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Sur Les Traces Des Pratiques Et de Savoir Faire Eco-Responsables

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4
Sur les traces des pratiques et de
savoir-faire éco-responsables
Architecture et Urbanisme traditionnels au Maroc

5
Sa Majesté
le Roi Mohammed VI
,
que Dieu L assiste, plantant,
un arbre lors de la visite des
chantiers de la ville verte
Mohammed VI
Benguerir, novembre 2012

6
Mesdames et Messieurs,

« Le monde et nos régions, en particulier , font face à des défis environnementaux


,
sans précédent. Il s agit non seulement de défis climatiques, mais aussi, et surtout
,
de défis en matière de développement. Or, l Afrique a son mot à dire dans ce débat
mondial…
,
Il appartient au monde d inventer les modes de développement permettant à nos
,
populations d accéder à un mieux-être tout en préservant les conditions de sa
durabilité. Nous devons, tous, œuvrer dans ce sens et écouter les créatifs, les jeunes,
ceux qui innovent et qui préparent notre monde de demain.
, ,
Il est de la responsabilité des États de porter des visions d avenir et d agir pour les
mettre en œuvre, à travers de grandes mesures et des chantiers structurants.
Cependant, les politiques publiques, aussi ambitieuses soient-elles, demeurent
fragiles si elles ne sont pas appropriées par les populations et les sociétés civiles.
,
C est cela même le sens du développement durable. Pour être pérenne, solide et
riche, le développement doit être porté par une vision partagée par tous les acteurs
, ,
d une société, où chacun décide et choisit de l incarner à sa manière.
,
C est en cela que la société civile, les femmes, les jeunes, les entrepreneurs et tous
les autres groupes de nos sociétés sont importants et doivent être associés dans ces
,
moments d échange et de débats. »

Message de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu


L’assiste, adressé aux participants au Forum Crans Montana
(FCM), sous le thème « l’Afrique et la coopération Sud-Sud : Une
meilleure gouvernance pour un développement économique et
social durable » .

Dakhla , du 17 au 22 mars 2016

7
Table des matières
PRÉFACE 11
AVANT PROPOS 12
PARTIE I : UN MODÈLE D’URBANISME SÉCULAIRE 15
1- Les médinas 17
• Un urbanisme durable séculaire
• Un modèle d’intégration à l’écoute du site
• Une organisation spatiale compacte
• Une forme urbaine et une organisation spatiale hiérarchisées
• Une conception adaptée aux conditions climatiques
• Une répartition fonctionnelle équilibrée
2- Les ksours 33
• Un modèle d’implantation intégré au site
• Une composition spatiale en faveur du confort climatique
• Une organisation spatiale au service de l’habitant
• Une économie douce et durable
• Une intégration au contexte

PARTIE II : L’ARCHITECTURE TRADITIONNELLE : DU BON SENS AU


BIOCLIMATIQUE 49
• Une architecture prônant l’efficacité thermique
• Des caractéristiques techniques : Ensoleillement, aération, confort
thermique
• Une fonctionnalité intégrant agrément et confort thermique
• Une conception architecturale respectant les données du site
• La kasbah, un symbole pratique
• Des matériaux relevant le pari climatique, paysager et économique

8
PARTIE III : PRATIQUES ÉCORESPONSABLES DE GESTION DES
RESSOURCES NATURELLES 81
1- De la gestion et de la distribution de l’eau 83
• Exemple des médinas
• Exemple des Oasis
• Les techniques traditionnelles d’approvisionnement en eau
• Les propulsions et les presses hydrauliques traditionnelles
• Gestion communautaire des ressources en eau

2- L’élément végétal 100


• Ville verte, pas si nouveau : la verdure dans les médinas
• Agriculture urbaine, une pratique séculaire
• Espaces verts, lieux d’agrément et de villégiature
• La protection de l’environnement, une option vitale

PARTIE IV : PRATIQUES CONCRÈTES ÉCORESPONSABLES 111


L’architecture au service des habitants et de la vie en collectivité :
• Les greniers collectifs
• Les ruchers collectifs
• Le vivre ensemble, une ancienne version du nouveau concept de la
« solidarité »
117
PARTIE V : PERSPECTIVES
• En guise d’orientations
• Retour de l’expérience : Quand le savoir-faire traditionnel devient source
d’inspiration pour éco-construire

9
Douar Ain Barda
Source : A.U de Taza

10
PRÉFACE
La réflexion actuelle sur le développement durable que connait la planète, l’architecture et l’urbanisme,
remet l’architecture et l’urbanisme au cœur de et au delà de leurs rôles traditionnels de la maîtrise de
considérations nouvelles. La conception revêt, par la forme et de la fonction, sont plus que jamais dans
la force des choses, une autre profondeur. Elle ne se le devoir de prendre en compte la dimension de la
limite plus, désormais, à la réalisation du projet en ce durabilité aussi bien au niveau de l’aménagement que
sens que le souci n’est plus de se rassurer que l’édifice de la construction..
réalisé tiendra debout et durera dans le temps, mais En marquant un arrêt sur les bonnes pratiques
de savoir comment en faire dès la première brique révélées dans notre riche héritage architectural et
posée et durant son usage autant qu’il dure, un objet urbain, le présent ouvrage se veut une modeste
vivable et à moindre coût environnemental. C’est contribution pour enrichir les débats engagés à
pour ce, que la consommation d’énergie, l’empreinte l’occasion de l’organisation de la COP 22 à Marrakech.
Carbone, l’efficacité énergétique sont devenues des Il se démarque par son choix pris de traiter les multiples
protagonistes incontournables de la conception facettes d’un établissement humain (urbanisme,
architecturale. architecture et gestion communautaire) nécessaires
Cette dimension de la durabilité n’est pas étrangère pour le bon fonctionnement de ces établissements
aux Marocains qui, des siècles durant, ont su vivre et pour leur harmonie avec leur environnement. Il
en symbiose avec leur environnement ; l’architecture n’approche pas l’architecture et l’urbanisme dans leur
et l’urbanisme traditionnels marocains portaient expression plastique ou formelle, mais s’intéresse
en eux les ingrédients d’une posture de bon sens, à leurs apports et réponses aux questions liées à la
écoresponsable, selon les termes d’aujourd’hui. durabilité.
Répondant aussi bien à des besoins transcendantaux L’ouvrage ne prétend pas l’exhaustivité, ne prêche
que fonctionnels, l’architecture et l’urbanisme ont pas un mimétisme hors contexte, comme il se garde
su s’adapter à leur contexte pour un confort optimal de toute tendance nostalgique ou passéiste. Loin
des habitants et des usagers tout en préservant les s’en faut, il nous invite, chacun selon sa position, à
ressources naturelles. tirer les enseignements d’un savoir-faire, empreint
Si aujourd’hui, le Maroc jouit d’atouts inestimables, d’ingéniosité et de bonnes pratiques dans l’espoir de
c’est justement grâce au génie des générations le faire évoluer et de s’en inspirer pour faire face aux
précédentes qui ont sagement relevé l’enjeu de nouveaux défis du développement durable sur les
l’équilibre fragile : habiter, survire et préserver plans architectural et urbain.
le milieu de vie au travers une approche savante
d’adaptation et du respect du milieu et des ressources
naturelles.
Ces modes de faire, soumis à l’oubli, trouvent
aujourd’hui une résonance nouvelle, face au
retournement des échelles de valeurs qui sous- Khaddouj GUENOU
tendaient la fabrication urbaine et la conception Présidente de la
architecturale ces dernières décennies. Fédération des Agences Urbaines du Maroc
Face à tous les dysfonctionnements environnementaux (MAJAL)

11
AVANT PROPOS
Architecture bioclimatique, urbanisme durable, soleil et procurer de l’ombre aux passants ;
résilience des territoires….autant de concepts et de • Ruelles non rectilignes pour, s’adapter à la
thèmes qui sont mis en avant aujourd’hui dans les topographie, freiner l’effet du vent… ;
pratiques architecturales et urbaines avec comme • Systèmes de régulation thermique passif :
objectif de sensibiliser et de susciter la réflexion sur le ventilation naturelle à travers le patio, les
développement territorial durable. murs épais, les fenêtres étroites, les matériaux
En effet, les dangers encourus par notre planète et naturels, le principe de nomadisme saisonnier
par conséquent par ses habitants rendent impératif au sein de la maison… ;
une remise en question des modes de vie actuelle. • Gestion responsable des sites vitaux :
Ceci passe, entre autres, par le développement préservation des terres à valeur agricole,
d’une architecture et d’un urbanisme écoresponsables ; compacité des constructions, évitement des
fonctionnels, confortables, économes en énergie et zones à risques ;
respectueux de l’environnement. • Gestion économe de l’eau : systèmes ingénieux
d’alimentation en eau potable, d’assainissement,
Ces aspects ont été intuitivement pris en compte par d’irrigation…adaptés au relief, aux activités
le passé. L’architecture et l’urbanisme traditionnels humaines et à la disponibilité de l’eau…etc.
typiques de chaque région du Maroc sont la
manifestation d’un savoir-faire séculaire empreint Autant de domaines et de pratiques ayant contribué
de bonnes pratiques transmises et améliorées de à la consécration d’un modèle de développement
génération en génération. Formes architecturales et écoresponsable.
urbaines, matériaux, systèmes constructifs, modes de
gestion des territoires...ont été dictés par les données Ces exemples sont une démonstration de bonnes
du site ; les ressources localement disponibles, pratiques adoptées, en symbiose avec l’environnement,
le microclimat, le relief et la culture locale. Ces le contexte local et les besoins sociaux. Il convient
pratiques faisaient écho à des préoccupations aujourd’hui d’en méditer les enseignements tirés, de les
intuitives : intégration, adaptation, efficacité, confort, prolonger et de les adapter au contexte actuel.
fonctionnalité, gestion des risques naturels... Pour mesurer l’intérêt de ces bonnes pratiques, encore,
Les exemples à ce sujet sont nombreux. Ils s’observent faudrait-il s’y approcher et en explorer les différentes
à différentes échelles (territoriale, urbaine et facettes.
architecturale) et dans différents milieux (rural, urbain,
plaine, montagne…) et touchent différents aspects des
établissements humains (architecture, matériaux et OBJECTIFS DE L’OUVRAGE
techniques de construction, paysage, gestion de l’eau Le projet de cet ouvrage est de consigner en un
et des sites vitaux…) : seul document les bonnes pratiques et savoir-faire
• Rues étroites et hautes pour se protéger du traditionnels en architecture et en urbanisme en vue

12
de les capitaliser pour s’en inspirer. Le propos n’est S’OUVRIR SUR LE FUTUR : Sans rester fermé
pas de reproduire les anciens modèles, mais de les dans des pratiques qui, certes, étaient en phase
invoquer, car sans aucun doute ces bonnes pratiques avec la société qui les a produites, l’ouvrage se
ont beaucoup à nous apprendre en matière de veut une passerelle entre le passé et le présent
développement urbain soutenable. Ainsi, la finalité de pour une ouverture engagée et réussie vers
travail s’articule autour de trois objectifs principaux : le futur. Encore, faudrait-il inciter à ce que la
génération d’aujourd’hui apporte sa propre
CAPITALISER : Sans prétendre l’exhaustivité, le pierre à l’édifice ingénieux et séculaire de
livre revient sur les principaux traits saillants des l’architecture et l’urbanisme marocains, témoins
bonnes pratiques en architecture et en urbanisme d’une grande civilisation et d’un art subtile et
à travers les établissements humains à l’échelle sage d’habiter et d’occuper le territoire.
nationale afin de rendre compte de leur diversité
et richesse par type (médina, Ksours, douars) et DÉMARCHE L’OUVRAGE
par région géographique et climatique (climat Le présent ouvrage, réalisé à l’initiative de la fédération
rude, tempéré, montagne, oasis, plaine…), de des Agences Urbaines du Maroc, est le fruit d’une
montrer l’ingéniosité et le savoir faire marocain démarche laborieuse basée sur une revue analytique
pour s’adapter aux conditions climatiques de données bibliographiques et iconographiques
et géographiques et leur acclimatation aux disponibles et sur la prospection du terrain.
contextes, et ce dans l’objectif de subvenir à
leurs besoins tout en respectant et préservant les Il a surtout bénéficié de l’appui des Agences Urbaines
ressources naturelles. dont la contribution considérable a permis de faire
remonter de précieuses données qui ont alimenté et
SENSIBILISER : c’est une invitation aux hommes facilité l’élaboration de cet ouvrage.
de l’art, aux professionnels et aux décideurs de
questionner les méthodes de faire actuelles en
architecture et en urbanisme, et faire en sorte
que l’Homme et son environnement soient au
cœur de tout acte de bâtir et d’aménager. Les
pratiques traditionnelles en la matière nous
enseignent comment être à l’écoute du site,
garantir l’efficience des établissements humains
par la compacité du bâti, la bonne répartition des
fonctions urbaines, l’adaptation aux conditions
climatiques, la gestion économe des ressources,
la prévention des risques…

13
14
PARTIE I :
UN MODÈLE D’URBANISME SÉCULAIRE
Au Maroc, les hommes ont conçu leur espace de vie aussi
bien en milieu urbain que rural, sous forme de médinas,
ksour, Ighrems, d’chars et douars. Ces établissements ont été
implantés dans le respect de l’environnement et adaptés aux
conditions du site et aux modes de vie de leurs occupants.

