ∂Ω
Ces formes sont évidemment équivalentes, et elles correspondent à la formulation dite in-
tégrale faible (Eq. 5.39) lorsque le champ virtuel est C.A.(0). Dans la première expression, on
constate que le principe des puissances virtuelles conduit d’une part à vérifier l’équilibre local de la
dynamique (intégrale volumique ⇔ Eq. 5.40a et précédemment Eq. 3.12) et d’autre part à définir
→
−
le tenseur des contraintes de Cauchy par son lien avec le vecteur contrainte t appliqué en surface
(intégrale surfacique ⇔ Eq. 3.3). On remarquera que ces mêmes résultats ont été établis ci-dessus
en partant du principe de Hamilton, avec toutefois une différence notable pour l’équilibre au bord où
seul l’équilibre avec les efforts imposés sur ∂ΩF a été explicité dans ce dernier cas (Eq. 5.40b). En
effet, le champ test étant la variation du champ réel, donc CA(0), la variation du travail des efforts de
réaction sur ∂Ωu s’annule, et seule la contribution des efforts imposés est non-nulle. On voit qu’ici,
cette restriction étant levée, les conditions aux limites sont plus générales et intégrées naturellement
dans le PPV.
Les approches énergétiques sont plutôt basées sur la seconde expression. Nous allons les
étudier dans le cas statique (pas de termes d’accélération).
Dans l’hypothèse des petites perturbations, le principe des puissances virtuelles (Eqs. 5.47)
devient le Principe des Travaux Virtuels. En effet, dans un problème statique, et pour de petites
perturbations, la notion de changement de configuration au cours de la sollicitation n’a plus de sens.
Dans ce cas →
− ∗
u représente plutôt un champ de déplacements virtuels dans le solide, et l’intégration
par rapport au temps du principe des puissances virtuelles se fait directement (pas de changement
de configuration).
Pour un problème linéaire, on peut calculer le travail fourni par le système d’efforts entre
l’état initial et l’état final, états qui peuvent être définis par les positions du système à ces instants.
Pour le système d’efforts surfaciques considérés sur le solide S, ce travail (Eq. 5.42) s’écrit par unité
de surface :
d →
− − → →
− − →
− − d− →
W F d (→
x ), −
u (→
−
x) = u̇ (→
x , t) dt avec u̇ (→
x , t) = → u (−
x , t)
dS dt
Z −
→
u (t2 )
→
−d → −
→−
= F (−
x ) · du(→
x , t)
−
→
u (t1 )
→
− 0
en HPP et en posant →
−
u (t1 ) = 0 et →
− →
− ✯ →
✟ − →−
↓ u (t2 ) = ✟
x✟(t✟
1) + u ( x )
Z −
→
u (−
→
x)
→
−d →
= F (−
u ) · d→
−
u
0
98 Chapitre 5. Principes variationnels
Le problème étant linéaire ici (HPP), les efforts sont donc indépendants du déplacement, et on
aboutit à l’expression classique du travail de ces efforts imposés :
→
−d → Z →
−d →
− →
− →
−
W F ( x ), u ( x ) = F (−x)·→ −u (→
−
x ) dS
∂ΩF
Finalement, le PTV en déplacement s’écrit très directement à partir du PPV ci-dessus (Eq.
5.47b) sous la forme :
W ∗ (σ, →
−
u ) = 0, ∀→ −
∗ ∗
u
Z Z Z Z
∗ →
− →
− →
− →
−v →
− →
− →
t .−
∗ ∗ ∗ ∗
= σ : ε ( u )dV + ρ γ . u dV − f . u dV − u dS (5.48)
Ω Ω Ω ∂Ω
| {z } | {z }
−Wi∗ (σ, →
− We∗ (σ, →
−
∗ ∗
= u ) + u )
On remarquera qu’on aurait pu écrire ce travail virtuel d’après la forme 5.11 générale de recherche
d’extremum introduite initialement (I(ỹ) = I(y) + δI(y, δy)) ou plus récemment par les puissances
5.41, comme la différence du travail du champ de contraintes dans le champ solution perturbé et
dans le champ solution :
W ∗ (σ, →
−
u ) = W (σ, →
−
u +→
−
u ∗ ) − W (σ, →
−
∗
u) (5.49)
Comme indiqué précédemment, nous allons maintenant préciser le choix du champs virtuel
et en déduire un encadrement de le solution.
Pour établir cet encadrement, i.e. tirer partie de la capacité de la formulation variationnelle
à fournir une famille de solutions à notre problème de mécanique du solide, rappelons les conditions
que doivent vérifier les champs solution :
— un champ Cinématiquement Admissibles (C.A.) est un champ de déplacements → − ∗
u qui
vérifie toutes les données cinématiques du problème. Il est continu dans Ω et sur ∂Ω,
continûment dérivable par morceaux sur Ω 7 , et satisfait les conditions aux limites en
déplacement : C.A. = {→ −u ∗ (→
−
x , t) = →
−
u d, ∀ → −x ∈ ∂Ωu }. La solution associée à un
déplacement CA est un champ de contraintes qui est obtenu en calculant les déformations,
et en appliquant la loi de comportement du matériau. Ce champ de contraintes ne
satisfait pas forcément l’équilibre de la structure et/ou les conditions aux limites
en pression.
— un champ Statiquement Admissible (S.A.) est un champ de contraintes σ ∗ qui vérifie
toutes les données statiques du problème. Il est continu dans Ω et sur ∂Ω, continûment
dérivable par morceaux sur Ω, et vérifie en statique les équations d’équilibre local et les
conditions aux limites en efforts :
7. Pour des cinématiques particulières telles que celles des poutres (Chapitre 6) ou des milieux continus géné-
ralisés par exemple impliquant des courbures, la régularité devra être C 2 .
5.5. Encadrement de la solution 99
−→
div(σ ∗ ) + →
−v → −
f = 0, ∀→−
x ∈ Ω
→
− (5.50)
σ ∗ .→
−
n = F d, ∀ →
−
x ∈ ∂ΩF
La solution associée à un champ SA est un champ de déplacements qui est obtenu en
appliquant la loi de comportement pour obtenir les déformations, puis en remontant aux
déplacements en respectant les équations de compatibilité. Ce champ de déplacements
ne satisfait pas forcément les conditions aux limites en déplacements.
Nous avons essentiellement formulé nos problèmes en déplacement, il nous suffit donc de
reprendre ce qui a été établi, et notamment avec le champ virtuel égal à la variation du champ réel :
→
−u ∗ (→
−
x ) = δ→
−
u (→
−
x ). Par exemple, en repartant du PTV ci-dessus (Eq. 5.48), et donc en HPP, et en
→
−
prenant en compte la contrainte pour le champ virtuel d’être C.A.(0), i.e. δ →
−
u (→
−
x) = 0 ,∀ →−
x ∈ ∂Ωu ,
on aboutit à la formulation en déplacement de notre problème. Nous introduisons le C, le tenseur
de rigidité du matériau constitutif qui permet de faire apparaître la relation entre contraintes et
gradients du déplacement (les déformations) :
Z Z Z
→
−v → →
−d →
δW (→
−
u , δ→
−
u) = ε(→
−
u ) : C : δε(δ →
−
u ) dV − f .δ −
u dV − F .δ −
u dS = 0, ∀ δ →
−
u C.A.(0)
Ω Ω ∂ΩF
(5.51)
Cette expression à annuler étant la variation d’une énergie, comme nous l’avons vu pré-
cédemment à travers le principe de Hamilton par exemple, on exprime l’énergie appelée "énergie
potentielle" :
Z Z Z
1 →
−v → →
− →
Πp ( →
−
u) = ε(→
−u ) : C : ε(→
−
u ) dV − f .−
u dV − F .−
u dS (5.52)
2 Ω Ω ∂ΩF
telle que
∂Πp →
δW (→
−
u , δ→
−
u ) = δ(Πp (→
−
u )) = → .δ −
u (5.53)
∂−
u
Sa variation seconde est donnée par (Πp est bien différentiable 2 fois - classe C 1 ) :
Z
2 →
−
δ (Πp ( u )) = δε(δ →
−
u ) : C : δε(δ →
−
u ) dV (5.54)
Ω
et puisque les termes Cijkl forment un tenseur défini positif en (ij), (kl), alors cette variation
au second ordre est strictement positive, l’énergie potentielle est donc strictement convexe en les
déplacements et la solution du problème correspond à un minimum de l’énergie potentielle.
Le Théorème de l’ Énergie Potentielle s’énonce alors :
Á l’équilibre, l’énergie potentielle définie comme :
Πp ( →
−
u ) = W (→−
u ) − Pd
Z Z Z (5.55)
1 →
− →
− →
−v →
− →
−d →
= ε( u ) : C : ε( u ) dV − f . u dV − F .−
u dS
2 Ω Ω ∂ΩF
est stationnaire sur l’ensemble des déplacements C.A. et réalise un minimum strict.
100 Chapitre 5. Principes variationnels
A ce champ de contraintes solution σ, et qui est donc S.A., est associé un champ de déplacement
→
−
u qui est C.A. (on suppose qu’il vérifie les équations de compatibilité)
On peut maintenant calculer l’apport de cette perturbation des contraintes dans la puissance,
ou le travail en HPP, développée par les déformations dans le champ de contraintes. Cette quantité
appelée travail virtuel complémentaire, par analogie avec le travail virtuel, s’écrit de façon similaire
(au signe près - cf remarque en fin de cette section) à la relation 5.48, comme la somme des travaux
virtuels complémentaires intérieurs et extérieurs :
W c∗ (σ, σ ∗ ) = 0, ∀σ ∗
Z Z Z
→
− v∗ →− →
−∗ →
t .−
∗
= − σ ∗ : ε dV + f . u dV + u dS
Ω Ω ∂Ω
| {z }
S.A.(0) = Eqs. 5.56
Z Z ↓
= − σ ∗ : ε dV + →
− →
− d
(σ ∗ · n ). u dS = 0, ∀σ ∗ S.A.(0)
Ω Ωu
Et comme pour la formulation en déplacements, cette expression à annuler peut être écrite comme
un potentiel dont dérive cet équilibre. On définit alors l’énergie potentielle complémentaire :
Z Z
1
(σ.→
−
n ).→
− d
Πc (σ) = − σ : S : σdV + u dS (5.58)
2 Ω ∂Ωu
telle que :
∂Πc
δW c (σ, δσ) = δ(W c (σ)) = : δσ (5.59)
∂σ
Sa variation sceonde est donnée par (Πc est bien bien différentiable 2 fois - classe C 1 ) :
Z
2
δ (Πc (σ)) = − δσ : S : δσdV (5.60)
Ω
et puisque les Sijkl forment un tenseur défini positif en (ij),(kl), alors cette variation au second
ordre est strictement négative, l’énergie potentielle est strictement concave en les contraintes, et la
solution du problème correspond à un maximum de l’énergie complémentaire. Cette approche est
également appelée "modèle variationnel en contraintes", ou "méthode de la borne inférieure". En
effet, la solution obtenue par ce modèle aura une énergie inférieure (négative) à la solution réelle
formée par le champ de contraintes et le champ de déplacement solutions.
Le Théorème de l’ Énergie Potentielle complémentaire s’énonce :
Á l’équilibre, l’énergie potentielle complémentaire définie comme :
est stationnaire sur l’ensemble des contraintes S.A. et réalise un maximum strict.
Son utilisation est toutefois beaucoup moins fréquente que l’approche en déplacements, car construire
un champ de contraintes S.A. revient à résoudre, au moins partiellement, le problème. Tandis que
dans la formulation en déplacements, seules les conditions aux limites cinématiques doivent être
vérifiées. Ceci est illustré dans les exercices associé à ce chapitre.
5.5.3 Encadrement
Un tel encadrement énergétique est illustré sur la Figure 5.4 où sont tracées, pour une barre soumise
à un déplacement à son extrémité, les énergies potentielle et potentielle complémentaire obtenues
en approchant les champs de déplacement et de contraintes - cf exercice en TD.
102 Chapitre 5. Principes variationnels
Enfin, en cohérence avec l’observation initiale sur le signe du travail virtuel complémentaire,
travail qui n’a pas de sens ’réellement physique’ contrairement au travail virtuel, son signe peut être
indifféremment choisi négatif ou positif. Il faudra simplement veiller à la cohérence de la recherche de
l’extremum correspondant à la solution : le travail virtuel complémentaire pris négatif comme nous
l’avons fait ici augmentera en intensité une énergie négative dont on cherchera le maximum, et dans
le cas contraire le travail virtuel complémentaire pris positif augmentera l’énergie complémentaire
positive dont on cherchera le minimum.
