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5 Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » ? Le « territoire-frontière » de Rosso comme espace de déploiement de dynamiques ambivalentes d’intégration transnationale entre le Sénégal et la Mauritanie Mamadou Dimé Introduction Cette recherche se donne pour objectif d’analyser les dynamiques d’intégration entre le Sénégal et la Mauritanie à partir des deux villes-jumelles de Rosso. Nous faisons le choix de polariser notre regard sur les pratiques d’intégration par le bas s’incrustant dans des réseaux marchands et des solidarités multiformes, sans ignorer comment ces dynamiques sont encadrées, contrôlées, voire ralenties par les entités étatiques. Nous visons à démontrer que ces actions composites qui font fi, transcendent, effacent, détournent, contournent ou instrumentalisent la frontière, contribuent à l’édification d’un territoire-frontière autour de Rosso qui, du fait de sa position géographique demeure le point de jonction entre deux pays. Les deux Rosso forment un environnement socioculturel homogène, mais fracturé par une frontière politique séparant deux États. Les données sur lesquelles nous nous appuyons dans cette étude proviennent d’une enquête ethnographique réalisée à Rosso Sénégal comme à Rosso Mauritanie avec les outils de l’observation directe et de l’entretien individuel semi-structuré. 98 Les sciences sociales au Sénégal Nous nous fondons également sur une analyse de la littérature portant sur le Sénégal et ses voisins, ainsi que sur la question des frontières en Afrique. Le principe de la diversité a guidé l’enquête de terrain en vue de mettre en exergue l’hétérogénéité des dynamiques d’intégration par le bas dans l’espace-frontière de Rosso. Les données collectées aident à montrer comment la zone-frontière de Rosso est un espace d’observation et d’analyse des relations ambivalentes entre le Sénégal et la Mauritanie, au gré des vicissitudes liées à des conjonctures nationales et géopolitiques (lutte contre le terrorisme islamiste, enjeux migratoires), des successions de gouvernement, des « humeurs » des pouvoirs publics et de leurs choix diplomatiques et géostratégiques. Nous portons surtout notre regard la manière dont Rosso est emblématique de l’épineuse question de la gestion des zones-frontières et des espaces transfrontaliers sur le continent africain, dans un contexte de mondialisation, voire même de « glocalisation », synonyme d’un double mouvement d’ouverture des frontières, de crispation et de réveil des identités nationales et régionales (Amin 1999 ; Mbembe 2005). Nous concentrons notre attention sur les dynamiques d’intégration par le bas, les acteurs qui les portent, et enfin les contraintes qui les ralentissent ou les bloquent. Une telle intégration se réalise en marge des institutions, à travers des solidarités socioculturelles et des réseaux marchands transfrontaliers (Grégoire & Labazée 1993 ; Peraldi 2001 ; Bennafla 1997, 2002 ; Mbembe 2005 ; Walter 2008 ; Lesourd 2009 ; Mbega 2015). Une bonne partie de l’analyse cherche avant tout à dépeindre de quoi Rosso est le nom : espace frontière ? Territoire-frontière ? Ligne de démarcation ? Espace sociologiquement intégré mais politiquement et institutionnellement désagrégé ? Intégrer l’objet frontière pour comprendre les mutations dans le Sénégal d’aujourd’hui À l’instar des autres pays africains, le Sénégal est engagé dans un processus de transformation qui a pour effet de contribuer en permanence à la reconfiguration d’une société sénégalaise diversifiée. Ces dynamiques sociales sont multiformes. Elles engagent une palette d’acteurs et mettent en scène divers systèmes de représentation tout en donnant lieu à des pratiques sociales composites et hybrides. Les multiples changements qui travaillent la société sénégalaise d’aujourd’hui, recomposent le contrat social sur lequel elle repose et redéfinissent les identités ainsi que les appartenances de ses citoyens, proviennent d’éléments internes comme d’éléments externes (Diop & Diouf 1990 ; Diop 1994 ; Diop 2003a, 2003b ; Diop 2013a, 2013b). Les dynamiques exogènes procèdent d’un environnement international qui, par ses logiques économiques, culturelles, politiques et sociales tributaires de la mondialisation, affectent les conditions d’existence et agissent sur les capacités de manœuvre des pouvoirs publics. Les facteurs externes découlent également des environnements régional et sous-régional. Ceux-ci sont fortement déterminés par Dimé : Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » 99 les relations que le Sénégal établit avec ses voisins et, au-delà, par la nature des rapports entretenus par le personnel politique à la tête des pays (entente cordiale, animosité sur fond de rivalité quant au leadership sous-régional, appartenance idéologique, etc.). Les multiples convulsions des relations du Sénégal avec ses voisins ont toujours attiré l’attention des chercheurs (Diop 1994 ; Thioub 1994 ; Dumont & Kanté 2009). La série d’ouvrages coordonnés par Momar-Coumba Diop a d’ailleurs mis en lumière les évolutions, les crises, les inflexions, bref les convergences et les dissonances dans les rapports entre le Sénégal et ses voisins proches. Ces éléments ont régulièrement été au cœur de la production scientifique de Momar-Coumba Diop, Mamadou Diouf et Donald Cruise O’Brien sur les multiples trajectoires de l’État sénégalais, le bilan à la tête de l’État des présidents Diouf et Wade, les enjeux et défis de la construction de l’État, les transformations sociales et économiques, les épreuves de la mondialisation et des migrations, etc. (Diop & Diouf 1990 ; O’Brien, Diouf & Diop 2002 ; Diop 2003a, 2003b, 2004, 2013a, 2013b). Le « Sénégal face à ses voisins » a d’ailleurs constitué un des chapitres de l’ouvrage La construction de l’État au Sénégal (O’Brien, Diouf & Diop 2002). Dans cette contribution, Momar-Coumba Diop analyse les fondements et les multiples évolutions du pays avec ses quatre voisins (Mali, Guinée Conakry, Guinée Bissau et Mauritanie) et le cinquième, qui a la singularité d’être enfoncé dans son