Manuscrit auteur, publié dans "Lieux de sociabilité urbaine en Afrique, FOURCHARD L, GOERG O., GOMEZ-PEREZ M. (éd.),
(Ed.) (2009) pp. 549-570"
Espaces de rencontres ou territoires de conflits :
Quels lieux de sociabilité à Khartoum et Nouakchott ?
Armelle Choplin*
A 20 ans, Mohamed est étudiant à la faculté d’ingénieur de l’Université de Khartoum. Tous les matins
(exception faite du vendredi), il quitte Omdourman où il réside pour prendre un bus. Après une heure trente de
transport en commun, il parvient à l’Université située de l’autre côté du Nil. Mohamed fait ce long trajet même
lorsqu’il n’a pas cours ou est en vacances car c’est le seul endroit, dit-il, où il peut rencontrer des gens
(Khartoum, 23 août 2005).
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Lorsque la nuit tombe sur Nouakchott, Mustapha, 22 ans, n’a qu’une seule idée en tête : « circuler ». Au
volant d’une grosse berline allemande que son père vient de lui offrir, il fait « la corniche » : des heures durant, il
emprunte inlassablement les mêmes rues du centre-ville à vitesse réduite. Il croise fréquemment des amis. Ces
derniers laissent alors leurs voitures sur le bas côté et montent dans celle de Mustapha. Ils reprennent les mêmes
axes et discutent. Parfois, ils rencontrent des filles et les invitent à monter avec eux. Ils achètent des sandwichs à
un snack qu’ils consomment ensuite dans l’espace privatif du véhicule personnel (Nouakchott, novembre 2004)1.
Pour le visiteur européen peu averti, Nouakchott et Khartoum présentent de prime abord
une ambiance relativement austère, peu propice à créer de la sociabilité. Les espaces publics
en particulier semblent faire défaut comme en témoignent ces deux scènes. Si l’on s’en tient à
son acception première, l’espace public désigne les rues, places, artères, marchés, jardins,
autrement dit les espaces accessibles à tous ; cependant, dans la pensée urbaine européenne,
qui repose sur les modèles antiques du forum et de l’agora, il est chargé d’une valeur sociale
supplémentaire (Lévy, Lussault, 2003 : 333). En permettant la coprésence anonyme
d’individus différents et l’apprentissage de l’altérité, l’espace public serait porteur d’échanges
et donc de sociabilité. Dès lors, l’absence ou la disparition de celui-ci est vue comme une
menace pour la cohésion sociale. Cet article entend justement sortir de cette vision
occidentale à travers l’exemple de deux villes où la corrélation entre lieu de sociabilité et
espace public ne semble pas aussi opératoire.
Nouakchott et Khartoum partagent la particularité de s’inscrire à la jonction entre le
monde arabe et l’Afrique noire. Cette position charnière est souvent utilisée pour expliquer les
oppositions dites « ethniques » qui sont au cœur de la construction nationale de ces pays. La
double appartenance culturelle présumée de ces villes poserait problème dans la mesure où les
régimes successifs ont, depuis les indépendances, choisi de valoriser l’identité arabe au
*
Docteur en géographie, ATER à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, UMR PRODIG 8586 ;
armelle.choplin@gmail.com
1
Les propos retranscrits ici et remarques faites dans ce texte sont issus d’enquêtes de terrain menées à
Nouakchott et Khartoum dans le cadre d’un travail de thèse intitulée « Fabriquer des villes-capitales entre monde
arabe et Afrique noire : Nouakchott (Mauritanie) et Khartoum (Soudan), étude comparée », soutenue en
novembre 2006 à Paris I.
1
détriment des autres composantes. Ces orientations politiques ont entraîné des conflits, latents
dans le cadre de la Mauritanie depuis les affrontements ethno-raciaux de 1989, ou ouverts au
Soudan (guerre civile entre Nord et Sud Soudan de 1955 à 1972, puis de 1983 à 2005). Dans
ce contexte, l’espace urbain des capitales, en tant que lieu de rencontre entre les différents
groupes et de potentielles mobilisations politiques, constitue un enjeu crucial pour les
pouvoirs dirigeants à la légitimité contestée.
Sans prétendre à une approche exhaustive de ces lieux de sociabilité, nous nous
interrogerons sur les logiques qui président à leur mise en place et à leur maintien : présence
d’espace public/privatisation de l’espace, contrôle des lieux de sociabilité par le
pouvoir/réappropriation par les habitants, répression/négociation, rencontre/conflit… En
déclinant ces différentes dynamiques à l’échelle de Nouakchott et Khartoum, il s’agira de voir
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si le conflit peut être dépassé par la présence de lieux partagés par les différents groupes
sociaux et ethniques, ou bien au contraire, si la sociabilité ne revêt qu’une forme partielle et
exclusive, limitée à des lieux caractérisés par un certain communautarisme.
I – Des actions politiques contre l’espace public
S’intéresser aux lieux de sociabilité invite à réfléchir sur la place réservée aux espaces
publics dans chaque ville. Les régimes successifs ont fait montre d’une volonté de contrôle et
d’une méfiance sourde envers ces espaces qu’ils perçoivent comme des lieux de sociabilité
subversifs.
Histoires de villes ; histoires d’espaces
A partir d’exemples pris au Moyen-Orient, Jean-Claude David (2002 : 222) rappelait
que « l’espace public comme forme ouverte, place, jardin public, boulevard, est absent du
centre des villes arabo-musulmanes ou orientales traditionnelles, les médinas, si l'on excepte
l'espace ouvert “public” complexe que constitue la Grande Mosquée »2. La démarche
2
Cf. Numéro spécial de Géocarrefour (2002) consacré à l’espace public au Moyen-Orient et dans le Monde
arabe. Pour comprendre le statut de l’espace public dans la religion musulmane et leur place dans les villes
traditionnelles, se référer à l’article de Jean-Pierre Van Staëvel (2002) dans ce même numéro et à l’ouvrage de
Jamel Akbar (1988). Sur le rôle de la mosquée, voir Rafaele Cattedra (2002)
2
comparative ici mobilisée permet d’affiner ces propos et d’aller à l’encontre de certaines idées
reçues. Le Soudan sort de 25 années de guerre civile et connaît actuellement une grave crise
au Darfour, ce qui laisse à penser que la sociabilité publique y soit davantage restreinte qu’en
Mauritanie, à la situation politique plus stable. Or, il existe des espaces publics à Khartoum,
telles que les berges du Nil, qui permettent rêverie, promenade et rencontre. Les nombreux
jardins de la capitale, très fréquentés, viennent en complément des rives nilotiques. A
contrario, à Nouakchott, rares sont les espaces aménagés en vue d’un usage public. L’histoire
respective de ces villes expliquerait en partie ces divergences.
