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Les Anges de La Bible (Tome 2) 000000930

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DE

LA BIBLE
OU

LES

ANGES AUPRS DE L'HOMME


PAR

M.

ALEXANDRE

GUILLEMIN,

Ancien Avocat la Cour de Cassation et au Conseil d'lal. Docteur en droit.

Gloria in ecetsB Deo, et in ieri a pax homintbus bona votuntatU

TOME SECOND.

PARIS
CHARLES D0UN10L, L I B R A I R E ,

diteur du CorrcFponilant,
20, RUE DE TOURNON.

DPT DE J.-B. PELAGAUD ET ( > , Chez A l t a fils,


57, RUE DES Sts-rRUS?

LYON

J.-B. Pelagaud cl C', Imprimeurs-Libraires, oO, rue. Mercire.


1850

Biblio!que Saint Libre


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L E S ANG-ES
DE LA BIBLE.

II.

Ouvrages lu nthnc Auteur s

LE LIVRE DES PSAUMES,

En vers franais d'aprs l'Hbreu. 1 vol. in-8.

CANTIQUE DES CANTIQUES,

avec l'interprtation mdite et le texte hbreu. 1 vol. grand in-8. dans les motions de la terre. 1 vol. grand in-8.

LE SOUVENIR DU CIEL

JEANNE D'ARC,

pome en douze chants, avec 12 vignettes. 1 vol. grand in-8. des Liberts et des Servitudes de l'glise gallicane,'! vol. in-8.

MEMORANDUM

En

prparation:

LES ANGES DE L'GLISE, ou LES ANGES DE L'RE CHRTIENNE.

Imprimerie de W . Remqwt et Cie. rue Garancfre, n. fi.

LES ANGES
AUPRS DE L'HOMME.

DU LIVRE DE JOSU.

Ordre d'entrer dans la terre promise. Indication des limites. Mission de Josu.Promesse du peuple.

De la nue miraculeuse que l'Ange de Dieu habitait, et du sein cle laquelle il parloil Mose, la gloire divine s'est retire dans l'Arche d'alliance : de l elle va rendre ses oracles et faire clater de nouveaux prodiges. Mais, pour que cette disparition de la colonne sacre ne fasse pas douter de la persvrance de l'Ange conducteur au milieu d'Isral, il va bientt apparatre avec les attributs du vainqueur de Satan. coutons d'abord la parole qu'il fait entendre Josu, fils de Nun : Mose
ii.
4

LES ANGES

mon serviteur est mort; va, et passe le fleuve du Jourdain, toi et tout le peuple avec toi, afin d'entrer dans la terre que je donnerai aux enfants. d'Isral. Je vous livrerai toutes les contres o vous aurez mis le pied, comme je l'ai dit Mose. Vos limites embrasseront tout ce qui est compris entre le dsert et le Liban, jusqu'au grand fleuve de l'Euphrate; tout le pays des Hthens, jusqu' la grande mer, vers le soleil couchant- Nul ne pourra te rsister tant que tu vivras. Je serai avec toi comme j'tois avec Mose; je ne te quitterai point, je ne t'abandonnerai point. Sois ferme et courageux; car c'est toi qui feras, au moyen du sort, le partage mon peuple de cette terre que j'ai jur vos pres de mettre en sa possession. Sois donc ferme et courageux pour garder et accomplir toute la loi que mon serviteur Mose a publie. Ne t'en dtourne jamais, ni droite ni gauche, afin d'excuter avec sagesse tout ce que tu dois faire. Que les paroles de toute la loi ne cessent jamais d'tre dans ta bouche. Prends soin de les mditer jour et nuit, afin d'observer et de faire tout ce qui est crit dans ce livre. C'est ainsi que tu sauras ta droite voie et que tu en auras l'intelligence. Je te le rpte donc : sois ferme et courageux, ne crains rien et ne t'effrayes de rien; car, de quelque ct que tu portes tes pas, le Seigneur ton Dieu sera avec toi. Josu transmit donc les ordres du Seigneur aux princes du peuple, et par eux tout Isral. Dans leur rponse, ils lui dirent : Nous ferons tout ce que vous nous avez prescrit, et nous irons partout o vous nous enverrez. Nous vous obirons comme

D U LIVRE DE JOSU.

nous avons obi Mose en toutes choses ; il suffit que le Seigneur soit avec vous comme il a t avec Mose. Que celui qui contestera vos paroles ou rsistera vos ordres, soit puni de mort. Seulement, quant vous, soyez ferme et courageux. Deux fois Mose, avant de mourir, avoit fait cette dernire recommandation Josu, devant toute l'assemble d'Isral ( 1 ) ; l'Ange vient de la redire deux fois aussi au nom du Seigneur, aprs la mort du grand Prophte ; et voici que le peuple la renouvelle lui-mme en termes identiques. Ainsi, tout Isral avoit compris que Josu, bien qu'il portt le nom de Sauveur, et bien qu'il ft digne de conduire le peuple lu, n'toit pourtant et ne pouvoil tre que la figure du Messie; qu'il tenoit sa puissance, non pas de son propre fonds, mais d'une dlgation divine ; et seulement encore par la mdiation du lgislateur qui lui avoit impos les mains. Aussi tous les Isralites exprimoient-ils le vu que le Seigneur ft avec lui, comme auparavant avec Mose. On se souvenoil, d'ailleurs, que Josu avoit t sinon le serviteur, du moins le ministre de l'homme de Dieu; et il toit facile de reconnotre, de tels signes, le vrai caractre de sa mission: or, cette espce de signalement sacr toil d'autant plus ncessaire qu'au seul ordre de sa bouche, comme au seul geste de sa main, de grandes merveilles alloient exalter de nouveau le peuple d'Isral pour la gloire du Seigneur.
(4) Lvitique> x x x i , 7 et 23,

LES. ANGES

Passage du Jourdain.

Ds les premiers pas des enfants d'Isral au seuil de la terre promise, le Seigneur fait marcher son Ange devant eux, comme il l'avoit solennellement annonc. Un clatant prodige signale d'abord cette divine assistance o les merveilles de la grce sont en mme temps figures. Le passage du Jourdain est le symbole du baptme qui ouvre l'entre de la sainte patrie. Un autre fait pareillement prophtique prcde ce miracle : Josu envoy des explorateurs dans le pays de Jricho. Ils y sont recueillis par Rahab, une courtisane, image trop vive de toute l'humanit paenne, si longtemps perdue dans sa prostitution toutes les erreurs et tous les vices. Mais, du sein mme de la honte, l'me, qui, touche de repentir, ouvre les yeux la lumire et implore le vrai Dieu, est sre d'obtenir misricorde. Au moment de se mettre en marche, Josu, aprs avoir consult le Seigneur, avoit dit au peuple : Sanctifiez-vous, car, demain, le Seigneur fera clater des merveilles vos yeux. Et il dit aux prtres : Prenez l'Arche d'alliance et marchez devant le peuple. Les prtres excutrent cet ordre et s'avancrent les premiers. Et l'Ange dit Josu au nom du Seigneur : Je commencerai l'lever aujourd'hui devant tout Isral, afin

DU LIVRE DE JOSU.

qu'il sache que je suis avec toi comme j'tois avec Mose. Commande aux prtres qui portent l'Arche d'alliance et dis-leur ceci : Lorsque vous serez entrs dans l'eau du Jourdain, arrtez-vpus au milieu du fleuve. < Josu dit donc aux enfants d'Isral : Approchezc vous et coulez la parole du Seigneur votre Dieu. Puis il ajouta : Voici tout l'heure un signe auquel vous reconnotrez que le Dieu vivant est au milieu de vous, el qu'il exterminera sous vos yeux les Chananens, les Hthens,les Hvens,lesPhrsens, les Gergsens, les Jbusens et les Amorrhens. L'Arche du Seigneur, matre de toute la terre, marchera devant vous dans le Jourdain. Tenez prts douze hommes des douze tribus d'Isral, un de chaque tribu, et lorsque les prtres qui portent l'Arche auront mis le pied dans le Jourdain, les eaux d'en.bas s'couleront et laisseront le lit . sec, et celles d'en haut s'arrteront en une seule masse. Le peuple sortit donc du camp pour passer le fleuve ; et les prtres qui portoient l'Arche alloient devant lui;.et aussitt qu'ils furent entrs dans le Jourdain, et que le flot commena mouiller, leurs pieds (c'toit le temps de la moisson, o le fleuve est plein jusqu'aux bords), les eaux qui venoienl d'en haut s'arrtrent et s'levrent comme une montagne; on les voyoit de loin depuis la ville d'Adom jusqu' Sarthan; et les eaux d'en* bas s'coulrent dans la mer clu dsert, que l'on appelle maintenant Mer Morte , et ainsi il n'en restoitplus. Cependant le peuple s'avanoit vers Jricho, et les prtres qui portoient l'Arche de l'alliance du Seigneur se tenoient toujours la mme place, sur la terre nue,

< >

LES ANGES

au milieu du Jourdain; et toute la multitude traversoit le lit du fleuve pied sec. Au passage de la Mer'Roug, Mose, averti par l'Ange du Seigneur, avoit tendu sa verge sur les eaux, et il leur avoit donn l'ordre de s'ouvrir, et ensuite Tordre de se fermer. Au passage du Jourdain, la seule prsence de l'Arche sainte opre le .prodige. Dans ces deux grandes manifestations, la mme puissance agit sous diverses formes : Souverain matre de la cration, Dieu la tient tout entire dans sa main, et il tire galement sa gloire, et de l'ordre naturel des lments et des drogations qu'il leur impose un moment lui-mme. Mais il nous faut contempler et mditer avec attention les constantes merveilles de la terre et des mers, et celles de la vote descieux, poiir que l'admiration, la reconnoissance, l'enthousiasme et les hommages clatent au fond de nos curs et s'lvent jusqu' l'Auteur des mondes. Alors, nous comprenons que, par sa volont suprme et par elle seule, la terre se couvre tantt de fleurs et de fruits, tantt de neige et de glace; qu'elle se balance et qu'elle se soutient dans toute l'tendue de son orbite; nous comprenons que, par cette volont suprme et par elle seule, le flot majestueux des mers vient expirer sur leurs bords, et que dans les plus furieuses temptes il n'a jamais pu briser sur aucun point l'incommensurable cercle o il est emprisonn : en telle sorte que le pauvre habitant des rives de l'Ocan peut bien faire des conqutes sur le sable de l'onde, mais que l'Ocan, toutOcan qu'il est, peutpeine

DU LIVRE DE JOSU.

les reprendre, sans pouvoir lui-mme en faire de pareilles sur la plus humble de ses plages. Nous comprenons aussi que, par cette volont suprme, et par elle seule, les eaux du ciel suspendues sur nos ttes tombent doucement en pluies, alors mme qu'elles ont des proportions diluviennes ; qu'enfin, par cette volont suprme, et par elle seule, les astres du firmament suivent leur cours avec Yinfinitsimale ponctualit qui toujours devrait inspirer plus de pit au cur des savants que d'orgueil leur gnie. Comment se fait-il donc que nos yeux soient plus merveills de voir un moment suspendue la marche des choses cres que de voir son admirable persvrance? C'est qu'ici la foi se rveille, et elle se dit : Je reconnois, aux magnificences du globe, l'clat des astres, leurs rvolutions tout la fois immenses dans les rgions inconnues de l'espace et minutieuses dans l'exacte mesure du temps, je reconnois le doigt du Crateur : mais, habitue que j'y suis, je dors comme berce au milieu de cette suave harmonie. Sitt, au contraire, que j'aperois la moindre interversion cette invariable marche, je sens plus vivement encore le doigt de Dieu, parce que Celui-l seul qui a fait les lois de la nature, a aussi le pouvoir ou de les dfaire, ou de lea suspendre, sans les anantir. Ala lecture du livre sacr, cette mme foi se ranime, dans les curs pieux, aussi solidement que celle des tmoins oculaires du miracle; elle est fortifie parles saintes explications du symbole divin ; elle admire la figure du baptme, dans les flots du Jourdain, et sur le

LES ANGES

seuil del terre promise.. Sans doute, comme toutes les comparaisons, les uvres figuratives ne sont jamais entirement calques sur la vrit qu'elles prophtisent; mais il suffit d'y reconnotre les principaux traits'de ressemblance; et, souvent loin de leur nuire, les signes contraires, ou distinctifs, entre le fait symbolique et la ralit, confirment de plus en plus la pense prophtisante. Ainsi, les eaux du Jourdain ne mouilloient que les pieds des Isralites, et seulement des prtres qui portoient l'Arche d'alliance, et des douze reprsentants des douze tribus ; car le symbole nefaisoit qu'indiquer la vraie purification. Mais l'eau sacramentelle immergera compltement plus tard l'homme rgnr ; et, plus tard encore, cette ablution sacre, image de la grce, tombera seulement sur la tte, sur la plus noble partie du corps des nophytes, sans cesser de laver entirement leurs mes. Tout Isral, depuis le vieillard jusqu'au plus petit enfant, a pass dans le miraculeux fleuve : de mme tout le peuple chrtien doit passer dans l'eau de la r gnration. Enfin, les flots infrieurs s'couloient jusqu'au lac du dsert, jusqu' la Mer Morte; et l, figurativement aussi, s'engloutissoient toutes les souillures du peuple. Mais les flots s'arrtoient pour remonter vers leur source : nouvelle image des curs retremps au sein de Dieu mme, la source de la vie. L'Ange du Seigneur ordonna ensuite Josu de choisir douze hommes des douze tribus pour tirer du Jourdain douze grandes pierres, une chacun, et pour

DU LIVRE DE JOSU.

les riger toutes au camp de "Galgala, comme un monument du passage d'Isral. Puis Josu en dressa un pareil nombre, au milieu du fleuve, l'endroit o s'toient arrts les prtres qui portoient l'Arche d'alliance. Faut-il voir, dans ce mmorable signe, la prophtique annonce des douze colonnes de l'glise? Le vrai Josu, le vrai Sauveur instituera en effet l'apostolat des douze premiers et immortels tmoins de la'rdemption des hommes, travers le fleuve des ges ; mais le mystrieux difice aura pour base le Christ lui-mme, la pierre angulaire, unie cette autre base cle laquelle il
a dit : Vous tes Pierre, et sur cette pierre je btirai mon glise. Aussi, l'intime relation des colonnes sacres

avec les fondements du Temple nous permet d'admirer la fois, et l'unit de l'uvre divine, et la majest de son auteur, et la prminence de son premier reprsentant sur la terre, et la place marque des autres princes de la sainte hirarchie. Souvenons-nous seulement de ne jamais outrer la signification des symboles, de manire vouloir une minutieuse analogie avec la ralit dans leurs vagues linaments. Une observation, aussi certaine dans sa vrit qu'leve dans son objet, va rsulter du texte qui suit : Or, les prtres qui portoient l'Arche se tenoient au milieu du Jourdain, jusqu' l'excution des ordres que Dieu avoit charg Josu de donner au peuple et dont Mose avoit parl. Et la multitude se hta de traverser le fleuve; et lorsque tous les enfants d'Isral furent

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LES ANGES

passs, l'Arche du Seigneur passa aussi, et les prtres reprirent leur marche en tte du peuple. Mditons le sublime enseignement. Jusqu'au passage du dernier des enfants d'Isral, jusqu' l'entier accomplissement des recommandations de l'Ange, en un mot, jusqu' la fin du passage figuratif de la vie du temps, les prtres du Seigneur, quand 11 s'agit du salut des mes, restent leur poste, l'il ouvert et l'oreille tendue aux avertissements sacrs. Ni la longue dure de l'preuve, ni la multitude innombrable du peuple, ni la masse des eaux s'accumulant ct d'eux, sans autre barrire que leur foi la parole divine, rien ne les dtourne de leur saint ministre. Mais aussi l'Arche du Seigneur est avec eux ; ils en sont Jes gardiens; et il sort cle l un cleste parfum, une vertu secrte qui, sans cesse, les ranime, les soutient et les fortifie. Que s'il en toit ainsi au temps de l'Arche symbolique, quel doit tre le torrent des grces sur l'autel de la nouvelle alliance, o les prtres ont euxmmes l'ineffable bonheur de faire descendre chaque jour, dans la sainte Eucharistie, le Dieu de toute consolation ! En ce jour-l, ajoute l'criture, le Seigneur exalta Josu devant tous les enfants d'Isral, afin de leur imprimer pour lui le mme respect qu'ils avoient eu pour Mose. Et l'Ange lui dit : Ordonne aux prtres qui portent l'Arche d'alliance de sortir du Jourdain. Et Josu leur donna cet ordre : Sortez du Jourdain. Et lorsque les prtres quiportoientl'Arche de l'alliance du Seigneur sortoient du fleuve et commenoient marcher sur la

OU LIVRE DE JOSU.

terre sche, les eaux du Jourdain revinrent dans leur lit et coulrent comme auparavant. Il y aurait lieu de s'tonner d'entendre ainsi Josu donner des ordres aux ministres sacrs* et pour, entrer dans le fleuve et pour en sortir, si la voix de Dieu mme et de son Ange ne dominoit cette grande scne du miraculeux passage; mais le texte biblique est prcis. L'Ange du Seigneur dit Josu : Commande aux prtres, etc., et Josu ne fait que leur redire fidlement, et pour l'entre et pour la sortie, les paroles divines; car le conducteur d'Isral, en dehors de cette rvlation, ne pouvoit pas s'immiscer dans l'uvre sacerdotale. Loin de l, il est dit au livre des Nombres (1) : Lorsqu'il faudra entreprendre quelque chose, le grand prtre lazar consultera le Seigneur, et, selon la rponse d'lazar, Josu s'avancera ou s'arrtera, et avec lui tous les enfants d'Isral et le reste du peuple. Sous la loi vanglique, les prrogatives sacres sont encore plus inviolables. Or, si la parole de l'Ange, l'ordre de Dieu mme, t-oit l'imposante condition du pouvoir dont fut un moment investi Josu, l'lu du Seigneur, l'hritier de Mose, le chef que Dieu daignoit accompagner, celui enfin qui portoit le nom et devenoit la figure du Messie, comment, sous la loi nouvelle, les puissances du sicle, livres, ou du moins exposes toutes les illusions d'une vie terrestre, osent-elles porter la main sur le sanctuaire et donner des injonctions au sacerdoce ?
(1) XXVI, 24.

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LES ANGES

L'histoire sainte condamne donc galement et le schisme et les hrsies des contempteurs de la hirarchie sacre. Le rcit du miracle se termine par ces paroles de Josu aux enfants d'Isral, aprs qu'il eut rig Galgala les douze pierres du Jourdain : Quand vos fils interrogeront un jour leurs pres et leur demanderont : Que veulent dire ces pierres? vous les en instruirez, en leur disant : Isral a travers pied sec le lit du Jourdain, le Seigneur en ayant sch les eaux sous vos pas jusqu'aprs votre passage, comme il avoit fait auparavant la Mer Rouge, dont il scha les eaux jusqu' ce que nous fussions passs, afin que tous les peuples de la terre sachent reconnotre la main toute-puissante du Seigneur, et que vous appreniez vous-mmes craindre en tout temps le Seigneur votre Dieu.

nouvelle circoncision et clbration de la Pquc. Apparition de l'Archange Slical sous la ligure d'un guerrier.

Aussitt aprs le passage du Jourdain, l'Ange du Seigneur ordonna Josu de faire circoncire tous les enfants d'Isral ns dans le dsert, et, ensuite, de clbrer la Pque, qui depuis quarante ans n'voit pas

DU LIVRE D E JSU.

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t observe; car il falloit, l'entre de la terre promise, distinguer plus que jamais le peuple fidle des peuples idoltres. Cette double prescription fut immdiatement excute, la faveur du trouble o toient plongs les rois de Chanaan et ceux des contres voisines, en apprenant le prodige des eaux du Jourdain. La loi Mosaque ayant expressment aussi recommand la. circoncision du cur dont la circoncision charnelle n'toit que l'emblme, l'Ange avoit dit Josu au nom du Dieu saint : J'ai entirement effac aujourd'hui du milieu de vous l'opprobre de la servitude d'Egypte. Ds ce moment aussi le peuple d'Isral se nourrit ds fruits de la terre promise, et la manne cessa de. tomber. Les formes sous lesquelles les Anges s'entretenoient avec Mose et avec Josu ne sont pas toutes expliques dans la Bible. Ordinairement, la parole sacre sorloit de la nue de feu et d'ombre, ou du pavillon de l'oracle; et, alors, une clatante lumire annonoit la prsence de Dieu et le ministre anglique. Mais voici une apparition sous une autre forme : Josu toit dans la campagne de Jricho, lorsque, levant les yeux, il vit quelques pas un guerrier, debout, et tenant la main une pe nue. Josu alla lui et lui dit : Etes-vous des ntres, ou l'un de nos ennemis? Il rpondit : Non, mais je suis le prince de l'arme du Trs-Haut, et maintenant je viens. Josu se prosterna la face contre terre et l'adora, en disant : Quelles paroles direz-vous votre serviteur? Ote ta chaussure,

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LES ANGES

lui dit-il, car il est saint le lieu o tu es. Et Josu obit, Aces traits, on reconnotaussitt l'ArchangeMical, le vainqueur de Satan. Chef de l'anne du Seigneur, il lui suffit de se dsigner ainsi, pour faire comprendre d'un seul mot toule l'lendue de sa mission auprs du peuple lu. Il combattra avec lui. Ce n'est donc plus uniquement l'inspiration sacre et la voix des Anges, c'est, pour ainsi dire, le concours arm et le sublime lan de la cleste milice qui vont se joindre aux enfants d'Isral contre leurs ennemis. Un gage de victoire leur est donn, l'avance, dans cette manifestation toute vivante et toute guerrire de l'ambassadeur clu Dieu des batailles. Quelques interprtes voient, dans celte apparition, non-seulement le glorieux Archange, mais aussi le Verbe divin lui-mme, daignant intervenir dj, sous l'image de l'homme, pour le salut de son peuple. Car, observent-ils, si l'aptre a pu dire, de la pierre du dsert o s'abreuvoientles Hbreux, qu'elle prfiguroitle Christ et la source des grces, combien mieux peut-on le reconnotre dans cet anglique guerrier venant prter la force de son glaive, emblme de la parole divine, au conducteur d'Isral ! Mais, ce qui ne peut faire aucun cloute dans chacune des interprtations, c'est toujours l'accomplissement visible de celte promesse du Seigneur : J'ENVERRAI MON
ANGE DEVANT VOUS.

DU LIVRE DE J O S U

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lia prise de Jricho.

Sommes-nous assez accoutums l'clat des merveilles? C'est le bonheur des curs droits. Lorsque le souverain Matre de la nature agit, soit directement, soit par ses Anges ou par ses Saints, la foi n'est ni lente croire ni embarrasse pour s'expliquer les faits miraculeux. L'incrdule lui-mme s'crie, dans son trouble, l'exemple des magiciens de Pharaon : Le doigt de Dieu
est ici !

Des vnements, visibles comme la splendeur des astres, retentissants comme le bruit des orages, et simples comme la cration mme sous la main du Crateur, sont ds lors aussi croyables qu'ils sont clatants. Il suffit de les lire dans leur vrit. Jricho toit ferme et bien munie, cause de la terreur qu'inspiroit le peuple d'Isral, et nul n'osoit y entrer ni en sortir. Et l'Ange du Seigneur dit Josu : Voici que je livre entre tes mains Jricho, son roi et tous ses vaillants dfenseurs. < Fais avec les hommes de guerre, une fois par jour, ( le tour de la cit, et vous le ferez de mme pendant six jours. Mais qu'au septime jour, les prtres prennent les sept trompettes dont on se sert au temps du JuBil, et

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LES ANGES

qu'ils prcdent l'Arche d'alliance. Et vous ferez ainsi sept fois le tour de la cit, et les prtres sonneront de la trompette. Et lorsque le son de la trompette sera plus prolong et plus aigu, et que vos oreilles en seront frappes, tout le peuple ensemble levant la voix, jettera une grande clameur; et alors, les murailles de la ville tomberont de leurs fondements et chacun entrera l'endroit qui se trouvera en face de lui. Josu excuta ces ordres de l'Ange ; et, au septime jour, tandis que les prtres sonnoient de la trompette, Josu dit tout Isral : Jetez un grand cri, le Seigneur vous a livr Jricho. Que cette ville soit anathme; que tout ce qui s'y trouve soit consacr au Seigneur; que Rahab la courtisane soit seule pargne, avec tous ceux qui sont dans sa maison, parce qu'elle a donn un abri nos explorateurs. Quant vous, gardez-vous bien de toucher rien dans la ville, au mpris de cette dfense, de peur de vous rendre coupables de prvarication et de jeter dans le pch et dans le trouble tout le camp d'Isral. Que l'or et l'argent, les vases d'airain et de fer soient ddis au Seigneur et mis en rserve dans son trsor. Le peuple d'Isral ayant donc jet un grand cri, et les trompettes retentissant, cette voix et ce son n'eurent pas plutt frapp les oreilles de la multitude, que les murailles s'croulrent et chacun entra par l'endroit qui toit en face de lui, et la ville tomba ainsi entre leurs mains. Et aprs l'excution de tous les ordres intims par l'Ange, Josu s'cria ; Maudit soit celui qui rebtira

DU LIVRE DE JOSU.

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la ville de Jricho ; que la mort de soapremier n marque le jour o il en jettera les fondements ( 1 ) . Josu marchoit donc avec Dieu, et le bruit de son nom se rpandoit par toute la terre. Le chtiment inflig Jricho porte en soi la preuve des crimes normes dont celte ville toit souille. Le Pieu qui rien n'est cach, le Dieu qui voit le fond des curs, savoit toute la dpravation de ses habitants. Sans doute la vengeance est terrible; mais quel audacieux voudroit se faire l'apologiste des hommes dont il ignore la vie, ou des actes ensevelis dans les tnbres et dans l'anathme ? Oseroit-il donc usurper les droits du suprme Juge des vivants et des morts? Et, s'il se croit permis de plaindre les enfants envelopps dans le supplice des grands coupables, a-t-il la clef des mystres de celte immolation gnrale? est-il entr dans les conseils du Trs-Haut ? sait-il quelle lumire a pu clairer quelques derniers remords? quelle prire a pu consacrer quelques derniers soupirs parmi tant de victimes? Dira-t-il bien clairement s'il et t plus heureux, pour les tristes fruits d'une race corrompue, de vivre que de mourir? leur sort lui est-ilrvl? con-

(4) Cette maldiction est ainsi explique : elle n'avoit pas pour but do condamner Jricho un ternel silence, mais seulement de punir celui qui, en relevant ses murs, feroit disparoitre la trace du prodige. Voici, en effet, ce qu'on lit au troisime livre des Rois, ch. xvi, v. 34: Hiel do Blhel rebtit Jricho. La mort d'Abiram, son premier n, marqua le jour o il en jeta les fondements ; et la mort de Sgub, son plus jeune (ils, le jour o il en posa les portes : comme l'Ange du Seigneur l'avoit dit par la bouche de Josu, fils de Nun. H. 2

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LES ANGES

not-il enfin la solution des redoutables problmes de leur ternit? Tmraires mortels, qui interpellez la justice du Seigneur, humiliez-vous plutt devant sa misricorde ! Rahab, la femme prostitue, implore et obtient celte divine clmence, et pour elle-mme, et pour toute sa famille ! Quel tmoignage 1 et que faut-il de plus ? Donc, quand Dieu frappe Jricho, en ordonnant sa destruction, c'est que son adorable sagesse a d se rsoudre draciner ainsi le pch, dont il pouvoil seul juger l'incurable plaie. Le miracle de Jricho semble tre la prophtique figure du renversement de l'idoltrie. Au son des trompettes sacres, c'est--dire au bruit des prdications apostoliques, souvent et partout rptes; et l'apparition de l'Arche du Seigneur, c'est-dire l'ombre des tabernacles eucharistiques, s'tablissant comme des stations divines dans tout l'univers, les murailles et les barrires o s'enfermoient le dsordre et la honte du paganisme, se sont croules : et Je nom du vrai Josu, le nom divin de Jsus, Roi du monde entier, est rpandu par toute la terre, dans les bndictions et dans la gloire.

DU LIVRE DE JOSU.

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Prvarication et punition d'Action.

Dieu va nous apprendre que, quand il l'ordonne, le sort devient l'instrument fidle de sa providence et de sa justice. La dfense de toucher l'or, l'argent et aux autres richesses de Jricho avoil t viole. Josu l'ignoroit. Il avoit envoy, sur l'avis des explorateurs, trois mille hommes de guerre contre la ville de Ha ; mais ils chourent dans leur attaque, et les habitants en iurenl plusieurs et poursuivirent les autres jusqu' Sabarim. Alors, le cur du peuple d'Isral fut saisi de terreur et s'en alla comme l'eau qui s'coule ; mais Josu dchira ses vlements ; et, s'tant jet la face contre terre devant l'Arche du Seigneur, il demeura ainsi prostern, avec tous les anciens d'Isral, jusqu'au soir, et ils se couvrirent la tte de poussire; et Josu s'cria : Seigneur mon Dieu, avez-vous donc fait passer l'eau du Jourdain tout ce peuple pour nous livrer entre les mains des Amorrhens, et pour nous perdre? Que ne sommes-nous rests au del du fleuve, comme auparavant? Seigneur mon Dieu, que dirai-je en voyant fuir Isral devant ses ennemis? Les Chananens et tous les habitants de ce pays vont le savoir, et bientt, s'unissant ensemble, ils nous envelopperont et ils extermineront de la terre jusqu' notre souvenir ; et alors que deviendra h gloire de votre puissant nom?
2,

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Le Seigneur dit Josu par la voix de l'Ange : Lve-toi. Pourquoi restes-tu la face contre terre? Isral a pch : il a viol l'alliance que j'avois faite avec lui; ils ont pris une partie de l'anathme; ils en ont drob; ils ont menti, et ils ont cach leur vol parmi leurs propres biens. Isral ne pourra dsormais faite face ses ennemis ; il fuira devant eux, parce qu'il s'est souill de l'anathme. Je ne serai donc plus avec vous jusqu' ce que vous ayez extermin l'homme coupable de ce crime..Lve-toi, sanctifie le peuple et di-lur : Sanctifiez-vous pour le jour qui va suivre. Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Isral : L'anathme est parmi vous, Isral ! Vous ne tiendrez pas devant vos ennemis jusqu' ce que celui qui est souill de ce crime soit extermin du milieu de vous. Prsentez-vous tous demain, chacun dans sa tribu, et le.sort dsignera la tribu, puis la famille, puis la maison, et, enfin, chaque personne; et quiconque sera trouv coupable de ce crime sera brl avec tout ce qui lui appartient, parce qu'il a viol l'alliance du Seigneur et qu'il a commis une abomination dans Isral. Josu, se levant donc ds l'aube du jour, fit assembler le peuple par tribus, et le sort tomba sur la tribu de Juda; et cette tribu s'tant prsente avec toutes ses familles, le sort tomba sur la famille de Zar; et cette famille s'tant prsente par maisons, le sort tomba sur la maison de Zabdi; et toutes les-personnes de cette maison s'tant prsentes sparment, le sort tomba sur Achan, fils de Charmi, fils de Zabdi, fils de Zar, de la tribu de Juda.

DU LIVRE DE JOSU.

Et Josu dit Achan : Mon fils, vendez gloire au Seigneur, Dieu d'Isral; confessez et dclarez ce que vous avez fait, et sans n rien dissimuler. Et Achan rpondit : Il est vrai, j'ai pch contre le.Seigneur, le Dieu d'Isral, et voici ce que j'ai fait : j'ai vu parmi le butin un manteau d'carlate trs-beau, el deux cents sicles d'argent, avec une rgle d'or de cinquante sicles, et, dans l'extrme dsir de les avoir, je les ai pris, je les ai enfouis sous terre au milieu de ma tente, et j'ai cach aussi l'argent dans une fosse que j'avois creuse. Josu envoya donc des hommes qui, courant au pavillon d'Achan, trouvrent tous les objets cachs avec l'argent au lieu indiqu par lui, et les ayant retirs de la tente, ils les portrent Josu et au peuple d'Isral, et les dposrent devant le Seigneur. Or, Josu, et tout Isral avec lui, ayant saisi Achan, fils de Zar, et l'argent, le manteau et la rgle d'or, avec ses fils et ses filles, ses bufs, ses nes et ses brebis, son pavillon mme et tout ce qui lui appartenoit, les conduisirent clans la valle d'Achor ; et l, Josu lui dit : Puisque vous avez jet le trouble parmi nous, que le Seigneur vous extermine aujourd'hui. Et tout le peuple d'Isral le lapida ; et ils amassrent sur lui un monceau de pierres qui subsiste encore prsent, et le lieu de son supplice fut appel et s'appelle toujours la valle d'Achor ( 1 ) . Tout le peuple d'Isral, on le voit, prend part Fexculion du terrible chtiment, tant est vive sa foi
('!) C'est--dire la valle du Trouble.
1

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dans la parole du Seigneur. Mais plus la justice divine est rigoureuse, plus Josuuse de douceur envers le coupable. Il l'appelle mon fils, et il lui dit : Rendes gloire Dieu ! L'aveu des fautes est donc le gage de l'ternelle misricorde ; et si celte esprance est donne mme l'homme sacrilge, combien plus est-elle permise ceux qui ne sont envelopps dans son crime que par une responsabilit mystrieuse, et dans son supplice que pour imprimer plus fortement au cur des peuples l'horreur du pch. Alors cette confession des victimes, cette acceptation de-la mort et ce repentir scell dans le sang deviennent tout la fois et un glorieux tmoignage envers Dieu et l'expiation de l'anathme. Aprs ce grand exemple, Dieu remit Je courage au cur des enfants d'Isral. Ils reprirent les armes contre la ville de Ha, et l'Ange du Seigneur les assista jusqu' dicter Josu une manuvre de guerre, et jusqu' donner le signal du succs, en lui disant : Lve ton bouclier contre la ville de Ha, parce que je vais la livrer entre tes mains. Et ds que Josu eut lev son bouclier, les Isralites, qui toient en embuscade, se levrent aussitt, marchrent sur la ville, la prirent et y mirent le feu. Ainsi,.la victoire revint aux Hbreux avec la protection de l'Ange. Ensuite le roi et les habitants de Ha furent traits comme ceux de Jricho. Tels toient les ordres du Matre souverain de la vie et de la mort.

DU LIVRE DE JOSU.

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Autel du mont Hbal.

Tout ce que faisoit le fils de Nun lui loit inspir par l'Ange du Seigneur. En voici, dans l'criture, de nouveaux tmoignages : Alors Josu leva un autel au Seigneur, le Dieu d'Isral, sur le mont Hbal, comme Mose l'avoit ordonn aux Hbreux, et comme il est crit dans son livre de la loi. Cet autel toit de pierres brutes que le fer n'avoit point touches. Josu y offrit au Seigneur des holocaustes et des hosties pacifiques. Il crivit aussi sur des pierres le Deutronome de la loi, que Mose avoit expos aux regards des enfants d'Isral. Tout le peuple, les chefs de guerre et les juges toient debout de chague ct, devant les prtres qui portoient l'Arche de l'alliance du Seigneur. Les trangers y toient leur rang comme les Isralites. La moiti du peuple se tenoit prs du mont Garizim, et l'autre moiti prs du mont Hbal, ainsi que Mose, serviteur de Dieu, l'avoit prescrit. Et d'abord Josu bnit les enfants d'Isral. Puis il lut toutes les paroles de bndiction et de maldiction, et tout ce qui est crit dans le livre de la loi. Il n'omit rien de toutes les prescriptions de Mose; mais il les recommanda de nouveau devant l'assemble entire des enfants d'Isral, devant les femmes, les petits enfants et les trangers demeurant au milieu d'eux.

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Le premier sentiment, le premier soin, le premier acte des vainqueurs, dans les intervalles du repos de la guerre, doit tre consacr aux hommages dus Dieu et -sa loi sainte. Alors, du mme autel o montent l'encens et les vux de la prire, les bndictions descendent sur le peuple fidle ; mais les paroles de maldiction doivent tre aussi rappeles, afin de-le prmunir, contre le danger des prvarications. Ici, et plusieurs fois, le livre divin parle des trangers admis leur rang, parmi les enfants d'Isral, aux crmonies sacres : c'est--dire que nul n'est tranger devant Dieu avec un coeur isralite. Quiconque embrasse avec foi et avec amour la loi qu'il a donne son peuple, prend place aussitt dans la famille bnie dont il est le pre.
oO

Les Gabaouitcs.

Une seule fois Josu ngligea de consulter l'Ange de Dieu, et il fut induit en erreur par l'un des peuples qu'il toit charg d'anantir. Elle toit comme ncessaire, cette faute de celui qui fut jug digne de porter figurativement le nom du Sauveur; car elle montroil qu'il n'toit pas plus impeccable que Mose, et qu'il n'toit pas non plus le vrai Messie, mais seulement l'un de ses prophtiques prcurseurs. Heureusement, celte imprvoyance du conducteur

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d'Isral offre aussi le consolant spectacle de la religion du serment et une nouvelle preuve des divines inisri cordes. Au bruit de ces vnements, tous les rois en de du Jourdain,.ceux qui demeuroientdans les montagnes et dans les plaines, dans les villes maritimes et sur les bords de la grande mer, ceux aussi qui habiloient prs du Liban, les Hthens et les Amorrhens, les Chananens, les Phrsens, les Hvens et les Jbusens, se ligurent tous ensemble, dans la mme ardeur et la mme pense, pour combattre Josu et le peuple d'Isral. a Mais les habitaits de Gabaon, ayant appris tout ce que Josu avoit fait aux villes de Jricho et de Ha, usrent de stratagme. Ils mirent des vivres dans de vieux sacs dont ils chargrent leurs nes, avec des outres pleines de vin, mais dchires et recousues. Ils avoient leurs pieds de vieilles chaussures, rapices, pour marquer encore plus leur vtust, et ils loienl couverts de vtements uss ; et le.pain qu'ils portaient pour leur nourriLure dans la route, toit extrmement dur et rompu en morceaux. En cet tat, ils ses prsentrent Josu, au camp de Galgala, et lui dirent ainsi qu' tout Isral : Nous venons d'une contre lointaine, dans le dsir de faire la paix avec vous. Les enfants d'Isral rpondirent : Peut-tre tes-vous-de ce paysci mme, qui nous est rserv en partage; et, alors, nous ne pourrions faire alliance avec vous. Mais ils dirent Josu : Nous sommes ici pour tre vos serviteurs. Qui tes-vous? et d'o venez-vous? Ils lui dirent

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encore : Nous venons d'une contre fort loigne, au nom du Seigneur votre Dieu, car l'clat de sa puissance a retenti jusque-l. Nous avons donc appris toul ce qu'il a fait dans l'Egypte, et comment il a trait les deux rois des Amorrhens de l'autre ct du Jourdain, Shon, roi d'Hsbon, et Og, roi de Basan, qui possdoit Astaroth. Or, les anciens et tous les habitants de notre pays nous ont dit : Prenez avec vous des vivres pour ce long voyage; allez au-devnt d'eux, et ditesleur : Nous voulons tre vos serviteurs; faites alliance avec nous. Voici les pains que nous emportmes encore toutchauds, quand nous sortmes de nos demeures pour venir vous. Ils sont en morceaux et desschs par le temps. Les outres que nous avons remplies de vin sont maintenant dchires et entr'ouvertes. Nos vtements et nos chaussures sont tout uss, dans un si long voyage, et ils ne valent plus rien. Le peuple d'Isral examina leurs vivres; mais l'oracle du Seigneur ne fut pas consult. Et Josu leur offrit la paix, fit alliance avec eux et leur promit de les laisser vivre tous; ce que les princes du peuple leur dclarrent aussi avec serment. . Mais trois jours aprs ce trait, les enfants d'Isral apprirent que ce peuple habitoit une contre voisine, et qu'ils.alloient entrer sur son territoire. Et, en effet, ayant lev leur camp, ils arrivrent le troisime jour dans les villes des Gabaonites dont voici les noms : Gabaon, Caphira, BrothetCariathiarim. Toutefois, ils ne les turent point, parce que les princes du peuple avoient jur l'alliance avec eux, au

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nom du Seigneur le Dieu d'Isral. Alors, toute la multitude murmura contre les princes; et les princes rpondirent : Nous leur avons fait serment au nom du Seigneur le Dieu d'Isral, ainsi nous ne pouvons leur faire aucun mal; mais voici comment nous les traiterons : ils auront, en effet, la' vie sauve, de peur que la colre du Seigneur ne s'lve contre nous, si nous tions parjures, seulement, ils vivront dtelle sorte que ce soit pour servir le peuple, en portant l'eau et le bois. <t Tandis que les princes parloient ainsi, Josu appela les Gabaonites et leur dit : Pourquoi nous avez-vous tromps par votre stratagme, en disant : Nous demeurons trs-loin de vous, puisqu'au contraire vous tes au milieu de nous? C'est pourquoi vous serez sous la maldiction, et il y aura toujours dans votre race des gens chargs de couper le bois et de porter l'eau dans la maison de mon Dieu. Les paroles de Josu et des princes d'Isral atlesloient ainsi une sagesse digne de l'inspiration des Anges.

Josu arrte le Soleil et la Lune. Sa victoire sur les cinq rois les Amorrhens.

Gloire Dieu dans toutes les uvres de sa puissance ! sa droite n'est jamais plus visible que quand un mortel en est l'instrument. Il va permettre que la parole de

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l'homme suspende un moment le cours invariable des astres. Mais un ordre si miraculeusement impratif a d tre inspirparlui-mmeetdictparlavoixdesonAnge. Adonisdec, roi de Jrusalem, ayant appris que Josu avoit dtruit la ville de Ha et que les Gabaonites avaient pass du ct d'Isral, et fait alliance avec lui, fut saisi de terreur, car Gabaon toitune cil considrable, une des cits royales, et plus grande que la ville de Ha, et tous ses dfenseurs toient de puissants guerriers. Adonisdec, roi de Jrusalem, envoya donc des messagers Oham, roi d'Hbron, Pharam; roi de Jrimoth, Japhia, roi de Lachis, et Dabir, roi d'glon, pour leur dire : Venez avec moi et prtez-moi secours afin d'assiger Gabaon, car cette ville transfuge est passe Josu et aux enfants d'Isral. Les cinq rois des Amorrhens, le roi de Jrusalem, le roi d'Hbron, le roi de Jrimoth, le roi de Lachis et le roi d'glon s'unirent donc ensemble, marchrent avec toutes leurs forces, et portant leur camp autour de Gabaon, ils en firent le sige. Alors, les enfants de Gabaon envoyrent dire Josu qui toit au camp de Galgala : Ne refusez pas votre assistance vos serviteurs, htezvous de venir, et dlivrez-nous par vos arms ; car les rois des Amorrhens, qui habitent les montagnes, se sont ligus contre nous. Josu partit donc de Galgala, et avec lui toute son arme de vaillants hommes de guerre. Et l'Ange, au nom du Seigneur, dit Josu : Ne crains pas les ennemis, car je vais te les livrer, et nul d'entre eux ne pourra te rsister.

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Josu tant ainsi venu de Galgala, toute la nuit, se prcipita sur eux. L'Ange du Seigneur les frappa d'pouvante et les mit tous en dsordre, la vue d'Isral; et Josu en fit un grand carnage prs de Gabaon. Il les poursuivit ensuite par le chemin qui monte Btboron, et les tailla en pices jusqu'aux villes d'Azca et de Macda. El tandis qu'ils fuyoient devant les enfants d'Isral, dans la valle de Bthoron, le Seigneur fit tomber sur eux de grosses pierres jusqu' Azca; et cette grle de pierres en tua un bien plus grand nombre que n'en avoit tu l'pe des enfants d'Isral. Et Josu parla au Seigneur, en ce mme jour o il avoit livr les Amorrhens aux enfants d'Isral, et il dit en leur prsence : Soleil, arrte toi sur Gabaon; et toi, Lune, sur la valle d'Aalon. Et le soleil et la lune s'arrtrent (1) jusqu' ce que le peuple et dfait ses ennemis. N'est-ce pas l ce qui est crit au livre des Justes? Le soleil s'arrta donc au milieu du ciel; et, durant l'espace d'un jour, il ne marcha point vers son couchant. Jamais jour, ni auparavant ni depuis, ne fut si long que celui-l; le Seigneur obissant ainsi la voix de l'homme et combattant pour Isral. Josu revint ensuite avec tout Je peuple au camp de Galgala.

(4) On conoit facilement que la Bible, le livre des livres, a d parler ici le langage de l'univers entier, quel que ft le vrai systme du mouvement gnral de la cration.

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Autant le fidle est heureux la lecture de ces merveilles, autant l'incrdule en est fatigu. Le cur droit se dilate et remercie Dieu. L'impie ge trouble et s'irrite contre la Sainte-criture. Or, dans la vraie croyance, il ne peut y avoir qu'un seul et mme sentiment, comme une seule et mme adoration. Mais il y a plusieurs degrs dans le cloute, ou dans l'incrdulit des contempteurs ou des tmraires interprtes de l'criture. Les uns, pour expliquer le miracle du soleil, prtendent que Josu, priant Dieu de lui permettre d'achever sa yictoire en un seul jour, et cette prire tant exauce, il en est rsult une pieuse allgorie. Ls autres supposent que le jour s'est prolong par une cause toute naturelle, c'est--dire par la rverbration de la lumire soit sur les montagnes de Gabaon, soit dans une parlie. Il eu est qui veulent que Dieu ait form un corps lumineux, autre que le soleil, pour en tenir lieu; et quelques-uns pensent que la lune, plus illumine qu' l'ordinaire, aura pu remplir cetpffice. Enfin, tous ceux qui n'admettent pas purement et simplement la parole sacre, vont se perdre dans des conjectures ou dans des systmes galement condamns et par la lettre et par le sens manifeste du texte divin. En d'autres termes, ceux-l ne croient pas que Dieu soit Dieu, et ils nient le miracle; et ceux-ci ne croient pas qu'il soit tout fait Dieu, ou du moins qu'il ait pu suspendre un seul jour les lois du firmament, et ils cherchent un moyen de composition. La foi, au contraire, s'explique toutpar la toute-puis-

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sance. Elle lit, elle droit, elle adore, et elle a pour garant l'infaillible autorit de l'glise. Puis, lartlexionne fait qu'affermir dplus en plus cette sainte croyance ; car, pour le Crateur suprme, le gouvernement universel de la nature n'est qu'un jeu. Au gr de sa parole, au gr de sa pense, mille et mille phnomnes pourraient en mme temps se produire, sans porter la moindre atteinte aux uvres de son infinie sagesse. Mais l'homme ingrat qui, pour ne plus le craindre, essaie de l'oublier, refuse sa croyance aux faits les plus clatants dont l'histoire sacre ait recueilli le souvenir. Laissonsle donc en proie au dlire de ses arguments, en face de ces mmes astres dont la seule existence suffit sa confusion. Quanta nous, puisons encore dans ce grand spectacle un nouveau sujet de mditation et de nouveaux motifs de reconnoissance envers le Dieu des Anges et des hommes. La suspension de la marche du soleil, au commayidemenl de Josu, qui prfiguroit le Messie, n'avoit-elle pas elle-mme une prophtique signification? Si l'astre du visible ciel s'est arrt au cri d'une voix humaine, n'est-ce pas aussi en faveur clel'humanit que daignera, plus tard, s'arrter sur la terre l'Astre du Ciel invisible, le Verbe divin, Splendeur de la lumire ternelle et Soleil de Justice ?Ne viendra-t-il pas sauver aussi tout le peuple lu et les nations qui, obtenant la paix par misricorde, accepteront le service de la maison de Dieu? Ne viendra-t-il pas encore pour vaincre entirement les ennemis d'Isral? Et enfin, ne s'agira-t-il pas surtout, dans le sens le plus intime de la vrit sainte,

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de dtruire le pch jusqu' ses racines, avec le secours du Sauveur et de ses Anges, figurs par Josu et par sa puissante milice, contre Satan et les dmons reprsents par Adonisdec et par tous les Amorrhens ligus avec lui? De mme que l'astre du jour demeura fix au milieu du ciel la voix- de Josu, pour clairer miraculeusement et jusqu' la fin sa complte victoire ; de mme la vrit rvle brillera sur le monde jusqu' la consommation des combats du Seigneur; et le nouveau Josu rentrera triomphant avec l'arme de ses fidles, sous les glorieux pavillons, dans les tabernacles des cieux. Une autre prophtie s'ouvre nos regards dans l'ordre donn au soleil par Josu. L'criture dit en termes exprs que le Seigneur obissoit ainsi la voix de l'homme; et une merveille mille fois plus tonnante encore se renouvelle incessamment depuis dix huit sicles sur l'autel, et elle se poursuivra jusqu' la fin des temps. Nous en sommes nous-mmes tmoins chaque jour. Oui, dans l'adorable institution du vrai Josu, Dieu obit aux paroles du prtre, chaque instant del vie des peuples, et dans toutes les contres de l'univers catholique, pour se donner lui-mme en nourriture et en breuvage ses fidles. 0 bont ineffable! et combien elle est frappante cette inspiration du livre sacr qui, longtemps l'avance et par un si prodigieux symbole, prparoit la foi contempler l'obissance du Crateur !

DU LIVRE DE JSU.

Suite do victoires et partage de la terre promise, Chananens pargns.

Toujours assist par l'Ange du Seigneur, dans tous les combats qu'il livra aux diffrents peuples de la terre deChanaan, Josu remplit glorieusement sa mission. En apprenant la dfaite des cinq rois amorrhens, vingt-cinq autres rois s'toient ligus contre lui. Mais en vain ils avoient runi des troupes aussi nombreuses, dit l'criture, que le sable des rivages de la mer, que pouvoienl-ils contre la force d'en haut? Toute cette multitude toit rassemble vers les eaux de Mrom, prs de Samarie, pour combattre Isral. AlorsTAnge dit Josu : Garde-toi de les craindre. Demain, cette mme heure, je les livrerai tous ton glaive, en prsence d'Isral. Tu feras couper leurs chevaux le nerf des jambes et brler leurs chars. Josu marcha donc avec toute l'arme jusqu'aux eaux de Mrom et il les attaqua l'improviste. Et le Seigneur les livra aux mains d'Isral, qui les dlit, et les poursuivit jusqu' Sidon la grande, jusqu'aux eaux de Masrpholh, et jusqu' la plaine de Maspha, vers la partie orientale; il les extermina de manire n'en laisser chapper aucun ; et il excuta tous les ordres du Seigneur. Aprs avoir racont les autres dtails de celle guerre de destruction, le livre sacr ajoute: Les combats de
IL

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Josu contre ces rois durrent longtemps. Pas une seule ville ne se rendit volontairement aux enfants d'Isral, l'exception des Hvens de Gabaon ; et elles furent toutes prises de force. Car, par le jugement de Dieu, le cur de ces peuples s'loit endurci dans leur rsistance contre Isral, afin qu'ils succombassent et que, sans mriter aucun pardon, ils fussent anantis comme le Seigneur en avoit donn l'ordre Mose. En ce temps-l encore Josu s'avana contre les gants des montagnes et les extermina du pays d'Hbron, de Dabir, d'Anab et de toutes les plushautes contres de Juda et d'Isral ; et, ruinant leurs villes, il ne laissa subsister aucun reste de cette race des gants dans la terre d'Isral, sauf ceux qui se trouvrent parmi les habitants de Gaza, de Geth et d'Azot. Josu s'empara donc de tout le pays, comme le Seigneur l'avoit annonc Mose, et il le donna aux enfants d'Isral, pour tre divis entre les tribus, suivant le partage qui devoit leur en assurer la possession. Et la guerre cessa dans le pays de Chanaan. Telle est, dans le Livre de Josu, la notion premire de la conqute et du partage de la terre promise, notion gnrale et qui est loin de tout expliquer. Mais, dans les chapitres relatifs aux divers lots, on recueille encore beaucoup de dtails qu'il importe de relever, pour l'intelligence des faits ultrieurs de l'Histoire sainte; ainsi on voit, au chapitre xni, qu'il s'coula de longues annes avant le partage dfinitif et la prise de possession des terres par les tribus d'Isral. Alors, Josu

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toit fort avanc en ge, et l'Ange du Seigneur lui dit : Tu as vieilli, et ton ge est bien avanc, et il reste une grande tendue de territoire qui n'est point encore partage. L'Ange en fait la dsignation, et il continue ainsi au nom du Seigneur : Que ces contres tombent donc dans les lots de l'hritage d'Isral, comme je t'en ai donn l'ordre. Fais maintenant la distribution de toute cette terre, que les neuf tribus et la demi-tribu de Manass doivent possder. Les Isralites continurent donc leurs conqutes. Mais, ajoute le texte, ils ne voulurent pas exterminer les habilants de Gessuri et de Machati (1) qui sont demeurs en paix jusqu' ce jour au milieu d'Isral. Alors, se continua aussi le partage des terres pour la tribu de Juda, pour la tribu d'phram etpour la seconde moiti de la tribu de Manass. Puis, un nouveau laps de temps s coula avant que les sept autres tribus eussent dfinitivement conquis leur hritage et fussent mises en possession de leurs lots. Mais cette seconde notion ne suffit pas encore; et, comme le Livre de Josu consacre un chapitre particulier au lot recueilli par chaque tribu, on y trouve des explications plus compltes.
T

Par exemple, en ce qui touche le sort des nations vaincues, il est diL dans le chapitre xv que la tribu de Juda ne put exterminer les Jbusens, habitant Jrusalem, et qui y sont rests jusqu' ce jour. Puis, au chapitre xvi : Les enfants d'phram ne firent point prir
('I) Villes situes on des lieux presque inaccessibles*

3.

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les Chananens, rsidant Gazer, qui, devenus leurs tributaires, sont rests avec eux jusqu' prsent. Et pareillement, au chapitre xvn, on voit que les enfants de Manass ne purent dtruire les habitants des villes de leur hritage. Les Chananens (ajoute le texte) commencrent y demeurer avec eux : et, aprs que les enfants d'Isral se furent fortifis, ils assujettirent les fils de Chanaan, en leur imposant un tribut; mais ils ne les exterminrent point. Les ordres donns par le Seigneur contre les races qu'il avoit maudites ne furent donc pas fidlement excuts; et cette sorte de prvarication eut une influence marque sur les destines du peuple d'Isral. Mais souvent les fautes de l'homme deviennent, soit par les justes chtiments qu'elles provoquent, soit par les vnements qu'elles suscitent, l'un des secrets ressorts dont se sert la Providence pour l'accomplissement de ses adorables desseins. On le verra surtout dans les suites de cette partie de l'Histoire sainte. Aprs l'analyse ncessaire des principaux faits de la conqute et du partage de la terre promise, levonsnous jusqu' la rvlation o le ministre des Anges devient manifeste. On y voit mme qu'il domine ce mystrieuxparlage, qui est aussi le symbole de l'tablissement de l'glise et encore la figure de l'hritage cleste. A l'une des phases de l'opration sacre, il est dit que tous les enfants d'Isral s'assemblrent Silo, et qu'ils y dressrent le Tabernacle du tmoignage ; et l'criture constate plus loin que, pour le partage, Josu jeta le sort devant le Seigneur Silo. Or, nous avons

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vu ce qu'est le sort entre les mains de Dieu ;-ses Anges y prsident, et rien ne s'y fait qu'avec leur concours et sous leur active direction. Ici, le Tabernacle de Silo annonce assez leur prsence ; et cette vue justifie encore les hautes penses de la foi sur le symbolique partage ordonn par l'Ange du Seigneur. D'abord, et avant mme de mettre le pied sur la terre des promesses, une portion des enfants d'Isral avot dj reu les prmices des rcompenses. Elle reprsentoit tous les hommes fidles, sauvs l'avance par l'application anticipe des mrites du Rdempteur. L, se trouve figure la longue suite des.premires familles patriarcales, avec le parfum des antiques vertus dj christianises, en quelque sorte, dans la sainte esprance. L, sont les ans de l'assemble des Justes qui, avec Ruben, reproduisent la fois, et l'emblme des droits d'anesse perdus, et celui de la tache originelle o le genre humain est souill sa source mme ( 1 ) , puis rhabilit dans la grce. L, sont aussi les enfants de Gad, fils de l'trangre Zelpha, c'est--dire les lus de la servitude, ou des nations dgrades, mais pareillement rtablis dans l'abondance des misricordes. Enfin, on y voit la demi-tribu de Manass, ou de cette partie d'Isral qui avoit reu une grande part dans les bndictions prophtiques, encore bien qu'elle n'galt ni celle de Juda ni mme celle d'phram. Ce mlange figuratif jette ainsi quelques rayons de lumire sur le nombre des lus, dans le peuple de Dieu et parmi les

(<!) V, tome I. p. 337.

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nations trangres, avant l'avnement du Messie- Sans pntrer dans toutes les profondeurs de ce mystre, on y apprend du moins les saintes conditions du salut, surtout si l'on remonte au colloque de Mose avec les chefs des tribus de Rubesn et de Gad et de la demi-tribu de Manass. Le saintLgislateurmanifestoitdes doutes sur leur courage, lorsqu'ils lui demandoient la possession des terres dj conquises, et il leur disoit : Resterez-vous en repos, alors que vos frres marcheront au combat? Mais ils avoient rpondu : Nous irons en armes et tout prls combattre, en tte des enfants d'Isral, et jusqu' ce que nous les introduisions dans leur hritage. La foi patriarcale embrassoit ainsi la vertu des saints et l'hrosme des martyrs. Que si elle n'alloit pas jusqu' la perfection chrtienne et virginale, du moins elle conduisoit jusqu'au seuil, jusqu'au parvis du cleste royaume, et elle servoit de transition entre le plerinage du dsert et l'entre de la bienheureuse patrie. Puis, les enfants de Ruben, de Gad et de Manass ajoutaient prophtiquement : Nous ne reviendrons dans nos demeures que quand les enfants d'Isral seront tablis dans leurs possessions. Et, en effet, les fidles de l'ancienne loi ne dvoient sortir des limbes, pour habiter les demeures ternelles, qu'aprs la rdemption et la glorieuse rsurrection du Rdempteur. Sous un autre aspect, galement prophtique, l'tablissement d'Isral, dans la terre promise, subit de longues preuves, et il figure ainsi l'tablissement laborieux et successif de l'glise dans l'univers. D'abord,

DU LIVRR DE JOSU.

&

une portion seulement des enfants d'Isral s'emparent de leurs lots dans la conqute; puis, un nombre peu prs gal des fidles soldais de Josu poursuivent leur victoire et font leur partage. Enfin la dernire prise de possession prouve encore des lenteurs et elle se consomme heureusement sous l'aile du Tabernacle, Silo, en prsence du Seigneur et de ses Anges. Mais toutes les tribulations d'Isral ne sont point leur terme. Il a laiss vivre une partie des Ghananens, ces hommes de la mldiction. Et (pour parler en dehors du symbole, dans la vrit ainsi prophtise); les passions, les inclinations coupables sont restes au sein du peuple choisi, et' le nouveau peuple de Dieu n'en sera pas plus exempt que l'ancien ; car, mme avec les lois de la perfection, il est impossible l'homme de dpouiller sa nature et d'extirper entirement le germe du pch, bien que la grce lui donne la force de le combattre et de l'amortir. Aussi, comme on l'a vu, l'criture dit-elle, tantt que les enfants d'Isral ne voulurent pas,- et tantt qu'ils ne purent pas exterminer les Ghananens. De l de nouvelles preuves, de l de nouveaux combats, de l de nouvelles victoires, mais de l, souvent aussi, de grandes misres et de grands dsastres. Ainsi se trouvent encore expliqus les divers textes o il est dit et rpt que la guerre cessa dam le pays de Chanaan, tandis que toujours elle recommenoit. De mme, les combats intimes du cur humain, non plus que les combats de l'glise contre les ennemis de Dieu, n'auront pas d'autre fin que la fin des sicles. El dans cette lutte incessante, les Anges du Seigneur

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assistent les fidles et prparent leurs couronnes, comme ils assistoient Isral dans la conqute et dans la distribution de la terre promise. Les enfants de Lvi, ainsi que Dieu l'ordonnoit, ne furent point compts dans ce partage. Leur lot, mme sur la terre, toit dans les choses du Ciel : et pour le faire mieux comprendre, l'criture dit que le sacerdoce du Seigneur est leur hritage ( 1 ) ; ce qui s'applique bien plus encore au sacerdoce ternel de la loi de grce. Toutefois, il faut un abri aux ministres sacrs; c'est pourquoi toutes les tribus, conformment aux ordres de Mose, dtachent de leurs possessions quelques villes avec leurs annexes pour qu'ils y demeurent et qu'ils puissent y nourrir leurs troupeaux. A cette disposition se rattache, par une manifeste analogie, le droit des pontifes et de tous les membres de la sainte hirarchie, dans la nouvelle alliance, de possder rtablissement du plerinage. Car, sans porter la moindre atteinte aux principes d'entire abngation qui, toujours, doivent faire prvaloir l'uvre du sanctuaire sur toute humaine pense, il y a nanmoins d'imprieuses prescriptions dans les soins de l'indpendance sacerdotale, comme des ncessits absolues dans les exigences de la vie mortelle. Les tribus d'Isral dsignrent aussi plusieurs villes pour servir d refuge tous les accuss fugitifs dont le crime est douteux ou excusable, suivant la loi de Mose.
(I) Sacerdotium Dumini v$l eorutn hveditas* xviu, 7.

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Prire des enfants de Joseph, des tribus d'Ephram ci de Manass.

Comme Jacob l'avoit prophtis, et comme Mose l'avoitredil avec un nouvel clat, la postrit de Joseph devoit grandir. Cette double prdiction marquoit, tout la fois, et l'accroissement par le nombre, et l'accroissement par la grce, de cette race bnie, jusqu'au moment du schisme o elle est tombe, avec neuf autres tribus d'Isral, pour se relever plus tard au retour de Babylone et surtout la lumire de l'vangile prch particulirement sur la terre d'phram et de Manass. Avec cette notion qui claire un remarquable incident du partage prophtique, suivons le texte mme de l'criture : Les enfants de Joseph s'adressrent Josu et lui dirent : Pourquoi ne m'avez-vous donn qu'une seule part d'hritage, encore que je sois un peuple nombreux et bni du Seigneur? Josu leur rpondit : Si vWs tes un peuple nombreux, montez la fort et faites-vous place en abattant les bois du pays des Phrsens et des Rapham, puisque la montagne d'phram n'est pas assez vaste pour vous. Et ils rpliqurent: Nous ne pourrons arriver jusqu'aux montagnes', car les Chananens ont des chars arms de faux, dans la plaine o ils possdent Jesral et Bethsan avec ses bourgades. Mais Josu dit encore la maison de Joseph, phram et Manass : Vous tes un peuple nombreux et vous avez de grandes forces. Vous ne

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serez donc pas rduits un seul lot. Allez la montagne, el vous vous ferez place en dfrichant la fort ; et vous avancerez plus loin encore, lorsque vous aurez terrass les Chananens qui ont, comme vous le dites, des chars arms de faux. Mditons attentivement ces paroles o se retrouve l'inspiration des Anges. Qui pourroit en effet ne point voir l l'image des combats spirituels? La premire rponse de Josu fait comprendre que le cur ne doit jamais faillir aux fidles, surtout quand ils forment un peuple nombreux o la sainte mulation doit tre facile dans la voie du salut. La seconde rponse excite le courage, en rappelant, comme un motif de plus, l'obstacle mme dont ons'effrayoit : de telle sorte que ni les ennemis ni leurs armes, quelles qu'elles soient, ne doivent jamais arrter la gnreuse ardeur des enfants de Dieu. Le divin conducteur des mes, reprsent par Josu, puis les Anges qui sont ses ministres, adressent ainsi les mmes encouragements tous ceux qui combattent les combats du Seigneur : Avancez ; allez la montagne et dfrichez. Vous tes en grand nombre : dfrichez encore; il y a place pour tous. Les Chananens, ditesvous, ces redoutables ennemis, vous attendent au passage; mais vous tes nombreux, vous tes forts; vous les terrasserez ; ne craignez rien, nous sommes avec vous. Suivez-nous donc : il n'y a de pril que pour ceux qui s'arrtent dans la peur. Montez, montez jusqu' la cime, et vous tes srs de la victoire.

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alcl>.

Ce n'est pas en vain que la Sainte-criture daigne consacrer le souvenir des hommes justes. Elle nous les montre, parfois, combls ds cette vie de toutes les bndictions du Seigneur, de la rose du Ciel et de la graisse del terre : tel futCaleb, pieux Isralite, intrpide guerrier et heureux Patriarche. Chose tonnante ! il esl plusieurs fois nomm avant Josu, dans le tmoignage rendu par l'Esprit-Saint et par la voix de l'Ange aux fidles explorateurs de la terre promise ( 1 ) , et il ne craint pas de rappeler ensuite, dans le mme ordre, son auguste compagnon d'armes, les paroles -divines. Ainsi la vertu, nonobstant l'humilit qui en est comme la fleur, ne se permet point de modifier un langage man de Dieu mme, encore bien qu'elle y trouve sa gloire. De l aussi une autre considration profondment instructive: c'est que le Seigneur ne doit jamais compte de sa prdilection, dans le choix des conducteurs qu'il donne son peuple, tant ses jugements sont pleins de mystres ! Nous allons donc entendre Caleb parlant Josu, au moment o la tribu de Juda alloit obtenir le lot de son partage : Vous savez ce que le Seigneur a dit de moi et de vous Mose, homme de Dieu, quand nous tions Cads-Barn. J'avois quarante ans lorsque Mose, mi-

(']) iViMH., xin, 31 ;xxvi, 6 5 ; xxxn, 12.

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nistre- clu Seigneur, m'envoya de Cads-Barn pour reconnotr ce pays, et je lui en rendis un compte exact. Mais mes frres venus avec moi jetrent l'pouvante dans le cur du peuple. Je n'en restai pas moins fidle mon Dieu. Et, en ce mme jour, Mose me dit avec serment: La terre o lu as mis le pied sera pour jamais Ion hritage et l'hritage de tes enfants, parce que lu as t fidle au Seigneur ton Dieu. Le Seigneur m'a donc conserv la vie jusqu'aujourd'hui, selon sa promesse. Or, quarante-cinq ans se sont couls depuis cette parole du Seigneur Mose, lorsque Isral voyageoit dans le dsert. J'ai maintenant quatre-vingt-cinq ans. Je suis aussi fort que je l'tois lorsque je fus envoy la dcouverte du pays ; et j'ai conserv jusqu' prsent, pour le combat et pour la marche, la mme vigueur que j'avois alors. Donnez-moi donc cette montagne que le Seigneur m'a promise comme vous l'avez entendu vous-mme, sur laquelle il y a des. gants et des villes grandes et fortes, afin que j'prouve si le Seigneur est avec moi et si je puis les exterminer, comme il me l'a promis. Et Josu bnit Caleb, et il lui donna Hbron pour hritage. Et depuis lors jusqu'aujourd'hui, Hbron appartient Caleb, fils de Jphon cnzen, parce qu'il a t fidle au Seigneur le Dieu d'Isral. Cette bndiction explique par elle seule la droiture et la saintet de Caleb. S'il a foi dans sa force, c'est qu'il sait bien qu'elle lui vient de Dieu. S'il peut toujours, son ge de quatre-vingt-cinq ans, combattre et marcher avec la mme vigueur, c'est que le Seigneur

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est avec lui. S'il brle d'attaquer les gants, et s'il espre encore la victoire, c'est que la promesse divine lui donne et cette ardeur et cette esprance. Etvoil comment se rvle la secourable prsence de l'Ange qui l'inspire. Aussi les paroles mmes de Galeb ont une porte bien au-dessus de leur sens naturel. Elles font comprendre qu' tout ge le Juste peut toujours combattre les ennemis du salut, les mauvais anges, les gants du mal. Toujours, toujours, il peut avancer dans les voies de la perfection; il n'a besoin, pour garder toute son intrpidit que de sa confiance dans Celui qui n'abandonnejamais ses fidles. Dpositaire des bienfaits du Tout-Puissant, les Patriarches ont aussi le bonheur d'y faire participer leurs familles. L'criture en> offre un intressant exemple dans cette mme histoire du Juste Caleb (1). Il avoit dj extermin les fils d'nac en s'emparanl d'Hbron. Aprs quoi, et au moment d'attaquer la ville de Cariath-Spher, il avoit dit : Je donnerai en mariage ma fille Axa celui qui prendra et dtruira Cariath-Spher. Othoniel, fils de Cnez. et jeune frre de Caleb, la prit, et Caleb lui donna pour femme sa fille Axa. Et lorsqu'ils oheminoient tous ensemble, Axa reut de son mari le conseil de demander un champ son pre. Et Axa, qui toit sur son ne, se mit soupirer. Et Caleb lui dit : Qu'avez-vous? Elle rpondit : Bnissez-moi. Vous m'avez donn une terre expose aux feux du midi et toute dessche; donnez-m'en

(4) Le mme pisode se trouve rpt au Livre des Juges, i, 42.

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une autre encore, o il y ait des sources d'eau vive. Caleb lui donna donc une terre arrose depuis le haut jusqu'en bas. Ce ne sont pas seulement les biens prissables qu'il faut considrer dans les largesses d'un pre, car ils sont figurs par la terre aride et dessche ; mais la pit filiale doit soupirer aprs les bndictions paternelles. 11 suffit de les demander avant tout et avec foi pour en obtenir la plnitude. Avec elles, les pieux enfants obtiennent les sources d'eau vive. E t , comme Dieu daigne attacher ses grces cette puissance de bnir, qu'il donne aussi lui-mme aux chefs des familles patriarcales, on peut dire de ces eaux de bndiction qu'elles rejaillissent jusqu' la vie ternelle.

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Protestation contre le schisme. I/autel des tribus de Ruben et de Gad et de la demi-tribu IHanass. de

L'Ange du Seigneur n'apparot plus aussi souvent qu'au temps de Mose pour la conduite du peuple d'Isral; mais, si la parole divine ne se fait pas toujours entendre, l'inspiration sacre n'en est pas moins manifeste dans les actes mmorables du livre de Josu ; et, assurment, le ministre des Anges n'y est point tranger. On le voit bien, dans le fait qui va suivre, et

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qui porte en soi la condamnation de tous les schismes qui, plus tard, ont afflig la religion. Les tribus de Ruben et de G ad et la demi-tribu de Manass, aprs avoir rempli tous leurs engagements en combattant avec leurs frres pour la conqute de la terre promise, retournrent au del du fleuve, dans les possessions qui leur toient assignes; et Josu les avoit exhorts, la persvrance elles avoit bnis. Et tant arrivs aux bords du Jourdain, dans le pays de Chanaan, dit l'criture, ils y levrent un autel immense. A la nouvelle bien avre que les enfants de Ruben et de Gad et de la demi-tribu de Manass avoienl ainsi dress un autel sur les bords du Jourdain, dans la terre de Chanaan, les enfants d'Isral se> rassemblrent Silo, pour marcher contre eux et pour les combattre ; mais, d'abord, ils envoyrent vers eux, au pays de Galaad, Phins, fils du grand prtre lazar, et avec lui dix, des princes du peuple, c'est--dire un de chaque tribu, qui, tant arrivs auprs des enfants de Ruben et de Gad et de la demi-tribu de Manass, au pays de Galaad, leur parlrent en ces termes : Voici ce que le peuple de Dieu vous dclare : Quelle est cette prvarication? Pourquoi abandonnez-vous le Seigneur Dieu d'Isral, en dressant un autel sacrilge et en dsertant son culte? N'est-ce pas trop d'avoir pch Belphgor? N'est-ce pas trop que cette souillure ne soit point encore efface jusqu' prsent du milieu de nous, et qu'elle ait fait tant de victimes parmi le peuple? Vous abandonnez aujourd'hui le Seigneur, et demain sa colre clatera sur tout Isral. Que si vous

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croyez que la terre dont vous avez obtenu en partage la possession soit impure, venez dans Celle o rside le Tabernacle du Seigneur, et demeurez avec nous, pourvu seulement que vous ne vous spariez point du Seigneur ni de notre communion, en levant un autel contre l'autel du Seigneur notre Dieu. N'est-ce pas ainsi qu'Achan, fils de Zar, a viol le commandement du Seigneur, dont ta colre tomba sur tout le peuple d'Isral? Et cependant il avoit seul pch; et plt Dieu qu'il et seul aussi port la peine de son crime ! Les enfants de Ruben et de Gad et de la demitribu de Manass rpondirent aux princes d'Isral envoys prs d'eux : Le Seigneur, le Dieu puissant, le Dieu tout-puissant connot nos penses, et Isral nous comprendra bientt. Si nous avons dress cet autel par un esprit de rvolte, que le Seigneur se retire de nous et qu'il nous punisse ds ce moment; si nous l'avons dress pour y offrir des holocaustes, des sacrifices et des hosties pacifiques, qu'il nous en demande compte et qu'il se fasse justice lui-mme. Mais voici au contraire l'intention que nous avons eue et qui nous a dirigs : vos enfants pourroient bien dire un jour nos enfants : Qu'y a-t-il de commun entre vous et le Seigneur,Dieu d'Isral, enfants de Ruben et de Gad? Le Seigneur a mis le fleuve du Jourdain entre nous et vous comme une barrire; et c'est une preuve que vous n'avez point de part avec le Seigneur. Voil donc pour vos enfants une occasion de dtourner les ntres de la crainte de Dieu; mais nous avons eu une meilleure pense, et nous nous sommes dit : levons un autel, non pour y

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offrir des holocaustes el des victimes, mais afin d'tablir un tmoignage entre nous et vous, entre no enfants el vos enfants, que nous voulons-servir le Seigneur, et que nous avous le droit cle lui offrir des holocaustes, des victimes et des hosties pacifiques, et que plus tard vbs enfants ne disent point nos enfants : Vous n'avez point de part avec le Seigneur. Et s'ils tenoient ce langage, nos enfants leur rpondroienl : Voil l'autel du Seigneur, rig par nos pres, non pour offrir des holocaustes et des sacrifices, mais comme un tmoignage entre nous et vous. Que le Seigneur nous prserve, de jamais l'abandonner et de sortir de ses voies en levant un autel pour y offrir des holocaustes, des sacrifices el des victimes, en dehors de l'autel du Seigneur notre Dieu, qui est dress devant son Tabernacle ! Le prtre Phins et les princes d'Isral envoys avec lui, ayant entendu ces paroles, s'apaisrent, satisfaits qu'ils toient de la rponse des enfants de Ruhen el de Gad et de la demi-tribu de Manass. Alors, le prtre Phins, fils d'lazr, leur dit : Nous sommes certains, maintenant, que le Seigneur est avec nous, puisque vous tes innocents de cette prvarication, et qu'ainsi vous avez dtourn des enfants d'Isral la colre du Seigneur. Ensuite, Phins, quittant les enfants de Ruben el de Gad, revint du pays de Galaad, avec les princes du peuple, dans la terre de Chanaan, au milieu d'Isral, et son rcit fut cout avec joie: et tous les enfants d'Isral rendirent grce Dieu; et, dsormais, ils ne pensrent plus marcher contre leurs frres pour les combattre, ni ravager leurs possesII.

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sions. Et les enfants de Ruben et de Gad appelrent ainsi l'autel qu'ils avoient rig : Le tmoignage rendu
par nous que le Seigneur est le vrai Dieu.

Voil, avons-nous dit, la condamnation de tous les schismes. L'unit de la foi, l'unit dans le centre du culte, aussi bien que dans les dogmes, est donc de l'essence mme de la vrit religieuse. Tout ce qui se dtache de ce centre tabli par Dieu se dessche et meurt, commeles rameaux spars de l'arbre. En vain la foule des dissidents et des dserteurs s'lve des proportions considrables ; en vain elle outre-passe mme le nombre des fidles ; en vain dix tribus la fois s'loigneront des deux tribus gardiennes de la vraie tradition et des titres sacrs d'Isral, la parole divine n'en restera pas moins immuable. Les faits recueillis dans l'criture pour tablir, ds l'abord, ce point fondamental sous la loi figurative, ne sont qu'une foible image de tout ce qui advient sous la loi de grce. L'glise, toujours la mme, toujours une, est aussi toujours la seule catholique. Elle ne comporte pas plus la moindre scission que la moindre altration. Les hommes peuvent faillir jusque dans son sein ; mais elle est essentiellement infaillible, comme elle est essentiellement pure, sous la garde du Pasteur suprme. Dans cette prophtique vue, plus encore que dans l'intrt du peuple d'Isral, l'inspiration des Anges avoit mis d'abord dans la pense, puis dans les paroles des enfants de Ruben et de Gad, l'admirable protestation de leur fidlit. Que le Seigneur nous prserve, disent-ils, de toute sparation d'avec nos

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frres dans la foi ! Qu'il nous prserve d'lever autel contre autel ! Il n'y a qu'un seul centre d'unit, qu'un seul Tabernacle, qu'un seule Arche d'alliance, c'est--dire qu'une seule glise. De l doit partir toute lumire. Sans doute cette lumire a des rayonnements; mais tous les rayons viennent du foyer commun. Et si, par malheur, une main tmraire s'interpose, et s'ils cessent ainsi de communiquer avec leur source, ou bien ils s'teignent tout fait, ou bien ils n'ont plus qu'un clat trompeur. On voit clairement alors la solution de continuit, c'est-dire" le schisme. La vrit est blesse; elle est scinde; elle n'est plus la vrit, car la vrit est inviolable. A Dieu seul de savoir jusqu' quel point et jusqu' quel temps l'erreur subsistera pour l'preuve des curs et des mes, suivant cette parole sacre : Oportt hreses esse. Mais, coup sr, l'erreur a un terme, et la vraie foi possde le privilge exclusif d'chapper tous les cueils. La barque de Pierre a beau tre assaillie dans le cours orageux des sicles par des temptes toujours menaantes: jamais elle n'a fait naufrage; jamais l'Arche sainte n'a pu tre envahie ni matrise par la fureur des vagues. Loin de l, ses prilleux ballottements sont le signe d'une constante et toute divine protection et comme le miracle des miracles. Rien n'est plus visible ni mieux dmontr, tous les yeux et toutes les consciences; de telle sorte que nulle erreur, nul mensonge, nul schisme ne pourra trouver d'excuse contre un si clatant tmoignage. Avant mme que sa longue dure lui donnt cette splendeur, les mmorables paroles
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des fils de Ruben et de Gad proclamoient l'avance le principe divin de l'unit dans la Foi, principe galement sacr et pour l'ancien peuple et pour le nouveau peuple d'sr a

.Derniers conseils et mort du fils de un*

Toute la vie de Josu est remplie de tant de merveilles, qu'il est facile de croire la divine inspiration de ses dernires paroles aux enfants d'Isral. S'il n'est pas dit, clans le livre sacr, que Dieu les lui ait dictes lui-mme, il est nanmoins permis, disons mieux, il est juste ddire que l'Ange du Seigneur n'a pas cess de communiquer avec lui, surtout au moment de ses adieux au peuple assembl par ses ordres avec les princes et les magistrats. Aprs leur avoir fait pressentir sa mort prochaine, en leur parlant de son ge avanc, Josu leur laissa ses instructions. Il leur dit d'abord, dans une premire convocation gnrale, que la race de Chanaan n'loit pas entirement dtruite, et qu'ils auroient encore vaincre plusieurs nations. N'en est-il pas de mme des luttes perptuelles de l'homme ici-bas, jusqu'au jour o sa persvrance lui assure la conqute de la sainte patrie? Mais Josu ajoute que le Seigneur accompagne loujours ses fidles, et qu'il combat avec eux les ennemis

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clu salut. Puis vieut cette menace contre les prvaricateurs: Si vous voulez adopter les erreurs des peuples qui sont parmi vous, et vous unir eux par les liens du mariage ou de l'affection, sachez ds prsent que Je Seigneur ne les anantira point devant vous, mais qu'ils deviendront pour vous, tantt comme un pige el comme un filet, tantt comme des dards dans vos flancs et' comme-des pines dans vos yeux, jusqu' ce qu'il vous arrache lui-mme, vous enlve et vous extermine de cette terre fconde qu'il vous avoit donne. Me voici prt entrer dans la voie o s'en vont tous les peuples, et vous devez reconnolre du fond de vos mes que toutes les promesses de Dieu envers vous ont.t remplies, et que pas une seule n'a t vaine. Josu termine ses avertissements dans cette assemble, en prophtisant la ruine d'Isral, s'il viole la loi du Seigneur et s'il adore des dieux trangers. Dans une dernire convocation du peuple, Sicbem, devant le Tabernacle, Josu, passant en revue tous- les prodiges par lesquels Dieu a scell son alliance avec les enfants d'Isral, les exhorta encore la fidlit dans son service, tout en leur disant: Vous tes libres. Et le peuple rpondit: Que le Seigneur nous prserve de jamais l'abandonner et de servir les dieux trangers ! C'est le Seigneur notre Dieu qui nous a tirs lui-mme de la terre d'Egypte, de la terre de servitude, qui a fait tant el de si grands miracles devant nos 3'cux, qui nous a dirigs et gards dans la roule que nous avons parcourue, el parmi tous les peuples o nous avons pass. C'est lui qui a chass devant nous toutes

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ces nations, ainsi que les Amorrhens, anciens habitants du pays o nous sommes ; nous servirons donc le Seigneur, car il est lui-mme notre Dieu. Josu leur dit encore : Vous ne pourrez servir le. Seigneur (sans une parfaite fidlit), car il est le Dieu saint, le Dieu fort, le Dieu jaloux, et il n'oubliera ni vos crimes ni vos pchs. Si donc vous abandonnez le Seigneur et si vous servez des dieux trangers, il se tournera contre vous et vous ruinera, mme aprs vous avoir combls de ses bienfaits. Le peuple s'cria: Cette menace ne s'accomplira point; mais nous servirons le Seigneur. Josu ajouta : Soyez tmoins que vous avez vousmmes choisi le Seigneur pour vous attacher son service. El ils rpondirent: Nous en sommes tmoins. Maintenant donc, continua Josu, expulsez du milieu de vous les dieux trangers, et soumettez vos curs au Seigneur, Dieu d'Isral. Le peuple reprit : Nous servirons le Seigneur notre Dieu, et nous obirons ses cominandements. Josu fit ainsi alliance avec le peuple en ce jour-l, et il lui dveloppa les prceptes et les ordonnances du Seigneur, Sichem. 11 crivit toutes ces choses clans le livre de la loi de Dieu, et il prit une norme pierre qu'il plaa sous un chne, qui toit dans le sanctuaire du Seigneur; et il dit alors tout le peuple: Celle pierre que voici restera en tmoignage devant vous, d e ce qu'elle a entendu toutes les paroles que Dieu vous a dites, afin que plus tard vous ne puissiez les contredire en mentant au Seigneur votre Dieu.

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Il renvoya ensuite toutes les tribus d'Isral dans leurs possessions. Et bientt, Josu, fils de Nun, serviteur de Dieu, mourut Tge de cent dix ans : et ils l'ensevelirent dans la terre qui lui appartenoit Thaumalh-Sar, situe sur la montagne d'phram, vers la partie septentrionale du mont Gaas. Isral servit le Seigneur durant toute la mission de Josu, et durant toute la vie des anciens qui vcurent longtemps encore aprs lui et qui avoienl vu toutes les euvres du Seigneur dans le mme temps, en faveur de son peuple. Us prirent aussi les ossements de Joseph que les enfants. d'Isral avoient emports de l'Egypte, et ils les ensevelirent Sichem dans la partie du champ que Jacob avoit achete des fils d'Hmor, pre de Sichem, pour cent jeunes brebis, et qui depuis chut aux enfants de Joseph. lazar, fils d'Aaron, mourut aussi, et ils l'ensevelirent Gabaath, terre de Phins, son fils, qui lui avoit t donne dans la montagne d'phram. Ce qu'on vient de lire confirme encore l'assistance des Anges toute la sainte carrire de Josu ; car il ne craint pas de dire l'assemble du peuple que les paroles par lui prononces, Sichem, sont les paroles de Dieu mme. La pierre monumentale qui les a entendues en gardera le tmoignage, si jamais tout Isral, tmoin vivant, pouvoit l'oublier, malgr ses promesses et ses protestations, nombre de fois ritres. Non, non! les Anges, infatigables ministres de Dieu,

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ne sont point trangers la mission sacre du conducteur d'Isral; ils apportoient 'Josu les paroles divines, et Josu les redisoit au peuple assembl devant le Tabernacle du Seigneur. La fidlit de ce peuple-sous la conduite de Josu, et durant la vie des anciens chargs de lui rappeler le souvenir de tant de faits mmorables, cette fidlit que l'criture prend soin d'affirmer elle-mme, n'est pas non plus la moindre preuve de l'intervention des Anges dans celte priode de l'Histoire sainte.

LES A N G E S
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Avec des paroles aussi affirmatives qu'il nous est permis de les faire entendre, nous avons clbr la constante coopration des Auges, dans les uvres merveilleuses du temps de Josu, malgr le silence de l'criture sur ce point, en ce qui touche les derniers vnements de sa glorieuse mission. Et voici qu'au commencement du Livre des Juges, ces paroles de foi se trouvent justifies par d'autres apparitions angliques, et avec toute l'autorit que l'Esprit-Saint donne lui-mme aux analogies signales dans le divin rcit. On remarquera facilement d'abord, dans le texte sacr, que le Seigneur rsidoit toujours au milieu d'Isral, et que, du fond de spn sanctuaire, il daignoil rpondre aux questions que le grand prtre lui adressoit pour la conduite de son peuple. On verra clairement aussi que l'Ange des oracles parloit comme si Dieu et parl lui-mme, ce qui prouve surabondamment encore

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el textuellement, la transmission de la parole ternelle par la bouche des Anges, et l'action de Dieu par leur ministre. Aprs la mort de Josu les enfants d'Isral consultrent le Seigneur, et lui dirent : Qui marchera notre tte contre les Chananens? Quel sera notre chef la guerre? Le Seigneur rpondit : Juda marchera devant vous; je lui ai livr ce pays. Aussitt Juda dit Simon (1), son frre : Venez combattre avec moi les Chananens, pour conqurir sur eux le lot qui m'est chu, afin que je vous aide ensuite conqurir le vtre. Simon marcha donc avec Juda; el Juda ayant commenc le combat, le Seigneur livra entre leurs mains les Chananens et les Phrzens, dont dix mille furent taills en pice Bezec. L, ils trouvrent Adonibezec, l'attaqurent et dfirent les Chananens et les Phrzens. Adonibezec ayant pris la fuite, ils le poursuivirent et lui couprent l'extrmit des mains et des pieds. El Adonibezec s'cria : J'ai fait couper l'extrmit des mains et des pieds soixante-dix rois, qui, prosterns prs de ma table, en mangeoient les restes. Dieu m'a trait comme j'ai trait les autres. Il fut conduit Jrusalem o il mourut; car les enfants de Juda ayant assig Jrusalem, la prirent et y mirent le feu, aprs avoir pass au fil de l'pe les habitants des parties de la cit qui leur toient chues. Ici, le Livre des Juges rapporte les autres victoires de Juda, de Simon et de toules les tribus qui s'tablirent
(4) La tribu de Juda la Uibu de Simon.

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dans les possessions assignes chacune d'elles, mais sans dtruire entirement la race de leurs ennemis. Alors, l'Ange du Seigneur vint de Galgala jusqu' la contre des Pleurants, et il dit : Je vous ai tirs de l'Egypte, je vous ai introduits dans la terre que j'avois promise, avec serment, vos pres, en promettant aussi de garder ajamis l'alliance que j'avois contracte avec vous ; mais condition que vous renverseriez leurs autels; et pourtant, vous n'avez pas voulu couler ma voix. Comment agissez-vous ainsi? Voil pourquoi je n'ai pas voulu exterminer moi-mme ces peuples d milieu de vous, afin qu'il vous reste des ennemis, et que leurs dieux soient pour vous une cause de perdition. Tandis que l'Ange du Seigneur disoit ces paroles tous les enfants d'Isral, ils jetrent de grands cris et se mirent pleurer. Ce lieu fut donc appel le lieu des Pleurants ou le lieu des larmes, et l ils immolrent des victimes au Seigneur. De toutes parts les enseignements ressortent des faits de l'Histoire sainte. La peine du talion frappe Adonibezec; il lereconnot lui-mme, et, sans accuser les Isralites, il adore lajusti.ee de Dieu. Puis l'Ange prophtise aux vainqueurs le chtiment invitable de leurs prvarications : ils trouveront leur perte l mme o ils auront prostitu leur culte. Autre espce de talion dont un langage populaire n'a jamais cess de constater la providentielle persvrance. Le voisinage et la frquentation des Chananens eut ainsi des consquences bien prvues. Aprs avoir

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parl, comme le Livre de Josu, de l'ancienne fidlit du peuple lu, le Livre des Juges ajoute : Toute cette gnration ayant t runie ses pres, il s'en leva une autre qui ne connoissoit point le Seigneur, ni les merveilles qu'il.avoit opres en faveur d'Isral. Alors les Isralites firent le mal devant le Seigneur, et ils se prostiturent Baal ; ils quittrent le Seigneur, le Dieu de leurs pres, et ils servirent des dieux trangers, les dieux des peuples qui demeuraient prs d'eux ; et en les adorant ils irritrent le courroux du Seigneur qu'ils abandonnrent pour servir Baal et Astaroth. Le Seigneur tant donc irrit contre les enfants d'Isral, les livra, comme une proie, entre les mains des vainqueurs qui les vendirent aux nations ennemies dont ils toient environns, et ils ne purent rsister ces attaques ; mais, de quelque ct qu'ils eussent voulu s'enfuir, la main du Seigneur toit sur eux, comme son Ange l'avoit prdit et Favoit jur ; et ils tombrent dans une extrme affliction. Alors Dieu leur suscita des Juges, afin de les arracher aux mains de leurs oppresseurs ; mais ils ne voulurent pas mme les couler, car ils se prostiturent encore aux dieux trangers en les adorant. Ils dsertrent la voie dans laquelle avoient march leurs pres, et, bien qu'ils eussent entendu de leur bouche les commandements du Seigneur, ils firent tout le contraire. Lorsque Dieu suscitoil ainsi des Juges, sa misricorde se laissoit flchir, tant qu'ils vivoicnl ; il coutoil les gmissements des affligs et les dlivrai des dvastateurs; mais, aprs la mort de chaque Juge, le peuple retomboil dans son pch, cl se livrait des

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actions encore plus coupables que celles de leurs pres, en suivant, en servant et en adorant des dieux trangers. Endurcis dans le mal, ils ne revenoient ni de leurs illusions ni de leurs opinitres erreurs. Et la colre de Dieu s'alluma contre Isral, et il dit : Puisque ce peuple a viol l'alliance que j'avois faite avec ses pres, et qu'il a ddaign ma parole, je renonce exterminer les nations encore existantes la mort de Josu. Je veux prouver par l les enfants d'Isral, et savoir s'ils marchent ou non dans les voies du Seigneur comme y marchoient leurs pres. Voil donc pourquoi le Seigneur laissa vivre toutes ces nations et ne voulut ni les dtruire d'un seul coup, ni les livrer entirement entre les mains de Josu. Cette explication, que Dieu daigne donner ainsi luimme dans l'criture, de l'action de sa providence sur les destines de son peuple, jusqu' nous en rvler les motifs, dcouvre en mme temps le mystre des preuves auxquelles il soumet ses fidles dans les tentations et dans les prils de ce monde. Les passions, si dangereuses pour les curs lches, sont, au contraire, une source de triomphes pour les vrais Isralites, pour les vrais enfants de l'glise ; mais, hlas ! la plupart des hommes se laissent entraner dans les voies du mensonge et de la corruption ; ils se ressemblent dans tous les sicles ; et le rsum de l'histoire du peuple d'Isral sous les Juges semble aussi le rsum de l'histoire de tout le genre humain, car trop souvent l'preuve providentielle retrouve, sous la loi de grce comme sous la loi figurative, les mme dsertions et les mmes

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garements dans les peuples auxquels ni la lumire ni les divins avertissements n'ont jamais manqu ; en telle sorte que toujours, au spectacle de tant de ruines, l'orateur sacr a le droit de s'crier encore : 0 Dieu !
o sont vos lus, tage (t) ? et que vous reste-t-il pour votre par-

Heureux donc ceux qui coutent la voix du Seigneur, et, se confiant dans ses misricordes, chappent ainsi aux dsastres et suivent avec persvrance, sous l'aile des Anges gardiens, l'troit sentier du salut et de la vritable vie! o*

Othonicl. od. Saingai.

Il a dj t dit que Dieu lui mme suscita les Juges, conducteurs de son peuple, pour le dlivrer de ses ennemis. De l on doit induire que les chefs, ainsi suscits, toient soutenus par l'inspiration divine t parle secours des Anges. Oh en doutera moins que jamais, la lecture du texte suivant, qui contient d'abord la nomenclature des nations pargnes dans la conqute de la terre de Chanaan. Voici quels sont les peuples que le Seigneur laissa subsister, pour servir d'preuve et d'enseignement
(I) Massillon, Sermon sur le petit nombre des lu$

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tout Isral et ceux qui ne connoissoient rien aux guerres des Chananens, afin que leurs enfants apprissent, aprs eux, combattre leurs ennemis et conserver ces habitudes guerrires. C'toientles cinq satrapies des Philistins, ainsi que tous les Chananens, les Sidoniens et les Hvens qui habitoient sur le Liban, depuis la montagne de Baal-Hermon jusqu' l'entre d'Emath. Le Seigneur pargna ces peuples, pour prouver ainsi les enfants d'Isral, et pour voir s'ils obiroienl, ou s'ils n'obiroient pas aux commandements qu'il avoit intims leurs pres par la voix de Mose. Les Isralites habitrent donc au milieu des Chananens, des Hthens, des Amorrhens, des Phrsens, des Hvens et des Jbusens. Ils pousrent leurs filles, et donnrent aussi leurs propres filles en mariage leurs fils, et ils adorrent leurs dieux. Ils firent le mal devant le Seigneur, et ils servirent Baalim et Aslaroth. Le Seigneur tant donc irrit contre les enfants d'Isral, les livra aux mains de Chusan-Rasatham, roi de Msopotamie, auquel ils furent assujettis durant huit annes. Mais ils jetrent des cris de prire devant Dieu, et il leur suscita un sauveur qui les dlivra : ce fut Olhoniel, fils de Gnez, frre pun de Caleb. L'esprit du Seigneur toit en lui, et il jugea Isral ; et s'tanl prpar au combat contre Chusan-Rasatham, roi de Syrie, le Seigneurie livra entre ses mains, et il le dfit. Durant quarante annes le pays se reposa dans la paix. Othoniel, fils de Cnez, mourut. Alors les enfants d'Isral recommencrent faire le mal devant le Sei-

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gncur, qui forlifia contre eux glon, roi de Moab, cause de leurs pchs. Mais Dieu permit que les enfants d'Atnmoact d'Amalec sejoignissentglon, qui s'tant mis en campagne avec eux, terrassa Isral, et prit la ville des Palmes. Les enfants d'Isral restrent assujettis pendant dix-huit ans glon, roi de Moab. Et ils jetrent des cris de prire devant Dieu, qui leur suscita un librateur dans Aod, fils de Gra, fils de Gemini, et qui se servoit de la main gauche comme de la main droite. Ils envoyrent par lui, glon, le tribut de leurs prsents. Aod fit faire un glaive deux tranchants, dont la garde toit longue comme la paume del main, et il le cacha sous sa tunique- Il alla donc offrir les prsents glon, roi de Moab. Or, glon toit extrmement gros. Et Aod lui ayant fait son offrande, s'en retourna avec ceux qui Tavoient accompagn. Puis, revenant de Galgala o toienlles idoles des Moabites, il dit glon : 0 roi! j'ai un secret vous dire. Sur quoi, glon ordonna le silence, et aprs que tous les assistants furent sortis, Aod s'approcha du roi, qui toit seul assis dans la salle d't, et il lui dit : Je suis charg d'une parole de Dieu pour vous. Aussitt le roi se leva de son trne; et Aod portant la main gauche au glaive qu'il avoit son.ct droit, le tira et le lui enfona si avant dans le ventre , que la poigne y entra tout entire avec le fer et se trouva recouverte par la graisse. Aod ne retira point son glaive, mais il le laissa dans le corps, aprs avoir frapp ce coup; et aussitt, les djections du ventre s'coulrent naturellement. Ensuite, Aod ayant ferm clef avec soin toutes les portes

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de la salle, sortit par une issue particulire. Bientt, les serviteurs du roi tant venus, trouvrent les portes fermes et ils dirent : Peut-tre a-t-il besoin d'tre seul clans la salle d't. Aprs une longue attente, qui les jetoit dans une sorte de confusion, voyant que personne n'ouvroit, ils prirent la clef, et ouvrant eux-mmes la salle, ils aperurent leur matre tendu mort sur la place. A la faveur de ce grand trouble, Aocl s'enfuit et traversant la contre o toient les idoles, et de laquelle il toit revenu, il se rendit Serath. Aussitt, il sonna de la trompette sur la montagne d'phram, et il en descendit avec les enfants d'Isral, en marchant leur tte, et en leur disant : Suivez-moi, car le Seigneur a livr entre nos mains les Moabites, nos ennemis. Ils le suivirent donc et ils s'emparrent des gus du Jourdain communiquant au pays deMoab et ne laissrent passer aucun des habitants ; mais ils turent environ dix mille de leurs plus forts et plus vaillants guerriers, et nul d'entre eux ne put s'chapper de leurs mains. En ce jour-l, Moab fut ainsi humili sous les coups d'Isral. Et, depuis lors, durant quatre-vingts ans, le pays resta en paix. Aprs Aod, vint Samgar, fils d'Analh, et ce fut lui qui tua six cents Philistins avec un soc de charrue; et il fut aussi le dfenseur d'Isral. Tels sont les trois premiers Juges suscits de Dieu pour la conduite de son peuple. L'criture dit de l'un d'eux, Othoniel, que l'esprit du Seigneur toit en lui. Et quant au second, Aod, elle le montre comme le
IL
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librateur d'Isral el le fondateur de celte paix de quatre-vingts ans dont il a fait jouir son peuple. Loin de l'accuser au sujet du meurtre d'glon, elle raconte sa louange la confusion des Moabites et l'empressement des enfants d'Isral, par lui rassembls au son de la trompette, pour le suivre, pour couter sa parole et pour courir aussitt sur ses pas une victoire assure, car le Seigneur avoil livr entre ses mains les Moabites. Le glaive de l'Ange exterminateur, l'inspiration sacre, le souffle de Dieu mme, clatent donc ici, aux yeux del Foi, comme l'clair de la foudre. Que la conscience universelle se rvolte toujours contre la perfidie d'un meurtrier! les lois divines et les lois humaines le demandent avec la mme nergie, cl nul prtexte ne saurait pallier une trahison sanglante; mais sachons ne pas confondre avec le crime la mission d'Aod, celle de Jahel, celle de Judith. La parole sainte est l, non pas seulement comme le bouclier de leur dfense, mais comme l'aurole de leur gloire. Assurment, il ne sera jamais donn au fanatisme de se rfugier, sans remords el sans expiation, clans les bras de l'Ange des Justices el au sein du souverain Matre de la vie ; niais quand l'Espril-Saint vient attester, dans le Livre des livres, l'inspiration des librateurs d'Isral, qui seroil mettre sa pense particulire la place de l'ordre d'en haut? Et celle question quivaut celle-ci : Qui oserait accuser Dieu du coup de tonnerre dont il frappe l'homme? ou, plus encore, qui oserait lui demander compte des flaux qui dciment les populations? Eh bien! ce qu'il fait par le feu du ciel ou par

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les poisons de l'atmosphre, n'a-l-il pas le droit de l'excuter aussi parle bras d'un mortel? Lorsque Aod annonce glon qu'il a quelque chose lui dire de la part de Dieu, est-il un instrument moins digne que les lments dvorateurs, dans les mains de la Toute-Puissance? Et cette mort arrivant comme un voleur, est-elle plus inopine que la mort des hommes si souvent foudroys sous nos yeux par l'irruption de leur propre sang? Que les dtracteurs d'Aod reconnoissent donc le doigt de Dieu dans le juste chtiment d'un oppresseur de son peuple, d'un roi signal par l'criture comme vivant d'une vie animale et toute sensuelle. Et ce sujet, nous pouvons redire ce qu'un clbre sceptique (1) a fini par dire des contempteurs de la Bible : Il vaudrait mieux qu'ils ne fussent jamais ns, que de lire -pour douter ou pour mpriser.

Le troisime des Juges suscits de Dieu mrita, comme Othoniel et comme Aod, le titre de protecteur d'Isral. Son gouvernement ne fut pas de longue dure ; et dj le peuple recommenoit tomber dans ses garements.

Dcbora. fBarac. Jaheh

Dieu donne la sagesse et la force qui il lui plat. Une femme devient la fois prophlesse et juge, en
('!) LordByron. 5.

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Isral. Inspire par l'Ange du Seigneur pour le conseil, elle l'est galement pour l victoire. Une autre femme, pousse aussi par le souffle divin, immole le gnral chananen comme fut immol le roi des Moabites. II ne sera donc pas ncessaire de reproduire pour elle l'apologie d'Aod. L'criture, en effet, la justifie surabondamment par ses louanges, dans le glorieux cantique dont le texte suivra les faits. Laissons la narration sa simplicit biblique. Les enfants d'Isral firent encore le mal devant Dieu, aprs la mort d'Aod; et le Seigneur les livra au joug de Jabin, roi de Ghanaan, qui rgnoit dans Asor. Le gnral de son arme s'appeloit Sisara; il demeuroit' Haroseth, ville de diverses nations. Les enfants d'Isral jetrent donc des cris de prire au Seigneur, car Jabin, possdant neuf cents chars arms de faux, les opprimoit violemment depuis vingt annes. Alors existoit une prophtesse nomme Dbora, femme de Lapidoth, et elle jugeoit le peuple, assise sous un palmier, entre Rama et Bthel, sur la montagne d'phram ; et les enfants d'Isral venoient lui soumettre tous leurs diffrends. Elle envoya un message Barac, fils d'Abinom, de la ville de Cds, tribu de Nephtali; et l'ayant fait venir, elle lui dit : Le Seigneur, le Dieu d'Isral, vous donne cet ordre : Allez et conduisez l'arme sur le mont Thabor. Prenez avec vous dix mille guerriers d'entre les enfants de Nephtali et de Zabulon. Et moi, j'amnerai devant vous, quand vous serez au torrent de Cison, Sisara, gnral de l'arme de Jabin, et ses

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chars, el toutes ses troupes, et je les livrerai dans vos mains. Barac lui rpondit : Si vous venez avec moi, j'irai ; si vous ne voulez pas venir, je n'irai pas. Dbbra reprit : Je veux bien aller avec vous; mais la victoire, pour celte fois, ne vous sera point attribue, parce que Sisara va tre livr entre les mains d'une ferime. Dbora partit donc aussitt pour aller Cds avec Barac qui, ayant rassembl Zabulon et Nephtali, marcha la tte de dix mille combattants et fut accompagn de la prophtesse. Or, Haber, cinen, s'toit retir depuis longtemps loin de ses frres cinens, fils d'Hobab, alli de Mose; il avoit dress ses tentes dans la valle de Sennim, prs de Cds. En mme temps, Sisara apprenoit que Barac, fils d'Abinom, s'toit avanc sur le Thabor; et il rassembloit ses neuf cents chars arms de faux, et les faisoit marcher avec toute son arme de Haroseth, ville des nations, jusqu'au torrent de Cison. Et Dbora dit Barac : Allez au combat! car aujourd'hui mme le Seigneur va livrer Sisara entre vos mains. Voici son Ange qui vous conduit. Barac descendit donc du mont Thabor ; et en mme temps l'Ange du Seigneur frappa d'pouvante Sisara. tous ses chars et toutes ses troupes et les lit passer au fil de l'pe : de sorte que Sisara, s'lanant lui-mme de son char, s'enfuit seul pied. Barac poursuivit donc les chars dans leur fuite et toutes les troupes jusqu' Haroseth ville des nations, et celte multitude d'ennemis fut taille en pices, sans qu'il en restt un seul. Sisara, fuyant de mme, arriva latente deJahel,

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femme d'Hber cinen; car la paix existoit entre Jabin, roi d'sor, et la maison d'Haber cinen. Jahel tant sortie au-devant de Sisara, lui dit : Entrez chez moi, mon seigneur, entrez, ne craignez point. Il entra donc dans sa tente, et elle le couvrit d'un manteau. Sisara lui dit : Donnez-moi un peu d'eau, je vous prie *parce que j'ai une soif ardente. Elle lui apporta un vase plein de lait qu'elle lui fit boire; et elle le recouvrit encore avec le manteau. Et Sisara lui dit : Restez l'entre de votre tente, et si l'on vous demande : Y a-t-il quelqu'un ici? vous rpondrez : Il n'y a personne. Alors Jahel, femme de Haber, prit un des grands clous de sa lente et an marteau, puis, entrant en silence, et plaant le clou sur la tempe de Sisara, elle le frappa de son marteau et l'enfona jusque dans la terre en perant la tte de part en part; et Sisara, ainsi tu, passa du sommeil la mort. Et voici que Rarac arrivoit la poursuite de Sisara; et Jahel, allant sa rencontre, lui dit : Venez et je vous montrerai l'homme que vous cherchez. Il entra donc chez elle et il vit Sisara tendu mort, et le clou enfonc dans sa tempe. < Ainsi Dieu confondit en ce jour-l Jabin, roi de ( Chanaan, devant les enfants d'Isral, qui s'accroissanl de plus en plus, appesantirent leur puissante main sui Jabin, roi de Chanaan, jusqu' ce qu'ils l'eussent enfin ananti. Alors la prophlesse guerrire chanta ce cantique :
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Conducteurs d'Isral, unis pour sa dfense, Unis pour sa vengeance,

PU LIVRE DES JUGES. Unissez-vous encor pour bnir l'ternel ! coutez la voix qui m'inspire ; Princes, rois, coutez les paroles du Ciel : Je vais dire, je vais redire La force de mon Dieu , du grand Dieu d'Isral.

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Seigneur ! 'quand de Sir ta gloire est apparue, La terre s'est mue ; El quand ton pied toucha les collines d'Edom, La nue inonda les campagnes; Le Sina, tremblant au seul bruit de (on nom, S'branla : les fires montagnes Coulrent comme l'eau dans le creux du vallon.

Mais, aux jours de Samgar jusqu' Jahel, nos voies toient veuves de joies; Le voyageur erroit de dtours en dtours; Le peuple n'avoil plus de braves; Sans force et sans courage, il gmissoit toujours... Voici Dbora ! plus d'esclaves ! La mre d'Isral s'lance son secours.

Le Seigneur a chang les combats de la terre ; Lui-mme il fait la guerre. Quarante mille bras toient sans boucliers, Quarante mille bras sans armes... Venez! bnissez Dieu, chefs d'Isral, guerriers! Mon cur vous aime... plus d'alarmes! A l'honneur, aux prils courez donc les premiers.

Et vous qui promenez vos saintes allgresses Sur les blanches nesses,

LES ANGES Vous, sages, qui rendez Injustice, pariez! Jusque sous l'clair de la foudre, Jusqu'au champ de bataille o sont amoncels Les corps, les chars rduits en poudre, Dites-nous les conseils qui vous sont rvls.

Clbrez du Seigneur la vengeance calme ; Clbrez son arme... Cours, cours, Dbora! chante un chaut de gloire!... et toi, Barac, parois dans ta vaillance, Et ramne en triomphe Isral avec moi... Que Dieu l'arrache la puissance Du fier Amalciieet d'un coupable roi!

Amalcc, lu frmis ! Epkram te dsole, Et Benjamin t'immole, Et Zabulon te livre aux princes de Makir. De Dbora formant la suite, Tous les chefs d'Issachar lui veulent obir. Soudain Barac se prcipite Au gouffre des combats, et Dieu va le bnir!

Dans la frache valle, assis depuis l'aurore, Ruben indile encore! Que mdites-tu donc autour de les troupeaux? Et toi, Galaad, sous l'ombrage, Tu reposes! cl loi, Dan, quefonl les vaisseaux? Que fait Aser sur le rivage?... Au del du Jourdain quels sont donc leurs travaux?

Vers Thanac, vers Mrome, oh ! que la mort est prompte Et Zabulon l'affronte ;

DU LIVRE DES JUGES. Et Nephtali s'empresse au-devant du danger. De Chanaan, brlants de rage, Les rois sont accourus, ardents nous plonger Dans le deuil et dans l'esclavage ; Mais l'Ange du Seigneur est prt nous venger.

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Il fait sur Sisara tomber, du haut des astres, La terreur, les dsastres... Aussitt les torrents, Gison et Cad u m in, Roulent, dans leurs sanglant murmure, Les corps que Dbora fouloit sur son chemin. Des pieds fougueux la corne dure S'est brise, en fuyant sa redoutable main.

0 terre de Mrozl sois maudite, maudite Gomme l'inalcite 1 A tous tes habitants malheur, deux fois malheur! C'est la prdiction de l'Ange. Ils ont abandonn la cause du Seigneur. Le Seigneur aujourd'hui se venge; Et du peuple fidle il venge aussi l'honneur.

Et toi, Jahel! ton nom, parmi les grands courages, Traversera les ges; Femme d'Haber, toujours, et dans tout l'univers, Entre les femmes sois bnie! Sisara te demande un peu d'eau ; lu lui sers Le lait qui rafrachit la vie; Et cependant tes mains vont punir ce pervers.

De l'une lu saisis le clou; l'aulre s'lance Au marteau, le balance,

LES ANGES Et frappe : il est perc le front de l'homme fort ! Tu Tas clou dans la poussire; A tes pieds il se roule, tes pieds il s'endort ; Il ne verra plus la lumire. Il reste enseveli dans l'ombre de la m o r t

Sa mre, qui l'attend, promne au loin sa vue Sur la vaste tendue ; Elle pleure : O mou fils! je nje vois point tes chars... Pourquoi, pourquoi la longue absence?... Alors la sage pouse explique les retards, El redit avec complaisance Les vux qui de la guerre exaltaient les hasards.

Contemplez Sisara, voyez, dans la victoire, Ses compagnons de gloire, Et le noble butin qu'ils divisent entre eux. Ils se partagent les captives, Une h chaque vainqueur, mais Sisara deux; Et les tissus aux couleurs vives Doivent choir encore ce chef valeureux.

Admirez, admirez de sa marche royale La pompe triomphale!... Vaine esprance!... ainsi tomberont sans retour Tes ennemis, Dieu suprme! Mais tes adorateurs, nourris de ton amour, S'lveront jusqu' loi-mme, Gomme s'lve aux cieux l'astre clatant du jour.

DU LIVRE D E S JUGS.

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Gdon. Plaintes du prophte. Apparitions de l'Ange.L'autel de Eaal renvers. L a toison miraculeuse

Voici une nouvelle phase de prodiges. Les faits soul tellement prcis, les apparitions angliques tellement circonstancies, et toutes les paroles de l'criture tellement claires, qu'il suffit d'une fidle traduction. Le rcit commence aprs la mort de Barac, en ces termes : Les enfants d'Isral firent encore le mal devant Dieu; et il les livra entre les mains des Madianites, pendant sept ans. L'oppression qu'ils souffroient toit excessive. Alors, ils se retirrent dans les antres et dans les cavernes des montagnes, et se retranchrent dans les lieux les plus fortifis, afin de rsister leurs ennemis. Les Madianites,. les Amalcites et les autres peuples de l'Orient faisoient invasion sur leurs terres, y dressoient leurs tentes, ruinoient toutes les esprances cle rcolte, jusqu'auprs de Gaza, et ne laissoient rien Isral des choses ncessaires la vie, ni brebis, ni bufs, ni nes. Car ils arrivoient avec tous leurs troupeaux et avec leurs tentes. Et, comme la multitude d'hommes et de chameaux toit innombrable et pareille une nue de sauterelles, ils couvraient le sol et dvastaient toutes les contres o ils passoient. Les enfants d'Isral toient donc misrablement humilis sous

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le joug de Madian. Et ils jetrent des cris de prire au Seigneur, implorant son secours contre leurs oppresseurs. Et Dieu leur envoya un prophte qui leur dit : coutez les paroles du Seigneur, Dieu d'Isral. Je vous* ai ramens de l'Egypte, et je vous ai tirs de la maison de servitude. Je vous ai sauvs des mains des gyptiens qui vous accabloient. J'ai chass d'ici les Amorrhens, votre arrive. Je vous ai donn leurs terres et je vous ai dit : Je suis le Seigneur votre Dieu, ne craignez point les dieux des Amorrhens dont vous habitez le pays ; et pourtant vous n'avez point voulu entendre ma voix. Immdiatement aprs ces plaintes du prophte, le texte sacr continue ainsi : < Or, l'Ange du Seigneur c vint s'asseoir sous un chne phra, ville qui appartenoit Joas, pre de la famille d'Ezri. Et Gdon, son fils, toit occup battre le bl dans le pressoir, afin de pouvoir ensuite chapper aux incursions de Madian. L'Ange du Seigneur apparut donc h Gdon, et lui dit : Dieu est avec loi, le plus fort d'entre les hommes ! Gdon rpondit : Gomment se fait-il donc, je vous prie, Seigneur, que tant de maux nous accablent, si Dieu est avec nous? Que sont devenues les merveilles qu'il a faites, et dont nos pres nous parloient en nous disant : Le Seigneur nous a tirs de l'Egypte ? Et maintenant Dieu nous abandonne et nous livre entre les mains des Madianites. Alors, l'Ange le regardant, ajouta : Va dans celte force dont tu es rempli, et tu dlivreras Isral du joug

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deMadian; et sache bien que c'est moi qui l'envoie. Gdon reprit: Hlas! comment, je vous prie, Seigneur, pourrai-je dlivrer Isral? Vous savez que ma famille est la dernire dans Manass, et que je suis le dernier dans la maison de mon pre. L'Ange dit encore : Je serai avec toi, el lu terrasseras les Madianiles comme s'ils n'toient qu'un seul homme. Gdon rpartil : Si j'ai trouv grce devant vous, faites-moi connotre, par un signe, que c'est bien vous qui me parlez, et ne vous loignez pas d'ici jusqu' ce. que je revienne vous apporter mon offrande. L'Ange rpondit: J'attendrai ton retour. Gdon tant donc rentr dans sa demeure, fil cuire un chevreau, et prpara des pains sans levain avec une mesure de farine ; puis, ayant mis la chair dans une corbeille et le jus dans un vase, il apporta tout sous le chne, et l'offrit l'Ange du Seigneur. L'Ange du Seigneur lui dit : Prends la chair el les pains sans levain, mets-les sur celte pierre et verses-y le jus. Ce que Gdon ayant fait, l'Ange tendit l'extrmit du bton qu'il tenoit la main, et en toucha la chair et les pains sans levain, et aussitt une flamme sortit de la pierre et consuma la chair et les pains sans levain; et, en mme temps, l'Ange disparut. Gdon voyant ainsi que c'loit bien l'Ange du Seigneur, dit : Hlas! Seigneur mon Dieu, j'ai vu l'Ange du Seigneur face face. Le Seigneur rpondit : La paix soit avec toi ; ne crains rien, tu ne mourras pas.

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Gdon leva donc en ce mme lieu un aulel au Seigneur, et l'appela la Paix de Dieu, comme on l'appelle encore aujourd'hui. Et, avant qu'il et quitt phra, appartenant la famille d'Ezri, dans la nuit mme, le Seigneur lui dit (par la voix de son Ange) : Prends un taureau cle ton pre et un autre taureau de sept ans, et renverse l'autel d Baal, qui est Ion pre, et coupe tout le bois qui est l'enlour ; puis, lve un autel au Seigneur ton Dieu sur cette pierre o tu as fait ton offrande, et cle plus, immole en holocauste le second taureau sur le bcher que tu dresseras avec les branches' du bois abattu. Gdon ayant donc rassembl dix de ses serviteurs, fit ce que l'Ange du Seigneur lui avoit command; mais, craignant les hommes cle la maison de son pre et ceux de la ville, il ne commena rien clans le jour et fit tout pendant la nuit. Les habitants cl'phra, arrivant ds le matin, virent l'autel de Baal dtruit, le bois coup et le second taureau plac sur l'autel qui venoil d'tre lev, et ils se dirent les uns aux autres : Qui a fait cela? Et comme ils cherchoient partout l'auteur de cet acte, on leur dit: C'est Gdon, fils de Joas, qui a fait toutes ces choses. Alors, ils dirent Joas : Amne ici ton fils, afin qu'il soit mis mort, car il a dtruit l'autel de Baal, et il en a coup le bois. Joas rpondit: Etes-vous les vengeurs de Baal? tes-vous chargs de combattre pour lui? Qu'il fasse mourir son ennemi avant le soleil de demain. Car, s'il est dieu, qu'il se venge lui-mme du destructeur de son autel. Depuis ce jour, Gdon fut appel

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Jrobaal

( 1 ),

cause de ces paroles de Joas : Que Bail

se venge lui-mme du destructeur de son autel.

Cependant, les Maclianites, les Arnalcites et les peuples de l'Orient s'unirent ensemble, et, passant le Jourdain, ils vinrent camper dans la valle de Jezral. Et ds lors l'esprit de Dieu remplit Gdon, qui, sonnant de la trompette, assembla toute la maison d'bizer, afin qu'elle vnt avec lui. 11 envoya aussi des messages dans toute la tribu de Manass, qui le suivit de mme; et lien envoya d'autres dans les tribus d'Azer, de Zabulon et de Nephtali, et les hommes de ces tribus vinrent sa rencontre. Et Gdon dit Dieu : Si vous voulez vous servir de mon bras pour sauver Isral, comme vous me l'avez annonc, je vais mettre cette toison dans l'aire, et si la rose tombe sur la toison seule et laisse la terre sche, je saurai par l que vous dlivrerez Isral par mes mains comme vous me l'avez promis. Et c'est ce qui arriva; car Gdon s'tant lev ds le matin, pressa la toison et remplit une coupe avec la rose qui en sortit. Mais il dit au Seigneur : Que votre colre ne s'allume point contre moi si je vous demande encore un second signe sur la toison. Faites, je vous en supplie, que toute la terre soit couverte de rose, et que la toison seule soit sche. Et le Seigneur fit, dans cette mme nuit, ce que Gdon avoit demand. La toison seule resta sche, et la terre fut couverte de rose. Toutes les merveilleuses circonstances de la mission
('!) Vengeance de Baal.

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1 il fils de Jos nous instruisent autant qu'elles nous meuvent. On y voit d'abord que la souffrance est la premire leon des peuples. Dans la prosprit, le cur humain est malheureusement-port l'oubli de Dieu; mais, quand il souffre, le Ciel lui revient en mmoire, et il implore la divine misricorde. Ainsi gmissoit et prioit Isral, opprim sous le joug de Madian. Un prophte que l'criture ne nomme pas vient ensuite lui reprocher son ingratitude, et en mme temps le Seigneur se laisse flchir. Puis, son Ange apparot au plus humble des Isralites, qui, par sa foi et sa vertu, est aussi le plus fort, au tmoignage mme de l'envoy cleste. Enfin, l'lu du Seigneur, dans ses entretiens avec l'Ange, obtient que sa prudence soit claire par des signes miraculeux, et aussitt le voil prt sauver Isral. Tel est donc le cercle o se retrouvent successivement la dtresse, le repentir, l'esprance, le pardon, la lumire, la dlivrance et le salut des nations; ce qui explique sur elles ce texte du livre de la Sagesse : Dieu les a faites gurissables (i). Ainsi, la douleur parle au fond des mes ; la prire lve ses cris; le prophte, le ministre mortel, survient et s'adresse tout le peuple ; puis l'ambassadeur du Ciel se fait entendre au cur le mieux prpar pour l'uvre divine; et enfin l'lu du Seigneur, dou tout la fois et du sentiment de sa
('1) Et sanabiles fecit nationes, i, 14.

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propre foiblcsse et de la force d'en haut, marche la victoire et au but qu'elle doit atteindre. Si les miracles dont le peuple de Dieu toit ainsi favoris ne se reproduisent pas visiblement, et dans toutes les crises des nations claires de la vraie lumire, l'action providentielle n'en opre pas moins, mais mystrieusement, ses salutaires effets, Et si les infidles sont destitus de cette assistance, nous devons croire nanmoins qu'il y a aussi, mme pour eux, non pas sans doute une Providence de constante inspiration, qui ne saurait tre admise hors de la vrit, mais une Providence de commisration paternelle, qui se comprend toujours de la part du Crateur envers sa crature. Revenons la mission glorieuse de Gdon. Il demande au Seigneur des signes pour fixer sa foi. Avant lui, Mose avoit t puni cause d'un moment d'hsitation dans sa confiance la parole sacre. Mais Mose, conducteur d'Isral, toit alors et depuis longtemps investi de ce haut ministre ; il toit entr dans les conseils et presque dans la gloire du Tout-Puissant ; il avoit vu face face le Dieu du Sina ; il toit en libre communication avec le Saint des Saints : Mose toit donc sans excuse, et il l'avoue lui-mme, par son admirable silence, au moment o la peine de sa faute lui est inflige. Au contraire, l'humilit de Gdon toit en outre une sage prudence. Lui, le dernier de la dernire famille de Manass, lui, l'homme de la chaumire, comment pouvoit-ii se croire appel devenir le librateur d'Isral? A la vrit, l'Ange du Seigneur lui apII. Q

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parot; mais c'est de cette apparition mme qu'il vouloit acqurir la certitude des signes irrcusables et dans des preuves ritres. Le feu du Ciel consume son offrande; la rose du Ciel inonde la miraculeuse toison; en un mot, le Ciel obit tous ses vux. Gdon croit, Gdon espre, Gdon doit triompher. 11 commence par signaler son zle contre Baal dont il renverse l'autel. Il s'expose ainsi la vengeance des impies et des apostats, jusqu'au milieu de ses proches. Ce courage n'a besoin que d'un premier signe, car le fidle est toujours prt combattre partout les ennemis du vrai Dieu. Aussi, le second signe n'est rclam par Gdon que quand il s'agit de prendre dfinitivement en main la cause d'Isral; et dj, sur la parole de l'Ange, il avoit fait retentir la trompette .sacre, il avoil rassembl les hommes d'armes, et il n'attend plus qu'un dernier signal pour courir la victoire.

Trois cents Isralites vainqueurs de Modifia.

Dieu veut tre appel le Dieu des armes parce qu'il est le Dieu fort, et que, dans les combats, le souffle divin agit avec une gale puissance, soit lorsqu'il jette la terreur dans l'me du grand nombre, soit lorsqu'il exaile le bras du petit nombre auquel il donnela victoire. Et quelles sont les armes de Dieu, sinon les armes clestes, si non les Anges?

