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PDF of Introduction A L Analyse Des Textes Classiques Cinquieme Edition 5Th Edition Georges Forestier Full Chapter Ebook

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Introduction à l analyse des textes

classiques Cinquième édition 5th


Edition Georges Forestier
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Iconographie de couverture : © Fotolia

© Armand Colin, 2017


L’ouvrage est paru initialement en collection 128 en 1993.

Armand Colin est une marque de


Dunod Éditeur, 11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff.

Internet : www.armand-colin.com

ISBN : 978-2-200-61878-0
Du même auteur
Principaux ouvrages :
e
• Le Théâtre dans le théâtre sur la scène française du xvii siècle
(Droz, 1981 ; rééd. 1996) ;
• Esthétique de l’identité dans le théâtre français (1550-1680) : le
déguisement et ses avatars (Droz, 1988) ;
• Essai de génétique théâtrale : Corneille à l’œuvre (Klincksieck,
1996 ; rééd. Droz, 2004),
• Passions tragiques et règles classiques. Essai sur la tragédie
française (PUF, 2003 ; rééd. sous le titre La Tragédie française,
Armand Colin 2010) ;
• Jean Racine (Gallimard, 2006, nrf/Biographies).
Principales éditions :
Pour la Bibliothèque de la Pléiade (éd. Gallimard), nouvelles éditions
de Racine (Théâtre et Poésies, 1 vol., 1999) et Molière (Œuvres
complètes, 2 vol., 2010).
À paraître : Molière (Gallimard, nrf/Biographies).
Sommaire
Couverture

Page de titre

Page de Copyright

Du même auteur

Introduction

1 Écrire à l’époque classique

1. « Classique » : ambiguïté d’une notion

2. Fondements de la poétique classique

3. De l’esthétique à la rhétorique

4. Classicisme et baroque

2 Le champ de la rhétorique

1. Une conception de la parole persuasive

2. Une conception de l’adaptation à l’objet du discours

3. Une conception de la composition du discours

4. Une conception de l’argumentation

4.1 Les arguments d’ordre affectif


4.2 Les arguments d’ordre rationnel

5. Une conception de l’organisation du discours

6. Une conception de l’écriture du discours

6.1 Le champ d’application de l’élocution

6.2 Les figures

7. Rhétorique du discours littéraire : l’exemple des stances


du Cid

3 Rhétorique et littérature

1. Rhétorique et genres littéraires

2. Genres de discours et genres littéraires

2.1 Le judiciaire et Le Cid de Corneille

2.2 Le délibératif et Cinna de Corneille

2.3 Le démonstratif et la poésie amoureuse

3. Genres de discours et partie de l’œuvre

3.1 Le genre démonstratif à l’œuvre dans Le Cid de Corneille

3.2 Le genre délibératif à l’œuvre dans Cinna de Corneille

3.3 Le genre judiciaire à l’œuvre dans Iphigénie de Racine

4 De la poétique classique à la poétique moderne

1. Qu’est-ce que la poétique ?

1.1 Histoire d’un mot


1.2 De la rhétorique à la poétique

1.3 Poétique et art poétique

1.4 Les arts poétiques et la prosodie

2. Prosodies particulières

2.1 Prosodie de l’épigramme

2.2 Prosodie du sonnet

2.3 Prosodie du théâtre classique : la question des stances

3. La poétique théâtrale (ou dramaturgie)

3.1 Structure interne

3.2 Structure externe (plan de la représentation)

4. La poétique moderne

4.1 Les structures du conte

4.2 L’élargissement à tous les systèmes de narration

4.3 Retour au théâtre

5. La poétique moderne au service de la dramaturgie classique

5.1 Le modèle génétique de la comédie

5.2 Le modèle génétique de la tragédie

5.3 Conséquences « psychologiques »

5 Rhétorique et stylistique

1. De la rhétorique à la stylistique
2. Approche stylistique d’un texte ancien

3. L’importance de la métaphore

4. L’apport de la stylistique du XXe siècle :


champs sémantiques et isotopies

6 Deux propositions d’études

1. Première proposition d’étude

Cinna, acte I, scène 1 entière (v. 1 à 52), monologue d’Emilie.

1.1 Caractéristiques poétiques et dramaturgiques

1.2 Transition : du poétique au rhétorique

1.3 Plan rhétorique

1.4 Conclusion

2. Deuxième proposition d’étude

La Roque, « Je suis le triste oiseau de la nuit solitaire »


(Anthologie de la poésie française du XVIIe siècle, p. 46).

2.1 Présentation du sujet du poème

2.2 Caractéristiques prosodiques

2.3 Caractéristiques rhétoriques (inventio et dispositio)

2.4 Le sens de la construction du texte

2.5 Analyse stylistique

7 Bibliographie
I. Ouvrages de synthèse consacrés à la théorie littéraire
générale

II. Dictionnaires

III. Ouvrages d’initiation

IV. Travaux de référence

V. La poétique moderne

VI. Prolongements, renouvellements et élargissements


Introduction
Les plus célèbres textes de ce qu’on appelle aujourd’hui « la
première modernité » (XVIe-XVIIIe siècles) nous semblent encore
immédiatement accessibles. Si l’excès de richesse de la langue de
Ronsard rend quelquefois sa poésie difficile, il semble qu’on n’ait
guère plus souvent recours au dictionnaire pour lire une comédie de
Molière, une tragédie de Racine, une fable de La Fontaine ou La
Princesse de Clèves de Mme de Lafayette, que pour aborder Balzac,
Baudelaire, Proust, Le Clezio ou Houellebecq. Tout au plus, quelques
vocables vieillis ou dont le sens a évolué, quelques vers dont le sens
est rendu un peu plus difficile par les inversions de mots dues à la
versification… Tout au plus, quelques passages qui font référence à
un univers culturel aujourd’hui disparu et qui nécessitent quelques
éclaircissements ponctuels. Si peu de choses en apparence… Aussi
Molière est-il toujours le dramaturge français le plus souvent monté
sur nos théâtres et le plus étudié dans l’enseignement secondaire,
Mme de Lafayette continue-t-elle à être l’une des romancières si ce
n’est les plus lues, du moins les plus souvent citées, et les poètes de
la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle suscitent-ils l’enthousiasme de
ceux qui les découvrent.
Que ces œuvres nous semblent encore accessibles n’empêche pas
qu’elles présentent des différences radicales avec celles que les
lecteurs d’aujourd’hui fréquentent le plus assidument, c’est-à-dire
des œuvres des XXe et XXIe siècles. Et c’est sans doute la perception
de plus en plus aiguë de ces différences qui permet de comprendre
pourquoi depuis quelques décennies les ouvrages et les manuels
consacrés à l’histoire de la littérature française ont progressivement
abandonné leur perspective traditionnelle : ils ont cessé de se
contenter de louer et d’admirer les œuvres du passé pour entrer
dans l’ère de l’explication. L’idée des historiens modernes de la
littérature est de faire comprendre la source de ces différences :
resituer les œuvres dans leur contexte historique, social, politique et
idéologique, révéler l’héritage littéraire dont elles se nourrissent, sur
le plan des thèmes, des images, des structures, des genres,
souligner les interactions qui s’opèrent entre toutes les composantes
du champ littéraire d’une époque donnée, dresser l’état des grands
courants esthétiques dans lesquelles elles s’inscrivent. Si, comme
nous le disions en commençant, il n’est pas nécessaire de connaître
tout cela pour « entendre la voix » de Ronsard, de La Fontaine, de
Corneille ou de Racine, et pour prendre du plaisir à les lire, il est
certain qu’on les entend mieux lorsque l’on sait « d’où » ils parlaient,
à qui il s’adressaient, à quel matériau préexistant ils imprimaient leur
marque, etc.
Il est clair que depuis la fin du XXe siècle le rapport que nous
entretenons avec les textes a tellement changé que se contenter
d’expliquer les conditions d’apparition des œuvres du passé ne suffit
plus. De la même manière qu’il ne suffit plus aujourd’hui d’offrir les
textes du passé au commentaire littéraire et à l’« explication de
texte » – à quoi bon obliger les lecteurs à produire du sens en
interprétant les textes, puisque la lecture est en elle-même une
production de sens, et en quoi être ainsi conduit à sur-interpréter les
textes offrirait-il une garantie de plaisir dans la lecture ? Dans une
société qui, comme la nôtre, a cessé de sacraliser les textes, et plus
particulièrement les textes littéraires français, ces deux approches –
l’histoire et l’herméneutique – ne suffisent plus à expliquer pourquoi
lire des textes pourrait apporter un plaisir au moins égal à celui de
visionner des séries télévisées.
Le présent livre propose donc un objet d’étude et une démarche
radicalement différents de ce que proposent aussi bien les ouvrages
consacrés à l’histoire de la littérature que les essais qui tentent de
comprendre (ou « d’actualiser ») les œuvres en offrant des
« lectures », c’est-à-dire des séries d’interprétations. Il ne cherche ni
à expliquer pour éclairer le sens premier ni à actualiser en
produisant un nouveau sens. Il ne prétend pas non plus donner la
« vérité » sur les œuvres du XVIIe siècle. Il cherche à démonter le
fonctionnement des œuvres.
Son objet d’étude est constitué par les techniques, les règles et les
codes qui étaient à la base de l’art d’écrire de l’antiquité au
e
XVIII siècle. L’enseignement secondaire nous apprend qu’une tragédie
dite classique (Corneille, Racine, leurs contemporains et leurs
imitateurs, Voltaire inclus) est construite selon des règles qui
régissent la conception de l’action, du temps et de l’espace, les
fameuses règles dites des « unités » (d’action, de temps et de lieu).
Mais ces règles sont seulement les plus fameuses – parce que les
plus visibles – d’un ensemble de règles d’écriture qui valaient pour la
poésie lyrique, l’épopée, l’oraison funèbre, le discours moral, comme
pour le théâtre et qui sont même parvenues à contaminer au
e
XVII siècle un genre aussi « libre » que le roman.

Que ces règles aient été méconnues jusqu’à une époque


relativement récente, on le doit à la révolution romantique qui a
manifesté bruyamment sa rupture avec les critères esthétiques qui
présidaient à la création littéraire de l’époque classique. Au nom de
l’absolue liberté du « génie », et en invoquant de nouveaux critères
– la sincérité et la spontanéité –, les romantiques ont fait table rase
des règles d’écriture classiques, jugées étouffantes, stérilisantes et
artificielles – ce qu’elles étaient effectivement devenues à la fin du
e e
XVIII siècle et au début du XIX siècle. L’art littéraire était désormais
conçu non plus comme un art, au sens originel du terme, c’est-à-dire
comme une technique, mais comme la libre expression d’une pensée
et d’une psychologie individuelles, l’une et l’autre au service aussi
bien de l’épanchement du moi que de la représentation de l’homme
et du monde dans toute leur complexité. Cette révolution esthétique
a été lourde de conséquences sur le plan de la réception des œuvres
littéraires classiques, puisque les critères de spontanéité et de
sincérité ont servi en même temps à faire le départ entre les auteurs
et les œuvres des siècles précédents (Racine préféré à Corneille pour
avoir élaboré des héros plus « humains » ; Malherbe méprisé pour
cause d’excès de technique, etc.) ; révolution déterminante aussi sur
le plan de l’étude même de ces œuvres classiques : les techniques
d’écriture rejetées ont disparu de l’enseignement et l’on s’est mis à
lire et à étudier les textes classiques comme on lisait les textes du
e
XIX siècle et les textes contemporains.

