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Marie-Claude Esposito
Les crises financières ne sont pas nouvelles. Elles ont précédé l’apparition des
marchés financiers. Mais depuis 1973, date où le système monétaire internatio-
nal (SMI) reconstruit après la Seconde Guerre mondiale – système dit de Bretton
Woods – vola en éclats pour devenir un système de parités flottantes, la fréquence
des crises financières s’est accélérée et leur nature s’est modifiée. Depuis une ving-
taine d’années, elles paraissent liées au processus de globalisation financière qui a
complètement modifié l’ordre financier international. La crise qui débuta en 2007
n’échappe pas à cette règle. Trouvant son origine dans la bulle immobilière améri-
caine et le marché des crédits hypothécaires risqués (crédits subprimes), cette crise
toucha ensuite les institutions financières américaines, puis les européennes et les
asiatiques, puis les marchés boursiers, aucun compartiment du marché financier in-
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Ce qui est frappant avec cette crise, ce sont son ampleur, sa durée et ses effets,
qui font que deux spécialistes des crises financières l’ont appelée la « seconde grande
contraction » (the second great contraction)2 la crise de 1929 étant la première. En
effet, cette crise est, dans la série des crises bancaires et financières depuis la Seconde
Guerre mondiale, la première ayant une envergure mondiale. Les facteurs propices
au déclenchement de cette crise seront analysés dans une première partie. Puis, dans
une deuxième partie, nous nous intéresserons à son déroulement, avant d’analyser
les mesures prises par les banques centrales et les États pour tenter de l’endiguer à
court terme et d’éviter l’effondrement de l’économie mondiale.
3 Cf. Patrick Artus et al., De la crise des subprimes à la crise mondiale, Paris, La documentation Française, 2009, 167 p.
4 Les BRIC(S) regroupent les pays émergents suivants : Brésil, Russie, Inde et Chine (rejoints par l’Afrique du Sud).
5 Cf. John B. Taylor, Getting Off Track: How Government Actions and Interventions Caused, Prolonged, and Worsened
the Financial Crisis, Stanford, Hoover Institution Press, 2009, 92 p. ; Rajan Raghuram, Fault Lines, Harper Collins, 2010,
288 p. ; William R. White, « Is Price Stability Enough? », BIS Working Paper, n° 205, avril 2006, 22 p.
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 129
Durant cinq années, les banques américaines purent ainsi se refinancer à très bon
compte et prêter toujours davantage. D’où une création monétaire excessive qui
alimenta la spéculation sur le marché de l’immobilier américain, la faiblesse des
taux d’intérêt poussant les agents économiques à s’endetter toujours davantage pour
bénéficier d’effets de levier importants. Ce processus perdura jusqu’au moment où
la Fed décida, entre 2004 et 2006, de faire remonter son taux directeur jusqu’à 5 %
pour lutter contre l’inflation. C’est cette décision qui a/aurait été le déclencheur de
la crise de 2007.
Sans nier le rôle joué par la politique monétaire américaine, d’autres économis-
tes privilégient les déséquilibres mondiaux comme principal facteur explicatif de
la crise6. Au cours des deux dernières décennies, la géo-économie du monde s’est
profondément modifiée. L’arrivée de nouveaux acteurs sur la scène mondiale – la
Chine, l’Inde et d’autres économies émergentes, notamment les BRIC(S) – a provo-
qué un changement structurel de l’économie mondiale sans précédent : la Chine et
l’Inde représentant pas moins de deux fois et demie la population des pays avancés,
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6 Cf. par exemple Ricardo J. Caballero, Arvind Krishnamurthy, « Global Imbalances and Financial fragility », American
Economic Review, vol. 99, n° 2, 2009, p. 584-588 ; Anton Brender, Florence Pisani, Les déséquilibres financiers interna-
tionaux, Paris, La Découverte, coll. Repères, 2007, 121 p.
7 Voir FMI, Perspectives de l’économie mondiale, avril 2007, p. 197.
8 IMF, IMF Adopts Institutional View on Capital Flows, 3 décembre 2012, <www.imf.org/external/pubs/ft/survey/
so/2012/POL120312A.htm> [3 mars 2013].
