MFG FR Publications Diverses Microfinance Et Finance Informelle 2002
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MFG FR Publications Diverses Microfinance Et Finance Informelle 2002
1 En introduction à louvrage quils ont dirigé et qui est bien connu, D. Adams et D. Fitchett (1994, pp. 17-36) décrivent dix types de
finance informelle. Leur liste nest pas exhaustive puisque, par exemple, ils ne parlent pas des tontiniers.
2 Cf. par exemple, pour les tontines, C. Mayoukou (1994) et J.D. von Pischke (1994).
système financier informel est opposé au système – Pour les tenants du dualisme financier, la finance
financier formel et que le concept de finance informelle fait partie du secteur informel, elle permet
informelle s’est vulgarisé. de financer l’activité informelle. Les sociétés en
développement ne se définissent-elles pas par la
– Une troisième constatation concerne l’efficacité du coexistence d’un secteur moderne et d’un secteur
secteur financier informel. D’une part, parce qu’elle informel ? Il en est pour la finance comme pour
repose sur des relations de proximité, la finance l’économie réelle. L’unification ne peut alors se faire
informelle se pratique en circuit fermé, entre les que d’une façon très progressive, extrêmement lente,
personnes qui se connaissent et qui se rencontrent et certainement pas par des réformes ponctuelles et
régulièrement. L’argent ne peut circuler qu’au sein de brutales. Il faut alors respecter les relations entre les
groupes relativement restreints. L’allocation des deux systèmes. C’est le processus ou la stratégie
ressources n’est donc pas optimale. D’autre part, il y a d’articulation. Il arrive en effet que les prêteurs
peu d’accumulation car les créances et les dettes individuels empruntent aux banques ou que les
s’éteignent rapidement. L’argent prêté l’est toujours à tontiniers déposent auprès d’elles une partie de
court terme, la durée n’est jamais au cœur de ces l’argent collecté. Il arrive même que les fonds d’une
opérations qui sont dénouées rapidement. Dans ces tontine, au moins une partie, soient déposés dans une
conditions, la finance informelle contribue certes au banque, voire que les banques prêtent à une tontine
financement de l’activité économique, en particulier ou à certains de ses membres avec la garantie du
au sein des familles et des micro-entreprises, et elle le groupe. De tels cas ne sont pas isolés. Ils ont été
fait efficacement, mais elle n’y contribue que observés un peu partout, en Afrique comme en Asie,
faiblement, pour des montants limités et pour des où ils sont même parfois encouragés par les autorités
durées courtes. (Seibel et Parhusip, 1994).
Dès lors, la question s’est posée de déterminer ce que C’est pourquoi cette stratégie d’articulation semble
l’on fait de cette finance informelle. Et comment faut-il aujourd’hui beaucoup plus réaliste, d’autant plus
la traiter. Mais pour cela il faut savoir d’où elle vient, qu’elle peut s’accompagner d’une double incitation :
comment elle s’explique. Et on sait qu’à cet égard à la fois pour que les banques fassent l’effort de s’ouvrir
deux thèses se sont opposées et s’opposent toujours. à une clientèle moins aisée et de leur offrir des services
vraiment adaptés, et pour que des initiatives
– Pour les tenants de la répression financière, la judicieuses introduisent des innovations dans la
finance informelle se développe parce que les finance informelle et la rendent plus attractive pour des
banques sont contraintes au niveau de leurs opérations populations plus avisées ou plus exigeantes. On peut
(plafonnement des taux d’intérêt, encadrement du dire que cela conduirait à renforcer la concurrence
crédit, réserves obligatoires, limitation d’accès…). Il entre les deux systèmes, en même temps qu’ils
faut donc libérer leur activité dans le cadre d’une développeraient leur complémentarité. On est bien
réfor me fin an cière visant à am élio rer l e s loin d’une opposition, apparemment irréductible,
performances du secteur financier formel… qui entre les théoriciens de la répression et ceux du
pourrait ainsi absorber le secteur financier informel. dualisme. On a même pu considérer l’articulation
C’est un processus ou une stratégie d’intégration. Elle entre les deux secteurs comme le moyen de réaliser
se justifie difficilement. On peut certes trouver un l’intégration à long terme, et ainsi de la faire apparaître
intérêt à un programme de libéralisation financière, comme « un premier pas » vers l’objectif d’un secteur
mais on voit mal comment des taux d’intérêt plus financier homogène (Germidis et alii, 1991). C’est ce
élevés suffiraient pour amener l’épargne informelle – que ces auteurs appellent « l’intégration douce ».
qui est informelle depuis toujours – dans des banques
qui sont parfois des filiales de banques étrangères ! On Mais est-ce vraiment là l’objectif vers lequel nous
a suffisamment opposé les comportements dans ces devons tendre ? Et est-ce la voie qui est suivie depuis
deux secteurs pour ne pas accorder trop de crédit à une douzaine d’années ? La réponse semble
une stratégie aussi peu réaliste. aujourd’hui évidente : elle est négative, parce que la
finance informelle a évolué vers la micro-finance.
