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LA CONVERSION ET LE CARÊME - DANS L'ÉGLISE ORTHODOXE - Moi Aussi, Je Suis Pécheur

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par Paul Ladouceur

Mon péché, moi, je le connais,


ma faute est devant moi sans relâche ;
contre toi, toi seul, j'ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait.
(Psaume 50, 5-6)

Bénis le Seigneur, ô mon âme,


et n'oublie aucun de ses bienfaits.
Lui qui pardonne toutes tes offenses,
qui te guérit de toute maladie.
Lui qui rachète à la fosse ta vie,
qui te couronne d'amour et de tendresse.
(Psaume 102, 2-4)

Quiconque commet le péché est esclave du péché. (Jean


8,34)

Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les


pécheurs, dont je suis le premier.
(Saint Paul, 1 Timothée 1, 15)

L'un des frères ayant péché, le prêtre lui enjoignit de


quitter la communauté. Alors l'Abbé Bassarion se leva et
partit avec lui en disant: "Moi aussi, je suis un pécheur !"
(Abba, dis-moi une parole, #326).

On disait d'Abba Sisoès que, lorsqu'il fut près de


mourir, les Pères étant assis auprès de lui, son visage brilla
comme le soleil... Il dit: "Voici que des anges viennent me
prendre, et je supplie qu'on me laisse faire un peu
pénitence." Les anciens lui dirent : "Tu n'as pas besoin de
faire pénitence, Père." Mais il leur dit : "En vérité, je n'ai
pas conscience d'avoir commencé." (Abba, dis-moi une
parole, #375).

Seigneur Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi,


pécheur. (Prière de Jésus)

"Je suis en pécheur endurci, et pourtant j'ai vu le grand


amour et la miséricorde du Seigneur à mon égard." Saint
Silouane l'Athonite dans sa vieillesse (Starets Silouane :
Moine du Mont-Athos p. 255).

"Le péché est avant tout un phénomène spirituel,


métaphysique. Les racines du péché se trouvent dans la
profondeur mystique de la nature spirituelle de l'homme.
L'essence du péché n'est pas la transgression d'une norme
éthique, mais un éloignement de la vie éternelle et divine
pour laquelle l'homme est créé et à laquelle il est
naturellement - c'est-à-dire conformément à sa nature -
appelé.

Le péché s'accomplit avant tout dans la mystérieuse


profondeur de l'esprit humain, mais ses conséquences
affectent l'homme tout entier. Une fois accompli, le péché
se répercute sur l'état psychique et physique de l'homme
qui l'a commis; il se reflète dans son apparence extérieure
et influe sur sa destinée personnelle; il déborde
inévitablement les limites de la vie individuelle du
pécheur, pour alourdir le poids du mal qui pèse sur la vie
de toute l'humanité et, par conséquent, il affecte la
destinée du monde entier."

Archimandrite Sophrony, Starets Silouane : Moine du


Mont-Athos. Éd. Présence, Sisteron, 1973. p. 33.

Le "péché" est un sujet peu populaire, démodé : le mot lui-même suggère


des images moyenâgeuses des punitions des damnés aux enfers ; il soulève
des idées de culpabilité; il s’apparente à la moralité pieuse associée aux
prédicateurs et à la confession que le monde contemporain perçoit
facilement comme étant complètement dépassés. Cependant, la
reconnaissance du "péché" dans son sens le plus large, et la reconnaissance,
avec saint Paul, abba Bessarion, abba Sisoès, saint Silouane et tous les
saints, que "Moi aussi, je suis un pécheur", est un étape essentiel de la vie
spirituelle. Non seulement c’est un premier pas essentiel, mais la
reconnaissance de mon état de pécheur doit accompagnée chaque pas de
ma vie spirituelle. Si saint Paul peut dire, vers la fin de sa vie, après
beaucoup d’années d’enseignement de l’Évangile du Christ, face aux
dangers, à l’harcèlement, à l’emprisonnement et à l’exécution immanente,
qu’il est le premier des pécheurs (1 Tm 1,15), qui suis-je moi-même ?

