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Femmes Savantes de Marguerite de Navarre À Jacqueline de Romilly 1st Edition Laure de Chantal Full Chapter Download PDF

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Femmes savantes De Marguerite de

Navarre à Jacqueline de Romilly 1st


Edition Laure De Chantal
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Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation


réservés pour tous les pays.

© 2020, pour la présente édition et la traduction


Société d’édition Les Belles Lettres
95, bd Raspail 75006 Paris.

ISBN : 978-2-251-91255-4
Sous l’égide d’Athéna
par
Laure de Chantal

I l n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, / Qu’une femme étudie et
sache tant de choses, voilà, en deux vers mémorables dans la langue de
Molière, un préjugé qui nous colle au cerveau. Une femme savante inspire
la méfiance, la dérision et d’autres pensées peu amènes. Une femme
savante n’est jamais vraiment à sa place, où qu’elle se trouve, elle
demeure en porte à faux.
Quelle jeune femme avant de passer un concours, qui ne serait pas un
concours de beauté, n’a pas entendu, au fond de son esprit, la petite
musique : « Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une
femme étudie et sache tant de choses » ?
Quelle intellectuelle ne s’est pas entendu demander : « mais ce livre,
c’est un peu votre enfant ? », et la même de répondre par l’affirmative,
pour faire glisser les choses, suivant la pente douce et dangereuse du
préjugé : « Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une
femme étudie et sache tant de choses. »
La formule de Molière est profondément ancrée dans une époque, le
Grand Siècle et la préciosité, elle vise un groupe bien identifié, les
Précieuses, et a donné lieu à une querelle prenant place dans un contexte
et une polémique spécifiques. Elle résonne pourtant à nos oreilles, fort
heureusement moins fort, mais tout aussi juste, et ce, pour les deux sexes,
car les idées reçues ne font pas de différence ni entre les catégories
sociales, ni entre les niveaux d’études, ni enfin entre une intelligence XY
et une intelligence à 2 X.
Entre l’époque de Molière et la nôtre, il y a une différence de degré mais
non de nature. Le préjugé s’accroche. Une femme savante a toujours
quelque chose à se faire pardonner, elle demeure une entité et une
identité étranges, un précipité surréaliste. Pire, l’égalité gagnée dans les
lois s’accompagne d’une négation de la féminité dans la vie : une femme
savante soit n’est pas honnête soit n’est pas une vraie femme, elle est
toujours vue comme un tantinet masculine. Parfois, il est question de
double vie, comme pour une liaison, activité pas bien honnête s’il en est :
comme s’il y avait d’un côté la vie de femme, faite de séduction frivole et de
maternité dévouée, et de l’autre la vie intellectuelle ou la vie au travail,
parce que n’oublions pas qu’« il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup
de causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses ». Ou bien alors,
pour rester galant (car avec une femme il est poli de toujours rester galant
même lorsqu’elle est savante), la métaphore devient soit celle de l’amour,
soit celle de l’accouchement. Une thèse, un essai, un projet, un succès
deviennent des enfants, mis au monde dans la douleur, mais tellement
épanouissants, fruits d’une relation amoureuse avec un sujet qui n’est pas
un individu, mais un thème de recherche. Quelle tristesse !
Les préjugés ont au moins un mérite : unisexes, ils vont aussi bien aux
hommes qu’aux femmes, se portent à toutes les époques et pour toutes les
occasions. Rien de tel donc qu’une femme savante pour en dénoncer une
autre. En 1644, Madeleine de Scudéry, prêtresse de la préciosité, fait la
connaissance d’une jeune Marseillaise, Françoise Diodée. Elle écrit à son
propos :
« [C’est] une demoiselle belle et jeune, qui dans les conversations
ordinaires, cite souvent, si j’ai bien retenu, Trismégiste, Zoroastre et
autres semblables messieurs qui ne sont pas de ma connaissance. Elle
entend l’espagnol, l’italien, le latin et même le grec ; elle est fort douce,
fort civile, et de fort bonne maison. Cependant, parce qu’elle n’a pas l’art
de cacher une part des trésors qu’elle possède à des gens qui ne la
connaissent pas, ils prennent pour du verre et du cuivre de l’or et des
diamants ; et l’injustice qu’on lui fait ici est si grande que je n’oserai la voir
souvent, de peur de me charger de la haine publique1. »
L’auteur des Femmes illustres ou Les Harangues héroïques (Paris, 1642), elle
qui se faisait appeler Sappho et qui a contribué à l’émergence des femmes
de lettres, n’ose pas s’afficher avec une autre femme savante parce qu’« il
n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une femme étudie
et sache tant de choses ». Pour vivre heureuses et savantes, mieux vaut
vivre cachées.
Et tous en chœur, hommes & femmes, d’hier et d’aujourd’hui de répéter
la ritournelle, égaux dans la bêtise comme dans l’intelligence, avec un bel
ensemble, mus par la puissance aberrante, obscure, féroce et dévastatrice
que seuls les préjugés les plus stupides peuvent avoir : « Il n’est pas bien
honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une femme étudie et sache tant
de choses. »
Notre langue, qui est notre âme commune, et notre dictionnaire, qui en
est la psyché, en témoignent de manière éclatante. Le vocabulaire
cristallise l’évidence. Il y a cent façons, argotiques, charmantes,
précieuses, vulgaires, admiratives, méprisantes ou sarcastiques d’évoquer
le corps des femmes dans les dictionnaires, il n’y a aucun mot désignant
une femme par son intelligence qui ne soit pas péjoratif ou moqueur.
« Bas-bleus », « péronnelles », « pimbêches »…, la liste est longue, très
drôle, et un peu triste : les femmes ont toujours tort d’avoir raison, et ce, à
toutes les époques.
Il y a bien sûr les torrents de haine qu’ont suscités les bas-bleus et le bas-
bleuisme, référence peu euphonique au salon de Lady Montagu, où
hommes et femmes se réunissaient pour discuter de littérature, et de tout
le reste. Pour se démarquer du costume trop habillé, les dames y portaient
de simples bas de laine bleue. En traversant la Manche, l’expression
devient péjorative. Un paragraphe ‒ sur les 300 pages ‒ du pamphlet de
Barbey d’Aurevilly pourra suffire : « Il y a de petites décadences, disait
Galiani. Mais je ne crois pas que dans l’histoire, il y en ait une plus petite
que celle qui nous menace. Je ne crois pas qu’il y en ait de plus honteuse
que celle d’un peuple qui fut mâle et qui va mourir en proie aux femelles
de son espèce… Rome mourut en proie aux Gladiateurs ; la Grèce, aux
Sophistes ; Byzance, aux Eunuques : mais les Eunuques sont encore des
débris d’hommes. Il peut rester à ces mutilés une tête virile, comme celle
de Narsès, tandis que nous, nous mourons en proie aux femmes, et
émasculés par elles, pour être mieux en égalité avec elles… Beaucoup de
peuples sont morts pourris par des courtisanes, mais les courtisanes sont
dans la nature et les Bas-bleus n’y sont pas !2 »
Que ceux qui préfèrent les images jettent un œil aux nombreuses
estampes désopilantes que Daumier a consacrées aux « Bas-bleus » (1844),
où de maigres mesdames négligent les tâches ménagères pour des livres.
Sur l’une, elle a troqué le plumeau contre la plume, tandis que le pauvre
enfant vagit, les pieds en l’air et la tête dans un seau d’eau sale, sur une
autre un mari déguenillé déplore : « Allons bon ! voilà qu’elle ne se
contente plus de porter les culottes, il faut qu’elle me les jette à la tête ! »
Sur d’autres, grillons du foyer démoniaques, des femmes fument à la
maison et boivent comme des hommes qui, eux, vont au cabaret. Car c’est
là toute la condition de l’intellectuelle, elle est toujours soit virile soit
hautaine et dédaigneuse, toujours risible.
La femme d’esprit est la Muse malade des dictionnaires : quoi qu’elle
touche, elle le flétrit.
En voici un dernier exemple, ou plutôt deux, chez Littré. À l’article
« Lettré », on lit, en guise d’exemples : « Il est l’homme le plus lettré de
son temps », suivi d’une citation de Rousseau : « Toute fille lettrée restera
fille toute sa vie ».
Molière n’a rien fait d’autre que formuler brillamment, exactement, un
préjugé, une pensée collante, vaporeuse mais obstinée qui, quoique
fumeuse, traverse comme un nuage le ciel des idées. L’honnête homme
peut être honnête, une femme, si elle veut être honnête, doit être
vertueuse, et cette vertu, par un raisonnement aberrant, a pour propriété
de fondre au soleil du savoir. C’est donc en manière de pied de nez que
nous avons appelé ce livre : les Femmes savantes, car des femmes savantes il
y a mille manières d’en rire, mais plus encore de les admirer.
Les sociétés antiques n’ont en rien échappé aux préjugés, voire en ont
créé quelques-uns. Grecs et Romains, qui pour nous ont tout inventé, ont
été nos précurseurs et des initiateurs en matière de haine de la femme :
Pandore, cadeau empoisonné de tous les dieux, est selon Hésiode un
« malheur aux hommes qui mangent le pain ». Mais le paradoxe veut que
Grecs et Romains ont donné des visages féminins à absolument toutes les
formes d’intelligence : l’intelligence créatrice par le biais des Muses dont
les artistes ne sont que les vaisseaux, l’intelligence technique par le visage
disparu de Mètis engloutie par Zeus et l’intelligence sage sous les traits
triomphants d’Athéna, déesse pensive et toute-puissante dont le poète
Callimaque nous dit qu’elle seule partage avec Zeus le pouvoir de tout
accomplir (Callimaque, Hymne V), et de tout faire s’accomplir d’un seul
mouvement de tête. C’est à elle seule aussi que Zeus confie son égide, le
bouclier sacré. Il n’est donc pas étonnant que l’Antiquité rêvée, l’Antiquité
telle que l’a sublimée l’histoire, ait fourni une place à part, un locus
amoenus, un lieu idéal, aux femmes désireuses de s’instruire, se rangeant
ainsi sous l’égide d’Athéna. Certes, tout n’est pas rose dans le monde des
classicistes et des philologues, mais, particulièrement en France via le
mouvement des Précieuses, les femmes ont pu y trouver une place. Aussi
les philologues de langue française ont-elles été nombreuses par
comparaison avec les autres domaines d’études et avec les autres pays : ce
livre est loin d’être exhaustif, et voilà qui est une bonne nouvelle !
Sans militantisme acharné, ce volume offre l’occasion inédite de voir
vivre douze femmes flamboyantes que leur condition a eu tendance à
pousser dans l’ombre. Dans cette galerie de portraits à la fois classiques et
atypiques, le lecteur fera la connaissance de quelques-unes de ces femmes
sages et sagaces qui ont trouvé dans l’étude des classiques de quoi
épanouir leur propre intelligence. Au fil des pages et de la longue période
que couvre cet ouvrage se dessine non une histoire des femmes
philologues, mais plutôt un arbre généalogique, un stemma pour employer
le vocabulaire propre à la philologie.
Charles Senard nous présente une Marguerite de Navarre amoureuse des
mots, philologue au sens étymologique du terme, pour nous faire admirer
le cénacle d’une reine protectrice des bonae literae et mécène des premiers
humanistes. Avec Perrette Bade (1506-1546), Nicolas Roudet nous dévoile
l’univers naissant de l’imprimerie : au cœur du Quartier latin, nous voyons
vivre une entreprise familiale où chacun travaille à la transmission
physique des textes de l’Antiquité. Marie-Laurentine Caëtano nous fait
rentrer dans un couvent, à la rencontre d’Anne de Marquets (1533-1588),
religieuse et auteur de vers latins étonnants qui nous rappellent le rôle
qu’a joué le latin d’Église. Avec les Dames des Roches, Madeleine (1520-
1587) et Catherine (1542-1587), nous pénétrons dans l’intimité charmante
de femmes savantes de mère en fille, traduisant Pythagore et Claudien,
écrivant et publiant ensemble Les Œuvres de Mesdames des Roches de Poitiers
mère et fille.
Blanche Cerquiglini nous invite à la cour d’Élisabeth de Bohême (1618-
1680), « l’étoile du Nord », qui a transposé le dialogue philosophique
hérité de Platon dans l’échange épistolaire. Via sa correspondance avec
Descartes, princesse sans royaume et sans règne, en exil toute sa vie,
Élisabeth de Bohême forge sa propre pensée philosophique.
Éliane Itti offre à voir le portrait d’un génie, Anne Dacier (1645-1720),
monstre sacré de la philologie, traductrice, entre autres, d’Homère. Louis
XV en fut impressionné qui lui accorda le privilège de reprendre la charge
de son mari à sa mort avec ses termes : « Nous avons bien voulu marquer,
par une grâce si singulière, l’estime que Nous faisons d’une personne qui a
su joindre à la vertu et à la modestie de son sexe ce que les talents et
l’érudition, héréditaires dans sa famille, ont de plus distingué. » L’héritier
du Roi-Soleil s’incline devant le prodige Anne Dacier, pour qui le mot de
« traductrice » fut forgé. Grâce à elle, au siècle de Molière et des femmes
savantes, certains ont pu se dire : Il est peut-être honnête, et pour beaucoup de
causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses.
Émilie du Châtelet (1706-1749) nous introduit dans le beau siècle des
Lumières. Gérard Salamon nous fait découvrir un autre visage de celle qui
selon le mot d’Élisabeth Badinter aurait incarné « l’ambition féminine au
XVIIIe siècle ». Nous voyons Mme Pompon Newton en philologue
passionnée faisant l’admiration de Voltaire qui confia dans ses Mémoires
qu’elle « possédait le latin comme Mme Dacier » sachant « par cœur les
plus beaux morceaux d’Horace, de Virgile, et de Lucrèce ; tous les
ouvrages philosophiques de Cicéron lui étaient familiers ». Nous voyons
aussi que dans le couple qu’elle forma avec Voltaire le maître et l’élève ne
sont pas ceux que la vox populi aimerait croire. C’est Voltaire qui eut
recours aux talents de latiniste et de physicienne d’Émilie du Châtelet,
notamment pour écrire ses Éléments de la philosophie de Newton.
Si grâce à toutes ces femmes, quelques-uns ont pu se dire : Il est parfois
honnête, et pour beaucoup de causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses,
avec Julie Favre (1833-1896), la situation change radicalement, en mieux.
Le paradoxe veut que c’est au siècle où fut introduit le mot « misogyne »
au dictionnaire que furent ouvertes les premières écoles publiques pour
filles. Clémence Roux relate comment fut créée, avec presque un siècle de
retard sur son équivalent masculin, l’École normale supérieure de jeunes
filles dont Julie Favre fut la première, et éminente, directrice. Grâce à elle
nous voyons se former l’élite future qui va éclore au XXe siècle.
Résultat heureux de toute cette tradition, de toute cette filiation, le
XXe siècle a porté de toujours plus nombreuses femmes savantes et le
XXIe siècle offre quantité de nouvelles promesses. Nous aurions pu
consacrer tout un livre à ces personnalités hors du commun, dont nous
n’avons pu retenir ici que quatre figures majeures.
Malika Bastin nous raconte l’héroïsme pudique de Marie Delcourt (1891-
1979) qui nous montre que l’étude de l’Antiquité et de l’Humanisme est
loin d’être incompatible avec l’éclectisme et l’originalité. Pierre Chiron
évoque l’épopée orageuse de la discrète Juliette Ernst (1900-2001),
patronne passionnée de l’Année philologique, qui, mêlant courage et
érudition, multiplia durant la Seconde Guerre mondiale les voyages et les
expéditions, parfois clandestines voire dangereuses « pour l’amour du
grec ». S’il faut chercher dans l’œuvre de Marguerite Yourcenar (1903-
1987) autre chose que notre seule délectation de lecteur, nul doute qu’il
s’y dessine le visage pensif d’une femme d’exception, celui d’une
humaniste digne de Marc Aurèle, d’Érasme et de Montaigne, c’est-à-dire
ombré de pessimisme, ou de lucidité. C’est cet « humanisme sur un fond
d’ébène immuable » qu’interroge l’écrivain Jean-Marie Blas de Roblès.
Notre arbre généalogique s’arrête, mais sans s’éteindre, avec Jacqueline de
Romilly (1913-2010) dont la clarté illumine encore notre présent. Nous la
découvrons dans les mots précis et affectueux de Monique Trédé qui fut
d’abord son élève puis son amie, car telle était cette immense pédagogue
qui écrivait à la fin de sa vie :
« Qui a eu la vie qu’il souhaitait ? Avoir été juive pendant l’Occupation,
finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment
sensationnel ? Prétendre que tout dans ma vie m’a parfaitement plu
tiendrait du délire ! Mais ma vie de professeur a été d’un bout à l’autre
celle que je souhaitais. »
En effet, s’il fallait trouver, hors l’amour du latin et du grec, un autre
point commun à toutes ces femmes, d’époques, de conditions et de
caractères si variés, ce serait sans aucun doute la passion de la
transmission de la culture antique. Que ce soit en l’enseignant, en la
traduisant ou en la réinventant dans leurs œuvres, l’objectif est le même :
faire vivre ou survivre, advenir ou devenir l’idéal classique. Moins
évidents, les liens du savoir sont pourtant plus forts, et plus vivaces, que
les liens du sang : Athéna déesse vierge n’a pas eu d’enfant, mais elle a en
ces intelligences de toutes les époques autant de filles spirituelles. De
même que les Muses enseignèrent au berger Hésiode au pied de l’Hélicon
des paroles vraies, de même ces douze Muses du latin et du grec nous
adressent ces mots véridiques : Il sera toujours honnête, et pour beaucoup de
causes, qu’une femme étudie et sache tant de choses. À nous de les croire et de
les transmettre.

