Boite À Merveille
Boite À Merveille
Boite À Merveille
RÉSUMÉ
Le roman commence par l'évocation de Dar Chouafa, une maison située dans la médina
de Fès où habite Sidi Mohammed avec ses parents Maâlem Abdeslam et Lalla Zoubida. Après
avoir présenté les colocataires qui occupent les lieux, le narrateur décrit quelques scènes qui se
passent quotidiennement chez la voyante du rez-de-chaussée, puis s'attarde sur les
journées interminables au Msid sous le regard sévère du fqih.
Vu son âge, six ans, Sidi Mohammed peut accompagner sa mère au hammam qui gagne
à ses yeux des proportions infernales. L'épisode du bain maure est aéré de fréquentes allusions à
Lalla Zoubida, la mère bavarde et impulsive qui cherche noise à tout le monde, surtout à la
voisine Rahma avec qui elle a une violente dispute. Le narrateur parle ensuite de son père, un
homme réputé pour sa droiture et sa sérénité qui, contrairement à son épouse, ne fait pas de mal
à une mouche. Ces qualités réunies lui valent le respect de tout son entourage.
§ évocation : استحضار
§ interminables : التنتهي
§ sévère : قاسي
§ proportions : أبعاد
§ infernales : جهنمية
§ allusions : تلميحات
§ impulsive : محرضة
§ noise : شجار
§ droiture : استقامة
1- LE DÉCLENCHEMENT DU RÉCIT
Les premières lignes du roman sont écrites au présent: un présent d'énonciation qui
réfère au moment d'écriture. Le « je » renvoie donc au narrateur adulte qui se sert du sentiment
de solitude pour déclencher le récit proprement dit: «Je songe à ma solitude et j'en sens tout le
poids. Ma solitude ne date pas d'hier... fils de cuivre.»
Au début du troisième paragraphe, le présent cède subitement la place à l'imparfait.
Cette transition temporelle, rétrospective, marque le démarrage effectif de la narration focalisée
sur les souvenirs d'enfance : «Nous habitions Dar Chouafa... ». La majorité des séquences
développées ultérieurement sont profondément marquées par la sensation d'isolement soulignée
avec amertume dans l'incipit. Nous y reviendrons.
§ Déclenchement : انطالق
§ réfère : يرجع إلى
§ cède : يترك
§ subitement : فجأة
§ transition : انتقال
§ rétrospective : ناضرة إلى الماضي،متعلقة بالماضي
§ focalisée : مركزة
§ isolement : العزلة
§ amertume : كآبة
§ incipit : مستهل الرواية
2- UN ESPACE SYMBOLIQUE
Dar Chouffa est construite selon une architecture très particulière qui la transforme en
espace fermé et hautement symbolique. Cette maison habitée par plusieurs familles se compose
d'un rez-de-chaussée réservé à la voyante, d'un premier étage occupé par Rahma, son mari et sa
fille Zineb, et d'un deuxième étage habité par la famille de Fatma Bziouya et la famille de
Maâlem Abdeslem. Il s'agit d'un lieu collectif qui génère inévitablement des confrontations
occasionnelles entre voisins. Par ailleurs, cette habitation surpeuplée s'ouvre sur un patio
commun. Tout le monde peut voir tout le monde et les paroles traversent facilement les murs.
La construction s'organise donc à la manière d'une halqa, une disposition qui permet au jeune
héros de recueillir, à partir de chez lui, toutes les informations nécessaires à l'élaboration de son
récit.
§ Symbolique : رمزي
§ architecture : هندسة معمارية
§ génère : يولد
§ surpeuplée : مكتظة بالسكان
§ élaboration : تحضير
§ revêt : تكتسي
§ se soucier : اهتم – اكترث
§ rudesse : خشونة – قسوة
§ injures : إهانة – شتائم
§ consternent : تذهل
§ littéralement : حرفيا
§ pâle : شاحب
§ supplice : عذاب
§ heurtait : تلطم
§ parois : جدران
§ m'écroulais : انهرت
RÉSUMÉ
Le narrateur se souvient des heures interminables passées à l'école coranique sous
l'étroite surveillance d'un fqih sévère qui impose l'ordre à l'aide de sa redoutable baguette de
cognassier. Le chapitre réserve également une large part à la visite de Lalla Aicha qui réussit à
convaincre la mère de Sidi Mohammed de l'emmener à Sidi Boughaleb, un marabout
réputé pour ses pouvoirs de conjurer le mauvais œil.
