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Revue Emile-Mengue-Mboue Cameroun c8398b

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République

République
du Bénin
du Bénin

Cour Cour
Constitutionnelle
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ET L’ÉTAT DE
DES LIBERTÉS
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LA DÉMOCRATIE
DES FONDAMENTALES
DE LA DÉMOCRATIE
LIBERTÉS FONDAMENTALES
EN AFRIQUE
ET
EN AFRIQUE
ET

DOCTRINE
DOCTRINE
CHRONIQUES
CHRONIQUES
JURISPRUDENCE
JURISPRUDENCE
CONSTITUTIONNELLE
CONSTITUTIONNELLE
Cour constitutionnelle ACTUALITÉ
Cour constitutionnelle ACTUALITÉ
DES JURIDICTIONS
DES JURIDICTIONS
CONSTITUTIONNELLES
CONSTITUTIONNELLES

2020
2019 N° 0013N°
2019 s
/N° 200
et11
33/ /Semestriel
Semestriel Semestriel
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Cotonou
Cotonou : 1840-9687
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Dépot légal : n° 11573 du 30 août 2019
ISSN : 1840-9687
3ème trimestre Bibliothèque Nationale
Dépot légal : n° 11573 du 30 août 2019
Distribution :+00229 21 31
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traduction,
(Loi n° 2005-30 relative à la protection du droit d’auteur et des droits voisins
en Réspublique
Droit de reproduction,
du Benin)de traduction, d’adaptation réservés pour tout pays.
(Loi n° 2005-30 relative à la protection du droit d’auteur et des droits voisins
en République du Benin)
4
24
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État
de droit en Afrique noire francophone : l’exemple du Conseil
constitutionnel camerounais »

Émile MENGUE MBOUE


Docteur en Droit Public
Enseignant-Chercheur
Université de Ngaoundéré
(Cameroun)

L’institution des juridictions constitutionnelles est sans aucun


doute l’une des plus grandes innovations du constitutionnalisme
africain des années 1990. Alors que le juge constitutionnel fut
pendant des décennies relégué, en même temps que le pouvoir
judiciaire lui-même, dans le simple décorum institutionnel sans
effectivité véritable, les nouvelles juridictions constitutionnelles
sont installées dans le confort d’une réelle division du pouvoir1.
Ce confort essentiellement juridique garantit l’indépendance de
l’institution vis-à-vis des autres pouvoirs, notamment de l’exécutif
et du législatif. Il solidifie et libéralise le statut des membres de ces
juridictions et renforce à leur profit nombre d’attributions, dont la
mise en œuvre est importante pour la vie de l’État de droit2.

Le transfert de ce concept dans les États de l’Afrique noire


francophone s’est opéré par imposition et importation3.
L’imposition du modèle de l’État de droit est le produit de
pressions plus explicites exercées par les institutions européennes
1-
AIVO (J.F), Le juge constitutionnel et l’état de droit en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2006, pp. 9-10.
2-
LAUVAUX (P), Les grandes démocraties contemporaines, Paris, PUF, 1990, pp. 24-25.
3-
ONDOA (M.), « Les fondements juridiques du droit administratif français au Cameroun : la question de
l’applicabilité », in ONDOA (M), ABANE ENGOLO (P.E) (dir.), Les fondements du Droit administratif came-
rounais, L’Harmattan, Paris, 2016, p. 42.

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« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

et les institutions financières internationales qui ont puissamment


favorisé, par le biais de la « conditionnalité démocratique »4,
l’importation des principes et des mécanismes de l’État de droit.
L’importation de l’État de droit dans les États africains a entrainé
des conséquences à la fois sur le plan politique et juridique5.
Sur le plan politique, on assiste à la remise en cause du système
politique largement contesté. En réalité, alors que se développe
la contestation du pouvoir, la référence traditionnelle à une
certaine forme d’absolutisme partisan est abandonnée au profit
du pluralisme. Sur le plan juridique en revanche, on assiste à
la reconstruction d’un édifice juridique protecteur des droits et
libertés6.

L’État de droit postule dès lors la soumission de la puissance


publique à la règle de droit. Pour Jacques CHEVALIER, l’Etat de
droit implique à la fois la soumission au droit et la sanction d’un
juge indépendant7. Il est en effet celui dans lequel les règles sont
posées, connues, garanties par l’édiction de sanctions juridiques,
de sorte que si les règles ont été transgressées, il existe des voies
de recours qui permettent de redresser ou d’anéantir les actes
incompatibles avec elles dans l’ordonnancement juridique8.
Cette définition s’accommode de la théorie de l’autolimitation

4-
OMBALLA (M.), « Les bailleurs de fonds bilatéraux et la conditionnalité démocratique : Analyse des actions
Française et canadienne en Afrique noire francophone », RAEPS, n° 2, 2014, FSJP, Université de Yaoundé II-
Soa, p. 85. ; NGATTI (E. B.), La contribution du conseil constitutionnel à la consolidation de l’Etat de droit au
Cameroun, Mémoire de Master recherche en droit public, FSJP, Université de Dschang, 2018, pp. 2-3.
5-
GICQUEL (J.), « Le présidentialisme négro-africain. Le cas camerounais », Mélanges Georges Burdeau,
LGDJ, 1977, p. 701 et s.
6-
KONTCHOU KOUOMEGNI (A.), « Vers un nouveau modèle de contrôle de la constitutionnalité des lois
au Cameroun », in CONAC (G.) (dir.), Les cours suprêmes en Afrique, Paris, Economia, 1989, pp. 44-63;
MBOME (F.), « Le contrôle de la constitutionnalité des lois au Cameroun », RCD, 1977, pp. 30-43.
7-
CHEVALIER (J.), L’État de droit, 5ème éd., Paris, Montchrestien, 2010, p. 9.
8-
GOYARD (C.), « État de droit et démocratie » in Mélanges René CHAPUS, Paris, Montchrestien, 1992, p. 301.

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Émile MENGUE MBOUE

d’origine allemande, battue en brèche au début du XXème siècle


par Hans KELSEN9. Pour le juriste autrichien, l’État de droit est
un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de
telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. Le modèle se
fonde sur le principe selon lequel la règle de droit tire sa validité
de sa conformité aux règles supérieures.

Ce raisonnement kelsennien a fondé la doctrine positiviste


qui soutient que, l’État de droit est avant tout la hiérarchie des
normes10. En effet, la sécurité juridique et judiciaire exige une
certaine cohérence des normes afin d’assurer une compatibilité
et à la limite une conformité entre elles. Au sommet de cette
pyramide figure la Constitution. L’originalité d’un tel modèle
suppose donc la reconnaissance d’une égalité des différents sujets
de droit soumis aux normes en vigueur. Celle-ci implique en effet
que tout individu, toute organisation, au niveau interne, puisse
contester l’application d’une norme juridique, dès lors que celle-
ci n’est pas conforme à une norme supérieure11. À ce niveau, les
contraintes qui pèsent sur l’État sont très fortes car les règlements
qu’il édicte et les décisions qu’il prend doivent respecter
l’ensemble des normes juridiques supérieures en vigueur, sans
pouvoir bénéficier d’un quelconque privilège de juridiction, ni

9-
KELSEN (H.), Théorie générale du droit et de l’Etat, suivie de la doctrine du droit naturel et le positivisme
juridique. LGDJ, 1997, pp. 178-180.
10-
Le principe de la hiérarchie des normes prévoit que les actes du pouvoir étant hiérarchisés, chaque acte puisse
être contrôlé en étant rapporté aux actes qui lui sont supérieurs dans la hiérarchie. Il suppose, d’une part, que
chaque organe du pouvoir exerce une compétence à l’effet d’édicter telle ou telle catégorie d’actes en respectant
des règles de procédure et d’autre part, qu’il y ait des juges, indépendants, pour sanctionner les violations de
cette hiérarchie. Le principe de la hiérarchie des normes peut se décliner sur les trois plans de la constitutionna-
lité, de la conventionalité et de la légalité.
11-
BOURGI (A.), « L’évolution du constitutionnalisme en Afrique : du formalisme à l’effectivité », RFDC,
n°52, 2002, p. 721.

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« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

d’un régime dérogatoire au droit commun. Toutefois, pour garantir


la régularité de l’ordre juridique, le rôle des juridictions est
primordial et leur indépendance est une nécessité incontournable.
Le juge constitutionnel devient l’instance garante de l’État de
droit12. Les différents visages qu’il prend dans les États africains
correspondent à un choix tout à fait judicieux13. L’option ainsi
confirmée en faveur d’un juge spécialisé dans le contentieux
constitutionnel n’est pas une innovation africaine pour autant. On
note de grandes similitudes avec le modèle européen de justice
constitutionnelle14. Ainsi, les décisions prises par ce juge, en
s’imposant à tous, sont revêtues de l’autorité absolue de la chose
jugée15. Le Cameroun, en optant pour un juge spécialisé (Conseil
constitutionnel) en vue de régler le contentieux constitutionnel,
sort enfin de l’isolement16.

