Byzance Et La Mer La Marine de Guerre La
Byzance Et La Mer La Marine de Guerre La
Byzance Et La Mer La Marine de Guerre La
BYZANCE ET LA MER
LA MARINE DE GUERRE
LA POLITIQUE ET LES INSTITUTIONS MARITIMES
DE BYZANCE AUX VII«-XV« SIÈCLES
PAR
Hélène AHRWEILER
1966
SIGLES ET ABRÉVIATIONS
Les œuvres des écrivains byzantins suivants sont citées d'après l'édition de Bonn
{Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae, Bonnae, 1828 et suiv.) : ATTALEIATE, CAMÉ-
NIATE, CANTACUZÈNE, CEDRENUS, EPHRAEM, GÉNÉSIOS, GEORGES LE MOINE CONTINUÉ,
GLYKAS, GRÉGORAS, KINNAMOS, LAONIKOS CHALKOKONDYLÈS, LÉON DIACRE, L É O N
GRAMMAIRIEN, MALALAS, MANASSÈS, MÉNANDRE, NICÉPHORE BRYENNE, NICÉTAS C H O -
NIATE, PACHYMÈRE, P S . KÔDINOS, SKYLITZÈS, SYMÉON MAGISTRE (Pseudo Syméon),
THÉODOSE, THÉOPHANE CONTINUÉ, THÉOPHYLACTE SIMOCATTA, ZONARAS.
Sigles et abréviations
I
|
GÉNÈTEJ le Chronicon Pascale et le Péri Paradromès Polémou.
Les auteurs et ouvrages suivants sont cités d'après l'édition indiquée ci-après :
ACHMET, Oneirocriticon (DREXL) ; ANNE COMNENE (LEIB) ; ACROPOLITE (HEISENBERG) ;
j Chronique anonyme (BAUER, éd. TEUBNER) ; De Thematibus de CONSTANTIN PORPHYRO-
/ GÉNÈTE (PERTUSI) ; du même. De Administrando Imperio (MORAVCSIK-JENKINS), I (édition)
et II (commentaire) ; DOUKAS (GRECU) ; EUSTATHE, De expugnatione Thessalonicae (KYRIA-
KIDES : Testi e Monumenti, 5) ; GEORGES LE MOINE (de BOOR) ; Jean LYDOS (WUNSCH) ;
KRITOBOULOS IMBRIOS (MÛLLER, F.H.G., V) ; MICHEL CHONIATE (S. LAMPROS, Ta
sôzoména Akominatou, Athènes, 1879 et suiv.) ; NICÉPHORE (de BOOR) ; Patria de
Constantinople (PREGER); PHRANTZÈS (J. PAPADOPOULOS) J PROCOPE (HAURY); PSELLOS
(RENAULD) J SKOUTARIÔTÈS (HEISENBERG ; et pour la période avant 1204, SATHAS, Mes.
Bibl, VII) ; THÉODOSE DE MÉLITÊNE (TAFEL) ; THÉOPHANE (de BOOR) J TZETZÈS
(PRESSEL).
INTRODUCTION
Les grandes victoires des généraux de Justinien I e r , de Bélisaire contre les Vandales
de l'Afrique du Nord (533) et de Narsès contre les Ostrogoths en Italie (553), obtenues
grâce à une série d'expéditions maritimes, ont fait de la Méditerranée entière une mer
byzantine ; seule une petite partie du littoral, le sud de la France et notamment les
Bouches du Rhône, restait sous le contrôle des Francs, lesquels étaient encore dépourvus
de toute puissance navale (1). La flotte vandale, qui contrôlait jusqu'alors la Méditerranée
occidentale, avec les îles Baléares, la Sardaigne et la Corse comme bases importantes,
disparaît. L'effort des Ostrogoths pour s'installer sur le littoral de l'Italie du Sud, en
Sicile et en Sardaigne, échoue définitivement : les Ostrogoths abandonnent alors
toute prétention navale.
Byzance, installée dans les frontières de l'Empire romain unifié à nouveau sous son
contrôle, devient au milieu du VIe siècle la maîtresse de la Méditerranée, alors véritable
« lac romain » (2). De même le long effort de Justinien I e r , finalement couronné de succès,
pour rétablir en Crimée la paix troublée par les agitations des Huns, et pour éloigner les
Perses de la Lazique (3), consolida définitivement les possessions byzantines dans le
(1) Cf. E. STEIN, Histoire du Bas-Empire, Paris, Bruxelles, Amsterdam, 1949, t. II, p. 339-
368, 547-571, 597-604, et excursus P, p. 820-821 : récit et datation des événements.
(2) L'expression est de J. BURY, Naval Policy, p. 23.
(3) E. STEIN, op. cit., t. II, p. 303-305, 510-516, et excursus L, p. 811-813, sur la Lazique.
8 Introduction
Pont-Euxin, ouvert depuis la disparition des flottilles gothes à la seule activité maritime
des Byzantins. En effet, Justinien put ainsi empêcher les Perses de s'installer sur les
côtes du Pont-Euxin et de disputer le contrôle byzantin dans cette partie des mers,
contrôle effectué depuis les bases d'Odessos (i), de Cherson, du Bosphore Cimmérien,
de Pityous (Poti) et de Trébizonde, débouchés par ailleurs du commerce avec la Russie
et l'Asie intérieure (2).
Ainsi, dans la seconde moitié du VIe siècle, Byzance, bien qu'ébranlée sur ses fron-
tières danubiennes et dans ses provinces balkaniques par les invasions barbares, en
recul dans sa partie italienne à la suite du progrès des Ostrogoths, et exténuée enfin
par les longues luttes contre les Perses en Orient, se trouva à la tête d'un immense
empire maritime, qui s'étendait du fond du Pont-Euxin à Gibraltar et à Suez : la pré-
sence de la flotte éthiopienne (3) dans la mer Rouge marque la limite du monopole
naval de Byzance, absolu dans la Méditerranée et la mer Noire, autour desquelles sont
installées les populations de l'Empire ; seule la mer unit à ce moment les possessions
byzantines, elle reste la seule route sûre que Constantinople puisse utiliser pour contrôler
ses provinces lointaines, elle est le seul véhicule de l'autorité impériale dans le monde
byzantin, encerclé de tous côtés d'ennemis qui avancent obstinément vers la mer et le
confinent de plus en plus dans une mince zone littorale, dont l'étroitesse, en contraste
avec son énorme longueur, rend la défense de plus en plus aléatoire. Dans le monde
byzantin de la fin du vi e siècle, la flotte byzantine n'est point un moyen de défense,
aucune menace ne pesant sur les mers ; elle devient l'instrument de la police navale (4) ;
ses escadres sont attachées aux grands ports pontiques et méditerranéens, alors animés
par la vie commerciale active de l'époque (5). Ainsi, tandis que les mers byzantines
(1) Mentionnée dans l'épitomè des novelles de Justinien due à Théodore (Novelle n° 41,
éd. ZACHARIA v. LINGËNTHAI,, I, p. 355) comme siège du quaestor exerdtus (cf. ci-dessous, p. 12, n. 2).
Sur Odessos, base d'une escadre byzantine, cf. MÉNANDRE, p. 405.
(2) Sur l'importance de ces bases au VIe siècle, cf. ZEPOS, JUS, I, p. 19 ; MÉNANDRE,
p. 398 ; PROCOPE, De Aedificiis, III, 7, 8, 13-17, p. 100-101 ; A. VASIWËV, The Goths in the Crimea,
Cambridge, Massachusetts, 1936, p. 40, 43, 70 sq. ; B. STEiN, op. cit., II, p. 60-65, 303-305. JUSTI-
NIEN, Novelle n° 31, éd. ZACHARIA V. LINGENTHAI,, I, p. 191, mentionne Pityous et Sébastopolis
comme frouria (forteresses) ; cette novelle adressée au moderator d'Hélénopont est capitale pour
l'étude du Pont-Euxin oriental au vi e siècle.
(3) Cf. Le martyre d'Aréthas, J. BOISSONADE, Anecdota Graeca, t. V, Paris, 1833, p. 49 sq., 53,
texte capital, mais peu utilisé, pour la flotte éthiopienne et ses opérations contre les Himyarites
dans la mer Rouge.
(4) Sur le sort de la flotte qui vainquit les Vandales et les Ostrogoths, cf. J. BURY, Naval
Policy, p. 23.
(5) Sur le trafic commercial pendant le vi° siècle, cf. W. HEYD, Histoire du commerce du
Levant, tr. F. RAYNAUD, Leipzig-Paris, 1885,1.1, p. 1-24 ; H. PIRENNE, Mahomet et Charlemagne,
De Justinien aux Isauriens
Bruxelles, 1937 • e * •*•• I«Bwis, Naval Power, p. 3 sq. ; pour la période antérieure, cf.
P. CHAKCESWORTH, Trade routes and commerce of the Roman empire2, Cambridge, 1926, p. 178,
202, 238, le commerce avec l'Occident. Pour la controverse sur la thèse de Pirenne, cf. en dernier
lieu'Ei.PBRROY, Encore Mahomet et Charlemagne, R.H., t. CCXI, oct.-déc. 1954, p. 232 sq.
(1) Sur ce point les renseignements fournis par les sources occidentales sont éclairants ; cf.
à titre d'exemple B. SAIJN, La civilisation mérovingienne, Paris, 1950, p. 121 sq. et les textes en
appendice ; A. PAPADOPOUI,OS-KÉRAMEUS, Varia sacra, Saint-Pétersbourg, 1909, p. 39 : mention
d'un voyage de bateaux de l'Orient en France (= klima Galliôn).
io Introduction
Rêve éternel de Byzance qui, en tant que continuatrice et héritière de Rome, refusa
obstinément tout au long de son histoire de renoncer à ses revendications occidentales (i),
la réunification de l'Empire romain fut plusieurs fois tentée après Justinien I e r . Elle
s'est toujours soldée à la longue, et malgré quelques réussites parfois spectaculaires,
par de véritables désastres pour Byzance, dont le centre de gravité resta toujours l'Orient.
Expression du passé gréco-romain de Byzance, la politique de la reconquista accentuait
les différences entre l'Orient et l'Occident byzantins, elle soulignait l'opposition entre
les deux ressources fondamentales du pays, le commerce et l'agriculture, la mer et la
terre. Byzance gréco-romaine, commerçante et industrielle, se tournait vers l'Occident,
disputait jalousement la maîtrise des mers et dans ce but construisait de grandes flottes,
quitte à les désarmer après le succès de ses entreprises, tandis que Byzance orientale,
paysanne et agricole, se tournait vers l'intérieur, défendait obstinément les régions qui
lui fournissaient main-d'œuvre agricole et soldats, entretenait régulièrement une flotte,
chargée non pas des expéditions lointaines, mais de la défense de son littoral. Sauf
quelques périodes de crise aiguë, où l'une de ces deux politiques contraires l'emporta
sur l'autre, Byzance a su garder l'équilibre entre ces tendances opposées, qui d'une part
s'expliquent par les traditions différentes des populations, d'autre part se trouvent au
cœur des contradictions propres à sa vie politique, militaire, sociale et intellectuelle, et
sont enfin à l'origine des conflits qui sous diverses formes ont plusieurs fois ébranlé
l'Empire, souvent au profit de ses ennemis extérieurs.
Ainsi la Byzance de Justinien, tournée vers l'Occident, État commercial et maritime
(dans le sens économique du terme), vécut aussi longtemps que ses ressources en hommes
lui permirent d'arrêter le flot des envahisseurs et d'en empêcher l'installation sur son
littoral. L'échec de cet effort, et surtout la formation d'un État arabe méditerranéen au
cours du VIIe siècle, entraînèrent dans la politique et les institutions de l'Empire une trans-
formation profonde dont l'avènement des Isauriens et le triomphe de l'iconoclasme
marquent l'achèvement. Byzance iconoclaste, paysanne et agricole, fut la réponse de
l'Orient à la politique occidentale que l'Empire poursuivait jusqu'alors. Aux VIIe et
VIIIe siècles, Byzance se voit obligée de défendre son propre territoire. Sa flotte, tout en
continuant d'exercer le contrôle du commerce et des voies maritimes, est aussi
chargée désormais de la défense du littoral menacé et de la sécurité des populations
côtières ; elle s'accroît conridérablement, elle subit, dans son équipement, son comman-
(i) F. GANSHOF, Byz., t. VI, 1931, p. 871-874, fait à propos du travail de P. SCHRAMM, Kaiser
und Renovatio, Leipzig, 1929, des remarques intéressantes sur la renovatio (l'aspiration au retour
à l'Empire romain) en Occident : il en trouve plusieurs exemples aux ix e -xi e siècles ; étudiant
surtout l'aspect religieux du problème, à savoir l'union des Églises, Gansnof ne parle pas de la
politique impériale, animée par le désir de l'union politique de l'Empire, et exprimée par la
reconquista de l'ancien monde romain.
Dejustinien aux Isauriens II
dément et son administration, des transformations qui finissent par changer entièrement
l'aspect qu'elle avait quand Byzance jouissait du monopole naval.
Il serait cependant erroné de penser que l'apparition de flottes étrangères dans la
Méditerranée, des flottilles slaves d'abord et des flottes arabes ensuite, compromit tout
de suite la suprématie maritime de Byzance. Les flottilles légères avaro-slaves qui, dès
la fin du VIe siècle, apparurent dans la Méditerranée, sur les côtes dalmates et dans la
mer Egée, n'avaient qu'un rayon d'action limité (i) ; leurs opérations faisaient partie
des grandes invasions qui mettaient ces peuples en mouvement vers les provinces balka-
niques ; elles n'ont jamais présenté un vrai danger sur mer. En effet, il est caractéristique
que la flotte d'Hérakleios stationnée à Constantinople, et qui était composée de soixante-
dix navires (dromons), ait pu disperser sans difficulté la flotte avare qui assiégeait la
capitale à un moment particulièrement diflicile pour l'Empire (2). Autrement dit, la
flotte byzantine du début du VIIe siècle restait la seule flotte de haute mer : composée
de dromons (3), elle était répartie dans les bases jalonnant les routes internationales,
elle était la seule à pouvoir contrôler la navigation et le commerce maritime (4) ; ses
escadres stationnaient à Septem (Ceuta) (5), aux Baléares, en Sardaigne (6), en Sicile,
sur les côtes italiennes (Aquilée) et en Cyrénaïque (Carthage) (7) dans la Méditerranée
(1) Sur les invasions slaves en Grèce pendant le vn e siècle, cf. THOMAS D'EDESSA, éd. LAND,
Anecdota syriaca, Lugdunum Batavorum, 1862, t. I, p. 115 ; ISIDORE DE SÉvrr,i,E, P.L.,
t. LXXXIII, col. 1056 ; Miracula S. Demetrii, P.G., t. CXVI, col. 1325 sq. ; JEAN DE BICI.AR,
éd. MOMMSEN, p. 212 ; Analecta avança, éd. STEINBACH, p. 11 ; et bibliographie sur la question
par I. DUJÔEV, Les Slaves et Byzance, Études historiques à l'occasion du XIe Congrès int. d. Se.
hist., Sofia, i960, p. 31 sq.
(2) Cf. A. MORDTMANN, Die Avaren und Perser vor Konstantinopl, Mitteilungen d. Deuts-
chen Exkursionsklub in Kjl, t. V, 1903, p. 15-25 ; et les sources : THÉOPHANE, p. 315 ; NicÉ-
PHORE, p. 17 sq. ; Chronicon pascale, p. 716 sq. ; le récit publié par MAI, N.P.B., t. VI, p. 423 sq. ;
les Poésies de GEORGES PISIDÈS, éd. A. PERTUSi, Studia patristica et byzantina, n° 7, Ettal, 195g.
(3) Sur cette sorte de navire, cf. ci-dessous, Appendice II.
(4) Le titre « Das Dromonen Reich » employé par E. EICKHOFP, Seekrieg, p. 5, caractérise
parfaitement l'Empire après les victoires justiniennes.
(5) Justinien I e r recommanda à Bélisaire de faire stationner à Septem le plus de dromons
possible : Code Just., I, XXVII, 2. Sur les effectifs stationnant à Septem en 680, cf. la lettre
de Justinien II au pape, MANSI, t. XI, p. 738. Sur l'Afrique en général, cf. CH. DIEHI,, L'Afrique
byzantine (533-707), Paris, 1896.
(6) Sur les Baléares et la Sardaigne, cf. R. CARTA-RASPI, La Sardegna nell' alto medioevo,
Cagliari, 1935, p. 38 sq. ; E. BESTA, La Sardegna medioevale. Le vicende politiche dal 450 al 1326,
Palermo, 1908-1909.
(7) Sur les escadres italiennes et africaines, cf. J. BURY, A History of theLater Roman Empire,
Londres, 1923,1.1, p. 44-45, II, p. 316 sq. ; du même, Naval Policy, p. 24 sq. ; E. EICKHOFF, Wach-
flottillen in Unteritalien, B.Z., t. XLV, 1952, p. 340 sq. ; du même, Seekrieg, p. 22 sq. ; GRÉGOIRE DB
12 Introduction
occidentale ; à Alexandrie, à Clysma, à Césarée (i), à Antioche, sur les côtes micrasiatiques
(Cilicie, Pamphylie, Carie, Lycie, Ionie) et dans les îles de Rhodes, de Chypre, de Crète
et des Cyclades (2), dans la Méditerranée orientale ; et enfin à Odessos, à Cherson, sur le
Bosphore Cimmérien, à Poti (Pityous) et à Trébizonde, dans le Pont-Euxin (3). Ces
stations navales, forteresses maritimes d'une puissance encore maîtresse des mers, se
transforment, du moins celles qui n'ont pas été immédiatement enlevées par l'ennemi,
en bases qui jalonnent la ligne de défense de Byzance dès que les flottes adverses, notam-
ment celles des Arabes, font leur apparition dans la Méditerranée (4).
TOURS, Hist. Francorum, IX, 25, X, 2, 4, éd. POUPARDIN, p. 376, 413, 417 (escale à Cartilage) ; et
J. ICARD, Sceaux et plombs avec marques trouvés à Carthage, Rev. Tunis., nouvelle série, 1938,
p. 221-229, n08 7 et 12 : sceaux des commerciaires.
(1) Elle envoie des détachements maritimes lors des guerres vandales : cf. F. MARTROYE,
Genséric, La conquête vandale en Afrique, Paris, 1907, p . 285.
(2) Les sources du v i e siècle mentionnent souvent le commandement des îles (cf. JUSTINIEN,
Novelles n° 41, 50, 67, éd. ZACHARXX. V. LINGENTHAI,, t. I, pp. 121, 354-355, 415 sq. ; ZEPOS,
Jus, I, p . 18 ; MÉNANDRE, p . 405). Connu comme arche nèsôn, ce commandement relevait,
avant Justinien I e r , du gouverneur d'Asie (cf. Notitia Dignitalum, éd. SEECK, p . 45) : cet empe-
reur le rattacha au commandement de Scythie, qui englobait les régions pontiques (Mésie, Scythie),
la Carie et les îles (cf. l'histoire de la création de ce commandement dans JEAN LYDOS, De Magis-
tratibus, p. 28-29) ; il dépendait du quaestor exercitus et avait comme centre Odessos ; comme l'a
souligné E. STEIN, Histoire du Bas-Empire, Paris, 1949, t. II, p . 474-475, le caractère maritime
du commandement du quaestor exercitus est indéniable : ses effectifs maritimes opèrent surtout
dans le Pont-Euxin contre les Avares et les Sclavènes (cf. MÉNANDRË, p. 405) ; conclure de là,
avec CH. DIEHI,, Études byzantines, Paris, 1905, p . 290 sq., qu'il fut l'ancêtre du commandement
purement maritime des karabisianoi, nous semble peu fondé par les sources : le caractère du
commandement des karabisianoi est absolument différent de celui de la quaestura exercitus (cf.
ci-dessous, p . 19-31).
(3) Cf. ci-dessus p. 8, n. 2, et, pour le VIIe siècle, THËOPHANE, p. 373 sq., 391-394 ; MANSI,
t. X I I , col. 191.
(4) Pour les stations de la flotte pendant la période protobyzantine, cf., à titre d'exemple,
O. SEËCK, Notitia Dignitatum et Laterculi Provinciarum, Berlin, 1876, Index : Classes, et dans les
autres index, ». v. : praefectus classis. Pour les vi e -vn e siècles, cf., à titre d'exemple, visites des
flottes à ces régions, dans : THÉOPHANE, p . 345 (Lycie), 370 (Crète), 373 (Cherson), 385 (Rhodes) ;
NlCËPHORE, p . 44 (Cherson), 50 (Rhodes), 64 (Chypre) ; Chronique anonyme, p. 64 (Propontide) ;
GEORGES 13 MOINE, I I , p . 716 (Lycie) ; LÉON GRAMMAIRIEN, p . 160 (Propontide) ; CEDRENUS,
II, p. 9 (Chypre), à comparer avec LÉON VI, Tactica, P.G., t. CVII, col. 1072, Chypre, lieu dé
concentration des flottes provinciales, ainsi que Phœnix et Rhodes (ZONARAS, I I I , p . 218, 245) ;
Liber pontificalis, éd. DUCHESNE, I, p . I I I (Sicile, Italie, Sardaigne) ; M.G.H., Epistolae, I I I , p . 521
(Sicile) ; P.G., t. XCV, col. 356 (Italie, Sicile). Sur l'activité des ports du Pont-Euxin (Amisos,
Amastra, Sinope, Bosphore Cimmérien, Héraclée, etc.) fréquentés par des navires venant d'Alexan-
drie, de Macédoine, etc., cf. Vie de saint Phocas, Anal. Boll., t. X X X , 1911, p . 272-285 ; ibid.,
t. XIII, 1894, p . 229 sq. : récit des voyages de saint André ; ZEPOS, Jus, I, p . 18-19 (Novelle
de Tibère) ; P. G., t. CV, col. 421 ; pour l'importance de Rhodes et des côtes pamphyliennes et
De Justinien aux Isauriens 13
Par ailleurs la sécurité de Constantinople, plusieurs fois menacée par des sièges
combinés par terre et par mer (1), l'approvisionnement de sa population, enfin la
sécurité de ses débouchés commerciaux et industriels, ont conduit l'Empire à mettre
en place très tôt un système de défense et de contrôle maritime propre à la mer constanti-
nopolitaine ; la Propontide, couloir maritime de Constantinople (2), était sillonnée par
la flotte byzantine qui appareillait de la capitale ou d'Abydos : les détroits de l'Hellespont
et du Bosphore, les « Sténa » (3) des Byzantins, avec les bases de Hiéron et d'Abydos,
étaient gardés par des escadres de la flotte, placées, ainsi que celles des autres grandes
bases de la Méditerranée et du Pont-Euxin, sous les ordres d'archontes, désignés tantôt
comme éparques ou préfets et tantôt comme comtes des Sténa, d'Abydos et de Hiéron (4).
lyciennes pour les communications avec l'Occident, cf., à titre d'exemple, Anal. Boll., t. LI, 1933,
p. 256 sq. ; P.G., t. CXIV, col. 846-849, 852, 960 ; ibid., t. CXV, col. 1237 ; sur Rhodes, arsenal
et chantier de construction des navires de guerre, cf. MASÛDÎ, dans A. VASIUEV, Byzance et les
Arabes, t. II, p . 39 ; sur l'activité de tous ces ports, cf. aussi ci-dessous, Appendice III.
(1) Sur les sièges de Constantinople par les Arabes, cf. M. CANARD, Les expéditions des
Arabes contre Constantinople dans l'histoire et la légende, Journal asiatique, t. CVIII, 1926,
p. 61 sq. ; S. LAMPROS, ' H ÛTTÔ TCÙV 'ApdtScov Seuxépa TroXiopxta TYJÇ K/TTX. xaï ©ÏOSOCTIOÇ ô yça.\i.-
fi.axt.x6c, dans 'IcîTopixà MeXsTYj[xaTa, Athènes, 1884, p. 129-144 (une poésie attribuée à Théodose
le Grammairien et une chronique brève de la Bibliothèque de Vienne).
(2) Cf. ci-dessus, p. 12, n. 4 : Propontide.
(3) Sur diverses mentions des Sténa, cf. K. AMANTOS, STEVÔV, Hettènika, 1.1, 1938, p. 402-404.
(4) Renseignements importants sur l'organisation du contrôle exercé dans les détroits du
Bosphore et de l'Hellespont, dans PROCOPE, Historia arcana, p. 152-154. Sur les comtes (x<$[rrç"reç)
d'Abydos et de Hiéron, cf. A. MORDTMANN, Ein Edict Justinians, Athenische Mitteilungen,
t. IV, 1879, p. 309, mention d'un sceau appartenant à un comte 'IepoG xal TOÛ II6VTOU,
daté du VIe siècle ; pour Abydos et les détroits de l'Hellespont, cf. les sources réunies dans mon
travail, Les fonctionnaires et les bureaux maritimes à Byzance, R.E.B., t. XIX, 1961, p. 239-248 ;
les deux parties de l'inscription d'Abydos (H. GRÉGOIRE, Inscriptions d'Asie Mineure, p. 4-5, n° 4),
c'est-à-dire le décret impérial attribué à Anastase et la yv&cnç auv7]0EUÔv versées aux autorités
maritimes des détroits de l'Hellespont (klassikoi, etc.) par les vatixXïjpoi, sont contemporaines :
la gnôsis n'est pas postérieure de « vingt ou vingt-deux ans » comme je l'avais compris (op. cit.,
p. 240, n. 7, et p. 247) ; cette inscription, capitale pour le contrôle maritime de la mer constan-
tinopolitaine en général, doit être étudiée de plusieurs points de vue : date, institutions, etc. ; la
mention des « vingt ou vingt-deux ans » dans le texte de la gnôsis n'a pas encore trouvé une inter-
prétation satisfaisante ; faut-il y voir la mention d'un acte promulgué « vingt ou vingt-deux ans »
avant la promulgation de notre décret ? Il devrait alors avoir été promulgué par un empereur qui
n'a régné que deux ans ; ou plutôt ce serait une note émanant d'un éparque de la ville : ajoutons
pour cette seconde hypothèse que c'est l'éparque de Constantinople qui fournit à l'empereur,
auteur de notre décret, les renseignements concernant le contrôle maritime pour la période anté-
rieure ; notons enfin que la mention de n vingt ou vingt-deux ans » indique que le règlement était
tombé en désuétude, pour une raison qui nous échappe, pendant ce laps de temps : avons-nous là
une allusion à des troubles de navigation dans la mer de Propontide ? Dans ce cas l'attribution
14 Introduction
du décret d'Abydos à Anastase devient difficile ; la plus haute date qu'on pourrait alors admettre
serait la fin du règne de Justinien, si les troubles en question sont dus à l'invasion des Huns
( = Bulgares) et à leurs attaques contre les détroits de l'Hellespont (cf. à ce sujet AGATHIAS, p. 301-
303). Le décret a été largement utilisé par H. ANTONIADIS-BIBICOU, Recherches sur les douanes
à Byzance, Paris, 1963, p. 241-245. Cf. ci-dessous, p. 48, 71 sq., sur les archontes-préfets et leur
juridiction.
(1) Pour Cyzique, cf. LÉON GRAMMAIRIEN, p. 160 ; pour Héraclée et Sélymbria, cf. JEAN
D'ANTIOCHE, F.H.G., V, p. 37 ; pour Ténédos, cf. le passage capital de PROCOPB, De Aedificiis, V, 1,
7, p. 150-152 ; Ténédos a conservé son importance maritime jusqu'à la fin de l'Empire byzantin :
pour la dernière période byzantine, cf. F. THIRIET, Venise et l'occupation de Ténédos au xiv e s..
Mélanges de l'École française de Rome, 1953, p. 219-245.
(2) THÉOPHANE, p. 345 : construction d'une flotte arabe à Tripolis de Syrie avec l'aide des
Grecs de cette région ; son premier exploit sera l'attaque de Rhodes.
(3) AiïjpEiç xaxxaôoTr'jpçôpol et dromons atcptovocpôpot armés par Constantin IV : THEO-
PHANE, p. 353, 384, 396 ; en dernier lieu, cf. M. MERCIER, Le feu grégeois, Paris, 1952 ; P. KARUN-
HAYTER, Byz., t. XXXIII, 1963, p. 249-250.
(4) LÉON DIACRE, p. 156.
PREMIÈRE PARTIE
A. LE CONFLIT ARABO-BYZANTIN
(1) J. B D H E R , The Arab conquest of Egypt and the last thirty years of the Roman dominion,
Oxford, 1902.
(2) Cf. ci-dessus, p. 14, n. 2.
(3) Sur l'histoire de ces régions sous les Arabes, cf. ST. I<ANE-POOI,E, A History of Egypt in
the middle âges, Londres, 1925 ; G. WiET, L'Egypte arabe, Paris, 1937 ; **•• GROTTSSET, L'Empire
du Levant, Paris, 1949, p. 91 sq., avec bibliographie récente.
H. AHRWEILER
18 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
Chypre, de Rhodes et de Crète (i), ne mettaient pas encore en cause la suprématie navale
de Byzance, qui, grâce aux bases de la Méditerranée occidentale, continuait à contrôler
les routes maritimes vers Constantinople. Dans la mesure où les razzias (cursa) arabes
restaient locales et ne visaient qu'au pillage des régions attaquées, elles ne semblent pas
avoir suscité de grandes inquiétudes à Constantinople, où l'on se préoccupait surtout
des progrès rapides des Arabes sur terre. Byzance ne commença à s'inquiéter de l'aspect
maritime des choses qu'à partir du moment où les Arabes, maîtres de l'art de la guerre
sur mer, comme l'avait manifestement prouvé leur grande victoire navale à Phcenix
de Lycie (655), où la flotte byzantine dans son ensemble, commandée par l'empereur
lui-même, fut mise en déroute par une flotte arabe inférieure en nombre (2), prirent
la route vers Constantinople et rompirent la libre communication de la capitale avec
l'Occident et les provinces méditerranéennes.
En outre, l'activité des flottes arabes appareillant presque annuellement d'Egypte
(Alexandrie) et de Syrie (Tripolis) avait, dès avant la fin du VIIe siècle, perturbé l'activité
commerciale des Byzantins, affectant ainsi la prospérité d'un grand nombre de villes
côtières jusqu'alors florissantes, et présentait, à cause du caractère de piraterie qu'elle
a vite revêtu, une menace constante pour les populations des îles et du littoral, notamment
pour les habitants des côtes de la mer Egée, laquelle, en tant que mer intérieure, ne
possédait pas de système de défense propre (3).
La flotte byzantine, répartie dans les bases qui restaient encore aux mains des
Byzantins, composée de navires rapides, des dromons, était une flotte de haute mer.
Elle pouvait déjouer les projets arabes de conquêtes maritimes, et en effet les Arabes
ne comptaient encore aucun succès territorial (4) dû à leur flotte ; elle pouvait même
(1) Sur les cursa arabes, cf. H. J. BEIA, Catalogue of the Greek papyri in the British Muséum,
t. IV, The Aphrodito Papyri, Londres, 1910 = Der Islam, t. II, p. 269-283, 372-384, t. III,
p. 132-140, 369-373, t. IV, p. 87-96, tr. angl. Sur les luttes avec les Arabes, cf. C. H. BECKET, The
expansion of the Saracens, CM.H., t. II, p. 329 sq. ; ibid., t. IV, p. 119 sq., E. W. BROOKS, The
struggle with the Saracens ; M. CHEIRA, La lutte entre Arabes et Byzantins : la conquête et l'organi-
sation des frontières aux VIIe-VIIIe siècles, Alexandrie, 1947.
(2) Sur cette première grande bataille navale connue sous le nom de « bataille des mâts »,
cf. E. EiCKHOFF, Seekrieg, p. 11-13, et ci-dessous p. 24, n. 3 ; à signaler une source non utilisée,
dans Catalogus Codicum Astrologorum Graecorum, Pars, III, t. VIII, Codices Parisini, Bruxelles,
1912, p. 171-172 : ci-dessous, Appendice IV.
(3) Notons à ce propos que la dernière mention de l'arche nèsân se place en 578 : cf. MENANDRE,
p. 405.
(4) P. LEMERI,E, Les répercussions de la crise de l'Empire d'Orient au VIIIe siècle sur les paye
d'Occident, extrait de Settimane di Studio del Centro italiano di studi sull' alto medioevo, Spoleto,
I95 8 . P- 7 I 3 sq., souligne le fait que l'action musulmane dans le bassin occidental s'exerce sur
terre, de sorte qu'on ne peut être d'accord avec J. BDRY, Naval Policy, p. 24, qui croit que l'avance
musulmane en Afrique est due à la flotte.
L'apparition des Arabes sur mer 19
empêcher les grandes expéditions contre la capitale, et surveiller depuis ses bases provin-
ciales les principales artères maritimes ; mais elle s'avérait peu efficace contre les pirates
arabes, qui se contentaient, par une série de débarquements rapides, de dévaster le terri-
toire, de piller et d'enlever des captifs. Le besoin d'une flotte permanente d'intervention,
flotte légère de garde-côtes capable de surveiller les débouchés maritimes de l'intérieur
et de protéger les populations menacées par la piraterie arabe, devenait urgent. Cette
nécessité a dicté la construction de la flotte des karabisianoi, chargée justement de la
surveillance de la Méditerranée orientale, et plus précisément des routes maritimes
menant à Constantinople.
LA RIPOSTE BYZANTINE
Ainsi, bien avant la fin du VIIe siècle la situation avait tellement empiré, et de toutes
parts, pour l'Empire, que la transformation de son système militaire, et notamment la
mise sur pied d'un véritable programme de défense, devint particulièrement urgente.
La protection de la population micrasiatique, alors la plus menacée et la seule encore
capable de fournir les moyens nécessaires en hommes pour le maintien de l'armée
byzantine, apparut comme la tâche primordiale de la politique impériale. Avant la fin
du VIIe siècle des mesures militaires extraordinaires, dont l'ensemble constitue le nouveau
système de défense, commencèrent à être appliquées en Orient, tandis que la partie
occidentale de l'Empire, à l'écart encore du danger arabe, continua à vivre selon les
formes administratives et militaires du passé.
Le nouveau système militaire de Byzance, contrairement au précédent, a été conçu
dans des buts uniquement défensifs : il se caractérise par l'établissement définitif d'impor-
tants corps d'armée dans les régions menacées. Le territoire menacé par les Arabes
en Asie Mineure et par les Slaves dans les Balkans fut divisé en districts militaires dont
la défense était assurée par l'armée qui couvrait la circonscription de chacun d'eux.
De grands commandements uniquement militaires s'établirent dans les provinces
menacées ; les soldats, indépendamment du lieu de leur origine et de leur recrutement,
s'installèrent en permanence dans la région couverte par le commandement auquel ils
appartenaient. Cette première étape, uniquement militaire, du nouveau système, amorcée
vraisemblablement dès l'époque d'Hérakleios et à cause du danger perse qui pesait alors
sur l'Empire (1), s'achève avec le VIIe siècle. Dès le début du vin e siècle et sans doute
avec l'avènement des Isauriens, les commandements militaires se transforment en
circonscriptions de l'administration provinciale, civile et militaire. Le commandant
militaire de ces régions devient alors leur gouverneur général, l'armée qui stationne
dans les circonscriptions est recrutée sur place, elle est chargée de défendre son propre
pays : un vrai système d'autodéfense et d'autoadministration des circonscriptions
(i) II nous semble qu'il faut limiter la réforme d'Hérakleios, en ce qui concerne le régime des
thèmes, à la création des commandements militaires de l'Asie Mineure : la création des thèmes
(circonscriptions administratives) semble postérieure à cet empereur ; pour la controverse
sur l'importance de la réforme administrative d'Hérakleios, cf. G. OSTROGORSKIJ, Geschichté3,
p. 80 sq. ; du même, L'exarchat de Ravenne et l'origine des thèmes, VII. Corso di Cultura sull'
arte ravennate e bizantina, Ravenne, i960, p. 99-100 ; P. LEMERKG, Quelques remarques sur
le règne d'Héraclius, Studi medievali, 3 e série, I, 2, Spoleto, i960, p. 347 sq. ; et surtout les
rapports au XI e Congrès int. d. Études byzantines par A. PERTUSI, La formation des thèmes
byzantins, Berichte zum XI. inter. byz. Kongress., I, Munich, 1958, p. 1 sq. ; et contra G. OSTRO-
GORSKIJ, Korreferat z. A. Pertusi, La formation des thèmes byzantins, ibid., VII, Korreferate,
Munich, 1958, p. 1 sq. ; question soulevée à nouveau par J. KARAYAHNOPUI,OS, Ober die ver-
meintliche Reformtâtigkeit des Kaisers Herakleios, Jahrbuch d. ôsterreich. byzant. Gesellschaft,
t. X, 1961, p. 53 sq.
22 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
provinciales, supervisé bien entendu par Constantinople, a été ainsi mis en place. C'est
alors, et uniquement alors, que le régime de l'administration provinciale, connu sous
le nom de régime des thèmes, fut véritablement établi : il n'a conservé de la période
des commandements uniquement militaires que le nom de thème, utilisé d'abord pour
désigner un corps d'armée et ensuite le district militaire couvert par ce corps, pour
finir par désigner la circonscription de l'administration provinciale, civile et militaire,
issue de l'ancien district militaire. De toute façon la période qui nous intéresse ici,
la dernière moitié du VIIe siècle, n'a connu que les commandements militaires
installés dans les régions menacées, dont l'administration civile continue à être
assurée par les cadres de l'administration provinciale établis par Justinien I e r et
ses successeurs (i).
Parallèlement aux grands commandements de l'armée de terre établis en Asie
Mineure et dans les Balkans, un grand commandement uniquement maritime fut
constitué par Constantinople avant la fin du VIIe siècle ; il fut chargé de la défense du
littoral menacé et de la surveillance des mers fréquentées par les flottes pirates des
Arabes, c'est-à-dire, à ce moment-là, la Méditerranée orientale et plus précisément la
mer Egée. Il porte le nom révélateur de karabisianoi (marins) ou de xdcpa6oi, (navires) (2) ;
à l'exemple des autres commandements il est placé sous les ordres d'un stratège ; comme
les autres commandements il est constitué de soldats, de marins, recrutés dans toutes
les régions maritimes de l'Empire et non pas obligatoirement dans les régions qu'il
protège. Bref il constitue la première institution militaire purement maritime de l'Empire ;
il dispose de la première véritable flotte de bataille, régulière et permanente, que Byzance
ait créée. Nous devons examiner de près les problèmes qu'il soulève.
Il est diiEcile de préciser avec exactitude la date de la création du commandement
maritime des karabisianoi : son existence est signalée dans les sources dès le dernier
quart du vn e siècle et le début du vm e . Sa création ayant été déterminée par la situation
créée dans la Méditerranée orientale par la piraterie arabe, elle ne peut être antérieure
à la date de la construction de la première flotte arabe. Autrement dit, l'année 645
constitue le terminus post quem pour la création du commandement des karabisianoi et
pour la construction de sa flotte. Nous pouvons préciser davantage : le fait qu'en 672
la flotte arabe qui avait auparavant attaqué les îles de Chypre, de Rhodes et de Crète,
(1) E. STEIN, Ein Kapitel vom persisch. und vom byzant. Staat, B.N.J., 1.1, 1920, p. 71 sq.,
souligne la persistance des anciennes institutions administratives dans le régime des thèmes.
(2) Sur les mentions des karabisianoi, karaboi et de leur stratège, cf. Miracula S. Demetrii,
P.G., t. CXVT, col. 1369 ; Liber Pontiftcalis, éd. DUCHESNE, I, p. 390 ; MANSI, t. XI, col. 737 ;
pour la mention par ZONARAS, III, p. 224, du stratège des Cibyrrhéotes (karabisianoi ?) en 677-8,
cf. les remarques de CH. DIBHI,, Ï,' origine du régime des thèmes, dans Études byzantines, Paris,
1905, p. 280.
! l
L'apparition des Arabes sur mer 23
pénétra dans la Propontide et assiégea pendant sept ans la capitale sans être inquiétée
par la flotte byzantine — les bateaux arabes furent finalement dispersés en 678, grâce
au feu grégeois inventé à ce moment — nous fournit la preuve qu'aucune formation
navale byzantine régulièrement constituée ne se trouvait encore dans les régions soumises
à ce raid prolongé des Arabes (1), et dans lesquelles nous trouverons un peu plus
tard la flotte des karabisianoi en action. Ainsi il nous semble certain que la création du
commandement des karabisianoi a suivi la première menace arabe contre Constantinople
même ; elle est la réaction byzantine au danger que la capitale courut pendant
les années 672-678, alors que la flotte arabe hivernait dans les eaux de la Propon-
tide. La flotte byzantine construite alors et munie du feu grégeois (2) ne fut pas
abandonnée après son succès ; régulièrement entretenue et augmentée sans doute
par les successeurs de Constantin IV (les empereurs Justinien II (3) et Léonce) (4),
elle forma le premier noyau de la flotte du commandement des karabisianoi, chargée
avant tout d'empêcher la flotte arabe de renouveler des expéditions aussi spectaculaires
que le siège prolongé de Constantinople au cours des années 672-678, et de protéger
les populations côtières des îles et des côtes micrasiatiques et égéennes, régions qui
jalonnaient l'itinéraire emprunté par les flottes arabes en route vers la Propontide. C'est
en effet dans la mer Egée que nous rencontrons la flotte des karabisianoi en action ;
les côtes micrasiatiques (Cilicie, Lycie, Pamphylie, Ionie) et les îles égéennes deviennent
les bases importantes du commandement maritime, dont le centre reste vraisemblablement
Constantinople même. En effet le drongaire du ploïmon, qui assume le commandement
des flottes constantinopolitaines, n'étant pas encore créé (5), le stratège des karabisianoi
se trouvait à la tête de toute la flotte régulière de l'Empire.
Ainsi, la flotte des karabisianoi qui, dès sa création, englobe l'ensemble de la flotte
d'intervention dont dispose Byzance, outre la défense du littoral menacé de la Méditer-
ranée orientale et notamment de la mer Egée, se charge de toutes sortes d'opérations
exigeant la présence de la flotte, telle par exemple la défense de la ville de Thessalonique
menacée par les tribus slaves (6), les opérations dans le Pont-Euxin (7) et les expéditions
lointaines comme celle de 698 en Afrique qui aboutit à la reprise de Carthage (elle fut
menée par les ^wjxaïxà 7tXot[j.aTa ; un drongaire des Cibyrrhéotes, région constituant une
(1) Sur la durée et la date de ces événements, cf. G. OSTROGORSKIJ, Geschichte3, p. 103 sq.
(2) THEOPHANE, p. 353-354-
(3) Sur les flottes construites par Justinien II, cf. THEOPHANE, p. 373, 377.
(4) La flotte qui reprit Carthage en 698 fut construite par Léonce : THËOPHANE, p. 370 ;
NICEPHORE, p. 39.
(5) Sur la création du drongaire du ploïmon, cf. ci-dessous, p. 73-76.
(6) Miracula S. Demetrii, P.G., t. CXVI, col. 1369.
(7) THËOPHANË, p. 373, 377 ; NICEPHORE, p. 46-47.
24 Des Isauriens aux Cotmènes : Byzance face aux Arabes
des principales bases des karabisianoi, y participa) (i) ; dans ce but elle s'accrut par la cons-
truction de nouvelles flottes, comme par exemple celle mise en chantier par Justinien II
en vue des opérations à Cherson (2), qui renouvellent et augmentent ses effectifs.
Résumons-nous : le commandement des karabisianoi a sûrement été créé dans le
dernier quart du VIIe siècle par Constantin IV et fut successivement renforcé par Jus-
tinien II et par Léonce, empereurs qui s'occupèrent, chacun pour des raisons différentes,
de la puissance navale de l'Empire, comme l'avait fait dans le passé Constans I I (3) ;
il était placé, comme les autres commandements de l'armée de terre, sous les ordres d'un
militaire, d'un stratège, désigné par son commandement comme crrpaTTjYàç TWV xapâ-
êwv ou xapaêvjffiâvtùv (4), le même sans doute que le stratège des pwfxaïxà 7rÀotfj.aTa (5),
attesté à ce moment. Uniquement militaire, le stratège des karabisianoi a sous ses ordres
des officiers subalternes, drongaires, tourmarques, commandant chacun selon son grade
des escadres appartenant à la flotte des karabisianoi, désignées du nom de la région qui
fournit leurs équipages (6). Notons que le stratège des karabisianoi et sa flotte se trouvent
là où les nécessités l'exigent, alors surtout sur les côtes micrasiatiques et égéennes.