Notre démarche est donc redevable au vaste mouvement qui


depuis le début du XXe siècle a entrepris de reconsidérer les questions
de langue, de langage, de parole, d’écriture et d’argumentation,
redécouvrant ensuite l’importance capitale des questions de
technique et reconnaissant l’apport essentiel du plus ancien des arts,
la rhétorique. Notre but n’est évidemment pas de faire l’histoire de
cette redécouverte, ni même de donner ne serait-ce qu’une idée des
travaux en cours dans les domaines de la langue et du discours.
Plus modestement, cette « introduction à l’analyse des textes
classiques » vise à décrire, selon une perspective pédagogique, les
lois générales qui permettent de rendre compte de la conception et
de l’écriture des textes classiques. Il s’agit de montrer que ces textes
peuvent être aujourd’hui abordés à l’aide des principes mêmes qui
ont autrefois présidé à leur élaboration et que cette perspective offre
la possibilité de dépasser la lecture devenue aujourd’hui
traditionnelle des textes, la lecture purement interprétative, pour
ouvrir à une lecture compréhensive, donc « participative ».
Or ces principes dépendaient en premier lieu de cette technique
générale du discours efficace, que les Grecs ont nommé
rhétorique. Si la littérature relève de cette technique, c’est qu’elle
veut éblouir, séduire, émouvoir, instruire ne serait-ce qu’un lecteur
ou spectateur, sans lequel elle n’a pas de sens. De telle sorte qu’un
court poème et une grande tragédie sont avant tout des discours, et,
à ce titre, impliquent de mobiliser les mêmes ressources techniques
que tout autre discours. Aussi est-ce à la rhétorique générale et à
son application directe aux œuvres classiques que nous
consacrerons la principale partie de ce livre (chap. II et III).
En même temps, comme la littérature vise moins à provoquer des
décisions qu’à susciter de l’émotion et du plaisir, elle a entraîné le
développement tout particulier de la partie de la rhétorique
consacrée à l’expression : ce développement a donné jour aux « arts
poétiques » et aux « traités de figures ». De même, dans la mesure
où une part importante des textes littéraires relèvent de l’art de
l’imitation, donc d’une activité mimétique, la rhétorique a été
conduite à se prolonger en une technique du discours efficace fictif,
qui permet de susciter une action fictive et de mettre en relation les
divers discours dont est constituée cette œuvre de fiction ; ce qu’on
appelait à l’époque classique « la poétique ». Ces deux
prolongements de la rhétorique sont aujourd’hui regroupés sous un
vocable unique – la poétique –, à quoi nous consacrerons le
chapitre IV.
Enfin, quoiqu’elle soit centrée sur les techniques d’écriture de l’âge
classique, cette présentation s’attachera aussi aux liens qui
rapprochent la rhétorique et la poétique classiques des techniques
modernes d’analyse des objets littéraires qui en sont les héritières
(la poétique moderne et la stylistique).
Pour rendre nos exemples plus parlants et plus convaincants, nous
les avons précisément choisis dans les textes qui sont en apparence
les plus éloignés de la tradition de l’éloquence : point de plaidoyer,
panégyrique, sermon, oraison funèbre ; mais trois pièces de théâtre
et un certain nombre de poèmes lyriques. Pour rendre tous nos
renvois aux textes plus immédiatement lisibles, et afin que les
lecteurs puissent prolonger nos analyses, nous avons choisi quatre
ouvrages qui sont parmi les plus souvent étudiés dans les premiers
cycles littéraires, et d’où la quasi totalité de nos exemples sont tirés :
l’Anthologie de la poésie française du XVIIe siècle (éd. de J.-P.
Chauveau, collection Poésie/Gallimard) ; Corneille : Le Cid ; Cinna ;
Racine : Iphigénie.
Chapitre 1

Écrire à l’époque classique

1. « Classique » : ambiguïté d’une notion


Le mot classique recouvre plusieurs sens différents, quoique liés les
uns aux autres. À cause du sens originel du mot (ce qui doit être
étudié dans les classes), les expressions « auteur classique » ou
« théâtre classique » ont commencé par s’appliquer aux auteurs et
aux œuvres de l’antiquité qui étaient seuls étudiés dans les classes
aux XVIe et XVIIe siècles ; et par extension, à compter du XVIIIe siècle,
aux œuvres qui ont été jugées dignes d’être mises sur le même pied
que les chefs-d’œuvre de l’Antiquité, donc dignes d’être étudiées et
reproduites à leur tour. Car les hommes du XVIIIe siècle ont estimé
que les meilleures productions littéraires du siècle précédent étaient
dignes d’être comparées aux chefs-d’œuvre de l’Athènes ou de la
Rome antiques, non seulement par leurs sujets, mais par leur valeur
esthétique, pédagogique, morale et humaine.
De ce fait, la notion de littérature classique a été forgée aux XVIIIe
et XIXe siècles pour désigner l’ensemble des œuvres littéraires du
« siècle de Louis XIV » (1638-1715) – en gros de Corneille à La
Bruyère –, et l’on a même fini par parler de « génération classique »
(1660-1680), pour rassembler un ensemble de créateurs (La
Fontaine, Molière, Mme de Lafayette, Racine, Boileau), auxquels on
a prêté la volonté de se laisser guider par les mêmes principes : une
littérature soumise à des règles, reposant sur la primauté du goût et
tendant à l’universel humain. Un classicisme d’école en d’autres
termes qui, en étant ainsi proposé comme objet d’admiration et
comme modèle, s’est perpétué durant plus de deux siècles (ainsi le
modèle « classique » de la tragédie française a survécu, malgré
l’invention du drame, jusqu’au cœur du XIXe siècle)
Cette conception à la fois impressionniste et impérialiste – les
contemporains eux-mêmes considéraient que la littérature française
du « siècle de Louis XIV » était même arrivée à dépasser les
littératures grecque du « siècle de Périclès » et latine du « siècle
d’Auguste » – s’est récemment transformée, perdant ses
connotations universalistes et perfectionnistes et acquérant des
bases esthétiques.
Grâce à la transposition aux domaines de la littérature et du
théâtre d’un concept issu des arts plastiques et de l’architecture, le
baroque, la « littérature classique » a été opposée par la critique du
e
XX siècle à la « littérature baroque », désignant par là les œuvres qui
dès 1630, et de plus en plus nombreuses après 1640, mirent en
avant les idées fondamentales d’« imitation des anciens »,
« imitation de la nature », et de vraisemblance, et recherchèrent la
régularité, la concentration, l’équilibre, l’épuration des événements,
la vraisemblance psychologique, etc., rejetant progressivement à la
périphérie de la norme culturelle dominante (ou les laissant à des
genres non codifiés comme le théâtre à machines, puis l’opéra) la
profusion, le faste, le spectaculaire et la théâtralité, la diversité, le
mouvement extérieur, les effets de surprise et d’éblouissement. C’est
à ce titre qu’on parle souvent des versants baroque et classique de
Corneille, ou d’un Corneille baroque (Clitandre, Médée, L’Illusion
comique, et même Le Cid) acceptant à partir d’Horace l’essentiel des
principes classiques.
Dans l’usage le plus répandu aujourd’hui en France, l’expression a
subi un double phénomène d’extension et de réduction (extension
sur le plan chronologique, et réduction sur le plan des
caractéristiques esthétiques), et réfère à l’ensemble de la littérature
française du XVIIe siècle, jusqu’à la mort de Louis XIV (1715) ; selon
cette acception large, la littérature classique est encadrée d’un côté
par la littérature de la Renaissance, de l’autre par la littérature des
« Lumières ».

2. Fondements de la poétique classique


Le cœur de ce qu’on appelle aujourd’hui l’esthétique classique est
constitué par une poétique. La poétique classique consiste en un
ensemble de codes et de règles – issus du modèle antique et du
modèle italien du XVIe siècle –, qui ont été élaborés en France à partir
de 1620 par divers théoriciens (dont le plus éminent s’appelait Jean
Chapelain), et qui ont été progressivement adoptés par un nombre
toujours plus important de créateurs. Ainsi, le plus grand auteur de
la première moitié du XVIIe siècle, Corneille, qui avait manifesté son
indifférence envers ces règles au tout début de sa carrière, a lui-
même progressivement mis en œuvre ces principes, avant de
sembler les accepter totalement à partir d’Horace (1640), résistant
seulement à la volonté des théoriciens de tout soumettre
étroitement au grand principe de la vraisemblance (nous reviendrons
sur cette question).
Dans la deuxième moitié du siècle, cet ensemble de principes fut
si bien assimilé qu’aucun des écrivains de cette période ne chercha
plus à en discuter les fondements. Si Racine a pu aller jusqu’à
affecter de mépriser les règles – affirmant que la grande règle est de
« plaire » –, c’est que ces règles avaient été si bien intégrées dans
son travail créateur qu’elles lui semblaient naturelles. Même Molière,
venu à l’écriture dramatique par la pratique du théâtre et dont le
cœur du public (l’aristocratie et la haute bourgeoisie mondaines)
méprisait toute forme de précepte savant, a pu donner l’impression
qu’il en était venu à conformer ses grandes pièces en cinq actes à
cet ensemble de principes.

Ce que préconisaient les théoriciens français « classiques » du


XVII siècle (à la suite des théoriciens italiens du XVI siècle), c’est que
e e
l’art doit être conçu comme une imitation de la nature. À première
vue, c’est une évidence : y a-t-il un art (jusqu’à l’art moderne du
e
XX siècle, du moins) qui ne se voudrait pas une imitation de la
nature ? Mais il faut en fait s’entendre sur le sens du mot « nature ».
Quelle nature s’agit-il, pour les classiques, d’imiter ?
– non point le particulier, ni le monstrueux, car reproduire ce qui
semble singulier, ce n’est pas faire de l’art mais faire de
l’« enregistrement » (ce que voudront précisément faire les arts
réaliste et naturaliste du XIXe siècle / ce que faisait déjà à sa manière
l’esthétique dominante à la fin du XVIe siècle et au début du
e
XVII siècle, qu’on appelle aujourd’hui l’esthétique baroque).

– faire de l’art, c’est reproduire la nature au travers du critère de


la raison : c’est saisir ce qui dans la nature est permanent,
achevé, universel.
De là l’importance capitale de deux notions qui sont à la base de
l’esthétique classique : 1) la vraisemblance et 2) la bienséance.
1) L’œuvre d’art ne doit retenir que ce qui, dans les faits de
nature, est vraisemblable : c’est-à-dire, ce qui est conforme à ce
qu’on peut attendre (d’après l’expérience, l’observation quasi
statistique) du comportement habituel des hommes, du retour
habituel des faits. Ainsi l’œuvre d’art doit s’abstenir de reproduire
des faits particuliers, même s’ils sont historiques (donc vrais).
Certains théoriciens de la deuxième moitié du XVIIe siècle ont résumé
cette idée en quelques formules fortes : « le vrai peut quelquefois
n’être pas vraisemblable » (Boileau) ; « la vérité est presque
toujours défectueuse » (Rapin).
C’est pourquoi, par exemple, Le Cid de Corneille, quoique
partiellement soumis aux règles classiques (concentration en 24 h,
notamment) a été condamné par les théoriciens en 1637 pour
l’invraisemblance de son sujet : même si les historiens espagnols ont
écrit que Chimène a épousé Rodrigue, le sujet du Cid a été jugé
invraisemblable, car il est contraire au comportement habituel des
hommes qu’une fille épouse le meurtrier de son père ; le sujet du
Cid est donc à la fois vrai et invraisemblable. En le choisissant,
Corneille a donc préféré le « singulier » à l’universel pour surprendre
le spectateur (et il a été violemment critiqué pour avoir fait ce
choix).
2) L’œuvre d’art ne doit retenir aussi que ce qui est bienséant,
c’est-à-dire ce qui est conforme à la logique interne des choses.
Introduire un vieil homme dans une histoire sérieuse, c’est lui prêter
de bout en bout un comportement conforme à ce qu’on attend d’un
vieillard selon la typologie des caractères issue de la tradition
rhétorique : retenue, sagesse, avarice éventuellement ; en aucun
cas on ne lui prêtera de l’amour, puisqu’il s’agit d’une passion
réservée à la jeunesse (à moins de faire expressément d’un vieillard
le personnage ridicule d’une comédie). De même pour un roi, qu’on
s’abstiendra de faire descendre de sa dignité royale pour lui prêter
des soucis quotidiens, ou lui faire accomplir des actions triviales. De
même encore pour une jeune fille qu’on évitera de montrer
entreprenante ; etc. Cela peut paraître une vue réductrice des
choses, mais le caractère « normal » (ou si l’on préfère, « naturel »)
des jeunes gens, des jeunes filles, des vieillards, etc, était codifié
depuis l’antiquité dans le cadre des traités de rhétoriques qui
cherchaient à élaborer une typologie des comportements
vraisemblables.
Ainsi, pour en rester au Cid, déjà condamné pour
l’invraisemblance de son sujet, les attaques ont porté sur son
entorse à la bienséance du caractère de Chimène : Chimène ayant
été introduite dans la pièce comme une jeune fille « bien née » et
soumise à son père, la faire agir ensuite comme Corneille l’a fait,
c’est-à-dire en lui faisant poursuivre le châtiment de Rodrigue tout
en la poussant à lui avouer qu’elle ne peut cesser de l’aimer, et en lui
faisant même souhaiter de ne pouvoir obtenir sa mort, ne pouvait
qu’être considéré comme une rupture dans la bienséance de son
caractère. On comprend donc l’accusation, portée contre elles par
certains critiques en 1637, d’être une fille « dénaturée » : une fille
dé-naturée, autrement dit un personnage qui imite mal la nature.
On saisit donc que l’esthétique classique est une esthétique
fondée sur l’attention au public et le respect du public. En
schématisant, on peut dire que l’esthétique qui prévalait durant le
premier tiers du XVIIe siècle, l’esthétique dite « baroque », était une
esthétique de l’éblouissement qui violente volontiers le public –
parce que cette esthétique était plus centrée sur l’acte de création
autonome, singulier (et indifférent au goût prêté au public,
l’essentiel étant de le surprendre et de lui faire admirer le talent du
créateur), que sur l’attention à la réception de l’œuvre d’art.
L’esthétique classique s’attache au contraire avant tout à sa propre
réception. D’ailleurs l’un des dogmes classiques les plus souvent
affirmés était : instruire et plaire.
Or l’on n’« instruit » bien qu’en choisissant de reproduire le
général, l’acceptable, le cohérent ; en somme ce qui est
immédiatement reconnaissable. Et l’on « plaît » bien lorsqu’on évite
le monstrueux, le choquant, l’immoral, etc., et lorsqu’on cherche à
offrir au public ce qui est délicat, fin, bien construit et gracieux.
En conclusion, l’art classique est un art qui se veut naturaliste, ou
même réaliste, mais son réalisme est un réalisme médiatisé par la
raison. Cela signifie-t-il qu’il récuse l’extraordinaire ? oui, si
l’extraordinaire est laissé à l’état brut, ou s’il est pris en tant
qu’extraordinaire. Non, si l’extraordinaire est adapté au goût que l’on
prête au public et filtré par le vraisemblable.