Médina de Chefchaouen
Source : A.U de Tétouan

15
16
1 - LES MÉDINAS

Médina de Chefchaouen
Source : Agence urbaine de Tétouan

17
UN URBANISME DURABLE
SÉCULAIRE

L’essentiel de l’architecture urbaine au Maroc se


concentre dans les médinas dont le nombre s’élève
à 33. Toujours habitées, elles sont réparties de
manière équilibrée sur l’ensemble du territoire
national.

La médina, en tant que prototype par excellence


de tissu urbain de la ville marocaine, présente un
urbanisme séculaire qui porte en lui les concepts
actuels de la ville durable : tissu compacte, ville
piétonne, densité optimale, adaptation au site et au
relief, faible impact environnemental, adaptabilité Fès
de l’architecture, des systèmes constructifs et Source : Panoramio
de l’urbanisme au contexte et aux conditions
climatiques et gestion ingénieuse des espaces et
des services partagés.
Elle inclue savamment toutes les fonctions
nécessaires pour une vie sociale équilibrée ;
habitat, équipements collectifs, services, activités
et espaces de circulation. Médina deTétouan.
Source : Hakim Chekaoui Dekkaki

18
Médina de Rabat et Les Oudayas Médina d’Azzemour
Source : Mohamed El Malti

La médina forme un ensemble cohérent,


particulièrement hiérarchisé autour d’un noyau où se
concentrent les établissements religieux avec leurs
places contigües aux quartiers destinés au commerce
et à l’artisanat. Viennent ensuite, les quartiers
résidentiels, puis, entre ceux-ci et la muraille, les
zones aménagées en espaces verts. Les ruelles étroites
et sinueuses convergent vers d’autres voies, plus
importantes qui, elles-mêmes mènent vers les portes
d’accès à la médina.
La forme urbaine compacte et l’étroitesse des rues
procurent confort extérieur : ombre et facilité de Médina d’Essaouira
déplacements. A ce titre, Fès El Bali, la plus grande zone
contiguë sans voitures dans le monde est desservie par culturel et social a pu se forger une identité qui lui est
10.000 rues étroites, entièrement piétonne, elle peut caractéristique, l’on a ainsi une diversité dans l’unité :
être traversée de part en part facilement à pied autant d’identités architecturales et urbaines que de
Malgré leur unité, chacune des médinas marocaines, médinas : Chefchaouen, Fès, Tétouan, Marrakech, Salé,
et en interaction avec son contexte géographique, Meknès, Rabat, Essaouira, Azzemour, El Jadida…

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UN MODÈLE D’INTÉGRATION À L’ÉCOUTE DU SITE
Le choix de l’implantation d’une médina obéissait à plusieurs facteurs ; historiques, économiques, militaires et
politiques ainsi que la proximité des ressources en eau. Mais, une fois le site choisis et les limites urbaines définies,
son développement s’opère dans le respect des éléments du site : l’implantation des constructions s’effectue en
fonction de la topographie, du sens des vents, de l’orientation, des cours d’eau...

Profil topographique de la médina de Sefrou


Quelque soit leur implantation
géographique, les médinas
s’intègrent parfaitement à
leur site d’accueil

Profil topographique de la médina de Taza

Plan et profil topographique


de la médina d’Assilah

20
La médina de Ksar El Kebir située sur un terrain plat
traversé par une ramification de l’Oued Loukkous
fut l’objet d’inondations répétitives dues aux fortes
pluies et aux crues dudit Oued. Les murs porteurs
des constructions lui ont permis de résister à ces
inondations.

Chefchaouen a réussi à épouser parfaitement


le terrain escarpé. La topographie permet une
évacuation fluide des eaux de pluie.

Rue dans la médina de Ksar El Kebir


Source : A.U de Larache

L’orientation nord-sud des rues de la médina de Ksar


El Kebir permettait d’assurer fraicheur pendant les
périodes de grande chaleur.

Rue en pente dans la médina de Chefchaouen


Source : A.U de Tétouan

21
UN MODÈLE D’INTÉGRATION À
L’ÉCOUTE DU SITE
La médina de Béni-Mellal se caractérise par son Malheureusement, d’autres ont été détournés de
sol présentant un nombre important de cavités leur rôle fonctionnel initial en étant transformés en
souterraines (kefs). Les habitants ont su s’adapter dépotoirs ou déversoirs des eaux usées domestiques
avec cette donne géologique en utilisant ces kefs et artisanales, ce qui déstabilise le sol et augmente
comme refuges, carrières, huileries, … Certains le risque d’effondrements des maisons et des voies
sont toujours en bon état et fonctionnent encore. carrossables.

Localisation des kefs au niveau de la médina


de Béni Mellal
Source : SDAU de Béni-Mellal

La croix sur la porte de la maison indique la


présence d’un Kef
Source : Fatima Jaafari.ENA de Rabat
22
UNE ORGANISATION SPATIALE
COMPACTE
Les médinas marocaines se caractérisent par leur forme
urbaine compacte : le tissu est dense et les bâtisses
sont contigües. La compacité donne lieu à une ville
homogène, centrée sur elle-même, non fragmentée et
économe du foncier .

La compacité conjuguée aux hauteurs peu élancées a


permis de produire des villes à l’échelle de l’Homme
où les équipements se situent à des distances
raisonnables et faciles à parcourir.

Fès, avec 300 ha, est la plus grande zone


contigüe sans voiture dans le monde. Elle peut
être parcourue de part en part à pied en moins
de 40 min.

Médina de Taza
Source : A.U Taza

23
UN MODÈLE DE CROISSANCE
URBAINE FAVORABLE À UN TISSU
RAMASSÉ
La compacité des médinas trouve en partie son Les nouveaux quartiers se réalisaient en continuité
explication dans le modèle de leur croissance et avec les tissus existants, ce qui permettait un usage
évolution urbaine. La croissance urbaine de la rationnel du sol et des équipements et empêchait
quasi-totalité des médinas s’opérait de manière l’éclatement des tissus urbains.
contigüe et par couronnes successives.

Haut : Evolution de la médina d’Oujda


Bas : Evolution de la médina de Sefrou
Haut : Evolution de la médina d’Oujda
Bas : Evolution de la médina de Sefrou

Source : Adaptées à partir de


cartes réalisées
par E.Aziz, K.Mounchih et M.Tita

24
Evolution de la médina de Boujaâd

Source : Adaptées à partir de cartes réalisées


par E.Aziz, K.Mounchih et M.Tita

25
Maquette analytique de la ville ancienne de Tétouan réalisée à
l’échelle 1/500 selon une hypothèse qui consiste à considérer la
structure formelle de la vieille ville de Tétouan comme un jeu de
parois emboitées suivant un ordre logique.

Cliché de la maquette analytique de la médina de Tétouan .


Réalisée par les étudiants de l’ Ecole Nationale
d’Architecture de Tétouan
sous l’encadrement de Hakim Cherkaoui Dekkaki et
Bertrand Terlinden.

26
UNE FORME URBAINE ET UNE
ORGANISATION SPATIALE
HIÉRARCHISÉES
Le tissu bâti des médinas est irrigué par une
arborescence d’artères d’apparence inextricable, mais
qui se révèle fortement hiérarchisées allant de de
l’impasse (unité de voisinage) à la rue commerçante
(quartier-ville).

Hiérarchisation des espaces publics


dans les tissus anciens Médina de Chefchaouen
Source : Touaa, cité par Miossec dans, Source : A.U de Tétouan
TROIN.J.F (dir.)

Le tracé et l’agencement des rues concilie


plusieurs considérations d’ordre sitologique,
fonctionnel (desserte, liaison entre les équipements
structurants…), culturel (voisinage, intimité…) et
social (prévenir les préjudices…).

Espaces publics dans la médina


de Béni Mellal

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UNE CONCEPTION ADAPTÉE AUX
CONDITIONS CLIMATIQUES

La prise en considération du confort climatique


dépasse l’unité d’habitat au tissu urbain. Les
maisons accolées les unes aux autres permettent de
les exposer le moins possible à l’ensoleillement ce
qui assure par la même occasion le réchauffement
de l’ensemble des bâtiments.
L’épaisseur des murs mitoyens permet de réduire
les ponts thermiques entre l’intérieur et l’extérieur
de la maison.

Par ailleurs, les rues forment des entailles dans


le tissu compact, l’aspect sinueux cache un
changement de direction, ce qui donne lieu à une
multitude de possibilités d’orientation par rapport
aux rayonnements du soleil et un jeu mutuel
d’ombrage.
La rue : un jeu d’ombre et de lumière. La partie
basse, lieu de la circulation piétonne est
ombragée (Chefchaouen).
Source : A.U de Tétouan

Les rues étroites, les murs épais contribuent à


Rue étroite
l’adoucissement de la température
Murs mitoyens en pierre

28
Une étude (*) effectuée sur la médina de Fès, a
montré l’impact positif de la forme compacte du tissu
urbain, de l’orientation des rues et du prospect sur
le microclimat. Selon la même étude, le relevé des
températures a permis de constater qu’elle atteint
durant la période la plus froide du jour de 2 à 4°C.

Les écarts de la température sont importants entre la


médina et un autre quartier d’urbanisme moderne (Al
Adarissa) : Elle est de 10 °C inférieur dans la période
la plus chaude de la journée. L’amplitude diurne ne
dépasse pas les 6°C alors qu’elle frôle 20°C dans le
quartier d’habitation moderne.

Pour se procurer plus d’ombre, les rues


sont couvertes de voutes végétales, celles
commerçantes sont sous-tendues par des velums
qui en outre créent une atmosphère conviviale par
l’entrée de la lumière tamisée.

Les sabah, caractéristiques de l’urbanisme des


médinas, surplombent par endroits les rues
et procurent des abris pour les passants des
intempéries, notamment la pluie.

(*)Housing Development& Management (HDM) et Laboratoire Public d’Essais et d’Etudes (LPEE « Climat & Urbanisme, la relation
entre le confort thermique et la forme du cadre bâti »,), 2003.

29
UNE RÉPARTITION
FONCTIONNELLE ÉQUILIBRÉE Organisation fonctionnelle de la médina

Hiérarchiser la spatialisation des Espace agricole


activités
Toutes les fonctions ont été regroupées à l’intérieur
de la même enceinte, l’habitat, les activités et les Espace résidentiel

équipements. Noyau artisanal et


Les espaces de production et de service ont été commercial

réparties de manière équilibrée et au service Artère commerciale


de l’habitant de la médina. L’emplacement des Porte principale
équipements s’opérait en fonction de leur nature
et des leurs usagers potentiels. Le choix de
l’emplacement des équipements répond à un souci
de commodité d’usage de la part des habitants et Source : Belfkih - Fadloullah
d’endiguement des préjudices de nuisances sonores
et olfactives et de pollution. Endiguer les préjudices
Ainsi les équipements de base étaient à l’intérieur Les activités nuisibles (tanneries, forgerons,
des quartiers et les grands équipements dans les charbonniers…) ont été placées aux périphéries ou au
espaces centraux de la médina. moins éloignés le plus possible des habitants. Le souk
hebdomadaire se tenait dans la partie extramuros pour
maintenir les étrangers qui le fréquente à l’extérieur de
la cité.

Favoriser les liens sociaux


La rue était un lieu de sociabilité, d’échanges et de
commerces, elle incarne le principe de rue habitée
« Wohnstrasse » conçu des siècles après.

30
Médina de Salé

Médina d’Asilah

31
32
2 - LES KSOURS

Kasbah Ait Hammou


Source : CERKAS

33
Toile d’Eugène Delacroix,
paysage,1832

34
UN MODÈLE D’IMPLANTATION
INTÉGRÉ AU SITE

Outre la sécurité, la présence d’eau et de terres


cultivables sont les principales conditions
d’implantation en milieu rural. Les groupements
humains dans ce milieu ont pris différentes formes
selon le relief, le climat et la culture. L’on distingue
ainsi les ighrems et dchars dans les montagnes, les
ksour dans les oasis, les douars dans les plaines…

La Kasbah d’Anemiter,
Jacques Majorelle.
Aussi et de manière intuitive, les habitations sont
regroupés autant que possible dans les zones les moins
fertiles, laissant les terres à haute valeur agricole et
pastorale pour l’exploitation agricole et l’élevage. Le
Le site classé de Sidi Majbar choix du site d’implantation était également dicté
Source : AU de Taza par le souci de se prémunir des risques naturels,
notamment les inondations.
L’ingéniosité des premiers habitants des vallées, des
montagnes et des plaines a permis de créer un système
complexe et ingénieux de captage, de stockage et de
distribution de l’eau et de pérennisation des activités
agricoles et pastorales, car leur survie en dépendait.