Autrement dit, le stratège des karabisianoi, commandant de l'ensemble de la flotte d'inter-
vention dont dispose Byzance, est l'amiral en chef de l'armée de mer de l'Empire ; il n'a
rien à voir avec le stratège à la tête d'un thème, d'une région précise qui forme une
circonscription administrative à part, dotée d'une armée et d'un appareil administratif
complet placé sous les ordres du stratège, alors gouverneur civil et militaire de la région
désignée comme thème (1). Le terme : thème des karabisianoi, souvent employé (2), nous
semble impropre, les sources l'ignorent complètement, aucune région précise n'ayant
formé une circonscription de l'administration provinciale portant ce nom. Soulignons
que le terme karabisianoi ne désigne que le commandement purement maritime, comme
son nom l'indique, et ne s'applique qu'à la flotte de guerre mise par Constantinople à
la disposition de ce commandement. C'est une flotte équipée de marins de métier recrutés
dans toutes les provinces maritimes de l'Empire, notamment celles réputées pour la
qualité de leurs marins (côtes micrasiatiques, îles égéennes, etc.). Elle est armée par
Constantinople dont elle dépend, qui assume les dépenses de son entretien ; bref, elle est
composée de navires de toute sorte, de dromons et de navires légers (TOCXUTÏXOÏIZOC) (3) 5
c'est une flotte d'intervention rapide, qui a pour tâche principale de combattre la piraterie
arabe et de protéger les populations des régions menacées.
La flotte des karabisianoi, flotte d'intervention et de défense côtière, ne s'est pas
illustrée par de hauts faits maritimes ; son existence et son rôle montrent que Byzance
avait perdu l'initiative de l'action navale dans la Méditerranée orientale. La flotte des
karabisianoi, appelée à défendre un littoral étendu contre l'action obstinée et capricieuse
des pirates arabes, ne pouvait pas jouer un rôle décisif dans les luttes arabo-byzantines
sur mer ; elle pouvait, dans son rayon d'action, intervenir, quelquefois efficacement,
contre les pirates arabes, le plus souvent lorsque, chargés de butin, ils regagnaient leur
base ; ses cpuXaxtSeç xpiYjpeiç (navires garde-côte) se mettaient alors à la poursuite des
TCipaTixod Tpiyjpeiç (4) qui sillonnaient les eaux de la mer Egée ; elles ne pouvaient pas
être omniprésentes ; elles ont connu des succès et des défaites. Il est hors de doute que
l'échec le plus retentissant de la flotte des karabisianoi fut le siège de Constantinople . ;
en 717 par la flotte arabe, qui suivit encore une fois l'itinéraire de Syrie à la Propontide, /
f
(1) Sur la juridiction du stratège d'un thème maritime et sa différence avec celle d'un \
commandant désigné également comme stratège, cf. ci-dessous, p. 32, et 62 sq. y"-
(2) Cf. p. ex. P. CHARANIS, A note on the origin of the thème of the Carabisiani, Mélanges v
S. G. Mercati ( = Studi biz. e neoel., 9), Rome, 1957, P- 72-75, et les remarques de F. D0I.GBR, \
B.Z., t. LI, 1958, p. 208 ; A. PERTUSI, op. cit., p. 149. \
(3) THÉOPHANE, p. 385 ; NICÊPHORE, p. 50.
(4) Cf. à titre d'exemple, Vita Pétri episcopi Argivorum, éd. MAI, N.P.B., t. IX, 3, p. 11;
Vie de saint Triphyllios de Chypre, Anal. Boll., t. LXVI, 1948, p. 17.
26 Des Isauriens aux Corrmènes : Byzance face aux Arabes
et qui reçut des renforts d'Alexandrie (i). Comment peut-on expliquer cette grave
défaillance du commandement des karabisianoi, défaillance qui fut sans doute la cause
de sa dissolution ? En effet la dernière mention du stratège des karabisianoi se place
en 710 (2), et la première mention du stratège des Cibyrrhéotes, qui n'apparaît qu'après
la disparition du stratège des karabisianoi, est de 732 (3). Examinons cette question
importante pour l'histoire du commandement des karabisianoi. L'état de notre documen-
tation ne permet de formuler que des hypothèses.
On pourrait supposer, par exemple, qu'au moment de l'attaque arabe de l'été 717
contre Constantinople la flotte des karabisianoi, occupée ailleurs, avait provisoirement
abandonné la surveillance du passage de la mer Egée vers la Propontide. On sait par
ailleurs que la flotte byzantine avait joué, quelques années auparavant, en 715, le
rôle principal dans la lutte qui opposa l'empereur Artémios-Anastase II, grand
constructeur de flottes (4), à l'usurpateur Théodose, littéralement contraint de
recevoir la couronne par l'armée de l'Opsikion soulevée contre Anastase II. Vers la
fin de 715, Artémios-Anastase II, vaincu par les Opsikianoi, qui pénétrèrent dans la
capitale, se retira à Thessalonique sans cesser pour autant son effort en vue de récupérer
son trône (5). Ce sont vraisemblablement les événements qui ont suivi la déposition
d'Anastase II, son séjour à Thessalonique et ses attaches avec la flotte qui peuvent
nous fournir la solution du problème qui nous intéresse. Rappelons que, à cette
occasion, outre la mention des karabisianoi en 710, selon laquelle le stratège de
ce commandement, le patrice Théophile, accueillit dans l'île de Kéa le pape
Constantin se rendant à Constantinople (6), et outre la mobilisation de toute la flotte
byzantine en 715 contre les Arabes de Lycie sous le stratège des ploïmata (des karaboi,
des karabisianoi) Jean, tué à ce moment par les soldats d'Opsikion révoltés contre
l'empereur Anastase II (7), nous connaissons par un passage du livre II, § 5, des
et qui reçut des renforts d'Alexandrie (i). Comment peut-on expliquer cette grave
défaillance du commandement des karabisianoi, défaillance qui fut sans doute la cause
de sa dissolution ? En effet la dernière mention du stratège des karabisianoi se place
en 710 (2), et la première mention du stratège des Cibyrrhéotes, qui n'apparaît qu'après
la disparition du stratège des karabisianoi, est de 732 (3). Examinons cette question
importante pour l'histoire du commandement des karabisianoi. L'état de notre documen-
tation ne permet de formuler que des hypothèses.
On pourrait supposer, par exemple, qu'au moment de l'attaque arabe de l'été 717
contre Constantinople la flotte des karabisianoi, occupée ailleurs, avait provisoirement
abandonné la surveillance du passage de la mer Egée vers la Propontide. On sait par
ailleurs que la flotte byzantine avait joué, quelques années auparavant, en 715, le
rôle principal dans la lutte qui opposa l'empereur Artémios-Anastase II, grand
constructeur de flottes (4), à l'usurpateur Théodose, littéralement contraint de
recevoir la couronne par l'armée de l'Opsikion soulevée contre Anastase II. Vers la
fin de 715, Artémios-Anastase II, vaincu par les Opsikianoi, qui pénétrèrent dans la
capitale, se retira à Thessalonique sans cesser pour autant son effort en vue de récupérer
son trône (5). Ce sont vraisemblablement les événements qui ont suivi la déposition
d'Anastase II, son séjour à Thessalonique et ses attaches avec la flotte qui peuvent
nous fournir la solution du problème qui nous intéresse. Rappelons que, à cette
occasion, outre la mention des karabisianoi en 710, selon laquelle le stratège de
ce commandement, le patrice Théophile, accueillit dans l'île de Kéa le pape
Constantin se rendant à Constantinople (6), et outre la mobilisation de toute la flotte
byzantine en 715 contre les Arabes de Lycie sous le stratège des ploïmata (des karaboi,
des karabisianoi) Jean, tué à ce moment par les soldats d'Opsikion révoltés contre
l'empereur Anastase II (7), nous connaissons par un passage du livre II, § 5, des
qui ne peuvent être autres que ceux de Kouber que nous connaissons par les Miracula ;
il invita la flotte des karabisianoi, qui lui était restée fidèle, à se rendre à Thessalonique,
afin d'aider l'arrivée de troupes (celles de Mauros) et de les diriger ensuite sur Constanti-
nople, but final de son entreprise ; la suite des événements confirme ce schéma : Artémios-
Anastase II, avec son armée composée justement de Bulgares (précisent Théophane
et Nicéphore), de Thessalonique se dirigea par mer contre Constantinople ; il trouva
en face de lui non pas Théodose, mais Léon PIsaurien, son ami, qui avait entre-temps
destitué Théodose et s'était emparé de la couronne (1). La rencontre des deux armées
eut lieu près d'Héraclée, les Bulgares d'Artémios changèrent de camp, livrèrent Artémios
et le métropolite de Thessalonique, qui l'accompagnait, à Léon III et tuèrent le patrice
Sisinios, chef de l'armée d'Artémios-Anastase II. Ce récit des événements, fait en détail par
Théophane et Nicéphore et repris par Paul le Diacre (2), présente des rapports étroits
avec celui des Miracula concernant l'arrivée à Thessalonique des troupes du Bulgare
Kouber et de la flotte des karabisianoi. Rappelons que, d'après le narrateur des miracles
de saint Démétrius, Mauros, le chef militaire des troupes de Kouber réfugiées à Thessalo-
nique, se dirigea avec son armée, transportée précisément par la flotte des karabisianoi, vers
Constantinople, et qu'en Thrace il se révolta contre l'empereur (3), c'est-à-dire Artémios,
qui n'avait jamais cessé de porter ce titre. Notons enfin que le chef de la flotte des
karabisianoi se trouvant à Thessalonique s'appelait, d'après le narrateur des miracles,
Sisinios, et portait le titre de stratège (4), et que le chef byzantin de l'armée d'Artémios-
Anastase s'appelait, d'après Théophane et les autres sources citées, également Sisinios,
et portait le titre de patrice, grade honorifique des officiers ayant justement le grade
de stratège (5). Il nous semble que rien n'empêche d'identifier le patrice Sisinios, chef
de l'armée d'Artémios envoyé auparavant, comme le précisent Théophane et les autres
historiens de l'époque, chez les Bulgares pour demander leur aide militaire (6), au
stratège des karabisianoi du même nom qui se trouvait à Thessalonique, préci-
sément pour encourager l'arrivée des troupes du Bulgare Kouber, qu'il transporta
ensuite avec sa flotte à Constantinople. Si notre hypothèse est exacte (7), nous pouvons
(1) Sur l'abdication de Théodose, le « très doux empereur », cf. un texte curieux et intéressant
pour la carrière maritime de Léon III l'Isaurien avant son avènement au trône, P.G., t. XCV, col. 356.
(2) NICÉPHORE, p. 55 ; THÉOPHANE, p. 400 ; PAUI, DIACRE, P.L., t. XCV, col. 1073.
(3) P. G., t. CXVI, col. 1368.
(4) Ibid., col. 1368.
(5) THÉOPHANE, p. 400 ; NICÉPHORE, p. 55 ; les sources emploient souvent le terme patrice
au lieu du stratège et inversement ; dans les sources arabes les stratèges sont presque uniquement
désignés comme patrices : les termes sont absolument équivalents.
(6) NICÉPHORE, p. 55 ; THÉOPHANE, p. 400.
(7) La confirmation de cette hypothèse nous est fournie par une source inédite : ce travail
était sous presse quand le Père V. Laurent m'a signalé un sceau daté sûrement au v m e siècle et
3° Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
appartenant à « Mauros patrice et archonte des Bulgares Sermisianoi », le même que le chef des
Kermèsianoi des Miracula S. Demetrii.
(1) Cf. P. LEMERI.E, op. cit., p. 265 sq.
(2) G. MORAVCSIK, Byzantinoturcica2, II, p. 161.
. (3) Dernière édition de cette inscription avec commentaire par V. BEIËVVEV, Die Protobul-
garischen Inschriften, Berlin, 1963, n° 79, p. 306 sq. Cf. aussi G. MORAVCSIK, Byzantinoturcica2, II,
i p. 165.
(4) G. MORAVCSIK, Byzantinoturcica2, II, p. 306.
(5) Cf. ci-dessous, Appendice IV, une source inconnue.
i (6) THEOPHANE, p. 370, 385, etc.
1
i
Vapparition des Arabes sur mer 31
tant) que leur équipement et leur entretien ne sont pas assurés par les autorités provin-
ciales seules, le pouvoir central y participant de plusieurs manières. En effet il commande
leur construction, veille à leur armement et à leur équipement, leurs équipages n'étant pas
obligatoirement recrutés sur place (1) ; il assure enfin au moins une partie de leur entre-
tien. Ces circonstances rendent la flotte régionale des circonscriptions non maritimes,
la flotte que nous désignons sous le nom de flotte provinciale, moins indépendante que
la flotte thématique proprement dite, et confèrent à son action un caractère limité et
local.
Pendant tout le vm e siècle, les flottes régionales, thématiques et provinciales, suppor-
tent la lutte contre les Arabes ; elles se réunissent en vue des expéditions maritimes, tout
en défendant les régions dans lesquelles elles stationnent ; elles constituent, somme toute,
la flotte d'intervention de l'Empire, la flotte chargée des opérations uniquement mili-
taires, tandis que les grandes bases de la frontière maritime et Constantinople elle-même
continuent à être gardées, selon l'ancien mode, par des escadres y stationnant en perma-
nence, détachements de la police navale envoyés par le centre et relevant directement de
Constantinople, indépendants des autorités provinciales de la circonscription qui englobe
éventuellement leur port d'attache (2). Ainsi, nous constatons dans les institutions
maritimes ce qui caractérise toute la politique administrative de Byzance : tout en adap-
tant ses institutions aux besoins nouveaux, l'Empire maintient les anciennes formes
administratives dans les endroits où leur remplacement ne semble pas nécessaire.
Byzance invente sans jamais abolir, elle rénove et réforme ses institutions sans jamais
bouleverser le fonctionnement de son appareil administratif; ses institutions vieillissent,
tombent en désuétude et s'oublient, sans perdre pour autant leur place dans le système
compliqué que l'État byzantin élabora pendant sa longue existence, aux fins d'adminis-
trer un vaste Empire composé d'éléments hétérogènes souvent indociles et même hostiles
envers Constantinople.
Ainsi, à partir du VIIIe siècle et à la suite de l'installation du régime des thèmes,
Byzance dispose d'une flotte composée de plusieurs formations navales, différentes dans
leurs missions, leur composition, leur équipement, leur armement et leur commandement.
I. — La flotte impériale-centrale : elle continue à exister comme par le passé;
composée de navires lourds, équipée, armée et entretenue par Constantinople, elle se
(1) Les Mardaïtes, marins réputés installés en Pamphylie, servent aussi dans la flotte des
provinces de l'Occident (Hellade, Céphalonie, Nicopolis : cf. De Ceremoniis, p. 668; THÉOPHANB
CONTINUÉ, p. 304) avec d'autres marins de métier, les taxatoi (cf. THÉOPHANE, p. 385, NICÉPHORB,
p. 50). Sur les Mardaïtes, cf. K. AMANTOS, Hellènika, t. V, 1932, p. 130 sq. ; et ci-dessous.
Appendice I.
(2) Sur la composition, le rôle et les bases de la flotte centrale des dromons, cf. E.
Seekrieg, p. 22-24.
H. AHKWEILER
34 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
charge en principe des expéditions lointaines, et en temps de paix elle stationne à Cons-
tantinople et aux points stratégiques du littoral frontalier contrôlant les routes maritimes
internationales ; ses équipages sont recrutés dans tout l'Empire parmi les marins de
métier et parfois parmi des étrangers au service de Byzance (i) ; bref c'est une flotte
de haute mer, une flotte d'attaque ; elle préserve l'Empire de la perte de sa thalassocratie,
mais elle est incapable de protéger son littoral étendu, exposé aux attaques des pirates.
II. — La flotte provinciale : composée de navires légers ; ses détachements station-
nent dans les régions menacées, elle est soumise aux autorités de ces régions, elle est
armée et entretenue par des moyens fournis par le pouvoir central, elle est équipée de
marins recrutés sur place et en divers points de l'Empire indépendamment des régions
où ils servent ; chargée de la garde des côtes, c'est une flotte de défense.
III. — La flotte thématique : composée de navires de toutes sortes (dromons et
navires légers) munis du feu grégeois comme ceux de la flotte impériale, elle est armée
et entretenue par les provinces-thèmes ou drongariats indépendants dont elle dépend ;
elle est équipée par des marins recrutés dans les circonscriptions où elle stationne ; elle
est chargée de protéger les régions qui l'ont construite et qui l'entretiennent, et d'attaquer
dans le rayon de son action, qui est important étant donné le nombre de ses effectifs,
les flottes et les bases étrangères ; autrement dit c'est une flotte régionale complète,
indépendante à tous points de vue de celle de Constantinople (2). Dorénavant ces
formations navales (3), distinctes dans leur administration, leurs compétences, leur
composition, leur armement, leur équipement et leur entretien, se partagent la défense
maritime de Byzance. Elles coexistent du vm e au xi e siècle ; l'importance de chacune
varie selon les besoins militaires et économiques de l'Empire. Notons seulement que
l'une s'accroît souvent aux dépens des autres et que Pattention que Byzance porte
(1) Surtout des Russes et des Toulmatzoi ( = Dalmates) ; cf., à titre d'exemple, De Cere-
moniis, p. 664, 667, 674 ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 475, etc. ; et ci-dessous, Appendice I.
(2) Sur la composition et le statut de la flotte des Cibyrrhéotes et des thèmes maritimes pos-
térieurs, cf. surtout LÉON VI, Tactica, P.G., t. CVII, col. 720, 980 sq., 997, 1012, 1072 ; De Cere-
moniis, p. 651 sq. ; ZEPOS, JUS, I, p. 223 ; premières mentions de l'armée (crcparéç, terme
employé pour désigner en général les recrues des thèmes-provinces) des Cibyrrhéotes, dans
NICÉPHORE, p. 64 ; et LÉON GRAMMAIRIEN, p. 160.
(3) II ne faut pas compter parmi les formations navales de l'époque la flottille indépendante
mise à la disposition personnelle de l'empereur et de l'impératrice, le 6a<nXwôv aYpàpiov et ensuite
6<xm.Xixôv Spofxcôviov : elle a des effectifs insignifiants, c'est plus une formation navale de « plaisance »
que de guerre ; elle est mentionnée souvent à propos des déplacements de la famille impériale et
des cérémonies officielles. Sur sa composition et son histoire, cf. De Administrando Imperio,
chap. 51,1, p. 246 sq., et le commentaire de R. JENKENS, ibid., II, p. 195-202 ; CONSTANTIN POR-
PHYROGÉNETE, Narratio de imagine Edessena, P. G., t. CXIII, col. 449 sq. ; De Ceretnoniis,
p. 698-699 ; sur l'importance du 6. Sp. au XIe siècle, cf. ci-dessous p. 156-159.
L'apparition des Arabes sur mer 35
tantôt à l'une et tantôt à l'autre de ses formations navales révèle, outre les nécessités du
moment, l'orientation de la politique impériale. Portée vers une politique d'expansion,
Byzance favorise l'appareil militaire (armée de terre et de mer) contrôlé par Contantinople ;
obligée, par contre, d'adopter un programme de défense, elle augmente les forces provin-
ciales qui supportent l'offensive étrangère, en l'occurrence, les flottes régionales :
thématiques ou provinciales. Cette organisation de la flotte byzantine, en vigueur pendant
toute la période qui s'étend du viii e au XIe siècle, pendant laquelle elle n'a subi que
de légères modifications, influence toutes les institutions maritimes de l'époque et
conditionne le fonctionnement de l'armée de mer de l'Empire. Elle se reflète dans les
compétences et le nom même des cadres de l'armée de mer, dans la composition des
commandements maritimes, dans la constitution des circonscriptions et des bases
navales, les unes relevant des autorités provinciales, les autres du pouvoir central. Avant
d'examiner en détail l'organisation de l'armée de mer byzantine telle qu'elle a été
constituée après la réforme du vin e siècle, essayons de voir comment elle a répondu
à sa tâche principale, c'est-à-dire la lutte contre les Arabes.
(1) E. W. BROOKS, The Arabs in Asia Minor from Arabie sources, J.H.S., t. XVIII, 1898,
p. 182-207 ; K~ Gun,l,AND, L'expédition de Maslama contre Constantinople, Al Macchriq, Bey-
routh, 1955, p. 89-112.
(2) M. MBRCIER et A. SEGUIN, Charles Martel et la bataille de Poitiers, Paris, 1944.
36 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
i' (1) C. B R O C K E W A N N , Histoire des Peuples et des États islamiques, t r . fr. M. TAZEROUT,
!. Paris, 1949. p- l^-Ql, 118. R e m a r q u e s intéressantes d a n s De Administrando Imperio, I, p . 60 sq.
(2) H . AHRWEHER, I / A s i e Mineure et les invasions arabes, R.H., t . C C X X V I I , 1,1962, p . 13 sq.
(3) T H É O P H A N E , p . 424, 446, 465, 483 ; E . W . BROOKS, T h e relations between t h e E m p i r e
and E g y p t from a new source, B.Z., t . X X I I , 1913, p . 384 ; d u même, T h e Byzantines a n d Arabs
at t h e time of t h e early Abbasids, Eng. Hist. Rev., t. X V , 1900, p . 745-746.
(4) Ai, K A I R O U A N I , Histoire de l'Afrique, t r . fr. P E U S S I E R e t R E M U S A T , d a n s Expéditions
\\ scientifiques de l'Afrique, Paris, 1845, V I I , p . 120 ; Al, T I G A N I , Journal asiatique, sér. I V , t . X X ,
j 1852, p . 65-71.
v (5) Incursions commencées dès la construction de T u n i s en 704 : cf. Ai, K A I R O U A N I , op. cit.,
U • P- 14, 15, 5 7 ; P s . I B N QUTAYBAH, d a n s GAYANGOS, The history of the Mahometan dynasties in
I' Spain, I , Appendix, p . I,XVI ; M. AMARI, Storia, I , p . 293-301.
5' (6) M.G.H., Scriptores, I , p . 104, I I , p . 45 ; F . GANSHOF, N o t e sur les p o r t s d e Provence d u
f
vin» aux" siècle, R.H., t. CLXXXIII, 1938, p. 31 ; et P. GABRIEW, Greeks and Arabs in the central
Mediterranean area, D.O.P., t. XVIII, 1964, p. 59-65.
(7) A. LEWIS, Naval Power, p. 97, critique la thèse de H. Pirenne sur le blocus de l'Europe
par les Arabes.
L'apparition des Arabes sur mer 37
(1) M. AMARI, Storia, II, p. 268-277 ; et en général, M. VAN DBR LEYDEN, La Berbérie
orientale sous le Bani Arlab, Paris, 1927.
(2) A. VASUJEV, Byzance et les Arabes, t. II, p. 353 sq.
(3) Antapodosis, lib. I, 11, M.G.H. in usum scholarum, p. 8 : « a mendie vero Africain habet
(Byzance) et nommatam illam nimium vidnam sibique contrariant insulam Crète ».
L'apparition des Arabes sur mer 39
furent obligés de quitter leur pays. Ils cherchèrent refuge en Egypte, où ils s'emparèrent,
en 816, du port d'Alexandrie. Chassés par les armées du calife Al-Mamun en 825-826,
ils se mirent à nouveau à la recherche d'un territoire où s'installer : c'est alors qu'ils
se dirigèrent vers la Crète, île qu'ils savaient riche et fertile depuis leurs expéditions
précédentes. En 826-827, les musulmans andalous s'installèrent en Crète sans ren-
contrer de résistance sérieuse (1). L'île, nous disent les sources grecques, était alors
dépourvue de toute défense maritime, sa flotte et celle des régions helladiques ayant été
détruites peu de temps avant, lors des conflits qui opposèrent l'usurpateur Thomas,
soutenu par la flotte provinciale, à l'empereur légitime Michel II (2). Ainsi, profitant de
la situation que la révolte de Thomas (821-823) avait créée en mer Egée (la flotte des
îles, nous dit Théophane continué, quitta ses bases et alla secourir l'usurpateur, qui
assiégeait alors la capitale ; elle comptait 350 navires et fut détruite devant Constantinople
par la flotte impériale, grâce au feu grégeois) (3), situation qui était une source de difficultés
intérieures pour Byzance, les Arabes d'Espagne en expédition dans les parages de la
Méditerranée orientale (4) purent enlever sans difficulté la Crète et s'y installer définitive-
ment en 827-828. Quarante navires pirates ont suffi (5) pour accomplir ce haut fait qui
créa une nouvelle situation dans la Méditerranée et influença la politique maritime de
Byzance pendant le ix e et la plus grande partie du Xe siècle.
Ainsi, faute de pouvoir incriminer de la perte de la Crète le système de défense
établi par les Isauriens, qui, pendant près d'un siècle, assura à Byzance le main-
tien de sa suprématie sur mer et la sauvegarde de son territoire, nous devons nous
tourner vers l'histoire intérieure de l'Empire pour expliquer cet événement, qui reste
intimement lié à l'attitude d'une partie du monde marin de Byzance devant l'icono-
(1) A. VASn,iEV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 49 sq. ; G. WiET, L'Egypte de la conquête arabe à
la conquête ottomane, Le Caire, 1932, p. 71-72 ; et pour la datation, cf. E. W. BROOKS, The Arab
occupation of Crète, Eng. Hist. Rev., t. XXVIII, 1913, p. 431-443 ; ,D. ZAKYTHINOS, Saint
Barbaros (en grec), Mélanges K. Amantos, Athènes, i960, p. 446, n. 3, considère comme plus
probable l'année 824, selon les renseignements des sources byzantines.
(2) THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 74 : « (La flotte arabe) ne trouva en face d'elle ni grand ni petit
navire ; les îles étaient dépourvues de leur appui maritime, leur flotte était partie à l'assaut de
Constantinople, elle aidait Thomas et naviguait avec lui. » Sur la participation de la flotte des pro-
vinces à la révolte de Thomas, cf. GÉNÉSIOS, p. 37 ; M. G.H., Legum Sectio I I I : Concilia, I I ,
pars II, p. 476 ; M. AMARI, Storia, I, p. 289, n. 1 ; et sur la construction d'une flotte par Thomas à
Lesbos et ailleurs, cf. Anal. Boll., t. XVIII, 1899, p. 231 sq. ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 55, et
p. 63-64, les effectifs de la flotte de l'Hellade et sa destruction par la flotte impériale. GÉNÉSios,
p. 46, et CONSTANTIN PORPHYROGÉNÈTE, De Administrant Imperio, I, p. 94, considèrent Thomas
comme responsable de la perte de la Crète.
(3) THÉOPHANE CONTUTOÉ, p. 63-64.
{4) A. VASn/EEV, Byzance et les Arabes, t. I, p . 53-55.
(5) Ibid., t. I, p. 55.
40 Des Isauriens aux Conmènes : Byzance face aux Arabes
clasme. L'étude, d'une part, du rôle des populations des contrées maritimes occidentales
dans les conflits liés à ce mouvement politique, social et intellectuel, qui, lors de la perte
de la Crète, entrait dans la seconde période de son histoire, et l'examen, d'autre part,
de la politique des empereurs iconodoules vis-à-vis des populations commerçantes de
ces régions, éclairent d'une manière particulière les revers que Byzance connut sur mer
dès le début du E e siècle, revers qui se soldent par la fin de son contrôle sur la Médi-
terranée et la perte de sa suprématie sur mer.
II n'est pas de notre sujet de traiter en détail la politique iconoclaste qui, poursuivie,
avec une petite interruption, pendant plus d'un siècle, essaya de changer le fondement
et l'orientation idéologiques de Byzance et malgré son échec final marqua profondément
la vie future de l'Empire. Soulignons seulement quelques-uns de ses traits caractéris-
tiques ; ils nous aideront à expliquer l'attitude de Byzance envers son appareil maritime
pendant cette période.
Avant tout, la politique des empereurs iconoclastes est animée par le souci de
défendre l'Empire, menacé sur terre et sur mer par les Arabes, définitivement installés
dans les provinces méridionales de l'Empire romain (Syrie, Palestine), où ils avaient
formé leurs États, et qui convoitaient dorénavant la région vitale de Byzance : l'Asie
Mineure. Les empereurs iconoclastes sont amenés à rechercher par tous les moyens
l'appui des populations de l'intérieur de l'Asie Mineure (Lycaonie, Phrygie, Cappadoce)
qui, exposées à la menace arabe, étaient appelées à manifester leur fidélité inconditionnée
à l'Empire et à défendre leur pays contre un envahisseur redoutable. Dans ce but la
politique iconoclaste a fait siennes les aspirations et les convictions des populations qui
constituaient l'avant-garde de l'Empire et assuraient sa défense. C'est la politique d'un
Empire micrasiatique et oriental qui tend à se libérer de l'emprise des traditions gréco-
romaines, qui animaient jusqu'alors Byzance et qui, vivaces chez les populations des
provinces occidentales, demeuraient étrangères aux populations rurales de l'intérieur
de l'Asie Mineure. Celles-ci s'étaient toujours senties mal à l'aise dans le cadre de cet
Empire romain hellénisé et christianisé qu'avait été jusqu'alors Byzance. Le sort de
l'Empire dépend maintenant de l'attachement de ces populations (les provinces occi-
dentales envahies par les Slaves sont incapables de fournir une aide contre le danger
imminent que représente l'avance arabe) et la politique de l'Empire devient à leur
image (i). Autrement dit, entre la défense de l'Occident, envahi par des peuplades étran-
(i) Cf. H. AHRWEII,ER, L'Asie Mineure et les invasions arabes, R.H., t. CCXXVTI, I, 1962,
p. 22 sq.
L'apparition des Arabes sur mer 41
(1) Cf. ci-dessous, p. 233 sq., 328 sq., la politique de Manuel I e r Comnène et de Michel VIII
Paléologue, et l'effort pour la reconquête de la Sicile et de l'Italie sous les Macédoniens.
(2) Sur les empereurs de cette période et notamment sur Michel III, cf. les travaux de
H. GRÉGOIRE, Byz., t. V, 1929, p. 327 sq. ; sur la carrière et le règne des empereurs iconoclastes,
42 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
cf. E. W. BROOKS, The Struggle with the Saracens (717-867), CM.H., t. III, 1923, p. 119-138 ;
K. SCHENK, Kaiser Léon III, Halle, 1880 ; A. LOMBARD, Constantin V empereur des Romains,
Paris, 1902 ; et pour le second iconoclasme, cf. A. VASH,IËV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 23 sq.
(1) Ce qui permet à l'empereur Léon VI d'haranguer l'armée byzantine en ces termes : « Vous
qui combattez pour la famille, les amis, la patrie et toute la nation chrétienne » : P. G., t. CVTI,
col. 949.
(2) H. AHRWEIUER, op. cit., p. 16-32.
(3) G. OSTROGORSKIJ, Gesckichte?, p. 160 sq. ; et le travail récent de P. LEMERCB, La Chro-
nique improprement dite de Monemvasie : le contexte historique et légendaire, R.E.B., t. XXI,
1963. p. 5 sq.
(4) Sur l'organisation des thèmes en Italie, cf. J. GAY, L'Italie méridionale, p. 165 sq.
(5) Ci-dessous, p. 62 sq.
(6) J. A. CRAMER, Anecdota Oxoniensia, t. IV, p. 257.
L'apparition des Arabes sur mer 43
(i) II faut aussi tenir compte de la difficulté présentée par la nature de notre documentation :
les sceaux appartenant à des fonctionnaires et officiers, commis de la marine, constituent une
source importante mais laconique, qui demande une étude critique rigoureuse, surtout en ce qui
concerne la datation. Les tactiques militaires, et notamment celles groupées sous le nom des Nau-
machica (cf. l'édition de A. DAIN, Paris, 1943 ; R. VARI, Zur Ûberlieferung mittelgriechischer
Taktiker, B.Z., t. XV, 1906, p. 78 sq., et ST. KYRIAKIDÈS, Byzantinai Mélêtai, III, Thessa-
lonique, 1937-1939, p. 21-26) traitent surtout de la stratégie à mettre en œuvre pendant les
combats navals. Les sources narratives, les historiens et, pour la période qui nous intéresse, les
chroniqueurs, se contentent du récit des batailles sans se soucier des détails concernant l'organi-
sation de la flotte, de ses cadres et de sa composition. Les sources officielles ou semi-officielles,
sceaux, taktika des dignités, les quelques inscriptions et les novelles, nous fournissent les renseigne-
ments les plus intéressants : elles demandent à être interprétées par les autres sources de l'époque ;
enfin les récits des vies des saints de cette période restent de loin la source la plus riche, surtout
en ce qui concerne les itinéraires maritimes et les communications.
46 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
(1) A titre d'exemple, cf. De Thematibus, p. 81 ; De Ceremoniis, p. 651 sq., 695 ; NicÉPHORE,
p. 73 ; THÉOPHANË CONTINUÉ, p. 55, 79 ; SYMÉON MAGISTRE, p. 623 ; ZONARAS, III, p. 245 ; THÉO-
PHANB, p. 437 ; GEORGES I,E MOINE CONTINUÉ, p. 758 ; et pour les xa6aXXapixà 6éfxaT<x : THÉOPHANE,
P- 364, 383 ; THÉODOSË DE MÉMTÈNE, p. 117 ; I,ÉON GRAMMAIRIEN, p. 171, et les passages du
De Ceremoniis mentionnés ci-dessus.
(2) Ainsi s'explique pourquoi le littoral sud de la Propontide est mentionné par le Porphy-
rogénète comme appartenant en même temps au thème de l'OpsiMon et à celui de la Mer Egée (il
était gardé par la flotte de ce thème), et pourquoi le littoral occidental de l'Asie Mineure, notam-
ment Smyrne, Adramytte et Éphèse, figure sous le thème des Thracésiens et sous celui de Samos
(De Thematibus, p. 68, 69, 81, 83) ; nous reviendrons sur cette question compliquée (cf. ci-dessous,
Appendice I) ; enfin la flotte des Cibyrrhéotes est chargée de la garde de tout le littoral sud de
l'Asie Mineure, dont une partie appartient au thème des Anatoliques : cf. P.G., t. CVII, col. 980 ;
THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 453.
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 47
(1) Connues surtout par les sources orientales : cf., à titre d'exemple, ÉVB DE NISIBB, tr.
E. W. BROOKS-J. CHABOT, C.S.C.O., p. 100 ; B. W. BROOKS, The Arabs in Asia Minor, J.H.S.,
t. XVIII, 1898, p. 45 : attaque contre I,aodicée de Syrie ; A. VASH,IEV, Byzance et les Arabes,
t. I, p. 212 sq., 218-219, 276, 315-317, 387, 389, 394, et t. II, p. 189 : attaque contre Damiette ;
à ce sujet, cf. H. GRÉGOIRE, Byz., t. VIII, 1933, p. 515-517, 524-525 ; R. RÉMONDON, A propos
de la menace byz. sur Damiette sous Michel III, ibid., t. XXIII, 1953, p. 245-250. Sur les incursions
byzantines contre les pays arabes, cf. MASÙDÏ, dans A. VASII,IEV, Byzance et les Arabes, t. II, p. 37,
et p. 43, 176, 210 sq., 381 : attaques contre les Arabes de Cilicie, de Syrie et de Palestine au
x» siècle.
(2) Cf., à titre d'exemple, THÉOPHANE, p. 432-434, 437, 446-447, ; De Administrante
Imperio, I, p. 252.
(3) THÉOPHANE, p. 391 sq. ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 123, 136 ; GÉNÉSIOS, p. 61-62.
(4) E. ElCKHOFF, Seekrieg, p. 19-21, 26-27 ; A. VASHIEV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 61-65.
(5) Sur l'effort byzantin pour se maintenir sur les côtes orientales du Pont-Euxin et pour
empêcher les Arabes de s'installer et de construire une flotte, cf. J. LAURENT, L'Arménie entre
Byzance et l'Islam, Paris, 1919, p. 18-20, 186 sq., et pour l'époque qui nous intéresse, ibid., p. 206 sq.
Des Isauriens aux Commues : Byzance face aux Arabes
pas le même danger, toutes ne présentant pas le même intérêt pour la navigation et le
commerce international de l'époque. Ainsi parmi les grandes bases frontalières de
l'Empire, importantes pour la navigation et débouchés du commerce avec les peuples
voisins, celles qui sont restées à l'écart des expéditions arabes continuent à être admi-
nistrées comme par le passé par des préfets maritimes, les è'mxpxoi, UTOxp/oi (i), praefecti,
de telle ou telle région, fonctionnaires relevant de Constantinople, les mêmes que les sources
désigneront plus tard comme archontes à la tête d'une région côtière ou d'une
ville-port (2).
Après la réforme du début du vm e siècle, nous trouvons le préfet maritime dans
les régions stratégiques qui, par leur situation géographique n'étant pas menacées par les
Arabes, ne furent pas dotées d'un appareil thématique. Par contre il disparaît des endroits
compris dans la nouvelle organisation provinciale et dont la défense maritime est assurée
par la flotte des thèmes et ses commandants. Ainsi, par exemple, le préfet maritime
de Sicile disparaît, il cède sa place au stratège du thème de cette île et au drongaire
commandant la flotte de cette circonscription (3), et disparaît aussi celui des Baléares,
de la Sardaigne, de Septem, bases perdues pour Byzance (4), tandis qu'il se maintient
dans les bases du Pont-Euxin (Bosphore, Cherson) (5), à Abydos (6), dans l'île de
Céphalonie (7), et à Thessalonique (8), pour ne citer que les cas connus par les sources
(1) Indifféremment employés l'un pour l'autre, comme le confirment plusieurs témoignages.
(2) Ci-dessous, p. 54 sq.
(3) S. BORSARI, L'administrazione del Tema di Sicilia, Rivista \storica italiana, t. LXVI,
1954, p. 133-158.
(4) Sur les incursions arabes contre les Baléares et le bassin de la Méditerranée occi-
dentale défendus alors par les Francs, cf. M.G.H., Scriptores, I, p. 104, 194; EGINHARD,
éd. DuCHESNE, p. 258 ; M. AMARI, Storia, I, p. 354-355. Sur les gouverneurs arabes des
îles de la Méditerranée occidentale, cf. Ps. I B N QUÏAYBAH, éd. GAYANGOS, Londres, 1840,
Appendice LXXXIX.
(5) Cf. Marie NYSTAZOPOUI,OU, La Chersonèse byzantine, mémoire présenté à l'École des Hautes
Études, exemplaire dactylographié. Sur l'éparque du Bosphore et ses fonctions maritimes, cf.
ZEPOS, JUS, I, p. 19.
(6) H. AHRWEH,ER, Fonctionnaires et bureaux maritimes à Byzance, R.E.B., t. XIX, 1961,
p. 239 sq. : à ajouter pour notre époque la mention dans la Vita S. Theodori Studitae, P.G.,
t. XCIX, col. 917, d'un iScp/cùv d'Abydos.
(7) M. G.H., Scriptores, I, p. 196 sq. Sur les fonctions maritimes de ce praefectus Cephaloniae,
cf. D. ZAKYÏHINOS, Le thème de Céphalonie et la défense de l'Occident, L'Hellénisme contem-
porain, 8 e année, Athènes, 1954, P- 3°4-3°5-
(8) L'archonte de Thessalonique serait à identifier à l'éparque ou hyparque de cette
ville ; P. Lemerle a démontré par ailleurs que l'éparque de Thessalonique mentionné pour la fin
du vn e siècle dans les Miracula S. Demetrii (P. G., t. CXVI, col. 1178, 1185, 1186, 1271, 1341, 1349,
1365, 1368, etc.) n'a rien à voir avec l'éparque d'Illyricum, qui résidait par ailleurs à Justiniana
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 49
du vni e siècle qui nous sont parvenues. Nous continuons, autrement dit, à trouver le
préfet maritime à la tête d'une escadre dans telle ou telle base qui, soit par son importance
pour le contrôle de la navigation et les échanges internationaux, soit par sa situation
géographique et historique (base frontalière, isolée et lointaine, ne pouvant pas être
défendue par le nouveau complexe militaire des thèmes, qui ne couvre pas encore tout
le territoire impérial), bénéficie, aussi longtemps que cela est jugé nécessaire (la situation
maritime lors de l'antagonisme arabo-byzantin restant extrêmement changeante), de la
présence des détachements envoyés par le centre et relevant directement de Constan-
tinople. Avec l'établissement du régime des thèmes l'institution des préfets maritimes,
commandants des bases importantes, recule sans être supprimée. Elle connaîtra, nous
le verrons, un essor particulier aux Xe et XIe siècles avec la nouvelle période de paix
maritime et l'expansion des échanges internationaux. Nous retrouverons alors le préfet
maritime sous le titre d'archonte de telle ou telle région et plus fréquemment de telle
ou telle ville (port) assumant toujours les mêmes fonctions (1), c'est-à-dire le contrôle
de la navigation et du règlement du commerce international, et surveillant avec sa flotte
les eaux territoriales de l'Empire.
Au VIIIe siècle, où la flotte d'intervention se développe et aussi la lutte arabo-byzan-
tine pour la maîtrise dés mers, les officiers qui servent dans la flotte de bataille placent
progressivement sous leur contrôle les régions et les bases nécessaires au déroulement
des opérations contre les Arabes et à la défense du territoire impérial. Le littoral fréquenté
par les flottes arabes ou jalonnant l'itinéraire emprunté par les flottes byzantines opérant
contre les premières (régions et stations qui ne coïncident pas obligatoirement avec les
Prima, comme nous le dit explicitement une novelle de Justinien I e r (éd. ZACHARIÂ V. LINGËNTHAI,,
I, p. 115 sq.) : Thessalonique était de son ressort mais n'était pas sa capitale (cf. P. LEMERI.E,
Invasions et migrations dans les Balkans, R.H., t. CCXXI, 2, 1954, P- 2f>2 sq.) : l'archonte
de Thessalonique doit être considéré comme l'éparque d'une ville maritime, fonctionnaire men-
tionné depuis le règne de Théodose I e r jusqu'au xi« siècle : cf., pour les fonctions de l'éparque,
JEAN LYDOS, De Magistratibus, p. 60 : « La fonction de l'éparque est équivalente à celle
du poliarchos qui s'appelle hyparque » ; pour les mentions de l'éparque-hyparque de Thessa-
lonique, cf. THÉOPHANE, p. 72 ; CASSIODORE, Variae, M. G.H., t. XII, X, p. 35 ; THÉODORE
STOUDITE, P.G., t. XCIX, col. 917; ST. KYRIAKIDÈS, Byzantinai Mélétai, II, Thessalonique,
1937-1939, p. 17 sq. ; V. LAURENT, Orghidan, n° 238, p. 128-129 ; F- DÔI<GER, Schatzkammern,
n° 58 ; version latine des sources géorgiennes publiées par P. PEËTERS, Anal. Boll., t. XXXVI,
1922, p. 28, et ibid., t. XXXII, 1913, p. 253 : en conclusion il nous semble qu'il faut attribuer à
l'éparque de Thessalonique les mêmes fonctions qu'aux archontes des villes maritimes, les
abydikoi du x e -xi e siècle (cf. ci-dessous, p. 57 sq., 101) ; sur les mentions des archontes et des
abydikoi de Thessalonique, cf. V. LAURENT, Orghidan, p. 141, n° 262 ; et le sceau d'un archonte
(sceau inédit du musée de Vienne) que nous signale le Père V. Laurent.
( 1) Ci-dessous, p. 5 7 sq., bases frontalières placées sous des archontes pendant les rx°-x e siècles,
et p. 101-102, l'importance des archontes des villes maritimes pendant le XIe siècle.
II. AHBWEILER
50 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
bases importantes des périodes précédentes, dont l'intérêt était dû au trafic international
et non pas à des raisons militaires) fut constitué en circonscriptions maritimes gouvernées
selon le nouveau régime des thèmes : c'est là que furent créés les premiers thèmes pure-
ment maritimes et les drongariats, circonscriptions moins importantes que les thèmes,
mais aussi indépendantes dans leur administration, civile et militaire, que ceux-ci.