A Sidi Boughaleb, le jeune garçon scrute attentivement le mausolée du saint placé au
milieu d'un grand cimetière. Les rites effectués par Lalla Aicha et sa mère l'interpellent
vivement et éveillent sa curiosité. Mais sa méditation est interrompue par l'attaque inopinée d'un
chat qui lui écorche la peau. De nombreuses questions, restées sans
réponse, bouillonnent encore dans sa tête.
Après cette mésaventure vécue dans un lieu censé le protéger contre le mal, le narrateur
fait un compte rendu détaille des discussions menées tambour battant par les voisines. Il révèle
aussi la nature du métier exercé par son père avant d'enchaîner avec la narration d'autres
épisodes notamment celui où Rahma lui offre un cabochon qu'il s'empresse de cacher dans sa
boite à merveilles.
impose : يفرض
marabout : مزار
réputé : شهير
conjurer : طرد
scrute : يمعن النظر
mausolée : ضريح
cimetière : مقبرة
rites : طقوس
curiosité : فضول
méditation : تأمل
inopinée : مفاجئ – مباغث
écorche : خدش
bouillonnent :
mésaventure :
censé :
enchaîner : يتابع
cabochon :
1- LA PREMIÈRE ÉDUCATION
L’école coranique, lieu de l'enseignement traditionnel par excellence, est souvent
évoquée dans les écrits des auteurs marocains d'expression française qui la qualifient
généralement d'espace hostile dominé par la vexation et le châtiment corporel. C'est dans cet
endroit précisément que le jeune élève découvre l'autorité des adultes, incarnée par le fqih, qui
le blesse dans sa chair et marque durablement son esprit : « A six ans, j'avais déjà conscience de
l’hostilité du monde et de ma fragilité. Je connaissais la peur, je connaissais la souffrance de la
chair au contact de la baguette de cognassier. Mon petit corps tremblait. »
hostile : عنيف
vexation : إغاظة
incarnée : متجسدة
Ma mère trouva un gobelet et me fit boire. Elle se versa un peu de liquide dans le
creux des mains et sur ses chevilles. Tout en procédant à ce rituel, elle marmonnait de vagues
prières, des invocations....
En arrivant devant le catafalque, Lalla Aicha et ma mère se mirent à appeler à
grands cris le saint à leur secours. L'une ignorait les paroles de l'autre, chacune lui exposait
ses petites misères, frappait du plat de la main le bois du catafalque, gémissait, suppliait,
vitupérait contre ses ennemis.
La gardienne ouvrit ses deux mains, reçut le don et entama une longue oraison.
mœurs : أخالق- سلوك – عادات
coutumes : أعراف- عادات
phénomènes : ظواهر
scandent : قطعت
lacune : فجوة
contraint : تعيق
objectivement : موضوعيا
critique : نقذ
implicite : ضمني
averti : نبيه – عنده علم
enrayer : يوقف
garnies : مغطاة
envieux : حاسد
sanctuaire :محراب
gobelet : قدح
marmonnait : تغمغم- تتمتم
invocations : ابتهال
catafalque : نعش
gémissait : َتإن
suppliait : تتضرع
oraison : دعاء- تضرع
3- L'ENCHANTEMENT SECRET
Ne pouvant pas s'affirmer au milieu des adultes, l'enfant crée son propre monde, un
monde imaginaire plein de merveilles. La boite ou il cache des
objets hétéroclites lui procure d'intenses moments de bonheur tout comme les oiseaux qui lui
rendent occasionnellement visite et dont il est le seul à comprendre le langage crypté.
RÉSUMÉ
Le narrateur évoque les instants pénibles passés au Msid sous le regard figé du fqih,
ainsi que le précieux cadeau qui lui a été offert par Rahma. Il enchaîne avec un évènement
qui bouleverse les habitudes des colocataires de Dar Chouafa à savoir la lampe à pétrole acquise
par Fatma Bzouiya, et qui éveille la jalousie de Lalla Zoubida, la mère de Sidi Mohammed.
