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FORUM DE LA RÉGULATION 2003 : T.

Lamarche — 1/1

Forum de la régulation 2003

Territoire :
développement exogène, développement endogène et hétéronomie

Thomas Lamarche1

La longue période de restructuration industrielle qui débute dans les années 1970 remet en
cause les institutions et mécanismes fondamentaux du fordisme. Une logique déréglementaire
de mise en concurrence et de mise en management atteint des secteurs entiers : banque-
finance, énergie, mais aussi services publics (télécom, transport -ferroviaire et aérien-,
services urbains, puis bientôt éducation, santé…). Nous verrons dans quelle mesure cette
transformation majeure de la dimension publique de l'économie frappe les territoires suivant
un processus similaire. Deux composantes du fordisme sont en effet malmenées dans le
processus de mondialisation : l'Etat comme mode principal d'intervention publique et le
territoire national comme espace d'élaboration des régularités économiques.

Le territoire dont il s’agit ici de traiter est, dans un premier temps, le territoire national. La
littérature concernant le territoire considère essentiellement cette notion dans son acception
locale. Pourtant, si "le territoire devient un problème dès lors que l'on constate que soumis à
des forces historiques identiques (…) des territoires différents produisent des dynamiques
différentes"2, alors l'intérêt porté au territoire national est une continuité logique.

1. La dé-publicisation de l'économie au cœur de l'après fordisme

1.1. La parenthèse fordiste : un compromis centré sur l'Etat national

Le fordisme constitue une période particulière durant laquelle efficacité économique et justice
sociale ont pu être conciliées. Le fonctionnement institutionnel de l'Etat-providence
(redistribution, protection sociale…) et les mécanismes interventionnistes de l'Etat keynésien
(politiques budgétaires, monétaires et fiscales) résultent de construits nationaux, lieux de
consensus sociaux et politiques selon des arrangements politiques et institutionnels locaux. Le
fordisme garde l'empreinte de son organisation nationale ; le bouclage macro-économique
(construction du revenu national, de l'investissement et de l'épargne et allocation des dépenses
publiques) est pensé dans l'espace national. Les économistes parlent alors de modèle en
économie fermée. La comptabilité nationale qui se structure est un soutien de la logique de
plan et, par l'outil statistique qu'elle fournit, affirme la dimension nationale de la pensée et de
l'action économique.
L'extérieur est cependant présent, mais comme une composante complémentaire et, de fait,
secondaire. Exportations et importations, principales composantes des relations avec

1
Université Lille 3. Lamarche@univ-lille3.fr
2
C’est la définition donnée par Martino Nieddu, (p.4) pour caractériser le programme de recherche
régulationniste RST, Régulation, Secteurs Territoires .
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l'extérieur sur le plan économique, supposent que soient identifiés lieux de production et de
consommation. Ces notions symbolisent une pensée marquée par des échanges commerciaux
de biens entre Etats ou entre commerçants ; les commerçants, puis les firmes, étant considérés
par leur appartenance nationale.
Dans le fordisme l'extérieur est peu présent, à l'instar de la comptabilité nationale qui utilise le
nom évocateur de Reste du monde dans le Tableau économique d'ensemble qui récapitule tous
les flux entre les secteurs économiques.
Pourtant la dimension internationale de l’économie remonte aux origines du capitalisme,
comme l'a montré Braudel. L’émergence des Etats-nations est constitutive de la structuration
des marchés et du marché comme principe de l’organisation économique. Depuis la période
pré-capitaliste l’unité de lieu est une donnée fondamentale des modes de régulation successifs,
l’Etat-nation est structuré sur un territoire et la construction des institutions est territorialisée
(Boyer, 1986).

1.2. Une remise en cause longue des structures publiques et nationales

D'une crise de l'Etat, visible dès les années 19703, on passe à une crise du territoire, et
notamment de l'Etat-nation qui s'interroge sur sa capacité à figurer comme échelon de pouvoir
pertinent dans une économie mondialisée.
Les presque trente années de "crise" du fordisme articulent trois composantes qui jouent sur la
pertinence des différents niveaux de territoire, le tout sur fond de crise longue des finances
publiques (endettement et déséquilibres budgétaires sont traités par des politiques libérales qui
entravent les capacités d'intervention des acteurs publics) : tertiarisation, déréglementation et
mondialisation

L'Etat-providence connaît une crise financière majeure, source d'une crise de légitimité.
L'échec de l'interventionnisme public de l'Etat donne prise à une critique libérale et à une
critique libertaire (Petrella, in Paquerot, 1996). La crise financière coïncide avec la pression
internationale exercée sur un des nouveaux "territoires" du développement des firmes : les
services et notamment les services publics. Alors la plupart des Etats vont monnayer les
organismes de service public pour favoriser un désendettement public, une libéralisation de
l'économie et l'extension internationale d'anciens monopoles nationaux. La thérapie des plans
d'ajustement structurel mise en œuvre par le FMI est explicite, il s'agit pour les pays en crise
financière de s'ajuster à une nouvelle phase de l'organisation économique. Il y a là un
processus de normalisation des structures économiques, visant à produire une convergence
vers un modèle unique de développement. Les nombreuses prises de positions de Joseph
Stiglitz, ancien économiste en chef de la Banque mondiale et prix Nobel d'économie, ont
rendu publiques des critiques exercées de longue date, et ont contribué à montrer le caractère
exogène et coupé des terrains, des décisions des institutions financières internationales.
Certes la mondialisation ne se réduit pas aux fusions-aquisitions qui reconstruisent des
oligopoles mondiaux ; c'est avant-tout une question organisationnelle : la production
industrielle des grands groupes se pense à une échelle mondiale. Les mutations qui touchent
les services publics sont symptomatiques du retrait de l'Etat de ce secteur constitutif de
l'identité d'un territoire (transport, communication, puis formation et santé). L'abandon des
services publics signe une exogénéisation du territoire.

