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La RSE Dans La Gouvernance Des Entreprises en Droit OHADA Par Gervais MUBERANKIKO

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La responsabilité sociétale des entreprises dans la gouvernance des sociétés

en droit OHADA
Par
Gervais MUBERANKIKO
Docteur en droit privé de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Email : mugervais@gmail.com

Première publication in Lexbase Afrique-OHADA, Edition n°34 du 11 juin 2020.

Résumé
La RSE est un processus par lequel une entreprise intègre, de manière volontaire des
préoccupations sociales et environnementales dans sa gestion et l’exercice de ses activités. Dans
ces conditions, il convient de préciser que le concept de RSE et celui de gouvernance des
entreprises sont liés. En outre, la RSE est nécessaire en tant qu’un outil d’attractivité du droit
OHADA et un moyen de protection des parties prenantes aux activités des entreprises. Par
ailleurs, même si le législateur n’a pas encore consacré des normes de RSE, leur intégration est
possible en droit OHADA.

Plan

Introduction
I. La nécessité des normes de RSE en droit OHADA
A. Un outil d’attractivité
1) De nouveaux investissements
2) Une exigence des entreprises partenaires
B. Un outil de protection du milieu social
1) La protection des droits de l’homme
2) La protection de l’environnement
II. L’intégration possible des normes de RSE en droit OHADA
A. RSE en droit OHADA : une réalité envisageable
1) Une réalité expresse dans certains Etats parties au traité
2) Une réalité implicite dans certains actes uniformes
B. Des pistes possibles d’intégration de la RSE en droit OHADA
1) La consécration des normes de RSE par les structures de l’OHADA
a. L’adoption de la RSE par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement
b. La consécration des dispositions de la RSE par des décisions rendues par la CCJA
2) L’adoption des normes de RSE au niveau étatique
a. Une référence volontaire aux normes de RSE par les dirigeants sociaux
b. La prise des mesures incitatives par les Etats parties au traité OHADA
Conclusion

1
Introduction

Dans l’article 831-2 de l’Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales
et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE), le législateur a introduit la responsabilité
du président du conseil d’administration en lui imposant l’établissement d’un rapport portant
sur la composition du conseil, des conditions de préparation et d’organisation des travaux du
conseil, ainsi que des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place
par la société. Dans cet article, le législateur OHADA1 mentionne le souhait pour les dirigeants
sociaux de se référer aux Codes de gouvernance d’« entreprises »2. L’objectif dudit code est de
leur permettre de dynamiser leur gestion, d’améliorer leurs résultats opérationnels et de
contribuer à la pérennité de l’entreprise et au « développement durable » 3. En effet, dans un
premier temps, la gouvernance d’entreprises4 se limitait aux relations de pouvoir entre
dirigeants et associés, et donc aux règles de fonctionnement internes aux sociétés. Mais depuis
quelques années, elle se préoccupe aussi d’intégrer au moins partiellement les coûts externes.
Il s’agit de prendre en compte dans la gestion de l’entreprise, ses impacts sur l’environnement,
sur l’emploi, la sécurité et sur la santé des employés et les sous-traitants. Il convient d’y ajouter
toutes sortes de conséquences de l’activité de ladite entreprise qui relèvent de la responsabilité

1
Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires. Organisation regroupant actuellement 17
pays d'Afrique; notamment : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centre Afrique, Comores, Congo, Côte d'ivoire,
Gabon, Guinée Bissau, Guinée, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République démocratique du Congo, Sénégal,
Tchad, Togo. Il s'agit des pays africains qui souhaitaient moderniser leur droit des affaires.
2
L’entreprise est un ensemble de moyens humains et matériels ayant pour objet une activité économique
(production, commercialisation, service) et pour but la recherche du profit maximum au sein d’un
marché (J.-P. LE GALL, Droit commercial (Mémentos), 14ème éd., Dalloz, Paris, 1998, p.4.). Quant à la
société, elle est la technique juridique destinée à donner à l’entreprise une existence et une organisation sur le plan
juridique (J. PAILLUSSEAU, La société anonyme : technique d'organisation de l'entreprise, Sirey, Paris, 1967,
p.4.). Cela signifie que l’entreprise n’est saisie par le droit que lorsqu’elle revêt la forme d’une société commerciale
(M. A. NJANDEU MOUTHIEU, « Notion de société commerciale », Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2011,
p.1272, n°31.
3
En effet, le développement durable, entendu dans l’ensemble de ses composantes, écologiques, sociales et
éthiques, qui doit prendre en compte le présent et la génération future, est désormais un élément essentiel des choix
de gestion et de la politique d’une entreprise.
4
La gouvernance d’entreprise est le système par lequel les sociétés sont dirigées et contrôlées, (Selon Sir ADRIAN
CADBURY, la «corporate governance », (voir Colloque Les Echos 26 oct. 1994, cité par N. DECOOPMAN, «
Du gouvernement des entreprises à la gouvernance », Picardie Jules Verne, p.105).

2
sociale des entreprises (RSE)5. C’est pourquoi, le débat sur la RSE ne doit pas être séparé des
questions de gouvernance d’entreprise6.
Sous couvert de RSE, se dessine aujourd’hui un mouvement d’extension de la
responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la Société. Il s’agit de la
mise en place des politiques responsables, des stratégies, des outils de gestion, des normes et
des systèmes de management. De cette manière, les principes de gouvernance d’entreprise n’ont
de légitimité que s’ils sont conformes aux principes fondamentaux de la RSE au moment où les
contraintes environnementales et sociales se conjuguent dans le management de l’entreprise7.
Dès lors, la RSE s'est immiscée en droit des sociétés principalement au travers des Codes de
gouvernement d'entreprise8. Ainsi, il est nécessaire d’analyser l’état actuel des normes de RSE
dans la gouvernance des sociétés en droit OHADA.
Dans ce travail, il convient d’utiliser le terme « sociétal » qui est plus inclusif que
« social ». Comme l’a affirmé un auteur, le mot social se révèle inadapté, car il renvoie
essentiellement au droit du travail. Or, le terme « sociétal » permet ainsi d’inclure la sphère des
droits fondamentaux9. A cet effet, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) se définit
comme un processus de perfectionnement par lequel, en concertation avec les personnes
susceptibles d’affecter ses activités ou d’en être affectées, une entreprise intègre, de manière
volontaire, authentique et cohérente, des préoccupations économiques, sociales et
environnementales dans sa gestion et l’exercice de ses activités10. C’est-à-dire que sans remettre
en cause la fonction première des entreprises de recherche de profit, la RSE vise en effet malgré tout à
la conditionner au respect de certains principes et de certaines obligations. Elle renvoie à l’idée selon
laquelle l’entreprise se voit aujourd’hui tenue, de par le contexte socio-économique dans lequel elle

5
R. BELINGA et B. SEGRESTIN, « Un contrat de société sans contrat d’investissement ? Les interrogations des
actionnaires minoritaires sur le droit des sociétés » : Dialogue avec Colette NEUVILLE. Gérer et Comprendre.
Les Annales des Mines, 2018, p.34 ; A. SAKHO, « Modernisation et efficacité du droit OHADA des sociétés »,
Afrilex, Université Montesquieu Bordeaux IV, 2018, p.2.
6
Parlement européen, Rapport sur la responsabilité sociale des entreprises: promouvoir les intérêts de la société et
ouvrir la voie à une reprise durable et inclusive (2012/2097(INI).
7
S. BOUTILLIER et B. CASTILLA RAMOS, « Gouvernance et responsabilité sociale des entreprises
internationales : l’exemple d’une entreprise américaine implantée au Mexique », L’Harmattan, Marché et
organisations, 2009, p.91.
8
L. NURIT-PONTIER, « L'inscription statutaire, vecteur juridique de RSE ? », Revue des sociétés, 2013, p.323.
9
I. TCHOTOURIAN, compte rendu de [Catherine Malecki, Responsabilité sociale des entreprises. Perspectives
de la gouvernance d’entreprise durable, Paris, L.G.D.J., 2014]. Les Cahiers de droit, 57, 2016, p.212.
10
Y. DE CORDT, « La responsabilité sociétale des entreprises. Les enjeux et les outils du droit des sociétés », De
Boeck Supérieur | « Reflets et perspectives de la vie économique » 2009/4 Tome XLVIII, p.12.