L’instauration d’un Conseil constitutionnel au Cameroun


constitue donc de ce point de vue un fait politique et juridique
d’une importance majeure dans le processus de démocratisation
engagé par ce pays depuis les années 1990. Le Conseil
constitutionnel apparaît pour la première fois dans le paysage

12-
CONAC (G.), « Le juge constitutionnel en Afrique, censeur ou pédagogue ? », in CONAC (G.) (dir.), Les
cours suprêmes en Afrique, Tome 2, Economica, 1989, p. VI.
13-
Les pays d’Afrique noire francophone ont opté soit pour un Conseil constitutionnel : Burkina Faso, loi or-
ganique du 27 avril 2000 ; Cameroun loi du 21 avril 2004; Côte d’Ivoire, loi du 06 juillet 1995; Tchad, loi
organique du 02 novembre 1998 ; soit en faveur d’une Cour constitutionnelle : Bénin, loi de mise en conformité
du 11 juillet 2000 ; Congo, loi du 17 janvier 2003 ; Gabon, loi organique du 17 septembre 1994 ; Mali, loi du 11
janvier 1997. Voir : http://www.accpuf.org, site consulté en décembre 2019.
14-
MENY (Y.), Les politiques du mimétisme institutionnel. La greffe et le rejet, Paris, L’Harmattan, 1993.
15-
Réserve faite de la gestion des décisions du conseil. V. NGUELE ABADA (M.), « Commentaire de la déci-
sion n° 001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 à propos du Règlement de l’Assemblée nationale », Petites Affiches,
n° 154, 2004, pp. 15-22.
16-
L’élection présidentielle inaugurant le premier septennat au Cameroun s’est tenue en octobre 1997. La ré-
vision constitutionnelle adoptant le septennat a été rendu publique le 18 janvier 1996. La loi adoptée en 2004,
intervient donc huit (8) ans après la révision constitutionnelle et à quelques mois de l’échéance du mandat.

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Émile MENGUE MBOUE

politique au travers de la loi n° 06 du 18 janvier 1996 portant


révision de la Constitution du 2 juin 1972. Dans le titre VII qui
lui est consacré, l’article 46 de cette loi dispose : « Le Conseil
constitutionnel est l’instance compétente en matière constitutionnelle.
Il statue sur la constitutionnalité des lois. Il est l’organe régulateur du
fonctionnement des institutions ». Cette loi constitutionnelle a pour
objet, selon Augustin KONTCHOU KOUOMEGNI17, « de mettre à
la disposition du citoyen camerounais un document qui lui est
désormais indispensable pour rester en veille civique et contribuer
à assurer au Cameroun une meilleure gouvernance » puisqu’il
« instaure un contrôle plus protecteur de la Constitution et par
conséquent, de l’État de droit et des libertés fondamentales du
citoyen »18. L’article 46 de la loi fondamentale du 18 janvier 1996
fait du Conseil constitutionnel « l’instance compétente en matière
constitutionnelle »19. Ainsi, dans ce processus de construction de
l’État de droit, le Cameroun va passer du système de la légalité
à celui de la constitutionnalité. Mais cela ne se fera pas sans
difficultés en raison de l’encadrement juridique déficitaire du
pouvoir20.

Dès le 07 février 2018, la juridiction constitutionnelle


camerounaise va connaitre une véritable autonomisation sous
la dénomination de « Conseil constitutionnel ». Sur les cendres

17-
Alors ministre d’État chargé de la communication et porte-parole du gouvernement camerounais.
18-
KONTCHOU KOUOMEGNI (A.), « Vers un nouveau modèle de contrôle de la constitutionnalité des lois au
Cameroun », in CONAC (G.) (dir.), Les Cours suprêmes en Afrique, op. cit., p. 55.
19-
ATANGANA AMOUGOU (J. L.), « La Constitutionnalisation du droit en Afrique : L’exemple de la création du
Conseil constitutionnel camerounais », in Annuaire international de justice constitutionnelle, 2003-2004, pp. 45-63.
20-
Cette défaillance se traduit par la transcendance du pouvoir présidentiel. Lire à cet effet, MONEMBOU (C.),
« Vers la fin de la transcendance du pouvoir présidentiel au Cameroun », RASJ, n°10, 2013, pp. 253-281.

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« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

de la Cour suprême21, le Conseil constitutionnel voit le jour


à un épisode sensible de la vie politique du pays. Il s’agit du
contentieux des élections politiques nationales. Ce postulat de
départ conduit à la réalité selon laquelle le Conseil constitutionnel
camerounais jouerait un rôle essentiel dans l’enracinement de la
démocratie et la consolidation de l’État de droit. Cette posture
permet d’avancer l’interrogation suivante : comment appréhende-
t-on la contribution du Conseil constitutionnel à la construction de
l’État de droit au Cameroun ?

Pour répondre à cette question, on aura recours à une double


méthode. L’exégèse permettra, à travers une interprétation téléologique
et systémique des textes, de cerner la nature ambivalente de la
contribution du Conseil constitutionnel à l’État de droit. La
casuistique, ancrée sur l’étude des décisions de justice et la lecture
de la jurisprudence se rapportant à la présente étude, permettra
de baliser aussi bien le pouvoir déclaratif du juge constitutionnel
camerounais que son pouvoir créatif. La seule perspective étant de
cerner la dimension ambivalente de sa contribution. Au bénéfice
de ces observations, on constate que la fonction de régulation
est la clé de voute de l’apport du Conseil constitutionnel à
l’État de droit. Cependant, au regard de l’armature juridique en
vigueur, et dans certaine matière comme celle du contrôle de
constitutionnalité des normes, il n’en est rien. Cette situation
projette à l’observation, l’image d’une contribution immergée
entrainant ainsi la fragilisation de l’État de droit (I). Nonobstant

Suivant les dispositions de l’article 67 alinéa 4 de la loi constitutionnelle n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant
21-

révision de la Constitution du 02 juin 1972 aux termes duquel, « la Cour suprême exerce les attributions du
Conseil constitutionnel jusqu›à la mise en place de celui- ci », cette juridiction a été durant des décennies, juge
constitutionnel transitoire.

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Émile MENGUE MBOUE

cette triste réalité, la contribution du Conseil constitutionnel


camerounais à l’État de droit demeure émergente à plus d’un
titre. Cette émergence se matérialise à travers la régulation du
processus électoral, symbole d’une consolidation certaine de l’État
de droit au Cameroun22(II).

I- LA FRAGILISATION DE L’ÉTAT DE DROIT PAR


L’INERTIE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
DANS LA RÉGULATION DE L’ORDRE JURIDIQUE

Lorsque Madame Simone ROZES écrit qu’ « il n’est pas de société


sans justice, pas de justice sans juge investis de l’audacieux pouvoir
de la rendre »23, elle fait assurément référence à la capacité du juge
à appréhender l’importance de son rôle au sein de la société et à la
responsabilité de celui-ci à agir de manière juste et équitable dans
sa mission de garant des droits subjectifs et objectifs. Il est pour
ainsi dire, le censeur de l’État de droit. Au Cameroun, cette mission
est reconnue au Conseil constitutionnel par la loi fondamentale du
18 janvier 1996. Il est théoriquement un instrument de protection
de l’ordre juridique. Or, comment peut-il en être autrement au
regard des faiblesses que présente l’encadrement juridique du
pouvoir ? La « myopathie jurisprudentielle » procédant de l’inertie
de cette juridiction en matière de contrôle de la constitutionnalité
des normes par voie d’action (A) et d’exception (B) est la preuve

22-
Art. 48 alinéa 1 de la loi fondamentale du 18 janvier 1996 : « Le Conseil constitutionnel veille à la régularité
des élections présidentielle, des élections parlementaires, des consultations référendaires. Il proclame les
résultats ».
23-
ROZÈS (S.), « Un profil nouveau pour les juges », Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’hon-
neur de Roger Perrot, Paris, Dalloz, 1996, p. 435-441.

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« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

certaine d’un risque d’échec de l’État de droit jadis pronostiqué


par Alain MOYRAND24.

A. L’inertie du Conseil constitutionnel dans le contrôle de


constitutionnalité par voie d’action

Penser l’État de droit en Afrique n’est guère tâche aisée. Les


interrogations affleurent, drainant chacune son flot d’incertitudes
compte tenu des contradictions propres à ce continent ; et il
n’est guère de terme de l’équation qui ne soit énigmatique. Le
constituant camerounais dans le prolongement de cette logique
constructiviste, va créer une juridiction spéciale : le Conseil
constitutionnel. Selon les dispositions de l’article 47, alinéa 3 de
la loi fondamentale du 18 janvier 1996, cette juridiction peut être
saisie pour le contrôle de constitutionnalité des normes en instance
de promulgation. Toutefois, malgré cette avancée, la construction
de l’État de droit demeure confrontée à des difficultés multiples,
telle la restriction de ce type de contrôle par le constituant. Dès lors,
la justice constitutionnelle apparait quasiment bloquée en amont
de son fonctionnement (1). Et si elle venait tout de même à assurer
l’exercice de ses attributions contre vent et marées, la confrontation
du droit et du pouvoir politique finit par projeter, à l’observation,
l’image pathétique d’une jurisprudence de papier (2).