3
L'ouvrage de Pierre Rosanvallon, La crise de l'Etat-providence, point-Seuil, 1981, reste une référence de ce
point de vue.
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1.3. Déclin de l'Etat-nation ?

Ce qui distingue la phase actuelle de la mondialisation de la précédente (développement des


firmes multinationales durant le fordisme), c'est le primat de la logique financière, le déclin
des Etats-nations comme pôle structurant de la régulation économique et la dissipation des
ancrages nationaux des firmes. Le fait que la dynamique internationale soit davantage menée
par les firmes que par les Etats-nations4, constitue un retournement important.
Internationalisation de l'économie et crise de l’Etat modifient les rapports de force ; certains
auteurs dressent ainsi le contour d'une forme de dépérissement de l’Etat-nation (Michalet,
1999).
Les arrangements institutionnels et les formes de régulation des activités économiques ne
relèvent plus essentiellement du niveau national. Les regroupements territoriaux (Union
européenne, ALENA…) et les instances internationales (au premier titre l’OMC) forment des
espaces de réglementation partenaires et en rivalité, qui sont confrontés à des régulations
privées : fonctionnement internes des firmes transnationales, marchés oligopolistiques…

2. Elément d'une déréglementation du territoire

La logique déréglementaire qui transforme l’organisation de plusieurs secteurs économiques


atteint le territoire en tant qu’action publique. La mutation des politiques d’aménagement,
puis de développement des territoires est liée à une manière de penser le territoire comme une
offre comme les autres. Comme le disent certains professionnels du marketing territorial, "le
territoire est un produit comme les autres" 5. Jacques Séguéla avait, dans une logique similaire,
présenté le vote comme un acte de consommation comme les autres. Ce qui relève d'une
même forme de simplification.
A la traversée du désert de l’aménagement du territoire, laissé pour compte pendant les années
de crise industrielle, se substitue la montée de la logique d’attractivité.

2.1. Crise de l'aménagement du territoire et montée la logique d'attractivité

La notion d'attractivité indique la capacité d'un territoire à attirer des investissements


étrangers. La place prise par cette notion s'explique par le glissement de l'économie
internationale vers l'économie industrielle. Dans la filiation ricardienne l'économie
internationale s'est longtemps basée sur la notion d'avantage comparatif. Même rénovée cette
logique libérale de spécialisation restait fortement basée sur les ressources (selon l'acception
de dotation initiale) et ainsi les avantages comparatifs étaient très figés.
Avec la construction de la notion d'avantages concurrentiels, Michael Porter transfert aux
territoires une logique industrielle de construction d'atouts dans une relation de concurrence
sur un marché. Les avantages ne sont plus donnés, ce sont des construits politiques (au sens
de politique publique et au sens de politique d'entreprise).
Les firmes transnationales acquièrent une place d'acteur prépondérant car elles décident des
espaces où investir. Leur avantage concurrentiel résultera des avantages concurrentiels
développés par les territoires.
Cette situation se tend lorsque la dimension financière de la mondialisation s'affirme. Dans les
années 1990, ce n'est plus essentiellement la recherche d'un profit d'activité qui anime la firme
mais un profit financier (issu de jeux sur l'échange de capitaux par opposition à la production

4
C'est la thèse de Krugman.
5
Propos exprimés en agence régionale de développement.
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de marchandises). Pris dans ce raisonnement, les territoires se livrent à une concurrence pour
attirer un capital international qui est devenu incontestablement plus mobile. La
mondialisation est un choix politique, "les gouvernements ont jeté par-dessus bord la base de
légitimité de leur intervention dans l'économie en choisissant le néo-libéralisme contre le
keynésianisme (…) ils se sont mis à la remorque des grandes multinationales" (Michalet,
1999, p.129)
Dans ce cadre, les IDE (Investissements directs à l’étranger) constituent un indicateur majeur
de la capacité des territoires à attirer les capitaux. Ces investissements sont la traduction d’un
enchaînement particulier qui voit progressivement les territoires se résoudre, voire se
convertir, à pratiquer une politique systématique visant à attirer les capitaux.