3
évolue, d’aller au-delà de la seule finalité spéculative et économique au profit de ses seuls membres11,
pour intégrer dans sa prise de décisions des considérations de nature « éthique »12, sociale et
environnementale pour le bénéfice de toutes les parties prenantes13, au-delà de ce qui est requis par
la loi.
La RSE fait ainsi ressortir deux conceptions traditionnellement opposées, l’une marquée
par le caractère souverain de l’actionnaire dont la manifestation la plus topique est la limitation
de sa responsabilité au montant de sa participation dans le capital social à l’exclusion de toute
participation aux dettes de la société, l’autre par le caractère institutionnel de l’entreprise dans
lequel toutes les parties prenantes prennent leurs responsabilités de manière libre et solidaire
afin de garantir son développement14. De cette manière, le droit des sociétés commerciales peut
constituer le fondement des normes de RSE et comporte des instruments de sa promotion, en
synergie avec d’autres branches du droit, notamment, le droit du travail, le droit fiscal, les droits
de l’homme et le droit de l’environnement. Cette synergie est nécessaire car même si le
législateur encadre le fonctionnement des entreprises à travers le droit des sociétés
commerciales, cet encadrement se limite aux règles qui régissent la naissance, la vie et la
disparition des sociétés commerciales et ne prend en compte ni la protection des droits de
l’Homme, ni celle de l’environnement.
Selon Y. DE CORDT, la RSE peut être conçue comme une contrepartie du privilège de
la responsabilité limitée des associés, qui ne leur a pas été octroyé pour gérer la société dans

11
Il est désormais admis que la maximisation de la valeur actionnariale ne saurait constituer l'unique objectif et
qu'il importe de « replacer l'homme au cœur de l'entreprise » (F.-G. TREBULLE, Quel droit pour la RSE ? p. 10,
In Responsabilité sociale des entreprises, Regards croisés Droit et Gestion, sous la dir. F.-G. TREBULLE et O.
Uzan, Economica, 2011). Il convient dès lors de compléter ces visées purement financières par des objectifs plus
généraux qui projettent l'entreprise sur le long terme, intègrent des préoccupations écologiques et sociales dans sa
politique et assurent à ses associés mais aussi à l'ensemble des parties prenantes la prise en compte de
considérations non strictement financières, de considérations de RSE, c'est-à- dire finalement de valeurs morales,
éthiques qui dépassent la seule préoccupation de la recherche de bénéfices commerciaux (L. NURIT-PONTIER,
« L'inscription statutaire, vecteur juridique de RSE ? », Revue des sociétés, 2013, p.323).
12
L’éthique diffère de la morale et de la déontologie. Alors que la morale commande, l’éthique recommande.
Quant à la déontologie, c’est l’ensemble des règles qui doivent être observées par les membres d’une profession
(P. S. A. BADJI, « Réflexions sur l’attractivité du droit OHADA », Bulletin de droit économique, Université Laval,
2014, p.58)
13
Une partie prenante est un individu ou groupe ayant un intérêt dans les décisions ou activités d'une organisation.
Plusieurs parties prenantes font partie du milieu d’une entreprise. Il y a, notamment, l’État, les dirigeants, les
associés, les employés, les communautés locales et la société civile. C’est-à-dire que ce terme est utilisé pour
marquer l’élargissement du cercle des personnes intéressées par l’entreprise au-delà des actionnaires ou associés.
14
« Actionnaire et RSE : quels devoirs ? », Fusion & acquisitions, JURIDIQUE & FISCAL / 1 Juillet 2014,
http://www.fusions-acquisitions.fr/article/juridique-fiscal-3/actionnaire-et-rse-quels-devoirs-2588, Consulté, 04
avril 2020.

4
leur intérêt propre mais pour que l’entreprise assume une fonction d’utilité sociale 15. En plus,
si la possibilité a été donnée aux dirigeants sociaux de limiter leur responsabilité en matière de
gestion sociale, sous le couvert de personnes morales (la société), c’est parce que l’on a jugé
préférable, dans l’intérêt général, que des risques importants et nécessaires au développement
économique soient supportés par des structures capables de les assumer.
La diffusion de la RSE à l’échelle mondiale remonte de la combinaison de certains
événements. D’abord, la montée en puissance des questions environnementales avec
l’émergence du développement durable (conférence de Rio en 1992). Ensuite, le
développement des marchés financiers. Et enfin, l’insuffisance de la régulation étatique en
matière d’emploi et de protection sociale a aussi incité les organisations internationales (ONU,
OIT, OCDE) à adopter des politiques et des normes afin de réguler les activités des entreprises
multinationales au niveau mondial16. Ce qui signifie qu’aujourd’hui plus qu’hier, les entreprises
sont invitées à se comporter de manière responsable dans la conduite de leurs affaires en prenant
en compte les conséquences que peuvent avoir leurs activités sur les individus et sur
l’environnement.
Cependant, la RSE est critiquée par les libéraux, qui rejettent notamment ses fondements
: à savoir que le libéralisme économique serait à l’origine de dysfonctionnements écologiques
et sociaux. Pour les altermondialistes, au contraire, la RSE n’est qu’un pansement sur une jambe
de bois. Elle viserait à prôner une autorégulation17 des firmes multinationales, sous couvert
d’une soit disant gouvernance élargie, ceci afin d’éviter que des réglementations nationales et
internationales ne leur soient imposées18. Selon un auteur, le concept de « responsabilité sociale
de l'entreprise » est une coquille vide permettant aux entreprises de signifier aux États et aux
organisations internationales qu'elles sont de bonne volonté et qu'il n'est nul besoin de règles
hétéronomes, de contrôle juridictionnel et administratif19.

15
Y. DE CORDT, op.cit., p.12.
16
S. BOUTILLIER et B. CASTILLA RAMOS, op.cit., p.96.
17
L’autorégulation peut être un moyen d’éviter une règlementation étatique. Mais elle est généralement utilisée
pour réguler des relations entre professionnels et porte sur des questions particulières et techniques.
18
K. S. MENSAH-ATTOH, « Actions des pouvoirs publics en matière de responsabilité sociale des entreprises »,
Actes du colloque : La responsabilité sociétale des organisations à travers les droits de l’homme, Dakar, avril 2016,
RDAA, Numéro spécial – Octobre 2017, p.29.
19
I. MEYRAT, Le droit du travail à l’épreuve de l’ « éthique des affaires », Rev. Travail, 2010, P.572, cité par P.
S. A. BADJI, «Les orientations du législateur OHADA dans l’AUSCGIE révisé », Revue ERSUMA, n°6, janv.
2016, p.29.

5
Toutefois, la RSE constitue une tentative de réponse à une triple problématique :
économique (augmentation du chiffre d’affaires de l’entreprise), sociale (bonnes conditions de
travail et de vie des salariés) et environnementale (respect de l’environnement physique, qualité
des produits et des matières premières, recyclage des déchets, etc.), elle est ainsi la transcription
à l’échelle de l’entreprise des principes du développement durable. De cette manière, la RSE
fait désormais partie des thèmes incontournables pour quiconque s'intéresse, de près ou de loin,
à la vie des entreprises. Elle s'infiltre peu à peu dans tous les domaines du droit des affaires20.
Soucieux de la bonne gouvernance des entreprises et de l’attractivité du droit OHADA, le
législateur a entrepris une réforme des actes uniformes. Ce travail permettra de faire des
recherches sur cette question dans la législation OHADA et de répondre à la question suivante :
Comment se manifestent la nécessité et l’intégration des normes de RSE dans le fonctionnement
des sociétés en droit OHADA ?
Cette étude constitue une contribution au renforcement de la protection des droits des
parties prenantes dans le fonctionnement des sociétés. Car, une société commerciale ne se
développe de manière durable et n’optimise son profit que si elle est sensible aux intérêts des
parties prenantes. A cet effet, si une société ou une entreprise ne prend pas en compte les besoins
et les demandes du milieu sociétal dans lequel elle évolue, celle-ci peut se retrouver à mettre en
place des actions qui ne sont pas utiles et qui ne répondront pas aux nécessités des parties
prenantes. La relation doit donc être interactive21. Ainsi, le législateur OHADA n’ayant pas
encore consacré les normes de RSE, les recherches ont permis de constater la nécessité des
normes de responsabilité sociétale des entreprises en droit OHADA (I), et que leur intégration
est possible dans ledit droit (II).

I. La nécessité des normes de RSE en droit OHADA

Le développement de normes juridiques portant sur l’intégration des préoccupations sociales et


environnementales dans les activités économiques est essentiel pour que le droit OHADA

20
L. NURIT-PONTIER, « L'inscription statutaire, vecteur juridique de RSE ? », Revue des sociétés, 2013, p.323.
21
E. HOULE, La responsabilité sociale des entreprises dans les pays en développement avec des problèmes de
gouvernance, Université de Sherbrooke, 2012, p.8.

6
permette de renforcer un courant de confiance en faveur des économies de ses pays membres22.
Raison pour laquelle, le législateur devrait exiger aux dirigeants sociaux de fournir un rapport
de gestion contenant ces informations. Dans la réalité, le rapportage social et environnemental23
est en principe motivé par la volonté d'informer les « parties prenantes », et spécialement le
marché et les investisseurs, du comportement des entreprises24. Par ses normes, la RSE est en
même temps un outil d’attractivité25 du droit OHADA (A) et une protection des parties
prenantes (B).

A. Un outil d’attractivité

La prise en compte en droit OHADA des pratiques relatives à la RSE pourrait favoriser
l’arrivée des nouveaux investissements dans la zone OHADA (1), mais également le respect
desdites pratiques peut être exigé par des entreprises partenaires (2).

1) De nouveaux investissements

Le concept de RSE occupe une place aujourd’hui incontournable dans les débats sur les
conséquences sociales de la mondialisation. Un auteur affirme que l’une des raisons est en lien
avec le rôle exercé par certains acteurs de la société dite civile comme les investisseurs26.