Qu’est-ce que le péché  ? Le mot "péché" vient du latin peccatum, " faute ", et


selon le Petit Larousse, le péché est la "transgression consciente et
volontaire de la loi divine". Dans un premier temps, le péché peut être
considéré comme un acte que j’accomplis qui est contraire à la loi divine.
Ceci est reflété, dans la tradition judéo-chrétienne, en particulier par les dix
commandements de l’Ancien Testament (Ex 20,1-17)  : je vole, donc j’ai
péché, donc je suis un pécheur  ; je mens, donc j’ai péché, donc je suis un
pécheur  ; je commets l’adultère, donc j’ai péché, donc je suis un pécheur.
Ceci constituent les actes spécifiques qui sont identifiés comme étant des
péchés parce qu’ils sont contre les commandements de Dieu tels que donnés
à Moïse. Les dix commandements sont une base morale nécessaire à toute
vie spirituelle, mais pour le chrétien ils doivent être compris et complétés
par l’enseignement du Christ.

Dans le Nouveau Testament, Jésus va plus loin que le décalogue de l’Ancien


Testament  : non seulement l’adultère est un péché, mais même le désir de
commettre l’adultère est un péché : Quiconque regarde une femme avec
convoitise a déjà commis l’adultère avec elle, dans son coeur (Mt 5,28). Je
pèche dans mon coeur sans même agir à l’extérieur, car penser le péché,
consentir intérieurement au péché, est déjà le péché. Que c’est difficile ce
que Jésus attend de moi  ! Mais je sais dans mon coeur que je fais le mal
lorsque je regarde une femme en souhaitant avoir une relation sexuelle
avec elle - ma pensée est une énergie puissante qui m’influence
personnellement, mais aussi la femme et même, en quelque sorte, l’univers
entier.

Mais Jésus a également enseigné, en réponse aux pharisiens qui lui


demandaient quel était le plus grand commandement, que l’amour est le
plus grand commandement  : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton
coeur, de toute ton âme et de tout ton esprit... tu aimeras ton prochain comme
toi-même (Mt 22,37-39). L’amour est le plus grand commandement parce que
Dieu est Amour (1 Jn 4,8). Dieu m’a créé à son image et selon sa
ressemblance (Gn 1,26), et c’est en aimant que j’accomplis ma destinée, ma
nature essentielle, ma raison d’être, que je peux m’approcher de la
ressemblance à mon Créateur. Quel est le rapport entre l’amour et le péché
 ? Le péché est ce qui m’éloigne de Dieu, qui me sépare de Dieu, qui ternit
l’image divine qui est mon héritage. Par le péché je m’éloigne de Dieu, je nie
son amour, je lui dit que je ne l’aime pas, que je n’aime pas mon prochain,
que je préfère d’autres créatures à Dieu, que je me préfère à Dieu. Voilà le
vrai sens spirituel du péché : le péché est ce qui me sépare de Dieu. Quand
je cesse d’aimer, je pèche. Non seulement le vol, le mensonge, l’adultère, ou
même le désir ou la volonté de voler, de mentir, de commettre l’adultère,
mais tout ce qui me sépare de Dieu : voilà mon péché.
Dans ce sens, mon péché est mon désir, mon attachement, à tout ce qui n’est
pas Dieu : je suis honnête, mais je désire l’argent, je suis attaché à l’argent,
je désire et je suis attaché à ce que l’argent peut me procurer. C’est ce désir,
cet attachement qui m’empêche de réaliser Dieu, d’aimer Dieu au-dessus de
toutes choses  : voilà mon péché. Toutes les grandes traditions spirituelles
enseignent le nécessité de se libérer des désirs et des attachements pour
pouvoir atteindre aux buts spirituels de la vie.

Sur le chemin spirituel, les désirs et les attachements qui nous éloignent de
Dieu deviennent de plus en plus raffinés et subtils, plus difficiles à
discerner : cependant ils sont là. Sainte Thérèse d’Avila, après son entrée au
couvent, se réjouissait des visites des ses amies, qui lui parlaient des
événements et de la vie sociale à l’extérieur - sûrement, l’on croirait, un
plaisir innocent pour quelqu’un qui a renoncé à la "vie du monde" afin de
se dévouer à Dieu. Mais elle a pris conscience que son attachent à ce plaisir
innocent était un obstacle à sa vie spirituelle  : un "péché" qui nuisait à sa
consécration totale à Dieu et elle a renoncé à ces visites. Le Père Alphonse
du Centre de Rencontres spirituelles (Lorraine, France) raconte l’histoire
d’un Jésuite qui participait à un atelier au Centre. Invité par le père
Alphonse à identifier les attachements qui nous coupent de Dieu, au début il
ne pouvait identifier aucun attachement "matériel" de ce genre. Puis,
comme sainte Thérèse, il s’est rendu compte qu’il était attaché à un "petit
plaisir" considéré normalement comme innocent : il aimait fumer la pipe et
il était "attaché" à sa pipe. Il a demandé au père Alphonse de prendre sa
pipe.