3. De l’esthétique à la rhétorique
Retenons deux aspects essentiels du classicisme.
1) Comme nous venons encore de le rappeler, le réalisme prôné
par les classiques est un réalisme médiatisé par la raison. Ce qui est
en jeu, c’est transmettre au lecteur, à l’auditeur, au public, un type
d’« imitation » qu’il puisse raisonnablement accepter. Le but n’est
pas de surprendre, mais d’emporter l’adhésion.
Cette idée explique le rôle essentiel de la vraisemblance dans
l’esthétique classique : seul ce qui est vraisemblable est susceptible
d’avoir l’acquiescement spontané du public ; il faut que le public soit
convaincu.
Cette idée d’adhésion, de conviction est essentielle au XVIIe siècle,
et ne s’explique pas par des questions purement esthétiques. Ce qui
la sous-tend, c’est tout le système de pensée de l’époque. Or,
comme toujours, le système de pensée d’une époque est
conditionné par la manière dont on apprend à parler (en dehors de
la parole familière, évidemment). Et la parole élaborée, intellectuelle,
scientifique, de l’antiquité au XVIIe siècle, repose sur un ensemble
d’éléments techniques constitués en art : la rhétorique.
La rhétorique, c’est un art de la parole persuasive issu des
pratiques judiciaires et politiques de l’antiquité grecque. C’est donc
une technique qui envisage toujours le but de la parole comme une
entreprise de conviction. Qu’il s’agisse de plaider une cause, de
conseiller un auditoire, ou d’instruire une salle (les trois fonctions du
discours persuasif, sur lesquelles nous reviendrons), c’est toujours
d’emporter l’adhésion du destinataire de la parole qu’il s’agit.
On comprend tout ce que doivent les principes classiques rappelés
plus haut à l’art de la parole qui sous-tend la production littéraire.
2) On a vu que l’art classique ne récusait pas l’extraordinaire, si
cet extraordinaire était adapté au goût du public : on mesure le
risque d’affadissement et de conformisme qu’engage cette idée. Tout
rendre vraisemblable et acceptable peut conduire à tout rendre
banal.
Si les grands auteurs classiques ne sont pas tombés dans ce
travers, c’est que la tradition critique réclamait parallèlement que
l’écrivain cherchât à emporter l’adhésion du lecteur ou du spectateur
en le tirant vers le haut : les meilleurs écrivains ont ainsi voulu
provoquer son admiration en lui donnant à voir ou à lire quelque
chose qui le dépasse ; quelque chose que le lecteur ou le spectateur
ne comprend pas sur l’instant, et dont il peut reconstituer qu’après
coup la cohérence. D’où le recours au merveilleux – comme au
dénouement de l’Iphigénie de Racine – ou au sublime. Si le théâtre
tragique de Corneille dans son entier a été qualifié de « sublime »,
c’est que le principe esthétique clé de son esthétique dramatique a
constamment été de susciter l’admiration étonnée du spectateur au
moment où il ne s’y attend pas.
Ainsi au dénouement de Cinna, Auguste gracie les conjurés quand
tout laissait attendre qu’il allait les condamner : au moment où il
touche le fond du désespoir et de l’écœurement en découvrant que
non seulement Cinna, non seulement Emilie (qu’il chérissait comme
sa fille) complotaient contre sa vie, mais que Maxime lui-même qu’il
croyait mort de remords avait, en fait, trahi tout le monde. Tout
autre être humain au monde aurait envoyé les trois conjurés à
l’échaffaud : Auguste, au contraire, tente un suprême effort sur soi
qui lui permet de se hisser au-dessus de l’humanité moyenne et de
devenir un héros au plein sens du terme ; effort inouï – et presque
(mais seulement presque) invraisemblable – qui suscite l’admiration
des peuples, des siècles à venir… et du public.
Or cette notion de sublime tire elle aussi son origine de la
rhétorique. L’un des plus célèbres traités de l’histoire de la
rhétorique est d’ailleurs entièrement consacré à cette notion (Traité
du sublime, daté du Ier siècle après J.-C. et attribué, faute de
connaître son véritable auteur, à un certain Longin). Le genre
sublime – qui transcende les trois styles de la parole rhétorique
(élevé, moyen, simple), sur lesquels nous reviendrons – est
précisément la forme d’expression qui doit éblouir l’auditeur du
discours. C’est l’équivalent dans le discours à l’effet produit par le
recours au merveilleux dans les actions. Que la notion soit passée du
domaine de la parole et du style au domaine de l’esthétique
s’explique là encore par le rôle essentiel tenu par la tradition
rhétorique à l’âge classique.
Par ailleurs, au XVIIe siècle, le concept de littérature n’existe pas
encore au sens moderne, qui est aujourd’hui réduit aux arts de la
fiction (roman, théâtre) et du lyrisme (poésie). Au XVIIe siècle, la
littérature (en latin res litteraria = la « chose littéraire ») englobe
tous les types de discours travaillés : poésie, théâtre, roman, mais
aussi histoire, physique, plaidoyers, sermons… Il y a une différence
entre ce qu’on appelait alors la poésie (qui recouvre ce qu’on appelle
aujourd’hui littérature : lyrisme, théâtre, épopée, roman) et le reste
de la prose, mais ce n’est pas une différence de nature.
Si, en effet, le champ de la poésie est celui du possible alors que
le champ de l’histoire est celui de l’avéré, quel est le statut du genre
de l’éloge qui participe de l’avéré et du possible ? Quel est même le
statut de la grande tragédie cornélienne, qui se veut une tragédie
historique, donc participant elle aussi à la fois de l’avéré (par son
sujet historique) et du possible (par son caractère de fiction) ? Ce
n’est donc pas une différence de nature. La différence est que, s’il
s’agit, à la base, d’un discours dans tous les cas, les différents
genres entrant dans le domaine de la « poésie » présentent un type
de discours plus travaillé et plus orné, du fait d’une élaboration plus
approfondie du matériau textuel : notamment versification (épopée,
théâtre, lyrisme) et recours plus systématique aux figures
ornementales du discours (au premier rang desquelles images et
métaphores).
Pas de différence de nature, donc.
C’est que, depuis l’Antiquité, toute parole destinée à convaincre,
séduire ou émouvoir, instruire un public est, nous l’avons dit,
codifiée par un « art », une technique, reposant sur des règles,
faisant l’objet d’un enseignement, visant à l’universalité de la parole
et de la pensée : cet art est la rhétorique. À la base de la poésie
comme de l’histoire, il y a le même art du discours.
C’est aussi que, dans les meilleurs lieux d’éducation destinés aux
hommes (en particulier dans les collèges jésuites), la plus
importante et la plus glorieuse des matières enseignées – plus que la
grammaire, plus que la logique/dialectique – est la rhétorique. Aucun
homme instruit ne lui est étranger.

4. Classicisme et baroque
L’omniprésence de la rhétorique aux XVIe et XVIIe siècles explique que
l’esthétique littéraire classique lui doive tant. Mais cela ne signifie
pas que les écrivains que l’on qualifie aujourd’hui de « baroques »
ignoraient la rhétorique, bien au contraire. Ce sont d’ailleurs
quelquefois les mêmes écrivains qui ont adopté concurremment ou
tour à tour les principes baroques et les principes classiques. Aussi
les baroques utilisent-ils eux aussi la rhétorique à tous les moments
de leur pratique artistique – sauf dans leur conception de l’art.
La différence entre « baroques » et « classiques » n’est donc pas
dans la présence ou l’absence de la rhétorique. Elle réside dans deux
points essentiels : d’une part, les uns et les autres l’utilisent
différemment (par exemple, sur le plan des effets produits par les
« figures de rhétorique », les baroques privilégient l’hyperbole, les
classiques la litote) ; d’autre part, les baroques n’ont pas de théorie
esthétique organisée ; c’est même le seul point par lequel on peut
les réunir : au nom de la liberté, ils récusent toute règle, ignorant en
particulier les principes de vraisemblance et de bienséance.
En somme, tandis que la théorie littéraire classique (la
« poétique » classique) est pénétrée par la rhétorique, la poétique
baroque ignore la rhétorique – sans doute parce que la poétique
baroque n’est pas une poétique organisée, mais un ensemble de
refus au nom d’une exigence de liberté totale dans l’inspiration. Mais
nous disons bien la « poétique » baroque ; en aucun cas l’écriture
baroque, ni, par conséquent, la poésie baroque.
Chapitre 2

Le champ de la rhétorique
La rhétorique englobe tous les niveaux de l’art de la parole, à
l’exclusion de la lettre, de la syllabe et du mot (domaine de la
grammaire), ainsi que du raisonnement spéculatif (domaine de la
logique et de la dialectique). Dans ce système, inventé un Grec de
Sicile au Ve siècle avant J. C. (Corax), codifié par Aristote un siècle
plus tard, et affiné par les Romains (Cicéron au Ier siècle av. J. C. et
Quintilien au Ier siècle après J. C.), on peut distinguer, par souci de
clarté, six niveaux : la rhétorique est
1) une conception de la parole persuasive
2) une conception de l’adaptation à l’objet du discours
3) une conception de la composition du discours
4) une conception de l’argumentation
5) une conception de l’organisation du discours
6) une conception de l’ornementation du discours

1. Une conception de la parole persuasive


De même, explique Aristote au début de sa Rhétorique, qu’il est des
hommes capables de soutenir un raisonnement spéculatif sans
jamais avoir étudié la dialectique, tel ou tel peut faire preuve
d’éloquence par une disposition naturelle ou même par hasard. Mais
il est possible de réfléchir sur les moyens qui permettent d’atteindre
le but de l’éloquence, qui est la persuasion dans les domaines social
et culturel. La rhétorique est le résultat de cette réflexion : « sa
fonction propre n’est pas de persuader, mais de voir les moyens de
persuader que comporte chaque sujet ». Elle constitue donc la
technique de la parole persuasive. La technique, c’est-à-dire un
ensemble de réflexions, d’enseignements et de règles destiné à
permettre à celui qui l’étudie d’être éloquent ; autrement dit, une
triple démarche, réflexive, pédagogique et normative.
N’étant pas une science de la parole (ce qu’est la grammaire),
mais une technique de la parole persuasive, la rhétorique constitue
une théorie des effets de la parole sur son destinataire. Il importe de
souligner ce point, sous peine de se méprendre sur la fonction
exacte de la rhétorique. Car si elle se révèle être un art de la
composition des discours, un art de l’argumentation, ou encore un
art de l’ornementation des discours – ce à quoi elle se réduira à
partir du XVIIIe siècle –, c’est parce qu’elle est avant tout une théorie
de la réception des discours. C’est en fonction du but à atteindre –
persuader – et des effets à produire sur le public pour l’atteindre
que s’élaborent les préceptes concernant la production des discours.
En d’autres termes, c’est parce qu’elle est d’abord une théorie de la
réception des discours qu’elle s’est constituée en théorie de la
production des discours.
Tel est donc le premier niveau de la rhétorique : une conception
globale des effets de la parole persuasive.