Kasbah-Aslim-Nouflla Source
: CERKAS

35
En se sédentarisant, des nomades édifièrent des villages Une première hypothèse serait le fait que cet habitat
fortifiés sous le signe d’une architecture défensive pour représenterait une première forme d’établissement
se prémunir des multiples pillages et attaques ; les humain pour d’anciens nomades sédentarisés. Dans
ksours , lesquels étaient habités généralement par des le référentiel culturel de ces derniers, l’attachement à
familles appartenant souvent à la même tribu. l’espace libre est plus prépondérant qu’à un territoire
Cette architecture rurale amazighe tranchait avec donné. Cela pourrait en partie expliquer l’occupation
l’architecture citadine du nord du Maroc, en l’occurrence minimaliste de l’espace naturel. Ce dernier étant
les médinas. Elle est la synthèse heureuse d’influences toujours privilégié par rapport à l’espace bâti. Une
et de traditions locales et importées que nourrissaient seconde hypothèse, liée à la précédente s’expliquerait
les échanges commerciaux florissant durant le moyen par l’évolutivité de la trame d’implantation de ces
âge entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne. derniers dans le paysage osirien.
Le territoire des Ksour dépasse les frontières du Maroc. Il Cette trame n’aurait eu de cesse d’évoluer selon les
s’agit d’établissements humains qui, au niveau national, différentes périodes historiques sans laisser de traces
se rencontrent dans les Oasis de Figuig, de Draa, de dans le paysage naturel en fonction du déplacement des
Tafilalet et de Jbel Bani. D’après Chérif Idrissi (vers l’an ressources naturelles, leur raréfaction, la variabilité des
six de l’hégire), les ksour n’auraient pas eu de remparts. circuits sécurisés…
D’après son récit, la ville de Draa correspondrait à
une forme d’habitat compact et continu. L’édification
des premiers remparts remonterait à la période des
invasions de Beni Maakil. Il est extrêmement rare de
trouver des ksour historiques qui remonteraient aux
premières phases de la sédentarisation des populations
dans les oasis.

Les ksour se localisent majoritairement dans


des zones à conditions extrêmes.
Du respect des contraintes du site et de la
préservation des ressources naturelles nait
une parfaite harmonie entre l’établissement
humain et son environnement naturel.

36
Les fondateurs des ksour avaient pour préoccupation Cette organisation se multipliait le long des cours d’oued,
majeure d’assurer, certes, leur protection et défense, évitant ainsi la pression par densification sur un territoire
mais également de garantir une vie durable. Objectifs précis et assurant une discontinuité spatiale soutenable
qui se traduisaient dans le mode d’implantation des des différentes formations Ksouriennes
Ksour : Les terres cultivées recevaient trois niveaux étagés de
Le premier principe de base fut que l’habitat et le finage végétation, les palmiers plus hautes, puis les arbres
formaient un tout indissociable : l’Homme réfléchissait à fruitiers, l’ensemble créait les conditions idéales (ombre,
son lieu d’habitat qui doit répondre à la rudesse du climat température clémente…) pour le développement du
en même temps qu’aux éléments de survie, notamment potager à leur pieds.
les espaces à réserver aux cultures agricoles et à les Les habitations fussent agencées de manière compacte
pérenniser sans oublier de se protéger des risques et et en hauteur afin de limiter l’impact sur les terres
des aléas de la nature, en l’occurrence les inondations… productives et préserver le moindre bout de terre
favorable à l’agriculture (ressource peu abondante).

Une implantation étagée permettait de


réserver les creux de la vallée exclusivement
à l’agriculture et de placer les habitations Adossé au versant de la colline, le Ksar
dans les versants non cultivables ou sur les est ainsi exposé au soleil et évite les vents
monticules rocheux et le grenier collectif en glacials de la montagne tout en étant protégé
crête, lieu le plus protégé. des crues éventuels des oueds.

37
UNE COMPOSITION SPATIALE EN
FAVEUR DU CONFORT CLIMATIQUE

L’architecture du Ksar est dictée par les conditions


climatiques, les rues canyons procurent de l’ombre,
elles sont implantées en fonction de la topographie
et permettent d’éviter les risques éventuels de crue
des oueds. Les matériaux utilisés dans la construction
sont locaux ce qui confère une adaptation du bâti à
son environnement et au climat local. Les techniques
architecturales procurent de leur part une régulation
thermique.

Asfalou-Tinghir

Ihartane-Tinghir
La forme élancée du Ksar permet de freiner et
de faire dévier les vents. Les patios des maisons
et du Ksar agissent comme régulateur thermique
en récupérant l’air chaud pour le dégager vers
l’extérieur

38
En plaçant de petites ouvertures hautes sur la façade
recevant les vents dominants et de grandes fenêtres sur
la face opposée, on crée une dépression permettant de
générer une aération naturelle des locaux traversés tout
en évitant l’entrée des poussières.
Les cours et patios servent également de puits de
lumière pour l’éclairage et l’aération.

A l’intérieur du ksar, les habitations étaient


majoritairement orientées Est, pour faire face à La
Mecque.
En plus de sa valeur spirituelle, cette orientation
Ksar Tamnou. Source :
permettait de profiter tout au long de la journée d’une CERKAS
zone ombragée devant les maisons.

Coupe sur un ksar : l’air chaud est évacué vers l’extérieur


par les patios des maisons

39
La forme d’habitat groupé est une réponse spatiale à des
exigences d’ordre économique, militaire et climatique.
Ce dernier aspect se lit au travers différents points :
Une forme massive compacte introvertie protège
l’intérieur du Ksar contre les vents violents .
La construction des maisons en hauteur et sur les
passages, l’étroitesse des rues, la réduction des surfaces
exposées directement au soleil ainsi que l’usage de
matériaux locaux atténuent les effets du rayonnement
fort caractéristique des régions du sud.
La ventilation du ksar se fait entre l’unique porte d’entrée
et le patio .

Plan du Ksar Ai Ben Haddou

La taille réduite des ouvertures permet de se


protéger des vents de sable et de conserver
un climat agréable à l’intérieur.

Ksar Talmasla. Source : CERKAS

40
UNE ORGANISATION SPATIALE AU
SERVICE DE L’HABITANT

L’ étude de l’organisation des ksour montre que la


sécurité de l’habitant se situe toujours en amont des
choix des sites et des formes des établissements
humains.
Ces choix ont l’avantage de réduire, à moindres efforts,
l’impact de l’homme sur son environnement. Ainsi,
les zones à risques telles que les zones inondables, les
zones surexposées aux vents… étaient toujours des
zones non aedificandie.
Hormis la gestion des risques naturels, cette forme
d’habitat intégrait également la gestion des risques
inhérents à l’homme lui-même.
Cela transparait dans l’organisation du ksar. La vie
communautaire était la richesse première de cette Zone d’équipements publics située à l’entrée du Ksar
forme d’habitat et les espaces qui lui étaient consacrés
étaient préservés et mis au centre du Ksar. Les équipements sont concentrés à l’entrée
Cette dimension sécuritaire expliquerait la localisation pour empêcher l’accès des étrangers
de la zone d’équipement toujours située près de l’entrée (usagers des équipements) à l’intérieur du
du Kasr. Ces équipements étaient ainsi accessibles à Ksar.
d’éventuels passagers et étrangers au Ksar, mais sans
aucune perturbation de la vie des habitants. En effet,
la zone d’habitat était totalement isolée et protégée La porte du Ksar était le seul accès au
d’éventuelles nuisances. chemin de ronde ” ‫”ساير داير” أطراز‬. Aucune
L’édification de remparts autour des ksour représente habitation n’avait accès à ce chemin qui ne
un dispositif sécuritaire défensif, mais aussi écologique devait également être couvert par aucune
pour préserver une qualité de vie au sein de cet habitat. construction ni Saba.
Ce dispositif en sus des remparts, se compose de tours Actuellement, les différentes
et de la porte du ksar qui en contrôle l’accès. C’est une transformations subies par cet habitat , dont
construction qui obéit à des règles de sécurité très le chemin de ronde n’est qu’une illustration
strictes. C’était le seul accès également au chemin de traduit les perturbations ayant affectés
ronde autour du Ksar les fondamentaux environnementaux et
sociétaux ayant prévalu à l’existence de ces
formes d’habitat.

41
UNE ORGANISATION SPATIALE AU SERVICE DE L’HABITANT : ÉVOLUTIVITÉ
PROGRESSIVE DU BÂTI

Photo prise lors d’un projet pilote de restauration d’un Ksar


Source : ANHI

Outre la flexibilité de l’habitat dans les ksour, leur évolutivité pourrait également être retenue comme
caractéristique. En effet, le principe de construction est tel que sont d’abord réalisés les murs extérieurs puis le
toit. La valorisation des étages supérieurs est évolutive en fonction des besoins s’exprimant progressivement,
mais aussi en fonction des ressources financières des habitants. La durée de construction varierait en moyenne
d’un à quatre ans. Elle pourrait également dépasser les quinze ans.

42
UNE ÉCONOMIE DOUCE ET DURABLE

Contrairement aux médinas, la dualité ville compagne


n’existerait pas pour les Ksour. En effet, les tissus
urbains antérieurs développaient une relation de
dépendance ville et son arrière-pays (Haouz) nourricier
et protecteur.
Les ressources naturelles assez limitées de
l’environnement immédiat du Ksar, définissaient des
rapports différents des précédents.

Par ailleurs , l’importance de ces ressources naturelles


définissait la vocation du Kasr. Ce dernier avait
une vocation rurale quand ces ressources étaient
importantes. Dans le cas contraire, le Ksar avait un
caractère plus urbain par le développement d’activités
artisanales, commerciales, … permettant de pallier à
l’insuffisance des ressources nourricières naturelles.

Le village de Tamegrout est célèbre


par sa poterie dominée par un vert très
caractérisant.
Cet artisanat constitue une source
alternative à la faiblesse de l’activité agricole

Source : www.pinterst.com

43
Des établissements humains La dimension paysagère,
ouverts sur leurs environnements l’architecture fille de son
Les établissements humains traditionnels qui environnement
constituaient l’unité sociale de référence incarnant une Outre leur fonctionnalité et leurs principes de
cristallisation poussée de la sédentarisation , n’étaient durabilité, les établissements humains réalisés
pas pour autant détachés de leur environnement. En offraient des paysages pittoresques, avec leurs allures
effet, ils ont pu développer des rapports d’échanges en amphithéâtre à flanc de coteau des médinas, les
entre eux et avec leur arrière-pays. Aussi, si les ksours terrasses étagées des maisons ksouriennes, les hauteurs
s’auto-suffisaient en interne, il n’en demeure pas moins élancées des minarets et des tours, les couleurs en
qu’ils ont tissé des liens commerciaux entre eux et avec parfaite harmonie avec l’environnement ; la blancheur
d’autres noyaux urbains, les médinas, même du haut des médinas du nord, la couleur ocre des kasbah et
de leurs murailles protectrices, s’ouvraient sur leurs Ksours qui donnent l’air d’être sorti de terre au même
périphéries rurales « Ahouaz » qui les nourrissaient et temps que les monticules qui les accueillent.
sur d’autres médinas voire d’autres pays à travers les
échanges marchands. Il s’agit d’architecture fortement influencée par le
contexte local, les traits culturels et l’impact des
milieux physiques. Au carrefour de la nature et de la
culture, le bâti vernaculaire est étonnamment divers
puisque qu’il naît du sol et des ressources de la région
où il se développe, tout en s’adaptant à l’ensemble des
contraintes.

Médina de Chefchaouen
Source : AU de Tétouan

44
Même en rase campagne, l’adaptabilité aux conditions
géographiques et climatiques était de mise. Ce n’est
que ces dernières décennies que le mitage du milieu
rural a pris des proportions inédites .
Beni Lent
Source : A.U de Taza

Village Tissa
Source : A.U de Taza

45
Vlalée T.Oudgha
Source : CERKAS

L’équilibre qui a toujours prévalu semble de nos jours nous enseigne que l’ingéniosité de l’architecture
en déperdition avec l’éclatement des palmeraies, marocaine se révèle dès le choix de l’emplacement des
la désagrégation de l’organisation sociale. En effet, établissements humains et la manière dont le territoire
si les médinas ont réussi à surpasser, dans une est occupé. Les oasis présahariennes représentent la
certaine mesure, les crises qu’elles ont traversées manifestation suprême de l’adaptation de l’Homme
(une forme de résilience) en devenant un patrimoine à son environnement et témoignent d’un équilibre
vivant et dynamique essentiellement par son activité séculaire entre l’Homme et son milieu.
commerciale, les ksar, malgré les efforts consentis, Les médinas ont cristallisé le génie des lieux dans
peinent encore à freiner les mitages socio-spatiaux qui ses expressions les plus élaborées, notamment en
défigurent leur identité et brisent l’harmonie qu’ils ont termes de maîtrise des éléments du site (topographie,
toujours eu avec leur milieu naturel et environnemental. orientation…) et du climat (vents dominants,
Il n’en demeure pas moins que ces établissements ruissellement des eaux de pluie…)

46
Ruelle à Ichemrarine
Tinghir

47
48
PARTIE II :
L’ARCHITECTURE TRADITIONNELLE
DU BON SENS AU BIOCLIMATISME
Qu’elle soit en milieu urbain (médina) ou rural (architecture
vernaculaire), l’architecture traditionnelle marocaine recèle
les percepts d’une approche bioclimatique que ça soit en
termes de conception, de techniques architecturales ou
de matériaux utilisés.