130 Marie-Claude Esposito
des pays émergents d’Asie et des pays exportateurs de pétrole n’ont cessé d’augmen-
ter, car ces pays ont des capacités d’absorption limitées, pendant que les déficits des
pays développés se creusaient. Une analyse plus détaillée des excédents et des déficits
courants, exprimés en millièmes du PIB mondial, dont l’ampleur s’est considéra-
blement accrue entre 1990 et 2007, montre le creusement des déficits, essentielle-
ment celui des États-Unis, mais également du Portugal, de l’Italie, de la Grèce et de
l’Espagne (PIGS) et l’augmentation des excédents, notamment pour les BRIC(S),
l’Allemagne et le Japon. L’exemple de la Chine est particulièrement intéressant. Le
niveau très élevé de l’épargne des ménages dans ce pays s’explique pour l’essentiel
par le faible développement des systèmes de protection sociale et de retraite, qui ren-
dent nécessaire une épargne de précaution. Celle-ci se place principalement dans des
dépôts bancaires peu risqués mais peu rémunérateurs. Quant à la banque centrale
chinoise, elle accumule, tout comme les pays exportateurs de pétrole, les réserves de
change tirées des exportations, ce qui contribue à une très forte augmentation de
la liquidité au plan mondial déjà nourrie par l’expansion du crédit, qui elle-même
est favorisée par le niveau très bas des taux d’intérêt. Jusqu’en 2004, les autorités
chinoises pratiquèrent une politique de change qui visait à maintenir le renminbi à
une valeur fixe, mais sous-évaluée par rapport au dollar, afin de soutenir les secteurs
exportateurs de produits bas de gamme. Puis, entre juillet 2005 et l’été 2008, la ban-
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Pendant que des pays accumulaient des excédents – notamment la Chine dont
l’excédent de la balance courante représentait la moitié des excédents des économies
asiatiques en 2000 et la totalité en 2005 – le déficit extérieur américain s’envolait,
en raison de la très forte croissance de l’endettement des ménages américains avant
la crise, si bien que les États-Unis devinrent le plus gros emprunteur net au plan
mondial. Leur déficit atteignit 4,8 % du PIB en 2003 et 6 % en 200610, alors qu’il
n’avait pas dépassé 1,5 % du PIB durant les mandats de Ronald Reagan11. Si celui-ci
avait été essentiellement financé par des capitaux privés jusqu’au milieu des années
9 Cf. Maurice Obstfeld, Kenneth S. Rogoff, « The US Current Account and the Global Financial Crisis », Federal Reserve
Bank of San Francisco Asia Economic Policy Conference, Santa Barbara, CA, 18-20 octobre 2009, novembre 2009, p. 17-18.
10 Ibid, p. 5.
11 Ronald Reagan fut Président des États-Unis de 1981 à 1989.
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 131
2000, les investisseurs achetant surtout des produits financiers liés à l’immobilier, il
fut ensuite financé par les grandes banques centrales de la planète. Ceci allait avoir
une conséquence très importante dans la mesure où, à la différence des investisseurs
privés, les banques centrales créent de la monnaie lorsqu’elles achètent des actifs en
dollars. C’est ainsi que le financement du déficit américain par les banques centrales
a, lui aussi, été une machine à fabriquer de la liquidité mondiale.
Aux réunions du G7 (Dubai, 2003 et Boca Raton, Floride, février 2004), des
voix s’élevèrent pour considérer les déséquilibres des balances courantes comme un
risque majeur pour l’économie mondiale auquel il fallait remédier sur le moyen
terme. La Banque centrale européenne attira également l’attention sur le fait que
l’énorme déficit de la balance courante américaine faisait peser un risque majeur sur
l’économie mondiale12. Mais les autorités américaines restèrent sourdes à ces appels
et poursuivirent leur politique de « douce négligence » (begnin neglect). Pour Alan
Greenspan, président de la Fed d’août 1987 à février 2006, pas plus le déficit de la
balance courante américaine que la très forte hausse des prix de l’immobilier et de
l’endettement des ménages américains n’étaient des facteurs de risque, la flexibilité
de l’économie américaine pouvant permettre un atterrissage en douceur. C’est du
moins ce qu’il expliqua dans son article de 2005 et dans l’ouvrage qu’il publia en
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Cette vision des dirigeants américains était soutenue par des travaux académi-
ques de chercheurs américains spécialistes du système monétaire international qui
présentaient les déséquilibres financiers mondiaux comme un phénomène gagnant-
gagnant, en particulier ceux de Richard Cooper (Harvard), Michael P. Dooley (uni-
versité de Santa Cruz) qui fut membre du Comité des gouverneur de la Fed pen-
dant près de vingt ans, de David Folkerts-Landau, membre du National Bureau of
Economic Research (NBER) et économiste à la Deutsche Bank, et de Peter Garber,
professeur à l’université Brown. D’autres économistes attiraient au contraire l’atten-
tion sur la question de la soutenabilité du déficit américain, en d’autres termes sur
la question de l’acceptation de détenir des actifs libellés en dollars US par le reste du
monde, sans que la monnaie américaine s’effondre, et sur les risques que le déficit
faisait courir à l’économie mondiale (Obstfeld et Rogoff ; Nouriel Roubini et Brad
Setser ; Paul Krugman18). Certains d’entre eux allaient même jusqu’à soulever la
question de l’avenir du dollar, avançant l’idée que celui-ci pouvait perdre son statut
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17 Cf. Ben S. Bernbanke, The Global Saving Glut and the US Current Account Deficit, <www.federalreserve.gov/board-
docs/speeches/2005/200503102/default.htm> [27 février 2013].
18 Pour une présentation de la littérature sur la question du déficit américain, cf. Maurice Obstfeld, Kenneth S. Rogoff,
« The US Current Account », op. cit.