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Cette force miraculeuse s'est grandement rvle dans les faits suivants qui vont s'expliquer avec les paroles mmes de l'Ange du Seigneur. Gdon, nomm aussi Jrobaal, se leva avant le jour et vint, avec tout le peuple, la fort de Harad. Les Madiantes toient camps au bas du versant septentrional d'une trs-haute colline. Alors l'Ange du Seigneur dit Gdon : Un peuple nombreux est avec toi. Madian ne sera point livr entre les mains d'une telle multitude, de peur qu'Isral ne se glorifie contre moi, et ne dise : C'est par mes propres forces que j'ai t dlivr. Parle donc au peuple et fais publier ceci devant toute l'assemble : Que celui qui a peur ou qui tremble s'en retourne. Et aussitt vingt-deux mille hommes du peuple, quittant la montagne de Galaad, se retirrent; et il n'en resta que dix mille. Et l'Ange du Seigneur ajouta : Le nombre de ceux qui sont rests est encore trop grand. Conduis-les prs de l'eau, et l je les prouverai ; et celui dont je te dirai qu'il aille avec loi, te suivra; et celui que j'arrterai, s'en retournera. Et le peuple tant arriv en un lieu o il y avoil de l'eau, l'Ange du Seigneur dit encore h Gdon : Tu placeras d'un ct ceux qui auront pris de l'eau dans leur main et l'auront lche, comme le chien lche; et de l'autre, ceux qui auront bu en courbant les genoux. .Il s'en trouva trois cents qui, puisant l'eau avec la main, la portrent leur bouche; mais tout le reste du peuple s'toit agenouill pour boire. L'Ange du Seigneur continua donc ainsi : C'est
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par ces trois cents hommes qui ont lch L'eau que je vous sauverai, et que je livrerai Madian entre les mains. Fais donc congdier tout le reste du peuple. Gdon, ayant ainsi ordonn la retraite, prit des vivres avec des trompettes pour les trois cents hommes et marcha avec eux l'ennemi. Or, le camp des Madianites loit dans la valle. Et, la nuit suivante, l'Ange du Seigneur dit Gdon : Lve-toi et descends dans le camp des ennemis, parce que je vais les livrer entre tes mains. Si lu crains d'y aller seul, que ton serviteur Phara y aille avec loi. Et lorsque tu auras entendu ce que diront les Madianites, tu en reviendras plus fort, et tu te prcipiteras ensuite avec plus d'assurance contre leur camp. Gdon, prenant donc avec lui Phara, son serviteur, pntra jusqu' la partie du camp o toient les sentinelles de l'arme. Les Madianites, les Amalcites et tous les hommes de l'Orienl, avec leurs chameaux, couvroient la valle comme une multilude de sauterelles et comme le sable des rivages de la mer. Etlorsque Gdon se fut approch, il entenditl'un d'euxraconter ainsi son voisin ce qu'il avoit vu en songe : il me sembloit que je voyois comme un pain d'orge cuit sous la cendre, qui descen doit en roulant au camp des Madianites, et qui, heurtant contre une tente, l'a branle, abattue et entirement abme. Et l'autre rpondit : Cela signifie l'pe.de G-r don, fils de Joas, Isralite, car le Seigneur lui a livr les Madianites et toute leur arme. Gdon, ayant entendu ce songe et son interprtation, adora Dieu, et tant retourn au camp d'Isral, il dit :Levez-vous,
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car le Seigneur a livr entre nos mains le camp de Madian. Puis il divisa ses trois cents hommes en trois bandes, et il leur donna des trompettes et des vases de terre vides, avec des lampes au milieu de chaque vase. Et il leur dit : Vous ferez ce que vous me verrez faire. J'entrerai dans le camp et vous suivrez mon exemple. Quand je sonnerai del trompette que j'ai la main, sonnez aussi de la trompette autour du camp, et criez tous ensemble : Au .Seigneur! Gdon ! Gdon, avec ses trois cents hommes, pntra donc dans le camp au commencement de la garde du milieu de la nuit; et au moment o les sentinelles s'veilloient, il commena avec ses gens sonner de la trompette et heurter les vases l'un contre l'autre. El alors, se rpandant et faisant un grand bruit autour du camp, en trois diffrents endroits, ils brisrent leurs vases, prirent leurs lampes de la main gauche, et de la main droite leurs trompettes dont ils sonnoient, et ils crirent ensemble : Le glaive du Seigneur et de Gdon ! et chacun resta ainsi son posle autour du camp des ennemis. Aussitt, tous les Madianiles se troublrent, et jetant des cris et des hurlements, ils cherchoient s'enfuir; et les trois cents hommes n'en continuoicnt pas moins sonner de la trompette ; et le Seigneur dirigea son glaive contre tout le camp; et les Madianites se tuoient eux-mmes les uns les autres; et ceux qui chapprent ce carnage s'enfuirent jusqu' Bethsetta et jusqu' l'entre d'Abelmhula,- en Thebbath. Alors, les Isralites des tribus de Nephlali, d'Aser et de Manass, jetant d'unanimes clameurs, poursuivirent les Madianites; et Gdon'envoya des
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messages clans toute la montagne d'Ephram, pour dire au peuple : Courez lapoursuite de Madian, elemparezvousdes eaux jusqu'Bethbra, ainsi que du Jourdain. ToutEphram cria donc aux armes, s'empara des eaux ainsi que du Jourdain jusqu' Belhbra. Puis, ayant fait prisonniers deux chefs madianites, Oreb et Zeb, ils turent Oreb au rocher d'Oreb, et Zcb au pressoir de Zeb ; et ils continurent poursuivre les fuyards en portant la main les ttes d'Oreb et de Zeb, qu'ils remirent Gdon. au del du Jourdain. Il y a quelque chose expliquer dans cette miraculeuse expdition. Le courage de Gdon et de ses trois cents guerriers est gal leur foi. Ils sont comme livrs l'innombrable arme ennemie, si Dieu ne combat pas lui-mme pour eux; car ils laissent leurs pes dans le fourreau. D'une main, ils tiennent la trompette, de l'autre le vase de terre; mais il n'est pas mme question de leurs armes. Quelle sainte et intrpide confiance! toit-il possible de mieux publier la puissance divine? Aussi l'criture dclare-t-elle que le Seigneur dirigea son glaive contre tout le camp, c'est--dire que l'Ange exterminateur se chargeoit lui-mme de la ruine de Madian. N'y a-t-il pas un double symbole dans l'tonnante et mystrieuse attitude de Gdon et de ses fidles autour du camp des Madianites, au moment suprme du combat o semble figure d'abord la lutte de la foi contre les ennemis du salut? Le vase de terre n'est-il pas l'emblme du corps de l'homme? et la lampe n'est-elle pas l'emblme de l'me? Le corps doit avoir son action

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et sa part dans la victoire. C'est d'abord sa fidlit garder la lumire; c'est aussi l'clal de sa voix et de ses efforts, pour accomplir l'uvre de Dieu; c'est enfin son sacrifice, la mort, quand il est bris comme un vase dterre ; car ce sacrifice est le dernier signal du triomphe. Mais l'me survit comme la lumire; et de mme qu'elle toit la lampe du corps ici-bas, elle doit tre ternellement sa gloire, la source de la grce et de la vie, dans le sein de Dieu mme. Les autres exploits de Gdon ne sont que la suite du premier ; mais ils prouvent que si sa foi courageuse n'avoit pas besoin du secours de ses propres armes, lorsque* l'Ange du Seigneur combattoit pour lui, il savoit ensuite exercer sa valeur et diriger celle clc ses compagnons de gloire. l poursuivit donc les Madianilcs et revint victorieux des restes de cent vingt mille ennemis, dont les deux principaux chefs, faits prisonniers, furent tus de sa main. Il excuta aussi la justice de Dieu contre les villes de Soccoth et de Phanuel qui, son passage, lui avoient refus leur assistance avec une coupable drision. Alors, tous les enfants d'Isral dirent Gdon : Vous et vos fils, soyez nos princes, parce que vous nous avez dlivrs du joug des Madianites. Gdon rpondit : Je ne serai pas votre prince, ni aucun de mes fils non plus ; mais Dieu sera votre prince. Et il ajouta : Je ne vous demande qu'une seule chose. Donnez-moi les boucles d'oreilles de votre butin; car les Ismalites avoient coutume de porter des boucles d'oreilles d'or. Nous vous les donnerons

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trs-volontiers, rpondirent-ils. Puis, tendant un manteau sur la terre, ils jetrent dessus toutes les boucles d'oreilles de leur butin. Elles pesoient mille sept cents sicles d'or, sans les ornements, les riches colliers et les vtements d'carlate des rois de Madian, et les carcans de leurs chameaux. Et Gdon fit, avec toutes ces prcieuses dpouilles, un Ephod qu'il dposa dans sa ville d'phra. Et cet Ephod devint pour Isral une occasion d'idoltrie, et il causa la ruine de Gdon et de toute sa famille. Madian fut donc ainsi humili devant Isral, sans pouvoir relever la tte ; et tout le pays demeura en paix durant les quarante annes du gouvernement de Gdon. Et Jrobaal (comme on l'appeloit aussi), fils de Joas, retourna dans sa demeure, et il eut soixante-dix fils, de plusieurs femmes; et de plus un fils d'une femme de second ordre qu'il avoit Sichem. . Et Gdon, fils de Joas, mourut dans une vieillesse bnie, et il fut enseveli dans le spulcre de Joas, son pre, phra, qui appartenoit la famille d'Ezri. Aprs la mort de Gdon, les enfants d'Isral abandonnrent encore le service du Seigneur, et se prostiturent Baal, faisant alliance avec lui, afin de le choisir pour leur dieu. Et ils oublirent le Seigneur leur Dieu qui les avoit dlivrs des mains de tous les ennemis dont ils toient environns. Et ils n'eurent aucune piti pour la maison de Gdon-Jrobaal,.ni aucunereeounoissance pour tout le bien qu'il avoit fait Isral. Tout ce qui concerne le vainqueur de Madian mrite une religieuse attention. Que mil n'ose l'accuser d'une

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cruelle rigueur envers les ennemis d'Isral et de Dieu mme, particulirement envers Zbe et Salmana, nonobstant les circonstances de leur mort! La douceur de l'vangile a tellement attendri le cur des chrtiens, que les dserteurs de cette foi qu'ils ont suce avec le lait, non-seulement sont mus, mais irrits des sanglantes excutions que rclamoit la divine justice. Les vrais fidles, au contraire, gmissent, adorent et ne jugent point leur propre Juge, c'est--dire la parole mme de l'Esprit-Saint; mais ils remarquent, avec admiration, la distance qui spare l'ancienne et inflexible loi de la nouvelle loi toute misricordieuse. Puis, examinant l'histoire de Gdon sous un autre rapport, et comparant les sources de sa nombreuse descendance, avec l'unit du mariage, ils remercient Dieu de la saintet du sacrement, sans toutefois se permettre de juger la tolrance des temps anciens, ni d'accuser la glorieuse-vie du conducteur d'Isral, dont tout le cours,
jusqu' sa vieillesse bnie, est l'objet des louanges de

l'crivain sacr. Celte dernire considration exclut toute responsabilit de la part de Gdon, relativement l'idoltrie dans laquelle les Isralites souillrent l'Ephod qu'il avoit fait avec la riche dpouille de Madian; car ce scandale n'arriva qu'aprs sa mort; et tant qu'il vcut, Isral resta fidle Dieu. Si donc, l'Ecriture parle de la ruine de Gdon^ comme tant la suile du fait de l'Ephod, c'est pour dsigner, non point sa personne puisqu'il utoit plus, mais bien sa race, selon le langage biblique.

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Les soixante-dix Gis de Gdon.

De toutes parts l'histoire sacre met en lumire cette vrit, que les Anges sont les ministres d Dieu, et les inspirateurs de tout ce qui se fait de bien sur la terre. Nous devons donc croire cette anglique influence toutes les fois qu'un fidle Isralite fait des actions, ou dit des paroles recueillies avec soin par la sainte criture. Au contraire, tout ce qui se fait de mal parmi les hommes est provoqu par le souffle des dmons. Cette double vue se dveloppe clairement dans le drafne biblique des soixante-dix fils de Gdon ; et c'est pourquoi il faut ici en rapporter les principaux faits. Assurment, la vertu qui couronna toutes les autres vertus de Gdon, toit cet admirable dsintressement avec lequel il refusa le titre, les honneurs et la puissance de la royaut, pour rester simplement le Juge d'Isral. C'est ainsi qu'il gouverna dans une longue paix le peuple de Dieu. Mais, aprs sa morl, le souffle infernal de l'ambition pervertit le cur de son fils bimlech, qu'il avoit eu d'une femme de second ordre ; et ce coupable fils, ayant sduit les habitants de Sichem, usurpa, de complicit avec eux, le pouvoir suprme, aprs avoir immol, sur la mme pierre, tous ses frres au nombre de soixante-neuf, h l'exception d'un seul, Joatham, qui toit le plus jeune, et qui fut heureusement soustrait au parricide ( 1 ) .
(4 ) Nous respectons ici, et plus loin, le texte de l'criture qui laisse quelque incertitude sur le nombre exact (un ou deux prs), des frres immols.

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Fidle au souvenir de Gdon, Joatham ne rclama rien pour lui-mme : mais, dans l'intrt de tout Isral, il protesta contre les crimes de son indigne frre et contre ses complices. On aime entendre celte juste plainte. Il semble que ce soit une voix du Ciel, prophtisant les malheurs attachs, tt ou tard, et la violation des maximes qui font la scurit des peuples, et l'effusion du sang innocent dont il est le vengeur. Aussi, les paroles de Joatham ne sont pas restes de vaines dolances, et l'criture qui les recueille n'a point oubli de constater leur entier accomplissement. On est donc autoris y voir une inspiration digne des Anges et laquelle il faut par consquent donner ici sa place. Que si le texte sacr ne l'environne pas d'une rvlalion cleste, comme les faits qui touchent directement la religion mme, il prouve, nanmoins, que le Dieu des justices ne sauroit tre indiffrent aux cris des victimes et la rparation des droits outrags; mais que sa providence, alors mme qu'elle parot fermer les yeux sur une longue iniquit, a dj fix l'avance le jour et l'heure du talion. L'crivain sacr poursuit en ces termes le rcit des faits : Tous les Sichimites s'tant assembls avec toutes les familles de la ville de Mello, arrivrent prs du chne de Sichem, t l ils proclamrent roi Abimlech. Quand Joatham reut cette nouvelle, il s'en alla jusqu'au sommet de la montagne de Garizim, et se t e nant debout, il y cria ces paroles : Ecoutez, habitants de Sichem, comme vous voulez que Dieu vous coute :

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Un jour les arbres s'assemblrent pour se choisir un roi, et ils dirent l'olivier : Viens rgner sur nous. L'olivier leur rpondit : Puis-je abandonner mon suc et mon huile, si utiles aux hommes, pour aller m'tablir au-dessus des arbres? Les arbres dirent ensuite au figuier : Viens rgner sur nous. Le figuier leur rpondit : Comment renonerois-je la douceur de mon suc et l'excellence de mes fruits, pour aller m'tablir au-dessus des arbres? Les arbres s'adressrent alors la vigne en lui disant : Viens rgner sur nous. La vigne leur rpondit : Est-ce que je pourrois dlaisser mon vin dont Dieu a fait la joie des hommes, pour aller m'tablir au-dessus des arbres? Enfin, tous les arbres dirent au buisson : Viens rgner sur nous. Le buisson leur rpondit : Si vous me dsirez sincrement pour roi, venez vous reposer sous mon ombre ; mais si vous ne le voulez pas, que la flamme sorte du buisson et qu'elle dvore les cdres du Liban ! Et Joatham ajoutoit : Voyez donc maintenant si vous avez fait une action juste et innocente, en proclamant roi bimlech ; si vous avez bien agi envers Jrobaal et sa maison ; si vous avez reconnu comme vous le deviez tous les services de celui qui a combattu pour vous, et qui a expos sa vie tant de prils, pour vous arracher au joug des Madianites. Car vous tes devenus les ennemis de la maison de mon pre et vous avez mis mort, sur une mme pierre, ses soixante-

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dix fils, et vous avez tabli Abimlech, fils de sa servante, comme roi des habitants de Sichem, parce qu'il fraternise avec vous. Si donc vous croyez avoir trait ainsi Jrobaal et sa maison, ajuste titre, qu'Abimlech soit votre joie et puissiez-vous tre vous-mmes la joie d'Abimlech! Mais si vous avez viol toute justice, que la flamme sorte d'Abimlech, qu'elle consume les habitants de Sichem et la ville de ]\lello; que le feu sorte aussi des habitants de Sichem et de la ville de Mello, et qu'il dvore Abimlech ! Le Livre des Juges ajoute : Abimlech rgna donc pendant trois ans sur Isral ; mais Dieu suscita, entre lui et les habitants de Sjchem, un esprit de discorde et de haine, et ils commencrent le dtester et lui reprocher, ainsi qu' ses principaux adhrents, le coupable meurtre des soixante-dix fils de Jrobaal. Puis, l'criture raconte, en dtail, et les rvoltes, et les ravages, et les incendies, et les combats, et les flots de sang, et la ruine de Sichem, qui furent la suite du. parricide et de l'usurpation d'Abimlech; et enfin sa mort, au sige de hbes, del main d'une femme, qui le tua d'un coup de pierre la tte. La narration se termine par celte rflexion textuelle : Dieu rendit Abimlech le mal qu'il avoit commis contre son pre, en massacrant ses soixante-dix frres. De mme, les Siichimites reurent le chtiment qu'ils mritoient, et la maldiction prononce parJoatham tomba sur eux. Solennelles paroles et mmorable exemple, qui en disent plus que tous les commentaires, et qui semblent

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donner l'admirable attitude de Joalham, au milieu de tant d'horreurs, l'autorit d'une cleste apparition ! Au surplus, la vrit contenue dans l'apologue biblique clate par elle-mme et par elle seule. Comment le misrable buisson pourroil-il offrir une ombre protectrice ? Il n'y a donc jamais rien de sincre entre le chef intrus et le peuple infidle. Aussi, le feu dvorant sera toujours la rponse de la Providence aux violateurs des lois divines et humaines.-__

Thola. Jar. Jephl*

Abcsan. Ahialon*

Abdon.

Le Seigneur va parler encore son peuple. Bien que le texte biblique ne fasse pas ici mention du grand prtre Phins, qui devoil consulter Dieu devant l'Arche d'alliance, lui prsenter les prires d'Isral, et recevoir les rponses de l'oracle divin; on ne peut cependant douter que les allocutions sacres dont l'criture prend soin de donner les termes, n'aient t transmises par la bouche des Anges, comme toutes les communications clestes. Avant de les reproduire, disons d'abord qu'aprs le rgne si court et si orageux d'Abimlecb, deux Juges, Thola et Jar, gouvernrent tranquillement Isral, l'un vingt-trois ans, l'autre vingt-deux ans.

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Ensuite, reprend le Livre saint, les enfants d'Isral, ajoutant de nouveaux crimes leurs anciennes iniquits, firent le mal devant Dieu et se prostiturent aux idoles de Baal et d'Astaroth, et aux dieux de Syrie, de Sidon, des Moabites, des Ammonites et des Philistins, et abandonnant le Seigneur, ils cessrent de l'adorer. Mais Dieu, dans sa colre, les livra aux Philistins et aux enfants d'Ammon. Et tous les Isralites qui habitoientau del du Jourdain, au pays des Amorrhens, en Galaad, gmirent durant dix-huit annes sous le joug de l'oppression et de la violence. Car, les Ammonites ayant pass le Jourdain, ravagrent les tribus de Juda, de Benjamin et d'Ephram. Et ainsi tout Isral fut plong dans une extrme affliction. Alors le peuple jeta des cris de prire devant le Seigneur, en disant : Nous avons pch; nous avons abandonn le Seigneur notre Dieu, et nous avons servi les idoles de Baal. Et le Seigneur leur rpondit : N'tiez-vous pas opprims , jadis, par les gyptiens , puis par les Amorrhens, les Ammonites, les Philistins, les Sidoniens, les Amalcites et les Chananens? El, quand vous avez cri vers moi, ne vous ai-je pas dlivrs de leurs mains? et pourtant, vous m'avez abandonn et vous avez servi des dieux trangers. C'est pourquoi .je ne dois plus m'occuper dsormais de votre dlivrance. Allez donc invoquer les dieux que vous vous tes choisis, et qu'ils vous dlivrent eux-mmes de l'affliction qui vous accable.
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Les enfants d'Isral crirent encore au Seigneur : Nous avons pch ! infligez - nous donc vous-

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mme le chtiment qu'il vous plaira: mais du moins dlivrez-nous en ce moment de nos ennemis. Et aussitt, ils allrent jeter loin de leurs possessions toutes les idoles des dieux trangers; et ils adorrent le Seigneur Dieu qui se laissa toucher de leur misre. Voil bien toujours le cur de l'homme, et toujours aussi la bont de Dieu rpandant ses pardons et ses bienfaits par l'infatigable ministre des Anges. Un nouveau librateur d'Isral est dj prt. 11 est choisi dans la plus humble situation ; car il avoit gmir de sa naissance. C'est Jepht. Chass d'abord par ses frres et par les principaux habitants de Galaa'd, il s'enfuit dans le pays de o b , o il devint puissant, la tte d'une troupe d'hommes qui vivoient uniquement la pointe de l'pe. Alors Isral toit vivement menac par les Ammonites. Les anciens de Galaad implorrent le secours de Jepht qui, se rconciliant avec eux, fut lu prince par le peuple et prit Dieu tmoin, dans Maspha, de la sincrit de ses vues. Puis il envoya des ambassadeurs au roi des Ammonites pour bien expliquer les causes de la guerre et l'injustice de leur agression; et ilterminoit. ainsi : Que Dieu soit arbitre entre nous ; qu'il prononce en ce jour entre Isral et les enfants d'Ammon. Mais le roi des Ammonites ne voulut point acquiescer ces reprsentations dont les ambassadeurs toienl chargs. Cependant l'esprit de Dieu saisit Jepht qui, aussitt, traversant Galaad, Manass et Maspha de Galaad,

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arriva jusqu' la frontire des Ammonites et fit ce vu au Seigneur : Si vous livrez entre mes mains les enfants d'Ammon, je vous offrirai en holocauste le premier qui sortira de ma demeure au-devant de moi, lorsque j'y retournerai victorieux. Jepht pntra ensuite sur le territoire des Ammonites pour les combattre, et le Seigneur les livra entre ses mains. 11 prit et dvasta vingt villes, depuis Aroer jusqu' Mennith et jusqu' Abel, pays couvert de vignes. Et*les enfants d'Ammon, frapps de cette immense plaie, restrent ainsi humilis sous la main d'Isral. Lorsque Jepht retournoit Maspha, dans sa demeure, sa fille unique vint au-devant de lui en dansant au son des tambours. Il n'avoit pas d'autre enfant. A celte vue, Jepht- dchira ses vtements et s'cria : 0 ma fille ! vous avez tromp mon espoir et vous vous tes trompe vous-mme ; car j'ai fait un vu au Seigneur, et je ne puis le violer. Sa fille lui rpondit : Mon pre, puisque vous avez offert ce vu au Seigneur, faites de moi ce que vous avez promis de faire, aprs le bonheur qui vous a t donn de tirer vengeance de vos ennemis et de remporter la victoire. Exaucez seulement ma prire : laissez-moi aller sur les montagnes pour pleurer, durant deux mois, ma virginit avec mes jeunes amies. Jepht lui dit : Allez. Et il la laissa libre durant ces deux mois. Elle alla donc avec ses amies, et elle pleuroitsa virginit sur les montagnes. Ensuite elle revint trouver son pre, qui accomplit le vu qu'il avoit fait sur sa fille; et, en effet, elle ne connut aucun homme. Del vint la coutume, toujours observe depuis il. 7

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en Isral, que toutes les jeunes filles s'assemblent une fois l'anne pour pleurer la fille de Jephl pendant quatre jours. Aprs la lecture de ce texle, qui reste muet sur le jugement d'un pareil acte, comment expliquer le vu de Jepht, et surtout son excution? Le conducteur d'Isral est saisi de l'esprit de Dieu, comme le dit elle-mme la Sainte-criture; et pourtant il conoit, il prononce et il excute ensuite un vu dtestable aux yeux du Ciel et de la terre. Ah! c'est que l'homme est toujours homme, alors mme qu'il reoit des lumires privilgies. A ct de l'inspiration divine, les lans de l'me et du cur restent libres encore, et trop souvent ils s'garent jusqu'au milieu des rvlations de la grce. Jepht, dans l'enthousiasme de sa mission, oublie de consulter le grand prtre Phins, et, par lui, l'oracle sacr, sur un vu tmraire. Il ne craint pas d'anathmatiser la personne incertaine que le hasard amnera au-devant de ses pas triomphants, alors que la prilleuse rencontre d'une victime innocente toit si facile redouter et prvoir ! Et d'ailleurs, l'immolation d'une crature humaine quelconque n'toil-elle pas odieuse? n'toit-lle pas condamne l'avance par le Dieu de la vie, seul matre d'en disposer? Ce Dieu, dont le sacrifice d'Abraham atteste la fois et le souverain domaine sur toute existence et la paternelle tendresse ; ce Dieu qui exeroit sa justice par les mains de Jepht sur les ennemis de son peuple ; ce Dieu vengeur ne lui avoit donn aucun droit de celte nature sur les enfanls d'Isral, et c'est

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par consquent pour le punir de cette usurpation que le mme Dieu permet providentiellement la plus dplorable application de l'imprudent anathme. Mais l'excution du vu n'est-elle pas plus condamnable encore que le vu mme ? Le silence de l'criture sur cette double question semble la livrer au libre cours de nos penses- Que faut-il donc croire? que faut-il dire? Le premier mouvement de Jephl n'toil-il pas pour la gloire de Dieu et pour le salut d'Isral? Et quel autre que Celui qui sonde les curs et les reins oseroit juger? Et quanta l'excution, le silence mystrieux de l'Esprit-Saint n'a-t-il pas dsol Jephl lui-mme? Et si, durant le temps des larmes de sa fille et de ses compagnes, il a enfin consult, mais en vain, l'oracle qu'il avoit d'abord nglig, quelles durent tre alors, d'une part, les angoisses du pre, et, de l'autre, les terreurs attaches la violation d'un vu solennel? N'est-ce pas le dsespoir du doute et de l'pouvante qui lui aura mis le glaive la main? Et ce silence persvrant de la parole divine n'toit-il pas aussi la premire et la plus juste peine de sa faute ? L'Ange qui arrta la main d'Abraham pouvoit-il tre aux ordres de Jepht? Enfin, l'excution du vu, dans cette incertitude dsespre, n'a-t-elle pas t en mme temps et la plus cruelle expiation pour le cur paternel et le plus beau triomphe pour la pit filiale ? Tel est en effet le prodigieux spectacle donn ici aux Anges et aux hommes par le Dieu qui fait clore le bien du fond mme du mal. Aussi Jepht, jusque dans l'garement de son en7.

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thousiasmeet de sa dsolation, est-il demeur un fidle Isralite, et le grand Aptre le maintient au nombre des saints et des justes de l'Ancien Testament (1). Et la fille de Jepht est salue, par la voix de tous les sicles, comme l'hrone de la pieuse rsignation. Inspire parson Ange, elle se dvoue sans hsiter un seul moment; et, ses yeux, le vu qui la frappe est d'autant plus inviolable, que la victoire d'Isral en a couronn la promesse. Son dvouement est donc tout la fois et un hommage Dieu, et un gage de salut pour le peuple, et un acte de sainte obissance envers son pre : ainsi, rien ne manque la gloire de son sacrifice. Seulement, elle pleure sa virginit : nouvel enseignement donn avec toute la solennit de celte scne biblique, pour marquer, de loin, la diffrence de l'ancienne et de la nouvelle loi, quant la perfection des vocations sacres. Mais il ne nous est pas interdit de croire que, durant l'intervalle laiss ses plurs, la fille de Jepht ait reu de Dieu mme une rvlation aussi vive que consolante sur les prdestinations virginales. Et au surplus l'ternit explique, sans le moindre nuage, toutes les gnreuses immolations. Quelques interprles ont pens que la conscration de la fille de Jepht au Seigneur avoit remplac le sanglant holocauste tmrairement promis. Cette interprtation soulagerait bien facilement les motions rsultant de la vrit textuelle de l'criture; mais, sans la juger, bornons-nous recueillir, tous les points
(1) Hbr., xi, 32, 33.

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de vue ces divines leons.. Un vu tmraire est toujours condamnable ; il n'a droit aucune rponse ni de Dieu ni de ses Anges; celui qui le fait en devrait seul porter la peine ; mais la victime innocente d'un pareil vu obtient la couronne du martyre. Jepht mourut aprs avoir gouvern Isral pendant six ans. Voici le nom des juges qui lui succdrent dans les vingt-cinq annes qui suivirent : Abesan, de Bethlem, Ahialon, de Zabulon, et Abdon, 131s d'IIlec, de P h aratan; mais il ne parat pas qu'ils eussent rien fait qui ait d tre mentionn dans la Sainte-criture.

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Saumon.

C'est un Ange qui va lui-mme annoncer l'avnement d'un nouveau conducteur d'Isral ; et, alors, apparat non pas seulement une nouvelle srie, mais une nouvelle catgorie de merveilles. Dieu, irrit des rcidives de son peuple dans les garements de l'idoltrie, l'avoit livr au joug des Philistins. Et, en mme temps, il prparait de loin sa dlivrance. La Bible raconte ainsi le miracle de la naissance de Samson : Il y avoit, dans Saraa, un homme de la tribu de

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Dan, appel Manu, et dont la femme toit strile. Et l'Ange du Seigneur apparut cette femme et lui dit : Tu es strile et sans enfants, mais tu concevras et tu enfanteras un fils. Garde-toi donc de boire du vin, ni rien ce qui peut enivrer, et de manger rien d'impur ; parce que tu concevras et tu mettras au monde un fils sur la tte duquel le rasoir ne passera point, car il sera Nazaren, consacr Dieu, ds son enfance, et ds le sein de sa mre, et c'est lui qui commencera dlivrer Isral du joug des Philistins. Elle alla donc retrouver son mari, et lui dit : Un homme de Dieu qui avoit l'aspect redoutable d'un Ange, est venu prs de moi. Je lui ai demand qui il toit, d'o il venoii, et comment il s'appeloit, et il n'a pas voulu me le dire. Mais voici ce qu'il m'a annonc : Tu concevras et tu mettras au monde un fils. Garde-toi de boire du vin, ni rien de ce qui peut enivrer, et de manger rien d'impur, car l'enfant sera Nazaren, consacr Dieu ds son berceau et ds le sein de sa mre, jusqu'au jour de sa mort. Manu fil donc une prire et dit: Seigneur je vous supplie de faire revenir encore l'homme de Dieu que vous avez envoy ma femme, afin qu'il nous enseigne ce que nous devons faire de l'enfant qui doit natre de nous. Le Seigneur exaua la prire de Manu; et l'Ange apparut de nouveau sa femme, lorsqu'elle toit assise dans les champs. Manu n'toitpas alors avec elle. Et aussitt qu'elle vit l'Ange, elle courut son mari en lui disant: Voici le mme homme que j'ai dj vu. Manu se leva bien vite, suivit sa femme, et arrivant auprs de l'Ange, il lui dit : Est-ce vous qui avez parl celte femme ?

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C'est moi, rpondit-il. Et Manu reprit : Quand votre prdiction sera accomplie, que voulez-vous que je fasse de l'enfant, et de quoi devra-t-il s'abstenir? Et l'Ange du Seigneur rpondit Manu : Que ta femme s'abstienne de tout ce que je lui ai indiqu; qu'elle ne vive de rien de ce qui provient de la vigne; qu'elle ne boive ni vin ni liqueur enivrante; qu'elle ne mange rien d'impur , et qu'elle accomplisse avec soin tout ce que je lui ai prescrit. Et Manu dit l'Ange du Seigneur : Daignez exaucer ma prire, et permettez que nous vous prparions un chevreau. L'Ange rpondit : Quelles que soient tes instances, je ne mangerai point ta nourriture. Mais si tu veux faire un holocauste, offre-le au Seigneur. Or, Manu ne savoilpas que c'toit l'Ange du Seigneur, et il dit l'Ange : Quel est votre nom, afin que nous puissions vous honorer, lorsque vos paroles seront accomplies ? Et l'Ange rpondit : Pourquoi veux-tu savoir mon nom? il est mystrieux. Manu prit donc le chevreau et les libations, il les posa sur une pierre, et il les offrit Dieu, Auteur de toute merveille. Puis, avec sa femme, il regardoit attentivement. Et aussitt, un feu sortant de l'autel monta vers les cieux, et l'Ange y monta aussi, au milieu de la flamme ; et, cette vue, Manu et sa femme tombrent la face contre terre. El l'Ange du Seigneur disparut leurs regards. Et, au mme instant, Manu reconnut que c'toit l'Ange du Seigneur, et il dit sa femme : Nous allons mourir, car nous avons vu Dieu ! El sa femme lui rpondit : Si le Seigneur vouloit nous faire mourir, il n'auroit pas reu de nos mains l'holocauste et les libations ; il ne nous au-

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roit pas fait voir ces merveilles, et il ne nous auroit point prdit ce qui doit arriver. La femme de Manu enfanta donc un fils qu'elle appela Samson ; l'enfant grandit el le Seigneur le bnil. Et l'esprit divin commena saisir Samson, lorsqu'il etoit dans le camp de la tribu de Dan, entre Saraa el Esthaol. Gomme on le voit, il est de plus en plus tabli, et par des faits merveilleusement mmorables, que le monde anglique est en communication avec le monde terrestre. Si Dieu en a ainsi donn les visibles preuves, dans des occasions solennelles, ce n'est point pour restreindre .ces seules manifestations.le commerce du Ciel avec la terre ; mais bien pour le constater ouvertement, la gloire de la religion, dans l'intrt du salul de son peuple, et en l'honneur des lus de sa providence. Et le livre divin, qui consacre les monuments authentiques de cette intervention des Anges, dans les vnements humains, rclame en mme temps toules les adhsions de la vraie foi. Ds lors, et de mme que le pre et la mre de Samson tombrent la face contre lerre, la vue de l'envoy cleste, de mme aussi tous les curs fidles se prosternent devant.cette rvlation, et leurs hommages successifs doivent aussi se perptuer jusqu' la fin des sicles. Dans la prodigieuse vie de Samson, l'criture prend soin de dvelopper lout la fois et la force cle Dieu, et la foiblesse de l'homme; et, afin de mieux faire comprendre le don lout gratuit de cette force, elle est

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mystrieusement et l'on oseroit presque dire capricieusement attache, comme un fil, aux cheveux de l'hercule biblique. Mais, au contraire, la foiblesse est tout entire l'apanage de l'homme, ds qu'il se trouve destitu du secours divin. Ne nous laissons donc point troubler au rcit des dplorables chutes d'un juge d'Isral ! elles toient comme ncessaires l'tablissement des bases de cette saine doctrine; et, ds lors, nous pouvons, sans crainte, reproduire quelques dtails de la miraculeuse histoire. Samson choisit d'abord pour femme une fille des Philistins. Mais le texte dit clairement que cette union se fit^a7* la volont de Dieu, qui prparoit ainsi un moyen de punir ces peuples. Il faut en conclure que le fils de Manu avoit reu quelque anglique rvlation dans ce but. En allant pour les noces Thamnatha, avec son pre et sa mre, il aperut tout coup un jeune lion qui s'avanoit furieux et rugissant. Mais l'esprit de Dieu, ajoute l'crivain sacr, se saisit de Samson qui aussitt, et sans aucune arme, dchira le lion, comme il auroit dchir un chevreau ; et il n'en dit rien son pre ni sa mre. Puis, il alla voir la femme qui lui avoit plu, il lui parla; et quelques jours aprs, il revint encore pour l'pouser. Et, en chemin, s'tant dtourn pour revoir le corps du lion qu'il avoit tu, il trouva un essaim d'abeilles et un rayon cle miel dans la gueule. Il prit entre ses mains ce rayon de miel, et il en mangeoit en marchant. Et, lorsqu'il eut rejoint son pre et sa mre, il leur en donna une portion qu'ils mangrent aussi. Mais il ne leur dit point non plus

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qu'il avoit trouv ce miel dans la gueule du lion mort. Le pre de Samson arriva donc chez la femme de son fils, et il y donna, suivant l'usage, le festin des noces. Les habitants de la ville placrent auprs de Samson trente jeunes hommes pour l'accompagner, et il leur dit : Je vais vous proposer une nigme, et si vous pouvez l'expliquer, dans l'intervalle des sept jours de ce festin, je vous donnerai trente robes et autant de tuniques. Ils lui rpondirent : Proposez votre nigme, afin que nous la connoissions d'abord. Samson leur dit : La nourriture est provenue de celui qui dvoroil, et la douceur est sortie de la force. Ils ne trouvrent pas l'explication de cette nigme durant les trois premiers jours, et comme le septime alloitbientt arriver, ils dirent la femme de Samson : Faites-en sorte, par vos tendresses, d'obtenir de votre mari le mot de son nigme, sinon, nous vous brlerons, en mettant le feu la maison de votre pre. Aurions-nous donc t convis vos noces pour y perdre nos vtements? Alors, la femme de Samson se mit pleurer auprs de lui, et elle se plaignoit en lui disant: Vous me hassez, au lieu de m'aimer ; et voil pourquoi vous ne voulez pas m'expliquer l'nigme que vous avez propose aux hommes de ma nation. Samson rpondit : Je ne l'ai point explique mon pre et ma mre, comment voulez-vous donc que je vous l'explique? Mais elle pleura encore jusqu'au septime jour du festin; et enfin, ce dernier jour, vaincu par ses inslances, 'il lui dcouvrit le secret de l'nigme; et elle alla aussitt le rvler ses compatriotes. Et ces jeunes hommes, avant le coucher du

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soleil, vinrent dire Samson : Qu'y a-l-il de plus doux que le miel et de plus fort que le lion ? Et Samson leur rpliqua : Si vous n'eussiez labour avec ma gnisse, vous n'auriez jamais trouv le mot de mon nigme. Et aussitt l'esprit de Dieu s'empara de Samson qui, tant all Ascalon, y tua trente Philistins, elles ayant dpouills de leurs vtements, les donna ceux qui avoient apport l'explication de l'nigme. Et, dans son courroux, il retourna la maison de son pre. Alors sa femme pousa l'un des jeunes hommes qui avoient l convis ses noces. Encore plus irrit de cette nouvelle offense que de la premire, Samson s'cria : Dsormais, les Philistins n'auront plus se plaindre de moi, quand je leur rendrai tout le mal qu'ils m'ont fait. Ce qui va suivre ne seroit pas suffisamment expliqu par la force surhumaine de Samson. Il faut donc reconnolre encore en lui, ou prs de lui, une puissance de thaumaturge et la prsence des Anges. Quelle que soit au surplus la cause des prodigieux faits dont le fils de Manu est l'auteur ou l'instrument, ces mmes faits n'en sont pas moins attests dans le livre dont l'inspiration divine a consacr toutes les pages. Lisons : Samson s'tant loign, alla prendre trois cents renards, les lia les uns aux autres par la queue, et y attacha des torches qu'il alluma; puis il les chassa de manire les faire courir de tous cts. Aussitt les renards s'enfuirent travers les champs et les moissons des Philistins, e telle sorte qu'ils y mirent le feu et

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que les bls en gerbe, ou sur pied, furent tous brls; et la flamme atteignant mme les vignes et les plants d'oliviers, les consuma pareillement. Les Philistins demandrent quia fait ce mal? on leur rpondit: C'est Samson, gendre d'un habitant de Thamnatha, pour se venger de ce que son beau-pre lui a tsa femme et l'a donne un autre. Alors les Philistins allrent brler cette femme et son pre. Nanmoins, Samson leur dit : Encore bien que vous ayez fait cette justice, j'ai encore vous chtier, et aprs cela, je resterai en paix. Il les poursuivit donc et en fit un si grand carnage que le reste de leurs troupes, dans sa stupeur, se tenoit les jambes croises. Ensuite, Samson se retira dans la caverne du rocher d'Etam. Mais les Philistins arrivant au pays cle Juda, tablirent leur camp au lieu qui depuis fut appel le lieu de la Mchoire, o leur arme fut mise en droute. La tribu de Juda leur dit : Pourquoi venez-vous ainsi contre nous? Les Philistins rpondirent : Nous venons pour enchaner Samson, afin de lui rendre le mal qu'il nous a fait. Alors trois mille hommes de la tribu cle Juda allrent la caverne du rocher d'Etam et dirent Samson : Est-ce que tu ne sais pas que nous sommes sous le joug des Philistins? pourquoi donc les as-tu provoqus? Il leur rpondit : Je leur ai rendu le mal qu'ils m'ont fait. Nous sommes venus, reprirent-ils, pour t'enchaner et pour te livrer entre les mains des Philistins. Jurez-moi et promettezmoi, leur dit Samson, de ne pas me tuer. Us lui rpondirent : Nous ne le tuerons point; mais aprs t'avoir li, nous te livrerons aux Philistins. Us le lirent donc

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avec deux cordes neuves, et ils le tirrent du fond du rocher d'Etam. Et au moment o il arrivoit au camp de la Mchoire, les Philistins accoururent au-devant de lui avec de joyeux cris. Mais Samson saisi tout coup de l'esprit de Dieu, mit en pices les cordes qui l'attachoient, comme le lin se consume devant le feu; et trouvant l, terre, une mchoire d'ne, il la prit, il en tua mille hommes, et il s'cria : Je les ai vaincus avec une mchoire d'ne, avec la mchoire d'un poulain d'nesse. Et aprs avoir chant ces paroles, il rejeta de sa mainla mchoire, et il nomma ce lieu Ramath-Lechi, c'estr-dire l'exaltation de la Mchoire. Ensuite, il fut tourment d'une soif ardente, et criant au Seigneur, il dit : C'est vous qui avez sauv votre serviteur et qui lui avez donn cette clatante victoire. Et maintenant je meurs de soif, et je tomberai entre les mains des incirconcis. Dieu ouvrit donc l'une des grosses dents de cette mchoire d'ne, et il en sortit une source d'eau, cl Samson en ayant bu, revint de sa dfaillance et reprit ses forces. C'est pourquoi ce lieu est appel : La source sortie de la Mchoire par la prire, et il a gard ce nom jusque aujourd'hui. Et Samson jugea pendant vingt ans le peuple d'Isral. Tous ceux qui oublient la puissance de Dieu sont presque fatigus des tranges merveilles de l'histoire de Samson: disposition funeste qui compromet, dans les esprits foibles, le respect d aux Livres saints, en nourrissant les germes de l'incrdulit. Jamais, sans doute,

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la divine sagesse ne fait de miracles inutiles : mais quoi de plus heureux, pour la foi, que de trouver, clans une seule vie d'homme, cette foule de preuves de la force d'en.haut, communique, comme une image de la grce, l'tonnante foiblesse d'un cur mortel! Ainsi, ce mmorable type s'adresse tous les sicles, et, de plus, il avoil non-seulement son utilit, mais encore sa ncessit, au temps de la tyrannie des Philistins. Il importoit que les peuples infidles apprissent redouter la main toute-puissante dont le thaumaturge isralite toit le visible agent ; il falloit pareillement, et jusqu'au milieu des tribulations, entretenir la fidle esprance des vrais enfants cle Dieu. Gardons-nous donc de discuter le texte de l'criture ! car des vues - aussi providentielles que profondes dissipent jusqu'aux moindres nuages. Heureux ainsi tous ceux qui, altrs comme Samson par de laborieuses luttes, implorent avec foi la source des eaux vives ! Partout elle jaillira, ft-ce mme d'un vil dbris de la mort, partout elle jaillira, cette source miraculeuse, au cri de la sainte prire, et l'instrument du labeur en sera presque toujours aussi le prodigieux canal. C'est avec celle conviction qu'il faut reprendre la suite des faits bibliques. Samson tant entr dans la ville de Gaza, les Philistins s'empressrent, durant son sommeil, de mettre des gardes toutes les issues, et ils l'attendirent en silence toute la nuit, afin de le tuer son passage. Et l'criture ajoute : Samson dormit jusqu' minuit, et, s'tant lev alors, il alla dtacher les deux portes de la

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ville, avec leurs barres et leurs serrures, et il les porta au sommet de la montagne, en face d'Hbron. Ensuite, il s'affectionna aune femme qui demeuroil dans la valle de Sorec, et nomme Dalila. Les princes des Philistins l'ayant appris, allrent trouver cette femme, et lui dirent : Tchez de surprendre Samson, et sachez de lui d'o lui vient une si grande force, et comment nous pourrions le vaincre et le dompter, aprs l'avoir enchan. Si vous russissez, chacun de nous vous donnera onze cents pices d'argent. Dalila dit donc Samson : Confiez-moi, je vous en supplie, le secret de votre si grande force, et apprenez-moi comment il faudroit vous enchaner pour que vous ne puissiez chapper vos liens. Samson lui rpondit : Si on melioit avec sept grosses cordes encore humides, je deviendrois foible comme les autres hommes. Alors les princes des Philistins lui apportrent, comme elle l'avoit indiqu, sept cordes, avec lesquelles elle le lia ; puis, ayant appost prs de la salle des hommes qui attendoient qu'elle et fini, elle s'cria : Samson, voici les Philistins qui fondent sur vous. Mais aussitt il rompit les cordes comme se rompt un fil de lin l'approche du feu, et nul ne put savoir d'o lui venoit sa force. Dalila se plaignit, en lui disant : Vous vous tes jou de moi, et vous m'avez fait un mensonge; maintenant, du moins, dites-moi comment il faudroit vous enchaner. Samson rpondit: Si on melioit avec des cordes toutes neuves, qui n'auroient pas encore servi, je*serais sans force et semblable aux autres hommes. Dalila l'enchana de cette manire, et, aprs avoir fait

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cacher des hommes prs de la salle, elle s'ecria : Samson ! voici les Philistins qui fondent sur vous. Et soudain, il rompit les cordes comme on romproit un fil. Dalila lui dit encore : Jusqu' quand me tromperez-yous et me ferez-vous des mensonges? Dites-moi donc enfin avec quoi il faudrait vous lier. Samson lui rpondit : Si vous prenez sept cheveux de ma tte, si vous en faites une tresse avec du fil de toile, et si, aprs l'avoir attache un clou, vous enfoncez ce clou en terre, je serai sans force. Dalila ayant mis en uvre ce* moyen, elle s'cria : Samson ! voici les Philistins qui fondent sur vous. Mais aussitt Samson, s'veillant, arracha le clou avec la tresse de ses cheveux mls au fil. Alors Dalila lui dit : Comment prtendez-vous m'aimer, puisque votre cur n'est point avec moi? Dj vous m'avez menti trois fois, et vous ne voulez pas me dire d'o vous vient une si grande force. Et comme elle le fatiguoitde ses instances, sans le quitter durant plusieurs jours, et sans lui laisser aucun repos, il perdit courage et tomba dans une mortelle dfaillance; enfin, il lui dcouvrit la vrit, et il lui dit: Le rasoir n'a jamais pass sur ma tte, car je suis Nazaren, c'est--dire consacr Dieu ds le sein de ma mre. Si l'on me coupe les cheveux, toute ma force m'abandonnera' et je ressemblerai aux autres hommes. Dalila, voyant bien qu'il lui avoit rvl tout ce qu'il avoit dans le cur, envoya un message aux princes des Philistins pour leur dire : Venez encore cette fois, parce qu'il m'a ouvert son me. Ils arrivrent donc, en apportant avjec eux l'argent qu'ils lui avoient promis. Ensuite, Dalila

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endormit Samson sur ses genoux, la tte appuye sur son paule, et elle fil venir un homme qui lui-coupales sept tresses de ses cheveux, aprs quoi elle commena le repousser et le chasser loin d'elle, car, au mme moment, il perdit sa force, et elle lui dit : Samson ! voici les Philistins qui fondent sur vous. En s'veillant, il pensa en lui-mme : Je vais m'chapper encore comme auparavant, et je me dgagerai de leurs mains; car il ignoroit que le Seigneur s'toit loign de lui. Les Philistins l'ayant donc saisi, lui crevrent les yeux, puis ils le menrent Gaza charg de chanes, et ils le jetrent dans une prison o ils l'employrent tourner la meule d'un moulin. Dj ses cheveux commenoient revenir, lorsque les princes des Philistins s'assemblrent solennellement pour immoler de nombreuses victimes leur dieu Dagon et pour faire un festin de joie, en disant : Notre dieu a livr entre nos mains Samson, notre ennemi. Et ce spectacle,, la multitude publioitde mme les louanges de son dieu, et disoit aussi : Notre dieu a livr entre nos mains Samson, notre ennemi, qui a ruin notre pays et qui a tu un grand nombre de Philistins. Ils mangrent ensuite au milieu cle leurs rjouissances ; et, aprs le banquet, ils exigrent que l'on ft venir Samson pour tre leur jouet ; et aussitt qu'il fut venu, il leur servit en effet d'amusement, et ils le firent placer debout entre deux colonnes. Alors Samson dit l'enfant qui le conduisoit : Laisse-moi toucher les colonnes qui soutiennent le temple, afin que je m'appuie dessus et que je prenne un peu*de repos.
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Cette vaste enceinte loit remplie d'hommes et de femmes ; tous les princes des Philistins s'y trouvoieut, et il y avoit trois mille personnes des deux sexes qui, d'en haut, s'amusoient regarder Samson. Mais Samson, invoquant le Seigneur, lui dit : O Seigneur mon Dieu! souvenez-vous de moi. Mon Dieu! rendez-moi maintenant ma premire force, afin que d'un seul coup je me venge de mes ennemis et de la perle de mes yeux. Puis, prenant les deux colonnes sur lesquelles reposoit l'difice, l'une de la main droite et l'autre de la main gauche, il s'cria : Que je meure avec les Philistins ! Et aussitt, ayant secou fortement les colonnes, il fil tomber le temple sur tous les princes et sur tout le reste du peuple, et il en tua ainsi beaucoup plus en mourant qu'il n'en avoit tu pendant sa vie. Ses frres et ses parents vinrent enlever son corps et le dposrent dans le tombeau de Manu, son pre, entre Saraa et Estahol. Il avoit t juge d'Isral durant vingt annes. Plus encore que les premires scnes de ce drame , les dernires droulent d'clatantes leons. On y voit d'abord dcouvert deux des principales plaies du cur humain : l'amour sensuel, avec Samson, qui s'y abandonne entirement; et la passion du vil intrt, avec Dalila, qui le trahit et reoit le salaire de sa perfidie. Rien n'gale l'abaissement du fils de Manu entre les mains de cette femme : il est son esclave, et les trahisons ritres dont elle ne prend pas mme soin de cacher l'intention, ne suffisent point pour le rvolter contre une si dgradante servitude. Il est donc livr par sa propre faute aux mains de ses ennemis, et

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le supplice qu'ils lui firent subir, en lui crevant les yeux, n'est qu'une foible image de l'aveuglement de son me. L'histoire du pch, et par consquent l'humanit presque tout entire, est ainsi rsume grands traits. Mais, tandis que la honteuse idoltrie de l'or ne laisse entrevoir aucune espce de regret de la part d'une femme ingrate et perfide, lafoiblesse de la chair, toute criminelle qu'elle est aussi, semble plus facilement gurie et pardonne l'homme pcheur. Les bonnes inspirations reviennent aux curs les plus dbiles, comme les cheveux la tte rase de Samson ; l'il de la chair ne voit plus ce qui passe; mais l'il de l'intelligence s'attache ce qui est ternel ; et la vertu, force miraculeuse, redevient pareillement la rcompense du repentir sincre. Alors, le fidle converti, attaquant en soi-mme l'orgueil et la concupiscence, ces deux vaines colonnes du bonheur frivole, les secoue, les renverse, brise son propre corps sous leurs ruines, et ne veut plus vivre que del vie divine. Tel Samson, inspir et secouru de Dieu pour le chtiment des ennemis d'Isral, s'est lanc du sein del captivit et de l'humiliation jusqu'au sein de la gloire. Le plus grand nombre des pieux et doctes interprtes, dgageantles uvres de Samson de tout ce qui est entach d'humaine foiblesse, pour n'y voir que ce qui vient d'en haut, trouvent en lui la figure prophtique du Sauveur du monde, assez voile pour n'tre pas reconnue tout d'abord, et pourtant assez lumineuse pour tre clairement comprise. Et ce rapport figuratif leur sert expliquer aussi la
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prdiction d Jacob relative la tribu de Dan laquelle Samson appartenoit : Dan jugera son peuple et les autres tribus d'Isral. Que Dan ressemble au serpent sur l chemin et au craste dans le sentier, mordant le pied du cheval, afin que le cavalier tombe la renverse. 0 mon Dieu! j'attends de vous le salut. Cette exclamation, par elle seule, annonce la relation prophtique dont on dveloppe ensuite de nombreux signalements ; en voici quelques-uns: Un Ange annonce la naissance de Samson. Un Ange annonce l'incarnation du Sauveur. Samson est Nazaren, c'estr-dire consacr Dieu, Le Christ, entant qu'il est homme, est non-seulement consacr, mais uni Dieu; c'est l'Homme-Dieu, Dieu et Homme tout ensemble. Samson est la fois Librateur et Juge d'Isral. Le Christ est en mme temps Rdempteur et Roi, Juge et Vengeur. Le rayon de miel se formant dans la gueule cadavreuse du lion, c'est la doctrine sainte se produisant dans l'ombre de la mort, o tant de peuples toient assis; c'est encore la rsurrection du Christ clu fond de son glorieux spulcre. Samson choisit une femme trangre. De mme, l'glise, mystrieuse pouse du Fils de Dieu, est rassemble du sein de toutes les nations de l'univers, sans distinction de juifs et de gentils. Le vil ossement avec lequel Samson combat et crase les Philistins, c'est l'ignominieuse croix qui devient le

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miraculeux glaive, et le trophe de la victoire du Christ sur les dmons et sur le monde. Comme Samson dtache et enlve les portes de Gaza, ainsi le Christ brise les portes de l'enfer. Mais c'est surtout dans les opprobres et dans la mort de Samson que Ton reconnot les traits emblmatiques du Messie. Samson est trahi et vendu par Dalila. Jsus est trahi et vendu par Judas. Les Philistins se jouent de Samson, aprs lui avoir crev les yeux. Les bourreaux du Christ lui bandent les yeux et tournent en drision sa personne sacre. Samson renverse le temple de Dagon, en s'immolant lui-mme pour le salut d'Isral, et il entre dans l'ternit. Le Christ, par sa- mort, dtruit et les idoles, et l'idoltrie, et le temple de la synagogue; puis il donne une autre vie la foi de tous les peuples, et il renouvelle ainsi la face de la terre. Ces prophtiques rapprochements, nous imposent donc, de plus en plus, le devoir, de sparer avec soin, dans les actes de Samson, l'homme charnel et l'homme inspir. Si, trop souvent, l'Ange de ce.Juge d'Isral eul gmir de la foiblesse d'un cur de chair, du moins il l'assista toujours dans ses glorieux triomphes et, enfin, dans son admirable rveil du sein de la servitude et de l'opprobre.

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Le lvite d'Ephraim.

Deux pisodes terminent le Livre des Juges; mais ils remontent une poque bien antrieure au gouvernement de Samson : l'un est relatif l'idole de Michas, et l'autre concerne l'histoire lamentable du lvite d'Ephram. Il rsulte du premier que l'idoltrie se rpandoit jusqu'au milieu des tribus d'Isral. On y voit,, dans un superstitieux mlange, la profanation du caractre lvitique, en la personne de Jonathan, etdes ornements sacerdotaux dans le culte des faux dieux. Il ne faut donc pas s'tonner des sanglantes catastrophes qui attristent ces pages de la Bible, et qui sont la suite d'abominables prostitutions. Ces faits doivent tre rappels, au point de vue des justices exerces par l'Ange exterminateur. Puis, la corruption des esclaves de Blial, dont les honteux excs ont amen les tragiques vnements de Gabaa, tant aussi la consquence manifeste de l'idoltrie, et cet horrible drame ayant ncessit les questions adresses l'oracle divin et les rponses du Seigneur par la voix de ses Anges, l'pisode du lvite d'Ephraim doit trouver ici sa place, sinon avec ses longs et effrayants dtails, du moins, quant aux circonstances principales et aux enseignements dont il est la source. Un lvite de la montagne d'Ephraim, revenant de Bethlem de Juda, avec sa femme, alloit Silo, o toil alors la maison de Dieu ; et il s'arrta pour passer la

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nuit Gabaa, ville des Benjamites. Mais aucun habitant ne lui donnoil l'hospitalit, lorsqu'un vieillard, arrivant des champs et qui rsidoit comme tranger dans cette mme ville, pria le lvite et sa femme d'en-* Irer chez lui et d'y prendre la nourriture et le repos. Mais, pendant qu'ils toienl table, il vint des hommes vous Blial, qui demandrent au vieillard de livrer son hte l'infme dessein qu'ils osoient exprimer. Tout en rsistant celte violence, le lvite, dans son lrouble, leur abandonna sa femme qu'ils outragrent durant toute la nuit. A l'aube du jour, elle revint, en se tranant avec peine jusqu' l'entre de la maison, et elle y tomba morte, les bras tendus sur le seuil. Le lvite, sortant pour la chercher, crut d'abord qu'elle toit endormie, et il lui dit : . Levez-vous et partons. Mais comme elle ne rpondoit rien, il vit qu'elle loil morte; il la prit, fa mit sur son ne, et s'en retourna la montagne d'Ephram. Et quand il fut arriv chez lui, il prit un couteau, il divisa le corps de sa femme, avec les os, en douze parts, et les envoya chacune des tribus d'Isral. A cette vue, dit l'criture, les Isralites s'crirent d'une voix unanime : Jamais rien de semblable n'est arriv dans Isral, depuis le jour que nos pres sortirent de l'Egypte jusque aujourd'hui. Prononcez donc sur ce crime; et, tous ensemble, ordonnez ce qu'il faut faire. Alors, tous les enfants d'Isral se levrent et s'assemblrent comme un seul homme, depuis Dan jusqu' Bersabe, devant le Seigneur Maspha. Le lvite renouvela sa plainte; puis ils envoyrent

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LUS ANGES

un message' la tribu de Benjamin, en lui disant : Pourquoi un crime si abominable a-t-il t commis au milieu de vous? Livrez-nous les hommes de Gabaa, qui en sont coupables, afin que par leur mort le mal soit expi dans Isral. Les Benjamites ne voulurent point se rendre cette proposition des enfants d'Isral leurs frres; mais sortant de toutes les villes de leurs tribus, ils se runirent Gabaa pour secourir les habitants et pour combattre contre tout le peuple d'Isral. 11 se trouva dans la tribu de Benjamin vingt-cinq mille hommes portant les armes, outre sept cents hommes de Gabaa, combattant galement et de la main droite et de la main gauche, et d'une telle adresse lancer les pierres avec la fronde, qu'ils auroient pu frapper un cheveu, sans que le coup se dtournt de part ou d'autre. Les Isralites, sans compter ceux de Benjamin, avoient quatre cent mille hommes de guerre tous prts combattre. Ils se mirent donc en campagne et arrivrent Silo, devant la maison de Dieu, et, consultant le Seigneur, ils lui demandrent : Qui nous conduira au combat contre les enfants de Benjamin? Et l'Ange du Seigneur rpondit : Que Juda vous conduise. Ds l'aube du jour, les enfants d'Isral partirent l vinrent camper prs de Gabaa, l s'avananl contre les Benjamites, ils commencrent le sige de la ville. Mais les enfants de Benjamin, sortant de Gabaa, taillrent en pices ce jour-l vingt-deux mille des Isralites qui, se confiant dans leur propre force et dans leur grand nombre, se runirent de nouveau en bataille

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dans le lieu mme o ils venoient de combattre. Et pourtant ils toient alls pleurer devant le Seigneur jusqu' la nuit, et ils l'avoient consult en disant : Devons-nous attaquer encore nos frres, enfants de Benjamin, ou nous arrter l?. Et l'Ange du Seigneur rpondit : Marchez contre eux et allez les combattre. Le lendemain donc, le peuple d'Isral s'avananl en bataille contre les Benjamites, ceux-ci sortirent avec imptuosit de Gabaa, tombrent sur eux et .en firent un si grand carnage qu'ils turent sur la place dix-huit mille hommes de guerre. Ensuite tous les enfants d'Isral vinrent la maison de Dieu, et s'tant assis, ils pleuroient devant le Seigneur ; et ils lui offrirent ce jour-l, en jenant jusqu'au soir, des holocaustes et des hosties pacifiques, et ils le consultrent sur leur sort prsent. Alors, l'Arche de l'alliance du Seigneur reposoit en ce lieu. Et Phins, fils d'lazar, fils d'Aaron, prsidoit la maison du Seigneur. Les enfants d'Isral consultrent donc le Seigneur, en lui disant : Devons-nous continuer de combattre nos frres, enfants de Benjamin, ou rester en paix? L'Ange du Seigneur leur r pondit : Marchez contre eux, car demain je vous les livrerai. Cette parole fut en effet accomplie le jour suivant; et l'criture, aprs une relation circonstancie, rsume le tout en ces termes : Les enfants de Benjamin furent' accabls dans le combat et ils ne s'aperurent point qu'une mort imminente les environnoit de toutes parts. Le livre sacr ajoute textuellement : Ainsi le Sei-

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LES ANGES

gneur les frappa sous les yeux des enfants d'Isral, qui turent ce jour-l vingt-cinq mille et cent hommes de guerre. Il est dit plus loin que tous ceux de cette tribu qui purent s'chapper se trouvrent rduits six cents hommes, et s'enfuirent au rocher de Remmon o ils demeurrent durant quatre mois. Aprs le combat, les enfants d'Isral passrent au fil de l'pe les habitants et les animaux rests dans Gabaa ; puis toutes les cits et toutes les bourgades de Benjamin devinrent la proie des flammes. Est-iJ besoin de dire maintenant quelle justice poursuit le crime ds ce monde? Voyez toutes ces immolations, tous ces fleuves de sang, la suite des horreurs d'une seule nuit et du malheur d'une seule victime! mais l'infamie de Gabaa toit publique, et toute la tribu de Benjamin s'y toit comme associe, en refusant de livrer et de punir ls coupables. Alors mme que la vengeance divine n'clate point tout d'abord, elle n'en a pas moins son jour et son heure. Les turpitudes ensevelies dans le secret des tnbres ont aussi, tt ou lard, leur mystrieux chtiment. La conscience des pcheurs pourvoit facilement en indiquer les tonnantes pripties; et l'adage populaire s'applique partout, comme un oracle assez sr, pour ne pas craindre d'en rappeler ici l'expression toule simple : on est puni par o Von a pche. Cette providentielle justice, soit clatante, soit secrte, porte avec elle le tmoignage de la divine sagesse; mais, parfois, l'excution de ses vues semble ajourne, et lesmeilleu-

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res causes n'obtiennent pas toujours le succs qu'elles ont le droit d'esprer. Ainsi, dans ce mmorable exemple de la guerre d'Isral contre Benjamin, la punition de la criminelle cit s'est fait attendre. Les auteurs du crime et leurs adhrents ont d'abord deux fois triomph. Et pourquoi? L'historien sacr l'explique en disant que les Isralites se confoient dans leur propre force et dans leur grand nombre; et il est vident aussi, par le silence mme du texte, que nulle prire tfavoit implor sur eux la protection du Seigneur. Ils s'toient borns tous le consulter sur leurs projets de combats, sans mme invoquer son nom; et la rponse de l'Ange toil ds lors une rponse terrible, car elle s'appliquoit, comme la demande, une force purement humaina: Allez combattre ! c'est--dire comme vous le voulez et comme vous l'entendez. Mais, instruits par un double dsastre, les enfants d'Isral comprennent leur faute, ils la pleurent; ils jenent; ils offrent des holocaustes et des victimes; et enfin, consultant le Seigneur dans ces gmissements de prire, ils reoivent aussitt, avec les paroles de l'Ange, le gage d'une victoire assure. Quel imposant souvenir pour tous les peuples guerriers qui, dans les batailles, auront toujours compter avec le Dieu des armes! En vain leurs cohortes sont innombrables, en vain leurs armes ressemblent aux clairs de la foudre : toute leur gloire tombera au moindre souffle de l'Ange exterminateur, et le Ciel aura toujours raison et des misrables victimes, et des vainqueurs souvent plus misrables encore, tous, en dernier ressort, justiciables de l'ternit, lorsqu'ils n'ont point

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LES ANGES DU LIVRE DES JUGES.

expi en ce monde l'injustice de leur cause, ou le crime de leur triomphe. Au surplus, la tragdie de Gabaane montre point le lvite d'phram comme entirement irrprochable. Il s'toit sans doute soustrait lui-mme l'abomination ; mais ce n'toil point assez, et rien ne le justifie d'avoir, lui-mme aussi, livr sa femme des outrages pires que le dernier supplice. La mort toit prfrable, et pour lui et pour sa malheureuse compagne, cette ignominie. Les vrais martyrs del sainte pudeur apparatront nombreux sous la loi de grce ; mais l'inspiration divine n'a jamais manqu, en aucun temps, aux fidles enfants du Seigneur. La tribu de Benjamin, comme on vient de le voir, prit presque tout entire, dans la catastrophe de Gabaa; et elle toit menace d'une extinction complte, car tous les Isralites arms contre elle avoient jur de ne donner aucune de leurs filles en mariage aux Benjamites qui avoient chapp leur glaive. Mais les habitants de Jalis-Galaad tant les seuls qui ne se fussent pas runis l'arme d'Isral, et qui n'eussent pas fait ce serment, furent extermins comme coupables d'avoir abandonn la cause commune ; et leurs filles devinrent les femmes des derniers enfants de Benjamin, pour ressusciter leur tribu, dont la ruine affiigeoil les vainqueurs eux-mmes.

.ES ANGES
DU LIVRE DE MITII,


Tout ce que nous apprenons textuellement de la Bible sur les Anges protecteurs, nous permet de considrer ces messagers clestes comme inspirant toujours la vie de tous les mortels que l'Esprit-Saint a jugs dignes d'tre offerts en exemple au monde. Il est donc juste de rendre gloire tous les Anges du Livre de Ruth, & l'Ange del fidle Nomi, al'Ange du saint patriarche Booz, et surtout l'Ange de Ruth la Moabite, la jeune trangre qui, par sa vertu, sa pit filiale et sa droiture, a mrit d'abord d'tre appele la connoissance et au service du vrai Dieu, puis de miraculeuses rcompenses et mme jusqu' l'honneur d'entrer dans la gnalogie du divin Rdempteur, et enfin d'tre compte au nombre des saintes femmes de l'Ancien Testament, heureux prsage de la couronne ternelle! On peut lire tout entire l'histoire de Ruth dans le livre sacr, et il faut par consquent se borner en offrir ici l'extrait. Durant une longue famine qui dsola le peuple d's-

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ral, au temps des Juges, Elimlech, habitant de Bethlem, s'en alla au pays de Moab, avec Nomi sa femme et les deux fils qu'il avoit eus d'elle, Mahalon et Chlion. Elimlech mourut dans cette terre d'exil, y laissant sa veuve et ses enfants. Mahalon et Chlion pousrent des Moabites, Rutli et Orpha. Ils moururent aussi tous deux encore jeunes et sans postrit. Alors Nomi rsolut de retourner Bethlem. Ruth et Orpha voulurent la suivre ; elle leur conseilla de rester dans leurs familles et de se remarier. Orpha reut ses adieux en pleurant et la quitta; mais Ruth, s'attachant aux pas de Nomi, lui dit : En quelque lieu que vous alliez, j'irai avec vous, et je veux rester avec vous partout o vous demeurerez. Votre peuple sera mon peuple et VOTRE DIEU SERA MON DIEU, la terre o vous mourrez me verra mourir, et votre tombeau sera mon tombeau. Que Dieu me traite dans toute sa rigueur, si rien que la mort seule peut jamais me sparer de vous. Elles arrivrent donc toutes deux ensemble Bethlem. L vivoit, au milieu de grandes et riches possessions, un patriarche, Booz, parent d'Elimlech. Ruth alla glaner dans son champ. Il lui parla avec bienveillance de la tendresse filiale dont elle avoit fait preuve envers sa belle-mre, et il ordonna aux moissonneurs de laisser tomber des pis pour la glaneuse trangre. Ce bienfait inspira Nomi la pense d'invoquer, en faveur de Ruth, la disposition de la loi mosaque, tablie dans l'intrt des veuves et dans le but de faire revivre la famille et la mmoire de leurs poux. Le saint vieillard promit donc d'pouser Ruth, mais en excutant d'abord

DU LIVRE DE RUTH.

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les prescriptions lgales qui appeloienl un parent plus proche l'acquisition du champ hrditaire du dfunt et la main de sa veuve. Mais ce parent lui ayant cd son droit devant les anciens d'Isral et devant le peuple assembl aux portes de Bethlem, en lui abandonnant aussi l'une de ses chaussures, suivant l'usage, Booz devint l'poux de Ruth. Il eut d'elle un fils, Obed, qui fut l'aeul d'Isa(Jess), pre de David. Tout est chaste dans cette glogue biblique. Jamais le souffle impur ne sauroit l'atteindre. On y apprend que nul mortel n'est tranger aux yeux du Seigneur, et qu'il est le Dieu de toutes les mes qui s'ouvrent sa lumire et qui se donnent lui; tandis que l'enfant d'Isral qui n'a pas le cur isralite, devient au contraire plus coupable que l'homme n dans l'idoltrie. Partout la justice divine se trouve donc en harmonie avec la misricorde. Ici, les inspirations clestes se rvlent de toutes parts. Ruth est inspire de son Ange, clans la rsolution qu'elle prend de suivre Nomi, et surtout de servir le Dieu de sa mre adoptive. Ainsi, la lumire se rpand avec une telle abondance, avec un tel clat dans les paroles et sur les uvres des fidles, que l'tranger luimme est attir la bonne odeur de leurs vertus Nomi est inspire de son Ange, lorsque, dans ses conseils, elle prpare entre Ruth et Booz celte union bnie de laquelle doit sortir un jour LE DSIR DES NATIONS.

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LES ANGES DU LIVRE DE RUTH.

Booz est inspir de son Ange quand il dit la sainte glaneuse : On m'a racont tout ce que vous avez fait pour votre belle-mre, la mort de votre poux. Et, puisque vous avez quitt et parents et patrie, et que vous tes venue au milieu d'un peuple inconnu de vous, daigne le Seigneur vous traiter selon vos uvres ! et puissiez-vous recevoir une pleine rcompense du Dieu d'sral vers lequel vous tes venue, en vous rfugiant sous son aile ! On peut mme dire que ces paroles du Patriarche sont prophtiques; et ds lors, c'est encore la voix des Anges que nous entendons, comme dans tous les oracles divins.

LES A N G E S
DU LIVRE DES ROIS ET DES P A R A L 1 P 0 M K N E S .
,

I
Samuel.

Des rvlations nombreuses vont encore clairer l'histoire du monde anglique dans ses rapports avec le monde terrestre. D'abord un enfant d'Isral> fils d'une mre jusqu'alors strile et humilie, va tre consacr au Seigneur, et le Seigneur lui parlera souvent par la voix des Anges ; ainsi, ds l'ge le plus tendre, jusqu'la fin de sa vie, il aura des visions clestes, pour le salut de son peuple, et pour la leon des princes auxquels il donnera lui-mme, par l'ordre de Dieu, l'onction sacre. La naissance d'un tel Saint de voit donc s'annoncer par des signes mmorables. C'est seulement au Livre des Rois que commence le rcit de tout ce qui concerne Samuel ; et cependant, sa vie sembloit appartenir principalement au Livre des Juges, car il a gouvern lui-mme ce titre, et durant un grand nombre d'annes, le peuple isralile.
II.

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LES ANGES

Mais nous respectons l'ordre biblique, dont le motif est du reste facile saisir, puisque Samuel a consacr les deux premiers rois d'Isral. Il y avoit dans la montagne d'phram un habitant dRamatham-Sophimqui s'appeloitElcana, il toitfils de Jroham, fils d'liu, fils de Thohu, fils de Suph. Il avoit deux femmes, Anne et Phnenna. Phnenna avoit des enfants, Anne n'en avoit point. Dans les jours solennels, cet homme alloit de sa ville jusqu' Silo, pour y adorer le Seigneur Dieu des armes et lui offrir des sacrifices. L se trouvoient alors les fils d'Hli, Ophni et Phins, prtres du Seigneur. Un jour clone, Elcana ayant fait son offrande, on distribua des parts Phnenna sa femme, et chacun des fils et des filles qu'il avoit eus d'elle. Il n'en donna qu'une seule Anne, et il en toit afflig parce qu'il l'aimoit; mais Dieu l'avoit rendue strile. Sa rivale la contristoit aussi et la tourmentoit excessivement, jusqu' lui faire un reproche de sa strilit ; et elle renouveloit cette offense et cette provocation chaque anne, l'poque o l'on montoit au temple du Seigneur. Et alors Anne se mettoit pleurer et ne mangeoitpas. Elcana lui dit donc : Anne, pourquoi pleurez-vous? Pourquoi ne mangez-vous point? Et pourquoi votre cur se livre-t-il la tristesse? Ne suis-je pas plus pour vous que ne vous seroient dix enfants ? Et aprs qu'Anne eut mang et bu, Silo, elle se leva. Et au mme moment, le grand prtre Hli toit assis sur son sige, devant la porte du temple du Seigneur. Anne, qui avoit l'me pleine d'amertume > alla prier Dieu, en rpandant beaucoup de larmes ; et

DU LIVRE DES ROIS.

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elle fit un vu en ces lermes : Dieu des armes, si vous regardez en piti l'affliction de votre servante, si vous daignez vous souvenir de moi, si vous n'oubliez point votre esclave et si vous lui donnez un fils, je vous le consacrerai pour toute sa vie, et le rasoir ne passera point sur sa tte. Et comme Anne restoit ainsi longtemps en prire devant le Seigneur, Hli observoit les mouvements de sa bouche ; car elle parloit dans son cur et l'on voyoit seulement remuer ses lvres, sans entendre aucune parole. Hli crut donc qu'elle toit ivre , et il lui dit : Jusqu' quand serez-vous en tat d'ivresse? Laissez passer les fumes du vin qui vous agitent. Anne lui rpondit : Pardonnez-moi, mon seigneur, je suis une femme navre de douleur. Je n'ai bu ni vin ni rien de ce qui peut enivrer, mais j'ai rpandu mon me devant Dieu. Ne croyez pas que votre servante soit comme l'une des filles de Blial. L'excs de mon affliction a seul inspir mes paroles jusqu' ce moment. Alors Hli reprit : Allez en paix et que le Dieu d'Isral exauce la prire que vous lui avez faite. Et Anne rpondit encore : Plaise au Seigneur que votre servante trouve grce devant vos yeux ! Elle retourna ensuite auprs de son mari, prit quelque nourriture et ne garda plus comme auparavant un visage afflig. ... Peu de temps aprs, elle conut et mit au monde un fils qu'elle appela Samuel, parce qu'elle l'avoit demand Dieu(l). Elcana, son mari, alla ensuite avec
(1) Samuel signifie implor de Dieu, c'est-- lire enfant de la prire. 9.

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toute sa maison offrir au Seigneur le sacrifice ordinaire et remplir son vu. Mais Anne s'abstint d'y aller, et elle dit son poux : Je n'irai point, jusqu' ce que l'enfant soit sevr, afin de le conduire et de le prsenter au Seigneur et qu'il reste toujours en sa prsence. Elcanalui dit : Suivez vos intentions, et demeurez chez vous jusqu' ce que l'enfant soit sevr. Je prie Dieu qu'il daigne accomplir sa parole. Anne resta donc chez elle et elle allaita son fils jusqu' la fin; et, aprs le sevrage, elle prit trois veaux, trois mesures de farine et une amphore devin, et elle mena son fils Silo, dans la maison de Dieu. Or, l'enfant ne parloit pas encore. Us le prsentrent Hli, aprs l'immolation d'une victime, et Anne lui dit : Seigneur, comme il est vrai que vous vivez, c'est moi qui suis cette femme que vous avez vue ici faire sa prire Dieu. Je le suppliois de me donner cet enfant, et il a exauc mon vu : c'est pourquoi je le lui consacre afin qu'il lui appartienne durant toute sa vie. Ils adorrent donc le Seigneur en ce lieu ; et Anne pronona ces paroles :
Dans le Seigneur mou cur se rjouit; Je reois de ses mains ma gloire et ma couronne. Et tandis que l'orgueil au silence est rduit, Des grces du salut sa bont m'environne. Nul n'est parfait comme le Dieu des dieux... 11 n'est point d'autre Dieu que toi, Dieu de puissance! Cessez donc, vains mortels, d'taler h nos yeux D'un langage hautain la pompeuse abondance.

DU LIVRE DES ROIS. Il voit les curs, de loin comme de prs; Dieu de toute science, il connot les penses, Il les suit jusqu'au fond de leurs replis secrets; Ds leur germe, il les scrute, peine commences.

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L'clair vengeur a bris Tare des forts ; Et Yoici la puissance au bras le plus dbile, Au riche la misre, au pauvre les trsors, Et les enfants nombreux la femme strile.

Et le sein lier de sa fcondit A la voix du Trs-Haut retourne h la poussire. L'un reste enseveli, l'autre est ressuscit : L; tnbres et mort; ici, vie et lumire ! Reconnoissez l'empire du Seigneur ! Il exalte aujourd'hui; demain il humilie ; Il donne aux indigents et la gloire cl l'honneur; A la splendeur des rois sa grce les allie.

A ce grand Dieu l'univers appartient; A lui seul tous les cieux, de leur base leur cime; II garde ses lus et son bras les soutient : Mais il brise l'impie, il le. jette h l'abme. La force meurt aux pieds de l'ternel, Et tous ses ennemis tombent sous son tonnerre! Des nations il est le juge universel, Et son Christ est le roi du ciel et de la terre.

Cependant Samuel enfant, vtu d'un phod de lin, servoit l'autel du Seigneur; et sa mre lui apportoit

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une petite tunique aux jours solennels, lorsqu'elle venoit prsenter avec son poux l'offrande du sacrifice ordinaire. Hli bnit alors Elcana et sa femme, et il dit Elcana : Que le Seigneur vous donne de cette femme d'autres enfants, . la place de celui que vous avez vou son service. Et ensuite ils s'en retournrent chez eux. Anne fut donc visite de Dieu, et elle conut et enfanta trois fils et deux filles. Et le jeune enfant Samuel croissoit devant le Seigneur. Pour l'explication de toutes les divines paroles que les Anges transmettront bientt l'enfant du sanctuaire, il importe de connotre sinon en dtail, du moins sommairement, le dplorable pisode des deux fils d'Hli. Ils abusoient indignement de leur ministre dans la maison de Dieu. Ils dtournoient une partie des offrandes de leur sainte destination, et ils se livroient l, avec des femmes, d'abominables dsordres. Au lieu cle les punir et de les chasser loin de l'autel, leur pre se bornoit de simples avertissements, et il devenoit ainsi responsable de cette profanation. Alors, dit l'criture, un homme de Dieu vint trouver Hli et lui parla en ces termes : Voici ce que dit le Seigneur : Ne me suis-je pas ouvertement manifest la maison de ton pre, quand le peuple, en Egypte, toit esclave de Pharaon? Entre toutes les tribus d'Isral, je l'ai choisi pour mon Prtre, pour monter mon autel, pour m'offrir des parfums et porter l'phod en ma prsence. Et j'ai donn une part la maison de ton pre dans tous les sacrifices dTsral. Comment as-tu foul aux pieds mes victimes et les offrandes que j'ai prs-

DU LIVRE DES ROIS.

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criles dans mon temple? et comment as-tu rendu plus d'honneur tes fils qu' moi-mme, pour manger avec eux les prmices de toutes les immolations de mon peuple? C'est pourquoi voici ce que dit le Seigneur le Dieu d'Isral : J'avois dclar que ta maison et la maison de ton pre seroient pour jamais mon service en ma prsence ; mais, maintenant, loin de moi cette pense, dit le Seigneur, car je glorifierai quiconque m'aura rendu gloire ; et ceux qui me mprisent tomberont dans le mpris. Voil que le jour arrive o je briserai ton bras et le bras de la maison de ton pre, en sorte que dans ta famille nul n'atteindra la vieillesse. Et tu verras dans le temple un ministre ta place, au milieu des prosprits d'Isral ; et, dsormais, il n'y aura plus un seul vieillard dans ta maison. Toutefois, je n'loignerai pas entirement de mon autel tous les hommes de ta race; mais tes yeux s'teindront et ton me sera dessche, et la plupart des membres de ta famille seront frapps de mort en arrivant l'ge mr. Et tu en auras le premier signe dans le sort de tes fils Ophni et Phhs qui mourront tous deux le mme jour; et je me susciterai un prtre fidle qui sera selon mon cur et selon mon me ; et je lui prparerai une demeure stable, et il marchera toujours dans la droiture devant mon Christ. Alors quiconque sera rest de ta maison, demandera que l'on prie pour lui; et il offrira une pice de monnoie et un morceau de pain (comme les pauvres), en disant : Donnez-moi par piti la moindre portion sacerdotale, afin que j'y trouve ma nourriture. Terrible leon pour les pres ! Si l'indulgence leur

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est permise eu ce qui les touche eux-mmes dans les fautes de leurs enfants, elle n'est, plus possible quand il s'agit de la profanation des choses saintes et du mpris des plus inviolables lois. La prophtique menace de l'homme de Dieu aura bientt son accomplissement; mais la dignit sacerdotale ne reparatra que plus tard, avec le grand prtre Sadoc. Et nanmoins, ds prsent, la consolante mission du jeune Samuel va faire parler les Anges dans la maison de Dieu, et leur voix cleste retentira jusqu'au milieu du peuple d'Isral. Or, reprend le texte saint, Samuel, enfant, servoil le Seigneur auprs d'Hli; et, alors, la parole du Seigneur loit aussi rare que prcieuse. Les yeux d'Hli s'toient comme teints, et il ne voyoit plus. Un jour qu'il reposoit sur sa couche, tandis que Samuel dorrnoit prs du Sanctuaire ; et avant l'heure o la lampe del'autel commence s'teindre, il arriva que l'Ange de Dieu appela Samuel. Samuel rpondit: Me voici. Et courant aussitt versHli, il dit encore : Me voici, car vous m'avez appel. Non, je ne t'ai point appel, dit Hli; retourne et dors. Et Samuel s'en retourna et se rendormit. Et Dieu appela une seconde fois Samuel; et Samuel, se levant, alla redire Hli : Me voici, car vous m'avez appel. Hli rpondit': Non, mon enfant, je ne t'ai point appel; retourne et dors. Or, Samuel ne connoissoit point encore le Seigneur, et, jusque-l, sa parole ne lui avoit pas t rvle. Et une troisime fois Dieu appela Samuel, qui s'empressa d'aller vers Hli, en lui disant : Me voici, car vous m'avez appel.

DU UVRJi DKS ROIS.

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Hli comprit alors que Dieu appeloit l'enfant, et il dit Samuel : Va et dors, et si la voix t'appelle de nouveau, tu rpondras : Parlez, Seigneur, parce que votre serviteur vous coute. Samuel s'en retourna donc et se rendormit. L'Ange vint encore prs de Samuel, et il l'appela comme auparavant : Samuel ! Samuel ! Et Samuel rpondit : Parlez, Seigneur, car votre serviteur vous coute. Et Dieu dit Samuel : Voici que ma parole va retentir dans Isral, et les oreilles qui l'entendront en seront pour longtemps frappes. En ce jour-l, j'excuterai toutes les menaces que j'ai faites contre Hli et contre sa maison ; je commencerai et j'achverai : car je lui ai prdit que je jugerois sa maison pour jamais cause de leur iniquit, et parce que lui, qui savoit les indignes actions de ses fils, ne les a point chtis. C'est pourquoi, je l'ai jur la maison d'Hli, son iniquit ne sera jamais expie, ni par des victimes, ni par des offrandes. Samuel, s'tant rendormi jusqu'au matin, alla, son rveil, ouvrir les portes du temple du Seigneur, et il trembloit d'avoir parler de sa vision Hli; mais Hli l'appela, et lui dit: Samuel, mon enfant! El il rpondit: Me voici. Hli ajouta : Qu'est-ce que le Seigneur t'a dit? ne me le cache pas. Qu'il te traite dans sa rigueur si tu me dissimules une seule des paroles qu'il t'a dites. Samuel lui rvla donc tout ce qu'il avoit entendu, sans en rien retenir. Et Hli rpondit : Il est le Seigneur; qu'il fasse tout ce qui est juste ses yeux. Or, Samuel croissoil en ge : Dieu loit avec lui, et aucune des paroles qu'il lui disoit ne lomboit terre. Et tout Isral apprit, depuis Dan jus-

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qu' Bersabe, que Samuel toit le prophte du Seigneur, Et bien des fois encore l'Ange du Seigneur apparut Silo ; car c'est Silo qu'il se rvla ainsi Samuel, selon sa promesse; et tout ce que Samuel annona au peuple d'Isral fut accompli. Ce merveilleux rcit est plein de la prsence de Dieu et de ses Anges. Lorsque tout semble dormir dans le Sanctuaire, et que la lampe sacre y veille seule comme une foible image de la lumire ternelle, le monde Sraphique est l, toujours prsent devant le Saint des Saints, et, toujours aussi, les clestes intelligences sont prtes porter la parole du Seigneur l'oreille et au cur de ses fidles. Heureux donc tous ceux qui s'veillent cette voix, et aussitt sont ses ordres, comme Samuel ! Mais, avant de se croire dignes des divines corn munications, c'est d'abord au ministre du Trs-Haut qu'ils doivent courir, pour pntrer avec confiance dans ce mystre. Le prtre, le pontife surtout, alors mme qu'il est notoirement atteint de quelque foiblesse humaine, n'en conserve pas moins le caractre et les droits du sacerdoce. C'est doncHli, le malheureux pre d'Ophni et de Phins, qui instruit Samuel reconnotre la voix de l'oracle, la voix des Anges ; et, d'avance, il lui met clans la bouche cette admirable rponse, qui doit se retrouver, clans tous les ges, sur les lvres et au fond de l'me des enfants de Dieu : u Parlez, Seigneur, votre serviteur vous coute.

DU LIVRE D E S ROIS,

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Victoire des Philistins. VArche

d'alliance

est

prise. Catastrophe de la famille d'IIll.

Autant la prsence des choses saintes est propice aux amis de Dieu, autant elle est redoutable ses ennemis et mme son peuple, lorsque le mal est au milieu de l'glise, comme jadis au milieu d'Isral. Et, s ce grand Dieu, prsent partout, n'toit plein de misricorde, quels torrents de vengeance les pcheurs n'auroent-ils point subir immdiatement de sa justice? Presque toujours, au contraire, le germe et les progrs du chtiment sont invisibles aux yeux mortels; mais la cause n'en est pas moins certaine. Vainement donc, l'homme;, se rendant coupable soit en pense, soit en parole, soit en action, dans le temple ou en face des objets sacrs, semble vouloir ensuite ignorer la source de ses tribulations sur la terre ; il se condamneroit bientt lui-mme ouvertement, si la mystrieuse loi des peines encourues ds ce monde se rvloit dans l'vidence de sa vrit. Et, puisque la seule vue ou le seul voisinage des choses divines aggrave ainsi le crime de l'impie qui les ddaigne ou qui les brave, combien plus encore les abus sacrilges de la fausse pit sontils frapps de rprobation? Ce que nous allons apprendre de l'Arche sainte et des lamentables vicissitudes qu'elle a comme entranes sa suite, soit dans l'arme d'Isral, soit parmi les Philistins dont Dieu permit qu'elle ft prisonnire, va de-

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venir la prophtie des longs deuils de nos saints tabernacles, aux plus tristes poques de l'histoire chrtienne. Aprs la bataille d'Aphec, ou les Isralites furent battus par les Philistins, les anciens d'Isral, au lieu de recourir au jene et la prire, se demandoient pourquoi ils toient ainsi abandonns de Dieu, et ils dirent : Amenons ici de Silo l'Arche de l'alliance du Seigneur; qu'elle vienne au milieu de nous et qu'elle nous sauve des mains de nos ennemis. Le peuple, ayant donc envoy un message 1 Silo, fit venir l'Arche de l'alliance du Seigneur Dieu des armes, assis sur les Chrubins; elles deux fils d'Hli, Ophni et Phins, accompagnoient l'Arche. Lorsqu'elle fut arrive dans le camp, tout le peuple d'Isral jeta un grand cri, et la lerre en tressaillit. El les Philistins l'ayant entendu, s'entredisoient : Que signifient ces clameurs dans le camp des Hbreux? El alors ils apprirent que l'Arche du Seigneur y toit entre. Ils furent donc saisis d'pouvante, et ils dirent : Dieu est venu dans leur camp. Et ils ajoutoient en gmissant : Malheur nous! car ils n'toient pas dans une si grande joie ni hier ni avant-hier. Malheur nous ! qui nous sauvera des mains de ces dieux du ciel, de ces dieux qui ont frapp l'Egypte de toutes sortes de plaies dans le dsert? Mais prenez courage, vous Philistins; soyez hommes de cur et gardez-vous de devenir les esclaves des Hbreux comme ils ont t les vtres. Prenez courage et marchez au combat. Les Philistins livrrent donc la bataille et Isral

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fut dfait; tous s'enfuirent dans leurs lentes, et tel Tut le carnage que, du ct des Isralites, trente mille hommes de pied restrent sur la place. L'Arche de Dieu fut prise, et en ce mme lieu prirent les fils d'Hli, Ophniet Phins. Un homme de la tribu de Benjamin, chapp du combat, vint en courant le mme jour a Silo. Il avoitles vtements dchirs et la tte couverte de poussire. Au moment o il arrivoit, Hli toit assis sur son sige, le visage tourn vers la route, car son cur frmissoitde crainte pour l'Arche de Dieu. Cet homme tant donc entr dans la ville en donnant les nouvelles de la bataille, des cris dchirants s'levrent du milieu du peuple; et Hli, au retentissement de ces clameurs, demanda: Quel est ce tumulte dont j'entends le bruit? Aussitt cet homme accourut prs d'Hli pour lui apprendre la nouvelle. Hli avoit alors quatre-vingt-dix-huit ans; ses yeux toient comme teints, et il ne voyoit plus. L'homme lui dit : Je reviens du combat, je m'en suis chapp aujourd'hui mme. Hli lui demanda : Qu'est-ii arriv, mon enfant? Il rpondit: Isral a fui devant les Philistins; une grande partie du peuple a pri; vos deux fils, Ophni et Phins, ont t tus, et l'Arche de Dieu a t prise. Lorsqu'il eut nomm l'Arche de Dieu, Hli tomba de son sige la renverse prs de la porte, et s'tant bris la tte, il mourut. 11 toit vieux et fort avanc en ge. Il avoit t juge d'Isral pendant quarante ans. Sa belle-fille, femme de Phins, qui toit alors grosse et prs de son terme, apprenant que l'Arche de Dieu avoit t prise, et que son beau-pre et son mari toient

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morts, fut aussitt surprise parles douleurs; elle se baissa et enfanta. Et comme elle alloit mourir, les femmes qui toient prs d'elle lui disoient : Ne craignez point, car vous avez enfant un fils. Mais elle ne r pondit rien et n'y fit pas mme attention; et elle nomma l'enfant Ichabod (1), en disant : Isral a perdu sa gloire, cause que l'Arche de Dieu toit prise, et cause de son beau-pre et de son mari. Et elle redit encore : Isral a perdu sa gloire, parce que l'Arche de Dieu toit prise. De nos temps encore, et trop souvent, hlas ! l'Arche de Dieu devient prisonnire parmi les hommes! Les saints tabernacles, entours qu'ils sont et par l'indiffrence et mme par l'impit des peuples, dans un si grand nombre de contres, ne nous apparoissent-ils pas comme captifs en pays ennemi, ou comme exils sur une terre trangre? Que l'on ne s'tonne donc plus des flaux de toute nature, par lesquels sont visites tour tour les nations, les cits, les bourgades et les familles ! Heureuses encore les mes qui, dans ces frquents dsastres, savent du moins, au moment suprme, recueillir leurs forces et subir la peine du pch d'ans un sacrifice d'expiation en mourant auprs de l'Arche sainte ! Heureuses aussi toutes celles dont l'immense douleur se manifeste par des signes certains, par des dchirements pareils aux blessures du glaive ! L'amour divin clate ainsi dans l'effroi, dans le deuil, dans le
(4 ) Mot mot : o est la gloire?

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dsespoir de ces mes, la seule pense d'une profanation. Et comment alors la source des misricordes ne s'ouvriroit-elle pas pour les recueillir et les sauver dePternel naufrage?

Lt'IdoIe de Dagon.Plaie des Philistins. Retour de l'Arche. Curiosit sacrilge des Bethsamites, Leur chtiment. L'Are Sic est transporte Carinthiariin dans la maison d'Abinadab,

Jamais les Anges ne quittent le tabernacle du vrai Dieu, tant qu'il le remplit de sa sainte prsence : et c'est seulement quand il se retirera lui-mme de son temple, qu'on les entendra s'crier : Sortons d'ici ! Ils environnoient donc l'Arche d'alliance ; et ministres des justices comme des misricordes, ils toient l toujours prts excuter les ordres du Seigneur. La suite des faits bibliques va le prouver encore. Les Philistins ayant pris l'Arche de Dieu, l'emmenrent depuis la Piense du secours jusqu' Azot. Ils miVent l'Arche de Dieu ainsi prise dans le temple de Dagon, et ils la placrent auprs de l'idole. Le lendemain, les habitants d'Azot s'tant levs ds l'aube du jour, trouvrent Dagon tomb la face contre terre devant l'Arche du Seigneur ; ils le relevrent et le remirent sa place. Le jour suivant, s'tant levs aussi ds le ma5

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tin, ils virent Dagon encore tomb la face contre terre devant l'Arche du Seigneur; mais la tte et les deux mains de l'idole toient coupes etgisoientsur le seuil de la porte, le tronc seul de Dagon toit rest en place, et c'est pourquoi, jusque aujourd'hui, les prtres de Dagon et tous ceux qui vont l'adorer dans son temple ne mettent point le pied sur le seuil. Alors, le bras du Seigneur s'appesantit sur les habitants d'zot et les abma : il les frappa, de la ville jusqu'aux frontires, de grandes plaies dans les parties secrtes du corps; puis une multitude de rats envahit soudainement les champs et les villages; et la mort, redoublant ses coups, jeta partout la confusion dans la cit. A la vue de ces flaux, les habitants d'Azot s'crirent : Que l'Arche du Dieu d'Isral ne reste point parmi nous, car sa puissance nous frappe cruellement, nous et notre dieu Dagon. Et, adressant un message tous les princes des Philistins, ils les rassemblrent et leur dirent : Que ferons-nous de l'Arche du Dieu d'Isral? Ceux de Geth rpondirent: Qu'on la transporte de ville en ville. Ils commencrent donc faire voyager l'Arche du Dieu d'Isral. Et tandis qu'elle toit ainsi promene, le Seigneur tendoit sa main sur chaque cit, et la mort y faisoitde grands ravages. Tous les habitants, depuis le plus jeune jusqu'au plus g, toient frapps de cette plaie : leurs entrailles sortaient de leurs corps et se pourrissoient. L'criture poursuit le dtail des dsastres dont la prsence de l'Arche sainte, dans le pays des Philistins, fut la cause durant sept mois, et dont les Aiiges, mi-

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nislres des clestes vengeances, furent les excuteurs. Dans son pouvante, et sur l'avis de ses prtres, ce peuple infidle renvoya l'Arche ; et, pour s'assurer encore plus de tout ce qu'il y avoit de miraculeux dans ces vnements, les Philistins, non-seulement s'abstinrent de confier l'Arche des conducteurs, mais ils attelrent au char qui la portoil deux vaches nourrices dont ils avoient enferm les veaux dans l'table. Or, contre l'instinct naturel qui devoit les retenir, et nonobstant l'absence d'un guide mortel, les vaches, tout en mugissant, prirent aussitt le chemin de Bethsams, o le char s'arrta, et l'Arche y fut pose sur la grande pierre qui fut appele le grand Abel, c'est--dire le grand.deuil; car c'est l que le Seigneur punit de mort unnombre considrable deBethsamites qui, violant la loi sacre, osrent jeter des regards curieux et sacrilges sur l'Arche d'alliance. Et alors le peuple de Bethsams s'cria : Qui peut donc subsister en la prsence du Seigneur, de ce Dieu si saint? et o aura-t-il sa place parmi nous? Ils envoyrent alors des messagers aux habitants de Cariathiarim, en leur disant : Les Philistins ont rendu l'Arche du Seigneur; venez, et emmenez-la chez vous. El les habitants de Cariathiarim tant arrivs, conduisirent l'Arche du Seigneur la maison d'Abinadab, o ils la placrent sur la hauteur, et ils consacrrent son fils lazar comme gardien de l'Arche du Seigneur. Que tous les hommes apprennent donc, dans le Livre des Livres, vnrer l'Arche du Saint des Saints. Quelque pcheurs qu'ils soient, comment pourroient-ils
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ne pas reconnotre dans la majest des tabernacles comme dans la gloire del cration, dans la puret des dogmes comme dans les lois de la nature, dans les splendeurs du culte comme dans l'clat de la lumire, le tmoignage du vrai Dieu, de la vraie croyance et des vraies adorations? Et, assurment, le schisme, l'hrsie et l'idoltrie elle-mme ne sauraient fermer les yeux aux magnificences de la foi catholique- Aussi, dans les miracles providentiels qui manifestent la vrit travers les sicles, miracles de misricordieuse bont, ou miracles de justice vengeresse, quel tableau ou quelle source de convictions pour les curs sincres ! Que du moins les ennemis de l'glise suivent l'exemple des ennemis d'Isral : qu'ils commencent, nouveaux Philistins, rendre hommage aux signes clatants de la prsence de Dieu ; qu'ils s'humilient devant les uvres de sa droite; qu'ils rendent enfin la libert au Sanctuaire, et bientt l'Arche sainte retrouvera sa place sur la hauteur, et ils sauront comment tout conspire, sous la main de la Providence, l'accomplissement de ses mystrieux dcrets : de telle sorte, que le monde intelligent peut trouver lui-mme des enseignements jusque dans la fidle obissance des animaux sans raison, la voix et l'impulsion des Anges.
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Conseils et prires de Samuel. Lu pierre du Secoure. Satil.

Au moment o commence le Livre des Rois, Samuel toit Juge d'Isral et il devoit l'tre longtemps encore.

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Mais comme il avoit t l'enfant de Dieu, il toit l'homme de Dieu, toujours prt l'excution de sa volont sainte. Aussi, tout en exerant l'autorit sur le peuple lu, il s'empressera de la transmettre avec l'onction sacre, d'abord Saiil, puis David, aussitt que l'Ange du Seigneur lui en donnera l'ordre. Voil sa dernire mission, mission toute cleste; car il n'y a rien d'humain, rien de terrestre, dans le mobile qui fait agir le Juge prophte dont l'admirable inspiration devient un ternel exemple pour les conseillers ds peuples. Aprs le retour de l'Arche d'alliance, il avoit transmis ces paroles de l'Ange toute la maison d'Isral : Si vous revenez Dieu de toute votre me, chassez du milieu de vous les dieux trangers, Baal et Astaroth. Tenez vos curs ouverts au Seigneur, ne servez que lui seul; et il vous dlivrera du joug des Philistins. Les enfants d'Isral rejetrent donc Baal et Astaroth et s'attachrent Dieu seul. Et Samuel leur dit : Assemblez tout Isral Masphath afin que j ' a dresse ma prire au Seigneur pour vous. Et ils se rassemblrent Masphath, et ils puisrent de l'eau, et ils la rpandirent devant le Seigneur, et ils jenrent ce jour-l, et ils s'crirent : Nous avons pch devant Dieu. Et Samuel jugea les enfants d'Isral Masphath. Les Philistins ayant appris que les enfants d'Isral s'toient assembls Masphath, leurs princes marchrent contre Isral; et les enfants d'Isral tremblrent la vue des Philistins ; et ils dirent Samuel : Ne vous lassez point de crier au Seigneur pour nous, afin qu'il nous sauve du joug des Philistins. Aussitt Samuel
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prit un agneau encore la mamelle, et il l'offrit tout entier en holocauste, el il cria vers Dieu pour Isral; el Dieu l'exaua. Au moment mme o Samuel offrait son holocauste, les Philistins ouvrirent le combat contre Isral; mais en mme temps, l'Ange du Seigneur fit retentir son tonnerre avec un clat terrible sur les Philistins; il les frappa d'pouvante et ils tombrent sous le glaive d'Isral. Puis, les Isralites, sortant de Masphath, poursuivirent les fuyards et les taillrent en pices jusqu'au bas de Bethchar. Et Samuel prit une pierre qu'il dressa entre Masphath et Sen, et il la nomma la Pierre du Secours, en disant : Le Seigneur nous a secourus jusqu' ce monument. Les Philistins furent ainsi humilis, et ils n'osrent plus s'avancer sur les terres d'Isral; car le bras du Seigneur s'appesantit sur les Philistins pendant toute la dure du gouvernement de Samuel. Les villes qu'ils avoient prises sur Isral, depuis Accaron jusqu' Geth, lui furentrendues avec toutes leurs terres. Ainsi Samuel dlivra Isral du joug des. Philistins ; et les Amorrhens restrenl en paix avec Isral ; el Samuel, durant loute sa vie, ne cessa point d'tre le Juge d'Isral. Il alloit chaque anne Bthel, et ensuite Galgala, et jusqu' Masphath, et il rendoit la justice lout Isral; de l, il retournoit Ramatha, lieu de sa demeure, o il jugeoit pareillement le peuple; el il leva un autel en ce mme lieu. Il suffit de savoir dj que Samuel prophtisoit, pour reconnotre en lui l'homme inspir de Dieu et des Anges. El encore bien que le souffle du Seigneur agisse

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son gr, soit immdiatement sur son prophte, soit immdiatement par les esprits clestes, on est heureux de croire la coopration du monde anglique, toutes les fois que le sens de l'criture permet cette interprtation. Or, dans la vie de Samuel, les voix qu'il entendoit la nuit prs du sanctuaire, et plus tard, le bruit de la foudre clatant sa prire contre les Philistins; et, bientt, les visions divines qui vont venir l'clairer encore, puis les paroles du Seigneur qu'il va entendre, en un mot, toutes ces rvlations successives indiquent manifestement le concours des Anges aux diverses phases de la mission de ce dernier Juge d'Isral. Il avoit vieilli dans le service de Dieu et dans le gouvernement de son peuple; et malheureusement ses deux fils, Jol et Abias, ne suivoient point ses exemples. Alors, les anciens d'Isral vinrent le trouver Ramatha et lui dirent : Vous voil vieux, et vos enfants ne marchent point dans vos voies. Etablissez donc un roi sur nous, selon la coutume des autres nations, afin qu'il nous juge. Cette proposition affligea Samuel, quand il entendit ces mots : Donnez-nous un roi afin qu'il nous juge. Mais il s'empressa d'adresser sa prire Dieu; et le Seigneur lui dit, par la voix de l'Ange : Ecoute ce peuple et observe toutes ses paroles; car ce n'est pas toi, c'est moi qu'ils rejettent, dans la crainte de me voir rgner sur eux. Et c'est ainsi qu'ils en ont toujours agi, depuis le jour o je les ai tirs de l'Egypte jusque aujourd'hui; et de mme qu'ils m'ont abandonn pour

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servir des dieux trangers, de mme ils t'abandonnent. Samuel rapporta au peuple ce que l'Ange du Seigneur lui avoit dit, et il leur reprsenta toutes les charges et tous les impts qu'un roi feroit peser sur eux. Mais ils lui rpondirent : Nous voulons un roi qui nous gouverne, et nous voulons tre comme les autres peuples. Notre roi marchera notre tte et il combattra pour nous dans toutes nos guerres. Aprs avoir entendu le peuple parler ainsi, Samuel alla porter leur rponse au Seigneur, et le Seigneur lui dit : Accordleur ce qu'ils te demandent et donne-leur un roi. t Samuel leur fit d'abord cette recommandation : Q u e chacun de vous s'en retourne dans sa ville. Or, il y avoit un Isralite de la tribu de Benjamin qui s'appeloit Cis, Il toit fils d'Abiel, fils de Sror, fils de Bchorath, fils d'Aphia, fils d'un Benjamite. Gis toit un homme puissant et fort. Il avoit un fils nomm Sal, qui toit beau et remarquable; car, de totis les enfants d'Isral, il toit le mieux fait, et il dpassoit de la tte tout le reste du peuple. Les nesses de Cis, pre de Sal, s'tant gares, il dit son fils : Prends avec toi un serviteur, et va chercher les nesses. Et tous deux tant alls par la montagne d'Ephram, dans la contre de Salisa et dans celle de Salim, sans les retrouver, ensuite dans celle de Benjamin, sans avoir de nouvelles, ils arrivrent enfin sur la terre de Suph, et Saul dit au serviteur qui l'accompgnoit : Allons, retournons-nous-en, de peur que mon pre, oubliant ses nesses, ne soit en peine de

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nous. Le serviteur lui rpondit : Voici une ville o il y a un homme de Dieu qui a une grande renomme ; tout ce qu'il prdit arrive infailliblement : allons donc le trouver, et sans doute il nous clairera sur le but de notre course. Et Saftl reprit : Allons-y; mais que porterons-nous l'homme de Dieu? Le pain dont nous avions fait provision nous a manqu, et nous n'avons aucune monnoie, ni rien que nous puissions donner l'homme de Dieu. Le serviteur dit Sail : Voici le quart d'un sicle d'argent que je retrouve sous ma main, donnons-le l'homme de Dieu,afin qu'il nous dise ce que nous devons faire (autrefois, dans Isral, tous ceux qui alloient consulter le Seigneur s'entredisoient : Fnes, allons au voyant ; car celui qui s'appelle aujourd'hui prophte s'appeloit alors le voyant). Saul rpondit son serviteur : Ce que tu dis est bien. Viens donc, allons-y. Et ils allrent dans la ville o toit l'homme de Dieu ; et, tandis qu'ils montoieht par le coteau qui y mne, ils rencontrrent des jeunes filles qui en sortoient pour aller puiser de l'eau, et ils leiir dirent : Le voyant est-il ici ? Elles leur rpondirent : II y est, et le voil non loin de vous. Allez vite le trouver. Il est venu aujourd'hui dans la ville parce que le peuple doit offrir un sacrifice sur les hauteurs. Aussitt que vous serez entrs dans la ville, vous le trouverez avant qu'il monte plus haut pour son repas, et Ife peuple ne prendra point de nourriture avant qu'il soit venu, car c'est lui qui bnit l'hostie, aprs quoi, ceux qui sont invits commencent manger. Allez, ds ce moment, et vous le trouverez. Us mon-

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trent. donc la ville, et, en y entrant, ils virent Samuel qui venoit au-devant d'eux, tout prt monter sur les hauts lieux. Or, le Seigneur avoit rvl Samuel l'arrive de Sal un jour avant qu'il fut venu, en lui disant: Demain, la mme heure, je t'enverrai un homme de la tribu de Benjamin que lu sacreras pour tre le chef de mon peuple d'Isral, et il sauvera mon peuple du joug des Philistins, car j'ai piti d'eux et leurs cris sont venus jusqu' moi. Samuel ayant donc vu Sal, le Seigneur lui dit : Voici l'homme dont je t'ai parl. C'est lui qui rgnera sur mon peuple. Et Sal, entr dans la ville, s'approcha de Samuel jusqu'au milieu de la porte, et lui dit: Je vous prie de m'indiquer la maison du voyant. Et Samuel rpondit : Je suis le voyant. Montez, devant moi sur la hauteur, afin que nous mangions ensemble, et demain je vous renverrai, et je vous dirai d'abord tout ce que vous avez dans le coeur. Quant aux nesses que vous avez perdues il y a trois jours, soyez sans inquitude, car elles sont retrouves. Et qui donc sera tout ce qu'il y a de meilleur dans Isral, sinon vous et toute la maison de votre pre ? Saul lui rpondit : Ne suis-je pas de la tribu de Benjamin,.la moindre d'entre les tribus d'Isral? et ma famille n'est-elle pas la dernire de toutes celles de celte tribu? Pourquoi donc me parlez-vous ainsi? Mais Samuel prit Sal et son serviteur, les conduisit dans la salle, et, les ayant fait asseoir au-dessus

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de tous les convives, runis au nombre d'environ trente personnes, il dit l'intendant du festin : Servez le morceau que je vous ai donn en vous recommandant de le mettre part. L'intendant apporta donc une paule, et la servit devant Sal; et Samuel lui dit : Voil ce qui a t rserv; prenez-le devant vous, et mangez, parce que je l'ai gard pour vous lorsque j'ai convi le peuple. Et Sal mangea ainsi avec Samuel ce jour-l. Ensuite, ils descendirent de la hauteur dans la ville. Samuel eut un entretien avec lui sur la terrasse de la maison, et il y lit dresser un lit o Sal se reposa. Et Samuel, se levant ds le matin, appela Sal et lui dit : Venez, et que je m'occupe de votre dpart. Et Sal tant all lui, ils sortirent tous deux. Et lorsqu'ils descendoient la montagne, Samuel dit Sal : Ordonnez votre serviteur de marcher.en avant de nous; mais vous, restez avec moi, afin que je vous communique les volonts du Seigneur. Alors, Samuel prit une fiole d'huile qu'il rpandit sur la tte de Sal et il l'embrassa en lui disant : Voil que le Seigneur vous a sacr comme prince sur son hritage, et vous dlivrerez son peuple de la mai des ennemis dont il est environn. Or, vous reconnotrez ce signe que Dieu vous a sacr comme prince : aujourd'hui mme, quand vous m'aurez quitt, vous rencontrerez prs du spulcre de Rachel, sur la frontire de Benjamin, vers le milieu du jour, deux hommes qui vous diront : Les nesses que vous tes all chercher sont retrouves. Votre pre n'y pense plus; mais il est en peine de vous, et il demande : Que dois-je faire pour

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mon fils ? En sortant de l, el lorsque, passant plus loin,

vous serez arriv au chne du Thabor, vous verrez trois hommes qui iront adorer le Seigneur Bthel. L'un portera trois chevreaux, l'antre trois tourteaux et le dernier une amphore de vin. Aprs vous avoir salu, ils vous offriront deux pains que vous accepterez; ensuite, vous irez la colline de Dieu, o il y a une troupe de Philistins ; et, quand vous serez dans la ville, vous rencontrerez un grand nombre de prophties descendant des hauts lieux, prcds de lyres, de tambourins, de fltes et de harpes, et ils prophtiseront. Eii mme temps, l'esprit du Seigneur vous saisira, vous prophtiserez avec eux, et vous serez chang en un autre homme. Lors donc que vous aurez reconnu ces tmoignages, excutez tout ce que vous aurez faire, car Dieu sera avec vous. Vous me prcderez Galgala (o j'irai moi-mme), afin que vous offriez un sacrifice et que vous immoliez des hosties pacifiques. Vous m'attendrez durant sept jours, jusqu' ce que j'arrive et que je vous dise ce que vous aurez faire. A peine Sal se fiit-il retourn, en quittant Samuel, que Dieu lui changea le cur et lui en donna un autre, et tous les signes prdits s'accomplirent le mme jour, En arrivant avec son serviteur la colline indique, il rencontra un groupe de prophtes. Aussitt l'esprit du Seigneur s'empara de lui et il prophtisa au milieu d'eux. Tous ceux qui le connoissoient auparavant, le voyant ainsi avec les prophtes et prophtisant, s'entredisoient : Qu'est-il donc arriv au fils de Cis? Sal est-il donc aussi prophte? D'autres rpondoient : Et

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qui est le pre de tous les prophtes? C'est pourquoi cette parole passa en proverbe : Sail estr-il aussi prophte? Satil, ayant cess de prophtiser, monta sur la hauteur. Et son oncle, le rencontrant avec son serviteur, leur dit : D'o venez-vous donc? Us rpondirent : Nous tions alls chercher ds hesses, et ne les ayant jps trouves, nous nous sommes adresss Samuel. Son oncle reprit : Racontez-moi ce que Samuel vous a dit. Saiil rpondit : Il notts appris que les nesses toient retrouves. Mais il ne rvla rien son oncle de ce que Samuel lui avoit dit touchant sa royaut. Sahluel fit assembler tout le peupl devant le Seigneur, Masphath, et il dit aux enfants d'Isral : Voici ce que dit le Seigneur, le dieu d'Isal : C'est rioi qui ai tir Isral de l'Egypte et qui vous ai dlivrs du joug des gyptiens et de la main de tous les rois, vos perscuteurs. Mais prsent, vous avez rejet votre. Dieu qui vous a sauvs de tous les maux et de toutes les tribulations qui vous accabloient. Et vous m'avez rpondu : Nous' ne vous couterons point. tablissez uiirbi sdr nous. Aujourd'hui donc, prsentz-voiis devant le Seigneur, chacun dans sa tribu et dans sa famille. El Samuel ayant jet le sort sur toutes les tribus d'Isral, il tomba sur la tribu de Benjamin. Il le jeta ensuite sur les familles de la tribu de Benjamin, et il tomba sur la famille de Mtri, et enfin jusque sur Saiil, fils de Cis. On le chercha aussitt, mais sans le trouver. Alors le Seigneur tant consult pour savoir si

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Sal alloit venir l, l'Ange rpondit : Il se cache en ce moment dans sa demeure. Ils y coururent donc, le prirent et l'amenrent ; et lorsqu'il fut au milieu du peuple, il parut plus grand que les autres de toute la tte. Samuel dit tout Isral : Vous voyez celui que le Seigneur a choisi et qu'il n'y en a point qui lui soit comparable dans toute l'assemble. Alors tout le peuple s'cria : Vive le roi ! Samuel exposa ensuite la loi du royaume et il l'crivit dans un livre qu'il mit en dpt devant le Seigneur. Et enfin il congdia toul le peuple, pour que chacun s'en ft chez soi. Satl retourna aussi dans sa maison Gabaa, accompagn d'une partie des hommes d'armes dont Dieu lui avoit concili le cur. Mais les sectateurs de Blial commenoient dire au contraire : Comment celui-ci pourroit-il tre notre sauveur? Et ils le mprisrent et ne lui firent aucuns prsents. Dj le peuple d'Isral, en substituant, avec la permission de Dieu, des Juges la place des Conducteurs sacrs, toit sorti, contre ses plus chers intrts, du rgime de la pure thocratie : et, toutefois, il se rattachoit toujours, pour cette lection, des signes clatants de la volont divine ; et, par consquent, il y avoit encore l une discipline venue du Ciel. Et, lorsqu'il demande un roi, c'est aussi au Prophte du Seigneur qu'il s'adresse,' et le Prophte reoit lui-mme de l'Ange du Seigneur l'indication prcise de celui des enfants d'Isral qui doit lre consacr ; enfin, c'est par la voie

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providentielle du sort et toujours par les mains de l'homme de Dieu que cette manifestation se trouve ainsi consomme. C'est--dire qu'il n'est jamais permis de prtendre ni de penser que Dieu puisse abdiquer sa providence sur les peuples : c'est--dire aussi que, mme dans un tat dmocratique, le droit social, ds qu'il existe, a ncessairement une origine sacre, celle de la justice sans laquelle il n'y a point de droit, et qui elle-mme ne peut venir que de l'ternelle source de toute justice. Et, par contre, la violation des engagements solennels dans legouvernement des nations est une atteinte l'autorit de Dieu mme. En telle sorte que le droit divin contre lequel une audace insense a tant dclam, se retrouve toujours, soit sous une forme, soit sous une autre, comme seul principe de vraie solution dans tous ces grands problmes. Remarquons encore avec soin cette parole de l'criture aprs le sacre de Saiil : Dieu lui changea le cur et lui en donna un autre. Il en faut conclure que l'homme appel, non point par sa propre impulsion, mais par la volont divine, quelque puissance que ce soit, dans les affaires humaines, obtient aussitt ces grces d'tat comme la religion les appelle, qui ont la vertu de changer les curs. Telle est, en effet, l'interprtation la plus claire du Texte sacr : ce qui ne veut pas dire, toutefois, que les saintes inspirations seront toujours victorieuses, mais seulement, qu'elles ne manqueront jamais l'lu de la Providence, tant qu'il sera fidle. Hlas 1 l'exemple de Sal va montrer l'humaine fragilit

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jusque dans celui-l mme qui reoit des grces privilgies ! Et, si l'humble cur du fils de Gis, aprs tre devenu d'abord un cur vraiment royal, se dnature bientt et finit par se perdre, combien plus profondment-encore doit tomber dans l'abme de ses misres celui que l'Esprit divin n'a point inspir ! Il peut bien tre l'instrument de Dieu, mais il n'est pas l'homme de Dieu.
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Victoire le Sal. Justification 4e Samuel.

Quand Saiil, saisi d'abord par le souffle du Seigneur, est en mme temps conduit une victoire qu'il prdit lui-mme, et par laquelle en effet il dlivre, en un seul jour, le peuple d'Isral, comment ne pas croire la prsence des Anges de ce grand Dieu qui se plat oprer ses miracles par leur ministre ? Et quand Samuel, aprs son admirable apologie, prend le Ciel tmoin de ses paroles, et que le tonnerre et les clairs obissent aussitt sa voix, comment encore douter un seul instant que les Auges attentifs ne lui aient eux-mmes donn la rponse du Ciel? Le Texte sacr va nous dispenser d'en dire davantage : Un mois aprs (l'avnement de Sal), Naas, roi des Ammonites, se mit en marche et il attaqua Jabs de Galaad ; et tous les habitants lui dirent : Pactisez avec

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flous et nous vous serons soumis. Naas leur rpondit : Le pacte que je ferai avec vous sera de vous arracher tous l'oeil droit et de vous rendre l'opprobre de tout Isral. Les anciens de Jabs reprirent : Donnez-nous du moins sept jours afin que nous puissions envoyer des messages tout Isral ; et si personne ne vient nous secourir, nous nous rendrons vous. Les messagers tant arrivs Gabaa o Sal demeurait, racontrent cela devant le peuple, qui jeta des cris et pleura. Ec voici que Sal revenoit des champs, en suivant ses bufs, et il dit : Qu'a donc ce peuple pour pleurer ainsi? et on lui rapporta la nouvelle de Jabs. Et ds qu'il eut entendu ces paroles, l'esprit du Seigneur s'empara de lui et il entra dans une violente indignation. Il prit ses deux bufs, les coupa en morceaux, et les envoya par les messagers dans toutes les contres des Isralites, en disant : C'est ainsi que seront traits les bufs de tous ceux qui ne sortiront pas de leurs terres la suite de Sal et de Samuel. Alors le peuple fut saisi de la crainte du Seigneur et s'avana comme un seul homme. Sal en fit la revue Bsech, et il se trouva dans son arme trois cent mille guerriers des tribus d'Isral et trente mille de la tribu de Juda. Et ils dirent aux dputs : Vous rpondrez ceci aux habitants de Jabs en Galaacl : Demain vous serez secourus lorsque le soleil s,era dans sa force. Les courriers portrent donc cette rponse aux habitants cle Jabs qui la reurent avec une grande joie. Et ils dirent aux Ammonites : Demain nous irons avons et vous nous traiterez comme il vous plaira. Et le lendemain, ds l'aube du jour, Sal

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divisa son arme en trois corps, entra dans le camp des Ammonites et ne cessa de les taillea en pices jusqu' ce que le Soleil ft dans sa force. Ceux qui chapprent au carnage furent tellement disperss qu'il n'en resta pas deux ensemble. Puis, le peuple dit Samuel : Quels sont ceux qui ont dit : Sal sera-l-il notre roi? Livrez-les-nous, et nous les tuerons. Mais Sal s'cria: Nul ne mourra en ce jour, parce que aujourd'hui le Seigneur a sauv Isral. Et Samuel dit au peuple : Venez ; allons Galgalaet inaugurons de nouveau le rgne de Sal. El tout le peuple se rendit Galgala et reconnut Sail pour son roi, en la prsence de Dieu. Et ils immolrent des victimes pacifiques au Seigneur. Et l tous les Isralites se livrrent leur allgresse. Alors Samuel dit toute l'assemble d'Isral : Voil que j'ai cout vos vux; et, sur les paroles que vous m'avez dites, je vous ai donn un roi. Et maintenant ce roi marche votre tte. Et moi je suis vieux et mes cheveux ont blanchi, et mes enfants sont confondus dans la foule du peuple. Ainsi, j'ai vcu au milieu de vous jusqu' ce jour, et je reste encore en votre prsence. Dclarez donc devant le Seigneur et devant son Christ si j'ai pris personne son buf ou son ne, si j'ai calomni quelqu'un, si j'ai opprim qui que ce soit, et si j'ai reu des prsents d'aucun d'entre vous : et je me condamnerai moi-mme et je vous ferai restitution. Ils lui rpondirent : Vous ne nous avez jamais ni calomnis ni opprims, et jamais non plus vous n'avez fait de tort personne. Samuel reprit : Dieu m'est donc tmoin, et son Christ aussi, devant vous, que mes mains sont pures detoule injus-

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tice, le peuple s'cria : Oui ! ils en sont tmoins, et Samuel ajouta: Le Seigneur est le Dieu qui a fait Mose et Aaron et qui a tir nos pres de la terre d'Egypte. Venez donc en sa prsence afin que vous soyez jugs sur toutes les misricordes dont il vous a combls vous et vos pres. Vous savez comment Jacob entra dans l'Egypte, el comment vos pres ont lev vers Dieu leurs cris de prire. Alors le Seigneur envoya Mose et Aaron, il tira vos pres de l'Egypte et il les tablit dans cette contre ; mais ensuite ils oublirent le Seigneur leur Dieu, et ils furent livrs par lui Sisara, gnral de l'arme d'Hasor, et aux Philistins et au roi deMoab, et la guerre s'alluma. Et ils crirent vers Dieu en lui disant : Nous avons pch; nous avons abandonn le Seigneur ; nous avons servi Baal et Astaroth. Mais dlivrez-nous maintenant du joug de nos ennemis etnous vous serons fidles. Le Seigneur envoya ensuite Jrobaal, Badan, Jepht et Samuel, et il vous dlivra des ennemis qui vous menaoient, et vous avez habit cette terre en pleine scurit. Mais sachant que Naas, roi des Ammonites, s'avanoit contre vous, vous m'avez dit : Non ! qu'il n'en soit plus ainsi ; nous voulons un roi qui nous gouverne. Et cependant le Seigneur votre Dieu rgnoit alors sur vous. Maintenant donc, vous avez votre roi tel que vous l'avez demand et choisi ; et le Seigneur lui-mme vous l'a donn. Et si vous craignez Dieu, si vous le servez, si vous coutez sa voix, et si vous n'irritez point ses regards, vous serez heureux, vous et le roi qui vous gouverne, en suivant le Seigneur votre Dieu. Que si, au contraire, vous n'coule7.
II.

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point la parole du Seigneur et si vous provoquez sa colre, sa main s'appesantira sur vous comme jadis sur vos pres. Ds ce moment, soyez attentifs, et voyez quel prodige le Seigneur va oprer devant vous. Ne sommes-nous pas aux jours de la moisson du froment (1)? Pourtant, je vais invoquer le Seigneur, et il. fera clater les tonnerres et tomber les pluies afin que voussachiez et que vous compreniez combien est grand devant Dieu le mal que vous vous tes fait en demandant un roi. Et aussitt Samuel jeta un cri de prire au Seigneur ; et le Seigneur fit clater les tonnerres et tomber les pluies. Et tout le peuple fut saisi de la crainte du Seigneur et de son Prophte, et ils dirent tous Samuel : Priez le Seigneur votre Dieu pour vos serviteurs, afin qu'il ne nous fasse pas mourir ; car nous avons encore ajout nos pchs celui de demander un roi. Samuel leur rpondit : Ne craignez point. Il est vrai que vous avez fait tout ce mal, mais ne vous loignez pas du Seigneur, et attachez-vous de toute votre me son service. Ne vous en dtournez pas pour les choses frivoles qui ne vous serviront de rien et ne vous sauveront pas, parce qu'elles sont vaines. El le Seigneur, pour la gloire de son nom, n'abandonnera poinl son peuple, car il a jur qu'il feroit de vous son peuple lui. Pour moi, Dieu me garde de l'offenser jamais en

(4) Dans cette saison il ne pleuvoit jamais en Jude, comme le remarque saint Jrme : Amos, iv, 7.

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cessant de le prier pour vous ! aussi je vous enseignerai toujours la bonne et droite voie. Craignez donc le Seigneur et servez-le dans la vrit et de tout votre cur, tmoins que vous tes des merveilles qu'il a faites au milieu de vous. Mais si vous persvrez dans le mal, vous pi^rez tous ensemble, vous et votre roi. Manifestement, la parole de Samuel est inspire; elle est ds lors toute-puissante; elle avoit annonc l'avance la rponse du Ciel ; c'est--dire que les Anges inspirateurs du Prophte sont aussi les excuteurs de la prophtie.

Sail,Jonathas.

