Cet article entend nuancer l’idée que la tradition libérale aurait une façon univoque de définir ... more Cet article entend nuancer l’idée que la tradition libérale aurait une façon univoque de définir l’ordre social et le commun. Certes, pour beaucoup de théoriciens libéraux orthodoxes de la pensée économique, le commun ne suppose pas l’intervention d’une volonté politique surplombante parce qu’il serait le produit indirect du fonctionnement spontané de l’ordre propriétaire animé par les contrats privés. Néanmoins, nous montrons dans cet article que cette idée jouit d’une fausse clarté. En effet, certains des pères du libéralisme comme Grotius ou Locke ont montré que pour être légitimes les droits de propriété devaient, en amont, pouvoir inclure le droit des autres à la part des ressources nécessaires à une vie digne. Face à cela, nous suggérerons une dernière hypothèse libérale – libérale parce qu’elle ne renonce pas à la priorité donnée à l’égalité des droits et des libertés – , celle-ci pourrait défendre que la communauté des biens renvoie aux liens qui, de façon permanente, lient chacun aux autres dans un destin commun, c’est ce que nous proposons d’appeler la « copossession du monde ».
Durant la deuxième moitié du XX e siècle, se sont développées des théories affirmant que les droi... more Durant la deuxième moitié du XX e siècle, se sont développées des théories affirmant que les droits de propriété et les marchés qui se développent grâce à eux sont la meilleure façon de gérer les ressources naturelles de façon raisonnable et durable. Cette tradition s'oppose notamment à l'idée de l'économiste Pigou qui considère que seul l'encadrement de la propriété et l'intervention de l'Etat par des taxes est de nature à prendre en charge la question environnementale. Dans cet article, nous restituons dans un premier temps l'argumentation des principaux articles économiques qui ont fait date pour fonder cette approche, dans un deuxième temps, nous suggérons certaines réserves théoriques à ces thèses.
Ce que l’on appelle propriété est en réalité un raccourci qui désigne un certain faisceau de droi... more Ce que l’on appelle propriété est en réalité un raccourci qui désigne un certain faisceau de droits. La propriété n’est pas un contrôle absolu et exclusif sur les choses. En partant de l’étude de l’analyse malthusienne du droit de propriété, prolongée et discutée par Hardin, nous entendons montrer que reconnaître la copossession des choses par la théorie du faisceau de droit est le seul moyen de surmonter les problèmes que nous adresse aujourd’hui la nécessaire préservation des biens communs environnementaux.
What is called ownership is actually a shortcut that designates a certain bundle of rights. Ownership is not absolute and exclusive control over things. Starting from the study of the Malthusian analysis of property rights, extended and discussed by Hardin, we intend to show that recognizing the co-possession of things through the bundle of rights approach is the only way to overcome the problems that the necessary preservation of environmental commons addresses to us today.
Un impôt fondé sur le coût social et environnemental de la propriété privée ? Peut-on engager la ... more Un impôt fondé sur le coût social et environnemental de la propriété privée ? Peut-on engager la responsabilité d'un propriétaire quant à l'utilisation normale de ce qui lui appartient ? Le droit de propriété ne l'affranchit-il pas de tout compte à rendre et ne l'autorise-t-il pas à faire tout ce qu'il veut avec ce qui lui appartient ? Sur quel fondement peut-on légitimement incriminer quelqu'un du fait de l'utilisation d'une chose sur laquelle il a, pourtant, tous les droits ? Ce sont ces questions qui sont, au fond, posées par toute forme de fiscalité qui viserait à imposer quelqu'un du fait de la pollution qui résulte de l'usage normal qu'il fait de ce qui lui appartient. Ainsi les droits de propriété sont mis au défi par les enjeux environnementaux qui mettent en évidence le fait que l'usage (y compris normal) d'un bien peut avoir une incidence non-négligeable sur l'environnement et donc sur les conditions de la vie humaine à long terme. Face à cette difficulté, faut-il renforcer les droits de propriété pour rendre les marchés plus efficients ou bien est-il nécessaire de les relativiser pour les subordonner à des considérations éthiques et politiques ? Le propriétaire d'un bien polluant peut-il être considéré comme responsable du préjudice écologique produit par l'usage normal de son bien ? Comment évaluer le préjudice ? Doit-il payer pour le réparer ? Ces questions portent à la fois sur la responsabilité (peut-on être considéré comme responsable des conséquences inintentionnelles d'un acte non destiné à nuire2 ?) et à la fois sur la question de la propriété (peut-on réduire le droit que quelqu'un a sur quelque chose ? peut-on intégrer le point de vue des non-propriétaires dans le gouvernement des biens privés ?). C'est principalement la question des droits de propriété et la manière dont la question écologique peut justifier de les reconsidérer qui nous intéressera ici. Le problème des externalités négatives et la manière dont il a pu être canoniquement traité en économie à travers la critique coasienne de l'approche pigouvienne offre un objet d'étude intéressant pour traiter la question. Le problème des droits de propriété (entitlements) est déjà très étudié en économie et nous ne prétendons pas apporter d'éléments nouveaux en ce domaine. Notre propos consiste à mobiliser certains acquis de la pensée économique pour les inclure dans le questionnement plus large que la méthode philosophique autorise.
