Sur Les Traces Des Pratiques Et de Savoir Faire Eco-Responsables
Sur Les Traces Des Pratiques Et de Savoir Faire Eco-Responsables
Sur Les Traces Des Pratiques Et de Savoir Faire Eco-Responsables
3
4
Sur les traces des pratiques et de
savoir-faire éco-responsables
Architecture et Urbanisme traditionnels au Maroc
5
Sa Majesté
le Roi Mohammed VI
,
que Dieu L assiste, plantant,
un arbre lors de la visite des
chantiers de la ville verte
Mohammed VI
Benguerir, novembre 2012
6
Mesdames et Messieurs,
7
Table des matières
PRÉFACE 11
AVANT PROPOS 12
PARTIE I : UN MODÈLE D’URBANISME SÉCULAIRE 15
1- Les médinas 17
• Un urbanisme durable séculaire
• Un modèle d’intégration à l’écoute du site
• Une organisation spatiale compacte
• Une forme urbaine et une organisation spatiale hiérarchisées
• Une conception adaptée aux conditions climatiques
• Une répartition fonctionnelle équilibrée
2- Les ksours 33
• Un modèle d’implantation intégré au site
• Une composition spatiale en faveur du confort climatique
• Une organisation spatiale au service de l’habitant
• Une économie douce et durable
• Une intégration au contexte
8
PARTIE III : PRATIQUES ÉCORESPONSABLES DE GESTION DES
RESSOURCES NATURELLES 81
1- De la gestion et de la distribution de l’eau 83
• Exemple des médinas
• Exemple des Oasis
• Les techniques traditionnelles d’approvisionnement en eau
• Les propulsions et les presses hydrauliques traditionnelles
• Gestion communautaire des ressources en eau
9
Douar Ain Barda
Source : A.U de Taza
10
PRÉFACE
La réflexion actuelle sur le développement durable que connait la planète, l’architecture et l’urbanisme,
remet l’architecture et l’urbanisme au cœur de et au delà de leurs rôles traditionnels de la maîtrise de
considérations nouvelles. La conception revêt, par la forme et de la fonction, sont plus que jamais dans
la force des choses, une autre profondeur. Elle ne se le devoir de prendre en compte la dimension de la
limite plus, désormais, à la réalisation du projet en ce durabilité aussi bien au niveau de l’aménagement que
sens que le souci n’est plus de se rassurer que l’édifice de la construction..
réalisé tiendra debout et durera dans le temps, mais En marquant un arrêt sur les bonnes pratiques
de savoir comment en faire dès la première brique révélées dans notre riche héritage architectural et
posée et durant son usage autant qu’il dure, un objet urbain, le présent ouvrage se veut une modeste
vivable et à moindre coût environnemental. C’est contribution pour enrichir les débats engagés à
pour ce, que la consommation d’énergie, l’empreinte l’occasion de l’organisation de la COP 22 à Marrakech.
Carbone, l’efficacité énergétique sont devenues des Il se démarque par son choix pris de traiter les multiples
protagonistes incontournables de la conception facettes d’un établissement humain (urbanisme,
architecturale. architecture et gestion communautaire) nécessaires
Cette dimension de la durabilité n’est pas étrangère pour le bon fonctionnement de ces établissements
aux Marocains qui, des siècles durant, ont su vivre et pour leur harmonie avec leur environnement. Il
en symbiose avec leur environnement ; l’architecture n’approche pas l’architecture et l’urbanisme dans leur
et l’urbanisme traditionnels marocains portaient expression plastique ou formelle, mais s’intéresse
en eux les ingrédients d’une posture de bon sens, à leurs apports et réponses aux questions liées à la
écoresponsable, selon les termes d’aujourd’hui. durabilité.
Répondant aussi bien à des besoins transcendantaux L’ouvrage ne prétend pas l’exhaustivité, ne prêche
que fonctionnels, l’architecture et l’urbanisme ont pas un mimétisme hors contexte, comme il se garde
su s’adapter à leur contexte pour un confort optimal de toute tendance nostalgique ou passéiste. Loin
des habitants et des usagers tout en préservant les s’en faut, il nous invite, chacun selon sa position, à
ressources naturelles. tirer les enseignements d’un savoir-faire, empreint
Si aujourd’hui, le Maroc jouit d’atouts inestimables, d’ingéniosité et de bonnes pratiques dans l’espoir de
c’est justement grâce au génie des générations le faire évoluer et de s’en inspirer pour faire face aux
précédentes qui ont sagement relevé l’enjeu de nouveaux défis du développement durable sur les
l’équilibre fragile : habiter, survire et préserver plans architectural et urbain.
le milieu de vie au travers une approche savante
d’adaptation et du respect du milieu et des ressources
naturelles.
Ces modes de faire, soumis à l’oubli, trouvent
aujourd’hui une résonance nouvelle, face au
retournement des échelles de valeurs qui sous- Khaddouj GUENOU
tendaient la fabrication urbaine et la conception Présidente de la
architecturale ces dernières décennies. Fédération des Agences Urbaines du Maroc
Face à tous les dysfonctionnements environnementaux (MAJAL)
11
AVANT PROPOS
Architecture bioclimatique, urbanisme durable, soleil et procurer de l’ombre aux passants ;
résilience des territoires….autant de concepts et de • Ruelles non rectilignes pour, s’adapter à la
thèmes qui sont mis en avant aujourd’hui dans les topographie, freiner l’effet du vent… ;
pratiques architecturales et urbaines avec comme • Systèmes de régulation thermique passif :
objectif de sensibiliser et de susciter la réflexion sur le ventilation naturelle à travers le patio, les
développement territorial durable. murs épais, les fenêtres étroites, les matériaux
En effet, les dangers encourus par notre planète et naturels, le principe de nomadisme saisonnier
par conséquent par ses habitants rendent impératif au sein de la maison… ;
une remise en question des modes de vie actuelle. • Gestion responsable des sites vitaux :
Ceci passe, entre autres, par le développement préservation des terres à valeur agricole,
d’une architecture et d’un urbanisme écoresponsables ; compacité des constructions, évitement des
fonctionnels, confortables, économes en énergie et zones à risques ;
respectueux de l’environnement. • Gestion économe de l’eau : systèmes ingénieux
d’alimentation en eau potable, d’assainissement,
Ces aspects ont été intuitivement pris en compte par d’irrigation…adaptés au relief, aux activités
le passé. L’architecture et l’urbanisme traditionnels humaines et à la disponibilité de l’eau…etc.
typiques de chaque région du Maroc sont la
manifestation d’un savoir-faire séculaire empreint Autant de domaines et de pratiques ayant contribué
de bonnes pratiques transmises et améliorées de à la consécration d’un modèle de développement
génération en génération. Formes architecturales et écoresponsable.
urbaines, matériaux, systèmes constructifs, modes de
gestion des territoires...ont été dictés par les données Ces exemples sont une démonstration de bonnes
du site ; les ressources localement disponibles, pratiques adoptées, en symbiose avec l’environnement,
le microclimat, le relief et la culture locale. Ces le contexte local et les besoins sociaux. Il convient
pratiques faisaient écho à des préoccupations aujourd’hui d’en méditer les enseignements tirés, de les
intuitives : intégration, adaptation, efficacité, confort, prolonger et de les adapter au contexte actuel.
fonctionnalité, gestion des risques naturels... Pour mesurer l’intérêt de ces bonnes pratiques, encore,
Les exemples à ce sujet sont nombreux. Ils s’observent faudrait-il s’y approcher et en explorer les différentes
à différentes échelles (territoriale, urbaine et facettes.
architecturale) et dans différents milieux (rural, urbain,
plaine, montagne…) et touchent différents aspects des
établissements humains (architecture, matériaux et OBJECTIFS DE L’OUVRAGE
techniques de construction, paysage, gestion de l’eau Le projet de cet ouvrage est de consigner en un
et des sites vitaux…) : seul document les bonnes pratiques et savoir-faire
• Rues étroites et hautes pour se protéger du traditionnels en architecture et en urbanisme en vue
12
de les capitaliser pour s’en inspirer. Le propos n’est S’OUVRIR SUR LE FUTUR : Sans rester fermé
pas de reproduire les anciens modèles, mais de les dans des pratiques qui, certes, étaient en phase
invoquer, car sans aucun doute ces bonnes pratiques avec la société qui les a produites, l’ouvrage se
ont beaucoup à nous apprendre en matière de veut une passerelle entre le passé et le présent
développement urbain soutenable. Ainsi, la finalité de pour une ouverture engagée et réussie vers
travail s’articule autour de trois objectifs principaux : le futur. Encore, faudrait-il inciter à ce que la
génération d’aujourd’hui apporte sa propre
CAPITALISER : Sans prétendre l’exhaustivité, le pierre à l’édifice ingénieux et séculaire de
livre revient sur les principaux traits saillants des l’architecture et l’urbanisme marocains, témoins
bonnes pratiques en architecture et en urbanisme d’une grande civilisation et d’un art subtile et
à travers les établissements humains à l’échelle sage d’habiter et d’occuper le territoire.