1. Lettre à Mlle de Chalais, 13-12, 1644.


2. J. Barbey d’Aurevilly, Les œuvres et les hommes V. Les bas-bleus, 1878.
Marguerite de Navarre philologue,
amour des mots, amour de Dieu
par
Charles Senard

À Margot S.

L e visage délicat, au fin sourire, de Marguerite de Navarre (1492-1549),


la sœur chérie de François Ier, « l’aimable mère de la Renaissance »
(Michelet), nous apparaît aujourd’hui nimbé des rayons triomphants de
l’humanisme et de sa discipline fondatrice, la philologie. Dans une France
italianisante qui s’acharnait à envahir le berceau péninsulaire de
l’humanisme tandis que les royautés ibériques partaient à la conquête du
monde, ne composa-t-elle pas les contes de l’Heptaméron, pendant français
du Décaméron de Boccace, « gentil livre pour son estoffe » (Montaigne) et
grand succès de librairie du temps ? Ne fut-elle pas l’amie et la protectrice
de Clément Marot, la dédicataire du Tiers Livre de François Rabelais, la
correspondante de l’égérie de Michel-Ange, la poétesse Vittoria Colonna ?
Et pourtant, faire le portrait de la reine de Navarre en philologue relève,
pour une part, de la gageure ‒ d’abord si l’on observe que son œuvre
littéraire, pourtant fort volumineuse, ne comporte aucun ouvrage
relevant à proprement parler de la philologie, au sens de « travail
d’édition des textes classiques » : nul instrument de travail philologique,
comme les Commentaires de ses contemporains sur la langue grecque
(Guillaume Budé, 1529) ou latine (Étienne Dolet, 1536) ; pas de réflexions
sur la philologie et ses méthodes ; aucune édition ou traduction de textes
antiques, profanes (philologia minor) ou religieux (philologia major) ; enfin,
nul exemple de cette prose ou de cette poésie néolatines qui utilisaient
avec ostentation les ouvrages de philologie, et où s’illustraient alors,
parmi tant d’autres, Nicolas Bourbon, Salmon Macrin, Étienne Dolet, ou
Jules César Scaliger. Et pour cause, puisque la reine de Navarre ne savait
pas le grec, et guère le latin ‒ assez pour composer de brèves devises, pour
lesquelles elle fut célèbre en son temps, mais pas assez, semble-t-il, pour
lire dans le texte les auteurs antiques.
Ensuite parce que les contemporains de la sœur de François Ier nous la
décrivent occupée avant tout de religion, et non d’érudition. Marguerite,
qui s’était choisi pour devise Non inferiora secutus ‒ elle ne s’intéressait pas
aux choses d’ici-bas ‒, fut à partir des années 1520 et demeura tout au
long de sa vie une des figures majeures du réseau évangélique, qui voulait
affermir et réformer l’Église, la ramener à ses sources évangéliques et
pauliniennes en mettant en avant l’importance de la prière et la
prééminence de la figure christique, sans pour autant rompre avec Rome.
En 1524, un contemporain affirme qu’« il n’y a point aujourd’hui en France
plus évangélique que la dame d’Alençon » ‒ Marguerite était alors, de son
premier mariage en 1509, duchesse d’Alençon, avant d’épouser en 1527 le
roi de Navarre. « Ta poitrine brûle d’amour divin ! », s’exclame à son
adresse Bourbon dans les années 1530. Maurice Scève, qui l’avait
rencontrée à Lyon dans les mêmes années, affirme dans l’un des dizains de
sa Délie avoir vu s’iriser dans la « perle » (margarita en latin) qu’était la
reine de Navarre le « blanc pur » de la Foi, le « vert gai » de l’Espérance et
le « rouge ardent » de la Charité. Elle est pour Rabelais, dans le poème de
dédicace du Tiers Livre en 1543, un « esprit abstraict, ravy et ecstatic ».
C’était, note le chroniqueur Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme,
qui avait passé son enfance à la cour de la reine à Nérac dans les années
1540, « une des dames aussy devotieuses que l’on eust sceu voir, et qui
avoit Dieu aussy souvent en la bouche et le craignoit autant ».
Enfin, parce que la reine de Navarre se mêla de près aux affaires de son
temps ‒ bien loin de se cantonner, dans la solitude de quelque studiolo
béarnais, à des travaux linguistiques. Elle parcourait ses divers royaume
(Navarre), duchés (Alençon, Berry…), comtés (Agen, Rouergue, etc.), à
cheval ou en litière, pour les administrer avec soin ; elle fut un
personnage public important du royaume de France ‒ participant au
Camp du Drap d’or (1520), à la paix des Dames (1529), ou encore jouant un
rôle de premier plan dans les négociations pour la libération de François
Ier après Pavie (1525). Marguerite chevaucha alors jusqu’à Madrid pour
réconforter le roi prisonnier et malade, tenter de négocier sa libération et
même essayer ‒ en vain ‒ de le faire évader ; lors de ce séjour en Espagne,
elle fit merveille, d’après Brantôme :
Elle triumpha de bien dire et de bien haranguer, et avecques une bonne grace dont elle
n’estoit point despourveue. Et fit si bien par son beau dire, qu’elle ne s’en rendit plus
agréable qu’odieuse ny fascheuse ; d’autant qu’avec cela elle estoit belle, jeune, veufve
de M. d’Allançon, et en la fleur de son age.
La reine fut aussi, durant tout le règne de son frère, un interlocuteur
privilégié des ambassadeurs étrangers, auxquels elle savait prodiguer de
« beaux discours » et tirer les vers du nez, d’après le même Brantôme :
ceux-ci
… l’alloient trouver tousjours après avoir faict leur principale ambassade, et, bien
souvent, lorsqu’il avoit de grandes affaires, les remettoit à elle. En attendant sa
definition et totalle resolution, elle les sçavoit fort bien entretenir et contenter de
beaux discours, comme elle y estoit fort opulente, et fort habille à tirer les vers du nez
d’eux ; dont le roy disoit souvent qu’elle luy assistoit très-bien, et le deschargeoit de
beaucoup.
Elle était une femme de tempérament, jalouse de son influence sur le roi
son frère, capable par exemple de remettre à sa place sans sourciller, en
1534, le puissant connétable de France, Anne de Montmorency :
l’ambassadeur de Ferrare rapporte qu’elle l’interpella dans une salle du
Louvre : « Vous n’êtes que le serviteur du roi. Je suis sa sœur », avant de
lui tourner le dos, le laissant pâle de fureur ; ou bien, en 1545, ulcérée par
le massacre de plusieurs milliers de vaudois ralliés au protestantisme, de
tenir à genoux devant elle, une heure durant, pour lui dire son
ressentiment, le baron d’Oppède, qui en était responsable.
Comment Marguerite, pieuse femme de pouvoir, serait-elle une
philologue ? Le grand historien Lucien Febvre ironisait il y a quelques
décennies sur le portrait, qu’il jugeait erroné, de Marguerite en « grande
protectrice de l’humanisme en France » et « disciple fervente des
humanistes ». Il notait par exemple qu’il ne subsiste aucune trace des
relations entre la reine de Navarre et Guillaume Budé, familier de son
frère et unanimement considéré comme le plus grand philologue français
du temps ; qu’elle ne daigna jamais répondre aux deux lettres que lui
envoya le grand rival de ce dernier, Érasme, en 1525 puis en 1527, ce dont
celui-ci fut piqué ; et que, pour finir, les intimes de Marguerite, en
particulier les membres du célèbre cénacle de Meaux des années 1520,
« hommes à qui la philologie sacrée importe moins que la nourriture
évangélique », ne sont pas des humanistes. Et pourtant…

L’amoureuse des mots : Marguerite, « toujours lisant, escrivant, prouffitant »