19 Cf. Kenneth S. Rogoff, « Globalization and Global Disinflation », septembre 2003, pp. 2,4, <www.kc.frb.org/publicat/
sympos/2003/pdf/rogoff.0910.2003.pdf> [20 février 2013]. Dans les pays développés, l’inflation est passée de 9 % à 2 %
en moyenne entre le début des années 1980 et le début des années 2000. Mais c’est dans les pays en développement
que la baisse a été la plus spectaculaire puisque l’inflation est passée de 31 % à 6 % en moyenne sur la période 1980-84
à 2000-2003.
20 Ibid., p. 17-21.
21 Ibid., p. 20.
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 133
souscrits aux États-Unis en 200624. Notons enfin que ces crédits n’ont pas été accor-
dés directement par les banques mais par des courtiers payés à la commission, qui
n’étaient pas soumis aux mêmes règles que les banques, et qui bénéficiaient d’une
réglementation beaucoup moins contraignante.
Si l’origine de la crise se trouve bien sur le marché des subprimes, c’est-à-dire dans
un sous-compartiment du marché des crédits hypothécaires américains à taux varia-
bles, cette crise s’est ensuite diffusée très rapidement aux banques de la planète en
prenant la forme d’une crise de liquidité. La propagation de cette crise s’est opérée
grâce au mécanisme de la titrisation, qui donne la possibilité aux établissements de
crédit de transformer leurs créances peu liquides comptabilisées dans leurs bilans
(prêts immobiliers, prêts à la consommation) en titres négociables beaucoup plus
liquides qui sortent du bilan des banques et sont placés sur le marché financier.
Lors d’une opération de titrisation, les créances cédées par les banques sont
achetées par un fonds commun de créances, FCC (special purpose vehicle, SVP)
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24 Ibid.
25 Voir l’article de Gunter Franke, Jan Peter Krahnen « Default Risk Sharing between Banks and markets : The contribu-
tion of Collaterized Debt Obligations », Center for Financial Studies Working Paper Series, n° 2005/06, <www.ifk-cfs.de/
fileadmin/downloads/publications/wp/05_06.pdf> [13 février 2013].
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 135
Née aux États-Unis, au début des années 1970, la titrisation fut d’abord le fait
de trois institutions spécialisées dans les crédits hypothécaires : la Federal National
Mortgage Association (Fannie Mae), créée en 1938, et la Federal Home Loan Mortgage
Corporation (Freddie Mac) créée en 1970 – deux agences privées bénéficiant d’une
garantie de l’État (government-sponsored enterprises) – ainsi que la Government Na-
tional Mortgage Association (Ginnie Mae), entreprise publique intégrée du ministère
du Logement et de l’Urbanisme qui vit le jour lors de la scission de Fannie Mae en
1968 en deux entités, une entreprise privée qui continua de s’appeler Fannie Mae
et une entreprise publique, Ginnie Mae. À cette époque, la titrisation des crédits
immobiliers donna naissance à des titres financiers adossés à ces crédits (mortgaged-
backed securities, MBS). À partir du milieu des années 1990, la titrisation concerna
d’autres types de crédit et donna naissance à de nouveaux produits financiers (asset-
backed securities, ASB), dont les caractéristiques étaient liées aux actifs sous-jacents
(crédits étudiants, crédits auto, crédits à la consommation etc.). Puis, de nouveaux
produits encore plus sophistiqués ont vu le jour, tels que les collaterized debt obliga-
tions (CDO) adossés à des instruments financiers négociables comme les obligations,
les dérivés de crédits, etc. Tous ces produits de plus en plus complexes firent l’objet
d’une notation par les grandes agences de notation, qui les classaient suivant leur ni-
veau de risque, la tranche la moins risquée et la moins rémunératrice (tranche super
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26 Cf. Adrian Blundell-Wignall, « Structured Products : Implications for Financial Markets », Financial Market Trends, vol.
2, n° 93, 2007, p. 31.
27 Association Française des Investisseurs en Capital (AFIC), Fiche thématique 36, septembre 2007, <www.afic.asso.fr/
Images/Upload/Partenariats/ft36_0907.pdf> [20 mars 2013].
136 Marie-Claude Esposito
LE DÉROULEMENT DE LA CRISE
28 Cf. Kenneth S. Rogoff , Carmen M. Reinhardt, This Time, op. cit., p. 229.
29 Cf. Ben S. Bernanke, Mark Gertler, « Should Central Banks Respond to Movements in Asset Prices ? », American
Economic Review, 91, 2, 2001, p. 253-257.