2. Une conception de l’adaptation à l’objet


du discours
Pour tout discours, il faut se demander de quoi il doit traiter. En
fonction du sujet, on choisira un type de discours approprié ; ce que
la rhétorique appelle un genre de discours. Selon que l’on veut
accuser/défendre, persuader/dissuader, louer/blâmer/instruire, on
aura recours à trois genres différents de discours :
– le discours judiciaire
– le discours délibératif
– le discours démonstratif (ou épidictique)
Aristote explique qu’il y a trois genres oratoires parce qu’il y a trois
sortes d’auditoires. Selon les personnes auxquelles l’on s’adresse, on
ne dit pas les mêmes choses et on n’en parle pas de la même
manière. L’auditoire du discours judiciaire est le tribunal ; celui du
discours délibératif est l’assemblée (ou le roi et son conseil dans un
régime monarchique) ; celui du discours épidictique est le public
d’un discours d’apparat (réception à l’Académie Française, par
exemple), d’une prédication religieuse, d’une oraison funèbre…
En même temps, comme l’a montré Aristote, les trois genres de
discours se distinguent aussi par le temps auquel ils font référence.
Le judiciaire fait référence au passé, puisqu’il s’agit de juger des faits
qui sont accomplis. Le délibératif fait référence au futur, puisqu’il
conseille ou dissuade de prendre des décisions. Enfin le démonstratif
(épidictique) porte à la fois sur le présent, sur le passé dont il tire
argument et sur l’avenir qu’il prédit à la faveur des arguments
présents.
Ils se distinguent aussi par le système des valeurs qui leur servent
de normes. Le système normatif du discours judiciaire est constitué
par le juste et l’injuste ; celui du délibératif par l’utile et le nuisible ;
celui de l’épidictique par le noble (ou le beau) et le vil (ou le laid).
Enfin les types d’argumentation propres à chacun de ces trois
genres de discours ne sont pas les mêmes. Nous y reviendrons (voir
ci-dessous II.4).
Retenons pour l’instant qu’une œuvre littéraire, discours composé
d’une suite de discours, peut présenter tour à tour les trois genres.
Ainsi du Cid : nous verrons que la scène 6 de l’acte I (les stances) se
rattache au genre délibératif (voir ici) ; que la scène 1 de l’acte I
(l’exposition) relève du genre démonstratif (voir ici) ; que la scène 8
de l’acte II, véritable scène de procès, relève du genre judiciaire
(voir ici).
3. Une conception de la composition
du discours
Ce troisième niveau embrasse les opérations principales qui
permettent de composer un discours : depuis l’idée ou le fait qui est
à son point de départ, jusqu’à la manière même de le transmettre
par la voix et le corps. Ce niveau présente donc un classement de
ces opérations en cinq parties :
– « l’invention » (en latin : inventio) : trouver quoi dire. Une fois
le thème du discours choisi, l’orateur ou l’écrivain cherche
tous les arguments relatifs au thème, tous les moyens de
persuader et d’émouvoir l’auditoire à propos de ce thème.
– « la disposition » (dispositio) : mettre en ordre ce qu’on a
trouvé. C’est ce qui aboutit au plan du discours.
– l’« élocution » (elocutio) : énoncer ce qui a été mis en ordre
en choisissant ses mots et en l’ornant par des figures. C’est,
en somme, le style du discours.
– l’« action » (actio et prononciatio) : utiliser les gestes, les
mimiques et la voix (les effets de voix) pour reproduire le
discours.
– la « mémoire » (memoria ; introduite dans la classification par
les latins) : se servir de sa mémoire pour restituer devant
l’auditoire le discours préalablement composé.

4. Une conception de l’argumentation


(N.B. ce niveau correspond à la première opération qui permet de
composer un discours, ce que nous avons désigné plus haut sous le
terme d’inventio : trouver quoi dire)
Une fois le genre de discours établi, l’orateur (ou l’écrivain) doit
chercher les arguments destinés à persuader son auditoire (auditeur,
spectateur ou lecteur). Ces arguments sont de deux ordres :
1) les uns concernent l’affectif : ils constituent l’appareil
émotionnel du discours, qui va agir sur la sensibilité de l’auditeur ;
2) les autres concernent le rationnel : ils constituent l’appareil
logique qui doit permettre de convaincre l’esprit de l’auditeur.

4.1 Les arguments d’ordre affectif


Ils comprennent eux-mêmes deux types d’arguments :
– ceux qui concernent les mœurs de l’orateur (l’éthos, dans la
terminologie grecque).
– ceux qui concernent les passions de l’auditeur (le pathos, dans
la terminologie grecque).
Les mœurs (éthos), c’est l’attitude que doit observer l’orateur pour
inspirer confiance à son auditoire. D’une part il doit se montrer
sensé, sincère et sympathique. D’autre part, il doit s’adapter aux
attentes de son auditoire, qui varient selon l’âge, la condition sociale,
la compétence, etc.
Les passions (pathos), c’est l’effet émotionnel que l’orateur doit
susciter chez son auditoire : émotions, passions, sentiments.
L’orateur doit donc être un expert en psychologie, c’est-à-dire
connaître à la fois la psychologie des passions (la pitié, la crainte, la
colère, etc.) et la psychologie des caractères (en fonction de l’âge et
de la condition sociale).
(Remarque : ainsi, à l’origine, la psychologie est une invention de
la rhétorique, dont elle constitue une partie essentielle. Et c’est à
cette psychologie que toute la littérature et le théâtre (de l’antiquité
au milieu du XVIIe siècle) sont redevables. Rappelons ce que nous
avons dit plus haut à propos de la notion de bienséance (voir ici).

4.2 Les arguments d’ordre rationnel


Ce sont les preuves destinées à persuader. Elles sont, elles aussi, de
deux types :
– les preuves extra-rhétoriques ou extrinsèques (preuves
naturelles, dans la terminologie de l’âge classique) : ce sont
les preuves qui existent par elles-mêmes, indépendamment
de l’orateur, antérieurement au discours ; preuves matérielles,
aveux, témoignages, etc. Le poignard est une preuve
naturelle dans un discours judiciaire ; la menace d’un ennemi
à la frontière est une preuve naturelle dans un discours
délibératif ; les exploits d’un héros sont les preuves naturelles
d’un discours épidictique.
– les preuves intra-rhétoriques ou intrinsèques (preuves
artificielles, dans la terminologie de l’âge classique) : ce sont
les preuves qui relèvent de l’argumentation, et qui fondent le
raisonnement. On les appelle les lieux (en grec topoi
[singulier : topos])
Les traités de rhétorique distinguent deux sortes de lieux :
* les lieux communs aux trois genres de discours.
* les lieux propres à chaque genre.

• 4.2.1. Les lieux communs

On distingue deux catégories de « lieux communs aux trois genres


de discours » (ou lieux communs), selon qu’ils ont un contenu (lieux
explicites) ou qu’ils sont vides de contenu (lieux formels) :
– les lieux explicites sont des arguments tout faits (maximes et
sentences, proverbes, exemples célèbres, références à une
autorité [Aristote, ou Marx, ou Jean-Luc Godard…].
Remarquons que c’est à ces lieux explicites qu’est
exclusivement réservée aujourd’hui l’expression bien connue
de « lieux communs », ce qui, on le voit, représente par
rapport à la nomenclature originelle une très forte restriction
de sens.
Ainsi, dans la plaidoirie de don Diègue (II, 8, v. 697-732), le vieil
homme qui cherche à persuader le roi que c’est lui-même le
responsable de la mort du comte et non son fils Rodrigue, utilise –
parmi d’autres lieux, sur lesquels nous revenons plus bas – un lieu
explicite (en l’occurrence une sentence) : « Quand le bras a failli,
l’on en punit la tête » (v. 722) : cette sentence, qui constitue le
couronnement de toute son argumentation, est destinée à rendre
celle-ci irréfutable.
– les lieux formels ne sont, malgré leur nom, ni des thèmes, ni
des arguments tout faits. Ce sont des types d’argument, ou,
si l’on préfère des catégories, des formes vides, dans
lesquelles on peut ranger tous les arguments. S’ils sont
« communs », c’est qu’ils conviennent à toute sorte
d’argumentation, et donc aux trois genres de discours.
Certains traités de rhétorique énumèrent jusqu’à une quarantaine
de lieux communs. En fait, on peut la ramener à sept espèces
principales (pour les subdivisions, voir le livre de A. Kibédi Varga,
Rhétorique et littérature, cité dans la bibliographie) :
– le lieu de la définition (qui inclut la description)
– le lieu de la division (le tout en ses parties, le chef en ses
subordonnés, etc.)
– le lieu du genre et de l’espèce
– le lieu de la cause et de l’effet
– le lieu de la comparaison (qui se subdivise en comparaison
d’égal à égal, du plus au moins, du moins au plus)
– le lieu des contraires
– le lieu des circonstances
Pour comprendre le sens de ces termes et leur fonctionnement, on
se reportera à notre analyse des stances de Rodrigue, citée plus
haut : on a vu que l’essentiel de l’argumentation de Rodrigue
reposait sur le lieu des contraires.
De même, la scène de procès de la fin de l’acte II (scène 8),
présente un excellent exemple de lieu de la division couplé avec le
lieu des contraires (v. 711-714 ; v. 721-724 dans l’éd. originale de
1637) :

Sire, ainsi ces cheveux blanchis sous le harnois,


Ce sang pour vous servir prodigué tant de fois,
Ce bras jadis l’effroi d’une Armée ennemie,
Descendaient au tombeau tout chargés d’infamie,
715 Si je n’eusse produit un fils digne de moi,
Digne de son pays, et digne de son Roi.
Il m’a prêté sa main, il a tué le Comte,
Il m’a rendu l’honneur, il a lavé ma honte.
Si montrer du courage et du ressentiment,
720 Si venger un soufflet mérite un châtiment,
Sur moi seul doit tomber l’éclat de la tempête :
Quand le bras a failli l’on en punit la tête,
Qu’on nomme crime, ou non, ce qui fait nos débats,
Sire, j’en suis la tête, il n’en est que le bras ;
725 Si Chimène se plaint qu’il a tué son père,
Il ne l’eût jamais fait, si je l’eusse pu faire.
Immolez donc ce chef que les ans vont ravir,
Et conservez pour vous le bras qui peut servir,
Aux dépens de mon sang satisfaites Chimène,
730 Je n’y résiste point, je consens à ma peine,
Et loin de murmurer d’un rigoureux décret,
Mourant sans déshonneur, je mourrai sans regret.

Lorsque don Diègue veut prouver que sans son fils toute sa gloire
passée aurait été effacée par la honte (lieu des contraires), il ne se
contente pas de prononcer le mot de gloire, il la divise en ses
différents constituants (cheveux blanchis sous le harnois, sang
prodigué, bras jadis l’effroi des ennemis).

• 4.2.2. Les lieux propres

Les lieux propres à chaque genre sont des unités plus vastes que les
lieux communs : plusieurs lieux communs peuvent être englobés par
un même lieu propre.
On passera vite sur les lieux propres au genre épidictique qui se
ramènent à la louange et au blâme à travers la figure de
l’amplification. Argument propre au genre épidictique à l’origine,
l’amplification peut être utilisée dans les autres genres de discours,
judiciaire comme délibératif, comme on le voit dans la plaidoirie de
Chimène (II, 8, v. 681 et suiv.) qui cherche à convaincre le roi que
l’action de Rodrigue contre le comte est un exemple qui peut mettre
en danger l’autorité royale elle-même.
Plus importants sont les lieux propres au genre judiciaire, qu’on
retrouve dans le genre délibératif :
a) l’état de la question (ou état de question) : tout fait suppose
que l’on s’interroge sur la manière même de l’envisager et de le
présenter. L’état de question peut donc revêtir trois formes. Il faut
d’abord se demander si le fait a bien été accompli : c’est l’état de
conjecture. Ensuite essayer de désigner le plus précisément possible
ce fait : c’est l’état de définition. Enfin examiner la nature même du
fait : c’est l’état de qualité.
Dans le même passage de la plaidoirie de don Diègue que nous
avons examinée ci-dessus (Le Cid, v. 711 et suiv.), on constate que
don Diègue ne pose pas l’état de conjecture : il ne nie pas que son
fils Rodrigue a tué le comte. Le fait est incontestable. En revanche, il
se doit de réfuter l’état de définition exposé par Chimène (v. 681 et
suiv.) lorsqu’elle affirmait que Rodrigue n’avait pas seulement tué
son père, mais qu’il avait commis avant tout un acte
d’insubordination envers le roi : il ramène donc l’état de définition
sur le plan de la vengeance personnelle (v. 717-720). Mais c’est
surtout sur l’état de qualité qu’il s’attarde : on peut bien parler de
crime, mais ce n’est pas Rodrigue qui en est responsable (« Qu’on
nomme crime ou non ce qui fait nos débats / Sire, j’en suis la tête, il
n’en est que le bras », v. 723-724).
b) Les formes du raisonnement
En logique, il y existe deux modes de raisonnement. L’induction
qui procède en remontant de l’exemple particulier au cas général ; et
la déduction qui suit le cheminement inverse, concluant du général
au particulier. Si les dialecticiens et les orateurs utilisent ces deux
modes de raisonnement, les premiers préfèrent de beaucoup le
procès déductif – fondé sur le syllogisme –, raisonnement plus
rigoureux et plus serré, que le procès inductif. Les orateurs, de leur
côté, ne dédaignent pas l’induction parce que, fondée sur un
exemple, elle est immédiatement accessible à l’ensemble des
auditeurs ; mais, comme l’explique Aristote au début de sa
Rhétorique, ce sont malgré tout les discours fondés sur les
raisonnements déductifs qui sont les plus applaudis.
Il n’y a donc en définitive qu’une forme idéale de raisonnement :
le syllogisme. Toutes les autres formes de raisonnement, pour être
véritablement efficaces, doivent y être ramenées d’une manière ou
d’une autre. Mais en rhétorique (et par conséquent en littérature) le
syllogisme est rarement employé sous sa forme pure, constituée de
trois propositions de même importance (ex. majeure : tout homme
est mortel ; mineure : or Socrate est homme ; conclusion : donc
Socrate est mortel), même si chacune des propositions est
développée au moyen de lieux communs et d’exemples. Un discours
présente, en effet, généralement des chaînes de syllogismes plus ou
moins elliptiques imbriqués les uns dans les autres.
C’est pourquoi Aristote réservait le terme de syllogisme à la
dialectique et lui donnait un autre nom en rhétorique, l’enthymème :
« j’appelle enthymème le syllogisme de la rhétorique ». Du coup,
enthymème en est progressivement venu à désigner tout syllogisme
simplifié dont l’une ou l’autre des propositions est sous-entendue.
Les stances du Cid présentent un excellent exemple
d’enthymème : « Allons mon bras, sauvons du moins l’honneur, /
Puisqu’il faut perdre Chimène » (v. 339-340). Le raisonnement est
en effet le suivant : il faut sauver ou perdre l’honneur et Chimène ;
or Chimène est perdue ; il faut donc sauver l’honneur. De même,
dans la plaidoirie de don Diègue, le vers 726 est un véritable
enthymème, présenté sous une forme très elliptique : « Il ne l’eût
jamais fait, si je l’eusse pu faire ». C’est-à-dire : j’aurais dû tuer le
comte si j’avais pu le faire ; or je n’avais pas le pouvoir physique de
le faire ; donc c’est mon fils qui ne devait pas le faire qui l’a fait.
Enfin, malgré les apparences, le dilemme est considéré comme
une forme de syllogisme. C’est un syllogisme qui repose sur des
propositions absolument contradictoires dont il est impossible de
tirer une conclusion. Comme on le verra à la fin de ce chapitre en
étudiant les stances de Rodrigue, le théâtre de Corneille, fondé sur
des situations contradictoires abonde en dilemmes.