1 Cest ce que H.D Seibel (1996) a appelé la stratégie de ladaptation (des banques) ou de la modernisation (du secteur informel). Lauteur
distingue aussi une stratégie dinnovation qui consiste à créer de nouveaux organismes locaux pour répondre aux besoins de
financement.
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FINANCE INFORMELLE ET SYSTÈMES FINANCIERS
2 Dans la Zone franc, lincidence de la pauvreté monétaire varie de 30 à 70% et 10 à 30% des individus seraient dans une situation
dextrême pauvreté. De plus, les conditions de vie des ménages et leurs potentialités de création de revenu saméliorent peu (Zone
Franc, 1999, pp. 52-55).
3 J. Morduch (1999) montre bien comme la Grameen Bank est proche des associations rotatives dépargne et de crédit (les tontines).
d’épargne – les tontines par exemple sont considérées ou d’une nouvelle activité. C’est pourquoi le micro-
davantage comme une incitation efficace à épargner crédit est souvent considéré comme un moyen de
que comme un moyen d’obtenir du crédit – la lutter contre la pauvreté et qu’il intéresse la Banque
micro-finance concerne principalement le crédit. Ne m o n dia l e e t l e s b a n q u e s r é gio n a l e s d e
parle-t-on pas couramment du micro-crédit ? développement$.
Ces deux changements vont bouleverser complètement – Enfin, les emprunteurs n’ont guère de garantie
le paysage financier africain. Autrefois les secteurs personnelle à offrir. Mais comme les candidats sont
formel et informel dominaient. Il y avait bien entre les nombreux dans chaque quartier ou chaque village, ils
deux les coopératives, les mutuelles d’épargne et de se connaissent, et la solidarité africaine agissant, ils se
crédit, inspirées du modèle occidental, mais qui ne constituent en groupes restreints au sein desquels
s’étaient développées que faiblement dans la plupart chacun s’engage pour les autres. C’est ainsi que les
des pays africains, et elles étaient considérées plutôt taux de remboursement voisinent les 100%.
comme constituant un secteur semi-formel". Ces
nouvelles institutions de micro-finance doivent Le micro-crédit est facile à définir parce qu’il prend
s’insérer dans la nomenclature des institutions plutôt en compte le débiteur. La micro-finance
financières, ce qui détermine en même temps la soulève plus de difficultés parce qu’elle prend aussi
réglementation qui leur est appliquée. en compte le créancier et parce que le créancier est
souvent une institution. Mais les institutions
financières autres que les banques sont nombreuses
dans la plupart des pays, elles ne font pas toutes de la
Les institutions de micro-finance dans le micro-finance et celles qui en font n’en font pas toutes
paysage financier de la même façon. On a l’habitude de distinguer
quatre catégories d’institutions.
La micro-finance est maintenant bien connue, et
même si chaque auteur est tenté de la définir à sa – Ce sont les mutuelles d’épargne et de crédit, créées à
façon, et même si on fait plus souvent référence au partir d’un modèle bien connu imaginé il y a plus d’un
micro-crédit, on peut admettre un certain nombre de siècle en Europe et au Canada pour lutter contre
caractéristiques, dont la première est une question de l’usure et proposer aux paysans des crédits à des taux
taille, comme le nom lui-même l’indique. convenables. Elles se sont implantées en Afrique
beaucoup plus tardivement, mais elles collectent
– Il s’agit d’un petit crédit, d’un montant peu élevé, davantage d’épargne qu’elles n’accordent de crédits.