Sommaire
6.1 De la MMC à la théorie des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104
6.1.1 Cadre de la Résistance des Matériaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
6.1.2 Équilibre mécanique : équilibre extérieur et équilibre intérieur . . . . . . . 105
6.1.3 Définition d’un poutre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
6.1.4 Grandeurs physiques d’intérêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
6.1.5 Cas particulier des poutres à plan moyen chargées dans ce plan . . . . . . 108
6.2 Approche purement statique de l’équilibre d’une poutre . . . . . . . . . . . . . . 109
6.2.1 Torseur des efforts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
6.2.2 Identification des efforts internes par transport des efforts extérieurs . . . . 115
6.2.3 États de contraintes associés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117
6.2.4 Simplifications dans le cas des poutres à plan moyen chargées dans ce plan 120
6.3 Théorie complète des poutres avec cisaillement dite de Timoshenko . . . . . . . 121
6.3.1 Cinématique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
6.3.2 Bilan partiel de la théorie des poutres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
6.3.3 Dualité des contraintes et déformations généralisées . . . . . . . . . . . . . 126
6.3.4 Conditions aux limites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
6.4 Résolution par intégration des équations d’équilibre intérieur . . . . . . . . . . . . 129
6.4.1 Calcul des efforts internes - Équations d’équilibre . . . . . . . . . . . . . . 130
6.4.2 Calcul des déplacements/rotations et des contraintes . . . . . . . . . . . . 136
6.5 Bilan de la théorie des poutres de Timoshenko . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
6.5.1 Théorie dans un cas général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138
6.5.2 Simplifications dans le cas des poutres à plan moyen chargées dans ce plan 140
103
104 Chapitre 6. Théorie des poutres
Dans ce chapitre, le cas particulier de solides élancés est présenté, ce sont des
poutres caractérisées par une longueur très grande devant les dimensions de leurs sec-
tions transverses. Il s’agit d’un cas particulier de la Mécanique des Structures étudiée
plus largement dans la Majeure Mécanique (cf support de cours de cours de ’Mécanique
des Structures’ https://www.emse.fr/~drapier/index_fichiers/CoursPDF/Meca-Structu2A/
Meca-struct-num-Octobre-2021.pdf). Quelques exemples illustratifs sont donnés sur la Figure
6.1.
(a) (b)
(c)
Figure 6.1: Exemples de poutres : (a) poutre ventrale en composite carbone/époxyde d’un Airbus
A340 : 16 mètres de long pour 1600 kg, (b) pont ferroviaire modulaire, et (c) pale d’éolienne (LM61.5
par LMGlasfiber) : 61,5 m de long pour 17,7 tonnes en composite verre / époxyde - la plus longue
actuellement fait 88,4m (Adwen et LM Wind Power).
Par des considérations géométriques, i.e. l’élancement du milieu, l’étude mécanique sur le
volume entier de ces solides particuliers peut se ramener à l’étude des interactions entre des sous-
volumes élémentaires appelés sections, juxtaposés le long d’une ligne moyenne. Il découle de cette
simplification, des formes particulières de champ de déplacement et de contraintes qui règnent dans
ces solides considérés comme uni-dimensionnels. Ces hypothèses permettent de reformuler complète-
ment l’équilibre 3D du solide comme vu jusqu’à présent en un problème 1D, i.e. la connaissance des
quantités cinématiques et statiques dans tout le solide se déduit de ces quantités mesurées au centre
de gravité de chaque section transverse le long de la ligne moyenne de la poutre. L’étude de ces
structures est encore facilité par des hypothèses complémentaires, mais pas strictement nécessaires,
de la Résistance des Matériaux.
Pour commencer à approcher le comportement d’une poutre, on peut d’abord s’intéresser à
6.1. De la MMC à la théorie des poutres 105
son équilibre intérieur en termes d’efforts transmis (§ 6.2), ou plus précisément de contraintes. Nous
reviendrons dans un second temps sur la cinématique associée pour avoir une vision plus complète
de la théorie des poutres dite de Timoshenko (§ 6.3).
La Résistance des matériaux - ou RdM - est un cadre restreint de la MMC, utilisable pour
la plupart des applications courantes. Ce vocable se réfère au cadre restrictif posé pour la carac-
térisation des propriétés des matériaux à travers des essais mécaniques tels que présentés dans les
chapitres précédents (Chapitre 4 par exemple). Principalement, les hypothèses simplificatrices de la
RdM portent sur des conditions de réversibilité et de linéarité. Les études en RdM sont conduites
sous les hypothèses suivantes :
— cadre de l’HPP : petites déformations, petits déplacements (pas de flambage ou de
striction par exemple), et petites rotations (pour les structures),
— les matériaux constitutifs ont un comportement ’simple’ ; élastique linéaire isotrope par
exemple,
— les problèmes appartiennent au domaine de la statique, ou sont supposés quasi-statiques,
— principe de Saint-Venant : loin de son point d’application, une sollicitation extérieure
peut être remplacée par son torseur équivalent - défini au § 6.2.1,
— principe de superposition : quelque soit l’ordre d’application des efforts extérieurs sur un
solide, l’état final est invariant - cf § 4.5 page 73.
On rappelle que la MMC a pour objectif de comprendre le comportement d’un milieu continu,
et notamment en caractérisant son équilibre. Revenons rapidement sur la démarche présentée dans
les précédents paragraphes de ce document et qui ont permis de formuler cet équilibre.
Figure 6.2: Solide (S) occupant un volume Ω, en équilibre sous l’action d’efforts extérieurs, et
conditions aux limites associées (∂Ω = ∂Ωu ∪ ∂ΩF et ∂Ωu ∩ ∂ΩF =Ø).
106 Chapitre 6. Théorie des poutres
On considère donc le cas maintenant standard présenté sur la Figure 6.2 - un solide S
occupant un volume Ω, en équilibre sous l’action d’efforts extérieurs volumiques et de conditions
de type Dirichlet agissant sur son bord ∂Ωu et de conditions de Neuman agissant sur la partie
complémentaire ∂ΩF de ce bord ∂Ω. Ce solide est en équilibre, et comme pour tout corps en équilibre
la somme des efforts agissant sur ce solide et la somme des moments dus à ces efforts calculés par
rapport à un même point, doivent être nulles. On peut donc qualifier cet équilibre, d’équilibre
extérieur. Sans connaître la réponse intrinsèque du matériau constitutif, cet équilibre extérieur peut
permettre d’avoir quelques informations d’ordre statique, i.e. en termes de transmission des efforts,
mais ne donne accès à aucune information sur les efforts qui transitent en son sein, ni sur les
déformations et déplacements correspondants. Pour avoir accès à ces grandeurs cinématiques, il
faut caractériser l’équilibre interne de ce solide, et donc s’assurer de l’équilibre de tout élément de
matière le constituant. Pour les poutres que nous allons étudier, le même type de raisonnement peut
évidemment être fait. La démarche classique en mécanique peut donc se résumer en
1. l’étude des déplacements relatifs dans le solide permet de définir des mesures de dépla-
cements et de déformations. On associe à ces grandeurs cinématiques les conditions aux
limites de Dirichlet que doit vérifier tout champ C.A. (Cinématiquement Admissible 1 ) :
→
−
u (→
−
x , t) = →
−
u d (→
−
x , t) , ∀ →
−
x ∈ ∂Ωu (6.1)
2. l’étude de l’équilibre d’un élément de matière permet de définir les actions internes à ce
solide, soit les contraintes, et son équilibre. On en déduit l’équilibre de tout élément de
matière - conditions dites S.A. (Statiquement Admissibles),
— Équilibre intérieur
∂σij (→
−
x , t)
+ fis (→
−
x , t) = ρüi (→
−
x , t) , ∀ →
−
x ∈Ω (6.2)
∂xj
σij (→
−
x , t)nj (→
−
x ) = Fid (→
−
x , t) , ∀ →
−
x ∈ ∂ΩF (6.3)
3. et enfin, la réponse interne du solide aux sollicitations subies définie par sa loi de com-
portement
σij = Cijkl εkl (6.4)
Une poutre est un solide particulier engendré par une aire plane S qui est déplacée dans
l’espace, de sorte que durant son mouvement le centre de gravité G de la section S parcourt une
ligne donnée L, et que l’aire se maintienne constamment normale à cette surface (Figure 6.3). De
plus, la section peut varier au cours de ce parcours, mais de façon continue, i.e. le profil ne doit pas
présenter de discontinuités. La ligne L est appelée fibre moyenne de la poutre. Une poutre est dite :
— gauche si la ligne L suit une courbe gauche,
— plane si la ligne L suit une courbe plane,
1. comme vu au Chapitre 2 des conditions de régularité et dérivabilité dans Ω et sur ∂Ω sont également
nécessaires pour que ce champ soit C.A.
6.1. De la MMC à la théorie des poutres 107
Une poutre à plan moyen est une poutre dont la section S possède un plan de symétrie.
Sans entrer dans les détails, cela correspond à une section dont les directions principales restent
alignées avec les axes du repère global. Dans le cas contraire, des comportements particuliers peuvent
être observés. Nous reviendrons sur cette spécificité dans la suite de ce chapitre. Cette hypothèse est
finalement peu restrictive et permet de traiter de trés nombreux cas.
Finalement, les hypothèses permettant de classifier un solide comme étant une poutre sont
les suivantes :
L L2
— un élancement de la poutre suffisant : > 5 et ≤ 10 (L2 et L3 étant
sup{L2 , L3 } L3
les dimensions caractéristiques respectivement selon les directions − → et −
x 2
→ du plan des
x 3
sections - cf Figure 6.3),
— un rayon de courbure de L grand devant les dimensions transversales,
— un profil sans (forte) discontinuité.
Il faut noter que parmi les théories de poutres les plus courantes, il existe principalement 2 cinéma-
tiques, dites sans cisaillement transverse (Bernoulli) et avec cisaillement transverse (Timoshenko).
Nous étudierons ici la cinématique avec cisaillement transverse. Une théorie de Bernoulli nécessiterait
une condition sur le rapport de dimensions moins restrictive : sup{LL2 ,L3 } > 10.
Remarques
1/ Des problèmes complexes associant un grand nombre de poutres ont été largement utilisés
au cours des 2 derniers siècles. Ces structures sont dites structures réticulées ou treillis. Les cas les
plus typiques sont par exemple la Tour Eiffel, constituée de treillis à plusieurs échelles, imbriqués
pour former des structures de plus en plus imposantes, et finalement constituant la Tour elle-même.
108 Chapitre 6. Théorie des poutres
La théorie élastique des poutres est basée sur celle des milieux curvilignes. Une position sur
la poutre sera caractérisée uniquement par l’abscisse curviligne l d’un point sur la fibre moyenne L.
Le reste de la géométrie, c’est-à-dire la section S, sera caractérisé en chaque point G(x1 ) de la fibre
moyenne, pour un matériau constitutif homogène, par :
— la section S de la poutre obtenue sous la forme :
Z Z
S(x1 ) = dS = dx2 dx3
S(x1 ) S(x1 )
— des moments d’ordre 1 nuls puisque le point G de la fibre moyenne est le centre de gravité
de la section S :
Z Z
x2 dS = x3 dS = 0
S(x1 ) S(x1 )
— un moment produit, différent de 0 pour les sections non-symétriques ou dont les axes de
symétrie (−
→ ,−
x →
2 x3 ) ne sont pas confondus avec le repère global - cf § 6.1.5 ci-dessous :
Z
I23 (x1 ) = x2 x3 dS (6.6)
S(x1 )
6.1.5 Cas particulier des poutres à plan moyen chargées dans ce plan
Les poutres à plans moyens sont des poutres dont la section présente un plan de symétrie
(Figure 6.4). Généralement ces poutres sont chargées dans le plan de symétrie de la section, on parle
alors de poutres à plan moyen chargées dans leur plan ; c’est le cas que nous considérerons le plus
généralement. Dans ce cas, le centre de gravité appartient à la section comme on peut le vérifier sur
la Figure 6.4, au contraire de sections de type ’L’ par exemple.