Nouakchott a été créée ex-nihilo en 1957 pour devenir la capitale de la République
Islamique de Mauritanie naissante. Pour les urbanistes français qui ont réalisé les plans, il
s’agissait non pas de concevoir un espace de vie mais un centre fonctionnel, politique et
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administratif appelé à recevoir 8 000 fonctionnaires. Mais, dans les années 1970, Nouakchott
connaît une croissance extraordinaire suite à une période de grandes sécheresses qui poussent
les ruraux sans ressource vers ce pôle urbain. Dépassés, les pouvoirs publics n’ont pas le
temps ni les moyens d’appliquer les plans d’urbanisme, qui d’ailleurs ne proposaient aucun
lieu du vivre-ensemble. L’espace public ne constitue pas une priorité : dans l’imaginaire
collectif, la notion n’existe pas en tant que telle puisque l’espace appartient à celui qui le met
en valeur ; aussi l’appropriation de terrain, si elle n’est légale, est-elle vue comme légitime.
Ce phénomène de gazra (littéralement « squat » en hassaniyya, dialecte arabe local) s’observe
dans tous les quartiers et est pratiqué indifféremment par toutes les couches de la population.
L’espace public est régulièrement morcelé, bradé, envahi… bref, privatisé. Certains individus
n’hésitent pas à avancer leur clôture, d’autres à construire des fondations à une heure avancée
de la nuit sur le moindre emplacement laissé vide.
A coté de l’évolution chaotique de Nouakchott qui compte aujourd’hui 800 000
habitants, Khartoum offre un visage plus serein, alignant grandes artères et bâti régulier.
Vieille de 150 ans, la ville aux trois ensembles urbains séparés par le Nil (Omdourman,
Khartoum et Khartoum-Nord) présente un noyau historique (Carte 2). L’ensemble urbain de
Oumdourman, créé par le Mahdi en 18853, reprend le modèle de la ville traditionnelle
musulmane puisqu’il s’articule autour de la grande mosquée, du palais du Khalife et du souk
(Dubois, 1991). De l’autre côté du Nil, les villes de Khartoum et Khartoum-Nord semblent
3
A la fin du XIXème siècle, un Soudanais, Muhammad Ahmed Ibn Abdallah prend le titre de Mahdi, et avec ses
fidèles, encercle Khartoum alors occupée par les Britanniques, qu’il met à sac en 1885. La Mahdiyya désigne
cette période de rejet de l’occupant britannique et la mise en place d’un Etat théocratique qui a pour capitale
Omdourman, symbole de la ville arabo-musulmane par opposition à Khartoum, la ville coloniale, située sur
l’autre rive du Nil.
3
tout aussi ordonnées. Le plan de Khartoum, élaboré par Lord Kitchener en 1912, a pour
modèle le drapeau de l’Union Jack et propose en son centre une grande place (Abbas Square)
et un jardin public (Carte 5). Par la suite, la forte croissance démographique n’a pas empêché
l’application de plans d’urbanisme au zonage précis (Dioxadis en 1959 ; Mefit en 1974) qui
prévoyaient marchés, espaces verts et autres lieux potentiels de sociabilité. Dans cette ville
qui compte désormais cinq millions d’habitants, tous les quartiers planifiés disposent d’open
spaces, espaces laissés libres entre les îlots d’habitat (Ahmad, 2002).
Manipulation de l’espace urbain en général et public en particulier
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Au lendemain des Indépendances, la capitale préside au destin du pays et est désignée
comme le potentiel creuset de la nation, ce qui apparaît comme une gageure dans les deux cas.
La diversité culturelle du Soudan est devenue un « lieu commun » : on le présente
généralement comme un pays scindé en deux ensembles « raciaux », regroupant deux
religions monothéistes et des « cultes animistes », et pas moins de 57 ethnies et 570 groupes
tribaux. Cette pluralité culturelle (qui va bien au-delà de la simple dualité Nord-Sud souvent
mise en exergue) a toujours été perçue comme une menace pour l’unité du pays. Au début des
années 1960, le défi n’est pas moins grand en Mauritanie, vaste territoire peuplé alors de 70%
de nomades.
Mais rapidement, dans les deux cas, l’espace urbain est détourné de cet objectif initial pour
devenir un outil au service de l’élite dirigeante arabe. L’espace public en particulier est
réquisitionné en vue d’asseoir les politiques d’arabisation menées en Mauritanie et
d’islamisation au Soudan. Les contradictions inhérentes aux perspectives de construction
nationale devaient par la suite exploser car, suite à d’importants mouvements migratoires liés
aux sécheresses des années 1970-80 ou aux conflits, au moins un tiers des habitants de ces
deux agglomérations ne peut être considéré comme arabe aux yeux de l’Etat4.
Si le premier président mauritanien Mokhtar Ould Daddah voulait que la capitale, à
l’image du pays, assure le trait d’union entre le monde arabe et l’Afrique noire, Nouakchott
tend à s’imposer comme une ville « nomade » et « arabe » depuis le milieu des années 1970.
4
En Mauritanie, les populations noires halpulaar, peule, soninkée et wolof sont désignées sous le terme de
Négro-africains ou Négro-mauritaniens et se distinguent des Maures arabes. Au Soudan, l’appellation
« Sudiste » renvoie aux ethnies noires telles que les Dinka, Azandé, Nuer… par opposition aux Nordistes arabes
et musulmans.
4
Nouakchott se veut dépositaire de la tradition citadine telle qu’elle a été définie à
partir des vieilles cités maures (en particulier Chinguetti5). C’est sur ce modèle, fortement
marqué par le nomadisme, qu’elle sera pensée et aucunement sur celui des villes-escales du
sud situées le long du fleuve Sénégal (Boghé, Kaédi…), majoritairement peuplées de
populations noires. Depuis ces choix arbitraires, Nouakchott est présentée comme la « ville
des nomades », sous-entendus des nomades maures blancs ou Bidan6 qui dirigent le pays.
