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EL 3 Reprise Élèves

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EL 3 : Colette, Les Vrilles de la vigne, « Le dernier feu », extrait

Reprise (et complément) des propositions des élèves

Introduction
Colette a 35 ans lorsqu’elle écrit « Le dernier feu », qu’elle publie ensuite dans le recueil Les Vrilles
de la vigne. Elle vient de vivre une séparation douloureuse avec Willy, son premier mari, et connaît
à nouveau l’amour avec Missy, dont on devine le nom derrière le M. de la dédicace. L’écriture et la
plongée dans le passé sont donc pour Colette des apaisements salvateurs. L’extrait que nous allons
étudier célèbre donc à la fois la femme aimée, l’enfance et le printemps naissant. Tout commence
avec une banale conversation entre les deux amantes à propos de la couleur des violettes.
[LECTURE]
Nous verrons de quelle manière l’écriture poétique de Colette parvient à faire ressurgir le bonheur
d’un souvenir d’enfance tout en célébrant la beauté d’un modeste élément naturel. Notre explication
se déroulera en 3 temps : tout d’abord les l.1 à 8 nous feront assister à un dialogue amoureux ; puis
dans les l.9 à 16 nous serons plongés dans la contemplation du tableau de l’enfance retrouvée ; enfin
le texte se clôt des l.16 à 21 avec une ode aux violettes.

I/ L.1 à 8 (« Et les violettes » à « de ton enfance !... ») : un dialogue amoureux


L.1- 2 :
- début in medias res (on arrive au milieu d’un dialogue) + antéposition du COD « les violettes » :
mise en valeur du sujet du dialogue
- « par magie » : atmosphère merveilleuse, pouvoir surnaturel de cette petite fleur
- « les reconnais-tu ? » : discours direct => elle s’adresse à M. (= Missy).
- « tu » : complicité, proximité…
- « ce printemps-ci » : cette expression suggère que ce n’est pas le 1 er printemps => relation déjà
ancienne (ce que suggérait déjà le préfixe re- dans les reconnais-tu)
L. 3-4 : badinage amoureux sur la couleur des fleurs
Remarque : le violet est une couleur symbolique, qui fait implicitement référence aux amours
homosexuelles et à l’émancipation des femmes (couleur la plus présente dans les manifestations
féministes depuis le 19è s) => référence implicite au caractère amoureux du dialogue. Le bleu est
quant à lui la couleur préférée de Colette.
- points de suspension qui laissent à Missy le temps de se souvenir.
L. 4-5 : pause descriptive du regard de la femme aimée en lien avec les éléments naturels (herbe,
eau ) + connotation méliorative de « l’herbe neuve » = fraîcheur, pureté, jeunesse. Cette phrase très
lyrique rappelle les blasons poétiques (poèmes qui font l’éloge d’un détail physique de la femme
aimée).
Cette phrase insiste sur le fait que c’est le sens de la vue qui est sollicité depuis le début de l’extrait.
Les points de suspension prolongent cette pause contemplative.
L. 5-8 :
- « Cesse ... plus bleues... » : Colette abrège le débat sur la couleur ; l’impératif n’a pas de valeur
d’ordre ni de menace, mais signifie qu’elle s’empare seule de la parole.
- les 3 impératifs suivants (« porte », « regarde » deux fois) invitent, conseillent comme Sido
pouvait le faire avec Colette : ici c’est Colette qui prend la relève des enseignements de sa mère et
Missy devient la disciple
- l. 6-8 : expérience de mémoire affective/involontaire grâce au sens de l’odorat qui est le seul à
pouvoir, grâce à sa constance (« parfum invariable » alors que les violettes sont « changeantes » à
la vue) ramener dans le passé (« abolit les années »). Cette opération synesthésique (« regarde, en
respirant ») relève pour la narratrice de la « magie » = « philtre », « ressusciter »
- « comme moi », « ton enfance » : Missy et tout lecteur peut faire cette exp universelle et
enthousiasmante (point d’exclamation)