Le philologue avait été défini par le grammairien et humaniste picénien
Niccolò Perotti, dans son ouvrage de référence, la Corne d’abondance (1489,
ouvrage posthume), comme l’« amoureux des mots » (philologus : amator
verborum). Cette définition, qui est une traduction littérale du grec,
suggère la riche polysémie qu’avait alors ce terme, lequel doit s’entendre
à l’époque dans un sens bien plus large qu’aujourd’hui. Budé répète ainsi
que la philologie englobe tous les arts libéraux. Dans l’une des versions de
son Institution du prince, un traité d’éducation offert à François Ier en 1519,
il affirme que tout « homme mercurial » ‒ c’est-à-dire tout humaniste, car
pour Budé le Mercure logius est la figure emblématique de la parole,
qu’elle soit éloquence, herméneutique, traduction, etc. ‒ doit avoir pour
« compaigne, concubine, et commensale familière de jour et de nuict une
dame, qui s’appelle Philologie, c’est-à-dire, desir, et amour des bonnes
lettres, et fervente inclination à l’estude des sciences, qui se nomment
liberales ». Remarquons que pour Budé, dans ce passage, la Philologie est
femme, et que c’est à un homme qu’elle inspire du désir ‒ il est vrai que
philologia est féminin en latin. Plus tard, dans son traité L’Étude des lettres,
Principes pour sa juste et bonne institution (De studio literarum recte et commode
instituendo), paru en 1532, Budé affirme à nouveau que la philologie est
devenue de son temps synonyme des « disciplines libérales », « que de nos
jours rassemble sous son nom notre chère Philologie » (L’Étude des lettres,
39). Ailleurs dans le même traité, Budé fait de ce « chœur des disciplines
libérales » (chorus disciplinarum liberalium), évoquant la ronde des Muses
aux mains fermement unies, l’équivalent de la culture littéraire (literarum
peritia) et de ce que les Grecs appelaient la paideia (L’Étude des lettres, 32). Il
parle aussi des « belles-lettres » (bonae literae), une expression qui
recouvre « absolument tout ce qu’on peut imaginer comme commerce
avec les Muses ; commerce lui-même varié, multiple et qui s’étend lui-
même en tout sens » (L’Étude des lettres, 2). Ailleurs encore, il recourt à une
autre notion synonyme, celle des « études d’humanité » (studia
humanitatis), tournure cicéronienne qui est à l’origine du terme actuel
d’« humanisme » ‒ c’est essentiellement Cicéron qui donna à humanitas le
sens de paideia en considérant que la culture et les belles-lettres rendent
plus humain (cf. Pour Archias, 3). En arrière-plan, il y a bien sûr aussi la
notion d’« encyclopédie », fondamentale dans la représentation de la
culture de Budé. Si la philologie prend alors de telles proportions, c’est
parce que l’on considère que, pour bien comprendre les textes classiques,
il faut disposer d’une culture encyclopédique, maîtriser la culture et la
civilisation antiques et, plus généralement, l’ensemble des savoirs
humains, des arts libéraux ; et inversement, parce que c’est la
connaissance des mots pour la dire qui donne accès à cette connaissance
encyclopédique. Car pour les savants de l’époque, tout est dit, tout savoir
est déjà enclos dans les grands textes fondateurs, une conception qui est
tout à rebours de celle de nos contemporains. Le champ du savoir est uni
et il n’y a par conséquent qu’une seule science, la science des lettres, la
philologie.
En cette acception plus large, est-il légitime de considérer Marguerite
comme une philologue ? Marguerite fut-elle une « femme mercuriale »,
maîtresse ès arts libéraux ? Il est difficile d’affirmer aujourd’hui, de façon
définitive, que la reine disposait en effet d’une culture encyclopédique.
Certains contemporains de la reine l’assurent, tel Giovanni Battista
Possevino dans ses Dialogues d’honneur (1547), dont la traduction par
Claude Gruget parut dix ans plus tard ‒ mais peut-être faut-il faire ici la
part de la rhétorique de l’éloge :
la tresclaire Marguerite tresillustre Royne de Nauarre, la grande & unique sœur du
treschretien Roy François, premier de ce nom […], ornée si excellement, & des vertuz
morales, & des intellectives […] a touiours aymé l’estude des artz liberales […] ; es
sienses principales, comme sont la Filosophie & la Theologie, elle y fait tel fruit qu’il n’y
a es parties de Frãce aucun docteur ny professeur de telles disciplines, qui ne confesse
que par le discours & propos qu’ilz ont avec elle, ilz comprennent le fond de vraye
doctrine : De quoy donnent aussi un clair indice ses livres, composez en Langue
françoise, avec un stile si pur & elegant & auec voix si nettes, si eleuës : & propres qu’il
y a peu d’écrivains en céte langue là, soit en prose, ou en vers, qui l’égalent, tant s’en
faut qu’ilz la surmontent. [Elle] y a touiours si bien prosperé, depuis le douzieme an de
son aage, iusques à maintenant, qu’elle est parvenue au cinquãtecinquieme qu’il ne se
soit passé d’année en laquelle elle n’ait composé quelque bel euuvre.
Il est indéniable en tout cas que la reine eut toute sa vie une vive
inclination pour les sciences et les arts. Le troisième livre des Prisons, long
poème écrit deux ans avant sa mort, constitue à cet égard un texte de
première importance. Marguerite y retrace, par la voix du narrateur, un
« gentilhomme », un itinéraire intellectuel qui n’est sans doute pas sans
ressemblance avec le sien propre. Le narrateur évoque ainsi le « beau
verger de ces liberaulx artz » (III, v. 95) qu’il a parcouru, « toujours lisant,
escrivant, prouffitant » (III, v. 413) : non pas il est vrai les traditionnels
triuium et quadriuium, mais, pour le narrateur, la philosophie, la poésie, le
droit, les mathématiques, la musique, la médecine, l’histoire, la rhétorique
et la théologie. Remarquons que Marguerite ignore royalement dans cette
énumération la discipline philologique, au sens restreint, qui n’a pas
même droit à une mention dans tout le poème. À chacune de ces
disciplines, le narrateur affirme avoir consacré de nombreuses heures de
lecture, pour élever des « pilliers de beaulx livres » (v. 35), dont chacun
correspond à une discipline différente. Ces piliers ont été édifiés
« par grand labeur et par long travailler, / Par mainctes nuictz estudiant
veiller » (III, v. 33-34), mais aussi avec « mainctz plaisirs et prouffitz », car
« tel plaisir ne sçauroit recevoir / L’entendement que de beaucoup
sçavoir » (III, v. 21-22). Le plaisir que tous ces livres procurent est renforcé
par les reliures choisies dont ils sont ornés : les livres de poésie sont
couverts de fleurs « faictes d’esmail, sur fondz de veloux verd » (III, v. 56) ;
ceux de mathématiques sont « couvertz d’argent » (III, v. 99) ; ceux de
médecine « d’or tout semé de feu et flambes fortes, / Remply de differentz
oyseaulx, / D’argent tout plain de poisson, de bateaulx, / De vert paré de
tous arbres et bestes, / Bien faictz au vif des pieds jusques aux testes » (III,
v. 146-150) ; quant au « Livre Sainct », « couvert estoit de la peau d’un
aigneau, / [Goutté] de sang tresvermeil et nouveau » (III, v. 297-298), etc.
Ces pratiques bibliophiles raffinées, dignes d’un Des Esseintes, sont à
replacer dans un temps où, avec la diffusion de l’imprimerie, le métier de
relieur prend son essor ‒ la fonction prestigieuse de relieur du roi est
créée en 1539. L’inventaire de la bibliothèque de Nérac, effectué après la
mort de la reine, confirme toute l’attention qu’elle donna à la reliure de
ses livres : cuirs aux teintes diverses, velours, satins, toiles tissées de fil de
soie ou d’argent, draps d’or filés en relief : dans l’histoire de la reliure, la
principale innovation de la Renaissance, venue d’Italie, fut en effet
l’introduction de la dorure à la feuille. La palette des couleurs est
complète ; un quart des reliures est rouge, couleur qui varie d’après
l’inventaire, selon les reliures, entre le rouge clair, le rose, le cramoisi,
l’incarnat ou le violet. Certains livres sont garnis d’accessoires, boucles
dorées, ferrures d’argent, courroies de cuir ; les « sept pièces » (volumes)
de la Bible ne sont pas, comme dans les Prisons, recouvertes d’un vélin
orné de symboliques gouttes de sang, mais tout aussi précieusement
« couthées [cotées] d’argent ». Cette Bible fait partie, avec un Nouveau
Testament, des seuls ouvrages que nomme l’inventaire de la bibliothèque
de la reine à Nérac ‒ pour les autres, nous en sommes réduits à des
suppositions. La bibliothèque (on disait alors la « librairie ») et le cabinet
d’étude qui la jouxtait ‒ les deux pièces se visitent toujours, vides
désormais, dans l’unique aile subsistante du château ‒ étaient sans doute
pour la reine des lieux d’étude et de méditation, ce dont témoignaient
aussi une riche collection de crucifix d’or ornés d’agates et de diamants,
une Annonciation en écaille de perle, des reliquaires sertis d’agate, ou
encore des figurines de Marie Madeleine, en agate ou en jaspe, couvertes
de cristal et d’or. Le même inventaire indique quels autres sujets avaient
pu exciter la curiosité de Marguerite et quels étaient ses goûts artistiques,
au moins dans ses dernières années : le cabinet d’étude était aussi un
cabinet de curiosités, où s’offraient à l’admiration des visiteurs bouquets
de fleurs en soie ; riches figurines d’orfèvrerie, tels une cage d’or
contenant un perroquet émaillé de vert, une écrevisse d’or émaillée de
rouge, un petit coffret d’argent décoré de médailles antiques ; naturalia :
un rocher naturel, des rubis, des saphirs, des cristaux, des agates… ; ou
encore exotica : une coupe de porcelaine blanche de Chine, incrustée de
rubis et de perles, un panier fait de filets d’or provenant des « terres
neuves » d’Amérique.
La reine semble en tout cas avoir été une grande lectrice. L’éducation
qu’elle avait reçue de sa mère, Louise de Savoie, veuve à dix-neuf ans et
qui ne voulut pas se remarier pour se consacrer entièrement à ses enfants,
l’y avait certainement prédisposée ; la devise de cette dernière était Libris
et liberis : « Pour mes livres et pour mes enfants ». Marguerite apprit sans
doute très tôt à broder, activité à laquelle elle se livrait plusieurs heures
par jour et dont elle garda le goût à l’âge adulte ; elle apprit aussi à monter
à cheval, ce qui lui permettait d’accompagner souvent, sur les rives de la
Charente ou de la Loire, les chasses de son frère François et de ses amis ;
mais sa mère veilla à ce que son éducation et celle de son frère fussent
sérieuses ‒ même si le niveau d’exigence en la matière, pour l’élite de la
France pré-humaniste du temps, était certainement moins élevé que dans
les décennies à venir. Si elle ne sut jamais que des rudiments de latin, on
lui enseigna l’italien et l’espagnol. Leur mère leur acheta, notamment, un
livre d’histoire et un atlas, aujourd’hui conservés à la BNF. La riche
bibliothèque de leur père, Charles de Valois, au château de Cognac où ils
passèrent une partie de leur enfance, leur était ouverte ‒ elle comportait
de nombreux romans de chevalerie, quelques classiques italiens, Dante,
Pétrarque, Boccace, ainsi que les Héroïdes d’Ovide, récemment traduites du
latin par Octavien de Saint-Gelais, un des favoris de Louise de Savoie. Plus
tard, quand Marguerite séjourna au château de Blois par exemple, elle
pouvait puiser à loisir dans l’importante bibliothèque du lieu : la
bibliothèque de Cognac y avait été transférée, et y rejoignit le millier de
volumes ramenés d’Italie par Charles VIII et Louis XII ; l’ensemble fut
ordonné, sous Louis XII, par l’érudit byzantin Jean Lascaris. Marguerite
dut aussi bénéficier, au moins indirectement, des enseignements du
précepteur du futur François Ier, le franciscain François Demoulins de
Rochefort, inscrit au service de Louise de Savoie comme « maistre
d’ecole » de 1501 à 1508. Celui-ci composa pour son royal élève de
nombreux opuscules, parmi lesquels le Dialogue à deux personnages par
lequel un homme apprend à vivre seurement, traité pédagogique contre le jeu
aujourd’hui conservé à la bibliothèque de l’Arsenal, dans lequel, citant
Platon, Aristote, Cicéron en ses rhétoriques ou Virgile, il enseignait,
invoquant la figure de Socrate, que le chemin de la vertu est celui du
savoir. Cette éducation plutôt soignée, sous la tutelle de maîtres
stimulants, avec les encouragements d’une mère aimante, contribua sans
doute à forger l’indépendance d’esprit de Marguerite ; un indice nous en
est donné par la miniature d’un manuscrit aujourd’hui conservé à la
bibliothèque de l’Arsenal, reproduisant une scène où Demoulins présente
à Louise de Savoie le philologue Jacques Lefèvre d’Étaples, lequel allait
jouer un rôle majeur dans la vie intellectuelle de Marguerite et son
adhésion aux thèses évangéliques.
Marguerite ne cessa par la suite de donner le témoignage d’une vive
curiosité intellectuelle. En 1527, lors de son premier séjour en Navarre,
peu après son second mariage, elle écrivait ainsi à son frère : « dans ma
montagne, j’ay appris à vivre plus de papier que d’aultre chose » ; sa
bibliothèque à Nérac comportait à sa mort, d’après l’inventaire, deux
cents livres, un nombre élevé pour l’époque. Il est certain que la reine
disposait d’une connaissance très approfondie de la Sainte Écriture. Un
poème comme Le Miroir de l’âme pécheresse (publié en 1531), parmi tant
d’autres, est un tissu de citations de l’Ancien et du Nouveau Testament,
dont les références figurent dans la marge de la première édition. Tout en
haut du pilier de livres correspondant, dans les Prisons, le narrateur met
« la Bible admirable / Comme le but où tous les autres tendent » (III, v.
272-273). Dans l’oraison funèbre qu’il prononça lors de l’enterrement de la
reine, écrite en latin puis traduite plus tard par ses propres soins, Charles
de Sainte-Marthe, un familier de la reine, la décrit lisant ou écoutant sans
cesse historiens et poètes, sans toutefois ‒ hélas ! ‒ préciser lesquels :
Si donc tu eusses voulu sçavoir ce quelle faisoit de jour, mesmement en l’absence du
Roy de Navarre, son mari, quand elle se trouveoit seule en sa chambre, tu l’eusses veue
tenir entre ses mains un livre au lieu de la quenoille, une plume au lieu du fuseau & la
touche de ses tablettes au lieu de l’éguille, &, si elle s’appliqueoit ou aux tappis ou à
d’aultres ouvrages de l’éguille, qui luy estoit une très délectable occupation, elle havoit
près d’elle quelcun, qui luy lisoit ou un Historiographe, ou un Poète, ou un aultre
notable & utile auteur.
On ne retrouve guère de traces, toutefois, des poètes, orateurs et
philosophes antiques dans l’œuvre de Marguerite, à part quelques
allusions qui n’exigent généralement pas une connaissance précise de
leurs ouvrages. Par ailleurs, s’agissant en particulier de sa connaissance
des poètes italiens, souvent mise en avant, tel critique contemporain a pu
remarquer que les allusions à la Divine Comédie de Dante contenues dans
les poésies de la reine et l’Heptaméron ne se rapportent qu’aux cinq
premiers chants de l’Enfer ‒ Marguerite aurait-elle interrompu sa lecture,
à bout de souffle ? Cela dit, dans l’Heptaméron, en dépit des affirmations de
la reine dans le prologue, où elle affirme ‒ à l’instar de tant d’autres
auteurs de recueils de contes ‒ que les histoires relatées sont toutes
« véritables », il est vraisemblable qu’outre les premiers livres du
Décaméron, qu’elle avait fait traduire par Le Maçon, il faut compter parmi
les sources de la reine tel ou tel récit de Sabadino ou de Masuccio.
Marguerite, « toujours lisant », donc, mais aussi toujours « escrivant ».
Elle qui mena tout au long de sa vie, tout comme son frère, une existence
itinérante, entre Paris, Fontainebleau, Amboise, Blois, Chambord, Lyon,
Alençon, Pau, Nérac et tant d’autres châteaux et abbayes, de France ou de
Navarre, n’avait de cesse d’écrire, semble-t-il, dès qu’elle avait un instant
de libre ; Brantôme évoque ainsi, d’après les souvenirs de sa grand-mère,
dame de compagnie de la reine, les circonstances de la composition de
l’Heptaméron :
Elle composa toutes ces Nouvelles, la pluspart dans sa litière en allant par pays ; car elle
avoit de plus grandes occupations estant retirée. Je l’ay ouy ainsy conter à ma
grand’mere, qui alloit toujours avecques elle dans sa litière comme sa dame d’honneur,
et luy tenoit l’escritoire dont elle escrivoit, et les mettoit par escrit aussy tost et
habilement, et plus, que si on luy eust dicté.
Sainte-Marthe, dans son oraison funèbre, retrace une scène similaire :
C’est que bien souvent elle entendoit à son ouvrage &, des deus costés au tour d’elle,
deus de ses Secrétaires ou aultres estoient soubs elle occupés, l’un à recevoir des vers
françois, qu’elle composoit promptement, mais avec une érudition & gravité
admirable ; l’aultre à escrire des lettres, qu’elle envoieoit à quelcun.
De toute sa correspondance avec les interlocuteurs les plus divers se
détache notamment, entre 1521 et 1524, la correspondance nourrie qu’elle
eut avec l’évêque de Meaux, Guillaume Briçonnet ; ce « grand duo
mystique » (Febvre) devait influencer durablement son œuvre ; il en
subsiste aujourd’hui plus d’une centaine de lettres, retrouvées et éditées
au XIXe siècle. Elle composa aussi de nombreux ouvrages, poèmes, épîtres,
pièces théâtrales, contes. Certains furent imprimés de son vivant : elle
publia en 1531, à Alençon, plusieurs œuvres religieuses, dont Le Miroir de
l’âme pécheresse, déjà évoqué, et Le Discord estant en l’homme par la contrariété
envers l’esprit et la chair ; puis en 1547, à Lyon, Les Marguerites de la
Marguerite des princesses, recueil d’œuvres diverses. D’autres étaient
encore, à sa mort, à l’état de manuscrit ; ainsi de l’Heptaméron, dont la
première édition parut en 1558 ; ou bien de La Navire, des Prisons et de la
Comédie sur le trépas du roy qui durent attendre plusieurs siècles avant
d’être exhumés et publiés par Abel Lefranc en 1896. Une œuvre
considérable, que l’on pourrait situer, pour reprendre la typologie des arts
libéraux des Prisons, aux confins de la poésie, de la philosophie et de la
théologie.
Le « désir d’apprendre » (Les Prisons, III, v. 375) de la reine était
certainement aussi stimulé par les brillants esprits qui se succédaient à sa
cour. C’est sans doute au vif bonheur que lui procurait leurs conversations
qu’elle fait allusion, par la voix du narrateur, dans un passage du même
recueil :
En me voyant tant aller et venir,
Et par plaisir lisant, entretenir
Tos ceulx qui sont tressavantz estimez,
Dont les sçavoirs sont veuz et enfermez
En leurs escriptz, ne m’eussiez reputé
Pour prisonnier. Car tout bien disputé,
Failloit juger ma vie tresheureuse
Et moy vivant en liberté joyeuse. (III, v. 393-401)
Sainte-Marthe décrit un peu plus loin dans son oraison funèbre la
stupéfaction dans laquelle la conversation brillante de la reine et de ses
proches avait plongé un gentilhomme espagnol, venu « faire révérence » à
Marguerite au monastère de Tusson, en Charente, où elle composa
d’ailleurs Les Prisons. Marguerite discutait avec ses familiers, dont Sainte-
Marthe, de l’interprétation qu’il convient de donner à un passage des
Évangiles ; on cite, qui saint Augustin, qui saint Jérôme, qui saint Jean
Chrysostome, avant que la reine ne prenne la parole : « alors ! s’écrie
Sainte-Marthe, de quelles parolles & gravité de sentences la trèssçavante
Royne nous expliqua ce qui luy en sembleoit ! ». Le vif intérêt
qu’éprouvait la reine pour les sujets religieux prenait parfois un tour
quelque peu morbide, comme dans cette anecdote célèbre relatée par
Brantôme : Marguerite avait tenu à assister à l’agonie d’une de ses filles de
chambre qu’elle aimait beaucoup, en la regardant fixement au visage ;
quand on lui demanda pourquoi,
Elle respondit qu’ayant ouy tant discourir à tant de sçavans docteurs que l’ame et
l’esprit sortoient du corps aussy tost ainsy qu’il trespassoit, elle vouloit voir si l’on
sentiroit quelque vent ou bruict, ou le moindre resonnement du monde, au desloger et
sortir, mais qu’elle n’y avoit rien aperceu.

