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Service Bancaire
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INNOVATION, CONCURRENCE
ET RÉGLEMENTATION
POUR LA FOURNITURE
DE SERVICES BANCAIRES EN LIGNE
MARIANNE VERDIER*
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S
elon la British Banking Association, en mars 2015, les consom- 67
mateurs britanniques se sont connectés 10,5 millions de fois par
jour à des applications de services bancaires en ligne, utilisant ce
canal pour transférer 2,9 Mdf par semaine en moyenne. Le développe-
ment des services bancaires en ligne modifie considérablement les inter-
actions concurrentielles dans le secteur de la banque de détail1. En effet,
ces services peuvent aussi être proposés par des entrants non bancaires2.
C’est le cas, par exemple, de l’entreprise eBay qui offre depuis plusieurs
années un service de paiement en ligne par l’intermédiaire de la plate-
forme PayPal3. Dans le domaine des prêts, on peut citer la plate-forme
Lendix qui met en relation sur Internet des entreprises cherchant du
crédit avec des prêteurs particuliers et institutionnels.
Ce contexte de concurrence pour l’innovation4 entre entreprises
bancaires et non bancaires amène à s’interroger sur les liens contre
concurrence et réglementation dans le secteur de la banque de détail,
en mettant plus spécifiquement l’accent sur la problématique de la
fourniture de services bancaires en ligne. Cet article se propose de faire
un point sur ce sujet5.
Les banques proposent deux grandes catégories de services aux
consommateurs : les services associés aux dépôts et les services associés
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aux dépôts valeur monétaire banques (par ex., carte
du LCL
Indépendance)
Gestion Applications pour Paypal De nombreuses
68 de l’épargne gérer les finances banques (par ex.,
personnelles application de la
Caisse d’épargne pour
consulter ses comptes)
Paiements Touch ID, NFC, Apple Pay, De nombreuses
transactions P2P Alipay, Stripe et banques (par ex.,
Square, Paylib Service
Transferwise, permettant de payer
Forex, Kantox en ligne et proposé
par plusieurs banques)
Services reliés Informations Technologies Gemalto, De nombreuses
aux prêts sur le compte mobiles mFoundry banques (par ex.,
banque en ligne Soon
par Axa Banque)
Intermédiation Plates-formes Alibaba Small Les banques
en ligne Loans, Lending ont investi des parts
Club, OnDeck, dans des plates-formes
FundingCircle, de prêt,
Lendix mais ne proposent
pas ce service
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a le statut de banque. Par conséquent, lorsqu’un acteur propose un
service innovant associé à l’usage d’un compte (par exemple, la consul-
tation des comptes en ligne ou le paiement électronique), il doit
nécessairement entrer en relation avec les banques, ne serait-ce que
pour réaliser l’interface technique de son service avec le système d’in- 69
formation bancaire. La plupart des acteurs qui offrent uniquement des
services sur Internet (les pure players) n’ont pas le statut de banque6.
Ainsi, les banques en ligne qui proposent à la fois des services de tenue
de compte, d’épargne et de paiement en ligne sont généralement des
filiales de grands groupes bancaires (la Société générale pour Bourso-
rama banque, le Crédit mutuel pour Fortuneo, le Crédit agricole pour
BforBank). Les commissions sur les opérations en ligne sont faibles
pour les clients, ces banques se rémunérant principalement sur les
revenus issus de l’activité de transformation. Les acteurs non bancaires
ne proposent généralement que des services de paiement ou d’accès au
compte. Certaines entreprises font le choix d’enrichir progressivement
la palette des services destinés aux consommateurs. Par exemple, PayPal
a commencé par proposer des services de paiement en ligne aux
consommateurs, puis a élargi son offre à la fourniture de services
d’épargne et de tenue de compte, en obtenant le statut de banque au
Luxembourg. Récemment, Atom Bank a obtenu un agrément de la
Banque d’Angleterre pour devenir le premier prêteur proposant uni-
quement des transactions en ligne.