22
K. DIAWARA et S. LAVALLÉE, « La responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) dans l’espace OHADA :
pour une ouverture aux considérations non économiques », De Boeck Supérieur, Revue internationale de droit
économique, 2014/4, p.444.
23
En France, selon l'article L. 225-102-1, alinéa 5, tel que modifié par la loi Grenelle 2, le rapport de gestion
comprend non seulement des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences
sociales et environnementales de son activité mais aussi sur ses engagements sociétaux en faveur du
développement durable, de la lutte contre les discriminations et de la promotion des diversités. Le rapport expose
les actions menées et les orientations adoptées par la société et, le cas échéant, par ses filiales ou par les sociétés
qu'elle contrôle (B. FRANÇOIS, « Reporting RSE : commentaire du décret n° 2012-557 du 24 avril 2012», Revue
des sociétés, 2012, p.607).
24
G. J. MARTIN, « Commentaire des articles 225, 226 et 227 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant
engagement national pour l'environnement (dite Grenelle II) », Revue des sociétés, 2011, p.75.
25
L’attractivité doit s’entendre ici de la capacité de ce droit OHADA à faciliter les affaires et à attirer les
investisseurs (P.-G. POUGOUE, « Les quatre piliers cardinaux de la sagesse du droit OHADA », op.cit., p.398).
26
I. DESBARATS, « Regard sur un instrument majeur de la gouvernance d’entreprise : quid de la nature juridique
des codes éthiques ? », Revue Lamy Droit des affaires, novembre 2008, n°32, p.68.

7
De même que c’est bien précisé dans le préambule du traité, le droit OHADA a pour principal
objectif d’attirer les investisseurs27. C’est-à-dire qu’à côté des préoccupations désormais
traditionnelles de la protection des tiers et de la protection des associés, les auteurs de l’Acte
uniforme ont le souci d’encourager les investissements28. En outre, pour avoir prévu dans
l’alinéa 2 de l’article 87 de l’AUSCGIE une procédure spéciale d’information des investisseurs
en matière d’appel public à l’épargne cela prouve encore une fois que le législateur OHADA
veut attirer les investisseurs. Or, « l’investissement socialement responsable englobe la
responsabilité sociale de l’entreprise »29. Ce qui signifie que les préoccupations
environnementales et sociales doivent faire partie intégrante de la stratégie des entreprises, tant
pour prendre en compte leur environnement que l’intérêt des investisseurs pour ces questions.
Cette tendance est aujourd’hui celle des investisseurs comme des dirigeants d’entreprises, les
uns influençant les autres30. En réalité, c’est sous la pression des investisseurs que s’inscrivent
de nouvelles exigences de RSE31. Ainsi, les sociétés commerciales sont l’objet d’obligations
nouvelles afin de répondre aux critères du gouvernement d’entreprise.
En effet, depuis la fin du XXe siècle, sont apparues les agences de notation extra-
financière visant à « évaluer les politiques environnementales, sociales et de gouvernance» 32.
Ces agences proposent de noter les entreprises afin de renseigner principalement les
investisseurs33. Rémunérées par les investisseurs, elles permettent aux actionnaires d’accéder à
une information plus importante. Il s’agit pour les investisseurs qui pratiquent ce genre
d’investissement, d’évaluer et de sélectionner dans leurs portefeuilles les entreprises les plus
vertueuses de leurs secteurs selon des critères environnementaux sociaux et de gouvernance.
Ces investisseurs considèrent en effet que ces entreprises sont plus performantes et plus solides.
L’attention à la responsabilité sociétale augmente le capital-réputation de l’entreprise qui

27
Voir le préambule du traité OHADA, paragraphe 5. Il a été dit ceci « conscients qu’il est essentiel que ce droit
soit appliqué avec diligence, dans les conditions propres à garantir la sécurité juridiques des activités économiques,
afin de favoriser l’essor de celles-ci et d’encourager l’investisseur ».
28
P.-G. POUGOUE, (dir.), Sociétés commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, p.28.
29
P. S. A. BADJI, «Les orientations du législateur OHADA dans l’AUSCGIE révisé », op.cit., p.29.
30
M.-C. CAILLET, Le droit à l’épreuve de la responsabilité sociétale des entreprises : étude à partir des
entreprises transnationales, Thèse, Bordeaux, 2014, p.226.
31
U. KISWEND-SIDA YAMEOGO, cité par P. Chr. EWANE MOTO, La gouvernance des sociétés commerciales
en droit de l’OHADA, Thèse, Paris-Est, 2015, p.300.
32
Panorama des agences de notation extra-financière, Novethic Recherche, juillet 2013, p. 3, cité par Actionnaire
et RSE : quels devoirs ? », Fusion & acquisitions, JURIDIQUE & FISCAL / 1 Juillet 2014, http://www.fusions-
acquisitions.fr/article/juridique-fiscal-3/actionnaire-et-rse-quels-devoirs-2588, Consulté, 04 avril 2020.
33
M.-C. CAILLET, op.cit., p.445, n°499.

8
bénéficie aux investisseurs sur le long terme34. Actuellement, des entreprises installées dans les
Etats parties au traité OHADA sont de plus en plus incitées par les investisseurs à adopter des
normes de RSE. Un auteur écrivait : « Il me semble que l'OHADA pourrait se doter d'un
instrument de promotion et de protection de l'investissement qui permettrait à l'investisseur
étranger non seulement de bénéficier de tous les avantages du droit OHADA existant essentiels
au bon déroulement de son investissement, mais aussi de garantir son implantation et la
pérennité de cette dernière »35.
L’investissement socialement responsable est apparu aux États-Unis et s'est développé
en Europe depuis quelques années. Il traduit une démarche d'investissement qui repose sur des
critères négatifs : pas d'entreprises polluantes ou faisant travailler des enfants ; ou positifs :
seulement des entreprises qui manifestent leur prise en compte de l'environnement, des droits
fondamentaux36. Avoir une éthique procure de nombreux avantages aux entreprises. Cela leur
permet de développer la confiance de leurs investisseurs qui seront plus attirés par une
entreprise dotée d’une forte éthique avec une bonne gouvernance. Une bonne éthique et
conformité peuvent également éviter de lourdes sanctions aux entreprises37. Dans ces
conditions, le respect des normes de RSE peut être une exigence des entreprises partenaires.

2) Une exigence des entreprises partenaires

Les normes de RSE visent en effet toutes les entreprises dans leur ensemble, sans aucune
distinction des sociétés qui les composent38. Elles peuvent être exigées par des entreprises
situées dans les pays développés et qui souhaitent collaborer avec d’autres entreprises se
trouvant dans des pays en voie de développement, car en ayant recours à des sociétés situées
dans des pays aux législations peu protectrices des droits humains, des droits sociaux et de
l’environnement, les sociétés qui externalisent leurs activités prennent pourtant le risque d’être

34
V. SERRET et S. BERTELOT, « Activisme actionnarial et responsabilité sociale des entreprises au canada :
analyse des résolutions soumises par les actionnaires entre 2000 et 2011 », Comptabilité sans Frontières, Canada,
May 2013, p.4.
35
S. MENETREY, « La place de l’investissement dans l’OHADA », op.cit., p.17.
36
P. S. A. BADJI, «Les orientations du législateur OHADA dans l’AUSCGIE révisé », op.cit., p.31.
37
C. DUBUCQ, « La compliance en Afrique », https://lex4.com/la-compliance-en-afrique/, consulté le
26/12/2018.
38
Cela permit d'élargir le nombre d'entreprises soumises aux exigences de RSE en intégrant les filiales des
entreprises concernées par l'obligation de fournir un rapport de gestion annuel sur la manière dont elles prennent
en compte des préoccupations sociales et environnementales.

9
associées aux manquements commis par leurs partenaires. C’est pourquoi, pour renforcer
l’attractivité du droit OHADA, la législation sur des questions sociales et environnementales
en matière de gestion des entreprises est nécessaire.
Par exemple, en France une loi portant engagement national pour l'environnement39
traite de la question essentielle de la responsabilité des sociétés «mères » ou contrôlaires lorsque
la société qui leur est liée se montre incapable de faire face à ses obligations de prévention, de
remise en état ou de réparation des dommages qu'elle a causés à l'environnement 40. Dans ces
conditions, les sociétés mères préfèreront avoir des sociétés partenaires ou filiales celles qui
respectent les normes de RSE afin d’éviter l’engagement de leur responsabilité en cas de
défaillance des sociétés partenaires41. En outre, la CNUCED propose que les Etats se réfèrent,
dans les Accords internationaux d’investissement, « à des normes internationales généralement
reconnues (par exemple les Principes Directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et
aux droits de l’Homme) et favorisent la diffusion des normes de RSE qui prennent une
importance accrue dans les politiques d’investissement »42. Ces résolutions traduisent les
objectifs des normes de RSE puisqu’elles amènent à s’interroger sur la responsabilité, pour une
société, de surveiller la conduite des activités menées par ses partenaires commerciaux. Plus
précisément, il s’agirait d’un devoir d’agir qui découlerait de l’influence exercée par une société
sur ses partenaires43.
Dans ce cadre, les entreprises néerlandaises souhaitant bénéficier d’aides publiques pour
leurs activités commerciales à l’étranger, reçoivent une copie des principes directeurs et doivent

39
L'article 227 de la loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite
Grenelle II).
40
Le texte comporte deux parties dont la première a pour objet de définir le régime qui devra s'appliquer aux
engagements pris par des sociétés « mères » ou contrôlaires de prendre à leur « charge, en cas de défaillance de la
société qui leur est liée, tout ou partie des obligations de prévention qui incombent à ces dernières en application
des articles L. 162-1 à L. 162-9 du code français de l'environnement ». Quant à la deuxième partie, elle traite de la
possibilité qui est ouverte de rechercher la responsabilité d'une société « mère » dans l'hypothèse où sa filiale en
liquidation judiciaire se trouverait dans l'impossibilité de faire face au financement des mesures de remise en état
du ou des sites pollués en fin d'activité, du fait d'une faute caractérisée de cette société « mère », ayant contribué à
l'insuffisance d'actif de la filiale (Voir G. J. MARTIN, « Commentaire des articles 225, 226 et 227 de la loi n°
2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite Grenelle II) », Revue des
sociétés, 2011, p.75).
41
Sur cette question, si la société mère ou contrôlaire présente des comptes consolidés, ce qui signifie que les
informations fournies portent sur la société mère ainsi que sur l’ensemble de ses filiales ou les sociétés qu’elles
contrôle, dans ces conditions ces sociétés contrôlées seront dispensées de présenter les informations sociales et
environnementales dès lors que lesdites informations sont publiées par la société qui les contrôle.
42
CNUCED, Vers une nouvelle génération de politiques de l’investissement, Rapport sur l’investissement dans le
monde, 2012, p. 42.
43
M.-C. CAILLET, op.cit., p.152, n°188.