6.2. Approche purement statique de l’équilibre d’une poutre 109
Il faut toutefois savoir que des sections à plan moyen plus particulières peuvent être utilisées,
il s’agit des profils creux ou de profils ouverts (Figure 6.4) qui nécessitent des théories capables de
prendre en compte des flux de contraintes de cisaillement dans les parois minces ; ceci sort du cadre
de ce chapitre introductif. Il faut retenir que dans le cas général des profils ne possédant pas de plan
de symétrie, ou qui ne sont pas sollicitées dans ce(s) plan(s) de symétrie, il y a apparition de flexion
déviée car le moment produit de la section (Eq. 6.6) n’est plus nul ; nous verrons rapidement cela
dans la suite de ce chapitre. Dans cette introduction à la théorie des poutres, nous nous limiterons
essentiellement aux sections fermées présentant au moins 1 plan de symétrie (x1 Gx2 ou x1 Gx3 ),
telles que les 4 premières sections de la Figure 6.4, et chargées dans ce(s) plan(s).
Si les sections voisines dans la poutre subissent, individuellement, des déplacements et ro-
tations de corps rigide, cela signifie qu’elles ne peuvent que s’éloigner (se rapprocher) et subir des
rotations différentes. Pour faire le parallèle avec un milieu 3D, on peut isoler une de ces sections en
procédant par la pensée à une coupe le long de la ligne moyenne, comme on isolerait la face d’un
élément de matière en 3D (Figure 6.5). Cette section située à l’abscisse G(x1 ) va alors subir des
efforts qui peuvent correspondre à :
110 Chapitre 6. Théorie des poutres
σ11 (M, x1 )
→
− →
− −
t (M, →
− x 1 ) = σ(M ) · →
x 1 ) = t M (→ −
x 1 = σ12 (M, x1 ) (6.8)
σ13 (M, x1 ) (R)
qui nous indique qu’en chaque point M d’une section S située à l’abscisse courante G(x1 ), seules 3
contraintes sont non nulles : une contrainte normale et 2 contraintes de cisaillement relativement à
la normale à la section. Par commodité de notation, la position du point courant sera parfois
exprimée sous la forme (M, x1 ) ≡ (x1 , M ) lorsqu’il ne peut y avoir d’ambiguïté.
Bilan intermédiaire : notre solide de géométrie particulière est donc caractérisé seulement
par 3 composantes de contraintes pour toute section d’abscisse donnée, au lieu des 6 composantes
définies en tout point de l’espace dans un solide quelconque comme vu précédemment dans ce do-
cument. On commence à saisir ici l’intérêt de la théorie des poutres qui nous permet de ramener
un problème 3D à un problème (presque) 1D, simplement par l’hypothèse de Navier et des consi-
dérations géométriques. Pour finir de remplacer complètement l’étude du solide 3D par l’étude de
sa ligne moyenne seule, il reste encore à mesurer, pour chaque section S, l’effet de l’ensemble de
→
−
ces contraintes t (M, →
−x 1 ) au centre de gravité G correspondant. Pour cela, introduisons la notion
générique de torseur, dont l’utilité est immédiate s’agissant de systèmes d’efforts : à tout effort est
associé un moment dès lors que l’effet de cet effort n’est plus mesuré en son point d’application.
6.2. Approche purement statique de l’équilibre d’une poutre 111
Figure 6.6: Définition des efforts intérieurs, torseur des efforts intérieurs.
La propriété essentielle d’un torseur est que son expression dépend du point où il est considéré.
Notamment, son moment s’exprime, en un point A par exemple, comme la somme du moment au
−
→ →
−
point d’origine (M P ici) et de la contribution de la résultante au point d’origine ( R P ici) transportée
en ce point :
−→ −
→ −→ → −
M A(−→
R )
= M P + AP ∧ R P (6.10)
P
112 Chapitre 6. Théorie des poutres
(→
− )
n o FA
τ−
→
F
= →
−
A (A) 0
(A,R)
−→
Son transport au point O fait apparaître un moment M O(− →
F A)
non nul porté par →
−x 3 dont
l’intensité correspond au bras de levier d en produit avec l’intensité de l’effort. Résultat tout à
fait classique.
→−
F A = −FA → −x2
−
→ −→ −→ → −
n o
M O(− → = M A + OA ∧ F A
F A)
τ−
→ = →
−
F A (O)
= 0 + d→ −
x 1 ∧ −FA →−x2
→
−
= −d FA x 3 (O,R)
Un tel torseur est dit un glissseur car il ne possède qu’une résultante lorsqu’il est exprimé au
point d’application de sa résultante, son moment étant nul. Dans le cas contraire, un torseur dont
la résultante et nul et le moment non-nul, on parle de couple (cas d’une clef en croix). La structure
de torseur est générique, et les opérations mathématiques associées restent valables pour tout autre
type de quantité, par exemple les torseurs des déformations et contraintes que nous verrons ici, aussi
bien que les torseurs cinématique, cinétique, ou encore dynamique.
Hypothèse de Saint-Venant
(→
− )
R (xi )
{F(xi )} = −
→ (6.11)
M (xi ) (G ,R)
i
Figure 6.7: Illustration du principe de Saint-Venant : (a) chargement sur la poutre, et (b) torseur
équivalent sur la ligne moyenne.
Pour les efforts intérieurs, les éléments de réduction du torseur correspondant se déduisent
naturellement de l’intégration des contraintes induites par les sections voisines sur la section S
considérée (Figure 6.6). Rappelons que les seules contraintes non nulles dans le solide sont σ11 , σ12
→
−
et σ13 , qu’on peut aussi explicitement laisser sous la forme du vecteur contraintes t (M, →
−x 1 ) écrit
précédemment (Eq. 6.8). Par convention, on définit ces efforts internes entre 2 sections voisines,
comme les efforts exercés par une section de gauche (S−) sur une section de droite (S+), tel que
schématisé sur la Figure 6.6, en comptant les abscisses curvilignes croissantes selon →
−
x 1.
−→
Exprimons d’abord le torseur {τM (x1 )}(M ) du vecteur contraintes tM (x1 ) qui agit en tout
point M de la section S. Ce torseur est de type glisseur tel qu’illustré par l’exemple précédent 6.1
page 112. Son expression se calcul aisément au centre de gravité G de la section auquel appartient
114 Chapitre 6. Théorie des poutres
M :
(− → )
tM (x1 )
{τM (x1 )}(M ) = →−
0
(M,R)
− →
tM (x1 )
−−→ −−→✘✘✘ ✿ 0 −−→ −
→
MG (x1 ) = ✘ M✘
M (x1 ) + GM ∧ tM (x1 )
{τM (x1 )}(G) = 0 σ11
= x2 ∧ σ12
x3 σ13 (G,R)
σ1
−→
t (x
M 1 ) = σ
12
σ13
{τM (x1 )}(G) = (6.12)
x2 σ13 − x3 σ12
−−→
M (x ) = x σ
G 1 3 11
−x2 σ11 (G,R)
Z
→
− −→
R (x1 ) = tM (x1 )dS
S(x1 )
Z
effort NORMAL : N (x1 ) = σ11 (M, x1 )dS
ZS(x1 ) (6.13)
−
→
= effort TRANCHANT / x2 : T2 (x1 ) = σ12 (M, x1 )dS
ZS(x1 )
−
→
effort TRANCHANT / x3 : T3 (x1 ) = σ13 (M, x1 )dS
S(x1 )
Les 3 moments sont définis par les relations 6.14 et illustrés sur la Figure 6.9 :
6.2. Approche purement statique de l’équilibre d’une poutre 115
Z
−
→ −−→ − →
M G (x1 ) = GM ∧ tM (x1 )dS
S(x1 )
Z
moment de TORSION : Mt (x1 ) = (x2 σ13 (M, x1 ) − x3 σ12 (M, x1 ))dS
Z 1)
S(x
−
→ :
= moment de FLEXION / x 2 Mf 2 (x1 ) = x3 σ11 (M, x1 )dS
ZS(x1 )
−
→ :
moment de FLEXION / x 3 Mf 3 (x1 ) = −x2 σ11 (M, x1 )dS
S(x1 )
(6.14)
Finalement, le torseur des efforts intérieurs s’écrit au point considéré le long de la ligne moyenne
G(x1 ) :
N (x1 )
→
−
R (x1 ) = T2 (x1 )
T3 (x1 )
{τ (x1 )}(G) = (6.15)
Mt (x1 )
−
→
M (x1 ) = Mf 2 (x1 )
Mf 3 (x1 ) (G,R)
6.2.2 Identification des efforts internes par transport des efforts extérieurs
Partant de ces définitions, une première approche pour caractériser l’équilibre consiste à
identifier les efforts internes en isolant un tronçon de poutre. En effet, comme on le ferait dans le cas
d’un solide quelconque, toute partition de la poutre est en équilibre sous l’action d’efforts extérieurs,
que ces efforts soient internes au solide (cas des contraintes en 3D) ou externes (Figure 6.10). Il suffit
donc de procéder par la pensée à des coupes successives le long de l’abscisse curviligne, et de vérifier
l’équilibre de ces tronçons pour identifier les efforts internes en tout point de l’abscisse à partir des
efforts extérieurs connus.
Dans le détail, considérons un élément - un tronçon - de poutre en équilibre sous l’action d’un
torseur d’actions terminales en li dont les éléments de réduction sont définis en ce point F d (li ) (l ,R)
i
(Eq. 6.11), tel que schématisé sur la Figure 6.10. Effectuons une coupure imaginaire de cet élément en
un point A de l’abscisse curviligne. La section située en A est donc en équilibre sous l’action d’une part
116 Chapitre 6. Théorie des poutres
Figure 6.10: Identification des efforts internes qui règnent dans une section située en A par transport
des efforts extérieurs à cet abscisse.
des actions extérieures terminales s’exerçant en li , et d’autre part sous l’action des efforts de cohésion
qui règnent en A ({τ }(A,R) ) et qui représentent l’action de la section voisine située en x1 = A− (par
définition des effort internes, efforts de la section de GAUCHE sur la section de DROITE). Rappelons
que la normale sortante en x1 = A est −− →. Le torseur des efforts en ce point est, par définition
x 1
→
−
(Eqs. 6.13 et 6.14), directement lié au vecteur contrainte t (M, −− →) qui règne sur cette section
x 1
→
− →
−
−
→ −
→
de normale −x1 . On sait que t (M, −x1 ) = σ(M ) · (− x 1 ) = −σ(M ) · →
→
− −
x 1 = − t (M, − →), et
x 1
n o n o
donc : τ− →
t (M,−−
→)
x 1
= − τ− →
t (M,−
→)
x 1
. Finalement, en prenant soin de transporter en un
(A,R) (A,R)
même point le torseur des actions extérieures et le torseur des efforts de cohésion, en A par exemple,
l’équilibre s’écrit simplement :
− {τ }(A,R) + F d (li ) (A,R) = {0}
(6.16)
⇒ {τ }(A,R) = F d (l i ) (A,R)
Les efforts intérieurs sont rapidement identifiés par transport des efforts extérieurs s’exerçant
sur le tronçon isolé. En corollaire, cette relation valable pour toute section, permet de valider ce
qu’on peut intuitivement écrire sur un bord de normale sortant → −x1 :
n o
{τ }(li ,R) = F d (li ) (6.17)
(li ,R)
→
−
et qui correspond à la condition σ(M ) · →
−
n = F d généralisé à une structure supportant des efforts
et des moments. Pour s’en convaincre il suffit d’introduire ces efforts connus dans le calcul des
résultantes (Eq. 6.13) et des moments (Eq. 6.14).
Cette identification permet de traiter rapidement les problèmes simples, mais rappelons que
la vérification de l’équilibre extérieur est un préalable incontournable pour cette identification : il faut
connaître TOUS les efforts extérieurs, y compris ceux résultant de conditions aux limites cinématiques
imposées. Cet équilibre peut donc poser des problèmes, notamment dans le cas des problèmes hy-
perstatiques pour lesquels une surabondance d’inconnues statiques ne peut être levée sans recourir
à des méthodes complémentaires - cf Majeure Mécanique.
Remarque : par ce même type de considération, on peut établir les équations d’équilibre pour
n’importe quel tronçon de poutre. Nous procéderons de la sorte au § 6.4.1.
