Tchapmegni Problematique de La Propriete Fonciere Cameroun
Tchapmegni Problematique de La Propriete Fonciere Cameroun
Tchapmegni Problematique de La Propriete Fonciere Cameroun
THEME :
LA PROBLEMATIQUE DE LA
PROPRIETE FONCIERE AU CAMEROUN
REMERCIEMENTS
• MODERATEUR
- Monsieur Robinson TCHAPMEGNI,
Juge aux Tribunaux de Mbalmayo, Doctorant à l’Université de
Nantes, Tuteur de mémoire 2e Cycle « Ethique des Droits de
l’Homme » à l’Université de Nantes (France), membre de
l’association française d’anthropologie du droit.
• AVANT-PROPOS
- Pr Philippe Jean Hesse,
Agrégé de droit, historien du droit, professeur émérite à l’université
de Nantes, Président honoraire du campus Ouvert « Droit, Ethique
et Société ».
4- Alexis NDZUENKEU,
Juge aux Tribunaux de Monatélé, Doctorant à l’Université de
Yaoundé II à Soa.
Thème : « L’Efficacité de la Répression des Atteintes
à la Propriété Foncière et Domaniale ».
5- Yohanes MBUNDJA,
Juge aux Tribunaux d’Edéa, Animateur des revues juridiques.
Thème : « La Protection de la Propriété Immobilière
Privée par le Juge Civil ».
AVANT-PROPOS
Avec la famille, la propriété est une des institutions juridiques les plus
largement répandues dans les millénaires comme dans les espaces. Mais si elle
est partout présente, elle prend des formes extrêmement diverses. Des règles
différentes sont élaborées selon les biens sur lesquels porte cette propriété : sol
-le foncier-, sous-sol -le tréfoncier-, bâtiments divers -l’immobilier-, biens
matériels déplaçables qu’il s’agisse de meubles, de bijoux, d’esclaves ou de
biens virtuels comme les obligations et les actions. Les titulaires de ce droit de
propriété vont également être variables : parfois c’est l’individu qui se voit
confier la propriété, mais historiquement, ce fut bien plus souvent le groupe, à
base familiale, villageoise, tribale, nationale, voire, depuis peu, l’ensemble de
l’humanité. Il arrive aussi que la propriété, soit temporaire et non perpétuelle,
qu’elle fasse l’objet de démembrements en distinguant l’usus, le fructus,
l’abusus, remis à des bénéficiaires différents. De même, le juriste, comme tout
citoyen, peut observer que les règles de transmissions – entre vifs ou à cause de
mort – sont l’objet d’innombrables habitudes tant dans le droit coutumier que
dans les législations écrites. Si l’on ajoute une protection civile et pénale très
fluctuante et une perception éthique multiple, chacun peut être conscient du
challenge que peut représenter l’organisation d’une conférence de réflexion sur
la propriété, même limitée à sa dimension foncière.
tendance à considérer que les terrains en friche étaient des res nullius, donc
appartenant à l’Etat colonisateur et pouvant être concédés à des particuliers ou
à des compagnies industrielles ou commerciales.
Philippe-Jean Hesse
Professeur émérite à l’Université de Nantes
Président honoraire du Campus Ouvert
« Droit, Ethique et Société » (CODES)
7
COMMUNICATION DU JUGE
ROBINSON TCHAPMEGNI
8
Le droit foncier, dans les pays africains d’expression française, est marqué par le
sceau du pluralisme juridique et se situe dans la pratique juridique de l’entre-deux, entre
tradition et modernité. L’Afrique noire traverse une crise foncière sans précèdent, en cause le
modèle d’organisation sociale introduit par le colonisateur et poursuivi par les législations
post-coloniales.
En effet, l’appropriation de la terre en Afrique noire fait l’objet d’une réflexion de
longue date, dans le but de promouvoir nouvelle approche de la question foncière dans une
perspective recherche développement.
Deux conceptions de l’appropriation sont en cause dans les situations
contemporaines : la conception pré coloniale ignorant la propriété privée de la terre et la
conception coloniale, post coloniale qui consacre la vision du capitalisme marchand et
l’idéologie de la valeur d’échange et de régulation de l’économie par le marché.
Dans ce contexte, l’appartenance et le contrôle de la terre sont un enjeu essentiel de
répartition des pouvoirs en même temps que de légitimité des acteurs publics. Notre
communication se propose donc de mettre en exergue la remise en cause des politiques
foncières, des monopoles fonciers étatiques, et de proposer une alternative a la vision
propriétariste des Etats.
Cette problématique à plusieurs facettes, peut se décliner en plusieurs autres
interrogations à savoir :
Qui peut être propriétaire ? Les procédés d’acquisition de la terre sont-ils uniformes
ou diversifiés ?
Les critères coutumiers d’appropriation sont-t-ils pris en compte par les législations
foncières ?
S’agissant de la répartition des terres, des questions subsistent également et
consistent à savoir : qui de l’Etat ou des chefs des collectivités tribales est compétent pour
procéder à la distribution de la terre ? Quels sont les critères coutumiers et étatiques de
répartition ? Quels en sont les fondements ? , Les modalités de distributions de la terre sont
–ils identiques dans l’un et l’autre cas ?
résulte d’une hospitalité prolongée qui finie par se transformer en un droit foncier au
profit de l’occupant.
L’appartenance à la collectivité tribale est aussi une condition d’existence des droits
individuels sur la terre.
Le colonisateur en revanche, avait introduit en Afrique des innovations tendant à
provoquer l’affirmation de l’individu aux dépens de toutes formes d’organisations collectives
ou communautaires dans la perspective de mise en valeur des terres. L’objectif essentiel était
de substituer la conception romaine et individualiste de la propriété à tous les autres rapports
entre l’homme et la terre. Cette législation coloniale imposait l’immatriculation comme seul
mode d’accès et d’acquisition de la propriété foncière.
La politique foncière coloniale, posée dès 1901 et généralisée avec les décrets de 1932
en Afrique Occidentale et Equatoriale Française, reposait sur l’association du public et du
privé par exclusion du commun..
Les législations africaines post coloniales, vont continuer cette politique foncière,
marquée par la centralisation de la gestion foncière mais surtout par l’affirmation du
monopole foncier étatique. A côté des domaines public et privé, l’Etat va se doter d’une
nouvelle catégorie, le domaine national, pour spolier les collectivités tribales de la quasi-
totalité des terres.
La spoliation des terres tribales sera à l’origine d’un véritable duel entre l’Etat et les
collectivités, pour le contrôle et le partage de la terre. A l’auto proclamation des Etats comme
détenteurs, ou propriétaires des terres, s’opposent les revendications des collectivités. L’Etat
argue du développement économique et social comme prétexte pour réécrire la politique
coloniale des domaines. Les collectivités tribales en revanche, continuent à invoquer une
conception endogène de l’organisation sociale, et la restauration de l’autorité du chef
traditionnel, comme Chef de la terre ou prêtre du sol.
Mais il faut avouer que les coutumes africaines continuent à marginaliser les femmes,
qui sont chosifiées et considérées comme des biens au même titre que la terre et donc,
transmissibles par voie d’héritage.
Cette marginalisation des femmes se trouve également dans les législations foncières
qui prennent très exceptionnellement en compte le genre, nombres de textes fonciers ignorent
les femmes, ce qui pose le problème de l’accès à la terre et aux moyens de production par les
femmes.
Les peuples autochtones non plus, ne jouissent d’une situation foncière enviable,
puisque leurs terres sont tantôt confisquées et incorporées au domaine national, leurs droits
fonciers coutumiers parfois supprimés. Mais les législateurs africains surtout, sont écartelés
entre le désir de les supprimer, qui traduit une volonté de changement et la vivacité des
coutumes, qui impose leur prise en compte.
Les changements prônés par les Etats africains sont surtout influencés, voir dictés par
les exigences des institutions financières internationales qui imposent la propriété ou
l’immatriculation des terres comme seul système de protection des droits fonciers.
Daniel ROBERGE, A.G, Directeur (Bureau de l’arpenteur général du Québec), nous
rapporte que la protection des droits fonciers est un facteur clé du développement durable, en
ce sens que “le climat de confiance crée par un système d’enregistrement des droits rigoureux
favorise les investissements et augmente la valeur de la propriété individuelle…”
Il y’a lieu de remarquer que dans une grande majorité de pays émergents, l’insécurité
foncière et la persistance du droit coutumier constituent un obstacle évident au
développement économique : on ne prête pas sans garantie. La levée du verrou foncier
matérialisée par un titre de propriété reconnu est donc condition indispensable à l’éclosion
d’un marché hypothécaire et, par conséquent, à la modernisation des exploitations agricoles.
10
Il faut toutefois rester prudent et garder à l’esprit que si l’absence de titre de propriété
exclut le paysan de l’accès au financement, son obtention mal maîtrisé l’expose au danger
d’une concurrence commerciale plus ou moins loyale, à la spirale du surendettement et donc
in fine à la ruine. Dans de nombreux pays, le droit coutumier assure un équilibre social que la
législation foncière, avec ses caractéristiques de transmissibilité, peut dangereusement
compromettre.
Il est donc essentiel de mettre en place des procédures de transition d’un droit à l’autre
qui prennent en compte la tradition, qui associent les acteurs locaux et qui s’appuie sur une
justice efficace.
