Une interpellante exception vient de s'échapper des éditons Lessius. Il s'agit d'un petit ouvrage 1 compulsé par le père Antionio Sparado, professeur à l'Université grégorienne, docteur en philosophie et théologie, et féru des nouvelles...
moreUne interpellante exception vient de s'échapper des éditons Lessius. Il s'agit d'un petit ouvrage 1 compulsé par le père Antionio Sparado, professeur à l'Université grégorienne, docteur en philosophie et théologie, et féru des nouvelles formes de communication qu'engendre le Web et ses dérivés. Une exception, parce que l'ouvrage ne se propose pas comme une somme, mais comme une porte ouverte sur un chantier en pleine croissance : celui de la cyberthéologie. Une théologie de notre manière d'être au monde, cerné et fondé de toutes parts par les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Une théologie à peine esquissée dont les premières étapes visent à dépasser la question d'une éventuelle évangélisation du Net. Un monde à habiter Pour l'auteur, Internet n'est en effet plus un contexte anonyme parmi d'autres, mais constitue d'ores et déjà une culture, un monde, un milieu anthropologique qualifié que les papes eux-mêmes nous ont invités à habiter. Dans ses chapitres introductifs, le père Sparado nous rappelle que chaque outil a modifié notre culture, et nos manières de la comprendre : songeons à l'imprimerie, au rail, au téléphone. Et aux changements qu'ils ont provoqués sur notre conception des distances, des délais, des relations. Internet, avec sa logique de liens, de réseaux, de rapidité, interroge violemment nos manières actuelles de penser, de transmettre, de vivre. Le fait d'être aujourd'hui virtuellement hyperconnectés pose question à la théologie elle-même : comment penser la foi à l'heure du Net ? Comment penser la foi dans une culture qui ne peut plus se passer de ces nouveaux modes de communication ? Dans des chapitres prospectifs, l'auteur nous interroge par exemple sur nos conceptions de la croissance à l'heure du Web collaboratif et de plateformes de connaissances comme Wikipedia. Il nous interroge sur la notion de prochain au coeur d'une époque d'esseulés toujours plus amis, nous interroge sur ces refus d'un père, d'une autorité, au profit d'une culture du partage. Sauver, convertir, justifier. La théologie comme le Web semblent en outre partager un fond commun, ou du moins proposer des points de rencontre. Des ponts qui risquent cependant de perdre leurs assises : ces nouveaux espaces, avec les moteurs de recherche prédictifs par exemple, modifient jusqu'à nos manières de nous poser des questions ! Au-delà des Eglises sur la toile Nous risquons de manquer le train. Aussi l'auteur nous invite-t-il à esquisser avec lui une théologie open source : une théologie qui dépasse de loin la question de la présence des chrétiens sur Internet, ou même des cyberéglises, pour aborder une théologie qui puisse interroger la gratuité sur le Web, comme sa viscérale nécessité d'appartenir à une communauté, qui puisse nous interpeller sur notre rapport à l'écrit et aux écrans, dans le cadre de la liturgie comme sur le Net. Une théologie d'exploration, nourrie par un dialogue rapide et constructif avec tous, mais sans doute moins attachée à définir des limites et des conclusions. Une théologie par et pour tous au service d'un réseau aux dimensions eucharistiques. Dans un élan prophétique, l'auteur se risque même à établir des parallèles avec la noosphère de Teilhard de Chardin : n'avait-il pas préfiguré ce réseau de pensée, ce système neurotechnologique, cette intelligence collective à même de bousculer le monde ? Quoiqu'on décide de faire, Internet fait partie de ce seul milieu divin… Tout ceci étant dit, si vous ne connaissez pas Beliefnet, que les mots plug-in, SIRI ou cluster ne vous évoquent rien, passez votre chemin. Le train est déjà passé. Paul-Emmanuel Biron. Cyberthéologie. Penser le christianisme à l'heure d'Internet. Antonio Spadaro, Lessius, 2014. 1 Rappelons-nous que le pape François, après avoir lu l'ouvrage, a souhaité rencontré son auteur. Une célèbre interview dans la Cività Catholica-que le père Spadaro dirige-a suivi.