Elle, qui lors de sa création se voulait l’héritière de Saint-Louis du Sénégal, se détourne
progressivement du sud. Cette réorientation vers la tradition nomade prolonge le
rapprochement politique, et donc de la ville-capitale, au monde arabe. Tout concourt à
arabiser l’espace public, comme l’attestent les toponymes qui se réfèrent à des lieux et
personnages du monde arabe (avenue Nasser, communes d’Arafat et de Riyad, quartiers de
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Basra ou encore Kouva7)…. Les bâtiments, et en particulier les mosquées marocaine et
saoudienne, rappellent l’ancrage du pays dans cet ensemble culturel. Ces traces physiques
retranscrivent concrètement la politique d’arabisation du pays qui passe par l’enseignement et
les médias. Cette évolution est intimement liée aux dynamiques politiques qui opposent les
différents groupes sur la question « identitaire ». Sur le plan urbain, ces contrastes se
matérialisent par une forme de repli communautaire des populations négro-africaines dans
certains quartiers – les « Vieux 5e », « Vieux 6e », les médinas et la partie sud de « Capitale »
(Carte 1). Ce processus s’accentue encore avec les événements de 19898. Par conséquent, sans
qu’il n’y ait eu de politique urbaine ségrégative, la configuration même de la ville rend
compte de la mise à l’écart des populations négro-africaines et des tensions relatives à
l’histoire de la construction de la nation.
5
Centre culturel et religieux important du XVIIe au XIXe siècle, Chinguetti est considérée comme une ville
sainte de l’Islam pour les Mauritaniens et rayonne dans l’ensemble du monde arabe.
6
L’appellation « Maure » regroupe deux ensembles distincts : les Maures blancs ou Bidan (pluriel du mot arabe
abiyad qui signifie blanc) et les Maures noirs, ou harâtîn, descendants des anciens esclaves noirs arabisés.
7
Comprendre Kufa car en hassaniyya, la lettre arabe « fa » se prononce « va ».
8
Sénégalais et Mauritaniens appellent pudiquement « les événements de 1989 » les affrontements qui ont pris
place le long du fleuve Sénégal. Suite à un différend d’ordre foncier, la situation est montée en épingle par les
gouvernements de chaque pays et dégénère en un véritable conflit ethnique. Les Sénégalais de Mauritanie sont
chassés et réciproquement, les Mauritaniens présents au Sénégal sont expulsés. Des affrontements prennent
également place à Nouakchott.
5
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Carte 1 : Vers la communautarisation de l’espace à Nouakchott
Contrairement à Nouakchott – créée sur un terrain dit « neutre » –, la ville de Khartoum
est dès la fin du XIXe siècle marquée par l’arabité, ne serait-ce que par le souvenir du Mahdi
qui hante Omdourman avec son immense mausolée, et une certaine sacralité musulmane à
travers la présence de divers tombeaux de cheikh dispersés dans l’agglomération. Mais, un
siècle après l’épisode du Mahdi, ce n’est plus tant l’arabité de la ville qui est affirmée que son
islamité. A partir des années 1989, la junte islamiste, menée par Omar Al-Bachir, s’empare du
pouvoir et fait main basse sur l’espace public : versets coraniques et pancartes faisant la
promotion du voile sont affichés dans les grandes artères, les mosquées se multiplient, y
compris au sein des ministères et administrations publiques, les appels à la prière rythment la
vie des musulmans et non-musulmans… Les symboles spirituels sont transformés en
« symboles terroristes » (Ahmad, 2000), faisant ainsi contrepoids à l’arrivée de Sudistes
chrétiens venus se réfugier massivement à Khartoum pour fuir les exactions qui font rage au
sud. En vue « d’accueillir » ces déplacés, le gouvernement développe une politique urbaine
directement inspirée de l’idéologie islamiste en construisant des camps en périphérie : les Dar
Es-Salam (ou Villes de la Paix) (Lavergne, 1999 ; Pérouse de Montclos, 2003). Sous couvert
de faire un sort aux quartiers insalubres se cachent en réalité des volontés ségrégationnistes et
6
ethnicistes : il s’agit d’éloigner les individus jugés indésirables et non assimilables à la culture
arabo-musulmane qui domine dans la capitale (Bannaga, 1992).
Les politiques urbaines sont devenues un instrument de violence et de légitimation d’une
politique ségrégationniste. Khartoum, qui se doit de devenir un support physique à la politique
d’islamisation, porte les stigmates de la guerre dans sa morphologie même : les camps, les
quartiers périphériques habités ou squattés par les Sudistes et les discontinuités spatiales sont
autant de marques d’un urbanisme du conflit (Carte 2). A une identité seraient assignés des
espaces, des positions spatiales précises, comme le remarque Eric Denis (2005 : 29) :
« l’appartenance religieuse et ethnique est transposée dans la propriété du sol avec des
gradients centre-périphéries très nets. […]. L’ethnicisation extrême des rapports sociaux
amène Khartoum à concentrer les contradictions du Soudan dans son ensemble et à les graver
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dans sa trame foncière ».
7
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Carte 2 : The Great Khartoum : camps et squats
Source : M. Lavergne, 1999, Chiffres UNICEF, 2004
En Mauritanie comme au Soudan, l’espace urbain en général et l’espace public en
particulier ne semblent pas envisagés dans leur dimension sociabilisante, mais comme un
espace devant renvoyer l’image que l’Etat se fait de lui-même. Si la mise en scène peut
parfois sembler dérisoire (nul portrait à l’effigie du président comme cela s’observe dans
d’autres pays arabes), la manipulation de l’espace public n’en est pas moins forte dans la
mesure où elle relève avant tout de la symbolique culturelle et identitaire. Cette
instrumentalisation est à l’origine d’une fragmentation socio-spatiale marquée (NavezBouchanine, 2002), pour ne pas dire d’une ségrégation accentuée dans le cadre du Soudan.
