2019 - Memoire - Jordan Huret Terre Crue
2019 - Memoire - Jordan Huret Terre Crue
2019 - Memoire - Jordan Huret Terre Crue
Master 1 Géographie
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE
DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
MASTER 1 Géographie,
Aménagement, Environnement et
Développement
Parcours
Directeur de mémoire
Ruralités en transition – UFR SEGGAT
Philippe Madeline
Professeur de géographie
Juillet 2019
UFR de Sciences Économiques, Gestion,
Géographie et Aménagement des Territoires
(SEGGAT)
ESO-Caen – UMR Espaces et SOciétés 6590
CNRS
Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Sommaire
Remerciements .......................................................................................................................................... 3
Introduction ............................................................................................................................................... 4
1. Choix du sujet ...........................................................................................................................................................6
2. Objectifs et problématique......................................................................................................................................7
3. Notions de l’objet d’étude .......................................................................................................................................9
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Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Remerciements
Je souhaite adresser mes remerciements à mon tuteur universitaire, monsieur Philippe Madeline.
Je le remercie pour l’aide qu’il m’a apporté en me guidant lors de mes réflexions ainsi que pour les
relectures et pour l’apport de références bibliographiques.
Je tiens également à remercier la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel
Normandie et notamment Monsieur le Président Nicolas David pour le logement qui a été mis à
disposition gratuitement pendant 3 semaines à la Chapelle-Urée, afin d’effectuer le travail sur le
terrain. Je remercie aussi particulièrement monsieur Alain-Gilles Chaussat, chargé de mission « Pays
d’art et d’histoire » au sein de cet même établissement public de coopération intercommunale. Je le
remercie pour son soutien et ses conseils durant les différentes missions réalisées pour ce mémoire.
Je remercie aussi les agents et les citoyens de l’intercommunalité du Mont Saint-Michel Normandie
qui se sont rendus disponibles, afin de m’apporter des réponses et des conseils.
J'adresse mes remerciements aux enseignants de l’université de Caen pour les connaissances, les
conseils, les éléments de réflexion et de réponse qu’ils m’ont apportés. Je tiens aussi à remercier
madame Anne Decosse, enseignante de français au lycée des Andaines pour la relecture et la
correction de mon mémoire. Je tiens également à remercier monsieur Abdelghani Aboussena,
professeur d’anglais à l’université de Caen pour la correction en anglais du résumer de présentation
de ce mémoire.
Pour finir, je souhaite remercier mes proches : ma famille, mes parents et mon frère pour leur
soutien, moral et financier, et pour les relectures. Enfin, je souhaite remercier particulièrement ma
copine, Marion, pour son soutien sans faille, son aide et ses encouragements.
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Introduction
Durant des siècles, le bâti en terre crue a servi aux activités agricoles comme bâtiments d’élevage
et de stockage, mais aussi parfois en tant qu’habitation dans certaines régions où la pierre n’était pas
abondante. Ce type de construction peut être perçu comme modeste dans certaines zones rurales. Or
pour les agriculteurs ces bâtiments avaient de nombreuses qualités : faible coût, facilité de
construction ainsi que leur durabilité dans le temps et leur possible réutilisation en fin de vie dans la
construction de nouveaux bâtiments. Malgré ses qualités, la fonctionnalité de ces bâtis en terre pour
l’agriculture est passée en un siècle d’un avantage à un inconvénient. Cette perte d’atout aux yeux des
agriculteurs est due aux nombreuses évolutions du monde rural notamment celles liées à l’agriculture.
Les évolutions technologiques puis sociales et économiques ont eu des impacts sur le paysage et le
bâti vernaculaire dont la présence se fait de plus en plus rare dans les campagnes françaises.
À partir des années 1960-70, les bâtisses deviennent non-fonctionnelles pour le machinisme,
surtout dans des fermes qui s’agrandissent et où la productivité est essentielle. Ce tournant de
l’agriculture a engendré l’abandon et la destruction de nombreux bâtiments en terre dans les
campagnes françaises. Néanmoins, la campagne reste l’endroit où cette architecture est encore la plus
visible actuellement. Étant donné que son abandon est récent, sa sauvegarde et sa valorisation sont
donc encore possibles de nos jours. Mais si rien n’est fait pour les préserver, la totalité de ces bâtiments
risque de disparaître sans que nous ayons gardé une trace de ce type de patrimoine représentatif des
sociétés rurales de l’Ouest français et de leur mode de vie. Ces bâtisses sont moins pérennes que les
autres constructions en pierre par exemple, et donc susceptibles de disparaître plus rapidement sans
entretien. Les conditions climatiques menacent perpétuellement ces bâtiments. En effet, les
intempéries sont les premières causes de dégâts subis par tous types de constructions mais le bâti en
terre en souffre davantage à cause de ses matériaux biodégradables.
Face à cet enjeu, il est urgent de réaliser une étude sur ce type d’architecture avant qu’il ne soit
trop tard. Un recensement précis et une étude minutieuse de ce patrimoine bâti permettraient de
découvrir et d’approfondir les connaissances sur le savoir-faire de nos ancêtres. Cette étude doit aussi
permettre d’enrichir nos connaissances techniques actuelles pour réaliser les constructions de demain.
La valorisation de cette architecture connaît un renouveau depuis le début des années 1980 en Europe
et en France tout particulièrement. Les collectivités territoriales et l’opinion publique prennent
conscience de son bienfait écologique et de son intérêt culturel. Avec la prise de conscience actuelle
de la nécessité d’adopter des modes de vies plus respectueux de l’environnement, les constructions
écologiques sont en plein essor, dont les constructions en terre crue font partie. En effet, le secteur du
bâtiment et de la construction est l’un des secteurs les plus concernés par les enjeux du
développement durable. Les chiffres français, sur lesquels les entreprises, les institutions et les experts
s’accordent, sont en effet impressionnants : le bâtiment représente environ 40 % des émissions de CO²
des pays développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits. Les bâtiments
actuels sont pensés pour une durée de vie de cinquante à cent ans maximum avec peu d’entretien
alors que les édifices anciens en terre étaient prévus pour une durée indéterminée avec de l’entretien
régulier. La comparaison entre ce mode de consommation et les matériaux utilisés et celui de nos aînés
serait intéressante pour savoir si notre manière de construire est plus pertinente ou si nous devrions
nous inspirer du passé. Ce constat de la surexploitation et des impacts négatifs sur l’environnement
est global : il touche tous les secteurs de l’agriculture au transport, mais aussi tous les espaces y
compris ruraux. Construire des bâtiments écologiques avec des matériaux biosourcés et ayant une
faible énergie grise devient primordial pour assurer notre futur commun.
Les espaces ruraux doivent être conscients de leurs richesses patrimoniales et de leurs capacités
à devenir vectrices de développement local de par leur cadre de vie. Ainsi entretenir et valoriser le
paysage sont, pour les collectivités territoriales, un moyen de développer leur économie car l’espace
rural est parfois oublié par l’État, avec la baisse des dotations par exemple. Cette politique de
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1. Choix du sujet
Dès les premières semaines du cursus en Master 1
géographie à l’université de Caen, nous avons dû choisir
un sujet d’étude pour le mémoire personnel réalisé au
second semestre. J’ai donc réfléchi à plusieurs sujets
d’étude correspondant à mes envies professionnelles
et qui abordent un thème de la géographie humaine et
sociale tout en étant en lien avec la spécialité du master
: « les ruralités ».
Après réflexion, j’ai défini un premier sujet : « La
valorisation du patrimoine bâti (agricole, industriel et
historique) au profit du développement d’un territoire.
Comment concilier l’aménagement durable et la
préservation du patrimoine ? ». L’envie de poursuivre
mon parcours professionnel dans le patrimoine bâti
était l’un de ces critères. La prise de conscience des
effets positifs du patrimoine bâti sur le développement
local et durable engendre de plus en plus de recherche
dans ce domaine, or il y a un manque de connaissances
à ce sujet. Il sera donc potentiellement porteur
d’emploi dans les années à venir. Ayant choisi un sujet
relatif au patrimoine bâti, Philippe Madeline m’a
proposé un sujet de mémoire avec la possibilité d’un
stage pour l’année suivante en master 2 à la
Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel
Normandie (figure 1). Ce sujet de mémoire et de stage
a pour ambition de recenser et d’étudier le bâti en terre
sur l’ensemble de l’intercommunalité en vue d’obtenir Figure 1 : EPCI du département de la Manche (Auteur :
J.Huret)
par la suite le label « Pays d’Art & d’Histoire ».
Cet objectif a été défini dans un contrat de territoire qui s’étend de 2017 à 2021, avec pour
responsable de l’obtention de ce label, Alain-Gilles Chaussat. Ce label, attribué par le ministère de la
Culture et de la Commission, accompagne les collectivités territoriales conscientes des enjeux que
représente leur patrimoine rural et urbain. Ce type de projet permet d’accomplir une démarche active
de connaissance, de conservation et de valorisation des patrimoines, dont le patrimoine en terre crue
fait partie. Le label s’articule autour de quatre grands objectifs :
structurer l’offre existante et créer une dynamique de travail en réseau entre les différents
acteurs du territoire ;
renforcer l’identité culturelle et l’appropriation du patrimoine par les habitants ; développer
de nouvelles offres touristiques ;
renforcer l’attractivité du territoire et améliorer la conservation ;
sauvegarder et transmettre le patrimoine sans pour autant s’enfermer dans une vision
passéiste.
La sauvegarde et la valorisation de ce type de bâti a déjà été menée dans certaines régions de la
Normandie aux fortes spécificités de l’habitat traditionnel comme le Pays d’Auge et dans le Parc
Naturel Régional des Marais du Cotentin et du Bessin. C’est pourquoi la Communauté d’Agglomération
du Mont Saint-Michel Normandie a souhaité prendre exemple sur eux afin d’envisager la possibilité
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d’obtenir le label « Pays d’Art & d’Histoire » en s’appuyant sur ces nombreuses ressources
patrimoniales :
le Mont Saint-Michel et sa baie ;
un patrimoine paysager et bâti varié ;
un terroir de qualité ;
de nombreux musées et écomusées ;
le Parc Naturel Régional Normandie-Maine.
L’étude proposée concerne le bâti en terre des 95 communes de la Communauté d’Agglomération
du Mont Saint-Michel Normandie sur une large période du XVIIIe au milieu du XXe siècle. Pour la
réaliser, une approche pluridisciplinaire était envisagée entre la géographie et l’archéologie. J’ai
accepté cette proposition qui est une belle opportunité de réaliser un travail de type professionnel et
universitaire sur une durée de deux ans. De plus, ce travail s’appuyait sur une collaboration avec un
étudiant en master 1 en archéologie à l’université de Caen. Cette collaboration était pour moi une
occasion de découvrir cette discipline. Toutefois, cette collaboration a pris fin au mois de février à la
suite de l’abandon de mon collègue étudiant. Cet arrêt brutal m’a contraint à repenser mes objectifs
de travail et à prendre conscience de mes limites étant désormais seul à travailler sur le sujet.
2. Objectifs et problématique
Le patrimoine bâti en terre considéré comme modeste dans le Sud-Manche est souvent dévalorisé
par la population alors qu’il fait partie de l’identité locale comme le rappellent les professionnels du
tourisme. L’obtention du label permettrait entre autres de développer l’identité culturelle de la région
afin de susciter un sentiment d’appartenance à ses habitants. La réappropriation du patrimoine
consoliderait le lien social des habitants entre eux mais aussi avec les élus et les agents de la collectivité
territoriale. L’intercommunalité veut mettre à disposition des outils d’accompagnement destinés aux
particuliers et aux professionnels souhaitant rénover ou construire ce type de bâti. Ces outils
proposeront des techniques innovantes de l’écoconstruction à la fois cohérentes avec le style
architectural traditionnel ainsi qu’avec le confort d’une habitation moderne.
Les différents objectifs permettront d’obtenir des retombées positives sur le développement local
avec, par exemple, l’accueil de nouveaux habitants désireux d’un cadre de vie plus simple et paisible
et recherchant ce type d’habitation traditionnelle. Ainsi, fédérer une identité locale forte permettrait
de pallier les problèmes que connaissent les territoires ruraux actuels : baisse démographique,
vieillissement de la population, paupérisation des ménages, etc. Pour s’inscrire dans cette synergie
régionale, il est primordial d’améliorer la connaissance de ce bâti, du point de vue de la technique de
construction traditionnelle locale, mais aussi de la compréhension des fonctions des bâtiments d’une
exploitation agricole traditionnelle normande. À terme, cette action pourrait permettre d’améliorer le
tourisme lié au terroir, à l’environnement et aux produits de qualité avec l’arrivée de l’agrotourisme.
L’objectif de mes deux années de Master est de réaliser une étude de faisabilité pour l’obtention
du label « Pays d’Art et histoire ». Pour postuler à ce label, il est nécessaire de déterminer si le territoire
possède les atouts requis pour répondre au cahier des charges du label, ainsi que d’analyser les enjeux
et les possibles retombées de la démarche. Pour cela, au cours de cette première année il a fallu
localiser le bâti en terre sur l’ensemble du territoire grâce à un repérage virtuel, c’est-à-dire à distance
via l’outil « Google Street View » permettant de visualiser en 3D le paysage de l’ensemble de la France,
définir le périmètre d’action pour l’inventaire du bâti en terre et interroger les propriétaires ou les
locataires sur leur bâti. Il a donc fallu mettre en place et tester la méthodologie d’inventaire sur le
terrain afin d’être opérationnel pour le stage de Master 2. Ces démarches sont primordiales car elles
permettent de prendre connaissance des possibilités de sauvegarde du bâti par rapport aux lois et aux
contraintes économiques, sociales et environnementales. Ce mémoire peut aussi être l’occasion
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L’architecture en terre crue est le terme pour désigner la terre utilisée avec peu de
transformations en tant que matériau de construction, contrairement à la terre cuite. La terre est
utilisée par de nombreuses espèces animales comme les oiseaux ou les abeilles pour construire leurs
nids. Depuis onze millénaires, date de la révolution néolithique et de la sédentarisation au Proche-
Orient, la terre crue accompagne l’homme dans son habitat. Ces nombreuses qualités lui ont permis
d’être utilisé sur la quasi-totalité des zones géographiques habitées hors zones désertiques et
glaciaires. Aujourd’hui, et ce dans plus de 150 pays (figure 2), près de deux milliards de personnes
vivent dans des habitations en terre crue, soit un tiers de la population mondiale vivant en milieu
urbain ou rural.
Sa présence dans le monde entier a conduit à la considérer comme patrimoine commun de
l’humanité afin d'être préservée et valorisée. Cette considération de la communauté internationale
est liée à son histoire. L’architecture en terre crue est le berceau de la civilisation sédentaire et ainsi
de l’ensemble des architectures. Comme le souligne Thierry Joffroy, l’« […] architecture de terre est
l'une des expressions les plus originales et les plus puissantes de notre capacité à créer un
environnement construit avec des ressources locales facilement disponibles » (Joffroy, 2012, page 284).
En 2011, plus de 10 % des sites archéologiques et architecturaux historiques classés sur la liste du
Patrimoine Mondial de l’UNESCO incluaient des structures en terre.
Toutefois, ces architectures de terre sont de plus en plus menacées par des catastrophes
naturelles (inondations et séismes) et humaines (industrialisation), et méritent donc une attention
particulière en termes de préservation et de valorisation. Selon l’UNESCO environ ¼ des sites inscrits
sur la liste du patrimoine mondial en danger sont des sites en terre. Cependant, ces splendides
témoignages de la beauté et de la pérennité de ce matériau universel sont encore visibles de nos jours
dans le monde entier comme la ville de Shibam au Yémen aussi appelée la Manhattan du désert,
l’Alhambra à Grenade, des tronçons de la Grande Muraille en Chine, les remparts de Marrakech, le
centre historique de Salvador de Bahia au Brésil, le palais du Potola au Tibet, ou encore la cité de
Tombouctou au Mali, (figure 3, page suivante). En France, la ville de Lyon, capitale de la Gaule antique,
a été bâtie en pisé jusqu’à la fin du XIX e siècle, mais aussi la ville médiévale de Provins en France ainsi
que le cœur médiéval de Strasbourg.
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Au cours des siècles pour se loger et pour produire, l’Homme a édifié des bâtiments d’habitation
et d’exploitation avec les matériaux dont il disposait à portée de main en tenant compte des conditions
locales, qu’elles soient climatiques, économiques et technologiques. La terre est la ressource la plus
facile à trouver, à mettre en œuvre et la moins chère. Ce critère de proximité avec la terre a forgé une
identité locale propre à chaque région où la terre crue est extraite. En effet, chaque région possède un
sol différent composé de plusieurs strates avec des terres différentes. La première couche est
composée de terre végétale qui contient des résidus végétaux, celle-ci est utilisée essentiellement
pour la culture agricole. La seconde couche est une terre minérale, sans résidus. C’est cette strate qui
est employée pour construire en terre crue. La grande diversité des terres utilisées pour
l’architecturale en terre crue permet à celle-ci d’être unique à chaque site géographique. Chaque pays,
chaque région, chaque groupe ethnique apporte sa créativité pour façonner la terre crue. Ainsi, cette
architecture est utilisée pour tous les types de constructions, qu’elles soient simples ou
monumentales, de l’habitat rural à l’habitat urbain. Avec diverses fonctions des souks aux temples, du
manoir à la forteresse, de l’église à l’usine. La construction en terre peut être perçue comme une
architecture rudimentaire, pauvre comme les murs en terre dans la Chine ancienne ou bien savante
avec les arcs, voutes et coupoles dans les pays du Moyen-Orient (Monnier, 1994).
Selon le type de technique utilisée, on choisira des terres plus ou moins riches en argile, en sable,
en gravier, etc. Mais une même terre peut être utilisée pour plusieurs techniques selon son état
hydrique, c’est-à-dire son taux d’humidité. Elle peut être sèche (0-5 %), humide (5-20 %), plastique (15-
30 %), visqueuse (15-35 %) ou liquide (> 35 %) selon le Centre de recherche et d'application en terre
(CRAterre). Les principales techniques de construction en terre crue ont été recensées et présentées
de manière synthétique selon 12 modes majeurs d’utilisation. Le classement de 1 (terre sèche) à 12
(terre liquide) fait apparaître l’importance de la quantité d’eau nécessaire à la mise en œuvre du
matériau.
Il existe de nombreuses typologies d’architectures en terre qui peuvent être regroupées en quatre
techniques traditionnelles principales : le pisé, l’adobe, la bauge et le torchis. Ces diverses techniques
possèdent des caractéristiques propres à chaque région selon son climat. En effet, certaines zones
géographiques doivent nécessairement protéger la construction en terre crue de l’eau par « de bonnes
bottes et un bon chapeau ». Cette expression désigne le fait de réaliser un soubassement en dur et un
large toit débordant pour les constructions en terre pour éviter les contacts avec l’eau. De la même
manière pour résister aux intempéries, les façades sont recouvertes de couches d’enduit de terre pour
les constructions les plus modestes ou d’un enduit à la chaux pour les bâtisses les plus aisées. Le
torchis, la bauge et l’adobe ont émergé avec la révolution néolithique et la sédentarisation de
l’homme, vers la fin du Xe millénaire avant notre ère. Le pisé, plus sophistiqué est apparu au IXe siècle
avant Jésus-Christ.
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3.1.1. Le torchis
Les terres à torchis sont généralement fines, argileuses et collantes. L’ajout de fibres végétales ou
animales est lié au manque de sable pouvant entraîner des fissurations. Le mélange, mis en œuvre à
l’état plastique, est étalé sur un lattis en bois, en osier ou en bambou ou un clayonnage (figure 4), fixé
dans une ossature porteuse en bois appelée pan de bois ou colombage selon les régions. Le torchis
apparu vers la fin du Xe millénaire au Proche-Orient a été perfectionné par les cultures néolithiques du
Danube avant de s’étendre aux régions boisées de l’Europe continentale. La forte ressource en bois de
l’Europe a permis de développer la technique du torchis pan de bois que l’on connaît actuellement
avec l’assemblage des pièces du bâti parfois complexe et recherché.
Il s’est aussi développé dans les zones tropicales humides d’Afrique et d’Amérique du Sud.
Quelques sites sont classés au patrimoine mondial de l’UNESCO : le centre médiéval de Strasbourg et
de Provins en France, la ville de Diamantina au Brésil, les maisons ottomanes de Safranbolu en Turquie,
les tombeaux des rois du Buganda en Ouganda. Contrairement aux trois autres techniques, le torchis
composé en partie de terre crue n’est pas une construction porteuse à elle seule. La structure porteuse
en bois est ensuite garnie du torchis.
Figure 4 : Maison en torchis pan de bois, Saint-Georges-de-Rouelley, 04/2019 (Source : J.Huret)/Lattis pour accrocher le
torchis (Source : site internet « au-milieu-de-nulle-part »)
3.1.2. L'adobe
L’adobe est une brique de terre crue façonnée à la main ou moulée dans un cadre en bois. Elle est
ensuite séchée pendant quelques jours à l’air libre ou sur des aires couvertes pour être ensuite
maçonnée comme une brique en terre cuite avec un mortier en terre (figure 5, page suivante). Cette
brique est le mélange d’argiles, de limons, de sables et d’eau afin d’obtenir un état plastique. Tout
comme le torchis, des fibres peuvent être rajoutées au mélange pour réduire les fissures lors du
séchage. L’édification de voûtes et coupoles dans la continuité des murs en adobe permet de couvrir
les bâtiments sans recourir à d’autres matériaux qui peuvent être rares et chers comme le bois dans
certaines régions. À la différence de la brique de terre cuite, elle ne subit aucune cuisson. L’adobe
permet de répondre à toutes les contraintes architecturales grâce à la fabrication de briques de
dimensions variables afin de construire diverses structures comme des murs, des piliers, des arcs, des
voûtes ou des coupoles.
Des briques de terre en forme de pain, façonnées à la main vers 8 000 avant Jésus-Christ, ont été
trouvées à Jéricho en Cisjordanie et Mureybet en Syrie. Les plus anciennes briques produites dans des
moules sont arrivées environ mille ans plus tard et ont été repérées à Çatal Höyük, en Turquie. Une
vingtaine de centres historiques en adobe sont classés au patrimoine mondial, dont Shibam au Yémen,
Tombouctou au Mali, Alep en Syrie, Lima et Mexico en Amérique latine.
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Figure 5 : La ziggourat de Tchoga Zanbil en Iran construite vers 1250 avant Jésus-Christ (Source : CRAterre)/Séchage des
briques crue (Source : archeorient)
3.1.3. La bauge
La bauge est la technique la moins mécanisée des quatre techniques. Elle est issue d’un mélange
de terre additionnée de fibres, d’eau et parfois d’éléments minéraux (éclats de silex), afin de former
une pâte souple mis en œuvre sans coffrage, constituant des murs massifs et porteurs. Ce mélange est
généralement constitué d’un empilement de boules de terre. Un mur en bauge est épais de 40 à 60
cm, voire plus selon les régions, et homogène comme le pisé. En France, les murs en bauge
nécessitaient un léger fruit, c’est-à-dire une largeur au sommet moindre qu’à la base. Les murs sont
composés de couches successives de 60 à 80 cm de hauteur. Les murs sont ensuite frappés au bâton
et retaillés avec un outil tranchant. Après la constitution d’une couche, les faces sont battues pour
éviter les fissures au séchage, puis taillées afin d’obtenir une surface plane. La version rurale française
consiste à entasser à la fourche des paquets de terre, mais dans la plupart des régions du globe, les
murs sont façonnés à la main comme une sculpture géante (figure 6).
La bauge est apparue au Proche-Orient vers la fin du Xe millénaire avant J.-C., en même temps que
le torchis sur branchages et les briques de terre crue façonnées à la main. La péninsule arabique
possède de magnifiques exemples de construction en bauge, mais elle est aussi présente dans
l’architecture vernaculaire africaine (Burkina Faso, Bénin, Ghana, Nigeria…) et dans le patrimoine rural
du Devon anglais et des Abruzzes italiennes sans oublier les bourrines vendéennes et les
longères bretonnes et normandes.
Figure 6 : Les greniers du Sahel entièrement façonnés à la main (Source : CRAterre)/Construction d’une maison en bauge au
Bénin (Source : archeorient)
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3.1.4. Le pisé
Le pisé est un mélange de terre graveleuse, très faiblement amendé d’eau que l’on compacte de
couches successives de terre pulvérulente d’environ 20 cm de hauteur dans un coffrage mobile « les
banches » pour l’élévation d’un mur (figure 7). Ce procédé consiste à construire des murs massifs et
porteurs de plus de 50 cm d’épaisseur. Le mélange étant à peine humide, le décoffrage est immédiat.
Les strates compactées restent visibles, avec une texture riche par son grain et sa couleur. À cause de
l’intensité du travail, le pisé est un matériau haut de gamme dans les pays industrialisés. Dans certains
pays la réglementation exige une stabilisation avec environ 10 % de ciment. La forte proportion de
cailloux et de graviers dans la terre en fait une sorte de béton de terre.
Le pisé a été utilisé pour la première fois à Carthage en 814 avant Jésus-Christ (Delahousse, 2011).
De nombreux sites inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO en témoignent : tronçons de la Grande
Muraille de Chine, palais du Potala au Tibet et de l’Alhambra à Grenade, ksar Aït-Ben-Haddou au
Maroc. En France, le pisé est traditionnel en Auvergne et surtout en Rhône-Alpes : 40 % de
l’architecture vernaculaire et plusieurs immeubles du Vieux Lyon. Sa renaissance doit beaucoup aux
livres de l’architecte-entrepreneur François Cointeraux (1740-1830).
Figure 7 : L’Alhambra, « la rouge », de Grenade a été partiellement construite en pisé, au XV e siècle (Source :
CRAterre)/Construction d’un mur en pisé à l’aide de banches en bois, Alfundão, 1955 (Source : OAPIX)
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conservation pour les biens appropriés par les révolutionnaires à l’aristocratie et au clergé
(Beaumesnil, 2006).
Aux XVIIIe et XIXe siècles, la notion de patrimoine porte une grande valeur à l’esthétique et à
l’historique exceptionnel et irremplaçable, comme les monuments historiques ou les œuvres d’art au
détriment du patrimoine rural qui ne suscite aucun intérêt, trop sombre et anodin. Au fil des
décennies, la conception du patrimoine au sens de témoignage du passé remarquable évolue de plus
en plus vers les éléments de la vie quotidienne qui permettent de comprendre les habitudes et le cadre
de vie de groupes humains à un moment donné de l’histoire. Ainsi au début du XX e siècle apparaît de
nombreuses études et recherches sur l’habitat rural, mais aussi sur les économies agraires et les
paysages avec notamment le célèbre géographe Paul Vidal de La Blache. Malgré ces travaux, le monde
rural reste dans l’ombre de la notion. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale et la
modernisation de l’agriculture que l’on prend conscience des atouts de ces espaces, notamment le
bâti en terre, mais le besoin économique de cette époque est un réel frein à la prise en compte de
patrimoine comme tel. Toutefois, l’essor du terme patrimoine rural débute grâce à l’Inventaire des
monuments et richesses artistiques de la France crée en 1964 par André Malraux. L’objectif de cet
inventaire est de recenser, étudier et faire connaître toute œuvre « existant ou ayant existé sur le
territoire de la France Métropolitaine quelle que soit son origine et son auteur et dont le caractère
artistique, archéologique ou historique permet de considérer qu'elle appartient au Patrimoine Culturel
de la France », comme le souligne le livret prescriptions techniques de l’Inventaire général des
monuments et des richesses artistiques de la France. À la suite de cet inventaire est née en 1978, la
notion de « patrimoine ethnologique » au sein même du ministère de la Culture et accompagne aussi
une large extension de la notion de patrimoine notamment, rural, naturel, culturel, technologique,
mobilier, immobilier, etc.
La reconnaissance du patrimoine rural par les acteurs publics et privés va permettre en 1981 de
créer au sein du ministère de la Culture, une ligne budgétaire spéciale à la sauvegarde du Patrimoine
rural non protégé (PRNP) au même titre que les monuments historiques. Ce patrimoine rural non
protégé concerne l’ensemble du patrimoine lié « à la production agricole, aux fermes, aux
dépendances des entreprises agricoles, mais également des petits éléments comme les pigeonniers, les
moulins ou encore les lavoirs » (de Beaumesnil, page 60). Depuis les années 80, ce patrimoine a connu
des évolutions réglementaires avec notamment les lois de décentralisation où il est mentionné dans
l’article 99 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. La loi stipule que
« […] les crédits mis en œuvre par l'État pour la conservation du patrimoine rural non protégé sont
transférés aux départements ».
À partir des lois sur la décentralisation, l’avenir du patrimoine en terre crue ne dépend plus
uniquement de l’État, mais bien de l’ensemble des collectivités territoriales et des établissements
publics de coopération intercommunale. La volonté politique locale et celle de ses citoyens sont
primordiales pour assurer une sauvegarde viable de ce patrimoine bâti commun, si riche en histoire,
et qui nous accompagne depuis notre sédentarisation. La partie 1 présente les raisons de l’abandon
de ce patrimoine bâti au profit d’autres matériaux de construction, ainsi qu’un état des lieux de la
situation de l’architecture en terre crue sur l’ensemble du territoire européen et français.
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Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Partie 1
Le bâti en terre :
analyse à différentes échelles
géographiques
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Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
La première partie de ce mémoire présente une analyse du bâti en terre à différentes échelles
géographiques avec dans un premier temps l’analyse en Europe, puis en France, en terminant par le
Grand Ouest français. Elle vise notamment à comprendre pourquoi cette architecture est en sursis et
d’en montrer les impacts.
1. L’abandon des bâtiments en terre de l’Europe au Grand Ouest français
1.1. Un patrimoine architectural présent sur l’ensemble de l’Europe
Figure 8 : L’architecture en terre crue dans l'Union Européenne (Source : Terra Incognita)
Les architectures de terre reposent sur l’éloignement avec les carrières de pierre. En effet, le
transport du bois et de la terre est moins cher que le transport de la roche (Monnier, 2011). De plus,
la terre crue et le bois nécessitent de transporter moins de volume que la pierre sur une construction
identique. La pierre servait surtout au soubassement et à l’entourage des ouvertures des bâtis. Les
mares et les dénivelés visibles à proximité des bâtis témoignent des lieux d’extraction de l’argile. Les
modes de construction en terre crue ont été courants dans toute l’Europe, urbaine et rurale, jusqu’au
XXe siècle en utilisant les quatre techniques de construction citées précédemment. Cette grande
variété de constructions en terre selon les régions de l’Europe est liée en partie à leur richesse
historique et culturelle (figure 8). De nombreuses civilisations ont eu des influences sur notre
architecture en terre en apportant leur savoir en s’installant en Europe.
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Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Les plus anciennes traces de construction en terre crue connues en Europe se situent autour du
bassin méditerranéen, proche des côtes de la mer Égée datant du VIe millénaire avant Jésus-Christ où
l'Europe centrale et occidentale connaît une grande mutation qui correspond à l'extension de la culture
danubienne (céramique) rejoignant ainsi l'Ouest européen, dont la France (Guillaud, 2002). La culture
constructive danubienne pose les références techniques et typologiques du torchis et de la bauge
comme par exemple l’orientation des bâtiments contre les vents dominants. Ces premières
constructions utilisent le torchis, la bauge et l’adobe tandis que la technique du pisé se développe vers
le IVe et le IIIe siècle avant Jésus-Christ dans les régions d’Europe du Nord. À l’Âge du fer (750-50 avant
Jésus-Christ), les territoires celto-gaulois avaient développé un habitat en oppidums, c’« […] est le nom
donné par les historiens romains à un type d'habitat protohistorique fortifié que l'on trouve en Europe
occidentale et centrale » (Kruta, 2000, page 763). Ces agglomérations sont à la fois des centres
économiques et politiques. Elles peuvent être considérées comme les premières villes au nord des
Alpes selon le projet international soutenu par culture 2000 de la Commission européenne. Ces petites
maisons sont réalisées en torchis et en bauge. Ces villes sont les premières constructions en Europe à
être dotées de « solutions de superstructures en bois et torchis élevées sur des soubassements en
pierres » (Guillaud, 2002, page 5). L’habitat en Europe du Nord fut principalement en torchis et en
bauge, tandis que l’Europe du Sud, sous les influences helléniques et carthaginoises, avait introduit
l’adobe et le pisé (CRAterre, 2006). Pour enrichir mes propos, voici quelques photos de constructions
qui illustrent la diversité géographique des techniques de l’architecture en terre.