1. Le constat d’un contrôle sur fond de désert jurisprudentiel

Jacques CHEVALIER relève avec pertinence que le contrôle de


constitutionnalité des lois est la condition essentielle de l’État de
MOYRAND (A.), « Réflexion sur l’introduction de l’État de droit en Afrique noire francophone », RIDC,
24-

n°4, 1991, pp. 853-878.

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Émile MENGUE MBOUE

droit puisqu’en son absence, la Constitution n’a plus qu’une portée


symbolique25. Cette réalité s’applique aux États de l’Afrique
noire francophone. Au Cameroun, malgré les années de transition
démocratique, marquées par la constitutionnalisation de l’État de
droit, le juge constitutionnel a très souvent été limité dans son
action par la prégnance du pouvoir présidentiel26. Le contrôle de
constitutionnalité s’exerce donc dans un environnement ou les
représentations juridiques et socio-culturelles orientent plus vers
l’infaillibilité et l’incontestabilité du chef de l’exécutif. Ainsi,
plus d’une vingtaine d’année durant, la formation de jugement
formellement autonome en matière constitutionnelle n’a existé
que sur « l’instrumentum » constitutionnel. Le retard foncièrement
politique dans sa mise en œuvre en était le motif principal, ce qui
a conduit à la fragilisation de l’État de droit en construction au
Cameroun.

Par ailleurs, s’il est certain que la dynamique de l’État de droit


se mesure au degré d’intensité de la production jurisprudentielle
d’une juridiction constitutionnelle, conséquence inéluctable de
l’exercice du droit de saisine ouvert27, il reste à admettre que celui-
ci fait cruellement défaut dans le cadre institutionnel camerounais.
La saisine du juge constitutionnel camerounais est restreinte à
une catégorie résiduelle de justiciables28. C’est ce qui ressort des
dispositions conjointes de la loi fondamentale du 18 janvier 1996

25-
CHEVALIER (J.), L’État de droit, op. cit., p. 88.
26-
MONEMBOU (C.), « Vers la fin de la transcendance du pouvoir présidentiel au Cameroun », art. cité,
pp. 258-260.
27-
L’examen de plein droit par le parlement au cours de la session ordinaire suivante d’une proposition de loi qui
n’a pu l’être à l’issue de deux session ordinaire porte, arrête le juge, sur une proposition de loi déjà examinée par
la conférence des présidents et déclarée recevable par celle-ci.
28-
ABA’A OYONO (J. C.), « L’insécurité juridique en matière constitutionnelle. Questionnement sélectif sur
l’articulation et la pratique constitutionnelle au Cameroun », RASJ, n°10, 2013, pp. 88-122.

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« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

et de la loi de 2004 portant organisation et fonctionnement du


Conseil constitutionnel. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 47 de
la loi fondamentale du 18 janvier 1996, « le Conseil constitutionnel
est saisi par le Président de la République, le président de l’Assemblée
Nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des
sénateurs. Les présidents des exécutifs régionaux peuvent saisir le
Conseil constitutionnel lorsque les intérêts de leur région sont en
cause ». Des dispositions similaires sont prévues par l’alinéa 1 de
l’article 19 de la loi de 2004 suscitée. Il en ressort dès lors que
l’accès au prétoire du juge constitutionnel est limité et ne prend pas
en compte la personne du citoyen ordinaire. Dans ce contexte29,
l’influence du phénomène partisan prendra très vite le pas sur
l’État de droit et réduira considérablement toute remise en cause
par voie juridictionnel, de la politique définie par le Président
de la République, chef de l’exécutif. Cet état de chose paralyse
l’action du Conseil constitutionnel en matière de contrôle de la
constitutionnalité des normes car ce dernier ne pouvant s’autosaisir.

Ainsi, à l’exclusion de l’abondante jurisprudence qui existe


en matière de contentieux électoral, la matière du contrôle de
constitutionnalité qui sied au champ d’analyse ne peut que souffrir
d’une stérilité jurisprudentielle certaine. Cette stérilité n’est pas
favorable à la construction de l’État de droit. Car, avant la mise
en place effective du Conseil constitutionnel, la Cour suprême
exerçait les attributions de cette juridiction en vertu des dispositions
de l’article 67 alinéa 4 de la Constitution. Le basculement de la
justice constitutionnelle dans le giron judiciaire confirmait déjà
le caractère artificiel du cadre et de sa ressource humaine. Les
29-
Contexte marqué par la prépondérance de l’exécutif sur les autres pouvoirs et la consécration d’un régime à
déclinaison présidentialiste.

140
Émile MENGUE MBOUE

conséquences ne pouvaient donc en être autrement. Pour Jean


Calvin ABA’A OYONO30, cette situation n’est toutefois pas exclue
de la sphère de la vérification normative de la qualité qui s’attache
au travail juridique du Parlement. Le 05 décembre 1996, selon
Alain Didier OLINGA, « la justice constitutionnelle transitoire »
a statué sur la question de la recevabilité de la proposition d’une
loi introduite par un parti politique de l’opposition parlementaire.
L’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP)
avait saisi le juge à deux égards : d’abord, sur les conditions
d’examen de plein droit des propositions de loi phagocytées par
les manœuvres dilatoires du président de l’Assemblée nationale,
manifestement acquis à la majorité parlementaire connue pour
sa réfraction au débat démocratique ; ensuite sur la dimension
absolue de l’irrecevabilité financière31.

Le 28 novembre 2002, l’instance « transitoire » a innové dans


l’histoire constitutionnelle du Cameroun indépendant. Il s’agissait
de contrôler la constitutionnalité de la loi portant règlement
intérieur de l’Assemblée Nationale remaniée par les députés deux
jours auparavant. Le « Conseil constitutionnel de rechange »32
a, en l’espèce, rendu une « décision »33. La décision invalide la
surabondante procédure parlementaire de validation des députés

30-
ABA’A OYONO (J. C.), « L’insécurité juridique en matière constitutionnelle. Questionnement sélectif sur
l’articulation et la pratique constitutionnelle au Cameroun », art. cité, p. 118.
31-
« Sont irrecevables, les propositions de loi ou amendements qui auraient pour effet, s’ils sont adoptés, soit
une diminution des ressources publiques, soit l’aggravation des charges publiques sans reconductions à due
concurrences d’autres dépenses ou création de recette nouvelle d’égale importance » ABA’A OYONO (J. C.),
« L’insécurité juridique en matière constitutionnelle. Questionnement sélectif sur l’articulation et la pratique
constitutionnelle au Cameroun », art. cité, p. 119.
32-
Ibid.
33-
KEUTCHA TCHAPNGA (C.), « Note sous la décision n°001/CC/02-03 du 28 novembre 2002 rendue par la
Cour suprême », Juridis périodique, n°53, 2003, pp. 61-66.

141
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

en tant que prérogative exclusive du Conseil Constitutionnel34.


Il en ressort dès lors que : « la procédure de validation prévue
par le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale dans la loi
adoptée et examinée par le Conseil apparait comme un contrôle
a posteriori de la décision du Conseil constitutionnel déclarant
élus des candidats à l’élection législative. Qu’une telle procédure
en vigueur avant l’institution du Conseil Constitutionnel par la
Constitution du 18 janvier 1996 ne trouve plus sa raison d’être
en l’état. Il en résulte en conséquence de ce qui précède que les
dispositions du règlement intérieur sur la validation des mandats
ne sont pas en conformité avec la Constitution de la République
du Cameroun ». L’exaltation qu’aurait pu susciter cette naissance
de la jurisprudence constitutionnelle aura cependant été de courte
durée. Elle cèdera la place à ce que la doctrine a qualifié de
« myopathie jurisprudentielle »35, puisque près d’un quart de siècle
après sa consécration et sa mise œuvre, le Conseil constitutionnel
camerounais a rendu à peine une dizaine de décisions en
déclaration d’inconstitutionnalité ou de constitutionnalité des
normes par voie d’action. Encore faudrait-il que ces décisions
soient mises en exécution par l’État et ce, en vue de l’avancée de
l’État de droit.

2. L’inexécution de la jurisprudence naissante

Il est sans doute certain que l’État de droit manque encore


d’enracinement social au Cameroun. L’on ne saurait passer sous
silence l’inadéquation réelle qui existe entre la loi et la pratique
34-
Article 48, alinéa 1 de la Constitution : « Le Conseil constitutionnel veille à la régularité des élections
parlementaire. Il en proclame les résultats ».
35-
ABA’A OYONO (J. C.), « L’insécurité juridique en matière constitutionnelle. Questionnement sélectif sur
l’articulation et la pratique constitutionnelle au Cameroun », art. cité, p. 118.