Les côtes méridionales de l'Asie Mineure avec les îles voisines, exposées depuis la
création de la flotte arabe à la piraterie sarrasine, furent les premières à bénéficier de
la présence d'un détachement de la première flotte régulière d'intervention, c'est-à-dire
de la flotte des karabisianoi. Elle comptait parmi ses équipages, nous l'avons vu (i),
des marins recrutés dans cette région, des Cibyrrhéotes, et des Mardaïtes, marins
réputés (2) installés en Pamphylie par Justinien II (3), empereur qui s'occupa
tout particulièrement de la puissance navale de Byzance. Le drongaire des Cibyrrhéotes,
attesté au VIIe siècle, officier subalterne des karabisianoi, assumait sûrement le comman-
dement de l'escadre stationnant sur les côtes isauriennes et pamphyliennes, notamment
à Corycos (Cilicie), comme le laisse entendre le patriarche Nicéphore et comme le
confirme l'emploi du nom kourikiôtai au lieu de celui de Cibyrrhéotes (4).
La dissolution du commandement des karabisianoi fut suivie par la création de
plusieurs commandements maritimes indépendants et placés, chacun selon son impor-
tance, sous les ordres d'un drongaire ou d'un stratège, officier moins important que le
stratège des karabisianoi (qui est en voie de disparition), même si, comme lui, il porte le
titre et le grade de stratège. N'oublions pas, en effet, que le stratège des karabisianoi
assumait le commandement suprême de l'ensemble de la flotte d'intervention dont dis-
posait alors Byzance, indépendamment du lieu de stationnement de ses escadres. A la
suite de la réforme de Léon III (5), le plus important détachement de la flotte régionale,
celui qui était chargé de la garde des côtes micrasiatiques, se plaça sous les ordres d'un
stratège appelé, du nom de la région qui fournissait ses effectifs, le stratège des Cibyr-
rhéotes (1). La région gardée par la flotte commandée par le stratège des Cibyrrhéotes
forma une circonscription indépendante de l'administration provinciale. Sa population
participa dorénavant à l'entretien et à l'armement de cette flotte, quifinitpar être désignée
du nom de Cibyrrhéotes, terme alors géographique, se rapportant à la région et à sa
population (2). Le premier thème maritime de l'Empire, le thème des Cibyrrhéotes,
englobant les côtes méridionales de l'Asie Mineure et les îles voisines, unité administra-
tive à part sous les ordres d'un stratège gouverneur civil et militaire, fut ainsi créé, vrai-
semblablement par Léon III. C'est alors qu'une flotte thématique proprement dite,
c'est-à-dire équipée, armée et entretenue par la population des régions (thèmes) qu'elle
protège, fut véritablement créée. On ne manquera pas de souligner l'aspect économique
que cette mesure présente pour le budget militaire de l'Empire, et l'esprit d'autodéfense
qu'elle suscite parmi les populations des régions soumises au régime des thèmes.
Des détachements moins importants de la flotte régionale sont placés sous les ordres
de drongaires et même de tourmarques. Les drongaires de la Mer Egée, des Douze
Iles (3), de Sicile (4), mentionnés maintenant, et le tourmarque des Helladiques disposent
d'une flotte (5) ; le tourmarque du plotmon de Céphalonie (6) et, vraisemblablement, celui
du Péloponnèse, connu par des sceaux datés du v m e siècle (7), sont des officiers de la
flotte stationnant dans ces régions (8). On ne saurait préciser dans quelle mesure les
(1) Manès, commandant une flotte qui fait naufrage dans l'Adriatique, est le premier
stratège connu des Cibyrrhéotes (THEOPHANE, p. 410) ; sur le nom des Cibyrrhéotes, cf. les
remarques d'A. PERTUSI, Costantino Porfirogenito, De Thematibus (Studi e Testi, 160), Vatican,
1952, p. 149-153-
(2) Intéressantes de ce point de vue les mentions de la x " P a des Cibyrrhéotes (NICÉPHORE,
p. 40) et, plus tard, de Kibyrra comme nom de toute la région englobée dans le thème {R.H.C.,
Historiens grecs, t. II, p. 746, 766 ; THEOPHANE CONTINUÉ, p. 367 ; etsurtoutDe Thematibus, p. 79 :
K[6uppa TcéXtç èxEtvrç, èÇ ?jç xcd TÙ 6£(ia -rrçv... ôvojiaatav èxX7]pov6(A7]aev).
(3) Pour les drongaires de la Mer Egée et des Douze Iles, cf. ci-dessous, p. 76-81.
(4) Pour l'administration du thème de Sicile, cf. S. BORSARI, I/administrazione del tema di
Sicilia, Rivista storica italiana, t. LXVI, 1954, P- I 33" I 5^, et listes de fonctionnaires en appendice.
(5) THEOPHANE, p. 405 ; sceau d'un tourmarque d'Hellade, daté du vm° siècle par
G. SCHE,UMBERGER, Bulles inédites, R.E.G., t. II, 1889, p. 246.
(6) V. LAURENT, Les sceaux byzantins du médaillier Vatican, Vatican, 1962, p. 94-98, n° 96 :
longue note sur l'importance maritime de Céphalonie ; pour les autres mentions du tourmarque
de Céphalonie, cf. D. ZAEYTHINOS, Dioikètihè diairésis, E.E.B.S., t. XVII, 1942, p. 40 (tiré à part).
(7) G. SCHOTMBERGER, Sigillographie, p. 179 ; B. PANÈENKO, Catalogue, I.R.A.I.K., t. XIII,
1908, p. 101, 140 ; Corinth XII, n° 2717 ; à ajouter pour le Xe siècle la mention d'un tourmarque
du paralios (côtes) en Péloponnèse, à la tête d'une flottille : De Ceremoniis, p. 665 ; et le tour-
marque de kathodos (en Hellade ou en Péloponnèse) connu par son sceau : G. SCHJVUMBERGER,
Sigillographie, p. 193.
(8) I<e tourmarque servant dans des régions constituées en thèmes (non maritimes) est
à la tête de la flottille stationnant dans les thèmes placés sous le stratège, gouverneur général de
52 Des hauriem aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
la province-thème, sous les ordres duquel il se trouve : nous préciserons davantage les rapports
de ces officiers (tourmarque maritime-stratège) à l'aide des sources concernant les périodes
ultérieures : cf. ci-dessous, p . 81-85.
(1) Les marins de ses équipages sont des taxatoi (formant les rccÇeiç = inscrits sur les rôles),
marins de métier, servant dans les diverses provinces, indépendamment de leur lieu d'origine :
tels par exemple les Mardaïtes de l'Occident : cf. De Ceremoniis, p . 656 sq. ; sur les taxatoi du
Péloponnèse et de l'Opsikion, cf. THEOPHANE, p . 385 ; et THEOPHANE CONTINUÉ, p . 311.
(2) Cf. ci-dessus, p. 32, 34.
(3) Cf. ci-dessus p. 12, n. 4, et ci-dessous, Appendice I I I ; et à titre d'exemple : pour Chypre,
P. G., t. CVTI, col. 1072 ; NICÉPHORE, p . 64 ; CEDRENUS, I I , p. 9, etc. ; pour Rhodes, ZONARAS,
III, p. 245 ; et A. VASIWEV, Byzance et les Arabes, t. I I , p. 39 ; pour Phoenix de Lycie, THEOPHANE,
p. 385 ; ZONARAS, I I I , p. 218 ; pour Lampsaque, GÉNÉSios, p. 37 ; et NICOLAS MYSTIKOS, P. G.,
t. CXI, col. 301 ; pour Chalcédoine, P.G., t. C, col. 1088 ; pour les îles du nord de la mer Egée
(Lemnos, Imbros, Thasos, Samothrace), CEDRENUS, I I , p. 262 ; THEOPHANE CONTINUE, p. 367 ;
pour Phocée, CEDRENUS, I I , p. 427 ; pour Phygéla, THEOPHANE CONTINUÉ, p. 475 ; SYMEON
MAGISTRE, p. 759 ; et Vie de saint Pierre d'Atrôa, éd., V. Laurent, p . 149 ; pour
Karpathos, Phygéla et les îles entre les côtes micrasiatiques et la Crète, De Ceremoniis,
p. 658 (Phygéla), p. 665 (Karpathos) et p. 678-679 ; B.Z., t. X, 1901, p. 159 (Ios), etc. Sans
mentionner ici les régions qui ont constitué une circonscription maritime désignée par leur
nom, ajoutons à cette petite liste les endroits au nom significatif de Chiliarménon, dans la région de
Cyzique, N. Hell., t.1,1904, p. 85 sq., d'Arménadés et de Karabostasi à Céphalonie, M.M., V, p. 50,
56-57, où la présence de la flotte fut souvent signalée, et le témoignage d'EDRisi, Géographie
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 53
La réforme de Léon III marque le point final du procédé utilisé par Byzance pour
posséder régulièrement une flotte de guerre permanente et pour élaborer l'administration
de ses districts maritimes. Ainsi les institutions administratives et militaires concernant
l'armée de mer mises en œuvre pendant la seconde moitié du vm e siècle témoignent-
elles de l'organisation navale de l'Empire pour toute la période qui s'étend du vin 6
au XIe siècle, période caractérisée par les luttes arabo-byzantines sur mer et durant laquelle
Byzance entretient une flotte d'intervention régulière. Dans une large mesure les insti-
tutions appliquées au vm e siècle et concernant d'une part le commandement de diverses
formations navales, d'autre part l'administration des bases et des districts maritimes,
gardent tout au long de la période où Byzance posséda une flotte régulière leurs caracté-
ristiques fondamentales. Elles forment la charpente de toutes les réorganisations des
forces navales effectuées depuis lors. Dans leurs lignes générales elles restent valables
pendant toute la longue période où Byzance joue, en tant que puissance maritime, un rôle
décisif dans les affaires méditerranéennes.
Aussi, pour tracer un tableau du commandement maritime de Byzance et pour mieux
suivre l'histoire et l'évolution de ses institutions, interrogerons-nous les sources de
diverses périodes, en prenant garde toutefois de les examiner dans leur ordre chronolo-
gique et de noter les changements que telle ou telle situation apporte à l'application de
ces institutions. Notons tout de suite que les modifications qu'on constate dans le fonc-
tr. A. JAUBERT, II, p. 298, pour Héraclée. De même le nom de certains navires, tel par exemple
•pamphylos, ou l'indication de leur origine ou de l'origine de leur équipage, nous semblent, de ce
point de vue, significatifs : à titre d'exemple notons la mention de galéai de Karpathos, des TtXoïa
6ouxeXXapixà, taaupixâ, XEpacûviTûiv, 'Paouaodcov, 7tXaYtTtxà IIÔVTOU, des chélandia de Paphla-
gonie, des équipages composés de Panormitai, et plus tard de Tarantinoi, de Korfitianoi, de
Sténitai (habitants des détroits du Bosphore), de Kourikiôtai, sans compter bien sûr les Mardaïtes,
les Opsikianoi, les Cibyrrhéotes, les Russes, les Toulmatzoi, etc. Sur tous ces points, cf. surtout
De Ceremoniis, p. 651 sq. ; De Administrando Imperio, I, p. 246 sq., 286 sq., et II, Commentaire
des chapitres, 42, 51, 53 ; THËOPHANE CONTINUÉ, p. 123 ; Acta SS., Nov., IV, p. 639 ; CEDRENUS, II,
P- 499 ; J- CRAMER, Anecdota Oxoniensia, t. III, p. 172 ; et ci-dessous, Appendices I-III.
54 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
d'une ville, et dont il porte le nom dans sa titulature. Essayons de préciser la juridiction
de l'archonte régional, en utilisant avec une extrême précaution les renseignements fournis
à ce sujet par les sources narratives. Néanmoins ces renseignements sont les seuls qui
nous aident à interpréter les mentions laconiques (simple mention du poste géographique)
concernant les archontes régionaux et fournies par les sources d'usage administratif.
La mention des archontes régionaux, fréquente surtout en sigillographie, a souvent
préoccupé les éditeurs de sceaux. Schlumberger et Pancenko soulignent la carence de
nos connaissances en ce qui concerne la juridiction de ces fonctionnaires et leur rôle
dans les provinces (1). Stadtmiiller, pour une période plus récente il est vrai (xn e -
xm e siècles) et à propos de la mention de ces fonctionnaires dans une source littéraire,
a vu dans les archontes des représentants de l'organisation municipale exerçant des
tâches policières (2). Afin d'éviter toute confusion précisons les points suivants : a) Le
fonctionnaire dont nous allons nous occuper est connu comme àp^wv (seulement au
singulier) de telle région et, plus tard, de telle ville ; la mention des &PXOVTS<; (3) (toujours
au pluriel) d'une ville ne concerne point notre fonctionnaire, seul à porter ce titre dans
la région ou la ville où il exerce ses fonctions, b) Le fonctionnaire byzantin portant le
titre d'archonte de telle région ou de telle ville, et qui figure en tant que tel dans une
liste des dignitaires-fonctionnaires, cadres de radministration impériale (le tàktikon
Uspenskij), n'a rien à voir avec ses homonymes à la tête de diverses peuplades étrangères
installées dans l'Empire (4), ni avec les gouverneurs des régions limitrophes de l'Empire
même, LeSakadans les traités militaires, B.Z., t. XLIV, 1951, p. 94-96 ; ACHMET, Oneirocriticon,
p. 39 ; J. BTJRY, Administrative System, p. 95-96, 141). Les responsables de bureaux administratifs
indépendants portent quelquefois les titres de katépanô ou de prokathèménos de tel ou tel bureau ou
service, titre alors équivalent à celui d'archonte ; ces trois titres attestent l'indépendance,
l'autonomie administrative de leur service : ils sont portés par des fonctionnaires attachés au
centre, et plus particulièrement à l'empereur.
(1) G. SCHtUMBERGER, Sigillographie, p. 442-443 ; B. PANâENKO, Catalogue, I.R.A.I.K.,
t. VIII, 1902, p. 231-232.
(2) G. STADTMOIABR, Michael Chômâtes, Metropolit von Athen ( = Orientalia Christiana,
Analecta, t. XXXIII, 2, 1934), n° 91, p. 147 ; S. LAMPROS, Ai 'AO^vai xarà xà TÉXY] TOÛ StùSsxâxou
OCUÙVOÇ, Athènes, 1878, p. 25, n. 1, considère ces mêmes archontes comme des autorités locales.
(3) Ces mentions sont fréquentes surtout au x n e siècle : elles sont liées à l'administration
locale des villes : cf. p. ex. la mention des AuppaxiTca et KoAoùvEiâTat. écpxovTeç, dans un acte
patriarcal du x n e siècle (RAIJ,ÈS-POTI,ÈS, Syntagma, t. V, p. 103-104) ; à rapprocher des archontes
d'Athènes mentionnés par Michel Choniate, et vraisemblablement de l'archonte de Prespa, men-
tionné par THEOPHYLACTE, P.G., t. CXXVI, col. 469, bien que ce dernier, mentionné au singulier
et pour une période antérieure, pourrait être compté, nous le verrons, parmi les archontes à la
tête d'une ville et connus surtout pour les x e -xi 8 siècles : cf. ci-dessous, p. 101.
(4) Ils sont désignés comme archontes d'un groupe ethnique et non d'une région ; le territoire
de la peuplade placée sous l'archonte est désigné du nom A'archontia ; cf. archonte des Valaques,
56 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
qui, pour des raisons diverses, ont été obligés d'établir des rapports de dépendance
vis-à-vis de Byzance.
Précisons le statut de ces archontes « vassaux » qui, mentionnés pour la même
période que les fonctionnaires byzantins de ce nom, et désignés du nom géographique
de la région qu'ils gouvernent, risquent de provoquer une méprise dans l'étude des
fonctions des archontes régionaux byzantins (i). A la suite de l'expansion byzantine
pendant les x e -xi e siècles, et notamment après l'annexion de l'Arménie et de la Géorgie
et la consolidation de la présence byzantine en Dalmatie et en Longobardie, régions
gouvernées jusqu'alors par des toparques, princes locaux indépendants, Byzance a
réussi, grâce à une diplomatie habile, à imposer son autorité aux gouverneurs indépendants
de ces régions limitrophes de l'Empire. A la suite des accords avec Byzance, ils reconnais-
sent l'autorité impériale, et assument des obligations militaires et économiques envers
l'Empire, tout en restant maîtres de leur territoire. Les régions qu'ils gouvernent consti-
tuent ce que les sources de l'époque appellent les x " P a t de Romanie, par opposition aux
thèmes de Byzance (2) (territoire de l'Empire, provinces soumises à l'administration
byzantine). Ces « princes » vassaux reçoivent des missives impériales, des xeXeiiaeiç (3),
et non pas des chrysobulles, réservés en principe aux relations avec les pays indépendants
de Byzance. Les Byzantins les désignent comme archontes de leur territoire, appelé,
selon les habitudes en usage dans ces régions, archontia (en Arménie-Géorgie), zoupania
(en Dalmatie), ou pringkipaton (en Italie) (4). Une liste de ces gouverneurs régionaux nous
est fournie par le Porphyrogénète, à propos des usages de la chancellerie impériale, dans
sa correspondance avec les étrangers, chefs de pays indépendants de Byzance ou soumis
à l'autorité impériale (i). Leur présence dans cette liste montre d'une manière évidente
qu'ils ne font pas partie des cadres administratifs de l'Empire, bien qu'ils portent souvent
des titres nobiliaires byzantins ; il ne faut en aucune manière les confondre avec les
fonctionnaires byzantins désignés également comme archontes d'une région ou d'une
ville située dans les thèmes de Byzance, dans les provinces impériales.
La nature des sources d'après lesquelles nous connaissons l'existence des archontes,
fonctionnaires byzantins en service dans les provinces, les sens multiples du terme
archonte, le nombre et la diversité des services et des bureaux dont le responsable est
désigné par le terme archonte (terme équivalent alors à prokathèménos, à képhalè ou à
katépanô également employés dans ce cas) rendent difficile l'étude de la nature des
fonctions assumées par l'archonte à la tête d'une région ou d'une ville. Notons seulement
que le terme archonte désigne dans l'administration le chef, le responsable d'une branche
formant une unité autonome sans rapport avec les autres services de même nature ou,
dans le cas des archontes à la tête d'une ville, du même ressort géographique.
Avant d'interroger les sources sur la juridiction des archontes qui nous occupent ici,
établissons une liste de ces fonctionnaires en suivant l'ordre chronologique de leur mention
dans les sources : Sténa (détroits du Bosphore et détroits de l'Hellespont), Cherson, Malte,
Crète, Chypre, Chaldie, Durazzo, Dahnatie, Hellade, Macédoine ( ?), Chios, Bulgarie,
Lykostomion, Chrèpou, Bagénétia, Débeltos, Panion, Christoupolis (ou Chrysopolis),
Thèbes, Athènes, Corinthe, Patras, Sinope, Païenne, Calaris, Rhodes, Strobylos (2),
(1) De Ceremoniis, p. 686 sq., chap. 48. Des sceaux dans G. SCHI,UMBERGER, Sigillographie,
p. 276, 311-312, 433, etc., et note sur ces archontes, p. 442-443.
(2) Cf. les mentions réunies dans R.E.B., t. XIX, 1961, p. 240 sq. ; à ajouter P.G., t. XCIX,
col. 917 (Sténa-Abydos). NICÉPHORE, p. 4 4 ; USPEKSKIJ, Tahtikon, p. 124; B. PAN&ËNKO,
Catalogue, I.R.A.I.K., t. VIII, 2, 1903, p. 232 (Cherson). G. SCHMJMBERGER, Bulles médites,
R.E.G., t. XIII, 1900, n° 203 (Malte). USPENSKIJ, Taktikon, p. 119 ; des sceaux appartenant à
des archontes de Crète, dans Ph.S.K., t. XVII (supplément), 1883, p. 152 (Crète). USPENSKIJ,
Tahtikon, p. 124 ; PHOTIUS, Correspondance, éd. VALETTAS, n° 213, p. 527 ( = V. GRUMEL,
Regestes, n° 534) ; De Ceremoniis, p. 657, 660 (Chypre). USPENSKIJ, Taktikon, p. 123 (Chaldie).
Ibid., p. 124 (Durazzo). Ibid., p. 124, 126 ; Corinth XII, n° 2697 (Dalmatie). N. BEBS, Zur Sigil-
lographie d. byz. Themen Peloponnes und Hellas, Viz. V»\,t. XXI, 1914, p. 202 : archonte d'Hellade
et Thibètôn ; K. KÔNSTANTOPOULOS, Byz. Molybdoboulla, n° 49, p. 16 ; G. SCHI,TJMBERGER,
Mélanges d'Archéologie byzantine, 1.1, Paris, 1895, p. 201 ; D. ZAKYTHINOS, Dioikètikè Diairésis,
E.E.B.S., t. XXI, 1951, p. 145-146 (t. à p.) : faut-il expliquer le nom barbare du propriétaire de ce
sceau, Dargeskabos, par une origine mardaïte, ces marins servant aussi en Occident, ou par une
origine slave ? Dans ce dernier cas ce serait un archonte sclavène (THEOPHANE, p. 473). (Hellade).
V. LATJRBNT, Sceaux byzantins, E.O., t. XXVIII, 1928, p. 438-439, n° XIX (ni le premier
58 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
Rôsia (le port de la Tauride, près de Matracha) (i), Nauplie, Argos, Thessa-
lonique (2), Skyros, Éphèse, Smyrne (3), et certaines villes non identifiées : Kpia>T<x6poç
(Kpicoç-Taupoç)j Aî6iXtTai (plutôt peuplade), 'Ay(o)uvT(iov) (4). Cette liste, forcément
incomplète, peut s'allonger considérablement par la publication de nouveaux sceaux
ou un dépouillement complet des sources concernant ce sujet (5). Elle permet toutefois
éditeur, E.O., t. IX, 1906, p. 215-216, ni V. Laurent ne proposent de date pour ce sceau mutilé) :
la lecture MocxsSovîaç reste incertaine (Macédoine). PHOTIUS, Lexicon, dédicace (Lykostomion).
G. SCHI,UMBBRGER, Sigillographie, p. 196 ; V. LAURENT, Orghidan, p. 110-111, n° 204 (sceau daté
du IXe siècle) (Chios). G. MORAVCSIK, Byzanlinoturcica-, t. I, p. 504-505 ; cf. ci-dessous, p. 87-89,
l'interprétation de ce sceau, daté du IXe siècle (Bulgarie). De Ceremoniis, p. 657 ; N. SvORONOS,
Recherches sur le Cadastre byz. : le cadastre de Thèbes, B.C.H., t. LXXXIII, 1959, p. 72, n. 2
(Chrèbou). D. ZAKYTHINOS, Dioikètikè Diairésis, E.E.B.S., t. XXI, 1951, p. 140-147 (t. à p.)
(Bagéneiia). G. SCHMJMBERGER, Sigillographie, p. 112-113 ; B. PANCENKO, Catalogue, I.R.A.I.K.,
t. XIII, 1908, p. n i (Dcbeltos). G. SCHLUMBERGER, Sigillographie, p. 114; on ne saurait dire
d'après l'abréviation adoptée, pour le nom de la ville sur le sceau de son archonte, s'il s'agit de
Chrysopolis, en face de Constantinople, ou de Christoupolis = Kavalla : la mention sur un sceau
d'un chartulaire de Chrysopolis, B. PANCENXO, op. cit., p. 102, fait plutôt penser à la ville du
Bosphore ; notons cependant que la date de notre sceau, Xe siècle d'après Schlumberger, n'exclut
pas une mention de Kavalla, qui acquiert à ce moment de l'importance (Christoupolis). G. SCHMJM-
BERGER, Sigillographie, p. 160 (Fanion). N. BEES, op. cit., p. 204, n° 21 ; N. SvORONOS, op. cit.,
p. 72. A rapprocher la mention de l'archonte de l'Hellade et Thibètôn, N. BEES, op. cit., p. 202,
n° 20 ; V. LAURENT, Orghidan, p. 127, n° 236 (Thèbes). G. SCHLUMBERGER, Sigillographie, p. 170 ;
du même, Sceaux inédits, R.E.G., t. VII, 1894, p. 319, n° 100 ; D. ZAKYTHINOS, Dioikètikè Diai-
résis, E.E.B.S., t. XVII, 1942, p. 64-65 (t. à p.) (Athènes). Corinth XII, n° 2695, 2723 (Corinthe).
Ibid., n° 2705 (Patras). B. PANCENKO, op. cit., I.R.A.I.K., t. VIII, 2, 1903, p. 231-232 (Sinope).
G. SCHLUMBERGER, Sigillographie, p. 215 (Palerme). Ibid., p. 222-224 ; etB. BESTA, La Sardegna
Medioevale, Palermo, 1908-1909, p. 48-50 (Calaris). G. SCHLUMBERGER, Mélanges d'Archéologie,
Paris, 1895, t. I, p. 207 (Rhodes). Corinth XII, n° 2727 (Strobylos).
(1) N. LIKHACEV, Matériaux pour l'étude de la sphragistique byzantine et russe (en russe), Pétro-
grad, 1928, p. 134-135 : sceau de Mouzalônissa, àp/ôvnaca 'PCÙCÎCCÇ ; cf. aussi G. SCHE/UMBERGER,
Sigillographie, p. 432-433. Pour l'attribution de ce sceau à la femme du prince russe Michel-Oleg,
connu comme propriétaire d'un autre sceau mentionnant Miyjxr[k Spxwv Maxpâxov, Zi/îa?
xal Trâcr/jç XaÇaptaç, cf. A. SOVWIEV, Domination byzantine ou russe au nord de la mer Noire
à l'époque des Comnènes ?, Akien d.XI. intern. byzant. Kongresses 1958, Munich, i960,
P- 578-580 ; notre sceau est daté du xi c siècle. Michel est, à notre avis, un de ces princes « vassaux »
dont nous avons analysé le statut d-dessus, p. 56 ; il porte le titre d'archonte, comme les autres
gouverneurs de l'Ibérie, Géorgie, etc. (cf. De Ceremoniis, p. 687-688) ; son territoire englobe les
|..;), régions qui figurent dans son sceau, d'où le nom de Rôsia est absent : il ne faut pas, à notre
avis, lier les sceaux de Michel, archonte de Matracha, Zichie et de toute la Chazarie, avec le sceau
, de Théophanô Mouzalônissa, archontissa de Rôsia, ni chercher en la personne de cette dernière
! l'épouse d'origine byzantine de Michel-Oleg. A notre avis, Mouzalônissa est la femme d'un Mou-
1 zalôn qui n'est peut-être qu'un archonte de Rôsia ; il nous semble certain (nous en voyons la confir-
i!
,, (Voir suite des notes, page suivante.)
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 59
mation dans le nom du personnage, dans la date du sceau et dans la mention de Rôsia, qui ne
peut être autre que la ville de ce nom) que nous avons là une mention de l'existence de ce fonc-
tionnaire byzantin à la tête de cette ville-port, que Byzance a tenu, pour des raisons que nous
examinerons plus loin, à contrôler directement.
(2) Sceaux d'un archonte de Nauplie et d'Argos, communiqués par le Père V. Laurent ; à
remarquer que Nauplie et Argos ont formé dans le XIIe siècle une circonscription à part, le horion de
ce nom : sur la nature maritime de cette circonscription, cf. H. AHRWEHER, Recherches, p. 77, n. 5,
et ci-dessous p. 277-279 ; signalons que nous connaissons des horia de : Thèbes, Athènes, Corinthe,
Patras, villes attestées sous un archonte pendant les xi e -xu e siècles. Pour Thessalonique, cf.
ci-dessus (éparque), p. 48 ; sur Vabydikos de cette ville, cf. V. LAURENT, Orghidan, p. 141, n° 262.
(3) Skyros : acte inédit de Lavra (photo du Centre de Civilisation et d'Histoire byzantines, Sor-
bonne) ; Thessalonique, Éphèse {= ©EoXôyoç), Smyrne : sceaux communiqués par le Père V. Laurent.
(4) Sceaux communiqués par le Père V. Laurent ; la ville de KpiÛTOtôpoç rappelle étrangement
le nom des deux bateaux xpiôç et Taûpoç employés dans l'antiquité : Naumachica, p. 66.
(5) Signalons que plusieurs sceaux appartenant à des archontes ne signalent pas le nom de
leur poste (cf., à titre d'exemple, V. LAURENT, Orghidan, Index, s.v. Sp/cov ; N. LIKHACEV, op. cit.,
p. 134-135 ; G. SCHI,UMBERGER, Sigillographie, p. 170 ; Corinlh XII, n° 2710, etc.) ; même habi-
tude pour les abydikoi (cf. p. ex. V. LAURENT, op. cit., Index s.v. à6'j8ix6ç) ; pour les mentions sans
précision géographique dans les documents, cf. N. SVORONOS, op. cit., Index s.v. âp/cov et àêu8tx6ç.
Plusieurs sceaux portant des indications géographiques n'ont pu être identifiés (cf. p. ex. N. BEES,
op. cit., p. 205, n° 22, et K. KÔNSTANTOPOUI,OS, Byz. Molybdoboulla, p. 181, 185). Notons
enfin que nous n'avons pas fait figurer dans cette liste les sceaux des archontes = princes « vas-
saux » de Byzance : tels p. ex. ceux de Dioclée (G. SCULUMBERGER, Sigillographie, p. 433),
de Hagios Stauros (ibid., p. 276) et de Kolôneia (B. PANÈENKO, Catalogue, I.R.A.I.K., t. IX, 1904,
p. 367 : le nom du propriétaire de ce sceau, Grégoire, nom typiquement géorgien, nous fait penser
qu'il s'agit de Kolôneia d'Arménie et non pas de la ville voisine de Durazzo).
6o Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
et dont le territoire, ceci est important, se trouve quelquefois entre des mains enne-
mies ; tel est le cas pour la Crète, pour Chypre, et évidemment pour la Bulgarie du
IXe siècle. Remarquons que l'occupation d'un territoire byzantin par les ennemis de
'"N Byzance, occupation de courte ou de longue durée, ne suppose pas obligatoirement
l'établissement de la part de l'occupant du contrôle de la mer qui baigne le territoire
i investi, surtout au moment et dans le cas où une flotte de haute mer, telle par exemple la
| flotte impériale, pouvait visiter les eaux territoriales de ces régions et contrôler ainsi la
| navigation et les communications internationales.
Essayons maintenant d'examiner les quelques sources narratives mentionnant les
;
archontes-fonctionnaires en province, et de réunir les renseignements qu'elles nous four-
nissent sur leur juridiction. Nous avons analysé ailleurs (i) les fonctions de l'archonte des
Sténa de PHellespont et du Bosphore (Abydos-Hiéron). A la tête d'une flottille composée
d'au moins cinq dromons (retenons la nature des navires), il surveille le mouvement
des bateaux vers Constantinople ou vers le Pont-Euxin. Il effectue le contrôle des
voyageurs (contrôle des « passeports »), notamment de ceux qui se rendent à l'étranger,
et des cargaisons afin d'empêcher l'exportation des articles prohibés et des armes. Bref
il est chargé de la surveillance des eaux territoriales de l'Empire, pour employer un
terme actuel, et du contrôle des communications maritimes avec l'étranger. La présence
. de cet officier à Abydos est signalée jusqu'à la fin du Xe siècle. Pour le Xe siècle, les
/ archontes de Chrèpou et de Chypre sont mentionnés à propos des expéditions maritimes
contre les Arabes de Crète, expéditions qui mobilisèrent toute la force navale de l'Empire.
Notons que dix dromons sont fournis et équipés à l'occasion de ces expéditions par
l'Hellade (2), circonscription dans laquelle se trouve Chrèpou, et que l'archonte de
Chypre assume la même tâche que les commandants marins (3), le Kibyrrhéôtès (stratège
du thème maritime des Cibyrrhéotes) et le katépanô des Mardaïtes d'Attalée (commandant
du corps d'élite de la flotte thématique des Cibyrrhéotes). Il est, en outre, chargé d'empê-
cher le passage des suspects en Syrie ; il doit autrement dit contrôler les voyageurs, tâche,
nous l'avons vu, exercée aussi par l'archonte des Sténa. De même l'archonte d'Athènes,
appelé d'une manière éloquente ' A0v)vapx.O(; (donc seul à porter le titre d'archonte de cette
ville), est chargé de la délivrance de l'autorisation de voyage à des étrangers qui, venant
d'Occident, se dirigent vers Constantinople après avoir fait escale au Pirée (4). Rappelons
à ce propos qu'à Corinthe, où un archonte est mentionné, le fonctionnaire appelé par un
texte hagiographique o TT]V èm^éXsiav -rcov Xifiévtov smT£Tpa|i.[Aévoç empêche, aumoment
(1) Sur tous ces points, cf. les tactiques militaires, notamment celles de Léon VI, P. G., t. CVII,
col. 680 sq.
(2) La mention sur une inscription d'un drongaire de Kolôneia (cf. Studia pontica, II, p. 296 ;
P. TRIANTAPHYIAIDÈS, Pontiaka, Athènes, 1866, p. 114-115; Ph.S.K., t. XVII, supplément,
1883, p. 135) n'infirme pas cette opinion. Le drongaire est en exercice dans cette région avant
qu'elle ne soit érigée en thème : il est véritablement le chef de l'armée qui y stationne et peut aussi
être désigné comme dux de cette région (cf. H. AHRWEHER, Recherches, p. 53 et n. 5).
(3) De Administrando Imperio, I, p. 236, 238, 240 ; De Thematibus, p. 41 ; IBN KHORDÂDHBBH,
Journal asiatique, t. LXVI, 1865, p. 480-482 ; et H. AHRWEII.ER, Recherches, p. 81 sq.
(4) Cf. ci-dessous, p. 76-81.
(5) Cf. ci-dessous, p. 82-83.
(6) Terme rarement employé : cf. un exemple dans les tactiques de Nicéphore Ouranos,
Naumachica, p. 77.
(7) Cf. p. ex. la mention d'un chartulaire des Douze Iles : D. ZAKYTHINOS, Dioikètikè Diairésis,
E.E.B.S., t. XVII, 1942, p. 47 (t. à p.).
64 Des Isauriens aux Gomnènes : Byzance face aux Arabes
Péloponnèse (i), disposent de flottilles moins importantes : elles sont placées sous les
ordres d'officiers inférieurs mais appartenant aux cadres de l'armée des thèmes, les
tourmarques, désignés également du nom du thème dans lequel ils servent sous les
ordres du stratège de ce thème ; ils commandent en effet l'ensemble des effectifs mari-
times dont dispose le thème.
L'étude des taktika des dignités, et surtout pour notre période celle du taktikon
Uspenskij, qui reflète la situation de l'administration provinciale au début du IXe siècle,
nous aidera à mieux préciser le rôle et la juridiction de ces commandants maritimes,
et à découvrir les régions dans lesquelles ils servent ; ce qui nous permettra par la suite
de dresser un tableau de l'administration maritime de l'Empire pendant la période de
l'établissement du nouveau régime des thèmes. Mais avant d'aborder cette question,
examinons un autre aspect des fonctions des divers commandants de l'armée de mer.
Essayons de voir quels sont les cadres du commandement de la flotte en action. Autrement
dit, essayons de préciser le rôle de chaque officier marin dans la flotte de bataille.
(1) A. BON, Le Péloponnèse byzantin, jusqu'en 1204, Paris, 1951, liste des fonctionnaires.
(2) A remarquer que Vofficium du drongaire du ploïmon, chef de la flotte impériale, suit dans
sa composition les officia de divers domestiques des tagmata impériaux : PHUOTHÉE, Klètoro-
logion, p. 140.
La nouvelle organisation de Vannée de mer et des bases navales 67
ciales (1), dont les cadres, les commandants de districts maritimes et de détachements
régionaux, deviennent alors des marins qui, chacun selon son grade et ses compétences,
assument le commandement des escadres en action, dans des opérations qui se déroulent
souvent en dehors de leur circonscription (2) et sous les ordres de commandants en
chef qui ne sont pas obligatoirement ceux des flottes régionales.
Pour l'étude du commandement de la flotte de guerre en action (flotte impériale
ou flottes régionales), nous disposons comme source principale des tactiques militaires
traitant de l'art du combat sur mer et connues sous le nom de Naufia^ixà (3). Elles sont
moins nombreuses et de rédaction sensiblement plus récente que les tactiques concer-
nant l'art du combat sur terre. L'empereur Léon VI le Sage, à qui nous devons un traité
militaire riche et bien documenté, ouvrant le chapitre sur les batailles navales et la guerre
sur mer en général, note : « En ce qui concerne les combats navals, nous n'avons rien
trouvé d'établi et de constitué dans les anciennes tactiques militaires. » Encore une
preuve du peu d'importance de la flotte dans l'organisation militaire de l'Empire
à l'époque protobyzantine. Ainsi Léon VI se contente, comme il le dit, de répéter sur
ce sujet ce qu'il a glané dans ses diverses lectures et ce que les amiraux ( = 7tX6ï|zot
(jTpaTYjyoî) de son temps lui ont appris (4). Il nous offre ainsi une codification des connais-
sances maritimes de son temps, et (ce qui rend son œuvre particulièrement intéressante
pour nous) adaptées aux besoins et à la situation de son époque, qui est celle des guerres
sur mer contre les Arabes et contre les Russes. Des paragraphes entiers sont consacrés
aux habitudes maritimes de ces peuples. La compilation de Léon VI traite aussi de
questions techniques, la construction des navires, leur armement, leur équipement et
leur entretien (5), le commandement des bâtiments de guerre et leur disposition pendant
les batailles et lors des harcèlements de l'ennemi, les principes d'une bonne direction
des opérations suivant les circonstances, les stratagèmes et les ruses à employer, les pièges
à éviter. Bref l'œuvre de cet empereur constitue le parfait vademecum du commandant
en chef de la flotte ; il a été repris par Nicéphore Ouranos, dont le traité sur les guerres
navales n'est que l'œuvre de Léon VI transposée en langage populaire (6), utile donc
(1) I<es grandes expéditions de l'époque, notamment contre les Arabes de Crète, rassemblent
toutes les formations navales de l'Empire : cf. ci-dessous, p. 111-114.
(2) La flotte des Cibyrrhéotes et des autres thèmes opère dans les mers Ionienne, italiennes,
dans la Propontide, contre la Crète et dans le Pont-Euxin : cf., à titre d'exemple, THÉOPHANE,
p. 410, 419, 432, 447, 455 ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 79, etc.
(3) A. DAIN, Naumachica, Paris, 1943 ; cf., aussi, ci-dessus, p. 45, n. 1.
(4) Naumachica, p. 17.
(5) Sur ces points cf. ci-dessous, Appendices I-II.
(6) Naumachica, p. 79 sq. Nicéphore Ouranos reprend dans ses tactiques, outre l'ouvrage de
Léon VI, ceux de Syrianos Magistre et du Ps.-Maurice, en les transposant aussi en langage
populaire.
68 Des hattriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
pour l'étude de divers termes maritimes. Bien que ces traités ne concernent qu'indirec-
tement le rôle précis de chaque officier marin et ne traitent qu'occasionnellement de
la hiérarchie en vigueur dans l'armée de mer, ils demeurent une source capitale pour
l'étude de la science maritime chez les Byzantins. Nous les utilisons ici, ainsi que les
traités du même genre, en les complétant bien entendu par les renseignements épars
que les autres sources nous fournissent, pour étudier le commandement de la flotte de
bataille, et plus particulièrement les fonctions des officiers marins en service dans les
diverses formations navales dont dispose l'Empire, après la réforme qui l'a doté d'un
appareil maritime régional permanent.
Un passage des tactiques militaires de Léon VI, dans lequel est explicitement souli-
gnée la différence entre la flotte impériale (centrale) et celle des thèmes (provinciale et
thématique), peut, à la lumière des autres sources, aider à préciser les cadres en service
dans telle ou telle formation navale. L'empereur s'adressant au commandant en chef
(TTJÇ vauTixvjç SuvâfAswç aTpocTYjyoç) (i) de la flotte en action note : « Tu nommeras des
chefs de détachements (archontes) à la tête d'une escadre composée de trois ou cinq
dromons (retenons la sorte de navire) ; tu placeras l'archonte appelé comte (komès),
: qui tient le rang d'un vocûapxoç (commandant d'un détachement) et qui sera sous tes
\ ordres : et ceci en ce qui concerne la flotte impériale. Quant à la flotte des thèmes » (des
I
. provinces en général), poursuit l'empereur, « seront désignés (et non « tu nommeras »)
' Hes drongaires, des tourmarques qui se placeront sous les ordres du stratège (du thème)... ;
'., je n'ignore point », continue Léon VI, « que dans le passé (TOTÈ TOLÇ àvw xpovoiç, sans
i' ; ; autre précision), à l'exemple de la flotte impériale (centrale), les commandants en chef
;ij I de la flotte des provinces (TCOV ôspià-rcùv iû.oi\xoi c-xpaT^yoî) (2) s'appelaient drongaires
( | (donc le titre du commandant en chef de la flotte impériale est celui de drongaire), et
II leurs subalternes simplement comtes (komètés) et kentarchoi (3); mais actuellement
i. le service des drongaires a acquis le rang de stratégie (urpaT^yiSa àpx^v) et suit les subdi-
| ; visions de ce commandement (Toâç aTpocrrçYixaïç xaTajAspiÇsToa Tassai). » Autrement
l' : dit, les commandements indépendants de la flotte des provinces placés jusqu'alors sous
h f! des drongaires sont érigés en thèmes maritimes ; leur circonscription se divise en tourmai
{ ;; et en banda comme les circonscriptions de tous les thèmes de l'Empire, leurs effectifs
'' i• militaires, armée de terre ou de mer, sont placés sous les ordres d'officiers soumis
p . au stratège, drongaires et tourmarques. Soulignons que les drongaires subalternes du
: j' (1) P . G., t. CVII, col. 997. Naumachica, p. 23, et le texte de NICÉPHORB OURANOS, Mi., p. 76.
. (2) Les termes thème et stratège pris, l'un dans son sens géographique = province, l'autre
.'• ! dans son sens général = commandant en chef. NICÉPHORE OURANOS, Naumachica, p. 77, donne :
' « stratèges des pleustika thémata ».
'. ( (3) Sur komès — comte = commodore, et kentarchos = capitaine du navire, cf. les renseigne-
1 !\ tnents des Naumachica, p. 25.
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 69
stratège du thème n'ont rien à voir avec les commandants indépendants de la flotte des
provinces qui existaient, comme l'affirme Léon VI, avant l'érection de leur commandement
en thème, ni avec le commandant en chef de la flotte impériale, qui continue à porter le
titre de drongaire, mais est désigné, justement pour éviter toute confusion, comme dron-
gaire âuplotmon, et plus exactement du 6OCCTIXW.OV 7rXo(<o)ï[iov (1) = de la flotte impériale.
De ce passage capital retenons les points suivants : a. La réorganisation des forces
navales de Byzance est déjà effectuée sous le règne de Léon VI. Elle consiste, entre autres
(nous l'examinons ci-dessous à l'aide des autres sources de l'époque) (2), en l'érection
des commandements de la flotte des provinces en thèmes, placés sous des stratèges (3).
Cette mesure entraîne la création de nouvelles flottes thématiques et la disparition des
drongaires, commandants en chef indépendants, b. Pour la période antérieure à Léon VI,
les officiers de la flotte des provinces et du centre portaient les titres suivants dans
l'ordre de leur importance : drongaire (commandant en chef d'un détachement), comtes-
komètés (commandants des flottilles composées de trois à cinq dromons et appartenant
aux effectifs commandés par le drongaire), kentarchoi (commandants, selon les tactiques
maritimes, d'un navire, d'un dromon) et prôtokarabos (chef pilote du bateau). Ces titres
sont restés en vigueur après la réorganisation de la flotte par les premiers Macédoniens que
nous examinerons en temps voulu, et seulement dans laflotteimpériale. Ils ont été aban-
donnés, sauf bien sûr ceux de kentarchos et de prôtokarabos, par la flotte régionale (théma-
tique et provinciale), dont les cadres, calqués sur ceux de la flotte des Cibyrrhéotes existant
dès avant la réforme macédonienne, sont les suivants : a. Dans le cas d'un thème
maritime : stratège du thème ayant sous ses ordres des drongaires, commandants des
effectifs militaires formant un drouggos, subdivision militaire du thème, et des tour-
marques, à la tête d'une subdivision militaire inférieure au drouggos, la tourma (4).