30 Cf. Kenneth S. Rogoff , Carmen M. Reinhardt, This Time, op. cit., p. 234.
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 137
Montant en mds
Montant des dépréciations USD
Institutions
(en mds USD) (participation
en %)
Abu Dhabi Investment Authority 7,5 (4,9 %)
Citygroup Goverment of Singapore Investment Corp. 6,8 (3,7 %)
Kuweit Investment Authority 3,0 (1,6 %)
Kuweit Investment Authority 2,0 (3,0 %)
Merrill Lynch Korean Investment Corporation 2,0 (3,0 %)
Temasek Holdings 4,4 (9,4 %)
Goverment of Singapore Investment Corp. 9,7 (10 %)
UBS
Fonds saoudiens 1,8 (2,0 %)
Morgan Stanley China Investment Company Ltd 5,0 (9,9 %)
China Development Bank 2,2 (3,1 %)
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Les banques centrales durent alors intervenir pour apporter des liquidités au mar-
ché interbancaire, en reprenant les créances des banques. La BCE injecta 95 milliards
d’euros sur le marché monétaire au jour le jour le 9 août 2007 selon la procédure
du « guichet ouvert » (prêts à taux fixe pour un montant illimité), pendant que la
Fed injectait 24 milliards de dollars, puis 38 milliards le lendemain. Elles furent
suivies par la Banque centrale du Japon qui injecta, les 16 et 17 août, 1 600 milliards
de yens (10,7 milliards d’euros) et la Banque centrale australienne qui apporta au
marché 3,87 milliards de dollars australiens (2,25 milliards d’euros)31. Elles renou-
velèrent l’expérience à plusieurs reprises au cours du mois d’août et dans les trois
mois suivants. Le 12 décembre 2007, la BCE, la Banque d’Angleterre et les banques
centrales du Canada et de Suisse menèrent une action concertée sous l’égide de la
Fed pour une adjudication en dollars (Term Auction Facility, TAF). Le 18 décembre,
la BCE n’apporta pas moins de 348 milliards d’euros au marché, toujours selon la
procédure du « guichet ouvert ». Jamais les interventions de la BCE n’avaient atteint
de tels montants.
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Au début de l’année 2008, les grandes banques de la planète publièrent, les unes
après les autres, leurs résultats pour l’année écoulée, qui révélaient des pertes énor-
mes et exigeaient des restructurations douloureuses. Les vagues de licenciements
se succédaient dans toutes les institutions financières américaines (près de 52 000
suppressions de postes chez Citygroup, la première banque mondiale, 9 200 chez
JP Morgan 1 000, chez Morgan Stanley, 5 à 10 % des effectifs chez Merrill Lynch, 2
400 chez Indymac Bancorp), mais également dans les banques européennes (4 000
suppressions de postes dans le réseau des Caisses d’Épargne l’Écureuil). Les places
boursières asiatiques et européennes chutaient très fortement le 21 janvier 2008, le
Dow Jones ne cédant, lui, que 0,49 % et le Nasdaq 0,29 % (- 7,41 % pour la Bourse
de Bombay ;- 5,14 % pour la Bourse de Shanghai ; - 3,86 % pour la Bourse de To-
kyo ; - 2,95 % pour celle de Séoul ;- 4,40 % pour le CAC 40 ; - 4,04 % pour le DAX
de Frankfort ; - 2, 61 % pour le Footsie de Londres).
31 « La Chute des Bourses asiatiques s’accélère », LesEchos.fr, 17 août 2007, <www.lesechos.fr/17/08/2007/lesechos.
fr/300195391_la-chute-des-bourses-asiatiques-s-accelere.htm> [16 mars 2013].
140 Marie-Claude Esposito
La réaction des autorités américaines se fit d’abord au coup par coup, pour tenter
d’empêcher la faillite des grandes institutions financières américaines, de nouveau
prises dans la tourmente au printemps 2008, et de prévenir les effets de contagion à
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BEAR STEARNS
Cinquième banque d’investissement sur la place de Wall Street, qui avait créé
un énorme volume de MBS et qui était très engagée dans le financement de hedge
funds, Bear Stearns connut une crise de liquidité très grave et se trouva au bord de
la faillite le 11 mars 2008. Craignant des répercussions en chaîne, autrement dit, le
phénomène de contagion, si Bear Stearns faisait faillite, la Réserve fédérale organisa,
le 14 mars, une opération de sauvetage pour lui apporter des financements à 28 jours
par l’intermédiaire de JP Morgan Chase, banque de dépôts qui avait accès au guichet
de l’escompte de la banque centrale américaine. Le plan de sauvetage prévoyait que
le risque serait supporté par la Fed, si Bear Stearns ne remboursait pas son prêt. Pour
obtenir les fonds, JP Morgan Chase devait déposer auprès de la Fed un portefeuille
de MBS que lui aurait confié Bear Stearns32. Mais cette solution fut rejetée deux
jours plus tard et la Fed annonça le rachat de Bear Stearns par JP Morgan au prix de
236 millions (soit 10 dollars par action, alors que celle-ci valait 170 dollars début
2007), la Fed acceptant de garantir les fonds les moins liquides de Bear Stearns pour
32 « JP Morgan rachète Bear Stearns à très bas prix », lefigaro.fr, 17 mars 2008, <www.lefigaro.fr/societes-
etrangeres/2008/03/17/04011-20080317ARTFIG00466 jpmorgan-rachete-bear-stearns-a-tres-bas-prix-.php> [13 février
2013].