nationale afin de rendre compte de leur diversité
et richesse par type (médina, Ksours, douars) et DÉMARCHE L’OUVRAGE
par région géographique et climatique (climat Le présent ouvrage, réalisé à l’initiative de la fédération
rude, tempéré, montagne, oasis, plaine…), de des Agences Urbaines du Maroc, est le fruit d’une
montrer l’ingéniosité et le savoir faire marocain démarche laborieuse basée sur une revue analytique
pour s’adapter aux conditions climatiques de données bibliographiques et iconographiques
et géographiques et leur acclimatation aux disponibles et sur la prospection du terrain.
contextes, et ce dans l’objectif de subvenir à
leurs besoins tout en respectant et préservant les Il a surtout bénéficié de l’appui des Agences Urbaines
ressources naturelles. dont la contribution considérable a permis de faire
remonter de précieuses données qui ont alimenté et
SENSIBILISER : c’est une invitation aux hommes facilité l’élaboration de cet ouvrage.
de l’art, aux professionnels et aux décideurs de
questionner les méthodes de faire actuelles en
architecture et en urbanisme, et faire en sorte
que l’Homme et son environnement soient au
cœur de tout acte de bâtir et d’aménager. Les
pratiques traditionnelles en la matière nous
enseignent comment être à l’écoute du site,
garantir l’efficience des établissements humains
par la compacité du bâti, la bonne répartition des
fonctions urbaines, l’adaptation aux conditions
climatiques, la gestion économe des ressources,
la prévention des risques…
13
14
PARTIE I :
UN MODÈLE D’URBANISME SÉCULAIRE
Au Maroc, les hommes ont conçu leur espace de vie aussi
bien en milieu urbain que rural, sous forme de médinas,
ksour, Ighrems, d’chars et douars. Ces établissements ont été
implantés dans le respect de l’environnement et adaptés aux
conditions du site et aux modes de vie de leurs occupants.
Médina de Chefchaouen
Source : A.U de Tétouan
15
16
1 - LES MÉDINAS
Médina de Chefchaouen
Source : Agence urbaine de Tétouan
17
UN URBANISME DURABLE
SÉCULAIRE
18
Médina de Rabat et Les Oudayas Médina d’Azzemour
Source : Mohamed El Malti
19
UN MODÈLE D’INTÉGRATION À L’ÉCOUTE DU SITE
Le choix de l’implantation d’une médina obéissait à plusieurs facteurs ; historiques, économiques, militaires et
politiques ainsi que la proximité des ressources en eau. Mais, une fois le site choisis et les limites urbaines définies,
son développement s’opère dans le respect des éléments du site : l’implantation des constructions s’effectue en
fonction de la topographie, du sens des vents, de l’orientation, des cours d’eau...
20
La médina de Ksar El Kebir située sur un terrain plat
traversé par une ramification de l’Oued Loukkous
fut l’objet d’inondations répétitives dues aux fortes
pluies et aux crues dudit Oued. Les murs porteurs
des constructions lui ont permis de résister à ces
inondations.
21
UN MODÈLE D’INTÉGRATION À
L’ÉCOUTE DU SITE
La médina de Béni-Mellal se caractérise par son Malheureusement, d’autres ont été détournés de
sol présentant un nombre important de cavités leur rôle fonctionnel initial en étant transformés en
souterraines (kefs). Les habitants ont su s’adapter dépotoirs ou déversoirs des eaux usées domestiques
avec cette donne géologique en utilisant ces kefs et artisanales, ce qui déstabilise le sol et augmente
comme refuges, carrières, huileries, … Certains le risque d’effondrements des maisons et des voies
sont toujours en bon état et fonctionnent encore. carrossables.
Médina de Taza
Source : A.U Taza
23
UN MODÈLE DE CROISSANCE
URBAINE FAVORABLE À UN TISSU
RAMASSÉ
La compacité des médinas trouve en partie son Les nouveaux quartiers se réalisaient en continuité
explication dans le modèle de leur croissance et avec les tissus existants, ce qui permettait un usage
évolution urbaine. La croissance urbaine de la rationnel du sol et des équipements et empêchait
quasi-totalité des médinas s’opérait de manière l’éclatement des tissus urbains.
contigüe et par couronnes successives.
24
Evolution de la médina de Boujaâd
25
Maquette analytique de la ville ancienne de Tétouan réalisée à
l’échelle 1/500 selon une hypothèse qui consiste à considérer la
structure formelle de la vieille ville de Tétouan comme un jeu de
parois emboitées suivant un ordre logique.
26
UNE FORME URBAINE ET UNE
ORGANISATION SPATIALE
HIÉRARCHISÉES
Le tissu bâti des médinas est irrigué par une
arborescence d’artères d’apparence inextricable, mais
qui se révèle fortement hiérarchisées allant de de
l’impasse (unité de voisinage) à la rue commerçante
(quartier-ville).
27
UNE CONCEPTION ADAPTÉE AUX
CONDITIONS CLIMATIQUES
28
Une étude (*) effectuée sur la médina de Fès, a
montré l’impact positif de la forme compacte du tissu
urbain, de l’orientation des rues et du prospect sur
le microclimat. Selon la même étude, le relevé des
températures a permis de constater qu’elle atteint
durant la période la plus froide du jour de 2 à 4°C.
(*)Housing Development& Management (HDM) et Laboratoire Public d’Essais et d’Etudes (LPEE « Climat & Urbanisme, la relation
entre le confort thermique et la forme du cadre bâti »,), 2003.
29
UNE RÉPARTITION
FONCTIONNELLE ÉQUILIBRÉE Organisation fonctionnelle de la médina
30
Médina de Salé
Médina d’Asilah
31
32
2 - LES KSOURS
33
Toile d’Eugène Delacroix,
paysage,1832
34
UN MODÈLE D’IMPLANTATION
INTÉGRÉ AU SITE
La Kasbah d’Anemiter,
Jacques Majorelle.
Aussi et de manière intuitive, les habitations sont
regroupés autant que possible dans les zones les moins
fertiles, laissant les terres à haute valeur agricole et
pastorale pour l’exploitation agricole et l’élevage. Le
Le site classé de Sidi Majbar choix du site d’implantation était également dicté
Source : AU de Taza par le souci de se prémunir des risques naturels,
notamment les inondations.
L’ingéniosité des premiers habitants des vallées, des
montagnes et des plaines a permis de créer un système
complexe et ingénieux de captage, de stockage et de
distribution de l’eau et de pérennisation des activités
agricoles et pastorales, car leur survie en dépendait.
Kasbah-Aslim-Nouflla Source
: CERKAS
35
En se sédentarisant, des nomades édifièrent des villages Une première hypothèse serait le fait que cet habitat
fortifiés sous le signe d’une architecture défensive pour représenterait une première forme d’établissement
se prémunir des multiples pillages et attaques ; les humain pour d’anciens nomades sédentarisés. Dans
ksours , lesquels étaient habités généralement par des le référentiel culturel de ces derniers, l’attachement à
familles appartenant souvent à la même tribu. l’espace libre est plus prépondérant qu’à un territoire
Cette architecture rurale amazighe tranchait avec donné. Cela pourrait en partie expliquer l’occupation
l’architecture citadine du nord du Maroc, en l’occurrence minimaliste de l’espace naturel. Ce dernier étant
les médinas. Elle est la synthèse heureuse d’influences toujours privilégié par rapport à l’espace bâti. Une
et de traditions locales et importées que nourrissaient seconde hypothèse, liée à la précédente s’expliquerait
les échanges commerciaux florissant durant le moyen par l’évolutivité de la trame d’implantation de ces
âge entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne. derniers dans le paysage osirien.
Le territoire des Ksour dépasse les frontières du Maroc. Il Cette trame n’aurait eu de cesse d’évoluer selon les
s’agit d’établissements humains qui, au niveau national, différentes périodes historiques sans laisser de traces
se rencontrent dans les Oasis de Figuig, de Draa, de dans le paysage naturel en fonction du déplacement des
Tafilalet et de Jbel Bani. D’après Chérif Idrissi (vers l’an ressources naturelles, leur raréfaction, la variabilité des
six de l’hégire), les ksour n’auraient pas eu de remparts. circuits sécurisés…
D’après son récit, la ville de Draa correspondrait à
une forme d’habitat compact et continu. L’édification
des premiers remparts remonterait à la période des
invasions de Beni Maakil. Il est extrêmement rare de
trouver des ksour historiques qui remonteraient aux
premières phases de la sédentarisation des populations
dans les oasis.