COMMUNICATION DE MONSIEUR
Jean Placide Rabel OSSONO AMOUGOU
12
COMMUNICATION DE MONSIEUR :
Jean Placide Rabel OSSONO AMOUGOU.
* - Cadre d’administration Retraité.
* - Ancien pétitionnaire du Cameroun à L’ONU 1957-59.
* - Ancien membre du conseil de l’Europe (Strasbourg)
* - Coordinateur général du CEANTHRO (Centre d’Etude et
Recherches Anthropologiques
* - Commandeur de l’Ordre National du Mérite Camerounais
Oui !nous pouvons affirmer d’emblée que toutes les luttes politiques
menées par les africains avaient pour mobile essentiel « d’arracher le pouvoir,
d’avoir droit sur la gestion de leurs terres natales dont ils étaient dépossédés par
la colonisation, laquelle colonisation les exploitaient au détriment des nationaux
propriétaires».
Mais quel tableau avions nous en face en Afrique ? Il est des tableaux
sinistres, sombres, macabres, tout ce qu’il y avait de plus odieux ! :
Ce fut certes bien plus, mais il a oublié de préciser que deux (2) Blancs
faisaient partie des victimes de ce drame : MM. SOULIER et LALAURY qui
furent assassinés dans leurs maisons par leurs propres compatriotes, pour avoir
fait partir un “Nègre“ en France pour représenter le Cameroun et l’Afrique
Equatorial à la création de la F.S.M. (Fédération Syndicale Mondiale à Paris).Ce
nègre c’était Charles ASSALE .
Novembre 1957, nous sommes aux Nations Unis à News York pour
réclamer la levée de tutelle et la proclamation de l’indépendance au moment où
les colonies françaises entrent dans la COMMUNAUTE qui leur est proposée
par le référendum prévu le mois de septembre 1958, et auquel, la Guinée de
SEKOU TOURE va claquer la porte par un vote négatif…
Or, c’est bien cette autonomie que les colons blancs attendaient pour
réaliser leur funeste et macabre dessein d’établir le régime d’apartheid au
Cameroun.
Mesdames Messieurs,
-2/ l’Etat en est le garant. Il en assure l’attribution des portions à tous les
camerounais qui en manifestent le désir. Les procédures sont établies à cet effet.
16
-3/ La terre ne peut être attribuée aux étrangers que par bail
emphytéotique ou concession en cas de réciprocité. Exemple les missions
diplomatiques et organismes extérieurs.
-4/ l’intégrité territoriale du Pays est « sacrée », personne n’a le droit d’y
porter la moindre atteinte.
Mais comme toute œuvre humaine est loin d’être parfaite, il est tout à fait
normal qu’avec l’évolution des mentalités et d’autres paramètres encore, des
aménagements soient toujours nécessaires pour cadrer avec les réalités du
moment…
En tout état de cause, il est aisé de constater que notre régime foncier
souffre malheureusement d’un grave déficit d’information qui le rend peu connu
de la majorité des camerounais, ce qui entraîne beaucoup d’incompréhensions et
des conflits . Aussi, notre souci est de procéder à une très large diffusion du
« REGIME FONCIER », pour éviter que perdurent les conflits dus à
l’ignorance.
COMMUNICATION DU PROFESSEUR
ERNEST MENYOMO
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1. Introduction
La terre est considérée comme sacrée. Elle est même une mère ou une
divinité. Chez les Bassa, par exemple, on considère que tout le monde est sorti
de Ngok Litumba. Pour des raisons qui ont trait à la vision tripartite du monde,
la terre ne saurait être objet d'aliénation sous peine de sacrilège. L'attachement à
la terre s'explique par le fait qu’il existe un lien mystique entre les vivants et les
morts, les travailleurs et leur terre. Aucune personne n'a le droit de vendre ce qui
est sacré et collectif. Par contre, la conception moderne de la propriété foncière
la fait dépendre de la volonté de l'homme. La terre devient objet de notre droit.
La notion de propriété foncière liée au travail, défendue par Locke et Bentham
19
4. L’intervention du capital
frère qui peut le convoquer aux assises du famla. La tribu devient de plus en plus
un concept vide de représentation. Dans ces conditions, l'attachement à la terre
tribale est menacé et il appartient à l’État de veiller et de faire en sorte que la
terre ancestrale soit affirmée et en même temps niée. Il lui appartient à la fois
d'assurer la protection et d'opérer le partage.
La principale critique que Locke adresse à Robert Filmer est que les
hommes peuvent contester la propriété de droit divin. Loin d'être un état
asservissant, l'état de nature, qui n'est pas non plus un état de guerre permanente
comme le prévient Hobbes, est un état de liberté dans lequel la terre appartient
au premier occupant et à celui qui, en la mettant en valeur, y a imprimé sa
marque et signé sa propriété. C'est à ce titre exactement qu'il faut considérer
Locke comme étant le fondateur du libéralisme économique. Dans sa Lettre sur
la tolérance et son Traité du gouvernement civil, Locke nous invite à dépasser
les enseignements de Robert Filmer et de Thomas Hobbes.
Robert Filmer se situe dans le cadre de ce qu'il faut appeler la thèse
de la patriarcha, elle-même non éloignée de la théorie de l'origine divine du
pouvoir. D'après ces deux doctrines, on ne fait que reprendre, pour
résoudre tout litige foncier, la parole de Saint Paul disant que tout pouvoir
vient de Dieu : « Non est potestas nisi a Deo » (Rom. XII, 1). Filmer, en
raison de l'origine transcendante de "l'imperium paternale" réclame des
sujets une obéissance inconditionnelle au roi. Les sujets n'ont aucune
liberté, par conséquent ils ne sauraient avoir la moindre propriété, celle-ci
étant de droit divin. Aucun litige, aucune contestation ne sont possibles, la
terre appartient à Dieu, elle n'est la propriété de personne et le roi lui-
même n'en est qu'un illustre possesseur. Robert Filmer supposait donc une
jouissance sans litige de la terre, tranquillité démentie par les faits sociaux
de son époque, notamment par la bataille parlementaire qui opposait les
22
1
Locke, Traité du gouvernement civil, Vrin, Paris, 1967, paragraphe 137, p. 160.
23
2
Thomas Hobbes, Léviathan, chap. 13, p. 107, Paris, Sirey, 1971.
3
Locke, op. cit., p. 173.
4
Ibidem., p. 175.
24
son fruit qu’après de nombreuses années, cinq ou six ans pour le café et le
cacao, le palmier à huile et peut-être moins pour les cultures vivrières et
maraîchères. Ce comportement de démission ou de refus fut stigmatisé par
Raoul Monmarson dans son ouvrage L’Afrique noire et son destin. Dans le
passage qu’on va citer, l’auteur dénonce non seulement l’éducation coloniale
mais aussi la paresse même de l’indigène, la première parce qu’elle n’a pas
enseigné à l’indigène le travail de la terre mais seulement celui du bureau ou de
l’Administration, le second parce que, malgré les efforts des colons, il refuse
d’assimiler et de mettre en pratique les leçons d’agriculture. Que dit donc
l’auteur ? « Nous avons des employés de bureaux, des douaniers, des postiers,
des vendeurs dans les factoreries, des employés dans les Administrations. Nous
n’avons pas, parallèlement, façonné des agriculteurs, des maçons, des
charpentiers, des menuisiers, des chaudronniers, des forgerons, aucune de ces
spécialités indispensables à l’habitat, à la nourriture, au vêtement de ces millions
d’êtres humains, physiologiquement déchus, psychologiquement inférieurs, et
qui continuent de vivre nus, ou en haillons, comme les paysans de La Bruyère,
comme nos ancêtres les Gaulois qui portaient de grandes moustaches blondes. »5
5
Raoul Monmarson, L’Afrique noire et son destin, Paris, Éditions Francex, 1951, p. 302.
26
Il n’y a pas un pour cent de plantations pour avoir mis en pratique cette
leçon cependant si facile à apprendre, et aux profits considérables. Aussi
devons-nous considérer la masse comme difficilement accessible à notre
enseignement, difficilement perfectible quand elle a retenu les rudiments de
celui-ci. »6 le service de la Colonisation avait aussi été positif dans la mesure
où il était question d’apprendre aux gens le métier de producteur.
7. Conclusion.
Il résulte de tout ceci que la plupart des litiges fonciers au village, sont
dus au refus d’apprendre ou d’appliquer la culture intensive et les
techniques modernes d’agriculture, la majorité des gens préférant la
culture extensive ou sur brûlis, et empiétant constamment sur les terres
d’autrui. En somme, tout se passe comme si les habitants des villages
vivaient encore à l’état de minorité, dans la mesure où la raison intervient
peu et que les hommes sont poussés plus par l’acquisition illimitée de la
propriété en fonction de leurs femmes et enfants que par le désir de vivre
ensemble. Cette convoitise du plus provoque la guerre perpétuelle. Mais
comme la mentalité urbaine est en train de remplacer progressivement la
mentalité rurale, il nous reste l’espoir que notre citoyenneté atteindra
bientôt l’âge de la majorité afin de réduire le nombre de conflits fonciers.
Une réglementation plus appropriée diminuera également l’appât du
capital dans les villes.
6
Op. cit., p. 303.
27
BIBLIOGRAPHIE
Monmarson, Raoul, L’Afrique noire et son destin, Paris, Éditions Francex, 1951.
