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SUR LES GROUPES DE TRANSFORMATIONS

BIRATIONNELLES DES SURFACES

SERGE CANTAT

R ÉSUMÉ . Nous étudions les groupes de type fini agissant par transfor-
mations birationnelles sur des surfaces projectives complexes. En parti-
culier, nous montrons que le groupe des transformations birationnelles
d’une surface projective complexe satisfait l’alternative de T ITS.
A BSTRACT. Let S be any compact complex kähler surface and Bir (S)
the group of birational transformations of S. We study the structure of
finitely generated subgroups of Bir (S) and prove three main results :
(a) Bir (S) satisfies the Tits Alternative, (b) if f is an element of Bir (S)
which does not preserve any pencil of curves and if g commutes with
f then an iterate of g coincides with an iterate of f and (c) the rank of
Bir (S) is essentially, and in various senses, equal to 1.

1. I NTRODUCTION
1.1. Transformations birationnelles.
Les transformations birationnelles d’une variété projective complexe M
forment un groupe que nous noterons Bir (M). Ces groupes se situent à
mi-chemin entre les groupes linéaires des espaces vectoriels complexes de
dimension finie et les groupes de difféomorphismes des variétés réelles
compactes. Pour illustrer ce fait, considérons le cas où M est l’espace pro-
jectif Pk (C).
• Une fois fixé un système de coordonnées homogènes, tout élément f
de Bir (Pk (C)) est déterminé par k + 1 polynômes homogènes de même
degré,
f [x0 : ... : xk ] = [P0 (x0 , ..., xk ) : ... : Pk (x0 , ..., xk )].
Pour se donner un élément de Bir (Pk (C)), il « suffit » donc de se donner
l’ensemble fini des coefficients de ces polynômes.
• Si k est supérieur ou égal à 2, il existe des éléments f de Bir (Pk (C))
définis par des polynômes à coefficients réels qui induisent des difféomor-
phismes analytiques de Pk (R) dont l’entropie topologique est strictement
1
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positive et dont la dynamique n’est pas uniformément hyperbolique (voir


[57]).
• Pour tout entier n, le groupe des automorphismes extérieurs du groupe
libre Fn se plonge dans Bir (Pk (C)) dès que k est suffisamment grand. Pour-
tant, Out (Fn ) n’est pas un groupe linéaire si n ≥ 4 (voir [51], [36]).
Bien que les groupes Bir (M) soient au coeur de la géométrie algébrique
complexe, on dispose de peu de résultats les concernant. Il est toutefois
raisonnable d’espérer qu’ils jouissent de propriétés intermédiaires entre les
groupes linéaires et les groupes de difféomorphismes. C’est ce que nous
comptons montrer ici dans le cas particulier des surfaces complexes, c’est-
à-dire pour
dimC (M) = 2.

1.2. Groupe de C REMONA, rang et alternative de T ITS.


Le groupe des transformations birationnelles du plan projectif P2 (C) est
appelé groupe de C REMONA, en l’honneur de Luigi C REMONA qui en po-
pularisa l’étude à la fin du dix-neuvième siècle. Parmi tous les groupes de
transformations birationnelles de surfaces compactes, le groupe de C RE -
MONA est le plus mystérieux.

Depuis les travaux de N OETHER et C ASTELNUOVO, nous savons que


Bir (P2 (C)) est engendré par le groupe PGL (3, C) des automorphismes du
plan et par l’involution de C REMONA
σ[x : y : z] = [yz : zx : xy].
G IZATULLIN, puis I SKOVSKIH, ont exhibé un système de relations com-
plet entre ces générateurs et l’on dispose donc d’une présentation du groupe
de C REMONA par générateurs et relations. Cependant, peu de propriétés de
Bir (P2 (C)) ont été mises à jours : il semble par exemple qu’on ne sache
toujours pas si le groupe de C REMONA est un groupe simple, alors que la
réponse à cette question fait l’objet de résultats classiques pour les groupes
de L IE et les groupes de difféomorphismes (voir [30], [1]).
Le but principal de ce texte est de comparer le groupe de C REMONA aux
groupes linéaires en s’attachant à comprendre ses sous-groupes de type
fini. Il s’agit donc d’étudier les groupes de type fini qui agissent fidèle-
ment par transformations birationnelles sur le plan et, plus généralement,
sur n’importe quelle surface projective complexe S. Nous traiterons deux
problèmes précis :
• Calcul du rang.- Il s’agit de répondre à la question suivante : si Bir (S)
était un groupe de L IE, quel serait son rang ? Nous verrons par exemple
french 3

que le groupe de C REMONA est un groupe de rang 1 modulo l’existence


du groupe Aut (P2 (C)) = PGL (3, C).
• Alternative de T ITS.- Nous montrerons que les groupes de transforma-
tions birationnelles des surfaces satisfont l’alternative de T ITS : un sous-
groupe de type fini de Bir (S) qui n’est pas virtuellement résoluble contient
toujours un groupe libre non abélien.
Avant d’énoncer précisément nos théorèmes, il convient de rappeler deux
résultats importants de la fin du dix-neuvième siècle qui illustrent notre
propos sur le rang du groupe Bir (P2 (C)). Rappelons auparavant que le
rang d’un sous-groupe algébrique G de SL (n, R) est la dimension maxi-
male d’un sous-groupe abélien de G diagonalisable sur R. Le rang de G
reflète donc la taille des sous-groupes abéliens de G.

1.3. Groupes continus, groupes finis et rang.


Le groupe Aut (P2 (C)) des automorphismes du plan projectif est iso-
morphe au groupe des homographies PGL (3, C). Il s’agit donc d’un groupe
de L IE de rang 2. En particulier, le groupe multiplicatif
A = C∗ × C∗
agit sur le plan par automorphismes diagonaux. E NRIQUES et D EMAZURE
ont montré que, réciproquement, les tores maximaux de Bir (P2 (C)) sont
tous conjugués au groupe diagonal A. Le groupe de W EYL « correspond »
alors au groupe d’automorphismes GL (2, Z) de A tout entier 1. Ainsi, de
par ses sous-groupes continus, Bir (P2 (C)) se comporte comme un groupe
de rang 2.
Les sous-groupes finis de Bir (P2 (C)) ont été classés à la fin du dix-
neuvième siècle par K ANTOR et W IMAN, avec quelques oublis ; leurs ré-
sultats ont récemment fait l’objet d’une refonte totale dans l’esprit de la
théorie de M ORI, ce qui conduit à une classification complète des sous-
groupes finis de Bir (P2 (C)) à conjugaison près (voir [27]). On dispose par
exemple de l’énoncé suivant (voir [3]).
Théorème. Soit p un nombre premier distinct de 2 et 3. Si G est un sous-
groupe de Bir (P2 (C)) isomorphe (Z/pZ)r , alors r est égal à 1 ou 2 et,
lorsque r = 2, G est conjugué à un sous-groupe diagonal de PGL (3, C).
Ce théorème montre que, par ses sous-groupes finis, Bir (P2 (C)) se com-
porte aussi comme un groupe de L IE réel connexe de rang 2, et nous
1Nous renvoyons à [16], §VIII.1, et [19] page 522 et 523, corollaire 5, pour des dé-
monstrations et la notion de tore maximal dans ce contexte.
french 4

sommes à nouveau conduits à déclarer que le rang du groupe de C RE -


MONA est égal à 2 (voir [3], §1-(1.2)).

Dans ces deux situations, lorsque le groupe abélien étudié est de rang 2,
que ce soit (Z/5Z)2 ou (C∗ )2 , celui-ci est conjugué à un sous-groupe de
Aut (P2 (C)). Le premier but de ce texte est de corroborer cette assertion
en étudiant certains sous-groupes de type fini du groupe de C REMONA :
nous verrons ainsi que « Bir (P2 (C)) est un groupe de rang 1 modulo
Aut (P2 (C)) ».

1.4. Espace de P ICARD -M ANIN et actions de groupes de type fini.


Rappelons qu’un groupe dénombrable Γ a la propriété (T ) de K AZH -
DAN si toute action de Γ par isométries affines sur un espace de H ILBERT
possède un point fixe. L’exemple le plus simple de groupe de K AZHDAN
infini est sans doute le groupe SL (n, Z), pour n ≥ 3. Récemment, D ESERTI
a montré par une méthode très élégante que les sous-groupes d’indice fini
de SL (n, Z) n’agissent pas birationnellement sur les surfaces complexes
compactes lorsque n ≥ 4, et que leurs actions sont toutes conjuguées à des
actions par homographies sur le plan projectif lorsque n = 3. Nous éten-
drons ce résultat de la manière suivante :
Théorème A. Soit S une surface kählérienne compacte. Soit Γ un groupe
infini dénombrable de transformations birationnnelles de S. Si Γ a la pro-
priété (T ), il existe une application birationnelle ϕ : S 99K P2 (C) qui con-
jugue Γ à un sous-groupe de Aut (P2 (C)).
Les groupes de L IE réels, connexes et simples de rang réel supérieur ou
égal à 2 et leurs réseaux satisfont la propriété (T ) (voir [18]). Cet énoncé
confirme donc l’affirmation suivant laquelle les groupes Bir (S) sont de
rang 1, ceci modulo l’existence de Aut (P2 (C)), qui lui est de rang 2.
Lorsque S n’est pas une surface rationnelle, ce théorème affirme que
tout morphisme d’un groupe de K AZHDAN Γ vers le groupe Bir (S) a une
image finie ; ceci résulte du théorème de l’indice de H ODGE et du B, A, BA
de la classification des surfaces (voir aussi [12]). Le cas difficile corres-
pond donc aux sous-groupes de Bir (P2 (C)). La preuve que nous expose-
rons utilise une version asymptotique du théorème de l’indice de H ODGE.
Nous verrons en effet que Bir (P2 (C)) se plonge dans le groupe orthogonal
O (1, ∞) des isométries d’un espace de H ILBERT pour un produit hilber-
tien de signature (1, ∞). Cet espace, introduit par M ANIN dans son étude
des surfaces cubiques (voir [52]), est la limite inductive des groupes de P I -
CARD des surfaces rationnelles obtenues en éclatant successivement tous
french 5

les points (même infiniment proches) du plan projectif. Cet « espace de


P ICARD -M ANIN » jouera un rôle central tout au long du texte.
L’idée d’éclater le plan indéfiniment pour lever simultanément toutes
les indéterminations d’une application rationnelle et de ses itérés a déjà
été utilisée pour comprendre, entre autre, la dynamique des transforma-
tions polynomiales du plan affine ou la croissance des degrés des itérés de
transformations rationnelles non inversibles. Nous renvoyons le lecteur à
[45] et [46], à [35] et, surtout, au travail récent de B OUCKSOM , FAVRE et
J ONSSON qui présente une construction duale à celle de M ANIN (voir [8]).
Remarque 1.1. La preuve de D ESERTI mentionnée plus haut est de na-
ture différente et s’apparente à celles décrites dans [38] et [37] pour les
groupes de difféomorphismes. Cette approche ne permet pas de montrer
le théorème A mais permet d’écarter l’existence d’actions birationnelles
fidèles sur P2 (C) pour des groupes qui ne relèvent pas des techniques que
nous allons développer.
Remarque 1.2. Notons Bir ω (P2 (R)) le sous-groupe de Bir (P2 (C)) consti-
tué des transformations birationnelles à coefficients réels qui induisent des
difféomorphismes de P2 (R). Ce groupe s’identifie à un sous-groupe des
difféomorphismes analytiques réels de P2 (R) et se place donc à l’intersec-
tion du groupe Diff (P2 (R)) et du groupe Bir (P2 (C)). Le théorème A pro-
duit ainsi un exemple supplémentaire confirmant les conjectures de Z IM -
MER pour les difféomorphismes de surfaces réelles compactes (voir [38]
ou [32] et le §4.3).
1.5. Dynamique, centralisateur et rang du groupe de C REMONA.
Dans un deuxième temps, nous utiliserons un argument de nature dyna-
mique afin de montrer à nouveau que les groupes de transformations bira-
tionnelles des surfaces se comportent plutôt comme des groupes de rang
un.
Si G est un groupe et f est un élément de G, le centralisateur de f dans
G est le sous-groupe de G défini par
Cent ( f , G) = {g ∈ G | f ◦ g = g ◦ f } .
Dans un groupe de L IE réel connexe de rang r, le centralisateur d’un élé-
ment g pris au hasard est virtuellement isomorphe à un groupe de L IE
abélien de rang r. C’est cette propriété qu’il s’agit d’étendre à Bir (P2 (C)),
avec r égal à 1.
Soient S une surface complexe compacte kählérienne et f une transfor-
mation rationnelle de S. L’application f détermine un opérateur linéaire
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f ∗ sur les groupes de cohomologie de S qui préserve la décomposition de


H ODGE M
H k (S, C) = H p,q (S, C).
p+q=k

Soit k . k une norme sur l’espace vectoriel de dimension finie H 1,1 (S, R).
Notons encore k . k la norme d’opérateurs induite par k . k sur l’espace des
endomorphismes linéaires de H 1,1 (S, R) et définissons le (premier) degré
dynamique λ( f ) par
³ ´
n ∗ 1/n
λ( f ) = lim sup k( f ) k .
n→+∞

Ce nombre réel positif est un nombre algébrique invariant par conjugaison


birationnelle (voir [23]).
Exemple 1.3. Le premier degré dynamique de l’involution de C REMONA
vaut 1 car (σn )∗ est la multiplication par 1 ou 2 sur H 1,1 (P2 (C), R) suivant
que n est pair ou impair. Celui de l’application de H ÉNON
h[x : y : z] = [yz + x2 : xz + z2 : z2 ]
est égal à 2. Certaines surfaces non rationnelles possèdent des automor-
phismes dont le degré dynamique est strictement plus grand que 1. C’est
par exemple le cas pour une surface d’E NRIQUES générique.

Théorème B. Soit f une transformation birationnelle d’une surface com-


plexe compacte S dont le degré dynamique λ( f ) est strictement plus grand
que 1. Si g est une transformation birationnelle de S qui commute avec f
il existe deux entiers m ∈ N∗ et n ∈ Z tels que gm est égal à f n .

Remarque 1.4. Dans la plupart des cas, nous montrerons que le groupe
cyclique engendré par f est d’indice fini dans Cent ( f , Bir (S)), ce qui est
légèrement plus fort que le théorème B.
Remarque 1.5. Nous verrons qu’on dispose pour les transformations bira-
tionnelles des surfaces d’une classification analogue à celle de N IELSEN -
T HURSTON pour les éléments du groupe modulaire Mod (g) (ou mapping
class group) d’une surface réelle orientable compacte de genre g (voir le
§2.3). Le théorème B peut être comparé au fait qu’un élément pseudo-
Anosov dans le groupe modulaire d’une surface compacte a un centralisa-
teur virtuellement cyclique. Ceci confirme le principe suivant lequel les
propriétés cohomologiques d’une application rationnelle f contraignent
fortement sa dynamique.
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1.6. Alternative de Tits.