10
déclarer qu’elles ont connaissance des principes et qu’elles feront de leur mieux pour s’y
conformer44. Les attentes des parties prenantes, qu’il s’agisse des consommateurs, des
associations, syndicats ou actionnaires, étant de plus en plus fortes sur ces sujets, l’entreprise
risque de voir son image ternie et donc de perdre une partie de sa valeur immatérielle (risques
réputationnels)45. En somme, les normes de RSE permettent aux entreprises de mettre en place
des mécanismes de gestion protecteurs de toutes les parties prenantes, y compris le milieu
social.

B. Un outil de protection du milieu social

Les dirigeants sociaux doivent tenter de faire coïncider leurs décisions avec les intérêts
du milieu sociétal dans lequel évoluent leurs entreprises, dans la mesure où ils doivent répondre
des effets de leurs actes devant la Société. Et cela implique en même temps, la protection des
droits de l’Homme(1) et de l’environnement (2).

1) La protection des droits de l’Homme

La responsabilité sociétale et la nécessité de respecter les droits de l’Homme constituent


un thème récurrent, abordé de plus en plus par les entreprises. Ils le sont d’autant plus en
Afrique, continent sur lequel plusieurs grands thèmes contemporains prennent une dimension
particulière46. Le bien-être des populations africaines requiert que la responsabilité des
entreprises tienne compte de la santé et de la sécurité des travailleurs, de la nécessité d’engager
une partie de la main-d’œuvre au plan national et des services que l’environnement rend
gratuitement au secteur privé, ce qui contribuera au développement de plusieurs secteurs
économiques des pays membres, notamment l’industrie minière, agricole et touristique. Quant
à la problématique des droits de l’homme, toute la question est de savoir si une entreprise doit

44
OCDE, La responsabilité des entreprises dans le monde en voie de développement, Rapport annuel sur les
Principes Directeurs à l’attention des entreprises multinationales, 2005, p. 19.
45
La communauté RSE et transformation durable de Novethic, « Le b-a-ba de la RSE »,
https://www.novethic.fr/entreprises-responsables/quest-ce-que-la-rse.html, Consulté le 25 mars 2020.
46
M. J. V. KODO, « Les droits de l’homme dans la jurisprudence de l’OHADA », Actes du colloque : La
responsabilité sociétale des organisations à travers les droits de l’homme, Dakar, avril 2016, RDAA, Numéro
spécial – Octobre 2017, p.51.

11
se préoccuper de la protection des droits de l’homme. Encore une fois, on doit répondre par
l’affirmative, car aucune entreprise ne vit en vase clos et l’opposition travail et capital ne se
justifie plus aujourd’hui. Au lieu que ces notions soient face à face, elles doivent être côte à
côte47.
Au niveau international, la définition de codes de bonne conduite à l’endroit des
entreprises multinationales participe largement à cette évolution (réglementation du travail des
enfants, respect de la liberté syndicale, conditions de travail et d’emploi d’une manière
générale). Dans les pays en développement, la législation sociale et environnementale est
souvent balbutiante, et c’est précisément pour cette raison que les entreprises multinationales y
créent des filiales, pour tirer profit d’une main-d’œuvre bon marché et sans formation, en quête
d’un emploi, quel qu’il soit48. Dans ces conditions, les droits de l’Homme, dont la
compréhension est ici très large49, visent à faire respecter les droits fondamentaux reconnus à
tout être humain et en particulier à le protéger contre les activités résultant des investissements
des investisseurs étrangers50.
Dans cette perspective, étant donné que le droit de l’OHADA n’ignore pas la question
des droits de l’Homme51, il serait tout à fait envisageable que le législateur OHADA invite les
entreprises à élaborer des codes de conduite décrivant leurs engagements en faveur du respect
des droits de l’Homme et de l’environnement52. La même démarche incitative est suivie par le
législateur OHADA dans l’article précité concernant les Codes de gouvernement d’entreprise53.

47
P. S. A. BADJI, « Réflexions sur l’attractivité du droit OHADA », op.cit., p.59.
48
S. BOUTILLIER et B. CASTILLA RAMOS, op.cit., p.91.
49
Emploi, organisation du travail, santé et sécurité, relations sociales, égalité de traitement, etc. C’est-à-dire que
la société fait connaître comment elle promeut les droits de l'homme et s'assure de leur respect par ses filiales, ses
sous-traitants et ses fournisseurs.
50
P. Chr. EWANE MOTO, La gouvernance des sociétés commerciales en droit de l’OHADA, Thèse, Paris-Est,
2015, p.310.
51
O. FANDJIP, « La prise en compte des droits de l’homme dans la législation OHADA des voies d’exécution
(à propos du débiteur) », Revue internationale de droit africain EDJA 2013.94.65.
52
Dans ce cadre, un tiers peut également subir un dommage du fait de la mauvaise exécution d’un code de conduite
inséré à un contrat ou de son inexécution par l’un des contractants. La jurisprudence française reconnaît en effet
la possibilité aux tiers d’invoquer la faute commise par l’un des contractants afin de lui demander réparation de
son dommage ( La Cour de cassation française affirme que « l’effet relatif des contrats n’interdit pas aux tiers
d’invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n’ont pas été partie, si cette situation de fait
leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité délictuelle », Cass. Com., 1er juill. 2003,
Resp. civ. Et assur. 2003, comm. 251). Cette possibilité est notamment reconnue aux victimes d’un préjudice par
ricochet (Cass. 2e civ., 23 oct. 2003, Dame Galland c/ Axa : Juris-Data n° 2003-020607). Un tiers à un contrat
peut ainsi invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce
manquement lui a causé un dommage (Cass. com., 22 juin 2010, n° 09-14.862 : JurisData n° 2010-010240).
53
Cf. art.831-2 de l’AUSCGIE qui dispose que «Lorsqu’une société se réfère volontairement à un code de
gouvernement d’entreprise élaboré par les organisations représentatives des entreprises, le rapport prévu au présent

12
En outre, les Etats doivent faire en sorte que les autres lois et politiques régissant la création et
l’exploitation courante des entreprises, comme le droit des sociétés, n’entravent pas mais
favorisent le respect des droits de l’homme par ces entités. Dans ce cadre, les pouvoirs publics
doivent inciter les entreprises à faire connaître la façon dont elles gèrent les incidences de leur
activité sur les droits de l’homme, et de les y contraindre, le cas échéant. Un auteur précise
qu’en incitant les entreprises à se responsabiliser dans leurs relations avec la Société, la RSE
conduit à l’intégration de préoccupations sociétales dans les décisions managériales 54. En plus
des droits de l’Homme, les entreprises expriment leur engagement en faveur du respect de
l’environnement.

2) La protection de l’environnement

Pour produire leurs biens et services, les entreprises peuvent avoir des impacts négatifs
sur la planète. Elles peuvent par exemple participer à la destruction de la biodiversité (via la
déforestation ou la pollution des sols ou de l’eau par exemple) ou contribuer au changement
climatique (via l’émission de gaz à effet de serre comme le méthane ou le Co2). C’est ce que
l’on appelle l’impact environnemental de l’entreprise. La prise en compte de l’impact
environnemental fait désormais partie intégrante du fonctionnement de l’entreprise. Cette
initiative participera à la concrétisation de l’article 24 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples, en garantissant un droit des peuples à un environnement satisfaisant.
Il s’agit d’une responsabilité sociale et environnementale des autorités publiques et des
entreprises. Si les entreprises ne prennent pas en compte les impacts environnementaux et
sociétaux de leurs activités, c’est leur pérennité qui est menacée55.

article précise également les dispositions qui ont été écartées et les raisons pour lesquelles elles l’ont été. Se trouve
de surcroît précisé le lieu où ce code peut être consulté. Si une société ne se réfère pas à un tel code de
gouvernement d’entreprise, ce rapport indique les règles retenues en complément des exigences requises par la loi
et explique les raisons pour lesquelles la société a décidé de n’appliquer aucune disposition de ce code de
gouvernement d’entreprise».
54
M.-C. CAILLET, op.cit., p.7, n°12.
55
Par exemple, l’approvisionnement des entreprises en matières premières peut devenir problématique au fur et à
mesure que les ressources se raréfient voire s’épuisent (minerais, plantes, pétrole…) ou du fait des effets du
changement climatique, avec la multiplication des sécheresses (ex: mauvaises récoltes) et des inondations par
exemple (ex: usines hors d’usage) (La communauté RSE et transformation durable de Novethic, « Le b-a-ba de la
RSE », https://www.novethic.fr/entreprises-responsables/quest-ce-que-la-rse.html, Consulté le 25 mars 2020).