28
COMMUNICATION DU DOCTEUR
MAURICE ESSOMBA OWONA
29
ENJEUX ET PERSPECTIVES
DES CONFLITS FONCIERS
INTRODUCTION :
IV / Perspectives d’Avenir :
Pour essayer d’en finir avec les conflits fonciers dans le
monde, les hommes devraient observer un certain nombre de
conditionnalités :
1- Il s’agit de les sensibiliser, de les former et de les informer sur
les tenants et les aboutissants des conflits de cet acabit. Il s’agit
surtout de leur en montrer les méfaits et les limites.
2- Les Etats devraient donc affiner et renforcer leur arsenal
juridique en matière de conflits fonciers. ls doivent, en ce sens,
pratiquer le droit relatif aux litiges fonciers pour qu’à court terme
soient expurgés séquelles et relents comportementaux d’un autre âge y
afférents. Le droit de punir devant aller de pair avec le devoir
d’éduquer.
3- Il faut aussi renforcer la Bonne Gouvernance. Non pas qu’elle
nous soit imposée ou dictée de l’extérieur par les pontes de la Finance
Internationale comme c’est le cas à l’heure actuelle. La Bonne
Gouvernance doit être l’expression de la volonté de nos peuples à
créer des valeurs devant nécessairement guider notre existence dans le
monde. C’est donc la culture démocratique qu’il convient de
renforcer, qu’il est nécessaire de faire innutritionner.
4- Car, rien ne peut remplacer les vertus du dialogue, soutenait
le philosophe grec antique Aristote. Le moraliste Français, Pascal,
émarge dans la même logique lorsqu’il pense qu’ « il est juste que ce
qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit
suivi. La justice est tyrannique. La justice sans force est contredite
parce qu’il y a toujours des méchants ; la force sans la justice est
accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force et pour cela
faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste… Ne
pouvant fortifier la justice, on a justifié la force afin que le juste et le
fort fussent ensemble et que la paix fût qui est le souverain bien ». (1)
Contre les conflits fonciers, il s’agira de développer des
courants de pensée, de dialogue, qui fassent triompher la raison sur la
force brutale, l’esprit sur la nature irréfléchie et/ou antéprédicative. En
tout temps et en tout lieu. Dûment.
35
Conclusion
COMMUNICATION DU JUGE
ALEXIS NDZUENKEU
37
Par
NDZUENKEU Alexis
Magistrat, juge aux tribunaux de Monatélé
Doctorant à l’université de YII-Soa
INTRODUCTION
I- L’EFFICACITE VOULUE
Le législateur pénal s’est employé à protéger la propriété immobilière
contre les atteintes illégitimes à travers un certain nombre de textes (A), que les
juges appliquent en général avec une rigueur remarquable (B).
Il convient de signaler que l’article 239 du code pénal, qui réprime les
troubles de jouissance, peut a priori être interprété comme organisant une
protection indirecte de la propriété coutumière, en dépit de la négation par le
législateur foncier de tout droit de propriété immobilière en dehors du titre
foncier. Cette impression est du reste confortée par le fait que rien n’interdit à
l’occupant d’un terrain même immatriculé au nom d’un tiers d’invoquer l’article
239 contre le bénéficiaire de l’immatriculation, seul propriétaire aux yeux de la
législation foncière. A tout considérer, cependant, il apparaît que ce texte a
40
7
Il est du reste inséré au chapitre « Des atteintes à la paix publique » sous le titre « Des crimes et délits contre
l’intérêt général », et non au chapitre « Des atteintes aux biens » commises contre les particuliers.
41
8
Article 555 C. civ. : « Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers avec ses
matériaux, le propriétaire du fonds a le droit ou de les retenir, ou de les enlever.
Si le propriétaire du fonds demande la suppression des plantations et constructions, elle est aux frais de
celui qui les a faites, sans aucune indemnité pour lui ; il peut même être condamné à des dommages-intérêts, s’il
y a lieu, pour le préjudice que peut avoir éprouvé le propriétaire du fonds.
Si le propriétaire préfère conserver ces plantations et constructions, il doit le remboursement de la
valeur des matériaux et du prix de la main d’œuvre, sans égard à la plus ou moins grande augmentation que le
fonds a pu recevoir. Néanmoins, si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé, qui
n’aurait pas été condamné à la restitution des fruits, attendu sa bonne foi, le propriétaire du fonds ne pourra
demander la suppression desdits ouvrages, plantations et constructions ; mais il aura le choix, ou de rembourser
la valeur des matériaux et du prix de la main d’œuvre, ou de rembourser une somme égale à celle dont le fonds a
augmenté de valeur ».
42
Cela étant, les tribunaux font généralement montre d’une extrême rigueur
lorsqu’ils sont saisis d’atteintes à la propriété foncière9. Si les prévenus reconnus
coupables bénéficient parfois de condamnations pénales douces10 ou assorties du
sursis11, il est plutôt d’usage courant que les juges prononcent de lourdes peines
d’emprisonnement assorties, lorsqu’il y a lieu, d’un mandat de dépôt ou d’arrêt
pour vente d’un immeuble appartenant à autrui12, atteinte à la propriété
foncière13 ou destruction de bornes14. Aux peines principales s’ajoutent, le cas
échéant, la mesure accessoire du déguerpissement15 du prévenu et l’allocation à
la partie civile de dommages-intérêts substantiels.
Il convient d’ailleurs de relever que cette sévérité des juges n’est en rien
édulcorée lorsque la victime de l’atteinte illicite n’est que possesseur et non
propriétaire de l’immeuble au sens de la législation foncière. C’est ainsi que les
propriétaires coutumiers de fonds de terre troublés dans leur jouissance par
l’intrusion intempestive d’un tiers obtiennent la condamnation de l’intrus à des
9
Dans le même sens, Annie Noëlle BAHOUNOUI BATENDE, Le contentieux foncier en matière pénale,
mémoire A.J., ENAM, 1990, pp. 28 s.
10
TPI Bafoussam, Jgt n° 888 du 10 mars 2005, inédit : pour atteinte à la propriété foncière, le prévenu est
condamné à 6 mois d’emprisonnement et 50 000 F d’amende.
11
TPI Monatélé, Jgt n° 3452/COR du 10 sept. 2002, inédit : pour atteinte à la propriété foncière, le prévenu est
condamné à 6 mois d’emprisonnement avec sursis pendant 3 ans.
12
TPI Douala, Jgt n° 4159 du 22 mai 1989 (cité par Annie Noëlle BAHOUNOUI BATENDE, op. cit., p. 29) : 08
mois d’emprisonnement et mandat de dépôt contre le prévénu
13
TPI Monatélé, Jgt n° 934 et 1025 du 15 déc. 2003, inédits : 1 an d’emprisonnement et mandat de dépôt à
l’audience pour atteinte à la propriété foncière
14
TPI Bafoussam, Jgt n° 1225 du 10 mars 2003 : 2 ans d’emprisonnement et mandat d’arrêt contre le prévenu
15
TPI Monatélé, Jgt n° 934 et 1025 du 15 déc. 2003, op. cit.
16
TPI Monatélé, Jgt n° 1919/COR/ADD du 19 juil. 2005, inédit : rejet de la demande de mise en liberté
provisoire du prévenu, placé sous mandat de dépôt pour destruction de bornes et atteinte à la propriété foncière.
43
peines parfois plus lourdes que celles prononcées contre les auteurs d’atteintes
dirigées contre les propriétés immatriculées17.
17
TPI Monatélé, Jgt n° 3356/COR du 29 août 2002, inédit : pour troubles de jouissance et destruction, le
prévenu est condamné à 3 ans d’emprisonnement avec mandat d’arrêt ; Jgt n° 2849 du 30 juil. 2002 : pour
trouble de jouissance et destruction, le prévenu est condamné à 2 ans d’emprisonnement, avec mandat de dépôt à
l’audience.
44
2- L’explication
L’inefficacité de la répression des atteintes de la propriété foncière et
domaniale tient à trois causes au moins :
D’abord l’environnement socio-économique marqué par une poussée
démographique sans cesse croissante provoque en campagne une importante
pression sur les terres arables et en ville une crise aiguë du logement et de
l’habitat, dopée par la rentabilité des placements immobiliers et la spéculation
foncière à outrance. Faute de réponse appropriée des pouvoirs publics à cette
crise, l’on assiste à un développement exponentiel de l’habitat spontané sur les
terrains domaniaux19, notamment dans les fonds de vallées et zones
marécageuses des villes ou dans les alentours immédiats, alors même que
l’occupation spontanée du domaine national est illicite depuis la réforme
18
L’habitat spontané occuperait, à Yaoundé, plus de 50% de la surface de la ville, et abriterait 70% de la
population (André TIENTCHEU NJIAKO, Droits fonciers urbains au Cameroun, P.U.A., Yaoundé, 2003,
p.452.
19
L’habitat spontané est en effet présenté comme une forme d’adaptation des masses populaires à des textes
fonciers rigides et inadaptés au contexte social et national. Voir, dans ce sens, Serge Dieudonné NTSEK, Le
déguerpissement en droit camerounais, mémoire, ENAM, 1993.
