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L3 Linguistique S5 3

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Espagnol – L3 – T2HF511 – Linguistique Chapitre 3

CHAPITRE 3 : GRAPHIE

Attention : Ce chapitre ne peut être compris que si vous avez préalablement assimilé le
contenu du chapitre 2.

INTRODUCTION

Les langues sont fondamentalement et essentiellement orales ; l’écriture n’est qu’un moyen
de transcrire, pour la conserver, cette réalité orale. Mais il n’y a aucun lien de nécessité
entre le langage humain et l’écriture ; d’ailleurs, certaines langues dans le monde sont des
langues sans écriture.

Cependant, la plupart des langues se sont dotées d’une écriture, d’un modèle de
représentation graphique, qui peut varier selon les langues, en fonction de critères
historiques, pratiques, politiques, etc. Mais d’autres systèmes graphiques auraient été
possibles et rien n’empêche qu’une même langue utilise divers systèmes d’écriture, comme
le montre l’exemple du serbo-croate, que les Serbes écrivent avec des caractères cyrilliques
et les Croates avec des caractères latins.

Les langues indo-européennes sont transcrites au moyen d’une écriture alphabétique (avec
notation des consonnes et des voyelles) ; elle sert à transcrire les sons, ou, tout au moins, et
comme on va le voir, une partie des caractéristiques de ces sons. D’autres langues ont des
systèmes graphiques différents ; certains des signes utilisés en chinois, par exemple, sont
des idéogrammes.

L’orthographe, au sens d’ensemble des normes qui déterminent la valeur et l’usage correct
des graphèmes (les lettres), est une invention relativement récente. Il ne peut y avoir
d’orthographe que s’il existe une autorité, c’est-à-dire une institution considérée comme
légitime, pour l’imposer. En Espagne, comme en France, c’est l’Académie qui joue ce rôle. Or
la création de la Real Academia de la Lengua Española (RAE) date de 1713. En espagnol
médiéval, il n’y a donc pas, à proprement parler, d’orthographe, mais simplement des
tendances plus ou moins largement acceptées et il n’est pas rare qu’un même mot soit écrit
de différentes façons, y compris, parfois, dans un même manuscrit.

En outre, il est important de comprendre que la graphie est un système conventionnel, c’est-
à-dire qu’il y règne une certaine part d’arbitraire. D’autres choix auraient pu être faits. Par
exemple, on voit que le même son peut être transcrit différemment selon les langues : <ñ>
en espagnol et galicien (España), <gn> en français et italien (Espagne, Spagna), <ny> en
catalan (Espanya) ou encore <nh> en portugais (Espanha).
Les écritures alphabétiques, dans leur principe, sont des modes de transposition graphique
très subtils, qui reposent sur une analyse phonologique, au moins implicites. Elles se révèlent

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vite d’une grande complexité, tenant notamment à l’ambivalence des graphèmes : <c>, par
exemple, note tantôt /k/ tantôt /θ/, et /b/ peut être noté par <b> ou par <v>. D’autre part,
certains graphèmes n’ont pas de valeur phonologique mais servent simplement à relier le
mot à son étymon latin : hombre < HOMINEM. Enfin, on peut ajouter que, parfois, le
graphème note la réalisation phonétique et non la valeur phonologique de l’unité : le <m>
de hombre ne transcrit pas l’archiphonème /N/ mais la réalisation nasale bilabiale.

Comme il y a un écart entre le nombre de phonèmes à noter et le nombre de signes


graphiques disponibles, un phonème peut être transcrit soit par une lettre, soit par deux
(voire plus en français : eau). C’est la raison pour laquelle l’unité minimale de transcription
du phonème est appelée graphème. Si le graphème est constitué d’une seule lettre, ce sera
un monogramme, de deux lettres, un digramme.