13
Par ailleurs, la prise en compte du droit de l’environnement est l’une des priorités issues
des textes internationaux demandées aux entreprises pour être qualifiées de « socialement
responsable »56. Si le droit des affaires englobe des questions qui relèvent, en principe, d’autres
branches du droit, il semblait jusqu'à une période récente indifférent au droit de
l’environnement57. Egalement, ce que l’on constate, c’est un mutisme du droit OHADA sur les
questions environnementales58 au point que l’on soit tenté de se poser la question de savoir si
le droit de l’environnement fait partie du droit des affaires. Si l’on se réfère à l’article 2 du traité
de l’OHADA59, il faut exclure toute idée d’inclusion du droit de l’environnement dans le droit
des affaires60. En outre, lorsqu’on examine les dispositions du droit OHADA, on ne peut qu’être
frappé par le mutisme concernant les questions de développement durable notamment la
responsabilité sociale de l’entreprise61. Pourtant, un auteur a préconisé de mettre les entreprises
sous pression durable62. La RSE nécessite que les entreprises tiennent compte des intérêts non
économiques au rang desquels figure l’environnement. On dit d’une entreprise qu’elle est
citoyenne, lorsqu’au-delà de ses activités directes, elle désire protéger son environnement social
et physique, et se solidarise avec l’équilibre et le destin de la communauté dans laquelle elle
vit63. Il faut aussi souligner que la RSE ne se contente pas des déclarations d’intention.
Beaucoup d’entreprises signent des chartes (ex: charte de la diversité). C’est un premier pas.
En revanche, il est nécessaire que ce type d’engagement soit suivi d’effets par des actions

56
Etre responsable socialement signifie « non seulement de satisfaire pleinement aux obligations juridiques
applicables, mais aussi d’aller au-delà et d’investir davantage dans d’autres domaines notamment le capital
humain, l’environnement et les relations avec les parties prenantes » (P. CRIFO et A. REBRIOUX, « Gouvernance
et responsabilité sociétale des entreprises : nouvelle frontière de la finance durable ? », Association d'économie
financière, Revue d'économie financière, 2015/1 N° 117, p.216).
57
F. G. TREBULLE, L’environnement en droit des affaires, Mélanges Y. Guyon, Aspects actuels du droit, Dalloz,
2003, P. 1035.
58
Domaines d'actions environnementales :
- Prévention de la pollution : émissions dans l’air, rejets dans l’eau, gestion des déchets, utilisation et mise au
rebut de produits chimiques toxiques dangereux, etc.
-Utilisation durable des ressources : efficacité énergétique, utilisation de l’eau, efficacité dans l’utilisation des
matières premières, etc.
-Atténuation aux changements climatiques et adaptation
-Protection de l’environnement, biodiversité et réhabilitation des habitats naturels, utiliser les sols et les ressources
naturelles de manière durable, etc.
59
Ledit article énumère les matières qui constituent le droit des affaires dans la législation OHADA pour le
moment.
60
P. S. A. BADJI, «Les orientations du législateur OHADA dans l’AUSCGIE révisé », op.cit., p.30.
61
P. S. A. BADJI, « Réflexions sur l’attractivité du droit OHADA », op.cit., p.58.
62
A. KENMOGNE SIMO, « Entreprises et droits de l’homme : des voies pour un mariage », RTSJ, no 2, janvier-
juin 2012, p. 35.
63
Br. LIBERT, « L’entreprise citoyenne, de quoi s’agit-il ? », L’Expan-sion Management Review, no 82, septembre
1996, p. 94, cité par P. S. A. BADJI, « Réflexions sur l’attractivité du droit OHADA », op.cit., p.59.

14
concrètes de promotion de la diversité. Pour les valoriser, il est préférable de les faire évaluer
par des tiers reconnus par des autorités étatiques. Cela est la preuve qu’il est possible d’intégrer
la RSE en droit OHADA.

II. L’intégration possible des normes de RSE en droit OHADA

La RSE peut naître de différentes sources, tantôt légales, tantôt volontaires et peut
provenir et être initiée par les acteurs privés, de leurs propres chefs, ou encore des autorités
publiques ; ce qui suscite l’importante question du rôle de l’État à cet égard 64. La question qui
se pose est en effet de savoir comment, accompagner et promouvoir au sein des entreprises ce
développement de politiques de long terme en droit OHADA? Pour le moment, le législateur
OHADA n’a pas encore consacré des normes de RSE ; cependant, l’application desdites normes
est envisageable (A) et il existe des pistes possibles de leur intégration en droit OHADA (B).

A. RSE en droit OHADA : une réalité envisageable

Sans remettre en cause la fonction première des entreprises de recherche de profit, la


RSE vise en effet malgré tout à la conditionner au respect de certains principes et de certaines
obligations. Or, un tel objectif ne saurait être atteint sans une réception par le droit positif de
ces textes de RSE ou de leur contenu. Ce n’est d’ailleurs que récemment que les juristes ont
commencé à s’intéresser à la RSE, cette notion étant longtemps restée cantonnée à une question
d’éthique des affaires65. Pour l'heure, cette responsabilité sociale n'a guère d'implications
juridiques directes en droit OHADA, mais on peut cependant lui rattacher les obligations
s'imposant aux grandes sociétés (surtout celles évoluant dans les secteurs miniers, les
hydrocarbures ou dans les pays en développement) au regard de leurs comportements vis-à-vis
de l'environnement, ainsi que la lutte engagée contre le blanchiment de capitaux 66. Ce qui
signifie qu’elle est une réalité expresse dans certains Etats parties au droit OHADA (1) et
implicite dans certains actes uniformes (2).

64
K. DIAWARA et S. LAVALLÉE, op.cit., p.434.
65
M.- C. CAILLET, op.cit., p.3, n°4.
66
A. SAKHO, « Modernisation et efficacité du droit OHADA des sociétés », Afrilex, Université Montesquieu
Bordeaux IV, 2018, p.2.

15
1) Une réalité expresse dans certains Etats parties au traité

La RSE est ignorée par le droit OHADA actuellement, mais ce n’est pas pour autant que
dans l’espace OHADA, la RSE est ignorée. Elle est une réalité sociale en pleine expansion, car
elle s'exerce aujourd'hui dans un cadre juridique en construction67. Raison pour laquelle même
si la fonction sociétale de l’entreprise n’est pas prise en compte par le législateur, « tôt ou tard,
elle devra être cernée par le droit OHADA »68. Cependant, en attendant l’intervention du
législateur, certains Etats parties au traité OHADA, sont en train d’encadrer les pratiques de la
RSE de manière formelle. Comme exemple, au Sénégal, il y a l’article 13 du décret n° 2004-
627 du 7 mai 2004, décret d’application du Code des investissements qui impose aux entreprises
éligibles au Code des investissements de se conformer aux exigences environnementales. Il en
est de même de l’article 51, al 1 de la loi n° 98-05 portant Code pétrolier au Sénégal69, qui
dispose que les opérations pétrolières doivent être conduites de manière à assurer la
conservation des ressources nationales et à protéger l’environnement70. Par ailleurs, au Sénégal,
il y a désormais l’article 53, al 1 de la loi n° 2019-03 du 1er février 2019 qui prévoit que « Les
opérations pétrolières sont conduites conformément au Code de l’Environnement ainsi qu’aux
autres textes nationaux et internationaux relatifs à l’hygiène, la santé, la sécurité des travailleurs
et du public ainsi qu’à la protection de l’environnement. Au Cameroun, l’étude d’impact
environnemental est une exigence posée à l’article 17 de la loi n°96/12 du 5 août 1996 relative
à la gestion de l’environnement. Réalisée à la charge du promoteur, cette étude vise à déterminer
si le projet envisagé produira ou non des effets directs ou indirects défavorables sur
l’environnement71. La Côte d'Ivoire dispose d'un cadre réglementaire défini par la loi n° 96 -
766 du 03 octobre 1996 portant Code de l'Environnement qui, en son article 39 rend obligatoire
la réalisation d'une étude d'impact pour tout projet susceptible d'avoir des effets néfastes sur

67
L. NURIT-PONTIER, « L'inscription statutaire, vecteur juridique de RSE ? », Revue des sociétés, 2013, p.323.
68
Voir J.-M. TCHAKOUA « le droit OHADA et la responsabilité sociale des entreprises » in La responsabilité
du dirigeant social en droit OHADA, Actes du colloque international organise par l’école régionale supérieure de
la magistrature (ERSUMA), Douala (Cameroun), conférences du GICAM, les 12 et 13 mars 2015, Pp.160-168.
69
J.O.R.S, n° 5786 du 21 février 1998.
70
V. Egalement l’exposé des motifs de la loi 98-32 du 14 avril 1998 portant Code de la pêche maritime, JORS 24
avril 1998, cité par P. S. A. BADJI, «Les orientations du législateur OHADA dans l’AUSCGIE révisé », op.cit.,
p.30.
71
P. Chr. EWANE MOTO, La gouvernance des sociétés commerciales en droit de l’OHADA, Thèse, Paris-Est,
2015, p.316.