45
20
Il est vrai que cette occupation anarchique est en partie favorisée par la léthargie des commissions de contrôle
et de surveillance des terrains domaniaux (art 7 L. 80/22 du 14 juil. 1980) qui, dans les départements où elles
existent, n’attachent que peu d’intérêt à l’exécution de leur mission de contrôle préventif de l’occupation des
terrains domaniaux.
21
Selon l’expression du Professeur Alexandre-Dieudonné TJOUEN, in Droits domaniaux et techniques
foncières en droit camerounais, cité par Annie Noëlle BAHOUNOUI BATENDE, mémoire précité, p. 8.
46
3- L’enjeu
Si elles représentent d’importants coûts financiers pour l’Etat et des
conséquences socio-économiques dramatiques pour les populations délogées, les
démolitions de maisons dans le cadre du déguerpissement n’aboutissent en
réalité qu’à déplacer le problème d’un secteur de la ville à un autre, la
multiplication des brutales opérations de déguerpissement collectif étant alors
porteuse d’importants risques de remous sociaux. C’est dire si l’ordre public
peut être mis en jeu par une réponse inefficace aux atteintes à la propriété
domaniale.
L’ordre public est semblablement intéressé par les atteintes répétées à la
propriété immobilière privée, ces délits, rarement isolés, s’accompagnant très
souvent des infractions connexes de pratique de sorcellerie, menaces sous
conditions, destruction de biens ou d’atteintes à l’intégrité physique d’une rare
violence. On ne peut que nourrir une légitime inquiétude à l’idée de voir les
membres du corps social manifester une désaffectation progressive à l’égard
d’un système de protection de la propriété immobilière jugé inefficace, et
revenir instinctivement au système de justice privée. Ce serait l’escale des
représailles, de la violence et de la vengeance privée.
suivi par les populations »22. C’est donc notre politique de gestion des terres
qu’il convient de repenser.
22
Union des écrivains du Zaïre, Authenticité et développement, cité par Victor-Emmanuel BOKALLI, in
« Justice et Etat de droit au Cameroun », Leçon inaugurale prononcée à l’occasion de la rentrée académique
solennelle 2000-2001 de l’Université de Ngaoundéré, inédit.
23
On remarquera à ce sujet que les juridictions traditionnelles font parfois droit à des demandes en
déguerpissement formées par le cessionnaire sous seing privé d’un immeuble non immatriculé (TPD Monatélé,
Jgt n° 12/J/PD du 08 déc. 2000, Tsimi Ngassa Albert c/ Onogo Ndzana, inédit), en dépit de la jurisprudence de la
Cour suprême faisant prohibition aux tribunaux judiciares de connaître de litiges nés à l’occasion de l’occupation
ou de l’exploitation du domaine national (CS, arrêt n° 62/CC du 26 janv. 1963 ; RCD n° 31-32, 1986).
24
André TIENTCHEU NJIAKO, op. cit. ; p. 459.
49
CONCLUSION
Une législation répressive plutôt rigoureuse, des juges qui sanctionnent
sans miséricorde, et cependant des atteintes toujours renouvelées à la propriété
foncière et domaniale. Voilà, brossé à grands traits, le sombre bilan de la
répression en la matière, qui débouche sur un constat de faillite de la protection
pénale des biens fonciers et domaniaux. A bien y regarder, il s’agit là de la
conséquence inattendue d’une législation foncière jugée par trop rigide, de sorte
que l’on peut légitimement se demander si, en poussant trop loin la recherche de
la sécurité dans les transactions immobilières, le législateur de 1974 n’a pas fini
par créer une situation d’insécurité.
50
COMMUNICATION DU JUGE
YOHANES MBUNDJA
51
LA PROTECTION DE LA PROPRIETE
IMMOBILIERE PRIVEE PAR LE JUGE
CIVIL
INTRODUCTION
foncier. Il s’agit en l’occurrence du droit des occupants des dépendances du domaine national.
6-Art.5 de l’ordonnance n°74/01 du 06 Juillet 1974 fixant le régime foncier, modifié par la loi n°83/19
du 26 novembre 1983.
52
9- CS/AP. Arrêt du 18 août 19994, aff. AMOUGOU Jean Fidèle c/Etat du Cameroun, inédit.
10-Lire
sur ce point Aloys MPESSA, Le titre foncier devant le juge administratif Camerounais, in Juridis
Périodique N°59, P.77
11-CS/CA, jugement n°1 du 19 déc.1975, aff. NKONG Emmanuel C/Etat du Cameroun.
54
CS/CA, jgmt n°5 du 29 juin 1989, aff FANKWE John C/Etat du Cameroun, in Lex Lata n° 20 Novembre
11 bis -
1995, P.16 ; TGI Ydé, Jugement n°263/Civ. du 04 avril 1984, aff. FOE Gorgon
12- Le Tribunal de Première Instance sera compétent lorsque la réclamation sera inférieure ou égale à 5
uniquement la propriété privée telle qu’elle est reconnue par les
millions de franc, et le Tribunal de Grande Instance retiendra sa compétence pour les réclamations supérieures
lois et règlements ». Autrement dit, l’exproprié est le titulaire du titre
à 5 millions (Art. 13 et 16 ord.n°72/4 du 26 Août 1972 portant organisation judiciaire).
56
3- La procédure
L’article12 sus-visé de la loi n°85/09 énonce : « En cas de contestation sur le
montant des indemnités, l’exproprié adresse sa réclamation à l’administration chargée
des domaines. S’il n’obtient pas satisfaction, il saisit dans un délai d’un mois, à
compter de la notification de la décision contestée, le tribunal judiciaire compétent du
lieu de situation de l’immeuble… ».
13- CS/CA, Jgmt n°24 du 27 fév.1992, aff. Dame BEYENE Elisabeth C/Etat du Cameroun, in Régime
foncier et domanialité publique au Cameroun, Presses de l’UCAC, , Ed. 2001, P.374, par Jean Marie NYAMA.
le silence gardé par une autorité pendant un délai de trois mois sur
une demande ou réclamation qui lui est adressée ».14
14- Lire sur ce point Maurice KAMTO , et Bernard NGUIMDO, Le silence de l’Administration en droit administratif
camerounais, in Lex lata n° 05, P.10 ; René CHAPUS op.cit, n° 560
15- Jean CARBONIER , Droit Civil, Les obligations P.U.F.1956, P.496
16- Art.6 à10 de la loi n°85/09 du 04 Juillet1985 ; arrêté n° 58/MINAGRI du 13 août 1981 portant modification
des tarifs des indemnités à verser au propriétaire pour toute destruction d’arbres cultivés et cultures
vivrières ; arrêté n°00832/YO15.1/MUNICH/D.000 du 20 Novembre 1987 fixant les bases de calcul de la valeur
vénale des constructions frappées d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Voir également la critique acerbe de cette législation par M. TIENCHEU NJIAKO André , in Droits fonciers Urbains
au Cameroun , P.U.A.2003, P.438 et s.
17- TIENCHEU NJIAKO André , op.,.cit.
58
Aussi bien les personnes que les biens peuvent faire l’objet de
réquisition. Seuls les meubles sont susceptibles de réquisition de
propriété (art.3 loi n°68/LF/04), tandis que les immeubles ne peuvent
faire l’objet que de réquisition d’usage. Lorsque les circonstances
exigent l’acquisition de la propriété, l’Administration doit procéder par
voie d’expropriation pour cause d’utilité publique
(art.15 al 2).
En contrepartie de son service, la personne requise ou prestataire a
droit à une indemnité, qui selon la loi doit être « juste » (art.11). Elle
n’est cependant pas préalable, contrairement à celle due en cas
d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Ici la loi n’a soumis la saisine du juge civil à aucune formalité préalable, ni à
aucun délai. Les règles procédurales de droit judiciaire privé s’appliquent donc
pleinement, et le juge dispose des pleins pouvoirs pour allouer une indemnité juste,
conformément au droit commun, comme en matière d’emprise ou de voie de fait.
18- René CHAPUS, op.cit. n° 938 ; Georges VEDEL et Pierre DEVOLVE, Droit Administratif, T1, PUF 1958,
P.181 ; G. PEISER, Contentieux Administratif, Mémento Dalloz, 4e Ed, P.58 ; André TIENCHEU NJIAKO op.cit
P.374.
19-CE, 15 fev. 1961, WERQUIN, D.1961, 661 ; CS/CA, jgmt n°46 du 27 mai 1982 Dame veuve André
TETAS C/Etat du Cameroun ; CFJ/CAY, arrêt n° 157 du 13 Mars 1971, MEDOU Gaston C/Etat du Cameroun
20- René CHAPUS , op.cit , n° 940
21- Sur les imbrications entre les notions d’emprise et de voie de fait lire G. VEDEL et P. DEVOLVE , op.cit P.182.
22- CS arrêt n° 139/CC du 14Juillet 1983, R.C.D.série 2, n°29 P.235.
23- René CHAPUS op.cit, n°939
61
24
-G.VEDEL et P.DEVOLVE op.cit, P.182; CS/CA, jugmt n°56 du 24 avril 1986, Koume Jemba Joseph C/ Etat du Cameroun
25
- CA Ydé arrêt n° 257/ CIV du 23 mai 1971, Medou Gaston
62
26
- CS, arrêt n° 8/CC du 12 avril 1990.