36
Les fondateurs des ksour avaient pour préoccupation Cette organisation se multipliait le long des cours d’oued,
majeure d’assurer, certes, leur protection et défense, évitant ainsi la pression par densification sur un territoire
mais également de garantir une vie durable. Objectifs précis et assurant une discontinuité spatiale soutenable
qui se traduisaient dans le mode d’implantation des des différentes formations Ksouriennes
Ksour : Les terres cultivées recevaient trois niveaux étagés de
Le premier principe de base fut que l’habitat et le finage végétation, les palmiers plus hautes, puis les arbres
formaient un tout indissociable : l’Homme réfléchissait à fruitiers, l’ensemble créait les conditions idéales (ombre,
son lieu d’habitat qui doit répondre à la rudesse du climat température clémente…) pour le développement du
en même temps qu’aux éléments de survie, notamment potager à leur pieds.
les espaces à réserver aux cultures agricoles et à les Les habitations fussent agencées de manière compacte
pérenniser sans oublier de se protéger des risques et et en hauteur afin de limiter l’impact sur les terres
des aléas de la nature, en l’occurrence les inondations… productives et préserver le moindre bout de terre
favorable à l’agriculture (ressource peu abondante).
37
UNE COMPOSITION SPATIALE EN
FAVEUR DU CONFORT CLIMATIQUE
Asfalou-Tinghir
Ihartane-Tinghir
La forme élancée du Ksar permet de freiner et
de faire dévier les vents. Les patios des maisons
et du Ksar agissent comme régulateur thermique
en récupérant l’air chaud pour le dégager vers
l’extérieur
38
En plaçant de petites ouvertures hautes sur la façade
recevant les vents dominants et de grandes fenêtres sur
la face opposée, on crée une dépression permettant de
générer une aération naturelle des locaux traversés tout
en évitant l’entrée des poussières.
Les cours et patios servent également de puits de
lumière pour l’éclairage et l’aération.
39
La forme d’habitat groupé est une réponse spatiale à des
exigences d’ordre économique, militaire et climatique.
Ce dernier aspect se lit au travers différents points :
Une forme massive compacte introvertie protège
l’intérieur du Ksar contre les vents violents .
La construction des maisons en hauteur et sur les
passages, l’étroitesse des rues, la réduction des surfaces
exposées directement au soleil ainsi que l’usage de
matériaux locaux atténuent les effets du rayonnement
fort caractéristique des régions du sud.
La ventilation du ksar se fait entre l’unique porte d’entrée
et le patio .
40
UNE ORGANISATION SPATIALE AU
SERVICE DE L’HABITANT
41
UNE ORGANISATION SPATIALE AU SERVICE DE L’HABITANT : ÉVOLUTIVITÉ
PROGRESSIVE DU BÂTI
Outre la flexibilité de l’habitat dans les ksour, leur évolutivité pourrait également être retenue comme
caractéristique. En effet, le principe de construction est tel que sont d’abord réalisés les murs extérieurs puis le
toit. La valorisation des étages supérieurs est évolutive en fonction des besoins s’exprimant progressivement,
mais aussi en fonction des ressources financières des habitants. La durée de construction varierait en moyenne
d’un à quatre ans. Elle pourrait également dépasser les quinze ans.
42
UNE ÉCONOMIE DOUCE ET DURABLE
Source : www.pinterst.com
43
Des établissements humains La dimension paysagère,
ouverts sur leurs environnements l’architecture fille de son
Les établissements humains traditionnels qui environnement
constituaient l’unité sociale de référence incarnant une Outre leur fonctionnalité et leurs principes de
cristallisation poussée de la sédentarisation , n’étaient durabilité, les établissements humains réalisés
pas pour autant détachés de leur environnement. En offraient des paysages pittoresques, avec leurs allures
effet, ils ont pu développer des rapports d’échanges en amphithéâtre à flanc de coteau des médinas, les
entre eux et avec leur arrière-pays. Aussi, si les ksours terrasses étagées des maisons ksouriennes, les hauteurs
s’auto-suffisaient en interne, il n’en demeure pas moins élancées des minarets et des tours, les couleurs en
qu’ils ont tissé des liens commerciaux entre eux et avec parfaite harmonie avec l’environnement ; la blancheur
d’autres noyaux urbains, les médinas, même du haut des médinas du nord, la couleur ocre des kasbah et
de leurs murailles protectrices, s’ouvraient sur leurs Ksours qui donnent l’air d’être sorti de terre au même
périphéries rurales « Ahouaz » qui les nourrissaient et temps que les monticules qui les accueillent.
sur d’autres médinas voire d’autres pays à travers les
échanges marchands. Il s’agit d’architecture fortement influencée par le
contexte local, les traits culturels et l’impact des
milieux physiques. Au carrefour de la nature et de la
culture, le bâti vernaculaire est étonnamment divers
puisque qu’il naît du sol et des ressources de la région
où il se développe, tout en s’adaptant à l’ensemble des
contraintes.
Médina de Chefchaouen
Source : AU de Tétouan
44
Même en rase campagne, l’adaptabilité aux conditions
géographiques et climatiques était de mise. Ce n’est
que ces dernières décennies que le mitage du milieu
rural a pris des proportions inédites .
Beni Lent
Source : A.U de Taza
Village Tissa
Source : A.U de Taza
45
Vlalée T.Oudgha
Source : CERKAS
L’équilibre qui a toujours prévalu semble de nos jours nous enseigne que l’ingéniosité de l’architecture
en déperdition avec l’éclatement des palmeraies, marocaine se révèle dès le choix de l’emplacement des
la désagrégation de l’organisation sociale. En effet, établissements humains et la manière dont le territoire
si les médinas ont réussi à surpasser, dans une est occupé. Les oasis présahariennes représentent la
certaine mesure, les crises qu’elles ont traversées manifestation suprême de l’adaptation de l’Homme
(une forme de résilience) en devenant un patrimoine à son environnement et témoignent d’un équilibre
vivant et dynamique essentiellement par son activité séculaire entre l’Homme et son milieu.
commerciale, les ksar, malgré les efforts consentis, Les médinas ont cristallisé le génie des lieux dans
peinent encore à freiner les mitages socio-spatiaux qui ses expressions les plus élaborées, notamment en
défigurent leur identité et brisent l’harmonie qu’ils ont termes de maîtrise des éléments du site (topographie,
toujours eu avec leur milieu naturel et environnemental. orientation…) et du climat (vents dominants,
Il n’en demeure pas moins que ces établissements ruissellement des eaux de pluie…)
46
Ruelle à Ichemrarine
Tinghir
47
48
PARTIE II :
L’ARCHITECTURE TRADITIONNELLE
DU BON SENS AU BIOCLIMATISME
Qu’elle soit en milieu urbain (médina) ou rural (architecture
vernaculaire), l’architecture traditionnelle marocaine recèle
les percepts d’une approche bioclimatique que ça soit en
termes de conception, de techniques architecturales ou
de matériaux utilisés.
Palais Bahia-
Marrakech
49
Une architecture prônant Au niveau de l’habitat des nomades, la même ingéniosité
l’efficacité thermique traditionnelle ne manquait pas, les tentes du Moyenne
Atlas devant permettre de se protéger contre la neige,
L’architecture séculaire ou le la pluie et le froid, diffèrent en termes de formes et de
bioclimatique intuitif matériaux utilisés de celles du sud marocain qui elles
L’architecture domestique traditionnelle offre une doivent faire face au sable et aux vents du désert.
typologie diversifiée permettant de répondre à tous
les besoins sociaux, Dar, Ryad, Kasbah…De manière Ces techniques ont permis une bonne résilience des
générale, les maisons sont fermées sur la rue et ouvertes territoires par rapport au climat et aux risques naturels.
sur leurs jardins ou cours intérieures.
Des typologies ingénieuses
Dans l’habitat rural, les espaces intérieurs du logement La diversité typologique dans l’architecture domestique
sont prolongés par des espaces extérieurs ou en RDC. traditionnelle était d’abord une réponse à des besoins
Ces espaces sont adaptés aux besoins des occupants, sociaux adaptés à leur environnement naturel. En effet,
telle que l’affectation, au besoin d’un local au animaux, la distribution des espaces intérieurs ainsi que les
au stockage des denrées, en sus des besoins basiques dépendances du logement et le choix des matériaux de
pour le déroulement de la vie quotidienne, en intra- construction offraient autant de réponses ingénieuses
muros. à des contraintes environnementales et naturelles qu’à
des besoins socio-économiques .
