Designmat
Designmat
Designmat
Elasticité-Viscoélasticité
Plasticité-Rupture
3 Elasticité 23
3.1 Loi de comportement élastique et potentiel élastique . . . . . . . . . . . . . . . . 23
3.1.1 Cas des petites déformations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.1.2 Cas des matériaux isotropes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
3.1.3 Contraintes résiduelles d’origine thermoélastique . . . . . . . . . . . . . . 25
iii
iv CONTENTS
4 Viscoélasticité 51
4.1 Théorie viscoélastique linéaire (1D) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
4.1.1 Aspects phénoménologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
4.1.2 Modèles rhéologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
4.1.3 Représentation temporelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
4.1.4 Représentation en fréquence et modules élastiques complexes . . . . . . . 63
4.1.5 Dissipation d’énergie pendant un test oscillant . . . . . . . . . . . . . . . 67
4.1.6 Principe de correspondance et effets de structure . . . . . . . . . . . . . 68
4.1.7 Extension 3D de la viscoélasticité linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
4.1.8 Ondes et vibrations atténuées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
4.2 Comportement viscoélastique des polymères (Slides Séminaire) . . . . . . . . . . 70
5 Plasticité 71
5.1 Caractéristiques des courbes de charge uniaxiale (1D) . . . . . . . . . . . . . . . 72
5.1.1 Courbe de charge monotone: seuil de plasticité . . . . . . . . . . . . . . . 72
5.1.2 Décharge élastique: partage de la déformation . . . . . . . . . . . . . . . 74
5.1.3 Effet de la plastification sur les propriétés mécaniques . . . . . . . . . . . 75
5.2 Description mathématique du comportement plastique uniaxial (1D) . . . . . . . 76
5.2.1 Fonction d’écrouissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
5.2.2 Déformation plastique équivalente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76
5.2.3 Direction de l’écoulement plastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
5.2.4 Dissipation d’énergie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
5.2.5 Modèles simplifiés de comportement plastique . . . . . . . . . . . . . . . 80
5.2.6 Sommaire des lois du comportement plastique 1D . . . . . . . . . . . . . 82
5.3 Description mathématique du comportement plastique triaxial (3D) . . . . . . . 83
5.3.1 Charge/décharge élastique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
5.3.2 Déformation plastique équivalente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
CONTENTS v
6 Rupture 89
6.1 La résistance à la rupture (et ses limites) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
6.1.1 Définitions et concepts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
6.1.2 Résistance théorique à traction et cisaillement . . . . . . . . . . . . . . . 91
6.1.3 Quand les défauts font toute la différence . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94
6.1.4 Concentration de contraintes par une cavité elliptique . . . . . . . . . . . 98
6.2 Théorie de la rupture élastique linéaire (LEFM) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
6.2.1 Approche en contrainte - K (Irwin) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
6.2.2 Approche énergétique - G (Griffith) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108
6.2.3 Equivalence K et G . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
6.2.4 Le crack de Griffith - Prototype d’instabilité . . . . . . . . . . . . . . . . 112
6.2.5 Clivage d’Obreimof - Prototype de stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
6.2.6 Situation générale d’un échantillon de test fissuré dans une machine de
traction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116
6.3 Extensions de la LEFM (Slides Séminaire) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
vi CONTENTS
Chapter 1
1
2 CHAPTER 1. INTRODUCTION (SLIDES SÉMINAIRE)
Chapter 2
2.1 Déformations
2.1.1 Variations de distances et de volume
Pour définir les déformations, on va étudier le déplacement d’un point et de ses voisins (en
supposant que la matière est continue) et ceci en tout point, on aura donc un champ. Pour les
coordonnées nous utiliserons les indices 1, 2, 3 pour simplifier les notations de somme (dans les
cas simples nous utiliserons également x, y, z qui permettent une visualisation plus immédiate).
On note F la fonction de transformation entre la configuration initiale (dite de référence)
et la configuration finale (dite déformée):
−
→ −
→
x = (x1 , x2 , x3 ) → − →
x ′ = (x′1 , x′2 , x′3 ) = F (x1 , x2 , x3 ) (2.1)
Le champ de déplacement (exprimé dans le repère non déformé) sera:
−
→ −
→→
u (x1 , x2 , x3 ) = −
→
x′−−
→
x = F (−
x)−− →
x ui = x′i − xi (2.2)
u(y) y'
y
du
dx dx'
x dx
u(x) x'
Figure 2.1: Champ de déplacement des points matériels d’un corps déformé.
3
4 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
Dans la suite nous utiliserons la convention de sommation d’Einstein pour sous entendre
une somme sur chaque indice répété (NB: uniquement dans une expression en produit)!
∑( ∂ui
)2
∂ui
{
∂ui ∂ui
}
′2 2
dℓ = dxi + dxj = dℓ + 2 dxj dxi + dxj dxℓ
i
∂x j ∂x j ∂x j ∂x ℓ
On remarque que le deuxième terme contient une double somme (sur i et sur j), ce qui
souligne sa nature tensorielle. Le troisième terme entre accolades contient une triple somme,
mais il sera négligé dans la suite parce qu’il contient de termes d’ordre supérieur (en termes de
gradient ∂ui /∂uj ≪ 1) par rapport à l’approximation linéaire que l’on fait ici.
Il convient d’exprimer le deuxième terme de façon plus symétrique en tenant compte de
l’identité:
∂ui ∂uj
dxj dxi = dxi dxj
∂xj ∂xi
NB: Gij = ∂ui /∂xj n’est pas symétrique. C’est uniquement dans la somme de tous les termes
que l’on peut permuter les indices (c’est juste un ordre de sommation différent)!
( )
′2 2 ∂ui ∂uj
dℓ = dℓ + + dxj dxi
∂xj ∂xi
Nous définissons donc les composantes εij du tenseur de déformation ε par l’expression:
( ) ε11 ε12 ε13
1 ∂ui ∂uj
εij = + ε = ε12 ε22 ε23 (2.4)
2 ∂xj ∂xi
ε13 ε23 ε33
ce qui nous permet d’exprimer les variations de longueur comme:
dℓ′2 = dℓ2 + 2εij dxi dxj (2.5)
Nous utiliserons la notation de double barre sur le tenseur ε pour indiquer que c’est un
tenseur de rang 2. Dans ce cours on va se limiter à des tenseurs de rang 2 que l’on traitera
comme des matrices et nous transposerons les notions de diagonalisation, valeurs propres et
vecteurs propres.
On peut enfin développer l’expression (2.5) pour exprimer la variation relative de longueur
d’un segment d−→
x reliant deux points dans la configuration de référence (c.f. Fig. 2.1):
dℓ′2 − dℓ2 −→ (dℓ′ − dℓ)(dℓ′ + dℓ) (dℓ′ − dℓ)2dℓ (dℓ′ − dℓ)
(d x ) = 2εij dxi dxj = ≃ =2 (2.6)
dℓ2 dℓ2 dℓ2 dℓ
(dℓ′ − dℓ) −
(d→
εij dxi dxj
x)= (2.7)
dℓ dxk dxk
2.1. DÉFORMATIONS 5
−→→ (−→− )
−
→
ω = rot−
u →
ωi = rot u =
∂uj
−
∂uk
i ∂xk ∂xj
En utilisant la décomposition en déformation et rotation:
d−→
u = G d− →x = ε d−→
x + Ω d− →
x
−
→u (−
→
y)=− → x ) + ε d−
u (−
→ →
x + Ω d−
→
x
−
→
on peut représenter graphiquement le déplacement d u comme dans la figure 2.2.
y' εdx
y Ωdx Ωdx
dx'
dx dx dx
x x'
Les tenseurs G, ε et Ω peuvent être vus comme des applications linéaires reliant un vecteur
à un autre. Notamment ils donnent une composante du vecteur déplacement en fonction du
vecteur distance entre deux points.
Dans la suite on se concentrera sur la partie des déplacements qui engendre des changements
de distance et d’angles entre points, c’est à dire sur le tenseur de deformation, car c’est le seul
qui sera à l’origine de contraintes internes et impliqué dans les lois de comportement. On
considère donc des champs de déplacement sans rotation. La nature tensorielle de ε se
traduit par une relation linéaire entre le vecteur d−
→x (distance orientée entre deux points) et le
−
→ −
→
vecteur d u (variation du vecteur d x ):
du1 ε11 ε12 ε13 dx1
Ω=0 d−
→u = ε d− →
x du2 = ε12 ε22 ε23 dx2 (2.10)
du3 ε13 ε23 ε33 dx3
Ces vecteurs ont en général une direction différente, sauf quand ils sont orientés selon l’un
des trois axes propres comme détaillé dans la section suivante.
6 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
dV ′ = (1 + Tr ε)dV (2.11)
où on n’a gardé que les termes d’ordre 1, en cohérence avec l’approximation linéaire. On a
aussi introduit la définition de la trace d’un tenseur:
qui est un invariant du tenseur (elle ne dépend pas du repère choisi, donc elle équivaut à
la somme des valeurs propres). Dans le cas du tenseur déformation l’interprétation physique
de cette invariance est simple parce que d’après l’équation (2.11) la trace de la déformation
équivaut à la variation volumique relative:
dV ′ − dV
Tr ε = ε1 + ε2 + ε3 = (2.13)
dV
On peut obtenir le même résultat en remarquant que la trace de la déformation est aussi la
divergence du champ de déplacement:
= div −
→
∂ui
Tr ε = u
∂xi
Comme tout tenseur symétrique d’ordre 3 le tenseur de déformation admet trois invariants
indépendants. Un deuxième jeu d’invariants peut être obtenu en considérant les coefficients
de l’équation caractéristique pour la diagonalisation de la matrice εij :
∏
|ε − λI| = λ3 + I1 λ2 + I2 λ + I3 = (λ − εi ) = 0
i
I1∗ = Tr (ε) = I1
2
I2∗ = Tr (ε ) = I12 − 2I2 (2.15)
3
I3∗ = Tr (ε ) = I13 − 3I1 I2 + 3I3
En particulier I2∗ est très utilisé (construction de l’énergie élastique, critère de Von Mises,
. . . ) parce qu’il est relié à la norme d’un tenseur, qu’on peut définir:
√∑
√
I2∗ = Tr (ε ) = |ε|2
2
|ε| ≡ εij εij = ε2ij (2.16)
ij
Il s’agit d’une norme quadratique: on somme le carré de tous les éléments et on prend
la racine du résultat. Elle est donc très utile pour estimer l’intensité moyenne d’une matrice à
trace nulle (voir section suivante).
8 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
ε = S ε + Dε (2.17)
Tr ε
εm = (2.18)
3
S ε = εm I (2.19)
qui représente une déformation isotrope à forme constante, c’est à dire une expansion ou
contraction homogène.
Nous appelons déviateur de la déformation la partie restante:
Dε = ε − S ε
qui a par construction une trace nulle. Il représente une déformation anisotrope à volume
constant, c’est à dire une déformation en cisaillement pur. Ayant une moyenne nulle, la façon
appropriée d’évaluer l’intensité εd du déviateur (et donc du cisaillement) est d’utiliser la racine
de la moyenne quadratique (EN: RMS, Root Mean Square):
√ √∑
2
Tr(Dε ) ijDij 2 |Dε |
εd = = = √ (2.20)
3 3 3
( ) ε ( )
signe ε ≡ |signe ε | = 1 (2.21)
|ε|
qui est un tenseur de norme unitaire ayant les mêmes directions propres que le tenseur d’origine
(notion totalement analogue au signe d’un scalaire et d’un vecteur). On peut donc écrire le
déviateur comme: ( ) √ ( )
Dε = |Dε | signe Dε = 3εd signe ε
On peut donc écrire la décomposition de la déformation en partie isotrope et anisotrope
comme:
√ ( )
ε = S ε + Dε = εm I + 3εd signe ε
2.1. DÉFORMATIONS 9
z
L(1+ε)
L
x
y
Nous remarquons qu’à cause du choix de l’orientation en z, le repère cartésien est aussi un
repère propre du tenseur de déformation. NB: mis à part l’axe z, les directions propres dans le
plan ne sont pas définies.
Si on décompose en sphérique et déviateur nous avons:
ε/3 0 0
Tr ε Tr S ε ε 1 dV
S ε = 0 ε/3 0 εm = = = =
3 3 3 3 V
0 0 ε/3
√ √
−ε/3 0 0 2
1
√
Tr(Dε ) + 19 + 4
2
Dε = ε − S ε = 0 −ε/3 0 εd = =ε 9 9
= ε
3 3 3
0 0 2ε/3
Le déviateur est déjà diagonal (même repère propre que ε).
z
L(1+ε)
L
x
y
ε 0 0
dV
ui = εxi ε = 0 ε 0 = εI = S ε Tr ε = 3ε = εm = ε Dε = 0
V
0 0 ε
Dans ce cas spécifique, tout repère est un repère propre du tenseur de déformation, qui
résulte être isotrope. Le déviateur est nul.
10 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
Cisaillement simple
z
θ
x
y
∂ux γ θ
ux = γz γ= = tan θ ≃ θ εxz = εzx = ≃
∂z 2 2
Le déplacement se fait uniquement le long d’un axe (par exemple x), mais sa valeur augmente
linéairement avec une coordonnée orthogonale (par exemple z). Ces deux directions identifient
un plan (x, z) orthogonal à l’axe y. Nous avons une seule dérivée non nulle ∂uy /∂z = γ, donc le
tenseur gradient du déplacement G n’est pas symétrique. Il faut donc le décomposer en partie
symétrique et antisymétrique, c’est à dire dans la somme d’une déformation et une rotation
(equation 2.9):
0 0 γ 0 0 γ/2 0 0 γ/2
G= 0 0 0 =ε+Ω ε= 0 0 0 Ω= 0 0 0
0 0 0 γ/2 0 0 −γ/2 0 0
La déformation correspond à un cisaillement pur d’angle θ/2 auquel on doit rajouter une
rotation infinitésimale d’angle θ/2 autour de l’axe y. La somme des deux conduit à la configu-
ration déformée représentée en figure 2.5.
Cisaillement pur
Si on veut réaliser une transformation de cisaillement pur, non accompagnée d’une rotation,
il faut que G soit symétrique:
0 0 γ
G= 0 0 0 =ε Ω=0
γ 0 0
ce qui implique deux dérivées partielle non nulles ∂uy /∂z = ∂uz /∂y = γ, ce qui donne la
configuration déformée suivante:
z
θ
x
θ y
∂ux ∂uz
ux = γz uz = γx γ= = = tan θ ≃ θ εxz = εzx = γ ≃ θ
∂z ∂x
2.1. DÉFORMATIONS 11
On remarque que cette fois la variation angulaire θ de l’orientation des arêtes est uniquement
liée à un cisaillement (la rotation est nulle). Le tenseur de déformation a la même forme que
dans le cas du cisaillement simple, mais ses termes ont une valeur double (l’angle entre les deux
arêtes à l’origine diminue cette fois de 2θ). Nous remarquons également que la trace du tenseur
est nulle (et donc le sphérique aussi): le cisaillement se fait sans changement de volume!
√ √
0 0 γ
1 + 1 2
ε = 0 0 0 = Dε Tr ε = 0 Sε = 0 εd = γ = γ
3 3
γ 0 0
Contrairement aux deux premiers exemples, pour les deux types de cisaillement le tenseur
de déformation n’est pas diagonal. Mais on sait qu’il sera diagonal dans le repère propre. Il
suffit de diagonaliser le sous bloc identifié par le plan (x, z):
( ) ( )
0 γ γ 0
→
γ 0 0 −γ
Dans le repère propre (X, Z), le cisaillement prend la forme d’une superposition d’une
traction (en X) et d’une compression (en Z) de même valeur absolu γ (ce qui preserve la trace
nulle et donc le volume). Dans le repère non déformé, les axes du repère propre forment un
angle de 45◦ par rapport aux axes cartésiens de départ (à ne pas confondre avec l’angle θ de
déformation).
Y Y X
X z
x
y
On remarque que les axes propres sont orientés comme les diagonales de la facette sur le plan
x, z. Pour le cas du cisaillement pur les directions des axes propres ne changent pas lorsqu’on
passe de la configuration de référence (à gauche) à la configuration déformée (au centre). Si en
revanche on faisait la même construction pour le cisaillement simple (figure 2.5), la direction
des axes propres (diagonales) subirait une rotation de θ/2 entre la configuration de référence
et la déformée.
Remarques générales
Il est important de retenir l’équivalence entre un état de cisaillement pur et un état d’exten-
sion et contraction de même intensité sur deux axes orthogonaux. Da façon générale, tout
état de déformation peut être vu comme la somme de trois états de extensions ou contractions
arbitraires, c’est l’essence même de la diagonalisabilité du tenseur de déformation.
Un autre aspect général est qu’on pourra toujours représenter un état de déformation comme
la somme d’une compression (ou traction) isotrope et d’un cisaillement pur. Cette dernière pro-
priété résumé beaucoup de la nature tensorielle de la déformation. En outre cette décomposition
se montrera très riche de signification physique.
12 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
dV ′
det λ = >0
dV
Si on ajoute la conservation de la masse dm = ρdV = ρ′ dV ′ , elle peut être reécrite comme:
ρ′ det λ = ρ
La compatibilité des déformations nécessite la non-compénétration des parties d’un corps.
Si la forme du corps est complexe, cette condition est non locale, mais pour un domaine convexe
on peut écrire une condition locale sur le champ de déformation. Notamment si on veut que
−→
tout se passe bien, il faut que le champ de déformation soit integrable, c’est à dire que du soit
une différentielle exacte, c’est à dire qu’il existe une fonction de déplacement dont le champ de
déformation est le gradient:
−
→ −−→→
u (−
→
x)=−
→
x′−−
→
x G = grad−
u =ε+Ω
−
→ −
→
du′ = G dx G=λ−I
Ceci est vérifié si le rotationnel de G est nul1 :
rotd G = 0 (2.22)
On peut montrer que cette condition est équivalente à la condition complexe:
( ) ( )
rotd rotg ε = 0 ou bien rotg rotd ε = 0
1
Le rotationnel d’un tenseur peut être défini des deux manières suivantes, dites rotationnel droit et
gauche:
( )
∂G21
∂x − ∂G
∂x
31 ∂G31
∂x − ∂G
∂x
11 ∂G11
∂x − ∂G
∂x
21
∂Gmj 3 2 1 3 2
∂G22
1
≡ δilm = ∂G ∂x3 − ∂x2 ∂x1 − ∂x3 ∂x2 − ∂x1
∂G32 ∂G32 ∂G12 ∂G12
rotd G 22
ij ∂xl
∂x3 − ∂x2 ∂x1 − ∂x3 ∂x2 − ∂x1
∂G23 ∂G33 ∂G33 ∂G13 ∂G13 ∂G23
2.2 Contraintes
2.2.1 Vecteurs et tenseurs de contraintes
Nous avons l’habitude de contraintes appliquées à l’aire de contact entre deux corps. La
contrainte est dimensionnellement définie comme une force par unité de surface et, comme la
pression, elle se mesure en P a:
[ ]
F N
σ∼ Pa = 2
S m
mais contrairement aux contraintes provoquées par la pression d’un liquide, les contraintes
sur l’aire de contact entre deux solides peuvent avoir une direction différente de la normale.
En faisant l’approximation grossière de contraintes constantes sur l’aire de contact, on peut les
représenter par un vecteur de contrainte, ayant deux composantes dites respectivement normale
et de cisaillement. Dans le cas du contact entre deux corps, la composante de cisaillement peut
être supportée grâce aux forces de friction statique.