16
l'environnement. Le Bénin dispose de la loi n° 98-030 du 12 février 1999 portant loi-cadre sur
l'environnement. Au Burkina Faso, on peut citer le décret n°2015-1187 du 22 octobre 2015
portant conditions et procédures de réalisation et de validation de l’évaluation
environnementale stratégique, de l’étude et la notice d’impact environnemental et social qui a
été pris en application de l’article 29 de la loi n°006/2013 relative au Code de l’environnement
au Burkina Faso, etc. Les objets sur lesquels porte la RSE sont tous, sans exception, susceptibles
de faire l’objet d’obligations édictées par la réglementation étatique.
Selon la jurisprudence française, loin d'échapper à toute analyse juridique, le concept de
responsabilité sociale des entreprises (RSE), au nom de laquelle sont donc adoptés codes et
autres normes, s'exerce aujourd'hui dans un cadre juridiquement contraignant72. En effet, dans
la mesure où les engagements pris par l'entreprise dans sa démarche de RSE font référence à
des principes clairement revendiqués par celle-ci, ils créent nécessairement de véritables
obligations juridiques73. Dans ces conditions l’entreprise n’est pas totalement exempte de
sanctions, lorsque elle ne se conforme pas à ce qu’elle avait annoncé.
Désormais, la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) ne relève plus du seul
volontariat, elle entre peu à peu dans un cadre juridique qui n’est plus exclusivement
contractuel. En France, les plus grandes entreprises et les entreprises cotées sont de plus en plus
soumises à des réglementations spécifiques. Depuis la loi NRE du 15 mai 2001, modifiée par
la loi dite « Grenelle II » précitée, certaines sociétés74 sont en effet dans l’obligation d'insérer
dans leur rapport de gestion des informations sur la manière dont elles prennent en compte les
conséquences sociales et environnementales de leur activité, ainsi que sur leurs engagements
sociétaux en faveur du développement durable75. Depuis la loi sur le devoir de vigilance adoptée
en 2017 en France, les grandes entreprises doivent aussi mettre en place des mesures de

72
Chambre sociale de la Cour de Cassation du 8 décembre 2009, Droit ouvrier, 2010, note J. Porta, p. 244 citée
par I. Desbarats, Alertes, codes et chartes éthiques à l’épreuve du droit français, D.2010, P.548, cité par P. S. A.
BADJI, «Les orientations du législateur OHADA dans l’AUSCGIE révisé », op.cit., p.13.
73
E. DAOUD, J. FERRARI, « La RSE sociale », Revue Lamy Droit des affaires, novembre 2012, n°76, p.72.
74
Le Décret n° 2012-557 du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale
et environnementale prévoit une entrée en vigueur progressive des différentes dispositions selon la taille des
entreprises.
75
Les articles 225, 226 et 227 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 visent notamment à informer les associés,
et plus généralement le marché et l'ensemble des parties prenantes, sur la façon dont les entreprises concernées
prennent en compte « les conséquences sociales et environnementales » de leur activité, et souscrivent des «
engagements sociétaux en faveur du développement durable » (G. J. MARTIN, « Commentaire des articles 225,
226 et 227 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement (dite Grenelle
II) », Revue des sociétés, 2011, p.75).

17
surveillance qui permettent de prévenir les risques environnementaux76. Ainsi, à la question de
savoir si la responsabilité sociale de l’entreprise existe sur le plan juridique77, il faut répondre
par l’affirmative78. Néanmoins, l’analyse du droit spécialement français montre que la
responsabilité sociétale s’exerce aujourd’hui dans un cadre juridique dont l’élaboration n’est
vraisemblablement pas achevée79. Néanmoins, dans certains actes uniformes, ladite
responsabilité est implicite.

2) Une réalité implicite dans certains actes uniformes

Certaines dispositions des actes uniformes, par leur attention aux différentes parties
prenantes peuvent être considérées comme convenables à la RSE en droit OHADA. Autrement
dit, il existe un cadre juridique qui favorise l'émergence d'une RSE. D’abord, on peut citer les
articles 13 à 17 de l'Acte uniforme portant sur le droit commercial général. Par ces articles, le
législateur OHADA fait obligation aux entreprises de faire une reddition de comptes financiers.
Ces textes n'obligent pas les entreprises à intégrer des considérations d'ordre social ou
environnemental dans leurs rapports80. Mais dans la majeure partie des cas, des législations
nationales exigent la conduite d'étude d'impact environnemental pour l'exécution de projets à
grand impact environnemental. De cette manière, ces comptes financiers présentés par des
entreprises permettront de savoir s’il faut exiger ladite étude. De même, le législateur OHADA
à l’article 3 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général cite l’exploitation
industrielle des mines, carrières et de tout gisement de ressources naturelles parmi les actes de
commerce par nature. Quand on sait que l’industrialisation est le talon d’Achille de l’économie
africaine, il ne fait l’ombre d’un doute que cette activité d’exploitation sera l’apanage exclusif
de l’investisseur étranger. Mais si son activité est importante parce qu’il embauche la main-

76
La communauté RSE et transformation durable de Novethic, « Le b-a-ba de la RSE »,
https://www.novethic.fr/entreprises-responsables/quest-ce-que-la-rse.html, Consulté le 25 mars 2020.
77
P. NGUIHE KANTE, « La responsabilité sociale de l’entreprise existe-t-elle sur le plan juridique? », RTSJ, no
2, janvier-juin 2012, p.115.
78
R. FAMILY, « La responsabilité sociétale de l’entreprise : du concept à la norme », D. 2013.1558. La normativité
à l’œuvre en matière de RSE penche donc du côté souple de la force. Plus précisément, selon la classification
proposée par Chantale Thibierge, « Le droit souple. Réflexion sur les textures du droit », cité par P. S. A. BADJI,
« Réflexions sur l’attractivité du droit OHADA », op.cit., p.59.
79
I. DESBARATS, « Regard sur un instrument majeur de la gouvernance d’entreprise : quid de la nature juridique
des codes éthiques ? », Revue Lamy Droit des affaires, novembre 2008, n°32, p.68.
80
A. WONG et U. KISWEND-SIDA YAMEOGO, Les responsabilités sociétales des entreprises en Afrique
francophones, éd. Charles Léopold Mayer, 2011, p.28.

18
d’œuvre locale et que l’Etat partie prélève des impôts, il ne faut pas perdre de vue que
l’exploitation anarchique des ressources naturelles et humaines doit être évitée. Pour éviter cette
situation, les Etats parties gagneraient à instituer une sorte de loi-modèle en matière minière ou
pétrolière81.
Ensuite, pour assurer le développement de l’entreprise et protéger en même temps les
parties prenantes, le législateur OHADA impose à l’assemblée générale des associés d’affecter
annuellement 10 % des bénéfices à une réserve légale, jusqu’à ce qu’elle atteigne le cinquième
du montant du capital82. Cette obligation peut être considérée comme une norme de RSE en
droit OHADA car cette mesure protège non seulement les associés mais également les
différents partenaires de l’entreprise. En outre, les réductions de capital ne peuvent être décidées
par l’assemblée générale que dans le respect de l’intérêt des créanciers, qui peuvent être
protégés par l’octroi de sûretés83. En outre, la protection des parties prenantes implique le
contrôle de la santé financière de la société telle que reflétée par ses comptes. Cette mission de
confiance assurée dans l’intérêt général a été confiée à un commissaire aux comptes par le
législateur OHADA84. La présupposée indépendance de ce dernier assure la crédibilité de ses
rapports et renforce la légitimité des décisions de la société. « Cette indépendance est à la fois
une garantie en faveur des créanciers et un moyen de renforcer la confiance des marchés à
l’égard des informations diffusées »85. Afin de favoriser cette indépendance, l’Acte uniforme
règle la durée du mandat du commissaire aux comptes et limite les possibilités de le révoquer.
Enfin, dans la législation OHADA86, pour renforcer la gestion des risques, un comité
d’audit doit désormais être constitué dans les sociétés anonymes faisant appel public à
l’épargne. Or, la gestion des risques est l’un des objectifs principaux des normes de RSE. Par

81
P. S. A. BADJI, « Réflexions sur l’attractivité du droit OHADA », op.cit., p.59.
82
Art.346 de l’AUSCGIE. Pourtant, sur cette question le législateur belge impose seulement à l’assemblée
générale d’affecter annuellement 5 % des bénéfices à une réserve légale, jusqu’à ce qu’elle atteigne 10 % du capital
(Y. DE CORDT, op.cit., p.14). Ce qui signifie que sur cette question, la législation OHADA protège les créanciers
des entreprises mieux que la législation belge.
83
Art.370 de l’AUSCGIE, voir également Y. DE CORDT, op.cit., p.15.
84
Art.376, 694, 702, etc. de l’AUSCGIE.
85
Y. DE CORDT, op.cit., p.15.
86
Art.829-1 de l’AUSCGIE : il a pour missions essentielles de : (I) procéder à l’examen des comptes et s’assurer
de la pertinence et de la permanence des méthodes comptables adoptées pour l’établissement des comptes
consolidés et sociaux de l’entreprise ; (II) assurer le suivi du processus d’élaboration de l’information financière ;
(III) assurer le suivi de l’efficacité des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques ; (IV) émettre un avis
sur les commissaires aux comptes proposés à la désignation par l’assemblée générale. Il rend compte régulièrement
au conseil d’administration de l’exercice de ses missions et l’informe sans délai de toute difficulté rencontrée. Pour
éviter les conflits d’intérêt, le législateur a prévu les conventions règlementées.