Les architectures traditionnelles regorgent
d’enseignements et d’exemples de procédés De manière assez synthétique deux formes d’habiter
constructifs sur l’adaptation au climat et qui ont généré différentes typologies. L’architecture
demeurent pertinents à ce jour : traditionnelle est une déclinaison en expressions et
Les systèmes de ventilation ; le patio régulateur formes architecturales différenciées selon le milieu
thermique ; les moucharabiehs ; la compacité; les urbainourural,tenantcomptedesdifférentescontraintes
ouvertures extérieures réduites ; l’isolation par climatiques. Mais aussi en intégrant les différentes
l’épaisseur des murs ; l’absorption de la chaleur par les influences d’orient et d’Afrique subsaharienne qui n’ont
murs blanchis à la chaux et les bassins d’eau installés pas cessé d’évoluer depuis, localement.
dans les cours intérieures ; les maisons construites
pour permettre une forme de mobilité interne en Un savoir-faire séculaire s’est construit sur de nombreux
fonction des saisons ; la disposition des bâtiments siècles pour produire des systèmes constructifs, où
pour la régulation thermique qui permet de maintenir s’expriment les connaissances locales, enrichies et
une relative fraîcheur intérieure ; les toitures inclinées augmentées par les apports extérieurs pour s’adapter
lisses, en couverture végétale ou mixte pour évacuer aux matériaux locaux disponibles et aux contraintes
les eaux de pluie et la neige… naturelles.
50
Douar Ain Barda
Source : A.U de Taza
Douar Rchida
Source : A.U de Taza
51
La tente, une forme poussée du respect
LA KHAYMA, UNE DEMEURE SAHRAOUIE
de l’environnement
Les tribus nomades se déplaçaient à la recherche de Considérée comme la première unité sociale
l’eau et des pâturages pour leur bétail, ainsi que pour au sein de la société sahraouie, la Khayma
leur commerce. Par leur transhumance, ils accordaient est parfaitement adaptée au climat rude
aux territoires une certaine forme de repos biologique, du désert. Elle est également pratique, car
en permettant à la nature de reprendre ses droits et facilement démontable. Tissée à l’origine
de se régénérer loin de la pression exercée sur elle par par les femmes, elle est réalisée à partir
l’Homme. de « matériaux » naturels : poils ou duvet
d’animaux (chèvres, dromadaire, brebis).
La tente, habitat sommaire, alliée des tribus Sa forme triangulaire lui permet de résister
nomades est quasiment sans empreinte écologique aux tempêtes et d’empêcher les infiltrations
sur l’environnement. Réalisée à partir de produits d’eau de pluie.
naturels (laine, peaux d’animaux…). Son architecture Annuellement, des centaines de Khaymas
diffère selon les régions, pour s’adapter aux aléas se dressent à l’occasion de la tenue du
climatiques : la rudesse des saisons enneigées et froides Moussem de Tan Tan, classé par l’UNESCO
du Moyen Atlas ; la chaleur et le vent et les rafales de comme patrimoine immatériel de l’humanité
sable du désert… en 2005. Il avait lieu de manière spontanée
depuis plus d’un demi-siècle pour célébrer
la culture nomade et réunissait plus d’une
trentaine de tribus du sud marocain et
d’autres populations nomades du nord-ouest
africain.
52
La maison traditionnelle, primauté des L’espace central, illustre la mutualisation des solutions
espaces à vivre dans les rapports sociaux à l’espace habité (la centralité
La maison traditionnelle : se dit Dar quand elle est familiale dans l’espace communautaire) et les solutions
organisée autour d’un espace central le patio, (wast ed techniques optimales pour sa régulation .
dar) et Riad quand elle est organisée en U autour d’un
espace vert. Elle est généralement bordée de portiques
supportant les pièces de l’étage supérieur.
La distribution de la maison traditionnelle en milieu
urbain est souvent donnée en exemple pour illustrer une
réponse sociale à des besoins socio-économiques. Le
caractère introverti de la maison est souvent expliqué
par la seule ornière du mode d’habiter où l’espace
intérieur, lieu de l’intimité absolue, est exclusivement
dédié au groupement familial centré sur lui-même.
53
Des caractéristiques techniques :
Ensoleillement, aération confort
thermique
A cet égard, il est à remarquer, la corrélation entre les tenant compte de conditions optimales d’éclairage et
dimensions de la cour interne et celles des chambres d’aération.
ainsi que la disposition des espaces de services
Les maisons sont fermées sur la rue et ouvertes sur leurs jardins ou cours intérieures.
Les pièces sont assez larges, mais peu profondes et prennent leurs éclairages et leurs aérations
par la cour.
Les pièces, dites ‘mpures’, cuisines et salles d’eaux, sont systématiquement mises dans les
angles du plan, les maintenant à distance de l’espace majeur.
Les escaliers tournent sur eux-mêmes en s’appuyant sur des maçonneries. Habituellement, les
constructions ne dépassent pas le niveau R+1.
54
Un système thermique élaboré
De par son architecture et son organisation, la maison
à patio est bien adaptée au climat des régions chaudes
et semi-arides. Le patio y joue un rôle d’espace tampon
entre l’intérieur et l’extérieur de l’habitation, créant ainsi
un microclimat au sein de la maison, particulièrement
en saison chaude.
Musée de Marrakech
55
Des caractéristiques techniques :
Ensoleillement, aération confort
thermique
Outre l’utilité fonctionnelle de desservir le niveau
supérieur, l’encorbellement de celui-ci fait également
écran aux rayons solaires, maintenant à l’ombre les
façades intérieures. Les pièces au rez-de-chaussée
offrent ainsi un confort thermique, même par périodes
de grandes canicules.
56
Le patio, un régulateur thermique
57
Les revêtements au mur ( Zellij, tadellakt, plâtre ciselé,
stuc, etc.) en sus de leur qualité esthétique, représentent
des matériaux isolants protégeant autant les structures
contre l’humidité que les usagers.
58
Entre agrément et fonctionnalités,
les ouvertures ouvrent le champ de
l’expression architecturale traditionnelle
Les ouvertures contribuent à l’équilibre thermique de la
maison :
- Les fenêtres vitrées, apportent un peu de chaleur en
hiver grâce un effet de serre, particulièrement quand
elles sont orientées sud et que les jours d’hiver sont
ensoleillés.
- Les grandes portes à deux vantaux permettent de
préserver une ambiance thermique supportable une fois
fermées en hiver et ouvertes en été.
- Les chemassiyats, réalisées en plâtre et placées
souvent en hauteur assurent la circulation de l’air et de
la lumière.
- Des pans ajourés, placés en guise de séparation entre
les pièces ou avec l’extérieur contribuent à la ventilation
entre pièces ou en contact avec l’extérieur tout en
tamisant la lumière.
59
Les ouvertures sur l’extérieur,
Fenêtre sur rue d’une maison à Douar Rchida
notamment au niveau des sabahs, sont Source : A.U de Taza
de tailles réduites, elles représentent
surtout des points de prise d’air
permettant de forcer et d’accélérer la
ventilation du logement.
60
L’intégration de coupoles dans
certaines pièces (apparat, hammam,
etc.) permet d’une part de refroidir l’air
chaud ascendant. D’autre part, quand
un certain nombre de conditions le
permettent(surfaceàcouvrir,ressources
financières, besoin spécifique, …) la
coupole intègre également un éclairage
zénithal .
Palais Bahia,
Marrakech
61
Palais Bahia, Marrakech
62
Maison à Sidi Mjbar
Source : A.U de Taza
63
Les formes de l’habitat, les formes architecturales et
les matériaux de construction et de finition sont autant
de solutions et de réponses diverses à des besoins en
logements en différents sites naturels . Leurs variabilités
sont inhérentes à des contraintes naturelles diversifiées
selon le contexte géographique et les potentialités
paysagères offertes.
64
Maison à Douar Ejbiyel Essaoud – Tissa La conception architecturale adoptée a opté pour un
Source : A.U de Taza système de toiture en pente permettant l’évacuation
facile des eaux pluviales. Les matériaux locaux ainsi
que la couleur de l’ensemble assurent une parfaite
intégration paysagère de la construction dans son
environnement naturel.
65
La diversité typologique est ainsi dictée par la diversité
climatique prévalant au Maroc.
Certaines formes d’habitat présentent par exemple une
architecture adaptée à l’écoulement du ruissellement
des eaux pluviales.
En sus des facteurs humains (appartenance à une même
famille ou tribu), économique (principales activités) et
foncier (régime), le facteur topographique intervient
d’abord dans le choix du site. Celui-ci est choisi de telle
sorte à impacter au minimum les zones de ressources
naturelles. Ensuite, la topographie est intégrée dans la
conception architecturale qui s’intègre au site et à ses
diverses contraintes sans pour autant chercher à en
modifier les contours paysagers et morphologiques.
66
La conception architecturale est un prolongement des principes fédérateurs de l’espace de vie communautaire.
L’intégration au site naturel, à sa topographie ainsi qu’aux conditions climatiques se fait autant au niveau de l’unité
d’habitation qu’au niveau de l’ensemble de l’établissement humain.