2.1.1. Managérialisation du territoire


La marge de manœuvre des pouvoirs publics, est profondément transformée. L'existence
d'une multiplicité de niveau de compétence politique (de la commune à l'institution
supranationale), la modification des modalités de l'action publique (retrait des politiques
budgétaires au profit d'une action monétaire) et enfin la montée d'une pensée économiciste
favorisent une analyse des territoires en terme de rivalité. La marge de manœuvre des
pouvoirs territoriaux est alors considérée en terme de renforcement de ces avantages
concurrentiels. La séduction des nations (titre de l'ouvrage de Michalet) devient un principe
d'action publique faisant primer l'attraction des capitaux (et secondairement du travail) dans
un schéma de rivalité entre territoires. On distingue trois modèles qui peuvent s'interpénétrer :
• Valorisation quasi-publicitaire du territoire dans une perspective de marketing territorial.
Le territoire est construit sur la base d'une image, l'enjeu auprès de différentes cibles
s'insère dans la logique de la marque. A l’heure de boucler cet article, la campagne Basse
Normandie passe sur les ondes radio, après avoir pris place dans en magazines et en
affichage. L’association de la région à un haut niveau de qualité des produits (en
l’occurrence la valorisation par une production de biens de luxe) est l’enjeu du volet
publicitaire de ce marketing territorial. La dimension image est ici prise en charge par une
agence de communication de la même façon que la construction d’une marque.
• Mise en avant de la compétitivité prix du territoire. Le lien compétitivité-attractivité
conduit à prouver aux investisseurs potentiels un bon rapport qualité-prix. Ces deux
notions, qualité d'une offre territoriale et prix de ce territoire, sont sujettes à interprétations
multiples. Il ressort de ce modèle une focalisation sur les coûts directs pour l'investisseur
(coûts sociaux liés au travail et fiscalité). On reviendra sur la composante prix qui est le
moyen d’une politique d’attractivité apparente (construction d’une image-prix) : zone
franche, défiscalisation temporaire…
• Une politique de valorisation des compétences du territoire. Le développement de biens
publics (Cf. théorie de la croissance endogène) met en avant les infrastructures en
communication (routes, télécom), formation, diffusion de technologie qui deviennent la
condition de l'attractivité du territoire. Il y a là un travail sur le développement endogène
que l'on verra en dernière partie. L’essentiel n’est plus le prix mais la ressource disponible
au sein du territoire.
Ces trois composantes constituent des options qui sont couramment associées. Les deux
premières forment un ensemble assez identifiable, cependant on retrouve des traces de la
troisième composante, plus qualitative, qui peut s'associer à une dimension publicitaire
notamment.
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La stratégie d'image se nourrit d'apports des pratiques managériales. Il s'agit de faire comme
si les bonnes pratiques de gestion pouvaient passer de l'entreprise au territoire. Le Rapport
parlementaire de Michel Charzat6 qui calque sa rédaction sur un plan marketing (force /
faiblesse / opportunité / menace) et agence des propositions à la manière d'un plan de
communication est emblématique de l'infiltration d'une pensée managériale du territoire.
Un des effets de la managérialisation est la transformation des agences (nationales et
régionales) de développement des territoires en agence de promotion7. En entrant dans le jeu
de la mise en concurrence les territoires cherchent à satisfaire les attentes et besoins des
investisseurs internationaux, il s'agit de faire mieux que les autres territoires rivaux… ce
faisant les institutions locales construisent des "avantages spécifiques et des externalités
positives ciblées" (Héraud et Kahn, 2002). Ces externalités sont par exemple des
infrastructures publiques de transport, de communication, de distribution d'énergie… qui
participent finalement à la production de profits privés. Dans le même ordre d'idée, les
pratiques des agences de promotion en instruisant les dossiers d'insertion locale des
investisseurs étrangers sont une importante activité de service et d'ingénierie… que le public
prend en charge.

2.2. La pensée d'un territoire en concurrence : omniprésence d'une logique "par les
coûts"

Un effet pervers associé aux politiques monétaristes de désinflation compétitive des années
1980 et 1990 est que la lutte contre l'inflation reste prioritaire mais non coopérative. Il s'agit
pour chaque pays de faire mieux que ses partenaires européens : faire moins d'inflation c'est
améliorer sa compétitivité prix. La politique économique de l'Union européenne apparaît plus
faite de compétition que d'harmonisation.

Lorsque le territoire se pense en concurrence, cela peut le conduire à une surenchère


caractéristique d'une situation concurrentielle. Le cas des facteurs mesurables financièrement
par l'investisseur mérite une attention particulière car ils se différencient des caractéristiques
qualitatives plus diffuses (niveau de formation du bassin de population, performance des
infrastructures…).
La course à l'avantage financier que mènent certains investisseurs incite les territoires à
produire différentes formes de dumping. Le dumping auquel se livrent les autorités publiques
territoriales marque un comportement de rivalité/surenchère et une focalisation sur les critères
de coût. On peut synthétiquement définir deux catégories d'actions issues d'une logique de
coûts: l'attractivité apparente et les aides (qui reviennent à diminuer le coût d'accès pour la
firme arrivante).
Les politiques d'attractivité apparente constituent des formes de dumping en favorisant un
point de vue comptable, ce qui conduit à focaliser sur les charges que supportent les firmes :
charges sociales et charges fiscales. Deux récents rapports parlementaires sont éloquents sur
le traitement de la question par la représentation nationale : le rapport de Michel Charzat (PS)
en 2001,déjà évoqué, et celui d'Olivier Dassault (UMP) en 20038.
Le dumping social met en avant la flexibilité du travail, le bas niveau des salaires et adresse
ainsi aux entreprises une promesse qui se mesure en terme de coût (le faible coût du travail