142
Émile MENGUE MBOUE

de la loi en vigueur au Cameroun. En effet, conformément à


l’article 50 alinéa 1er de la Constitution « les décisions du Conseil
constitutionnel s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les
autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu’à
toute personne physique ou morale ». La loi reprend et renforce
le poids des décisions du Conseil constitutionnel. A l’alinéa 4
de l’article 15 de la loi n°2004/004, le législateur précise que les
décisions du Conseil constitutionnel « doivent être exécutées sans
délai »36. L’article 4, alinéa 2 avait déjà prévu que les décisions
du Conseil « prennent effet dès leur prononcé et ne sont susceptibles
d’aucun recours ». Dans les faits, les pouvoirs publics concernés
par la Constitution sont constitués du Président de la République,
du Gouvernement et du Parlement. Ainsi, pour une meilleure
édification et une consolidation certaine de l’État de droit, le
Président de la République ne doit pas promulguer une loi déclarée
inconstitutionnelle. Lorsque la décision porte uniquement sur la
déclaration d’inconstitutionnalité, l’autorité publique présidentielle
et le citoyen sont clairement fixés sur la suite à réserver au processus
normatif. Afin d’assurer la sécurité juridique dans l’État, ce que le
Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la loi fondamentale
n’est pas opposable à qui que ce soit, car, l’inconstitutionnalité
suppose un texte projeté de loi, certes adopté, mais frappé
d’inexistence juridique au regard de l’ordre constitutionnel de
référence. L’alinéa 2 de l’article 50 est clair : lorsque le Conseil
constitutionnel a décidé de l’inconstitutionnalité d’une loi, celle-
ci « ne peut être ni promulguée ni mise en application ». La procédure
légale de validation des mandats des députés soumise à l’appréciation
du Conseil constitutionnel et qui y a opposé une invalidation
constitutionnelle a-t-elle pour autant bénéficié des effets prescrits
à l’article 50 de la Constitution ? Une réponse négative s’impose.
Dès lors, s’il est un argument qui étaye l’insécurité constitutionnelle

36-
Article 15 alinéa 3 de la loi n°2004/004.

143
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

dans laquelle sont plongées les justiciables au Cameroun, c’est


bien le fait que le Président de la République, en violation de
la Constitution, s’est cru fonder à donner suite à la procédure
législative par promulgation de la loi portant règlement intérieur
de l’Assemblée Nationale37.

Faire fi d’une décision du juge constitutionnel amène les citoyens


à désespérer de la justice constitutionnelle et à remettre en cause
les fondements de l’État de droit au Cameroun. Par ailleurs,
la même obligation pèse sur les parlementaires qui doivent
appliquer les décisions du Conseil notamment en ce qui concerne
leur règlement intérieur dont les dispositions déclarées non
conformes doivent être abrogées ou remplacées. En revanche,
l’exécution des décisions du Conseil constitutionnel doit être
analysée différemment en ce qui concerne l’autorité judiciaire.
Ainsi, l’article 50 de la Constitution dispose que les décisions
du Conseil constitutionnel s’imposent à la Cour suprême. Le
Conseil constitutionnel est créé par le titre VII, tandis que le
pouvoir judiciaire confié à la Cour suprême est créé par un titre
différent. Il est vrai que le Conseil constitutionnel ne coiffe pas
l’ensemble du système juridictionnel comme c’est le cas aux
États-Unis et dans les pays ayant un ordre juridictionnel unique.
Dès lors, les formations de la Cour suprême peuvent s’écarter
de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Et, en l’absence
d’un organe de règlement des conflits de jurisprudence, c’est
bien la jurisprudence du Conseil qui en souffrirait, sauf à réaliser
l’expérience française puisque c’est bien volontairement que le
Conseil d’État et la Cour de cassation ont décidé de donner plein
effet aux décisions du Conseil constitutionnel38. Finalement, la
37-
ABA’A OYONO (J. C.), « L’insécurité juridique en matière constitutionnelle. Questionnement sélectif sur
l’articulation et la pratique constitutionnelle au Cameroun », art. cité, p.121.
38-
Pour le point complet, lire DERRIEN (A.), Les juges français de la constitutionnalité, étude sur la construc-
tion d’un système contentieux : Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Cour de cassation : trois juges pour une
norme. Thèse, Université Bordeaux IV, 2000.

144
Émile MENGUE MBOUE

question souligne davantage le souci pour les deux ordres de


juridictions de rester mutuellement à l’écoute l’un de l’autre
et de construire un socle qui constitue l’espoir de l’État de
droit en l’absence d’un contrôle de constitutionnalité par voie
d’exception39.

B. L’inertie du Conseil constitutionnel dans le contrôle de


constitutionnalité a posteriori

L’État de droit ne peut être effectif que si les juges se prononcent


sur les cas de violation de droit soumis à leur appréciation.
C’est dire que l’accès à la justice apparait comme le pilier
fondamental, la clef de voûte de tout État de droit. Autrement
dit, il faut que l’accès au prétoire soit consacré par le législateur
et relativement aisé pour les justiciables. C’est là une condition
d’une bonne justice. Mais peut-on en dire autant de la justice
constitutionnelle camerounaise où le constituant a opté pour
le silence en matière de contrôle de la constitutionnalité des
normes par voie d’exception (1). Il faut dire que ce choix paralyse
l’action du Conseil constitutionnel face aux atteintes des droits
fondamentaux, par des normes infra-constitutionnelles en
vigueur. Cela concoure dès lors, à la formation d’une insécurité
constitutionnelle croissante qui fragilise la construction de
l’arche sacrée qu’est l’État de droit (2).

39-
FAVOREU (L.), « L’application des décisions du Conseil constitutionnel par le Conseil d’État et le Tribunal
des conflits », RFDA, 1987, pp. 264-280.

145
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

1. Le silence constitutionnel, fondement de l’inertie du Conseil


constitutionnel à l’État de droit

Le contrôle a posteriori intervient après que le texte adopté ait


fait l’objet de la promulgation. Évidemment, le citoyen est enfin
informé du contenu qui lui est dorénavant opposable. L’absence
d’un tel contrôle dans le système juridique camerounais constitue
sans doute une faiblesse de la dynamique évolutive du processus
de construction de l’État de droit. En effet, ce contrôle permet
une meilleure garantie des droits fondamentaux40. Aujourd’hui,
inséparable de la justice constitutionnelle, la garantie des droits
fondamentaux s’inscrit parfaitement au cœur de la mission de toute
juridiction constitutionnelle. Quelles que soient les circonstances
de sa création et son historicité, « une juridiction constitutionnelle
n’est pas digne de cette appellation si elle n’a au moins la compétence
d’invalider les lois qui enfreignent les droits fondamentaux »41. André
ROUX l’explique fort bien lorsqu’il affirme que « la garantie de
la Constitution n’est pas seulement nécessaire pour assurer la
cohérence et la validité du système normatif. Elle vise aussi à
protéger les droits et libertés des individus contre les atteintes du
législateur, tant il est vrai, que si la loi, expression d’une volonté
générale irréprochable, a longtemps été considérée comme
devant être exemptée de tout contrôle de constitutionnalité,
il est apparu que la loi, en tant qu’expression de la volonté du
pouvoir politique majoritaire, pouvait présenter une menace pour
les droits fondamentaux »42. Cette explication du juriste français
révèle toute l’importance du contrôle a posteriori pour une
40-
VERDUSSEN (M.), Justice constitutionnelle, Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 94-95.
41-
Ibid., p. 94.
42-
ROUX (A.), « Contrôle de constitutionnalité. Organisations juridictionnelles », in TROPER (M),
CHAGNOLLAUD (D.), (dir.), Traité international de droit constitutionnel, t. 3, Paris, Dalloz, 2012, p. 108.

146
Émile MENGUE MBOUE

meilleure protection des droits fondamentaux et partant, pour une


construction dynamique de l’État de droit.

En outre, la situation est d’autant plus préoccupante lorsque,


le juge, qu’il soit administratif ou judiciaire, saisi d’une action
principale relevant de son champ de compétence autre que la
matière constitutionnelle, peut-être, en cours de débat, confronté
à l’invocation incidente par l’une des parties d’une loi estimée
inconstitutionnelle. Doit-il sursoir à statuer et renvoyer la
question au Conseil constitutionnel ? Ou alors est-il habilité à
trancher ladite question et s’arroger ainsi un nouveau titre de
compétence ? En principe, « ce juge n’a besoin d’aucun texte pour
qu’il se reconnaisse compétent pour juger l’inconstitutionnalité de
la loi (…). Il examine l’exception d’inconstitutionnalité du seul
fait qu’il est compétent pour dire le droit »43. Ou encore sur le
fondement de la théorie des pouvoir implicites, il est habilité à
dire le droit44. Inopportunément, la paralysie constitutionnelle de
la juridiction constitutionnelle dans la matière du contrôle de la
constitutionnalité45, au moyen de la défense d’autosaisine, semble
avoir inspiré la solution univoque des juges administratif et
judiciaire. Dans le premier cas, celui-ci s’est constamment refusé
à procéder, par voie d’exception, au contrôle de conventionnalité,

43-
DEBBASCH (Ch.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 4 éd., Paris, Economica, 2001, p. 99.
44-
DONFACK SOKEN (L.), « Cameroun : contrôle de constitutionnalité des lois, hier et aujourd’hui : réflexion
sur certains aspects de la réception du constitutionnalisme moderne en droit camerounais », in la réforme
constitutionnelle du 18 janvier 1996, RJPIC, n°3, 1996, p.382.
45-
MONEMBOU (C.), La séparation des pouvoirs dans le constitutionnalisme camerounais, Contribution à
l’étude de l’évolution constitutionnelle, Thèse de doctorat en droit public, Université de Yaoundé II, 2011, 489p.