Constamment visit par les Anges, Samuel ap_prit d'eux que Sal, d'abord si fidle, et soumis ensuite une preuve, alloil succomber des penses d'orgueil, et qu'il toit dchu de la royaut par le jugement de Dieu. Sans transcrire ici tout le texte de l'criture, il suffit d'en donner le sens avec l'abrg des faits. Les Philistins menaoient de nouveau le peuple d'Isral. Jonathas, fils de Sal, remporta une premire victoire sur ceux qui occupoient Gabaa. Mais les ennemis se rassemblrent en si grand nombre, que les Isralites tremblrent et s'enfuirent dans le creux des rochers. Sal passa le Jourdain avec son arme ; il attendit Samuel Galgala durant sept jours ; et comme
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le Prophte n'arrivoit pas, et que le peuple toit dans l'pouvante et se dispersoit, Satii demanda les victimes et offrit lui-mme l'holocauste. Alors le Prophte parut, et le roi s'avana sa rencontre pour le saluer; et Samuel lui dit : Qu'avez-vous fait? Saulrpondit : Voyant que les Isralites se retiroient de moi, et que vous ne veniez pas au jour fix, tandis que les Philistins se rassembloient Machmas, j'ai dit : lis vopt tomber sur moi Galgala, et je n'ai point encore apais le Seigneur. Pouss ainsi par la ncessit, j'ai donc offert l'holocauste. Samuel reprit : Vous avez agi comme un insens, et vous avez viol la loi du Seigneur votre Dieu. Si vous n'eussiez pas commis cette faute, le Seigneur auroit affermi, ds maintenant, pour jamais, votre rgne sur Isral ; mais votre royaut ne tiendra plus dsormais : Dieu s'est choisi un homme, selon son coeur, et il l'appelle devenir le chef de son peuple, parce que vous n'avez pas obi ses ordres. Samuel s'en retourna, en passant de Galgala Gabaa de la tribu de Benjamin ; puis, le reste du peuple, marchant avec Sal contre les agresseurs, se rendit pareillement de Galgala Gabaa sur la colline des Benjamites ; et Saiil, ayant fait la revue des hommes d'armes rests avec lui, en compta environ six cents : il en avoit nagure des centaines de mille; mais le peuple d'Isral alloit apprendre de nouveau que le nombre n'est rien quand Dieu dirige par lui-mme, ou par ses Anges, les guerriers au combat et la victoire. Et voici d'abord que deux Isralites seulement, Jonathas et son cuyer, vont rpandre la consternation et

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la mort dans la ville ennemie. Les Philistins oceupoient la cime de deux rochers trs-levs et trs-escarps. Jor nathas, inspir par l'Ange du Seigneur, dit son jeune cuyey : Viens, moritonsjusqu'au campdes incirconis. Sachons si le Seigneur combattra pour nous ; car il ne lui est pas plus difficile de donner la victoire au petit nombre qu'au grand nombre. L'cuyer lui rpondit : Faites tout ce que vous dsirez, allez o vous voudrez, et je vous suivrai partout. Jonathas ajouta : Allons vers les Philistins. Lors, donc qu'ils nous auront aperus, s'ils nous disent : Arrtez-vous l jusqu' ce que nous allions vous ; restons-y et n'allons pas plus loin ; mais s'ils nous disent: Avancez! montons jusqu' eux, car ce sera le signe que Dieu les aura livrs entre nos mains. Aussitt que les gardes du camp les eurent aperus, les Philistins s'crirent : Voil les Hbreux qui sortent des cavernes o ils se cachoient. Et ls gardes dirent Jouathasret son compagnon : Montez ici, et vous verrez. Jonathas dit alors son cuyer : Montons; suis-moi! car le Seigneur les a livrs entre les mains d'Isral. Alors Jonathas monta en grimpant, suivi de son cuyer. Une partie des ennemis tomba aussitt sous le glaive de Jonathas, et son cuyer tuoit les autres derrire lui. Telle fut la premire dfaite des Philistins, o Jonathas et son cuyer turent d'abord environ vingt hommes, dans la moiti d'autant de terre qu'une paire de bufs en laboure en un seul jour. En mme temps, un prodige clata dans le camp et hors du camp. L'arme.des Philistins, qui toit sortie pour le pillage, s'arrta dans l'pouvante, et la terre fut

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trouble, et il arriva, comme un miracle de Dieu. Et les sentinelles de Sal, qui toient Gabaa de Benjamin, regardrent et virent un grand nombre de cadavres tendus pax terre et beaucoup d'hommes qui fuyoienl de toutes parts ; et Sal dit au peuple : Cherchez et voyez qui est sorti du camp. Et, aprs celte recherche, on sut que Jonathas et son cuyer n'y toient plus. Et Sal dit Achias : Consultez l'Arche de Dieu (elle toil en ce jour avec les enfants d'Isral). Et tandis que Saul parloit au prtre, un bruit confus s'leva du camp des Philistins, et, devenant de plus en plus fort, retentit jusqu'au milieu des Isralites. Saul dit donc au prtre : Fermez vos mains. Puis il jeta un grand cri avec tout le peuple qui l'entouroit, et ils s'avancrent jusqu'au lieu du combat, et ils contemplrent les Philistins se perant les uns les autres de leurs glaives dans un horrible carnage. Et les Hbreux, qui, depuis deux ou trois jours, s'toient mls avec les Philistins dans leur camp, vinrent se joindre l'arme de Sail et de Jonathas; et tous les Isralites qui s'toient cachs dans la montagne d'Ephram, apprenant la droute des Philistins, se runirent leurs frres pour combattre ; et Saul avoit dj avec lui prs de dix mille hommes. Ainsi le Seigneur sauva Isral en ce jour-l ; et on poursuivit les fuyards jusqu' Bethaven. Y a-t-il rien, dans toute la Bible, de plus miraculeux que ces faits? Deux hommes seuls, aprs tous les dangers d'une laborieuse escalade, entrent en vainqueurs dans le camp ennemi et donnent le branle au dsastre complet des

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Philistins. Ici, la main du Tout-Puissant apparot et domine la grande scne o les Anges ont ncessairement leur place ; et il devient de plus en plus manifeste que, pour la victoire, Dieu n'a besoin ni de son peuple, ni du roi qu'il lui a donn, ni mme d'aucune partie de son arme. Et pourtant, Sal, voulant s'attribuer une grande part de la victoire, va se permettre un serment dans lequel il usurpe les droits du Trs-Haut. Ds ce moment, l'oracle sacr ne rpondra plus aux questions de l'indigne roi. Puis, il survient des complications o sont dvoils bien des secrets. Alors, le cur du vritable hros de cette victoire, le cur de Jonathas, se rvle, dans sa pieuse rsignation; et le cur du coupable pre s'endurcit de plus en plus ; et il veut faire mourir son fils. Mais le peuple, inspir DJL les Anges, sauve Jonathas par cette admirable parole s * a travaill aujourd'hui avec Dieu ! Si donc le rgne de Sal semble ensuite s'affermir, et s'il remporte lui-mme de nouveaux triomphes, il n'en a pas le mrite aux yeux du Seigneur dont il viole mme l'ordre formel en pargnant les Amalcites et leur roi Agag. Laissons parler encore le Livre saint : Les Isralites s'tant rassembls en ce mme jour, Saul jura ainsi devant le peuple : Maudit soit celui qui prendra de la nourriture avant le soir, jusqu' ce que je me sois veng de mes ennemis! Et tout Isral s'abstint de manger. Bientt ils arrivrent dans un bois o la terre toit couverte de miel (1). Et le peuple, en y
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('I) Dcoulant du creux des arbres et des rochers. Inutile de rap-

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entrant, vit ces ruisseaux de miel* et nul n'osa en prendre et en porter ses lvres, parce que tous ils redoutoient le serment du roi. Or, Jonathas n'avoit pas entendu la maldiction jure par son pre devant le peuple, el il toucha avec le bout d'une baguette qu'il lenoit la main un rayon de miel, puis il le porta sa bouche, et aussitt sa vue fatigue reprit une nouvelle vigueur. Alors un Isralite lui dit: Votre pre a li tout le peuple par ce serment : Maudit soit celui-qui prendra del nourriture aujourd'hui! (Et ils tomboient tous en dfaillance.) Jonathas rpondit : Mon pre a troubl k peuple. Vous voyez que mes yeux se sont fortifis depuis que j'ai got un peu de ce miel. Et combien le peuple n'auroit-il pas aussi repris de forces, s'il et mang la nourriture qu'il rencontroit dans le pillage des ennemis? Le dsastre des Philistins n'en et-il pas t plus grand encore? Les Hbreux en ce jour-l battirent les Philistins et les poursuivirent depuis Machinas jusqu' Aalon ; mais le peuple toit puis de fatigue, et il se jeta sur le butin, enleva des brebis, des bufs et des veaux qu'ils gorgrent sur place ; et ils en mangrent la chair avec le sang. Saul fut averti que le peuple avoit pch en mangeant de la chair encore toute sanglante, et il leur dit : Vous avez viol la loi. Et il ajouta: Que l'on roule ici une grande pierre, et allez dire dans tous les rangs que chacun amne cette pierre son buf et son blier, pour les gorger; et alors vous vous en nourrirez et vous ne
porter ici les commentaires qui font justice de l'ignorance du coryphe des incrdules.

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pcherez plus contre le Seigneur en mangeant la chair avec le sang. Ils vinrent donc tous jusqu' la nuit amener l leurs bufs qui furent gorgs sur la pierre. Alors Sal leva un autel au Seigneur, pour la premire fois, et il dit ensuite : Prcipitons-nous cette nuit sur les Philistins.pour les tailler en pices et qu'il n'en reste pas un seul l'aube du jour. Et le peuple rpondit : Ordonnez tout ce qui vous semble bon. Et le prtre dit : Approchons-nous de l'oracle du Seigneur. El Sal consulta Dieu en disant : Poursuivrai-je les Philistins et les livrerez-vous entre les mains d'Isral? Et le Seigneur ne rendit aucune rponse en ce jour-l. Et aussitt, Sal donna cet ordre : Faites venir ici toutes les tribus du peuple, et que l'on sache quel est celui dont le pch retombe ainsi sur nous en ce jour. Je jure par le Seigneur, Sauveur d'Isral, que le coupable, ft-il mon fils Jonathas, sera puni de mort. Et nul d'entre le peuple n'osa le contredire. Saul dit donc l'assemble d'Isral : Mettez-vous tous d'un ct; et moi je serai de l'autre avec mon fils Jonathas. Et le peuple rpondit: Faites ce que vous croyez juste. Sal s'adressa donc ainsi au Seigneur Dieu d'Isral : Seigneur, Dieu d'Isral, clairez-nous et dites-nous pourquoi vous n'avez pas rpondu aujourd'hui vtre serviteur. Montrez si le pch vient de moi ou de mon iils Jonathas; et si l'iniquit est dans votre peuple, sanctifiez-le. Aprs ces paroles, le sort fut jet et tomba sur Jonathas et sur Sal; elle peuple se trouva prserv. Aussitt Sal ajouta : Jetez- le sort entre moi et mon fils Jonathas. Et le sort tomba sur Jonathas. Sal dit donc

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Jonathas : Confesse-moi ce que tu as fait. Jonathas dclara tout en ces termes : J'ai got un peu de miel au bout de la baguette que je tenois la main, et me voici prt mourir. Sail rpondit : Que Dieu m'accable de sa rigueur, si tu ne meurs, Jonathas! Alors le peuple dit Saul : Quoi clone ! Jonathas mourra-l-il, lui qui vient de sauver Isral si miraculeusement? Non! ceseroit un crime. Nous jurons par le Seigneur qu'il ne tombera pas un cheveu de sa tte, car il a travaill aujourd'hui avec Dieu !

. Ds ce moment, Satil se retira sans poursuivre davantage les Philistins, et les Philistins s'en retournrent chez eux. Et Satil, ayant affermi son rgne sur Isral, combattoit de toutes parts ses ennemis, et les Moabiles, cl les Ammonites, et les Iclumens, el les rois de Soba, et les Philistins; el partout o il porta ses armes, il fut victorieux. Enfin, ayant rassembl toute son arme, il terrassa les Amalcites et dlivra Isral de tous ses dvastateurs. Sal eut trois fils, Jonathas, JessuietMelchisua, et deux filles, dont l'ane s'appeloit Mrob etla plus jeune Michol. Sa femme loil Achinoam, fille d'Achimaas. Il avoit pour gnral d'arme, bner, fils de Nei\ oncle de Satil; car Cis, pre de Saul, et Ner, pre d'Abner, loient tous deux fils d'Abiel. < Durant tout le rgne de Sal, la guerre resta vioc lemment allume contre les Philistins; et ds que Saul avoit reconnu un homme courageux et fait pour les combats, il se l'atlachoit. De tous ces dtails, il a fallu n'en ngliger aucun,

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pour bien saisir la vrit et distinguer l'inspiration anglique et la pense humaine dans les personnages qui viennent de passer sous nos yeux. De la part de Jonathas, tout est digne de l'Ange qui le garde et qui le conduit : nulle ide prsomptueuse ne se mle son courage et son audace. Il n'a de confiance que dans le Seigneur, ne comptant pour rien la force et le nombre des guerriers. IL TRAVAILLE AVEC DIEU, mot sublime et manifestement dict d'en haut l'admiration des enfants d'Isral. Et quand il revient extnu de fatigue, non-seulement il n'est pas complice du serment de Saul, mais il l'ignore; et l'criture prend soin de signaler ce motif d'excuse, supposer qu'il ft ncessaire, l o le chef de l'arme mourant de faim toitseul responsable d'une tmraire maldiction. Aussi le texte sacr ne contient-il, relativement la dfense de manger la chair avec le sang des victimes, aucune autre accusation contre le peuple, que celle de Sal, qui devoit s'en imputer la cause comme provocateur de cette violation involontaire, dans une extrme ncessit. Enfin la vertu de Jonathas est couronne par son hroque rsignation. Il est prta donner sa vie pour expier le pch dont il est peine coupable eu apparence et dont il ne l'est nullement en ralit. En vain le sort semble-t-il un jugement solennel contre lui : aucune rponse n'est sortie de l'Arche sacre. Et ds-lors, tout vient de Saul et rien de la parole de Dieu. Par consquent aussi, cette fois, le sort n'toil point infaillible dans sa signification ; et si la Provi-

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dence en et permis jusqu'au bout le rsultai, c'et l videmment pour punir le pre, en donnant au fils, par anticipation, son ternelle rcompense. Mais la voix du peuple s'est leve alors avec une telle force, une telle puissance et une telle justice, qu'elle toit comme la voix de Dieu en faveur de celui qui avoit travaill
avec Dieu.

L'Ange deJonathas n'a donc point eu gmir sur cet admirable prince, dont bientt nous verrons se dvelopper encore les saintes vertus, et surtout l'inaltrable dsintressement, dans ses fraternels rapports avec nouvel lu du Dieu d'Isral. Sal, au contraire, laisse entrevoir dj, dans tous ses actes, les signes prcurseurs de sa condamnation. Aprs avoir un moment usurp le droit sacerdotal, il ose ensuite prononcer une maldiction suprme, sans consulter l'oracle divin ; il veut tre veng de ses ennemis, elilse dressera lui-mme un arc de triomphe, sans chercher, avant tout, dans cette guerre, la gloire de Dieu. D'o il faut conclure que la pense humaine dominoit en lui et qu'elle pervertissoit ses uvres. L'crivain sacr fait observer aussi que Sal levoit pour la premire fois un autel au Seigneur, ce qui implique encore, au moins jusque-l, un reproche d'ingratitude. Enfin, il prononoil contre son fils innocent une sentence de mort dont le peuple, inspir de Dieu, empcha l'excution. Et, tous ces faits accusateurs, Sal ajouta la violation de l'ordre donn par l'Ange du Seigneur et transmis par Samuel, d'exterminer les Amalciles et tous leurs troupeaux.

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Et le Seigneur (par la voix de son Ange) dit Samuel: Je me repens d'avoir tabli Sail roi, car il m'a dlaiss et n'a point accompli ma parole dans ses uvres. Samuel en fut contrist, et il cria vers le Seigneur durant toute la nuit; et, s'tant lev avant le jour, pour aller trouver Sal ds le matin, il apprit que Saiil toit venu sur le Carmel, o il s'toil dress un arc de triomphe, et qu'ensuite il toit descendu Galgala. Samuel alla donc vers Sal, et le trouva offrant au Seigneur, enholocauste, les prmices des dpouilles d'Amalec ; et quand il fut arriv auprs de Sail, Sal lui dit : Soyez bni du Seigneur ! j'ai accompli sa parole. Et Samuel lui demanda : Quel est donc ce bruit des troupeaux de brebis et de bufs qui retentit jusqu' mes oreilles ? Sal rpondit : On les a amens d'Amalec, car le peuple a pargn ce qu'il y avoit de meilleur parmi les brebis et les bufs pour tre immol au Seigneur votre Dieu; mais nous avons dtruit le reste. Et Samuel dit Sal : Attendez, je vais vous redire ce que le Seigneur m'a dit cette nuit. Parlez, rpondit Sal. Samuel reprit : Lorsque vous tiez petit vos propres yeux, n'tes-vous pas devenu le prince de toutes les tribus d'Isral? Le Seigneur vous a sacr roi sur son peuple ; il vous a envoy cette guerre en vous disant : Va et frappe les pcheurs d'Amalec, et ne cesse pas de les combattre jusqu' leur destruction. Pourquoi donc n'avez-vous point .cout la voix du Seigneur? Pourquoi, ne songeant qu'au pillage, avez-vous fait le mal sous l'il de Dieu? Et Sal dit Samuel : J'ai observ la parole du Seigneur ; j'ai suivi la marche qu'il m'a

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trace; j'ai fait prisonnier Agag,roi d'Amalec, elj'ai lue les Amalcites. Mais le peuple a pris dans le butin des brebis et des bufs les prmices de ce qui a t tu, afin de les immoler au Seigneur son Dieu Galgala. Samuel rpondit : Est-ce que le Seigneur demande des holocaustes et des sacrifices? et ne demande-l-il pas plutt qu'on obisse sa voix ? L'obissance est meilleure que les victimes, et il vaut mieux l'couter que de lui offrir la graisse des agneaux ; car c'est une espce de magie que de rsister Dieu, et comme un crime d'idoltrie que de contrevenir sa volont. Or, parce que vous avez rejet la parole du Seigneur, le Seigneur vous a rejet, et vous ne serez plus roi. Et Sal dit Samuel : J'ai pch, parce que j'ai transgress la parole de Dieu et vos conseils clans la crainte du peuple et par dfrence pour ses dsirs ; mais, je vous en supplie maintenant, chargez-vous du poids de mon pch et venez avec moi, afin que j'adore le Seigneur. El Samuel rpondit : Je n'irai point avec vous, parce que vous avez rejet la parole du Seigneur, et le Seigneur vous a rejet, et il ne veut plus que vous soyez roi d'Isral. Et Samuel se tourna pour s'en aller: mais Sal saisit le haut de son manteau qui se dchira. Et Samuel lui dit: Ainsi le Seigneur dchire aujourd'hui dans vos mains le royaume d'Isral, et il le donne un autre qui vaut mieux que vous. Or, celui qui triomphe en Isral ne vous pardonnera point; il sera inflexible; car il n'est point comme l'homme, pour avoir se repentir. Et Saiil reprit : J'ai pch ; mais honorez-moi nanmoins devant les anciens de mon peuple et devant

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Isral, afin* que j'adore le Seigneur voire Dieu. Samuel revint donc et suivit Sal, et Saul adora le Seigneur. Alors Samuel dit : Amenez-moi Agag, roi d'Amalec. El on lui prsenta Agag, charg d'embonpoint et tout tremblant; et Agag s'cria: Faut-il qu'une mort amre me spare de tout (Siccine spart amaramors)^ Et Samuel reprit : Comme ton glaive a ravi aux mres leurs enfants, ainsi la mre, parmi les femmes, n'aura plus de fils. Et Samuel le mit en pices Galgala, devant le Seigneur. Il retourna ensuite Ramatha, et Saiil alla dans sa demeure, Gahaa. Depuis ce jour jusqu' sa mort, Samuel ne revit plus Saiil; mais il le pleuroil, parce que le Seigneur se repentoil de l'avoir fait roi d'Isral. On admire, dans tout le cours de ce rcit, l'autorit des paroles prononces par Samuel au nom du Seigneur, Les menteuses excuses de Sal ne tiennent pas contre l'ascendant de l'homme de Dieu; et sans qu'il soit ncessaire de les rfuter, la voix prophtique poursuit son uvre, la confusion du coupable roi qui se rsigne enfin l'aveu forc de sa prvarication. Et aussitt, le supplice d'Agag, ordonn par l'Ange, est excut de manire servir d'ternelle leon aux ennemis du Ciel. Et cette exclamation : Faut-il donc qu'une mort amre me spare ainsi de tout? sersi toujours en effet le dernier mol de l'impie. Ah! si du moins son cur en mdiloil toute la porte, ne ft-ce qu'un moment, moment suprme o se dcide le sort de son ternit, toute esprance ne lui seroit pas interdite comme au fond de l'abme ! Un soupir d'amour et de foi suffit pour le sauver,

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surtout quand le ministre saint est l prsent pour recevoir ses larmes et pour les offrir au Dieu Rdempteur. Est-il ncessaire d'expliquer, la fin de ce chapitre, des expressions qui, spares seulement par quelques versets, semblent nanmoins se contredire? Par l'une,
il est dit que Dieu n'est pas comme l'homme, pour avoir se repentir; et par l'autre, que Dieu se repentoit tabli Salroi d'avoir d'hraL Le sens de la premire est ma-

nifeste; et celui de la seconde, s'accommodant au langage humain, ne signifie pas autre chose, sinon que Dieu condamnoitla dsobissance de Sail. C'est ainsi qu'il s'affligeoit et se repentoit de l'lection de ce roi ; mais, ayant tout prvu, sa divine providence en tiroit de solennels enseignements pour son peuple et pour tous les sicles. Samuel, pleurant Sal, offre un touchant exemple de la sollicitude des ministres du Seigneur envers les mes auprs desquelles ils ont reu leur mission sacre ; mais cet attendrissement ne doit jamais dgnrer en dfaillance dans l'excution des volonts divines.

Sacre de David. L'Ange de Dieu avec lui. I / a n g e de Satan avec Sail.

La voix de l'Ange va encore transmettre Samuel les ordres du Seigneur pour le sacre de David, et elle

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le suivra, en lui donnant aussi toutes les indications ncessaires jusqu'au moment de l'onction royale. Et Dieu dit Samuel : Jusqu' quand veux-tu donc pleurer Saul, puisque je l'ai rejet, ne voulant plus qu'il rgne sur Isral? Verse de l'huile dans la corne, et viens, pour que je t'envoie Isa de Bethlem ; car j'ai choisi un roi entre ses enfants. Et Samuel dit : Comment pourrai-je y aller? Saul le saura et me fera mourir. Et l'Ange repril : Tu prendras avec toi un veau du troupeau, et tu diras ; Je suis venu pour offrir un sacriiice au Seigneur, et tu inviteras Isa au festin de la victime, et je te montrerai ce que tu dois faire, et lu sacreras celui que je t'aurai dsign. Samuel fit donc ce que le Seigneur lui avoit dit, et il arriva Bethlem, et les anciens de la ville s'en tonnrent, et, s'avanant au-devant de,lui, ils lui demandrent : Nous apportezvous la paix? Et il rpondit : Je vous apporte la paix. Je viens pour sacrifier au Seigneur. Purifiez-vous, et venez avec moi, afin que j'immole la victime. Samuel purifia donc Isa et ses fils, et il les convia au sacrifice. Et lorsqu'ils furent entrs, il vit Eliab, et il se dit: Est-ce l celui que le Seigneur veut consacrer? Et l'Ange dit Samuel : Ne considre ni la beaut de ses traits ni la hauteur de sa taille; ce n'est pas lui que j'ai choisi et je ne juge point avec les yeux de l'homme, car l'homme voit l'apparence, mais Dieu voit le fond du cur. Ej. Isa appela Abinadab el le prsenta Samuel ; et Samuel dit : Ge n'est point encore celui-l que le Seigneur a choisi. Isa fit venir Samma, et Samuel dit : Ce n'est point non plus celui-ci qui est 1 lu du Sei11. 12

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gneur. Isa amena de mme ses sept fils devant Samuel, et Samuel lui d i t : Dieu n'a choisi aucun de ceux-ci. Alors Samuel lui demanda : Est-ce que ce sont l tous vos fils? Isa rpondit: Il y a encore un jeune enfant qui garde les brebis. Et Samuel dit: Envoyez-le chercher, car nous ne nous mettrons pas table avant qu'il soit venu, Isa l'envoya donc chercher el l'introduisit. Or, il toit roux, d'un aspect agrable et d'une belle figure. Et l'Ange dit : Lve-toi, et rpands l'huile sur son front, car c'est lui-mme. Samuel prit donc la corne pleine d'huile, et le sacra au milieu de ses frres. El depuis ce moment-l, l'esprit de Dieu fut toujours avec David. Et Samuel, se levant, s'en retourna Ramatha. Mais l'esprit divin s'toit retir de Saiil, et il toit tourment de l'esprit malin par Je jugement du Seigneur. Alors les serviteurs de Saiil lui dirent : Voici que le malin esprit envoy de Dieu vous fatigue. Que notre roi l'ordonne, et vos serviteurs prsents devant vous chercheront un homme qui sache jouer de la harpe, afin qu'il en joue lorsque le malin esprit envoy de Dieu vous agitera, et afin que vous en receviez quelque soulagement. Saiil dit donc ses serviteurs : Trouvez-moi un habile joueur de harpe et amenez-le-moi. Et l'un d'entre eux lui rpondit : J'ai vu le fils d'Isa, de Bethlem, il est habile jouer de la harpe ; il est robuste; il est courageux ; il parle avec sagesse ; il a une belle figure, et le Seigneur est avec lui. Saiil envoya donc dire Isa : Envoie-moi ton fils David qui garde tes trpupeaux. Isa prit aussitt un ne, qu'il chargea de pain, puis une amphore de vin et un chevreau, et il les adressa

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Sal par David son fils. Et David se prsenta devant Saiil, et Satl le prit en affection et il le fit son cuyer. Et Sal envoya dire Isa : Que David reste en ma prsence, car il a trouv grce devant mes yeux. Ainsi, toutes les fois que le malin esprit envoy de Dieu s'emparoit de Saiil, David prenoit sa harpe et en jouoit, et Sal respiroit et se trouvoit soulag, oar le dmon se retiroit de lui. Quelques explications relatives l'action des Anges et des dmons sur la terre, c'est--dire prcisment en ce qui touche le sujet principal de cette uvre, doivent trouver ici leur place. C'est une vrit de foi que le cur de l'homme ne doit point tre partag : il est Dieu, ou il est Satan. Point de milieu dans lequel il puisse pratiquer l'indiffrence; car l'indiffrence est dj une infidlit envers Dieu, et un triomphe de l'ennemi du salut. Sans doute le Juste n'est point impeccable; et, trop souvent, en effet, il tombe dans les fautes vnielles ; et mme il n'est pas toujours exempt des fautes capitales ; mais, dans sa foiblesse, la grce divine l'clair, le relve, le ramne, le soutient, le prserve et peut enfin l'exalter jusqu' la saintet la plus eminente. Mais le cur infidle, persvrant dans le mal et dans le pch mortel, est livr au dmon par une consquence ncessaire de son endurcissement. A la vrit, de nouvelles lumires, de nouvelles inspirations, de nouvelles grces peuvent amener pour lui de nouvelles preuves, de nouvelles luttes et par consquent
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aussi de nouveaux germes de rsurrection et de vie, venant de Dieu, en prsence des germes de corruption et de mort sans cesse renaissants de la nature dchue. Toujours est-il que, dans sa libert inalinable, l'homme reste matre de choisir sa route vers le Ciel ou vers les abmes; et que son choix nesauroitse fixer volontairement dans le pch, sans qu'il tombe luimme entre les mains du dmon; comme, au contraire, il est port dans les bras de son Dieu, tant qu'il aspire la vertu, et mieux encore la perfection. Ajoutons que le cur demeure libre, alors mme que le corps est en proie une possession. Voil donc, tel que l'autorit sainte nous l'enseigne, le cours gnral des rcompenses et des chtiments administrs d'en haut, ds ce monde; et on en comprend d'un coup d'il toute la porte et toute la justice. Mais, en oulre, dans Tordre spirituel, il y a, pour certaines vertus, des faveurs privilgies, et pour certains crimes, des peines exceptionnelles ; et le Juge suprme en est le seul dispensateur. Ainsi, dans ce drame biblique, en mme temps que l'esprit du Seigneur saisissoit David, pour rester toujours avec lui, il abandonnoit Saul et le livroit l'esprit mauvais. David, ce jeune berger bni par Fonction sacre, ce roi, selon le cur de Dieu, pourra bien s'oublier pour quelquesmomentsdanslepch;maisledon des remords et du repentir, et, en ce sens, l'espritdivin, nele quittera jamais. Puis, la voix du Prophte, son me ressuscitera bientt la grce ; et une vie de tribulations et de

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larmes fera de lui le type des pcheurs convertis, le modle des saintsde la pnitence. Et Satil, ce premier lu de la royaut en Isral, ce prince tomb dans l'ingratitude envers le Seigneur, non-seulement est rejet, mais il est livr au malin esprit, qui ds lors toit en lui comme l'envoy de Dieu, c'est--dire (comprenons-le bien !) comme l'excuteur de sa juste vengeance; et, s'il en est momentanment dlivr, c'estavec le secours du nouvel lu, qui a reu l'esprit divin ; c'est par les sons mlodieux de la harpe de David. Est-il permis de scruter encore plus le sens profond des contrastes, si ouvertement marqus, entre Saul et David? Et seroit-il tmraire d'interroger le rapprochement des textes que l'criture semble avoir ainsi mis en prsence l'un de l'autre, pour ouvrir l une source de graves enseignements ? Immdiatement aprs cette parole, l'esprit de Dieu fut toujours avec David, le livre sacr ajoute que l'esprit
de Dieu se retira tourmenta. de Sal
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et que l'esprit de malice le

De cette diffrence entre les mes des deux princes, l'une possde de Dieu, l'autre abandonne de Dieu, comment ne pas conclure que l'Ange de lumire accompagnoit David, de mme que l'ange de tnbres obsdoil Satil? Ou plutt, ne faut-il pas reconnotre l'Ange du Seigneur dans l'esprit divin, comme le dmon dans le malin esprit? Et, ds lors, quels rayons de vrit sainte sur le monde anglique et sur le monde infernal, dans leurs rapports avec les hommes!

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L'criture dit, en outre, que l'esprit mauvais se retiroit de Sal quand David jooit de la harpe. Quel autre mystre ! il nous fait croire l'Ange de l'harmonie. Si parfois de profanes accords peuvent euxmmes distraire et soulager la douleur, que ne peuvent les voix angliques, et mme leurs chos sur la terre? Oui, le Ciel inspiroit le jeune Psalmiste, et c'est pourquoi le malin esprit s'enfuyoit aux sons de sa divine mlodie ; et l'Ange du Seigneur chassoit l'ange de Satan. Parmi les nombreuses questions relatives ces pages sacres, il en est que nous ne croyons pas utile de soulever; mais en voici une dernire sur laquelle nous oserons dire quelques mots. L'Ange inspirateur de l'homme appel une grande destine, dans l'Histoire sainte, et surtout lorsque l'criture dtermine le moment o l'inspiration commence, cet Ange inspirateur, disons-nous-, est-il un Ange autre que son Ange gardien? Si la foi n'est pas intresse obtenir une solution catgorique et absolue, elle peut du moins s'clairer ici, dans la libert mme des opinions, la lumire de plusieurs vrits incontestables. Or, d'une part, il n'est pas douteux que Dieu, dans son omnipotence* ne soit matre de communiquer l'Ange charg de la garde d'une me privilgie, un accroissement et de puissance, et d'nergie, et de pntration, en ouvrant ses yeux l'avenir de l'lu providentiel, et en agrandissant ainsi successivement sa mission auprs de lui. Et, d'autte part, toujours par la mme raison tire de sa toute-

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puissance, Dieu reste matre aussi d'envoyer, non pas seulement un nouvel Ange, mais beaucoup d'autres Anges, s'il le veut, au secours d'un simple mortel. Ah ! s'il nous toit donn de voir toutes les merveilles cle ces mystrieuses relations du monde anglique avec les hommes, comme tout l'univers claleroit en cris d'amour et de reconnoissance! Eh bien! ce que l'il du corps ne peut apercevoir, que du moins l'il de la foi le saisisse au flambeau du texte divin, et soyons heureux de saluer ainsi et l'Ange de David et tous les Anges de l'harmonie, ds les premiers accords du Psalmiste.
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David vainqueur do Goliath.

A l'Ange de l'harhionie va succder l'Ange de l victoire. Un simple berger, sahs aucune exprience de la guerre, et muni seulement de sa fronde, mais plein de foi dans l'assistance de son Dieu, ose attaquer un gant aussi redoutable par sa propre force que par ses terribles armes. A la vrit, David est dj, depuis plusieurs annes, l'oint du Seigneur, et PinspiraVion divine le transporte : il prophtise la dfaite de Goliath et le dsastre des Philistins. Tout est donc miraculeux dans cette lutte, o le triomphe du Christ sur le dmon est manifestement figur, G o m m e le disent les pieux cotti*

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mentaleurs ; et quel commentaire peut galer la sublime simplicit du texte ! L'arme d'Isral toit campe prs de la valle du Trbinthe, en face de l'arme ennemie. Et il arriva, dit l'criture, qu'un homme du pays de Ceth; appel Goliath, n d'un pre inconnu, et qui avoit six coudes et une palme de haut, sortit du camp des Philistins. Sa tte toit couverte d'un casque d'airain, et il avoit une cuirasse cailles du poids de cinq mille sicles d'airain, et des cuissards d'airain, et un bouclier d'airain, et le bois de sa lance toit comme le bois des tisserands, et le fer de sa lance pesoit six cents sicles, et son cuyer marchoit devant lui. Et il s'arrta en face des phalanges d'Isral, et il leur dit : Pourquoi vous rangez-vous en bataille? Ne suis-je pas Philistin? et n'tes-vous pas sujets de Sal? Choisissez un homme parmi vous, et qu'il vienne un combat singulier. S'il ose se battre avec moi et s'il me lue, nous serons vos esclaves; mais si je triomphe et si je le tue, vous serez nos esclaves et vous nous servirez. Et oe Philistin disoit ensuite : J'ai dfi aujourd'hui toute l'arme d'Isral ; envoyez-moi l'un de vous, et qu'il vienne me combattre seul seul. A ces paroles du Philistin, Sal et tous les Isralites toient frapps cle stupeur et trembloient d'effroi. Or, David toit fils de cet homme d'Ephrata dont il a dj t parl, de Bethlem Juda> nomm Isa, qui avoit huit fils, et qui toil trs-vieux au temps de Sal. Elles trois ans avoient suivi Sal l'arme; et le premier s'appelit Eliab, le second Abinadab et le troi-

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sime Samma. Et David toit le plus jeune ; et les trois plus grands loienl avec Sal. David avoit quitt Sal pour retourner Bethlem et pour conduire les troupeaux de son pre. Et cependant le Philistin continuoit le matin et soir ses provocations, et cela durant quarante jours. Dans le mme temps, Isa dit David son fils : Prends pour les frres une mesure de farine et ces dix pains et cours vers eux jusqu'au camp. Prends aussi ces dix fromages pour leur chef, et sache comment les frres se portent et quels sont leurs compagnons d'armes. Or, Sal et les fils d'Isa et tous les enfants d'Isral marchoient contre les Philistins, dans la valle du Trbinthe. David, s'tant donc lev ds l'aube du jour, laissa un berger le soin de son troupeau et s'en alla charg de tout ce que lui avoit donn Isa, pour excuter ses ordres. Et il vint Magala o l'arme s'toit avance, en jetant des cris, signal du combat; car Isral toit rang en bataille, et, de leur ct, les Philistins loient tout prts en venir aux mains. David, laissant donc au gardien des bagages tout ce qu'il avoit apport, courut dans les rangs de l'arme et demanda si ses frres alloientbien. Et, il parloit encore, lorsque le Philistin de Geth, nomm Goliath, n d'un pre inconnu, sortant du camp ennemi, profra de nouveau ses provocations, et David les entendit. Et tous les Isralites s'enfuirent sa vue dans l'pouvante. El l'un des enfants d'Isral dit alors : Voyez-vous cet homme qui s'avance? il veut insulter tout Isral. Si donc il

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se trouve quelqu'un qui puisse le tuer, le roi le comblera de richesses, lui donnera sa fille en mariage, et exemptera de toute espce de tribut la maison de son pre dans Isral. David demanda ceux qui taient prs de lui : Que donnera-t-on celui qui tuera ce Philistin et vengera l'opprobre d'Isral? car quel est ce Philistin incirconcis pour outrager ainsi l'arme du Dieu vivant? Et le peuple rptait les mmes paroles, en disant : Voil quelle doit tre la rcompense du vainqueur. Mais Eliab, frre an de David, l'ayant entendu parler ainsi avec d'autres Isralites, s'irrita contre lui et s'cria : Pourquoi viens-tu ici? et pourquoi abandonnestu au dsertie peu de brebis que nous avons? Je connois ton orgueil et la malice de ton cur, et je vois que tu n'es venu que pour te vanter d'avoir vu la guerre. David rpondit : Quel mal ai-je fait? N'est-il pas permis de parler? Puis, s'loignantun peu de son frre, il alla vers d'autres et rpta la mme question. Et le peuple fit la mme rponse. Or, les paroles de David ayant t rapportes Saul, et Saul, l'ayant fait venir en sa prsence, David lui parla ainsi : Que personne ne se trouble devant ce Philistin; moi, votre serviteur, je suis prt aie combattre. Et Saul lui dit : Tu ne saurois rsister ce Philistin ni lutter contre lui, car lu es encore tout jeune, tandis que celui-l est homme de guerre ds son premier ge. David rpliqua : Lorsque votre serviteur menoit patre le troupeau d son pre, un lion ou un ours venoit et emportait un blier; et moi, je courois sur eux, je les attaquois et j'arrachois la proie de leur gueule; et lorsqu'ils se jetaient sur moi, je les

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saisissois la gorge, je les tranglois et je les ttiois. Oui, c'est ainsi que moi, votre serviteur, j'ai tu le lion et l'ours, et j'en ferai autant de ce Philistin incirconcis. J'irai donc de ce pas contre lui, et je ferai cesser l'opprobre du peuple ; car, quel est ce Philistin incirconcis pour oser maudire l'arme du Dieu vivant? Et David ajouta : Le Seigneur qui m'a dlivr des griffes du lion et de la gueule de l'ours me sauvera encore des mains de ce Philistin. Sal dit donc David : Va et que Dieu soit avec toi. Il lui donna ensuite des armes, un casque d'airain et une cuirasse. Et David ayant aussitt ceint l'pe, essaya dmarcher ainsi tout arm, car il n'y toit point accoutum. Et il dit Saiil : Je ne saurais marcher avec cette armure dont je n'ai pas l'habitude- Et alors, dposant ces armes, il prit le bton qu'il portoit toujours ; puis, il choisit dans le torrent cinq pierres polies; les mit dans sa panetire, et, tenant la main sa fronde, il s'avana contre le Philistin. Et le Philistin s'avanoit aussi et s'approchoit de David, et son cuyer niarchoit devant lui. Et lorsqu'il eut regard et bien vu David, il le mprisa ; car David toit jeune, blond et fort beau; Et le Philistin dit David : Suis-je donc un chien pour que tu tiennes moi avec un bton? Et maudissant David au nom de ses dieux, il lui dit : Approche, et que je donne ta chair aux oiseaux du ciel et aux btes de la terre. Mais David rpondit au Philistin : Tu viens moi avec le glaive, la lance et le bouclier; mais je vais toi au nom du Seigneur des armes, du Dieu

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des phalanges d'Isral que tu as toutes outrages. Aujourd'hui mme le Seigneur va te livrer entre mes mains ; je te frapperai, je te couperai la tte, et je donnerai aujourd'hui aussi les cadavres des Philistins aux oiseaux du ciel et aux btes de la terre, afin que tout l'univers sache que Dieu est avec Isral, et que toute celte multitude soit tmoin que le Seigneur ne tire le salut ni de l'pe ni de la lance, car c'est lui-mme qui fait la guerre, et il va te livrer entre nos mains. Et comme le Philistin venoit ets'approchoit de David, David se hte, il court au combat contre lui; il met la main sa panetire, il y prend une pierre, il la lance avec sa fronde, il en frappe le front du Philistin, elle s'y enfonce, et il tombe la face contre terre. Ainsi David fut vainqueur du Philistin par la fronde et par la pierre et il tua le Philistin ainsi frapp. Et comme David n'avoit pas de glaive, il courut et foulant aux pieds le Philistin, il lui prit son glaive, le tira du fourreau, et acheva de le tuer en lui coupant la tte. Et l'arme des Philistins, voyant que le plus redoutable d'entre eux toit mort, prit la fuite. Et aussitt les enfants d'Isral et de Juda, s'lanant avec de grands cris, poursuivirent l'ennemi jusqu' la valle et jusqu'aux portes d'Accaron ; et les Philistins tomboient frapps sur la route de Saram et prs de Geth et d'Accaron. Puis revenant de celle poursuite, Isral s'empara de leur camp. Et David prit la tte du Philistin, la porta Jrusalem, et dposa ses armes dans sa demeure. Et Saul, au moment o il voyoit partir David pour combattre le Philistin, avoit demand Abner, gnral de son arme : De quel!

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famille est ce jeune homriie(l)? EtAbneravoit rpondu: Je vous le jure, seigneur, je n'en sais rien. Et Sal lui dit : Va savoir quel est son pre. Et lorsque David fut revenu du combat, Abner le prit et le conduisit auprs de Saiil, portant la main la tte de Goliath. Et le roi lui dit : Jeune homme, de quelle famille es-tu? El David lui rpondit : Je suis le fils de votre serviteur Isade Bethlem. A chaque ligne de ce rcit, le miracle est visible; il est devant nous comme encadr dans la candeur biblique. Le berger, encore enfant, porte les insignes de sa vie pastorale ; il est ddaign par son frre ; il n'est pas mme reconnu par le roi dont il avoit, quelques annes auparavant, calm l'me obsde de l'esprit malin. Ainsi l'aurole tout anglique, toute divine du jeune Prophte n'en est que plus resplendissante. On voit qu'il est l'envoy de Dieu. Son pre Isa toit inspir lui-mme, en lui ordonnant d'aller au camp d'Isral, pourlaplus humble mission, qui, toutcoup, se change en une mission de gloire. Donc, dans les plus petits dtails, tous les caractres du prodige se dveloppent, ds le commencement jusqu' la fin ; et, comme les Anges sont toujours les ministres des merveilles sacres, il n'est pas possible de mconnotre ici leur prsence. Elle clate surtout dans la solennelle prophtie de la victoire, non-seulement contre le gant terrass, mais aussi contre tous les Philistins mis en fuite et taills en pices.
(4) Saiil avoit oubli David qui depuis longtemps toit retourn chez son pre*

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lu'Ange des saintes amitis. Le dmon de la j a lousie. David perscut par Sail. Le souffle prophtique.

Sans entrer clans toute la suite de l'histoire des rois d'Isral, il est bon nanmoins d'en extraire les faits intressants qui se rapportent la lutte des Anges protecteurs- de l'homme et des dmons appliqus sa ruine. Dj nous connoissons l'admirable lils de Saiil, Jonathas, dont l'Esprit-Saint a dit qu'il travailloit avec Dieu. Le livre sacr reprend ainsi les faits dans lesquels ce jeune prince va servir de modle aux pieux amis : u Lorsque David achevoit de parler, il arriva que le cur de Jqnalhas s'attacha son cur, et il l'aima comme lui-mme... Et ils firent alliance ensemble. Et Jonathas se dpouilla de sa tunique et la donna David, avec ses autres vtements, et mme son pe, son arc et son baudrier. Celte a f f e G t i q n de l'hritier de Sal pour celui qu'un signe clatant venoit de produire, devant tout Isral, comme l'lu du Seigneur, lui toit inspire d'en haut; car ce sentiment toit d'autant plus surnaturel que le miracle de la valle du Trbinthe devoit faire pressentir David comme le successeur du roi, d'aprs les prophtiques paroles de Samuel, dont le bruit s'toit rpandu. Jonathas, s'levant donc par une anglique abngation au-dessus de tous les intrts humains,

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honorait publiquement le fils d'Isa comme l'envoy du Ciel, et il alloit ainsi au-devant des divins dcrets, et il chrissoit David comme la moiti de lui-mme. Saul, au contraire, aprs avoir tmoign d'abord une grande confiance au jeune vainqueur de Goliath, jusqu' lui donner le commandement de quelques hommes d'armes, conut presque aussitt contre lui une violente jalousie ; et l'criture en donne cette explication : Quand David revint, aprs avoir tu le Philistin, les femmes sortirent de toutes les villes d'Isral au-devant du roi Saul, en chantant et en formant des churs de danse au son de la flte et du tambourin. Et toutes, dans les refrains de leur joie, elles disoient : Saul en a tue mille, et David en a tu dix mille. Cette parole irrita Saul et le blessa profondment, et il dit : Ils ont donn dix mille David, et moi mille. Que lui faut-il de plus, sinon d'tre roi? Et, depuis ce jour, il ne regarda plus David d'un il favorable. Et, ds le lendemain, le malin esprit envoy de Dieu saisit encore Saul, et il lui faisoit exhaler des cris de fureur dans sa maison. Alors David jouoit de la harpe, comme il en avoit l'habitude ; et Saul lenoit une lance et il la dirigea contre David pour le clouer la muraille; mais David se dtourna, et deux fois il vita le coup. Le livre saint dit ensuite comment Saul, voyant que Dieu s'toit retir de lui et qu'il toit avec David, chercha tous les moyens d'assouvir sa haine. Il voulut mme faire servir la perte du vainqueur de Goliath le mariage promis avec sa fille. Et David lui avoit humblement rpondu : Qui suis-je? quelle est mon

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existence? et quelle est, clans Isral, la famille de mon pre, pour que je devienne le gendre du roi? Et Sal, hypocritement, lui fit imposer, pour condition nouvelle, de tuer cent Philistins et d'en apporter la preuve, avec des signes matriels de leur mutilation, esprant que David seroit tu lui-mme. Mais la condition fut accomplie: et Michol, seconde fille du roi, devint la rcompense de celle autre victoire. Le ressentiment de Saiil n'en devint que plus terrible. 11 engagea son fils et ses officiers tuer son gendre. Mais Jonathas, aprs avoir averti David de se tenir sur ses gardes, parla ainsi son pre : Seigneur, ne vous rendez point coupable envers David, votre serviteur ; car il n'a point pch contre vous et vous a, au contraire, rendu de grands services. Il a expos sa vie; il a tu le Philistin; et par lui, Dieu a miraculeusement sauv tout Isral. Vous en tes tmoin, et vous vous en tes rjoui. Pourquoi donc maintenant voulez-vous que le sang innocent soit vers par le crime, en tuant David, qui est sans reproche? Apais par ces paroles de Jonathas, Sal s'cria : Vive le Seigneur! il ne mourra point. Alors Jonathas envoya chercher David, lui raconta tout ce qui venoit de se passer, et le prsenta de nouveau Saiil. Et David resta auprs du roi comme auparavant. Ensuite, la guerre contre les Philistins recommena. David les combattit, en fit un grand carnage et mit le reste en fuite. Et il arriva que le malin esprit, envoy de Dieu, s'empara encore de Sal. Assis le soir, la lance la main, dans sa maison, tandis que David jouoit de la

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harpe, Sal essaya de le percer contre le mur avec celte arme; et David se dtourna; et la lance se fixa dans la muraille; et David s'enfuit, et fut ainsi prserv durant celle mme nuit. Saul envoya donc ses gardes la demeure de David, afin de le cerner et de le faire tuer le lendemain, ds l'aube du jour. Michol, femme de David, le prvint en lui disant: Si vous ne vous sauvez ds cette nuit, vous mourrez demain. Et elle le fit descendre par une fentre ; et ainsi David s'chappa et fut sauv. Aprs quoi, Michol prit une statue qu'elle mit sur le lit, et elle entoura la tte avec une peau de chvre; et elle jeta la couverture sur le corps. Et quand Saul envoya des gardes pour enlever David, on leur rpondit qu'il toit malade- Et Saul envoya d'autres gardes, avec ordre de voir David lui-mme, et en leur disant : Apportez-le-moi dans son lit, afin qu'il meure. Mais on ne trouva sur le lit que la statue dont la tte toit couverte d'une peau de chvre. Alors-Sal dit Michol : Pourquoi me tromper ainsi? Pourquoi laisser chapper mon ennemi? Michol rpondit: Il m'a menace; il m'a dit: Laissez-moi partir, ou je vous tuerai. Dans tous ces faits, dans toutes ces alternatives de calme et de fureur, dans tous ces mouvements caiv traires de l'me de Saul, comme dans toutes lespreuves de David, on reconnot bien la vrit dveloppe dans l'une des prcdentes mditations, sur les influences mystrieuses des bons Anges et de mauvais anges, selon la disposition des coeurs. Et, pour que le secret des consciences, connu de Dieu seul
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reste encore plus inexplicable aux yeux mortels, on va voir le souffle divin saisir galement, et sans distinction, une foule d'hommes, parmi lesquels se trouvera Saiil lui-mme, ce qui nous reporte aux observations dont la prophtie de Balaam a dj t l'objet ( 1 ) . David, sauv par la fuite, alla rejoindre Samuel Ramatha, et lui rendit compte de tout ce qu'il avoit prouv de la part de Saiil, et ils se retirrent ensemble Naolh; et l'on vint dire Sail : Voici que David est Naoth, prs de Ramatha. Et aussitt Sal y envoya des hommes d'armes pour s'emparer de David. Mais ces hommes ayant rencontr une foule de prophtes qui prophtisoient, et Samuel debout au milieu d'eux, ils furent inspirs comme les autres de l'esprit du Seigneur, et ils commencrent prophtiser eux-mmes (2). En recevant cette nouvelle, Sal envoya d'autres messagers, qui prophtisrent pareillement. Il dpcha dmtc un troisime message, et tous ceux qui le composoi'ent prophtisrent aussi. Alors, transport de colre, il alla lui-mme Ramatha et jusqu' la citerne de Socho, et il demanda o toient Samuel et David. On lui rpondit : Ils sont Naoth de Ramatha. Et il y courut. Et, ds ce moment, il fut saisi lui-mme de l'esprit du Seigneur, et il prophtisa en chemin jusqu' son arrive Naoth de Ramatha. Et l, se dpouillant de ses habits royaux, il prophlisoit encore avec les autres devant Samuel, et il se coucha terre
(1)Tom. I \ p a g . 495. (2) Il ne s'agit pas ici de Prophtes prdisant Prophtes chantant les louanges de Dieu.
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l'avenir,

mais de

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ainsi dpouill, durant tout le jour et toute la nuit. De l vint cette parole proverbiale : Sal est-il donc aussi
au nombre des prophtes?

L'un des princes de l'glise et de la pense a dit, et ce mot est souvent redit et appliqu de nos jours :
L'homme s'agite et Dieu le mne.

"Voil, dans cette parole de Fnelon, toute l'explication de l'histoire lamentable des dernires annes du rgne de Sal et de bien d'autres rgnes. Et n'avons-nous pas vu les ennemis du Christ courir d'abord, comme l'ennemi de David, avec des cris de mort, la destruction de l'uvre divine ; puis, tout coup , invoquant eux-mmes la Providence, aprs l'avoir longtemps mconnue et outrage, devenir l'instrument des rparations de leurs propres crimes, sans avoir le courage de les avouer et de les pleurer? Hlas ! en effet, malgr les apparences, trop souvent le fond des curs reste coupable, et de nouvelles preuves surviennent, o il se dmasque alors tout entier dans son opinitre malice. 11 faut donc* tudier encore cette triste vrit dans le dveloppement des faits bibliques.

Suite des perscutions contre David. SA retraite dans la caverne d'OdoIlani Sa victoire sur les Philistins.

Les nouvelles preuves du Psamislc appartiennent


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encore l'histoire du monde anglique, non-seulement parce qu'elles offrent des traces de l'intervention des Anges, mais aussi parce que la vie entire de David, sa gloire, ses malheurs, ses angoisses, son triomphe, son crime, sa pnitence, ses victoires et ses revers, les merveilles, les catastrophes, en un mot, toutes les vicissitudes de sa longue et miraculeuse carrire, doivent jeter leurs clatants reflets sur l'pope des Psaumes, o les esprits clestes tiennent leur grande place. L'Ange de Jonalhas va lui inspirer une sainte prire. Redoutant plus que jamais le courroux de Sal contre David, ce jeune prince s'cria, dans l'effusion de sa fraternelle tendresse: Seigneur, Dieu d'Isral, si je dcouvre les secrets desseins de mon pre, demain ou le jour suivant, et si, voyant quelque espoir favorable pour vous, David ! je ne m'empresse pas de vous en avertir :que Jonalhas soit trait dans la rigueur de la divine justice ! Mais si le ressentiment de mon pre devient persvrant contre vous, je vous le rvlerai, afin que vous vous retiriez en paix, et que Dieu demeure avec vous comme il toit jadis avec mon pre. Que si ma vie se prolonge, vous me traiterez avec la misricorde du Seigneur; et si je quitte ce monde, vous aurez compassion de ma famille, quand Dieu aura extermin de dessus la terre tous les ennemis de David jusqu'au dernier. David se cacha donc; et bientt Jonathas, au festin royal o la place de son ami toit reste vide, entendit de la bouche de Saul ces menaantes paroles : Tant que le fils d'Isa sera sur la terre, ni ta vie ni ta couronne ne

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seront jamais en sret. Va donc le chercher et amnele-moi, car il. faut qu'il meure. Et Jonathas rpondit : Pourquoi mourra-t-il? de quoi est-il coupable? Et aussitt Sal prit une lance pour en percer son fils. Et Jonathas reconnut par l que son pre avoit rsolu la mort de David. Et il se leva de table dans l'indignation. Et il ne mangea point en ce jour, le second des Calendes, afflig qu'il toit, et du malheur de David, et de l'outrage qu'il avoit lui-mme reu de son pre. Et le lendemain, ds l'aube du jour, il alla prvenir David... Et ils s'embrassrent en pleurant lous deux, et David encore plus que Jonathas. Et Jonathas lui dit : Allez en paix, et souvenez-vous du serment que nous avons jur entre nous, lorsque nous avons dit : Que le Seigneur soit entre vous et moi, et entre votre race et la mienne pour jamais! Et David s'loigna; et Jonathas rentra dans la ville. David alla d'abord Nob, vers le grand prtre Achimlech et se prsenta seul en lui disant qu'il voyageoit par ordre du roi ; et il lui demanda quelques pains pour lui-mme et pour ceux qui l'avoient accompagn et qu'il alloit rejoindre. Mais Achimlech lui rpondit : 11 n'y a point ici de pain ordinaire, mais uniquement du pain sanctifi. Il lui fit observer aussi que ce pain ne pouvoil tre mang que par l'Isralite pur de toute souillure; et il le lui donna sur la promesse des purifications lgales. David demanda encore Achimlech : N'avez-vous pas une lance ou un glaive? car je n'ai avec moi, ni mon pe, ni mes armes, parce que l'ordre du roi toit urgent. Le grand prtre rpondit : Voici

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l'pe de Goliath, le Philistin, que vous avez tu dans la valle de Trbinlhe. Elle est enveloppe dans un manteau derrire l'phod. Si vous voulez la prendre, prenez-la, car il n'y en a point d'autres ici. Et David reprit: Nul glaive n'est semblable celui-l; donnez-lemoi. Ensuite David se rendit auprs d'Achis, roi de Gelh. Mais il rencontra dans ce pays des hommes malveillants qui le reconnurent, et pour leur chapper, il affecta de donner des signes de dmence, jusque sous les yeux du roi qui leur dit : Est-ce que nous n'avons pas dj trop d'insenss? Pourquoi donc m'amenezvous ce furieux? comment peut-on admettre un pareil hte dans mon palais? David se retira donc dans la caverne d'Odollam. Et l, ses frres et toute la famille de son pre vinrent le retrouver. Puis, environ quatre cents hommes plongs dans la dtresse se joignirent lui et il devint leur chef. C'est dans cette retraite d'Odollam que David donna une nouvelle preuve de la sublimit de son cur. Le fait est simplement racont dans ses dernires paroles ( 1 ) , qu'il faut citer par anticipation pour qu'elles soient ici leur place, en ce qui concerne le mme fait. Tourment de la soif, David avoitdit : Oh ! si quelqu'un me donnoit boire de l'eau de la citerne qui est Bethlem, auprs de la porte! El (rois des vaillants hommes qu'il avoit avec lui passrent travers le camp des Philistins, puisrent de l'eau dans la citerne de Bethlem qui toit auprs de la porte, et ils l'apportrent
(!) II Rois, xxiii, 45.

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David. El il n'en voulut point boire, niais il l'offrit au Seigneur, en disant : Que Dieu me prserve de faire une pareille chose! Boirai-je le sang de ces hommes? boirai-je ce qu'ils on achet au pril de leur vie? El il refusa de boire. Bientt, il chercha un autre asile auprs du roi de Moab, Maspha. Mais le prophte Gad vint lui dire: Ne restez pas ici cl allez dans la terre de Juda. Sail en fut inform ; et l'Idumen Dog, qui avoit t le tmoin de tout ce qui s'toil pass entre David et Achimlech, les avoit tous deux dnoncs ; et Saul se servit de ce calomniateur pour faire gorger le grand-prtre et plus de quatre-vingts lviles portant l'phbd de lin, et toutes leurs familles, y compris mme les femmes etles enfants. L'un des fils d'Achimlech, Abialhar, chapp seul de ce carnage, s'enfuit vers David el lui apprit le meurtre des prtres du Seigneur. Et David lui dit: Je suis cause de la mort de toute la maison de votre pre. Demeurez avec moi et ne craignez rien. L'ennemi de ma vie est aussi l'ennemi de la vtre, et vous serez sauv avec moi. On vint annoncer ensuite David que les Philistins attaquoient la ville de Cela. Alors D^vid consulta Dieu, en disant : Dois-je marcher contre les Philistins et puis-jeles vaincre? Et l'Ange du Seigneur rpondit: Marche! et tu vaincras les Philistins, et tu vas dlivrer Cela. .Mais les hommes qui accompagnoient David lui dirent : Ici, en Juda mme, nous ne sommes pas sans crainlc dans cet asile. Que sera-ce donc si nous allons affronter les Philistins? Pour les rassurer, David con-

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sulla encore Dieu ; et l'Ange rpondit de nouveau : Va ! marche vers Cela et je livrerai les Philistins Ion glaive. David partit donc avec ses hommes d'armes au secours de Cela ; il combattit les Philistins, les tailla en pices et sauva la ville et ses habitants. Or, Abiathar, fils d'Achimlech, en se rfugiant auprs de David, avoit apport l'phod avec lui. Celte remarque du livre saint explique les oracles dont il vient de parler; et nous retrouvons ainsi et les rvlations divines, et la voix des Anges, comme au Sina, et comme dans les stations de l'Arche sacre. Saiil, sachant que David toit Cela, en avoit ordonn le sige. Alors David dit au prtre Abiathar : Prenez l'phod, et il ajouta: Seigneur, Dieu d'Isral, votre serviteur apprend que Saul menace de venir Cela et de dtruire la ville, cause de moi. Les habitants de Cela me livreront-ils entre ses mains? et viendra-t-il, comme votre serviteur l'entend dire? Seigneur, Dieu d'Isral, daignez clairer votre serviteur. Et l'Ange rpondit : Il viendra, et David rpta cette question : Les habitants me livreront-ils entre les mains de Saul? et l'Ange rpondit : Ils te livreront ( 1 ) . David partit donc avec sa troupe, qui s'levoit alors environ six cents hommes, et ils allrent dans la fort du dsert de Ziph. L, Jonalhas, fils de Saul, alla le consoler et l'encourager en lui disant : Ne craignez rien, car Saul mon pre ne mettra pas la main sur vous.
(I) UVal--dire, si tu restes l.

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Vous serez roi d'Isral, et je serai votre premier sujet, et mon pre le sait bien lui-mme. Gomme il est bon, comme il est anglique, ce Jonalhas, toujours fidle au malheur de David, et toujours soumis la volont de Dieu! ses paroles permettent de croire qu'il avoit personnellement reu de prophtiques rvlations sur les futures destines du fils d'Isa; car, ici, l'Histoire sacre est pleine de mmorables enseignements; elle va les dvelopper encore. Du dsert de Ziph, David, dnonc par des tratres, s'en alla au dsert de Maon, et s'y cacha dans un rocher. Dj Sal le faisoit cerner par ses satellites; mais une invasion de Philistins le fora de marcher contre eux; et, lorsqu'il revint de son expdition, David s'toit retir avec ses serviteurs dans la caverne d'Engaddi ; et il arriva que Sal, allant de nouveau sa recherche, entra seul et s'arrta quelques moments dans cette caverne, et les hommes d'armes qui toient cachs jusqu'au fond ayant vu entrer le roi, sans qu'il les vt lui-mme, dirent David : Voici le jour dont l'oracle du Seigneur a ainsi parl : Je te livrerai ton ennemi, afin que tu puisses faire de Jui ce que tu voudras. Mais David s'tant avanc en silence, se contenta de couper secrtement le bord du manteau de Sal, et aussitt il se repentit de cette i'rrvrence, et il dit tout bas ses serviteurs : Dieu me garde de traiter comme vous le dites celui qui est mon matre, l'oint du Seigneur, puisqu'il est le Christ du Seigneur Dieu! David les calma donc par ces paroles, et il ne

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leur permit pas d'attaquer Saul. Et Sal, sortant de la caverne, continua sa roule ; et David alla sur ses pas, et il cria derrire lui : Mon seigneur et mon roi! Saul se retourna, et David, le saluant, se prosterna jusqu' terre, et il ajouta : Pourquoi coutez-vous ceux qui vous disent : David cherche vous faire du mal? Vous voyez maintenant cle vos propres yeux que le Seigneur vous a livr entre mes mains; j'ai mme eu la pense de vous tuer, mais je vous ai pargn, en me disant : Non, je ne porterai pas la main sur mon matre, parce qu'il est l'oint du Seigneur. Regardez vous-mme, mon pre ! et reconnoissez le bord de votre manteau que je liens la main, car, en le coupant, je n'ai pas voulu toucher votre personne. Considrez donc et voyez que je ne suis coupable d'aucun crime, d'aucune injustice et d'aucun pch contre vous: et cependant vous piez l'occasion de m'ter la vie. Que Dieu juge entre vous et moi, qu'il soit mon vengeur, et que ma main ne s'arme point contre vous ! et comme le dit une ancienne parole: L'impit vient de l'impie; ainsi, jamais je ne porterai la main sur vous. Qui perscutezvous donc, roi d Isral! qui perscutez-vous? Vous perscutez un tre sans vie, un insecte. Que le Seigneur en soit le juge et qu'il prononce entre vous el moi. Qu'il daigne jeter les yeux sur ma cause, qu'il prenne ma dfense, et qu'il me sauve de vos atteintes. Aprs que David eut ainsi parl, Saul lui dit : N'est-ce pas ta voix que j'entends, mon iils David? puis, j e tant un grand soupir, il versa des larmes, et il reprit : Tu es plus juste que moi, car tu ne m'as fait que du
!

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bien et je ne t'ai rendu que du mal ; tu viens de prouver lout l'heure toute ta bont pour moi, car Dieu m'avoil livr entre tes mains, et tu m'as conserv la vie ! et quel homme rencontrant son ennemi le laisse chapper ainsi sain et sauf? Que le Seigneur te rcompense luimme de ce que tiras fait aujourd'hui pour moi ; et comme je sais que trs-certainement lu rgneras et que tu dois possder le royaume d'Isral, jure-moi par le Seigneur que tu ne dtruiras point ma race aprs moi, et que tu n'effaceras point mon nom de la maison de mon pre ! El David le jura Sal, et Saiil retourna en sa demeure, et David et ses serviteurs montrent vers des lieux plus srs. Il y a dans tous ces dtails, avons-nous dit, de mmorables enseignements. La volont de Dieu, en faveur de David toit manifeste l'avance. Samuel l'avoit prdite Sail. Le fils d'Isa toit sacr depuis longtemps. Jonathas dclare lui-mme qu'il connot cette rvlation ; et Saiil avoue enfin qu'il sait que David rgnera sur Isral. Mais quel contraste entre un cur d'homme et un cur d'homme, suivant qu'il est soumis ou rebelle son Dieu ! Samuel avoit t l'instrument de la conscration royale qui entranoit pour lui l'abdication cle l'autorit suprme : quelle saintet ! Jonathas toit plein d'admiration et de tendresse pour celui-l mme qui il devoil cder la place sur le trne d'Isral : quelle rsignation !

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Et David, l'oint du Seigneur, souffroit avec mansutude Fexil et les perscutions : quelle gloire! En face de tous ces exemples de vertu, Saul, au contraire, Saul, si humble et sifidlejadis, devient indigne de la royaut ; puis, son orgueil se rvolte jusqu'au dlire; dans les accs de ce mal, il menace de mort et David et son propre fils; et bientt, sur la calomnieuse dnonciation de l'Idumen Dog, il fait massacrer le grand prtre Achimlech et une partie de la tribu sacerdotale. Aprs tant de crimes, son ardeur de vengeance revit encore et elle le conduira jusqu' une sorte d'apostasie. Cependant Samuel mourut, et tout le peuple s'assembla pour le pleurer, et ils l'ensevelirent dans sa maison de Ramatha. Alors David chercha au fond du dsert de Pharan un autre refuge. Ici se place l'pisode de Nabal et de sa femme bigal. Ce descendant de Caleb avoit, sur le Carmel, de riches possessions. Et David lui fit demander quelque assistance. Mais il rpondit aux envoys : Qu'est-ce que David, et qu'est-ce que le fils d'Isa? On ne voit maintenant que des serviteurs fuyant leur matre. La rponse irrita David et il se prparoit chtier Nabal; mais Abigal, allant au-devant de lui, s'empressa de l'apaiser par des excuses et des prsents qu'elle lui offrit comme au futur chef dont le rgne toit prditsur Isral. Et dix jours aprs, ajoute l'criture, Dieu frappa
Nabal et il mourut.

Ainsi, l'Ange de Dieu exerce sa justice contre les

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contempteurs de l'homme sanctifi dans la tribulation, surtout lorsqu'au lieu de reconnotre l'oint du Seigneur, ils affectent d'ignorer son origine et jusqu' son nom. Plus tard David pousa bigal. Cach de nouveau dans le dsert de Ziph, le fils d'Isa fut encore dnonc Saiil qui se mit sa poursuite avec trois mille hommes. Mais, dans la nuit, au moment du sommeil de cette arme, auprs d'Hachila, David, interrogeant Achimlech, Hthen et Abisa fils de Sarvia, frre de Joab, leur dit : Qui veut descendre avec moi dans le camp de Sal? Abisa rpondit : J'irai avec vous. David et Abisa allrent donc vers le milieu de la nuit dans le camp de Sal, et ils le trouvrent couch et endormi sous sa tente. Sa lance toit fixe en terre au chevet de sa couche. Abner, gnral de ses troupes, et tout ce peuple arm dormoient autour de lui. Alors Abisa dit David : Dieu livre en ce jour votre ennemi dans vos mains. Je vais donc avec mon glaive le percer d'un seul coup jusqu' la terre, et je n'aurai pas besoin de frapper un second coup. David rpondit : Ne le tue pas ! car quelle main s'tendra sur l'oint du Seigneur et sera innocente? Et il ajouta : Je le jure : moins que Dieu ne frappe lui-mme Sal, ou que son dernier jour arrive, ou qu'il soit tu dans le combat, Dieu me garde de porter la main sur l'oint du Seigneur! Prends seulement sa lance et sa coupe, et retirons-nous. David emporta donc lalaiice et la coupe de Sal qui toient prs de son chevet, et ils s'en allrent. Nul ne les avoit v u s , nul ne les avoit enten-

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dus, nul ne s'toit veill, mais l'arme dormoit, parce que le sommeil du Seigneur les avoil tous saisis; el lorsque David fut pass de l'autre ct du camp, il s'arrta sur le haut d'une montagne, laissant une assez grande distance entre lui et l'arme de Sal, et de l , levant la voix, il cria vers le peuple et interpella ainsi Abner, fils de Ner : Ne rpondras-tu point, Abner? et Abner lui dit : Qui es-tu, loi qui cries et qui troubles le repos du roi? el David reprit : N'es-tu pas un homme de cur? el quel autre est semblable toi en Isral? comment donc n'as-tu pas gard le roi, ton seigneur? car quelqu'un d'entre le peuple a pntr jusqu'au roi ton matre pour le tuer; tu n'as donc pas fait ton devoir ; je le jure : vous mritez la mort, vous tous qui avez si mal gard voire matre, l'oint du Seigneur. Maintenant donc regarde o. est la lance du roi, o esl sa coupe qui loient prs de lui? Or, Saill reconnut la voix de David et lui dit : N'est-ce pas ta voix que j'entends, mon fils David? C'est ma voix, mon seigneur et mon roi ; el il ajouta : Pourquoi mon matre perscule-t-il son serviteur? qu'ai-je fait de mal? et quel crime a souill mes mains? mon seigneur et. mon roi! souffrez que votre serviteur vous dise cette parole : Si c'est Dieu qui vous provoque contre moi, qu'il daigne agrer mon sacrifice; mais si ce sont les enfants des hommes , ils sont maudits devant Dieu, pour m'avoir chass aujourd'hui loin de l'hritage du Seigneur, afin que je n'y demeure pas, en me disant : Va servir les dieux trangers. Que mon sang ne soit donc point vers devant le Seigneur ! car le roi d'Isral s'est mis la poursuite d'un

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moucheron, comme le chasseur court aprs la colombe travers les montagnes. Saul rpondit : J'ai pch, reviens, mon fils David ! je ne le ferai plus de mal dsormais, puisque ma vie a t prcieuse en ce jour devant tes yeux, et il est manifeste que j'ai agi comme un insens, et que j'ai t dans l'erreur sur beaucoup de choses. Et David reprit : Voici la lance du roi ; que l'un de ses serviteurs vienne ici et qu'il la remporte. Ainsi le Seigneur rendra chacun selon sa justice et selon sa foi, car il vous a livr aujourd'hui en mon pouvoir, et je n'ai pas voulu porter la main sr l'oint du Seigneur; et comme votre vie lout l'heure a t prcieuse mes yeux, que la mienne soit regarde d'un il propice par le Seigneur, et qu'il me dlivre de toute triblation. Sal dit encore David : Sois bni, mon fils David ! et vraiment tu seras heureux t puissant dans tout ce que que lu dois faire. Alors David s'loigna, etSaiil retourna dans sa demeure. Le courage du fils d'Isa, sa rsignation, sa gnrosit envers un perfide ennemi, ne pouvoient aller plus loin, et l'histoire sacre en a ainsi constat les preuves clatantes. Sal, au contraire, persiste dans sa malice. Les aveux qu'il vient de faire sont des aveux forcs, des tmoignages contre lui-mme. Mais, de part et d'autre, on le voit, une main divine dispose, avec le concours des Anges, les vnements qui bientt doivent aboutir au plein et entier accomplissement des prophties de Samuel. David s'lanl retir de nouveau auprs d'Achis, roi

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de Gelh, le trouva plus confiant que la premire fois. 11 obtint mme de lui le don de la ville de Siceleg, dont il transmit la possession au royaume de Juda; puis, en change de cette hospitalit, Achis voulut faire promettre David qu'il combattrait avec lui contre Saut ; mais David, clair qu'il toit par une anglique rvlation, se borna cette rponse : Vous verrez plus tard ce que fera votre serviteur. Et, en effet, par une providentielle impulsion, les chefs des Philistins rclamrent le renvoi de David, et cette demande excute lui permit, en retournant Siceleg, de remporter une victoire complte sur les Amalcites, qui avoient incendi la ville en son absence, et qui emmenoient captifs tous les habitants avec sa famille. Avant de les attaquer David avoit consult Dieu, en disant Abiathar : Prenez l'Ephod pour moi. Poursuivrai-je ces brigands, et lesprendrai-je ou ne les prendrai-je pas? Et l'Ange du Seigneur avoit rpondu : Poursuis-les; car certainement tu les atteindras et tu reprendras leur proie. David remporta donc une victoire complte, et, aprs avoir distribu une partie de la dpouille des Amalcites aux vainqueurs et ceux qui, employs d'autres services, n'avoient pu prendre part au combat, il en envoya aussi une portion aux anciens de Juda, en leur faisant dire : Recevez la bndiction des dpouilles des
ennemis du Seigneur.

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La Pythonisse d'Endos. vocation de Samuel. Mort de Sal et de ses fils.

Jamais les mauvais anges n'ont de pouvoir ou d'influence nulle part, ni au fond de l'abme ni sur-la terre, que dans la mesure des divines justices et conformment aux dcrets de la Providence. Aussi, l'homme fidle a le droit de dire hautement : Je crains Dieu et je ne crains pas le dmon. Au contraire, l'homme coupable devient facilement superstitieux; et tandis que, dans sa libert, il refuse au Crateur l'hommage de l'adoration, il est comme forc de rendre aux esprits de tnbres l'hommage de la terreur. La visite de Sail la Pythonisse d'Endor jette un grand jour sur cette vrit, que Dieu est le seul matre du monde invisible comme du monde visible. On peut dire aussi que l'crivain sacr, en constatant le fait historique, a voulu bien plus encore clairer la croyance. Abordons cette rvlation. Samuel toit mort : tout Isral l'avoit pleur, et il avoit t enseveli Ramatha, o il toit n. El Saiil avoit chass de son royaume les devins et lesmagiciens. Et les Philistins s'assemblrent et vinrent camper Snam. Et Sal convoqua tout Isral, et il se rendit Gelbo ; et, quand il vit l'arme ennemie, il fut saisi de crainte et son cur se troubla. Alors, il consulta le Seigneur; mais le Seigneur ne lui rpondit point: ni
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I.

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par des songes, ni par les prtres, ni par les prophtes. Ensuite il dit ses officiers : Cherchez-moi une femme qui ait un esprit de Python, et j'irai la trouver et je l'interrogerai. Et ils lui rpondirent : Il y a une femme Endor qui a un esprit de Python. Il changea donc son extrieur en prenant d'autres vtements, et il partit avec deux serviteurs ; et, tant arriv la nuit chez cette femme, il lui dit : Prophtisez pour moi par l'esprit de Python, et voquez-moi d'entre les morts celui que je vous dirai. Cette femme lui dit: Vous savez tout ce qu'a fait Sail et comment il a proscrit les magiciens et les devins de son royaume. Pourquoi donc me tendezvous ce pige pour me perdre? Et alors Saul jura par le nom du Seigneur, en disant : Vive le Seigneur ! il ne vous arrivera aucun mal cette occasion. La femme demanda : Qui voulez-vous que j'voque? Il rpondit : voquez-moi Samuel. Or, la femme ayant vu Samuel, jeta un grand cri et dit Sail : Pourquoi m'avez-vous trompe ? vous tes Sail. Le roi reprit : Ne crains rien. Qui as-tu vu? Et la femme dit Sal : J'ai vu les dieux sortant de la terre. Et il demanda encore : Sous quelle forme? Et elle ajouta : Un vieillard est mont, et il esl couvert d'un manteau. Et Saul comprit que c'toil Samuel, et il se prosterna la face contre terre et il adora. Samuel dit Saul : Pourquoi troubles-tu mon repos en me faisant voquer? Saul rpondit : Je suis dans l'angoisse. Les Philistins me font la guerre, et Dieu s'est retir de moi, et il n'a voulu me rpondre ni par la voix des prophtes

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ni par des songes; je vous ai donc appel afin que vous me disiez ce que je dois faire. Samuel reprit : Pourquoi m'interroges-tu, puisque Dieu s'est retir de toi et qu'il est pass ton mule? car le Seigneur te traitera comme il te l'a dit par ma bouche: il arrachera le royaume de tes mains et il le donnera David, ton alli, car tu n'as pas obi la voix du Seigneur, et tu n'as pas excut ses vengeances sur Amalec; et voil pourquoi il t'a inflig les maux que tu souffres aujourd'hui, et le Seigneur va livrer aussi Isral avec loi entre les mains des Philistins. Ds demain, toi et tes fils vous serez avec moi parmi les morts; et Dieu livrera le camp d'Isral aux Philistins. Et aussitt Sal tomba tendu sur la terre, tant il toit pouvant des paroles de Samuel; et la force lui manquoil, car il n'avoit rien mang durant tout ce jour-l. Alors cette femme s'approcha de lui, car il toit constern, et elle lui dit : Vous voyez que votre servante vous a obi, que j'ai expos ma vie pour vous et que j'ai cout et suivi vos paroles. Maintenant donc coutez aussi votre servante, et souffrez que je vous serve un peu de pain, afin qu'en mangeant vous repreniez vos forces et que vous puissiez vous remettre en route. Saiil refusa et lui dit : Je ne mangerai point. Mais ses serviteurs ainsi que celle femme le conjurrent de manger ; et cdant enfin leurs prires il se leva de terre et prit place sur le lit. Or, cette femme avoit un veau gras dans sa maison, et elle le tua aussitt; puis, prenant de la farine, elle la ptrit et en fil des

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pains sans levain ; elle les servit devant Salil et ses serviteurs , et aprs qu'ils eurent mang, ils partirent et marchrent toute la nuit. Recueillons maintenant la miraculeuse leon. Le trait caractristique de la superstition et de l'impit, c'est tout d'abord la contradiction. Saul, le mme homme, le mme roi qui avoil extermin, en Isral, les magiciens et les devins, ne craint pas d'avoir recours la Pythonisse d'Endor ! Rvolt contre les dcrets du Seigneur, il avoit inutilement consult l'oracle divin : point de rponse! et au lieu de tomber genoux.et d'implorer misricorde, il v a , sous un dguisement qui accuse son trouble, il va clandestinement la nuit interroger un esprit de Python, et il ose lui demander l'vocation de Samuel. Mais, avant mme que sur cette demande la Pythonisse ait dit une parole, ou fait un geste, Samuel apparat, et Dieu montre ainsi, d'un seul coup, qu'il arrte ou prvient son gr l'influence satanique, et qu'elle n'est rien, qu'elle ne peut absolument rien, sans sa permission. Aussi la magicienne en est dj convaincue; elle voit le miracle, elle sait qu'aucune espce d'action ne lui appartient sur les choses sacres. Si un seul instant lui et t donn entre la demande du visiteur et l'apparition du prophte, elle aurait dclar impossible l'vocation. Le cri qu'elle jette est un cri de foi comme un cri d'pouvante, car elle a presque la mme foi que les dmons ; elle connot les bornes de la magie, elle n'a pas mme la pense de lutter ni de se commettre avec la puissance divine; la prsence de Samuel lui

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ouvre les yeux encore plus; elle comprend donc qu'une uvre d'en haut s'accomplit, qu'il s'agit des destins d'Isral, que le coupable prince est l, et elle lui crie : Vous tes Sal Elle est saisie parle spectacle du prodige ; les Limbes se sont entr'ouverls ; elle a vu les dieux, les enfants de Dieu, sortant de la terre, et elle dsigne le vieillard vnrable arrivant jusque sous ses regards avec le manteau des prophtes : aussitt le terrible colloque s'tablit entre l'homme sacr et le roi prvaricateur. Ainsi la question prpare pour l'esprit de tnbres est comme arrte au passage et tranche par des rponses pareilles aux clats de la foudre. Les dieux, LOHIM, c'est--dire les Anges, les ministres de Dieu auprs des Justes qui attendoient dans le repos le jour del rdemption, avoientaccompagn l'apparition de Samuel, mais ils n'toient pas arrivs comme l u i , sous une forme sensible, jusque auprs del Pythonisse; ils avoient ouvert l'illustre mort les portes des Limbes, et ils toient tout prts le reconduire dans son repos. Ds le lendemain, la lugubre prdiction du prophte s'accomplit, et Saiil, vaincu Gelbo par les Philistins, vit prir, avec un grand nombre d'Isralites, ses trois fils, Jonathas, AbinadabetMelchisua; et lui-mme, dans son dsespoir, ayant demand en vain soncuyer de lui terla vie, de peur d'tre ignominieusement tu par les incirconcis, il se jeta sur son pe ; et son cuyer voyant qu'il toit mort, se jeta pareillement sur son pe, et mourut avec lui; et les habitants de JabsGalaad vinrent chercher les corps de Satil et de ses fils

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et les ensevelirent dans la fort; et ils jenrent durant sept jours. Ainsi fut prcipit d'abme en abme le premier roi d'Isral. Comment fut-il possd d'abord, puis laiss, puis ressaisi par le malin esprit? quel toit l'tat de son cur dans les retours de calme? enfin jusqu' quel point fut-il coupable de suicide?... Dieu seul est son juge. Au surplus, les crimes et les fautes des grands sont la leon de tous les hommes. La tmraire vocation de Samuel dont la Bible prend soin de constater itrativement la spulture, pour mieux faire ressortir la vrit de l'apparition miraculeuse, atteste aussi la foi dans l'immortalit de l'autre vie; et cette rvlation se trouve confirme encore dans le Livre de l'Ecclsiastique, o il est dit de Samuel qu'il mourut, et ensuite quZ parla au roi et lui prdit sa mort (1).
(4) Chap. XLvi, 23.

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1T.

David pleure Saiil ci Jonaihas. Il rgne sur Juda, ci aprs la mort d'Isboseth sur loul Isral.

peine David esl-ii roi, que dj l'Ange des Psaumes lui met sur les lvres, pour pleurer Satil et Jonathas, ces paroles sublimes : 0 Isral! vois quels hommes ont t frapps du glaive sur les hauts lieux. Les glorieux princes ont t tus sur tes montagnes... Comment les hros sontils donc tombs? N'allez-pas l'annoncer Geth ! Gardez-vous de le publier dans les places d'scalon ! Craignez que les lilles des Philistins ne s'en applaudissent; tremblez que les filles des incirconcis n'en tressaillent de joie! Montagnes de Gelbo, que la pluie ni la rose ne descendent plus sur vous ; que les prmices des fruits ne viennent jamais de vos champs; car c'est l que le bouclier des forts, le bouclier de Saul a t jet tere, comme si son front n'et pas t oint de l'huile sainte. Toujours la llche de Jonalhas s'est enivre de la graisse et du sang des vaincus; jamais l'pe de Sal n'a dormi dans la guerre. Saiil et Jonathas, aimables ensemble et si beaux dans la vie! ils n'ont point t spars non plus dans la mort.

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Ils loient plus rapides que l'aigle, plus forts que le lion. Filles d'Isral, pleurez sur Saul qui vous ornoit de pourpre dans les ftes, et qui vous donnoit l'or de vos parures. Gomment les hros sont-ils donc tombs dans le combat? Comment Jonathas a-t-ii t tu sur vos collines? Je pleure ta mort, Jonathas! mon frre! loi le plus beau d'entre les hommes; toi dont l'amiti valoit mieux que l'amour des femmes; toi que j'aimois comme une mre aime son iils unique! Comment les hros sont-ils donc tombs, et comment leurs armes ont-elles t brises? Alors David consulta le Seigneur, en lui disant ; Irai-je dans l'une des villes de Juda? et l'Ange lui rpondit : Va! Et David ajouta : O irai-je? Et l'Ange dsigna Hbron. C'est l que David fut sacr par les enfants de Juda, afin qu'il rgnt sur eux. Mais les autres tribus d'Isral, sous la conduite d'Abner, fils de Ner, avoientproclam roi Isboseth, fils de Sal; et David ne fit rien contre eux durant sept annes, laissant Dieu le soin de diriger les vnements vers l'excution de ses dcrets. Un combat de douze hommes de la tribu de Benjamin contre douze hommes de la tribu de Juda fut le prlude des hostilits : Et chacun d'eux (dit l'criture) ayant saisi la tte de son adversaire, ils se passrent l'pe au travers du corps, et tombrent morts tous ensemble ; et ce lieu fut nomm le champ des vaillants guerriers, en

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Gabaon. Ensuite la guerre s'alluma, et elle dura jusqu'au jour o lsboseth fut assassin par deux tratres. Ces deux hommes osrent porter sa tte David, qui aussitt les fit mettre mort, comme il avoit pareillement puni celui qui s'toit vant d'avoir achev sur le champ de bataille Saiil expirant. Bientt toutes les tribus d'Isral vinrent trouver David Hbron et lui dirent : Nous voici, nous, vos os, nous, votre chair. Depuis longtemps, quand Saiil rgnoit sur nous, vous avez guid les pas d'Isral au combat et dans le retour; et le Seigneur vous a dit : Tu conduiras mon peuple et tu seras le chef d'Isral. Les plus anciens d'Isral arrivrent aussi auprs de David, Hbron; et le roi fit alliance avec eux devant le Seigneur, et il fut sacr par eux pour rgner sur tout Isral. Il avoit trente ans au commencement de son rgne. Il rgna sept ans et demi Hbron sur Juda, et lrente-t?ois ans Jrusalem sur Juda et surtout Isral. C'est dans ce mmorable rgne que David, roi selon le cur de Dieu, a port, avec une gale force d'me, et le poids des grandeurs, et le poids des tribulations ; et l'on peut dire de sa criminelle, mais passagre infidlit , qu'elle a tellement fait clater en lui la sublimit du remords, qu'il a rempli tous les sicles des gmissements de sa pnitence, sous l'inspiration des Anges.
oec

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LES ANGES

Nouvelles victoires le Itavid sur les Philistius.

Que nul ne considre les actes et les paroles du saint roi David comme venant de lui seul. Il toit clair et dirig d'en haut ; et c'est bon droit que nous rattachons sa royale vie, comme sa vie pastorale, au commerce du monde anglique. Si le moindre doute pouvoil s'lever ici, il seroit aussitt dissip par ce qui va suivre. Les Philistins, apprenant que David avoit t sacr roi sur Isral, s'assemblrent tous pour l'attaquer. A cette nouvelle, David se retira dans un lieu fortifi ; et alors les Philistins se rpandirent au milieu de la valle de Rapham, et David consulta Dieu, en disant : Marcherai-je contre les Philistins et les livrerez-vous entre mes mains? Et l'Ange du Seigneur rpondit : Va les combattre, car je vais te les livrer. David alla donc Baal-Pharasim, o il terrassa les Philistins, et il s'cria : Dieu a dispers mes ennemis devant moi comme le torrent des eaux; et c'est de l que le champ de bataille reut ce nom de Baal-Pharasim; et les Philistins y laissrent leurs idoles, qui furent emportes par David et par les hommes d'armes. Ensuite, les Philistins renouvelrent leurs tentatives et se rpandirent encore dans la valle de Rapham ; et David demanda de nouveau Dieu : Irai-je contre les Philistins et les livrerez-vous entre mes mains ? Cette fois, la rponse, toujours donne par la voix

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des Anges, est prcise avec un dtail qui ajoute encore aux merveilles del'oracle.La voici : Ne va pas au-devant d'eux, mais tourne derrire leur camp jusqu' ce que tu arrives en face des poiriers; et lorsque tu entendras comme le bruit de la marche au haut des arbres, tu engageras la bataille, parce qu'alors l'Ange du Seigneur s'avancera devant toi pour frapper l'anne des Philistins. David excuta donc les ordres de Dieu; et, aprs avoir battu les Philistins, il les poursuivit depuis Gabaa jusqu' Gzer. Ainsi, les Anges, sans avoir besoin de prendre des formes sensibles pour manifester leur prsence, l'annoncent ici par le bruit de leur marche et comme si c'toit le bruit de leurs ailes : et peine ce signal est-il entendu, que leur divin secours clate en faveur du peuple d'Isral et du saint roi qui le conduit.

Translation de l'Arche l'alliance.

Environne d'Anges et pleine de la prsence de Dieu, l'Arche sainte ne peut se mouvoir ni se reposer sans laisser des traces de son passage ou de son sjour ; traces de bndiction et parfois traces d'pouvante, comme on l'a dj vu dans les anciens faits. En voici d'autres preuves.

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David assembla trente mille hommes d'lite d'entre les enfants d'Isral, et il partit, accompagn de ceux d e l tribu de Juda, pour aller chercher l'Arche de Dieu, devant laquelle est invoqu le nom du Seigneur des armes, reposant sur les ailes des Chrubins qui la couvrent. Et ils placrent FArche de Dieu sur un char tout neuf, en la retirant de la maison d'Abinadab de Gabaa; et les fils d'Abinadab, Oza etAhio, conduisoient ce char ; et, quand ils l'eurent retir de la maison d'Abinadab, Ahio marchoit devant le char. Or, David et tout Isral chantoienl devant le Seigneur, avec tous les instruments : la harpe, la lyre, et le tambour, et le sistre, et les cymbales. Mais, lorsqu'on arriva l'aire de Nachon, les bufs ayant regimb et fait pencher le char, Oza porta la main sur l'Arche de Dieu pour la retenir; et la colre du Seigneur s'allumanl contre Oza, il le punit de sa tmrit, et Oza tomba mort devant l'Arche de Dieu. Et David fut contrist de ce que le Seigneur avoit frapp Oza; et ce lieu est nomm jusque aujourd'hui la punition d'Oza. Alors David toit tremblant devant le Seigneur, et il disoil : Comment l'Arche de Dieu viendra-t-elle dans ina demeure? Et il ne voulut pas conduire chez lui l'Arche de Dieu, dans la cit de David, mais il la fit entrer dans la maison d'Obeddom, Gthen. L'Arche de Dieu resta donc trois mois dans la maison d'Obeddom, GIhen, et le Seigneur le bnit, lui et toute sa famille. Ensuite, le roi David ayant appris que le Seigneur avoit bni Obeddom et tout ce qui lui appartenoit, alla chercher l'Arche de Dieu et l'amena de la maison d'Obed-

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dom en la cil de David avec une grande allgresse. Il avoil avec lui sept churs de musique; et on amenoil aussi un veau pour servir de victime. El quand ceux qui portoient l'Arche de Dieu avoientfail six pas, on immoloit un buf et un blier. Et David, revtu d'un phorl de lin, dansoit de toute sa force devant l'Arche, el, accompagn de toute la maison d'Isral, il conduisoil l'Arche de l'alliance du Seigneur avec des cris de joie, au son des trompettes. Et lorsque l'Arche de Dieu fut entre dans la cit de David, Michol, fille de Saiil, tant une fentre, vit le roi David sautant et dansant devant le Seigneur, el elle se moqua de lui dans sa pense. Et l'Arche de Dieu tant introduite sous le tabernacle que David avoit fait dresser, fut pose sa place, dans le milieu, et David offrit des holocaustes et des sacrifices d'actions de grces devant l'Arche du Seigneur, aprs quoi il bnit le peuple au nom du Seigneur, et il donna toute la multitude d'Isral, hommes et femmes, et chacun, un gteau et un morceau de buf rti, et de la farine cuite l'huile. Et chacun s'en retourna chez soi. Et David alla bnir sa maison. El Michol, lilie de Saiil, vint au-devant de David el lui dit : Quelle gloire aujourd'hui pour le roi d'Isral de s'tre dcouvert devant les servantes de ses serviteurs el d'avoir paru avec sa tunique, comme un insens! El David rpondit Michol : Oui, devant le Seigneur qui m'a choisi plutt que votre pre et que toute sa maison, el qui m'a ordonn roi de son peuple en Isral, je danserai et je paratrai encore plus mprisable, et je serai plus vil aussi mes propres yeux, et mme j'en ferai gloire

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devant les esclaves dont vous parlez. Aussi, Michoi, fille de Sal, n'eut point d'enfants de David jusqu' sa mort. Le respect humain ne souffre gure la nave dmonstration des joies saintes ; mais le vrai fidle, suivant la parole du Christ, est comme un enfant devant Dieu; et les Anges inspirent sa pieuse candeur. Du spectacle de cette pit simple et douce, et pourtant royale, si nous reportons les yeux sur le malheur d'Oza, nous voyons avec quel soin, quelle crainte et quel tremblement il faut, mme en vivant au milieu des choses sacres, s'abstenir d'y porter une main tmraire. Sans doute, on doit le prsumer, sans doute l'intention irrflchie d'Oza n'toit point sacrilge; elle avoit mme un principe louable, s'il n'et t ml avec l'oubli rapide, il est vrai, mais trop rel, de la prsence du Saint des Saints. De l il est permis d'esprer que le chtiment, exemple ncessaire, n'a pas entran une peine de damnation ; et ici, comme dans d'autres occasions solennelles, nous pouvons redire que l'ternit explique tout.
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Prophtie relative au tfeniple du Seigneur.

Dans l'ardeur de son zle, David auroil voulu btir un temple au Seigneur. Sa prire s'levoit jusqu'au Ciel; et un Ange en va descendre pour transmettre la rponse de Dieu au prophte qui en sera charg.

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Le rcit du livre des Rois se compltera par celui des Paralipomnes. Lorsque David fut tabli dans sa maison, et aprs que le Seigneur lui eut donn la paix de toutes parts avec ses ennemis, il arriva que le roi dit au prophte Nathan : Ne voyez-vous pas que j'habite une maison de "bois de cdre, tandis que l'Arche de Dieu rside sous une tente? El Nathan rpondit : Allez, et faites tout ce que votre cur vous inspire, car le Seigneur est avec vous. Or, dans la nuit suivante, Dieu parla Nathan (par la voix de son Ange) et lui dit : Va trouver mon serviteur David et porte-lui cette parole : Voici ce que dit le Seigneur : Me feras-tu une maison o je puisse habiter? Car depuis que j'ai tir les enfants d'Isral de l'gyple , jusque aujourd'hui, je n'ai eu aucune demeure ; mais je suis rest toujours sous des pavillons et sous des tentes. Et dans les contres o j'ai pass avec tout Isral, quand j'ai charg quelqu'une de ses tribus de conduire mon peuple, lui ai-je dit: Pourquoi ne m'avez-vous pas construit une maison de cdre? Maintenant, tu diras mon serviteur David : Voici ce que dit le Seigneur des armes : Je t'ai choisi, lorsque tu paissois les brebis, afin que tu fusses le chef de mon peuple d'Isral; et je t'ai accompagn partout, et j'ai extermin tous tes ennemis devant toi, et j'ai rendu ton nom aussi clbre que celui des grands de la terre. Je veux donc placer mon peuple d'Isral dans un lieu stable. Je l'y fixerai et il y demeurera ferme et sans trouble ; et les enfants d'iniquit ne l'humilieront plus comme auparavant, lorsque je donnois des juges mon

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peuple d'Isral. Mais je l'assurerai la paix contre loua tes ennemis. De plus, le Seigneur te promet qu'il tablira ta maison: et lorsque tes jours finiront, et quand tu seras endormi auprs de tes pres, je mettrai sur ton trne, aprs loi, ton fils qui sortira de ton sang, et j'affermirai son rgne. Ce sera lui qui lvera une demeure mon nom, et je rendrai inbranlable le trne de sa puissance. Je serai son pre et il sera mon fils. Et s'il commet quelque mal, je le chtierai avec la verge dont on chtie les hommes, et je lui infligerai les plaies infliges aux enfants des hommes. Mais je ne lui retirerai pas ma misricorde comme je l'ai retire Saiil, que j'ai rejet de devant ma face. Ta maison sera donc fidlement garde, et ton royaume subsistera ternellement devant tes yeux, et ton trne s'affermira pour jamais. Nathan parla donc David, en lui rapportant tout ce que l'Ange de Dieu lui avoit rvl dans cette vision. Alors le roi David se prsenta devant le Seigneur, et lui dit: Qui suis-je, Seigneur Dieu! et quelle est ma maison, pour que vous m'ayez lev ainsi ? Mais tout cela ne vous parol rien, Seigneur Dieu! si vous n'affermissez encore la maison de votre serviteur pour les sicles venir. Car telle est la condition des enfants d'Adam, Seigneur Dieu! Qu'est-ce que David vous peut dire encore? car vous connoissez votre serviteur, Seigneur Dieu ! Vous avez fait toutes ces merveilles pour accomplir, comme il vous a plu, votre parole, et. vous avez daign en faire la rvlation votre serviteur. Aussi, Seigneur Dieu, vous les glorifi; car nul

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n'est semblable vous et il n'y a point d'autre Dieu que vous dans tous les oracles que nos oreilles ont entendus. Et o trouver, par toute la terre, une nation comme votre peuple d'Isral, que le Seigneur a choisi et rachet pour en faire son peuple et pour publier son nom dans les prodiges oprs et dans l'pouvante rpandue sur les pas de ce peuple, en l'arrachant la servitude de l'Egypte, ses oppresseurs et leurs dieux? Car vous vous tes attach votre peuple d'Isral comme un peuple imprissable; et vous, Seigneur, vous tes devenu son Dieu. Maintenant donc, Seigneur Dieu! fcondez pour jamais la promesse que vous avez faite votre serviteur, pour lui et pour sa maison, selon votre parole, afin que votre nom soit ternellement glorifi et que l'on dise : Le Seigneur des armes est le Dieu d'Isral, et que la maison de votre serviteur demeure inbranlable devant le Seigneur; car vous, Seigneur des armes, Dieu d'Isral, vous avez parl l'oreille de votre serviteur, en lui disant : J'tablirai ta maison, et c'est pourquoi votre serviteur a trouv son cur avec sa prire. Seigneur Dieu, vous tes Dieu et vos paroles seront toujours vraies, car vous avez fait ces promesses votre serviteur. Commencez donc et bnissez la maison de votre serviteur, parce que c'est vous, Seigneur Dieu, qui avez parl et qui rpandez votre ternelle bndiction sur la maison de votre serviteur. Toute cette prire respire l'ternit, et elle se rapporte entirement la rvlation faite par l'Ange au nom du Seigneur.
II.
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En effet, sans l'ternit, tout n'est rien, comme le rappelle le saint roi, dans la condition des enfants d'Adam. Mais la prmoesse qui s'tend aux sicles venir, jusqu'auxsiclesdessiclesetjamais,lapromessedeDieu, la parole de Dieu, voil ce qui donne tout la fois et la maison de David sa base inbranlable, et Dieu mme sa glorification dans le peuple qu'il s'attache comme un peuple imprissable. On reconnot bien aussi, dans la promesse, le peuple nouveau qui doit tre greff sur l'ancien peuple et ternellement bni et vivifi dans le sang du Sauveur issu de David. Pour clairer encore ces rvlations, il faut, avonsnous dit, recourir aux Paralipomnes. L, David ajoute qu'il ne lui a pas t donn de btir un temple au Seigneur, parce qu'il avoil fait la guerre, et que cette gloire toit rserve au roi pacifique, suivant la parole qu'il a entendue de Dieu, c'est--dire de son Ange (1). Ainsi, l'Ange a parl au prophte Nathan; le prophte Nathan a transmis David toute cette vision, et David a remerci Dieu clans l'effusion des ternelles esprances. De plus, il a reu encore lui-mme des communications directes de l'Ange du Seigneur. N'y a-t-il pas ici quelque enseignement sur les merveilles de la grce? Ordinairement la prire obtient sa rponse, intrieurement par la grce et extrieurement par les conseils de l'homme de Dieu, c'est--clire d minisire qui tient sur h terre la place de Dieu; et si cette rponse tombe
(4) IParalip., xxn, 8, 9.

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clans un cur humble, soumis et plein de foi, alors il reoit aussi les mystrieuses inspirations des Anges, ou mme leurs rvlations intimes. Or, bien certainement, le cur de David, ce cur qu'il a su trouver, comme il le dit, a t jug digne de cette faveur. Que si le prophte Nathan a d'abord t charg du message divin, c'est pour prouver sans doute l'humilit du fils d'Isa, et c'est aussi, hlas ! dans la prvision d'un tout autre message, dont il faudra bientt rendre compte. Toujours est-il que David a reu, et par le prophte, et par l'Ange du Seigneur, les communications du Ciel.
o&c

Crime le David. Nouvelle ratasion le l'Ange, et nouveau message du prophte.

Au comble des grandeurs, David remporta encore de nouvelles victoires sur plusieurs peuples, Philistins, Moabiles, Syriens, Ammonites et Idumens ; et il consacra une partie de leurs riches dpouilles au Seigneur qui le couvrait de sa protection. Il rendoit la justice aux enfants d'Isral, et il honorait les grands prtres Sadoc et Abialhar. Fidle aussi la mmoire de Jonathas, il avoit fait venir auprs de lui Miphiboseth, seul fils survivant de cet anglique ami, pour le faire asseoir sa table. Tout prosprait au fils d'Isa, et il re45.

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cevoit les tributs et les hommages des princes et des rois. Et pourtant, c'est au milieu de cette prosprit venue de Dieu, que David se rendit coupable avec Bethsabe, femme d'Urie, et qu'il sacrifia Urie lui-mme, en le faisant marcher une mort certaine au sige de Rabba. Puis, il consomma ce double crime, en pousant la veuve du serviteur immol. Alors, une mission bien diffrente de la premire fut donne l'Ange pour le prophte et au prophte pour David. Le Seigneur, dit l'criture, envoya donc Nathan David ; et Nathan arrivant prs du roi lui dit : Il y avoit dans une ville deux hommes dont l'un toit riche, et l'autre pauvre : le riche avoit un grand nombre de brebis et debufs. Le pauvre nepossdoit rien qu'une petite brebis qu'il avoit achete et nourrie et qu'il avoit leve au milieu de ses enfants, en lui donnant manger de son pain et boire de sa coupe; l'endormant sur son sein et l'aimant comme sa fille. Un tranger tant venu visiter le riche, celui-ci ne voulut point toucher ses brebis ni ses bufs, pour le festin de son hte; mais il prit la brebis du pauvre, et il la donna manger au voyageur. David, indign contre cet homme, dit Nathan : Vive le Seigneur ! celui qui a commis cette action mrite la mort. Il rendra la brebis au quadruple, pour cette cruelle iniquit. Et Nathan dit David : Vous tes cet homme ! Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Isral : Je t'ai sacr roi sur Isral et je t'ai sauv des mains de Sal. J'ai mis en ta puissance la famille et les femmes de ton matre, et je t'ai confi toute

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la maison d'Isral et de Juda : et si ce ce n'est point assez, j'tois prt y ajouter beaucoup encore. Pourquoi donc as-tu ddaign ma parole jusqu' commettre le mal devant mes yeux ? Tu as frapp demortUrie, Hthen; lu lui as ravi sa femme et tu l'as prise pour toi ; et, par tes ordres, il a pri sous le glaive des enfants d'Ammon. C'est pourquoi le glaive ne sortira jamais de ta maison, parce que tu m'as ddaign et que tu as pris pour ta femme la femme d'Urie, Hthen. Voici donc ce que dit le Seigneur : Je vais susciter le mal dans ta maison. J'y prendrai tes femmes sous tes yeux, et je les donnerai un autre, et le soleil verra la couche o ils dormiront, car, toi, tu as commis cette action dans Fombre. Mais moi, ce que je dis, je le ferai devant tout Isral et la vue du soleil. Et David dit Nathan : J'ai pch contre Dieu. Nathan lui rpondit : Le Seigneur vous remet cette offense; vous ne serez point puni de mort; mais, parce que vous tes cause que les ennemis du Seigneur ont blasphm, le fils qui vous est n va mourir. Et Nathan s'en retourna clans sa demeure. Et le Seigneur frappa l'enfant de la femme d'Urie et de David... Dieu ayant ainsi fait la part de l'expiation et de la misricorde, l'union de David et de Bethsabe tut d* lors rpare, et ils eurent un autre fils, Salomon, que le prophte alla bnir au nom du Seigneur. Mais les grandes preuves vont se multiplier jusque dans des scandales domestiques dont il est permis peine d'extraire du livre sacr la simple indication! Et pourquoi y sont-ils consigns, sinon pour un but mystrieux,

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la honte de la foiblesse humaine; et aussi sans doute pour ouvrir, devant tout l'univers, le cur du Psalmiste, avec la source de ses torrents de larmes? Car la prire des Psaumes, devant s'adapter toutes les douleurs, il falloit que le chantre sacr et pass luimme au feu de toutes les tribulations de la terre, pour y trouver aussi le germe de toutes les joies du Ciel. Que dirons-nous donc d'Amnon et de Thamar, l'un et l'autre enfants de David? Une tache ineffaable est imprime leurs noms! Que dirons-nous d'Absalom, leur frre? Il a tremp ses mains dans le sang d'un frre coupable, grandement coupable, sans cloute, mais il n'en est pas moins fratricide ! Il a pris les armes contre son pre, mme aprs un premier pardon! Et il a entran le peuple dans sa rvolte, et il a usurp le litre de roi! Et il a rempli jusqu' son terme et la vue du soleil, l'pouvantable prophtie de l'Ange du Seigneur ! Que dirons-nous enfin de tous les amis du roi d'Isral qui ont trahi sa cause?... Hlas! Dieu permet tous ces crimes, et, en ce sens, comme il le dit par son Ange, il suscite le mal, c'est--dire il le laisse un moment sans barrires, au libre arbitre de l'homme corrompu; puis il sait en tirer un plus grand bien dans les vues de sa providence, pour le salut du monde.

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David au torrent le Cdron. L'Arche d'alliance reporte . Jrusalem. Etha, fidle Gthen. rchitopliel. Dfaite et mort d'Absaloni.

Toujours les Anges ont assist David dans les expialions auxquelles il toit condamn. Un seul regard sur Bethsabe avoit entran sa chute. Puis, la parole du prophte l'avoit bientt rconcili avec Dieu; mais il lui fallut des aabes d'humiliation et d'amertume pour pleurer son crime, et jamais, dans cette longue carrire de larmes, il n'a failli la gloire du repentir. La preuve du concours des Anges auprs du Psalmiste clate dans chacune de ses inspirations sacres ; et, par l mme, elle ressort aussi de toutes les solennelles circonstances de sa vie auxquelles se rattachent les hymnes de sa douleur et de ses consolations. La gnrosit de son cur se dcouvre tout entire au moment o, prt passer le torrent de Gdron pour fuir son fils rebelle, il dit Etha, Gthen, qui le suivoil fidlement avec six cents- hommes : Pourquoi vienS-tu avec noils? Retourne sur tes pas et v avec le nouveau roi, car tu es tranger et loin de ton pays. Tu n'es venu que d'hier Jrusalem, et lu en sortirois aujourd'hui cause de moi ! Moi, je vais o je dois aller; mais toi, tu peux t'en retourner et remmener tes frres d'armes, et Dieu sera pour toi misricordieux et juste, parce que tu m'as toujours servi avec zle et fidlit.

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Un Ange inspirait aussi cette rponse d'Etha: Vive le Seigneur et vive le roi, mon matre! En quelque lieu que vous soyez, mon seigneur et mon roi! votre serviteur y sera la vie et la mort ! Et David reprit : Viens donc et passe. Et Etha passa avec sa troupe et avec le reste du peuple. Et ils pleuraient tous, et ils jetaient de grands cris dans ce passage; et le roi passa ainsi le torrent de Cdron, et la multitude marchoit le long du chemin qui regarde le dsert. Entirement rsign la volont divine, David ne voulut pas, dans sa fuite, emmener l'Arche sainte qu'il avoit tant de fois consulte au temps des bndictions ; et ce trait, qui tablit entre lui et Sal un nouveau contraste, rvle encore une inspiration tout anglique. L'crivain sacr laraconte ainsi : En mme temps, Sadoc, grand prtre, arriva, accompagn de tous les lvites qui portoient l'Arche de l'alliance de Dieu et qui la dposrent l. Et Abiathar se tint debout jusqu' ce que le peuple qui sortoit de la ville ft pass. Alors le roi dit Sadoc: Reportez dans la ville l'Arche de Dieu. Si je trouve grce devant le Seigneur, il me donnera de revoir son Arche et son Tabernacle. Que s'il me dit: Tu n'es pas bien mes yeux ; qu'il fasse de moi ce qu'il voudra, je suis tout prt. Et le roi dit encore au grand prtre Sadoc : Retournez en paix dans la ville, voyant! pour moi, je vais me cacher dans les solitudes du dsert jusqu' ce qu'une parole de vous vienne m'y chercher. Sadoc et Abiathar reportrent donc Jrusalem l'Arche de Dieu, et ils y restrent. Or, David s'avanoit sur la montagne des Oliviers, et il pleurait en montant, pieds

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nus et la ligure voile, et tout le peuple qui toit avec lui montoil aussi, la tte couverte et en pleurant. Alors, on annona David q'Achitophel toit dans la conjuration avec Absalom, et David s'cria : Seigneur, confondez les conseils d'Achitophel ! Les conseils d'Achitophel furent en effet confondus devant ceux de Chusa, lidle serviteur de David ; et l'criture ajoute plus loin que ce fut par la volont de Dieu. Ainsi, les Anges du Seigneur toient intervenus dans la dlibration miraculeusement suscite. Le tratre Achilophel alla se pendre de dsespoir; et Absalom, dfait par l'arme de David, fut lui-mme suspendu un grand chne par une disposition miraculeuse de la divine Providence. Ses pais cheveux, enchevtrs dans les branches au moment o il fuyoil cheval, furent ainsi l'instrument prparatoire de la vengeance divine ; et il fut tu par le glaive de Joab. Et son pre, le pleurant, s'crioit : Mon fils Absalom ! Absalom, mon fils ! que ne puis-je donner ma vie pour la tienne! Mon fils Absalom! Absalom, mon fils! Toute la carrire du Psalmiste, part quelques moments dplorables est donc une carrire toute miraculeuse : son cur, toujours grand, toujours hroque, toit digne d'tre entendu et compris de tous les hommes, depuis la chaumire du pauvre jusqu'au palais des rois. On va l'admirer encore dans la dernire preuve de sa royale vie.

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Tmraire diioiiibrcincnt d'Isral. ^Prophtie de <Sad.L'Ange exterminateur.

Dieu, qui livre les impies leur sens rprouv, permet aussi les fautes des meilleurs fois, quand il veut chtier le peuples. L'crivain sacr, dans la grande preuve qui va suivre, le fait entendre ainsi ds la premire ligne : La colre du Seigneur s'alluma de nouveau contre Isral, car David avoit donn cet ordre t Allez et comptez Isral et Juda. Les Paralipomnes ajoutent.cette explication : Satan s'leva contre Isral et excita David faire le dnombrement du peuple. Et pourtant David toit alors le saint roi. Mais nul mortel, mme entre les plus parfaits, n'est l'abri des suggestions de l'esprit des tnbres. Seulement, avec la prire, le fidle rsiste la tentation ; ou s'il a le malheur de succomber, il se relve dans les larmes, et son repentir clate, l'dification de ses frres et la gloire d Dieu. Le texte sacr continue ainsi : Le roi avoit en effet dit Joab, chef de son arme : Va dans toutes les tribus d'Isral, depuis Dan jusqu' Bersabe, et compte tout le peuple, afin que j'en sache le nombre. Joab rpondit au roi : Que le Seigneur votre Dieu multiplie encore votre peuple autant qu'il est dj nombreux* el mme qu'il le centuple sous le rgne du roi* Mon matre; mais que veut faire le roi par cet ordre? Nanmoins, la volont du roi l'emporta sur les paroles de Joab et des chefs de l'arme. Et Joab s'loigna avec eux pour

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faire le dnombrement d'Isral. Aprs avoir pass le Jourdain, ils vinrent en Aroer, du ct droit del ville, dans la valle de Gad, et Jazer. De l, ils allrent en Galaad et dans les basses terres de Hodsi. Ils traversrent ensuite les forts de Dan, et tournant autour de Sidon, ils passrent prs des murs de Tyr, puis traversrent tout le pays des Hvens et des Chanauens, et arrivrent enfin Bersabe, au midi de la tribu de Juda. Ayant donc ainsi parcouru toutes les contres d'Isral, ils rentrrent aprs neuf mois et vingt jours Jrusalem. Alors Joab remit au roi le dnombrement du peuple, et il se trouva d'Isral huit cent mille hommes d'armes, et de Juda cinq cent mille combattants (1). A peine cela toit-il fait, que le cur de David se troubla, et il dit au Seigneur: J'ai gravement pch dans cet acte ; mais je vous en supplie , mon Dieu ! dtournez vos regards de l'iniquit de votre serviteur, car j'ai agi comme un insens. David se leva donc ds l'aube du jour; et le Seigneur parla au prophte Gad, voyant de David, en lui disant : Va, et porte cette parole David : Voici ce que dit le Seigneur : Trois flaux sont laisss ton choix; choisis donc celui que tu voudras, et je l'enverrai. Et Gad tant venu vers David, lui annona ainsi la parole de Dieu : Ou la famine affligera ton royaume durant sept annes, ou tes ennemis te mettront en fuite, et te poursuivront durant trois mois; ou la peste svira contre ton peuple durant

('I) Ni les lvites, ni les benjamites n'toient compris dans ce dnombrement.

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trois jours. David rpondit Gad : Je suis dans une cruelle angoisse ; mais il vaut mieux que je tombe entre les mains de Dieu, car il est plein de misricorde, qu'entre les mains des hommes. Aussitt le Seigneur envoya la peste sur Isral, ds le matin, jusqu'au temps marqu. Et depuis Dan jusqu' Bersabe, il y eut dans le peuple soixante-dix mille morts. L'Ange du Seigneur tendoit dj sa main sur Jrusalem pour la frapper; mais Dieu eut piti de tant d'affliction et il dit l'Ange qui exterminoit le peuple : C'en est assez, retire ta main. Et alors l'Ange du Seigneur toit prs de l'aire d'Aruna, Jbusen (1). Et quand David vit l'Ange exterminateur, il pria Dieu ainsi : C'est moi qui ai pch, c'est moi qui suis le coupable ! Ceux-ci, qu'ont-ils donc fait? ils ne sont que les brebis. Que vos vengeances, je vous en supplie, se tournent contre moi et contre la maison de mon pre. Alors l'Ange donna au prophte Gad un ordre pour David (2). Gad vint le mme jour auprs de David et lui dit : Allez et dressez un autel au Seigneur dans l'aire d'Aruna Jbusen. Et David s'avana sur l'ordre de Gad ; et Aruna levant les yeux aperut le roi et ses officiers venant vers lui. Et il sortit, et se prosterna devant le roi, et il dit : Comment mon matre et mon roi vient-il trouver son serviteur? David rpondit: Je viens pour acheter l'aire qui est toi, afin d'y dresser un autel au Seigneur, et arrter le flau qui dvore le peuple. Et Aruna dit David : Que le roi mon matre
(4) C'est lo mme qu'Oman, I Paralip., xxi, 4 5. (S) Ibid.j 18.

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prenne ce qui lui plat, et qu'il en fasse l'offrande. Voici des bufs pour l'holocauste et un char et des jougs de bufs pour le bois. Aruna donna donc au roi toutes ces choses, et il lui dit : Que le Seigneur votre Dieu exauce vos vux ! David reprit : Je n'accepte point ce don; mais je t'en remettrai le prix, et je n'offrirai pas au Seigneur mon Dieu ce qui n'est pointa moi. David acheta donc l'aire ( 1 ) , et il donna pour les bufs cinquante sicles d'argent. Et l, David dressa un autel au Seigneur, et il y offrit un holocauste et des victimes pacifiques. Et Dieu fut ainsi apais, et il fit cesser la plaie d'Isral. Voici donc maintenant les vrits qui resplendissent dans la cleste vengeance. D'abord, ce n'est point par le seul fait l'occasion duquel un flau se dploie, qu'il faut en mesurer la rigueur. Dieu seul en connot les mystrieuses provocations, indpendamment de celles qui sont visibles tous les yeux. Ici la faute de David concide sans doute avec le moment o Dieu avoit rsolu de punir tout Isral ; mais le chtiment avoit encore d'autres causes qui, pour n'tre pas rvles, ne peuvent pas plus tre rvoques en doute que la divine justice elle-mme. Bien certainement, David n'toit donc ni le seul coupable ni le plus coupable. Aussi n'a-t-il pas subi la part qui sembloit lui revenir dans le supplice; moins qu'on ne puisse dire, sa plus grande gloire, que le martyre de ses douleurs, la vue du dsastre d'un peuple dont il loit le pre, a surpass la

(4 ) Les Paraliporanes en disent le prix : 600 sicles d'or, xxi, 25.

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souffrance des victimes frappes de mort. Mais, d'ailleurs, avant aucune manifestation, avant aucune menace prophtique, David s'toit empress de reconnotre et de confesser sa faute ; et cet humble aveu auroit peut-tre suffi pour dsarmer le bras de l'Ange, si une justice que le peuple n'avoit pas galement prvenue par les larmes de la pnitence, n'et ainsi dchan le flau de Dieu. Les supplications de David en abrgrent le terrible cours. Nouvel enseignement sur la puissance de la prire. Le saint roi nous donne encore l'exemple d'une filiale rsignation, en se jetant entre les mains du Dieu des misricordes, plutt qu'entre les mains des hommes. Remarquons aussi que David a vu de ses yeux l'Ange exterminateur, comme l'criture prend soin de le dire; et elle ajoute, clans les Paralipomnes, que l'Ange fut pareillement vu et par Oman et par ses quatre fils : souvenir redoutable, mais instructif pour les peuples et pour les rois! Donc ils doivent tous, aprs avoir vu passer la justice de Dieu, prter l'oreille la voix des prophtes, lui offrir des sacrifices d'hommage et d'expiation, c'est--dire le culte parfait de l'adoration el du repentir. Enfin la haute leon qui domine ces pages bibliques, c'est que les forces matrielles ne sont rien devant Dieu : et ds lors, malheur aux princes, malheur aux nations qui mettent leur confiance et leur orgueil dans le nombre de leurs armes! Heureux au contraire le peuple qui, sans ngliger les moyens humains, attend toute sa gloire de la protection divine!

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L'Ange des vengeances frappe les uns jusque dans le silence de la paix. L'Ange des bndictions rcompense les autres jusque dans le feu de la guerre.

Q-Q-O-

III.

Sacre de Salomon Dernires paroles et derniers soins de David.Sa mort.Gloire de sa race.

Pour bien connatre David, il ne suffit point d-avoir suivi sa merveilleuse histoire, il faut encore avoir cout le cri de sa foi et les soupirs de sa pit dans l'harmonie des Psaumes. L, se manifeste l'inspiration de ses penses et de ses ardeurs prophtiques. Aussi toute sa carrire, depuis la houlette de l'enfant berger jusqu'au sceptre du roi mourant, appartient au livre des Anges; car la cause de ses plus abondantes larmes est aussi la source de ses plus admirables cantiques. A part donc quelques jours tnbreux dont l'ombre fait ressortir encore l'clat de sa vie, David est un type glorieux, et plus d'une fois il a t la figure du divin Rdempteur des hommes, dans ses souffrances comme dans ses triomphes. Roi selon le cur de Dieu, et sachant qu'aprs lui le

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choix du Seigneur, annonc par la voix du prophte Nathan, appeloil Salomon lui succder, il le ft sacrer par le grand prtre Sadoc, asseoir sur son trne, et proclamer devant Isral, pour arrter les tentatives d'Adonias, son fils an. Et enfin, avant de mourir, il lui donna ses derniers conseils. Me voici au terme o toute la terre doit arriver, lui dit-il; arme-toi de fermet et sois un homme! Observe les prceptes du Seigneur ton Dieu ; marche dans ses voies; garde ses crmonies, ses ordonnances, ses jugements et ses lois, comme il est crit dans le Livre de Mose, afin d'excuter avec sagesse tout ce que tu voudras faire; car c'est ainsi que le Seigneur confirmera sa promesse, selon celte parole qu'il m'a dite : Si tes enfants suivent la droiture et s'ils marchent devant moi dans la vrit, et de tout leur cur et de toute leur me, jamais un homme de ta race ne manquera au trne d'Isral. David adressa ensuite son fils des recommandations particulires dans l'intrt de la justice et dans celui de la majest royale. Il veut que des hommes que sa clmence a pargns sous son rgne ne restent pas impunis sur la terre, au dtriment des droits les plus sacrs, au mpris des lois et au scandale des peuples. Une expiation, ds ce monde, est rclame par le Dieu vengeur. Mais le dvouement doit avoir sa rcompense; et David engage Salomon faire asseoir sa table les enfants de Berzella, fidle serviteur. Le saint roi rgla aussi,, avec un soin religieux, tout

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ce qui concernent le culte divin, le service dos prtres du Seigneur, l'ordre des crmonies et des churs de musique sacre; et nous allons apprendre qu'il en avoit en effet reu la mission de la bouche mme des Anges. Dj son titre de Prophte royal suffitoit pour dissiper tous les doutes sur le pouvoir qu'il exeroit en ce point. Il avoit rassembl, pour la construction du temple dont il donna le plan Salomon, et les trsors et les matriaux qui dvoient faire l'ornementet la solidit de celte merveille du monde. Le dtail en est expos dans les Paralipomnes ( 1 ) . On y voit particulirement qu'il offrit Vor le plus pur pour l'autel des parfums et pour les-Chrubins quiformoient la ressemblance d'un char, et qui, tendant leurs ailes, couvraient TArphe de l'alliance du Seigneur. El voici ce qui est plus remarquable encore : Toutes ces choses, disoit David, m'ont t donnes crites de la main de Dieu, afin que j'eusse l'intelligence des diffrents ouvrages excuter sur ce modle (2). II en toitdonc de David comme de Mose pour les plans de l'uvre sacre ; ici, de mme que sur la montagne de Sina, les Anges plaoient sous les regards de l'homme de Dieu, chaque exemplaire de l'admirable travail propos aux artisans inspirs d'en haut. Nous n'avons pointa tracer le parallle entre le Prophte lgislateur et le roi prophte, mais nous devons fidlement recueillir toutes les indications consignes dans
() I, xxviii. (T Ibid., v, 49.
}

11.

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le livre saint, sur les rvlations des Esprits clestes; et lorsque David affirme que le modle du temple et de tous ses ornements lui a t donn crit de la main de Dieu, nous devons croire, nous devons dire que tout cela s'est fait par le ministre des Anges, comme pour l'Arche d'alliance et pour le Tabernacle du tmoignage. On voit aussi, dans les Paralipomnes, toutes les offrandes volontaires des chefs des tribus et des familles, et d'un grand nombre d'Isralites, pour la construction du temple, et avec quelle sainte allgresse elles toient donnes et reues, cl combien toit grande aussi la joie du roi David. C'est pourquoi, continue le texte sacr, il commena louer Dieu devant toute celte multitude, et il dit : Seigneur, qui tes le Dieu d'Isral notre pre, vous tes bni dans tous les sicles. A vous appartiennent la grandeur, la puissance, le triomphe et la gloire ; car tou l ce qui existe dans le ciel et sur la terre est vous. A vous, la royaut au-dessus de tous les princes des nations, vous les richesses et la splendeur, vous le souverain domaine sur toutes les cratures, vous, la force el l'autorit, vous la majest et l'empire sur tout l'univers. Maintenant donc, nous vous clbrons, vous notre Dieu, et nous bnissons votre nom glorieux. Et que suis-je moi? et qu'est-ce que mon peuple pour vous faire toutes ces offrandes? tout est h vous, et nous no vous donnons que ce que nous avons reu de vos mains, car nous sommes des trangers et des voyageurs devant vos yeux, comme l'toient nos pres. Nos jours

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passent comme l'ombre sur la terre, et peine y demeurons-nous un moment. Seigneur, notre Dieu, tous ces trsors que nous avons rassembls pour lever.un temple votre saint nom, viennent de vous, tout est vous, et je le sais, mon Dieu, c'est vous qui sondez les curs; vous aimez la simplicit; c'est pourquoi, dans la simplicit de mon cur, je vous offre avec joie toutes ces choses, et je suis ravi de voir ce peuple nombreux vous offrir lui-mme ses prsents. Seigneur, qui tes le Dieu de nos pres Abraham Isaac et Isral, maintenez ternellement cette disposition de leur cur, et qu'ils restent fermes devant vous dans le -culte de leur adoration; donnez aussi h mon fils Salomon un cur parfait, afin qu'il garde vos paroles et vos commandements, qu'il observe vos crmonies, qu'il accomplisse tous vos ordres et qu'il lve le temple dont j'ai dispos l'avance tous les prcieux matriaux. David dit enfin toute l'assemble : Rendez gloire au Seigneur notre Dieu; et tous ils bnirent le Seigneur, le Dieu de leurs pres, et ils se prosternrent pour l'adorer, et ensuite ils rendirent leurs hommages au roi. Ils immolrent alors des victimes au Seigneur, et le lendemain ils lui offrirent en holocauste mille taureaux, mille bliers et mille agneaux, avec l'abondance des libations, et suivant le rite prescrit pour l'usage de tout Isral; et ils mangrent et burent ce jour-l en la prsence du Seigneur, avec une grande allgresse, et ils sacrrent une seconde fois Salomon, fils de David; ils le sacrrent par l'ordre de Dieu, comme roi (1) et
x

(4) Le second sacre de Salomon est postrieur la mort de David, <I6


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Sadoc comme grand prtre, Aprs avoir ainsi tout dispos avec une sage prvoyance, David, dit l'criture, s'endormit avec ses pres, et il fut enseveli dans sa ville. La dure de son rgne fut de quarante ans, sept ans Hbron, et Irente-trois Jrusalem. Ainsi la miraculeuse carrire de David est close par une mort prcieuse devant Dieu, mort prvue , mor! accepte, mort bnie! Dans tout le cours de cette vie admirable, la candeur du berger, le courage de l'homme de guerre, la splendeur du roi, l'inspiration du prophte et l'enthousiasme dupsalmiste, tous ces magnifiques fleurons d'une ternelle couronne, merveillent nos souvenirs. Au-dessus de tous ces titres, David a encore la gloire d'avoir pour fils, selon la chair, LE DSIR DES NATIONS, n de la Vierge des Vierges; et comme, dans sa race, l'esprance d'Isral toit ainsi transmise, on ne saurait douter que, sous des voiles mystrieux, une aurole divine ait constamment accompagn cette transmission bnie, mme en passantdanslapersonnedespluscoupables rois de Juda : merveille d'abaissement, mais aussi merveille de misricorde! l'orgueil de l'homme s'y perd dans sa confusion, mais la bont de Dieu y triomphe dans sa gloire. Les Anges n'ont donc pas cess de veiller, de gnration en gnration, sur la descendance du saint roi, jusqu'au jour de l'entier accomplissement des prophties; et alors, plus nombreux que jamais, ils ont environn de leurs hommages le fils de David, dans toutes les ardeurs de l'adoration. Plus tard, en suivant toujours l'ordre de la Bible,

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nous jellcrous un coup d'oeil sur le livre des Psaumes, et nous y verrons rayonner partout la gloire des Anges.