1- CONSIDÉRATIONS HISTORIQUES

Dès les débuts de la langue espagnole, les graphies latines sont apparues inadaptées et
insuffisantes. En effet, la principale divergence entre le système consonantique latin et le
système consonantique roman a été l’apparition d’une série de palatales, pour lesquelles il a
fallu trouver des solutions graphiques. Les textes médiévaux montrent de nombreuses
hésitations dans la transcription de ces palatales :

[λ] : <li, il, lg, gl, lig, ll, l, ill, lli, llg>
[ɲ] : <ni, in, ng, gn, nn, n, nig, ingn, ngn, nni, inn>
[ʃ] : <x, sc, isc, s, ss, sç, sz>
[Ʒ] : <g, j, gi, i>
[t͡s] : <ç, z, c, cc, sc, sç>
[d͡z] : <z, ç>
[t͡ʃ] : <g, gg, ih, x, ch, cc, cx, cxi>
(d’après Echenique Elizondo & Martínez Alcalde, 2005: 73-76)

Cette diversité des graphies est partiellement réduite grâce au travail d’Alphonse X (1260-
1290) et de ses collaborateurs, qui sélectionnent un certain nombre de graphèmes, sans
toutefois éliminer toutes les variations. On a parfois dit qu’Alphonse le Sage avait été le
premier à imposer une norme graphique. En réalité, on ne peut pas parler de norme pour
cette époque, notamment parce qu’il n’existe aucune autorité pour l’imposer (il faudra
attendre la fondation de la Real Academia Española en 1713). En revanche, il est certain
qu’Alphonse X, poursuivant la tâche de son père, Fernando III, et qui a personnellement
dirigé les travaux de traduction pendant les périodes 1260-1270 et 1280-1290, a fait preuve
d’une préoccupation formelle, qui a débouché sur une plus grande uniformisation
graphique. Il faut ajouter que cette uniformisation graphique est variable selon les œuvres et
surtout, que les caractéristiques linguistiques de ses collaborateurs ont eu une influence sur

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la plus ou moins grande différentiation des graphies servant à transcrire les sourdes et les
sonores (ceux qui avaient déjà perdu le critère de sonorité pour les fricatives) pouvaient
difficilement le transcrire).

En résumé, au Moyen Âge, malgré le travail d’uniformisation d’Alphonse X, il n’existe pas de


norme graphique en castillan : il n’y a pas, à proprement parler, d’orthographe.

Nous allons donc étudier comment sont graphiés un certain nombre de phonèmes dans les
manuscrits médiévaux, en nous appuyant sur les textes au programme.

2- GRAPHÈMES SERVANT À LA TRANSCRIPTION DES PHONÈMES FRICATIFS ALVÉOLAIRES

En position intervocalique, il existe une opposition pertinente entre deux phonèmes fricatifs
alvéolaires, l’un sourd /s/, l’autre sonore /z/. Dans les autres positions, cette opposition
étant neutralisée, seule la réalisation sourde [s] de l’archiphonème fricatif alvéolaire /S/ se
rencontre. Dans ce cas-là, le graphème <s> convient et ne pose aucun problème : sueltan
(Cid, 10), cristianas (Cid, 29).

En position intervocalique, la graphie a toujours été problématique. Alphonse le Sage


propose que l’on transcrive par <-ss-> le phonème sourd /s/ et par <-s-> le phonème sonore
/z/ (comme en français contemporain) : sessaenta /s/ (Cid, 16) ; osava /z/ (Cid, 21). mais
cette norme, comme on l’indiquait plus haut, n’a jamais été vraiment respectée en dehors
des documents de la Chancellerie, d’où, très souvent, des cas de <-s-> transcrivant un /s/.
C’est pour cette raison que l’on ne peut se baser sur la graphie pour savoir comment lire un
<-s-> et qu’il faut se reporter à l’étymon latin (voir chapitre précédent).