6.2. Approche purement statique de l’équilibre d’une poutre 117
Il est souvent essentiel de pouvoir connaître les contraintes qui règnent dans les sections, par
exemple pour vérifier que les limites à rupture ou la limite d’élasticité n’ont pas été dépassées. Comme
la théorie des poutres est basée sur l’intégration de ces contraintes sur les section (Eqs. 6.13 - 6.14),
les contraintes locales doivent être déduites des informations moyennes qui caractérisent désormais
notre solide. On verra qu’on peut procéder en utilisant la loi de comportement de la structure qui
sera établie au § 6.3.3, mais on peut proposer dès maintenant une première interprétation de ces
contraintes.
Nous avons établi que dans chaque section règne un état de contraintes défini par 3 compo-
santes : une contrainte normale σ11 , et 2 contraintes de cisaillement, σ12 dans le plan (→ −x 1, →
−
x 2 ) et
→
− →
−
σ13 dans le plan ( x 1 , x 3 ). Ces contraintes qui définissent les efforts internes apparaissent à la fois
dans les résultantes (Eq. 6.13) et dans les moments (Eq. 6.14). On peut donc définir 2 contributions
distinctes de ces contraintes, une partie due aux effets de membrane et une partie due aux effets
de flexion. En reprenant les expressions des contraintes généralisées on peut clairement établir les
expressions des contraintes de membrane. Par contre, l’expression des contraintes liées aux moments
peut être moins triviale.
Contrainte normale
Contribution de la déformation de flexion On voit que cette contrainte normale σ11 (x1 ) intervient
également dans la définition des 2 moments de flexion Mf 2 (x1 ) et Mf 3 (x1 ) (Eq. 6.14) . Supposons
pour l’instant que cette contrainte normale due à la flexion varie linéairement dans la section :
f
σ11 (x1 , x2 , x3 ) = α3 (x1 )x2 + α2 (x1 )x3 (6.18)
telle que les contraintes maximales se retrouvent aux points les plus éloignés du centre de gravité ; en
cohérence avec les mouvements de corps rigide des sections (hypothèse de Navier) tels qu’illustrés
sur le schéma de la Figure 6.5 par exemple. Nous démontrerons cette distribution linéaire à l’aide
de la description cinématique de la théorie des poutres qui suit (au § 6.3.3 Eq. 6.34). Dans ce cas
les expressions des moments peuvent être établies en notant la définition des moments quadratiques
118 Chapitre 6. Théorie des poutres
introduits en début de chapitre (Eqs. 6.5 et 6.6). Pour le moment de flexion Mf 2 (x1 ) par exemple :
Z
Mf 2 (x1 ) = x3 σ11 (M, x1 )dS
S(x1 )
Z
= x3 (α2 (x1 )x2 + α3 (x1 )x3 )) dS
S(x1 )
Z Z
= α3 (x1 ) x3 x2 dS +α2 (x1 ) x23 dS
S(x1 ) S(x1 )
| {z } | {z }
= α3 (x1 )I23 (x1 ) + α2 (x1 )I2 (x1 )
Mf 2 (x1 )
⇒ α2 (x1 ) =
I2 (x1 )
Après le même calcul pour Mf 3 (x1 ), on obtient l’expression complète de la contrainte normale de
flexion (en l’absence de flexion déviée)
f Mf 2 (x1 ) Mf 3 (x1 )
σ11 (x1 , x2 , x3 ) = α2 (x1 )x2 + α3 (x1 )x3 ) = x3 − x2
I2 (x1 ) I3 (x1 )
Expression complète de la contrainte normale Finalement la contrainte normale est la somme des
contributions des termes de membrane et de flexion (Figure 6.11), et s’écrit de manière générale :
Contraintes de cisaillements
(a)
(b)
moment de torsion Mt (x1 ) (Eq. 6.14). Le même raisonnement que ci-dessus conduit aux contraintes
de membranes en cisaillement :
m →− m T2 (x1 )
σ12 ( x ) = σ12 (x1 ) = S(x )
1
(6.20)
m (→
− T3 (x1 )
σ13 m
x ) = σ13 (x1 ) =
S(x1 )
Si les termes de membrane s’expriment simplement, par contre la contribution des contraintes
de cisaillement dans la torsion ne s’exprime simplement que dans le cas de sections circulaires par
t et σ t notées σ t (x , r) sont de même intensité mais de signe
exemple, où les contributions de σ12 13 1r 1
opposé (un couple de torsion s’obtient pour des contributions de signe opposé sur des quadrants
tournés de π2 - voir Figure 6.12 :
t t t
Mt (x1 )
σ1r (x1 , r) = f σ12 (x1 , r), σ13 (x1 , r) (Rc )
= r
I0 (x1 )
avec r la position radiale du point M dans un système de coordonnée cylindrique (Rc ) attaché à la
section circulaire centrée en G. On remarque dans l’expression Eq.6.21 que pour la partie membrane
des contraintes de cisaillement, seule la section transverse est importante, tandis que pour la torsion le
moment quadratique polaire représente la rigidité ’géométrique’ de la section. Formellement, la torsion
120 Chapitre 6. Théorie des poutres
dans une section quelconque peut s’exprimer, mais on voit que la torsion combine les contraintes de
cisaillement selon les 2 plans : σ12 et σ13 . Elles ne sont pas d’égale intensité sauf pour des sections
circulaires (Figure 6.12-b), mais elles additionnent leurs effets dans tous les cas.
(a)
(b)
Figure 6.12: Représentation plane des contraintes de cisaillements en membrane et torsion pour un
cas de cisaillement selon →
−
x 2 ou →
−
x 2 - torsion selon →
−
x 3 : (a) pour une section en I et (b) un tube
circulaire creux.
6.2.4 Simplifications dans le cas des poutres à plan moyen chargées dans ce plan
Comme indiqué en introduction, lorsqu’une poutre à plan moyen est chargée dans son plan, les
efforts internes en tout point d’abscisse x1 sont contenus dans le plan du chargement, ici (G, →
−
x 1, →
−
x 2 ).
Pour une sollicitation de tension-flexion ces efforts sont :
→
−
— une réaction R = N → −
x 1 + T2 →
−x 2,
−
→ →
−
— un moment M = Mf 3 x 3 .
ou encore
!
N (x1 )
τ 2D (x1 ) (G,R)
= T2 (x1 ) (6.22)
Mf 3 (x1 ) (G,R)
6.3. Théorie complète des poutres avec cisaillement dite de Timoshenko 121
et dans ce cas, les seules contraintes non-nulles seront celles associées à ces efforts, soit :
N (x1 ) Mf 3 (x1 )
σ11 (x1 , M ) = − x2 (6.23)
S(x1 ) I3 (x1 )
m T2 (x1 )
σ12 (x1 ) = (6.24)
S(x1 )
On notera que dans le cadre HPP, les comportements en tension, flexion, cisaillement, et torsion
peuvent être traités indépendamment. Le principe de superposition s’applique, ce qui permet de
calculer les états de contraintes comme nous venons de le faire.
Après cette première approche basée sur l’équilibre en termes d’efforts, nous allons maintenant
établir la théorie complète des poutres. De la même façon que l’étude d’un milieu quelconque qui a
été rappelée au § 6.1.2, nous allons établir
1. la cinématique qui caractérise les déplacements dans la poutre,
2. l’équilibre intérieur de la poutre et l’équilibre au bord, et plus généralement aux points
particuliers où la poutre est en contact avec l’extérieur en termes de conditions de Neu-
man,
3. la loi de comportement de la poutre - plus précisément des sections de la poutre connais-
sant la réponse du matériau constitutif,
4. les conditions aux limites en déplacement aux points particuliers où la poutre est en
contact avec l’extérieur en termes de conditions de Dirichlet.
6.3.1 Cinématique
(a) (b)
Figure 6.13: Hypothèse cinématique de Navier : (a) pas de gauchissement, et (b) grandeurs ciné-
matiques associées.
→
− −−→ →
u (x1 , x2 , x3 ) = →
−
u M (x1 ) = →
−
u (x1 ) + MG ∧ −
r (x1 )
u1 r 2 x 3 − r3 x 2 (6.25)
= u2 + −r1 x3
u3 r1 x 2
où les dépendances par rapport à l’abscisse x1 des déplacements et rotations mesurés au centre de
gravité ont été omises pour ne pas alourdir les notations.
On vérifie que cette expression (Eq. 6.25) contient 2 types de termes : un vecteur des
déplacements mesurés au centre de gravité, constants dans la section d’abscisse x1 , et un vecteur
constitué des termes linéaires en les coordonnées du point M considéré dans le plan de la section.
On retrouve ici la structure d’un torseur telle qu’introduite précédemment pour les efforts (Eq. 6.9).
Si nous appliquons le formalisme de transport de la résultante d’un torseur pour déterminer
la nouvelle expression du moment associé (Eq. 6.10), on peut exprimer le déplacement de tout point
−−→ −
dans la poutre tel que défini ci-dessus (Eq. 6.25) : →
−
u M (x1 ) = →
−u (x1 ) + M G ∧ →r (x1 ). On définit
6.3. Théorie complète des poutres avec cisaillement dite de Timoshenko 123
ainsi le torseur des déplacements exprimé au point G(x1 ), dont les éléments de réduction en ce même
point G sont les vecteurs rotation → −r (x1 ) et déplacement → −u (x1 ) du centre de gravité de la section
S. Exprimé au point M par transport tel que présenté précédemment, on reconnaît la résultante
→
−
u M (x1 ) introduite dans l’Eq. 6.25 :
( )
→
−r (x1 )
{U (x1 )}(G) = → −
u (x1 )
(G,R)
→
−
r (x )
1
− → →
− −−→ →
−
uM (x1 ) = u (x1 ) + M G ∧ r (x1 )
{UM (x1 )} = u1 0 r1 (6.26)
= u2 + −x2 ∧ r2
u −x r
3 3 3 (M,R)
On voit ici l’intérêt de la théorie des poutres, où le déplacement dans l’espace d’un point M quel-
conque de la poutre s’exprime complètement à partir des déplacements et rotations du centre de
gravité de la section S contenant ce point. Les déplacements de tous les points de ce solide 3D sont
donc représentés par les déplacements et les rotations des centres de gravité, ramenant le problème
cinématique tridimensionnel à une modélisation unidimensionnelle.
Degrés de liberté
Les résultats précédents nous montrent que le mouvement du solide peut être complètement
déterminé à partir des vecteurs déplacement → −
u et rotation →−r des centres de gravité des sections
(Figure 6.13), i.e. les éléments de réduction du torseur cinématique (Eq. 6.26). La cinématique des
déplacements ainsi mise en place permet de concentrer les inconnues du problème sur la fibre moyenne
L de la poutre. Comme les efforts sont, eux aussi, concentrés sur cette même ligne moyenne (Eq.
6.11), le solide tridimensionnel est donc totalement remplacé par la ligne L. Chaque point de la ligne
dispose de six degrés de libertés au lieu de trois (les déplacements dans les trois directions) pour
le définir entièrement. Ces six degrés de liberté sont :
— les déplacements dans les 3 directions de l’espace du point G de la ligne L, représentés
par le vecteur →
−
u de composantes u1 , u2 et u3 ,
— la rotation de la section S mesuréeé au point G selon les 3 directions de l’espace, repré-
sentée par le vecteur →
−r de composantes r1 , r2 et r3 , .
Dans l’hypothèse des petites perturbations, on calcule le tenseur des déformations linéarisées
au point M , εM (x1 ), comme la partie symétrique du tenseur gradient des déplacements en ce point,
grad→ −
u M (x1 ) (Eq. 6.27). Comme les vecteurs → −
u et → −
r sont définis au point G de la section S,
et donc sur la ligne moyenne L, ils ne dépendent que de l’abscisse curviligne l sur cette ligne. Les
seuls gradients non nuls pour ces vecteurs sont donc ceux mettant en jeu la première coordonnée
x1 , tandis que la dépendance en x2 et x3 est donnée explicitement par la forme du déplacement
∂
(Eq. 6.25). Dans la suite, nous noterons ′ = la dérivée de toute quantité par rapport à la
∂x1
première coordonnée. Ceci permet d’écrire (en ne faisant plus apparaître la dépendance en x1 ) :
124 Chapitre 6. Théorie des poutres
u′1 + r2′ x3 − r3′ x2 −r3 r2
grad→
−
u M (x1 ) = u′2 − r1′ x3 0 −r1 (6.27)
u′3 + r1′ x2 r1 0
On peut remarquer dans cette équation que les dérivée mises en jeu sont des dérivées totales,
résultant de la formulation unidimensionnelle de la cinématique de poutre. Mais dans le cas d’une
poutre courbe par exemple, ces dérivées devront prendre en compte le fait que le repère (→
−
x 1, →
−
x 2, →
−
x 3)
"tourne" lorsque l’on parcourt la fibre moyenne L. On recourra alors à une définition prenant en
compte les courbures, tel que dans le repère de Frénet.