Il est admis que nous pouvons détenir au titre de propriétaire notre voiture ou notre pavillon de... more Il est admis que nous pouvons détenir au titre de propriétaire notre voiture ou notre pavillon de banlieue. Mais il semble beaucoup moins évident d'appliquer le concept de propriété aux personnes : soi-même ou autrui. En effet, du fait que les personnes ont une dignité, elles ne semblent pas justiciables des mêmes catégories juridiques que les choses, nous ne saurions nous en considérer propriétaires. C'est contre cette idée reçue que Jean-Fabien Spitz entame une réflexion aussi massive que passionnante dans l'ouvrage paru en janvier 2018 : {La propriété de soi, Essai sur le sens de la liberté individuelle}. I. Que faire de la propriété de soi en tant que composante de la liberté ? Il propose de définir la liberté comme propriété de soi. Cette idée est empruntée au libertarisme. Cependant Jean-Fabien Spitz conteste la version libertarienne de cette approche. Pourquoi conserver la notion de propriété de soi alors qu'elle semble légitimer un usage sans limite et sans restriction de soi-même à travers l'exploitation de soi par soi, la marchandisation de soi et de son corps… ? Il nous semble, en effet, contre intuitif d'accepter l'idée que quelqu'un puisse se vendre, c'est-à-dire donner son consentement au fait d'être réduit en esclavage ou de monnayer ses organes vitaux. Mais s'il est propriétaire de lui-même, comment l'en empêcher ? De ce fait, on tend à considérer que les personnes ne sont pas des propriétés et à les protéger, de façon paternaliste, contre leurs propres décisions dès lors que celles-ci auraient des effets qui leur nuiraient fortement ou qui seraient contraires à leur dignité. Mais, pour Jean-Fabien Spitz, ces critiques sont discutables. La notion libertarienne de « propriété de soi » peut être profondément révisée et ainsi revêtue d'une légitimité forte et d'une utilité normative incontestable. Il est vrai que la notion de propriété, dans sa version libertarienne, rencontre de très lourdes difficultés. Pour rendre la propriété de soi acceptable, il faut commencer par établir une conception raisonnable de la propriété. Ainsi, le modèle de la propriété sur les choses conçue comme un droit despotique et illimité de l'individu sur ce qui lui appartient ne correspond pas au type de droit acceptable dans une société juste. En revanche, si l'on redéfinissait le droit de propriété d'une manière acceptable au regard des principes de justice, il pourrait être appliqué sans réserve au rapport de la personne à elle-même. L'ouvrage nous invite donc à repenser tant la propriété que la propriété de soi et à travers cette re-théorisation normative à penser de façon renouvelée la liberté du sujet dans son rapport à lui-même et à ses biens. II. Nozick or not Nozick ? Ainsi, les libertariens, notamment Nozick, ont proposé de définir la liberté en ayant recours à la notion de propriété de soi. En effet, le fait qu'un individu soit propriétaire de lui-même lui assure de pouvoir faire tout ce qu'il souhaite avec sa personne et le protège contre les interférences non-consenties des tiers et même de l'Etat. Grâce à la naturalisation du principe de la propriété de soi, les libertariens se donnent les moyens de penser une distribution naturelle de la liberté au sein de la société, celle-ci ne dépendant d'aucune norme sociale et d'aucune délibération. Si, à l'inverse, on ne considérait pas les individus comme disposant de leur personne et de leurs ressources, cela impliquerait que l'on pourrait distribuer les fruits de leur travail ou même des parties de leurs corps utiles à tous sur la base de principes de justice impersonnels qui les déposséderaient. Jean-Fabien Spitz rappelle à ce sujet l'argument très éloquent de la loterie des yeux : comme les aveugles n'ont pas mérité de ne pas voir et ceux qui voient ont eu la chance de naître avec des yeux fonctionnels, il n'y a aucune raison de de considérer que les uns doivent conserver le privilège de la vue. Il pourrait être juste de redistribuer les yeux de ceux qui voient aux non-voyants pour rétablir la justice. Par cet exemple, Nozick vise