Exemples :

/s/ : PRESSA > priesa (Conde Lucanor), VERSUS > vieso (Apolonio, 17c) + tous les subjonctifs
imparfaits en -se (< -SSEM), + pronom réfléchi se enclitique ;

/z/ : QUAESIVIT > quiso (Amadís), MENSURAM > mesura (mesurado, Cid, 7)

Parfois on observe la présence du graphème <-ss-> là où il faudrait un <-s-> ([z]) :


sesso (Buen Amor, 68c) [sezo], ainsi que <ss> là où <s> suffirait : ssu (Apolonio, 7b), ssé
(Apolonio, 13a), ssosacar (Apolonio, 14c), conssejo (Buen Amor, 51d) ; falssedat (Buen Amor,
69b).

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3- GRAPHÈMES SERVANT À LA TRANSCRIPTION DES PHONÈMES AFFRIQUÉS ALVÉOLAIRES

Le même type de problème se pose pour la transcription des phonèmes affriqués


alvéolaires.

En position intervocalique, il existe une opposition pertinente entre deux phonèmes


affriqués alvéolaires, l’un sourd /t͡s/, l’autre sonore /dz͡ /. En général, on trouve les graphies
<c + e, i> et <ç> pour la réalisation sourde et la graphie <z> pour la réalisation sonore.

Comme pour les fricatives, c’est en général l’étymologie qui nous permet de savoir quelle est
la réalisation phonétique des graphèmes <c> et <ç>. Il faut déterminer s’il s’agit d’un mot
composé (prononciation sourde) ou d’un mot simple et, dans ce dernier cas, il faut regarder
si l’étymon comporte un groupe consonantique ou une consonne double (dans ce cas la
prononciation est sourde) ou une consonne simple (dans ce cas, la prononciation est sourde
si le mot est savant ou semi-savant, sonore dans les autres cas, hormis quelques exceptions,
comme coraçón et cabeça).

Exemples :

[d͡z] : deçir (Apolonio, 5d) < DICERE, facer (et toutes les formes conjuguées de ce verbe) <
FACERE, pedaço (Lucanor) < PITTACIUM.

[t͡s] : braço (Ultramar) < BRACCHIUM, cabeça (Celestina) < CAPITIAM (mot simple, consonne
simple, exception), açiertas (Libro de Buen Amor) (mot composé, formé à partir de a +
cierto), espaçiando (Ultramar), dérivé de espaçio < SPATIUM (mot semi-savant), etc.

4- GRAPHÈMES SERVANT À LA TRANSCRIPTION DU PHONÈME AFFRIQUÉ ALVÉOLAIRE SOURD

Le phonème affriqué alvéolaire sourd est parfois transcrit par les graphèmes <-sc->, ou
<-sç->, qui sont, à l’origine, une survivance des verbes inchoatifs. Inchoatif signifie « Qui
indique le déclenchement ou la progression graduelle d'une action » (TLFi, s.v. « inchoatif »).

Le verbe conosçer, par exemple, vient du latin vulgaire *CONOSCERE (latin classique
COGNOSCERE). Dès le latin tardif, l’occlusive vélaire [k] suivie d’une voyelle palatale (c’est-à-
dire [i] ou [e]) donne l’affriquée alvéolaire [t͡s]. Dans CONOS-CERE, [ke] devient [t͡se] et il y a
ensuite simplification du groupe [st͡se] en [t͡se] : [kognoskeɾe] > [konost͡seɾ] > [konot͡seɾ].
La graphie conocer est alors suffisante, mais on lui préfère parfois la graphie conoscer (ou
conosçer) qui conserve le souvenir de l’étymon latin. L’explication vaut pour tous les verbes
latins en -SCERE, qui sont relativement fréquents, le suffixe -SC étant un suffixe « inchoatif »,
c’est-à-dire qui marque le commencement (cf. nascer, anochescer, crescer, etc.).