Nous allons maintenant définir les contraintes internes au corps et nous convaincre qu’elles
ont une nature tensorielle. On considère un point interne à notre corps et on sépare le corps en
deux selon un plan imaginaire passant par ce point et identifié par sa normale orientée − →n . On
comprend maintenant naturellement que ces deux surfaces exercent en général des contraintes
de contact l’une sur l’autre représentées par deux vecteurs de contraintes, égaux mais de sens
opposé (3ème principe action/réaction). Comme on l’a vu précédemment ces deux vecteurs
de contraintes ne sont pas nécessairement normaux à la surface de contact, on peut donc les
décomposer en une composante normale et une composante de cisaillement. Dans un solide
cette dernière est plutôt supportée par les forces de cohésion.
On remarque qu’on peut réduire toute l’interaction entre les deux parties du solide à des
forces de surface: en effet les interactions atomiques sont de courte portée et la MMC s’appuie
sur une description de la matière qui se situe à une échelle plus grande que cette portée. On
peut ainsi négliger les aspects discrets de la matière, les fluctuations locales de composition et
de structure, ainsi que les interactions volumiques entre atomes.
Jusqu’ici tout se modélise par des vecteurs de contrainte à la surface de contact entre deux
solides. La particularité des contraintes internes est qu’on peut en principe séparer le solide
en deux parties selon une infinité de plans imaginaires passant par le point en question. La
nature tensorielle des contraintes en un point donné apparaı̂t en remarquant que le vecteur
de contrainte sera en général différent pour chaque plan imaginaire choisi. L’existence d’une
application linéaire qui relie un vecteur à un autre traduit la nature physique des tenseurs. Le
−
→
tenseur de contrainte σ relie le vecteur de contrainte T agissant sur une surface imaginaire au
vecteur −→
n normal à cette surface:
−
→
T = σ−
→
n
14 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
Cette relation physique dérive de la nécessité de équilibrer des forces appliquées autour
d’un élément de volume suffisamment petit pour que les contraintes soient décrites par une
seule valeur σ. Cette relation physique est indépendante du repère choisi pour décrire les
vecteurs, mais si l’on choisit un repère orthonormé (x1 , x2 , x3 ), le tenseur de contrainte sera
représenté par une matrice σij (comme tout tenseur de rang 2):
σ11 σ12 σ13 T1 σ11 σ12 σ13 n1
σ = σ21 σ22 σ23 T2 = σ21 σ22 σ23 n2
σ31 σ32 σ33 T3 σ31 σ32 σ33 n3
Quand on sépare le corps en deux, la relation précédente s’applique séparément aux deux
parties, en considérant pour chacune un vecteur normal − →
n dirigé vers l’extérieur de cette partie.
−
→ −
→
Pour chaque partie, le vecteur de contrainte T = σ n représente la contrainte appliquée par
l’élément exclu (force extérieure) sur l’élément retenu. Il en suit que les forces dirigées vers
l’extérieur (tractions) sont considérées comme positives, alors que les compressions ont un
signe négatif. NB: celle ci est la convention des physiciens en mécanique du solide.
Une façon simple de retenir la signification des composantes du tenseur de contraintes dans
un repère orthonormé est la suivante:
Fi
σij =
Sj
où Fi est la composante i de la force agissant sur une surface Sj orientée perpendiculairement
à l’axe j.
Le tenseur de contrainte est défini en chaque point, il constitue un champ de tenseur. Cette
description se fait en considérant autour de chaque point un élément de volume suffisamment
petit pour considérer l’état de contrainte comme constant, mais suffisamment grand pour pou-
voir négliger les aspects inhomogènes de la matière. L’équilibre des forces appliquées sur les
facettes d’un tel élément est automatiquement respecté par la construction du tenseur de con-
trainte: les forces appliquées sur chaque couple de facettes opposées sont opposées. Si on ajoute
l’équilibre des moments associés à ces forces, on obtient que le tenseur de contrainte doit être
symétrique. Pour chaque direction orthogonale à une facette, la résultante des moments est
égale à la somme de deux couples de forces. Ces deux couples doivent être opposées et il
en va donc de même pour les forces agissant sur deux facettes adjacentes. Compte tenu des
conventions de signe pour les composantes des forces on peut écrire:
Fi Fj
σij = = = σji
Sj Sj
NB: pour une demonstration formelle et détaillée de la nature tensorielle de la contrainte
et de la symétrie, voir les constructions géométriques sur le livre de Maugis[7].
valeurs propres σ1 , σ2 , σ3 sont dites contraintes principales. Avec les trois angles d’Euler
identifiant la direction du repère propre, on retrouve les six quantités indépendantes du tenseur.
On remarque que ce résultat est analogue à celui obtenu pour le tenseur de déformation, mais
il s’agit bien d’une propriété physique différente. La relation entre les deux repères propres
de contrainte et de déformation est simple uniquement dans le cas d’une loi de comportement
élastique linéaire.
Comme tout tenseur symétrique d’ordre 3, σ admet trois invariants indépendants. Un jeu
typique est:
Tr σ
S σ = σm I σm = (2.24)
3
et elle constitue la généralisation de la notion de pression. NB: la pression p = −σm est
définie positive en hydrodynamique. La partie anisotrope est dite déviateur de la contrainte
Dσ = σ − S σ et elle représente les déviations par rapport à l’isotropie moyenne. Elle peut
être représentée en multipliant la contrainte déviatorique moyenne (cisaillement) σd fois
un tenseur signe (c.f. section 2.1.4) qui caractérise les directions principales de σ:
√ √∑
2 2
Tr(Dσ ) ij Dij |Dσ |
σd = = = √ (2.25)
3 3 3
( ) √ ( )
Dσ = |Dσ | signe Dσ = 3σd signe σ
√ ( )
σ = S σ + Dσ = σm I + 3σd signe σ
La trace de Dσ est nulle par définition. Cette représentation contient beaucoup de la
nature tensorielle de σ et permet d’extraire l’essence physique de l’état de contrainte locale,
indépendamment de tout repère choisi. La partie isotrope a une signification analogue dans
tout matériau solide ou fluide, alors que la partie déviateur détermine la grosse différence de
comportement entre les classes des matériaux. Alors que les fluides ne peuvent pas supporter
une partie déviateur et vont s’écouler pour la relaxer, les solides plastiques vont la supporter
élastiquement jusqu’à une intensité limite, au delà de laquelle ils vont s’écouler de façon analogue
aux liquides.
16 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
où on suppose par convention que σ1 ≥ σ2 . Le repère propre peut dans ce cas être associé au
repère initial par une simple rotation d’un angle θ.
Si on prend comme repère initial le repère propre, il est facile d’exprimer les composantes
du tenseur de contraintes dans un autre repère formant un angle θ avec le premier.
( )( ) ( )
−
→− → −
→ σ1 0 cos θ σ1 cos θ
T (n) = σn = =
0 σ2 sin θ σ2 sin θ
( )( ) ( )
−
→− − sin θ −σ1 sin θ
T (→
r ) = σ−
→ σ1 0
r = =
0 σ2 cos θ σ2 cos θ
−
→→ −
σnn = T (−
n)·→n = σ1 cos2 θ + σ2 sin2 θ
−
→→ −
σrr = T (−
r )·→
r = σ1 sin2 θ + σ2 cos2 θ
−
→→ −
σnr = σrn = T (−
n)·→r = −(σ1 − σ2 ) sin θ cos θ
Par des manipulations simples2 on peut reécrire ces termes comme:
σ1 + σ2 σ1 − σ2
σnn = + cos 2θ
2 2
σ1 + σ2 σ1 − σ2
σrr = − cos 2θ
2 2
σ1 − σ2
σnr = σrn = − sin 2θ
2
τ σ1−σ2 Τ(n)
τm 2 x 2
r r
Τ(r) n
σ1+σ2
σ2 σrr 2 σnn σ1 θ
Τ(n) 2θ σ x 1
σnr
n
σ3 σ2 σ1
σ
Les critères de plasticité et de rupture seront représentés par le premier point ou le cercle
de Mohr traverse une frontière donnée. Le point de contact entre le cercle et la frontière nous
permet de connaı̂tre l’angle d’orientation θ de la facette qui cédera, ainsi que les valeurs de σ
et τ sur cette facette. Par exemple pour le critère de plasticité de Tresca (c.f. section 5.3.3) la
frontière de plastification est une couple de lignes horizontales de distance ±σP . Le cercle de
Mohr le touchera systématiquement à ses deux sommets (haut et bas), ce qui correspond à un
glissement plastique sur des facettes à ± 45◦ par rapport à la contrainte principale plus intense
(imaginer le test uniaxial).
18 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
• accélération : ρ−
→
a (M )
−
→
• force externe : f (M )
−
→
ρ(M ) étant la masse volumique du milieu matériel, − →a (M ) l’accélération et f (M ) la densité
volumique de force externe auxquelles il est soumis. En mécanique, la densité volumique de
force la plus fréquemment rencontrée est la gravité ρ−
→
g qui permet de prendre en compte l’effet
du poids propre de la structure.
∑
f aces T1 dS = {[σ11 + 12 ∂σ 11
∂x1
dx1 ] − [σ11 − 12 ∂σ 11
∂x1
dx1 ]}dx2 dx3
+{[σ12 + 2 ∂x2 dx2 ] − [σ12 − 2 ∂x2 dx2 ]}dx1 dx3
1 ∂σ12 1 ∂σ12
+{[σ13 + 21 ∂σ
∂x3
13
dx3 ] − [σ13 − 12 ∂σ
∂x3
13
dx3 ]}dx1 dx2 =
( )
∂σ11 ∂σ12 ∂σ13 −→
= + + dV = [div σ]1 dV
∂x1 ∂x2 ∂x3
En répétant pour les autres composantes on obtient:
∑ ( )
∂σi1 ∂σi2 ∂σi3 ∂σij −→
Ti dS = + + dV = dV = [div σ]i dV
f aces
∂x1 ∂x2 ∂x3 ∂xj
∑−
→ −→
T dS = div σdV
f aces
qui introduit pour la première fois dans ce cours la notion de divergence d’un champ ten-
soriel (à prendre comme définition).
L’écriture (2.26) du deuxième principe de la dynamique devient donc:
−→ −
→
div σ + f − ρ−
→ ∂σij
a =0 ou alors + fi − ρai = 0 (2.27)
∂xj
avec sommation sur l’indice j répété selon la convention d’Einstein dite des indices muets.
Notons que cette équation ne fait pas appel à la nature du milieu considéré, celle-ci étant
prise en compte dans l’équation d’état ou loi de comportement du matériau.
Par exemple, en considérant un fluide au repos sous l’action d’un champ gravitationnel
(équilibre hydrostatique), on peut écrire:
−
→
σ = −pδ, −
→
a = 0, f = ρ−
→
g
−→
div (−pδ) + ρ−
→
g =0
et l’équation de l’équilibre conduit à l’équation de l’hydrostatique:
−
→
− ∇p + ρ−
→
g =0
∫ ∫ ∫
−
→ −
→
f dV + T dS = ρ−
→
a dV
V S V
20 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
−
→
Comme les actions de contact sont liées par la relation T = σ −
→
n , le théorème de la divergence
(dit théorème de Octogradsky) permet de transformer l’intégrale sur S en intégrale sur V :
∫ ∫ ∫
−
→ −→
T dS = σ·−
→
n dS = div σdV
S S V
et le bilan s’écrit:
∫ ∫ ∫
−
→ −→
f dV + div σdV = ρ−
→
a dV
V V V
Ce bilan étant indépendant du volume V choisi, on peut en tout point réduire le volume à
un élément infinitesimal dV et déduire la validité partout de la forme locale de la loi dynamique:
−→ −
→
div σ + f − ρ−
→
a =0 (2.28)
F L − L0
σN = εN = (2.31)
S0 L0
où l’indice 0 se réfère aux valeurs de section et de longueur avant le début de la déformation.
La grande amplitude des déformations justifie l’utilisation des concepts de contrainte et
déformation vraie. On définit le taux d’extension λ:
L
λ= = 1 + εN (2.32)
L0
La déformation vraie est donnée par3 :
∫ L
dL L
εV = = ln = ln λ = ln(1 + εN ) ≃ εN si εN ≪ 1 (2.33)
L0 L L0
Cette définition permet aux déformations successives d’être commutatives et donc cohérentes
entre elles. En outre, pour des faibles déformations on retrouve la définition nominale. La con-
trainte vraie est définie en tenant compte de la réduction de section de l’éprouvette, conséquence
de la contraction latérale pendant la traction (effet du rapport de Poisson):
F
σV = (2.34)
S
Dans le cas de matériaux denses (c’est à dire non poreux, comme dans l’extension élastique
des élastomères, ou l’extension plastique des métaux ou polymères non poreux) l’extension se
fait à volume constant (le rapport de Poisson vaut ν = 0.5, on parle de matériaux incompress-
ibles) et on peut donc exprimer:
S0
S0 L0 = SL S= σV = λσN (2.35)
λ
Nous rappelons que l’utilité de ces notions pour l’identification d’une loi de comportement à
partir d’un test uniaxial est limitée aux situations pour lesquelles la déformation est homogène
dans le volume de l’éprouvette de test (du moins pour ce qui concerne la partie centrale à
section constante). S’il y a apparition d’une striction, ces notions perdent leur signification et
il faut considérer des estimations plus locales dans la striction, ce qui nécessite par exemple une
mesure indépendante de la section minimale Sm à l’endroit de la striction.
3
Pour comprendre cette définition, il faut subdiviser l’extension en plusieurs petits pas dLi . La déformation
associée à chaque pas est donnée par dεi = dLi /Li , où Li est la longueur de l’éprouvette à l’étape i plutôt que
la longueur initiale L0 . Dans la limite des petits pas, la somme devient une intégrale et conduit à la fonction
logarithme.
22 CHAPTER 2. MÉCANIQUE DES MILIEUX CONTINUS (MMC)
Elasticité
ce qui revient à dire que si on connaı̂t l’état actuel des déformations en tout point, alors
on connaı̂t complètement l’état mécanique, et donc aussi les contraintes. Si on relâche les
contraintes, les déformations s’annulent complètement en tout point.
Comme les tenseurs σ et ε sont symétriques, on a besoin a priori de 6 fonctions de 6 variables,
mais ces relations ne peuvent pas être quelconques.
La nature conservative de l’élasticité nécessite l’existence d’une fonction scalaire Uel (ε),
dite potentiel élastique, qui représente la densité d’énergie élastique dans le matériau. La
connaissance de ce potentiel permet de calculer les contraintes par dérivation:
dUel ∂Uel
σ= (ε) σij = (ε) (3.1)
dε ∂εij
NB: nous rencontrons ici pour la première fois la dérivée d’un scalaire par rapport à un
tenseur. Il s’agit simplement de la matrice qui contient les dérivées partielles du scalaire par
rapport à toutes les composantes du tenseur.
Nous avons donc restreint la loi de comportement élastique à la connaissance d’une seule
fonction de 6 variables. Il faut voir cette procédure comme la généralisation de la demarche
suivie en 1D pour la force élastique d’un ressort individuel:
1 dUel
F = kx Uel (x) = kx2 F =
2 dx
NB: nous utiliserons la notation Uel [J] pour l’énergie élastique et Uel [Pa] pour la densité
volumique d’énergie élastique (nous utiliserons un code graphique similaire pour les autres
grandeurs énergétiques mécaniques et thermodynamiques pour signifier la grandeur extensive
ou sa densité volumique). L’existence d’un potentiel élastique implique que le travail effectué
par les efforts extérieurs pendant la déformation d’un corps d’une configuration 1 vers une
configuration 2 est indépendant du parcours suivi. On en déduit que le travail des forces
extérieures dans tout cycle de déformation doit être nul.
23
24 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
où σij0 représente le tenseur de précontrainte (ou contrainte résiduelle) éventuellement présent
à chaque point à déformation nulle, et Cijkℓ est le tenseur de rigidité (NB: tenseur d’ordre 4).
On peut l’écrire en forme tensorielle:
0 1
Uel (ε) = Uel0 + Tr (σ ε) + ε C ε (3.3)
2
En dérivant par rapport à ε on en déduit la loi de comportement linéaire:
0
σ =σ +C ε σij = σij0 + Cijkℓ εkℓ (3.4)
Cijkℓ a beaucoup de symétries. Pour un matériau linéaire et anisotrope il a 21 coefficients
indépendants. Pour le cas des matériaux isotropes il n’en a que 2!
I1 = Tr ε = εii
I2∗ = Tr (ε ) = εij εij
2
I3 = det ε = ε1 ε2 ε3
λ 2
Uel (ε) = Uel0 + σ 0 Tr ε + (Tr ε)2 + µTr (ε ) (3.5)
2
λ
Uel (ε) = Uel0 + σ 0 εii + (εii )2 + µ(εij εij ) (3.6)
2
Les coefficients ne peuvent être que scalaires: σ 0 est l’éventuelle précontrainte (qui doit
donc être isotrope!). Les coefficients λ et µ sont les deux coefficients élastiques de Lamé.
Les déformations étant sans dimensions, toutes les autres grandeurs sont en Pa, l’unité qui
représente à la fois une pression, une contrainte, un module élastique et le potentiel élastique.
On remarque que un Pa est à la fois une force par unité de surface et une énergie par unité de
volume!
N Nm J
Pa = 2
= 3 = 3
m m m
3.1. LOI DE COMPORTEMENT ÉLASTIQUE ET POTENTIEL ÉLASTIQUE 25
dV th th
= Tr ε = 3α(T − T0 )
V
Si le corps se trouvait confiné dans un volume dont les parois sont rigides, sa déformation
thermique ne serait pas permise par les conditions aux limites. Pour pouvoir annuler la
déformation, les parois doivent exercer une contrainte2
0
σ = −(3λ + 2µ)α(T − T0 )I
Si on applique ce raisonnement à un petit élément à l’intérieur d’un corps rigide, on com-
prend qu’un faible échauffement local engendre l’apparition locale d’une contrainte résiduelle
0
σ . On remarque que le module élastique en jeu équivaut au module de compressibilité:
3λ + 2µ = 3K (voir table en Fig. 3.1.5). S’agissant de contraintes internes, les contraintes
résiduelles doivent être globalement équilibrées. Donc l’existence d’une région en compres-
sion, implique l’existence concomitante d’une région en traction. Exemples: rupture par choc
thermique, trempe thermique des verres, bilame thermique, matériaux composites. Lorsque
on s’écarte du comportement purement élastique, le matériau peut garder des contraintes
résiduelles même lorsque la température du matériau redevient homogène, suite à son histoire
thermique pendant sa synthèse (effets de viscoelasticité ou de plasticité).
Nous allons dans la suite négliger les contraintes thermiques dans les équations d’élasticité
par simplicité graphique, mais il faut savoir les prendre en compte au bon moment.
1 ∂ 2
La dérivée de Tr ε par rapport à ε s’écrit: ∂εij εkk = δij . La dérivée de Tr ε par rapport à ε s’écrit:
∂
∂εij εkℓ εkℓ = 2εij .
2 th
Il s’agit de la contrainte qu’il faut appliquer pour obtenir une déformation identique à ε , mais de signe
opposé. Nous avons substitué (3.8) dans (3.7) et tenu compte que Tr I = 3.
26 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
Le tenseur des contraintes σ et celui des déformations ε admettent les mêmes directions
principales en tout point. Ils ont le même tenseur des directions π. Au niveau scalaire on
peut écrire:
dV
σm = 3Kεm = K σd = 2µεd (3.11)
V
La première des équations (3.11) justifie l’identification de K avec le module de com-
pressibilité. Dans le cas d’une compression hydrostatique σm = −dp on peut en fait écrire:
−dp dp
K= dV
= −V (3.12)
V
dV
La deuxième des équations (3.11) justifie le nom pour µ de module de cisaillement
(appelé souvent G). K décrit les changements de volume à forme constante, alors que µ décrit
les changements de forme à volume constant.