À un autre niveau, l’attachement aux choses "spirituelles" peuvent


également devenir des obstacles à la vie spirituelle, car il s’agit de créatures,
dons de Dieu, et non pas de Dieu lui-même  ; elles sont accordées
gracieusement et elles peuvent être reprises aussi librement. Ma " pratique "
spirituelle, et les "  objets  " qui y sont associés, peuvent devenir aussi des
objets d’attachement, de même que d’autres objets et plaisirs matériels  :
mes icônes, ma place de prière, mes livres spirituels... Il s’agit d’aides, qui
peuvent être utiles pour me diriger vers Dieu, mais ce ne sont pas les buts
de la vie spirituelle : Dieu est le seul but de la vie spirituelle.

Comment saint Paul est-il le premier des pécheurs  ? Je comprend cette


expression comme une invitation, non pas à me comparer aux autres et à
trouver que je suis le "premier" - sûrement une fausse humilité - mais plutôt
comme une invitation à ne pas me comparer aux autres et à me placer seul
devant Dieu. Et me voir comme Dieu me voit : un pécheur qui a besoin de
son pardon et de son amour. Devant Dieu, la nature de mes péchés est
moins important que le fait que je reconnais mes péchés, que je suis
pécheur. C’est ainsi je suis le "premier" des pécheurs, de même que saint
Paul, de même que chacun l’est. Il n’y a pas de "concours" pour le "trophée"
du péché, mais je suis seul et nu devant mon Dieu. À Dieu appartient le
jugement ; le seul pécheur que je connaisse c’est moi-même.

La reconnaissance de mon péché, en actes, en désirs, en attachements,


physique, matériel, psychologique ou même spirituel, est le geste essentiel
qui mène à l’humilité  ; c’est une reconnaissance que je suis loin d’être la
personne que Dieu souhaite que je sois, une reconnaissance de l’abîme qui
me sépare de Dieu - et en même temps une reconnaissance de la bonté, de
la miséricorde et de la gloire de Dieu. La "crainte de Dieu" est une autre
expression "démodée". Mais la "crainte de Dieu" est justement un appel à
l’humilité, à la reconnaissance de ce que je suis, de ce que je ne suis pas,
devant le trône de mon Créateur et mon Dieu. La crainte de Dieu doit être
également la crainte de perdre la grâce divine, non pas la crainte d’une
punition quelconque.

Même si je suis sur le chemin spirituel, même si je reçois des grandes grâces
du Seigneur, je suis toujours pécheur. L’attitude d’Abba Bessarion, "Moi
aussi je suis un pécheur", doit être mienne, doit être celle de toute personne
sur la voie spirituelle, du début jusqu’à la fin. Abba Sisoès, un autre père du
désert, au moment de sa mort, dit aux frères qui l’entouraient qu’il voulait
faire pénitence: il ne s’était pas suffisamment converti  ; il n’aimait pas
assez ; il était lui aussi un pécheur, même au moment de sa mort.

Qui suis-je pour penser que je ne suis pas un pécheur  ? Je dois surpasser
l’idée que le péché est cet acte-ci ou celui-là et reconnaître que je suis "dans
le péché" chaque instant où je suis pas entièrement avec Dieu, chaque
instant où je n’accomplis pas l’amour que Dieu a pour moi et que je dois lui
rendre en tant que mon Créateur et mon grand amour. Si j’aime Dieu, alors
j’aime mon prochain, ainsi que moi-même. Si j’aime Dieu, tout le reste
s’ensuit  : je ferai ce qui est juste aux yeux de Dieu parce que c’est le
commandement de l’amour qui me guide. L’exigence morale découle de la
vérité essentielle de l’amour, de la vie de l’esprit. Le mensonge, le vol,
l’adultère me séparent de Dieu : j’agis de telle ou telle façon parce que Dieu
m’aime et la seule façon que j’ai de rendre l’amour à Dieu est de me
dévouer à lui en toutes choses.