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Le suffixe demeure productif et sous la forme de la terminaison -ecer va servir à fabriquer de


nombreux verbes espagnols, lorsque l’on voudra marquer dans leur signifiant le caractère
« inchoatif » de leur sémantisme. La tendance, là encore, sera de retenir la graphie
latinisante <-sc-> . Ainsi, l’idée de ‘paraître’, qui se disait en latin par le verbe PARERE, a pris
la forme parescer. La graphie parescer (ou paresçer) (Lucanor, Tamorlán) est une imitation
des verbes inchoatifs latins, alors que l’étymon latin ne présentait pas cette forme. Il s’agit
donc d’une graphie faussement savante. C’est le cas également de acesçer (Ultramar) <
ACCADERE, contesçer (Lucanor), dérivé de contir < CONTINGERE, offrescer (Celestina) <
OFFERRE, et de merescer (Buen Amor) < MERERE.

5- GRAPHÈMES SERVANT À LA TRANSCRIPTION DU PHONÈME LABIAL SONORE

Dans le cas des fricatives et affriquées alvéolaires, le problème qui se posait était celui d’une
graphie unique pour deux phonèmes distincts. Cette fois le problème est celui de la
répartition de deux graphies <b> et <v> (ou <u>) pour transcrire le phonème labial sonore
qui se caractérise par ses deux variantes combinatoires, ses deux réalisations phonétiques,
l’une occlusive [b], l’autre fricative [β].

Vous aurez constaté que certains mots ont une graphie différente au Moyen Âge, alors que
la prononciation n’a pas changé. Par exemple, boluer (Apolonio) s’écrit aujourd’hui volver,
mais la prononciation est restée exactement la même : [bolber]. Il s’agit donc bien d’un
problème de graphie.

A) En latin classique, le système est le suivant :

<-P-> [p] CAPITIAM


<-V-> [w] LAVARE [lawaɾe]
<-B-> [b] HABERE [abeɾe]
<B-> [b] BONUM ; AMBOS
<V-> [w] VIDERE [wideɾe]

B) En latin tardif, en position intervocalique, on assiste à plusieurs évolutions parallèles :

[-p-] > [-b-]


[-b-] > [-β-]
[-w-] > [-β-]

C) En position initiale ou après consonne, le son labial fricatif [β-] issu de [w-] est refusé très
tôt et remplacé par la variante occlusive [b].

[w-] > [β-] > [b-]

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D) Enfin, on assiste à la fricatisation de l’occlusive sonore intervocalique issue de la sourde


latine :
[-p-] > [-b-] > [-β-]

Soit, pour résumer :

Latin classique Latin tardif Espagnol

[-p-] CAPITIAM [-b-] [-β-] [kaβea] (cabeza)

[-w-] LAVARE [-β-] [-β-] [laβaɾ] (lavar)

[-b-] HABERE [-β-] [-β-] [aβeɾ] (haber)

[b-] BONUM; AMBOS [b-] [b-] [bweno] [ambos] (bueno, ambos)

[w-] VIDERE [β-] [b-] [beɾ] (ver)

En ce qui concerne la graphie, il existe deux tendances :

– ce que l’on pourrait appeler la « graphie étymologique » : on ne tient pas compte de la


réalisation phonétique et on utilise le graphème <v> (ou <u>) pour les mots comportant un V
en latin (ou dans la langue de départ pour les emprunts) et un <b> pour ceux comportant un
P ou un B. C’est la tendance qui prévaut en espagnol moderne.

Exemples : vio (Cid, 3) < VIDERE ; voluntat (Apolonio, 7b) < VOLUNTATEM ; palabra (Cid, 26)
< PARABOLAM ; sabían (Apolonio, 4c) < SAPERE

– une graphie que l’on pourrait qualifier de « phonétique », dans laquelle le graphème <v>
ou <u> sert à transcrire la fricative (en postion intervocalique ou entre une voyelle et [l, r]) et
le graphème <b> l’occlusive, quelle que soit la graphie latine. Cette tendance se rencontre au
Moyen Âge.

Exemples : nueua [nweβa] (Apolonio, 1c) < NOVUS ; deuiera [deβjeɾa] (Apolonio, 3d) <
DEBERE ; boluer [bolbeɾ] (Apolonio, 6b) < VOLVERE ; bozes [bodz͡ es] (Ultramar, 24) <
VOCEM ; etc. Toutes les terminaisons d’imparfait des verbes du 1er groupe suivvent aussi
une graphie phonétique : -ava [aβa] < -ABAT (tornava, estávalos, etc.). C’est également le
cas des différents temps de aver [aβeɾ] < HABERE.