La question des communs soulève le problème de la propriété : les formes collectives de gestion e... more La question des communs soulève le problème de la propriété : les formes collectives de gestion et d'usage des ressources sont-elles compatibles avec la forme classique de la propriété privée entendue comme domination du propriétaire sur sa chose ? La plupart des théories portant sur les communs se situent au sein d'une alternative en ce qui concerne la propriété : prenant soit la voie ostromienne, ils redéfinissent le droit de propriété comme Bundle of Rights (Coriat)1 ; soit, prenant la voie de l'autogestion et de l'auto-organisation, ils militent pour l'institutionnalisation de l'inappropriable et la distribution de simples droits d'usage résultant de la praxis collective (Dardot et Laval)2. La question du statut de la propriété est, en effet, essentielle. Cependant il nous semble décisif de sortir de l'alternative trompeuse entre conservation ou rejet de celle-ci. Il faut d'abord préciser le sens que peut et doit revêtir la notion de propriété pour éviter un usage étroit posant plus de difficultés qu'il n'en résout. Au sens étroit (cher à l'idéologie propriétaire), le droit de propriété désigne la relation qui attache une chose à son propriétaire sous la forme d'une subordination forte. Au sens large, elle peut aussi désigner la distribution du mien et du tien, c'est-à-dire des droits dont les personnes d'une société sont effectivement titulaires. De ce point de vue, il nous semble possible et souhaitable d'abandonner une acception étroite du droit de propriété, car réguler les relations sociales qui s'organisent autour des choses et des personnes ne suppose pas forcément l'appropriation privative de celles-ci. Au contraire, celle-ci peut conduire à mettre en péril les ressources et les rapports sociaux. Cependant il est difficile d'abandonner la notion de propriété au sens large, c'est-à-dire l'idée que chacun puisse dire que certains droits lui appartiennent en propre à l'exclusion des autres. Si les individus n'étaient pas titulaires de droits, serait-il encore possible de trancher leurs conflits et de parvenir à leur coordination pacifique au sein de la société ? Une certaine forme de propriété, que nous allons définir dans ce chapitre, semble essentielle comme condition de l'ordre social : le fait que chacun, sachant ce que sont ses droits et ceux des autres, peut interagir pacifiquement au sein d'un monde commun, monde composé de ressources qui ne sauraient être appropriées comme telles. Il est possible, de ce point de vue, d'être propriétaire de droits divers, d'intensité et d'extension variables sur les ressources matérielles sans pour autant être propriétaires des ressources en elles-mêmes.
Le propre et le commun dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne Dans les Considérat... more Le propre et le commun dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne Dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne, Rousseau est manifestement frappé par le caractère instable des institutions polonaises. C'est la raison pour laquelle il semble s'interroger sur une question centrale en philosophie politique : les hommes obéissent-ils aux lois parce qu'elles sont justes ? A cette question, Rousseau répond clairement que l'on n'obéit pas à un précepte parce qu'il est juste (car « la justice est ainsi que la santé un bien dont on jouit sans le sentir ») mais parce qu'elles inspirent enthousiasme et passion. Donc plutôt que de commencer par les réformer pour les rendre justes, comme le propose Mably, Rousseau suggère de commencer par donner à la constitution de la nation toute sa vigueur et sa consistance en la faisant aimer. Il faut donc un législateur pour produire un intérêt patriote ou une passion pour la chose commune, autrement dit, il faut former des citoyens. Comment donc rendre propre le commun ? semble être plus précisément le problème posé par Rousseau face à un Etat dont les institutions ne sont pas intrinsèquement mauvaises mais qui est, néanmoins, en déliquescence. Mais, Rousseau, étonnamment, n'appelle en rien à la dissolution des corps nobiliaires ou à la redistribution des terres mais semble prôner un étonnant conservatisme apparent (ce qui est sans doute un art d'écrire en l'occurrence mais pas seulement nous allons essayer de le montrer dans cette intervention).
Il est plus prometteur, du point de vue d’une théorie de la justice, de considérer la propriété c... more Il est plus prometteur, du point de vue d’une théorie de la justice, de considérer la propriété comme une relation sociale prioritairement au fait de la penser comme un contrôle individuel sur les ressources. On évite alors la contradiction qui consiste à poser un contrôle absolu de l’individu pour le nier ensuite afin d’assurer sa conformité aux exigences de l’équité. Considérer la propriété prioritairement comme une relation sociale permet à la fois de lever la contradiction résultant de la subordination de la propriété-contrôle à une théorie de la justice autant que de faciliter l’articulation des différentes formes d’appropriation avec le bien commun.