Le nord de l’Europe :
Figure 9 : Maison construite en argile et recouverte de plâtre crayeux, Finlande/Maison en bauge recouvert d’un enduit
ciment, Irlande (Source : Terra Incognita)
Le sud de l’Europe :
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Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
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L'architecture de terre crue en Europe et en France est le résultat d’une combinaison de cultures
constructives héritées de peuples différents, de conditions physiques et climatiques régionales et de
l’histoire agraire.
1.2. Le bâti en terre : 15 % du patrimoine immobilier de la France
Le nord de la France connaîtra de fortes influences à la fin du Haut Moyen Âge par des peuples
nordiques, ceux des Angles, des Saxons, des Normands, et même des Vikings qui permettront
d’imposer ces techniques jusqu’à aujourd’hui. Au Moyen Âge, l’art de la charpente et du torchis pan
de bois se sont fortement développés comme on le connaît actuellement en Normandie par exemple
avec son colombage. Selon Hubert Guillaud, le sud de la France pourrait avoir reçu une influence quant
à elle des cultures constructives méditerranéennes, dont la culture des califats de Cordoue depuis la
péninsule ibérique maure de l’Espagne à partir du VIII e siècle qui utilisait l'adobe et le pisé dans leurs
constructions (Guillaud, 2002). Ces influences de l’adobe et du pisé ont pu, elles aussi, être véhiculées
par les nombreuses invasions sarrasines, jusqu'au début du X e siècle dans les régions du sud-ouest de
la France et jusqu'en Auvergne. L’adobe et le pisé se développent et s’affirment dans les régions
méridionales aux XVIIIe puis au XIXe siècle. Ainsi, la France se distingue en deux zones géographiques
de cultures constructives en terre crue, d'une part, la dominante de l'architecture de bauge et du
torchis dans le nord et d'autre part l'architecture en adobe et en pisé dans le sud. Cette distinction de
techniques de construction suivant le nord ou le sud de la France peut être classée en deux grandes
familles : les constructions à ossature-remplissage et monolithiques façonnées, celle du nord de la
France et les constructions en petits éléments et monolithiques coffrées, celle du sud de la France
(Guillaud, 2002).
Cette répartition typologique de chaque culture constructive en terre crue permet de simplifier
sa localisation géographique sur l’ensemble du territoire. Mais cette répartition exclut des variantes et
des particularismes régionaux qui peuvent être plus ou moins expliquées par des raisons pédologiques,
économiques, culturelles, politiques ou climatiques. En effet, on peut citer comme exemple la tradition
du torchis Landais dont les caractéristiques sont expliquées par diverses causes. La cause physique
avec la présence de forêts et d'un sol pauvre et la cause historique et culturelle car le territoire a été
sous l’influence anglaise pendant de nombreuses années. Cette tradition du torchis dans le sud existe
aussi dans le département du Tarn-et-Garonne ou encore au nord d’Albi par exemple. À l’inverse, la
Champagne peut être citée avec la tradition de construction en adobe dont cette fois-ci les origines
sont moins précises, même si la culture méditerranéenne de passage dans le nord de la France reste
l’explication la plus possible selon Hubert Guillaud. Hormis des variantes locales de certaines régions
dues à différents paramètres, la répartition typologique de chaque culture constructive en terre crue
Nord-Sud est celle à garder en mémoire.
Plus précisément, l’observation et l’étude des anciennes constructions en terre ont permis
d’établir une carte de répartition des modes de construction principalement utilisés en France
métropole (figure 11, page suivante). Cette carte met en évidence quatre zones de répartitions des
techniques. Cette architecture est représentée dans la quasi-totalité du paysage bâti de la France à
l’exception des zones de hautes altitudes où la pierre prédomine. Le torchis est prédominant dans le
nord-ouest et nord-est de la France, plus précisément de la Normandie à l’Alsace en passant par le
Nord-Pas-de-Calais. La bauge est située en grande partie sur le massif armoricain dans le nord-ouest
de la France, du département de la Manche à la région des Pays de la Loire et de la Bretagne. Le sud-
ouest, dont le climat, la composition de la terre possédant peu de cailloux et sous certaines influences,
a privilégié l'adobe. Celle-ci est surtout présente en Midi-Pyrénées (Haute-Garonne, Gers, Tarn). Dans
la région du sud-est, la technique du pisé prédomine, en particulier dans la région Auvergne-Rhône-
Alpes. Le département de l’Isère a 75 % de son habitat rural en pisé (Delahousse, 2011). Certaines
régions comme l’Occitanie ou la Nouvelle-Aquitaine possèdent plusieurs techniques de construction
formant une composition architecturale riche et variée, alliant parfois ces techniques sur une même
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Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
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bâtisse. À noter que le torchis est une technique de construction universelle en France. En effet,
aujourd’hui encore, le torchis est visible dans de nombreuses régions telles que la Normandie, la
Picardie, l’Artois, la Champagne, l’Alsace, l’Île-de-France, l’Orléanais, le Berry, le Maine, la Bretagne, le
Bourbonnais, la Bourgogne, la Gascogne et le Pays Basque et présente des typologies différentes, plus
ou moins anciennes, de bâtiments agricoles et de maisons d’habitation construites en pans de bois.
Selon Jean-Louis Valentin « […] le pan de bois est aussi, en une moindre mesure, présent dans bien
d’autres régions, où il marque essentiellement les centres urbains » (Valentin, 2017, page 5).
Figure 11 : Répartition des typologies constructives en terre crue en France (Source : Terra Europea)
La terre crue représente 15 % du patrimoine bâti français en 2010, selon l'Agence Nationale pour
l'Amélioration de l'Habitat (ANAH) au début des années 1980, soit plus de 2.5 millions bâtiments.
Cependant ce chiffre global ne reflète pas la réalité régionale avec pour certaines régions des taux plus
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Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
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élevés (Guillaud, 2002). On peut en effet observer que la région Rhône-Alpes, comprenant le Dauphiné,
le Lyonnais et le Val de Saône, la Bresse, la Loire, l'Ardèche et la Drôme rhodaniennes, approchent les
40 % du patrimoine bâti alors que dans le nord de la France, de la Normandie à l'Alsace les habitats
approcheraient les 60 %.
1.2.1. La Bretagne et les Pays de la Loire : des régions où dominent la bauge
L’architecture bretonne et des Pays de la Loire ne se résument pas à la pierre comme on pourrait
le penser. En effet, la Bretagne et les Pays de la Loire sont peu connus pour leur construction en terre,
et pourtant la bauge est largement représentée dans les départements de l’Ille-et-Vilaine et des Côtes-
d’Armor, ainsi que la partie occidentale des Pays de la Loire avec la Vendée et la Loire-Atlantique. La
Sarthe possède, elle aussi, des constructions en bauge, notamment dans le Perche Sarthois. On peut
également retrouver dans des proportions inférieures des bâtiments en bauge ou en torchis dans les
départements de la Mayenne et du Maine-et-Loire. La localisation des constructions en terre crue dans
la région de Bretagne et des Pays de Loire est dans sa globalité similaire. La bauge fut utilisée
essentiellement en zones rurales pour des bâtiments agricoles, hormis le bassin de Rennes, alors que
le torchis est plutôt concentré dans les villes comme par exemple Vannes, Morlaix, Vitré, Angers, Laval,
ou encore Dinan. Selon Tristan Arbousse-Bastide (2006) certaines maisons du Morbihan (région de
Guénin) ont des murs composés d'un empilement de fuseaux horizontaux enrobés d'un mélange de
terre et de fibres pouvant être interprétés comme des rouleaux de torchis.
La région de Bretagne : l’Ille-et-Vilaine aux Côtes d’Armor, la bauge de l’est breton
Figure 12 : Maison d’artisan en bauge à Gevezé en Ille-et-Vilaine/Bâtiment agricole à Saint-Barnabé dans les Côtes-d'Armor
(Source : site internet « atelier-alp »)
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Figure 13 : La technique de la bauge fourchée (Source : AsTerre)/La technique de la bauge découpés (Source : site internet
« atelier-alp »)
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Figure 15 : L'architecture en terre crue en Normandie (Source : PNR des Marais du Cotentin et du Bessin)
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lui visible sur deux régions : le Sud-Manche (Pays Mortainais et Avranchin) et l’Ouest Ornais (Pays du
Houlme et du Passais), ainsi que l’ensemble de la Haute-Normandie, de l’est du Calvados et le nord-
est de l’Orne avec les Pays d’Ouche et d’Auge. Le torchis est présent sur l’ensemble de la Normandie,
en zones urbaine et rurale, mais selon des proportions moins élevées que dans les zones non citées.
La technique de la bauge essentiellement Manchoise
Le territoire du Parc naturel régional des Marais du
Cotentin et du Bessin est le secteur où les bâtiments en
bauge sont les plus visibles étant donné qu’ils sont
préservés et valorisés celui-ci. Avec le bassin de Rennes,
c’est l’une des plus fortes concentrations de ce type
d’architecture en France. Après plus de 15 ans
d’implication du Parc dans la sauvegarde de ce
patrimoine et 8 ans d’études menées avec la Direction
de l’inventaire général du patrimoine culturel de la
Figure 16 : Presbytère à Auvers près de Carentan Région Basse-Normandie, le parc aurait inventorié pour
(Source : Site de la Région Normandie) le moment 10 000 bâtiments en bauge sur le territoire.
Durant l’émission « Des racines et des ailes » présentée
en mai 2019, François Streiff architecte au sein de la structure affirme que 80 % des bâtiments seraient
en bauge. La datation de ce type de construction dans le département de la Manche est, comme pour
le bassin de Rennes, floue. Cependant depuis au moins le XVIe siècle et jusqu’aux années 1950-1960,
la terre crue a façonné le paysage de ce lieu typique des marais du Cotentin et du Bessin, pauvre en
pierre et en bois et riche d’une terre argileuse et limoneuse permettant la construction en bauge.
L’essor agricole du XVIIIe et XIXe siècles est l’apogée de la bauge dans le secteur tout comme en Ille-et-
Vilaine où l’on construit de nombreux et imposants bâtiments agricoles permettant de répondre
facilement à tous les besoins du monde rural. L’arrivée du charbon au XIXe siècle dans le département
de la Manche va permettre à ce territoire pauvre en bois de pouvoir fabriquer des tuiles pour le toit
ainsi que de la brique qui servait pour les cheminées et les ouvertures essentiellement. La présence de
cimentiers italiens sur le territoire, particulièrement importante entre 1920 et 1930, puis l’usage de
nouveaux matériaux après la Seconde Guerre mondiale ont peu à peu entraîné une désaffection du
matériau traditionnel réputé comme pauvre. C’est à cette époque que commencent la destruction des
bâtiments et le recouvrement de leur façade en ciment.
Cette architecture réapparaît dans les années 1980-1990 au moment où le PNR des marais du
Cotentin et du Bessin lance une action de réhabilitation de cette architecture traditionnelle, à partir
du recensement effectué en 2000 par l’inventaire général du patrimoine culturel de la Région Basse-
Normandie. Inventaire qui aboutit à plusieurs inscriptions au titre des monuments historiques (Maison
des marais, Manoir de Donville, Manoir du Bois...). Les plus anciennes constructions en terre, datées
du XVIe siècle, sont des dépendances de manoirs. Ces dernières sont le plus souvent en pierre ou
associent la pierre et la terre comme le manoir du Désert à Carentan. Un seul manoir entièrement en
terre a été identifié, le Bas-Quesney à Saint-André-de-Bohon. Depuis quelques années, les efforts du
parc portent leurs fruits car de nombreux propriétaires rénovent leurs bâtiments en terre, soit par eux
même ou en se faisant aider par l’association Enerterre. Cependant, actuellement peu de
constructions neuves sont réalisées en bauge. La bauge de la Manche présente deux techniques de
construction : celle de l’édification en levées de terre superposées à la fourchée et le gazon d’argile
avec des empilements de carreaux de terre sur le soubassement, qu’on peut retrouver en Bretagne.
La plasticité du mélange impose une édification par étapes. La levée de la bauge ou du gazon d’argile
est de 0,6 à 1,2 m de haut environ et se déroule sur plusieurs semaines avec, pour chaque couche, un
temps de séchage. La largeur des murs d’environ 1 m est diminuée progressivement pour assurer une
meilleure stabilité à la structure. Après un séchage de 3 à 4 semaines, ce processus est répété jusqu’à
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obtention de la hauteur de mur souhaitée. La bauge est un long procédé de construction qui nécessite
environ 3 fois plus temps qu’une construction avec des matériaux modernes, selon un artisan du
Cotentin spécialisé dans ce type d’habitat.
Le torchis pan de bois présent dans les zones boisées
Une grande partie du territoire français est concernée par le torchis. Jusqu’aux XIXe et XXe siècles,
on édifia des bâtiments en torchis pans de bois, dont la technique de construction existe depuis le XIVe
siècle. Du Pays d’Auge au Pays de Caux en passant par le bocage normand, le torchis est partout en
Normandie en milieu urbain et rural, de l’habitat paysan au manoir et château des élites normandes,
françaises et étrangères. Selon Raymond Quenedey (1927), le torchis pans de bois était déjà utilisé
durant l’Antiquité, avec une évolution au Moyen Âge avec des bâtisses à étage. Les historiens datent
le torchis à plusieurs époques différentes à cause de nombreuses évolutions. En réalité, le torchis date
en France d’entre le Ve et le IVe millénaire avant Jésus-Christ. Les époques de l’Antiquité au Moyen
Âge marquent un tournant dans l’évolution de cette typologie de construction en terre. La difficulté
liée à la datation et à la compréhension d’un bâtiment en pan de bois, est due à la réutilisation de pièce
de charpente de constructions passées et aux constructions successives. Durant la construction de bâti
en torchis chaque essence de bois a son utilité selon la richesse du propriétaire (Valentin, 2017). Le
chêne servait aux pièces apparentes des façades pour l’esthétique du bâti, mais aussi à l’intérieur des
constructions de belle qualité : plafond, lambris, menuiseries, charpentes … L’orme (bois de haies)
servait quant à lui à l’intérieur des bâtisses modestes car ce bois résiste peu à l’humidité et ne fournit
pas de pièces longues et rectilignes comme le chêne. À la fin du XIXe siècle d’autres essences de bois
apparaissent en France dans les constructions comme le sapin, le pin et le peuplier.
L’évolution du pan de bois peut être expliquée par de nombreux facteurs, qu’ils soient
économiques, sociaux ou liés à l’environnement (Valentin, 2017). Tout d’abord la construction en terre
auquel appartient le torchis pan de bois, utilise peu de matière première mis à part le bois, cependant
cette construction utilise moins de bois qu’un bâtiment entièrement réalisé en bois. La construction
en bois n’est pas gênante en soi, mais à partir du XIII e siècle selon Jean-Louis Valentin, les forêts de
France et de Normandie diminuent, par l’expansion de l’agriculture, le développement de la marine,
l’accroissement du nombre des forges, etc. Il faut donc réduire la consommation en bois en utilisant
davantage le torchis pan de bois dans les constructions. Ensuite à la fin du Moyen Âge, grâce à la
politique, l’insécurité due aux guerres sur le territoire français et normand diminue. Cette stabilité
permet de construire des bâtiments en torchis pans de bois dont la fonction est plus esthétique et
moins défensive. Cette hypothèse est évoquée en constatant que certaines prisons médiévales
construites en pans de bois avaient un écartement entre les colombes faibles et des sections
importantes, réduisant ainsi le torchis, peu résistant. Enfin l’évolution du torchis pans de bois est liée
aussi à l’évolution des outils et des techniques où la structure en bois n’a plus besoin d’avoir autant de
bois pour résister aux différentes charges mécaniques que subit chaque pièce d’un assemblage en pan
de bois. C’est ainsi que depuis le XVIe siècle, la technique du pan de bois a atteint un tel niveau de
perfection qu’elle n’a pas ou peu changé jusqu’à ce jour. « Aujourd’hui encore, les bâtiments de cette
époque constituent des références en matière d’intelligence technologique et de compréhension du
matériau bois, dont on a su tirer alors le meilleur de ses performances » (Valentin, 2017, page 9).
L’abondance des ressources en matières premières telles que le bois, les céréales, les briques dans
certaines régions de Normandie a permis l’apparition de techniques très élaborées de bâtiments à
torchis pans de bois associant sur une même construction parfois le torchis, la brique cuite ou crue et
le bois. Cet essor est visible essentiellement en Haute-Normandie et dans les régions naturelles et
traditionnelles limitrophes comme le Pays d’Ouche et d’Auge qui sont souvent plus riches que la partie
occidentale et centrale de la Basse-Normandie, moins industrialisées et possédant des terres
d’élevage. La richesse du torchis pan de bois en Haute-Normandie est aussi due à la transformation «
[…] par la métallurgie (qui donne de meilleurs outils) et par le contrôle de la géométrie, les modes
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Figure 17 : Bâtiment en torchis pan de bois à colombes découvertes, Pays d’Auge/Bâtiment en torchis pan de bois à
colombes cachées, Isigny-le-Buat/Bâtiment en torchis pan de bois à ossature non-visible, Dromesnil (10 km de la Normandie)
(Source : Gilbert Delbrayelle/J.Huret)
Le torchis pan de bois avec la structure visible, soit à colombes découvertes ou cachées, est la
technique la plus répandue en France et en Normandie. Néanmoins on peut noter des différences
régionales relatives aux éléments de confort, aux éléments de décor ou bien aux éléments de
subdivision des panneaux. Le torchis pan de bois avec la structure non-visible est moins répandu. Elle
est surtout présente dans la région Haut-de-France, avec un débordement vers le pays de Caux en
Normandie et le Beauvaisis en Île-de-France, selon Jean-Louis Valentin (2007). La particularité de cette
technique en torchis pan de bois est que la structure est cachée par un clayonnage fixé sur la charpente
et enduite de torchis. Rien alors, si ce n’est la dégradation de ce revêtement, ne permet de déchiffrer
la façade. Ces bâtis sont essentiellement des habitations et des bâtiments agricoles sobres et sans
décor.
Le travail sur la compréhension et la connaissance de l’architecture en torchis pan de bois de la
Normandie reste forcément incomplet. En effet, au sein d’un même Pays de Normandie, regroupant
quelques communes, il existe déjà des particularités dues notamment aux contraintes du milieu
environnant (disponibilité en bois), la richesse des propriétaires et les moyens techniques. La
documentation était donc très importante et variée sur le sujet, il a fallu faire des choix pour que les
explications soient exhaustives mais pas trop détaillées.
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bloc en hauteur possède un ou deux étages. La maison bloc à terre est la juxtaposition en longueur de
l’habitation, l’étable et la grange formant ainsi de deux à trois pièces suivant la bâtisse. La maison bloc
à terre est établie dans les pays de bocage ou semi-bocage (régions à l'ouest et au centre de la France).
On peut notamment citer la bourrine vendéenne construite en bauge, ainsi que les maisons en torchis
de certaines régions de Normandie. La maison bloc en hauteur intègre elle aussi la grange et l'étable
qui elles sont généralement dominantes sur l’édifice. On la retrouve essentiellement dans le sud-est
avec les bâtiments en pisé de la Drôme, de l'Isère et du Rhône.
La maison à cour est liée historiquement aux influences culturelles d'origine anglaise selon Hubert
Guillaud (2002). Contrairement à la maison bloc, la maison (ferme) à cour possède plusieurs bâtiments
indépendants à l’habitation ayant chacun une tâche plus ou moins définie. Le regroupement de ces
bâtiments en cour permet une bonne organisation dans les régions où les exploitations sont plus vastes
et les cultures plus nombreuses que dans les maisons blocs. La maison à cour fermée est associée aux
paysages d'openfield que l’on retrouve dans les pays au nord de la Loire et du Bassin Parisien comme
en Ille-et-Vilaine, construite en bauge ou en torchis en Normandie, mais aussi dans la région lyonnaise
et dans le val de Saône où elle est bâtie en pisé. La caractéristique de cette structuration est que
l'habitation se trouve généralement en fond de cour alors que l'étable et la grange se trouvent sur les
côtés. La maison à cour ouverte correspond à l’activité d'élevage intensif, car en effet contrairement à
la cour fermée les animaux ont besoin d’espace pour circuler et se rendre aux pâturages. Tout comme
les autres fermes, elle possède les trois corps de bâtiments avec l'habitation en fond, la grange et
l'étable. La disposition des bâtiments est souvent perpendiculaire l’un de l’autre et en vis-à-vis formant
un U vu du ciel. Cette typologie est visible dans les régions du bocage et semi-bocage. Tout comme la
maison bloc à terre, elle est donc observable aussi en Normandie pour ce qui est du torchis, mais
également dans les départements de l’Ain, de la Saône-et-Loire et du Jura ou plus précisément dans la
région naturelle de la Bresse où elles sont construites en pisé et parfois en torchis pour les plus
anciennes fermes selon Hubert Guillaud dans « Architectures en terre de France : repères de l’histoire,
patrimoine traditionnel et modernité » (2002).
La construction en terre disparaît progressivement à partir des années 1950, sur l’ensemble de
l’Europe de l’Ouest, région où l’industrialisation devient de plus en plus forte et où le développement
économique est crucial au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
2. Les constructions en terres crues : des constructions en sursis ?
2.1. L’impact de transformations socio-économiques sur le bâti en terre
2.1.1. Lien entre l’évolution de l’agriculture et le déclin du bâti
Depuis le Néolithique, le paysage est façonné par l’Homme qui s'occupe de la terre en cultivant le
sol et en élevant des animaux pour subvenir à ses besoins. Selon Paul Claval, l’environnement de la
France préindustrielle était peuplé essentiellement d’une population rurale où le monde « […] était
gouverné par l’exploitation des ressources que fournissait la terre qu’elle soit cultivée, livrée à l’élevage
ou boisée » (Claval, 2000, page 36). La France peuplée essentiellement de paysans jusqu’à encore
quelques décennies s’est couverte d’un grand nombre de bâtiments qui sont encore visibles
aujourd’hui dans les campagnes. Pour se loger et pour produire, les hommes ont édifié des bâtiments
d’habitation et d’exploitation avec les matériaux dont ils disposaient localement en tenant compte des
conditions climatiques et des ressources disponibles sur place. C’est ainsi que l’on trouve la terre dans
les vallées, le bois en forêt et la pierre à même le sol et sur les hauteurs où la roche était plus facilement
accessible. Chaque bâtiment a une fonction définie, de la boulangerie pour cuire les aliments, à l’étable
pour abriter les animaux en passant par la grange et la charreterie pour l’abri du fourrage. Ces bâtisses
étaient des constructions en terre crue dans de nombreuses régions. Cependant ces constructions
disparaissent au fil du temps laissant place à de nouveaux bâtiments plus standardisés. Cette
disparition est liée à une multitude de facteurs qui s’accumule depuis la révolution industrielle.
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
La révolution industrielle en France s’étale de la fin du XVIIIe siècle jusqu’aux années 1950. Elle
bouleverse les conditions de vie et les rapports qu’entretiennent les français avec leur environnement.
« A une société rurale et en majorité paysanne succède un monde urbanisé dominé par l’industrie et
les services […]. La vie et le travail s’inscrivent désormais dans un espace structuré par des relations
interrégionales vigoureuses dans le cadre d’un marché national ouvert sur le monde » (Paul Claval,
2000, page 54). Sous l’effet de la première révolution industrielle (1820-1850) puis de la seconde
(1890-1960), les villes s’agrandissent, les usines se multiplient et attirent les populations des
campagnes. L’exode rural augmente fortement car le besoin en main d’œuvre baisse avec la
mécanisation alors qu’il augmente en ville avec l’industrialisation. En deux siècles la campagne a perdu
15 millions d’habitants. « En 1928, pour la première fois, la population urbaine dépasse celle des ruraux.
Ces derniers qui constituaient vers 1848 les trois quarts de la population française ne représentent plus
que 67 % en 1876 et 57,9 % en 1906. Depuis, la population agricole n’a cessé de diminuer, passant de
3 millions d’exploitants en 1954 à 590 000 exploitants en 2003. Aujourd’hui, elle ne représente plus
qu’une très faible part des ruraux qui constituent 25 % de la population totale ». (Beaumesnil, 2006,
page 13).
Après la Seconde Guerre mondiale, les paysans doivent améliorer eux aussi leurs rendements
agricoles pour subvenir au besoin croissant des Trente Glorieuses. Cette rentabilité les contraint à
changer de mode vie et de travail et à détruire ou laisser à l’abandon les anciens bâtiments du XVIIIe
et du XIXe siècles devenus non-fonctionnels pour de nouveaux bâtiments agricoles, plus larges, plus
grands, plus hauts. Ces différentes mises aux normes furent l’une des dernières mesures qui ont incité
les agriculteurs à abandonner ces anciens bâtiments pour des nouveaux. Selon Philipe Madeline, les
politiciens favorisant les constructions neuves pour les agriculteurs engendrent une inégalité au sein
de la profession entre ceux qui ont les moyens financiers pour suivre la tendance, ceux qui s’endettent
et ceux qui déposent le bilan, faute d’argent. Le bâti en terre est devenu non-fonctionnel et qui a trop
d’impacts sur l’environnement avec des mises aux normes de plus en plus pointilleux. Bon nombre de
bâtiments en terre furent détruits ou abandonnés pour laisser place à ces nouveaux bâtiments dit
« industriels ». « En 1965, on dénombrait 1,8 millions d’exploitations agricoles, dont les deux tiers ont
aujourd’hui disparu. Cette réduction s’est accompagnée de la perte d’usage d’un grand nombre de
bâtiments d’habitation ou de bâtiments à usage agricole qui ont été plus ou moins laissés à
l’abandon ». En effet, « […] sur 11 millions de bâtiments à usage agricole identifiés en 1966, on estime
aujourd’hui à 6 millions le nombre de bâtiments qui restent, dont la moitié serait en attente d’usage »
(Beaumesnil, 2006, page 57).
Pour illustrer mes propos, voici l’exemple d’une ferme sur la commune de Saint-Loup non loin
d’Avranches (figures 19 et 20, pages 29 et 30). Cette ferme est un bon exemple d’évolution des
exploitations agricoles. Le premier bâtiment industriel fut construit en 1980. Cependant cette ferme
comprend la particularité assez rare d’avoir gardé ses bâtis en terre que l’on peut observer en vert et
en bleu. Néanmoins ces bâtiments sont pour la plupart en moyen voir mauvais état pour certains.
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Figure 19 : Évolution d'une exploitation agricole, La Faverie à Saint-Loup, de 1839 à 1973 (Auteur : J.Huret)
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Figure 20 : Évolution d'une exploitation agricole, La Faverie à Saint-Loup, de 1980 à 2013 (Auteur : J.Huret)
L’abandon et la destruction des anciens bâtis liés à l’évolution ne sont pas sans rappeler la
réflexion de « la ferme modèle » au XIXe siècle où il était déjà question de détruire les anciennes
bâtisses pour des nouvelles, comme le signale Philippe Grandcoing (2010). L’avenir du bâti est une
boucle dans laquelle il est difficile de se défaire et qui suscitait déjà des débats et des interrogations
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
recueillies par Pierre Brunet. Le conseiller Ange-Louis du Temple de Beaujeu, s’interroge lui-aussi sur
les fermes modèles : « Si l'on établit une ferme-modèle, entendrait-on propager les méthodes
perfectionnées de la grande culture avec tous les instruments qui s’y rapportent, avec toutes les
économies de culture qui en résultent, ou bien voudrait-on simplement modifier la petite culture en
faisant connaître dans les parties du département où elle est en usage, les moyens de la perfectionner
? » (Brunet, 2002, page 23). De la même façon, l’avenir du bâti agricole récent sera aussi incertain.
Sans utilisation propre, sera-t-il lui aussi préservé ou détruit ? Dans le monde agricole, la protection du
patrimoine n’est souvent pas un sujet primordial face à l’économie et aux nombreuses contraintes du
milieu. Cependant la valorisation du bâti ancien d’origine agricole ne doit pas pour autant
s’accompagner d’une nostalgie du passé puisque l’agriculture est une activité productive qui évolue et
qui a besoin de bâtiments adaptés plus modernes, comme le souligne Michel de Beaumesnil dans son
étude « Un atout pour le monde rural : la valorisation du bâti agricole, Rapport au Conseil économique
et social », 2006. On le voit bien, l’évolution du monde agricole de ses dernières décennies a
profondément impacté le paysage rural, du patrimoine bâti au patrimoine vert en l’uniformisant
notamment par le remembrement comme le souligne Gaël Huitorel où « la construction de bâtiments
d’exploitation industriels qui a accompagné le système de production intensive a bouleversé le paysage
rural » (Huitorel, 2014, page 193). Cependant, quelques fermes ont su préserver leurs bâtis
traditionnels, le plus souvent lorsque les bâtiments étaient assez volumineux pour permettre
d’héberger le matériel ou le stockage de ressource herbagère et céréalière.
À noter que les deux guerres mondiales menées en partie sur le territoire français ont aussi eu
des conséquences sur ce patrimoine. En effet, les deux guerres mondiales ont engendré de lourdes
pertes humaines, essentiellement durant la Grande Guerre où toute une génération de jeunes
hommes fut décimée, dont beaucoup de ruraux, agriculteurs et artisans. Ce qui a entraîné une perte
de savoir-faire technique et de main d’œuvre dans les campagnes françaises pour la construction en
terre crue. Les combats ont contribué à la destruction massive du paysage français y compris dans le
Sud-Manche. Parmi ces taux de démolition se trouvent de nombreux bâtiments en terre dont du bâti
en bauge et en torchis pan de bois situé dans la campagne des Pays Avranchin et Mortainais, mais aussi
et surtout dans leurs villes, notamment les centre-bourgs comme Barenton ou Mortain-Bocage. En
effet, ces villes sont détruites à plus de 70%.
De nombreux facteurs sont à l’origine de la disparition de l’architecture en terre crue en Europe
où le désintérêt pour celle-ci augmente au fil des décennies par le rythme effréné des évolutions des
modes de vies d’après-guerre.
2.2. Un désintérêt pour les bâtiments en terre lié à l’évolution des modes de vies
2.2.1. Les constructions en terre : des bâtiments perçus comme obsolètes
La construction en terre crue est vue pour beaucoup de citoyens, urbains et ruraux, comme une
construction passéiste et inadaptée pour la vie d’aujourd’hui et celle de demain. Ce point de vue est
lié à l’évolution de notre société depuis la révolution industrielle. L’image des constructions en terre
perçue comme fragile, non confortable et pauvre n’a pas résisté aux matériaux dits modernes. À partir
de la révolution industrielle de nombreux paysans souvent ouvriers agricoles et parfois des artisans
quittent les campagnes par manque de confort. Les paysans désireux de changer de vie deviennent
des citadins vivant dans des cités ouvrières constituées essentiellement de résidences réservées aux
ouvriers d’une même usine. Le travail à l’usine au XIXe siècle est particulièrement dur pour les anciens
paysans devenus ouvriers industriels et qui ont fuit la campagne pour un monde rêvé. Cependant,
malgré cette difficulté, cette population reste attirée par un mode de vie plus confortable qu’à la
campagne avec des logements moins humides et des équipements modernes. Ils aspirent à évoluer au
sein de l’usine et surtout permettre à leurs enfants de monter l’échelle sociale et vivre aisément tout
en étudiant. Les premières générations d’ouvriers gardent dans leur mémoire des souvenirs de la
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
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campagne, parfois idéalisés, qui les font rester attachés au monde rural. Toutefois, des arrêtés
municipaux obligèrent un certain nombre de centres urbains à des époques diverses de recouvrir les
façades d'un enduit pour protéger des incendies les ossatures bois lorsque c’était du torchis pan de
bois. C’est à partir de la fin du XIX e siècle que des préjugés apparaissent à l’égard des constructions
terre crue où l’idée d’un confort et d’une modernité ne peuvent être assurées que par la pierre et la
brique en terre cuite. Ces préjugés alimenteront une méconnaissance profonde des qualités de
l’architecture en terre jusqu’à aujourd’hui. Considérant que ces maisons branlantes n'avaient plus leur
place dans la société moderne, on les détruisit, par quartiers entiers, pour bâtir des immeubles
modernes qui, au mieux, dureraient soixante ans. Ces disparitions massives ont essentiellement eu
lieu en ville.