8
Espace public et « public sphere » : contestation et surveillance
L’espace public revêt une double dimension contradictoire car il est d’une part le lieuthéâtre dans lequel le pouvoir se met en scène et exerce sa souveraineté (Balandier, 1992), et
d’autre part, cet espace dans lequel le citoyen est invité à exprimer son adhésion ou son
mécontentement. En ce sens, l’espace public matériel se présente comme l’une des possibles
scènes d’expression de la « public sphere » définie par Habermas (1978). Nous faisons ici le
choix d’utiliser la terminologie de « sphère publique » pour évoquer l’espace public dans sa
dimension immatérielle dans la mesure où la traduction française de « public sphere » par
espace public a entraîné toute une série de contresens et confusions dont il convient de se
démarquer (Tomas, 2001). L’espace public concret – et en particulier les rues et places –, se
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présente comme le lieu possible du débat, de la controverse et de la contestation. Dans ce
contexte urbain mauritanien et soudanais qui met en co-présence différents groupes
d’individus gouvernés par une élite peu représentative, l’espace public peut être considéré
comme une menace par les autorités et oblige à une certaine vigilance de leur part. A
Khartoum, cette surveillance est forte et visible à travers la présence importante de militaires,
intelligence men (agents secrets en civil) et autres policiers postés dans des kiosques (ou
« capsules »). Le centre-ville administratif en particulier fait l’objet de toutes les attentions :
jusqu’à la signature du traité de paix entre Nord et Sud Soudan en 2005, un couvre-feu en
interdisait l’accès le soir. L’arrivée des islamistes au pouvoir s’est traduite par une réduction
significative de l’espace public tant celui-ci a été investi par le religieux. En renforçant la
shari’a, en vigueur depuis 1983 (y compris pour les non-musulmans), les islamistes
espéraient protéger l’intégrité culturelle et religieuse des Nordiste arabes et conférer une sorte
de cohésion sociale à Khartoum (Maliqalim, 1990 : 167). Dans son ouvrage qui porte sur la
construction des espaces sociaux féminins à Khartoum, Salma Ahmed Nageeb (2004)
explique combien les femmes ont subi cette islamisation en voyant leur champ de mobilité
spatiale diminuer9. Indéniablement, les dirigeants de ce régime investissent ces espaces
publics, parce qu’ils peuvent à tout moment devenir espaces de déviances, et les contrôlent
plus intensément afin de limiter la spatialité de la « public sphere »10.
9
Les femmes ne peuvent sortir sans être accompagnées par un homme (père, frère) ou avoir l’assentiment d’un
des hommes de la famille.
10
Ce contrôle renforcé de l’espace public par les autorités n’est pas propre à Khartoum mais a été constaté dans
les grandes villes musulmanes par Jamel Akbar (1988), et même dans les villes occidentales si l’on en juge par
les travaux de Mike Davis sur Los Angeles (2000).
9
S’il est vrai que le pouvoir donne l’impression d’être omniprésent et omniscient, il ne
parvient pour autant à contrôler l’intégralité de l’espace et par-là même l’ensemble des
relations sociales. L’instrumentalisation, la privatisation et le contrôle de l’espace public par
les élites dirigeantes n’excluent pas la présence de lieux de sociabilité dans la ville.
II- Espaces privés et micro-sociabilités : réseaux sociaux et mise
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en réseau des lieux
Parce que la sociabilité est refusée ou surveillée à l’extérieur, les citadins sont invités à
recréer d’autres lieux permettant la rencontre et l’échange. Certains espaces non dévolus, de
prime abord, à cette fonction, sont réappropriés, de même que la sphère privée se voit
largement investie par de multiples réseaux sociaux. La mobilité qui caractérise les acteurs de
ces réseaux permet alors de connecter les lieux de sociabilité entre eux.
Cercle domestique, salons privés et sociabilités clandestines
A Nouakchott comme à Khartoum, l’espace domestique privé se présente comme la
première sphère de sociabilité. Les visites y sont facilitées par la configuration spatiale de la
parcelle qui s’organise autour d’une cour centrale : le hawsh soudanais (littéralement enclos
qui désigne la cour fermée par de hauts murs) où l’on prend le thé et les repas trouve son
pendant dans la cour maure au milieu de laquelle est dressée une tente (khaima) ou dans la
concession (galle) des Halpulaar. Au sein même de cette entité spatiale et sociale, une forte
distinction entre espace féminin/espace masculin s’opère. Les maisons traditionnelles de
Khartoum présentent généralement un daywan, sorte de pièce-véranda réservée aux hommes
qui se situe entre l’entrée et la maison. C’est ici que les hommes reçoivent ; les femmes n’y
sont tolérées qu’en cas de visite importante (Nageeb, 2004).
A mi-chemin entre le cercle familial et l’espace plus largement ouvert, la cour est une
composante essentielle des paysages urbains de nombreuses villes subsahariennes (Antoine,
Dubresson, Manou-Savina, 1987 ; Gervais-Lambony, 1994). Espace commun de vie, elle est
fréquentée par des réseaux sociaux bien plus larges que celui de la famille, du voisinage ou
10
même de la tribu et de l’ethnie. Théoriquement en dehors de la sphère de contrôle par le
pouvoir, certaines de ces cours apparaissent comme les lieux de « fabrication de l’opinion
publique » et de débat (Fourchard, 2002 : 317).
A Nouakchott, à la nuit tombée, les gens « se visitent » : ils se rendent dans une cour,
saluent les hôtes, dégustent un verre de thé pour repartir au bout de quelques minutes en
direction d’une nouvelle demeure. Ils peuvent visiter ainsi une dizaine de familles en l’espace
d’une soirée. La sociabilité se fait de cours en cours, de thé en thé et se caractérise donc par
une très grande mobilité qui multiplie les lieux de sociabilités privés, phénomène déjà observé
dans les campements de brousse et villages ruraux11. En milieu urbain, on ne peut manquer de
souligner une certaine continuité de cette sociabilité réticulaire, rythmée par une intense
circulation, à pied ou en voiture - le long de la « corniche » par exemple.
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Cette sociabilité mobile peut être généralisée à l’ensemble des habitants de Nouakchott,
y compris pour les plus riches d’entre eux qui fréquentent les salons mondains. Hauts lieux de
sociabilités nocturnes, ces salons sont tenus par des femmes qui convoquent les hommes
influents de l’élite politique et commerçante en vue de quelques rencontres d’affaires et
histoires amoureuses (Lesourd, 2006). Cette sociabilité très fermée et choisie peut être
rapprochée de celle mise en œuvre par les classes aisées khartoumoises qui sont membres de
clubs privés (nadi), souvent corporatistes et à la sélection drastique.