Marguerite philologue donc, pour son amour des mots lus, écoutés,
écrits ou prononcés ‒ par sa culture sinon encyclopédique, tout au moins
vaste, nourrie par une vive curiosité intellectuelle s’appliquant aux objets
les plus divers, mais avant tout aux choses d’en haut, non aux inférieures.

Marguerite philologue : l’esprit plutôt que la lettre


La reine incite toutefois dans de nombreux passages ses lecteurs à ne pas
prêter attention aux mots, à la lettre, mais uniquement à l’esprit. Voilà qui
la met en porte à faux avec ce qui est au cœur même de la philologie :
l’amour du mot juste ; cette idée, évidemment primordiale quand il s’agit
d’éditer ou de commenter un texte, que les mots comptent, que le choix
de tel mot plutôt que de tel autre est lourd de sens, que le signifiant a au
moins autant d’importance que le signifié. Ainsi des premiers vers du
Miroir de l’âme pécheresse :
Si vous lisez ceste œuvre toute entiere
Arrestez vous, sans plus, à la matiere,
En excusant la rhythme et le langage,
Voyant que c’est d’une femme l’ouvrage,
Qui n’a en soy science, ne sçavoir…
Topos traditionnel d’humilité, destiné à s’attirer la sympathie de son
lecteur ? Sans doute pour une bonne part. Dans le prologue de
l’Heptaméron, composé quelque vingt ans plus tard, le manque d’attention
à la forme est cette fois revendiqué et présenté comme une condition sine
qua non, pour ce qu’il serait un gage supplémentaire de vérité : lors d’un
dialogue entre les « devisants » qui vont bientôt se conter les uns aux
autres les nouvelles qui composent le recueil, l’une des interlocutrices,
répondant au doux nom de Parlemente et généralement considérée
comme étant la voix de Marguerite de Navarre elle-même, dit avoir
entendu à la Cour la Dauphine, Catherine de Médicis, la reine de Navarre
et quelques autres former le projet d’imiter le Décaméron de Boccace, à une
différence près :
… c’est de n’escripre nulle nouvelle qui ne soit veritable histoire. Et promisrent les
dictes dames et monseigneur le Daulphin avecq d’en faire chascun dix et d’assembler
jusques à dix personnes qu’ilz pensoient plus dignes de racompter quelque chose, sauf
ceulx qui avoient estudié et estoient gens de lettres ; car monseigneur le Daulphin ne
voulloit que leur art y fut meslé, et aussy de paour que la beaulté de la rethoricque feit
tort en quelque partye à la vérité de l’histoire.
À en croire certains de ses critiques, la reine aurait appliqué à la lettre, si
l’on peut dire, ce programme : Pierre Jourda, auteur d’une étude de
référence sur Marguerite de Navarre, n’hésite pas, par exemple, à affirmer
que « le style était la dernière de ses préoccupations », et Simone Glasson,
l’éditrice des Prisons, estime que, « d’une manière générale, l’œuvre de la
reine ne porte pas trace d’une émotion esthétique profonde ». C’est sans
doute que pour la reine, à l’instar d’Érasme et contre le Dolet du De
imitatione ciceroniana (1535), l’élocution, utilitaire, est subordonnée à
l’invention et ne doit pas faire l’objet d’un soin particulier ; la renovatio
spiritus prime sur la renovatio literarum et artium.
Dans Les Prisons, le ton de l’offensive anti-littéraire de la reine se durcit.
Le narrateur du poème affirme ainsi que la lettre fait courir un péril
mortel à celui qui s’y attache : « La lettre occit le vivant qui s’y fie » (III, v.
1911) ‒ il s’agit là, bien sûr, d’une réminiscence paulinienne (Corinthiens,
II, 3, 6). Parvenu au terme de ses lectures, ayant parcouru tout le cercle du
savoir, il se croit libre, et il a tort : « enfermé dans la lettre, / en liberté je
pensoys du tout estre » (III, v. 329-330). La « lettre » est une prison
mortifère, car ce ne peut être que par orgueil et outrecuidance, par ce que
la reine appelle le « cuyder », objet récurrent de condamnation dans
l’œuvre de Marguerite, que l’homme s’y attache :
Cuyder faisoit mon labeur sembler moindre
pour parvenir où il vouloit attaindre :
c’estoit d’avoir sur tout honneur, louanges… (III, v. 379-381)
L’attention trop soutenue à la lettre des textes ne peut que détourner
l’homme de ce qui importe vraiment, et de ce dont, au fond, ils parlent :
l’Esprit (saint). Dans ce livre des Prisons, après une première partie qui
évoque la construction du temple du Savoir, dont les neuf piliers, un pour
chacune des grandes disciplines du savoir humain, sont faits de livres
empilés, voilà que l’édifice est soudain détruit, quand le narrateur prend
conscience que ce temple est en réalité une prison ‒ la troisième de celles
qui donnent son titre au recueil, après celles de l’amour (livre I) et de la
mondanité (livre II). Le « Treshault » a bien vu en effet que le
gentilhomme/narrateur est « pris et lyé finement d’un cuyder / Faulx et
menteur, contraire à verité » (III, v. 424-425) ; le « feu divin » de l’Esprit
s’abat alors sur la prison des sciences, met en cendres son orgueilleux
« chapeau de laurier » et délivre le gentilhomme : les piliers sont abattus.
Pour autant, les livres ne sont pas détruits et nous n’assistons pas à un
autodafé :
Tous mes pilliers pilliers ne furent plus,
Et ne fuz plus en leurs vertuz recluz ;
Mais toutesfoys les livres des pilliers
Viz sans nul mal à terre tous entiers,
Subjectz à moy abbattuz à l’envers,
Sans nulz fermantz, deslyez et ouvertz.
Mais toutesfoys rien que ung mot je ne viz,
Bien qu’il y eust de differentz devis :
Ce mot « Je suys » par tout je y retrouvay,
Tout le surplus fut de moy reprouvé. (III, v. 667-676)
Le narrateur prend conscience du fait que les livres n’ont de valeur que
pour autant qu’ils parlent de Dieu, de celui qui dit, dans le buisson ardent,
« je suys qui suys » (III, v. 641 ; cf. Exode, 3, 14). C’est l’esprit ou plutôt
l’Esprit de ces ouvrages qui importe seul, et non leur lettre. Les livres ne
sont plus, désormais, une fin en soi, mais des auxiliaires qui permettent au
prisonnier d’avancer dans sa recherche de la vérité et de Dieu. Le feu qui
les frappe ne les détruit donc pas, mais au contraire les embellit :
… viz tumber mes livres beaulx
Où sont comprins les sept artz liberaulx.
Ce feu les a de trebuscher hastez,
Mais toutesfoys ne les a pas gastez,
Car j’apperceuz que leur beaulté premier
Croissoit, tant plus recevoit de lumiere. (III, v. 769-774)
Ainsi, le narrateur n’hésite pas à affirmer qu’il retrouve désormais de
façon limpide le Dieu chrétien dans le Pimandre, traité le plus célèbre d’un
Corpus hermeticum d’Hermès Trismégiste qui n’a plus rien à présent
d’hermétique :
L’on ne sçauroit Pere et filz demander
Ne Sainct Esprit plus clair que en Pimander. (III, v. 679-680)
On retrouve là peut-être une influence du cercle de Meaux ; la
traduction latine du Pimandre de Marsile Ficin avait été éditée par Lefèvre
d’Étaples en 1483 ; Lefèvre fit précéder une publication ultérieure (1505)
d’une dédicace à Guillaume Briçonnet, dans laquelle il soulignait les
nombreuses concordances reliant la doctrine hermétique à
l’enseignement des Évangiles. Les dialogues platoniciens mettant en scène
Socrate s’éclairent désormais, aux yeux du narrateur, d’un autre sens, tel
le Phédon (114e-115b) :
Cette lumiere a Socrates receue
Quand doulcement accepta la seguë,
Croyant si bien que l’ame est immortelle
Que pour avoir ceste vie eternelle
La mort receut comme en alant aux nopces,
En oubliant les mondaines negoces ;
Disant le corps, lequel devoit perir,
N’estre [pas] luy, qui ne povoit mourir,
Mais qu’il estoit celeste, auquel la mort
Ne peult toucher, ne luy faire aucun tort.
Nature en luy estoit illuminée
D’une clarté qui du hault ciel est née. (III, v. 699-710)
Notons qu’il n’est pas besoin d’avoir lu le dialogue pour connaître la fin
édifiante de Socrate, honoré au XVIe siècle comme un exemple de vertu ;
c’est vrai également d’autres allusions à des passages du Banquet qui
annoncent désormais, pour le narrateur, la doctrine chrétienne, tels le
mythe de Poros et Pénia (203b-e) ou bien celui de l’androgyne (189d-
191d) :
Celluy qui est, à qui bien l’ymagine,
Se voit aussy dedans ceste Androgine
Qui sa moictié ne cesse de cercher,
Ne la trouvant ne se fait que fascher. (III, v. 921-924)
Dans les Métamorphoses d’Ovide aussi, où désormais « la fiction faicte
subtilement / ne donnoit plus du vray l’empeschement » (III, v. 847-848),
il voit très clairement « Cestuy là qui est » :
C’est luy qui fist la terre, et le deluge
Là où trouva Deucalion refuge.
C’est luy qui fut destructeur des Giens
Qui furent faictz des serpentines dentz.
Celluy qui est, c’est le tresfort Athlas
Et le sçavoir de la sage Palas.
C’est Jupiter les Geantz fouldroyant
Et le cuyder et l’orgueil pouldroyant,
Qui dans la tour dont Danés fut concierge
Par pluye d’or rendit grosse la vierge. (III, v. 871-880)
La traduction des deux premiers chants des Métamorphoses par Marot
(1534 et 1539) fut peut-être pour la reine l’occasion de relire ces textes ;
l’interprétation donnée ici à ce poème se situe aussi dans la lignée des
nombreux Ovide moralisés composés et diffusés à la fin du Moyen Âge. Le
narrateur retrouve aussi en Ulysse et Énée l’image du Christ, en
établissant une équivalence entre la descente d’Ulysse et d’Énée au
royaume des morts et le séjour du Christ aux enfers, dont le récit détaillé
avait été donné, initialement, dans l’Évangile apocryphe de Nicodème, un
texte du IVe siècle après Jésus-Christ qui avait connu une large diffusion
au Moyen Âge :
Celluy qui est en celluy se monstra
Qui tout armé dedans le gouffre entra,
Lequel sembla si contant d’ung tel chef
Qu’il se ferma sans ouvrir de rechef :
Le povoys veoir, enfer pour nous fermé,
Quand le Puyssant y entra tout armé. (III, v. 1033-1038)
Pour cette fois, la reine fait référence à des passages précis de textes
antiques. Dans l’Odyssée (XI, 48) et l’Énéide (VI, 260), les héros sont en effet
armés d’une épée ; l’expression « tout armé » qu’utilise ici la reine fait
plus précisément allusion au vers VI, 388 de l’Énéide (Quisquis es armatus qui
nostra ad flumina tendis…)
La lecture allégorique prend donc désormais, pour le narrateur des
Prisons, une entière prééminence sur la lecture littérale. La reine s’inscrit
ainsi dans la tradition de l’herméneutique médiévale, fondée sur la
patristique et saint Augustin en particulier, qui cherche à tout reconduire
à l’œuvre de Dieu. Ainsi, conclut, le narrateur,
… tournant ces livres et virant,
Que tant je fuz de sçavoir desirant,
Je congneuz bien que de tout leur possible
Chascun tendoit de declairer la Bible,
Qui de science est le vray fundement,
Ce que nul œil ne peult veoir clairement
Sans la clarté de l’Esprit veritable. (III, v. 1423-1429)
Puisque ce n’est plus à la lettre mais à l’esprit des livres que le narrateur
s’attache désormais, ils n’édifient plus les murs d’une prison, mais,
jonchant le sol, lui servent désormais de « pavement », où il peut, enfin,
« en liberté marcher » (III, v. 1540-1541).
Il y a dans ce rejet, partiel il est vrai, des livres et du savoir par le
narrateur des Prisons, une variante atténuée de la posture anti-
intellectualiste qu’adopte régulièrement la reine. Elle s’inscrit par là dans
une longue tradition remontant aux Évangiles et illustrée notamment
dans le siècle précédent par les adeptes de la devotio moderna, tel Thomas a
Kempis dans son Imitation du Christ : la méfiance à l’égard du savoir, l’éloge
de l’ignorance et l’exaltation de la figure de l’idiota, de l’homme simple, est
en effet une idée fondamentale du christianisme. Ainsi, c’est en lisant un
passage des Évangiles (Matthieu, 11, 25-26 ; cf. aussi Luc 10, 21-24), que le
narrateur, dans Les Prisons, prend conscience pour la première fois de son