6
CHARZAT M., Rapport au Premier ministre sur l'attractivité du territoire français, juillet 2001.
7
L'agence de promotion économique du Nord-Pas de Calais se nomme ainsi NFX (Nord France eXperts) et ses
sites ne sont plus rédigés en français, tout comme l'adresse électronique est locateinfrance.com. De la même
façon au niveau national, les IDE sont traités par Invest in France agency.
8
DASSAULT O., Rapport au Premier ministre sur l'attractivité du site France, janvier 2003.
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peu qualifié) et en terme de réversibilité (liée aux formes flexibles du contrat de travail). Le
modèle de la compétitivité prix est double : le territoire offre des ressources peu coûteuses, il
est compétitif ; et l'entreprise cherche à défendre une compétitivité par les coûts. Les exemples
britannique et sud-est asiatique sont explicites ; là prime un modèle de spécialisation (en
l'occurrence par le coût de la main d'œuvre) dont la justification théorique remonte à Ricardo.
Le dumping fiscal constitue une dimension moins présente mais régulièrement associée au
dumping social. Le rapport d'Olivier Dassault plaide9, au nom du déficit d'attractivité de la
France pour une réforme de l'ISF (Impôt de solidarité sur la fortune). On retrouve ici une
antienne sur la fiscalité du capital : l'impôt sur le capital le fait fuir, il convient alors d'être
attractif fiscalement. Actions fiscales et sociales convergent dans des propositions de
déréglementation sociale (baisse des charges, nouveaux contrats de travail…).
L’implantation des sièges sociaux des grandes entreprises en Europe montre ainsi la capacité
de certains territoires (ici des villes) à attirer les centres de direction, non pas seulement sur
des critères de localisation de l’activité ou de proximité entre pairs… mais en fonction (non-
exclusive, évidemment) de facteurs fiscaux-financiers. Alors que Londres et Bruxelles offrent
une place d’entrée dans les réseaux principaux du pouvoirs et de l’information, La Haye attire
une part importante de sièges sociaux d’entreprises européennes non liées aux Pays-Bas par sa
politique fiscale. Ainsi parmi les différentes entités constitutives de la firme, les centres qui
dégagent la plus value (par opposition courante avec les centres qui gèrent les différentes
étapes de la production) sont eux aussi localisés-délocalisés sur critères fiscaux (les situations
d’Alcatel, et dans une moindre mesure de STMicroelectonics, sont exemplaires de ce
phénomène10.

Enfin, si les territoires se livrent à une course à la subvention, aucune étude ne prouve l'effet
direct de tels aides (Veltz, 2002). Les aides semblent d'une utilité finale, lorsqu'il y a
hésitation entre deux localisations. Le choix de l'implantation d'un synchrotron en France a
donné lieu à une vaste concurrence entre l'Ile de France et le Nord Pas de Calais, la victoire
parisienne est attribuée à la subvention accordée en fin de négociation par le conseil
régional11. Dans cette situation la rivalité est infra-nationale et la logique d'aide intervient
dans la décision finale.

2.3. Un territoire exogène, pensé comme une ressource

La logique ricardienne réinterprétée par le marketing territorial réduit les autorités locales à
penser le territoire comme une ressource pour les grandes firmes mobiles. Cette analyse
relève d'un présupposé issu d'une pensée libérale standard : les facteurs de production sont
mobiles; ils font l'objet d'un mécanisme d'allocation (i.e. ils sont plus ou moins demandés) et
la production de richesse est principalement organisée par la firme. Le territoire, immobile par
définition, se réduit à une fonction de ressource mise à disposition de la firme transnationale
qui gère une activité de production en fonction d'une nouvelle division internationale12.

9
Selon sa propre expression, La tribune, 31 janvier 2003.
10
. Signe que cette localisation fiscale est entrée dans les pratiques, Sanofi-synthélabo lors de son assemblée
générale 2003 se considère "plutôt exemplaire dans son impact français" pour n'avoir pas relocalisé son siège
pour des motifs fiscaux; cela s'insère de fait dans sa politique de Responsabilité Sociale et Environnementale
(Eric Vidal, Impact Entreprises, n°34, mai juin 2003, p.9)
11
C'est notamment la version du Conseil Régional Nord-Pas de Calais.
12
Une des traductions de cette logique de ressource est la spécialisation et s'oppose en fin de compte à tout ce
qui découle d'une logique vivrière : le producteur local étant soumis au prix du "marché mondial"… ne lui survit
pas. Une vision schématique darwinienne tend à s'imposer : seul le "plus efficace" peut survivre.
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Pourtant ces stratégies de globalisation qui animent un petit nombre de très grandes firmes ne
sont qu'un des facteurs structurant le territoire. Elles agissent comme un facteur marquant
(localisation et délocalisation du capital) et produisent une forme de résignation politique
(symbolisée par une expression française ad hoc "contrainte extérieure", qui résume une des
formes d'exogénéisation du territoire).
La notion de stratégie de globalisation recouvre des stratégies industrielles particulières que
ne peuvent mettre en place qu'un petit nombre de groupes industriels, elle suppose un certain
seuil de développement (difficile à délimiter cependant) permettant de penser l'échelle
mondiale. Dans le foisonnement de publication qui vise à caractériser la mondialisation, un
clivage oppose le territoire vu comme une ressource (à adapter) et le territoire comme lui-
même producteur de richesse. Les stratégies de globalisation correspondent à la première : ce
sont des visions managériales de la mondialisation. Identifier la mondialisation à une logique
stratégique fait conclure à une perte de pouvoir des Etats-nations.