Nous dirons qu’un groupe G satisfait l’alternative de T ITS s’il vérifie la
propriété suivante : si Γ est un sous-groupe de type fini de G, ou bien Γ
contient un groupe libre non abélien, ou bien Γ contient un sous-groupe
résoluble d’indice fini.
L’alternative de T ITS a été démontrée en 1972 par T ITS pour les groupes
linéaires GL (n, k) où k est un corps. Elle n’est pas valable au sein des
groupes de difféomorphismes des variétés réelles de dimension supérieure
ou égale à 1 (voir [39] et les références qui s’y trouvent). Le théorème
suivant rapproche donc les groupes de transformations birationnelles des
groupes linéaires, et les écarte un peu des groupes de difféomorphismes.
Théorème C. Si X est une variété complexe compacte et kählérienne de
dimension inférieure ou égale à 2, le groupe Bir (X) vérifie l’alternative de
T ITS.
Nous verrons que le groupe des automorphismes d’une variété complexe
compacte kählérienne M vérifie l’alternative de T ITS (voir la proposition
6.3 et [55]). Il serait intéressant d’étendre ce résultat à Bir (M) lorsque
dimC (M) est supérieure ou égale à 3. Ceci permettrait d’étendre l’alterna-
tive de T ITS à tous les groupes non linéaires qui agissent birationnellement
sur une variété kählérienne compacte. C’est le cas, par exemple, du groupe
modulaire Mod (g) de la surface de R IEMANN de genre g et du groupe
Out (Fm ) des automorphismes extérieurs du groupe libre de rang m (voir
[51] et [2]). Ceci fournirait une seconde démonstration de l’alternative de
T ITS pour ces groupes (voir [7]).
Remarque 1.6. Pour le groupe Aut [C2 ] des automorphismes polynomiaux
du plan affine complexe, le lecteur trouvera une preuve de l’alternative de
T ITS dans [49].
Remarque 1.7. Le groupe des automorphismes d’une variété algébrique
(affine ou projective) complexe M vérifie les propriétés de M ALCEV et de
S ELBERG : un sous-groupe de type fini dans Aut (M) est résiduellement
fini et virtuellement sans torsion (voir [2]). Je ne sais pas si ces propriétés
restent valables au sein du groupe de C REMONA.
1.7. Remerciements. Un grand merci à Julie D ESERTI pour avoir partagé
ses connaissances sur le groupe de C REMONA. Merci à Frédéric PAULIN
pour m’avoir expliqué certains arguments de ping-pong dans les espaces
hyperboliques. Merci à Charles FAVRE pour nos discussions autour de ce
texte et de [8]. Merci, enfin, à Dominique C ERVEAU et à Pascal AUTISSIER
pour de nombreuses discussions sur ce sujet.
french 8

Partie I : dynamique et géométrie hyperbolique

2. T RANSFORMATIONS BIRATIONNELLES ET DEGRÉ DYNAMIQUE


Cette partie préliminaire concerne la dynamique des transformations bi-
rationnelles des surfaces complexes compactes kählériennes. Nous y résu-
mons des travaux récents de B EDFORD, D ILLER, D UJARDIN, FAVRE et
G IZATULLIN, ainsi que quelques résultats plus classiques, datant quant à
eux de la fin du dix-neuvième siècle.

2.1. Indéterminations et ensemble exceptionnel.


Soit f une transformation birationnelle d’une surface complexe com-
pacte. L’ensemble des points d’indétermination de f est un ensemble fini
que nous noterons Ind( f ). Les courbes contractées par f sont également
en nombre fini, et leur union sera notée Exc( f ), pour « ensemble excep-
tionnel ». Cet ensemble coïncide avec le lieu critique de f .

2.2. Dégré dynamique et stabilité algébrique.


Le (premier) degré dynamique λ( f ) d’une transformation birationnelle
d’une surface complexe compacte kählérienne S a été défini au paragraphe
1.5. C’est un invariant de conjugaison au sein du groupe Bir (S) (voir [23]).
Exemple 2.1. Si f est une transformation birationnelle du plan projectif,
il existe trois polynômes homogènes P, Q et R de même degré deg( f ) et
sans facteur commun tels que
f [x : y : z] = [P(x, y, z) : Q(x, y, z) : R(x, y, z))].
L’action de f sur le second groupe de cohomologie du plan est la multipli-
cation par deg( f ). Le degré dynamique de f coïncide alors avec la limite
suivante,
λ( f ) = lim sup(deg( f n )1/n ).
n→+∞

En particulier, si deg( f n ) = deg( f )n pour tout n, alors λ( f ) = deg( f ) et le


premier degré dynamique de f est un entier.
Exemple 2.2. Soit E la courbe elliptique C/Z[j] où j est une racine cubique
de l’unité. Soit A la transformation linéaire
µ ¶
2 1
A= .
1 1
french 9

Cette transformation agit linéairement sur C2 en préservant le réseau Z[j]×


Z[j] et passe donc au quotient en un automorphisme fA de E ×E satisfaisant

7+3 5
λ( fA ) = .
2
Puisque cette transformation commute à η(x, y) = (jx, jy), elle passe au
quotient en un automorphisme gA de même degré dynamique sur la surface
rationnelle
S = (E × E)/η.
L’automorphisme gA est donc conjugué à une transformation birationnelle
du plan projectif dont le degré dynamique n’est pas un entier.
Cet exemple et l’exemple 1.3 montrent que, en général, l’action d’une
transformation birationnelle f sur la cohomologie d’une surface complexe
S ne satisfait pas ( f n )∗ = ( f ∗ )n . En particulier, le groupe Bir (S) n’agit pas
sur H ∗ (S, Z).
Lorsque ( f ∗ )n = ( f n )∗ pour tout entier n, on dit que f est « algébrique-
ment stable ». Ceci équivaut à dire que l’orbite positive d’un point d’in-
détermination de f −1 ne passe pas par les points d’indétermination de f .
Dans [23], D ILLER et FAVRE ont montré que toute transformation bira-
tionnelle f d’une surface compacte S est conjuguée à une transformation
birationnelle algébriquement stable : il existe un morphisme birationnel
π : S0 → S tel que π−1 ◦ f ◦ π soit une transformation algébriquement stable
de S0 . Pour étudier les itérés d’une transformation, on peut donc supposer
que f est algébriquement stable.

2.3. Croissance des degrés et classification grossière.


D’après les travaux de G IZATULLIN, puis de D ILLER et FAVRE, il y a
quatre types de transformations birationnelles, liés à quatre comportements
asymptotiques possibles pour la suite k( f n )∗ k. Chaque comportement cor-
respond à l’une des situations géométriques suivantes (voir [23]) :
• Normes bornées.- Lorsque k( f n )∗ k est une suite bornée, il existe un
entier l > 0 et une application birationnelle ϕ : S0 99K S tels que ϕ−1 ◦ f l ◦ ϕ
soit un automorphisme de S0 isotope à l’identité.
• Croissance linéaire.- Lorsque k( f n )∗ k croît linéairement avec n, il
existe une application birationnelle ϕ : S0 99K S et une fibration de S0 par
courbes rationnelles telles que ϕ−1 ◦ f l ◦ ϕ préserve cette fibration.
• Croissance quadratique.- Lorsque k( f n )∗ k croît quadratiquement avec
n, il existe une application birationnelle ϕ : S0 99K S et une fibration de S0
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par courbes elliptiques telle que ϕ−1 ◦ f l ◦ ϕ soit un automorphisme de S0


préservant la fibration.
• Croissance exponentielle.- La suite k( f n )∗ k tend exponentiellement
vite vers l’infini. En ce cas, λ( f ) est strictement plus grand que 1.
Remarque 2.3. Lorsque la croissance est linéaire ou quadratique, les fibra-
tions fournies sont les seuls feuilletages algébriques invariants par f (voir
[13]). En particulier, ce sont les seules fibrations invariantes.
Il est fructueux de comparer cette classification à celle de N IELSEN -
T HURSTON pour les éléments du groupe modulaire d’une surface réelle
compacte. Si la croissance des normes est linéaire ou quadratique, la trans-
formation f ressemble à un « twist de D EHN » : f préserve une fibration
et effectue un twist le long de cette fibration ; ce twist explique simultané-
ment l’absence de feuilletage invariant et la croissance des normes. Pour
les transformations birationnelles, il y a deux types de twists, ceux qui
préservent une fibration rationnelle et ceux qui préservent une fibration el-
liptique.
Si la croissance des normes est exponentielle, f ressemble au niveau
cohomologique à une transformation de type pseudo-A NOSOV. Dans ce
cas, le rôle joué par les feuilletages mesurés dans la théorie de N IELSEN -
T HURSTON est remplacé par celui des courants positifs fermés f -invariants
(voir [11], [23] et [13]). Au niveau dynamique, on sait que le nombre de
points périodiques de f de période N croît comme λ( f )N et l’on s’attend à
ce que f ait une entropie topologique positive.
Définition 2.4. Soit f une transformation birationnelle d’une surface com-
plexe compacte kählérienne. Nous dirons que f est
– virtuellement isotope à l’identité si la suite k( f n )∗ k est bornée,
– un twist de J ONQUIÈRES si la suite k( f n )∗ k croît linéairement,
– un twist de H ALPHEN si la suite k( f n )∗ k évolue quadratiquement,
– entropique si λ( f ) est strictement plus grand que 1.
Ce vocabulaire est justifié par l’analogie avec les groupes modulaires
Mod (g) et les remarques suivantes.
Remarque 2.5. Le groupe de J ONQUIÈRES est le groupe des transforma-
tions birationnelles du plan préservant un pinceau de courbes rationnelles :
il ne dépend du pinceau que par conjugaison au sein du groupe de C RE -
MONA (voir [16] et le §6.4).
Les pinceaux de courbes de genre 1 du plan ont été classés par H AL -
PHEN . Tout pinceau de ce type est conjugué à l’un des pinceaux d’H ALPHEN
(voir [16], et[26] ou [47]).
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2.4. Dynamique des transformations entropiques.


Soit f une transformation birationnelle d’une surface projective com-
plexe S dont le degré dynamique est strictement plus grand que 1. Si f est
holomorphe, alors
(i) l’entropie topologique de f vaut log(λ( f )) et est donc strictement
positive (voir [44] et [42]) ;
(ii) le nombre de points périodiques isolés de f de période k croît comme
λ( f )k et la majorité d’entre eux sont hyperboliques (voir [6], [5] et
[11]) ;
(iii) la moyenne sur les points périodiques isolés (ou sur les points pé-
riodiques hyperboliques) de période k tend vers une mesure de proba-
bilité µ f lorsque k tend vers +∞ ; cette mesure est l’unique mesure de
probabilité f -invariante d’entropie log(λ( f )) (voir [6], [5] et [11]).
On s’attend à ce que les transformations birationnelles entropiques des
surfaces projectives complexes satisfassent les mêmes propriétés. Des tra-
vaux récents de B EDFORD, D ILLER et D UJARDIN conduisent à ce résultat
lorsque la transformation birationnelle f satisfait une condition de stabilité
algébrique quantitative.
Pour introduire cette condition, notons Ind(g) le lieu d’indétermination
de toute application rationnelle g. La stabilité algébrique signifie que les
orbites positives f n (x), n ≥ 0, des éléments x de Ind( f −1 ) n’intersectent
pas Ind( f ). La « condition de B EDFORD et D ILLER » est que l’orbite po-
sitive f n (x) ne s’approche pas trop vite de Ind( f ) : on dit que f vérifie la
condition de B EDFORD et D ILLER si la somme
1
∑ λ( f )n log (dist( f n(x), Ind( f ))
n≥0

est une somme finie pour tout point x de Ind( f −1 ). On remarquera que
cette condition est vérifiée de manière triviale si f est un automorphisme
ou si ses points d’indétermination ont une orbite finie.
Nous dirons qu’un point q de S est un point périodique de f de période
k si f et ses itérés f 2 , ..., f k sont holomorphes sur un voisinage de q,
si f k (q) = q et si f l (q) est distinct de q lorsque l est compris entre 1 et
k − 1. Le point périodique q est hyperbolique si les valeurs propres λ+ (q)
et λ− (q) de D fqk vérifient

|λ+ (q)| > 1 > |λ− (q)|.


Théorème 2.6 ([4] et [29]). Si f est une transformation birationnelle d’une
surface projective complexe qui est entropique et satisfait la condition
french 12

de B EDFORD et D ILLER, alors f possède une infinité de points pério-


diques hyperboliques dont les variétés stables et instables se recoupent.
Ces points périodiques s’équidistribuent vers une mesure de probabilité
f -invariante dont l’entropie vaut log(λ( f )).

La mesure ainsi construite est donc d’entropie maximale (voir [25]). La


condition de B EDFORD et D ILLER n’est pas toujours vérifiée, mais elle
l’est souvent (voir [4] et [33]).

3. E SPACE DE P ICARD -M ANIN


Dans cette partie nous présentons une construction dûe à M ANIN. Il
s’agit de décrire la limite inductive des groupes de P ICARD (ou de N ÉRON -
S EVERI) des surfaces obtenues en éclatant ad vitam aeternam tous les
points d’une surface S puis de montrer que Bir (S) agit linéairement sur
ce groupe limite. Nous suivons donc de près le chapitre cinq du livre
[52]. L’espace introduit peut être pensé comme le groupe de P ICARD (ou
de N ÉRON -S EVERI) de l’espace de R IEMANN -Z ARISKI de S (voir par
exemple [45] et [8]). Cette construction permettra de reprendre la clas-
sification de D ILLER et FAVRE présentée au paragraphe 2.3.