147
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

soit implicitement46, soit explicitement47. Quant au second,


la situation diffère selon la nature du juge. Si l’abstention du
magistrat est à la mesure de l’étendue restreinte de ses pouvoirs
traditionnels, « le juge de l’action [n’étant par ailleurs] pas le juge
de l’exception », le rejet par le juge répressif du contrôle de
constitutionnalité des lois par voie d’exception a été formellement
marqué dans l’affaire dite des « coffres forts »48.

Au péril de l’État de droit, la juridiction constitutionnelle apparait


quasiment bloquée en amont de son fonctionnement. Et si elle
venait tout de même à assurer l’exercice de ses attributions
contentieuses en aval, contre vent et marées, la confrontation du
droit et du pouvoir politique finit par révéler en filigrane, l’image
d’une insécurité constitutionnelle sans cesse croissante.

2. Le risque d’une insécurité constitutionnelle fragilisant


l’État de droit

Dans la plupart des États africains, le Conseil constitutionnel a été


établi dans un but essentiel : garantir la sécurité constitutionnelle
par le contrôle de l’activité parlementaire49. Ainsi, ce n’est que
progressivement que la jurisprudence et les textes ont fait de lui «
le protecteur efficace des droits et libertés de l'homme et du citoyen » 50

46-
CFJ/CAY, arrêt n°178 du 29 mars 1972, MOUELLE KOULA Eitel c/RFC et 194 du 25 mai 1972, NANA
TCHANA Daniel c/RFC.
47-
CFJ/CAY, arrêt n°4 du 28 octobre 1970, Société des Grands Travaux de l’Est c/ État du Cameroun : le juge
affirme : « qu’à supposer même que le principe de non-rétroactivité des lois soit une règle constitutionnelle et
que la loi pour l’avoir méconnue soit inconstitutionnelle, il n’appartient pas à la Chambre administrative de la
Cour Fédérale de Justice de l’annuler, ni même d’en écarter l’application ».
48-
Cour d’appel de Garoua, Chambre criminelle, Arrêt n°9 du 5 mai 1973 : « En tout état de cause, la juridiction
répressive n’est pas au Cameroun juge de la constitutionnalité des lois ».
49-
LUCHAIRE (F.), Le Conseil constitutionnel, 2e éd., Paris, Economica, 1997, p. 21.
50-
Idem.

148
Émile MENGUE MBOUE

qu’il est aujourd’hui. Dans les démocraties occidentales, le juge


constitutionnel est apparu pour mettre fin à l’absolutisme du
Parlement51. Il se présente donc d’emblée comme le défenseur des
prérogatives de l’exécutif52. En revanche, en Afrique et notamment
au Cameroun, « ce n›est pas l'Exécutif qui doit être défendu »53 , sauf
« à pérenniser sa position dominante sur le jeu institutionnel »54.
C’est plutôt le pouvoir législatif qui a besoin d’être protégé et
dans ce sens le juge constitutionnel devra « essayer de rééquilibrer
le jeu institutionnel et contenir l’ancienne tendance du pouvoir
exécutif à faire adopter par une assemblée godillot et des élus
dociles des textes souvent manifestement anticonstitutionnels,
attentatoires aux libertés et source d’insécurité juridique »55.
Ainsi, au vu du flou apparent de l’existence formelle du contrôle
par voie d’exception en droit constitutionnel camerounais, et des
conséquences qui en résultent, une partie de la doctrine estime
que le constituant n’interdit pas le contrôle par voie d’exception
même s’il ne le prévoit pas expressément56. Il est vrai que le
problème s’est posé lors de l’élaboration du texte. Les différents
comités étaient partagés entre ceux qui soutenaient l’option d’une
meilleure construction de l’État de droit à travers l’insertion d’un
contrôle par la voie d’exception et ceux qui estimaient que cette
voie n’était pas admise par la Constitution. La question, au fond,
est de savoir si le constituant avait interdit cette option lors de
51-
C’est le cas de la France notamment sous la IIIème et la IVème Républiques.
52-
BOULOUIS (J.), « Le défenseur de l’exécutif », Pouvoirs, n° 13, 1980, pp. 33-40.
53-
CONAC (G.), « Le juge constitutionnel en Afrique, censeur ou pédagogue ? », in CONAC (G.) (dir.), Les
Cours suprêmes en Afrique, t. 2, Paris, Economica, 1989, p. 1616..
54-
OLINGA (A. D.), « La naissance du juge constitutionnel camerounais. La commission électorale nationale
autonome devant la Cour suprême », n°36, 1998, Juridis périodique, p. 71.
55-
Idem. Sur la domination de l’exécutif en Afrique, lire à ce propos GlCQUEL (J.), « Le présidentialisme né-
gro-africain ; l’exemple camerounais », in Mélanges offerts à Georges Burdeau, Paris, LGDJ, 1977, pp. 701-725.
56-
NGUELLE ABADA (M.), « Le contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun », in La constitution
camerounaise du 18 janvier 1996 Bilan et perspectives, Yaoundé, Afrédit, 2007, p. 67.

149
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

l’élaboration du texte du 18 janvier 199657. Si l’on remonte aux


travaux du comité présidé par Joseph OWONA, une disposition
relative à la Cour constitutionnelle prévoyait la saisine par tout
citoyen. Mais lors des débats, au sein du comité, la saisine par
les citoyens avait été écartée au motif qu’« il y a un risque certain
d’enlisement de la cour si tout citoyen peut par voie d’action la saisir.
Mieux vaudrait réserver la saisine à un groupe parlementaires »58.
Le comité a ainsi préféré l’option de la saisine par la minorité
parlementaire. Mais la question de la construction de l’État de
droit à travers l’exception d’inconstitutionnalité restait entière.
Le consultant chargé de l’élaboration des textes sur le Conseil
constitutionnel avait introduit dans son avant-projet de loi portant
organisation et fonctionnement du Conseil un article 21 ainsi
rédigé : « toute personne partie à un procès devant toute juridiction qui
estime qu’une loi invoquée à l’occasion du litige porte atteinte à ses droits
fondamentaux et libertés proclamés et garantis par la Constitution et
qui n’avait pas été déférée en temps utile au Conseil constitutionnel,
est fondée à soulever une exception d’inconstitutionnalité à
l’encontre de ladite loi devant le juge »59. Le consultant a opéré
une analyse combinée du préambule et de l’article 65 de la
Constitution selon lequel « le préambule fait partie intégrante de la
constitution ». L’introduction du fameux article 21 aurait offert la
possibilité au citoyen de mettre en œuvre la garantie de ses droits
fondamentaux par le biais de l’exception d’inconstitutionnalité60
permettant ainsi de charpenter l’État de droit en construction. De
même, cette éventualité mettrait en place un mécanisme « naturel
57-
Le projet de révision de la Constitution soumis à l’Assemblée nationale ne prévoyait pas l’option de
l’exception d’inconstitutionnalité. Les députés à la réforme ne pouvaient donc pas se prononcer sauf à soulever
cette option. Ce qui n’a pas été le cas.
58-
Le comité présidé par le Professeur OWONA a effectivement planché sur la question.
59-
Cf. document présenté au gouvernement par le cabinet indépendant, inédit.