aveuglement, de la vanité et du danger de la science :
Et la façon fut en lisant ung texte
Où Jesuschrist sa bonté manifeste,
Disant à Dieu : « Père, je te rendz graces,
Qui aux petis et à personnes basses
As révelé les tresors et secretz,
Et aux sçavants, gentz doctes et discretz,
Les as cachez ; tel est ton bon plaisir. »
Lisant ce mot, soudain me vint saisir
Une clarté plaisante à veoir et belle (III, v. 483-491)
Dans cette perspective, le livre idéal en quelque sorte apparaît être, pour
le narrateur des Prisons, celui que Simone Glasson, l’éditrice du poème,
identifie comme étant Le Miroir des simples âmes d’une autre Marguerite,
Porete de son nom de famille, une béguine de Valenciennes morte sur le
bûcher en 1310, son livre ayant été décrété hérétique par l’évêque de
Cambrai et elle-même ayant par la suite refusé de se rétracter :
… entre tous j’en viz ung d’une femme,
Depuys cent ans escript, remply de flamme
De charité, si tresardentement,
Que rien qu’amour n’estoit son argument (III, v. 1315-1318)
En effet, celle-ci y parle « clair comme un ange » (III, v. 1389) de Dieu et
de l’amour divin, alors qu’elle est, affirme Marguerite,
… remplye d’ignorance,
Qui n’avoit point des lettres apparence,
Et qui n’avoit point frequenté nulle escolle
Fors de l’Esprit qui tout estre consolle (III, v. 1385-1388)
Soulignons qu’il s’agit là du point de vue de Marguerite de Navarre ; tout
‒ dont son œuvre ‒ semblant indiquer, au contraire, que la mystique de
Valenciennes n’avait rien d’une inculte.
Ce motif paradoxal de l’ignorance du sage hantait déjà la
correspondance de Marguerite avec l’évêque de Meaux, Briçonnet, vingt-
cinq ans avant l’écriture des Prisons ; en 1522, Briçonnet lui écrivait ainsi :
Savoir est cecité, aussy est ygnorance et toutesfois lumiere (au regard du sçavoir), en
cecité excelente transcendant toute clarté. Quelque diligence que on prengne, plus on
cuyde sçavoir, plus on devient ygnorant et aveugle. Qui plus prouffite en ygnorance,
plus est cler-voyant sans veoir et sçavant sans sçavoir, fors en oubliance en laquelle se
consumme. Car qui plus excellemment oublie, plus est sçavemment ygnorant.
Oubliance et ygnorance maistrisent science, et par elle on acquiet inacessible lumiere
qui tout sçavoir accompagne. (Lettre du 6 mars 1522)
L’éloge de l’idiota constitue d’ailleurs indéniablement chez la reine un
paradoxe, une tension avec ses aspirations intellectuelles, son goût des
sciences, des arts et des lettres ‒ elle-même, on l’a vu, n’ayant rien d’une
idiote. Pour le dire dans ses propres termes, dans la Comédie de Mont-de-
Marsan, datée du Mardi gras 1548, où elle fait dialoguer quatre
personnages : la Mondaine, la Superstitieuse, la Sage et la Ravie,
Marguerite semble osciller entre les postures de la Sage et de la Ravie : la
Sage est celle qui encourage la lecture et la connaissance intime des textes
sacrés :
M’ami-e, lisez hardiment
Le vieil et nouveau Testament (v. 549-550)
La Ravie en revanche est, dans la Comédie, une bergère qui, en chantant
(ce qui donne à certains moments dans le texte : « Ho ho hi hi hon hon
hon hon »), célèbre l’amour divin, qui la tient et la ravit ; elle aime, cela
suffit, son Ami vaut mieux que richesses, science et sagesse ; et les trois
autres de la prendre pour une folle ‒ une folle en Christ, pourrait-on dire
avec Corinthiens, I, 1, 26-27. La Ravie trouve ainsi des accents similaires à
la Folie à qui Érasme, dans les derniers chapitres de l’Éloge qu’il lui
consacre, fait remarquer que « la religion chrétienne de façon générale
semble avoir une parenté avec une certaine folie et n’avoir à peu près
aucun rapport avec la sagesse » (chap. 66). Le rapport de la reine à la
philologie et au savoir en général semble bien marqué par une ambiguïté
fondamentale, entre rejet et désir de savoir.
Or, la reine rejoint par là, de façon quelque peu paradoxale, les princes
des philologues de son temps, un Lefèvre d’Étaples, un Budé ou un
Érasme ; si bien que Marguerite, qui, on l’a vu, n’est pas une philologue à
la lettre (elle n’édite pas de textes antiques) peut bien être définie, dans
l’esprit, comme telle. Ainsi, la trajectoire intellectuelle du
« gentilhomme » des Prisons évoque tout d’abord celle de Lefèvre d’Étaples
‒ pour Dolet, dans l’immense allégorie guerrière, souvent citée, du
prologue des Commentaires de la langue latine, où il évoque le long combat
mené par la philologie humaniste contre la barbarie, celui-ci ne le cédait
qu’à Budé, par rang d’importance, dans l’« escadron de la science »
philologique française. À mi-chemin de sa longue carrière, il se détourna
de l’aristotélisme et des sciences profanes pour se consacrer à la
méditation sur la Bible et à la contemplation, guidé par deux maîtres,
Denys l’Aréopagite, le théoricien du non-savoir, en qui il voyait le disciple
de saint Paul et qui était alors confondu avec le premier évêque de Paris,
et Nicolas de Cuse. Ce dernier préconisait une ignorance qui a passé par
tout le cercle des connaissances, en a éprouvé les limites, pour parvenir
finalement au comble du savoir, qui est la conscience du non-savoir. Une
telle évolution n’est pas sans ressemblances non plus avec celle que prône
le grand Budé lui-même à l’égard de la philologie ; pour lui, dans L’Étude
des lettres, celle-ci ne doit être que le « pédagogue de l’esprit adolescent » ;
« sans attendre la vieillesse, il faut regarder vers le ciel, ne pas s’attarder
au chant des sirènes » que sont les Muses (L’Étude des lettres, 38) :
Ceux qui ont eu la chance ‒ comme beaucoup l’eurent autrefois ‒ de s’acquitter avec
succès de leur service dans les disciplines profanes, pour aspirer ensuite à l’étude de la
sagesse chrétienne, je les déclare, quant à moi, aussi heureux que ces voyageurs qui,
après avoir longtemps visité beaucoup de villes, observé des mœurs diverses et
remarquables, deviennent finalement citoyens d’une ville exquise et bienheureuse, et y
fixent leur domicile et leur foyer. (L’Étude des lettres, 32)
La culture profane contient des éléments de théologie et Budé se livre
aussi, dans le même traité, à des lectures allégoriques d’Horace, de Platon,
de divers mythes antiques, à l’instar de la Marguerite des Prisons. Mais le
but du voyage, la ville « exquise et bienheureuse », est ce qu’il appelle la
philotheoria, terme qui n’évoque pas seulement l’étude, mais son
dépassement, son « brusque passage » (abruptum… transitum, L’Étude des
lettres, 34) dans la contemplation. À ce transitus, passage et transfert du
profane au sacré, Budé consacra son œuvre philosophique et religieuse
majeure, Le Passage de l’hellénisme au christianisme (De transitu Hellenismi ad
Christianismum), publiée en 1535. Érasme lui aussi considérait, dans les
textes liminaires qui accompagnent l’édition de son Novum Testamentum
(1516), que les labeurs de la philologie ne devaient être qu’un préalable
qu’il convient de dépasser pour en arriver à une compréhension en
profondeur ; le lecteur idéal était pour lui cet idiota mentionné plus haut,
un être simple et sans préjugé, totalement disponible à la rencontre
bouleversante avec la Parole, car pour la comprendre, il importe moins de
savoir que d’aimer.

Marguerite, protectrice des philologues


Enfin, rappelons un aspect bien connu de son action, par laquelle la
reine peut se voir décerner, tout au moins honoris causa, le titre de
philologue : son mécénat, dont bénéficièrent de nombreux « hommes
mercuriaux », amants de dame Philologie, et qui est l’un des principaux
exemples de mécénat féminin de son temps, avec ceux d’Anne de
Bretagne, de Renée de Ferrare ou de sa nièce Marguerite de France.
Sainte-Marthe, dans son oraison funèbre, qualifiant la reine de « soubstien
& appuy des bonnes lettres », évoque les diverses formes par lesquelles
s’exerçait ce mécénat et la compare, en une jolie métaphore, à une poule
protégeant ses poussins de ses ailes :
Si elle avoit ouy estimer quelcun d’érudition & probité, quand il vacqueoit un Office,
luy conféreoit libéralement, ou, si elle estoit requise par quelcun de sa Maison le
conférer en sa faveur, elle prenoit premièrement de luy le serment qu’il n’en avoit
reçeu & n’en espèreoit recevoir argent. […] Tous les malades de griefves maladies, tous
ceuls qui souffroient nécessité & indigence, tous ceuls qui avaient perdu leurs biens &
abandonné leur patrie, tous ceuls qui fuioient la persécution de la mort, bref, tous ceuls
qui estoient en quelque adversité, fust du corps ou de l’esprit, se retiroient à la Royne
de Navarre comme à leur ancre sacré & extrême refuge de salut en ce monde. Tu les
eusses veus, à ce port, les uns lever la teste hors de mendicité, les aultres, comme après
le naufrage, embrasser la tranquillité tant desirée, les aultres se couvrir de sa faveur,
comme d’un second boucler d’Ajax, contre ceuls qui les persécutoient. Somme, les
veoiant à l’entour ceste bonne Dame, tu eusses dit d’elle que c’estoit une poulle qui
soigneusement appelle & assemble ses petits poullets & les couvre de ses aèles.
Brantôme n’hésite pas d’ailleurs à mettre le mécénat du roi et de
Marguerite sur le même plan :
Elle s’adonna fort aux lettres en son jeune age ; et les continua tant qu’elle vescut,
aimant et conversant du temps de sa grandeur, ordinairement à la cour, avec les gens
les plus sçavants du royaume de son frère. Aussy tous l’honoroient tellement qu’ils
l’appeloient leur Moeceneas ; et la plupart de leurs livres qui se composoient alors,
s’addressoient au roy son frère, qui estoit bien sçavant, ou à elle.
François Ier semble bien toutefois avoir, ici comme ailleurs, le premier
rôle. Dans sa Philologie (De philologia, 1532), Budé met en scène son
dialogue, lors d’un banquet, avec François Ier, en roi des philologues
s’adressant, comme d’égal à égal, au roi de France pour défendre la cause
de l’humanisme ‒ sans jamais mentionner Marguerite, alors qu’il devait
certainement sinon la fréquenter, tout au moins la rencontrer très
régulièrement, par exemple dans les banquets organisés par le roi. C’est à
la faveur de François Ier que Bourbon ‒ Marguerite étant pourtant
d’ailleurs sa mécène et protectrice, et non le roi ; sans doute y a-t-il là une
part d’obligatoire ou de calcul ‒ attribue, dans une lettre de 1533 à un
correspondant italien, « l’admirable efflorescence de l’étude des disciples
humaines » (mirifice humaniorum disciplinarum studia reflorescunt), dans une
France qui apparaît alors à l’avant-garde du courant humaniste dont l’élan
s’essouffle en Espagne ou dans cette Angleterre où l’on exécute Thomas
More. En une génération, « les Français paraissent un autre peuple à eux-
mêmes et aux autres » (G. Gadoffre). Alors s’impose progressivement, dans
les classes dirigeantes françaises, le modèle éducatif du jeune homme
vaillant et lettré, tel que Marguerite le met en exergue dans l’Heptaméron,
de ce « seigneur de bonne maison, qui estoit aux escolles, desirant
parvenir au sçavoir par qui la vertu et l’honneur se doibvent acquerir
entre les vertueux hommes » (début de la XVIIIe nouvelle). La philologie
connaissait alors, en France, une période faste ; elle prenait même, bien
souvent, le pas sur les autres disciplines, dans la « révolution culturelle »
(G. Gadoffre) qui se jouait au bénéfice des humanistes, poètes et
professeurs du royaume, et elle remporta une victoire symbolique
importante avec la création du Collège royal, futur Collège de France, par
François Ier en 1530, à l’instigation de Budé. Dans cette institution
nouvelle, les savants, choisis et rémunérés par lui, assuraient des cours
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— Onko sitten ilkeitäkin?

