Ecofi 103 0171
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macroprudentielle
Laurence Scialom
Dans Revue d'économie financière 2011/3 (N° 103), pages 171 à 186
Éditions Association Europe Finances Régulations
ISSN 0987-3368
ISBN 9782916920269
DOI 10.3917/ecofi.103.0171
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L
a régulation macroprudentielle qui est au cœur des initiatives
du G20 depuis 2008 vise à stabiliser le système monétaire et
financier dans sa dimension macroéconomique et donc à
contenir le risque systémique. Ainsi, ses objectifs sont de réduire la
probabilité d’occurrence de crises financières systémiques et de limiter 171
leur intensité et donc les coûts afférents quand elles se produisent.
Cette préoccupation n’est pas récente, mais a fortement gagné en
acuité et surtout s’est transformée en propositions opérationnelles
depuis 2007. Pour autant, le cadre et les outils de la politique
macroprudentielle restent encore à un stade embryonnaire dans la
plupart des pays.
Comme le souligne Clément (2010), l’origine du terme macro-
prudentiel remonte à des documents non publiés de la fin des années
19701, mais le terme n’est véritablement devenu familier des écono-
mistes travaillant sur les crises et la régulation financière qu’à partir
des années 2000 notamment grâce aux travaux de Claudio Borio et
ses équipes de la Banque des règlements internationaux (BRI). Ces
chercheurs de la BRI ont en particulier travaillé sur les signes
avant-coureurs des crises financières graves. Leurs travaux souli-
gnent que parmi les facteurs annonciateurs de crise, la forte expan-
sion du crédit bancaire, c’est-à-dire les déviations durables par rap-
port au trend de long terme, ainsi que les dérives cumulatives des
prix de l’immobilier sont les ingrédients ayant le pouvoir prédictif
le plus fort.
* Professeur, EconomiX, UMR 7235, université Paris Ouest Nanterre La Défense.
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DU MICROPRUDENTIEL AU MACROPRUDENTIEL
Indiscutablement, la crise financière globale de 2007-2008 a dras-
tiquement remis en cause l’approche jusque-là dominante de la régu-
lation financière qui était essentiellement microprudentielle. Son pré-
supposé était qu’en renforçant la robustesse des établissements
bancaires individuels et donc leur capitalisation ajustée aux risques
portés, on contribuait à accroître la solidité du système financier global.
Cette proposition ressemble à un truisme, mais en réalité, il s’agit d’un
sophisme car le risque systémique n’est pas appréhendable par simple
agrégation des expositions individuelles aux risques, d’autant plus que
ces dernières sont sous-estimées du fait de la logique des modélisations
mobilisées pour les évaluer. En effet, les modèles internes de contrôle
des risques des banques servant de base de calcul aux exigences en
capital réglementaire2 sont fondés sur une conception du risque comme
un jeu contre la nature, c’est-à-dire un risque exogène. Or en période
de stress, le risque devient endogène car il résulte des répercussions
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croisées des actions de chaque participant face à la perception de la
montée des risques. Les mesures prises par chaque institution indivi-
duelle pour se protéger contre les risques peuvent miner la stabilité du
système dans son ensemble (Danielsson, 2009 ; Danielsson et al.,
172 2001 ; Danielsson, Shin et Zigrand, 2010). Ainsi, si l’objectif est la
stabilité financière globale, c’est une erreur de fonder la régulation
financière sur les meilleures pratiques de gestion du risque au niveau
individuel comme le fait la réglementation du capital bancaire sous
Bâle II. Les réponses individuelles optimales face à la montée des
risques ne font que rendre les crises systémiques plus graves et plus
coûteuses collectivement.
La régulation macroprudentielle ne peut donc pas s’inscrire dans une
logique de botton-up, ni se fonder sur l’autorégulation qui sous-tend le
ratio de capitalisation du fait de la reconnaissance des modèles internes
de contrôle des risques des banques pour le calcul du capital réglemen-
taire. Si ces deux points font largement consensus, cela est loin de clore
le débat sur les dispositifs opérationnels de la politique macropruden-
tielle.