D’autres sociabilités privées prennent place dans ces deux villes et peuvent être
cachées et/ou clandestines car liées à l’alcool. Si la vente et la consommation de boissons
alcoolisées sont officiellement condamnables en Mauritanie pour les musulmans, il est de plus
en plus aisé de braver l’interdit depuis quelques années. Quelques bars de Tevragh-Zeina,
quartier chic de la capitale, moyennant quelques arrangements financiers avec la police
servent désormais de l’alcool. De ce fait, les jeunes des classes supérieures sont plus prompts
à se retrouver à l’extérieur de la sphère domestique. Cela ne peut encore se produire au
Soudan où la vente et la consommation d’alcool sont prohibées. Cette interdiction, liée à
l’application de la shari’a, implique de nombreuses transgressions puisqu’une partie des
habitants de Khartoum ne sont pas musulmans. L’alcool circule dans les camps de déplacés,
dans les quartiers peuplés de réfugiés éthiopiens et érythréens ou bien encore dans quelques
bars clandestins situés à Khartoum 2. La consommation d’alcool se fait également dans les
11
Ces observations sont tirées de nos différents terrains réalisés entre 2002 et 2006, aussi bien à Nouakchott,
Nouadhibou que dans les villes de l’intérieur (Atar, Chinguetti, Aïoun El Atrouss) ou dans les villes et villages
situés le long du fleuve Sénégal, à proximité de Boghé et Kaédi…
11
espaces privés, à l’occasion de mariages sudistes, par exemple, durant lesquels une villa peut
se transformer en véritable « open bar » pour les convives.
Rues, marchés et jardins : des espaces réappropriés
La micro-sociabilité qui prend place dans la sphère domestique trouve à s’étendre dans
les rues qui entourent la cour. A Khartoum, on boit son thé sur les trottoirs grâce aux « es-sit
ech-chay », les « dames au thé » (généralement Éthiopiennes et Érythréennes), qui installent
des mini-comptoirs d’appoint sous les arbres. Durant les chaudes et humides nuits d’été
soudanaises, les lits sont sortis sur les chaussées pour gagner un peu de fraîcheur ; pendant le
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ramadan, on mange devant chez soi. A Nouakchott, il n’est pas rare de voir des hommes jouer
aux dames à même le sable au coin d’une rue. Les rues font ainsi l’objet d’une multiplicité
d’appropriation suivant l’âge, le sexe et l’ethnie, mais aussi l’heure de la journée. A la nuit
tombée, dans un quartier central de Khartoum (Khartoum 2), nous avons pu observer des
Sudistes, pourtant peu visibles le jour, se regrouper dans les ruelles pour discuter et parfois
boire de l’araqi (alcool de dattes). Ils ne territorialiseraient cet espace qu’avec la pénombre
venue. Contrairement aux quartiers maures de Nouakchott où la sociabilité se fait davantage
dans la cour privée, la rue fait l’objet d’un usage intensif dans les quartiers des 5e et 6e
arrondissements, majoritairement peuplés de Négro-africains et immigrés (Sénégalais,
Maliens, Guinéens…). Cela s’expliquerait, entre autre, par la surdensification de ces
quartiers : ici, s’approprier la rue revient à élargir son espace de vie. Espace public et de
circulation dans un premier temps, la rue est progressivement semi-privatisée par ces familles,
devenant une extension linéaire de la cour. A l’instar de ce qui s’observe dans d’autres villes
subsahariennes, la rue est investie pour discuter, manger et écouter de la musique, célébrer des
moments importants (baptêmes, mariages, deuils). Cet usage de la rue rappelle celui qui en est
fait dans les villes subsahariennes.
D’autres lieux, tels que les marchés sont réappropriés par les habitants pour devenir
bien plus que des espaces du commerce. Stratégiquement situés et porteurs d’une centralité
remarquable, les souks correspondent à des points de départ, d’arrivée et de jonction de
réseaux sociaux. Plus que tout autre, ces espaces commerciaux articulent les différentes
portions de la ville et met en contact les habitants qui viennent se ravitailler, se divertir et
cueillir quelques rumeurs circonstancielles pour alimenter la soirée. La densité offre au
visiteur un certain anonymat en même temps qu’il lui permet de croiser aisément un visage
12
connu. On se frôle, se croise, s’ignore ou se dévisage. Les rencontres y sont tant idoines que
gênantes, recherchées que fortuites : au Marché Capitale de Nouakchott, les vieux nomades
maures qui viennent vendre leurs troupeaux croisent les jeunes Halpulaar qui écoutent du hiphop, les vieilles femmes maures vendent des tomates à un « toubab » coopérant, tandis que
des Soninkés de retour de France achètent leur thé à une Chinoise dans la rue. Au suq el`arabi, les Khartoumois prennent conscience d’être au cœur de la ville : ici convergent non
seulement toutes les lignes de bus mais aussi toutes les composantes de la société soudanaise
qui font l’expérience de l’altérité. Les Nubiennes observent autant les vitrines que les Dinka
scarifiés, les Four côtoient les agents onusiens, les jeunes Éthiopiennes servent des cafés aux
islamistes, les pétroliers saoudiens sont accompagnés de leurs domestiques originaires des
Philippines. En dépit de son nom particulièrement connoté, le suq el-`arabi (souk arabe) est
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assurément le site plus cosmopolite de la ville, voire du Soudan. Il est également l’un des plus
féminisés de la ville puisque la gente féminine le fréquente assidûment et entre ainsi en
concurrence pour le contrôle de cet espace avec les hommes et les pouvoirs publics (Nageeb,
2004).
Pour les Soudanaises qui ont des pratiques socio-spatiales restreintes depuis
l’imposition de la shari’a, les jardins de Khartoum se présentent comme les autres grands
lieux de sociabilité. A l’instar de ce qui a pu être observé par Gaëlle Gillot (2002) dans les
capitales arabes voisines (Le Caire, Rabat et Damas), ces jardins et parcs ont été délaissés par
les classes aisées qui leur préfèrent les clubs. Depuis lors et en dépit d’une entrée
généralement payante, ils sont investis par les couches populaires qui en font des lieux de
pique-nique et de sortie en famille car la plupart proposent des attractions pour les enfants. Et,
bien que surveillés, ces jardins offrent un certain anonymat et sont donc sollicités pour les
sorties amoureuses.