R g n e de S a l o m o n . D i e u lui a p p i i r o i l . D o n la s a g e s s e .

de

A vaut l'incarnation du Verbe, la Divinit n'est jamais apparue aux hommes que par le ministre des Anges. Nous ne saurions trop insister sur cette notion fondamentale dans tous le cours de cette oeuvre. Or, l'il de l'me, pas plus que l'il du corps, ne peut voir l'essence divine. Aux bienheureux seuls est rserve la vision intuitive dans le Ciel. Jusque-l, cette parole du Sina reste entire : Nul mortel ne peut voir la face de Dieu sans tre frapp de mort. El pourquoi? sinon parce que Dieu est la Vie, et qu'en prsence del Vie mme rien de ce qui est prissable ne peut subsister. Il faut donc un voile, il faut mme une sorte de rempart entre l'essence cratrice et l'infirmit de la crature, tant que celle-ci n'est pas comme divinise dans le sein du Crateur. Ainsi, l'apparition de Dieu Salomon endormi toit ncessairement une apparition anglique, c'est--dire en la personne d'un Ange, et encore sous une forme sensible et, par consquent, emprunte. Ici, les docteurs sacrs considrent le sommeil du jeune roi d'Isral, non point comme un sommeil ordi-

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naire, mais comme une extase surnaturelle, comme le sommeil de Jacob au pied de l'chelle mystrieuse, comme le sommeil de son fils Joseph, divinement averti de sa future lvation, en un mot, comme toutes les miraculeuses visions et des prophtes et des saiuls favoriss de celte gloire. Cela expliqu, entrons dans le divin rcit : Salomon, ayant affermi son rgne, fit alliance avec Pharaon, roi d'Egypte, car il pousa sa fille et il l'amena dans la ville de David (o elle demeura) jusqu' ce qu'il et achev de btir son palais et la maison de Dieu, ainsi que les murs de Jrusalem. Cependant, le peuple immoloit sur les hauts lieux, parce que jusqu'alors aucun temple n'avoit t lev encore au nom du Seigneur. Or, Salomon aimoit le Seigneur, et il suivoit les prceptes de David, son pre ; mais il offrait des sacrifices et des parfums sur les hauts lieux. Il alla donc sacrifier Gabaon, parce que c'toit l le plus clbre de tous les hauts lieux, et il immola mille victimes en holocauste sur l'autel de cette montagne. Alors Dieu apparut Salomon en songe, pendant la nuit, et lui fit entendre cette parole : Demande-moi ce que tu veux que je te donne. Salomon rpondit : Vous avez trait David, mon pre, votre serviteur, avec une grande misricorde, parce qu'il marchoit en votre prsence, dans la vrit et dans la justice, avec un cur droit, et vous lui avez donn un fils assis aujourd'hui sur son trne. Maintenant donc, Seigneur Dieu ! vous m'avez fait rgner, moi, votre serviteur, la place de David, mon pre; et pourtant, je ne suis qu'un enfant,

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el je ne sais comment il faut commencer et achever chaque chose. Et votre serviteur se trouve au milieu de votre peuple que vous avez choisi, peuple tellement nombreux, qu'il ne peut tre ni compt.ni supput. Vous donnerez donc votre serviteur un cur docile, afin qu'il puisse juger votre peuple el discerner le bien el le mal ; car, autrement, qui donc pourvoit rendre la justice ce peuple innombrable? Cette prire fut agrable Dieu, et il dit Salomon : Puisque tu me fais cette demande sans dsirer que je te donne ni de longs jours, ni de grandes richesses, ni la vie de tes ennemis, mais la sagesse ncessaire pour discerner ce qui est juste, voici que j'ai dj rempli ton vu et je t'ai donn un cur si plein de sagesse et d'intelligence, qu'il n'y a jamais eu d'homme avant toi semblable loi, et qu'il n'y en aura point non plus aprs toi. Et, en outre, je te donne ce que tu n'as pas demand, les richesses et la gloire, en telle sorte qu'aucun roi, dans les sicles passs, n'aura t ton gal. Si lu marches dans mes voies et si tu gardes mes prceptes el mes ordonnances comme ton pre les a gards, je t'accorderai de plus une longue vie. Salomon s'lant veill, mdita sur cette vision qu'il avoit eue en songe, et, tant venu Jrusalem, il se prsenta devant l'Arche de l'alliance du Seigneur, offrit des holocaustes et des victimes pacifiques, et fit un grand festin tous ses serviteurs. Mditons nous-mmes la merveille du songe de Salomon. Dj, la seule lecture, on voit que ce n'est point l un simple songe, mais bien une vision toute

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divine. Vrit de l'apparition, vrit du colloque, vrit des oblations du jeune roi, tout est consign dans l'criture. Salomon a donc pu dire dans sou extase comme l'poux des Cantiques : Je dors, mais mon cur veille. Sommeil prophtique o l'intelligence s'accrot dans la lumire; grce privilgie o la libert retrempe son nergie ; rvlation sainte, o l'me, en quelque sorte dgage des sens, se possde ainsi tout entire en la prsence de Dieu. Et ici revient cette parole du Livre des Nombres: S'il y a parmi vous un prophte du Seigneur, je lui parlerai en songe, ou dans une vision ( 1 ) . Donc Salomon a librement et pleinement suivi, dans la droiture de son cur, l'inspiration divine en demandant la sagesse. Aussi, l'Esprit Saint lui promet, par surcrot, des rcompenses temporelles ; mais ce roi, si rempli de sage intelligence, que jamais avant lui ni aprs lui il n'y eut d'homme semblable lui, est tomb, du haut de sa gloire, dans le crime de la chair. Ainsi le livre sacr nous apprend que le plus sage d'entre les hommes n'est plus rien ds qu'il oublie la loi de Dieu, et que celui qui est debout doit toujours craindre de tomber. Est-il ncessaire d'expliquer ce qui distingue les visions prophtiques de tous les songes dont l'abus est proscrit par la loi divine? Le droit sens suffit pour celte distinction ; car les apparitions angliques, mme durant le sommeil, portent ncessairement le cachet de leur vrit ; et lorsque surtout elles sont attestes par
(I) XXII, 6.

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la Sainte-criture, on ne sauroil garder l'ombre d'un doute sur la foi qui leur est due ; mais, autant cette foi est heureuse et respectable, autant les superstitions attaches, aux songes et tous leurs capricieux fantmes sont toujours condamnables et hautement condamnes.
oQv

J u g e m e n t de Salomon Sagesse inspire. A p p a r i t i o n cleste

Cette sagesse devant laquelle s'incline successivement l'hommage de tous les sicles, toit le fruit des inspirations du Seigneur et de ses Anges. L'criture l'atteste assez clairement dans les paroles qui terminent le rcit du Jugement de Salomon, o il est dit que
la sagesse de Dieu toit en lui pour rendre la justice; et

c'est ce qui nous autorise le rapporter, comme un monument de l'histoire du monde anglique dans ses rapports avec le monde terrestre. En voici le texte : Deux femmes vinrent trouver le roi et se prsentrent devantlui. Et l'une d'elles lui dit : J'implore, mon seigneur, votre justice. Nous demeurions, celte femme et moi, dans la mme maison, et je suis accouche dans la chambre o elle toit. Elle est accouche aussi trois jours aprs moi. Nous tions ensemble, et il n'y avoit personne que nous deux dans cette maison. Or, le fils de cetle femme est mort pendant la nuit, parce-

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qu'elle l'a touff en dormant. Aprs quoi, se levant dans le silence d'une nuit profonde, pendant que je dbrmois, moi votre servante, elle m'a pris mon fils mes cts, et l'ayant mis auprs d'elle, elle a plac prs de moi son fils mort. El comme je m'tois leve ds le .matin pour allaiter mon fils, je l'ai trouv mort. Mais le considrant avec plus d'attention au grand jour, j'ai reconnu que ce n'toit pas le mien, celui dont je suis accouche. L'autre femme rpondit : Ce que vous dites n'est pas vrai ; c'est votre fils qui est mort, et le mien est vivant. La premire, au contraire, rpliquoit : Vous mentez, car mon fils est vivant, et le vtre est mort. Et c'est ainsi qu'elles disputoient devant le roi. Alors le roi dit : Celle-l dit : Mon fils est vivant et le vtre est mort; et celle-ci rpond : Non pas, mais votre fils est mort, et le mien est vivant. Et le roi ajouta : Apportez-moi un glaive. Et aussitt que le glaive fut apport devant le roi, il dit: Coupez en deux parts cet enfant vivant, et donnez-en la moiti l'une etla moiti l'autre. Mais la femme dont le fils toit vivant dit au roi (car ses entrailles toient mues pour son fils) : Je vous en supplie, seigneur, donnez-lui l'enfant vivant et ne le tuez point. L'autre disoit, au contraire : Qu'il ne soit ni moi ni vous, mais qu'on le partage. Alors le roi reprit la parole et dit : Donnez celle-l l'enfant vivant, et qu'on ne le tue point, car voil la mre. Tout Isral ayant donc appris le jugement prononc par le roi, fut saisi d'une crainte respectueuse en sa prsence, voyant que la sagesse de Dieu toit en lui pour rendre la justice.

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Et cette lumire de Dieu et des Auges au cur de Salomon ne sebornoitpas l'inspiration des jugements; elle s'tendoit tout dans le gouvernement des peuples, et elle lui enseignoit la science universelle; car voici ce que l'criture dit encore elle-mme : Dieu donna de plus Salomon une sagesse et une prudence merveilleuses, et une intelligence capable de connotre autant de choses qu'il y a de grains de sable sur les rivages de la mer. Cette sagesse de Salomon surpassoit la sagesse de tous les sages de l'Orient et de l'Egypte. Il toit plus sage que tous les hommes ensemble; plus sage qu'than Ezrahite, que Hman, que Chalcol et que Dorda, fils de Mahol; et sa renomme se rpandoit parmi toutes les nations circonvoisines. Salomon composa trois mille paraboles et il fit mille et cinq cantiques ; et il parla de tous les arbres, depuis le cdre du Liban jusqu' l'hysope de la muraille, et aussi des animaux de la terre, des oiseaux, des reptiles et des poissons. Alors accouroient les habitants cle toutes les contres du monde, pour entendre la sagesse de Salomon ; et les envoys de tous les rois de l'univers, pour recueillir ses enseignements. Par soi-mme, ce solennel tmoignage proclame la correspondance habituelle des Anges avec leplussage des sages de la terre. Quels auroient donc t les matres et les instituteurs de Salomon, sinon les Anges, c'est--dire Dieu, par le ministre des Anges? Sans doute, rien n'est impossible au Tout-Puissant; et si jamais il a t permis de parler de la science infuse, c'est assurment parce qu'il l'a donne. Mais comment sup-

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poser que le Dieu qui, pour Mose, l'incomparable Mose, a mis une lenteur si bien mesure, si bien ordonne, dans toutes les rvlations successivement places sous ses yeux parles Anges, en ait us autrement envers Salomon; en telle sorte qu'il auroit trait avec plus de largesse le roi d'Isral que le lgislateur d'Isral? Il n'y a point de motifs pour tablir celle distinction, au prjudice du ministre providentiel des Anges auprs de l'homme : moins de considrer la lumire donne Mose comme aussi leve au-dessus de la lumire donne Salomon, que la sagesse divine est au-dessus de la sagesse humaine, mme claire d'en haut, et d'ajouter qu'il falloit, par consquent, plus de solennit pour l'une que pour l'autre. Mais, tout en expliquant ainsi la diffrence et la dure des deux modes de rvlations, par la diffrence de leur objet, pourquoi donc vouloir exclure, dans la science de Salomon, l'entremise des Anges si manifestement constate dans la science de Mose? Au surplus, la sagesse de Salomon faisoit le bonheur d-e son peuple ; et pendant tout son rgne, dit encore l'crivain sacr, chacun demeura sans trouble sous sa vigne
et sous son figuier, dans Juda et dans Isral, depuis Dan jusqu'il Bersabe.

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&<e T e m p l e de S a l o m o n . S a d d i c a c e . JL'Arehe y est transporte. ]$uc m i r a c u l e u s e . L e feu

d u C i e l . n o u v e l l e r v l a t i o n , L a r e i n e d e Salut.

Gomme l'Ange l'avoit annonc, le fils de David, le prince de la paix, Salomon, leva un lemple au Seigneur; mais le merveilleux difice, loul resplendissant d'or el de richesses, n'offroit encore aux yeux qu'une foible image du tabernacle o ce grand Dieu veut tablir sa demeure, son vrai sanctuaire : c'est le cur pur; et assurment l'adoration intime vaut mieux que toutes les splendeurs et tous les ornements symboliques. Toutefois, de mme que l'me, le corps aussi doit son. hommage au souverain Crateur; il faut donc que tous les fidles s'difient ensemble et deviennent le temple vivant du Seigneur. C'est l que le Pre commun des hommes habite au milieu de ses enfants; il fait ainsi sa rsidence dans les louanges d'Isral, comme le chante, avec ses saintes hardiesses, la voix du Psalmiste (1). Aussi les tributs, mmes extrieurs, de la pit, obtiennent la rponse du Ciel, et les Anges en sont toujours les ambassadeurs empresss. Au temps de la construction du temple de Jrusalem et au milieu des travaux, un Ange apparut encore Salomon et lui dit au nom du Seigneur : J'ai vu cette maison que tu btis; si donc tu marches dans mes prceptes, si tu excutes mes lois, et si lu gardes mes
(4) P8.XXI,*.

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commandements, sans en dvier d'un seul pas, j'accomplirai en toi la parole que j'ai donne David ton pre, j'habiterai au milieu des enfants d'Isral, et je n'abandonnerai point mon peuple. On le comprend : ce n'est donc pas l'difice matriel, c'est le cur de l'homme, c'est son obissance, c'est sa foi, c'est son amour, que Dieu rclame. Le signe extrieur attire sans doute ses regards, mais l'il de ses complaisances ne s'arrte jamais l'corce, il scrute le fond des penses, et, comme il le dclare, sa prsence au milieu de ses enfants est attache leur fidlit. C'est pourquoi le jeune roi d'Isral avoitdit: Qui donc pourroit esprer de lui btir une demeure digne de lui? Si le ciel et les cieux des cieux ne peuvent le contenir, qui suis-je pour lui lever un temple? mais aussi c'est uniquement pour lui offrir l'encens de la prire. 11 n'es! pas de notre sujet de relever ici toutes les magnificences du temple de Salomon, si exactement dtailles dans les Livres des Rois et des Paralipomnes, mais nous devons rappeler avec bonheur les clatants symboles qui, dans le sanctuaire mme, parloient aux curs comme aux yeux, et de la prsence des Anges autour du trne cle l'ternel, et cle l'ardeur de leur adoration devant sa gloire, et aussi de leur constance 'lui offrir et les prires et les hommages du peuple fidle. Voici donc, telle que la donnent les Paralipomnes, la description des Anges de l'Oracle du temple : Salomon fit dans le sanctuaire deux Chrubins revtus d'or; leurs ailes avoient ensemble vingt coudes d'tendue, en sorte qu'une des ailes avoit cinq coudes et louchoil

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la muraille du temple, et que l'autre, pareillement de cinq coudes, touchoit l'aile du second Chrubin; de mme l'une des ailes de ce Chrubin, aussi de cinq coudes, touchoit la muraille, et son autre aile, encore de cinq coudes, touchoit l'aile du premier. Les ailes des deux Chrubins ainsi dployes avoient donc vingt coudes d'tendue, et ils toient reprsents tous deux debout sur leurs pieds, et la face tourne vers le temple extrieur. Ces majestueuses reprsentations le disoienl assez clairement : pour arriver jusqu'au Saint des Saints, tous les vux, comme toutes les offrandes de la foi, dvoient s'lever sur l'aile des Chrubins, en s'puran) ainsi au feu de la charit parfaite. D'autres figures d'Anges toient rpandues dans les ornements du temple, comme emblmes des clestes inspirations; et il est facile de concilier ce symbolisme avec la dfense de sculpter des images de pierre , de bois, ou de toute autre matire, dfense fonde sur le danger de l'idoltrie ; ici, au contraire, les formes an gliques toient dictes par la voix des Anges, et pour le culte du vrai Dieu : ainsi la loi est explique par le fait mme du divin lgislateur. Achev au bout de treize ans, avec les trsors destins celle merveille, el avec le concours du roi de Tyr et du clbre artisan Hiram, dput par lui, le temple de Salomon fut enfin consacr au Seigneur dans une solennelle ddicace, ainsi que les vases prcieux et toutes les autres richesses qu'il renfermoil. Tous les anciens d'Isral lanl runis, esl-il dit dans les Para-

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lipomnes, les lvites prirent l'Arche, et ils. la perlrent dans le temple avec tous les ornements du tabernacle. Les prtres et les lvites y portrent pareillement tous les vases du sanctuaire. Le roi Salomon, tout le peuple d'Isral, et la foule assemble, marchoient devant l'Arche, et ils immolrent des bliers et des .bufs sans nombre, tant toil grande la multitude des victimes. Les prtres portrent donc l'Arche du Seigneur la place qui lui loit destine, c'est-dire dans l'Oracle du temple, dans le Saint des Saints, sous les ailes des Chrubins ; en sorte que les Anges tendoient leurs ailes sur le lieu o l'Arche toil pose, et la couvroient tout entire, et mme les leviers qui restoient dans leurs auneaux; et parce que ces leviers, avec lesquels on porloit l'Arche toient un peu longs, on en voyoit l'extrmit ds l'entre du sanctuaire; mais du dehors on ne les apercevoit plus. Et l'Arche est toujours reste l jusque aujourd'hui. ; > L'crivain sacr raconte ensuite la sanctification des ministres du Tabernacle et les concerts dont retentissoit la solennit o ces paroles toient chantes :
Rendez gloire au Seigneur, parce quil est bon et parce que sa misricorde est ternelle l

La maison de Dieu, ajoute l'criture, fut remplie d'une nue, en telle sorte, que les prtres ne pouvoienl y demeurer ni faire les fonctions de leur ministre cause de la nue, car la gloire du Seigneur avoil rempli son lemple. Alors Salomon bnit le peuple d'Isral, et il fit une prire d'actions de grces qu'il termina ainsi : Levez-vous donc maintenant, Sei-

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gneur mon Dieu! vous et l'Arche de votre puissance; tablissez ici votre repos ; que vos prtres soient couverts du salut comme d'un vtement, et que vos saints se rjouissent dans l'abondance de vos biens. Seigneur mon Dieu, ne rejetez pas la prire de votre Christ, et souvenez-vous de vos misricordes pour votre serviteur David. Aussitt que Salomon eut achev ces paroles, le feu descendit du ciel et consuma les holocaustes et les victimes, et la majest de Dieu remplit tout l'difice. Ainsi, les prtres ne pouvoient plus entrer dans le temple du Seigneur, parce que sa gloire en avoit inond l'enceinte. Tous les enfants d'Isral virent donc descendre la flamme et la splendeur de Dieu sur son Tabernacle. Ils se prosternrent la face contre terre sur le pav du temple, et, adorant le Seigneur, ils chantoient ses louanges et disoient : Que le Seigneur est bon !
sa misricorde est temelle !

Les Anges toient donc alors, comme aux jours de Mose, les ministres de tous ces prodiges, couronns par une dernire rvlation que le roi d'Isral reut au milieu de la nuit. Le Seigneur lui apparut (continue le texte des Paralipomnes), et lui dit : J'ai entendu ta prire, et j'ai choisi pour moi ce lieu comme une maison de sacrifice. Si je ferme le'ciel et qu'il ne donne point de pluie, ou si j'ordonne aux sauterelles de ravager la terre; ou si j'envoie sur mon peuple le flau de la peste, et que mon peuple, aprs l'invocation de mon nom sur lui, se convertisse, m'implore, me visite et fasse pnitence de ses mauvaises voies, je l'exaucerai
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du haut du ciel et je purifierai la terre. Mes yeux et mes oreilles s'ouvriront la prire de celui qui m'invoquera dans ce lieu, parce que je l'ai choisi et sanctifi afin que mon nom y soit fix jamais et que mes regards et mon cur s'y attachent pour toujours. Et toi-mme, si tu marches en ma prsence, comme David, ton pre, si tu suis tous les ordres que je t'ai donns et que tu gardes mes prceptes et mes ordonnances, je conserverai le trne de ta puissance, ainsi que je l'ai promis David, ton pre, en lui disant : Jamais un prince de ta race ne manquera au sceptre d'Isral ; mais si toi et tes enfants vous vous loignez de moi, si vous abandonnez mes lois et mes prceptes, et si vous me dsertez pour servir les dieux trangers et les adorer, je vous exterminerai del terre qui m'appartient, je rejetterai loin de moi ce temple que j'ai consacr mon nom, je le rendrai la fable du monde pour qu'il serve d'exemple tous les peuples de la terre, et cette maison sera en drision tous ceux qui passeront devant ses murs, et ils diront avec stupeur : Pourquoi Dieu a-t-il trait ainsi cette terre et ce temple? Et on rpondra : C'est parce qu'ils ont abandonn le Seigneur, le Dieu de leurs pres qui les avoit retirs de la terre d'Egypte, et qu'ils ont ador et servi des dieux trangers : voil pourquoi tous ces maux sont venus fondre sur eux. Salomon s'attacha tellement d'abord celte lumire divine, que, sur le trne d'Isral, il toitla figure prophtique de Jsus-Christ, du vrai prince de la paix ; et c'est pourquoi la reine d'un peuple idoltre, la reine de Saba, qui prfiguroit elle-mme l'glise naissante au

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milieu des nations infidles, vint consulter cette science, contempler celte splendeur, et dire ce roi de gloire : Il est bien vrai le bruit que j'ai entendu dans nos contres de vos paroles et de votre sagesse; pourtant je n'ai pas cru ces rcits jusqu' ce que je sois venue moi-mme, que j'aie tout vu de mes yeux et que j'aie reconnu qu'on ne m'avoit pas annonc la moiti de ce qui est. Votre science et vos uvres sont au-dessus de tout ce que m'en avoit dit la renomme. Heureux ceux qui sont vous! Heureux vos serviteurs, qui jouissent de votre prsence et qui entendent votre sagesse ! Bni soit le Seigneur votre Dieu, qui a mis en vous sa complaisance et qui vous a fait asseoir sur le trne d'Isral, parce qu'il aime Isral pour jamais et qu'il a fait de votre rgne le rgne de la justice ! Que la foi mdite et dveloppe ce beau texte, qu'elle l'applique au roi de l'ternelle paix, et que l'acclamation de tous les sicles rponde cette prophtie dont le Thabor a vu l'accomplissement et entendu la cleste conscration !
<K.ft

Infidlit do S a l o m o n . P a r o l e s d e l ' A n g e e t p a roles d u royanme. prophte c o n t r e le roi e t eontre son

Don du Ciel, la sagesse est incorruptible en soi ; mais l'homme la porte dans un vase fragile; et, ds qu'il
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oublie le Dieu qui la lui a donne, elle retourne sa source. On peut donc dire de la sagesse humaine, considre sous ce rapport, ce que le sage lui-mme a dit de toutes les choses de la terre : Vanit des vanits ! Voici que Salomon, la fin de son rgne, dshonore l'innocence et la gloire de sa jeunesse; il devient le scandale d'Isral, il descend aux volupts honteuses, l'ge mme o il sait mieux que jamais toute la dgradation de la chair ; et, perdant avec la vertu le souvenir de Dieu, il tombe aussitt dans l'idoltrie. David, son pre, avoilpch ; mais une seule parole du prophte l'avoit immdiatement ramen la grce, et pour toujours, tant son cur toit plein de droiture! Salomon, au contraire, Salomon s'est tellement gar d'abmes en abmes, qu' peine est-il permis d'y jeter les yeux. Quels furent ses derniers moments, ses derniers soupirs? L'criture ne le dit point. Le problme de son salut n'en est donc que plus effrayant. Mais, comme l'Ange du Seigneur lui apparut de nouveau, pour lui annoncer la vengeance divine sur sa race et sur son royaume, toute pense de misricorde n'est pas interdite sur l'ternelle destine de ce prince tout la fois si magnifique et si dplorable; car la manifestation del colre du Seigneur est moins terrible que son silence. Il faut donc s'abstenir, avec crainte, d'un jugement rserv Dieu seul; et, de mme encore, on doit respecter ici le mystre du chtiment des peuples l'occasion des fautes de leurs rois. Il y a toujours l des secrets impntrables l'il mortel; mais la suprme Justice y exerce et y mnage,

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avec autant de vrit que de certitude, jusque dans les moindres dtails, ses redoutables dispositions. Cependant l'Ange du Seigneur fit entendre sa parole au roi devenu si coupable. Dieu dit donc Salomon : Puisque tu as fait cela et que tu n'as gard ni mon alliance ni les prceptes que je t'avois donns, je dchirerai et je diviserai ton royaume et je le donnerai l'un de tes serviteurs. Je m'en abstiendrai nanmoins de ton vivant, cause de David ton pre ; mais je diviserai ton royaume lorsqu'il sera entre les mains de ton fils. Et cependant je ne le lui terai pas tout entier, mais j'en donnerai une tribu ton fils, cause de David mon serviteur, et cause de Jrusalem que j'ai choisie (pour ma demeure). Peu de temps aprs, Jroboam, fils deNabath, Ephrathen, se rvolta contre Salomon son roi et son matre, et il sortit de Jrusalem. L'crivain sacr ajoute : ... Ahias de Silo, prophte, couvert d'un manteau neuf, rencontra Jroboam sur la route; et ils toient seuls tous deux dans la campagne. Et Ahias, prenant le manteau neuf qu'il avoit sur lui le coupa en douze parts, et il dit Jroboam : Prenez dix parts pour vous; car voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Isral: Je diviserai et j'arracherai le royaume des mains de Salomon et je te donnerai dix tribus. Il lui en restera une, cause de David mon serviteur, et cause de la ville de Jrusalem que j'ai choisie entre toutes les tribus d'Isral : et tout cela, parce que Salomon m'a abandonn et qu'il a ador Astarth, desse des Sidoniens, Chamos, dieu de Moab, et Moloch, dieu des enfants

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d'Ammon, et qu'il n'a point march dans mes voies, ni fait ce qui toit juste mes yeux, ni suivi mes prceptes et mes ordonnances comme David son pre. Toutefois, je ne retirerai pas maintenant le royaume de ses mains, mais je le lui laisserai jusqu' lafin de ses jours, cause de David mon serviteur, que j'ai choisi et qui a gard mes lois et mes commandements. Mais j'terai le royaume des mains de son fils et je te donnerai dix des douze tribus ; et je donnerai une tribu son fils (1), afin que le flambeau de David mon serviteur brille toujours devant moi dans la ville de Jrusalem que j'ai choisie pour que mon nom y soit glorifi. Mais, toi, je te prendrai et tu rgneras sur tout ce que dsire ton me, et tu seras roi en Isral. Si donc tu coutes tout ce que je t'ordonne, si tu marches clans mes voies, et que tu fasses ce qui est juste devant mes yeux, en gardant mes lois et mes prceptes, comme a fait mon serviteur David, je serai avec toi, je te ferai une maison stable comme j'en ai fait une mon serviteur David, et je te confierai le royaume d'Isral; et j'affligerai ainsi la race de David, mais non pour toujours. Salomon vouloit donc faire mourir Jroboam ; mais Jroboam s'enfuit vers Ssac, roi d'Egypte, et il resta dans ce pays jusqu' la mort de Salomon. Aprs un rgne de quarante ans, Salomon s'endormit avec ses anctres et il fut enseveli dans la cit de David son pre ; et son fils Roboam lui succda.

(1) La tribu de Benjamin, en outre de celle du Juda qui toit celle de David.

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Mais Ja menace de l'Ange du Seigneur ne tarda pas s'excuter, comme la prophtie d'Ahas.

S p a r a t i o n d e s d i x tribus.Ifcoboaiu, roi d e J u d a , J r o b o a m , roi d ' I s r a l .

Pour l'accomplissement de ses desseins adorables, Dieu se sert de l'homme comme d'un instrument; les chefs des nations sont dans sa main comme l'arme dans la main du guerrier, comme le marteau clans la main de l'artisan; et en cela, de mme que partout, les Anges sont toujours ses ministres. A cette poque de l'Histoire Sainte, la Providence, pour l'excution de ses dcrets, suscite sur dix des douze tribus d'Isral un roi dont l'apostasie ne tarde pas clater, en face d'un autre roi qui bientt se rend indigne aussi de la protection du Ciel. Silence donc la question du trne entre les princes! Laissez passer la justice de Dieu sur son peuple. Roboam n'avoit pas voulu allger les charges des Isralites et il leur avoit dit : Mon pre vous a chtis avec des verges, et moi je vous flagellerai avec des scorpions. Sur quoi, l'crivain sacr fait celte remarque : Le roi ne se rendit point aux vux des enfants d'Isral, parce que Dieu s'toit dtourn de lui dans sa colre, afin d'accomplir la parole qu'il avoit dite Jroboam, fils de Nabath, par la bouche d'Ahias de Silo.

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C'est pourquoi le peuple, voyant que le roi n'avoit pas voulu l'couter, commenoit dire : Qu'avons-nous de commun avec David? Quel hritage avons-nous partager avec le fils d'Isa? Isral! retire-toi sous tes pavillons. Et toi, David, va maintenant pourvoir ta maison. Isral se retira dont dans ses tentes. Mais Roboam rgna sur tous les Isralites qui habitoient les villes de Jucla. Le roi Roboam dputa ensuite Aduram, surintendant des impts, mais le peuple le lapida et il mourut. Et aussitt le roi Roboam monta sur son char et s'enfuit .Jrusalem. Et Isral fut ainsi spar de la maison de David comme jusqu' ce jour. Et tout le peuple, ayant appris que Jroboam toit revenu, l'appela et le fit venir dans une assemble gnrale o ils l'tablirent roi sur tout Isral. Et nul ne suivit la maison de David, sinon la tribu de Juda (1). Roboam, tant donc arriv Jrusalem, convoqua les deux tribus de Juda et de Benjamin, et se mit la tte de cent quatre-vingt mille hommes de guerre et d'lite, pour combattre contre la maison d'Isral, et pour rduire tout le royaume sous l'obissance du fils de Salomon. Alors l'Ange du Seigneur vint dire ceci Smas homme de Dieu : Parle Roboam, lils de Salomon, roi de Juda, et toute la maison de Juda et de Benjamin, et tout le reste du peuple et dis-leur : Voici ce que dit le Seigneur : Ne marchez pas et ne combattez pas contre.les enfants d'Isral qui sont vos frres. Que chacun retourne chez soi ; car tout ce qui s'est fait est mon
('I) Et celle de Benjamin, comme il est ensuite expliqu.

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uvre. Ils coutrent donc la parole du Seigneur, et ils s'en retournrent, comme il le leur avoit ordonn. Mais Jroboam n'avoit pas le cur droit, et pour maintenir sa puissance, il eut recours de coupables calculs. 11 se dit en lui-mme : Le royaume sera bientt rendu la maison de David. Si ce peuple monte Jrusalem pour y sacrifier dans le temple du Seigneur, son affection retournera bien vite Roboam, roi de Juda, son matre; et moi ils me tueront et se rendront lui. Sur quoi, aprs avoir longtemps mdit, il lit deux veaux d'r et dit au peuple : N'allez plus dsormais Jrusalem : voici vos dieux qui vous ont tirs de l'Egypte. Puis il plaa l'un Bthel et l'autre Dan. Et ce fut l un sujet de scandale et de pch, car le peuple alloit jusqu' Dan pour adorer cette idole. Jroboam leva aussi des temples sur les hauts lieux et il y tablit comme prtres les derniers du peuple qui n'toient pas enfants de Lvi. Il ordonna aussi un jour solennel dans le huitime mois, c'est--dire le quinzime jour, l'imitation de la solennit clbre en Juda; et il montoit lui-mme l'autel; et il en fit autant Bthel, pour sacrifier aux veaux d'or qu'il avoit fabriqus, et il y tablit les prtres des hauts lieux rigs par lui. Et le quinzime jour du huitime mois, qu'il lui avoit plu de consacrer, il clbra Bthel, avec les Isralites, une grande solennit, et montant l'autel, il y offrit de l'encens. On verra bientt les suites de cette sacrilge prostitution.
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L'autel de Jroboam. L'homme de D i e u . L e prophte menteur.

De nouveaux enseignements vont sortir de cette partie de l'Histoire sacre : les uns concernent la foi des peuples elle devoir des rois; les autres dvoilent les mystres de la foiblesse humaine jusque dans le cur des amis de Dieu. E t , plus que partout ailleurs, on verra le commerce des Anges auprs de l'homme, et aussi l'abus de leur nom dans la bouche des imposteurs. Jroboam clbrait sa solennit impie : en mme temps, dit l'criture, un homme de Dieu vint de Juda Bthel, par l'ordre de l'Ange du Seigneur, lorsque Jroboam toit prs de l'autel et y brloit de l'encens: et il cria contre l'autel au nom du Seigneur, et il lui dit : Autel! autel l voici ce que dit le Seigneur : Il natra dans la maison de David un enfant qui s'appellera Josias, et il immolera sur toi les prtres des hauts lieux qui t'encensent maintenant, et il brlera sur toi les ossements humains; et aussitt, pour preuve de sa prophtie il ajouta : Voici le signe qui montrera que c'est Dieu qui a parl : l'autel va se briser, et toute la cendre qui est dessus va se rpandre dans .l'air. A ces paroles prononces contre l'autel de Bthel, le roi tendit la main du haut des degrs, en s'criant : Qu'on l'arrte ! Et cette main ainsi tendue vers le prophte se desscha, et Jroboam ne pouvoit plus la retirer, et

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tout coup l'autel se brisa, et la cendre qui toit dessus se rpandit dans l'air, comme l'avoit prdt l'homme de Dieu par le signe donn sur l'ordre de l'Ange. Et le roi dit l'homme de Dieu : Implorez un regard favorable du Seigneur votre Dieu, et priez-le pour moi, afin que ma main me soit rendue; et l'homme de Dieu pria le Seigneur, et le roi retira sa main lui, et elle redevint comme elle toit auparavant, et le roi dit l'homme de Dieu : Venez manger dans ma maison et je vous offrirai des prsents ; et l'homme de Dieu rpondit au roi : Quand vous me donneriez la moiti de votre maison, je n'irai point avec vous et je ne mangerai pas de pain et je ne boirai pas d'eau en ce lieu-ci; car l'Ange du Seigneur, en me donnant des ordres m'a fait cette dfense : Tu ne mangeras pas de pain, et tu ne boiras pas d'eau, et tu ne t'en retourneras point par le mme chemin par lequel tu es venu. 11 s'en retourna donc par une autre route que celle qu'il avoil prise pour aller Bthel. Or, il y avoit Bthel un vieux prophte qui ses enfants vinrent dire toutes les uvres que l'homme de Dieu y avoit faites ce jour-l, et ils lui racontrent les paroles qu'il avoit dites au roi, et leur pre demanda : Par quel chemin s'en est-il all? Ses enfants lui montrrent donc le chemin par o l'homme de Dieu, venu de Juda, s'en retournoit, et il leur dit : Prparez mon ne. Et ds qu'ils l'eurent prpar, il monta dessus, et il se mit sur la trace de l'homme de Dieu , et il le trouva assis sous un trbinthe, et il lui dit : Etes-vous l'homme de Dieu qui tes venu de Juda? Celui-ci r-

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pondit : 3 e le suis. Et l'autre reprit : Venez avec moi en ma maison pour y manger un peu de pain. L'homme de Dieu rpondit encore : Je ne puis retourner ni aller avec vous, et je ne mangerai pas de pain ni ne boirai pas d'eau en celte contre, car le Seigneur, en me parlant comme le Seigneur a coutume de parler, m'a dit : Tu ne mangeras pas de pain et lu ne boiras pas d'eau en ce lieu-l ; et tu ne t'en retourneras point par le mme chemin. Cet homme lui rpliqua : Moi aussi, je suis prophte comme vous, et un Ange est venu me dire de la part de Dieu : Ramne-le dans ta demeure, afin qu'il mange du pain et qu'il boive de l'eau; et il le trompa ainsij et il l'emmena avec lui, et l'homme de Dieu mangea du pain et but de l'eau dans sa maison ; et tandis qu'ils toient table, le Seigneur fit entendre sa parole au prophte qui l'avoit ramen, et il cria contre l'homme de Dieu venu de Juda : Voici ce que dit le Seigneur : Parce que tu n'as pas obi la parole du Seigneur, et que tu n'as pas suivi l'ordre que le Seigneur t'avoit donn, et que tu es revenu en ce lieu o tu as mang du pain et bu de l'eau, malgr sa dfense de manger du pain et de boire de l'eau, ton corps ne sera point port au spulcre de tes pres; et aprs que l'homme de Dieu eut ainsi bu et mang, le vieux prophte sella son ne pour le prophte qu'il avoit ramen ; et comme l'homme de Dieu s'en retournoit, un lion le rencontra sur le chemin et le tua, et son corps resta gisant au mme endroit; l'ne demeura auprs de son corps, et le lion pareillement, et des passants virent ce corps dans le chemin, et le lion se tenant prs de lui ;
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puis, accourant dans la ville o demeurait le vieux prophte, ils publirent ce qu'ils avoient vu; et cette nouvelle, le vieux prophte qui l'avoit fait revenir, se mit dire : C'est un homme de Dieu qui a dsobi la parole du Seigneur, et le Seigneur l'a livr au lion qui l'a bris et Ta t u , suivant la parole qu'il avoil prononce; et il dit ses fils : Prparez mon ne ; et quand ils l'eurent prpar, il partit et il trouva le corps gisant sur le chemin, et l'ne et le lion se tenant prs du corps; et le lion ne mangea point le corps et ne fit point de mal l'ne. Le prophte prit donc le corps de l'homme de Dieu, le mit sur son ne, et le ramena pour le pleurer dans la ville o il demeurait, et il mil dans son spulcre le corps mort, et ils le pleurrent en s'criant : Hlas ! hlas ! mon frre ! El aprs qu'ils l'eurent pleur, le prophte dit ses fils : Quand je serai mort, ensevelissez-moi clans le spulcre o l'homme de Dieu est enseveli; mettez mes os auprs de ses os, car ce qu'il a prdit au nom du Seigneur contre l'autel de Bthel et contre tous les temples des hauts lieux, arrivera trscertainement. Il y a peu de pages des livres saints o l'tonnement soit plus vivement provoqu que dans celles-ci. Jroboam, devenu idoltre par un ambitieux calcul, coupable ensuite d'une tentative de vengeance contre l'homme de Dieu, qui lui reprochoit son crime, Jroboam, frapp d'une plaie mrite, obtient immdiatement sa gurison. Et l'homme de Dieu, rprhensible seulement pour

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une trop facile confiance en la parole du vieux prophte, est puni de mort. Gomment expliquer ce mystrieux contraste? Comment concilier aussi la malice du vieillard imposteur avec le pieux soin qu'il prend de la dpouille mortelle de l'homme de Dieu? et que penser de son dsir d'tre enseveli dans le mme spulcre avec lui? Tous ces problmes, soyons-en srs, doivent tourner la gloire de Dieu, comme ils doivent servir en mme temps aux manifestations du ministre des Anges. Disons d'abord que la vie de l'ternit est le mot de bien des nigmes dans la vie du temps, et reprenons rapidement les faits relatifs l'idoltrie de Bthel. Instruit par l'Ange du Seigneur, le prophte Ahias avoit transmis Jroboam l'annonce de son rgne. Dput aussi par un Ange, le prophte Smias avoit intim Roboam la dfense de combattre Isral. Les rayonnements de cette double rvlation clairaient donc la fois et les dix tribus spares, et les deux tribus attaches la maison de David. El d'ailleurs, la fidlit la loi et au culte du vrai Dieu toit la condition essentielle du bonheur des deux rois et de leurs peuples. N'avoient-ils pas devant les yeux leur propre histoire encore toute resplendissante de merveilles ? Et Jroboam n'avoil-il pas de plus mditer les promesses et les menaces de l'Ange du Seigneur, dont Ahias, Silonite, lui avoit apport le message? Et tous, pourtant, ils adoroient le veau d'or, et Jroboam tenoit l'encensoir ! et il prostituoit l'encens

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l'idole ! Il toit donc sans excuse ; et le peuple, combl de tant de prodiges, toit aussi coupable que lui. Mais, pour faire clater davantage encore la justice et la misricorde du Seigneur, son prophte arrive jusqu'en face de la prvarication ; il lance l'analhme, et il annonce le signe miraculeux de sa mission, et l'autel est bris, et la cendre du sacrifice se rpand dans l'air, et le miracle prsent promet l'accomplissement du miracle futur, et la main du roi se dessche, et lui-mme il est forc de recourir aux: prires de l'homme de Dieu, et toute, cette imposante leon est comme couronne par sa gurison aussi rapide que son chtiment. Ainsi, toujours la gloire de Dieu se retrouve jusqu'au milieu des vaines tentatives de l'apostasie. Tt ou lard, la main dessche dans l'uvre du mensonge, ft-elle une main royale, apparotavec sa honte ; la parole sainte peut seule la gurir ; et la divine indulgence devient encore, la voix du prophte, une glorification nouvelle du Dieu qui frappe et qui ressuscite. Cette glorification n'est pas moins admirable dans la rigueur avec laquelle est puni l'oubli le plus lger de la parole sacre de la part d'un prophte. La dfense de prendre aucune nourriture, aucune boisson Bthel, dans le lieu profan par l'idole, avoit t dicte par l'Ange l'homme cle Dieu ; elle avoit manifestement pour but la condamnation cle l'idoltrie, jusqu' proscrire mme l'apparence de la moindre communication avec les habitants de la ville souille de ce crime. Nul autre oracle que ce mme oracle ne devoit

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donc modifier Tordre divin. Plus lard, une grande voix d'aptre, aprs avoir prch la loi sainte, a dit analhme toute parole, mme la sienne, mme celle d'un Ange, qui annoncerait un autre vangile que l'vangile de Dieu (1). Ainsi doit donc tre respecte toute prescription venue d'en haut. Or, le saint thaumaturge, aprs avoir rsist l'invitation du roi, et une fois celle du vieux prophte, a le malheur de croire h ce que lui dit cet homme, et de se confier la prtendue rvlation d'un Ange qu'il n'a pas vu, au lieu de garder le commandement de l'Ange qu'il a vu et entendu luimme. Il pchoit donc au moins par inadvertance, et l'inadvertance n'a point d'excuse dans les choses du Ciel. Aussi, sa condamnation est sortie de la bouche mme de l'imposteur qui, malgr son indignit, et l'exemple de Balaam, prophtise la peine d'une faute dont Dieu seul a d rester juge. Pourtant, ne soyons point troubls par cette peine de la mort temporelle ! l'ternit explique tout ; et, sans doute, l'homme de Dieu aura bni un chtiment qui, pour jamais, lui ouvrait les portes du salut : c'est le sentiment de saint Augustin. Dans toutes ces tonnantes pripties, les Anges cooprent ncessairement et au miracle de l'autel bris, et au miracle de la main dessche et gurie, et au miracle de la mort du prophte, et au miracle de l'obissance et de la douceur du lion. E l u e faut-il pas croire, d'une autre part, que les anges de tnbres exeroient
(4) Galat.,\, S.

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aussi leur pernicieuse influence dans ce terrible drame? Le prophte menteur n'toit-il pas visiblement inspir de leur souffle, et n'a-t-il pas t l'instrument de la tentation contre l'homme de Dieu? Oui! la foi sainte autorise et donne elle-mme l'explication du combat des puissances clestes et des puissances sataniques, non-seulement dans ce mmorable exemple, mais dans tous le cours des vnements humains. Que le Seigneur soit donc toujours glorifi la vue de celte lutte incessante o se fait l'preuve des curs! Ici, les grands coupables sont pargns pour un temps; mais la justice aura son heure, et l'ajournement des condamnations est une gloire de plus pour la justification des uvres divines. Croyons avec ardeur tous les tmoignages de la Sainte-criture. Et quelle difficult y auroit-il donc croire que Celui qui a cr l'homme ait pu desscher ou gurir la main de l'homme? croire que Celui qui, d'une parole, a fait le ciel et la terre, ait pu, d'une parole, briser l'autel du veau d'or? croire que Celui qui a donn au lion sa terrible force ait pu lui donner aussi, pour un moment, et l'obissance et la douceur? Certes ! l'inconsquence n'est point dans une crdulit logiquement justifie ; mais elle est, au contraire, dans une incrdulit qui ne sauroit aller, sans honte, jusqu' nier la cration, et qui, ds lors, ne peut rien contester la toute-puissance. Gloire Dieu jusque dans les aveux du prophte menteur! Nonobstant sa perfidie, le vieillard de Bthel proclame l'inviolabilit des oracles divins; et aprs en avoir provoqu lui-mme la violation, il n'est que plus
H. 43

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empress h leur rendre hommage; il reoit mme l'inspiration prophtique pour la condamnation de la faute de l'homme de Dieu. Lui le plus coupable, lui qui avoil faussement suppos l'apparition d'un Ange, il devient l'interprte des jugements du Seigneur ! Puis, par une sorte d'expiation, il comble de respects et de soins la dpouille mortelle de sa victime, et il veut tre un jour enseveli dans le mme tombeau ! Ne peut-on pas dire (se demande le docte Sacy), ne peut on pas dire en un sens trs-vritable, que Dieu nous traoit en la personne de cet imposteur une image de la conduite du dmon mme, qui, aprs s'tre transform, comme celui-ci, en un Ange de lumire pour tromper les hommes, leur insulte le premier, lorsqu'il les a fait tomber, et leur reprsente toute la rigueur de la justice de Dieu, pour les jeter dans le dsespoir? Celle comparaison est permise sans doule, h la vue de l'imposture du vieillard de Bthel. Mais l'hommage qu'il a rendu la parole sacre et aussi la mmoire de l'homme de Dieu, n'en subsiste pas moins; et comment l'interprter sans quelque hsitation? Il reste donc bien des nuages sur celle figure biblique ; et il parol difficile, mme aprs avoir condamn comme il doit Vtre, un fait constant de perfidie, d'exprimer nanmoins une opinion bien ferme sur l'effrayant personnage que l'criture semble n'avoir pas voulu juger entirement elle-mme. Il y a dans le cur de l'homme un tel germe de mort avec le pch, et un tel germe de vie avec la grce, que l'il de Dieu peul seul en sonder le nival re.

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Peut-trele vieux prophte, se condamnant lui-mme, comme tmoin silencieux de l'idoltrie de Jroboam et d'Isral, aura-t-il voulu chercher, dans l'preuve qu'il fait subir au prophte de Juda, une rponse ses propres remords. On serait port le croire, en coulant cette exclamation de pa douleur: Hlas! hlas! mon frre 1 N'toit-ce pas dire aussi : Que l'homme est foiblc, mme quand il prophtise ! Les Anges qui ont suivi toutes les phases de ce drame auraient pu en expliquer les secrets; mais l'criyain sacr se borne les livrer aux mditations d'une pieuse terreur. 11 est dit plus tard, dans le Livre des Rois, que Josias, excutant la prophtie, aprs avoir fait brler sur l'autel des idoles les ossements de leurs prtres, retirs des spulcres delamontagne, demanda ensuite : Quel est ce tombeau que j'aperois? Et les habitants de la ville lui dirent; C'est le tombeau de l'homme de Dieu qui toit venu de Juda et qui a prdit ce que vous venez de faire sur l'autpl de Bthel. Et Josias leur dit : Laissez-le
l, et que personne ne touche ses os. Et ses os demeur-

rent intacts avec les os du prophte qui toit venu de Samarie. Les paroles du saint roi, pour le tombeau de l'homme de Dieu, et mme son silence sur la mmoire du vieux prophte, ont ainsi respect tous les voiles de ces mystrieux faits.

48.

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P r o p h t i e d'Aliias. P u n i t i o n et mort d e J r o b o a m .

La parole el l'action des Anges de Dieu, unies la mission du prophte Ahias, sont tellementretraces dans les faits relatifs au chtiment el la mort de Jroboam , qu'il suffit de transcrire, sans commentaire, le lexle sacr : Dans le mme temps, Abia, fils de Jroboam, fut atteinl d'une maladie, et Jroboam dit sa femme : Levez-vous, changez de vtements, de manire qu'on ne sache point que vous tes la femme de Jroboam, el allez Silo, o est le prophte Ahias, qui m'a prdit que je rgnerois sur ce peuple. Prenez dix pains, un gteau et un vase plein de miel, et allez le trouver, car il vous rvlera ce qui doit arriver cet enfant. La femme de Jroboam fil ce qu'il lui avoit dil, elle partit pour Silo, et alla dans la maison d'Ahias. Le prophte ayant les yeux obscurcis cause de son grand ge, ne pouvoit plus voir ; mais l'Ange du Seigneur lui dit : Voici la femme de Jroboam qui vient te consulter sur son fils qui est malade; tu lui diras telle et telle chose. Au moment donc o la femme de Jroboam entroil, en dissimulant ce qu'elle toil, Ahias entendit le bruit de ses pas, et il s'cria : Entrez, femme de Jroboam; pourquoi feignez-vous d'tre une autre que vous-mme? Mais je vous suis envoy pour une malheureuse annonce. Allez, et dites Jroboam : Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Isral : Je t'ai lev

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du milieu du peuple, el je t'ai tabli roi de mon peuple d'Isral; j'ai divis le royaume de la maison de David, et je te l'ai donn, mais lu n'es pas comme mon serviteur David, qui a gard mes commandements, et qui m'a suivi de tout son cur, en faisant ce qui toit agrable mes yeux*; mais toi, tu as faitplus de mal que tous ceux qui t'ont prcd, tu t'es fabriqu des dieux trangers el jets au moule, pour irriter ma colre,.el tu m'as rejet bien loin derrire loi ; c'est pourquoi voici que je dirigerai des flaux sur la maison de Jroboam, el je frapperai mme les animaux dans la maison de Jroboam; j'exterminerai ceux qui sont renferms el jusqu'au dernier dans Isral, et je balayerai tous les restes de la maison de Jroboam, comme on a coutume de nettoyer une table. Ceux qui mourront clans la ville seront mangs par les cbiens, et ceux qui mourront dans les champs, seront dvors par les oiseaux du ciel. Partez donc et retournez dans votre demeure, cl ds que vous mettrez le pied dans la ville, l'enfant sera mort, et tout Isral le pleurera et l'ensevelira; c'est le seul de la maison de Jroboam qui sera mis dans le lombeau, parce que le Seigneur, le Dieu d'Isral, l'a regard d'un il propice dans la maison de Jroboam. Mais le Seigneur a tabli sur Isral un roi qui ruinera la maison de Jroboam, au jour el au temps marqus; ainsi le Seigneur frappera Isral, comme le roseau secou par les vagues, et il arrachera les enfants d'Isral de cette terre si excellente qu'il a donne leurs pres, et il les dispersera au del du grand fleuve, parce qu'ils ont consacr des bois aux idoles pour irriter

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le Seigneur; et le Seigheur livrera Isral comme une proie, cause des crimes de Jroboam qui a peh, et qui a fait pcher Isral. La femme de Jroboam s'en retourna donc Thersa, et lorsqu'elle mit le pied sur le seuil de sa maison, l'enfant mourut, et il fui enseveli, et tout Isral le pleura comme l'Ange l'avoit prdit par la bouche du prophte hias, serviteur de Dieu. Toutes les autres menaces d la prophtie s'accomplirent pareillement contre Jroboam qui, vaincu et h u mili d'abord avec Isral, sos les coups d'Abia, fils d Roboam et roi de Juda, mourut ensuite frapp par
le Seigneur.

Le texte des Paralipomnes qui raconte les faits, n'explique pas de quelle manire, ni de quelle mort,. Jroboam fut ainsi frapp ; mais l'effrayante expression suffit pour marquer la vengeance divine sous la main de l'Ange exterminateur. Nadab, fils de Jroboam, ne rgna que deux ans: il fit le mal, et fut tu avec toute la maison d son pre, par Basa, qui leur succda, et fut aussi coupable qu'eux. A la mort de Baasa, Ela, son fils, occupa son trne; mais, aprs deux ans, comme l'avoit prdit le prophte Jhu, il fut extermin avec toute sa maison par Zambri, l'un de ses officiers; ensuite Zambri, marchant aussi dans les voies de Jroboam, fut pareillement dtrn par Amri, et il se brla iui-mme dans son palais avec tous les siens. Le nouveau roi soutenu par le peuple ne futjms meilleur, et il eut pour hritier son fils Achab, qui surpassa en impit, dit l'criture,

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tous ses prdcesseurs. Achab pousa Jzabel, lille d'Elh-

baal, roi des Sidoniens; il se livra avec elle au culte des idoles, il btit un temple Baal, dans Samarie, et planta un bois en son honneur; et ajoutant toujours crime sur crime, dit encore le Livre des Rois, il irrita le Seigneur, le Dieu d'Isral, plus que tous les princes qui avaient rgn avant lui. On verra bientt son chtiment.

La peine du talion ainsi prophtise sur Tordre des Anges du Seigneur, se poursuit sous l'il de la justice divine, dont ils sont toujours les excuteurs.

f t e g n e d ' A s a . S o n x c i c S / A u g e d u S e i g n e u r lui d o n n e l a v i c t o i r e . I l a r e c o u r s a u roi de S y r i e c o n t r e B a a s a , roi d'B&ral. Il e n e s t repris p a i r l e prophte l l a n a n i . S a mort.

Asa, iils d'Abia, roi de Juda, marcha devant le Seigneur dans les voies de la justice; et il renversa les autels, les simulacres elles bois consacrs aux idoles. La protection de Dieu el de ses Anges ne pouvoit donc lui manquer, et elle fit pour lui ce que n'auroient pas fait les trois cent mille hommes de guerre qu'il avoit rassembls. Zara, roi d'Ethiopie, vint les attaquer avec une arme d'un million d'hommes et trois cents chars, et il s'avana jusqu' Marsc, disent les Paralipomnes. Asa

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se porta sa rencontre, ets rangea eu bataille dans la valle de Sphata, prs de Marse ; et il invoqua le Seigneur Dieu, et il dit : Seigneur, quand vous prtez secours, le petit nombre et le grand nombre sont chose gale devant vous. Venez donc notre aide, Seigneur, vous qui tes notre Dieu. Car c'est parce que nous nous confions en vous et en votre nom, que nous sommes venus contre cette multitude d'ennemis. Seigneur, vous tes notre Dieu ; ne permettez pas que l'homme l'emporte sur vous. Aussitt, l'Ange du Seigneur jeta l'pouvante au milieu des thiopiens la vue d'Asa et de Juda; et ils prirent la fuite ; et Asa et tout le peuple qui toit avec lui les poursuivirent jusqu' Grare; et les thiopiens furent taills en pices sans qu'il en restt un seul, parce que le Seigneur les exterminoit ainsi tandis que l'arme combattait ; et Juda remporta de grandes dpouilles... Aprs cette victoire, Asa, encourag par une prophtie d'Azarias, fils d'Oded, donna de nouveaux tmoignages de son zle contre l'idoltrie, jusqu' retirer toute autorit Maacha, sa mre, parce qu'elle avoit lev Priape une idole qu'il mit en pices, et dont il brla et jeta les restes dans le torrent de Cdron. L'criture ajoute que le cur d'Asa fut parfait durant
tous les jours de sa vie.

Et cependant, lorsqu'il fut menac par Baasa, roi d'Isral, Asa, oubliant la prire qu'il avoit faite au moment de sa victoire contre les thiopiens et le prodige qui avoit couronn sa foi, eut le malheur de rclamer et d'obtenir le secours de Bnadad, roi de Syrie. Mais

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le prophte Hanani vint le trouver et lui dit : Parce que vous avez mis votre confiance dans le roi de Syrie et non dans le Seigneur votre Dieu, voici que l'arme du roi de Syrie s'est chappe de vos mains. Les thiopiens et les Libyens n'avoient-ils pas un plus grand nombre de chars, une cavalerie plus nombreuse aussi, et une prodigieuse multitude? Et parce qu'alors vous aviez cru au Seigneur, il les livra entre vos mains. Car l'il de Dieu est ouvert sur toute la terre, et il inspire la force tous ceux qui se confient en lui avec un cur parfait. Vous avez donc agi comme un insens, et c'est pourquoi la guerre s'allumera contre vous. Asa, irrit contre le prophte, le fit jeter en prison, et dans l'indignation qu'il prouvoit, il fit mettre mort plusieurs hommes d'entre le peuple. Celle odieuse vengeance est bien en dehors de ce qui vient d'tre dit de la vie du roi Asa; mais voil l'homme avec ses misres, au milieu mme d'une carrire de gloire et de vertu. L'crivain sacr dit enfin que dans la maladie dont Asa mourut il n'eut pas recours Dieu, mais plutt la science des mdecins. Ce dernier trait n'est pas sans doute une condamnation ; car cefui qui s'abstient d'implorer la gurisondu corps, peut avoir pour motifs et de rester entirement soumis aux dcrets du Seigneur, et de se croire indigne d'un miracle de sa puissance.

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E l l e . Prophtie de (rois

ans

de

scheresse.

JLeg c o r b e a u x a u x o r d r e s les A n g e , L e p a i n e t l ' h u i l e de la v e u v e d e S n r c p t a . M o r t e t r s u r rection d e s o n fil.

Sous les rgnes d'Achab et d'Ochozias, son lits, rois d'Isral, de Josaphal et.de Jorarii, rois de Jda, le prophte lie rendit gloire Dieu par des paroles et des miracles qui appartiennent au mmorial des Anges. En ce temps-l, dit l'crivain sacr, lie de Thesb en Galaad, alla dire Achab : Vive le Seigneur, le Dieu d'Isral, devant lequel je marche ! Il n'y aura, durant les annes o nous vivons, ni rose, ni pluie que d'aprs la parole qui sortira de ma bouche. On verra l'effet de cette prdiction. L'Ange du Seigneur parla encore lie et lui dit : Retire-loi d'ici, va vers l'Orient et cache-toi sur les bords du torrent de Carith, vis--vis du Jourdain. L, lu boiras de l'eau du torrent; et j'ai ordonn aux corbeaux de te nourrir en ce mme lieu. Elie partit donc la voix de l'Ange; et il vint se reposer au bord du torrent de Carith, prs du Jourdain. Et les corbeaux lui apportoient le matin du pain et de la chair ; et le soir encore du pain etdelachair; etilbuvoilde l'eau du lorrenl, Quelques jours aprs, le torrent se desscha, car il n'avoit pas plu sur la terre. Et alors l'Ange lui dit : Lve-toi et va jusqu' Sarepta, ville des Sidoniens, et lu y resteras, car j'ai command une femme veuve de

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l'y nourrir. Aussitt lie alla Sarepta; et lorsqu'il arrivoit la porte de la ville, il aperut une femme veuve qui rm&ssoit du bois; il l'appela et lui dit: Drinez-moi un peu d'eau dans un vase, afin que je boive. Et tandis qu'elle alloit eh chercher, il cria derrire elle : Apportez-moi aussi, je vous en prie, un peu de pain. Mais elle rpondit : Vive le Seigneur voire Dieu! je n'ai pas de pain, j'ai seulement dans un vs autant de farine qu'il en peut tenir dans l creux deiha main, et un peu d'huile dans un petit vase. Voici que je ramasse deux brins de bois pour que mon fils et nioi nous mangions ce reste avant de mourir. lie reprit : Ne craignez rien, mais allez, et faites comme vous avez dit. Et auparavant, prparez pour moi, avec ce peu de farine, un pelit pain cuit sous la cendre, et ensuite vous en ferez pour vous et pour votre fils ; car voici ce que dit le Seigneur le Dieu d'Isral : La farine de ce vase ne diminuera pas et l'huile qui est dans ce petit vase ne dcrotra point jusqu'au jour o le Seigneur rpandra la pluie sur la terre. Celte femme alla donc faire ce qu'lie lui avoit dit. lie mangea et elle aussi avec toute sa maison ; et, depuis ce jour-l, la farine du vase ne manqua point et l'huile du pelit vase ne diminua point non plus, comme Dieul'avoit prdit par la bouche d'lie. Il arriva ensuite que le fils de cette femme, mre de famille, fut attaqu d'une maladie si violente qu'il, rendit l'me. Elle dit donc lie : Qu'y a-l-il entre vous et moi, homrtie de Dieu? les-vous venu chez moi pour renouveler la mmoire de mes pchs el pour faire

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mourir mon iils? lic rpondit : Donnez-moi voire lils; et Tayanl pris dans ses bras il le porta dans la cellule o il demeurait et il le dposa sur son lit. Et il jeta un cri de prire vers le Seigneur et lui dit : Seigneur mon Dieu, voulez-vous affliger ainsi celte veuve qui me nourrit, et jusqu' faire mourir son fds? Ensuite il s'tendit sur l'enfant par trois fois en se rapetissant, et il s'cria devant Dieu : Seigneur, mon Dieu, faites, je vous en conjure, que l'me de cet enfant rentre dans son corps. Et le Seigneur exaua la prire d'lie, et l'me de l'enfant revint dans son corps et il recouvra la vie. Puis, lie prit l'enfant, le descendit de sa cellule au bas de la maison, le remit dans les bras de sa mre et lui dit : Voici votre fils vivant. Et la femme rpondit lie: Jereconnois bien l que vous tes un homme de Dieu et que la parole de sa vrit est dans votre bouche. Il n'est pas besoin de provoquer la foi aux mditations de ces merveilles.

E l i e e t les p r o p h t e s le l a a l . JLg feu d u ciel s u r l'holocauste. La pluie miraculeuse.

Toute la mission d'Elie est pleine de miracles. Les Anges lui donnent les ordres du Seigneur ; il obit, cl, en mme temps, il parle aux lments en souverain.

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Le rcit des faits, au Livre des Rois, porte avec soi sa lumire et la preuve du concours des esprits clestes. Aprs de longs jours, c'est--dire dans la troisime anne de sa retraite, Elie entendit cette voix de l'Ange de Dieu : Va, et prsente-loi devant Achab, afin que je rpande la pluie sur la terre. Et aussitt Elie se mit en marche vers Achab. Et alors la famine toit extrme dans Samarie. Et Achab avoit fait venir prs de lui Abdias, intendant de son palais. Or, Abdias toit plein de la crainte de Dieu; car, lorsque Jzabel tuoil les prophtes du Seigneur, il en sauva cent, qu'il cacha clans deux cavernes, cinquante dans l'une et cinquante dans l'autre. Achab disoil donc Abdias : Va dans tout le royaume, toutes les fontaines et toutes les valles, et vois s'il est possible d'y trouver de l'herbe, afin de nourrir les chevaux et les mulets et que tous les animaux ne meurent pas. Ils se partagrent donc les contres environnantes pour aller la dcouverte, Achab par une route, et Abdias par l'autre : et lorsque Abdias s'acheminoit ainsi, Elie le rencontra, et Abdias, l'ayant reconnu, se prosterna la face contre terre et lui demanda : Est-ce vous, Elie, mon seigneur? Il rpondit : C'est moi. Va donc, et dis ton matre : Voici Elie. Quel pch ai-je commis, dit Abdias, pour me livrer moi, votre serviteur, entre les mains d'Achab pour qu'il me fasse mourir? Vive le Seigneur votre Dieu ! il n'y a point de nation ni de royaume o mon matre n'ait envoy votre poursuite, et comme partout on rpondoit : Il n'est pas ici; il a conjur les rois et les peuples de

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venir en aide ses vaines recherches. El, maintenant, vous me dites : Va, el dis Ion matre : Voici Elie. El, quand je vous aurai quitt, l'Esprit de Dieu vous transportera en un lieu que j'ignore; et si j'avertis Achab de votre arrive el que je ne vous retrouve pas, il me fera mourir. Cependant, votre serviteur a toujours eu, depuis son enfance, la crainte de Dieu. Et ne vous a-t-on pas dit, vous, mon seigneur, ce que j'ai fait lorsque Jzabel gorgeoil les prophtes du Seigneur,-el comment j'en ai cach cent dans les cavernes, cinquante d'un ct et cinquante d'un autre, el que je les ai nourris de pain et d'eau? Et pourtant vous me dites encore : Va, el dis Ion matre : Voici Elie. C'est donc pour qu'il me tue? Alors Elie lui dit : Vive le Seigneur des armes devant lequel je marche ! aujourd'hui mme je me prsenterai devant Achab. Abdias alla donc trouver Achab el lui raconta ce qu'il avoit vu. Et, aussitt, Achab vint au-devant d'Elie, et, en le voyant, il lui dit : N'tes-vous pas l'homme qui trouble tout Isral ? Elie rpondit : Non, ce n'est pas moi qui ai troubl Isral ; mais c'est vous-mme et la maison de votre pre qui avez abandonn la loi du Seigneur et qui avez suivi Baal. Et cependant, envoyez aujourd'hui vers Isral et rassemblez tout le peuple sur le mont Carmel, el aussi les quatre cent cinquante prophtes de Baal avec quatre cents prophtes des forts de l'idole que Jzabel nourrit de sa table. Achab envoya donc appeler tous les enfants d'Isral, et il assembla ses prophtes sur le mont Carmel. Puis Elie, Rapprochant de tout le peuple, lui dit : Jusqu' quand serez-vous boiteux d'un ct et boiteux

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do l'autre? Si le Seigneur est Dieu, attachez-vous h Dieu, et si Baal est Dieu, attachez-vous Baal. Et le peuple ne rpondit pas un seul mol. Elie ajouta : Je suis rest seul de tous les prophtes du Seigneur, tandis que les prophtes de Baal sont ici au nombre de quatre cent cinquante. Donnez-nous donc deux bufs, qu'ils en choisissent un pour eux, qu'ils le coupent en morceaux, qu'ils le mettent sur du bois, mais sans y allumer de feu; et, moi, je prendrai l'autre buf, et, le plaant aussi sur le bois, je n'y mettrai point de feu non plus ; puis, invoquez le nom de vos dieux, et moi j'invoquerai le nom du Seigneur; et alors, le Dieu qui rpondra par le feu sera le vrai Dieu. Tout le peuple s'cria : Voil une bonne parole. Elie interpella donc ainsi les prophtes de Baal : Choisissez pour vous un buf cl commencez les premiers; car vous tes en grand nombre, et invoquez les noms de vos dieux, mais sans mettre le feu au bois. Lors donc qu'ils eurent pris le buf qui leur fut donn, ils l'immolrent; ensuite, ils invoqurent le nom de Baal depuis le matin jusqu'au milieu de la journe, en disant : Baal, exaucez-no us. Mais Baal restoil sans voix, et il n'y avoit point de rponse. El ils tournoient en vain autour de leur autel. Et comme la premire moiti du jour s'couloit, Elie les railloit en disant : Criez plus haut, car Baal est votre dieu, et peut-tre parle-t-il quelqu'un, ou bien il est enroule, ou, enfin, il se repose dans une htellerie, et s'il y est, certainement il dort; il faut le rveiller. Ils crirent donc plus haut, et, selon leur usage, ils se faisoienl des incisions avec des couteaux et avec d'autres

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instruments, jusqu' ce qu'ils fussent couverts de leur sang. La seconde moiti du jour tant commence, et l'heure de l'holocauste tant venue, comme le cri des prophtes restoit sans cho et leur prire sans rponse, Elie dit tout le peuple : Venez avec moi. Et le peuple le suivant, il rtablit l'autel du Seigneur qui avoit t renvers, et il prit douze pierres, selon le nombre des tribus des enfants de Jacob qui le Seigneur avoit dit cette parole : Isral sera ton nom. Et avec ces pierres, il dressa un autel au Seigneur. Puis, il fit un foss cl comme deux petits sillons autour de l'autel, aprs quoi il disposa le bois, divisa le buf en morceaux et le mit dessus, et il dit : Remplissez d'eau quatre vases, et rpandez-les sur l'holocauste et sur le bois; et il dit encore : Faites de mme une seconde fois; et ils recommencrent ; et il rpta : Faites de mme une troisime fois ; et ils le firent pareillement pour la troisime fois. Et l'eau couroit autour de l'autel et le foss en toit plein. Et lorsque vint le moment d'offrir l'holocauste, le prophte Elie s'avana et fit cette prire : Seigneur, dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, montrez aujourd'hui que vous tes le Dieu d'Isral, que je suis votre serviteur et que j'accomplis par votre ordre tout ce que j'annonce. Exaucez-moi, Seigneur, exaucez-moi, afin que ce peuple apprenne que vous tes le Seigneur Dieu, et que c'est vous qui convertissez les curs. Et aussitt le feu du Seigneur tomba et dvora l'holocauste, le bois et les pierres, la poussire mme et l'eau du foss creus autour de l'autel. A la vue de ce prodige, tout le peuple se prosterna la face contre

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terre, et il s'cria : Le Seigneur est Dieu ! le Seigneur est Dieu ! Et Elie leur dit : Prenez les prophtes de Baal et qu'il n'en chappe pas un seul. Et le peuple les ayant pris, Elie les mena au torrent de Cison o ils furent tous mis mort. Ensuite lie dit Achab : Allez, mangez et buvez, car j'entends le bruit d'une grande pluie. Achab s'en alla donc pour manger et pourboire, et lie monta sur le haut duCarmel, et il se mit genoux, la tte penche vers la terre, et il dit son serviteur : Monte et regarde du ct de la mer, et le serviteur monta et il dit : Je ne vois rien; et lie lui dit encore : Retournes-y sept fois; et, la septime fois, voil qu'un petit nuage, aussi petit que le pied de rhomm, s'levoit de la mer, et alors lie dit son serviteur : Cours dire Achab : Faites mettre les chevaux votre char, et partez de peur que la pluie ne vous inonde ; et tandis que le prophte jetoitses regards d'un ct, puis de l'autre, tout coup le ciel fut couvert de tnbreux nuages, le vent s'leva etiltomba une grande pluie, et Achab, montant sur son char, s'en alla Jezrahel. Et en mme temps, la main du Seigneur toucha lie, et le prophte, ayant une ceinture aux reins, courut jusqu' ezrahel devant Achab. Comme nous l'avons dit l'avance, le rcit biblique ne demande aucune explication; il porte en soi le tmoignage de l'intervention des Anges chacune des phases miraculeuses; mais ce mme rcit devoit retentir dans tous les sicles, pour rappeler aux peuples et aux rois que le Seigneur est toujours le matre abII. 19

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solu des biens et des maux par lesquels sa justice visite la terre. Les pluies et les scheresses ne sont que de bien foibles images du trsor des bndictions et du trsor des vengeances en ce qui touche lsmes. Dans le monde visible, le soleil de Dieu ne cesse pas de luire mme sur les mchants ; et ici, le plus coupable des rois d'Isral reoit gratuitement, sans l'avoir mrite, ni mme demande par la prire, une faveur toute prodigieuse : terrible prophtie des immenses et perptuels bienfaits tombant du Ciel, dans le cours des ges, sur les plus ingrats d'entre les hommes comme sur les plus fidles enfants de Dieu. Et pour que la leon sacre soit encore mieux comprise, le souffle du Seigneur emporte le prophte lie avec plus de rapidit que les chevaux d'Achab n'emportent son char jusqu' Jezrahel. Si le roi impie n'a pas us comme il le devoit de ces enseignements, que du moins ils ne soient point perdus pour les curs droits.

Jzabel. Retraite

d'Mie. Visite

le l ' A n g e .

M o n t a g n e d e Dieu S a c r e d'Azal roi d e S y r i e , d e J h u , roi d ' I s r a l , et du p r o p h t e E l i s e .

Autant lie toil fort et intrpide- quand il sentoit en lui le souffle divin , autant il toit foible et tremblant, quand il se retrouvoit seul en face de la perversit; alors l'enthousiasme du prophte s'vanouissoit, et
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l'homme restoit accabl dans sa douleur. Mais un cur humble demeure l'ami de Dieu , et lie, dans son admirable humilit, toit toujours visit parles Anges. Achab ayant dit Jzabel tout ce qu'lie avoit fait, et comment il avoit tu par le glaive tous les prophtes de Baal, Jzabel envoya un homme lie pour lui dire : Que les dieux m'accablent de tous les maux, si demain la mmeheure je ne t'arrache la vie comme tu s fait chacun de ces prophtes. lie fut donc effray et s'en alla partout o son effroi le portoit ; et tant venu Bersabe, en Juda, il renvoya son serviteur ; puis il parcourut le dsert durant une journe de marche; et s'tant assis sous un lrbinthe, il dsira la mort, et dit Dieu : Seigneur, c'en est assez , reprenez mon me, car je ne suis pas meilleur que mes pres; et s'tant couch par terre, il s'endormit l'ombre du trbintlie; et voici que l'Ange du Seigneur le toucha et lui dit : Lve-toi et mange. lie regarda et vit prs de sa tte un pain cuit sousla cendre et un vase d'eau ; il mangea donc et il but, et se rendormit. Puis l'Ange du Seigneur revint une seconde fois, le toucha de nouveau et lui dit : Lve-toi et mange, car tu as encore une longue route faire ; il se leva donc, il mangea et il but, et fortifi par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits, jusqu' Hordb, la montagne de Dieu. Etant ainsi arriv l, il demeura dans une caverne, et le Seigneur lui parla et lui dit : lie, que fais-tu ici? lie rpondit : Je brle de zle pour vous, Seigneur, Dieu des armes, parce que les enfants d'Isral ont abandonn votre alliance, qu'ils ont dtruit vos autels, qu'ils ont tu vos

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prophtes par le glaive, et que je suis rest seul, et qu'ils cherchent encore m'ter la vie. Le Seigneur ajouta : Sors, et tiens-toi debout sur la montagne devant le Seigneur. Et aussitt le Seigneur passa, et il s'leva un vent imptueux et fort jusqu' renverser les montagnes et briser les rochers ; mais le Seigneur n'toit pas dans ce vent. Et aprs le vent, la terre trembla; et le Seigneur n'toit pas dans ce tremblement. Et aprs le tremblementun feu s'alluma, et le Seigneur n'toit point dans ce feu. Et, aprs le feu, on entendit le souffle d'une brise lgre. A ce signe, Elie se couvrit le visage avec son manteau, et sortant de la caverne, il se tinta l'entre. Et alors une voix lui dit : lie, que fais-tu l? Il rpondit : Je brle de zle pour vous, Seigneur, Dieu dsarmes, parce que les enfants d'Isral ont abandonn votre alliance, qu'ils ont dtruit vos autels, qu'ils ont tu vos prophtes par le glaive, et que je suis rest seul, et qu'ils cherchent encore m'terla vie. Et le Seigneur lui dit : Va, retourne par le mme chemin travers le dsert jusqu' Damas; et lorsque tu seras l tu rpandras l'onction sur Hazal, pour tre roi de Syrie, et sur Jhu, lils de Namsi, pour tre roi d'Isral; et lu sacreras Elise, fils de Saphat d'Abelmetila, pour tre prophte ta place. Et quiconque aura chapp au glaive d'Hazal sera tu par Jhu, et quiconque aura chapp l'pe de Jhu sera tu par Elise. Et je me rserverai sept mille Isralites qui n'ont point flchi le genou devant Baal et qui ne l'ont point ador en portant leur main leurs lvres et en la baisant. lie tant donc parti de l trouva Elise qui labouroitavec douze

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paires de bufs, et s'tant approch il mit son manteau sur lui. Aussitt Elise quitta ses boeufs, courut aprs lie et lui dit : Permettez-moi, je vous en prie, d'aller embrasser mon pre et ma mre, et je vous suivrai. lie rpondit : Va et reviens ; car j'ai fait pour toi ce que j'avois faire. Puis Elise, aprs avoir quitt lie, prit une paire de bufs qu'il tua. Il en fit cuire la chair avec le bois de sa charrue et il la fit manger au peuple. Et aussitt aprs il suivit lie et il devint son serviteur. On le comprend, ou plutt on le voit : lie n'est plus de la terre, il est du Ciel. Aprs sa dfaillance, et dans l'humilit de son cur, il reoit la visite d'un Ange, et cet Ange lui donne un pain miraculeux, dont il est tellement fortifi, qu'il marche durant quarante jours et quarante nuits jusqu' la montagne de Dieu. Voil encore un prophtique symbole de l'Eucharistie. Avec elle, le plerinage de la vie s'accomplit dans la force d'une divine nourriture, et le fidle arrive au terme, la montagne sainte, la porte du Ciel, sa patrie. Que si le Seigneur impose encore l'me ainsi parvenue la perfection un nouveau labeur, une mission nouvelle; s'il la fait retourner sur ses pas et par les mmes sentiers, c'est qu'il sait bien que, comme le prophte, elle brle de l'amour divin; que, comme le prophte et avec le pain de vie, elle chappera tous les prils du pch; que comme le prophte, elle n'aura plus aucune crainte au milieu du vent, des orages, des tremblements de la terre et de l'incendie des passions humaines; qu'elle ne le cherchera point dans le tu-

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milite, dans le trouble et dans les agitations du monde, mais dans la douce brise de la solitude et dans le commerce des Anges; c'est--dire l o elle peut toujours entendre Dieu, quand il lui demande par leur bouche : Que fais-tu ? Et o elle peut toujours aussi lui rpondre : Je brle de zle pour vous.
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L a v i g n e de Naboth. P a r o l e s de l'Ange a l i c . P a r o l e s d'Jlie A c h a b .

L'injustice qui enlve l'homme l'hritage de ses pres, est dj par elle seule assez rvoltante. Que dire encore quand elle est consomme dans le sang de la victime ? Que dire surtout quand cette iniquit et ce meurtre sont un abus de la souveraine puissance, et avec la complicit des faux tmoignages? Quel faisceau de crimes ! Ne soyons donc pas tonns si le Dieu de toute justice charge son Ange et son prophte d'annoncer aux coupables les paroles de l'invitable vengeance. u Naboth de Jezrahel possdoit dans Jezrahel mme une vigne tout prs du palais d'Achab, roi de Samarie. Et Achab lui dit : Donne-moi ta vigne afin que j'y puisse faire un jardin, parce qu'elle tient ma maison, et je t'en donnerai une meilleure en change; ou si tu le prfres, je te donnerai en argent le prix qu'elle vaut. Naboth lui rpondit : Dieu me garde de vous donner

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l'hritage de mes pres. chab rentra donc chez lui plein de colre et d'indignation, cause de cette rponse que lui avoit faite Naboth : Je ne vous donnerai pas l'hritage de mes pres. Et se jetant sur son lit, il se tournadu ct de la muraille et ne prit aucune nourriture. Sa femme Jzabel tant venue vers lui, demanda : Qu'y a-t-il donc? Pourquoi tes-vous si triste et pourquoi ne mangez-vous point? Et il lui dit: J'ai parl Naboth de Jezrahel et je lui ai fait cette offre : Donnemoi ta vigne pour le prix qu'elle vaut en argent, ou bien, si tu le prfres, je t'en donnerai une meilleure. Et il m'a rpondu: Je ne vous donnerai point ma vigne. Alors Jzabel lui dit : Votre autorit me parot grande, et vous gouvernez bien le royaume d'Isral. Levezvous, mangez et calmez-vous; je me charge de vous donner la vigne de Naboth de Jezrahel. Aussitt, elle crivit des lettres au nom d'Achab qu'elle scella du sceau royal, et elle les envoya aux anciens et aux premiers de la ville o Naboth demeuroil comme eux. Et voici quels en toient les termes : Publiez un jene et faites asseoir Naboth entre les premiers du peuple, et sduisez contre lui deux fils de Blial qui rendent ce faux tmoignage : Naboth a blasphm contre Dieu et contre le roi; et, ensuite, qu'on le conduise hors de la ville, qu'il soit lapid et mis mort. Les anciens et les premiers de la ville o Naboth demeuroit comme eux firent ce que Jzabel leur avoit command dans la lettre qu'elle leur avoit adresse. Ils publirent un jene et firent asseoir Naboth entre les premiers du peuple. Et faisant venir deux fils de Blial, ils les firent placer

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en face de lui; puis, ces deux fils de Satan portrent tmoignage contre Naboth devant l'assemble, en disant: Naboth a maudit Dieu et le roi. Et, sur ce tmoignage, ils le menrent hors del ville et ils le lapidrent. Aprs quoi, ils envoyrent dire Jzabel : Naboth a l lapid et il est mort. Et Jzabel ayant appris que Naboth avoit t lapid et qu'il toit mort, dit chab : Allez, et prenez possession de la vigne de Naboth de Jezrahel qui n'a pas voulu vous la cder ni pour change ni pour le prix qu'elle vaut ; car Naboth ne respire plus ; il est mort. Achab, ayant donc appris cette mort, alla aussitt dans la vigne de Naboth de Jezrahel pour en prendre possession. En mme temps, l'Ange du Seigneur parla Elie, de Thesbc, et lui dit : Va, et descends la rencontre d'Achab, loi d'Isral, qui est dans Samarie; car le voil qui va dans la vigne de Naboth pour s'en emparer ; et tu lui diras ceci : coute ce que dit le Seigneur : Tu as tu, et, de plus, tu as usurp. Et cette autre parole : Yoiciceque dit le Seigneur: A cette mme place o les chiens ont lch le sang de Naboth, ils lcheront aussi ton sang. Et Achab dit Elie : Comment avez-vous trouv en moi un ennemi? Elie rpondit: En ce que vous vous tes vendu l'iniquit devant Dieu. Je vais donc faire tomber les flaux sur vous; je vous effacerai, vous et voire postrit, de dessus la terre, et j'exterminerai de la maison d'Achab jusqu'aux animaux, depuis le premier jusqu'au dernier, dans Isral. Je traiterai votre maison comme la maison de Jroboam, fds de Nabat, et comme la maison de Baasa, fils d'Ahia, parce que

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vos uvres ont irrit ma colre et que vous avez fait pcher Isral. L'Ange du Seigneur a parl aussi contre Jzabel, et il a dit : Les chiens dvoreront Jzabel dans le champ de Jezrahel. Si Achab meurt dans la ville, il sera mang par les chiens, et, s'il meurt dans les champs, il sera mang par les. oiseaux du ciel. Jamais donc il n'y eut de roi comme Achab, qui s'toit vendu l'iniquit aux yeux du Seigneur, et il y toit encore excit par sa femme Jzabel; et il devint tellement abominable, qu'il servoit les idoles des Amorrhens que Dieu avoit dtruites l'arrive des enfants d'Isral. Aprs avoir entendu ces paroles, Achab dchira ses vtements, couvrit son corps d'un cilice, jena et dormit avec le sac, et baissa la tte en marchant. Alors le Seigneur parla encore Elie de Thesb, et lui dit : N'as-tu pas vu Achab humili devant moi? Eh bien ! puisqu'il s'est ainsi humili cause de moi, je ne ferai pas tomber de son vivant les flaux dont je l'ai menac ; mais, sous le rgne de son fils, je les ferai tomber sur sa maison. Ces dernires paroles ont manifestement pour but de placer la misricorde comme une barrire contre le dsespoir, en provoquant le rephtir des grands coupables et leurs expiations comme celles de leur race.

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Josaphat, Son alliance avec Achab. Quatre c e n t s f a u x p r o p h t e s . P r d i c t i o n d e Jlliche. Rvlation de l'arme du Ciel, Prservation de Josaphat. M o r t d'Aehab.

Deux rois, le roi de Juda et le roi d'Isral, l'un digne du sang de David et l'autre infidle Dieu, et cependant tous deux unis et par des liens de famille et par un trait d'alliance, vont se trouver en dlibration sur leurs projets de guerre. Quatre cents faux prophtes donnent leurs conseils au mauvais roi; mais un vrai prophte, appel par le saint roi, droule l'avenir aux yeux des deux prinGes, et, en mme temps, rvle une vision o il a vu l'arme du Ciel et l'esprit de tnbres. Voil doncun nouveau tmoignage et delapuissauce des Anges et de l'influence des dmons. Soyons attentifs au rcit des Paralipomnes, conforme celui des rois sauf quelques dtails. Aprs avoir lou la sagesse et la pit de Josaphat, l'criture ajoute : Il fut donc combl de richesse et de gloire, etil fit alliance avec Acbab. Quelques annes aprs il le visita dans Samarie ; et Achab, son arrive, fit immoler un grand nombre de bliers et de bufs,, cause de lui et cause de la multitude de peuple dont il toit accompagn. Puis, il voulut lui peisuader d'aller assiger ensemble Ramoth de Galaad. Achab, roi d'Isral, dit donc Josaphat, roi de Juda : Venez avec moi Ramoth de Galaad. Et Josaphat lui rpondit : Je suis

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vous et mon peuple votre peuple. Nous irons clone avec vous cette guerre. Et toutefois Josaphat lui dit encore : Consultez aujourd'hui, je vous en prie, la volont du Seigneur. Le roi d'Isral assembla donc quatre cents prophtes, et il leur dit : Devons-nous aller assiger Ramoth de Galaad ou rester en paix ? Ils rpondirent : Allez ! Dieu livrera la ville entre les mains du roi. Alors Josaphat demanda : N'y a-t-il pas, clans celte contre, quelque prophte du Seigneur que nous puissions consulter aussi ? Et le roi d'Isral dit Josaphat : Il y a bien ici un homme par qui nous pouvons consulter la volont du Seigneur ; mais je le dteste parce qu'il ne me prophtise jamais le bien, et, au contraire, toujours le mal. C'est Miche, fils de Jemla. Josaphat reprit : 0 roi, ne parlez pas ainsi ! Le roi d'Isral appela donc un de ses eunuques et lui dit : Va chercher l'instant Miche, fils de Jemla. Or, le roi d'Isral et Josaphat, roi de Juda, toient assis chacun sur un trne, dans la place qui est prs de la porte de Samarie et vtus avec une magnificence royale ; et tous les prophtes prophtisoient devant eux. Alors Sdcias, fils de Chanaana, se fit des cornes de fer, et dit : Voici ce que dit le Seigneur : Vous tourmenterez la Syrie avec ces cornes jusqu' ce que vous l'ayez dtruite. Et tous les autres prophtes prophtisoient de mme et disoient au roi: Marchez contre Ramoth de Galaad, et vous russirez, et Dieu la livrera entre les mains du roi. Or, celui qui loit envoy pour faire venir Miche lui dit : Voici que tous les prophtes sont unanimes pour annoncer au roi un heureux succs; que vos paroles,

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je vous en prie donc, ne soient pas diffrentes de leurs paroles, et que votre prdiction soit favorable. Miche lui rpondit : Vive le Seigneur ! je dirai tout ce que mon Dieu m'aura ordonn de dire. Miche vint donc auprs du roi, et le roi lui dit : Miche, devons-nous aller assiger Ramoth de Galaad ou rester en paix? Miche rpondit : Eh bien ! allez, et tout vous russira, et vos ennemis seront livrs entre vos mains. Le roi ajouta : Je vous en conjure instamment, ne me parlez que dans la vrit et au nom du Seigneur. Alors Miche continua ainsi : J'ai vu tout Isral dispers dans les montagnes comme des brebis sans pasteur, et le Seigneur a dit : Ces hommes n'ont plus de chef; que chacun d'eux s'en retourne en paix chez soi. Aussitt le roi dit Josaphat : Ne vous ai-je pas averti que cet homme ne me prophtise jamais le bien, mais seulement le mal? Et Miche poursuivit: Ecoutez donc la parole du Seigneur : J'AI vu DIEU ASSIS SUR SON TRNE
ET TOUTE L'ARME DU C l E L AUTOUR DE LUI , DROITE ET

; et le Seigneur a dit : Quel sera le tentateur d'Achab, roi d'Isral, afin qu'il marche contre Ramoth de Galaad et qu'il prisse? Et le malin esprit s'avana et s'arrta devant le Seigneur, en disant : C'est moi qui le sduirai. Et Dieu demanda: Comment le sduiras-tu? L'esprit rpondit : J'irai et je rpandrai le souffle menteur dans la bouche de tous ses prophtes. Le Seigueur reprit : Tu le sduiras et tu prvaudras contre lui. Va donc, et fais ce que lu annonces. Donc, c'est maintenant que le Seigneur a mis un esprit de mensonge dans la bouche de tous vos prophtes, et le Seigneur a proA GAUCHE

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nonce des malheurs contre vous. A celle parole, Sdcias, fils de Chanaana, s'approchant de Miche, le frappa au visage, et dit : Par o l'esprit du Seigneur a-t-il pass de moi toi pour te parler? Miche rpondit: Vous le saurez vous-mme lorsque vous passerez de porte en porte pour vous drober au glaive. Au mme moment, le roi d'Isral donna cet ordre : Saisissez Miche et conduisez-le Amon, gouverneur de la ville, et Josias, fils d'Amelech, et dites-leur : Voici ce que le roi ordonne : Que cet homme soit mis en prison et qu'on ne lui donne qu'un peu de pain et d'eau jusqu' ce que je revienne en paix. Miche dit encore : Si vous revenez en paix, Dieu n'a point parl par ma bouche; et il ajouta : Peuples, vous m'entendez tous. Le roi d'Isral et Josaphat, roi de Juda, marchrent donc contre Ramoth de Galaad, et le roi d'Isral dit Josaphat : Je vais changer de vtements pour aller au combat ; mais vous, allez-y comme vous tes. Ainsi le roi d'Isral changea de vtements et alla au combat. Cependant, le roi de Syrie avoit donn cet ordre aux chefs de sa cavalerie : N'attaquez personne, ni petits, ni grands, mais seulement le roi d'Isral. C'est pourquoi, lorsque les commandants de la cavalerie aperurent Josaphat, ils dirent : C'est le roi d'Isral, et ils l'environnrent de toutes parts; mais Josaphat jeta un cri de prire vers Dieu et Dieu le secourut et les repoussa tous loin de lui ; car, comme ils avoient reconnu que ce n'toit point le roi d'Isral, ils l'abandonnrent; mais il arriva qu'un homme du peuple lana une flche au hasard, et qu'il en frappa le roi d'Isral entre le cou
;

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et les paules. Et Achab dit aussitt son cuyer : Retourne, et retire-moi du combat, car je suis bless. Et la guerre fut ainsi termine en ce mme jour. Or, le roi d'Isral resta sur son char jusqu'au soir, en face des Syriens, et il mourut au coucher du soleil. Le Livre des Rois dit que le sang du roi couloit de sa plaie sur son char, et il ajoute : . On lava ce char et les rnes des chevaux dans la piscine de Samarie, et les chiens lchrent son sang, comme la parole du Seigneur l'avoit prdit. Le sang avoil donc coul de la plaie d'Achab durant presque toute une journe; il eut le temps, jusqu'au soir, de mditer l'accomplissement de la prdiction d'lie. Alors, et dans ces instants qui ont pu tre un sicle par l'immense lumire de l'oracle si fidle, que s'est-il pass entre le Juge suprme et l'impie mourant? Les Anges de la justice et de la misriborde pourvoient seuls nous le rvler. Achab toit ainsi frapp, non-seulement cause de son impit et comme complice de l'idoltrie et des cruauts de Jzabel, sa femme, mais encore pour avoir pargn Bnadad, roi de Syrie, ennemi du peuple de Dieu, aprs uhe victoire annonce au nom de l'Ange du Seigneur, et voici comment le Livre des Rois raconte qu'un envoy de l'Ange avoit prdit ce chtiment : .... L'un des fils des prophtes dit, de la part du Seigneur, son compagnon : Frappe-moi! Et comme celui-ci ne voulut pas le frapper, il lui dit encore : Parce que tu n'as pas voulu obir la voix du Seigneur, un lion te tuera ds que tu m'auras quitt. Aussi, quand il se fut un peii loign, un lion vint lui et le tua. Le

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prophte, ayant rencontr un autre homme, lui dit : Frappe-moi! Et cet homme le frappa et le blessa. Puis le prophte alla au-devant du roi Achab, sur la route, et il se rendit mconnoissable en mettant de la poussire sur son visage et sur ses yeux. Et, lorsque le roi fut pass, il lui cria ceci : Votre serviteur s'toit avanc pour combattre de prs ses ennemis, et l'un d'eux ayant voulu fuir, un guerrier me l'amena en me disant : Gardez-moi avee soin cet homme-l; car s'il chappe, votre vie rpondra de la sienne, ou bien vous payerez un talent d'argent. Mais, au moment o, dans mon trouble, je regardois de ct et d'autre, mon prisonnier a disparu tout coup. Et le roi d'Isral rpondit : Vous avez vous-mme prononc votre arrt. Aussitt le prophte essuya la poussire de son visage, et le roi le reconnut comme l'un des prophtes ; et le prophte ajouta : Voici ce que dit le Seigneur : Parce que vous avez laiss chapper de vos mains un homme digne de mort, votre vie rpondra pour la sienne et votre peuple pour soir peuple. Cette leon s'adresse mme aux bons rois.

Combat de Dieu* ou combat des Anges*Valle de bndiction.

Josaphat avoit t repris par le prophte Jhu, fils 'Hanani, de son alliance avec chab, comme plus tard

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avec Ochozias, autre roi d'Isral. Mais la pit du roi de Juda et son zle contre l'idoltrie obtenoient grce devant le Seigneur. Aussi, lorsque deux armes innombrables d'Ammonites et deMoabites menacrent son peuple et son royaume, il n'eut pas mme besoin de les combattre : Dieu, par la main des Anges, le dlivra de ses ennemis. Cette victoire sans combat est pleine de merveilles. Aprs avoir rappel le jene ordonn et la prire prononce par le saint roi, le texte sacr rapporte en ces termes la prdiction du prophte Jahaziel, fils de Zacharie: Ecoutez, vous tous, peuple de Juda, et vous, habitants de Jrusalem, et vous aussi, roi Josaphat, ne tremblez pas et ne redoutez pas cette multitude : ce combat ne sera pas votre combat, mais LE COMBAT DE D I E U . Demain vous descendrez leur rencontre, car ils monteront par les coteaux de Sis et vous les trouverez l'extrmit du torrent, en face du dsert de Jruel. Non, ce ne sera pas vous qui combattrez. Mais seulement demeurez fermes, et vous contemplerez le secours de Dieu sur vous. A ces mots Josaphat et Juda et tous les habitants de Jrusalem se prosternrent la face contre terre devant le Seigneur en l'adorant; et les lvites de la famille de Caath et de celle de Cor chantoient haute voix les louanges du Seigneur le Dieu d'Isral. Et s'tant levs le lendemain ds le matin, ils sortirent travers le dsert de Thcu; et Josaphat, s'arrtant au milieu d'eux, leur dit: coutez-moi, hommes de Juda, et vous tous, habitants de Jrusa-

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lem : Croyez au Seigneur votre Dieu, et vous n'aurez rien craindre. Croyez ses prophtes, et le bonheur vous suivra. Et il donna ses conseils au peuple, et il tablit des churs de chantres pour louer le Seigneur, et ces churs toient en lle de l'arme, et ils chantoient tous ensemble ce cantique : Louez le Seigneur parce que sa misricorde est ternelle. El au moment mme o ils commencrent chanter ces paroles, Dieu tourna tous les mauvais desseins des ennemis contre eux-mmes; caries enfants d'Ammon et de Moab et les habitants du mont Ser, qui s'toienl arms pour attaquer Juda, combattirent les uns contre les autres. D'abord, Ammon et Moab, unis ensemble, exterminrent les habitants du mont Ser; et, se divisant ensuite, ils s'enlreturent tous. Et quand l'arme de Juda fut arrive sur cette montagne d'o Ton aperoit le dsert, elle vit de loin toute la plaine couverte de cadavres, sans qu'il restt un seul homme qui et chapp au dsastre. Josaphat s'avana donc avec tout le peuple pour enlever les dpouilles des morts, et ils trouvrent l toutes sortes d'objets prcieux, des vtements, de riches vases, el en si grand nombre qu'ils ne purent emporter tout, ni durant trois jours enlever cet immense butin. Le quatrime jour, ils s'assemblrent dans cette valle de bndiction, car ils y avoient bni le Seigneur, et c'est pourquoi ils l'appelrent la valle de la bndiction, et ce nom lui est rest jusque aujourd'hui. Ensuite Josaphat et les habitants de Jrusalem s'en retournrent dans la ville. Josaphat marchoit devant eux, et ils toient tous ravis de joie de ce que le
II.
O

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Seigneur les avoit ainsi fait triompher de leurs ennemis. Ils entrrent donc Jrusalem et dans le temple au son des harpes, des cithares et des trompettes ; et l'pouvante du Seigneur se rpandit sur tous les royaumes voisins quand ils apprirent que le Seigneur avoit combattu lui-mme contre les ennemis d'Isral.
9&

IV.
E l l e p r o p h t i s e l e ehAtiiiient de forain d'Oehozias. et

La mission donne au nom du Seigneur h tie par les Anges s'tendit encore sur Joram, fils de Josaphat, roi de Juda, et sur Oehozias, fils d'Achab, roi d'Isral. LesParalipomnes disent de Joram, qu'il marcha dans
les voies des rois d'Isral, comme la famille d'Achab, car sa femme (Athalie) tait fille d'Achab ; et qu'il fit le mal de-

vant Dieu. Cependant, ajoute l'crivain sacr, le Seigneur ne voulut point perdre la maison de David h cause de l'alliance qu'il avoit contracte avec lui, et de la promesse qu'il lui avoit faite de lui donner h jamais une lumire pour lui et pour sa race. Joram reut donc des lettres du prophte lie o il toit crit : coutez ce que dit le Seigneur, le Dieu de votre pre David : Parce que vous n'avez pas march dans les voies de votre pre Josaphat, ni

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dans celles d'sa, roi de Juda, mais dans celles des rois d'Isral, et que vous avez fait tomber Juda et les habitants de Jrusalem dans l'idoltrie, l'exemple de la maison d'Achab, et que de plus, vous avez tu vos frres qui toient de la maison de Juda et meilleurs que vous, voici que le Seigneur vous frappera d'une grande plaie, vous et votre peuple, vos enfants, vos femmes et tout ce qui vous appartient; et vous souffrirez dans vos entrailles un mal cruel qui chaque jour consumera en vous le principe de la vie. La prophtie s'accomplit bientt, et Joram mourut, sans mme recevoir pour sa spulture les honneurs rendus ses pres. C'est sous son rgne que les Idumens commencrent s'affranchir de la puissance des rois de Juda. La parole d'lie ne fut pas moins terrible contre Ochozias, roi d'Isral, qui, tant malade, avoit dit ses serviteurs : Allez, consultez Belzbub,le Dieu d'Accaron, et sachez de lui si je gurirai. En mme temps l'Ange du Seigneur parla lie de Thesb et lui dit : Va et avance-toi la rencontre des messagers du roi de Samarie et dis-leur : Est-ce qu'il n'y apas un Dieu dans Isral? Comment donc envoyez-vous consulter Belzbub, le dieu d'Accaron? C'est pourquoi voici ce que dit le Seigneur : Vous mourrez. Et lie s'loigna... Puis, les messagers tant revenus, Ochozias leur demanda : Pourquoi revenezvous? Ils rpondirent : Un homme est venu au-devant de nous qui nous a dit : Retournez vers le roi qui vous a envoys et diles.-lui : coutez cette parole du Sei30.

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gneur : Est-ce qu'il n'y a pas un Dieu dans Isral ? Comment donc envoyez-vous consulter Belzbub, le dieu d'Accaron? C'est pourquoi vous ne descendrez point de ce lit o vous tes mont, mais vous mourrez. Le roi reprit : Quelle est la figure et quel est le vtement de cet homme qui est venu au-devant de vous et qui vous a parl ainsi? Ils rpondirent : C'est un homme vtu d'une peau couverte de poils, et il a sur les reins une ceinture de cuir. Et Ochozias leur dit : C'est lie de Thesb. Et aussitt il dpcha un officier avec cinquante soldats sous ses ordres; et cet officier monta vers lie qui toit assis sur le haut d'une montagne, et il lui dit : Homme de Dieu, le roi vous ordonne de descendre. lie rpondit : Si je suis homme de Dieu, que le feu du ciel tombe et qu'il vous dvore vous et vos cinquante soldats. Et tout coup le feu du ciel tomba et dvora l'officier et les cinquante soldats. Et Ochozias envoya un autre officier avec cinquante soldats sous ses ordres, qui dit lie : Homme de Dieu, voici ce que dit le roi : Htez-vous de descendre. lie rpondit : Si je suis homme de Dieu, que le feu du ciel tombe et qu'il vous dvore vous et vos cinquante soldats. El tout coup le feu du ciel tomba et dvora l'officier el les cinquante soldats. El Ochozias envoya encore un troisime officier avec cinquante soldats sous ses ordres. El l'officier tant arriv devant lie, se mit genoux et lui fil cette prire : Homme de Dieu, sauvez-moi la vie et sauvez-la aussi vos serviteurs qui m'accompagnent. Le feu est dj tomb du ciel el a dvor les deux officiers qui sont venus les premiers

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et les cinquante soldats commands par chacun d'eux. Mais en ce moment, je vous supplie d'avoir piti de moi. Et au mme instant, l'Ange de Dieu dit lie : Descends avec cet homme et ne crains rien. lie s e leva donc et descendit avec l'officier pour aller vers le roi, qui il adressa ces paroles : Voici ce que dit le Seigneur : Parce que vous avez envoy des messagers pour consulter Belzbub, comme s'il n'y avoit pas un Dieu en Isral pour l'interroger, vous ne vous lverez point du lit sur lequel vous tes couch; mais vous mourrez. Ochozias mourut donc, comme l'Ange du Seigneur l'avoit annonc par la bouche d'lie; et Joram son frre rgna en sa place. En prsence de cette redoutable figure d'lie, malheur ceux qui parlent le menaant langage de la terre ! mais paix et misricorde ceux qui, pleins de foi, comprennent la parole du Ciel et tombent genoux devant l'homme de Dieu! Du haut de sa montagne, le prophte n'esl-il pas aussi l'image de cette puissance toute spirituelle qui, sans jamais toucher la v i e du corps, a toujours en main des armes divines contre tous les tmraires conseils des ennemis de Dieu et de son glise?

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JElie e t l e c h a r le f e u . E l i s e . L ' e a u p u r i f i e . Les e n f a n t s m o q u e u r s .

Ici, le ministre des Anges est tellement manifeste, encore bien que leur nom ne soit pas prononc, qu'il n'est pas ncessaire de rien dire pour en expliquer les merveilles. On lit, on croit, on adore. Voici le texte du Livre des Rois : Lorsque Dieu voulut enlever Elie au ciel dans un tourbillon de feu, Elie et Elise venoient ensemble d Galgala; et Elie dit Elise: Reste ici, car le Seigneur m'envoie Bthel. Elise lui rpondit : Vive le Seigneur ! vive votre me ! je ne vous abandonnerai point. Ils allrent donc Btbel. Alors, les fils des prophtes qui toient Bthel vinrent dire Elise : Ne savezvous pas que Dieu vous enlvera aujourd'hui votre matre? Elise leur rpondit: Je le sais; mais gardez le silence. Elie dit encore : Reste ici, car le Seigneur m'envoie Jricho. Elise lui rpondit : Vive le Seigneur ! vive votre me ! je ne vous abandonnerai point. Ils allrent donc Jricho. Et les fils des prophtes qui toient Jricho vinrent dire Elise : Ne savez-vous pas que Dieu vous enlvera aujourd'hui votre matre? Et il rpondit : Je le sais ; mais gardez le silence. Elie dit encore Elise : Reste ici, car le Seigneur m'a envoy jusqu'au Jourdain. Elise lui rpondit : Vive le Seigneur! vive votre me! je ne vous abandonnerai point. Ils continurent donc marcher ensemble ; et

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cinquante d'entre les fils des prophtes les suivirent et s'arrtrent de loin en face d'eux. A ce moment, Elie etElisese tenoient debout sur lebord du Jourdain. Elie prit son manteau, et, l'ayant pli, il en frappa ls eaux qui se divisrent en deux parts, et ils passrent tous deux le fleuve pied sec. Et lorsqu'ils furent sur l'autre bord, Elie dit Elise : Demande-moi ce que tu dsires afin que je le le donne avant d'tre enlev loin de toi. Elise lui rpondit: Je vous en conjure, que votre esprit vienne une fois, que votre esprit vienne deux fois sur moi ! Elie reprit : Tu me demandes une chose difficile ; mais si tu me vois lorsque je serai enlev d'auprs de toi, tu auras ce que tu demandes; mais si tu ne me vois plus, lu ne l'auras point. Lors donc qu'ils se remirent en marche et qu'ils partaient ensemble, voici qu'un char de feu et des coursiers de feu les sparrent tout coup l'un de l'autre, et Elie monta au ciel dans un tourbillon de flamme. Elise le voyoil monter, et s'crioit : Mon pre, mon pre ! vous, le char d'Isral ! vous, son conducteur ! et ensuite il ne le vit plus; et prenant alors ses vtements, il les dchira eu deux parts : puis, relevant de terre le manteau qu'Elie avoit laiss tomber pour lui, Elise s'en retourna et s'arrta sur lebord du Jourdain. Et l, prenant le manteau qu'Elie lui avoit laiss, il en frappa les eaux, et elles ne se divisrent point ; et Elise dit : O est maintenant le Dieu d'Elie? et, frappant les eaux une seconde fois, les eaux se partagrent de part et d'autre, et il passa au milieu. A cette vue, les fils des prophtes, qui toient Jricho,

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en face du mme endroit, se dirent les uns aux autres : L'esprit d'EIie s'est repos sur Elise. Et, venant tous sa rencontre, ils se prosternrent devant lui la face contre terre, et ils lui dirent : Il y a parmi vos serviteurs cinquante hommes robustes qui peuvent aller la recherche de votre matre ; car peut-tre l'esprit du Seigneur l'aura transport quelque part sur une montagne ou dans une valle. Elise leur rpondit: Ne les envoyez pas. Mais ils le forcrent, par leurs instances, y consentir et leur dire : Envoyez-les donc. Ils envoyrent ainsi cinquanle hommes, qui cherchrent Elie pendant trois jours sans le trouver. Ils revinrent ensuite auprs d'Elise, qui demeuroit Jricho, et il leur dit: Ne vous avois-je pas dit d'abord de ne pas les envoyer? Les habitants de la ville dirent aussi Elise : Seigneur, le sjour de cette ville est trs-bon, comme vous le voyez vous-mme; mais les eaux y sont mauvaises et la terre est strile. Elise leur rpondit : Apportez-moi un vase neuf et mettez-y du sel. Et lorsqu'ils le lui eurent apport, il alla vers la fontaine, et, jetant le sel dans l'eau, il dit : Voici ce que dit le Seigneur : J'ai purifi ces eaux, et l'avenir la mort ni la strilit ne seront plus en elles. Et, selon cette parole d'Elise, elles sonl devenues et restes saines jusque aujourd'hui. De l, Elise alla Bthel ; et, lorsqu'il marchoit dans le chemin, des petits enfants sortoient de la ville et le railloient, en disant: Homme chauve, monte ! monte, homme chauve ! Elise jeta les yeux sur eux, et il les inaudit au nom du Seigneur. Et aussitt deux ours sortirent de la fort et dchirrent quarante-deux

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de ces enfants. Elise alla ensuite sur la montagne du Carmel, d'o il revint Samarie. Cette maldiction d'Elise contre les petits enfants qui l'insultent est manifestement inspire d'en haut: et, ds lors, elle ne s'tend point jusqu' l'me de ces innocentes cratures. Le texte sacr a bien soin de dire, en effet, que c'toienl non-seulement des enfants, mais des petits enfants. Nous sommes donc avertis par l que leur punition, purement temporelle, avoit plutt pour but de frapper leurs pres et leurs mres, c'est-dire les vrais coupables, que de les condamner ternellement eux-mmes. Loin de l, les penses de la foi nous font pressentir un bonheur pour eux dans cette fin tragique, et elles nous font comprendre en mme temps la solennelle leon donne aux parents qui ngligent d'lever leur famille dans le respect de la vieillesse et des ministres du Seigneur.

L'eau du m i r a c l e . L ' h u i l e d u m i r a c l e . L ' e n f a n t d u m i r a c l e . M o r l d'IEliscc.

En voyant les prodiges oprs par Elise, on va croire qu'lie revit lui-mme dans l'hritier de sa foi et de sa miraculeuse puissance. Pendant la guerre que Joram, Josaphat et le roi, d'Edom, son tributaire, faisoient ensemble aux Moabites, leurs armes runies s'tant avances dans le

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LES ANGES

dsert du ct de la mer Morte, elles manqurent d'eau et voici ce qui arriva: Le roi d'Isral disoit : Hlas! hlas! hlas! Dieu nous rassemble ainsi, trois rois, pour nous livrer entre les mains de Moab. Josaphal demanda : N'y a-t-il pas ici quelque prophte du Seigneur pour implorer par lui le Seigneur? L'un des officiers du roi d'Isral rpondit: Il y a ici Elise, iils de Saphat, qui versoit l'eau sur les mains d'Elie et le servoit. Josaphat reprit: l'Esprit de Dieu est en lui. Alors le roi d'Isral, Josaphat, roi de Juda, et le roi ct'Edom allrent trouver Elise, et Elise dit au roi d'Isral : Qu'y a-t-il entre vous et moi ? Allez aux prophtes de votre pre et de votre mre. Le roi d'Isral rpondit; Pourquoi le Seigneur a-t-il rassembl trois rois pour les livrer entre les mains de Moab? Elise s'cria: Vive le Seigneur des armes en la prsence duquel je suis; si je ne respectois la prsence de Josaphat, roi de Juda, je n'aurois pas jet les yeux sur vous et je ne vous aurois pas regard. Mais maintenant appelez un joueur de harpe; et lorsque le joueur de harpe chanloit en s'accompagnant, la main du Seigneur fut sur Elise, et il dit: coutez ce que dit le Seigneur : Creusez des fosses et des fosss le long du lit de ce torrent dessch, car voici ce que dit le Seigneur: Vous ne verrez ni vent ni pluie ; et pourtant le lit du torrent s'emplira d'eau, et vous boirez, vous, vos serviteurs et vos chevaux. EL ceci n'est encore qu'une partie de ce que le Seigneur veut faire pour vous. Mais il livrera ensuite Moab entre vos mains. Cette double prophtie s'accomplit ds le lendemain.

DU LIVRE DES ROIS.

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II s'agissoit l d'une prire des rois et des peuples. Mais Dieu, ses Anges et ses saints coulent avec la mme sollicitude la prire du pauvre. Alors, dit l'criture, une femme de l'un des prophtes vint pleurer devant Elise et lui dit: Mon poux, votre serviteur, vient de mourir; et vous savez qu'il craignoit Dieu; et"maintenant son crancier veut prendre mes deux lils et en fair des esclaves. Elise lui demanda: Que voulez-vous que je fasse? Dites-moi, qu'avez-vous dans votre demeure? Elle rpondit: Votre servante n'a chez elle qu'un peu d'huile pour son usage. Elise reprit: Allez, empruntez de vos voisins un grand nombre de vases vides; et lorsque vous serez rentre dans votre demeure, fermez la porte sur vous; et restant l'intrieur, vous et vos fils, versez de l'huile que vous avez dans tous ces vases, et quand ils seront pleins, vous les retirerez. Celte veuve s'en alla donc, ferma la porte sur elle et sur ses enfants ; et ses enfants lui prsenloienl les vases, et elle y versoit de l'huile. El lorsque ces vases furent tous remplis, elle dit l'un de ses fils : Apporte-moi encore un vase ; cl il rpondit: Il n'y en a plus; et alors l'huile cessa de couler. La veuve alla rendre compte de tout cela l'homme de Dieu qui lui dit : Allez, vendez celte huile, rendez votre crancier ce qui lui est d ; ensuite vous et vos fils vivez avec le reste. La providence de Dieu ne se borne pas la direction des vnements qui concourent l'excution de ses dcrets sur le sort des peuples ; elle ne se borne pas non plus pourvoir aux besoins de l'indigence, mais

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elle daigne aussi, la prire des saints et des prophtes, oprer des prodiges pour la consolation des curs affligs. Et nous ne devons pas cesser de le dire et de le redire: tous ces divins secours arrivent l'homme sur l'aile et par la main des Anges. Ainsi, les merveilles opres par Elise, et dont les nombreux dtails sont rapports dans la Sainte-criture, appartiennent toutes au monde anglique dans ses rapports avec le inonde terrestre. Aussi, serions-nous en droit de reproduire ici le miracle de la prire d'Elise, prophtisant un iils k la femme Sunamite qui n'en avoit plus l'esprance; le miracle de la rsurrection de ce mme enfant, l'exemple de celle du fils de la veuve de Sarepta ; ensuite lagurison deNaaman, et bien d'autres prodiges. Mais, dans cette abondance de richesses bibliques, il faut, regret, se condamner ne pas tout dire. Nous laissons donc au livre sacr les nombreux tmoignages de la coopration des Anges avec le prophte. Pareillement, le concours des Anges dans l'uvre des vengeances divines s'unit la mission d'Elise. Ainsi, le sacre de Jhu comme roi d'Isral et 1'ordie qu'il reoit du prophte, au nom du Seigneur, et qu'il ne tarde pas suivre, d'exterminer la maison d'Achab, devroient encore entrer dans le mmorial du monde anglique. On y voit comment Dieu est fidle dans sa redoutable justice, de mme que dans toutes ses pror messes; on y voit le champ de Naboth de Jesrahel rougi et tremp du sang de la race d'Achab et du sang de Jzabel ;

DU LIVRE DES ROIS. Dans ce sang inhumain les chiens dsaltrs, Et de son corps hideux les membres dchirs.

M7

Mais, l aussi, il y a des limites au zle de l'interprtation. Qu'il nous soit permis seulement de dire quelques mots sur la vertu attache par l'Ange de Dieu la dpouille du thaumaturge. Elise mourut donc, dit l'criture, et il fut enseveli, et, en la mme anne, une troupe de malfaiteurs parcourut les terres d'Isral ; et il arriva que, leur aspect, des hommes qui enterroient un mort s'empressrent de le jeter dans le spulcre d'Elise; mais le mort, ayanl touch les ossements d'Elise, ressuscita et se leva sur ses pieds. L'crivain sacr n'ajoute rien au rcit du fait, tant il est naturel de croire la puissance divine jusque sur le tombeau des saints.
0-

Joas. A l h a l i e . fo'&atla. Z a c h a r i e .

Au milieu des sanglantes catastrophes qui accablrent les familles royales de Juda et d'Isral, l'criture
Ta dj dit : Dieu ne vouloit point perdre la maison de David, cause de son alliance et parce qu'il avoit promis de lui donner jamais une lumire pour lui et pour ses descendants.

Ces paroles toienl comme le bouclier de la race d'o

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le Messie clevoil sortir un jour, et elles expliquent un miracle providentiel o la foi va reconnotre l'action des Anges, mme dans le silence du texte sacr. Alhalie, fille d'Achab et femme de Joram, roi de Juda, pour venger sur le sang de David et sur son propre sang la maison de son pre, extermine par Jhu, en excution des oracles divins, Athalie avoit fait gorger les nombreux enfants de son fils Ochozias, Mais Josabeth, fille du roi et femme du grand prtre Joada, avoit eu le bonheur d'arracher ce massacre Joas, encore au berceau, et de le cacher avec sa nourrice; et, au bout de six ans, Joada, inspir d'en haut et de concert avec les prtres et les lvites, fit proclamer le jeune roi qu'il sacra lui-mme; et aussitt la ville de Jrusalem et le peuple rassembl de toulesles fidles contres, salua de ses hommages et de ses cantiques de louanges, au son des trompettes sacres, le couronnement de Joas; et, en mme temps, la cruelle Athalie fut immole en punition de ses crimes. Ces faits, brivement raconts dans l'criture, ont t clbrs avec toutes les magnificences de la posie. Gloire Dieu partout ! On a vu, dans les annales biblicjues, les Anges du Seigneur concourir, par des signes visibles, des vnements moins solennels que celui-ci. Il ne peut donc y avoir de diffrence dans les cooprations des Anges aux prodiges providentiels, sinon en ce que le divin concours est tantt mystrieux et tantt manifeste. Ici, le pontife Joada est honor par l'criture ellemme comme l'homme de Dieu ; il exeroit la fois et

DU LIVRE DES ROIS.

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la puissance sacerdotale, en sacrant Joas, et la puissance publique, dn punissant thalie, et la puissance divine, en faisant alliance, au nom du Seigneur, avec tout le peuple et avec le roi, pour qu'ils fussent tous dsormais U peuple de Dieu. Cet irrcu-

sable tmoignage publie donc l'minente saintet du grand prtre, l'instar de celle des prophtes. Aussi, sa voix, tout le peuple entra dans le temple de Baal, le dtruisit, brisa ses idoles et ses autels et fit justice du prtre imposteur Mathan, C'est encore par ses conseils cl sous ses yeux que Joas rgna pieusement d'abord et fit rparer et orner la maison du Seigneur, pille et dvaste par Athalie. Enfin, Joada reut du livre saiul ce dernier et sublime loge : Il mourut plein de jours, g de cent trente ans, et on l'ensevelit avec les rois, dans la ville de David, parce qu'il avoitprocur ungrand bien au peuple et la maison d'Isral. Tl est donc certain que les Anges ont veill avec Joada la conservation de la race royale, de laquelle devoit natre le Sauveur du monde. Mais hlas ! nous sommes accoutums observer avec stupeur les incomprhensibles abaissements d'un Dieu, qui s'est soumis, dans rincarnation,son humaine gnalogie. La conception immacule de la Vierge des vierges peut seule concilier ce mystre avec l'ternelle Majest. Reprenons donc, sans nous troubler, la suite du rcit biblique. Aprs la mort de Joada, les princes de Juda entourrent Joas de leurs hommages, et le roi, sduit par leurs flatteries, se laissa aller des complaisances pour eux, et, tous ensemble, ils abandonnrent le temple

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du Seigneur, le Dieu de leurs pres, et ils s'attachrent au culte des idoles dans les bois consacrs aux faux dieux. Et cette prvarication attira la colre du Seigneur sur Juda et sur Jrusalem. Des prophtes leur toient envoys pour les ramener au vrai Dieu ; mais ils n'coutoient point leurs menaces. L'Esprit divin remplit donc le grand prtre Zacharie, fils de Joada, et il vint se prsenter devant le peuple, et il leur dit : Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Pourquoi violezvous les prceptes du Seigneur? il ne vous en reviendra rien de bon ; et comment abandonnez-vous le Seigneur pour qu'il vous abandonne aussi? Alors, les princes de Juda s'unirent ensemble contre Zacharie el le lapidrent dans le vestibule du temple, sur l'ordre du roi. Ainsi, Joas oublia tout ce qu'il avoit reu de la pit de Joada, pre de Zacharie, et il fit tuer son fils, qui, en expirant, s'cria : Dieu voit ce que vous me faites. lui la vengeance. Ces paroles, que prophtisoit le cur du juste, furent bientt accomplies ; et, cette fois, l'Ange exterminateur se servit des armes de l'tranger. la fin de la mme anne, ajoute l'Ecriture, l'arme de Syrie s'avana contre Joas ; elle entra dans Juda et dans Jrusalem el fit mourir tous les princes du peuple, el elle envoya au roi de Damas les riches dpouilles qu'elle avoil recueillies; et il est remarquable, dit encore le lexte sacr, que les Syriens toient en fort petit nombre, et que Dieu livra entre leurs mains une multitude infinie des habitants de Juda, parce qu'ils avoient abandonn le Seigneur, le Die\i de leurs pres, et ils traitrent

DU LIVRE DES ROIS.

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Joas avec la dernire ignominie ; et, en se retirant, ils le laissrent en proie d'extrmes angoisses ; puis, ses serviteurs s'levrent contre lui, pour venger le sang du fils de Joada, souverain pontife, et ils le turent dans son lit; et il fut enterr dans la ville de David, mais non dans le tombeau des rois. Ce n'est donc pas pour lui-mme que Joas enfant avoit t sauv du glaive d'Athalie, mais pour l'accomplissement des dcrets ternels.

Amasiae. Ozias. loalliam. Achaz. L e prop h t e I s a e . L e s A n g e s d e la vision L a V i e r g e IIre prophtise. Tglatphalasar.Salinanazar.

L'action des Anges apparot encore dans cette suite de l'histoire des rois de Juda, et presque toujours elle est prcde par quelque prophtie; mais tous les vnements de ces divers rgnes ne sont pas galement mmorables ; il faut donc se borner a des indications rapides. Amasias, fils et successeur de Joas, pratique d'abord le bien en la prsence de Dieu ; mais non avec un cur parfait, dit l'criture. Il avoit pris sa solde cent mille Isralites ; et un prophte vint lui dire : 0 roi ! ne souffrez pas que l'arme d'Isral marche avec vous ; car Dieu n'est point avec Isral, ni avec les enfants d'phram.
II. 2'l

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LES ANGES

Si vous imaginez que la guerre dpende de la force des armes, Dieu donnera la victoire vos ennemis ; car c'est Dieu qui protge et c'est Dieu qui met en fuite. Amasias rpondit : Et que deviendront les cent talents d'argent que j'ai donns aux guerriers d'Isral? Et le prophte rpliqua : Dieu est assez riche pour vous en rendre beaucoup plus. Ces conseils toient inspirs par les Anges et communiqus par leurs ordres. Le roi de Juda en ft la double preuve, et dans le succs quand il resta fidle, et dans les revers quand il oublia la loi du Seigneur. Ozias, son fils, rgna ds l'ge de seize ans, et il
chercha Dieu tant que vcut Zacharie (1) qui avoit le don d'intelligence dans la vision de Dieu. Ce texte des Parali-

pomnes est remarquable, car toute vision, toute rvlation sacre venant l'homme par la mdiation des Anges, ce divin commerce se trouve attest ici encore par l'criture elle-mme. Longtemps, dans le cours de son rgne de cinquante-deux ans, Ozias parut digne des faveurs du Ciel, et son nom se rpandit au loin, dit l'crivain sacr, parce que Dieu toit sa force et son appui; mais, aprs la mort du Voyant, et dans l'clat de la gloire et de la puissance, il fut sduit par le dmon de l'orgueil. Il entra dans le temple du Seigneur et il succomba la tentation d'offrir lui-mme de l'encens sur l'autel des parfums. Le pontife Azarias, continue le livre saint, entra aussitt aprs lui, accompagn de quatre-vingts prtres du Seigneur, tous dous de la ferCi ) On le croit petit-fils de Joada.

OU LIVRE DES ROIS.

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met sacerdotale Ils s'opposrent donc au roi et lui dirent : Ozias, il ne vous appartient pas d'offrir de l'encens devant le Seigneur ; c'est l l'office des prtres, enfants d ' A v i r o n , consacrs l'autel. Sortez du sanctuaire, ne mprisez point cet ordre, car ce que vous faites ne tournera pas votre gloire devant le Seigneur. Alors, Ozias, transport de colre et tenant toujours l'encensoir, lana des menaces contre les prtres ; mais au mme moment il fut frapp d'une lpre qui monta jusqu' son front en prsence des prtres, dans le temple du Seigneur, auprs de l'autel des parfums. Et comme l pontife Azarias et tous les autres prtres, jetant les yeux sur lui, virent la lpre sur son front, ils le chassrent du temple; lui-mme, saisi d'pouvante, il se hta de sortir, parce qu'il se sentoit subitement frapp de ce flau de Dieu. Le roi Ozias fut donc lpreux jusqu' son dernier jour, et il vivoit dans une habitation spare, cause de la lpre dont il toit couvert et qui l'avoit fait expulser de la maison du Seigneur. Son fils, Joatham, gouverna et rendit la justice en son nom au peuple de Juda; enfin, aprs sa mort, il rgna en sa place, l'ge de vingt-cinq ans. Sous son rgne les dsordres de la multitude se perptuoient; mais quant lui, il devint puissant, dit l'Ecriture, parce qu'il avoit rgl ses voies en la prsence du Seigneur son Dieu. C'est assez dire que les Anges veilloient sur lui particulirement lorsqu'il remporta une victoire signale contre les Ammonites. Achaz, fils de Joatham, loin d'imiter les vertus de son pre, se livra l'impit et l'idoltrie. Il en fut

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LKS ANGES

chti avec son peuple coupable comme lui, d'abord par Rasin, roi de Syrie, et en mme temps par les enfants d'Isral qui firent deux cent mille prisonniers et emportrent de grandes dpouilles. Mais la prire et sur les menaces du prophte Oded, les Isralites rendirent le butin et tous les captifs leurs frres de Juda. Enfin, le chtiment se poursuivit de nouveau et parles Idumens et par les Philistins, et par Tglalphalasar, roi des Assyriens, que le Seigneur fit venir contre

Achaz, comme s'exprime encore le livre sacr, en rvlant ainsi, presque chaque page, le souffle de Dieu et de ses Anges, et pour la vengeance et pour la misricorde. Isae prophtisoit sous les rgnes de Joatham et d'Achaz ; et voici l'une de ses rvlations : En l'anne o mourut Ozias, j'ai vu le Seigneur assis sur son trne sublime. El les franges de sa robe remplissoient le temple; des Sraphins toient debout au-dessus du trne. Chacun d'eux avoil six ailes: deux voiloient leur face, deux recouvroient leurs pieds, deux soutenoient leur vol; et ils se crioient l'un l'autre : Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des armes ! toute la terre est pleine de sa gloire. A leur voix, les portes du temple furent branles et l'enceinte fut remplie de fume. Et j'ai dit alors : Malheur moi cause de mon silence ; mes lvres sont impures ; j'habite au milieu d'un peuple souill; et pourtant, j'ai vu de mes yeux le Seigneur, le roi des armes. Et aussitt l'un des Sraphins vola vers moi. Et il avoit la main un charbon de feu tir de l'aulel. Il le mil sur mes lvres el il dit : Ce charbon

DU LIVRE DES ROIS.

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a touch ta bouche ; ton-iniquit est efface, et te voil pur du pch. Et j'entendis ensuite ces paroles du Seigneur : Qui enverrai-je? Quel sera notre envoy? Et j'ai rpondu : Me voici, envoyez-moi. El le Seigneur me dit : Va, et tu diras ce peuple : Ecoutez, et vous ne voudrez pas comprendre; contemplez celte vi" sion, et vous refuserez de la discerner. Aveugle donc le cur de ce peuple, ferme-lui les oreilles et les yeux, de peur que ses yeux ne voient, que ses oreilles n'entendent, que son cur ne comprenne, et qu'il ne se convertisse moi et que je ne le gurisse. Ah! m'criai-je, jusqu' quand, mon Dieu? Et il rpondit : Jusqu' ce que les villes soient dsoles, les maisons dsertes et la terre abandonne. Et le Seigneur dispersera encore le peuple en des contres lointaines; et la postrit de ceux qui resteront se multipliera toujours; et Dieu la dcimera encore; et elle reviendra au Seigneur; et elle apparotra dans sa splendeur comme le trbinthe et comme le chne qui tend au loin ses branches, car ses rejetons formeront une racebnie... A cette prophtie s'en joint une autre dans laquelle Isae rassure Achaz contre les tentatives des rois de Syrie el d'Isral ; puis, le prophte passe tout coup, des vnements de celte poque un avenir loign et des rvlations bien autrement grandes, mais dont le coupable roj, dans sa prudence et sa rserve tout humaines, n'aura pas l'intelligence. L'Ange du Seigneur, continuai! t donc de parler Achaz par la bouche d'Isae, lui dit : Demandez au Seigneur voire Dieu le signe d'un prodige soit au fond des abmes, soit au haut des

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cieux. Et chaz rpondit : Je n'en demanderai point, je ne tenterai point le Seigneur. Et Isae s'cria : coutez, maison de David : ne vous suffit-il pas de lasser l patience des hommes ? faut-il que vous lassiez encore celle de mon Dieu? C'est pourquoi le Seigneur vous donnera lui-mme un signe : UNE VIERGE CONCEVRA ET
ELLE ENFANTERA UN FILS, ET IL S'APPELLERA EMMANUEL.

