3 - Redéfinir L'accès À La Justice en République Démocratique Du Congo. Le Droit D'accès Au Juge Dans Le Ressort de La Cour D'appel Du Nord Kivu Entre Mythe Et Réalité
3 - Redéfinir L'accès À La Justice en République Démocratique Du Congo. Le Droit D'accès Au Juge Dans Le Ressort de La Cour D'appel Du Nord Kivu Entre Mythe Et Réalité
3 - Redéfinir L'accès À La Justice en République Démocratique Du Congo. Le Droit D'accès Au Juge Dans Le Ressort de La Cour D'appel Du Nord Kivu Entre Mythe Et Réalité
Droit Judiciaire
REDEFINIR L’ACCES A LA JUSTICE EN
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO.
LE DROIT D’ACCES AU JUGE DANS LE RESSORT DE
LA COUR D’APPEL DU NORD-KIVU ENTRE MYTHE
ET REALITE
Par
MASUDI KADOGO*
Résumé
Le principe d’accès à la justice nous renvoie du point de vue institutionnel
à l’accès aux cours et tribunaux, de la base au sommet et donc au juge ; au
juge du niveau le plus bas de la pyramide juridictionnelle à celui de la
sommité, autrement dit au juge du tribunal de paix à celui de la cour de
cassation, et du point de vue de la finalité de la justice, à l’accès aux
droits. Ainsi justice comme institution est une justice-moyen et justice
comme droit, une justice-fin donc une finalité de la justice- moyen. La
justice-moyen met en exergue une autre règle axiale qu’est la justice de
proximité. Cette dernière est un pilier fondamental et l’écheveau d’un
procès équitable. Il est le berceau de la restauration d’un droit violé.
Dans ses manifestations vigoureuses, il assure l’effectivité des autres
principes qui concourent à un procès équitable. Bien respecter en amont
tout comme en aval, il est le garant de la restauration de tout droit violé et
par ricochet de la sécurité juridique et judiciaire. Actuellement pour
renforcer la justice-fin, des voix s’élèvent pour repenser la forme actuelle
de rendre justice en sollicitant la mise en œuvre de la justice douce ou
alternative dispute résolution en sigle ADR, afin d’asseoir le règlement
extra judiciaire des conflits pénaux en dehors des règles de procédure
pénale classique. D’où le recours informel dans la pratique judiciaire au
règlement amiable de certains litiges. La pertinence d’une telle approche
exige la formalisation de la médiation pénale. Celle-ci étant appliquée
seulement au niveau de la justice pour mineur, son extension sur
l’ensemble du système judiciaire surtout sur toutes les infractions d’une
moindre gravité soit des infractions punissables d’une peine de plus ou
moins deux ans de servitude pénale ou celles punissables de cinq ans de
privation de liberté, pour des faits bénins, serait un correctif aux
plusieurs obstacles d’accès à la justice.
Mots-clés : accès à la justice, procès équitable, droit judiciaire congolais, tribunal
indépendant, tribunal impartial, tribunal compétent
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 45
Introduction
164 Opinion dissidente des juges Sophia AB Akuffo, Bernard M Ngoepe, Elsie N. Thompson dans
l’affaire Atabong Denis Atemnkeng contre l’Union africaine, du 15 mars 2013, requête