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 141
un montant de 29 milliards de dollars afin que le rachat puisse avoir lieu33. Ce sau-
vetage in extremis de Bear Stearns était le premier exemple d’une nationalisation qui
ne voulait pas dire son nom, les apparences étant sauves puisque Bear Stearns était
rachetée par une banque privée pour un montant dérisoire (239 millions d’euros),
pendant que les 29 milliards seraient financés par le contribuable ! Mais la presse
financière américaine ne s’y trompa pas. Deux jours après le rachat de Bear Stearns
par JP Morgan Chase, soit le 18 mars, une lettre ouverte à Ben Bernanke, rédigée par
le banquier Andy Beal, fut publiée dans le Wall Street Journal, pour demander de
ne pas engranger d’ordures dans la Réserve fédérale, le portefeuille de titres de Bear
Stearns ne valant plus rien34. Plus tard, certains commentateurs laissèrent entendre
que ce n’était pas Bear Stearns mais plutôt JP Morgan Chase qui avait été sauvée
du désastre le 16 mars 2008, car, dans la mesure où elle était très engagée dans la
garantie de credit default swap (contrat d’échange sur risque de crédit). elle aurait
également plongé si Bear Stearns avait fait faillite35. Toujours est-il que l’opération
qui venait d’avoir lieu montrait que Ben Bernanke était prêt à utiliser de grands
moyens pour sauver les banques américaines qui répondaient au critère du too big too
fail (« trop grosse pour faire faillite »). Mais, ce faisant, les autorités monétaires, en
venant au secours d’une institution dont les très grandes difficultés provenaient de
son comportement en matière de prise de risques (inconsidérés sur des marchés très
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Quelques mois plus tard, au cours de l’été 2008, la situation des goverment-sponse-
red entities (GSE) devint alarmante, alors qu’elles détenaient ou garantissaient 45 %
de l’encours des prêts immobiliers, soit 5 000 milliards de dollars. Tous les établisse-
ments privés de crédits immobiliers (mortgage banks) de petite taille avaient été em-
portés par la crise de l’immobilier dès la fin 2006, ceux de taille moyenne durant les
six premiers mois de 2007, de même que la première banque du secteur Countrywide
qui avait dû être rachetée, en janvier 2008, par la grande banque commerciale Bank
of America. Si le directeur de l’organisme de tutelle des GSE, James Lockhardt, et le
secrétaire au Trésor américain, Henry Paulson, ancien président de Goldman Sachs,
avaient encore déclaré le 18 mars pour le premier36 et le 10 juillet 2008 pour le
33 Cf. Paul Jorion, La crise : des subprimes au séisme financier planétaire, Paris, Fayard, 2008, p. 40-41.
34 « To M. Ben Bernanke. Please, don’t put garbage in the Federal Reserve », Ibid, p. 42-43.
35 Ibid, p. 45.
36 « As Crisis Grew, a Few Options Shrank to One », The New York Times, 7 septembre 2008, <www.nytimes.
com/2008/09/08/business/08takeover.html?ref=business>.
142 Marie-Claude Esposito
second, que la solvabilité des deux GSE n’était en rien menacée37, trois jours plus
tard, soit le 13 juillet, la Fed et le Trésor américain annonçaient que des mesures
importantes allaient être prises pour soutenir les deux géants, l’action de Freddie
Mac ayant perdu 47 % de sa valeur et celle de Fannie Mae 45 % au cours de la se-
maine du 7 au 12 juillet 200838. Là encore, les autorités voulaient éviter le risque de
contagion, car la faillite de ces deux institutions n’aurait pas manqué de dégénérer en
crise systémique, dans la mesure où les plus gros pourvoyeurs de fonds de ces deux
agences étaient la Chine à hauteur de 395,9 milliards de dollars, le Japon à hauteur
de 228,2 millions de dollars, la Russie à hauteur 75,3 milliards, la Corée du Sud à
hauteur de 63 milliards et Taiwan à hauteur de 54,9 milliards39. Une loi, votée le 30
juillet, permit au département du Trésor américain d’accorder des prêts d’urgence
aux deux GSE et de prendre des participations dans leur capital durant une période
de dix-huit mois. Mais au milieu du mois d’août, très précisément le 18 août, la
valeur des titres des deux GSE diminua de nouveau très fortement (-22,25 % pour
Fannie Mae et -24,96 % pour Freddie Mac), si bien que les pertes cumulées depuis
le début de l’année 2008 se montaient respectivement à 85 % pour Fannie Mae et
87 % pour Freddie Mac40. La chute des titres ne s’arrêta pas là. Le 7 septembre 2008,
les deux GSE furent nationalisées pour une durée indéterminée, le département
du Trésor américain acquérant une participation de 79,9 % dans le capital de cha-
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MERRILL LYNCH
Les GSE n’étaient pas les seules à se débattre dans de graves difficultés. Mer-
rill Lynch avait été, dès le 24 octobre 2007, la première grande banque à annon-
cer des dépréciations importantes sur le segment du subprime pour un montant
de 7,9 milliards de dollars. Le 30 juillet 2008, elle avait fait savoir qu’elle allait
vendre la partie la plus risquée de son portefeuille de CDO, celle qui n’était
pas protégée par une assurance, et qu’elle allait procéder à une augmentation
de capital de 8,5 milliards de dollars. Le fond souverain de Singapour Temasek,
qui avait déjà injecté dans Merrill Lynch 5 milliards de dollars en deux fois
(décembre 2007 et mars 2008), allait se portait acquéreur pour 3,4 milliards de
dollars. Mais comme l’action de Merrill Lynch avait perdu près de la moitié de
sa valeur depuis les deux premières injections d’argent frais, Temasek n’avait plus
en fait qu’à injecter un milliard de dollars (au lieu de 3,4 milliards), en vertu
d’un accord entre les deux institutions qui stipulait que si le cours de l’action de
Merrill Lynch baissait, l’institution de Wall Street devrait rembourser le fonds
souverain. Le 14 septembre, on apprenait que Merill Lynch était rachetée par
Bank of America42.