3.1. Groupes de P ICARD et morphismes birationnels.


Soit S une surface complexe compacte kählérienne. Nous noterons Pic (S)
le groupe de P ICARD de S, NS (S) son groupe de N ÉRON -S EVERI et Pic 0 (S)
le noyau du morphisme Pic (S) → NS (S) qui associe à un fibré en droite L
sa classe de C HERN c1 (L). Lorsque S est une surface rationnelle ou une
surface K3, le groupe Pic 0 (S) est trivial et Pic (S) est donc isomorphe à
NS (S). Nous identifierons alors NS (S) au groupe de P ICARD de S. Nous
noterons ρ(S) la dimension de NS (S) ⊗ R ; c’est le nombre de P ICARD de
S.
Le groupe de N ÉRON -S EVERI et, par suite, le groupe de P ICARD sont
munis d’une forme d’intersection h . | . i. Lorsque S est projective, le théo-
rème de l’indice de H ODGE montre que cette forme quadratique est de type
hyperbolique : sa signature est égale à (1, ρ(S) − 1).
Le cône nef, ou « numériquement effectif », est le cône convexe engen-
dré par les classes des fibrés en droites nef. Nous le noterons NS + (S) ou
Pic + (S) si NS (S) et Pic (S) coïncident.
Soient S1 et S2 deux surfaces et ε : S1 → S2 un morphisme birationnel.
Nous noterons ε∗ et ε∗ les morphismes induits par ε au niveau des groupes
french 13

de P ICARD (resp. de N ÉRON -S EVERI),


ε∗ : Pic (S2 ) → Pic (S1 ) (resp. NS (S2 ) → NS (S1 ))
ε∗ : Pic (S1 ) → Pic (S2 ) (resp. NS (S1 ) → NS (S2 )).
Le morphisme ε∗ est injectif et préserve le cône nef :
ε∗ (NS + (S2 )) ⊂ NS + (S1 ).
Il préserve aussi le produit d’intersection h.|.i. Plus précisément, si l et l 0
sont deux éléments de Pic (S1 ), alors
hε∗ l|ε∗ l 0 i = hl|l 0 i
où les intersections sont calculées respectivement dans NS (S2 ) et NS (S1 ).
3.2. Limite inductive et action de Bir (S).
Fixons maintenant une surface complexe compacte kählérienne S. Sui-
vant [52], considérons la catégorie B (S) dont les objets sont les morphismes
birationnels ε : S0 → S. Un morphisme entre deux objets ε1 : S10 → S et
ε2 : S20 → S de cette catégorie est un morphisme birationnel m : S10 → S20 tel
que ε2 ◦ m = ε1 . Ainsi, l’ensemble des morphismes entre deux objets est
vide ou réduit à un unique élément.
L’ensemble des objets de cette catégorie est ordonné de la manière sui-
vante : ε1 ≥ ε2 s’il existe un morphisme de ε1 vers ε2 . On dira alors que
ε1 (resp. S10 ) domine ε2 (resp. S20 ). Géométriquement, ceci correspond à
dire que ε−1
1 éclate les mêmes points que ε2 plus éventuellement quelques
autres. Si ε1 et ε2 sont deux objets de B (S) il en existe toujours un troisième
qui les domine simultanément.
Suivant [52], nous poserons alors
¡ ¢
Z(S) = lim NS (S0 )

où la limite inductive est prise suivant les morphismes injectifs (ε)∗ . Le
groupe Z(S) sera appelé groupe (ou espace) de P ICARD -M ANIN de S,
car cette limite inductive de groupes de P ICARD (ou plutôt de N ÉRON -
S EVERI) a été introduite et utilisée par M ANIN dans [52]. Les structures
invariantes par les morphismes ε∗ passent à la limite et Z(S) est donc muni
(i) d’une forme d’intersection
h. | .i : Z(S) × Z(S) → Z,
(ii) d’un cône nef
Z+ (S) = lim(NS + (S)),

french 14

(iii) d’une classe canonique, vue comme une forme linéaire


Ω : Z(S) → Z.
Chaque groupe NS (S0 ), où S0 domine S, s’injecte dans Z(S) et nous iden-
tifierons régulièrement NS (S0 ) à son image dans Z(S).
Le groupe des transformations birationnelles de S agit sur Z(S) de la
manière suivante. Soient S1 et S2 deux surfaces et f : S1 99K S2 une trans-
formation birationnelle. Nous pouvons lever les indéterminations de f à
l’aide de deux morphismes birationnels g : S0 → S1 et h : S0 → S2 , de sorte
que f = h ◦ g−1 . Par composition, g injecte B (S0 ) dans B (S1 ) et h injecte
B (S0 ) dans B (S2 ). Tout objet de B (S1 ) (resp. B (S2 )) étant dominé par un
objet de g∗ (B (S0 )) (resp. h∗ (B (S0 ))), ceci induit deux isomorphismes g∗ et
h∗ de Z(S0 ) vers Z(S1 ) et Z(S2 ). On pose alors f∗ = h∗ ◦ (g∗ )−1 .
Théorème 3.1 (M ANIN, [52] page 194). L’application f 7→ f∗ détermine
un morphisme de groupe injectif de Bir (S) vers GL (Z(S)). Si f appartient
à Bir (S), l’application linéaire f∗ préserve la forme d’intersection h. | .i et
le cône nef.
Remarque 3.2. Le passage à la limite inductive Z(S) est nécessaire pour
obtenir une telle représentation. L’application qui à l’élément f de Bir (S)
associe l’application linéaire f∗ : NS (S) → NS (S) n’est en général pas un
morphisme de groupe (voir le paragraphe 2.2).
3.3. Base de l’espace de P ICARD -M ANIN et complétion hilbertienne.
3.3.1. Éclatements, base et intersection.
Notons Eclat(S) l’espace obtenu en recollant tous les éclatés de S. Plus
précisément, Eclat(S) est l’union des surfaces S0 munies d’un morphisme
birationnel ε : S0 → S, modulo la relation d’équivalence qui identifie deux
points x1 ∈ S10 et x2 ∈ S20 lorsque la transformation birationnelle (ε2 )−1 ◦
ε1 est un isomorphisme local d’un voisinage de x1 sur un voisinage de
x2 . Un point de Eclat(S) correspond donc à un point de S, ou un point
situé sur le diviseur exceptionnel d’un éclatement de S, etc. Toute surface
S0 qui domine S se plonge donc dans Eclat(S). Nous noterons Ec(S) le
groupe abélien libre engendré par les points de Eclat(S). On munit Ec(S)
du produit scalaire h. | .iE défini par
hx | xiE = −1 et hx | yiE = 0
si x est distinct de y. L’espace Eclat(S) s’identifie Ãă un sous-ensemble de
la surface de R IEMANN -Z ARISKI de S (voir [8] et les rÃl’fÃl’rences qui
s’y trouvent).
french 15

Nous pouvons maintenant plonger le groupe abélien libre Ec(S) dans


Z(S) de la manière suivante. Soit x un élément de Eclat(S). Il existe une
surface S0 , un morphisme birationnel ε : S0 → S et un point x de S0 tel que
la classe x ∈ Eclat(S) soit représentée par le point x. Soit S00 la surface
obtenue en éclatant S0 au point x, soit Dx le diviseur exceptionnel de cet
éclatement et ε0 : S00 → S0 le morphisme birationnel obtenu en contractant
Dx . La composistion de ε et ε0 détermine un morphisme birationnel de S00
sur S et le fibré en droites (ou faisceau inversible) O (Dx ) détermine un élé-
ment de NS (S00 ) donc de Z(S). Si l’on change de représentant (S0 , x, ε) pour
le point x de Eclat(S) on ne change pas l’élément de Z(S) ainsi déterminé.
Dans la suite, nous noterons ex le point de Z(S) associé à l’élément x de
Eclat(S) : ex est donc la classe du diviseur exceptionnel Dx . Ceci détermine
l’image de la base de Ec(S) dans Z(S), d’où un morphisme de groupes
abéliens par extension linéaire
½
Ec(S) → Z(S)
.
∑ a(x)x →
7 ∑ a(x)ex
Considérons maintenant le morphisme de groupes abéliens
NS (S) × Ec(S) → Z(S)
obtenu en prenant l’injection canonique de NS (S) dans Z(S) et le mor-
phisme Ec(S) → Z(S) défini ci-dessus.
Proposition 3.3 ([52], page 197). Le morphisme
NS (S) × Ec(S) → Z(S)
ainsi défini détermine une isométrie de la somme directe orthogonale de
NS (S) (muni de sa forme d’intersection) et de Ec(S) (muni du produit
h. | .iE ) vers Z(S) (muni du produit d’intersection h. | .i).
Exemple 3.4. Soit p un point du plan projectif P2 (C). Soient X la surface
obtenue par éclatement de p et D p le diviseur exceptionnel de cet éclate-
ment. Soit q un point de D p . Soient Y la surface obtenue en éclatant q et
Dq le diviseur exceptionnel de cet éclatement. Les deux éléments e p et eq
appartiennent à l’image de NS (Y ) dans Z(P2 (C)). Notons D∗p la transfor-
mée stricte de D p dans Y. Alors e p correspond à D∗p + Dq et eq à Dq (ou
plutôt aux classes de C HERN des fibrés en droites O (D∗p + Dq ) et O (Dq )).
Nous avons donc bien
he p |eq i = (D∗p .Dq ) + (Dq )2 = 1 − 1 = 0,

he p |e p i = (D∗p )2 + (Dq )2 + 2 = −2 − 1 + 2 = −1.


french 16

3.3.2. Complétion hilbertienne.


Par la suite, nous considèrerons la complétion hilbertienne E (S) de
Ec(S) ⊗ R
pour le produit scalaire −h. | .iE . Le produit scalaire h. | .iE s’étend alors
en un produit hilbertien défini négatif sur E (S). Nous noterons Z (S) la
somme directe orthogonale de NS (S) (qui est de dimension finie) et E (S).
Puisque h. | .iE est définie négative et que la forme d’intersection sur NS (S)
est de signature (1, ρ(S) − 1), l’espace Z (S) est muni d’une forme d’inter-
section de signature (1, ∞). Cette construction ne dépend pas du choix de
la surface S dans sa classe d’équivalence birationnelle : si S0 est biration-
nelle à S, il existe une surface S00 munie de deux morphismes birationnels
ε : S00 → S et ε0 : S00 → S0 ; on remarque alors que Ec(S00 ) détermine (simul-
tanément) un sous-espace de codimension finie dans Ec(S) et dans Ec(S0 ),
donc les complétions obtenues à partir de Ec(S) et Ec(S0 ) coïncident avec
la complétion obtenue à l’aide de Ec(S00 ).
Le cône nef de Z (S) sera noté Z + (S), la forme d’intersection sera tou-
jours notée h | i.
Remarque 3.5. Si Γ est un sous-groupe de type fini dans Bir (S), on peut
se contenter de n’éclater que les points d’indétermination (éventuellement
infiniment proches) des éléments de Γ. En ce cas, E (S) est à base dénom-
brable. Nous n’aurons donc besoin que d’espaces de H ILBERT séparables
dans la suite.
Remarque 3.6. Soit g : S 99K S une transformation birationnelle virtuelle-
ment isotope à l’identité. Conjuguons g à un automorphisme (encore noté
g) d’une surface S0 (voir le §2.3). Alors g induit une isométrie de NS (S0 )
pour la forme d’intersection et la transformation g∗ de Z(S) = Z(S0 ) pré-
serve la somme directe orthogonale
Z(S0 ) = NS (S0 ) ⊕ Ec(S0 ).
Si ex est un élément de Ec(S0 ), l’image de ex par g∗ est le point eg(x) où
g(x) est défini comme suit : si x est un point de S0 , alors g(x) est l’image
de x par g, si x est situé sur le diviseur exceptionnel D p obtenu en éclatant
S0 en un point p, alors on éclate g(p), on relève g en un difféomorphisme
local d’un voisinage de D sur un voisinage de Dg(p) et on prend l’image de
x par ce difféomorphisme, et ainsi de suite. En particulier, g∗ détermine un
opérateur borné de l’espace hilbertien Z (S).
D’après le théorème de N OETHER, le groupe Bir (P2 (C)) est engendré
par des transformations birationnelles virtuellement isotopes à l’identité.
french 17

Chaque transformation crémonnienne plane s’étend donc continûment de


Z(P2 (C)) à Z (P2 (C)). Cette propriété peut être démontrée directement
pour toutes les surfaces complexes compactes kählériennes car Bir (S) agit
par isométries pour h | i (voir [8]) ; nous n’en ferons pas usage pour les
surfaces irrationnelles.

3.4. L’espace hyperbolique de dimension infinie.


L’hyperboloïde constitué des points x de Z (S) satisfaisant
hx | xi = 1
comporte deux nappes et une seule d’entre elles intersecte le cône nef
Z + (S). Nous noterons H∞ (S) (ou plus simplement H∞ ) cette nappe et la
munirons de la métrique définie par
cosh(dist(x, y)) = hx | yi.
Il s’agit d’un modèle de « l’espace hyperbolique de dimension infinie ».
Le groupe de ses isométries sera noté Isom(H∞ ) ou O (1, ∞). Comme le
dit G ROMOV, « this space is as cute and sexy as its finite-dimensional bro-
thers » (voir [43], §6.A.III).
Les transformations birationnelles de S déterminent des opérateurs li-
néaires bornés de Z (S) qui préservent la structure entière de Z (S), le cône
nef et la forme d’intersection. Préservant le cône nef, Bir (S) agit isomé-
triquement sur l’espace hyperbolique de dimension infinie H∞ (S). Nous
obtenons ainsi un plongement
Bir (S) ,→ Isom(H∞ (S)).
L’espace H∞ est un espace CAT(−1) complet et est donc hyperbolique au
sens de G ROMOV. C’est cette propriété cruciale qui permettra de montrer
les théorèmes A et C.

3.5. Classification des transformations crémonniennes planes.


Puisque l’espace H∞ est un espace métrique CAT (−1) complet, ses iso-
métries peuvent être classées en trois types : elliptique, parabolique ou
hyperbolique (voir [40], ou [9] page 228 et suivantes). Dans le cas précis
d’un espace hyperbolique, nous pouvons caractériser ces trois types d’iso-
métries de la façon suivante.
• Isométrie elliptique. Il existe un élément l de Z (S) tel que f∗ (l) = l
et hl | li > 0. En ce cas, f∗ est une rotation autour de l et l’orbite de tout
vecteur x de Z (S) (resp. de tout point x de H∞ ) est bornée.
french 18

• Isométrie parabolique. Dans ce cas f n’est pas elliptique mais il existe


un élément non nul l de Z + (S) tel que f (l) = l. Le vecteur l appartient au
cône de lumière de la forme d’intersection, i.e.
hl | li = 0,
et Rl est l’unique droite invariante par f∗ qui intersecte Z + (S). Si x ap-
partient à Z + (S), la suite de droites ( f∗ )n (Rx) tend vers Rl lorsque n tend
vers +∞ et lorsque n tend vers −∞.
• Isométrie hyperbolique. Il existe un nombre réel λ > 1 et deux élé-
ments l+ et l− du cône de lumière de Z (S) tels que f∗ (l+ ) = λl+ et f∗ (l− ) =
(1/λ)l− . Si x est un point de Z + (S) n’appartenant pas à la droite Rl− , la
suite
1 n
f (x)
λn ∗
tend vers un vecteur non nul de Rl+ (un énoncé analogue est valable pour
l− et f −1 ).
Cette classification est moins fine que celle de D ILLER et FAVRE pré-
sentée au paragraphe 2.3. Les deux sont liées par le théorème suivant.
Théorème 3.7. Soit f une transformation birationnelle d’une surface pro-
jective complexe. Soit f∗ l’action induite par f sur Z (S).
(i) f∗ est elliptique si, et seulement si f est virtuellement isotope à l’iden-
tité ;
(ii) f∗ est parabolique si, et seulement si f est un twist de J ONQUIÈRES
ou d’H ALPHEN ;
(iii) f∗ est hyperbolique si, et seulement si f est une transformation bi-
rationnelle entropique.
Démonstration. Rappelons que f est entropique si et seulement si son (pre-
mier) degré dynamique satisfait l’inégalité
λ( f ) > 1.
D’après [8], il existe toujours un vecteur non nul ξ du cône nef Z + (S) tel
que f∗ ξ = λ( f )ξ. En particulier, f∗ est hyperbolique si et seulement si λ( f )
est strictement supérieur à 1, si et seulement si f est entropique.
Soit f une transformation birationnelle virtuellement isotope à l’identité.
Nous pouvons donc conjuguer f à un automorphisme f 0 : S0 → S0 à l’aide
d’une application birationnelle h : S0 99K S. L’isométrie ( f 0 )∗ de NS (S0 ) est
d’ordre fini et préserve donc un fibré en droites ample l ∈ NS (S0 ). L’image
de l dans Z(S) par l’injection canonique de NS (S0 ) dans Z(S) est un point
fixe de f∗ d’auto-intersection strictement positive. Donc f∗ est une isomé-
trie elliptique. Réciproquement, si f est une transformation birationnelle
french 19

de S telle que f∗ soit elliptique, et si l est une classe nef, la suite hl|( f∗ )n li
est bornée. Il en résulte que la suite des normes de ( f n )∗ : NS (S) → NS (S)
est bornée (voir [8], preuve du théorème 3.2). D’après le paragraphe 2.3,
on sait alors que f est virtuellement isotope à l’identité.
Les points (i) et (iii) étant établis, le point (ii) en résulte. Précisons
toutefois que, lorsque f est un twist de H ALPHEN ou de J ONQUIÈRES,
l’unique fibration f -invariante détermine un élément du cône de lumière
de Z (S) qui est préservé par f∗ : c’est l’unique point fixe de l’isométrie f∗
sur l’union de H∞ (S) et de son bord. ¤