sensiblement inférieur au crédit qu’une entreprise ou
un ménage peut solliciter d’une banque. La Banque – Ce sont les caisses villageoises créées au niveau des
mondiale retient un plafond de 30% du PNB par villages à partir des besoins, des habitudes et des idées
habitant, ce qui représente, dans un pays africain, à des populations locales. Elles sont autogérées, elles
peu près 100.000 FCFA ou 150 euros. n’adoptent pas le schéma des coopératives et elles ne
s’organisent pas en réseau. Elles équilibrent davantage
– Ce crédit est donc sollicité par des personnes dont le la collecte de l’épargne et l’octroi de crédits.
revenu est relativement bas. Ce sont souvent des
femmes. Les chiffres ci-dessus étant déterminés par – Ce sont les expériences de crédit direct ou les
rapport à un PIB moyen au niveau du pays, le montant programmes d’appui au micro-crédit qui sont
peut être inférieur au niveau d’un débiteur donné. généralement financés par des organisations étrangères
C’est bien pourquoi le micro-crédit est considéré et gérées par des ONG locales. Ils ne lient pas le crédit
comme un crédit pour les pauvres#. à l’épargne, mais ils cherchent souvent à susciter une
épargne locale qui prenne peu à peu le relais de l’aide
– Il peut être demandé pour différents mobiles, mais il extérieure.
l’est principalement pour développer « une activité
génératrice de revenu », qu’il s’agisse d’une ancienne
4 Mais dans certains pays, elles sont considérées comme faisant partie du secteur formel, dans dautres du secteur informel. Le Rapport du
Centre de Développement de lOCDE, par exemple, qui est la synthèse détudes menées dans une douzaine de pays, na pas de position
claire à leur égard. (Germidis et alii, 1991, pp. 17, 49, 89 )
5 Cf.. le titre dun autre ouvrage publié par le Centre de Développement de lOCDE et dirigé par H. Schneider (1997).
6 Ainsi que les pays du Nord, comme on a pu le constater au sommet mondial du micro-crédit, organisé à Washington en février 1997 sous
le patronage de Bill Clinton et auquel son épouse a participé.
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FINANCE INFORMELLE ET SYSTÈMES FINANCIERS
7 Même les mutuelles dépargne et de crédit appartiennent à plusieurs familles qui constituent autant de modèles. On en distingue trois
habituellement dans les pays du Nord : les Caisses Raiffeisen en Allemagne, les Caisses Desjardins au Canada, le Crédit Mutuel en
France (M. Lancelin, 2001).
8 Sur une conception ainsi élargie du micro-crédit, cf. F. Vincent (1999).
9 Ce qui confirme lidée que les deux secteurs financiers ne sont pas nettement distincts, mais quils constituent un « continuum » de
positions en termes de formalité. Cf. P.B. Ghate (1990) et M. Labie (1999, pp. 30-31).
10 Programme dappui à la réglementation des mutuelles dépargne et de crédit.
La loi qui impose aux institutions mutualistes de pertinente qu’à peine adoptée, la loi PARMEC a dû
demander leur agrément permet à des groupements être modifiée. Le taux d’usure est désormais fixé par le
mutualistes d’épargne et de crédit de demander Conseil des Ministres – il peut donc être modifié en
seulement leur reconnaissance, ce qui est pour eux fonction des circonstances ou des besoins – et il est
plus facile. Les autres structures devraient être différent pour les « systèmes financiers décentralisés »
soumises aux lois bancaires nationales… mais elles et pour les banques et établissements financiers .
peuvent demander à signer une convention avec le
Ministre, ce qui constitue une procédure plus légère Dans l’Afrique de l’Ouest, la loi sur les mutuelles n’est
encore que la précédente. Bien que cette troisième pas vraiment adaptée à la micro-finance!. Elle est
catégorie ne soit pas définie, on peut penser qu’elle pourtant une loi « excluante » ou « habilitante », en ce
concerne la plupart des institutions non mutualistes sens qu’elle interdit toute activité d’épargne et de
de micro-finance, qu’il s’agisse des programmes crédit à une institution non agréée, ou non reconnue,
d’appui aux micro-entreprises ou des expériences de ou qui n’a pas signé de convention. Le risque est donc
crédit solidaire inspirées de la Grameen Bank. Cette grand qu’un certain nombre d’institutions restent en
formule de convention prévoit une procédure de dehors de ce cadre légal et ne viennent grossir le
demande simplifiée, et les règles prudentielles sont secteur informel. Ce serait un résultat contraire à celui
adaptées : par exemple, les limites imposées au regard attendu… Il vaut mieux attendre – et espérer – un
des ressources disponibles ne prennent pas en aménagement de ces dispositions pour qu’elles
compte les risques pris sur les ressources affectées, deviennent plus accueillantes à des formules
lesquelles sont normalement plus importantes dans nouvelles, originales, bien adaptées aux besoins et
ces institutions que dans les mutuelles. qui, de ce fait, se développent actuellement de façon
spectaculaire. Sinon elle pourrait constituer un frein à
Cette formule convient-elle pour autant à la de nombreuses initiatives et à toutes sortes
micro-finance ? La procédure est certes simplifiée, d’innovations (Chao-Beroff, 1997)".