Cet article entend nuancer l’idée que la tradition libérale aurait une façon univoque de définir ... more Cet article entend nuancer l’idée que la tradition libérale aurait une façon univoque de définir l’ordre social et le commun. Certes, pour beaucoup de théoriciens libéraux orthodoxes de la pensée économique, le commun ne suppose pas l’intervention d’une volonté politique surplombante parce qu’il serait le produit indirect du fonctionnement spontané de l’ordre propriétaire animé par les contrats privés. Néanmoins, nous montrons dans cet article que cette idée jouit d’une fausse clarté. En effet, certains des pères du libéralisme comme Grotius ou Locke ont montré que pour être légitimes les droits de propriété devaient, en amont, pouvoir inclure le droit des autres à la part des ressources nécessaires à une vie digne. Face à cela, nous suggérerons une dernière hypothèse libérale – libérale parce qu’elle ne renonce pas à la priorité donnée à l’égalité des droits et des libertés – , celle-ci pourrait défendre que la communauté des biens renvoie aux liens qui, de façon permanente, lient chacun aux autres dans un destin commun, c’est ce que nous proposons d’appeler la « copossession du monde ».
Durant la deuxième moitié du XX e siècle, se sont développées des théories affirmant que les droi... more Durant la deuxième moitié du XX e siècle, se sont développées des théories affirmant que les droits de propriété et les marchés qui se développent grâce à eux sont la meilleure façon de gérer les ressources naturelles de façon raisonnable et durable. Cette tradition s'oppose notamment à l'idée de l'économiste Pigou qui considère que seul l'encadrement de la propriété et l'intervention de l'Etat par des taxes est de nature à prendre en charge la question environnementale. Dans cet article, nous restituons dans un premier temps l'argumentation des principaux articles économiques qui ont fait date pour fonder cette approche, dans un deuxième temps, nous suggérons certaines réserves théoriques à ces thèses.
Ce que l’on appelle propriété est en réalité un raccourci qui désigne un certain faisceau de droi... more Ce que l’on appelle propriété est en réalité un raccourci qui désigne un certain faisceau de droits. La propriété n’est pas un contrôle absolu et exclusif sur les choses. En partant de l’étude de l’analyse malthusienne du droit de propriété, prolongée et discutée par Hardin, nous entendons montrer que reconnaître la copossession des choses par la théorie du faisceau de droit est le seul moyen de surmonter les problèmes que nous adresse aujourd’hui la nécessaire préservation des biens communs environnementaux.
What is called ownership is actually a shortcut that designates a certain bundle of rights. Ownership is not absolute and exclusive control over things. Starting from the study of the Malthusian analysis of property rights, extended and discussed by Hardin, we intend to show that recognizing the co-possession of things through the bundle of rights approach is the only way to overcome the problems that the necessary preservation of environmental commons addresses to us today.
Un impôt fondé sur le coût social et environnemental de la propriété privée ? Peut-on engager la ... more Un impôt fondé sur le coût social et environnemental de la propriété privée ? Peut-on engager la responsabilité d'un propriétaire quant à l'utilisation normale de ce qui lui appartient ? Le droit de propriété ne l'affranchit-il pas de tout compte à rendre et ne l'autorise-t-il pas à faire tout ce qu'il veut avec ce qui lui appartient ? Sur quel fondement peut-on légitimement incriminer quelqu'un du fait de l'utilisation d'une chose sur laquelle il a, pourtant, tous les droits ? Ce sont ces questions qui sont, au fond, posées par toute forme de fiscalité qui viserait à imposer quelqu'un du fait de la pollution qui résulte de l'usage normal qu'il fait de ce qui lui appartient. Ainsi les droits de propriété sont mis au défi par les enjeux environnementaux qui mettent en évidence le fait que l'usage (y compris normal) d'un bien peut avoir une incidence non-négligeable sur l'environnement et donc sur les conditions de la vie humaine à long terme. Face à cette difficulté, faut-il renforcer les droits de propriété pour rendre les marchés plus efficients ou bien est-il nécessaire de les relativiser pour les subordonner à des considérations éthiques et politiques ? Le propriétaire d'un bien polluant peut-il être considéré comme responsable du préjudice écologique produit par l'usage normal de son bien ? Comment évaluer le préjudice ? Doit-il payer pour le réparer ? Ces questions portent à la fois sur la responsabilité (peut-on être considéré comme responsable des conséquences inintentionnelles d'un acte non destiné à nuire2 ?) et à la fois sur la question de la propriété (peut-on réduire le droit que quelqu'un a sur quelque chose ? peut-on intégrer le point de vue des non-propriétaires dans le gouvernement des biens privés ?). C'est principalement la question des droits de propriété et la manière dont la question écologique peut justifier de les reconsidérer qui nous intéressera ici. Le problème des externalités négatives et la manière dont il a pu être canoniquement traité en économie à travers la critique coasienne de l'approche pigouvienne offre un objet d'étude intéressant pour traiter la question. Le problème des droits de propriété (entitlements) est déjà très étudié en économie et nous ne prétendons pas apporter d'éléments nouveaux en ce domaine. Notre propos consiste à mobiliser certains acquis de la pensée économique pour les inclure dans le questionnement plus large que la méthode philosophique autorise.