27- TPI Edéa, Jgmt n° 06/civ du 19Nov.2001, aff. Dame Veuve Kolko C/Ngoob Ngoob Philippe
28- TPI Edéa : jgmt n°18/civ du 09 mai 1990 ; n°15 civ du 04 Fev.2002 ; n°22/civ du 04 Mars 2002 ;
Un parcours des décisions intervenues sur cette question révèle que les juges de Première Instance retiennent en principe leur compétence
lorsque le défendeur ne la décline pas, bien qu’ils soient tenus de soulever d’office le moyen d’incompétence matérielle.
Lorsque le défendeur soulève expressément l’exception d’incompétence matérielle du tribunal, certains juges se conforment à la solution
de la Cour Suprême, tandis que d’autre continuent à résister (T.P.I.Edéa, jugement n°5/civ du 1er déc 2003).
Ils sont incidemment confortés dans cette rébellion par les Cours d’appel qui saisies du litige, annulent le jugement entrepris, évoquent la
cause et tranchent au fond au lieu de renvoyer l’affaire devant la juridiction compétente comme le prescrit l’art. 203 al.4 C.P.C.C.
29- Jean-Marie NYAMA, op.cit P.32
30- Samuel NGUE, Code civil, Ed. Minos, 2000, P.535
31- Le décret n°69/DF/544 régissant les juridictions traditionnelles est un texte de portée générale par rapport à l’article 6 du décret du 21 Juillet 1932
texte spéciale qui détermine la juridiction compétente en matière d’actions réelles portant sur un immeuble immatriculé.
63
Selon le lexique des termes juridiques il s’agit d’une action par laquelle on
demande que soit reconnu ou protégé un droit réel principal (propriété) ou
accessoire(usufruit, servitude, etc.) sur un immeuble 32. Les actions mixtes suivent le
même régime.
En définitive, seul le Tribunal de Grande Instance est garant de
la propriété immobilière privée, à l’exclusion du Tribunal de Première
Instance et du Tribunal de Premier Degré33. En fonction de la nature
de l’atteinte il prononcera une sanction idoine.
32-Raymond GUILLEN et Jean Vincent, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 13e Ed.2001, P. 19
33-On rencontre cependant quelques décisions isolées, où le Tribunal de Premier Degré a statué sur une
action réelle
Immobilière : T.P.D Edéa, jgmt n°41/C du 07 Janvier 1977, aff. Nounke Christophe C/Makon Martin
64
et pratiques, T1 P.127 et s
36
-La femme mariée a été d’autant plus sacrifiée que le décret du 21 Juillet 1932 ( art.31) a supprimé son hypothèque légale
37
-Code civil art. 637 à 710
65
Mais l’hypothèse la plus récurrente dans notre système foncier est celle où
l’occupant est installé sur les lieux avant l’immatriculation du terrain. C’est
notamment le cas lorsqu’un propriétaire coutumier, après avoir obtenu le titre foncier
sur son terrain, entend déguerpir des personnes qui ont été installées soit par ses ayants
droit, soit par lui-même. Dans cette hypothèse comment déterminer la bonne foi ?
40- Contra : T.P.I. Edéa jugement n°20/civ. du 06Juin 1998, affaire MINYEM BELL Joseph C/BELL BELL Charles et autres, où le déguerpissement
fut ordonné aux frais de l’occupant, sans indemnité préalable, au motif que celui-ci n’a pas établi sa bonne foi
40 bis – CS. Arrêt n° 178 /CC du 21 Sept.2000 affaire Nthumili Peter C/ Tchande Daniel
41- Ambroise COLIN et Henri CAPITANT, op.cit +++ n°59
42- Civ, 7 Mars 1917, D.1955 ? 591. CS/ arrêt n°84 du 25 mai 1971, Bull n°25 ? P.3158, T.P.I. Edéa, jugement n° 26//civ. du 20 Juin 1988
43- Civ 1er Juillet 1851, DP 51, I 249. voir Fiches droits des biens
44- T.P.I. Edéa, jugement n° 16 /CIV du 17 Mai 1986 ; jugement n°9 civ./ du 28 Nov.1990 ;
68
45- T.P.I. Edéa, jugement n° 26 /civ du 20 Juillet 1988 ; aff. Dame Veuve Ngounou née Nana Pauline C/Nobiep Pascal.
46-CS. Arrêt n°106//CC du 04 Juin 1981, RCD n°21 et 22 P.221. ; T.P.I Edéa, jugement n°47/civ du 26 Juin 1986, aff.
Jean-Paul C/ Moue Justin.
47-T.P.I. Edéa, jugement n°1356/ADD/ cor du 23 Juillet2002 aff. Mbottey Esse Joseph ; jgmt n° 279/ADD/cor du 26 Nov 2002,
49-T.P.I.Edéa, jugement n° jugement n° 4/civ du 18 Nov.2002, aff. Bikoum Mbat et Succession Bell Bell Boniface.
Ngokobi Isaac/EDIMO Robert
50-CS. arrêt n° 47/CC du 29 Janvier 1982 ; T.P.I.Edéa jugement n°9/civ du 28 Nov 1990 ; T.G.I. Edéa jgmt n° 08/civ du
51-Req, 12 Juillet 1905, in Les grands arrêts de la jurisprudence civile, T1, 11e Ed. P.319 T.P .I Edéa jugement n° 20/civ du 06
52-Civ , 22 Avril 1823, aff Hellot c/Leclerc Mollet ; Civ 21 Nov 1969, aff. Samuel c/ Monlon et autres, in
Les grands arrêts de la jurisprudence civile, T1,11e Ed , P 334 ; Civ 16 dec 1998, RTDC 1998, 638, obs Zeneti..
53-Paul Gérard POUGOUE, « Empiètement matériel sur le terrain d’autrui ( à propos de queLques décisions
CONCLUSION
COMMUNICATION DU JUGE
SIMON PIERRE BILLONG
73
LE CONTENTIEUX DE L’ANNULATION DU
TITRE FONCIER DEVANT LE JUGE
ADMINISTRATIF
Le titre foncier est un acte délivré par une autorité administrative (Chef de
service provincial des domaines) à l’issue d’une procédure administrative. Ainsi la
nature administrative de cet acte (B) est incontestable.
Le titre est aussi la certification officielle de la propriété immobilière. A ce
titre c’est la seule preuve de la propriété foncière au Cameroun (A).
Cela veut dire qu’en principe on ne peut plus ni retrancher ni ajouter les mentions
qu’il contient. Cela signifie aussi que la force probante que la loi attache à l’immatriculation
et aux énonciations portées sur le titre foncier est absolue. Cette intangibilité est matérielle et
juridique.
a- L’intangibilité matérielle.
b- L’intangibilité juridique
Son principe est affirmé par l’article 1er alinéa 3 : « L’enregistrement d’un
droit dans un régime spécial appelé livre foncier emporte immatriculation de ce droit
et le rend opposable aux tiers ».
Cette disposition peut s’articuler en 2 points : les droits inscrits ne peuvent
plus être contestés, les droits non révélés ne peuvent plus être contestés.
Les droits inscrits ne peuvent plus être, en principe, attaqués ni pour par les
parties qui ont signé les conventions dont ils émanent ni par les tiers qui y sont
demeurés étrangers. Ainsi tout droit réel immobilier n’existe à l’égard d’un tiers
qu’autant qu’il a été inscrit au livret foncier.
A l’issue de la procédure d’immatriculation, les droits non révélés sont ignorés
et réputés non avenus. Peu importe que le défaut d’inscription d’un droit provienne
d’un oubli ou de toute autre cause. L’immatriculation d’un bien crée une présomption
de propriété irréfragable au profit du bénéficiaire, même à l’encontre des tiers qui se
prétendent propriétaires, mais dont les droits n’ont pas été inscrits lors de la procédure
d’immatriculation12.
Certains auteurs17 ont estimé qu’après l’expiration des délais légaux et après
que l’immatriculation eut été ordonnée, aucune contestation ne devait plus être admise,
même devant le juge. Cette position a reçu l’aval d’une jurisprudence18 que nous
pouvons considérer comme isolée :
« Attendu que de la combinaison des articles 1er alinéa 2, 3 et 4 et 24 alinéa 1
du décret N°76-165 du 27 Avril 1976 il résulte que le titre foncier est en vertu de la loi
un acte inattaquable, et de ce fait, insusceptible de recours administratif »
Il s’agit d’une interprétation erronée de la loi puisque le titre foncier est
délivré à la suite d’une opération complexe faite par l’administration. Le principe de
légalité impose que l’administration se soumette au droit. C’est l’un des gages de
l’Etat de droit. Cette soumission se réalise par le contrôle juridictionnel exercé par les
juridictions administratives sur les actes de l’administration déférés devant elle. 3
Le titre foncier crée des droits et des obligations à l’égard de son titulaire.
La création des droits se réalise par leur inscription dans le livre foncier.
L’obligation qui incombe au titulaire est celle de la mise en valeur.
La mise en valeur est la condition d’accès à la propriété
La mise en valeur est toute pratique permettant de constater l’occupation ou
l’exploitation du sol ou une emprise évidente de l’homme sur la terre se traduisant par
une prise de possession (cases, cultures, plantations)
La force probante du titre foncier est conditionnée par une immatriculation ou
une mutation dénuées d’irrégularités. Malheureusement il arrive dans la pratique que
cette procédure ne soit pas respectée.