Le stratège du thème maritime étant gouverneur général de la circonscription gardée
par ses effectifs militaires, région qui est désignée comme thème, ses subalternes, nous
l'avons vu, se trouvent à la tête des subdivisions territoriales et militaires du thème
maritime. Ils peuvent être désignés comme drongaires ou comme tourmarques de telle
ou telle région faisant partie du thème dans lequel ils servent sous les ordres du stratège,
(1) Une première mention de la flotte impériale par GÉNÉSios, p. 37 : TÔ vaimxàv &tav...
T0â)\> TOÛ 6OCGIXIKOÛ JCXT)0ÉVTOÇ, à propos de la révolte de Thomas.
(2) Cf. ci-dessous, p. 97 sq.
(3) P.G., t. CVII, col. 997 : etç aTpaTTjyîSa Y) êxàcrrou TCÔV Spouyyapîtov àpxh àva6é6r]xev ;
Naumachica, p. 24 ; et NICÉPHORE OTJRANOS, ibid., p. 77.
(4) Thème = unité militaire d'un nombre d'hommes fixe (cf. H . AHRWEHER, Recherches,
p. 2 sq.) ; le stratège commande cette unité qui indique ici un contingent maritime : « htï Se TÔV
Spo(i6vc<>v xal Spouyyàptot tnusT^aowai xal Toup|zàpx<xt xal aôrol Ttji arpaT7)Y$
» : Naumachica, p. 24, et p. 77.
70 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
qui les a nommés, b. Dans le cas de la flotte provinciale, c'est-à-dire de la flotte d'appui
des thèmes non maritimes, selon l'importance des effectifs maritimes stationnant dans
chaque thème terrestre disposant d'un littoral, nous avons des drongaires (effectifs
importants) ou des tourmarques (détachements modestes) désignés chacun du nom du
thème dans lequel ils servent, étant donné qu'ils sont, comme nous l'avons auparavant
souligné, les commandants de l'ensemble des effectifs maritimes attachés au thème.
, c. Dans le cas d'une base navale indépendante, quant à son administration, des autorités
Yh provinciales appartenant au régime des thèmes, nous avons toujours l'archonte (éparque),
désigné par le nom géographique de la base : il est le commandant du détachement
attaché à cette base, détachement qui exerce avant tout le rôle de police navale du lieu ;
c'est un officier « d'activé » et, en tant que tel, il porte souvent dans sa titulature, à côté
du titre d'archonte, un grade de la hiérarchie militaire. Selon l'importance de ses effectifs,
il est drongaire, tels par exemple ceux de Malte et de Corinthe, ou comte (komès), comme
celui d'Abydos. Remarquons que nous avons là des grades portés par les officiers de
la flotte impériale ; en effet, nous l'avons souligné auparavant, l'archonte à la tête d'une
base navale autonome dépend directement du centre (i).
Contrairement aux cadres de la flotte régionale (flotte des thèmes maritimes, flotte
provinciale ou flotte affectée aux grandes bases frontalières), les cadres de la flotte impé-
riale-centrale ne peuvent pas porter dans leur titulature d'indication géographique.
Ce ne sont pas des commandants de districts ou de bases maritimes, mais des officiers
servant dans la flotte de bataille. Chacun selon son grade commande un nombre précis
d'unités de guerre (les tactiques militaires sont claires à ce sujet). Ils sont désignés, ainsi
que leur commandant en chef, le drongaire de la flotte impériale, simplement comme
ploïmoi ou TOU TtXotfjiou. Ainsi le commandant en chef du seul tagma maritime de l'Empire
(de la flotte désignée comme impériale) porte le titre de drongaire du ploïmon. A l'exemple
des commandants des tagmata de l'armée de terre, il dispose d'un état-major uniquement
composé de militaires, et comprenant un topotèrètès du ploïmon (lieutenant du dron-
gaire), un chartulaire du ploïmon chargé du recrutement des équipages, et un prôto-
mandatôr (2). Sous ses ordres, sont placés les officiers commandant les unités de sa
flotte, les comtes (komètés) désignés comme ploïmoi (3), les kentarchoi et les prôtoka-
raboi. Ajoutons que dans toutes les formations navales sans exception (flottes cen-
trale, impériale ou régionale, thématique et provinciale) les officiers inférieurs à la
tête d'un bâtiment de guerre (capitaine et chef pilote) s'appellent toujours kentarchoi
et prôtokaraboi. Leur présence parmi les officiers en service dans les thèmes maritimes
constitue, comme le souligne explicitement Philothée (jzpoo-v'Seiai yàp aù-roïç, c'est-à-
dire aux stratèges maritimes, xé\n:a.pyoi xoct 7rp(OToxâpa6oi) (1), la seule différence entre
les cadres et l'état-major d'un thème terrestre et d'un thème maritime.
Essayons maintenant de voir comment cette organisation maritime militaire et
administrative s'applique dans la pratique. Pour le vm e et le début du ix e siècle, nous
interrogerons une source capitale pour l'organisation intérieure de l'Empire, le taktikon
des dignités connu sous le nom de son éditeur comme taktikon Uspenskij (2).
C. L'ORGANISATION DU ix e SIÈCLE
D'APRÈS LE « TAKTIKON USPENSKIJ » ET LES SCEAUX
(1) P.G., t. CXI, col. 849 ; un sceau d'un chartulaire du ploïmon daté du vm e -ix e siècle, dans
B. PANCENKO, Catalogue, I.R.A.I.K., t. IX, 1904, p. 386.
•; i (2) H. G. BECK, Kirche u. Theologische Literatur im byz. Reich, Munich, 1959, p. 490, 567-568.
. ; | (3) THEOPHANE, p. 410, 424, 445, 455, 465 ; THËOPHANE CONTINUE, p. 76-77, 79.
(4) THEOPHANE CONTINUE, p. 81 ; SYMEON MAGISTRE, p. 624 ; il nous semble probable qu'Ôory-
phas, l'amiral de Michel II qui en 828-829 effectua une expédition contre les Arabes de Crète à
la tête du sarakontarios stratos — marins ainsi appelés pour avoir reçu chacun la forte rémuné-
ration de quarante nomismata — est le premier drongaire du ploïmon ; sur l'expédition d'Ôory-
•]' p h a s , cf. A . VASIUEV, Byzance et les Arabes, t . I , p . 6 1 .
i (5) A . V A S H I E V , Byzance et les Arabes, t . I , p . 127-137, 143-144 ; r e m a r q u o n s c e p e n d a n t
••' qu'Ooryphas désigné alors comme drongaire de la veille et non pas du ploïmon (est-ce là une impré-
cision des sources, le drongaire de la veille étant à ce moment le drongaire par excellence ?) se
trouve à la tête de la flotte impériale opérant dans le Pont-Euxin : THEOPHANE CONTINUE, p. 136 ;
GÉNESIOS, p . 6 1 .
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 75
de Crète et de Sicile, et contre les Russes, dont l'apparition dans les eaux constan-
tinopolitaines date de cette époque (1). Jusqu'à ce moment le drongaire du ploîmon se
contentait vraisemblablement du commandement de l'escadre constantinopolitaine, et
de la garde navale de la capitale qui, avant la création de ce fonctionnaire (sans doute
jusqu'à la fin du vm e siècle), était probablement assumée par l'éparque de la ville dans
le bureau duquel figure le parathalassitès (2). Autrement dit, Constantinople aurait
continué à être maritimement administrée selon l'ancien régime, à l'exemple des grandes
bases de l'Empire placées, nous l'avons vu (3), sous leur éparque-archonte. A l'appui
de cette hypothèse, ajoutons que la mention simultanée, dans le taktikon Uspenskij, des
drongaires du ploîmon et du Kolpos (4) empêche d'accorder à ce dernier, comme le
fait Bury (5), le commandement de la mer constantinopolitaine, bien que certains textes
de l'époque protobyzantine laissent entendre que le nom de Kolpos était employé pour
désigner une partie de la Propontide (6).
Le drongaire du ploîmon tient dans le taktikon Uspenskij un rang modeste. Il est
l'amiral de la flotte par excellence, c'est-à-dire certainement celle de Constantinople.
Chef de la flotte stationnant dans la capitale, il porte le haut grade de drongaire, mais
ses effectifs sont inférieurs à ceux du stratège des Cibyrrhéotes et même à ceux de
l'archonte de Crète, mentionnés à un rang plus élevé que lui. En effet, il ne faut pas
oublier que le taktikon Uspenskij a été rédigé au moment d'une grande expédition contre
les Arabes de Crète (7). Il est normal que l'amiral de cette île dispose d'effectifs excep-
tionnellement importants. La juridiction du drongaire du ploîmon, qui tient dans le
taktikon Uspenskij un rang un peu plus élevé que les autres drongaires, doit s'étendre
à la flotte constantinopolitaine, surveillant la Propontide, avec Abydos et Hiéron comme
points d'attache. Les comtes (komètés) d'Abydos et de Hiéron, désignés aussi comme
archontes de ces postes, étant donné le contrôle maritime qu'ils y exercent, sont des
officiers subalternes du drongaire de la flotte constantinopolitaine, du drongaire du
ploîmon. Ils n'ont pas le droit de figurer nominalement dans un taktikon des préséances,
(1) Cf. à titre d'exemple des sceaux de ces officiers dans V. LAURENT, Orghidan, n° 178,
P- 95-96." N. BÂNESCU, Sceaux byz. trouvés à Silistrie, Byz., t. VII, 1932, p. 326-328 ; et des
mentions dans les taktika de PHH,OTHEE, Klètorologion, p. 140, 153 (en rapport avec p. 160-161) et
de V. BENESEVid, Ranglisten, p. 136 et 142 ; cf. aussi Anal. Boll., t. XI, 1892, p. 21, et, pour plus
tard, ANNE COMNÈNE, t. III, p. 43. D'après BUSTATHE DB THESSAI,ONIQUE (cité par inadvertance
comme Macrembolite, Byz., t. XXXI, 1961, p. 218, etR.E.B., t. XIX, i960, p. 243), Commentaire
de l'Iliade : vaiiapxov rèv TOIO0T6V çaaiv eïi) S'av ô TOIOÛTOÇ Ô xai. x6|i7)ç 7tapà xoïç ûarepov (cité
par Du CANGE, Glossarium, s.v. X6(XY)Ç), et ibid., v. 68, 5 : x6(i.i)ç £8i&mxr) XéÇiç 6TI ICT6V TI -rcp
(2) Sceaux appartenant à des drongaires de la Mer Egée, dans G. SCHI,UMBERGER, Sigillo-
graphie, p. 193 ; cf. aussi D. ZAKYÏHINOS, Dioikètikè Diairésis, E.E.B.S., t. XVII, p. 49 sq.
(t. à p.) ; pour une mention dans les sources littéraires, cf. ci-dessous p. 77 ,6.
(3) Notons à ce propos que le nom AEyaïov KÉXayoç semble désip'-er à partir du m e siècle,
d'après M. COI/UMBA, Ricerche storiche, Palermo, 1935, p. 57, dt* par A. PBRTusi, Costantino
Porfirogenito, De Thematibus, Vatican, 1952, p. 155, la « mer du courant », c'est-à-dire la partie
nord (entre l'Eubée et la Troade) de la mer Egée actuelle.
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 77
que le commandement militaire (maritime) de la Mer Egée doit englober la région qui
forma, un peu plus tard, le thème du même nom. Les sources, postérieures au taktikon
Uspenskij, concernant le thème et ses fonctionnaires, peuvent nous aider à délimiter
la circonscription administrative et militaire désignée sous le nom de Mer Egée. Notons
seulement qu'il faut soumettre à la critique la plus rigoureuse les renseignements à ce sujet
fournis par le Porphyrogénète. Des indications d'ordre purement géographique et
des informations administratives sont quelquefois inextricablement mêlées dans le
De Thematibus, qui reste avant tout un ouvrage d'érudition géographique puisant à des
sources bien antérieures à l'époque byzantine (1). Les termes techniques sont souvent
employés par le Porphyrogénète dans leur sens général : par exemple il n'hésite pas à
énumérer les thèmes du pays des Petchénègues (2). Ainsi, malgré l'affirmation du
Porphyrogénète que le thème de la Mer Egée englobait tout le rivage égéen, des Sporades
aux Cyclades comprises, et le rivage micrasiatique de la Propontide avec les côtes nord-
est de l'Asie Mineure et les îles adjacentes (Ténédos, Chios, Lesbos), les renseignements
des autres sources de l'époque permettent de dire qu'une partie seulement de cette
longue énumération, notamment celle qui se présente comme la moins égéenne (côtes
de la Propontide et surtout, pour l'époque qui nous intéresse, côtes septentrionales de
l'Asie Mineure avec les îles), appartenait à la circonscription administrative de la Mer Egée.
Par la Vita de saint Théophane le Confesseur nous apprenons que son père Isaak
a exercé l'àpx^ AîyaioTreXayLTwv (3) sous Constantin V (741-775). Isaak était sûrement
drongaire de la Mer Egée : or, dans une autre recension de la Vita de saint Théophane il
est dit que son père exerçait l'àp^y) AîyaîouTOXdcyouç,ô xal ITapOévLov ol TTOXXOI Xéyouot,
XÔXTCOV. Le nom Ilap9svioç XOXTOÇ (à ne pas confondre avec le II. -rréXocyoç situé en
Phoenicie) (4) pour l'ensemble de la mer Egée est inusité : il faut plutôt penser que
nous avons là le nom de la partie de la mer Egée actuelle qui formait alors le comman-
dement de ce nom. Où peut-on situer cette partie (5) ? Faut-il conclure qu'il s'agit
de la côte voisine du mont Parthénion de Mysie, ou, plutôt, de la côte nord de
(1) Pour la mer Egée le Porphyrogénète suit les renseignements de Strabon : cf. A. PERTtrsi,
op. cit., p. 155.
(2) De Administrando Imperio, I, p. 166, 168, 170, et t. II, p. 145.
(3) THÉOPHANE, t. II, p. 28, 30.
(4) K. KRTJMBACHER, Eine neue Vita d. Theoph. Conf. aus der Zeit Michaels III, Munch,
1897, p. 389 ; V. I,ATV§BV, Menologii, t. I, p. 221 (kolpos). P. G., t. CXIV, col. 693, voyage de
Jérusalem à Corycos : È7tel xaT'aùrà ^Sv) x6 IlapÔevixàv èyéveTO 7r£Xayoç ; ibid., t. C, col. 1117 :
Ta rcpèç TO IIap0evtx6v aoyxsffieva èv oïç SiareXéeTca ô VÔTIOÇ xéXrcoç. Miracula SS. Cyri et
Johannis, éd. MAI, Spicilegium romanum, III, Rome 1840, p. 556 (pélagos).
(5) A noter une IlapÔEvoiiTroXiç dans le thème des Optimates (De Thematibtts, p. 170) et un
fleuve IlapOévioç dans le Pont-Euxin (Anal. Boll., t. XXII, 1894, p. 329, 330).
78 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
la mer Egée où se jette la rivière Parthénios, qui, selon Strabon (i), a donné, au moins
pour un temps, son nom à l'île de Samothrace ? Ceci peut être éclairé par les autres
sources de l'époque byzantine concernant les fonctionnaires et la circonscription du
thème de la Mer Egée : Zéphinezer, stratège de la Mer Egée au début du Xe siècle,
visite son thème en compagnie de saint Athanase PAthonite. Dès sa nomination comme
stratège du thème, il part de Constantinople, visite Abydos et Lemnos et rentre dans la
capitale (2). Les îles de Ténédos, Imbros, Lemnos et le littoral sud de la Propontide
appartiennent à la circonscription administrative du thème de la Mer Egée, et ceci
bien que la Propontide ne fasse pas géographiquement partie de la mer Egée. De toute
façon l'appartenance du littoral sud de la Propontide au thème de la Mer Egée nous est
confirmée par une source capitale sur ce sujet : la notice d'un manuscrit du XIe siècle
mentionnant le bandon de la Mer Egée appelé Lakkou Mètata, et le village d'Artanion (3).
Or nous savons par d'autres sources de l'époque que les Lakkou Mètata se trouvaient
en Mysie (4), et qu'il faut chercher Artanion en Bithynie, soit près du lac Apollônias,
appelé également Artynia, soit près du fleuve Artanas, mentionné à propos de l'installa-
tion des Slaves en Asie Mineure (5). Ajoutons que Nicétas Choniate parle de la ville de
Barè (et de Aulônia) comme TTOÀIÇ xarà -r/jv TCOV ALyaioTOXayiTwv x«Pav> ville <îue I e
même auteur appelle ailleurs TYJ xaxà 'EXXYJGTOVTOV (6) : Barè est en effet connue
comme évêché suffragant de la métropole de Cyzique (7). En outre, les renseignements
qu'on peut tirer de la riche correspondance de Psellos, et pour le Xe siècle des lettres d'un
anonyme, adressées à un juge de la Mer Egée (8), sont particulièrement intéressants.
Notons, à titre d'exemple, que le correspondant anonyme du Xe siècle s'adresse au juge de
I la Mer Egée au sujet d'une maison située dans la banlieue constantinopolitaine et que, pour
obtenir des privilèges en faveur du couvent de Mèdikion, situé sur la côte sud de la Pro-
pontide, Psellos s'adresse également au juge de la Mer Egée (1). Au Xe siècle l'appartenance
du littoral sud de la Propontide au thème de la Mer Egée est explicitement confirmée
par lePorphyrogénète, qui le fait également figurer sous le thème de l'Opsikion (2), sans
que cela soit dû à une simple confusion. Sans entrer ici dans l'étude de la question compli-
quée de la dépendance du même territoire vis-à-vis de deux thèmes différents (dans le
cas du littoral de la Propontide, du thème de la Mer Egée et de celui de l'Opsikion) (3),
notons que ces deux thèmes ont fusionné au xii e siècle en une circonscription adminis-
trative mentionnée dans la Partitio Romaniae comme : Provincia Opsikiou et Eugeu (4).
De toute façon, il nous semble certain que le commandement militaire (drongariat),
et la circonscription administrative (thème), appelés Mer Egée, englobaient la partie nord
de la mer Egée actuelle et le littoral sud de la Propontide. Nous verrons si, comme
l'affirme le Porphyrogénète, les Cyclades ont fait partie de cette circonscription ; il
semble qu'au moins pour la période antérieure aux Macédoniens il faille exclure cette
éventualité. Rien ne permet de dire que les Cyclades fissent partie du drongariat de la
Mer Egée. Si les renseignements du Porphyrogénète sont exacts, ils ne valent, nous le
verrons, que pour le début du Xe siècle, et ne concernent pas le commandement maritime
de la Mer Egée au début de son histoire.
III. Le drongaire du Kolpos. — Juste après le drongaire de la Mer Egée, le taktikon
Uspenskij mentionne le drongaire du Kolpos ( = golfe, mer en général). La mention du
drongariat du Kolpos, sans autre précision géographique, pose des problèmes (5). J. Bury
suppose qu'il s'agit du golfe des Blachernes, ou de celui de Kios dans la Propontide (6).
La juridiction du drongaire du ploïmon (commandant de la flotte de la mer constanti-
nopolitaine) et celle du drongaire de la Mer Egée s'étendant, nous l'avons vu, sur la
partie sud de la Propontide, empêchent cette identification. L'hypothèse de Bury a été
réfutée, à juste titre, par Benesevic, qui pense plutôt à la mer Egée ou à la mer Ionienne,
mentionnées toutes deux comme kolpos (7). La délimitation des circonscriptions relevant
des commandants indépendants (drongaires, archontes) et des stratèges mentionnés
dans ce taktikon, dont les renseignements peuvent être complétés par les autres sources
(1) PSEU.OS, Scripta minora, éd. DREXI,, t. II, Milano, 1941, p. 14g, n° 125.
(2) De Thematibus, p. 68-69 et 82-83.
(3) Sur cette question cf. ci-dessous, Appendice I.
(4) Cf. l'analyse de cette partie du document par D. ZAKYTHINOS, Dioikètikè diairésis,
E.E.B.S., t. XIX, 1949, p. 96-98 (t. à p.).
(5) Encore une mention du K6>jroç dans A. PAPADOPOUI,OS-KÉRAMEUS, Varia sacra,
Saint-Pétersbourg, 1909, p. 2 : èv TS> K6X7t<o TIÇ xàç oïxrjaEtç £X<ÙV ; ce texte du v n 8 siècle ne
permet pas de précisions géographiques : cf. ci-dessus, p. 75.
(6) J. BURY, Administrative System, p. 110.
(7) V. BENEëBVld, Ranglisten, p. 155.
80 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
(1) Sur l'appellation des Cyclades actuelles comme Douze Iles, cf. D. ZAKYTHTNOS, op. cit.,
E.E.B.S., t. XVII, 1942, p. 47-49 (t. à p.) ; le nom des Cyclades n'est pas inusité, il est employé
souvent, surtout à partir du xi e siècle (cf. à titre d'exemple CEDRENTJS, II, p. 513; CECAUMENI
': Strategicon, p. 102 ; M.M., t. VI, p. 22, 55-56, 214-216, 217-219) ; cependant on le rencontre dans
le Laterculus Polemii Silvii, éd. O. SEËCK, à la suite de la Notifia dignitatum, Berlin, 1876, p. 258,
| • v' et dans un texte du Xe siècle, le taktikon des dignités de la bibl. de l'Bscorial découvert par N. Oiko-
'? 1 nomidès ; notons que la périphrase al èv xûxXto vïjatSeç (cf. MAI, N.P.B., IX, 3, p. 11) ne peutse
£ rapporter qu'aux Cyclades. Selon THEOPHANE CONTINUE, p. 57, Skyros fait partie des Cyclades,
jb ce qui nous éloigne du Dodécanèse et des Cyclades actuelles.
j, (2) Ce qui ressort du Porphyrogénète, De Thematibus, p. 79, du moins en ce qui concerne
11 Rhodes, explicitement mentionnée.
!i (3) THEOPHANE, p. 405 ; et p. 454, un drongaire des Douze Iles ; MAI, N.P.B., IX, 3,
•| :' • p . 1 1 .
I (4) Sur les mentions de cet officier et d'autres fonctionnaires du commandement des Douze
,1 Iles, cf. D. ZAKYTHTNOS, op. cit., E.E.B.S., t. XVII, 1942, p. 47, 51 (t. à p.).
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 8l
même pas exclu que les habitants des Cyclades, marins réputés, soient les 7TXGH'Ç6[J(,SVOI
de Constantin Porphyrogenète, dont le centre était Samos avant son érection en thème (i).
Si cette hypothèse est exacte, l'île de Samos, àp/Y] xal fi7)Tpo7toXiç TOU 6éfzaToç TÛV 7TXGH-
Çojiivcov, au moment de la création des thèmes, c'est-à-dire bien avant l'époque du
Porphyrogenète, ne pouvait être que la capitale d'un commandement purement maritime
autre que le thème des Cibyrrhéotes, dont la capitale était Attalée. Les TrÀtoïÇojxsvoi
ayant Samos comme capitale aux vra e et IXe siècles ne peuvent être, à notre avis, que les
marins qui se sont souvent distingués dans les luttes contre la flotte arabe, marins recrutés
dans les îles de la mer Egée, et placés sous les ordres d'un drongaire, celui des Douze
Iles ( = Cyclades), selon toute probabilité le même que celui du Kolpos, mentionné
seulement dans le taktikon Uspenskij, qui ignore en revanche celui des Douze Iles.
De toute façon l'identification, généralement admise, du drongaire des Douze Iles
avec le drongaire de la Mer Egée, non seulement ne s'impose pas, mais est infirmée
par les sources qui mentionnent, parallèlement et indépendamment l'un de l'autre, les
drongaires, et plus tard les stratèges, de la Mer Egée et des Douze Iles ou des Cyclades (2).
En outre, la mention sur un sceau d'un commerciaire, fonctionnaire fiscal assumant
souvent le contrôle douanier de plusieurs circonscriptions administratives à la fois,
de la Mer Egée et des Iles (3), montre, et ceci est important, que la seule mention de la
Mer Egée ne suffisait pas à désigner ce que nous appelons aujourd'hui mer Egée. Les
NTJCTOI (Iles), circonscription différente de celle de la Mer Egée, sont citées séparément;
elles ne peuvent désigner que l'ensemble des îles connues sous le nom de Douze Iles,
englobant les Cyclades actuelles, souvent mentionnées dans les sources byzantines sous
cette dernière appellation.
Bien avant les archontes et les drongaires, le taktikon Uspenskij place le stratège
des Cibyrrhéotes, seul commandant d'une flotte provinciale à avoir atteint le haut grade
de stratège. Il est à la tête du seul thème purement maritime de l'époque, il commande
la flotte équipée et armée par sa province. Son thème, ses effectifs, étant donné son rang
(1) De Thematibus, p. 81 ; J. BURY, Administrative System, p. 109, suppose que le thème des
nXcûïÇàjXEvoi est celui des Kapa6imâvoi, dont la capitale serait Samos ; mais nous avons vu que
le thème ( = circonscription) des Kapa6ia!.âvoi n'a jamais existé : cf. ci-dessus, p. 25.
(2) P. ex. dans le taktikon N. Oikonomidès (l'étude de cette source a fait le sujet de la part
de son éditeur d'une thèse présentée en Sorbonne : exemplaire dactylographié) ; pour les sceaux
du stratège et des autres fonctionnaires des Douze Iles-Cyclades, cf. en dernier lieu Corinth XII,
n os 2699, 2704, et ci-dessous p. 121, n. 7.
(3) G. SCHI,UMBERGER, Sigillographie, p. 196.
H. AIIRWEILER 6
82 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
dans le taktikon Uspenskij, sont les plus importants dont l'Empire dispose alors. Saflotteest
composée de marins réputés, les Pamphyliens (ils ont donné leur nom à un type parti-
culier de navire, le pamphylos, et à un tagrna maritime du même nom) (i), et les fameux
Mardaïtes (qui forment avec les recrues des Cyclades et de l'Opsikion les plus importants
corps maritimes des viii e -ix e siècles) transportés du Liban et installés en Pamphylie par
Justinien II (3) ; leurs vertus maritimes leur ont valu le qualificatif 7uXsucmxcî>Tspoi (2)
(très bons navigateurs). La flotte des Cibyrrhéotes, équipée et armée par l'élite des marins
byzantins recrutés dans la région de ce nom (côtes isauriennes, pamphyliennes, lyciennes),
stationne en permanence sur le littoral, contrôlant le mouvement des bateaux arabes qui,
appareillant d'Egypte ou de Syrie, entrent dans les eaux territoriales de l'Empire. Elle
fournit en outre les plus importants effectifs pour toutes les expéditions navales de
l'époque dirigées contre les Arabes de Crète ou d'Italie. Sa présence est signalée dans
toutes les mers de l'Empire. Avec Attalée comme capitale du thème et base principale
de sa flotte (4), le stratège des Cibyrrhéotes est chargé, en plus de la garde de sa pro-
vince, de la surveillance du littoral des thèmes avoisinants. C'est la flotte des Cibyrrhéotes
enfin qui doit attaquer, comme nous le dit encore Léon VI (5), les bases arabes de Cilicie,
afin d'empêcher l'organisation des expéditions des armées sarrasines contre le territoire
impérial. Elle constitue indiscutablement la plus importante formation navale de
l'époque (6). Placé sous un stratège, le thème des Cibyrrhéotes est subdivisé en drouggoi
et tournai, placés respectivement sous des drongaires et des tourmarques, subalternes
du stratège. Ils ne figurent pas nominalement dans le taktikon Uspenskij, où ont trouvé
place des officiers moins importants qu'eux, mais assignés à des commandements indé-
pendants et attachés directement au centre. Le drongaire de l'île de Kôs, connu par son
sceau (1), et celui qui construisit les murailles d'Attalée, connu par une inscription
commémorative (2), et les tourmarques de Syllaion (3) et des Cibyrrhéotes (4), connus
également par leurs sceaux, sont certainement des subalternes du stratège du thème
des Cibyrrhéotes. Des ekprosôpou et des katépanô en service dans cette province sont
mentionnés par les sources littéraires de l'époque des Macédoniens (5). Leur présence
à côté des cadres classiques de l'organisation thématique illustre l'importance des effectifs
fournis par ce thème, le seul thème purement maritime avant l'avènement des
Macédoniens.
Les tourmarques. — La mention dans le taktikon Uspenskij des -roupjjiàpxai e^pa-roi
TÛV 7tXoï(i.àTCov, officiers de la flotte des thèmes (à cause de leur titre de tourmarque), cités
en groupe sans précision géographique désignant leur poste, trahit l'existence des flottilles
provinciales ailleurs que dans le thème (province) des Cibyrrhéotes. Ces flottes d'impor-
tance modeste sont placées sous des tourmarques (et non des stratèges ou des drongaires),
cadres de l'administration provinciale du thème, subalternes du stratège qui assume le
commandement suprême de la province où elles stationnent. Essayons de voir, à l'aide
des sources contemporaines du taktikon Uspenskij, quelles sont les provinces qui, consti-
tuées en thèmes non maritimes, disposent néanmoins d'une flotte régionale placée sous
un tourmarque. Des renseignements utiles sur ce point nous sont fournis par les sources
mentionnant les diverses expéditions navales de l'époque.
On constate, pour la période pré-macédonienne qui nous intéresse ici, que plusieurs
régions qui, dans le taktikon Uspenskij, figurent sous un stratège (c'est-à-dire qui ont un
appareil thématique complet), disposent de flottilles plus ou moins importantes, opérant
souvent en dehors du thème même : tels par exemple l'Hellade, le Péloponnèse,
Céphalonie et la Sicile, et plus tard la Calabre. Un tourmarque des Helladiques est
mentionné à la tête d'une flotte au viii e siècle (i). Les flottes de l'Hellade et de Cépha-
lonie avec celle des Cibyrrhéotes, qui reste de loin la plus importante formation navale
de l'époque, refoulent les flottilles franques opérant dans l'Adriatique au début du
ixe siècle (2). Les flottes de Sicile et d'Italie méridionale en général sont souvent men-
tionnées surtout à propos des luttes contre les Arabes (3). Nasar enfin, commandant en
chef d'une expédition navale contre les Arabes, complète ses effectifs maritimes par
des marins de métier (TOCÇS-TOI, retenons cette qualification) et les fameux Mardaïtes
qui se trouvent dans le thème du Péloponnèse (4). Ajoutons que c'est en Péloponnèse
qu'un peu plus tard on rencontre, à propos de l'expédition navale contre les Arabes
de Crète, un tourmarque TTJÇ TtapaXtou (5) (du littoral). De toute façon ce n'est pas par
hasard que des tourmarques de Céphalonie (6), Hellade, Péloponnèse (7), Sicile et
Calabre (8), sont connus à la même époque que le stratège de ces régions-thèmes (9).
Comme le poste de ces tourmarques est désigné du nom même du thème dans lequel
ils servent, il faut penser que leur juridiction s'étend à l'ensemble de la circonscription
ainsi appelée. Ils commandent la flotte stationnant dans ces thèmes, tandis que le
Pour en terminer avec les cadres maritimes portant des titres traduisant leur dépen-
dance envers le centre (Constantinople), notons que nous connaissons par les monuments
sphragistiques datés des viii e -ix e siècles les archontes suivants : de Chios, de FHellade,
de Malte, de Bagénétia (côtes albanaises), de Bulgarie et sans doute de Macédoine (3).
(1) Cf. A. VASHIEV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 356 ; sur ce personnage, cf. ZONARAS, I I I ,
P- 351-
(2) V. BBNB§EVid, Ranglisten, p. 133, n° 93.
(3) Cf. ci-dessus, p. 57, les références analytiques aux sources.
86 Des Isauriens aux Conmènes : Byzance face aux Arabes
(1) La Vie de saint Athanase l'Athonite, éd. POMJAI,OVSKIJ, p. 8, laisse pourtant entendre
que la capitale de ce thème était Lemnos. Cf. ci-dessous, p. 108-109.
(2) Anal. Boll., t. XI, 1892, p. 21.
(3) Cf. ci-dessous, p. 101.
{4) N. BEES, Zur Sigillogr. d. byz. Themen Peloponnes und Hellas, Viz. Vr., t. X X I ,
1914, p. 200-202, n° 19. Sauf si cette mention se rapporte à l'archonte des Sclavènes de l'Hellade
1 connu par THEOPHANE, p. 473.
j (5) De Ceremoniis, p . 657 ; et N. SVORONOS, B.C.H., t. LXXXIII, 1959, p. 72, n. 2.
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 87
grecque, mentionnant un titre qui peut être porté par des fonctionnaires byzantins, à
une personnalité bulgare, et, dans notre cas, à cause du titre d'archonte de ce pays porté
par le propriétaire du sceau, au tsar même (i). Comme l'a fait remarquer V. Laurent à
l'encontre de l'éditeur de ces sceaux, il faut reconnaître sous le àp/wv BouXyapîaç un
fonctionnaire byzantin du rxe siècle (2). Il ne peut être, à notre avis, que le chef de
l'escadre de la flotte centrale chargée de la surveillance du littoral ainsi désigné. Or un
passage du De Administrando Imperio permet de préciser avec exactitude la partie du littoral
pontique caractérisée comme BouXyocpLa. Les bateaux russes, les monoxyles, qui, descen-
dant du Dniepr dans la mer Noire, suivent le littoral occidental du Pont pour aboutir
finalement à Byzance, atteignent, nous dit le Porphyrogénète, Sélinas (au nord de
l'embouchure de l'Istros, l'actuel Soulinas) TYJV TY)Ç BouXyapîocç yvjv, et delà par Kônopa,
Kônstantia et Barna, à-uva eîalv sic TTJV yîjv TTJÇ BouXyapîaç, arrivent à Mésembria et
elç, 'Pcofxavtav ( = Empire byzantin) xaTÉpy ovTai. (3). Autrement dit,le littoral situé entre
Soulinas et Mésembria est caractérisé par le Porphyrogénète comme étant la Bulgarie.
C'est justement dans cette région, à l'embouchure de l'Istros, que la flotte byzantine
réalisa des exploits contre les Bulgares en 895-896. Pendant cette expédition, à laquelle
Léon VI et son fils Constantin le Porphyrogénète consacrent des passages détaillés (4),
un officier de la flotte se distingua particulièrement : Michel Barkalas (nom significatif
pour un marin), qui a suscité l'admiration des alliés des Byzantins, des Turcs (Hon-
grois) (5), restés étonnés du fait que Michel Barkalas n'était pas patrice et xstpaX-y] TOÛ
7rXoî(xou (6) (c'est-à-dire alors drongaire de la flotte impériale). Ainsi il ne serait pas
exclu que ce marin réputé ait assumé pour un temps le commandement de la flotte
impériale (centrale) surveillant l'embouchure de l'Istros, où fut trouvé (7) un sceau
appartenant à un X6(JLT)Ç TOU izloîy.ou ( = chef d'escadre de la flotte impériale). Faut-il
rappeler à ce propos que le nom de l'archonte de Bulgarie figurant sur nos sceaux est
(1) Notons cependant que Michel est appelé écp^cov BouXyaptaç par les Byzantins et par ses
sujets grecs : cf. V. B E S Ë W E V , Spâtgriechische und spâtlateinische Inschriften ans Bulgarien,
Berlin, 1964, n<> 51, p. 35.
(2) V. LAURENT, Bulletin de Sigillographie, Byz., t. V, 1930, p. 600 ; K. KÔNSTANTO-
POTH,OS, Hellènika, III, 1930, p. 559.
(3) De Administrando Imperio, I, p. 62, et II, p. 57-58, avec l'identification des sites par
D. OBOKËNSKY.
(4) Tactica, P. G., t. CVII, col. 956. De Administrando Imperio, I, p. 252, II, p. 150, références
aux sources.
(5) Sur les relations des Hongrois avec Byzance, cf. F. DÔI,GER, Ungarn in der byz. Reichs-
politik, Archivium Europae, t. VIII, 1942, 3-4, p. 5 sq.
(6) Sur Michel Barkalas et un autre Michel également officier de la flotte, cf. De Adminis-
trando Imperio, II, p . 200-201.
(7) N. BÀNBSCU, Sceaux trouvés à Silistrie, Byz., t. VII, 1932, p . 326-328.
La nouvelle organisation de Vannée de mer et des bases navales 89
précisément Michel ? De toute façon notons qu'une escadre byzantine pouvait être
chargée de la surveillance du littoral oriental du Pont, même si le territoire riverain
ne faisait pas partie de l'Empire. Cette flottille, relevant de la flotte centrale, était placée
sous un archonte qui pouvait porter le grade de komès. Le centre de ce commandement
se trouvait vraisemblablement au ix e siècle à Lykostomion (1), et au Xe à Débeltos,
ville frontalière dont les cadres administratifs (archontes), et même ecclésiastiques,
portent de ce fait dans leur titulature la mention : 'Pw^avLaç (2). Ainsi nous semble-t-il
probable que l'archonte de Bulgarie, désigné du nom de la région au moment de la
création de ce poste, a remplacé celui de Lykostomion et est le même que l'archonte
de Débeltos, connu pour le Xe siècle (3), justement au moment où Débeltos et sa région
jouent, comme le révèle la correspondance échangée entre Syméon et les autorités
byzantines (Nicolas Mystikos, Romain Lécapène), un rôle prépondérant dans les relations
byzantino-bulgares (4).
De toute façon il nous semble certain que les archontes mentionnés à la tête d'une
région sont à ce moment des officiers relevant du pouvoir central et en service dans les pro-
vinces (5). Leurs postes doivent figurer dans la liste des bases gardées par les détache-
ments de la flotte impériale (centrale). Notons que plusieurs de ces commandements
maritimes relevant du centre ont eu une existence précaire. Tous présentent un carac-
tère exceptionnel. Des postes frontaliers, à l'histoire mouvementée, ont vu souvent leurs
attaches avec Byzance rompues. Des postes des mers intérieures, menacés et attaqués
par les flottes ennemies et souvent isolés, bénéficient d'un statut administratif extraor-
dinaire, aboli dès que le contrôle byzantin s'exerce effectivement sur leur territoire.
Ainsi comprend-on pourquoi plusieurs de ces commandements indépendants ne
figurent pas dans le taktikon Uspenskij. Ou bien ils avaient cessé d'exister, ou
bien ils n'étaient pas encore créés au moment de la rédaction de cette source.
Les sceaux par lesquels nous connaissons l'existence de ces commandements ne
permettent pas une datation précise.
(1) Situé d'après les Portulans Grecs, éd. A. D s u M E , p. 230 sq., à l'embouchure du Danube ;
archonte de L. dans PIIOTIUS, Lexicon, dédicace.
(2) G. SCHCTIMBERGER, Sigillographie, p. 112-113 ; tel est aussi le cas de Philippoupolis,
ibid., p. 117. Cf. aussi ZONARAS, III, p. 389.
(3) G. SCHMTMBERGER, Sigillographie, p. 112-113; B. PANCENKO, Catalogue, I.R.A.I.K.,
t. XIII, 1908, p. m .
(4) P.G., t. CXI, col. 57 ; SAKKEWÔN, Lettres de l'empereur Romain Lécapène (en grec),
D.I.E.E., t. I, 1883, p. 657 sq., et t. II, 1885, p. 38 sq.
(5) A cette liste il faut vraisemblablement ajouter le sceau de l'archonte de Dioclée, Pierre,
daté du rx e siècle (G. SCHI/UMBERGER, Sigillographie, p. 433). Son cas serait parallèle à celui de
l'archonte de Bulgarie.
. 9° Des Isauriens aux Conmènes : Byzance face aux Arabes
1 Compte tenu des renseignements du taktikon Uspenskij, éclairés par le passage des
tactiques de Léon VI concernant l'organisation de la flotte byzantine avant son règne
et complétés par les informations des autres sources de l'époque, nous pouvons dresser
une première liste des bases navales de Byzance aux vni e -rx e siècles et avant l'avènement
des empereurs Macédoniens. Ces bases, placées sous des commandants indépendants,
i \ drongaires, archontes et leurs subalternes (komètés), révèlent l'existence de flottes armées
^; par Constantinople et stationnant en province. Placées, par contre, sous les ordres des
• , stratèges des thèmes maritimes (à ce moment seulement des Cibyrrhéotes) et de leurs
subalternes (drongaires ou tourmarques de telle ou telle région ou ville appartenant au
thème), elles révèlent l'existence d'une flotte armée, équipée et entretenue par les moyens
du thème. Autrement dit, ce sont des bases de la flotte thématique. Mentionnées enfin
sous le commandement d'un tourmarque ou, plus rarement, d'un drongaire, désignés par
le nom même du thème où elles sont situées, elles révèlent les bases gardées par la flotte
provinciale (flotte armée par Constantinople et commandée par les autorités provinciales).
Indépendamment de leur dépendance de telle ou telle formation navale, les bases de la
flotte byzantine pour la période qui nous intéresse sont les suivantes : Pont-Euxin :
Cherson, Chaldie (point d'attache Trébizonde), Bulgarie (point d'attache Lykostomion et
ensuite Débeltos). Constantinople : Hiéron-Chalcédoine. Propontide : Abydos, Cyzique,
j Nicomédie (i). Mer Egée : Lemnos, Ténédos, Imbros, Chios, Samos, côtes macédo-
niennes (?) avec pour point d'attache sûrement Thessalonique, côtes helladiques (avec
»; pour point d'attache Eubée-Thèbes), Cyclades, côtes pamphyliennes (Syllaion, Attalée),
Dodécanèse (Rhodes, Kôs), Chypre, Crète. Péloponnèse : points d'attache : Modon (2),
Corinthe, Patras, et plus tard Monemvasie. Mer Ionienne : Céphalonie. Adriatique :
Durazzo, Bagénétia, Dalmatia, Dioclée ( ?), Calabre. Malte. Sicile. Pour dresser cette liste
nous n'avons tenu compte que des endroits placés sous un officier ou un fonctionnaire
maritime, ou ceux explicitement mentionnés comme stations de la flotte de guerre.
D'autres ports, comme par exemple Éphèse, pouvant abriter un grand nombre de bateaux,
•J
La nouvelle organisation de l'armée de mer et des bases navales 91
Smyrne placée plus tard, comme Éphèse, sous un archonte et Amalfi, visité par une flotte
importante de dromons, pourraient trouver place dans cette liste forcément incomplète (1).
Pouvons-nous, en prenant en considération le tableau de l'organisation maritime
fourni par le taktikon Uspenskij, tenter une évaluation des forces navales de Byzance au
lendemain de l'époque iconoclaste et à la veille de l'avènement des Macédoniens ?
Elle sera très approximative : si les subdivisions militaires sont chaque fois au nombre de
trois, comme nous le laissent entendre certaines sources (sous le stratège se trouvent
trois drongaires et sous le drongaire trois tourmarques ou, dans le cas des drongaires
commandants d'une circonscription maritime indépendante, trois komètés), les effectifs
des archontes, commandants en chef indépendants, varient selon l'importance de leur
poste. Es doivent dans la plupart des cas être supérieurs en nombre à ceux des komètés
subalternes des drongaires. Notons que plusieurs archontes portent dans la hiérarchie
militaire le grade de drongaire (Malte, Corinthe). Compte tenu de ces remarques,
rappelons que le taktikon Uspenskij mentionne un stratège maritime (Cibyrrhéotes), trois
drongaires, commandants des circonscriptions maritimes indépendantes, six archontes
régionaux, et des tourmarques marins, commandants des flottilles stationnant dans
les thèmes non maritimes ; nous avons noté la présence certaine de ces derniers dans cinq
provinces (Hellade, Péloponnèse, Céphalonie, Sicile, Calabre). Il nous semble probable,
malgré l'absence d'une confirmation explicite des sources, que chaque thème riverain
et non maritime disposait d'une flottille de garde-côtes placée sous un tourmarque marin.
Ainsi, si sous chaque komès (officier comparable en importance au tourmarque de la
flotte provinciale) se trouvent, comme nous l'affirme Léon VI et le confirme un texte
hagiographique antérieur à notre période (2), trois à cinq dromons (bâtiments appartenant
à la flotte thématique, à la flotte des Cibyrrhéotes et à la flotte centrale-impériale et
placés sous le commandement des drongaires et des archontes régionaux), la flotte
byzantine devait compter au milieu du IXe siècle 150 à 200 dromons, sans compter bien
entendu les bateaux légers {chélandia, galéai, saktourai, etc.) qui encadraient les dromons,
et qui formaient surtout les flottilles provinciales commandées par les tourmarques
duploïmon. Relevons quelques chiffres donnés par diverses sources de l'époque : 120 dro-
mons sont envoyés au début du vm e siècle en Italie ; 2 500 chélandia sont réunis de tous
les thèmes pour l'expédition contre les Bulgares à la fin du VIIIe siècle ; 200 navires
prennent part à une expédition contre les Arabes de Crète; 70 dromons appartiennent à
la flotte thématique des Cibyrrhéotes dont le stratège commande souvent les expéditions
(1) P. G., t. XCV, col. 356 ; Vie de saint Grégoire le Décapolite, éd. DVORNIK, p. 53. Sceau
d'un archonte de Théologos, communiqué par le P. V. Laurent et daté du rx° siècle ; de même le
sceau de l'archonte de Smyrne.