Il se nourrira de lait et de miel, en sorte qu'il sache rprouver le mal et choisir le bien. Et ici le prophte reprend la suite de sa prdiction sur les ennemis de Juda, et il ajoute sans autre transition : Avant qu'un enfant sache rejeter le mal etchoisirle bien, cette contre que vous dtestez sera abandonne par ses deux rois. C'est donc incidemment des faits mmorables, mais d'un intrt purement temporel, que Dieu jetoit ainsi (comme un germe de foi aux oreilles et dans le cur de son peuple), cette promesse d'un miracle sans exemple : providentielle disposition, digne en effet delamerveille des merveilles, puisqu'elle annonoit le virginal avnement du vritable Emmanuel, Dieu avec nous ! Quelque temps aprs l'invasion de Tglatphalasar, Isral fut chti de nouveau par un autre prince des Assyriens, Salmanasar, qui s'empara de Samarie, jeta en prison le roi Ose, transporta les habitants dans ses tats et mit leur place ceux deBabylone et ceux des villes qu'il avoit conquises. Et comme les trangers ne
craignoient pas le Seigneur, le Seigneur envoya contre eux

des lions qui les tuoienU Ces paroles du Livre des Rois rvlent donc encore l'Ange exterminateur, qui les

DO LIVRE DES ROIS.

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animaux froces obissent, de mme que les princes et les peuples suscits, leur insu, par la colre divine. Alors, le roi d'Assvrie fit reconduire en Isral l'un des prtres captifs, qui s'tablit Bthel et enseigna ces trangers le culte du Seigneur. Ds ce moment, il n'est plus question du flau; et cependant l'crivain sacr ajoute, dans ses explications, que tous ces peuples, mme en adorant le Seigneur, ne cessoient pas de servir aussi leurs idoles : mlange dplorable qui annonoit de nouveaux dsastres. Peut-tre quelques hommes justes, s'attachanl au vrai Dieu avec un cur droit au milieu de cette multitude idoltre, avoient-ils arrt le bras vengeur, ou du moins suspendu ses coups. Combien de fois, depuis cette effrayante leon, et toutes les poques, et jusque sous les yeux de l'Eglise, combien de fois un pareil amalgame de vrits et d'erreurs n'a-t-il pas longtemps afflig la sainte croyance?
00

K z c h i a s . S e n n a c h e r i b . I s a e . L ' A n g e exterminateur.

L'Ange exterminateur, avec toute sa redoutable puissance, va se manifester, sous le rgne d'Ezchias, contre les ennemis du peuple de Dieu. Ce roi, fils d'Achaz, rtablit le culte du Seigneur et dtruisit les simulacres et les bois consacrs aux idoles.

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LKS ANGES

L'criture rsume ainsi sa pieuse vie : // fit ce qui toit


bon et agrable devant Dieu comme David> son pre. Il r-

gnoit depuis quatorze ans, lorsque Sennachrib, roi des Assyriens, assigea et prit toutes les villes fortes de Juda. En vain Ezchias essaya d'arrter sa marcheen lui livrant tout ce qui se trouvoit dans le trsor du temple et clans celui du roi; Sennachrib resta inflexible. Rabsacs, gnral de son arme, profrait mille blasphmes au nom de sou matre, et il disoit : Esl-il un seul dieu, parmi tous les dieux des nations, qui ait pu sauver son pays de mes mains? Et comment imaginer que le Seigneur puisse soustraire Jrusalem 1 mon glaive ? Et Sennachrib lui-mme envoyoit Ezchias des ambassadeurs avec une lettre o il lui crivoit : Prenez garde de vous laisser sduire par votre Dieu, en qui vous avez c o n f i a n c e , et ne dites pas : Jrusalem ne tombera pas entre les mains du roi d'Assyrie; car vous savez vous-mme ce que les rois des Assyriens ont fait h toutes les nations et de quelle manire ils les ont bouleverses. Seriez-vous donc le seul qui chapperiez ma puissance?... En recevant de la main des ambassadeurs cette lettre de Sennachrib, Ezchias la lut, puis alla dans le temple, la droula devant le Seigneur et lui adressa cette prire : Seigneur, Dieu d'Isral, qui tes port sur l'aile des Chrubins, vous seul tes le Dieu de tous les rois de l'univers; vous tes le crateur du ciel et de la terre. Prtez donc l'oreille, et coutez; ouvrez ips yeux, et voyez : voici, devant vous, toutes les pa-

DU LIVRE DES ROIS.

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rles de Sennachrib, qui envoie ses ambassadeurs pour blasphmer parmi nous le Dieu vivant. Il est vrai, Seigneur, que les rois des Assyriens ont extermin les nations, qu'ils ont ravag leurs terres et qu'ils ont jet leurs dieux dans les flammes, car ces dieux ne sont point des dieux, mais des simulacres de pierre et de bois fabriqus par la main de l'homme. Dlivrez-nous donc maintenant, Seigneur notre Dieu, des mains de ce roi, afin que tous les royaumes de la terre apprennent que vous tes le seul Seigneur et le seul Dieu. Alors Tsae, fils d'Amos, envoya dire Ezchias : Voici ce que dclare le Seigneur, le Dieu d'Isral : J'ai entendu ta prire touchant Sennachrib, roi des Assyriens ; coute donc ce que le Seigneur a dit de lui : La vierge, fille de Sion, t'a mpris; elle t'a insult; la fille de Jrusalem a secou la tte derrire loi. Et loi, quel est celui que tu as outrag, que tu as blasphm, et contre qui tu as lev la voix el jet d'insolents regards? C'est le Saint d'Isral. Tu as maudit le Seigneur par la bouche de tes messagers, et tu as dit : J'ai couvert de mes innombrables chars le haut des montagnes du Liban; j'ai abattu ses grands cdres et ses pins superbes; j'ai pntr jusqu'au fond de ses bois, et j'ai dracin la fort de son Carmel. J'ai bu les eaux de l'tranger, et les sources caches se sont taries sous mes pas. Mais quoi! n'as-tu donc pas entendu raconter ce que j'ai fait ds le commencement ; ce que j'ai mdit mme avant les sicles, et ce que j'excute encore maintenant? Les cits fortes el dfendues aussi par de nombreux guerriers sont ruines comme des

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collines dsertes ; les bras de leurs dfenseurs ont t sans force ; tous, ils toient saisis de terreur et pleins de trouble. Ils ont sch comme la (leur des champs tombe sous la faux, comme l'herbe des toits fane avant de fleurir. J'ai su l'avance et la demeure, et ton entre, et ta sortie, et le chemin que tu devois suivre, et la fureur contre moi. Cette fureur, elle est insense, et le bruit de ton fol orgueil a frapp mon oreille. Je te mettrai donc un anneau de fer aux narines et un mors la bouche, et je te renverrai par le mme chemin que lu es venu. Mais pour toi, Ezchias ! voici mon signe : Mange dans l'anne ce que tu trouveras, et la seconde anne ce qui viendra de soi-mme ; mais, pour la troisime anne, tu smeras et lu recueilleras. Plante des vignes et jouis de leur abondance. El tout ce qui restera de la maison de Juda jettera de profondes racines et lvera ses branches charges de fruits. Car Jrusalem donnera un reste de semence fconde, et le salut viendra del montagne de Sion. Voil ce que doit faire pour elle le Dieu des armes. C'est pourquoi le Seigneur a dit du roi des Assyriens : Il ne pntrera point dans cette ville, il ne dcochera pas une flche contre ses murailles ; on n'y verra point le bouclier de ses hommes d'armes ; elle ne sera pas mme environne des prparatifs d'un sige ; mais il retournera par le mme chemin qu'il est venu, et il ne metlra pas le pied dans cette ville, dit le Seigneur ; je la protgerai, je la sauverai cause de moi-mme et de mon serviteur David. Dans la nuit de ce mme jour, l'Ange duSeigneui

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parcourut le camp des Assyriens, et les tua au nombre de cent quatre-vingt-cinq mille ; et leur roi Sennacherib, se levant l'aube du jour, contempla tous ces cadavres, et il s'en retourna tout aussitt, dit le Livre des Rois; et avec ignominie, ajoutent les Paralipomnes. Cette miraculeuse dlivrance de Jrusalem n'est-elle pas la prophtie du salut de l'glise, souvent menace de la puissance de Satan, dont Sennacherib est la figure? Les blasphmes du roi impie ne sont-ils pas le type des blasphmes de tous les ennemis de Dieu et de son Christ? L'exactitude de cette comparaison n'est que trop visible ; mais les portes de l'enfer ne prvaudront jamais contre l'uvre du Seigneur.
0

Alission d ' I s a e a u p r s d ' z c h i a s . JLe c a d r a n


r

d'Acliaz.Cantique

d'Ezchias.

Visit par les Anges pour le salut de tout un peuple, le prophte Isae fut encore charg d'une anglique mission; d'abord pour avertir, et ensuite pour consoler Ezchias : nouveau tmoignage des soins de la divine Providence auprs de l'homme seul, comme auprs de tous les hommes. En ce temps-l, Ezchias fut malade jusqu' la mort, et Isae, fils d'Amos, prophte, lui apporta ces

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paroles : Voici ce que dit le Seigneur : Roi, mets ordre la maison ; car tu mourras et ce sera ta fin. Alors, Ezchias tourna son visage vers la muraille et pria Dieu, en disant: Seigneur, souvenez-vous, je vous en conjure, que j'ai march devant vous dans la vrit et avec un cur droit, et que j'ai fait ce qui esl bon vos yeux. Et Ezchias rpandit beaucoup de larmes. Alors, l'Ange dit Isae : Va porter cette parole Ezchias : Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu de David, ton pre : J'ai entendu ta prire et j'ai vu tes larmes. J'ajouterai encore quinze annes ta vie, et je le prserverai, toi et cette ville. Oui, moi-mme, je protgerai Isral contre le roi d'Assyrie; et tel sera le signe de l'accomplissement de cette promesse : je vais faire que l'ombre du soleil, qui esl descendue de dix degrs sur le cadran d'Achaz, retourne de dix degrs en arrire. Et aussitt le soleil remonta les dix degrs qu'il venoit de descendre. E l l e Livre d'Isae continue en ces mots : Cantique d'Ezchias, roi de Juda, au moment de sa gurison, en revenant la vie :
An milieu de mes jours, j'ai dit: Je vais descendre Dans le spulcre et dans la cendre. Terre de l'esprance, adieu! Je meurs... adieu, douce lumire! Je vais dormir dans la poussire, El mes yeux desschs ne verront plus mon Dieu. Adieu, mortels, adieu! voici ma dernire heure, Adieu, mon heureuse demeure,

DU LIVRE DES ROIS. O demain je ne serai plus! Telle une tente qui se plie, Telle s'en retourne ma vie, Comme la toile use, avec ses fils rompus.

Seigneur, avant le soir, tu fermes ma paupire... Du lion la dent meurtrire, Le mal, a pntr mes o s . . . Hlas ! avant que la nuit sombre Ait couvert le jour de son ombre, Tu vas m'cnseveiir dans l'ternel repos !

Ainsi je soupirois sur le bord de la tombe, Gomme soupire la colombe. Et mon il s'est tourn vers Loi : Il pleure, il se trouble, il t'implore... teins le feu qui m e dvore !... Et ce que je dois dire, mon Dieu, dis-le-moi !...

Tes rponses dj, Seigneur, me sont donnes! Et je repasse mes annes, A la clart de ton flambeau...

Ils vivent par toi ceux qui vivent! Au del des temps ils arrivent! Et l'ternit s'ouvre aux portes du tombeau.

Mon me a recueilli, dans l'exil de la terre, Une amertume salutaire; Et voici mes jours rattachs Par ta main leur source pure, A ton amour qui me rassure ! Car loin derrire toi lu jettes mes pchs.

LES ANGES L'abme sans parole et la mort sans mmoire Ne sauraient raconter ta gloire. Pour moi, je vis! et mon bonheur, De nos fils ternel exemple, Sera chant dans le saint temple ; Et, tous, nous bnirons jamais le Seigneur ( 1 ) .

Les premires strophes du cantique d'zchias semblent une lgie tout humaine. Aussi, ne sont-elles que la rminiscence des pleurs de la nature en face de la tombe. Mais tout le reste de l'hymne respire l'ternit et prophtise la rsurrection spirituelle dans les eaux de la pnitence et de la grce.

]ffaiassc. A m o n . J o s a s . Eie

grand

prtre

H e l c i a s . ELa p r o p h t e s s e O l d a . NTcltao.

En frappant l'arme de Sennachrib, l'Ange exterminateur avoit dploy la force et la gloire divines devant toute la terre ; et pourtant cette miraculeuse dlivrance de Jrusalem toit comme le prlude de la transmigration et de la captivit du peuple de Juda! Ainsi s'explique, dans la libert de sa toute-puissance, et la paternelle misricorde et la justice venge('I ) Des stances pleines d'harmonie ont t faites sur le texte de ce cantique; elles sont dans la mmoire de tous; mais une fidle traduction devoit trouver ici sa place.

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resse du Seigneur Dieu. L'action de ses Anges, sous les ordres de sa volont suprme, redevenoit donc visible tous les yeux. Dj la transplantation des habitants de Samarie et leur change avec les trangers, par la main de Salmanazar, toit un solennel avertissement. Il en falloit encore un autre. Laissons parler les livres saints : le fils d'Ezchias, Manass, roi de Juda, se livroit avec son peuple tous les dsordres d'une cruelle idoltrie, jusqu' faire couler des flots de sang dans Jrusalem, quand la voix des prophtes inspire par les Anges au nom du Seigneur, vint leur dire: Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Isral: Je vais dchaner sur Jrusalem et sur Juda de tels flaux que les oreilles de quiconque oura en seront tourdies. J'tendrai sur Jrusalem la chane de Samarie et le poids de la maison d'Achab. J'effacerai Jrusalem comme on efface le crayon des tablettes; je passerai et je repasserai l'instrument vengeur, de manire qu'il n'en reste aucune trace. J'abandonnerai les restes de mon hritage et je les livrerai entre les mains de leurs ennemis ; et tous ceux qui les hassent exerceront sur eux le pillage et la dvastation ; parce qu'ils ont fait le mal devant moi, depuis le jour que leurs pres sont sortis de l'Egypte jusque aujourd'hui. Ainsi parle le Livre des Rois. C'est pourquoi, disent les Paralipomnes, Dieu fit venir les princes de l'arme du roi des Assyriens qui, aprs avoir pris Manass, lui mirent les fers aux pieds et aux mains et l'emmenrent Babylone. Manass dans sa prison, continue le texte sacr, pria le Seigneur son Dieu et donna tous les signes d'un

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profond repentir en prsence du Dieu de ses pres. Il jeta vers lui le cri de ses gmissements et de ses ardentes supplications ; et le Seigneur, exauantsaprire, le ramena dans son royaume, Jrusalem; et Manass reconnut le Seigneur comme le seul vrai Dieu. Son lils Amon mrite h peine une mention, lanl son rgne fut rapide et coupable. Mais, afin que le peuple, avant l'accomplissement des malheurs prdits, ne pt rejeter entirement la responsabilit de ses propres dsordres sur les princes de la maison de Juda, voici que le Seigneur lui donne, en la personne du fils d'mon, l'un des plus saints rois qui aient occup le trne. Or, la saintet est comme insparable des inspirations du Ciel. D'ailleurs Josias accomplit une prdiction o son nom et ses actes sont annoncs trois sicles l'avance; son rgne se rattache donc aux grandes prophties dictes par les Anges.
Josias, dit l'Ecriture, chercha le Dieu de David son

pre. Il purifia Juda et Jrusalem de tous les hauts lieux, des bois profanes, des idoles et de leurs simulacres. Il fit dtruire partout en sa prsence les autels de Baal et les sculptures des faux dieux. 11 fit abattre leurs bois et mettre en pices leurs statues, puis il en jeta les dbris sur les tombeaux de leurs adorateurs. Enfin, comme l'avoit prdit un prophte Jroboam (L), il brla les ossements de leurs prtres sur leurs autels ; et c'est ainsi qu'il purifia Juda et Jrusalem. Josias fit ensuite rparer les ruines du temple,
(1) Voyez page 266 supr.

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pl. comme on y Iravailloil, le grand prtre Helcias y trouva le livre de la loi du Seigneur, et il le fit porter au roi par le secrtaire Saphan qui lui en fit la lecture. Josias, ayant entendu les paroles de la loi, dchira ses vtements, et il donna ainsi ses ordres Helcias, Ahicam,fils de Saphan, Abdon, fils de Micha, Saphan, secrtaire, et Asaas, officier du roi : Allez et priez le Seigneur pour moi et pour les restes d'Isral et de Juda. Consultez-le sur toutes les paroles de ce livre retrouv; car la colre de Dieu est prte fondre sur nous, parce que nos pres ne les ont pas observes et n'ont pas excut les commandements crits dans sa loi. Helcias et les autres envoys du roi allrent donc trouver la prophlesse Olda, femme de Sellum, fils de Thmath, fils de Hasra, gardien des ornements, laquelle demeuroit dans la seconde partie de la ville de Jrusalem et ils lui dirent tout ce qui vient d'tre racont. Olda rpondit : Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Isral : Je vais faire tomber sur cette terre et sur ses habitants tous les flaux et toutes les maldictions crites.dans le livre qui a t lu au roi de Juda; parce qu'ils m'ont abandonn et qu'ils ont sacrifi aux dieux trangers en irritant aussi ma colre par toutes les uvres de leurs mains. C'est pourquoi ma vengeance se rpandra ici et ne s'apaisera point. Et, quant au roi de Juda qui vous a envoys pour implorer par des prires la misricorde du Seigneur, vous lui direz : Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Isral : Parce que vous avez coul les paroles de ce livre ; que votre cur en a t touch, et que vous vous tes humili devant Dieu en entenli. 22

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dant les menaces faites contre cette terre et contre les habitants de Jrusalem, et parce que vous avez t p ntr de ma crainte, que vous avez dchir vos vlements et que vous avez pleur devant moi, je vous ai exauc, dit le Seigneur. C'est pourquoi je vous ferai reposer en paix dans le tombeau de vos pres, et vos yeux ne verront point tous c e s malheurs que je vais appeler sr ce pays et sur ses habitants. Les envoys vinrent doncrapporter au roi tout ce que la prophtesse leur avoit dit. Et le roi, ayant assembl tous les anciens de Juda et de Jrusalem, monta au temple du Seigueur, accompagn de tous les habitants de Juda et de Jrusalem, des prtres, des lvites et de tout le peuple, depuis le plus petit jusqu'au plus grand. Et tous prtant une oreille attentive, dans la maison du Seigneur, ils entendirent la lecture que leur fit le roi de toutes les paroles d livre. Et Josias, se tenant debout sur l'estrade, fit alliance, avec le Seigneur en promettant de marcher dans ses voies, de garder ses prceptes, ses lois et les crmonies de son culte, de tout son cur et de toute son me, et d'accomplir tout ce qui est crit dans le livre dont la lecture venoil d'tre donne. Et il fit jurer la mme promesse tous les habitants de Jrusalem et de la terre de Benjamin ; et toute la ville de Jrusalem participa ainsi cette alliance du Seigneur le Dieu deleurs pres. Ainsi, Josias bannit toute espce d'abominations de toutes les terres des Isralites et il engagea tout ce qui restoit d'Isral dans le service du Seigneur leur Dieu; et tant qu'il vcut ils n'abandonnrent point le Seigneur le Dieu de leurs pres. ; >

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Aussi, dit encore l'criture, depuis le temps des Juges qui jugrent le peuple et depuis tout le temps des rois d'Isral et des rois de Juda, jamais pque ne fut plus solennellement clbre que celle qui se fit en l'honneur du Seigneur Dieu, la dix-huitime anne du roi Josias. Enfin, il est crit de lui : Il n'y a point eu avant Josias de roi semblable lui et qui ait t converti comme lui au Seigneur, de tout son cur, de toute son me, de toute sa force, selon la loi de Mose, et il n'y en a point eu non plus aprs lui. Et cependant une faute est reproche ce mme roi; mais cette faute, punie d'uiiepeine temporelle, n'a pas empch la Sainte-criture de dire que la mmoire
de Josias est comme un admirable parfum (1). Aussi bien,

Dieu permet parfois que les meilleurs rois s'garent dans leurs penses, mais en leur mnageant la grce du retour, surtout dans les enseignements du malheur et de la mort, avec le secours des Anges. Aprs que Josias eut rpar le temple (est-il dit aux Paralipomnes), Nchao, roi d'Egypte alla faire la guerre sur l'Euphrate, vers Charcamis, et Josias s'avana contre lui. Mais le Pharaon lui envoya dire par ses ambassadeurs : Que me voulez-vous, roi de Juda? Ce n'est pas contre vous que je marche aujourd'hui. Je combats une autre maison, d'aprs l'ordre pressant de Dieu mme. Cessez donc de* vous opposer aux desseins de Dieu qui est avec moi, de peur qu'il
(4) EcgIuj xlix, 4.

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ne vous lue. Josias (continue le texte) ne voulut point se retirer; et, au lieu d'couler les paroles que Nchao lui.disoit de la pari de Dieu, il s'avana pour lui livrer bataille dans le camp de Mageddo, et il y fut perc de flches, et il dit ses serviteurs : Emportez-moi parce que je suis dangereusement bless. Et ils le transportrent de son char dans un autre char qui le suivoit, selon la coutume des rois, et ils le ramenrent Jrusalem. Il mourut et fut mis dans le tombeau de ses pres. Il fut pleur dans la cit et dans Juda, et surtout par Jrmie, dont les lamentations sur la mort de Josias se chantent encore jusqu' ce jour en churs de musique d'hommes et de femmes, car cet usage est comme une loi dans Isral. Plus tard, Nchao fut vaincu par Nabuchonosor II ; mais, avant sa dfaite, un grand nombre des enfants d'Isral et de Juda s'toient rfugis en Egypte auprs de lui, dans la crainte de tomber entre les mains du roi de Babylone. Ainsi, au lieu de recourir au toutpuissant Dieu de leurs pres, ils l'offensoient davantage encore en mettant leur confiance etleur espoir dans un bras de chair qui leur manqua bientt. Une vision prophtique a mis ces infidles Isralites en regard d'une autre portion d'Isral et de Juda; mais il vaut mieux reporter cette rvlation de l'Ange du Seigneur au temps de la seconde transmigration, parce qu'elle peut s'y appliquer aussi, quoiqu'elle concerne directement la premire.

D LIVRE DES ROIS.

Prdiction

d ' I s a e s u r la r u i n e d e J r u s a l e m c l l a vigne.

captivit de ISabylone.Cantique de la

C'est au temps de la dcadence du peuple de Dieu que les oracles dicts aux prophtes par les Anges jettent leur plus vive lumire. Nous en avons reproduit d'admirables pages, et le moment est venu d'en rassembler encore quelques-unes, au jour- du terrible passage de la gloire d'Isral sous le joug d'une longue captivit. Ces oracles ne sont pas tous mls au rcit de l'histoire sainte : l'criture les recueille part dans les livres prophtiques; mais il n'en est pas moins essentiel de mettre en avant ceux qui se rattachent l'ordre chronologique des faits. Isae,.dont nous avons dj entendu la voix, rappelle ou prophtise d'abord symboliquement les prvarications de Jrusalem, comme toutes les menaces du Seigneur, dans l'effrayante parabole de la vigne abandonne.
Du matre de la vigne coulez le cantique ; Je vais te le chanter, toi que j'aimois tant!... Sur la verte montagne, au site magnifique, Comme il toit joyeux cl fier en la plantain ! De son champ il ola les pierres, Il entoura de murs et de fortes barrires Celle vigne choisie entre le meilleur plant ; Elle toit pure et sans mlange ; II y construisit une tour Et le pressoir du la vendange :

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LES ANGES Il esproit des fleurs et des fruits en retour ; Mais la ronce et l'pine ont pay son amour ! Fils de Juda, maintenant je t'appelle A prononcer entre ma vigne et moi. Sois mon tmoin! que n'ai-je fait pour elle? Fils de Jrusalem, j e m'en rapporte toi. Elle a donn des ronces, des pines, Au lieu du fruit q u e j'avois espr. Sache-le donc: bientt dans ses ruines, Aux dents des animaux son bois sera livr. Je dtruirai son enclos, ses murailles: Que sous les pieds ses rameaux soient meurtris ! Et que le soc n'ouvre plus les entrailles Du sol dshonor par ses honteux dbris! Jamais le fer ne taillera sa tige; Je la dvoue aux buissons dvorants; J'ordonne au ciel, par un autre prodige, De refuser la pluie ses restes mourants... Eh bien ! la vigne o Dieu planloitsa joie, C'est Isral, que j'ai tant visit! Au lieu de fruits, la lpre s'y dploie! J'ai sem la justice : il rend l'iniquit !

Aprs le cantique, la voix des Anges met dans la bouche d'Isae ces terribles dtails, par lesquels doit s'accomplir la prdiction parabolique : Malheur vous, qui ajoutez des maisons vos maisons, des champs vos champs, et sans limites !

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Etes-vous donc seuls sur la terre? Mon oreille a tout entendu, dit le Dieu des armes ; eh bien! ces maisons nombreuses et ces vastes palais seront sans habitants. Dix arpents de vigne rempliront peine une amphore, et trcnteboisseaux de semence n'en rendront que trois. Malheur vous, qui, ds le matin, vous abandonnez l'ivresse des sens, et, jusqu'au soir, celle des vapeurs du vin ! La cithare, la lyre, le tambour, la flte, les vins exquis font la joie de vos banquets, tandis que vous ddaignez la loi du Seigneur et les uvres de ses mains. Voil la cause de la captivit de mon peuple. Il est sans intelligence. Voil pourquoi les grands d'Isral seront consums par la faim, comme la multitude par la soif ; voil pourquoi l'abme a dilat ses entrailles, et largi sans mesure sa gueule bante. Ils y descendront confondus avec le peuple, ces orgueilleux de la gloire et de la puissance, et tous les hommes courberont la tte et seront humilis, et les yeux du superbe seront abattus. Le Dieu ds armes sera exalt dans ses jugements ; le Dieu saint signalera sa saintet par sa justice. Les agneaux patront l'herbe leur gr, et l'tranger sera nourri dans les dserts devenus fertiles. Malheur vous, qui tranez la chane des iniquits dans le mensonge, et celle du pch comme les traits d'un char ! qui osez dire Dieu qu'il se hte ; que son uvre marche plus vite ; qu'on voie de plus prs le Saint d'Isral, et que ses conseils nous soient rvls! Malheur vous, qui prenez la lumire pour les tnbres et les tnbres pour la lumire ; qui appelez mal le bien et bien le mal ;

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qui changez l'amertume en douceur et la douceur en amertume ! Malheur vous qui tes sages vos propres yeux et qui croyez votre prudence! Malheur vous qui mettez voire force supporter le vin et passer d'ivresse en ivresse ; qui justifiez l'homme inique cause de ses dons, et qui dniez la justice l'innocent ! C'est pourquoi, comme la paille est dvore par la flamme, ces hommes seront consums jusqu' la fin et leur race sera disperse comme la poussire; car ils ont rpudi la loi du Seigneur des armes et ils ont blasphm la parole du Saint d'Isral. La colre du Seigneur va donc clater contre son peuple; il tend dj sa main sur lui et il le frappe. Les montagnes en sont branles, et les cadavres sont jets sur la place comme les immondices. t nanmoins la colre du Seigneur n'est pas encore teinte, et son bras est toujours menaant : il fait un signe aux peuples lointains ; il les appelle, comme d'un coup de sifflet, et ils accourent avec rapidit. Nul de leurs guerriers n'prouve de fatigue ; nul ne se livre ni au sommeil ni au repos ; nul ne quitte son baudrier ni ne dlie sa chaussure ; leurs flches sont avides cle sang; leurs arcs sont toujours tendus ; la corne des pieds de leurs chevaux est plus dure que le caillou, et leur char vole comme le vent des temptes. Ils rugissent comme le lion; ils frmissent comme le lionceau ; ils se jettent sur leur proie ; ils l'enlvent, et nul ne peut la leur ravir. Ils s'lanceront sur Isral avec des clameurs pareilles au retentissement des vagues de la mer. Alors, nous regarderons cette terre et nous ne verrons que les tnbres cle la

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dsolation, et le soleil sera obscurci par les ruines et les dcombres- Dans plusieurs autres rvlations pareillement sorties de la bouche des Anges, Isae raconte encore, deux sicles l'avance, les dsastres de Jrusalem : Retirezvous de moi ! Je rpandrai des larmes amres. Ne cherchez donc point me consoler des ruines de la fille de mon peuple ; car voici un jour de carnage, de dvastation et de gmissements ; jour terrible pour la valle de vision, jour o le Seigneur, le Dieu des armes sapera les murailles et fera clater sa gloire sur la montagne !

S u i t e d e s p r d i c t i o n s . O s e . V i s i o n s de J c r i n i e . L a v e r g e qui v e i l l e . L e v a s e bouillonnant. L e s c h a n e s a u c o u dit p r o p h t e . L i v r e d i c t a Baruch.

Un prophte qui vcut et mourut, comme Isae, une poque bien antrieure la prise de Jrusalem et la captivit de Babylone, Ose prophtisoit aussi, conimele fils d'Amos, tous les malheurs de Juda et de mme sa dlivrance et son retour. Il disoit : Les enfants d'Isral seront durant de longs jours sans roi, sans, prince, sans sacrifice, sans autel, sans phod et sans Ihraphim. Aprs quoi, les enfants d'Isral reviendront, et ils chercheront le Seigneur leur Dieu, et la race de

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leur roi David, et ils tressailleront devant Jhovah, la vue des merveilles des derniers temps (1). .Contemporains de ces menaantes catastrophes, Jrmie, Ezchiel, Miche et d'autres prophtes les avoient d'abord prdites, en prchant, mais inutilement, la pnitence aux aveugles enfants de Juda et d'Isral. On va voir encore par quelles images les Anges remplissoient leur ministre dans les rvlations prophtiques. Le Seigneur, dit Jrmie, m'adressa donc ainsi sa parole : Je t'ai connu, avant de te crer clans les entrailles de ta mre: je t'ai sanctifi, avant que tu fusses sorti de son sein, et je t'ai fait prophte parmi les nations. Et je rpondis : Hlas ! Seigneur Dieu, je ne sais point parler ; je suis un enfant. Le Seigneur reprit : Ne dis pas je suis un enfant, car tu iras partout o je t'enverrai; et tout ce que je te prescrirai, tu le diras. Ne crains rien devant les hommes, parce que je suis avec toi pour te protger, dit le Seigneur. Et Jhovah tendit sa main, toucha ma bouche et me dit : Voil que j'ai mis ma parole sur tes lvres. Aujourd'hui, je te place sur les nations et sur les royaumes pour arracher et dtruire, perdre et dissiper, planter et difier. Le Seigneur ajouta: Que vois-tu, Jrmie? Je rpondis : Je vois une verge qui veille. Le Seigneur dit encore : Tu as bien vu, car je veillerai aussi pour accomplir ma parole. Le Seigneur me lit cette seconde question :

('I) Cette prophtie peut s'appliquer encore la dispersion des juifs et leur retour vers la fin des temps.

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Que vois-tu? et je rpondis : Je vois un vase bouillonnant au souffle de l'aquilon. Et le Seigneur continua ainsi : Oui, de l'aquilon viendra le mal sur tous les habitants de la terre ; car je vais susciter toutes les penses des peuples de ces contres ; et chacun d'eux viendra tablir son trne l'entre des portes de Jrusalem, et autour de ses murailles, et dans toutes les villes de Juda... Bientt aprs, Jrmie, voyant dj la ruine de Jrusalem, s'crioit : J'irai donc rpandre mes pleurs sur les montagnes et mes gmissements dans ces lieux jadis si beaux, car la flamme les a dvasts ! On n'y voit plus passer personne ; on n'y entend plus la voix d'un seul possesseur. Tout a fui, tout s'est loign, depuis les oiseaux du ciel jusqu'aux animaux des champs. Puis, le prophte rptoit ces paroles dictes par l'Ange du Seigneur : Je ferai de Jrusalem un monceau de sable et un repaire de reptiles, et je livrerai les villes de Juda la dsolation, et elles n'auront plus d'habitants. Plus loin, l'Ange inspirateur rsume, sous une nergique figure, tous les dsastres prdits contre Jrusalem; il dit Jrmie : Tu briseras un vase de terre en prsence des tmoins qui t'accompagneront; et tu leur diras : Voici la parole du Seigneur, Dieu des armes : Je briserai ce peuple et sa cit, comme on brise un vase d'argile qui ne peut plus tre rpar... Plus loin encore, l'Ange revient avec des paroles que le prophte publie aussitt : Voici ce que le Seigneur m'a dit : Fais-toi des liens et des chanes et mets-

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les ton cou. Puis, tu les enverras au roi d'Edom, au roi de Moab, au roi des Ammonites, au roi de Tyr et au roi de Sidon, parleurs ambassadeurs qui sont venus Jrusalem vers Sdcias, roi de Juda. L'Ange rvlateur charge donc Jrmie de leur annoncer par ce symbole qu'ils seront tous assujettis Nabuchodonosor, en ajoutant : N'coutez pas les prophtes qui vous disent : Vous ne servirez pas le roi de Babylone, car ils vous disent le mensonge. Hananias, l'un de ces faux, prophtes, ayant enlev la chane du cou de Jrmie, la brisa devant le peuple et s'cria : Voici ce que dit le Seigneur : Ainsi je briserai le joug de Nabuchodonosor, roi de Babylone, dans deux ans, et j'en dlivrerai toutes les nations. Mais tandis que Jrmie se retiroit, l'Ange lui donna cet ordre: Va dire Hananias: Voici ce que dit le Seigneur : Tu as bris la chane de bois; mais mon prophte fera pour eux des chanes de fer. Car voici encore ce que dit le Seigneur : J'ai mis un joug de fer sur le cou de tous ces peuples, afin qu'ils servent Nabuchodonosor, roi de Babylone, et ils le serviront; et de plus je lui ai livr les animaux de la terre. Ensuite, le prophte Jrmie ajouta : Ecoute, Hananias, lu n'es pas l'Envoy de Dieu et tu as poi4 ce peuple se confier dans le mensonge. C'est pourquoi voici ce que dit le Seigneur : Je l'exterminerai de dessus la terre et lu mourras cette anne mme. Et en effet Hananias mourut dans l'anne, au septime mois. Ainsi, tous les curs, mme sous le feu des tribulations, n'ont pas galement la foi, l'esprance et l'amour

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dont la vrit sainte est la source. Le creuset de l'adversit, en purant l'or, rejette la souillure et l'alliage. Il y avoit donc des fidles et des infidles dans le peuple de Dieu, au temps des dsastres de Jrusalem; et voici sous quel symbole l'Ange des prophties les reprsente les uns et les autres : Le Seigneur me montra, devant son temple, dit Jrmie, deux corbeilles pleines de figues ; c'toil aprs que Nabuchodonosor eut transport Jchonias, fils de Joakim, roi de Juda, et ses princes, et ses artisans, et ses ouvriers, loin de Jrusalem et jusqu' Babylone. L'une des corbeilles toit pleine de figues excellentes comme elles le sont la premire rcolte. Et l'autre toit remplie de figues mauvaises et qu'on ne pouvoit manger. Alors le Seigneur me dit : Que vois-tu, Jrmie? Et je rpondis : Je vois des figues bonnes, trsbonnes, et des figues mauvaises, trs-mauvaises, qu'il n'est pas possible de manger, tant elles sont mauvaises. Et l'Ange du Seigneur ajoute : Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d'Isral : Les figues bonnes signifient tout le bien que je rserve la transmigration* de Juda de cette terre jusque dans la Chalde. J'abaisserai sur les exils des regards propices et je les ramnerai dans ce pays. Je les rtablirai et je ne les dtruirai point; je les piaulerai et je ne les arracherai plus. Je leur donnerai un cur pour connotre que je suis le Seigneur; et ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu, parce qu'ils reviendront moi du fond de leur cur. Mais, quant ces figues tellement mauvaises qu'on ne peut l'es manger, voici ce que dit le Seigneur : C'est ainsi
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que je traiterai Sdcias, roi de Juda, les princes et ceux, qui sont rests Jrusalem ou qui habitent l'Egypte; Je les livrerai au trouble et la dsolation dans tous les royaumes de la terre; l'opprobre, aux drisions, aux insultes et aux maldictions, partout o je les aurai disperss. Et je dirigerai contre eux le glaive, la faim et la peste, jusqu' ce qu'ils disparoissent de la terre que j'ai donne eux et leurs pres. Bien que cette vision s'applique la premire captivit de Babylone, cependant elle embrasse aussi la seconde, dans la gnralit d'une symbolique signification. Et elle s'est tendue, et elle s'tendra, hlas! encore, la distinction successive des fidles et des infidles, dans tout le cours des sicles et jusqu' la consommation des temps. Ds le rgne de Joakim, un livre entier de prdictions, dictes par Jrraie Baruch, entroit dans le dtail des menaces de l'Ange ; et ce livre fut lu par Baruch devant les grands du royaume; et ils l'interrogrent ainsi : Dis-nous comment tu as recueilli toutes ces paroles de la bouche de Jrmie? Et Baruch leur rpondit : Sa bouche me dictoit toutes ces paroles comme s'il les avoitlues, et moi je les crivois dans ce livre. O Jrmie lisoit-il donc les prophtiques paroles, sinon dans les rvlations tales sous ses yeux par l'Ange du Seigneur? Bientt, le roi Joakim, entendant les quatre premires pages de la prophtie, coupa le livre et le jeta au feu ; aprs quoi, il voulut faire saisir Jrmie et Baruch.

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Mais, ajoute l'criture, Dieu les cacha. Nouvelle preuve de l'intervention des Anges. Aussi, l'Ange de l'oracle dit Jrraie : Prends un autre livre et cris toutes les paroles qui toient dans le premier que Joakim, roi de Juda, a brl, et tu diras Joakim, roi de Juda : Voici les paroles du Seigneur : Tu as brl ce livre saint et tu as dit : Gomment avez-vous crit dans ce livre et avezvous publi que le roi de Babylone se litoit de venir pour ravager ce pays et pour en exterminer les habitants et les animaux ? C'est pourquoi voici ce que dit la Seigneur contre Joakim, roi de Juda : Il ne sortira pas de lui de prince qui soit assis sur le trne de David, et son corps, jet sans spulture, sera expos la chaleur du jour et au froid de la nuit, et je m'lverai contre lui, contre sa race, contre ses serviteurs, et je visiterai leurs iniquits, et j'accomplirai sur eux et sur les habitants de Jrusalem et de Juda toutes les menaces que j'ai annonces et qu'ils n'ont pas voulu entendre. Jrmie prit donc un autre livre et le donna Baruch, fds de Nrias, son secrtaire, qui^crivit, sous la dicte de Jrmie, toutes les paroles qui toient dans Je livre que Joakim, roi de Juda, avoit brl, et beaucoup d'autres paroles qui n'toient pas dans le premier. Aussi, le prophte a-t-il prcis mme la dure de la captivit de Juda et d'Isral, et l'Ange lui adressoil encore cette parole au nom du Seigneur : Je prendrai tous les peuples de l'aquilon; je les enverrai avec Nabuchodonosor, roi de Babylone, mon serviteur, et je les amnerai sur cette terre, et sur ses habitants, et sur toutes les nations d'alentour. Et je ferai cesser

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parmi.eux les cris de joie el d'allgresse, et la voix de l'poux, et la voix de l'pouse, el le bruit de la meule, el la lumire de la lampe; et toule celte terre ne sera plus qu'un dsert et un lieu de stupeur, et tous ces peuples serviront le roi de Babylone durant soixantedix ans; et lorsque ces soixante-dix ans seront couls, je visiterai le roi de Babylone et sa nation, dit le Seigneur, je jugerai leur iniquit et je ferai de la terre de Chaldeune ternelle solitude. Ici, l'Ange donne Jrmie le symbole de tous les malheurs prophtiss : Voici ce que dit le Seigneur des armes, le Dieu d'Isral : Prends de ma main la coupe du vin de ma colre, et tu feras boire toutes les nations vers lesquelles je t'enverrai : et elles boiront, et elles seront troubles, et elles auront le verlige la vue du glaive que je dirigerai contre elles. J'ai donc reu la coupe des mains du Seigneur et j'en ai fait boire tous les peuples vers lesquels il m'a envoy. Menace terrible, moins par l'image qu'elle offre aux yeux que par le mal donl elle est l'emblme ; car le vin de cette coupe, qu'est-ce autre chose que le fleuve d'iniquit sortant du cur mme des peuples violateurs de la loi de Dieu ?

DU LIYftl DES llOIS.

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S u i t e d e s p r o p h t i e s c o n t r e J r u s a l e m . ESzchiel. L e s d e u x c h e m i n s du g l a i v e . M i e l l e .

Ezchiel, au milieu des plus clatantes visions, a voit entendu cette rvlation de l'Ange du Seigneur : El toi, fils de l'homme, ouvre devant, les yeux deux chemins par lesquels puisse venir l'pe du roi de Babylone; qu'ils partent tous deux du mme point; et de la main choisis l'entre de la double roule, choisis une ville, et montre le passage l'pe vers Rabbath, au pays d'Ammon, et vers le pays de Juda contre Jrusalem, la cit forte ; car le roi de Babylone s'est arrt la tte des deux chemins, cherchant un augure en mlant des flches. Il a interrog ses idoles et les entrailles des victimes, et le sort est tomb sur Jrusalem, afin qu'il dispose contre elle l'appareil du sige, qu'il ait la bouche l'ordre du carnage au milieu des hurlements ; qu'il lance des bliers contre les ports, et qu'il lve des constructions menaantes. Le prophte Miche s'crioit aussi dans le mme temps : Pleure, ville de Sion, dsole-toi comme une femme dans les douleurs de l'enfantement ; car tu vas sortir de la cit, tu habiteras sous un ciel tranger et tu iras jusqu' Babylone!... Ces citations, parmi le grand nombre des prophties relatives aux mmes vnements, sont plus que suffisantes comme tmoignages des paternels avertissements du Seigneur au peuple d'Isral et de Juda; mais il importe de rapporter du moins le sommaire des faits correspondants aux mmes prophties.
II.
23

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LES ANGES

loachaz J o a k i m . ffoachin. S d c i a s . HabuchodoBiosor.

Joachaz, g de vingt-trois ans la mort de Josias, son pre, n'avoit encore rgn que quelques mois, et dj il avoit fait le mal devant le Seigneur. Mais le roi d'Egypte le dposa et l'emmena prisonnier, aprs avoir mis.sa place, sous le nom de Joakim (1), Eliakim, son frre, qui, durantun rgne de douze ans, ne fut pas meilleur que lui. NabuchodonosorII,roidesChaldens, vainqueur du pharaon Nchao, marcha contre le roi de Juda, le prit et l'emmena charg de chanes Babylone, o il transporta les vases du Seigneur et les mit dans son temple. Joachin succda son pre Joakim l'ge de dixhuit ans, et souilla aussi par des abominations les premiers mois de son rgne; et, peu de temps aprs, Nabuchodonosor envoya son arme pour assiger Jrusalem. Le prince revint encore lui-mme et s'empara de la ville et de tous les trsors de la maison du Seigneur, comme de tous les trsors de la maison du roi. Il brisa, dit l'crivain sacr, tous les vases d'or que Salomon, roi d'Isral, avoit fait faire pour le temple (2), selon la parole de Dieu, et il transfra tout Jrusalem, tous les princes, tous les plus vaillants hommes d'ar-

('I) Ce changement de nom toit impos par le vainqueur comme un signe de sa victoire. (2) C'est--dire ceux qui toient rests aprs la premire invasion.

DU LIVRE DES ROIS

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mes, dix mille captifs, ainsi que tous les artisans, et il ne laissa que les plus pauvres d'entre le peuple. Il transfra aussi Babylone Joachin, la mre du roi, la femme.du roi, ses eunuques et les juges du pays..Il emmena pareillement captifs tous les plus vaillants guerriers de Juda, sept mille, les artisans, au nombre de mille, et tous les hommes robustes et belliqueux; il tablit roi, la place de Joachin, Matthanias, son oncle, et il l'appela Sdcias. C'est avec le texte des Paralipomnes qu'il faut terminer le sommaire de tout ces rgnes lamentables. Sdcias avoit vingt-un ans quand il commena rgner, et il rgna onze ans Jrusalem. Et il fil le mal en la prsence du Seigneur son Dieu, et il ne respecta point le prophte Jrmie qui lui parloit de la part du Seigneur. Il se rvolta aussi contre le roi Nabuchodonosor qui il avoit jur fidlit au nom de Dieu. Et il endurcit sa tte et son cur pour ne plus retourner au Seigneur, le Dieu d'Isral. Et, en mme temps, les princes des prtres ainsi que le peuple s'abandonnrent toutes les abominations des gentils et profanrent le temple que le Seigneur avoit sanctifi pour lui Jrusalem. Or, le Seigneur, le Dieu de leurs pres, leur .parloit souvent par ses envoys, apparoissant la nuit, et donnant le jour des- avertissements, afin d'avoir pardonner son peuple et sa maison. Mais tous ils se moquoient des envoys de Dieu; ils ddaignoient ses paroles et se jouoient de ses prophtes; jusqu' ce qu'enfin la colre du Seigneur s'alluma contre son peuple et que le mal fut sans

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LUS ANGES

remde. Car il amena sur eux le roi des Chtfldens qui lua par le glaive leurs enfanta dans la maison de son sanctuaire, sans avoir piti ni des jeunes hommes, ni des jeunes filles, ni des vieillards. Dieu les livra tous entre ses mains; de mme que les vases du temple, grands et petits, tous les trsors de la maison de Dieu et de celle du roi et des princes qu'il fit emporter Babylone. Ensuite les ennemis brlrent le temple du Seigneur et renversrent les murs de Jrusalem, incendirent les tours et dtruisirent tout ce que la ville renfermoit de prcieux. Ceux qui chapprent au glaive furent emmens Babylone pour tre esclaves du roi et de ses fils, jusqu'au temps o le roi de Perse devint le matre, et o la parole du Seigneur, prononce par Jrmie, eut son accomplissement, c'est--dire jusqu' ce que la terre clbrt le repos du silence durant sa longue dsolation, tant que les soixante-dix ans n'toient pas couls. Le mme prophte, devenu le tmoin des malheurs qu'il avoil annoncs, ajoute encore au rcit du Livre des Rois et des Paralipomnes de lamentables dtails, et entre autres ceux-ci: Le roi de Babylone tant Rblatha, tua les fils de Sdcias aux yeux de leur pre et lit mourir tous les princes et les nobles de Juda. De plus il fit airacher les yeux Sdcias et l'envoya, charg de chanes, Babylone. Les Chaldens brlrent aussi le palais du roi et les maisons du peuple et renversrent les murailles de Jrusalem. El Nabusardan, gnral de leur arme, transfra Babylone les habitants et tout le peuple qui se trouvoit l. Il ne

DU LIVRE DES ROIS,

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laissa, dans le pays de Juda, que les plus pauvres, ceux qui n'avoient rien, et il leur donna des vignes et des citernes. Mais, peine les prophties de la ruine de Jrusalem et de la captivit de son peuple sont-elles accomplies, que la terre de l'exil devient elle-mme le thtre de nouveaux prodiges o les Anges sont encore l'uvre auprs de l'homme, et toujours comme les ambassadeurs du Ciel. C'est donc sous le titre des Anges de la captivit que nous allons passer en revue les merveilles opres au temps de la transmigration de Babylone. En cela, l'ordre de laBible, que nous suivons toujours exactement, n'est pas interrompu, car ce que nous allons dire est emprunt aux prophties et aux documents del Sainte criture, et tout se trouve reproduit la place et dans le temps mme o les faits miraculeux se sont manifests, et pour la gloire de Dieu, et pour l'enseignement des peuples. Ce qu'il y a d'admirable surtout dans ces vnements, c'est que le peuple vainqueur agit sous la main de la Providence, sans.se douter en rien du prodigieux avenir dont il est lui-mme l'instrument. Que de mystres cachs dans cette captivit de Babylone ! Quelle prparation la dcadence successive de la race royale de Juda et l'humble naissance du Fils de Marie! Quel acheminement la dsutude des observances purement figuratives!. Quelle divine conduite pour l'preuve des curs! Et comme elle explique la mprise des juifs charnels sur la gloire et sur le

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LES ANGES DU LIVRE DES ROIS.

rgne du Messie! Ainsi, quand Dieu veut faire voir qu'un ouvrage est tout de sa main, il rduit tout l'impuissance et au dsespoir ; puis il agit. Ces paroles de Bossuet qui s'appliquent l'entier dveloppement de l'histoire des peuples, sont videmment puises d'abord dans les grands faits de l'Histoire sainte.

LES ANGES
DE LA CAPTIVITE DE BABYLONE.
o^c

AjC

peuple de D i e u

a u x bords d e s

fleuves

de

Babylone.

Quel homme de foi, prouv par le malheur et la souffrance, ne tourne aussitt son cur et son me vers le Consolateur suprme? Point de doute que, sur la terre trangre, les exils de Sion n'aient compris le juste chtiment dont ils toient frapps ; point de doute qu'ils ne se soient convertis en grand nombre au Dieu de leurs pres. Or, les saintes conversions attestent le concours des Anges. Aussi, les temps de la captivit de Babylone ont-ils t fertiles en bndictions et en miracles; de nombreux tmoignages attestent donc la sollicitude du monde cleste auprs du peuple captif. Jugeons-en d'abord par l'hymne de l'exil que l'Ange a mis lui-mme dans la bouche du prophte :
Prs des fleuves de Babylone, De la triste Sion racontant les malheurs,

LES AiNGES Nous nous sommes assis... Hlas! il n'est personne Qui vienne consoler nos pleurs !

Aux saules du lointain rivage Nous avons suspendu nos luths silencieux. Le vainqueur nous disoit ( nous dans l'esclavage !) Chantez-moi quelque chant des Cieux.

Ah! comment, loin de la patrie, Chanter les chants sacrs que Sion n'entend plus? Et comment clbrer une cit chrie, Quand ses autels sont abattus?

Que mes doigts schent sur ma lyre, Et que ma langue en feu s'attache mon palais, Si pour Jrusalem la douleur qui m'inspire De mon cur s'efface jamais !

c Ruinez-la ! qu'elle prisse ! S'crioit la fureur des descendants d'Edom... Souviens-toi de leurs cris, Seigneur, dans ta justice ! Ils osoient blasphmer ton nom !

Malheur donc la race impure ! Malheur Babylone ! et, dans ses murs surpris, Gloire l'heureux vengeur qui vient, avec usure, De nos fers lui payer le prix !

Gloire, gloire la main puissante [)ui bientt va saisir les enfants criminels, Et qui les brisera sur la pierre vivante Des tabernacles ternels!

DE LA Cl'TIVirE DE BABYLONE.

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Ce cantique des exils est attribu Jrmie, et il prophtisent la fois la prise deBabylone, au temps de Cyrus, et le salut de la terre au temps du Messie. Car la pierre sur laquelle doivent tre briss les enfants, est le symbole de la pierre vivante (petra autem erat Christus), o doit se briser le joug du pch. Il est donc permis, aprs l'accomplissement des deux prophties, de donner ainsi, dans la traduction de l'hymne sacr, le vritable sens d'un vu qui, avec l'apparence et sous le voile d'une maldiction patriotique, se convertit aussitt en une merveilleuse bndiction.
oo

Daniel. Ananias.Blisal.Azarias

Bnis soient jamais les jeunes Isralites qui jusque dans la captivit mme, sous un ciel tranger, ont donn tous les sicles l'exemple d u n e inviolable fidlit aux commandements divins! Ils ont mrit l'assistance des Anges du Seigneur, et l'Ecriture en offre d'clatantes preuves. Daniel, nanias, Misal et Azarias (1) toient au nombre des enfants des rois et des princes de Juda, levs dans la sagesse, et que Nabuchodonosor avoit attaches son palais, en les faisant instruire dans toute
('1 ) On leur donna d'aulrcs noms dans le palais do Nabuchotlono^or. Daniel fut appel Balthassar; Ananias, Sirlrach; Mi.-aol, Misach;et Azarias, Abdnago ; mais nous leur laissons partout leur \rais noms,

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LES ANGES

la science des Chaldens. Ds leur jeune ge, ils ne vouloienl ni manger des viandes, ni boire des vins consacrs par l'idoltrie pour la table du roi. Dieu lit en mme temps, porte le livre sacr, que Daniel trouvt grce et faveur devant le chef des eunuques qui lui dit : Je crains le roi mon matre, qui ordonne qu'on vous serve des viandes et du vin de sa table! S'il voit vos visages plus maigres que ceux des autres jeunes gens de votre ge, vous serez cause de ma mort. Daniel rpondit Malasar, qui le chef des eunuques avoit confi Daniel, Ananias, Misalet Azarias : prouvez, je vous prie, vos serviteurs durant dix jours, et qu'on ne nous donne que des lgumes manger et de l'eau boire. Et aprs cela, regardez nos visages, et les visages des jeunes gens qui se nourrissent des viandes du roi; puis vous traiterez vos serviteurs selon ce que vous aurez vu vous-mme. Il les prouva donc ainsi pendant dix jours, aprs lesquels leur visage parut meilleur et plus frais que celui de tous les jeunes gens nourris des viandes du roi. Ainsi, Malasar gardoit la viande et le vin destins pour eux, et leur apportoit des lgumes. Or, Dieu leur donna la science et l'intelligence de tous les livres et de toute sagesse, et Daniel en particulier le don d'interprter les visions et les songes. Et l'poque laquelle le roi avoit ordonn qu'ils parussent tous devant lui tant arrive, le chef des eunuques les prsenta Nabuchodonosor. Et le roi les ayant fait parler, jugea qu'il n'y en avoit aucun parmi les autres jeunes gens qui galt Daniel, Ananias, Misal et Azarias. El alors ils restrent en sa prsence. Et sur toutes les

DE LA CAPTIVIT DE BABYLONE.

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questions que leur fit le roi, touchant la sagesse et l'intelligence, il trouva en eux dix fois plus de lumires que dans tous les devins et mages de son royaume. Quand l'criture nous montre Dieu auprs de quelques-uns de ses enfants privilgis, jusqu' dire, tantt qu'il agit sur d'autres mes en leur faveur, tantt qu'il donne h l'un d'eux la science et l'interprtation des choses mystrieuses, soyons srs que les Anges sont l, et que leur ministre auprs de l'homme s'exerce alors dans sa plnitude et avec des effets miraculeux, c'est--dire au del des lois ordinaires de la Providence. La vrit de cette observation, en ce qui concerne Daniel, Ananias, Misal et Azarias, sera bien plus frappante encore dans la suite des faits.
OQo

Suzanne.

Il seroit superflu de reproduire ici tout entire l'histoire si connue de la chaste Suzanne ; mais il est bon de voir comment l'Ange qui veilloit sur elle a pu concourir avec l'Ange d'un jeune prophte au salut et au triomphe de l'innocence calomnie. Fille d'Helcias, de la race sacerdotale, et femme de Joakim, de la tribu de Juda, l'un des riches habitants de Babylone durant la captivit, Suzanne, dont l'clatante beaut toit l'image de la puret de sa vie, fut nanmoins accuse d'avoir commis le mal.

LES ANGES

Ses accusateurs, comme on le sait, toient deux vieillards qui vouloient* au contraire, se venger perfidement de sa vertu, et ils osoient prtendre qu'ils l'avoient surprise seule avec son complice. Elle fut condamne mort sur leurs dpositions. Mais voici la prire que son Ange lui inspira devant ses juges : Dieu ternel, qui pntrez les plus profonds secrets et qui connoissez loutes choses, mme avant qu'elles arrivent, vous savez qu'ils ont port contre moi un faux tmoignage ; et voil que je vais mourir sans avoir rien fait de ce qu'ils ont invent pour me perdre ! L'criture ajoute aussitt : Dieu entendit sa voix, el, lorsqu'on la conduisoit au supplice, il suscita l'esprit sanctifi d'un adolescent nomm Daniel, qui s'cria d'une voix haute : Je suis innocent du sang de cette femme ! Alors, tout le peuple se tourna vers lui en demandant : Que veut dire celte parole que lu fais entendre? Et Daniel, debout au milieu d'eux, leur rpondit : Fils insenss d'Isral, avez-vous pu, sans examiner et sans savoir la vrit, condamner une fille d'Isral? Revenez donc pour la juger de nouveau, car ils ont port contre elle un faux tmoignage. Aussitt le peuple retourna au jugement, el les anciens dirent Daniel : Viens, el assieds-toi au milieu de nous, et apprends-nous comment Dieu t'a donn l'honneur de la vieillesse. Et Daniel dit au peuple : Sparez ces deux hommes l'un de l'autre; et je les jugerai. El, lorsqu'ils furent spars, Daniel appela l'un d'eux, et lui d i t : Homme vieilli dans le mal, les pchs que tu as com-

DE LA CAPTIVIT DE BABYLONE.

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mis retombent en ce moment sur ta lte. Toi qui renvois des jugements iniques ; toi qi opprimois les innocents et qui s.auvois les coupables contre l'ordre de Dieu, qui dit: Vous ne tuerez point le juste, vous ne. tuerez point l'innocent ! Maintenant donc, si lu as surpris cette femme, dis-moi sous quel arbre tu les a vus parler ensemble? Il rpondit : Sous un lentisque. Daniel reprit : Tu mens contre ta vie; car voici l'Ange de Dieu qui apporte sa sentence, et il te brisera par le milieu du corps. Et cet homme tant retir, Daniel fil venir l'autre, et il lui dit : Race de Chanaan, et non pas de Juda, la beaut t'a sduit et la passion a perverti ton cur. C'est donc ainsi que tu traitois les filles d'Isral, et dans leur effroi, elles te rpondoient; mais la fille de Juda n'a pas subi ton iniquit. Maintenant donc, dis-moi sous quel arbre tu les as trouvs se parlant l'un l'autre? Il rpondit : Sous un chne. Et Daniel reprit: Ton mensonge retombe directement sur ta tte. Voici l'Ange du Seigneur ; il est tout prt ; il tient le glaive ; il va vous percer tous deux et vous couper par le milieu du corps. Et, au mme moment, le peuple jeta un grand cri, bnissant Dieu qui sauve ceux qui esprent en lui. Et tous ils s'levrent contre les deux vieillards (car Daniel les avoit convaincus de faux tmoignage par leur propre bouche), et ils leur infligrent le mal qu'eux-mmes avoient voulu faire leur prochain. La loi de Mose fut excute; on les lit mourir, et le sang innocent fut sauv en ce jour-l. Tout dmontre, dans cette grande scne, la prsence des Anges. Ils animent la fois et la douce prire de

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LES ANGES

Suzanne et la terrible parole de Daniel. Une Femme timide appelle hautement, devant ses juges et devant tout le peuple, le secours de Dieu ; et un jeune enfant parle avec plus d'autorit qu'un ancien d'Isral. On peut mme dire, avec certitude, que si Daniel n'et pas reu l'inspiration divine et si les Anges ne lui eussent pas rvl tout d'abord la vrit des faits, il n'auroit pas eu le droit de tenir ce mme langage aux coupables vieillards, avant de les avoir confondus l'un par l'autre. Aussi a-t-il invoqu contre eux l'Ange du Seigneur prsent ses yeux, le glaive la main, et tout prt excuter la cleste justice. Gloire.donc au Dieu vengeur des crimes! Honneur ses Anges et ses prophtes !

P r e m i e r s o n g e le Nfabuchotloiiosor.

La mission de Daniel va s'agrandir, au souffle des Anges. Ce n'est plus seulement pour le salut de quelque Isralite, mais c'est pour la gloire de Dieu, pour la consolation de son peuple, et pour l'enseignement de tous les sicles, que le jeune prophte est clair des clestes visions. Mme en nous bornant ici aux rvlations intimement lies l'histoire de la captivit de Babylone, tout l'avenir de l'uvre providentielle s'y trouve prophtis.

DE LA CAPTIVIT DE BABYLONE.

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Nabuchodonosor eut un songe qui le troubla, mais sans laisser aucune trace clans sa mmoire. Aussitt, il consulta tous les devins et tous les sages de son royaume et leur enjoignit de retrouver le fond et les dtails du songe. Mais ils rpondirent : Seigneur, nul homme sur la terre ne peut faire ce que vous commandez; et il n'y a point de roi, quelque grand et quelque puissant qu'il soit, qui ail jamais demand rien de semblable aux devins et aux magiciens cle Ghalde. Car ce que vous voulez, roi! est si difficile, que vous ne trouverez personne qui vous le dise, except les dieux qui n'ont point de commerce avec les hommes. A cette rponse le roi entra en fureur, et il ordonna qu'on ft mourir tous les sages de Babylone.., Sans entrer dans ls autres dtails du rcit biblique, disons immdiatement ce qui se rapporte l'uvre des Anges : Alors, le songe fut rvl Daniel dans une vision durant la nuit, et il glorifia le Dieu du Ciel en disant : Que le nom du Seigneur soit bni dans tous les sicles, comme il l'a t ds le commencement, car la sagesse et la force sont lui seul. C'est lui qui change les temps elles ges, qui transfre les royaumes, comme il.les tablit. C'est lui qui donne la sagesse aux sages et la science ceux qui sont clairs. C'est lui qui r vle les choses les plus profonds et les plus caches, qui voit ce qui est dans les tnbres et la lumire est avec lui. Je vous rends grce et je vous bnis, Dieu de nos pres ! de ce que vous avez accord nos prires la rvlation de ce que dsire le roi. El Daniel ayant paru devant Nabuchodonosor, le

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LUS ANGES

prince lui dit : Croyez-vous pouvoir me dcouvrir vritablement ce que j'ai vu en songe, et m'en donner l'explication? Et Daniel rpondit au roi : Les sages, les mages, les devins et les augures ne peuvent, rien en apprendre au roi. Mais, roi Nabucbodonosor! il y a au ciel un Dieu qui rvle les mystres, et qui vous a montr les choses qui doivent arriver dans les derniers temps. Voici donc le songe et les visions que vous avez eus lorsque vous reposiez sur votre couche. Vous avez commenc, roi ! mditer durant la nuit ce qui doit arriver dans les temps futurs. El celui qui ouvre les mystres vous a ouvert l'avenir. Et ce mme secret m'a t rvl aussi non par une sagesse qui soit en moi plus que dans les autres mortels, mais afin que l'interprtation en ft donne au roi et que vous pussiez vous rappeler vos penses. O roi ! vous avez regard, et voici qu'il vous est apparu comme une grande statue: et celte statue norme, et d'une hauteur prodigieuse, toit debout devant vos yeux, et son aspect toit effrayant. La tte de cette statue toit d'or trs-pur; et les bras et la poitrine d'argent; et le ventre et les cuisses d'airain ; et les jambes de fer; une partie des pieds toit de fer et l'autre d'argile. Et vous aviez cette vision, lorsqu'une pierre fut dtache de la montagne, sans la main d'aucun homme, et elle frappa la statue dans ses pieds de fer et d'argile, et elle les brisa. Alors le fer, l'argile, l'airain, l'argent et l'or se brisrent ensemble et devinrent comme la poussire qu'un vent d't emporte d'une place; et le lieu o ils toient ne se trouva plus ; mais la pierre qui avoit frapp la statue devint une grande

DE LA CAPTIVIT HE BABYLONE.

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montagne qui remplit toute la terre. Voil votre songe, roi ! et j'en dirai aussi devant vous l'explication. Vous tes le roi des rois, et le Dieu du ciel vous a donn l royaume, la force, l'empire et la gloire. Et il amis dans vos mains tout ce qui est peupl par les hommes, par les animaux et mme par les oiseaux du ciel ; et il a soumis toutes choses votre puissance. Vous tes donc la tte d'or. Et aprs vous s'lvera un royaume d'argent, c'est--dire moindre que le vtre ; puis un troisime royaume qui sera d'airain et dominera sur toute la terre ; et le quatrime royaume sera comme le fer ; et, de mme que le fer brise et renverse toutes choses, ainsi il abattra et brisera. Or, comme vous avez vu que les pieds de la statue et leurs doigts toient en partie d'argile et en partie de fer, ce royaume, quoique venant d'une origine de fer, sera divis selon le mlange du fer avec la terre et l'argile; et quant aux doigts des pieds en partie de fer, et en partie d'argile, les restes de ce royaume seront affermis en partie, et briss en partie. Et comme vous avez vu le fer ml avec l'argile, ces restes du royaume se mleront ensemble par les moyens humains, mais ils ne s'uniront pas plus que le fer ne peut s'unir avec l'argile. Et, dans le temps de ces royaumes, le Dieu du ciel suscitera un royaume qui jamais ne prira, un royaume qui ne passera point un autre peuple, mais qui brisera et consumera tous ces royaumes et dont la dure sera ternelle : c'est l ce que signifie la pierre que vous avez v u e e t qui, arrache de la montagre sans la main d'aucun homme, a bris l'argile, le fer,
IL u

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LES ANGES

l'argent- et For. Le grand Dieu dvoile ainsi l'avenir au roi. Le songe repose sur la vrit et voil sa fidle interprtation. Alors le roi Nabuchodonosor se prosterna la face contre terre et adora Daniel ; et il fit venir des victimes et de l'encens pour lui offrir des sacrifices. Et le roi s'adressant ensuite Daniel lui dit : Votre Dieu est vritablement le Dieu des dieux et le Seigneur des rois ; et il rvle les choses caches, puisque vous avez pu dcouvrir ce mystre. Alors le roi exalta Daniel, lui fit de nombreux et magnifiques prsents, l'tablit prince sur toutes les provinces deBabylone, et le premier des magistrats au-dessus de tous les sages du royaume. Et, sur la demande de Daniel, le roi ordonna que Ananias, Misal et Azarias exerceroientl'autorit dans les affaires de la province de Babylone : et Daniel loit lui-mme dans le palais du roi. En voyant Nabuchodonosor tomber aux pieds du prophte et vouloir lui offrir des sacrifices, nous sommes bien srs, malgr le silence du texte, que Daniel ne les a point accepts, et qu'il a ramen lui-mme toutes les penses du roi aux hommages d'adoration et de reconnoissance envers Dieu seul. Sous ce rapport, il n'y a ni doute possible ni question srieuse ; mais il est permis de demander pourquoi le roi de Babylone avoit oubli son propre songe, et pourquoi la rvlation en est faite directement Daniel? N'est-ce pas pour manifester hautement que, dans ce miracle, Dieu avoit en vue bien plutt son peuple que le roi idoltre et le peuple infidle? Le songe de Nabuchodonosor n'toit donc que l'occasion de l'enseignement sacr, dont le

DE LA. CAPTIVTTti DE BABYLONE,

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but se rapportait tout Isral et au monde entier. Et voil pourquoi le jeune prophte, clair par les Anges, explique tout le mystre du songe providentiel et dveloppe, dans leurs successives destines, les royaumes passs en revue : d'abord, le premier royaume, royaume d'or, c'est--dire le royaume des Chaldens ; puis le second royaume, le royaume d'argent, c'est-dire le royaume des Perses et des Mdes ; ensuite le royaume d'airain, c'est--dire le royaume d'Alexandrele-Grand et de ses successeurs; enfin, le quatrime royaume, royaume de fer, c'estr-dire l'empire des Romains ; et, sur ce dernier empire tombera la pierre foudroyante. Cette pierre, elle vient de la montagne, ce qui s'entend de la plus haute lvation, ou du Ciel
mme, et sans la main d'aucun homme, ce qui montre la

main de Dieu. Pierre figurative, elle a dj offert son symbole la foi de Jacob dans la vision de Bthel ; la foi du peuple de Dieu dans les eaux voques du rocher parla verge miraculeuse; la foi des prophtes de la captivit dans les vux du cantique de l'exil ; et elle l'offrira encore ce symbole la foi de toute l'glise du Christ, au moment o son immuable base sera fonde par la divine parole. Mais que la pense humaine ne s'y mprenne pas ! cette pierre toute-puissante ne renverse ni le glaive, ni le sceptre, ni rien de ce qui est terrestre dans la constitution de l'empire qu'elle frappe. Elle a une force toute autre ; elle attaque le fond des curs et des mes ; elle dissipe l'erreur et le mensonge ; elle claire l'intelligence; elle rectifie les conseils; elle redresse les volonts, et. elle convertit l'amour ler24.

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LES ANGES

nel l'amour gar des cratures. Voil l'irruption, voil l'branlement, voil la puissance, voil le triomphe prophtis! et cette merveille est ainsi divulgue l'avance aux oreilles de toutes les nations.

L e s t r o i s j e u n e s H b r e u x d a n s la f o u r n a i s e .

Dans ce miraculeux pisode de la captivit de Babylone, il n'est pas besoin, pour tablir la prsence des esprits clestes, de recourir des inductions et des preuves thologiques. Un Ange apparat au milieu mme de la flamme allume pour le supplice des jeunes martyrs de la foi d'Isral, et il les prserve de toute atteinte. Nous abrgeons la narration jusqu'au moment o la merveille clate dans toute sa vrit biblique. Un dit de Nabuchodonosor enjoignoit tous les habitants de son royaume d'adorer une statue d'or de soixante coudes de haut et de six coudes de large, qu'il avoit fait fabriquer lui-mme; et tous ceux qui oseraient refuser cette adoration dvoient tre jets dans une fournaise ardente. Ananias, Misal et Azarias refusrent (1); ils furent dnoncs au roi, puis, amens en sa prsence et
(1) Daniel toit sans doule absent, disent les interprtes.

DE LA CAPTIVIT DE BABYLONE.

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interrogs par lui, ils rpondirent: Le Dieu que nous adorons peut nous retirer des flammes et nous arracher de vos mains, roi ! et lors mme qu'il ne le voudrait pas, sachez, roi ! que nous n'adorons ni vos dieux ni la statue d'or que vous avez leve. A ces mots Nabuchodonosor entra en fureur et jeta des regards terribles sur Ananias, Misal et Azaias ; et il ordonna que le feu de la fournaise ft sept fois plus ardent qu' l'ordinaire. Et il les fil lier et jeter au milieu de celle fournaise dont les flammes consumrent ceux-l mme qui pour excuter l'ordre s'en toient approchs; tandis que les trois jeunes Hbreux, libres de leurs liens que
le feu brla, se promenaient au milieu de la louant et bnissant le Seigneur. flamme

Aprs avoir redit toutes les paroles d'Azarias, l'criture continue ainsi : Les hommes du roi ne cessoient d'entretenir la fournaise avec du bitume, de l'toupe, de la poix et du sarment. Et les tourbillons de flamme s'levoient de la fournaise quarante-neuf coudes, et s'lanant au dehors ils brlrent les Chaldens qui s'toient approchs des bords. Or I'ANGE DU SEIGNEUR toit descendu prs d'Azarias et de ses compagnons clans la fournaise, et car tant les flammes, il y introduisoit comme une brise et une rose du matin ; et ils ne furent pas mme touchs par le feu et n'en reurent aucune espce d'atteinte ; et ils adressoient ensemble Dieu un cantique de louange, de gloire et de bndiction. C long cantique est aussi tout entier dans le texte saint, et l'glise le place avec bonheur dans sa liturgie.

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LES ANGES

Ainsi s'enchanent les actions de grces de tous les sicles envers la paternelle Providence. Alors, reprend l'criture, le roi Nabuchonosor fut dans la stupeur; il se leva prcipitamment, et il dit aux grands de sa cour : N'avons-nous pas jet ces trois hommes au milieu du feu et chargs de liens? Et ils rpondirent : Oui, seigneur. Et le roi ajouta : Mais je vois quatre hommes marchant librement au milieu du feu, et le quatrime est semblable au Fils de Dieu ! Puis Nabuchonosor s'approcha de l'entre de la fournaise ardente, et il dit : Ananias, Misal et Azarias, serviteurs du Dieu du ciel, sortez et venez ! Et aussitt Ananias, Misal et Azarias sortirent du milieu des llammes. Ensuite, les satrapes, les magistrats, les juges et les grands du royaume s'tant assembls, contem^ plrent ces jeunes hommes, sur lesquels le feu n'avoit eu aucune prise, de telle sorte que pas un seul de leurs cheveux n'toit brl, que leurs vtements n'en avoient rien souffert et mme n'exhaloient aucune odeur de flamme. Et Nabuchodonosor s'cria : Bni soit leur Dieu, le Dieu d'nanias, de Misal et d'Azarias, qui a envoy son Ange et a dlivr ses serviteurs pleins de foi en lui, qui ont rsist au roi et ont prfr livrer leur corps plutt que de rendre leurs services et leurs adorations un autre dieu que leur Dieu! J'ordonne donc que quiconque, de quelque peuple, de quelque tribu, de quelque province que ce soit, qui aura blasphm le Dieu d'Ananias, de Misal et d'Azarias, soit mis mort, que sa maison soit dvaste, car il n'y a point d'autre Dieu d'o puisse venir ainsi le salut. Alors

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le roi rtablit Ananias,.Misal et Azarias dans leurs charges sur les provinces de Babylone. Leur cleste protecteur dans la fournaise avoit paru si admirable Nabuchodonosor, qu'il croyoit voir le Fils de Dieu; mais ensuite il lui donne avec l'criture son vritable nom : c'toit l'Ange du Seigneur.
t>o

N o u v e a u s o n g e d e UVabuehodonosor.

C'est encore au souffle de l'Ange rvlateur que l'un des prophtes de la captivit va faire tomber un roi superbe aux pieds du Roi des rois. Nabuchodonosor ayant eu un nouveau songe que nul des devins et des mages de Chalde ne pouvoit c interprter, fit venir Daniel, et lui dit : < .... Je sais que vqus avez en vous-mme l'inspiration des dieux saints, et que, dans les mystres sacrs, rien n'est impntrable pour vous. Rvlez-moi donc mes songes en me les expliquant. Voici la vision qui est apparue mon esprit sur ma couche. Je regardois, et, tout coup, j'ai vu un arbre au milieu de la terre, et sa hauteur toit prodigieuse; un arbre tellement grand et fort qu'il touchoit au ciel et s'tendoit jusqu'aux extrmits de la terre. Ses feuilles loient admirables et ses fruits nombreux. 11 portoit la nourriture du monde entier. Les animaux et les btes des champs habitoient sous

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LES

ALNGES

son ombre ; les oiseaux du ciel cbantoient sur ses branches, et toute crature trou voit sa vie en lui. Lors donc que, sur ma couche, j'avois en esprit celte vision, voil que l'Ange saint qui veille descendit du ciel et s'cria d'une voix clatante : Abattez l'arbre et coupez ses branches ! secouez ses feuilles et dispersez ses fruits ! que les animaux qui habitent sous son ombre et que les oiseaux de son feuillage s'enfuient au loin ! Pourtant, laissez en terre le germe de ses racines ; mais qu'il soit entour de liens de fer et d'airain, parmi les plantes de la terre ; qu'il reoive la rose du ciel et qu'il partage avec les animaux l'herbe des champs. Que son cur n'ait plus, rien de l'homme et qu'un cur de ble sauvage lui soit donn, et que le temps change sept fois sur lui. C'est la sentence de ceux qui veillent; c'est la parole, c'est la demande des saints : jusqu' ce que les mortels sachent que le Trs-Haut a seul l'empire sur les royaumes des peuples, qu'il les donne qui il lui plat et qu'il les met entre les mains du plus humbles d'entre les hommes. Tel est le songe que j'ai eu, moi, Nabuchodonosor, roi. Htez-vous donc de m'en donner l'explication. Alors Daniel, aprs avoir mdit un moment et avoir rpt en dtail toutes les parties du songe, rpondit : Voici l'interprtation de la sentence du Trs-Haut porte contre le roi, mon seigneur : On vous chassera du milieu des hommes, et vous habiterez avec les animaux des champs et des forts, cl vous mangerez l'herbe comme le taureau, el la rose du ciel tombera sur vous, el sepl annes s'couleront

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sur vous jusqu' ce que vous sachiez que le Trs-Haut est le matre absolu des royaumes des peuples, el qu'il les donne qui il lui plat. Quant l'ordre de rserver le germe des racines de l'arbre, il signifie que votre royaume vous sera laiss, aprs que vous aurez reconnu que la puissance vient du Ciel. C'est pourquoi agrez, roi ! mon conseil; rachetez par l'aumne vos pchs, et par la misricorde envers les-pauvres toutes vos iniquits ; et peut-tre alors le Seigneur vous les pardon nera-t-il. II en arriva ainsi u roi Nabuchodonosor. Douze mois aprs, il se promenoit dans le palais de Babylone el il disoit: N'est-ce pas l cette grande Babylone dont j'ai fait le sige de mon empire, dans la force de ma puissance, et comme le signe de ma gloire? El, au moment mme o ces mots sortoient de la bouche du roi, une voix venant du Ciel s'cria : Roi Nabuchodonosor, il t'est dit : Ta puissance va passer loin de toi ; et tu seras chass du milieu des hommes, et tu habiteras avec les animaux des champs et des forts ; et lu mangeras l'herbe comme le taureau, et sept annes s'couleront sur toi, jusqu' ce que tu saches que le Trs-Haut est le matre absolu des royaumes des peuples et qu'il les donne qui il lui plat. Et cette parole fut accomplie l'heure mme, en la personne de Nabuchodonosor; et il fut chass loin des hommes et il mangea l'herbe coiriine un buf; et son corps fut Iremp de la rose du ciel, en telle sorte que ses cheveux ressemblrent aux plumes de l'aigle el ses ongles aux griffes des oiseaux. -

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la suite de cette narration, le Livre de Daniel met ces paroles dans la bouche du roi : A la fin des jours marqus, moi, Nabuchodonosor, je levai les yeux au Ciel, et ma raison me fut rendue ; et j'ai bni le TrsHaut, et j'ai lou et glorifi Celui qui vit ternellement parce que son royaume est ternel et s'tend de gnration en gnration. Et tous les habitants de la terre sont comme le nant devant lui. Il fait ce qu'il veut des puissances du Ciel et des peuples de la terre. Et nul ne peut ni lui rsister ni lui demander : Pourquoi faitesvous ce que vous faites? En mme temps que ma raison me revenoit, j'ai retrouv l'honneur et la dignit de mon rgne ; j'ai repris mon ancienne attitude ; les grands de ma cour et les magistrats m'ont recherch, j'ai t rtabli sur mon trne et avec une splendeur plus grande que jamais. Maintenant donc, moi, Nabuchodonosor, je publie la louange, la grandeur et la gloire du Roi des cieux; car toutes ses uvres sont dans la vrit, tous ses sentiers dans la justice, et il lui appartient d'humilier ceux qui marchent dans les voies de l'orgueil. La forme du rcit dmontre clairement que Nabuchodonosor a proclam lui-mme en son propre nom ces faits prodigieux, pour s'humilier davantage encore sous la main du Dieu que son orgueil avoit offens. Aussi la proclamation royale est-elle revtue de cette formule qui termine les dtails du miracle de la fournaise ardente et qui prcde celui de l'accomplissement du songe prophtiquement expliqu : Nabuchodonosor, roi, tous les peuples et nations de toute langue dans l'u nivers : Que la paix abonde au milieu

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de vous. Le Dieu Trs-Haut a opr des miracles et des merveilles devant moi. Il me plat donc de publier ces miracles cause de leur grandeur, et ces merveilles cause de leur puissance ; car son empire est un empire ternel et il s'tend sur toutes les gnrations. Jetons maintenant un coup d'il rtrospectif sur toute cette partie de l'Histoire sainte. Quelle magnifique Providence ! c'est par la voix des captifs que la gloire de Dieu est manifeste ; ce sont des enfants prisonniers dans le palais des rois de Babylone qui rpandent sur les choses mystrieuses la lumire divine. L'innocence de la plus pure des femmes isralites est calomnie ; et, voil qu'une anglique inspiration donne Daniel, encore adolescent, la force de juger, de confondre et de punir, en prsence et aux applaudissements de toutle peuple fidle, les vieillards imposteurs. Un songe prophtique est envoy au roi idoltre ; et il se trouve que l sont annoncs les plus grands vnements des sicles venir, et surtout le rgne ternel du Christ; et le jeune prophte, clair parles Anges, en explique non-seulement pourNabuchodonosor, mais pour Isral et pour les races futures, toutes les obscurits ! Le roi idoltre s'enfle d'orgueil ; il veut se faire adorer, et il condamne au supplice du feu les jeunes Isralites qui rservent Dieu seul leurs adorations. Aussitt l'Ange du Seigneur vient leur secours ; les flammes respectent les enfants d'Isral, qui se promnent dans la fournaise, en chantant des cantiques d'actions de

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grces ; et ils en sortent triomphants, sur Tordre du prince merveill de ce miracle. Le mme roi retombe dans l'illusion de sa vaine gloire ; mais, la voix d'un Ange, et en excution d'une prophtique sentence, il est immdiatement raval l'tat des brutes; et ce chtiment dure sept annes. Enfin, Nabuchodonosor, pleinement guri, proclame lui-mme et sa faute, et son expiation,et son hommage au Dieu seul digne des honneurs du culte sacr. O sont les incrdules ? Ils ne seroient ni les amis de Dieu, ni les amis des peuples, ni les amis des rois. Ils ne seroient pas les amis de Dieu; car quel plus grand exemple de providentielle sagesse le Pre commun de tous les hommes auroit-il pu exposer aux yeux de l'univers? Ils ne seroient p a s non plus les amis des peuples ; car n'y a-l-il pas l un frein contre les plus prilleux excs du despotisme? Ils ne seroient pas davantage les amis des rois ; carne leur teroient-ilspas un admirable rayon de lumire, en les dispensant de mditer cette puissante leon? Le livre des livres est donc inspir, dans ce monument plac sous l'il des sicles, de mme que dans tous l e s autres faits et dans tous les autres enseignements bibliques. Mais revenons cette observation premire, que les merveilles du temps de Nabuchodonosor arrivoient au milieu de l'idoltrie alors victorieuse, comme au milieu de la ruine extrieure du peuple d'Isral alors captif. Et dj s'excute ce jeu divin du Roi des rois, qui choisit les instruments les plus foibles et les plus vils aux

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yeux du monde, pour confondre les sages elles grands,


de la I e r r e .

OQO

P r o p h t i e s d e Ea prise de ISahylone et de la d l i v r a n c e d e s c a p t i f s d e J u d a e t d'Isral.

Voyons dans leur enchanement textuel les magnifiques oracles dicts par les Anges : Plusieurs sicles l'avance, Isae s'crioit : Cieux, chantez le Seigneur ; il a signal sa misricorde. Extrmits de la terre, tressaillez d'allgresse. Montagnes et forts, arbres et arbustes, retentissez du cri des louanges; car le Seigneur a rachet Jacob. Il a mis sa gloire dans Isral. Voici ce que dit ton Dieu, ton Rdempteur; celui qui t'a form dans le sein de ta mre : Je suis le Seigneur, Crateur de toutes choses. Moi seul j'ai dploy les cieux, et j'ai affermi la terre. Je dconcerte la science des magiciens et je montre la dmence des devins. Je renverse la sagesse des sages et j'en manifeste l a folie. Je parle par mon serviteur et j'accomplis les oracles de mes prophtes. C'est moi qui dis Jrusalem : Tu seras repeuple ; et aux villes de Juda : Vous serez rebties et je ressusciterai vos campagnes dsertes; c'est moi qui dis l'abme : Epuisetoi, et que tes fleuves soient desschs. C'est moi qui dis Cyrus : Tu, es mon pasteur et tu excuteras tous mes ordres. C'est moi qui dis Jrusalem : Tu seras

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rebtie; et au temple : Tu te relveras sur tes fondements. Voici donc ce que dit le Seigneur Cyrus : J'ai dit mon Christ, que j'ai pris par la main, pour lui assujettir les nations, pour chasser les rois, pour lui livrer les portes des villes, sans qu'aucune reste ferme en sa prsence: Je marcherai devant toi; je redresserai les sentiers tortueux; je romprai les barres de fer, et je briserai les portes d'airain. Je te donnerai des trsors cachs; tu pntreras les choses secrtes, et tu sauras que je suis le Seigneur, le Dieu d'Isral qui t'ai appel par ton nom, pour Jacob, mon serviteur, pour Isral, mon lu. Je t'ai appel par ton nom et je l'ai joint un autre nom, et tu ne m'as pas connu. Je suis le Seigneur et il n'y en a point d'autre; hors de moi il n'y a point de Dieu. C'est moi qui t'ai mis les armes la main, et tune m'as pas connu. Afin que de l'Orient l'Occident l'univers sache que rien n'existe sans moi, je suis le Seigneur et il n'y en a point d'autre. Je cre la lumire et je forme les tnbres, je donne la paix et je suscite les flaux.
CLEUX, VERSEZ VOTRE ROSE D'EN HAUT ! N U E S , DONNEZ LE JUSTE COMME LA PLUIE ! QUE LA TERRE S'OUVRE; QU'ELLE ENFANTE SON SAUVEUR, ET QUE LA JUSTICE

Je suis le Seigneur et je l'ai cr. Malheur l'homme qui s'lve contre son Crateur ! lui, vase de terre. Kst- ce que l'argile dit au potier : Que fais-tu, ta main n'est pas habile? Malheur celui qui dit son pre : Pourquoi m'avez-vous engendr? Et sa mre : Pourquoi m'avez-vous enfant? Voici donc
NAISSE AVEC LUI.

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ce que dit le Seigneur, le Saint d'Isral et le Crateur : Interrogez-moi sur l'avenir, sur mes enfants et sur l'uvre de mes mains : c'est moi qui ai fait la terre ; c'est moi qui ai cr l'homme pour l'habiter. J'ai dploy les cieux comme une tente, et j'ai donn mes ordres l'arme des astres. C'est moi qui l'ai suscit (ce Sauveur) dans ma justice, et j'aplanirai devant lui les sentiers. Il rebtira ma cit et il dlivrera lescaptifs sans ranon et sans offrandes, dit le Seigneur, le Dieu des armes (1). Ces dernires paroles, dans lesquelles le librateur est encore indiqu, mais sans aucun nom et sans aucune marque exclusive, s'appliquent donc tout la fois la dlivrance spirituelle comme la dlivrance temporelle du peuple de Dieu; et la double intention prophtique est ainsi parfaitement suivie et maintenue et pour la Jrusalem de la terre et pour la Jrusalem du Ciel. Les prdictions, dictes par l'Ange Jrmie, sans nommer Cyrus, ne sont pas moins explicites que celles d'Isae, soit contre Babylone, soit pour la dlivrance du peuple captif : Annoncez et faites entendre ceci aux nations : Levez l'tendard, publiez tout et ne cachez rien; Babylone est prise, Bel est confondu, Mrodach est renvers, leurs statues sont brises, leurs idoles sont foules aux pieds. Un peuple est mont contre Babylone du ct de l'Aquilon;.il rduira son territoire en solitude, et nul depuis l'homme jusqu'aux
{]) Isai,xuv etxLV.

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animaux, ne l'habitera plus; ils ont pris la fuite et ils ont disparu. En ces jours-l et en ce temps-l, dit le Seigneur, les enfants d'Isral et de Judairont ensemble, s'avanant la hte et pleurant, au-devant du Seigneur leur Dieu. Ils demanderont le chemin de Sion, et tous leurs regards seront tourns vers elle. Us arriveront et ils s'uniront au Seigneur par une alliance ternelle et dont la mmoire ne s'effacera jamais... Et plus loin: Isral est comme un troupeau de brebis diperses; les lions l'ont mis en fuite. Le roi d'Assur l'a dvor le premier; et Nabuchodonosor, roi de Babylone,son dernier ennemi, a bris tous ses os. C'estpourquoi voici ce que dit le Seigneur des armes, le Dieu d'Isral : Je visiterai le roi de Babylone et son royaume comme j'ai visit le roi d'Assur; et je ramnerai Isral dans sa demeure; il rentrera dans ses pturages du Carmel et de Bas an, et son me sera rassasie dans la montagne d'Ephram et en Galaad.... Comment le marteau de toute la terre est-il bris, et rduit en poudre ? Comment celte Babylone des nations est-elle change en un dsert? Je t'ai enlace et tu es prise, Babylone ! et tu ne l'as pas prvu ; te voil surprise et emporte d'un seul coup, parce que tu as provoqu la colre du Seigneur.... Glaive sur les Chaldens, dit l'Ange de Dieu, sur les habitants de Babylone, sur ses princes et sur ses sages. Glaive sur ses devins qui seront comme des insenss. Glaive sur ses vaillants guerriers qui trembleront.

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Glaive sur ses coursiers et sur ses c / t a r s , et sur tout le peuple enferm dans son sein et qui semblera un peuple de femmes. Glaive sur ses trsors qui seront pills. Aridit sur ses eaux et elles seront dessches : car cette terre esl la terre des idoltres, et elle se glorifie de ses monstres. C'est pourquoi le dragon du dsert y fera sa demeure avec les reptiles; elle sera l'asile des autruches, mais elle n'aura plus ni habitants ni habitations, dans des temps avenir. L'Ange du Seigneur place ensuile sous les yeux du prophte cette symbolique comparaison devenue applicable la Babylone de l'Occident : Babylone est dans la main de Dieu comme une coupe d'or qui enivre toute la terre. Les nations ont bu son vin et elles en sont branles. Jrmie avoit fait un livre de ses prdictions contre Babylone, et il le remit Saraas, Vun des premiers entre les prophtes, en lui disant, au moment o il alloiL en captivit avec le roi Sdcias : Lorsque vous serez arriv Babylone et que vous aurez vu et lu toutes ces paroles, vous direz : Seigneur, vous avez parl contre cette cit pour la perdre, de telle sorte qu'elle n'ait plus d'habitants, ni hommes, ni troupeaux, et qu'elle devienne une ternelle solitude. Et quand vous aurez achev la lecture de ce livre, vous rattacherez une pierre et vous le jetterez au milieu de UEuphrate, et vous direz : C'est ainsi que Babylone sera submerge. Elle ne se relvera plus du flau donlje vais la frapper, et elle sera perdue pour jamais.
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Maintenant, il faut raconter la dernire et prodigieuse menace du sort de Babylone. Ici, l'Ange des justices s'unit l'Ange des rvlations pour clairer tous les sicles.
oS>c

Festin de Balthazar. L'Ange Cyrus.

exterminateur.

Dj le long rgne de Nabuchodonosorll et le court rgne d'vilmrodach, son fils, avoient pass durant la captivit d'Isral. Balthazar leur avoit succd, etle moment fix par les oracles pour le chtiment de Babylone toit arriv. L'Ange du Seigneur et son.prophte Daniel vont donc reparotre encore pour annoncer la vengeance divine. L'criture reprend son rcit en ces termes : Le roi Balthazar donna un grand festin mille d'entre les grands de sa cour, et chacun buvoit selon son ge. Et comme il toit dj enivr, il ordonna que les vases d'or et d'argent que Nabuchodonosor avoit enlevs du temple de Jrusalem fussent apports, afin que le roi pt s'en servir avec ses femmes, ses concubines et ses courtisans, pour boire encore. On apporta donc les vases d'or et d'argent que Nabuchodonosor avoit enlevs du temple de Jrusalem, et le roi s'en servit pour boire avec ses courtisans, ses femmes et ses concubines. Ils buvoient ainsi le vin et clbroient les

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louanges de leurs dieux d'or et d'argent, d'airain et de fer, de bois et de pierre. Au mme moment, on vit apparatre des doigts comme d'une main d'homme, crivant vis--vis du candlabre, sur la muraille de la salle du roi; et le roi suivoit des yeux le mouvement de la main qui crivoit; et le visage du roi changea, et ses penses se troublrent, et les nerfs de ses reins s'affoiblirent, et ses genoux s'agitoienl l'un contre l'autre. Le roi jeta donc de grands cris pour faire appeler les magiciens, les Ghaldens et les augures, et il dit aux sages de Babylone.: Quiconque lira cette criture et m'en donnera l'explication sera vtu de pourpre, aura un collier d'or et sera le troisime de mon royaume. Et tous les sages du roi tant venus, nul ne put lire l'criture ni l'interprter: ce qui augmenta le trouble du roi Balthazar jusqu' changer entirement son visage et jeter l'pouvante parmi les grands de sa cour. Alors la reine, mue de ce qui arrivoit au roi et ses convives, entra dans la salle du festin et lui dit : 0 roi ! vivez jamais ; que vos penses ne se troublent point, et reprenez le calme de votre visage. Il est, dans votre royaume, un homme clair de l'esprit des dieux saints, en qui on a reconnu plus de science et de sagesse qu'en aucun autre sous le rgne de votre pre. C'est pourquoi le roi Nabuchodonosor, votre pre, le mit. au-dessus des magiciens, des enchanteurs, des Ghaldens et des augures ; oui, votre pre, roi ! parce que l'esprit lev, la prudence, l'intelligence et l'interprtation des songes, la rvlation des mystres et la solution des questions obscures lui appartenoient, lui
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Daniel, que le roi nomma aussi Balthassar. Que Daniel soit donc appel et il expliquera cetle criture. Aussitt Daniel fut introduit devant le roi, et le roi lui dit : Tu es Daniel, l'un des enfants de la captivit de Juda que le roi mon pre amena de la Jude. J'entends dire que tu as l'inspiration des dieux, et qu'il y a en toi plus de science, de lumire et de sagesse qu'en aucun autre. Et, tout l'heure, les sages et les magiciens sont venus devant moi pour lire et pour interprter celte criture, et ils n'ont pu m'en donner le sens. Or, j'apprends que tu peux expliquer les choses caches et rsoudre les questions obscures. Si*donc lu peux lire ces paroles et m'en donner le sens, tu seras vtu de pourpre, tu auras un collier d'or au cou et lu seras le troisime d'entre les princes de mon royaume. Et Daniel rpondit : Que vos dons soient pour vous et que les honneurs cle votre maison soient pour un autre que moi. Je vais donc lire cette criture et vous en dire l'interprtation. 0 roi! le Dieu trs-haut a donn Nabuchodonosor, votre pre, le royaume, la magnificence, la gloire et l'honneur, et, cause de cette splendeur dont il l'avoil environn, tous les peuples et toutes les tribus de toute langue le redoutoient et trembloient devant lui, et il avoit un pouvoir de vie et de mort, et il l'exeroit son gr, elil exaltoitlesuns, et il humilioitles autres comme il le vouloil; mais, quand son cur se fut lev et que son esprit se fut obstin dans l'orgueil, il fut chass du trne, et sa gloire lui fut te, et il fut spar de la socit des hommes, et il vcut avec les bles, et il demeuroil avec l'onagre : il mangeoil l'herbe comme

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le taureau, et son corps toil expos la pluie du ciel, jusqu' ce qu'enfin il connt l'empire du Trs-Haut sur tous les mortels, et aussi qu'il le donne qui il lui plat. Et vous, Balthazar, vous, son fils, sachant toutes ces choses, vous n'avez pas humili votre cur; mais vous vous tes lev contre le roi du Ciel. Et les vases de son temple ont t apports devant vous; et vous y avez bu le vin, vous, vos courtisans, vos femmes et vos concubines. Vous avez en mme temps clbr les louanges de vos dieux d'or et d'argent, d'airain et do fer, de bois et de pierre, qui ne voient point, qui n'entendent point et qui ne sentent rien. Et le Dieu qui tient dans sa main votre vie et toutes vos destines, vous ne l'avez pas glorifi! C'est pourquoi le doigt de celle main qui a trac l'criture sur la muraille est envoy par lui. Or, voici quelles sont ces paroles : MANE, THECEL , PHARES (1), et en voici l'explication : MANE, Dieu a compt ton rgne et il l'a termin; THECEL, tu as t mis dans la balance, et ton poids est trop lger; PHARES, ton royaume est divis, et il est donn aux Mdes et aux Perses. Alors, sur l'ordre du roi, Daniel fut vtu de pourpre, et on lui donna un collier d'or, et il fut proclam comme le troisime des princes du royaume ; et, cette mme nuit, Balthazar, roi des Chaldens, fut tu. Et Darius le Mde succda au trne : il avoit soixante-deux ans. C'est donc l'Ange exterminateur qui avoit crit la condamnation du roi impie. Le texte mme de Daniel
0 ) DTD hpi K3D

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ne permet point d'en douter : cette main de l'Ange toit ainsi d'abord le signe d'une catastrophe immdiate; mais elle est aussi reste comme une prophtique menace, toujours tendue sur le monde. Tandis que l'glise, Jrusalem terrestre, est comme disperse dans les tribulations et soupire ses chants de prire vers la cleste Jrusalem, qu'est-ce que le monde, sinon le festin de Balthazar?Ne rassemble-t-il pas dans les nuits et dans les ivresses de ses folles joies tout ce qu'on appelle les grands et les puissants de la terre? Ne fait-il pas servir la foule de ses esclaves et les masses du peuple tous ses fastueux caprices et toutes ses criminelles satisfactions? Ses nombreux convives n'ontils pas appartenu Dieu par leur destination naturelle et aussi par la grce des divins sacrements? Ne sont-ils pas les vases de son temple, vases profans d'une profanation bien plus abominable encore que les vases dans lesquels buvoit Balthazar? La main de l'Ange est donc toujours l, et toujours elle crit pour chacun des coupables les terribles paroles : MANE, Dieu a marqu ton heure; elle sonne! THECEL, tu es dans la balance du jugement, et ton poids est trop lger ! PHARES, ton royaume est divis, ton me et ton corps vont se sparer, tu vas mourir. Heureux du moins ceux qui, ouvrant les yeux cette rvlation, se jettent aussitt clans les bras de l'infinie misricorde ! II importe de complter le rcit du prophte, en ce qui touche la mort de Balthazar et l'avnement de son successeur. On avoil soin, Babylone, de tenir fer-

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mes, ds la chute du jour, les portes d'airain qui donnoient sur l'Euphrate. Mais lors du grand festin et durant cette nuit de dbauche, elles toient restes ouvertes ; et Cyrus qui, par des travaux secrets et habilement conduits, avoit dtourn dans un lac immense les eaux du fleuve, ft entrer ses troupes pied, sec dans la ville, la faveur des tnbres ; elles surprirent les gardes du palais, les taillrent en pices ; puis pntrant dans l'enceinte, elles n'pargnrent aucun de ceux qui voulurent rsister ; et le roi de Chalde ayant mis l'pe la main fut de ce nombre. Daniel dit que Darius le Mde rgna Babylone aprs la mort de Balthazar; et eu effet, Cyrus durant la vie de son oncle, qui portoit aussi le nom de Cyaxare, partagea avec lui le gouvernement du royaume, et lui dfra mme le premier rang.

O-C

Edit de Cyrus, Inspiration.

Dieu avoit dit l'Ange, et l'Ange Isae, et Isae toute la terre, plus de deux sicles avant la prise de Babylone : Voici ce que dit le Seigneur Cyrus : J'ai dit mon Christ que j'ai pris par la main, pour lui assujettir les nations, pour lui livrer les portes des villes sans qu'aucune reste ferme en sa prsence... etc. Ces paroles furent montres Cyrus, avec toute la

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ANGES

prophtie dj transcrite plus haut ( 1 ) , et elles le dterminrent, comme le rappelle l'historien Josphe, rendre l'dit dont voici les termes extraits du Livre d'Esdras dont nous parlerons bientt : La premire anne du rgne de Cyrus, roi des Perses, le Seigneur suscita la pense de ce prince, pour accomplir la parole de Dieu prononce par la bouche de Jrmie (2), et il fit publier, mme par lettres, dans tout son royaume, l'ordre suivant : Voici ce que dit Cyrus, roi des Perses : Le Seigneur du ciel m'a donn tous les royaumes de la terre, et il m'a command de lui btir un temple Jrusalem dans la Jude. Quel est celui qui parmi vous est de son peuple? Que son Dieu soit avec lui. Qu'il monte Jrusalem, en Jude, et qu'il difie la maison du Seigneur, du Dieu d'Isral; et que tous autres, clans quelques contres qu'ils demeurent, l'assistent du lieu o ils sont, de leur or, de leur argent, de leurs richesses et de leurs troupeaux, en outre de ce qu'ils avoient coutume d'offrir volontairement dans le temple de Dieu Jrusalem. C'est donc l'Ange du Seigneur qui avoit suscit la pense de Cyrus, comme le dit l'criture, pour accomplir sa parole. Ainsi toutes les bonnes actions des hommes sont inspires de Dieu ceux-l mme qui ne le connoissent pas; et en effet le Seigneur avoit dit Cyrus parla voix d'Isae : Je t'ai appel par ton nom, et tu ne nias pas connu. Mystre impntrable, et dans les dispositions de la Providence, et dans les ternelles
(4) page 3 8 3 . ( 2 ) page 384.

DE LA CAPTIVIT DE BABYLONE.

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destines des hommes dont elle Fait les instruments de ses adorables desseins ! II toit aussi dans les vues de la divine sagesse que l'uvre de la restauration du temple de Jrusalem ft entrave par les ennemis d'Isral; et ces nouvelles preuves dvoient tre l'image prophtique des tribulations de l'glise du Christ. Mais n'anticipons pas. Plusieurs rgnes des rois de Perse et de Mdie dvoient s'couler encore avant l'entire dlivrance du peuple de Dieu.

D a n i e l d a n s l a fosse a u x l i o n s .

Sous les rois perses, comme sous les rois clialdens, Daniel conservoit l'ascendant de la vertu et de la science. Il avait confondu les prtres de Bel, en dcouvrant leurs supercheries Darius, qui ils avoienl persuad que ce dieu consommoit chaque nuit douze mesures de fleur de farine, quarante brebis et six amphores de vin. Un soir, avant que les portes du temple de l'idole fussent fermes et scelles, il avoil rpandu de la cendre sur le marbre de l'enceinte; et le lendemain, le roi, trouvant les sceaux intacts, et voyant que toutes les provisions toient consommes, s'toit cri : Bel ! tu es grand, et il n'y a point de fraude prs de toi. Mais Daniel lui fit remarquer sur la cendre la

LES ANGES

trace des pas des prtres, de leurs femmes et de leurs enfants; les secrtes issues furent ainsi rvles, et la ruse dcouverte et punie. Le peuple de Babylone adoroit aussi un dragon vivant que Daniel fit mourir avec un mlange de poix et de graisse, aprs quoi il dit Darius : Voil celui que vous adoriez. A la suite de ces deux faits, les Babyloniens s'ameutrent et forcrent le roi leur livrer Daniel. ... Ils le jetrent dans la fosse aux lions, dit le livre sacr; et il y demeura six jours. Et il y avoit sept lions dans cette fosse, et on leur donnoit chaque jour deux corps et deux brebis; mais on ne leur donna rien afin qu'ils dvorassent Daniel. Or, il y avoit en Jude le prophte Habacuc; etilvenoit de prparer sa nourriture, et il avoit mis des pains dans une corbeille, et il alloit dans son champ les porter aux moissonneurs. Mais l'Ange du Seigneur dit Habacuc : Porte cette nourriture en Babylone Daniel qui est dans la fosse aux lions. Habacuc rpondit : Seigneur, je n'ai jamais vu Babylone, et je ne sais pas o est cette fosse. Alors l'Ange du Seigneur le prit par le haut de la tte et par les cheveux, et le porta ainsi Babylone, et le mit sur la fosse aux lions par la vertu de son souffle. Et Habacuc s'cria : Daniel, serviteur de Dieu, prenez la nourriture que Dieu vous envoie. Et Daniel dit : Mon Dieu, vous vous tes souvenu de moi, et vous n'avez jamais abandonn ceux qui vous aiment. Et Daniel se leva et mangea. Et l'Ange du Seigneur reporta aussitt Habacuc l'endroit o il l'avoit saisi. Au septime

DE LA CAPTIVIT DE BABYLONE.

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jour, le roi vint pour pleurer Daniel, et s'approchant de la fosse, il regarda et il vit Daniel assis au milieu des lions. Et le roi jeta un grand cri et il dit : Vous tes puissant, Seigneur, Dieu de Daniel ! et il le fit tirer de la fosse aux lions. En mme temps il y fit jeter ceux qui avoient voulu perdre Daniel, et en un moment ils furent dvors devant lui. Et le roi dit encore : Que tous les habitants de la terre craignent le Dieu de Daniel , car il est le Dieu sauveur, oprant des prodiges et des merveilles; c'est lui qui a sauv Daniel de la fosse aux lions. Que peut dire l'homme en prsence d'un tel rcit? S'il a le bonheur de croire, il adore et il bnit le Tout-Puissant. S'il aie malheur de ne pas croire, il est condamn, tant qu'il doute et de la puissance de Dieu et de la vrit de ses oracles. Tci l'influence des Anges sur le monde physique est clairement manifeste, dans l'pisode o le prophte Habacuc est transport en un instant de la terre d'Isral au milieu de Babylone. Un seul mot doit imposer silence toutes les objections : c'est que le pouvoir des Anges n'est pas autre que le pouvoir de Dieu mme. Le droit sens suffit, en effet, pour reconnolre qu'il en doit tre ainsi ; car l'absence de ce don cleste seroil plus tonnante encore que ne l'est sa ralit, dans les Anges toujours fidles la volont suprme. Quant l'action mme des ces angliques facults, et au mode de leur exercice, c'est l sans doute un

596 LES ANGES DE LA CAPTIVIT DE BABYLONE.

mystre. Mais au moment o clatent, dans le monde matriel, les merveilles de l'lectricit, y a-t-il rien qui doive nous tonner dans le monde invisible? et la Toute-Puissance n'a-t-elle pas des trsors inconnus et inpuisables?

LES A N G E S
DU LIVBE D E S D R A S ET DE NHHIB.
o&o

Dnombrement

des p r i n c i p a l e s f a i n i l l e s du

peuple

d e D i e u . A n g e d u r o y a u m e fie Perse A r c h a n g e s M i c a c l et G a b r i e l .

Pas une seule lois le nom des Anges n'est crit dans ce Livre; et cependant nul ne saurait douter de leur prsence, auprs du peuple de Dieu, tantt pleurant.son exil, tantt chantant sa dlivrance dans les hymnes sacrs, puis rebtissant le temple, et enfin s'assemblant tout entier pour entendre lire la loi sainte, et pour r e nouveler les promesses de sa reconnoissance. Et quoinous servirait doncl'ensemble des merveilles angliques, jusqu' prsent tales sous nos yeux, si nous ne savions pas mme pressentir l'action des Anges l o elle est comme visible l'il de la foi ? Il faut d'ailleurs, rattacher au Livre d'Esdras les prophties qui concernent les temps et les faits dont il retrace la mmoire, et surtout le rtablissement du temple et des murs de Jrusalem. Il n'y est question,

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LES ANGES

en apparence, que de la Jrusalem terrestre. Mais voyons aussi tout ce que les interprtes sacrs nous y dcouvrent, relativement la Jrusalem cleste. Pour atteindre cette vue, rappelons d'abord quelquesunes des paroles que Jrmie avoit reues lui-mme des lvres de l'Ange des prophties avec bien d'autres rvlations. Voici ce que dit le Seigneur : Lorsque les soixante-dix ans seront presque accomplis Babylone, je vous visiterai et je rappellerai ma promesse de vous reconduire en cette terre. Car je sais les penses que j'ai sur vous, dit le Seigneur; penses de paix et non pas d'affliction; pour vous donner la patience et amener la fin de vos maux. Et vous m'invoquerez, et vous r e tournerez; et vous me prierez, et je vous exaucerai. Vous me chercherez, et vous me trouverez, lorsque vous m'aurez cherch de tout votre cur. Oui, vous me trouverez, dit le Seigneur, et je ramnerai vos captifs, et je vous rassemblerai du milieu de toutes les nations et de toutes les contres o je vous aurai disperss; parce que vous avez dit : Le Seigneur nous a
suscit des prophtes Babylone.

La foi aux prophties est donc un signe de fidlit,' parce qu'elle est ncessairement, cle la part du peuple captif et dispers, un tmoignage de retour Dieu et d'attachement sa loi. Cyrus avoit rendu son dit pour la reconstruction du temple de Jrusalem; et non-seulement il avoit donn tout Isral la permission d'aller accomplir cette grande uvre; mais il l'avoit accompagne d'un hommage public au vrai Dieu. Aussitt les chefs de famille et

DU LIVRE D'ESDRAS.

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tous-ceux qui se sentaient inspirs de concourir la pieuse entreprise, se disposrent partir avec les prtres et les lvites pour la ville sainte. C'est l'histoire du retour de la captivit et de la restauration de Jrusalem que raconte le prtre Esdras, charg, pour ce rcit et pour le nouveau recueil des Saintes-critures, d'une mission divine. Nous devons donc le reconnotre sans la moindre hsitation : Esdras tait inspir ; l'Ange du Seigneur a conduit sa parole, et il a pu dire de lui-mme qu'il toit docte dans la loi de Mose. Le mot du texte rapide crivain (scriba velo) doit encore s'interprter dans le sens d'une lumire surnaturelle et tellement vive que le saint prtre n'avoit qu' crire ce que Dieu lui dictait par la voix des Anges : aussi Esdras ajoute que la
main propice du Seigneur toit sur lui.

Comme le Livre des Nombres avoit compt tout le peuple d'Isral, ainsi le Livre d'Esdras fait le dnombrement de tous ceux de la Province de Juda revenant de la captivit de Babylone. A cette occasion, remarquons avec quel soin le tableau gnalogique des familles de chaque tribu et surtout de la tribu sacerdotale toit exig. Esdras donne sa propre gnalogie, et elle remonte jusqu'au grand prtre Aaron. Mais on lit au chapitre 2 du livre I , sur quelques-uns de ceux qui se prsentoient comme Lvites : Ceux-ci cherchrent rcrit
er

de leur gnalogie, et ne* ayant point trouv, ils furent re-

jets-du sacerdoce. Aussi l'historien Josphe a dit depuis : Parmi nous, la succession des pontifes s'est dj maintenue de pre en fils, depuis deux mille ans, parfaite-

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ment intacte et sans avoir t altre par aucun mlange. Quel peuple (il faut le rpter), quel peuple a jamais offert de pareils certificats d'origine? N'est-ce pas tre aveugle que de ne pas voir laie cachet providentiel sur la race lue, sur la race dpositaire des traditions sacres jusqu'au premier avnement du Messie? Or, ce que la Synagogue a pu dire de ses grands prtres, l'glise le dit avec une manifestation encore plus clatante des vicaires du Pontife ternel : en telle sorte que, dans le culte du vrai Dieu, la chane del dynastie sacerdotale n'a t interrompue en aucun temps, pas mme au milieu des plus orageuses commotions du sicle. Ces rflexions ne sont pas trangres, assurment, la restauration du temple et des murs de Jrusalem qui ds lors reprsentoit ta cit de Dieu et la grande famille des Saints dont les Anges sont insparables. Qui donc oseroit, parmi les fidles, contredire cette dernire assertion ? Le Livre d'Esdras, par une cause mystrieuse sans doute, a beau passer sous silence le nom des Anges, ce nom bni, il n'en est que plus retentissant dans les ardeurs de la foi, comme dans tous les curs des exils, leur retour. Pourquoi, en effet, les captifs sont-ils dlivrs ? Pourquoi reviennent-ils ? Pourquoi sont-ils rassembls dans la patrie console? Dieu le leur dclare expressment par la bouche de Jrmie : Parce que vous avez dit : Le Seigneur nous a suscit des prophtes Babylone. En d'autres termes : Parce que vous avez cru mes prophtes. Mais croire aux pro-

DU LIVRE IVSDHAS.

pluMes du Seigneur c'est croire aux Anges; car la vision immdiate de Dieu n'ayant jamais t donne aucun moricl, pas mme Mose, au tmoignage de l'anglique Aptre (1), il faut ncessairement dire que toute prophtie est inspire ou apporte par les Anges, et que toute rvlation extrieure se fait par leur cleste entremise. Les commentaires les plus autoriss interprtent de mme le Livre d'Esdras. Le docte Sacy donne en ce point une explication des paroles que Daniel met dans la bouche de l'Archange Gabriel et qu'il rapporte au temps de la reconstruction du temple de Jrusalem : Le prince du royaume des Perses me rsista durant vingt et un jours; et voil que Mical, l'un des premiers princes vint mon aide, et je suis rest auprs du roi des Perses (2). Un grand nombre de commentateurs, et en particulier Grgoire-le-Grand, disent que le prince du royaume de Perse toit l'Ange prpos sa garde ; et alors sa rsistance seroit venue de ce que toutes les volonts du Seigneur ne lui auroient t rvles que plus tard par l'Archange Mical. Les autres pensent, au contraire, qu'il faut s'en tenir la lettre et entendre sous le nom de prince des Perses, soit Cyrs, soit Cambyse son fils. Sacy, de son ct, veut voirlle dmon lui-mme; et en consquence il adopte cette explication qui se concilie nanmoins avec l'action des Anges concourant l'uvre sacre. La voici : Daniel, dit-il, Daniel, qui toit en Perse aprs le retour des captifs, apprit, avec la dernire affliction, que

(I) Deum. nemo vida unquam. Joan., i, 48. (2) Dan., x, 43. IL 26

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les nations voisines de la Jude empchoient le peuple de Dieu de btir le temple de Jrusalem, et il rsolut de passer trois semaines entires dans les exercices d'une pnitence trs-austre et d'un jene trs-rigoureux afin d'attirer la misricorde de Dieu sur Isral. Sa prire, dit saint Jrme, qui n'toit ni superficielle ni passagre, mrita d'tre exauce ; et il connut, dans cette admirable vision, qu'il a lui-mme dcrite, que le prince du royaume des Perses, c'est--dire le mauvais ange qui, sous l'empire de Satan, prince du monde, tyrannisoit l'empire des Perses, travailloit de tout son pouvoir empoisonner l'esprit du roi l'gard du peuple de Dieu ; mais que l'Ange saint Gabriel, assist de saint Michel, le premier d'entre les princes, c'est--dire le premier d'entre les saints Anges, combattoit sans cesse la mauvaise volont de cet esprit de malice. C'est ce que la Sainte-criture nous dclare qui se passoit d'une manire invisible entre les bons et les mauvais anges, quoique, l'extrieur et aux yeux des hommes, il ne part autre chose qu'une opposition sensible que formoient les infidles contre les desseins des juifs, soit avec les armes et force ouverte, soit par les conseils pernicieux qu'ils faisoient donner au roi de Perse, c'est-dire Cambyse, fils de Cyrus, qui gouvernoit l'tat dans l'absence de son pre occup alors la guerre contre les Scythes, et ensuite Oropaste, ce mage de Perse qui, feignant d'tre le fils de Cambyse, jouit de l'empire par usurpation pendant quelques mois sous le nom d'Artaxerxs. On diroit, d'aprs les premires observations du

DU LIVRE D'ESDRAS.

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docte commentateur, que saint Jrme applique comme lui au prince des tnbres, Satan, le titre de prince du royaume de Perse, qui est ici une qualification mystrieuse. Mais, en examinant de plus prs le texte de Sacy, et surtout en vrifiant l'interprtation de saint Jrme lui-mme, on demeure convaincu que ses paroles n'ont pu tre invoques que relativement ce qu'il dit de la prire de Daniel, qui mrita d'tre exauce, et non pas relativement Satan. Saint Grgoire explique comment ici les Anges toient, non pas en lutte (ce qui n'est jamais possible entre les esprits clestes, tous unis en Dieu), mais partags dans leurs esprances, avant la pleine rvlation des dcrets providentiels (1). Ainsi, l'Ange de la Perse, voyant que le sjour des Hbreux dans ce royaume avoit singulirement contribu la conversion d'un grand nombre d'infidles, dsiroit ardemment, dans cette vue, les y retenir encore. El l'Archange Gabriel toil au contraire empress d'ouvrir aux exils le chemin de Jrusalem. Et cette mulation, toujours galement charitable de part et d'autre, aprs avoir dur vingt et un jours, c'est--dire tout le temps de la prire de Daniel, ne cessa qu'au moment o l'Archange conducteur du peuple de Dieu vint annoncer, la volont suprme devant laquelle s'inclinent tous les Anges. Encore bien donc que Sacy ait adopt, avec d'autres graves auteurs, une opinion diffrente de celle de saint Grgoire sur le texte de Daniel, ce qu'il dit, cette
(1) Greg.,xvi, lib. Moral. 26.

LES

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occasion, de la guerre incessante des Anges et des dmons nous a paru essentiel recueillir; el, d'ailleurs, il est bon de connotre les deux interprtations, afin de s'attacher avec plus de lumirecelle qui doit prvaloir. En prsence de ce souvenir biblique et en le rapprochant des vnements qui, vers la fin du sicle dernier, avoientjet dans la protestante Albion une foule de saints prtres et de saints vques, ne pouvons-nous pas prsumer aussi que l'Ange de cette contre s'est rjoui de leur prsence, malgr tous les regrets de l'Ange de la France? Et maintenant, n'en voyons-nous pas les merveilleux fruits, galement bnis par les Anges des deux royaumes? Aprs le recencement, les chefs de famille de Juda et de Benjamin, avec les prtres et les lvites, se levrent pour monter en Jude et pour btir le temple de Jrusalem, Le roi Cyrus, ajoute l'crivain sacr, leur donna aussi les vases du temple du Seigneur que Nabuchodonosor avoit enlevs de Jrusalem et qu'il avoil placs dans le temple de son Dieu. Or, Cyrus, roi des Perses, les remit ainsi par les mains de Mithridale, fils de Gazabar, et les compta exactement Sassabassar (1) (Zorobabel), prince de Juda. En voici le nombre : * Trente coupes d'or, mille coupes d'argent,Vingt-neuf < couteaux, trente vases d'or, quatre cent dix vases d'argent de second ordre et mille autres vases. Tous les vases d'or et d'argent, cinq mille quatre cents. Sassabassar les rapporta, accompagn de tous ceux qui revenoient de la captivit de Babylone.
(4) Nom chalclendc Zorobabel.

DU LIVRE D'JSSDRAS.

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Esdras n'toit pas au nombre des Isralites qui s'en retournrent avec Zorobabel- Sans doute, aprs soixante-dix ans de captivit, le peuple de Dieu ne pouvoit pas se transporter immdiatement tout entier en Jude, surtout avant les prparations ncessaires sa complte rinstallation dans cette patrie dsole par un si long dsastre. Il falloit aussi mnager la bienveillance des rois de Perse ; et c'est pourquoi quelques chefs du peuple et mme quelques prtres toient rests dans leurs tats ; mais ils correspondoient avec Zorobabel. Nanmoins, Esdras est l'historien du retour de la captivit; et Nhmie y ajoutera d'autres dtails dans le Livre qui porte son nom, et qui est appel aussi l second Livre d'Esdras: Livres tous deux galement inspirs et revtus du sceau de l'authenticit canonique. La foi suit, ici comme partout, avec bonheur les traces lumineuses de l'Histoire sainte.
OO<H

R e t o u r Jrusalem. D i e u a v e c s o n p e u p l e . A u tel el S a c r i f i c e s . R e c o n s t r u c t i o n ilu T e m p l e . O b s tacles. Achvement. D d i c a c e .

11 n'en est pas du souffle divin, qui ne faillit jamais, comme de ce qu'on appelle le gnie de l'homme, qui s'gare si souvent. Tout ce que dit un prophte de son inspiration venue de Dieu mme, ou de ses Anges, est

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LES ANGES

empreint d'un caractre de vrit qu'il n'est pas mme permis de rvoquer en doute. Or, le texte sacr atteste, tantt des Anciens d'Isral revenus Jrusalem, que l'il
de Dieu toitsur eux ; tantt d'Esdras, que la main du Sei-

gneur son Dieu toit sur lui; et il en dira autant plus tard de Nhmie. C'en est assez pour justifier encore tout ce qu'on peut croire du concours des Anges clans l'uvre de la restauration du temple du Seigneur. Il semble, en effet, qu'on les entend et qu'on les voit eux-mmes dans la suite du rcit biblique, o
il est dit d'abord que le peuple s'assembla comme un seul

homme dans Jrusalem. Puis, avant de penser rebtir la ville et relever ses murs, mais tout entiers Dieu seul, Josu, fils de Josdec, continue l'criture, se leva avec ses frres, prtres, et Zorobabel, lils de Salathiel, avec ses frres, pour dresser l'autel du Dieu d'Isral, et pour y offrir des holocaustes, comme il est crit dans la loi de Mose, l'homme de Dieu. Ils posrent donc l'autel de Dieu sur ses bases, malgr les menaces des peuples voisins, et ils offrirent l'holocauste au Seigneur, le matin et le soir, sur cet autel : et ils clbrrent la solennit des Tabernacles, ainsi qu'il est crit, et, tous les jours, l'holocauste avec ordre, selon le commandement, et, faisant en son jour l'uvre du jour, ils offrirent encore l'holocauste perptuel, soit aux premiers jours des mois, soit dans toutes les solennits consacres au Seigneur, et dans tous les jours o se faisoient les offrandes volontaires. Ils commencrent ainsi, ds le premier jour du septime mois, offrir des holocaustes au Seigneur, avant que l'on et jet

DU LIVRE D'ESDRAS.

les fondements du temple de Dieu. Us donnrent donc de l'argent aux tailleurs, de pierres et aux maons, et du froment, du vin et de l'huile aux habitants de Sidon et de Tyr pour les bois de cdre du Liban qu'ils apportoientpar la mer de Jopp, suivant les ordres de Cyrus, roi de Perse. Or, au second mois de la seconde anne de leur retour Jrusalem, o avoit t le temple de Dieu, Zorobabel, fils de Salathiel, et Josu fils de Josdec, et le reste de leurs frres, prtres et lvites, avec tous ceux qui toient revenus de la captivit Jrusalem, tablirent des lvites, depuis vingt ans et au-dessus, pour hter l'uvre du Seigneur. Et Josu et ses fils et ses frres, Amihel et ses fils et ses frres, et tous les fils de Juda, comme un seul homme, s'appliqurent presser ceux qui travailloient au temple de Dieu ; et, pareillement, les fils de Hnadad, leurs enfants et leurs frres lvites. Le temple du Seigneur tant donc lev sur ses fondements, les prtres vinrent, avec leurs ornements et leurs trompettes, et les lvites, fils d'saph, avec leurs cymbales, et tous debout, pour clbrerles louanges de Dieu par les paroles de David, roi d'Isral. Ils chantoient en chur des hymnes, rendant gloire au Seigneur parce que sa misricorde est jamais sur Isral. Et tout le peuple lvoit la voix pour louer le Seigneur, parce que le temple du Seigneur toit sur ses fondements. Et plusieurs des prtres et des lvites, et les chefs des familles, et les anciens qui avoient vu le premier temple et qui voyoient le nouveau, jetoient des cris mls de larmes, et un grand nombre faisoient retentir des ac-

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clamations de joie; mais on ne pouvoit distinguer les cris d'allgresse et les gmissements ; car les voix se mloient dans cette grande clameur du peuple, et le bruit s'en rpandoitau loin. Esclras raconte ensuite tous les obstacles suscits par les ennemis de Jucla et de Benjamin l'achvement du temple et la reconstruction de Jrusalem et de ses murs ; la dnonciation faite contre le peuple juif ds h rgne d'Assurus; l'ordre royal de la suspension des travaux; la persvrance de Zorobabel, de Josu et de leurs frres, sous l'inspiration du prophte Agge et de Zacharie, fils tl'ddo, inspirs eux-mmes par le Seigneur et par ses Anges; les nouveaux troubles, et le renvoi de la question au roi Darius, fils d'Hystaspe, qui se fit reprsenter Pdil de Cyrus et donna une rponse favorable o il dit : Que le Dieu qui a fait glorifier l son nom dissipe toutes les puissances et extermine le peuple dont la main s'tendroit pour renverser cette maison de Dieu Jrusalem. Moi Darius j'ai fait ce dcret et je veux qu'il soit fidlement excut. Enfin, le temple est achev et sa ddicace est solennellement clbre; les prtres sont tablis sur toutes les uvres de Dieu, leurs places respectives, ainsi qu'il est marqu a Livre de Mose. La pque est immole. Et les enfants d'Isral qui toient revenus de la transmigration, et tous ceux qui s'toient spars de la corruption des gentils de la terre pour chercher le Seigneur, le Dieu d'Isral, mangrent et firent la solennit des pains sans levain durant sept jours, dans la joie; car le Seigneur les avoit rjouis et avoit chang le

DU LIVRE D'ESDHAS.