Palais Bahia-
Marrakech

49
Une architecture prônant Au niveau de l’habitat des nomades, la même ingéniosité
l’efficacité thermique traditionnelle ne manquait pas, les tentes du Moyenne
Atlas devant permettre de se protéger contre la neige,
L’architecture séculaire ou le la pluie et le froid, diffèrent en termes de formes et de
bioclimatique intuitif matériaux utilisés de celles du sud marocain qui elles
L’architecture domestique traditionnelle offre une doivent faire face au sable et aux vents du désert.
typologie diversifiée permettant de répondre à tous
les besoins sociaux, Dar, Ryad, Kasbah…De manière Ces techniques ont permis une bonne résilience des
générale, les maisons sont fermées sur la rue et ouvertes territoires par rapport au climat et aux risques naturels.
sur leurs jardins ou cours intérieures.
Des typologies ingénieuses
Dans l’habitat rural, les espaces intérieurs du logement La diversité typologique dans l’architecture domestique
sont prolongés par des espaces extérieurs ou en RDC. traditionnelle était d’abord une réponse à des besoins
Ces espaces sont adaptés aux besoins des occupants, sociaux adaptés à leur environnement naturel. En effet,
telle que l’affectation, au besoin d’un local au animaux, la distribution des espaces intérieurs ainsi que les
au stockage des denrées, en sus des besoins basiques dépendances du logement et le choix des matériaux de
pour le déroulement de la vie quotidienne, en intra- construction offraient autant de réponses ingénieuses
muros. à des contraintes environnementales et naturelles qu’à
des besoins socio-économiques .
Les architectures traditionnelles regorgent
d’enseignements et d’exemples de procédés De manière assez synthétique deux formes d’habiter
constructifs sur l’adaptation au climat et qui ont généré différentes typologies. L’architecture
demeurent pertinents à ce jour : traditionnelle est une déclinaison en expressions et
Les systèmes de ventilation ; le patio régulateur formes architecturales différenciées selon le milieu
thermique ; les moucharabiehs ; la compacité; les urbainourural,tenantcomptedesdifférentescontraintes
ouvertures extérieures réduites ; l’isolation par climatiques. Mais aussi en intégrant les différentes
l’épaisseur des murs ; l’absorption de la chaleur par les influences d’orient et d’Afrique subsaharienne qui n’ont
murs blanchis à la chaux et les bassins d’eau installés pas cessé d’évoluer depuis, localement.
dans les cours intérieures ; les maisons construites
pour permettre une forme de mobilité interne en Un savoir-faire séculaire s’est construit sur de nombreux
fonction des saisons ; la disposition des bâtiments siècles pour produire des systèmes constructifs, où
pour la régulation thermique qui permet de maintenir s’expriment les connaissances locales, enrichies et
une relative fraîcheur intérieure ; les toitures inclinées augmentées par les apports extérieurs pour s’adapter
lisses, en couverture végétale ou mixte pour évacuer aux matériaux locaux disponibles et aux contraintes
les eaux de pluie et la neige… naturelles.

50
Douar Ain Barda
Source : A.U de Taza

Douar Rchida
Source : A.U de Taza

51
La tente, une forme poussée du respect
LA KHAYMA, UNE DEMEURE SAHRAOUIE
de l’environnement
Les tribus nomades se déplaçaient à la recherche de Considérée comme la première unité sociale
l’eau et des pâturages pour leur bétail, ainsi que pour au sein de la société sahraouie, la Khayma
leur commerce. Par leur transhumance, ils accordaient est parfaitement adaptée au climat rude
aux territoires une certaine forme de repos biologique, du désert. Elle est également pratique, car
en permettant à la nature de reprendre ses droits et facilement démontable. Tissée à l’origine
de se régénérer loin de la pression exercée sur elle par par les femmes, elle est réalisée à partir
l’Homme. de « matériaux » naturels : poils ou duvet
d’animaux (chèvres, dromadaire, brebis).
La tente, habitat sommaire, alliée des tribus Sa forme triangulaire lui permet de résister
nomades est quasiment sans empreinte écologique aux tempêtes et d’empêcher les infiltrations
sur l’environnement. Réalisée à partir de produits d’eau de pluie.
naturels (laine, peaux d’animaux…). Son architecture Annuellement, des centaines de Khaymas
diffère selon les régions, pour s’adapter aux aléas se dressent à l’occasion de la tenue du
climatiques : la rudesse des saisons enneigées et froides Moussem de Tan Tan, classé par l’UNESCO
du Moyen Atlas ; la chaleur et le vent et les rafales de comme patrimoine immatériel de l’humanité
sable du désert… en 2005. Il avait lieu de manière spontanée
depuis plus d’un demi-siècle pour célébrer
la culture nomade et réunissait plus d’une
trentaine de tribus du sud marocain et
d’autres populations nomades du nord-ouest
africain.

La tente (l’khaïma) est un habitat amovible parfaitement


adapté à la transhumance et aux déplacements saisonniers
sans impact sur l’environnement.

52
La maison traditionnelle, primauté des L’espace central, illustre la mutualisation des solutions
espaces à vivre dans les rapports sociaux à l’espace habité (la centralité
La maison traditionnelle : se dit Dar quand elle est familiale dans l’espace communautaire) et les solutions
organisée autour d’un espace central le patio, (wast ed techniques optimales pour sa régulation .
dar) et Riad quand elle est organisée en U autour d’un
espace vert. Elle est généralement bordée de portiques
supportant les pièces de l’étage supérieur.
La distribution de la maison traditionnelle en milieu
urbain est souvent donnée en exemple pour illustrer une
réponse sociale à des besoins socio-économiques. Le
caractère introverti de la maison est souvent expliqué
par la seule ornière du mode d’habiter où l’espace
intérieur, lieu de l’intimité absolue, est exclusivement
dédié au groupement familial centré sur lui-même.

Certes, le modèle d’habiter est codifié par des pratiques


sociales autour desquelles s’organisent les rencontres,
les prises de repas, le repos, etc. Le Patio, symbole d’une organisation introvertie des
Mais, ce mode d’habiter conditionne également chaque maisons traditionnelles
individu pour la vie communautaire. A cet égard, il est
à souligner que le logement individuel bien que « centré
» sur la vie familiale ne s’insère pas moins comme partie
d’un ensemble et d’un environnement où s’expriment
les solidarité sociales.

Les principes d’organisation du mode d’habiter


traditionnels les plus communément retenus sont
ceux basés sur des oppositions simples : servant/servi,
jour/nuit, privé/public, mais également d’autres propres
à la culture marocaine. Ainsi s’y rencontrent d’autres
oppositions telles que homme/femme, adultes/enfants,
Musée de Marrakech
pur/impur…

53
Des caractéristiques techniques :
Ensoleillement, aération confort
thermique

La maison traditionnelle est d’abord une réponse à un


besoin d’habiter adapté à un milieu naturel donné.
En médina, elle est le prolongement des principes
fédérateurs du tissus urbain.

A la conception des maisons traditionnelles prévaut


une organisation assurant un ensoleillement et une
aération judicieux des pièces habitées. Ces dernières
ainsi que l’ensemble du mode d’habiter traditionnel
se caractérisaient, par ailleurs, par une souplesse
dans leurs pratique, une polyvalence et une flexibilité
fonctionnelle adaptée et adaptable à la « petite
transhumance » interne, conditionnée par les conditions
climatiques saisonnières.

A cet égard, il est à remarquer, la corrélation entre les tenant compte de conditions optimales d’éclairage et
dimensions de la cour interne et celles des chambres d’aération.
ainsi que la disposition des espaces de services

Les maisons sont fermées sur la rue et ouvertes sur leurs jardins ou cours intérieures.
Les pièces sont assez larges, mais peu profondes et prennent leurs éclairages et leurs aérations
par la cour.
Les pièces, dites ‘mpures’, cuisines et salles d’eaux, sont systématiquement mises dans les
angles du plan, les maintenant à distance de l’espace majeur.
Les escaliers tournent sur eux-mêmes en s’appuyant sur des maçonneries. Habituellement, les
constructions ne dépassent pas le niveau R+1.

54
Un système thermique élaboré
De par son architecture et son organisation, la maison
à patio est bien adaptée au climat des régions chaudes
et semi-arides. Le patio y joue un rôle d’espace tampon
entre l’intérieur et l’extérieur de l’habitation, créant ainsi
un microclimat au sein de la maison, particulièrement
en saison chaude.

Les rayons de soleil qui touchent directement le sol


chauffent l’habitation, Aussi, fallait-il penser à tempérer
la chaleur à l’intérieur des bâtis :
Les pièces bordant le patio, disposent d’une hauteur
sous-plafond relativement élevée, ce qui permet à
l’air chaud de monter pour être évacué au travers des
ouvertures disposées en partie supérieure laissant ainsi
place à l’air frais qui rentre depuis le patio.

L’air frais qui se rassemble la nuit dans le patio repousse


l’air chaud vers le haut et de là vers l’extérieur, la maison
conserve ainsi une température clémente pendant un
long moment.

Autours du patio, la skifa (auvent) définit un espace


ombragé protégé d’une exposition directe aux rayons
du soleil.

Musée de Marrakech

55
Des caractéristiques techniques :
Ensoleillement, aération confort
thermique
Outre l’utilité fonctionnelle de desservir le niveau
supérieur, l’encorbellement de celui-ci fait également
écran aux rayons solaires, maintenant à l’ombre les
façades intérieures. Les pièces au rez-de-chaussée
offrent ainsi un confort thermique, même par périodes
de grandes canicules.

Le niveau hygrométrique, selon le degré de confort


qu’offre le logement, est également régulé par la
présence d’une fontaine qui agrémente l’espace central,
mais aussi rentre dans un système intégré d’arrosage de
la végétation dans l’espace central en l’occurrence dans
le cas des Riads.

Médersa Ben Youssef-Marrakech

56
Le patio, un régulateur thermique

Le soleil se réfracte sur le sol et réchauffe la maison


Evacuation de l’air chaud par les ouvertures au dessus des portes
Régulation hygrométrique : l’évaporation permet le rafraichissement de la
maison
Skifa en encorbellement : procure ombre et abri des intempéries
La hauteur sous-plafond élevée attire l’air chaud vers le haut pour être ensuite
évacué à travers des petites fenêtres ou chemassiyats au dessus des portes
La végétation apporte fraicheur, ombre et nature à l’intérieur de la maison

57
Les revêtements au mur ( Zellij, tadellakt, plâtre ciselé,
stuc, etc.) en sus de leur qualité esthétique, représentent
des matériaux isolants protégeant autant les structures
contre l’humidité que les usagers.

Médersa Ben Youssef-Marrakech

58
Entre agrément et fonctionnalités,
les ouvertures ouvrent le champ de
l’expression architecturale traditionnelle
Les ouvertures contribuent à l’équilibre thermique de la
maison :
- Les fenêtres vitrées, apportent un peu de chaleur en
hiver grâce un effet de serre, particulièrement quand
elles sont orientées sud et que les jours d’hiver sont
ensoleillés.
- Les grandes portes à deux vantaux permettent de
préserver une ambiance thermique supportable une fois
fermées en hiver et ouvertes en été.
- Les chemassiyats, réalisées en plâtre et placées
souvent en hauteur assurent la circulation de l’air et de
la lumière.
- Des pans ajourés, placés en guise de séparation entre
les pièces ou avec l’extérieur contribuent à la ventilation
entre pièces ou en contact avec l’extérieur tout en
tamisant la lumière.

Les chammassiyats d’une maison dans la médina de


Tétouan
Source : La junta Andalousia

59
Les ouvertures sur l’extérieur,
Fenêtre sur rue d’une maison à Douar Rchida
notamment au niveau des sabahs, sont Source : A.U de Taza
de tailles réduites, elles représentent
surtout des points de prise d’air
permettant de forcer et d’accélérer la
ventilation du logement.

Les ouvertures en hauteur permettent


de faire évacuer l’air chaud qui remonte,
laissant ainsi place à l’air frais.

Zaouiat Sidi Amer


Source : CERKAS

60
L’intégration de coupoles dans
certaines pièces (apparat, hammam,
etc.) permet d’une part de refroidir l’air
chaud ascendant. D’autre part, quand
un certain nombre de conditions le
permettent(surfaceàcouvrir,ressources
financières, besoin spécifique, …) la
coupole intègre également un éclairage
zénithal .