3.6. Stabilisateur d’un point.


Dans ce paragraphe nous précisons l’étude des transformations biration-
nelles virtuellement isotope à l’identité.
Proposition 3.8 ([52], lemme 35.13). Soit f : S0 99K S une transformation
birationnelle entre deux surfaces. Soient l 0 un élément de NS (S0 ) ⊗ R et
l un élément de NS (S) ⊗ R tels que (i) f∗ (l 0 ) = l et (ii) l soit une classe
ample. Alors f est un morphisme birationnel.
Démonstration. Factorisons f à l’aide de deux morphismes g : S00 → S0 et
h : S00 → S, de sorte que f = h ◦ g−1 . Supposons pour simplifier que g est
la contraction d’une courbe exceptionnelle de première espèce E. Le point
x = g(E) est alors l’unique point d’indétermination de f . Soit [E] la classe
de E dans NS (S00 ). Nous obtenons alors
0 = hg∗ (l 0 )|[E]i = hh∗ (l)|[E]i.
Puisque l est ample, c’est que h contracte E. Ainsi, l’unique courbe contrac-
tée par g l’est aussi par h et f est holomorphe. Le cas général découle de
ce cas particulier (voir [52], lemme 35.13). ¤
Remarque 3.9. Si l n’est pas ample, on obtient toutefois la propriété sui-
vante : toute courbe contractée par g est orthogonale à l. Si, par exemple, l
est la classe des fibres d’une fibration, ceci signifie que les courbes contrac-
tées par g sont contenues dans les fibres.
Cette proposition montre que si l est un point de Z+ (S) ⊗ R issu d’une
classe ample de NS (S0 ) ⊗ R (où S0 est birationnelle à S), alors tout élé-
ment f de Bir (S) pour lequel f∗ : Z (S) → Z (S) stabilise l est conjugué à
un automorphisme de S0 ; cet automorphisme est virtuellement isotope à
l’identité car f∗ est elliptique. La proposition suivante étend ce résultat de
deux façons : on considère un élément l de Z + (S) et un groupe de type fini
G au lieu d’une seule transformation f .
french 20

Proposition 3.10. Soit G un sous-groupe de type fini de Bir (S). Soit l un


élément de Z + (S) dont l’auto-intersection est strictement positive. Si tout
élément de G fixe l, il existe une application birationnelle ϕ : S0 99K S telle
que ϕ−1 Gϕ soit contenu dans Aut (S) et soit virtuellement contenu dans
Aut 0 (S).
Démonstration de la proposition 3.10. La difficulté consiste à se ramener
de l’hypothèse l ∈ Z (S) à l’hypothèse l ∈ Z(S), afin d’appliquer la propo-
sition 3.8. Nous utiliserons la remarque 3.6 et les notations qui l’accom-
pagnent.
Soit {g1 , g2 , ..., gk } un système de générateurs fini de G. D’après le théo-
rème 3.7, chaque gi est virtuellement isotope à l’identité. et est donc conju-
gué à un automorphisme d’une surface Si birationnelle à S. La transforma-
tion (gi )∗ préserve donc la décomposition
Z (S) = (NS (Si ) ⊗ R) ⊕ E (Si ).
Pour chaque entier i ∈ {1, 2, ..., k}, l’élément l de Z + (S) peut donc être
décomposé en
l = pi + ∑ a j (l)e j (3.1)
où pi est issu de NS (Si ) et les e j sont associés à des éclatements de points
dominants Si , i.e. e j ∈ Eclat(Si ). D’après la remarque 3.6, gi permute entre
eux les termes a j (l)e j de la décomposition (3.1) :
∀ j, ∃ j0 , (gi )∗ (a j (l)e j ) = a j0 (l)e j0 .
Puisque la somme hilbertienne ∑ a j (l)2 doit être finie, ou bien l’orbite de
e j par (gi )∗ est finie, ou bien a j (l) est nul.
Décomposons maintenant l dans la base canonique de Z (S),
l = p0 + ∑ ax (l)ex
où p0 appartient à NS (S) ⊗ R et les ex correspondent à des éclatements
au-dessus de S. Soit S0 une surface qui domine à la fois les Si et la surface
S. Soit J une partie finie de Eclat(S) telle que l’image de NS (S0 ) dans Z (S)
soit contenue dans l’espace vectoriel engendré par NS (S) et les e j , j ∈ J.
Chaque pi peut alors être décomposé en une somme finie
pi = pi (S) + ∑ a j (pi )e j
j∈J

avec pi (S) ∈ NS (S) ⊗ R.


Soit ε un nombre réel strictement positif inférieur à la moitié de la plus
petite valeur non nulle parmi les |a j (pi )|, j ∈ J. Soit gi l’un des k généra-
teurs du groupe G. Soit ex un élément de Eclat(S) pour lequel le coefficient
french 21

ax (l) est plus petit que ε. Alors x n’appartient pas à J donc ex n’est pas issu
de NS (Si ). Ceci montre que
(gi )∗ ax (l)ex = ax0 (l)ex0
où x0 = gi (x) est un autre point de Eclat(Si ). Nous en déduisons que le
groupe G stabilise le vecteur
l0 = ∑ ax (l)ex
|ax (l)|<ε

où la somme ne porte que sur les termes pour lesquels |ax (l)| < ε. Par
conséquent, la somme finie l 0 = l − l0 est G-invariante. Puisque l0 est or-
thogonal à l 0 et hl0 |l0 i < 0, nous avons hl 0 |l 0 i > 0. Puisque ce vecteur appar-
tient à Z(S), nous pouvons appliquer la proposition 3.8 pour conclure. ¤
Remarque 3.11. La démonstration précédente montre aussi que si G est un
groupe de type fini dans Bir (S) dont tous les éléments sont virtuellement
isotopes à l’identité, et si G fixe un élément l de Z + (S) pour lequel hl|li
est positif alors G fixe un tel élément l 0 dans Z+ (S) ⊗ R.
3.7. Groupes de torsion.
Avant de démontrer les résultats principaux de ce texte, commençons par
un exemple concernant les sous-groupes de torsion de Bir (P2 (C)). Dans le
groupe linéaire GL (n, C), tout groupe de torsion G est relativement com-
pact, donc contenu dans un conjugué du groupe unitaire (voir les théorèmes
de S CHUR, [17]). Le théorème suivant montre à la fois que cet énoncé n’a
pas d’analogue au sein du groupe de C REMONA et que la proposition 3.10
ne peut être étendue à des groupes G qui ne sont pas de type fini.
Théorème 3.12 (W RIGHT, [58]). Il existe un sous-groupe G de Aut [C2 ] -
donc de Bir (P2 (C)) - isomorphe au groupe abélien Q/Z tel que la fonction
degré ½
G → N
g 7→ deg(g)
ne soit pas bornée sur G.
Nous verrons au paragraphe 6.6 qu’un sous-groupe de torsion et de type
fini dans Bir (P2 (C)) est un groupe fini : le théorème de B URNSIDE pour
les groupes linéaires a donc un analogue pour le groupe de C REMONA. Les
questions suivantes semblent ouvertes :
• Analogue du théorème de J ORDAN.- Soit n un entier strictement posi-
tif. Existe-t-il une constante b(n) telle que tout sous-groupe de torsion de
Bir (Pn (C)) contienne un sous-groupe abélien d’indice inférieur à b(n) ?
french 22

• Analogue du théorème de B URNSIDE.- Un sous-groupe de torsion et


de type fini dans Bir (Pn (C)) est-il nécessairement fini ?

Partie II : rang

4. ACTION DE GROUPES DE K AZHDAN SUR LES SURFACES


Dans cette partie nous décrivons les actions birationnelles des groupes
de K AZHDAN sur les surfaces complexes compactes : il s’agit de montrer
le théorème A et quelques corollaires. Nous commençons par le cas facile
des surfaces irrationnelles

4.1. Surfaces irrationnelles.

Théorème 4.1. Si X est une surface complexe compacte kählérienne qui


n’est pas rationnelle, tout sous-groupe dénombrable de Bir (X) qui a la
propriété (T) de K AZHDAN est un groupe fini.

Nous montrerons ce résultat en séparant deux situations, suivant que la


dimension de KODAIRA de X est positive ou que X est une surface réglée
irrationnelle. Dans la suite,

α : Γ → Bir (X)

est un morphisme d’un groupe de K AZHDAN dénombrable vers Bir (X). Il


s’agit de montrer que l’image de α est finie.

4.1.1. Dimension de KODAIRA positive.


Lorsque la dimension de KODAIRA de X est positive ou nulle, X pos-
sède un unique modèle minimal X0 obtenu en contractant une à une les
courbes exceptionnelles de première espèce de X. Le groupe Bir (X) est
alors conjugué au groupe des automorphismes de X. Pour décrire les mor-
phismes α : Γ → Bir (X) il suffit donc de décrire ceux à valeurs dans
Aut (X0 ). Pour simplifier les notations, nous supposerons que X = X0 .
Fixons donc un morphisme α de Γ dans Aut (X). L’action de α(Γ) sur
le groupe de cohomologie H 1,1 (X0 , R) y préserve la forme d’intersection,
qui est de signature (1, ρ(X) − 1) (voir le §3.1). Puisque Γ a la propriété
(T ), tout morphisme de Γ dans un groupe orthogonal de type O (1, n) a une
image relativement compacte (voir [18]). C’est donc le cas pour l’image de
Γ dans GL (H 1,1 (X, R)).
french 23

Chaque élément de H 2,0 (X, C) est représenté par une unique 2-forme
holomorphe et l’action de α(Γ) sur H 2,0 (X, C) préserve le produit hermi-
tien (défini positif) Z
(Ω, Ω0 ) 7→ Ω ∧ Ω0 .
X
Par conjugaison, l’action de α(γ) sur H 0,2 (X, C) est également unitaire.
L’image de Γ dans GL (H 2 (X, C)) est donc relativement compacte.
Puisque Γ préserve la structure entière de la cohomologie, cette image
est finie. D’après [50], il existe un sous-groupe d’indice fini Γ0 dans Γ tel
que α(Γ0 ) soit contenu dans la composante connexe de l’identité Aut 0 (X).
Puisque la dimension de KODAIRA de X est positive, ce groupe est abélien
(voir [10]). Puisque Γ0 hérite de la propriété de K AZHDAN, α(Γ0 ) est fini
(voir [18]). Ceci termine la preuve du théorème 4.1 lorsque la dimension
de KODAIRA de la surface est positive ou nulle.
La stratégie sera la même pour les morphismes de Γ dans Bir (P2 (C)),
mais il s’agira de faire agir Γ sur l’espace de P ICARD -M ANIN de P2 (C).
4.1.2. Surfaces réglées.
Supposons maintenant que X est une surface réglée irrationnelle. La fi-
bration d’A LBANESE de X détermine une fibration holomorphe non tri-
viale à fibres rationnelles
aX : X → B
où B est une courbe de genre supérieur ou égal à 1. Cette fibration est in-
variante sous l’action de Bir (X) : il existe un morphisme de Bir (X) dans
Aut (B) tel que aX soit équivariante. On conclut alors avec le lemme sui-
vant, qui est extrait de [21].
Lemme 4.2. Soient S une surface complexe compacte, B une courbe et
π : S → B une fibration holomorphe de S. Soit Bir (S, π) le groupe des
transformations birationnelles de S qui permutent les fibres de π. Si Γ est
un sous-groupe dénombrable de Bir (S, π) qui a la propriété (T ) de K AZH -
DAN , Γ est fini.

Démonstration. L’hypothèse signifie qu’il existe un morphisme ρ de Γ


dans Aut (B) tel que
π ◦ γ = ρ(γ) ◦ π
pour tout élément γ de Γ. Le groupe Aut (B) est isomorphe à PGL (2, C)
lorsque B est la sphère de R IEMANN et est virtuellement abélien sinon.
Puisque Γ a la propriété (T ), le noyau Γ0 de ρ est d’indice fini dans Γ (voir
[18]).
french 24

Trivialisons la fibration π au-dessus d’un ouvert de Z ARISKI B0 de B,


de sorte que π−1 (B0 ) soit isomorphe à B0 × P1 (C) et que π s’identifie à
la projection sur B0 . Si γ est un élément de Γ0 , il existe une application
rationnelle Aγ : B0 99K PGL (2, C) telle que
γ(b, z) = (b, Aγ (b)(z)).
Ceci détermine un morphisme γ 7→ Aγ de Γ0 dans PGL (2, M (B)) où M (B)
est le corps des fonctions rationnelles sur B. Puisque Γ0 a la propriété (T ),
l’image de ce morphisme est finie. Le groupe Γ est donc fini. ¤

4.2. Actions sur le plan.


Dans ce paragraphe, nous montrons le résultat principal de cette partie,
celui qui termine la preuve du théorème A.
Théorème 4.3. Soit Γ un groupe discret ayant la propriété (T ) de K AZH -
DAN . Soit ρ un morphisme de Γ dans le groupe de C REMONA Bir (P2 (C)).
Ou bien ρ(Γ) est finie, ou bien ρ(Γ) est conjugué à un sous-groupe de
Aut (P2 (C)).