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cur du roi d'ssur, afin qu'il les aidt dans l'uvre de la maison du Seigneur le Dieu d'Isral.
a&o-

JEdt d \ l r l a x e r x c s - J L o i i g ; u e i M a i n . M i s s i o n d ' K s d r a s . H ' o u v c a u d n o i n b r e i i c i i t . S e c o n d dpart, Jrusalem.S!\piatioiB abus. des pchs et des pour autres

Gomme on l'a vu* la rsistance du prince du royaume de Perse l'Archange Gabriel est un fait mystrieux dont la rvlation devoit faire comprendre, d'abord au peuple de Dieu, et plus tard l'glise de Dieu, avec quelle ardeur les Esprits clestes remplissent leur charitable mission auprs des hommes, jusque parmi les nations infidles. Cette rsistance avoit cess aussitt qu'une lumire suprieure toil venue dvoiler entirementles secrets del Providence. Mais alors une lutte toute diffrente, celle dont parle Sacy, entre les bons Anges et les anges de tnbres, avoit encore prolong les preuves des enfants d'Isral et de Juda. Enfin, la cause sacre triomphe de nouveau, et Esdras, le saint prtre, obtient d'Artaxerxs un dit qui pourvoit tous les secours comme toutes les exemptions ncessaires pour la pleine restauration du culle du vrai Dieu ; et le roi lui donne de plus, le droit d'administrer la justice, par cette disposition : Et vous, Esdras, tablissez des magistrats et des prsidents, selon la sagesse que votre

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LES ANGES

Dieu vous a donne, pour juger tout le peuple qui est au dj du fleuve et qui vit sous la loi de votre Dieu, et soyez libres d'enseigner tous ceux qui l'ignorent. Et quiconque n'observera pas avec soin la loi de votre Dieu et la loi du roi, encourra les peines de la mort, ou de l'exil, ou de la confiscation de ses biens, ou de la prison. Alors Esdras s'cria : Bni soit le Seigneur, le Dieu de nos pres, qui a inspir au cur du roi de relever la gloire du temple de Dieu Jrusalem, et qui daigne incliner sur moi sa misricorde en prsence du roi, de ses conseillers et des grands de sa cour. Et moi, ajoute Esdras, soutenu par la main du Seigneur qui agissoit en moi, j'ai rassembl les princes d'Isral pour retourner avec eux Jrusalem. Le dnombrement des familles isralites qui alloient faire partie du second dpart s'opra l'instar du premier; le texte sacr le recueille et donne aussi le dtail des vases d'or et d'argent et des prsents considrables du roi et des amis d'Isral. Sur les bords du fleuve Ahava, je publiai un jene, dit Esdras, afin de faire pnitence devant le Seigneur notre Dieu et de lui demander de nous conduire clans le voyage nous et nos familles et tout ce qui toil avec nous, car j'aurois rougi de demander au roi un secours de troupes et de cavalerie, pour nous protger dans la route; et nous lui avions dit : La main de notre Dieu est sur tous ceux qui le cherchent sincrement; et son empire, sa puissance et son courroux clatent sur tous ceux qui l'abandonnent. Nous jenmes donc et notre

D U LIVRE D'ESDRAS.

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prire s'leva vers le Seigneur notre Dieu, et nous fmes heureux. N'est-ce pas dire assez hautement que l'Ange conducteur accompagna les enfants d'Isral dans ce retour de la captivit, comme il les avoit accompagns aprs la sortie d'Egypte ? S'il n'y eut plus de signes clatants de cette protection cleste, si la colonne de nue ne reparut plus leur tte, si la nature ne fut plus miraculeusement bouleverse sur leur passage, enfln, si l'Arche sainte elle-mme restoit absente et de leur assemble, et de leur temple, c'est que dsormais la foi prparait son rgne, et que le souvenir devoit suffire l'esprance, comme les tmoignages du pass la gloire de l'avenir. En arrivant Jrusalem, on vit bientt qu'il exisloit encore, dans Jud, bien des abus et bien des causes de scandale. Esdras les apprenant, et dtestant surtout les alliances avec les peuples corrompus, dchire ses vlements, s'arrache les cheveux et la barbe, se prosterne devant Dieu et lui fait une prire qui rappelle celle de Mose au temps du veau d'or ; puis il exhorte le peuple la pnitence ; et toute la multitude assemble lui rpond haute voix : Qu'il nous soit fait selon votre parole !

Une expiation solennelle est offerte, et le scandale cesse, et tous les fidles ne font plus qu'un cur et qu'une me devant le Seigneur, au milieu des Anges, dans le temple de Jrusalem.

LES ANGES

Gloire du nouveau temple de D i e u . Agge.

Parmi les saintes joies de la reconstruction et ddicace de la maison du Seigneur, on avoit entendu aussi bien des gmissements. Jadis tmoins des magnificences du temple de Salomon, les anciens d'Isral en retrouvoient peine les vestiges et la ressemblance dans le nouvel difice; et ils avoient encore de plus grands sujets de larmes : l'Arche d'alliance, l'urim et le thummim n'existoient plus; et nulle promesse nouvelle du Seigneur n'annonoit leur rtablissement dans le sanctuaire. Mais une parole avoit t confie par l'Ange de Dieu au prophte Agge, pour la dire Zorobabel, fils de Salthiel, chef de Juda, et Jsus, fils de Josdec, grand prtre, la seconde anne du rgne de Darius (fils d'Hystaspe), et elle disoit : Quel est celui d'entre vous survivants qui a vu ce temple dans sa premire gloire? Et que voyez-vous maintenant? Ne vous semble-t-il pas n'tre rien devant vos yeux? Mais rassurez-vous, Zorobabel! dit le Seigneur; rassurezvous, Jsus, fils de Josdec, grand prtre; rassurezvous, vous tous qui avez survcu parmi le peuple, dit le Seigneur des armes ; et travaillez encore, parce que je suis avec vous. Je garderai l'alliance que j'ai faite avec vous lorsque vous tes sortis de l'Egypte; ET MON ESPUIT SERA AU MILIEU DE vous. Ne craignez rien ; car voici ce que dit le Seigneur des armes : Encore un

DU LIVRE D'ESDKAS.

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peu de temps, et j'branlerai le ciel cl la lerre, ol les eaux, et tout l'univers. J'branlerai tous les peuples, et
LE DSIR DE TOUTES LES NATIONS VIENDRA, et je rem-

plirai de gloire cette maison, dit le Seigneur des armes :

L'argent est h moi, l'or est moi, dit le Seigneur des armes : LA GLOIRE DE CE TEMPLE SERA PLUS GRANDE ENCORE QUE CELLE DU PREMIER, dit le Seigneur des armes;
et JE DONNERAI LA PAIX EN CE LIEU.

Ainsi, la prophtie vient expliquer encore ce que les vnements providentiels faisoient dj pressentir : les formes symboliques commencent disparatre; plus d'Arche dans le sanctuaire, plus de pavillon d'oracle, plus d'urim, plus de thummim. Mais qu'Isral tout entier se rassure! l'Ange a parl au prophte, et le prophte a dit au nom du Seigneur : Mon Esprit sera au milieu de vous : voil d'abord pour un temps ; puis il ajoute : Encore un peu de temps, et LE DSIR DE TOUTES LES NATIONS VIENDRA. C'est donc l une nouvelle annonce de l'avnement du Messie. Enfin, le prophte l'affirme : LA GLOIRE DE CE TEMPLE SERA PLUS GRANDE ENCORE QUE CELLE DU PREMIER. C'est--dire que ce ne sera plus seulement l'invisible Esprit du Seigneur qui habitera le sanctuaire; mais c'est le visible Dieu, le Dieu fait homme, l'Homme-Dieu qui le remplira de sa prsence et de sa splendeur : splendeur toute cleste, elle n'aura nul besoin des ornements de l'or et de l'argent pour se manifester. (Et ne sait-on pas que l'or et l'argent, comme toutes les richesses de la lerre, sont l'uvre du Crateur? Qu'il n'en soit donc plus question !) Mais un trsor plus grand, plus divin, plus d-

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LES ANGES

sirable que tous les biens de ce monde, c'est, pour le cur et pour l'me, le trsor de la paix. Tel est donc le couronnement de la prophtie : J E DONNERAI LA PAIX; et assurment la vritable paix annonce le bonheur, la . gloire, l'ternit dans le sein de Dieu.

Hhuiie. L e s m u r s de J r u s a l e m . Assistance des Anges.Edification spirituelle.

Aprs l'achvement et la ddicace du temple de Dieu, ilfalloit encore reconstruire les murs de la ville sainte et garantir ainsi la scurit des enfants de Juda. Mais leurs ennemis, et en particulier les Samaritains, peuple mi-parti d'trangers introduits par la conqute, et de quelques restes d'Isral loigns des traditions sacres, voyant dj le temple rtabli, s'opposoienl de nouveau, avec une inquite jalousie, la pleine restauration de Jrusalem. Le peuple de Dieu, sans cess attaqu par eux, toit forc d'abandonner les travaux, elle dcouragement leur toit une partie de leurs forces. Mais la Providence veilloit sur son uvre. Au nombre des anciens exils qu'elle avoit retenus, pour l'excution de ses desseins, dans le royaume de Perse, Nhmie, fils d'Helcias, toit attach, en qualit d'chanson, au roi Artaxerxs-Longuemain, dans la ville de Suse, et il raconte ainsi lui-mme les faits

DU LIVRE D'ESDRAS.

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qu'il faut rappeler ici, avec sa prire inspire par les Anges : Hanani, l'un de mes frres, vint me trouver avec quelques enfants de Juda. Et je les interrogeai sur ceux d'entre le peuple qui avoient survcu la captivit, et sur Jrusalem, et ils me rpondirent : Ceux qui vivent encore et demeurent en Palestine sont dans l'affliction et dans l'opprobre. Les murs de Jrusalem sont abattus et ses portes ont t la proie des flammes. A cette nouvelle, je m'assis, je pleurai et je fus accabl de tristesse durant plusieurs jours ; je jenois et je priois en la prsence du Dieu du ciel, et je disois : Seigneur Dieu du ciel, Dieu fort, Dieu grand, Dieu terrible, qui gardez l'alliance et la misricorde ceux qui vous aiment et qui observent vos commandements, que vos oreilles soient attentives et que vos yeux s'ouvrent la prire de votre serviteur, la prire qu'il vous adresse jour et nuit pour les enfants d'Isral vos serviteurs. Je confesse les pchs qu'ils ontcommis contre vous. Moi et la maison de mon pre nous avons pch. Nous tions sduits par la vanit, et nous n'avons gard ni vos prceptes, ni vos crmonies et les ordonnances que vous avez prescrits par Mose, votre serviteur. Daignez vous souvenir de la parole que vous lui avez confie en disant : Si vous violez ma loi je vous disperserai au milieu des nations ; mais alors, si vous revenez moi, si vous gardez me? commandements et si vous les accomplissez, lors mme que vous seriez jets jusqu'aux bornes du monde, je vous en ramnerai et je vous rassemblerai dans le lieu que j'ai choisi

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pour y faire clnlor la gloire de mon nom. Voici vos serviteurs et voire peuple que vous avez rachets par votre forte cl puissante main. Que vos oreilles soient donc attentives ma prire et la prire de tous vos serviteurs qui veulent rester dans la crainte de votre nom. Dirigez aujourd'hui les pas de votre serviteur et que votre misricorde l'accompagne devant cet homme (Carj'tois Tchanson du roi). Or,.au mois de Nisan, la vingtime anne du rgne d'rtaxerxs, lorsque le vin toit devant le roi, je le pris et le lui prsentai; et je lui parus triste et languissant. Et le roi me dit : Pourquoi as-tu le visage si triste sans que tu sois malade? Il y en a une cause; mais j'ignore quel mal afflige ton cur. A ces paroles je fus saisi de crainte et jet dans un grand trouble et je rpondis : Vivez ternellement, roi! comment n'aurois-je pas le visage triste, alors que la cit o sont les tombeaux cle mes pres est devenue un dsert et ses portes la proie des flammes? et le roi reprit : Que demandes-tu? Aussitt la prire de mon cur s'leva vers le Dieu du ciel, et je dis au roi : Si ma demande est agre du roi, et si votre serviteur a trouv grce vos yeux, envoyez-moi en Jude, la cit des tombeaux de mes pres, afin que je puisse la rebtir. Le roi et la reine qui toit assise auprs de lui me dirent : Jusqu' quel temps ton voyage durera-t-il, et quand reviendras-tu? Et ainsi mes paroles furent bien reues du roi, et je lui dis encore : S'il plat au roi de me donner des lettres pour les gouverneurs des contres au del du fleuve, afin qu'ils favorisent mon passage jusqu'en Jude, je

DU LIVRE D'ESDRAS.

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le prie de m'en donner aussi une pour Asaph, gardien de la fort du roi, afin qu'il me soit permis d'y prendre du bois pour les portes du temple et des murs de la ville et de la maison que j'habiterai. Et Je roi me les accorda, parce que la main propice de mon Dieu toil sur moi. Nhmie raconte son arrive Jrusalem, et comment il en parcourut seul les ruines l'insu des prtres et des magistrats ; puis, en revenant, il leur dit : Vous voyez dans quelle affliction nous sommes plongs, car Jrusalem est dserte et ses portes ont t consumes par le feu. Venez, relevons ces murailles et ne restons plus dans l'opprobre. Et je leur expliquai de quelle manire Dieu avoit tendu sur moi sa main propice, et je leur rapportai les paroles du roi, et jeleur dis encore : Venez, rebtissons ; et ils furent encourags dans le bien. Mais, cette nouvelle, Sanaballat, horonite, Tohias, ammonite, et Gosem, arabe, se raillrent de nous et dirent avec mpris : Que faites-vous? cette entreprise n'est-elle pas une rvolte contre le roi? Et je leur rpondis: C'est le Dieu du ciel qui nous protge, nous ses serviteurs. Courage donc, et btissons; mais vous, vous n'avez aucune part, aucun droit, aucun souvenir dans Jrusalem. Alors Eliasib, grand prtre, et les prtres, ses frres, se mirent l'uvre, et ils levrent la porte du troupeau et en tirent la conscration. Vient ensuite la longue numration des travailleurs et de leurs travaux; aprs-quoi, le texte sacr rappelle les menaces renouveles contre Jrusalem par ses ennemis et surtout par Sanaballat. Puis Nhmie re IL 27

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LES ANGES

prend son rcit en ces termes : Je rangeai le peuple derrire la muraille et l'entour, avec des pes, des lances et des arcs. Et je me levai, et je considrai, et je dis aux princes, aux magistrats et tout le reste du peuple : Ne craignez rien devant vos ennemis ; souvenez-vous du Dieu grand et terrible, et combattez pour vos frres, vos fils, vos filles, vos femmes et vos maisons. Or, il arriva que, lorsque nos ennemis surent que tout toit ainsi prvu, Dieu dissipa leur conseil, et chacun de nous retourna son travail; et, depuis ce jour-l, une moiti des jeunes hommes poursuivoilles constructions, et l'autre moiti se tenoit prte au combat, avec la lance, le bouclier, l'arc et la cuirasse; et les chefs du peuple restoient derrire eux, dans toute la maison de Juda; et tous ceux qui btissoient avoient l'arme au ct. Ils travailloent et ils sonnoient de la trompette auprs de moi ; et je dis aux prtres, aux magistrats et tout le reste du peuple : L'ouvrage est grand et il s'tend au loin, et nous voil spars les uns des autres le long des murailles. Donc, quelque part que vous entendiez sonner de la trompette, accourez vers nous. Notre Dieu combattra pour nous. Continuons ainsi nos travaux : que la moiti de nous tienne la lance ds l'aube du jour jusqu' l'apparition des toiles. En mme temps je dis au peuple : Que chacun reste avec son serviteur au milieu de Jrusalem, afin que nous puissions alternativement travailler jour et nuit. Et quant mes frres et moi, mes serviteurs et mes gardiens, nous ne quittions pas nos vtements : on ne les toit donc que pour se purifier.

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Le rcit de la reconstruction des murs de Jrusalem se termine en ces termes : Or, la muraille fui acheve le vingt-cinquime jour du mois d'Elul, en cinquanledeux jours. Et, cette nouvelle, nos ennemis et tous les peuples circonvoisins restrent consterns et tremblants ; car ils voyoient bien que c'loit l'uvre de Dieu. Il y a beaucoup mditer sur ce rtablissement de Jrusalem, qui est, avons-nous dj dit, la figure de l'dification sainte, par laquelle sont levs, dans le temps, les murs de la Jrusalem cleste. C'est en co sens que l'Aptre dit du peuple lu qu'il est en quelque sorte le temple de Dieu (l). Mais, dans ce travail de chaque jour, le fidle doit avoir les armes la main pour tre toujours prt combattre les ennemis du salut. Ainsi, il se faut armer comme saint Paul (observe encore Sacy), des armes de la justice. Il fautse revtir, selon qu'il le dit, de toutes les armes de Dieu, pour pouvoir nous dfendre des embches et des artifices du dmon, et pour pouvoir rsister au jour mauvais. Aussi, quelle plus vive image du glaive spirituel que l'pe des constructeurs Isralites ! On a d remarquer, la tte des travailleurs, le pontife Eliasib et les prtres, ses frres : et leur travail est manifestement, dans sa signification symbolique, le plus utile au peuple ; car la construction de la porte du Troupeau facilite tous l'entre de la vilte sainte, port de l'ternit.
(i) Deidificatiofstis. 37. Paul, I. Cor., m. 9.

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Au point o nous sommes arrivs de l'histoire du monde anglique dans ses rapports avec l'homme, et en reportant nos regards sur tous les anciens prodiges, comment douter un seul instant de l'assistance des Anges ce travail d'dification si bien ordonn, si bien suivi, si bien achev sous les ordres de Nhmie, avec l'inspiration d'Esdras, et l'exemple du grand prtre Eliasib et de tous les lvites, ses frres. Voil donc, dans son dveloppement, le tableau prophtique de l'glise militante; et les Anges n'ont pas plus manqu au peuple de Dieu dans cette uvre divinement conduite, qu'ils ne manqueront l'dification nouvelle dont le CHRIST sera lui-mme la pierre angulaire et laquelle il donnera son glorieux nom. Et pour que nul ne se trompe sur le vrai sens de l'dification commune, Nhmie, apprenant au milieu mme des travaux que, dans Isral, il y avoit d'une part des dbiteurs assez malheureux pour avoir alin lous leurs biens, et pour penser mme vendre leurs enfants, et d'autre part des cranciers riches, les avoit convoqus tous et il leur avoit dit : Nous avons rachet, autant qu'il nous a t possible, vous le savez, les juifs nos frres qui avoient t vendus parmi les nations. Et vous, vendrez-vous vos frres, etfaudra-t-il que nous les rachetions encore? Et ils gardrent le silence, n'ayant rien rpondre. Et j'ajoutai : Ce que vous failes n'est pas bien. Pourquoi ne marchez-vous point dans la crainte de notre Dieu, et de manire ne pas redouter les reproches de nos ennemis? Mes frres et moi et nos serviteurs nous avons prt plusieurs

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de l'argent et du bl; et nous sommes d'accord pour ne leur rien rclamer, et nous leur faisons remise de tout ce qui nous est d. Rendez-leur donc aujourd'hui leurs champs, leurs vignes, leurs plants d'oliviers et leurs maisons. Donnez-leur mme encore la centime partie de l'argent, du bl, du vin et de l'huile que vous avez coutume d'exiger d'eux. Ils rpondirent : Nous rendrons tout et nous ne demanderons rien et nous ferons ce que vous dites. Alors j'appelai les prtres et je les adjurai d'accomplir ma parole. Puis, secouant mes vtements, je dis : Que Dieu secoue ainsi hors de son temple et de son uvre quiconque ne remplira point cette promesse ; et qu'il soit ainsi secou et dpouill de tout. El le peuple entier cria : Amen ! Et ils chantrent les louanges de Dieu. Et chacun fit ce qui avoil t proclam. Ce concert unanime de fraternelle chant est bien plus manifestement encore inspir du Ciel et des Anges, que l'dification des murs de Jrusalem ; et il faut redire avec Nhmie : C'est l'uvre de Dieu!
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L e c t u r e p u b l i q u e et e x p l i c a t i o n d e la l o i , J F e t c d e s Tabernacles. Expiation. Renouvellement l'alliance avec serinent. de

Quand une fois Dieu a donn l'authentique tmoignage des vrits qu'il rvle ou des lois qu'il institue,

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ce mmorial, inviolablement transmis par la tradition, n'a besoin d'aucune autre preuve. Alors les merveilles se perptuent en quelque sorte par l'accomplissement de la parole sacre, et dans les faits prdits et dans le fond des curs fidles. Refuser de croire, sous prtexte que les miracles ont cess, c'est une espce d'abjuration. Telle ne fut pas l'ingratitude des enfants de Jucla et d'Isral, au retour de la captivit de Babylone. Ils ne voyoient plus des yeux du corps les Anges du ciel, la colonne de nue et de feu et la gloire du Seigneur.; mais leur foi n'en toit pas moins vive cette promesse crite et promulgue dans la loi : Mon Ange marchera devant vous; et celle autre parole plus rcente : MON
ESPRIT SERA AU MILIEU DE VOUS.

Affirmons-le donc toujours avec une certitude inbranlable, mme en face du silence d'Esdras et de Nhmie : les Anges qui avoient conduit le peuple de Dieu dans le dsert et clans la terre promise, l'accompagnoient encore dans le retour de Babylone et dans la restauration du temple et de la ville de Jrusalem. L'Histoire sainte n'en parie point, prcisment cause que la foi toit toute vivante au sein de la captivit o d'clatants prodiges l'avoient console, et au sein de la patrie miraculeusement rendue, au temps marqu par les prophties. Ajoutons que cette foi persvrante, sans le secours des clestes apparitions et des merveilles visibles, devoit plus tard, et dans des vues providentielles, servir d'exemple aux ges du christianisme qui n'ont pas t les tmoins des miracles du divin

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Rdempteur. Aussi pouvons-nous entendre encore la vive expression des curs isralites la lecture de la loi sainte : Or, le septime mois toit venu, et les enfants d'Isral toienl dans leurs villes, el Lout le peuple s'assembla comme un seul homme dans la place qui est auprs de la porte des Eaux, el ils dirent au scribe Esdras d'apporter le livre de la loi de Mose que le Seigneur avoit donne Isral. Le prtre Esdras apporta donc la loi au premier jour du septime mois, devant la multitude..., el il lut le livre haute voix sur la place qui est auprs de la porte des Eaux, depuis le matin jusqu' midi en prsence des hommes, des femmes et de ceux qui pouvoient comprendre; et tout le peuple prtait une oreille attentive aux paroles du livre. Aprs que plusieurs lvites eurent continu la lecture du haut d'une estrade, Nhmie et Esdras, prtre et docteur de la loi, el les lvites qui l'interprtoienl lout le peuple lui dirent: Ce jour est consacr au Seigneur notre Dieu; ne vous affligez donc point et ne pleurez plus; car tout le peuple, en coutant les paroles de la loi, fondoit en larmes. Ensuite el durant sept jours, la fle des Tabernacles fut clbre avec une magnificence qui n'avoit rien eu de comparable depuis le temps de Josu, fils de Nuu. Or, Esdras lut chaque jour le livre de la loi au peuple assembl. Et le vingt-quatrime jour du mme mois, continue le texte, les enfants d'Isral s'assemblrent dans le jene, revtus de sacs et couverts de terre, et la

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LES ANGES

race d'Isral fui spare de tous les enfants trangers ; et, se tenant debout, ils confessoienl leurs pchs et les iniquits de leurs pres, et ils se levrent ainsi tous ensemble, et, quatre fois le jour, ils bnissoient et adoroienl le Seigneur leur Dieu. Alors, plusieurs d'entre les lvites adressrent au Trs-Haut de publiques invocations, dans lesquelles ils rappeloient, depuis Abraham jusqu' leur temps, tous les miraculeux faits de l'Histoire sacre, et les infidlits d'Isral, et les misricordes du Seigneur, et toutes les vicissitudes de leur race : Maintenant donc, vous, notre Dieu grand, fort et terrible, qui gardez l'alliance et la misricorde, n'oubliez pas tous les maux qui nous ont accabls, nous, nos rois, nos princes, nos prtres, nos prophtes, nos pres et tout votre peuple, depuis le temps du roi d'Assyrie jusqu' ce jour ! Vous tes juste dans tous ces chtiments exercs sur nous, car vous avez agi dans la vrit, et nous dans l'impit... C'est pourquoi, et dans la vue de toutes ces choses, nous contractons nous-mme une alliance et nous l'crivons, et nos princes, nos lvites et nos prtres vont la signer. Et, en effet, la suite d'un nouveau dnombrement des principaux signataires de l'alliance, il est dit : El le reste du peuple, les prtres, les lvites, les portiers, les chantres, les nalhinens (1), et tous ceux qui s'loienl spars des nations pour embrasser la loi de Dieu, leurs femmes, leurs iils, leurs filles, tous ceux
(I) Gabaonilcs rests fidles au service d'Isral.

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qui avoienl le discernement, rpondoient pour leurs frres; et les principaux d'entre eux venoient promettre eljurer qu'ils marcheroient dans la loi de Dieu....
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l i e l'eu s a c r e d c o u v e r t et r a l l u m d a n s l ' e a u . L e T a b e r n a c l e e t l ' A r c h e c a c h s par J r m i e .

A ce qui vient d'tre dit de la cessation des miracles visibles au retour de la captivit de Babylone, il y a une magnifique exception qui prsuppose le concours des Anges ; mais elle offre elle-mme l'image des mystrieuses voies par lesquelles, une fois tablie, la sainte croyance s'entretient, se conserve et clate au fond des curs par sa merveilleuse vertu, et,, quand il le faut, se produit au dehors dans la gnrosit de tous les sacrifices et de tous les dvouements. Le fait n'estpoint consign dans les Livres d'Esdras et de Nhmie, mais dans celui des Machabes (1), et nanmoins le texte mme indique qu'il doit tre report ici h sa date et la place qui lui appartient. Voici donc ce que les juifs de Jrusalem crivoient, au temps des Machabes, aux juifs, leurs frres, qui toient alors en Egypte. Aprs avoir parl de leurs tribulations et de leur dlivrance, et avoir recommand la confiance en Dieu dans la
(4) Lib. ii) cap, , v. 18 35.

LES ANGES

prire, ils ajoutent : Nous donc, qui devons clbrer, le vingt-cinquime jour du mois de Casleu, la purification du temple, nous avons jug ncessaire de vous le dire, afin que vous clbriez aussi la fte des Tabernacles et la fte du feu, qui fut donn lorsque Nhrnie, aprs avoir rebti le temple et l'autel, offrit des sacrifices. Car, lorsque nos pres furent emmens captifs en Perse, les prtres chargs alors du culte divin ayant pris le feu de l'autel, le cachrent secrtement dans une valle o il y avoit un puits trs-profond et dessch ; et ils le mirent si bien couvert, qu'en effet ce lieu resta inconnu tous. E l , aprs un grand nombre d'annes, lorsque, avec la permission de Dieu, Nhmie fut envoy en Jude par le roi de Perse, il chargea les petits-fils des prtres qui avoient cach ce feu de le chercher; et ils ne le trouvrent point comme ils nous l'ont racont, mais seulement une eau paisse. El Nhmie leur ordonna de puiser cette eau et de la lui apporter; et, aprs, d'en faire des aspersions sur les sacrifices, sur le bois et sur ce qui toil dessus. Cela fait, etaumoment o le soleil, cach d'abord dans un nuage, vint resplendir, un grand feu s'alluma et tout le peuple fut clans l'admiration. Ensuite on fit des prires, et le chant des hymnes dura jusqu' ce que le sacrifice ft consum. Elle sacrifice tant consum (reprend le texte), Nhmie ordonna que l'on rpandt sur les grandes pierres ce qui restoit de cette eau ; et, au mme instant, une grande flamme s'alluma; mais elle se perdit dans la lumire qui s'leva de l'autel. Le fait s'tant rpandu, on rapporta au roi de Perse qu'au mme lieu o

DU LIV11E D ' E S D M S .

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]es prtres emmens captifs avoient cach le feu sacr, on avoit trouv une eau avec laquelle Nhmie et ses frres avoient purifi les sacrifices. Et le roi, ayant considr lui-mme et bien vrifi toutes choses, lit btir un temple au mme lieu, en mmoire du fait: et, assur qu'il entoit, il donna des biens considrables aux prtres et leur fit des prsents qu'il leur distribua de sa propre main. Dans ce prodige, la trace des Anges est aussi reeonnoissable que dans l'holocauste de Mose et d'Aaron (1) et dans celui d'lie (2) ; mais elle n'est pas accompagne des rayons de la gloire du Seigneur; et il faut ds lors revenir cette rgle des saintes croyances que le souvenir des anciens miracles suffit aux curs fidles ; car l'amour divin vil en eux comme un feu sacr, et surtout dans l'amertume des tribulations, dans le secret des solitudes, dans l'inondation des larmes; en telle sorte, qu'aux rayons du soleil de la grce, ce merveilleux mlange d'eau et de flamme caches s'allume en face d'Isral, et, en mme temps, purifie, consacre et divinise toutes les offrandes, tous les sacrifices et tous les hommages offerts au Seigneur ; mais, pour tre elle-mme agrable Pieu, cette flamme doit se fondre el se perdre dans la lumire toute cleste qui vient de l'autel. Aprs ce document de la tradition relative au feu sacr, l'auteur du Livre des Machabes (3) rappelle un crit de Jrmieo il toit dit : Que ce prophte,
(4) Levitic, i x , 2 4 . (2) III Reg., xvm, 38. (3) Gap. ii. 4 S .

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LES ANGES DU LIVRE D'ESDRAS.

clair par une rponse cle Dieu, avoit ordonn qu'on emportt avec lui le Tabernacle et l'Arche, jusqu' ce qu'il ft arriv la montagne o Mose toit mont et du haut de laquelle il avoit contempl l'hritage du Seigneur. Et l, Jrmie dcouvrit une caverne o il cacha le tabernacle, l'Arche et l'autel des parfums, et dont il ferma l'entre. Or, quelques-uns de ceux qui l'avoient suivi s'tant approchs pour remarquer ce lieu, ne purent le trouver. Et Jrmie l'ayant su, les blma et dit que ce lieu resterait inconnu jusqu' ce que Dieu et rassembl la multitude de son peuple et lui eut fait misricorde ; et qu'alors le Seigneur rvlerait ces choses; que la majest du Seigneur apparatrait de nouveau, et qu'il y aurait une nue, comme elle s'loit manifeste Mose, et ensuite Salomon, lorsqu'il demanda la sanctification du temple pour le grand Dieu. Paroles vraiment prophtiques et mystrieuses; elles figuraient longtemps l'avance l'apparition du Messie, comme une nue du Ciel, sous le voile de son humanit sainte, colonne de lumire et d'ombre tout la fois. Et, quant l'Arche sacre, elle devoil en effet reparatre aussi, et bien autrement consolante, dans l'admirable multiplication des tabernacles eucharistiques, entours toujours et partout des innombrables churs des Anges.

LES A N G E S
DO LIVRE DE TOBIE,

Pourquoi celte tonnante varit des monuments de la Bible, cette collection si riche d'enseignements, ces nombreux types de saintet, cle grandeur et de gloire surnaturelles, sinon pour l'dification des peuples, des familles et de chaque fidle? Une vue de Providence a donc dispos toutes ces magnifiques relations du plerinage des saints, sous la protection des Anges. L'histoire des deux obie met en relief cette heureuse croyance. Si l'Ange du pre n'apparot pas comme celui du fils, on peut du moins l'entrevoir, l'clat des vertus surhumaines de l'un des plus admirables hros de la charit. On le voit mme trs-manifestement dans les prophtiques inspirations du patriarche. Les Anges du chaste amour apparatront aussi aux yeux de la foi, en mme temps que l'Archange Raphal aux yeux de la famille de Tobie.

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LES ANGES

Ce-merveilleux rcit appartient donc tout entier l'uvre des Anges sur la terre. Il va dvelopper encore cette vrit que les Esprits clestes non-seulement correspondent entre eux, mais qu'ils inspirent si bien les prires des fidles, qu'elles arrivent ensemble au pied du trne de Dieu, et que cette invisible communion devient une source de grces mutuellement partages. Tobie, de la tribu et de la ville deNephtali (situe dans la haute Galile derrire le chemin de l'Occident, ayant gauche la ville de Sphet), fut emmen captif au temps de Salmanazar, roi des Assyriens ; et, dans sa captivit, il n'abandonna point la droite voie, en sorte que chaque jour il distribuoit tout ce qu'il possdoit ses frres captifs comme lui. Et, quoiqu'il ft l le plus jeune de la tribu de Ncphlali, l'ge de l'enfance ne paroissoit point dans ses uvres. Tandis que tous alloienl adorer les veaux d'or que Jroboam, roi d'Isral, avoit fabriqus, il se retiroit seul loin d'eux, il alloit aussi Jrusalem, au temple du Seigneur o il adoroit le Seigneur Dieu d'Isral, offrant fidlement ses prmices et ses dmes. Et dans la troisime anne il donnoil toute sa dme aux proslytes et aux trangers. Ds son enfance, il observoit celle rgle et toute la loi de Dieu. Lorsqu'il fut devenu homme, il pousa une femme de sa tribu, nomme Anne, et il en eut un fils auquel il donna son nom. Il lui apprit, ds ses premires annes, craindre Dieu et s'abstenir de tout pch. Lors donc qu'il fut emmen captif Ninive avec sa femme, son fils et toute sa tribu, il se garda bien de se souiller en mangeant des viandes dfendues, encore bien qu'il vt

DU LIVRE DE TOBIE.

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tous les autres qui en mangeoient. Et comme il cons e n t i t de tout son cur le souvenir de Dieu, Dieu lui fit trouver grce devant le roi Salmanazar, qui lui donna la libert d'aller partout o il voudroit et de faire tout ce qui lui plairoit. Il visitoit donc tous les captifs el leur donnoitles conseils du salut. Il alla aussi h Rages, ville des Mdes, et il avoit alors dix talents d'argent venant des largesses dont le roi l'avoit honor. Et au milieu des nombreux captifs de sa nation voyant dans l'indigence Gablus qui toit de sa tribu, il lui prta cette somme sur une reconnoissance par crit. Or, longtemps aprs, Salmanazar tant mort, Sennaclirib, son fils, qui lui succda sur le trne, avoit en aversion les enfants d'Isral. Alors Tobie alloit chaque jour dans toute sa .parent pour leur porter des consolations et leur distribuer chacun tout ce qu'il avoit. Il nourrissoit ceux qui avoientfaim,donnoit des vtements ceux qui toientnus, et il prenoitle soin d'ensevelir les morts et ceux quiavoient t tus. Plus tard, le roi Sennachrib ayant fui de la Jude, cause du chtiment dont Dieu l'avoit frapp pour ses blasphmes, immola, dans sa colre un grand nombre des enfants d'Isral, etTobi leur donnoit la spulture. Le roi l'ayant su commanda qu'on le ft mourir et il s'empara de tous ses biens. Mais Tobie s'chappa avec son fils et sa femme, et dpouill de tout, il demeura cach, parce qu'il avoit beaucoup d'amis. Or, au bout de quarantecinq jours, le roi fut assassin par deux de ses fils ; el Tobie retourna dans sa demeure, et tout son bien lui fut rendu. Aprs cela, vint un jour de fte, et un grand

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LES ANGES

festin fui prpar dans la maison de Tobie; Et il dit son fils : Va et amne ici quelques-uns de nos frres craignant Dieu, afin qu'ils mangent avec nous. Son fils sortit et en revenant il lui annona qu'un des enfants d'Isral avoit t tu et que son corps toit gisant dans la rue. Tobie aussitt se levant de table et laissant l le festin courut jeun vers le corps; il l'enleva, le porta secrtement dans sa demeure afin de l'ensevelir avec plus de prcaution aprs le coucher du soleil. Puis, aprs avoir-ainsi cach le cadavre, il mangea son pain avec crainte et tremblement, au souvenir de cette parole que le Seigneur a dite par le prophte mos ; Vos jours de fle se changeront en des jours de deuil et de larmes. Et lorsque le soleil fut couch, il alla l'ensevelir. Et tous ses parents le blmoient en lui disant : Dj on a donn l'ordre de vous faire mourir pour cette cause, et peine tes-vous chapp ce dcret, vous recommencez donner la spulture aux morls! Mais Tobie, craignant Dieu plus que le roi, emportait ceux qui avoient t tus, les cachoit dans sa maison et les ensevelissoit au milieu de la nuit. Nous pouvons suspendre la narration biblique, tant l'admiration est provoque et tant elle a besoin de se recueillir un moment! Les vertus du premier Tobie sont, en effet, d'autant plus parfaites qu'il marche presque seul parmi les captifs clans cette voie toute cleste, tout anglique. Son courage tire un nouveau lustre de la dfection gnrale. Si cette dsolante comparaison jette un grand deuil dans la mditalion de l'Histoire sacre, du moins un consolant

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exemple donnoit ds lors l'espoir des pieuses mulations. Tobie toit donc comme l'astre d'Isral au milieu de ses frres ; et nous devons croire qu'il en a ramen un grand nombre dans les sentiers du Seigneur. Mais il faut le reconnotre : c'est par les mrites anticips du Rdempteur que, jusque sous l'ancienne loi, se trouve un type si achev de la fraternit sainte et surnaturelle. Oui ! Tobie a pressenti le cur de l'Homme-Dieu; oui! Tobie a connu la vraie charit; oui! Tobie a reu d'avance les grces dcoulant des plaies de Jsus-Christ! Oui! Tobie toit un chrtien de prdestination. Mais qui clairoit ainsi sa foi? qui inspiroitl'ardeur de son zle? qui le soutenoil dans la perscution ? qui lui donnoit la force d'affronter le supplice? qui lui faisoit vaincre chaque jour les rpugnances de la nature? qui le consoloit du blme de ses proches? qui lui prtoit secours dans son labeur et dans toutes ses angoisses? Le Ciel se charge de la rponse par la voix d'un Archange ; mais, auparavant, de nouvelles tribulations vont donner encore plus d clat et de mrite l constance de sa foi.
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Reprenons le texte divin : Or, il arriva un jour qu'aprs beaucoup de fatigue pour ensevelir les morts, Tobie revint chez lui, se coucha au pied d'une muraille et s'endormit (1) ; et pendant son sommeil, il tomba d'un nid d'hirondelle de la fiente encore chaude sur ses yeux, et il devint aveugle. Dieu permetloit que cette
[\) Sans avoir eu le temps d observer la purification lgale, aprs l'attouchement des cadavres, ce qui l'empchoit d'enirer et de communiquer avec personne dans sa propre maison. IL 28
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preuve lui arrivt, afin que sa patience, comme celle du saint homme Job, ft l'exemple de la postrit. Car ayant toujours gard, ds son enfance, la crainte de Dieu et la fidlit ses prceptes, il ne murmura point contre lui de ce qu'il lui envoyoit cette affliction de la ccit. Mais il resta ferme dans la crainte de Dieu, lui rendant grces tous les jours de sa vie. Et, de mme que les rois insultoient au bienheureux Job, ainsi ses parents et ses allis se railloient de ses actions et lui demandoient : O est votre esprance pour laquelle vous avez fait tant d'aumnes et tant de spultures? Mais Tobie les reprenoit et leur disoit: Ne parlez pas ainsi; car nous sommes les enfants des saints et nous attendons la vie que Dieu a promise ceux qui ne violentjamais la foi qu'ils lui doivent. Or, Anne, sa femme, alloittous les jours travailler la toile et apportoit pour vivre le salaire qu'elle en obtenoit. Il arriva donc qu'une fois ayant reu un chevreau, elle l'apporta la maison; et son mari l'ayant entendu crier dit : Prenez garde que ce chevreau n'ait t drob, etrendz-le son matre, parce qu'il ne nous est point permis de manger ce qui a t drob, ni mme d'y toucher. Alors sa femme irrite lui rpondit : Toutes vos esprances sont bien manifestement vaines; et voil ce que vous ont valu vos aumnes. Et ainsi par ces reproches et par d'autres paroles semblables sa femme l'insultoit. Alors Tobie, gmissant, commena cette prire dans les'jarmes : Seigneur, vous tes juste et tous vos jugements sont droits, et toutes vos voies sont misricorde, vrit et justice. Et maintenant, Seigneur, sou-

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venez-vous de moi, ne lirez point vengeance de mes pchs, et ne vous rappelez ni mes offenses ni celles de mes pres. Pour n'avoir point obi vos lois nous avons t livrs au ravage, la captivit, la mort, et nous sommes devenus la fable et le jouet de toutes les nations parmilesquelles vous nous avez disperss. Et maintenant, Seigneur, vos jugements sont grands parce que nous n'avons point agi selon vos prceptes et nous n'avons point march dans la sincrit devant vous. Et maintenant, Seigneur, que votre volont soit faite sur moi et commandez que mon me soit reue dans la paix, car pour moi il vaut mieux mourir que vivre. Tandis que Tobie prioit ainsi le Seigneur, voil qu'une autre prire s'levoit, d'une contre lointaine, jusqu'au trne de Dieu; et les Anges toient attentifs ; et de la terre au Ciel ils en recueilloient les paroles dont ils dvoient porter aussi la divine rponse. En ce mme jour, continue le livre sacr, il arriva que Sara, fille de Raguel, dans la ville de Rages en Mdie, eut souffrir des reproches de l'une des servantes de son pre, .parce qu'elle avoit t marie sept fois, et qu'un dmon, qui porte le nom d'Asmode, avoit chaque fois tu le nouveau mari, au moment o il alloit s'approcher d'elle. Lors donc qu'elle reprenoit cette servante pour quelque faute, celle-ci rpondit: Puissions-nous ne voir jamais sur la terre ni fils ni fille venant de vous, meurtrire de vos maris ! Est-ce que vous voulez me tuer comme vous avez tu sept maris? A cette parole, Sara monta dans une chambre haute de la maison, o elle resta trois jours

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et trois nuits sans boire ni manger. Et persvrant dans la prire elle demandoit Dieu, avec larmes, qu'il la dlivrt de cet opprobre. Et le troisime jour, la fin de sa prire et bnissant le Seigneur, elle dit : Que votre nom soit bni, Dieu de nos pres, qui, aprs vous tre irrit, faites misricorde, et qui, au temps de la tribulation, pardonnez les pchs h ceux qui vous invoquent. Seigneur, je tourne vers vous mon visage et j'arrte mes yeux sur vous. Je vous supplie, Seigneur, de me dlivrer de cet opprobre, ou du moins de me retirer de cette terre. Vous savez, Seigneur, que je n'ai jamais dsir un mari et que j'ai conserv mon me pure de toute mauvaise pense. Je ne me suis jamais mle ceux qui aiment les divertissements, ni la compagnie des personnes frivoles; et j'ai consenti recevoir un mari avec votre crainte, et non point avec passion. Mais peut-tre, tois-je indigne de ceux que l'on me destinoit, ou peut-tre aussi n'toient-ils pas dignes de moi; ou bien encore vous m'avez rserve pour un autre poux ; car vos conseils ne sont pas en la puissance de l'homme. Mais quiconque vous adore est assur que si sa vie est soumise aux preuves, elle sera enfin couronne; si vous l'affligez, il sera consol, et si vous le chtiez, il lui sera donn d'obtenir misricorde ; car vous ne voulez pas vous complaire dans nos malheurs; mais aprs la tempte vous rendez le calme, et aprs les gmissements et les larmes, vous rpandez la joie. 0 Dieu d'Isral, que votre nom soit bni dans tous les sicles! Les prires de Tobie et de Sara furent exauces

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en mme temps devant la gloire du Dieu suprme. Queveul dire cettemagnifiqueparole : devantla gloire du Dieu suprme? N'est-elle pas crite pour nous apprendre que Dieu avoit daign tenir conseil en quelque sorte, au milieu des churs des Anges et de toute la cour cleste, sur les grces nouvelles qui alloient rpondre aux soupirs des saints de lalerre? Voici en effet la suite de celle sublime dlibration. El Raphal, le sainl Ange du Seigneur, fui envoy pour gurir ces deux suppliants dont les prires avoient t prsentes en mme temps devant le trne de Dieu, Cette mission de l'Archange va devenir visible, et il n'y aura plus aucune explication donner, car le texte mme dveloppera dans les paroles, dans les prires, dans les vertus des personnages de cette anglique histoire, comme dans les faits dont elle se compose, toutes les lumires- qu'elle a pour but de runir sur la saintet du lien qui fait le fondement de la socit lout entire. Dsormais la narration sacre sera pleine de la prsence de l'Archange Raphal, et elle respirera aussi le parfum des esprits clestes invisiblement rpandus au milieu de la famille des saints. Nous suivrons donc le texte sans rien interrompre, et sans rien omettre jusqu' la fin, sauf donner ensuite quelques claircissements sur une question particulire l'influence des bons Anges et des dmons. Reprenons la suite du rcit. Tobie, esprant que le vu qu'il avoit fait de mourir bientt seroit exauc, appela son fils Tobie et lui

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dit : Ecoute, mon fils ! les paroles de ma bouche, et pose-les dans ton cur comme un solide fondement. Lorsque Dieu aura reu mon me, ensevelis mon corps, et honore ta mre tous les jours de ta vie; car lu ne dois pas oublier quels prils elle a t expose quand elle te portoit dans son sein : et lorsqu'elle aura elle-mme termin ses jours tu l'enseveliras auprs de moi. Que Dieu soit dans ta pense chaque instant de ta vie, et garde-toi de jamais consentir au pch et de violer les prceptes du Seigneur notre Dieu. Fais l'aumne de ton bien et ne dtourne tes regards d'aucun pauvre; et par l tu seras sr que Dieu ne dtournera pas non plus ses regards de toi. Sois donc charitable autant que tu le pourras ; si tu es dans l'abondance, donne abondamment; si lu as peu, aie soin de donner ce peu de bon cur; car tu amasseras ainsi un grand trsor et une grande rcompense pour le jour de la ncessit.L'aumne, en effet, dlivre de toutpch; el de la mort; et elle ne laissera point tomber l'me dansles tnbres. Elle sera devant le Dieu suprme Ja grande confiance de ceux qui l'auront faite. Veille sur toi, mon fils! contre toute impuret, et garde-toi de jamais aimer une autre femme que la tienne, ce qui seroit un crime. Ne permets pas que l'orgueil domine en rien dans tes penses ou dans tes paroles, car l'orgueil est le principe de toute ruine. Ds qu'un homme aura travaill pour toi, donne-lui aussitt son salaire, et que la rcompense du mercenaire ne reste jamais dans tes mains. Prends garde de jamais faire autrui ce que tu craindrais qu'on le ft toi-mme. Mange ton pain

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.avec les pauvres et avec ceux qui ont faim, et couvre de les vtements la nudit de ceux qui n'en ont pas. Mets ton pain et ton vin sur le tombeau du juste et garde-toi de les dissiper avec les pcheurs. Cherche toujours le conseil du sage. Bnis Dieu en tout temps, prie-lc de diriger tes voies et que toutes tes penses vivent en lui. Je te prviens aussi, mon fils, que lorsque tu lois encore enfant, j'ai prt dix talents d'argent Gablus . de la ville de Rages au pays des Mdes, et que j'ai sa promesse entre mes mains. C'est pourquoi trouve le moyen d'arriver jusqu' lui, pour recouvrer celte somme en lui rendant sa promesse. Sois sans crainte, mon fils! nous menons une vie pauvre, il est vrai, mais nous aurons un trsor si nous craignons Dieu, si nous fuyons le pch et si nous faisons le bien. Alors Tobie rpondit son pre : Mon pre, je ferai tout ce que vous me commandez; mais je ne sais comment je pourrai recouvrer cette somme : le dbiteur ne me connot point, et jenele connois point non plus. Quelle preuve lui donnerai^je? je ne sais pas mme le chemin de son pays. Le pre reprit en disant : J'ai son crit entre les mains. Aussitt donc que tu le lui montreras, il te rendra cette somme. Mais va d'abord chercher quelque homme fidle qui puisse aller avec loi, en lui promettant une rcompense, afin que lu reoives cet argent pendant que je suis encore en vie. Tobie tant donc sorti trouva un jeune homme resplendissant, dont la ceinture relevoit le bord de sa robe, et qui se tenoil comme prt marcher; et ne sachant pas que c'toit un Ange de Dieu, il le salua el

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lui dit; D'o tes-vous, bon jeune homme? Il lui rpondit: Je suis des enfants d'Isral. Tobie lui demanda : Savez-vous le chemin qui conduit au pays des Mdes? L'Ange rpondit : Je le sais, j'ai souvent parcouru tous ces chemins et j'ai demeur chez Gablus, notre frre, qui habile Rages, ville des Mdes, dans les montagnes d'Ecbatane. Tobie reprit : Attendez-moi, je vous en prie, jusqu' ce que j'aie dit tout cela mon pre. Alors Tobie rentrant rapporta tout son pre, qui, dans l'admiration de cette rencontre, fit prier le jeune homme de venir vers lui. tant donc entr, il salua Tobie en disant : Que la joie soit toujours avec vous ! Et Tobie rpondit : Quelle joie puis-je esprer, moi qui suis assis dans les tnbres et priv de la lumire du ciel? Le jeune homme ajouta: Ayez bon courage, le temps approche o Dieu doit vous gurir. Et Tobie lui dit : Pourrez-vous conduire mon fils chez Gablus, Rages, ville des Mdes? Je vous donnerai une rcompense votre retour. L'Ange rpondit : Je le mnerai et je vous le ramnerai. Et Tobie dit encore : Indiquez-moi, je vous prie, de quelle famille vous tes et de quelle tribu? L'Ange Raphal lui ft alors cette question : Cherchezvous la famille du conducteur qui doit guider votre fils- ou le conducteur mme? Mais, pour que vous soyez sans inquitude, je suis Azarias, fils du grand Ananias. Et Tobie reprit: Vous tes d'une race illustre. Mais je vous supplie de ne point vous fcher de ce que j'ai dsir la connotre. L'Ange lui dit : J'emmne voire fils se portant bien, et je le ramnerai de mme. Tobie rpondit: Que votre voyage soit heureux! Que Dieu

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soit avec vous dans le chemin et que son Ange vous accompagne! Aprs avoir prpar tout ce qu'ils dvoient emporter dans leur voyage, Tobie fit ses adieux son pre et sa mre, et tous deux ils se mirent en route. Et aussitt qu'ils furent partis, la mre se mit pleurer et elle dit: Vous nous avez t notre bton de vieillesse et vous l'avez loign de nous. Plt Dieu que cet argent qui en est la cause n'et jamais exist ! Le peu que nous avions nous suffisoit, et nous devions nous trouver assez riches en gardant notre fils avec nous. Tobie lui rpondit : Ne pleurez point ; notre fils arrivera sain et sauf au terme de son voyage, et il reviendra de mme auprs de nous, et vos yeux le reverront; car je crois que le bon Ange de Dieu l'accompagne et qu'il prend soin de tout ce qui le concerne, et qu'ainsi il reviendra vers nous plein de joie. A ces mots, la mre cessa de pleurer et elle garda le silence. Tobie toit donc parti, et le chien le suivoit; et il fit sa premire station prs .le fleuve du Tigre. Et l, tant all laver ses pieds, un norme poisson sortit de l'eau pour le dvorer. Tobie pouvant s'cria : Seigneur, il s'lance sur moi! L'Ange lui dit: Prenez-le parles oues et tirez-le vous. Ce qu'il fit, etil ramena terre et le poisson palpitoit ses pieds. Alors l'Ange dit encore : Ouvrez ce poisson, prenez-en le cur, le fiel et le foie, parce qu'ils servent de trs-utiles remdes. Aprs cela, Tobie mit sur le feu une partie de la chair qu'ils emportrent avec eux. Ils couvrirent de sel les restes qui leur suffisoient jusqu' leur arrive dans la

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ville de Rages en Mdie. Alors Tobie interrogea ainsi l'Ange: Mon frre Azarias, dites-moi, je vous en conjure, quels remdes peut servir ce que vous avez voulu conserver de ce poisson ? L'Ange rpondit: Si vous mettez un morceau du cur sur le feu, la fume qu'il donne chasse tous les dmons, soit d'un homme, soit d'une femme, en telle sorte qu'ils n'y reviennent plus. Et, quant au fiel, il est bon pour oindre les yeux et pour en gurir les taies (1). Et Tobie lui dit alors : O voulez-vous que nous nous arrtions? L'Ange lui rpondit : Il y a ici un habitant nomm Raguel, qui est de votre tribu et de votre parent. 11 a une fille qui s'appelle Sara, et il n'a p#s de fils ni aucune autre fille que cellel. Tout son bien vous reviendra, moyennant que vous pousiez cette fille. Demandez-la donc son pre, et il vous la donnera en mariage. Tobie rpondit : J'ai entendu dire qu'elle avoit dj pous sept maris et qu'ils sont lous morts; et j'ai appris aussi qu'un dmon les avoit tus. Je crains donc que la mme chose ne m'arrive, et que comme je suis fils unique, je ne fasse descendre dans la douleur la vieillesse de mon pre et de ma mre au tombeau. Alors, l'Ange Raphal lui dit: coutez-moi, et je vous apprendrai quels sont les hommes sur lesquels le dmon exerce son pouvoir. Ceux qui embrassent le mariage de manire bannir
(1) Il n'est pas ncessaire de rechercher avec des commentateurs qui ont cru devoir invoquer ici Pline et Grotius, quelle peut tre la proprit naturelle du fiel de poisson dans la ihrapou tique, pour l'explication de ce texte. L'Archange Raphal exeroit une puissance divine, et il attachoit au moyen extrieur dont il se servoit une secrte vertu qui ds lors se comprend facilement..

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Dieu de leur cur et de leur esprit, et comme le cheval et le mulet, sans intelligence, ne veulent que satisfaire leur passion, ceux-l sont soumis l'influence du dmon. Mais vous, aprs que vous aurez pous cette jeune fille et que vous serez dans la chambre nuptiale, vivez auprs d'elle dans le respect durant trois jours et ne songez qu' prier Dieu avec elle. Et, celte mme nuit, mettez sur le feu le foie du poisson, et le dmon s'enfuira ; et la seconde nuit, vous serez admis dans la socit des saints patriarches; et la troisime nuit, vous recevrez la bndiction de. Dieu afin qu'il vous naisse des enfants dans un parfait tat. Or, la troisime nuit passe, vous recevrez cette vierge dans la crainte du Seigneur et* clans la vue d'avoir des enfants plult que pour obir la passion, afin que vous ayez pari la bndiction de Dieu par vos enfants dans la race d'Abraham. Ils entrrent donc chez Raguel, et Raguel les reut avec joie ; et, lorsque Raguel eut regard Tobie, il dit Anne, sa femme : Comme ce jeune homme ressemble mon cousin ! Et, ensuite, il demanda: D'o les-vous, nos jeunes frres? Ils lui rpondirent : Nous sommes de la tribu de Nephtali et de la captivit de Ninive. Raguel. reprit : Connoissez-vous mon frre Tobie? Ils lui rpondirent : Nous le connoissons. Et comme Raguel disoit beaucoup de bien de Tobie, l'Ange lui dit : Tobie dont vous nous parlez est le pre de celuici. Raguel se prcipita vers lui, l'embrassa avec larmes, et, pleurant son cou, lui dit : Mon fils, que Dieu vous donne ses bndictions, car vous tes le fils d'un homme de bien, d'un homme parfait. Alors, Anne, sa femme,

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et Sara, sa fille, se mirent aussi pleurer. Aprs ces entretiens, Raguel fit tuer un blier el prparer le repas ; et, comme il les prioit de se mettre lable, Tobie lui dit : Je ne mangerai et ne boirai rien ici en ce jour que vous n'ayez rpondu ma demande et que vous ne me promettiez de m'accorder Sara, votre fille. A ces paroles, Raguel fut saisi d'effroi, sachant ce qui toit arriv aux sept maris qui toient entrs prs d'elle, et il commena craindre qu'il n'en ft tic mme pour. celui-ci ; et, comme il hsitoit, sans faire aucune rponse, l'Ange lui dit : Ne craignez pas de donner votre fille ce jeune homme, parce qu'il craint Dieu el qu'il est digne de votre fille ; et c'est pour cela qu'aucun autre n'a pu tre son poux. Alors, Raguel dit : Je ne doute point que Dieu n'ait reu en sa prsence mes prires et mes larmes, et je crois qu'il permet que vous veniez moi afin que ma fille pouse un homme de sa parent, selon la loi de Mose ; ainsi, soyez sr que je vous l'accorde. Et aussitt, prenant la main droite de sa fille, il la mit dans la main droite de Tobie, et il dit : Que le Dieu d'Abraham, le Dieu d'tsaac, le Dieu de Jacob soit avec vous; que lui-mme il vous unisse, et qu'il accomplisse en vous sa bndiction. Puis, ayant pris une feuille, ils crivirent l'acte de mariage. Aprs quoi, ils mangrent, en bnissant le Seigneur. Et Raguel appela Anne, sa femme, et lui dit de prparer une autre chambre; et elle y mena sa fille qui pleuroit; et elle lui dit: Ma fille, rassurez-vous; que le Dieu du ciel vous comble de joie au lieu du deuil dont vous avez t afflige. Et, le repas du soir tant termin, ils

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conduisirent auprs d'elle le jeune Tobie. Et Tobie, se souvenant des paroles de l'Ange, prit un morceau de foie du poisson et le posa sur des charbons ardents. Et l'Ange Raphal s'empara du dmon et l'enchana dans le dsert de la haute Egypte. Ensuite, Tobie s'adressant la jeune fille, lui dit: Sara, levez-vous, et prions Dieu aujourd'hui, et demain, et aprs-demain, car, durant ces trois nuits, nous devons l'adorer; et, aprs la troisime nuit, nous serons ensemble comme des poux; car nous sommes les enfants des saints, et nous ne devons pas nous unir comme les nations qui ne connoissent pas Dieu. tant donc levs tous deux, ils prioient Dieu avec une gale ferveur, afin qu'il leur donnt une longue vie. Et Tobie disoit : Seigneur, Dieu de nos pres, que le Ciel, la terre, les fontaines, les fleuves et toutes les cratures vous bnissent. C'est vous qui, avec le limon de la terre, avez form Adam : c'est vous qui lui avez donn Eve pour compagne ; et maintenant, Seigneur, vous savez que ce n'est point avec une passion coupable que je prends ma parente comme pouse, mais avec le seul dsir d'une postrit qui bnisse votre nom dans tous les sicles. Et Sara disoit aussi : Ayez piti de nous, Seigneur, ayez piti de nous, et puissions-nous tous deux parvenir ensemble une heureuse vieillesse ! Et il arriva, l'heure ou le coq chante, que Raguel fit venir ses serviteurs, et ils allrent avec lui pour creuser une fosse, car il disoit : Il en sera peut-tre de celui-ci comme des sept autres qui sont entrs auprs d'elle. Et lorsque la fosse fut prpare, Raguel, revenu

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vers sa femme, lui clil : Envovez une de vos servantes pour voir s'il est mort, afin que je puisse l'ensevelir avant le jour. Elle envoya donc une de ses servantes, qui, tant entre dans la chambre, les trouva tous deux pleins dvie, dormant d'un gal sommeil. Elle revint annoncer cette bonne nouvelle ; et alors Raguel et Anne, sa femme, bnirent le Seigneur, et ils dirent : Nous vous bnissons, Seigneur, Dieu d'Isral, parce que le mal que nous avons craint n'est point arriv, car vous nous avez fait misricorde, et vous avez chass loin de nous l'ennemi qui nous perscutoit, et vous avez eu piti de ces deux enfants uniques. Faites donc, Seigneur, qu'ils vous bnissent de plus en plus et qu'ils vous offrent un sacrifice de louanges, pour le salut de leur vie, et afin que toutes les nations sachent que vous tes le seul Dieu de l'univers. Aussitt Raguel ordonna ses serviteurs de remplir, avant le jour, la fosse qu'ils avoient faite. Il chargea aussi sa femme de prparer un festin et les vivres ncessaires des voyageurs; et il fit tuer deux gnisses des meilleures et quatre bliers pour le festin auquel il invitoit tous ses voisins et tous ses amis. Et ensuite Raguel conjura Tobie de rester avec lui durant deux semaines. Il lui donna la moiti de tout ce qu'il possdoit, et il dclara, .par crit, que l'autre moiti, aprs sa mort et celle de sa femme, appartiendroit Tobie. Alors Tobie appela l'Ange, qu'il croyoit tre un simple mortel, et il lui dit : Mon frre Azarias, coulezmoi, je vous en prie. Quand mme je me donnerois vous comme, esclave, ce ne scroit pas assez pour rc-

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eonnotre tous vos soins. Cependant, je vous supplie encore de prendre des quipages et des serviteurs et d'aller vers Gablus, Rages, ville des Mdes, de lui rendre son crit, en recevant de lui la somme due, et de le prier de venir mes noces ; car vous savez que mon pre compte les jours, et que si je tarde un jour de plus son me sera dans la tristesse. Vous voyez aussi comment Raguel m'a conjur de rester ici et que je ne puis me refuser ses instances. Raphal prit donc quatre serviteurs et deux chameaux, et s'en alla Rages, ville des Mdes, et, y trouvant Gablus, il lui rendit sa promesse et reut de lui toute la somme. Il lui raconta aussi tout ce qui toit arriv Tobie, fils de Tobie, et il l'amena aux noces avec lui. Et lorsque Gablus entra chez Raguel, il trouva Tobie table ; et Tobie se levant aussitt, ils s'embrassrent tous deux, et Gablus pleura et bnit Dieu, et il dit : Que le Dieu d'Isral vous bnisse, parce que vous tes le fils d'un homme parfait, juste, craignant Dieu et faisant l'aumne, et que la bndiction se rpande sur votre femme, sur votre pre et sur votre mre,- et puissiez-vous voir vos fils et les fils de vos fils jusqu' la troisime et la quatrime gnration, et que votre race soit bnie du Dieu d'Isral qui rgne dans les sicles des sicles! Et tous ayant rpondu Amen, ils se mirent table. Mais ils clbroienl le festin mme des noces dans la crainte du Seigneur. Tobie tardant revenir cause de son mariage, Tobie, son pre, toit dans l'inquitude, et disoit : Quelle est, pensez-vous, la cause des retards de mon fils? et pourquoi est-il si longtemps retenu au loin?

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Croyez-vous que Gablus soil mort et que personne n'ait pu rendre la somme? l commenoit donc s'attrister beaucoup avec Anne, sa femme, et ils pleuraient ensemble de ce que leur fils n'toit pas de retour au jour fix. Et la mre surtout versoit des larmes inconsolables, et elle disoit: Hlas! hlas! mon fils, pourquoi t'avons-nous envoy si loin, toi qui es la lumire de nos yeux, notre bton de vieillesse, la consolation de notre vie, l'esprance de notre postrit? Oh ! non, nous ne devions pas te laisser loigner ainsi, toi qui nous tenois lieu de tout. Tobie lui rpondit : Cessez vos plaintes et ne vous troublez pas. Notre fils est vivant et l'homme qui l'accompagne est un guide fidle. Mais rien ne pouvoit la consoler; et, sortant tous les jours, elle jetoit les yeux de tous cts et alloil dans tous les chemins par lesquels elle esprait le retour de son fils, pour le voir de loin ds qu'il paratrait. Cependant, Raguel disoit son gendre: Demeurez avec nous et j'enverrai des nouvelles de votre sant Tobie, votre pre. Et Tobie lui rpondit ; Je sais que maintenant mon pre et ma mre comptent les jours, et que leur me est dans l'anxit. Et Raguel, aprs de nouvelles et vives instances, voyant que Tobie ne vouloit plus couter ses paroles, lui remit Sara entre les mains avec la moiti de tout ce qu'il possdoit en serviteurs et servantes, en troupeaux, en chameaux el en bufs, avec des sommes considrables, et il le laissa partir plein de sant et de joie, et il lui disoit : Que le saint Ange du Seigneur vous accompagne dans la route et qu'il vous conduise sans pril ; puissiez-vous

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trouver vos parents heureux, etpuiss-je, avant de mourir, voir vos enfants ! Alors le pre et la mre, prenant leur fille, l'embrassrent et la laissrent partir, l'avertissant d'honorer son beau-pre et sa belle-mre, d'aimer son poux, de diriger sa famille, de gouverner sa maison et de se conserver toujours irrprochable. Etant donc en chemin pour s'en retourner, ils arrivrent, le onzime jour, Charan, qui est la moiti de la dislance de Ninive ; et l'Ange dit Tobie : Mon frre Tobie, vous savez comment nous avons laiss votre pre; si vous le voulez, allons en avant, et que vos serviteurs vous suivent pas lents pour accompagner votre femme et conduire vos troupeaux. Et comme il leur plut de prendre ainsi les devants, Raphal dit Tobie : Emportez avec vous le fiel du poisson, car il vous sera ncessaire. Tobie l'emporta, et ils htrent leur marche. Or, chaque jour Anne venoit s'asseoir prs du chemin, sur le haut d'une montagne, d'o sa vue s'tendoit au loin. Et comme elle regardoit pour voir si son* fils venoit, elje l'aperut de loin, et, l'instant, elle le reconnut et elle courut l'annoncer son mari, en disant : Voici notre fils qui vient. Et Raphal dit Tobie : Ds que vous serez entr dans la maisou, adorez le Seigneur voire Dieu, et, lui rendant grces, approchez-vous de votre pre, embrassez-le et htezvous d'oindre ses yeux avec ce fiel du poisson que vous portez avec vous, et sachez que les yeux de votre pre aussitt s'ouvriront, qu'il reverra la lumire du ciel et qu'il sera plein de joie en vous contemplant. Alors, le chien qui les avoit suivis courut devant eux, comme
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un courrier qui les auroit prcds; il lmoignoit sa joie par le mouvement de sa queue. Elle pre de Tobie, quoique aveugle encore, se leva et il cherchoit courir, se heurtant chaque pas ; puis, donnant la main un serviteur, il alla au-devant de son fils, et, le recevant dans ses bras, il le baisa, et tous deux ils commencrent pleurer de joie; et, aprs avoir ador Dieu et lui rendant grces, ils s'assirent. Alors Tobie, prenant le fiel du poisson, en mit sur les yeux de son pre, et une demi-heure s'lant coule, la laie, semblable une membrane d'uf, commena se dtacher, et le fils de Tobie la lira des yeux de son pre, qui recouvra aussitt la vue. Et tous, lui, sa femme et ceux qui le connoissoient, rendirent gloire Dieu. Et Tobie disoit: Je vous bnis, Seigneur Dieu d'Isral, de ce que vous m'avez afflig et de ce que vous m'avez guri, et voil que je vois Tobie mon fils. Sept jours aprs, Sara, femme de son fils^ arriva avec tous ses domestiques trs-heureusement, et sa suite les troupeaux, les chameaux, l'argent de sa dot et aussi celui que Gablus avoit rendu. Et Tobie raconta son pre et sa mre tous les bienfaits de Dieu, tout ce que Dieu avoit fait en lui donnant le guide qui l'avoit conduit. Et deux parents de Tobie, Achior et Nabath, accoururent vers lui pleins de joie pour le fliciter de tous les biens que Dieu lui avoit faits. Et tous ils se livrrent l'allgresse dans les festins durant sept jours entiers. Alors Tobie appela son fils et lui dit : Que pouvons-nous donner ce saint jeune homme qui t'a ac-

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compagne? Tobierpondit: Mon pre, quelle rcompense lui donnerons-nous? Et comment trouver quelque chose qui soit digne de ses bienfaits? il m'a men et ramen sain et sauf; et il a reu lui-mme l'argent de Gablus ; il m'a choisi une femme ; il a chass le dmon loin d'elle; il a procur le bonheur de son pre et de sa mre ; il m'a dlivr moi-mme du monstre prt me dvorer; il vous a rendu la lumire du ciel ; et par lui nous avons t combls de biens- Que pouvons-nous donc lui donner en retour de tant de services ? Du moins je vous demande, mon pre, de le prier d'agrer pour lui la moiti de tout ce que nous avons apport avec nous. Et tous deux ils l'appelrent, et l'ayant pris part, ils commencrent le conjurer de recevoir la moiti de tout ce qu'ils avoient recueilli de ce voyage. Mais l'Ange leur dit en secret: Bnissez le Dieu du ciel et rendez-lui gloire devant tous les hommes, parce qu'il a fait clater sur vous sa misricorde. Car, s'il est bon de garder le secret du roi, il est honorable de rvler et de confesser les uvres de Dieu. La prire avec le jene et l'aumne vaut mieux que l'or elles richesses; car l'aumne dlivre de la mort; c'est elle qui efface les pchs et qui fait trouver la misricorde et la vie ternelle. Mais ceux qui commettent le pch et l'injustice sont les ennemis de leur me. Je vous manifeste donc la vrit et je ne vous cacherai point les paroles mystrieuses. Lorsque vous ensevelissiez les morts (1) et que vous laissiez votre nourriture, et que
(4) On voit qu'ici l'Archange s'adresse Tobie le pre. 29.

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vous cachiez les cadavres dans votre demeure durant le jour pour leur donner la spulture durant la nuit, j'ai prsent vos prires au Seigneur. Et parce que vous tiez agrable Dieu, il a fallu que vous fussiez prouv par la tentation. Maintenant donc le Seigneur m'a envoy pour vous gurir et pour dlivrer du dmon Sara la femme de votre fils..Car J E S U I S L ' A N G E R A P H A E L , L'UN SEIGNEUR. D E S S E P T ANGES QUI SOMMES EN P R S E N C E D U

A ces mots ils se troublrent et dans leur effroi ils tombrent la face contre terre. Et l'Ange leur dit : La paix soit avec vous ! ne craignez rien ; car lorsque j'tois avec vous j'y tois par la volont de Dieu. Bnissez-le et chantez ses louanges. Je vous ai paru manger et boire avec vous ; mais j'ai une nourriture et un breuvage invisibles l'il des hommes. Il est donc temps que je retourne vers celui qui m'a envoy. Mais vous, bnissez Dieu et racontez toutes ses merveilles. Aprs ces paroles, il disparut de leur prsence et ils ne le virent plus. Et ils restrent prosterns durant trois heures sur la terre, et ils bnirent Dieu ; et s'lant relevs, ils racontrent toutes ses merveilles. Alors le vieux Tobie ouvrit la bouche et glorifiant le Seigneur il dit: Seigneur, vous tes grand dans l'ternit et votre rgne embrasse tous les sicles. Vous frappez et vous gurissez; vous conduisez l'homme au tombeau et vous le ressuscitez, et nul ne peut chapper vos mains. Enfants d'Isral, rendez gloire au Seigneur et chantez ses louanges devant les nations ; car il vous a disperss parmi les peuples qui l'ignorent, afin que vous leur racontiez ses merveilles, et pour leur apprendre

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qu'il n'y a pas d'autre Dieu tout-puissant que lui seul. II nous a chtis cause de nos iniquits, et il nous sauvera cause de ses-misricordes. Considrez donc ce qu'il a fait pour nous ; louez-le avec crainte et tremblement, et que vos uvres glorifient le roi des sicles. Et moi je le bnirai dans la terre de ma captivit, parce qu'il a manifest sa splendeur sur une nation pcheresse. Vous donc, pcheurs, convertissez-vous. Pratiquez la justice devant Dieu et croyez qu'il vous pardonnera. Mon me se rjouira en lui. Bnissez le Seigneur, vous tous qui tes ses lus; clbrez les jours de l'allgresse, et rendez-lui vos tributs de louanges. Jrusalem, cit de Dieu, le Seigneur t'a chtie cause des uvres de tes mains. Rends grces au Seigneur pour les biens qu'il t'a faits, et bnis le Dieu des sicles, afin qu'il rtablisse son tabernacle dans tes murs ; qu'il rappelle dans ton sein tous tes captifs et que tu sois comble de joies ternelles. Tu brilleras dans l'clat de ta lumire, et tous les peuples de la terre se prosterneront devant toi. Les nations les plus lointaines viendront vers toi, t'appor tant l'hommage de leurs prsents; elles adoreront en toi le Seigneur ; et la terre o tu es sera pour eux une Terre-Sainte, car elles invoqueront en toile grand nom du Seigneur. Ceux qui te ddaigneront seront maudits, ceux qui te blasphment seront condamns, et ceux qui t'difieront seront bnis. Et toi, tu te rjouiras dans tes enfants, parce qu'ils seront tous sanctifis dans leur union avec Dieu. Heureux tous ceux qui t'aiment et qui jouissent de ta paix! mon me, bnis le Seigneur, parce que lui, le Seigneur

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notre.Dieu, il a dlivr Jrusalem, Jrusalem sa cit, de toutes ses tribulations. Heureux serai-je s'il reste encore quelqu'un cle mes descendants pour contempler la splendeur de Jrusalem! Les portes de Jrusalem seront de saphirs et d'meraudes, et toute l'enceinte de ses murailles de pierres prcieuses. Toutes ses places publiques seront paves de pierres blanches et pures, et dans toutes ses avenues on chantera Allluia. Que le Seigneur qui l'a exalte soit bni, et qu'il rgne dans les sicles des sicles, Amen. Ainsi parla Tobie. Et depuis qu'il eut recouvr la vue il vcut quarante-deux ans, et il vit les fils de ses petits-fils ; et aprs avoir, vcu cent deux ans, il mourut et fut enseveli avec honneur dans Ninive. Il avoil cinquante-six ans lorsqu'il perdit la vue, et il la recouvra soixante. Tout le reste de sa vie s'coula dans la joie; el toujours avanant de plus en plus dans la crainte de Dieu, il mourut en paix. A l'heure de sa mort il appela son fils Tobie et les sept jeunes enfants ses petits-fils, et il leur dit : La ruine de Ninive est proche, car la parole de Dieu n'est pas une vaine parole; et nos frres, disperss loin de la terre d'Isral, y retourneront. Toute cette terre maintenant dserte sera repeuple, el le temple du Seigneur qui a t brl sera reconstruit, et tous ceux qui craignent Dieu y reviendront. Et les nations abandonneront leurs idoles et elles iront Jrusalem et elles y feront leur demeure. Et tous ls rois de la terre y seront dans le bonheur en adorant le roi d'Isral. Mes enfants, coutez donc votre pre, servez le Seigneur dans la vrit et appliquez-vous faire

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tout ce qui lui plat. Recommandez vos enfants les uvres de justice et les aumnes, et de garder le souvenir de Dieu et de le bnir en tout temps dans la vrit et de toutes leurs forces. Et maintenant, mes enfan Is, coutez-moi, et ne restez point dans cette ville; et aussitt que vous aurez enseveli votre mre auprs de moi clans le mme spulcre, portez vos pas loin d'ici; car je vois que l'iniquit de cette ville entranera sa perte. Ainsi, aprs la mort de son pre et sa mre, Tbie sortit de Niniveavec sa femme, ses fils et les enfants de ses fils , et il retourna auprs de son beau-pre et de sa belle-mre. Il lies retrouva pleins de vie, dans une heureuse vieillesse ; et il leur donna tous ses soins et il leur ferma les yeux ; et il recueillit tout l'hritage de Raguel et il vit les enfants de ses enfants jusqu' la cinquime gnration. Et, aprs avoir vcu quatrevingt-dix-neuf ans dans la crainte du Seigneur, ses enfants l'ensevelirent dans une sainte joie. Tous s<es parents et tous ses enfants persvrrent avec tant de fidlit dans la pieuse dification, qu'ils furent aims de Dieu et des hommes et detousleshabitantsdecettecontre.)) On vient d'entendre les sublimes adieux du vieux Tobie. Ce n'est plus seulement un saint de ce monde ; c'est un prophte qui sont ouverts les secrets du Ciel. Il prdit en effet, tout la fois, et le rtablissement de la Jrusalem terrestre, et la gloire clc l'glise qu'elle reprsente, et 1'terielle splendeur de la cleste Jrusalem; puis, ses prdictions protgent aussi l'avenir de ses enfants : voil le fruit d'une longue vie de foi, d'esprance et de charil.

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Nul ne s'tonnera donc de ce qu'une si merveilleuse histoire se retrouve ici tout entire, elle est pleine, d'un bout l'autre, de la prsence et de l'inspiration des Anges ; car l'apparition de l'Archange Raphal n'est qu'une manifestation particulire de l'anglique assistance dont cette famille fut constamment environne. Un seul mot doit tre ajout sur l'influence des dmons et sur la mort successive des sept premiers maris de Sara tus par Asmode, le dmon de l'impuret, au moment mme o ils alloient entrer auprs d'elle. Estce dire que l'esprit du mal exerce une souveraine puissance sur l'homme? Non, assurment; son influence est au contraire toujours subordonne . la volont ou la permission de Dieu. Si donc Asmode, dans le but infernal de dsoler une famille sainte et de se venger de la vertu de Sara, entouroit sa couche nuptiale du deuil de la mort, c'est que l venoit aussi le mystre d'une providentielle justice qui prparoit en mme temps le triomphe de l'innocence. Et bientt en effet, Dieu manifeste son empire absolu sur le dmon que l'Archange enchane dans le dsert, non pas sans doute avec des chanes matrielles, mais sous le joug, de la parole divine, barrire plus infranchissable encore que tous les autres remparts. Ainsi l'influence des dmons peut bien un moment prvaloir; mais les Anges arrivent infailliblement au secours des fidles enfants du Seigneur; et la rage satanique obit enfin, en dpit d'elle-mme, la gloire devant laquelle tout genou flchit sur la terre, au ciel et dans les enfers.

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La sainte veuve de Bthulie, dont la gloire restera clbre dans tous les sicles, toit inspire de Dieu. On ne sauroit en douter un seul moment; car l'Esprit Saint lui a donn des louanges qui souvent retentissent dans le temple du Seigneur. Judith avoit donc une mission divine ; et il sera facile de reconnolre, comme elle l'a proclam elle-mme devant le peuple d'Isral, que I ' A N G E D E D I E U L ' A P R O TGE, ET LORSQU'ELLE EST PARTIE, ET LORSQU'ELLE EST REVENUE. RESTE , ET LORSQU'ELLE EST

Gnral des armes de Nabuchodonosor, roi d'Assyrie, Holoferne menaoit d'exterminer toutes les nations qui refuseroient de subir le joug de son matre et de l'adorer. Il avoit consult Achior, prince du pays d'Ammon, afin de savoir pourquoi les Isralites toient les seuls de tous les peuples de l'Orient qui n'alloient point au-devant des Assyriens pour les accueillir dans un esprit de paix. Aprs avoir rsum d'abord tous les grands faits de l'histoire d'Isral, Achior terminoit

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ainsi ses renseignements : Maintenant clone, monseigneur, sachez si ce peuple a commis quelque pch contre son Dieu, et, alors, allons les attaquer, parce que leur Dieu vous les livrera et ils passeront sous votre joug. Mais s'il n'a point offens son Dieu, il nous sera impossible de leur rsister, parce que leur Dieu prendra leur dfense et nous deviendrons l'opprobre de toute la terre. Ce discours irrita les grands officiers du roi d'Assyrie; et, dans sa fureur, Holoferne dit Achior : Puisque tu as fait le prophte, en prtendant que le Dieu d'Isral sera le dfenseur de son peuple, je veux te faire voir qu'il n'y a pas d'autre dieu que Nabuchodonosor; et, lorsque nous les aurons tous tus comme Un seul homme, tu tomberas toi-mme sous le fer des Assyriens et tu priras avec tout le peuple d'Isral.... En ce moment, Holoferne, avec plus de cent mille hommes, alloit assiger Bthulie ; et il ordonna de livrer Achior aux enfants d'Isral; mais les soldats chargs de le conduire l'attachrent un arbre et s'en retournrent. Quelques Isralites, sortant de la ville, le dtachrent et le menrent au milieu du peuple. Il raconta ce qui lui toit arriv, et toute l'assemble lui dit : Le Dieu de nos pres, dont vous avez proclam la puissance, vous en rcompensera, et vous donnera de voir la dfaite de nos ennemis ; et lorsque le Seigneur notre Dieu aura rendu ses serviteurs la libert, qu'il soit aussi voire Dieu !... Dj le grand prtre Eliachim, parcourant tout le

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pays des enfants d'Isral, leur avoit dit : Croyez que le Seigneur vous exaucera si vous persvrez en sq. prsence dans le jene et dans la prire. Et tous ils prioient Dieu qu'il lui plt de visiter son peuple. Bientt les habitants de Blhulie furent rduits aux dernires extrmits. Holoferne avoit intercept l'eau des fontaines, et alors, les hommes, les femmes et les enfants, mourant de soif, supplirent Ozias, qui commandoit dans la ville, de mettre un terme tant de souffrance, en se rendant Holoferne; et ils crioient vers Dieu, en disant : Nous avons pch comme nos pres ; nous avons commis l'injustice et l'iniquit. Ayez piti de nous, car vous tes misricordieux, ou bien vengez-vous de nos offenses par des chtiments; piais ne livrez point ceux qui vous bnissent au peuple qui vous ignore, afin qu'on ne demande point parmi les nations : O donc est leur Dieu? ces paroles, Ozias, les yeux baigns de larmes, se leva et leur rpondit : Reprenez courage, mes frres, et sachons attendre durant cinq jours encore la misricorde du Seigneur. Peut-tre apaisera-t-il son courroux et voudra-t-il faire clater la gloire de son nom ; mais, aprs les cinq jours couls, s'il n'arrive aucun secours, nous ferons ce que vous dites. Ces paroles d'Ozias furent rapportes Judith, veuve de Manass, qui s'toit retire dans une cellule au haut de sa maison. Elle avoit un cilice etpratiquoitun jene presque continuel. Elle loit d'une grande beaut, et son mari lui avoit laiss des biens considrables et de nombreux serviteurs. Tout le monde la respecloit parce

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qu'elle vivoit dans la crainte de Dieu ; et personne ne disoit rien contre elle, A la nouvelle qu'on lui apportait, elle s'cria : Comment Ozias a-t-il donc consenti livrer la ville aux Assyriens s'il ne vous arrive aucun secours avant que cinq jours se soient couls? Et qui tes-vous, pour tenter ainsi le Seigneur? Ce n'est point l une parole capable d'attirer sa misricorde, mais plutt d'irriter sa colre et d'allumer sa fureur. Vous avez fix un temps sa misricorde et il vous a plu de lui assigner un jour ! Mais parce que Dieu est patient, faisons pnitence de cette faute et implorons-en le pardon par nos larmes. Judith rappelle ensuite comment le Seigneur a jadis visit son peuple dans la tribulation, et quelle doit tre la fidlit de ses enfants. Puis elle ajoute : Mais quant ceux qui n'acceptaient point ces preuves dans la crainte de Dieu et qui l'irritaient par leur impatience et leurs murmures, l'Ange exterminateur les a frapps et ils ont pri sous la morsure des serpents. C'est pourquoi gardons-nous de murmurer contre les maux que nous souffrons : con sidrons au contraire qu'ils sont bien moindres que nos pchs, et croyons que parles flaux dont il nous chtie comme des serviteurs, Dieu ne veut pas nous perdre, mais nous corriger. Ozias et les anciens du peuple rpondirent : Tout ce que vous dites est vrai, et il n'y a rien reprendre dans vos paroles. Maintenant donc, priez pour nous, parce que vous tes une femme sainte et remplie de la crainte du Seigneur. Judith reprit : Comme vous voyez que mes paroles viennent de Dieu, sachez de mme si

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ce que j'ai rsolu vient aussi de Dieu; et priez-le d'affermir ma rsolution. Vous serez cette nuit la porte del ville, et j'en sortirai avec ma servante. Demandez alors au Seigneur que, comme vous l'avez dit, il jette dans ces cinq jours un regard propice sur son peuple d'Isral. Ne cherchez pas pntrer mon dessein; et jusqu' ce que je revienne moi-mme vous parler, bornez-vous prier pour moi le Seigneur notre Dieu. Ozias, prince de Juda, lui rpondit: Allez en paix, et que le Seigneur soit avec vous pour nous venger de nos ennemis. Et ils s'en retournrent. Et quand ils furent partis, Judith entra dans la cellule o elle offroit ses prires, et se couvrant d'un cilice, elle rpandit de la cendre sur sa tte, et elle crioit vers Dieu : Seigneur, Dieu de mon pre Simon, qui lui avez donn le glaive contre les trangers qui violoient vos lois dans leur corruption et outrageoient la puret d'une vierge; vous qui avez livr leurs femmes comme une proie et leurs filles la captivit, et toutes leurs dpouilles vos serviteurs pleins de zle pour vous : je vous en conjure, mon Dieu! venez au secours d'une veuve, car vous avez opr les premiers prodiges et vous les avez fait clater successivement ; et tout ce que vous avez voulu a t fait. Toutes vos voies sont prpares, et vos jugements servent votre providence. Jetez donc maintenant les yeux sur le camp des Assyriens, comme il vous plut de regarder les Egyptiens arms, lorsqu'ils poursuivoient vos serviteurs, et se confioient dans leurs chars, dans leur cavalerie et dans leur multitude. D'un regard, vous avez mesur leur camp, et aussitt ils

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furent envelopps de tnbres ; et l'abme a retenu leurs pieds, et les eaux les ont engloutis. Qu'il en soit de mme, Seigneur, de cette arme qui se confie en sa multitude, et se glorifie dans ses chars, dans ses flches, dans ses lances et dans ses boucliers. Ils ne savent pas que vous tes notre Dieu qui fixez, ds le commencement, l'issue des combats, et que voire nom est le Seigneur. levez votre bras comme au commencement et brisez leur force par votre force. Que leur courage s'vanouisse devant votre colre, eux qui se promettent de profaner votre sanctuaire, de souiller le tabernacle de votre nom et de briser de leurs armes l'angle de vos autels. Seigneur, mon Dieu, faites que l'orgueil de leur chef tombe sous son propre glaive; qu'il soit pris comme dans un pige, ma vue, et qu'il soit subjugu par la grce de mes paroles. Et donnez-moi contre lui, en mme temps, l'ascendant du mpris, et la force de le briser. Ce sera l une gloire pour votre nom, de le voir prir de la main d'une femme. Car, Seigneur, votre puissance n'est pas dans la multitude, et vous ne vous complaisez point dans la vitesse des coursiers; et ds le principe, vous avez dtest lessu perbes. Mas la prire des humbles et des misricordieux est toujours agrable vos yeux. Dieu du ciel, crateur des ocans, matre de tout ce qui est, exaucez-moi, pauvre suppliante, qui me repose en votre misricorde. Souvenezvous, Seigneur, de votre alliance et fortifiez au fond de mon cur ma rsolution, afin que la maison d'Isral subsiste pour votre gloire ; et que toutes les nations

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sachent que vous tes Dieu, et qu'il n'y a point d'autre Dieu que vous. Aprs cette prire, Judith appela sa servante, quitta son cilice et ses habits de veuve, se parfuma et se revtit de ses plus beaux ornements. Dieului-mme (lumineuseparole!), Dieu lui-mme lui donna encore un nouvel clat; car toute cette parure ne tendoit pas au mal, mais aune vertueuse rsolution. Ainsi le Seigneur accrut encore sa beaut pdur que, tous les yeux, elle ft incomparable. Elle remit sa servante un vase plein de vin, une fiole d'huile, de la farine, des figues sches, du laitage durci et des pains, et elle partit. Arrive, avec sa servante, la porte de la cit, elle trouva Ozias et les anciens du peuple qui l'attendoient. Et, quand ils la virent, ils s'tonnrent, frapps d'admiration devant sa beaut ; mais ils ne lui firent aucune question et la laissrent passer en lui disant : Que le Dieu de nos pres vous donne sa grce, qu'il fortifie, par sa vertu, le conseil de votre cur, afin que Jrusalem trouve sa gloire en vous et que votre nom soit avec celui des saints et des justes. Et tous ceux" qui toient prsents s'crirent : Qu'il en soit ainsi 1 qu'il en soit ainsi ! El Judith, priant Dieu, franchit les portes, accompagne de sa servante. A l'aube du jour, elle fut rencontre par les gardes du camp des Assyriens, qui la conduisirent dans la tente de leur chef, et aussitt Holoferne fut captiv sa vue ; et il lui dit : Rassurez-vous, bannissez de votre cur toute crainte, car jamais je n'ai fait de mal quiconque s'est soumis au roi Nabuchodonosor. Si votre

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peuple ne m'et pas ddaign, je n'aurois pas pris les armes contre lui. Mais, maintenant, dites-moi comment vous l'avez quitt pour venir nous. Judith rpondit : Agrez les paroles de votre servante, et le Seigneur accomplira merveilleusement tous ses desseins sur vous. Vive Nabuchodonosor, roi de la terre; vive sa puissance dont vous tes revtu pour chtier tous ceux qui s'garent; car, non-seulement vous soumettez les hommes son service, mais toutes les cratures et mme les animaux sont placs sous son joug. Votre sagesse est connue de toutes les nations, et l'on a su, dans tout l'univers, que vous tes seul parfait et puissant dans tout son royaume, et votre habilet fait l'entretien de toutes les contres. On sait aussi les paroles d'Achior et comment vous avez voulu qu'il ft trait ; et il est manifeste que notre Dieu est offens des pchs de son peuple jusqu' lui faire dire par ses prophtes qu'il va l'abandonner cause de ses iniquits. Et parce que les enfants d'Isral savent bien eux-mmes qu'ils ont irrit leur Dieu, la terreur de vos armes est dj sur eux. La famine les presse ; la soif les dvore et fait de la ville un spulcre. Ils sont prts tuer tout leur btail pour en boire le sang, et mme vendre les choses saintes de leur Dieu, auxquelles il leur a dfendu de porter la main ; ils veulent les changer pour le bl, le vin et l'huile, et consommer ainsi leur usage ce qu'il ne leur est pas mme permis de toucher. Et moi, votre servante, voyant cela, j'ai fui loin d'eux, et le Seigneur m'a envoye pour vous le dire; car moi, votre servante, j'adore Dieu jusqu'en votre prsence;

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et je sortirai, et je le prierai, et il me dira quand il doit leur faire expier leurs offenses, et je viendrai vous en prvenir, et je vous conduirai au milieu de Jrusalem, et toullc peuple d'Isral sera devant vous comme des brebis sans pasteur, et on n'entendra pas mme contre vous l'aboiement d'un chien; car ces choses me sont rvles par la providence de Dieu ; et parce que le Seigneur est irrit contre eux, je suis envoye pour vous les annoncer. Or, toutes ces paroles plurent Holoferne et ses serviteurs ; ils admiroient la sagesse de Judith, et ils se disoient entre eux : Il n'y a pas sur la terre de femme semblable celle-ci, soit par sa beaut, soit par le charme de son langage. Et alors Holoferne lui rpondit : Dieu nous a fait une grce de vous envoyer avant ceux de votre nation, afin de les livrer entre nos mains ; et comme vos promesses sont favorables, si votre Dieu les accomplit en ma faveur, il sera aussi mon Dieu ; vous serez grande dans la maison de Nabuchodonosor, et votre nom deviendra clbre dans toute la terre. Alors il ordonna qu'on la fit entrer sous le pavillon o toient les trsors et qu'elle y ft sa demeure ; puis il fixa ce qui lui seroit offert de sa table. Judith lui rpondit : Je ne pourrai manger maintenance que vous voulez me faire offrir, de peur de pcher; mais je mangerai ce que j'ai apport. Holoferne reprit : Si ce que vous avez apport avec vous vient vous manquer, que vous donnerons-nous? Judith rpliqua : Par votre me, mon seigneur, avant que votre servante ait consomm toute sa provision, Dieu aura fait par ma main
II.
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tout ce que j'ai pens. Et aussitt les serviteurs d'Holoferne la firent entrer sous la tente qui lui toit destine. En y entrant, elle demanda qu'on lui donnt la libert de sortir la nuit et avant le jour, pour la prire et pour adorer le Seigneur. Et Holoferne commanda aux gardiens de la laisser entrer et sortir durant trois jours comme elle le voudrait pour l'adoration. Elle alloit donc la nuit dans la valle de Bthulie, o elle se servoil de l'eau d'une fontaine. Et, en revenant, elle prioitle Seigneur, le Dieu d'Isral, de la diriger pour la dlivrance de son peuple. Puis, rentrant sous sa tente, elle y restoit ainsi purifie jusqu' ce qu'elle prt sa nourriture vers le soir. Le quatrime jour, Holoferne donna un festin ses officiers et il dit Vagao, l'un de ses eunuques : Va, et engage cette femme Isralite venir de bonne volont demeurer avec moi ; car chez nous il ne convient pas qu'une femme se joue des vux d'un Assyrien. Alors Vagao, introduit auprs de Judith, lui fit cette question : Jeune femme, pourquoi craindriez-vous de venir auprs de mon matre, d'tre honore en sa prsence, de manger avec lui et de boire le vin qui donne la joie? Et Judith rpondit : Qui suis-je pour contredire mon seigneur? Tout ce qui lui paratra bien, tout ce qui lui paratra mieux, je le ferai; et ce qui lui plaira sera un bonheur pour moi tous les jours de ma vie. Et elle se leva, mit ses parures, et entrant dans le pavillon d'Holoferne, elle se tint en sa prsence. En la voyant Holoferne fut mu jusqu'au fond du cur, car il toit pris d'amour pour elle ; et il lui dit : Buvez et reposez-vous

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avec joie, car vous avez trouv grce devant moi. Et Judith rpondit: Oui, seigneur, je boirai, car mon me est glorifie aujourd'hui plus que dans tout le reste de mes jours. Et devant lui elle prit, elle but et elle mangea tout ce que sa servante lui avoit prpar. Et Holoferne toit tellement joyeux de la voir, qu'il but plus de vin qu'il n'en avoit jamais bu. Le soir tant venu, tous les officiers se retirrent chacun sous sa tente, et Vagao, ayant ferm la porte de la chambre, s'en alla aussi. Ils taient tous assoupis par le vin. El Judith toit seule avec Holoferne qui toit dj sur sa couche endormi dans une grande ivresse. Et Judith avoit dit sa servante de rester devant la porte en surveillance. Et elle-mme se tenoit auprs du lit priant dans les larmes et remuant silencieusement les lvres en disant : Seigneur, Dieu d'Isral, fortifiez-moi et jetez les yeux en ce moment sur l'uvre de mes mains, afin d'exalter selon vos promesses Jrusalem, votre cit, et que j'achve ce que j'ai cru pouvoir faire par vous. Et aprs ces paroles elle s'approcha de la colonne place au chevet du lit, et elle dtacha le glaive qui y toit suspendu; puis l'ayant tir du fourreau, elle saisit Holoferne par les cheveux et dit : Seigneur Dieu, fortifiezmoi en ce moment. Et aussitt elle frappa deux fois le cou d'Holoferne, coupa sa tte, et dtachant le rideau des colonnes, elle jeta son corps terre. Peu d'instants aprs, elle sortit, confia la tte d'Holoferne sa servante et lui ordonna de la mettre dans son sac. Puis elles sortirent toutes deux selon leur coutume et comme pour l prire. Elles traversrent le camp, et tournant le long
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de la valle, elles arrivrent la porte de Btlmlie. Et Judith cria de loin aux gardiens des murs : Ouvrez les portes, car Di-eu est avec nous; il a signal sa puissance d#,ns Isral. sa voix, les gardes appelrent les anciens de la ville. Et, tous, ils accoururent vers e l l e , depuis le plus petit jusqu'au plus grand, car dj ils avoient perdu l'espoir de son retour. Ils allumrent des flambeaux et s'assemblrent autour d'elle. Or, Judith, montant sur un lieu lev, commanda le silence; et tous s'tant tus, elle dit : Bnissez le Seigneur notre Dieu qui n'a point abandonn ceux qui esprent en lui. Il vient d'accomplir en moi sa servante la misricorde qu'il avoit promise la maison d'Isral, et cette nuit mme il a tu par ma main l'ennemi de son peuple. Ensuite, tirant du sac la tte d'Holoferne, elle la leur montra en s'criant : Voici la tte d'Holoferne, prince de l'arme des Assvriens ; et voici le rideau du lit o il toit couch dans son ivresse et o le Seigneur notre Dieu l'a frapp par la main d'une femme. L E D I E U V I V A N T M ' E S T T M O I N Q U E S O N A N G E M'A G A R D E , E T L O R S Q U E JE SUIS SORTIE DE LA CIT, ET TANT QUE JE SUIS RESTE

Et le Seigneur n'a point permis que sa servante ft souille; et il me rappelle vous sans aucune tache, dans la joie de sa victoire, de mon salut et de votre dlivrance. Vous tous rendez-lui gloire, parce qu'il est bon et que sa misricorde est ternelle. Alors tous adorant le Seigneur ils dirent Judith : Dieu vous a bnie dans sa force et il a rduit nos ennemis en poussire par vos mains. Et Ozias, prince du peuple d'Isral, lui dit : Ma fille, vous
LA, ET LORSQUE JE

suis REVENUE ici.

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tes bnie par le Dieu Trs-Haut aurdessus de toutes les femmes de l'univers. Bni soit donc le Seigneur qui a cr le ciel et la.terre, qui vous a conduite pour frapper la tle du prince de nos ennemis; car aujourd'hui il a tellement glorifi votre nom que vos louanges seront jamais dans la bouche des hommes qui se souviendront de la puissance du Seigneur ; parce que vous n'avez pas mnag votre vie cause des angoisses et des tribulations de votre peuple, mais que, pour subvenir sa dtresse, vous vous tes dvoue devant Dieu. Et tout le peuple s'cria : Qu'il en soit ainsi! qu'il en soit ainsi ! Achior fut appel, et il vint, et Judith lui dit : Le Dieu d'Isral, qui vous avez rendu ce tmoignage qu'il est matre de sa vengeance contre ses ennemis, a tranch par ma main cette nuit la tte du prince des infidles; et pour que vous en ayez la preuve, voici la tte d'HoIoferne qui, dans l'insolence de son orgueil, mprisoit le Dieu d'Isral et qui vous menaoit de mort en disant: Quand le peuple d'Isral sera dans mes mains je vous ferai percer par le glaive. Et Achior, voyant la tte d'HoIoferne, fut tellement saisi de terreur qu'il tomba la face contre terre ot dans une extrme agitation. Puis ayant reprisses sens, il se jela aux pieds de Judith, et se tenant prostern il lui dit : Sbycz bnie de votre Dieu clans tous les tabernacles do Jacob, car le Dieu d'Isral sera glorifi lui-mme en vous, parmi lous les peuples o votre nom sera connu. Alors Judith parla ainsi tout le peuple : Mes frres, coutez-moi ; suspendez celte tte sur nos murailles ; et

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ds que le soleil sera lev, que chacun prenne ses armes; et sortez tous grand bruit, sans aller jusqu'aux ennemis, mais comme prparant l'attaque. Alors les gardes avances courront vers le prince pour l'appeler au combat ; et lorsque tous les chefs arrivant au pavillon d'Holoferne ne trouveront qu'un cadavre tronqu et souill de sang, la terreur les saisira ; et lorsque vous les verrez fuir, poursuivez-les hardiment, car le Seigneur les foulera sous vos pieds. < A ce moment, Achior, voyant les merveilles que le c Dieu d'Isral avoit opres, abjura le culte des gentils, crut en Dieu, fut circoncis et compt parmi les enfants d'Isral avec toute sa race, jusqu' prsent. Aussitt que le jour parut, on suspendit aux murailles la tte d'Holoferne; et quand les Assyriens, allant veiller leur prince, ne trouvrent plus qu'un cadavre sans tte, ils s'enfuirent dans la confusion et dans le trouble travers les valles et les collines, abandonnant leur camp et toutes les richesses qu'il renfermoit. Ozias les ft poursuivre jusqu' leurs frontires. Aprs quoi, le grand prtre Eliachim vint de Jrusalem avec tous les anciens pourvoir Judith; et lorsqu'elle fut venue vers lui, ils la bnirent d'une voix unanime, en disant : Vous tes la gloire de Jrusalem, vous tes la joie d'Isral, vous tes l'honneur de notre peuple ; car vous avez eu un courage d'homme et votre cur a t fort dans sa chaste vertu et dans sa fidlit la mmoire de votre poux ; c'est pourquoi la main du Seigneur vous a soutenue et vous serez ternellement bnie. Et tout le peuple dit encore : Qu'il en soit ainsi! qu'il en soit ainsi !

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Trente jours, suffirent peine pour recueillir toutes les dpouilles des Assyriens. Et l'on remit Judith tout ce qui avoit appartenu Holoferne en or, argent, vtements et pierres prcieuses, ainsi que tous les meubles que le peuple lui donna; et toute la multitude, hommes, femmes, jeunes filles et jeunes gens, se rjouirent au son des cythares et des harpes. Et Judith chanta un cantique de louanges et d'actions de grces en l'honneur du Dieu d'Isral. C'est regret que nous n'essayons pas de redire ici ce chant de gloire, car il est dict par les Anges comme celui de Tobie ; mais il faut s'imposer des bornes, mme dans ce qui reviendroit ainsi ajuste titre l'histoire du monde anglique. Du moins, nous pouvons dire que l'Ange de Judith n'est pas le seul qui apparoisse des yeux fidles dans ce drame : l'Ange conducteur du peuple de Dieu et bien d'autres Anges ont rpandu la terreur sur le camp des Assyriens et les ont mis en fuite. L'Ange d'Achior avoit inspir aussi son courage, avant mme qu'il connt le vrai Dieu ; et il a encore mieux clair sa foi, la lumire d'un grand prodige. N'oublions pas non plus l'Ange de l'humble femme qui accompagnoit Judith; car, nous le savons, le Seigneur est le Dieu du serviteur comme il est le Dieu du matre ; et il a donn des Anges gardiens tous les enfants des hommes.

LES

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La gloire d'Eslher el de Mardoche est toute miraculeuse; elle clate dans l'un des plus admirables pisodes de l'Histoire sainte; elle appartient aux uvres de Dieu sur son peuple. On doit donc croire, on doit donc dire que les faits qui la dveloppent ont t prpars, conduits et consomms a v e c i e concours des Anges. Mais il est permis d'en abrger les dtails, sans nuire l'ensemble du merveilleux rcit. Orpheline de la captivit d'Isral et adopte par Mardoche, frre de son pre et l'un des anciens du peuple, de la tribu de Benjamin, la jeune Esther toit doue de tous les dons de la nature et de la grce. Son pre adoptif, pouss par une inspiration providentielle, l'avoit mise au nombre des vierges parmi lesquelles le roi de Perse, Assurus, devoit choisir une femme pour remplacer la reine Vasthi. Elle toit prdestine cette gloire pour en mriter une meilleure; et le pole a pu mettre dans sa bouche ces heureuses paroles :

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Dieu lient le cur des rois entre ses mains puissantes; Il fait-que tout prospre aux mes innocentes, Tandis qu'en ses desseins l'orgueilleux est tromp. De mes foiblcs attraits le roi parut frapp : Jl m'observa longtemps dans un sombre silence; Et le Ciel, qui pour moi fit pencher la balance, Dans ce temps-l, sans cloute, agissoit sur son cur.Enfin, avec des yeux o rgnoit fa douceur : Soyez reine! dt-il. Et, ds ce moment ramc, De sa main sur mon front posa sou diadme.

Par le conseil de Mardoche, Esther n'avoit dclar ni quel toit son pays ni quel loit son peuple; car elle obissoit ses ordres comme dans son enfance. Le saint vieillard demeurait prs de la porte du palais du roi, dans la ville de Suse, et il lui toit facile de correspondre avec l'orpheline couronne, tout en gardant leur secret. Or, il arriva que Mardoche dcouvrit.le complot de deux eunuques , Bagathan et Thars, qui vouloient attenter aux jours du roi; il en avertit aussitt Esther, et par elle Assurus. Puis, les deux coupables, ayant avou leur crime, furent livrs au supplice; et le fait fut consign dans les annales du royaume. Cependant un Amalcile, Aman, toit devenu le premier ministre du roi; et tout le peuple flchissoit le genou devant lui et l'adoroit. Mardoche toit le seul qui restt debout quand il passoit, ne voulant pas rendre un mortel l'hommage qui n'est d qu' Dieu. Aman s'en aperut et s'en irrita au point de vouloir se venger non-seulement sur Mardoche, mais sur le

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peuple juif dans lous les tals du royaume. Il eut donc soin de calomnier d'abord les enfants d'Isral auprs d'ssurus; et bientt il obtint des lettres scelles du sceau royal qui ordonnoient aux satrapes et aux magistrats de faire exterminer tous les juifs, hommes, femmes et enfants, le treizime jour du mois d'Aclar, et de livrer leurs biens au pillage. Et le mme clit toil dj affich au temps o le roi et son ministre clbroient ensemble un grand festin, tandis que toute la population juive toit dans le deuil et dans les larmes. A cette nouvelle, Mardoche dchira ses vtements, se revtit d'un sac, rpandit de la cendre sur sa tte et se lamenta sur la place publique, jusqu'aux portes du palais, o il ne lui toit pas permis d'entrer en cet tat. Esther, l'ayant appris, lui fit offrir d'autres vtements ; mais il ne voulut point les accepter ; alors elle lui envoya Athac, l'un des eunuques, pour savoir la cause de ce deuil. Mardoche lui montra l'dil et le chargea de prier la reine d'entrer auprs d'Assurus, pour intercder en faveur du peuple juif. Esther r pondit : Tous les serviteurs du roi et toutes les provinces de son empire savent que quiconque, homme ou femme, entre clans l'appartement intrieur clu roi sans tre appel, est immdiatement mis mort, moins que le roi ne lui tende son sceptre d'or en signe de clmence. Comment donc pourrois-je entrer auprs du roi, puisqu'il y a dj trente jours qu'il ne m'a fait appeler? Aprs avoir entendu cette rponse, Mardoche fit dire Eslher : Ne croyez pas sauver seule votre vie, parce que vous tes dans le palais du roi, si

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tous les juifs prissent; car, si vous gardez maintenant le silence, il y aura quelque autre moyen de dlivrer le peuple d'Isral, et vous prirez, vous et toute votre maison. Mais, qui sait si vous n'tiez pas rserve pour ce temps-ci lorsque vous tes devenue reine? Eslher fil clone transmettre Mardoche ces autres paroles : Allez, assemblez tous les juifs habitants de Suze, et priez pour moi. Abstenez-vous de breuvage et de nourriture durant trois jours, et je jenerai comme vous avec mes femmes, et ensuite, malgr la dfense, j'entrerai chez le roi sans y tre appele, en me livrant au pril et la mort. Et aussitt Mardoche excuta les recommandations d'Eslher. Le troisime jour, Esther prit ses vtenienls de reine, entra dans l'appartement du roi, prs de la chambre royale, au moment o Assurus. toit assis sur son trne, dans le fond et en face de la porte. Ds qu'il aperut la reine Esther, elle plut ses yeux, et il lui prsenta le sceptre d'or qu'il avoit la main ; et Esther, Rapprochant, baisa le sceptre. Et le roi lui dit : Que voulez-vous, reine Esther ? Quand vous me demanderiez la moiti de mon royaume, je vous la donnerais. Mais elle rpondit : S'il plat au roi, je le prie de venir aujourd'hui au festin que je lui ai prpar, et Aman avec lui. Et aussitt le roi dit : Qu'on appelle Aman afin qu'il obiss la volont de la reine. Assurus et Aman vinrent donc au festin qu'Esther leur avoit prpar. Et le roi, aprs avoir bu dans la joie, dit encore Esther : Que voulez-vous que je vous donne? Quand vous me demanderiez la moiti de mon royaume, je

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vous la donnerais. Esther rpondit : La prire que je fais au roi, si j'ai trouv grce ses yeux et s'il lui plat de m'accprtler ce que je dsire, c'est que le roi vienne demain avec Aman au festin que je leur ai prpar; et alors je ferai connotre au roi ce que je veux. Aman se retira donc ce jour-l plein de joie; mais, ayant vu Mardoche restant assis la porte clu palais, sans se lever ni mme se dplacer son passage, il en conut une vive indignation; et, dissimulant sa colre, il rentra dans son palais et lit venir ses amis avec Zars, sa femme. Il leur parla de ses richesses, de ses nombreux enfants et de ce comble de gloire o le roi l'avoil lev au-dessus de tous les grands de sa cour et de tous ses ministres, et il ajouta : La reine Esther m'a appel seul au festin qu'elle a donn au roi, et demain je dois encore manger chez elle avec le roi. Mais, malgr tout ce bonheur, je crois n rien avoir, tant que je verrai le juif Mardoche assis la porte du palais du roi. Zars, sa femme et tous ses amis lui rpondirent : Faites dresser une potence de cinquante coudes de haut, et demain au matin demandez au roi qu'on y attache Mardoche, et vous irez plein de joie au festin du roi. Ce conseil rjouit Aman, et il ordonna que la potence ft ainsi dresse. Dans la nuit du mme jour, le roi, n'ayant pas de sommeil, se fit apporter les annales historiques des annes prcdentes, et cette lecture faite devant lui amena le passage o il toil crit de quelle manire Mardoche avoit dcouvert le complot des eunuques Bagalhan etThars, qui avoient voulu gorger As-

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surus. En coulant ce rcit, le roi demanda : Quel honneur et quelle rcompense Mardoche a-t-il reus pour celte preuve de fidlit? Ses serviteurs et ses officiers rpondirent : Il n'a reu aucune rcompense. Aussitt le roi dit : Qui est l dans le vestibule? Or, c'toitAman qui venoit dans l'appartement contigu la chambre du roi pour lui conseiller de faire suspendre Mardoche au gibet dj prpar. Les serviteurs rpondirent donc : Aman est dans le vestibule. Et le roi dit : Qu'il entre. Aman tant entr, le roi lui demanda: Que doit-on faire pour un homme que le roi veut combler d'honneur? Aman, s'imaginant en lui-mme que le roi ne vouloit honorer nul autre que lui, rpondit: L'hompie que le roi dsire honorer doit tre couvert des vtements royaux, plac sur l'un des chevaux dont le roi a coutume de se servir et porter son front le diadme royal ; et le premier des princes et des grands de la cour du roi doit tenir son cheval et s'avancer avec lui sur la place de la ville, en disant haute voix : Ainsi sera honor celui que le roi veut honorer. Le roi reprit : Hte-toi. Prends un manteau royal et l'un de mes chevaux, et, tout ce que tu viens de dire, fais-le pour le juif Mardoche, qui se tient la porte du palais, el garde-toi de rien oublier de tout ce que tu as dit. Aman prit donc un manteauroyal et un cheval du roi, el il conduisit Mardoche, ainsi vtu, dans la place de la ville; et, marchant devant lui, il disoil haute voix : Celui que le roi veut honorer est digne de cet honneur. Ensuite Mardoche revint sa place, prs de la porte du palais ; et Aman rentra chez lui gmissant et la tte

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voile ; et il raconta Zars, sa femme, et ses amis intimes tout ce qui venoit de lui arriver. Et. les plus sages d'entre eux lui rpondirent: Si ce Mardoche, devant lequel votre humiliation a commenc, est de la race des juifs, vous ne pourrez pas tenir contre lui et vous tomberez ses pieds. Et, comme ils partaient encore, les eunuques arrivrent, et lui dirent d'aller au festin prpar par la reine. Or, le roi et Aman entrrent pour manger avec Eslher, et le roi, aprs les joyeuses libations, rpta encore ce qu'il avoit dit la veille. Que demandez-vous, Esther? que dsirez-vous que je fasse ? Quand vous me demanderiez la moiti de mon royaume, je vous la donnerois. Esther rpondit : Si j'ai trouv grce devant vos yeux, roi ! et s'il vous plat ainsi, accordez-moi la vie, ma propre vie et celle de mon peuple, pour qui j'implore votre clmence, car nous sommes livrs, moi et mon peuple, pour tre fouls aux pieds, gorgs et extermins. Et plt Dieu qu'on nous vendt comme des esclaves! ce mal seroit tolrable et je gmirois en silence. Mais, maintenant, nous avons un ennemi dont la cruaut rejaillit sur le roi. Assurus demanda : Quel est cet homme assez puissant pour une pareille audace? Notre ennemi, rpondit Eslher, notre ennemi le plus cruel, c'est Aman que voici. A ces mots, Aman fut frapp comme d'un coup de foudre et ne put supporter les regards du roi et de la reine. Assurus se leva indigne et passa de la salle du festin dans un lieu plant d'arbres. Et alors, Aman Se leva aussi pour supplier la reine Esther de lui sauver la vie, car il voyoit que le roi mditoitsa perte.

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ssurus, revenant du jardin, vit Aman pench sur le lit o toit Esther, et il s'cria : Comment, il ose porter la main sur la reine en ma prsence et dans mon palais? peine le roi avoit-il parl, que dj un voile toit jet sur la tte d'Aman, et aussitt Harbona, l'un des eunuques du service ordinaire du roi, lui dit : Il y a dans la maison d'Aman une potence de cinquante coudes de haut qu'il tenoit toute prte pour Mardoche, dont la parole a sauv le roi. Et Assurus dit : Qu'il y soit lui-mme attach. Aman fut donc suspendu au gibet qu'il avoit fait prparer pour Mardoche ; ce qui calma la colre d'Assurus.
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Ensuite Mardoche, dont la parent avec Esther fut rvls au roi, devint l'un des dignitaires du royaume. L'dit de proscription contre les juifs fut rvoqu. Ils eurent le droit de se dfendre, en faisant justice euxmmes de leurs ennemis, et une fte solennelle fut institue en mmoire de la dlivrance d'Isral. Voil donc autant de prodiges que de faits, dans cette merveilleuse histoire. Le doigt de Dieu y est visible dans l'invisible action des Anges ; car les causes et les rsultats se trouvent si admirablement enchans, qu'on ne sauroit douter un seul moment de cette nglique providence. Dans une addition au livre d'Esther que saint Jrme a recueillie de l'ancienne version latine, le texte sacr raconte en ces termes une vision de Mardoche bien antrieure aux vnements : Il eut un songe o il entendit des voix, un bruit tumultueux et des tonnerres ; et la terre trembloit et la consternation toit partout;

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LES ANGES DU LIVRE D'ESTIJER.

et voil que deux normes dragons toient prts combattre l'un contre l'autre. A leurs cris toutes les nations s'murent et menacrent le peuple des justes. El ce jour fui un jour de tnbres, de prils, d'afflictions, d'angoisses et de grande pouvante sur la terre. La nation des justes, effraye de ses propres malheurs, toit dans le trouble et dans l'attente de la mort. Et ils jetrent vers Dieu leurs cris de prire; et, la voix de leurs larmes, une petite fontaine devint un grand fleuve et rpandit ses eaux en abondance. Puis la lumire parut et le soleil se leva ; et ceux qui toient dans l'humiliation furent levs, et ils dissiprent ceux qui toient dans la splendeur. Cette vision est manifestement au nombre de celles dont le Seigneur a dit : Je parlerai en songe. Aussi les interprles sacrs ne se bornent pas voir dans la mystrieuse source, devenant un grand fleuve, l'emblme de la gloire d'Esther, mais y ils trouvent aussi la figure de l'glise et des bndictions rpandues sur le monde dans les salutaires accroissements de sa divine influence. La mme rvlation s'applique galement la Vierge des vierges, dans ce verset d'un cantique delaNalivit :
Fiet haec nubecula In virn magnam pluvi.

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DU L I V R E DE JOB,
pQo

Dieu va paratre environn de ses Anges. Et comme la vue du bonheur des lus fera le dsespoir des damns, que l'on ne s'tonne pas si le prince des tnbres apparat lui-mme devant le Seigneur et devant les Esprits de lumire, dans le solennel prlude des tribulations de Job. Gardons-nous ds lors d'interprter les paroles de l'criture en ce sens que Satan soit entr dans le Ciel ; car le Ciel, c'est le sjour de la batitude, et jamais le dmon ne saurait y pntrer. Si donc, il vient en la prsence et pour ainsi dire au milieu de la Cour cleste, sachons comprendre celte apparition de manire a ne pas confondre dans une mme sphre spirituelle les bienheureux et les maudits. L, sans doute, se trouve le mystre de la vie et de la mort ternelles, le mystre du bonheur -et du malheur sans mesure et sans fin, le mystre de l'tat des mes divinises et de l'tat des mes jamais spares de Dieu : et l'ternit seule en appartient la pleine rvlation. Que la foi des vrits saintes nous suffise, et qu'elle serve de rgle
II.
3t

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LES ANGES

la mditation du plus grand spectacle qui puisse tre offert aux yeux des Anges et des hommes : Tpreuve du juste aux prises avec l'adversit. Il y avoit dans la terre de Hus un homme qui s'appeloit Job; il toil simple et droit, craignant Dieu et fuyant le mal. Il avoit sept fils et trois filles. Il possdoit sept mille brebis, trois mille chameaux, cinq cents paires de bufs et cinq cents nesses. 11 avoit de nombreux domestiques, et il toit grand entre tous les Orientaux. Ses fils se visitoient les uns les autres, et se donnoient des festins, chacun son jour, et ils invitaient leurs trois surs venir partager leur joie. Aprs les jours de festin, Job mandoit ses enfants auprs de lui, et il les bnissoit.. Puis, se levant ds l'aurore, il offrait des holocaustes pour chacun d'eux, car il se disoit : Peut-tre mes enfants ont-Us commis quelque pch et n'ont-ils pas bni Dieu dans leur cur. El il renouveloit ainsi ses offrandes tous ls matins. Or, un jour que les Anges taient assembls devant le Seigneur, Satan se trouva aussi au milieu d'eux. Et Dieu lui dit : D'o viens-tu? Il rpondit : J'ai parcouru la terre et je l'ai visite. Et le Seigneur reprit : N'as-tu pas vu mon serviteur J o b , et n'as-lu pas considr qu'il n'a pas son semblable sur la terre; car il est simple et droit, craignant Dieu et fuyant le mal? Satan rpondit : Est-ce que la crainte de Dieu lui est inutile? ne l'avez-vous pas entour lui, sa maison et tous ses biens, comme d'un rempart? N'avez-vous pas bni l'uvre de ses mains et donn l'accroissement toutes ses possessions? mais tendez un peu votre bras et

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frappez tout ce qui lui appartient, et vous saurez s'il vous bnit. Et le Seigneur dit Satan : Voici que je te livre tout ce qui est ii lui : je te dfends seulement d'attenter sa personne. Et aussitt Satan se retira de la prsence du Seigneur. Et, un jour que les fils et les filles de Job se livroient aux joies d'un festin dans la maison de leur frre an, un homme vint dire Job : Tandis que les bufs loient la charrue et les nesses au pturage, les Sabens ont fait une irruption ; ils ont tout enlev en gorgeant vos serviteurs; et je me suis chapp seul pour vous l'annoncer. Et comme il parloit encore, un autre homme arriva et dit : Le feu du Seigneur est tomb du ciel et il a dvor les brebis et les bergers dans l'tablc ; et je suis rest seul pour venir vous l'annoncer. Et comme il parloit encore, un autre homme arriva en disant : Les Chaldens, diviss en trois bandes, ont enlev tous vos chameaux, et ils ont perc les gardiens de leurs glaives; et je me suis enfui seul pour vous l'annoncer. Et comme il parloit encore, un autre homme accourut et dit : Au moment o vos fils et vos filles se livroient aux joies du festin chez leur frre an, voici qu'un vent imptueux venant du dsert a branl la fois les quatre piliers de la maison qui s'est croule et a cras et tu tous vos enfants; et seul j'ai pu m'enfuir pour, vous Tannoncer. Alors Job se leva, dchira ses vtements, se coupa les cheveux, et se prosternant la face contre terre, adora le Seigneur en disant : Je suis sorti nu du sein de ma mre et j'y retournerai nu. Dieu m'avoit tout
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donn, Dieu m'a tout t; il a fait ce qu'il lui a plu de faire : que son nom soit bni ! Ainsi, Job ne pcha poinl dans toutes ces choses el aucune parole coupable ne s'chappa de ses lvres. Or, un jour que les Anges toient assembls devant Dieu, il arriva que Satan se trouvoit aussi au mi lieu d'eux; et le Seigneur lui dit ; D'o viens-tu ? El il rpondit : J'ai parcouru la terre et je l'ai visite. Et le Seigneur reprit : As-tu vu mon serviteur Job, et astu considr qu'il n'a pas son semblable sur la terre; car il est simple et droit, craignant le Seigneur, fuyant le mal et restant pur? Et n'est-ce pas en vain que tu m'as excit contre lui pour l'affliger? Et Satan rpondit: L'homme livre la vie des autres et tout ce qu'il a pour conserver la sienne ; mais tendez votre bras et frappezle dans sa chair et dans ses os, et vous saurez s'il vous bnit. Et le Seigneur dit encore Satan : Voici que je l'abandonne ta puissance ; mais ne va pas jusqu' lui terla vie. Aussitt, Satan, retir de la prscncede Dieu, couvrit Job d'horribles plaies, depuis la plante des pieds jusqu'latte. Et Job, se tenant sur un fumier, nettoyoit ses plaies avec les dbris d'un vase. Alors sa femme lui dit : Vous voil encore dans votre simplicit : vous n'avez plus qu' bnir Dieu et mourir. Job rpondit: Vous parlez comme une femme insense. Si nous avons reu tous les biens de la main de Dieu, pourquoi n'accepterions-nous pas aussi tous les maux? Ainsi, Job dans toutes ces choses ne laissa chapper de ses lvres aucune parole coupable. Or, trois amis de Job, apprenant ses malheurs, arrivrent auprs de lui

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chacun de son ct; c'taient Eliphaz de Thman, Baldad de Sueh et Sophar de Naamath. Ils toient convenus du jour o ils se trouveraient ensemble auprs de lui pour le visiter et le consoler. Ayant jet de loin les yeux sur lui, ils ne purent le reconnotre ; et versant des larmes ils clatrent en sanglots; puis dchirant leurs vtements, ils firent voler la poussire pour la recevoir sur leur tte. Aprs quoi ils s'assirent en face de lui sur la terre ; et durant sept jours et sept nuits, aucun d'eux ne lui adressa laparolp cause de l'excs des douleurs o ils le voyoient plong. Enfin Job rompit le silence; et le cri de la nature l'emportant sur la rsignation, sa longue plainte clata par ces mots qui la rsument tout d'abord : Prisse le jour o je suis n, et la nuit o l'on a dit : Un homme a L conu ! ; > Au lieu de toucher ses amis d'une compassion plus grande encore, les gmissements de Job, mls l'effroyable aspect de sa souffrance, leur firent souponner de sa part quelque iniquit cache ; et liphaz de Thman, enveloppant ce soupon sous de nombreuses paroles, le fait nanmoins comprendre, encore bien qu'il suppose avoir entendu celles-ci dans une vision ; ... Est-ce que l'homme compar Dieu est jamais juste? Peut-il tre pur devant son Crateur? Ses ministres mmes sont chancelants ; et il a trouv le mal dans les Anges. Et combien plus parmi ceux qui habitent des maisons d'argile, qui viennent de la terre et qui seront dvors des vers? Chaque jour ils seront moissonns ; et parce que nul d'entre eux n'a l'intelli-

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gence, ils priront ternellement. Leur gloire ne s'estelle pas vanouie? ils sont morts, et ils n'ont pas connu la sagesse. Aprs d'autres dveloppements; liphaz reprend ainsi : Appelle maintenant une voix qui te rponde; et adresse-toi aux esprits clestes. Oui, la colre tue l'insens et l'envie perd l'homme dbile Mais heureux celui que Dieu punit lui-mme ! Garde-toi donc de repousser les chtiments venus de sa main ! Alors la plainte de Job devient plus vive, et elle relve une injuste accusation, sans murmurer contre Dieu qui il demande seulement de consommer son uvre : . . . Puisqu'il a commenc, qu'il achve de me briser; qu'il tende son bras et qu'il me dracine; et que j'aie cette consolation de n'tre pargn en rien par celui qui m'afflige, afin de n'tre plus en doute avec la saintet mme. Car quelle est ma force pour souffrir encore plus, et comment crotre dans la patience jusqu' la fin? Mon cur a-t-il donc la duret de la pierre? Et ma chair est-elle de l'airain? Hlas! je n'ai en moi aucun secours, et mes proches et mes amis eux-mmes m'ont abandonn. Job exhale de nouveaux gmissements, et il s'crie : ... pargnez-moi, Seigneur, car mes jours ne sont rien. Qu'est-ce que l'homme pour que vous l'leviez en gloire? Et pourquoi votre cur s'approche-t-il de lui? Vous le visitez ds l'aurore, et aussitt vousle mettez l'preuve. Jusqu' quand resterezvous irrit contre moi? Ne me permetlrez-vous pas de respirer? J'ai pch. 0 cleste Gardien des hommes, que dois-je faire? Pourquoi me mettez-vous en opposition avec vous et pourquoi me suis-je un fardeau

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moi-mme ? Pourquoi n'effacez-vous pas mes offenses el ne dtruisez-vous pas mon iniquit ? Voil que je vais m'endormir dans la poussire, et si vous me cherchez l'aube du lendemain, je ne serai plus. Balclad de Sueh prend'la parole et accuse aussi les plaintes de Job, en lui disant : ... Jusqu' quand parleras-tu ainsi? Et tes discours ressembleront-ils toujours aux vents des temptes? Puis il l'exhorte aune meilleure esprance. Il lui dit que Dieu ne rejette pas le cur simple et droit ; et qu'il ne tend pas la main aux mchants. Bientt, ajoute Baldad, il rendra le sourire tes lvres; tes ennemis seront couverts de confusion; car la demeure de l'impie ne subsistera plus. A cette expression d'esprance, Job s'apaise: il admire la justice, la sagesse et la puissance de Dieu, puis il recueille toute sa plainte en ces mots : Je n'ai dit qu'une seule chose, c'est qu'il frappe galement le juste et l'impie (sur la terre) ; mais, du moins, qu'il achve ceux qu'il a blesss, et qu'il ne se complaise pas dans la souffrance du juste. Et Job explique ensuite cette dernire pense : Quand j'aurois lav mes mains dans l'eau la plus pure, quand je serois blanc comme la neige : votre lumire, Seigneur, je serois encore tout souill, et mes vtements auroient horreur de moi. Enfin, Job retombe dans sa dsolation, et il s'crie de nouveau : Pourquoi m'avez-vous tir du sein de ma mre? Que ne suis-je mort avant que l'il ne m'ait vu ! Sopliar de Naamath s'emporte contre Job des accusations plus directes que celles cl'Eliphaz et de Bal-

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dad; et, entre autres reproches, il lui dit : Ton cur s'est endurci et tu oses tendre tes mains vers Dieu ! Sache purger tes uvres de leur iniquit, et alors tu pourras lever jusqu' lui des regards purs, et alors lu seras ferme et tu n'auras rien craindre. Job recommena donc de longues lamentations ; mais en se confiant Dieu et en disant: Celui qui devient l'objet de la drision d'un ami, invoque Dieu et il est exauc. Et en effet, au milieu de tous ses gmissements, le cri de sa prire est toujours plein de foi, d'humilit et d'esprance ; il pleure les pchs, de sa jeunesse; il se soumet la lutte des preuves, jusqu' ce que vienne sa rsurrection, et il dit Dieu : Vous m'appellerez et je vous rpondrai; vous tendrez votre droite l'ouvrage de vos mains; vous avez compt mes pas; pardonnez-moi donc tous mes pchs. Mais il continue sa plainte : La mer creuse le rocher et dmolit peu peu ses rivages : c'est ainsi que vous dtruisez le corps de l'homme. Et il termine en ces mots : Sa chair souffre tant que dure sa vie, et son me pleure sur elle-mme. Plus irrit que la premire fois, Eliphaz de Thman prtend que Job accuse Celui qui n'a point d'gal ; que son iniquit lui dicte ses paroles et que sa langue imite celle des blasphmateurs. Puis il donne cette nouvelle objurgation une srie de dveloppements. Et Job reprend : J'ai entendu souvent de pareils discours, et vous tes tous de cruels consolateurs. Et alors, comparant toutes ses souffrances aux reproches de ses amis, il s'crie : Terre, ne couvre point mon

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sang el n'louffe point mes cris ; car j'ai un tmoin dans le Ciel, elle confident de mon cur habile au plus haut des Cieux. Mais Job accepte la mort, et mme, s'il le faut, une autre expiation au del du tombeau. Encore un peu de temps, et le spulcre sera ma demeure. J'ai dj prpar ma couche dans les tnbres ; j'ai dit la pourriture : Vous tes mon pre, et aux vers : Vous tes ma mre et ma sur. Quelle est donc maintenant mon esprance? et qui pourra la contempler? je l'emporterai dans la tombe. Et croyez-vous que l, du moins, je trouve le repos? Les trois amis de Job ne distinguent pas la rsignalion el la foi dans les plaintes de la nature, et Baldad lui reproche de se livrer au dsespoir, et il lui fait entendre qu'il ressemble aux impies qui ignorent Dieu. Mais Job s'indigne et il leur dit tous : Jusqu' quand affligerez-vous mon me et me tourmenterezvous par vos paroles? Voil dj dix fois que vous essayez de me confondre et que vous ne rougissez pas de m'accabler. J'ignore ce que je suis ; que mon ignorance retombe sur moi; mais vous, pourquoi m'accusez-vous et pourquoi voulez-vous que je sois coupable de mon opprobre? Sachez donc du moins maintenant que la peine que j'endure et que la plaie dont je suis frapp ne viennent pas de la justice vengeresse de Dieu. Aprs cette rponse, sa plainte devient plus amre contre tous ceux qui l'ont abandonn, contre sa propre famille, et il s'crie encore : Ayez piti de moi, ayez piti de moi, vous du moins, mes amis ; car la main de Dieu m'a louch! Pourquoi me frapper

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LES ANGES

comme lui el vous complaire dans mon supplice? Ah ! qui me donnera d'crire mes paroles et de les tracer dans un livre, ou de les graver jamais soit sur le plomb, avec le burin d'acier, soit sur la pierre, avec le ciseau? Car je sais que mon Rdempteur est vivant el que je ressusciterai au dernier jour. Et alors ma peau recouvrira mon corps et je verrai mon Dieu avec les yeux de ma chair. Oui, je le verrai moi-mme el de mes propres yeux, moi-mme et non un autre. Voil mon esprance; elle repose au fond de mon cur. Ici auroil d finir le colloque des amis de Job. Sa foi pouvoit-elle 6Ire plus vive? Sa pense, se dgageant d'un corps couvert de plaies, se retrouvoit dj, par l'esprance, dans un corps glorieux, dans une chair ressuscite, et contemplant de ses propres yeux le Dieu vivant, le Dieu Rdempteur des hommes. Quelle leon d'immortalit! Il n'est donc plus ncessaire, surtout dans les limites traces au Livre des Anges, de suivre encore la controverse des prtendus sages contre le juste abm dans sa douleur. Il suffit de dire que Sophar ayant fait le tableau des chtiments subis mme en ce monde par les impies, Job rpond de nouveau que souvent Dieu leur laisse une vaine prosprit, en se rservant les droits de son ternelle justice; qu'ensuite Eliphaz tant all jusqu' prciser contre Job des accusations formelles, le saint martyr invoque le tribunal de Dieu; que Baldad reprend la parole pour soutenir que nul homme ne peut jamais tre justifi devant le Seigneur; qu'alors Job insiste sur son innocence au sujet des crimes supposs sa charge ;

DU LIVRE DE JOB.

et qu'aprs avoir rappel la crainte de Dieu et l'horreur du mal comme la vraie source de la sagesse, il compare tout ce qu'il fait, sous celte double inspiration, avec le dplorable tat o il est rduit, et il entre dans tout le dtail de sa pieuse vie ; de telle sorte que les trois amis, qui avoient tant parl contre lui, n'ont plus rien rpliquer. Mais un tmoin de cette longue discussion, JEliu, fils de Barachel, s'leva au dernier moment et contre les accusateurs et contre l'accus, soutenant d'une part que les uns n'avoienl pas fait valoir les vritables motifs cle la condamnation de Job, qu'il se permit de condamner lui-mme dans l'emphase d'un langage loul la fois plein des louanges de Dieu et de calomnies contre l'homme de Dieu. A peine liu avoit-il fini de parler que le Seigneur se fit entendre Job, du sein d'un tourbillon (1), et il lui dit : Quel est celui qui enchevtre les sentences de la sagesse clans des discours insenss? Hte-loi de ceindre tes reins comme un homme de guerre; je vais l'interroger et tu me rpondras. O tois-tu quand je jelois les fondements de la terre? dis-le moi si tu peux comprendre. Sais-tu quelle main l'a mesure et a tendu le cordeau sur elle? Sur quoi ses bases sontelles affermies, et qui en a pos la pierre angulaire? Lorsque tous les astres du matin chantoient mes
[\) Le tourbillon (observe Sacy ) toit une nue accompagne de quelque tempte, que l'Ange qui parloit en la personne de Dieu excita pour imprimer de la frayeur et du respect dans l'esprit de ceux qui taient prsents.