Le désamour pour l’architecture en terre à la
campagne survient, quant à lui, progressivement
depuis la révolution industrielle, mais s’amplifie à partir
des Trente Glorieuses avec le développement de
l’agriculture et la fin de la culture paysanne. En effet, la
prise de conscience de la nécessité d’obtenir un
meilleur confort de l’habitat rural apparaît à la fin du
XIXe siècle. Toutefois, il faut rappeler que la définition
de « confort » est un concept évolutif et donc dépend
du contexte comme la catégorie sociale
professionnelle, l’époque ou encore la situation
géographique d’une région. Cependant le confort et la
qualité de vie dans les campagnes françaises ont mis
près de 200 ans à égaler celui des villes. Dès le milieu du
XIXe siècle, le gouvernement met en place des lois
visant à améliorer la qualité de vie de la population et
lutter contre le manque d’hygiène. Malheureusement
ces lois ne sont appliquées quasiment qu’en ville car
peu applicables à la campagne à cause du type
d’habitation. De plus la population paysanne se
préoccupe peu du confort (figure 21). Selon Martine
Cocaud dans « Améliorer l’habitat rural » (Antoine,
Figure 21 : Habitation utilisée jusqu'à la fin des années
2002) des mesures sont tout de même prises comme
80 par une personne âgée, Barenton, 04/19 (Source :
remplacer les toits de chaume par de l’ardoise,
J.Huret)
badigeonner les murs à la chaux, carreler les sols, etc.
Ces mesures ne transforment fondamentalement pas les bâtiments en terre. Cependant d’autres
mesures vont être prises pour lutter contre la tuberculose, une maladie contagieuse répandue à
l’époque. La mortalité plus élevée en milieu rural va entacher l’image du bâti en terre jugé obsolète.
Les maisons vont alors être restaurées contre l’humidité, des ouvertures vont être rajoutées et l’étable
va être séparée de l’habitation.
L’amélioration de l'habitat n’était pas une priorité pour les agriculteurs. « Une enquête menée en
Eure-et-Loir montre qu'en 1962 la rénovation des maisons ne vient qu'au 4e ou 5e rang des
préoccupations des exploitants ; de même dans le cadre d'une enquête menée en Ille-et-Vilaine, 40 %
des agriculteurs reconnaissent ne pas avoir modernisé leur maison parce qu'ils n'y pensaient pas »
selon Martine Cocaud (Antoine 2002, page 61). Le monde rural doit s’ouvrir au nouveau monde, celui
de l’économie de marché et ainsi se développer. Ainsi dans les années 60-70, le cadre de vie devient
primordial pour la recherche du bien-être dans le monde rural avec des habitations plus confortables.
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L’une des premières mesures a été de rendre possible aux ruraux un confort de vie similaire aux
villes. C’est à partir de ce moment précis que l’architecture en terre aurait pu jouer un rôle important,
au vu de ses nombreuses qualités. Malheureusement elle a été rejetée par les ruraux qui lui ont préféré
les matériaux modernes préconisés par l’État, les citadins et les entreprises. Les principaux arguments
sont son confort supérieur et un temps de chantier nettement inférieur. Les constructions en béton
armé de l’Allemagne durant l’Occupation en France ont profondément marqué les esprits : elles
étaient perçues résistantes. La désaffection profonde de la classe paysanne pour ce type de
constructions se fait ressentir à partir de l’évolution agricole. Les agriculteurs voient ce bâti en terre
comme un fardeau non-fonctionnel considérant ce matériau fragile (craignant l’eau), pauvre et
archaïque. L’obligation de les entretenir et leur fragilité face aux machines agricoles de plus en plus
puissantes sont un frein au développement de la ferme devenue une exploitation agricole moderne
soucieuse de la rentabilité. De plus en plus dévalué, le bâti en terre crue disparaît dans le paysage rural
où les pouvoirs publics ont pendant longtemps négligé ce patrimoine rural.
2.2.2. La surconsommation : une vision altérée de l’Homme sur l’habitat
En 200 ans, les modes de vie des pays occidentaux ont énormément évolué et changé à la suite
de l’industrialisation et à la mondialisation qui a permis à la France notamment de rester l’un des pays
les plus puissants de la planète avec un indice de développement humain élevé. Malgré la remise en
question des effets non-désirés de la mondialisation, il est difficile actuellement d’imaginer un retour
en arrière. La terre crue est, dans la pensée collective un matériau du passé, et donc un frein au
développement économique à cause de sa prétendue non-conformité avec le monde moderne liée à
sa fragilité mécanique entre autres. Cette idée est omniprésente et souvent transmise de génération
en génération. Lorsque l’on évoque une maison en paille ou en bois, on pense au conte « Les Trois
Petits Cochons » où seule la maison en pierre résiste au souffle du loup. Mis à part la fable pour enfant,
ce conte a participé à véhiculer dans l’inconscient collectif la mauvaise image de ces constructions ou
encore l’instabilité des châteaux de sable à la plage. Le désamour de ce mode constructif a crû durant
les Trente Glorieuses où le confort est devenu une distinction sociale. Il peut entrer dans un processus
de consommation et donc être imposé comme une norme sociale comme le souligne Nicolle Élise dans
« Vivre Ensemble autrement », mémoire de Master 2 Société Prospective et Architecture. La société
de consommation se caractérise par l'abondance et l'accumulation de produits et d’objets. C’est ainsi
qu’après la guerre, les entreprises privées des bâtiments vont utiliser les matériaux modernes pour
construire de nouveaux logements et reconstruire le pays ravagé par la guerre. L’utilisation de ces
nouveaux matériaux augmente considérablement la croissance économique des filières du béton, du
ciment, l’acier et du verre et permet l’embauche de nombreuses personnes en France et dans le
monde, car ces matériaux peuvent arriver des quatre coins de la planète. Les typologies constructives
en terre crue furent mises à l’écart volontairement dans ce processus économique des Trente
Glorieuses par les entreprises et l’État car elles pouvaient en 1945 porter préjudice à l’industrie du
bâtiment et à l’essor économique. En effet, à la fin de la guerre, les ressources non renouvelables
étaient épuisées ou rares, la terre aurait pu jouer un rôle dans la reconstruction, mais la construction
en terre crue demande peu d’intervention industrielle et ainsi ne contribue pas ou peu à l’économie
de marché nécessaire à cette époque.
De plus, les recherches scientifiques aux XIX e et XXe siècles sont essentiellement portées sur les
nouveaux matériaux dits « d’avenir » au détriment de la terre crue jugée inadaptée au progrès. Le
désintéressement scientifique pour cette architecture a entraîné entre autres sa non-capacité à
répondre aux enjeux d’après-guerre. C’est ainsi que les matériaux contemporains sont devenus aux
fils des années des éléments incontournables de la construction grâce à leurs qualités économiques et
sociales : ils sont profondément ancrées dans la mondialisation. Malgré leurs faibles qualités
thermiques et hygrométriques, si importante dans l’habitat traditionnel, les matériaux modernes sont
omniprésents en France et dans tous les espaces qu’ils soient ruraux ou urbains dans des proportions
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plus ou moins importantes selon les régions. Ainsi de nombreux bâtiments furent construits en béton
de ciment et en parpaing comme les pavillons des années 70-80 que l’on retrouve sur l’ensemble de
la France ou encore les immeubles regroupés en cité. Selon Jean Baudrillard dans son ouvrage « La
société de consommation » (1996), celle-ci est apparue en France dans les années 1960-1970 avec le
centre commercial, son symbole par excellence. C’est à cette époque que les villes s’agrandissent en
empiétant sur la campagne au moyen de l’automobile devenue indispensable par l’industrie. De nos
jours, la société de consommation et de surconsommation dans les pays industrialisés est remise en
question. L’opinion publique est partagée entre ses aspects positifs et négatifs. En effet, cette
surconsommation engendre des impacts essentiellement environnementaux et sociaux, dont le
bâtiment est l’un des secteurs les plus concernés. Les chiffres concernant ce secteur sont
catastrophiques, à lui seul le bâtiment représente environ 40 % des émissions de CO² des pays
développés, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits. Face à ce constat la
construction en terre crue connaît un renouveau et de plus en plus de personnes s’y intéressent, qu’ils
soient politiciens, architectes, urbanistes, professeurs ou citoyens. Mais cette communauté reste
minoritaire et concerne plutôt une classe sociale moyenne et élevée qui a pu découvrir les qualités de
cette architecture dans leur travail, leurs études ou par leur entourage.
Les entreprises du BTP sont une barrière au développement de la reconnaissance de la terre crue.
Le secteur du bâtiment utilisant majoritairement des matériaux modernes représente aujourd’hui en
moyenne entre 5 et 6% du PIB Français selon la Fédération Française du Bâtiment soit 193.1 milliards
d’euros HT en 2014. Ces chiffres sont colossaux et montrent bien que le secteur du bâtiment est
puissant et influent en France et dans le monde. Les industriels du BTP et des filières d’extractions des
différentes ressources non renouvelables influencent la société et le mode de vie des citoyens avec
une politique de consommation quasi dictatoriale face à la pollution croissante de la planète comme
le souligne Solène Delahousse dans « l’architecture de terre crue en mouvement en France et au
Mali ». À titre d’exemple, l’industrie cimentière a utilisé la stratégie lobbying pour obtenir le monopole
en rachetant l’ensemble des industries de la chaux pour ensuite stopper l’utilisation de ce matériau.
Cependant dans les dernières décennies les industries du BTP ont pris conscience des impacts qu’ils
engendrent sur la nature et recherchent activement des procédés pour les diminuer. Parfois ces
recherches sont imposées par la réglementation. Ces efforts ne sont pas faits uniquement en faveur
du développement durable, mais plutôt afin de pouvoir continuer à proposer leurs matériaux et ainsi
garder le monopole. Il est probable que l’industrie du bâtiment trouve un moyen de commercialiser la
terre crue dans un futur proche (Solène Delahousse, 2011). En effet, de nombreuses recherches sont
réalisées depuis les années 80 aux lendemains des chocs pétroliers. On peut ainsi citer, le laboratoire
Centre de recherche et d'Application en Terre de Grenoble (CRATerre) qui est devenu une référence
mondiale dans le domaine de l'architecture de terre.
Actuellement, les industriels freinent la reconnaissance de cette architecture mais avec l’avancée
de la recherche il est tout à fait possible de voir dans les prochaines décennies un marché
exclusivement porté sur la terre crue avec des filières de l’extraction, de la commercialisation et de la
construction. Cependant, c’est encore loin d’arriver, car malgré la prise de conscience, la société de
consommation reste omniprésente dans les pays riches. Il est difficile alors d’allier l’économie,
l’environnement et le social dans un même projet d’avenir. Suite à ces nombreuses évolutions le bâti
en terre crue a donc été progressivement abandonné.
Cet abandon a engendré divers impacts sur le paysage, l’état et la destruction du patrimoine en
terre crue et par conséquent sur le développement local des régions.
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vide entre celle-ci et le pan de bois pour laisser respirer l’ossature et éviter une stagnation d’humidité.
Une erreur fréquente a été pendant longtemps de poncer les pièces de bois extérieures par
esthétisme. Or, il faut éviter d’enlever la protection naturelle du bois, son « gris », car cela rend le bois
perméable et de plus susceptible de pourrir comme le souligne Jean-Louis Valentin : « Si on le ponçait
[le bois], il perdrait cette couche protectrice et s’assimilerait à un bois neuf peu résistant à l’humidité »
(2017, page 35). En effet, selon l’auteur, un pan de bois extérieur n’a pas à être poncé, ni même traité,
car les traitements sont inefficaces et le bois possède déjà les qualités suffisantes pour faire face aux
intempéries. Si le propriétaire souhaite peindre les colombes, il faut impérativement laisser le « gris »
du bois pour obtenir une meilleure protection. Pour le traitement intérieur, on peut éventuellement
cirer un pan de bois à la cire d'abeille ou à l'huile de lin, mais en aucun cas, il faut vernir ou laquer. Le
bois peut être aussi attaqué par des insectes xylophages qui se nourrissent du bois sous forme larvaire
(capricorne, lyctus, sirex, vrillette) ou sous sa forme adulte (termite). La plupart des propriétaires
utilisent des produits fongicides et insecticides pour lutter contre ce désagrément, mais selon l’auteur
Jean-Louis Valentin, ces produits sont peu efficaces car le chêne par exemple est imperméable au-delà
de quelques millimètres de profondeur, mais aussi et surtout néfastes pour la santé. Pour lutter contre
ce problème, l’utilisation de traitements naturels à base de cire d’abeille est le moyen le plus efficace
dans un premier temps. Si le problème persiste, il faudra avoir recourt à l’eau de javel et en dernier
recours scier les pièces touchées afin de les remplacer.
L’humidité est présente dans tout type d’habitat et
provoque de nombreux problèmes comme la
prolifération de champignon, dont la mérule pleureuse
qui est le redoutable ennemi du bois œuvré et de tous
les matériaux contenant de la cellulose. Elle est aussi
appelée le « cancer du bâtiment » car elle est très
difficile à traiter et entraîne des nombreux dégâts. Si
l’architecture en terre était autrefois épargnée par ce
champignon grâce à ses qualités hygrométriques, le
non-respect des « règles de l’art » de construction a
engendré le développement de celui-ci. En effet, un
bâtiment sain est moins susceptible d’être envahi par Figure 23 : Habitation où l'on aperçoit de l'enduit de
ce champignon destructeur. Pour lutter contre, il faut ciment, Saint-Jean-du-Corail, 01/19 (Source : J.Huret)
tout d’abord utiliser des mesures préventives en limitant les points d’humidité de la structure et en
assurant une ventilation suffisante. Si toutefois, la mérule se trouve dans un bâtiment, il faudra passer
aux mesures curatives avec un traitement fongicide et au sciage des bois concernés. L’augmentation
de l’humidité peut être due à une mauvaise rénovation de la part des occupants de la bâtisse. Comme
il s’agit d’une construction légère, elle est fréquemment réadaptée aux besoins des résidents désirant
faire des travaux pour améliorer leur confort de vie. Or, les percements et les agrandissements ne
respectent pas toujours la structure porteuse d’origine et peuvent provoquer de graves déformations
avec parfois un affaiblissement de la résistance mécanique des pièces et de la structure, mais aussi
d’une stagnation d’humidité. Les erreurs les plus courantes de rénovation sont la suppression des
pièces obliques qui contreventent la façade, la suppression ou le déport de poteaux porteurs, la
désolidarisation des murs par la modification de la charpente ou du plancher, la suppression de
cloisons semi-porteuses et l’étouffement de la structure par l’enduit en ciment d’après-guerre qui
consistait à recouvrir les murs pour cacher le bâti en terre plus à la mode, mais aussi pour contrer les
ponts thermiques (figure 23). Ces erreurs sont présentées dans l’ouvrage de Jean-Marie Boucheret,
Jean-Louis Cohen, et Robert Joly dans « Les transformations de l’habitat rural : on a cru bien faire »
(1976). Les matériaux modernes utilisés dans la rénovation des maisons en terre crue ne sont pas
adaptés pour eux (Rapport : rénovation thermique du bâti traditionnel normand de l’ARPE, 2013). En
effet, ces matériaux sont conçus et normalisés pour les constructions neuves. Cette inadaptation
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amène une augmentation de la condensation et ainsi de la moisissure dans les maisons en terre crue
que la structure ne peut plus réguler à cause des différentes restaurations non-conformes comme celle
de l’enduit de ciment. La non-respiration des bâtiments en terre provoque sa destruction. Il est donc
important de favoriser une ventilation naturelle de l’habitat en proscrivant certaines pratiques comme
les enduits étanches sur les parois intérieures, l’isolation plaquée contre les murs et ne laissant pas
l’ossature respirer, les fuites d’eau des canalisations, l’infiltration de l’eau de pluie par le toit si la
couverture n’est pas entretenue, etc. À l’extérieur, le revêtement de façade par des enduits de ciment
est aussi à proscrire. Celui-ci provoque un pourrissement et une stagnation d’humidité qui est
emprisonnée entre l'enduit et le mur. Ce même principe s’applique aux colombes ou au torchis
remplacés par des matériaux durs. Il est donc important de surveiller régulièrement l’humidité de la
structure bâtie.
Les animaux augmentent fortement la dégradation
des constructions en terre comme le souligne l’article
du Parc Naturel Régional des Marais du Cotentin et du
Bessin, « Restaurer son bâti en terre » et l’article de
l’université de Rennes 2, dans « Restauration &
réhabilitation du bâti en terre à Saint-Thual ». L’insecte
est l’ennemi premier de ce bâti car il attaque le bois,
l’orme et le sapin étant les essences les plus touchées.
Les oiseaux quant à eux trouvent ce bâti accueillant et
y nidifient. Ils se nourrissent également des insectes en
grattant la terre et élargissent ainsi les trous des murs
(figure 24). Ce type d’incident reste rare pour un habitat Figure 24 : Habitation avec des trous dans le torchis à
occupé. Les bâtiments accueillant des animaux sont cause des oiseaux, Barenton, 04/19 (Source : J.Huret)
aussi plus susceptibles d’être détériorés rapidement à cause du nitrate provenant de leurs excréments
et qui aggravent le processus de dégradation du bâti en terre en désagrégeant et en affaiblissant la
composition de la terre crue. Les animaux domestiques tels que les vaches ou les moutons se frottent
et lèchent la terre du bâti chargée en sel par la capillarité et leurs excréments. D’autres animaux
peuvent aussi provoquer des dégradations comme les guêpes, les abeilles, les fourmis ou encore les
rongeurs. L’abandon de l’entretien est catastrophique pour ces bâtisses qui sont construites avec des
matériaux biosourcés. Le bâti en terre favorise la prolifération de la végétation comme le lierre, la
vigne, la mousse, etc. qui éclate les parements des murs puis le toit (figure 25). L’entretien est essentiel
pour ce type de construction. En réparant au fur et à mesure la dégradation liée au temps et aux
conditions climatiques, le bâtiment reste sain. Cet entretien est peu couteux mais doit être régulier
pour être efficace.
Figure 25 : Bâtiments recouverts par la végétation, Saint-Loup et Barenton, 04/2019 (Source : J.Huret)
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
industrialisés. Dans le passé, chaque bâtiment selon sa fonction et sa position géographique avait une
forme architecturale identifiable dont la dimension, le choix de matériaux, mais aussi la technique de
construction dépendait de son utilité. La richesse du propriétaire influençait aussi sur la forme
architecturale. Depuis les dernières décennies, ce principe n’existe plus. L’utilisation des procédés
constructifs et des matériaux de construction sont normalisés et banalisés et conduisent peu à peu à
une dépersonnalisation des territoires ruraux. La dégradation paysagère est aussi due à la destruction
massive des anciens bâtiments pour laisser place aux nouveaux bâtiments. Les bâtiments en terre
encore visibles sont souvent sous exploités, voire abandonnés et donnent donc une image négative de
la région. En effet, le paysage est un marqueur de
développement et est lié au dynamisme de la région.
Ceux qui furent sauvés ont reçu fréquemment une
transformation sans aucune considération pour les
techniques traditionnelles (figure 27). En effet, de
nombreuses modifications par addition ou
transformation avec des matériaux contemporains ont
souvent dégradé ces anciens bâtiments. Cette
dégradation est liée à leur changement de forme, de
dimension, mais aussi et surtout à la juxtaposition des
matériaux contemporains et traditionnels qui fait Figure 27 : Ancienne boulangerie dégradée devenue
disparaître l’unité architecturale de ces bâtisses une dépendance, Isigny-le-Buat, 04/19 (Source :
(Madeline, 2007). J.Huret)
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Conclusion de partie
Les constructions en terre sont présentes partout dans le monde y compris en Europe et en
France. Ce mode de construction est très ancien et était courant jusqu’au XX e siècle. Aujourd’hui ces
constructions représentent encore 15 % du patrimoine immobilier en France et notamment en
Normandie même si les techniques varient selon les régions. Cependant ce patrimoine continue de
disparaître peu à peu. Cette disparition a été favorisée par un abandon progressif qui a entraîné sa
dégradation par manque d’entretien et sa destruction. Les causes de l’abandon sont multiples :
l’évolution de l’agriculture, la désertification des campagnes, la modernisation des méthodes de
construction et de consommation du bâti. Toutes ces causes sont liées entre elles.
Notre mode de vie a profondément changé depuis ces dernières décennies entrainant une vision
négative sur les constructions traditionnelles en général et les bâtiments en terre en particulier jugés
inadaptés au confort moderne, ce qui a aggravé le phénomène. Le désintérêt de ces constructions a
engendré de nombreux abandons qui ont fini par les condamner. On est alors entré dans un cercle
vicieux où plus le bâti était abandonné plus il était détérioré. Inversement plus il était détérioré et plus
il était abandonné. Pour contrer ce phénomène, il faut casser le cercle vicieux. L’abandon du bâti en
terre a eu de nombreuses conséquences négatives sur l’ensemble de l’espace rural : la dégradation du
bâti par méconnaissance ou désintérêt, la perte d’identité locale et la destruction du paysage. Pour
changer l’image actuelle de la campagne et espérer lui insuffler un nouveau dynamisme, il est possible
d’agir sur le patrimoine en terre et retrouver l’intérêt de l’authenticité du bâti ancien, capable de
recréer une identité locale forte et un paysage restauré.
Cependant même en préservant et en valorisant le patrimoine bâti en terre, il n’est pas certain
de recréer une dynamique locale. En effet, il n’est pas garanti que la population leur retrouvera un
intérêt immédiat et qu’elle souhaitera entreprendre des constructions ou des restaurations
probablement coûteuses. De plus, il n’est pas garanti non plus que restaurer ces bâtiments permette
de créer une identité locale suffisamment forte pour être attractive et capable de redynamiser le
développement local. Enfin la préservation et la valorisation de ces bâtiments ne suffiront sûrement
pas à restaurer tout le paysage car d’autres éléments négatifs sont à prendre en compte, notamment
le patrimoine naturel. La préservation du patrimoine bâti n’est probablement pas suffisante pour
redynamiser la campagne mais elle peut servir d’élément déclencheur et pédagogique pour un
changement plus grand et plus profond.
Après ce constat plutôt négatif, nous allons nous intéresser à l’espace d’étude, la partie
méridionale du département de la Manche. Ce cas concret permettra de nous apporter des éléments
de réponse à la réflexion de la préservation du bâti en terre.
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Partie 2
Le bâti en terre de la Communauté
d’Agglomération du Mont Saint-Michel
Normandie : une architecture en sursis ?
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Cette deuxième partie présente le travail de repérage et d’inventaire réalisé sur la Communauté
d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie durant plusieurs mois. Cette partie se divise en
deux sous-parties. La première aborde la méthodologie de travail. La seconde propose un état des
lieux de ce bâti à différentes échelles géographiques.
1. La démarche méthodologique : de l’approche « Google Street View » à l’analyse de
terrain
1.1. Inventorier le patrimoine bâti en terre à partir de Google Street View
La démarche méthodologique consiste essentiellement à formuler des interprétations de faits
réels existants et de les tester par un protocole applicable sur le terrain afin de les valider ou de les
invalider. Mon travail de recherche essentiellement basé sur de l’observation et de l’enquête m’a
permis de recueillir différentes données que j’ai pu traiter à l’aide d’outils d’analyse.
Ce mémoire applique une démarche méthodologique répandue dans la recherche scientifique
dont la géographie humaine fait partie : la démarche hypothético-déductive qui repose sur une double
approche : l’analyse des données qualitatives et des données quantitatives. Pour cela, mon mémoire
doit respecter les critères de « l’appellation scientifique », en proposant un protocole « communicable,
reproductible, vérifiable et généralisable » (Gumuchian et Marois, 2000). Ma démarche s’appuie sur
le principe d’un inventaire du patrimoine qui s’inspire de l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel
créée en 1964 par la directive d’André Malraux, alors ministre de la Culture. Puis cet inventaire est le
fondement d’une analyse sur la réalité des structures bâties de la zone de travail. La figure 28 ci-
dessous présente les sept étapes de travail dans l’ordre chronologique.
L’inventaire doit recenser, étudier et faire connaître, selon Marie-Anne Sarda dans l’article
« Publié sur le patrimoine bâti rural : l’apport de l’inventaire général et des parcs naturels régionaux »,
2012. Selon l’auteure, l’inventaire « […] c’est un service dont la mission est de produire et de gérer une
connaissance sur le patrimoine ». Plus précisément, l’inventaire du patrimoine bâti en milieu rural est
un outil d’aide au développement local qui établit un état des lieux des bâtiments d'un territoire défini
à un moment donné. Cette opération permet de localiser, d'identifier et de qualifier l'ensemble du bâti
qui forme le paysage de l'aire d'étude choisie, celle du Sud-Manche pour notre cas. L'inventaire « […]
constitue un socle de connaissances fiables qui peut être utilisé à des fins diversifiées […] Actions
pédagogiques : diversification de l'offre touristique, aménagement et mise en valeur du territoire,
recherche scientifique », selon le site du Pays d’Art & d’Histoire de la Provence verte. Il permet
également de réaliser un diagnostic patrimonial et donc une veille foncière pour préserver certains
îlots intéressants. La mise en relation de celui-ci durant l’élaboration d’un PLU et d’un PLUi est une
bonne stratégie pour réaliser plus facilement des projets.
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Figure 32 : Démarche d’incorporation d’une photo aérienne sur Arcgis, exemple : La Faverie à Saint-Loup (Auteur : J.Huret)
Figure 33 : Parcours des axes routiers durant le repérage du 01/2019 (Auteur : J.Huret)
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Ce travail de découverte, nous a permis de réaliser des tests comme remplir des fiches
d’inventaire, prendre des photos géolocalisées et les intégrer à Arcgis, prendre contact avec différents
acteurs en lien avec notre sujet. Nous avons également pris quelques mesures de bâtis en terre encore
visibles actuellement et étudié leur répartition sur les communes de l’intercommunalité. En effet,
durant cette semaine, nous avons fait la rencontre d’habitants et d’agents territoriaux qui nous ont
permis d’en apprendre davantage sur le territoire et sur ce patrimoine bâti. Après quelques jours de
terrain, nous avons constaté que ce travail nécessitait également des équipements spécifiques, comme
un mètre laser pour simplifier la prise de mesures. À la suite de ce travail, plusieurs hypothèses ont pu
être validées. Les communes proches du littoral à l’ouest et à haute altitude au nord-est ont peu de
bâtis en terre, ainsi que les centres villes et les centre-bourgs des communes à cause du
bombardement, de l’évolution des modes de vies, etc., comme l’ont souligné plusieurs habitants. Une
zone restreinte de 45 communes (en vert) réparties le long de la Sée et de la Sélune a pu être priorisée
comme vous pouvez le voir sur la carte ci-dessous (figure 34). Cette zone est provisoire, car en effet
elle doit être validée et précisée par une observation quantitative, c’est pourquoi j’ai réalisé dans un
second temps une observation détaillée virtuellement.
Figure 34 : 45 communes où le bâti en terre crue serait le plus nombreux selon le repérage du 01/19 (Auteur : J.Huret)
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En effet, la base de données ne représente pas forcément des corps de ferme actifs. Trois scénarios
sur les corps de ferme figurent dans la base de données « Bâtiment d’exploitation agricole anonymisé
de la Manche » de la DDTM :
les corps de ferme qui représentent le siège social de l’exploitation agricole identifiables par
la présence d’activités continues et de bâtiments récents en matériaux modernes ;
les corps de ferme qui ne représentent pas le siège social mais font partie d’une autre
exploitation agricole identifiables par une activité discontinue avec peu de bâtiments
modernes ;
les corps de ferme qui ne font plus partie d’une exploitation agricole en activité et qui ne
possèdent que des bâtiments anciens.
La base de données compte 2955 points représentant chacun un corps de ferme sur l’ensemble
de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie selon la DDTM. Après repérage
des corps de ferme sur l’ensemble de cette intercommunalité, j’ai supprimé 222 points qui ne
représentaient pas des corps de ferme ou étaient en doublon. Je les ai donc supprimés afin d’obtenir
un repérage le plus précis possible avec au total 2733 corps de ferme sur l’ensemble de la collectivité.
Le nombre de corps de ferme ne représente pas le nombre d’exploitations agricoles car ces données
ne représentent pas forcément le siège social d’une ferme en activité. La densité des corps de ferme
par commune varie entre 1 à 3 au km² (figure 35).
Étant donné cette disparité et la spécificité des bâtiments des corps de ferme, le repérage du bâti
en terre n’est pas précis pour l’ensemble des bâtiments de l’EPCI, mais tend à donner une indication
sur la zone où le bâti en terre serait le plus nombreux. Afin d’être plus clair, vous trouverez ci-dessous
l’exemple du repérage du corps de ferme de La Faverie situé à Saint-Loup. Ainsi pour chaque corps de
ferme, j’ai reporté le nombre de bâtis en terre sur un tableau Excel (figure 36) pour ensuite l’intégrer
sous format xls au SIG (figure 37). Chaque corps de ferme possède en plus des informations
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complémentaires comme son numéro ID permettant son intégration au SIG par son
géoréférencement, son adresse postale, sa commune, le nom de l’agriculteur, la présence ou non de
bâti en terre ou N.C (Non Connu) et pour finir sa typologie constructive.
Numero ID Adresse_ferme Commune_ferme Nom_agriculteur Presence_bati_terre Typologie_bati Nombre_batiment_terre
1 5356 3 Le Haut Pontfoult Lolif N.C N.C
2 872 Belle Étoile Ducey-Les Chéris N.C Non
3 7392 Cité du Prieuré Saint-Hilaire-du-Harcouët Anonyme Non
4 833 La Brécherie Cuves Anonyme N.C
5 6203 La Croisette Saint-James N.C N.C
6 4645 Le Cerisier les Loges-Marchis N.C N.C
7 4646 Le Cerisier les Loges-Marchis N.C N.C
8 1753 Le Gué Botterel Le Grand-Celland N.C Oui Pans de bois à colombes découvertes 1
9 7950 Route de la Fossé Saint-Quentin-sur-le-Homme N.C Oui Pans de bois à colombes cachées 1
10 7534 Rue d'Avranches Isigny-le-Buat N.C Oui Pans de bois à colombes cachées 3
… … … … … … … …
830 4193 La Faverie Saint-Loup Anonyme Oui Pans de bois à colombes cachées 5
… … … … … … … …
2724 2888 Villeperdue Sacey Anonyme Non
2725 4513 2 La Maladrerie Saint-James Anonyme N.C
2726 1209 Villiers Hamelin N.C Oui Pans de bois à colombes cachées 1
2727 5629 Villiers Hamelin N.C Non
2728 1286 Villiers Le Teilleul N.C Non
2729 5907 3 Les Oziers Le Fresne-Poret Anonyme N.C
2730 4296 Vindrey Le Val-Saint-Père N.C N.C
2731 6908 Vittel Saint-Georges-de-Livoye Anonyme Non
2732 7109 18 Montceaux Le Val-Saint-Père N.C Non
2733 4297 Voie de la Liberté Le Val-Saint-Père N.C Oui Pans de bois à colombes cachées 1
Figure 36 : Tableau Excel réalisé durant le repérage des 2733 corps de ferme (Auteur : J.Huret)
Figure 37 : Table attributaire d’Arcgis réalisée grâce au tableau Excel (Auteur : J.Huret)
La ferme de La Faverie comporte 5 bâtiments selon les tableaux Excel et Arcgis. En effet, le
repérage virtuel n’est pas suffisant et comporte certaines limites visuelles pour obtenir le nombre
exact de bâtiments en terre d’un corps de ferme. Les images suivantes permettent de montrer les
bâtiments non accessibles par Google (figures 38 et 39, pages 50 et 51).
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Figure 38 : Les limites de l'outil Google Street View par un exemple (Auteur : J.Huret)
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Figure 39 : Exemple d'exploitation lors du repérage sur la commune de Saint-Loup (Auteur : J.Huret)
La visualisation virtuelle compte plusieurs limites qu’elles soient techniques, temporelles et même
météorologiques qui influencent les résultats obtenus. Tout d’abord, le manque d’accessibilité d’axes
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routiers par Google handicape grandement le repérage car en effet ce manque d’accessibilité est inégal
selon les communes de l’EPCI. La carte ci-dessous (figure 40) montre le taux d’accessibilité virtuelle
des corps de ferme.