À partir du tenseur gradient des déplacements ci-dessus (Eq. 6.27), on peut maintenant
obtenir le tenseur des déformations εM (x1 ) par sa partie symétrique. On constate que le tenseur
ainsi formé ne possède que trois termes non nuls qui sont une déformation normale (ε11 ) et 2
glissements qui sont le double des cisaillements entre deux sections voisines (2ε12 , 2ε13 - Figure
6.14 ; aussi appelés cisaillement au sens de l’ingénieur - cf Chapitre 2) :
ε11 = u′1 + r2′ x3 − r3′ x2 ε12 ε13
ε = 1 (u′ − r′ x − r ) ε = − λ ε
εM = 12 2 2 1 3 3 22 2(λ+µ) 11 ε23 = 0 (6.28)
1 ′ λ
ε31 = 2 (u3 + r1′ x2 + r2 ) ε23 = 0 ε33 = − 2(λ+µ) ε11
Le mouvement de corps rigide de la section S ne produit donc pas directement de déformations dans
le plan (G, →
−
x 2, →
−
x 3 ) de cette section, car la section ne peut "s’écraser" ni se cisailler dans son plan
(hypothèse de Navier). Les seules déformations existantes correspondent au déplacement relatif des
sections d’abscisses curvilignes consécutives (Figure 6.14).
→
− →−
Figure 6.14: Déformations dans les sections pour le plan (G, X 1 X 2 ).
Les hypothèses faites sur la cinématique des déplacements dans la poutre nous conduisent à
définir un tenseur de déformations qui ne comporte que trois termes indépendants : ε11 , ε12 et ε13 .
En RdM, ces termes sont associés sous la forme d’un vecteur −e→
M , appelé vecteur déformation :
6.3. Théorie complète des poutres avec cisaillement dite de Timoshenko 125
ε11 (M, x1 )
−
e→
M (x1 ) = 2ε12 (M, x1 )
2ε13 (M, x1 )
Le vecteur −e→
M contient une dilatation dans la direction de la fibre moyenne comme premier
terme, puis des glissements (doubles des cisaillements entre deux sections voisines). Il représente la
déformation du milieu curviligne au point M . Cette déformation peut à son tour être exprimée en
fonction d’une déformation →
−e dite de membrane et d’un gradient de rotation appelé courbure → −κ au
point G sous la forme :
− −−→ →
e→ →
− −
M (x1 ) = e (x1 ) + M G ∧ κ (x1 )
où →
−e et →
−
κ , éléments de réduction de la déformation au point G de S, constituent le torseur des
déformations défini par :
u′1 lr1′
→
− →
− ′ →
− →
− ′ →
− →
− ′ ′
e (x1 ) = u (x1 ) + x 1 ∧ r (x1 ) = u2 − r3 et κ (x1 ) = r (x1 ) = r2 (6.29)
u′3 + r2 r3′
ce qui peut encore s’écrire de façon similaire au déplacement en un point M de la section (Eq. 6.26) :
( )
→
−κ (x1 )
{εM (x1 )} = − −−→ →
e→ →
− −
M (x1 ) = e (x1 ) + M G ∧ κ (x1 )
(M,R)
126 Chapitre 6. Théorie des poutres
— déformations :
→
−
κ (x )
1
−→ →
− −−→ → −
e
M 1 (x ) = e (x ) + M G ∧ κ (x )
1 1
{εM (x1 )} = u1′ 0 ′
r1 (6.30)
′
= u2 − r3 + −x2 ∧ r2′
′
u 3 + r2 −x3 ′
r3
(M )
On peut montrer que le torseur des déformations est la différentielle du torseur cinématique dans un
d
repère mobile {εM (x1 )}(R) = {UM (x1 )}(M,R) .
dx1
Énergie de déformation
Z Z Z
1
W (→
−
u (→
−
x )) = 1
2
→
− →
−
σ( x ) : ε( x )dV = σ(→−
x ) : ε(→
−x )dSdl
V 2 L S
Z Z
−→
= 1
2 tM (x1 ) · −e→M (x1 )dSdl
L
Z Z S
−→ −−→
= 1
2 tM (x1 ) · (→ −
e (x1 ) + →−
κ (x1 ) ∧ GM )dSdl
ZL S Z Z (6.32)
1 →
− −→ →
− −−→ − →
= e (x1 ) · tM (x1 )dS + κ (x1 ) · GM ∧ tM (x1 )dS dl
2 L S S
→
−
Ceci montre que les forces R (x1 ) agissant sur la fibre moyenne L sont associées à la dé-
−
→
formation →−
e (x1 ) de membrane, tandis que les moments M (x1 ) sont associés à sa courbure → −κ (x1 )
(gradient de la rotation). Cette dualité résulte de l’intégration des grandeurs physiques sur la section
S(x1 ) de la poutre, et reste également valable dans les structures de type plaques et coques. On
trouvera dans certaines approches de la mécanique des structures, ces grandeurs appelées contraintes
généralisées pour le torseur des efforts et déformations généralisées pour le torseur des déformations.
L’énergie de déformation de la poutre ci-dessus (Eq. 6.32) peut s’écrire en utilisant le produit de tor-
seurs défini par la somme des produits croisés des éléments de réduction des torseurs d’efforts internes
(Eq. 6.31) et des déformations correspondantes (Eq. 6.30), dépendant seulement de la position x1 :
Z
1
W ({U}) = {τ (x1 )}(M ) · {ε(x1 )}(M ) dl
2 L
Z
(6.33)
1 ′ ′ ′ ′ ′ ′
= N u1 + T2 (u2 − r3 ) + T3 (u3 + r2 ) + Mt r1 + Mf 2 r2 + Mf 3 r3 dl
2 L
Loi de comportement
Remarque : on notera que la contrainte normale σ11 possède une partie constante dans la section de
poutre et une partie qui varie linéairement en les coordonnées x2 et x3 . On retrouve ici ce qu’on avait
posé intuitivement précédemment pour déterminer l’état de contraintes à partir des efforts internes
(Eq. 6.19) :
m (x ) + f
σ11 (x1 , M ) = σ11 1 σ11 (M, x1 )
m
= σ11 (x1 ) + α2 (x1 )x2 + α3 (x1 )x3 )
| {z } | {z }
= Eu′1 + E(r3′ x2 + r2′ x3 )
À partir de ces contraintes exprimées en fonction des déformations, il est possible de calculer
les éléments de réduction du torseur des efforts de cohésion en un point G quelconque de la ligne
L à partir des relations établies précédemment pour les contraintes généralisées (Eqs. 6.13 et 6.14)
sous la forme : Z
σ11 dS = ESu′1 = ESe1
S
Z
→
−
R (x1 ) = σ12 dS = µS(u′2 − r3 ) = µSe2 (6.35)
S
Z
σ13 dS = µS(u′3 + r2 ) = µSe3
S
Z
(x2 σ13 − x3 σ12 )dS = GµI0 r1′ = µI0 κ1
S
Z
−
→
M (x1 ) = x3 σ11 dS = E(I2 r2′ − I23 r3′ ) = E(I2 κ2 − I23 κ3 ) (6.36)
S
Z
−x2 σ11 dS = E(−I23 r2′ + I3 r3′ ) = E(I3 κ3 − I23 κ2 )
S
où on a pris en compte les définitions des grandeurs caractéristiques des sections introduites en début
de chapitre (nullité des moments d’ordre 1 et définition des autres moments d’ordre 2 - Eq. 6.5 -,
moment produit - Eq. 6.6 -, et moment quadratique polaire - Eq. 6.7 -). On constate alors que le
torseur des efforts s’écrit relativement simplement en fonction du torseur des déformations sous la
forme d’une loi de comportement symétrique :
N ES 0 0 0 0 0 e1
T 2
0 GS 0 0 0 0 e 2
T 0 0 GS 0 0 0 e
3 3
=
0
· (6.37)
Mt 0 0 GI0 0 0 κ1
M
0 0 0 0 EI −EI
κ 2
f 2
2 23
Mf 3 0 0 0 0 −EI23 EI3 κ3
La relation inverse peut également être explicitée assez simplement. On peut encore écrire cette
loi de comportement sous la forme de sous-matrices représentant les rigidités de tension [A] et de
flexion-torsion [D] :
(→
− ) " # ( )
R (x1 ) [A] [0] →
−
e (x1 )
−
→ = · →− ⇔ {τ (x1 )} = [C] {ε(x1 )}
M (x1 ) [0] [D] κ (x1 )
6.4. Résolution par intégration des équations d’équilibre intérieur 129
Nous avons vu que, selon l’hypothèse de Navier (sections droites), chaque point du milieu
curviligne (sur la fibre moyenne) possède six degrés de libertés. Ces degrés de liberté servent à
représenter :
— le déplacement de la fibre moyenne (vecteur déplacement → −u ),
→
−
— la rotation de la section droite (vecteur rotation r ).
De même, selon l’hypothèse de Saint-Venant (efforts concentrés), les efforts internes (de cohésion)
dans un milieu curviligne sont représentés par deux vecteurs, et donc six composantes, qui sont :
→
−
— les forces de cohésion de la fibre moyenne (vecteur force R ),
−
→
— les moments de cohésion de la fibre moyenne (vecteur moment M ).
Les conditions aux limites sur une poutre porteront donc sur ces six degrés de liberté et ces
six efforts de cohésion. La frontière ∂Ω (2D) sur laquelle s’appliquent ces conditions dans un milieu
3D (Figure 6.2), sera donc remplacée par des abscisses sur la fibre moyenne (1D) pour les poutres. En
chacun de ces abscisses, six informations doivent apparaître explicitement. Le nombre de degrés de
liberté et d’efforts connus, et leur combinaison, dépend essentiellement du type de liaison rencontré.
Les conditions aux limites en déplacements les plus communes sont les suivantes (Table 6.1) :
Ces conditions aux limites sont d’une grande importance pour l’intégration des équations
d’équilibre (obtention des efforts internes) et de la cinématique (obtention des déplacements). Comme
nous l’avons vu précédemment, pour déterminer les conditions aux limites en efforts, il est important
de se fixer un sens de parcours de la ligne moyenne L. En effet, le torseur des efforts {τ (x1 )} est
−→
lié au vecteur contrainte tM , et donc à la normale à la section S. Comme la normale à considérer
est toujours sortante, le torseur des efforts sera affecté d’un signe opposé entre les deux côtés de la
poutre de normale → −x 1 et −→−
x 1.
La résolution du problème de poutre peut avoir des buts différents, ce qui conditionne en
grande partie la stratégie de résolution à adopter. On peut par exemple souhaiter connaître des
informations ponctuelles, comme un déplacement maximum ou les contraintes en des points précis.
Mais dans la plupart des cas par contre, le lieu des déplacements ou contraintes maximales n’est
pas connu à priori, ce qui nécessite de caractériser complètement les champs de déplacements et
contraintes solutions.
La première solution proposée en début de ce chapitre qui passe par l’étude des efforts
transmis dans un tronçon de poutre, est intéressante mais ne peut s’appliquer de façon générique
130 Chapitre 6. Théorie des poutres
→
− →
− →
− →
−
u = 0 R 6= 0
Encastrement
→
− →
− −
→ → −
r = 0 M 6= 0
u1 6= 0, u2 6= 0 N = T2 = 0
Appui simple u3 = 0 T3 6= 0
→
− →
− −
→ →−
r 6= 0 M= 0
→
− →
− →
− →
−
u = 0 R 6= 0
Rotule
→
− →
− −
→ →−
r 6= 0 M= 0
Table 6.1: Principales liaisons d’une poutre : schémas, degrés de liberté et contraintes généralisées
associées.
car elle nécessite de connaître tous les efforts extérieurs, et ne permet pas de prendre en compte
les conditions aux limites de Dirichlet, si ce n’est à travers les réactions correspondantes. Notons
également que l’équilibre extérieur de la poutre étudiée, vis-à-vis des sollicitations et des conditions
aux limites cinématiques imposées, peut être vérifié par un bilan des forces extérieurs, sans nécessité
de connaître les efforts de cohésion à l’intérieur de la poutre. Ce qui peut tout de même s’avérer
fastidieux, voire impossible en cas de conditions aux limites surabondantes (système hyperstatique),
et surtout ne fournira aucune information sur la réponse du milieu, ce qui est pourtant l’objectif de
la mécanique des solides déformables.