Palais Bahia,
Marrakech

61
Palais Bahia, Marrakech

62
Maison à Sidi Mjbar
Source : A.U de Taza

La morphologie ainsi que la volumétrie de l’habitation


ne sont que très rarement une fin en soi. Elles sont
bien souvent la résultante de préalables conceptuels
articulant des réponses socio-économiques à des
contraintes naturelles.

63
Les formes de l’habitat, les formes architecturales et
les matériaux de construction et de finition sont autant
de solutions et de réponses diverses à des besoins en
logements en différents sites naturels . Leurs variabilités
sont inhérentes à des contraintes naturelles diversifiées
selon le contexte géographique et les potentialités
paysagères offertes.

Maison à Douar Ejbiyel Essaoud – Tissa


Source : A.U de Taza

L’exemple ci-dessus, illustre le cas de formes


architecturales de bâtisses très simples et adaptées
à un milieu environnemental montagneux, froid et
relativement humide. De ce fait, la majorité des
bâtisses n’a pas de patio découvert et dispose de peu
d’ouvertures sur l’extérieur. Les maisons sont situées
sur le versant Est (adret)

64
Maison à Douar Ejbiyel Essaoud – Tissa La conception architecturale adoptée a opté pour un
Source : A.U de Taza système de toiture en pente permettant l’évacuation
facile des eaux pluviales. Les matériaux locaux ainsi
que la couleur de l’ensemble assurent une parfaite
intégration paysagère de la construction dans son
environnement naturel.

65
La diversité typologique est ainsi dictée par la diversité
climatique prévalant au Maroc.
Certaines formes d’habitat présentent par exemple une
architecture adaptée à l’écoulement du ruissellement
des eaux pluviales.
En sus des facteurs humains (appartenance à une même
famille ou tribu), économique (principales activités) et
foncier (régime), le facteur topographique intervient
d’abord dans le choix du site. Celui-ci est choisi de telle
sorte à impacter au minimum les zones de ressources
naturelles. Ensuite, la topographie est intégrée dans la
conception architecturale qui s’intègre au site et à ses
diverses contraintes sans pour autant chercher à en
modifier les contours paysagers et morphologiques.

Maison à Douar Ejbiyel Essaoud – Tissa


Source : A.U de Taza

Maison à Douar Amergou


Source : A.U de Taza

66
La conception architecturale est un prolongement des principes fédérateurs de l’espace de vie communautaire.
L’intégration au site naturel, à sa topographie ainsi qu’aux conditions climatiques se fait autant au niveau de l’unité
d’habitation qu’au niveau de l’ensemble de l’établissement humain.

Kasbah de Rchida , province de Guercif


Source : A.U de Taza

67
Kasbah-Ameridil
Source : CERKAS

Les Kasbah un symbole pratique


En tant que forme d’habitat, la kasbah aurait fait son
La diversité typologique de l’architecture traditionnelle apparition dans le paysage marocain vers 1850.
marocaine est également perçue à travers celle des Généralement, les kasbahs se localisaient en hauteur
Kasbahs. Ces dernières illustrent l’adaptabilité du d’abord pour des raisons sécuritaires. Cette position
savoir faire traditionnel aux conditions climatiques stratégique (à flanc de montagne autant que possible)
extérieures, parfois assez rudes. avec vue panoramique sur les champs et le cours d’eau
Leur organisation interne était d’une flexibilité telle était d’accès difficile. C’était également un lieu de refuge
qu’elle permettait de domicilier diverses fonctions dans en cas de crues saisonnières ou d’inondations.
les différents espaces de la kasbah, ceux-ci pouvant En second lieu, cet emplacement avait une valeur
varier selon les besoins : défensifs, habitat, apparat, symbolique de domination, du fait d’être le lieu du
stockage, …. pouvoir local.

68
Kasbah-Aslim-Nouflla
Source : CERKAS

Une conception harmonieuse Le dernier niveau était d’accès indépendant et était


Indépendamment des spécificités typologiques par réservé aux invités. Le plus souvent inoccupé, ce niveau
région de chaque kasbah, cette forme d’habitat se avec son volume d’air assurait un meilleur confort
distinguait par l’harmonie qui caractérisait les rapports thermique pour les chambres en dessous.
entre sa conception en tant qu’édifice et ses usagers
aussi bien au niveau fonctionnel que ceux inhérents au
site, aux matériaux, aux couleurs….
L’organisation type était de sorte que l’affectation du
premier niveau au sol allait aux animaux et permettait
ainsi de recycler les ordures ménagères descendantes
vers l’étable et éventuellement de récupérer dans
certains cas le méthane issu de la fermentation des
déchets organiques pour la cuisse.
Cet emplacement permettait également de cumuler
en hiver, la chaleur ascendante depuis les deux
premiers niveaux inférieurs vers les chambres. Le Animaux - Fourrage
confort thermique, en période de grand froid où les
températures descendaient par endroits en-dessous de Cuisine
0°C était ainsi assuré. Chambres

Invités
69
Une flexibilité socio-spatiale pour une Par rapport à la température extérieure, les pièces
meilleure efficacité énergétique des niveaux inférieurs atteignent en moyenne, leur
La vie aussi bien dans les maisons traditionnelles, température maximale avec un différé de cinq heures,
dans les médinas que dans les ksours ou encore dans devenant ainsi moins confortables thermiquement
les kasbahs n’était pas statique. Une organisation vers le soir.
dynamique dans les logements permettait de s’adapter
aux conditions climatiques.

L’été les habitants passaient l’essentiel de la journée


dans les étages inférieurs (généralement le premier
étage). La nuit ils occupaient le toit-terrasse.

Ces déplacements se justifient par le fait que la


journée les pièces intérieures étaient fraiches grâce à
l’épaisseur des murs ainsi qu’à la nature des matériaux
de construction (Terre).

Source : Abedeltif. Nahli , collectif

L’espace central joue le rôle d’un régulateur


thermique : l’air cumulé, dans les pièces
inférieures, n’est évacué que le soir.

Cet espace central fonctionne comme


un puits où circule l’air permettant de
rafraichir rapidement les niveaux inférieurs
durant la journée.

Source : Abedeltif. Nahli , collectif Sa verticalité a également l’avantage de


permettre la ventilation, l’aération, … tout
en se protégeant des poussières et des
mouches.

70
Une conception en faveur de l’efficacité
énergétique
Le mode d’éclairage et d’aération introverti des
constructions traditionnelles ainsi que le mode d’habiter
souple et flexible a généré des espaces polyvalents dont
l’efficacité énergétique est augmentée par l’utilisation
de matériaux de construction locaux à grande inertie
thermique.

La variation de ces caractéristiques a causé une


distribution spatiale et fonctionnelle figée. Cette dernière
a généré des besoins d’aération et d’ouvertures directes
sur l’extérieur. L’utilisation de matériaux à grande impact
carbone ainsi qu’à très grande conductivité thermique
a été à l’origine de dépenses supplémentaires, pour
améliorer le confort thermique des constructions. Tinghir

Une comparaison entre les logements traditionnels


et contemporains est assez remarquable sur le plan
thermique. Elle est à cet égard, assez révélatrice en
Ihartane-Tinghir milieu présaharien.
Dans les logements traditionnels le taux d’ouvertures
présentant un grand confort thermique est en
moyenne de 3%. En revanche celui des logements
s’étant affranchis des règles de conception dans ce
milieu, varie entre 11 et 30%.
L’augmentation de la température s’enregistre
également dans les mêmes proportions que
l’augmentation du taux d’ouvertures sur l’extérieur.
71
Asfalou-Tinghir

72
DES MATÉRIAUX RELEVANT produits, offre différents avantages, en terme de
LE PARI CLIMATIQUE, PAYSAGER ET traçabilité, de réduction de l’empreinte carbone au
ÉCONOMIQUE niveau de l’ensemble du processus de construction.

L’usage des matériaux locaux (sans grande Terre crue, pisé, adobe, bois, roseaux autant que la
transformation), prélevés au plus près du site où ils maçonnerie en pierres renforçaient par leur usage
étaient utilisés, était la règle généralement adoptée, pour différencié selon les régions du Maroc, l’identité locale
construire les bâtiments aussi bien à usage d’habitation et nuançaient les écritures architecturales autant que les
que pour les équipements. paysages urbains .

L’utilisation quasi exclusive des matériaux disponibles


localement et adaptés écologiquement, avait de ce fait
un très faible impact environnemental.

Les murs construits en pisé étaient assez épais (50 à plus


de 80 cm). Cela en augmentait l’inertie, d’une part et
d’autres part réduisait les ponts thermiques limitant ainsi
les déperditions de la chaleur en hiver et la surchauffe
en été.

L’usage de matériaux locaux permettait une intégration


parfaite au paysage naturel environnant ; une réduction
du coût du transport des matériaux et par conséquent
Ksar Assa – Province Assa Zag
une minimisation des effets de la pollution.
Source : AU de Guelmim-Essmara

Même en fin de cycle, la ruine de l’édifice (biodégradable),


noyée dans le paysage offre une pluvalue paysagère en y
dégageant des allures pittoresques.

L’usage de matériaux de construction, localement

73
Douar Rchida
Source : A.U de Taza

74
Source : AU de Ouarzazate-Zagora

Les procédés de constructions autant que l’extraction, la transformation,… ainsi que le transport
des matériaux utilisés se caractérisaient par leur faible mobilisation des énergies utilisées, hormis
celles humaine et animalière.

75
DES SYSTÈMES CONSTRUCTIFS ADAPTÉS AUX
MATÉRIAUX LOCAUX DISPONIBLES
La diversité des systèmes constructifs de sorte à
répondre aux contraintes locales est à l’origine d’un
savoir faire richement pourvu en technicité. Les
exemples sont nombreux : construction en adobe, en
pisé, en pierre, etc.
L’un de ces exemples les moins connus est celui des
Tazota. L’intérêt des Tazota réside en effet, dans leur
système constructif basé sur l’emploi de pierre sèche
sous forme d’un cylindre pour les plus simples ou de
deux cylindres de taille dégressive superposés pour les
plus élaborées
Les Tazotas (cliché privé)

Les Tazota sont des constructions concentrées dans la


campagne de Doukkala. Leur apparition remonte à la
première moitié du XXe siècle. Elles servaient de refuges
En milieu rural davantage qu’en milieu temporaires contre la chaleur pour les hommes et les
urbain, les logements sont construits en animaux ou d’entrepôts pour la paille, pour les tiges
matériaux locaux, sans qu’on leurs fasse de maïs ou le foin. Elles étaient également exploitées
subir de grandes transformations. Dans ce comme local pour l’engraissement pour de jeunes
cas, la technique du système constructif bovins.
souvent d’une grande ingéniosité,
s’adaptait aux matériaux localement
disponibles.

76
« C’est au harati, du Draâ que
l’on attribue l’introduction de
cette architecture en pierres
plates, nues, soigneusement
appareillées, à frises de chevrons
et motifs triangulaires pleins
ou ajourés, si différente par
sa technique et ses thèmes
décoratifs de constructions du
Maroc septentrional » Extrait de
: Odette de Pingaudeau, Hesperis
1968/3
Ksar Assa Xe siècle (4ème siècle de l’hégire)
Source : AU Guelmim-Essmara

77
Partout au Maroc, le béton armé s’est
généralisé, les constructions ne sont plus
adaptées à leur milieu : chaudes l’été
et froides l’hiver. Les façades se voilent
de verre à la recherche d’une modernité
qui s’est révélée asphyxiante….Serait-il
judicieux que l’on prête plus d’attention
lors du processus de conception au
milieu, en vue d’éviter de créer des
problèmes que l’on peine par la suite à
résoudre.

Le Ksar s’effrite…pendant que poussent


des maisons en béton

Asfalou-Tinghir

78
Quand la friche annonce le retour humble à la nature …

Tidgine-Tinghir

79
80
PARTIE III :
PRATIQUES ÉCORESPONSABLES
DE GESTION DES RESSOURCES
NATURELLES
Lesressourcesnaturellesétaientaucœurdespréoccupations
de l’urbanisme et de l’architecture traditionnels au Maroc.
Aussi, l’eau et l’élément végétal revêtaient un intérêt majeur
dans tout acte d’aménagement et de construction. Autant,
ces ressources étaient mobilisées au service de l’Homme,
autant leur préservation était fondamentale.