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Environ 60 % des corps de ferme sont accessibles à partir de Google Street View (GSV). Mais cette
proportion n’est pas homogène sur l’intercommunalité. En effet, une commune à l’ouest du territoire
est accessible à 70 %, voire 80 % alors qu’une commune à l’est a un taux qui descend jusqu’à 40 % car
GSV ne repère que les axes routiers principaux. Or de nombreuses fermes ne sont accessibles que par
un chemin de terre, ce qui rend GSV inopérant. Mais même si la ferme est visible, la qualité d’image
zoomée ne suffit pas pour assurer un repérage convenable. D’autres limites sont à prendre en compte,
notamment la temporelle. L’intercommunalité est couverte à différentes dates par les images allant
de 2010 à 2018 en passant par 2013, 2015, 2016, 2017. La quasi-totalité des images date de moins de
5 ans. Cette temporalité reste donc correcte pour une région rurale où le paysage change peu
actuellement. Cependant, celles de 2010, peu nombreuses, peuvent indiquer des bâtiments qui
peuvent être aujourd’hui disparus. Mais après un mois d’inventaire sur la zone qui comportait des
images de 2010, je n’ai relevé que deux situations. Un bâtiment même détérioré reste visible au bout
de 9 ans, sauf si l’occupant de ce bâtiment le détruit. Par contre, j’ai remarqué qu’en l’espace de 5 à 9
ans les bâtiments avaient bien changé pour certains, qu’ils soient entretenus ou non d’ailleurs. Les
bâtiments peu entretenus en 2010 sont dans un état critique et d’autres qui étaient entretenus en
2010 ne le sont plus forcément en 2019. Les conditions météorologiques jouent aussi un rôle dans le
repérage avec Google car les saisons influencent la vision avec des inconvénients différents pour
chacune d’elles : pour les mois d’été et de printemps, c’est la végétation avec la pousse des haies et
des arbres en pleine fleuraison ; en hiver et à l’automne, c’est le manque de luminosité qui rend difficile
la distinction des bâtiments en terre dans le paysage. En effet, ces bâtiments qui s’intègrent
parfaitement dans le paysage grâce à leurs matériaux biosourcés, leur position, mais aussi leur forme,
sont parfois difficiles à repérer depuis GSV même si les opérations de remembrement et la disparition
des haies ont rendu le paysage actuel du Sud-Manche tendent à le rendre visuellement plus accessible.
Malgré la faible qualité de certaines images, on peut repérer les bâtiments en terre à condition que le
revêtement des façades des bâtiments ne dissimule pas la terre crue. Dans ce cas, il est souvent difficile
de s’assurer qu’il s’agisse bien d’un bâti en terre.
Certaines limites peuvent parfois devenir un avantage. Ainsi, lors du repérage de La Faverie, j’ai
identifié 2 bâtiments en terre alors qu’en réalité la ferme en possède 5. La végétation de la boulangerie
proche de l’axe routier ne m’a pas permis de les repérer avec les images de 2018, alors que les images
de 2010 le permettent, comme on peut le voir sur la figure 41. À noter qu’il est toujours plus
intéressant d’avoir l’image la plus récente. Depuis 2014 Google Street View permet de remonter le
temps. Malheureusement, j’ai découvert cette option trop tard. Enfin, même si GSV ne couvre que les
axes routiers, la limite n’est pas une contrainte importante car les bâtiments en terre ne sont pas plus
éloignés des routes que les autres bâtiments.
Figure 41 : Capture d'écran de La Faverie en 2010 où l’on aperçoit un bâtiment non visible en 2018 par GSV (Source : GSV)
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La méthodologie de recensement part du même principe que le repérage mais avec quelques
nuances. Pour les 12 communes, j’ai circulé virtuellement sur l’ensemble des routes en inventoriant
dans la table attributaire d’Arcgis, chaque bâtiment en terre que j’apercevais. Pour des questions de
rapidité et de simplicité, j’ai utilisé des chiffres comme code dans la table attributaire. Chaque code
correspond à un type de construction, ainsi qu’un sous-groupe (11/21/31) mettant en évidence les
bâtiments dégradés, principalement à cause du parpaing dans le Sud-Manche. Le tableau et la carte
ci-dessous explicite la méthode pour un bâtiment de la ferme de La Faverie à Saint-Loup.
N° Signification
1 Bâtiment en torchis pan de bois à colombes cachées
11 Bâtiment en torchis pan de bois à colombes cachées dégradé (perte d’authenticité architecturale)
2 Bâtiment en torchis pan de bois à colombes découvertes
21 Bâtiment en torchis pan de bois à colombes découvertes dégradé (perte d’authenticité architecturale)
3 Bâtiment en bauge
31 Bâtiment en bauge dégradé (perte d’authenticité architecturale)
Figure 43 : Signification de chaque numéro (Auteur : J.Huret)
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Figure 44 : Exemple de recensement d'un bâtiment à la ferme de La Faverie à Saint-Loup (Auteur : J.Huret)
Pour rappel un bâtiment dégradé (perte d’authenticité architecturale) est un bâtiment qui a reçu
un changement de forme, de dimension ou une intégration de matériaux modernes à la suite d’une
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rénovation ou d’une extension. Toutefois, pour mon recensement je n’ai pas respecté cette définition.
En effet, selon mon recensement, un bâtiment est dégradé si les coûts des travaux à prévoir pour
effacer toute trace de dégradation sont élevés. Ce coût peut être économique, mais aussi
environnemental. Voici quelques exemples de bâtiments ayant perdus ou conservés leur authenticité
architecturale.
Bâtiment dégradé (coût réhabilitation élevé) Bâtiment conservé (coût réhabilitation faible)
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Figure 46 : Part des corps de ferme avec du bâti en terre (Auteur : J.Huret)
Des critères qualitatifs sont venus s’ajouter aux critères quantitatifs. En effet, la commune de
Barenton fait partie du Parc Naturel Régional Normandie-Maine et possède le musée du Poiré qui
serait intéressé par mes travaux étant donné l’existence d’une exposition sur le thème du torchis pan
de bois à colombes découvertes. Le choix d’Isigny-le-Buat est aussi lié à l’intérêt que portent les élus
sur mon travail. La difficulté de l’étude est de couvrir le maximum de superficies communales dans un
temps limité tout en réalisant des questionnaires auprès des occupants de ce patrimoine bâti. Pour
mener ma mission plus efficacement, j’ai divisé chaque commune en zones d’inventaire allant de 1 à
10 suivant la taille de la commune (figures 47 et 48, page 58). Les zones grisonnantes sont les zones
d’études explorées.
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Pour faciliter le travail de terrain, je me suis rendu sur chaque zone, muni d’un plan imprimé afin
de vérifier chaque bâti en terre vu sur GSV et ceux que je n’avais pas identifiés. L’exemple ci-dessous
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montre la zone d’inventaire N°1 de la commune d’Isigny-le-Buat où chaque bâtiment en terre est
recensé par la couleur rouge (figure 49).
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De lieu-dit en lieu-dit, j’ai identifié chaque unité bâtie, rempli une fiche par bâtiment, proposé le
questionnaire aux occupants. Si l’habitant acceptait de répondre, je le laissais remplir le questionnaire
en restant à sa disposition pour des informations supplémentaires. J’essayais d’intervenir le moins
possible afin de ne pas influencer ses réponses. Ensuite, je leur demandais la permission d’examiner
leurs bâtiments (extérieur et intérieur) afin de remplir ma fiche d’inventaire. En cas d’absence, je
déposais un questionnaire dans la boîte aux lettres ou devant la porte avec un petit mot agrafé avec
mes coordonnées (figure 50).
Je suis étudiant à l’Université de Caen et mon travail universitaire me demande d’étudier les bâtiments en pans de bois
en interrogeant leurs occupants.
Comme je n’ai pas pu vous rencontrer, je vous laisse un questionnaire pour que vous puissiez le remplir. Vous pouvez me
le faire parvenir, soit par mail soit par sms en le scannant ou en m’envoyant une photo. Si vous préférez, je peux aussi
repasser chez vous pour le récupérer et si besoin le compléter avec vous.
Cette enquête n’aura aucun impact sur vous, il est anonyme et me servira pour mon mémoire.
Je vous remercie pour votre temps, votre participation est très importante pour moi, je vous en serai reconnaissant.
Le questionnaire ne prend pas plus de 10 minutes.
Jordan Huret
Étudiant en Master 1 Géographie
N°XX.XX.XX.XX.XX
X.X@X.fr
Figure 50 : Mot agrafé sur le questionnaire en cas d’absence de l’occupant (Auteur : J.Huret)
Le travail de terrain a permis de réaliser 900 photographies de bâtiments en terre sur les deux
communes. Les clichés ont été intégrés au SIG pour compléter l’inventaire (figure 51).
Figure 51 : Répartition des photos prises durant mes observations de terrain (Auteur : J.Huret)
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La photographie est un élément essentiel dans un travail d’inventaire. « En effet, elles [les
photographies] offrent un support permettant de « fixer » la mémoire en dressant un constat de l’état
d’édifices ou de lieux à un moment donné » (Jaquet, 2011, page 12). Elles apportent une trace à laquelle
on peut se référer pour justifier un choix, étant donné que l’analyse de l’état de conservation, par
exemple, peut être sujette à interprétation. En effet, les attentes ne sont pas les mêmes entre un
occupant, un élu, un agent territorial ou même un étudiant. L’interprétation de l’inventaire étant
facilement contestable, il faut réussir à refléter la réalité du terrain avec les images.
1.5.1. La fiche d’inventaire simplifiée
La fiche d’inventaire du patrimoine bâti est le socle de l’étude. Elle permet de décrire un bâtiment.
L’ensemble des fiches constitue un corpus de données à exploiter et à analyser par corrélation entre
elles afin d’obtenir une meilleure compréhension des bâtiments d’une région et de son histoire. Les
fiches ont été réalisées sur le logiciel Sphinx afin d’être analysées par ce même logiciel.
La fiche a été inspirée et simplifiée de la base Mérimée et d’une fiche d’inventaire « type » fournie
par Luc Bourgeois, professeur d’archéologie médiévale et directeur-adjoint du Centre Michel-de-
Boüard à l’Université de Caen. Cette fiche simplifiée est une « fiche de repérage » ou de « pré-
inventaire » et non une fiche d’inventaire. Elle permet toutefois de mettre en lumière certaines
corrélations entre les différents bâtiments renseignés (fonctions des bâtiments). Par manque de
temps, je me suis cantonné à 100 fiches pour un inventaire d’environ 700 bâtiments sur les deux
communes. Les fiches seront par la suite géolocalisées sur le SIG afin de permettre de compléter
l’inventaire. La fiche d’inventaire fournit des données quantitatives (coordonnées géographiques du
site, dimensions du bâtiment, date de construction exacte ou estimée) et qualitatives : l’étude du site,
notamment si le bâtiment est proche des réseaux ou non, de la fréquentation de ses réseaux (activité
humaine), les parcelles agricoles proches (culture, verger, prairie), etc. mais aussi la typologie
constructive, l’orientation du bâtiment, l’accessibilité du bâtiment, l’état de conservation du bâti,
l’intérêt patrimonial du bâtiment, l’intérêt patrimonial du site, etc. (figure 52, page suivante).
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Après l’explication de la méthodologie mise en place, voici la seconde étape proposant l’état des
lieux du bâti en terre crue de l’intercommunalité à différentes échelles géographiques : zones de
recensements (« centrale » et « est ») et zones d’études (Isigny-le-Buat et Barenton).
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
144000
140000
(NOMBRE DE PERSONNE)
120000
110000
100000
94000
88000
80000 78000
60000
52000
40000
1375 1425 1475 1525 1575 1625 1675 1725 1775 1825 1875 1925 1975 2025
(ANNÉE)
Figure 55 : Population estimée de l’intercommunalité du Mont Saint-Michel Normandie (Source : François Vulliod/INSEE)
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
160 000
(NOMBRE DE PERSONNE) 54%
140 000
120 000
100 000
80 000 42%
60 000 31%
40 000 24%
20 000 9%
0
1896 1968 1975 1982 2009
(ANNÉE)
Figure 56 : Part de la population active agricole du département de la Manche (Source : Manche Mag')
La population du Sud-Manche, notamment au XIXe siècle, était plus importante sur l’ensemble de
l’intercommunalité : les fermes possédant de nombreux bâtiments avaient besoin de plus de main
d’œuvre. De nos jours cette tendance n’existe plus, on peut le voir sur les cartes ci-dessus (figure 56)
où la part de la population active agricole a fortement baissée. Elle a été divisée par 7 en 100 ans. La
population en 1851 (pic de population) est supérieure sur la quasi-totalité du territoire du Sud-
Manche. Seule la région proche d’Avranches, liée à la périurbanisation d’après-guerre, possède plus
d’habitants actuellement que dans le passé. L’écart semble plus fort sur la partie « est » de l’EPCI. En
effet, celle-ci s’avère davantage touchée par l’exode rural que la partie « ouest » plus industrialisée
(figure 57).
Le nombre de bâtiments par habitant dans le Sud-Manche semble donc être lié à l’exode rural qui
a engendré l’abandon de nombreux bâtiments agricoles et d’habitations. C’est pourquoi la partie
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
« est » de l’intercommunalité possède un fort de taux de bâtiments par habitant, comme on peut le
constater sur la carte ci-dessous (figure 58, page suivante).
La partie « est » possède entre 3 et 4 bâtiments par habitant, alors que dans la partie « ouest »
essentiellement proche d’Avranches, on en trouve entre 1 et 2. Ce taux met en évidence l’influence du
paysage et du système agraire sur le nombre de bâtiments dans les espaces ruraux. En effet, les
territoires d’élevage de la partie « est » et « centrale » du Sud-Manche principalement bocager
comportent un plus grand nombre de bâtiments agricoles que les territoires à vocation céréalière et
mixte que l’on retrouve dans la partie « ouest ». Les parties « est » et « centrale » ont donc
potentiellement plus de bâtiments en terre crue que la partie « ouest ». Malgré une part élevée de
bâti en terre comme bâtiment agricole, intéresserons-nous aux logements anciens et tout
particulièrement à la vacance. On peut se demander si les logements construits avant 1945 et donc
possiblement des bâtiments en terre crue, correspondent aux logements vacants (figure 59, page
suivante).
La part de bâtiments construits avant 1945 est de plus de 30% pour la majorité de la collectivité
du Mont Saint-Michel. Les communes qui ont un taux inférieur à 30% sont soit celles proches
d’Avranches soit celles avec une altitude plus élevée. Cette modernisation des habitations est due à
l’urbanisation et à la périurbanisation ainsi qu’aux destructions liées à la guerre 39-45. Le bâti ancien
étant moins présent dans ces zones, on peut supposer que le bâti en terre y est probablement
minoritaire. Le taux de vacance, quant à lui, est hétérogène mais ne semble pas corrélé avec le taux
d’ancienneté du bâti. En effet, celui-ci semble plutôt se répartir en zones géographiques. On voit que
les communes du sud-est de la Communauté d’Agglomération ont pour beaucoup un taux de vacance
entre 14 et 26% alors que certaines ont un taux de bâti ancien de 10 à 30% voire plus de 50%. La
présence du bâti ancien ne semble donc pas corrélée avec le taux de vacance. On ne peut pas donc se
fier au taux de logement vacant pour déterminer la présence ou l’absence de bâti ancien et donc
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probablement en terre. Cela signifie aussi que les logements anciens sont encore habités y compris
des logements en terre crue.
Figure 59 : Comparaison entre les logements vacants et les logements construits avant 1945 (Auteur : J.Huret)
2.2. Les trois typologies constructives en terre du Sud-Manche selon le repérage virtuel
Parmi les 2733 corps de ferme géolocalisés sur l’ensemble de l’intercommunalité, 1672 sont
accessibles sur Google Street View, soit un peu plus de 60 % des corps de ferme existants. Parmi eux,
510 corps de ferme possèdent du bâti en terre et 1162 n’en possèdent pas, voir carte ci-dessous (figure
60, page suivante) où chaque point représente un corps de ferme. Les points proportionnels en vert
représentent le nombre de bâtiments en terre par corps de ferme.
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La part des corps de ferme avec du bâti en terre par commune varie entre 0 et 73 % sur l’ensemble
de l’intercommunalité. Cependant, on remarque que plus de la moitié des communes possède des
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corps de ferme avec au moins un bâtiment en terre. Selon la zone géographique, le nombre de bâtis
en terre varie de 1 à 12 bâtiments. Ce chiffre représente en moyenne entre 0,1 et 3,3 bâtiments par
corps de ferme (voir annexe 2, page 139). Le centre et le sud-est de l’EPCI se distinguent comme étant
la zone où ce bâti est fortement représenté dans les corps de ferme avec plus de 40 % des bâtiments
en terre. Ce sont des bâtiments à usage agricole. On peut donc potentiellement savoir, grâce à ces
résultats, la localisation de ce patrimoine bâti. Cependant on ne prend pas en compte le fait que la
répartition en corps de ferme est hétérogène sur l’intercommunalité allant de 1 à 3 corps de ferme par
commune, ainsi que le manque d’accessibilité visuelle de certaines communes comme on peut le
distinguer sur la carte ci-dessous (figure 61). Les graphiques circulaires montrent le taux d’accessibilité
et d’inaccessibilité virtuelle de chaque commune.
Figure 61 : Part de corps de ferme possédant ou non du bâti en terre (Auteur : J.Huret)
On remarque que le nord-ouest et l’est de la communauté d’agglomération sont les zones les plus
marquées par le taux d’inaccessibilité avec GSV. Effectivement, le taux d’accessibilité de Google est
d’environ 30 à 50 % dans ces zones contre 80 à 90% pour la partie « centrale » et « sud-ouest » de
l’EPCI. Malgré ce taux d’accessibilité faible dans les régions nord-ouest, nord-est et sud-est, on peut
facilement se rendre compte de la présence ou non de la terre crue dans leur patrimoine bâti. En effet,
l’écart entre le taux de corps de ferme possédant ou non du bâti en terre est révélateur. Une commune
avec un taux élevé d’inaccessibilité avec GSV sera considérée comme riche en architecture en terre si
et seulement si le taux de présence du bâti en terre dans les corps de ferme (en vert) est supérieur à
l’absence (en rouge). Ainsi, on peut affirmer que la région du sud-est est une zone dont la construction
en terre est relativement présente. La zone « nord-ouest » possède elle aussi du bâti en terre, mais
dans une part moindre. En revanche, les constructions du nord-est sont dominées par la pierre, tout
comme le sud-ouest. Selon le repérage GSV, les communes du sud-est de l’intercommunalité
possèdent entre 20 et 40 % de bâtiments en terre crue dans les corps de ferme.
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Après avoir constaté la présence ou l’absence de bâti en terre dans les corps de ferme, on peut
également définir à quelles typologies constructives correspond ce patrimoine bâti en terre crue. En
effet, à partir de la littérature et du recensement, 3 zones distinctes ont pu être établies avec un type
de construction présent en majorité sur chacune d’elles (figure 62). Sur la carte ci-dessous, on voit que
la bauge est présente en majorité au nord-ouest de l’intercommunalité, le torchis pan de bois à
colombes cachées au centre et le torchis pan de bois à colombes découvertes au sud-est.
Figure 62 : Répartition des principales techniques de construction en terre par zone (Auteur : J.Huret)
On remarque que la technique du torchis est dominante par rapport à la bauge, dont les bâtiments
sont moins nombreux et couvrants une zone plus petite. Le bâti en terre dans les corps de ferme des
zones « sud-ouest » et « nord-est » n’est pas assez représenté pour être considéré comme une région
en terre crue. Sur certaines communes, la dominance d’une typologie constructive n’est pas franche.
En effet, on remarque des zones de transition entre les différents types de constructions.
La « zone intermédiaire » entre la bauge et le torchis pan de bois à colombes cachées s’effectue
sur la région de proche des communes de Tirepied-Sur-Sées et de Saint-Brice. Cette zone fait moins
apparaitre la distinction entre les deux techniques que la seconde. Celle-ci est clairement identifiable
sur les communes de Mortain-Bocage, de Lapenty et de Romagny-Fontenay, comme on peut le
constater sur la carte ci-dessous (figure 63, page suivante). Grâce à cette carte, on constate que chaque
technique de construction en terre crue est largement majoritaire dans les zones « non
intermédiaires ».
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Figure 63 : Part des 3 techniques de construction en terre crue par commune (Auteur : J.Huret)
Pour réaliser ce recensement, j’ai fait le choix de prendre comme référence les corps de ferme.
Ce choix m’a paru judicieux car les bâtiments en terre dans cette région sont majoritairement agricoles.
Cependant cette méthode a probablement entraîné des biais dans l’analyse. Pour autant l’agriculture
a une grande influence sur le paysage rural et son étude est donc primordiale dans un tel projet. De
plus en faisant un état des lieux précis des corps de ferme du Sud-Manche, cela m’a permis de repérer
des lieux pertinents pour des projets futurs de préservation et de valorisation du patrimoine en terre
crue. La collaboration avec les agriculteurs semble donc primordiale pour la réussite du projet.
Toutefois les exploitations agricoles étant des entreprises, elles sont plus enclines à détruire des
bâtiments dans un objectif de rendement, soit pour gagner en espace soit pour les remplacer par
d’autres plus adaptés aux travaux agricoles. Il est donc important et pressant de se soucier de la perte
de ce patrimoine. À noter que tous les corps de ferme possédant ce type de patrimoine ne sont pas
forcément en activité. Ces corps de ferme peu utilisés présentent souvent plus de bâtiments en terre
que ceux en activité. Toutefois, ils sont délaissés par leurs occupants. Ils ne sont certes pas détruits,
mais sans entretien, leur avenir est incertain.
L’accessibilité via Google Street View n’étant pas homogène et les bases de données utilisées
n’étant pas complètes (manque de corps de ferme dans la base de données de la DDTM de la Manche),
il est possible que mes résultats aient été faussés. Pour résoudre ce problème, la visite virtuelle d’un
certain nombre de corps de ferme selon un maillage sur l’ensemble des 95 communes de
l’intercommunalité aurait pu être réalisée. Cependant j’ai jugé plus judicieux de favoriser un repérage
quantitatif permettant d’avoir un meilleur aperçu de la réalité du patrimoine en terre et ainsi connaître
les possibles projets liés à agrotourisme.
Après avoir réalisé ce repérage, j’ai rapidement constaté l’ampleur de l’inventaire à réaliser. Pour
obtenir des premiers résultats exploitables, j’ai donc été contraint de réduire l’aire d’inventaire à deux
zones géographiques où le bâti en terre semble être le plus nombreux.
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Le choix des zones est lié à la représentativité de chaque type de construction majoritaire du Sud-
Manche : torchis pan de bois à colombes cachées et découvertes. Une zone au nord-ouest aurait été
aussi intéressante, mais par manque de temps, j’ai dû faire un choix et j’ai privilégié le torchis à la
bauge car il est plus présent.
3.1. Recensement du bâti de la zone « est » (Barenton) et de la zone « centrale » (Isigny-le-Buat)
3.1.1. Recensement du bâti de la zone « est » (Barenton)
La zone « est » située à l’extrême sud-est de l’intercommunalité se compose de 4 communes :
Saint-Georges-de-Rouelley, Barenton, Saint-Cyr-du-Bailleul et Le Teilleul, soit 14 700 hectares. Grâce à
la visualisation GSV, j’ai pu recenser 517 bâtiments en terre, soit une moyenne de 2 à 6 bâtis par km²
ce qui représente entre 3 et 8.5% du patrimoine bâti de ces communes (figure 65, page 75). Ces chiffres
sont inférieurs à la réalité du terrain car pour cette zone, 45 % de l’espace n’est pas couvert par Google
Street View. Les images de Google sur la zone « est » datant de 2013 à 2018, il est possible que certains
bâtiments aient disparu depuis la prise de photo. Cependant les résultats sont plus précis en réalisant
le repérage virtuel en suivant les axes routiers qu’en utilisant la localisation des fermes via la base de
données. En effet, parcourir l’ensemble des grands axes routiers de l’intercommunalité a été
logiquement plus efficace que de se concentrer uniquement sur une zone restreinte représentant un
corps de ferme. L’exemple le plus marquant est sans doute le bâtiment en bauge se trouvant sur Saint-
Georges-de-Rouelley, comme on peut le voir sur la carte ci-dessous (figure 66, page 76) représenté par
un point jaune. Cette carte localise précisément chaque bâtiment selon le type de construction, l’état
de conservation ou de dégradation architecturale (modification du bâti après une rénovation ou
extension). La modification architecturale est très présente sur cette zone puisque, 248 bâtiments en
torchis pan de bois à colombes découvertes sont concernés sur les 487 bâtiments recensés.
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Figure 65 : Densité du bâti en terre et part des techniques de construction (Auteur : J.Huret)
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Figure 66 : Recensement du bâti par rapport à sa technique de construction et son authenticité architecturale (Auteur :
J.Huret)
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Figure 67 : Densité du bâti en terre et part des techniques de construction (Auteur : J.Huret)
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Figure 68 : Recensement du bâti par rapport à sa technique de construction et son authenticité architecturale (Auteur :
J.Huret)
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Cette seconde carte qui localise précisément chaque bâtiment apporte une information
importante : la modification architecturale est moins présente sur cette zone que la partie « est » avec
seulement 35 % des bâtiments concernés.
Après avoir réalisé le recensement sur 12 communes, j’ai réalisé une étude du bâti (questionnaire
et fiche d’inventaire) sur 2 zones géographiques, c’est-à-dire Barenton et Isigny-le-Buat.
3.2. Étude des bâtiments en terre de la commune de Barenton et d’Isigny-le-buat
3.2.1. Le recensement du bâti en terre de Barenton et d’Isigny-le-Buat
Avec une superficie de 35 km² pour 1 190 habitants en 2015 (INSEE), la commune de Barenton,
accessible à 50 % par GSV, abrite 212 bâtiments en terre représentant ainsi 8.5 % du bâti communal.
Sur ce total, 44 % des constructions ont été modifiées (pertes d’authenticité architecturale). La
seconde commune, Isigny-le-Buat, créée en 1969 par la fusion d’Isigny et du Buat, est composée depuis
1973 de 11 anciennes communes pour un total de 74 km² et une population de 3 299 habitants en
2015. Grâce à GSV, 917 bâtiments en terre ont été identifiés soit 13 % du bâti communal avec une
large majorité de torchis pan de bois à colombes cachées. Sur les 917 bâtiments, 38 % ont été modifiés.
Le bâti en terre est présent sur l’ensemble de la commune, contrairement à la commune de Barenton
mais cette différence est liée, entre autres, à l’accès à GSV (85 % des voies), mais aussi à la spécificité
de la commune de Barenton. Celle-ci dispose d’une carrière (grès) au nord qui a sûrement fourni les
matériaux nécessaires à la construction (figures 69 et 70, pages 81 et 82).
80
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3.2.2. Analyse des fiches d’inventaire : enrichissement des connaissances et de l’état de conservation
du bâti
Un échantillon de 100 bâtiments de la commune d’Isigny-le-Buat a fait l’objet d’une fiche
d’inventaire dont l’analyse complète figure en annexe 3, page 140. Sur les 100 bâtiments recensés, 99
relèvent d’une construction en torchis pan de bois à colombes cachées pour seulement 1 bâtiment à
colombes découvertes. Les bâtiments recensés ont été classés en 3 catégories d’état de conservation :
20 des 100 bâtiments sont en mauvais état, ce qui correspond à un besoin urgent de travaux à
court terme pour un bâti menacé de destruction. Ces bâtiments pourraient faire l’objet d’une
procédure coercitive de péril, d’abandon manifeste ou encore d’insalubrité s’il s’agissait d’une
habitation ;
42 bâtiments sont dans un état moyen (ou correct). Des travaux sont à prévoir à court ou moyen
terme selon le degré de détérioration ;
38 bâtiments sont en bon état : aucune intervention n’est à prévoir à moyen et long terme en
dehors de l’entretien régulier.
Parmi ces 100 bâtiments, 66 ont été dégradés (perte d’authenticité architecturale) et
d’importants travaux sont à prévoir pour rétablir l’authenticité du bâti. 23 n’ont pas subi de
modifications et 9, faiblement modifiés, peuvent retrouver leur apparence d’origine à faible coûts
économiques et humains principalement. Les 2 derniers bâtiments sont inaccessibles. À l’aide de
l’analyse des fiches, j’ai pu définir pour chaque typologie de bâti le niveau de leur état de conservation
et de dégradation (voir figure 71 ci-dessous).
Poulailler
Hangar
Habitation
Grange
Garage
Etable
Entrepôt utilisé (mensuel/annuel)
Entrepôt utilisé (journalier/hebdomadaire)
Cellier
Boulangerie
Bergerie
Atelier
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Poulailler
Hangar
Habitation
Grange
Garage
Etable
Entrepôt utilisé (mensuel/annuel)
Entrepôt utilisé (journalier/hebdomadaire)
Cellier
Boulangerie
Bergerie
Atelier
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
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Le premier graphique montre que les ateliers sont pour la plupart en mauvais état, que les granges
quant à elles sont dans un état moyen et que les habitations sont en majorité en bon état. Le second
graphique de la figure 71.b signale les différentes dégradations par type de construction. Il ressort que
les bergeries, les boulangeries et les granges sont les bâtiments les plus transformés. En comparant les
deux graphiques, on se rend compte que les ateliers sont globalement en mauvais état et qu’ils ont
subi d’importantes transformations. À l’inverse les celliers sont en bon état et non dégradés. Il semble
donc que l’état de conservation soit lié à la dégradation (graphique, figure 72).
100%
80%
60%
40%
20%
0%
Dégradation (Coût élevé) Aucune dégradation Non Connu
Figure 72 : Part d’état de conservation des bâtiments selon la dégradation (Auteur : J.Huret)
En effet, selon le graphique ci-dessus, 95% des bâtiments en mauvais état sont dégradés contre
seulement 60% pour le bâti en bon état. Ce phénomène peut s’expliquer par le fait qu’un bâtiment en
mauvais état, et donc souvent inesthétique et peu apprécié, est plus facilement réparé par des
matériaux modernes qu’un bâtiment en bon état. Au vu de ces résultats obtenus, les bâtiments ont
été classés en 3 catégories d’intérêt patrimonial (figure 73) :
57 bâtiments ne semblent pas être réellement intéressants par leur mauvais état et leurs
dégradations trop coûteuses pour retrouver leur authenticité architecturale initiale ;
39 bâtiments sont intéressants car ils sont dans un état de conservation correct et peu dégradé
;
4 bâtiments sont pertinents par leur état de conservation et d’authenticité architecturale.
À noter qu’un bâtiment peut ne pas être intéressant seul
mais peut le devenir en tenant compte des bâtiments
environnants l’édifice auquel il appartient (figure 74). D’après
l’ouvrage « Architecture méthode et vocabulaire, inventaire
général des monuments et des richesses artistique de la
France » un édifice est une construction ou groupe de
constructions affectées à une même destination, compris Figure 73 : Intérêt d’un bâtiment seul (Auteur :
dans un même programme ou appartement à la même J.Huret)
73 % des bâtiments ne font pas partie du siège social d’une exploitation agricole, ils sont soit
isolés, soit dans un corps de ferme réhabilité ou dans un corps de ferme peu ou pas utilisé par les
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agriculteurs. C’est pourquoi la majorité du bâti intéressant de cet inventaire est localisé dans des corps
de ferme qui ne représentent pas le siège social d’une exploitation agricole. Ce constat montre que les
corps de ferme encore en activité et servant de siège social à l’exploitation agricole ne comportent
bien souvent peu ou pas de bâtiments en terre car ils ont été détruits. Les différentes fonctions
attribuées au bâtiment, aujourd’hui et dans les siècles passés, nous renseignent sur la place laissée à
ce type de construction actuellement. En effet, les fonctions passées des bâtiments étaient plus
diversifiées, il s’agissait de granges, d’étables, d’habitations (environ 12%) et de boulangeries mais
aussi dans des quantités moindre, de bergeries et de poulaillers (voir annexe 3, page 140).