mais les institutions sont tenues de fournir des
indications sur leur activité et de rendre compte
régulièrement au Ministre de leurs opérations. Elles
doivent aussi accepter et mettre en place le contrôle La micro-finance et le secteur bancaire
d’un audit externe. Une telle procédure peut sembler
lourde pour des structures récentes, de petite taille, L’opposition a toujours été manifeste entre les
qui disposent de faibles moyens techniques aussi bien pratiques informelles d’épargne et de crédit et les
que financiers, et qui peuvent difficilement produire pratiques bancaires. Elle a été maintes fois analysée. Il
en permanence des informations fiables. De plus, s’agissait là de comportements très différents, et il
leurs opérations restent soumises à la loi sur l’usure était normal que ces deux secteurs financiers soient
qui plafonne le taux d’intérêt à deux fois le taux nettement séparés. D’une part, la finance informelle
d’escompte. Cette disposition se comprend fort bien n’était pas institutionnalisée – elle n’a commencé à
pour des institutions organisées en réseau et qui l’être que depuis peu. De leur côté, les banques
peuvent se refinancer auprès de la Banque centrale. devaient entrer en contact avec les agents eux-mêmes,
Mais elle est impossible à respecter pour de petites les paysans, les femmes, les artisans... D’autre part,
institutions de micro-crédit qui entendent couvrir l’épargne et le crédit étaient toujours à court terme, il
leurs coûts et assurer au plus vite leur indépendance n’y avait pratiquement pas d’accumulation, l’argent
et leur pérennité. La plupart d’entre elles prêtent à 2% circulait en circuit fermé. Dans ces conditions, la
par mois à des emprunteurs qui vivent et raisonnent à monnaie utilisée dans l’informel, dans l’économie
court terme, qui ne relient pas le coût du crédit à sa comme dans la finance, ne peut être que la monnaie
durée, et qui ne considèrent pas comme excessif un fiduciaire ou manuelle, les billets. Leur pourcentage
taux de 5% par mois. Cette observation est tellement dans la quantité de monnaie en circulation reste
11 En sappuyant sur le cas des caisses villageoises autogérées du pays Dogon au Mali, R. Chao-Beroff (1997) écrit que cette formule de la
convention « a linconvénient dincorporer les obligations les plus gênantes sans donner de droits en contrepartie, sinon celui dopérer à
petite échelle».
12 Il est actuellement respectivement de 27 et 18%. Au moment où la loi était élaborée, le taux descompte était de 14% et le taux dusure
par conséquent de 28%. Le taux descompte na cessé de baisser depuis. Il était en 2001 de 6,5%, le taux dusure aurait donc dû être de
13% pour lensemble des institutions.
13 On peut faire la même observation à Madagascar où une loi similaire a été élaborée avec lappui de la Société de développement
international Desjardins. Votée en 1996, elle ne concerne, en fait, que les institutions financières mutualistes.
14 Lauteur dit bien que si cette loi avait existé en 1986, les caisses villageoises du pays Dogon nauraient pas pu être créées. Elles sont
aujourdhui lune des expériences qui ont le mieux réussi dans lUEMOA.
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FINANCE INFORMELLE ET SYSTÈMES FINANCIERS
encore aujourd’hui proche de 50% dans la Zone anciens qui leur sont remboursés. Leur encaisse est
franc#. toujours susceptible de fluctuer fortement, que ce soit
pour l’ensemble des institutions ou pour chacune.