150
Émile MENGUE MBOUE

et universel » de saisine subsidiaire de l’organe de contrôle de


constitutionnalité61 donc, ce faisant, l’objectif était de garantir la
sécurité juridique, la culture démocratique et surtout le respect
des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés
publiques énoncées dans le préambule de la Constitution. Les
systèmes constitutionnels comparables s’inscrivent dans cette
optique. Le Bénin est l’exemple même de l’ouverture complète
du prétoire du juge constitutionnel aux citoyens. Aux termes de
l’article 24 de la loi du 04 mars 1991 « tout citoyen peut (…) saisir
directement la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité des
lois. Il peut également, dans une affaire qui le concerne, invoquer
devant une juridiction l’exception d’inconstitutionnalité »62 . Le
Bénin a été suivi par le Congo dans cette voie car conformément
aux articles 43 et 48 de la loi congolaise « tout particulier
peut saisir la Cour constitutionnelle sur la constitutionnalité
des lois, soit directement, soit par la procédure de l’exception
d’inconstitutionnalité »63. Certains pays comme le Burkina Faso
ont opté uniquement pour l’exception d’inconstitutionnalité, suivi
par le Niger et le Cambodge64. Au surplus, le Gabon apporte une
innovation majeure dans la mesure où il admet non seulement
60
- On pourra consulter sur cette question : DELPERE (F.) (dir.), Le recours des particuliers devant le Conseil
constitutionnel, Paris, Economica, 1991 ; Egalement, FAVOREU (L.), Les Cours constitutionnelles, 2ème éd., Paris,
Economica, 1999, p. 73 et s; RENOUX (T.), « L’exception, telle est la question », RFDC, n° 4, 1990, p. 651 ;
FROMONT (M.), « La Cour constitutionnelle fédérale et le droit », Droits, 1990, p. 11 ; KELSEN (H.), « Le contrôle
de constitutionnalité des lois. Une étude comparative des constitutions autrichienne et américaine », RFDC, 1990.
61-
L’exception d’inconstitutionnalité a différemment été réglée dans les systèmes juridiques contemporains : elle
est organisée dans certaines constitutions africaines : Cf. Articles 24 de la loi du 4 mars 1991 au Bénin, 25 de la
loi du 27 avril 2000 au Burkina Faso, 43 et 48 de la loi du 17 janvier 2003 au Congo, 21 de la loi du 14 août 2000
au Niger, 20 de la loi du 30 mai 1992 au Sénégal, 19 de la loi du 2 novembre 1998 au Tchad ; Lire DU BOIS DE
GAUDUSSON (J.), « Les procédures de garantie et leurs limites dans les constitutions francophones africaines »,
Revue trimestrielle des droits de l’homme, 1990, pp. 249-256.
62-
Art. 24 de la loi du 4 mars 1991
63-
Articles 43 et 48 de la loi du 17 janvier 2003..
64-
Art. 19 de la loi du 8 avril 1998 au Cambodge. Cf. Articles 25 de la loi burkinabé et 21 de la loi du Niger
précités.

151
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

la voie d’exception et que la saisine ne vise pas uniquement les


lois mais également les ordonnances et actes réglementaires65. La
question au demeurant est de savoir si le législateur camerounais a
consacré l’exception d’inconstitutionnalité. La réponse d’emblée
négative, se justifie en ce sens que le constituant, en accordant
le droit de saisine et en limitant les personnes pouvant saisir le
Conseil constitutionnel, entendait par-là exclure d’autres personnes
du droit de saisine. Par conséquent une législation qui ouvrirait le
droit de saisine sans modification de la Constitution contreviendrait
aux dispositions de celle-ci. La modification de la Constitution
exigée pour introduire cette exception aurait simplement nécessité
l’inscription suivante dans un alinéa de l’article 47 : « les autres
autorités investies du pouvoir de saisine peuvent être déterminés
par la loi ». Économie des dispositions, mais aussi ouverture vers
l’éventualité d’une action législative au service de l’État de droit.

II. LA CONSOLIDATION DE L’ÉTAT DE


DROIT À TRAVERS LA RÉGULATION DU
PROCESSUS ÉLECTORAL PAR LE CONSEIL
CONSTITUTIONNEL

Au-delà du contrôle de la constitutionnalité des normes, l’État


de droit semble désormais faire du contentieux électoral
une préoccupation majeure. En droit positif camerounais, le
Conseil constitutionnel initialement consacré comme juge de
la conformité de la loi à l’ensemble des règles et principes à
valeur constitutionnelle, s’est transformé d’une part, en gardien
des droits et libertés des citoyens contenus dans le préambule,
et d’autre part, en garant de l’expression libre et sincère de la
65-
Art. 45 de la loi gabonaise du 28 septembre 1991.

152
Émile MENGUE MBOUE

volonté du corps électoral. Ces attributions soulèvent de manière


concomitante, le règlement par cette institution d’un contentieux
normatif et électoral. La présente étude, axée sur le contrôle de
la régularité des élections nationales sera limitée au contrôle des
élections présidentielles et législatives. Dans ce sens, l’office du
Conseil constitutionnel camerounais, porte tant sur le contrôle de
la régularité des opérations préélectorales (A) que sur le contrôle
de la régularité des opérations intimement liées au scrutin (B).

A. Le contrôle de la régularité des opérations préélectorales

Dans un État de droit, l’intervention en amont d’une Cour ou d’un


Conseil constitutionnel, que ce soit par le règlement approprié
de conflits préélectoraux ou par une judicieuse régulation des
premières étapes du processus électoral, peut éviter la survenance
d’une crise. Les actes préparatoires des élections politiques
constituent des éléments essentiels pour un scrutin libre, transparent,
concurrentiel et démocratique. Ces actes peuvent ouvrir la voie
à un litige. C’est ce que la doctrine appelle communément le
contentieux préélectoral. Le Conseil constitutionnel connaît des
contestations ou réclamations relatives à l’acceptation ou au rejet
des candidatures d’une part (1) et du contentieux des sigles et
couleurs des partis politiques, qu’il règle en attribuant suivant
l’ordre d’ancienneté de son acte de légalisation d’autre part (2).

1. Le Conseil constitutionnel, juge du contentieux des listes de


candidature

Au Cameroun, tout comme dans la plupart des États d’Afrique


noire francophone, les candidatures constituent l’acte initial et
fondamental de la représentation politique et sont indissociables du

153
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

pluralisme66. Elles favorisent l’expression des courants d’opinion, et


permettent de présenter et de véhiculer les programmes politiques67.
Chargé de veiller à la régularité des opérations préliminaires en
vue d’une construction heureuse de l’État de droit, le Conseil
constitutionnel connaît des contestations ou réclamations relatives à
l’acceptation ou au rejet des candidatures68. Ce contentieux soulève
la problématique de la déclaration des candidatures69. Celle-ci revêt
un double intérêt en matière électorale, elle permet aux électeurs
de connaître ceux qui sollicitent leurs suffrages d’une part, et,
ouvre la voie au contrôle de l’éligibilité des candidats d’autre part.
L’élection présidentielle témoigne à suffisance cette réalité.
En effet, relativement à cette élection, il ressort des articles 11770 à
11871 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral,
66-
L’existence des partis politiques entraîne par voie de conséquence leur représentation au sein de la scène
politique. Ils concourent dès lors, conformément à l’article 3 de la Constitution camerounaise à l’expression du
suffrage. LISSOUCK (F.), Pluralisme politique et droit en Afrique noire francophone : Essai sur les dimensions
institutionnelles et administratives de la démocratisation en Afrique noire francophone, Thèse de Doctorat en
Droit public et analyse politique, Université Jean-Moulin-Lyon 3, 2000, p. 13.
67-
MANDENG (D.), La procédure contentieuse en matière électorale : recherches sur le contentieux des élec-
tions au Cameroun, Thèse de Doctorat en droit public, Université de Poitiers, 2017, p. 121.
68-
OLINGA (A. D.), « Conseil constitutionnel, Espoir de l’émergence d’une société de droit », L’Équatorial,
n° 49, 2004, pp. 6-7. ; BOLLE (S.), « Les juridiction constitutionnelles africaines et les crises électorales »,
Les Cours constitutionnelles et les crises, Association des Cours constitutionnelle ayant en partage l’usage du
français, 5ème Congrès, Cotonou, 22-28 juin 2009, p. 3.
69-
LAFFERRIÈRE (E.), Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux, t. 2, 1ère éd., Ber-
ger-Levrault et Compagnie Librairie Editeurs, 1888, p. 324 ; JAUME (L.), « La représentation : une fiction
malmenée », Pouvoirs, n°120, 2007, p. 5.
70-
L’article 117 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral dispose « Les candidats aux
fonctions de Président de la République doivent jouir de la plénitude de leurs droits civiques et politiques et avoir
trente-cinq (35) ans révolus à la date de l›élection. Ils doivent être citoyens camerounais d›origine et justifier
d'une résidence continue dans le territoire national d›au moins douze (12) mois consécutifs et d›une inscription
sur les listes électorales à la date du scrutin ».
71-
L’article 118 ajoute une d’autres conditions d’éligibilité et précise la compétence du Conseil constitutionnel en
disposant : « Sont inéligibles les personnes qui, de leur propre fait, se sont placées dans une situation de dépendance
ou d›intelligence vis-à-vis d›une personne, d›une organisation ou d’une puissance étrangère ou d›un État étranger.
L›inéligibilité est constatée par le Conseil constitutionnel dans les trois (03) jours de sa saisine, à la diligence de toute
personne intéressée ou du ministère public ». De même, l’article 43 loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organi-
sation et fonctionnement du Conseil constitutionnel s’inscrit dans ce registre. En effet cet article dispose, « le Conseil
constitutionnel est juge de l’éligibilité à la présidence de la République. Toute personne dont la candidature n’a pas
été retenue est habilitée à contester la décision de rejet devant le Conseil constitutionnel dans les conditions prévues
par les lois électorales en vigueur ».