Il est admis que nous pouvons détenir au titre de propriétaire notre voiture ou notre pavillon de... more Il est admis que nous pouvons détenir au titre de propriétaire notre voiture ou notre pavillon de banlieue. Mais il semble beaucoup moins évident d'appliquer le concept de propriété aux personnes : soi-même ou autrui. En effet, du fait que les personnes ont une dignité, elles ne semblent pas justiciables des mêmes catégories juridiques que les choses, nous ne saurions nous en considérer propriétaires. C'est contre cette idée reçue que Jean-Fabien Spitz entame une réflexion aussi massive que passionnante dans l'ouvrage paru en janvier 2018 : {La propriété de soi, Essai sur le sens de la liberté individuelle}. I. Que faire de la propriété de soi en tant que composante de la liberté ? Il propose de définir la liberté comme propriété de soi. Cette idée est empruntée au libertarisme. Cependant Jean-Fabien Spitz conteste la version libertarienne de cette approche. Pourquoi conserver la notion de propriété de soi alors qu'elle semble légitimer un usage sans limite et sans restriction de soi-même à travers l'exploitation de soi par soi, la marchandisation de soi et de son corps… ? Il nous semble, en effet, contre intuitif d'accepter l'idée que quelqu'un puisse se vendre, c'est-à-dire donner son consentement au fait d'être réduit en esclavage ou de monnayer ses organes vitaux. Mais s'il est propriétaire de lui-même, comment l'en empêcher ? De ce fait, on tend à considérer que les personnes ne sont pas des propriétés et à les protéger, de façon paternaliste, contre leurs propres décisions dès lors que celles-ci auraient des effets qui leur nuiraient fortement ou qui seraient contraires à leur dignité. Mais, pour Jean-Fabien Spitz, ces critiques sont discutables. La notion libertarienne de « propriété de soi » peut être profondément révisée et ainsi revêtue d'une légitimité forte et d'une utilité normative incontestable. Il est vrai que la notion de propriété, dans sa version libertarienne, rencontre de très lourdes difficultés. Pour rendre la propriété de soi acceptable, il faut commencer par établir une conception raisonnable de la propriété. Ainsi, le modèle de la propriété sur les choses conçue comme un droit despotique et illimité de l'individu sur ce qui lui appartient ne correspond pas au type de droit acceptable dans une société juste. En revanche, si l'on redéfinissait le droit de propriété d'une manière acceptable au regard des principes de justice, il pourrait être appliqué sans réserve au rapport de la personne à elle-même. L'ouvrage nous invite donc à repenser tant la propriété que la propriété de soi et à travers cette re-théorisation normative à penser de façon renouvelée la liberté du sujet dans son rapport à lui-même et à ses biens. II. Nozick or not Nozick ? Ainsi, les libertariens, notamment Nozick, ont proposé de définir la liberté en ayant recours à la notion de propriété de soi. En effet, le fait qu'un individu soit propriétaire de lui-même lui assure de pouvoir faire tout ce qu'il souhaite avec sa personne et le protège contre les interférences non-consenties des tiers et même de l'Etat. Grâce à la naturalisation du principe de la propriété de soi, les libertariens se donnent les moyens de penser une distribution naturelle de la liberté au sein de la société, celle-ci ne dépendant d'aucune norme sociale et d'aucune délibération. Si, à l'inverse, on ne considérait pas les individus comme disposant de leur personne et de leurs ressources, cela impliquerait que l'on pourrait distribuer les fruits de leur travail ou même des parties de leurs corps utiles à tous sur la base de principes de justice impersonnels qui les déposséderaient. Jean-Fabien Spitz rappelle à ce sujet l'argument très éloquent de la loterie des yeux : comme les aveugles n'ont pas mérité de ne pas voir et ceux qui voient ont eu la chance de naître avec des yeux fonctionnels, il n'y a aucune raison de de considérer que les uns doivent conserver le privilège de la vue. Il pourrait être juste de redistribuer les yeux de ceux qui voient aux non-voyants pour rétablir la justice. Par cet exemple, Nozick vise
La question des communs soulève le problème de la propriété : les formes collectives de gestion e... more La question des communs soulève le problème de la propriété : les formes collectives de gestion et d'usage des ressources sont-elles compatibles avec la forme classique de la propriété privée entendue comme domination du propriétaire sur sa chose ? La plupart des théories portant sur les communs se situent au sein d'une alternative en ce qui concerne la propriété : prenant soit la voie ostromienne, ils redéfinissent le droit de propriété comme Bundle of Rights (Coriat)1 ; soit, prenant la voie de l'autogestion et de l'auto-organisation, ils militent pour l'institutionnalisation de l'inappropriable et la distribution de simples droits d'usage résultant de la praxis collective (Dardot et Laval)2. La question du statut de la propriété est, en effet, essentielle. Cependant il nous semble décisif de sortir de l'alternative trompeuse entre conservation ou rejet de celle-ci. Il faut d'abord préciser le sens que peut