67
Kasbah-Ameridil
Source : CERKAS
68
Kasbah-Aslim-Nouflla
Source : CERKAS
Invités
69
Une flexibilité socio-spatiale pour une Par rapport à la température extérieure, les pièces
meilleure efficacité énergétique des niveaux inférieurs atteignent en moyenne, leur
La vie aussi bien dans les maisons traditionnelles, température maximale avec un différé de cinq heures,
dans les médinas que dans les ksours ou encore dans devenant ainsi moins confortables thermiquement
les kasbahs n’était pas statique. Une organisation vers le soir.
dynamique dans les logements permettait de s’adapter
aux conditions climatiques.
70
Une conception en faveur de l’efficacité
énergétique
Le mode d’éclairage et d’aération introverti des
constructions traditionnelles ainsi que le mode d’habiter
souple et flexible a généré des espaces polyvalents dont
l’efficacité énergétique est augmentée par l’utilisation
de matériaux de construction locaux à grande inertie
thermique.
72
DES MATÉRIAUX RELEVANT produits, offre différents avantages, en terme de
LE PARI CLIMATIQUE, PAYSAGER ET traçabilité, de réduction de l’empreinte carbone au
ÉCONOMIQUE niveau de l’ensemble du processus de construction.
L’usage des matériaux locaux (sans grande Terre crue, pisé, adobe, bois, roseaux autant que la
transformation), prélevés au plus près du site où ils maçonnerie en pierres renforçaient par leur usage
étaient utilisés, était la règle généralement adoptée, pour différencié selon les régions du Maroc, l’identité locale
construire les bâtiments aussi bien à usage d’habitation et nuançaient les écritures architecturales autant que les
que pour les équipements. paysages urbains .
73
Douar Rchida
Source : A.U de Taza
74
Source : AU de Ouarzazate-Zagora
Les procédés de constructions autant que l’extraction, la transformation,… ainsi que le transport
des matériaux utilisés se caractérisaient par leur faible mobilisation des énergies utilisées, hormis
celles humaine et animalière.
75
DES SYSTÈMES CONSTRUCTIFS ADAPTÉS AUX
MATÉRIAUX LOCAUX DISPONIBLES
La diversité des systèmes constructifs de sorte à
répondre aux contraintes locales est à l’origine d’un
savoir faire richement pourvu en technicité. Les
exemples sont nombreux : construction en adobe, en
pisé, en pierre, etc.
L’un de ces exemples les moins connus est celui des
Tazota. L’intérêt des Tazota réside en effet, dans leur
système constructif basé sur l’emploi de pierre sèche
sous forme d’un cylindre pour les plus simples ou de
deux cylindres de taille dégressive superposés pour les
plus élaborées
Les Tazotas (cliché privé)
76
« C’est au harati, du Draâ que
l’on attribue l’introduction de
cette architecture en pierres
plates, nues, soigneusement
appareillées, à frises de chevrons
et motifs triangulaires pleins
ou ajourés, si différente par
sa technique et ses thèmes
décoratifs de constructions du
Maroc septentrional » Extrait de
: Odette de Pingaudeau, Hesperis
1968/3
Ksar Assa Xe siècle (4ème siècle de l’hégire)
Source : AU Guelmim-Essmara
77
Partout au Maroc, le béton armé s’est
généralisé, les constructions ne sont plus
adaptées à leur milieu : chaudes l’été
et froides l’hiver. Les façades se voilent
de verre à la recherche d’une modernité
qui s’est révélée asphyxiante….Serait-il
judicieux que l’on prête plus d’attention
lors du processus de conception au
milieu, en vue d’éviter de créer des
problèmes que l’on peine par la suite à
résoudre.
Asfalou-Tinghir
78
Quand la friche annonce le retour humble à la nature …
Tidgine-Tinghir
79
80
PARTIE III :
PRATIQUES ÉCORESPONSABLES
DE GESTION DES RESSOURCES
NATURELLES
Lesressourcesnaturellesétaientaucœurdespréoccupations
de l’urbanisme et de l’architecture traditionnels au Maroc.
Aussi, l’eau et l’élément végétal revêtaient un intérêt majeur
dans tout acte d’aménagement et de construction. Autant,
ces ressources étaient mobilisées au service de l’Homme,
autant leur préservation était fondamentale.
Chefchaouen
Source : A.U de Tétouan
81
82
1 - DE LA GESTION ET DE LA DISTRIBUTION DE L’EAU
« La ville de Fès renferme beaucoup de maisons, de palais, de métiers.
On y voit de toutes parts des fontaines surmontées de coupoles et
de réservoirs d’eau voûtés et ornés de sculptures ou autres belles
choses, les alentours sont bien arrosés, l’eau y jaillit abondamment de
plusieurs sources, tout y a un air vert et frais … »
83
LE CYCLE DE L’EAU
LA GESTION ET LA DISTRIBUTION DE L’EAU Dans les oasis, l’eau faisait partie d’un système
A elle seule, la gestion de l’eau dans l’architecture et inébranlable comprenant aussi la palmeraie, le bâti
l’urbanisme traditionnels mérite une mise en lumière et l’Homme. Mais la gestion de l’eau a atteint son
attentionnée. Élément indissociable de la ville et de la perfectionnement dans les médinas. Ces dernières ont
vie des Marocains, l’eau recevait un intérêt particulier été dotées d’un réseau de distribution d’eau performant.
de par la société quant à sa collecte, son stockage et
sa distribution. Elle fut acheminée aux maisons, aux La collecte et le stockage de l’eau étaient une pratique
fontaines, aux équipements publics et aux vergers et courante et ancienne. L’eau est utilisée pour l’irrigation
jardins par des systèmes appropriés. L’organisation de la et l’abreuvage du cheptel, pour assurer des besoins
distribution de l’eau se faisait selon des règles précises de première nécessité dans les zones dépourvues de
en fonction de la situation du terrain concerné, de ses ressources en eau souterraine, pour se protéger des
besoins et de la disponibilité de l’eau. crues et en prévention des saisons sèches.
A Fès Les systèmes hydrauliques sont le fruit d’une Les systèmes de stockage les plus connus sont les
pratique très élaborée, qui vouait un respect à l’eau, immenses bassins qu’on trouve à Marrakech et à Meknès
laquelle n’était pas gaspillée. Elle passait par des cycles et qui servaient également pour l’entraînement des
d’usage optimisés. troupes à la natation et les métfias publiques et privées
A Marrakech, le système des « Khettaras » assisté (réservoirs) en milieu rural. Toutefois, d’autres systèmes
plus tard par un système de viaducs plus élaboré en existent dont les banquettes, les billons, les cordons, les
est un autre bel exemple. Il a été constitué de galeries murettes en pierre sèche, les micro-bassins, les Tabias à
drainantes souterraines qui cherchent l’eau à 20 ou 50 alimentation directe ou par oued, les terrasses ...
m du sol et l’amènent à ciel ouvert par gravitation, la
ville en comptait une cinquantaine de ces galeries.
84
LA GESTION ET LA DISTRIBUTION DE
L’EAU : L’EXEMPLE DES MÉDINAS
A l’entrée de la médina de Fès, l’oued éponyme irrigue
Le réseau hydraulique dans la médina de Fès depuis des siècles jardins, vergers, terres agricoles.
A Fès, la gestion et la distribution de l’eau reposait L’ensemble était organisé dans un système hydraulique
sur un système élaboré impliquant une dépollution permettant l’acheminement de cette ressource à
progressive avant d’être évacuée finalement dans les l’ensemble du tissu médinal ainsi que son évacuation
égouts. Le système ingénieux gérait la distribution de
l’eau selon trois catégories : l’eau de source ( ) الماءالطاهر,
l’eau de rivière ( )الماء الصالح للعادةet l’eau d’assainissement
( )الماء الحارen faisant usage de différentes techniques :
(Norias, aqueducs, répartiteurs urbains, Fekhti
(canalisations en poteries), fontaines…). Ce système
prend en charge aussi l’assainissement de l’eau à
travers les Sloukias et prévoit également la gestion de
l’eau en cas de crue.
85
Le répartiteur principal de Fès
Le répartiteur principal de Fès se composait L’eau est répartie en fonction du « haq » droit de chaque
essentiellement de trois entités: entité par réorientation due à la variation des niveaux
d’écoulement de l’eau depuis les Khnizra.
Le répartiteur : Il s’agit d’un ouvrage hydraulique
composite formé généralement par un grand bassin Les canalisations en poteries : En fonction de leurs
de rétention, plusieurs Mcharebs de différentes diamètres, des désignations précises permettaient de
dimensions et sections , des canaux en maçonneries les différencier. Elles assuraient une distribution vers
traditionnelles, plusieurs caniveaux en briques pleines l’ensemble des quartiers du tissu urbain.
traditionnelles et en fin des maâdas en poterie.
El-buhare z ≈ Ø 45 cm .