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courts, ce qui, évidemment, renforce la vulnérabilité du système au
risque de liquidité. Or ce dernier présente dans les systèmes financiers
contemporains des caractéristiques d’emblée systémiques du fait de
l’interdépendance et des processus autorenforçants entre illiquidité de
marché et de financement (spirales d’illiquidité). Les spirales d’illiqui- 173
dité sont liées à la détérioration des bilans des emprunteurs. Quand les
prix d’actifs et la liquidité se contractent en période de crise, les
exigences pour le financement des intermédiaires financiers augmen-
tent en raison de l’érosion de la valeur des collatéraux dans le bilan des
emprunteurs, de l’accroissement des marges et/ou parce que les inves-
tisseurs sont incapables de renouveler leurs engagements à court terme.
De plus fortes marges obligent les institutions financières à réduire leur
levier exacerbant le déclin des prix d’actifs.
La dimension transversale du risque systémique concerne la distribu-
tion des risques à un moment donné. Elle se focalise donc sur la concen-
tration des risques qui peut découler soit d’expositions communes entre
institutions financières provenant d’actifs, comme les actifs dits « toxi-
ques », ou d’engagements, comme, par exemple, une trop forte dépen-
dance à la liquidité de financement sur les marchés de gros, soit de
l’interdépendance entre les institutions financières, c’est-à-dire du ris-
que de contrepartie. Pour cette dimension du risque systémique, la
politique visant à assurer la stabilité financière doit se focaliser sur les
institutions financières dites « systémiques » en s’attachant à évaluer leur
contribution à ce risque systémique. Ce volet de la politique macropru-
dentielle pose donc la question du périmètre de la régulation financière
car comme la crise financière l’a dramatiquement illustré, les institutions
systémiques ne sont pas uniquement des banques au sens strict. Le
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existants à des objectifs plus macrofinanciers. Ainsi, la promotion de
régulations microprudentielles contracycliques, c’est-à-dire conçues et
calibrées pour contrer le cycle financier – leaning against the wind –, est
une approche qui fait consensus notamment en raison de la procyclicité
174 reconnue des règles prudentielles actuelles qui tendent à amplifier les
cycles financiers, à la hausse comme à la baisse. En effet, la réglemen-
tation du capital bancaire pondéré par les risques encourage une prise
de risques procyclique car les périodes prolongées de faible volatilité
réduisent les mesures statistiques du risque, donc allègent la contrainte
en capital réglementaire et incitent à la prise de risques. Dès que le cycle
se retourne, on supporte un mouvement de balancier qui produit au
contraire une aversion excessive pour le risque et un alourdissement
corrélatif de la contrainte en capital qui aggrave la phase récessive de
désendettement. Cette procyclicité des règles prudentielles qui est donc
étroitement liée à la procyclicité de l’évaluation des risques a été
accentuée dans la période récente par un ensemble d’autres facteurs
alimentant la procyclicité du système financier au premier rang des-
quels l’adoption de nouvelles règles comptables mark-to-market.
Ce calibrage d’instruments microprudentiels à des fins macropru-
dentielles cherche également à répondre à un paradoxe bien connu dans
le domaine de la réglementation bancaire qui concerne tant la régle-
mentation en capital qu’en liquidité, à savoir que tout poste du bilan
qui sert d’amortisseur (actifs liquides et/ou capital) contre des chocs
adverses et imprévisibles cesse de remplir cette fonction dès que le
régulateur fixe un seuil quantitatif minimal le concernant. Ainsi, seul
le capital en excès par rapport au minimum réglementairement requis
constitue un véritable absorbeur de pertes non anticipées. Quand le
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croprudentiel ayant des vertus contracycliques. En effet, les provisions
pour créances douteuses sont très procycliques dans la mesure où les
pertes sont enregistrées quand elles surviennent ou dès que l’on a une
forte présomption de la dégradation de la valeur d’une créance. Ce
faisant, l’accroissement des provisions dans les périodes de cycle bas 175
pèse sur les bénéfices comptables et incite les banques à adopter un
comportement d’octroi de prêts procyclique en rationnant leur finan-
cement quand l’activité est déjà ralentie. Le principe du provisionne-
ment dynamique consiste au contraire à reconnaître que la probabilité
de pertes futures est mesurable et à la couvrir dès que le prêt est accordé.