5. Une conception de l’organisation


du discours
Quelque bien argumenté qu’il soit, un discours manquerait son but –
la persuasion –, s’il n’était pas rigoureusement et clairement
ordonné. On ne peut disposer n’importe comment les mœurs, les
passions, les preuves naturelles et les lieux, sous peine d’aboutir à
une perte d’information et d’amoindrir la compréhension. Organiser
le discours, faire un plan convaincant c’est à quoi s’attache la partie
de la rhétorique consacrée à la disposition (dispositio).
Le plan rhétorique type est constitué de quatre parties :
– l’exorde, dont la fonction est de susciter la bienveillance de
l’auditoire (captatio benevolentiæ) – c’est là qu’intervient la
question des mœurs (éthos) de l’orateur –, d’attirer son
attention sur le sujet du discours – ce qu’on appelle
l’insinuation –, et éventuellement de lui présenter l’articulation
du raisonnement.
– la narration est l’exposé des faits, le récit : essentielle dans les
genres judiciaire et épidictique (elle constitue même la plus
grande partie d’un discours épidictique), elle est moins
importante dans le genre délibératif qui porte sur l’avenir, et
peut y être omise (ce qui est le cas, on l’a vu, dans les
stances de Rodrigue)
– la confirmation est la partie du discours qui rassemble les
preuves et les arguments (lieux et formes de raisonnement)
destinés à prouver ce qu’exposait la narration, et souvent
aussi à réfuter les arguments de l’adversaire. On comprend
qu’elle est généralement inutile au discours démonstratif
(épidictique), où la narration peut se suffire à elle-même ; et
dans les cas où la confirmation n’est pas absente dans ce
genre de discours, le raisonnement s’y réduit à l’amplification.
Lorsqu’il s’agit à la fois de prouver ses propres arguments et de
réfuter ceux de l’adversaire, cette partie comporte souvent deux
sous-parties : l’une est la confirmation proprement dite, l’autre la
réfutation des arguments de l’adversaire.
– la péroraison est la conclusion du discours. Elle comprend la
récapitulation qui résume l’argumentation ; la passion
(pathos) qui vise à émouvoir le spectateur (pitié ou
indignation) ; éventuellement l’amplification destinée à
rehausser l’importance du fait exposé.
(Remarque : on rencontre quelquefois un morceau de discours,
appelé la digression, qui est un récit ou une description vivante (en
grec ekphrasis ; en latin digressio), destiné à distraire l’auditeur, ou
au contraire à augmenter son sentiment de pitié ou d’indignation. La
digression est généralement placée entre la confirmation et la
péroraison.)

Pour bien comprendre le fonctionnement de la disposition, on se


reportera un peu plus loin à notre analyse détaillée des stances de
Rodrigue (voir ici). On peut aussi examiner rapidement la plaidoirie
de Chimène (II, 8, v. 673-696) :

Sire, de trop d’honneur ma misère est suivie.


J’arrivai donc sans force, et le trouvai sans vie,
675 Son flanc était ouvert, et pour mieux m’émouvoir,
Son sang sur la poussière écrivait mon devoir,
Ou plutôt sa valeur en cet état réduite
Me parlait par sa plaie, et hâtait ma poursuite,
Et pour se faire entendre au plus juste des Rois,
680 Par cette triste bouche elle empruntait ma voix.
Sire, ne souffrez pas que sous votre puissance
Règne devant vos yeux une telle licence,
Que les plus valeureux avec impunité
Soient exposez aux coups de la témérité,
685 Qu’un jeune audacieux triomphe de leur gloire,
Se baigne dans leur sang, et brave leur mémoire :
Un si vaillant guerrier qu’on vient de vous ravir
Éteint, s’il n’est vengé, l’ardeur de vous servir.
Enfin mon père est mort, j’en demande vengeance,
690 Plus pour votre intérêt, que pour mon allégeance,
Vous perdez en la mort d’un homme de son rang,
Vengez-la par une autre, et le sang par le sang,
Immolez, non à moi, mais à votre couronne,
Mais à votre grandeur, mais à votre personne,
695 Immolez dis-je, Sire, au bien de tout l’État
Tout ce qu’enorgueillit un si haut attentat.

– un vers d’exorde, en réponse au roi (v. 673) : le sujet du


discours étant connu, tout est centré sur les mœurs de
Chimène (modestie et accablement).
– six vers de narration, qui reprennent le récit de la mort du
comte, récit tout entier au service d’un appel à la vengeance
(v. 674-680)
– huit vers de confirmation, qui déduisent pour le roi les raisons
pour lesquelles il faut punir Rodrigue (681-688)
– huit vers de péroraison (« Enfin mon père est mort, j’en
demande vengeance », v. 689), particulièrement habiles de la
part d’une orpheline éplorée, puisque Chimène use de
l’amplification en exhortant le roi à châtier le coupable non
pour elle, mais pour le bien de l’État (v. 689-696).
On peut juger qu’il va de soi que cette disposition apparaisse dans
une plaidoirie. Mais, en fait, elle est partout et toujours utilisée,
même dans des textes où nous l’attendrions le moins, comme des
monologues tragiques où paraît dominer l’expression d’une émotion
exacerbée. Ainsi, au début de l’acte V d’Andromaque, l’une des
tragédies les plus émouvantes de Racine, Hermione entre en scène
dans un état d’affolement complet qui semble la priver de toute
possibilité de réflexion cohérente. Comme elle cherche en même
temps une réponse à la terrible indécision dans laquelle l’ont placée
à la fois le mépris de Pyrrhus (il s’apprête à épouser Andromaque
plutôt qu’elle), sa volonté de vengeance (elle vient de demander à
Oreste de l’assassiner) et l’amour passionnel qu’elle continue à
éprouver pour lui, elle prononce un monologue qui paraît incohérent,
mais qui n’en est pas moins un monologue délibératif dans lequel on
reconnaît la structuration rhétorique que nous venons de décrire :

HERMIONE seule.
Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?
Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?
Errante, et sans dessein, je cours dans ce Palais.
Ah ! ne puis-je savoir si j’aime, ou si je hais !
1405 Le Cruel ! De quel œil il m’a congédiée ?
Sans pitié, sans douleur, au moins étudiée.
Ai-je vu ses regards se troubler un moment ?
En ai-je pu tirer un seul gémissement ?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
1410 Semblait-il seulement qu’il eût part à mes larmes ?
Et je le plains encore ? Et pour comble d’ennui
Mon cœur, mon lâche cœur s’intéresse pour lui ?
Je tremble au seul penser du coup qui le menace ?
Et prête à me venger je lui fais déjà grâce ?
1415 Non, ne révoquons point l’arrêt de mon courroux.
Qu’il périsse. Aussi bien il ne vit plus pour nous.
Le Perfide triomphe, et se rit de ma rage.
Il pense voir en pleurs dissiper cet orage.
Il croit que toujours faible, et d’un cœur incertain,
1420 Je parerai d’un bras les coups de l’autre main.
Il juge encor de moi par mes bontés passées.
Mais plutôt le Perfide a bien d’autres pensées.
Triomphant dans le Temple, il ne s’informe pas
Si l’on souhaite ailleurs sa vie, ou son trépas.
1425 Il me laisse, l’Ingrat ! cet embarras funeste.
Non, non encore un coup, laissons agir Oreste.
Qu’il meure, puisqu’enfin il a dû le prévoir,
Et puisqu’il m’a forcée enfin à le vouloir.
À le vouloir ? Hé quoi ? C’est donc moi qui l’ordonne ?
1430 Sa Mort sera l’effet de l’amour d’Hermione ?
Ce Prince, dont mon cœur se faisait autrefois,
Avec tant de plaisir, redire les Exploits,
À qui même en secret je m’étais destinée,
Avant qu’on eût conclu ce fatal hyménée,
1435 Je n’ai donc traversé tant de mers, tant d’États,
Que pour venir si loin préparer son trépas,
L’assassiner, le perdre ? Ah devant qu’il expire…
– quatre vers d’exorde (v. 1401-1404 qui marque l’indécision
d’Hermione, son affolement, son déchirement entre l’amour et
la haine : l’essentiel est centré sur ses mœurs (fureur,
remords et accablement).
– six vers de narration (1405-1410) qui rappellent l’indifférence
de Pyrrhus à son égard à la fin de l’acte précédent
– quinze vers de confirmation (1411-1425), qui récapitulent
toutes les raisons qu’elle a d’être en fureur et de vouloir se
venger.
– trois vers de péroraison (1426-1428) : plus d’hésitation,
Pyrrhus doit mourir sous les coups d’Oreste et il ne faut pas
arrêter l’ardeur de celui-ci.
– neuf vers de réfutation (1429-1437) : elle se ravise et énonce
toutes les raisons qui rendent impensable qu’elle puisse être
responsable de son assassinat.
– un demi vers (1437) pour une nouvelle péroraison
interrompue par l’arrivée de sa confidente (non, avant de
laisser assassiner Pyrrhus par Oreste, il faut que…).
Comme sa confidente vient lui apprendre que Pyrrhus, au bras
d’Andromaque, est déjà arrivé au Temple, rayonnant de bonheur, et
qu’il est suivi d’Oreste, il est clair que le monologue délibératif
d’Hermione est inutile : elle n’a aucune prise sur les événements qui
se déroulent dans un autre espace que le sien au moment même où
elle parle. Monologue inutile sur le plan de l’action, mais essentiel
sur le plan des émotions à communiquer à ceux qui écoutent ou
lisent : en donnant à percevoir l’égarement et la souffrance
d’Hermione causés par ses passions contradictoires (colère, amour,
vengeance, pitié…) qui se bousculent en elle, Racine a cherché à
créer un effet maximal de pathétique. Autrement dit, pour le
spectateur et le lecteur, ce monologue se résout en un pur moment
d’émotion et de poésie destiné à être mis en valeur par la
véhémence déclamatoire de l’actrice pour laquelle il a été écrit.
Cet exemple n’est pas isolé, au contraire. Dans la poétique
classique, on invite les auteurs de tragédies à privilégier les
délibérations intérieures, celles qui voient s’affronter des passions
contraires dans le cœur des héros. L’abbé d’Aubignac, auteur du plus
important traité du XVIIe siècle (La Pratique du théâtre, 1657), insiste
beaucoup sur ce point dans un chapitre spécialement consacré aux
« discours pathétiques » (Livr. IV, chap. VII).
Reste que, s’il réclame des monologues (ou de longues tirades)
fondés sur le choc des passions, d’Aubignac exige en même temps
de conserver la plus grande clarté possible au discours, qui doit être
de bout en bout intelligible par le spectateur : « le désordre dans les
paroles d’un homme qui se plaint, est un défaut qui affaiblit les
marques extérieures de la douleur ». Les « marques extérieures de
la douleur » désignent ce que le public perçoit de la souffrance du
personnage ; si la passion douloureuse est exprimée dans sa
confusion (comme dans la vie réelle), elle sera mal comprise par le
spectateur et perdra par là une partie de l’effet de suggestion qui lui
est destiné. Le dramaturge doit donc composer le monologue en le
mettant « dans l’ordre » grâce aux règles de la disposition.
Mais dans ce cas comment éviter d’amoindrir la sensation de
désordre psychologique ? D’Aubignac s’en explique ainsi : « Mais en
remettant le Discours pathétique dans l’ordre, il faut y mêler et
varier les grandes figures comme nous avons dit, afin que cette
diversité d’expressions porte une image des mouvements d’un esprit
troublé, agité d’incertitude, et transporté de passion déréglée. »
Bref, il s’agit de suivre la disposition dans la construction du discours
et de suggérer le trouble dans l’expression verbale au moyen d’une
utilisation appropriée et variée des « grandes figures » de
rhétorique.
Au premier rang des figures qui donnent l’illusion du désordre des
passions, on trouve l’apostrophe, l’interrogation et l’exclamation, et
plus exactement l’accumulation d’interrogations, entrelacées avec
des exclamations et des apostrophes.
Nous débouchons ainsi sur la troisième des opérations qui
permettent d’élaborer un discours : l’elocution
6. Une conception de l’écriture du discours
La rhétorique est à la fois art de persuader et art de bien dire : les
deux termes sont liés, car pour être efficace un discours doit être
convenablement énoncé. Il ne suffit pas seulement, en effet, de
s’adresser à l’intellect en argumentant et d’agir sur la sensibilité de
l’auditeur. La forme même de la parole, c’est-à-dire le style, compte
tout autant.
C’est le domaine de l’élocution.