4.2.1. Automorphismes isotopes à l’identité.


Nous commençons par quelques remarques préliminaires concernant les
groupes Aut 0 (S) où S est rationnelle.
Soit S une surface complexe compacte et Aut 0 (S) le groupe de ses auto-
morphismes isotopes à l’identité. Si E est une courbe rationnelle lisse de S
dont l’autointersection est égale à −1, E est uniquement déterminée par sa
classe d’homologie [E]. Le groupe Aut 0 (S) agit trivialement sur l’homo-
logie de S et préserve donc la courbe E. Nous pouvons donc contracter la
courbe E, ce qui définit un morphisme π : S → S0 vers une surface lisse qui
conjugue Aut 0 (S) à un sous-groupe de Aut 0 (S0 ). Répétant cette procédure,
nous voyons que, pour toute surface S, il existe un morphisme birationnel
ε : S → S0 de S vers un modèle minimal S0 de S tel que εAut 0 (S)ε−1 soit
un sous-groupe de Aut 0 (S0 ).
Lorsque S est rationnelle, les modèles minimaux possibles sont
• le plan projectif P2 (C) et Aut 0 (P2 (C)) = Aut (P2 (C)) = PGL (3, C) ;
• la quadrique Q = P1 (C) × P1 (C) pour laquelle Aut 0 (Q) correspond
au groupe PGL (2, C) × PGL (2, C) agissant diagonalement ;
• une surface de H IRZEBRUCH Fm : pour tout entier m ≥ 1, la surface Fm
est construite en quotientant l’espace total du fibré vectoriel O (m) ⊕ O (0)
sur P1 (C), privé de sa section nulle, par les homothéties dans les fibres.
french 25

La surface Fm fibre donc naturellement sur P1 (C), avec des fibres ra-
tionnelles ; nous noterons πm : Fm → P1 (C) cette fibration. Les automor-
phismes de Fm préservent cette fibration, agissent donc par homographie
sur la base et par homographies dans les fibres.
Le lemme 4.2 montre ainsi que, si S est rationnelle, si Γ a la propriété
(T ) et si ρ : Γ → Aut 0 (S) est un morphisme de groupe, ou bien l’image de
ρ est finie ou bien ρ est conjugué à un morphisme de Γ dans Aut (P2 (C)).

4.2.2. Démonstration du théorème 4.3.


Il s’agit de juxtaposer la partie 3 à des idées exposées par G ROMOV et
VALETTE dans [43], §7.A, et [15], §7.4.
Composant ρ avec l’action de Bir (P2 (C)) sur l’espace de P ICARD -
M ANIN Z (P2 (C)), nous obtenons un morphisme ρ∗ de Γ dans le groupe
d’isométries de Z (P2 (C)) pour la forme d’intersection h . | . i. En utilisant
les notations du paragraphe 3.4, ceci détermine une action de Γ par isomé-
tries sur H∞ (ou plus précisément sur H∞ (P2 (C))).
Notons dist( . , . ) la distance associée à la métrique de H∞ et fixons un
point x de H∞ . D’après le corollaire 8.2 de [31], la fonction
γ 7→ log (cosh dist(γ(x), x))
est de type négatif sur Γ, donc bornée puisque Γ a la propriété (T ) ([18],
chapitres 5 et 6). L’orbite Orb(x, Γ) de x sous Γ forme donc un ensemble
borné de H∞ . Puisque H∞ satisfait l’inégalité de la médiane nous pouvons
appliquer le lemme du centre ([18], page 37) : il existe un unique point x0
de H∞ qui minimise la fonction
y ∈ H∞ 7→ dist(y, Orb(x, Γ)).
Ce point x0 , appelé centre de l’orbite de x, est invariant sous l’action de Γ,
ce qui montre que ρ(Γ) fixe un point x0 de H∞ .
Ayant la propriété (T ), le groupe Γ est de type fini ([18], page 11). Nous
pouvons donc appliquer la proposition 3.10 : il existe un sous-groupe dis-
tingué et d’indice fini Γ0 dans ρ(Γ) qui est conjugué à un sous-groupe
de Aut 0 (S) où S est une surface rationnelle. Le paragraphe 4.2.1 fournit
l’alternative : ou bien ρ(Γ) est fini ou bien ρ(Γ0 ) est conjugué à un sous-
groupe infini de
Aut (P2 (C)) = PGL (3, C).
Nous pouvons donc désormais supposer que ρ(Γ0 ) est un sous-groupe in-
fini PGL (3, C).
french 26

Lemme 4.4. Si G est un sous-groupe infini de Aut (P2 (C)) qui a la pro-
priété (T ) de K AZHDAN, G ne préserve aucune courbe C ⊂ P2 (C).
Démonstration. Si G préserve une courbe, son adhérence de Z ARISKI est
un sous-groupe algébrique strict de PGL (3, C). Par ailleurs, si H est un
sous-groupe algébrique complexe de PGL (3, C) de codimension supérieure
ou égale à 1, tout sous-groupe de K AZHDAN de H est fini. Nous obtenons
donc une contradiction avec l’hypothèse suivant laquelle G est infini. ¤
Puisque ρ(Γ0 ) est infini et a la propriété (T ), ce lemme montre que
ρ(Γ0 ) ne préserve aucune courbe C de P2 (C). Soit γ un élément de Γ.
Puisque Γ0 est distingué dans Γ,
γ ◦ Γ0 = Γ0 ◦ γ.
Puisque ρ(Γ0 ) agit par automorphismes sur le plan, ceci montre que ρ(Γ0 )
stabilise l’union finie des courbes contractées par ρ(γ). Nous en déduisons
que ρ(γ) ne contracte aucune courbe, i.e. que ρ(γ) est un automorphisme
du plan. Finalement, ρ(Γ) est entièrement contenu dans Aut (P2 (C)) et le
théorème est démontré.
4.3. Remarques autour du « programme de Zimmer ».
Le « programme de Z IMMER » consiste à étudier les actions de réseaux
de groupes de L IE par difféomorphismes sur les variétés compactes dans
l’esprit des travaux de M ARGULIS concernant les actions linéaires. Une
conjecture centrale de ce domaine stipule, entre autre, qu’un réseau Γ d’un
groupe de L IE réel simple (connexe) G ne peut agir fidèlement sur une
variété compacte dont la dimension serait strictement inférieure au rang
réel de G. Les actions étudiées par Z IMMER sont lisses, mais il est souvent
intéressant de transposer cette conjecture dans d’autres cadres et, pour-
quoi pas, aux actions par transformations birationnelles ! Dans cet esprit,
le théorème A admet le corollaire suivant.
Corollaire 4.5. Soient G un groupe de L IE réel, connexe et presque simple
et Γ un réseau de G. Soit S une surface complexe compacte kählérienne.
Si le rang réel de G est supérieur ou égal à 3, tout morphisme de Γ
dans Bir (S) a une image finie. Si le rang réel de G est égal à 2, et si
ρ : Γ → Bir (S) est un morphisme dont l’image est infinie, il existe une
application birationnelle de S vers P2 (C) qui conjugue ρ(Γ) à un sous-
groupe de PGL (3, C).
Démonstration. Nous pouvons supposer que le rang réel de G est supérieur
ou égal à 2. En ce cas, G et Γ ont la propriété (T ). Si S n’est pas rationnelle,
tout morphisme de Γ dans Bir (S) a donc une image finie. Nous pouvons
french 27

donc supposer maintenant que S est le plan projectif et que l’image de Γ


est contenue dans PGL (3, C) (appliquer le théorème 4.3). On déduit alors
de [53], théorème 2’ page 4, que le rang de G est inférieur ou égal à 2 (voir
par exemple [12], pages 764-765, pour cet argument). ¤
Pour ce qui concerne les groupes de rang 1, deux situations distinctes
(−20)
apparaissent. Si G est localement isomorphe à Sp (1, n) ou F4 , alors G
et Γ ont la propriété (T ). On déduit alors du théorème A et des résultats de
rigidité de C ORLETTE que toute action birationnelle de Γ sur une surface
projective complexe se réduit à l’action d’un groupe fini. Le cas intéressant
est donc celui des réseaux de SO (1, n) et de SU (1, n).
Exemple 4.6 (Surfaces de Coble). Soit C une courbe sextique plane com-
portant 10 points doubles, choisie génériquement parmi les courbes de ce
type. Soit X la surface rationnelle obtenue en éclatant les points doubles de
C. Le rang du groupe de N ÉRON -S EVERI de X est donc égal à 11. Le fibré
canonique KX détermine un élément [KX ] de NS (X) d’auto-intersection
strictement négative,
h[KX ] | [KX ]i = −1.
Soit MX l’orthogonal de [KX ] dans NS (X). Puisque le fibré canonique est
invariant par tout automorphisme de X, nous obtenons un morphisme de
Aut (X) dans le groupe O (MX ) des isométries de MX ⊗ R pour la forme
d’intersection. Les travaux de C OBLE montrent que ce morphisme plonge
Aut (X) en un réseau de O (MX ). Ainsi, puisque X est rationnelle, le groupe
Bir (P2 (C)) contient une copie d’un réseau de O (1, 9) (voir l’introduction
de [28] et les références qui s’y trouvent).
Exemple 4.7. Soit Σg la surface de genre g, avec g ≥ 2. D’après [14], il
existe des plongements
π1 (Σg ) → Aut (C2 ) ⊂ Bir (P2 (C))
qui ne sont pas birationnellement conjugués à un plongement dans un
groupe d’automorphismes d’une surface rationnelle. Je ne sais pas s’il
existe des réseaux cocompacts de SO (1, 3) qui admettent de tels plonge-
ments.
Question : Quelles sont les valeurs de l’entier n pour lesquelles existe un
réseau de SO (1, n) qui s’injecte dans le groupe des transformations bira-
tionnelles (resp. des automorphismes) d’une surface projective complexe ?
Nous ne savons malheureusement pas répondre à cette question. Si X
est une surface K3, le noyau de l’action de Aut (X) sur H 1,1 (X, R) est fini.
french 28

Puisque la dimension de H 1,1 (X, R) est égale à 20, les théorèmes de ri-
gidité de M OSTOW montrent qu’un réseau de O (1, n) ne peut se plonger
dans Aut (X) si n est supérieur à 19. Ce résultat vaut pour toutes les sur-
faces dont la dimension de KODAIRA est positive et la question précédente,
encore une fois, se réduit au cas des plongements de réseaux dans le groupe
de C REMONA.

5. C ENTRALISATEURS ET GROUPES ABÉLIENS


Le centralisateur d’un élément f dans un groupe G est le sous-groupe
de G formé des éléments de G qui commutent avec f ,
Cent ( f , G) = {g ∈ G|g ◦ f = f ◦ g}.
Dans cette partie, nous donnons un critère portant sur la dynamique d’une
transformation holomorphe ou rationnelle (ou analytique réelle) qui assure
que le centralisateur de la transformation contient un sous-groupe abélien
libre de rang 1 d’indice fini. Ce critère est particulièrement efficace pour
les transformations rationnelles des surfaces et conduira, entre autre, à la
preuve du théorème B.
5.1. Dynamique et centralisateur pour les difféomorphismes.
Soit M une variété complexe et f une transformation holomorphe de
M. Soit q un point périodique de période k pour f . Nous dirons que q
est hyperbolique si certaines valeurs propres de la différentielle de f k au
point q ont un module strictement plus grand que 1, d’autres ont un module
strictement plus petit que 1, mais aucune valeur propre n’a un module égal
à 1. Nous noterons Wloc s (q) et W u (q) (resp. W s (q) et W u (q)) les variétés
loc
stables et instables locales (resp. globales) de f en q.
Soit g un automorphisme de M qui commute avec f . La transformation
g permute les points périodiques hyperboliques de période k de f . Si cet
ensemble de points périodiques est fini, de cardinal Nk strictement positif,
gNk ! fixe chacun des points périodiques hyperboliques de f . Les variétés
stables et instables de chacun de ces points q sont également invariantes
sous l’action de g. Lorsque l’union des variétés stables et instables de q est
Z ARISKI-dense dans M, la restriction de g aux germes Wloc s (q) et W u (q)
loc
détermine donc entièrement la transformation g : M → M.
Plaçons nous maintenant en dimension 2, de sorte que f est un auto-
morphisme d’une surface complexe que nous noterons S plutôt que M. La
variété W u (q) (resp. W s (q)) est alors paramétrée par une application ho-
lomorphe injective ξ+ − +
q : C → M (resp. ξq ) satisfaisant ξq (0) = q (resp.
ξ−
q (0) = q). Notons Ak le sous-groupe de Cent ( f , Aut (S)) consituté des
french 29

automorphismes de S qui fixent chacun des Nk points périodiques hyper-


boliques de f de période k. On dispose alors d’un morphisme
½
Ak → C∗ × C∗
α:
g 7→ α(g) = (α− (g), α+ (g))
tel que
ξ− − −
q (α (g)z) = g(ξq (z)) et ξ+ + +
q (α (g)z) = g(ξq (z))
pour tout nombre complexe z. Lorsque l’union des variétés stables et in-
stables de f en q sont Z ARISKI-dense, ce morphisme est injectif. En par-
ticulier, Ak est abélien et Cent ( f , Aut (S)) contient un sous-groupe abélien
d’indice inférieur ou égal à (Nk !).
Considérons le sous-ensemble Λ de C × C constitué des couples (x, y)
pour lesquels ξ− +
q (x) est égal à ξq (y) et montrons que Λ est un sous-ensemble
discret de C × C. Soit (x, y) un point de Λ et m le point de S défini par
m = ξ− +
q (x) = ξq (y).
Dans un voisinage suffisamment petit de m, les composantes connexes de
W s (q) et W u (q) contenant m sont deux sous-variétés complexes distinctes
et ne peuvent donc s’intersecter qu’un nombre fini de fois. Il existe donc
un voisinage U de x et un voisinage V de y tels que ξ− +
q (U ) et ξq (V ) ne
s’intersectent qu’au point m. Le point (x, y) est donc l’unique point de Λ
dans l’ouvert U × V , ce qui montre que Λ est discret.
À cela, nous pouvons ajouter la propriété suivante : l’ensemble Λ ne
coupe les axes {0} × C et C × {0} qu’au point (0, 0) car ξ+ −
q et ξq sont
injectives. Nous sommes maintenant en mesure de montrer la proposition
suivante.
Proposition 5.1. Soit f un difféomorphisme holomorphe d’une surface
complexe connexe S. Supposons qu’il existe un entier k tel que
(i) l’ensemble des points périodiques hyperboliques de f de période k
est fini et non vide
(ii) pour l’un de ces points périodiques q, les variétés stables et in-
stables s’intersectent en au moins un point distinct de q.
Le groupe cyclique engendré par f est alors d’indice fini dans le groupe
des difféomorphismes holomorphes de S qui commutent avec f .
Démonstration. Conservons les notations employées jusqu’à présent et no-
tons A l’image du groupe Ak par le morphisme α. Puisque W − (q) et W + (q)
se coupent ailleurs qu’en q, ces deux « variétés » se coupent infiniment et
forment un ensemble Z ARISKI-dense, au sens ou il existe un voisinage U
de q tel que toute fonction holomorphe sur U qui est nulle sur W + (q) ∩ U
french 30