Le portefeuille électronique constitue un bon exemple de service
proposé par des acteurs bancaires et non bancaires. Il s’agit d’un
service facilitant le stockage des données de paiement des consomma-
teurs, tout en leur permettant ensuite d’effectuer des achats répétés en
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mations sur leurs consommateurs ou de diffuser des publicités ciblées.
Les grandes entreprises du secteur des technologies de l’information et
de la communication (Google, Apple) offrent cette fonctionnalité pour
améliorer leur qualité de service par rapport à leurs concurrents8. Enfin,
70
les banques (par exemple, la banque finlandaise OP-Group) proposent
également des portefeuilles électroniques pour répondre à la concur-
rence des opérateurs non bancaires. Ces applications permettent, par
exemple, aux consommateurs de consulter les fonds disponibles sur leur
compte avant un achat.
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sements de monnaie électronique10. La création de licences spécifiques
pour des catégories d’acteurs non bancaires comporte l’avantage
de placer ceux-ci sous la surveillance de l’autorité de tutelle du secteur
bancaire, afin de limiter les risques relatifs à leurs activités. Au
71
Royaume-Uni, la Financial Service Authority (FSA) a choisi d’imposer
aussi des exigences en capital plus faibles aux entrants qui opteraient
pour un statut bancaire11.
Parallèlement, les régulateurs ont aussi pris des décisions susceptibles
de renforcer les barrières à l’entrée afin de protéger la stabilité du
système financier contre les différents risques associés à l’entrée d’ac-
teurs non bancaires. Ce sont principalement des risques opérationnels
(fraude, sécurité des données) et des risques de réputation. Par exemple,
lorsqu’une banque ouvre son système d’information à des tiers non
bancaires, son système peut devenir plus vulnérable à des attaques de
piratage informatique si certaines précautions ne sont pas prises. Une
attaque sur le système informatique d’une grande banque pourrait avoir
un impact sur la réputation des autres banques, entraînant des mou-
vements sur le marché des dépôts. Au Royaume-Uni, la Financial
Conduct Authority affirme que le développement des services proposés
par les agrégateurs de compte (collectant des informations sur le
compte bancaire) a été ralenti par la présence de risques relatifs à la
sécurité du partage des données des consommateurs. La Financial
Consumer Agency au Canada a mis en garde les consommateurs contre
les risques éventuels associés au partage de leurs données bancaires.
Enfin, le changement d’environnement technologique a conduit cer-
tains pays à modifier l’architecture de leur système de réglementation et
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Les barrières à l’entrée structurelles présentes dans l’industrie ban-
caire affectent les incitations des entreprises à innover et à entrer sur
le marché. Ces barrières sont tant liées à la nature des coûts du côté
72
de l’offre qu’aux caractéristiques de la demande des consommateurs.
En ce qui concerne les coûts, les banques peuvent réaliser des
économies d’envergure en effectuant à la fois la collecte des dépôts et
des opérations de prêt (Black, 1975)12. En effet, les banques peuvent
utiliser les informations des comptes de dépôt pour évaluer le risque
de crédit. La valeur de cette information est particulièrement impor-
tante pour les petits emprunteurs (PME et ménages) n’ayant pas la
possibilité de signaler la qualité de leur signature sur le marché. Dans
ce contexte, les acteurs n’offrant pas toute la palette des services
bancaires (par exemple, les dépôts et les crédits) font face à des coûts
d’entrée plus importants. Ils sont également plus dépendants des
banques pour obtenir de l’information sur leurs clients, ce qui
contraint la qualité des services innovants proposés. En outre, les
entrants doivent atteindre une taille critique pour être en mesure de
concurrencer les banques, qui réalisent des économies d’échelle im-
portantes grâce au volume de leurs activités.
Du côté de la demande, les coûts de changement et les effets de
réseau constituent une autre forme de barrière à l’entrée. Les coûts de
changement sont dus à l’existence de relations de long terme entre les
banques et leurs clients (Sharpe, 1990 ; Rajan, 1992) ainsi qu’aux coûts
techniques subis par les consommateurs quand ils changent de banque
(Shy, 2002). On peut avancer que le coût pour les consommateurs de
passer d’une banque physique à une banque en ligne (pure player) est
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banque en ligne Tangerine a choisi de rassurer ses consommateurs par
une présence physique dans des cafés.