— Useita, melkeinpä kaikki.

— Tukkipoikienkin joukossa?

— Hyvin usein.

— Silloin lähden. Sano minulle kuitenkin nimesi.

— Nimeni on Sultana.

— Ja minun Spilca. Ja miksi ajattelet, etten ole ilkeä.

— Siksi, että menet aina menojasi välittämättä naisten


huutelemisesta.

»Tämä Sultanan vastaus oli minulle kovin mieleen. En sanonut


enää mitään, työnsin lauttani irti rannasta ja solutin sen virran
vietäväksi, Sultanan hymyillessä minulle.»

*****

»Siitä lähtien en enää ollut entinen mies. Elämäni oli ollut tyyntä:
kuin puu, jonka ainoakaan lehti ei liikahda. Nyt oli tuuli yht'äkkiä
alkanut puhallella. Ja Bistritza muutti tykkänään näköä: näin koko
maailman eräiden kasvojen läpi. Kauneus ei kadottanut rahtuakaan
loistostaan, mutta näköni ei ollut entinen.

»En kärsinyt. En vielä tänä päivänä tiedä, mitä on rakkauden kipu,


joka pitelee sydäntä rautapihdein.

Rakastin Sultanaa, kuten lapsi rakastaa häkkilintuaan, joka on sen


ainoa ajatus. Tuo hento olento, joka jäi yksin uhmaamaan
raakalaista, valloitti minut kokonaan. Hän tiesi, etten ollut ilkeä. Hän
oli uhmannut silmiensä voimalla minun lihasteni voimaa ja oli
voittanut. Minun täytyi ajatella Sultanaa ja vain häntä. Onko
vähänarvoista ajatella rakastamatta ja kärsimättä? Ehkäpä muille,
niille, jotka rakastavat ja kärsivät helposti. Minulle tämä oli uutta. Se
järkytti koko olemustani. Tuskin olin eronnut hänestä, kun jo halusin
nähdä hänet jälleen, ja tämä halu karkoitti kaikki muut, kiusasi
minua, sai minut luopumaan tottumuksistani. En enää herättyäni
laulellut, vaan ajattelin Sultanaa. En enää nähnyt puita, eläimiä ja
taivaanrantaa: näin niiden sijasta Sultanan. Minusta oli aivan
yhdentekevää laskinko myötävirtaan vai nousinko ylämaahan. Koko
tässä avarassa ja kauniissa maailmassa kiinnitti vain yksi paikka
mieltäni: Sultanan kotiseutu. Ja yht'äkkiä alkoi muistini pettää,
jollaista ei koskaan ennen ollut minulle sattunut; aloin unohtaa
tehtäviäni, mikä aiheutti paljon ikävyyksiä minulle ja muille.

»Spilca ei enää ollut vapaa mies. Kului muutamia viikkoja, joiden


aikana minä toivoin, että nuo vilpittömät sinisilmät jättäisivät minut
rauhaan. Niin ei käynyt. Pieni vaalea pää syöpyi yhä
yksityiskohtaisemmin mieleeni. Silloin ajattelin:

— No niin, Spilca, kohtaloaan ei voi paeta. Jonakin päivänä


kohtaa itsekukin tiellään kiven, joka antaa hänen matkalleen toisen
suunnan. Etsikäämme tuo kivi. Sittenpähän näemme, mitä se oikein
tahtoo.

Niinpä loppukesällä, pyhän Marian päivänä, pukeuduin


pyhävaatteisiin ja läksin kävelemään Sultanan pientä kotikylää kohti.
Se oli vuoristokylä, joka kyyrötteli kahden kukkulan lomassa,
vuoristopuron partaalla. Lähistöllä oli satavuotisia kuusikoita. Pienet,
valkoiset asumukset merensinisine ikkunoineen olivat hajallaan siellä
täällä kuin valkeat päivänkakkarat. Vaikka ne olivatkin siistit,
hymyilevät, hiljattain tuoreella kalkkivärillä valkaistut, kertoivat niitten
lahoneet ja sammaltuneet kattohirret maalaiskansan puutteesta.
Tämä ei ihmetyttänyt minua. Elettiin orjuuden ja hädän synkkää
aikakautta, joka vallitsi Turkin yliherruuden loppupuolella. Tiedettiin
vuorten suojaamien seutujen säästyneen jossain määrin
hävitykseltä. Vain mies, joka saattoi olla ilman kanssaihmisten
seuraa, nousta vuorille ja elää karhujen parissa, vältti beilicin [=
verotyö], ruoskaniskut ja raskaat verot.

»Saavuin kylään jumalanpalveluksen aikana. Kaikki asukkaat


olivat kirkossa. Minäkin menin sinne ja rukoilin hyvänä kristittynä,
jollainen olin aina ollut. Se teki minulle hyvää. Pappi ja lukkari lukivat
ja messusivat kumpikin paikaltaan täynnä hartautta ja uskoa
hiiskumattoman hiljaisuuden vallitessa.

»En voinut nähdä kirkossaolijoiden kasvoja, sillä olin pysähtynyt


ovensuuhun. Kun väki alkoi poistua kirkosta, saatoin sensijaan
mukavasti etsiä joukosta kaipaamiani kasvoja. Sultanalla oli
seurassaan vanha, pieni nainen, jonka arvelin olevan hänen äitinsä,
ja hänellä oli yllään vaatimaton valkoinen pusero ja hame sekä
musta, hiukan kirjailtu catrintza. Hänen kulkiessaan ohitseni
kumarsin hänelle hiukan hämilläni. Hän vastasi tervehdykseeni
kohteliaasti ja tyynesti osoittamatta lainkaan hämmästystä tai
mielenliikutusta.

»Muukalaisen ilmestyminen pieneen kylään herättää aina


huomiota. Oli nähty meidän tervehtivän toisiamme. Se riitti antamaan
aihetta kuiskailuihin, silmäyksiin, juoruilemiseen itse Herran huoneen
kynnyksellä. Tämä loukkasi aikeitteni puhtautta ja pakoitti minut
ottamaan varman kannan. Tein ripeän päätöksen mennä pyytämään
Sultanan kättä.»

*****

»Aloin seurata molempia naisia. He poistuivat kylästä, nousivat


rinnettä ja menivät taloon, joka sijaitsi puolitiessä vuoren kupeella.
Tällä matkalla ei kumpikaan heistä ollut katsonut taakseen. Tämä
rehtiys herätti minussa luottamusta. Nousin heidän jälessään ja
koputin ovelle. Sultana tuli avaamaan.

»Hän ei hämmästynyt nähdessään minut, mikä seikka sai minut


hämille. Samoinkuin kaksi kuukautta aikaisemmin Bistritzan rannalla
hän nytkin teki minulle melkein saman kysymyksen:

— Hyvää päivää, Spilca! Mikä tuuli tuo sinut luoksemme? Jos


ajatuksesi ovat rehelliset, käy sisään!

— Rehelliset, Sultana, sen vannon Jumalan edessä: tulen


kysymään sinulta, tahdotko Spilcan puolisoksesi…

»Silloin näin punan leviävän hänen kasvoilleen, kun hän sanoi:

— Käy sisään… Neitosta ei kosita kynnyksellä!

»Sitten hän huusi äänekkäästi vanhukselle:

— Täti! Se on eräs Bistritzan tukkilainen, nimeltä Spilca.

»Täti loi minuun ihmettelevän katseen ja kehoitti istuutumaan.

— Tätini on kuuro, sanoi Sultana, ja alkaa myöskin »tulla jälleen


lapseksi». Hänen kanssaan ei sinun ole helppo puhella. Naisparka
on ollut kauan leskenä. Kolme vuotta sitten hän näki ainoan
poikansa heittävän henkensä tappelussa. Syynä mustasukkaisuus.
Poika oli hänen koko elämänsä, hänen vanhuuden päiviensä ainoa
tuki. Silloin hän möi talonsa ja muutti meidän luoksemme; isäni ja
äitini elivät vielä tuohon aikaan. He kuolivat seuraavana vuonna. Nyt
olemme yksin. Elämme joten kuten kättemme työllä. Kuten näet,
Spilca, ei täällä näytä kovin iloiselta… Eikä se kuitenkaan ole
pahinta.

»En voinut vastata mitään. Hän oli puhunut näistä 'ei kovin
iloisista' asioista melkein hymyillen. Tyttö, joka seisoi edessäni, ei
ollut arka eikä ujo kuten tytöt yleensä, vaan voimakassieluinen ja
onnettomuuksien karaisema. Ja kuitenkin lempeä.

»Silmäys, jonka olin luonut sisään astuessani, riitti todetakseni,


että tätä kotia pidettiin kunnossa. Se ei ollut tuollainen maalaiskoti,
joka, milloin se ei ole suorastaan talli, on niin vihamielisen siisti ja
ankaran järjestyksellinen, että vieraan tulee tukala olla. Isosta
tindasta, missä maalaisperhe viettää koko elämänsä, vei ovi kahteen
kamariin. Leveitä ja korkeita vuoteita, joissa kussakin oli kelta- ja
valkojuovaiset peitot ja niissä leveät, melkein maahan ulottuvat
pitsireunustat. Joka sängyn päänpuolessa kömpelösti maalattu
senduk, joka melkein katosi peittojen, verhojen ja tyynyjen taa.
Kaikkialla vuoteen takaisella seinustalla kirjailtuja tyynyjä, paksuja,
monenvärisin kuvioin somisteltuja mattoja. Lattialla niinikään mattoja,
mutta lajiltaan halvempia. Joka huoneessa iso peili valkoisella
puupöydällä, jota peitti kudonnaltaan vuodepeitteiden kaltainen liina.
Maalattuja puutuoleja. Maalaiselämää esittäviä piirroksia.
Idänpuolisissa nurkissa ikooneja, joiden edessä paloi lamppu.
Ikoonit, taulut ja peilit olivat koristellut pitsireunustaisilla verhoilla,
joihin oli uhrattu paljon työtä ja silkkiä. Ikkunoissa liinaverhot, jotka
olivat melkein yhtä kauniit kuin pöytäliinatkin. Ja kummassakin
huoneessa kuteilla oleva kangas.

»Sultanan kodissa oli kaikkea sitä, mitä tavataan jokaisessa


meikäläisessä maalaiskodissa, johon kurjuus ei ole astunut. Ei sen
enempää. Mutta jokainen esine, koko järjestely kantoi lempeän
käden leimaa, joka oli saanut syntymään kodikkuuden, jollaista
harvoin tapaa maalaiskodeissa, joissa 'siistien' huoneitten somistelu
kylmää vierasta ja herättää hänessä epäviihtyisän tunteen ja pelon,
että hän saa aikaan häiriötä.

»Tunsin viihtymystä kuten muinoin vanhempieni luona, jotka olin


kadottanut, kun vielä olin lapsi. Ja sanoin heti Sultanalle mitä
ajattelin:

— Sultana, täältä puuttuu vain voimakas käsivarsi. Kas tässä se


on, ja kaikki käy hyvin!

Hän katsoi minua tiukasti silmiin, ja hänen katseensa tunkeutui


sisimpääni, mutta minä kestin sen, sillä ajatukseni oli vilpitön.

— Spilca, hän sanoi minulle kirkkaalla äänellä, kaikki


onnettomuutemme eivät ole siinä, mitä kerroin sinulle, ja mikä kuuluu
menneisyyteen. On muutakin. En tahtoisi puhua siitä sinulle. Mitäpä
se hyödyttäisi? Ne, jotka olisivat halunneet naida minut, kuten sinä
nyt, eivät ole päässeet sen pitemmälle, vaikka ovatkin tietäneet sen.
On parasta alistua kohtaloonsa».

»Jäin mietiskelemään: Hyvä Jumala, mistähän on kysymys? Joku


maankiertäjä on varmaankin narrannut tyttöparkaa, nauranut hänelle
ja hylännyt hänet sitten. Ehkäpä hänelle on jäänyt syliin
pienokainenkin! Entä senjälkeen? Minä sanoin:
— Sultana, älä luule minua niin epäinhimilliseksi. Tiedäthän, että
maailma hyökkää nuoren tytön kimppuun. Minä en ajattele kuten
maailma ajattelee. Jos tuossa on koko syysi, koko murhe, joka estää
muita naimasta sinua, voimme me viettää häitä viikon päästä, jos
vain sinä tahdot sitä, kuten minä».