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l’action Lehman Brothers atteignit le chiffre record de 86,18 milliards dollars, ce qui
portait sa capitalisation boursière à près de 60 milliards de dollars44. Mais, ce géant
était un colosse aux pieds d’argile, son énorme portefeuille de titres hypothécaires
le rendant très vulnérable. L’explosion de la bulle immobilière, début 2007, et les
premiers défauts de paiement allaient provoquer sa chute. En août 2007, Lehman
Brothers se vit contrainte de supprimer 2 500 emplois et de fermer des agences liées
à son activité hypothécaire. Ses pertes devinrent manifestes et des rumeurs sur son
insolvabilité se propagèrent dans Wall Street. En avril 2008, elle procéda à une aug-
mentation de capital de 4 milliards de dollars, qui ne parvint pas à enrayer l’effon-
drement de son titre, opération qu’elle renouvela en juin (6 milliards de dollars)45.
Dans le même temps, elle essaya de réduire son exposition sur le marché des crédits
hypothécaires. Mais rien n’y fit, et les investisseurs refusèrent de lui prêter des fonds.
Le 9 septembre 2008, au moment où les autorités monétaires américaines étaient au
chevet des GSE, la situation de Lehman Brothers, qui n’avait pratiquement plus de
liquidités, était désespérée. Le 9 septembre, la presse faisait savoir que l’autorité de
tutelle coréenne interdisait au fonds souverain Korea Development Bank (KDB) de
prendre une participation dans le capital de Lehman Brothers, ce qui fit chuter son
action de près de 45 %46. Trois jours plus tard, le vendredi 12 septembre, les régu-
lateurs américains tentaient d’organiser le sauvetage de Lehman Brothers, en convo-
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Cette fois, les autorités monétaires américaines étaient restées sourdes au too big to
fail. Qu’est-ce qui justifiait une telle attitude aussi lourde de conséquences ? Pour de
très nombreux commentateurs, la succession de sauvetages depuis mars 2008 n’avait
44 Ibid.
45 Ibid.
46 Paul Jorion, La crise, op. cit., p. 56.
47 Ibid, p. 57-58.
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 145
fait que renforcer l’aléa moral ; la Fed et le secrétaire au Trésor américain voulaient
donc envoyer un signal fort aux marchés, en sanctionnant les prises de risques ex-
cessives et la recherche d’une rentabilité maximale. Un tel argument qui signifie que
l’irresponsabilité des acteurs est, à court terme, plus grande que le risque systémique
ne paraît pas très convaincant, dans la mesure où on peut raisonnablement penser
que le directeur du Trésor et le directeur de la Fed savaient bien qu’il n’était pas
corroboré par l’histoire des crises financières. Du reste, le sauvetage de Bear Stearns
et des GSE montrait qu’Henry Paulson et Ben Bernanke avaient cherché jusqu’ici
à éviter à tout prix le phénomène de contagion. D’autres analystes avançaient des
considérations politiciennes qui, en pleine campagne électorale, les auraient poussés
à renouer avec un libéralisme pur et dur pour remobiliser la droite du parti répu-
blicain, hypothèse qui, a posteriori, fait frémir, quand on en connaît les conséquen-
ces. D’autres enfin se demandaient si Henry Paulson, ancien directeur de Goldman
Sachs, n’avait pas voulu montrer qu’il ne faisait pas passer les intérêts de la finance et
de ses amis avant ses responsabilités gouvernementales. Il faudra attendre l’ouverture
des archives pour que le voile se lève sur la décision qui précipita le monde dans le
« seconde grande contraction ».
48 Voir infra.
49 Paul Jorion, La crise, op. cit., p. 63-64.
146 Marie-Claude Esposito
50 Ibid, p. 64.
51 Cf. Patrick Artus et al., De la crise des subprimes, op. cit., p. 63.
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 147
25 voix contre). L’Emergency Economic Stabilization Act, 2008 fut signé par le Prési-
dent George W. Bush le jour même, soit un mois avant l’élection présidentielle du 4
novembre. 700 milliards de dollars (500 milliards d’euros) allaient être débloqués en
trois tranches (Troubled Asset Relief Program, TARP), grâce à des émissions de bons
du Trésor, pour racheter aux banques américaines, aux banques étrangères instal-
lées sur le sol américain, aux fonds de pension et aux collectivités locales, les titres
hypothécaires toxiques qui grevaient leurs bilans et les empêchaient d’accorder des
prêts aux agents économiques. Ceux-ci seraient gérés par des gestionnaires privés.