(2) P. G., t. CVII, col. 997 ; Bibliotheca Hagiographica Graeca3, n° 1649, p. 44, 65.
92 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
navales de grande envergure organisées au IXe siècle; sous Basile I e r , 100 navires sont
envoyés en Dalmatie ; Nasar, commandant en chef de l'expédition contre les Arabes en
Occident, dispose de 45 navires stationnant à Rhègion (1).
Il faudrait pouvoir évaluer de la même manière la force des Arabes, dont la flotte
était composée, au dire de Léon VI, de bateaux lourds et lents, les koumbaria (2), contrai-
rement aux rapides flottilles slaves et russes composées de monoxyles, pour se permettre
de se prononcer sur la puissance maritime de Byzance à cette époque, et sur le rôle que
la flotte impériale jouait dans le contrôle des routes internationales et la sécurité de la
navigation. Notons seulement que le taktikon Uspenskij, rédigé lors d'une grande expé-
dition navale contre les Arabes de Crète, expédition réussie au moins dans sa partie
maritime (les Byzantins avaient libéré une partie de l'île) (3), présente sûrement un
aspect favorable de la force navale de l'Empire, notamment de la flotte contrôlée par
Constantinople et composée des dromons. Des escadres plus ou moins importantes de la
flotte centrale-impériale, placées sous des archontes, stationnent aux points névralgiques
des routes internationales. Elles surveillent quelquefois les eaux des régions qui ne font pas
1 ' partie du territoire impérial, facilitant ainsi les expéditions de l'armée byzantine. Bref,
leur présence aux postes frontaliers assure la navigation sur les routes du commerce inter-
national et accorde à Byzance la possibilité de revendiquer ses droits à la thalassocratie.
1 Par contre la flotte provinciale, composée de bateaux légers, assume la garde du littoral
.; ' ! . des mers intérieures et protège la population contre les attaques des pirates (4). Byzance,
|? j . obligée de choisir entre sa thalassocratie et sa défense maritime, ou en d'autres termes
• •' • l ', ' entre le maintien de la flotte centrale et le contrôle des routes internationales, et le renfor-
;.'•.! cément de la flotte provinciale et la protection de ses populations riveraines, optera pour
la seconde solution. C'est là, nous le verrons, le vrai sens de la réforme des Macédoniens.
(1) THÉOPHANE, p. 437, 455 ; GEORGES I,E MOINE, p. 758 ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 79 ;
SYMÉON MAGISTRË, p. 623 ; GÉNÉSIOS, p. 50 ; Acta SS., Aug., III, p. 494 ; De Thematibus, p. 98.
Pour le x e siècle, cf. De Ceremoniis, p. 651 sq. ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 475, etc.
(2) P. G., t. CVTI, col. 997 ; ZONARAS, III, p. 429 ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 298 ; sur l'impor-
tance des flottes arabes et franques, cf. 33- EICKHOFF, Seekrieg, p. 24 sq.
(3) H. AHRWEn,ER, L'administration militaire de la Crète byzantine, Byz., t. XXXI, 1961,
p. 220-221.
(4) Pour les sources concernant les attaques des pirates arabes pendant le IXe siècle, cf. A. VASI-
MEV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 431, liste des textes hagiographiques établie par Germaine
I/Ouxu.ET; ajouter : P. PEETËRS, Miraculum Sanctorum Cyri et Ioannis in urbe Monembasia,
Anal. Boll., t. XXV, 1906, p. 233 sq. ; du même, Une invention des saints Valère, Vincent et
Eulalie dans le Péloponnèse, ibid., t. XXX, 1911, p. 296-306 ; Acta SS. Propylaeum Novembris,
p. 623 ; J. B. PAl,lER-PAPADOPOTri,os, Les reliques des saints Valère, Vincent et Eulalie et le
Castel Damelet, Miscellanea G. Mercati, t. III, 1946, p. 360-367 ; A. VASIUEV, The Life of St.
Peter of Argos and its historical significance, Traditio, t. V, 1947, p. 163-190.
CHAPITRE III
(1) Sur l'inexistence de la flotte arabe d'Egypte pendant toute la seconde moitié du v m e siècle
et la première moitié du ix e , cf. E. W. BROOKS, The relations between the Empire and Egypt,
B.Z., t. XXII, 1913, p. 383-384-
(2) H. AHRWEII,ER, L'Asie Mineure et les invasions arabes, R.H., t. CCXXVII, I, 1962,
p. 28 sq., et ci-dessus p. 38.
(3) Sur les attaques arabes avant cette date, cf. M. AMARI, Storia, I, p. 195 sq., 209, 215 sq.,
290 sq. ; A. VASEUEV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 61-65 ; V. LATYSSV, Menologii, t. II, p. 92 ;
et une source non utilisée, Vie de saint Jean Damascène, P.G., t. XCIV, col. 440-441.
94 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
(1) A cet égard, les révoltes successives déclenchées en Sicile contre Constantinople sont signi-
ficatives : citons, à titre d'exemple, celle qui a causé la mort de Constans II en 668, et les mouve-
ments séparatistes d'Olympios en 652, de Basile en 718, d'Elpidios sous Irène et d'Euphèmios
en 827 : les deux derniers mouvements sont marqués par la connivence des révoltés avec les Arabes ;
cf. THEOPHANE, p. 351, 398, 454-455 ; CH. DIEHI,, Étude sur l'administration byzantine dans l'exarchat
de Ravenne, Paris, 1888, p. 184 ; et sur la révolte d'Euphèmios et ses conséquences (première ten-
» tative de conquête de la Sicile par les Arabes), cf. A. VASIUEV, Byzance et les Arabes, 1.1, p. 67 sq.
-./•'! (2) Les sources arabes concernant la conquête de la Sicile ont été éditées par M. AMARI,
,' Bibl. arabo-sicula, Leipzig, 1857 (édition), et Versione Italiana, Torino-Roma, 1881-1882, en
4
' ' deux volumes, et Appendice, Torino, 1889 : cf. aussi les additions dans Centenario délia nascita di
M. Amari, 1.1 et II, Palermo, 1910. La version grecque de la Chronique de Cambridge dans A. VASI-
CCEV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 342 sq., et II, p. 99 sq. Sur le déroulement et la datation des
événements, cf. A. VASIUEV, op. cit., t. I, p. 61 sq. ; sur la prise de Syracuse, cf. aussi NICOLAS MYS-
TIKOS, P. G., t. CXI, col. 227 ; Acta SS., Propylaeum Novembris, p. 72 ; Vita S. Ignatii, P. G., t. CV,
col. 573 ; et en dernier lieu, E. EICKHOFF, Seekrieg, p. 127 sq.
(3) R. H. D O U E Y , The lord high admirai Eustathios Argyros and the betrayal of Taormina
;\' i to the African Arabs in 902, Atti del VIII0 Cong. int. d. Studi. biz. 1951 ( = Studi biz. e neoel.,
' n° 7), p. 340-353, et là-dessus, F. Dôi<GER, B.Z., t. XLVI, 1953, p. 461-462.
!
(4) Sur l'importance de la Sicile comme base navale, cf. E. EICKHOFF, Seekrieg, p. 51 sq. ; et
du même, Byz. Wachflottillen in Unteritalien, B.Z., t. XLV, 1952, p. 340 sq.
(5) A. VASH4EV, Byzance et les Arabes, t. I, 61 sq., 143-144, 187-188, 204 sq., 219-222.
(6) Sur l'apparition de la flotte sarrasine devant Patras et dans la mer Ionienne au début
du IXe siècle, cf. De Administrando Imperio, I, p. 228 ; Annales Regni Francorum, M.G.H., in
usum scholarum, éd. KURZE, p. 127 ; et après la prise de la Crète et de la Sicile, E. EICKHOFF,
Seekrieg, p. 106-107, 119 : ajouter les renseignements fournis par la Vie de saint Barbaros,
éd. A. PAPADOPOTOOS-KÉRAMEUS, Analecta Hier. Stock., t. I, p. 407 sq., et à ce sujet, D. ZAKY-
THDÏOS, Saint Barbaros (en grec), Mélanges K. Amantos, Athènes, i960, p. 438 sq.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 95
byzantin ; bref, avec leurs coreligionnaires installés en Crète, ils sont les maîtres des voies
maritimes qui unissent Constantinople à ses provinces italiennes.
L'Italie byzantine, coupée dorénavant du centre de l'Empire, confinée entre le
monde musulman et les pays chrétiens de l'Occident, suivra sa propre évolution, qui
aboutira à la débyzantinisation de la population (1). Ceci se manifeste aussi bien dans le
domaine politique (l'émancipation de Venise et des princes Lombards en témoigne) (2)
que sur le plan culturel et intellectuel (3), linguistique et religieux. Les dissidences
vis-à-vis de Constantinople, chères à la population italienne, revêtiront souvent la forme
de véritables révoltes qui occuperont sérieusement la politique et la diplomatie byzantines
du Xe siècle. La perte de la Sicile marque incontestablement le déclin du contrôle byzan-
tin sur le monde italien, et inaugure ainsi un tournant dans la politique extérieure de
l'Empire, que ses intérêts italiens mettront souvent par la suite face aux Arabes et aux
pays chrétiens de l'Occident (4).
Pour l'histoire de la marine, qui nous intéresse ici, la perte de la Sicile fut suivie par
la perte du contrôle des mers occidentales et notamment de l'Adriatique. Les grandes
bases frontalières autonomes (placées sous des archontes) périclitent. De nouvelles bases
navales administrées selon le régime des thèmes, telle par exemple Céphalonie, se
créent à leur place (5). La flotte de haute mer stationnant jusqu'alors sur la ligne fronta-
lière et surveillant les routes internationales décline (6), le contrôle du trafic maritime
ayant définitivement échappé à Byzance. Autrement dit, la défense de la nouvelle frontière
maritime occidentale, qui passe maintenant par la mer Ionienne, est assurée désormais
(1) Sur les mouvements séparatistes en Italie et en Sicile, fréquents depuis le transfert de la
capitale à Constantinople, cf. F. GABOTTO, Eufemio e il movimento separatista nelVItalia bizantina,
Torino, 1890 ; et ci-dessus, p. 94, n. 1.
(2) Sur les débuts obscurs et tellement discutés de la république vénitienne, cf. B. LENTZ,
Der allmâhliche Ubergang Venedigs von f akticher zu nomineller Abhàngigkeit von Byzanz, B.Z.,
t. III, 1894, p. 71-81 ; A. KRETSCHMAYR, Geschichte von Venedig, t. I, Gotha, 1905 (Geschichte
der europàischen Staaten) ; et H. BROWN, Studies in Venetian History, London, 1907, t. I,
p. 157 sq. ; sur l'attitude des princes lombards envers Byzance, cf. J. GAY, L'Italie méridionale,
p. 141 sq.
(3) Sur la population byzantine d'Italie, cf. L. M. HARTMANN, Geschichte Italiens im Mittel-
alter, 6 vol., Leipzig, 1897-1911 ; J. GAY, Notes sur l'hellénisme sicilien..., Byz., t. I, 1924, p. 215-
228 ; et le travail récent de A. G n m o n , Grecs d'Italie du Sud et de Sicile au Moyen Age ; les
moines, Mélanges d'Archéologie et d'Histoire de l'École de Rome, Paris, 1963, p. 79 sq.
(4) Cf. le travail capital de F. DÔI.GER, Europas Gestaltung im Spiegel der frànkisch-byzant.
Auseinandersetzung des 9. Jahrh. : Byzanz u. die europàische Staatenwelt, Ettal, 1953, p. 282 sq.;
TH. MAYER, Der Vertrag von Verdun, Leipzig, 1943, p. 269 sq.
(5) D. ZAKYTHINOS, Le thème de Céphalonie et la défense de l'Occident, L'Hellénisme
contemporain, 8 8 année, Athènes, 1954, P- 303-312.
(6) E. ElCKHOFP, Seekrieg, p. 51 sq.
96 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
par les flottes légères, thématiques et provinciales. Le système des thèmes, dont l'efficacité
pour la défense du territoire menacé avait été prouvée en Orient, gagne maintenant les
provinces occidentales (1). Il est incontestable que c'est à ce moment et sous les premiers
empereurs Macédoniens qu'il faut placer la fin de la suprématie byzantine sur mer,
Nicolas Mystikos le constate, notamment à propos de la perte de la Sicile, et en accuse le
drongaire du plotmon du moment (2). Les autres sources soulignent que sous Basile I e r
(867-886) les marins se trouvant à Constantinople (les équipages de la flotte impériale),
détournés de leur tâche, s'occupaient de la construction des églises, notamment de la
Néa, tandis que les Arabes s'emparaient de la Sicile et des côtes italiennes (3). Ce sont là
des accusations superficielles, car elles ne s'arrêtent qu'à des détails : les jeux dans la
Méditerranée occidentale étaient faits depuis la perte de la Crète ; les empereurs de
l'époque ont développé considérablement les forces navales de l'Empire, notamment la
flotte impériale (4), en vue des expéditions maritimes visant à la reconquête de la Crète
•' ; et de la Sicile. Le renforcement des flottes byzantines suit, nous l'avons constaté, le
recul de la position de Byzance dans le monde maritime international.
Ainsi, malgré un effort incessant pour entretenir une importante force navale, Byzance
vit au IXe siècle la perte effective de sa thalassocratie. Le IXe siècle peut indiscutablement
être considéré comme le siècle maritime arabe. Les flottes musulmanes de la Syrie, de
1 l'Egypte (qui a connu un nouvel essor sous les Fatimides au Xe siècle), de la Crète
(qui a constitué un État arabe indépendant), de l'Afrique et de l'Espagne, avec comme
bases Tarse, la Cilicie, Laodicée, Alexandrie, Tunis, la Sicile et les îles du bassin occi-
dental de la Méditerranée, contrôlent le trafic maritime méditerranéen. Les Arabes sont
maintenant les arbitres du commerce international, leur installation en Sicile et en
Italie du Sud et leur apparition dans l'Adriatique modifieront l'orientation politique
des puissances occidentales (5) disposant d'une force navale et exerçant le commerce
maritime. Ainsi, notons-le tout de suite, si la perte de la Crète troubla la navigation dans
les mers intérieures de Byzance, c'est la perte de la Sicile qui marque définitivement la
fin de la suprématie byzantine sur mer. Le contrôle des routes internationales ne pourra
plus être l'affaire d'une seule puissance maritime, le commerce entre les pays de l'Europe
et l'Orient passera par de nouveaux intermédiaires. Les villes maritimes de l'Italie, et
notamment Venise, profiteront du déclin de la présence byzantine dans la Méditerranée
(1) Sur la constitution des thèmes de Calabre et de Longobardie, cf. A. PERTUSI, Coslantino
Porfirogenito, De Thematibus, Vatican, 1952, p. 174 sq. ; J. GAY, L'Italie méridionale, p . 165 sq.
(2) P.G., t. CXI, col. 277.
(3) THËOPHANE CONTINUÉ, p. 365 ; SYMËON MAGISTRË, p. 704 ; GEORGES I,E MOINE CONTINUÉ,
p. 843, 860 ; ZONARAS, III, p. 432, 446.
(4) Sur les constructions de flottes byzantines à cette époque, cf. ci-dessous, p. 103-104.
(5) E. BICKHOFF, Seekrieg, p. 24 sq., 39-40, 122 sq.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 97
Philothée (i) et le taktikon BeneSevié (2). Ces deux taktika, comparés à celui d'Uspenskij,
révèlent les points sur lesquels porte la réforme maritime, œuvre des premiers empereurs
de la dynastie macédonienne, vraisemblablement de Basile I e r et de son fils Léon VI.
Deux points importants marquent la nouvelle organisation de la marine byzantine :
a) l'organisation de l'officium du drongaire du ploïmon et, b) la formation des nouveaux
thèmes maritimes. Essayons d'examiner les conséquences de cette réforme, mise en œuvre
dans la seconde moitié du K e siècle, sur l'administration et la puissance maritime de
l'Empire.
Le drongaire du ploïmon, amiral d'importance modeste pendant la période précé-
dente, commandant de la flotte centrale stationnant dans la mer constantinopolitaine,
devient, à la suite de la réforme du nce siècle, le chef de toute flotte équipée et commandée
par le centre, et est appelé à ce titre drongaire de laflotteimpériale ((3a<7iXt.xou TtXotfxou) (3).
En temps de paix (et ceci est important), le drongaire du ploïmon impérial est responsable
des affaires maritimes, plus ministre de la marine qu'amiral en exercice, étant donné
que la flotte centrale-impériale ne semble plus avoir une existence permanente. Pendant
cette période, où Byzance, au lieu d'assumer continuellement la dépense de l'entretien
d'une flotte de haute mer, préfère la construire chaque fois que la situation l'exige,
quitte à la désarmer ensuite (4), le drongaire du ploïmon devient le haut commissaire
à la marine. Il assume éventuellement le commandement de la flotte équipée en vue
des grandes expéditions, et désignée dorénavant comme flotte impériale, par opposition
aux flottes des provinces (thématiques ou provinciales), seules à avoir une existence
permanente et dont l'importance, nous le verrons, s'accroît.
Le nouvel aspect des fonctions du drongaire an ploïmon est illustré par l'organisation
du bureau de la mer placé sous sa direction. La composition du bureau de la mer, de
l'officium du drongaire du ploïmon, nous est connue en détail par le klètorologion de
Philothée (1). Il compte dans ses cadres, à l'exemple des autres bureaux de l'adminis-
tration centrale, des fonctionnaires et des officiers, commis de la marine et relevant
directement du drongaire du ploïmon, qui les nomme. Officiers-fonctionnaires à la tête
des postes maritimes que le centre tient à contrôler directement, ou komètés, officiers
en exercice commandant des escadres de la flotte impériale quand elle existe, ils dépen-
dent, comme nous l'affirme Léon VI, du drongaire du ploïmon (2), qui, étant donné ses
nouvelles fonctions, tient maintenant dans les taktika des dignités un rang élevé.
Du klètorologion de Philothée et du taktikon BeneSevié, sources qui reflètent l'orga-
nisation militaire et l'administration civile sous les premiers Macédoniens, nous pouvons
tirer les conclusions suivantes : les hauts postes militaires sont tenus à ce moment par
les commandants de l'armée de terre. Quant aux commandements maritimes, on constate
la création de deux nouveaux thèmes purement maritimes, ceux de la Mer Egée (3)
et de Samos (4). Le thème des Cibyrrhéotes continue à être le plus important, tandis
que le thème de Samos a le pas sur celui de la Mer Egée. Cependant les stratèges de ces
trois thèmes tiennent tous un rang plus élevé que le drongaire du ploïmon, bien que ce
dernier assume maintenant le commandement de toute la flotte équipée et contrôlée
par le centre, indépendamment de l'endroit où elle stationne. La diminution de la flotte
impériale, de la flotte des dromons, au bénéfice de la flotte des thèmes, est, à notre avis,
incontestable. Le bureau de la flotte impériale compte dans ses cadres des officiers en
service dans les provinces. Placés à la tête d'une ville côtière, ils sont désignés comme
archontes de cette ville, et portent dans la hiérarchie militaire le grade de komès. Leurs
effectifs en bâtiments de guerre sont sans doute insignifiants.
Nommés aux postes clefs du commerce maritime, notamment du commerce
avec l'étranger, lesfowzire.î-archontesd'une ville (port) contrôlent la navigation, surveillent
la circulation des voyageurs venant de l'étranger ou s'y rendant, et les échanges commer-
ciaux (articles prohibés, trafic d'armes, etc.) avec les autres pays. Ils disposent sans doute
de navires chargés d'intercepter les navigateurs rebelles aux règlements en vigueur,
mais il semble improbable que ces flottilles de police navale soient composées d'un
nombre important de navires (i). Les archontes ne sont alors que des préfets maritimes ;
ils assument, autrement dit, les fonctions que l'archonte-fowîès d'Abydos (et celui de
Hiéron pour une période antérieure à celle qui nous occupe) exerçait depuis la création
de ce poste, de par la situation d'Abydos et des détroits de l'Hellespont par rapport à
Constantinople. Ils sont ainsi désignés du nom à'abydikoi de telle ou telle ville (port)
centre du contrôle maritime. Ils portent dans la hiérarchie militaire le grade de komès,
officier en fonction dans la flotte impériale, et dans la hiérarchie des dignités les titres
de stratôr ou de spatharokandidat (2). Il n'y a aucun doute que les komètés qui figurent
à un rang plutôt modeste dans Yoffiàum du drongaire du ploïmon sont les mêmes que les
« komètés du ploïmon » mentionnés ailleurs par Philothée en rapport toujours avec le
drongaire du ploïmon et son adjoint principal, le topotèrètès (3). Ils sont à identifier aux
officiers maritimes que les autres sources des ix e -xi e siècles appellent x6y.t)ç TOU CTTOXOU,
xôjATjç TOU TrXotjjLou crc-pocTou, Spouyya.poxoy.'q'ïeç, TcXsucraxol àp^ovTeç (4), etc. En exer-
cice dans la flotte, ils sont désignés par leur grade militaire : komètés. En service dans les
provinces, ils sont désignés comme archontes ou abydikoi (et plus rarement komètés') de tel
ou tel endroit, en principe d'un port (maritime, fluvial et même lacustre). L'importance
et la nature de leurs effectifs ne leur permettent plus, comme dans le passé, de surveiller
un littoral étendu. Les archontes régionaux disparaissent, à l'exception toutefois de
ceux de Chypre et de Chios (si les sceaux qui nous les font connaître sont bien datés),
et vraisemblablement de Rhodes (5). Notons par ailleurs que Chypre, base importante
pour les opérations que Byzance entreprend au Xe siècle contre les Arabes de Crète et de
Cilicie, était sans doute pourvue d'une escadre importante, stationnant en permanence
dans ses eaux et commandée par un archonte attaché directement au centre et conservant
l'importance que ses collègues régionaux avaient pendant la période précédente. Après
les victoires byzantines contre les Arabes, Chypre (6) et Chios sont érigées en thèmes,
(1) Sur la police navale installée aux Dardanelles, sur le Bosphore et en Occident (Sicile,
Durazzo, Dalmatie), cf. C. NETJMANN, Die byz. Marine, ihre Verfassung u. ihr Verfall (10. bis
12. Jahrh.), Historische Zeitschrift, N.F., t. XI/V, 1898, p. 4.
(2) Sur les rapports entre komès (ploïtnos)-abydikos-archôn d'une ville, cf. R.E.B., t. XIX,
1961, p. 243-246.
(3) PHUOTHÉË, Klètorologion, p. 161.
(4) Cf. N. BÂNESCU, Byz., t. VII, 1932, p. 326-328 ; Anal. Boll., t. XI, 1892, p . 21 ; CECAU-
MENI Strategicon, p . 102-103.
(5) L'archonte de Rhodes peut cependant désigner l'officier à la tête de la ville, et non obli-
gatoirement de l'île entière.
(6) Un stratège de Chypre, dans CBDRENUS, t. II, p. 549. I * gouvernement de cette île pré-
sente dans son évolution des rapports avec celui de la Crète : postes maritimes importants, les
deux grandes îles de la Méditerranée orientale se placent pendant le XIe siècle sons un katépanô-
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile loi
chacune de ces îles est alors placée sous un stratège commandant de l'armée et gouverneur
général de la circonscription administrative mise sous ses ordres (i).
Les sources des rx e -xi e siècles, et notamment les monuments sigillographiques,
nous révèlent l'existence d'archontes (2)-abydikoi-komètés dans un grand nombre de
villes côtières. Comme on ne constate pas une évolution dans la nature des fonctions
des abydikoi-2xch.0nx.ts d'une ville pendant la période qui s'étend des Macédoniens aux
Comnènes, nous proposons la liste suivante englobant les stchonXes-abydikoi mentionnés
dans les sources concernant les rx e -xi e siècles : Pont-Euxin : Sinope, Amisos (3), Rôsia
(le port près de Matracha), Cherson, Lykostomion, Débeltos. Propontide : Nicomédie (4),
Pardon, Abydos. Mer Egée : Christoupolis (Kavalla), Thessalonique (5), Skyros, Chrèpou,
Thèbes, Athènes, Chios (au IXe siècle seulement), Strobylos, Rhodes, Smyrne, Éphèse,
Nauplie-Argos, Chypre (première moitié du Xe siècle). Occident : Corinthe, Patras,
Bagénétia, Païenne (6), Cagliari (Sardaigne). Nous avons là une liste, nécessairement
incomplète, des postes maritimes placés sous les aichontes-abydikoi, fonctionnaires-officiers
relevant du pouvoir central, notamment du bureau de la mer, de Yofficium du drongaire
ùaploîmon. Ajoutons à cette liste deux archontes de ports lacustres, ceux de Prespa (7) et
de Nicée, si la lecture àp^wv de Nicée proposée par J. Darrouzès (8), contre àp
lu par Maas dans une lettre d'Alexandre de Nicée, ne cache le terme à
Plus que bases navales, les villes qui figurent sous un archonte aux ix e -xi e siècles
sont des centres du commerce international de l'époque. Elles sont pourvues d'un bureau
de douane dont le responsable, le commerciaire, relève du logothète du génïkon. Leur
archonte, ou plus rarement abydikos, suivant les sources, se contente du contrôle de
la navigation, du mouvement des navires sur lesquels il perçoit la taxe appelée du nom
duc ; sur les fonctionnaires de Chypre, cf. D. ZAKYTHINOS, op. cit., E.E.B.S., t. XVII, 1942,
p. 60-63 ( a u Ueu de komès Kyprou, ibid., p. 61, il faut lire hypatikos : cf. à ce sujet H. GRÉGOIRE,
Inscriptions d'Asie Mineure, n° 309, p. 106-107).
(1) D. ZAKYTHINOS, op. cit., E.E.B.S., t. XVII, 1942, p. 52-54 (t. à p.). Le stratège de
Chypre et le stratège de Chios ont un rang modeste dans le taktikon N. Oikonomidès (exemplaire
dactylographié) : cf. ci-dessous, p. 118 sq.
(2) Pour les mentions des archontes, cf. ci-dessus, p. 57-58.
(3) Abydikos : R.E.B., t. XVIII, i960, p. 284.
(4) Nous pensons que la mention d'un architélônès du golfe de Nicomédie, P. G., t. C, col. 1125,
cache plutôt un archonte qu'un simple commerciaire.
(5) Abydikos : V. LAURENT, Orghidan, p. 141, n° 262.
(6) A mettre en rapport avec la mention d'un katépanô de Panormos mentionné dans un
synodikon de l'Orthodoxie (communication de J. Gouillard), et avec le parathalassitès de cette
ville : CI.G., IV, p. 333, n° 8715.
(7) Cf. ci-dessus, p. 55, n. 3.
(8) Épistoliers, p. 85.
102 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
de cet officier, archontikion, imposition qui ne figure, nous l'avons vu, que dans les actes
concernant le commerce maritime et la navigation. Officier désormais d'un rang modeste,
l'archonte perd de l'importance par rapport à ses collègues des périodes précédentes.
Dans la mesure où la flotte impériale périclite, il voit diminuer ses effectifs (i) ; dans
le cas où il est placé à la tête des villes (ports) de l'Empire jalonnant les grands itinéraires
maritimes de l'époque, on constate un changement dans ses attributions, devenues main-
tenant plus policières que militaires.
Alors que pendant la période précédente (vni e siècle) les grandes opérations mili-
taires dont le bon déroulement exigeait un appui naval, notamment les guerres contre
les Bulgares, mobilisaient les effectifs maritimes de divers thèmes (provinces) de
l'Empire (2), l'installation des Arabes en Crète et leurs raids contre le littoral égéen
ne permettent plus à Byzance de dégarnir les provinces côtières de leur appui naval.
Elle a été amenée en revanche à augmenter et à maintenir régulièrement ses flottes régio-
nales. Nous le verrons en étudiant les mesures maritimes des Macédoniens pour la
défense du littoral impérial (3).
En vue des expéditions importantes, offensives ou défensives, l'Empire est désor-
mais obligé de construire à Constantinople des flottes particulières, plus ou moins impor-
tantes, selon l'objectif à atteindre et les moyens dont il dispose. Ces flottes constantino-
politaines, flottes par excellence impériales, sont équipées et commandées par le centre,
notamment par le drongaire du ploïmon et son service. Elles comptent dans leurs
effectifs des marins, recrutés souvent parmi les étrangers (Russes, Dalmates) (4), à la solde
de l'Empire. Les dépenses de leur construction sont assumées par la caisse impériale (5).
(1) Intéressants de ce point de vue sont la mention de navires stationnant « dans le passé »
(TÔroxXcaôv),au dire du Porphyrogénète (De Administrando Imperio, I, p. 246, et I I , p. 197), au
Sténon, et le doute de NICOLAS MYSTIKOS, P. G., t. CXI, col. 301, sur l'existence des « chélandia
locaux » à Lampsaque : postes gardés depuis toujours par des flottilles de la marine centrale.
(2) Cf., à titre d'exemple, THÉOPHANE, p. 410 : la flotte des Cibyrrhéotes dans l'Adriatique;
P- 4*9 : la même flotte dans la Propontide contre la flotte du révolté Artabasdos ; p. 437 : les
flottes de tous les thèmes contre les Bulgares, p. 447 : idem ; p. 432-433 : une flotte de huit cents
chélandia dans le Pont-Euxin ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 79 : une des premières flottes envoyées
contïe les Arabes de Crète est la flotte du thème des Cibyrrhéotes.
(3) Cf. ci-dessous, p. 107-111.
(4) De Ceremoniis, p. 651 sq., 674 ; et ci-dessous. Appendice I I .
(5) Le vestiarion. Leur armement est procuré par le « katépanô de Yarmamenton » : cf. De Cere-
moniis, p. 676. Sur leur rhoga ( = solde), cf. THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 81 (sarakontarios stratos),
ibid., p. 391 : TOÛ OTÔXOO TY)V vevofi.i<7f/.Év?)v pôyav X<X66VTOÇ ; SYMÉON MAGISTRE, p. 624 ; GEORGES
IX MOINE CONTINUE, p . 883 ; et ci-dessous, Appendices I I , I I I .
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 103
Elles sont bâties dans les arsenaux de Constantinople (è£âpTi[u] <nç) (1) sous la
surveillance du service particulier des chantiers navals de la capitale, qui compte
dans ses cadres un chartulaire â'exartysis et plusieurs exartistai, les mêmes que les
sources tardives mentionnent sous le nom de xaTspyox-ûcjTou. On rencontre la flotte
impériale de cette époque en activité sur les côtes françaises, en Corse et en Sardaigne (2),
dans le Pont-Euxin (3), dans l'Adriatique, dans les mers grecques (Egée et Ionienne) et
en Egypte. Composée de navires de haute mer, elle peut facilement atteindre les rivages
les plus éloignés ; elle est partout présente mais, malgré ses effectifs souvent impor-
tants, elle s'avère insuffisante pour faire face à la situation qu'ont créée dans le Pont-
Euxin l'apparition des flottes russes et dans la Méditerranée la multiplication des flottes
arabes. A celle de Syrie s'ajoute l'importante flotte de Cilicie avec Tarse comme base
principale. Pour ne parler que des flottes arabes apparues après la prise de la Crète,
ajoutons à celle de Libye (Tunis) la flotte de Sicile, et en dernier lieu celle des Arabes
d'Egypte qui, menacés plusieurs fois par les flottes byzantines de cette époque dans leurs
propres territoires, furent amenés pour se défendre à renforcer leur appareil naval long-
temps laissé dans un état d'abandon (4).
Il serait long de mentionner toutes les flottes plus ou moins importantes que Cons-
tantinople a construites depuis la perte de la Crète et l'installation des Arabes d'Afrique
en Sicile et en Italie. Les sources de l'époque fournissent des renseignements détaillés
sur la longue série d'opérations navales (batailles, raids, expéditions d'outre-mer) qui
se déroulèrent en Méditerranée et mirent la flotte byzantine impériale face à diverses
flottes arabes. Les sources grecques nous font connaître en détail l'effort inlassablement
fourni par Byzance depuis Michel II pour la reconquête de la Crète et depuis Théophile
pour le maintien en Italie (5). Les sources occidentales complètent nos renseignements
(1) Sur l'exartysis, son chartulaire et les exartistai, cf. THÉOPHANB CONTINUÉ, p . 391 ;
CEDRENUS, II, p. 529 ; Actes de Lavra, p. 34 ; P.G., t. XCV, col. 368 ; J. BURY, Administrative
System, p. 96 ; ci-dessous, Appendice I I I .
(2) M.G.H., Scriptores, I I I , p. 373 ; IviuTPRAND, Antapodosis, V, 9, 16.
(3) THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 123 (à Cherson), et p. 136 à Amastris contre le révolté turc
Théophobos; ibid., p. 358, 389, 401, dans le Danube contre les Bulgares; De Administrando Imperio,
I, p. 252, II, p. 150 ; et ci-dessus, p. 87, n. 2.
(4) Cf. ci-dessus, p. 93.
(5) Sources principales : THÉOPHANE CONTINUÉ complété par SYMÉON MAGISTRE, GEORGES
US MOINE CONTINUÉ, GÉNÉSIOS, THÉODOSE D E MÉWTENE, LÉON GRAMMAIRIEN, ZONARAS et
CEDRENUS ; pour les opérations en Italie la Chronique de Cambridge (version grecque dans
A. VASIMËV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 342 sq., et t. II, p. 99 sq.), la lettre du pape Etienne à
Basile I e r , MANSI, XVI, col. 425, et le De Thematibus, p. 98 sq., sont utiles. Renseignements
importants et peu utilisés dans les Vies des saints de l'époque : cf. la liste établie par G. I/OunAET,
dans A. VASIMEV, op. cit., t. I, p. 431-436 ; R.H., t. CCXXVII, 1962, p. 12. Pour les opérations
104 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
en ce qui concerne les opérations dans l'Adriatique (i), tandis que les sources arabes
sont précieuses pour tout ce qui concerne les tentatives byzantines contre les diverses
bases arabes, en Libye, en Cilicie et Syrie, et surtout en Egypte contre Damiette (2).
Expéditions punitives ou mesures de défense, opérations offensives ou de simple inti-
midation, elles révèlent le grand effort que la flotte impériale déploya à ce moment et qui,
face à une puissance navale arabe bien organisée et contrôlant les points stratégiques de
la Méditerranée, demeura infructueux.
Sous Basile I e r et Léon VI, malgré les grandes flottes que ces empereurs ont mises en
chantier et les effectifs maritimes qu'ils ont mobilisés (notamment lors des expéditions
commandées par Ôoryphas, Nasar (3) et Himérios), et qui se sont illustrées quelque-
fois par des succès importants, les Arabes d'Afrique ont achevé la conquête de la Sicile.
Ils se sont installés en Italie et dirigent leurs attaques contre le littoral nord de l'Adria-
tique et contre le rivage ionien. Les Arabes d'Egypte sont déjà capables de menacer
Constantinople même, ceux de Crète arrivent à percevoir des impôts réguliers sur la
population des îles égéennes et du Péloponnèse (4), tout en poussant leurs raids jusqu'au
littoral macédonien (5), tandis que les Arabes de Syrie-Cilicie pillent les côtes micra-
siatiques, et attaquent même Attalée (6). Us entrent dans la mer Egée et pillent le littoral
grec, ils croisent en Propontide et menacent même Constantinople (7). Ils mettent fina-
lement à sac Thessalonique, la seconde ville de l'Empire qui, bien que port particulière-
ment actif à cette époque, ne disposait pas d'une escadre importante de la flotte. C'est
byzantines en Italie sous les Macédoniens, cf. J. GAY, L'Italie méridionale, p. 109-131, et H. GRÉ-
GOIRE, La carrière du premier Nicéphore Phocas, Mélanges St. Kyriakidès, Thessalonique, 1953,
p. 234 sq.
(1) Sur les sources arabes et occidentales, cf. M. AMARI, Biblioteca arabo-sicula, versions
italiana, Torino, t. I et II, 1880-1881 ; A. VASUJEV, Byzance et les Arabes, 1.1 et II avec les addi-
tions dues à M. CANARD ; MURATORI, R.I. SS, t. I, pars I et II, et t. XII, p. 170 (Venise-Byzance
et les Arabes d'après Dandolus) ; JEAN DIACRE, M.G.H., Scriptores rerum longobar., p. 430 sq. ;
JEAN, Chronique vénitienne, éd. PERTZ, ibid., t. VII, p. 1 sq.
(2) Opérations inconnues par ailleurs : cf. A. VASHIEV, Byzance et les Arabes, t. I, p. 212 sq. ;
H. GRÉGOIRE, Byz., t. VIII, 1933, p. 515-517, 524-525 ; R. REMONDON, A propos de la menace
byz. sur Damiette sous Michel III, ibid., t. XXIII, 1953, p. 245-250.
(3) Sur l'expédition de ce célèbre amiral, cf. Acta SS., Aug., III, p. 489-509 ; THEOPHANE
CONTINUE, p. 304 sq. ; De Thematibus, p. 98.
(4) Acta SS., Febr., II, p. 1125-1130 ; CAMENIATE, p. 583 ; MAI, N.P.B., t. IX, 3, p. 11.
(5) Plusieurs mentions dans les documents athonites.
(6) H. GRÉGOIRE, Incriptions d'Asie Mineure, n os 302, 303 ; et les renseignements des sources
arabes, apud A. VASIUEV, Byzance et les Arabes, t. II, p. 13 sq.
(7) Les raids du renégat Damianos et de Tripolitès, connus par les chroniqueurs byzan-
tins et arabes, sont les plus importants : ils ont eu lieu au début du Xe siècle : cf. ci-
dessous p. 105.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 105
du moins ce qui apparaît du long récit du siège laissé par Caméniate (1) : Thessalonique
n'avait pour protection que ses seules murailles. Caméniate, relatant en détail les mesures
prises pour la défense de la ville (2) contre la flotte et les armées de Tripolitès, ne men-
tionne nullement l'envoi de renforts maritimes. Il n'est nulle part question d'un pro-
gramme de défense sur mer. La flotte impériale de l'époque s'esquive ou se cache ; ses
effectifs ne lui permettent pas d'entreprendre des opérations de grande envergure contre
les multiples flottes arabes ; ses bases provinciales ne disposent point d'effectifs capables
de défendre efficacement le littoral, ou de décourager les raids des bateaux pirates, en
nombre souvent modeste. Faut-il rappeler que vingt-sept bateaux crétois ont suffi pour
imposer la loi dans la mer Egée (3) et la Propontide même, et que la flotte byzantine sous le
drongaire Eustathe ou sous le logothète Himérios évite soigneusement de rencontrer les
flottes arabes qui dévastent le littoral égéen et celui de la Propontide ? Aréthas peut louer
les victoires de la flotte byzantine en Attique et ailleurs (4), il est toutefois hors de doute
que, sous Basile I e r et Léon VI, l'Empire a connu ses plus grandes défaites maritimes et le
recul de ses positions stratégiques côtières, bien qu'ayant multiplié ses efforts pour
maintenir sa force navale.
Le IXe siècle marque pour Byzance non pas la décadence de sa flotte (au contraire
les effectifs maritimes de l'Empire se sont considérablement accrus par rapport à la
période précédente), mais la fin de sa thalassocratie. La flotte byzantine, malgré ses efforts
courageux et ses nombreuses réussites, n'a pu faire face efficacement à la situation créée
en Méditerranée par la prolifération des flottes arabes. Une seconde période de piraterie
arabe s'ouvre avec le rxe siècle ; elle mit à mal surtout la Méditerranée orientale qui,
pendant plus d'un siècle, vécut dans la confusion. Bulgares et Russes ont profité de cette
situation pour lancer leurs grandes attaques contre Byzance. Le rivage pontique, tenu
jusque-là à l'écart des invasions pirates, en connut à son tour les méfaits.
Byzance, obligée dorénavant de faire face sur mer à des ennemis multiples et entre-
prenants qui menacent toutes les parties de son vaste littoral, partagera son effort et sa
force navale entre les opérations contre l'ennemi pontique (Russes) et l'ennemi méditer-
ranéen (Arabes). Léon VI ne manquera pas de souligner, dans ses Tactiques navales,
ce double aspect des luttes sur mer, attirant particulièrement l'attention de ses amiraux
sur les diverses habitudes maritimes de ces deux adversaires (i). Ainsi pendant le ix e et
le Xe siècle, l'Empire fut obligé de construire plusieurs flottes dirigées particulièrement
contre les Russes, telle par exemple la flotte mise en état par Romain Lécapène et décrite
en détail par Liutprand (2). Ce sont des flottes moins importantes que celles mobilisées
contre les Arabes ; elles doivent surtout leur réussite au feu grégeois, qui se révéla très
efficace contre les petits navires russes, les monoxyles, et fut, pour cette raison, mani-
festement redouté par les envahisseurs nordiques (3).
Notons pour conclure que Byzance, dont l'autorité sur mer et en Occident avait
lourdement souffert de la perte de la Crète et de la Sicile, se tourne désormais vers
l'Orient et vers l'armée de terre. Ses victoires dans cette partie du monde sont dues à
l'armée de terre et lui permettront de prendre sa vraie revanche contre les puissances
maritimes arabes. Cette revanche est un fait accompli lors de l'installation de l'autorité
byzantine en Cilicie et en Syrie et après la reconquête de la Crète (961).
Entre-temps et pendant un siècle (seconde moitié du ixe-première moitié du
e
X siècle), l'Empire a connu la dévastation de son littoral méditerranéen, le déclin de son
activité commerciale et l'appauvrissement de ses populations côtières. Il a vu son
prestige de première puissance navale bafoué par quelques pirates arabes installés en
Crète. Constantin Porphyrogénète, à qui nous devons la rédaction d'une grande partie
de l'histoire de Théophane continué, démontre bien, et à plusieurs reprises, à quel point
l'occupation de la Crète et la situation qui en découla préoccupaient l'Empire et ses
I y autorités militaires. En relatant les victoires d'Ôoryphas contre les pirates crétois,
victoires à la suite desquelles Byzance a pu récupérer un nombre important des îles
égéennes investies par les Arabes, le Porphyrogénète note : T<XÛTY)V (la Crète) Se, wç eoixe,
etç 7][i.âç- àXÀà xà [JLSV Ttepl aûxTJç ®scî> (xsArjcrei, [XEXY)CTSI Se xat Y]fJÛv TOÏÇ
xl fi-eô' Tjjiipav T7)v ipujcrjv SoOTavûatv Û7cèp aÙTvjç (4). En effet, Constantin Por-
phyrogénète, l'empereur que les sources présentent comme un connaisseur en construction
navale (5) et comme particulièrement averti des problèmes maritimes, déploya, à l'exemple
de ses prédécesseurs, son grand-père Basile I e r et son père Léon VI, un grand effort
pour la construction de flottes destinées uniquement à la reconquête de la Crète.
Celles-ci ont absorbé une grande partie du trésor impérial (6) ; elles n'ont pas atteint
i
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 107
leur but, mais leur construction inaugure une nouvelle période de l'histoire navale
de Byzance, période pendant laquelle Byzance, déchue de son rang de puissance
maritime internationale, poursuit obstinément son effort pour retrouver son ancienne
place dans le monde méditerranéen, entretenant dans ce but d'importantes flottes
offensives (flotte impériale) et défensives (flottes thématiques et provinciales parti-
culièrement renforcées, nous le verrons). Elle finit par enlever la victoire et par
voir le couronnement de ses efforts. La période commencée avec la perte de la
suprématie de Byzance sur mer s'achève finalement avec la reconquête de la Crète
et la consolidation de la présence byzantine en Italie (1), qui vont redonner à
l'Empire la possibilité de jouer un rôle d'arbitre dans les affaires méditerranéennes
de la fin du Xe et du début du xi e siècle.
les sommes importantes qui avaient été dépensées inutilement dans le passé, surtout sous Léon
et Constantin. » Ibid., p. 436, 438, mention de l'expédition de Constantin Goggylès (hègètôr
naumachias) et de Kourtikès contre la Crète.