territoire (Gambie). Partant du postulat que la prise en compte des relations entre le Sénégal et ses voisins est une dimension centrale dans l’éclairage des dynamiques sociales, notre étude constitue une manière de revisiter et de réactualiser les lectures et analyses de Diop à l’aune de nouvelles configurations de l’État, au Sénégal comme chez ses voisins, de nouveaux enjeux (institutionnels, économiques, sécuritaires, géopolitiques et géostratégiques), mais surtout de l’ambition toujours affirmée d’un leadership sous-régional, voire continental, des dirigeants sénégalais qui se sont succédé à la tête du Sénégal, Léopold Sedar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et, aujourd’hui, Macky Sall. Nous procédons à cette révision des interprétations disponibles à partir de l’analyse des relations entre le Sénégal et la Mauritanie, non pas à partir d’une perspective centrée sur l’histoire des relations institutionnelles et diplomatiques entre les deux pays, mais plutôt à partir d’un lieu, un espace, qui met quotidiennement en face à face les deux États. Il s’agit de la zone-frontière ou du territoire-frontière de Rosso. Habituellement qualifiées de « villes jumelles », Rosso-Sénégal et Rosso-Mauritanie, se font face de part et d’autre du fleuve Sénégal qui sert de ligne politique de démarcation et de frontière naturelle entre les deux villes et entre les deux États. Malgré l’intensité des échanges commerciaux, la densité des relations multiséculaires et l’importance des flux humains de cette zone névralgique et important point de passage, la zone-frontière de Rosso est parfois le théâtre 100 Les sciences sociales au Sénégal d’expression d’une animosité entre la Mauritanie et le Sénégal, au-delà, entre « l’Afrique noire » et « l’Afrique blanche » (arabo-berbère). Par sa position géographique, son histoire, le profil démographique de sa population (Maures, Berbères et Négro-Africains), la Mauritanie est tiraillée entre son « arabité », sa « berbérité » et son « afriquité »1. Sur cette base, Baduel (1989) la qualifie même de « pays-frontière » (Baduel 1989). Les relations entre les deux pays autour de l’espace-frontière de Rosso permettent d’avoir un regard synoptique sur les dynamiques de coopération, de négociation, de tension et de désaccord entre le Sénégal et la Mauritanie. Malgré les facteurs favorables à la construction d’un espace de coopération transfrontalière autour de Rosso (échanges commerciaux, brassages religieux, linguistiques et ethniques, complémentarité économique, homogénéité écosystémique, etc.), de nombreuses entraves continuent de freiner cette option. Les conditions de circulation et de séjour entre les deux villes, jugées « cauchemardesques » de part et d’autre, constituent d’ailleurs un indicateur pertinent pour analyser ces contraintes. C’est comme si les pratiques d’intégration par le bas effectuées par les populations étaient ralenties ou contrecarrées par le poids des antagonismes étatiques et la forte volonté de contrôle de cet espace-tampon. Des dynamiques d’intégration se mettent certes en place, intensifiées par la « route du désert » qui permet de rallier en voiture l’Europe depuis le Sénégal, via la Mauritanie, le Maroc et la traversée de la Méditerranée en ferry, mais elles sont entravées par l’obsession, de part et d’autre, de contrôler, surveiller et réglementer l’espace transfrontalier de Rosso, et également d’y prélever une substantielle « rente de situation frontalière » (taxes douanières, patentes municipales, droits de passage, etc.) cruciale pour les deux pays et les deux villes. Des espaces convoités, contrôlés, mais surtout d’intenses interactions : bouillonnement d’activités autour des régions-frontières en Afrique Les questions du tracé des frontières et de la coopération frontalière ont toujours constitué des enjeux cruciaux pour les pays africains (Foucher 1988 ; Bach 1998 ; ENDA Diapol 2007 ; Mbembe 2005). Depuis les indépendances, des conflits interétatiques2 ont été notés au sujet des frontières, générant ainsi leur lot de drames, de destructions et de dégâts. De nombreuses tentatives d’intégration continentale, régionale et sous-régionale ont été effectuées sur le continent. Elles se sont matérialisées, pour le cas spécifique de l’Afrique de l’Ouest, par la mise en place d’organismes de coopération (CEDEAO3, UEMOA4, OMVS5, etc.) ainsi que la signature de traités de libre circulation des personnes et des biens, et d’accords censés contribuer à supprimer les barrières héritées de la colonisation et effacer les traumas de la balkanisation. Malgré ces efforts d’intégration régionale et sous-régionale, les zonesfrontières continuent d’être des espaces de tensions, de rackets, de tracasseries, Dimé : Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » 101 de contrebande, de trafics, mais surtout de divergences et de confrontations entre les États (Jeganathan 2004 ; ENDA Diapol 2007 ; Lombard & Ninot 2010). Une telle situation n’est pas spécifique à Rosso. On la retrouve quasiment dans les villages et les centres urbains situés autour des zones-frontières et des espaces transfrontaliers sur le continent : l’espace « SKBo », triangle tracé par les villes de Sikasso (Mali), Korhogo (Côte d’Ivoire) et Bobo-Dioulasso (BurkinaFaso), Karang-Bara (Sénégal-Gambie) ; le couloir Maradi-Katsina-Kano sur l’axe transfrontalier Nigeria-Niger ; Bénin-Nigeria, Côte d’Ivoire-Ghana, etc. (Bennafla 2002). Une floraison d’expressions a été forgée pour rendre compte de l’intensité des flux commerciaux et du bouillonnement d’activités autour des frontières en Afrique. Igué (1995:8) les assimile à une « périphérie nationale » tandis que Raison (1983:6) retient l’expression de « région informelle ». Pour Grégoire et Labazée (1993), il s’agit « d’espaces d’échanges réels » alors que Bach (1998) retient le terme de « régionalisme transétatique » et Roitman (2003) de « garnisonsentrepôts ». Karine Bennafla (1999:26), comme pour mieux refléter les mutations que la temporalité de sa recherche lui permet de prendre en compte, désigne ces espaces par l’expression de « frange frontalière » ou « région frontalière ». C’est dire que malgré la volonté de contrôle des États et l’ampleur et éventuellement le degré de violence des différends pouvant en découler, les frontières n’ont jamais représenté des barrières étanches de séparation spatiale ou de démarcation territoriale pour les populations. Elles ont plutôt toujours constitué des espaces de vie, de circulations, d’interactions et d’échanges qui débordent les délimitations nationales. Ce qui valide l’évidence de l’artificialité des frontières6 en Afrique (Bouquet 2003), principe largement accepté dans la recherche et ancré dans les pratiques sociales, mais non entériné sur les plans juridique et institutionnel par les instances africaines puisque l’Organisation de l’unité africaine (OUA)7 a, dès sa création, consacré le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. La recherche d’une intégration plus poussée à l’échelle régionale, associée à une crise et une perte de prérogatives des États centraux, mouvement accompagné d’un renforcement d’acteurs aux marges (régions périphériques) et d’une intensification des dynamiques de mobilité humaine représentent autant de facteurs concourant à un processus d’effacement du caractère hermétique des frontières étatiques. L’inéluctabilité, voire l’irréversibilité de ce processus a conduit Bertrand Badie (1995) à mettre en exergue le caractère inadapté et dépassé des « territoires statonationaux » dans un contexte de montée des réseaux économiques transnationaux et des constructions économiques régionales. Pour Badie, à l’heure de l’internationalisation des échanges et de la modernisation des techniques de communication, on assiste à la crise des territoires nationaux conçus comme « supports d’une identité politique citoyenne » et le risque est 102 Les sciences sociales au Sénégal grand de les voir être concurrencés par des « territoires identitaires » fondés sur une même appartenance ethnique, religieuse ou culturelle. Les populations transforment les frontières en « ressources » qui alimentent une intense activité économique (commerce, transport, trafic, etc.), autant d’activités gravitant autour de la « rente frontalière » (Autrepart 1998 ; Lambert 1988 ; Bennafla 2002). Il peut s’agir de produits de contrebande, de la circulation de produits illicites ou tout simplement d’échanges commerciaux portés par des réseaux commerciaux étendant leurs tentacules de part et d’autre des zonesfrontières. Les États, dans leur farouche volonté de contrôle des espaces à risque et des zones recelant des opportunités de prélèvement de ressources rentières se trouvent obligés de déployer des politiques et des dispositifs de surveillance et de contrôle des frontières (Clapham 1998 ; Choplin & Redon 2008). En Afrique de l’Ouest, malgré l’instauration de traités de libre circulation des personnes et des biens, les États rechignent à appliquer l’intégralité de ces dispositifs juridiques. Invoquant des raisons sanitaires, sécuritaires et/ou policières, ils continuent d’exercer un contrôle serré dans les espaces transfrontaliers, multipliant les tracasseries pour leur traversée. Telle est la situation à la zone-frontière de Rosso réputée pour les difficiles conditions de circulation en dépit des nombreux facteurs d’unité et d’homogénéité. De quoi Rosso est-il le nom ? Villes-jumelles ? Zone-frontière ? Espace transfrontalier ? Territoire-frontière ? Espace-tampon ? Rosso offre la singularité d’être « partagé » entre deux pays. Il ne s’agit pas d’une ville unique que les aléas de l’histoire et de la géographie auraient séparée en deux. On n’est pas non plus en présence d’un phénomène où l’une des villes est un appendice du développement de l’autre ou le résultat d’un débordement de ses activités et de son étalement urbain. Il s’agit ici de deux villes différentes par leur identité, leurs trajectoires respectives, leur appartenance et leur ancrage dans des ensembles nationaux distincts. Les facteurs d’unité entre les deux villes résident dans le partage d’un même environnement géographique et d’un ensemble écosystémique similaire déterminé par le fleuve qui joue un double rôle ambivalent de « barrière », mais également de trait d’union entre les villes. Les Rosso sont campées l’une en face de l’autre. Le partage d’un patronyme illustre néanmoins une forte situation de « gémellité » qui se prolonge par une forte intégration aux niveaux économique, culturel et ethnique et une situation de complémentarité dans le domaine commercial notamment. Dimé : Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » 103 Carte 1 : Rosso-Sénégal-Rosso-Mauritanie : localisation et image satellitaire de 2 villes-jumelles Rosso Sénégal et Rosso Mauritanie constituent toutes les deux des villes moyennes dont le rayonnement et le développement sont le produit de leur position de carrefour et de trait d’union entre les deux pays et, au-delà, entre deux aires linguistiques et culturelles. Leur histoire les rattache toutes les deux à l’ancien royaume du Walo. Les deux pays faisaient alors partie d’un ensemble territorial et politique homogène, car le fleuve ne représentait pas un facteur de partition entre les deux espaces. Ils étaient tous les deux des parties englobantes du Royaume du Walo (Jus 2003). 