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NB : Il consiste ici à répondre dans l’ordre aux questions qui sont posées à la fin de l’introduction :
La philosophie est traditionnellemnt perçue comme une remise en cause de nos manières habituelles de penser et de vivre.
Notre manière habituelle de penser est caractérisée par la référence au sensible, c’est-à-dire au concret. C’est ce qu’on
appelle le sens commun dont l’esprit est piégé par les apparences et par le sensible. La philosophie par contre, parce qu’elle
se veut une connaissance fondée sur la raison, s’efforce de s’elever de ces apparences comme pour libérer l’esprit des
entraves que constituent les éléments de l’expérience. En tant que pensée pure soustraite à la multiplicité et au devenir des
choses sensibles, la philosophie est donc un divorce avec le monde sensible. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’élan
métaphysique qui, chez Kant exprime un désir de connaître au-delà des limites de l’expérience.
Dès lors, la philosophie apparaît aux yeux du sens commun comme un discours aérien, une rêverie sans rappport avec le
vécu de l’homme et sans eficacité dans l’existence immédiate (cf. l’histoite de Thalès et de la servante de Thrace). C’est pour
cette raison que la philosophie est une subversion de nos manières habituelles de vivre et de penser. Le philosophe est
précisément ce sage dont la quête de la sérénité et de la lucidité condamne à un mode de vie tout à fait particulier. La
tranquillité de l’âme à laquelle aspire le philosophe en fait un homme presque indifférent, détaché de toutes les préoccupations
mondaines non nécessaires. A cela s’ajoute la particularité d’un discours austère et complètement étranger au vocabulaire du
sens commun qui, pour cette raison, voit dans la philosophie un loisir ou une distraction sans sérieux. Et pour certains grands
penseurs comme Karl Marx et Nietzsche, la philosophie n’est rien d’autre qu’une idéologie et un mensonge qui voilent la
laideur et l’injustice dans le monde.
Marx, par exemple, considère la philosophie comme une entreprise intellectuelle tendant à mystifier une domination qu’une
classe exerce sur une autre, c’est-à-dire ne sorte d’illusion destinée à légitimer une position sociale. C’est dans ce sillage qu’il
affirmait : « les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde, ce qui importe c’est de le transformer. » En d’autres termes, le
philosophe serait une solution illusoire des problèmes apparemment insolubles dans la pratique humaine. C’est dans une
perspective voisine que Nietzsche traite Socrate d’un théorétique, c’est-à-dire quelqu’un qui est fasciné par une vérité
désintéressée alors que l’essence de l’homme est justement de s’intéresser. Nietzsche voit à travers Socrate la figure du
philosophe dont l’impuissance réelle condamne à s’évader du monde réel des hommes pour un monde imaginaire. L’élan
philosophique serait donc l’expression d’une volonté de puissance décadente c’est-à-dire la volonté des faibles de régner dans
la vie effective. Dans la philosophie, cette impuissance se mue en empire d’idées abstraites au sommet duquel trône le
philosophe comme un roi sur un royaume. Ainsi, le royaume des idées du philosophe est l’expression d’une ambition manquée
de bâtir un royaume effectif.
On voit par là que pour le sens commun ou pour certains philosophes, la philosophie exprime toujours une sorte d’évasion de
la vie réelle et ce, aussi bien dans le domaine de la pensée que dans la conduite de la vie. Mais la question est de savoir si le
sens de l’existence humaine est accessible si on se réfère exclusivement au monde tel qu’il se donne aux sens. Le
détachement du philosophe ne se justifie-t-il pas par le caractère illusoire de l’existence du monde et par la volonté du
philosophe d’éclairer qui n’est pas directement transparent ?
La philosophie, on le sait, est une conquête ininterrompue de a vérité. Or, à cause de l’illusion et des apparences, cette
dernière n’est jamais donnée de manière directe, immédiate. Elle est pour cette raison un effort permanent d’échapper aux
pièges du monde sensible et aux plaisirs mondains qui offusquent la pensée et détournent l’âme de ses préoccupations
intellectuelles. On comprend dès lors pourquoi Platon considère l’acte de philosopher comme un apprentissage à la mort. Il
l’est parce que le corps, sujet aux délices de la vie est le « tombeau de l’âme ». Autrement dit, nos sens nous trompent en
nous livrant une perception erronée du monde ; et les désirs et autres passions nous distraient en nous ôtant toute possibilité
d’être sereins. Dans ce sens philosopher c’est mourir du corps c’est-à-dire s’affranchir du poids des contraintes liées aux
exigences du corps. C’st d’ailleurs cette tâche de la philosophie de nous affranchir des frivolités mondaines que Platon a voulu
illustrer à travers l’allégorie de la caverne. Le philosophe représente précisément le prisonnier libéré de l’obscurité et de
l’illusion pour contempler la vraie lumière. La caverne symbolise, en effet, le monde sensible et les autres prisonniers, le sens
commun. Aussi, l’évasion du philosophe, dans ce sens précis doit être considérée comme une chose positive car elle aspire à
un retour dans la caverne pour éclairer les autres prisonniers qui représentent le sens commun. A travers cette allégorie,
Platon nous livre une conception dualiste du monde et la justification de la recherche philosophique. La philosophie consiste
donc à élaguer progressivement toutes les entraves à la conquête de la vérité et toutes le pesanteurs qui empêchent de mener
une vie équilibrée. C’est cela même la double signification de la notion de sagesse dont le philosophe est amoureux : une
conception d’ensemble de l’univers et une prudence dans les affaires moyennant un certain sens de l’éthique.
La sagesse philosophique n’est donc pas un abandon total et définitif du réel. La philosophie est au contraire un attachement à
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La sagesse philosophique n’est donc pas un abandon total et définitif du réel. La philosophie est au contraire un attachement à
la vraie vie ; celle qui échappe aux troubles issus de l’aveuglement de la raison. La philosophie n’est-elle pas dès lors
l’expression la plus authentique de la liberté ?
Conclusion
Cette réflexion autour de la problématique de la position de la philosophie par rapport à la réalité du monde nous a amené à
un résultat mitigé. On a vu qu’à cause e sa nature spéculative, la philosophie donne souvent l’allure d’une fuite de la réalité se
traduisant par des méditations distantes du vécu des hommes. Seulement ce détachement opéré par le philosophe ne doit pas
simplement être entendu au sens péjoratif. Car par rapport aux exigences de la connaissance de la vérité, il est requis de
libérer du monde des apparences et des illusions. Aussi on ne devrait pas dire que la philosophie nous détache du réel mais
plutôt des fausses réalités. Et parce que la majorité des hommes, le sens commun, prend le monde des apparences pour le
vrai monde, le philosophe se trouve dans une position inconfortable : il est marginalisé. Mais peut-être que cette
marginalisation est la situation fatale de tous les grands hommes. Ces derniers n’ont-ils pas « toujours été seuls » pour parler
comme Hegel. Les prophètes et les saints ne sont-ils pas apparus aussi comme détachés de notre monde profanes ?
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