6.1 Le champ d’application de l’élocution


Il s’agit donc :
– d’adapter le style au sujet du discours :
* style élevé lorsque le sujet est grave ou noble, ou dans
la péroraison lorsqu’il faut émouvoir l’auditeur (et aussi
dans la poésie d’éloge, l’oraison funèbre, la tragédie).
* style moyen lorsqu’il s’agit de présenter quelque chose
ou d’argumenter (dans la narration et la confirmation,
notamment, dans un texte scientifique ou historique,
mais aussi dans la poésie lyrique, la comédie et le
roman).
* style simple lorsqu’on veut plaire (en particulier dans
l’exorde et dans la digression, mais aussi, là encore,
dans la poésie lyrique, la comédie et le roman).
– d’adapter le style à l’auditoire : la principale règle est ici celle
de la clarté.
– d’adapter le style à l’orateur lui-même : l’orateur doit se
présenter sous son meilleur jour en proposant la meilleure
énonciation possible de son discours.
– de créer des effets afin d’attirer l’attention (et/ou l’admiration)
du public.
Cette conception des effets s’explique par le fait que la rhétorique
postule qu’il existe un écart entre deux états de langage : un état de
base, le langage de la communication ordinaire, quotidienne,
familière ; et un état élaboré qui est destiné à embellir, animer,
colorier le premier état – ou, éventuellement à le voiler, lorsqu’il
s’agit d’éviter d’employer une expression crue ou choquante.
On débouche ainsi sur le domaine auquel on souvent tendance à
réduire toute la rhétorique : le domaine des figures (dites figures de
rhétorique ou figures de style).

6.2 Les figures


Le domaine de l’élocution, et particulièrement des figures, est celui
qui est le plus largement étudié depuis la Renaissance (depuis que
progressivement la rhétorique s’est restreinte aux seules figures).
Mais comme les figures sont innombrables, il n’est pas de traité qui
ne présente son propre classement des figures et sa propre
nomenclature. Précisons que le plus célèbre et le plus remarquable
est le dernier : Fontanier, Les Figures du discours (1830, réédité
dans la collection Champs/Flammarion), mais que son système
taxinomique est extrêmement complexe. L’essentiel est donc de
posséder un dictionnaire où les figures sont rangées par ordre
alphabétique et non classées (voir la bibligraphie).
Par souci de clarté, nous nous contentons de présenter ci-dessous
les figures les plus fréquemment utilisées et les plus aisément
repérables. On distingue traditionnellement quatre grands types de
figures :
a – les figures de mots, qui jouent sur la matière sonore du
discours.
Les plus importantes sont
* l’allitération : répétition d’un même son dans la
phrase. L’exemple le plus célèbre est ce vers
d’Andromaque : « Pour qui sont ces serpents qui
sifflent sur vos têtes ? » (v. 1638)
* la paronomase : rapprochement de mots qui ne se
distinguent que par un son, ou qui, plus largement,
possèdent une parenté phonique : « Il pleure dans
mon cœur / Comme il pleut sur la ville » (Verlaine).
* l’antanaclase : rapprochement de deux occurrences
d’un même mot pris dans deux sens différents : « Tous
méprisent le peuple, et ils sont peuple » (La Bruyère).
* l’anaphore : répétition d’un même mot ou groupe de
mots en début de phrase ou de proposition : « Mon
bras, qu’avec respect toute l’Espagne admire / Mon
bras, qui tant de fois a sauvé cet empire… » (Cid,
v. 241-242).
b – les figures de sens, qui opèrent une conversion de sens
sur un mot ou sur un groupe de mots (du fait de cette
conversion de sens, ces figures sont désignées sous le terme
de tropes)
– conversion opérée sur un mot :
* la métaphore : désignation d’une chose (le comparé)
par le nom d’une autre qui présente un rapport
d’analogie avec elle (le comparant).
Son utilisation obéit à deux modes :
– le mode in praesentia, lorsque le comparant et le
comparé sont présents dans le discours : Le
Général Rommel est un renard ;
– le mode in absentia lorsque seul le comparant
est présent : le renard du désert a été vaincu
par les Anglais).
Tous les types de mots (substantif, adjectif, verbe, adverbe)
peuvent s’employer métaphoriquement. Substantif : « Déjà de traits
en l’air s’élevait un nuage » (Iphigénie, v. 1737) ; verbe : « La rive
au loin gémit, blanchissante d’écume » (Iph., v. 1777).
* la métonymie : désignation d’une chose par le nom d’une
autre qui présente un rapport d’association avec elle.
Ces rapports d’association peuvent être d’origines diverses. Par
exemple :
– contenant / contenu : « Ainsi parle Calchas. Tout le camp
immobile / L’écoute avec frayeur et regarde Eriphile » (Iph.,
v. 1757-58) (ou, plus familièrement : boire un verre).
– effet / cause : « Mais tout dort, et l’armée, et les vents, et
Neptune » (Iph., v. 9) ; ou encore : « ouvrez votre Racine au
premier vers de l’acte III. »
– physique / moral : « Rodrigue as-tu du cœur ? » (v. 261).
– lieu / chose : « boire un bon bourgogne ».
* la synecdoque : désignation d’une chose par le nom d’une
autre qui présente un rapport de nécessité avec elle (par
englobement sémantique ou par contiguïté)
Comme précédemment, ces rapports de nécessité peuvent être
d’origines diverses. Par exemple :
– matière / chose : « Et ce fer que mon bras ne peut plus
soutenir… » (Cid, v. 271).
– matière / être vivant : « Viens mon fils, viens mon sang, viens
réparer ma honte » (Cid, v. 266).
– partie / tout : « Elle excuse son père, et veut que ma douleur
/ Respecte encore la main qui lui perce le cœur » (Iph.,
v. 1143-44).
– singulier / pluriel : « Le soldat étonné dit que dans une nue /
Jusque sur le bûcher Diane est descendue » (Iph., v. 1781).
N.B. On aura remarqué que métonymie et synecdoque sont très
proches l’une de l’autre, ce qui entraîne de fréquentes confusions
entre ces deux tropes. Aussi G. Molinié propose-t-il de considérer la
synecdoque comme une simple variété de métonymie : la
métonymie engloberait ainsi la synecdoque, ainsi que des figures
moins fréquentes comme l’antonomase (désigner un ensemble, ou
une espèce, par un individu qui le représente : « Napoléon a vaincu
les armées ennemies ») et la métalepse (désigner une chose par
une autre qui s’y rapporte : celui que nous pleurons [= le défunt]).
– conversion opérée sur un groupe de mots :
* l’hyperbole : figure qui amplifie le sens d’un énoncé, et qui
« présente les choses bien au-dessus ou bien au-dessous de
ce qu’elles sont » : « Grenade et l’Aragon tremblent quand ce
fer brille ; / Mon nom sert de rempart à toute la Castille. »
(Cid, v. 197-198).
* la litote : dire moins pour faire entendre plus : « il n’est pas
sot » (pour dire il est intelligent). Voici avec quelle réserve
Iphigénie exprime à son père que malgré tout son amour et
toute son obéissance elle est révoltée par l’idée qu’il veuille la
conduire au sacrifice : « J’ose vous dire ici qu’en l’état où je
suis, / Peut-être assez d’honneurs environnaient ma vie / Pour
ne pas souhaiter qu’elle me fût ravie » (Iph. v. 1184-86). En
revanche le célèbre « Va, je ne te hais point » qu’adresse
Chimène à Rodrigue (Cid, v. 963), souvent cité comme
exemple de litote, n’en est nullement une. Le contexte
indique clairement qu’à Rodrigue qui la presse de lui donner
la mort, Chimène ne cesse d’expliquer qu’elle veut qu’il vive
pour pouvoir obtenir une réparation légale de la mort de son
père ; à Rodrigue qui lui assure qu’elle doit le haïr (et donc le
faire mourir), elle réplique qu’elle veut le faire condamner au
nom de la justice et de la mémoire de son père, mais qu’elle
ne le hait pas. C’est même manquer la subtilité de la
progression du texte que de voir ici une litote.
* l’hypallage : déplacement de la qualité exprimée par un mot
sur un autre mot : « Je suis le triste oiseau de la nuit
solitaire » (sonnet de La Roque, Anthologie…, p. 46 ; pour
l’étude complète de ce texte voir le chapitre VI, p. 000). Ici
solitaire qui qualifie le hibou est déplacé sur nuit.
* l’oxymore : union de termes contradictoires dans une même
expression : « aimable tyrannie » (Cid, v. 312) ; « Cette
obscure clarté qui tombe des étoiles » (Cid, v. 1273). Il est
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Mercury was not unknown to the antients. In the early ages of
medicine, indeed, it seems to have been esteemed a virulent poison;
but it has now, for some centuries past, been much, and
successfully, employed for the purposes of medicine, as well as of
other arts.
The Arabians were the first who employed it in the cure of
diseases; but they seem to have used it externally only, and applied
it for discussing tumors, cleansing ulcers, and curing cutaneous
eruptions. Soon after the introduction of the venereal disease into
Europe, mercury was found to be the most expeditious and most
effectual, if not the only certain, remedy. The advantages which are
to be derived from its employment in this disease, both when applied
externally, and taken internally, have now been confirmed for a
length of time too considerable for allowing the least foundation
either to doubt its efficacy, when properly used, or to dread its
deleterious effects, when judiciously managed.
The effects of mercury on the human system in a sound state are
very various. When mercury, in its crude state, is introduced by the
mouth into the alimentary canal, it passes off by stool, without
producing any effect. It has indeed been alledged, that in this state,
in some morbid affections, it may be useful in removing obstructions
by its weight. But it is to be remembered, that, in a great part of its
passage through the intestines, it rises in opposition to gravity, and
that it is very apt to divide in such a manner as to make its way
through very small openings. This effect, then, is perhaps in general,
if not always, to be disregarded.
When mercury is prepared in such a manner as to be readily
soluble in the fluids of the human body, the effects it produces are
much diversified. Its action is often immediately exerted upon the
stomach; in which case vomiting is produced. This effect is observed
from the use of many mercurial preparations. The brown and green
precipitates and calcined mercury act as rough and strong emetics;
but the preparation principally used, where it is intended to act as an
emetic, is the yellow precipitate, or Turpeth mineral.
Many of those mercurials, which have not such an influence upon
the stomach as to produce vomiting, upon entering the intestinal
tube, act as purgatives. This effect of mercurials is, among other
preparations, particularly remarkable on the use of the Coralline
mercury, Prince’s powder, or calomel.
Mercurials, which fail in producing either purgative or emetic
effects, frequently act as diaphoretics. Diaphoresis, or even a
profuse sweat, is often the consequence of many of the mercurials
already mentioned. But when this effect is wanted, by means of
mercurials, it is most commonly obtained by the use of a solution of
corrosive sublimate.
Mercury entering the circulating system exerts particular effects on
different excretories; but in a more especial manner on those of the
saliva. Salivation is an effect which may be obtained from the proper
administration of almost every mercurial preparation; but for this
purpose either the mercurial pills, or friction with mercurial ointment,
are most frequently employed.
Mercury may enter the system, exist in considerable quantity
there, and be carried off by the different excretories, without
producing any remarkable evacuation, or other apparent change, on
the sound state of the body. That it is actually present in the system
in such cases, is demonstrated by a general tendency to an increase
in all the secretions. Mercury in this way, although it produces no
visible effect on a healthy person, often procures the removal of a
diseased state. Its action, therefore, in such circumstances, is
termed alterative; an effect which may be obtained from most of the
mild mercurials, especially when used in small doses.
From these various modes of operating, it may readily be
concluded, that mercury must be a powerful remedy in the cure of
many diseases. The undoubted effects which it produces on the
human system, when labouring under the venereal distemper, it
would be both difficult and unnecessary fully to enumerate. It heals
ulcers, removes swellings, alleviates pains, and cures eruptions. In
short, the almost infinite variety of symptoms under which this
disease makes its appearance may, by a proper application of
mercury, be effectually eradicated from the constitution.
From these effects, it is not surprising, that, in this distemper,
mercury is the almost universal remedy. But, while it cannot be
denied that peculiar advantages may be reaped from the
employment of mercury in the venereal disease, it must at the same
time be acknowledged, that, from the injudicious use of this
medicine, very great evils have been produced. Whatever, therefore,
relates to its proper administration, must be esteemed of importance.
But to determine this, it is in the first place requisite to ascertain the
principles upon which it operates. In treating of the present subject,
then, an examination of the most probable opinions, with regard to
the mode of its operation in the venereal disease, first claim our
attention.
CHAP. II.