1
Transition à faire :

II/ L. 9 à 16 ( de « Plus mauves ... » à « des fermes environnantes... ») : le tableau de l’enfance


retrouvée.
L.9 : « Plus mauves... non, plus bleues » : reprise exacte de l’expression du paragraphe précédent
pour faire transition entre le présent de l’énonciation et le passé du souvenir qui va suivre.
L. 9-12 :
- mouvement très cinématographique, ou du moins très visuel : le regard, comme s’il observait un
tableau, embrasse d’abord un vaste paysage (« des prés, des bois profonds »), puis suit le trajet
horizontal des « ruisseaux froids, des sources perdues » avant de s’attarder, comme en gros plan, sur
les fleurs diverses et nombreuses (la triple répétition des « violettes » souligne cette abondance)
- on peut parler d’hypotypose ici (description dynamique et si frappante que l’on croit la voir
évoluer sous nos yeux) et de locus amoenus (= paysage agréable qui nécessite la présence d’ombre,
d’eau, de verdure et une sensation de protection)
=> Colette nous met sous les yeux une vision enchantée de la nature de son enfance ; cette
idéalisation est accentuée la musicalité de la phrase (allitérations en p, en b, en j et assonances en
on et ou) et la personnification des éléments naturels (« sources perdues, nées »). Notons enfin que
la jeannette se nomme aussi « narcisse des poètes »
- points de suspension : laissent au lecteur le temps de composer dans sa tête ce tableau assez
impressionniste
L. 12-13 :
- répétition de l’expression « je revois » : réminiscence d’un souvenir précis en lien avec le cadre
décrit avant. L’ « enfant silencieuse » est Colette comme l’indique l’adverbe « déjà » : cette enfant
émerveillée par le printemps existe encore chez l’adulte
- « bonheur sauvage » : expression apparemment antithétique mais à comprendre dans le sens
étymologique de « sauvage » = qui vit dans la forêt (silva en latin) => c’est un bonheur lié à la
nature que ressent l’enfant
- « triste et mystérieuse joie » : expression là encore oxymorique qui va être expliquée par la phrase
suivante. Colette voit dans l’enfance une période merveilleuse, mais elle ne l’embellit pas non plus
excessivement.
- Colette enfant se sentait « prisonnière » à l’école et enviait donc la liberté des « petites bergères »
qui pouvaient cueillir « les premiers bouquets de violettes des bois » qu’elles troquaient contre « des
jouets » ou « des images »
- le « fil de coton rouge » crée un effet de réel qui donne de la véracité à la description de l’anecdote

Transition à faire :

III/ L. 16 à 21 (de « Violettes à courte tige... » à « m’enivre... ») : une ode à la violette.


Ce dernier paragraphe qui renferme 7 fois le nom « violettes » est une sorte d’invocation, de chant
de louange fait en l’honneur de cette fleur modeste.
L. 16-18 :
- Phrase découpée en 4 groupes rythmiques (marqués par l’anaphore de « violettes ») de plus en
plus longs : « Violettes à courtes tiges//violettes blanches et violettes bleues// et violettes d’un blanc
bleu veiné de nacre mauve // violettes de ...inodores » => le rythme enfle, grandit comme la taille
des violettes décrites, d’abord à « courte tige » et qui à la fin « haussent sur de longues tiges » leurs
corolles
- sens de la vue mis en avant avec les détails de couleurs ; « nacre mauve » : Colette associe parfois
les fleurs et les coquillages, en raison de leur forme, ou comme ici des reflets qu’ils renvoient.
L. 18-19 :
2
- paradoxe de l’éclosion sous la neige (explique aussi la « magie » de la l.1) : les fleurs,
personnifiées, souffrent de cette naissance dans le froid (« « déchiquetées, roussies »)
- cette souffrance éveille la compassion de la narratrice qui les désigne par des termes
hypocoristiques ( = qui expriment de l’affection) : « laideronnes, pauvresses »
L. 19-21 :
- apostrophe lyrique (ô + point d’exclamation) qui suggère une forme de vénération
- de fait on assiste à une sorte d’apothéose (= transformation en divinité) des violettes qui s’élèvent
vers le « ciel laiteux »
- sorte d’hallucination (la narratrice est enivrée) : les violettes semblent former une treille, comme le
ferait la vigne, alors que c’est impossible ; personnifiées, elles sont parées de « petits visages », qui
palpitent comme des cœurs.

Conclusion :
Dans cet extrait particulièrement poétique et lyrique, Colette célèbre à la fois le bonheur d’aimer et
le bonheur de retrouver des impressions d’enfance, grâce à la vue mais surtout à l’odorat qui la
ramènent des années en arrière, dans son enfance bourguignonne. Elle y célèbre aussi la beauté
étrange et la force de ces petites fleurs qui, comme elle, renaissent après un dur hiver (métaphore du
divorce).
Cette expérience de mémoire involontaire, Marcel Proust la décrit magistralement dans un épisode
Du côté de chez Swann, alors qu’il trempe une madeleine dans une tasse de thé.

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