(1) Ci-dessous, p. 111 sq., et 122 sq.
108 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
Le thème des Cibyrrhéotes (avec Attalée pour capitale et comme base de la flotte
d'élite des Mardaïtes placée sous un commandant particulier, le katépanô des Mar-
daïtes, directement nommé par l'empereur et rivalisant en importance avec le stratège du
thème) (i) continue à être le plus important thème maritime de tout l'Empire. La
circonscription de la Mer Egée, c'est-à-dire le littoral sud de la Propontide et les îles
Ténédos, Lemnos, Imbros, Lesbos, et vraisemblablement Chios (après la disparition
de l'archonte régional, au IXe siècle, et avant la nomination du stratège, à la fin du
Xe siècle), forme maintenant un thème purement maritime. Englobe-t-il les Cyclades,
comme l'affirme le Porphyrogénète (2) ? Cela n'est pas exclu pour la première moitié
du Xe siècle, où l'ancien commandement maritime des Douze Iles, ou du Kolpos, disparaît,
et où Samos, érigée maintenant en thème maritime, n'englobe dans sa circonscription
que le littoral occidental de l'Asie Mineure (3). Cependant il semble plus probable que
l'ancien commandement des Douze Iles, qui englobait les Cyclades, une partie de l'actuel
Dodécanèse, et sans doute Samos, ait été morcelé et partagé entre les trois thèmes mari-
times de cette époque. Notons, à ce propos, que le commandement maritime des Douze
Iles-Cyclades-Kolpos-Plôizoménoi disparaît des sources de la première moitié du
Xe siècle, pour réapparaître, nous le verrons, dans le dernier quart du Xe siècle sous le
nom des Cyclades (4).
Samos, vraisemblablement capitale de l'ancien commandement maritime des Douze
Iles-Kolpos-Plôizoménoi (5), forma vers la fin du IXe siècle un thème maritime indépendant,
second thème maritime de l'Empire, son stratège ayant le pas dans les taktika des dignités
sur celui de la Mer Egée. Le thème de Samos avait, selon le Prophyrogénète, Smyrne
pour capitale, et outre l'île de Samos, il englobait les régions côtières d'Éphèse et d'Adra-
mytte, chacune constituée en tourma de cette circonscription administrative. Nous avons
ainsi les noms des bases de la flotte thématique, à ajouter à celles de la flotte des Cibyr-
rhéotes, Attalée et Syllaion (poste de Yekprosôpou du stratège de ce thème) (6), et de la
Mer Egée, c'est-à-dire les îles de Ténédos, Lemnos, Imbros, Samothrace, Lesbos,
Chios, avec comme centre administratif de ce thème Constantinople même. Constatation
étrange, que nous permettent de formuler les renseignements de certaines sources
concernant l'activité des fonctionnaires du thème de la Mer Egée. En effet, au début
du Xe siècle, un stratège de ce thème se trouvant à Constantinople part pour une inspection
(1) Cf. l'incident entre les deux officiers rapporté par le De administrando Imperio, I, p. 240-
242 ; sur le katépanô des Mardaïtes d'Attalée, cf. aussi. De Ceremoniis, p. 657, 660.
(2) De Thematibus, p. 83.
(3) Ibid., p. 81-82.
(4) Cf. ci-dessous, p. 121.
(5) Cf. ci-dessus, p. 81.
(6) Cf. ci-dessus, p. 83, n. 3.
II!''
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 109
dans son thème qui le mène jusqu'à Lemnos, pour retourner de nouveau à la capitale (1).
Faut-il rappeler que, pendant cette période où la flotte impériale n'a pas une existence
permanente, la garde de Constantinople est confiée précisément aux stratèges de la Mer
Egée (2), et que Psellos et un correspondant anonyme du Xe siècle, pour obtenir des
privilèges en faveur des biens et des couvents situés aux alentours de Constantinople,
s'adressent au kritès du thème de la Mer Egée (3) ?
Les thèmes des Cibyrrhéotes, de Samos et de la Mer Egée, sont les seuls thèmes
purement maritimes : la mention de 0e|i.omxà Tikoi\xa. ne se rapporte qu'à leur flotte,
ils sont souvent dits Ta Tpia 7rXoï[io8s[i,aTa (4) par opposition aux autres thèmes
de l'armée de terre, armée des cavaliers (xaëocXXocpixà 0éfj.aTa), et au ploïmon impérial
([3ix<nXixàvTCX&HJJIOV),comme aussi auxXourai 7tX6ï(ioi (5). Les marins de ces trois thèmes
sont, comme nous le dit explicitement une novelle de l'époque, OCÛTOCJTOXOI et aûxepéToa
( = équipés et armés par leurs propres moyens), contrairement aux marins de la flotte
impériale et aux Xomol TrXéïjiot. Retenons cette dernière catégorie de marins, qui \mr\-
pETouvTou pôyaiç (6) : c'est-à-dire qu'ils sont équipés par des moyens financiers fournis
par le gouvernement. Nous avons là la véritable différence entre la flotte que nous
appelons thématique et les autres formations navales, la flotte impériale et la flotte
provinciale.
LA FLOTTE PROVINCIALE
(1) Vie de saint Athanase l'Athonite, éd. L. PETIT, Anal. Boll., t. XXV, 1906, p. 18, éd. POM-
JAI.OVSKIJ, p . 3.
(2) De Ceremoniis, p. 664.
(3) PSEIAOS, Scripta minora, éd. DREXI,, t. II, Milano, 1941, p. 148-149, 150-151 : demandes
en faveur des couvents de Théotokos Acheiropoiètos des alentours de Constantinople, et de Narsou :
cf. R. JANIN, La géographie ecclésiastique de l'Empire byzantin, t. III, Les Églises et les monastères
de Constantinople, Paris, 1953, p. 165, 206, 373, etc.; J. DARROUZÈS, Épistoliers, p. 376sq.
(4) De Ceremoniis, p. 656, 662, 668, etc.
(5) ZEPOS, JUS, I, p. 223 ( = F. Dôr,GER, Regesten, n° 673).
(6) Ibid., p . 223, à mettre en rapport avec la vevo(x«j(jiév7) p6ya due à la flotte relevant du
drongaire du ploïmon : cf. GBORGES i*B MOINE CONTINUE, p . 883 ; THEOPHANB CONTINUE, p . 391 ;
sur les obligations des marins de la flotte impériale, cf. aussi, De Ceremoniis, p. 695.
HO Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
tantes sur presque tout le littoral byzantin a obligé Constantinople à entretenir des esca-
dres modestes, composées de bateaux légers (chélandia, gàléai), et chargées de la protec-
tion des thèmes riverains non maritimes. Rappelons le statut de ces flottilles provinciales,
qui ne sont que les Xontoi, Tikoi\i.oi de la novelle citée ci-dessus, mentionnés parallèlement
et indépendamment de la flotte impériale et de la flotte thématique. Leurs équipages
sont formés de marins de métier (i), les taxatoi de l'époque précédente, recrutés dans
toutes les régions de l'Empire (et non seulement dans la province où ils exercent leur
service), et, plus rarement, parmi les étrangers en service dans l'Empire. Notons qu'on
trouve surtout cette dernière catégorie de mercenaires marins dans la flotte impériale,
qui compte souvent parmi ses équipages des Russes, des Pharganoi et des Toulmatzoi (2).
Les marins des flottes provinciales sont équipés par le gouvernement ; autrement dit, ils
suivent, quant à leur armement, le régime en vigueur dans la flotte impériale. Mais en
i service dans les provinces-thèmes, ils sont placés sous les ordres d'officiers thématiques, les
i tourmarques du ploïmon qui, en temps de paix, obéissent au stratège du thème, mais
] qui, pendant les grandes expéditions réunissant toute la flotte byzantine, relèvent du
/ drongaire du ploïmon (3). Les flottilles provinciales ont, en d'autres termes, le même
statut que les tagmata de l'armée de terre stationnant dans les provinces-thèmes. Un
examen des sources de l'époque nous permettra de préciser les endroits où ces flottilles
^ \ provinciales stationnent pendant la première moitié du Xe siècle.
,• . > ' Un tourmarque du paralios (nom significatif), dans le thème du Péloponnèse,
* commande une flottille composée de quatre chélandia (4). Des Mardaïtes, marins de
métier, sont mentionnés, en dehors bien entendu de la Pamphylie, dans les thèmes
du Péloponnèse, de Céphalonie, et de Nicopolis (Épire) : ils portent alors la qualification
significative de MocpSafrrai, TTJÇ AÛCTECOÇ (5). Des chélandia sont construits et stationnent en
Calabre (6). Enfin on relève plusieurs mentions des navires du thème de Paphlagonie,
mentions à rapprocher du katépanô de Paphlagonie, officier marin connu aux ix e -x e siè-
cles (7), directement nommé par l'empereur, sans doute à l'exemple du katépanô des
Mardaïtes d'Attalée (8). Faut-il reconnaître comme propriétaire du sceau mentionnant
(: ' t
f. , ! i y (1) N o t a m m e n t des Mardaïtes, attestés ailleurs q u ' e n Pamphylie, leur foyer, après leur
r 1 installation d a n s l'Empire (cf. p . ex. De Ceremoniis, p . 665, et ci-dessus, p . 82, n . 2).
J .: (2) Cf. De Ceremoniit, p . 651 sq., p . 674, navires des Russes, etc.
;• ,! 1 •;' (3) D'où la mention de 0é(i.aTa (3aaiXixo0 TtXcotjjiou : De Ceremoniis, p . 667.
jl '', ' (4) Ibid., p . 665, et p . 663 : t o u r m a r q u e s d u paralios d u t h è m e des Thracésiens.
j :• (5) Cf. ci-dessous, Appendice I .
J j. (6) Vie de saint Nil le Jeune, P.G., t. CXX, col. 105 sq.
' j (7) THÉOPHANBCONTINUÉ,p. 123;DeAdministrandoImperio.I,p. 182,etII,p. 154.Ci-dessus,
> :' p. 108.
(8) D'après un passage de PHUOTHÉE, Klètorologion, p. 178, 1. 19.
il '
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile III
LA RECONQUÊTE DE LA CRÈTE
(1) G. SCHI/UMBERGER, Sigillographie, p. 297 ; s'il faut lire Amastris ou Amastra, le sceau
du katépanô doit être mis en rapport avec celui publié par V. LAURENT, Orghidan, p. 122, n° 227,
et appartenant à un duc de cette ville, bien que ce dernier soit daté du x n e siècle : il montre
l'importance de cette ville pontique. Pour l'importance maritime d'Amastris au Xe siècle, cf.,
à titre d'exemple, P.G., t. CV, col. 421, et pour la période précédente [la Vie de saint Georges
à"Amastris, éd. WASSIMEVSKIJ, 1915, t. I I I , p . 1-71.
(2) De Ceremoniis, p. 653.
(3) Ibid., p. 664, 668.
112 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
il
(2) THÊOPHANE CONTINUÉ, p. 203 : « Ayant fait une expédition contre les Arabes de Crète,
il revint sans avoir obtenu le moindre résultat. » Sur le personnage de Théoctiste, cf. A. VASUJEV,
l'j : ( Byzance et les Arabes, I, p. 194, n. 1.
un,, • (3) Sur l'expédition de Théoctiste, cf. J. PAPADOPOUI,OS, La Crète sous les Sarrasins (824-961)
H (en grec,) Texte u. Forschungen z. byz. neugriech. Philologie, t. XLIII, Athènes, 1948, p. 71-72 ;
i). 1 ' H. GRÉGOIRE, Études sur le rx e siècle, Byz., t. VII, 1933, P- 5 l 8 -55° ; A - VASIUEV, op. cit., I,
j'ï ; ( p. 194 ; H. GI,YKATZI-AHRWEII,ER, 1/administration militaire de la Crète byzantine, Byz., t. XXXI,
1
K t *\ 1961, p. 220-221 ; à remarquer qu'Ibn Khordâdbeh mentionne la Crète comme territoire byzantin :
y !' cf. H. GEWER, Die Genesis d. byz. Themenveriassung, A bhandl. d. philol. hisi. Kl. d. kônigl.
if . Sâchs. Gesel. d. Wiss., t. XVIII, 5, Leipzig, 1899, p. 81.
!i?jv '.'•' (4) A. VASUJEV, op. cit., I, p. 258 sq. ; l'opinion selon laquelle cette expédition a atteint
\) ';'• ) la Crète ne nous semble pas fondée (cf. H. GRÉGOIRE, Byz., t. VIII, 1933, P- 5 2 6 sq.) : les textes
il s; sur lesquels on s'appuie pour réfuter les renseignements de tous les historiens de l'époque et
I ! notamment la lettre de Photius à Michel I I I (P. G., t. Cil, col. 720) sont d'origine constantino-
' !: politaine, ils montrent ce que les gens de la capitale croyaient, sans pour autant être au courant
'î P des événements de Kèpoi. Les sources historiques de cette époque sont formelles sur ce point :
i;i ] l'expédition ne débarqua jamais en Crète : cf. GÉNÉSIOS, p. 103 sq., THÊOPHANE CONTINUE, p. 204 sq.
kii
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 113
était la libération de la Crète (i), arma dans ce but une flotte considérable dont la
composition, l'équipement et les dépenses d'armement nous sont donnés en détail
par l'appendice du De Ceremoniis (2). Enfin son fils, Romain II, créa, par l'intermédiaire
du chef de son gouvernement Joseph Briggas, qui assumait aussi la fonction de drongaire
du ploïmon (3), et malgré l'opposition du sénat (4), la plus grande flotte que Constan-
tinople construisit jamais. Elle était destinée, sous le commandement de Nicéphore
,( l Phocas, à atteindre le but tant recherché : la libération de la Crète. C'est le moment de
la grande puissance militaire de l'Empire. Byzance possède la plus grande flotte de
guerre de l'époque, flotte armée pour des buts offensifs. Elle dispose également d'une
importante armée de terre, notamment l'armée d'élite des tagmata, armée de choc qui
\ s'illustra par d'importantes victoires en Orient. Toutes les conditions sont alors réunies
* pour réaliser l'expansion.
Nous devons à Théophane continué, au pseudomagistre Syméon et à Léon le Diacre,
la description de la flotte et du corps expéditionnaire que Nicéphore Phocas lance
en 960 contre la Crète. Nous leur devons aussi le récit détaillé des événements qui ont
abouti, après un siège de plusieurs mois, à la prise, le 7 mars 961, de la forteresse de
/^ Chandax (Hérakleion) et à la reddition de l'île (5). Théodose le Diacre nous a laissé sous
*>•» le titre â'akroasis une série de poésies commémorant ce haut fait des armées byzantines (6).
1
G. Schlumberger en a tiré une description détaillée et vivante des opérations de Nicéphore
Phocas, et à cette occasion il consacre à la marine byzantine une longue étude, utile à
consulter surtout en ce qui concerne la description et l'équipement des bateaux (7).
Mille dromons, deux cents navires de toutes sortes munis du feu grégeois et trois cent
sept navires de transport (xa[xaT7]pà xapà6i.a) prirent part, selon Théophane continué,
1 ;
du début du Xe siècle, cf. la bibliographie donnée par G. OSTROGORSKIJ, Geschichte3, p. 215, n. 2 ;
I ';• l. et en dernier lieu, Irène SORWN, Les traités de Byzance avec la Russie au Xe siècle, Cahiers
" j •;• \ du Monde russe et soviétique, t. II, n os 3 et 4, 1963, p. 313 sq. ; et une source peu utilisée et éditée
\ '•'• ^ par E. DOBSCHUTZ, Der Kammerherr Theophanes, B.Z., t. X, 1901, p. 166-181.
\'i ' (1) THÉOPHANE CONTINUÉ, p . 81.
t- ;' ( (2) P. 664 sq. ; sur le déroulement des opérations, cf. LÉON DIACRE, p. 6-7, et THÉOPHANE
''A ' * V CONTINUÉ, p. 438.
} • (3) THÉOPHANE CONTINUÉ, p . 469.
(4) IHd., p. 474.
(5) LÉON DIACRE, p . 7 sq. et p . 24-29 ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 473 sq. ; SYMÉON MAGISTRE,
P- 758 sq.
(6) THÉODOSE, Acroasis, Expugnatio Cretae, p. 264 sq. ; aussi, N. PANAGIÔTAKËS, Théo-
dose le Diacre et sa poésie sur la prise de la Crète (en grec), Hérakleion, 1962.
(7) Un empereur byzantin au Xe siècle, Paris, 1890, p . 32 sq., et sur la flotte p . 50 sq. ; cf.
aussi la description détaillée de cette expédition par J . PAPADOPOUIOS, La Crète sous les Sarrasins
(en grec), Athènes, 1948, p. 90 sq.
i
•? . .
li
\ài,\\\
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 115
à cette expédition (1). La flotte, transportant une armée d'élite, tagmata de cavaliers et
fantassins marins, appareilla de Constantinople en juillet 960. Elle suivit l'itinéraire
donné en détail dans l'appendice du De Ceremoniis (2) ; elle stationna près d'Éphèse
(à Phygéla) (3), lieu habituel de rassemblement des contingents provinciaux, avant de
faire voile vers la Crète où, d'après Attaleiate, elle fut conduite par quelques navires
de l'île de Karpathos, dont les marins étaient parmi les rares Byzantins qui pratiquaient
encore la route entre les côtes micrasiatiques et la mer Cretoise, abandonnée depuis
l'installation des Arabes en Crète (4). L'opération ainsi préparée militairement fut de
grande envergure. On avait pris soin de réunir toutes les conditions nécessaires à sa
réussite. Le nombre et la qualité des effectifs mobilisés et la nomination comme comman-
dant en chef du plus illustre général de l'époque en témoignent. On a donné à l'expédition
le caractère d'une guerre sainte, les moines étaient appelés à prier pour son succès et
sa réussite fut en effet suivie d'un important effort pour la conversion des Arabes de
l'île et la rechristianisation de sa population (5). Nicéphore Phocas, rentré à Constantinople,
reçut, et à juste titre, les honneurs du triomphe (6). Envoyé ensuite en Orient, il remporta
de grandes victoires contre les Arabes de Cilicie. Couronné enfin empereur en 963, il
poursuivit son effort en vue de la restauration de l'Empire.
Après le grand succès que fut la libération de la Crète, la flotte construite en vue
de l'expédition de Nicéphore Phocas se mit au service de la politique militaire de son
commandant en chef devenu entre-temps empereur. En 965 la flotte byzantine soumit
à l'autorité impériale l'ensemble de l'île de Chypre, où cependant la présence byzantine
n'avait jamais cessé d'être effective (7). Après la pacification du bassin oriental de la
Méditerranée, obtenue grâce à la soumission de la Crète et de Chypre, l'effort maritime
(1) THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 475 ; le chiffre donné par SYMÉON MAGISTRE, p. 758, de
3 360 navires est peu différent de celui de 3 300 proposé par le continuateur de Théophane :
il semble pourtant excessif à E. EICKHOFF, Seekrieg, p. 285, n. 6.
(2) De Ceremoniis, p. 658.
(3) ATTALEIATE, p. 223-224, la fait partir de Hagia (La Sainte), promontoire voisin de
Phygéla, ce dernier port étant évité par Phocas à cause de son nom (Phygè = fuite), jugé de
mauvais augure pour le déroulement de l'expédition.
(4) ATTALEIATE, p. 224.
(5) Cf. les détails fournis par la Vie de saint Nicon Métanoeité, éd. S. LAMPROS, N. Hell.,
t. III, 1901, p. 131 sq. ; et la Vie de saint Athanase l'Athonite, éd. POMJAI,OVSKIJ, p. 26 sq. :
à ce sujet, cf. P. LEMERLE, La vie ancienne de saint Athanase l'Athonite, dans Le Millénaire du
Mont-Athos, I, Chevetogne, 1963, p. 75.
(6) LÉON DIACRE, p. 24-29.
(7) Sur la date de la reprise de Chypre et la situation de cette île avant l'expédition qui eut
lieu sous Nicéphore Phocas, cf. les remarques de P. LEMERLE, op. cit., p . 77, et surtout p. 93
et n. 96 ; Vie de saint Athanase l'Athonite, éd. POMJALOVSKIJ, p. 26, éd. L. PETIT, Anal. Boll.,
t. XXV, 1906, p. 44-45; et De Thematibus, p. 80-81.
116 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
de Byzance se porta vers l'Occident (i). On signale alors la présence de la flotte byzantine
dans les mers italiennes. Elle opère, sans beaucoup de succès, d'abord contre les Arabes
de Sicile (2) (964-967) et ensuite contre le roi germanique Othon qui, appuyé par le
prince lombard Landulf, menaçait les possessions byzantines en Apulie et en Calabre (3).
Une nouvelle période s'ouvre alors dans l'histoire de la flotte et de la politique maritime
de Byzance. Le rétablissement de l'autorité impériale en Italie, troublée par les révoltes
successives des princes locaux, et la reprise de la Sicile sur les Arabes deviennent les
principaux objectifs de la politique impériale,, qui sera pendant une longue période
tournée vers les problèmes de l'Occident. L'effort en vue de la réalisation de nouveaux
objectifs de Byzance mobilisera souvent les flottes de l'Empire, et atteindra son point
culminant, nous le verrons (4), au xi e siècle. Il sera toutefois souvent entravé par la
réaction des populations byzantines de l'Italie, dont les intérêts économiques souffraient
des opérations militaires et dont les liens avec Constantinople étaient depuis longtemps
relâchés (5).
Entre-temps, les guerres contre les Arabes en Orient et contre les Russes et les
Bulgares dans les Balkans, menées surtout par l'armée de terre, absorbent l'attention
de Byzance pendant tout le dernier quart du Xe siècle et le début du xi e . Pendant
cette période la flotte sera négligée. L'Empire, après la reprise de la Crète et la conso-
lidation de son autorité en Italie, se contentera d'assurer les communications entre
(1) D'après LÉON DIACRE, p. 65 sq., une nouvelle flotte fut construite par Nicéphore Phocas
•en vue des opérations en Sicile.
(2) Sur le déroulement des opérations, cf. LÉON DIACRE, p. 65 sq. ; sur la captivité du chef
de la flotte, du drongaire du ploïmon Nicétas (sans doute Abalantos), cf. la notice publiée par
H. OMONT, Facs. d. ms. grecs datés de la Bibl. Nationale, Paris, 1891, pi. VI ; sur la paix signée
' j ,' \ entre Byzance et les Arabes, cf. P. DôXGER, Regesten, n° 708. Les prières des moines sont deman-
dées pour la réussite de cette expédition : à ce sujet, J. DARROUZÈS, Épistoliers, p. 149.
ji ' . Récit de l'expédition dans J. GAY, L'Italie méridionale, p. 290 sq.
I •', s, (3) Sur les rapports d'Othon et de Nicéphore Phocas, cf. J. GAY, L'Italie méridionale, p. 304 sq.
V/
il V (4) Ci-dessous, p. 122-135.
j (5) La meilleure illustration de cette réaction nous est fournie par la Vie de saint Nil le
Jeune : elle nous rapporte le soulèvement de la population de Rossano qui fut provoqué par la
décision concernant la construction d'une flotte locale prise par le premier duc d'Italie et de
Calabre, Nicéphore le Magistre : « Les habitants (paroikoi) de Rysianou,| n'ayant pas l'habitude
de travailler sur des navires de guerre (chélandia), attaquèrent la flotte dès la fin de sa construc-
tion, et tous ensemble y mirent le feu dans un grand [tumulte : ils brûlèrent les navires et massa-
crèrent les chefs pilotes » (TOÙÇ 7tpcûToxapà6ooç èxeçaXatcùtjav) ; leur exemple fut suivi par les habi-
tants des autres forteresses (kastra) de Calabre, et une vraie révolte se déclencha : cf. P.G.,
-t. CXX, col. 105 sq. Ci-dessous, Appendice IV.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 117
terre seront la meilleure garantie du maintien de la paix maritime ; ses forces navales
diminueront, tandis que sa flotte commerciale entrerera dans une nouvelle période
d'expansion, conséquence de la pacification des mers et de l'élargissement des frontières
de l'Empire pendant la seconde moitié du Xe siècle. Examinons cette période, car elle
constitue une étape de transition, une période de trêve que Byzance s'accorde entre
les deux grands efforts qu'elle fournit sur mer, entre la libération de la Crète et les
opérations pour la libération de la Sicile.
Bref, l'Empire, confiant en son armée de terre, manque l'occasion qui se présente alors
de contrôler effectivement les routes internationales du commerce maritime et d'exercer
une vraie thalassocratie en Méditerranée. Les avantages des victoires militaires sur terre
seront ainsi compromis dès l'apparition de nouveaux ennemis maritimes, notamment des
Normands et des autres puissances occidentales, dès que des flottes étrangères, de
commerce ou de guerre, croiseront dans les mers byzantines.
La nouvelle politique militaire de Byzance, qui a pris l'ampleur d'une véri-
table réforme, se reflète dans les institutions de cette période. Nous imaginons faci-
lement les conséquences qu'eut la disparition de la flotte impériale-centrale pour ses
cadres ; le drongaire du ploïmon, d'amiral en chef, devient commissaire aux affaires
maritimes, les archontes régionaux, de commandants indépendants des circonscriptions
maritimes frontalières pourvues d'escadres plus ou moins importantes, se transforment,
nous l'avons vu (i), en fonctionnaires affectés aux ports de l'Empire ; ils deviennent des
abydikoi, préfets maritimes dont les fonctions sont plus policières que militaires ; leur
nombre augmente mais leur importance diminue. L'établissement de la paix maritime
(seconde moitié du Xe siècle-première moitié du xie) a eu aussi des conséquences sur
l'évolution des flottes régionales (thématiques et provinciales). Nous les examinerons, ainsi
que la place tenue maintenant par les cadres de l'armée de mer en général, grâce à une
r
source capitale pour l'organisation intérieure de l'Empire pendant cette période : le
taktikon des dignités conservé dans la bibliothèque de l'Escorial et découvert et étudié
par N. Oikonomidès (2).
nistration de la région, mais avant tout l'expansion du territoire byzantin aux dépens des
ennemis voisins. Leur présence dans tel ou tel point de l'Empire signifie le rassemblement
de forces importantes chargées en principe de tâches offensives (1). Par contre, par le
rang modeste que le taktikon Oikonomidès attribue au drongaire du ploïmon et à ses
topotèrètai, ainsi qu'aux stratèges des thèmes maritimes, on comprend le peu de place que
tenaient alors dans les affaires militaires la flotte et l'armée de mer en général.
Le drongaire du ploïmon, dans le taktikon Oikonomidès,figureparmi les fonctionnaires
constantinopolitains (civils, militaires et ecclésiastiques) mentionnés tous, à l'exception
toutefois de l'éparque qui tient un rang élevé (2), après les états-majors et les comman-
dements militaires des provinces. Le drongaire, ministre de la Marine et commandant
suprême de la flotte impériale, tient un rang inférieur à celui de l'économe de la Grande
Église (Patriarcat), et ses lieutenants, les topotèrètai du ploïmon, figurent en fin du
taktikon : ils ne tiennent que le 5 e rang avant la fin de la liste. Le rang médiocre réservé
aux plus hauts postes de la flotte impériale dans le taktikon Oikonomidès montre claire-
ment le déclin de cette formation navale à la fin du Xe siècle, ce que confirment les autres
sources de l'époque.
En effet, après la flotte importante construite par Romain II et plus particulièrement
par le drongaire du ploïmon de l'époque, Briggas, pour la reconquête de la Crète (elle
compta plus de 3 300 bâtiments de toutes sortes (3)), flotte qui permit à Nicéphore
Phocas de lancer à Liutprand le fameux « navigantium fortitudo mihi soli inest (4) » (ce
qui était vrai, plus à cause du recul des flottes arabes qu'à cause d'une thalassocratie
effective de Byzance), les sources ne mentionnent que sous Jean Tzimiskès et ensuite
sous Basile II des efforts par ailleurs assez incohérents pour construire une flotte impé-
riale. Ils visaient à écarter un danger immédiat. Ils restent épisodiques et de peu d'impor-
tance. Ils n'ont pas réussi à donner à l'Empire une flotte de bataille permanente et régu-
lièrement entretenue. Tous comptes faits, les règnes de Nicéphore Phocas, malgré la
prise de Chypre (5), de Jean Tzimiskès, malgré les exploits contre les Russes (6), et
feu grégeois contre les Russes, qui « avaient particulièrement peur du mèdikon pyr (feu grégeois),
} capable de brûler même les pierres » ; cf. aussi CEDRENUS, II, p. 401, la soumission des villes
\ côtières situées au nord du Danube, et l'organisation de la frontière danubienne ; à ce sujet,
1 N. JORGA, Le Danube d'Empire, Mélanges G. Schlumberger, Paris, 1924, t. I, p. 13-22.
(1) II a restauré le pouvoir byzantin ébranlé par les révoltes lombardes : cf. J. GAY, L'Italie
méridionale, p. 324 sq.
(2) LÉON DIACRE, p. 129, décrit en détail l'escadre qui se livra devant Constantinople à
une bataille navale simulée.
(3) ZONARAS, III, p. 543 ; sur les succès maritimes du révolté, cf. LÉON DIACRE, p. 170
(prise d'Attalée et d'Abydos) ; CEDRENUS, II, p. 429 ; sources géorgiennes, dans A. NATROEV,
Iverskij monastyri na Afoni, Tiflis, 1909, p. 37-45, et P. PEETERS, Un colophon géorgien de Thornik
le Moine, Anal. Boll., t. L, 1932, p. 358-371. Sur le parakoimomène Basile, auteur d'un traité
naval (Naumachica, p. 61 sq.), cf. ST. KYRIAKTT>ES, Byzantinai Mélétai, I I I , Thessalonique, 1937-
1939. p- 17 sq-
(4) H. AHRWEH.ER, Recherches, p. 51-52.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 121
(1) A. VASrtiEV, Byzance et les Arabes, t. II, p. 417. Ci-dessous, Appendice IV.
(2) ZONARAS, p. 505, et analyse de ce passage par H. AHRWËII,ER, op. cit., p. 17.
(3) Ci-dessus, p. 100, n. 6.
(4) H. AHRWEŒ/ER, 1/ administration militaire de la Crète byzantine, Byz., t. XXXI, 1961,
p. 221-223.
(5) E. EICKHOFF, Tema e ducato di Calabria, Archivio storico per la Calabria e la
Lucania, t. XXI, 1952, p. 105-118 ; J. GAY, L'Italie méridionale, p. 165 sq.
(6) Cf. aussi, I/ÉON DIACRE, p. 44.
(7) Après la disparition de ce commandement pendant la première moitié du Xe siècle (il
ne^figure ni dans les taktika des dignités de cette époque ni dans le De Thematibus), les Cyclades
forment maintenant un thème placé sous un stratège : elles forment sûrement un commandement
maritime comme nous le laissent voir les sources du XIe siècle, un des plus importants avec la
Crète et Chypre ; il est mentionné jusqu'au xin e siècle avec Kôs comme siège : cf. sceaux des
fonctionnaires de ce commandement dans Corinth XII, n 08 2699 (stratège des Douze Iles),
2704, 2752 ; mentions dans M.M., t. VI, p. 22 ( = F. DôXGER, Regesten, n° 1149), p. 57-59
( = P. DôXGER, Regesten, n° 1153), 214-216, et surtout, EuSTATHE, Opuscula, éd. TAFBII,
P- 3Ï9-32O ; CECAUMENI Strategicon, p. 102.
(8) Cf. Marie NYSTAZOPOTJI,OU, La Chersonèse byzantine, mémoire déposé à l'École des Hautes
Études (exemplaire dactylographié).
122 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
complète de ces petites stratégies côtières et insulaires, ajoutons Abydos (i), Chios (2),
Corfou (3), et plus tard Raguse et Naupacte (4), que les autres sources de l'époque
mentionnent sous un stratège, et Stenon, mentionné comme thème (5), à moins qu'il
ne s'agisse de la même circonscription que le Bosphore du taktikon Oikonomidès. En
effet la mention du Bosphore sans autre précision peut se rapporter soit aux détroits
de Constantinople, soit au Bosphore Cimmérien, auquel on attribue en général les
sceaux appartenant à des stratèges ou autres fonctionnaires de la circonscription
indiquée simplement comme Bosphore (6). Pourtant, une seule fois et grâce à la
mention sur le même sceau de Chrysopolis (Scutari) (7), on peut dire avec sûreté qu'il
s'agit des détroits du Bosphore constantinopolitain.
. \ La situation géographique de ces régions récemment érigées en thèmes fait penser
qu'elles devaient compter dans leurs effectifs militaires un détachement naval. Son
importance, vu l'étendue restreinte de ces circonscriptions et la place que leurs stratèges
tiennent dans le taktikon Oikonomidès, ne pouvait être considérable. Flottilles de garde-
côte, elles défendent le littoral contre les pirates arabes de Sicile et d'Afrique qui
tentent de temps à autre quelques raids contre le territoire byzantin, et, quand la sécurité
des mers est assurée, elles transportent l'armée qui lutte à ce moment pour la
reconquête des territoires byzantins d'Italie. C'est là, en effet, que l'on rencontre à
partir du XIe siècle une véritable flotte de guerre byzantine.
1
\
!J • D . L E S FORCES NAVALES DE BYZANCE
PENDANT LA PREMIÈRE MOITIÉ DU XI E SIÈCLE
(i) Cf. N . BANESCU, Sceaux byz. trouvés à Silistrie, Byz., t . V I I , 1932, p . 330, n ° V I I , I , le
sceau d ' u n stratège autokratôr du x i e siècle ; CEDRENUS, I I , p . 562, N I C E P H O R E B R Y B N N E ,
1 P- 25, 57, etc. : le t e r m e n'est point u n t e r m e technique, il désigne le chef suprême de l'expédition
;
' , qui se déroule sans la participation de l'empereur ; à ce sujet cf. R. G U I M A N D , Les termes désignant
w ^ le c o m m a n d a n t en chef, E.E.B.S., t. X X I X , 1959, p . 35-43.
j j , '• (2) Tel fut le cas du patrice Stéphanos désigné comme « archonte de la flotte » lors de l'expé-
lil ' • i dition de 1035 : il était le père de l'empereur Michel V ; cf. CEDRENUS, I I , p . 522, 524 ; ZONARAS,
l
'f.: m . P- 593.
J| j (3) Le sceau d'un topotèrètès du ploïmon, sans précision géographique, est intéressant :
I V. LAURENT, Bulletin Sigillographique, Byz., t. VI, 1931, p. 802 ; notons que topotèrètès indique
' en général l'officier, le lieutenant du commandant de l'armée des tagmata, armée de terre ou de
ipi 1 < mer : il est alors difficile de distinguer les topotèrètai relevant du drongaire du ploïmon de ceux
\ des domestiques des divers tagmata de l'armée de terre.
^ (4) V. LAURBNÏ, Les sceaux byz. du médaillier Vatican, Vatican, 1962, p. 121-122, n° 115 ;
Hj, I G. SCHI,UMBERGER, Sigillographie, p. 215, 216 : topotèrètai de Catane et de Cefalù, sans doute
;
du ploïmon ; nous avons en outre la mention de plusieurs tourmarques dans la région : cf.
F. TRTNCHERA, Syllabus, p. 32, 39, 59 : on ne saurait dire s'ils appartiennent à la flotte (tourmarque
du ploïmon) provinciale de la région ou s'ils sont des commandants de l'année du thème et de
ses circonscriptions.
(5) Une liste de ces commandants établie par A. PERTusi, op. cit., p. 503 sq. ; cf. aussi,
A. Gun,i,ou et W. HOI/TZMANN, Zwei Katepansurkunden aus Tricarico, Quellen u. Forschungen
aus ital. Archiven u. Biblioth., t. XLI, 1961, p. 1-28 : la signature « stratège katépanâ Boïôannès »
est intéressante : elle suggère l'exercice par cet officier de pouvoirs étendus, civils et militaires ;
sur sa fonction en Italie, cf. P. DôXGER, Regesten, n° 827.
(6) P. G., t. CXX, col. 105 sq.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 125
Oikonomidès, les topotèrètai de Cefalù, de Catane et les commandants des autres bases
navales d'Italie, de Bari, de Térentos, d'Otranto, de Brindisi, souvent mentionnées à
propos de l'activité de la flotte italienne et placées pour un temps sous les ordres d'un
stratège (1).
Chargée du transport des troupes, de l'assaut contre les villes côtières et de la garde
du littoral, la flotte impériale d'Italie semble avoir accompli honorablement les tâches
qui lui étaient confiées. L'échec final des longs efforts byzantins en Italie, malgré les
quelques succès considérables qu'ont remportés les armes byzantines, telle par exemple
la prise de Messine en 1040, considéré du côté militaire, ne peut être imputé qu'à l'insuf-
fisance de l'armée de terre, obligée d'opérer longtemps loin de son foyer, et plus parti-
culièrement aux carences de son commandement, soumis et lié aux intrigues qui domi-
naient alors la scène politique de Constantinople (2).
La participation massive de la flotte impériale aux guerres italiennes explique en
partie la pauvreté des autres escadres, constantinopolitaines et provinciales, de cette
formation navale. Les événements qui ont eu lieu en dehors des eaux italiennes témoignent
de cette carence. Cependant, il est difficile d'imaginer, bien que les sources soient muettes
à ce sujet, que l'autre grand commandement de l'époque couvrant une région côtière
importante, celui de Thessalonique, n'ait pas été muni d'un appui maritime. Thessa-
lonique, devenue, à l'occasion des guerres bulgares de Basile II, la capitale militaire de
la partie occidentale de l'Empire, placée sous le commandement d'un duc-katépanô (3),
officier assumant souvent le commandement des armées de tout l'Occident byzantin (4),
(1) Sur les topotèrètai de Cefalù et de Catane, cf. ci-dessus p. 124, n. 4 ; sur les stratèges
nommés à Bari, Térentos, Otranto, Brindisi, Kallipolis, cf. SKYIJTZÈS, p. 721. A noter la mention
d'un komès de Térentos en 1039 (F. TRINCHBRA, Syllabus, p. 36), officier appartenant vraisembla-
blement aux cadres de la flotte impériale opérationnelle, ainsi que le duc d'Otranto connu par
son sceau (V. I/AURENT, op. cit., n° 108). Sur les commandants de ces villes, cf. J. GAY, L'Italie
méridionale, Index s.v. stratèges, patrices et katêpans. Un ekprosôpou à Térentos mentionné dans
un acte diplomatique : F. TRINCHERA, Syllabus, p. 8.
(2) Rappelons les conséquences désastreuses pour le déroulement des opérations en Sicile
et en Italie, de la révocation de Maniakès en 1040 (CEDRENTIS, II, p. 541 ; ZONARAS, III, p. 591 ;
ATTAIJEIATE, p. 9, 11), et la révolte de ce général lors de son rappel définitif d'Italie en 1042 :
cf. P. DÔXGER, Regesten, n° 856 ; CËDRENTJS, I I , p. 548.
(3) Sur les premiers ducs de Thessalonique au Xe siècle, cf. F . DôlGER, Schatzkammern,
p. 155-156 ; ajoutons Grégoire Tarônitès, vraisemblablement un des premiers, sinon le premier,
à avoir assumé ce haut poste ; CËDRENTJS, I I , p. 447, 449 ; sur les ducs du début du x° siècle,
cf. CEDRENUS, p. 454, 459, 461, 479; CECAUMENI Strategicon, p. 28, et P. LEMËRLE, Prolégomènes,
p. 66. Une liste des ducs de Thessalonique (à vérifier et à compléter sur plusieurs points) donnée
par ST. KYRIAKEDÈS, Byzantinai Mélétai, IV, Thessalonique, 1939, p. 93 sq.
(4) Tel fut le cas de Nicéphore Ouranos, CEDRENUS, II, p. 449 ; H. AHRWEH,ËR, Recherches,
P- 59-
126 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
*' „ avec un port particulièrement actif à ce moment, doit être considérée également comme
;i >( une base navale de l'époque. En effet quelques faits, en apparence insignifiants, permet-
tent de la compter parmi les stations d'une escadre de la flotte impériale, c'est-à-dire
de la flotte relevant du commandement central, représenté sur place par le àuc-katépanô
installé dans cette ville et sous les ordres duquel se trouvent, à l'exemple du dac-katépanô
1
d'Italie, tous les effectifs militaires, armées de terre et de mer opérant dans la région.
Dans la seconde moitié du Xe siècle les murailles de Thessalonique furent construites
par un personnage commémoré à cette occasion par une inscription, appelé Basile et
désigné comme ÛTOXPXOÇ (i). On a voulu l'identifier au parakoimomène Basile, inspirateur de
la construction de la flotte impériale qui a combattu Sklèros, instigateur de la rédaction des
tactiques de guerre navale (Naumachica) connues sous son nom (2). Par ailleurs, son titre
umxpxoç, équivalent, comme l'ont remarqué Kougéas et Kyriakidès, de apx°? -^ <*PXWV (3)'
peut désigner simplement un archonte de Thessalonique (et non pas l'empereur, comme
on l'a prétendu); le titre d'archonte, officier maritime disposant d'un détachement de la
flotte impériale et relevant du centre, est le même, nous l'avons vu, que celui de
ëTOzpxoç-Û7rapx°Çj employé surtout pendant la période précédente : en effet l'archonte
de Thessalonique nous est connu par son sceau (4). Remarquons en outre que nombreux
sont les cas où les sources de toutes époques mentionnent des constructions de
monuments, de forteresses ou de murailles de villes côtières, effectuées par les
équipages de la flotte qui y stationne (5). La construction des murailles de Thessalonique
£."1 i par les soins de Parchonte-éparque-hyparque de cette ville en serait encore un exemple.
fi! Un peu plus tard, en 1023, les quelques bateaux pirates russes qui ont pénétré dans
'•'.•• ( • la mer Egée furent combattus à Lemnos, entre autres par le duc de Thessalonique (6).
•>} ï f Enfin sous Romain III Argyre, des troupes de Macédoine furent embarquées et envoyées
:
i \ en Italie (7). Il nous semble difficile d'imaginer le déroulement de ces opérations sans
M ) l'existence d'une escadre relevant du commandement militaire stationnant à Thessa-
) Ionique. A l'appui de cette opinion, ajoutons que plusieurs fonctionnaires maritimes,
i '\ (1) ST. KYRIAKIDÈS, Byzantinai Mélétai, II, Thessalonique, 1939 : Sur l'histoire des murailles
de Thessalonique (en grec), p . 17, et compte rendu par F. Dôi,GER, B.Z., t. XI,, 1940, p. 180-191.
(2) ST. KYRIAKIDÈS, op. cit., III, Thessalonique, 1939 : La date de rédaction des Nau-
machica de Basile (en grec), p. 21-26 : il n'établit pas de rapport entre Basile et le constructeur
des murailles de Thessalonique ; et R. VÀRI, Zur Ûberlieferung mittelgriechischer Taktiker,
B.Z., t. XV, 1906, p. 78 sq. ; édition des Naumachica de Basile par A. DAIN, Naumachica, p. 61 sq.
(3) ST. KYRIAKIDÈS, op. cit., II, p. 18 ; à ce sujet, cf. ci-dessus, p. 48, n. 8.
(4) Ci-dessus, p. 58.
(5) Cf. ci-dessus, p. 96 ; pour la construction des murailles d'Attalée, H. GRÉGOIRE, Inscrip-
tions d'Asie Mineure, n° 304, p. 104-105 ; pour la période des Comnènes, cf. ci-dessous, p. 187.
(6) CEDRBNTTS, II, p. 479.
(7) Ibid., p. 496.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 127
cadres de la marine centrale ou de la flotte impériale, sont mentionnés par les sources
de l'époque comme aflFectés à des régions appartenant sûrement au commandement
militaire de Thessalonique. Outre la présence d'un archonte dans l'île de Skyros,
dont nous avons fait mention ailleurs (1), à la fin du Xe siècle et lors d'un raid sarrasin
contre l'îlot de Gymnopélagèsion, près de Lemnos, il est fait mention d'un topotèrètès,
de bateaux èEsAacmxà et des Sisp/ojjisva xsXàv8i.a (2). Dans l'île même de Lemnos
est en outre signalée la présence d'un exartistès, responsable de la construction des
bâtiments de guerre (3).