19
ailleurs, la mise en œuvre de la RSE relève de la mission des dirigeants sociaux, mais d’autres
auteurs87 s’interrogent sur les possibilités que pourrai offrir le pacte d’actionnaires afin de
permettre à des actionnaires minoritaires, au sein des sociétés, de disposer du pouvoir d’inciter
voire de contraindre, une société à s’engager dans des démarches RSE. De manière générale,
c’est alors la question de l’intégration de la RSE dans la gouvernance des entreprises qui se
pose88. Dans ce cadre, le législateur OHADA a consacré la validité des pactes d’associés89,
permettant aux associés de compléter les dispositions légales ou de les remplacer par des règles
introduisant plus de souplesse dans leurs relations ou dans le fonctionnement de leurs
entreprises. Cela permet aux associés de conclure des accords portant sur des normes RSE, car
la volonté des associés peut d’ailleurs, selon la Cour de cassation française, « organiser toute
solution qui n’est pas contraire à une règle d’ordre public, à une stipulation impérative des
statuts ou à l’intérêt social »90. Or, « l'intérêt social peut se définir comme l'intérêt supérieur de
la personne morale elle-même, c'est-à-dire de l'entreprise considérée comme un agent
économique autonome, poursuivant des fins propres, distinctes notamment de celles de ses
actionnaires, de celles de ses salariés, de ses créanciers dont le fisc, de ses fournisseurs et de
ses clients, mais qui correspondent à leur intérêt qui est d'assurer la prospérité et la continuité
de l'entreprise »91. Dès lors que l’intérêt social prend en comptes les différentes parties
prenantes de l’entreprise, il convient d’affirmer que les préoccupations sociales et
environnementales font parties dudit intérêt. Somme toute, il existe des pistes d’intégration de
la RSE en droit OHADA.

B. Des pistes possibles d’intégration de la RSE en droit OHADA

Le renforcement mutuel entre développement et environnement fournit une motivation


supplémentaire en faveur de l’intégration de la RSE au sein de l’espace OHADA. De cette
manière, la RSE peut intégrer peu à peu le droit OHADA, soit par la reconnaissance des normes

87
Sur cette question voir L. NURIT-PONTIER, « Des pactes d’actionnaires au service de la RSE ? », Recueil
Dalloz, 2010, p. 2081.
88
Sur cette question voir L. NURIT-PONTIER, op.cit., p. 2081.
89
Art.2-1 de l’AUSCGIE : « Sous réserve du respect des dispositions du présent Acte uniforme auxquelles il ne
peut être dérogé et des clauses statutaires, les associés peuvent conclure des conventions extrastatutaires en vue
notamment d’organiser, selon les modalités qu’ils ont librement arrêtées… ».
90
Cass. Com., Bull. Joly Sociétés 2004, p.544, note P. Le Cannu.
91
Définition retenue en 1995 par le rapport Viénot sur le conseil d'administration des sociétés cotées, cité par L.
NURIT-PONTIER, « L'inscription statutaire, vecteur juridique de RSE ? », Revue des sociétés, 2013, p.323.

20
de RSE par les structures de l’OHADA (1), soit par une adoption des normes de RSE au niveau
étatique (2).

1) La consécration des normes de RSE par les structures de l’OHADA

La réception par la jurisprudence et par la loi des normes de RSE sont deux voies qui
conduisent peu à peu à l’insertion de la RSE dans le droit « dur », leur faisant ainsi produire des
effets juridiques initialement non souhaités par leurs auteurs. Ainsi, la reconnaissance des
normes RSE en droit OHADA peut avoir comme origine, soit l’adoption de la RSE par la
conférence des chefs d’Etat et de gouvernement (a), soit indirectement par la consécration de
certaines dispositions des actes uniformes par la « CCJA »92 (b).

a. L’adoption de la RSE par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement

L’autorégulation des entreprises en matière de responsabilité sociétale des entreprises


ne devrait pas être vue comme un substitut à la réglementation ou à la législation des normes
de RSE par l’autorité compétente. Dans les pays où de telles réglementations n’existent pas, les
efforts devraient se concentrer sur la mise en place du cadre réglementaire ou législatif adéquat
afin de définir une base équitable, à partir de laquelle les pratiques socialement responsables
peuvent être développées93. Car l’exigence de sécurité juridique, à travers des normes de
législations adaptées, répond de l’intérêt de toutes les parties prenantes. A cet effet, le
fondement possible de l’intégration des dispositions relatives à la RSE dans le droit OHADA
pourrait être l’article 27 du Traité OHADA dont la révision, en 2008, offre cette opportunité
dans la mesure où il institue une Conférence des chefs d’État et de Gouvernement qui « statue
sur toute question relative au Traité »94 ou peuvent être simplement introduites dans l’une des
matières citées par l’article 2 du Traité. Dans ce sens, la législation française en matière

92
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
93
CCE, 2001, Promouvoir un cadre européen pour la RSE, Livre vert, COM (2001) 366, 18.07.01, p. 7, § 20, 21,
22, cite par O. MAUREL, La responsabilité des entreprises en matière de droits de l’homme, Les études de la
CNCDH, La Documentation française, Paris, 2009, p.45.
94
Compte tenu de l’objet de l’OHADA qui est d’organiser l’harmonisation du domaine du droit des affaires en
Afrique, ce texte confère à ce nouvel organe qu’est la Conférence des chefs d’État et de Gouvernement la
compétence pour prendre des dispositions relatives à la RSE puisque celles-ci relèvent de manière connexe du
droit des affaires (K. DIAWARA et S. LAVALLÉE, op.cit., p.447).

21
d’hygiène et sécurité a par exemple fait entrer la question environnementale dans les sociétés à
travers la mise en place de comités d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail95. C’est
pourquoi, à défaut de législation OHADA sur les normes de RSE, le droit interne des Etats
parties reste donc le seul cadre juridique de référence. Sans oublier que la CCJA peut consacrer
certaines dispositions des actes uniformes comme des normes de RSE.

b. La consécration des dispositions de la RSE par des décisions rendues par la


CCJA

L’obligation pour le juge de trancher le différend dont il est saisi conformément aux
règles qui lui sont applicables, a été constamment rappelée tant par les juridictions nationales96
que par la CCJA elle-même. En effet, les juridictions nationales ont affirmé qu’il est de principe
en droit processuel que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont
applicables. Et dans ces conditions, il lui appartient de déterminer la règle de droit appliquée à
la solution du litige97. Ce principe a été plusieurs fois rappelé par la CCJA, qui a précisé qu’il
subsiste alors même que l'application de ces lois n'aurait pas été expressément requise par les
parties98. Elle supplée la loi car l’évolution des sciences et de la technique crée des problèmes
nouveaux et cela peut donner lieu à un vide juridique que sa jurisprudence doit combler.
Une manifestation originale de l’attachement de la CCJA à l’obligation de trancher le
litige se retrouve dans sa propre jurisprudence99 concernant les pourvois dits « mixtes »100. Dans
un tel cas, la position constante de la CCJA est de se déclarer compétente et de connaître de
l’entier litige101, le seul critère de compétence étant, pour elle et en application de l’article 14

95
L’employeur a des obligations spécifiques définies aux articles L. 4141-1 et s. du Code du travail français.
96
M. J. V. KODO, op.cit., p.54.
97
TPI Bamako (Mali), 2-4-2008 : Agri 2000 c/ Yara West Africa et Yara-France, Penant n° 866, p. 116, note
Bakary DIALLO, Ohadata J-09-66 ; CA Ouagadougou (Burkina-Faso), ch. com., n° 025, 15-5-2009 : SITACI
SA c/ MISETAL SA, www.ohada.com, Ohadata J-10-211).
98
Notamment, CCJA, N° 007/2009, 26-2-2009: BINCI c/ Abdoulaye BABY BOUYA, Recueil de Jurisprudence
n° 13, Janvier–Juin 2009, p. 48, www.ohada.com, Ohadata J-10-62. CCJA, N° 055/2008, 11-12-2008: Sté
WESTPORT COTE D’IVOIRE S.A c/ LE MANS ASSURANCES INTERNATIONALES S.A, Recueil de
Jurisprudence n° 12, Juillet–Décembre 2008, p. 134, Ohadata J-10-40.
99
Cité par M. J. V. KODO, op.cit., p.55.
100
Un pourvoi est dit mixte lorsqu’il porte à la fois sur la violation des dispositions d’un Acte uniforme et d’une
disposition nationale d’un État partie au traité OHADA.
101
CCJA, 1re ch., n° 38, 17-7-2008 : SDV- CI c./ GETMA-CI, Le Juris-Ohada n° 4/2008, p. 35, Ohadata J-09-77;
CCJA, n° 026/2006, 16-11-2006 : Mme A. A. E. née A. C. c./ SGBCI, S. S., A. A. E., Recueil de Jurisprudence
n° 8, 2006, p. 35, Le Juris-Ohada, n° 2/2007, p. 7, Ohadata J-08-98.

22
du Traité relatif à l’OHADA, l’existence de questions relatives à l’application d’un acte
uniforme ou d’autres textes de l’OHADA102. C’est notamment dans ce cadre que, saisie d’un
pourvoi mixte visant entre autres, la violation de l’article 23.2 de la Déclaration Universelle des
Droits de l’Homme et de la coutume internationale, la CCJA ne s’est pas déclarée incompétente
mais a examiné l’affaire dans son ensemble et répondu à chaque chef de demande103. Or, les
questions notamment de droits de l’Homme font partie du domaine de la RSE. Le juge de
l’OHADA recourt également au droit comparé lorsque les circonstances le justifient104 ou
encore à la coutume internationale en l’absence de texte105.
En plus, les normes de RSE élaborées par les entreprises elles-mêmes peuvent être
retenues par le juge. Bien que qualifiés de prime abord de « droit mou », les normes privées de
RSE peuvent en effet produire des effets juridiques, soit par la sanction de leur non-respect, soit
par celle de leur contenu106. Quant aux tiers déçus du non-respect par la société d'engagements
environnementaux ou sociaux, ils disposent avant même toute action en justice de modes de
pression divers, tels le boycott des produits de la société ou le refus de contracter avec elle, dont
l'efficacité n'est pas à démontrer107. En plus des structures du traité OHADA, la RSE peut être
adoptée au niveau étatique.