104 Les sciences sociales au Sénégal La colonisation française a été l’un des facteurs déclencheurs de l’éclatement des ensembles politiques comme le Walo et a consacré le début de la mise en place progressive du fleuve comme ligne de démarcation de facto entre le Sénégal et la Mauritanie. L’érection de Saint-Louis comme capitale de la colonie du Sénégal qui englobait une bonne partie de la Mauritanie a servi de soubassement à l’utilisation de Rosso comme porte des entreprises coloniales désireuses de s’implanter dans l’hinterland de la partie mauritanienne. Les deux Rosso ont eu un statut de comptoirs commerciaux et d’escales sur le fleuve Sénégal. Les traités entre les administrateurs coloniaux français et le brack du Walo permirent aux Français d’acquérir des terres fertiles du Walo pour l’établissement d’implantations agricoles. En 1854, un comptoir commercial fut édifié sur l’actuel Rosso en vue de faciliter le commerce de la gomme arabique et du sel en provenance de la rive droite du fleuve (Niane 2014 ; Diallo 2007). L’origine du nom de Rosso met en lumière le fait que comme beaucoup de villes moyennes d’aujourd’hui, Rosso a d’abord été un comptoir colonial français. En effet, sur ce lieu qui a l’avantage d’être situé en hauteur et où les eaux du fleuve sont profondes, a été établie une escale de transit des bateaux dénommée « Balacosse ». La surveillance des marchandises des bateaux posait des défis de taille. Pour y remédier, un Français du nom de Rose s’attacha les services d’un intrépide chasseur autochtone pour sécuriser les marchandises en attente d’être transportées. Pour ses services, les Français le récompensèrent avec des terres auxquelles il donna le nom de Rose en signe de reconnaissance. Par déformation, Rose est devenu Rosso. La zone s’est ensuite agrandie au gré des inondations (un problème crucial causé par la nature des sols – latéritique – dans les deux villes) et des mutations sociopolitiques et économiques aux échelles locale, nationale et internationale (Niane 2014). À l’accession à l’indépendance du Sénégal et de la Mauritanie, les deux Rosso voyaient leur position déjà établie, même si le découpage de la frontière entre les deux pays était loin d’être clairement établi. Les séquelles d’un différend territorial étaient en place à l’époque puisque le fleuve n’était pas encore la ligne de frontière étant donné que beaucoup de villes et villages du Sénégal situés le long du fleuve possédaient des terres de culture et des zones de parcours de bétail sur la rive droite du fleuve. On était déjà dans la situation d’un espace territorial intégré aux niveaux écosystémique, culturel et économique. Ces deux cités sont les premières à subir l’évolution des rapports entre les deux États. Jusqu’à la crise majeure de 1989 entre les deux pays, la situation de complémentarité entre les deux villes l’emportait largement sur les lignes de facture politique, institutionnelle ou sécuritaire. La crise dans les relations sénégalo-mauritaniennes en 1989 est une étape marquante dans l’édification entre les deux Rosso d’une situation de zone-frontière et de mise en place d’un espace transfrontalier avec tout ce que cela implique comme activités de sécurisation, de contrôle de la mobilité et de gouvernance transfrontalière. Dimé : Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » 105 Sans nous attarder aux étapes marquantes du développement des deux villes qui les ont fait passer du statut de village à celui de commune au gré des réformes territoriales, administratives et politiques dans les deux pays, il convient de souligner que Rosso-Sénégal est passé du statut de communauté rurale en 1982 à celui de commune de plein exercice en 1996 et en 2002. Il relève du département et de la région de Saint-Louis. Rosso Mauritanie est le chef-lieu du département de Rosso et la capitale de la wilaya (région) de Trarza. Ils sont situés à la périphérie des centres politiques dans les deux pays avec une configuration linguistique et ethnique plus homogène (majoritairement wolof ) du côté sénégalais et plus diversifiée du côté mauritanien (prédominance des populations négro-africaines, présence de Maures beydanes). Du point de vue de sa composition ethno-raciale, la population de RossoMauritanie épouse les contours du profil global de la population de la Mauritanie avec l’existence de trois grands groupes : 1. les Beydanes (Maures blancs) s’exprimant en hassanya, un dialecte arabe fortement teinté de berbère, et parfois désignés par l’expression de communautés arabo-berbères. Il s’agit d’un groupe économique, politiquement avantagé par son accès privilégié aux ressources et par son contrôle du pouvoir ; 2. les Harratines (Maures noirs). Le terme d’harratine est un terme du dialecte hassanya qui signifie « les affranchis ». La majorité des Harratines a la peau noire. Ils sont culturellement et socialement assimilés aux Beydanes. Le groupe des Harratines est formé d’anciens esclaves affranchis et de descendants d’esclaves ; 3. enfin, les Négro-Mauritaniens. Ce groupe est constitué principalement des communautés peul, wolof et soninké qui vivent principalement dans les villes et villages disséminés le long du fleuve Sénégal comme Rosso, Sélibabi, Boghé, etc. Du point de vue de la répartition démographique, les statistiques officielles restent muettes sur le poids démographique de chacune des communautés. Dans un contexte de tension ethno-raciale, d’accès inégalitaire aux ressources et au pouvoir et de survivance d’un système fondé sur l’esclavage, cet item n’est pas pris en compte dans les recensements de la population mauritanienne. Du côté sénégalais, la répartition de la population laisse voir une prédominance des Wolofs, suivis des Pulaars, des Maures et des Soninké8. Malgré l’asymétrie dans les statuts des villes, on est en présence d’un espace pouvant être qualifié de territoire-frontière pour mieux refléter les connexions, les interdépendances, ainsi que l’intensité des échanges multiformes autour de cet espace territorial. Mais ces convergences sont encadrées, ralenties à l’occasion puisque la réalité de la frontière est au centre de toutes les dynamiques d’arrimage ou de déconnexion dans cet espace. 