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Très rarement, la graphie n’est ni étymologique, ni phonétique : vondades [bondaδes]


(Lucanor), dérivé de bueno < BONUM ; juebes (Tamorlán) [Ʒweβes] < (DIES) JOVIS.

6- GRAPHIE DE LA VIBRANTE ALVÉOLAIRE MULTIPLE

L’opposition entre la vibrante simple /ɾ/ et la vibrante multiple /r/ n’est pertinente qu’en
position intervocalique. Au Moyen Âge comme aujourd’hui, on transcrit la vibrante simple
/ɾ/ par <r> : pero (Apolonio, 7d) ; pusieron (Buen Amor, 50a) ; ora (Tamorlán, 1) et la vibrante
multiple /r/ par <rr> : tierra (Cid, 14 ; Ultramar, 26) ; querríavos (Milagros, 2b) ; perro
(Celestina, III-19).

Dans toutes les autres positions, il y a neutralisation de l’opposition. Actuellement,


l’archiphonème /R/ est toujours transcrit par un <r> (graphie phonologique). C’est aussi
souvent le cas au Moyen Âge : rey [rei ̯] /Rei/ (Apolonio, 10b) ; rybera [riβeɾa] /Ribeɾa/
(Ultramar, 3) ; razones [rad͡zones] /Radz͡ ones/ (Lucanor, 4), etc.

Mais parfois, en position initiale, on trouve aussi une graphie phonétique, c’est-à-dire que
l’on transcrit ce que l’on entend (une vibrante alvéolaire multiple [r]) : rriendas (Cid, 10) ;
rrazón (Cid, 19) ; rrey (Cid, 22) ; rrecabdo (Cid, 24) ; rrogava (Cid, 53) ; rribaldo (Buen Amor,
46c), rromano (Buen Amor, 46c) (mais romano, 51b), rrespondió (Buen Amor, 60b), rrazones
(Buen Amor, 68a).

7- MOTS AVEC ET SANS <H> INITIAL

Le graphème <h> était déjà une lettre muette en latin, d’où des emplois hésitants dès le
latin. Ce graphème, qui ne transcrit aucun son, aucun phonème, a des origines multiples.

– [f-]

En position initiale, il est souvent la trace d’un [f-] initial latin qui a disparu, c’est-à-dire qui a
cessé d’être prononcé (voir infra, §8) : huían (Amadís, 10) < FUGERE; hermosura (Celestina, I-
3), dérivé de hermoso < FORMOSUM ; hazer (Celestina, III-1) < FACERE ; hilo (Celestina, III-
13) < FILUM ; hazienda (Celestina, III-17) < FACIENDAM ; humo (Amadís, 12) < FUMUS ;
holgança (Amadís, 10), dérivé de holgar < FOLLICARE.

– <H>
Une deuxième origine possible est celle d’un <H> déjà présent en latin : ha (Cid, 42 ; Lucanor,
19, 22), houo (Apolonio, 7c), havía (Amadís, 1, 3, etc.) < HABERE ; hora (Apolonio, 18d) <
HORAM ; hombre(s) (Amadís, 11 ; Celestina, II-2), honbre (Victorial, 22) < HOMINEM, honra
(Buen amor, 58d ; Victorial, 2) < HONORARE, huertas (Tamorlán, 3) < HORTUS.

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Au Moyen Âge, il était fréquent que ce <h> initial disparaisse : ombros (Cid, 13) < HUMERUS ;
omne (Milagros) < HOMINEM ; ora (Tamorlán, 1) < HORAM. C’est particulièrement le cas
pour le verbe haber (à tous les temps), qui est le plus souvent écrit sans <h> : aver, ay,
avemos (= habemos i.e. hemos), avié (= había), aya, ayades (= hayáis), ove (= hube), ovo,
ovieron, oviesse, etc.