* El-mdedab ≈ Ø 30 cm
* El-ferh ≈ Ø 25 cm
* El-freyih ≈ Ø 15 cm
* El-fehti ≈ Ø 10 cm
* El-fehti al megzul ≈ Ø 7 cm
Fouad Serghini
86
Coupe schématique de l’horloge (Clepsydre )
hydraulique de Fès
Source : Abdel Basset Fellous
CLEPSYDRE HYDRAULIQUE……
……APRÈS RESTAURATION
87
Le réseau hydraulique dans la médina de
Tétouan (Le secundo)
Le réseau hydraulique dans la médina de Tétouan a
été développé de sorte à assurer une ramification
progressive permettant d’alimenter l’ensemble des
secteurs du tissu urbain.
Le stockage à différentes échelles permet d’assurer
une certaine pression de l’eau aux différents points
d’approvisionnement.
Il est particulièrement à remarquer les divers dispositifs
mis en place pour récupérer l’excédent en eau (pluie,
fonte des glaces, ….) et éviter ainsi tout gaspillage.
88
Schéma explicatif de la distribution
de l’eau potable dans la médina de Tétouan : le Secundo
89
LA GESTION ET LA DISTRIBUTION DE
L’EAU : L’EXEMPLE DES OASIS
90
UN SYSTÈME HYDRIQUE ÉLABORÉ
Pour l’exemple du Draa, le réseau hydrique, représente
un élément structurant des Ksours d’une oasis. La
gestion de ce réseau dépasse généralement la capacité
d’un seul Ksar, expliquant ainsi la prépondérance de la
copropriété entre plusieurs ksour s d’un seul système
hydrique.
Au niveau des ksour s du Draa, le système hydrique se
composait de :
91
Réseau d’irrigation de Giguig
Source : Gwenaelle Janty
92
LES TECHNIQUES TRADITIONNELLES
D’APPROVISIONNEMENT EN EAU
Source : AgriMaroc.ma
93
Les tours élévatrices d’eau de Tamesloht, un
cas unique au monde
Le système des tours de Tamesloht élévatrices a été
inventé au XIXe siècle. Il s’agit de 13 colonnes de 10m de
hauteur qui agissent comme des vases communicants
et permettent grâce à la gravité d’arroser palais et
jardins.
94
La technique du « Maâda » - Mâada de distribution : Reçoit directement l’eau
La technique de maâda est assez ancienne à Fès d’une source, d’un oued, ou même d’une autre maâda
d’après «Rawd al quirtas» elle remonterait au 13ème et le répartit via des mcharebs ;
siècle (6ème siècle de l’hégire).
Il s’agit d’une sorte de petit regard dont le rôle est la - Mâada de relais appelée «dakhal kharej» c’est une
distribution de l’eau par principe gravitationnel. sorte de regard à décompression et de nettoyage des
C’est une forme de grande jarre enterré dans les impuretés où l’eau circule à cet effet ;
rues ou coins de maisons, à l’intérieur des médersas,
hammams... - Mâada collectrice : Permet de collecter des eaux de
Il existerait au moins trois type de mâada : différentes provenances avant de les redistribuer.
Mâada de relais
95
LES PROPULSIONS ET LES PRESSES
HYDRAULIQUES TRADITIONNELLES
Les moulins
La meunerie remonterait à Fès à la période des Zénètes
et se serait répandue durant la période Almoravide.
La topographie accidentée de Fès, pouvant atteindre
par endroits une centaine de mètre, était favorable au
développement de la meunerie.
L’épanouissement de cette dernière était lié au
développement de cultures céréalières, de cultures
à grains, ainsi qu’au développement d’industries Les norias :
artisanales nécessitant le broyage de certains des Les norias de Fès seraient une technique introduite
produits qu’elles utilisaient. par les Andalous. La première aurait été construite en
faveur du sultan Abu-Youssef Al Mansour.
La structure était ferrée en son extrémité inférieure Les norias sont des roues élévatrices d’eau depuis
et tournait dans une cavité en fer nommée « Az-zabra un niveau inférieur. Elles avaient essentiellement une
». Cette dernière était portée par une pièce en bois armature en bois avec des pièces métalliques pour les
encastrée dans le sol nommée «al-bast». parties articulées et l’assemblage de centaines pièces
requérant la rigidité de l’ensemble du système.
L’axe vertical était parfois en fer et traversait le plancher Les norias pouvaient atteindre 30 m de diamètre. Leur
sur lequel se posait une meule immobile qu’il traverse usage n’avait rien d’exceptionnel, notamment dans les
également. jardins à l’intérieur de l’enceinte de la médina.
96
Noria, les jardins des Oudayas,
Rabat
97
GESTION COMMUNAUTAIRE DES
RESSOURCES EN EAU
Des infrastructures hydrauliques
Les «citernes», une technique ancestrale de communautaires au service d’un partage
collecte des eaux de pluie équitable et rationnel de l’eau
Face à la rareté des ressources en eau particulièrement Il est rare qu’un village dispose d’une ressource
dans les périodes de sécheresse, par tout au Maroc qui lui est propre, des infrastructures hydrauliques
les collectivités traditionnelles ont montré une grande communautaires (canaux, norias…) permettent de
ingéniosité pour s’approvisionner en eau domestique et servir plusieurs villages à la fois. Dans la vallée d’Aït
pour abreuver le bétail. Elles ont aménagé des citernes Bouguemez, «les ressources en eau sont partagées
enterrées nommées différemment selon les régions, entre les villages sur la base d’un très grand nombre
« Tanodfi » en pays Amazighs, « Metfia » dans les d’accords historiques informels. Rares sont les villages
contrées arabophones. Dans la région de Souss, cette disposant d’une source leur appartenant et ne desservant
technique constitue encore l’importante ressource en qu’eux ; les canaux sont quasiment tous inter-villageois.
eau dans la mesure où elle couvre les besoins en eau Les principes séculaires de gestion de l’eau contribuent à
domestique pour 27% de la population du Souss, 47% structurer l’organisation sociale de façon équitable, par
pour la province Taroudant et pour plus de 50% des le respect des droits individuels et collectifs, et à garantir
foyers du cercle d’Ighrem. Des centaines de villages la pérennité de l’investissement communautaire».
dépendent et à 100% de cette technique dans l’Anti-
Atlas occidental.
98
Source : My Driss Hasnaoui
99
2 - L’ÉLÉMENT VÉGÉTAL
Lors de sa visite à Béni Mellal, en 1883, Charles de Faucauld, décrivait
une ville entourée de « superbes jardins qui s’étendent fort loin,
dotée de sources dont les eaux sont d’une pureté admirable et d’une
abondance extrême. Ces eaux sont réparties en six canaux chacun
forme un ruisseau de 2 m de large et de 30 cm de profondeur» .
100
VILLE VERTE ! PAS SI NOUVEAU : LA
VERDURE DANS LES MÉDINAS
L’élément vert était une composante indispensable dans En milieu rural, l’Agdal fut une véritable institution socio-
les anciennes médinas. Jusqu’au début du XXe siècle, écologique. La racine du mot renvoie en amazigh à la
Marrakech est restée une ville verte, les deux tiers de la prairie et au pâturage avec une image de l’abondance de
surface de la médina étaient occupés par des vergers l’herbe. C’est une pratique de gestion communautaire
anciens. reposant sur la protection des ressources spécifiques
au sein d’un territoire défini. Une des caractéristiques
Marrakech a le mérite d’introduire l’art des jardins dans essentielles de l’Agdal est l’alternance de période
les médinas et de le diffuser dans beaucoup d’autres d’ouverture et de fermeture du territoire.
pays. Cet art est né au XIIe siècle avec les Almohades
sous forme d’immenses vergers accueillants de grands L’Agdal au Maroc est connu pour avoir atteint le plus haut
bassins, des pavillons de repos (Menzeh), des fontaines, degré de diversification et de raffinement par rapport
des murailles et des enclos. Il est l’ancêtre des parcs aux autres pays de la région (Agdals pastoraux fruitiers,
marocains agricoles, fourragers…).
La médina comptait aussi de petits jardins traduits sous Il a été introduit en milieu urbain en premier à Marrakech
forme de Arsas, Jnân, Ryad… qui se distinguaient par par le souverain Abdel Moumen en 1157 et fut délimité
une composition intime autour des fleurs, de l’eau, du par un vaste enclos de murailles, d’où naitra alors le
zellig… jardin-enclos attenant au Palais du Sultan.
101
L’AGRICULTURE URBAINE, UNE PRATIQUE SÉCULAIRE
102
ESPACES VERTS, LIEUX
D’AGRÉMENT ET DE VILLÉGIATURE
103
LES JARDINS INTÉRIEURS, DES
ESPACES PRATIQUES ET LUDIQUES
Palais Al Badii
Marrakech
104
Jardins de l’Agdal Marrakech L’aménagement de ces espaces verts parfois dans des territoires
Source : www.jardin-menara.com semi-arides comme les jardins de l’Agdal à Marrakech, est une
démonstration de l’ingéniosité traditionnelle. L’espace vert, est
conçu de manière intégrée avec le système hydrique depuis
son lieu de stockage et de la première distribution jusqu’à son
évacuation en aval.