L’étude des micro-sociabilités a permis de mettre en évidence une sociabilité intense
au niveau de la sphère privée, de la rue, des quartiers. Ces divers lieux de rencontres dispersés
sont mis en réseaux entre eux par une « logique déambulatoire » (David, 2002 ; Depaule,
2002) : les individus mobiles évoluent de lieu en lieu, dépassant ainsi la discontinuité spatiale.
Les autres lieux réappropriés que sont les jardins ou les marchés sont propices à créer de
l’échange, certes commercial, mais également de nature sociale. Pour autant, il ne faudrait
surestimer les interactions qui prennent place car le côtoiement n’enlève rien aux clivages
entre populations riches et pauvres, arabes et noires qui demeurent marqués.
13
III- Des lieux mais quels liens ?
La Mauritanie et le Soudan contemporains se sont construits sur des a priori
culturalistes qui visaient à séparer les populations noires et arabes. Ces orientations et
discours politiques semblent avoir été repris par les citadins eux-mêmes qui se replient dans
des territoires exclusifs et développent des mirco-sociabilités localisées. A l’évidence, si
Maures et Négro-mauritaniens, Sudistes et Nordistes se croisent au marché, les rencontres
entre les groupes demeurent relativement superficielles. Afin d’éviter de recenser de façon
caricaturale les lieux que chaque ethnie ou tribu fréquente, nous proposons ici d’inverser notre
démarche, comme le suggérait Tristan Khayat pour la ville de Beyrouth (2001 : 129). L’idée
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est de changer d’échelle afin de rechercher au sein des espaces fermés et communautaires, et
en particulier des quartiers où les rapports sociaux sont intenses, les manifestations plus larges
d’une citadinité partagée et d’échanges susceptibles de naître entre les différentes
composantes sociales.
Les nouveaux espaces ludiques et commerciaux : ces lieux qui font rêver
Depuis quelques années, les jeunes nouakchottois fréquentent assidûment les cybercafés qui s’imposent comme de véritables lieux de rencontre ainsi que les « studios canal »,
salle de projection de films et de retransmission de matchs de foot, qui ont également fait leur
apparition dans le paysage de la ville depuis que les cinémas ont fermé successivement dans
les années 1990 (contrairement à Khartoum qui en compte une dizaine fréquentés par les
hommes le soir). On vient dans les cybers non pas tant pour communiquer avec son voisin que
pour tenter de trouver un correspondant dans le vaste « ailleurs » ; dans les studios Canal, les
jeunes hommes vibrent devant les matchs de la saison de « calcio » italien. Ouverts sur
l’extérieur, ces lieux offrent paradoxalement une sociabilité refermée sur elle-même, tissée à
partir de réseaux sociaux de proximité. Par ailleurs, ces nouveaux lieux de retrouvailles sont
tous payants. Outre les distinctions ethniques déjà soulignées, la privatisation et la
marchandisation des lieux de sociabilité tendent à reproduire et accentuer les clivages socioéconomiques. Cela est visible dans la capitale soudanaise où les plus indigents sont
« condamnés » à errer le long du Nil, les classes moyennes se rendent dans les jardins payants
et les plus aisés se retrouvent dans les clubs à l’accès très restreint.
14
A Khartoum, il existe néanmoins un lieu qui parvient à cristalliser les désirs de tous :
Afra. Nouveau point de ralliement de toute la ville, ce supermarché turco-soudanais ouvert
depuis 2004 est également surnommé mall, du nom donné aux grands centres commerciaux
américains. Aujourd’hui encore, le mot « Afra » se lit sur toutes les lèvres, des minorités
riches qui le fréquentent aux plus indigents qui rêvent de le visiter en regardant les catalogues
publicitaires. Mais, Afra est surtout un lieu ouvert le soir, permettant à la jeune élite de s’y
donner rendez-vous pour boire un jus de fruits, jouer au bowling, manger un hamburger ou
visionner des films américains récents. A Afra, on vend des biens de consommation, mais
plus encore du rêve. Symbole de mondialisation et de la « surmodernité », ce centre
commercial serait l’un de ces non-lieux que Marc Augé (1992 : 100) a répertoriés. Afra n’est
certes qu’un modeste mall, mais un mall qui n’en serait pas moins porteur d’une identité
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mondialisée que tout citadin khartoumois aspire à partager.
L’ouverture d’Afra a précédé un phénomène plus large d’ouverture de nouveaux espaces
publics marchands et ludiques. Restaurants et cafés se multiplient dans les quartiers aisés
résidentiels et désormais commerciaux à la mode de Amarat, Riyad, Khartoum 2 (Bartoli,
2006). Cette démultiplication soudaine s’explique par l’arrivée massive de personnes
travaillant dans l’humanitaire au Darfour. Nouakchott connaît pareil phénomène depuis la
découverte du pétrole qui attire des Occidentaux au fort pouvoir d’achat. Depuis cinq ans,
Nouakchott semble rompre avec son austère passé pour devenir une ville (presque) animée,
avec ses grands concerts au stade Olympique ou d’autres plus intimistes au bar du « Sans
Souci », son Festival de Musique Nomade, ses soirées variées au Centre Culturel Français
(rap, hip-hop, musique maure traditionnelle…). Le centre-ville en particulier semble branché
au système-monde, ce dont rend compte le nouveau point de rencontre à la mode : Noqda
Sahina (littéralement le « point chaud »), haut lieu d’achat-vente de téléphones portables vers
lequel toute la ville se presse.
Ici comme ailleurs, les espaces publics font fréquemment l’objet d’une requalification
pour ne pas dire d’une marchandisation qui les convertit en espaces privés payants (Blanc,
2001 ; Ghorra-Gobin, 2001). On déplorera qu’à Nouakchott et Khartoum il faille désormais
chercher de l’échange social au sein de ces espaces privés marchands. A côté des lieux de
rencontre traditionnels que sont les marchés ou les mosquées, il en est donc de nouveau qui
sont tout autant porteurs de l’urbanité. Sans pour autant créer les soubassements d’un vouloirvivre ensemble, ces lieux permettent néanmoins la diffusion de nouveaux codes sociaux dans
une certaine mesure fédérateurs car mondialisés.