106 Les sciences sociales au Sénégal Rosso : dynamiques d’une intégration par le bas dans les interstices d’un territoire-frontière « glocalisé » Quoique nichés au confluent de deux États dont les relations n’ont jamais été un long fleuve tranquille, les deux Rosso cohabitent dans un espace frontalier où les dynamiques d’intégration des acteurs à la base (populations locales des deux rives, commerçants, acteurs de l’économie populaire, collectivités locales, organisations communautaires, opérateurs économiques, etc.) peuvent trancher avec les logiques centrifuges des acteurs étatiques et de leurs démembrements (polices, douanes, administration territoriale, services techniques, etc.). Ceux-ci étant davantage dans une logique de contrôle, de surveillance, de régulation des multiples activités transfrontalières. Ces dernières se sont intensifiées malgré les obstacles liés au caractère transfrontalier et à l’armature juridique des deux États. La transfrontalité peut donc être envisagée comme un facteur à la fois favorable et défavorable à l’établissement d’échanges multiformes entre les deux villes qui ont un statut de carrefour stratégique. Les liens économiques sont portés par une kyrielle d’acteurs se déployant dans un territoire-frontière fait de connexions, de flux multiformes, d’interrelations, mais également de fragmentations et d’antagonismes. Les circulations et les complémentarités sont renforcées par la possibilité de rallier les espaces européen et maghrébin par la « route du désert » qui a intensifié le rôle des deux Rosso comme point de passage et lieu de transit, renforçant du même coup les dispositifs de dissuasion des mobilités et d’endiguement des migrations, irrégulières notamment (Lombard & Ninot 2010). La focalisation sur ces dimensions peut ainsi conduire à rester myope sur les authentiques dynamiques d’intégration entre les acteurs locaux dans les deux villes et qui contribuent à la mise en place d’un territoire-frontière. Plusieurs facteurs y concourent. Ils relèvent de la synergie d’éléments d’ordre historique, géographique, culturel, économique, religieux, etc. et participent à l’essor du commerce transfrontalier dans le passé (commerce transsaharien) comme dans la période actuelle. Les deux Rosso profitant de leur emplacement géographique : Rosso-Mauritanie est située à 200 km de la capitale mauritanienne et constitue la principale agglomération au sud du pays, tandis que Rosso-Sénégal est située dans une région qui est le lieu de déploiement d’activités socio-économiques structurées autour de la riziculture et encouragées par la présence d’une armature urbaine étendue formée par les centres urbains de Saint-Louis, de Ross Béthio, de Richard-Toll et de Dagana. Cette densité urbaine explique la présence d’un important marché qui favorise les activités commerciales et dope les échanges économiques autour de la zonefrontière qui se distingue par une certaine complémentarité économique et commerciale avec l’intense circulation de marchandises de Dakar à Nouakchott et au-delà, jusqu’aux grandes villes marocaines. Rosso devient la porte d’entrée Dimé : Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » 107 des produits marocains, surtout des produits fruitiers comme l’illustre le défilé quotidien des camions frigorifiques venant écouler sur le marché dakarois les fruits en provenance du Maroc. Le ferry (traversier) de Rosso, communément appelé bac de Rosso, est l’endroit névralgique de ce territoire-frontière, mais surtout le cadre d’expression de la complémentarité entre les deux Rosso. Il demeure un riche trait d’union entre les deux Rosso, car régulant les échanges au rythme des dessertes assurées par les deux ferries qui font passer, de part et d’autre de la frontière, personnes, marchandises, produits agricoles, bétail, biens de consommation, etc. Les ferries assurent la navette au rythme de quatre rotations par jour (deux rotations le matin et deux l’après-midi). Chaque bac peut transporter jusqu’à deux camions de 30 tonnes, deux véhicules d’environ cinq tonnes, des marchandises et des voyageurs. Les traversées durent environ 7 à 8 minutes et chaque embarquement ou débarquement donne lieu à des activités grouillantes et mettent sur le qui-vive les acteurs de contrôle de la zone-frontière (police et douanes notamment). Le ferry est ainsi l’un des éléments-clefs de l’intégration entre les deux Rosso et audelà entre le Sénégal et la Mauritanie. La gestion de la desserte fluviale est le cadre de dynamiques de négociation et de cogestion entre les deux États à travers les services étatiques impliqués dans la régulation des flux. Le transport par pirogues contribue aussi à la vitalité des liens économiques et commerciaux entre les deux villes. Comme le bac, les pirogues transportent des personnes et des marchandises en complément ou en concurrence avec le ferry. Leur usage est plus important en dehors des heures de service du ferry. Dans ce cas, le transport par pirogue représente l’unique possibilité pour quiconque ne voudrait pas attendre des heures sous la chaleur de Rosso. Les pirogues font ainsi partie intégrante du paysage des deux rives et à ce titre, elles jouent un rôle crucial dans l’intégration dans le territoire-frontière de Rosso. Une autre niche contribuant à l’intensification des liens entre Rosso-Sénégal et Rosso-Mauritanie est constituée par les marchés. Chaque ville en compte un de grande taille. Celui du côté sénégalais est situé dans le quartier de Cité Niakh et on y trouve en plus grande quantité des produits agricoles alors que le marché de Rosso-Mauritanie, niché juste après le débarcadère est beaucoup plus vaste. L’origine des commerçants y est plus diversifiée, tout comme y sont plus hétéroclites les marchandises en vente (produits alimentaires importés, articles électroniques, électroménagers, etc.). 108 Les sciences sociales au Sénégal Tableau 1 : Principaux produits disponibles dans les marchés signe de la complémentarité entre les deux Rosso Rosso Sénégal Rosso Mauritanie Riz (paddy ou décortiqué), Patate douce, Carottes Navets Tomates fraîches, Produits fruitiers (Mangues) Melons Aliments de bétail Chaises Ustensiles de maison Divers récipients en plastique Chaussures en plastique Matériaux d’installation (fils électriques, lampes et d’autres récepteurs) Téléviseurs, Magnétophones, Lecteurs CD, DVD et VCD, MP3 Téléphones portables, clés USB, et Autres gadgets électroniques Crèmes et laits de beauté, Tubes de dépigmentation Parfums, déodorants, savons, détergents Tissus Le marché de Rosso-Mauritanie a toujours attiré les Sénégalais qui trouvent l’occasion de faire de bonnes affaires. C’est pourquoi il a été, dans le passé, le point de départ d’une vaste économie de contrebande qui a toujours mobilisé d’importants moyens de répression du côté sénégalais. Une économie transfrontalière, surtout