Chefchaouen
Source : A.U de Tétouan

81
82
1 - DE LA GESTION ET DE LA DISTRIBUTION DE L’EAU
« La ville de Fès renferme beaucoup de maisons, de palais, de métiers.
On y voit de toutes parts des fontaines surmontées de coupoles et
de réservoirs d’eau voûtés et ornés de sculptures ou autres belles
choses, les alentours sont bien arrosés, l’eau y jaillit abondamment de
plusieurs sources, tout y a un air vert et frais … »

Al Idrissi, XIIe siècle

83
LE CYCLE DE L’EAU

LA GESTION ET LA DISTRIBUTION DE L’EAU Dans les oasis, l’eau faisait partie d’un système
A elle seule, la gestion de l’eau dans l’architecture et inébranlable comprenant aussi la palmeraie, le bâti
l’urbanisme traditionnels mérite une mise en lumière et l’Homme. Mais la gestion de l’eau a atteint son
attentionnée. Élément indissociable de la ville et de la perfectionnement dans les médinas. Ces dernières ont
vie des Marocains, l’eau recevait un intérêt particulier été dotées d’un réseau de distribution d’eau performant.
de par la société quant à sa collecte, son stockage et
sa distribution. Elle fut acheminée aux maisons, aux La collecte et le stockage de l’eau étaient une pratique
fontaines, aux équipements publics et aux vergers et courante et ancienne. L’eau est utilisée pour l’irrigation
jardins par des systèmes appropriés. L’organisation de la et l’abreuvage du cheptel, pour assurer des besoins
distribution de l’eau se faisait selon des règles précises de première nécessité dans les zones dépourvues de
en fonction de la situation du terrain concerné, de ses ressources en eau souterraine, pour se protéger des
besoins et de la disponibilité de l’eau. crues et en prévention des saisons sèches.

A Fès Les systèmes hydrauliques sont le fruit d’une Les systèmes de stockage les plus connus sont les
pratique très élaborée, qui vouait un respect à l’eau, immenses bassins qu’on trouve à Marrakech et à Meknès
laquelle n’était pas gaspillée. Elle passait par des cycles et qui servaient également pour l’entraînement des
d’usage optimisés. troupes à la natation et les métfias publiques et privées
A Marrakech, le système des « Khettaras » assisté (réservoirs) en milieu rural. Toutefois, d’autres systèmes
plus tard par un système de viaducs plus élaboré en existent dont les banquettes, les billons, les cordons, les
est un autre bel exemple. Il a été constitué de galeries murettes en pierre sèche, les micro-bassins, les Tabias à
drainantes souterraines qui cherchent l’eau à 20 ou 50 alimentation directe ou par oued, les terrasses ...
m du sol et l’amènent à ciel ouvert par gravitation, la
ville en comptait une cinquantaine de ces galeries.

Le « skundu » de Tétouan (déformation de


microbassins, secundo) est un dispositif ingénieux qui
alimentait, en eau limpide, les maisons ainsi que les
fontaines publiques, les mosquées, les hammams...
grâce à la topographie en pente de la ville.

84
LA GESTION ET LA DISTRIBUTION DE
L’EAU : L’EXEMPLE DES MÉDINAS
A l’entrée de la médina de Fès, l’oued éponyme irrigue
Le réseau hydraulique dans la médina de Fès depuis des siècles jardins, vergers, terres agricoles.
A Fès, la gestion et la distribution de l’eau reposait L’ensemble était organisé dans un système hydraulique
sur un système élaboré impliquant une dépollution permettant l’acheminement de cette ressource à
progressive avant d’être évacuée finalement dans les l’ensemble du tissu médinal ainsi que son évacuation
égouts. Le système ingénieux gérait la distribution de
l’eau selon trois catégories : l’eau de source ( ‫) الماءالطاهر‬,
l’eau de rivière (‫ )الماء الصالح للعادة‬et l’eau d’assainissement
(‫ )الماء الحار‬en faisant usage de différentes techniques :
(Norias, aqueducs, répartiteurs urbains, Fekhti
(canalisations en poteries), fontaines…). Ce système
prend en charge aussi l’assainissement de l’eau à
travers les Sloukias et prévoit également la gestion de
l’eau en cas de crue.

Le système hydraulique de Fès était un système intégré


et optimisé, de sorte à répondre graduellement aux
besoins d’une population dans un tissu dense où les
besoins en eaux étaient multiples : pour l’habitat,
pour les équipements (Hammams, mosquées
et médersas,…), ainsi que pour les activités
« industrielles » et artisanales.
L’eau avait également d’autres utilités en milieu urbain en
sus de réguler le taux d’hygrométrie par l’aménagement
de différentes bornes-fontaines et seqqaia.
Fontaine Nejjarine
Fès

85
Le répartiteur principal de Fès
Le répartiteur principal de Fès se composait L’eau est répartie en fonction du « haq » droit de chaque
essentiellement de trois entités: entité par réorientation due à la variation des niveaux
d’écoulement de l’eau depuis les Khnizra.
Le répartiteur : Il s’agit d’un ouvrage hydraulique
composite formé généralement par un grand bassin Les canalisations en poteries : En fonction de leurs
de rétention, plusieurs Mcharebs de différentes diamètres, des désignations précises permettaient de
dimensions et sections , des canaux en maçonneries les différencier. Elles assuraient une distribution vers
traditionnelles, plusieurs caniveaux en briques pleines l’ensemble des quartiers du tissu urbain.
traditionnelles et en fin des maâdas en poterie.

La Khnizra : Plus petit que le répartiteur, cet ouvrage


assure la distribution de l’eau potable au niveau du
quartier.

El-buhare z ≈ Ø 45 cm .

* El-mdedab ≈ Ø 30 cm

* El-ferh ≈ Ø 25 cm

* El-freyih ≈ Ø 15 cm

* El-fehti ≈ Ø 10 cm

* El-fehti al megzul ≈ Ø 7 cm

Fouad Serghini

86
Coupe schématique de l’horloge (Clepsydre )
hydraulique de Fès
Source : Abdel Basset Fellous

L’horloge hydraulique (Clepsydre) de Fès


L’horloge hydraulique (Clepsydre) de Fès illustre cette
optimisation de la ressource hydrique. Au début du
XXe siècle, le réseau hydraulique de la médina de Fès
sera exploité pour la production de l’électricité.

CLEPSYDRE HYDRAULIQUE……

……APRÈS RESTAURATION

87
Le réseau hydraulique dans la médina de
Tétouan (Le secundo)
Le réseau hydraulique dans la médina de Tétouan a
été développé de sorte à assurer une ramification
progressive permettant d’alimenter l’ensemble des
secteurs du tissu urbain.
Le stockage à différentes échelles permet d’assurer
une certaine pression de l’eau aux différents points
d’approvisionnement.
Il est particulièrement à remarquer les divers dispositifs
mis en place pour récupérer l’excédent en eau (pluie,
fonte des glaces, ….) et éviter ainsi tout gaspillage.

Le Secundo de la médina de Tétouan


dessert les maisons, alimente les
mosquées, les hammams et les fontaines
publiques

Source photos : AU de Tétouan

88
Schéma explicatif de la distribution
de l’eau potable dans la médina de Tétouan : le Secundo

Source photos : AU de Tétouan

89
LA GESTION ET LA DISTRIBUTION DE
L’EAU : L’EXEMPLE DES OASIS

L’eau dans les oasis, une ressource précieuse,


rare et menacée
L’exploitation des ressources en eaux est très variable.
Elle est directe pour les Ksours du Draa contrairement
aux Ksours du Tafilalet, de Figuig et de Jbal Bani qui
exploitent la ressource en eau de manière indirecte,
notamment par les Khettaras (galeries drainantes
souterraines).

Pour le Draa, l’exploitation de la ressource en eau par les


Région de Ouarzazate habitants était soumise à de nombreuses contraintes.
L’une des plus marquantes est celle inhérente à
l’alternance de périodes de sécheresses et de crues.

Pour les ksours de Tafilalet, l’organisation


Ces importantes variations ainsi que leur relative
de cette forme d’établissements humains imprévisibilité, rendait difficile l’exploitation continue de
ne dépend pas du réseau hydrique et cette denrée rare.
des cours d’eau. Leur dépendance est Pour surmonter cette contrainte et développer
durablement l’agriculture, les habitants des oasis
inhérente à la nappe phréatique. La
avaient déployé un réseau de canaux sur les rives des
ressource hydrique est recherchée en cours d’eau.
profondeur puis acheminée à la surface de
la terre pour être dirigée vers les canaux
d’irrigation.

90
UN SYSTÈME HYDRIQUE ÉLABORÉ
Pour l’exemple du Draa, le réseau hydrique, représente
un élément structurant des Ksours d’une oasis. La
gestion de ce réseau dépasse généralement la capacité
d’un seul Ksar, expliquant ainsi la prépondérance de la
copropriété entre plusieurs ksour s d’un seul système
hydrique.
Au niveau des ksour s du Draa, le système hydrique se
composait de :

Akouk : C’est un barrage construit par la communauté


de l’oasis, au travers du cours d’eau pour la rétention
et le stockage de l’eau. Ce barrage était régulièrement Le système osirien est organisé selon un triptyque
détruit par les crues et inlassablement reconstruit par dont l’équilibre fragile est interdépendant.
les populations concernées.

La seguia : Débute depuis le point de débit dans Akouk


et s’organise en canaux de distribution des eaux vers les
potagers.
En raison de son importance, une gestion
communautaire avait été développée par les
différents habitants des ksours exploitant un
même réseau hydrique.
Ces communautés désignaient un expert chargé de la
gestion des canaux d’irrigation. Il était également en
charge de superviser les travaux de reconstruction,
de réfection, de surélévation d’Akouk et d’entretien
(nettoyage) des canaux..
Source : Gwenaelle Janty

91
Réseau d’irrigation de Giguig
Source : Gwenaelle Janty

Répartiteur de Tzaddert, Figuig


Source : M.Cohen, G.Janty

92
LES TECHNIQUES TRADITIONNELLES
D’APPROVISIONNEMENT EN EAU

Les khettaras de Marrakech


La «révolution des qanât» ou «khettaras» représentait L’emplacement idéal serait une cuvette s’étendant
une évolution technologique notoire dans les pays depuis les montagnes enneigées ou l’une de leur vallées
musulmans médiévaux. ou les steppes qui leurs sont adossées.
Le développement de ce système avait était favorisé
du fait de l’aridité climatique ainsi que l’augmentation Hormis ces critères topologiques, l’étude des espèces
des besoins en eau liée à l’extension de l’Empire, à végétales est requise. En effet, la densité du couvert
l’accroissement de la population. végétal, ainsi que les espèces qui s’y développent sont
La réalisation des Khettaras (galeries drainantes étudiées avant d’entamer les travaux d’édification des
sous terraines) est conditionnée par la maîtrise de la khettaras. Généralement, ces signes extérieurs sont
géomorphologique des terrains, ainsi qu’un diagnostic des indicateurs sur la nature des eaux souterraines, leur
préalable des principaux obstacles qui pourraient importance ainsi que sur la nature du sol.
s’opposer à l’action humaine. Une fois le choix du site arrêté, intervenait l’art
La construction des Khettaras était une véritable du nivellement des eaux et du calcul des pentes
science qui dépendait de plusieurs facteurs : nature du accompagné d’un levé précis du terrain.
sol, topographie, humidité originelle (afin d’éviter tout Les travaux de creusement se faisaient généralement
dommage lié à une première mise à l’eau)… durant les mois de mai et juin. Selon la nature du terrain,
La définition du tracé des Khettaras est conditionnée les tronçons de galeries sont allongés en cas de sol dur
par une étude préalable du site. et raccourcis en cas de sol tendre.

Source : AgriMaroc.ma

93
Les tours élévatrices d’eau de Tamesloht, un
cas unique au monde
Le système des tours de Tamesloht élévatrices a été
inventé au XIXe siècle. Il s’agit de 13 colonnes de 10m de
hauteur qui agissent comme des vases communicants
et permettent grâce à la gravité d’arroser palais et
jardins.

L’eau est acheminée par des seguias, qui malgré leur


principe rudimentaire fournissent l’eau à 75 % de la
surface irriguée du Haouz soit 100 000 ha. La répartition
de l’eau entre parcelles est gérée selon des règles
établies par la « Jemaâ »

Les tours élévatrices d’eau à Tamesloht, un cas unique au monde.

13 colonnes de 10 m de hauteur agissent


comme des vases communicants et
transportant l’eau par gravitation .

Source : Architecture du Maroc, n°49-2011

94
La technique du « Maâda » - Mâada de distribution : Reçoit directement l’eau
La technique de maâda est assez ancienne à Fès d’une source, d’un oued, ou même d’une autre maâda
d’après «Rawd al quirtas» elle remonterait au 13ème et le répartit via des mcharebs ;
siècle (6ème siècle de l’hégire).
Il s’agit d’une sorte de petit regard dont le rôle est la - Mâada de relais appelée «dakhal kharej» c’est une
distribution de l’eau par principe gravitationnel. sorte de regard à décompression et de nettoyage des
C’est une forme de grande jarre enterré dans les impuretés où l’eau circule à cet effet ;
rues ou coins de maisons, à l’intérieur des médersas,
hammams... - Mâada collectrice : Permet de collecter des eaux de
Il existerait au moins trois type de mâada : différentes provenances avant de les redistribuer.