Le récit relate ensuite la disparition de Zineb au mausolée des ldrissides; un épisode
mouvementé qui s'attarde sur l'affolement de sa mère et la solidarité des voisins qui la
soutiennent de tout cœur dans sa détresse. La séquence se termine par un dénouement heureux:
Zineb est retrouvée. Pour remercier Dieu de lui avoir rendu sa fille, Rahma offre un repas aux
mendiants.
torture : تعذيب
oppression : قهر- جور
clos : مغلق
2-LA LAMPE MERVEILLEUSE
La lampe à pétrole, symbole de modernité et de technologie, remplace désormais
l'éclairage à la bougie chez Fatma Bzouiya, puis progressivement chez les autres colocataires de
Dar Chouafa. Elle envahit un milieu traditionnel et aiguise la curiosité de tous les habitants qui
rêvent d'en posséder une à leur tour. Cet objet admiré comme une merveille ne manque pas de
peupler les rêves de Sidi Mohammed qui aimerait bien lui réserver une petite place dans son
monde à lui.
envahit : اكتسحت- اجتاحت
aiguise : مشحوذ
3- LA DISPARITION DE ZINEB
3- 1-UN ÉLAN SPONTANÉ
La disparition de Zineb au mausolée des ldrissides est un triste évènement qui marque
tous les colocataires de Dar Chouafa, ainsi que les habitants des autres rues. Elle resserre les
liens entre les gens et révèle le sentiment de solidarité qui les anime dans les moments difficiles.
Lalla Zoubida qui a traité Rahma de tous les noms auparavant oublie vite sa rancune et soutient
sa voisine de toutes ses forces. Sa compassion spontanée montre bien que les occupants de la
maison de la voyante forment une seule famille. Le narrateur ne manque pas de souligner la
noblesse de cette attitude qui apprend à Sidi Mohammed une autre vérité sur les adultes: le
malheur dissipe parfois les haines et rapproche les cœurs.
Le repas que Rahma offre aux mendiants pour remercier la grâce divine de lui
avoir restitué son enfant est une autre occasion qui permet au narrateur de décrire
différents aspects de la culture traditionnelle marocaine où le social se mêle au religieux :
préparation de la nourriture, accueil des invites, distribution des plats, chants qui accompagnent
la cérémonie, fête improvisée par les femmes, etc.
rancune : ضغينة- حقد
compassion : شفقة- رحمة
spontanée : تلقائي
dissipe : بدد
aspects : مظاهر- جوانب
improvisée : مرتجلة
3-2-IMITATION ET COMPASSION
Sidi Mohammed ne nourrit pas des sentiments particulièrement tendres à l'endroit
de Zineb ; son sort le laisse pratiquement indifférent: «Je n’aimais pas Zineb, sa disparition me
réjouissait. » Le fait de se trouver au milieu de la mêlée des pleureuses l'oblige à les imiter. Ce
sont bien les adultes que donnent l'exemple aux enfants, semble-t-il se dire.
Mais l'enfant ne pleure pas seulement par imitation ; il le fait aussi par compassion. Un
sentiment de sympathie et de reconnaissance qui surgit
spontanément des tréfonds de son cœur encore innocent :
Je pleurais (..) parce que Rahma qui m'avait fait cadeau d'un beau cabochon de
verre avait du chagrin.