n°14/2011
165 Ibidem.
166 N. FRICERO, La qualité des décisions de justice au sens de l’article 6 §1 de la convention
européenne des droits de l’homme, in colloque sur la qualité des décisions de justice du 8 et 9
mars 2007, Ed. Conseil de l’Europe, Paris, 2007, p.57
167 A. RUBBENS, Le droit judiciaire congolais, T3, L’instruction criminelle et la procédure pénale,
judiciaire. C’est que dans ces milieux la justice est tributaire du niveau de la
terreur du justicier. Chaque mouvement dispose d’un semblant des
structures chargées illégalement de la prise à charge des litiges, cohabitant
parfois avec l’ordre judiciaire légalement établi. N’entendons-nous pas que
tel ou tel autre groupe armé à travers ces fameuses structures a tranché des
litiges, surtout fonciers qui sont récurrents dans les milieux aussi bien
ruraux, préurbains qu’urbains ? Que les justiciables sollicitent le concours
de ces forces hors norme pour l’exécution de décisions judiciaires dument
rendues ? Que parfois ces forces, elles-mêmes se dressent en obstacles à
l’exécution de telles décisions ? C’est aussi le cas de certaines structures de
l’armée nationale non revêtues d’une moindre mission de dire le droit ou
des auditorats militaires, qui prennent des décisions exécutoires à la minute
dans les litiges de toute nature, surtout purement civils comme le
contentieux des créances ou des dettes, de divorce et de succession. Dans
l’observation (interprétative) générale n°32 de l’article 14 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques du Comité des droits de
l’homme, au paragraphe 22, il est noté que « le jugement des civils par des
tribunaux militaires ou d’exception peut soulever de graves problèmes
s’agissant du caractère équitable, impartial et indépendant de
l’administration de la justice ».169 C’est également cette situation qui
prévaut dans des régions relativement pacifiées où les autorités
administratives non revêtues de la qualité de juge, mais exerçant seulement
les fonctions d’officier de police judiciaire170 ou n’exerçant les fonctions
judiciaires à titre quelconque se mettent à trancher les litiges entre leurs
administrés. Il en est ainsi des chefs de poste d’encadrement de triste
mémoire, fonction qui a été supprimée in fine par la loi n°08/016 du 07
OCTOBRE 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des
entités territoriales décentralisées et les provinces. Clamons encore tout haut
que la nouvelle création de la fonction de représentant de l’autorité
provinciale dans les groupements administratifs et cités de la province du
Nord-Kivu, ressusciterait encore l’exercice illégal des fonctions
juridictionnelles en milieux ruraux. Déplorons également le monnayage de
la justice par les détenteurs du monopole de la fonction juridictionnelle et
judiciaire (Juges, Magistrats du parquet, Officiers de police judiciaire
agissant souvent de mèche avec les Avocats véreux. Les cas sont légions
mais limitons- nous un instant à ces quelques éléments. Un observateur
averti n-a-t-il pas dit : Marquée par la guerre, la corruption, la lutte pour le
contrôle des ressources naturelles et des graves violations des droits de
l’homme, notamment les terribles violences sexuelles, la RD CONGO a
169 Comité des droits de l’homme, Observation générale n°32, Article 14. Droit à l’égalité devant les
tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, 90è session, CCPR/C/GC/32, Genève, 9-
27 juillet 2007, p. 7
170 Lire les articles 41, 60,85 de la loi organique n°08/016 du 07 octobre 2008, portant composition,
organisation et fonctionnement des Entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’Etat
et la Province, J.O. de la RD CONGO.
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 49
175 BAYONA Ba MEYA, « La justice de paix en République Démocratique de Congo » Lukuni Lwa
Yuma, Revue interdisciplinaire, vol. n°4, juillet-décembre 1999, p.70 cité par KIFWABALA
TEKIZALA, D. FATAKI wa LUHINDI et M. WETSH’OKONDA KOSO, République
démocratique du Congo Le Secteur de la justice et de l’Etat de droit, une étude d’AfriMAP et de
l’Open Society Initiative for Southern Africa, OPEN SOCIETY FOUNDATIONS, Juillet 2013,
p.128
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 51
sont un mythe aux yeux de plusieurs citoyens. 176 Ainsi, tous les acteurs
intervenant dans la trame judiciaire, devraient absolument être au diapason
des attentes de la population, pour saisir à bras le corps, l’ensemble des
menaces qui planent sur la bonne administration de la justice, dans notre
Province. L’accès à la justice est le garant de la confiance des justiciables
dans leur système de justice. Il participe à la lutte contre l’impunité et
garantit l’équité des armes de la défense. Il est aussi l’un des facteurs clés
dans la stabilisation du pays et un gage de développement durable.177
A. Au plan international
176 Marc LACOURSIERE, Le consommateur et l’accès à la justice, in Les cahiers de droit, Vol.49,
n°1, 2008, p.99
177 François SIMARD e, Allocution, in Actes de la table ronde sur l’accès à la justice en Côte
d’Ivoire, Abidjan, 23 et 24 mars 2009, p4, www.onuci.org
Redéfinir l’accès à la justice en République Démocratique du Congo.