Ce provisionnement ex ante des pertes attendues calculées à partir de
méthodes statistiques permet d’atténuer l’incidence de la dépréciation
des créances sur le compte de résultat et donc la procyclicité du
provisionnement. Finalement, ce dispositif 4 revient à obliger les ban-
ques à constituer des coussins de provisions dans les périodes fastes, ce
qui les aide à absorber les pertes quand le cycle se retourne. Les
expériences menées suggèrent que le provisionnement dynamique ren-
force la résilience des banques aux effets du retournement du cycle
financier, mais n’est pas efficace à juguler le boom financier lui-même
(Crowe et al., 2011).
Les instruments prudentiels contracycliques cherchent à contrer la
constitution de fragilités financières dans les phases euphoriques du
cycle financier, c’est-à-dire qu’ils visent à agir préventivement. Dans cet
esprit, des instruments prudentiels quantitatifs ajustés au cours du cycle
et/ou par secteur peuvent aussi être mobilisés pour contrer les dérives
excessives du crédit alimentant les bulles sur certains prix d’actifs. Ainsi,
l’application de ratios maximums ou variables au cours du cycle pour
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structure de financement.
Parmi les autres dispositifs prudentiels contracycliques, le CGFS a
fait d’intéressantes propositions visant à introduire de la contracyclicité
dans la fixation des décotes (haircuts) et dans les pratiques de marge de
176
manière à limiter l’accroissement du levier dans les périodes fastes et à
tempérer les effets systémiques du désendettement dans les épisodes de
contraction des prix de marché (CGFS, 2010b). Ces propositions
concernent notamment les financements sur collatéraux et les exigences
de collatéraux applicables sur les marchés dérivés de gré à gré.
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complexifié car il est aujourd’hui évident que la taille ne capte pas tout
le potentiel systémique des firmes financières et que la complexité et
les positions de ces institutions à des nœuds de connexions particuliers
dans le système financier sont essentielles pour apprécier la contri-
bution systémique des établissements. Par ailleurs, il est également 177
reconnu que ce potentiel systémique n’est pas constant dans le temps
et dépend largement de la situation du système financier global au
moment où la défaillance se produit. Ainsi, LTCM (Long Term
Capital Management) fut considéré comme systémique en 1998,
c’est-à-dire à une période où les marchés étaient déjà extrêmement
fragilisés par la crise russe, alors que le hedge fund Amaranth, en
septembre 2006, qui pourtant généra plus de pertes que LTCM, ne
bénéficia pas de ce statut et ses pertes furent absorbées sans difficulté
majeure sur le marché. Dans la même veine, les cas de Northern Rock
et IKB, en 2007, soulignent que des banques qui en période
« normale » ne seraient pas considérées comme systémiques peuvent
être traitées comme too big to fail en période de stress financier. La
garantie implicite des États dont bénéficient les institutions finan-
cières systémiques crée un environnement permissif à une prise de
risques excessive et renforce donc l’aléa moral tout en générant un
engagement contingent massif pour les États. Le cas irlandais est une
sorte de cas d’école d’une crise bancaire ayant généré une crise de dette
souveraine via une socialisation des coûts de gestion de cette crise. En
2007, le solde budgétaire irlandais est à l’équilibre (excédent de 0,1 %
du PIB) et la dette publique s’élève à 25 % du PIB ; en 2010, le déficit
budgétaire s’élève à 32,4 % du PIB et la dette publique explose pour
atteindre 96,2 % du PIB...
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États-Unis 8 35 43
Source : Banque des règlements internationaux.