Les particularités locales des relations capital-travail permettent de produire des formes de
rentes (ou d'avantages concurrentiels). L'opposition entre développement exogène -basé sur
l'attractivité de forces extérieures- et développement endogène –basé sur le soutien aux forces
internes- a pour enjeu le partage de la rente entre les acteurs (notamment firmes
transnationales d'une part et acteurs locaux d'autre part). Est-ce l'oligopole qui s'approprie la
rente (et part quand la rentabilité baisse ou quand les aides s'arrêtent selon les effets
d'aubaine) ou la rente est-elle (en partie au moins) appropriée par le territoire ?

2.3.1. Poids des oligopoles


Une des principales caractéristiques du capitalisme patrimonial selon François Chesnais
(1997), est le rôle central des droits de propriété, et donc de ses détenteurs, aux dépends des
autres parties prenantes. Deux phénomènes s'associent :
• Accroissement du pouvoir de la grande entreprise (oligopoles mondiaux dans la plupart
des secteurs industriels), aux dépends des autres acteurs sociaux, ce qui ne peut se
confondre avec le pouvoir du marché ;
• Accroissement du pouvoir des propriétaires au sein de la firme.

Dans la technostructure décrite par Galbraith pour caractériser la firme des années de
croissance, les stackholders (à l'époque essentiellement managers et salariés) étaient des
acteurs centraux et le pouvoir des propriétaires du capital (les stockholders) relativement
réduit au profit de la structure elle-même.
Il convient de distinguer différentes politiques de détention d'actions qui reflètent deux
tendances du capitalisme contemporain: stockholders et shareholders :
• L'acquisition d'actions liée à une stratégie industrielle: le capital sert une dynamique
productive. C'est la notion de part dans la propriété, on dira même de part active (share) ;
• L'acquisition d'actions a un but financier : constitution de plus-value financière liée à la
variation du cours boursier du titre (stock). Les fonds de pensions se trouvent
généralement dans cette catégorie.
Ce détour par l'analyse de la firme permet de caractériser les logiques de mobilité qui animent
les firmes transnationales. La mobilité du capital relève d'une question spatiale (IDE,
localisation de la production…) et de logique de croissance externe (fusion-acquisition,
filialisation, participation…). La mobilité spatiale s'insère dans une logique productive alors
que ce n'est pas toujours le cas pour la mobilité financière.
Le caractère exogène du développement territorial constitue une dimension de la conflictualité
inhérente au capitalisme. Dans le statut de la Société Anonyme, les propriétaires du capital
FORUM DE LA RÉGULATION 2003 : T.Lamarche — 8/8

exercent un pouvoir direct, mais aussi, de façon croissante, indirect. Nombreux détenteurs de
titres financiers ne sont pas propriétaires pour être industriels mais pour que la propriété
rapporte des plus-values financières et non des marges issues de la production13. Le
capitalisme financier chasse alors le capitalisme industriel.

A la place d'un capitalisme où se confrontaient capital et travail, on doit faire une place à une
tension intégrant le territoire. Cela suppose d'identifier qui compose le territoire, qui sont ses
acteurs qui, à la différence du capital, ne sont pas mobiles. On recensera :
• Le travail, salariat local, travailleurs indépendants, petits entrepreneurs, qui à des degrés
divers sont plus ou moins immobiles ;
• Pouvoirs publics, service publics, gestionnaires des infrastructures ;
• Habitants, notamment fractions les moins mobiles des habitants (retraités, paysans,
artisans…).
La thématique de la mobilité, très présente dans la construction européenne, vise ainsi à
construire la fluidité des facteurs. L'enjeu de la mobilité (on pourrait dire de la mobilisation,
dans le sens de rendre mobile et dans le sens d'impliquer) des facteurs au sein de l'Union
européenne constitue un puissant indicateur de la volonté de construire un fonctionnement
marchand pour toute sorte de ressources (faire circuler les salariés, les étudiants…).