»Nämä sanat kuullessaan näin hänen suoristautuvan tuolillaan.


Hänen loistavat silmänsä räpyttelivät kiivaasti:

— Spilca, sinun epäilyksesi ovat aiheettomat. En ole syypää


mihinkään eikä minun tarvitse soimata itseäni mistään. Olen nyt
kaksikymmenkaksivuotiaana sama kuin maailmaan tullessani.
Onnettomuus on suurempi kuin jos olettamuksesi olisi tosi, vieläpä
suurempi kuin sekin, että minulla olisi »lehtolapsi».

»Odotin hänen sanovan, mikä tuo onnettomuus oli, mutta hän


pysyi vaiti, kääntämättä minusta avointa katsettaan, joka oli kuulas
kuin elokuun taivas.

»Täti tuli pyytämään meitä aamiaiselle. Sultana otti häntä kädestä


ja huusi hänen korvaansa:

— Täti! Spilca pyytää minua vaimokseen. Mitä sanot siihen?

Kumarainen, valkohapsinen vanhus, jonka kasvoihin isorokko oli


jättänyt pahat jäljet, katseli minua hetken säälien ja vastasi:

— Vahinko!… Poika-parka… Siitä ei tule mitään… Kuka uskaltaisi


astua logofatin tielle?

— Kuka on tuo logofat? kysyin minä. Ja mitä tekemistä hänellä on


tämän asian kanssa?
»Tämä kysymys nostatti katkeran ilmeen Sultanan kasvoille;
hänen katseensa synkistyi. Hänen valkoinen, tyyni otsansa, jota
kehysti sileästi taapäin kammattu tukka, kävi kalpeaksi, kun hän
sanoi tukahtuneella äänellä:

— Se on logofat Costaki, jonka julmuuksista ja tihutöistä olet ehkä


kuullut puhuttavan. Me, kuten kaikki seudun asukkaat, olemme
riippuvaisia hänestä: hän voi antaa meidän elää tai voi tappaa
meidät, aivan kuten haluaa. Ja neitonen, johon hänen huomionsa
kiintyy, on mennyttä kalua. Hänellä on valittavana joko häpeä tai
perheensä perikato. Kaksi vuotta sitten tuo raakalainen mieltyi
minuun onnettomaan. Senjälkeen ei minulla ole ollut rauhaa. Tähän
saakka olen onnistunut pitämään puoliani. Mutta vaara on minulle
ylivoimainen, sillä tuolla miehellä ei ole sydäntä eikä häpyä. Hän on
meidän herramme. Ennemmin tai myöhemmin on minulla edessäni
valinta. Valintani on tehty. Oli aika, jolloin minussa eli toivo, että
aviopuoliso voisi suojella minua. Kukaan ei uskalla uhmata
hirmuvaltiasta. Minua pidetään pacostena [= maanvaiva, vitsaus]. Ja
niitä vastassa, jotka ovat tulleet kaukaa naidakseen minut ja
viedäkseen minut kotiseudulleen, on toinen este: tätini ei tahdo tulla
mukanani. Kaikki hänen vainajansa ovat haudatut tänne, ja hän
tahtoo painaa päänsä lepoon heidän vierelleen. Spilca, nyt tiedät
kaiken, joskaan et tunne tätä kauheutta yksityiskohtaisesti. Kiitän
sinua hyvistä aikeistasi. Siinä olisi pelastukseni. Mutta kuten tätini jo
sanoi, ei siitä tule mitään. Minä tuottaisin sinulle onnettomuutta. Ja
miksi uhmata häntä, kun kerran sanon, ettei siitä olisi mitään hyötyä?
Minun on varmaankin sovitettava jokin pahatyö? Hyvä, minä sovitan
sen.

*****
»Salakarit, joita kohtalo siroittelee elämän merelle, pakoittavat
ihmiset puikkelehtimaan pienissä aluksissa varovasti rantoja pitkin.
Spilca, Bistritzan tukkipoika, tunsi karit ja välitti niistä vähät. Ja
mieluummin kuin että olisi uponnut nenäänsä myöten suohon hän
heittäytyi aaltojen vietäväksi.

»Minulle ei ole yhdentekevää, millä tavoin kuolen. Minulla on


siihen nähden mielihaluni. Niinpä siis läksin seuraavana sunnuntai-
iltapäivänä lainkaan epäröimättä uhmaamaan salakaria, jota niin
monet voinicit pelkäsivät.

»Ylpeä moldaulainen hora, oli käynnissä kolmen mustalaisen


pitäessä huolta tahdista. Kolmisenkymmentä neitosta, niiden
joukossa Sultana. Parisenkymmentä nuorukaista. Hikoiltiin hiukan,
sillä aurinko paahtoi, mutta siitä eivät tanssijat huolineet. Pidellen
toisiaan sormenpäistä, joita varmemmaksi vakuudeksi eroittivat
toisistaan kirjaillut nenäliinat (säädyllisyyden vuoksi ja myöskin siksi,
että tahdottiin olla mieliksi vanhemmille, jotka valvoivat heitä), tuo
kaunis piiri syöksyy keskustaa kohti. Eräs voinic huutaa: paikoillaan,
paikoillaan! Pienet jalat ja isot jalat iskevät kuin rakeet tannerta,
karheat kourat heilauttavat pikku kätöset korkealle päiden tasalle ja
jälleen alas polviin saakka, sitten kehä laajenee, jolloin tanssijat
loittonevat toisistaan, niin että käsivarret ojentautuvat suoriksi, ja nyt
tuo ihmisseppel juoksee muutaman askeleen oikealle, sitten jälleen
vasemmalle. Kaikki jalat polkevat paikoillaan, paikoillaan!

»Hengähdetään hiukan ja aletaan uudelleen. Se on romanialainen


»hora». Voidakseen rakastaa sitä on oltava romanialainen ja
maalainen. Se ei ole monimutkainen, mutta eloisa ja värikäs kuin
sateenkaari. Siinä häilähtelevät kaulaliinat, jotka ovat joko keltaiset
tai valkoiset riippuen siitä, millainen on ollut silkkiäismato, jota niin
äidillisellä huolella on hoideltu. Lumivalkeasta liinasta valmistetut liivit
ja hameet. Mustat sametti- tai villaesiliinat. Ja sitten kirjailuja ja
pitsejä, jotka ovat nähneet kyyneleitä ja kuulleet huokauksia. Naurua
ja lauluja ei myöskään ole puuttunut, sillä on hauska vaihtaa
kyyneleet nauruksi.

»Kaunis, vähemmän kaunis tai ruma, 'horan' neitonen on aina


miellyttävä poikien silmissä. He tietävät, että hän on siellä etsiäkseen
itselleen puolisoa, sensijaan kuin he tulevat paremminkin etsimään
naista, harvoin aviovaimoa. Tästä johtuu se suuri tarkkaavaisuus,
jolla tytön äiti seuraa tanssijoiden liikkeitä ja kuiskailuja. Pojat ovat
tietoisia tästä vartioinnista, ja siinä onkin selitys nenäliinalle, joka
eroittaa toisistaan kädet, tyydyttää vanhemmat, ja josta ei ole muuta
hyötyä kuin että se korkeintaan kiihdyttää halua.

»Kirjaillussa zabunissaan, valkoisissa housuissa, päässään


leveälierinen, kolmivärisillä nauhoilla somistettu huopahattu on
nuorukainen ennen kaikkea ylpeä sukupuolestaan. Tämä on kovin
neitosen mieleen, joka ei vähääkään epäile olevansa kaunis.
Viimemainitun varovaiseen ja hiukan harkitsevaan vilpittömyyteen
hän vastaa varomattomalla, selvällä lupauksella, joka ei merkitse
hänelle mitään. Jos se tepsii, sitä parempi. Jollei, niin hän taipuu lain
edessä, astuu ikeeseen, perustaa kodin ja hänestä tulee
järkkymätön tapojen vartia, etenkin silloin, kun hän on nuorten
tyttöjen isä, jotka vuorostaan lähtevät 'horaan' etsimään itselleen
aviomiestä.

»'Horat' vietetään aina carciuman lähettyvillä. Se onkin


luonnollista, sillä siitä saa lämpimän ja silloin on hyvä juoda
lasillinen. Ja juodessa puhutaan siksi, että on jotakin sanottavaa, tai
vain siksi, että tahdotaan reuhata. Vain satavuotisen pähkinäpuun
varjossa istuvat valkohapsiset vanhukset juovat muistoille, puhuvat
ystävyydestä ja seuraavat ikäänkuin kaukaa sen elämän kiihkeää
poljentoa, joka ei enää herätä heidän intohimojaan.

»Näin oli minunkin saapuessani. Tutkivista katseista, joita minuun


luotiin, huomasin, että uutinen Sultanan ja minun kihlautumisestani
oli levinnyt kylään. Antaakseni vahvistuksen tälle huhulle menin
tervehtimään morsiantani ja hänen tätiään, minkä jälkeen menin
yksin päärynäpuiden alla olevan yksinäisen pöydän luo, tilasin okan
viiniä ja seurasin rauhassa tanssia ja kapakan edustalla olevien
juomaveikkojen keskusteluja.

»Olin tarpeeksi etäällä viimemainituista, jotta he saattoivat 'horan'


aiheuttaman melun aikana puhella minusta, samalla kun olin
tarpeeksi lähellä kuullakseni osan heidän pakinastaan. Heidän
puheensa eivät olleet pahansuopia minuun nähden. Jotkut
vakuuttivat: 'hän tulee aivan varmaan', 'hän tietää'. Hän oli logofat
Costaki, minun salakarini, koko seudun kauhu. 'Tulkoon vain!',
ajattelin minä.

»Hän tuli. Hevosen kaviot nostattivat tomupilven ilmaan, ja


humaus kävi läsnäolijoiden joukossa. Sekä juomaveikot että tanssijat
ja soittoniekat kääntyivät huolestuneen näköisinä katsomaan
ratsastajaa, joka 'horaa' lähetessään antoi ratsunsa tanssia. Kaikki
ihailivat eläintä. Minäkin ihailin sitä vilpittömästi. Tuollainen juoksija
olisi ansainnut paremman isännän.

»Tuo pieni, tummaihoinen, vilkasliikkeinen mies heitti ohjat


katkaistun akasian rungolle ja hypähti keskelle nuorten parvea.
Kaikki hatut kohosivat ilmaan tervehdykseksi. Hänet ympäröi heti
joukko suosikkeja, jotka kiiruhtivat ilmoittamaan hänelle minun
läsnäolostani. Silloin käännyin ja katsoin häntä arkailematta päin
naamaa. Tahdoin pelata selvää peliä.

»Laihasäärinen logofat kuunteli hajamielisenä puhujien


sanatulvaa. Aika ajoin hän vilkaisi salaa minuun päin, sitten kuulin
yht'äkkiä karhean äänen sinkauttavan uhkauksen, joka oli tarkoitettu
minulle:

— On paras katkaista koivet kuljeskelevilta muukalaisilta!

»Vastasin tähän suoranaiseen taisteluhaasteeseen menemällä


suoraa päätä tanssipaikalle, missä karkelo oli jälleen käynnissä.
Tartuin Sultanan käteen, jota hänen ystävättärensä piteli, ja aloin
tanssia molempien neitosten välillä. Se oli rehellistä peliä; logofat
sensijaan menetteli vähemmän rehellisesti.

»Kuten tiedetään, ei tanssiin liittyvä poika koskaan saa eroittaa


tanssijan ja hänen tyttönsä kättä. Jollei ole paikkaa kahden tytön
välillä, on hänen asetuttava kahden miehen välille. Tämä sääntö on
ehdoton ja sitä kunnioittavat kaikki, jotka eivät etsi riitaa. Logofat
Costaki näki hyväksi nousta sitä vastaan, aiheuttaen yleistä
hämmästystä. Aivan odottamattani tarttui käsi takaapäin Sultanan
puoliseen ranteeseeni. Käännyin katsomaan taakseni. Piiri pysähtyi.
Mustalaisten soitto lakkasi. Kelmeänä seisoi matelija edessäni
mitellen minua vihaa uhoavin katsein ja sanoi tukahtuneella äänellä:

— Sallitko minun tulla piiriin?

— Pyri muualta!

— Tahdon tulla tästä!

— Jos yrität tästä, niin tuosta saat!


»Työnnälsin häntä polvellani vatsaan, niin että hän tuupertui
maahan. Voihkaisu, ja urho pyörtyi. Kukaan ei rientänyt hänen
avukseen. Kapakka tyhjeni. Naiset läksivät pakoon. Muuan vanhus
huudahti:

— Onneton juttu!

Huusin mustalaisille:

— Hyvästi ensi sunnuntaihin! Tilaan teidät soittamaan Sultanan ja


minun kihlajaisiini!

»Ja käännyin morsiameni kotia kohti. Eräs lastaan taluttava äiti


teki ristinmerkin ja sanoi:

— Jumala varjelkoon meitä onnettomuudesta! »Koko tuolla viikolla


ei Bistritzalla varmaankaan ollut toista niin onnellista tukkipoikaa kuin
Spilca. Logofat ei ollut näyttäytynyt kylässä. Joka ilta vietin
muutaman tunnin Sultanan luona, ja joka ilta hän erotessamme
sanoi minulle:

— Spilca, en voi uskoa onneen, josta uneksimme… Tuo »roisto»


ei suo sitä meille… Ja luulen, että kirous on ylläni…

»Minä upotin katseeni hänen säteilevien silmiensä kuulaaseen


sineen, suutelin hänen puhdasta otsaansa ja puhuin:

— Rauhoitu, Sultana! Taivutamme tädin muuttamaan kanssamme


kauas täältä, Sutcheavan alueelle, missä kotini on. Siellä elämme
onnellisina.