15
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Carte 3 : Les lieux de sociabilité à Nouakchott
16
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Carte 4 : Les lieux de sociabilité à Khartoum
17
Associations, mobilisations et négociations
A l’échelle de l’agglomération, la fermeture à l’autre perçu comme différent est
clairement ressentie, surtout lorsque cet autre n’a pas la même couleur de peau ni la même
religion. En évoluant dans les capitales qui sont des espaces fortement politiques, politisés et
politisants, ces fractures sociales et identitaires ont tendance à être exacerbées. Cependant, les
individus sont parallèlement invités à utiliser la ville non pas seulement en tant que urbs
(support matériel de vie quotidienne) mais également en tant que civitas (lieu d’émergence
d’une conscience civique), ce qui les amène à développer certaines tactiques singulières afin
de revendiquer leurs droits de citadins et citoyens (Lefebvre, 1968). Pour cela, ils jouent sur
les multiples sphères d’expression possibles qui se superposent (étatique, traditionnelle,
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mondiale) (Mbembe, 2000 : 143). Tontines, associations, réseaux de voisinage et familiaux
sont sollicités à la moindre occasion, obligeant le citadin-acteur à sortir de ses appartenances
communautaires traditionnelles.
A Nouakchott, la transition démocratique qui a débuté en août 2005 semble avoir
accéléré la prise de conscience politique, en particulier parmi les populations les plus
marginalisées. Dans les bidonvilles et quartiers sous-développés, la mobilisation des individus
est désormais chose acquise. En côtoyant quotidiennement les membres des ONG et autres
représentants de l’Etat, les habitants ont intégré la rhétorique développée sur la pauvreté et
développent des modalités pour se faire entendre, notamment en apprenant les procédures
d’accès aux réseaux du pouvoir local. Aujourd’hui, les habitants du bidonville d’El Mina (l’un
des plus grands de la ville situé dans le 6e arrondissement) interpellent le maire, sollicitent des
relais qui peuvent influer sur les décisions. Le 2 novembre 2006, cinq cents femmes des
bidonvilles réclamaient des terrains devant la Présidence de la République. Le 14 juin 2007,
un nouveau cortège de femmes sillonnait les grandes artères de la capitale, dénonçant
l’augmentation du prix de l’eau. Ces cas de mobilisations, bien qu’encore sporadiques,
laissent à penser que les habitants de Nouakchott investissent l’espace public pour faire part
de leurs revendications.
Dans les camps de Khartoum, les actions collectives, souvent appuyées par des ONG, sont
également nombreuses, et vitales, ne serait-ce que pour permettre la survie des déplacés
(Nègre, 2004). Durant l’été 2005, nous avons pu constater que les habitants du bloc 27 du
camp de Oued El-Beshir s’étaient collectivement regroupés pour creuser 140 latrines, preuve
là que face à l’incapacité (ou au refus) des pouvoirs publics à fournir les structures de base,
les individus prennent le relais en développant d’intenses réseaux de sociabilité. Ces
18
démarches collectives impliquent une participation active des citoyens à la vie du quartier et
in extenso de la cité. Dès lors, les « camps-carcans » imposés deviennent des espaces
récupérés et territorialisés par les populations.
Critique, dénonciation, résistance et guerre d’usure… ces stratégies adoptées rendent
compte d’une mobilisation de plus en plus forte des populations marginales. Dans les deux
cas, les regroupements se font non plus sur des critères rigides d’appartenance ethnique ou
tribales mais bien sur celui d’une marginalité et vulnérabilité partagées. La négociation qui
s’établit en milieu urbain permet donc de dépasser dans une certaine mesure les fractures
identitaires observées au préalable.
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Sociabilités religieuses et nouvelles territorialités urbaines
A propos des villes africaines, A. T. Maqalim Simone (1998) constatait une
prolifération des associations religieuses, et ce tant chez les musulmans que chez les chrétiens.
L’Islam plus précisément rythme la vie urbaine de Nouakchott et Khartoum et les mosquées
s’imposent comme de réels points névralgiques de rencontre. En Mauritanie, le choix de la
mosquée fréquentée le vendredi n’est pas forcément lié à l’appartenance confrérique
(Qadariyya, Tijaniyya principalement). Au Soudan, les sociabilités religieuses et en particulier
confrériques apparaissent bien plus fortes et visibles puisque certaines prennent place dans
l’espace public. A Wad Nubawi, quartier d’Omdourman, es séances soufies de dhikr12 ont lieu
les vendredi dans la rue adjacente à la mosquée et donnent une ambiance singulière au
rassemblement religieux. Parallèlement, les groupes d’études coraniques se sont multipliés
ces dix dernières années et font florès auprès des femmes qui voient là un moyen d’élargir
leur sociabilité en dehors du cercle familial (Nageeb, 2004). De la même façon, des
associations chrétiennes catholiques et évangéliques, aux pratiques religieuses pour le moins
intenses, se sont développées en réponse à l’islamisation vécue quotidiennement et de façon
oppressante en milieu urbain13. Les églises chrétiennes ont une influence moindre en
Mauritanie, pays à 100% musulman. Cependant, on ne peut manquer d’observer le
développement d’églises évangélistes depuis les années 2000 et leur fréquentation par des
12
Selon la tradition soufie, le dhikr évoque le moment où les fidèles scandent des prières et psalmodient à voie
haute, afin d’entrer dans un état de transe leur permettant de se rapprocher d’Allah.
13
Les données récentes officielles annoncent que sur les 3,5 millions d’habitants que compte Khartoum, 3,1
millions seraient musulmans et 350 000 chrétiens (Statistical year book for the year 2004, 2005 : 56). Ces
données sont très certainement sous-estimées dans la mesure où la ville compterait aujourd’hui 5 millions
d’habitants.
19
étrangers : elles servent en particulier de points de repères et de lieux d’ancrage pour les
migrants en transit vers l’Europe (Ba, Choplin, 2005).