Le droit d’accès au juge dans le ressort de la Cour d’appel du Nord-Kivu
entre mythe et réalité
52
ce que leurs causes soient entendues devant les cours et tribunaux de leur
pays. Le principe du droit d’accès à un tribunal trouve également une
mention particulière dans les différents traités relatifs à la protection des
droits de l’homme : notamment le pacte international relatif aux droits civils
et politiques du 19 décembre 1966 à son article 2, la Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale du 11 décembre 1965 à son article 6, la Convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10
décembre 1984 à son article 14 ; la Déclaration des Nations Unies du 13
septembre 2007, sur les droits des peuples autochtones à son article 40 ; le
principe 10 in fine de la Déclaration de Rio adoptée à la Conférence des
Nations Unies sur l’environnement et le développement réunie à Rio de
Janeiro du 3 au 14 juin 1992, qui impose aux Etats d’assurer un accès
effectif à des actions judiciaires et administratives, notamment des
réparation et de recours ; la résolution 67/1 de l’Assemblée Générale des
NU du 24/09/2012, qui insiste sur la garantie du droit à l’égal accès à la
justice, y compris aux membres de groupes vulnérables. La Convention des
Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à
l’égard de la femme de 1979, qui recommande aux Etats d’instaurer une
protection juridictionnelle des droits des femmes sur un pied d’égalité avec
les hommes et garantir, par le truchement des tribunaux nationaux
compétents et d’autres institutions publiques, la protection effective des
femmes contre tout acte de discrimination. La Convention des Nations-
Unies relative aux droits de l’Enfant de 1989 à son article 37 reconnait à
l’enfant privé de liberté d’avoir accès à l’assistance juridique ou à toute
autre assistance appropriée, le droit de contester la légalité de la privation de
la liberté devant une autorité ou une juridiction impartiale, le droit à une
décision rapide ; enfin, l’annexe aux principes et lignes directrices des
Nations unies sur l’accès à l’assistance juridique dans le système de justice
pénale, adopté à l’Assemblée générale par la résolution 67/187, à New York
en octobre 2013, qualifiant l’assistance juridique d’une composante
essentielle de toute justice pénale équitable, humaine, efficace fondée sur la
légalité. Ce principe se trouve aussi exprimé, avec la même vigueur au
plan africain.
B. Au plan africain
violations des droits de l’homme et des peuples ressortissants des pays qui
n’ont pas déclaré leur acceptation de la compétence de la Cour, pour
connaitre des affaires introduites contre eux. L’article 34 au point (6) de la
charte, accorde aux Etats partie le droit de décider si leurs victimes doivent
avoir accès à la Cour africaine ou non, contrairement aux principes
fondamentaux du droit. Ce faisant, ces justiciables n’ont accès à aucune
forme de justice, alors que la ratio legis de ce recours est non seulement de
fustiger les situations attentatoires aux droits et libertés fondamentales mais
aussi et surtout de corriger les erreurs des juridictions nationales. Ce cas de
figure, en définitive constitue une violation déplorable du droit d’accès à la
justice.
C. Au plan national
179 Avocats Sans Frontières, Etude sur l’aide légale en République Démocratique du Congo
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 55
Elle peut également être comprise comme une possibilité pour toute
personne physique ou morale, d’introduire une requête en justice et
d’obtenir réparation lorsque ses droits ont été violés. En conséquence, le
droit d’accès à la justice implique qu’après le jugement et l’épuisement des
voies de recours subséquentes c’est-à- dire dès que la décision est coulée en
force de chose jugée, que son exécution se déroule sans entrave de toute
nature. Un jugement non exécuté n’en est pas un. Au lieu de contribuer à la
paix sociale, en laissant les choses dans leur prestin état, il attise la haine,
brise l’équilibre social et reste un facteur de regain des tensions tribales et
vengeance privée au Nord-Kivu. Bref c’est comme si un procès, pénal soit-
t-il, n’a jamais existé. Dans une de ses mercuriales, un ancien premier
président de la cour suprême de justice de la RD CONGO, n’avait-il pas fait
un réquisitoire remarquable contre la non-exécution des décisions
judiciaires dans un délai raisonnable en ces termes « la situation pour les
parties n’est-elle en fait presque la même que si la justice n’était pas
rendue »?182 L’inexécution injustifiée d’une décision de justice, quelle
qu’elle soit, crée une certaine vacuité juridictionnelle, dont l’induction
conduit sans ambages à une insécurité judiciaire. De telles carences dans
l’exécution des jugements, ne risqueraient-elles pas de faire perdre au
justiciable la confiance qu’il se doit d’avoir à l’égard de l’Etat.183 L’entrave
à l’exécution d’une décision de justice coulée en force de chose jugée,
enfonce davantage le plaideur dans la ruine.