Si on considère la somme de trois contraintes uniaxiales dans les trois axes et de trois
contraintes de cisaillement (couples perpendiculaires aux trois axes), on obtient les set de 6
équations:
3.1. LOI DE COMPORTEMENT ÉLASTIQUE ET POTENTIEL ÉLASTIQUE 27
1
ε11 =[σ11 − ν(σ22 + σ33 )]
E
1
ε22 = [σ22 − ν(σ11 + σ33 )]
E
1
ε33 = [σ33 − ν(σ11 + σ22 )]
E
σ12 σ13 σ23
ε12 = ε13 = ε23 =
2µ 2µ 2µ
Ce qui peut se compacter dans la forme tensorielle:
1+ν ν 1+ν ν
ε= σ − Tr(σ) I εij = σij − σkk δij (3.14)
E E E E
En identifiant cette relation avec la relation de Lamé on obtient:
νE E
λ= µ= (3.15)
(1 + ν)(1 − 2ν) 2(1 + ν)
La table suivante resume les relations entre tous les couples de modules élastiques:
Le signe positif de l’énergie de déformation élastique pour toute déformation nécessite que
les modules élastiques soient tous positifs:
λ, µ, K, E > 0
Le domaine de variabilité du rapport de Poisson peut se comprendre en considérant les
signes positifs du module de compressibilité et du module de cisaillement:
E 1
K= >0 ⇒ ν<
3(1 − 2ν) 2
E
µ= >0 ⇒ ν > −1
2(1 + ν)
On remarque que l’état de déformation est biaxial (déformation plane), alors que l’état de
contrainte est triaxial (c’est à dire qui comporte trois contraintes principales non nulles).
En remplaçant σ33 par sa valeur ν(σ11 + σ22 ) on peut néanmoins écrire une loi de Hooke 2D
dans la forme:
ε11 = E1′ (σ11 − ν ′ σ22 )
ε22 = E1′ (σ22 − ν ′ σ11 ) (3.16)
ε12 = σ2µ
12
E ν
E′ = ν′ =
1 − ν2 1−ν
NB: E ′ > E. Quand la déformation latérale est interdite, le matériau parait plus rigide à
cause de la frustration due à l’effet de Poisson. La situation de déformation plane s’applique
aussi dans la partie interne d’une plaque très épaisse et avec les faces libres. En effet, la grande
épaisseur empêche l’apparition de fortes déformations dirigées selon x3 et variables en x1 , x2
hormis dans une couche proche des surfaces.
3.2. LES PROBLÈMES PLANS 29
C’est un état de contrainte biaxial (avec deux contraintes principales non nulles), alors que
l’état de déformation est triaxial. La contrainte ε33 étant constante dans l’épaisseur de
l’échantillon, l’épaisseur h de l’échantillon subit une variation locale de u3 = hεzz (effet du
rapport de Poisson).
L’état de contrainte plane correspond à la situation d’une plaque fine sujette à des charge-
ments dans le plan de la plaque. Les trois composantes du vecteur contrainte sont nulles sur les
deux surfaces libres définies par la normale à la direction 3. Néanmoins ces trois composantes
ne sont pas forcément nulles à l’intérieur de la plaque, sauf dans la limite où l’épaisseur tend
vers zéro. L’état de contrainte plane est donc une approximation asymptotique valable dans la
limite de faible épaisseur.
30 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
∂σ11 ∂σ12
+ =0
∂x1 ∂x2
∂σ21 ∂σ22
+ =0
∂x1 ∂x2
Ces équations sont automatiquement satisfaites si l’on trouve une fonction scalaire Φ(x1 , x2 ),
dite fonction de contrainte d’Airy (Airy, 1862), telle que:
∂ 2Φ ∂ 2Φ ∂ 2Φ
σ11 = σ22 = σ12 = −
∂x22 ∂x21 ∂x1 ∂x2
Maxwell a montré en 1868 que pour les problèmes plans, les conditions de compatibilité (c.f.
section 2.1.6) peuvent être écrites en termes de contrainte dans la forme suivante:
∆(σ11 + σ22 ) = 0
En termes de fonction de contrainte de Airy la solution d’un problème plan revient donc à
trouver une fonction biharmonique:
∆∆Φ(x1 , x2 ) = 0
qui satisfait aux conditions aux limites du problème. Cette technique est utilisée en plusieurs
disciplines, telles que la mécanique de fluides, l’électrostatique, etc.
On remarque que si les conditions aux limites sont écrites en termes de contraintes, les deux
états plans admettent la même solution en termes de champ de contraintes. Les champs de
déformation et de déplacement sont aussi identiques à un facteur près donné par la différence
de module effectif.
De façon encore plus remarquable, les solutions en termes de champ de contrainte sont
indépendantes des modules élastiques (et donc du matériau). Cette propriété est le fondement
de la photoélasticimétrie, qui utilise des prototypes en matériau photoélastique (par exemple
PMMA) pour étudier la distribution de contrainte d’une pièce à réaliser dans un matériau
quelconque.
C’est dans le cadre de cette élasticité 2D que l’on définit les lieux caractéristiques que l’on
pourra mesurer par une analyse photoélastique, tels que les lignes isoclines (même orientation
des axes propres), les lignes isochromes (même difference de contraintes principales σ1 − σ2 ),
les lignes isopachiques (même épaisseur de l’échantillon, donc même valeur de ε33 ) et les
lignes isostatiques (trajectoires des directions des contraintes principales).
3.3. APPROCHES ÉNERGÉTIQUES 31
λ 2
Uel (ε) = (Tr ε)2 + µTr (ε ) (3.18)
2
∂Uel
σ= = λ(Tr ε)I + 2µε (3.19)
∂ε
En calculant le produit on obtient:
2
σ ε = λ(Tr ε)ε + 2µε (3.20)
on trouve que la densité d’énergie élastique peut être exprimée sous la forme:
1 1∑ 1 1
Uel = Tr(σ ε) = σij εij = σij εij = (σ11 ε11 + σ12 ε12 + . . . ) (3.22)
2 2 ij 2 2
u(x) T
Fi
dUp (−
→
u ) = dUel (−
→
u ) − dW (−
→
u)=0 (3.25)
La fonctionnelle Up (− →u ) peut en principe être calculée pour tout champ de déplacement
−
→ −
→
u ( x ) cinématiquement admissible (c’est à dire qui respecte les conditions aux limites ainsi
que la continuité du corps élastique). Et la solution du principe variationnel est le champ −
→
u (−
→
x)
qui minimise Up .
Dans la cas plus général des principes variationnels on ne demande pas que ce soit stricte-
ment un minimum, mais uniquement que la fonction différentielle soit nulle. Formellement on
peut écrire:
Up (−
→
u + d−
→
u ) = Up (−
→ dUp −
u)+ − d→u
d→u
en traitant le principe variationnel comme une sorte de dérivée d’un scalaire par rapport à une
fonction (NB: action permise uniquement aux physiciens, les mathématiciens crieraient). Le
principe variationnel revient à demander que:
dUp
=0
d−→u
Pour savoir si cet extremum est un minimum, il faudrait calculer les dérivées d’ordre deux.
Dans le cas de l’élasticité linéaire il se trouve qu’il s’agit toujours d’un minimum parce que
l’énergie élastique est définie positive (fonction quadratique des déformations).
On peut donner une interprétation physique intuitive du théorème de l’énergie potentielle.
Par la suite on traitera uniquement des chargements tels que les efforts extérieurs (densité
3.3. APPROCHES ÉNERGÉTIQUES 33
−
→ −
→
volumique de force extérieure f ou distribution de contraintes extérieures T sur les surfaces)
sont constants pendant le chargement (en chaque point), ce qui revient à dire que les forces
seront conservatives. On pourra donc définir une énergie potentielle Uext liée au travail des
forces extérieures telle que:
W = −∆Uext
L’énergie potentielle Up peut donc être vue comme l’énergie potentielle totale dans un
problème globalement conservatif:
Up = Uel + Uext
Le théorème de l’énergie potentielle devient alors une condition d’équilibre statique global,
c’est à dire une minimisation de l’énergie potentielle totale. On souligne qu’on cherche une
solution −→u (−→
x ) statique: on la trouve grâce à la condition d’un minimum d’énergie potentielle.
Autrement des petites perturbations conduiraient à la création instable d’énergie cinétique, et
donc à l’éloignement par rapport à cette solution.
Reprenons l’analogie 1D d’un ressort soumis à une force externe constante Fext , la solution
du problème d’équilibre statique par cette méthode peut s’écrire comme suit:
1 1
Uel = kx2 W = Fext x Up = kx2 − Fext x
2 2
dUp Fext
= kx − Fext = 0 ⇒ xeq =
dx k
dUel
F = = kx Feq = kxeq = Fext
dx
c’est à dire que la valeur de x à l’équilibre statique sera telle que la force élastique équivaut à la
force extérieure appliquée. En estimant les différentes formes d’énergie à la valeur d’équilibre
xeq , nous obtenons que:
2 2
1 1 Fext Fext
Uel = kx2eq = W = Fext xeq = = 2Uel Up = Uel − W = −Uel
2 2 k k
En particulier, la relation:
W (xeq ) = 2Uel (xeq ) (3.26)
est de grande utilité dans le traitement de tout système élastique linéaire.
De fait la même relation peut être aussi appliquée à l’échelle de chaque élément MMC d’un
corps élastique linéaire (uniquement). On peut donc exprimer une densité volumique de travail
W effectué sur un élément par des proches voisins en termes des contraintes et de déformations
locales à l’équilibre:
W = 2Uel = Tr(σ ε) (3.27)
Le travail total des forces extérieures associé à la solution d’équilibre −
→
u (−
→
x ) peut donc être
eq
exprimé à la fois en termes de forces extérieures et des champs de contraintes et déformations
internes: ∫ ∫ ∫
−
→− → −
→−
W = Tr(σ ε)dV = f u dV + T→u dS (3.28)
V V S
34 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
Up = Up (−
→u , q)
∂Up (−
→
u , q) −→ ∂Up (− →
u , q)
dUp = −
→ d u + dq = 0
∂u ∂q
∂Up (−→u , q) −
→
−
→ =0 ⇒ u eq (q)
∂u
∂Up (− →u eq (q), q)
=0 ⇒ qeq
∂q
∂ 2 Up (−
→u eq (qeq ), qeq )
>0 ⇒ stable
∂q 2
∂ 2 Up (−
→u eq (qeq ), qeq )
<0 ⇒ instable
∂q 2
Si le problème dépend de plusieurs paramètres extérieurs q1 , q2 , . . . , qn , le schéma de
solution précédant reste valable en regroupant formellement les paramètres dans un vecteur
−
→q = (q1 , q2 , . . . , qn ). Il faut d’abord résoudre le principe variationnel pour −
→
q constant, ce qui
−
→ −
→
donne u eq . Ensuite déterminer la valeur d’équilibre q eq en imposant que le gradient de Up
soit nul:
−−→ ∂Up (−
→
grad Up (−
→ u eq (q), q)
u eq (q), q) = 0 ⇒ =0 ⇒ qeq
∂q
Finalement on analyse la stabilité en regardant la matrice des dérivées mixtes d’ordre deux
de l’énergie potentielle Up par rapport aux qi , ce que l’on appelle une matrice Hessienne. Après
diagonalisation de la matrice Hessienne, il suffit que l’une des valeurs propres soit négative pour
rendre l’équilibre instable (comme sur un paysage énergétique en forme de selle de cheval!).
Nous observons que si le chargement extérieur se fait à déplacement imposé, le travail W des
efforts extérieurs est nul et le principe variationnel, ainsi que l’analyse de stabilité, s’appliquent
directement à l’énergie élastique Uel .
3.4. SOLUTION DE PROBLÈMES SIMPLES EN LOI D’ÉCHELLE 35
Équilibre global
En imposant l’équilibre des forces sur l’élément BCEF et ensuite sur ABCD, déduire l’ordre
de grandeur des composantes du tenseur de contraintes sur les quatres faces de l’élément con-
sidéré.
Corrigé
Équilibre local
Déduire le même résultat de la question précédente en imposant en ordre de grandeur
−→
l’équation d’équilibre locale div σ = 0 sur l’élément de volume ABCD.
Corrigé
L x
δ
F y
Figure 3.1: Poutre horizontale de longueur L encastrée en flexion d’une quantité δ sous l’action
de la force verticale F .
3.4. SOLUTION DE PROBLÈMES SIMPLES EN LOI D’ÉCHELLE 37
1 d2 y M (x)
κ= = 2 =
R dx EI
∫
où I = S y 2 dS est le moment quadratique de surface calculé sur la section S de la poutre.
Estimer l’ordre de grandeur de la flèche δ dans la limite des faibles flexions et sans résoudre
l’équation différentielle.
Corrigé
M (x) = F (L − x) ∼ F L
Sa valeur diminue de F L à zéro, mais on peut retenir F L comme valeur caractéristique en
ordre de grandeur. Cette approximation revient à approcher le profil de flexion y(x) avec un
arc de cercle de rayon R donné par:
EI
= M ∼ FL (3.30)
R
ce qui est raisonnable pour des faibles flexions. On peut ensuite estimer le rayon de courbure
R en fonction des grandeurs géométriques L et δ en utilisant la loi d’échelle pour la dérivée
seconde:
1 d2 y δ
= 2 ∼ 2 (3.31)
R dx L
NB: il y a plusieurs façons d’obtenir cette relation géométrique. Par exemple, si on considère
la flexion de la poutre en arc de cercle AB (voir figure 3.2), il en derive que le triangle ABC
est rectangle. En considérant donc la similitude entre les triangles rectangles AHB et BHC, on
peut écrire:
AH HB
=
HB HC
A L
δ
H B
R R
δ L L 1 δ
∼ ∼ ∼ 2
L 2R R R L
En substituant dans la loi de la flexion des poutres (3.30) nous obtenons enfin la loi d’échelle
pour la flèche δ:
EIδ L3
∼ F L δ ∼ F
L2 EI
NB: la solution exacte vaut δ = (L3 /3EI)F , nous avons perdu le préfacteur 1/3.
Même sans connaı̂tre les détails de forme de la section, la loi d’échelle du moment quadra-
tique de surface peut être estimée en ordre de grandeur:
∫
I= y 2 dS ∼ h2 S ∼ h2 (bh) = bh3
S
les détails de forme interviendront uniquement au niveau d’un préfacteur numérique (par ex-
emple 1/12 pour une section rectangulaire d’épaisseur total h).
L’ordre de grandeur de la flèche peut donc s’exprimer aussi comme:
L3
δ∼ F
Ebh3
NB: la solution exacte vaut:
δ = (4L3 /Ebh3 )F (3.32)
nous avons perdu le préfacteur 4, mais nous estimons correctement la loi d’échelle de la flèche
en fonction des grandeurs du problème E, F, L, b, h.
Corrigé
σxx = Eεxx
3.4. SOLUTION DE PROBLÈMES SIMPLES EN LOI D’ÉCHELLE 39
NB: ceci est a priori une simplification importante de la nature tensorielle de la loi de
Hooke (on néglige par exemple les couplages dus au rapport de Poisson), mais étant donnée la
prédominance des termes xx, elle représente bien la loi de comportement en ordre de grandeur.
h
α R
On peut établir géométriquement que la déformation varie linéairement dans le profil vertical
comme εxx = y/R, y étant la distance verticale à la ligne neutre:
α(R + y) − αR y
εxx ∼ ∼
αR R
Les valeurs typiques de déformation et de contrainte sont donc données par les valeurs
maximales à y ∼ h:
h hδ Ehδ
ε∼ ∼ 2 σ ∼ Eε ∼ 2
R L L
L’ordre de grandeur de la densité volumique d’énergie élastique vaut donc:
1 1 Eh2 Eh2 δ 2
Uel = σε = Eε2 ∼ 2 ∼
2 2 R L4
NB: cette valeur maximale positive est prise sur les deux surfaces supérieure et inférieure.
Pour estimer l’ordre de grandeur de l’énergie potentielle élastique totale de la poutre nous
négligeons tout détail de la distribution de déformation, et intégrons simplement la densité
d’énergie liée à la valeur typique ε sur le volume de la poutre:
Eh2 δ 2 Ebh3 δ 2
Uel ∼ Uel V ∼ Lbh =
L4 L3
La conservation de l’énergie veut que l’énergie élastique totale soit égale au travail W = F δ
fait par la force extérieure F constante pendant le chargement jusqu’à la flèche δ. Nous avons
donc la relation:
Ebh3 δ 2
Uel ∼ = Fδ = W (3.33)
L3
Il s’ensuit une estimation en ordre de grandeur de la fleche δ identique à celle obtenue par
le traitement 1:
L3 L3
δ∼ F ∼ F
Ebh3 EI
où on reconnaı̂t le terme I ∼ bh3 .
L’expression de la contrainte typique en fonction des données du problème est donc:
h hδ FL
σ ∼ σxx ∼ Eεxx ∼ E ∼E 2 ∼ 2
R L bh
40 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
Remarques
On aurait pu obtenir le même résultat par d’autres pistes équivalentes, tel que:
1) Égaliser deux expressions indépendantes de l’énergie élastique de la poutre:
Up = Uel − W
dUp dUel dW
= − =0
dδ dδ dδ
Ebh3 L3
δ ∼ F δ ∼ F
L3 Ebh3
D’ailleurs en loi d’échelle, une approximation du terme dU/dδ s’obtient en calculant le
rapport des valeurs caractéristiques U/δ, donc on peut écrire:
dUel dW Uel W
= ⇒ ∼ ⇒ Uel ∼ W
dδ dδ δ δ
ce qui nous conduit encore une fois au même résultat. Mais il est utile de savoir sur quelle loi
physique on s’appuie: en effet toutes n’ont pas le même domaine d’application. On prendra
ainsi moins de risques de se tromper.
L3
δ∼ F
Ebh3
est limitée au domaine des faibles flexions, ce que l’on peut exprimer par δ ≪ L ou δ/L ≪ 1.
On peut donc estimer une valeur typique Fc pour la force, correspondant à la force critique
qui comprend le passage en forte flexion, en posant la condition δ ∼ L:
L3 Ebh3 EI
δ∼L∼ 3
Fc ⇒ Fc ∼ 2
∼ 2 (3.34)
Ebh L L
Nous précisons qu’il ne s’agit pas d’une force de seuil, mais d’un ordre de grandeur typique,
dépendant des dimensions de la poutre et du matériau qui la constitue. C’est ce qu’on appelle
une échelle physique. De façon très concrète l’expression de la force typique nous permet de
dimensionner une poutre de telle sorte qu’elle puisse supporter la charge typique qui lui sera
appliquée tout en gardant sa forme globalement droite. La valeur typique de la force peut aussi
être utilisée pour exprimer l’équation de la fleche en forme sans dimension:
δ F Ebh3
∼ Fc ∼ (3.35)
L Fc L2
3.4. SOLUTION DE PROBLÈMES SIMPLES EN LOI D’ÉCHELLE 41
du δ
ε∼ ∼
dx L
Appliquer l’argument de la conservation d’énergie pour estimer la flèche de la poutre. Le
résultat est-il raisonnable ? Justifier. Quelle est l’interprétation physique des calculs effectués?
Exprimer le rapport entre l’estimation présente de la flèche et celle obtenue par les traitements
1 et 2 en fonction de l’élancement L/h.