est identiquement nulle. Nous pouvons donc affirmer que le morphisme α


est injectif et que l’ensemble Λ est une partie discrète et infinie de C × C
qui est invariante sous l’action diagonale de A.
Soit A l’adhérence de A dans C∗ × C∗ . Puisque Λ est discret, il est A-
invariant. Si A n’était pas discret, le groupe A contiendrait un sous-groupe
à un paramètre non trivial de la forme t 7→ (etu , etv ). Puisque Λ est discret,
l’une des trois propriétés suivantes devrait être satisfaite :
(i) Λ = {(0, 0)},
(ii) u = 0 et Λ ⊂ C × {0}
(iii) v = 0 et Λ ⊂ {0} × C.
Ceci est impossible car Λ est infini et ne coupe pas les axes. Ainsi, A ne
contient aucun sous-groupe à un paramètre et A est discret. En particulier,
A contient un sous-groupe abélien libre A0 d’indice fini dont le rang est
inférieur ou égal à 2.
Puisque Cent ( f , Aut (S)) contient l’élément d’ordre infini f , l’automor-
phisme f k engendre un sous-groupe libre de rang 1 contenu dans Ak . Le
rang de A0 est donc minoré par 1 et, s’il vaut 1, f engendre un sous-groupe
d’indice fini de Cent ( f , Aut (S)).
Il suffit donc de montrer que le rang de A0 ne peut être égal à 2. Si
c’était le cas, A0 serait un sous-groupe discret et cocompact de C∗ × C∗ et
il existerait un élément (α1 , α2 ) de A0 pour lequel
|α1 | < 1 et |α2 | < 1.
Soit (x, y) un point de Λ distinct de l’origine. La suite (αn1 x, αn2 y) serait
alors une suite infinie d’éléments de Λ tendant vers le point (0, 0) de Λ.
Ceci contredit la discrétude de Λ et termine la démonstration. ¤
Corollaire 5.2 (Théorème de L AMY renforcé). Soit h un automorphisme
de type H ÉNON du plan C2 . Le groupe cyclique engendré par h est d’indice
fini dans le groupe des biholomorphismes de C2 qui commutent à h.
Ce résultat renforce un théorème de L AMY concernant les automor-
phismes polynomiaux de C2 qui commutent à h. La preuve de L AMY
utilise la structure de produit amalgamé du groupe des automorphismes
polynomiaux de C2 , ce qui permet d’appliquer la théorie de BASS -S ERRE
(voir [49]).
Démonstration. D’après [5], si k est suffisamment grand, l’automorphisme
h possède un nombre fini strictement positif de points périodiques hyper-
boliques de période k dont les variétés stables et instables se recoupent. La
proposition précédente permet donc de conclure. ¤
french 31

La stratégie employée pour démontrer la proposition 5.1 s’applique bien


sûr en dimension plus grande et conduit, par exemple, à l’énoncé suivant.
Proposition 5.3. Soit f un automorphisme d’une variété complexe M. Sup-
posons qu’il existe un entier k tel que
(i) l’ensemble des points périodiques hyperboliques non résonnants est
fini et non vide,
(ii) la variété stable de l’un de ces points périodiques recoupe la variété
instable et est Z ARISKI dense.
Le centralisateur de f contient alors un sous-groupe abélien libre d’indice
fini dont le rang est majoré par dimC (M) − 1.
Cette proposition fournit une explication dynamique heuristique au théo-
rème principal de [24].
5.2. Centralisateur des transformations birationnelles I.
Soit f une transformation birationnelle d’une surface complexe projec-
tive S. Si q est un point périodique hyperbolique, nous noterons encore
− +
Wloc (q) et Wloc (q) ses variétés stables et instables locales (voir le §2.4).
Ce sont des germes de courbes analytiques complexes lisses passant par q.
Les variétés stables et instables globales sont définies par
[
±
W ± (q) = f n (Wloc (q))
n∈Z
±
où l’on prend ici l’union des transformées strictes de Wloc (q) par f n . Les
− +
ensembles W (q) et W (q) sont les prolongements analytiques des germes
− +
Wloc (q) et Wloc (q). Ils sont paramétrés par des applications holomorphes
ξ±
q :C→S
envoyant l’origine sur q et réalisant un biholomorphisme local d’un voi-
±
sinage de l’origine sur la variété Wloc (q). Ces applications peuvent ne pas
être injectives : si une courbe E est contractée par f sur un point p et si
W + (q) coupe E une infinité de fois, alors W + (q) passe une infinité de fois
par le point p (voir les figure de [54]).
Lemme 5.4. L’ensemble Λ des couples (x, y) tels que ξ+ −
q (x) = ξq (y) est un
sous-ensemble discret de C × C qui ne rencontre les axes de coordonnées
qu’en l’origine.
Démonstration. Soient (x, y) un point de Λ et m le point ξ+ −
q (x) = ξq (y).
Les variétés stables et instables peuvent a priori passer une infinité de fois
par le point m. Cependant, puisque chacune de ces variétés est l’union
±
croissante des f ±n (Wloc (q), il existe deux ouverts U et V de C contenant
french 32

respectivement x et y et un ouvert W de S contenant m tels que ξ+ q (U )∩ W



et ξq (V ) ∩ W sont deux courbes analytiques distinctes de W . Quitte à
restreindre ces ouverts, nous pouvons supposer que ξ+ −
q (U ) et ξq (V ) ne
se coupent qu’une fois, c’est-à-dire que (x, y) est le seul point de Λ dans
l’ouvert U × V . L’ensemble Λ est donc discret. Il ne coupe les axes de
coordonées qu’à l’origine car ξ+ −
q (resp. ξq ) ne repasse pas par q : en effet,
q étant un point périodique, aucune courbe n’est contractée sur q par un
itéré de f . ¤
Proposition 5.5. Soit f une transformation birationnelle d’une surface
projective complexe S pour laquelle λ( f ) > 1. Si f vérifie la condition
de B EDFORD et D ILLER, le groupe engendré par f est d’indice fini dans
Cent ( f , Bir (S)).
Démonstration. L’ensemble des points périodiques hyperboliques de f de
période k est un ensemble fini. Le théorème de D UJARDIN permet de choi-
sir un entier k pour lequel il existe un tel point périodique q dont les variétés
stables et instables se recoupent une infinité de fois et forment chacune un
ensemble Z ARISKI-dense de S (voir le §2.4).
Soit g une transformation birationnelle de S qui commute avec f . Si
W + (p) est une variété instable Z ARISKI-dense de f en un point pério-
dique p, g est holomorphe au point générique de W + (p) ; ceci permet de
définir g par prolongement analytique le long de toute la variété W + (p),
même si celle-ci passe par les points d’indétermination de g (en d’autres
termes, on considère la transformée stricte de cette variété par g). Avec
cette convention, g permute les variétés stables et instables des points pé-
riodiques hyperboliques de f . Puisque f a un nombre fini Nk de points
périodiques hyperboliques de période k, il existe un sous-groupe Bk dans
Cent ( f , Bir (S)) d’indice majoré par (Nk !) dont tous les éléments fixent les
variétés stables et instables W − (q) et W + (q). Plus précisément, il existe
un morphisme α(g) = (α+ (g), α− (g)) de Bk vers C∗ × C∗ tel que
g(ξ± ± ±
q (z) = ξq (α (g)z)
pour tout élément g de Bk et tout point z de C tel que g soit holomorphe au
voisinage de ξ±q (z).
Puisque les variétés stables et instables de q sont Z ARISKI-denses, α est
un morphisme injectif. Le reste de la démonstration de la proposition 5.1
s’applique mot à mot. ¤
5.3. Centralisateur des transformations birationnelles II.
Dans ce paragraphe, nous exposons un second argument qui complètera
la preuve du théorème B.
french 33

Soit f une transformation birationnelle algébriquement stable sur une


surface complexe S. Soit x un point d’indétermination de f . Si C est une
courbe contractée sur x par un itéré f −n de f , n > 0, nous dirons que C est
issue, ou qu’elle provient, du point x. De même, si q est un point de S pour
lequel il existe un entier m ∈ N vérifiant
(i) ∀ 0 ≤ l < m, f l (q) n’appartient pas à Ind( f ),
(ii) f m (q) = x,
nous dirons que q est un point d’indétermination de f à l’instant m passant
par x. Puisque f est algébriquement stable, les itérés f −m de f , m ≥ 0, sont
tous holomorphes au voisinage de x, donc l’unique point q passant par x à
l’instant m est f −m (x). Nous dirons que x a une orbite négative infinie si
l’ensemble { f −m (x) ; m ≥ 0} est infini.
Lemme 5.6. Soit x un point d’indétermination de f dont l’orbite négative
est infinie. L’une des deux assertions suivantes est vérifiée.
a.- Il existe une infinité de courbes irréductibles contractées sur x par
les itérés f −n de f , n ∈ N.
b.- Il existe un morphisme birationnel π : S → S0 tel que π ◦ f ◦ π−1
soit une transformation birationnelle algébriquement stable de S0 dont
tous les itérés sont holomorphes au voisinage de π(x).
Nous dirons qu’un point d’indétermination x est « persistant » s’il n’exis-
te aucun morphisme birationnel π : S → S0 vers une autre surface projective
S0 satisfaisant la propriété (ii).
Démonstration. Supposons que l’union des courbes contractées par un itéré
négatif f −n sur le point x forme une union finie D de courbes. Soit D0 une
courbe contenue dans D qui est contractée par un itéré f m , m > 0, au sens
où f m est holomorphe le long de D0 et f m (D0 ) est réduit à un point. On peut
alors contracter le diviseur D0 par un morphisme birationnel π : S → S0
et l’application π ◦ f ◦ π−1 reste algébriquement stable. Cette procédure
fait baisser le rang du groupe de N ÉRON -S EVERI de S. En appliquant un
nombre fini de fois cette procédure, nous pouvons donc supposer que D ne
contient plus de telle courbe D0 .
Si D est vide, l’alternative (b) du lemme est satisfaite. Dans le cas
contraire, les courbes contenues dans D sont envoyées sur des courbes de
D par les itérés positifs f m : en effet, si C est contenue dans D et f m (C)
ne l’est pas, c’est que f m (C) est un point extérieur à D et que f m est ho-
lomorphe le long de C. Nous pouvons donc supposer que D est invariant
par f m pour tout entier m positif. Dans ce cas, D est invariant par tous les
itérés f n , n ∈ Z et les images réciproques f −n (x), n ≥ 0, forment donc une
suite de points de D.
french 34

x
f

D = D0 . D= diviseur invariant.

F IG . 1. Orbites finies. Deux situations extrèmes. À


gauche, D et D0 coïncident, à droite D0 est vide.

Soit C une composante irréductible de D passant par le point x. Puisque


D est constitué de courbes issues de x, il existe un entier k tel que f −k soit
holomorphe le long de C et contracte C sur le point x. Ainsi, l’orbite néga-
tive de x repasse périodiquement en x et ne peut être infinie, contrairement
à l’hypothèse faite dans l’énoncé du lemme. ¤

Proposition 5.7. Soit f une transformation birationnelle algébriquement


stable d’une surface complexe compacte S. Soit x un point d’indétermina-
tion de f persistant dont l’orbite négative est infinie. Si g est une trans-
formation birationnelle de S qui commute avec f , ou bien g préserve un
pinceau de courbes rationnelles ou bien l’un des itérés gm de g, m 6= 0,
coïncide avec l’un des itérés f n de f .

Démonstration. Soit N le cardinal de l’ensemble Ind( f ). Remplaçons g


par gN! . Puisque l’orbite négative de x est infinie, il existe un entier k0 tel
que g soit holomorphe au voisinage des points f −k (x) pour tout k ≥ k0 .
Pour tout entier positif n, notons Cn l’union des courbes issues de x à l’ins-
tant n. Puisque x est un point périodique persistant, le lemme 5.6 assure
que les courbes issues de x sont en nombre infini. Il existe donc un entier
n0 tel que, pour tout n ≥ n0 , g ne contracte pas Cn . Ces deux remarques,
et le fait que g et f commutent, montrent que g( f −k (x)) est un point d’in-
détermination de f m pour au moins un entier positif m compris entre 0 et
french 35

n0 + k + 1 (∀k ≥ k0 ). Puisque nous avions changé g en gN! , ce point d’in-


détermination passe par x. Quitte à changer g en g ◦ f l , avec l convenable,
nous pouvons donc supposer que g( f −k (x)) est un point d’indétermination
de f à l’instant k passant par x, et donc que
g( f −k (x)) = f −k (x),
ceci pour tout k ≥ k0 . Ce choix étant fait, nous obtenons de même,
g(Cn ) = Cn
pour tout n suffisamment grand. Le lemme suivant permet de conclure. ¤
Lemme 5.8 (voir [16] et [22]). Soit S une surface complexe compacte et g
une transformation birationnelle de S. Si g préserve une infinité de courbes
alors g préserve une fibration.
Corollaire 5.9. Soit f une transformation birationnelle algébriquement
stable sur une surface complexe compacte S. Supposons que
(i) le premier degré dynamique λ( f ) est strictement plus grand que 1,
(ii) f possède un point d’indétermination persistant dont l’orbite néga-
tive est infinie.
Si g est une transformation birationnelle de S qui commute à f , il existe un
entier m strictement positif et un entier n tels que gm = f n .
Remarque 5.10. Si le point d’indétermination x est persistant et a une or-
bite négative Z ARISKI-dense, la démonstration montrera que Cent ( f , Bir (S))
est virtuellement isomorphe au groupe cylique engendré par f .
Démonstration. Soit g un élément du centralisateur de f . Supposons que
g préserve un pinceau de courbes P . Puisque λ( f ) > 1, la transformation
f ne préserve aucun pinceau de courbes. La transformation g doit donc
préserver au moins deux pinceaux distincts, à savoir P et f (P ). D’après
[23], ceci entraîne que l’un des itérés de g est conjugué birationnellement
à un automorphisme isotope à l’identité sur une surface rationnelle mini-
male. Notons S0 la surface ainsi obtenue et continuons à noter g et f les
transformations de S0 obtenues à partir de g et de f par cette conjugaison.
Supposons que g soit d’ordre infini et notons G l’adhérence de Z ARISKI
du groupe cyclique engendré par g au sein du groupe Aut (S0 ). C’est un
groupe de L IE abélien qui commute à f , donc chaque sous-groupe à un
paramètre de G détermine un flot φt qui commute à f :
f ◦ φt = φt ◦ f .
Si les orbites de φt sont des courbes algébriques, f préserve un pinceau de
courbes, ce qui contredit λ( f ) > 1. Dans le cas contraire, φt ne fixe qu’un
french 36

nombre fini de courbes algébriques et, parmi celles-ci, on trouve toutes


les courbes contractées par f ou l’un de ses itérés f n . Il n’y a donc qu’un
nombre fini de telles courbes, ce qui contredit l’hypothèse (ii). ¤
Remarque 5.11. Sous les hypothèses de cette proposition, il est facile
de montrer que Cent ( f , Bir (S)) est virtuellement abélien. Il se pourrait
a priori que ce groupe contienne un sous-groupe de torsion infini analogue
à ceux décrits au paragraphe 3.7. C’est un cas que je n’ai malheureusement
pas sû exclure.