182 A. LIHAU Marcel, Discours prononcé à l’audience solennelle de rentrée judiciaire de la cour
suprême de justice du 16/12/ 1971 in Revue zaïroise de droit, semestrielle, n° 1, Kinshasa, 1972,
p. 60
183 Ibidem
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 57
184 N. FAURE et L ; BARROS, Droit d’accès à la justice des communautés locales et populations
autochtones (République du Congo),in Client Earth, Février 2014, p4.
185 MAHAMAN TIDJANI ALOU, la justice au plus offrant, Les infortunés du système judiciaire en
Afrique de l’Ouest (Autour du cas du Niger), in Politique africaine, n°83, octobre 2001, p.60.
186 Comité des droits de l’homme, Observation générale n°32, Article 14. Droit à l’égalité devant les
tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, 90è session, CCPR/C/GC/32, Genève, 9-
27 juillet 2007, p. 7
187 Ibidem
Redéfinir l’accès à la justice en République Démocratique du Congo.
Le droit d’accès au juge dans le ressort de la Cour d’appel du Nord-Kivu
entre mythe et réalité
58
E. L’aide juridique
faut aussi que le concours des auxiliaires de la justice le soit aussi. Sous
d’autres cieux ce système repose financièrement sur une dotation annuelle
de l’Etat à chaque barreau, calculée selon un coefficient et une unité de
valeur de référence.209
Il est évident, dans l’état actuel des choses, que les prestataires des
services d’aide juridique sont confrontés à deux défis majeurs, d’une part
celui de la disponibilité de services adéquats, et d’autre part à un coût
raisonnable et accessible.212
1. Le modèle caritatif
C’est en guise de cette pratique aussi, que les ONG œuvrant dans le
secteur de la justice, en collaboration parfois avec le barreau, ont créé des
cliniques juridiques, surtout en matière des violences sexuelles, afin de
faciliter l’accès aux cours et tribunaux aux victimes de ces actes ignobles.
La République Démocratique du Congo (RD CONGO) compte beaucoup,
sur les initiatives de la société civile, afin de répondre à la demande de
services juridiques dans un pays affligé par la guerre. L’ONG internationale
Avocats Sans Frontières sensibilise les populations à leurs droits par
l’entremise d’émissions de radio ; offre des conseils juridiques dans les
« boutiques de droits » ; assiste les parties devant les tribunaux en
collaboration avec des barreaux des avocats,215 y compris le Barreau de
Goma. C’est ici l’occasion de souligner que l’ASF est le partenaire financier
du Barreau de Goma qui se classe au premier rang, dans le secteur des
violences sexuelles. Ce modèle, est usité aussi, au Nord-Kivu, par
l’Association du Barreau Américain (ABA Rule of Law Initiative) en sigle.
D’autres organisations internationales, à la tête desquelles la MONUSCO
par le truchement du Bureau de Nations unies pour la protection des droits
l’homme à l’Est de la RD Congo, le PNUD interviennent en matières de
violences sexuelles en apportant un appui modeste mais substantiel aux
victimes des violences sexuelles. Il est difficile d’évaluer à sa juste valeur,
ce genre d’intervention, car faite toujours en exclusion du Barreau.
Malheureusement, ces types de système sont en vedette dans les pays
pauvres, surtout pays post-conflits et devront disparaitre au moment où
l’Etat recouvre tous ses attributs de puissance publique. La RD Congo se
déploie à tourner la page sombre de régime caritatif vers un régime stable et
durable. L’avant-projet d’aide juridictionnelle, plaide en faveur du système
judicaire.