Il est, à notre avis, certain que Thessalonique, étant donné son importance dans les
affaires militaires de la fin du x e et du début du xi e siècle, bénéficiait de la présence
d'une escadre de la flotte impériale ou autrement dit d'un détachement du tagma maritime
de l'Empire, placé sous les ordres d'un topotèrètès ou d'un archonte et obéissant au
commandant suprême de toutes les forces militaires de la région, le duc-katépanô
de cette ville. Cependant la situation géographique de cette seconde capitale de l'Empire,
avant tout centre des opérations de l'armée de terre (guerres bulgares), à l'écart du rayon
d'action des flottes ennemies (arabes ou russes), surtout après le recul de la puissance
navale des Arabes de la Méditerranée orientale, ne semble pas exiger la présence d'un
détachement maritime important. Son escadre était nécessaire pour assurer l'application
du règlement de navigation et la surveillance d'un port particulièrement actif et
fréquenté par des étrangers (4). La présence d'un abydikos dans cette ville, justement à
ce moment (5) (le même sans doute que l'archonte de Thessalonique connu par son
sceau et l'hyparque cité à propos de la construction des murailles), confirme l'aspect
policier des tâches revenant à l'escadre thessalonicienne, et sa dépendance de la marine
centrale, de la flotte impériale, par ailleurs suffisamment soulignée par la présence d'un
topotèrètès et d'un exartistès dans l'île de Lemnos, relevant militairement du duc de
Thessalonique (6).
(1) CEDRENUS, II, p. 529 : « Incendie de l'exartysis le 6 août (1035) et toutes les trirèmes qui
stationnaient en ces lieux furent brûlées avec tout leur armement. »
\ (2) CEDRENUS, II, p. 579 ; PSËKLOS, II, p. 8-9.
I (3) Outre les récits de CEDRENUS, II, p. 552-554, de ZONARAS, III, p. 631-633, d'ATTAi,EiATE,
i 1' ï ' k p. 19-20, et de la Chronique slave dite de NESTOR, tr. fr. par LEGER, Paris, 1884, p. 130 sq., nous
11
,'fJ, \\
,fJ, possédons une description détaillée des conflits byzantino-russes pendant le XIe siècle donnée
par PSËIAOS, II, p. 8-12, et des remarques intéressantes dues à JEAN MAUROPOUS, métropolite
•{!•. d'Euchaïta, éd. P. LAGARDE, Abh. d. Hst.-philol. Cl. d. Gesell. d. Wiss. z. Gôttingen, 28,1, 1882,
p. 195 : cf. à ce sujet, A. KAZDAN, Jean Mauropous, Petchénègues et Russes (en russe).
Mélanges G. Ostrogorskij, I (—Zbornik radova, t. VIII, 1963), p. 177 sq. : datation des événements;
cf. aussi, F . Dôr,GER, Regesien, n° 875.
(4) ZONARAS, I I I , p. 632.
(5) PSEIAOS, I I , p . 10.
(6) Ibid., I I , p . 9.
(7) CEDRENUS, I I , p. 552.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 129
du Pont, en improvisant une flotte. Nous devons à Psellos et à Cedrenus des récits détaillés
de la construction de la flotte de Monomaque (1). Elle fut composée de Xet^avà Tiva TOU
TcaXaiou aroXou (quelques vieux bateaux), de quelques bâtiments se trouvant au service
personnel de l'empereur (êamAixod TptY)psiç, précise Cedrenus), et d'un petit nombre de
navires gréés à la hâte et équipés en bloc à ce moment (de quelques Tpi-rçpetç àizb TÔV
eûcrraXcov xal xoiiçwv, dit encore Cedrenus). La victoire byzantine ne fut due qu'à
une forte tempête qui ravagea la flotte russe et à l'emploi du feu grégeois.
Cependant les Russes s'étaient ressaisis de cette grande défaite et ne partirent
pas sans infliger un lourd échec à la flotte byzantine, qui, d'après Cedrenus,
fut entièrement anéantie (2).
Le danger russe éloigné (3), l'empereur se contenta de confier aux soldats de deux
tagmata (armée de terre) et aux hétairies {tagmata impériaux) la surveillance de l'embou-
chure du Pont (4). La flotte improvisée lors de l'attaque russe, du moins celle qui ne
sombra pas au cours de la bataille livrée par les bateaux de Vladimir dans le Pont, fut
vraisemblablement désarmée. Construite pour combattre les envahisseurs, elle avait
perdu, après la réussite de cette tâche, toute raison d'être. Nous avons là la meilleure
illustration du rôle que l'Empire confie à ce moment à la flotte impériale, la flotte dépen-
dant de Constantinople. Byzance refuse d'entretenir régulièrement une flotte importante
de combat; elle la construit quand la situation l'exige, dans les cas urgents de
défense, telle par exemple la flotte de Monomaque, ou pour servir les projets de sa
politique d'expansion et d'offensive, telle par exemple la flotte opérant presque continuel-
lement en Italie.
Équipée de mercenaires byzantins ou étrangers (5), marins de métier et soldats
des tagmata servant à la solde, la flotte impériale du xi e siècle est plus une arme au service
de l'armée de terre qu'une formation navale permanente avec un commandement indé-
pendant et des cadres réguliers. Souvenons-nous, à ce propos, de la place modeste qu'oc-
cupent le drongaire du ploïmon et ses topotèrètai dans le taktikon Oikonomidès, de la
soumission de la flotte au commandement de l'armée pendant les guerres d'Italie (6),
de l'état enfin des escadres des deux plus importantes villes maritimes de l'Empire :
Constantinople et Thessalonique (1). Aussi ne faut-il point s'étonner de l'abandon de
la flotte constantinopolitaine après l'éloignement du danger russe, ni de l'absence de
tout effort pour construire et entretenir régulièrement une flotte impériale de bataille
après l'échec de la politique byzantine en Italie.
La liste des grandes îles et des régions côtières placées sous un stratège, que nous
fournit le taktikon Oikonomidès, complétée par les autres sources de la fin du x e -début
du XIe siècle, permet de supposer que nombreux furent les commandements qui, dans
la mesure où la situation l'exigeait, pouvaient compter parmi leurs effectifs militaires des
détachements maritimes. L'ensemble de ces détachements, dont l'importance devait
dépendre chaque fois des besoins locaux et de la situation militaire en général, constitue
la flotte régionale-provinciale, qui, construite localement ou envoyée de Constanti-
nople (2), est placée sous le commandement d'officiers appartenant aux cadres
de l'appareil provincial et, à ce moment précis, directement sous les stratèges
des régions où elle stationne. En effet, les sources de la première moitié du XIe siècle
mentionnent à plusieurs reprises la présence de flottes régionales relevant de
commandements autres que les thèmes purement maritimes de l'époque précédente.
Citons quelques exemples.
Les sources de l'époque signalent souvent l'activité de la flotte de Céphalonie (3)
dans les guerres italiennes, l'existence d'une flotte sous les ordres du stratège de Raguse (4),
les exploits des habitants de cette région et ceux du stratège de Naupacte (5) contre les
pirates arabes, le succès du stratège d'Abydos contre les Russes (6), l'activité enfin du
, -? (1) Mention d'une attaque « récente » des Sarrasins contre Dèmètrias qui dépend alors du
' 1 duc de Thessalonique, dans CECAUMENI Strategicon, p. 28, 34, et P. LEMERI.E, Prolégomènes,
p. 66, 69 : cinq bateaux pirates ont suffi pour mettre à sac la ville ; encore une preuve de l'insuffi-
sance des effectifs maritimes mis à la disposition du duc de Thessalonique, mise aussi en évidence
par le succès de l'incursion de douze bateaux pirates contre Lemnos, la base la plus importante,
avec Thessalonique même, de ce commandement (cf. Actes de Lavra, n° 13).
(2) Ci-dessus, p. 31 sq.
(3) Cf. D. ZAKYTHINOS, Le thème de Céphalonie et la défense de l'Occident, L'Hellénisme
contemporain, 8» année, n08 4-5, Athènes, 1954, P- 3°3"3i2 : pour la période qui nous intéresse
ici, ibid., p. 306-307.
(4) CËCAUMBNI Strategicon, p. 27-28, et P. LEMBM.E, Prolégomènes, p. 68 : la flotte de Raguse
comptait dans ses effectifs des dromons.
(5) CEDRBNUS, II, p. 499.
(6) Ibid., p. 479.
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 131
stratège de Chios (1) et de celui des Thracésiens (2) contre les bateaux arabes qui, défiant
la flotte du thème des Cibyrrhéotes, pénétrèrent souvent dans la mer Egée et ravagèrent
les îles et les côtes micrasiatiques (3), opérations supposant l'existence d'une flotte sous
les ordres des stratèges. Ce sont des cas où la flotte des provinces se montre à l'œuvre
et attire ainsi l'attention des chroniqueurs de l'époque. Ainsi le silence des sources sur
l'activité des flottes d'autres régions côtières n'implique pas obligatoirement que les
régions citées ci-dessus aient été les seules à disposer d'un détachement maritime. Il
semble plutôt vraisemblable que la flotte des provinces connut pendant le dernier quart
du Xe et la première moitié du XIe siècle un nouvel essor. A ce moment où la sécurité
du littoral byzantin et la navigation sont à nouveau troublées, d'une part du fait des
Russes, qui, obligés de rester longtemps en paix après la défaite que Tzimiskès leur
avait infligée, reprirent au début du xi e siècle leurs raids contre Byzance (4), et d'autre
part du fait des Arabes de Sicile et d'Afrique qui remplacèrent les flottes de la Crète et
de l'Orient musulman dans la piraterie (5), il est donc normal que la flotte provinciale,
chargée de la défense des régions côtières à nouveau menacées, soit augmentée et ses
effectifs régulièrement entretenus.
En effet, lors de l'attaque russe contre Constantinople en 1043, la capitale se trouva
dépourvue de toute surveillance maritime (les sources sont unanimes sur ce point),
parce que la flotte byzantine se trouvait dispersée dans les diverses parties du littoral
des provinces (6). Plusieurs de ces détachements provinciaux, sûrement ceux du Pont-
Euxin (Cherson, Paphlagonie) et de la Mer Egée, ont répondu à l'appel que Monomaque
lança à tous les commandements militaires des provinces afin de réunir une flotte capable
: 1
132 Des hauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
;<.v de se mesurer aux « innombrables » navires russes (i). La bataille qui opposa les Byzantins
et les Russes fut, nous l'avons vu (2), désastreuse pour les deux flottes. Toutefois l'échec
i final de l'attaque russe d'une part (échec qui assura la paix dans le Pont-Euxin) et la
prise de Messine d'autre part (3) (qui marqua la fin de la piraterie arabe dans la Méditer-
ranée) inaugurent une nouvelle période de paix et de sécurité pour la navigation dans
i les mers byzantines. La flotte chargée de la garde et de la défense des régions côtières,
;| ; . maintenant désœuvrée, tombera à nouveau en décadence ; son sort sera partagé par les
'_| grandes flottes régionales des thèmes purement maritimes, qui s'étaient tellement
; illustrées lors des guerres contre les Arabes.
1L La flotte des thèmes purement maritimes de l'époque précédente, des Cibyrrhéotes,
I de Samos, de la Mer Egée, chargée, dans les régions englobées dans ces circonscriptions,
; des mêmes tâches que la flotte provinciale sur le reste du littoral impérial, c'est-à-dire
; de la garde et de la défense côtières, a suivi pendant la première moitié du XIe siècle une
évolution parallèle à celle des autres flottes régionales. Toutefois la flotte thématique,
différente du reste de la flotte régionale quant aux méthodes appliquées pour le finan-
• cernent de sa construction, son entretien et le recrutement de ses équipages (elle
Y était construite, nous l'avons vu (4), par les moyens procurés par la population de ces
* thèmes, qui fournissait également ses équipages), ne se maintiendra qu'autant que ces
; 1 aspects particuliers seront respectés et, contrairement à la flotte provinciale, elle ne sur-
,yi \ vivra pas aux réformes apportées dans l'appareil administratif et militaire de l'Empire
j ;! J ! au milieu du xi e siècle. Essayons de suivre l'histoire de cette dernière étape de son exis-
'}•*{ tence en glanant dans les sources de l'époque les renseignements qui la concernent.
••'i Ils se rapportent surtout aux deux grands thèmes maritimes de l'époque précédente,
,| ' ceux des Cibyrrhéotes et de Samos, explicitement mentionnés dans les sources. Ils confir-
\\,,i ment ce que laisse supposer le taktikon Oikonomidès, à savoir le morcellement de l'ancien
) thème de la Mer Egée en plusieurs commandements maritimes indépendants (5). Ils
} (1) ATTAI,ËIATE, p. 20 : « il recevait des renforts maritimes à la suite des lettres envoyées aux
J gouverneurs des diverses régions » (kata chôran hègémoniai).
{ (2) Ci-dessus, p. 123-129.
'\ (3) Ce fut le plus grand succès de la campagne de Marriakès (1038-1040). Sur le rôle de Kata-
kalôn Kékauménos et la défense de Messine, cf. CEDRËNTJS, II, p. 525, 532 ; ZONARAS, III, p. 594,
f et P. 1/ËMERUE, Prolégomènes, p. 66. Noter le sceau d'un juge des troupes arméniennes de Sicile
daté du xi e siècle (G. SCHI/UMBERGER, Sigillographie, p. 636) ; on peut supposer que son proprié-
taire, Choirosphaktès, était le juge du corps arménien qui a pris part sous Kékauménos à la défense
de Messine.
(4) Ci-dessus, p. 31 sq.
(5) Le thème de la Mer Egée du début du Xe siècle, qui, au dire du Porphyrogénète (De
Thematibus, p. 82-83), englobait le littoral micrasiatique de la Propontide, lesSporades, les îles
de Lemnos, Chios, Mitylène et les Cyclades, disparaît, en tant que commandement maritime.
.!
I
De la perte à la reconquête de la Crète et de la Sicile 133
mettent enfin en relief le rôle important que jouent à ce moment les bases de la mer
Ionienne, notamment Céphalonie, qui rivalise en importance dans l'histoire maritime
de l'époque avec les anciens thèmes purement maritimes. Rappelons à ce propos que
le stratège de Céphalonie figure dans le taktikon Oikonomidès à un rang plus élevé que
ses collègues de Samos et de la Mer Egée.
Essayons de grouper les renseignements concernant la flotte des thèmes maritimes
dans l'ordre chronologique ; ils se rapportent tous aux événements de la première partie
du XIe siècle.
En 1011, les stratèges de Samos et de Céphalonie sont envoyés en Italie afin d'étouffer
la révolte lombarde (1). En 1023, la flottille russe, qui a réussi pendant son raid pirate
contre les alentours de Constantinople à traverser la Propontide et à entrer dans la mer
Egée, fut combattue par le stratège d'Abydos (commandement militairement indépendant,
mais soumis administrativement aux autorités civiles du thème de la Mer Egée), et
ensuite, quand elle eut atteint l'île de Lemnos, elle fut dispersée par la flotte des Cibyr-
rhéotes et le stratège de Samos (2), secondés par le duc de Thessalonique. Enfin les
flottes arabes de Sicile et d'Afrique, seules puissances sarrasines à disposer maintenant
d'une flotte, pendant leurs raids contre le littoral byzantin, trouvent en face d'elles, dans
la mer Egée, les stratèges des Cibyrrhéotes et de Samos secondés par celui de Chios (3)
(commandement maintenant indépendant, ayant appartenu auparavant, à l'exemple
d'Abydos, au thème maritime de la Mer Egée), et dans les mers Ionienne et Adriatique,
des sources de la fin du x e -début du XIe siècle. Déjà le taktikon N. Oikonomidès mentionne, à côté
du stratège de la Mer Egée, celui des Cyclades, les autres sources mentionnent des stratèges
d'Abydos et de Chios (cf. ci-dessus, p. 112), Lemnos semble appartenir au commandement
du duc de Thessalonique (cf. ci-dessus, p. 127), les Sporades enfin avec Skyros comme centre
bénéficient de la présence d'un archonte (cf. ci-dessus, p. 58), tandis que Mitylène est
mentionnée sous un kouratôr (ANNE COMNÈNE, II, p. 110) ; notons en outre que le terme
Cyclades englobe quelquefois les Sporades (cf. à titre d'exemple THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 57 :
« Skyros, une des Cyclades ») et même les îles micrasiatiques, outre bien entendu les Douze
Iles ; cf. V. LATYSËV, Menologii, t. II, p. 171 : « Elle était née dans une des Cyclades, l'île
de Chios. » Ainsi la circonscription de la Mer Egée du xi e siècle semble limitée à la Propontide
(cf. ci-dessus, p. 109) : le nom thème de la Mer Egée ne désigne alors que la circonscription de
l'administration civile, placée sous le kritès, qui, outre le rivage de la Propontide, comprend les
alentours de Constantinople : cf. J. DARROUZÈS, Épistoliers, p. 372-373, 376-377, 377-378 ; PSEIAOS,
Lettres, éd. SATHAS, Mes. Bibl., t. V, p. 297, 338-339, jet Scripta minora, éd. DREXI,, t. II,
p. 92, 137, 147, 148-149, 150-151, 151-152 ; Kirsopp LAKE-Silvia LAEE, Dated Greek minuscule ms.
to the year 1200, Boston, Mass., p. 75 (Table des scribes) ; V. LAURENT, Orghidan, n° 236 : basilikos
de la Mer Egée.
(1) CEDRENUS, II, p. 457.
(2) Ibid., p. 479.
(3) ZONARAS, III, p. 572, 582 ; CEDRENUS, II, p. 479, 484, 514.
134 &es Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
»,
\ les effectifs soumis aux stratèges de Naupacte, de Raguse (i) et sans doute la flotte de
J^i Céphalonie, bien que cette dernière ne soit pas mentionnée à cette occasion. La défense
, v contre les pirates, opération de routine, ne mobilise d'habitude que les armées des régions
, | directement visées.
De toute façon les succès sarrasins pendant la période qui nous intéresse restent
i fort médiocres. Les pirates sont partout combattus et repoussés en subissant souvent
de lourdes pertes. Leur seul succès important, mais précaire, la prise de Myra en 1035,
suivie du pillage des Cyclades (2), ne peut s'expliquer que par la défaillance provisoire
de la flotte des Cibyrrhéotes, chargée de la surveillance du littoral pamphylien et lycien
et de la garde de la partie méridionale de la mer Egée. Bien que Cedrenus souligne
l'indifférence du gouvernement central devant ces opérations pirates (3), il faut croire
qu'ils sont la cause du renforcement de la flotte des Cibyrrhéotes, qui, l'année suivante
(1035-1036), remporta une grande victoire contre les Arabes dans la bataille des Cyclades,
où sombrèrent tous les bateaux pirates (4), bataille qui mit ainsi fin aux expéditions
sarrasines dans la mer Egée. En outre, les opérations byzantines contre la Sicile, et notam-
ment la prise de Messine en 1040, ne permettaient plus aux Arabes, menacés dans leur
propre foyer, d'entreprendre des expéditions pirates et de disperser leur force navale
dans des raids dont les résultats restaient incertains. Les sources de la seconde moitié
du XIe siècle ne signalent nulle part la présence de pirates arabes. La flotte des thèmes
chargée avec le reste de la flotte régionale de la défense du littoral exposé jusqu'alors
aux entreprises sarrasines tombera petit à petit en décadence.
En effet les dernières mentions de la flotte du thème des Cibyrrhéotes ne dépassent
pas les premières années du règne de Constantin IX Monomaque, le thème de la Mer
Egée n'est à ce moment qu'une circonscription de l'administration civile, il ne sera plus
question du thème maritime de Samos, qui se rattache plus tard à la circonscription
administrative des Cyclades (5). Le stratège des Cibyrrhéotes et ses troupes combattent
la révolte déclenchée dans l'île de Chypre en 1042 (6), la flotte du thème prend part
aux opérations que Monomaque, la première surprise passée, mena devant Constantdnople
contre les Russes en 1043 avec la flotte construite par ses soins et les renforts venus de
toutes les régions maritimes de l'Empire. Le dernier stratège connu des Cibyrrhéotes
périt lors de l'attaque russe, sa flotte fut sans doute détruite avec le reste de la flotte
(1) Ibid., II, p. 554. Sur les sceaux appartenant aux stratèges de ce thème et datés du
XIe siècle, cf. V. LAURENT, Orghidan, n° 207; B. PANCENKO, Catalogue, I.R.A.I.K., t. XIII,
1908, n° 301 ; et un chartulaire du thème dans K. KÔNSÏANTOPOUI,OS, Byz. Molybdoboulla,
n° 142, p. 215.
(2) PSEIAOS, Lettres, éd. SATHAS, Mes. Bibl., t. V, p. 297-298, 299, 351, et éd. DREXI,,
t. II, p. 78, 82.
(3) Sur le kritès et son rôle dans l'administration du xi« siècle, cf. H. AHRWEn,ER, Recherches,
p. 69 sq.
(4) CEDRENUS, II, p. 514.
CHAPITRE IV
Pour mieux suivre le sort de la flotte et de l'armée de mer byzantines pendant cette
nouvelle étape de leur histoire, il est nécessaire de dresser un tableau général de
la situation et de la politique de l'Empire pendant la période qui s'étend de
l'arrêt de l'expansion territoriale à la ruine complète de la puissance byzantine en Asie
et en Italie. Autrement dit, du règne de Constantin IX Monomaque, lorsque l'annexion
de la Grande Arménie et la prise de Messine furent acquises, à celui d'Alexis I e r Comnène,
lorsqu'à été achevé le démembrement complet du territoire impérial, provoqué par
la ruée des Seldjoucides en Orient, des Petchénègues au Nord et des Normands
1 en Occident (i).
Les historiens spécialistes de cette période trouvent unanimement l'origine et
l'explication des désastres militaires, des revers et des troubles qui dominent à ce moment
le sort de l'Empire, dans la politique antimilitariste des empereurs de la première moitié
du siècle, empereurs « technocrates », pour employer un terme moderne, sortis des
cadres de la magistrature et de l'administration et étrangers par conséquent à l'esprit
de conquête qui animait les grands empereurs Macédoniens. Ils trouvent ainsi
IL j les premiers symptômes de faiblesse (2) dès le second quart du xi e siècle, notamment
y,',| après la mort de Constantin VIII (1028), et à partir du moment où Byzance, et
1, plus particulièrement la population constantinopolitaine, manifesta son attachement
»'-'f j
(1) Pour l'histoire de cette période, cf. G. OSTROGORSKIJ, Geschichte3, p. 262 sq., avec la
bibliographie ; et les remarques de D. ZAKYTHINOS, Byzance. État et Société (en grec), Athènes,
I
95Ï» P- 113 sq. ; sur quelques aspects de la politique économique et intérieure des empereurs
du XIe siècle, cf. A. DIOMÊDÈS, Byzantinai Mélétai, Athènes, 1942, p. 121 sq.
(2) D. ZAKYTHINOS, op. cit., p. 113.
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions
à la dynastie régnante par un extrême souci légitimiste (i) qui a permis l'avènement
au trône d'une série d'empereurs, maris ou favoris des héritières légitimes, les filles
de Constantin VIII.
En effet cette période, considérée comme une époque critique, portant les germes
de déclin et d'abandon, marque en réalité un tournant important dans l'histoire de
Byzance, redevenue empire universel. Des modifications essentielles adviennent aussi
bien dans l'orientation de la politique extérieure que dans le gouvernement intérieur
du pays. La consolidation du pouvoir impérial en Italie, la neutralisation de divers
éléments ethniques remuants, aux frontières du nord, et l'anéantissement des projets
séparatistes couvés par les « princes » des pays limitrophes soumis à Byzance, occupent
la politique extérieure et la diplomatie de l'Empire, tandis qu'à l'intérieur l'extension
des responsabilités et des attributions de l'appareil central apporte des transformations
importantes dans le fonctionnement des institutions concernant la conception du pouvoir
suprême, l'administration des provinces, la gestion des finances et la composition de
la force militaire, de l'armée de terre et de mer du pays. Retenons les points essentiels
de cette nouvelle orientation de la politique de Byzance, afin de tracer le rôle qui revient
à l'armée de mer et de voir la place que la flotte occupe dans le système militaire
alors en vigueur. Les caractéristiques de cette orientation nouvelle sont d'une part une
tendance à la centralisation du pouvoir aux dépens de l'appareil administratif provincial
(on comprend les effets de cette tendance sur les flottes régionales relevant des provinces),
et d'autre part un effort de redressement économique et de renouveau social et intellectuel,
aux dépens de la puissance militaire de l'Empire.
Période d'apogée de la puissance byzantine, et par conséquent période de paix (2)
(les quelques attaques sporadiques signalées en divers points des vastes frontières byzan-
tines n'étant considérées que comme des opérations militaires de routine), la première
moitié du XIe siècle permet aux empereurs d'alors, formés dans les cadres de la bureau-
cratie constantinopolitaine, de reconsidérer la marche des institutions administratives,
civiles et militaires, qui assuraient jusqu'alors le gouvernement du pays. Le système
administratif provincial, le régime des thèmes, mis en place, nous l'avons vu, à une
époque où l'intégrité du territoire impérial était menacée par les convoitises d'ennemis
alors puissants et entreprenants (Arabes, Slaves, Bulgares), et adapté aux besoins de
défense, fut alors considéré comme désuet et périmé, conçu pour une réalité autre que
celle que Byzance, au comble de son expansion, connaissait à ce moment. Il a été le
(1) C. NEUMANN, La situation mondiale de l'Empire byzantin avant les croisades, Paris,
I
9O5, p. 55.
(2) Cf. les propos de Constantin IX Monomaque dans la novelle sur la réorganisation de
l'Université de Constantinople, ZHPOS, JUS, I, p. 621 ; PSBU.OS, II, p. 64.
[ , 138 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
., ^ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _
i^ premier à subir des changements profonds dans son fonctionnement, changements qui
(M altérèrent son caractère original.
- E n effet l'organisation interne du vaste empire qu'était alors Byzance posait de
[, j nouveaux problèmes aux empereurs soucieux de doter l'État d'assises administratives
capables d'assurer l'unité, le gouvernement et le maintien de l'ordre d ' u n pays qui
comptait dans sa population des éléments hétéroclites, de traditions sociales, culturelles
et politiques contradictoires, qui englobait dans ses frontières des régions diverses
' quant aux moyens d'exploitation et de mise en valeur du territoire, quant au degré
d'urbanisation, et à la nature même des villes et des campagnes. Des problèmes écono-
miques, sociaux et intellectuels, fondements de la société byzantine, et de la solution
desquels dépendait le déroulement normal de la vie politique de l'Empire, préoccupent
maintenant les empereurs, plus que le maintien de la force militaire qui tenait une place
prépondérante auparavant, pendant les périodes de défense et d'offensive.
L'armée victorieuse se voit conférer un rôle secondaire dans la vie du pays ; son
entretien, considéré plus comme une charge que comme u n besoin indispensable, sera
petit à petit abandonné (1) ; ses cadres négligés réagiront contre le nouvel esprit. A la
suite d'une série de révoltes et de séditions, dictées plus par des ambitions personnelles
déçues que par u n véritable souci de la puissance menacée ou lésée de l'Empire,
, ils remporteront finalement la victoire contre les hauts fonctionnaires de la capitale.
f Héritiers d'un État en voie de démilitarisation, mais capable, par ses possibilités écono-
miques et au nom de son immense prestige, d'agir par une diplomatie subtile (2) et chaque
fois conforme aux besoins et aux intérêts d'un Empire qui se contente de ses acquisitions
et se soucie de la consolidation de son pouvoir et de son bien-être, les empereurs militaires,
fascinés par les exploits de leurs illustres prédécesseurs, les grands Macédoniens,
rompront avec la politique de sagesse pour adopter comme principe de leur politique
extérieure une attitude forte, d'attaque, de reconquête et même d'expansion. Dépourvus
de l'appareil nécessaire (l'état de l'armée byzantine est présenté tout au long de cette
(1) Politique soulignée par toutes les sources de l'époque : cf. PsEIXOS, Discours, éd. SATHAS,
j| ( Mes. Bibl., t. IV, p. 407 ; du même, Chrono graphie, II, p. 119, 146 ; ATTAIEIATE, p. 93 ; SKYUTZES,
p. 652-653, 660, 662, etc. ; ZONARAS, III, p. 677, 683 ; et ci-dessous, p. 148, n. 1.
(2) Cf. les remarques d'ATTALEiATE, p. 24 (libéralités impériales en faveur des Sarra-
sins) ; PsEiAOS, I, p. 25, 36, 64, et II, p. 146 ; et une source non utilisée, le discours du patriarche
d'Antioche Jean à Alexis I e r Comnène, Ekkl. Alèth., t. XX, 1900, p. 358 : « afin de se faire (Cons-
tantin X Doucas) des alliés il envoyait des ambassades auprès des divers pays en dépensant
des trésors considérables » ; sur l'œuvre de Jean d'Antioche, cf. V. GRTTMEI,, Les patriarches grecs
d'Antioche du nom de Jean, E.O., t. XXXII, 1933, P- 290-293 ; du même, Miscellanea G. Mercati,
III, Rome, 1946, p. 132-134 ; P. GAUTIER, Le patriarche d'Antioche Jean V l'Oxite, R.E.B.,
t. XXII, 1964, p. 128-157.
l!
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 139
période comme étant déplorable) (1), les empereurs militaires provoqueront la ruine
de l'Empire. C'est précisément sous leur règne que Byzance a connu les plus
grands désastres militaires (2), la plus forte dépréciation de sa monnaie (3) et qu'elle a
subi la plus importante mutilation de son territoire, limité lors de l'avènement des
Comnènes aux seules provinces grecques. Après ce bref exposé des vicissitudes politiques
qui marquent l'histoire byzantine de lafindes Macédoniens à l'avènement des Comnènes,
essayons de suivre le sort réservé à la flotte et à l'armée de mer, à travers les péripéties
administratives et les aventures militaires qui caractérisent les deux grandes étapes
de cette période. Un exposé détaillé des réformes appliquées à ce moment et qui ont
donné un nouveau visage à l'État byzantin est indispensable, bien que plusieurs aspects
de ces réformes, et non les moins intéressants, paraissent à première vue étrangers à la
chose maritime. Leur application a eu, nous le verrons, des répercussions importantes
sur l'organisation de la marine et sa place dans la monde économique et militaire de
Byzance pendant cette période de transition et d'hésitation.
(1) Cf., à titre d'exemple, la description de l'armée de Romain IV Diogène par SKYUTZÈS,
p. 668 ; ZONARAS, III, p. 689 ; PSEWvOS, II, p. 158 ; ATTAiEiATE, p. 103 ; Constantin X Doucas
a pratiqué la même politique antimilitaire : cf. PSEIAOS, II, p. 146 ; ATTAkEiATË, p. 76-77.
(2) Illustrée par la défaite de Mantzikert et par la prise de Bari par les Normands en 1071.
(3) Cf. à ce sujet l'étude de Pb.. GRIERSON, The debasement of the bezant in the eleventh
century, B.Z., t. XI/VII, 1954, p. 379-394, et surtout le tableau des résultats de l'analyse de
89 pièces émises par les divers empereurs de l'époque. D'après Attaleiate le trésor impérial fut
considérablement enrichi sous Isaak Comnène à cause de la politique fiscale et antimonastique
de cet empereur : ATTAI,EIATE, p. 60-63 ; SKYUTZÈS, p. 642 ; la crise financière commencée avec
les invasions venues de l'Est (cf. ATTAI,EIATE, p. 76-78 ; JEAN D'ANTIOCHE, Discours à Alexis Iet,
Ekkl. Alèth., t. XX, 1900, p. 358) s'aggrava considérablement sous Michel Parapinakès
(cf. ZONARAS, III, p. 714; ATTAKEIATE, p. 211).
(4) Sur les modifications apportées au Xe siècle, notamment par Nicéphore Phocas, dans
le commandement militaire (création des états-majors provinciaux des d.uc&-katépanô, rôle
modeste des stratèges, recrutement des mercenaires), cf. H. AHRWEIUSR, Recherches, p. 16-24,
33-36, 46-52, 61-64, 89-91 ; et de la même, Nouvelle hypothèse sur le « tétartèron » d'or et la poli-
tique monétaire de Nicéphore Phocas, Mélanges G. Ostrogorskij, I, Belgrade, 1963, p. 8-9.
IM1
•',/'' i1) A. DAIN, Sylloge Tacticorum, Paris, 1938, p. 14, 20 : oikeion strateuma par opposition au
)A \ tymmachikon; LÉON VT, Tactica, P.G., t. CVII, col. 1029; et pour la flotte, cf. CEDRENUS, II,
"| P- 514-
t
'i (2) Selon les propos de l'empereur Constantin IX Monomaque : « l'adversaire est calme,
nos citoyens vivent en paix, la paix règne sur l'Empire » : ZEPOS, JUS, I, p. 621.
(3) Les tagmata sont placés sous des officiers relevant des ducs-katépanô installés dans les
provinces, commandants déjà mentionnés dans le taktikon Oikonomidès (exemplaire dactylo-
. graphie) ; au XIe siècle furent créés les commandements suivants : Bulgarie, Paristrion-
J Paradounabon à la frontière danubienne (cf. N. BANESCU, Les duchés byzantins de Paristrion
! et de Bulgarie, Bucarest, 1946 ; du même, B.Z., t. XXX, 1930, p. 429 sq.) ; Durazzo, à la frontière
\ occidentale, devenu important lors des opérations en Italie et contre les Slaves de Dalmatie :
| on peut établir une liste quasi complète des Ancs-katépanô de Durazzo ; en Orient furent créés les
!, '., V commandements d'Ibérie, de Médie et de la Grande Arménie avec Anion comme centre (cf.
•' ' I H. AHRWEILER, Recherches, p. 52 sq.) ; les ducs de Mésopotamie et d'Antioche existaient depuis
j le Xe siècle : sur les ducs d'Antioche, cf. le travail récent de V. LAURENT, La Chronologie des
i'i gouverneurs d'Antioche sous la seconde domination byzantine, Mélanges de l'Université Saint-
».' • ' Joseph de Beyrouth, t. XXXVIII, 1962, p. 221 sq. L'armée byzantine (de terre et de mer) relève,
,( comme pendant le Xe siècle, de commandements de l'Orient et de l'Occident placés chacun sous
l[ , un domestique : les stratopédarques d'Orient et d'Occident, création également du x° siècle
f | (cf. taktikon N. Oikonomidès, exemplaire dactylographié ; R.E.G., t. XIII, 1900, p. 155), assurent
le commandement des armées lors des opérations importantes qui mobilisent les effectifs de l'Orient
1
ou de l'Occident ; ils sont les représentants des domestiques, des chefs de l'armée en campagne. Sur
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 141
tantes de l'administration centrale qui dès lors affectent la politique intérieure et la vie
sociale de l'Empire. La réforme de l'appareil central visait dans ses grandes lignes à
concentrer tous les pouvoirs exécutifs entre les mains des responsables des services
constantinopolitains, au détriment de l'appareil provincial. Elle se manifeste par le
renforcement du pouvoir des sékréta, bureaux administratifs autonomes munis de juri-
dictions judiciaires (aéxpeirov = 8ixacrTY)pt,ov = tribunal) qui, chacun selon sa compé-
tence, assurent dorénavant l'administration économique, financière, judiciaire et fiscale de
l'Empire. Représentés dans les provinces par l'appareil civil placé sous l'autorité du
kritès, ils assurent le contrôle économique et judiciaire (kritès = juge) du centre sur
tout le territoire byzantin. Plusieurs de ces sékréta existaient auparavant. D'autres, comme
celui de la justice (aéxpeTov km TCOV xpicrscov Sixwv ISicimxôv), auquel en réfèrent
les kritai des provinces (èv TOÔTW oî TÔV èTza.pyiiùv Sixoccrroci xoù aovTâvirouai T« TtoiYjTÉa
kyyp&qxùç, xal TK TÔV axeSapioùv èvaTcoTiOéaffiv ïacn (1)) et celui du parathalassitès,
ministre de la marine marchande, sont de création récente (2). Leur création illustre
bien les tendances de la nouvelle politique et les nouveaux besoins de Byzance.
A côté des sékréta purement administratifs, sont maintenant créés une série de
sékréta munis de juridictions économiques (Maggana ou Saint Georges le Tropéophore,
Myrélaion, Pétrion, Hebdomon, Chalkè, etc. (3)) et des bureaux financiers (T(X[X£LOV
OûXaxoç). Les nouveaux sékréta économiques, organismes étatiques autonomes jouissant
du statut de « personnes de droit privé », pour employer un terme moderne, sont
responsables de la gérance des biens de l'État situés dans les diverses régions, et dont le
revenu est réparti entre ces sékréta (4). Autrement dit, les sékréta économiques, avec
les kouratôriai et les épiskepseis qui constituent les biens de la couronne (5) et couvrent
le sens du terme stratopédarque, cf. PSEWOS, Scripta Minora, éd. DREXL, I, p. 363 ; Gl,YKAS,
P' 599> où le domestique des scholes exerce la stratopédarchie et où il est désigné (ibid., p. 614)
seulement comme stratopédarque.
(1) ATTAI,ËIATE, p. 21-22. Sur schédarion = isotypos = copie conforme, cf. ZËPOS, JUS, I, p. 361.
(2) Sur le développement des fonctions du parathalassitès au cours du XIe siècle,
cf. H. AHRWEHIER, Fonctionnaires et bureaux maritimes, R.E.B., t. XIX, 1961, p. 249-251.
(3) Sur le rôle et la juridiction de ces sékréta, cf. H. AHRWEIKER, La concession des droits
incorporels. Donations conditionnelles, Actes du XIIe Congrès int. d. Étud. byz. d'Ochride,
Belgrade, 1964, p. 103 sq. ; K. KANEIAAKIS, Chiaka Analekta, Athènes, 1890, p. 554, n. 2, donne
une liste (incomplète) des sékréta : il confond les sékréta économiques et les sékréta administratifs.
(4) Outre les sékréta économiques, les sékréta administratifs disposent des biens fonciers de
l'État : un exemple intéressant dans Actes de Chios, p. 546 : « village partagé entre deux sékréta,
du génikon (ministère des finances) et des Maggana ». Sur les biens fonciers impériaux gérés par
les sékréta, cf. PsEU,os, Scripta minora, éd. DREXI,, II, p. 113 ; et sur les biens achetés par le
dèmosion (fisc-État) par l'intermédiaire des sékr^u, cf. A. DMITRIEVSKIJ, Typika, Kiev, 1895,
I. p. 697.
(5) Cf. les remarques du juriste ETJSÏATHE, Peira, éd. ZBPOS, Jus, IV, p. 143.
142 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
quelquefois des régions entières (1), contrôlent et gèrent le revenu national mis à la
\ disposition du gouvernement central et de l'empereur et affecté aux dépenses que ces
autorités jugent nécessaires.
Avec les bureaux administratifs d'une part (désignés également comme sékréta)
et les sékréta économiques d'autre part, Constantinople dispose d'un appareil complet
pour contrôler toute radministration civile, et la vie sociale et économique des provinces.
Pour assurer le fonctionnement de l'appareil administratif, devenu maintenant complexe,
de nouveaux cadres techniques sont nécessaires. Ils sont formés par la Faculté de Droit
de l'Université de Constantinople, créée par Monomaque (2). Pour contrôler le fonction-
nement de l'appareil du gouvernement central, responsable de la gestion économique,
financière et militaire du pays, puisqu'il décide de la répartition du budget et détermine
par conséquent la force militaire à entretenir, on confie la supervision des bureaux admi-
nistratifs à un haut fonctionnaire qui joue le rôle de premier ministre et de premier
conseiller de la couronne. Ce poste, créé également par Monomaque et confié au proto-
vestiaire Leichoudès, sera connu par la suite sous le nom de ^scràÇcov : il subsistera jusqu'à
la fin de l'Empire (3).
(1) Citons à titre d'exemple les épiskepseis de : Mélaggeia (ATTAI,EIATE, p. 124), Alôpékôn,
Milet {M.M., t. IV, p. 5 sq.), Macédoine (A ctes de Lavra, n° 42, p. 115), et la kouratôreia de Mélitène
(THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 416-417 = SYMÉON MAGISTRE, p. 741J; GEORGES I,E MOINE CONTINUÉ,
p. 907, LÉON GRAMMAIRIEN, p. 318), le kouratôr de Chypre (PSEIAOS, Scripta minora, éd. DREXI,,
II, p. 110), de Mitylène (ANNE COMNENE, II, p. 110) et les kouratôreiai des Trychinôn et de Limno-
galaktos en Lydie (De Ceremoniis, p. 462, 658), pour ne citer que des exemples attestés
aux x e -xi c siècles. Sur les kouratôriai-épiskepseis et leur administration, cf. F. DôLGER, Beitrâge
z. Geschichte d. byz. Finanzverwaltung, 10.-11. Jahrh., Munich, i960, p. 39 sq.
(2) Novelle sur la création de la Faculté promulguée en 1044 : cf. ZEPOS, JUS, I, p. 618-627;
et aussi novelle rédigée par Jean Mauropous et promulguée par Monomaque, JEAN MAUROPOUS,
éd. LAGARDE, p. 197-198. Pour la création de la Faculté et la réorganisation de l'Université en
général, cf. surtout PSEIAOS, Épitaphios de JeanXiphilinos, éd. SATHAS, Mes. Bibl., t. IV, p. 421-462.
(3) Sur le mésazôn, cf. H. G. BECK, Der byz. Ministerpràsident », B.Z., t. XI/VTII, 1955,
p. 311 sq. ; et J. VERPEAUX, Contribution à l'étude de l'administration byzantine, le « mésazôn »,
Byzantinoslavica, t. XVI, 1955, p. 270-296 ; les fonctions du mésazôn exposées en détail par
PSEM/OS, Discours à Constantin Leichoudès, éd. SATHAS, Mes. Bibl., t. IV, p. 388 ; et ibid., p. 399-
402, le rôle de ce fonctionnaire auprès de l'empereur. Le mésazôn, bien qu'il se présente dans la
lignée des divers paradynasteuontés du passé ou des parakoimomènes (cf. R. Gun,l,AND, Fonctions
et dignités des eunuques, R.E.B., t. II, 1944, p. 191 sq.), diffère de ceux-ci par le rôle précis qu'il
joue dans l'administration civile de l'Empire : il réunit le contrôle de tous les sékréta adminis-
tratifs, il est plus premier ministre que vice-roi, comme l'étaient les paradynasteuontés et notam-
ment le fameux parakoimomène Basile (sur ce personnage et son rôle dans les affaires maritimes,
cf. ST. KYRIAKIDÈS, Byzantinai Mélétai, III, Thessalonique, 1937-1939, p. 267, et F. Dôi,GER,
B.Z., t. XL, 1940, p. 180 sq.) et le paaiXeoro&ircùp Stylianos Zaoutzès au IXe siècle : sur ses
fonctions, cf. Vie de sainte Théophanô, éd. E. KURTZ, p. 14.
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 143
(1) PSEIiOS, I, p. 132 : « peu s'en fallut que la populace rustre et inculte n'accède au sénat ».
(2) PsEU,os, Épitaphios de Jean Xiphilinos, éd. SATHAS, Mes. Bibl., t. IV, p . 430.
(3) Ibid., p. 430-431. Sur le sénat, cf. A. CHRISTOPHH,OPOUI,OS, Le sénat à Byzance (en grec),
Athènes, i960, p . 60.
(4) A. DIOMÈDÈS, Byzantinai Mélétai, Athènes, 1942, p. 186.
(5) D. ZAKYTHINOS, Byzance. État et Société (en grec), Athènes, 1951, p . 114.
(6) Cf. les remarques du CECAUMENI Strategicon, p. 99, et de ZONARAS, I I I , p. 647, sur
Constantin I X Monomaque ; et d'ATTAi^ËiATB, p. 76-77, de ZONARAS, I I I , p . 676, de PSEIAOS,
II, p. 146-147, de JEAN D'ANTIOCHE, Ekkl. Alèth., t. XX, 1900, p. 358, et de SKYMTZES, p . 652,
sur Constantin X Doucas.
(7) SKYUÏZES, p. 652 ; dikanikos = judiciaire.
f\
,, I 144 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
\; J
\ LES CONSÉQUENCES MILITAIRES
poiïa, etc.) (1). Mais elle s'étend même et d'une manière régulière et de plus en plus
générale (ceci est important) au service armé (strateia), la o-TpaTicù-rud) Xsi-roupyta.