Il y avait bien quelques exemples de relations entre les
deux secteurs financiers : il arrivait que les cotisations Que ces institutions soient aussi différentes des
versées dans une tontine ne soient pas redistribuées banques ne les empêche pas d’entrer en relations avec
en totalité ou aussitôt, ou que des versements elles. Elles y sont même obligées. Elles font en billets
complémentaires alimentent une caisse de secours ou la majorité de leurs opérations avec leurs clients, mais
de prêt, ce qui permet de déposer des fonds à la elles-mêmes disposent d’un compte bancaire sur
banque voisine. Il arrivait aussi, et de plus en plus lequel elles maintiennent leurs fonds et par lequel
semble-t-il, que les tontiniers déposent à la banque elles gèrent leur liquidité. Elles peuvent aussi être en
l’excédent des dépôts qu’ils ont reçus. Il en est ainsi au relations avec une mutuelle, mais cette caisse qui n’est
Bénin (Lelart 2000b). Mais même si ces pratiques pas une banque détient nécessairement elle-même un
avaient tendance à s’étendre, les montants étaient compte bancaire. La plupart des banques commerciales
faibles et les banques restaient en marge de la finance ou des coopératives africaines centralisent aujourd’hui
informelle. Cette situation se modifie progressivement les dépôts des institutions de micro-finance. Il arrive
avec la micro-finance. D’une part, des institutions même que ces institutions utilisent leur compte
apparaissent qui devraient être enregistrées ou, au directement, en faisant en sorte que la somme prêtée
moins, devraient signer une convention avec le soit mise par la banque à la disposition des
Ministre, les banques peuvent donc entrer plus bénéficiaires qui prennent ainsi un premier contact
facilement en relations avec elles. D’autre part, la avec une banque commerciale$.
micro-finance est plus tournée vers le crédit. Il faut
donc disposer des fonds nécessaires, car l’argent Il est plus rare que les banques acceptent de
emprunté par les uns n’est plus celui des autres, et le refinancer ces institutions. Elles n’ont pas à prendre le
circuit n’est plus fermé. relais du soutien apporté par des bailleurs de fonds,
généralement étrangers, qui subventionnent,
Mais la différence reste grande entre les banques et les temporairement, des initiatives intéressantes en
institutions de micro-finance. Les banques accordent matière de développement. Elles n’ont pas non plus à
des crédits en créditant des comptes, elles créent la jouer le rôle d’une Banque centrale en donnant à ces
monnaie qu’elles prêtent, elles n’ont pas besoin d’en institutions les moyens de répondre aux demandes de
disposer au préalable, elles ne « perdent » rien – crédit présentées par des débiteurs qui leur paraissent
jusqu’à ce qu’il y ait retrait et qu’elles soient obligées solvables… Mais elles pourraient aider ces institutions
de rembourser le dépôt en billets. Les flux monétaires à maîtriser leur problème de liquidité, en particulier
sont déconnectés de leur activité de crédit. Ils celles qui commencent à recevoir des dépôts et qui
dépendent de l’usage que font leurs clients du crédit deviennent, par exemple, des caisses rurales. Ces
accordé, en chèque ou en billet, et du rythme de leurs dépôts ne sont pas liés aux crédits et ils ne sont pas de
dépenses et de leurs recettes. Au niveau d’une grande la monnaie scripturale créée ex nihilo, ils sont des
banque, et plus encore au niveau d’un pays – de billets venus d’ailleurs et déposés dans la caisse.
l’ensemble des banques – ces flux sont relativement Celle-ci peut donc éprouver des difficultés à gérer son
stables. Il en est tout autrement pour les institutions encaisse. Une compensation peut se faire entre
de micro-finance. D’une part, elles accordent des plusieurs institutions voisines, surtout si elles se sont
crédits en « donnant » de l’argent, en billets ou en constituées en réseau. Mais la solution la plus simple
chèques, elles ne créent pas de monnaie, elles doivent n’est-elle pas une ligne de crédit auprès d’une banque
en avoir avant d’en prêter. D’autre part, elles doivent de la place ? Cela commence à se faire ici ou là, en
être remboursées si elles ne veulent pas être particulier au Bénin, au Mali, au Burkina Faso, au
contraintes de cesser leurs opérations rapidement. Cameroun. Certaines banques commerciales acceptent
Les flux monétaires sont donc pour elles directement de refinancer – au sens étroit que nous venons de
liés à leurs opérations de crédit, ils dépendent du préciser – telle ou telle institution de micro-finance%.
rythme des nouveaux crédits qu’elles accordent et des Cette pratique devrait s’étendre, notamment en
15 Près de 49% dans lUEMOA dont 62,5% au Bénin et 47% dans la CEMAC à la mi 2001. Ces pourcentages nont pas diminué depuis
dix ans. Ils sont du même ordre dans les autres pays africains, en dehors de la Zone franc.