2. Le modèle judicaire,
214 A. Meyer, Etude sur l’aide légale en République démocratique du Congo, Avocat Sans Frontières,
Janvier 2014, p.2
215 Idem, pp. 63-64
Redéfinir l’accès à la justice en République Démocratique du Congo.
Le droit d’accès au juge dans le ressort de la Cour d’appel du Nord-Kivu
entre mythe et réalité
68
dispose d’un droit d’engager son propre avocat, qui par la suite facture ses
prestations à l’agence gestionnaire des fonds. Cette entité administrant le
système peut être le barreau, un bureau d’assistance judiciaire, un tribunal
ou une structure gouvernementale selon le cas. C’est ce modèle qui est
proposé par l’avant-projet de loi sur l’assistance judiciaire de mai 2012, de
la Commission permanente de réforme du droit congolais. A son article 17 il
est dit : «il est institué un bureau d’aide juridictionnelle auprès de chaque
juridiction». La liberté de choix de l’avocat ou du conseil est laissée à
l’appréciation du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.216 Les clients
choisissent leurs avocats parmi ceux qui ont accepté de participer à ce
mécanisme. Les avocats sont rémunérés directement, sur les deniers publics,
pour leur travail, au cas par cas. Toutefois ce système n’est pas sans écueils,
la faiblesse la plus notable du système judicaire reste son coût, surtout
comparativement aux autres modèles de prestations de services
juridiques.217 Néanmoins soulignons une induction par le coût d’une
meilleure qualité des prestations.
3. Le modèle contractuel
6. Le modèle para-juridique
Ce modèle qui fait appel aux non avocats et parfois aux non juristes
pour l’assistance judiciaire pro bono, est moins coûteux et permet une
participation en masse de plus démunis aux procès pénaux. C’est en quelque
sorte une participation démocratique de la population, surtout dans les
milieux les plus reculés des pays en développement. Ce système a plus
explosé en Afrique du Sud qui s’appuie sur l’utilisation de para-juristes en
matière pénale, surtout dans des zones rurales et pauvres. Ce mécanisme fait
recours aux para-juristes, aux cliques juridiques au sein des facultés de droit
et le système du bénévolat. Le paralegal Advisor Service du Malawi est
décrit ailleurs comme une réussite. Ce système a fait ses preuves et a été
repris au Benin, au Kenya, en Ouganda et en Tanzanie et éveillé l’intérêt du
Népal et de Bangladesh ; il fait appel à des para- juristes formés pour
identifier les détenus en détention préventive et les prisonniers condamnés
susceptibles de bénéficier d’une remise en liberté. Ces para-juristes
apprennent également aux détenus à remplir des demandes de libération et à
présenter leurs dossiers au tribunal.221 Au Nord-Kivu, ce modèle a fait
irruption dans le système judiciaire. On constate un foisonnement des
cliniques juridique surtout dans des structures de santé (Heal africa, Hôpital
de Keshero, Centre hospitalier SHIFAA pour la communauté islamique du
Nord-Kivu) et dans des universités (Faculté de Droit de l’Université de
Goma). D’ailleurs la clinique juridique de la Faculté de droit de l’Université
de Goma a vu le jour sous l’impulsion d’une organisation sud-africaine
rodée dans le domaine d’assistance para-juridique. Ce système quoi que
participatif n’est pas sans désavantages. C’est que le gros du lot, est
constitué des personnes sans formation basique. Ils interviennent dans ce
domaine avec des limites inhérentes à cette carence. En effet, tel que ce
système est conçu, ces acteurs sociaux ne peuvent jouer pleinement ce rôle,
puisque ne peuvent pas affronter jusqu’au bout la complexité des règles
221 Thomas F. GERAGHTY et ali, L’accès à la justice : Problèmes, modèles et participation des non-
avocats à la prestation de services juridiques, p.73
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 71
224 NYABIRUNGU mwene SONGA, Rapport général des états généraux de la justice, RD CONGO,
Kinshasa, Août 2015, p.42
225 F. MUKENDI TSHIDJA- MANGA, Commentaire du Code pénal militaire, in séminaire de
formation des magistrats militaires et des avocats de la défense, TOWARDS BETTER
MILITARY JUSTICE, RD CONGO, Février-Mars 2007, p.53
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 73
226 Comité des droits de l’homme, Observation générale n°32, Article 14. Droit à l’égalité devant les
tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, 90è session, CCPR/C/GC/32, Genève, 9-
27 juillet 2007, p. 8
227 Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes d’abus de pouvoir adoptée
Ces deux dimensions doivent être combinées pour se faire une idée
affinée de l’accès à la justice au Nord-Kivu. Théoriquement, il existe une
panoplie des textes législatifs et réglementaires en plus de la constitution,
qui mettent en exergue le principe de l’égalité de tous devant la loi et partant
devant les cours et tribunaux. Malheureusement cette égalité plus
philosophique que arithmétique est mise en mal par une série d’obstacles
dont certains sont communs à tous les justiciables et d’autres spécifiques
aux personnes vulnérables.