et doit revêtir la notion de propriété pour éviter un usage étroit posant plus de difficultés qu'il n'en résout. Au sens étroit (cher à l'idéologie propriétaire), le droit de propriété désigne la relation qui attache une chose à son propriétaire sous la forme d'une subordination forte. Au sens large, elle peut aussi désigner la distribution du mien et du tien, c'est-à-dire des droits dont les personnes d'une société sont effectivement titulaires. De ce point de vue, il nous semble possible et souhaitable d'abandonner une acception étroite du droit de propriété, car réguler les relations sociales qui s'organisent autour des choses et des personnes ne suppose pas forcément l'appropriation privative de celles-ci. Au contraire, celle-ci peut conduire à mettre en péril les ressources et les rapports sociaux. Cependant il est difficile d'abandonner la notion de propriété au sens large, c'est-à-dire l'idée que chacun puisse dire que certains droits lui appartiennent en propre à l'exclusion des autres. Si les individus n'étaient pas titulaires de droits, serait-il encore possible de trancher leurs conflits et de parvenir à leur coordination pacifique au sein de la société ? Une certaine forme de propriété, que nous allons définir dans ce chapitre, semble essentielle comme condition de l'ordre social : le fait que chacun, sachant ce que sont ses droits et ceux des autres, peut interagir pacifiquement au sein d'un monde commun, monde composé de ressources qui ne sauraient être appropriées comme telles. Il est possible, de ce point de vue, d'être propriétaire de droits divers, d'intensité et d'extension variables sur les ressources matérielles sans pour autant être propriétaires des ressources en elles-mêmes.
Le propre et le commun dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne Dans les Considérat... more Le propre et le commun dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne Dans les Considérations sur le gouvernement de Pologne, Rousseau est manifestement frappé par le caractère instable des institutions polonaises. C'est la raison pour laquelle il semble s'interroger sur une question centrale en philosophie politique : les hommes obéissent-ils aux lois parce qu'elles sont justes ? A cette question, Rousseau répond clairement que l'on n'obéit pas à un précepte parce qu'il est juste (car « la justice est ainsi que la santé un bien dont on jouit sans le sentir ») mais parce qu'elles inspirent enthousiasme et passion. Donc plutôt que de commencer par les réformer pour les rendre justes, comme le propose Mably, Rousseau suggère de commencer par donner à la constitution de la nation toute sa vigueur et sa consistance en la faisant aimer. Il faut donc un législateur pour produire un intérêt patriote ou une passion pour la chose commune, autrement dit, il faut former des citoyens. Comment donc rendre propre le commun ? semble être plus précisément le problème posé par Rousseau face à un Etat dont les institutions ne sont pas intrinsèquement mauvaises mais qui est, néanmoins, en déliquescence. Mais, Rousseau, étonnamment, n'appelle en rien à la dissolution des corps nobiliaires ou à la redistribution des terres mais semble prôner un étonnant conservatisme apparent (ce qui est sans doute un art d'écrire en l'occurrence mais pas seulement nous allons essayer de le montrer dans cette intervention).
Il est plus prometteur, du point de vue d’une théorie de la justice, de considérer la propriété c... more Il est plus prometteur, du point de vue d’une théorie de la justice, de considérer la propriété comme une relation sociale prioritairement au fait de la penser comme un contrôle individuel sur les ressources. On évite alors la contradiction qui consiste à poser un contrôle absolu de l’individu pour le nier ensuite afin d’assurer sa conformité aux exigences de l’équité. Considérer la propriété prioritairement comme une relation sociale permet à la fois de lever la contradiction résultant de la subordination de la propriété-contrôle à une théorie de la justice autant que de faciliter l’articulation des différentes formes d’appropriation avec le bien commun.
Dans cet l’entretien Michel Bauwens insiste sur les espoirs qu’il continue à nourrir d’une transf... more Dans cet l’entretien Michel Bauwens insiste sur les espoirs qu’il continue à nourrir d’une transformation sociale radicale par la voie du pair-à-pair. Il insiste sur la façon dont certaines licences libres appelées licences à réciprocité renforcée ( Copyfair plutôt que Copyright ) rendent possible la mise en commun, au niveau mondial, de connaissances produites de façon collaborative via des plateformes appelées Wiki. Ce savoir produit en commun sur le plan mondial permet à des petits collectifs de travailleurs équipés de machines industrielles miniaturisées dans des makerspaces de bénéficier de la recherche et du développement d’une très vaste communauté, hors de l’ancienne forme de l’entreprise-usine. Il insiste, en outre, sur la fonction historique des communs qu’il appelle pulsation des communs dont il voit le retour à chaque période de crise et dont la pertinence lui apparaît renouvelée pour faire face à la crise environnementale.