Corrigé
δ
ε∼
L
la méthode de conservation de l’énergie conduit à l’expression:
( )
Uel ∼ Eε2 V ∼ F δ ∼ W
δ2
E 2 Lbh ∼ F δ
L
F L2 L
δ∼ ∼ F (3.36)
ELbh Ebh
Expression qui n’est pas en accord avec l’équation (3.32) pour la flexion des poutres. Le
souci vient du fait de ne pas avoir pensé à la nature tensorielle de ε dans l’estimation scalaire
ε ∼ δ/L. Comme δ et L sont perpendiculaires, nous avons en fait obtenu une estimation d’une
déformation de cisaillement:
δ
ε ∼ εyx ∼
L
D’ailleurs on voit bien qu’on doit avoir une composante de cisaillement, parce que l’effort
tranchant F est constant sur toute la poutre, ce qui signifie que sur chaque section la contrainte
de cisaillement moyenne est:
F F
σ ∼ σyx ∼ ∼ (3.37)
S bh
En d’autres termes, l’opération mathématique qu’on a faite, suppose physiquement que
toute la fleche δ soit portée par les composantes de cisaillement (on néglige la flexion). La
raideur d’un tel ressort serait:
F σxy bh bh S
k= = =µ ∼µ
δ εxy L L L
qui est analogue à la formule k = ES/L pour la raideur d’une poutre en traction! L’expression
pour la flèche δ:
42 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
L
δ∼ F
µbh
est justement identique au résultat (3.36). On remarque qu’en négligeant la nature de cisaille-
ment de la déformation, nous avions aussi utilisé le module E au lieu de µ, mais en loi d’échelle
cela n’a pas de sens de faire la différence, qui fait apparaı̂tre au pire à un facteur 3 (pour les
matériaux incompressibles)3 .
En faisant le rapport entre les deux estimations de la flèche en cisaillement et en flexion:
( )2
δcisaill F L F L3 h
∼ / ∼ (3.38)
δf lexion Ebh Ebh3 L
nous constatons que pour des poutres élancées (L/h ≫ 1) la flexion est un mode beaucoup
plus souple que le cisaillement (EN: bending vs shear en anglais)! NB: l’élancement est défini
comme λ = L/h.
1 1∑ ∑ ∑ σij2
Uel = Tr (σ ε) = σij εij ∼ Eε2ij ∼
2 2 ij ij ij
E
Corrigé
−→
Nous allons maintenant considérer la condition d’équilibre statique div σ = 0.
∂σxx ∂σxy
+ =0
∂x ∂y
∂σxy ∂σyy
+ =0
∂x ∂y
Nous repartons de la solution en théorie des poutres (faite en MSM1) en faisant attention
à toute les dépendances spatiales qu’on a négligées en prenant des ordres de grandeurs.
M (x) = F (L − x) ∼ F L
1 M (x) F (L − x) FL
= ∼ 3
∼
R EI Ebh Ebh3
3 E
On rappelle que µ = 2(1+ν)
3.4. SOLUTION DE PROBLÈMES SIMPLES EN LOI D’ÉCHELLE 43
y F (L − x)y h
εxx = ∼ 3
∼
R Ebh R
F (L − x)y FL
σxx = Eεxx ∼ 3
∼ 2
bh bh
On constate que cette solution à σxx dominante (contrainte localement uniaxiale) ne respecte
pas la condition d’équilibre statique. Notamment la dépendance de σxx en x implique l’existence
d’une composante σxy non nulle:
∂σxx Fy F ∂σxy Fy F F y2 F
=− 3 ∼− 2 ⇒ = 3 ∼ 2 ⇒ σxy = 3
∼
∂x bh bh ∂y bh bh 2bh bh
Nous obtenons la même estimation de σxy qu’au traitement 3 (équation 3.37). Le fait que
σxy ne dépend pas de x, conduit à la nullité de ∂σ∂yyy (selon la deuxième composante de l’équation
−→
div σ = 0), et donc aussi de σyy compte tenu de son annulation aux surfaces extérieures.
On en conclut que les deux composantes σxx et σxy sont en fait inséparables dans notre
problème. Leur rapport vaut en loi d’échelle:
(F )
σxy h
= ( FbhL ) ∼
σxx bh2
L
On confirme que le terme σxy devient négligeable pour des poutres élancées, ce qui nous
ramène aux solutions des traitements 1 et 2, mais qu’au contraire c’est le terme σxx qui devient
négligeable pour des poutres très courtes, ce qui nous ramène à la solution du traitement 3. On
peut par exemple penser à une couche de colle qui soutiendrait un tableau! Il est clair que sa
déformation en cisaillement domine. D’ailleurs le moment M ∼ F L tend vers zéro.
Pour trouver la flèche δ on peut reprendre la conservation de l’énergie, mais en se rappelant
qu’il faut sommer tous les termes tensoriels:
1
Uel = Tr (σ ε) = σij εij ∼ σxx εxx + σxy εxy ∼
2
( ( )2 ) ( ( )2 )
2 2 2 2
σxx σxy σxx E h σxx h
∼ + ∼ 1+ ∼ 1+
E µ E µ L E L
Si la poutre est élancée toute l’énergie est fournie par le mode de flexion, alors que si la
poutre est très courte (aplatie, comme couche de colle entre paroi et tableau) c’est le mode de
cisaillement qui prend toute l’énergie et la poutre est beaucoup plus raide (traitement 3).
( ( )2 )
F 2 L2 h
Uel = Uel V ∼ 2 4
Lbh 1 + ∼ Fδ ∼ W
Eb h L
( ( )2 )
L3 h
δ=F 3
1+ = δf lexion + δcisaill
Ebh L
Le résultat peut être facilement interprété comme l’effet de deux ressorts en série, corre-
spondant aux deux modes de flexion et cisaillement. Pour des poutres élancées le terme de
flexion domine, pour des poutres courtes le terme de cisaillement domine.
44 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
3.4.3 Flambement
On considère maintenant la même poutre encastrée, mais on applique une force F dans la
même direction que la poutre et en compression.
L x
δ
Lp F dx
y
Corrigé
EI Ebh3 1 δ
M = Fy ∼ Fδ = ∼ ∼ 2
R R R L
Ebh3 δ
∼ Fδ
L2
Cette fois la flèche δ se simplifie et disparaı̂t, ce qui nous laisse une valeur critique de la
force (dite de Euler):
Ebh3
Fc =
L2
dite force de Euler, qui correspond à la force de compression maximale soutenable par la poutre
avant de flamber. On peut comprendre cette interprétation en comprenant que tout état flambé
correspond à la même force Fc indépendamment de la flèche δ, qui reste de fait indéterminée.
On n’a donc pas de solutions flambées pour F < Fc et pour F > Fc le flambement arrive sans
que rien ne s’y oppose...
Incidemment nous remarquons qu’il s’agit de la même force typique estimée dans l’équation
(3.35) pour la poutre en flexion transverse. Ceci n’est pas surprenant parce que cette valeur
emerge naturellement à partir des dimensions du problème pour une poutre en flexion. Ce qui
change est l’interprétation, comme on verra dans la question suivante.
dUp = dUel − dW = 0
3.4. SOLUTION DE PROBLÈMES SIMPLES EN LOI D’ÉCHELLE 45
Corrigé
dUp = dUel − dW = 0
Pour l’énergie élastique, on utilise le calcul déjà fait pour la flexion d’une poutre élancée en
approximation circulaire (section 3.4.2, traitement 2):
Ebh3 δ 2
Uel =
L3
Le travail extérieur est W = F dx, ou dx est le déplacement horizontal du point d’application
de la force. En utilisant l’approximation circulaire ceci est facilement calculé en effectuant la
différence entre la longueur L de la poutre et la longueur projetée Lp :
L = αR Lp = R sin α
où α est l’angle correspondant à l’arc formé par la poutre de longueur L sur le cercle de rayon
R égal à sa courbure typique.
α3 R L3 L3 δ2 1 δ
dx = L − Lp = R(α − sin α) ≃ R = 3
= 2
∼ ∼ 2
6 6R 6R L R L
où on a utilisé un développement limité de sin α pour de faibles valeurs de α, ainsi que la
relation géométrique approchée déterminée précédemment pour 1/R.
Ebh3 δ 2 δ2
Up = − F
L3 L
dUp 2Ebh3 δ 2F δ
= − =0
dδ L3 L
Encore une fois δ disparaı̂t et on trouve une force critique:
Ebh3
Fc =
L2
En substituant cette valeur critique dans l’expression de l’énergie potentielle on obtient:
δ2
Up = (Fc − F )
L
Comme le signe du prefacteur δ 2 /L est toujours positif, on remarque que pour F = Fc on
a une inversion de concavité (dérivée seconde) dans la courbe Up (δ) et donc une inversion de
stabilité. Notamment pour F < Fc la solution d’équilibre δ = 0 est stable (c’est un minimum
de l’énergie potentielle), alors que pour F > Fc elle devient instable (maximum) et toute
perturbation va causer le flambement.
46 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
2) Estimer les contraintes typiques σsph à l’échelle de la sphère et σloc à l’échelle locale du
contact.
4) Déduire l’ordre de grandeur de la force F qu’il faut exercer pour réaliser l’enfoncement δ
de la sphère. Commenter le résultat.
Corrigé
1) Parmi les N manières possibles pour démontrer la relation a2 ∼ Rδ, si y(x) décrit le
profil circulaire autour du point de contact initiale:
1 d2 y δ √
∼ 2 ∼ 2 a ∼ Rδ
R dx a
2) Pour avoir l’équilibre statique, la force F doit être supportée à la fois par le plan médian
de la sphère et par l’aire de contact qui est d’ordre a2 :
3.4. SOLUTION DE PROBLÈMES SIMPLES EN LOI D’ÉCHELLE 47
F F σloc R2 R
σsph ∼ σloc ∼ ∼ 2 ∼ ≫1
R2 a2 σsph a δ
On remarque que pour des faibles enfoncements, la contrainte locale est fortement amplifiée.
3) On peut en déduire que les déformations seront fortement concentrées dans cette region,
qu’on peut imaginer s’étendre verticalement sur une distance de même ordre que a. On peut
remarquer que ceci est la traduction en loi d’échelle de l’un des principes de Saint Venant,
qui affirme que l’influence d’une condition aux limites appliquée sur une portion de contour de
taille a s’estompera à une distance d’ordre a de cette zone. On peut voir le principe de Saint
−→
Venant comme une conséquence de l’équation d’équilibre statique div σ = 0 pour les systèmes
élastiques linéaires.
Comme dans cette region le déplacement d’écrasement u varie de 0 à δ sur une distance
d’ordre a, la déformation locale typique vaut:
du δ
∼
εloc ∼
dx a
NB: cette même estimation peut s’appliquer aux composantes εxy et εyy à l’échelle locale.
F δ
σloc ∼ 2
∼E
a a
qui, compte tenu de a2 ∼ Rδ, donne finalement:
5) La force F étant la dérivée de l’énergie élastique stockée Uel par rapport au déplacement
d’écrasement δ, elle s’exprime sur la forme:
dUel Uel
F = ∼ Uel ∼ F δ ∼ ER1/2 δ 5/2
dδ δ
NB: la première égalité est valable malgré la non linéarité de la loi F (δ). C’est la relation
δ = dU
dF
el
qui ne l’est plus, il faudrait utiliser l’énergie complémentaire (qu’on n’a pas fait en
cours).
La region du reste de la sphère peut être identifiée à la sphère entière et présente une
contribution à l’enfoncement δsph qu’on peut estimer en appliquant la loi de Hooke à l’échelle
de la sphère:
F δsph
σsph ∼ εsph ∼ σsph ∼ Eεsph
R2 R
F δsph F
∼ E δ sph ∼
R2 R ER
L’enfoncement total δ est donc partagé selon:
( )2/3 ( )
F F F 2/3 F 1/3
δ ∼ δloc + δsph ∼ + = 2/3 1/3 1 + 1/3 2/3
ER1/2 ER E R E R
On voit bien que pour des petits valeurs de la force, le terme à l’échelle de la sphère devient
négligeable. Pour être plus quantitatifs on peut reformuler le rapport δsph /δloc en termes de
σsph ∼ F/R2 ∼ Eδsph /R:
( σ )1/3 ( )1/3
δsph F 1/3 sph δsph
= 1/3 2/3 ∼ ∼
δloc E R E R
−−→ −
→ ∂ 2−
→
(λ + µ) grad(div−→u ) + µ ∆−
→ u
u + f =ρ 2 (3.39)
∂t
−→− →→ −
→ ∂ 2−
→
(λ + µ) rot(rot−
u ) + (λ + 2µ)∆−→ u
u + f =ρ 2 (3.40)
∂t
NB: il s’agit de deux façons équivalentes d’exprimer la même équation, en mettant en évidence
−→→
soit les changements de volumes div(− →u ) soit le rotationnel rot−
u . Ceci sera utile pour deriver
la propagation d’ondes de volume et de cisaillement.
Trouver la solution d’un problème d’élasto-dynamique linéaire revient donc à trouver la
solution de l’équation de Lamé-Navier, c’est à dire à résoudre une équation aux dérivées par-
tielles du deuxième ordre en termes de champ de déplacement vectoriel − →u (−
→
x , t), accompagnée
des conditions aux limites appropriées. On remarque qu’on peut utiliser cette équation pour
déterminer l’équilibre statique en posant que la dérivée temporelle est égale à zéro.
On peut remarquer que l’équation de Lamé-Navier pour les solides élastiques isotropes
présente des fortes analogies avec l’équation de Navier-Stokes pour les fluides newtoniens, qui
est exprimée en termes du champ de vitesse − →v (−
→x , t):
∂−
→ −
→ −−→ ( η ) −−→
ρ
v −
→ −
→ −
→
+ ρ v · grad v = f − grad p + η △ v + κ + grad (div−
→
v)
∂t 3
où les coefficients κ et η représentent la première et deuxième viscosité, associés respectivement
à l’expansion isotrope et au cisaillement.
4
Rappels de quelques(relations entre ) opérateurs différentiels:
−
→
Opérateur Nabla: ∇ = ∂x ∂
, ∂
,
1 ∂x2 ∂x3
∂
−
→2
Opérateur laplacien: ∆ = ∇ = ∂x ∂ ∂
= ∂x∂ ∂ ∂
2 + ∂x2 + ∂x2
−→ ( ) −−→
i ∂xi 1 2 3
div (div−→
u )I = grad(div− →
u)
−→ ( )
div grad−→u = ∆− →u
(
−→ t ) −−→
div grad− →u = grad(div− →
u)
−
→ −−→ −
→ −→ −→−
∆ u(= grad(div
) u ) − rot(rot→u)
−→−→
div rot u = 0
−→ (−−→− ) − →
rot grad→u = 0
50 CHAPTER 3. ELASTICITÉ
Viscoélasticité
51
52 CHAPTER 4. VISCOÉLASTICITÉ
Figure 4.1: Test de fluage: réponse d’un matériau viscoélastique à l’application d’une contrainte
constante pendant un temps t et à son relâchement.
Si on impose plutôt une déformation constante comme en figure 4.2, les solides viscoélasti-
ques présentent encore une fois une élasticité instantanée AB, suivie cette fois par une diminu-
tion progressive de la contrainte à déformation constante BC, dite relaxation (pendant un temps
de relaxation τ ).
Figure 4.2: Test de relaxation: réponse d’un matériau viscoélastique à l’application d’une
déformation constante pendant un temps t et à son relâchement.
Figure 4.3: Réponse σ/ε d’un matériau viscoélastique soumis à des petites oscillations à
différentes fréquences (PPMA à 100◦ C, d’après Y. Berthaud).
I. Modèle de Kelvin-Voigt
Le modèle de Kelvin-Voigt (KV) est constitué d’un ressort (de module E0 ) et d’un
amortisseur (de viscosité η) en parallèle. En observant le schéma en figure 4.4, on constate
que suite à l’application d’une contrainte σ, le ressort s’oppose à l’écoulement à long terme,
alors que l’amortisseur s’oppose aux variations rapides de déformation. Il s’agit donc d’un
comportement viscoélastique solide, et le module élastique E0 est dit module statique
ou module relaxé parce que il représente la réponse élastique à long terme (NB: avec notre
usage, l’indice 0 se réfère à la réponse à une fréquence de sollicitation nulle, c’est à dire aux
temps très longs).
La loi de comportement peut être obtenue en considérant qu’aux bornes des deux
branches on doit avoir égalité des déformations, alors qu’on a une repartition de la con-
trainte sur les deux branches, dites élastique (indice e) et anélastique (indice an):
ε = εe = εan σ = σ e + σ an
Les lois de comportement linéaires des éléments de base pour chaque branche sont:
σ e = E0 ε σ an = η ε̇
où le temps caractéristique τ émergeant des valeurs de η et E0 est dit le temps de relaxation
du matériau et il sépare naturellement le domaine du comportement visqueux à temps
court (nombre de Deborah1 grand: De = τ /texp ≫ 1) du comportement élastique à
temps long (De = τ /texp ≪ 1), comme il sera démontré explicitement ensuite.
On remarque que dans un test de relaxation (ε = cst.) la contrainte reste constante dans
le temps, ce qui ne correspond pas au comportement typique décrit en section 4.1.1 pour un
solide viscoélastique en relaxation.
1
texp représente le temps d’observation, c’est à dire la durée d’une expérience de mesure.
4.1. THÉORIE VISCOÉLASTIQUE LINÉAIRE (1D) 55
Le modèle de Maxwell est constitué d’un ressort (de module E1 ) et d’un amortis-
seur (de viscosité η) en série. En observant le schéma en figure 4.5, on constate que
suite à l’application d’une contrainte σ, le ressort atteint une élongation d’équilibre, alors que
l’amortisseur coule indéfiniment. Il s’agit donc du comportement d’un fluide viscoélastique.
Suite à l’application de contraintes très rapides, l’amortisseur n’a pas le temps de couler et
la réponse à temps court est donc purement élastique avec module E∞ , qui prend le nom de
module instantané ou module dynamique (NB: encore une fois, l’indice ∞ se réfère à la
limite de fréquence infinie, c’est à dire aux temps très courts).
Suite à la disposition en série, la contrainte aux bornes des deux éléments sera identique,
alors qu’on aura une repartition de la déformation en deux termes élastique et anélastique:
ε = εe + εan σ = σ e = σ an
La loi de comportement globale devient:
σ σ
εe = ε̇an =
E∞ η
σ̇ σ
ε̇ = +
E∞ η
η
σ + τ σ̇ = τ E∞ ε̇ τ= (4.2)
E∞
Encore une fois, le temps caractéristique τ émergeant des valeurs de η et E∞ est dit le temps
de relaxation du matériau, mais cette fois il sépare plutôt le domaine du comportement
élastique à temps court (De = τ /texp ≫ 1) du comportement visqueux à temps long
(De = τ /texp ≪ 1).
56 CHAPTER 4. VISCOÉLASTICITÉ
Le modèle de Solide Linéaire Standard (SLS, associé aussi au nom de Zener) est constitué
d’une mise en parallèle entre un fluide de Maxwell et un ressort de contention
de raideur E0 comme en figure 4.6. Le rajout du ressort de contention pallie l’impossibilité
d’équilibre statique du fluide de Maxwell et redonne donc un caractère solide à long terme, avec
un module élastique statique (ou relaxé) E0 . Suite à l’application de contraintes très rapides,
l’amortisseur n’a pas le temps de couler et la réponse à temps court est donc purement élastique
avec un module instantané (ou dynamique) E∞ = E0 + E1 , correspondant au parallèle des deux
ressorts, et donc plus rigide que le module relaxé E0 . Ce modèle permet donc de rendre compte
qualitativement du comportements d’un solide viscoélastique typique, y compris pour
sa capacité de relaxation et de fluage (voir section 4.1.1).