5.4. Centralisateurs des applications birationnelles des surfaces.


Le corollaire 5.9 et la proposition 5.5 nous permettent maintenant de
démontrer le théorème B. Supposons en effet que f est une transforma-
tion rationnelle algébriquement stable sur une surface S dont le premier
degré dynamique λ( f ) est strictement plus grand que 1. Si f ne satisfait
pas la condition de B EDFORD et D ILLER, f possède un point d’indéter-
mination x dont l’orbite négative f −k (x), k > 0, passe arbitrairement près
d’un des points d’indétermination de f −1 . En particulier, cette orbite est
infinie. Quitte à changer f par conjugaison birationnelle, nous pouvons
donc supposer que f satisfait la condition de B EDFORD et D ILLER ou que
f possède un point d’indétermination persistant dont l’orbite négative est
infinie. La proposition 5.5 et le corollaire 5.9 terminent donc la preuve.
Lorsque f est un twist de H ALPHEN, il est encore possible de borner la
taille du centralisateur de f .
Proposition 5.12. Soit f une transformation birationelle du plan projec-
tif qui est un twist de H ALPHEN. Le centralisateur de f dans Bir (P2 (C))
contient un sous-groupe d’indice fini qui est abélien, libre et de rang infé-
rieur ou égal à 8.
Démonstration. (voir [41]) Quitte à faire un changement de variable bi-
rationnelle φ : S 99K P2 (C), nous pouvons supposer que f est un élément
d’une surface rationnelle S qui est munie d’une fibration elliptique π : S →
P1 (C) et que cette fibration est f -équivariante. Nous pouvons en outre sup-
poser que cette fibration est minimale (il n’y a pas de courbe lisse d’auto-
intersection −1 dans les fibres) et, donc, que f est un automorphisme. La
fibration elliptique étant l’unique fibration f -invariante (voir [23]), elle
est invariante par le centralisateur de f dans Bir (S). Ce groupe est donc
contenu dans Aut (S).
Puisque la fibration est minimale, la surface S est obtenue en éclatant
le plan en les neuf points-base d’un pinceau de H ALPHEN et le rang de
french 37

son groupe de N ÉRON -S EVERI est donc égal à 10. Le groupe d’automor-
phismes de S se plonge en outre dans les endomorphismes de H 2 (S, Z)
pour la forme d’intersection et préserve la classe [KX ] du fibré canonique,
c’est-à-dire la classe de la fibration elliptique. L’hyperplan orthogonal à
[KX ] est de dimension 9 et la forme d’intersection, en restriction à cet
hyperplan [KX ]⊥ , est semi-négative : son noyau coïncide avec Z[KX ]. Le
groupe Aut (X) contient donc un groupe abélien d’indice fini dont le rang
est inférieur ou égal à 8. ¤
Lorsque f est un twist de J ONQUIÈRES, le calcul du centralisateur est
délicat et conduit à des situations très variées (voir [20]).

Partie III
6. A LTERNATIVE DE T ITS
Cette partie a pour but de démontrer le théorème C. énoncé dans l’intro-
duction.

6.1. Remarques concernant l’alternative de T ITS.

6.1.1. Résolubilité virtuelle.


La suite des groupes dérivés d’un groupe G est définie par la récurrence
D0 (G) = G, D1 (G) = [G, G], Dn+1 (G) = D1 (Dn (G)), ...,
Un groupe G est résoluble s’il existe un entier n tel que Dn (G) soit réduit
à l’élément neutre ; la longueur de résolubilité de G est le plus petit entier
n tel que Dn (G) soit réduit à l’élément neutre. Un groupe est virtuellement
résoluble s’il contient un sous-groupe résoluble d’indice fini. La longueur
de résolubilité virtuelle de G est alors définie comme le minimum des lon-
gueurs de résolubilité des sous-groupes d’indice fini de G. Toute extension
d’un groupe résoluble par un autre est résoluble et il en va de même dans la
catégorie des groupes virtuellement résolubles, comme le montre le lemme
suivant.
Lemme 6.1. Soit G un groupe de type fini. Supposons que G soit une ex-
tension d’un groupe virtuellement résoluble R de longueur r par un autre
groupe virtuellement résoluble Q de longueur q :
1 → R → G → Q → 1.
Alors G est virtuellement résoluble de longueur inférieure ou égale à r +
q + 1.
french 38

Démonstration. Quitte à changer Q en l’un de ses sous-groupes résolubles


d’indice fini, nous pouvons supposer que Q est résoluble de longueur q.
Soit R0 un sous-groupe de R résoluble, de longueur r et d’indice fini. Soit
{g1 , ..., gk } une partie génératrice finie de G. Le groupe
i=k
\
R1 = gi R0 g−1
i
i=1
est distingué dans G, résoluble (de longueur inférieure à r) et d’indice fini
dans R.
Soit G1 le groupe G/R1 . Le groupe G1 est une extension de Q par le
groupe fini R/R1 :
1 → (R/R1 ) → G1 → Q → 1.
Soit co : G1 → Aut (R/R1 ) le morphisme associé à l’action de G1 sur
(R/R1 ) par conjugaison. Le noyau de ce morphisme est un sous-groupe
d’indice fini G2 dans G1 . Ce groupe G2 intersecte (R/R1 ) sur un sous-
groupe C de G2 contenu dans le centre de G2 . Ainsi, G2 est une extension
centrale d’un groupe abélien fini par un groupe résoluble de longueur q,
donc G2 est résoluble de longueur inférieure à q + 1.
Considérons maintenant le sous-groupe G0 de G défini comme l’image
réciproque de G2 par la projection canonique de G sur G1 . Ce groupe est
d’indice fini dans G et est une extension de R1 par G2 . C’est donc un sous-
groupe résoluble d’indice fini dans G et de longueur inférieure à r + q +
1. ¤

6.1.2. L’alternative de T ITS.


On dit qu’un groupe G « vérifie l’alternative de T ITS » si tout sous-
groupe de type fini Γ dans G contient un groupe libre non abélien ou
contient un sous-groupe résoluble d’indice fini.
Proposition 6.2. Soient G1 et G2 deux groupes satisfaisant l’alternative
de T ITS. Si G est une extension de G1 par G2 alors G satisfait l’alternative
de T ITS.
Démonstration. Par hypothèse nous disposons d’une suite exacte courte de
morphismes de groupes :
1 → G1 → G → G2 → 1.
Soient Γ un sous-groupe de type fini de G et π : Γ → G2 la projection de Γ
dans G2 . Si l’image ou le noyau de π contient un groupe libre non abélien,
french 39

Γ aussi. Dans le cas contraire, Γ est une extension d’un groupe virtuelle-
ment résoluble par un autre, et le lemme précédent permet de conclure. ¤

6.2. Surfaces irrationnelles.


Lorsque X est une surface complexe compacte kählérienne irrationnelle,
ou bien la dimension de KODAIRA de X est positive, ou bien X est une
surface réglée et le réglage est invariant sous l’action de Bir (X).
Dans le premier cas, nous avons vu que Bir (X) est conjugué à Aut (X0 )
où X0 est l’unique modèle minimal de la surface X (voir le §4.1.1). Il suffit
donc d’appliquer la proposition suivante pour conclure.
Proposition 6.3. Si M est une variété complexe compacte kählérienne, son
groupe d’automorphismes satisfait l’alternative de T ITS.
Démonstration. Le groupe Aut (M) agit sur la cohomologie de M, ce qui
détermine un morphisme de Aut (M) dans GL (H ∗ (M, Z)), où H ∗ (M, A)
est la somme directe des groupes de cohomologie de M à coefficients dans
l’anneau A. Dans [50], L IEBERMAN montre que le noyau de ce morphisme
est un groupe de L IE complexe n’ayant qu’un nombre fini de composantes
connexes et que sa composante connexe Aut 0 (M) est une extension d’ un
tore complexe compact par un groupe algébrique complexe. La proposition
6.2 et l’alternative de T ITS classique montrent donc le résultat. ¤
Lorsque X est une surface réglée irrationnelle, dont la fibration ration-
nelle canonique est notée
π : X → B,
le groupe Bir (X) est une extension virtuellement abélienne de PGL (2, M (B))
(voir le paragraphe 4.1.2). Dans ce cas, l’alternative de T ITS pour Bir (X)
découle de la proposition 6.2.
Il reste maintenant à traiter le cas intéressant, celui des transformations
crémoniennes planes.

6.3. Une alternative faible pour les isométries de H∞ .


Dans ce paragraphe, nous montrons une alternative de T ITS faible pour
le groupe O (1, ∞) des isométries de l’espace hyperbolique de dimension
infinie H∞ . Il s’agit de transposer des arguments connus pour les groupes
hyperboliques à la G ROMOV (voir [40]) ou les automorphismes des arbres
(voir [56]) au cadre des isométries de H∞ .
Fixons les notations, qui sont celles de la partie 3.4, mais dans un cadre
général. Soit Z un espace de H ILBERT séparable. Considérons le produit
french 40

scalaire défini sur Z par la formule



hx|xi = x02 − ∑ xi2
i=1
où les corrdonnées xi sont relatives à une base hilbertienne fixée une fois
pour toutes. Le cône de lumière de Z est l’ensemble des vecteurs x satis-
faisant hx|xi = 0. On choisit alors l’une des deux nappes H∞ de l’hyperbo-
loïde
{x ∈ Z | hx | xi = 1}
et l’on munit cet espace de la distance définie au paragraphe 3.4. L’espace
H∞ est un espace CAT(−1) complet. C’est donc un espace hyperbolique au
sens de G ROMOV. Nous noterons ∂H∞ son bord : il s’identifie au projectifié
du cône de lumière de Z .
Théorème 6.4. Si Γ est un sous-groupe de O (1, ∞), qui contient une iso-
métrie hyperbolique, ou bien Γ contient un groupe libre non abélien, ou
bien Γ fixe l’un des deux points fixes ou le doubleton formé des deux points
fixes (dans ∂H∞ ) de cette isométrie hyperbolique.
Si Γ ne contient pas d’isométrie hyperbolique, alors Γ fixe un point de
H∞ ∪ ∂H∞ .
La démonstration qui suit m’a été suggérée par F. PAULIN et s’inspire
de [56] et [40].
Démonstration. Supposons que Γ contienne deux isométries hyperboliques
f et g dont les points fixes au bord de H∞ sont distincts deux-à-deux. L’ar-
gument de ping-pong montre qu’il existe deux entiers n et m tels que f n et
gm engendrent un sous-groupe de Γ isomorphe au groupe libre F2 .
Supposons que Γ contient au moins une isométrie hyperbolique f . Soit
α (resp. ω) le point fixe répulsif (resp. attractif) de f au bord de H∞ . S’il
existe un élément h de Γ tel que {h(α), h(ω)} et {α, ω} soient disjoints,
alors f et h f h−1 sont deux isométries hyperboliques auxquelles on peut
appliquer l’argument précédent. Dans le cas contraire, c’est que Γ fixe le
doubleton {α, ω} ou l’un des deux points de ce doubleton ; ainsi, il existe
un sous-groupe de Γ d’indice deux qui fixe α ou ω.
Supposons maintenant que Γ comporte deux isométries paraboliques f
et g dont les points fixes α( f ) et α(g) sur le bord de H∞ sont distincts.
Choisissons deux éléments du cône de lumière de Z , encore noté α( f ) et
α(g), qui représentent ces deux points du bord de H∞ . Soit l un point de Z
satisfaisant
hα( f )|li < 0 et hα(g)|li > 0.
french 41

α( f )

f m (L) f −m (L)

gn (L) g−n (L)

α(g)

F IG . 2. Dynamique pour deux isométries paraboliques à


points fixes distincts. Le sous-espace L coupe H∞ en 2 demi-
espaces. L’isométrie f m et son inverse envoient le demi-espace
le plus sombre sur les deux zones sombres proches de α( f ) (le
modèle de P OINCARÉ est utilisé pour la figure).

L’hyperplan de Z orthogonal à l coupe H∞ sur un sous-espace L qui


sépare α( f ) de α(g). Il existe alors un entier n et un entier m tels que
f m (L), f −m (L), gn (L) et g−n (L) soient comme dans la figure 6.3. L’iso-
métrie f m gn a alors deux points fixes au bord de H∞ : l’application f m gn
a un point fixe attractif dans la zone entourée par f m (L) et son inverse a
un point fixe attractif dans la zone entourée par g−n (L). Cette isométrie est
donc hyperbolique et l’on peut appliquer le premier argument pour montrer
que le groupe engendré par f et g contient un groupe libre.
Lorsque Γ contient au moins une isométrie parabolique, nous obtenons
alors l’alternative : ou bien Γ contient un groupe libre non abélien, ou bien
Γ fixe un point du bord de H∞ qui est l’unique point fixe de toutes les
isométries paraboliques de Γ.
Il reste à traiter le cas où tous les éléments de Γ sont elliptiques ; c’est le
cas le plus délicat. Le lemme 35 et la preuve du corollaire 36 du chapitre 8
de [40] montrent que : ou bien l’orbite de tout point x de H∞ est bornée, et
en ce cas le lemme du centre ([18], page 37) montre que Γ fixe un point de
H∞ , ou bien l’ensemble limite de Γ est réduit à un point, et Γ fixe donc un
point du bord de H∞ . Ceci termine la démonstration du théorème. ¤
french 42

6.4. Groupes de J ONQUIÈRES et automorphismes.


Avant de montrer le théorème 1.6, nous résumons quelques propriétés
concernant les automorphismes des surfaces rationnelles et le groupe de
J ONQUIÈRES. Il s’agit de préliminaires un peu techniques qui seront utiles
pour montrer que le groupe de C REMONA satisfait l’alternative de T ITS.
6.4.1. Groupes de J ONQUIÈRES.
Le groupe de J ONQUIÈRES Jonq est le groupe des transformations bira-
tionnelles de P1 (C) × P1 (C) qui préservent les fibres de la projection sur
le premier facteur, πx : P1 (C) × P1 (C) → P1 (C). Ses éléments sont donc
de la forme
f (x, y) = (A(x), B(x)(y))
où A est un élément de PGL (2, C) et B est un élément de PGL (2, C(x)).
La composition de deux éléments f1 et f2 de Jonq s’écrit
f2 ◦ f1 (x, y) = (A2 (A1 (x)), B2 (A1 (x))(B1 (x)(y))).
Autrement dit, Jonq s’identifie au produit semi-direct
Jonq w PGL (2, C) n PGL (2, C(x)).
Appliquant la proposition 6.2, nous obtenons le lemme suivant.
Lemme 6.5. Le groupe de J ONQUIÈRES vérifie l’aternative de T ITS.
Soient S une surface rationnelle et π : S → B une fibration rationnelle de
S. Il existe alors une transformation birationnelle ε : S → P1 (C) × P1 (C)
et un isomorphisme η : B → P1 (C) tels que
η ◦ π = πx ◦ ε.
Ainsi, tout sous-groupe de Bir (S) permutant les fibres de π est conjugué à
un sous-groupe de Jonq .
Remarque 6.6. Considérons le groupe des automorphismes algébriques
de C × P1 (C). Puisque C ne contient pas de sous-variété complexe com-
pacte de dimension 1, les fibres de la projection sur C sont permutées entre
elles par l’action de Aut (C × P1 (C)). Les éléments de Aut (C × P1 (C))
sont donc de la forme
f (x, y) = (φ(x), A(x)(y))
où φ(x) est un automorphisme affine de C et A(x) est une application
polynomiale de C vers PGL (2, C). Ce groupe et, de manière analogue,
le groupe Aut (C∗ × P1 (C)) se plongent donc dans le groupe de J ON -
QUIÈRES .
french 43