Enfin, pour fournir des services de paiement, les entrants doivent
attirer une masse critique de consommateurs et de marchands pour 73
réussir le lancement de leur service. Un consommateur n’ayant intérêt
à adopter un service que si un nombre suffisant de marchands l’accepte
(et vice versa), le marché des services de paiement est qualifié de marché
« biface » (Verdier, 2006). La présence de ces externalités d’adoption
explique le fait que de nombreux entrants choisissent de développer des
innovations s’appuyant sur l’architecture technique de la carte ban-
caire, qui est déjà très largement diffusée auprès des consommateurs et
des marchands. Par exemple, au départ, Apple a rencontré beaucoup de
difficultés pour attirer des marchands sur sa plate-forme13. Finalement,
l’entreprise a réussi à lancer son système de paiement par mobile aux
États-Unis grâce à des partenariats avec les banques.
Par ailleurs, il est à noter que le développement des technologies de
l’information et de la communication a entraîné une réduction des
coûts d’entrée sur le marché pour les petites banques. Les entrants
peuvent en effet obtenir un avantage sur les banques déjà présentes sur
le marché en se différenciant par la qualité de leur système d’informa-
tion et la mise en place d’une architecture plus légère et moins frag-
mentée. L’existence de solutions « bank in a box » proposées par des
entreprises comme FIS et Oracle réduit les coûts d’entrée sur le marché,
une banque pouvant désormais être rapidement opérationnelle grâce à
l’externalisation de la conception de son système d’information à un
tiers14.
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rités de contrôle. D’autre part, les banques n’ont pas toujours intérêt à
bloquer l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché. Par exemple, aux
États-Unis, la plupart des banques ont accepté de signer un accord avec
Apple pour le lancement de son service Apple Pay, parce qu’elles ont
74 été attirées par la perspective de partager les commissions avec Apple sur
sa solution de paiement sans contact15. En outre, les stratégies visant à
dissuader l’entrée de concurrents sont plus difficiles à mettre en œuvre
dans une industrie oligopolistique, puisqu’elles nécessitent une action
coordonnée de tous les concurrents.
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transactions16, un accroissement du volume de dépôts collectés ou du
nombre de transactions. Les entrants peuvent couvrir leurs coûts d’en-
trée en proposant des produits suffisamment différenciés en qualité
(voir l’exemple de la banque Fidor en Allemagne) ou en pratiquant des 75
ventes liées. Notamment, de nombreux marchands disposant d’un
large réseau de distribution physique (par exemple, Starbucks) propo-
sent désormais des moyens de paiement privatifs permettant aux
consommateurs d’obtenir des réductions et des coupons de fidélité. Ces
offres liées peuvent enrichir leurs possibilités de discrimination par les
prix et donc augmenter leurs profits (Adams et Yellen, 1976). Dans le
domaine des prêts, les plates-formes de peer-to-peer lending de prêts
entre particuliers ou entre particuliers et entreprises se différencient des
banques par la simplicité et la rapidité des modalités d’octroi du
crédit, ainsi que par la possibilité pour le prêteur de choisir son
emprunteur.
La concurrence pourrait s’intensifier dans les années à venir si les
entrants enrichissent la gamme des services proposés pour se rappro-
cher de l’offre des banques. Certaines entreprises ont commencé à
évoluer dans cette direction. Par exemple, Amazon propose à présent
des prêts aux PME, tandis qu’Alibaba en Chine, une entreprise de
commerce en ligne, a créé une banque en ligne (MYBank) après avoir
initialement proposé des services de paiement. Il n’existe cependant à
ce jour aucune étude économétrique permettant d’évaluer l’impact de
l’entrée d’acteurs non bancaires sur la profitabilité des banques. De
même, les modèles théoriques de la littérature en microéconomie
bancaire ne sont pas encore suffisamment riches pour rendre compte
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part, un réseau plus large augmente la concurrence (et donc le taux
des dépôts). D’autre part, les banques offrent des taux plus faibles
quand leurs réseaux sont compatibles parce que les retraits de billets
s’effectuent plus facilement (effet qualité). De façon similaire, au
76 cours du développement de services innovants, les banques doivent
arbitrer entre coopérer et bénéficier des effets de réseau, et développer
des innovations propriétaires qui leur permettent de se différencier.