Pour écrire sa loi de comportement on écrit d’abord les équations pour chaque branche
(indice 0 = branche élastique, 1 = branche Maxwell) ainsi que la repartition des contraintes
(entre les deux branches) et des déformations (entre les deux éléments de la branche 1):
σ = σ0 + σ1
ε = ε0 = ε1 = εe1 + εan 1
σ0 σ 1 σ1
ε0 = εe1 = ε̇an
1 =
E0 E1 η1
Nous allons ensuite les combiner pour arriver à une loi de comportement qui ne présente
pas explicitement les variables internes (εe1 , εan
1 ):
( )
σ̇0 σ̇1 σ1 σ1
ε̇ = = + σ̇1 = E1 ε̇ −
E0 E 1 η1 η1
( )
σ1
σ̇ = σ̇0 + σ̇1 = E0 ε̇ + E1 ε̇ − σ1 = σ − E0 ε
η1
E1 E1
σ̇ + σ = E0 ε + (E0 + E1 )ε̇
η1 η1
En multipliant par le temps de relaxation τ = η1 /E1 de la branche de Maxwell, et en
explicitant le module dynamique E∞ , on obtient la loi de comportement:
η1
σ + τ σ̇ = E0 ε + τ E∞ ε̇ τ= E∞ = E0 + E1 (4.3)
E1
On remarque que cette fois le choix du temps caractéristique n’est pas unique, comme nous
avons deux modules élastiques indépendants E0 et E1 . Le choix de la valeur E1 est lié au fait
que c’est la branche Maxwell qui relaxe, comme ce sera démontré par la suite en résolvant les
équations différentielles. Cette fois le temps de relaxation sépare le domaine du comportement
élastique dynamique (plus rigide) à temps court (De = τ /texp ≫ 1) du comportement
élastique statique (plus mou) à temps long (De = τ /texp ≪ 1).
4.1. THÉORIE VISCOÉLASTIQUE LINÉAIRE (1D) 57
Formulation thermodynamique
E1
σ = E0 ε + η1 ε̇an
1 ε̇an
1 = (ε − εan
1 ) (4.4)
η1
σ = E0 ε + E1 (ε − εan
1 )
ce qui permet de mieux comprendre le sens du module élastique dynamique E∞ qui représente
la réponse instantanée avant que la variable interne εan
i puisse évoluer:
∂σ
E∞ = = E0 + E1
∂ε εan
1 =cst.
Pdiss = σ1 ε̇an
1 (4.5)
Le modèle de solide linéaire standard permet de rendre compte qualitativement des com-
portements d’un solide viscoélastique typique. Pour permettre aussi un accord quantitatif, il
2
On repart des partitions de déformations et contraintes:
ε = ε0 + ε1
σ = σ0 + σ1 = E0 ε + η1 ε̇an
σ1 = η1 ε̇an = E1 εe1 = E1 (ε − εan
1 )
E1
ε̇an = (ε − εan
1 )
η1
58 CHAPTER 4. VISCOÉLASTICITÉ
faut rajouter en parallèle d’autres éléments simples de type Maxwell comme en figure
4.7. Ceci permet de rendre compte d’une multitude de temps de relaxation τi = ηi /Ei liés à
des mécanismes de relaxation moléculaire différents (voir section 4.2). Les équations de chaque
branche s’écrivent:
σ = σ0 + σ1 + . . . σi + . . . σm
ε = ε0 = εi = εei + εan
i
σ0 σi σi
ε= εei = ε̇an
i = i = 1...m
E0 Ei ηi
La loi de comportement s’écrit alors, en utilisant le formalisme thermodynamique:
∑
m
Ei
σ = E0 ε + ηi ε̇an
i ε̇an
i = (ε − εan
i ) i = 1...m (4.6)
i=1
ηi
∂σ ∑
m
E∞ = = E0 + Ei (4.7)
∂ε εan
i =cst. i=1
σ = σ0 H(t) σ̇ = σ0 δ(t)
{
0 si t<0
3
La fonction de Heaviside est définie H(t) =
1 si t≥0
60 CHAPTER 4. VISCOÉLASTICITÉ
∑
n
σ= ∆σj H(t − tj )
j=1
Si maintenant on considère une évolution continue de la charge σ(t) comme la limite d’une
série de fonctions étagées avec des pas de plus en plus denses, on peut passer d’une somme à la
forme intégrale suivante, qui prend le nom de principe de superposition de Boltzmann:
∫ t
dσ
ε(t) = Jf (t − t′ ) (t′ )dt′ (4.12)
0 dt
On voit donc que la connaissance de la fonction de fluage permet en principe de prédire
la réponse du matériau à toute sollicitation en contrainte σ(t).
4.1. THÉORIE VISCOÉLASTIQUE LINÉAIRE (1D) 61
Par exemple, pour un modèle rhéologique tel que le modèle de Maxwell, on peut calculer
la fonction de fluage en résolvant l’équation différentielle pour la réponse à une marche de
déformation appliquée au temps t′ = 0:
σ + τ σ̇ = τ E∞ ε̇
ε(t) = ε0 H(t) = ε0 t ≥ 0
σ(t < 0) = 0
On peut encore une fois voir clairement le rôle du temps de relaxation τ . Pour t ≪ τ c’est
la réponse élastique de module E∞ qui domine, alors que pour t ≫ τ la contrainte finit par
s’annuler, c’est à dire qu’elle est totalement relaxée, malgré la persistance de la déformation
4
La dérivée de la fonction marche de Heaviside est la fonction δ de Dirac, qui est nulle partout sauf pour
t = 0 où elle est infinie, et qui a pourtant une intégrale unitaire.
62 CHAPTER 4. VISCOÉLASTICITÉ
ε0 , ce qui est typique du comportement fluide à long terme. La valeur de la viscosité intervient
plutôt dans le temps caractéristique de transition entre les deux réponses, qui vaut τ = η/E∞ .
Comme chacune des deux fonctions Jf (t) et Er (t) semblent contenir un pouvoir prédictif
complet, on imagine bien qu’elles ne peuvent pas être totalement indépendantes. En effet on
peut montrer qu’elles sont liées mathématiquement par la relation intégrale suivante:
∫ t
Er (t′ )Jf (t − t′ )dt′ = t (4.17)
0
qui permet en principe de calculer l’une à partir de l’autre. Dans le cas empiriques, la mesure de
ces fonctions n’est accessible que sur une gamme de temps limitée, comprise entre le temps
minimal de quelques seconde nécessaire pour appliquer le chargement et le temps de mesure de
quelques jours ou mois qu’on peut se permettre dans un laboratoire. Il faudrait donc utiliser
des techniques d’inversion numériques approchées, et il est souvent préférable de mesurer les
deux fonctions séparément.
4.1. THÉORIE VISCOÉLASTIQUE LINÉAIRE (1D) 63
σ ∗ (t) σm iδ
E∗ = ∗
= e = E ′ + iE ′′ (4.20)
ε (t) εm
{
E ′ = Re(E ∗ ) = σεm
m
cos δ
′′ ∗ σm (4.21)
E = Im(E ) = εm sin δ
La partie réelle E ′ est dite module de stockage et elle correspond à la partie de la réponse
qui est en phase avec la sollicitation. La partie imaginaire E ′′ est dite module de perte et elle
correspond à la partie de la réponse qui est déphasée de 90◦ (dite en quadrature avance),
comme la dérivée d’une fonction sinusoı̈dale. L’angle de phase5 δ (à exprimer en radians) est
dit angle de perte, et sa tangente est:
E ′′
tan δ = (4.22)
E′
On l’appelle le facteur de perte, parce qu’il fournit une indication du pourcentage d’énergie
dissipée à chaque cycle par les pertes viscoélastiques (voir section 4.1.5).
En présence d’un modèle rhéologique, on peut exprimer analytiquement les modules com-
plexes E ∗ (ω) à partir de la loi de comportement. Il suffit pour cela de substituer les solutions
sinusoı̈dales complexes (4.18) et (4.19) dans la loi de comportement, et d’identifier ensuite les
expressions pour les parties réelle et imaginaire du module complexe, comme illustré dans les
exemples suivants.
5
Selon la convention choisie, la phase δ représente l’avance de phase de la contrainte par rapport à la
déformation, ou de façon équivalente un retard de la déformation par rapport à la contrainte. NB: il s’agit d’un
angle de déphasage et pas d’un temps!
64 CHAPTER 4. VISCOÉLASTICITÉ
1) Le cas du solide élastique linéaire ne nécessite pas de calculs. Il peut être représenté
par un module de stockage E ′ = E indépendant de la fréquence et un module de perte nul:
E∗ = E E′ = E E ′′ = 0
2) On considère donc plus en détail le fluide newtonien, qui est le deuxième élément de
base de la viscoélasticité:
σ = E0 (ε + τ ε̇) τ = η/E0
E (Pa)
tan δ
tan δ
6 12
7 1
10 10
4 8
2 4
6 2
10 10
0 3 2
0 2
1 0 1 2 3 3 1 0 1 2 3
10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10
ωτ ωτ
Figure 4.9: Module élastique complexe pour le modèle de Kelvin-Voigt (avec E0 = 1 MPa et
τ = 1 s), en axes semilog et log-log. Le croisement de la valeur tan δ = 1 (axe de droite) est un
démarquage caractéristique de la transition entre comportement solide et fluide pour ω = 1/τ
(la représentation en termes de ωτ rend ce résultat plus général que pour la cas τ = 1 s).
4.1. THÉORIE VISCOÉLASTIQUE LINÉAIRE (1D) 65
σ + τ σ̇ = τ E∞ ε̇ τ = η/E∞
ω2τ 2 ωτ
E ′ = E∞ E ′′ = E∞
1 + ω2τ 2 1 + ω2τ 2
Le résultat est représenté en figure 4.10, où on constate la transition entre comportement
fluide à basse fréquence et le comportement solide à haute fréquence, séparés par la fréquence
de transition 1/τ .
8
x 10
12 24
E’ 9 E’ 1
10 10
E’’ E’’
10 *
|E | 20 *
|E |
tan δ tan δ
8 16 8 0
10 10
E (Pa)
E (Pa)
tan δ
tan δ
6 12
7 1
10 10
4 8
2 4
6 2
10 10
0 3 2
0 2
1 0 1 2 3 3 1 0 1 2 3
10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10
ωτ ωτ
Figure 4.10: Module élastique complexe pour le modèle de Maxwell (avec E∞ = 1 GPa et τ = 1
s), en axes semilog et log-log.
E0 + (E0 + E1 )ω 2 τ 2 E1 ωτ
E′ = E ′′ =
1 + ω2τ 2 1 + ω2τ 2
Le module de stockage augmente avec la fréquence entre la valeur statique E0 et la valeur
dynamique E∞ = E0 + E1 . Le résultat est représenté en figure 4.11. Le module de perte E ′′
(qui représente l’énergie dissipée dans un cycle d’oscillation, comme ce sera démontré en section
4.1.5) tend vers zéro à des fréquences très basses ou très hautes; il passe par un maximum pour
la fréquence caractéristique 1/τ , c’est à dire pour des temps de sollicitation qui correspondent
au temps de relaxation du matériau. Pour identifier les regimes de comportement à dominance
élastique ou visqueuse, il faut considérer le rapport tan δ entre l’énergie dissipée et stockée
(voir section 4.1.5). Ce rapport tend aussi vers zéro à basse et haute fréquence, indiquant
un comportement élastique (respectivement mou et rigide). Mais on constate que le rapport
tan δ est plus grand que 1 dans un regime intermédiaire, compris entre une fréquence maximale
1/τ et une fréquence minimale (E0 /E∞ )/τ . Nous avons donc un regime intermédiaire où le
comportement est à dominance visqueuse (fluide), et l’extension en fréquence de ce regime
correspond au nombre de décades qui séparent E1 de E0 (trois decades pour l’exemple choisi
en figure 4.11).
8
x 10
12 24
E’ 9 E’ 1
E’’ 10 10
E’’
10 *
|E | 20 *
|E |
tan δ tan δ
8 16 8 0
10 10
E (Pa)
E (Pa)
tan δ
tan δ
6 12
7 1
8 10 10
4
2 4
6 2
10 10
0 4 2
02
3 1 0 1 4 3 2 1 0 1 2
10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10 10
ωτ ωτ
Figure 4.11: Module élastique complexe pour le modèle de solide linéaire standard (avec E0 = 1
MPa, E∞ = 1 GPa et τ = 1 s), en axes semilog et log-log.
σ m εm πσm εm E′ πE ′′ 2
= cos δ + sin δ = ε2m + ε = Wstock (1/4) + Wdiss (1/4)
2 4 2 4 m
En reconnaissant dans le deuxième terme 1/4 de l’énergie dissipée dans un cycle, on peut
identifier dans le premier terme l’énergie stockée de façon élastique, ce qui justifie le nom de
module de stockage pour E ′ :
1
Uelmax (ω) = Wstock (1/4) = E ′ (ω)ε2m
2
Nous pouvons ainsi exprimer la capacité d’amortissement d’un matériau viscoélastique
comme suit:
E ′′ K ′′
E ∗ = E ′ + iE ′′ K ∗ = αE ∗ = K ′ + iK ′′ = |K| exp (iδ) tan δ = =
E′ K′
K∗ K′ K ′′
ẍ + ω ∗ 2 x = 0 ω∗2 = = +i
Me Me Me
√ √ ( ) √ ( )
K∗ |K| δ |K| δ δ
ω∗ = = exp i = cos + i sin = ω ′ + iω ′′
Me Me 2 Me 2 2
De façon analogue au calcul pour les modes propres, on obtient une vitesse de propagation
complexe V ∗ = V ′ + iV ′′ avec une phase δ/2. Si on l’emmène au numérateur on arrive à un
vecteur d’onde complexe k ∗ , dont la partie imaginaire correspond à l’atténuation:
u∗ = u0 exp i (k ∗ x − ωt) = u0 exp (ik ′ x) exp (−k ′′ x) exp(iωt) = u0 exp (−k ′′ x) exp i(k ′ x − ωt)
E ∗ = |E| exp(iδ)
√ √( )
∗ |E|
E∗ δ
V = = exp i
ρ ρ 2
( )
∗ ω ω δ
k = ∗ = exp −i
V |V | 2
70 CHAPTER 4. VISCOÉLASTICITÉ
Plasticité
Le métaux, les polymères à l’état vitreux, les pâtes à modeler et d’autres matériaux (dans
une moindre mesure) présentent à température ambiante un comportement dissipatif de
type plastique, c’est à dire caractérisé par une réponse élastique aux faibles contraintes
et l’apparition d’une déformation permanente au delà d’un seuil de contrainte. Les
matériaux pouvant supporter une grande déformation plastique avant rupture sont dit ductiles,
contrairement aux matériaux fragiles qui présentent une rupture sans déformation plastique.
En fonction des types de matériaux, des conditions de température et de sollicitation, le
comportement plastique peut présenter plusieurs formes. Nous décidons ici de nous en tenir à
l’étude de la situation simplifiée typique du comportement des métaux à froid1 .
Dans le coeur de ce chapitre on traitera donc le comportement plastique de matériaux
homogènes et isotropes en condition isotherme et quasi-statique. Pour autant que la
partie élastique de la déformation est compressible en accord avec la loi de Hooke, la partie
plastique de la déformation est considérée comme incompressible (elle a lieu à volume
constant). La deformation plastique sera indépendante du temps (et donc du taux de
chargement).
Pour bien se focaliser sur les aspects importants du comportement plastique, nous présente-
rons d’abord le comportement 1D, c’est à dire concernant la réponse à un test de traction
uniaxiale. On traitera ensuite le comportement 3D, premièrement pour remettre la plas-
ticité dans son cadre tensoriel, et deuxièmement pour traiter des structures présentant une
déformation plastique spatialement inhomogène.
Le chapitre se termine enfin par un séminaire (voir les transparents en ligne) présentant
d’une façon qualitative les aspects qui sortent du cadre théorique simplifié précédant, comme
les aspects visco-plastiques et de mémoire de forme (surtout typiques des polymères vit-
reux) ou les matériaux compressibles plastiquement. Le séminaire présente aussi une
description des micromécanismes à l’échelle moléculaire responsables des différents as-
pects du comportement plastique pour certaines types de matériaux. Une modélisation de
type Eyring permet de comprendre l’équivalence temps-température-contrainte dans la
plasticité, et de faire un lien avec la viscoélasticité.
1
La condition de validité est que la température de travail soit inférieure à 35% de la température de fusion
(en K!) du metal. On peut apprécier la validité à température ambiante pour les métaux suivants, à l’exception
du plomb.
Matériau Tf 0.35Tf
Tungsten 3700 K 1300 K = 1027 ◦ C
Fer 1800 K 633 K = 350◦ C
Cuivre 1290 K 542 K = 201◦ C
Aluminium 934 K 327 K = 54◦ C
Plomb 600 K 210 K = -63◦ C !!
71
72 CHAPTER 5. PLASTICITÉ
σN=F/S0 S1 σV=F/S
S0 R
σR U
U U
σU
R R
L0 L1
σY S2 σY
E E
εN=ΔL/L0 εV=log(L/L0)
Figure 5.1: Courbe de charge monotone jusqu’à rupture pour un métal en traction uniaxiale.
Gauche: représentation en valeurs nominales (courbe de l’ingénieur). Droite: représentation en
valeurs vraies.
En raison des grandes déformations plastiques subies par l’échantillon pendant le test, la
description du comportement plastique en vue d’appréhender ses lois de comportement nécessite
l’utilisation des notions de contrainte et déformation vraies2 :
∫
F L
dL′ L
σV = εV = ′
= log
S L0 L L0
Tant que la déformation de la barre reste homogène, c’est à dire jusqu’au point U
d’initiation de la striction, on peut relier les valeurs vraies aux valeurs nominales en exploitant
2
On remarque que la déformation vraie possède la propriété de rendre additives et commutatives les
grandes déformations:
L1 L2 L2 L1 L2 L1
ε0−1
V = log ε0−2
V = log = log = log + log = ε1−2
V + ε0−1
V
L0 L0 L1 L0 L1 L0
5.1. CARACTÉRISTIQUES DES COURBES DE CHARGE UNIAXIALE (1D) 73
L
εV = log = log(1 + εN )
L0
F S0 L
SL = S0 L0 σV = = σN = σN = σN (1 + εN )
S S L0
Le résultat de la conversion est représenté en figure 5.1 à droite, jusqu’au point noir cor-
respondant au point U . Pour acceder à la partie suivante de la loi de comportement du
matériau après la striction, il faut mesurer la section S au centre de la striction
comme illustré dans la partie centrale de la figure 5.1.3 La contrainte vraie dans cette region
active est ainsi directement connue, et on peut utiliser l’incompressibilité plastique pour estimer
l’évolution de la déformation plastique vraie locale:
F S0
σV = εV = log
S S
3
Par exemple en mesurant le diamètre par une caméra vidéo, sous l’hypothèse que la striction reste en
symétrie orthoradiale. Ou alors en mesurant le périmètre local par la mesure de longueur d’un fil tendu et
faisant un tour complet autour de la striction comme proposé par G’Sell et Jonas [2].
74 CHAPTER 5. PLASTICITÉ
σY
E E E
ε
εp ε el ε p
R
Udiss
p
∼ σy εpR (5.4)
5.1. CARACTÉRISTIQUES DES COURBES DE CHARGE UNIAXIALE (1D) 75
σY
E E E
ε
εp ε el
Figure 5.3: Courbe de charge présentant plusieurs cycles de charge/decharge.
σ R Y
R
σ
2 1 2
1
σY σY
E E E
ε p
p
εp ε el
Figure 5.4: Gauche: Courbe de charge présentant plusieurs cycles de charge/decharge. Droite:
courbe d’écrouissage Y (εp ) correspondante.
En appelant σ(ε) la courbe de charge jusqu’à rupture (en valeurs vraies), la fonction
d’écrouissage Y (εp ) est définie de façon implicite par:
Y (0) ≡ σy
Y (εpR ) ≡ σR
σ = Y (εp ) (5.6)
On remarque que l’équation (5.6) ne présente pas un symbole ≥ car dès que la contrainte
atteint la condition de plastification, la contrainte σ(ε) augmente conjointement à la fonction
d’écrouissage Y (εp ).