À l’opposé, dans l’optique d’un dimensionnement nous chercherons à connaître ces efforts de
cohésion définissant les contraintes dans les sections. Mais si on se rappelle la démarche qui permet
de caractériser l’équilibre mécanique d’un solide déformable, on constate que résoudre le problème
revient quasi-systématiquement à expliciter les champs statiques et cinématiques dans leur ensemble.
Ne serait-ce que par les conditions aux limites qui sont de nature différente, statique et cinématique,
et qui doivent être intégrées au processus de résolution, nécessitant de passer des inconnues statiques
aux inconnues cinématiques via la loi de comportement associée.
Dans le cas général, la résolution du problème passe par la détermination des efforts internes
induits par des conditions aux limites de type Dirichlet et Neuman. La méthode la plus rigoureuse pour
déterminer ces efforts est similaire à la résolution d’un problème de MMC : intégration des équations
d’équilibre en veillant à avoir autant de conditions aux limites que nécessaire. Pour des problèmes
6.4. Résolution par intégration des équations d’équilibre intérieur 131
simples, tels que pour des poutres à plan moyen, ces équations peuvent se dériver de l’équilibre
de tronçons de poutres de longueur élémentaire en veillant à représenter tout type de chargement
possible. Pour une approche générale, un des moyens les plus systématiques pour parvenir à exprimer
ces équations d’équilibre et les conditions aux limites correspondantes consiste à utiliser le Principe
des puissances virtuelles ou PPV que nous avons vu au chapitre précédent.
Comme nous l’avons vu au Chapitre précédent (§5.4), le PPV (Eq. 5.47) exprime l’équilibre
sous forme scalaire. L’équilibre statique est équivalent à annuler la somme de la puissance virtuelle
développée par les efforts intérieurs Pint ∗ (−→
u∗ ) et de la puissance virtuelle développée par les efforts
∗ (−
extérieurs Pext
→ −
→
u∗ ) dans un champ de déplacement virtuel quelconque u∗ . Nous avons montré qu’il
y équivalence entre le PPV écrit en déplacement et l’expression des équations d’équilibre intérieur
(Eq. 5.40a) et des conditions aux limites statiques associées (Eq. 5.40b) si le champ virtuel est
C.A.(0). Nous allons exploiter cette équivalence pour établir les équations d’équilibre des poutres.
Pour cela, on définit un champ de déplacements virtuel dans la poutre, → −
u ∗M , qui se traduit par un
torseur de déplacement virtuel {U ∗ (x1 )} d’éléments de réduction → −u ∗ (x1 ) un déplacement virtuel, et
→
−r ∗ (x1 ) une rotation virtuelle sur la fibre moyenne L. Ce déplacement virtuel produit un champ de
déformations virtuel ε∗M dans chaque section S (Figure 6.15).
On étudie ici les efforts internes à la poutre, c’est-à-dire les efforts de cohésion dans un
tronçon de poutre libre de tout chargement extérieur ponctuel autre que ceux imposés sur ses sections
terminales S1 et S2 , tel que schématisé sur la Figure 6.15. En effet, chaque effort ou déplacement
imposé nécessite presque systématiquement de découper notre poutre en autant de tronçons libres de
→
−
sollicitations extérieures autres que terminales. On note t dM le vecteur contrainte qui règne sur ces
sections terminales du tronçon. L’intégration du travail virtuel des efforts extérieurs sur la frontière
du volume V de la poutre se traduit par une intégrale sur la surface S aux points extrémités du
segment de L considéré. On remarque que sur S1 (Figure 6.15), la normale sortante à la section est
forcément opposée au sens de parcours de la fibre moyenne (vecteur −→ −x 1 ). Partant de l’expression
générique établie précédemment (pour le PPV Eq. 5.47 et le PTV Eq. 5.48), pour notre poutre le
PTV s’écrit (HPP) :
Z Z Z Z
→
−v → →
−d → →
−d → −
→
− σM : ε∗M dv + f .−
u ∗M dv + t M .−
u ∗M dS − t M .−
u ∗M dS = 0, ∀u∗
V V S2 S1
| {z } | {z }
−
→ −
→ −
→
Pint (u∗ )
∗ + Pext (u∗ )
∗ = 0, ∀u∗
(6.38)
Figure 6.15: Segment d’une poutre où l’on applique le principe des travaux virtuels : passage du
solide 3D à la description de type poutre.
cinématique issue de l’hypothèse de Navier (torseur des déplacements virtuels {U ∗ (x1 )}). On obtient
pour une section St (soit S1 , soit S2 ), au signe négatif prés pour S1 :
Z Z
→
−d → →
−d → −−→
t M .−
u ∗M dS = t M .(−u∗+→ −r ∗ ∧ GM )dS
St St Z Z
→
− →
−d −−→ →
−
= u ∗. t M dS + →−r ∗. GM ∧ t dM dS (6.39)
− −S∗t −
→ → −∗ St
= R d .→
u + M d .→ r
= F d . {U ∗ }
→
−
De même, l’intégrale sur V des forces de volume f v devient :
6.4. Résolution par intégration des équations d’équilibre intérieur 133
Z Z
→
−v → →
−v → −−→
f .−
u ∗M dv = f .(−u∗+→−
r ∗ ∧ GM )dS
S(x1 ) S Z Z
→
− →
−v −−→ →
−
= u ∗. f dS + →
−r ∗ . GM ∧ f v dS (6.40)
S S
=→−
p (→
−x 1 ).→
−
u ∗ (→
−
x 1) + →
−c (→
−
x 1 ).→
−
r ∗ (→
−
x 1)
v
= {F } . {U }∗
Les vecteur →
−
p (→
−x 1 ) et →
−c (→
−
x 1 ) ainsi introduits, éléments de réduction du torseur des efforts linéiques,
représentent respectivement :
— une force par unité de longueur répartie sur la fibre moyenne (pour →
−
p ),
→
−
— un couple par unité de longueur réparti sur la fibre moyenne (pour c ).
Remarque : En toute rigueur, des forces réparties peuvent s’appliquer sur les faces de la poutre (cf
Figure 6.15). La contribution de ces efforts peut être calculée de la même façon que pour les forces
de volume ci-dessus :
Z Z
→
−s → →
−s → −−→
f .−
u ∗M dS = f .(−
u∗+→−r ∗ ∧ GM )dΣ
∂S(x1 ) ∂S Z Z
→
− →
−s →
− ∗ −−→ →−
∗
= u . f dΣ + r . GM ∧ f s dΣ
∂S ∂S
Toutefois, la présence de ces efforts est extrêmement rare compte tenu des hypothèses qui conduisent
à considérer une structure comme une poutre. Nous négligerons les contributions correspondantes
dans la suite des calculs qui viendraient simplement s’ajouter aux efforts extérieurs répartis →
−
p et →
−c
définis ci-dessus (Eq. 6.40).
En utilisant la même méthode que pour l’équation 6.32 (calcul de l’énergie de déformation),
puis la définition du torseur des déplacements, puis enfin une intégration par parties, le premier terme
de l’expression à annuler dans le principe des travaux virtuels s’écrit de la façon suivante :
134 Chapitre 6. Théorie des poutres
Z Z l2
→
− −→
σM : ε∗M dv = ( R (x1 ) · →
−
e ∗ (x1 ) + M (x1 ) · →
− κ ∗ (x1 ))dl
V l1
′ ′ ′
Z l2 R1 u∗1 + R2 (u∗2 − r3∗ ) + R3 (u∗3 + r2∗ )
= ∗ ′ ∗ ′ ∗ ′ dl
l1 +M1 r1 + M2 r2 + M3 r3
↓ IPP+Théorème de la divergence
Z l2 −R1′ u∗1 − R2′ u∗2 − R3′ u∗3
= dl
l1 −M1′ r1∗ − (M2′ − R3 )r2∗ − (M3′ + R2 )r3∗
→
− →
− (6.41)
+ R (l2 ).→ −
u ∗ (l2 ) − R (l1 ).→
−u ∗ (l1 )
−
→ −
→
+M (l2 ).→ −
r ∗ (l2 ) − M (l1 ).→−
r ∗ (l1 )
Z l2
→
− −∗ −
→ − →
− −∗
= − (R′ · → u + (M ′ + → x 1 ∧ R) · → r )dl
l1
→
− →
−
+ R (l2 ) · → −
u ∗ (l2 ) − R (l1 ) · →
−u ∗ (l1 )
−
→ −
→
+M (l2 ) · → −r ∗ (l2 ) − M (l1 ) · →
−
r ∗ (l1 )
Z l2
d
=− {τ } · {U ∗ } dl + [{τ } · {U ∗ }]ll21
l1 dx 1
On montre en effet que l’expression de la dérivée d’un torseur, et notamment du torseur des efforts
internes, s’écrit au centre de gravité de la section G :
(−
→ )
d R′ (x1 )
{τ (x1 )}(G) = −→′ →∧→ −
dx1 M (x1 ) + −
x 1 R (x1 ) (G)
En utilisant l’ensemble de ces résultats (Eq. 6.41 - (Eq. 6.39 + Eq. 6.40) =0), le principe
des travaux virtuels s’écrit simplement de la façon suivante (Eqs 6.42) sur tout segment de la
fibre moyenne ne contenant pas d’effort ponctuel (connu ou résultant d’une condition cinématique
imposée) :
∀(l1 , l2 ) ∈ L, ∀(→−
u ∗, →
−
r ∗)
Z l2
→
− −→ − →
− − →
(R′ + → −
p ).→
−
u ∗ + (M ′ + →
x1∧ R +→
c)·−
r ∗ dl (6.42a)
l1
h→
−d → → − ∗ →
− − −∗ −→ − ∗ il2
+ R ·−
u ∗ + Md · →
r − R ·→
u +M ·→
r =0 (6.42b)
l1
6.4. Résolution par intégration des équations d’équilibre intérieur 135
ou en écriture torsorielle :
∀(l1 , l2 ) ∈ L, ∀ {U ∗ } ,
Z l2 hn o i l2
d
{τ } + {F } · {U ∗ } dl +
v
F d − {τ } · {U ∗ } = {0}
l1 dx1 l1
Cette équation doit être vérifiée sur tout segment, et pour tout champ de déplacement virtuel,
i.e. pour tout torseur {U ∗ }. Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 5, pour toute fonction test
s’annulant aux bords de l’intervalle, l’intégrale ne peut être nulle que si la quantité intégrée est nulle
si elle est continue. On choisit le champ virtuel nul au bord et non-nul à l’intérieur de la poutre. De
l’équation (6.42a) on déduit les équations d’équilibre des milieux curvilignes (Eq. 6.43), à comparer
−→ − →
− − →
−
à l’équilibre des milieux continus (divσ(→ x ) + f v (→
x ) = 0 ). C’est à partir de ces équations que tout
problème de poutre peut être résolu de manière rigoureuse :
Les équations d’équilibre sont deux équations vectorielles. Elles conduisent à six équations
différentielles scalaires qui traduisent l’équilibre mécanique du milieu unidimensionnel. Les forces
volumiques sont représentées par les vecteurs → −p (forces réparties sur le segment) et →
−c (couples
répartis sur le segment).
L’intégration de ces équations différentielles caractérisant l’équilibre (Eq. 6.43) nécessite six
conditions aux limites à chaque extrémité. Ces conditions sont obtenues aux points d’abscisse l1 et l2 ,
extrémités du segment considéré, à partir de l’expression des termes de bord du PTV (Eq. 6.42b) en
choisissant un champ de déplacement virtuel nul à l’intérieur de la poutre et de valeurs particulières
aux bords, composante par composante. Le choix le plus trivial consiste à choisir ce champ non nul,
ce qui conduit à retrouver le fait que les efforts internes doivent être égaux aux efforts imposés aux
même endroits comme nous l’avons déjà établi précédemment, autrement dit, l’équilibre au bord (Eq.