Presses universitaires de Paris Nanterre eBooks, 2018
Il est plus prometteur, du point de vue d’une théorie de la justice, de considérer la propriété c... more Il est plus prometteur, du point de vue d’une théorie de la justice, de considérer la propriété comme une relation sociale prioritairement au fait de la penser comme un contrôle individuel sur les ressources. On évite alors la contradiction qui consiste à poser un contrôle absolu de l’individu pour le nier ensuite afin d’assurer sa conformité aux exigences de l’équité. Considérer la propriété prioritairement comme une relation sociale permet à la fois de lever la contradiction résultant de la subordination de la propriété-contrôle à une théorie de la justice autant que de faciliter l’articulation des différentes formes d’appropriation avec le bien commun.
Le fil directeur qui doit être préservé dans toute formulation de la position du holisme social e... more Le fil directeur qui doit être préservé dans toute formulation de la position du holisme social est la thèse que les individus ne sont pas entièrement dégagés de tout lien. Ils dépendent les uns des autres pour la possession d’une propriété qui est centrale pour l’être humain. Personne ne peut jouir de cette propriété – personne ne peut être à proprement parler un être humain – sinon en présence des autres. Bien entendu, n’importe qui peut être frappé d’isolement, comme Robinson Crusoë, mais ..
Dans Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos dans une lettre de la marquise de Merteuil au ... more Dans Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos dans une lettre de la marquise de Merteuil au vicomte de Valmont, dessine une liberte individualiste faconnee par l’appropriation de soi. Cette liberte reunit toutes les conditions d’un echec et d’un retournement : c’est une reification. C’est aussi la representation critique de l’individu rationnel. La perspective qui s’en degage met en evidence certains traits et limites de l’individualite moderne et de la nature des relations d’echange.
Cet article est un compte-rendu du livre : Céline Spector, Au Prisme de Rousseau : usages politiq... more Cet article est un compte-rendu du livre : Céline Spector, Au Prisme de Rousseau : usages politiques et contemporains, Oxford : Voltaire Foundation, 2012, 298 p., EAN 9780729410151.
Il faut s'adapter. Sur un nouvel impératif politique, Paris, Gallimard, 2019 Nietzsche et Foucaul... more Il faut s'adapter. Sur un nouvel impératif politique, Paris, Gallimard, 2019 Nietzsche et Foucault comme précurseurs de la pensée généalogique Pierre Crétois : Serais-tu d'accord avec l'idée que ton livre a pour ambition de décrire plus que de dénoncer l'idéologie néolibérale ? Barbara Stiegler : J'ai en effet des réserves avec les attitudes de dénonciation. Par exemple dans mon enseignement, je reprends régulièrement les étudiants qui disent que Nietzsche dénonce ou qu'il condamne. J'estime, en effet, que quand un travail est proprement philosophique, il ne s'agit pas, en tout cas, en première instance, de dénoncer. Il s'agit dans un premier temps, de comprendre et de construire une question. Par conséquent, si je me suis intéressée dans un premier temps au néolibéralisme, c'est parce que je pense qu'il nous pose des questions très difficiles et parce qu'il y a une puissance de cette pensée qu'il faut reconnaître. Avant d'en faire un ennemi extrêmement simple qu'il suffirait d'abattre d'une formule, il me semble qu'il faut faire tout un travail, toute une exploration parce que ma conviction, est que, et ça c'est très nietzschéen, alors même que le néolibéralisme est à nos yeux quelque chose d'extrêmement dangereux, qui a des effets délétères, pourtant il nous imprègne et nous envahit intimement. Le problème de la dénonciation, c'est que ça consisterait à dire que cela ne nous concerne pas. Ce n'est pas philosophique comme attitude. La philosophie suppose de prendre un phénomène au sérieux au sens où l'on comprend que l'on est pris dedans, que l'on est compris dans la chose. C'est ce que Nietzsche a fait avec le christianisme, il sait qu'il est imprégné de christianisme. Et au lieu de le condamner, il en fait l'analyse et il essaie de voir pourquoi c'est si puissant. C'est plutôt mon attitude. C'est la raison pour laquelle il y a toute une dimension du livre qui endure la complexité du phénomène et qui est donc entièrement descriptive. Mais en même temps que je suis descriptive, je suis toujours dans l'évaluation, c'est-à-dire que je ne crois pas qu'on puisse, quand on fait du travail philosophique, y compris académique à prétention scientifique, avoir le discours du spectateur impartial objectif et désengagé. Comme Nietzsche, je n'y crois pas une seconde. Quand on travaille à une opération de connaissance, on est affecté, on est intéressé à la chose et on porte des jugements de valeur. Mon livre est imbibé de jugements de valeur en permanence, mais je ne veux pas que ces jugements de valeur soient des anathèmes, des condamnations, je veux que ce soit un travail d'évaluation fin et toujours en même temps descriptif. En quoi le débat, vieux d'un siècle, entre Lippmann et Dewey nous concerne-t-il aujourd'hui ? Le livre, extérieurement, parle des années 1910 à 1930, sauf que j'explique clairement dans l'introduction que ma démarche est généalogique. J'emprunte ce terme de « généalogie » à Foucault qui lui-même l'emprunte à Nietzsche. La généalogie est le fait de plonger dans le passé au service d'un diagnostic du présent et pour essayer de penser notre présent. Le terme « diagnostic » est un terme médical important : de quoi notre temps souffre-t-il ? D'ailleurs dans le sens courant du terme « généalogie », par exemple la généalogie familiale, il s'agit bien de se plonger dans le passé pour comprendre notre identité d'aujourd'hui. D'où le caractère étrange du livre qui parle d'une pensée dominante aujourd'hui en ne parlant que des années 1910 à 1930. Tu te situes comme héritière des travaux de Foucault, pourrais-tu préciser le lien d'inspiration que tu entretiens avec lui ainsi qu'éventuellement les divergences ?