Les obstacles dont questions sont ceux qui privent les consommateurs
du service public judiciaire, l’accès au juge. Certaines de ces entraves sont
d’ordre juridique c’est-à-dire des obstacles juridiquement prévus
concurremment par les systèmes juridiques aussi bien interne
qu’international, d’autres sont purement matériels entre autres:
l’insuffisance des juridictions occasionnant du coup une mauvaise
répartition géographique, provoquant du coup l’éloignement géographique,
l’ignorance de loi, le coût de la justice, la complexité et la lenteur des
procédures, l’exécution bon en Malan des décisions judicaires, la
concussion et la corruption des acteurs judiciaires, les procès des civils
devant des tribunaux militaires et les pressions politiques exercées sur la
justice militaire.
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 75
se concilient avec l’article 6§1 que si elles tendent à un but légitime et s’il
existe un rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens employés
et le but visé ». En définitive elle considère que la reconnaissance de
l’immunité devant le tribunal saisi ne viole l’article 6§1 que dans la mesure
où elle débouche sur un déni de justice, en conséquence de l’inexistence de
tout autre mode de règlement du différend.236 Cependant s’il est
généralement admis que les bénéficiaires des immunités peuvent renoncer
aux immunités de juridiction, celles d’exécution restent absolues.
L’immunité d’exécution dérive de l’idée que la participation d’un Etat à une
exécution serait attentatoire à la souveraineté de ce dernier. 237 Admettre
qu’un juge puisse ordonner une mesure d’exécution conduirait à porter
atteinte à la souveraineté étrangère.238 Quant aux immunités réservées aux
organisations internationales elles sont fonctionnelles. L’organisation
internationale à laquelle elles sont reconnues peut y renoncer, ou autoriser
son bénéficiaire de renoncer aux immunités de juridiction à l’exception des
immunités d’exécution.
236 Ibidem
237 Idem, pp. 237 à238
238 F. MELIN, Droit international privé, Mémentos LMD, 2ème éd. Gualino, EJA, Paris, 2005, pp.
63-64
239 Article 164 du code pénal congolais.
240 Article 217 du code pénal congolais
Redéfinir l’accès à la justice en République Démocratique du Congo.
Le droit d’accès au juge dans le ressort de la Cour d’appel du Nord-Kivu
entre mythe et réalité
78
De manière générale, les sièges des cours et tribunaux sont situés aux
chefs-lieux de la Province et des villes et territoires du Nord-Kivu. Comme
le dit le Prof. Kavundja « il s’en suit beaucoup de difficultés d’accès à ces
juridictions par la population habitant loin de ces chefs-lieux »242. Il est
prévu un tribunal de paix au niveau de chaque chef-lieu de territoires
administratifs de la RD CONGO ; en dépit de l’installation récente de ces
tribunaux, ils ne sont pas à même de résorber le besoin en matière d’accès à
la justice. En plus cette manière de procéder est en déphasage avec la réalité.
Prenons le cas de Walikale, quoiqu’ un territoire à faible densité
démographique, mais il n’en demeure pas moins que c’est le territoire à lui
seul plus vaste que le Rwanda, comment un seul Tribunal de paix, situé au
chef-lieu peut résoudre les problèmes d’accès au juge ? La situation restera
toujours alarmante surtout en ce qui concerne l’exercice du droit au double
degré de juridiction. Ce que, c’est à Goma que le Justiciable devra interjeter
son appel devant le Tribunal de grande instance de Goma, chaque fois qu’il
estimera que le juge de première instance n’a pas bien dit le droit. Il en est
de même pour les justiciables des Territoires de Rutshuru, Masisi et
Nyiragongo. Ce dernier ne bénéficie pas, en l’état actuel, d’un tribunal de
paix en raison de sa proximité avec la ville de Goma.