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LES ANGES

louanges, et que lous les enfants de Dieu tressailloient de joie? Toutes ces divines parolestant prononces parla voix des Anges, il nous seroit permis d'en reproduire l'admirable suite sans sortir de l'histoire du monde anglique. Mais il est mieux de les lire dans le livre sacr, et d'en lirerseulement icila conclusion : c'estque nul mortel n'a le droit djuger l'action de Dieu sur l'homme, ni danslcs chtiments, ni dans les rcompenses, ni dans les preuves qu'il lui rserve. Tout ce qu'il cre, tout ce qu'il dispose, tout ce qu'il ordonne, tout ce qu'il dfend, tout ce qu'il permet, a une cause dont sa sagesse n'a de compte rendre personne. Ici, pour le saint homme Job, il s'agit d'un problme auquel les Anges loienl initis, et dont l'Ecriture nous a rvl le secret. Nous l'avons donc appris comme un mmorable exemple. Mais quand il toit question d'clairer Job luimme sur cette nigme providentielle, au lieu d'une explication directe, Dieu, aprs avoir condamn d'un seul mol toutes les vaines paroles des hommes sur son uvre, se contente de dployer sous les regards du juste les merveilles visibles de la cration, o la suprme intelligence apparot de toutes parts. Et que faut-il en conclure, sinon que le gouvernement des mes, bien plus digne encore des soins du Crateur, ne sauroit jamais laisser le moindre prtexte au doute, et encore moins la plainte contre sa paternelle providence? Et Job le comprend; il entrevoit enfin la loi de la perfection rserve au Messie, clans la plnitude de la grce; et rpondant au Seigneur, il lui dit hum-

DU LIVRE DE JOB.

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blemenL : Je sais que vous pouvez tout et que nulle pense n'est impntrable vos yeux. C'est donc moi qui enchevtre les sentences de la sagesse dans des discours insenss! J'ai follement parl des merveilles qui surpassent mon intelligence. Mais daignez m'entendre, et je parlerai autrement; j'oserai vous interroger, et vous me rpondrez. J'avois entendu des paroles sur vous, mon Dieu! et maintenant je vous vois. Oui, je m'accuse moi-mme, et je fais pnitence dans la poussire et dans la cendre. Le Seigneur, ayant ainsi consol Job, dit liphaz de Thman : Ma colre s'est allume contre toi, et contre tes deux amis, parce que vous n'avez point parl devant moi avec droiture comme mon serviteur Job. Prenez donc sept veaux et sept bliers, et allez mon serviteur Job. Et offrez-les pour vous en holocauste. Job, mon serviteur, priera pour vous; je l'couterai favorablement, afin que l'imprudence de vos discours ne vous soit pas impute, car vous n'avez point parl devant moi dans la droiture comme mon serviteur Job. liphaz de Thman, Baldad de Sueh elSophar de Naamath s'en allrent donc et firent ce que le Seigneur leur avoit ordonn, t Dieu exaua la prire de Job. Et il se laissa flchir par sa pnitence lorsqu'il pria pour ses amis, Et le Seigneur lui rendit au double tout ce qu'il avoit possd. Tous ses frres, toutes ses surs et tous ceux qui l'avoient connu vinrent le voir et manger avec lui dans sa maison. Ils furent mus et le consolrent de toutes les tribulations que le Seigneur lui avoit envoyes ; et chacun lui fit prsent d'une pice

LES ANGES

d'argent et d'un anneau d'or. Et Dieu bnit Job bien plus encore dans ces derniers temps que dans les premiers: et il eut quatorze mille brebis, six mille chameaux, mille paires de bufs et mille nesses. Il eut aussi sept fils t trois filles. Il nomma la premire Jemina; la seconde Halsia, etla troisime KerenHappuca. Et il n'y avoit nulle part de femmes aussi belles que les filles de Job ; et il les admit au partage de ses biens avec leurs frres. Job vcut encore cent quarante ans, et il vit ses fils et les enfants de ses fils jusqu' la quatrime gnration; et il mourut plein de jours. La narration biblique n'a pas d tre interrompue pour une question que tout lecteur attentif ne manque pas de se faire : Pourquoi n'est-il pas dit un seul mot d'Eliu, avant sa longue harangue que Job entend avec une patience d'autant plus admirable que ses premires plaintes toient plus dchirantes? et pourquoi l'Ange apparaissant au nom du Seigneur laisse-t-il l'cart el la personne d'Eliu, et ses paroles, sans mme en faire la moindre mention? Il y a l un enseignement. Eliu parle sans mission ; il n'a pour lui ni les liens de l'amiti ni l'exprience de la vie; il parle avec prsomption, avec emphase, avec irrvrence, avec tmrit; il parle sans donner aucun des motifs nouveaux qu'il avoit annoncs, pour se constituer en quelque sorte l'arbitre de la cause; et cependant, il ose accuser Job plus encorequene l'ontaccus leslrois autres interlocuteurs. Il est donc condamnable, et il est condamn par

DU LIVRE DE JOR.

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le silence de l'Ange qui ne l'appelle ni h la prire, ni l'expiation de sa faute ; car l'orgueil du discours, alors mme qu'il semble vouloir glorifier le Crateur dans la magnificence des paroles, ne mrite ni l'attention de Dieu, ni celle des Anges, ni celle ces hommes. L'Ange, apparoissant immdiatement aprs qu'Eliu a cess de parler, ou mme peut-tre l'ayant interrompu, s'adresse Job seul, et demande quel est celui qui enchevtre les sentences de la sagesse dans des discours insenss?

L'humble patient prend ensuite pour lui-mme ce reproche qui s'appliquoit bien plutt ses dtracteurs; sa vertu clate ainsi tous les yeux, car l'humilit est la vraie couronne des saints.

LES

ANGES

Dl) L I V R E D E S PSAUMES,
OQ-CK-

Dans les chants divins, comme dans toutes les autres inspirations, les Anges dictent l'homme la parole sacre. Ainsi les Psaumes traduisent pour la terre les concerts du Ciel. Il y a trente sicles que les Cantiques de David ont retenti dans Jrusalem ; et depuis que s'est consomme la grande prophtie qu'ils publioient mille ans l'avance, l'univers chrtien les redit chaque jour et les redira jusqu' la fin des temps. Ils sont compris de tous les curs et par toutes les intelligences : ils parlent des grandeurs de Dieu, des magnificences du ciel, du nant des gloires et des richesses de la terre ; ils annoncent les esprances du pauvre, la consolation de toutes les infortunes, le triomphe des saints, la condamnation des impies, le rgne ternel de la vrit et de la justice. Quelle uvre humaine rappela jamais la posie des inspirations plus pures et tant de sublimits (1)?
(4) Nous reprenons ici une partie dos paroles que VEncyclopdie du XIX sicle nous a empruntes.
e

DU LIVRE DES PSAUMES.

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Le Livre des Psaumes n'est pas tout entier de David. Sans doute le plus grand nombre et les plus beaux sont de-Iui, et son nom est souvent inscrit dans leurs titres; mais plusieurs ont t composs par Asaph, par Eman, par Idithun et par d'autres chefs de l'harmonie sacre, sous l'inspiration du souffle d'en haut. Ainsi encore, nous avons vu que l'hymne Super flumina Babylonis est attribu Jrmie. Jsus-Christ a donn son divin tmoignage aux Psaumes en rappelant ce qu'ils ont dit de lui. Toutes les hardiesses, toutes les magnificences du langage clatent dans leur posie. Souvent ils parlent des Anges ; et peut-tre nous seroit-il permis de citer tout ce qu'ils en disent, s'il ne falloit pas dtacher chaque citation de l'ensemble dont elle n'auroit plus les rayonnements. Bornons-nous donc quelques extraits. Il est dit dans l'un des Psaumes ( 1 ) que l'Ange de
Dieu tablit son camp autour de ceux qui le craignent.

Puis, dans le Psaume suivant (2), David implore le secours divin contre ses perscuteurs et il s'crie :
Que l'Ange du Seigneuries chasse devant lui et qu il s'lance ci leur poursuite !

La foi aux Anges gardiens est comme dj fixe dans ces versets du Psaume XC : Le Seigneur a charg ses Anges de te garder dans toutes les voies : ils te porteront dans leurs bras, de peur que ton pied ne heurle contre la pierre.
(4) X X X I I I , 8. (2; X X X I V , ! ot > 6.

IL

Zi98

LES ANGES

Le Prophte roi s'crie encore : J'adorerai le Seigneur


dans rassemble des dieux, au milieu de ses Anges (1).

Son enthousiasme le transporte jusqu'au ciel des cieux, dans l'hymne o il invite toute la Cour cleste et toute la cration chanter avec lui ses cantiques : nouvelle preuve que les Anges lui dictoienteux-mmesleur divine harmonie :
De Jhovah racontez les louanges Du haul de la ciine des cieux ; Chantez-le tous, glorieux churs des Anges, Sainte arme, entonnez vos chants harmonieux. Brillant soleil, et toi, lune voile, Dites ses grandeurs tour tour ; Vous, cieux des cieux, et toi, vote loile, Clbrez-le sans cesse, et la nuit et le jour. Chantez son n o m ! . . . II dit, et la nature Du nant s'lance sa voix ; Il distribue h toute crature Les bienfaits attachs ses divines lois. Et vous, du fond de la terre et du gouffre, Louez Dieu, serpents et dragons! Et vous, clairs, grle de feu, de soufre, chos de son tonnerre, autans et tourbillons ! Que tous les monts, tout sol vain ou fertile, Tous les arbres et tous les bois, Tout animal, tout oiseau, tout reptile ; Tous les peuples, leurs chefs, leurs juges et leurs rois ;

(!)

PS.

CXXXVllj

2.

DU LIVRE DES PSAUMES. Que toul enfant, toute vierge pudique, Tout vieillard, tout adolescent, Chantent le nom, le nom seul magnifique, Le nom de Jhovah, le nom du Tout-Puissant ! Sur l'univers, plus haut que le ciel mme, Et partout sa gloire a relui. Bnis-le donc, toi, peuple qu'il aime, Peuple saint d'Isral, qui t'approches de lui !

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Dans beaucoup d'autres Psaumes, o le nom des Anges n'est pas mme crit, il est nanmoins impossible de ne pas les contempler des yeux de la foi, autour du trne de l'ternel. Ainsi, quand le Ciel s'ouvre pour l'entre triomphale du Premier-N d'entre les morts, comment ne pas voir sa suite l'innombrable cortge des Esprits clestes?
A Dieu seul appartient le monde, Le monde et tout ce qu'il contient. Au milieu des masses de l'onde, Il a pos la terre, et son bras l'y soutient. Montagne que sa face claire, Quel mortel verra ta splendeur ? Quel mortel de ton sanctuaire Osera pntrer l'auguste profondeur?

C'est l'homme dont les mains sont pures, Qui n'a pas pli son cur droit Aux enseignements des parjures, Et qui nourrit pour Dieu l'me qu'il en reoit.

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LES ANGES DU LIVRE DES PSAUMES. Ce grand Dieu lui donne la grce, El la justice et le bonheur, Il bnira toute sa race, Tous ces fils de Jacob qui cherchent le Seigneur.

Ouvrez vous, dcouvrez vos cimes, Ouvrez-vous, portiques des d e u x , levez vos arceaux sublimes, Et que le 11 oi de gloire entre victorieux !

Quel est ce Roi, ce Roi de gloire? C'est Jhovah, c'est le Dieu fort; Dans les combats Dieu de victoire; C'est le Dieu de la vie et le Dieu de la mort.

Ici, les promesses sacres appellent l'innocence et la saintet aux ternelles rcompenses ; et c'est dans la mditation de celte vrit consolante que le Psalmiste est aussitt ravi par le souffle prophtique jusqu' la vision des futurs triomphes de l'Homme-Dieu. Heureux serions-nous de parcourir tous les hymnes de David, pour y puiser bien d'autres tmoignages de la participation des Anges ces sublimes concertsMais chacun peut suivre ses propres inspirations. Le psaume, dit le saint vque de Csare, est I'OEUVRE DES ANGES.... 0 sagesse de notre divin Prcepteur! il fait en sorte que nous nous instruisions et que nous chantions tout ensemble, afin de graver sa loi plus profondment dans nos mes. (S. Basile : Proem mm in Psalm,).

LES A N G E S
DU LIVRE DES PROVERBES.

On Ta remarqu dans la vie de Salomon, l'criture


proclame la correspondance habituelle des Anges avec le plus sage des sages de la terre (1). Et la meilleure preuve,

hlas! que cette sagesse ne venoit pas de l'homme, c'est que le sage a failli et dplorablement failli. Mais les vrits et les maximes qu'il avoit reues de la bouche des Anges, avant sa chute, sont demeures dans toute leur force et dans toute leur sainte lumire. Les Proverbes, ou paraboles de Salomon, forment comme un code de pieuse morale qui partout se rattache la loi de Dieu; et on peut rpter pour cette uvre ce que saint Bazile nous disoit tout l'heure des Psaumes : C'est Vuvre des Anges. Mais de pareilles leons ne supportent gure l'analyse; elles doivent tre mdites dans leur ensemble, et ensuite dans le dtail de leurs applications. Bornons-nous saluer leur place dans cette revue biblique. Seulement et comme m(4) Pag. 264 supra.

502

LES ANGES DU LIVRE DES PROVERBES.

moire du souffle des Anges dans les saintes paraboles, il faut en citer un exemple. Nous y lisons: A l'homme les dispositions du cur; et Dieu la rponse de la parole (1). Combien de choses dans ce peu de mots ! libert des curs : ils doivent spontanment s'ouvrir l'action divine ; empressement de la grce : elle est toute prte entrer. Que la volont, que la bonne disposition soit tourne vers Dieu, et aussitt son Verbe parle l'me fidle. Plus loin le texte sacr reprend ainsi la mme pense : Le cur de l'homme prpare sa voie; mais Dieu dirige ses pas. Or, nous savons comment il a prpos les Anges cette conduite, de peur que le
pied ne heurte contre la pierre.
(i)xvi, \ et9.

oo

LES ANGES
DU LIVRE DE L M l M S T E ,
oGfi

Tout ce qui vient d'tre dit des Proverbes de Salomon s'applique pareillement l'Ecclsiaste. Mais cet autre monument de la sagesse inspire offre encore un nouveau tmoignage de la prsence des Anges auprs de l'homme, soit pour le protger, s'il accepte leur secours, soit pour le condamner s'il le refuse, en reniant ainsi son Dieu et sa paternelle sollicitude. Le voici : Que jamais votre bouche ne fasse pcher votre chair; et ne dites pas devant I'ANGE (qui vous garde) : Il n'y a point de Providence, de peur que Dieu irrit contre vos paroles ne dtruise toutes les uvres de vos mains (1). Ainsi, de mauvaises imaginations qui traversent l'esprit sans s'y arrter, sans y prendre racine, sont malheureusement toujours une preuve de la foiblesse humaine; mais, quelque condamnables qu'elles soient, elles ne doivent point faire dsesprer de l'tat d'une me qui ne les traduit ni dans ses paroles ni dans ses uvres.
('I) v , B .

504

LES ANGES OU LIVRE DE L'EGCLSIASTE.

Au contraire, celui qui ose un langage impie, celui qui formule la pense coupable au point de la livrer l'oreille de l'homme, ou mme dans le secret aux regards de l'Ange tmoin de toutes ses actions et gardien de tous ses pas, celui-l se dclare l'ennemi de Dieu, et il encourt les anathmes de sa justice. Qu'il revienne donc de son garement et qu'il se jette dans le sein de la misricorde!

LES

ANGES

DU CANTIQUE DES CANTIQUES,

L'glise Ta dclar : le Cantique des Cantiques vient du ciel. Nul homme de fol ne sauroit donc mconnotre le souffle des Anges dans le chant de l'amour divin. Ils y sont mme reprsents sous le symbole de la vitesse des cerfs et des faons. L'Esprit Saint parle seul dans l'pithalame des noces ternelles. L, pourtant, se trouve recueil de bien des mes et comme la pierre de touche des curs. Et voil pourquoi nous ne dtachons le texte du Cantique ni cle la Bible ni des interprtations mdites dans lesquelles nous l'avons, il y a dj longtemps, environn de tous les hommages d'un saint respect, en rappelant que des hommes minenls en pit ont conseill, par leur exemple, cle le lire genoux. C'est Salomon, plus grand alors par le don de la sagesse que par l'clat de son trne, c'est Salomon, c'est un roi qui chante les joies, les douleurs, les esprances.

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LES ANGES

les humiliations et la gloire d'une mystrieuse amante, apparaissant tantt sous la figure d'une jeune fille des champs, tantt sous les traits d'une reine; l, comme une pouse oublie, errante, maltraite par les gardiens des murs de Jrusalem; ici, au contraire, comme bienheureuse entre toutes les femmes ; bien des fois compare la colombe, la tourterelle, la biche timide; d'autres fois une tte couronne dans les splendeurs du Liban, de l'Hermon, du Garmel, ou bien encore, semblable la tour de David et une arme range en bataille ; passant enfin du sein des dlices aux plus sublimes immolations et s'levant de la terre aux cieux. La mystrieuse amante, c'est tout la fois l'glise, la Vierge des vierges, l'me fidle : et le texte sacr se liyre avec une .miraculeuse flexibilit cette triple interprtation. Dans le contraste des formes gigantesques et imposantes et des formes humbles et gracieuses ; dans ces transformations si subites d'un tat de joie et de quitude en un tat d'angoisse et de pril ; dans ce mlange de ravissantes peintures et de morale austre, on voit les signes clatants de la prophtie. Aussi ne faut-il pas s'enqurir avec trop de proccupation des circonstances du pome indpendantes de la sublimit de son but. Que le Cantique des Cantiques soit un chant nuptial pour la terre en mme temps que pour le Ciel, ou qu'il soit exclusivement l'pilhalame des noces divines; qu'il ait eu pour base un fait rel, ou qu'il soit l'uvre

DU CANTIQUE D E S CANTIQUES.

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d'une vision dtache de tout objet prissable; qu'il ail t distribu comme les jours del semaine du mariage des Hbreux, ou bien que sa division soit toute mystique : ce sont l des questions curieuses pour les satisfactions humaines, mais dont la solution importe fort peu la croyance. S'il nous est permis d'exprimer ici une pense diffrente de celle du grand vque de Meaux, nous dirons que le sentiment plus gnral d'aprs lequel le Cantique des Cantiques est entirement tranger aux motions terrestres, nous semble infiniment prfrable toute autre interprtation. Il est appuy sur l'autorit d'un grand nombr de saints commentateurs, qui comparent ce chant divin la parabole du Livre de la Sagesse, dont l'auteur fait dire Salomon : J'ai aim la sagesse; je l'ai recherche ds mon jeune ge; je l'ai voulue pour mon pouse, et je me suis pris de sa beaut ot de ses charmes. Cette explication estfonde aussi sur l'opinion de quelques savants rabbins, en tte desquels il faut placer Aben-Ezra, surnomm le Sage, u Loin de nous, dit-il, loin de nous l'ide qu'il s'agisse, dans le Cantique des Cantiques, d'un amour humain ! car ses expressions sont toutes symboliques. Le point essentiel (et l'glise l'a dcid), c'est que le Cantique des Cantiques est inspir par l'esprit de Dieu, ce qui nous permet et mme nous oblige de nous lever au-dessus de la figure pour contempler toutes les gloires qu'elle prophtise.
1

Le systme d'un fait historique ne contrarie du reste en rien le sens spirituel ; mais la disposition intrins-

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LES ANGES

que de l'uvre parot entirement allgorique; elle se dessine en effet comme une uvre toute d'inspiration. Ds le PREMIER CHANT, les celliers de la vendange et la
vigne, les pavillons de Cdar et les tentares de
9

Salomon,

les troupeaux et les pasteurs annoncent l'esprance des


bndictions ; puis, la couleur basane et le teint noirci,

qui laissent nanmoins intacte la beaut del'pouse, sont autant de symboles , soit des ombres dont l'glise est environne, soit des prodiges del'humilitdanslaVierge divine, soit des mystres de la grce dans l'me fidle. Au DEUXIME CHANT, consacr presque tout entier aux louanges de l'poux et de l'pouse, la prophtie, d'abord suave comme les fleurs et douce comme les fruits, s'lve et s'agrandit tout coup sous l'tendard de la charit; c'est l'tendard de l'poux, c'est l'tendard de la Croix. De profonds mystres sur l'dification de l'glise, sur la gloire de la Vierge-Mre, et sur le salut de l'me fidle, se dcouvrent sous les voiles de la plus gracieuse pastorale et du langage parabolique. Le TROISIME CHANT offre une palpitante peinture des angoisses et des tribulations de l'glise sur la terre. On y voit aussi la sainte hirarchie des forts d'Isral, des princes de la foi, arms du glaive de la parole et prposs la garde du sacr Tabernacle, de la couche nuptiale du roi de la paix, de celle couche empourpre d'un sang divin et dont le centre, sanctuaire de son amour, attire et enflamme tous les curs purs. L'poux porte un diadme... oui! d'pines sur la terre et de gloire dans l'ternit.

DU CANTIQUE D E S CANTIQUES.

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C'est la Vierge-Mre qui donue son Fils cette couronne de l'humanit divinise en lui. Dans le QUATRIME CHANT l'poux annonce les rcompenses de l'pouse sans tache. Elle rgnera sur les
montagnes sourcilleuses tfAmana, ieSanir, 'Bermon.

Elle vient du Liban; elle sera couronne; elle verra les puissances prosternes ses pieds. Elle trouvera sa gloire au-dessus des roches tnbreuses, au-dessus des
tanires des lions et des lopards; au-dessus de toutes les

passions et de tous les scandales de la terre. Et marchant de vertus en vertus, l'pouse arrive et se repose
dans les jardins embaums, au milieu des fleurs, des fruits et des sources d eau vive.
J

Le CINQUIME CHANT est le chant eucharistique. C'est celui dont une interprtation impie a le plus abus. Tout ce qui annonce quelque imperfection de l'pouse, dans cette partie de la parabole, ne sauroit s'entendre que de l'me rendue Dieu parles sacrements, jamais de l'glise, et encore moins de la Vierge immacule. L'poux (Jsus-Christ) invite ses amis au banquet sacr; il se tient la porte des curs; il frappe; l'me
sainte est toujours prte ; elle dort, mais son cur veille;

ds qu'elle entend la voix de son Dieu, et surtout ds qu'il frappe la porte, elle est mue jusqu'au fond de ses entrailles (1); et s'il semble avoir disparu et s'tre
('mues pour lui. Gardons-nous de penser (dit un clbre protestant, Jean Lemercer) qu'il y ait ici quelque choso qui ne soit point chaste, comme se l'imaginent des'hommes impurs et dpravs. Et il ajoute sur le mot "flnn : Apvrlum enim est foramen Ostii inlelligi, quod tetigerat

(*) ybty

^Dl et mes entrailles furent

510

LES ANGES

retir loin d'elle, ni celte preuve, ni aucune autre, ne peut lasser sa constance ; sans perdre courage, nonseulement elle le retrouve elle-mme, mais elle entrane h sa suite tous ceux qui ont eu le bonheur de l'couter et de croire ses paroles. Comme pour servir cle preuve cette marche de la grc^p, le SIXIME CHANT dpeint la joie nouvelle de l'pouse au milieu de la foule innombrable" des mes voues au service du Roi des cieux, dont Salomon, environn des splendeurs de sa cour et de sa gloire, ne pouvoit tre qu'une bien imparfaite image. Au-dessus de toutes ces mes il en est une seule qui est proclame BIENHEUREUSE par excellence; elle, est
semblable Y aurore, au soleil; une arme range en

bataille. C'est la Vierge sans tache; c'est Marie. A la suite du mme tableau, vient se placer une peinture symbolique de l'glise militante, toujours inquite des vignes de la valle, toujours agite dans sa course travers les orages, toujours fatigue du bruit des passions humaines, du bruit des chars d'Aminadab. Le prophte l'appelle; il veut la contempler. L'glise, et c'est ainsi que commence le SEPTIME CHANT, l'glise rpond: Que verrez-vous danslaSulamite, dans l'pouse du Roi de la paix, sinon les concerts d'une arme, comme une harmonie indfinissable?
amicus ; et quo tangente ac manum suam per foramina ser, dum tentaret aperire indente^ commot sibi esse dicit prcordia sponsa. Ce qui confirme encore la vent de l'observation, c'est qu'au moment o l'pouse va au-devant de l'poux , il a dj disparu afin de l'prouver.
y

DU CANTIQUE DES CANTIQUES.

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Mais Ici prophtie clate en admiration la vue de l'assemble des saints. L'orient et l'occident y sont marqus sous l'emblme de deux mamelles fcondes; et le centre de l'glise, Rome, la nouvelle Jrusalem, sous la
figure d'un monceau de froment environn de lis. Toute la

pompe, toute la richesse, et mme toute l'exagration du style, semblent ne pas suffire encore aux lans prophtiques. Alors l'pouse s'crie : Je suis lui! il est moi! elle embrasse dans la sainte esprance l'universalit des enfants de Dieu, la vieille vigne et la vigne nouvelle, les jeunes fruits et les fruits anciens.

Enfin le HUITIME CHANT, plus profond et plus sublime encore que ceux qui le prcdent et dont il est le couronnement, annonce les grandes vrits du salut; et c'est l que se trouve cette magnifique parole : L amour est plus fort que la mort; c'est l que l'Esprit Saint nous dit aussi que Dieu, Dieu notre Pre, doit tre imprim comme l'empreinte d'un sceau, sur le bras et dans l'me de tous ses enfants, car l'amour a vaincu la mort et l'enfer. A cette analyse du Cantique des Cantiques ajoutons que, dans l'vangile, Jsus-Christ se dclare l'poux (J), et consacre ainsi la prophtique rvlation; que le saint Prcurseur l'appelle de ce mme nom (2), et que le grand Aptre le lui donne aussi plus d'une fois (3) ; qu'enfin, dans l'Apocalypse, les noces de iagneau et le triomphe eY poux eleY pouse sont clbrs jusqu'au plus haut des Cieux, dans les concerts des Anges et des saints.

(4) Marc H, 49. (2)Joann. ni, 29. (3) 1 Cor. xi, 3 ; Ephes.y, 25. T

Tout ce que nous avons dire des Anges, sur ce Livre dont l'auteur est inconnu, se concentre dans Tins piration qu'il a reue de l'Esprit-Saint par leur ministre, et qui n'admet pas l'ombre du doute. Qu'il nous soit permis d'en extraire deux pages pleines de lumire. La premire dpeint le dsespoir des maudits :
Du fond des ternels abmes O l'espoir ne pntre plus, Ils aperoivent les lus, Assis sur des trnes sublimes. Les voil, disent-ils, ces saints des temps passs, Les voil couronns des fruils de l'esprance !.. Leur foi sembloit folie, et leur culte ignorance. Ils toient sages tous, et nous tous insenss. Hlas! dans de pnibles voies, Nos jours vainement prodigus, Laissoient nos curs fatigues Plus d'amertumes que de joies !

DU LIVRE DE LA SAGESSE. De quoi nous ont servi les rves de l'orgueil, Et ce pouvoir sans borne, et ces trsors sans nombre?.. Nos striles bonheurs ont pass comme l'ombre, Gomme des flots perdus, ou briss sur l'cueil !

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La seconde citation est relative la manne du dsert, symbole de l'Eucharistie ; et la parole de l'crivain sacr s'adresse ainsi Dieu : Vous avez donn votre peuple la nourriture des Anges. Vous avez fait pleuvoir pour lui le pain du Ciel qui renferme en soi toutes les suavits et toutes les dlices. Et cette substance montrait combien est grand votre amour pour vos enfants; car, se diversifiant au got de chacun d'eux, elle changeoit de saveur leur gr. Et cette sorte de neige et de glace soutenoit sans se fondre l'ardeur du feu, afin de leur apprendre quela flamme qui, chez vos ennemis, clatoit au milieu des orages pour dvorer leurs r coltes, oublioil sa force, afin d'pargner la nourriture des justes. Ainsi, la. crature vous tant soumise comme son auteur, s'irrite contre les mchants et s'adoucit en faveur le ceux qui mettent leur confiance en vous. C'est pourquoi la manne, se conformant tous les dsirs, obissoit votre grce, nourrice de tous les hommes, et rpondoit chacun de ceux qui vous prioienl dans leur indigence. Ainsi, elle appreiioitaux enfants de votre tendresse, Seigneur! que ce ne sont pas les fruils de la terre qui nourrissent les hommes, mais que votre parole conserve tous ceux qui croient
en vous.

Partout des miracles ! partout les Anges de Dieu!


IL

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LES ANGES
D LIVRE DE L'ECCLSIASTIQUE.
<*o -

Inspir de Dieu cl dicl par les Anges, le Livre de Jsus, fils de Sirach, est plein des trsors de la vrit. [1 renferme comme une vision prophtique de l'vangile et de la loi de grce, la fin d'un magnifique loge del Sagesse ternelle, qui a bien le droit de parler ainsi d'elle-mme, au milieu des armes du Seigneur, c'est-dire au milieu des clestes hirarchies. Celte rvlation appartient manifestement au monde anglique et nous la reproduisons. La Sagesse se louera elle-mme; et elle s'honorera en Dieu; et elle se glorifiera devant son peuple ; et elle ouvrira la bouche dans les assembles du Trs-Haut; et elle sera adore en prsence des armes du Seigneur; et elle sera exalte au milieu de son peuple ; et elle sera admire dans l'glise des saints; et elle recevra des louanges parmi la multitude des lus; et elle sera bnie de ceux qui sont bnis de Dieu; et elle dira : Je suis sortie de la bouche du Trs-Haut. Je suis

LES ANGES DU LIVRE DE. L'ECCLSIASTIQUE. 515

ne avant toute crature. C'est moi qui ai fait natre dans le Ciel une inpuisable lumire; c'est moi qui ai couvert toute la terre comme d'un nuage. J'ai habit les hautes cimes et mon trne est clans une colonne de nue. Seule j'ai parcouru la sphre des cieux, j'ai pntr la profondeur des abmes, j'ai march sur les flots de la mer. Je me suis assise dans toutes les contres de la terre et parmi tous ses habitants, et j'ai eu l'empire sur toutes les nations. Par ma puissance, j'ai foul aux pieds le cur de tous les hommes grands etpetils, et en toutes ces choses, j'ai cherch un lieu de repos et je me fixerai dans l'hritage du Seigneur. Alors, le Crateur de l'univers m'a fait connotre sa volont; et Celui qui m'a cre a repos clans mon tabernacle; el il m'a dit : Habitez dans Jacob; qu'Isral soit votre hritage, et jetez vos racines dans mes lus. J'ai t cre cls le commencement et avant les sicles; jamais je ne cesserai d'tre dans la suite des ges. J'ai exerc mon ministre devant Lui dans le sanctuaire. Et j'ai t affermie dans Sion ; et j'ai trouv mon repos dans la cit sainte ; et ma puissance est dans Jrusalem. Et j'ai pris racine dans le peuple que Dieu a honor et dont il a fait son hritage; et ma demeure est dans l'assemble des saints. Je me suis leve comme le cdre sur le Liban, comme le cyprs sur la montagne de Sion, comme le palmier de Cads, comme le rosier de Jricho, comme le plant d'olivier dans la campagne, comme le platane ombrageant le chemin sur le bord des eaux. J'ai rpandu des parfums pareils au cinnamome, l'odeur des aromates, la myrrhe la plus prcieuse. J'ai embaum ma
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LES ANGES

demeure comme le storax,le galbanum, l'onyx, la goutte d'encens pur qui tombe d'elle-mme, et l'arme sans mlange. Mes rameaux se sont tendus comme le trbinthe; et mes rameaux sont des rameaux d'honneur et de grce. Ainsi que la vigne, j'ai fleuri dans la suavit, et mes fleurs ont des fruits'de bndiction et d'innocence. Je suis la mre de la pure dilection, de la crainte, de la science et de l'esprance sainte. En moi se trouvent toutes les dlices de la droite voie et de la vrit, toutes les promesses de la vie et de la vertu. Venez donc moi, vous tous qui me dsirez avec ardeur, et soyez remplis de l'abondance de mes fruits; car mon souffle est plus doux que le miel, et mon hritage est plus exquis que les trsors de l'abeille. Ma mmoire vivra dans toute la suite des gnrations. Ceux qui me mangent et ceux qui me boivent auront toujours faim et soif de moi. Celui qui m'est fidle ne sera jamais confondu, et celui qui s'inspire de moi ne pchera point. Ceux qui me dcouvrent auront la vie temelle. Voil, dans ces paroles, le livre de vie, l'alliance du TrsHaut, la source de la vrit.... Aprs d'autres symboles des divins bienfaits, la loi de grce est ainsi prophtise : Voil que mon ruisseau est devenu un ocan ; et la lumire de ma doctrine s'lvera comme la lumire de l'aurore, et elle se r pandra sur toute la suite des sicles ; et je pntrerai iusqu'au fond des abmes de la terre ; et je visiterai tous ceux qui dorment dans son sein ; et j'clairerai tous ceux qui esprent au Seigneur; et je rpandrai encore mes enseignements comme mes oracles ; je les laisserai

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ceux qui cherchent la sagesse et je les suivrai de race en race sans les abandonner jamais. Cette prophtique annonce des effusions de la divine Sagesse, celte visite aux profondeurs de la terre, c'est-dire aux Limbes, cette promesse d'une lumire nouvelle pour ceux qui dorment dans son sein, lumire minemment figurative de la glorieuse rsurrection, enfin cette assurance de l'infaillible et constant secours de la grce dans les curs, toutes ces magnifiques paroles ne sont-elles pas autant de tmoignages de la prsence des Anges de Dieu, ministres de ses volonts, de ses justices et de ses misricordes? Et si les premires ont t dites au milieu des armes du Seigneur, au milieu, des clestes hirarchies, les dernires assurment ont t de mme entendues dans le Ciel des Cieux.

m LIVRE DES PROPHTES.

11 est bon de le redire, en tte des Livres prophtiques : Les visions des prophtes ont t prpares, claires et expliques sous l'il de Dieu, par le ministre des Anges. Le principal objet des prophties est l'avnement de Notre-Seigneur Jsus-Christ et le rgne de la loi de grce. Tout le pass aboutit ce divin centre ; tout l'avenir y revient; tous les temps y correspondent. La prophtie est la parole de Dieu, comme le miracle est son uvre. Aussi le prince des Aptres dclare-t-il, non pas que cette parole des prophtes soil plus vraie, ni meilleure ou prfrable, mais qu'elle est plus certaine, c'est--dire plus probante, que la voix mme du Ciel qu'il a entendue sur le Thabor (1).
Et hanc vocem nos audivimus de clo allatam, cum e&semus cum ipso in monte sancto. Et habemus finniorem propheticum se?'monem. II Petr. I, 18-19.

LES ANGES DU LIVRE DES PROPHTES.

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Ce titre de prophte est donc uniquement rserv ici l'homme charg par Dieu mme de prdire les choses futures; encore bien que, dans plusieurs livres de l'criture, ce nom soit attribu ceux qui, sans avoir le don de prophtie, sont nanmoins inspirs, soit pour porter la parole, au nom du Seigneur ou de ses ministres, comme Aaron toit le prophte de M o s e ( 1 ) ; soit pour l'intelligence des choses divines, comme les soixante-dix vieillards dont il est parl au Livre des Nombres ( 2 ) ; soit pour chanter les louanges du TrsHaut, comme la foule prophtisante laquelle se joignit Saul (3). En un mot, il ne suffit pas d'tre visit cle l'esprit d Dieu, mais il faut avoir mission de Dieu, pour prophtiser l'avenir. Dj plusieurs prophties, troitement lies aux faits qu'elles avoient prdits, ont d prendre place dans le livre des Anges ; il suffira donc de jeter un coup d'il sur celles qui ne se rattachoienl pas ces mmes faits, et qui intressent le monde entier. Presque toutes les prdictions profres de vive voix appartiennent la premire srie.
(4) Tom. I, pag. 268. (2) Ibid. 448. (3) Tom. II, pag. 494 supra.

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LES ANGES

ISAIE.
&cs p l a i e s lu p c h . L t ' c a u le l a g r c e . Salut ci gloire de Slon.

Aux premiers accents du fils d'mos, mme en dehors de la vision des esprits clestes/qu'il nous a dj rvle (1), on doit dire : Ce n'est pas l'homme qui parle, c'est le prophte, c'est l'Ange, c'est-Dieu mme. Cieux, coutez; terre, prte l'oreille : LE SEIGNEUR
A PARL.

J'ai nourri des enfants; je les ai levs, et je suis ddaign par eux. Le buf connot son matre; l'ne, son table : et Isral ne me connot plus ; et mon peuple n'a plus d'intelligence. Malheur la nation pervertie, au peuple charg d'iniquits, la race coupable, aux enfants dpravs : ils ont abandonn le Seigneur; ils ont blasphm le Saint d'Isral ; ils l'ont dsert. La gangrne du pch s'est tellement tendue, que le prophte s'crie : .... O pourrai-je vous frapper, vous qui multipliez sans cesse vos prvarications? Et, presque immdiatement, la voix de l'Ange repousse la fois et le sang des sacrifices et la prire impure; mais elle annonce ainsi la grce et le salut : Lavez-vous; purifiez-vous; purgez de leur malice
(4) V.pag. 324 supr.

DU LIVRE DES PROPHTES (ISAIE).

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toutes vos penses devant mes yeux , apprenez faire le bien ; chrissez la droiture ; prtez secours l'opprim ; rendez justice l'orphelin ; protgez la veuve, et venez ensuite compter avec moi, dit le Seigneur ; et lors mme que vos pchs seroient comme l'carlate et comme le vermillon, ils deviendront comme la blanche laine et comme la neige. Ensuite, le culte des idoles, comme celui de l'argent et de l'or, ainsi que la bassesse de l'homme qui se courbe sur leur nant, sont maudits en mme temps que l'orgueil insens des puissants du sicle, dans une longue srie de prdictions ; et, tout coup, la prophtie relve encore l'espoir des fidles, avec cette promesse qui s'applique la nouvelle Jrusalem : En ce jour apparotra dans sa magnificence et dans sa splendeur le germe de Dieu, le fruit sublime de la terre, la joie des lus d'Isral. Alors, les restes de Sion et de Jrusalem seront appels saints ; ils seront crits jamais au livre del vie dans Jrusalem. Aprs que le Seigneur, par le souffle ardent de la justice, aura purifi les filles de Sion, et qu'il aura effac les traces du sang rpandu dans Jrusalem, il fera descendre sur toute la montagne de Sion la nue semblable l'ombre durant le jour et l'clat du feu durant la nuit : protection meilleure que toutes les gloires ; et son tabernacle donnera un abri contre les ardeurs du jour, un refuge contre tous les orages et toutes les inondations. Quel est ce tabernacle, sinon le tabernacle eucharistique ? Comment le dfinir mieux, tout en laissant
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LES ANGES

sur la prophtie le sceau du mystre jusqu' la rvlation? Quel est le germe de Dieu, quel est le fruit sublime de la terre et la joie des lus d'Isral, sinon le Fils de Marie? Quelle est la nue protectrice, sinon le pavillon des Anges, bien plus encore sur l'autel du Dieu fait homme que sur l'autel de l'ancienne alliance? Quel est l'abri contre les ardeurs du jour, sinon le sacrement divin ? Et quel est le refuge contre les orages et les inondations, sinon le sein du Dieu qui console toutes les douleurs et qui essuie toutes les larmes?

L u m i r e d u m o n d e . I t e j e t o n de l a t i g e d e J e s s c . I l e g n c du J u s t e . Gloire de l'Eternel. Vanit de la Science. F o r c e des amis de P i e u .

Ici, l'accomplissement de la prophtie en claire tellement toutes les paroles, qu'aussitt aprs les avoir lues, on adore la vrit divine avec les Anges qui l'ont rvle. < Jadis la terre de Zabulon et la terre de Nephtali ( toient peu considrables; mais voici que la Galile des nations, le long de la mer, au del du Jourdain, a pris des forces. Le peuple qui marchoit dans les tnbres a vu une grande lumire, et le jour s'est lev pour ceux qui clemeuroient dans l'ombre de la mort. Seigneur, vous avez multipli la race (de Jacob) ; mais ce n'est pas en elle seule que vous avez dilat la joie. Ils se rjouiront donc en votre prsence (et au loin), comme

DU LIVRE DES PROPHTES (ISAIE).

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les ouvriers de la moisson el comme les vainqueurs qui se partagent les dpouilles aprs le combat. Vous avez bris le joug qui accabloit l'homme, la verge qui lui dchiroit l'paule, le sceptre de ses oppresseurs, comme au jour de Madian. Aussi, toutes les rapines, fruits de la violence et de la terreur, tous les vlements souills de sang seront le partage du feu et la proie des flammes : Car UN ENFANT NOUS EST N, UN FILS NOUS EST DONN ; et il saura porter le poids de sa puissance ; et il sera appel l'Admirable, le Conseiller, Dieu, le Fort, le Pre du sicle futur, le Prince de la paix. Son empire se propagera de plus en plus, et il tablira une paix ternelle ; il s'asseoira sur le trne de David, et il prendra possession de son royaume pour le fonder el l'affermir jamais dans la justice et la droiture. Tel est le prodige que fera le Seigneur des armes. Plus loin, et aprs des prdictions particulires certains peuples, l'oracle revient la grande prophtie : Il sortira un rejeton de la tige de Jess; une fleur sortira de ses racines, el l'esprit de Dieu reposera sur lui, l'esprit de sagesse et d'intelligence, l'esprit de conseil et de force, l'esprit de science et de pit. El il sera rempli de la crainte du Seigneur. 11 ne jugera ni sur le tmoignage des yeux ni sur celui des oreilles; mais il rendra la justice aux pauvres ; il sera le vengeur des humbles victimes ; il frappera la terre de sa parole comme d'une verge, et il brisera l'impie au souffle de ses lvres. La justice sera comme une ceinture ses reins el sa foi comme une cuirasse. Alors, le loup habitera avec l'agneau ; le lopard se couchera

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auprs du chevreau ; la gnisse, le lion et la brebis vivront ensemble, et un enfant en sera le berger; Tours et le taureau patront dans les mmes pturages ; leurs petits dormiront l'un prs d l'autre, elle lion mangera comme le buf la paille des champs ; l'enfant la mamelle jouera avec l'aspic, et l'enfant nouvellement sevr portera la main dans la caverne du basilic. Il n'y aura point de blessures, il n'y aura point de meurtre dans toute la montagne sainte, parce que la science de Dieu, immense comme la mer, inondera la terre. En ce jour-l, le rejeton de Jess s'lvera comme un tendard aux yeux des peuples ; les nations se prosterneront devant lui dans la prire, et son spulcre sera glorieux. Non-seulement le Juste est annonc par la voix de l'Ange, mais aussi son prcurseur; et ensuite apparol la grandeur de Dieu sur le nant des cratures. Console-toi, console-toi, mon peuple, a dit ton .Dieu. Parlez au cur de Jrusalem en l'appelant par son nom, car ses malheurs sont finis ; ses iniquits lui sontpardonnes, et elle a-reu de. la main du Seigneur deux fois plus qu'elle ne pouvoit esprer. On entend la voix de celui qui crie dans le dsert : Prparez l'uvre du Seigneur, rendez droits ses sentiers vers la solitude. Tous les vallons seront combls, toutes les collines , toutes les montagnes seront abaisses. Les chemins tortueux seront redresss et aplanis; et la gloire du Seigneur sera rvle; et toute chair verra Dieu et entendra sa parole. L'Ange du Seigneur parle encore, et le prophte continue :

DU LIVRE DES PROPHTES ([SAIE).

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Une voix m'a dit : Crie; et j'ai rpondu : Que erierai-je? Toute chair n'est que de l'herbe, et toute sa gloire est comme la fleur des champs. L'herbe est sche, la fleur est tombe, parce que le Seigneur l'a touche de son souffle. Ou, les peuples sont comme l'herbe de la prairie. Mais la parole de notre Dieu demeure ternellement. Montez la cime de la montagne, vous qui vanglisez Sion ; levez la voix avec force, vous qui vangliscz Jrusalem. Criez plus haut encore ; ne craignez rien; dites aux villes de Juda : Voici votre Dieu. Et voici que le Seigneur Dieu apparot dans sa force ; et son bras dploie sa puissance. Et il porte avec lui le prix de sa victoire et de ses uvres. Il mne comme un pasteur son troupeau dans les pturages. Ses bras rassemblent ses agneaux; il les prend dans son sein ; il porte lui-mme les brebis pleines. Qui donc a mesur les eaux dans le creux de sa main? Et qui, de cette main tendue, a pes les cieux? Qui, de trois doigts, soutient la masse de la terre? Qui met en quilibre les collines et les montagnes? Qui prte son aide l'esprit du Seigneur? Qui est entr dans son conseil, et qui lui a donn son avis? Qui a dlibr avec lui? Qui l'a clair? Qui lui a montr le sentier de la justice? Qui lui a enseign la science et les vues de la sagesse? Voil que les nations sont devant lui comme une goutte d'eau dans un vase, et comme le grain de sable dans une balance; et voil que les les soiit comme l'imperceptible poussire... 11 regarde en piti les explorateurs de ses secrets, et il confond la justice des

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juges de la terre. Eux qui ne sont ni plants, ni sems, ni enracins dans le sol, il souffle dessus, el les voil aussitt schs, et un tourbillon les chasse devant lui comme des brins de paille. Et le Saint d'Isral demande : A qui donc me comparez-vous? qui dites-vous que je ressemble? Levez les yeux en haut, voyez le Crateur des cieux ; Celui qui fait marcher la nombreuse arme de leurs toiles, qui les appelle toutes par leur nom ; car nulle d'entre elles ne lui est cache, tant est belle et puissante l'harmonie que sa parole leur donne et leur conserve.... coulons et adorons !

L e D i e u le l a p a i x . L'IIOBIIIIBC le d o u l e u r . L a E&dcmplioBi.

Tous les divins caractres du Messie sont successivement tracs par l'Ange du Seigneur, sous les yeux du fils d'Amos, et la prophtie reprend son cours par cette parole de l'ternel : Voici mon serviteur, je le prendrai dans mes bras ; c'est mon lu en qui j'ai mis mes complaisances ; j'ai rpandu mon Esprit sur lui; il portera la justice parmi les nations. Il ne jettera point de cris;-il ne fera acception de personne; sa voix ne sera pas entendue au dehors; il n'achvera point de briser le roseau; il n'teindra point la lampe qui fume encore. Il jugera dans la

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vrit. Il ne sera ni sombre ni imptueux en lablis.sanl la justice sur la terre; et les peuples les plus lointains recevront sa loi. coutez donc la parole du Seigneur Dieu, cpii a cr le ciel et Ta dploy comme une tente, qui consolide et fconde la terre, qui donne le souffle et la vie tout ce qui respire clans l'univers. Moi le Seigneur je t'ai appel dans la justice, je t'ai pris par la main et je t'ai mis sous mon aile, et j'ai fait de toi le signe de mon alliance avec mon peuple et aussi la lumire des nations. Tu ouvriras les yeux aux aveugles, tu briseras les fers des captifs et tu dlivreras ceux qui sont assis dans les tnbres de la mort. Runissons encore quelques traits sous lesquels le Sauveur du monde est annonc, et qui sont pars dans les rvlations des Anges lsae : Mon serviteur aura la plnitude d l'intelligence : il sera grand et lev en gloire. Mais comme la vue de la dsolation, Jrusalem! plusieurs sont rests dans l'tonnement, ainsi son aspect sera sans.clat, et il parotra sous une humble forme, au milieu des enfants des hommes. Et pourtant, il purifiera des peuples nombreux. Les rois feront silence devant lui ; car ceux qui il n'loit point annonc le verront, et ceux qui n'en avoient point entendu parler le contempleront. Qui donc a cru notre parole et qui le bras du Seigneur a-t-il t rvl? Il s'lvera devant Dieu comme un arbrisseau, comme un rejeton sorti d'une terre aride. Il est sans clat et sans beaut. Nous l'avons vu, et il loit-mcon-

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noissable ; et nous l'avons cherch; il nous a paru mpris, le dernier des hommes, l'homme de douleur, habitu souffrir; sa face.toit comme cache sous l'opprobre ; et nous l'avons compt pour rien ; il a vritablement port lui-mme nos langueurs, et il s'est charg de nos souffrances. Oui, nous l'avons vu comme un lpreux frapp de Dieu et humili.-Aussi a-t-il t perc de blessures cause de nos iniquits; il a t bris pour nos crimes. Le chtiment qui doit nous donner la paix est tomb sur lui, et nous avons t guris par ses meurtrissures. Nous nous sommes tous gars comme des brebis sans pasteur; chacun de nous erroit dans sa voie : et le Seigneur a fait peser sur lui l'iniquit de nous tous. Il a t immol parce qu'il l'a voulu et il n'a pas mme ouvert la bouche. Il sera livr la mort comme un agneau ; il sera muet comme une brebis devant celui qui la tond. Il est mort dans les angoisses et par une condamnation. 'Qui racontera sa gnration? Il a t retranch de la terre des vivants. Je l'ai frapp cause des crimes de mon peuple. Et la conversion des impies sera le prix de sa spulture, et la (vraie) richesse sera la conqute de sa mort, parce qu'il est pur de toute iniquit et que le mensonge n'a jamais souill ses lvres. Le Seigneur l'a donc bris dans l'infirmit. Puisqu'il a sacrifi ainsi sa vie pour l'expiation du pch, il aura une race immortelle et la volont du Seigneur s'accomplira par ses mains. Autant son me a souffert, autant elle sera enivre de joie. Ce Juste, mon serviteur, en justifiera luimme un grand nombre, de sa pleine science, et il se

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chargera de leurs iniquits. C'est pourquoi je lui donnerai des multitudes en partage, car il s'est livr la mort et il a t ml avec les sclrats, et il a expeles pchs des nombreux coupables, et il a pri pour les prvaricateurs. Ce tableau, si complet et si frappant de la Passion du Sauveur, a fait dire du fils d'mos qu'il sembloit tre plutt l'vangliste que le prophte de JsusChrist ( 1 ) .
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G l o i r e d e l ' E g l i s e e t v i c t o i r e d u Christ

Quelle autre voix que la voix de l'Ange du Seigneur a pu mettre encore sur les lvres d'Isae la peinture anticipe, et pourtant si fidle, des splendeurs de la nouvelle Jrusalem? Lve-toi, Jrusalem, reois la lumire, car ton soleil est venu et la gloire du Seigneur est apparue sur toi. En vain les tnbres couvriront la terre, en vain
[\) S. Hieronim. in haiam Prolog. Nous-mme, pourrions-nous jamais oublier ce qu'un jeune Isralite nous a raconl, les larmes aux yeux, ce sujet? Avant sa conversion, il lisoit avec l'un de ses coreligionnaires quelques pages deBossuetsur sae, o ce passage est rapport; et tous deux, mus .de la ressemblance du prophtique portrait avec le Fils do Marie, ils imaginent aussitt qu'il y avoit ncessairement des erreurs, des modifications, ou dos inexactitudes, djns la vorion. AJ ors ils prennent le texte original,-ils lisent, et le livrolcur tombe dos mains. Une sorte de dpit s'empare d'eux, et ce fut l d'abord tout le II34

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une sombre nuit environnera les peuples : le Seigneur apparotra sur toi, et sa gloire brillera entre tes murs. Et les nations marcheront l'clat de ton flambeau, et les rois aux rayons de ta splendeur. Lve les yeux autour de toi, regarde : tous ces peuples rassembls se tournent vers toi. Tes fils viendront de loin, et les filles arriveront-de tous cts. Alors tu verras, el tu seras dans l'abondance, et ton cur s'merveillera et sera inond de joie, lorsque les magnificences de la mer et la force des nations s'offriront toi. La foule des chameaux et des dromadaires de Madian et d'Epha couvriront tes abords : ils viendront de Saba t'offrir l'or et l'encens, au milieu des louanges du Seigneur... On peut redire ici ce qui vient d'tre dit relalivement au Sauveur lui-mme, qu'Isae semble tre plutt l'historien que le prophte du Christianisme. Aprs le dveloppement de cette gloire de l'glise, le Christ apparot comme l'astre de qui elle tient sa lumire et sa force : t . L'Esprit du Seigneur est sur moi; le Seigneur m'a donn l'onction sainte; il m'envoie pour vangliserles humbles, pour gurir les curs briss, pour dlivrer les captifs, pour ouvrir les yeux aux aveugles, pour publier l'anne de la rconciliation et le jour de la venfruit de cette impression premire, mais heureusement terrible pour des consciences droites. Le texte, une fois vrifi, ne cessoit de poursuivre et de tourmenter leur mmoire. Peu peu la grce oproit son miracle, et enfin les jeunes fils d'Isral devinrent les enfants de l'glise du Christ ; et depuis vingt ans nous les voyons encore, de nos yeux, la joie de leur mre adoptive et l'dification de leurs frres devant Dieu,

D LIVRE DES PROPHTES. (ISAE.)

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geance de notre Dieu ; pour consoler toutes les douleurs, pour tarir les larmes des fidles de Sion; pour mettre une couronne sur leur tte la place de la cendre, le baume de la joie la place du deuil, les vtements splendides la place des vtements funbres. Est-ce assez, pour la prophtie, de montrer de loin l'abondance des biens spirituels dont le Christ est la source et dont ses ministres sont les oracles et les dispensateurs? Non : elle va le peindre lui-mme en larges traits dans la sublimit, disons le mot, dans la posie de la croix. Isae le voit venir de l'Idume couvert de sang ( 1 ) ; tous ses vlements en sont tremps et rougis. Il sort du pressoir o son pied divin a foul tous les peuples de la terre. Quel est ce symbole? Commentles peuples sont-ils crass sous un pied vengeur, alors mme que le Christ meurt en donnant pour eux jusqu' la dernire goutte de son propre sang? Le langage prophtique rclame donc une interprtation. Eh bien, Jsus-Christ a pris sur sa tte et sa charge l'expiation de tous les crimes de la terre. Nul n'est all son aide; et alors son indignation contre le pch l'a secouru; elle l'a arm contre son propre sang. lui seul il a reprsent l'humanit tout entire ds les premires douleurs de sa passion, et au jardin des olives, et au prtoire, et la colonne, et au calvaire, jusqu' la consom-

(4) Quelques commentateurs appliquent celte prophtie au second avnement de Jsus-Christ ; mais l'opinion de saint Jrme est prfrable, et l'glise l'adopte dans sa liturgie.L'Idume est symboliquement dsigne ici comme reprsentant toutes les nations ennemies d'Isral. 34-.

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malion de l'holocauste-sur la croix. Ainsi, c'est en lui-mme et sur lui-mme que l'humanit a t atteinte, brise, meurtrie, et foule comme la vendange au pressoir: et dans l'Homme-Dieu, le Dieu a tellement consenti l'immolation de l'Homme, que le Christ a t tout la fois et le sacrificateur et la victime ; et il n'a livr le combat el triomph dans la gloire que pour le salut du monde. Une seule goutte de son sang toit infiniment plus prcieuse et plus expiatoire que le sang de tout le genre humain. Mais l'ternelle quit demandoit, en retour, de la part des peuples, une participation volontaire aux souffrances et la mort du Rdempteur. De l l'hrosme des martyrs; de l les sublimes dvouements dont tous les sicles du Christianisme ont t successivement tmoins; de l toutes les mystrieuses immolations dont le dsert et le clotre ont seuls le secret; de l enfin tous les sacrifices ignors el toutes les vertus caches, qui ne seront connus qu'au grand jour des manifestations. Maintenant, on va pntrer le sens de l'hymne symbolique tir d'Isae et que l'glise chante dans la glorieuse nuit de la rsurrection :
Quel est celui qui vient de l'Idume, Devers Bosra, sous un manteau de sang?... Gomme il s'avance l'instar d'une arme ! Comme il lient lev son front resplendissant ! Je suis celui qui parle la justice ; Je la rvle l'oreille du cur, Dans ses replis j'attaque sa malice ; El c'est pour le sauver que je reste vainqueur.

DU LIVRE DES PROPHTES. (ISAIE.) A ton manteau pourquoi ce sang qui coule ? Pourquoi ce sang ?... on diroit, le voir, Le raisin mr, sous le pied qui le foule, Et. ses flots empourprs ruisselant du pressoir-.

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Oui, j'ai foul, seul, cette autre vendange; Et nul mortel ne m'a prt secours. Et moi j'ai dit: Il faut que je me venge, Il faut que ma fureur suive son libre cours !

J'ai donc meurtri tous les peuples du monde, Je les ai tous pressurs sous mes pas... Mes vtements, du sang qui les inonde, Je les ai tous rougis, comme au champ des combats.

Il est venu, le jour de ma vengeance : Qu'il soit le jour de la rdemption ! J'ai regard, sans trouver assistance... Alors m'a secouru mon indignation !

Un Dieu pouvoit seul, en s'imraolant lui-mme, comparer l'effusion de son sang au sang de tous les peuples, fouls dans le pressoir des vengeances divines, et la signaler comme le tmoignage de la r'*demption. Sur la trace de ce sang adorable, l'univers chrtien se prosterne, et la source en est intarissable. L se trouve la gurison de tous les maux, le baume de toutes les plaies, la consolation, l'esprance et la joie de tous les curs. Le peuple dicide lui-mme n'en est pas exclu; car, presque immdiatement, la pro-

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phtie met encore ces paroles dans la bouche du Seigneur, l'gard des enfants d'Isral qui n'ont pas mconnu le Christ {Filii non negantes), c'est--dire qui ont ouvert les yeux aprs l'holocauste du Calvaire : Le peuple est pourtant mon peuple, et il a en lui son Sauveur. Puis, elle ajoute : Dans toutes leurs afflictions, il ne les a point dlaisss, et l'Ange qui est en sa prsence les a sauvs ; et Dieu lui-mme, dans sa tendresse pour eux, les a rachets ; il les a ports et soutenus durant une longue suite de sicles ; mais ils ont provoqu sa colre ; ils ont afflig l'esprit du Saint d'Isral : il est donc devenu leur ennemi et ils sont abattus sous sa main. A la fin des prdictions d'Isae, qui annoncent manifestement le rgne du Christianisme, il est dit que le Seigneur cre de nouveaux deux et qu'il donnera ses fidles UN AUTRE NOM, et que celui qui sera bni en ce
nom sur la terre, sera bni du Dieu de vrit.

JRMIE.
JL'oubll d e KMeu. L a f a u s s e c o n s c i e n c e * m i s r i c o r d e s cil m e n a c e s d i v i n e s . V a l u e p r o s p r i t d e s impies. P a r a b o l e de la c e i n t u r e de l i n . L e rgne du Messie.

Dans les prdictions de Jrmie relatives aux faits dont il a vu ensuite lui-mme l'accomplissement, on

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a remarqu tout la fois l'apparition des Anges et les figures symboliques des vnements prophtiss. Mais, dans l'ensemble des oracles de ce prophte, de grandes leons s'adressent en mme lemps et au peuple d'Isral et toute la terre. Or, ds les premires pages, un Ange lui met la bouche, au nom de Dieu mme, ces paroles : cieux, soyez dans la stupeur! portes du ciel, pleurez, soyez inconsolables ! dit le Seigneur. Mon peuple a doublement pch : il m'a dlaiss, moi, l source des eaux vives! et il s'est creus des citernes, des fosses entr'ouverles et qui ne peuvent retenir l'eau. Un peu plus loin et par une peinture non moins saisissante, le souffle prophtique apporte cette question et celte rponse : La jeune fille peuk-elle oublier les ornements dont elle se pare? et l'pouse, la ceinture qu'elle porte? et cependant mon peuple m'a oubli durant des jours innombrables ! Puis il continue ainsi : Pourquoi essayes-tu de justifier tes garements, afin de recouvrer ma tendresse, toi qui as enseign aux autres le mal que tu as fait? Le sang des pauvres et des innocents a t trouv dans tes mains ; tu ne l'as pas mme enseveli dans le spulcre; mais je l'ai vu partout, et lu oses me dire encore : Je suis sans pch et ma vie en est pure; que votre fureur s'loigne donc de moi. Mais voici que tu vas subir mon jugeaient puisque tu dis : Je n'ai point pch. N'est-ce pas l, dans tous les sicles, le langage de l'homme qui oublie la loi sainte? Il compte pour rien les pchs qui donnent la mort l'me sans tuer le

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corps; ou qui le tuent, mais insensiblement, dans une longue suite de dsordres. Malheur donc elui qui s'expose tre jug au moment o il ne craint pas de
dire : 7e ne fais point de mal ; je ne pche point ! Telle

est, au contraire, la foiblesse du cur de l'homme, que souvent le sage pche lui-mme ; mais, du moins, il se relve, dans l'humble aveu de ses fautes, qui, presque toujours lgres, ne manquent jamais nanmoins de le contrister d'autant plus qu'il se commt mieux et qu'il sait mieux aussi combien la moindre offense blesse le Dieu de toute saintet. Citons encore des paroles divines qui s'appliquent .tous les temps : d'abord, .la misricorde du Seigneur est si grande, que la prsence d'un seul juste au milieu des pcheurs sufliroit pour suspendre les clestes vengeances. Parcourez, dit le Prophte, parcourez les sentiers de Jrusalem, voyez, examinez, cherchez dans ses places publiques s'il est un homme pratiquant la justice et s'attachant la vrit, et je pardonnerai toute la ville. Mais la vue des iniquits de tous, bientt l'Ange rvlateur dicte Jrmie de nombreuses menaces et particulirement celle-ci : ... J'tendrai mon bras sur les habitants de la terre, dit le Seigneur, parce que, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, tous sont vous l'avarice; et que depuis le prophte jusqu'au prtre, ils sont tous menteurs. Ils ont pans honteusement les blessures de la fille de mon peuple, en disant : La paix, la paix! et il n'y avoit point de paix. Dans une autre plainte, l'homme de Dieu s'crie :

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Qui donnera ma lte et mes yeux une source de larmes? et je pleurerai nuit et jour les morts de la fille de mou peuple. Qui me donnera au dsert une cabane de voyageur? et j'abandonnerai ce peuple et je m'loignerai de lui ; car tous ils sont infidles, tous ils sont prvaricateurs. Et ils ont aiguis leur langue comme la flche de l'arc, comme les traits du mensonge et non comme les traits de la vrit. Et ils se sont appuys sur la terre, car ils vont de l'iniquit l'iniquit; et ils ne me commissent plus, dit le Seigneur. Il faut donc que chacun se garde de son prochain; que le frre se dfie de son frre; parce que le frre songe perdre son frre et que l'ami trompe son ami. . . . Seigneur, vous tes juste, dit plus loin le prophte, et j'ose discuter avec vous, et vous faire une question sincre : Pourquoi les impies prosprent-ils dans leurs voies? Pourquoi ce bonheur des hommes iniques et des pervers? vous les avez plants, et ils jettent de profondes racines, et ils donnent du fruit. Aussi vous tes prs de leur bouche et loin de leur cur. Mais bientt l'Ange rvlateur lui rpond par cette parabole qui s'applique galement aux amis infidles et aux ennemis de Dieu : Le Seigneur m'a dit : Va acheter une ceinture de lin et tu te l'appliqueras, sans qu'elle soit lave dans l'eau. J'achetai donc une ceinture, selon la parole du Seigneur, et je la mis autour de mes reins. Et le Seigneur me dit plus tard : Prends la ceinture que tu as achete el que tu as mise, va vers J'Euphrate et cachela dans le creux du rocher. Et j'allai vers l'Euphrate, et

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je cachai la ceinture comme il toit ordonn. Et lorsque le nombre de jours furent couls, l'Ange me dit encore : Lve-toi, va vers l'Euphrat et reprends la ceinture que je t'ai ordonn de cacher. Et j'allai vers l'Euphrat, et j'ouvris l'endroit o la ceinture toit cache, et je la retirai, et je la trouvai tellement pourrie qu'elle ne pou voit plus tre d'aucun usage. Alors l'Ange m'adressa ces paroles : Voici ce que dit le Seigneur : Ainsi je rduirai en poussire l'orgueil de Juda et l'orgueil plus grand encore de Jrusalem ; ainsi, ce peuple pervers, qui ne veut pas m'couler, qui marche dans le drglement de son cur, qui suit les dieux trangers pour les servir et les adorer, deviendra comme cette ceinture qui ne peut plus tre d'aucun usage. Mais Jrmie est aussi le prophte de l'esprance et du salut. Souvent l'Ange du Seigneur lui met la bouche des paroles qui annoncent le rgne du Messie. En voici quelques-unes : . . . Je rassemblerai le reste de mes brebis de toutes les rgions o je les aurai disperses et je les ramnerai leurs pturages ; et elles crotront et se multiplieront; et je leur donnerai des pasteurs; et ils les feront patre; et dsormais elles ne seront plus dans la crainte et dans l'pouvante et il n'en manquera pas une seule. Il vient le temps o je susciterai en David le germe de la justice ; un roi rgnera et il aura la sagesse, et il jugera la terre dans l'quit... Voici l'alliance que je ferai avec la maison d'Isral, quand ce temps sera venu : j'imprimerai ma loi dans

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leurs entrailles et .je la graverai dans leur cur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Avec ces rapides extraits, on le voit, le but n'est pas de donner les prophties dans leur suite et dans toute leur substance, mais seulement d'indiquer les principales rvlations des Anges l'oreille des prophtes, et d'en montrer partout d'un coup d'il les admirables rapports. Nous n'avons dire non plus que quelques mots des chants lugubres de Jrmie.

lamentations.

Assis, solitaire, sur les ruines de Jrusalem, Jrmie a pleur des pleurs inouis jusque-l-, et qui dsormais dvoient remplir tous les sicles de leur deuil. Pleurs prophtiques : en pleurant les malheurs prsents, ils pleuroient aussi les malheurs futurs; ils pleuroient nonseulement les crimes de la cit pcheresse; mais le crime des crimes, le crime de la cit dicide; ils pleuroient les effroyables calamits qui enseroientlasuite; car l'Ange des rvlations dcouvroit aux yeux du prophte Celui qu'il appelle YEsprit de nos paroles, LE CHRIST, le Seigneur, envelopp dans nos pchs; ils pleuroient encore l'inconsolable douleur de la Vierge-Mre qui, seule innocente des iniquits dont la grande victime s'est gratuitement charge, et partageant nan-

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moins dans son me les supplices el l'immolation de son Fils, a pu dire, plus qu'aucune autre bouche mortelle : O vous tous qui passez par le chemin, regardez et voyez s'il est une douleur comparable ma douleur!... Enfin ils pleuroientles innombrables tribulations de l'glise du Christ, dans le cours des ges, jusqu' la fin des temps. Mais les gmissements du prophte des douleurs ne sont pas destitus de toute consolation. Ici-bas, en effet, et en prsence d'un Dieu qui est aussi leur pre, les hommes n'ont jamais eu d'affliction sans esprance; Jrmieles rassure ainsi lui-mme : Le Seigneur ne s'loigne pas ternellement de nous. Il nous a rejets; mais il aura piti de nous, selon la multitude de ses misricordes ; car, ce n'est pas d'aprs son cur qu'il humilie et qu'il repousse les fils des hommes... Examinons donc nos voies, interrogeons-les, et retournons Dieu. Chantes par l'glise dans les jours de sa tristesse et de ses larmes, les prophtiques Lamentations dvoient ainsi runir tous les curs, au pied des autels, dans la pnitence, dans la prire et dans la foi des ternelles destines.
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BARUCH. Baruch toit le disciple de Jrmie, et ils ont recueilli ensemble la parole de Dieu apporte par les

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Anges. Voil le motif qui, dans laVulgate, a fait suivre les prophties du matre par celles du disciple. On se rappelle que Baruch avoit crit sous la dicte de Jrmie les deux livres qui prophtisoient la ruine de Jrusalem etla captivit de Babylone (1). Inspir lui-mme, Baruch fit ses compagnons d'exil la lecture publique d'une prophtie o il les exhorte la rsignation, rexpiation.de leurs pchs et l'esprance du salut; et en l'coutant ils pleuroient tous devant le Seigneur. Il suffira de citer quelques mots relatifs l'avnement de Jsus-Christ, et ceux qui rappellent la constante protection des Anges. Voici d'abord ce que le prophte dit du Messie : C'est lui qui est notre Dieu; c'est lui qui a trouv toutes les voies de la sagesse et qui les a rvles Jacob, son serviteur, Isral, son bien-aim; et il a t vu sur la terre, et il a convers avec les hommes. Plus loin, Baruch s'crie : 0 Jrusalem! laisse l ta robe de deuil et d'affliction et revts-toi de la splendeur et de la majest de cette gloire ternelle qui te vient de Dieu; car il te donnera le manteau de la justice et il te couronnera d'un diadme d'immortalit. Il fera clater sa propre lumire dans ton sein aux yeux de tous ceux qui habitent sous le ciel. El voici le nom dont Dieu te nommera pour jamais : la paix de la justice et l'honneur de la pit. Lve-toi donc, Jrusalem ! reste exalte, regarde l'orient, et vois tes enfants rassem-

(4) Voyez pag. 350 et 351, supr.

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bls de l'aurore au couchant dans l'allgresse et dans la mmoire des merveilles de Dieu. Enfin, Baruch rapporte une lettre de Jrmie destine prmunir le peuple contre l'idoltrie dcBabylone. Lors donc, leur dit-il, que vous verrez la foule des nations autour des idoles, dites du fond de vos coeurs : C'est vous, Seigneur, qu'il faut adorer , car (vous avez
dit) MON ANGE EST AVEC VOUS, ET JE SERAI MOI-MME LE GARDIEN DE VOS AMES.

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ZCHIEL. Admirable Providence! en mme temps que Jrmie prophlisoit sur les ruines dsertes de Jrusalem, Dieu suscitoit, au sein mme de la captivit, un autre prophte pour son peuple; et les prophties venues de la Jude jusqu'aux fleuves de Babylone consoloient les captifs, comme les prophties venues de la Chalde jusque dans leur lamentable patrie consoloient les restes d'Isral. Ainsi vivoit encore partout l'esprance du salut. Tout ce qui a t dit jusqu' ce moment, sur l'action des Anges, dans les visions prophtiques, va recevoir un tmoignage plus clatant que jamais. Ce n'est plus seulement une voix cleste qui se fait entendre, c'est la gloire de Dieu qui parcourt les cieux et la terre ; c'est le cortge des Anges qui l'environnent,

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comme des yeux innombrables, clairs, de sa lumire et obissant, comme une seule me, sa volont toutepuissante. Mais la parole destine l'oreille de l'homme n'offre encore, dans la bouche mme du prophte, qu'une imparfaite image des rvlations divines. La foi doit aller plus loin que les symboles, elle doit aller jusqu' la vrit dont elle voit et dont elle entend les merveilleux signes.
0

Visions

d'Ezckiei.

....Les cieux s'ouvrirent; et je vis les visions de


Dieu )) et la main dit Seigneur toit sur zchieL

Et j'ai vu; et voici qu'un tourbillon de vent venoit de l'aquilon, avec une grande nue de flamme tournoyante et environne de splendeur; et au centre comme un il de feu ; et au milieu de la flamme la ressemblance de quatre animaux; et dans cette ressemblance, celle d'un homme. Chacun avoit quatre faces- et cfualre ailes. Leurs pieds toient droits et la plante de leurs pieds comme celle du taureau. Et ils tinceloient comme l'airain poli. Et des mains d'hommes sortoient sous leurs ailes, aux quatre cts. Et chacun d'eux avoit quatre faces et quatre ailes. Les ailes de l'un louchoienlles ailes de l'autre. El ils ne se retournoient point; et chacun d'eux alloil devant soi ; et voici leur ressemblance : une face d'homme et une face de lion la droite des quatre ; une face de buf la gauche des

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quatre, et au-dessus une face d'aigle; leurs faces et leurs ailes s'levoient en haut. Ils se tenoieiit l'un l'autre par deux de leurs ailes ; et avec les deux autres ils couvroient leurs corps. Chacun d'eux alloit devant soi ; ils couraient l o les portoit l'imptuosit de l'Esprit, et ils ne se retournoient jamais. Et la figure et l'aspect des animaux loient semblables au feu des charbons et l'clat des lampes ardentes. Et une vision de flamme lumineuse courait au milieu des animaux, et l'clair sorloit de la flamme; et les animaux alloient et revenoient comme les sillons de la foudre. Et lorsque je contemplois les animaux, une roue quatre faces apparut prs d'eux sur la terre ; et l'aspect de ces roues et de leur forme ressembloit l'eau de la mer; et toutes quatre toient pareilles; et leur aspect et leur mouvement comme une roue au milieu d'une roue. Elles rouloient toutes quatre ensemble, et ne se retournoient pas pour avancer. Et la hauteur de ces roues et leur tendue loient effrayantes voir, et toutes les parties des quatre roues toient pleines d'yeux qui les entouraient aussi partout. Lorsque les animaux marchoient, les roues suivoient avec eux la mme marche ; et lorsque les animaux s'levoient de terre, les roues s'levoient pareillement. Partout o alloit l'Esprit et o l'Esprit s'lanoit, les roues le suivoient parce que l'Esprit de vie toit dans les roues. Au-dessus des animaux on voyoit un firmament tendu sur leurs ttes, comme une vote de cristal dont la vue toit blouie. Sous ce firmament ils tenoient droites leurs ailes, l'un vis--vis de l'autre, couvrant chacun leur corps avec deux de

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leurs ailes. Et j'entendois le bruit de leurs ailes comme le bruit des grandes eaux, et comme la voix de Dieu roulant dans le ciel. Et leur marche retentissoit comme le murmure des multitudes, ou comme les cris d'une arme; et lorsqu'ils s'arrtoient ils baissoient leurs ailes. Et quand une voix parloil au-dessus du firmament, ils s'arrtoient en pliant aussi leurs ailes. El clans le firmament tendu sur leurs ttes, on voyoit comme un trne de saphir, et sur cette forme de trne, la ressemblance d'un homme. Et je vis au-devant et autour de lui comme la splendeur d'un mtal clatant, semblable la flamme; et depuis ses reins, au-dessus et au-dessous, comme un feu tincelant autour. Et toute cette apparition avoit l'aspect de l'arc trac dans la nue en un jour de pluie, avec le mme clat de lumire sur tous les points de l'arc. Telle fut mes yeux l'image de la gloire du Seigneur. Et la voyant, je tombai la face contre terre, et j'entendis une voix qui me parloil et me disoit : Fils de l'homme, lve-toi sur tes pieds et je vais le parler. Et l'Esprit entra en moi aprs ces paroles, et il m'affermit sur mes pieds, et je l'entendis encore, et il me dit : Fils de l'homme, je l'envoie vers un peuple apostat qui m'a dsert; il a viol jusqu' ce jour, comme ses pres, l'alliance que j'avois faite avec eux. Des enfanls au front dur, au cur indomptable, tels sont ceux qui je l'envoie ; et tu leur diras : Voici ce que dit le Seigneur : Peut-tre eux-mmes l'couteront-ils ; peut-tre rflchiront-ils. Mais celte race me provoque sans cesse. Du moins sauront-ils qu'un prophte est au milieu d'eux....
IL

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Alors j'eus cette vision : une main s'avana vers moi; elle tenoit un livrjs enroul; elle le dploya sous mes yeux; il toit crit au dedans et au dehors, et il contenoit des lamentations, des cantiques et des maldictions. Et l Seigneur me dit : Mange tout ce que tu vois; mange ce livre, et va prophtiser aux enfants d'Isral. Et en mme temps j'ouvris la bouche, etil me fit manger le livre. Et il dit encore : Fils de l'homme, lu vas digrer ce livre, et tes entrailles en seront pleines, car je te le donne. Je l'ai donc mang, etil toit dans ma bouche comme le plus doux miel. La foi comprend trs-bien qu'ici le prophte n'est plus l'homme de la terre ; il devient l'homme du ciel, l'homme de Dieu : lamanducation du livre prophtique nous le dit merveilleusement. Sublime symbole qui, d'un seul coup, nous montre en effet la vrit sainte s'incorporant en quelque sorte avec l'me humaine et se l'assimilant tout entire, surtout pour le temps de l'inspiration sacre. Saisi par l'Ange, zchiel entendit encore, comme un long retentissement, ces paroles : Bnie soit la gloire du Seigneur l o elle rside ! Et j'entendis aussi le bruit des ailes des animaux qui frappoient l'une contre l'autre, et le bruit des roues qui suivoient les animaux, et le bruit d'un grand branlement. L'Esprit m'enleva, m'emporta; etj'allois ainsi l'me pleine d'amertume, mais la main du Seigneur toit sur moi et me fortifioit. J'arrivois vers les captifs de Tel-Habib, le long du fleuve de Chobar, et je m'assis o ils toient assis, et je restai l sept jours dans la tristesse au mi-

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lieu d'eux. Et aprs les sept jours, l'Ange du Seigneur me parla et me dit : Fils de l'homme, je t'ai constitu le surveillant de la maison d'Isral ; tu couteras donc ma parole et tu leur parleras en mon nom. Si tu gardes le silence, et si tu ne dis pas l'impie de se retirer de sa mauvaise voie et de vivre de ma vie, lorsque je lui fais cette menace : Tu mourras de mort; il mourra dans son iniquit, et je te redemanderai son sang. Mais si tu l'annonces l'impie et qu'il ne se convertisse point de savoie criminelle, il mourra dans son iniquit; et loi tu auras sauv ton me. Et si le juste se dtourne de sa justice et s'il commet l'iniquit, je mettrai un pige sous ses pas et il mourra, parce que tu ne l'auras pas averti, il mourra dans son pch, et ses uvres de justice seront oublies, et je te redemanderai son sang. Si, au contraire, tu avertis le juste afin qu'il ne pche point, et s'il est ainsi prserv du pch, il vivra de la vritable vie, parce que tu l'auras averti, et toi tu auras sauv ton me. Alors la main de Dieu se posa sur moi et l'Ange me dit : Lve-toi, viens dans la plaine, et l je te parlerai. Je me levai donc, j'allai dans la plaine, et tout coup }e vis apparotre devant moi la gloire du Seigneur comme je l'avois vue prs du fleuve de Ghobar; et je tombai la face contre terre. Et l'Esprit entra en moi, et il m'affermit sur mes pieds. Viennent ensuite d'autres rvlations ; et dans leur nombre il en est une qu'il faut connotre, car elle offre une image repoussante, qui sans doute n'a pas besoin de justification, mais d'explication. La parole divine ne craint pas de descendre jusqu' l'extrme rpugnance*
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pour imprimer dans l'me du prophte et dans le cur de tous les hommes l'horreur du pch, et pour stigmatiser l'tat misrable des pcheurs, esclaves de Satan. L'Ange ordonne donc zchiel de manger un pain cuit sous la poussire dessche des excrments humains; le prophte se lamente dans une rvolte involontaire; et alors l'Ange convertit cette premire injonction en celle de manger un pain cuit sous la poussire dessche des excrments du buf; et cela aux yeux de tout le peuple. Combien de lecteurs oseront exprimer ici leur dgot! Qu'ils aient donc une gale horreur de tout ce qui souille l'me : c'est l ce que demande le prophtique enseignement; et alors la crainte du pch ne doit pas s'arrter la seconde injonction- de l'Ange ; elle doit remonter jusqu' la premire ; et c'est ainsi que le pcheur vraiment converti prouve la sincrit de ses rsolutions. Le prophte est comme charg de la foudre ; voici comment il tonne contre les orgueilleux et les avares : Leur argent sera jet dehors et leur or sur le fumier, car ni cet argent ni cet or ne pourront les sauver au jour des vengeances du Seigneur; ils seront inutiles pour rassasier leur me et assouvir leur faim, parce que leur avarice est devenue un scandale d'iniquit ; et pourtant ils en faisoient, dans l'orgueil, l'ornement de leurs colliers, l'image de leurs abominations et de leurs idoles; c'est pourquoi je ferai de leurs trsors une masse immonde et je la livrerai aux mains de l'tranger, et elle deviendra la proie des impies, et ils la couvriront de souillures.

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Ezchiel semble suscit pour rvler et fltrir toutes les corruptions. L'Ange du Seigneur lui dit : < Fils de < l'homme, vois-tu ce qu'ils font, vois-tu en ce lieu les grandes abominations auxquelles se livre la maison d'Isral pour me faire fuir loin de mon sanctuaire? et si tu regardes ailleurs, tu verras des abominations plus grandes encore. Et l'Ange me porta l'entre du parvis, et je vis une ouverture dans la muraille, et il me dit : Fils de l'homme, perce la muraille. Et, lorsque j'eus perc la muraille, il m d i t : Entre, et vois les horribles abominations qu'ils commettent dans le secret. Ainsi, rien n'est ignor de celui qui prononce les maldictions. Bientt, le char mystrieux de la gloire de l'Eternel reparat aux yeux du prophte, et les Anges rpandent des charbons ardents sur Jrusalem comme des signes de colre. Puis, Ezchiel prophtise contre ceux qui se raillaient des prophties; mais il promet le salut aux restes du peuple fidle, avec cette consolante parole du Seignetir : Je leur donnerai un seul cur tous , et je rpandrai dans leurs entrailles un esprit nouveau ; j'terai de leur chair le cur de pierre, et je leur donnerai un cur de chair, afin qu'ils marchent dans les sentiers de ma loi, qu'ils gardent mes justices, qu'ils soient mon peuple et que je sois leur Dieu. Les prophtes menteurs sont condamns ensuite, par la bouche d'Ezchiel, au nom du Seigneur, et voici en quels termes : Parce qu'ils ont sduit mon peuple en disant : La paix ; et il n'y avoit point de paix ! Et tandis que mon peuple levoit sa muraille, ils l'ont

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enduite avec de la boue et sans ciment-... Et quand la muraille sera tombe, ne vous dira-t-on pas : O est le ciment dont elle devoit tre revtue? Et l'Ange avertit les pcheurs endurcis que, dans les dsastres annoncs, ils ne devront rien esprer de la prsence de quelques justes. S'il s'en trouve trois en mme temps, je jure par moi-mme, dit le Seigneur Dieu, qu'ils ne sauveront ni leurs fils ni leurs filles, mais qu'eux seuls seront sauvs. La misricorde est infinie sans doute ; mais l'endurcissement qui rsiste la parole divine s'expose une inexorable justice. Aprs avoir tout vu, Ezchiel doit tout dire, et il annonce aux cits coupables qu'elles seront jetes au feu comme le bois de lavigne qui n'est utile rien; et, pour justifier cette menace, il dnonce leurs prostitutions et leurs turpitudes, dont il arrache tous les voiles : manifestation effroyable, qui ne laisse plus de place qu' la honte. Et plus loin, le. prophte couvre encore de la mme confusion Jrusalem et Samarie dans leur nudit. Mais voici l'annonce des quitables jugements du Seigneur. Son Ange interpelle ainsi Ezchiel : Pourquoi vous servez-vous de cette parabole et en avezvous fait un proverbe dans Isral : Les pres ont mang des raisins verts, et les dents des enfants en sont agaces? Je jure par moi-mme, dit le Seigneur, que cette parabole ne sera plus un proverbe dans Isral; car toutes les mes sont moi; l'me du fils est moi comme l'me du pre ; l'me qui a pch mourra seule.

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Aussitt l'Ange par la vox du prophte trace le portrait de l'homme juste qui vivra; du fils injuste qu mourra: et de mme du pre injuste qui mourra et du fils juste qui vivra. Puis l'Ange du Dieu de misricorde continue ainsi : Si l'impie fait pnitence de tous ses pchs, s'il garde enfin tous mes prceptes, et s'il observe l'quit et la droiture, il vivra et ne mourra point. Je ne me souviendrai plus.de toutes ses anciennes iniquits, et il vivra dans les uvres de sa justice. Est-ce que je veux la mort de l'impie? dit le Seigneur Dieu. Ne veux-je pas qu'il revienne de sa mauvaise voie et qu'il vive? Les prophties louchant les princes de Juda et le peuple de Dieu, ainsi que tous les vnements contemporains de leurs dsastres, remplissent de nombreuses pages dans le livre d'zchiel, comme les prdictions qu'il dveloppe contre Tyr, contre Sidon, contre l'Egypte "et contre l'dume. Les Anges inspirent les unes comme les autres; mais il faut se borner signaler celles qui s'appliquent tous les temps, c'est--dire les unes l'glise immortelle du Christ figure dans la runion de la maison de Juda et de la maison d'Isral ; et les autres des vrits exposes aux yeux de tout l'univers jusqu' son dernier jour. L'avnement du bon Pasteur est prophtis avee une divine tendresse, avec une complaisance ineffable, dans toutes les paroles dictes par l'Ange au nom du Seigneur et qui se rsument ainsi : Je sauverai mon troupeau; il ne sera plus livr comme une proie, et je jugerai entre les brebis et les brebis. Et je susciterai

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LES ANGES

sur elles le Pasteur unique pour les patre, David mon serviteur. Puis celte promesse est couronne par l'annonce de toutes les bndictions qui tomberont, comme la rose, sur les lus; Et nul peuple, pas mme le peuple dicide, ds qu'il voudra se convertir la foi, n'est exclu des sources de la misricorde; ce qui s'applique aussi bien aux conversions individuelles qu' la conversion gnrale des nations. Voici donc le consolant oracle par lequel l'Ange annonce au prophte la rsurrection des mes mortes devant Dieu et converties par sa grce : La main de Dieu toit sur moi, dit zchiel, et son Ange m'emporta, et il me dposa au milieu d'une campagne pleine d'ossements ; et il me promena autour de ces ossements; et ils toient en grand nombre la surface de la terre, et tous desschs. Et le Seigneur me dit : Fils de l'homme, ces ossements vivront-ils? Et je rpondis : Seigneur Dieu, vous le savez. Et il indit : Prophtise sur ces ossements et dis-leur : Ossements arides, coutez la parole de Dieu. Voici ce que dit le Seigneur Dieu ces ossements : Moi je vais introduire en vous l'Esprit, et vous vivrez. Et j'attacherai sur vous des nerfs, et j'y ferai crotre des chairs, et j'en tendrai la peau sur vous; et je vous donnerai l'me, et vous vivrez, et vous saurez que moi je suis le Seigneur. Et je prophtisai comme il me l'avoit ordonn; et au moment mme o je prophtisois, voil un grand bruit qui s'lve comme du milieu d'une secousse; et les ossements s'approchent des ossemenls chacun sa jointure; et je regar-

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dois; des nerfs et des chairs se formoient sur eux, et la peau s'tendoit dessus ; mais l'Esprit n'y toit pas entr, et le Seigneur me dit : Fils de l'homme, prophtise l'Esprit, et lu lui diras : Voici ce que dit le Seigneur Dieu : Esprit, viens des quatre vents et souffle sur ces morts, et qu'ils ressuscitent. Etjeprophtisois commeil me l'avoit ordonn. Et aussitt l'Esprit entra dans ces ossements et ils eurent la vie; et ils se dressrent sur les pieds comme une arme innombrable. Et il me dit : Fils de l'homme, tous ces ossements sont la maison d'Isral. Nos ossements, a-t-elle dit, sont devenus arides ; nos esprances se sont vanouies, et nous sommes moissonns. Prophtise donc encore et dis-leur: Voici ce que dit le Seigneur Dieu : 0 mon peuple, je vais ouvrir, tes tombeaux, je te tirerai du fond de tes spulcres et je te reconduirai dans la terre d'Isral; et tu sauras que je suis le Seigneur... A la suite de cette divine prosopope, la runion des tribus de Juda et d'Isral est de nouveau prdite sous le symbole de deux morceaux de bois unis ensemble comme un seul bois. Le Seigneur ordonne encore zchiel de prophtiser contre Gog etMagog, et cette prdiction, rapproche de l'Apocalypse, semble se rapporter au temps de l'antechrist. Enfin un Ange donne au prophte la description dtaille d'un nouveau temple de Jrusalem et du partage de la terre promise. Or, cette description est interprte parles uns comme figurative des contres o rgne la foi dans l'univers; par les autres comme reprsentant

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LES ANGES

l'ternelle patrie et la cleste'Jrusalem; et enfin, dans une troisime opinion, comme annonant une dernire reconstruction clu temple et un dernier partage de la Terre-Sainte au vrai retour des juifs. Un voile est encore tendu sur celte mystrieuse prophtie ; c'est la main d'un Ange qui l'a trace; c'est aussi la main d'un Ange qui en donnera la rvlation.
a-

DANIEL.
Visions de Daniel. L'Ancien des jours. Les

millions d'Anges. L a perscution. L e F i l s de l'HIoininc. L e Saints. Jugement. Le triomphe des

Plusieurs prophties de Daniel ont dj t parcourues clans leurs relations avec la captivit de Babylone. Il ne s'agit donc plus que de celles qui s'appliquent d'autres temps, et directement aux triomphes de la foi, sauf une seule qui est rserve pour tre jointe celles de l'Apocalypse. La premire est la vision de quatre monarchies, trois sous la figure de la lionne, de l'ours et du lopard; et la quatrime sous la forme d'un monstre dvorant, ayant dix cornes; et la place de trois d'entre elles, il s'en levoit une plus petite qui avoit des yeux comme les yeux de l'homme et une bouche profrant des paroles retentissantes.

DU LIVRE DES PROPHTES. (DANIEL.)

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Une sauroit tre ici question d'aucune controverse sur l'interprtation de cette prophtie, ni sur l'application de sa quatrime partie, soit Mahomet, soit l'antechrist. Aussi nous ne rapportons que le texte dans lequel apparoissent les Anges et le Dieu des Anges. Je contemplois, dit le prophte; et voici que des trnes furent disposs ; et l'Ancien des jours s'assit. Son vtement toit blanc comme la neige ; ses cheveux toient comme une laine pure; son trne comme une flamme , sur des roues ardentes ; un fleuve de feu sortoil devant sa face; un million (d'Anges) le servoient, et dix mille millions se tenoient devant lui. Le jugement toit prt et les livres ouverts. Je regardois cause*du grand bruit qu'avoient fait les paroles de cette corne ; et je vis que la bte fut tue et son corps dchir pour tre la proie des flammes ; et que la puissance des autres bles leur fut arrache, et que les jours de la vie leur furent laisss jusqu' un temps et un temps. Cette vision m'arrivoit dans la nuit ; et je voyois comme le Fils de l'homme venant sur les nues du ciel ; et il s'avana jusqu' l'Ancien des jours. Et les Anges l'accompagnoient devant lui ; et il lui donna la puissance, l'honneur et le royaume ; et tous les peuples de toute tribu et de toute langue le serviront ; sa puissance est une puissance ternelle qui ne passera point et son rgne ne sera jamais branl. Mon esprit toit dans la stupeur. Moi, Daniel, j'lois effray et ces visions me troubloient. Ensuite le prophte prie l'un des Anges de cette rvlation de la lui expliquer, et surtout ce que signi-

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LES ANGES

fient les dix cornes et la plus petite qui avoit surgi au milieu d'elles. Et l'Ange rpond : La quatrime bte est le quatrime royaume, qui sera plus grand que tous les autres royaumes, et il dvorera toute la terre ; il la foulera aux pieds et la brisera. Les dix cornes dp ce royaume reprsentent dix rois, et un autre rgnera aprs eux qui sera plus puissanl que les premiers, et il en renversera trois. Et il parlera insolemment contre le TrsHaut, et il exterminera les saints ; et il croira pouvoir changer les temps et les lois ; et le monde lui sera livr jusqu' un temps et un temps et la moiti d'un temps. Mais le jugement viendra afin que la puissance lui soit te, qu'il soit bris et qu'il prisse jamais ; et que le royaume, la puissance, la grandeur de l'empire surtout ce qui est sous le ciel, soient donns au peuple des saints du Trs-Haut; car son rgne est un rgne ternel, et tous les rois lui seront soumis et le serviront. En face de cette prophtie, et quelles que soient les autres interprtations, l'il de la foi s'attache la rvlation manifeste du chtiment des impies, et du triomphe ternel de Jsus-Christ et de ses lus.

L'Archange Gabriel. L e s soixante-dix a v a n t I ' a v n e i n e n t du M e s s i e .

semaines

Daniel, la suite de l'une de ses rvlations, toit

DU LIVRE DES PROPHTES. (DANIEL.)

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prostern devant le. Seigneur ; il repassoit dans sa mmoire les innombrables bienfaits dont sa.providence avoit combl tout Isral ; il gmissoit sur les malheurs de Jrusalem et de son peuple, et il imploroit la divine misricorde. Et toutes les paroles de cette sainte mditation sont rapportes dans sa prophtie. Aprs quoi, il ajoute : Je priois encore lorsque Gabriel, que j'avois vu au commencement dans la vision, dirigea ses ailes vers moi, et me toucha. Vers l'heure du sacrifice du soir, il vint me parler, m'instruire, et il me dit : Ds le premier soupir de ta prire, je suis venu afin de t'enseigner et que tu comprennes, parce que tu es un homme de bonne volont. Sois donc attentif la parole et comprends la vision : Les soixante-dix semaines ont t abrges sur ton peuple et sur ta sainte cit, afin que la prvarication soit teinte, que le pch prenne.fin, que l'iniquit soit efface, que la justice ternelle apparoisse, que la vision et la prophtie s'accomplissent et que le Saint des Saints reoive l'onction. Sache donc et comprends : Depuis l'ordre qui sera donn de rebtir Jrusalem, jusqu'au Christ roi, il y aura sept semaines et soixante-deux semaines : Et dans cette limite du temps la place publique et les murailles seront rtablies. Et, aprs soixante-deux semaines, le Christ sera mis mort; et le peuple qui l'aura reni ne sera plus son peuple. Et un peuple avec un chef qui doit venir renversera la cit et le sanctuaire ; et la. fin sera la destruction, et aprs la guerre la dsolation annonce. Et, dans une semaine, il confirmera son alliance avec un grand nombre; et.au mi-

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LES ANGES

lieu d'une semaine l'oblalion et le sacrifice auront cess, et l'abomination de la dsolation sera dans le temple et elle durera jusqu' la consommation et la fin. Nous avons vu, dit Bossuet, que ces semaines rduites en semaines d'annes, selon l'usage de l'criture, font quatre cent quatre-vingt-dix ans et nous mnent prcisment depuis la vingtime anne d'Artaxercs la dernire semaine, semaine pleine de mystres, o Jsus-Christ immol met fin, par sa mort, aux sacrifices de la loi et accomplit les figures.
Le Discours sur l'histoire universelle ajoute: La ruine

totale des juifs, qui a suivi de si prs la mort de NolreSeigneur, fait entendre aux moins clairvoyants l'accomplissement de la prophtie. El c'est par ses Anges que Dieu nous a donn celte lumire.

VISIONS DES DOUZE PROPHTES


OSE, JOL, AMOS, ABDIAS, JONAS, M1CHE, NAHUW,

HABAGUC, SOPHONIE, AGGE, ZACHARIE ET MALACHIE.

Aprs le coup d'il gnral sur les grands prophtes, il n'est pas ncessaire de s'tendre beaucoup sur les autres prophtes dont nous avons dj dit quelque chose dans le cours des vnements auxquels plusieurs

DU LIVRE DES PROPHTES, (JOL)

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de leurs prdictions se rfrent. On les appelle petits prophtes, non qu'ils soient moins prophtes que les grands prophtes, mais uniquement parce qu'ils ont moins prophtis. Aussi, cette revue sera toute rapide. Ce qui importe au but propos, c'est de reconnotre, dans toutes leurs rvlations, le ministre et la voix des Anges. Nous rservons d'ailleurs quelques citations qui ont leur place marque dans l'vangile. qui avoit prophtis la ruine de Jrusalem, comme nous l'avons vu, avoit prdt aussi la vengeance du sang rpandu Jezrahel. Mais ce qu'il y a surtout de remarquable dans ses prophties, au sentiment des plus graves interprtes, c'est la condamnation de toutes les hrsies et de tous les schismes, dans la peinture souvent ritre de la division du peuple de Dieu et de l'idoltrie des tribus spares. Aussi, pour marquer cette mission spciale, c'est lui que le Seigneur ordonne d'pouser la femme coupable, car Isral s'abandonnera la prostitution. Et la mme prophtie promet la misricorde au repentir! Dieu est toujours pre.
OSE,

est appel par le prince des aptres en tmoignage de l'inspiration des disciples du Sauveur qui avoient reu le Saint-Esprit. <i Hommes de la Jude et vous tous, habitants de Jrusalem, soyez tous avertis et coutez mes paroles : Non, ces hommes ne sont pas dans l'ivresse du vin, comme vous le croyez; il n'est encore que la troisime heure du jour; mais il leur arrive ce qui a t dit par le prophte Jol. Dans
JOL

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LES ANGES

les derniers jours, dit le Seigneur, je rpandrai mon esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophtiseront; vos jeunes gens verront des visions et vos vieillards auront des songes, et je ferai parotre des-prodiges dans le ciel et des miracles sur la terre. Le mme prophte annonce aussi la gloire du TrsHaut venant sur son trne et au milieu de ses Anges, juger tous les peuples clans la valle de Josaphat. prdit la restauration du tabernacle de David, aprs la captivit, et l'abondance des grces, sous l'emblme du vin et des fruits. Il annonce aussi que le peuple d'Isral possdera les restes de l'Idume et toutes les nations de la terre, parce que, dit le Seigneur, il a t appel de mon nom.
AMOS

n'a fait qu'une seule prophtie; mais elle est remarquable en ce qu'elle annonce, ds l'abord, que Dieu a envoy son Ange aux divers peuples pour les faire marcher contre Edom.
ABDUS

JoNAsest envoy par l'Ange du Seigneur Ninivc pour lui annoncer la prochaine punition de ses crimes; mais rsistant d'abord l'ordre divin, il s'loigne sur un vaisseau. Une tempte s'lve. Tous les hommes tremblent. Il leur rvle qu'il a dsobi la voix de Dieu, et qu'il est cause de ce malheur. Alors ils lui demandent ce qu'ils doivent faire, et il leur rpond : Prenez-moi et jetez-moi la mer, et elle s'apaisera. Ce qu'ils firent. Et l'Ange du Seigneur tenoit tout prt

DU LIVRE DES PROPHTES. (JONAS.)

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un immense poisson pour engloutir Jonas qui demeura trois jours et trois nuits dans le ventre de ce poisson. Et de l, comme du fond d'un tombeau, Jonas fit une prire admirable que l'glise a recueillie dans les hymnes sacrs. Alors, dit l'criture, l'Ange de Dieu parla au poisson et le poisson rejeta Jonas au bord de la mer. Ensuite le prophte va Ninive et lui annonce son chtiment. Mais les Ninivites se convertissent, font pnitence dans la prire et dans le jene, et Dieu leur fait misricorde. Et Jonas se plaint de cette indulgence, dans la crainte de passer pour un faux prophte et il dsire la mort; puis, en quittant la cit, il se repose au milieu de la chaleur du jour, les yeux fixs sur Ninive, pourvoir ce qui adviendra. Et l'Ange du Seigneur fait natre tout coup, la place o Jonas toit assis, un lierre pour lui procurer de l'ombrage. Mais ensuite un ver envoy par l'Ange pique la racine du lierre qui se dessche. Le prophte se dsole de nouveau. Alors le Seigneur lui dit : Penses-tu avoir le droit de te plaindre pour ce lierre? Et Jonas rpond: Oui, j'en ai le droit jusqu' dsirer la mort. Et le Seigneur reprend : Tu t'affliges pour la perte d'un lierre qui ne t'a cot ni travail ni soin, qui s'est lev en une seule nuit et qui est mort la nuit suivante. Et moi je ne pardonnerois pas cette grande cit de Ninive o il y a plus de cent vingt mille habitants qui ne savent pas distinguer leur main droite d leur main gauche; et o il y a aussi .des animaux en grand nombre? Paternelle misricorde ! comme elle est louchante
IL 36

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LES ANGES

aussi, jusque dais les formes qu'elle prend pour se r vler ! Au milieu des prdictions qui semblent d'abord avoir pour objet les vengeances du Seigneur contre l'ingratitude de son peuple, parla main des Assyriens, tout coup l'Ange du prophte lui inspire cette parole pleine de rvlations : Et toi, Bethlem Ephrata, la moindre entre les villes de Juda, c'est de toi que nous viendra le dominateur d'Isral, celui dont la sortie est du commencement et des jours de l'ternit. C'est pourquoi l'abandon durera jusqu'au temps o celle qui doit enfanter enfantera. Alors, le reste de ses frres se tournera vers les enfants d'Isral. Et il apparotra; et il patra son troupeau avec la force de Jhovah, avec la majest du nom de Jhovah, son Dieu. Et les peuples se convertiront parce que sa puissance clatera jusqu'aux extrmits de la terre.
MICHE.

contre Ninive. Il parle en termes admirables et de la colre, et de la patience, cl de la gloire du Seigneur; et comme Miche, sous l'inspiration de l'Ange, il passe subitement des prdictions temporelles la rvlation de l'vangile ; il s'crie: Voil sur les montagnes les pieds de celui qui vanglisc, de celui qui annonce la paix. OJuda! clbre les jours de fte, offre tes vux ; car Blial ne passera plus au milieu de toi; il est entirement dtruit.
HABAGUC

NHUM a prophtis

est le mme prophte qui fut enlev de la

DU LIVRE DES PROPHTES. (ZACHARIE.)

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Jude jusqu' Babylone par l'Ange du Seigneur pour donner la nourriture Daniel dans la fosse aux lions. Tl se tient toujours comme une sentinelle aux ordres de l'Ange du Seigneur ; et l'Ange lui dit : cris ta vision, et que sur tes tablettes l'oracle puisse tre lu distinctement, car ce qui l'est rvl de loin s'accomplira la fin et ne faillira pas. S'il tarde paratre, attendsle ; il viendra et il ne tardera point. L'incrdule n'a pas le cur droit, mais le juste vivra de la foi. Puis, aprs avoir prdit des faits temporels, Habacuc, dans une prophtique prire, dcrit l'avnement du Messie : Dieu viendra de Theman et le Saint des sommets de Pharan. Sa gloire a rempli les Gieux, et toute la terre chante ses louanges. Sa splendeur est comme l'astre du jour, et des rayons de gloire sortent de ses mains. C'est l le mystre de sa puissance. Dans les prdictions de ce prophte contre les prvaricateurs, il y en a une que l'Ange de Dieu tend jusque sur les turpitudes les plus caches de son peuple. En ce temps l, je porterai la lumire de mon flambeau dans Jrusalem ; je visiterai ces hommes enfoncs dans leur boue et qui disent au fond de leur cur : Jhovah ne nous fera ni bien ni mal. Et leur force sera renverse et leur maison dserte.
SOPIIOME.

Ce qu'il y a de plus remarquable dans sa prophtie a l rapport au livre d'Esdras, page 412 $up.
AGGE. ZACHARIE.
36.

Que n'a pas vu Zacharie ? dit Bossuet ;

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LES ANGES

on diroit que le livre des dcrets divins ait t ouvert ce prophte et qu'il y ait lu toute l'histoire du peuple de Dieu depuis la captivit.... Les royaumes qui l'ont oppress sont humilis ; les voisins qui n'ont cess de le tourmenter sont punis. Quelques-uns sont convertis et incorpors au peuple de Dieu. Le prophte voit ce peuple combl des bienfaits divins, parmi lesquels il leur compte le triomphe, aussi modeste que glorieux,
du roi pauvre, du roi pacifique, du roi sauveur qui entre, mont, sur un ne, dans sa ville de Jrusalem. Et, plus

loin, Bossuet ajoute : Dieu est achet trente deniers par son peuple ingrat, et le prophte voit tout jusqu'au
champ du potier ou du sculpteur auquel cet argent est

employ. Que dirai-je, continue le grand Evque, que dirai-je del merveilleuse vision cle Zacharie,
qui voit le Pasteur frapp et les brebis disperses? Que dirai-je du regard que jette le peuple sur son Dieu qu'il a perc ?

Les Anges, nous l'avons souvent rpt, sont les inspirateurs des oracles divins; et nui prophte ne le dclare plus hautement que Zacharie. Ds sa premire prdiction, relative aux malheurs de Jrusalem, voici en quels termes il annonce cette miraculeuse vrit : L'ANGE QUI PARLOIT EN MOI, mdit]: Je t'expliquerai ceci. Puis il rapporte le colloque de ce mme
Ange avec l'Ange de Jhovah qui lui rpond des paroles de

bont et de consolation; et il dit encore dans une autre prophtie : L'ANGE QUI PARLOIT EN MOI me rveilla comme
un homme que l'on rveille d'un profond assoupissement

DU LIVRE DES PROPHTES. (MALACHIE.)

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Ainsi Dieu a tabli, et on le comprend, d'admirables rapports entre les Anges, avant d'en tablir entre les Anges et les hommes. Un seul mot sur ce dernier des anciens prophtes suffit au Livre des Anges del Bible. La plus clatante de ses prdictions commence ainsi : Voil que j'envoie mon Ange, et il prparera ma voie devant ma face ; et, aussitt le dominateur que vous cherchez, l'Ange de mon alliance que vous dsirez, apparotra dans son temple. Le voici, il vient, dit le Seigneur des armes. Et qui pourra mditer le jour de son avnement? qui se tiendra debout devant son regard? C'est la flamme qui dvore ! c'est l'herbe qui purifie !
M'ALACHIE.

Cette rapide revue des Livres prophtiques montre tous les yeux l'admirable concordance de leurs divins tmoignages. Il n'y a rien de plus remarquable dans l'histoire du peuple de Dieu, dit encore Bossuet, que ce ministre des.prophtes.... Leur vie pauvre et pnitente toit la figure de la mortification qui devoit tre annonce sous l'Evangile.... Des crits qu'ils faisoient toient entre les mains de tout le peuple et soigneusement conservs en mmoire perptuelle aux sicles futurs. Nous en voyons les admirables fruits.
OQtO-

LES A N G E S
DU LIVRE DES MACUABES.
0H0

Jamais la vertu guerrire, sous l'inspiration divine, ne s'est dploye avec plus d'clat, et tout la fois avec plus de suite et de constance, que dans l'hroque famille des Machabes. Dieu est l; ses Anges raccompagnent; et l'on comprend celte parole de Jonathas : Nous avons reu des secours du Ciel; et nous sommes dlivrs, et nos ennemis sont abattus. Pourtant, que l'on ne s'tonne pas si la fin de tous ces hros a t sanglante et dplorable, aux yeux des hommes. Le dernier jour d'un saint, d'un martyr, assure son ternel triomphe. La terre n'est rien ; le Ciel est tout; et nous pouvons redire, au commencement de cette pope biblique :
Terre, abaisse ton front, tes gloires sont tombes ; Et vous, Gicux, ouvrez-vous : voici les Machabes (1) !

(4) Ces vers sont emprunts, de mmoire, aux posies sacres de M. GEORGES DUCIS, neveu de JEAN FRANOIS DUCIS. Nous aurions t heureux d'en citer plus ; mais la modestie du regrettable auteur ne

DU LIVRE DES MACHABES.

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Au dbut de ce livre, on trouve l'expos rapide des victoires, des conqutes et del puissance d'Alexandrele-Grand devant qui la terre se tut; et toute cette grandeur, magnifiquement dcrite, s'vanouit dans ce mol
sublime : Et il tomba sur sa couche, et il sut qu'il alloit mourir.
&Q-Q

Perscutions

d\liUiocIms-E|>ipliaiies. Mathalkias ei ses flls.

De Sleucus, l'un des successeurs d'Alexandre, il sortit une racine de pch. Antiochus-Epiphanes, fils d'ntiochus-Ie-Grand , aprs avoir pris Jrusalem, tu quatre-vingt mille habitants et fait quarante mille captifs, dressa l'abominable
idole de la dsolation dans le temple. Il pilloit et profanoit

les vases sacrs ; il faisoit dchirer et jeter au feu les livres saints ; il solliciloit partout l'apostasie des enfants d'Isral; et quand il ne l'obtenoil point par des promesses, il la fpril par le glaive. Un grand nombre eurent le malheur de succomber et de trahir leur foi; mais il resloil un peuple fidle, qui, ne voulant ni encenser les faux dieux, ni manger les viandes impures,
rvloit ses uvres que dans l'intimit, et sa famille n'a encore rien livr l'impression. Qu'il reoive du moins l'hommage d l'un de ses admirateurs, qu'il vouloit bien compter au nombre de ses amis.

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LES ANGES

ni violer en rien la loi du Seigneur, prfra les supplices et la mort. En ce temps-l Mathathias, fils de Jean', fils de Simon, prtre d'entre les enfants de Joarib, sortit de Jrusalem et se retira sur la montagne de Modin. Il avoil cinq fils: Jean, surnomm Gaddis, Simon, surnomm Thasi, Judas, appel Machabe, Elazar, surnomm Abaron, et Jonathas, surnomm Apphus. Ils virent les maux suscits contre le peuple de Juda et dans Jrusalem. Et Mathathias s'cria : Malheur moi! Suis-je donc n pour voir l'affliction de mon peuple et le renversement de la cit sainte, et pour y demeurer tandis qu'elle est livre entre les mains de ses ennemis? Son sanctuaire est en la puissance de l'tranger, et son temple est comme un homme tomb dan^ l'ignominie. Les vases de sa gloire sont emports comme une proie; ses vieillards ont t gorgs dans les rues; et ses jeunes hommes ont pri par le glaive. Quelle nation n'a pas hrit de son rgne, et ne s'est pas enrichie de ses dpouilles ? Toute sa magnificence lui a t ravie ; elle toit libre; elle est devenue esclave; et tout ce que nous avions de saint, de beau et de resplendissant a t dsol et profan par les nations. Pourquoi donc vivonsnous encore? Alors Mathathias et ses fils dchirrent leurs vtements : ils se couvrirent de cilices et jetrent des cris de douleur. Puis des missaires d'Antiochus vinrent pour forcer ceux qui s'toient retirs Modin, de sacrifier et de brler de l'encens et d'abandonner la loi de Dieu; et plusieurs d'entre le peuple y consentirent;

DU LIVRE DES MACHABES.

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mais Mathathias et ses fils persistrent dans leur fermet... Et Mathathias dclara hautement qu'il obiroit Dieu seul et non Antiochus. Et comme il cessoit de parler, un juif s'avana pour sacrifier aux idoles devant le public sur l'autel dress par l'ordre du roi dans la ville de Modin. Mathathias le vit, et fut en proie un violent chagrin et mu jusque clans ses entrailles; et sa colre s'allumahl selon le dcret de la loi, il se jeta sur cet homme et le tua au pied de l'autel; il tua aussi l'missaire d'Antiochus et il renversa l'autel; caril loit transport du zle de la loi, comme Phins lorsqu'il tua Zambri, fils de Salu. Et il cria haute voix, dans toute la cit : Que celui qui est zl pour la loi et fidle l'alliance du Seigneur, me suive ! et il s'enfuit avec ses lils sur les montagnes, abandonnant tout ce qu'ils possdoient dans la ville, Alors, les fidles Isralites se retirrent dans le dsert; et ils furent attaqus par les troupes d'Antiochus, le jour du Sabbat; et ils aimrent mieux mourir, dans
la simplicit de leur cur, que de se dfendre. A cette

nouvelle, Mathathias et ses amis firent un grand deuil sur eux et ils rsolurent de se dfendre mme le jour du Sabbat. Alors, avec tous les fidles et les justes, qui vinrent faire cause commune, ils formrent.une arme, poursuivirent les prvaricateurs et les enfants d'orgueil; ils affranchirent la loi sainte de l'asservissement des nations et de tous les abus de la puissance des rois. Et Mathathias, tant prs de mourir, danslacent quarantesixime anne de son gfe, bnit ses enfants, aprs leur;

570

LES ANGES

avoir donn ses conseils pour traverser un temps de chtiments, de ruine, ^indignation et de colre, et leur avoir

recommand d'couler Simon comme un pre, et d'obir dans les combats aux ordres de Judas Machabe.
&>o

A p p a r i t i o n d e s A n g e s d a n s l e s airs I l c l i o d o r e . Les Anges flagellateurs.

Ici s'ouvrent les merveilles suscites par le Dieu des batailles et dans lesquelles interviennent les clestes phalanges : car c'est tout la fois parce qu'il est le Dieu de toute force humaine, comme le Dieu de toute anglique puissance, qu'il est appel le Dieu des batailles et le Dieu des armes. Des apparitions extraordinaires avoienl annonc la gloire des Machabes. Tous ces grands coeurs, Dieu les-avoit forms lui-mme pour le temps des preuves de son peuple, et il les levoit au niveau des plus sublimes sacrifices. Il arriva donc, dit le livre sacr, que dans toute la ville de Jrusalem on vit durant quarante jours des cavaliers volant au milieu des airs, avec des vtements d'or, et avec des lances comme des troupes sous les armes; et des rangs de cavalerie courant les uns sur les autres ; et des engagements de batailles, et des boucliers agits, et une multitude arme de casques et' d'pes nues; des dards lancs, des armes resplendissantes d'or, et toutes sortes de cuirasses. C'est pourquoi des prires s'levoient de par-

DU LIVRE DES UAGDAHES.

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tout pour implorer l'heureux accomplissement de ces prodigieux signes. Dj, sous le rgne de Sleucus, un miracle prcurseur de ces miracles avoit ranim la foi sainte; et l'criture le raconte aussi dans le Livre des Mchabes : Un apostat toit all dire au lieutenant du roi clc Syrie que le temple de Jrusalem renfermoit des trsors considrables; et bientt Hliodore, premier ministre, fut envoy pour mettre la main sur cette proie et l'emporter Anlioche. Mais le grand prtre Oiias avoit reprsent Hliodore que l'argent dpos dans le temple toit consacr la subsistance des veuves et des orphelins, et qu'une partie de ce dpt toit la proprit d'Hyrcan-Tobie, homme minent dans Isral. Au mpris de ces reprsentations, et malgr tous les gmissements des prires publiques et du deuil gnral, Hliodore entra dans le temple et plaa des gardes aux portes pour l'excution de son dessein. Mais, dit le Livre des Machabes, l'Esprit du toutpuissant Dieu se rvla par un signe clatant. Tous ceux qui osoient obir Hliodore toient renverss par une force divine, et dans leur effroi tomboient en dfaillance. Car un cheval magnifiquement par et portant un homme au visage terrible, apparut leurs yeux et se prcipita sur Hliodore, en le frappant des pieds de devant ; et le cavalier sembloit avoir des armes d'or. Et deux autres jeunes hommes apparoissoient en mme temps, pleins de force et de beaut, brillants de gloire et richement vtus. Et debout prs d'Hliodore, ils le

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flagelloient chacun de sa part et le frappoient sans relche. Et tout coup Hliodore tomba terre comme envelopp dans une obscurit profonde. Et on remporta sur un brancard hors du temple, d'o il fut ainsi chass. Ainsi cet homme, entr dans le temple prcd d'un grand nombre de coureurs et de gardes, toit enlev sans que personne vnt son secours, cause que la vertu de Dieu se manifestoit; et elle le renversoil sans esprance, sans parole et sans vie. Mais le peuple bnissoit le Seigneur de ce qu'il relevoit la gloire de son sanctuaire; et ainsi le temple, rempli auparavant de tumulte et d'effroi, retentissoit de cris de joie et d'allgresse la vue de la toute-puissance de Dieu. Alors quelques-uns des amis d'Hliodore demandrent Onias de prier le Trs-Haut de rendre la vie celui qui toit au moment d'expirer. El le grand prtre, considrant aussi que le roi pourrait souponner les juifs de quelque attentat contre Hliodore, offrit pour sa gurison un sacrifice de salut. Et, tandis que le grand prtre prioit encore, les mmes jeunes hommes, couverts des mmes vtements, revinrent vers Hliodore et lui dirent : Rends grces au grand prtre Onias, car le Seigneur le laisse vivre cause de lui. Toi donc qui es chti de la main de Dieu, va publier tous les hommes ses merveilles et sa puissance. Et aprs ces paroles ils disparurent. Hliodore, ayant offert un sacrifice, et des vux et des promesses Dieu qui lui avoil redonn la vie, rendit grces Onias, et retourna, la tte de ses troupes, auprs du roi. Et il rpandoil partout le tmoignage des uvres du grand Dieu, qu'il

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avoit lai-mme vues et prouves. El le roi lui demandant quel homme il faudroit choisir pour l'envoyer encore Jsusalem, il lui rpondit : Si vous avez quelque ennemi ou quelqu'un qui ait conspir contre votre rgne, envoyez-le dans cette ville, et il vous reviendra dchir de coups, si toutefois il chappe la mort; car il y a l vraiment quelque vertu divine; et Celui qui habite le ciel est lui-mme prsent dans le temple; il en est le protecteur; il frappe et il extermine ceux qui y vont pour faire le mal. Voil donc ce qui se passa l'gard d'Hliodore et pour la conservation du trsor du temple. Les Anges de Dieu sont ainsi chargs de ses justices. La Sainte criture est pleine des preuves de celte vrit; car le mmorable chtiment d'Hliodore en est seulement un exemple Mais l'impit ne s'arrte ni devant le bruit des miracles,, ni devant leur vidence, et encore moins devant leur souvenir.

Suite des perscutions

d'Aiitioclius-Epiphnncs.

Eluzai*. ILa m r e d e s M a e l i a b c s c l s e s s e p t flls.