σY
E
ε
-σY
Figure 5.5: Comportement plastique suite à un chargement monotone soit en traction soit en
compression.
Dans les métaux à froid, pourvu qu’on exprime les courbes de charge en valeurs vraies, le
comportement plastique en compression monotone suit essentiellement la même
loi qu’en traction, comme illustré en figure 5.5.
σ εp3 R Y
R σ R
σR σ2
σ2 5 6 εp1
σ1 σ1
2
1
σY σY
E E
ε p
eq
1 2,3 4,5 6
-σY
3
-σ1
4 -σ2
εp2
On constate que pour les métaux à froid toute déformation plastique, qu’elle soit en
tension ou bien en compression, contribue de façon équivalente à l’écrouissage du matériau,
78 CHAPTER 5. PLASTICITÉ
2
σY
E 1
ε
les variations de déformation plastique sont identiquement nulles et l’évolution des autres vari-
ables est déterminée par la loi de Hooke:
{ p
dε = dεpeq = 0
(5.12)
dσ = Edεel = Edε
5.2. DESCRIPTION MATHÉMATIQUE DU COMPORTEMENT PLASTIQUE UNIAXIAL (1D)79
1 σ2
U el = (5.18)
2E
En vertu de la codirectionalité entre la déformation plastique et la contrainte, la densité
volumique d’énergie dissipée est positive pour chaque incrément de déformation plastique:
∫ εpeq
p
dUdiss p
= σdε = Y (εpeq )dεpeq Udiss
p
= Y (εpeq )dεpeq (5.19)
0
A. Plasticité parfaite
Le comportement plastique parfait, représenté en figure 5.8, correspond à un matériau
totalement rigide E = ∞ et ne présentant pas de durcissement pendant la plastifica-
tion, c’est à dire ayant une fonction d’écrouissage constante Y (εp ) = σY . En vertu de la
rigidité élastique du matériau, εel = 0 et ε = εp ; la courbe d’écrouissage coincide donc avec la
courbe de chargement monotone. Bien que dans le modèle idéalisé l’écoulement plastique ne
soit pas limité, il convient de ne pas oublier que tout matériau présente une ductilité limitée,
représentée par un point de rupture sur la courbe de chargement. La partie droite de la figure
5.8 représente un nouveau élément rhéologique qui contient l’essence du comportement
plastique: il représente un curseur, ou bien un patin à frottement sec, ayant la propriété de
couler plastiquement (déformation εp libre) dans la même direction que la contrainte appliquée,
quand la valeur absolue de la contrainte dépasse l’unique paramètre σy du modèle.
1 R
σY σY
σ,ε
ε
εp
Figure 5.8: Courbe de charge/décharge/recharge pour un modèle de plasticité parfaite (gauche)
et modèle rhéologique associé, représentant un patin à frottement sec (droite).
B. Elasto-plasticité parfaite
Le comportement élasto-plastique parfait, représenté en figure 5.9, correspond à un
matériau élastique de module d’Young E , ne présentant pas de durcissement pendant la
plastification. La fonction d’écrouissage est constante Y (εp ) = σY et c’est la même que pour
le modèle rigide vu en A. Encore une fois on décide de rajouter un point de rupture sur la
courbe de chargement pour représenter la ductilité finie de tout matériau. Le comportement
élasto-plastique parfait peut être représenté par un modèle rhéologique constitué d’un patin
plastique en série avec un ressort élastique, comme illustré dans la partie droite de la
figure 5.9. Le comportement en compression est analogue à celui du modèle rigide vu en A, sauf
pour la présence d’une énergie élastique stockée correspondante à une déformation élastique en
compression.
Dans ces deux modèles sans écrouissage, la définition de la déformation plastique équivalente
(c.f. equation 5.9) est uniquement utile au fin de l’estimation du point de rupture quand la
somme des déformations plastiques aura atteint la limite de ductilité εpR .
5.2. DESCRIPTION MATHÉMATIQUE DU COMPORTEMENT PLASTIQUE UNIAXIAL (1D)81
1 R σY
σY
σ,ε
E E
ε
εp ε el
Figure 5.9: Courbe de charge/décharge/recharge pour un modèle de élasto-plasticité parfaite
(gauche) et modèle rhéologique associé, représentant un patin à frottement sec en série avec un
ressort élastique (droite).
σ σ
R R
1
1
σY σY
ε ε
Pour traiter mathématiquement un problème avec écrouissage, il faut donner une forme
explicite à la fonction d’écrouissage Y (εp ). Une fonction très communément utilisée est la loi
de Hollomon-Ludwik:
Y (εp ) = σy + Ek εp (5.21)
Ce dernier est très utilisé dans les calculs d’application analytiques de par sa simplicité
mathématique.
82 CHAPTER 5. PLASTICITÉ
Pour les métaux à froid, le comportement suite à un chargement cyclique arbitraire est
décrit en introduisant la déformation plastique équivalente (c.f. equation 5.9) comme en section
5.2.2. Si on veut représenter ce comportement par un modèle rhéologique, il faut enrichir
l’élément de patin à frottement sec en substituant son paramètre σy par la fonction d’écrouissage
Y (εpeq ), comme en figure 5.11 à gauche. Pour le comportement élasto-plastique correspondant,
il suffit de rajouter un ressort de module E en série, comme dans la figure 5.11 à droite. Le
fait que la résistance au frottement du patin augmente selon la fonction Y (εpeq ) implique les
deux effets suivants: 1) toute déformation plastique (dans les deux directions) contribue à une
augmentation de la résistance au frottement, et 2) à tout instant la résistance au frottement
est la même indépendamment de la direction de sollicitation. Ce type de comportement prend
le nom d’écrouissage isotrope, typique des métaux à froid.
p p E
Y( eq ) Y( eq )
, ,
p p el
Figure 5.11: Modèle rhéologique pour le comportement rigide plastique écrouissant des métaux
à froid (gauche). Le figure de droite représente le comportement élasto-plastique correspondant.
1 σ2
Energie stockée U el = 2 E
∫ εpeq
Energie dissipée Udiss
p
= 0
Y (εpeq )dεpeq
5.3. DESCRIPTION MATHÉMATIQUE DU COMPORTEMENT PLASTIQUE TRIAXIAL (3D)83
el p
ε=ε +ε (5.23)
S’agissant en général de matériaux très rigides, la partie élastique reste petite, et peut
être traitée dans le formalisme des déformations nominales, c’est à dire par le tenseur de
déformation défini dans l’équation 2.4.
A tout moment d’un cycle de chargement arbitraire d’un matériau élasto-plastique, la partie
élastique de la déformation est gouvernée par la loi de Hooke tensorielle (eq. 3.9)4 :
el
σ = K(Tr ε )I + 2µDεel (5.24)
4
Voir les définitions de sphérique S et déviateur D d’un tenseur en section 2.1.4.
84 CHAPTER 5. PLASTICITÉ
et on rappelle que la norme est un invariant (bien adaptée à exprimer l’intensité d’un tenseur
à trace nulle, tel le déviateur) et que le tenseur signe a les mêmes directions propres que le
tenseur d’origine.
La notion de déformation plastique équivalente pour un cycle de chargement arbitraire
(eq. 5.9) peut être étendue à la formulation tensorielle de la manière suivante:
∫ √
2 p
εpeq ≡ dε (5.29)
3
√
Le préfacteur numérique 2/3 dans la définition est choisi de telle sorte que le résultat soit
équivalent à l’équation 5.9 pour une déformation plastique uniaxiale d’amplitude dεp11 .
En vertu de l’incompressibilité plastique on peut de fait écrire:
p
dε11 0 0
dε = 0 − 21 dεp11
p p
Tr dε = 0 0
0 0 − 2 dε11
1 p
√ √
p 1 1 3 p
dε = dεp11 1 + + = dε
4 4 2 11
√ √ √
2 p 2 3 p
dεeq ≡
p
dε = dε11 = dεp11
3 3 2
5
La définition générale du tenseur de déformation vraie sort du cadre de ce cours, voir par exemple Lemaitre
et al. 2009 [6]
5.3. DESCRIPTION MATHÉMATIQUE DU COMPORTEMENT PLASTIQUE TRIAXIAL (3D)85
Critère de Tresca
Pour des raisons historiques on présentera d’abord le critère de Tresca, développé en 1864,
qui exprime la valeur maximale τm du cisaillement que peut prendre le tenseur σ en termes
des valeurs propres σ1 ≥ σ2 ≥ σ3 qui sont eux mêmes des invariants de la contrainte:
σ1 − σ3
τm = =k (5.30)
2
σ11 σy
σ1 = σ11 σ2 = σ3 = 0 τm = k=
2 2
√ √ √
3 3 2
σeq ≡ Dσ = σ11 = σ11
2 2 3
86 CHAPTER 5. PLASTICITÉ
σeq = σy (5.32)
où Y (εpeq ) est la même fonction d’écrouissage obtenue par un test uniaxial monotone7 .
p
dε ∝ Dσ
ce qui peut être exprimé de façon plus formelle en utilisant la fonction de signe (eq. 2.21):
p
signe(dε ) = signe(Dσ ) (5.34)
ou encore:
p
dε Dσ
p =
|dε | |Dσ |
En se rappelant que: √ √
3 2 p
σeq = Dσ dεpeq = dε
2 3
on peut enfin exprimer la loi d’écoulement normale:
p 3 Dσ p
dε = dε (5.35)
2 σeq eq
6
La contrainte équivalente peut être exprimée en fonction des valeurs propres par la relation suivante:
[ ]1/2
1( )
σeq = (σ1 − σ2 )2 + (σ2 − σ3 )2 + (σ3 − σ1 )2
2
On remarque que, contrairement au critère de Tresca, le critère de Von Mises fait intervenir aussi la valeur
propre intermédiaire σ2 .
L’expression en termes des coefficients σij du tenseur de contrainte dans un repère donné est:
[ ]1/2
1( )
σeq = (σ11 − σ22 )2 + (σ22 − σ33 )2 + (σ33 − σ11 )2 + 3(σ12
2
− σ23
2 2
+ σ31 )
2
7
Bien que la fonction d’écrouissage est indépendante du cycle de déformation suivi, le point de rupture R en
est en général dependant.
5.4. MÉCANISMES MICROSCOPIQUES DE PLASTICITÉ DANS LES MATÉRIAUX (SLIDES SÉMINA
1D 3D
p
Loi élastique σ = E(ε − εp ) σ = K(Tr ε)I + 2µ(Dε − ε )
∫ √ ∫
p
Déformation plastique équiv. εpeq = |dεp | εpeq ≡ 2
3
dε
√
Condition de plastification |σ| = Y (εpeq ) σeq ≡ 3
2
Dσ = Y (εpeq )
p
Codirectionalité signe(dεp ) = signe(σ) signe(dε ) = signe(Dσ )
p 3 Dσ
dε = 2 σeq
dεpeq
( )
1 σ2 el
Énergie stockée U el = 12 σεel = 2 E
U el = 12 Tr σ ε
∫ εpeq ∫ εpeq
Énergie dissipée Udiss
p
= 0
Y (εpeq )dεpeq Udiss
p
= 0
Y (εpeq )dεpeq
Rupture
89
90 CHAPTER 6. RUPTURE
σN=F/S0 σN=F/S0
σR R
U
σU
R
σY
E E
εN=ΔL/L0 εN=ΔL/L0
(a) (b)
Figure 6.1: Courbes de charge pour la rupture fragile (a) et ductile (b) pendant l’étirement
uniaxial d’une barre.
plusieurs parties. Dans le cas des matériaux ductiles on distingue quatre phases de deformation
avant rupture, comme illustré dans la figure 6.1(b): après une phase de déformation élastique,
la première plastification advient à la contrainte σy , la déformation plastique augmente d’une
façon homogène jusqu’à la valeur maximale σU qui correspond à l’apparition d’une striction
plastique, la rupture arrive après une déformation ultérieure conduisant au point R qui présente
une contrainte nominale inférieure à σU (bien que la contrainte vraie soit supérieure à sa valeur
au point de striction). Les valeurs de σU et σy sont généralement proches, donc en ordre de
grandeur on peut les confondre, mais il convient de bien distinguer les deux concepts pour bien
comprendre la suite des événements qui mènent à la rupture ductile.
On va maintenant se focaliser sur la nature tensorielle de la contrainte dans les critères
de résistance mécanique. Si on se limite à la rupture fragile ou à la première plastifica-
tion, ces critères sont généralement atteints pour des petites déformations et l’utilisation de
contraintes nominales est valable. Le critère de rupture (initiation d’une fissure instable) est
satisfait lorsque la plus grande des composantes de traction, c’est à dire la plus grande des
valeurs propres (cf. cercle de Mohr en figure 2.9), atteint le seuil de résistance à la rupture σR :
objet soumis à une charge. On peut ainsi estimer la charge maximale que l’objet peut supporter
avant d’atteindre dans l’un des ses points intérieurs la critère de rupture (traction maximale
≥ σR ) ou de première plastification (cisaillement maximal ≥ σy ). Ceci parce que dans la
plupart des applications structurales on reste en dehors du domaine de plasticité, qui implique
une modification de forme de l’objet et sa fragilisation progressive. Les grandeurs σR et σy sont
traitées comme des constantes, c’est à dire des propriétés bien définies du matériau, qu’on peut
identifier à partir de la loi de comportement, selon la description de la mécanique des milieux
continus, et en valeurs nominales en vue des petites déformations en jeu.
Un outil expérimental très répandu pour l’analyse en RDM est l’étude photoélastique
d’une structure prototype intègre. L’étude des isochromes permet d’identifier le point ou se
présente le cisaillement maximal et qui sera le lieu de la première plastification. L’étude des
isostatiques permet d’identifier les axes propres de la contrainte. En combinant les deux in-
formations on peut ainsi indentifier la region de traction maximale qui sera le lieu d’initiation
d’une possible fissure (qui sera dirigée perpendiculairement à cette direction)2 .
NB: la RDM étudie les conditions d’initiation d’une rupture, mais pas la propagation de
fissures, qui est l’objet d’une théorie mécanique à part qui sera présentée dans la suite du
chapitre. Mais on va d’abord analyser de manière plus critique la notion de résistance à la
rupture et son origine microscopique.
U F r
a0 rmax
r
Le minimum d’énergie représente la distance d’équilibre a0 entre les deux atomes en l’absence
de forces extérieures dans ce qu’on appelle le contact moléculaire, typique de la matière con-
2
A titre d’exemple, si on considère une poutre horizontale encastrée à l’extrémité gauche contre une paroi
rigide et soumise à l’extrémité droite à un chargement ponctuel dirigé vers le bas, tel qu’une masse accrochée
(cf. figure 3.1), l’analyse élastique du système en flexion nous montre que le moment fléchissant est maximal au
point d’encastrement à gauche, ce qui correspond à un état de contrainte localement uniaxial selon la direction
horizontale et qui passe d’une compression maximale en bas à une traction maximale en haut. La contrainte
maximale de traction est donc acquise à l’extrémité haute de la section d’encastrement et c’est dans cette région
qu’on verra l’initiation d’une fissure verticale quand la charge dépassera une valeur seuil qu’on peut calculer
facilement.
92 CHAPTER 6. RUPTURE
x x
U x U x
F x F x
Figure 6.3: Énergie et force associées au déplacement x d’une rangée d’atomes dans un solide
selon un chargement de traction (gauche) ou de cisaillement (droite).
Dans la situation d’équilibre tous les atomes sont séparés par la distance a0 . On peut
donc représenter l’énergie d’interaction U (x) pour chaque atome comme une sinusoı̈de dont
les minima sont régulièrement espacés d’une distance a0 . Si on imagine de séparer le crystal
selon une section verticale (figure 6.3 gauche), et qu’on déplace l’ensemble d’atomes se trouvant
à droite de la séparation d’une distance horizontale x vers la droite, la force de rappel F (x)
agissant sur chaque atome peut être obtenue en dérivant l’énergie d’interaction. Celle-ci a la
forme d’une sinusoı̈de décalée, qui a des points de force nulle aux positions d’équilibre des
atomes, et une force de rappel donnée par la pente (négative) de l’énergie U (x) à ces endroits.
On peut ensuite estimer la contrainte moyenne σ(x) agissant entre les deux plans atomiques
en divisant la force F (x) agissant sur chaque atome par la surface a20 occupée dans la maille
cristalline:
( )
2πx
σ(x) = σ0 sin
a0
La valeur maximale σ0 de la contrainte supportable par l’interface constitue donc la valeur
théorique de la résistance à la rupture σRth . En outre, dans la limite de petits déplacements
x par rapport à la distance d’équilibre a0 , on peut estimer le module élastique E en dérivant
la contrainte par rapport à la déformation ε = x/a0 correspondante:
On obtient ainsi une relation théorique entre la résistance à la rupture et le module d’Young:
6.1. LA RÉSISTANCE À LA RUPTURE (ET SES LIMITES) 93
E E
σRth = ∼ (6.1)
2π 10
qui prédit des valeurs très élevées pour la résistance théorique, seulement un ordre de grandeur
inférieures au module d’Young, indiquant que la déformation à rupture devrait atteindre 10%.
Le même argument peut s’appliquer à la résistance théorique au cisaillement plas-
tique (figure 6.3 droite). Si on imagine le cisaillement de deux plans atomiques en bloc (sans
dislocations) l’énergie peut s’exprimer comme une sinusoı̈de en fonction du déplacement x en-
tre les deux plans atomiques par rapport à une configuration d’équilibre. Ici c’est plus facile
de comprendre cette représentation parce que les plans peuvent glisser indéfiniment en pas-
sant d’un minimum à l’autre sans casser la solide. La contrainte de cisaillement τ peut donc
s’exprimer en fonction de la déformation en cisaillement γ = x/a0 :
( )
2πx
τ (x) = τ0 sin = τ0 sin(2πγ) ≃ τ0 2πγ = µγ γ≪1
a0
On peut identifier la contrainte de cisaillement maximale τ0 comme la valeur théorique de
la limite d’élasticité en cisaillement avant l’apparition d’une première déformation plastique,
c’est à dire τyth (NB: nous avons vu dans le chapitre 5 que τyth = k = σyth /2), et obtenir une
relation avec le module élastique en cisaillement µ:
µ µ
τyth = ≃ (6.2)
2π 10
On remarque que la différence principale entre les deux types d’arguments est que lors du
dépassement de la résistance théorique à la plastification les plans glissent d’un pas a0 , mais
le solide reste substantiellement intègre et avec les mêmes propriétés qu’avant, avec certes une
petite déformation permanente. Alors qu’au dépassement de la résistance théorique à la rupture
les deux plans qui s’éloignent d’un pas atomique de réseau a0 perdent progressivement leur force
de cohésion, et l’objet se retrouve cassé en deux parties qui n’interagissent plus (au delà d’une
distance équivalente à la portée limitée des interactions en jeu, souvent d’ordre moléculaire).
Nous avons donc relié les deux modules élastiques E et µ, ainsi que les deux valeurs de
résistance mécanique à la rupture σRth et à la plastification σyth à l’intensité des interactions
moléculaires d’un solide cristallin, ce qui leur donne un fondement théorique en tant que pro-
priétés du matériau. Si on injecte les paramètres atomiques Fmax ∼ 1 nN et a0 ∼ 1Å (pour une
liaison covalente C − C), on estime une résistance à la rupture de l’ordre: σR ∼ Fmax /a20 ∼ 100
GPa, ainsi qu’un module d’Young dix fois supérieur E ∼ 1 TPa, ce qui est une bonne estimation
pour le plus rigide des solides cristallins, c’est à dire le diamant!