6.4.2. Automorphismes isotopes à l’identité.


Lemme 6.7. Il existe un entier M tel que les propriétés suivantes soient
vérifiées pour toute surface rationnelle S et tout sous-groupe de type fini G
de Aut (S) :
(i) si G est fini il contient un sous-groupe résoluble d’indice majoré par
M;
(ii) si G est virtuellement résoluble et ne contient que des transforma-
tions birationnelles virtuellement isotopes à l’identité, G contient un
sous-groupe résoluble de longueur de résolubilité inférieure à M et
d’indice majoré par M.
Avant de montrer ce lemme, signalons qu’il s’agit de propriétés clas-
siques pour les groupes linéaires. Par exemple, le premier point est un
théorème de J ORDAN : pour tout entier positif n, il existe une constante
k(n) tel que tout sous groupe fini de GL (n, C) contienne un sous-groupe
central abélien d’indice inférieur à k(n).
Remarque 6.8. Dans ce qui suit, nous utiliserons que tout sous-groupe fini
de PGL (2, C) contient un sous-groupe abélien distingué d’indice inférieur
à 60 (voir [48], corollaire 2.13.7, pour la classification des groupes de M Ö -
BIUS finis). De même, si G est un sous-groupe virtuellement résoluble de
PGL (2, C), alors G contient un sous-groupe résoluble distingué d’indice
inférieur à 60 dont la longueur de résolubilité est inférieure ou égale à 2.
Démonstration de (i). Le point (i) résulte du B , A , BA de la classification
des sous-groupes finis de Bir (P2 (C). Si G est un tel groupe, il préserve
une fibration méromorphe
π : P2 (C) 99K P1 (C)
dont les fibres sont rationnelles ou elliptiques. Il existe donc un morphisme
ρ de G dans Aut (P1 (C)) tel que ρ(g) = π ◦ g pour tout g dans G. L’image
de G est un sous-groupe fini de PGL (2, C). Elle contient donc un sous-
groupe abélien I0 d’indice majoré par 60.
Lorsque la fibration est rationnelle, le noyau de ρ est un sous-groupe
fini de PGL (2, C(x)). Mais tout sous-groupe de type fini de PGL (2, C(x))
se plonge en un sous-groupe fini de PGL (2, C) (par spécialisation de la
variable x) et contient donc également un sous-groupe abélien central d’in-
dice majoré par 60. L’image réciproque de IO dans G par ρ contient donc
un sous-groupe résoluble dont l’indice dans G est inférieur à (60)2 .
Lorsque la fibration est elliptique, le noyau de ρ est abélien d’indice
inférieur à 12 et le même argument s’applique. ¤
french 44

Avant de démontrer le second point, remarquons que l’existence d’une


telle constante M est facile à établir pour le groupe de J ONQUIÈRES
Jonq = PGL (2, C) n PGL (2, C(x)),
et donc aussi pour les groupes Aut (C × P1 (C)) et Aut (C∗ × P1 (C)).
Remarque 6.9. Si G est un sous-groupe de Aut (C2 ), le théorème 2.4 de
[49] montre que G satisfait l’un des trois propriétés suivantes :
(i) G est contenu dans le groupe affine Aff (C2 ) ou le groupe El (C2 ) des
automorphismes polynomiaux qui préservent la fibration par droites
horizontales (ce groupe est résoluble, de longueur 3) ;
(ii) G contient un groupe libre non abélien ;
(iii) G est isomorphe au produit semi-direct de Z par un groupe fini
cyclique.
En particulier, si G est virtuellement résoluble, alors G contient un sous-
groupe résoluble d’indice inférieur à 60 dont la longueur de résolubilité est
inférieure à 3.
Une propriété analogue s’obtient sans difficulté pour les groupes Aut (C×
C ) et Aut (C∗ × C∗ ).

Démonstration de (ii). Dans ce qui suit, nous utiliserons les résultats rap-
pelés au paragraphe 4.2.1.
Dorénavant, le groupe G est un sous-groupe de type fini résoluble dans
Aut (S), où S est une surface rationnelle et tous les éléments de G sont
virtuellement isotopes à l’identité. Notons G0 l’intersection de G avec
Aut 0 (S), G0 l’adhérence de Z ARISKI de G0 dans Aut 0 (S) et G1 la com-
posante connexe de l’identité dans G0 . Si G1 est réduit à l’identité, c’est
que G est isomorphe à un sous-groupe fini d’une surface rationnelle ; le
résultat découle alors du premier point. Nous pouvons donc supposer que
la dimension de G1 est supérieure ou égale à 1.
Considérons maintenant le dernier sous-groupe dérivé de G1 qui ne soit
pas réduit à l’identité. Ce groupe abélien, noté G2 , est un sous-groupe de
L IE complexe connexe de Aut 0 (S0 ) de dimension strictement positive. No-
tons Q la quadrique P1 (C) × P1 (C). D’après [10], pages 87–88, il existe
un changement de variable birationnel
ε : S0 → Q
tel que εG2 ε−1 soit un sous-groupe de Aut 0 (Q). Le groupe G est alors
conjugué au sous-groupe εGε−1 de Bir (Q) qui agit par conjugaison sur
son sous-groupe distingué G2 . Si f est un élément de G et φ est un élément
french 45

de G2 , il existe donc un autre automorphisme ψ ∈ G2 tel que


f ◦φ = ψ◦ f.
Toute courbe contractée par f est donc φ-invariante. Ceci montre que G2
stabilise les courbes contractées par les éléments de G ⊂ Bir (Q). Ainsi,
• ou bien les orbites de G2 sont confinées dans des courbes algébriques
et, en ce cas, G préserve une fibration rationnelle ; le groupe G est donc
isomorphe à un sous-groupe de Jonq (voir la remarque 6.6) et le résultat
cherché en découle ;
• ou bien l’ensemble des courbes contractées par G est formé d’au plus
deux verticales {?} × P1 (C) et deux horizontales P1 (C) × {?} ; en ce cas,
G s’identifie à un sous-groupe de Aut (Y ) où Y est isomorphe au produit de
deux courbes parmi P1 (C), C et C∗ : le groupe G est donc isomorphe à un
sous-groupe de Jonq , de Aut (C2 ), de Aut (C∗ × C) ou de Aut (C∗ × C∗ )
et la remarque 6.9 conclut la démonstration. ¤

6.5. Alternative de T ITS pour le groupe de C REMONA.


Nous sommes maintenant en mesure de démontrer l’alternative de T ITS
pour le groupe Bir (P2 (C)), ce qui concluera la preuve du théorème C.
Soit Γ un sous-groupe de type fini de Bir (P2 (C)). Le groupe Γ se plonge
donc dans le groupe des isométries de H∞ et nous identifierons Γ à son
image dans les isométries de Z (P2 (C)). L’alternative de T ITS faible pour
les isométries de H∞ permet donc de supposer que l’une des situations
suivantes est satisfaite :
(i) Γ fixe un point x à l’intérieur de H∞ .
(ii) le groupe Γ ne contient pas de transformation hyperbolique, ne fixe
pas de point à l’intérieur de H∞ , mais fixe un point du bord de H∞ .
(iii) Γ contient un élément hyperbolique f et, quitte à remplacer Γ par
un sous-groupe d’indice au plus 2, l’un des deux points fixes α de f
est fixé par Γ.
(iv) Γ contient un groupe libre non abélien.
Il s’agit désormais d’étudier les trois premières situations : le cas ellip-
tique (i), le cas parabolique (ii) et le cas hyperbolique (iii).

6.5.1. Situation elliptique. Supposons que Γ fixe un point x de H∞ . Puisque


Γ est de type fini, la proposition 3.10 permet de supposer que Γ fixe un
point y de Z(P2 (C)) et que Γ est conjugué à un sous-groupe des automor-
phismes d’une surface rationnelle S. La proposition 6.3 montre alors que
Γ satisfait l’alternative de T ITS.
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6.5.2. Situation parabolique. Plaçons nous maintenant dans la situation


(ii). L’ensemble limite de Γ est donc réduit à un singleton {α} ⊂ ∂H∞ .
Soit l un élément de Z (P2 (C)) qui détermine α ; puisque Γ ne contient
aucune isométrie hyperbolique, chaque élément γ de Γ fixe l :
∀γ ∈ Γ, γ(l) = l. (6.1)
Si Γ contient un élément parabolique γ, l est proportionnel à la classe du
fibré en droites associé à l’unique fibration γ-invariante. L’équation 6.1
montre alors que cette fibration est Γ-invariante. Si γ est un twist de H AL -
PHEN , la fibration est elliptique et le groupe Γ est virtuellement abélien
(voir le §5.4). Si γ est un twist de J ONQUIÈRES, la fibration est rationnelle
et Γ est isomorphe à un sous-groupe de Jonq . On conclut alors à l’aide du
lemme 6.5.
Il se peut a priori que Γ ne contienne aucun élément parabolique. En ce
cas, tous les éléments de Γ sont elliptiques et la preuve de la proposition
3.10 permet de supposer que l est un élément de Z(P2 (C)) ⊗ R (voir la re-
marque 3.11). Nous pouvons donc conjuguer Γ à un sous-groupe de Bir (S)
où S est une surface rationnelle, l appartient à NS (S) ⊗ R et hl|li ≥ 0. Les
courbes Ei de S contractées par un élément de Γ sont donc orthogonales à
l (voir la proposition 3.8 et la remarque qui l’accompagne) :
h l | Ei i = 0.
Ainsi, ou bien l est proportionnel à la classe du fibré en droites associé à
une fibration rationnelle, ou bien les Ei sont en nombre fini. Le premier cas
vient d’être traité. Nous pouvons donc supposer que les courbes contrac-
tées E1 , ..., Ek sont en nombre fini et d’auto-intersection négative ou nulle.
Quitte à faire un nombre fini de contractions et d’éclatements, les Ei sont
permutées par Γ et ne sont pas contractées, donc Γ est conjugué biration-
nellement à un groupe d’automorphismes et vérifie l’alternative de T ITS
(proposition 6.3).
6.5.3. Situation hyperbolique. Supposons enfin que Γ contient une isomé-
trie hyperbolique f et que l’un des points fixes α ∈ ∂H∞ est fixé par Γ.
Soit l un élément de Z (P2 (C)) qui détermine le point α de ∂H∞ . Soit D
la droite Rl. Puisque cette droite est invariante sous l’action de Γ, nous ob-
tenons un morphisme de Γ vers le groupe abélien GL (D) = R∗ . Le noyau
Γ0 de ce morphisme ne contient aucune isométrie hyperbolique. A priori,
Γ0 n’est pas de type fini. Cependant, par l’étape précédente et le paragraphe
6.4, il existe une constante M telle que tout sous-groupe de type fini dans
Γ0 contient un sous-groupe résoluble d’indice inférieur à M dont la lon-
gueur de résolubilité est inférieure à M. Ceci montre que Γ est résoluble.
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6.6. Application.
Corollaire 6.10. Soit S une surface complexe compacte kählérienne. Tout
sous-groupe de torsion de Bir (S) de type fini est fini.
Démonstration. Soit G un tel groupe. Puisque G est un groupe de torsion,
tous ses éléments sont elliptiques, donc G est virtuellement résoluble. Mais
tout groupe de torsion résoluble et de type fini est fini, donc G est fini. ¤

7. C OMPLÉMENTS
7.1. Une preuve alternative de l’alternative.
Soit V une variété réelle lisse munie d’une forme volume Ω. Dans [43],
paragraphe 6.A.IV, G ROMOV remarque que l’espace des métriques rie-
manniennes de V dont la forme volume coïncide avec Ω peut être muni
d’une métrique riemannienne (en dimension infinie) de courbure négative
qui est invariante sous l’action du groupe Diff (V, Ω) puis il propose d’uti-
liser cette remarque pour étudier Diff (V, Ω). En quelque sorte, les preuves
proposées précédemment sont une adptation de cette idée pour le groupe
de C REMONA, où l’on a remplacé les métriques riemanniennes par les
(classes de cohomologie des) courants positifs fermés.
Une idée pour montrer l’alternative de T ITS au sein du groupe Bir (P2 (C))
est en effet d’utiliser un argument de ping-pong dans l’ensemble C + des
courants positifs fermés de P2 (C). On sait par exemple depuis [6] et [34]
que les transformations birationnelles entropiques du plan présentent une
dynamique de type « nord-sud » sur l’ensemble C + : il existe deux cou-
rants positifs fermés T + et T − tels que
f∗ (T + ) = λ( f )T + et f∗ (T − ) = λ( f )T −
et lorsqu’on itère un courant positif suffisamment régulier R, la suite
1
n
f∗±n (R)
λ( f )
tend vers T ± lorsque n tend vers +∞. En présence de deux transforma-
tions birationnelles entropiques dont les courants sont distincts, il est donc
envisageable de construire un groupe libre par le lemme du ping-pong.
Les pages précédentes utilisent cet argument avec une simplification
notable : il suffit de considérer les classes d’homologie de ces courants,
mais dans un espace d’homologie suffisamment gros, à savoir l’espace de
P ICARD -M ANIN, qui a le bon gout d’être à courbure négative. Il serait
toutefois intéressant de développer une preuve différente de l’alternative
de T ITS en étudiant plus en détails l’action de Bir (P2 (C)) sur C + .
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7.2. Caractéristique positive et dimension supérieure.

7.2.1. Soit S une surface projective définie sur un corps k de caractéris-


tique nulle. Soit Γ un groupe de type fini de transformations birationnelles
de S définies sur k. Les générateurs de Γ et les équations de S ne font inter-
venir qu’un nombre finis de coefficients ai ∈ k, i = 1, ..., l. La surface S et
le groupe Γ sont donc définis sur le corps Q(a1 , ..., al ). Puisqu’un tel corps
se plonge dans celui des nombres complexes, les résultats de cet article
s’appliquent mot-à-mot dans cette situation. Il serait intéressant d’étudier
le cas des corps de caractéristique positive.

7.2.2. Si M est une variété kählérienne compacte de dimension n, le groupe


de ses difféomorphismes holomorphes Aut (M) satisfait l’alternative de
T ITS (voir la proposition 6.3) et un analogue de la conjecture de Z IMMER
(voir [12]) car l’on peut borner la taille de ses sous-groupes abéliens les
plus intéressants (voir [24]). Rappelons ici à quel point il serait intéressant
de déterminer si des résultats analogues valent pour le groupe Bir (M) des
transformations birationnelles de M.

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F RANCE
E-mail address: cantat@univ-rennes1.fr

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