A Khartoum, les principaux lieux de sociabilité chrétiens sont tous concentrés dans l’espace
central, à proximité du Suq el-`arabi et dans l’orbite de l’école catholique Comboni14. Cette
dernière, qui jouit d’une excellente réputation, a pignon sur l’une des plus grandes avenues
(Sharî’a Joumouriya, avenue de la République). Le Comboni compound abrite en son sein
une église située au cœur de l’ensemble qui attire de nombreux fidèles lors des prêches du
dimanche matin. En face du Compound Comboni se trouvent la Unity School (école
protestante anglicane), le « Khartoum student christian center » ainsi que le Centre de
littérature évangélique. Dans une rue parallèle, on découvre le Centre des Cultures du Sud
Soudan (centre Kwato), largement subventionné par l’Eglise catholique. A quelques rues de là
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se dresse la Cathédrale qui héberge en son sein la sister’s school, école primaire catholique de
filles. Entre les deux, on aperçoit une antenne de l’université de Juba15 dans laquelle sont
inscrits beaucoup de jeunes sudistes.
Carte 5 : Centralité et territoires chrétiens à Khartoum
14
Du nom de Daniel Comboni, père missionnaire catholique italien qui fut le premier archevêque de Khartoum
au XIXème siècle. Son rayonnement fut intense depuis l’Egypte jusqu’à la Corne de l’Afrique.
15
Juba est la capitale du Sud Soudan. Cette ville a été en grande partie détruite durant la seconde guerre civile.
L’Université de Juba a été transférée à Khartoum lors de la reprise des conflits en 1983 mais est actuellement en
train d’être de nouveau transférée dans le Sud Soudan.
20
Par la présence de ces lieux, ce quartier central de Khartoum attire une majorité de
personnes qui résident habituellement dans les marges urbaines, souvent situées à plus d’une
heure de bus. Les chrétiens sudistes ont un espace vécu relativement limité, qui s’est élargi ou
contracté au gré de la guerre, et s’articule entre les camps périphériques, et les espaces
chrétiens du centre et souks où nombreux y exercent des activités informelles. Pour eux, les
lieux de sociabilité et espaces publics se confondent très largement avec les espaces religieux
et commerciaux. Leurs pratiques de la ville demeurent limitées, non pas dans les distances,
forts longues, mais dans les lieux fréquentés, peu nombreux au final. La fréquentation de ces
quelques rues dépasse la seule appartenance religieuse chrétienne pour devenir plus largement
sudiste. Certes, ces Sudistes ne sont pas incités à s’intégrer et demeurent perçus comme des
étrangers, mais leur présence est néanmoins tolérée dans le centre-ville. Ils sont désormais
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visibles à travers ces différents édifices et ces réseaux associatifs chrétiens.
Les nouvelles formes associatives observées dans les camps et quartiers périphériques,
ces pratiques spatiales et territorialités qui émergent dans le centre-ville laissent à penser que
l’ancrage des Sudistes à Khartoum se fait de plus en plus marqué, à l’image de leurs
revendications. Depuis la signature du traité de paix entre Nord et Sud Soudan en janvier
2005, Khartoum est appelée à incarner la ville-capitale de la réconciliation. Suite à l’annonce
de la mort du leader sudiste John Garang le 1er août 2005, des échauffourées ont pris place au
Suq el-`arabi, en plein centre-ville16. Ce moment marque un réel tournant : pour la première
fois les Sudistes ont investi l’espace public dans sa dimension tant matérielle que idéelle en
exprimant violemment leur mécontentement et leur volonté d’obtenir un « droit à la ville ».
Reste à voir si celui-ci leur sera accordé par le gouvernement central d’ici 2011, date à
laquelle ils se prononceront par référendum sur la possible indépendance du Sud-Soudan.
Conflit, évitement, ségrégation… mais également coprésence, rencontres et échanges.
Ces villes construites entre deux aires culturelles donnent à voir une marqueterie de territoires
appropriés et renferment une multitude de lieux de sociabilité. En réinterrogeant l’équation
espace public/lieu de sociabilité, nous avons dû nous rendre à l’évidence que des villes
16
Après 21 ans de guerre menée contre le gouvernement central et 20 jours après sa nomination en tant que viceprésident du Soudan, John Garang, chef du SPLM (Sudan People’s Liberation Movement) a tragiquement trouvé
la mort dans un accident d’hélicoptère le 31 juillet 2005. L’annonce de son décès embrase Khartoum : les
Sudistes sont persuadés qu’il s’agit d’un complot ; de violentes émeutes éclatent, causant la mort de 115
personnes et de nombreux dégâts matériels dans la capitale.
21
apparemment pauvres en espace public ne sont pas forcément pauvres en sociabilités. Bien au
contraire, lorsque les espaces publics sont accaparés par les pouvoirs publics, les lieux de
sociabilité en sont d’autant plus diversifiés puisque les habitants se réapproprient certains
espaces et développent d’intenses micro-sociabilités.
Ainsi, alors même que ces villes sont caractérisées par des antagonismes ethniques et des
clivages sociaux, sexués et générationnels marqués, il existe quelques lieux-passerelles, en
particulier dans les quartiers, qui permettent la négociation. Les rapprochements sont par
ailleurs rendus possible grâce à la mobilité qui caractérise les habitants et leur permet de
franchir les frontières qui séparent les différents territoires communautaires nullement
hermétiques entre eux. Preuve en sont les Sudistes qui investissent désormais le centre de
Khartoum ou bien encore les associations de quartier qui réunissent des Nouakchottois
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maures et négro-africains. Aussi ces villes-carrefours renvoient-elles aussi bien à des
sociabilités en réseaux, distinguant clairement les sphères publiques et privées comme cela
s’opère dans la plupart des villes arabes, qu’à des sociabilités plus ouvertes qui prennent place
dans les cours des villes subsahariennes. A la faveur de ce constat, nous pouvons dire que ces
différentes cultures, aussi divisées soient-elles sur les questions politique et identitaire, entrent
réellement en interférence dans ces capitales, lesquelles sont d’ailleurs toujours restées en
dehors du conflit ouvert. Signe qu’au-delà de la rupture, ces villes-capitales offrent des lieux
constructeurs d’une identité collective, car il existe un sentiment partagé d’être nouakchottois
et khartoumois, et plus généralement mauritanien et soudanais.
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