94 CHAPTER 6. RUPTURE
10000 Céramiques
Composites
1000
Elastomères
σR (MPa)
100
Alliages
10
Plastiques
Bois
1
Mousses
0.1
0.01 0.1 1 10 100 1000
E (GPa)
Figure 6.4: Correlation entre résistance à la rupture σR et module élastique E des diverses
classes de matériaux. Le trait diagonal en rouge représente la prévision théorique σR ∼ E/2π.
Depuis Ashby.
99.5
80
60
40
20
10
P
5
1
50 75 100 120 150
σR (MPa)
Figure 6.5: Estimation de la contrainte à la rupture moyenne < σR > pour trois matériaux
différents. Pour chaque matériau on représente la distribution cumulative d’un grand nombre
des mesures de la résistance à la rupture σR (nombre de mesures présentant une contrainte de
rupture supérieure à σR divisé par le nombre total de mesures).
Abrasion
(a) (b)
Figure 6.6: (a) Courbes de fatigue statique sur un verre à vitre: mesure de la durée de vie tf
avant rupture en fonction de la contrainte de traction appliquée σ ∗ . La durée de vie diminue
avec l’intensité de la charge, mais aussi en fonction du degré d’abrasion des surfaces (depuis
Mould and Southwick, 1959 [8]). (b) Courbe de fatigue dynamique (dite ‘Courbe S-N’ ou
‘Courbe de Wohler’) pour un aluminium de type 6061-T6: mesure du nombre de cycles N
avant rupture en fonction de l’amplitude σ ∗ de la contrainte maximale appliquée dans les cycles
(depuis Yahr 1997 [9]).
avant rupture. Un exemple typique est illustré en figure 6.6(b) et le comportement observé est
qualitativement similaire à la fatigue statique si on considère la diminution de la résistance à
la rupture en fonction du nombre de cycles (plutôt que du temps) et de l’écart entre σ ∗ et σR .
Quand on dimensionne une pièce pour une fonction structurale, il faut donc tenir compte de
la durée de vie envisagée pour la pièce et s’assurer que la résistance à la rupture restera toujours
en dessus de la contrainte de fonctionnement envisagée. L’opportunité de caractériser la rupture
retardée par l’une au l’autre méthode, dépend de la fonction que l’objet devra fournir pendant
sa durée de vie envisagée. C’est ainsi qu’une roue de train subit en roulant un chargement
cyclique et doit pouvoir supporter plusieurs millions de cycles sans rupture (on peut estimer 1
million de cycles pour un voyage Paris-Marseille), alors que le clou qui soutient un tableau doit
supporter une charge statique pendant plusieurs années.
Le fait que la contrainte fatigue le matériau, c’est à dire qu’elle diminue sa résistance à
la rupture dans le temps, n’est pas simplement explicable à partir du modèle de résistance
théorique, parce que la nature des interactions moléculaires qui assurent la cohésion et donc le
module élastique, n’évolue pas avec le temps.
Interprétation
L’ensemble de ces quatre évidences expérimentales est en désaccord avec le modèle théorique
pour la résistance à la rupture et à la plastification présenté en section 6.1.2. Dans le cas de la
rupture, la forte variabilité, la dépendance d’échelle et la forte sensibilité à la finition de surface
affaiblissent la notion même de résistance à la rupture comme propriété d’un matériau. Tous
ces aspects empiriques peuvent être rationalisés sur la base de la constatation que les défauts
d’un matériau affectent profondément sa résistance mécanique.
Dans le cas de la déformation plastique des métaux, qui ont une structure polycristalline,
nous avons déjà vu au chapitre 5 (séminaire matériaux) que la faiblesse du seuil de plastification
(caractère très ductile) peut s’expliquer par la présence de défauts d’empilement atomique,
dits dislocations. Comme le mouvement d’une dislocation fait intervenir le rearrangement
d’un nombre limité d’atomes autour du front de dislocation, son coût énergétique est bien
inférieur à celui qui est nécessaire pour faire glisser un plan complet d’atomes simultanément.
6.1. LA RÉSISTANCE À LA RUPTURE (ET SES LIMITES) 97
Par consequent la propagation de dislocations peut survenir pour des contraintes très inférieures
à celles issues de la prévision τyth faite pour le mouvement simultané du plan. Comme la
déformation plastique macroscopique résulte du mouvement concomitant d’un grand nombre de
dislocations qui s’activent pour des niveaux de contraintes faibles, mais similaires, on comprend
que la résistance à la plastification soit plus faible qu’attendue, mais assez reproductible à cause
de l’effet statistique moyen d’un grand nombre de défauts. Le seuil de plastification σy est donc
peu sensible au défaut individuel, mais plutôt à la densité volumique de dislocations, ainsi
qu’à leur degré de mobilité. La déformation plastique génère des dislocations ainsi que leur
mouvement, elle altère la population de ces dislocations, leur organisation et leur mobilité. Par
conséquent elle peut altérer le seuil de déformation plastique. Ce phénomène est à l’origine de
l’écrouissage, ainsi que de la fragilisation sous forte déformation où sous fatigue cyclique
prolongée. La sensibilité à la densité volumique des dislocations explique aussi la très faible
dépendance de σy de la taille de l’objet3 .
Dans le cas de la rupture des matériaux fragiles le point limitant est plutôt relié à la
présence de défauts en forme de petites fissures, souvent de taille submicrométrique et donc
non visibles à l’oeil nu (c.f. figure 6.7). Ceux ci agissent comme concentrateurs de contraintes
redoutables, chacun pouvant conduire à la rupture instable de la pièce pour des charge-
ments bien inférieurs à la contrainte théorique qui serait supportable par un matériau sans
défauts. La grosse différence par rapport à la plasticité, est que la propagation instable d’un
seul défaut peut conduire à la rupture complète de la pièce. Malgré qu’un matériau contient
généralement une grande distribution de taille de ce type de défauts, la résistance à la rup-
ture sera déterminée par un seul défaut, le plus critique, c’est à dire le plus long (c.f.
section 6.1.4).
Figure 6.7: Distribution aléatoire de microfissures dans un matériau fragile. Si on divise par
la pensée cette portion du matériau en sous-systèmes de plus petite taille, la plus longue mi-
crofissure dans chaque élément sera très différente, et sera statistiquement plus courte que si
on considère l’objet entier.
Les défauts critiques sont responsables de la forte dispersion des mesures de résistance à la
rupture. Alors que la distribution statistique de la moyenne de la taille d’une population de
défauts est très stable et suit une distribution Gaussienne, la distribution de probabilité de la
plus grande taille d’un défaut appartenant à la même population est très variable et doit être
traitée par une distribution de Weibull. Ce qui justifie la nécessité d’un très grand nombre
de mesures pour permettre la comparaison quantitative de résistance à la rupture entre deux
matériaux (c.f. figure 6.5). Si on augmente la taille de l’échantillon (à partir du même lot de
matière), on augmente la probabilité d’avoir un défaut de plus grande taille, et on comprend
3
Des observations récentes ont montré néanmoins que le caractère très ductile des métaux peut se réduire
quand la taille des objets approche l’échelle nanométrique, en conséquence de la forte reduction du nombre de
dislocations possibles dans un si petit système.
98 CHAPTER 6. RUPTURE
ainsi la diminution de résistance à la rupture avec la taille de l’objet (c.f. figure 6.7). De
la même façon, la forte sensibilité à la finition des surfaces s’explique par la génération de
défauts critiques de plus grande taille suite à l’abrasion. En dernier lieu, la diminution de la
résistance à la rupture avec le temps passé sous contrainte (c’est à dire la fatigue) s’explique
par le fait que la contrainte induit une lente croissance sous-critique des microfissures, et
donc une augmentation de taille progressive du plus grand défaut responsable de la résistance à
la rupture. Dans les cas des verres, roches et céramiques, la croissance sous-critique est causée
par le phénomène dit de corrosion sous contrainte. La forte concentration de contrainte en
pointe de fissure y accélère la corrosion.
On comprend donc que la résistance théorique à la rupture σRth ≃ E/2π représente unique-
ment une limite supérieure de la résistance à la rupture qu’on aurait sur un matériau idéal
parfait.
2b C
yy
2c
b xx
r
c
8
Figure 6.8: Gauche: cavité elliptique de demi-axes c et b (avec c ≤ b) dans un milieu élastique
infini soumis à une traction uniaxiale verticale σ∞ . La petite cavité elliptique est agrandie pour
un meilleur confort visuel, et représente la forme initiale avant l’application de la contrainte
(bien que en élasticité linéaire le changement de forme reste négligeable). S’agissant d’un
calcul 2D, la cavité doit être imaginée comme traversant l’épaisseur de l’échantillon. Droite:
distribution de contrainte dans une section horizontale alignée avec l’axe principal de la cavité
en fonction de la distance r à l’apex de la cavité.
La solution complète est très longue à dériver, et même trop complexe à écrire. Mais ce
qui nous intéresse est l’effet d’amplification de contrainte induit en proximité de la pointe du
6.1. LA RÉSISTANCE À LA RUPTURE (ET SES LIMITES) 99
demi-axe principal. Dans la partie droite de la figure 6.8 on présente le profil de variation des
deux composantes principales de la contrainte sur une section de l’échantillon qui prolonge le
demi-axe principal. En s’éloignant de la cavité on retrouve l’état de chargement homogène
macroscopique (σxx = 0, σyy = σ∞ ) au delà d’une distance de l’ordre de la taille de la cavité en
accord avec le principe de Saint Venant. En s’approchant de la pointe du demi-axe principal
en C la traction maximale augmente significativement et atteint une valeur maximale σC (NB:
σxx = 0, σyy = σC ) qu’on peut exprimer analytiquement comme:
( c)
σC = σ∞ 1+2 (6.3)
b
σB = −σ∞ (6.4)
On remarque qu’en accord avec le principe de Saint Venant la perturbation induite par la
cavité reste locale, c’est à dire qu’elle affecte une région de taille d’ordre c autour du défaut,
qui dans notre cas d’intérêt est d’ordre micrométrique. La contrainte restera donc partout
uniaxiale et de valeur très proche de σ∞ , alors qu’en proximité des points C et B elle changera
progressivement pour arriver aux valeurs décrites par les équations (6.3) et (6.4). La rigidité
globale d’un échantillon contenant une petite cavité elliptique restera donc essentiellement
inaltérée, et l’argument d’échantillon infini peut s’appliquer sur des échantillons avec taille
transversale typique w ≫ 2c. On remarque qu’au point C la contrainte reste une traction
uniaxiale dans la même direction que le chargement extérieur σ∞ , mais de valeur accrue d’un
facteur k:
σC c c
k= = 1 + 2 ≃ 2 ≫ 1 si c ≫ b (6.5)
σ∞ b b
σRth
σR = (6.6)
k
qui peut être bien inférieure à σRth si on considère une fissure très effilée.
On remarque que pour un rapport d’aspect c/b constant, la résistance à la rupture ainsi
prédite ne dépend pas de la taille globale c du défaut. Ceci est sans doute vrai pour une
vraie cavité elliptique, c’est à dire qu’on aurait obtenu par enlèvement de matière dans la
configuration au repos. Si on veut appliquer plus sérieusement ce résultat à la description
d’une fissure dans un matériau très fragile, il faut plutôt considérer une fissure très fine, sans
enlèvement de matière, ce qui revient à considérer un rayon de courbure à la pointe d’une
4
A ne pas confondre avec le ‘facteur d’intensité des contraintes’, indiqué par un K majuscule, qu’on définira
plus loin.
5
Alors que le terme 1 ne peut pas être négligé dans la cas d’une cavité circulaire, qui présente un coefficient
de concentration k = 3.
100 CHAPTER 6. RUPTURE
14 Résistance ultime
10
Fibres optiques
Fibre de renforcement
Fibre d'isolation
1
Verre creux
Verre plat
0.1
Figure 6.9: La resistance à rupture du verre (en échelle logarithmique) pour différents produits
augmente significativement en fonction de la qualité du procédé de mise en forme ainsi que de
la protection des surfaces.
Le verre est un excellent exemple pour rationaliser cette vision. La résistance à la rupture
du verre se trouve dépendre très fortement de la qualité d’usinage. Moins de défaut il y
2 2
6
Les formules ρC = bc et ρB = cb pour les rayons de courbure aux deux apex d’une ellipse sont des formules
exactes de la géométrie, mais on peut les obtenir rapidement en loi d’échelle par:
1 ∂2x c 1 ∂2y b
= ∼ 2 = ∼ 2
ρC ∂y 2 b ρB ∂x2 c
6.1. LA RÉSISTANCE À LA RUPTURE (ET SES LIMITES) 101
La preuve de Griffith
Néanmoins cette prévision du lien entre la résistance à la rupture et la taille des microdéfauts
reste qualitative. La première preuve expérimentale et quantitative fut fournie en 1920 [1] par
un autre ingénieur anglais Alan Arnold Griffith (1893–1963). Pour s’affranchir de la mauvaise
connaissance de la distribution de défauts dans une pièce en verre, Griffith a effectué une série
de mesures de resistance après avoir introduit volontairement à la surface extérieure de la pièce
des microfissures plus grandes que les autres et de longueur c bien définie. Il constata ainsi √
que la résistance σR mesurée diminuait avec la racine de la longueur c, et que le produit σR c
conservait ainsi une valeur constante, qui peut être interprétée en accord avec l’équation (6.8):
√ √
σR c = σRth ρ (6.9)
Suite à cette importante demonstration, on dénomme cracks de Griffith ces défauts invis-
ibles en forme de microfissure qui sont responsables de la rupture instable d’un matériau pour
des valeurs de contrainte bien inférieures à la résistance théorique. Mais Griffith ne s’arrêta pas
à cette observation. Il proposa aussi une interprétation révolutionnaire fondée sur le principe
de minimisation de l’énergie potentielle, qui sera traitée en section 6.2.2.
7
Les données de fatigue statique en figure 6.6(a) montrent aussi que l’abrasion des surfaces extérieures conduit
à une diminution ultérieure de la résistance à la rupture.
102 CHAPTER 6. RUPTURE
Figure 6.10: Chargement d’un corps contenant une fissure de longueur c sous l’action d’un
couple de forces ouvrantes (mode I). Le zoom illustre la condition de contrainte normale nulle
à chaque surface de la fissure: σ⃗n = ⃗0.
La fissure divise localement le solide en deux parties, et les deux surfaces opposées, bien que
très proches, sont considérées comme des surfaces extérieures libres. Ceci se traduit par une
condition aux limites de contrainte normale nulle, σ⃗n = ⃗0, pour le champ de contrainte à
l’intérieur du solide.
L’objectif de la LEFM est de prédire la condition de propagation de la fissure suite
au chargement de l’objet par un système de forces extérieures. L’exemple typique est donné
en figure 6.10, où le chargement extérieur est représenté par un couple de forces F de sens
opposé appliquées en des points bien déterminés de l’objet. La symétrie du chargement induit
sur la fissure une traction en mode ouvrant, dit mode I, qui sera utilisé pour exposer la
théorie, avant de la généraliser dans la section 6.3 (séminaire).
La théorie sera présentée initialement sous l’hypothèse d’une propagation de fissure quasi-
statique (pas d’effet inertiels), isotherme (pas d’échauffement causé par la rupture) et re-
versible (possibilité de refermer une fissure). La théorie se développe en deux volets parallèles:
les approches en champ de contrainte et en bilan énergétique, qui s’avéreront équivalents
et complémentaires. Bien que l’approche énergétique soit historiquement antérieure, on com-
mencera par la présentation de l’approche en contrainte, qui suit plus naturellement les argu-
ments développés dans la section précédente sur la concentration de contrainte par des cavités
effilées.
6.2. THÉORIE DE LA RUPTURE ÉLASTIQUE LINÉAIRE (LEFM) 103
F
y
r σ r ,θ)
x
RK
KI KI
σij (r, θ) = √ fij (θ) i.e. σ(r, θ) = √ f (θ) (6.11)
2πr 2πr
On observe que la dependance radiale reste séparée et qu’elle est de nature scalaire. La
partie tensorielle fij est uniquement fonction de l’angle θ par rapport à la direction de la fissure
et elle est une fonction universelle connue (voir Lawn, 1993 [5]), mais que reste d’ordre 1 (d’où
la forme simple de la version en loi d’échelle). On constate que tout est universel, sauf la valeur
du coefficient KI , qui prend le nom de facteur d’intensité de contrainte, et qui est le seul
en lien avec le chargement extérieur (KI sera proportionnel à F parce que dans les matériaux
rigides la structure a une réponse linéaire pour une longueur de fissure c constante):
√
KI [P a m] Facteur d’intensité de contrainte
KI ≥ KIc (6.12)
104 CHAPTER 6. RUPTURE
1000
Métaux
et Alliages
Céramiques
Plastiques
10
Bois
Roches
1
1 10 100 1000
E (GPa)
Figure 6.12: Correlation entre la ténacité KIc et le module élastique E des diverses classes de
matériaux.
La valeur critique KIc prend le nom de ténacité (EN: toughness) et constitue une grandeur
caractéristique du matériau (qu’il faut mesurer, il est très difficile de prédire sa valeur). La
figure 6.12 illustre les valeurs typiques de la ténacité pour différentes classes de matériaux.
On remarque que la ténacité augmente en général avec le module élastique E, sauf pour les
matériaux très fragiles.
Si on revient à l’exemple des différentes qualités de finition de verre (section 6.1.4), bien que
la résistance à la rupture σR varie énormément en fonction de la taille typique des microfissures
de Griffith, la valeur de KIc qui fait propager
√ la microfissure critique est la même pour√ tous les
types de verres, et sa valeur de 0.7 M P a m correspond à la valeur constante de σR c mesurée
par Griffith. La ténacité est donc un bien meilleur candidat comme propriété fondamentale
du matériau verre, et c’est le cas pour la plupart des matériaux fragiles.
On remarque que si le chargement d’un objet est défini en termes de forces, la valeur du fac-
teur d’intensité de contraintes KI depend uniquement de la géométrie et du chargement (struc-
ture) et pas du module élastique. En revanche les champs de déformation et de déplacement
associés dépendent du module élastique. Nous proposons de les évaluer maintenant.
ou E ′ est le module effectif.8 Encore une fois la dépendance radiale est séparée et de nature
scalaire, alors que la partie vectorielle est constituée des trois fonctions universelles gi de l’angle
θ.
Le champ de déplacement sur les deux lèvres de la fissure est un cas particulier important,
qu’on peut obtenir en posant r = X, θ = ±π. Dans le cas du mode ouvrant, le champ de
déplacement est essentiellement constitué de la composante uy normale à la fissure et, con-
sidérant que gy (θ = ±π) = ±8, on a que:
( )1/2
KI 8X
uy (X) = ± ′ ux (X) = uz (X) = 0 (6.16)
E π
y ,Y
uy
+ r
X _
x
uy
KI2
ρ∼ (6.18)
E2
En considérant les unités de mesure de KI et E, on constate que le rayon de courbure ρ à
la pointe d’une fissure (initialement fine) constitue une échelle de longueur caractéristique
associée à la LEFM, qui combine une grandeur indiquant l’intensité du chargement (KI ) et et
une grandeur indiquant la réponse du matériau (E). En considérant le critère de propagation
de la fissure en eq. (6.12), on peut aussi remarquer que le rayon de courbure maximal
au point de propagation constitue une longueur physique intrinsèque du matériau (qui
combine uniquement deux propriétés du matériau KIc et E):
2
KIc
ρmax ∼ (6.19)
E2
On remarque qu’à des distances r < ρ de la pointe, les déformations ne sont pas si petites.
En comparant les équations (6.13) et (6.19), on constate qu’à une distance r = ρ de la pointe, la
déformation dépasse la valeur ε = 1 (c’est à dire 100%), qui est la valeur caractéristique d’une
transition vers les grandes déformations pour r < ρ, où la déformation tend vers l’infini.