Mâada de relais

95
LES PROPULSIONS ET LES PRESSES
HYDRAULIQUES TRADITIONNELLES

Les moulins
La meunerie remonterait à Fès à la période des Zénètes
et se serait répandue durant la période Almoravide.
La topographie accidentée de Fès, pouvant atteindre
par endroits une centaine de mètre, était favorable au
développement de la meunerie.
L’épanouissement de cette dernière était lié au
développement de cultures céréalières, de cultures
à grains, ainsi qu’au développement d’industries Les norias :
artisanales nécessitant le broyage de certains des Les norias de Fès seraient une technique introduite
produits qu’elles utilisaient. par les Andalous. La première aurait été construite en
faveur du sultan Abu-Youssef Al Mansour.
La structure était ferrée en son extrémité inférieure Les norias sont des roues élévatrices d’eau depuis
et tournait dans une cavité en fer nommée « Az-zabra un niveau inférieur. Elles avaient essentiellement une
». Cette dernière était portée par une pièce en bois armature en bois avec des pièces métalliques pour les
encastrée dans le sol nommée «al-bast». parties articulées et l’assemblage de centaines pièces
requérant la rigidité de l’ensemble du système.
L’axe vertical était parfois en fer et traversait le plancher Les norias pouvaient atteindre 30 m de diamètre. Leur
sur lequel se posait une meule immobile qu’il traverse usage n’avait rien d’exceptionnel, notamment dans les
également. jardins à l’intérieur de l’enceinte de la médina.

L’axe tournant était fixé à la meule supérieure par une


pièce métallique horizontale.
Les denrées à moudre étaient introduites par Ain Arha
un orifice près de la partie centrale. Le produit de la
meule était récupéré progressivement aux abords.

Jnane Sbil, Fès

96
Noria, les jardins des Oudayas,
Rabat

97
GESTION COMMUNAUTAIRE DES
RESSOURCES EN EAU
Des infrastructures hydrauliques
Les «citernes», une technique ancestrale de communautaires au service d’un partage
collecte des eaux de pluie équitable et rationnel de l’eau
Face à la rareté des ressources en eau particulièrement Il est rare qu’un village dispose d’une ressource
dans les périodes de sécheresse, par tout au Maroc qui lui est propre, des infrastructures hydrauliques
les collectivités traditionnelles ont montré une grande communautaires (canaux, norias…) permettent de
ingéniosité pour s’approvisionner en eau domestique et servir plusieurs villages à la fois. Dans la vallée d’Aït
pour abreuver le bétail. Elles ont aménagé des citernes Bouguemez, «les ressources en eau sont partagées
enterrées nommées différemment selon les régions, entre les villages sur la base d’un très grand nombre
« Tanodfi » en pays Amazighs, « Metfia » dans les d’accords historiques informels. Rares sont les villages
contrées arabophones. Dans la région de Souss, cette disposant d’une source leur appartenant et ne desservant
technique constitue encore l’importante ressource en qu’eux ; les canaux sont quasiment tous inter-villageois.
eau dans la mesure où elle couvre les besoins en eau Les principes séculaires de gestion de l’eau contribuent à
domestique pour 27% de la population du Souss, 47% structurer l’organisation sociale de façon équitable, par
pour la province Taroudant et pour plus de 50% des le respect des droits individuels et collectifs, et à garantir
foyers du cercle d’Ighrem. Des centaines de villages la pérennité de l’investissement communautaire».
dépendent et à 100% de cette technique dans l’Anti-
Atlas occidental.

- EL FASSKAOUI, B., 2007, Les matfias (citernes) : une technique de récupération et de


stockage des eaux pluviales dans l’Anti-Atlas occidental, in, Pratiques conservatrices des
ressources, A., LOUINA (éd.), Publication de l’université Mohamed V-Agdal, Rabat.
- Bruno Romagny, Laurent Auclair, Abdelaziz Elgueroua, La gestion des ressources
naturelles dans la vallée des Aït Bouguemez (Haut Atlas) : la montagne marocaine à la
recherche d’innovations institutionnelles, dans monde en développement, n°141, 2008.

98
Source : My Driss Hasnaoui

99
2 - L’ÉLÉMENT VÉGÉTAL
Lors de sa visite à Béni Mellal, en 1883, Charles de Faucauld, décrivait
une ville entourée de « superbes jardins qui s’étendent fort loin,
dotée de sources dont les eaux sont d’une pureté admirable et d’une
abondance extrême. Ces eaux sont réparties en six canaux chacun
forme un ruisseau de 2 m de large et de 30 cm de profondeur» .

100
VILLE VERTE ! PAS SI NOUVEAU : LA
VERDURE DANS LES MÉDINAS

L’élément vert était une composante indispensable dans En milieu rural, l’Agdal fut une véritable institution socio-
les anciennes médinas. Jusqu’au début du XXe siècle, écologique. La racine du mot renvoie en amazigh à la
Marrakech est restée une ville verte, les deux tiers de la prairie et au pâturage avec une image de l’abondance de
surface de la médina étaient occupés par des vergers l’herbe. C’est une pratique de gestion communautaire
anciens. reposant sur la protection des ressources spécifiques
au sein d’un territoire défini. Une des caractéristiques
Marrakech a le mérite d’introduire l’art des jardins dans essentielles de l’Agdal est l’alternance de période
les médinas et de le diffuser dans beaucoup d’autres d’ouverture et de fermeture du territoire.
pays. Cet art est né au XIIe siècle avec les Almohades
sous forme d’immenses vergers accueillants de grands L’Agdal au Maroc est connu pour avoir atteint le plus haut
bassins, des pavillons de repos (Menzeh), des fontaines, degré de diversification et de raffinement par rapport
des murailles et des enclos. Il est l’ancêtre des parcs aux autres pays de la région (Agdals pastoraux fruitiers,
marocains agricoles, fourragers…).

La médina comptait aussi de petits jardins traduits sous Il a été introduit en milieu urbain en premier à Marrakech
forme de Arsas, Jnân, Ryad… qui se distinguaient par par le souverain Abdel Moumen en 1157 et fut délimité
une composition intime autour des fleurs, de l’eau, du par un vaste enclos de murailles, d’où naitra alors le
zellig… jardin-enclos attenant au Palais du Sultan.

101
L’AGRICULTURE URBAINE, UNE PRATIQUE SÉCULAIRE

Tombeaux des Sâadiens,


L’espace vert privé ne comptait pratiquement aucune espèce ou essence
Marrakech
hydrovore.
Les potagers et vergers étaient un espace de culture de fruits et légumes ainsi
que d’aromates assurant parfois l’autosuffisance aussi bien pour les familles
propriétaires de ces espaces verts que pour l’approvisionnement in situ des villes
en produits frais du jour.
Les récoltes des jnanates sont dans certaines villes où se pratique encore cette
agriculture urbaine très prisées de la population locale.

102
ESPACES VERTS, LIEUX
D’AGRÉMENT ET DE VILLÉGIATURE

Les espaces verts représentent la quintessence du bon


sens de la tradition locale autant à l’échelle urbaine
qu’au niveau du logement.
L’espace vert est d’abord un espace vital, utile, une zone
vivrière mais dont la conception, l’aménagement offrent
un espace récréatif très apprécié de la population locale.
Les jnane, aarssate, jardins et potagers publics sont des
lieux historiques de villégiature et de sorties familiales
hebdomadaires

Tombeaux des Sâadiens, Marrakech

103
LES JARDINS INTÉRIEURS, DES
ESPACES PRATIQUES ET LUDIQUES

Au niveau des unités d’habitations et des palais, l’espace


vert est synonyme d’un certain rang social.
Au-delà de sa valeur symbolique, le jardin intérieur offre
une palette de couleurs et une richesse olfactive (fleur
d’oranger, plantes aromatiques, roses, jasmin,…) qui
agrémente et rehausse la qualité de l’espace habité.

Ces espaces verts sont également des jardins


aromatiques aux nombreuses plantes médicinales
utilisées à ce jour dans les traitements phytothérapiques
populaires (Thum, laurier, basilic, verveine officinales,
sauge, …)

Jardins des Oudays, Rabat


Source : A.U de Rabat

Palais Al Badii
Marrakech

104
Jardins de l’Agdal Marrakech L’aménagement de ces espaces verts parfois dans des territoires
Source : www.jardin-menara.com semi-arides comme les jardins de l’Agdal à Marrakech, est une
démonstration de l’ingéniosité traditionnelle. L’espace vert, est
conçu de manière intégrée avec le système hydrique depuis
son lieu de stockage et de la première distribution jusqu’à son
évacuation en aval.

105
Les superficies des espaces verts sont très variables
en fonction de l’investissement premier et de la
volonté communautaire pour les entretenir.
Certains font plusieurs hectares comme les jardins
Les jardins de l’Agdal
centenaires de Marrakech (500 Hectares - les Marrakech
jardins de l’Agdal ) ou quelques centaines de mètres
carrés.
Ils sont les témoins d’un aménagement paysager
de la ville, intégrant des concepts de bon sens que
nous appelons aujourd’hui éco-ville, agriculture
urbaine, …

106
L’eau considérée comme une denrée précieuse, ne l’est pas moins La Menara
des espaces verts. Eau et trame verte sont structurellement Marrakech
interdépendants.

107
LA PROTECTION DE
L’ENVIRONNEMENT, UNE OPTION
VITALE

L’exploitation des ressources naturelles n’était pas construction ou éventuelle réfection, et de ce fait
aléatoire, tel était le principe de base. Cette exploitation remettrait en question la pérennité de tout l’établissement
obéissait à un contrôle codifié et à une règlementation humain.
consensuelle : Autre exemple, l’usage rationnel des ressources
Dans la vallée du Dadès, le peuplier était utilisé dans la forestières permettait la préservation des lieux
construction au niveau des toitures des maisons. Il était d’habitat de la faune et la flore nécessaire à l’équilibre
ainsi interdit que cette essence soit utilisée comme de l’écosystème et de ce fait était vital pour l’Homme.
combustible. Sa disparition entraverait toute nouvelle

Bandes de carroyage de protection en palmes tressées Etre au plus près de la menace de la désertification explique
contre la désertification certains investissements intervenus depuis plus de dix siècles
passés pour entretenir, préserver et protéger les espaces verts .

108
Commune de Ben Smim, Moyen Atlas
Source : Panoramio

109
110
PARTIE IV:
PRATIQUES CONCRÈTES
ÉCORESPONSABLES
« Dans le matériel comme dans le spirituel, les gens d’ici
[tribus du Haut-Atlas] vont loin. Mais leur réussite ne porte
pas sur la mise en œuvre du milieu. Elle porte sur des
constructions sociales dont celui-ci n’est qu’un prétexte.
Avec la simplicité relative des techniques, contraste la
supériorité de l’appareil social »

Jacques BERQUES

Région de Midelt
Source : A.U de Khénifra

111
L’ARCHITECTURE AU SERVICE
DES HABITANTS ET DE LA VIE EN
COLLECTIVITÉ

Le Maroc regorge de témoins architecturaux qui Sur le plan architectural, ils se présentent sous forme
attestent des modes de gestion collectifs des affaires de de citadelle ou château fort et sont implantés dans des
la vie quotidienne des populations. sites escarpés et d’accès difficile. Ils se composent d’un
certain nombre de chambres à grain dont chacune est
Les greniers collectifs : Igoudar réservée à une seule famille.
Le grenier collectif, appelé ighrem ou agadir en amazigh, De manière générale, les igudars marocains peuvent
selon les régions, est une construction collective être classés en quatre catégories principales : ceux du
fortifiée et souvent d’accès difficile qui abrite les cases Rif, ceux de l’Atlas central et du Moyen-Atlas, ceux du
de l’ensemble d’une communauté. On les retrouve dans Haut- Atlas et ceux du Sous et de l’Anti-Atlas.
plusieurs parties de la montagne marocaine avec une Dans les plaines, les habitants construisent des silos
forte concentration dans l’Anti-Atlas. Les habitants du collectifs comprenant plusieurs centaines de cavités
village y emmagasinent leurs récoltes et tous les objets juxtaposées. Les silos peuvent être individuels et on les
qui leur sont précieux : actes, argent, bijoux, vêtements, retrouve dans les cours des habitations (M’tamer).
tapis, et, autrefois, armes et munitions. Il servait
également de lieu de retranchement en cas d’attaques.

112
LES GRENIERS COLLECTIFS,
TÉMOINS D’UNE ÉPOQUE RÉVOLUE

« L’agadir présente différentes configurations, mais - (H., POPP & all et B. EL FASSKAOUI, 2013, cités par par
l’architecture interne est presque la même. Il est Brahim EL Fasskaoui, Andreas Kagermeier, Les communautés
traditionnelles amazighes et les pratiques conservatrices de
composé de plusieurs chambres selon le nombre des
l’environnement dans les montagnes du Maroc dans jean-
usagers. Il est également construit selon les cas de Pierre Husson et Miche Deshaies(dir.,), paysages lus du ciel,
2 à 5 étages. En plus de la chambre privée, le grenier hommages à André Humbert, PUN, Editions Universitaires de
contient la loge du gardien, la chambre de la mosquée Lorraine
et la chambre de la communauté. Chaque usager doit
mettre une part de ses récoltes dans les chambres
d’intérêt général »

Agadir n Imi n Tsil Ighrem n Sidi Yaqoub


Source : DJ. Jacques Meunié

113
LES GRENIERS COLLECTIFS,
TÉMOINS D’UNE GESTION
COMMUNAUTAIRE SUPRÊME

Les greniers collectifs constituent la forme la plus


évoluée de la solidarité communautaire en phase avec
la culture de l’adaptation au milieu.