– <h> anti-étymologique

Enfin, il arrive que le mot présente un <h> dit explétif, c’est-à-dire qui n’est pas
étymologique : hun (Apolonio, 1c), huna (Apolonio, 4b) < UNUM ; ha [préposition] (Apolonio,
5c, 6c, 7a) < AD ; hera(n) (Vicorial) < ERA(N)T ; horden (Victorial, 17) < ORDINEM ; henojo
(Victorial, 18), dérivé de enojar < INODIARE ; hueca (Ultramar, 20), dérivé du verbe ocar <
OCCARE ; huessos (Amadís, 23) < OSSUM.

8- F- INITIAL

Le substrat cantabrique ignorant le [f-], les locuteurs ont parfois eu du mal à rendre le [f-]
latin. Plusieurs solutions ont été apportées :

1) dans les milieux les plus cultivés et dans la partie sud de la péninsule, il y a conservation
du [f-] (norme tolédane) : FARINAM > [faɾina] ;

2) au Nord de l’Espagne, les locuteurs accommodent ce son et le rendent par une aspiration
[h] : FARINAM > [haɾina].

Ensuite, la perte du [f-] s’étend peu à peu vers le Sud (la norme du Nord l’emporte) et au
bout de quelques générations (fin du XVe), on constate la répartition suivante :

– d’abord une aspiration [h-], puis aucun son, devant une voyelle syllabique FARINAM >
[haɾina] > [aɾina], sauf dans certains mots semi-savants où [f-] se maintient (fatiga);

– [f-] devant un son asyllabique i.e. une consonne ou une semi-consonne (flor, fuente).

On opposera donc :

a) les mots dans lesquels la graphie <f-> transcrivait soit une fricative labiale (norme
tolédane), soit une aspiration (norme cantabrique) et a été remplacée ensuite par un <h> :
fallóla (Cid, 32) [aujourd’hui halló] ; ferida (Cid, 38) [herida] ; figueras (Milagros, 4b) ;
fermoso (Milagros, 6d) ; fija (Apolonio, 2c) ; fincar (Apolonio, 15a) ; fasta (Ultramar, 2) ; falló
(Ultramar, 3 ; Lucanor, 14) ; folgar (Ultramar, 12) ; fablava (Lucanor, 1) ; falagó (Lucanor, 4) ;
fondas (Tamorlán, 8) ; + toutes les formes de fazer (hacer) ;

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b) les mots où la graphie <f-> s’est maintenue,

– parce qu’elle transcrivait une fricative labiale devant une consonne ou une semi-
consonne : fuertemientre (Cid, 24) ; fuerça (Cid, 34) ; fuesse (Cid, 61) ; flores (Milagros, 2c) ;
frías (Milagros, 3d) ; fructas (Milagros, 4c) ; frutales (Tamorlán, 7) ; flaco (Amadís, 15) ;

– parce qu’il s’agit d’un mot semi-savant, où la fricative labiale [f-] s’est également
maintenue : formar (Milagros, 7d) ; firmado (Buen Amor, 49b) ; falssedat (Buen Amor, 69b) ;
felicidad (Celestina, I-15) ; fieles (Celestina, III-14) ; fuego (Celestina, III-17) [à comparer avec
huego (Amadís, 13)].

9- GRAPHIE DE LA NASALE IMPLOSIVE

En position implosive, il y a neutralisation de l’opposition entre la nasale bilabiale /m/ et la


nasale dentale /n/. La graphie est parfois phonologique : on transcrit l’archiphonème /N/ par
<n>, quelle que soit sa réalisation phonétique : conpaña [kompaɲa] /koNpaɲa/ (Cid, 16) ;
conpra [kompɾa] /koNpRa/ (Cid, 62) ; conponer [komponeɾ] /koNponeR/ (Apolonio, 1c) ;
tenporal [tempoɾal] /tenpoɾaL/ (Apolonio, 2b) ; conpanyera [kompanjeɾa] /koNpaniera/
(Apolonio, 4c), conplir [kompliɾ] /koNpliR/ (Apolonio, 7b) ; nonbre (Ultramar, 13) ; enbargo
(Lucanor, 16) ; tienpo (Buen Amor, 63b) ; enbaxadores (Tamorlán, 1) ; linpia (Tamorlán, 11) ;
enxenplo (Tamorlán, 15) ; honbre (Tamorlán, 22).