»Sultana hymyili surumielisesti:


— Sinä et näy tietävän, mikä valta on vainajilla niihin, jotka ovat
heidät haudanneet… Täti antaisi mieluummin polttaa itsensä elävältä
kuin jättäisi hautausmaansa.

»Kihlajaissunnuntainamme ei kapakanisäntä ikävyyksien pelosta


pannut toimeen 'horaa'. Iltasoiton jälkeen menin mustalaisten
puheille ja pyysin heitä olemaan läsnä päivällisillä, jotka syötiin
läheisimpien tuttujen kesken, senjälkeen kun pappi oli kuuluttanut
meidät. Kylän nuoret ryypiskelivät ja pakinoivat laimeasti. Osa heistä
suhtautui tilanteeseen varovasti, kun taas toiset kuiskailivat minulle
salavihkaa, että 'koko seutu iloitsi läksytyksestä, jonka olin tuolle
'koiralle' antanut'…

— Hän pelkää sinua. Te tukkipojat ja metsänhakkaajat olette


vahvoja, sillä te olette vapaita miehiä, kun me taas elämme orjuuden
ikeen alla. Teidän kova ja villi elämänne suojelee teitä ryöstöltä ja
ruoskalta; meillä on talutusnuora kaulassa. Jos logofat suvaitsee
antaa meille keväisin hehtaarin kylvömaata, saamme olla onnellisia,
jollei, on meidän tehtävä päivätöitä yksinomaan hänelle. Siksi ei
kukaan rohkene nousta häntä vastaan. Kauneimmat neitomme
kulkevat ensin hänen kättensä kautta. Sitten me naimme heidät,
useinpa vielä kohtu siunattuna.

»Illalla, kun noin tusinan verran sukulaisia ja ystäviä, pappi heidän


joukossaan, istui pitkän, häikäisevän valkoisen liinan peittämän
pöydän ympärillä, nousivat heille vedet silmiin avatessani lippaan,
joka sisälsi kihlajaislahjani. Siinä oli beteala [jolla peitetään nuoren
aviovaimon kasvot], kiertäen kuin kultainen vuo jalokivillä koristettuja
korvarenkaita, jotka olin saanut perinnöksi äidiltäni; kaksi
kallisarvoista sormusta; kaksi rubiineilla ja safiireilla somistettua
rannerengasta, ja loppujen lopuksi kuuluisa salba
[talonpoikaisnaisten kaulakoriste], jossa oli kolme suurta leftiä, kaksi
Itävallan keisarillista dukaattia, neljä venetsialaista dukaattia, neljä
polin, kuusi Turkin puntaa ja kymmenen galbenia.

»Kaikki olivat liikutettuja, lukuunottamatta tätiä, joka ajatteli


rakkaita vainajiaan, ja morsiantani, joka ei uskonut onnemme
unelmiin. Valkoisiin puettu Sultana katseli kuin arka kyyhkynen
vuoroon lahjalipasta, vuoroon minun hymyileviä silmiäni. Jokainen
pani parastaan karkoittaakseen hänen synkät aavistelunsa. Pappi
luki hartaan rukouksen ja siunasi avioliittoaikeemme.
Päivällispöydässä laskettiin leikkiä. Mustalaiset soittivat. Kummitäti
kehoitti Sultanaa tuomaan nähtäväksi morsiuskapionsa. Hän teki sen
koneellisesti. Ilakoivat naiset hyökkäsivät sendukien kimppuun:
kauniisti kirjailtuja päivä- ja yöpaitoja, liinoja, tyynynpäällisiä, peittoja,
pyyheliinoja vedettiin esiin ja leviteltiin ympäri huonetta. Sultana
alistui aika ajoin hymyilemään.

»Puoliyön maissa pois lähtiessäni kysyin morsiameltani:

— Sultana, mistä nämä synkät ajatukset?

— Ne eivät ole synkkiä ajatuksia, Spilca; minä tiedän tuottavani


sinulle onnettomuutta. Näen sen tulevan.

»Painoin hänet lujasti rintaani vasten. Hän nojautui minuun täynnä


hellyyttä. Polttava kyynel putosi kädelleni. Sitten tieni peitti
kuusimetsän tuoksu ja lauha elokuinen yö.

*****

Syyskuun loppupuolesta saattoi jo päätellä, että talvi tulisi aikainen


ja ankara, ja eräänä koleana sadepäivänä saavuin kylään, joka
sijaitsi kymmenen kilometrin päässä morsiameni kodista. Paloin
halusta saada nähdä hänet kuusipäiväisen poissaolon jälkeen.
Minulla oli kaikenlaisia ostoksia tehtävänä häitä varten, jotka oli
määrätty vietettäviksi lokakuun ensimmäisenä sunnuntaina.
Kuluneen kuukauden aikana ei Sultanan käytös ollut lainkaan
muuttunut. Kaikissa hänen toimissaan ilmeni varovaisuutta,
vakavuutta, innostuksen puutetta, melkeinpä kylmyyttäkin. Jollen
olisi ollut niin varma hänen vilpittömyydestään, olisin syyttänyt häntä
välinpitämättömyydestä. Mutta olin vakuutettu siitä, että hän kärsi.
Hän ei tahtonut sanallakaan houkutella vanhusta lähtemään
kotiseudultaan. Kaikki minun yritykseni tädin taivuttamiseksi olivat
turhat; hän puhui itsepintaisesti vain vainajistaan. Alistuin tähän siinä
toivossa, että hänen loppunsa ei enää olisi kaukana.

»Seikka, jota pidin ilahduttavana, oli logofatin katoaminen. Sen


päivän jälkeen, jolloin olin potkaissut häntä vatsaan, ei kukaan ollut
häntä nähnyt. Sanottiin hänen olevan sairaana. Jotkut väittivät pelon
pitävän häntä loitolla. Sultana yksin oli vakuutettu siitä, että tuo
'koira' hautoi hirvittävää kostoa.

— Pelkään kaikkea, mutta olen varma vain onnettomuudesta;


tulkoonpa se miltä suunnalta tahansa, tiedän, että se kohtaa meidän
onneamme, ja että sinä kärsit siitä eniten.

»Noiden sanojen jälkeen olin eronnut Sultanasta edellisenä


sunnuntaina. Näkisimme toisemme jälleen vasta seuraavan viikon
lauantaina. Minut pakoitti tähän pitkään eroon suuren tukkilautan
kuljetus Bistritza-joella, sekavien tilien selvittely matkan päätyttyä
sekä eräiden tarpeiden osto, joita oli vaikea saada. Nyt olin matkalla
ylämaahan pitkin jokivartta. Minulla oli nälkä. Olin väsynyt. Kaksi
jättiläismäistä vahakynttilää, jotka kumpikin painoivat kolme okaa ja
joiden oli määrä palaa vihkimistilaisuudessa, rasittivat minua ylen
määrin. Koskaan eivät kantamani hirret olleet niin painaneet
olkapäitäni. On totta, että huoli niiden katkeamisesta oli suurena
tekijänä väsymyksessäni. Vaikka en juuri olekaan taikauskoinen,
alkoi tämä painavuus tuntua minusta epäilyttävältä. Mieleeni muistui
muuan äitini uskomus: vihkiäiskynttilä, joka 'käy painavaksi', on
onnettomuuden merkki; se aviopuolisoista, jonka kynttilä kuluu
eniten juhlamenojen aikana, kuolee ensiksi. Ja niinpä olin valmis
kuuntelemaan ties mitä sisäistä ääntä. Karkoittaakseni mustat
mietteet pysähdyin kylään levähtääkseni, murkinoidakseni, ja
ilahduttaakseni hiukan mieltäni. Ravintolanpitäjä oli tunnettu
hilpeydestään. Kas niin! Helvettiin koko taikauskoisuus!

»Niin juuri, helvettiin! Mutta elämässä käy usein niin, ettei se, mitä
ympärillämme tapahtuu, ole omiaan karkoittamaan taikauskoamme.

»Avaan kapakan oven. Huoneessa on kuusi talonpoikaa ja isäntä.


Kaikki seitsemän lakkaavat keskustelemasta ja käyvät äänettömiksi
huomattuaan minut. Olin kuitenkin ennättänyt kuulla erään heistä
sanovan:

— Poika parka! Hän on surkuteltava!

»Panen pois reppuni ja kynttilät ja kysyn:

— Kuka on surkuteltava?

»Kapakoitsija rientää leikkisänä luokseni:

— Hyvää iltaa, Spilca! Hyvääkö kuuluu?

— Hyvää, Lake, sanon minä, mutta kuka on surkuteltava?


— Pyh! Paikkakunnalla on sattunut pieni onnettomuus: eräs vaimo
on taittanut säärensä, ja nyt saa mies tehdä vaimonsa työt.

»Minä hymähdän itsekseni. Miksi eivät toiset sano sanaakaan? Ja


miksi he katselevat niin omituisesti pöydälle laskemiani kynttilöitä?

— Mitä katselemista on noissa kynttilöissä? Vihkiäiskynttilöitä!


Luulisipa, ettette ole koskaan ennen sellaisia nähneet!

— Nepä ovat isoja, sanoo joku joukosta, karttaen katsettani.

— Ovathan ne…

— Ehkäpä raskaitakin.

— Hyvin raskaita.

»He eivät sano enää mitään. Koetan niellä hiukan leipää, juoda
tilkan viiniä. Se ei tahdo mennä alas. Nousen ja lähden.

»Ulkona on melkein pimeä. Olen levännyt, mutta kynttilät painavat


jälleen. Vaihdan lakkaamatta käsivartta ilman tulosta. Ja perille on
vielä kaksi peninkulmaa. Tie on yksinäinen ja sateen liottama.
Korvani soivat, vuoroon toinen, vuoroon toinen, mikä on merkki siitä,
että joku puhuu minusta pahaa. Vedän esiin veitseni, avaan sen ja
annan sen riippua oikealla kupeellani. Mutta kuinka väsyttävää
onkaan tähystää kaiken aikaa ympärilleen! Vyöstäni riippuva veitsi
lyö joka askeleella vasten kuvettani. Minusta tuntuu kuin se
syövyttäisi siihen reiän. Taitan veitsen kokoon ja pistän sen jälleen
vyöhöni. Juuri tällä hetkellä ilmestyy kahden askeleen päähän eteeni
pukki, yhtä musta kuin minua ympäröivä yö; se kulkee tien yli ja
katoaa. Ja vaikka hyvin tiedän, että se on pukki kuten muutkin pukit,
oikea pukki, jota sen omistaja etsii kaikkialta, sanon aivan ääneen
itsekseni:

— Se on piru!

»Kohotan oikean käteni tehdäkseni ristinmerkin. Käteni on


lyijynraskas.
Ajattelen:

— Se oli piru! Se estää minua siunaamasta itseäni! Ja nämä


kynttiläthän käyvät niin raskaiksi, etten enää tiedä, miten niitä pidellä!

»Tahdon jälleen avata veitseni, mutta peukaloni on liian heikko


voittamaan jäykkää jousta. Siinä jälleen merkki Pahan läsnäolosta!
Ja yö on niin pimeä, että silmiini koskee.

»Viimein lasken reppuni maahan ja asetan kynttilät tien vierellä


kasvavaa puuta vasten. Silloin huomaan poikenneeni väärälle tielle,
joka kulkee yhdensuuntaisesti oikean tien kanssa. Puut ovat nuoria
poppeleita, suoria ja melkein yhtä paljaita kuin kynttilät. Jälleen
kynttilöitä! Kokonainen kuja! Surkeita kynttilöitä, sammuneita ja
mustia!

— Ei, sanon itsekseni, tämä yö on viimeiseni! En kuole virran


pyörteisiin kuten kuuluisi urhealle tukkipojalle; kuolen pelosta kuin
baba!

»Lopulta onnistun avaamaan veitseni ja tekemään ristinmerkin.


Otan maasta kantamukseni. Ja huomaan rämpiväni upottavalla
pellolla, jonka poikki kuljen päästäkseni oikealle tielle. Yht'äkkiä näen
edessäni kaksi kiiluvaa silmää, jotka tulevat minua kohti. Tunnen
sydämeni pysähtyvän. Reppu ja kynttilät pääsevät käsistäni. Minä
huudan:

— Äiti!

»Bä-ä-ä, kuuluu vastaukseksi. Kiiluvat silmät katoavat.

»Myöhään yöllä pääsen perille loan ja hien peittämänä. Sultanan


asunto on kirkkaasti valaistu, paljon kynttilöitä on sytytetty palamaan.
Kaukaa näen tindan, joka on täynnä ihmisiä.

— Siinä se, sanon minä, täti on kuollut! Nyt tiedän, miksi kohtasin
kaikki nuo onnettomuuden merkit tielläni!

»Mutta enpä tietänytkään, sillä vanhus seisoi isossa huoneessa ja


hypisteli kyynelettömin silmin morsiameni pukua, morsiameni, joka
makasi valkoisen liinan peittämällä pöydällä täydessä hääasussa,
kauniimpana kuin koskaan ennen, kynttilöiden häilähtelevien liekkien
valaistessa hänen vahankalpeita kasvojaan, joihin kuolema oli lyönyt
leimansa. Pitkät, vaaleat silmäripset eivät enää koskaan liikahtelisi.
En enää koskaan saisi nähdä noita kirkkaita ja avoimia silmiä.
Sitruunapuun lehvästä kierretty seppele kaartoi hänen kalpeaa
otsaansa, jolle olin luullut seuraavana sunnuntaina saavani alttarin
edessä painaa pyhän suudelman. Valtoimet, kahtaalle jaetut hiukset
valuivat pitkin hänen jäykistynyttä ruumistaan, sekaantuen betealan
kultalankoihin. Rinnalla lepäävien käsien välissä oli nenäliina, johon
oli kääritty rahat, jotka portinvartijat vaativat kuolleilta avatessaan
heille oven toiseen maailmaan. Ylinnä käärinliina.

»Ja minä, Spilca, jään seisomaan kynnykselle ja katselemaan tätä


kaikkea kuten muutkin.»

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