dans le contexte africain dominé par l’informalité et le peu d’ancrage de l’idée de frontière dans les représentations sociales et les pratiques des acteurs, est toujours animée par les figures de « fraudeurs » qui se jouent allègrement de la frontière si elles ne l’utilisent pas comme ressource stratégique et comme espace de trafics lucratifs mais risqués. Elle met également en scène d’autres acteurs tournés davantage vers le captage et la gestion des flux monétaires de part et d’autre de la frontière. On peut ranger dans ce groupe les cambistes, au centre de la mise en place d’un véritable marché informel de change. Reconnaissables par les liasses de billets qu’ils ont dans leurs mains, ils se déploient aux alentours des débarcadères et proposent des services de change des monnaies les plus en circulation dans l’espace-frontière de Rosso : franc CFA, ouguiya et euro. Un autre groupe d’acteurs tout aussi important dans cet espace économique est constitué par les transitaires, nombreux à s’activer de chaque côté de la frontière pour accompagner les agents économiques et les particuliers dans leurs formalités douanières. L’économie transfrontalière est animée par d’autres acteurs comme les nombreux travailleurs se rendant quotidiennement de part et d’autre de la frontière, animant ainsi des mouvements pendulaires importants. Nombreux sont, chaque jour, les habitants de Rosso-Sénégal allant travailler en Mauritanie Dimé : Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » 109 comme maçons, artisans, commerçants, menuisiers, cambistes alors que des écoliers font le chemin inverse pour venir étudier dans les établissements scolaires de Rosso. Les dynamiques d’intégration à l’intérieur du territoire-frontière de Rosso n’ont pas une dimension exclusivement économique. Elles s’expriment aussi au plan social. De puissants vecteurs d’inclusion sociale concourent à lubrifier les liens sociaux sur un espace caractérisé par un important brassage ethnique et le partage de référents identitaires. La langue wolof et la religion musulmane deviennent des facteurs d’unification entre les deux Rosso. Les marchés, surtout du côté mauritanien, sont autant de lieux d’observation du statut de langue dominante du wolof. Le partage d’un islam à orientation confrérique vient renforcer les dynamiques d’interaction et d’intégration par le bas autour du territoire-frontière de Rosso. Le fait, pour toutes les confréries sénégalaises, de pouvoir revendiquer des rapports privilégiés avec la Mauritanie dans leurs évolutions, se référant au séjour du fondateur dans le cas du mouridisme, ou à l’ancrage spirituel dans ce pays dans le cas des tidianes et des khadres, contribue à désamorcer les situations de tension et à pacifier les rapports humains (Robinson 2004 ; Ould Cheikh 2004). Lors des situations de crise comme celle survenue en 1989, ces mécanismes fondés sur le partage d’une appartenance identitaire et religieuse commune ont puissamment contribué à stopper l’escalade et à freiner les ardeurs bellicistes dans chaque pays. Néanmoins, les situations de tension qui ne manquent pas de surgir sont l’occasion, pour les acteurs impliqués dans la gouvernance du territoire-frontière de Rosso, d’y imprimer leurs empreintes en matière de contrôle des mobilités, de répression des trafics et de coopération entre les administrations et les collectivités locales. Rosso, territoire à policer et espace à contrôler : multiples enjeux autour de la gouvernance transnationale d’une zone-frontière Le territoire-frontière de Rosso est le lieu d’actualisation de fortes dynamiques d’intégration par le bas reposant sur des fondements historiques, culturels, religieux, sociaux et économiques et portés par des acteurs aux profils hétérogènes. Mais se déroulant dans un espace mettant en face-à-face deux États, avec leurs systèmes politiques et institutionnels, leur arsenal réglementaire, les dynamiques d’intégration ne manquent pas d’être normées, canalisées et contrôlées par les deux États. Ces derniers mettent en avant des arguments de sécurisation de la frontière dont les enjeux géopolitiques ont été amplifiés par une panoplie de facteurs et plusieurs évènements survenus récemment. Le premier d’entre eux est l’apparition de la menace terroriste dans l’espace sahélien au milieu des années 2000, phénomène du reste amplifié par la désagrégation de la Lybie et la guerre au Mali (Ciavolella & Friesa 2009 ; 110 Les sciences sociales au Sénégal Boukhars 2012). Les groupuscules islamistes qui se signalaient sporadiquement par des enlèvements ou des meurtres d’étrangers, ainsi que le harcèlement des forces policières, ont pu établir dans le désert mauritanien des bases à partir desquelles ils lancent des attaques d’une rare violence : assassinat de quatre touristes français en décembre 2007, meurtres de soldats mauritaniens, attentats contre des intérêts français à Nouakchott (Choplin 2008). Le poste-frontière devient ainsi le baromètre des menaces sécuritaires ou d’ordre sanitaire pouvant être enregistrées en Mauritanie ou au Sénégal. À la faveur de rumeurs ou de renseignements attestant de l’imminence avérée ou non de menaces terroristes, les contrôles sont renforcés de part et d’autre de la frontière. L’amplification de la menace terroriste au Sénégal à la suite des attentats terroristes perpétrés au Mali, au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire au début de l’année 2016 a mis sur le qui-vive les forces policières des deux pays. Cela s’est traduit par une sécurisation plus affirmée et plus visible du poste-frontière de Rosso et une surveillance accrue de la route nationale n° 2 du Sénégal. Depuis la récurrence de la menace terroriste en Afrique de l’Ouest, le Sénégal est régulièrement cité avec insistance comme cible des réseaux djihadistes, déclenchant un renforcement des contrôles de sécurité devant les hôtels et une présence plus marquée des services de renseignement autour de Rosso. Cette réaction est justifiée principalement par le fait que le territoire mauritanien a pu être le lieu d’implantation de la Brigade d’Al-Qaïda au Maghreb