Actuellement la fonction dominante de ces bâtiments a été réduite à l’entrepôt. Toutefois, tous les
entrepôts ne sont pas utilisés de la même manière, il y a ceux qui sont utilisés quotidiennement, qui
sont souvent occupés par des particuliers, et ceux utilisés plus rarement, une fois par mois ou même
par an, qui sont souvent liés à une exploitation agricole. Ces entrepôts étant peu fréquentés peuvent
être confondus avec des bâtiments abandonnés. En effet, l’abandon est estimé à 17% de mon
inventaire, c’est pourquoi ce chiffre est probablement surévalué. Les critères d’intérêts patrimoniaux
incluent aussi le positionnement géographique et le paysage des bâtiments et des édifices. En effet,
malgré leur localisation en campagne, voire en zone hyper rurale parfois, les bâtiments en terre crue
inventoriés sont majoritairement proches des réseaux, notamment routiers. Cependant ces axes sont
majoritairement des routes secondaires pour 83% d’entre eux et donc peu fréquentés par les touristes
et les habitants du Sud-Manche. Toutefois ces bâtiments sont principalement situés près de prairies
herbagères et de cultures. Seule une minorité, se trouve près d’un verger. Ainsi ces bâtiments jouissent
pour beaucoup d’une bonne visibilité aux abords des routes où de nombreuses personnes peuvent les
apercevoir. Ce critère influence le classement d’intérêt patrimonial d’un bâtiment et d’un édifice. En
effet, plus un bâtiment est susceptible d’être vu, plus il est potentiellement intéressant de le conserver
et de le valoriser.
L’inventaire a permis de donner une description des matériaux de construction les plus employés
pour la rénovation des bâtiments en terre crue. En effet, la tôle ondulée est utilisée majoritairement
pour la toiture, mais aussi pour la façade. Ce matériau simple et efficace représente 55% des toitures
et 43% des façades. L’ardoise et la tuile en terre-cuite représentent quant à elle, 20% chacune. Les
matériaux de façades visibles sont davantage diversifiés avec 11% d’enduit ciment, 16% de parpaing,
20% de bardage bois et 93 % de torchis et de colombes. Le torchis et les colombes ne sont pas toujours
visibles, parfois un bâtiment est recouvert totalement par de la tôle, du bardage bois ou de l’enduit.
Outre la prise de conscience de l’état actuel des lieux du bâti en terre, l’analyse des fiches de
l’inventaire permet aussi un enrichissement des connaissances de ce patrimoine de nos jours et dans
le passé. Grâce à l’inventaire et la prise de mesures sur le terrain, j’ai pu aussi déterminer des «
dimensions représentatives » de chaque fonction de bâtiment, voir tableau (figure 75).
85
Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Exemple de lecture : les dimensions moyennes d’une boulangerie seraient d’après mon inventaire
de 4.8 mètres de longueur pour 4.2 mètres en largeur avec pour hauteur de toiture de 4.7 mètres.
Avec seulement 100 bâtiments mesurés, ces chiffres ne sont pas représentatifs de la réalité, mais
donnent une tendance des dimensions par type de bâti. Ainsi, on remarque que les granges, les étables
et les habitations sont les bâtiments les plus volumineux, et que leurs dimensions sont similaires. Ce
constat est facilement explicable car autrefois ces 3 fonctions étaient très liées comme on a pu le voir
avec les définitions des typologies de maison d’Albert Demangeon. En effet, la maison bloc correspond
à un habitat qui réunit l’espace d'habitation et d'exploitation sous le même édifice. Au fil des années,
ces bâtiments ont été transformés pour être adaptés à une seule fonction, soit une habitation, une
grange ou une étable. Ce changement de fonction d’utilisation est visible pour la majorité des
bâtiments comme vous pouvez le voir sur le graphique ci-dessous (figure 76).
Poulailler
Habitation
Grange
Garage
Etable
Entrepôt utilisé (journalier/hebdomadaire)
Entrepôt peu utilisé (abandon)
Boulangerie
Bergerie
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Figure 76 : Graphique représentant la part des fonctions actuelles par rapport à celles passées (Auteur : J.Huret)
Exemple de lecture : 55 % des habitations d’aujourd’hui étaient déjà les logements des
agriculteurs des siècles passés. Il s’agissait souvent de maisons bloc en terre. Les autres habitations
actuelles sont issues de la transformation de bâtiments d’exploitation : 30 % de bergeries, 10 %
d’étables et 5 % de granges. Ce graphique (figure 76) montre que les boulangeries, les bergeries et les
poulaillers sont les bâtiments les plus abandonnés. Cela s’explique par leurs dimensions bien trop
modestes pour l’agriculture actuelle, il est donc logique qu’elles représentent les bâtiments les plus
abandonnés. À noter que les entrepôts utilisés sont le fruit des transformations de plusieurs types de
bâtiments : de l’habitation à la grange en passant par l’étable. Pour finir les habitations représentent
8% des bâtiments, par rapport à 12% dans le passé (voir annexe 3, page 140). Il y a donc une baisse du
nombre d’habitations en terre. On constate également que les habitations actuelles en terre crue ne
sont souvent pas des anciennes maisons entretenues ou rénovées mais plutôt d’anciennes granges
rénovées par exemple (figure 76). Ce choix est probablement lié au prix de vente du bâti ancien. En
effet, les maisons ont souvent un prix de vente plus élevé que les granges et les étables pour un coût
de rénovation similaire avec une même surface habitable après travaux. Ce dernier chiffre est aussi
révélateur de l’abandon de nombreuses habitations dans le Sud-Manche qui ne répond plus au confort
du XXIe siècle. Malgré un échantillon limité de bâtiments inventoriés, j’ai pu obtenir des informations
apportant des tendances intéressantes. L’enrichissement de cet échantillon permettrait d’affiner ces
résultats.
86
Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
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Lors de l’étude, j’ai donc rempli des fiches d’inventaire mais j’ai également pu rencontrer leurs
occupants. Je leur ai transmis un questionnaire pour connaître leur ressenti et leur opinion sur l’avenir
du bâti en terre crue, ainsi que le projet de l’intercommunalité pour l’obtention du label Pays d’Art &
d’Histoire afin de préserver et valoriser ce patrimoine.
3.2.3. Analyse de l’enquête : ressenti des occupants face à leur patrimoine
L’enquête par questionnaire a permis de recueillir 110 avis pour un total de 112 répondants. Elle
est composée en majorité des réponses des habitants de la commune d’Isigny-le-Buat (60 %) qui
regroupe les 2/3 des habitants et le reste des habitants de la commune de Barenton. Seuls 2
questionnaires n’ont pas pu être traités à cause de leur envoi tardif. Les points les plus pertinents des
résultats sont abordés mais l’ensemble de l’analyse est disponible en annexe 4 à la page 142. L’analyse
par commune permet de savoir si les avis exprimés sont similaires d’une commune à l’autre. L’analyse
par âge et par profession, quant à elle, permettra de déterminer si les personnes les plus favorables
au projet sont également celles les plus enclines à s’y investir. Procédons d’abord à l’analyse globale
de l’ensemble des questionnaires.
Résultat de l’analyse de l’ensemble des questionnaires sans distinction
52/Quelle est votre profession ?
Figure 78 : Catégories socioprofessionnelles par rapport à l'âge des occupants (Auteur : J.Huret)
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5/Tem ps d'occupation du bâtim ent
Taux de réponse : 99,1% 90% des enquêtés sont propriétaires contre
10% locataires avec 103 résidences principales et
Nb % cit. 7 secondaires. Malgré le peu de locataires,
1 à 10 ans 33 30,3% 30,3% l’enquête montre que la durée d’occupation ne
11 à 20 ans 22 20,2% 20,2% dépasse pas 20 ans pour plus de la moitié des
interrogés (figure 79). Toutefois, on remarque
21 à 30 ans 9 8,3% 8,3%
que 28% des occupants sont dans leur habitation
31 à 40 ans 7 6,4% 6,4% depuis plus de 50 ans, principalement des
41 à 50 ans 7 6,4% 6,4% agriculteurs retraités qui ont gardé leurs corps de
+ 50 ans 31 28,4% 28,4%
ferme, mais aussi des retraités ouvriers,
employés ou même artisans ayant réalisé leur
Total 109 100,0% carrière professionnelle dans le Sud-Manche.
Figure 79 : Durée d'occupation du bâti en terre des 110 Cette longévité peut être aussi liée à des biens de
répondants (Auteur : J.Huret) famille qui se transmettent de génération en
génération. C’est le cas de la moitié des
résidences, allant le plus souvent de 2 à 4 générations. Les occupants ne savent pas eux-mêmes
exactement le nombre de générations au-delà des arrières grands-parents. Ces résidences sont parfois
secondaires pendant la durée d’activité des occupants qui travaillent en dehors de la région, puis
deviennent principales pour leur retraite. Cette durée d’occupation a évolué au fil des décennies car
les changements de logement sont plus courants. Diverses raisons peuvent être évoquées comme les
séparations de couple, les mutations professionnelles et la recherche d’un meilleur cadre de vie. La
durée d’occupation de 21 à 50 ans concerne généralement les personnes plus âgées, mais toujours en
activité professionnelle. Tandis que la durée de 1 à 20 ans concerne essentiellement des jeunes actifs
et les nouveaux retraités. Le choix des résidences des 110 interrogés n’est pas lié au bâti en terre crue
pour 67% d’entre eux. Seulement 17% des personnes disent que leur choix d’achat est lié à la présence
du bâti en8/Nom
terre. bre de bâti terre-bois
88
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Le confort est le plus souvent lié à l’état de conservation d’un bâtiment. Selon les enquêtés, 85
bâtiments sont en mauvais état, 65 en état moyen et 91 en bon état. La validation ou non de ces
résultats est parfois difficile à juger car chaque occupant possède sa propre opinion. Certains
propriétaires dévalorisent leur bâti en les classant dans la mauvaise catégorie. L’inverse est aussi
possible. Cependant cette différence de perception entre l’occupant et moi-même reste minime et ne
devrait pas perturber les résultats. À noter que le nombre de bâtiments en mauvais et moyen état ont
un taux similaire entre l’enquête et les fiches d’inventaire avec plus de 60% du bâti.
22/Plus précisém ent :
Taux de réponse : 65,5%
Nb % obs.
Charpente 20 18,2% 18,2%
Couverture 54 49,1% 49,1%
Changement des lattes ou colombes 16 14,5% 14,5%
Évacuation pluviale 56 50,9% 50,9%
Menuiserie (Isolation) 19 17,3% 17,3%
Revêtement de façade 49 44,5% 44,5%
Sol 18 16,4% 16,4%
Autres 17 15,5% 15,5%
Total 110
65 % des occupants ont réalisé des travaux d’entretien, de rénovation ou de sauvegarde, dont la
majorité date de moins de 20 ans. La couverture, l’évacuation pluviale et les revêtements façade sont
les travaux les plus fréquents (figure 81). À noter que de nombreuses toitures fut réalisées ou rénovées
à la suite de la tempête de 1999, comme l’ont indiqué plusieurs personnes durant l’enquête. Ces
nombreux travaux ont modifié l’authenticité architecturale d’environ 50 % du bâti. Ce chiffre est aussi
critiquable car chaque personne, malgré mes indications et mes explications sur la dégradation, a une
vision et une opinion différentes. Toutefois, ce chiffre reste plus ou moins cohérent avec le
recensement virtuel du bâti en terre crue réalisé sur les deux communes, ainsi que l’analyse des fiches
d’inventaire. Cette dégradation architecturale est liée entre autres à la méconnaissance des
techniques du bâti en terre. En effet, 72 % des occupants affirment ne jamais s’être documentés sur
celui-ci. La quasi-totalité des travaux ont été réalisés par des personnes non spécialisées dans la
rénovation de ce type de bâti, qu’il s’agisse d’eux-mêmes ou d’artisans. Seulement 13 personnes sur
les 110 connaissent un professionnel ou une association spécialisée dans le bâti ancien en terre : la
SARL Lemoussu, Argilus (Logis Nature), l’ARPE Normandie (Association Régionale pour la Promotion de
l'Éco-construction en Normandie), l’Association Savoir-faire et Découvertes, FBA (Fernand bâti ancien)
et Alterna’Bois.
L’estimation des coûts des travaux d’entretien et de rénovation des bâtiments en terre par an
sont perçus pour 84% des enquêtés comme faibles. Ce chiffre s’explique par le fait que bon nombre
d’occupants n’entretiennent pas ou peu leur bâti. En effet, 63% des personnes ont un coût d’entretien
et de rénovation par an de 0 euro, 30% de 1 à 3000 euros et 7% de plus de 3000 euros. En dépit de
l’état de conservation médiocre d’un bon nombre de bâtiments en terre, 60% des occupants affirment
que leur bâti en terre est indispensable dans leur quotidien. Une large majorité de ces bâtiments
servent d’entrepôt. 68% des occupants n’ont pas de projet pour leur bâti. Ce chiffre est lié en grande
partie aux personnes âgées qui ne veulent plus réaliser de travaux et qui représentent la moitié des
enquêtés. Les 32% restant souhaitent quant à eux réaliser des projets essentiellement à but non
lucratifs. Malgré le délaissement de nombreux bâtis en terre par les 110 occupants, 73% attestent être
tristes et déçus de voir ce patrimoine disparaître, 26% y sont indifférents et 1% sont satisfaits et même
enthousiastes à l’idée de le voir disparaître. 93% d’entre eux semblent être favorables à la préservation
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et à la valorisation de ce patrimoine bâti. L’avenir du bâti en terre est cependant incertain pour la
moitié d’entre eux, tout comme le fait d’être vecteur de développement local (figure 82, page
suivante).
39/Est-ce que ce bâti à un avenir ? 40/Bâti vecteur de développem ent local
Taux de réponse : 100,0% Taux de réponse : 100,0%
Nb % cit. Nb % cit.
Oui 56 50,9% 50,9% Oui 58 52,7% 52,7%
Non 54 49,1% 49,1% Non 52 47,3% 47,3%
Total 110 100,0% Total 110 100,0%
En effet, cette ambiguïté se confirme lors des questions personnelles sur les possibles projets. Aux
questions « Seriez-vous prêt à réinvestir et à valoriser votre bâti pour un projet de développement
local ? Seriez-vous prêt à construire de nouveaux bâtis en terre pour un projet de développement local
? », 58 % des occupants affirment ne pas être prêt à valoriser et réinvestir leur bâti pour un projet de
développement local, et 71 % ne veulent pas construire de nouveaux bâtis en terre pour un projet de
développement local. Différentes raisons ont été énoncées par les enquêtés pour appuyer leur choix :
les contraintes urbanistiques ;
les coûts financiers élevés ;
les moyens humains et le temps nécessaire ;
la fragilité des constructions en terre (feu, souris, matériaux biosourcés, etc.) ;
l’inutilité de réaliser des projets trop éloignés du Mont Saint-Michel, zone non touristique ;
la non-représentativité du bâti dans la région ;
l’absence d’entretien des bâtiments par rapport au Pays d’Auge.
Toutefois, 84 % des gens pensent que le bâti en terre est emblématique de la région du Sud-
Manche. Parmi les personnes qui ne souhaitent pas faire de projet, 40 % d’entre elles sont prêtes à
changer d’avis si l’intercommunalité les soutient avec des aides financières, techniques ou bien
technologiques. Malgré ces résultats, 77 % des interrogés trouvent le label Pays d’Art & d’Histoire
intéressant afin de valoriser et préserver ce patrimoine et ainsi permettre à ce patrimoine d’être un
possible vecteur de développement local. Seulement 40 % ont des craintes vis-à-vis de l’obtention de
ce label (figure 83). Les craintes les plus évoquées par ces occupants sont la perte de liberté face aux
autorités ainsi qu’une dépense financière obligatoire pour la rénovation et l’entretien.
46/Si oui, quelles craintes ?
Taux de réponse : 40,0%
Nb % obs.
Dépense financière pour la rénovation et l'entretien de vos bâtiments 20 18,2% 18,2%
Dépense financière inutile de l'intercommunalité 10 9,1% 9,1%
Contraintes pour l'entretien de votre bâti (perte de liberté) 30 27,3% 27,3%
Inefficacité de la démarche 3 2,7% 2,7%
Peur de l'arrivée d'une nouvelle population (résidents ou touristes) 4 3,6% 3,6%
Total 110
Figure 83 : Différentes craintes vis-à-vis de l'obtention du label « Pays d’Art & d’Histoire » (Auteur : J.Huret)
Pour mieux comprendre leur avis et leurs attentes par rapport à la préservation et la valorisation
du bâti en terre, trois questions leur ont été posées. La première question était : « Que vous
apporterait, personnellement, la préservation et la valorisation du bâti en terre ? ». Le tableau ci-
dessous (figure 84, page suivante) montre que la préservation et la valorisation du bâti en terre
apporte un sentiment de fierté régionale pour quasiment la moitié des personnes interrogées, ainsi
qu’un embellissement du cadre de vie. On peut aussi constater que peu de personnes pensent,
90
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
seulement 14,5%, que le bâti en terre représente une valeur ajoutée à leur propriété, et même pour
¼ des personnes interrogées, il n’apporte rien de particulier.
36/Apport personnel de sa préservation
Taux de réponse : 100,0%
Nb % obs.
Augmentation de la valeur immobilière et foncière 16 14,5% 14,5%
Sentiment de fierté régionale 51 46,4% 46,4%
Embellissement du cadre de vie 48 43,6% 43,6%
Meilleures connaissances de vos bâtiments 20 18,2% 18,2%
Rien de particulier 28 25,5% 25,5%
Total 110
Deuxième question : « Selon vous, quelles sont les trois causes de la disparition de ce bâti ? ». Le
tableau ci-dessous (figure 85) révèle que pour plus de 70% d’entre eux, cette disparition est due
principalement à la non-fonctionnalité du bâtiment mais aussi à la disparition de la culture paysanne,
pour presque 60%, aux contraintes liées à l’environnement, plus de 50%, et la fragilité de la structure
sans entretien, moins de 50%. Le manque de confort et l’esthétisme ont été les moins cités dans les
causes principales, moins de 25% pour le premier et 1,8% pour le second.
37/Causes de la disparition de ce bâti
Taux de réponse : 100,0%
Nb % obs.
Bâtiment devenu non-fonctionnel 78 70,9% 70,9%
Contrainte liée à l'entretien régulier 56 50,9% 50,9%
Disparition de la culture paysanne 65 59,1% 59,1%
Fragilité de la structure sans entretien 54 49,1% 49,1%
Inesthétisme 2 1,8% 1,8%
Manque de confort (difficulté d'isolation/chauffage) 27 24,5% 24,5%
Total 110
Enfin la dernière question était : « Selon vous, quelles sont les trois raisons principales pour
sauvegarder le bâti en terre ? ». Le tableau ci-dessous (figure 86) montre que les ¾ des occupants
considèrent qu’il faut sauver le bâti en terre car ce sont des constructions écologiques et durables. Plus
de la moitié estime qu’il fait partie de l’identité locale, et plus de 40 % pensent que pour son
esthétique, ainsi que ses qualités thermiques, acoustiques et hygrométriques, il mérite d’être
sauvegardé. Peu de personnes en revanche ont répondu que sa capacité à être le vecteur de
développement local et son faible coût de construction étaient les raisons principales pour le sauver.
38/Les raisons de sauvegarder ce bâti
Taux de réponse : 90,9%
Nb % obs.
Construction écologique et durable 75 68,2% 68,2%
Esthétisme 48 43,6% 43,6%
Faible coût de construction 32 29,1% 29,1%
Identité locale 59 53,6% 53,6%
Qualité thermique, acoustique et hygrométrique 45 40,9% 40,9%
Vecteur de développement local 12 10,9% 10,9%
Total 110
91
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Afin d’affiner les résultats des questionnaires, je les ai analysés en comparant différents critères.
Cela a permis d’identifier plus précisément les habitants qui sont prêts à s’impliquer et s'investir dans
le projet. J’ai commencé par une analyse en fonction de l’âge de la population.
Les personnes actives : favorables au projet
Des tranches d’âge ont été définies afin d’apporter une analyse plus précise sur la perception des
habitants sur l’avis du bâti en terre crue et du label « Pays d’art et d’histoire ». Trois tranches d’âge
ont été choisies : les moins de 30 ans qui représentent les jeunes actifs, les 30 à 60 ans qui représentent
les actifs et enfin les plus de 60 ans qui représentent les préretraités et les retraités. L’objectif est de
s’assurer que les personnes favorables au Pays d’art & d’histoire sont les mêmes qui sont prêtes à
s’investir dans la sauvegarde du bâti. À ces différents stades de vie, les besoins, les moyens et les
aspirations ne sont pas les mêmes et peuvent jouer un rôle sur la perception du bâti. Les graphiques
de la figure 87 montrent des différences importantes entre les réponses selon les différentes tranches
d’âge.
Non Non
Oui
Oui
NR
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
E) Favorable au label Pays d'art & d'histoire F) Crainte par rapport au label Pays d'art &
d'histoire
Non
Non
Oui
NR Oui
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
Figure 87 : Part des réponses aux diverses questions du questionnaire en fonction de l’âge des personnes interrogées (*NR =
Non Répondu) (Auteur : J.Huret)
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On constate que le ressenti envers le bâti en terre est légèrement différent selon les âges. Les
moins de 30 ans et les plus de 60 ans semblent moins sensibles à sa disparition et plus indifférent,
surtout les plus jeunes (figure 87.a). Les plus enclins à investir dans leur bâti font donc naturellement
partie de la tranche d’âge des 30 à 60 ans (figure 87.b). Ce sont plutôt les plus âgés, cette fois, qui sont
moins prêts à investir dans leur bâti. Quand il s’agit de construire, on retrouve la même tendance pour
les personnes âgées mais pas chez les plus jeunes qui sont même plus prêts à construire que les 30 à
60 ans (figure 87.c). En effet, en cas d’aide de l’intercommunalité, plus de 60 % des jeunes changeraient
d’avis et seraient prêts à construire ainsi que 40 % des 30 à 60 ans (figure 87.d). En ce qui concerne le
label, les pourcentages sont assez proches, entre 70 et 80% y sont favorables, peu importe la tranche
d’âge (figure 87.e). Les plus jeunes sont même les plus favorables alors qu’ils disent être moins tristes
de voir ce patrimoine disparaître. Pour finir les plus jeunes craignent peu de contraintes liées au label
alors que les plus âgés que ce soit les 30-60 ans ou les plus de 60 ans formulent plus d’inquiétudes
(figure 87.f). Il y a donc quelques différences à prendre en compte selon l’âge des habitants. Les
personnes âgées sont attachées au bâti en terre mais elles n’ont plus l’énergie de s’investir dans de
nouveaux projets. Les personnes jeunes manquent de moyens financiers et parfois d’intérêt pour le
bâti en terre mais ne sont pas réfractaires au projet. Finalement ce sont plutôt les personnes entre 30
et 60 ans qui sont les plus aptes à participer. Cependant il faut tenir compte de la moyenne d’âge plus
élevée à la campagne qui va jouer un rôle sur le nombre de personnes ayant la possibilité de s’investir.
Après l’âge de la population, je me suis intéressé à l’analyse communale. L’objectif était
d’identifier si les résultats étaient similaires et donc potentiellement homogènes entre toutes les
communes ou si on pouvait déjà voir des divergences entre ces deux-là.
Les Barentonnais et les Isignois ont des avis similaires
Sur les différents graphiques de la figure 88, on ne constate pas de réelle différence entre les
réponses des habitants des deux communes. Néanmoins on constate tout de même une différence sur
la volonté de construire de nouveaux bâtiments (figure 88.c) qui est moindre de presque 20 points
pour Barenton. On a également l’impression d’une différence dans la volonté de s’investir avec l’aide
de l’intercommunalité (figure 88.d). Cependant la différence est de 15 points environ pour le « non »
et seulement de 5 points environ pour le « oui ». Les personnes ayant répondu à cette question sont
seulement celles ayant répondu négativement à la précédente. C’est donc plutôt le nombre de non
réponse qui diffère entre les deux résultats.
Non
50% Oui
NR
0%
Triste/Déçu Indifférent Satisfait/Enthousiaste 0% 20% 40% 60% 80% 100%
Non
Non
Oui
Oui
NR
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
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E) Favorable au label Pays d'art & d'histoire F) Crainte par rapport au label Pays d'art &
d'histoire
Non
Non
Oui
NR Oui
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
Figure 88 : Part des réponses aux diverses questions du questionnaire en fonction des communes (*NR = Non répondu)
(Auteur : J.Huret)
Compte tenu de ces résultats, on peut en déduire que les habitants de ces deux communes ont
des avis très proches et on peut supposer que ces tendances doivent se confirmer sur l’ensemble de
l’intercommunalité. Sur les deux communes, la plupart des habitants portent de l’intérêt au bâti en
terre, plus de 70 % seraient tristes ou déçus qu’il disparaisse (figure 88.a), 75 % environ sont favorables
au label (figure 88.e) et environ 60 % n’ont aucune crainte face à ce label (figure 88.f). Cependant, tous
ne sont pas prêts à investir dans ce projet, 55 % environ ne souhaitent pas réinvestir dans ce bâti (figure
88.b) et 75 % environ ne veulent pas construire en terre (figure 88.c). Néanmoins 30 % de ceux qui ne
souhaitent pas investir peuvent changer d’avis si une aide leur est apportée par l’intercommunalité
(figure 88.d).
Pour finir, je me suis intéressé aux catégories socioprofessionnelles des personnes interrogées.
L’objectif était d’établir si certains habitants étaient plus enclins à s’intéresser au projet selon leur
situation professionnelle, tout particulièrement les agriculteurs qui constituent des acteurs majeurs
dans un projet de développement local en lien avec le paysage et le tourisme.
Résultat de l’analyse des 110 questionnaires selon la profession
Sur la figure (89.a), on constate que les agriculteurs représentent la catégorie professionnelle
possédant en moyenne le plus de bâtis en terre crue. Sur le deuxième graphique (figure 89.b, page 95),
on peut constater qu’effectivement une importante part d’agriculteurs, quasiment 50%, possèdent 4
bâtiments ou plus. Au vu de ces résultats, il est intéressant de se tourner vers les agriculteurs comme
acteur du projet de valorisation de bâti en terre car ils sont non seulement les premiers concernés mais
aussi ceux possédant le plus de ressources. Pour les impliquer dans la démarche, il est d’abord
intéressant de connaître leur opinion et leur motivation vis-à-vis du label.
Agriculteur
Ouvrier
Cadre et profession intellectuelle
MOYENNE
Employé
Retraité
Autre/Sans activité professionnelle
Artisan/Commerçant/Chef d'entreprise
Profession intermédiaire
0 1 2 3 4
94
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
MOYENNE
Autre/Sans activité professionnelle
Retraité
Profession intermédiaire
Ouvrier
Employé
Cadre et profession intellectuelle
Artisan/Commerçant/Chef d'entreprise
Agriculteur
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%
Figure 89 : Nombre moyen de bâtiments en terre possédé par l’occupant/Part du nombre de bâtiments en terre possédé par
l’occupant (Auteur : J.Huret)
Figure 90 : Part des réponses aux diverses questions obtenues pour les agriculteurs (Auteur : J.Huret)
Sur la figure 90 qui regroupe les réponses des agriculteurs au questionnaire sur leur bâtiment en
terre et sur le projet de labellisation, on peut avoir une idée de leur opinion à ce sujet. Pour
commencer, on peut constater qu’une majorité, plus de 60%, sont intéressés par le label même si plus
de la moitié exprime des craintes à son sujet. Plus de la moitié d'entre eux se disent être prêt à
construire des bâtiments en terre et plus de 70% à valoriser leur bâti existant. De plus, 30% de ceux ne
voulant pas agir disent être prêt à le faire avec une aide de l’intercommunalité.
Ces résultats montrent bien la capacité d’investissement des agriculteurs dans le projet. Certains
ont d’ailleurs déjà des projets pour leur bâti et qui ne sont pas forcément à portée lucrative. Plus de
60% des agriculteurs estiment que leur bâti en terre est indispensable, ils y sont donc attachés et pas
seulement par esthétisme ou nostalgie. Plus de 80% d’entre eux estiment qu’il peut être vecteur de
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développement local, même si seulement la moitié estime qu’il a un avenir. Pour finir, plus de 80% des
agriculteurs sont favorables à sa valorisation. La population des agriculteurs est donc très intéressante
dans ce projet parce qu’en plus d’avoir la possibilité d’agir en sa faveur, ils y sont aussi pour beaucoup
favorables.
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Conclusion de partie
Le plus gros enjeu de cette partie fut la gestion du temps. Il m’a fallu décider d’une méthodologie
en amont suffisamment réfléchie pour ne pas avoir à la modifier et l’appliquer dans le temps qui
m’était imparti. Malgré ces précautions, j’ai tout de même dû revoir ma méthode et mes objectifs et
j’ai perdu du temps dans des tâches inutiles ou inutilisables. Par exemple, j’aurais aimé prendre les
dimensions de tous les bâtiments en terre mais je me suis rapidement rendu compte que cela
représentait une tâche bien trop longue et assez peu pertinente pour l’objectif de ce mémoire.
Cependant j’ai pu tirer de nombreuses données exploitables. J’ai également tiré de nombreux
enseignements sur mes méthodes de travail et des pistes d’amélioration pour être plus efficace et plus
efficient. J’ai compris qu’il fallait être attentif au ratio résultat/moyens. Une tâche demandant
beaucoup de moyens, humains ou financiers, doit apporter des résultats en conséquence soit
quantitatifs soit qualitatifs sinon elle doit être écartée. Il est parfois difficile de se représenter la
quantité de travail nécessaire pour obtenir un résultat mais avec cette première expérience, je
comprends mieux comment répartir mes efforts pour obtenir davantage de meilleurs résultats. La
diversification des sources et l’utilisation de plusieurs méthodes ont permis l’obtention de résultats
plus complets pouvant être étudiés en deux temps : les bâtiments en terre puis les habitants. Les
premiers résultats servent à analyser si le projet de labellisation est réalisable en fonction de la réalité
du terrain. Les seconds nous renseignent sur l’adhésion des habitants de l’intercommunalité au projet,
sur leur soutien et leur investissement. Autant les premiers permettent de valider le projet, autant les
seconds sont indispensables pour garantir de son succès.
Néanmoins, un plus grand nombre de données collectées aurait permis une analyse plus poussée
et plus fiable. Ne pouvant pas accorder plus de temps au travail sur le terrain, il aurait fallu trouver une
méthode plus efficace. Il aurait été intéressant par exemple d’organiser une réunion de citoyens ou
une conférence afin de réunir et de pouvoir distribuer plus de questionnaires aux personnes
concernées. Cette méthode aurait permis de toucher des habitants de toute l’intercommunalité et
aurait donc été complémentaire des enquêtes menées chez l’habitant.
Pour faciliter le contact sur le terrain avec les habitants, il aurait été intéressant aussi de leur
annoncer ma présence de manière officielle, via un communiqué de la commune par exemple. En effet,
j’ai rencontré quelques citoyens récalcitrants et méfiants, inquiets de me voir tourner près de leurs
bâtiments. Certains ont même eu du mal à croire à ma situation et ont demandé confirmation à la
mairie. Heureusement ce genre de situation a été très minoritaire et la grande majorité de personnes
rencontrées m’a accueilli avec beaucoup de sympathie et de patience et a pour la plupart accepté de
m’accorder du temps pour répondre au questionnaire et me présenter leurs bâtiments.
Au vu des résultats obtenus, il semblerait que le bâtiment en terre soit bien présent à la fois sur
l’intercommunalité et dans l’esprit de ses habitants. Nombreux ont exprimé leur attachement à ce
patrimoine et sont favorables à sa valorisation même si beaucoup expriment des réserves sur les
moyens à déployer et leur capacité à s’investir. Une analyse plus approfondie est nécessaire pour
clarifier ces résultats et sera présentée en partie 3.
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Partie 3
Analyse de l’état des lieux et de l’avenir
du bâti en terre
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Cette troisième partie présente le contexte actuel des bienfaits de l’architecture en terre crue,
mais aussi une analyse sur l’avenir du bâti en terre du Sud-Manche grâce aux différentes actions
politiques menées sur le territoire.
1. L’architecture en terre : des constructions passées aux constructions futures
1.1. Un regain d’intérêt pour l’architecture en terre crue ?
Après trente ans d’oubli, l’architecture en terre connaît un regain d’intérêt. Une des raisons : la
terre crue semble être un matériau alternatif à l’industrie du bâtiment de plus en plus énergivore. En
effet, la prise de conscience de la nécessité d’adopter des modes de vies plus respectueux de
l’environnement a amené la création de nombreux dispositifs pour valoriser la terre crue et ainsi
dynamiser la filière. La France fut l’un des pays pionniers de ce renouveau. En effet, en 1979, le
laboratoire de recherche CRAterre ouvre ses portes au sein de l’École Nationale Supérieure
d’Architecture de Grenoble devenu une référence internationale. Deux ans plus tard, une exposition
est inaugurée au Centre Georges Pompidou. Intitulée « Les architectures de terre : histoire d’une
tradition millénaire » et orchestrée par Jean Dethier, architecte-conseil, elle connaît un vif succès en
parcourant le monde avec trois millions de visiteurs en 16 ans.