2) L’adoption des normes de RSE au niveau étatique

La RSE est apparue ces dernières années dans des instruments n’étant pas à proprement
parler de son domaine. Citons notamment les contrats de marchés publics et dans les aides
publiques à l’export. De cette manière, l’intégration de la RSE dans ces instruments juridiques
vise à inciter les entreprises à engager des démarches responsables. Car, le choix de développer
une politique responsable relève de la liberté de chaque entreprise. Mais la loi peut pourtant les

102
M. J. V. KODO, op.cit., p.55.
103
CCJA, Ass. plen., n° 032/2015, 23-4-2015, Pourvoi n° 176/2012/PC du 28/12/ 2012 : Dame D. M. J. C. c/
Secrétariat Permanent de l’OHADA, www.ohada.com, Ohadata J-16-32.
104
Voir CA Littoral (Cameroun), N°149/REF, 18-8-2008: Sté NINA c/ SCB Cameroun & Autres,
www.ohada.com, Ohadata J-10-264.
105
CCJA, Ass. plen., n° 032/2015, 23-4-2015, Pourvoi n° 176/2012/PC du 28/12/ 2012 : Dame D. M. J. C. c/
Secrétariat Permanent de l’OHADA, www.ohada.com, Ohadata J-16-32.
106
Voir par exemple un arrêt de la Cour de cassation ayant considéré comme abusif le dispositif d’alerte
professionnelle mis en place par le Code de conduite de Dassault-Système, Cass.soc., 8 déc. 2009, n° 08-17.191,
voir infra, p. 395.
107
L. NURIT-PONTIER, « L'inscription statutaire, vecteur juridique de RSE ? », Revue des sociétés, 2013, p.323.

23
inciter à initier de telles démarches. Ainsi, la question de responsabilité sociétale des entreprises
relève du domaine des dirigeants sociaux (a), avec la prise des mesures incitatives par les Etats
(b).

a. Une référence volontaire aux normes de RSE par les dirigeants sociaux

Pour susciter à nouveau la confiance et éviter aussi que la recherche systématique de


croissance ne compromette le développement durable, les entreprises devraient se soumettre
volontairement à des contraintes allant au-delà de la législation existante. C’est l’engagement
volontaire et délibéré des entreprises dans des démarches RSE ; ce sont elles, et elles seules,
qui décident de l’opportunité d’un tel activisme108. Au-delà de la prise en compte des risques et
de leur gestion opérationnelle liée aux préoccupations spécifiques de la RSE, laquelle est
généralement assurée par la personne en charge de la gestion quotidienne de l’entreprise, c’est
alors la question de l’intégration de la RSE dans la stratégie globale de l’entreprise et donc de
son appropriation par le conseil d’administration, qui se pose. Certains auteurs parlent à cet
égard de gouvernance RSE109, entendue comme l’intégration des considérations sociales,
environnementales et éthiques dans les missions des dirigeants sociaux. En effet, la RSE relève
de la mission des dirigeants sociaux, selon la forme sociétaire choisie, puisqu’il revient à eux
de déterminer les orientations de l’activité de la société et de veiller à leur mise en œuvre. Le
législateur laisse malgré tout la liberté aux dirigeants sociaux de déterminer le contenu et
l’étendue des indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à l'activité
spécifique de la société, notamment des informations relatives aux questions d'environnement
et de personnel et surtout la démarche de RSE qui convient à la société.
Par ailleurs, si la RSE est populaire dans les discours des entreprises, peu d’entre elles
passent réellement à l’acte. Dans ce contexte, on ne peut estimer raisonnablement que la seule
approche volontariste suffirait à faire de la RSE une norme de management intégrée à la
stratégie des entreprises. Mais la norme d’autorégulation suppose, en quelque sorte, non
seulement un « pouvoir législatif interne » en charge de la mise en place des normes, mais aussi

108
C. CEZANNE, M. RUBINSTEIN, « La RSE comme instrument de la gouvernance d’entreprise », Innovation,
Governance and Finance: Current Issues and New Challenges”, 2010, Saint-Denis, France, p.10.
109
C. STRANDBERG, cité par M.-C. CAILLET, op.cit., p.230.

24
« un pouvoir exécutif et judiciaire », qui devra veiller à leur interprétation et à leur respect 110.
En outre, le recours à l’autorégulation par les entreprises vient en effet pallier une absence de
législation applicable aux entreprises au niveau international, dans les domaines visés par la
RSE. En matière de droits fondamentaux, elle ne devrait pourtant rester qu’un relai et non venir
se substituer à toute règlementation. On voit par là que les actions volontaires présentent des
limites fondamentales, et qu’elles doivent être considérées comme complémentaires de la
régulation publique111.

b. La prise des mesures incitatives par les Etats parties au traité OHADA

Le droit OHADA ne fournit pas pour le moment l’intégralité des règles permettant de
régir une situation donnée et dans ces conditions, il doit fréquemment être appliqué
conjointement avec le droit national112 de l’un ou l’autre des Etats parties au traité. En effet, la
mise en œuvre de la RSE incombe en premier lieu aux entreprises elles-mêmes. Mais les
institutions gouvernementales ont un rôle important à jouer dans l’établissement d’un
environnement adéquat pour les entreprises, afin de favoriser le bon fonctionnement des
programmes de RSE, particulièrement au niveau législatif113. Le gouvernement peut, par
exemple, légiférer afin de favoriser l’adoption de certains comportements, comme la limitation
des émissions de certains polluants dans l’air ou dans l’eau, de même que la pollution sonore,
afin d’assurer la protection de l’environnement par le biais du respect des obligations
législatives par les entreprises114. Dans certains cas, les gouvernements peuvent inciter les
entreprises à instaurer un programme de RSE, en leur évitant le paiement de quelques taxes, vu
leurs investissements dans certaines activités sociales. Cela leur permet de gagner un gain
financier, étant donné que ces dépenses peuvent parfois être un coût important au sein de
l’entreprise. Mais, malgré sa portée symbolique non négligeable, la RSE, comme tout droit

110
J-Y. TROCHON, F. VINCKE (dir.), L’entreprise face à la mondialisation : opportunités et risques, Bruylant,
coll. Feduci, 2006, p. 290.
111
K. S. MENSAH-ATTOH, op.cit., p.30.
112
Vis-à-vis du droit national, les entreprises sont censées respecter la législation nationale et les obligations
internationales auxquelles a souscrit chacun des États dans lesquels elles exercent leur activité. Dans le cas
contraire, elles mettent en jeu leur responsabilité juridique dans l’État hôte (O. MAUREL, op.cit., p.128).
113
Les pouvoirs publics jouent un rôle important dans la création des conditions-cadre et l'élaboration des standards
pour la promotion de la RSE (K. S. MENSAH-ATTOH, op.cit., p.31.).
114
E. HOULE, op.cit., p.11. (Idem, p.11).

25
déclaratoire, n’existe dans les faits que si les États transforment son contenu en engagements
contraignants.

Conclusion

Ce travail portant sur la responsabilité sociétale des entreprises dans la gouvernance des
sociétés en droit OHADA, permet d’une part, de constater qu’il existe une symbiose entre les
normes de RSE et la gouvernance d’entreprises d’une manière générale et d’autre part, de
remarquer que la consécration par le législateur de la RSE, en tant qu’instrument de la
gouvernance d’entreprise serait un outil d’attractivité du droit OHADA et un moyen de
protection de toutes les parties prenantes. C’est pourquoi, même si on constate que les normes
de RSE n’ont pas été prises en comptes par le législateur, elles sont une réalité envisageable et
il existe des pistes possibles de leur intégration en droit OHADA. Cette intégration peut passer
par l’adoption des normes RSE par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, mais
avant cette adoption, certaines dispositions de la RSE peuvent être consacrées par les décisions
rendues par la CCJA. Par ailleurs, si la mise en œuvre des normes de responsabilité sociétale
des entreprises relève de la volonté des dirigeants des entreprises, les autorités étatiques par leur
législation peuvent inciter les entreprises à instaurer un programme de RSE. Actuellement, avec
l’intervention de l’Etat, nécessaire au bon fonctionnement des marchés, certains auteurs vont
jusqu’à affirmer que la RSE donne peu à peu naissance à un système de « corégulation »115 du
comportement responsable des entreprises116. Cette notion s’inscrit à mi-chemin entre la
règlementation et l’autorégulation. Elle peut ainsi désigner un processus collaboratif
d’élaboration de la norme. Cette dernière reste juridique et contraignante.

115
La corégulation comme une technique associant des mesures législatives ou règlementaires contraignantes à
des mesures prises par les acteurs les plus concernés en mettant à profit leur expérience pratique.
116
Sur cette question voir L. HENNEBEL et G. LEWKOWICZ, «Corégulation et responsabilité sociale des
entreprises», in T. BERNS, P.-F. DOCQUIR et al. (dir.), Responsabilités des entreprises et corégulation, Bruylant,
2007, p. 147 et s.

26

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