2.3.2. Des effets pervers des IDE


L'évolution entre 1980 et 2000 ne se mesure pas tant d'un point de vue du commerce14 que du
point de vue des mouvements financiers15 et d'une de leurs implications : les prises de
contrôle. L'internationalisation des services repose sur des transferts de capitaux et donc des
prises de pouvoir local (Chiapello et Boltanski, 1999). En effet les services, notamment les
services publics, ne s'exportent pas dans les mêmes termes que les biens. Ils supposent
différentes formes de localisations :
• Implantation près des consommateurs finaux (lié à la logique de distribution qui est
intégrée au service);
• Développement d'infrastructure (les services liés à une infrastructure nécessitent une
implantation localisée ; c'est le cas des services publics en réseau);
• Concentration dans des zones extrêmement réduites, mais exerçant une activité sur des
enjeux ou des valeurs mondialisées (conseil, finance, localisés à New York, la City,
Tokyo).
L'extension internationale des firmes de services a conduit à de très importants transferts de
propriété selon deux mouvements -privatisation et fusions-acquisitions16- le premier
entretenant le second.

La reconnaissance du caractère plus ou moins attractif des territoires devient un enjeu fort
puisqu'il s'agit pour les Etats de se mesurer les uns les autres, de se jauger… cela permet
secondairement aux firmes de repérer les zones attractives. A l'instar des indicateurs boursiers
et de la notation financière indiquant les performances des firmes, se développent des
classements d'attractivité, qui formalisent une relation de concurrence entre les territoires.
Deux polémiques récentes à propos d'indicateurs économiques éclairent leur rôle.

13
Quelques situations ont été mises en avant par les média lors de la crise des valeurs technologiques en 2000 :
ce n'est pas le niveau de profit qui importe mais l'évolution anticipée du cours boursier (Cf. Orléan).
14
Le commerce international représente 46 % du PIB mondial en 1980 et 41 % en 1999.
15
On ne traitera pas ici de la dimension proprement financière, Cf. Chesnais, 1997.
16
L'année record en matière de fusions-acquisitions est l'année 2000 (3540 milliards de dollars).
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La première prend place début 2002 lors de la campagne pour les élections présidentielles en
France. Eurostat publie un classement des performances économiques des 15 membres de
l'Union européenne dans lequel la France est classée 12ème (contre 3ème en 1990) cela nourrit
une polémique autour du déclin de la position française, d'autant que les erreurs de calcul sont
nombreuses17. Début 2003 Eurostat modère son jugement et corrige ses erreurs, la France se
trouve au-dessus de la moyenne européenne à niveau égal de l'Italie, l'Allemagne et le
Royaume-Uni.
La seconde s'est développée en 2002, elle fait ressortir le caractère normalisateur de tels
classements. Le World Economic Forum, connu pour le Forum annuel organisé à Davos,
produit un classement de la compétitivité des Etats. Or le classement 2002 relègue la France à
la trentième place18…
Deux situations distinctes, mais qui ont en commun d'avoir mis l'attractivité et la compétitivité
de la France sur la sellette et d'avoir été reprise dans un argumentaire politique courrant. Les
débats sur la loi de finance 2003 à l'assemblée nationale y font un large écho.
L'enjeu de ces chiffres est lié à leur statut d'indicateur mais aussi au sens politique qui peut
leur être attribué ; car parallèlement au débat sur la perte d'attractivité, la France se situe
parmi les 3 premiers pays du monde pour les IDE entrants. Ce qui mérite d'être pris en compte
comme une indication d'attractivité effective (Veltz, 2002).

L'analyse d'un grand nombre de comparaisons internationales, menée par Boyer (2002) fait
ressortir un autre travers de certaines études ou indicateurs. L'OCDE produit ainsi des
analyses qui prennent la forme de benchmarking, c'est-à-dire de comparaison selon une
méthode gestionnaire utilisée par les firmes, rendant le propos normatif et participant à
l'assimilation des économies nationales aux firmes. De plus la référence aux Etats-Unis
conduit à faire du capitalisme américain la norme, en niant les variétés. L'intégration des Etats
dans un univers concurrentiel mondial est l'enjeu de ces modèles normatifs de convergence et
d'attractivité.

2.4. D'exogénéité à hétéronomie

L'attractivité induit un effet d'exogénéisation dans le sens où le lieu de décision (pouvoir du


capital) et les lieux où ces décisions prennent effet sont déconnectés. Le caractère exogène se
rapporte au fait que les règles et les décisions sont imposées de l'extérieur. Le territoire
exogène est celui dont la richesse, le travail, l'activité économique résultent d'acteurs
extérieurs. Les constituants de la force du territoire, comprise ici dans une acception
essentiellement concurrentielle, relèvent d'un pouvoir extérieur (qui apporte le capital, les
brevets, le savoir et un ensemble de règles de travail). Relativisons ce critère exogène en
rappelant que le capital, fut-il national, peut prendre toute sorte de décision contraire à l'intérêt
de la population locale (la vague de licenciements qui marque ce début de siècle n'épargne pas
les lieux d'origine du capital19) ou contraire à l'intérêt de la collectivité (c'est l'enjeu de la
Responsabilité Sociale et Environnementale des entreprises).
Dès lors il n'y a pas seulement une question sur le développement exogène du territoire, mais
plus fondamentalement sur le caractère hétéronome du capitalisme. L'hétéronomie, selon
André Gorz (1988), qualifie la non maîtrise et la perte d'autonomie du sujet. L'individu (ou ici