En 1982, l’Office Public d’Aménagement de
Construction de l’Isère et les Directions de
l’Architecture et de la Construction du ministère
de l’Environnement et du Cadre de Vie lancent le
projet « Domaine de la Terre » sur la commune
de Villefontaine dans le département de l’Isère
(figure 91). Ce projet est la construction d’un
quartier « pilote » de 65 logements sociaux
entièrement en terre crue constitués de 45 % de
bâtiments en pisé, 45 % en BTC (Blocs de Terre Figure 91 : Domaine de la Terre à Villefontaine (Source : site
Comprimée) et 10 % en terre-paille (voir annexe internet « Pierres & Terres »)
5, page 152 pour davantage d’informations sur les techniques en terre crue récentes). Cette première
expérience fut aussi un succès avec la visite annuelle de 40 000 personnes. À la réussite de cette
résidence novatrice, la Région Rhône-Alpes classe le quartier-jardin, en 2007, comme l’un de ses
« Trésors du Développement Durable ». À noter que la localisation de ce projet n’est pas liée au
hasard : le département de l’Isère a vu naître l’architecte lyonnais François Cointeraux (1740-1830)
auteur d’une soixantaine d’ouvrages sur la terre crue et en particulier sur la typologie constructive du
pisé. Ses écrits, traduits et diffusés, ont contribué au développement du pisé dans le monde entier.
Pour valoriser cette architecture en France et à l’international, le Festival Grains d’Isère est créé au
début des années 2000 sur la commune de Villefontaine.
À partir des années 1980, la France devient une référence mondiale de l’architecture en terre
crue, notamment grâce au laboratoire CRAterre. Une Chaire UNESCO « Architectures de terre, cultures
constructives et développement durable » est inaugurée en octobre 1998 à l’École Nationale
Supérieure d’Architecture de Grenoble créée à l’initiative de la Division de l’Enseignement Supérieur
de l’UNESCO et pilotée par le laboratoire CRAterre-ENSAG. Depuis 1984, l’ENSA de Grenoble propose
une formation de post-master spécialisée, le DSA-Terre, qui accueille des étudiants internationaux.
Cette formation a permis de constituer un réseau international, d’universitaires et de professionnels,
regroupés autour de la chaire UNESCO « Architecture de terre ». Cette initiative confirme l’intérêt
porté à la construction en terre crue au niveau international et doit permettre d’accélérer la diffusion
internationale des savoirs scientifiques et techniques, faciliter la mise en place d’activités
d’enseignement, de recherche, d’expérimentation et de communication, selon l'architecte Bakonirina
Rakotomamonjy sur le site de l’UNESCO. Grâce à ces initiatives, la terre crue fait l’objet de nombreuses
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recherches entre la physique, la chimie, l’architecture, et même la biologie afin de d’obtenir des
techniques de construction plus poussées et novatrices.
En 2007, le « Programme du patrimoine mondial pour l’architecture de terre » (WHEAP) a promu
la conservation du bâti en terre en réalisant un inventaire précis de ce matériau de construction.
Finalisé en 2012, cet inventaire a fait connaître 150 sites inscrits à l’UNESCO dont certains sont en
danger de destruction. Toutes ces initiatives, qui ont fait connaître les constructions en terre, et ont
conduit à la création de prix en architectures, sont une reconnaissance de l’architecture en terre crue
comme construction contemporaine. C’est aussi, au sein du secteur du bâtiment, la possibilité de
construire avec d’autres matériaux que les matériaux contemporains non-renouvelables et
transformés. En 2013, le 1er prix national des architectures en terre crue est créé en France afin de
valoriser les projets et l’ensemble des acteurs de la filière. L’origine de ce projet est liée à l’initiative
de l’association AsTerre, du laboratoire CRAterre-ENSAG et du magazine EcologiK(EK). Deux ans après,
le 1er prix mondial des architectures contemporaines en terre crue a été lancé sous l’égide de
l’UNESCO, montrant ainsi que la construction en terre crue n’est pas obsolète mais au contraire
moderne, voire futuriste. La terre crue est donc en train de conquérir le champ de l’architecture
contemporaine grâce à l’émergence de centaines de bâtiments d’une grande qualité technique et
esthétique. Les Prix décernés ont pour objectif de faire connaître les projets déjà réalisés comme le
montrent les images suivantes (figure 92).
Figure 92 : Conservatoire européen des échantillons de sols, Orléans/Centre d’interprétation du patrimoine archéologique,
Dehlingen (Source : les sites internet « Nama architecture » et « Nunc architecture »)
Cependant, malgré les différents efforts de la filière, les projets restent minoritaires dans les
marchés publics et privés français où le monopole reste acquis aux entreprises utilisant des matériaux
énergivores. Le manque de reconnaissance du matériau rejeté durant plusieurs décennies, sa
mauvaise image, mais aussi la perte de connaissances techniques sur le travail de la terre expliquent
ce constat. On peut ajouter des aspects économiques comme le fort besoin de main d’œuvre et la
lenteur de pose. L’absence d’une réglementation normée de ce matériau en France est certainement
l’obstacle qui freine le développement de la filière (Delahousse, 2011). Selon l’Agence Qualité en 2019,
une réglementation par des normes (Norme Française, DTU, avis technique, règle professionnelle)
permettrait de crédibiliser ces constructions et ainsi les démocratiser en rassurant les différents
acteurs du bâtiment et les clients. Paradoxalement, la France qui est l’un des pays les plus avancés sur
la question de ce matériau ne possède pas de réglementation contrairement à l’Allemagne. Ce constat
fut le même pour les constructions bois dont les réglementations notamment les DTU ont permis à la
filière d’obtenir un réel essor. Le manque de réglementation oblige les constructeurs à se référer à des
réglementations incompatibles avec les caractéristiques et les capacités physiques de la terre crue. En
effet, les DTU ne suivent pas les savoir-faire mais les industriels. Ces différents obstacles vont
progressivement disparaître car la construction en terre crue est de plus en plus recherchée pour lutter
contre l’impact écologique du secteur du bâtiment. En effet, cette technique de construction bénéficie
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d’un certain engouement « […] sur les plans politiques et économiques, on constate un engouement
pour les habitats «écologiques » et les écoproduits. Une série de labels a été mise en place, tels que les
constructions HQE, Qualitel, HPE, Passiv’Hauss… afin de sensibiliser constructeurs et particuliers à la
construction durable » (Delahousse, 2011, page 20).
On le constate avec des projets de plus en plus audacieux : la construction d’un ensemble de
logements à Angers, d’un quartier à Ivry-sur-Seine. Le projet « Cycle-Terre » de Sevran semble être
l’exemple le plus novateur de la filière en terre crue. Lancé par l’aménageur public Grand Paris
Aménagement, ce projet vise le développement d’une filière de produits de construction en terre crue
à partir des terres extraites du chantier Grand Paris Express, estimées à 43 millions de tonnes. Elle
devrait garantir la fourniture de la matière première pour de nombreux chantiers de construction
proches de Paris, tout particulièrement dans le cadre du projet « Sevran, Terre d’Avenir », mais aussi
sur l’ensemble de France. Par ailleurs, le site « Cycle Terre », a pour ambition de fournir des références
techniques pour les constructions en terre crue avec 3 certifications techniques (briques, panneaux
d’argile, mortier) produites par un organisme de certification français. Ces homologations devraient
permettre l’essor de la filière terre crue de suivre les traces de la filière bois. Enfin, la fabrique « Cycle
Terre », autorise la mécanisation des processus de production pour élargir l’utilisation de ce matériau
afin de relever de nombreux défis, comme la réduction des coûts de fabrication et de main d’œuvre,
mais aussi permettre de démocratiser ce matériau trop peu connu du grand public. On peut déjà
constater la démocratisation de la filière terre à partir de l’évolution du réseau de professionnels entre
1999 et 2012 (figure 93). Parmi les 650 structures recensées en 2012 (Leylavergne, 2016), les plus
nombreuses occupent les régions historiques de l’utilisation de la terre crue. Le réseau de
professionnel « […] est composé à 46 % d’artisans, 16 % de maîtres d’œuvre et bureaux d’études, 16 %
de formateurs et organismes de formation, 5 % de structures de sensibilisation, 9 % de producteurs, 3%
de structures institutionnelles, 3 % de revendeurs et 3 % de laboratoires de recherche » (Leylavergne,
2016, page 19).
Figure 93 : Carte représentant le réseau professionnel de la filière terre crue en France en 1999 et 2012 (Source : Elvire
Leylavergne)
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Figure 94 : Comparaison entre l’énergie grise et d’exploitation pour différents bâtiments (Source : ICEB)
1
L’énergie grise est une mesure permettant d’obtenir la quantité d'énergie consommée d'un matériau ou d'un
produit tout au long de son cycle de vie : l'extraction, la transformation, la fabrication, le transport, la mise en
œuvre, l'entretien et pour finir le recyclage ou l’enfouissement. Cette mesure énergétique ne prend pas en
compte l’énergie nécessaire durant son utilisation. Selon l’ICEB (2012), l’énergie grise d’un bâtiment est la somme
des énergies grises des matériaux et des équipements qui la compose à laquelle est ajoutée sa propre quantité
d'énergie consommée durant l’ensemble des étapes de son cycle de vie à l’exception de son entretien et de son
utilisation. L’énergie grise peut être confondue avec l’énergie d’usage (ou d’exploitation) qui est utilisée quant à
elle pour obtenir le coût énergétique d’un bâtiment durant son utilisation pour le confort de l’occupant comme
le chauffage, la climatisation, l’eau chaude sanitaire ou encore l’éclairage.
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L’analyse du cycle de vie d’une construction permet de quantifier les impacts environnementaux.
Pour une construction en terre crue, la réduction énergétique est importante grâce à des moyens
techniques, humains et financiers inférieurs aux autres matériaux modernes (Quoc-Bao Bui, 2008). En
effet, certaines étapes du cycle de vie d’une construction contemporaine sont limitées voire
supprimées avec la terre crue (figure 95).
Figure 95 : Cycle de vie d'une construction en terre crue (Source : Osmia Architecture/Modification des numéros : J.Huret)
Le cycle de vie d’une construction en terre crue peut être réparti selon 6 étapes :
l’extraction des matières premières (1) ;
la construction en terre crue (2) ;
la première vie du bâtiment sans travaux (3) ;
l’entretien du bâti avec des travaux peu couteux (4) ;
la réhabilitation pour prolonger sa durée de vie avec une adaptation à l’évolution du confort
de vie qui mobilise cette fois-ci un coût de travaux plus élevé (5) ;
l’abandon du bâtiment et sa destruction en le recyclant (6) qui clôture ce cercle vertueux,
favorable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Selon l’organisme indépendant « Ecohabitation », la construction en terre crue n'utilise que 3 %
de l'énergie employée dans une construction en béton. Ce résultat est dû en partie à l’énergie grise du
matériau en lui-même qui est évaluée à 30 kWh/m3, contre 180 kWh/m3 pour le bois et 1 800 kWh/m3
pour le béton armé, soit 60 fois plus énergivore que la terre crue (ARENE Ile-De-France/ICEB, 2012).
Mais ce constat est aussi lié à l’énergie d’usage d’une construction en terre crue durant l’ensemble de
son cycle de vie où chaque étape possède des avantages écologiques inégalables par rapport aux
autres matériaux de construction.
En effet, la typologie constructive en terre crue est majoritairement choisie par rapport à la
composition de la terre de la région du chantier car chaque terre possède une technique propre. Cette
adéquation permet au bâtiment d’être en parfaitement harmonie avec son environnement et ainsi
diminuer ses nuisances à l’encontre de la faune et de la flore. À noter que les bâtis en terre peuvent
suivre les courbes et les dénivelés du terrain afin d’obtenir une intégration parfaite avec le paysage et
ainsi profiter de son environnement pour réduire sa consommation. Ce principe porte le nom
d’architecture bioclimatique. Samuel Courgey, auteur de l’ouvrage « la conception bioclimatique »
nous fournit une définition : « concevoir bioclimatique, c'est composer avec les atouts du lieu et des
matériaux, pour parfaire un bâtiment par ailleurs déjà rendu peu déperditif [bien isolé] » (2012). Selon
l’auteur, le bioclimatisme consiste donc à concevoir sa maison de manière réfléchie avec les différents
matériaux biodégradables locaux pour profiter au maximum des ressources naturelles (soleil, vent…),
(figures 96 et 97, page 104).
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isolation, mais aussi par les nombreux ponts thermiques du bâti moderne (figure 97, page 104). Cette
moyenne est largement supérieure aux attentes des réglementations actuelles (RT 2012 et la loi
Grenelle) qui sont de 50 kWh/m²/an (figure 94, page 102). À terme les objectifs européens et français
sont de compenser cette perte d’énergie, voire même de produire de l’énergie avec les BPOS (bâtiment
à énergie positive). Ainsi, la terre crue peut contribuer activement à ces différents objectifs pour
réduire les dépenses énergétiques. Durant mon étude sur le terrain, j’ai rencontré des retraités qui
vivaient dans une maison en terre crue qui était autrefois une ancienne étable (figure 98). À l'heure
actuelle, l’habitation consomme 30 kWh/m²/an. Cela représente entre 3 à 5 stères de bois par an pour
une superficie de 80 m² au sol avec un étage et sans complément de chauffage, hormis des radiateurs
électriques durant les jours d’hiver les plus rudes. Selon ces occupants et d’après plusieurs
témoignages, ces maisons possèdent un confort de vie incomparable pour un coût économique et
environnemental faible.
Figure 98 : Habitation en terre crue sur la commune d'Isigny-le-Buat, 04/2019 (Source : J.Huret)
La faible consommation d’énergie de cette maison est liée en partie aux qualités hygrométriques
et thermiques de la terre crue. En effet, celle-ci est perspirante et opère comme un régulateur
hygrométrique naturel afin de réagir rapidement aux variations d’humidité intérieures et extérieures.
En effet, la terre absorbe ou relâche l’humidité sous forme de vapeur d’eau pour réguler l’air ambiant.
En outre, sa structure régule naturellement la quantité de vapeur d’eau à l’intérieur des bâtiments
avec un air jamais trop humide, ni trop sec. Cette régulation permet d’abaisser les températures de
confort et d’obtenir une légère humidité favorisant la transmission de la chaleur extérieure. La bonne
inertie thermique des murs de terre permet elle aussi une régulation de la température afin d’obtenir
un confort de vie agréable à toutes les saisons été comme hiver (figure 99). En effet, l’inertie thermique
est la capacité d’un matériau à accumuler puis à restituer un flux thermique (chaleur ou fraîcheur),
c’est-à-dire de résister aux variations thermiques extérieures d’un bâti, durant une période chaude ou
froide, avec des rythmes différents soit courts (entre le jour et la nuit) ou longs (rythmes saisonniers)
comme le souligne le cabinet d’architecture & maîtrise d’œuvre Alp. Ainsi, un bâtiment en terre se
réchauffe et se refroidit lentement selon les périodes permettant la réduction de chauffage, mais aussi
évite les problèmes de condensation et d'accumulation d'humidité dans le bâti tout en améliorant le
confort intérieur.
Figure 99 : Les qualités thermiques et hygrométriques de la terre crue (Source : site internet « atelier-alp »)
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D’autres avantages écologiques de la terre crue peuvent être cités comme l’incombustibilité de
celle-ci qui permet d’obtenir un matériau sans aucun traitement ignifugé. Ce qui n’est pas le cas par
exemple pour le bois. En effet, ce matériau sain et naturel ne dégage pas de polluant pouvant être
nocif pour la nature comme par exemple le COV (Composés Organiques Volatiles), considéré comme
la première source de pollution des espaces résidentiels, représentant 38 % des émissions en 2011
selon la plate-forme nationale de prévision de la qualité de l’air « PREV’AIR ». Ainsi, les différentes
qualités de la terre crue lui confèrent un avenir prometteur dans le domaine de la construction. Mais
en plus d’être écologique, la terre crue possède des bienfaits sociaux.
1.2.2. Durabilité sociale : confort de l’habitat et redynamisation des territoires
La construction en terre crue possède de nombreuses qualités sociétales liées entre autres au
bien-être qu’elle procure et à la redynamisation des territoires et des acteurs locaux. En effet, ce
matériau naturel et sain garantit des constructions sans danger pour la biodiversité et la santé de
l’Homme car celui-ci est entre autres non toxique, non inflammable, non radioactif, non explosif et
non corrosif.
Les premiers acteurs concernés par ses bienfaits sont les habitants, mais aussi les constructeurs
qui travaillent sur les chantiers, évitant ainsi de nombreux risques d’accidents. L’absence d’ajout de
polluants durant son cycle de vie lui permet d’être l’un des matériaux de construction le moins
dangereux pour l’écosystème et la santé. Cependant ces atouts sont valables sous réserve d’avoir une
terre non polluée notamment par les pesticides ou encore par la stabilisation au ciment ou à la chaux
de certains bâtiments en terre crue sous la demande de réglementations ou même de clients. Depuis
des siècles, la terre est reconnue pour ses vertus thérapeutiques en soignant les affections de la peau,
mais aussi en détruisant certaines bactéries et acariens. À noter que celle-ci ne provoque aucune
allergie. Grâce à ses propriétés physiques favorables au confort de vie, la terre absorbe certaines ondes
électromagnétiques qui sont de plus en plus nombreuses dans notre quotidien et qui peuvent être
dangereuses pour la santé humaine et animale selon la durée d’exposition ou la fréquence. Plus cette
fréquence est élevée, plus l’onde est riche en énergie et plus elle est absorbée par les tissus biologiques
et donc dangereuse pour la santé. La réalisation d’un enduit de terre de quelques millimètres ou
centimètres suffit pour une réverbération des ondes, mais aussi des bruits. La terre absorbe aussi
certaines odeurs selon la composition de celle-ci. Le confort acoustique, hygrothermique et thermique
permet à la terre d’être le matériau « bien-être » par excellence et ainsi favorise une meilleure qualité
de vie et de santé aux occupants par rapport à une construction en parpaing ou en béton ciment.
En plus d’avoir des propriétés physiques intéressantes pour la réduction de risque pour la santé,
la terre crue est reconnue comme « esthétique » grâce à sa plasticité. En effet, elle permet la
modélisation sous de nombreuses formes aussi diverses que variées difficilement reproductibles par
d’autres matériaux à cause de leur propriété physique. Son attrait esthétique est amplifié par sa
variation de coloris qui met en éveil nos différents sens notamment créatif et procure un nouvel art de
vivre. L’esthétisme, les bienfaits et les vertus thérapeutiques de la terre crue permettent d’obtenir une
sensation agréable liée à nos sens cognitifs. Ainsi, l’odeur de la terre qui rappelle directement la nature,
sa texture médicinale au toucher, ou encore la perception visuelle d’un bâtiment en terre qui s’intègre
parfaitement dans le paysage et ne provoque aucune gêne particulière. Ainsi l’architecture en terre
crue valorise un cadre de vie harmonieux et sain répondant aux exigences du « mieux vivre ». En effet,
la qualité sensitive est devenue primordiale de nos jours, comme le souligne « Cycle Terre », où « […]
construire avec les terres locales, c’est « renaturer » la ville [et les campagnes] et rééquilibrer sa matière
naturelle face à l’artificialisation croissante de notre milieu de vie ».
De plus en plus de personnes physiques ou morales s’intéressent à cette architecture afin de
redynamiser leurs économies locales, conscientes des bienfaits sociétaux de celle-ci. C’est le message
du projet « Cycle Terre » qui évoque la terre crue comme « […] synonyme de croissance verte, d’emplois
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et de métiers locaux valorisants ». Effectivement, la terre crue est vectrice d’un dynamisme
économique et social local permettant la création d’emplois artisanaux, mais aussi industriels selon la
région et l’essor de cette filière. Ces projets qui allient bien souvent le savoir-faire local et international
nécessitent une communication entre les différents acteurs de cette filière. Développer le réseau terre
crue est un projet commun facilitant le lien social entre chaque personne qui souhaite y participer. Le
savoir-faire local est important pour de tels projets qui ne peuvent pas être délocalisé, favorisant ainsi
le déploiement d’un véritable vivier d’emplois qualifiés ou non. En effet, la faible technicité de
construction donne la possibilité à chacun de devenir « travailleur de la terre » et ainsi permettre
l’accessibilité au plus grand nombre par la réinsertion, le décrochage scolaire, mais aussi le handicap
par exemple. À noter que la faible industrialisation de la terre crue amène un besoin de main d’œuvre
plus conséquente pour une même « mission » qu’une autre construction utilisant des matériaux
modernes.
De nos jours, la terre crue est le matériau de construction qui répond le mieux au principe
politique et moral de la justice sociale visant à l'égalité des droits et à la solidarité collective.
L’architecte-urbaniste Jean Dethier déclare à ce propos : « la terre crue, c’est le matériau anticapitaliste
par excellence. On ne peut pas la vendre puisqu’elle est là sous vos pieds, dans votre lopin. Elle
n’intéresse aucune banque (...) ni aucun groupe industriel puisqu’elle ne peut être source de profit »
(Bosquet, 1981). En effet, plusieurs avantages rendent la terre crue socialement plus « équitable »
pour chaque citoyen : présence sur la quasi-totalité du globe, facilité d’extraction et gratuité
(Delahousse, 2011). L’architecture en terre crue n’est pas réservée à une élite mais bien à l’ensemble
de la population qui peut construire toutes sortes de bâtiments plus ou moins imposants selon sa
richesse, mais avec néanmoins un confort de vie proche. La transformation de la terre peut être
mécanisée par l’industrialisation comme le montre le projet « Cycle Terre » ou bien simplement utiliser
des méthodes anciennes. Ce choix permet à chacun de trouver son compte, selon ses envies et ses
convictions en restant accessible à tous et solidaire. Cependant, l’industrialisation est essentiellement
tournée vers les projets publics et privés de grande envergure alors que la redécouverte des techniques
ancestrales est réinvestie par les particuliers le plus souvent pour des auto-constructions ou auto-
réhabilitations désireuses de renouer avec une architecture vernaculaire. En effet, il semblerait qu’il y
ait deux branches dans la filière terre, « […] l’une tournée vers la recherche dans le but d’une
industrialisation et d’une commercialisation possible du produit terre et l’autre dans le prolongement
de la tradition vernaculaire, plus artisanale correspondant à une population d’auto-constructeurs »
(Delahousse, 2011, page 46). De par sa mise en œuvre relativement simple, la terre crue est un des
matériaux privilégiés par les auto-constructeurs.
La terre crue : une matière première plébiscitée pour l’auto-construction
L’auto-construction et l’auto-réhabilitation qui étaient perçues au milieu du XXe siècle comme
marginales et militantes sont devenues de nos jours des pratiques popularisées par la prise de
conscience de la surconsommation qui impacte grandement l’écologie. Ainsi de nombreux citoyens
optent pour des choix de vie écoresponsables en réduisant leur impact carbone. En effet, certaines
personnes désirent obtenir une maison avec une faible énergie grise et d’usage pour réaliser des
économies tout en participant à l’effort environnemental. D’autres, davantage préoccupées par
l’écologie, réorganisent totalement leurs modes de vie pour réduire leur empreinte écologique en
faisant attention à leur alimentation, leur habitat, leurs vêtements, leurs moyens de locomotion, etc.
Ce choix de « vivre autrement » devient un véritable phénomène de société qui peut être source de
solution pour préserver et valoriser le bâti en terre du Sud-Manche. En effet, le potentiel bâti de cette
région pourrait être intéressant pour cette population désireuse d’obtenir des bâtiments sans passer
par des promoteurs immobiliers détenant le monopole de la maison individuelle, ni même d’architecte
ou d’urbaniste. Ce concept de « faire soi-même » génère une richesse solidaire avec un système
d’entraide et de partage. Ces projets sont menés soit seul ou avec des amis ou avec l’aide associative.
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Parfois, pour les travaux les plus complexes, l’auto-constructeur fait appel à des artisans locaux,
identifiés dans différents organismes et associations comme les compagnons bâtisseurs, enerterre,
bricothèque, bricobus, « Onpeutlefaire». C’est aussi le cas l’ARPE en Normandie, spécialisée dans les
constructions en terre crue ; des « collectifs des terreux armoricains » en Bretagne, expert pour de la
bauge, de l’AsTerre référence nationale sur la terre crue ou encore l’association des Castors. Cette
dernière, née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale a permis aux sinistrés français de
construire eux-mêmes leurs maisons. Ce mouvement a connu un grand succès et s’est développé sur
tout le territoire durant la période de reconstruction. Aujourd’hui celle-ci est toujours en activité et
propose sur son site Internet des tarifs préférentiels pour l’achat de matériaux de construction, la
location de matériels, un service de regroupement d’artisans, des conseils techniques à l’aide de fiches,
et même des assurances « Castor Chantier » (Delahousse 2011). Le lien social de cette population a
évolué depuis qu’Internet s’est développé. En effet, ce moyen de communication a permis de créer un
véritable réseau solidaire de partages et d’échanges techniques, d’expériences rencontrées ou vécues,
de main d’œuvre, etc.
Durant, mon étude sur le terrain, j’ai rencontré plusieurs personnes ayant réhabilitées eux-mêmes
des bâtiments, notamment une ancienne bergerie en terre crue (photos, figure 100). Cette bergerie
datant du XIXe siècle fut réhabilitée en 2015. Avec ses proches, la résidente a refait le sol, le revêtement
de façade, et les menuiseries extérieures et intérieures (isolation) tout en gardant les ouvertures
d’origine, ainsi que certaines fenêtres, portes et volets. Le choix de ce type de projet est lié aux moyens
financiers, car cette personne artiste plasticienne, aux ressources limitées, avait besoin d’une
résidence avec de l’espace bâti pour son atelier ainsi que du terrain pour son jardin. Pour elle, le projet
est une aubaine car le coût de rénovation et d’entretien est quasiment nul avec l’extraction de la terre
chez elle et l’entraide solidaire de ses amis. Par cette expérience, alliant confort de vie et faible coût
économique et environnemental, cette personne ne regrette aucunement son choix, elle précise
même : « Il faut sauver les bâtis traditionnels en terre ! Le coût de rénovation est faible et je suis
heureuse de mon choix. J'ai acheté 1650 m² avec la bergerie pour 10 000 euros ».
Figure 100 : Photo du bâtiment avant et après l’auto-réhabilitation sur la commune de Marcilly, 04/19 (Source : J.Huret)
Sa satisfaction résulte autant du prix d’achat de la résidence (inférieur au prix d’un terrain à
construire en plein centre-bourg) que de la construction mais grâce à ce projet réussi, plusieurs de ses
proches ayant aidé à la rénovation se sont lancés eux-mêmes dans une auto-réhabilitation dans le Sud-
Manche comme la réhabilitation d’une ferme à Isigny-le-Buat (photos, figure 101, page suivante).
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Figure 101 : Corps de ferme auto-réhabilité sur la commune d’Isigny-le-Buat, 04/19 (Source : J.Huret)
Ce corps de ferme possède 5 bâtiments : une habitation, un poulailler, une bergerie, une étable
et une boulangerie avec pour chacun d’eux des coûts de travaux modestes voire importants. Toutefois,
ce coût est essentiellement humain sauf pour la couverture qui a été réalisée par un artisan local.
Actuellement, l’occupant hébergé dans une caravane, s’est engagé dans de nombreux travaux. Le choix
de ce résident est en partie lié à des convictions écologiques et sociales. En effet, son projet est réalisé
avec l’aide de ses proches, mais aussi de l’association ARPE Normandie qui devrait être présente sur
le chantier d’ici quelques mois. Le partage de liens sociaux est très important pour ce propriétaire qui
aimerait par la suite créer un gîte solidaire. Cette expérience est pour lui une occasion de renouer avec
la simplicité de la culture paysanne loin de la ville et de la société de consommation. À l’achat, le corps
de ferme et environ 4200 m² de terrain ont coûté 25 000 euros. Selon Ouest-France immobilier, le prix
moyen du terrain constructible sur la commune d’Isigny-le-Buat est de 27 euros au m². Ce qui
reviendrait à un prix nettement supérieur de 114 000 euros au total. Cette estimation financière du
seul terrain à construire montre que l’acquisition d’une propriété avec un corps de ferme en terre crue
et d’un grand terrain est peu élevée, ce qui pourrait convenir à un grand nombre de citoyens français
désireux de changer de mode de vie. Cependant, le coût de la rénovation et de la main d’œuvre sont
des facteurs limitants que seules des actions quasi militantes peuvent contrecarrer. En effet, la filière
terre crue n’est pas encore assez développée pour obtenir des coûts de rénovation raisonnables par
un artisan.
L’auto-réhabilitation est donc le meilleur moyen pour se réapproprier ce type de bâti qui
deviendra une construction de demain lorsque les ressources naturelles seront de moins en moins
accessibles et de plus en plus coûteuses pour la majorité de la population. L’utilisation des matériaux
biosourcés est l’avenir de la construction, comme le souligne de nombreuses fois Cerema (15/09/2017,
Bron) dans leur colloque et présentation ou encore Bérengère Perello (2013). Ainsi l’auto-
réhabilitation et l’auto-construction en terre crue contribuent à l’aménagement du territoire rural qui
a besoin de nouvelle construction ou de rénovation en terre pour affirmer son identité culturelle afin
d’être un vecteur économique local.
1.2.3. Durabilité économique : « faible coût » de travaux et mise en valeur de l’identité locale
Les nombreuses qualités environnementales et sociétales de l’architecture en terre crue
engendrent par la même occasion des atouts économiques locaux indiscutables contribuant ainsi au
développement local par un effet de « cercle vertueux ». En effet le faible coût économique de la terre
crue favorise la préservation et parfois la valorisation de ce patrimoine en le réappropriant comme
c’est le cas des auto-réhabilitations et auto-constructions. En protégeant ces biens bâtis, on participe
à l’embellissement du cadre paysager et architectural. En effet, lors de l’inventaire sur le terrain, j’ai
rencontré plusieurs personnes qui entretenaient régulièrement leur bâtiment en comblant les trous
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
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et les fissures de leurs murs avec de l’argile située bien souvent à proximité de leur habitat dans le
jardin ou provenant d’un mur d’une ancienne bâtisse. À noter que bien souvent la terre extraite des
fondations et du terrassement suffit pour la construction d’une maison individuelle, si elle reste dans
des proportions dimensionnelles raisonnables bien évidemment. Cette autosuffisance participe à
l’économie du chantier. Les deux exemples d’auto-réhabilitation chiffrés (voir partie 1.2.2. « Durabilité
sociale : confort de l’habitat et redynamisation des territoires » de la partie 3) montrent que le coût
financier de ces rénovations en terre crue est le plus économique par rapport à l’ensemble des
matériaux qu’ils soient en pierre, en bois, en brique, en béton ciment ou en parpaing par exemple.
Depuis les années 70-80, les espaces ruraux paisibles connaissent un regain d'intérêt de la part
des citadins. En effet, la campagne a pour rôle de revitaliser les hommes et les femmes épuisés par
l'agitation effrénée des villes (Beaumesnil, 2006). Le retour à la terre de citadins français, mais aussi
parfois internationaux en résidence principale ou secondaire est lié au désir de changement pour un
cadre de vie plus simple, plus sain et plus « beau ». À noter que certains de ces citadins sont des auto-
constructeurs. Outre l’embellissement du cadre de vie, l’exode de ces citadins est lié à de nombreuses
envies comme par exemple le sentiment d’appartenance et de fierté identitaire régionale, la conviction
écologique et durable, la possibilité d’avoir un habitat plus conséquent qu’en ville, ou encore la
proximité et le lien social entre les habitants et les élus. L’architecture en terre crue, grâce à ses
nombreuses qualités répond parfaitement à l’ensemble de ces critères, c’est pour cette raison que ces
bâtiments sont recherchés et restaurés en campagne. Le délaissement des ruraux pour ce patrimoine
a grandement influencé la réappropriation du bâti en terre crue par cette population urbaine. Ce
nouvel éveil est une véritable chance pour les espaces ruraux permettant de dynamiser le
développement local par des retombées économiques positives et durables.