77
Le législateur a prévu la remise en cause des titres fonciers obtenus soit par
voie administrative22 soit par voie juridictionnelle.
Comme tout acte administratif, le titre foncier peut être l’objet d’un recours
pour excès de pouvoir23 lorsqu’il a été établi de manière irrégulière. L’analyse de
l’article 2 alinéa 3 et 6 du décret n°76/165 permet d’affirmer qu’il y a 2 cas
d’ouverture d’annulation du titre foncier : la faute de l’administration, la fraude du
bénéficiaire.
1- La faute de l’Administration.
Le décret de 1976 n’ a pas formellement défini la notion de faute. Il s’agit
d’un manquement de l’administration au cours de la procédure d’immatriculation.
C’est donc une faute service « imputable à la fonction24 ».
C’est l’examen de la jurisprudence qui va nous permettre de donner un
contenu à la notion de faute.
Ainsi est qualifié de faute :
- le fait pour l’administration d’immatriculer au profit d’un demandeur
une superficie supérieure à celle qu’il avait sollicitée25
78
en valeur le terrain34
L’examen de cette jurisprudence permet d’affirmer que la cour suprême
sanctionne l’administration chaque fois que celle-ci viole la loi.
2. La fraude du bénéficiaire
Elle est évoquée par l’article 2 alinéa 6 « le retrait du titre foncier prévu à
l’alinéa 3 du présent article ne peut, sauf cas de fraude du bénéficiaire, intervenir que
dans le délai du recours contentieux »
La fraude désigne toute espèce de turpitude35. C’est la volonté chez son auteur
de tourner certaines dispositions légales, de nuire à autrui. La fraude se manifeste
chaque fois que le sujet de droit parvient à se soustraire à l’exécution d’une règle
obligatoire par l’emploi à dessein d’un moyen efficace36.
La chambre administrative de la cour suprême a décidé qu’il y a fraude par :
- le fait pour le gérant d’une société commerciale de faire immatriculer
en son nom, un terrain acquis par ladite société37
- le fait de faire immatriculer en usant d’artifice un terrain qui appartient
à une autre personne38
- le fait pour un mandataire, portant le même patronyme que son mandat,
de faire immatriculer un terrain en son nom39.
Toute personne lésée par l’immatriculation doit suivre la procédure idoine pour
saisir le juge administratif.
B. LA PROCEDURE
L’article 20 du décret N°76/165 donne la possibilité à la personne lésée par
une immatriculation d’intenter un recours contre le titre foncier irrégulièrement
obtenu.
C’est la procédure de droit commun qui est usitée. Le requérant doit d’abord
saisir le ministre chargé des domaines d’un recours gracieux préalable sollicitant le
retrait du titre foncier (1).
La décision du ministre peut faire l’objet d’un recours contentieux (2) devant
la chambre administrative de la cour suprême.
79
1- Aloys MPESSA L’annulation du titre foncier devant le juge administratif camerounais juridis
périodique N°59
2- TIENCHEU NJIAKO André Droits réels et domaines nationales au Cameroun PUA 2005
3- Aloys MPESSA opcité
4- V. GASSE régimes fonciers africains et malgaches : évolution depuis l’indépendance LGDJ Paris 1971
p52
5- Les articles 2, 3, 4, 5, 14 et 15 de l’ordonnance N°74/1 du 06 Juillet 1974 et les articles 9 et 13 du
décret N°76/165 ont classé les immeubles à immatriculer en 2 catégories : les terrains faisant l’objet
d’un droit de propriété et les dépendances du domaine national.
L’article 9 du décret N°76/165 dispose que : « sont habilitées à solliciter l’obtention d’un titre foncier
sur une dépendance du domaine national qu’elles occupent ou exploitent :
- les collectivités coutumières, leurs membres ou toute personne de nationalité camerounaise…
- les personnes déchues de leurs droits par application des articles 4, 5 et 6 de l’ordonnance N°74/1
du 6 Juillet 1974 fixant le régime foncier.
L’article 10 du même décret N°74/165 ajoute « les administrateurs des biens d’une succession peuvent
obtenir en leur nom, des titres fonciers sur ces biens ». En revanche la loi prévoit d’autres modalités
d’acquisition de la propriété immobilière par les étrangers (loi N°80/21 du 14 Juillet 1980)
6- La procédure est réglée par les articles 11 à 15 du décret N°76/165. Le dossier comprend une demande
indiquant les éléments nécessaires à l’identification du requérant et la description de l’immeuble.
Le dossier est déposé à la sous-préfecture de l’Arrondissement du lieu où est situé l’immeuble. Dès
réception le sous-Préfet transmet le dossier à la section Départementale des Domaines territorialement
compétente. Ce dossier fait l’objet d’une communication aux différents services chargés de l’encadrement
technique de la procédure, et notamment du bornage du terrain. Au cours de la procédure et dans un laps de
temps fixé par la loi (art 16 à 24) toutes les contestations formulées sous forme d’opposition ou de demande
d’inscription doivent être faites.
7- art 17 (1) les oppositions ou le demandes d’inscriptions formées antérieurement à la date du constat
d’occupation suit examinées par la commission consultative au moment du constat.
Les oppositions non réglées le jour du constat d’occupation ou formées ultérieurement, soit adressées
au chef du service provincial des domaines qui doit les consigner dès réception et dans l’ordre d’arrivée du
registre spécial.
Art 20. Les oppositions non levés à l’expiration du délai prévu à l’art 18 alinéa 2 ci-dessus, sont
soumises au Ministre Chargé du Domaine pour règlement après avis de la commission consultative.
8-Au Cameroun la juridiction administrative est la chambre administrative de la cour suprême
9- Article 20 décret N°76/165 du 27 Avril 1976
10- NYAMA JEAN MARIE Régime foncier et domanialité publique au Cameroun UCAC 2003 p165
11- NYAMA JEAN MARIE opcité p171
12- NYAMA JEAN MARIE opcité p174
13- Articles 3 à 8 du décret N°76/165
14- Articles 9 à 21 du décret N°76/165
15- Articles 16 à 21 du décret N°76/165
16- La composition et les attributions de la commission consultative sont prévues par les articles 12 et
14 du décret N°76/166
17- NYAMA JEAN MARIE opcité p166
18- CS/CA jugement N°65 du 26 Mai 1988 inédit
CS/CA jugement N°55 du 15 Mai 1988 affaire TATO Jean C/Etat du Cameroun
19- CS/CA jugement N°1 du 19 Décembre 1975 affaire NKONG Emmanuel C/Etat du Cameroun
20-Article 35 du décret N°76/165
21- Article 9 décret N°76/65 : « Sont habilitées à solliciter l’obtention d’un titre foncier sur une
dépendance du domaine national qu’ils exploitent ou qu’ils occupent : les collectivités coutumières, leurs
membres… »
22- Article 39 et 40 du décret N°76/165 du 27/4/1976
23- L’article 9 de l’ordonnance N°72/6 du 26/8/1972 fixant organisation de la cour suprême précise que
le recours en annulation pour excès des pouvoir est ouverte pour : vice de forme, incompétence, violation d’une
disposition légale ou réglementaire, détournement de pouvoir.
24- René CHAPUS Droit administratif général 15e édition Mont chrétien p.1387
25- C.S/CA jugement N°40 du 31 Mai 1990 MBALLA Dieudonné C/Etat du Cameroun
C.S/CA jugement N°30 du 26 Mars 1992 MVENG NDY née MENDOUGA Marguerite C/Etat du
Cameroun
26- C.S/CA jugement N°105 du 30 Mai 1991 SAM EBOLO MANDESSI BELL C/Etat du Cameroun
82
27- C.S/CA jugement N°64 du 30 Août 1990 BILOUNGA Pascaline C/Etat du Cameroun
28- C.S/CA jugement N°78 du 31 Juillet 1997 DJINOU TCHALE André C/Etat du Cameroun
29- C.S/CA jugement N°65 du 29 Juillet 1993 WAHA Emmanuel C/Etat du Cameroun
30- C.S/CA jugement N°29 du 25 Mars 1982 BEYISSA Adolphe Mezarim C/Etat du Cameroun
C.S/CA jugement N°69 du 29 Juin 2000 Mme POHOKA Suzanne C/Etat du Cameroun
31- C.S/CA jugement N°74 du 28 Septembre 2000 Succession MBEWOU C/Etat du Cameroun
C.S/CA jugement N°61 du 27 Juillet 2000 DEFFO Christophe C/Etat du Cameroun
32- C.S/CA jugement N°25 du 30 Décembre 1999 NJOH Philibert et EKOKA KOUM C/Etat du
Cameroun
33- C.S/CA jugement N°15 du 25 Janvier 2001Succession MBARGA Raphaël C/Etat du Cameroun
34- C.S/CA jugement N°06 du 27 Août 1992 EYANGO Martin C/Etat du Cameroun
35- François TERRE Introduction générale au droit 5e édition Dalloz 2000 p.459
36- François TERRE opcité p.460
37- C.S/CA jugement N°61 du 27 Mars 1997 Société africaine commerciale de diffusion C/Etat du
Cameroun
38- C.S/CA jugement N°74 du 28 Septembre 2000 succession NDEFO MBEWOU C/Etat du
Cameroun
39- C.S/CA jugement N°01 du 26 Novembre 1998 ZIBI ZANGA C/Etat du Cameroun
40- Article 12 alinéa 2 de l’ordonnance N°72/6 du 26 Août 1972 fixant la procédure devant la cour
suprême.