17
Cf. Alternatives économiques février 2002 et février 2003.
18
La tribune, 31 janvier 2003
19
Définir la "nationalité" d'une firme est un exercice difficile mais exemplaire des différentes modalités de
l'ancrage national. Néanmoins il est plus facile pour une firme étrangère au tissu socio-politique de se
désintéresser de l'effet collectif de son désengagement.
FORUM DE LA RÉGULATION 2003 : T.Lamarche — 10/10

pour nous le territoire) est alors dirigé de l'extérieur, par une organisation préétablie.
L'organisation bureaucratique produit une "hétéronomie programmée" (c'est l'organisation qui
dirige l'action des individus), alors que le marché fonde une hétéronomie "non programmée".
Ces deux phénomènes sont inhérents à l'approfondissement de la division du travail,
notamment entre une composante immatérielle de conception-contrôle-protection juridique et
une composante matérielle participant de moins en moins à la production de valeur (ou en tout
cas étant de moins en moins considérée dans la répartition de la valeur).

La référence à Gorz suppose de faire un parallèle entre le travail et le territoire. En effet


l'essentiel de la réflexion sur l'hétéronomie est construit sur l'hétéronomie du travail, et
notamment du sujet face au travail. La capacité du capital à structurer le rapport salarial et à
dominer le travail dans un rapport de force n'est pas étrangère à la capacité du capital à
dominer les territoires; et cela de façon d'autant plus marquante qu'il est plus mobile.
On peut considérer comme hétéronome un territoire qui n'est plus maître de ses institutions et
des règles de fonctionnement des acteurs (conditions de mise au travail, rapatriement de
capitaux...)… L'insertion dans les échanges internationaux et dans la division internationale
du travail réduit la capacité d'un territoire à être l'artisan autonome de son devenir (pour
reprendre la terminologie d'Ivan Illich), il l'enchâsse dans un système économique et
marchand qui renforce sa dépendance. C'est, selon Illich la source de l'aliénation pour le sujet
; cela l'est aussi pour le territoire projeté dans les échanges internationaux. Le choix en faveur
de l'autonomie reste cependant possible, l'homme peut se dégager du "mode de production
hétéronome" en s'attelant à produire lui même (on pense au système vivrier), plutôt que
d'avoir recours à la marchandise.

L'hétéronomie constitue un puissant ressort critique du capitalisme, dépassant le cadre de


l'analyse du territoire, mais permettant, ici, de situer un des enjeux de perte de pouvoir du
local. Le système démocratique est finalement mis en péril par sa soumission à une décision
externe, elle-même issue d'un pouvoir privé et non d'une forme d'intégration internationale.
Pour Serge Latouche20 il n'est même plus question de différencier développement endogène et
exogène, c'est la notion même de développement qui est perverse. Le développement tel qu'il
se présente depuis trente ans est fondamentalement source d'hétérogénéité et, en fait,
d'occidentalisation. L'insertion non seulement dans les échanges internationaux, mais plus
généralement dans le développement détruit les cultures locales. Ainsi, même endogène le
développement est hétéronome; facteur d'uniformisation.

Malgré cette critique dure, Gorz considère toutefois que "dans une société complexe on ne
peut supprimer complètement l'hétéronomie" (1988, p.119). L'enjeu consiste à définir des
espaces d'autonomie. Le lien avec la construction d'une forme d'autonomie dans le
développement local est manifeste dans les expérience de Systèmes d'Echanges Locaux , la
proximité est un des moyens de la reconquête d'une certaine humanité dans le développement
(Gorz, 1997). La proximité est aussi une source d'appropriation des conditions du
développement que l'on trouve dans les expériences de développement endogène des
territoires.

3. Le développement endogène du territoire

20
Latouche S. "En finir, une fois pour toutes, avec le développement", Le monde Diplomatique, mai 2001.
FORUM DE LA RÉGULATION 2003 : T.Lamarche — 11/11

En fin de compte ce sont les acteurs locaux qui subissent et donc prennent en charge les
interdépendances et les effets externes21 ; c'est localement que la faible durabilité du
développement se mesure. La mobilité du capital (surtout financier) se rémunère sur
l'immobilité d'autres facteurs (la terre, le travail, …). La mondialisation renforce l'exogénéité
(les décisions extérieures sont structurantes); face à cela nombre d'initiatives
nationales/locales tentent d'endogénéiser le développement en soutenant les facteurs locaux,
non-mobiles (innovations, formation, initiatives locales…).

Un important axe de renouvellement dans la pensée du post-fordisme provient d'une réflexion