16 Cest le cas par exemple du Programme dAppui au Développement des Micro-Entreprises (PADME) lancé à Cotonou en 1993 avec le
soutien de la Banque mondiale et géré par une ONG américaine. Cf. larticle de J.P. Agbodjan dans ce numéro. Les bénéficiaires dun
crédit retirent largent aux guichets de la Bank of Africa.
17 En Gambie, les caisses villageoises pourraient même se refinancer auprès de la Banque centrale (L. Webster et P. Fidler, 1995, p. 105).
faveur des institutions qui sont jugées favorablement autres, spécialisée dans le crédit rural (Seibel, 2000).
par les agences de rating, en particulier lorsque la Mais il y a d’autres expériences, par exemple en Inde
Centrale des risques, actuellement en projet, sera où beaucoup de banques commerciales sont
devenue opérationnelle. concernées par la micro-finance (Shete, 1999).
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FINANCE INFORMELLE ET SYSTÈMES FINANCIERS
pour répondre aux besoins de ces populations est en • La progression est très irrégulière selon les années et
même temps le seul moyen de réduire l’informel et de son rythme varie beaucoup selon les pays. Les crédits
le faire évoluer peu à peu. Une telle coexistence et les dépôts ne progressent pas parallèlement et le
semble bien, à long terme, la solution la plus réaliste coefficient d’engagement est même très volatil,
pour les pays africains (Severino, 2000). Comment n o t a m m e n t c o m p a r é à c e l u i de s ba nques
pourrait-on la rejeter alors que les pays du Sud, à leur commerciales.
tour, exportent vers les pays du Nord le micro-crédit et
la finance solidaire ! On pourrait probablement faire les mêmes consta-
tations au niveau de toute l’Afrique. Partout la
Si deux types d’institutions doivent coexister, ils ne micro-finance constitue un secteur disparate. Mais elle
peuvent rester isolés pour autant. Les banques est en pleine croissance et les innovations s’y
continueront d’accueillir les dépôts des mutuelles ou bousculent. Elle est en même temps fragile. Nombre de
des caisses de femmes. Si celles-ci s’organisent en structures ne sont pas encore institutionnalisées, et
réseau, leurs positions pourront être compensées, nombre d’institutions ne sont pas encore réglementées.
mais il sera toujours plus facile de faire transférer Celles qui le sont ne sont pas pour autant tirées
l’argent, d’une caisse à l’autre, en utilisant les banques d’affaires. La rentabilité et la pérennité sont deux
les plus proches. Et les institutions de micro-finance problèmes majeurs pour toutes ces institutions.
pourront toujours, en contrepartie de ces dépôts, Plusieurs ont déjà disparu ou ont été fermées, d’autres
négocier facilement une ligne de crédit. Pourront-elles connaissent actuellement des difficultés au niveau de
aller jusqu’à la Banque centrale ? Non, si elles ne leur gestion ou de la « gouvernance » (Lecuyer, 2000).
créent pas de monnaie et ne peuvent recevoir de C’est bien pour éviter les erreurs et susciter des
dépôts qu’en recevant effectivement les fonds. Mais si réactions rapides que dans l’UEMOA la loi a prévu tout
elles grandissent, si elles se multiplient, si elles un arsenal de dispositions : des sanctions disciplinaires
s’organisent au niveau régional ou national, elles ou pénales à l’encontre des dirigeants, un retrait de
peuvent se doter d’un organe financier qui, s’il peut l’agrément ou de la reconnaissance, la désignation
obtenir le statut bancaire, peut être éligible au d’un administrateur provisoire, la dissolution ou la
financement de la Banque centrale. C’est déjà ce que liquidation…
prévoit la loi PARMEC dans l’UEMOA.