Ces deux explications sont cependant abandonnées à la fin du chapitre. La crise de
larmes du jeune garçon est déclenchée par le besoin urgent de se nourrir. Tout le reste n'est donc
que pure comédie: « Je pleure parce que j'avais faim. » Une réponse spontanée et naturelle que
les adultes trouvent déplacée : «Ma mère me saisit par le poignet et m'entraina, courroucée. »
à l'endroit de : نحو – اتجاه
sympathie : تعاطف
surgit : برز- ظهر
tréfonds : سريرة- باطن
courroucée : غاضبة
RÉSUMÉmation
Sidi Mohammed et sa mère rendent visite à Lalla Aîcha qui habite une maison simple
mais où il fait bon vivre. L’enfant suit attentivement la conversation des deux femmes qui
parlent des voisines et de bien d'autres sujets. Les gamins de la maison invitent le jeune garçon
à jouer au jeu de la mariée avec eux, un jeu qui se termine, naturellement, par une dispute. De
nouveau placé à côté de sa mère, le narrateur prête l'oreille à tout ce qui se dit. Après le retour
de Moulay Larbi, les deux femmes se séparent provisoirement. Lalla Aicha rejoint aussitôt son
invitée et lui confie son malheur : son mari a été trahi par son associé et risque de comparaitre
devant le pacha. Cette triste nouvelle accable Lalla Zoubida qui fait part de son chagrin à
Maalem Abdeslam une fois rentrée chez elle.
provisoirement : مؤقتا
lui confie : أسَّرت لها
accable : أتعب – أجهد
-ENCHAÎNEMENT DES RÉCITS
De nombreux évènements sont rapportés par le narrateur soit comme témoin privilégie,
soit comme acteur à part entière. Dans ce cas il se base sur ce qu'il a vu ou ressenti pour
élaborer son récit où tout gravite autour du «je». Dans cette catégorie entrent les séquences
consacrées au Msid, au bain maure, à la Visite de Sidi Boughaleb, à la disparition de Zineb et,
dans ce chapitre, à la visite effectuée chez Lalla Aicha.
La narration de ces récits s'opère au moyen de l'écriture : elle exige bien évidemment un
travail de style, de composition et une certaine poésie, ce qui la distingue nettement des oraux
que nous allons examiner ci-après.
témoin : شاهد
privilégie : متميز
gravite : يدور
Ce sont des récits exclusivement oraux qui se singularisent par la spontanéité du conteur
mais aussi par la magie du verbe qui éblouit les auditeurs. On en distingue deux sortes : des
récits « informatifs» qui comblent les vides laissés par le narrateur, et des récits distractifs dont
le but consiste uniquement à divertir, à occuper le temps.
spontanéité : عفوية- تلقائية
éblouit : يبهر- يسحر
comblent : تملئ
distractifs : مسلية
consiste : يقتصر على
1-2-1-RECITS « INFORMATIFS »
Certains faits échappent à Sidi Mohammed soit parce qu'il n'ya pas assisté, soit parce
que son âge ne lui permet pas de prendre leur narration en charge. Pour remédier à cette lacune,
le narrateur confie leur relation à des personnages relais en insistant sur leur talent de conteur.
Dans cette catégorie, on peut mettre le récit que Lalla Zoubida fait à son mari au sujet de la
mésaventure de Moulay Larbi. Ce choix est amplement justifie par le narrateur: il ne peut
raconter quelque chose qu'il n'a pas entendu. Seule une personne ayant pris part à l'échange peut
le faire « Ma mère discutait à demi-voix avec son amie. Je n'osais pas m'en approcher.
J'entendis le mot « pacha» plusieurs fois au cours de leur mystérieux dialogue. »
Les récits vécus et les récits racontés s'alternent et s'enchaînent dans l'œuvre moyennant
des transitions habilement opérées. Ils resserrent l'unité de la narration et forment un
ensemble cohérent fondamentalement articulé autour des souvenirs d'enfance, principal objet de
ce roman autobiographique.
relais : بديل
mésaventure : حادث مؤسف
curieuse : فضولية
bavarde : ثرثارة
s'alternent : تتناوب
cohérent : متجانس
1-2-2-RÉCITS DISTRACTIFS
Cette catégorie est principalement consacrée aux récits de Abdellah l'épicier qui cherche
plus à distraire son auditoire qu'à l'informer. Ce conteur hors pair que le narrateur découvre à
travers son père le fascine littéralement une fascination qui rappelle l'engouement d'Ahmed
Sefrioui pour la tradition orale à laquelle il réserve une place centrale dans son oeuvre. En
évoquant les histoires de ce personnage singulier, le narrateur insiste sur son éloquence et sur
l'art d'accrocher les gens qui se déplacent spécialement pour l'écouter.