On peut visualiser cette transition aussi en s’intéressant aux conséquences du passage d’une
configuration au repos pour laquelle la pointe infiniment fine vers une configuration chargée avec
une pointe de forme parabolique de rayon de courbure ρ. Une simple considération géométrique
nous montre qu’à l’échelle de ρ le déplacement normal devient d’ordre ρ et la déformation
moyenne est donc:
duy ρ
ε∼ ∼ ∼1
dx ρ
on peut aussi constater que la forme apparemment douce de la parabole exprime directement
la singularité de déformation à la pointe par sa condition de tangente infinie à l’origine. On
voit ici une apparente contradiction de la théorie LEFM, qui prédit des déformations
infinies à partir d’un formalisme d’élasticité linéaire en petite déformation. L’échelle du rayon
de courbure ρ détermine donc la limite intrinsèque de validité de la solution de Irwin, c’est à
dire de la théorie LEFM elle même.
Ceci dit, pour les matériaux rigides et fragiles qui sont traditionnellement l’objet d’étude
de la LEFM, le rayon de courbure maximal ρmax est souvent de taille moléculaire ∼ Å (0.1
nm), ce qui constitue aussi la limite de validité de l’approche MMC (Mécanique des Milieux
Continus). Dans les faits la LEFM décrit des échelles généralement plus grandes que ρ, ce qui
permet à la fois de préserver la MMC et la LEFM. En revanche en ce qui concerne les matériaux
mous (E < 10 MPa, comme élastomères et hydrogels) cette zone de grande déformation en
proximité de la pointe domine et nécessite un formalisme de grandes déformations qui sort du
cadre de ce cours.
On conclut cette section sur l’approche en contrainte en analysant la compatibilité physi-
que de la singularité de la LEFM. Cette solution √ implique à la fois un champ de contrainte et
de déformation qui √ divergent à l’origine en 1/ r. Le champ de déplacement associé présente
une dépendance en r qui reste donc limitée et finit par s’annuler à la pointe, ce qui préserve
la compatibilité des déformations du milieu. La densité volumique d’énergie élastique associée
à cette solution diverge aussi à la pointe selon Uel (r) ∼ σε ∼ 1/r, mais ça reste une singularité
integrable (en coordonnées polaires), ce qui permet à l’énergie élastique totale de rester finie en
6.2. THÉORIE DE LA RUPTURE ÉLASTIQUE LINÉAIRE (LEFM) 107
proximité de valeur de la pointe de fissure, et en tout cas dans la region de dominance de taille
RK de la singularité de contrainte (c.f. figure 6.11, t étant l’épaisseur de l’objet en dimension
transverse):
∫ ∫ 2π ∫ t ∫ R
KI KI KI2
Uel = σεdV = dθ dz 1/2 Er 1/2
rdr ∼ 2πt · RK (6.20)
V 0 0 0 r E
108 CHAPTER 6. RUPTURE
dUtot dUel dW
= − + 2γ = 0
dA dA dA
Griffith propose donc d’évaluer le chargement efficace par le taux de restitution de
l’énergie (EN: strain energy release rate):
dUel dW dUp
G=− + =− (6.21)
dA dA dA
9
On remarque qu’à partir de l’interprétation du module d’Young comme énergie interne de liaison par unité
de volume, l’ordre de grandeur l’énergie de surface d’un solide peut être estimé comme:
γ ∼ Ea0
c’est à dire l’énergie enthalpique par unité de surface contenue en une monocouche d’atomes.
6.2. THÉORIE DE LA RUPTURE ÉLASTIQUE LINÉAIRE (LEFM) 109
Pour une fissure dans une plaque d’épaisseur t et avec un front de rupture droit comme en
figure 6.11, on peut écrire dA = t · dc. L’expression du taux de restitution d’énergie peut être
donc relié directement aux variations de la longueur de fissure c:
1 dUel 1 dW
G=− + (6.22)
t dc t dc
La condition d’équilibre d’une fissure sera donc donnée par:
G = 2γ (6.23)
On remarque que G est la quantité d’énergie mécanique fournie par l’ensemble échantillon
(via son énergie élastique) plus système de chargement (via le travail) si la surface de fissure
subissait un incrément dA. La conservation de l’énergie implique donc que la fissure peut
propager (dc > 0) uniquement si:
G ≥ Gc = 2γ (6.24)
ce qui devient le critère de propagation dans l’approche énergétique. On appelle Gc l’énergie
de rupture du matériau [J/m2 ], terme qui restera valable dans le cas non reversible, malgré le
symbole sera changé en Γ. On remarque aussi que dans le cadre réversible théorisé par Griffith,
la fissure pourrait également reculer (dc < 0) si G ≤ Gc . On parle alors de guérison. Si
G < Gc la refermeture est énergétiquement avantageuse et s’accompagne donc d’une action
mécanique de travail sur les lèvres de la fissure, qui donne lieu à une augmentation de l’énergie
mécanique de l’échantillon.
Stabilité de la propagation
Il est important de remarquer que le critère de propagation G = Gc peut être atteint sans
nécessairement conduire à la rupture de l’échantillon. Pour déterminer cela il faut considérer
une analyse de stabilité, en calculant les dérivées secondes de l’énergie totale par rapport à
l’aire de fissure:
>0 dG
<0 Propagation stable
dA
d2 Utot d2 Uel d2 W dG
= − = − <0 dG
>0 Propagation instable (6.25)
dA2 dA2 dA2 dA
dA
dG
=0 dA
=0 Propagation indifferente
10
La validité de cette affirmation est limitée aux hypothèses de propagation reversible, pour lesquelles Gc
prend une valeur unique dépendant du matériau, mais n’affectant pas la stabilité. Dans la cas d’une propagation
dissipative générale (évoqué dans le séminaire d’extensions de la LEFM en section 6.3), l’énergie de rupture
prendra la forme Γ(v) dépendant de la vitesse de propagation, et la nature de cette propriété du matériau
pourra affecter autrement la stabilité de la propagation.
110 CHAPTER 6. RUPTURE
6.2.3 Equivalence K et G
Pour démontrer l’équivalence entre les approches en contrainte et énergie, nous al-
lons calculer le taux de restitution de l’énergie associé à la propagation d’une fissure caractérisée
par un champ de contrainte de Irwin avec facteur d’intensité de contrainte KI constant.
On dénomme σ(c, r, θ) et ⃗u(c, r, θ) les champs de contrainte et de déplacement prévus par
Irwin en proximité d’une pointe de fissure centrée en c comme en figure 6.14 (c.f. eqs. 6.11 et
6.15). Bien que ces champs restent constants dans le repère de la pointe de fissure c, l’avancée
de la fissure libère progressivement d’énergie élastique, que l’on va estimer grâce à un bilan
entre deux étapes de propagation 1 et 2, séparées par une avancée δc de la pointe de fissure.
On pourra ainsi évaluer le taux de restitution de l’énergie selon l’équation:
δUel
G=−
t · δc
Comme le seul changement dans le système est l’ouverture d’une portion ultérieure δc de
fissure, on utilise l’artifice suivant pour évaluer la différence d’énergie élastique entre les deux
configurations. On imagine d’abord que l’on coupe artificiellement les liaisons moléculaires dans
la portion δc,11 qui devient ainsi une surface extérieure. On applique sur cette même la portion
de surface δc un champ de contrainte extérieur identique au champ de contrainte interne qui
existait avant la découpe (c’est à dire une traction entre les lèvres avec amplitude σyy (c, r, θ)).
La fissure restera ainsi fermée dans la portion δc comme dans la configuration 1. Si maintenant
on diminue linéairement ce champ extérieur jusqu’à l’annuler, le système se retrouvera dans sa
deuxième configuration d’équilibre en 2 (pas de contrainte sur les lèvres).
1 2
yy(c) yy(c+ c)
uy(c) uy(c+ c)
c c+ c x
La différence d’énergie élastique entre l’état 2 et l’état 1 sera donc égale au travail effectué
par les forces extérieures sur la portion δc des lèvres de fissure changé de signe: il faut donc
intégrer sur la portion δc le travail fait par le champ de contrainte correspondant à l’état 1 sur
le champ de déplacement correspondant à l’état 2 (voir zone bleue dans la figure 6.14). Pour
chaque élément dx de l’intégrale, en vertu de la nature linéaire du chargement, le travail sera
la moitié du produit entre les valeurs de contrainte et de déplacement pertinentes. Le tout doit
être multiplié fois deux pour tenir compte de l’autre moitié du corps symétrique par rapport
au plan de fissure: ∫ c+δc
1
δUel ∼ −2 σyy (c, x)uy (c + δc, x) · t · dx =
c 2
∫ c+δc
= −t σyy (c, r = x − c, θ = 0)uy (c + δc, r = c + δc − x, θ = +π)dx =
c
11
Ce qui d’ailleurs aurait le coût énergétique 2γ · t · δc
6.2. THÉORIE DE LA RUPTURE ÉLASTIQUE LINÉAIRE (LEFM) 111
∫ √ ∫ √
c+δc
KI KI 8(c + δc − x) KI2 2 δc δc − z
= −t √ · dx = −t · ′ dz =
c 2π(x − c) E ′ π E π 0 z
( ) ( )
KI2 2 KI2 2 ( π ) K2
− t· ′ I =− t· ′ · δc = − I′ · t · δc
E π E π 2 E
Où l’intégrale I était calculée par les quatres changements de variable suivants:
δc √
z =x−c u= −1 t= u t = tan ϕ
z
∫ √ ∫ √ ∫ ∞ ∫
δc
δc − z 0
u t2 π/2
π
I= dz = −δc du = 2δc dt = 2δc sin2 ϕdϕ = δc
0 z ∞ (u + 1)2 0 (t2 + 1)2 0 2
δUel K2
G=−
= I′
t · δc E
On en retient la relation d’équivalence entre le taux de restitution de l’énergie G et
le facteur d’intensité des contraintes KI en mode I (ouvrant):
KI2 √
G= KI = E ′G (6.26)
E′
Cette relation montre que la relation entre KI et G est bijection monotone. Il s’en suit
naturellement que les deux critères de propagation sont aussi équivalents, ainsi que les
grandeurs de ténacité et énergie de rupture:
2
KIc √
G ≥ Gc = KI ≥ KIc = E ′ Gc (6.27)
E′
Il en est de même pour les critères de stabilité (puisque KI ≥ 0 pour une fissure en mode
ouvrant):
dG dKI dKI
= 2KI ≥0 ⇔ ≥ 0 Propagation instable
dA dA dA
Il est important de retenir que KI et G sont des variables liées à la structure de l’échantillon
(géométrie + chargement) alors que Gc et KIc sont des constantes caractéristiques du matériau.
Grace à la relation d’équivalence, on peut reéxprimer les longueurs physiques reliées au
rayon de courbure du profil d’ouverture en termes de G et Gc :
KI2 G 2
KIc Gc
ρ= ′2
= ′
≤ ρ max = ′2
= ′ (6.28)
E E E E
112 CHAPTER 6. RUPTURE
U
Usurf
Utot
c
cG
Uel
Figure 6.15: Gauche: le microdéfaut imaginé par Griffith est une fissure de longueur 2c, traver-
sante l’épaisseur t de l’échantillon et disposée perpendiculairment à la contrainte uniaxiale σ∞ .
Droite: représentation du bilan énergétique de la position d’équilibre instable.
Pour calculer le taux de restitution de l’énergie il nous faut estimer les variations d’énergie
élastique ainsi que le travail des forces extérieures si on augmentait de taille de la fissure.
En l’absence de la fissure, les champs de contrainte et de déformation sont uniformes:
σ∞ σ2
σ = σ∞ = Eε∞ ε = ε∞ = Uel ∼ σ · ε ∼ ∞ ∼ Eε∞
E E
La presence de la fissure a pour effet de rendre nulle la contrainte et la déformation sur
les lèvres de fissure et de relaxer ainsi localement l’énergie élastique13 . Suivant le principe de
Saint Venant, on peut considérer que cela affecte une zone circulaire (cylindrique) de diamètre
2c autour de la fissure. La première conséquence est que l’effet de la présence de la fissure reste
très local, et que les déplacements à une grande distance de la fissure sont nuls. En particulier
les déplacements aux points d’application du champ de contrainte extérieur sont nuls. Dans
ces conditions le travail des forces extérieures est également nul. La deuxième conséquence est
que la diminution d’énergie élastique dépend de la longueur de fissure au carré:
2
σ∞ πtc2 σ∞2
W =0 ∆Uel ∼ −Uel V ∼ − · t · πc2 = − = −πtc2 Eε2∞
E E
Bien que le raisonnement soir effectué en loi d’échelle, on remarque qu’on tombe sur le
résultat exact à condition d’utiliser le module effectif E ′ pour décrire un état 2D de déformation
plane ou de contrainte plane. Il s’agit d’une astuce pédagogique pour retrouver le résultat exact
facilement.
Comme l’aire de fissure vaut ∆A = 2tc, le taux de restitution de l’énergie vaut:
2
∂Uel ∂W 1 ∂∆Uel πσ∞ c
G =− + =− = ′
(6.29)
∂A ∂A 2t ∂c E
12
On peut le voir comme la version très fine de la cavité elliptique de Inglis avec b → 0.
13
Plus précisément c’est la contrainte normale qui s’annule σ⃗n = 0, mais dans le cas spécifique, l’orientation
de la fissure perpendiculairement à la direction de traction revient à annuler la totalité de la contrainte.
6.2. THÉORIE DE LA RUPTURE ÉLASTIQUE LINÉAIRE (LEFM) 113
2γE ′ 2
1 KIc √
cG = 2
= 2
KIc = σ∞ πcG (6.32)
πσ∞ π σ∞
√
On obtient ici la confirmation que la grandeur constante σR c constatée par Griffith (c.f.
section 6.1.4) dans sa série de mesures de résistance à la rupture d’échantillons en verre avec
défauts modèles était bien la ténacité du verre.
L’estimation en loi d’échelle reste valable pour tout type de petite fissure dans un solide,
conduisant à la même longueur physique de Griffith. En conséquence le facteur d’intensité de
contrainte s’exprimera en forme: √
KI = ψσ∞ c
√
où le préfacteur ψ peut être obtenu par des études exactes.√Le préfacteur vaut ψ = π pour
le crack de Griffith (EN: slit like crack), il vaut ψ = 1.122√ π pour une fissure de longueur c
sur un bord d’échantillon (EN: edge crack), il vaut ψ = 2/ π pour une fissure circulaire (EN:
penny shape crack) dans un plan perpendiculaire à la contrainte.
114 CHAPTER 6. RUPTURE
F
h
Utot Usurf
c
Uel c
c eq
Figure 6.16: Gauche: Clivage d’une couche élastique fine collée sur un substrat rigide. Droite:
représentation du bilan énergétique de la position d’équilibre stable ceq .
En vertu de l’hypothèse h ≪ ceq , nous pouvons traiter la couche (élancée) comme une poutre
en flexion. En supposant une longueur de décollement (fissure) c, et en approchant le profil de
flexion de la poutre par un arc de cercle de rayon R, on peut calculer l’énergie élastique de la
partie décollée en fonction du déplacement imposé δ:
( )2
δ Ebh3 2 1 d2 y δ
Uel ∼ Ebh 3
c∼ δ ∼ 2 ∼ 2
c2 c3 R dx c
Par ailleurs le travail des forces extérieur est nul parce que le point d’application de la force
ne bouge pas:
W =0
Le taux de restitution de l’énergie vaut donc:
dUel Eh3 δ 2
G =− ∼
b · dc c4
où la longueur physique LEAF représente la compétition entre adhésion et flexion, rencontrée souvent dans le
tutorats et dans le TP sur la formation des cloques.
6.2. THÉORIE DE LA RUPTURE ÉLASTIQUE LINÉAIRE (LEFM) 115
dG 1 dG Eh3 δ 2
= =− 5 <0
dA b dc c
Donc dans cette configuration le propagation de fissure est toujours stable et la fissure va
s’arrêter à la longueur ceq . Dans l’hypothèse où la réversibilité de la propagation s’applique, la
stabilité implique que si on décolle un peut plus que ceq , le film va se recoller jusqu’à revenir à
ceq .
Pour mieux comprendre la nature stable de la propagation de ces petits défauts il convient
représenter graphiquement en figure 6.16 (à droite) les différents termes du bilan énergétique:
Ebh3 2
∆Uel ∼ δ ∆Usurf = Gc bc
c3
A la différence du crack de Griffith, l’énergie élastique est positive et diverge (en 1/c3 ) pour
des courtes fissures. De son côté le coût d’énergie de surface reste linéaire en c et devient donc
dominant pour des longues fissures. La position d’équilibre ceq est donc systématiquement un
minimum de l’énergie total, et correspond donc à une position stable pour la longueur de fissure.
Si on avance le rabot d’une distance X, une nouvelle portion du film de décollera pour rétablir
une longueur de fissure ceq .
116 CHAPTER 6. RUPTURE
F,u
F,u
Figure 6.17: Situation schématique d’un échantillon de test fissuré, monté sur une machine de
charge par le biais de deux points d’application de la force.
Pour un matériau fragile, tant que la fissure ne propage pas (G < Gc ) la structure aura une
réponse élastique avec une rigidité k(c) qui est fonction décroissante de la longueur de fissure
c. Pour le calculs qui suivent il convient d’exprimer plutôt la complaisance J(c) = 1/k(c) qui
est une fonction croissante de la longueur de fissure c:
c↑ k(c) ↓ J(c) ↑
L’énergie élastique peut être ainsi exprimée en termes des paramètres de chargement comme:
∫ u
1 1 1 u2
Uel = F · du′ = F · u = J · F 2 =
0 2 2 2J
Situation 1. Pour un chargement à force F imposée:
1 1
dUel = F 2 dJ dW = F du = F 2 dJ dUp = dUel − dW = − F 2 dJ
2 2
Le taux de restitution de l’énergie à force imposée GF vaut donc:
∂Up 1 ∂Up 1 2 dJ dJ
GF (c) = − =− = F (c) > 0 étant toujours (c) > 0 (6.33)
∂A F t ∂c F 2t dc dc
dGF 1 ∂ 2 Up 1 2 d2 J d2 J
(c) = − 2 = F (c) > 0 si (c) > 0 (6.34)
dA t ∂c2 F 2t2 dc2 dc2
c’est à dire que la condition de stabilité depend du signe positif de la dérivée seconde de la
fonction de complaisance J(c).
6.2. THÉORIE DE LA RUPTURE ÉLASTIQUE LINÉAIRE (LEFM) 117
1 u2
dUel = − dJ dW = 0 dUp = dUel
2 J2
Le taux de restitution de l’énergie à déplacement imposé Gu :
∂Up 1 ∂Up 1 u2 dJ 1 2 dJ
Gu (c) = − =− = (c) = F (c) = GF (c) (6.35)
∂A u t ∂c u 2t J 2 dc 2t dc
On remarque que les valeurs de G à force et à déplacement imposés sont identiques une fois
exprimés en fonction des mêmes variables. Il y a donc une seule fonction G(c). Pour la stabilité
la situation est plus complexe:
( )
dGu 1 ∂ 2 Up 1 u2 dJ u2 d2 J d2 J 2 dJ
(c) = − 2 = 2 −2 3 (c) + 2 2 (c) > 0 si (c) > (c) > 0
dA t ∂c2 u 2t J dc J dc dc 2 J dc
Quand le calcul analylitique de J(c) n’est pas simple, on procède à une estimation de la
fonction de complaisance J(c) soit par une simulation numérique aux éléments finis, ou alors
par une mesure expérimentale de la complaisance pour des échantillons avec des fissures de
longueurs différentes (EN: compliance calibration).
118 CHAPTER 6. RUPTURE
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