En présence d’effets de réseau, ces incitations dépendent généralement
de la taille des bases installées de consommateurs (Katz et Shapiro,
1986). Les banques disposant d’une base de clientèle importante
sont moins incitées à rendre leurs services compatibles que celles
qui ne disposent pas initialement de consommateurs. Quand elles
décident de coopérer, elles doivent également considérer les risques
relatifs à un partage de leurs infrastructures (problème de réputation
en cas de fraude, par exemple). La coopération présente l’avantage
de leur permettre de définir des standards en matière de gestion
des risques pour protéger leur réputation en cas d’incident de sécurité.
Il existe de nombreux partenariats entre banques, ou entre banques
et entrants17. Le tableau 2 (ci-contre) donne des exemples de parte-
nariats ou de joint ventures entre plates-formes de paiement et
entrants.
Les banques ont également conclu des partenariats entre elles ou avec
des entrants pour lancer de nouveaux systèmes de paiement. Par exem-
ple, aux Pays-Bas, de nombreuses banques ont constitué une joint
venture pour lancer les paiements par mobile avec la technologie NFC
au point de vente en 2013.
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Tableau 2
Exemples de partenariats
Plate-forme Entrant Type d’accord Activité Date
de paiement du partenaire
MasterCard Accor Services Joint venture Cartes prépayées 2009
Smart Hub Joint venture Opérateur mobile 2010
Smarty Pig Partenariat Services bancaires 2013
en ligne
Monitise Partenariat Déploiement de 2014
portefeuilles mobiles
et de solutions de
paiement par mobile
Visa Monitise Alliance stratégique Fournisseur 2009
(Visa a de services
une participation technologiques
dans Monitise) (par exemple, mobile
services)
Kiva.org Partenariat pour Site de microcrédit 2010
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construire des offres
spécifiques pour les
petites entreprises
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gressivement les conditions d’entrée sur le marché de détail bancaire
ainsi que les modalités de surveillance de ses acteurs. Différents cadres
sont envisagés, tant en Europe qu’aux États-Unis ou même au
78
Royaume-Uni. Dans quelques années, il sera intéressant de quantifier
par une étude économétrique l’impact des mesures réglementaires
visant à favoriser le développement de la concurrence sur la diffusion
des innovations, la profitabilité des banques et le bien-être des consom-
mateurs.
NOTES
1. Freedman (2000) définit la banque en ligne comme la fourniture de services d’accès au compte (via
des automates ou des ordinateurs) et des moyens de paiement prépayés. Nous ajoutons à cette définition
la mise en relation des prêteurs et des emprunteurs. Pour une définition plus précise des services bancaires
proposés en ligne, cf. tableau 1.
2. Pour une revue des entrants non bancaires dans le secteur des paiements aux États-Unis, voir Bradford
et al. (2003).
3. La société eBay s’est scindée de PayPal en 2014.
4. Frame et White (2009) définissent une innovation financière comme un service ou un produit qui
réduit les coûts, les risques ou qui améliore la satisfaction de la demande des participants au système
financier.
5. Pour un point plus détaillé sur les services de paiement, le lecteur pourra se référer à la contribution
de Olivier Guersent proposée dans ce numéro.
6. PayPal fait partie des exceptions.
7. Apple a développé Apple Pay, un service de paiement sans contact au point de vente sur iPhone 6 qui
est très diffusé aux États-Unis. Il est compatible avec la majorité des cartes de crédit dans ce pays.
8. Amazon et PayPal ont commencé à proposer aussi des services de prêt aux petites entreprises.
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