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La seconde option consiste à agir ex ante en décourageant les firmes
financières à devenir too big to fail et en créant des incitations les
poussant à internaliser les externalités associées à l’existence de la
garantie implicite des États. Cette option dépend crucialement de la
mesure de la contribution de chaque institution financière au risque 179
systémique et peut se décliner via plusieurs instruments. Parmi ceux-ci,
le Comité de Bâle travaille à l’instauration de surcharges en capital et
éventuellement en liquidité, proportionnées au potentiel systémique
des établissements. Certains pays, dont la Suisse, se sont déjà engagés
dans cette voie. Ainsi, un comité d’experts (2011) a préconisé pour
UBS et le Crédit suisse un ratio de capital total sur actifs pondérés par
les risques (APR) de 19 %, dont 10 % de l’APR en actions ordinaires
et 9 % en capital contingent (CoCos – contingent convertibles), auto-
matiquement convertibles en actions ordinaires à un seuil prédéfini de
dégradation de la capitalisation.
Dans la même veine, Perotti et Suarez (2009) constatant que les
banques qui avaient une structure de financement les rendant trop
dépendantes à des financements de court terme non garantis ont été des
maillons amplificateurs de la crise de liquidité en alimentant massive-
ment les ventes de détresse proposent « d’internaliser » cette externalité
négative via un dispositif de « contribution au risque de liquidité ». Il
s’agirait de taxer les institutions financières pour les coûts fiscaux des
soutiens futurs des Pouvoirs publics au secteur financier dans une
logique pigovienne de « pollueur-payeur ». Les recettes fiscales pour-
raient être accumulées dans un fonds de résolution des institutions
financières en difficulté. Les contributions individuelles des institutions
devraient être ajustées sur leur contribution au risque systémique et aux
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complémentaires : d’une part, l’imposition de living wills ou plans de
rétablissement et de résolution et, d’autre part, les outils juridiques
requis pour créer un cadre de résolution des établissements systémi-
ques permettant le démantèlement ordonné des groupes financiers
180 complexes tout en minimisant les incidences systémiques. L’idée
générale sous-jacente est que le renflouement ne doit pas être la seule
option s’imposant aux Pouvoirs publics. Il faut créer un cadre insti-
tutionnel et juridique permettant de délier les mains des autorités
publiques : toutes les institutions financières doivent pouvoir être
démantelées en préservant les fonctions essentielles qu’elles assument.
Les testaments bancaires devraient contribuer à rendre opérationnelle
cette lutte contre le syndrome du too big to fail en fournissant au
régulateur un ensemble d’informations précises expliquant comment
l’institution peut être légalement démantelée. Pour cela, la structure
légale du groupe doit être suffisamment simple avec des entités
constitutives faciles à identifier et à séparer. Les trois principaux
objectifs de ces testaments seraient :
– de mettre en place ex ante les conditions devant permettre d’ac-
tiver un large éventail d’options de résolution autres que le simple
renflouement total de la banque, d’où l’importance d’adopter en pa-
rallèle un régime juridique spécifique de défaillance et de résolution des
institutions financières systémiques ;
– de permettre aux régulateurs d’imposer une simplification des
structures légales des groupes bancaires complexes et opaques, l’assise
juridique donnée aux pouvoirs du régulateur étant ici cruciale ;
– de fournir une base au partage des pertes en cas de défaillances d’un
groupe financier transfrontière. Pour cela, ils devraient inclure des pro-
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positions de partage des pertes entre les pays impliqués dans le plan de
résolution et pourraient alors devenir des instruments de coordination
internationale ex ante (Avgouleas, Goodhart et Schoenmaker, 2010).
Le régime spécifique de résolution des institutions financières sys-
témiques, quant à lui, devrait doter le régulateur d’instruments juridi-
ques ayant en commun d’imposer des pertes aux actionnaires en place
et de réduire les délais de résolution. Ces derniers doivent faciliter une
résolution ordonnée de la défaillance des institutions financières sys-
témiques en préservant la stabilité financière tout en protégeant les
intérêts des contribuables et pas seulement les intérêts financiers privés.
Dans l’Union européenne, cette procédure devrait être placée sous
l’autorité légale du régulateur systémique européen qui aurait les pou-
voirs d’engager rapidement une action de résolution en étroite colla-
boration avec les autorités du pays d’origine du groupe sur la base du
testament de l’institution concernée qui déterminerait le partage des
pertes. La nouvelle architecture De Larosière permet cette répartition
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des pouvoirs. Cependant, il faudrait préalablement que tous les pays de
la zone instaurent des procédures administratives de résolution et soient
dotés des mêmes instruments légaux leur offrant une large palette
d’options. L’adoption d’une directive est ici impérative.