241 E. LUZOLO MBAMBI LESSA, Manuel de procédure pénale, PUC, Kinshasa, 2011, p. 190. Lire
aussi NYABIRUNGU mwene SONGA, op cit., p. 244.
242 T. KAVUNDJA MANENO, Op cit., p. 106
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 79
244 NYABIRUNGU mwene SONGA, Rapport général des états généraux de la justice, RD CONGO,
Kinshasa, Août 2015, p.
245 CCJA, affaire OTONDE EKOTO, l’arrêt n°053/2012 du 07 juin 2012, in Jean Michel Mbock
p.129
Redéfinir l’accès à la justice en République Démocratique du Congo.
Le droit d’accès au juge dans le ressort de la Cour d’appel du Nord-Kivu
entre mythe et réalité
82
251 Ière Instance Elis. 9 avril, 1941, R.J.C.B, 151 cité par NYABIRUNGU mwene SONGA, op cit, p.
295
252 MBUYI MBIYE TANAYI, L’état actuel de la justice congolaise, in Les analyses juridiques,
n°16,2009, p.42
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 83
255 S. GUINCHARD, J.BUISSON, Manuel de procédure pénale, 8ème Ed. Lexis Nexis, Paris, 2012,
p.1558
256 M.A. BEERNAERT, N.C.- BASECQZ, C. GUILLAIN, P. MANDOUX, M. PREUMONT, D.
264ACORD, ACTIONAID, AXFAM, La promotion du droit à la terre et à la justice pour les femmes
en Afrique, in Conférence sur le droit des femmes à la terre et à la justice en Afrique tenue à
Nairobi, Kenya du 30 mai-02 Juin2011, pp. 27-29
265 ASSOCIATION CONGOLAISE POUR L’ACCES A LA JUSTICE, RAPPORT ANNUEL 2012.
1) La médiation pénale
1. Notion
Comprendre la médiation pénale, c’est chercher d’abord à élucider le
terme médiation. La médiation vient du latin mediatio : entremise, de
mediare : s’interposer.
671
272 M.A. Beernaert, N.C.- BASECQZ, C. GUILLAIN, P. MANDOUX, M. PREUMONT, D.
d’articulation. Réflexions inspirées par une enquête foncière dans le Masisi, Ed. AAP, Goma,
Avril 2008, p.73
Revue de la Faculté de Droit de l'Unigom, N°1, 2016 93
Conclusion
L’accès à la justice optimale, passe par la revisitation de la carte
judiciaire de la province avec comme visée, le rapprochement des
justiciables des cours et tribunaux. Ce rapprochement doit être ponctué non
seulement par une proximité institutionnelle mais également par une
proximité aux droits : droit à une prompte réparation. Une réparation
considérée dans une approche holistique s’appuie aussi bien sur les
mécanismes de justice formelle qu’informelle. La justice est complexe et
multidimensionnelle, elle ne doit pas se limiter à offrir des procédures
formelles et antagonistes conçues pour constater la culpabilité ou
l’innocence, et pour proclamer des vainqueurs et des perdants. 283 Si la
société congolaise, nord-kivusienne, doit trouver à ses problèmes des
solutions efficaces et durables, notre système de justice devra établir avec la
communauté un partenariat qui transcende les spécialités et les institutions.
La population s’attend plus que jamais à une forme de justice plus axée sur
la solution, avec moins des formalismes. Ceci passe impérativement par
l’intégration dans le code de procédure pénale, la méthode douce de
résolution des conflits ou la médiation pénale dans le cadre institutionnel.
Ceci conduit à la différenciation ou « typologisation » des infractions selon
la gravité, celle-ci restant apprécier en fonction du taux de la peine prévue.
Ainsi donc chaque fois que le parquet se trouvera devant l’hypothèse d’une
283 Morris ROSENBERG, préface, in colloque sur Elargir les horizons. Redéfinir l’accès à la justice
au Canada, du 31 mars 2000, p. i
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