6.17) : {τ }(li ) = F d (l ) .
i
Pourtant, ces conditions ne sont pas génériques, car des degrés de liberté cinématiques
peuvent être également imposés (déplacements → −u d ou rotations →−r d ). Or, on sait qu’on ne peut
imposer à la fois un effort et un déplacement au même point sur le même degré de liberté (en 3D :
∂Ω = ∂Ωu ∪ ∂ΩF et ∂Ωu ∩ ∂ΩF =Ø). Ou traduit autrement : la puissance virtuelle de ces efforts
de bord peut s’annuler si certaines composantes statiques sont inconnues (donc la composante
X d correspondante est nulle dans la relation Eq. 6.42b) mais que le champ virtuel cinématique
correspondant C.A.(0) est nul. C’est typiquement le cas des efforts et moments de réactions associés
136 Chapitre 6. Théorie des poutres
à des degrés de liberté bloqués. On retrouve alors la dualité statique-cinématique déjà mise en
évidence du point de vue de l’énergie (Eq. 6.33). Ce qui permet de définir les 6 conditions à vérifier
aux extrémités ; il faut connaître en ces points :
Figure 6.16: Torseur d’efforts extérieurs appliqué sur une section Si du tronçon étudié.
On notera que les équations d’équilibre au bord de la poutre (Eq. 6.17) se déduisent de cette
condition (Eq. 6.45) en écrivant que τ (l1− ) et τ (l2+ ) sont nuls, soit τ (l1+ ) = − F 1 (l1 ) et
−
τ (l2 ) = F 2 (l2 ) .
La connaissance du torseur des efforts intérieurs {τ (x1 )}(G) sur le segment permet, par la
loi de comportement (Eq. 6.37), d’obtenir les éléments de réduction du torseur des déformations
6.4. Résolution par intégration des équations d’équilibre intérieur 137
Dans la première partie de ce chapitre, nous avons calculé les états de contraintes à partir
de l’expression du torseur des efforts de cohésion (§ 6.2.3). L’expression de ces contraintes peut
maintenant s’établir, sans hypothèse sur la distribution des contraintes de flexion et torsion.
En effet, connaissant le torseur des efforts de cohésion en tout point de la ligne moyenne, on peut
en déduire le torseur des déformations associé en passant par la loi de comportement de la structure,
notée [C] (Eq. 6.37), et donc exprimer les déformations en tout point de la section. Il ne reste plus
qu’à remonter aux contraintes correspondantes et donc aux contraintes contraintes correspondantes
via la loi de comportement du matériaux constitutif (Eq. 6.34).
Contrainte normale La contrainte normale est directement reliée à la déformation normale (Eq.
6.34) par le module d’Young E dans le cas d’un matériau isotrope. Par ailleurs l’effort normal est
relié d’une part à la déformation de membrane (e1 ) et d’autre part aux courbures de flexion (κ2 et
κ3 ). En résumé, on a :
(
N (x1 ) = ESu′1 (x1 )
σ11 (→
−
x ) = Eε11 = Eu′1 + E(r2′ x3 − r3′ x2 )
|{z} | {z } et Mf 2 (x1 ) = EI2 r′ (x1 ) − EI23 r′ (x1 )
m (→
− f → 2 3
= σ11 x) + σ11 (−
x)
M (x ) = −EI r′ (x ) + EI r′ (x )
f3 1 23 2 1 3 3 1
Contribution de la déformation de flexion Cette part de la contrainte normale est évaluée assez
simplement en l’absence de flexion déviée, c’est-à-dire pour des sections à plan de symétrie et des
efforts appliqués dans ce plan (moments produits nuls) comme nous l’avons fait au § 6.2.3 - Eq.
6.19. Dans le cas plus général on a :
f x3 I3 − x2 I23 x2 I2 − x3 I23
σ11 (M, x1 ) = Mf2 (x1 ) 2 − Mf3 (x1 ) 2
I2 I3 − I23 I2 I3 − I23
138 Chapitre 6. Théorie des poutres
Expression complète de la contrainte normale Finalement la contrainte normale est la somme des
contributions des termes de membrane et de flexion (Figure 6.11) :
m (x ) = T2 (x1 ) m (x ) = T3 (x1 )
σ12 1 σ13 1
S(x1 ) S(x1 )
t (x , r), σ t (x , r)
Mt (x1 )
τ (x1 , r) = σ1r (x1 , r) = f σ12 1 13 1 (Rc )
= r
I0 (x1 )
avec r la position radiale du point M dans un système de coordonnée cylindrique (Rc ) attaché à la
section circulaire centrée en G, et τ (r, x1 ) la contrainte de cisaillement dans ce repère.
Le dimensionnement des poutres passe généralement par la résolution des équations d’équi-
libre intérieur (Eq. 6.48). Pour intégrer ces équations différentielles en efforts, on dispose des condi-
tions aux limites cinématiques (Eq. 6.47), utilisables via la loi de comportement (Eq. 6.50), ainsi que
des conditions d’équilibre au bord (Eq. 6.49). Les équations des discontinuités sont également néces-
saires si des efforts sont appliqués ailleurs qu’aux extrémités de la poutre (Eq. 6.49). Enfin, lorsque
les déplacements sont connus les déformations peuvent être calculées (Eq. 6.51) et les contraintes
évaluées en tout point à partir des efforts internes (Eq. 6.52).
6.5. Bilan de la théorie des poutres de Timoshenko 139
2. Équilibre intérieur
(→
−′ →
−
d R (x1 ) + →
−
p (x1 ) = 0
{τ } + {F v } = {0} ⇔ −
→′ →
− −c (x ) = →
− , ∀ x1 ∈ ]0, L[
dx1 M (x1 ) + →
−
x 1 ∧ R (x1 ) + → 1 0
(6.48)
3. Équilibre au bord (li ) et discontinuités (en xi )
{τ }(li ) = F d (l ) , ∀ li ∈ {l1 , l2 }
i
i (6.49)
[| {τ } |](xi ) = τ (x+ −
i ) − τ (xi ) = − F (xi )
, ∀ xi ∈ [0, L]
5. Relations utiles :
— Relations déplacements/déformations
(
→
−r ′ (x1 ) = →
−
κ (x1 )
→
− (6.51)
u (x1 ) + x 1 ∧ →
′ →
− −r (x1 ) = →
−
e (x1 )
m (x ) = N (x1 )
tension : σ11 1
S(x1 )
f Mf 2 (x1 ) Mf 3 (x1 )
flexion : σ11 (x1 , M ) = x3 − x2
I2 (x1 ) I3 (x1 )
(6.52)
m (x ) Tα (x1 )
cisaillement : σ1α 1 = (α = 2, 3)
S(x1 )
t (r, x )
Mt (x1 )
torsion : τ (x1 , r) = f σ1α 1 (Rc )
= r
I0 (x1 )
140 Chapitre 6. Théorie des poutres
6.5.2 Simplifications dans le cas des poutres à plan moyen chargées dans ce plan
Comme indiqué en introduction, lorsqu’une poutre à plan moyen est chargée dans son plan, les
efforts internes en tout point d’abscisse x1 sont contenus dans le plan du chargement, ici (G, →
−
x 1, →
−
x 3 ),
et s’écrivent (Eq 6.22) : !
N (x 1 )
2D
τ (x1 ) (G,R) = T2 (x1 )
Mf 3 (x1 ) (G,R)
De même, les déplacements de tout point de la poutre (y compris des points situés hors de
la ligne moyenne) sont représentés par :
— un vecteur déplacement de la fibre moyenne → −u = u1 →
−
x 1 + u2 →
−
x 2,
→
− →
−
— un vecteur rotation r = r3 x 3 .
ou encore
r3 (x1 ) !
2D
U (x1 ) (M,R) = u1 (x1 ) (6.53)
u2 (x1 )
(M,R)
Les efforts et moments extérieurs associés, concentrés et répartis, sont évidemment réduits
en conséquence
→
−
— forces ponctuelles F d (xi ) = N d →
−x 1 + T2d →
−
x 2 et foces par unité de longueur → −
p = p1 →−x 1+
→
−
p2 x 2
−
→
— moments ponctuels M d (xi ) = M3d → −x 3 et couples par unité de longueur → −c = c →
−
z x 3.
ou de façon équivalente :
! !
N d (x )
p (x
1 1 ) 1
V,2D d,2D d
F (x1 ) (G,R) = p2 (x1 ) F (x1 ) (G,R) = T2 (x1 )
M d (x )
c3 (x1 ) (G,R) f 3 1 (G,R)
(6.54)
Le problème à traiter dans le cas des poutres droites à plan moyen chargées dans ce plan est
totalement plan, et grandement simplifié par rapport au cas des poutres courbes dans l’espace. On
note que la torsion n’apparaît pas ici, c’est en effet un mécanisme qui fait intervenir une rotation hors
du plan de symétrie des sections (κ1 (x1 ) = r1′ (x1 )). Cette sollicitation peut être traitée séparément
si aucun cisaillement n’est introduit par les efforts tranchants par exemple.
Finalement, la formulation des problèmes de flexion-tension peut être synthétisée comme
suit.
6.5. Bilan de la théorie des poutres de Timoshenko 141
Bilan de la théorie des poutres droites chargées dans leur plan moyen (G, →
−
x 1, →
−
x 2)
2. Équilibre intérieur ′
N (x1 ) + p1 (x1 ) = 0
T2′ (x1 ) + p2 (x1 ) = 0
′
Mf 3 (x1 ) + T2 (x1 ) + cz (x1 ) = 0
5. Relations utiles :
— Relations déplacements/déformations
m (x ) = N (x1 )
tension : σ11 1
S(x1 )
f Mf 3 (x1 )
flexion : σ11 (x1 , x2 ) = −x2
I3 (x1 )
T2 (x1 )
cisaillement : σ12 (x1 ) =
S(x1 )
Annexes
143
A.
Algèbre tensorielle
145
146 Annexe A. Algèbre tensorielle
On travaille ici dans un espace euclidien, c’est-à-dire un espace muni d’un produit scalaire,
et on se limite à des bases orthonormées et aux coordonnées cartésiennes associées. Pour des
raisons de simplification, nous nous placerons dans un espace de dimensions 3 auquel on associe
un espace vectoriel E3 .
Pour alléger les notations en calcul tensoriel, on utilise très souvent la convention de som-
mation d’Einstein. Dans cette convention, si un indice (indiquant un des axes → −e 1, →
−
e 2 ou →
−
e 3 de
la base) apparaît deux fois dans un même terme, on lui fera prendre les valeurs 1,2,3 et on fera la
somme de l’ensemble.
Par exemple, le terme ai bi dans une équation devra être interprété comme la somme a1 b1 +
a2 b2 + a3 b3 . Comme i est un indice de sommation, aussi appelé indice muet, la lettre le représentant
n’a aucune importante. Par conséquent, on a : ai bi = aj bj .
Deux symboles apparaissent très régulièrement en calcul tensoriel et permettent aussi d’alléger
les notations :
• Le symbole de Kronecker noté δij , tel que :
(
1 si i = j
δij =
0 si i 6= j
(1, 2, 3), (3, 1, 2) et (2, 3, 1) sont des permutations paires et (2, 1, 3), (1, 3, 2) et (3, 2, 1)
des permutations impaires.
A.3 Vecteurs
→
−
où les trois nombres réels (V1 , V2 , V3 ) sont les composantes du vecteur V .
→
−
En utilisant la convention de sommation d’Einstein, on peut écrire V sous la forme :
→
−
V = Vi →
−
ei
autrement dit, chaque fois qu’un indice est répété, il convient de faire varier l’indice i de 1 à 3 et de
faire la somme des trois termes obtenus.
→
− →
−
En notation matricielle, le vecteur V s’écrit dans la base B (si besoin noté [ V ]B ) :
V1
→
−
V ≡ V2
V3 (B)
A.4 Tenseurs
Nous allons rappeler quelques définitions liées aux tenseurs, en particulier les tenseurs d’ordres
2 compte tenu de leur importance en mécanique des milieux continus.
Un tenseur d’ordre deux, noté A, est une forme bilinéaire de E3 × E3 dans R. Il fait donc
correspondre à deux vecteurs quelconques un nombre réel, et est linéaire par rapport à ses arguments.
→
− −
→
Le résultat de cette forme bilinéaire lorsqu’elle s’applique à deux vecteurs V et W de E3 est le scalaire
→
− − → →
− −
→
noté A( V , W ) (aussi noté V · A · W comme on le verra plus loin).