Parmi ces instruments juridiques, on peut citer (Cihak et Erlend, 181
2009) :
– la vente à un acquéreur privé. Cette solution permet la continuité
des services financiers et protège les intérêts des créditeurs et autres
contreparties. Cet instrument n’est mobilisable que si l’autorité de
résolution a les moyens légaux de réaliser la vente même si elle impose
des pertes aux actionnaires. La vente de Washington Mutual, la sixième
plus grande banque en termes d’actifs des États-Unis, à JP Morgan
Chase sans apports de fonds publics a été permise parce que le FDIC
(Federal Deposit Insurance Corporation) en tant qu’administrateur
provisoire disposait d’un tel pouvoir légal ;
– la création d’une banque-relais (bridge bank). Une banque-relais est
une institution temporaire (charte limitée dans le temps) créée par
l’autorité de résolution pour prendre en charge les activités de l’insti-
tution défaillante pendant une certaine période permettant à l’autorité
de résolution d’explorer les options de résolution les moins coûteuses ;
– le transfert partiel des dépôts et des actifs à une banque saine.
L’institution résiduelle qui conserve les actifs difficiles à évaluer ainsi
que les fonds tirés du transfert devient alors une bad bank et continue
à être détenue par les actionnaires de l’institution défaillante dont le
capital reste exposé au risque de pertes sur la valeur des actifs toxiques ;
– la vente « aidée » à un acquéreur du secteur privé. Quand une partie
des actifs est difficile à évaluer, une solution est de vendre l’institution
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finalement se résume à une privatisation des gains par l’industrie
financière en période faste et une socialisation des pertes en période de
crise a fortement ébranlé la confiance dans l’équité et l’impartialité avec
lesquelles sont traités les différents acteurs du capitalisme financier.
182 Les modalités de gestion de la crise posent donc des problèmes qui
vont bien au-delà de la pure économie et touchent aux relations qui
lient les citoyens à leurs représentants dans les démocraties représen-
tatives. La préservation de la stabilité financière est un bien public qui
doit être reconnu comme tel. L’effervescence et le dynamisme des
travaux et des propositions en matière macroprudentielle semblent aller
dans ce sens et marquent le retour des États et des banques centrales
dans le contrôle de la sphère financière. En effet, le dénominateur
commun à l’ensemble de ces mesures macroprudentielles est la recon-
naissance de l’échec de l’autorégulation et de la discipline de marché
dans la finance. Mais ce renouveau de l’implication des États dans la
supervision et le contrôle de la finance risque de se heurter aux conflits
d’intérêts nationaux. En effet, les limites que l’on peut dès maintenant
entrevoir à l’accomplissement de l’ambition portée par cette nouvelle
politique économique tiennent justement aux antagonismes entre les
États. La finance globalisée est par essence internationale, la politique
macroprudentielle doit elle-même nécessairement intégrer cette di-
mension, ce qui implique un degré élevé de coordination et de conver-
gence entre les pays. Le foisonnement de propositions d’ordre macro-
prudentiel ne butera-t-il pas sur des comportements de free riding de la
part de certains États ? Les effets de la crise financière s’éloignant, la
préférence pour le présent et le court-termisme payant ne vont-ils pas
annihiler les espoirs de mise en œuvre d’une véritable politique de
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NOTES
1. Compte rendu d’une réunion du Comité Cooke, ancêtre de l’actuel Comité de Bâle, sur la supervision
bancaire et document préparé par la Banque d’Angleterre.
2. Depuis 1996, pour le risque de marché avec le premier amendement au ratio de Bâle I et depuis 2004,
avec Bâle II pour le risque de crédit.
3. Voir : l’article de Jean-Paul Pollin dans ce numéro.
4. Adopté en Espagne, en Chine, en Colombie, en Inde et en Uruguay.
5. Chine, Hong Kong, Corée du Sud, Malaisie, Singapour, mais également Suède.
6. L’expression « too big to fail » s’est généralisée à partir de l’épisode de sauvetage de Continental Illinois
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