105
Les superficies des espaces verts sont très variables
en fonction de l’investissement premier et de la
volonté communautaire pour les entretenir.
Certains font plusieurs hectares comme les jardins
Les jardins de l’Agdal
centenaires de Marrakech (500 Hectares - les Marrakech
jardins de l’Agdal ) ou quelques centaines de mètres
carrés.
Ils sont les témoins d’un aménagement paysager
de la ville, intégrant des concepts de bon sens que
nous appelons aujourd’hui éco-ville, agriculture
urbaine, …
106
L’eau considérée comme une denrée précieuse, ne l’est pas moins La Menara
des espaces verts. Eau et trame verte sont structurellement Marrakech
interdépendants.
107
LA PROTECTION DE
L’ENVIRONNEMENT, UNE OPTION
VITALE
L’exploitation des ressources naturelles n’était pas construction ou éventuelle réfection, et de ce fait
aléatoire, tel était le principe de base. Cette exploitation remettrait en question la pérennité de tout l’établissement
obéissait à un contrôle codifié et à une règlementation humain.
consensuelle : Autre exemple, l’usage rationnel des ressources
Dans la vallée du Dadès, le peuplier était utilisé dans la forestières permettait la préservation des lieux
construction au niveau des toitures des maisons. Il était d’habitat de la faune et la flore nécessaire à l’équilibre
ainsi interdit que cette essence soit utilisée comme de l’écosystème et de ce fait était vital pour l’Homme.
combustible. Sa disparition entraverait toute nouvelle
Bandes de carroyage de protection en palmes tressées Etre au plus près de la menace de la désertification explique
contre la désertification certains investissements intervenus depuis plus de dix siècles
passés pour entretenir, préserver et protéger les espaces verts .
108
Commune de Ben Smim, Moyen Atlas
Source : Panoramio
109
110
PARTIE IV:
PRATIQUES CONCRÈTES
ÉCORESPONSABLES
« Dans le matériel comme dans le spirituel, les gens d’ici
[tribus du Haut-Atlas] vont loin. Mais leur réussite ne porte
pas sur la mise en œuvre du milieu. Elle porte sur des
constructions sociales dont celui-ci n’est qu’un prétexte.
Avec la simplicité relative des techniques, contraste la
supériorité de l’appareil social »
Jacques BERQUES
Région de Midelt
Source : A.U de Khénifra
111
L’ARCHITECTURE AU SERVICE
DES HABITANTS ET DE LA VIE EN
COLLECTIVITÉ
Le Maroc regorge de témoins architecturaux qui Sur le plan architectural, ils se présentent sous forme
attestent des modes de gestion collectifs des affaires de de citadelle ou château fort et sont implantés dans des
la vie quotidienne des populations. sites escarpés et d’accès difficile. Ils se composent d’un
certain nombre de chambres à grain dont chacune est
Les greniers collectifs : Igoudar réservée à une seule famille.
Le grenier collectif, appelé ighrem ou agadir en amazigh, De manière générale, les igudars marocains peuvent
selon les régions, est une construction collective être classés en quatre catégories principales : ceux du
fortifiée et souvent d’accès difficile qui abrite les cases Rif, ceux de l’Atlas central et du Moyen-Atlas, ceux du
de l’ensemble d’une communauté. On les retrouve dans Haut- Atlas et ceux du Sous et de l’Anti-Atlas.
plusieurs parties de la montagne marocaine avec une Dans les plaines, les habitants construisent des silos
forte concentration dans l’Anti-Atlas. Les habitants du collectifs comprenant plusieurs centaines de cavités
village y emmagasinent leurs récoltes et tous les objets juxtaposées. Les silos peuvent être individuels et on les
qui leur sont précieux : actes, argent, bijoux, vêtements, retrouve dans les cours des habitations (M’tamer).
tapis, et, autrefois, armes et munitions. Il servait
également de lieu de retranchement en cas d’attaques.
112
LES GRENIERS COLLECTIFS,
TÉMOINS D’UNE ÉPOQUE RÉVOLUE
« L’agadir présente différentes configurations, mais - (H., POPP & all et B. EL FASSKAOUI, 2013, cités par par
l’architecture interne est presque la même. Il est Brahim EL Fasskaoui, Andreas Kagermeier, Les communautés
traditionnelles amazighes et les pratiques conservatrices de
composé de plusieurs chambres selon le nombre des
l’environnement dans les montagnes du Maroc dans jean-
usagers. Il est également construit selon les cas de Pierre Husson et Miche Deshaies(dir.,), paysages lus du ciel,
2 à 5 étages. En plus de la chambre privée, le grenier hommages à André Humbert, PUN, Editions Universitaires de
contient la loge du gardien, la chambre de la mosquée Lorraine
et la chambre de la communauté. Chaque usager doit
mettre une part de ses récoltes dans les chambres
d’intérêt général »
113
LES GRENIERS COLLECTIFS,
TÉMOINS D’UNE GESTION
COMMUNAUTAIRE SUPRÊME
Réalisé au début du 19e siècle, le rucher d’Inzerki est un de 920 cases alignées et superposées. Chaque case
exemple atypique de la gestion commune des affaires peut contenir trois ruches pour une capacité maximale
des villageois. A 80 km au nord d’Agadir, ce rucher est du rucher collectif de près de 3000 ruches. Le mode
considéré comme le plus grand des anciens ruchers de gestion du rucher permet qu’il soit utilisé par de
collectifs au Monde. Il est construit en terre et bois nombreux douars des environs avec toutefois un
sous forme de deux bâtiments qui comprennent près maximum de dix ruches par propriétaire.
Source : Thrmagazine
114
LE VIVRE ENSEMBLE,
UNE ANCIENNE VERSION DU
NOUVEAU CONCEPT DE LA
« SOLIDARITÉ »
Sidi Hmida,
Salé
115
116
PARTIE V :
PERSPECTIVES
Les bonnes pratiques dans l’urbanisme et l’architecture
traditionnels sont le résultat d’un temps, d’un territoire et
d’une société qui les a produite, il n’en demeure pas moins
qu’elles peuvent être aujourd’hui source d’inspiration pour
nos territoires, particulièrement avec la grande poussée
de l’urbanisation et ses multiples effets sur les territoires et
sur les conditions de vie des hommes.
Chefchaouen
Source : AU de Tétouan.
117
EN GUISE D’ORIENTATIONS
et de construire.
L’héritage architectural et urbain Marocain nous livre de La logique actuelle d’urbanisation doit être inversée :
précieux enseignements en matière de durabilité dès au lieu de définir les zones d’urbanisation en premier,
l’implantation des établissements humains et au cours faudrait-il arrêter au préalable les aires de celles à
de leur évolution dans le temps et dans l’espace. Il nous ne pas engager pour des raisons environnementale,
montre que ces espaces ont été réalisés essentiellement sociale et économique : potentiel naturel, ou paysager,
pour l’Homme et dans le respect de son environnement. valeur sociale et/ou culturel, menaces ou risques
Cet héritage synthétise l’équilibre entre l’Homme et la naturel, …seuls les espaces qui ne rentrent pas dans
nature. ces aires peuvent être déclarées urbanisables.