Elle est parfois phonétique : ombros [ombɾos] /oNbRos/ (Cid, 13) ; nombre [nombɾe]
/noNbRe/ (Apolonio, 3c) ; tiempo [tjempo] /tieNpo/ (Lucanor, 19) ;

10- GRAPHIE DE LA DENTALE IMPLOSIVE

En position implosive, il y a, en espagnol médiéval, neutralisation de l’opposition entre la


dentale sonore /d/ et la dentale sourde /t/. On constate, en conséquence, une alternance
des graphèmes <t> et <d> : grand (Milagros, 4a ; Ultramar, 19 ; Buen amor, 52a ; Victorial),
grant (Apolonio, 2b), mercet (Lucanor, 31), entendet (Lucanor, 33), guardat (Lucanor, 34),
ciudat (Tamorlán), beldad (Victorial, 13), dezid (Victorial, 23), merced (Celestina, I-4), verdad
(Celestina, I-14), verdat (Buen Amor, 69a) + toute la strophe. Cette alternance montre que le
critère de sonorité n’est pas pertinent en position implosive, comme l’illustre bien
également la strophe 52 du Libro de Buen amor : ardid, conbit, pit, lid.

11- GRAPHIE <Y>

Les manuscrits médiévaux préféraient souvent le <y> au <i> car le premier, avec son
jambage, était plus facile a repérer et à identifier que le <i> (ce dernier ne portait pas
toujours de point), qui était également utilisé, parfois, pour transcrire la fricative palatale
sonore /Ʒ/ (oios, Cid, 1 ; aguiió, Cid, 37 ; conseio, Apolonio, 12b).

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Le <y> peut transcrire le i] atone ou tonique : vyda (Apolonio, 13c) ; ayrado (Apolonio, 13c) ;
raýz (Apolonio, 17a) ; ynfanta (Ultramar, 1) ; rybera (Ultramar (3) ; sy (Ultramar, 5) ; desyerto
(Ultramar, 11) ; reyno (Victorial, 3) ; oýdo (Victorial, 30).

12- GRAPHIES CULTIVÉES

Parfois, la graphie espagnole imite la graphie latine sans qu’il y ait de nécessité phonétique :
on parle alors de graphie cultivée ou graphie savante.

– <ll> pour transcrire [l] (au lieu de <l>) : pielles [pieles] (Cid, 4) < PELLEM ; ell (Apolonio, 13a)
< ILLE, allegratvos (Apolonio, 9d) < ALECREM (donc graphie faussement savante, puisqu’il n’y
a pas de double <l> en latin)

– <qu> pour transcrire [kw] (au lieu de <cu>) : quál (Lucanor, 7) < QUALEM ; quanto
(Lucanor, 11) /vs/ cuantas (Lucanor, 26) < QUANTUS ; quando (Buen Amor, 46d) < QUANDO

– <pt> pour transcrire [t] : escripto [eskɾito] (Cid, 1259) < SCRIPTUM

– <ct> pour transcrire [t] : sanctas [santas] (Cid, 48) < SANCTUM ; fructas (Milagros, 4c) <
FRUCTUM

– <ch> pour transcrire [k] : Antiocha [antjoka] (Apolonio, 3b) ; Antiocho (Apolonio, 6c) /vs/
Antioco (Apolonio, 3a)

– <th> pour transcrire [t] : cathedra (Buen Amor, 53c) < CATHEDRAM ; cathólica (Amadís, 18)
< CATHOLICUM

– consonnes doubles : offresçido (Celestina, I-7) < OFFERIRE ; commo (Cid, 3 ; Ultramar, 6) <
QUOMO.

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