Concerning the Opinion, that Mercury cures the Lues Venerea by


the evacuation it produces.

T here are few medicines with regard to the operation of which all
practitioners are agreed. It is, however, by no means incumbent
on him who means to establish the truth of any one opinion to
overturn every hypothesis advanced on the same subject. But, as
the arguments urged in favour of any hypothesis will have much less
weight when another is previously believed to be true, and as the
regulation of practice is, in every case, to a certain extent, founded
upon theory, no inconsiderable advantage may be derived from
overturning an ill-founded opinion, especially when it is generally
received. The theory of the action of mercury, as well as of other
substances, has afforded room for a diversity of opinions. For the
reasons mentioned above, then, although it is by no means
intended, that every opinion, with regard to the operation of that
medicine, should here be considered; yet, as it is a very prevailing
opinion, that the good effects obtained from mercury in the cure of
lues venerea, depend upon its action as an evacuant; and, as a
variety of seemingly strong arguments have been adduced in favour
of that hypothesis, it will be necessary to examine how far they are
sufficient to establish its truth.
In favour of the opinion, that mercury cures lues venerea by acting
as an evacuant, the following arguments have been employed. It is
alledged, that the good effects obtained from mercury in the cure of
this disease, are in proportion to the evacuation which it produces;
that the cure produced by mercury depends more upon the stimulant
power of the preparation which is employed, than upon the quantity
taken; and that the same good effects are obtained from other
evacuants as from mercury; particularly, that the venereal disease is
cured in a similar manner from the employment of guaiac. The
arguments here enumerated, if not the only ones upon which this
opinion is founded, are at least those which are principally employed.
To examine, then, how far these are well founded, will be sufficient.
The first argument here adduced is, that the good effects of
mercury are proportioned to the evacuation which it produces. This
assertion, if allowed to be true, might, at first sight, appear to be a
very strong argument in favour of the theory here adopted. But it is
strong in appearance only; for, although it should be admitted, it in
fact proves nothing.
But, even previous to this, it might be made a question, how far
what is here assumed as a fact is well founded? And if it should
appear, that mercury does not cure lues venerea in proportion to the
evacuation which it produces, a strong argument might from thence
be brought against this theory. But what may be said on this question
will, with greater propriety, occur when the objections to the theory
come to be adduced, than in attempting to refute and invalidate the
arguments brought in its favour. At present, it will be sufficient to
show, that, even allowing it to be true, it is no argument in favour of
the supposition.
If it be true, that mercury cures lues venerea in proportion to the
evacuation it produces, it may indeed, with some degree of
probability, be concluded, that the evacuation and cure are not
unconnected. And, if the evacuation is not the cause of the cure, it
might at least from thence be inferred, that both of them depend
upon the same cause; but it no more, unquestionably, follows from
thence, that the evacuation is the cause of the cure, than that the
cure produces the evacuation.
The degree of evacuation which, in any case, arises from the
employment of mercury, will, it is natural to imagine, be proportioned
to the quantity of active mercury which is introduced into the system.
But, in whatever way mercury acts in the cure of the venereal
disease, it may then be supposed to act most powerfully when it is
present in the system in most considerable quantity. In this point of
view, then, the evacuation which arises from the use of mercury is to
be considered merely as an index of the quantity of the medicine
which is introduced into the system in an active state; and the cure
may be proportioned to the evacuation, only as pointing out the
degree in which the mercury exists in the habit. Even supposing,
then, that the foundation upon which this argument is built were not
to be called in question, yet, taken in its greatest latitude, it is still at
best but doubtful; and from it no conclusion can be drawn in favour
of the theory which it is brought to support.
The second argument mentioned in proof of the supposition that
mercury acts, in the cure of lues venerea, as an evacuant, was, that
the cure produced by mercury depends more upon the stimulant
power of the preparation employed, than upon the quantity of
mercury which is used.
This argument may be answered in the same manner with the
preceeding. It is indeed true, that different preparations of mercury,
when used in equal quantities, have by no means equal influence in
the cure of lues venerea. There is seldom an opportunity of
observing what would be the effects of the most stimulant
preparations, as, in the venereal disease, they are by no means in
common use; and as, from their action on the alimentary canal, they
exert very violent effects, without entering the circulating system.
They, in general, operate very roughly, both as emetics and
purgatives; but it is not clear that, in the venereal disease, any
benefit has been obtained from their effects in either of these ways.
It can therefore by no means be allowed, that the foundation of this
argument, in its full extent, is strictly true. It cannot indeed be denied,
that some preparations of mercury, which possess a considerable
stimulant power, have a greater influence in the cure of lues
venerea, than several others which are less stimulant. So far, then,
the foundation upon which this argument is built, must be allowed to
be just, and its weight, as tending to establish this theory, requires a
refutation.
But, even admitting it to be just, without any reserve, still, no more
than from the former, can any conclusion be drawn from this in
favour of the theory which it is meant to support. It has already been
observed, that, in whatever way mercury operates in the cure of lues
venerea, its good effects may always be supposed to be
proportioned to the quantity of the medicine which enters the system
in such a state as to become active there. But the quantity of active
mercury entering the system can in no case be judged of from the
quantity of the preparation which is employed. One preparation of
mercury much more readily admits of a mixture with the animal fluids
than another; in consequence of this, it will find a more ready
entrance into the system. And further, this variety in the facility of
access into the system, not only holds in different preparations, but
even in the same preparation at different times.
In proof of the first of these propositions, we have a convincing
example in the difference which is observable between the effects
arising from the use of crude mercury, and of this metallic substance,
when no other means are used to render it active than simple
trituration. It is well known, that even a very inconsiderable quantity,
taken in this last way, will soon shew its effects at the most remote
excretories of the body; in the other, although swallowed to the
quantity of many pounds, it is a very rare occurrence that any effects
can be observed from which it can be concluded, that it has, in any
degree, entered the mass of circulating fluids.
But it was likewise alledged, that mercury, used at different times,
although given in equal quantities and in the same form, produces
very different effects. Crude mercury, as has already been observed,
although swallowed in considerable quantities, rarely produces any
other effect on the body, than what arises from the passage through
the alimentary canal. This, however, although generally, is not
universally the case. On some occasions, when taken in this way, it
operates with as great activity as when used in any other form; and,
from many well attested instances, it appears, that, by being
swallowed even in a crude state, a high salivation has been excited.
In this we have an instance in which a remarkable difference of
effect arises from the employment of the same preparation at
different times. This difference cannot arise from the quantity of
mercury employed; for while, in some cases, no operation of the
nature here mentioned takes place from the use of a large quantity,
in others, it will be excited where an inconsiderable quantity only has
been taken. The difference of effects here observed, then, must be
ascribed to some other cause; and it is most reasonable to refer it to
particular accidents in the constitution at the time the medicine is
used. In these cases, where no operation takes place from its use, it
may be concluded, that the whole quantity of mercury swallowed has
passed through the alimentary canal in the same state in which it
was taken in. When, on the other hand, an operation upon the
salivary glands, or any other excretory remote from the alimentary
canal, is observed from the use of crude mercury, it may be
concluded, that part of the mercury, from some peculiarity in the
habit at the time, such, for example, as the presence of
superabundant acid in the stomach, has been brought into such a
state as to be capable of entering the circulating system. From these
instances, then, it evidently appears, that the facility with which
mercury enters the system, admits of very great variety. And from
this a strong objection may be adduced against the argument here
brought to support the hypothesis that mercury cures lues venerea
by its evacuant power.
It is alledged, that mercury cures lues venerea by the evacuation it
occasions; because the good effects derived from its employment
are observed to be more in proportion to the stimulant power of the
preparation which is used, than to the quantity of mercury taken. The
data, however, here assumed by no means lead to the conclusion
deduced from thence. The most stimulant preparations of mercury,
by their action on the primæ viæ, are in general immediately
expelled from the system. When this happens, they have no
influence in the cure of venereal complaints. When they are not thus
expelled, their nature is such that they most readily enter the system.
Their superior action, then, may be accounted for without supposing
that it depends on their producing the most considerable evacuation.
From the facts as here stated, it indeed follows, that the good
effects obtained from mercury are greatest in those cases in which
the mercury enters the system in most considerable quantity. The
evacuation, it is true, is then likewise greatest. But this will
unquestionably follow as the necessary consequence of the
presence of active mercury in the system, and can by no means be
concluded to be the cause of the cure. The evacuation which occurs
in this case, then, as was observed in the objections adduced
against the last argument, can be considered only as an index of the
quantity of active mercury which is present in the system. The
superior activity, therefore, which some stimulant preparations
possess, when compared with those of a milder nature, is by no
means a proof of the supposition that mercury cures lues venerea by
means of the evacuation which it produces; and this argument, as
well as the former, may be set aside.
The third argument mentioned in favour of this theory, and the last
which we proposed to consider, is, that the same good effects, in the
cure of lues venerea, may be obtained from the employment of other
evacuants, as from that of mercury; and particularly, that the
venereal disease is cured in a similar manner by the use of guaiac.
This argument, if well founded, would indeed be a conclusive proof
of the theory, in support of which it is here adduced. Evacuation may
be occasioned by a great variety of other means besides mercury.
The influence of any discharge, as tending to cure lues venerea, will
fall more particularly to be considered in stating the objections
against this theory. A full answer, then, to the first part of this
argument, would at present be superfluous: But it may be observed,
that it is by no means a common practice to attempt the cure of lues
venerea by the safest and most effectual evacuants now in use; and
that, when evacuants are employed for the cure of other diseases,
while a venereal infection at the same time exists in the system, it is
never found to yield to them. This first part of the argument, then,
may be shortly answered, by denying it to be true.
It is indeed true, that much benefit has been alledged to be
obtained from guaiac in the cure of the lues venerea. Experience,
however, has sufficiently demonstrated, that these testimonies are
not altogether to be relied upon. The influence of guaiac may
perhaps be very considerable in certain stages of lues venerea,
when the malignity of the disease is already overcome by means of
mercury; or in particular climates, where the nature of this infection
seems to be in some degree different from what it is in this country.
But, how far the good effects of guaiac are established by facts in
this climate, and before a cure has been attempted by mercury, is
still a matter of great doubt. And, at any rate, even the most
sanguine advocates for the use of guaiac will allow, that the good
effects obtained from its use are by no means to be put in
competition with those which are derived from the employment of
mercury.
But, even admitting all that has been said in favour of guaiac to be
strictly true, still it does not follow, that it cures the lues venerea by
evacuation. Many medicines which operate much more powerfully as
evacuants have no such effect. And, what was formerly said with
regard to the cure of lues venerea, being proportioned to the
evacuation produced by mercury, may perhaps, with equal justice,
be applied to guaiac. It cannot be, with certainty, concluded, that the
evacuation in either case is to be looked upon as the cause of the
cure, since, in both, it may only be its concomitant. From this
argument, then, nothing can be inferred, which has any tendency to
establish the truth of the theory in support of which it is adduced.
Thus have we examined the different arguments used in favour of
the supposition, that mercury cures lues venerea by acting as an
evacuant. And, from this examination, it appears, that they admit of
satisfactory answers. What has then been said in proof of the theory,
can by no means be considered as sufficient to establish its truth.
But the insufficiency of the arguments adduced in support of it, is not
the only reason for not adopting it. There are many objections to this
hypothesis, which would have been sufficient for rejecting it, even
supposing that the arguments brought to prove it had been such,
that no falacy in them could have been detected. That this theory,
then, may, with less hesitation, be set aside, it will be necessary to
mention a few of these objections.
It obviously occurs as a first objection to this theory, that
evacuation, from its nature, cannot easily be supposed capable of
producing a cure of lues venerea. The changes which evacuation
may produce upon the fluids of the body, can only be conceived to
be of two kinds. They must either depend on a diminution of the
quantity of the fluids, or on a change of their quality. But, it is not
easy to conceive how the effects of the venereal virus should be
removed, or on what footing this virus should be expelled from the
system, by either of these changes, when induced by evacuation.
A mere diminution of the quantity of circulating fluids, is certainly
insufficient for the cure of lues venerea. The venereal matter, as
present in the body, must either be diffused through the whole mass
of fluids, or confined to particular parts only. If it be diffused through
the whole mass, the taint, even after the most considerable
evacuations, will remain equally strong in the fluids still left in the
body. And, as the venereal virus evidently possesses a power of
assimulation, when in the human system, the whole mass of fluids
would soon return to its former state. This being the case, then, it
must be allowed, that an inconsiderable diminution of quantity
cannot reasonably be supposed to counteract an infection which
exists in the remaining mass.
If, on the other hand, the venereal poison be supposed to exist
only as a noxious matter in the body, when collected at particular
parts, it is equally difficult to conceive, how evacuation from its
nature should produce a cure. It never has been observed, that
mercury particularly encreases the discharge by those parts where
the venereal matter appears actually to exist. In almost every case
where it is used only internally, there is no encrease of evacuation by
venereal ulcerations. It cannot, however, be imagined, that a
discharge which takes place by the salivary glands or skin, will
particularly evacuate what is lodged in the genitals, or extremities.
We may therefore, with certainty, conclude that evacuation does not
at least cure lues venerea by any change arising merely from a
diminution of the quantity of circulating fluids.
Evacuants may perhaps be alledged to operate in the cure of lues
venerea in another manner. It may be supposed, that they remove
the distemper from a change which they produce in the quality of the
circulating mass. But, from the smallest consideration, it will appear,
that this supposition is equally unsatisfactory as the former. If, from
evacuation, a diminution takes place equally from every part of the
mass of circulating fluids, no change of quality will ensue. If,
however, this proportion is not properly observed, a change of quality
will indeed take place. But that change will consist merely in the
diminution of particular parts in a compound mass, and can never be
supposed to remove a contagious matter of any kind, even
supposing it to be lodged in the particular part of that mass thus
diminished. Much less will it remove an infectious matter uniformly
diffused through the whole parts of the compound mass, or existing
as a morbid matter in particular parts of the body only. From the
nature of evacuation, then, whether it be supposed to operate by a
diminution of the quantity of circulating fluids, or by any change it can
produce in point of quality, it may readily be concluded, that it is by
no means fitted for the cure of lues venerea.
Another and more conclusive objection against the supposition
that mercury cures lues venerea by evacuation, is, that this disease
is by no means cured by evacuation taking place in an equal, or
even in a greater degree, from other causes. This, however, should
of necessity be the case, were the former supposition well founded.
Effectually to overturn this theory, then, it will be necessary only to
establish the truth of this assertion.
It cannot perhaps be alledged, that any fair trial has ever been
made of evacuation, instituted solely with a view to cure the venereal
disease, and that in such cases it has been found to fail. But, without
any such trial, there are sufficient arguments to shew, that for this
purpose it really is ineffectual.
Lues venerea would never, upon its first introduction, have been
considered as so unconquerable a disease, could it have been cured
by evacuation. Various modes of evacuation were then in common
use in medicine, and considered as the most effectual means of cure
in many diseases. The venereal distemper, till the introduction of
mercury, resisted the power of almost all the medicines employed
against it; and, in some parts, it was at that time reckoned so
incurable, that the police of the country obliged the unhappy
sufferers who laboured under it to separate themselves from all
intercourse with the rest of mankind. While this was the condition of
the distemper, is it to be imagined that every method of cure was not
tried? May we not, then, conclude, that, upon the first introduction of
this disease, evacuation, by every known means, and carried to the
greatest height, was had recourse to, but without effect?
But, to prove that evacuation will not cure the distemper, it is
needless to travel back to the first periods of this disease, or to rest
the evidence even upon the highest probability. From what occurs in
many morbid cases, we have every day evident proof of the
insufficiency of any discharge for producing a cure of the venereal
disease. Lues venerea often exists at the same time with diseases in
which an increase of natural evacuations takes place. None of these
diseases, whether the evacuation happens by the salivary glands, as
in small-pox, by stool, as in dysentery, or by the skin, as in
intermittents, have ever been found to break its force, much less to
produce a perfect cure.
Besides what happens in natural evacuations, we have likewise
proofs of the insufficiency of artificial evacuations for the cure of this
disease. Although evacuation, at least by other means than by the
use of mercury, is never now employed as a cure for the venereal
disease; yet venereal complaints are often complicated with others,
for which various evacuations are proper. And while evacuations are,
with success, employed for the cure of these, it is found, that the
venereal taint either remains unchanged, or is even increased in
force. It cannot here be alledged, that the difference of effect
depends upon the mode of evacuation. On such occasions, every
mode of evacuation has been tried with equal want of success. Even
salivation, which was long considered as the only effectual
discharge, when excited by other means than by mercury, or even by
mercury itself, when externally applied to the organs secreting saliva,
has not been found more effectual than other modes of evacuation.
In some cases, indeed, mercury received into the mouth by steam,
or otherwise, has had good effects; but these were either to be
accounted for from its application to the diseased part, or from its
introduction into the system. It is, then, sufficiently evident, that
evacuation, at least by other means than mercury, does not cure
lues venerea.
To this theory it may be urged as a third, and not less powerful
objection than any of the former, that where the evacuation arising
from the use of mercury in lues venerea is the greatest, the cure is
often retarded; and that mercury never more frequently fails than in
those cases where it begins to evacuate upon its first introduction
into the system.
That these assertions are true, at least of the obvious discharge
produced by mercury, will not be refused by any advocate for its
action as an evacuant. To this, indeed, they may think it a
satisfactory answer, that the influence of mercury as an evacuant
cannot be judged of from the apparent discharge. It may be
alledged, and indeed with some appearance of reason, that the
greatest discharge produced by mercury is by insensible
perspiration; that mercury, in consequence of this, is a more powerful
evacuant than many other medicines by which a greater obvious
evacuation is produced; and that it has the effect to increase
perspiration in a more remarkable degree, when it increases no
other discharge than when it induces the greatest obvious
evacuation. But although it cannot be denied, that the use of mercury
does increase insensible perspiration; and that evacuation in this
way may, on some occasions, be greater than what would arise from
salivation or any other obvious discharge; yet these facts by no
means tend to any conclusion which will remove the difficulty
formerly stated. Nor can it from thence be supposed, that mercury
always evacuates most powerfully in those cases where it produces
the most successful cure.
The degree of evacuation which takes place from the employment
of any medicine cannot indeed, in every case, be ascertained by the
obvious discharge. But, where the judgment formed from this test
would be fallacious, the marks of inanition consequent upon the use
of any medicine are always certain tests for determining the degree
of evacuation. From these it is evident, that the suppositions here
advanced, that mercury operates more powerfully as an evacuant
than any other medicine, and that it always produces a greater
discharge when it acts by the skin, than when it affects the salivary
glands, or any other excretory, are entirely without foundation.
From the marks of inanition appearing in the system, it is
demonstratively proved, that, from a variety of other means, a
greater evacuation can be produced than from mercury. In such
circumstances, however, by mercury the venereal disease is cured,
by these other evacuants it is not. And farther, where the cure of lues
venerea has been retarded by a salivation occurring early, or where
no cure has taken place after salivation has been continued for a
considerable time, there is every mark of a much higher degree of
inanition than when the disease has been removed by mercury
without any sensible evacuation. There can remain no doubt, then,
that the cure of lues venerea is by no means in proportion to the
evacuation which it produces. This, however, should necessarily be
the case, were the cure effected by evacuation.
Upon the whole, then, from what has been said of this theory of
the action of mercury in the cure of the lues venerea, it appears, that
the cure can by no means be referred to the evacuation. The
different arguments adduced in favour of that theory, we have
endeavoured to shew, either proceed on wrong principles, or,
although admitted in their greatest latitude, can afford no ground for
any conclusion to support it. Evacuation, from its nature, whether
supposed to operate by diminishing the quantity of circulating fluids,
or by any change it can induce in their quality, can scarce be
conceived to be a cause adequate to the cure of lues venerea.
Evacuation does not produce a cure of the venereal disease, when it
takes place in an equal, or even in a much greater degree, from the
employment of other medicines, than when the disease is effectually
removed from the use of mercury. And, lastly, the venereal disease
is never more effectually cured by mercury, than when it is evident,
from every mark by which the degree of evacuation can be
determined, that the evacuation arising from it is least considerable.
It may, therefore, with confidence be asserted, that mercury does not
cure lues venerea by evacuation.
CHAP. III.