154
Émile MENGUE MBOUE

certaines dispositions relatives aux conditions d’éligibilité. Parmi


celles-ci, les conditions subjectives d’éligibilité, notamment les
prescriptions relatives à la nationalité, à l’âge, à la résidence
continue, à la moralité du candidat et à la jouissance des droits
civiques ainsi que des facultés mentales. L’inobservation de
l’une de ces prescriptions constitue une irrégularité susceptible
de donner lieu au contentieux devant le Conseil constitutionnel.
Sur la non jouissance des droits civiques par exemple, la haute
juridiction a eu à rejeter le recours introduit par le sieur EDZOA
TITUS dans son arrêt du 3 octobre 199772. En l’espèce, le juge
rejette le recours introduit aux fins de validation de sa candidature
par le sieur EDZOA TITUS, motif pris de ce que celui-ci fait
l’objet de détention préventive, toute chose ne permettant pas au
requérant de jouir de la plénitude de ses droits civiques et politiques
comme le prévoit l’article 6, alinéa 5 de la loi constitutionnelle du
18 janvier 1996. Cette décision s’inscrit en tout état de cause dans
la logique de la stricte application de la loi, et confirme d’ailleurs
le rôle de protecteur du suffrage universel attribué au Conseil
constitutionnel dans un Etat de droit73.
Par ailleurs et dans le même ordre d’idée, les articles 120 à 131
du code électoral apportent des précisions sur les conditions de fond
relatives à la déclaration de candidature74. Ces conditions sont
pour l’essentiel relatives au contenu du dossier de candidature,
au temps de déclaration de candidature et à l’autorité habileté à
72-
Arrêt n°04/CE/97/98 du 3 octobre 1997 Cour suprême statuant comme Conseil constitutionnel.
73-
KOSSA (S.), « Les élections présidentielles devant le juge constitutionnel. Étude de cas des États d’Afrique
noire francophone », Revue de droit public et de science politique en France et à l’étranger, n° 5, 2013, p. 1303. ;
GICQUEL (J.), « Le présidentialisme négro-africain. Le cas camerounais », at. cité, p. 701 et s. ; KAMTO (M.),
« Le contentieux électoral au Cameroun », Lex lata, n°20, 1995, pp. 3-4.
74-
TCHEUWA (J.C.). « Les principes directeurs du contentieux électoral camerounais : à propos de l’influence
significative sur le résultat du scrutin dans sa mise en œuvre à l’occasion des élections législatives et municipales
du 22 juillet 2007 », RFDC, n°86, 2011, pp. 41-29.

155
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

recevoir les déclarations de candidature75. Certes, le contentieux


relatif à l’enregistrement des candidatures est abondant76, il faudrait
cependant souligner qu’il n’aboutit pas toujours à la décision
escomptée par les requérants77. Un taux élevé de rejet est à
décrier, parce que le Conseil réhabilite dans de moindres proportions,
les candidatures rejetées.

Cette rigueur, voire cette audace du Conseil constitutionnel reste


valable pour les élections législatives78. Dans son arrêt n° 11/
CEL/07 du 07 juin 2007, BAMI Emmanuel DINGHA (RDPC)
c/ Etat du Cameroun (MINATD), circonscription électorale du
Ngoketunjia South, la Cour suprême, faisant office de Conseil
constitutionnel, s’est prononcée sur un cas de contentieux de
candidature. Cet arrêt a permis au Conseil de disqualifier la
candidature du sieur GAZBSA NYUNGHA pour inobservation
de certaines règles de forme dans la Constitution du dossier de
candidature.

En l’espèce le Conseil relève que sieur GAZBSA a produit des


pièces non conformes, notamment : « a) une déclaration de
candidature sans signature légalisée, b) une photocopie de son
acte de naissance en lieu et place d’une copie d’acte de naissance
datant de moins de trois mois, c) l’original d’un cautionnement
75-
Le contenu du dossier de candidature est indiqué à l’article 122 du code électoral aux termes duquel, « les
déclarations de candidature doivent indiquer : les noms, prénoms, date et lieu de naissance, profession et
domicile des intéressés ; la couleur, le signe et le titre choisis ».
76-
Arrêt n°13/CEP du 20 septembre 2011 ; affaire BENZ ENOW BATE contre Élections Cameroun. Voir
également Arrêt n° 19/CE/04-05 du 1er octobre 2004 affaire MILA ASSOUTE Pierre C/Etat du Cameroun
(MINAT). Arrêt n° 25/CE/2004 du 1er octobre 2004, affaire EL HADJ BABA YOUSOUFA.
77-
MANDENG (D.), La procédure contentieuse en matière électorale : recherches sur le contentieux des élec-
tions au Cameroun, op.cit., p. 122. MOUELLE KOMBI (N.), « La condition juridique de l’électeur en droit
camerounais ». RASJ, vol. 1, n°2, 2000, pp. 57-79.
78-
Art. 164 à 167 du code électoral.

156
Émile MENGUE MBOUE

(formalité d’ordre public) au non d’une autre personne dénommée


FON DOH GAH GWAYIN III en guise de cautionnement ; Qu’au
surplus, ledit dossier ne renferme aucune attestation d’investiture
de l’intéressé en qualité de candidat investi par le RDPC (…)
». Ainsi, après avoir statué sur la recevabilité de sieur BANMI
Emmanuel DINGHA, le juge décide qu’« il est ordonné au
Ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation
d’accepter la liste de candidature des nommés BANMI Emmanuel
DINGHA et madame PINGPO née NKWENTI Margaret
HONGWE, respectivement candidats titulaire et suppléant du
Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais dans la
circonscription électorale du Ngoketunjia South (Balikumbat) »79.
Par cette décision emprunte de rigueur, d’audace et d’autorité, le
Conseil constitutionnel s’illustre comme l’architecte en Chef de la
construction de l’Etat de droit au Cameroun. Il l’est davantage à
travers la régulation du contentieux des couleurs sigles et symboles.

2. Le Conseil constitutionnel, juge du contentieux des couleurs


sigles et symboles

Le contrôle des opérations préliminaires porte sur la vérification


du respect des conditions de forme et de fond prescrites par la
loi. La contestation de la régularité de ces opérations devant le
Conseil constitutionnel obéit à un même régime juridique et
concerne l’élection du Président de la République, des députés
à l’Assemblée Nationale et des sénateurs. Autrement dit, le
contentieux des couleurs, sigles et symboles est organisé suivant
les mêmes exigences que le contentieux de la candidature sans
79-
Arrêt n° 11/CEL/07 du 07 juin 2007, BAMI Emmanuel DINGHA (RDPC) c/ État du Cameroun (MINATD),
circonscription électorale du Ngoketunjia South, JP, n° 106, Avril-Mai-Juin 2016, p. 53.

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« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

s’y confondre. Les contestations ou les réclamations relatives


à la couleur, au sigle ou au symbole adoptés par un candidat
sont soumises à l’examen du Conseil Constitutionnel par tout
candidat, tout parti politique ayant pris part à l’élection ou toute
personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour ladite
élection, dans un délai maximum de deux (02) jours suivant la
publication des candidatures. Elles sont faites sur simple requête
adressée au Conseil constitutionnel. Sous peine d’irrecevabilité,
et en conformité avec les principes et valeurs de l’État de
droit, la requête doit préciser les faits et les moyens allégués.
Elle est communiquée à toutes les parties intéressées par tout
moyen rapide, laissant trace écrite puis affichée au Conseil
constitutionnel dans les vingt-quatre (24) heures suivant le dépôt
de la requête. Ces contestations font l’objet d’un procès. Ainsi,
les mémoires en réponse sont déposés dans les vingt-quatre (24)
heures suivant la communication ou l’affichage de la requête. Il
en est donné récépissé par le Conseil constitutionnel. Le Conseil
constitutionnel statue dans un délai maximum de dix (10) jours
suivant le dépôt de la requête.

En cas de confusion des couleurs, sigle ou symbole adopté par


plusieurs candidats ou partis, le Conseil constitutionnel attribue
à chaque candidat ou parti sa couleur, son sigle ou son symbole
traditionnel, par ordre d’ancienneté. La décision prise par le Conseil
constitutionnel à la suite de ce recours est immédiatement notifiée
au Conseil Electoral et aux autres parties intéressées. Au demeurant,
la place du Conseil constitutionnel dans le processus électoral
camerounais vise une construction sans faille de l’État de droit dont
il exprime les valeurs. Le respect de celui-ci passe nécessairement
par le contrôle de la régularité des opérations électorales.

158
Émile MENGUE MBOUE

B. Le contrôle de la régularité des opérations électorales

Le contentieux électoral est un instrument incontournable dans la


construction de l’État de droit. Il permet d’assurer la crédibilité
du scrutin et la détermination du candidat victorieux. Le rôle du
Conseil constitutionnel, juge des élections politiques nationales,
consiste à cet effet à assurer la sérénité (1) et la sincérité des
résultats du scrutin (2). Il veille de ce fait, à la régularité de
l’ensemble du processus électoral.