41- C.S/CA jugement N°41 du 28 Juin 1989 ATEBA Barthélemy C/Etat du Cameroun
C.S/A arrêt N°04 du 04 Avril 1991 MANI née BEYALA Anastasie C/Etat du Cameroun
42- François TERRE opcité p.459
43- Article 7 loi N°75/17 du 08 Décembre 1975 fixant la procédure devant la cour suprême statuant en
matière administrative.
83
PLAN DETAILLE
INTRODUCTION (Simplifiée)
INTRODUCTION (Développée)
CONCLUSION (Simplifiée)
INTRODUCTION
Mais les deux questions qu’un profane peut d’emblée se poser sont celles
de savoir si, véritablement dans un premier temps, la Bible ou les Saintes
Ecritures sont concernées par la propriété et à fortiori la propriété
foncière ? Dans un second temps, la justice camerounaise peut-elle trouver
une source d’inspiration pour un supplément d’âme ? Nous tenterons d’y
apporter quelques éléments de réponse dans notre exposé.
Pour nous limiter au grand thème de cette conférence, c’est volontiers que
nous nous limiterons à la propriété foncière en ouvrant cependant un pan sur le
volet spirituel des considérations classiques, telles que la terre promise, le
Paradis, le Royaume de Dieu. Sans risque de nous tromper, les questions
foncières et domaniales sont la plaque tournante de l’histoire mondiale et du
salut. C’est le problème palestinien. C’est surtout la quintessence des grandes
théories d’hégémonisme et de puissance : l’impérialisme, le colonialisme, la
mondialisation, la globalisation. Et si le Christ est né sur la planète terre,
c’est certes pour réhabiliter le monde autrefois maudit par Dieu du fait de
la désobéissance de l’homme ; mais davantage pour que les hommes vivent
décemment selon la volonté de Dieu. C’est pourquoi nous analyserons les
contours de la question du point de vue biblique (I) et les problèmes de la
propriété foncière liés à toute existence humaine (II). Sans triomphalisme aucun,
nous pouvons dire avec beaucoup d’assurance que cette parole de Christ est à
scruter par rapport à ce qui nous rassemble : "Je vous ai tout annoncé d’avance"
Marc, 13 : 23.
rapport avec le foncier nous jouerons notre rôle de pionnier de l’Afrique dans
bien d’autres domaines que le football.
6. Abraham, pendant qu’il vivait encore, donna tous ses biens à
Isaac, et il fit des dons aux fils de ses concubines, et les envoya loin de son fils
Isaac, du côté de l’ouest. La promiscuité, l’étroitesse sont à l’origine de
nombreux conflits fonciers.
7. Abraham et Jacob ont fait des champs et des puits pour viabiliser
leurs lieux d’habitation, des possessions sépulcrales. Ils ont lors des exils, su
chercher le bonheur des lieux où ils étaient. Cf. Je 29 "Recherchez le bien de la
ville où je vous ai menés en captivité, et priez l’Eternel en sa faveur, parce que
votre bonheur dépend du sien". Les occidentaux doivent aussi s’en inspirer pour
leurs brefs et longs séjours en terres africaines. René Dumont pense que
l’Europe ne peut survivre coupée du tiers monde, ne peut même pas se maintenir
coupée de l’Afrique1. Malgré les instructions divines, l’homme ne manque pas
de faire à sa tête.
ont connu une traversée du désert de quarante ans, afin que toute la
génération périsse. Et en définitive, seul Caleb et Josué ont pu atteindre la terre
promise.
Dieu a réglementé les procédures d’acquisition de l’héritage des champs.
Il y a eu plusieurs abus des puissants sur les faibles. Le cas le plus criard
est celui de Naboth qui a perdu sa vie par refus de céder son héritage au roi
Achab - cf 1Rois 21. Des prescriptions détaillées sur la propriété foncière sont
données dans le Lévitique 25, Exode 23, Deutéronome 15. La loi sur les
héritages dans Nombres 27. Le moins que nous pouvons dire, c’est que les cas
de figure sur la propriété foncière ne sont pas nouveaux. Dieu a institué des
villes de refuge pour les meurtriers involontaires. Les villes n’existent plus
aujourd’hui. L’égoïsme grandissant des humains a fait des riches propriétaires
terriens alors que d’autres n’en ont pas du tout. La sagesse divine appelle les
hommes par les paroles Bibliques : "Le monde est à moi et tout ce qu’il
renferme" Psaume 50 :12. L’homme a beau s’estimer heureux pendant sa vie, il
n’emporte rien en mourant… Psaume 44 :17-20. Dans le même ordre d’idées,
Jésus sollicité pour partager l’héritage entre deux frères rejette la
proposition et conseille aux humains de se garder de toute avarice, car la
vie humaine ne dépend pas de ses biens, fut-il dans l’abondance - Luc12 :13-
15.
Par rapport au foncier, la grande difficulté humaine, c’est que les
hommes ne comprennent pas le message divin. La terre promise reste la
grande énigme. La notion de terre promise est à mettre en relation avec la paix.
L’Apôtre Paul apporte une précision de taille, le Royaume de Dieu, ce n’est pas
le manger et le boire, mais la paix et la joie par le Saint-Esprit. Melchisédech,
qui apparaît à Abraham est roi de Salem, c’est-à-dire roi de Paix et le nom
Jérusalem qui découlera plus tard ne résulte pas du hasard. Dieu a choisi la
Palestine comme le lieu où devait se dérouler la prodigieuse histoire du salut. A
L’intérieur de la Palestine, Dieu a désigné Jérusalem pour y faire résider son
nom et pour faire éclater sa gloire. La notion de terre promise est à découvrir,
c’est dans le foncier… Jésus-Christ a été exhaustif dans ce chapitre ; c’est à
dire que les problèmes fonciers dont liés à toute existence humaine.
Dans un système où les plus forts ont toujours raison, les juges
doivent faire valoir une dimension éthique de l’humain. Le sens de
l’humain qui a cours dans le protestantisme est dû aux humanistes du 16e siècle
dont le chef de file est Erasme. Dans un monde de plus en plus corrompu où les
problèmes fonciers ne sont pas des moindres, les magistrats ont une part
importante de responsabilité. Les Saintes Ecritures rassurent que le Juge
Suprême c’est Dieu. L’histoire de Salomon sert de paradigme : au lieu de
demander des richesses, la mort de ses ennemis, Salomon a demandé la sagesse.
Il a su trancher un litige, titré Le Jugement de Salomon – 1Rois 3 :16-28.
CONCLUSION
COMMUNICATION DE MONSIEUR
MENDOUGA OYIE
99
La conception de la propriété est- elle identique dans les diverses ethnies qui
composent la population Camerounaise ou peut- on en distinguer des nuances ?
25
25
Question personnalisée du professeur Emérite Philippe – Jean Hesse de l’Université de NANTES au candidat Robinson
Tchapmegni sur son mémoire intitulé : la détribalisation du régime foncier Camerounais. Examen Terminal du 29 septembre
2003 Diplôme d’Université de 3e Cycle les droits fondamentaux.
2 Guy –Adjété KOUASSIGAN In : L’homme et la terre, Paris, Editions Berger –LEVRAULT 1966, P15
3-CHARLY Gabriel MBOCK : les Conflits Ethniques au Cameroun
- quelles sources, quelles solutions ? Ouvrage collectif, Yaoundé, éditions SEP & SAAGRAPH, 2000, P9
4 Charly Gabriel MBOCK ibidem
5 Guy –Adjété KOUASSIGAN, OP. cit., P 21
6 OLAWALE Elias : la nature du droit coutumier africain, Paris, éditions présence africaine, 1961, P183
7 Paul Gérard POUGOUE : la famille et la terre, thèse d’Etat, Université de Bordeaux I, Juin 1977, P234
8 voir Stanislas MELONE : la parenté et la terre dans la stratégie de développement l’exemple du Sud Cameroun, Thèse
d’Etat en droit, université De Paris, 9 novembre 1968, P 112
9 MGR Benoît KALA :Terre et pouvoir sur les hauts plateaux Bamiléké de l’Ouest Cameroun, Thèse de doctorat en
sciences sociales, Université Catholique de Paris, Septembre 1995, P84
100
rapport avec la terre. Le sacré apparaît comme la face cachée de la terre. La terre du
paysan Bamiléké est d’essence divine. 9
Qu’en est- il de la propriété chez le peuple Béti du sud du Cameroun ?
Pour mieux saisir ce que représente la propriété foncière traditionnelle chez les
Bétis, il serait important de faire une rétrospective de l’histoire de ce peuple. Les Bétis
aujourd’hui installés dans les provinces du centre et du sud du Cameroun viennent
d’Égypte ; cette longue Migration a éveillé et développé chez ce peuple un esprit de
guerrier. Après de vaines tentatives d’installation dans divers coins du pays, les Bétis
sont arrivés au centre et Sud du Cameroun où étaient implantés les pygmées, qu’ils
réussirent à déloger et à chasser, lesquels ont migré de force à l’Est du pays. Le peuple
Bétis est regroupé en plusieurs clans ethniques dont les plus importants sont les
Ewondo, les Bene, les Eton, les Bulu, les Fong, et les Ntoumou. Ces groupes
ethniques ont la particularité d’être sédentaires. La ressemblance linguistique est
frappante, les coutumes sont identiques.