Antiochus-piphanes devenoil plus perscuteur et plus cruel que jamais. Avant de raconter quelques dtails de ces perscu-

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lions, l'auteur du Livre des Machabes offre une leon inspire par les ngs et qu'il faut recueillir ici : Je conjure ceux qui liront ce livre de ne pas se faire un scandale de tant de malheurs, et de considrer que ces maux sont arrivs non pour la ruine, mais pour le chtiment de notre nation ; car c'est le signe d'une grande misricorde de Dieu envers les pcheurs, que de ne pas les laisser longtemps vivre au gr de leurs dsirs, mais de les chtier tout d'abord. Et en effet, le Seigneur n'en use pas envers nous comme envers les autres nations qu'il supporte dans la patience, afin de les punir dans la plnitude de leurs crimes, lorsque le jour du jugement sera venu, II n'attend pas, pour tirer vengeance de nos pchs, qu'ils soient monts leur comble. Ainsi il ne nous retire jamais sa misricorde... Aprs ce saint prambule, l'crivain sacr rapporte les actes du martyre d'lazar, puis de l'admirable mre que l'on appelle la mre des Machabes, en tendant ce nom tous les fidles Isralites qui marchoient alors dans la voie des fils de Malhathias. Ces deux pisodes appartiennent assurment au Livre des Anges de la Bible, car il est impossible de ne pas reconnotre l'inspiration des messagers du Ciel-dans les paroles et dans le courage des martyrs. Antiochus avoit profan le temple de Jrusalem en le consacrant Jupiter Olympien, comme il avoil consacr le temple de Garizim Jupiter Hospitalier, cause tlefc trangers mls aux habitants de Samarie. La prostitution loit comme installe dans le lieu saint, et les adorateurs du vrai Dieu loicnt proscrits et livrs

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au supplice quand ils refusoint d'aposlasier. Or, Elazar, Puu des premiers docteurs de la ville, vieillard vnrable, fit cette rponse h ceux qui l'engageoient laisser croire qu'il mangeoit les viandes offertes aux idoles, dont une portion lui toit envoye : < Feindre n'est pas digne de mon ge ; et si l'on pou< voit s'imaginer qu'Elazar, quatre-vingt-dix ans, auroit pass de la vie d'Isral celle des paens, plusieurs jeunes hommes seraient tromps eux-mmes par cette feinte, qui, en sauvant le foible reste des jours d'une vie corruptible, ne feroit qu'attirer la honte et l'excration sur mes cheveux blancs; car, lors mme que j'chapperois ainsi aux mains des bourreaux, je ne pourrais, ni vivant ni mort, fuir le bras du Tout-Puissant. C'est pourquoi, par une fin courageuse, je me montrerai digne de ma vieillesse, et je laisserai aux jeunes gens un exemple de fermet, souffrant avec constance et avec joie une gnreuse mort pour nos saintes et vnrables lois. Ainsi Elazar, livr au supplice, laissa un grand exemple 5 toute sa nation. Vers le mme temps il arriva que l'on fit arrter sept frres avec leur mre, et que le roi voulut les contraindre manger, malgr la dfense de la loi, de la chair de pourceau en les faisant dchirer avec des fouets et des lanires. Mais l'un d'eux qui toit l'an, lui dit : Que demandez-vous? et que voulez-vous apprendre de notre bouche? Nous sommes prts mourir plutt que de violer la loi de Dieu et de son peuple. Alors le roi irrit ordonna que l'on mt sur le feu des

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poles et des chaudires d'airain, et lorsqu'elles furent toutes rougies, que l'on coupt la langue celui qui avoit parl le premier, qu'on lui arracht la peau de la tte, et qu'on lui trancht l'extrmit des mains et des pieds, la vue de ses frres et cle sa mre. Et quand il fut ainsi mutil, il ordonna qu'on l'approcht du feu et qu'on le ft brler vivant dans une chaudire. Et durant son supplice, ses frres et sa mre s'exhortoienl mutuellement mourir avec courage. El ils se disoient : Le Seigneur Dieu verra la vrit ; il sera consol en nous, comme Mose l'a dclar dans ces paroles de son cantique : et il sera consol dans ses serviteurs (1). Le premier tant donc mort, le second fut amen pour tre livr aux outrages. Puis on lui arracha la peau de la tte et on lui demanda s'il vouloit manger des offrandes plutt que d'tre dchir dans tous ses membres. Mais, il rpondit dans la langue de ses pres : Non, je ne mangerai pas. C'est pourquoi il souffrit les mmes tourments que le premier; et au moment d'expirer, il dit au roi : 0 le plus cruel des hommes ! vous nous tez la vie prsente, mais le Roi de l'univers nous ressuscitera la vie ternelle, nous qui mourons pour sa loi. Aprs celui-ci, on insulta encore au troisime; et quand on voulut lui couper la langue, il la prsenta aussitt; puis tendant les mains avec courage il dit d'une voix ferme : J'ai reu du ciel ces membres, mais maintenant, je les sacrifie pour la loi de Dieu; car, je l'espre, il me les rendra, En l'coutant, le roi et ses officiers admiraient

(4) Version des Septante.

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eux-mmes la constance de ce jeune homme qui comptait-pour rien les tortures. Quand il fut mort, on fit subir le mme supplice au quatrime, qui, prs de rendre le dernier soupir, s'cria : Il est heureux de recevoir la mort de la main des hommes, dans l'esprance que Dieu nous rendra la vie, par la rsurrection ; mais vous, ce n'est point pour la vie que vous ressusciterez. Alors saisissant le cinquime, ils le torturaient. Et lui, regardant le roi, l'apostropha ainsi : Vous avez la puissance sur les hommes, et mortel comme eux, voua faites ce que vous voulez; mais ne croyez pas que notre nation soit abandonne de Dieu. Attendez quelque temps, et vous verrez clater la force de son bras, et comment il saura vous punir vous et votre race. Le sixime fut ensuite men au supplice et tant prs de mourir, il dit au roi : Ne vous faites pas illusion; nous avons mrit nos souffrances, parce que nous avons pch devant Dieu ; et ainsi s'exerce son adorabte justice. Mais, ne croyez pas, vous, rester impuni, aprs avoir voulu l'attaquer lui-mme. Or, la mre, au-dessus de toute admiration et digne de la mmoire des justes, voyant prir en un mme jour ses sept fils, souffroit avec courage parce qu'elle avoit mis son esprance en Dieu; et elle exhortait chacun d'eux avec des paroles pleines de force et dcsagesse, dans la langue de ses pres, alliant une intrpidit virile toute la tendresse maternelle ; et elle leur disoit : Je ne sais comment vous tes ns dans mon sein; car .ce n'est pas moi qui vous ai donn l'me, l'esprit et la vie, ni l'difice de vos membres; mais le Crateur du monde qui a form
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l'homme ds sa naissance, qui a trouv le principe de toutes choses, vous rendra dans sa misricorde l'me et la vie, parce que pour l'amour de la loi vous vous immolez vous-mmes. Or, ntiochus, se croyant humili par le ddain de ses inutiles menaces, en usa autrement auprs du plus jeune qui restoit encore, et nonseulement il le conjuroit par ses paroles, mais il lui promeltoit avec serment de le combler de richesses et de bienfaits, et mme de l'admettre au nombre de ses amis, et de pourvoira tout ce dont il auroitbesoin, s'il vouloit abandonner la loi de ses pres. Mais ce jeune homme tant inbranlable, le roi fit approcher la mre et l'engagea sauver son dernier fils. Et aprs qu'il lui eut dit beaucoup de paroles pour la persuader, elle promit d'exhorter son fils. Et en mme temps elle s'inclina pour lui parler et elle lui dit dans la langue de ses pres : Mon fils, prends piti de moi qui t'ai port neuf mois dans mon sein, qui t'ai nourri trois ans de mon lait, et qui t'ai lev jusqu' l'ge o tu es. Je te conjure, mon fils, de regarder le ciel et la terre et tout ce qu'ils renferment, et de comprendre que Dieu les a crs de rien, de mme que tous les hommes. Ainsi tu ne craindras pas ce meurtrier; mais tu seras digne de.tes frres, et tu recevras la mort en union avec eux, afin que je te retrouve aussi comme eux dans le sein de la misricorde. Et elle parloit encore, lorsque l'enfant s'cria : Qu'attendez-vous donc? je n'obis point l'ordre du roi, mais la loi d Mose. Quant vous qui tes l'auteur de tous les maux des Hbreux, vous n'chapperez pas la main de Dieu. Nous, nous souffrons

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pour nos pchs; et si pour nous punir et nous corriger, le Seigneur Dieu nous fait sentir un moment sa colre, il redeviendra propice ses serviteurs; mais vous, le plus mchant et le plus coupable de tous les hommes ! ne vous flattez pas d'un vain espoir, dans la fureur qui vous enflamme contre les serviteurs de Dieu; car vous n'avez pas encore chapp au jugement de ce Dieu qui peut tout et qui voit tout. Et, quant mes frres, aprs une souffrance passagre, ils sont entrs dans l'alliance de l'ternelle vie. Mais vous, vous subirez au jugement de Dieu la peine de votre impit. Moi, l'exemple de mes frres, je vous livre mon corps et ma vie pour la loi de nos pres, en priant Dieu d'avoir bientt piti de notre nation et de vous forcer, par la plaie des flaux, confesser qu'il n'y a pas d'autre Dieu que lui. Mais ma mort et celle de mes frres apaiseront la colre du Tout-Puissant, qui est tombe avec'justice sur toute notre race. Alors le roi, transport de fureur, fut encore plus cruel envers lui qu'envers tous ses frres,.ne pouvant supporter cette humiliation. Enfin, la mre fut mise mort aprs ses fils. Voil l'hrosme des martyrs. Voyons maintenant l'hrosme des guerriers pareillement inspirs, soutenus et couronns par les Anges.

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J u d a s Machabe. L e secours de Oieu. Apollon i u s . Sron. Kicanor. G o r g i a s . Lysias. M o r t d'Antioelius.

Le quatrime fils de Mathalhias, Judas Machabe, selon le vu de son pre mourant, avoit pris sa place dans la guerre contre les perscuteurs d'Isral. Et il tendit au loin la gloire de son peuple, dit l'criture ; il se revtit de la cuirasse comme un gant; il prit les armes des combats, et son pe prtgeoil tout son camp. Dans ses exploits, il devint semblable un lion et un lionceau rugissant la vue de sa proie; il poursuivit les impies, allant leur recherche de toutes parts; et il incendia tous ceux qui troubloient sa nation ; et la terreur de son nom mit en fuite tous ses ennemis; et tous les artisans d'iniquit furent, consterns; et le salut venoit de la force de son bras; et ses uvres irritoient les rois et elles rjouissoient Jacob; et sa mmoire sera jamais bnie; et.il parcourut les villes de Juda; et il en chassa les sacrilges, et il dtourna loin d'Isral la colre de Dieu; et son nom retentit jusqu'aux extrmits de la terre; et il rassembla et sauva de la mort tous ceux qui alloient prir. Aprs ce magnifique portrait dict par l'Esprit-Saint, il est bien manifeste que Judas Machabe toit assist par les Anges. De prodigieuses apparitions nous l'ont appris dj, et bientt il le dira hautement lui-mme. Retir d'abord presque seul avec ses frres, soit

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dans les montagnes, dans le fond du dsert, ilavoitreu sous ses ordres une petite arme de fidles Isralites, avec laquelle, prenant pour devise et pour mot d'ordre tantt LE SECOURS DE DIEU, tantt LA VICTOIRE DE DIEU, il taille en pices la puissante arme d'Apollonius, lieutenant du roi cle Syrie; il le tue de sa main et l'pe du vaincu devient le trophe de sa victoire. Puis, Sron, autre gnral d'ntichus, survient avec une force immense, et Judas rassure sa foible troupe par ces paroles de foi : Il est facile au petit nombre de rduire une multitude; et le Dieu du ciel donne la victoire sans compter les combattants de part ou d'autre; car le succs n'est pas dans la force humaine, mais il vient d'en haut. Sron et toute son arme furent donc dfaits, et la terreur des Machabes serpandit sur toutes les nations voisines. A cette nouvelle, Antiochus entre en fureur; il arme de nouveau et il prodigue ses trsors pour sa vengeance. Mais les troupes considrables qu'il envoie sont successivement dissipes et dtruites ; d'abord Emmaus, o Judas dit ses trois mille hommes : Ne craignez pas cette grande multitude.... Souvenez-vous comment nos pres furent protgs dans la Mer Rouge. Et toutes les nations reconnotront qu'il y a un Dieu qui dlivre et qui sauve Isral. Et aussitt Nicanor et sa nombreuse arme sont battus et mis en fuite, eux qui avoient vendu l'avance comme esclaves les prisonniers qu'ils comptoienl faire. Puis, la seule prsence des Machabes victorieux pouvante Gorgias, qui

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s'avanoit avec une autre arme pour les combattre; et une double victoire livre aux vainqueurs les plus riches dpouilles, Lysias, chef suprme de toutes les armes d'Antiochus, essaye en vain d'arrter ce torrent ; il est vaincu lui-mme, et, aprs lui, Timolhe et Bacchide sont galement frapps de la main de Dieu, par les armes des fidles Hbreux, sous la conduite de l'Ange exterminateur. Alors, le roi impie loit mourant. 11 avoit os promettre dans sa rage qu'il feroit de Jrusalem le tombeau du peuple juif. Mais, dit le livre sacr, le Seigneur Dieu d'Isral, qui voit tout, le frappa d'une plaie invisible et incurable. Ds qu'il eut profr cette parole, une douleur violente et d'horribles tourments dchirrent ses entrailles. Et c'toit avec justice, car il avoit lui-mme dchir les entrailles des autres par un grand nombre de tortures inoues, et il n'avoit pas abjur sa malice.... Et des vers sortoient du corps de cet impie comme d'une source ; et, vivant nanmoins au milieu de tant de douleurs, sa chair tomboit en lambeaux avec une odeur insupportable son escorte. Et celui qui s'imaginoit auparavant atteindre jusqu'aux astres, rpandoit alors une telle infection, que personne ne pouvoit y rsister. Ainsi averti par cette plaie inflige d'en haut, avec des redoublements continuels de douleurs, il commena donc revenir de ce grand orgueil, la connoissance de sa misre; et, ne pouvant plus souffrir lui-mme l'odeur de sa plaie, cette parole sortit de sa bouche : Il est juste que l'homme soit soumis Dieu, et que nul mortel ne s'gale au Tout-

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Puissant. Et ce grand coupable prioit le Seigneur, de qui il ne devoil pas obtenir misricorde. Le livre saint fait assez comprendre que cette prire n'loit pas accompagne d'un repentir sincre, comme on le voit encore par la suite de la narration. El ainsi, le chtiment de cet impie tant proclam comme venant du Ciel, il devoit trouver ici sa place dans les justices exerces par le ministre des Anges. A la suite de ses victoires , Judas Machabe fit le sige de Casphin, et les assigs, pleins de confiance dans la force de leurs murailles et.dans l'abondance de leurs provisions, se livroient au blasphme. Mais, dit l'criture, Machabe, invoquant le grand Roi de l'univers qui, au temps de Josu, sans aucunes machines de guerre, fit tomber Jricho, monta intrpidement l'assaut, et la cit fut prise par la volont de Dieu.... Le mme sort toit rserv Ephron. Les juifs y furent conduits par Machabe. Et, quand ils eurent invoqu le nom du Tout-Puissant, qui avoildj renvers leurs ennemis, ils prirent la ville, et ils turent vingt mille des assigs. Peu de temps aprs, Judas, avec trois mille hommes de pied et quatre cents chevaux, dispersa la nombreuse arme de Gorgias, prs des bords de la mer, au pays des Philistins. Mais plusieurs d'entre les juifs avoient pri dans le combat; et, le lendemain, leurs frres revinrent pour leur donner la spulture. Or, ils trouvrent, sous les tuniques des morts, quelques objets qui avoient t consacrs aux idoles de la ville
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de Jamnia, et dont la loi interdit l'usage aux enfants d'Isral. Ainsi, tous ils reconnurent que cette infraction toit la cause de leur mort. C'est pourquoi, tous aussi, ils bnirent le juste jugement de Dieu, qui avoit rvl les choses caches, et ils prirent le Seigneur de pardonner le pch commis; et le valeureux Judas exhortoit le peuple se prserver de tout mal, en voyant sous leurs yeux les suites du pch de ceux qui toient morts. Et aprs avoir fait une collecte, il envoya Jrusalem douze mille drachmes d'argent, afin qu'un sacrifice ft offert pour le pch des morts, dans une pense de sagesse et de pit touchant la rsurrection; car s'il n'avoit pas eu l'esprance que ceux qui avoient succomb dvoient ressusciter un jour, il et sembl vain et superflu de prier pour eux; et il croyoit que ceux qui s'toient endormis dans la pit avoient en rserve une prcieuse rcompense. C'est donc une sainte et salutaire pense de prier pour les morts, afin qu'ils soient dlivrs de leurs pchs. La foi des sicles a confirm la foi des Machabes.

P u r i f i c a t i o n c l r e s t a u r a t i o n d u T e m p l e le Jrusalem.

Dans les courts intervalles de leurs combats et de leurs victoires, Judas Machabe et ses frres se dirent :

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< Voil nos ennemis dfaits; allons maintenant puri( fier et renouveler le temple. Aussitt, toute l'arme s'assembla, et ils montrent la montagne de Sion; et ils virent le saint lieu dsert, l'autel profan, les portes brles, et dans le parvis, des ronces et des arbrisseaux, comme dans un bois et sur les montagnes; et les btiments qui touchoientau temple toient tous dtruits. El ils dchirrent leurs vtements ; et, se livrant un grand deuil, ils rpandirent de la cendre sur leur tte ; puis, se prosternant la face contre terre, ils firent sonner le signal des trompettes et poussrent des cris jusqu'au ciel. Aprs les pleurs de l'expiation, le temple fut purifi ; l'autel qui avoit t souill par les nations fut dmoli et redress, .suivant la loi, avec de nouvelles pierres non tailles. Toutes les restaurations intrieures et extrieures furent excutes avec le mme soin; les ornements et les vases sacrs reparurent; les prtres reprirent leur place ; le sacrifice fut offert, et la ddicace clbre durant huit jours, au bruit des cantiques et des instruments; et tout le peuple toit dans la joie; et l'opprobre toit ainsi chass loin d'eux. Mais pourquoi Dieu souffre-t-il que son temple soit profan par les impies ? L'crivain sacr rpond ainsi cette question : Dieu ne choisit pas le peuple cause du temple, mais le temple cause du peuple. Voil pourquoi le lieu saint a particip aux malheurs d'Isral, comme il aura part aussi son bonheur; et, aprs avoir t abandonn pour un temps cause de la colre du Dieu tout-puissant, il sera relev dans sa

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gloire, lorsque le Seigneur se rconciliera avec son peuple. N'est-ce pas dire en d'autres termes que les mes sont plus prcieuses devant Dieu que tous les signes extrieurs du culte sacr, et qu'elles doivent d'abord rentrer en grce avec lui pour qu'il relve et qu'il leur ouvre de nouveau son temple ? Cependant les nations voisines de Jrusalem apprenant que l'autel et le sanctuaire toient rtablis, s'en irritrent et rsolurent d'exterminer la race de Jacob. Mais l'Ange du Seigneur veilloil sur les restes de son peuple.
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l l r o s m c d'Elcazai*. L a p a i x .

La forteresse de Sion loit encore entre les mains des trangers et des juifs infidles. LesMacbabes en firent le sige; et bientt Anliochus-Eupalor, la prire des assigs, s'avance leur secours avec une nouvelle arme de cent mille hommes de pied el de vingt mille chevaux, et avec trente-deux lphants dresss pour la guerre. Il y avoit sur chaque lphant une tour de bois, el dans chaque tour de vaillants guerriers. Judas s'avana pour combattre les ennemis; et d'abord il tailla en pices six cents hommes. Alors lazar, fils de Saura (1), voyant l'un des l(1 ) Malgr ce nom de Saura, qui toit peut-tre lo nom de sa mre,

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phants couvert des armes royales, et plus grand que tous les autres, crut que le roi lui-mme toit l, et il se dvoua pour le salut de son peuple, et pour la gloire immortelle du nom qu'il portoit, car il se prcipita intrpidement au milieu del lgion, frappant les ennemis adroite et gauche, et les abattant sous ses coups; et il arriva sous l'lphant, le tua, et l'lphant tomba sur lui, et lazar mourut. A la vue de ce gnreux sacrifice, Lysias , ministre d'Antiochus-Eupator, apprenant ainsi juger jusqu'o pouvoit aller l'hrosme des enfants d'Isral, conseilla au roi de faire la paix, qui fut accepte. Et les Machabes entrrent en possession de la forteresse de Jrusalem. L'criture ne parle pas ici des Anges ; mais il suffit de la place que le dvouement d'lazar occupe, au milieu des prodigieux combats remplis de leur prsence, pour ne pas douter de l'inspiration laquelle il a lui-mme obi avec tant d'ardeur.
Oc

S u i t e des victoires des tlachabccs. Apparition et assistance des A n g e s . I n t r u s i o n d ' A l c i m e .

Vision de Judas. I / p c donne de D i e u .

Les Juifs apostats s'toient allis avec les ennemis


il n'y a pas de doute qu'lazar ne soit le mme qu'lazar surnomm Abaron, l'un des Machabes.

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du peuple fidle. Un grand nombre s'toient jels dans les forteresses del'ldume. Judas altaquadonc tout la fois elles dserteurs d'Isral etlesdumens, et il leur tua plus de vingt mille hommes. Ensuite, il tourna ses armes victorieuses contre Timothe, q u i , battu une premire fois, avoit recrut des troupes trangres et une nombreuse cavalerie. Les deux annes marchrent l'une contre l'autre ; mais les Machabes avoient invoqu le Seigneur. Et, au fort de la bataille, dit le livre sacr, leurs ennemis virent apparotre du ciel cinq cavaliers sur des chevaux dont les brides toient dores et qui conduisoient les Hbreux. Il y en avoit deux prs de Judas le couvrant de leurs armes et le prservant du danger ; et tous, ils lanoienl des traits et les clairs de la foudre contre les ennemis qui, jets dans la confusion et frapps d'aveuglement, prissoient en foule. Le nombre des morts fut de vingt mille cinq cents hommes de pied et de six cents cavaliers. Ce succs fut suivi de la prise de Gazara o Timothe s'toit enfui et trouva la mort, Le chant des saints cantiques clbra la gloire du Dieu d'Isral et fut le prlude de nouveaux triomphes. Lysias, chef des armes d'nliochus-Eupator, successeur d'Epiphanes, avoit rassembl quatre-vingt mille hommes contre Jrusalem. Mais les Machabes conjurrent le Seigneur avec tout le peuple, dans la prire et dans les larmes, d'envoyer UN BON ANGE POUII LE
SALUT D'ISRAL.

Et lorsqu'ils sorloienl tous ensemble avec intrpidit, de Jrusalem, un cavalier portant une robeblan-

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che, avec des armes d'or et agitant une lance, apparut leur tte. Et aussitt ils bnirent le Seigneur misricordieux, et avec une pleine assurance ils loient prts attaquer non-seulement des hommes, mais mme des btes froces et des murailles de fer. Us couroient donc sous la protection du Ciel ; et le Dieu de misricorde veilloit sur eux. Puis, se prcipitant comme des lions sur leurs ennemis, ils taillrent en pices onze mille hommes de pied et seize cents hommes de cavalerie; ils mirent en fuite tout le reste. Plusieurs des ennemis chapprent nus et blesss; et Lysias lui-mme s'enfuit honteusement. Les miraculeux exploits des Machabes sont si nombreux, qu'ils ne peuvent entrer tous dans le plan de cette uvre qui doit se borner aux, faits o l'intervention des Anges de Dieu est manifeste. En voici encore un mmorable exemple : Dmtrius, roi de Syrie, toit excit comme ses prdcesseurs combattre le peuple fidle. Un grand prtre intrus, Alcime, crature d'Antiochus-Eupator,
a voit dit au nouveau roi: Tant que Judas Machabe vivra aucune paix n'est possible. Et aussitt Dmtrius ordonna

Nicanor,l'un des chefs de ses armes, d'arrter Judas, de dissiper ses adhrents et d'tablir Alcime souverain pontife. Le succs de cette indigne manuvre toit d'autant plus dplorable que, depuis quelque temps, la paix demande et obtenue par Lysias duroit encore, et que Judas Machabe toit vnr de tous et mme de Nicanor. Mais les ordres du roi toient impratifs ; son lieutenant lui sacrifia ses convictions et redevint

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perscuteur; et il blasphma contre le Dieu d'Isral. Alors Judas s'loigna de Jrusalem et rassembla ses fidles pour combattre de nouveau les puissantes et nombreuses troupes dn roi de Syrie. Il les arma tous, dit l'crivain sacr, non point de lances et de boucliers, mais deparles et d'encouragements admirables, en leur racontant une vision qu'il avoit eue en songe et qui les combla de joie. La voici : Onias, qui (lors de l'attentat d'Hliodore) avoit t souverain prtre, homme plein de bont, de douceur, et d'un aspect vnrable, modeste dans ses murs, loquent dans ses discours, et qui s'toit exerc la vertu ds l'enfance, lui toit apparu, levant les mains vers Dieu et le priant pour le peuple d'Isral. Et ensuite un autre vieillard, clatant de gloire et de majest, toit survenu. Et Onias avoit dit : Voici l'ami de nos frres et du peuple d'Isral. C'est lui qui prie pour le peuple et pour toute la cit sainte ; c'est Jrmie, le prophte de Dieu. Et Jrmie tendit la main droite et donna Judas une pe d'or en lui disant : Prends cette pe sainte qui est donne de Dieu et avec laquelle tu briserag les ennemis de mon peuple d'Isral. Ces heureuses paroles de Judas relevant les forces et exaltant l'ardeur des jeunes guerriers, ils rsolurent de livrer bataille et de combattre intrpidement afin que le courage dcidt l'affaire, au moment o la ville sainte et son temple toient grandement menacs. Car ils toient moins effrays pour leurs femmes, pour leurs enfants, pour leurs frres et pour toutes leurs familles, que par le danger d'une profanation du temple. Et ceux

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qui toient rests Jrusalem n'toient pas moins inquiets du sort des combattants. Etalors qu'on toit dans l'attente du jugement, l'ennemi en prsence, l'arme en bataille, la cavalerie son poste, de mme que les lphants, Machabe, regardant la multitude prle s'lancer, et l'appareil de tant d'armes diverses, et la frocit des animaux formidables, leva les mains au ciel et pria le Seigneur, le Dieu des merveilles, qui donne la victoire comme il lui plat, et non point selon la puissance des armes, ceux qu'il en a jugs dignes ; et il s'cria : Seigneur, qui avez envoy votre Ange; la prire d'zchias roi de Juda, et qui avez extermin cent quatre-vingt mille hommes de l'arme de Sennachrib, maintenant aussi, dominateur des ci eux ! envoyez votre bon Ange devant nous et rpandez le trouble et la terreur par la puissance de votre bras; afin qu'ils tremblent ces hommes qui, le blasphme la bouche, viennent combattre votre peuple saint.)) C'est ainsi qu'il prioit. Cependant Nicanors'avanoit avec son arme, au bruit des trompettes et des cantiques. Et aussitt Judas et sa troupe, invoquant le Seigneur, engagrent le combat, dans les lans de leur prire; et tandis que leur bras chargeoit l'ennemi, leur cur parloit Dieu ; etdans la joie de son assistance, ils ne turent pas moins de trente-cinq mille hommes. Et quand le combat eut pris fin, et qu'ils s'en retournoient pleins d'allgresse, ils aperurent Nicanor tomb avec ses armes parmi les morts. Et alors jetant de grands cris, ils bnirent dans la langue de leurs pres le Dieu Tout-Puissant.
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LES ANGES

Glorieuse mort de Judas Slacliahe.

Grce au Ciel! les Machabes, ces hros aims des Anges, n'ont jamais dgnr : toujours la mme foi, toujours le mme courage. Mais une arme, ft-ce l'arme du peuple fidle, comme en gnral toute multitude, ne garde pas une constance inbranlable dans les prils. Irrit de la dfaite de Nicanor, le roi de Syrie arma denouveau; et l'attitude menaante de ses troupes, prs de Bre, jeta l'effroi parmi les Isralites dont la majeure partie quitta le camp de Judas ; il n'en resta que huit cents qui lui dirent : ... Ne pensons qu' nous mettre en sret; allons retrouver nos frres, et ensuite nous reviendrons combattre nos ennemis; car nous sommes en trop petit nombre. Il leur rpondit : Dieu nous garde de fuir devant eux. Sniotre heure est venue, mourons avec courage pour nos frres, et ne fltrissons pas notre gloire. L'arme syrienne commande par-Bacchide, orlc de plus de vingt mille hommes, tit divise en deux ailes. Judas attaqua l'aile droite, la mit en droute et poursuivit les fuyards jusqu' la montagne d'Azot. Mais l'aile gauche voyant la droite vaincue, s'lana stir les vainqueurs et le combat devint plus-acharn; il y eut un grand carnage de part et d'autre ; et ludas luimme tomba mort; et les autres prirent la fuite. Mais Jonathas et Simon enlevrent le corps de Judas leur

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frre, et ils le portrent Modin dans le tombeau de le'urs pres. Tout le peuple d'Isral le pleura dans un grand deuil; et ils disoient : Comment est mort cet homme puissant qui sauvoitle peuple d'Isral? Mais le cri de la foi rpond : Il est jamais couronn par les Anges.

G l o i r e de J o n a t h a s . < M e u r t r e d e J e a n G a d d i s . II e s t v e n g . A l c i n i e frapp de D i e u . n o u v e a u x e x p l o i t s d e s M a c h a b e s . P a i x d'Isral.

Les grands jours des Machabes ont pass avec Judas; mais leur gloire se rveille dans ses frres : Jonathas est choisi par les acclamations du peuple fidle, comme le plus digne de prendre sa place; et ce qui doit faire l'admiration des sicles, c'est la parfaite soumission des ans eux-mmes d'abord au choix de Mathathias leur pre, el ensuite au choix du peuple. Il y a l des vertus pleines de l'inspiration des Anges, autant et plus encore que dans l'enthousiasme guerrier. Croyons-le bien : ces Machabes obissants avoient une grande part dans les miraculeux triomphes de leur frre. L'an de tous, et le moins clbre, Jean Gaddis n'toit sans doute au-dessous d'aucun d'eux pour la pit et la vaillance II reut une mission de son
II.
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LES ANGES

frre Jonathas, et, dans cette modeste gloire de l'obissance, il tomba victime des perfides habitants d'une contre qu'il avoil fallu traverser. Croyons-le donc encore* sa couronne toit aussi toute prte dans la main des Anges. Sa mort fut bientt venge par Jonathas qui surprit les meurtriers au moment o ils clbroient
des noces; et la fte nuptiale fut change en deuil, et la voix des instruments en cris lamentables.

La foi des pieux hros s'toit retrempe clans le malheur et dans les prils. Jonathas retrouvoit de fidles compagnons d'armes, et avec eux la puissance de la prire et l'assistance du Ciel. D'abord il sut rsister Bacchide, chef de l'arme victorieuse et dj recrute ; t, l'pe la main, il se fraya un passage, au milieu des ennemis, jusqu'au fleuve du Jourdain qu'il traversa la nage avec sa troupe. Peu de temps aprs, Alcime, grand prtre intrus et principal auteur de cette nouvelle guerre, tomba frapp de Dieu, dit l'criture; ce qui nous montre encore l'Ange de l'invitable justice. Alors Jonathas avoit repris l'offensive. Il attaque et dfait des peuples ennemis ; et la renomme de ses grandes actions s'accrot dejourenjour. Enfin, avec Simon son frre* il provoque l'arme de Bacchide et il la disperse. La paix est le rsultat de cette victoire ; et ainsi la guerre cesse dans Isral ; et Jonathas, tout la fois grand-prtre et prinfce des juifs, juge le peuple, et devient la terreur des impies. Nous devons tre rapide maintenant, carie chef des Machbes recueille enfin le fruit de leurs travaux. Les

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peuples recherchent son alliance. Les rois lui donnent le nom de frre. l'exemple de Judas Machabe, il fait des traits avec les Romains, avec les Lacdmoniens; et c'est dans une lettre qu'il adresse ceux-ci que se trouvent ces paroles de gratitude envers les Anges : NOUS AVONS REU LE SECOURS DU CIEL! Jonathas remporta encore plusieurs victoires dans les guerres o il combattoit pour ses allis et qui n'entrent pas dans le plan de cette uvre; mais il prit victime del trahison d'un perfide ennemi, Tryphon, usurpateur du trne de Syrie. Tout Isral le pleura dans un grand deuil durant plusieurs jours. Une rcompense, plus durable que celles de la terre, l'attendoit dans le Ciel dont il parloil avec tant de reconnoissnce.

>

G l o i r e d e S i m o n * - S a m o r t .

Dernier des grands Machabes, Simon se maintint, comme souverain sacrificateur et prince des juifs, la hauteur de sa mission providentielle. Avec lui, le peuple d'Isral conserva son indpendance et sa glcire. Simon signala encore son rgne par des exploits guerriers et par le sige de Gaza qu'il prit, qu'il purgea de ses idoles, et o il fit son entre en bnissant Dieu au bruit des saints cantiques.
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LES ANGES DU LIVRE DES MACIIABES.

L'Ange de la paix couronna ses esprances. Laissons parler l'criture : Toute la terre de Juda demeura en paix durant le reste des jours de Simon ; il s'attacha faire le bonheur de son peuple ; sa puissance et l'honneur de sa vie faisoien t la joie des Hbreux; dans ses glorieux exploits, il s'empara de Jopp dont il fit un port et une entre des les de lamer; il tendit les frontires de sa patrie, et il se rendit paisible matre de tout son territoire. 11 eut en son pouvoir une multitude de prisonniers, il s'empara de Gazaris, de Bethsura et de la forteresse de Jrusalem, et la purifia de toute souillure; nul ne pouvoit lui rsister. Chacun cultivoit son champ dans le calme ; les moissons et les fruits des arbres couvroient la terre ; les vieillards, tous assis dans les places publiques, s'entretenoient de l'abondance des rcoltes, et les jeunes gens se couvroient des glorieux vtements de guerre ; il alimentoit les villes, il en faisoil des places d'armes; enfin, l'clat de son nom retentit jusqu'aux extrmits du monde Mais tant de vaillance, de sagesse et de travaux, pas plus pour Simon que pour ses frres, ne dvoient avoir leur pleine rmunration en ce monde. Le dernier des grands Machabes mourut sous le glaive de son perfide gendre, Ptolme, fils d'Abobi. C'est assez dire que les Anges avoient dj pos l'aurole des ternelles esprances sur le vnrable front de la victime.

LES

ANGES

DE L'VANGILE-

Jusqu' prsent les Anges ont visit la terre, soit comme ministres du Seigneur auprs de l'homme, soit comme voyageant avec la gloire de l'ternel dans rArche d'alliance, ou reposant dans un temple figuratif et prissable; mais voici que le Messie, le Dsir des nations, le Rdempteur annonc par tant de prophties, est au moment de parotre, aprs une attente de quarante sicles. Les Anges vont donc venir sur cette mme terre auprs de l'Enfant-Dieu, auprs del'HommeDieu.Or, le "Verbe fait chair devant, selon sa promesse, habiter avec ses fidles dans l'glise jusqu' la consommation des temps, la foi nous dit encore par l que les innombrables lgions du monde anglique ne cesseront pas non plus de l'environner de leurs adorations, d'abord la maison de Nazareth, puis la crche ; puis tous les instants de sa vie cache, de sa vie vanglique, de sa vie perscute, de sa vie douloureuse depuis sa passion jusqu' sa mort, et de sa vie glorieuse

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LES ANGES

depuis sa rsurrection jusqu. son ascension; enfin dans les tabernacles eucharistiques, dont les Anges sonl insparables. Ainsi le Ciel va descendre comme en permanence, la suite de l'adorable EMMANUEL , Dieu avec nous , et nous-sommes srs en visitant nos temples, non-seulement de la prsence des Anges gardiens., mais de la prsence des myriades infinies d'esprit clestes, dans l'enceinte sacre et surtout dans le Saint des Saints. Et pour nous ouvrir la voie cette heureuse croyance, disons mieux, celte heureuse cerlitude si pleine de merveilles, de consolations et d'esprances, c'est un Ange qui commence par rvler la miraculeuse conception du saint Prcurseur. Les quatre vangiles de saintMatthieu, de saint Marc, de saint Luc et de saint Jean, on le sait, ne forment qu'un seul et mme vangile, comme dans toutes les paroles sacres la vrit est toujours UNE ; nous n'avons donc pas diviser l'uvre des Anges de l'vangile d'aprs les quatre vanglistes spars, mais nous suivrons l'ordre chronologique avec Yvangile dans son
unit (1).
(4) Cette nouvelle concordance, heureusement labore par M . PiuniiB LACIIKZE, a runi les approbations d'un grand nombre d'Archevques et d'Evques de Franco, et celte uvre a mme t honore d'un bref do S. S. Pie IX.

DE L'VANGILE.

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J e a n - B a p t i s t e a n n o n c par l'Ange,

L'Archange Gabriel, dont le nom signifie la force de Dieu, est l'ambassadeur de l'incarnation du Verbe, commencer par l'annonce du saint Prcurseur. Et pourquoi est-il choisi, sinon parce que cet ineffable mystre est en effet le miracle de la Toutes-Puissance? Dj le prophte-roi avoil dit :
Dieu des Anges ! viens sur leurs ailes. EXCITE TA PUISSANCE et sauve tes fidles (1) !

Au temps d'Hrode, roi de Jude, il y avoit un prtre nomme Zacharie, de la famille (sacerdotale) d'Abia, et dont la femme, de la race d'Aaron, s'appeloit lizabelh. Tous deux toient justes devant Dieu, marchant sans reproche dans tous les commandements et toutes les ordonnances du Seigneur. Et ils n'avoient point d'enfants, parce qu'Elisabeth toit strile et qu'ils toient tous deux avancs en ge. Or, il arriva, lorsque Zacharie. remplissoit en son jour les fonctions du sacerdoce devant Dieu, selon l'usage des prtres, que le sort le dsigna pour offrir l'encens dans le temple du Seigneur; et toute la multitude du peuple prioit au dehors, l'heure des parfums. Et l'Ange du Seigneur lui apparut la droite de l'autel. A sa vue, Zacharie fut troubl et saisi de crainte. Or, l'Ange lui dit : Zacharie, ne crains rien, parce que ta prire est exauce; et ta
(4) Ps. LXXIX, 3.

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LES ANGES

femme te donnera un fils, et tu lui donneras le nom de Jean ; et il sera ta joie et ton allgresse, et plusieurs se rjouiront aussi de sa naissance; car il sera grand devant le Seigneur. 11 ne boira ni vin ni liqueur enivrante, et il sera rempli du Saint-Esprit ds le sein de sa mre ; et il convertira un grand nombre des enfants d'Isral au Seigneur leur Dieu; et il marchera devant lui dans l'esprit et la vertu d'lie, afin de ramener le cur des pres leurs enfants, et les incrdules la sagesse des justes, et pour prparer au Seigneur un peuple parfait. Et Zacharie dit l'Ange : Comment saurai-je ces choses, car je suis vieux et ma femme est avance en ge? Et l'Ange rpondit : JE SUIS GABRIEL, TOUJOURS PRSENT DEVANT DIEU-, et je suis envoy pour te parler et t'annoncer cette heureuse nouvelle. Et voil que tu seras muet et que tu ne pourras parler jusqu'au jour o ces choses arriveront, parce que tu n'as pas cru mes paroles qui seront accomplies en leur temps. Or, le peuple attendoit Zacharie et s'tonnoit qu'il demeurt si longtemps dans le temple. Et quand il fut sorti, il ne pouvoit leur parler; et ils connurent qu'il avoil eu une vision dans le temple, car il le leur faisoit comprendre par signes; et il demeura muet. Et il arriva, quand les jours de son ministre furent accomplis, qu'il retourna dans sa maison. Or, aprs ces jours-l, lizabeth sa femme conut, et elle vcut dans la retraite durant cinq mois ; et elle disoit : Voil ce que le Seigneur a fait pour moi, lorsqu'il a daign me regarder et effacer mon opprobre devant les hommes,

DE I/VANGILE.

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Abraham n'avoit-il pas dout comme Zacharie? Oui; mais Zacharie savoitle miracle del naissance d'Isaac et toutes les merveilles relatives l'accomplissement des divines promesses. Et, une poque o le Messie toit attendu, la foi du saint prtre avoit d s'affermir encore dans les mditations sacerdotales, et se trouver prpare tous les prodiges avant-coureurs de la Rdemption.
oQO

li'Annonciation.

Voici la plus heureuse parole qui ait pu jamais tre dite la terre ; et l'on va voir comment elle se lie celle qui avoit annonc le Prcurseur, et toujours par la bouche de l'Archange. Or, au sixime mois, l'Ange Gabriel fut envoy de Dieu dans Nazareth, ville de Galile, une vierge qu'avoit pouse un homme appel Joseph ; et le nom de cette vierge toit Marie. Et l'Ange, venant vers elle, lui dit : Je vous salue, pleine de grces ; vous tes bnie entre toutes les femmes. Marie, l'entendant, fut trouble de ces paroles, et elle se demanda quelle pouvoit tre celte salutation. Etl'Angelui dit: Marie, ne craignez rien; vous avez trouv grce devant Dieu. Voil que vous concevrez dans votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de JSUS. Il sera grand et s'appellera le Fils du Trs-Haut ; et le

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LES ANGES

Seigneur lui donnera le Irne de David, son pre ; et il rgnera ternellement sur la maison de Jacob ; et son rgne n'aura pas de lin. Et Marie dit l'Ange : Comment cela se fera-t-il, car je ne commis pas d'homme ? El l'Ange rpondit : Le Saint-Esprit viendra en vous et la vertu du Trs-Haut vous couvrira de son ombre : c'est pourquoi le Saint qui natra de vous sera appel LE FILS DE DIEU. Et voici qu'Elizabeth, votre parente, a conu elle-mme un fils en sa vieillesse, et dj court le sixime mois pour celle qu'on disoil strile, car rien n'est impossible Dieu. Et Marie dit alors : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole. Et l'Ange s'loigna d'elle. Il n'appartient qu' des voix sacres de parler dignement de ces grands mystres ; mais la foi mdite et adore.
o-o

L a Visitation.

Ce qui a t dit de la prsence des Anges l'incarnation du Verbe divin et de leurs adorations s'applique dj tous les pas de la Vierge-Mre qui le porte dans son sein. Nul doute que la Cour cleste ne suive partout l'invisible Dieu du ciel et de la terre. Or, en ces jours-l, Marie sortant s'empressa d'aller travers les montagnes dans une ville de Juda, et elle entra dans la maison de Zacharie, et elle salua Eliza-

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beth ; el ds qu'Elisabeth entendit la salutalion de Marie, l'enfant tressaillit dans son sein ; cl Elizabeth fut remplie du Saint-Esprit; et, levant la voix, elle dit : Vous tes bnie entre les femmes, el le fruit de vos entrailles est bni. Et comment se fait-il que la Mre de mon Dieu vienne moi? aussi, ds que la voix de votre salutation s'est fait entendre, l'enfant a tressailli de joie dans mon sein. Bienheureuse, vous qui avez cru, car tout ce qui vous a t dit de la part du Seigneur s'accomplira. Et Marie dit :
Mon me rend gloire au Seigneur Mon me s'lve, ravie, Dans le sein du Dieu de mon cur, De mon salut et de ma vie !

a Son il divin s'est arrt Sur la moindre des cratures; Et mon bonheur sera chant Par toutes les races futures.

a II a fait clater en moi Les merveilles de sa puissance... Son nom est saint! sainte est sa loi ! Le monde est plein de sa prsence.

Sa misricorde bnit Les gnrations fidles. Il est le Dieu fort! il punit, Il brise les esprits rebelles.

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LES ANGES Il dtrne les orgueilleux; II donne aux humbles la couronne ; Le pauvre est grand devant ses yeux ; Le riche ingrat, il l'abandonne. a Gomme un pre il aime Isral ; Selon sa parole, il l'embrasse Dans le souvenir ternel Et d'Abraham et de sa race.

Dans ce divin cantique, on le voit bien, la voix de l'humble Vierge s'lve jusqu' la grande voix de Dieu mme. La charit sainte qui conduit Marie travers les montagnes jusque auprs d'Elizabeth, est la charit de Jsus-Christ mme : car la visite de la Mre de Dieu est aussi la visite de l'Enfant-Dieu. Abme d'humilit!., l'orgueil humain en a le vertige.... Mais laissons cet admirable texte de l'enseignement sacr ses vrais interprtes. Dans la fte commmoralive de cette louchante Visitation, l'glise rappelle les prophtiques symboles du Cantique des Cantiques, et particulirement ceux-ci :
De mon ami j'entends la voix ! Il vient ; il descend des collines, 11 franchit les champs et les bois* Comme le vif chevreuil des campagnes voisines.

Dj l'invisible prsence du Verbe fait chair est la source de toutes les grces dont le Prcurseur annonce

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les prmices ds le sein de sa mre; c'est pourquoi le cantique de l'amour divin, inspiration des Anges, reprend ainsi :
Plus d'hiver, plus de froides eaux ; La terre s'ouvre aux fleurs nouvelles; L'air s'anime au chant des oiseaux; Et dj Ton entend ta voix des tourterelles !

Douce harmonie, vrits fortes, divine grandeur, gracieuse simplicit, tout concourt, dans les uvres de Dieu, la gloire de son nom et au salut des hommes.
o^c

l i e Verbe de D i e u .

coutons, de la bouche des Anges, la plus grande rvlation de l'vangile, en dehors de la parole sortie de la bouche mme du Rdempteur. Isae avoit dj dit : Qui racontera sa gnration? Le livre de la loi de grce rpond, avec l'aptre de l'ternel amour, qui n'est plus ici historien seulement, mais prophte, dans une anglique vision : Au commencement toit le Verbe, et le Verbe toil en Dieu, et le Verbe toit Dieu- Il toit en Dieu ds le commencement. Tout a t fait par lui, et rien de ce qui a t fait n'a t fait sans lui. En lui toit la vie, et

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la vie toit Ta lumire des hommes. Et la lumire luit dans les tnbres; et les tnbres ne l'ont point comprise. El un homme fut envoy de Dieu; et son nom toit Jean. Il vint comme tmoin, pour rendre tmoignage la lumire, afin que tous crussent par lui. Il n'loit pas la lumire, mais il loil venu pour rendre tmoignage la lumire : c'loil la vraie lumire qui claire toul homme venant en oe monde. Et le monde a t fait par lui, elle monde ne l'a point connu. Il esl venu chez lui, et les siens ne l'ont point reu. Mais il a donn le droit d'tre faits enfants de Dieu tous ceux qui l'ont reu, ceux qui croient en son nom, ceux qui ne sont pas ns du sang, ni de la volont de la chahyni de la volont de l'homme, mais de Dieu mme. Et le Verbe a t fait chair, et il a habit parmi nous, et nous avons vu sa gloire, comme la gloire du Pre dans son Fils unique, plein de grce et de vrit. Les Anges sont genoux devant celle gloire, et les hommes de foi l'adorent sur la terre, dans l'esprance de la contempler dans le Ciel.
O-QC

N a i s s a n c e le J s u s - C h r i s t .

Prpare de loin et ds l'origine, la naissance du Rdempteur est le terme d'une trace lumineuse que l'il peut suivre dans l'Histoire sainte et dans les prophties, travers les sicles, jusqu' ce rameau d'Isral,
jusqu' cette toile de Jacoby jusqu' ce rejeton de Jess,

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G07

usqu' ce soleil de justice, annonc par tous les oracles tluSeigneur el de ses Anges. Deux vanglistes exposent la gnalogie sacre: saint Matthieu la commence partir d'Abraham, en descendant jusqu' l'avnement du Messie; et saint Luc remonte de l'avnement du Messie jusqu' Dieu, oui! jusqu' Dieu mme. De l ce mot sublime appliqu au pre de tous les hommes, Adam, qui fuit Dei, qui fut de Dieu! Quelle majest dans les faits et quelle simplicit dans la narration! Voici comment arriva la naissance du Christ : lorsque Marie, sa Mre, eut t fiance Joseph, il se trouva avant qu'ils fussent ensemble, qu'elle avoil conu du Saint-Esprit. Et parce que Joseph, son poux, toit un homme juste, et qu'il ne vouloit point la dnoncer, il avoit rsolu de la renvoyer en secret. El comme il toit dans cette pense, voil que l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne craignez pas de prendre Marie pour votre pouse, car ce qui est n en elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils et vous lui donnerez le nom de JSUS. C'est lui qui dlivrera son peuple de ses pchs. Et tout cela s'est fait pour accomplir ces paroles que le Seigneur a dites par son prophte: Voici qu'une vierge concevra, et elle enfantera un fils, et il sera nomm EMMANUEL, c'est-dire Dieu avec nous. Joseph, son rveil, fit ce que l'Ange du Seigneur lui avoit ordonn, el il reut Marie son pouse... Or, en ces jours, il arriva qu'un dit de Csar-Auguste ordonna le dnombrement de tous les habitants

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de la terre. Ce premier dnombrement fut excut par Cyrinus, gouverneur de Syrie. Et tous alloienl se faire inscrire, chacun dans sa ville. Joseph aussi monta de Nazareth, ville de Galile, dans une cit de David appele Bethlem, parce qu'il toit de la maison et de la famille de David, afin d'tre inscrit avec Marie son pouse, qui toit enceinte. Et comme ils y toient, il arriva que les jours de l'enfantement s'accomplirent; et Marie enfanta son fils, premier-n; et elle l'enveloppa de langes; et elle le coucha dans une crche ; parce qu'il n'y avoit point de place pour eux dans l'htellerie. Les explications de ces divines pages doivent descendre de la chaire de vrit. Quant nous, c'est avec les bergers conduits par les Anges, que nous allons nous prosterner devant la crche : trop heureux d'y recueillir quelques-unes de leurs humbles inspirations !

L e s bergers la crche.

Ce n'est point aux grands du monde que les Anges du Ciel annoncent d'abord l'avnement de l'EnfantDieu; c'est aux plus humbles d'entre les hommes ; et rien ne pouvoit mieux ouvrir aux yeux des curs droits le sens de toutes les prophties, et leur expliquer la vraie gloire du Rdempteur. Or, il y avoit, dans la mme contre, des bergers

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qui tour tour gardoient leurs troupeaux durant les veilles de la nuit. Et voici que l'Ange du Seigneur parut devant eux, et une clart divine les environna, et ils furent saisis d'une grande frayeur. Mais l'Ange leur dit : Ne craignez point; car voici que je vous annonce une grande joie pour tout le peuple. Il vous est n aujourd'hui, en la cil de David, un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici quel en est pour vous le signe : Vous trouverez un enfant envelopp de langes et couch dans une crche. Et soudain, avec l'Ange, la multitude des armes clestes apparut, louant Dieu et disant : GLOIRE A DIEU,
AU PLUS HAUT DES CIEUX, ET PAIX SUR LA TERRE AUX HOMMES DE BONNE VOLONT.

Et lorsque les Anges remontaient vers le ciel, les bergers se dirent entre eux : Allons Bethlem, et voyons ce prodige qui est arriv. Et ils accoururent, et ils trouvrent Marie et Joseph, et l'Enfant couch dans la crche, et cette vue, ils reconnurent la vrit de ce qui leur avoit t dit de cet Enfant. Et tous ceux qui entendirent ce rcit furent dans l'admiration de ce qui leur avoit t racont par les bergers. Or, Marie recueilloit toutes ces cho ses, et les mditait au fond de son cur. Et les bergers s'en retournrent, glorifiant et louant Dieu de tout ce qu'ils avoient entendu et de tout ce qu'ils avoient vu; selon la parole annonce. Ainsi, de toutes parts, les Anges environnent la naissance du Sauveur, et le berceau du Christianisme, bien autrement qu'ils n'a voient clair la vocation
l. 39

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LES ANGES

d'Abraham, la mission de Mose, el les visions des prophtes.


ogo

La

Circoncision.

Quand les huit jours furent accomplis, pour circoncire l'Enfant, il fut appel du nom de JSUS que l'Ange lui avoil donn avant qu'il et t conu dans le sein de Marie.
ao

Adoration des M a g e s .

Elle est venue, elle est apparue au monde, l'toile de Jacob annonce dans les Oracles et suivie par les Anges. Aprs l'humilit des bergers, la sagesse des princes peut venir se prosterner dans l'adoration auprs d la Crche. Jsus tant n Bethlem de Jda, au temps du roi Hrode, voici que des Mages vinrent de l'Orient Jrusalem, et ils disoient : O est celui qui est n roi des Juifs? car nous avons vu son toile en Orient el nous venons l'adorer. A cette nouvelle le roi Hrode se troubla el toul Jrusalem avec lui, et il assembla tous les princes des prtres et les scribes du peuple,

DE L'VANGILE.

Bii

leur demandant o devoit natre le Christ. Ils rpondirent : En Bethlem de Juda; car il est crit par le prophte : Et loi, Bethlem, terre dfe Juda, tu n'es pas la moindre parmi les villes de Juda; et c'est de toi que sortira le chef qui doit conduire mon peuple d'Isral. Alors Hrode, ayant appel en secret les Mages, apprt bientt d'eux le temps o l'toile leur toit apparue; elles envoyant Bethlem, il leur dit : Allez informez-vous avec soin de l'Enfant, et lorsque vous l'aurez trouv, mandez-le-moi, afin que j'aille aussi l'adorer moi-mme. Aprs avoir entendu le roi, les Mages partirent. Et voici que l'toile qu'ils avoient vue en Orient alloit devant eux, jusqu' ce qu'elle vint el s'arrla au-dessus du lieu o toit l'Enfant. A la vue de l'toile, ils furent remplis d'une grande joie; et entrant dans la maison, ils trouvrent l'Enfant avec Marie; el se prosternant, ils l'adorrent. Puis, ouvrant leurs trsors, ils lui offrirent en prsents de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Mais ayant t avertis en songe de ne pas retourner vers Hrode, ils s'en allrent dans leur pays par un autre chemin. L'toile des Mages est tellement miraculeuse et l'intelligence qui prsidoit sa marche est si clairement atteste dans l'criture, que des docteurs de l'glise, et en particulier saint Chrysostome, ont phs cjue c'toit un Ange revtu d'un corps lumineux; et on l'a compare la nue de feu qui conduisoit Isral dans le dsert. Un autre signe rattache encorel'adoralion des Mages a$ Livre des Anges ; c'est le songe qui leur est envoy
B9,

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LES ANGES

d'en haut pour les prserver des piges d'IIrode : et nous-savons quels sont les messagers du Ciel dans ces divines communications. Ainsi s'accomplissoient les oracles de toutes les poques, partir de celui de Balaam dont la tradition s'toil conserve dans l'Orient, surtout parmi les Mages de la Ghalde, de l'Arabie et des contres connues au del de l'Euphrate. L'astre prophtique annonoit en mme temps la vocation de toute la gentilit la foi, l'esprance et l'amour dont la crche de l'Enfant Dieu toit l'admirable source.
(*9J

IJ p u r i f i c a t i o n .

Une prophtie accompagne la purification lgale laquelle l'humilit de la Vierge-Mre se soumettoit comme une simple femme d'Isral. Et puisque toute vision de l'avenir atteste la prsence des Anges, indpendamment de leur cortge insparable du Christ, cette page de l'vangile appartient encore au monde anglique. Et lorsque les jours de la purification furent accomplis, selon la loi de Mose., ils portrent l'Enfant usalem, pour le prsenter au Seigneur, ainsi qu'il est crit : Tout enfant mle, premier-n, sera consacr au Seigneur, El aussi pour offrir en sacrifice, comme

DE L'VANGILE.

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il est dit dans la loi, deux lourlerelles ou deux jeunes colombes. Or, il y avoil Jrusalem un vieillard appel Simon, et cet homme toit juste, craignant Dieu et attendant la consolation d'Isral ; et l'Espril-Saint toit en lui ; et il toit averti par l'Espril-Saint qu'il ne mourroil point avant d'avoir vu le Christ du Seigneur; et conduit par l'Esprit, il vint dans le Temple; et comme le pre et la mre apporloienl Jsus afin d'accomplir par lui les prescriptions de la loi, il le prit entre ses bras, et, bnissant Dieu, il dit :
Dans la paix de l'heure dernire, Mon Dieu ! reois ton serviteur ! Car mes yeux ont vu ta lumire ; Mes yeux ont vu mon Rdempteur. C'est sur lui que ta droite fonde Le salut du peuple ternel ; II sera le flambeau du monde; Il est la gloire d'Isral.

Et le pre et la mre de Jsus admiroient ce qu'on disoit de lui. Alors, Simon les bnit et dit Marie, sa mre : Voici Celui qui est tabli pour la ruine et pour la rsurrection de plusieurs en Isral et comme un signe de contradiction. Et le glaive percera votre me, afin que les penses de bien des curs soient rvles. 11 y avoit aussi une prophtesse nomme Anne, de la tribu d'Aser. Elle toit fort avance en ge el elle avoit vcu sept ans avec son mari, qu'elle avoil pous

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LES ANGES

tant vierge; et elle toil demeure veuve jusqu' quatrevingt-quatre ans. Elle ne s'loignoit pas du temple, servant Dieu jour et et nuit dans le jene et flans la prire; et comme elle survint la mme heure, elle glorifioitle Seigneur etparloit de l'Enfant tous ceux qui attendoient la rdemption d'Isral. Et lorsqu'ils eurent tout accompli, selon la loi du Seigneur, ils retournrent en Galile, dans leur ville de Nazareth.
o@c

F u i t e eu E g y p i e . M a s s a c r e des Innocents* Retour Nazareth.

Dieu fait sortir sa gloire et le salut des hommes nonseulement des uvres de sa puissance, mais aussi des uvres de la perversit. Jamais peut-tre ce miracle de Providence n'a clat plus visiblement que dans les rsultats de la cruaut d'Hrode; car elle a d'abord peupl les cieux d'innombrables lgions d'enfants immols pourl Enfant-Dieu, et qui, fleurs des martyrs, sont devenus aussitt des lgions d'Anges. Puis, l'EnfanlDieu lui-mme, conduit dans l'exil sur une terre idoltre, y a renvers, par sa seule prsence, les autels et les simulacres des faux dieux. Que ne pouvons-nous interroger ici les monuments du divin plerinage? Du moins nous savons quel souffle puissant a fait plus tard des dserts de la Thbade un Ciel sur la terre, et comme le prodigieux mmorial de la Sainte-Famille exile.
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DE L'VANGILE.

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Reprenons la narration vanglique : elle porte partout la trace des Anges. Lorsque les mages furent partis, un Ange du Seigneur apparut Joseph durant le sommeil et lui d'il : Levez-vous, prenez l'Enfant et sa Mre, fuyez en Egypte, et demeurez-y jusqu' ce que je vous avertisse ; car il arrivera qu'Hrode va chercher l'Enfant pour le dtruire. Aussitt Joseph se levant, prit l'Enfant et sa Mre durant la nuit, et se retira en Egypte; et il y resta jusqu la tnort d'Hrode, afin que cette parole que le Seigneur avoit dite par le prophte s'accomplt: J'ai rappel mon fils de l'Egypte (Ose, xi, 2). Alors Hrode, voyant que les mages avoient djou son dessein, entra dans une grande fureur et fit gorger tous les enfants qui toient Bethlem et dans les contres voisines, depuis l'gp de deux ans et au-dessous, selon le temps indiqu par les mages. Alors se vrifia cette parole du prophte Jrmie (xxxi, 15) : Une voix a t entendue dans Rama, la voix des pleurs et des gmissements : Rachel pleure ses enfants, et elle ne veut pas tre console, parce qu'ils ne sont plus. Aprs la mort d'Hrode, l'Ange du Seigneur apparut Joseph en gj^le durant le sommeil, et lui dit : Levez-vous , prenez l'Enfant et sa Mre et revenez dans la terre d'Isral, parce que ceux qui en vouloienl la vie de l'Enfant sont morls. Joseph se levant donc prit l'Enfant et sa Mre et revint dans ]a terre d'Isral. Mais apprenant qu'Archlais rgnoit en Jude, la place d'Hrode, son pre, il craignit d'y aller, et, averti encore dans le sommeil, il se retira en
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LES ANGES

Galile, et revint habiter la ville de Nazareth, afin que la parole des prophtes ft accomplie': il sera appel Nazaren.

Le

b a p t m e de- J s u s - C h r i s t . K v l a t i o n d e Sainte-Trinit.

lu

Au moment du baptme de l'Homme-Dieu, on va entendre un Dieu sur la terre, un Dieu dans le Ciel, et un Dieu entre le Ciel et la terre : Dieu en trois personnes, un seul et mme Dieu. Assurment, les Anges sont l; le texte vanglique le dclare assez en disant que le Ciel s'ouvrit. Et de plus, les signes et les voix qui manifestent la prsence de l'adorable Trinit nous rappellent aussi les mille millions d'Anges, les innombrables lgions d'Anges des visions prophtiques. Alors Jsus vint de la Galile au Jourdain. Et Jean le voyant venir pour tre baptis par lui, s'cria : Voici l'Agneau de Dieu, voici Celui qui te le pch du monde. C'est Celui-l mme dont j'ai dit : Aprs moi vient Celui qui est au-dessus de moi, parce qu'il toit avant moi. Je ne le connois pas; mais afin qu'il soit manifest, je suis venu baptisant avec l'eau. Et Jean refusoit de le baptiser et il lui disoit : C'est moi qui dois recevoir de vous le baptme, et vous venez moi. Mais Jsus r pondit : Laissez-moi faire maintenant, car il nous faut accomplir ainsi toute justice. Alors Jean obit. Et Jsus ayant t baptis par Jean dans le Jourdain, et faisant

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sa prire, ds qu'il sortit de l'eau, vitles Gieux ouverts et l'Esprit de Dieu descendre sous la visible figure d'une colombe et venir se reposer sur lui. Et voil qu'une voix du Ciel fut entendue et elle disoit : Celui-ci est mon Fils bien-aim en qui j'ai mis toutes mes complaisances. Et Jean rendit alors ce tmoignage en disant : J'ai vu l'Esprit descendre du ciel comme une colombe et se reposer sur lui. Et je ne le connoissois pas; mais Celui qui m'a envoy baptiser avec l'eau m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et se reposer, est Celui qui donne le baptme dans l'Esprit-Saint. Or, je l'ai vu, et j'ai rendu tmoignage qu'il est le Fils de Dieu. En se chargeant de toutes les expiations du pch dont il toil la victime innocente, l'Homme-Dieu s'humilioit ainsi jusqu'au baptme de la pnitence! O donc l'orgueil peut-il dsormais avoir une place lenable, devant un tel abaissement ?
ftC

Les Anges auprs du Fils de l Homuie.

C'est la parole du Christ, c'est son vangile qui va, en termes prcis confirmer tout ce que nous savons dj du cortge des Anges auprs de sa personne adorable. Philippe ayant rencontr Nathanal, lui dit : Nous avons trouv Jsus de Nazareth, fils de Joseph, celui
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LES ANGES

dont Mose a parl dans la loi et que les prophtes ont annonc; et Nalhanal rpondit : Peut-il venir de Nazareth quelque chose de bon? Philippe reprit : Venez et voyez. Or, Jsus vit venir lui Nathanal et dit : Voici un vrai Isralite, en qui il n'y a point de dguisement; Nalhanal lui dit : D'o me contioissezr-vous? Jsus rpondit : Ayant que Philippe vous et appel je vous ai vu sous le figuier; et Nathanal lui dit: Matre, vous tes le Fils de Dieu, vous tes le roi d'Isral. Jsiis ajouta: Parce que je vous ai dit que je vous ai vu sous le figuier, vous croyez ; vous verrez de plus grandes choses; en vrit, en vrit je vous le dis : vous verrez le Ciel ouvert et LES ANGES DE DIEU MONTANT ET DESCENDANT SUR LE F r L S DE L'HOMME.

Les Anges la Crche, au Jourdain, au Thabor, au Jardin des Olives , au Calvaire, au glorieux spulcre, enfin, au grand jour de l'Ascension, montrent l'tendue de cette divine parole. On en voit aussi la preuve immdiatement aprs la tentation, dans laquelle Jsus a voulu nous donner une leon divine. Aussitt qu'il eut chass Satan, VOILA , dit l'vangile, QUE LES ANGES S'PPROCHOIENT DE LUI , ET ILS LE SERVOIENT. Mais il faudroit entendre parler un saint et surtout un docteur sraphique, de la continuelle prsence des Anges, ou visibles ou invisibles, Nazareth, sous l'humble toit de Jsus, de Marie, de Joseph, et dans tout le cours de la vie mortelle de l'Homme-Dieu. Si dj sur la terre le monde anglique est ml toutes les choses du Ciel, quel devra tre leur concours au moment o s'ouvriront les pprles de l'ternit?

DE L'VANGILE.

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l'vangile nous l'apprend encore en annonant le dernier avnement du Roi des Anges et des hommes en ces termes : Le Fils de l'Homme viendra dans sa majest, accompagn de tous ses Anges; il s'assoiera sur le trne de sa gloire, et alors il rendra chacun selon ses oeuvres.
&X)

IJA T r a n s f i g u r a t i o n .

Les Cieux vont s'ouvrir encore, comme u jour du baptme de Jsus-Christ; et l'on doit affirmer que les Anges ont assist aussi celte manifestation nouvelle des divines splendeurs. Jsus ayant pris avec lui Pierre, Jacques et Jean, les conduisit l'cart, sur unehaute montagne, et il se transfigura devant eux, et son visage resplendit comme le soleil, et ses vtements devinrent blancs comme la neige, et en mme temps Mose et lie leur apparurent s'entretenant avec lui. Or, Pierre dit Jsus : Seigneur, il nous est bon d'tre ici; si donc vous le voulez, dressons-y trois lentes, une pour vous, une pour Mose et une pour lie. Il parloit encore, lorsqu'une nue lumineuse les couvrit, et voil qu'une voix sortit de la nue et dit : Celui-ci est mon Fils bien-aim en qui j'ai mis toutes mes complaisances; coutez-le. A ces mots les disciples tombrent la face contre terre, et ils eurent une grande frayeur ; et Jsus s'approcha d'eux, les toucha et leur dit : Levez-vous et ne craignez point. Alors,

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LES AJNGES

levant les yeux, ils ne virent plus que Jsus seul, et comme ils clescendoient de la montagne, Jsus leur fil ce commandement: Ne parlez personne de cette vision, jusqu' ce que le Fils de l'Homme soit ressuscit d'enlre les morts. L foi des aptres, cette foi qui devoit les animer jusqu'au martyre, loil ainsi seme au milieu de la splendeur du Ciel descendant sur la terre avec les Anges.

ILcs p e t i t s e n f a n t s e t l e u r s A n g e s .

Tout ce qui a t dit jusqu' ce moment sur les Anges gardiens de l'homme, va recevoir le sceau de la parole divine dans l'une des plus touchantes scnes de l'vangile. En ce temps-l, les disciples s'approchrent de Jsus, et lui firent cette question : Qui, selon vous, est le plus grand dans le royaume des Cieux? Mais Jsus, connoissant le fond de leur cur, leur demanda : De quoiparliez-vous en chemin? et ils ne rpondirent rien; car ils avoient roul dans leur-pense et ils avoient discut le point de savoir lequel d'entre eux loit le plus grand. Et Jsus s'tant assis, rassembla les douze et leur dit : Si quelqu'un veut tre le premier, qu'il soit le dernier de tous. Puis, faisant approcher un petit enfant, il le prit par la main, l'embrassa, et leur dit : En vrit, je vous le dclare, si vous ne devenez comme des petits enfants, vous n'entrerez point dans le

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royaume des Cieux. Quiconque s'humiliera comme ce petit enfant, celui-l sera le plus grand dans le royaume des Cieux. Et quiconque reoit en mon nom un petit cnfanlcomme celui-ci, me reoit moi-mme. Et si quelqu'un me reoit, ce n'est pas moi qu'il reoit, mais il reoit celui qui m'a envoy; et celui qui est le plus petit parmi vous est le plus grand.... Prenez garde de mpriser un seul de ces petits enfants, car je vous dclare que leurs Anges dans les Gieux contemplent sans cesse la face de mon Pre cleste. Et le Fils de l'Homme est venu pour sauver ce qui toit perdu. Qu'en pensez-vous? Si un homme a cent brebis et qu'une seule vienne s'garer, ne laisse-t-il pas les quatrevingt-dix-neuf autres sur les montagnes pour aller chercher celle qui s'est gare? Et, s'il vient la retrouver, en vrit, je vous le dis, il ressent plus dejoie pour celle-l que pour les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont point gares. Ainsi, la volont de votre Pre cleste n'est point qu'un seul de ces petits enfants prisse. On vient de l'entendre : les Anges ont une telle mission auprs des petits enfants dont ils sont les protecteurs, que le Fils de Dieu les dsigne comme LEURS ANGES. Puis l'glise, infaillible interprte des critures, clbre la fte des ANGES GARDIENS de tous les hommes. De plus, la parole divine, toulen considrant les Anges auprs des petits enfants, n'en atteste pas moins leur prsence devant la face du Trs-Haut : Mystre inexplicable avant le grand jour des manifestations; et il n'y a pas s'en tonner.

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LES ANGES

Jsus-Christ au jardin des Olives. L ' A n g e du Ciel.

Jusqu' prsent, l'vangile, comme toute l'Histoire sacre, nous a montr les Anges servant et adorant l'Eternel : et la foi comprend avec bonheur; Combattant et terrassant les esprits des tnbres : et* la foi comprend avec admiration ; Assistant et protgeant l'homme: et la foi comprend avec reconnoissance. Mais voici une rvlation plus tonnante encore ; elle arrive au moment o commence la Passion du Sauveur : Jsus tant sorti, alloit selon sa coutume, la montagne des Oliviers ; et ses disciples le suivirent ; et lorsqu'il y fut arriv, il leur dit : Priez, afin de ne pas euIrer en tentation. Puis, s'tant loign d'eux, la distance d un jet de pierre, et se mettant genoux, il prioit, et il disoit : Mon Pre, s'il se peut, loignez de moi ce calice; et toutefois, que votre volont se fasse et non la mienne.
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OR, UN ANGE LUI APPARUT DU CIEL, LE FORTIFIANT;

et lui, comme en agonie, redoubloit ses prires ; et une sueur se rpandit sur lui, pareille des gouttes de sang dcoulant jusqu' terre. Uri Ange fortifiant l'Homme-Dieu! Quelle mission ! quelle gloire ! et en mme temps quelle stupeur, dans le monde aiiglique, et de la terre aux Cieux ! Mais n'allons pas croire que la nature humaine, unie au Verbe ternel, ait jamais pu manquer de sa force un seul moment ! Insparable qu'elle fut toujours de la nature di-

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vne, dans cette union hypostatique, elle en avoit toute la piuissnce, jusqu' l'entire immolation du Calvaire. Toutefois, il faut dire que ce sont deux natures, deux tres, deux volonts, clans la seule et mme personne de l'Homme-Dieu ; et l'Homme souffrait, tatidis que le Dieurestoitimpassible. Le mystre du secours del'Atige doit donc facilement s'ouvrir aux yeux de l Foi, afin qu'elle n'en soit point trouble. Il nous apprend que, dans la personne du Sauveur, la divinit sembloit un instant se taire, pour laisser l'humanit abattue sous le poids de tous les crimes du monde; et, alors vient le trouble de l'agonie; et alors vient la sueur de sang; et alors vient l'Ange du ciel, pour marquer cet extrme abandon, et toute l'horreur du pch, et toute l'tendue de l'expiation. Mais l'assistance de l'envoy du Ciel n'en est que plus merveilleuse; elle est une des gloires del Cour cleste, et elle forme un lien de plus entre les Anges participant ainsi aux uvres de la Rdemption, et les hommes rachets d la mort par le Dieu des Anges et des hommes.

L g i o n s t l ' A n g e s , t m o i n s i n v i s i b l e s de l a P a s s i o n . P s a u m e du Calvaire.

Si un seul Ange est rvl dans l'vangile de la Passion, il n'en faut pats moins croire la prsence des armes Angliques toutes les phases du drame sacr; et si elles n'apparaissent pas, c'est que, par la volont

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de Dieu mme, elles doivent en rester les invisibles et silencieux tmoins. Jsus-Christ nous le fait bien comprendre quand, ordonnant Pierre de remettre son glaive dans le fourreau, il lui dit: Croyez-vous donc que je ne puisse pas prier mon Pre, et qu'il ne feroit pas apparotre aussitt mon aide plus de douze lgions d'Anges? et ne faut-il pas que les critures s'accomplissent, et que tout arrive comme elles l'ont prdit? Ces paroles divines rappellent surtout celles du Psalmiste qui annoncent et la Passion et la Rsurrection, dans le Psaume xxi, dict par l'Ange et qui semble puis dans l'vangile, et rcit sur le Golgotha. C'est pourquoi nous pouvons le redire ici mme, comme h sa vraie place :

Mon Dieu! mon Dieu! toi que j'implore, Ah! pourquoi m'abandonnes-lu? J'ai pleur, j'ai cri le jour, la nuit encore, Et lu ne rponds pas ! et ton amour s'est tu !

Dieu saint, qui fais ta rsidence Dans les louanges d'Isral, Nos pres, pleins de foi, prioient ta providence Et trouvoient le salut dans ton sein paternel.

Pour moi, comme le ver de terre, Je suisl'opprobre des humains ; Et le peuple insens se rit.de ma misre ; En face de mon deuil il vient battre des mains.

DE L'VANGILE. Il dit, en secouant la tte : Son espoir est dans le Seigneur; Que le Seigneur le sauve! et, s'il est son prophte, Jhovah sans tarder en sera le vengeur. O mon Dieu ! j'tois sous ton aile, Quand un sein mortel m'a conu ! Mme avant que ma langue et suc la mamelle, Dans ses.embrassemcnts ta bont m'a reu. Aujourd'hui, dans mon pouvante, Ne t'loigne donc plus de moi ! Des taureaux de Basan la fureur mugissante M'assige ! je n'ai plus d'esprance qu'en loi. La dent qui tue et qui dchire, La dent des lions me poursuit. Mon corps fond comme l'eau, mon cur comme la cire, Et de mes os briss l'difice est dtruit. Ma chair, argile dessche, N'a plus ni force ni vertu ; A mon palais en feu ma langue est attache;' Dans l'ombre de la mort mon front reste abattu. Ils se sont rus sur ma vie, Semblables aux chiens ameuts! Ils ont perc mes mains et mes pieds: leur furie A dcouvert mes o s ; ils les ont tous compts ! Mes vtements, ils les partagent; Ma robe, ils l'ont jete au sort... A h ! n'abandonne pas ton Christ quand ils l'outragent! Viens arracher mon me au glaive de la mort ! IL 40

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LES ANGES Du monstre la corne cruelle Prserve mon dernier soupir!... O mon Dieu ! tu rponds mon cur qui t'appelle! Dans l'glise des saints j'irai donc te bnir. J'irai raconter mes frres Le nom sacr de l'Eternel... Adorez Jhovah, le grand Dieu de nos pres, Vous, enfants de Jacob ! vous tous, fils d'Isral ! cr De l'afflig, ni de sa plainte, Il n'a pas dtourn ses yeux... Je le bnirai donc devant la tribu sainte ; Mon chant retentira jusqu'au plus haut des ceux. A sa table puisant la vie, Le pauvre alors n'aura plus faim ; Toutes les nations de la terre ravie Viendront en l'adorant manger le mme pain. A lui seul la toute-puissance ! Les rois se courbent devant lui. De la froide poussire cl de son lourd silence Nul ne peut soulever le poids, sans son appui... Une race de saints va natre Pour annoncer la sainte loi. Tous enfants du Seigneur, ils le feront connotre Au peuple qu'il engendre jamais dans la foi.

La mort du Christ est le signal de nombreux miracles dont les Anges sonteertainement les ministres. Et aussitt, dit l'vangile, le voile du temple fut

DE L'VANGILE.

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dchir en deux depuis le haut jusqu'en bas; et la terre s'branla; et les pierres se fendirent; et les tombeaux furent ouverts; et plusieurs corps des saints qui toient morts ressuscitrent; et sortant de leurs spulcres aprs la rsurrection, ils vinrent dans la sainte Cit et ils apparurent plusieurs.
O&Q

L e s A u g e s de la Rsurrection.

Dans le corps qu'il reprend glorieux et dsormais impassible, Jsus-Christ, sans renverser la pierre du spulcre, en sort par sa puissance, comme il sortit miraculeusement du sein de la Vierge-Mre. Les Anges sont chargs de manifester cette gloire. Ici surtout nous suivons Yvangile dans son unit. Aprs le jour du Sabbat, Marie-Madeleine, et l'autre Marie, mre de Jacques, et Salom achetrent des parfums pour embaumer Jsus; el ds l'aurore du jouipremier cle la semaine, alors que les tnbres n'toient pas encore dissipes, elles allrent voir le spulcre. Et tout coup il se fil un grand tremblement de terre ; car un Ange du Seigneur descendit du ciel, renversa la pierre et s'assit dessus. Son aspect brilloit comme l'clair, et ses vlements toient comme la neige. Et les gardes furent tellement effrays que, tombant, ils semblrent morts. Les femmes arrivrent au lever du soleil, apportant les parfums qu'elles avoient prpars. Et elles se disoient l'une l'autre : Qui nous terala pierre
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LES ANGES

de l'entre du spulcre? car elle toit norme. Et regardant, elles virent que la pierre toit te. Aussitt Marie-Madeleine courut et alla dire Simon-Pierre et l'autre disciple que Jsus aimoil : Ils ont enlev du tombeau le Seigneur, et nous ne savons pas o ils l'ont plac. Cependant Marie etSalom tant entres dans le spulcre ne trouvrent point le corps du Seigneur Jsus; et tandis qu'elles en toient consternes, voil que deux hommes, vtus de robes clatantes de blancheur, apparurent leurs yeux; et comme la frayeur les avoit saisies et qu'elles baissoient les yeux vers la terre, l'Ange assis droite sous la ligure d'un jeune homme, leur dit : Ne craignez rien. Je sais que vous cherchez Jsus de Nazareth qui a t crucifi. Mais pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant? Il n'est point ici. Il est ressuscit, comme il l'a dit. Approchez et voyez. Voici la place o on avoit mis le Seigneur. Souvenez-vous de ces paroles qu'il a dites, lorsqu'il toit encore en Galile : Il faut que le Fils de l'Homme soit livr entre les mains des pcheurs, qu'il soit crucifi et qu'il ressuscite le troisime jour. Ainsi, les Anges donnent la premire nouvelle cle la rsurrection, comme ils ont donn la premire nouvelle de la naissance du Dieu fait Homme.

-acte-

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JLcs d i s c i p l e s d ' E i H i u a s ,

Sans nul doute, les Anges ont suivi lous les pas du Sauveur ressuscit, et ils l'ont invisiblemenl accompagn dans toutes ses apparitions ses aptres et ses disciples. Bornons-nous nanmoins au rcit d'une seule de ces rvlations, parce qu'elle annonce, d'aprs la parole mme du Christ, la transition, la fusion, l'union parfaite des deux Testaments dans sa personne sacre ; et cette vrit se place heureusement ainsi la fin du Livre des Anges : <t Deux des disciples alloient une bourgade nomme Emmaus, loigne de Jrusalem de soixante stades et ils s'entretenoient de tout ce qui s'toit pass. Or, pendant qu'ils parloient ensemble, Jsus lui-mme Rapprochant, marchoitprs d'eux. Mais leurs yeuxtoient comme voils, de sorte qu'ilsnele reconnoissoient pas. Et il leur dit : De quoi vous entretenez-vous en chemin? et pourquoi tes-vous si tristes? Et l'un d'eux, nomm Clophas, lui dit : Etes-vous seul tranger Jrusalem, au point d'ignorer ce qui vient de s'y passer en ces jours? Et quoi donc? leur dit-il. Ils rpondirent : Touchant Jsus de Nazareth, qui toit un prophte puissant en uvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple. Ne savez-vous pas de quelle manire les princes des prtres et nos magistrats l'ont livr pour tre condamn mort, et l'ont crucifi? Nous, nous esprions qu'il dlivrerait Isral, et nous voici au troisime jour depuis que ces choses sont arrives. Il est vrai que quelques femmes d'entre celles qui toienl

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avec nous nous ont effrays; car, tant alles avant le jour au spulcre, et n'ayant pas trouv son corps, elles sont venues dire que des Anges leur ont apparu et ont annonc qu'il est vivant. Et quelques-uns des ntres sont alls au spulcre et ont trouv que les femmes avoient dit vrai. Mais quant lui, ils ne l'ont point trouv. Et Jsus leuV dit: 0 insenss, dont le coeur est si lent croire ce que les prophties ont annonc! Ne falloil-il pas que le Christ souffrt toutes ces choses et qu'il entrt ainsi dans sa gloire? Puis, commenant par Mose et suivant tous les prophtes, il leur expliquoil ce qui avoit t dit de lui dans toutes les critures. Et lorsqu'ils furent prs de la bourgade o ils alloienl, Jsus parut vouloir aller plus loin ; mais ils le pressrent de s'arrter en lui disant : Demeurez avec nous, parce qu'il se fait tard et dj le jour dcline. Et il entra avec eux. Et, table, il prit le pain et le bnit; et l'ayant rompu, il le leur donna. Aussitt leurs yeux s'ouvrirent, et ils le reconnurent. Mais il disparut leurs yeux. Et ils se dirent l'un l'autre : Nos curs n'toient-ils pas embrass, lorsqu'il nous parloit dans le chemin et qu'il nous ouvroit les critures? Et sortant l'heure mme, ils retournrent Jrusalem, et trouvrent les onze aptres assembls avec tous ceux qui les suivoient. Et tous disoient : Le Seigneur est vritablement ressuscit, et il a apparu Simon. Et eux ils racontrent ce qui leur loit arriv dans le chemin et comment ilsl'avoient reconnu la fraction du pain. Elle se transmet encore, elle se transmettra toujours cette ardeur des disciples d'Emmaus, tous les curs

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ouverts aux divins enseignements ; et il est facile de reconnotre le Dieu ressuscit, dans le sacreirient o se continue la fraction du pain, qui est vritablement le pain'des Anges!

L e * A n g e s d e l'Ascension
Ouvrez-vous! dcouvrez vos cimes, Ouvrez-vous, portiques des cieux, levez vos arceaux sublimes El que le Roi de gloire entre victorieux !

Oui! nous pouvons les rpter ces paroles du Psalmiste; et si Ton demande encore :
Quel est ce Roi, ce Roi de gloire?

le ciel et la terre rpondent l'envi :


C'est Jhovah ! c'est le Dieu fort ! Dans les combats Dieu de vicloire ! C'est le Dieu de la vie et le Dieu de la mort !

Les dernires paroles de l'vangile doivent se lier ici avec les premires paroles des Actes des Aptres. Nous le savons "dj, les Anges gardiens des hommes sont prsents sur la terre sans quitter le ciel. Ainsi sommes-nous prpars comprendre les adieux du Christ ses aptres et ses disciples: Voici que je suis avec vous jusqu' la consommation des sicles. Demeurez cependant Jrusalem jus-

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LES ANGES DE L'VANGILE.

qu' ce que vous soyez revtus de la force d'en haut. Et aprs leur avoir ainsi parl, le Seigneur Jsus les mena hors de la ville jusqu' Bthanie. Et l, levant les mains, il les bnit; et, tandis qu'il les bnissoil, il s'loigna d'eux et s'leva au ciel, o il est assis la droite de Dieu. Un autre dtail est donn dans le Livre des Actes, o il est dit que ceux qui toient rassembls lui avoient demand quand il rtabliroit le royaume d'Isral ; et la rponse est rappele en ces termes: Il ne vous appartient pas de savoir les temps et les moments que le Pre a rservs clans sa puissance; mais vous recevrez la vertu du Saint-Esprit qui descendra sur vous, et vous me rendrez tmoignage dans Jrusalem, dans la Samarie et jusqu'aux extrmits de la terre. Aprs qu'il eut dit ces paroles, ils le virent s'lever, et une nue le droba leurs yeux ; et comme ils le regardoienl monter au ciel, deux hommes en vtements blancs se prsentrent devant eux et leur dirent : Habitants de la Galile! pourquoi vous arrtez-vous les yeux fixs au ciel? Jsus, qui vous quitte pour aller au ciel, viendra comme vous l'avez vu monter. Un Ange, annonant le saint Prcurseur, a ouvert les rcils vangliques; cl les Anges de l'Ascension viennent les fermer.

DES LIVRES DES APOTRES.

Ce que nous avons dit de la prsence des Anges auprs du Christ ressuscit, nous pourrions le dire pour les assembles du Cnacle, o se trouvoit la Vierge des Vierges, la Mre de Dieu, la Reine des Anges; nous pourrions le dire surtout au grand jour de la descente du Saint-Esprit, dans le miracle des langues de feu et du bruit imptueux du ciel; nous pourrions le dire encore pour les premiers temps de l'glise, o tous les lidles ne faisoient qu'un cur et qu'une me. Certainement alors les communications angliques toient frquentes; nul homme de foi n'en doute ; mais nous sommes circonscrit dans le texte des livres saints. Le premier des martyrs va nous montrer les cieux ouverts.

Le martyre de saint Etienne.

Ce jeune diacre de l'glise naissante loit plein des Saintes-critures et plein aussi de grce et de force, et il faisoil des prodiges et de grands miracles dans le peuple, et il prchoit aux juifs avec ardeur et lumire

m.

LES ANGES

la foi du Rdempteur; et un jour, aprs leur avoir fait un admirable rsum de toute l'histoire du peuple de Dieu, il leur disoit: Quel est le prophte que vos pres n'aient pas perscut ? Ils ont tu ceux qui prdisoient l'avnement du Juste que vous avez trahi et mis mort, vous qui avez reu la loi par le ministre des Anges et qui ne l'avez point garde. A ces mois, leur cur fut transport de rage, et ils grinoienl des dents contre Etienne. Mais lui, plein du Saint-Esprit et levant les yeux vers le ciel, il vit la gloire de Dieu et il dit : Je vois les Gieux ouverts et le Fils de l'Homme debout la droite de Dieu. Alors tous ensemble, jetant de grands cris et fermant les oreilles, ils se jelrent sur lui, et l'entranant hors de la ville, ils le lapidrent ; et les tmoins (qui avoient dpos contre lui) mirent leurs vtements aux pieds d'un jeune homme nomm Saul; et ils lapidoient Etienne, qui prioit et disoit : Seigneur Jsus, recevez mon me ! Et s'tant mis genoux, il jeta un grand soupir et s'cria : Seigneur, ne leur imputez point ce crime ! Et, aprs cette parole, il s'endormit dans le Seigneur. Or, Saul avoit consenti la mort d'Etienne. Oui, les Cieux, ouverts aux yeux du premier martyr de la foi, proclament en mme temps ici le concours des armes angliques; et de plus, la foi nous dit que les Anges introduisent les saints auprs de Dieu, et qu'ils distribuent aux martyrs les palmes et les couronnes de leur triomphe.

DU LIVRE D E S APOTRES. 1 / e u i t u q u c d e l a r e i n e d'Ethiopie.

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Sous la loi de grce, rien de ce qui est humili parmi les hommes, ni rien non plus de ce qui est expos l'illusion des vaines grandeurs ne peut chapper la charit des Anges de Dieu el au souffle de leurs inspirations. En voici un louchant exemple : < Cependant un Ange du Seigneur parla Philippe c et lui dit : Pars, va vers le midi sur la route de Jrusalem Gaza, la ville dserte. Il y alla aussitl. En mme temps, un thiopien, eunuque, l'un des premiers de la cour de Candace, reine d'Ethiopie, el gardien de tous ses trsors, qui toit venu pour l'Adoration Jrusalem, s'en retournoit assis sur son char, et lisoit le prophte Isae. Or, l'Ange dit Philippe : Avance, et approche de ce char. Philippe, accourant, entendit l'eunuque lisant le prophte Isae, et il dit : Croyez-vous comprendre ce que vous lisez? L'eunuque rpondit: Comment le puis-je, si quelqu'un ne me l'explique? Et il pria Philippe de monter et de s'asseoir ct de lui. Or, voici le passage de l'Ecriture qu'il lisoit : Il a t men la mort comme une brebis, il n'a pas ouvert la bouche et il est rest muet, comme un agneau devant celui qui le tond. Mais le jugement qui l'a humili est ananti. Qui racontera sa gnration? car sa vie sera retranche de la terre. L'eunuque dit Philippe : De qui, je vous le demande, le prophte parle-t-il ainsi : est-ce de lui-mme, ou de quelqu'autre? Alors, Philippe, vanglisant et commenant par ce passage de l'criture, lui annona Jsus. Et, aprs qu'ils eurent

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LES ANGES

fait une partie du chemin ils arrivrent auprs d'une fontaine. El l'eunuque dit : Voil de l'eau. Qu'est-ce qui s'oppose ce que je reoive le baptme? Philippe dit : Vous pouvez tre baptis si vous croyez de tout votre cur. Et il rpondit : Je crois que Jsus-Christ est le Fils de Dieu. Et il fit arrter son char ; et tous deux descendirent dans l'eau, et Philippe baptisa l'eunuque. Ds qu'ils furent sortis de lafontaine, l'Ange du Seigneur enleva Philippe, et l'eunuque ne le vil plus, mais il continua son chemin, combl de joie.
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Conversion de saint P a u l .

Non-seulement le Ciel s'ouvre pour clairer Saul, le perscuteur, comme il s'est ouvert pour couronner Etienne, le martyr; mais la miraculeuse vision d'Ananie place encore la vocation de l'aptre des gentils sous les auspices des Anges. Saul, respirant toujours la menace et le meurtre, alla auprs du grand prtre et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin d'amener prisonniers Jrusalem les hommes ou les femmes qu'il trouveroit de la religion (nouvelle). Et comme il approchoil de Damas, soudain une lumire du ciel l'environna; et, tombant terre, il entendit une voix qui lui dit : Saul, Saul, pourquoi m'as-tu perscut? 11 est difficile de rsister l'clair. Alors, tremblant d'effroi, il dit: Seigneur, que voulez-vous que je fasse? Lve-toi, dit le

DU LIVRE DES APOTRES.

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Seigneur, et entre dans la ville. On te dira l ce que tu dois faire. Or, ceux qui l'accompagnoient s'arrtoienl dans la stupeur, entendant la voix et ne voyant personne. El Saul se leva, et ouvrant les yeux, il ne voyoit rien. Ses compagnons le prirent par la main et le conduisirent Damas. Or, il y avoit dans la ville un disciple nomm Ananie qui le Seigneur dit dans une vision : Ananie ! Et il rpondit : Me voici, Seigneur. Et l'Ange lui dit : Lve-toi, va clans la rue appele la rue Droite, et demande dans la maison de Jude un homme de Tarse qui s'appelle Saul ; car il est l en prire. Au mme moment, Saul voyoit en vision un homme appel Ananie qui entrait et lui imposoit les mains afin de lui rendre la vue. Ananie rpondit: Seigneur, plusieurs m'ont appris quel mal cet homme a fait vos saints dans Jrusalem ; et il a mme reu des princes des prtres le pouvoir de charger de fers ceux qui invoquent votre nom. Et le Seigneur lui dit : Va, car cet homme est un vase d'lection pour porter mon nom devant les gentils, devant les rois et devant les enfants d'Isral. Et je lui montrerai combien il doit souffrir pour mon nom. Ananie partit donc et entrant dans la maison il lui imposa les mains et lui dit : Saul, mon frre, le Seigneur Jsus qui vous est apparu dans le chemin, m'envoie afin que vous recouvriez la vue et que vous soyez rempli de l'Esprit-Saint. El aussitt il tomba de ses yeux comme des cailles et il recouvra la vue. Et lorsqu'il eut mang, il reprit des forces et demeura durant quelques jours avec les disciples qui toient Damas, et aussitt il prcha Jsus, Fils de Dieu, dans les syna-

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LES ANGES

gogues. Or, tons ceux qui l'coutoient toient frapps cl'tonnenienl et ils disoient : N'est-ce donc pas l celui qui perscutoil dans Jrusalem ceux qui invoquoient ce nom, et n'est-il pas venu pour les conduire chargs de fers aux princes des prtres? Mais Saul avoit de plus en plus d'nergie, et il confondoit les juifs habitants de Damas, leur attestant que Jsus toit le Christ. Et depuis dix-huit sicles, tout l'univers connot les fruits de la prdication du grand aptre! Il a souvent parl des Anges, lui, devenu, suivant la divine parole, un vase d'lection, un Ange sur la terre.
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V i s i o n le C o r n e i l l e c l d e s a i n t P i e r r e ,

Les Anges, nous pouvons le dire, ont prppar les voies aux prdications aposloliques. Dj on en a vu les premiers tmoignages. Celui qui va suivre n'est pas le moins admirable. Il y avoit Csare un homme appel Corneille, centurion d'une cohorte de la lgion italique. Il loil religieux, vivant avec toute sa famille dans la crainte de Dieu. Et un jour, vers la neuvime heure, il vit manifestement dans une vision un Ange de Dieu qui vint lui en l'appelant par son nom. Et Corneille, saisi de frayeur en le regardant, lui dit : Que voulez-vous, seigneur? Et l'Ange reprit: Tes .prires et tes aumnes sont montes en prsence de Dieu et il s'en est souvenu. Et maintenant, envoie un de tes serviteurs

DU LIVRE DES APOTRES.

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Jopp et fais venir ici un homme appel Simon et surnomm Pierre. 11 est chez Simon le corroyeur dont la maison est proche de la mer. Et l'Ange s'tant retir, Corneille appela deux de ses serviteurs et l'un de ses soldats qui craignoient Dieu ; et aprs leur avoir dit ce qui venoit d'arriver, il les envoya Jopp. Et le lendemain, tandis qu'ils toient en route, et qu'ils approchaient de la ville, Pierre monta au haut de la maison pour prier, vers la sixime heure. Puis, ayant faim, il voulut manger. Et pendant que l'on apprtoit sa nourriture, il eut une extase, et il vit le ciel ouvert et comme une grande nappe suspendue par les quatre coins qui descendoitdu ciel jusqu' terre. L se trouvoient toutes sortes de quadrupdes, de reptiles et d'oiseaux du ciel. Et une voix lui dit : Lve-toi, Pierre, tue et mange. Mais il rpondit: Non, Seigneur, car je n'ai jamais rien mang d'impur ni de souill. Et la voix dit encore : N'appelle pas impur ce que Dieu a purifi. Et cela fut rpt trois fois: et aussitt la nappe fut retire dans le ciel. Et comme Pierre hsiloil sur le sens de cette vision, les hommes envoys par Corneille frappoient la porte en cherchantla maison de Simon. Et ayant appel quelqu'un, ils demandoien-t si c'toil l la demeure de Simon surnomm Pierre. Et tandis que Pierre rflchissoitsur sa vision, l'Ange lui dit : Voil trois hommes qui le demandent ; lve-toi donc, descends et ne crains pas d'aller avec eux, car c'est moi qui les envoie. Or, Pierre descendant vers eux leur dit : Je suis celui que vous cherchez; que me voulez-vous? Ils rpondirent : Corneille, centurion, homme juste et craignant Dieu, selon

QUO

LES ANGES

le tmoignage de tous les juifs qui le commissent, a reu d'un saint Ange l'ordre de vous faire venir chez lui et d'couter vos paroles. Pierre les ft donc entrer et les reut dans la maison, El le lendemain, il partit avec eux et avec quelques frres de Jopp qui l'accompagnrent. Et le jour suivant, il arriva Csare o Corneille l'altencloit avec ses parents et ses amis rassembls. Et quand Pierre entra, Corneille vint au-devant de lui, se prosterna ses pieds et l'adora. Mais Pierre le releva en lui disant: Levez-vous, je ne suis qu'un homme comme vous. Ets'entretenantavec lui, il entra dans la maison au milieu de l'assemble, et il leur dit : Vous savez combien il rpugne un juif de se trouver dans la maison d'un tranger; mais Dieu m'a appris ne regarder aucun homme comme profane ou impur. C'est pourquoi ds que vous m'avez appel, je suis venu sans hsiter. Je vous prie donc de me dire pourquoi vous me faites venir. Corneille rpondit : Il y a quatre jours, tant en prire dans ma maison, la neuvime heure, je vis apparotre un homme vtu d'une robe blanche, et il me dit: Corneille, ta prire est exauce, et Dieu se souvient de tes aumnes. C'est pourquoi envoie Jopp, et fais venir Simon surnomm Pierre ; il est dans la maison de Simon le corroyeur, prs de la mer. J'ai doue envoy aussitt vers vous, et vous me faites la grce de venir. Nous voici maintenant tous assembls devant vous pour entendre tout ce que le Seigneur vous a charg de nous dire de sa part. Ainsi apparlenoit-il au prince des aptres, vicaire de

DE L'VANGILE.

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Jsus-Christ sur la terre, d'appeler, au nom du divin Matre, et sans acception de personnes, tous les enfants d'Adam sous une seule et mme loi, toutes les brebis dans le mme bercail et sous la houlette du mme Pasteur. Mais les Anges apparoissent partout comme les auxiliaires et les inspirateurs de l'apostolat : constants messagers du Ciel auprs des hommes, ils reoivent directement ici les ordres du lgislateur de la nouvelle alliance, parce qu'il est Dieu, en mme temps qu'il est Homme ; tandis qu'ils portaient au contraire les ordres de Jhovah au lgislateur de l'Ancien Testament, Mose, parce qu'il tait homme et qu'il n'tait pas Dieu.
3S C ' n>

I/Angc

de

saint

Pierre-s-Liens.

Toujours et partout les Anges de Dieu veillent sur son Eglise cl sur les Pasteurs de son glise, soit visiblement et dans des faits miraculeux, comme au temps des aptres, soit invisiblement, et dans les mystres de la grce, comme tous les ges du Christianisme. Aussi le cleste conducteur du peuple hbreu, l'Archange Mical a-t-il repris, auprs de la barque de Pierre, la glorieuse mission qu'il avoit reue auprs de l'Arche d'alliance. C'est donc pour imprimer dans les mes ces vrits sacres que l'criture donne tous les dtails de la captivit de saint Pierre et de Sa dlivrance par les mains de l'Ange du Seigneur. Dj, ds les preIIAi

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LES ANGES

mires prdications des aptres, la haine du grand prtre et des Sadducens les a voit jets en prison; et un Ange du Seigneur, ouvrant les portes, les avoit rendus la libert. Ge miracle est dit en un seul mot qui suffit sans doute; mais celui qui concerne saint Pierre est ainsi dvelopp : Or, en ce temps-l le roi Hrode commena perscuter quelques-uns d'entre les fidles de l'glise. Il fit prir par le glaive Jacques, frre de Jean. Et voyant qu'il plaisoit ainsi aux juifs, il fit encore arrter Pierre. G'toit pendant les jours des pains azymes. Et quand il l'eut arrt, il le jeta en prison, le mettant sous la garde de quatre escouades de quatre soldats chacune, pour le faire mourir ensuite publiquement aprs la pque. Ainsi Pierre toit emprisonn; et l'glise ne cessoit de prier Dieu pour lui. Et comme Hrode toit la veille de l'envoyer au supplice, Pierre dans celte mme nuit toit couch entre deux, soldats et charg d'une double chane. Et il y avoit aussi des gardes la porte de la prison. < Et voil que l'Ange du Seigneur apparut tout c coup; et un clat de lumire brilla dans la prison; et l'Ange touchant le flanc de Pierre, le rveilla etlui dit : Lve-toi promptement. Et les chanes tombrent de ses maina. Et F Ange lui dit : Attache ta ceinture, mets ta chaussure tes pieds, prends ton manteau et suis-moi. Et Pierre sortant le suivoit; et il ne savoitpas si ce qui se faisoit ainsi par un Ange toit rel, car il croyoit avoir une vision. Or, aprs qu'ils eurent pass la premire et la seconde garde, ils arrivrent la porte de

DE L'VANGILE.

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fer qui conduit la ville, et elle s'ouvrit d'elle-mme devant eux. De l ils s'avancrent jusqu' l'extrmit de la rue; et l'Ange le quitta. Alors Pierre dit en revenant soi : A prsent, je vois que le Seigneur a envoy son Ange, et qu'il m'a dlivr de la main d'Hrode et de la cruelle esprance du peuple juif. Et, aprs avoir rflchi, il se dirigea vers la maison de Marie, mre de Jean, surnomm Marc, o plusieurs d'entre les fidles toient rassembls dans la prire. Et comme il frappoit, une jeune fille nomme Rhod vint couter la porte. Et reconnoissant la voix de Pierre, elle en fut si joyeuse qu'au lieu d'ouvrir; elle courut annoncer dans l'intrieur que. Pierre loit la porte ; et ils lui dirent : Vous perdez l'esprit. Mais elle assuroil que c'tait lui; et ils rpondoient : C'est son Ange. Et Pierre continuoit frapper; et lorsqu'ils eurent ouvert, ils le virent et furent dans la stupeur. Et lui, avec la main, leur faisant signe de se taire, raconta comment le Seigneur l'avoit tir de la prison, et il leur dit : Donnez cette nouvelle Jacques et nos frres. Puis il sortit, et se retira dans un autre lieu.

ILRODE-AGRIPPA FRAPP PAR l ' A N G E DU SEIGNEUR.

En regard des bndictions rpandues par les Anges sur les fidles enfants de Dieu, l'criture a soin de placer les chtiments exercs aussi par eux sur les im41.

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LES ANGES DE L'VANGILE.

pies. On en a vu des preuves nombreuses dans les annales du peuple d'Isral. L'histoire du christianisme en offre un nouvel exemple, ds le dbut. Le texte sacr reprend ainsi les faits aprs la dlivrance de saint Pierre : Au point du jour, il y eut un grand trouble parmi les gardes, pour savoir ce que Pierre toit devenu. Hrodele fit chercher en vain et ne put le trouver. Et aprs avoir inutilement soumis les soldats la question il les envoya au supplice. Puis il alla de Jude Csare o il demeura. Alors il toit irrit contre les Tyriens et les Sidoniens. Mais ils vinrent le trouver de concert, et ayant gagn Blaste son chambellan, ils demandrent la paix, parce que leur pays tiroitsa subsistance des terres du roi. Or, au jour fix, Hrode revtu de ses habits royaux s'assit sur son trne et les harangua; et le peuple s'crioit : Ce n'est pas la voix d'un homme ; c'est la voix d'un Dieu. Mais au mme instant un Ange du Seigneur le frappa, parce qu'il n'avoit pas rendu gloire Dieu, et il mourut rong des vers. Il avoit mme accept ce criminel hommage ! Ainsi, comme Hrode le Massacreur, Hrode-Agrippa le perscuteur subit, mme sur la terre, la juste peine de ses crimes, et par la main de l'Ange du Seigneur. On sait aussi la misrable fin d'Hrode-Antipas et d'Hrodiade, meurtriers de saint Jean-Baptiste.

LES

ANGES

DE L'APOCALYPSE ET LES ANGES DU JUGEMENT DERNIER.

Toute l'Apocalypse, c'est--dire toute la prophtique rvlation du virginal aptre, appartient l'histoire des Anges dans leurs rapports avec l'homme; car, parmi les livres saints, il n'y en a pas qui soit plus rempli de leurs missions et de leurs uvres, soit en ce qui touche le mystre des ges futurs, soit en ce qui touche le mystre de la fin des temps. Il seroit tmraire nous de vouloir pntrer les oracles de l'aigle de Pathmos; mais il est bien permis d'y jeter un coup d'il, puisqu'ils sont exposs tous les regards, et d'y reconnotre partout la trace lumineuse des Anges; et ensuite de nous attacher particulirement la prophtie de ce grand jour des manifestations, o toutes les mes seront infailliblement juges et prendront place, les unes au Ciel avec leurs corps ressuscites dans la gloire, les autres au fond des abmes avec leurs corps ressuscites dans l'opprobre. L'Apocalypse nous fait d'abord entendre que les

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LES ANGES

Anges sont prposs la garde de chacune des glises dont se compose l'glise universelle que le grand Archange, vainqueur de Satan, dirige sous les ordres de son divin Fondateur et sous l'inspiration de l'EspritSaint, en telle sorte que les pontifes sont appels les Anges de leurs glises de mme que leurs clestes protecteurs. Aprs l'glise de la terre, la prophtique rvlation dcouvre l'glise du Ciel sous des formes purement symboliques, comme celles des visions d'zchiel. L, pour enseigner aux hommes dans une langue humaine les choses divines, des astres de feu et de lumire annoncent la splendeur de l'ternel royaume et de son Roi ; l, des vieillards, ave leurs vtements blancs et leurs couronnes d'or, figurent les saintes vertus et leurs immortelles rcompenses ; l, le bruit des tonnerres el des clairs exprime l'clat des oracles et des jugements suprmes ; l, l'image de quatre animaux reprsente toute l'nergie des voix et des hommages de la cration envers le Dieu crateur; l, les Anges apparaissent sous l'emblme des yeux innombrables, tels
que dans la vision de la gloire.du Seigneur; l, des lam-

pes ardentes sont comme le signe des sept Anges toujours prsents devant le trne, ou des sept Esprits de Dieu (Esprit de sagesse, Esprit d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science et de pit, Esprit de la crainte du Seigneur) ; l enfin, est ador
Celui qui vit dans les sicles des sicles, ce qui nous fait

comprendre que toutes ces figures ne sont que des symboles. Aussi le prophte a entendu le cantique de

DE L'APOCALYPSE.

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l'ternit : Saint, Saint, Saint est le Seigneur Dieu toutpuissant, qui toit, qui est et qui doit apparotre ; et des

milliers de milliers d'Anges disoient haute voix : L'Agneau qui a t immol est digne de recevoir la puissance, la divinit, la sagesse, la force, Vhonneur, la gloire etlabndiction.

Que l'on ne s'tonne donc pas si les sept sceaux du mystrieux livre sont successivement ouverts par les sept Anges ; si les rvlations sont faites parles Anges ; si les quatre vents du ciel sont dans la main des Anges ; si le signe des lus est imprim leur front parles les Anges ; si l'encens des prires s'lve jusqu' Dieu sur l'aile des Anges ; si le signal des trompettes sacres pour les derniers malheurs de la terre est donn par Anges; si le cri des menaces suprmes vient de la voix des Anges, et si pour l'excution de ces menaces le prophte entend un nombre de deux cents millions
d'Anges.

Il faudroit bien des paroles des hommes de Dieu pour interprter cfe qu'il est possible de savoir de tant de prdictions et de mystres ; mais voici le texte qui annonce la fin des temps. Dj six Anges ont excut les ordres du Ciel; etilreste un septime Ange qui doit accomplir les menaces ; mais auparavant le Livre sacr met ces paroles dans la bouche du prophte : Et je vis un autre Ange plein de force et descendant des cieux dans une nue, et couronn d'un arcen-ciel; son visage resplendissoit comme le soleil el ses pieds comme des colonnes- de feu ; et il avoit la main un petit livre ouvert, et il mit le pied droit sur la

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LES ANGES

mer et le pied gauche sur la terre ; et il cria fortement, comme un lion qui rugit; et, aprs qu'il eut cri, sept tonnerres firent clater leurs voix ; et aprs la parole des sept tonnerres j'allois crire, et j'entendis une voix du ciel qui me dit : Mets le sceau sur la parole des sept tonnerres et ne l'cris pas. Alors, l'Ange que j'avois vu debout sur la mer et sur la terre leva la main vers le ciel, et il jura par Celui qui vil dans les sicles |des sicles, qui a cr le ciel et tout ce qui est dans le ciel, la terre et tout ce qui est dans la terre, la mer et tout ce qui est dans la mer, qu'il n'y auroit plus de temps ; mais qu'au jour o le septime Ange feroit entendre sa A'oix, lorsque la trompette commencerait -sonner, le mystre de Dieu s'accomplirait, ainsi qu'il l'a fait annoncer par les prophtes, ses serviteurs. Et j'entendis la mme voix du Ciel qui me parla encore et me dit : Prends le livre ouvert dans la main de l'Ange qui est debout sur la mer et sur la terre. J'allai donc auprs de l'Ange, et je lui dis : Donnez-moi le livre. Et il me dit : Prends ce livre et dvore-le. Il sera amer dans les entrailles ; mais, dans la bouche, il sera doux comme le miel. Et il ajouta : Il faut encore que tu prophtises.... Alors l'aptre eut la vision des gloires de la femme revtue du soleil, et celle de son fils ; puis la vision de l'Ancien serpent, et la vision du combat des bons Anges et des mauvais anges (1). Viennent ensuite les prophties que la plupart des
(4) K. tome , page 7.

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interprtes appliquent au temps, de l'antechrist. On y voit les effroyables calamits des derniers jours du monde ; l'effusion par la main des Anges des sept coupes pleines de la colre du Seigneur; la bte figurant le plus grand ennemi de Dieu; la chute de la Babylone des nations ; la moisson de la terre coupable et la vendange de la vigne corrompue; la victoire dfinitive des saints et des justes contre les impies dvors par le feu du ciel; la ruine entire de Satan jet dans l'tang de soufre et de feu; et enfin le trne du Juge suprme. Et voici la fin : Je vis les morts , grands et petits, debout devant le trne; les livres furent ouverts, et un autre livre, le livre cle vie, pareillement ouvert; et les morts furent jugs sur ce qui est crit dans ces livres, suivant leurs uvres ; et la mer rendit les morts ensevelis dans ses eaux ; et la mort et l'enfer rendirent aussi leurs morts; et chacun fut jug suivant ses uvres; et l'enfer et la mort furent jets dans l'tang de soufre et de feu ; et tous ceux dont le nom ne se trouva pas crit dans le livre de vie furent jets dans l'tang de feu. C'est l la seconde mort. Et je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la premire terre avoient disparu, et la mer n'toit plus. Et moi, Jean, je vis descendre du ciel la cit sainte, la nouvelle Jrusalem, venant de Dieu, pare comme une pouse pour son poux; et j'entendis une grande voix sortie du trne et disant : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes, et il demeurera avec eux

et ils seront son peuple, et Dieu au milieu d'eux sera leur Dieu, et Dieu essuiera toutes les larmes de leurs yeux;

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LES ANGES

et la mort ne sera plus dsormais, ni le deuil, ni les cris, ni la douleur, parce que le premier tat est fini. Alors celui qui toit assis sur le trne dit : Voil que je
fais toutes choses nouvelles ; et il me dit : cris, car ces

paroles sont trs-certaines et trs-vritables ; et il me


dit encore : Tout est accompli; je suis l'alpha et omga,

le commencement et la fin, je donnerai gratuitement boire de la source d'eau vive celui qui a soif ; celui qui sera vainqueur possdera ces biens, et je serai son Dieu et il sera mon fils; mais les lches, les incrdules, les abominables, les homicides, les fornicateurs, les empoisonneurs, les idoltres et tous les menteurs, auront leur partage dans l'tang de feu et de soufre, qui est la seconde mort. Et l'un des sept Anges qui avoient tenu les sept coupes pleines des dernires plaies, s'approcha et me dit : Viens et je te montrerai celle qui est l'pouse de l'Agneau. Et il me transporta en esprit sur une grande et haute montagne, et il me montra Jrusalem, la cit sainte, descendant du ciel et venant de Dieu, illumine de la clart de Dieu ; et sa lumire toit semblable une pierre prcieuse , une pierre de Jaspe, transparente comme le cristal; et elle avoit une muraille immense et douze portes, et douze Anges aux portes, et les noms crits des douze tribus d'Isral. Ces clatants symboles sont encore dvelopps dans la vision, parce que, pour essayer quelques traits du bonheur du Ciel, il faut bien parler aux hommes un langage qu'ils puissent entendre. Mais bientt le texte sacr reprend ainsi: Et la cit n'a besoin ni du soleil, ni

DE L'APOCALYPSE.

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de la lune, car la majest de Dieu rclaire, et l'Agneau est l'astre de sa splendeur. Et ses portes ne seront jamais fermes, et elle n'aura point de nuit. Et l seront apports la gloire et l'honneur des nations ; et il n'y entrera rien de souill, ni aucun de ceux qui commettent l'abomination et le mensonge ; mais ceux-l seulement
qui sont crits dans le livre dvie de l'Agneau.

Ces dernires paroles doivent tre mdites et rapproches de celles qu'il falloit rserver pour leur explication : Et tous les Anges, dit le prophte, se tenoient debout autour du trne, et des vieillards, et des quatre animaux; et, la face prosterne devant le trne, ils disoient : Amen, gloire, sagesse, actions de grces, honneur, puissance et force notre Dieu, dans les sicles des sicles;

amen. Et alors l'un des vieillards me dit : Quels sont ceux qui ont la robe blanche et d'o viennent-ils? Et je rpondis : Seigneur, vous le savez ; et il me dit : Ce sont ceux qui viennent des grandes tribulations et qui
ont lav leur robe dans le sang de l'Agneau.

Les grandes tribulations, ce sont les amres douleurs du repentir, les larmes de la pnitence, les pines de la vie et la croix des sacrifices. Le sang de l'Agneau, c'est le sang de Jsus-Christ dans le sacrement de son amour; et ici revient cette ineffable invitation qu'il fait lui-mme tous ses amis :
Si vous ne mangez la chair du Fils de l'Homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie envous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, a la vie ternelle et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture et mon sang vraiment un breuvage.

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LES ANGES

Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.

Voil donc la lin, la plnitude, le couronnement de toutes les uvres de Dieu pour l'homme et de tous les messages comme de tous les soins des Anges auprs de l'homme. La voie qui aboutit a ce terme est la seule voie du salut: et toute voie qui n'y arrive point est la voie de la perdition. Car ceux qui ne veulent pas de cette communion sacre, ne sont franchement attachs ni aux Commandements de Dieu, ni aux Commandements de son glise. Ils abjurent et l'ancienne loi, et la loi nouvelle, dont la mutuelle correspondance et la consommation dans l'adorable Eucharistie sont si manifestes; oui ! ils abjurent de fait, alors mme que, dans l'illusion de leurs penses, ils essayent vainement de justifier leur ingratitude, devant ce trsor des grces, et devant les menaces du Dieu de l'ternel amour. Et ils seront certainement jugs sur cette indiffrence criminelle, alors mme que leur conscience (ce qui est impossible !) ne trembleroit pas sous le poids du pch. Qu'ils se convertissent au Seigneur, il en est temps encore ; qu'ils vivent et qu'ils coutent avec nous cette suprme prophtie dicte Daniel par une voix anglique, et o le grand Archange, le cleste guide du peuple de Dieu, le protecteur de l'glise de Dieu, le gardien de tous les enfants de Dieu, va encore apparatre aux regards de la foi, en attendant le jour o nous le contemplerons dans l'ternelle gloire. En ce temps-l s'lvera Mical, le grand prince, toujours debout pour les fils de son peuple ; et un jour

DE L'APOCALYPSE.

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viendra, tel qu'on n'en a point vu de semblable depuis l'origine des nations jusqu' prsent; et alors tous ceux de ton peuple dont les noms se trouveront crits dans le livre de vie seront sauvs. Et ceux qui dorment dans la poussire de la terre s'veilleront, les uns pour la vie ternelle, les autres pour l'opprobre qu'ils auront jamais devant les yeux. Et ceux qui auront eu l'intelligence brilleront comme la splendeur du Ciel ; et ceux qui enseignent la justice tous seront comme les toiles dans toute l'ternit. Et pour reconnotre que l'intelligence et la grce sont constamment offertes et donnes tous les curs droits, toutes les mes altres de la vrit divine, recueillons enfin la dernire parole du texte sacr : Moi, Jsus*, j'ai envoy mon Ange pour vous rendre tmoignage de ces choses dans les glises. Je suis le rejeton et le fils de David, l'toile qui brille au matin. L'Esprit-Saint et l'pouse disent : Venez. Que celui qui coule dise : Venez. Que celui qui a soif vienne, et que celui qui le dsire reoive gratuitement l'eau de la vie.

FIN.

TABLE

DES M A T I R E S DU TOME SECOND.

LES ANGES DU LIVRE DE JOSU.

Pagea

Ordre d'entrer dans la terre promise.Indication es limites. Mission de Josu.Promesse du peuple : Passage du Jourdain.. . Nouvelle circoncision et clbration de la pque. Apparition de l'Archange Mical sous la figure d'un guerrier La prise de Jricho Prvarication et punition d'Achan Autel du mont Hbal Les Gabaonites Josu arrte le Soleil et la Lune.Sa victoire sur les cinq rois des Amorrhens Suite de victoires et partage de la terre promise. Chananens pargns Prire des enfants de Joseph, des tribus d'Ephram et Manass . Caleb Protestation contre le schisme. L'autel des tribus de Ruben et de Gad et de la demi-tri bu de Manass Derniers conseils et mort du fils de Nun

1 4 12 15 19 23 24 27 33 41 43 46 52

LES ANGES DU LIVRE DES JUGES.

Othoniel. Aod.Samgar , Dbora. Barac. Jahel

62 67

656

TABLE DES MATIRES.

Odon.Plaintes du prophte.Apparition de l'Ange.L'autel de Bad renvers.La toison miraculeuse 75 Trois cents Isralites vainqueurs de Madian 82 Les soixante-dix fils de Gdon 90 Thola. Jar. Jepht. Abesan. Ahialon. Abdou 94 Saxnson 101 le lvite d'Ephram 118

LES ANGES DU LIVRE DE RUTH.

Page

125

LES ANGES DU LIVRE DES ROIS ET DES PARALIPOMNES.

I. Samael 129 Victoire des Philistins. l'Arche d'alliance est prise. Catastrophe de la famille d'Hli 139 L'Idole de Dagon. Plaie des Philistins. Retour de l'Arche. Curiosit sacrilge des Bethsamites. Leur chtiment. L'Arche est transporte Carinthiarim dans la maison d'Abi143 nadab Conseils et prires de Samuel.La pierre du secours.Saal . Victoire de Saul. Justification de Samuel Saul.Jonathas Sacre de David.L'Ange de Dieu avec lui. L'Ange de Satan avec Saul David vainqueur de Goliath L'Ange des saintes amitis.Le Dmon de la jalousie.David perscut par Saiil. Le souffle prophtique Suite des perscutions contre David.Sa retraite dans la caverne d'Odollam. Sa victoire sur les Philiptins La Pythonisse d'Endor.Evocation de Samuel.-Mort de Saul et de ses fils II. David pleure Saul et Jonathas.Il rgne sur Juda, et aprs la mort d'Isboseth sur tout Isral 215 146 15fi 163 176 183 190 195 209

TABLE DES MATIRES. Nouvelles victoires de David sur les Philistins Translation de l'Arche d'alliance Prophtie relative au temple du Seigneur Crime de David. Nouvelle mission de l'Ange et nouveau message du prophte David au torrent de Cdron.L'Arche d'alliance reporte . Jrusalem.tha, fidle Gthen.Architophel. Dfaite et mort d'Absalon. Tmraire dnombrement d'Isral. Prophtie de Gad. L'Ange exterminateur III.

657 218 219 222 227

231 234

Sacre de Salomon. Dernires paroles et derniers soins de David.Sa mort. Gloire de sa race 239 Rgne de Salomon. Dieu luiapparot. Don de la sagesse . . 345 Jugement de Salomon.Sagesse inspire. A*pparition cleste . 249 l,e temple de Salomou.Saddicace.L'Arckey eat transporte. Nue miraculeuse. Le feu du Ciel.Nouvelle rvlation. La reine de Saba 253 Infidlit de Salomon. Paroles de l'Ange et paroles du prophte contre le roi et contre son royaume ^ 259 Sparation des dix tribus.Roboam, roi de Juda, Jroboam, roi d'Isral 263 L'Autel de Jroboam.L'homme de Dieu. Le prophte menteur 266 Prophtie d'Ahias.Punition et mort de Jroboam 276 Rgne d'Asa. Son zle. L'Ange du Seigneur lui donne la victoire. II a recours au Toi de Syrie contre Baasa, roi d'Isral. Il eu est repris par le prophte Hanani. Sa mort. 279 lie- Prophtie de trois ans de scheresse. Les corbeaux aux ordres des Anges. Le pain et l'huile de la veuve de Sarepta. Mort et rsurrection de son fils 282 lie et les prophtes deBaal. Le feu du ciel sur l'holocauste. La pluie miraculeuse 284 Jzabel. Retraite d'lie Yisite de l'Ange. Montagne de Dieu. Sacre d'Azal, roi de Syrie, de Jhu, roi d'Isral, et du prophte Elise 290 La vigne de Naboth. - Paroles de l'Ange lie. Paroles d'lie Achab 294 Josaphat Son alliance avec Achab. Quatre cents faux proIL

42

658

TABLE DES MATIRES.

phlcs. Prdiction de Aline. Rvlation de l'arme du Ciel. Prservation de Josaphat. Mort d'Achub 298 Combat de Dieu, ou combat des Anges. Valle de bndiction. 303 lie prophtise le chtiment de Joram et d'Ochozias 306 lie et le char de feu. Elise. I.'eau purifie. Les enfants 310 moqueurs L'eau du miracle. L'huile du miracle. L'enfant du miracle. Mort d'Elise .313 Joas. Athalie. Joada. Zacharie 317 Amasias. Ozias. Joatham. Achaz. Le prophte Isae. Les Anges de Ja vision. La Vierge Mre prophtise. Tglatphalasar. Salmanazar 321 zchias. Scnn&chrib. Isae. L'Ange exterminateur. . 327 Mission d'Isae auprs d'zchias. Le cadran d*Achaz. Can331 tique d'zchias Manass. A mon. Josias. Le grand prtre Helcias. La prophtesse Olda. Nchao. 334 Prdiction d'Isae sur Ja ruine de Jrusalem et la captivit de Babylone. Cantique de la vigne 341 Suile de prdictions, Ose. Visions de Jrmie. La verge, qui veille. Le vase bouillonnant. Les chanes au cou du prophte. Livre dict Baruch '. , 345 Suite des prophties contre Jrusalem. zchiel. Les deux 353 chemins du glaive. Miche Joachaz. Joakim. Joachin. Sdcias. Nabuchodonosor. 354

LES

ANGES DE LA CAPTIVIT DE BABYLONE.

Le peuple de Dieu aux abords des fleuves de Babyione , . . . Daniel. Ananias. Misael. Azarias . A , Suzanne > * Premier songe de Nabuchonosor , . . . Les trois jeunes Hbreux dans la fournaise. Nouveau songe de Nabuchonosor Prophties de la prise de Babylone et de la dlivrance des captifs de Juda et d'Isral Festin de Balthazar. L'Ange exterminateur. Cyrus ditdeCyrus. Inspiration Daniel dans la fosse aux lions

359 361 363 366 372 375 381 386 391 393

TABLE DES MATIRES.

659

LES ANGES DU LIVRE D'ESDRAS ET DE NHME.

Dnombrement des principales familles du peuple de Dieu. Ange du royaume de Perse. Archanges Mical et Gabriel. 3/7 Retour . Jrusalem. Dieu avec son peuple. Autel et Sacrifices. Reconstruction du Temple. Obstacles. Achvement. Ddicace. . dit d'Ariaxerxs-Longuemain. Mission d'Esdras. Nouveau dnombrement. Second dpart pour Jrusalem. Expiation des pchs et des autres abus Gloire du nouveau temple de Dieu. Agge Nhmie. Les murs de Jrusalem. Assistance des Anges. dification spirituelle Lecture publique et explication de la loi. Fte des Tabernacles Expiation. Rcnouvellementderallianco avec serment Le feu sacr dcouvert et rallum dans l'eau. Le Tabernacle et l'Arche cachs par Jremie

45

400 412 414

4H 42n

LES ANGES DU LIVRE DE TOBIE. Page LES ANGES DU LIVRE DE JUDITH. Page LES ANGES DU LIVRE D'ESTHER. Page 473 457 420

LES ANGES DU LIVRE DE JOB. Page LES ANGES DU LIVRE DES PSAUMES. Page 42. . . . 490 481

660

TABLE DES MATIRES.

LES ANGES DU LIVRE DES PROVERBES. Page. 501

LES ANGES DU LIVRE DE L'ECCLSlASTE. age 503

LES ANGES DU CANTIQUE DES CANTIQUES. Page 505

LES ANGES DU LIVRE DE LA SAGESSE. Page 512

LES ANGES DU LIVRE DE L'ECCLSIASTIQUE. Page , 514

LES ANGES DU LIVRE DES PROPHTES.

Page

518

Les plaies du pch. L'eau de la grce. Salut et gloire de Sion , 5*20 Lumire du monde- Rejeton de la tige do Jess. Rgne du Juste. Gloire de l'ternel. Vanit de la Science. Force des amis de Dieu 522 Le Dieu de la paix. L'homme de douleur. La Rdemption. 526 Gloire de l'Eglise et victoire du Christ . 529 L'oubli de Dieu. La fausse conscience. Misricordes et m e naces divines. Vaine prosprit des impies. Parabole de la cointuie de lin. Le rgne du Messie Lamentations Baruch zchiel Visions d'zchiel Visions de Daniel. L'Ancien des jours, Les millions d'Anges. . . . " 534 539 540 542 543

TABLE DES MATIRES.


-La perscution. Le Fils de l'Homme. Le Jugement. Le triomphe des Saints L'Archange Gabriel. Les soixante-dix semaines avant Tavnement du Messie Miche, Nahum, Malachie

661

554 " 556

Visions des douze prophtes Ose, Jol, Anios, Abdias, Jouas, Habacuc, Sophonie, A g g e , Zacharie et 558

LES ANGES DU LIVRE DES MACHABES-

Perscutions d'Antiochus-Epiphanes. Mathathias et ses fils . . Apparition des Anges dans les airs. Hiiodore. Les Anges flagellateura Suite des perscutions d'Antiochus-pipbaues. Elazar. La mre des Machabes et ses sept
f

567 570

fils

573 580 584 586

Judas Machabe. L e secours de Dieu. Apollonius. Sron. Nicanor. Gorgias. Lysias. Mort d Anliochus Purification et restauration du Temple de Jrusalem Hrosme d'lazar. La paix Suite des victoires des Machabes. Apparition et assistance des Anges. fntrusion d'Alcime. Vision de Judas. L'pe donne de Dieu 587 Glorieuse mort de Judas Machabe 592 Gloire de Jonathas. Meurtre de Jean Gaddis. I l est veng. Al cime frapp de Dieu. Nouveaux exploits des Machabes. Paix d'Isral Gloire de Simon. Sa mort 593 595

LES ANGES DE L'VANGILE.

Jean-Baptiste annonc par l'Ange L'Annonciation La Visitation Le Verbe de Dieu Naissance de Jsus-Christ Les bergers la crche La Circoncision . . . .

599 601 602 605 606 606 610

662
Adoration dea Mages

TABLE D E S MATIRES.
610

La purification 612 Fuite en Egypte. Massacre des Innocents. Retour Nazareth 614 Le baptme de Jsus-Christ. Rvlation de la Sainte-Trinit. 616 Les Anges auprs du Fils de l'Homme La Transfiguration Les petits enfants et leurs Anges Jsus-Christ au jardin des Olives. L'Ange du Ciel 617 619 620 6$

Lgions d'Anges, tmoins invisibles de la Passion. Psaume du Calvaire * . - . 623 Les Anges de la Rsurrection 6-17 Les disciples d'Emmaus 629 Les Anges de l'Ascension 631

LES

ANGES DES LIVRES DES APOTRES.

Le martyre de saint Etienne

633

L'eunuque de la reine d'Ethiopie


Conversion de saint Paul Vision de Corneille et de saint Pierre L'Ange de saint Pierre-s-Liens Hrode-Agrippa frapp par l'Ange du Seigneur.

635
636 638 641 643

LES ANGES DE ET LES ANGES

L'APOCALYPSE DERNIER.

DU JUGEMENT

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