Un grenier de forme carré avec quatre tours d’angle


Ighrem n Tamerzoukt
Source : DJ. Jacques Meunié

LE RUCHER COLLECTIF D’INZERKI,


UN EXEMPLE DE SOLIDARITÉ
ATYPIQUE

Réalisé au début du 19e siècle, le rucher d’Inzerki est un de 920 cases alignées et superposées. Chaque case
exemple atypique de la gestion commune des affaires peut contenir trois ruches pour une capacité maximale
des villageois. A 80 km au nord d’Agadir, ce rucher est du rucher collectif de près de 3000 ruches. Le mode
considéré comme le plus grand des anciens ruchers de gestion du rucher permet qu’il soit utilisé par de
collectifs au Monde. Il est construit en terre et bois nombreux douars des environs avec toutefois un
sous forme de deux bâtiments qui comprennent près maximum de dix ruches par propriétaire.

Source : Thrmagazine

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LE VIVRE ENSEMBLE,
UNE ANCIENNE VERSION DU
NOUVEAU CONCEPT DE LA
« SOLIDARITÉ »

L’organisation spatiale se tramait sur une organisation


socio-économique, laquelle donne sens et profondeur
aux établissements humains traditionnels. Ce qui
permettait surtout au groupe de se mettre en posture de
solidarité face à des aléas climatiques et des contraintes
sociales et économiques qu’un individu ne peut pas
gérer et affronter à lui seul.

Haut Atlas : Takoust,


Province d’Azilal

Sidi Hmida,
Salé

115
116
PARTIE V :
PERSPECTIVES
Les bonnes pratiques dans l’urbanisme et l’architecture
traditionnels sont le résultat d’un temps, d’un territoire et
d’une société qui les a produite, il n’en demeure pas moins
qu’elles peuvent être aujourd’hui source d’inspiration pour
nos territoires, particulièrement avec la grande poussée
de l’urbanisation et ses multiples effets sur les territoires et
sur les conditions de vie des hommes.

Chefchaouen
Source : AU de Tétouan.

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EN GUISE D’ORIENTATIONS
et de construire.
L’héritage architectural et urbain Marocain nous livre de La logique actuelle d’urbanisation doit être inversée :
précieux enseignements en matière de durabilité dès au lieu de définir les zones d’urbanisation en premier,
l’implantation des établissements humains et au cours faudrait-il arrêter au préalable les aires de celles à
de leur évolution dans le temps et dans l’espace. Il nous ne pas engager pour des raisons environnementale,
montre que ces espaces ont été réalisés essentiellement sociale et économique : potentiel naturel, ou paysager,
pour l’Homme et dans le respect de son environnement. valeur sociale et/ou culturel, menaces ou risques
Cet héritage synthétise l’équilibre entre l’Homme et la naturel, …seuls les espaces qui ne rentrent pas dans
nature. ces aires peuvent être déclarées urbanisables.
Aussi bien les médinas que les groupements ruraux Au niveau de la construction, l’architecture gagnerait
anciens s’inscrivaient dans une approche systémique à composer avec les éléments du site et du climat :
vertueuse vis-à-vis des ressources locales. l’expression architecturale, en termes de volumétrie,
d’ouverture, d’orientation doivent en découler. Ainsi, il
L’ingéniosité des Marocains s’est déployée quelque soit y a lieu de revoir certaines pratiques qui ont tendance
les conditions : La rudesse des conditions climatiques, à se généraliser partout au Maroc indépendamment
l’hostilité des paysages, l’abondance de la nature… du contexte climatique et géographique : façades en
Aussi, dans la rareté comme dans l’abondance, vitres, orientation sud systématique, hauteur sous
l’Homme a su savamment s’adapter, s’acclimater et plafond standard…
surtout préserver et ne pas gaspiller les ressources De même, l’implantation architecturale et urbaine aura
naturelles. Cette attitude instinctive par rapport à à respecter l’orientation des vents, la topographie…
l’environnement a donné lieu à des espaces vivables et Ces choix pourraient réduire de manière conséquente la
viables, climatiquement confortables, socialement et consommation des énergies dépensées, pour atteindre
culturellementàl’échelledel’Hommeetécologiquement un confort thermique similaire à celui des maisons
soutenables et durables . traditionnelles, minimisant les risques générées par
Ces principes qui relevaient du bon sens et qui peuvent une urbanisation agressive et non respectueuse du
être intégrées aussi bien lors de l’élaboration des site : inondation, désertification, dilapidation des
documents de la planification urbaine, la conception terres agricoles, surcoût économique et social…etc.
des projets d’aménagement urbains et d’architecture
que dans la gestion des territoires : Pour des principes d’aménagement durables
Le bon choix des sites d’urbanisation ne se suffit pas
Etre à l’écoute du site à lui seul, encore faudrait-il garantir un aménagement
Tout site recèle en lui les éléments indiquant les sans impact négatif sur le site. Le retour à des principes
conditions de son urbanisation et de sa constructibilité. relevés dans notre héritage architectural et urbain est
Aussi, il serait judicieux de faire évoluer les pratiques fortement indiqué dans ce sens. Il s’agit notamment
actuelles vers des approches qui s’appuient sur ces de :
éléments pour définir les modes d’occuper, d’urbaniser • La compacité et la densité du bâti : les villes
doivent d’abord se reconstruire sur elles mêmes

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en valorisant les friches existantes et en privilégiant
la construction en hauteur. L’urbanisation des zones Inciter et encourager l’innovation
nouvelles doit être maîtrisée : définir les zones Tout le monde s’accorde sur la nécessité de capitaliser le
prioritaires à urbaniser et engager l’urbanisation en savoir-faire traditionnel éco-responsable. Pour dépasser
partance des tissus existants en évitant la dispersion le stade du souhait et au plus du constat, tous les
et la discontinuité des tissus. acteurs sont concernés : professionnels, décideurs et
• La composition urbaine : l’aménagement ne peut se société civile doivent s’impliquer en dépassant le stade
limiter au planisme, mais gagnerait à adopter une de la valorisation vers l’incitation à l’innovation :
démarche de composition qui définit au préalable
l’image globale souhaitée pour l’ensemble du • Promouvoir la recherche et l’expérimentation pour
territoire concerné. améliorer les propriétés des matériaux, notamment
Aussi, il est primordial de mettre à contribution le techniques, écologiques, parasismiques… et en
bâti existant, les éléments de repères architectural, assurer la viabilité économique et l’adhésion sociale ;
urbain et paysager, les vues… • Mettre en place une structure ADHOC (laboratoires)
chargée d’accompagner, coordonner, assister les
Réitérer les principes de la bonne gouvernance projets et les interventions et actions à portée
La bonne gouvernance est à lier essentiellement avec la durable en architecture et urbanisme ;
gestion des territoires en faveur de pratiques durables : • Accompagner les structures et les professionnels
• Il serait judicieux de penser à accorder des incitations qui travaillent dans ce domaine.
règlementaires (en urbanisme et architecture)
pour encourager l’usage de matériaux locaux et Réinventer les approches de sensibilisation
par là promouvoir leur évolutivité par rapport aux L’ ensemble des acteurs sont invités à initier des actions
nouveaux impératifs de la vie moderne. d’accompagnement, notamment :
• Il est également essentiel d’encourager des initiatives
institutionnelles et privées comme la sensibilisation, • La création d’un site web de bonnes pratiques ;
l’éducation, la formation, la revivification et la • L’étude de la possibilité d’octroi d’incitations
valorisation des métiers ancestraux, l’intégration règlementaires et procédurales pour les projets à
des architectures vernaculaires dans les plans caractère durable confirmé.
de développement régionaux et d’aménagement • L’organisation d’un concours d’idées aux architectes,
territoriaux, etc. Ces démarches peuvent encore paysagistes et designers, professionnels pour les
une fois donner un nouveau souffle aux techniques éco-projets ;
de construction et d’aménagement ancestrales. • L’organisation de conférences de sensibilisation
avec les acteurs pour s’engager dans la mise en
œuvre des actions versant dans le développement
durable.

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RETOUR DE L’EXPÉRIENCE

Quand le savoir-faire traditionnel


devient source d’inspiration pour
éco-construire
Le Maroc entend bien se positionner dans la
construction écologique. Certains projets, réalisés
dans ce sens, montrent bien que les techniques
architecturales traditionnelles peuvent être source
d’inspiration pour des projets éco-responsables.. Source : www. Goodplanet.info

LE PROGRAMME « ECOLES
BIOCLIMATIQUES »
En partenariat avec le Ministère de l’Education
Nationale, la fondation « GoodPlanet » , dans le cadre
d’un programme “Ecoles bioclimatiques” a réalisé,
dans le sud marocain, des écoles bioclimatiques.
Ces écoles ont été construites en réactivant le savoir-
faire constructif local et en utilisant des matériaux
locaux, notamment le pisé et l’adobe tout en y intégrant Source : Architecture du Maroc/ameditions.net
la technologie moderne d’une manière douce.

Ci contre : L’école bioclimatique d’Ouled Merzoug à Skoura


récompensée par un pavillon vert, label décerné par le programme
Eco-Ecoles de la Fondation
Mohamed VI, lequel programme récompense les écoles présentant les
meilleures performances écologiques au Royaume.
L’école a été réalisée en terre crue avec des murs épais, des toits en
roseau et en bois et couverts d’une épaisse couche de terre. Cette
technique, en plus d’une ventilation naturelle, octroie à la construction
un confort climatique en absorbant la chaleur d’été et en la restituant
l’hiver.
Source : Architecture du Maroc/ameditions.net

Source : www. Archicaine.org

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Ecole maternelle bioclimatique d’Aknaibich
Réalisée dans un douar près d’Agadir, l’école
maternelle bioclimatique d’Aknaibich est construite à
partir de matériaux locaux ; galets, terre crue, paille,
bois et roseaux. Elle a combiné de manière douce des
techniques modernes solaires passives et d’efficacité
énergétique, pour plus de confort thermique.
Les fondations inclinées ont été réalisées à partir de la
pierre locale
Située dans une zone à risque, le bâtiment dispose
également de propriétés antisismiques.
L’aspect paysager a été pris en considération à travers
l’aménagement d’une aire de jeu ombragée et plantée.
Source : www. Goodplanet.infoc

Source : www. Goodplanet.infoc Source : www. Archicaine.org

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Renouveau de l’architectures de
terre.
Des expériences individuelles d’architectes marocains .
ont permis de redécouvrir les techniques de construction
traditionnelles avec une approche scientifique et
contemporaine, ouvrant ainsi la porte à une alternative
architecturale éco-responsable au bilan énergétique
faible.

Ci-contre : Projet de Villas des chercheurs de l’Université


Mohammed VI Polytechnique dans la ville verte
Mohammed VI de Benguerir .

Ce projet réalisé par l’architecte Elie Mouyal se base


sur un concept architectural qui s’inspire de la médina
traditionnelle marocaine. l’architecte a articulé son projet
autour d’un axe qui fait office de « derb » le long duquel se
greffent des villas avec jardins.
La conception est basée sur des principes structurels
et constructifs qui se veulent durables en termes de
matériaux (ceux-ci sont d’origine locale, notamment la
pierre de porphyre rose que l’on retrouve dans la région
de Benguerir), d’isolation thermique et acoustique et
d’optimisation de l’orientation afin de réduire l’impact
majeur sur l’efficacité énergétique du système de
chauffage et de ventilation.   

Source : www.eliemouyal.com

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L’architecture au service du confort
climatique
Suite au développement urbain qu’ont connu les villes
sahariennes du Maroc, le passage d’un habitat nomade
(tente) à un habitat sédentaire (en dur) a été suivi par
l’adaptation de l’architecture aux conditions climatiques
rudes de la région.
Architecture en dôme : Aide à atténuer
l’effet de la chaleur en permettant à
l’air chaud de remonter vers le haut
pour qu’il soit remplacer par un air
plus frais.

Des grilles d’aération


qui servent aussi de
paravents.

Exemples de solutions
architecturales
d’adaptation aux
conditions climatiques
dans la région Dakhla-
Oued-Eddahab

Source photos : A.U de


Dakhla

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BIBLIOGRAPHIE

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Publication de l’université Mohamed V-Agdal, Rabat.

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CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
Sauf mention contraire, les croquis et les photos sont réalisés par MAJAL.
RÉALISATION
Fédération des Agences Urbaines du Maroc (MAJAL).
Avec l’appui de l’ensemble des Agences Urbaines du Maroc

Rabat, novembre, 2016

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Novembre 2016

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