sur ses formes territoriales. En se basant sur la notion de district industriel décrit par Alfred
Marshall à la fin du 19ème siècle, Piore et Sabel (1984) lient les nouvelles formes de
production flexible à leur insertion dans le territoire. Leurs travaux coïncident avec les
fructueuses descriptions du mode d'industrialisation de la troisième Italie22 et engendrent une
génération de réflexions sur le développement endogène23.
Des formes de concurrence-coopération, de relations basées sur la confiance, de liens
affinitaires avec le local… sont soutenues à un niveau de pouvoir qui permet aux acteurs de se
concerter, de se connaître. Par opposition au modèle de la firme mondiale qui produit de la
décision et de l'organisation à distance, la construction locale de l'activité économique
constitue un horizon où l'action du pouvoir local perdure. La dimension alternative de l'action
économique locale provient de ce qu'elle permet la rencontre d'acteurs économiques (PME
locales), d'acteurs publics (collectivités territoriales) en associant des formes d'autonomie du
local.
La dimension politique sous-jacente de ces constructions se traduit par des propositions en
terme de politique publique prenant conjointement en compte logique de développement
territorial et gestion des externalités positives et négatives. Cette position est particulièrement
manifeste chez Alain Lipietz24 et Bernard Pecqueur25 qui allient activité de recherche et
pratique politique sur les questions de territoire. Cette dynamique conduit à intégrer la notion
de développement durable aux recherches sur le territoire (Héraud et Kahn, 2002; Laganier,
Villalba et Zuindeau, 2002). Districts et systèmes productifs locaux sont cependant parfois
mythifiés car ils font apparaître une marge de manœuvre là où la mondialisation semble
imposer une soumission à un ordre extérieur26.
Les stratégies de développement exogène répondent à la logique de spécialisation que
développent nombre de firmes agissant à l'échelle mondiale. La firme fait ce qu'elle sait le
mieux faire et externalise les domaines qui lui semblent secondaires. La stratégie exogène des
territoires vise à attirer le capital en mettant en avant une particularité, qui se traduit comme
avantage pour la firme. La stratégie de localisation des firmes est une géographie des coûts,
mais de plus en plus également une géographie de l'organisation (Veltz, 96). L'éclatement de

21
Pollution, licenciement, déplacement rapide de capitaux spéculatifs… sont autant d'effets induits par des
pratiques d'entreprises qu'elles ne prennent pas en charge et qui restent ainsi à gérer par la collectivité.
22
Une importante littérature est produite dès 1977, pour une synthèse, voir Benko et Lipietz, 1992.
23
Notion proposée en 1981 par Stohr et Taylor, Development above or below, Wiley.
24
Economiste, Alain Lipietz est porte-parole des Verts, un temps Conseiller régional Ile de France, puis
actuellement député européen et conjointement membre du Conseil d'Analyse Economique mis en place par
Lionel Jospin lorsqu'il était Premier ministre. La dimension critique et de projet de son rapport au CAE constitue
un exemple des échanges entre terrain politique et terrain de recherche.
25
Bernard Pecqueur, enseignant chercheur à l'Université Grenoble 2, publie régulièrement sur les thématiques
du développement local, il est conseiller municipal de Grenoble et président de la commission "développement
économique et emploi".
26
Dans nombres de positions critiques, le responsable est ailleurs : FMI, Bruxelles, l'OMC ou les FMN, quand
bien même des mandats publics régissent les décisions des hauts fonctionnaires dans les instances
internationales.
FORUM DE LA RÉGULATION 2003 : T.Lamarche — 12/12

la production réduit le pouvoir local des territoires : les filiales comme les sous-traitants sont
soumis à une organisation exogène.
Le développement endogène consiste non plus à se baser sur l'attractivité mais à construire
une base locale d'activité, en misant sur des facteurs non-mobiles (à l'inverse du capital
financier). L'action publique (du local au supra-national) vise à valoriser l'innovation, les
initiatives locales, les facteurs endogènes spécifiques… Stratégies endogène et exogène, ne se
construisent pas de stricte façon antagoniste et n'existent pas à l'état pur, chaque territoire les
associe de différentes manières. On peut, avec Zuindeau (2000) noter que le développement
durable suppose un principe de non-rivalité qui est étranger à l'attractivité. En effet une
politique d'attractivité consiste à reporter une partie des charges sur des tiers (cf. le dumping,
supra). Dans le domaine de l'environnement des spécialisations se développent sur des
productions polluantes ou à risque dans des pays à plus faible réglementation ; ces pays ne
font pas payer les externalités… et attirent l'investissement par une rivalité non-durable.

Pourtant le fonctionnement des districts industriels garde une part d'ombre, il n'est pas
réductible à une recette qui permettrait de créer du développement local. Bien qu'optimiste sur
le sujet, Bernard Pecqueur considère qu'il n'existe pas de paradigme, pas de modèle "clé en
main" (Pecqueur, 2000, p. 51). Les systèmes productifs locaux sont des construits longs qui
ne résultent pas de façon déterministe d'une action politique uniforme. Ils reposent sur des
facteurs que les économistes peinent à définir : culture commune, confiance et solidarité.
Ainsi dans les districts, des échanges non monétaires ont une place décisive : partage
d'information technico-économiques (l'information devient ressource collective et ne sert pas
à la compétitivité intra-district) ; partage d'expérience ; participation à la construction du
savoir et des compétences en lien avec le système éducatif… autant d'ingrédients qu'une
politique publique peut susciter.
Le développement endogène mise sur la pérennité des actions et non sur la recherche d'un
avantage non durable lié à la mobilité du capital ; il repose sur une forte part de collectif et de
coopératif, sur un développement en réseau dans lequel s'illustrent des tissus de PME, alors
que l'internationalisation des groupes les place en situation d'extériorité vis à vis du territoire.

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