Le terroir semble être un moyen pour les espaces ruraux de renouer une relation avec les urbains
et les touristes permettant ainsi de développer une nouvelle économie qui est amplifiée depuis les
années 90 par l’avancée d’Internet (Monnier, 2010). Ainsi le web au début du XXI e siècle a propulsé
l’économie locale notamment le commerce de proximité, le circuit court, les produits biologiques et
écoresponsables et le terroir en France et même à l’international comme le souligne Pascal Lamy
(2011). Par ailleurs, Gérard Monnier définit le mot « terroir » par une unité topographique homogène
du point de vue de ses potentialités agricoles (sol, pente, exposition, humidité…). Mais il affirme que
les acteurs du marketing touristique font un usage différent du terme. En effet, il renvoie selon eux à
une représentation imagée très valorisée de l’authenticité rurale dans laquelle un terroir est un espace
rural auquel est associé des paysages et des produits appréciés. Ainsi il peut être perçu comme un
paysage décor. C’est pourquoi le colombage, élément essentiel de l’authenticité rurale est autant
reconnu et mis en avant en Normandie et tout particulièrement dans le Pays d’Auge. Le concept «
terroir » est « […] un succès et la multiplication des produits associés à une origine précise et à des
savoir-faire locaux (AOC, par exemple) montre que les consommateurs sont attentifs à la qualité des
produits dont un lien entre saveurs, paysages et la localisation se font sentir », (Dunlop, 2016, page
101).
La prise de conscience des atouts de la campagne et de leurs capacités à être vecteur de
développement local par les citoyens, les agents territoriaux et les élus conduit à nombreux projets de
préservation et de valorisation des différents patrimoines notamment architecturaux et naturels. En
effet, pour être une région touristique et attractive, il est indispensable de réaménager les territoires
en construisant et en rénovant l’architecture vernaculaire notamment ceux en terre crue de notre
zone d’étude. Dans un contexte de réduction de l’étalement urbain afin de préserver les terres
agricoles et naturelles, l’incitation à la réhabilitation de l’existant peut être une chance pour le bâti
existant. D’autres projets peuvent être cités pour la mise en valeur de l’identité locale comme la
plantation de haies et de taillis, la préservation et la valorisation de la biodiversité, et la création de
gîtes, la création de salles de réception, la vente ou la restauration de produits locaux, la création de
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parcours pédestres pouvant être culturels, etc. À noter que certains de ces projets sont visibles sur la
CA du Mont Saint-Michel Normandie, comme l’indiquent les photos ci-dessous (figures 102, 103 et
104).
Figure 102 : Gîte en torchis pan de bois à colombes découvertes, Notre-Dame-du-Touchet/Exploitation agricole utilisant le
bâti en bauge pour stocker les fruits et légumes, Brecey, 01/2019 (Source : J.Huret)
Figure 103 : Exploitation agricole utilisant un bâti en terre-paille comme fromagerie construit en 2015, Isigny-le-Buat,
04/2019 (Source : J.Huret)
Figure 104 : Salle de réception, Isigny-le-Buat/Ancienne boulangerie devenue un gîte saisonnier, Barenton, 04/2019 (Source :
J.Huret)
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Garder les anciens bâtiments en terre dans les corps de ferme est primordial pour participer à
l’essor agrotouristique, vecteur de développement local. En effet, ces bâtiments agricoles traditionnels
peuvent être un atout considérable pour les exploitations agricoles désireuses de diversifier leurs
activités. Certains agriculteurs ont pris conscience des bienfaits des bâtiments en terre crue et de les
intégrer comme « outil de travail ». En effet, une ferme possédant encore du bâti en terre à un réel
potentiel économique, voir photos ci-dessus (figures 103 et 104, page 111). Le bâti en terre dans le
Sud-Manche doit permettre de fédérer les habitants autour d’une identité locale. Celle-ci leur donnera
envie de s’investir dans des projets communs et ainsi d’impliquer l’ensemble des acteurs locaux,
habitants, élus, artisans et agents territoriaux. Le circuit court et le développement local permettra la
création d’une économie régionale. À noter que l’utilisation de la terre de chaque région du Sud-
Manche permettrait de « reterritorialiser » le paysage architectural d’autrefois. En effet, la terre étant
différente selon les régions, les constructions en terre pourront alors y être associées et uniques. Il est
donc important d’utiliser la terre à proximité du chantier pour obtenir une cohérence paysagère où
chaque région possède un coloris de terre différent. Cette cohérence permet à un territoire une
harmonie architecturale recherchée par les touristes. L’utilisation de la terre crue proche du lieu du
chantier amène aussi à une réflexion architecturale, car en effet chaque terre possède sa propre
composition. Ce qui contraint le constructeur à utiliser une technique de construction et des formes
de bâtis régionaux. Ces contraintes permettent de réaliser des constructions et des réhabilitations au
plus proche de l’authenticité architecturale ancestrale. En effet, « […] on ne cherche plus quels
matériaux utiliser pour réaliser une idée, mais on part du matériau pour concevoir une architecture qui
dépende de ses propriétés » (Verdin, 2018).
Néanmoins, les atouts de l’architecture en terre ne pourront être exploités qu’avec la mise en
place de politiques spécifiques et adaptées aux territoires ruraux.
2. Quelles politiques et actions de sauvetage pour ce patrimoine ? Atouts et limites
2.1. La politique économique et environnementale : incompatible ou complémentaire ?
Le compromis entre la croissance économique, l’environnement et le sociétal est un des grands
enjeux de notre époque. En effet des incertitudes perdurent encore sur les actions à mettre en œuvre
et leur cohérence. Concilier développement économique et protection de l’environnement n’est pas
une tâche aisée. Il existe plusieurs idées sur la relation entre économie et environnement qui
s’opposent :
il n’existe pas de relation significative entre la croissance économique et la protection de
l’environnement (Institut pour l’économie mondial de Kiel) ;
il existe une antinomie entre la croissance économique et la prise en compte de
l’environnement. Si bien qu’elles soient incompatibles car la croissance entraîne
inévitablement des dégradations de l’environnement et sa protection est une charge en plus
qui freine la croissance (Institut de recherche économique HWWA de Hambourg) ;
plus la croissance est forte et plus il serait facile d’atteindre les objectifs de protection de
l’environnement, la croissance étant vectrice de nouvelles possibilités et solutions ;
la dimension sociale doit également être intégrée. Cette hypothèse intégrationniste est la base
du développement durable.
Dans l’article 2 du traité de Maastricht, la communauté européenne s’est donnée pour mission
de promouvoir « […] une croissance durable et non inflationniste respectant l’environnement ». Il s’agit
donc d’une nouvelle orientation de politiques économiques car la croissance économique n’est plus
l’unique objectif. Le rapport entre croissance économique et environnement passe désormais aussi
par une approche écologique et politique ainsi que par le changement des mentalités des citoyens et
des politiques. Les politiques économiques intégrant la gestion environnementale ont pris une
nouvelle dimension depuis quelques années. Si bien que la notion d’« éco-développement » est née
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possible projet fait partie de l’un des quatre thèmes fédérateurs de la méthode LEADER avec le volet
« valorisation des ressources naturelles et culturelles ». À noter que l'approche LEADER a été
rebaptisée pour la période de programmation 2014-2020 sous le nom de « développement local mené
par les acteurs locaux » (CLLD) et étendue à trois autres fonds européens : le Fonds européen pour les
affaires maritimes et la pêche (FEAMP), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds européen de
développement régional (FEDER). Seul ce dernier est potentiellement intéressant pour
l’intercommunalité du Mont Saint-Michel. En effet, le fonds européen de développement régional
(FEDER) a pour vocation de renforcer la cohésion économique et sociale des pays de l’Union
européenne en corrigeant les déséquilibres entre les différentes régions. En France, ce programme
vise essentiellement quatre thématiques : « investir dans la recherche, le développement
technologique et l’innovation ; améliorer la compétitivité des PME ; favoriser le développement des
technologies de l’information et de la communication ; soutenir la transition vers une économie à
faibles émissions de carbone » (site internet « Europe en France »). L’amélioration de la compétitivité
des petites ou moyennes entreprises et le soutien de la transition écologie peut être un moyen de
développer une filière de terre crue dans le Sud-Manche. Une dernière démarche peut être citée celui
du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER) qui vise à renforcer l’agriculture
et à préserver l’environnement des territoires ruraux, ainsi qu’à diversifier l’économie rurale et la
qualité de vie. L’un des objectifs de l’axe 3 « diversification de l’économie rurale » est notamment en
faveur de la préservation du patrimoine rural, mais néanmoins les crédits alloués sont particulièrement
faibles comme le souligne Michel de Beaumesnil dans son étude (2006) et suscite de nombreux retard
comme le montre l’article « Programme européen Leader : 680 millions d’euros pour la ruralité
toujours pas versés » publié sur le site « la gazette des communes » en avril 2018. À noter aussi que
ces aides ne sont pas toujours utilisées par les collectivités territoriales françaises, les communes
essentiellement, par manque d’ingénierie.
Le territoire représente l’espace occupé par la société, le paysage est sa forme visible et le
patrimoine, la mémoire de cette forme comme le souligne Nathalie Dumont-Fillon (2002). Les
politiques de paysage et de patrimoine sont de véritables programmes d’action au même titre que
ceux déployés dans le domaine de la santé et de l’emploi. Leurs objectifs sont la préservation et la
promotion de la qualité et de la diversité des paysages, à l’échelle nationale et l’intégration du paysage
comme composante opérationnelle des démarches d’aménagement de l’espace. Ils sont répartis sur
trois axes : le développement de la connaissance des paysages, la formulation des objectifs de qualité
paysagère et la promotion d’une culture du paysage et la valorisation de ses compétences. Les objectifs
de qualité paysagère sont issus du traité européen : « la formulation par les autorités publiques
compétentes, pour un paysage donné, des aspirations des populations en ce qui concerne les
caractéristiques paysagères de leur cadre de vie » comme le souligne le ministère de la Transition
Écologique et Solidaire dans « Politique des paysages » publié le 18 décembre 2017. Ces objectifs
doivent être formulés suite à une large consultation, ce qui permet de comprendre comment le
paysage évolue dans le temps et de réfléchir ensemble à son avenir. Il vise à faciliter l’émergence d’un
projet de territoire partagé, comme le label Pays d’Art & d’Histoire et à orienter la définition et la mise
en œuvre des projets au sein du territoire. À noter que ce label a été créé en 1985 par le ministère de
la Culture et de la Communication aux collectivités territoriales ou Pays de France qui s’engagent dans
une politique d’animation et de valorisation de leurs patrimoines bâti et naturel. Pour parvenir à définir
les modèles de paysage, les politiques disposent de deux outils : les atlas de paysages et les
observatoires photographiques. Les modèles de paysages sont comparables aux référentiels des
politiques publiques qui permettent d’orienter les décisions des institutions. Ces modèles peuvent être
à dominante esthétique et leurs images être véhiculées par les artistes (Dumont-Fillon, 2002). Le
monde scientifique peut également fournir des images de référence via la notion de patrimoine
naturel et de valeurs paysagères. Cependant ces modèles se situent souvent entre les territoires réels
et les paysages idéaux. Il faut donc s’assurer qu’ils soient partagés par les habitants et qu’ils intègrent
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des paysages ordinaires. Pour cela, il est possible de faire appel à l’urbanisme qui grâce aux outils PLU
et PLUi vont pouvoir déterminer une charte de qualité réalisable pour la restauration du bâti en terre.
L’objectif des politiques de paysage et de patrimoine est l’obtention de paysages non banalisés
qui s’inspirent des motifs paysagers locaux : le végétal et l’architectural comme par exemple les
bâtiments en terre crue et les haies bocagères dans le bocage du Sud-Manche. Les politiques vont
encourager les acteurs utiles comme les propriétaires privés ou les collectivités territoriales et
également décourager ceux qui banalisent le territoire sans tenir compte des caractères locaux comme
par exemple la construction de bâtiments non intégrés, polluant ainsi le visuel du paysage rural
existant à cause de ses matériaux de façade, de leur positionnement, de leur forme architecturale, etc.
Les résultats obtenus sont doubles : d’une part, les effets concrets et observables dans le territoire
comme la rénovation ou la construction de bâtiment en terre crue et d’autre part la mise en place de
projets viables et durables à moyen et au long terme. Pour finir, les citoyens ne réagissent à ces
politiques que s’ils sont directement concernés. Beaucoup veulent protéger leur espace mais ils ne
l’expriment souvent que sous forme de contraintes à appliquer et moins sous forme d’invitation à agir.
Ce constat général est aussi visible dans le Sud-Manche où de nombreux occupants ont du mal à se
projeter dans un projet patrimonial. Certains dénoncent les normes paysagères comme une restriction
les empêchant d’agir dans le sens de la préservation du patrimoine ou de sa valorisation. Ce constat
fut vérifié durant mon enquête, lors de laquelle de nombreuses personnes perçoivent le PLU(i) comme
une contrainte et un frein au développement local. En effet, lors de la discussion portant sur les
possibles constructions ou la préservation et la valorisation du bâti en terre pour un projet de
développement local, plusieurs enquêtés m’ont répondu qu’il n’était plus possible de nos jours de
réaliser de tels projets en campagne.
Cette ambiguïté des citoyens face à la restriction de terrains à construire afin de préserver les
milieux agricoles et naturels est un sujet complexe où bon nombre d’enjeux y sont liés. Pourtant les
documents d’urbanisme, notamment le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT), le Plan Local
d’Urbanisme (PLU) et les cartes communales sont ceux qui peuvent agir le mieux en faveur de la
préservation et valorisation du bâti en terre à l’échelle communale et intercommunale pour le Plan
Local d’Urbanisme intercommunale (PLUi). Ces outils sont davantage adaptés au patrimoine grâce à
loi urbanisme et habitat de juillet 2003 et la loi du 23 février 2005 relative au développement des
territoires ruraux. En effet, les réglementations urbanistiques permettent de conserver l’identité
« architecturale locale » avec notamment la spécificité de règles esthétiques. Les Zones de Protection
du Patrimoine Architectural, Urbain et Paysager (ZPPAUP) créées par la loi de décentralisation du 7
janvier 1983 constituent une servitude d’utilité publique adaptée aux communes rurales permettant
la protection, l’identification et la gestion du patrimoine rural. En effet, selon le site CEREMA, l’outil
permet à une commune « […] d'identifier, à l'échelle de l'ensemble de son territoire, ce qui constitue
son patrimoine et ses paysages : silhouette du village, monuments, ensembles bâtis, espaces publics,
petits édifices ruraux, vestiges archéologiques, sites et paysages, plantations et boisements,
cheminements, etc., de définir un projet global de protection et de mise en valeur ». Ces zones
contribuent à la protection d’ensembles paysagers et architecturaux, choisis sur des critères
esthétiques ou historiques. Elles sont créées à l’initiative et sous la responsabilité de la commune avec
l’assistance des architectes des Bâtiments de France.
Les politiques de paysage et de patrimoine disposent donc d’outils pour gérer et façonner leur
territoire. Pour s’assurer de leur efficacité, elles doivent être mises en place après consultation des
diverses parties prenantes : les citoyens, les collectivités territoriales, l’État et l’Europe. Seules les
collectivités territoriales avec un engagement fort de la part des élus et des citoyens peuvent
dynamiser leur croissance économique tout en préservant leur environnement et paysage. À noter
que chaque territoire étant unique, il demande des actions politiques différentes pour compenser
leurs inconvénients par leurs avantages. Afin d’obtenir un projet patrimonial fiable et durable, il faut
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
au préalable établir les atouts et limites de l’intercommunalité du Mont Saint-Michel dans la réalisation
d’un tel projet.
3. Préservation et valorisation du bâti en terre de l’intercommunalité : avantages et
inconvénients
Le but est de clarifier et d’exposer la situation de la CA du Mont Saint-Michel en montrant ses
atouts et ses limites face au possible projet patrimonial et à la labellisation « Pays d’Art & d’Histoire ».
Cette proposition n’est pas exhaustive étant donné l’ampleur de ce projet. Toutefois, l’objectif est
d’apporter des éléments de réponse et de réflexion à l’intercommunalité sur la faisabilité d’un tel
projet de préservation et de valorisation du bâti en terre crue. Malgré l’incertitude actuelle d’un projet
quelques pistes d’actions à mener seront détaillées pour appuyer mes propos.
3.1. Le bâti en terre de la collectivité territoriale : un avenir possible
La question de l’avenir du bâti en terre dans le Sud-Manche est complexe. Contrairement à une
opinion souvent émise, le discours contre le bâti en terre est nuancé et les avis sur son avenir, en tant
que vecteur de développement local, sont partagés. De façon indéniable, le territoire conserve des
avantages et des inconvénients pour la préservation et la valorisation de son architecture en terre
crue. La réticence à l’égard de la postérité de ce bâti est réelle car il n’est pas en phase avec la société
de consommation. On est en droit de se demander si la perception désuète de l’architecture en terre
crue va conduire à sa disparition au profit de constructions plus modernes. Des signes nous indiquent
le contraire avec l’émergence et la prise de conscience des bienfaits de cette construction millénaire
de la part des politiques, mais aussi des citoyens interrogés. Il est en effet difficile de penser que cette
architecture pourrait disparaître alors qu’elle nous accompagne depuis le début de notre
sédentarisation. Alors que certains espaces normands ont fait du bâti en terre, un élément fort du
paysage (Cotentin, Bessin, le Pays d’Auge), qu’en sera-t-il pour le Sud-Manche ?
Il est peu probable que l’architecture en terre disparaisse dans les prochaines décennies dans
le Pays d’Auge en raison de l’importance de ce patrimoine dans le développement local de cette région
et de sa labellisation au « Pays d’Art & d’Histoire » en 2000. De nombreuses constructions sont encore
présentes grâce à la filière colombage développée avec une demande de construction ou de
rénovation constante, voire même en augmentation. Cependant, une comparaison de la situation
actuelle du Pays d’Auge avec le Sud-Manche doit être réalisée avec précaution car les régions
présentent des atouts et des limites différentes, liés entre autres à leur géologie, leur localisation
géographique et leur histoire façonnant ainsi des paysages uniques. En effet, la précocité du Pays
d’Auge pour la préservation et la valorisation du bâti en terre n’est pas liée au hasard. Outre l’envie
politique et l’approbation des citoyens augerons pour ce projet, les caractéristiques propres à cette
région ont été un levier important au projet patrimonial, notamment en lien avec la proximité de l’Île-
de-France. C’est pourquoi l’avenir du patrimoine bâti en terre crue dans une région dépend de
nombreux éléments naturels, mais aussi et surtout de la mobilisation et de la volonté de changement
de la part de sa population et des élus locaux. Tout projet de développement local d’un territoire
nécessite une solide connaissance du contexte local, de ses atouts et de ses faiblesses, des éléments
qui l’ont conduit à sa situation actuelle, des opportunités et menaces auxquelles il sera confronté dans
le futur.
3.1.1. Le paysage singulier du Sud-Manche : atout ou limite ?
Le Pays d’Auge contrairement au Sud-Manche possède un seul type architectural majoritaire,
celle de la terre crue sous la forme de torchis pan de bois à colombes découvertes. Cette homogénéité
architecturale est liée à sa localisation dans le Bassin parisien, essentiellement bocager et boisé, où la
contrainte de la rareté en pierre et l’abondance du bois et de la terre a limité le choix de construction.
C’est pourquoi la quasi-totalité des augerons, riches ou pauvres, ont, durant des siècles, utilisé le
torchis pan de bois pour ériger toutes sortes de bâtiments : de la maison du paysan au château en
117
Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
passant par les célèbres manoirs normands. Cette particularité qui permet d’identifier facilement le
Pays d’Auge a conduit cette zone géographique à devenir une référence du torchis en Normandie, en
France, voire même au-delà. La CA du Mont Saint-Michel Normandie possède, quant à elle, une
architecture vernaculaire variée, utilisant la pierre et la terre crue de façon différente selon les sous-
régions géographiques de son territoire. En effet, la complexité de cette région est due à sa géologie
hétérogène possédant ainsi deux Pays distincts : l’Avranchin et le Mortainais. Eux-mêmes possèdent
des unités paysagères variées avec des paysages montagneux, bocagers, mais aussi des openfields
(figure 105).
118
Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Sud-Manche est moins forte que dans le Pays d’Auge où la construction en colombages est fortement
identifiée. Pourtant l’enquête montre que 84 % des habitants du bâti en terre pensent qu’il symbolise
le Sud-Manche. Ce chiffre n’est probablement pas représentatif de l’ensemble de la population car les
personnes interrogées sont des occupants de ce patrimoine. La pierre, considérée dans le Sud-Manche
comme le matériau de construction réservé à l’élite a été un élément de distinction sociale. Les
maisons en pierres sont présentes sur l’ensemble de la région, surtout en milieu urbain. Elles sont rares
dans certaines zones ou seulement réservées à la maison d’habitation. L’utilisation de la terre crue
comme matériau modeste a rendu ce patrimoine peu intéressant aux yeux de la population. C’est
pourquoi ce bâti est moins entretenu et aussi moins recherché par rapport au Pays d’Auge. Ce manque
d’intérêt explique la situation actuelle : on estime qu’environ 30 % du patrimoine bâti en terre du Sud-
Manche est en mauvais état et 60 % est dégradé (perte d’authenticité architecturale), (figure 106).
31,38% 61%
Figure 106 : Situation actuelle du bâti du Sud-Manche (Auteur : J.Huret « Questionnaire – Inventaire – Recensement GSV »)
Ce constat n’est pas surprenant car bon nombre de bâtiments actuellement sont sous-utilisés
voire abandonnés par leur propriétaire ou locataire. Cependant, on remarque qu’ils sont davantage
exploités par les particuliers que par les exploitants agricoles, du fait qu’ils sont devenus non-
fonctionnels pour l’agriculture actuelle. Les occupants non agriculteurs utilisent ce bâti comme atelier
ou entrepôt de petit matériel alors qu’ils deviennent de plus en plus une « zone de décharge » et de
dépôt de matériel pour les agriculteurs. Souvent à l’état d’abandon, ces bâtiments sont
paradoxalement considérés comme indispensables par plus de 60 % des agriculteurs. Dégradés, ces
bâtiments en terre sont souvent consolidés ou réhabilités avec des matériaux contemporains : le
parpaing renforce les murs fragiles et les tôles métalliques recouvrent les façades et les couvertures.
L’état du bâti en terre et son authenticité architecturale dépendent en partie des catégories
socioprofessionnelles et de l’âge des propriétaires mais aussi de son secteur géographique en fonction
de la technique utilisée. En effet, le torchis pan de bois à colombes découvertes visible dans le Pays
d’Auge et dans le Mortainais semble plus résistant aux intempéries par rapport aux colombes cachées
situées dans l’Avranchin. La technique des colombes cachées « enduit » la façade extérieure de torchis
provoquant une dégradation plus rapide que la technique des colombes découvertes où la terre crue
est positionnée et protégée entre le bois. La nécessité d’entretenir plus régulièrement le bâti en torchis
pan de bois à colombes cachées est perçu comme une contrainte par de nombreux occupants, ce qui
provoque un taux d’abandon et de dégradation supérieurs aux bâtiments avec des colombes
découvertes.
C’est pourquoi l'état de conservation du patrimoine bâti en terre est plus dégradé du coté
Avranchin (Isigny-le-Buat) que dans le Mortainais (Barenton), (figure 107, page suivante). Ce constat
ne doit cependant pas entamer la faisabilité d’un projet de développement local. En effet, la part de
bâtiments dégradés peut être diminuée par la réalisation de travaux afin de retrouver leur état initial.
Cependant, une question subsiste : « Faut-il refaire à l’identique ces bâtiments ? » Cela pourrait être
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Jordan Huret – M1 Géographie – 2018/2019
QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Figure 108 : Bâtiments neufs reprenant les éléments archétypaux traditionnels du Sud-Manche, mais ne possédant pas de
terre crue, Barenton, 04/2019 (Source : J.Huret)
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aussi l’authenticité architecturale du bâti à cause soit d’une méconnaissance des savoir-faire, à
l’emploi d’entreprises ne connaissant pas le bâti traditionnel ou parce qu’ils sont moins touchés par
les enjeux culturels et par l’identité locale. Ils sauvent donc des bâtiments en terre crue, mais en les
dégradants. C’est pourquoi beaucoup de constructions réhabilitées ne conservent pas leur style
architectural initial. Ces ressortissants jouent donc un rôle à ne pas négliger sur le paysage de
l’intercommunalité d’autant plus que la majorité des interrogés étrangers ne sont pas réfractaires au
projet de labellisation. L’avenir de ces habitations est incertain car leurs occupants s’inquiètent des
conséquences du Brexit sur leur mode de vie. Certains pourraient envisager de venir s’installer
définitivement en France alors que d’autres envisagent de se séparer de leur bien.
Singularité architecturale : véritable atout paysager à mettre en valeur
La mixité architecturale n’est pas un inconvénient mais au contraire peut représenter un véritable
atout à mettre en avant car elle est inédite et donc précieuse. En effet, le Sud-Manche est la seule zone
du Grand Ouest français, voire même de France à posséder une aussi riche diversité architecturale. En
parcourant 50 km du nord au sud, il est possible d’apercevoir des bâtisses en pierre, en bauge et en
torchis pan de bois à colombes cachées et découvertes. À noter que l’alliage architectural en terre crue
et en pierre contribue à l’originalité régionale. En effet, la pierre, la terre et le bois sont souvent
associés sur une même construction formant ainsi un style architectural particulier leur donnant un
certain charme qui pourrait intéresser de nouveaux arrivants et des touristes. Cet alliage est
essentiellement visible pour les constructions servant d’habitations (figures 110 et 111).
Figure 110 : Habitations alliant le torchis pan de bois à colombes cachées et la pierre, Isigny-le-Buat et Saint-Loup, 04/2019
et 12/2018 (Source : J.Huret)
Figure 111 : Habitations alliant le torchis pan de bois à colombes découvertes et la pierre, Barenton, 04/2019 (Source :
J.Huret)
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Figure 112 : Bâtiments en terre avec une composition importante d’agrégat minéral, Barenton, 04/2019 (Source : J.Huret)
En plus d’avoir une architecture variée, le Sud-Manche possède pour chacune de ces typologies
constructives une forte densité de bâtiments liée entre autres à son fort passé agricole essentiellement
d’élevage nécessitant un grand nombre d’édifices. En effet, le bâti en terre crue est nombreux sur
l’intercommunalité et présent sur les 2/3 des communes (figures 113 et 114).
Le Mesnillard
Marcilly
Isigny-le-Buat
Virey (commune délégué)
Grandparigny
MOYENNE
Barenton
Saint-Georges-de-Rouelley
Saint-Quentin-sur-le-Homme
Saint-Loup
Saint-Cyr-du-Bailleul
Ducey-Les Chéris
Le Teilleul
0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% 14% 16% 18% 20%
Figure 113 : Part du bâti en terre faisant partie du patrimoine par rapport à la totalité du bâti (Auteur : J.Huret)
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17
13
10
8 7
3
1 1
0 1 à 10 10 à 20 20 à 30 30 à 40 40 à 50 50 à 60 60 à 70 Plus 70 %
Part de corps de ferme possédant du bâti en terre
Figure 114 : Nombre de commune par rapport au taux de corps de ferme avec du bâti en terre (Auteur : J.Huret)
Sur le premier graphique, on remarque que la part du bâti en terre dans le patrimoine d’une
commune varie de 4 à 20 % selon les communes inventoriées. Le second graphique montre qu’un
grand nombre de communes possède encore du bâti dans leurs corps de ferme. C’est dans la commune
du Mesnillard que cette proportion est la plus forte avec plus de 70%. Cette proportion est même
revue à la hausse grâce à l’inventaire de terrain qui a complété l’analyse virtuelle de Google Street
View. Ces chiffres et ces observations mettent en évidence le potentiel du patrimoine bâti en terre du
Sud-Manche pour un éventuel projet patrimonial à leur égard. Cependant d’autres critères doivent
être pris en compte comme la position géographique de l’intercommunalité.
3.1.2. La position géographique de la région : Le Mont Saint-Michel vecteur pour le bâti en terre
Le positionnement géographique d’un territoire en terre crue influence sa conservation et sa
valorisation. La Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie ne possède
malheureusement pas l’avantage géographique du Pays d’Auge car plus éloignée de la capitale.
Toutefois, le Mont Saint-Michel et sa baie attirent aussi de nombreuses résidences secondaires, à
hauteur de 22% du parc immobilier proche du littoral, voir carte ci-dessous (figure 115).
Figure 115 : Les résidences secondaires de la Normandie (Source : Comité Régional de Tourisme de Normandie)
Cette zone comporte peu de bâtiments en terre hormis quelques bâtis en bauge au nord-ouest
de l’intercommunalité alors que dominent les bâtiments en pierre, moins fragiles vis-à-vis du sel et du
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vent. Le Mont Saint-Michel avec son architecture et sa baie est le site touristique le plus fréquenté de
Normandie et l'un des dix lieux les plus visités en France. Connu mondialement il pourrait être
davantage attractif en véhiculant l’idée d’un patrimoine architectural préservé et valorisé sur
l’ensemble de l’intercommunalité. On pourrait imaginer l’essor de rénovations et de constructions en
terre crue dans le cadre d’un projet touristique commun avec ce lieu classé au patrimoine mondial de
l'UNESCO et les nombreux sites touristiques culturels du territoire (musées et écomusées). De nos
jours, il existe une forte disparité d’attractivité touristique entre la côte et l’intérieur du territoire du
Sud-Manche, (Cazes et Michon, 1998). En effet, le Mortainais et une partie de l’Avranchin ne profitent
pas de l’atout du Mont Saint-Michel, ce qui peut être tout simplement lié à l’absence d’autoroute dans
ces régions où l’A88 longe l’intercommunalité au nord-ouest. C’est pourquoi, le développement de la
filière touristique liée au terroir et à l’environnement permettrait de réduire ce déséquilibre en
proposant diverses activités et logements d’accueil. La réduction de ce déséquilibre est d’ailleurs l’un
des objectifs politique du développement de l’intercommunalité du Mont Saint-Michel.
Le différentiel d’attractivité touristique est aussi visible dans le Pays d’Auge, entre la côte fleurie
et l’intérieur des terres (figure 115, page 123). Mais l’arrière-pays du Pays d’Auge perçoit tout de même
des retombées positives sur son développement local. Mais si ces deux zones ont les mêmes objectifs,
l’arrière-pays du Pays d’Auge possède un atout considérable que le Sud-Manche n’a malheureusement
pas, c’est l’existence de centre-bourg avec une architecture authentique en terre crue comme les
communes de Beuvron-en-Auge, labellisée « plus beaux villages de France », Cambremer, Beaumont-
en-Auge, etc. En effet, parmi les 95 communes actuelles, il n’existe pas de village avec une réelle
capacité touristique lié à son patrimoine architectural en terre. Ce résultat n’est pas surprenant car le
patrimoine bâti en terre est essentiellement agricole et certaines constructions, dans les bourgs, ont
disparu lors des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, comme dans le Mortainais. Toutefois
de nombreux bourgs pourraient être embellis et davantage valorisés en enlevant les revêtements de
façade qui recouvrent des bâtiments notamment dans la commune de Barenton. En effet, le centre-
bourg de cette commune possède un réel potentiel avec de nombreux bâtiments en pan de bois à
colombes découvertes, actuellement dissimulées sous du crépi (figure 116). En effet durant mon
travail de terrain, j’ai remarqué des bâtiments en terre crue dans de nombreuses rues de cette
commune. En réalisant un inventaire et un diagnostic plus poussés sur chaque commune de
l’intercommunalité, on pourrait être étonné par le nombre de bâtiments en terre crue encore existants
dans les bourgs. En effet, j’ai repéré d’autres communes possédant du bâti en terre camouflé, sur
Avranches, Ducey-les-Chéris, Marcilly ou encore Saint-Hilaire-Du-Harcouët. D’autres constructions
cachées en terre crue pourraient être découvertes, comme par exemple les murs en terre visible sur
Barenton (figure 117, page suivante).