1. La garantie de la sérénité du scrutin

En droit électoral camerounais, la liberté et l’égalité de vote


sont de véritables exigences incontournables pour une élection
qui justifient et orientent l’action du juge constitutionnel. La
liberté de choix des électeurs exige d’abord que ceux-ci puissent
physiquement prendre part au vote80. Ainsi, le citoyen qui le
souhaite, devra se rendre dans le bureau de vote approprié pour
exercer son droit civique pour autant qu’il en remplisse les
conditions.

A contrario, tout citoyen qui ne désire pas prendre part au vote,


peut tout aussi librement s’abstenir. Dans un cas comme dans
l’autre, le juge constitutionnel est compétent pour garantir la
sérénité du scrutin81. En clair, dans un État de droit, le juge des

80-
BARBONSOU (A. B.), Le Conseil constitutionnel, juge du contentieux des élections politiques nationales au
Tchad : Les élections présidentielles et législatives de 1996 à 2011, Mémoire de Master en droit public, FSJP,
UDS, 2012-2013, p. 235.
81-
Le juge vérifie que les électeurs ont été à l’abri de toute pression extérieure pouvant influencer le choix des
candidats. A ce titre, lire la décision n°10/CE/CC/2018, du 03 Avril 2018, affaire, Jean Delors MBEM, président
du parti politique E.S.D.C c/ ELECAM, RDPC, SDF, UNDP, UDC, FSNC, UPC, UMS, ANDP et UDP.

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« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

élections politiques nationales est habilité à examiner les faits


ayant pu exercer une influence sur la volonté des électeurs. Il peut
s’agir par exemple d’un climat d’insécurité lié à la profusion de
menaces ou d’actes d’intimidations. Par cette fonction, le juge
constitutionnel apparait comme le véritable protecteur des acteurs
électoraux contre les violences physiques. La haute juridiction a
confirmé cette fonction dans l’affaire SDF c/État du Cameroun
(MINAT)82. Dans l’arrêt rendu en 1997, relatif aux opérations
électorales dans la circonscription électorale du NDE, le juge
constitutionnel transitoire, juge électoral, annulera les élections
législatives dans le NDE en prenant en compte le fait qu’« un
certain NANA Esaïe, militant RDPC et proche de TCHOUTA
Moussa dudit parti, avait arme au poing, fait irruption dans le
bureau de vote n°48 et, après avoir tiré un coup de feu sur un
militant du SDF, s’empara de l’urne »83.

Par ailleurs, le juge constitutionnel s’avère également regardant


sur les menaces proférées à l’endroit des acteurs électoraux.
Lorsque la preuve desdites menaces est établie, ce dernier n’hésite
pas à prononcer l’annulation des élections dans la zone querellée.
Dans l’affaire UNDP c/Etat du Cameroun (MINAT) dans la
circonscription électorale du MAYO BANYO relativement aux
élections législatives de 1997, le recourant, le sieur INOUA
Mohamadou, tête de liste de l’UNDP, rapportait ainsi les menaces
contre ces militants en ces termes, « un de nos représentants qui
a insisté s’est vu saisi par la lame du couteau menaçante du chef de
village, ce garçon se voyait égorgé »84. De telles déclarations
82-
Arrêt n°46/CE/016-97, 03 Juin 1997.
83-
Ibid.
84-
NGATTI (E.-B.), La contribution du conseil constitutionnel à la consolidation de l’Etat de droit au Came-
roun, op. cit., p. 80.

160
Émile MENGUE MBOUE

constituent de façon péremptoire des menaces univoques contre


l’intégrité physique des acteurs électoraux. L’État de droit et la
démocratie représentative pourraient-ils se construire dans un tel
contexte ? Non évidemment, et c’est tout l’intérêt de l’office du
juge constitutionnel qui, au-delà d’être le juge de la sérénité du
scrutin, sanctionne avec fermeté lesdites atteintes en procédant à
l’annulation partielle ou totale de l’élection.

2. La garantie de la sincérité du scrutin

Dans sa volonté de contribuer significativement à la construction


de l’État de droit, le juge constitutionnel camerounais, en matière
électorale, dispose d’un certain nombre de compétences qui vont
bien au-delà de la garantie de la sérénité du scrutin. En effet, ce
dernier est compétent en matière de contestations ou réclamations
relatives au décompte des suffrages. Ainsi, il dispose d’un large
pouvoir pour fonder sa conviction sur la régularité du scrutin85.
Son pouvoir n’est pas seulement un acte de connaissance, mais
un acte de volonté, puisqu’il n’est jamais réduit à une pure et
stérile application du droit, même lorsqu’il est limité par une
loi substantive86. Dès lors, le juge constitutionnel examine
subséquemment, les requêtes qui visent la contestation des
résultats, afin de déterminer si des manœuvres constatées n’ont
pas vicié les résultats et altéré la sincérité du scrutin. De la
sorte, lorsqu’il a l’intime conviction que les manœuvres ont eu
une influence déterminante sur les résultats du scrutin, il peut
prononcer soit l’annulation partielle ou totale de l’élection, soit

85-
Décision n°06/ADD/CE/CC/2018, du 19 mars 2018, affaire, TCHATCHOUANG Paul (Sénateur SDF) c/
Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) et Elections Cameroon (ELECAM).
86-
RENOUX (T.), Le Conseil constitutionnel et l’autorité judiciaire, Paris, Economica, 1984, p. 28.

161
« La juridiction constitutionnelle et la construction de l’État de droit en Afrique noire
francophone : l’exemple du Conseil constitutionnel camerounais »

réformer les résultats. Il peut également, lorsque les manœuvres


n’ont eu aucune incidence sur les résultats du scrutin, proclamer
élu le candidat qui a recueilli la majorité des suffrages valablement
exprimés. Par l’arrêt n° 96/ CE du 17 juillet 2002, la Cour suprême,
juge constitutionnel transitoire s’est prononcée dans le décompte
de voix des élections législatives. En l’espèce la haute juridiction
s’engage dans un nouveau décompte des résultats qui aboutit à une
nouvelle répartition des sièges. La Cour dit : « Qu’il convient
de procéder ainsi qu’il suit au redressement des décomptes des
voies, l’examen des résultats obtenus laissant apparaitre que 867
bulletins exprimés en faveur de l’UNDP87 ont été annulés à tort :
« -Inscrits : 65 093
« -Votants : 41 747
« -Bulletins nuls : 37
« Suffrage valablement exprimés : 41 710 ventilés en pourcentage
comme suit :
« -RDPC88 : 49,58%
« -SDF89 : 26,42%
« -UFDC90: 19,12%
« -UNDP : 04,88% »

Le nouveau décompte donne au RDPC une majorité relative,


entrainant le partage de siège à raison de deux sièges pour ledit parti
et un siège pour le SDF. Au regard de ce qui précède, force est alors
de reconnaitre qu’au Cameroun, être juge, c’est nécessairement se

87-
« Union Nationale pour la Démocratie et le progrès ».
88-
« Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais ».
89-
« Social Democratic Front ».
90-
« Union des Forces Démocratiques du Cameroun ».

162
Émile MENGUE MBOUE

mettre au service de l’Etat de droit. Ainsi, le juge constitutionnel


assure la prééminence du droit comme régulateur de l’ordre
juridique et, dans le même temps, comme « puissance modératrice
de la démocratie », il limite l’exercice du pouvoir politique et prévient
ou freine les dérives de celui-ci.

En somme, dans les États de l’Afrique noire francophone, la


juridiction constitutionnelle est de toute évidence la clé de voûte
de la construction de l’État de droit. Certes, l’État de droit dépend
avant tout de l’état du droit dans une société ; mais il est également
tributaire d’un état d’esprit, et c’est sur ce plan que d’importantes
lacunes demeurent à combler au Cameroun. Dans ce pays, l’État de
droit se construit entre avancée et recul. Autant les autorités exaltent
et proclament les principes et valeurs inhérents à ce paradigme, autant
le texte et la pratique constitutionnels sont très souvent aux antipodes
de ces valeurs. Ainsi, le rôle du Conseil constitutionnel dans la
construction de l’État de droit est certes important, mais reste encore
limité. Nonobstant sa contribution en tant que juge de la régularité
des élections politiques nationales, le Conseil constitutionnel, du
fait de son inertie en matière de contrôle de la constitutionnalité des
normes, est par ailleurs source de fragilité de l’État de droit. Dès lors,
en attendant l’avènement d’un ordre constitutionnel, on est enclin
à penser que le seul moyen de garantir la construction efficace et
efficiente de l’État de droit serait d’accorder aux citoyens, le droit et
la possibilité de saisir à tout moment le Conseil constitutionnel, de
façon plus au moins indirecte comme c’est le cas ailleurs à travers
la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). Ce faisant, la
juridiction constitutionnelle deviendrait effectivement le principal
vecteur de la construction, de la consolidation et du développement
de l’État de droit au Cameroun.

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