C’est parce qu’elles sont fragiles que ces institutions
ont éprouvé la nécessité de se regrouper. C’est
l’Association nationale des praticiens de la micro-finance
Conclusion du Bénin créée en 1997, ce sont l’Association
professionnelle des institutions de la micro-finance
La finance informelle, largement remplacée désormais du Mali et l’Association nigérienne des institutions
par la micro-finance, est un monde très hétéroclite. professionnelles de la micro-finance créées en 1999…
On y trouve toutes sortes d’organisations, de C h a q u e p a y s da n s l ’UE M OA e t l a C EM A C a
procédures, de formules… Aucune analyse d’ordre probablement la sienne, et il en est sans doute de
général ne peut tenir compte d’une telle variété. Au même en dehors de la Zone franc. Un Réseau africain
niveau de l’UEMOA où l’on connaît mieux les choses, de micro-finance (AFMIN) s’est même constitué sous
on peut faire néanmoins quelques constatations. forme d’ONG à la fin de l’année 2000. Fondé par une
douzaine de réseaux nationaux, de la Côte d’Ivoire au
• La situation des pays est très différente, en ce sens Nigéria, de la Guinée à l’Ouganda et à l’Afrique du
que la micro-finance y est plus ou moins développée. Sud, il regroupait dès le départ 326 institutions. Si on
Cela peut être dû à l’existence de trois ou quatre ajoute les initiatives des bailleurs de fonds, avec le
grosses institutions qui peuvent représenter à elles Comité d’échanges, de réflexion et d’information sur
seules 60 ou 70% de l’activité du secteur dans un les systèmes d’épargne-crédit (CERISE) en France, le
pays. Groupe consultatif d’assistance aux plus pauvres
(CGAP) auprès de la Banque mondiale et Microstart
• La progression de la micro-finance est très rapide, lancé par le Programme des Nations-Unies pour le
les crédits et les dépôts ont été multipliés par 4 et 5 développement (PNUD), on a une idée du chemin
en sept ans. Cela tient à la fois à la création de parcouru par la finance informelle depuis quinze ans
nouvelles institutions et à l’augmentation de leur et de l’espoir suscité actuellement par « l’industrie de
« clientèle », mais aussi à ce que le recensement est la micro-finance ».
plus systématique.
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FINANCE INFORMELLE ET SYSTÈMES FINANCIERS
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ANNEXE
Les crédits
Les crédits accordés par les SFD par rapport aux crédits bancaires varient considérablement selon les pays : 5 fois
plus en juin 2000 au Bénin et au Burkina Faso qu’en Côte d’Ivoire.
La progression de ces crédits est très forte, mais très inégale selon les pays. En l’espace de six ans et demi, le
pourcentage des crédits des SFD a été multiplié par 3,6 mais il l’a été par plus de 6 au Burkina Faso et il n’a guère
beaucoup plus que doublé au Bénin.
Enfin, cette progression a été très irrégulière, notamment si on compare une fois encore les pays. Au Bénin, par
exemple, le pourcentage est passé de 4% en 1993 à plus de 10% deux ans après et à plus de 22% deux ans plus tard,
avant de revenir à 9%. Au Mali, le pourcentage est passé de 4,8 à 1,7% en deux ans, au Burkina Faso de 1,47 à plus de
5% pendant la même période. Le cas du Niger est très particulier du fait que les banques ont été restructurées au
cours de l’année 1995.
Les dépôts
Les dépôts collectés par les SFD par rapport aux dépôts bancaires varient de la même façon selon les pays : 4,5 fois
plus au Bénin et au Togo qu’au Niger en juin 2000.
La progression relative de ces dépôts est plus forte encore que celle des crédits : multiplication par 4,6 en six ans et
demi. Mais les dépôts des SFD par rapport aux dépôts bancaires ont été multipliés par 18 en Côte d’Ivoire, par 11 au
Niger, par 3 seulement au Burkina Faso et au Togo et moins encore au Bénin.
Enfin, cette progression a été moins irrégulière pour chacun de ces pays que celle des crédits.
Le coefficient d’engagement
C’est le rapport entre les crédits accordés (en cours) et les dépôts reçus. Fin 1993, ce coefficient était supérieur à 1
pour l’ensemble des institutions qui prêtaient donc plus que leurs dépôts. Au 30 juin 2000, ce coefficient était
devenu inférieur à 1. Mais s’il était plus élevé pour les SFD que pour les banques en 1993, c’est l’inverse en 2000.
Cela correspond à l’évolution respective des crédits et des dépôts pour ces deux catégories d’institutions.
Compte tenu de cette évolution très irrégulière pour la plupart des pays, ce coefficient ne pouvait que beaucoup
fluctuer lui aussi : de 8 à moins de 2 pour le Niger, de 0,6 à plus de 1 pour le Burkina Faso. Ce même coefficient est
au contraire beaucoup plus stable pour les banques et moins irrégulier selon les pays. Mais en l’espace de sept ans,
les coefficients sont devenus plus homogènes entre les pays pour les SFD et ils se sont rapprochés de ceux des
banques.
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