islamique décuplant la menace terroriste dans ce pays surtout au milieu des années 2000. Cette menace terroriste, plus localisée dans les régions Nord-Est de la Mauritanie, quoique géographiquement éloignée du territoire-frontière de Rosso, oblige les forces de sécurité et de renseignement à une vigilance soutenue pour débusquer les individus et les comportements suspects lors des traversées de la frontière. Ce qui rend encore plus pénibles les conditions de passage entre les deux Rosso. Le qualificatif de « cauchemardesque » est celui le plus employé pour décrire ce passage qui génère son lot de stress, de crispation et d’angoisse, à l’image de beaucoup d’espaces transfrontaliers en Afrique (Choplin & Lombard 2010). Le contrôle excessif et les tracasseries policières et douanières, le tout sur fond de désorganisation et, une bonne partie de l’année, dans des conditions de chaleur élevée sont, entre autres raisons, invoqués pour justifier le choix de ce qualificatif. Le zèle policier lors des contrôles, associé à la vulnérabilité de certains passagers (migrants désireux de rallier l’Europe après des étapes de transit en Mauritanie et au Maroc), devient propice à la multiplication de pratiques corruptives. Le sentiment est général qu’il faut savoir manier les pots-de-vin du côté sénégalais comme mauritanien pour échapper aux difficiles conditions de circulation et aux contrôles tatillons des pièces d’identité, des carnets de vaccination et du permis de séjour pour les Sénégalais résidant en Mauritanie. Pour les commerçant(e)s, le paiement des frais de douanes donne lieu à d’âpres négociations où il faut savoir Dimé : Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » 111 ruser, y compris recourir au bakchich pour obtenir le précieux sésame douanier. Encore ce document ne signifie-t-il pas la fin des tracasseries, puisque la route de Rosso à Dakar est jalonnée de check points de la douane, de la gendarmerie et de la police. Les frontières demeurent « des lieux de l’affirmation du pouvoir central et national expliquant les violences (souvent symboliques), les crispations récurrentes, voire les fermetures ponctuelles » (Choplin & Lombard 2010:13). La frontière de Rosso n’échappe à cette situation. Cette situation s’est même renforcée suite à l’intensification des migrations clandestines via les routes des déserts marocain et algérien. Au paroxysme des migrations irrégulières à bord des pirogues en direction de l’Espagne, Rosso a constitué un point de passage excentré sur la route de l’Europe. D’où l’afflux d’aventuriers qui ont escompté atteindre l’Europe à partir de la Mauritanie en passant par le Maroc ou l’Algérie (Cross 2013). L’ouverture de ces nouveaux fronts sur les routes migratoires a amené les autorités de l’Union européenne à établir des accords avec les États sénégalais et mauritanien pour un contrôle et un endiguement en amont des migrants cherchant au péril de leur vie ce qu’ils continuent de percevoir comme un Eldorado, mais qui se révèle de jour en jour comme une forteresse de plus en plus infranchissable. La nouvelle approche européenne, fondée sur une externalisation des contrôles directement dans les pays de départ, et de transit des migrants à travers le dispositif FRONTEX9, est en vigueur à Rosso à travers un appui logistique aux forces policières mauritaniennes et sénégalaises, une intensification de la coopération entre les institutions des deux pays sous l’égide de l’Union européenne et la mise en œuvre de projets d’accueil des migrants refoulés (Cross 2013). L’enjeu migratoire s’est hissé parmi les enjeux prioritaires autour de la gouvernance transfrontalière autour de Rosso. L’abondance des publications centrées autour de cet enjeu dans cet espace témoigne d’ailleurs de son importance. En effet, la majeure partie de la littérature sur les enjeux autour du territoire- frontière de Rosso a porté ces dix dernières années sur les thèmes des mobilités, des migrations, du profil des migrants et des réponses politiques et institutionnelles apportées par les deux pays, très souvent sous l’égide des pays de l’Union européenne. Même dans les années quatre-vingt-dix, ce thème était dominant dans les recherches sur Rosso, qui a la singularité d’être dans un foyer historique de départ de migrants, la vallée du fleuve Sénégal (Bredeloup 2007). Mais pendant cette période, la production scientifique était davantage consacrée aux réfugiés mauritaniens installés le long de la frontière sénégalaise, dont Rosso, à la suite du conflit entre les deux pays en 1989 (Magistro 1993 ; Kane 2012). La gestion de l’ensemble des enjeux liés à la sécurité, aux mobilités et aux échanges commerciaux, ainsi qu’aux activités quotidiennes de populations réunies par des liens et des appartenances multiformes met à l’épreuve les capacités de négociation et de coopération des institutions étatiques et des collectivités locales 112 Les sciences sociales au Sénégal de chaque pays. Les contingences de la géographie et de l’histoire obligent les deux États à une collaboration permanente en vue de la gouvernance transfrontalière de la zone de Rosso, point de contact entre deux pays, deux aires culturelles (négro-africaine et arabo-berbère) avec tout ce que cela suppose comme tensions, divergences, voire oppositions. Certes, chacun des États ne cesse de clamer sa volonté de favoriser une intégration plus poussée du continent, mais cette ambition s’éloigne de la réalité du terrain dans l’espace-frontière de Rosso où les dynamiques d’intégrations se heurtent à de nombreux obstacles, accentués par l’ancrage plus affirmé des autorités politiques mauritaniennes en faveur de son héritage arabe (Braduel 1989 ; International crisis group 2006). Ce recentrage ne date pas d’aujourd’hui. Il est le fruit d’un long processus qu’illustre notamment la décision de la Mauritanie de se retirer de la CEDEAO et par la même occasion d’intensifier ses relations avec les pays du Maghreb (adhésion à l’Union du Maghreb arabe) et ceux du monde arabe et d’assumer davantage son identité islamique. Ce glissement s’était intensifié au lendemain du conflit