Nous tenterons de cerner l’organisation foncière en pays Bétis à travers plusieurs
études, dont les principales concernent : le mode d’acquisition des terres tribales (I),
la conception des rapports des Bétis avec la terre (II), la gestion des terres
tribales(III),les divisions profondes à l’intérieur des lignages, nées des conflits fonciers
(IV)
Au moment où arrivaient les Bétis, les forêts étaient encore primaires, car les pygmées
vivaient essentiellement de la chasse et de la cueillette. Ils entreprirent de défricher
librement et paisiblement ces forêts pour pratiquer l’agriculture qui est leur activité
principale. Les espaces ainsi défrichés et exploités devenaient automatiquement la
propriété de ceux qui les avaient mis en valeur, le travail étant créateur de droits
fonciers traditionnels. Cette logique d’acquisition de la terre répond bien à l’adage
populaire selon lequel, « la terre appartient aux premiers occupants ». Devenues des
propriétés individuelles, aucune personne, qui qu’elle soit, d’où qu’elle vienne, ne
pourrait violer ces terres sans une autorisation préalable du propriétaire. Cette forme
d’acquisition explique parfaitement pourquoi les Bétis considèrent les enfants comme
des véritables richesses, car seules les familles nombreuses avaient la chance d’avoir
des grandes superficies. C’est donc l’agrandissement des familles qui explique les
limites actuelles du terroir des Betis et dans une certaine mesure, l’évolution de la
conception de la propriété.
gracieusement offert à ceux qui en avaient besoin, la vente de la terre est une pratique
nouvelle ou plutôt récente.
Une autre importance accordée au terrain laissé par les parents ancêtres provient de la
considération mystique socialement accordée au terrain, car en effet, sur ces terrains,
ont été enterrés les ancêtres, leur placenta, et autres débris humains .Tout ceci pour les
Bétis, regorgent des forces surnaturelles diverses. La terre est donc le lieu de cohésion
sociale entre les vivants et les morts (les ancêtres). Elle est une mère et partant, source
de vie, à cause de sa fonction nourricière. Mais avec la colonisation et le
développement des cultures de rentes (cacao), le bois pour l’exportation, la terre est
devenue un objet de profit, elle est désormais commerciale .D’où sa fonction
économique .La conséquence de cette évolution est que la terre ne joue plus
pleinement son rôle de cohésion. On assiste à un effritement des liens familiaux à
l’autel du gain. L’individualisation favorise l’émergence de la propriété individuelle
aux dépens de la propriété familiale.
b - Un partage discriminatoire
Le partage des terres est fonction du statut matrimonial, de l’âge et du sexe. Lorsqu’on
est marié, on est chef d’une unité familiale. On a besoin de la terre pour la subsistance
de sa famille. Les garçons célibataires sont donc en infériorité par rapport à ceux du
genre mariés, quant à l’accès à la terre. A l’intérieur de la famille une autre distinction
est faite selon l’âge. Les aînés sont privilégiés par rapport aux cadets, qui sont
considérés au même titre que les veuves, comme des personnes à entretenir. Dans
ces conditions, il est évident que ces modalités de partage n’arrangent pas ceux des
jeunes restés au village, qui ont aussi besoin de se faire un avenir en accédant à la
terre, pour en devenir propriétaire ou possesseur selon le cas.
Les filles sont pratiquement exclues du partage de la terre, car elles sont considérées
comme devant aller en mariage dans d’autres familles, ou d’autres tribus. Pour cette
raison, celles-ci cesseront d’appartenir à la famille de leurs géniteurs, pour appartenir à
celle de leur conjoint.
102
Toutefois, les filles d’un certain âge qui n’ont pas trouvé de maris, ont droit à la terre,
pour leur permettre de se prendre en charge et de nourrir leurs enfants. Mais aussi et
très souvent, il arrive que le père, chef de famille, décide de procéder au partage de la
terre familiale, situation qui ouvre généralement la voie à des conflits d’une certaine
ampleur.
En l’état, les conflits fonciers sont nombreux, les causes en sont diversifiées (a) .les
mésententes qui en résultent, provoquent des véritables fractures familiales (b).
En tout étant de cause, on peut dire que chez les Bétis, le terrain constitue le
meilleur héritage à laisser à sa progéniture. Personne ne pourrait admettre
l’expropriation de ce patrimoine par quiconque, fut –il autorité publique. Mais à
cause de la pauvreté, ils ne peuvent recourir aux méthodes modernes de
légalisation de la propriété foncière, tels que les titres fonciers ,ou réaliser de gros
investissements, ils se contentent de planter des cultures pérennes, qui pour eux
constituent la preuve d’une longue appartenance de la terre.
COMMUNICATION DE
Me FERNAND HONORE TAGOUEMEKONG
105
I- L’ANNULATION DU TITRE
TITRE FONCIER POUR FAUTE
FAUTE DE
L’ADMINISTRATION.
Cet avis est nul et non avenu et par voie de conséquence, toute
décision prise sur la base dudit avis.
non immatriculé.
D’IMMEUBLES .
INTRODUCTION
26
Il s’agit des textes suivants :
L’ordonnance n°74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime foncier
L’ordonnance n°74/1 du 6 juillet 1974 fixant le régime domanial
L’ordonnance n°74/1 du 6 juillet 1974 relative à la procédure d’expropriation pour
cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation
27
TIENTCHEU NJIAKO (A.), Droits réels et domaine national du Cameroun ,
Yaoundé- Cameroun, P.U.A., 2005, 486 pages
124
28
Le Nord Cameroun en fut particulièrement touché :Lara, Tchakidjebé, Moussaye,
Tcholliré
29
Article 25 Décret- loi du 9 janvier 1963
30
MELONE (S.), la parenté et la terre dans la stratégie du développement,
l’expérience camerounaise : étude critique, Paris, Ed. KLINCKSIEK , 1972
125
31
Trois textes réglementent les procédures d’obtention du titre foncier :le décret n°
76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier ; le décret
n°76/166 du 27 avril 1976 fixant les modalités de gestion du domaine national ; le
décret n°76/167 du 27 avril 1976 relatif aux transactions immobilières privées.
32
La Cour de Suprême a eu à le rappeler et à le sanctionner comme dans le cas
d’espèce en ces termes : « … l’opération du prétendu transfert de propriété de la
parcelle litigieuse entre Peteté Joseph Lucien et Yankoué Rébecca est illégale, donc
nulle, ces genres de transaction ne peuvent s’opérer sur le domaine national… »
126
33
l’expression est de nous
127
34
Alexandre Dieudonné TJOUEN, Droits domaniaux et techniques foncières en
Droit camerounais, Paris, ECONOMICA, 1982
35
TIENTCHEU NJIAKO (A.), Droits réels et domaine national du Cameroun ,
Yaoundé- Cameroun, P.U.A., 2005, op. cité p.56
128
36
Victor Emmanuel BOKALLY, La coutume source de droit au Cameroun,
37
CA de l’Adamaoua, Arrêt n°01/cout du 26 oct.1993
CA de l’Adamaoua, Arrêt n°10/cout du 23 juin 1992
38
TIENTCHEU NJIAKO (A.), Droits fonciers urbains au Cameroun, Yaoundé-
Cameroun, P.U.A., Fev.2003, 544pages
129
39
Cet article dispose « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui des
dommages, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer »
134
40
commission prévue à l’article 16 du décret 1974/1 du 06 Juillet 1974
136
b- L’immatriculation hypothéquée
Le plus important des griefs formulés à l’encontre du
régime de l’immatriculation tel qu’il vient d’être présenté est sa
lenteur42. En effet, le professeur Tjouen dans son ouvrage précité
explique que la gratuité de la procédure et l’insuffisance tant
qualitative que quantitative des personnels dans les services
domaniaux et du cadastre ont constitué un frein à la célérité et
quelques fois au succès même de la procédure d’immatriculation.
Il relève par exemple que du fait de la course a l’immatriculation
déclenchée par la gratuite de la procédure, les services de la
conservation foncière sont engorgés des pièces produites dans
certains dossiers disparaissent lorsque ce ne sont pas des dossiers
tout entiers. Par ailleurs, le nombre d’agents effectivement en
41
cet article dispose « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de
la manière la plus absolue ; pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois
et règlements. »
42
voir en ce sens le Professeur Alexandre Dieudonné TJOUEN, Droits domaniaux
et techniques foncières en droit camerounais ( Etude d’une réforme législative) éd.
Economica, Paris 1981
137
CONCLUSION
43
ABESSOLO Jean Claude in la maîtrise des problèmes fonciers et domaniaux au
Cameroun, Mémoire de maîtrise en droit, Yaoundé 1985.
139
44
L’obtention du titre foncier au Cameroun est un véritable parcours du combattant.
les procédures sont pratiquement inaccessibles.
45
L’usucapion se présente comme un mode d’acquisition de la propriété et des
droits réels par la possession prolongée ; c’est une sorte d’expropriation privée qui
intervient par le fait de cette possession prolongée .
140
BIBLIOGRAPHIE
-MELONE (S)
la parenté et la terre dans la stratégie du développement
l’expérience camerounaise : étude critique
Paris, Ed. KLINCKSEIEK , 1972.