Les fonds spéculatifs n’étaient pas éligibles. Il était prévu que soit créée une caisse
de garantie mutuelle des banques, et que l’État entre dans le capital des banques
qui bénéficieraient de son aide, afin de pouvoir récupérer une partie des fonds, si la
situation des établissements financiers s’améliorait. Le plan devait durer jusqu’à la
fin de l’année 2009, avec une possibilité de prolongation de deux ans après vote du
Congrès.
En dépit de son ampleur, ce plan, qui suscita beaucoup de critiques tant dans
les cercles politiques qu’académiques52, ne fut pas bien accueilli par les marchés.
D’aucuns se demandaient s’il n’arrivait pas trop tard.
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Depuis la faillite de Lehman Brothers, la crise était entrée dans une nouvelle
phase ; elle s’autoalimentait. L’effondrement des bourses (la capitalisation boursière
52 Cf. Jacques Sapir, « Trop peu, trop tard? Les aventures du plan Paulson », <www.arhv.lhivic.org/index.
php/2008/10/06/833-trop-peu-trop-tard> [18 mars 2013].
148 Marie-Claude Esposito
Les banques centrales mirent alors en place des politiques monétaires très accom-
modantes (monetary easing), afin de garantir la stabilité financière très menacée et
éviter l’apparition d’une spirale déflationniste.
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dité des banques et de les pousser à augmenter leur offre de crédit. Les mesures mises
en place tinrent compte du cadre institutionnel de la politique monétaire de chaque
pays ou zone monétaire – la Fed et la Banque d’Angleterre devant se préoccuper à
la fois de la stabilité des prix et de la croissance de l’économie, alors que le mandat
donné à la BCE est uniquement de garantir la stabilité des prix – et des structures de
financement différentes suivant les pays – le financement du secteur privé est assuré
à 70 % par le secteur bancaire dans la zone euro, alors qu’il est assuré par les marchés
financiers à hauteur de 60 % à 80 % dans les pays anglo-saxons où le comportement
des agents économiques dépend davantage du prix des actifs que dans la zone euro.
Les banques centrales fournirent des liquidités aux banques et aux autres insti-
tutions financières en prenant dans leurs portefeuilles des actifs de plus en plus ris-
qués, d’où leur appellation d’« actifs non conventionnels » en comparaison avec les
actifs peu risqués détenus habituellement par les banques (« actifs conventionnels »,
comme les bons du Trésor). La BCE cibla ses aides sur les banques, afin de diminuer
leur coût de refinancement, pendant que la Fed et la Banque d’Angleterre décidaient
de venir également en aide à d’autres acteurs financiers pour rétablir la liquidité
sur les marchés d’actifs financiers. En même temps, la Fed et la Banque d’Angle-
terre pratiquèrent une politique d’achat de titres à long terme auprès du secteur
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Ces actions menées par les banques centrales eurent des effets positifs, au moins
à court terme, puisque les taux d’intérêt diminuèrent sur les titres d’État aux États-
Unis et au Royaume-Uni, et que les spreads (écarts) sur les covered bonds se rédui-
53 Pour plus de détails, voir l’excellent article de Naïm Cordemans, Stefaan Ide, « La politique monétaire aux États-Unis
et dans la zone euro durant la crise », BNB Revue Economique, juin 2012, p. 39-64, <www.nbb.be/doc/ts/publications/
EconomicReview/2012/revecoI2012_H3.pdf>.
150 Marie-Claude Esposito
sirent dans la zone euro. Mais, compte tenu des montants engagés, ces banques
centrales n’ont plus été en mesure de stériliser l’intégralité de leurs concours, ce
qui provoqua un gonflement de la taille de leurs bilans et un changement dans leur
composition. C’est ainsi que le bilan de la Fed passa de 800 millions de dollars en
août 2008 à 2 300 milliards à la fin 2008, avant de redescendre sous la barre des 2
100 milliards au début de l’été 2009, pendant que celui de la BCE augmentait de 1
450 milliards à près de 1 900 milliards durant la même période54. Si techniquement
l’augmentation du bilan des banques centrales ne pose pas de problème, on peut se
demander si, dans un second temps, elle ne risque pas de menacer la crédibilité des
politiques monétaires.
54 Ibid, p. 47-48.
55 En ligne de mire, l’Irlande qui avait décidé d’accorder, sans concertation aucune, une garantie illimitée sur tous les
dépôts dans ses six banques nationales, ce qui n’avait pas manqué d’irriter ses partenaires et plus particulièrement les
Britanniques, dans la mesure où leurs banques installées en Irlande étaient pénalisées.
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 151
l’Eurogroupe sur ce point, et des règles concernant les aides que les États pouvaient
apporter aux entreprises. 3) ils appelaient à l’organisation, dans les meilleurs délais,
d’un sommet international, afin que soient revues l’ensemble des règles qui régis-
saient le capitalisme financier.