La reconnaissance de mon péché, dans toutes ses formes (actes, paroles,


attachements, désirs) ouvre la porte au mystère de la miséricorde divine, au
pardon divin et à la Rédemption dans le Christ. Le message central de toute
la Bible et en particulier du Nouveau Testament est l’amour de Dieu, qui
nous pardonne nos péchés par l’entremise du Christ Jésus : Dieu a manifesté
son amour pour nous en envoyant son Fils unique dans le monde afin que
nous vivions par lui... C’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en
sacrifice de pardon pour nos péchés (1 Jn 4,9-10). Combien de fois Jésus dit-il :
Tes péchés sont pardonnés (voir, par exemple : Mt 9,2 ; Lc 7,48) ? Au pardon
des péchés il faut ajouter ce que Dieu attend de moi  : Va, et désormais ne
pèche plus. (Jn 8,11). Le Psaume 102, un des plus beaux, décrit justement ce
Dieu qui est Amour et Pardon :

Bénis le Seigneur, ô mon âme,


et que tout ce qui est en moi bénisse son saint Nom.
Bénis le Seigneur, ô mon âme,
et n'oublie aucun de ses bienfaits.
Lui qui pardonne toutes tes offenses,
qui te guérit de toute maladie
lui qui sauve ta vie de la fosse,
qui te couronne d’amour et de tendresse
lui qui rassasie de biens tes années
et renouvelle ta jeunesse comme celle de l’aigle.
(Ps 102, 2-5)

Jésus est né pour le salut du monde, pour porter le pardon divin à tous, et il
descend aux enfers pour libérer les pécheurs. Dans les mots d’Abuna Paul
(Monastère du Buisson Ardent, France) : "Le Christ est plus bas que le plus
bas, afin de prendre le pécheur dans ses bras". Une des grandes icônes est
justement celle de la "Descente aux Enfers", l’icône principale de la
Résurrection. Sur cette icône, Jésus est présenté aux enfers après la
crucifixion  ; il saisit Adam par la main, un Adam agenouillé, attendant le
pardon et la délivrance, alors qu’Ève attend de l’autre coté du Christ,
étendant ses mains en supplication (dans certaines versions de cette icône,
le Christ saisit Adam d’une main et Ève de l’autre). Quelle puissante image
de pardon, de rédemption et de salut ! Car je suis Adam, nous sommes tous
cet Adam pour qui le Christ est descendu jusque dans notre enfer personnel
afin de nous libérer, de nous prendre avec lui. Comment puis-je
accompagner le Christ dans son Royaume si je ne reconnais pas mon
péché  ? Dieu respecte la liberté qu’il nous a donnée  : je dois demander le
pardon ; il n’est pas accordé autrement. La demande du pardon nous ouvre
la porte de la Rédemption et permet ainsi à la grâce rédemptrice du Christ
d’emplir l’âme.

Seigneur mon Dieu,

moi aussi je suis un pécheur, le premier parmi


les pécheurs, nu devant toi, mon Créateur et
saint Amant de mon âme. Que suis-je devant
toi  ? Combien de fois chaque jour je t’oublie, je
ne pense qu’à moi-même, je choisis des
créatures avant toi  ? Je suis impur pour me
présenter devant toi, mon âme est souillée de
désirs et d’attachements mondains, de craintes
et de haines. Combien de fois je désire garder
les créatures pour moi-même, je néglige de te
rendre l’amour que tu me dispenses à chaque
instant de mon existence.

Et pourtant j’implore constamment ta


miséricorde  ; ne regarde pas mes péchés, mes
manquements, mais jette plutôt ton regard sur
l’aspiration profonde de mon esprit, qui
souhaite retourner à toi, et accomplir dans
chaque pensée, chaque mot, chaque geste, ce
que tu attends de moi, et ce que je reconnais,
par les grâces que tu m’as déjà données, d’être
mon but, ma vocation et la raison de mon
existence.
Jésus Christ, ton Fils, est venu dans ce monde
afin de me libérer de mes péchés, et c’est en son
Nom que je prie encore et encore, que ses
souffrances et sa mort n’aient pas été vaines,
mais que j’entre dans ta Vérité, ta Lumière et
ton Amour, et que je parvienne à la vie éternelle
pour laquelle tu m’as créé. À ce moment, me
tenant devant toi, mes pensées et mes souhaits
s’étendent à tous mes frères et soeurs qui
souffrent sur cette terre.

Le Christ est venu pour nous tous. Je prie


surtout pour ceux et celles qui t’ignorent, qui
t’oublient, qui ne te connaissent pas, qui
craignent de te connaître, qui sont les plus
éloignés de toi. Je suis un avec eux. Que nous
venions tous à toi. Prend nous tous dans la Vie
de ton Esprit Saint à laquelle nous sommes tous
appelés.

Par les prières de notre Souveraine, la Très


Sainte Mère de Dieu, et de tous les saints. Amen.

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Dernière mise à jour : 24-05-01

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