Dans la base B, on appelle Aij les 32 = 9 composantes (scalaires) de A données par :
Aij = A(→
−
e i, →
−
e j) i, j ∈ {1, 2, 3}
Un tenseur d’ordre 2 peut donc être représenté par une matrice 3 × 3 dans une base
B (cette précision est importante) tel que :
A11 A12 A13
A ≡ A21 A22 A23
A31 A32 A33 (B)
On insiste ici sur le fait qu’un tenseur n’est pas une matrice. En revanche, si on choisit une
base B = (→−e 1, →
−
e 2, →
−e 3 ), un tenseur se représente par une matrice. Si on exprime le tenseur A dans
une nouvelle base noté B ∗ = (→ −
e ∗1 , →
−
e ∗2 , →
−
e ∗3 ), une composante A∗ij de A dans B ∗ n’a aucune raison
d’être identique à la composante Aij de A dans B.
Dans la base B = (→ −
e 1, →
−
e 2, →
−
e 3 ), on peut écrire le résultat de A appliqué à deux vecteurs
→
− −
→ →
− − →
V et W (noté A( V , W )) :
→
− −→
A( V , W ) = Aij Vi Wj
148 Annexe A. Algèbre tensorielle
C’est toute la puissance de la notation d’Einstein (ou notation indicielle) qui nous évite d’écrire :
→
− − →
A( V , W ) = A11 V1 W2 + A12 V1 W2 + A13 V1 W3
+A21 V2 W1 + A22 V2 W2 + A23 V2 W3
+A31 V3 W1 + A32 V3 W2 + A33 V3 W3
Un tenseur d’ordre 2 est une forme bilinéaire, c’est aussi une application linéaire de E3 dans
→
− −
→
E3 , c’est-à-dire qu’à tout vecteur V , il peut faire correspondre un vecteur W , tel que :
−
→ →
−
W = AV ou Wi = Aij V j
Les propriétés relatives aux applications linéaires (qui ne sont pas rappelées ici) permettent
d’introduire quelques définitions supplémentaires :
— un tenseur du second ordre est symétrique, s’il est identique à son transposé :
A = AT
ou
Aij = Aji i, j ∈ {1, 2, 3}
A = −AT
ou
Aij = −Aji i, j ∈ {1, 2, 3}
— on appelle tenseur identité le tenseur d’ordre deux, noté I, tel que Iij = δij . Il peut être
représenté par la matrice :
1 0 0
I ≡ 0 1 0
0 0 1
— un tenseur d’ordre 2 peut toujours être décomposé de façon unique en la somme d’un
tenseur symétrique As et un tenseur antisymétrique Aa , tels que
A = As + Aa
avec
1 1
As = A + AT ou Aij = (Aij + Aji )
2 1
et
1 1
Aa = A − AT ou Aij = (Aij − Aji )
2 2
— la trace d’un tenseur d’ordre deux est la somme de ses composantes diagonales :
TrA = Aii
A.4. Tenseurs 149
Aijk = A(→
−
e i, →
−
e j, →
−
e k) i, j, k ∈ {1, 2, 3}
e ∗j = Pij →
→
− −
ei et →
−
e i = Pij →
−
e ∗j
où Pij = →−ei·→−
e ∗j sont les coefficients de la matrice de changement de base, ou matrice de passage
(qui n’est pas un tenseur) entre B et B ∗ . Les coefficients Pij peuvent donc s’interpréter comme les
composantes de → − e j ∗ dans la base B ou comme les composantes de →−
e i dans la base B ∗ :
→
−
e ∗1 →
−
e ∗2 →
−
e ∗3
P11 P12 P13 →−
e1
P21 P22 →
−
P23 e 2
P31 P32 P33 →−
e3
on a donc :
PjiT Pik = δik
En partant de l’expression de →
−
e i , un raisonnement similaire abouti à la relation :
T
Pij Pjk = δik
150 Annexe A. Algèbre tensorielle
Ceci signifie que la matrice de passage P de coefficients Pij est une matrice orthogonale, en d’autres
termes son inverse est égal à sa transposée.
→
−
On considère maintenant un tenseur T et vecteur V dont les composantes respectives dans
B sont respectivement Tij et Vi . On peut calculer les composantes respectives Tij∗ et Vi∗ dans la
base B ∗ .
→
−
Commençons avec le vecteur V , ou tenseur d’ordre 1. Il est très important de comprendre
que lors d’un changement de base les composantes du vecteur changent alors que le vecteur lui-même
ne change pas. Autrement dit, bien que les Vi soient différents des Vi∗ , on a :
→
−
V = Vi →
−
e i = Vi∗ →
−
e ∗i
Pour que cette relation soit possible, il faut que la relation entre les composantes Vi et Vi∗ s’écrivent :
Lors d’un changement de base, le tenseur d’ordre deux T se transforme selon les relations
suivantes :
∗ T ∗ T
Tij = Pik Tkl Plj et Tkl = Pki Tij Pjl
Nous insistons une nouvelle fois sur le fait que P est une matrice et n’a rien à voir avec un
tenseur d’ordre deux. Un tenseur d’ordre deux est une quantité intrinsèque indépendante de la base
choisie alors que P est une matrice de coefficients donnant les produits scalaires entre les vecteurs
de la première et de la seconde base : Pij = →−ei·→ −
e ∗j .
Un tenseur peut également être défini par un certain nombre de propriétés indépendantes de
la base qu’on appelle propriétés intrinsèques du tenseur. Parmi les propriétés intrinsèques les plus
utilisées, on trouve les trois invariants principaux. Ils sont définis comme les coefficients du polynôme
caractéristique det(T − λI).
On peut montrer que le polynôme caractéristique d’un tenseur s’écrit :
On peut remarquer que II est la trace de T (somme des trois termes diagonaux), qu’on
note II = Tr T . Le troisième invariant IIII est le déterminant de la matrice qui représente T , qu’on
écrit det T .
Les racines du polynôme caractéristique sont les scalaires λI , λII et λIII tels que :
Ces trois scalaires sont appelés valeurs propres du tenseur T . Dans de nombreuse situations,
elles auront un sens physique important. On peut réécrire les invariants en fonction des valeurs
propres tels que :
II = λI + λII + λIII
III = λI λII + λI λIII + λII λIII
III = λI λII λIII
→
− → − →
−
Chaque valeur propre λI , λII ou λIII permet de définir un vecteur propre U I , U II ou U III
tel que :
→
− →
−
T U = λU et Tij Uj = λUi
→
− → − →
− →
− → − →
−
Les trois vecteurs propres U I , U II ou U III forment une base B(I,II,III) = ( U I , U II , U III ) appelée
base principale dans laquelle le tenseur T s’écrit :
λI 0 0
[T ]B(I,II,III) = P T [T ]B P = 0 λII 0
0 0 λIII
où la matrice de passage est donnée par :
→− → →
− →
−
UI ·− e 1 U II ·→
−
e 1 U III ·→
−
e1
→− − →
− →
−
P = U I · → e 2 U II ·→
−
e 2 U III ·→
−
e 2
→
− → →
− →
−
UI ·− e 3 U II ·→
−
e 3 U III ·→
−
e3
A = Aij →
−
ei⊗→
−
ej
152 Annexe A. Algèbre tensorielle
ou encore :
→
− − →
A = V ⊗ W = Vi Wj →
−
ei⊗→
−
ej
ou sous forme indicielle :
Aij = Vi Wj i, j ∈ {1, 2, 3}
ou sous forme matricielle :
A11 A12 A13 V1 W 1 V1 W 2 V1 W 3
A ≡ A21 A22 A23 ≡ V2 W1 V2 W2 V2 W3
A31 A32 A33 (B) V3 W1 V3 W2 V3 W3 (B)
Le résultat d’un produit tensoriel entre un tenseur d’ordre n et un tenseur m est un tenseur
d’ordre n + m . Par exemple, le produit tensoriel de deux tenseurs d’ordre deux est un tenseur d’ordre
quatre :
C = A ⊗ B ou Cijkl = Aij Bkl
→
−
On peut aussi définir le produit contracté d’un tenseur de second ordre A et d’un vecteur V
tel que :
−
→ →
−
W =A· V ou Wi = Aij Vj
→
− →
−
Le résultat de A · V 6= V · A à moins que A soit symétrique.
Le produit contracté de deux tenseurs d’ordre deux A et B est un tenseur d’ordre deux défini
par :
C =A·B ou Cij = Aij Bij
En mécanique des milieux continus, les grandeurs physiques mises en jeu sont fonction du
temps et de l’espace. Elles sont représentées par des champs scalaires, vectoriels ou tensoriels. On
étendra d’ailleurs toutes les opérations d’algèbre tensorielle décrites précédemment à ces champs
tensoriels.
Pour décrire les variations spatiales de ces champs, nous allons réaliser une opération de
dérivation de ces champs par rapport aux variables d’espace. On va donc introduire les opérateurs
aux dérivées partielles tels que le gradient, la divergence, le laplacien ou le rotationnel.
Par hypothèse du milieu continu, les fonctions seront considérées comme suffisamment ré-
gulières pour donner un sens aux opérations de dérivation qui seront décrites dans la suite.
Comme dans le reste du polycopié, on utilise une base cartésienne orthonormée B =
( e 1, e 2, →
→
− →
− −
e 3 ) qui, à partir de l’origine O, forme un repère R = (O, →
−
e 1, →
−
e 2, →
−
e 3 ). Si M est un
→
−
point de l’espace, on note x le vecteur position de M tel que :
−−→ →
OM = − x = xi →
−
ei
A.5.1 Gradient
A.5.2 Divergence
A.5.3 Laplacien
Le laplacien est un opérateur qui conserve l’ordre tensoriel car c’est la composition des
opérateurs de divergence et de gradient.
Appliqué à un champ scalaire f , le laplacien de f , noté ∆f s’écrit :
−−→
∆f = div gradf
A.5.4 Rotationnel
−→→− ∂Uk →
−
rot U = ǫijk ei
∂xj
= ǫ U → −
e
ijk k,j i
De nombreuse relations mettent en jeu les opérateurs gradient, divergence, laplacien et ro-
tationnel. Certaines d’entre elles sont regroupées ci-dessous :
−−→ −−→ −−→
grad (f k) = f grad k + k gradf
→− →
− → − −−→
div f U = f div U + U · gradf
→− → − → − −
→ − →
→ −
div U ⊗ V = U div V + grad U · V
−→ −−→ → −
rot gradf = 0
−→→−
div rot U = 0
→
−→− −−→ → − −→ −→→ −
∆ U = grad div U − rot rot U
156 Annexe A. Algèbre tensorielle
Dans cette partie, nous nous intéressons à l’intégration des quantités décrites précédemment,
en particulier l’intégration par partie, ainsi que les formules de transformations d’intégrale comme la
formule de Green-Ostrogradski ou de Stokes.
Pour cela, on considère dans un repère cartésien un domaine Ω bornée par sa frontière ∂Ω
suffisamment régulière. On note → −
n le champ des vecteurs unitaires normaux à ∂Ω orienté vers
l’extérieur (champ de normales sortantes).
Cette relation est valable quel que soit l’ordre tensoriel de A et B. L’indice q peut également coïncider
avec l’un des indices ijk . . . ou lmn . . . . A partir de cette relation, en choisissant une expression
pour le tenseur A et en considérant B unitaire, on peut écrire les formules de Green-Ostrogradski.
→
−
On va donc considérer le scalaire A (tenseur d’ordre 0), le vecteur A (tenseur d’ordre 1) et le tenseur
du second ordre A. La formule de Green-Ostrogradski, ou théorème de la divergence, s’écrit alors en
fonction de la nature du champ :
Z Z
−−→
gradAdV = A→
−
n dS
Ω ∂Ω
Z Z
→
−
grad A dV = A⊗→
−
n dS
Ω ∂Ω
Z Z
→
− →
− →
div A dV = A ·−
n dS
Ω ∂Ω
Z Z
−→
divAdV = A·→
−
n dS
Ω ∂Ω
Ces formules sont très puissantes et largement utilisées en mécanique des milieux continus.
Elles permettent de faire le lien entre le comportement du champ à l’intérieur d’un domaine et à la
frontière de celui-ci.
−→→−
où l désigne l’abscisse curviligne le long de C. On dit que le flux du champ rot A à travers la surface
→
−
S est égal à la circulation du champ U le long de C.
158 Annexe A. Algèbre tensorielle
Bibliographie
159