Concerning the Opinion, that Mercury cures Lues Venerea, by


acting as an Antidote to the Venereal Matter.

It is an undoubted fact, that mercury, by proper management, cures


lues venerea. From the arguments already adduced, it has been
concluded, that the cure, thus obtained, is not the consequence of
evacuation. Having rejected this prevalent opinion, then, it next
remains to say, in what manner a cure is produced.
It has long been an opinion, very generally received, that mercury
is a substance capable of destroying the venereal virus; or that, from
being united with this virus, possesses a power of rendering it
inactive. Many arguments tend to prove, that this is in reality the
case; and that in this manner it cures lues venerea. But, at the same
time, this theory is not to be considered as without difficulties. The
first that occurs, is, with regard to the mode in which an opportunity
is afforded for a mixture of the mercury with the virus.
It is, in general, imagined, that mercury may destroy the venereal
virus in the mass of circulating fluids. The venereal virus is
unquestionably taken into the human system by the absorbent
vessels to which it is applied; and, before it can reach various parts
of the body, in which it evidently manifests itself, it must enter the
general mass of fluids. We cannot, then, consider it as a supposition
totally absurd, that mercury, if it be capable of destroying the activity
of the venereal matter, may produce that effect while the virus is
present in the general mass of fluids. Many objections, however,
may be urged against this supposition; and, if it be adopted, it must
be allowed to be with difficulties.
If mercury destroy the venereal virus, while it exists in the mass of
circulating fluids, it must produce this effect, either by an alteration of
the general mass; or by acting more particularly on the venereal
matter itself. The whole mass of circulating fluids, taken collectively,
is a very considerable quantity of matter. The action, therefore, of a
small proportion of mercury, as producing any change upon it,
cannot be very great. It is not easy to conceive, then, how a
destruction of the venereal virus should arise from any alteration
which the mercury is capable of producing on the general mass.
The difficulty occurring to the first supposition here made, would
naturally lead us to consider the second. But that the action of
mercury, while it exists in the mass of circulating fluids, should be
exerted on the venereal virus alone, is a supposition equally
unsatisfactory as the former. Before this can be imagined to be the
case, it is necessary to suppose, that there exists, between mercury
and the venereal virus, some particular attraction. Such an attraction,
however, is a thing as yet by no ways proved to exist; nor indeed
does there seem to be any shadow of reason to suppose that it does
exist.
Although, then, it cannot be denied, that mercury and the venereal
virus may exist in the mass of circulating fluids at the same time; yet,
from what has been said, the supposition, that the activity of the
virus is then destroyed, will appear to be attended with many
difficulties. It cannot, it is true, be alledged, that, from any thing which
has been urged, this supposition is refuted. That it may perhaps, in
some degree, act in this way, is by no means impossible. But it is to
be remembered that this is a hypothesis supported by no proof; and
the more imaginary any opinion is, the less easily can it be
overturned. The present opinion, then, may be set aside, for
reasons, which, in other respects, would be insufficient for its being
rejected; and this the more readily, if another and more probable
hypothesis can be advanced which is not liable to the same
objections.
To determine the manner in which mercury acts on the venereal
virus, it might seem requisite that the nature of this poison should
first be ascertained. In what the activity of the venereal virus
consists, it is difficult, perhaps impossible, to say. Various
conjectures have indeed been offered with regard to it. But what has
hitherto been advanced upon that subject is so hypothetical as
scarce to deserve a serious refutation. What could, therefore, be
derived from an inquiry of this nature, without a more perfect
knowledge of the subject than has hitherto been attained, would be
but of little utility.
But, although the peculiar nature of the venereal virus, and those
principles in consequence of which it becomes active, are unknown,
yet its general effects, as acting on different parts of the human body,
are sufficiently obvious. The parts morbidly affected by the venereal
virus, at different times, put on different appearances. This, however,
is in common to all of them, that, when reduced to the state of an
open ulcer, they discharge an infectious matter capable of
propagating the disease. It cannot therefore be doubted, that the
venereal matter occasions the morbid affections there observed from
its actual existence at these places.
As the places evidently affected by the venereal poison are
frequently very distant from those to which the poison has been first
applied, and do not lie in the course of the absorbents, it can only be
carried to them in the course of circulation. But, even while the
poison is present in the circulating system, no change can be
detected on the general mass of fluids; nor in by much the greater
part of the solids in the body. Many changes may take place in the
fluids of the human body which cannot be said to constitute a
diseased state. That such changes may be esteemed morbid, it is
necessary that they should manifest themselves over the system in
general. If, then, we are to judge by these principles, it follows, that
the venereal poison does not produce a morbid state in the general
mass of fluids. It evidently acts as a cause of disease in particular
parts, whether it first comes to be applied to these by immediate
contact with external objects, or arrives at them in the course of
circulation. Probably it acts as a morbid cause in these places, from

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