Si beaucoup, en philosophie politique, se revendiquent de Rousseau et prétendent en être les héri... more Si beaucoup, en philosophie politique, se revendiquent de Rousseau et prétendent en être les héritiers, l'approche de Céline Spector tend à montrer que les divers usages de l'oeuvre du Genevois sont tellement variés, qu'il est impossible de les circonscrire dans une doctrine cohérente que l'on pourrait appeler le rousseauisme ou d'en dégager un enseignement incontestable et univoque. On se retrouve alors avec un Rousseau sans visage, mais susceptible de multiples approches, parfois incompatibles, souvent divergentes. Chaque école de pensée déforme la doctrine du Genevois tout en s'en revendiquant. Il en résulte qu'aucune ne restitue la richesse et le foisonnement du « butin intellectuel » que constitue l'oeuvre de l'auteur du Contrat social tout en y puisant certains de leurs arguments fondamentaux. Le problème est donc alors de restituer cette diversité en évacuant les questions de fidélité et de filiation : « Le but de ce livre n'est donc pas de départager le bon grain de l'ivraie, les interprétations les plus rigoureuses des plus déformantes : il se contentera de restituer les prises de parti, les grilles de lectures, les orientations, les omissions voire les distorsions. » (p. 11) Une hypothèse fondamentale – et peut-être discutable – de l'entreprise de Céline Spector est que l'autorité philosophique de l'auteur du Contrat social régit toujours au moins partiellement le débat philosophique actuel ou contribue à le polariser et à le structurer. L'approche de Céline Spector est originale car elle ne prétend ni faire une étude des réceptions de Rousseau, ni réinscrire Rousseau dans l'histoire de la pensée politique comme pourrait le faire Manent, ni même réactiver Rousseau comme horizon d'attente de la pensée politique en train de se faire. L'ambition de l'ouvrage est plutôt de « cartographier les usages de la conceptualité rousseauiste dans la philosophie politique contemporaine » de la manière la plus neutre et impartiale, non « d'étudier sa réception ou de proposer une historiographie de son commentaire » (p. 3). L'objet est moins d'exposer une lecture ou d'évaluer la pertinence des recours à Rousseau à partir du regard de l'historien de la philosophie que de montrer en quoi la référence au Genevois peut fonctionner comme révélateur d'un positionnement dans le cadre polémique de la pensée politique contemporaine. Ainsi, pour Céline Spector, Rousseau « ouvre la voie d'une compréhension des grandes polémiques contemporaines portant sur le sens de leur héritage » (p. 12). Le Genevois peut donc jouer le rôle de catalyseur des engagements les plus fondamentaux des théoriciens contemporains soit qu'il serve de recours, soit qu'il serve de repoussoir, soit enfin par le type de fidélité revendiqué ou d'infidélités cachées à son égards.
Uploads
Drafts by Pierre Cretois
What is called ownership is actually a shortcut that designates a certain bundle of rights. Ownership is not absolute and exclusive control over things. Starting from the study of the Malthusian analysis of property rights, extended and discussed by Hardin, we intend to show that recognizing the co-possession of things through the bundle of rights approach is the only way to overcome the problems that the necessary preservation of environmental commons addresses to us today.
What is called ownership is actually a shortcut that designates a certain bundle of rights. Ownership is not absolute and exclusive control over things. Starting from the study of the Malthusian analysis of property rights, extended and discussed by Hardin, we intend to show that recognizing the co-possession of things through the bundle of rights approach is the only way to overcome the problems that the necessary preservation of environmental commons addresses to us today.