Aussi bien les médinas que les groupements ruraux Au niveau de la construction, l’architecture gagnerait
anciens s’inscrivaient dans une approche systémique à composer avec les éléments du site et du climat :
vertueuse vis-à-vis des ressources locales. l’expression architecturale, en termes de volumétrie,
d’ouverture, d’orientation doivent en découler. Ainsi, il
L’ingéniosité des Marocains s’est déployée quelque soit y a lieu de revoir certaines pratiques qui ont tendance
les conditions : La rudesse des conditions climatiques, à se généraliser partout au Maroc indépendamment
l’hostilité des paysages, l’abondance de la nature… du contexte climatique et géographique : façades en
Aussi, dans la rareté comme dans l’abondance, vitres, orientation sud systématique, hauteur sous
l’Homme a su savamment s’adapter, s’acclimater et plafond standard…
surtout préserver et ne pas gaspiller les ressources De même, l’implantation architecturale et urbaine aura
naturelles. Cette attitude instinctive par rapport à à respecter l’orientation des vents, la topographie…
l’environnement a donné lieu à des espaces vivables et Ces choix pourraient réduire de manière conséquente la
viables, climatiquement confortables, socialement et consommation des énergies dépensées, pour atteindre
culturellementàl’échelledel’Hommeetécologiquement un confort thermique similaire à celui des maisons
soutenables et durables . traditionnelles, minimisant les risques générées par
Ces principes qui relevaient du bon sens et qui peuvent une urbanisation agressive et non respectueuse du
être intégrées aussi bien lors de l’élaboration des site : inondation, désertification, dilapidation des
documents de la planification urbaine, la conception terres agricoles, surcoût économique et social…etc.
des projets d’aménagement urbains et d’architecture
que dans la gestion des territoires : Pour des principes d’aménagement durables
Le bon choix des sites d’urbanisation ne se suffit pas
Etre à l’écoute du site à lui seul, encore faudrait-il garantir un aménagement
Tout site recèle en lui les éléments indiquant les sans impact négatif sur le site. Le retour à des principes
conditions de son urbanisation et de sa constructibilité. relevés dans notre héritage architectural et urbain est
Aussi, il serait judicieux de faire évoluer les pratiques fortement indiqué dans ce sens. Il s’agit notamment
actuelles vers des approches qui s’appuient sur ces de :
éléments pour définir les modes d’occuper, d’urbaniser • La compacité et la densité du bâti : les villes
doivent d’abord se reconstruire sur elles mêmes
118
en valorisant les friches existantes et en privilégiant
la construction en hauteur. L’urbanisation des zones Inciter et encourager l’innovation
nouvelles doit être maîtrisée : définir les zones Tout le monde s’accorde sur la nécessité de capitaliser le
prioritaires à urbaniser et engager l’urbanisation en savoir-faire traditionnel éco-responsable. Pour dépasser
partance des tissus existants en évitant la dispersion le stade du souhait et au plus du constat, tous les
et la discontinuité des tissus. acteurs sont concernés : professionnels, décideurs et
• La composition urbaine : l’aménagement ne peut se société civile doivent s’impliquer en dépassant le stade
limiter au planisme, mais gagnerait à adopter une de la valorisation vers l’incitation à l’innovation :
démarche de composition qui définit au préalable
l’image globale souhaitée pour l’ensemble du • Promouvoir la recherche et l’expérimentation pour
territoire concerné. améliorer les propriétés des matériaux, notamment
Aussi, il est primordial de mettre à contribution le techniques, écologiques, parasismiques… et en
bâti existant, les éléments de repères architectural, assurer la viabilité économique et l’adhésion sociale ;
urbain et paysager, les vues… • Mettre en place une structure ADHOC (laboratoires)
chargée d’accompagner, coordonner, assister les
Réitérer les principes de la bonne gouvernance projets et les interventions et actions à portée
La bonne gouvernance est à lier essentiellement avec la durable en architecture et urbanisme ;
gestion des territoires en faveur de pratiques durables : • Accompagner les structures et les professionnels
• Il serait judicieux de penser à accorder des incitations qui travaillent dans ce domaine.
règlementaires (en urbanisme et architecture)
pour encourager l’usage de matériaux locaux et Réinventer les approches de sensibilisation
par là promouvoir leur évolutivité par rapport aux L’ ensemble des acteurs sont invités à initier des actions
nouveaux impératifs de la vie moderne. d’accompagnement, notamment :
• Il est également essentiel d’encourager des initiatives
institutionnelles et privées comme la sensibilisation, • La création d’un site web de bonnes pratiques ;
l’éducation, la formation, la revivification et la • L’étude de la possibilité d’octroi d’incitations
valorisation des métiers ancestraux, l’intégration règlementaires et procédurales pour les projets à
des architectures vernaculaires dans les plans caractère durable confirmé.
de développement régionaux et d’aménagement • L’organisation d’un concours d’idées aux architectes,
territoriaux, etc. Ces démarches peuvent encore paysagistes et designers, professionnels pour les
une fois donner un nouveau souffle aux techniques éco-projets ;
de construction et d’aménagement ancestrales. • L’organisation de conférences de sensibilisation
avec les acteurs pour s’engager dans la mise en
œuvre des actions versant dans le développement
durable.
119
RETOUR DE L’EXPÉRIENCE
LE PROGRAMME « ECOLES
BIOCLIMATIQUES »
En partenariat avec le Ministère de l’Education
Nationale, la fondation « GoodPlanet » , dans le cadre
d’un programme “Ecoles bioclimatiques” a réalisé,
dans le sud marocain, des écoles bioclimatiques.
Ces écoles ont été construites en réactivant le savoir-
faire constructif local et en utilisant des matériaux
locaux, notamment le pisé et l’adobe tout en y intégrant Source : Architecture du Maroc/ameditions.net
la technologie moderne d’une manière douce.
120
Ecole maternelle bioclimatique d’Aknaibich
Réalisée dans un douar près d’Agadir, l’école
maternelle bioclimatique d’Aknaibich est construite à
partir de matériaux locaux ; galets, terre crue, paille,
bois et roseaux. Elle a combiné de manière douce des
techniques modernes solaires passives et d’efficacité
énergétique, pour plus de confort thermique.
Les fondations inclinées ont été réalisées à partir de la
pierre locale
Située dans une zone à risque, le bâtiment dispose
également de propriétés antisismiques.
L’aspect paysager a été pris en considération à travers
l’aménagement d’une aire de jeu ombragée et plantée.
Source : www. Goodplanet.infoc
121
Renouveau de l’architectures de
terre.
Des expériences individuelles d’architectes marocains .
ont permis de redécouvrir les techniques de construction
traditionnelles avec une approche scientifique et
contemporaine, ouvrant ainsi la porte à une alternative
architecturale éco-responsable au bilan énergétique
faible.
Source : www.eliemouyal.com
122
L’architecture au service du confort
climatique
Suite au développement urbain qu’ont connu les villes
sahariennes du Maroc, le passage d’un habitat nomade
(tente) à un habitat sédentaire (en dur) a été suivi par
l’adaptation de l’architecture aux conditions climatiques
rudes de la région.
Architecture en dôme : Aide à atténuer
l’effet de la chaleur en permettant à
l’air chaud de remonter vers le haut
pour qu’il soit remplacer par un air
plus frais.
Exemples de solutions
architecturales
d’adaptation aux
conditions climatiques
dans la région Dakhla-
Oued-Eddahab
123
BIBLIOGRAPHIE
L. Auclair, M. Alifciqui (die.) , Agdal , Patrimoine socio- Charles de Foucauld, Reconnaissance au Maroc (1883-
écologique de l’Atlas marocain, Edition IRCAM- IRD 1884); éd. L’Harmattan, coll. « Les Introuvables », Paris,
(éd.), 2012 (réimp. 2000), édition originale 1888.)
Architecture du Maroc, édition spéciale, octobre- Dj.Jacques Meunié, les greniers collectifs au Maroc,
novembre-décembre, n°49, 2011. dans : Journal de la Société des Africanistes, 1944, tome
14.pp 1-16.
Essaid Aziz, Karima Mounchih, Mohammed Tita,
les médinas du Maroc, possibilité et limites de leur Bruno Romagny, Laurent Auclair, Abdelaziz Elgueroua,
rérabilitation, Ecole Nationale d’Architecture de Rabat, La gestion des ressources naturelles dans la vallée des
1990. Aït Bouguemez (Haut Atlas) : la montagne marocaine
à la recherche d’innovations institutionnelles, dans
BELFQUIH M’hammed, FADLOULLAH Abdallatef, 1986, monde en développement, n°141, 2008.
Mécanismes et Formes de Croissance Urbaine au Maroc,
cas de l’agglomération de Rabat-Salé, Imprimerie Al Secrétariat de l’Etat au près du Ministère de l’Energie
Mâarif, 767p (trois tomes), Rabat. et des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, Chargée
de l’Eau et de l’Environnement, My Driss Hasnaoui, la
BERQUES, J., Structures sociales du Haut-Atlas, 1955, collecte des eaux pluviales, vers une stratégie pour le
Paris. Maroc, 2011.
Direction de l’Urbanisme, A.Hajjami, l’Organisation des TROIN.J.F (dir.), Le Maghreb, hommes et espaces, éd.
pratiques urbaines à Marrakech, 2014. Armand Colin-collection, 1985, Paris.
EL FASSKAOUI, B., 2007, Les matfias (citernes) : une Jean-Pierre Vallat (Ed), le patrimoine marocain : Figuig,
technique de récupération et de stockage des eaux une oasis au cœur des cultures, l’Harmattan, 2014
pluviales dans l’Anti-Atlas occidental, in, Pratiques
conservatrices des ressources, A., LOUINA (éd.), Documentation des Agences Urbaines du Maroc
Publication de l’université Mohamed V-Agdal, Rabat.
124
CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES
Sauf mention contraire, les croquis et les photos sont réalisés par MAJAL.
RÉALISATION
Fédération des Agences Urbaines du Maroc (MAJAL).
Avec l’appui de l’ensemble des Agences Urbaines du Maroc
125
126
Novembre 2016