Figure 116 : Bâtiments en torchis pan de bois dégradés avec des revêtements de façades, rue Montéglise, Barenton,
04/2019 (Source : J.Huret)
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Grâce au Mont Saint-Michel et à sa position géographique en tant que carrefour du Grand Ouest
français, le Sud-Manche est loin d’être isolé comme certaines régions hyper rurales. Cependant,
l’intercommunalité du Mont Saint-Michel possède des limites que bon nombre d’espaces ruraux ont
en commun : le manque de réseaux, la mobilité difficile, le peu de service de proximité, la dépendance
de l’inflation énergétique (carburant). Ces limites découragent certains citoyens qui préfèrent souvent
s’installer en milieu urbain ou périurbain. En effet, de nos jours, il n’est plus possible de vivre à la
campagne en étant indépendant comme cela pouvait être le cas les siècles passés (Bonnet, 2016). Pour
pallier à ces différents problèmes, l’intercommunalité doit mettre en place des nouvelles mesures
adaptées à ces exigences comme par exemple le développement du télétravail avec la création de
nouveaux réseaux et la 4G sur l’ensemble du territoire. Toutefois, certaines de ces nouvelles
dispositions peuvent représenter une fracture sociale car elles ne sont pas applicables par tous. En
effet, tout le monde n’a pas la possibilité de travailler à distance. Rendre le territoire accessible à toutes
les catégories sociales comme nouvelle « terre d’accueil » est un enjeu politique fort et difficilement
réalisable. C’est pourquoi les élus de la collectivité du Mont Saint-Michel doivent se poser les bonnes
questions sur l’accueil de nouveaux habitants : « Faut-il cibler exclusivement les néoruraux avec peu
de demandes ou l’ensemble des citoyens provenant de toutes catégories sociales ? ». Cette réflexion
est complexe car elle va à l’encontre même du développement durable par une injustice sociale.
Toutefois, cette injustice peut être compensée par les bienfaits économiques et environnementaux.
Il faut donc réussir à trouver le bon équilibre entre l’économie, le bien-être et l’environnement.
La réussite d’un projet de préservation et de valorisation du patrimoine est liée à la prise en compte
des différentes possibilités de projet en prenant l’avis de chaque acteur pour permettre en autres
d’obtenir l’adhésion des occupants du bâti en terre crue, primordiale pour un tel projet.
3.1.3. Entre volonté politique et approbation des occupants
Si la volonté politique de la CA du Mont Saint-Michel Normandie en faveur du patrimoine en terre
crue est réelle, il reste à obtenir l’approbation des citoyens pour faciliter la réalisation et assurer la
réussite d’un programme d’action fort. Notre enquête fournit quelques éléments de réponse, auprès
des principaux acteurs, les occupants. D’après celle-ci, 93 % des personnes interrogées trouvent la
démarche du label intéressante et seraient largement favorables à la préservation et à la valorisation
de l’architecture en terre crue. Cependant 58 % des occupants ne souhaitent pas investir directement
dans leur patrimoine et 71 % ne sont pas prêts à construire de nouveaux bâtiments. Ces chiffres
montrent une certaine réticence et retenue pour le projet.
Beaucoup de gens prennent conscience des bienfaits écologiques et sociaux du bâti en terre, mais
beaucoup moins de son économie et de son possible atout pour le développement local. Les personnes
âgées de plus de 60 ans ne se sentent pas concernées par un tel projet. Malheureusement étant donné
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que l’enquête a principalement été réalisé les jours de semaine et plutôt aux horaires de travail
classiques, le nombre de personnes âgées est surreprésenté par rapport à la moyenne des occupants
de ce bâti, ce qui a pu biaiser les résultats. Cela signifie que les personnes prêtes à s’investir dans le
projet pourraient être plus nombreuses que l’estimation faite par l’enquête. Pour les personnes plus
jeunes (moins de 30 ans) et celles de la tranche 30-60 ans, on constate une opinion plus favorable au
projet et elles se sentent davantage en capacité d’investir. Pour les plus jeunes, ce sont plutôt les
atouts écologiques de ce type de construction que l’identité locale qui est mise en avant. Ils ont aussi
peu de crainte vis-à-vis du label et sont prêts à construire et rénover avec des aides. Si certaines
personnes plus âgées disposant de ressources financières élevées se disent favorables à l’action
engagée, elles émettent néanmoins des craintes et de réserves par rapport à la labellisation. Le projet
intéresse surtout les actifs pour qui la mise en place d’aides techniques, technologiques ou financières
peut permettre de concrétiser des actions de préservation des bâtiments en terre. Ces aides peuvent
aussi servir à encourager l’achat de bâtisse en terre pour les personnes souhaitant s’installer
durablement ou acquérir une résidence secondaire et ainsi favoriser leur conservation. Cependant,
même avec l’investissement des citoyens et toutes les actions menées, il n’est pas assuré que ces
mesures aient le même effet que dans le Pays d’Auge.
Lors de l’obtention du label « Pays d'art et d'histoire » en 2000 par le Pays d’Auge, beaucoup de
constructions étaient déjà préservées et valorisées. La situation est différente dans le Sud-Manche :
20 ans se sont écoulés et bon nombre de structures ont disparu ou sont fortement dégradées. La tâche
peut sembler plus difficile qu’il y a quelques décennies car le bâti était en meilleur état. Si on ajoute
les restrictions des dotations de l’État, la baisse du pouvoir d’achat des habitants et la situation agricole
difficile, les freins au projet ne manquent pas même si des atouts humains et paysagers peuvent sans
doute les compenser. Trouver une nouvelle fonction aux bâtiments abandonnés est la priorité. Ils
représentent un potentiel d’accueil important pour le tourisme et les nouveaux habitants, notamment
pour les auto-constructeurs. Des perspectives agro-touristiques sont également envisageables dans le
cadre d’une diversification des activités. Les agriculteurs sont d’ailleurs une majorité à être en faveur
du label même si la moitié exprime des craintes le concernant. Étant donné qu’ils représentent la
population possédant le plus de bâtiments en terre, ce sont des acteurs à privilégier dans le projet de
labellisation.
3.2. Actions à mener pour préserver et valoriser le patrimoine bâti
Si la situation actuelle du patrimoine architectural en terre du Sud-Manche est partagée par ses
occupants, il est alors question de mettre en place des actions de sauvetage adaptées pour les
concrétiser. Certaines sont à mener aux courts, moyens et longs termes et à différentes échelles
géographiques allant du bâtiment à l’édifice et de la commune à l’intercommunalité. L’enquête et le
diagnostic ont permis d’en identifier pour porter un projet dynamique et viable en prenant en
considération les attentes des habitants occupant ce bâti.
3.2.1. Communication, participation, sensibilisation et aide
La communication est un élément central de la réussite de projet. Elle permet de faire participer
un ensemble d’acteurs, de les concerner et de les impliquer. Il est important d’intégrer tous les acteurs
à toutes les étapes du processus dès les prémices du projet. Ils peuvent être nombreux, il est important
de ne pas les négliger, qu’il s’agisse :
des services de l’État, de la région, du département, notamment l’Unité Départementale
d’Architecture et du Patrimoine (UDAP) et de l’intercommunalité ;
du Parc Naturel Régional Normandie-Maine ;
du Conseil d’Architecture d’Urbanisme et d’Environnement de la Manche (CAUE) ;
des Établissements Publics Fonciers (EPF) ;
de l’Agence Régionale de Santé (ARS) ;
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Leur participation est nécessaire mais demande aussi du temps d’organisation ainsi que des
compétences de communication pour transmettre les enjeux, les contraintes, les limites, les attentes.
Pour s’assurer de l’adhésion de la majorité, il est primordial de les laisser tous s’exprimer. La
communication doit intervenir à chaque étape et pour chaque action menée en faveur de la
préservation et de la valorisation du bâti en terre crue. Elle devra être en adéquation avec les objectifs
et débuter à très court-terme dès le lancement du projet. Selon les besoins, il pourra s’agir de réunions
publiques, de conférences de presse, d’articles de journaux ou du site Internet de la Communauté
d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie, de la « Manche Libre » ou encore une chronique
patrimoniale dans le Grand Format (journal local de la CA du Mont Saint-Michel). La sensibilisation et
la participation au projet devra concerner tous les citoyens mais devra également s’assurer de toucher
particulièrement les agriculteurs, définis comme des acteurs privilégiés du projet. L’objectif est de
lancer une campagne de revalorisation du matériau terre afin de lutter contre les préjugés qu’il subit.
En effet, la terre crue ne doit plus être perçue comme un matériau « pauvre » mais bien comme une
opportunité écologique, sociale et économique. Pour cela de nombreuses actions peuvent être
évoquées avec parfois l’application d’aides pour faciliter leur concrétisation.
Ainsi construire un bâtiment en terre crue utilisant les 3 types de construction pourrait servir
d’exemple et de vitrine au patrimoine rural afin de crédibiliser et de démocratiser cette architecture à
l’ensemble des acteurs. Le CAUE de la Manche pourra servir de relais pour sensibiliser les citoyens sur
les possibilités architecturales liées à la construction et à la rénovation en terre crue. En plus de
l’accompagnement technique, le CAUE pourra proposer des formations, des fiches techniques et des
fiches architecturales, pour encourager les pratiques liées à ce matériau. À noter que le CAUE et les
agents territoriaux devront prioriser les acheteurs de bâtiments en terre qui seront invités à les
consulter afin de conseiller ce public sur les règles de l’art à respecter pour garder l’authenticité
architecturale locale. Les propriétaires pourraient aussi recevoir par mail ou courrier l’étude de leur
bâti, ce qui leur apporterait un sentiment de fierté et de reconnaissance et ainsi inciter d’autres
propriétaires à sauvegarder leur bien également. Reconnaître et récompenser les meilleures
interventions de réhabilitation seraient un moyen efficace également d’entraîner d’autres
propriétaires par l’effet « boule de neige ». En effet, le sentiment de participation et de fierté régionale
est important dans ce genre de projet, c’est pourquoi à l’instar du site breton, Kartenn, un portail
d’inventaire du patrimoine pourra être mis en ligne afin de permettre à tous les citoyens de contribuer
au référencement des bâtis en terre. Cet inventaire participatif est aussi un bon outil pédagogique
permettant de créer du lien social.
L’intercommunalité à la possibilité de mettre en place des aides en faveur du patrimoine bâti en
terre. Ces aides peuvent se présenter sous plusieurs formes et être combinées pour avoir un impact
positif important sur tout le territoire. Par exemple, lors de la fête communale de Montigny à Isigny-
le-Buat, tous les 2 ans, une cabane en torchis est construite et mise aux enchères. Cette simple
initiative est suffisante pour faire connaître ce type de construction sur l’ensemble de la région et au-
delà. Un réseau plus complexe de communication et d’aides de diverses natures pourra donc avoir un
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impact bien plus fort sur une majorité d’habitants de l’intercommunalité du Mont Saint-Michel
Normandie. Ces accompagnements pourront être réalisés par les agents territoriaux ou le CAUE afin
de réaliser des démarches et des demandes pour les citoyens auprès de l’intercommunalité par
exemple. Les outils d’accompagnement peuvent se présenter sous diverses formes que ce soit en
faveur de la création ou de la rénovation de bâti en terre. Il peut s’agir par exemple d’aides financières
sous la forme de réduction d’impôts ou encore d’aides techniques, avec la création de guides
techniques, mettant en évidence les détails architecturaux comme c’est le cas pour le PNR des Marais
du Cotentin et du Bessin. À noter que l’aide technologique, en développant une filière terre crue, par
exemple, est importante pour permettre de réduire les coûts de rénovation et de construction de ce
type de bâti. Outre l’aspect économique, la filière est un bon moyen d’associer les bienfaits sociaux et
environnementaux de la terre crue à l’économie locale.
Tous ces éléments de communication et d’aide permettront de sensibiliser l’ensemble de la
population aux bienfaits de l’architecture en terre en tenant compte aussi des aspects esthétiques, de
la mémoire collective et de l’identité culturelle. En plus de la communication auprès des citoyens,
d’autres actions doivent être mises en place pour développer l’agrotourisme et l’accueil de nouveaux
arrivants.
3.2.2. Développer l’attractivité touristique et résidentielle autour de la terre crue
L’espace rural doit être conçu non plus seulement comme un espace de production mais aussi
comme un espace destiné à satisfaire des demandes sociales nouvelles (espaces de parcours, de loisirs,
de chasse, de pêche, culturel, par exemple) et qui ne repose pas sur le seul patrimoine bâti mais des
animations locales, culturelles et sociales. En effet, le développement de l’animation culturelle et la
valorisation du patrimoine sont des atouts incontournables et essentiels pour un territoire rural en
matière de visibilité et de notoriété. En offrant une « vitrine positive » valorisant à la fois l’identité, les
savoir-faire, ou encore la force de créativité, c’est l’image de l’ensemble de l’intercommunalité et de
son mode de vie qui sont valorisés et deviennent attractifs. L’espace rural doit devenir une sorte de
livre ouvert et vivant permettant de faire découvrir et de comprendre le patrimoine commun
(Madeline, 2007). C’est pourquoi il est essentiel d’allier le patrimoine bâti et le patrimoine vert dans le
projet de labellisation pour obtenir un paysage agréable pour tous. Collaborer avec les acteurs du
tourisme est primordial pour le développement local et donc pour la préservation du patrimoine bâti
en terre crue. Pour valoriser ce bâti, la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel
Normandie possède une multitude d’atouts à mettre en action.
Par exemple, elle peut créer un circuit patrimonial et culturel (avec panneaux pédagogiques) avec
des liaisons douces proches du bâti en terre en fond de vallée. La création de parcours traversant
l’intercommunalité avec comme étape finale le Mont Saint-Michel pourrait créer une association
intéressante entre ces deux patrimoines. À noter que l’existence de la voie verte allant de Vire à la baie
du Mont Saint-Michel semble être avantageuse pour ce projet de circuit tout comme les chemins de
pèlerinages visibles sur le territoire. Les associations patrimoniales ou les agents territoriaux peuvent
également organiser des balades commentées sur ces circuits grâce au développement de guides
touristiques, en livre ou en personne, afin de faire découvrir la région et les bâtisses en terre
remarquables. Le tourisme doit aussi intégrer les nouvelles technologies avec des visites virtuelles
comme la photographie en 360° et la restitution en 3D des fermes typiques du Sud-Manche. Le Mont
Saint-Michel, dont la notoriété n’est plus à faire, est un appui considérable de communication pour
tenter d’étendre le tourisme dans toute l’intercommunalité. En effet, des visites virtuelles de fermes
pourraient, par exemple, y être proposées afin de faire découvrir ce patrimoine aux touristes. Cela
permettrait d’accroître la visibilité de ce type de patrimoine dans un premier temps, favoriser sa
reconnaissance et le rendre attractif dans un second temps. Le relais d’informations peut être réalisé
en l’associant à un circuit-court de vente de produits locaux s’appuyant entre autres sur les musées et
écomusées déjà existants. Pour favoriser l’accueil des touristes et des personnes de passage sur
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
L’urbanisme peut intégrer l’inventaire pour mieux comprendre la situation du bâti en terre et
identifier les éléments patrimoniaux à préserver pour maintenir la qualité architecturale. De même la
valeur urbanistique au sens large des édifices ou des ensembles ciblés avec des critères urbains,
sociaux, historiques et de risques pourra également être étudiée. Les résultats de l’inventaire pourront
être inclus aux plans et aux règlements d’urbanisme. Ensuite un règlement de plan d’implantation et
d’intégration architecturale couvrant les ensembles identifiés pourra être rédigé et mis en application.
L’urbanisme est un vecteur de protection du patrimoine par la réalisation de charte de qualité pour la
restauration du bâti ancien. La survie de ce bâti dépend donc en partie de l’urbanisme. Cependant, la
réglementation doit être attentive à ne pas représenter un frein au dynamisme et au développement.
En effet, une réglementation trop stricte pourrait décourager les propriétaires de bâti en terre pour la
rénovation ou les nouveaux habitants souhaitant construire en terre. Il est indispensable de trouver
un équilibre entre les contraintes nécessaires et la liberté de construire et de rénover. Ainsi cette
réglementation doit être un outil servant à diriger et à contrôler plutôt qu’à empêcher.
En ce qui concerne le bâti en terre, la réglementation pourra concerner les matériaux et leur
utilisation ainsi que les techniques utilisées : torchis pan de bois et bauge. Ainsi cela permettra de
s’assurer de l’authenticité du bâti du Sud-Manche sans l’utilisation de matériaux en terre altérés ou
d’ajout de matériaux non souhaités, comme le ciment. Cela permettra aussi de s’assurer de l’utilisation
de techniques proches du savoir-faire ancien correspondant à la région. En appliquant uniquement ces
contraintes à la construction de bâti en terre, cela laisse encore de nombreuses libertés pour la
rénovation ou la construction du bâti en ce qui concerne les dimensions, l’agencement, et
l’aménagement. Il est possible d’envisager également d’appliquer cette réglementation uniquement
aux constructions en terre subventionnées. Cela permettrait de laisser le choix de l’application de la
réglementation en favorisant ceux qui souhaitent la suivre.
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Conclusion de partie
Suite à l’inventaire du bâti en terre et à l’enquête auprès des occupants, il a été possible d’obtenir
une vision globale de l’état du patrimoine ainsi qu’une première appréciation de l’opinion des
habitants. Ces deux approches permettent d’identifier des tendances et suscitent des pistes de
réflexion sur des actions à mener.
Les constructions en terre sont en danger. Pour les maintenir, des travaux de réhabilitation sont
à envisager ainsi que la modernisation de ces constructions. En effet, la construction ou la rénovation
de bâtis en terre respectueux des besoins et des modes de vie actuels, semblent nécessaires à leur
pérennité. De plus, en sachant que des solutions de construction écologique sont un enjeu majeur
pour la société, les constructions en terre, longtemps considérées comme archaïques, peuvent assurer
une solution crédible pour l’habitat. Il est donc fort possible que les générations futures se tournent
vers ces constructions plus respectueuses de l’environnement pour s’assurer d’un futur viable.
Si l’avenir du bâti en terre reste incertain, les pouvoirs publics ont les cartes en main pour assurer
son avenir. En mettant en place des actions en faveur du bâti en terre crue, elles ont les moyens de
promouvoir sa préservation et sa valorisation. L’intercommunalité dispose de nombreux outils pour
concrétiser cette ambition, notamment en attirant de nouveaux habitants permanents ou des
touristes, capables de renouveler les fonctions de ces constructions. Ces outils, pour être efficaces,
doivent être combinés afin d’entraîner un réel dynamisme.
Cette première analyse reste incomplète mais les premiers résultats sont intéressants. On peut
imaginer qu’un travail plus poussé et dans la continuité de celui-ci permettrait d’obtenir une analyse
plus fine et proposer un programme d’actions précis et directement applicable. Il semble donc
nécessaire de continuer le travail entrepris avant la mise en place d’un projet de préservation et
valorisation du bâti en terre crue.
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Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
Conclusion
La construction en terre est culturelle, sa forme dépend du lieu et de son usage. Des recherches
archéologiques sur ce type de construction peuvent être envisagées afin de mieux comprendre ses
origines et les constructions vernaculaires. Il est donc important de préserver ces constructions pour
les étudier.
L’architecte, Alain Klein, travaille sur un inventaire raisonné du patrimoine en bâti terre crue en
Midi-Pyrénées afin d’en répertorier les types et conserver cette mémoire culturelle. Son inventaire
consigne aussi bien la variété des types d’édifices que la variété des techniques employées. Suite à ses
recherches, il a publié un article sur les différents types de construction en terre révélant deux
tendances liées à ce bâti : la recherche de nouveaux produits pouvant répondre aux exigences du
développement durable en vue d’être industrialisés et commercialisés et le mouvement artisanal
défendant la terre comme moyen de construction vernaculaire et donc peu duplicable. Lorsque
l’industrialisation de la terre sera possible, une fois le matériau terre reconnu et normalisé, les grands
groupes s’y intéresseront et de nombreux projets pourront voir le jour. Le risque est que la terre
devienne un produit standardisé et conduise à la perte des spécificités locales et des savoir-faire.
Cependant, le renouveau de ce matériau est indispensable à la réhabilitation de bon nombre de
bâtiments à l’abandon. La transmission du savoir-faire lié à l’architecture en terre est aussi importante.
Elle permet à chacun de s’approprier ce matériau millénaire. C’est un bon moyen de voir surgir de
nouvelles techniques, de nouvelles utilisations ou de « nouveaux esthétismes ». Cela permet aussi de
laisser à chacun la possibilité de construire son propre habitat selon ses besoins et ses goûts à moindre
coût.
Le patrimoine présent sur la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
contribue à cette mémoire culturelle. Cette architecture est suffisamment présente pour être
remarquable et à même une particularité : l’alliance de la pierre et de la terre. Ce sont donc des
témoignages particuliers du passé d’une grande valeur. Les résultats apportés par ce mémoire ne
peuvent malheureusement présenter que des tendances car les données ne sont pas complètes. Une
analyse statistique n’est donc pas possible. Cependant malgré la taille de l’intercommunalité et le
temps imparti court, l’analyse apporte des éléments de réponse. Elle doit être approfondie et validée
mais elle permet tout de même de présenter des résultats intéressants et concrets. Cela permet aussi
d’avoir une première vue d’ensemble de la situation de l’intercommunalité par rapport au bâti en
terre. Une analyse complète demanderait la mobilisation de plusieurs personnes et de plus de temps
de travail. Cependant grâce à l’outil Google Street View, accessible à tous, un recensement sur toute
l’intercommunalité a pu être réalisé en moins d’un mois. J’ai également distribué et fait remplir des
questionnaires avec un retour de 112 réponses en seulement un mois. Si ces méthodes sont peu
coûteuses et facilement répétables, elles ont demandé beaucoup de temps et un travail fastidieux à
cause de la répétition des tâches. Toutefois des méthodes plus efficaces auraient pu être mises en
place pour soit simplifier la tâche soit la rendre plus productive. Mais ces méthodes exigent un
investissement financier, pour l’achat d’un logiciel par exemple, ou humain, pour l’organisation d’une
réunion de citoyens par exemple.
La poursuite de ce travail permettra de préciser les résultats obtenus, de vérifier les hypothèses
avancées afin de répondre aux questionnements de la collectivité. L’analyse ainsi complétée pourra
être un bon appui pour réaliser le projet, définir des objectifs adaptés et mettre en place un
programme d’actions cohérent.
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
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Annexe
1. Typologies constructives du torchis pan de bois dans le Sud-Manche
Le torchis du Sud-Manche est réalisé à partir d’un mélange de terre argileuse, d’eau et de fibre
végétale (paille/foin) ou animale (crins ou bourres), très souvent en complément. On peut également
retrouver parfois des éléments minéraux (éclats de silex) ou « […] même autrefois la bruyère pour
donner du corps à ce mortier naturel que l’on liait ensuite à la bouse de vache », comme le souligne
Jean Louis Boithias et Corinne Mondin, dans la maison rurale en Basse Normandie (2001). La terre
provient de l’altération des roches mères comme le schiste, très utilisé dans le Sud-Manche faute de
ne pas avoir de chaux (calcaire) sur le territoire. La richesse du torchis pans de bois dépend des terres
utilisées et de sa composition, dont elles représentent l’image de la région par son coloris. Le bois
utilisait pour la construction dans le Sud-Manche est essentiellement le chêne et le châtaignier. Ces
essences de bois à « haut-jet » ont permis de simplifier la structure et le travail de charpente, selon le
CAUE de la Manche. Le torchis est non porteur, il nécessite donc une structure d'accroche pour son
maintien. Pour cela, deux grands principes d'accroche sont utilisés sur le Sud-Manche : le lattis, fines
lattes clouées sur le colombage et faiblement espacées entre elles ou l'éclisse, petites chevilles en bois
fixées en quinconce entre deux colombes. Le lattis et l’éclisse sont réalisés en châtaignier ou en
noisetier (voir figure ci-dessous).
Figure : Colombage à éclisse (gauche) et colombage à latte (droite) (Source : Maisons Paysannes de France)
Ces deux techniques peuvent être combinées sur une même construction pour une meilleure
protection. Le torchis pans de bois à colombes cachées utilise la technique du lattis qui dissimule les
colombes du côté extérieur de la façade du bâtiment. Parfois les lattes sont disposées des deux côtés,
extérieur et intérieur, pour remplir le vide formant un mur épais. Seuls les poteaux et les lices sont
visibles sur le bâti en torchis pans de bois à colombes cachées, tandis que le bâti en torchis pans de
bois à colombes découvertes utilise l’éclisse, ce qui permet de garder les colombes apparentes
extérieures et intérieures. De même, cette technique de construction peut utiliser le lattis à l’intérieur
pour cacher et protéger les colombes. Dans un certain nombre de cas, les façades les plus exposées
aux vents humides souvent à l’ouest sont protégées avec un bardage en planche de châtaigner,
essentage de bardeaux de bois en châtaigner souvent, des ardoises, un enduit de sable et de chaux,
un enduit de chaux, un badigeon à la chaux ou encore plus rare essentage de tuile plate.
L’humidité est l’un des problèmes les plus récurrents de la construction en terre dans le Sud-
Manche à cause du climat. Pour éviter cela, l’ossature bois possède un soubassement construit le plus
souvent à même le sol allant de 20 à 140 cm et les débords de toit conséquent « Les bonnes bottes et
le chapeau ». La hauteur des soubassements dans cette région possède un écart important, à cause de
l’humidité et de la fonction du bâtiment en question, mais aussi à cause des moyens financiers des
propriétaires et de la distance des carrières. Les pierres utilisées pour la construction sont variées et
dépendent des secteurs, les plus utilisées sont le schiste brun, très souvent, le granit blond, le
pouldingue rouge, les grès blancs et roux, ainsi qu’une variété de calcaire clair. La toiture des bâtis du
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Sud-Manche recouverte en ardoise en premier lieu, puis en chaume et pour finir en tuile était réalisée
en deux pans à 45° degrés le plus souvent, contrairement aux croupes du Cotentin, selon Max-André
Brier dans « Les cheminées des maisons rurales de Normandie » (1982). Le mur de la cheminée était
réalisé en pierre robuste permettant d’assurer la pérennité de l’ensemble du bâti qui est souvent le
seul mur en dur. La cheminée était la partie la plus soignée de la construction en terre, même les
bâtiments les plus modestes étaient en pierre de taille. Le mur en pierre étant à chaque fois le pignon,
il est très souvent positionné face au vent dominant d’ouest.
Selon le CAUE de la Manche, les bâtis anciens étaient construits de manière réfléchie selon
l’orientation du vent mais aussi de son environnement proche. Les ouvertures des anciennes bâtisses
étaient concentrées au sud, pour éviter le froid par les ouvertures nord. Il était primordial d’éviter les
sommets ventés. Les bâtisses étaient alors implantées en pied ou flanc de colline dans les vallées et
parfois en s’implantant proche d’une forêt pour diminuer le vent sur la structure et obtenir de l’ombre
l’été, tout en restant proche d’un point d’eau situé dans les vallées. Le point d’eau devait être ni trop
proche, ni trop loin pour éviter l’inondation.
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80% 80%
60% 60%
40% 40%
20% 20%
0% 0%
Moins 20 à 30 31 à 40 41 à 50 51 à 60 61 à 70 71 et Moins 20 à 30 31 à 40 41 à 50 51 à 60 61 à 70 71 et
de 20 plus de 20 plus
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0% 10% 20% 30% 40% 50% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
Non Non
Oui Oui
NR NR
-10% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 0% 20% 40% 60%
Oui Non
NR Oui
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Identité locale
Esthétisme
Oui
Construction écologique et durable
NR
0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%
0% 20% 40% 60% 80%
Barenton Isigny-le-Buat Barenton Isigny-le-Buat
Q36)Prêt construire des bâtiment en terre Q37)Changer d'avis avec des aides de
l'EPCI
Non Non
Oui
Oui
NR
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60%
Non Non
Oui
Oui
NR
0% 20% 40% 60% 80% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%
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0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
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QUEL AVENIR POUR LES CONSTRUCTIONS EN TERRE CRUE DANS LES CAMPAGNES D'AUJOURD'HUI ?
Le cas de la Communauté d’Agglomération du Mont Saint-Michel Normandie
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
Q36) Prêt à construire du bâti en terre Q37) Changer d'avis avec des aides de la
CAMSMN
Profession intermédiaire
Cadre et profession intellectuelle Profession intermédiaire
Agriculteur Ouvrier
Autre/Sans activité… Retraité
MOYENNE
Ouvrier
Autre/Sans activité…
Employé
Cadre et profession intellectuelle
MOYENNE Agriculteur
Artisan/Commerçant/Chef… Employé
Retraité Artisan/Commerçant/Chef…
0% 20% 40% 60% 80% 100% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
Q38)Label "Pays d'Art & d'Histoire" intéressant Q39)Crainte du label "Pays d'Art & d'Histoire"
Autre/Sans activité professionnelle Retraité
Cadre et profession intellectuelle Ouvrier
Employé Employé
MOYENNE MOYENNE
Artisan/Commerçant/Chef… Agriculteur
Retraité Cadre et profession intellectuelle
Ouvrier Autre/Sans activité…
Agriculteur Artisan/Commerçant/Chef…
Profession intermédiaire Profession intermédiaire
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économique. Cette technique est essentiellement utilisée par des professionnels tout comme le béton
d’argile.
Le béton d’argile (terre coulée)
Le béton d’argile est une technique de mise en œuvre proche du béton de ciment. En effet, la
terre est coulée dans un coffrage dans un état visqueux mélangeant des granulats, de l’eau et de
l’argile, puis elle est « compactée » comme le pisé pour chasser l’air en densifiant la terre coulée. Le
béton d’argile a été inventé par l’ingénieur français François Hennebique à la fin du XIX e siècle (Anger,
2012).
Le terre-paille (terre allégée)
La terre allégée est mise au point en
Allemagne dans les années 40 par l’allemand
Franz Volhard. Elle est la digne héritière du
torchis ou plus exactement du torchis-colombage
(Marcom, 2011). En effet cette technique comme
le torchis est un mélange terre-paille non porteur
utilisant une ossature bois le plus souvent. En
revanche, là où la terre allégée se différencie du
torchis c’est dans la proportion de ses deux
composantes avec environ 80% de paille et 20 %
de terre. Dans ce procédé, l’argile n’est utilisée
que pour être le liant de la paille afin de
maintenir les brins de paille entre eux. Parfois un Figure : Maison en terre-paille, Pyrénées (Source : Envirobat)
faible pourcentage de ciment est rajouté pour
augmenter la résistance mécanique. Le terre-paille est principalement banchée et compactée pour
rigidifier l’ensemble du bâti, mais peut être aussi réalisée par des panneaux préfabriqués compressés
de 15 cm à 20 cm d’épaisseur. D'une manière générale, la construction en terre-paille est un isolant
acoustique et thermique, mais aussi hygrométrique grâce à la « perspirante » des deux matériaux.
Cette dernière technique moins complexe que les deux autres est essentiellement utilisée par les
particuliers notamment les auto-constructeurs. Mais une certaine réticence liée au feu et aux rongeurs
est un réel frein à la filière comme on a pu le constater lors de l’enquête sur le terrain. Toutefois, des
études allemandes et autrichiennes montrent que le terre-paille offre une très bonne résistance au
feu. En effet, la paille se consume très lentement sans flammes et sans dégagement nocif pour la santé.
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1.2.1. Durabilité environnementale : faible énergie grise et abondance de la terre .............................................. 102
1.2.2. Durabilité sociale : confort de l’habitat et redynamisation des territoires................................................... 106
1.2.3. Durabilité économique : « faible coût » de travaux et mise en valeur de l’identité locale........................... 109
2. Quelles politiques et actions de sauvetage pour ce patrimoine ? Atouts et limites .................................. 112
2.1. La politique économique et environnementale : incompatible ou complémentaire ?.............................................. 112
2.2. La politique paysagère et patrimoniale : un outil de gestion des territoires ............................................................. 113
3. Préservation et valorisation du bâti en terre de l’intercommunalité : avantages et inconvénients .......... 117
3.1. Le bâti en terre de la collectivité territoriale : un avenir possible .............................................................................. 117
3.1.1. Le paysage singulier du Sud-Manche : atout ou limite ? .............................................................................. 117
3.1.2. La position géographique de la région : Le Mont Saint-Michel vecteur pour le bâti en terre ...................... 123
3.1.3. Entre volonté politique et approbation des occupants ................................................................................. 125
3.2. Actions à mener pour préserver et valoriser le patrimoine bâti ................................................................................ 126
3.2.1. Communication, participation, sensibilisation et aide ................................................................................. 126
3.2.2. Développer l’attractivité touristique et résidentielle autour de la terre crue............................................... 128
3.2.3. Les réglementations urbanistiques : outils primordiaux............................................................................... 129
Conclusion de partie ......................................................................................................................................... 131
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