56 Voir « La presse européenne est partagée au lendemain du sommet du G4 », Le Nouvel Observateur, <tempsreel.
nouvelobs.com/la-crise-financiere/20081005.OBS4314/la-presse-europeenne-partagee-apres-le-mini-sommet-europeen.
html> [16 mars 2013].
57 Taux de référence du marché interbancaire londonien constatés chaque jour à 11 h (heure locale) qui font l’objet d’une
publication par la British Banker’s Association ; ils équivalent à la moyenne arithmétique des taux d’intérêt auxquels de
grandes banques londoniennes prêtent à d’autres banques dans un certain nombre de devises : dollar, livre sterling, yen,
euro, franc suisse, dollar canadien, australien ou néo-zélandais.
58 Taux de référence de la zone euro ; il s’agit d’un taux interbancaire moyen auquel les 43 banques représentatives de
la zone euro prêtent à d’autres grandes banques à une échéance donnée.
152 Marie-Claude Esposito
59 Northern Rock fut revendue à perte par l’État britannique au groupe de Richard Branson en novembre 2011. Le coût
pour les contribuables britanniques a été estimé à 400 millions de livres (467 millions d’euros).
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 153
60 Cf. Yves Melin, Philippe Billiet, « Le scandale Fortis, une histoire belge », La Revue, 6 janvier 2009, <larevue.ssd.com/
Le-scandale-Fortis-une-histoire-belge_a815.html> [23 mars 2013].
La véritable histoire de la crise financière 2008 – 155
Alors qu’elles avaient été largement abandonnées au cours des trente dernières
années en raison de leurs effets pervers, les politiques de relance keynésiennes furent
remises à l’honneur aux quatre coins du monde, sauf dans les pays où la crise s’était
déclarée de manière très précoce et très violente, comme en Islande et en Irlande, ces
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Les États-Unis ayant été les premiers – entrés en récession dès décembre
2007 – touchés par la crise, des actions de relance (mesures fiscales et rachat de prêts
hypothécaires) avaient été votées par le Congrès, le 7 février 2008, pour un montant
estimé à 158 milliards de dollars, soit 1 % du PIB américain61. La crise économique
s’amplifia brutalement, le taux de chômage passant de 4,8 % à 8,1 % entre février
2008 et février 2009 et les destructions d’emplois étant particulièrement impor-
tantes entre novembre 2008 et février 2009. Le Président Barack Obama parvint
à faire voter par les deux chambres, le 13 février 2009, un plan de relance d’une
ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, l’American Recovery
and Reinvestment Act (ARRA) dont le coût estimé par le Congressional Budget Office
(CBO) se montait à 787 milliards de dollars, soit 5,5 % du PIB, sur une dizaine
d’années, mais qui ne représentait que le tiers des dépenses engagées précédemment
pour sauver les grandes institutions financières de la faillite62. Les dépenses publiques
(notamment les aides aux chômeurs et les aides aux personnes les plus vulnérables,
et, à un moindre degré, des dépenses pour l’éducation et les infrastructures) en re-
présentaient les deux tiers, et les baisses d’impôts le dernier tiers.
Le Japon annonça dès la fin octobre 2008 un plan de relance d’un montant équi-
valent à 400 milliards d’euros (7,7 % du PIB) et qui comprenait des mesures très
diverses, telles que des diminutions d’impôts et des aides directes aux ménages et aux
personnes en situation précaire, afin de soutenir la consommation, et des mesures
destinées aux entreprises, notamment aux PME-PMI, afin de leur faciliter l’accès au
crédit. La première injection de dépenses budgétaires supplémentaires se monta à 40
milliards (1,4 % du PIB). En décembre, une rallonge budgétaire de 194 milliards
d’euros fut injectée dans l’économie, suivie d’une nouvelle rallonge de 200 milliards
en janvier 2009, dont une partie était destinée à financer des grands travaux (aéro-
ports, ports, autoroutes).
Le 5 novembre, l’Allemagne annonça, elle, des mesures d’aides aux PME pour un
montant de 17,3 milliards (0,7 point de PIB) et à l’investissement public pour 7,2
milliards (0,3 point de PIB). Celles-ci venaient s’ajouter aux diminutions des coti-
sations chômage et à l’augmentation de l’allocation pour enfant à charge décidées le
mois précédent (20 milliards d’euros en 2009-2010, soit 0,8 % du PIB).
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63 Commission européenne, « Un plan européen pour la relance économique », COM (2008) 800 final, <eur-lex.europa.
eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:52008DC0800:FR:NOT> [16 mars 2008].
64 OFCE, Annexe Lettre de l’OFCE, n° 305, 2 décembre 2008, <www.ofce.sciences-po.fr/pdf/lettres/plans_de_
relance_12_2008.pdf> [16 mars 2008].
158 Marie-Claude Esposito
sateurs automatiques, dont le rôle contra-cyclique est bien plus important qu’aux
États-Unis, en Chine et au Japon où les dépenses de transferts et la progressivité des
impôts sont moins fortes. Plus préoccupante, nous semble-t-il, était l’absence de
coordination budgétaire entre les différents pays en temps de crise.