avec le Sénégal, mais aujourd’hui que les plaies nées d’une instrumentalisation de la rancœur attisée par une situation de crise sociopolitique dans les deux pays ont été guéries, l’espacefrontière présente, sur le plan de sa gouvernance transfrontalière, les attributs d’une zone-frontière : un espace de mobilités contrôlées, une zone d’échanges et de commerce et un lieu de brassages sociaux, culturels renforcés par le partage d’identités et d’appartenances religieuses, ethniques et sociales similaires chez les populations des deux villes. Les deux pays poursuivant les dynamiques d’intégration à l’échelle bilatérale et surtout dans le cadre de la mise en valeur du fleuve Sénégal. Conclusion Malgré les efforts réalisés, l’intégration reste un projet inachevé en Afrique. Certes des actions remarquables ont été menées en vue d’effacer les barrières provenant de la division coloniale pour mieux unir des territoires et des peuples sociologiquement très intégrés, mais politiquement séparés sur des bases arbitraires que les gouvernements post-indépendants ont souvent perpétuées. D’une manière générale, la bande frontalière qui se superpose sur le fleuve Sénégal qui sert, dorénavant, de frontière entre le Sénégal et la Mauritanie – alors qu’il n’en a pas été toujours ainsi – illustre les multiples dynamiques d’intégration par le bas à l’intérieur du continent autour des espaces transfrontaliers. Celles-ci sont enchâssées dans des appartenances identitaires, tout en s’actualisant dans des échanges économiques et commerciaux intensifiés par la situation de la frontalité. Dans ce cadre, Rosso-Sénégal et Rosso-Mauritanie présentent une singularité de par leur position géographique, leur statut de centre urbain et d’important Dimé : Au confluent de « l’arabité » et de « l’afriquité » 113 point de passage entre les deux pays, mais également d’espace de jonction entre deux aires culturelles et linguistiques, suite aux mutations de la société mauritanienne et aux options politiques de ses élites dirigeantes au cours des dernières décennies. La « gémellité » de Rosso découle d’éléments géographiques, historiques et identitaires qui transcendent les barrières de la frontière et surpassent les hégémonies exercées par les pouvoirs publics des deux pays. Ceux-ci sont encore davantage dans une posture de contrôle, de surveillance et de ponction des ressources procurées par l’existence de la frontière. Cette posture s’est raffermie du côté sénégalais comme mauritanien, suite aux bouleversements induits par l’implantation de réseaux terroristes dans l’espace sahélien et du nouveau rôle de la Mauritanie comme étape de transit dans les itinéraires migratoires vers l’Europe. Dans le passé comme aujourd’hui, les deux Rosso se sont toujours démarqués dans les deux pays par leur position d’espaces frontaliers fondés sur le commerce. Le continent abrite beaucoup d’espaces de ce type. Les villages- frontières, villes-frontières et les marchés-frontières nés et structurés autour de la mise en mouvement et en circulation de ressources et de réseaux marchands transfrontaliers ont foisonné le long des frontières : Nigeria-Cameroun, Niger- Nigeria, MaliSénégal, Togo-Ghana, etc. Ces espaces, en plus de réactiver ou d’impulser de puissantes solidarités et appartenances identitaires, tirent leur force de leur connexion avec les flux commerciaux et financiers globaux. C’est dans ces espaces que les dynamiques d’intégration par le bas des populations sont largement en avance sur les tentatives de regroupement politique des États et des institutions. Ces dynamiques s’inscrivent dans une perspective d’annulation, de morcellement, d’effacement, de négociation et de différenciation et d’élargissement des frontières visibles, matérielles ou symboliques, historiques ou naturelles. Notes 1. Nous cherchons avec ces termes à mettre en relief les défis identitaires posés par la diversité ethnoraciale de la population de la Mauritanie. Comme pays tampon entre « l’Afrique noire » (au sud du Sahara) et « l’Afrique blanche » (arabe et berbère) la Mauritanie semble écartelée entre ces deux espaces entre lesquels il n’existe néanmoins pas une barrière étanche aux plans culturel, religieux, social ou politique. 2. Les conflits qui ont été enregistrés sont ceux ayant opposé l’Algérie au Maroc ; le Mali au Burkina Faso ; l’Éthiopie à l’Érythrée ; le Congo au Rwanda ; la Tanzanie à l’Ouganda ; l’Afrique du Sud au Zimbabwe et la Zambie. 3. Communauté économique et douanière des États d’Afrique de l’Ouest. 4. Union économique et monétaire ouest-africaine. 5. Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal. 6. Cette artificialité découle du fait que les frontières n’épousent pas les contours d’une division sociologique et d’une séparation géographique. Cette division amorcée à la 114 Les sciences sociales au Sénégal Conférence de Berlin a pour effet pervers d’aboutir à des découpages sans logique et à une séparation de populations formant à l’origine des entités homogènes. Malgré tout, ces frontières ont pu acquérir une épaisseur historique au fur et à mesure du renforcement des États-nations qui les partagent. 7. Ancêtre de l’actuelle Union africaine (UA). 8. Le répertoire des villes et des villages qui devait suivre la publication des résultats globaux du recensement de 2013, n’étant pas encore publié. Nous ne disposons pas de données actualisées sur le poids démographique de chaque ethnie à Rosso. 9. FRONTEX désigne le dispositif ainsi que l’agence créée par l’Union européenne pour la gestion de ses frontières extérieures. Le dispositif repose notamment sur une politique d’externalisation et de délégation à des pays-tiers du contrôle, de la rétention et du contrôle des migrants irréguliers à travers un équipement en moyens de surveillance, et de dissuasion des migrations au profit de pays de départ ou de transit des migrants irréguliers. Dans ce cadre, le Sénégal et la Mauritanie ont été ciblés puisqu’étant respectivement un pays de départ et de transit des migrations clandestines en direction de l’Europe. 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