Ainsi les personnes inscrites sur les rôles militaires et soumises à un service effectif
dans l'armée peuvent dorénavant s'acquitter de cette obligation moyennant le versement
périodique d'une somme d'argent dont le montant dépend, sans doute, de la nature du
service dû, qui à son tour dépend de l'importance de la fortune foncière des personnes
enrôlées. Les cavaliers cuirassés (xocTotcppocxToi) étaient les plus fortement imposables ;
venaient ensuite les cavaliers simples, les fantassins, les marins (ploïmoi) et les inscrits
au service du drome (poste). Le terme strateia, désignant le service militaire en général,
s'emploie maintenant pour désigner un impôt régulier grevant la terre (2). Un acte
inédit de Dionysiou, découvert par N. Oikonomidès (3) et daté de 1025, nous fournit
le montant de cette imposition, dont l'acquittement constitue une preuve de propriété.
Par ce procédé, outre la possibilité que se réservait l'administration fiscale d'étendre
l'imposition de la strateia à toutes les catégories de terres cultivées, indépendamment
du statut de leur propriétaire (ce qui a été fait progressivement, procurant à l'État
une ressource importante), on a établi une sorte de rachat du service militaire.
Autrement dit, le rachat du service militaire, appliqué exceptionnellement par le passé
(impossibilité matérielle ou physique de l'enrôlé d'exercer le service armé), à titre
individuel, ou à propos d'une mobilisation précise (rachatnon définitif)à titre collectif (4),
devient maintenant une institution. Il s'applique à titre individuel, suivant la volonté de
l'enrôlé, ou collectivement. Il touche alors toute une région et son armée, selon une déci-
sion impériale. Il est versé périodiquement, il se présente, ainsi que nous l'avons noté,
comme l'acquittement d'un impôt régulier, celui de la strateia. Les sources de l'époque
nous fournissent des exemples de la fiscalisation du service armé individuel ou collectif et
elles nous permettent de suivre le mécanisme de ce procédé.
Kékauménos nous montre d'une manière vivante comment les commis de la marine
dispensent du service des inscrits maritimes en touchant souvent des sommes plus
élevées que les obligations rachetées. Il s'élève contre la fiscalisation du service des
ploïmoi, qui entraîne la corruption des cadres et qui, en tarissant la source des effectifs
militaires, provoque l'affaiblissement de la puissance navale (5). Psellos nous décrit le
cas d'un enrôlé (stratiôtès) qui, bien que soumis aux charges fiscales qui le libéraient
(1) Sur toutes ces obligations, cf. les listes d'exemptions contenues dans les documents
d'archives, ci-dessous, p. 150, n. 4 ; sur la karabopoiïa effectuée par la population, cf. P.G.,
t. CVII, col. 1032 ; Vie de saint Nil le Jeune, P. G., t. CXX, col. 105.
(2) H. AHRWEnvER, Recherches, p. 10 sq.
(3)" L'acte sera publié par N. Oikonomidès avec l'ensemble du dossier de ce couvent.
(4) Sur quelques cas de rachat du service militaire, cf. H. AHRWEH,ER, op. cit., p. 19-21.
(5) CECATJMENI Strategicon, p. 101-102, et P. LEMERI.B, Prolégomènes, p. 89-90.
H. AHKWEILER 10
j i 146 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
.-•' j
-, du service militaire, fut mobilisé. Étant pauvre (TCXCOXOÇ), il préféra exercer le service armé,
.J mais il ne voulut pas, bien entendu, continuer à verser les obligations fiscales corres-
pondantes. Il voulut comme èXsôOepoç (libre d'obligations), sXsuOépw TOSÎ (d'un pied libre)
j participer à l'expédition (àmévai sîç XO xa^etSiov), d'autant plus que dans le régiment
; (àXXayv)) on l'avait mis à la place d'un soldat vivant encore et qui devait acquitter les
i charges fiscales correspondant à un service armé qu'il n'exerçait plus (1). Le même
4: auteur, dans un texte curieux, son commentaire à l'expression proverbiale : SYjjzepov xà
\~ :'. ' ayia Koûvxoupa ( = Aujourd'hui la sainte Ascension), appelle le service du drome (poste)
:| ; " un XYJVO-OÇ (impôt) qui grève ceux qui y sont soumis et dont ils s'acquittent par l'exercice
! effectif de ce service : èny]jjdiay.ivo'. xo êâpoç (2). Nous avons là des cas du « rachat »
•I» du service militaire, de la fiscalisation de la strateia (pézikè, ploïmos, dromikè), à titre
individuel (3). Celui qui est inscrit sur les rôles peut choisir, comme nous le montre Psellos,
j entre l'acquittement en espèces de ses obligations militaires et le service armé. Cela n'est
i . pas le cas quand la fiscalisation des obligations militaires intervient à la suite d'une décision
impériale (ou d'état-major). Elle frappe alors non pas des individus isolés, mais des
groupes ou des régions entières.
;,.- La décision de Monomaque de dissoudre l'armée d'Ibérie et de Mésopotamie et
\ de transformer les obligations militaires de la population de ces pays en obligations
fiscales, mesure qui souleva d'âpres critiques et fut considérée comme la cause de la
. j> I perte de ces régions lors des attaques seldjoucides, fournit le meilleur exemple de fisca-
fl|> lisation du service militaire appliquée à une collectivité par décision impériale (4).
M, L'opération de Monomaque, exécutée par les,soins de Léon Serblias, d'une redoutable
\ habileté en matière fiscale, a présenté un double avantage pour l'État. Serblias a commencé
; i par imposer des obligations fiscales (àvaypà^acrOai... et xeôeïvoa xéXv)) (5) à la population,
; qui était jusqu'alors exemptée des charges fiscales (XSAY) à OÙSÉTOXS eïSov eîç xvjv / « p a v ,
S
dit Kékauménos, où §<x.ay.oùç auvsiaitpspov, précise Zônaras), en raison du service militaire
qu'elle assurait (àvxl Tcàcn»)ç SaajzocpopLaç 8uaxwp£ocç ètppoôpouv) (6). Ainsi l'État, au lieu
. '(: de soldats, obtint des impôts (àvxi. axpaxtwxwv cpopouç uoXXoùç è7topiÇexo, dit Cedrenus,
II J ' tpopouç xaïç X " P a i ? èmTa^aç, èo-xoXaae xàç çpoupàç, rapporte Zônaras). Cet aspect de
(1) PSEIAOS, Scripta minora, éd. DREXI,, II, p. 154-155 : texte capital, passé inaperçu.
(2) PSEU,OS, Lettres, éd. SATHAS, Mes. Bibl., t. V, p. 532.
(3) L'importance de la strateia versée par le propriétaire de l'acte de Dionysiou (deux pièces
d'or et six d'argent pour une terre de seize modioi) peut sans doute être expliquée par la nature
du service dû, p. ex. une strateia de cavalier cuirassé.
(4) ATTAI,EIATE, p. 44 ; CECADMENI Strategicon, p. 18, et P. 1,EMERI,E, Prolégomènes, p. 70-71 ;
ZÔNARAS, III, p. 647 ; CEDRENUS, II, p. 608 ; GI,VKAS, p. 598.
(5) CECAUMENI Strategicon, p. 18.
(6) ZÔNARAS, III, p. 647.
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 147
l'opération n'est pas mentionné par Attaleiate qui, par contre, est le seul à nous dire que
l'armée d'Ibérie-Mésopotamie était entretenue par le revenu de certains domaines de l'État
situés dans ces régions (ôij;a>v[.cT(Jt.ou éypv-rôc, TIVOCÇ TÔV •rcapaxsin.évaiv 8ï)fjio<K<ov
Xtopwv (1)). La suppression de cette armée libéra les domaines de l'État des charges de
l'entretien des soldats ; leur revenu, par la suite, revint normalement à la caisse impériale,
ce qui, avec l'impositionfiscalede la population alors décidée, constitue le double avantage
financier que l'État tira de cette opération. Il faut en effet croire que Monomaque ne se
pressa pas de remplacer l'armée locale d'Ibérie par des troupes envoyées de Constan-
tinople. La paix conclue avec les Turcs en 1050 le lui permettait (2). Lors de la reprise
des hostilités en 1051-1052, on ne trouve que quelques Francs et Varangues dispersés
dans la région (en Ibérie et en Chaldie) et que Yakolouthos Michel essaie de réunir à la
hâte pour faire face aux Seldjoucides (3).
On comprend pourquoi la dissolution de l'armée d'Ibérie-Mésopotamie recrutée
localement et évaluée par Cedrenus à 50 000 hommes (4), dissolution effectuée par
Monomaque sans doute en 1050 (5), fut considérée comme la cause de l'avance turque
dans ces régions. De toute façon, tout en illustrant parfaitement les moyens dont dispo-
sait l'État byzantin pour se procurer de l'argent même aux dépens de sa force militaire,
elle reste dans son ampleur une mesure isolée et exceptionnelle, qui fut sans doute
dictée par l'attitude de la population de ces régions récemment annexées à l'Empire,
population étrangère à l'esprit et à la civilisation de Byzance, hostile à l'Église orthodoxe
de Constantinople (les sources sont unanimes sur ce point) et favorable, sans doute,
aux deux plus importantes révoltes contre Monomaque : celles de Maniakès et de Tor-
nikès, qui furent tous les deux commandants de l'armée de ces pays (6).
» ; • • • ' /
Cependant, au fur et à mesure que Byzance diminuait ses effectifs militaires mais
que, obligée de former une armée, elle faisait appel aux mercenaires, le recrutement
local diminuait, et le nombre augmentait de ceux qui, soumis au service armé, ne pou-
vaient l'exercer effectivement (i). Ils étaient ainsi acculés à assumer une strateia (ser-
vice) (2) fiscale, indépendamment de leur volonté. Leurs biens, au titre desquels ils
étaient inscrits sur les rôles, se trouvaient grevés d'une nouvelle imposition, désignée
justement comme strateia (3). Petit à petit l'alternative : service armé ou strateia fiscale,
s'abolit. Il n'y eut plus que la strateia fiscale qui subsista, les biens des enrôlés acquirent
le même statut que les biens enrôlés qui, indépendamment du statut de leur propriétaire,
étaient grevés des obligations militaires (4). Autrement dit, les biens des personnes
enrôlées assument maintenant la strateia fiscale comme il en était auparavant pour les
biens enrôlés (inscrits sur les rôles militaires) se trouvant entre les mains de personnes
incapables, par leur nature ou par leur condition (femmes, vieillards, ecclésiastiques, etc.),
d'exercer un service armé. Ainsi les personnes enrôlées dans telle ou telle arme (cavaliers,
fantassins, ploïmoi, etc.) au titre de leurs biens acquièrent dans la pratique le même statut
que les propriétaires des biens enrôlés ; leur strateia devient un impôt foncier. On
comprend pourquoi elle figure maintenant à côté de la synônè et du kapnikon (impositions
grevant des biens) dans les listes d'exemptions accordées par les empereurs de l'époque
à certains privilégiés (laïcs ou ecclésiastiques) au titre de leurs biens fonciers (5).
Cet exposé, nécessairement technique, sur le procédé utilisé pour se procurer
(1) PSEIAOS, Discours à Leichoudès, éd. SATHAS, Mes. BibL, t. IV, p. 407 : « l'empereur
négligeait complètement l'armée (stratopéda = l'armée mobilisée), et quand il s'en occupait, il
donnait très peu » ; ATTAI.EIATE, p. 77 : « II manifesta (l'empereur Constantin X Doucas) du
mépris pour les vertus militaires et pour la défense du pays... d'où des plaintes de la part des
populations des provinces qui supportaient les obligations fiscales... du fait que la composition
• |
de l'armée ne se faisait pas d'une manière raisonnable » ; cf. aussi ZONARAS, III, p. 676 ; SKY-
UTZÈS, p. 653, etc., et ci-dessus, p. 138, n. 1.
(2) Sur le sens de la strateia, service militaire ou charge en général, exercée par un nombre
limité, ou plutôt fixé, de personnes qui figurent à ce titre sur une liste (d'où stratiôtikoi kata-
logoi = registres militaires), cf. De Ceremoniis, p. 389 ; divers sens du terme dans H. AHRWEHËR,
Recherches, Index s.v. strateia (et en grec) ; sur l'orthographe et la signification du mot strateia-
stratia, cf. GEORGES CHOIROBOSKOS, éd. J. A. CRAMER, Anecdota Oxoniensia, 1835, t. I I , p . 262.
(3) Faut-il voir une allusion à ce procédé dans les remarques de SKYUTZES, p. 652, selon
lequel les strateuoménoi sont appliqués, comme par ailleurs toute la population, à des Stxavixà
Trpo6XY[(xaTa et crExpsTixà ^TjTYjjjtaTa, et deviennent de ce fait cruvY]Yopot. xaî vojzixôiv 7rpoëXy)ptdtT£i)v
ipaaral, et ceci au détriment du service armé (Ô7tXa xal aTparetav [XEÔÉVTEÇ) ?
(4) Sur les biens inscrits dans les rôles militaires, cf. P. I<EMERI,E, Esquisse, p. 43 sq.
(5) Cf., à titre d'exemple, M.M., t. V, p. 137, 143 ; ibid., t. VI, p. 22 ; Actes de Chios, p. 577 ;
Actes de Vatopédi, E.E.B.S., t. I I I , 1926, p. 122, 123, 127; Actes de Lavra, p. 88, 111 ;
~B. DôXGSR, Schatzkammern, n° 3, 1. 35, et n° 35.
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 149
les ressources nécessaires aux dépenses militaires de l'Empire, et qui de prime abord
paraît étranger à notre sujet, nous a semblé indispensable afin de pouvoir mieux mettre
en relief les rapports entre le système fiscal et le recrutement militaire de l'armée de
terre et de mer, qui a subi à ce moment des modifications essentielles.
Recrutement de Vannée de terre et de mer. — Avec la fiscalisation des obligations
militaires, l'État a réussi, en se réservant l'administration des sommes réunies au titre
des dépenses militaires, d'une part à proportionner à ses besoins successifs l'importance
de l'armée byzantine, et d'autre part à transformer les méthodes de recrutement des
soldats. Dans la mesure des besoins de l'Empire, on recrute maintenant des soldats de
métier, byzantins ou étrangers (1), percevant une solde, versée périodiquement (solde
mensuelle à cette époque) (2) par la caisse impériale. Recrutement simplifié qui procure
à l'Empire des soldats de qualité, mieux entraînés et équipés que les inscrits sur les rôles
militaires des provinces, l'armée nationale de « réserve » mobilisée seulement lors des
manœuvres militaires et des expéditions (3). Répartie dans divers tagmata (régiments)
désignés par le nom ethnique des soldats qui les composent (4), l'armée des mercenaires
est placée sous les ordres d'officiers byzantins ou étrangers, relevant des grands comman-
déments de l'époque, placés eux-mêmes sous les ordres des ducs-katépanô, gouverneurs
militaires des provinces dépendant directement de Constantinople, de l'empereur, et, en cas
d'opérations importantes, des domestiques ou des stratopédarques d'Orient et d'Occident.
Au XIe siècle, le système du mercenariat, réservé auparavant aux corps d'élite
(tagmata impériaux) et constantinopolitains, appliqué par la suite à la formation des
corps militaires de divers groupes ethniques byzantins (par exemple les Arméniens), devient
petit à petit l'unique mode de recrutement de l'armée byzantine (1) de terre et de mer.
La clause des tactiques militaires qui conseillait aux commandants de troupes « que les
alliés soient en nombre inférieur à l'armée locale » (2), ou qu' « il faut utiliser un nombre
limité d'alliés... inférieur à celui de notre propre force » (3), n'est plus applicable. Les
tagmata formés de mercenaires étrangers stationnent dans les provinces (4), les diverses
révoltes déclenchées par leurs chefs témoignent de la sagesse de la constitution des
tactiques militaires citées ci-dessus. Seules les préoccupations financières peuvent main-
tenant restreindre l'enrôlement des mercenaires dans l'armée byzantine (5). Le paie-
ment de leur solde fut souvent un problème pour la caisse impériale, et ceci n'est sans
doute pas étranger à la dépréciation de la monnaie byzantine, qui commence juste au
moment où Byzance entreprend la reconversion de son armée (6).
(1) Sur les mercenaires d'avant cette époque, cf. H. AHR\VEII,ER, Recherches, p. 24 sq., et
sur les mercenaires occidentaux dans l'armée byzantine, cf. le travail que prépare Cécile MORRISSON,
Les mercenaires occidentaux à Byzance de la mort de Basile II à 1204.
(2) A. DAIN, Sylloge Tacticorum, Paris, 1938, p. 14, 20.
(3) P.G., t. CVII, col. 1029.
(4) Cf., à titre d'exemple, des Francs et des Varangues en Ibérie et en Chaldie (CEDRENUS,
II, p. 606), des Varangues dans le thème des Thracésiens (ibid., p. 508, 517, 624, et SKYMTZES,
p. 668, 678, 737, etc.), des Russes à Pekri (CEDRENUS, II, p. 503), des Némitzai en Cappadoce
(ZONARAS, III, p. 697), des Varangues et des Russes en Italie (CECATJMENI Strategicon, p. 30),
des Russes à Chios (Actes de Chios, p. 548), des Varangues en Crète (NicÉTAS CHONIATE, p. 342), etc.
Ainsi on comprend la mention de ces tagmata dans les listes d'exemptions accordées à des biens
fonciers situés dans les diverses provinces : cf. Actes de Lavra, p. 74, 83, 100, m ; F. DôLGER,
Schatzkammern, n° 3 ; Actes de Vatopédi, E.E.B.S., t. III, 1926, p. 122, 127; M.M., t. V, p. 137,
et VI, p. 2, 2i, 27, 48 ; Actes de Chios, p. 548, etc. Pour la bibliographie sur les Varangues et les
Russes dans l'Empire, cf. G. OSTROGORSKIJ, Geschichte3, p. 252, n. 1, et F. Dôi,GER, B.Z.,
t. XL, 1940, p. 284. Sur les étrangers en service à Byzance, cf. A. VASUJEV, The Anglo-Saxon
immigration to Byzantion, Annales de l'Institut Kondakov (en russe), t. IX, 1938, p. 58 sq. ;
et sur les relations de l'Angleterre avec Byzance à cette époque, cf. en dernier lieu V. LAURENT,
Byzance et l'Angleterre au lendemain de la conquête normande, The Numismatic Circular,
1963, p. 93-96.
(5) PSEIAOS, II, p. 146.
(6) H. AHRWEH,BR-GI,YKATZI, Nouvelle hypothèse sur le tétartèron d'or et la politique
monétaire de Nicéphore Phocas, Mélangea G. Ostrogorskij, I, Belgrade, 1963, p. 1 sq.
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 151
v nouvel appareil maritime, qui fonctionnera aussi, nous le verrons, pendant la période
•y| •• qu'inaugure le règne des Comnènes.
,',' ' L e drongaire d u ploîmon, investi, comme tous les responsables des sékréta admi-
1
nistratifs, de juridictions judiciaires et fiscales, préside u n tribunal spécial : le sékréton
du drongaire d u ploîmon (1) (à ne pas confondre avec celui d u drongaire de la veille,
I l tribunal des affaires civiles (2), ni avec celui d u parathàlassitès qui juge les affaires
u
concernant la marine marchande et les « navigateurs » en général) (3), devant lequel
sont portées les causes concernant la flotte et les équipages de la marine d e guerre.
Pour contrôler la perception des obligations fiscales destinées à la flotte {strateiai fiscales
ploîmoi, et prestations d'ordre maritime, p . ex. katergoktisia), il a dans son bureau le
protonotaire d u ploîmon, agent fiscal chargé de l'administration des fonds réservés à la
marine de guerre, poste créé à ce moment (4). Pour assurer enfin le recrutement des
équipages, il est secondé par Yanagrapheus des ploîmoi (soldats marins) (5), sorte d e
chartulaire d u bureau central de la marine (6), chef des strateutai (de soldats marins),
chargé d e ce que les sources de l'époque appellent è£,eka.mç 7iAot[i,a>v, c'est-à-dire d u
recrutement et de la mobilisation des marins (7). Bref le drongaire du ploîmon assume
ce que les mêmes sources appellent katergoktisia, ou karabopoiïa, ktisis de chélandia, d'agraria,
de zermones, de charbia de guerre, etc., au « transport (métakomidè) des rames » ou, d'une manière
générale, « ktisis ( = construction) et exélasis ( = réquisition) des navires de toutes sortes ». A une
époque plus récente (à partir des Comnènes, cf. ci-dessous, p. 212) le ploïmon désigne l'imposition
maritime en général, acquittée alors en espèces.
(1) Telsp. ex. les protonotaires, chartulaires, strateutai, logariastai, anagrapheis, époptai, orthâ-
tai, exisôtai, dioikètai, chrysotéleis, êpisheptitai, etc. Sur les obligations fiscales acquittées par les pro-
vinces, cf. D. XANAI,ATOS, Beitrâgez. Wirtschafts -u. Sozialgeschichie Makedoniens..., Munich, 1937.
(2) CECAXJMENI Strategicon, p. 26, 27.
(3) Sur l'évolution des fonctions du stratège et du kritès des thèmes, cf. H. AHKWEUJSR,
Recherches, p . 36-52 (stratège) et p . 67-78 (kritès).
ï-l 1
et la flotte provinciale (loipoi ploîmai), valable pour les périodes précédentes, est main-
tenant entièrement désuète. Essayons de voir l'importance de la flotte byzantine dans
cette nouvelle étape de son histoire et de décrire l'état de ses diverses escadres, constan-
tinopolitaines et provinciales.
|)
Des Macédoniens aux Conmènes : réformes et transitions 157
Roufinianai, Borillios attend pour entrer dans la capitale l'arrivée du basiîikos dromôn,
précise Bryenne, le même basiîikos dromôn qui un peu plus tard se dirigea sur Damalis (en
face de Constantinople), d'où Botaneiate lui-même embarqua pour gagner Constanti-
nople ; il est évident que ce qu'Attaleiate d'une manière pompeuse appelle l'ensemble de
la flotte est désigné simplement par Bryenne comme « bâtiments au service personnel
de l'empereur » : le terme paoiAixov Spofxwviov ou Spopicav est employé, en effet, pour
désigner l'ensemble des navires qui suivaient dans ses déplacements le bateau impérial,
le basiîikos dromôn par excellence.
Les rapports de la flotte constantinopolitaine et du basilikon dromônion, tels qu'ils
se présentent à ce moment, éclairent d'une manière intéressante l'évolution et l'histoire
de la flotte impériale et plus précisément de son plus considérable détachement, l'escadre
constantinopolitaine. Escadre importante pendant les périodes précédentes, elle assurait,
nous l'avons vu, la garde maritime de la capitale, souvent confiée à de hauts officiers de
la marine (1), et la surveillance de la mer constantinopolitaine, plus précisément de la
Thrace riveraine, de la Propontide au Pont-Euxin. Le nombre de ses effectifs, alors
sûrement considérable, permettait à ses cadres et à ses équipages, recrutés à ce moment
parmi les marins des détroits du Bosphore (2), de jouer un rôle non négligeable dans les
affaires de la capitale. Us prennent part à la vie officielle (3), s'occupent de la construction
des monuments de la ville (4) et rétablissent même l'ordre, en sauvant par leur inter-
vention la dynastie menacée à ce moment non par les intrigues du palais, mais par des
révoltes militaires (5).
Par contre le basilikon dromônion, dont nous connaissons l'histoire et la création
par Constantin Porphyrogénète (6), n'était alors qu'une modeste formation navale
servant aux déplacements de l'empereur et de l'impératrice et aux manifestations
officielles (religieuses et laïques), processions et accueil des invités de marque (7). Formé
d'abord d'un petit nombre d'embarcations modestes (agraria), il compta par la suite
dans ses effectifs deux dromons, ce qui lui a valu le nom de basilikon dromônion, terme
qui a remplacé celui de rousion (rouge) agrarion, et on distingua les bâtiments mis au
service de l'impératrice de ceux dont disposait uniquement l'empereur (1). Son histoire
* • ' •
"l
.'-1 ' pendant tout le Xe siècle et le début du XIe est limitée aux déplacements de l'empereur
et de la famille impériale jusqu'au rivage micrasiatique, en face de Constantinople,
j J ou jusqu'au golfe de Nicomédie, jusqu'aux lieux de plaisance, ou de pèlerinage,
j , *,— situés aux alentours du palais d'été des Roufinianai, sur la rive du Bosphore, ou sur les
J ' côtes de la Bithynie (2).
ii,! , , Le rôle et l'importance du basilikon dromônion changent au xi e siècle. Les successeurs
|,iV; '' des grands Macédoniens, étant donné le caractère incertain de leur règne et la situation
;!;',' instable que créait le mode de leur avènement au trône, semblent avoir réservé une
j ! i nouvelle place au basilikon dromônion et à ses équipages, formés alors par des mercenaires
i, < étrangers au service de l'Empire. Mis sous le contrôle direct de l'empereur, échappant
!I aux militaires qui continuent à être responsables de la flotte de guerre impériale, le basilikon
I dromônion représentait, à un moment d'insécurité politique, une arme importante entre
i! , les mains de l'empereur. Celui-ci pouvait l'employer efficacement en y nommant des
!
personnes de sa confiance (mercenaires étrangers recrutés par lui et par conséquent à
l'écart des projets des divers prétendants). Il avait tout intérêt à augmenter ses effectifs
\y, aux dépens de l'escadre constantinopolitaine de la flotte, soumise à des officiers mêlés
\ aux intrigues politiques du moment.
En effet, les sources de la seconde moitié du XIe siècle montrent que le rôle du
basilikon dromônion est d'une importance considérable. A plusieurs reprises elles souli-
gnent l'activité de ses équipages, et leur participation aux affaires politiques et militaires
qui ont pour théâtre Constantinople. Pendant l'attaque russe contre la capitale, sous
Monomaque, le basilikon dromônion était la seule formation navale armée et équipée (3).
Un peu plus tard, sous Michel V, ses équipages combattent efficacement la révolte de
Théodose qui sema l'anarchie dans Constantinople (4). Sous Michel VII Doucas ils font
11 échouer les projets du prétendant Bryenne en favorisant l'avènement de Botaneiate (5).
j Sous Botaneiate enfin, fidèles à l'empereur, ils prennent parti, selon l'ordre de Botaneiate,
,'t pour Mélissène, rival d'Alexis Comnène et comme lui prétendant au trône. Ce n'est
| jl que la ruse de Georges Paléologue, ami et parent des Comnènes, qui empêcha la flotte
ù è; constantinopolitaine, le basilikon dromônion, d'amener, conformément à la volonté de
l'empereur, Mélissène à Constantinople et au trône (6).
(1) Sur les Varangues sous Botaneiate, cf. S. BLÔNDAI,, Nabites the Varagians, Classica
et Mediaevalia, t. II, 1939, p. 145-167, et à ce sujet, F. Dôi,GER, B.Z., t. XL, 194°. P- 284.
(2) La disparition de la flotte qui relevait des autorités provinciales a entraîné la disparition
des stratèges des thèmes purement maritimes, donc des stratèges-amiraux, ainsi que des tour-
marques du ploïmon.
(3) Sur ce point, cf. ci-dessous, p. 163-171.
i:. 160 Des Isauriens aux Conmènes : Byzance face aux Arabes
ï
v i on signale leur présence dans les grandes îles de la Méditerranée orientale, et avant tout
dans la mer Egée, qui constitue, par sa situation géographique dans le monde byzantin
de l'époque, le centre de leur rayonnement. C'est, à coup sûr, la mer la plus fréquentée
par les détachements de la flotte byzantine. C'est par elle que passent les routes maritimes
internationales qui, nous le verrons, unissent les pays du Pont-Euxin et Constantinople
t "
à l'Orient latin et aux pays musulmans de la Méditerranée. Les îles et le littoral égéens
continuent à fournir des équipages, marins de métier réputés, leur population assume les
impositions, les taxes et les prestations destinées à la flotte et à son entretien.
De toute façon les escadres de la flotte byzantine sont dispersées, comme nous
disent les sources de la seconde moitié du XIe siècle et notamment Psellos, « dans toutes
les parties du littoral, les unes ici et les autres là, occupées à garder leur territoire » (i).
Leur tâche consiste en effet à surveiller la navigation, et à défendre les régions côtières ; elles
forment ce que Kékauménos appelle ?loytx7j ouXaxr, (garde nécessaire, indispensable) (2) et
Zônaras cpuAaxï) x»p«v (garde des régions) (3). Elles sont, dans ce but, équipées de soldats
de métier, des tagtnata, notamment des archers et des kontaratoi (4), et elles disposent, ceci
est important, du feu grégeois (5). En effet cet aspect de l'équipement des navires des
escadres provinciales révèle la nature de la flotte byzantine de la seconde moitié du
xi e siècle. Construite à l'image et selon le procédé valable pour la flotte impériale de
l'époque précédente, c'est une flotte composée de bateaux lourds, de bateaux de haute
mer (6). Disposant d'une « force de frappe », elle peut surveiller les routes maritimes,
sans se limiter à la seule garde des côtes. Ses points d'attache dans les mers byzantines
jalonnent une vraie ligne de frontières maritimes. Ses bases importantes sont situées sur
les points contrôlant les passages internationaux, et plus particulièrement sur le littoral
extérieur contrôlant les mers fréquentées par les bateaux étrangers. L'île de Chypre,
le Dodécanèse, notamment Rhodes et Kôs, avec les Cyclades et la Crète, forment la
frontière maritime en Orient (7). Durazzo, Corfou, Céphalonie et Naupacte contrôlent
BRYENNË, p. 158) : ces opérations sont effectuées obligatoirement avec l'aide d'une flotte. Notons
enfin que les Cyclades forment à ce moment une circonscription administrative à part : un dioi-
kètës des Cyclades est mentionné en 1079 (M.M., t. IV, p. 22) et le sceau d'un kritès de ces îles,
Corinth XII, n° 2752, est daté du XIe siècle.
(1) Sur les bases de l'Occident, importantes jusqu'à lafindes guerres d'Italie, cf. ci-dessus,
p. 124-125.
(2) On suit mal la situation du littoral sud-est de la mer Noire, région qui a été vite attaquée
(dès le début de la seconde moitié du XIe siècle) par les Seldjoucides : SAINT MARTIN, Mémoires
historiques et géographiques sur l'Arménie, Paris, 1818,1, p. 373, note que les Turcs étaient arrivés
jusqu'aux montagnes de Trébizonde ; toutefois la ville reste entre les mains des Byzantins jus-
qu'en 1071 (ATTAI/EIATE, p. 167). Sinope est attaquée et prise en 1081 (ANNE COMNENE, I I ,
p. 64-65), enfin le littoral jusqu'à Héraclée semble livré aux pillages des bandes turques dès le
dernier quart du siècle (NICEPHORE BRYENNË, p. 92-95). Trébizonde, Sinope, Amastra, stations
maritimes importantes pendant la première moitié du XIe siècle, sont maintenant en décadence.
Par contre Anchialos et Mésembria, sur le littoral occidental du Pont-Euxin, deviennent dans la
seconde moitié du XIe siècle et à cause des guerres contre les Petchénègues des centres militaires
importants (cf. SKYUTZËS, p . 743, sur Mésembria; et ANNE COMNENE, I I , p . 65 et 74, sur
Anchialos).
(3) Ci-dessous, p . 222 sq.
B . AHRWEILER 11
¥*•' )
; ' . (1) CBCADMENI Strategicon, p. 101, et 103, sur la flotte soutien principal du prestige de
J; ' l'Empire : « Si la flotte décline, toi (l'empereur, donc l'Empire) aussi tu disparaîtras ».
f , (2) Ibid., p. 102-103.
,J 1 (3) ATTAI,EIATE, p . 271 : « Flotte désarmée (stolos anénergètos) ».
fi i ' J (4) A N N E COMNÈNE, I, p . 95-97, 106 ; et ci-dessus, p . 158.
j '.. | (5) ATTA^EIATE, p . 288 ; NlCEPHORE B R Y E N N E , p . 158.
.j i (6) NlCEPHORE BRYENNE, p . 92-95.
\ j (7) Ci-dessous, p . 181.
!< il'
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 163
des choses maritimes » au dire de Bryenne, à la tête sans doute de sa flottille personnelle
mise alors au service de l'empereur Alexis, qu'il avait connu avant son avènement et
efficacement servi avec son armée personnelle contre les Turcs en Paphlagonie (1), était
la seule personne indiquée pour commander des opérations navales importantes. Il faut
penser que l'armée de mer byzantine et ses cadres traditionnels étaient alors inexistants.
Une réorganisation de la marine byzantine deviendra plus qu'urgente à la suite des
attaques normandes et des progrès turcs ; elle aura lieu sous le premier Comnène.
Avant de l'examiner en détail, nous essaierons de voir les transformations que la paix
maritime et l'expansion du monde byzantin après les grandes conquêtes des empereurs
Macédoniens ont entraînées dans la situation en Méditerranée et l'importance des centres
maritimes du xi e siècle. Cela nous aidera à comprendre la politique extérieure de Byzance
et ses préoccupations diplomatiques dans le concert international du xii e siècle.
(1) De Ceremoniis, p. 687 ; intéressant axaSiaoixiç OaXàaovjç donné par HIPPOI,YTOS, Chro-
nique, éd. R. HEI/M, Berlin, 1955, p. 43 sq.
(2) Pour la période qui nous intéresse, l'itinéraire de l'higoumène russe Daniel qui visita
les Lieux Saints en 1106-7 est important : cf. Itinéraires russes en Orient, tr. B. de KHITROWO,
Genève, 1889, p. 6-55 ; et un itinéraire maritime dans la Vie de saint Mélétios, éd. WASSI-
UEVSKIJ, p. 27-32. Pour les périodes précédentes on relève des itinéraires maritimes surtout dans
les récits des vies des saints : cf., à titre d'exemple, Vie de saint Athanase l'Athonite, éd. L. PETIT,
Anal. BolL, t. XXV, 1906, p. 18 sq. ; Vie de saint Constantin le Juif, Acta SS., Nov., IV,
p. 635 sq. ; H. GRÉGOIRE, Un captif arabe, Byz., t. VII, 1922, p. 391-673 ; du même, La vie de
saint Biaise d'Amorion, Byz., t. V, 1922, p. 391-414, et Vie de saint Biaise, Acta SS., Nov.,
IV, col. 666 ; Vie de saint Joseph, P.G., t. CV, col. 931 sq., et ibid., col. 216, 217, sur les villes
d'Italie et de Sicile ; Acta SS., Aug., III, col. 494 sq. ; Anal. BolL, t. XXX, 1911, p. 252-295
(l , (Pont-Euxin) ; B.Z., t. X, 1901, p. 159 (mer Egée) ; Vie de saint Georges d'Amastris, éd. WASSI-
IJ i. UEVSKtj, p. 36 sq., et là-dessus, P. PEETERS, Les Khazars dans la passion de saint Abo de Tiflis,
Anal. BolL, t. LU, 1934, p. 21-56 ; Vie de Théophane, éd. de BOOR, II, p. 7 sq. et p. 28 sq., et
SYMEON I,E METAPHRASTE, P. G., t. CXV, col. 17 (Propontide) ; Vie de saint Grégoire le Décapolite,
éd. DVORNIK, p. 53 sq. ; Vie des saints David, Syméon, Georges de Mitylène, Anal. BolL, t. XVIII,
1899, p. 225, 233 sq. ; Vie de saint André de Crète, éd. A. PAPADOPOTCOS-KERAMEUS, Analecta
Hier. Stach., t. V, p. 178-179 ; Synaxaire de l'église de Constantinople, Acta SS., Propylaeum,
] Nov., p. 121-122 et 125-126 ; P. PEETERS, Histoires monastiques géorgiennes, Anal. BolL,
1 t. XXXVI, 1922, p. 25 sq. ; R. DEVREESSE, Le texte grec de l'hypomnesticum de Théodore
I Spoudée, Anal. BolL, t. LUI, 1953, P- 69 (Pont-Euxin) ; P. PEETERS, Une vie grecque du pape
j saint Martin I, Anal. BolL, t. LI, 1913, p. 266 sq. ; G. ANRICH, Hagios Nikolaos, Leipzig-Berlin,
1 1913. t. I, p. 195 sq., 273, 413, 415 et passim ; THÉODORE STOUDITB, Epistolae, P. G., t. XCIX,
«ji
K1 1 1
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 165
col. 916 sq. (Propontide-vers Thessalonique). Sur les régions côtières restées iconodoules,
cf. Vie de saint Etienne le Jeune, P.G., t. C, col. 1117 ; sur les villes de Sicile, cf. G. SCEORÔ,
Vite dei Santi Siciliani, I, Palenno, 1954, P- 84 sq., et II, Palermo, 1959, p. 98-100 ; sur celles
de l'Italie, cf. Vie de saint Nil le Jeune, P.G., t. CXX, col. 17 sq.
(1) Vie de saint Mélétios, éd. WASSnjEvsKij, p. 32-33.
(2) Pour les mentions de ces archontes dans les sources, cf. ci-dessus, p. 57-58.
166 Des Isauriens aux Comnènes : Byzance face aux Arabes
(1) Phygéla continue à être mentionné au Xe siècle comme escale du voyage vers la Crète
(cf. De Ceremoniis, p. 687 ; Acta SS., Nov., III, p. 533 et surtout p. 577) ; cependant ATTAXEIATE,
p. 223-224, nous montre Hagia (est-ce Ania-Anaia le grand port du xin e siècle ?), près d'Éphèse,
comme étant le carrefour qui unissait, par l'intermédiaire de l'île de Karpathos, l'Asie Mineure
à la Crète.
(2) Cf. à titre d'exemple IBN-HAUQAI,, apud A. VASIUEV, Byzance et les Arabes, II, p. 414-
417, Trébizonde comparable en importance à Attalée ; Vie de saint Georges d'Amastris, éd. WASSI-
MEVSKij, p. 43 : mention de commerçants à Trébizonde ; Vie de saint Athanase l'Athonite,
éd. 1,. PETIT, Anal. Boll, t. XXV, 1906, p. 15 : commerciaire à Trébizonde, et H. ANTONIADIS-
BIBICOU, Recherches sur Us douanes à Byzance, Paris, 1963, index s.v. Trébizonde.
(3) Tous deux réservés à l'exploitation maritime et commerciale de l'Bmpire jusqu'à
la fin du xne siècle : cf. MM., t. III, p. 35 ; ZEPOS, JUS, I, p. 420 ; cf. ci-dessous, p. 225, n. 5.
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 167
une ville importante (1), port du littoral occidental du Pont jalonnant l'itinéraire qui
unissait Constantinople et l'Empire aux pays slaves, et notamment à la Russie, clients
importants pour les produits industriels de Byzance.
On constate des changements du même ordre dans les centres maritimes de la
Propontide. Constituant jusqu'alors le corridor maritime qui unissait Constantinople et
le Pont-Euxin à l'Occident, la Propontide devient maintenant le passage maritime entre
l'Asie et l'Europe, la mer qui unit l'Asie Mineure à la Thrace et par là aux pays bulgares.
Ainsi Abydos, poste vital pour la défense de la mer constantinopolitaine du temps des
flottes arabes dans la Méditerranée, perd à ce moment de l'importance au bénéfice de
Lampsaque et de Kallipolis, centres maritimes situés au carrefour des routes qui unis-
saient l'Asie Mineure aux Balkans et Constantinople à l'Occident. A l'intérieur même
de la Propontide, à côté des villes qui jalonnaient l'itinéraire entre les deux détroits
(Héraclée, Sélymbria), des ports situés sur la route menant de Constantinople et de
l'Asie Mineure vers Andrinople, centre maintenant du commerce balkanique, acquièrent
de l'importance : tels Madytos, Rédestos et Panion sur le littoral nord (2), Artakè et
plus tard Pègai sur le littoral sud (3). Cyzique, en déclin dès le Xe siècle, disparaît (4).
On constate des changements dans l'importance des centres maritimes, surtout dans la
mer Egée, où un grand nombre de nouveaux ports se créent sur le littoral grec et micrasia-
tique. Sur la route unissant Constantinople à Thessalonique, Christoupolis, débouché mari-
time, comme Amphipolis, de la région du Strymon, devient un port important (5), tandis
que Lemnos reste un relais, une escale intermédiaire pour les bateaux qui, suivant les côtes
(1) Elle est placée sous un duc : ANNE COMNÈNE, II, p. 65, 74 ; Mésembria devint le siège du
commandement du Danube : SKYIJTZÈS, p. 743.
(2) Sur Héraclée, cf. De Ceremoniis, p. 496 ; Itinéraires russes en Orient, tr. B. de KHITROWO,
Genève, 1889, p. 6 sq. ; et surtout EDIUSI, Géographie, tr. A. JAUBERT, Paris, 1840, II, p. 298,
Sur Madytos, cf. PSEI.LOS, Discours, éd. SATHAS, Mes. Bibl., t. IV, p. 373 ; ibid., t. V, p. 423
(un basilikos de cette ville) ; Éloge de saint Euthyme, D.I.E.E., t. IV, 1892, p. 411 sq. Sur Rédestos,
cf. M.M., t. V, p. 136 ; Typikon de Pakourianos, Viz. Vr., t. XI, 1904 (supplément), p. 55 sq. ;
ATTALEIATB, p. 203 : foundoukarioi de Rédestos.
(3) Dans ces villes nous trouvons les premières colonies marchandes d'Italiens : cf. à titre
d'exemple TAFEI,-THOMAS, Urkunden, t. I, p. 103, 105, 107-109, 137-139, 199, 216-225, e tc.,
et ZEPOS, JUS, I, p. 473 ; M.M., III, p. 3 sq., et les analyses des traités par F. DôLGER, Regesten,
n0B 1081, 1365, 1488, 1499, 1578, 1590, 1607, 1610, 1616, 1618, 1647, etc.
(4) N. Hell., t. III, 1916, p. 130 ; la ville a été détruite par un tremblement de terre : cf. SKY-
UTZES, p. 657 ; ATTALEIATE, p. 89, etc. Lopadion, à l'embouchure du Ryndakos, près du lac d'Apol-
lônias, mentionné dans le XIe siècle comme port relativement actif, absorbe, avec Artakè et plus
tard Pègai, le mouvement commercial et maritime de la Mysie et de la presqu'île de Cyzique :
sur cette région, cf. J. MARQTJARD, Kyzikos und sein Gebiet, Berlin, 1836.
(5) Sur Kavalla-Christoupolis et Amphipolis, cf. P. LEMERUB, Philippes et la Macédoine
orientale, Paris, 1946, p. 208 sq.
•,. !i v ] 168 Des Isauriens aux Comnènes ; Byzance face aux Arabes
1
•i . macédoniennes, se rendent d'Occident à Constantinople et au Pont-Euxin. Sur le littoral
. i ,| helladique, des villes comme Dèmètrias, port de la Thessalie, Thèbes (centre industriel
•-* important) et Athènes (Pirée), jalonnant la route qui unit Thessalonique à l'Occident,
s'accroissent aux dépens de Chrèpou (Eubée), base navale importante de l'époque précé-
dente à cause de sa situation géographique ; mais n'étant pas le débouché maritime d'une
région importante, elle devient maintenant une escale du commerce local. De même,
sur le rivage micrasiatique, de nouveaux ports de commerce se créent aux dépens des
anciennes bases navales, du moins de celles qui n'étaient pas les débouchés maritimes
de régions industrielles. Phocée, débouché de l'alun, sur le littoral occidental de
l'Asie Mineure, et Strobylos (i), sur le carrefour des routes qui unissaient la mer Egée
et l'Occident à la Cilicie et à la Syrie, rivalisent en importance avec les grands centres
de l'époque précédente, Éphèse, Smyrne, Adramytte, tandis que les grandes îles du
Dodécanèse, et notamment Rhodes et Kôs, et surtout Chypre et la Crète, contrôlant le
passage vers le bassin oriental de la Méditerranée, gagnent de l'importance, contrai-
rement aux grandes îles adjacentes du littoral occidental de l'Asie Mineure, Chios, Lesbos
et Samos, qui ne sont plus que des escales des grands itinéraires commerciaux de
l'époque. De même Attalée, tout en gardant l'activité d'un grand centre commercial (2)
sur la route vers la Cilicie, la Syrie et par là vers l'Egypte, semble avoir perdu
l'importance exceptionnelle qu'elle avait en tant que base navale du temps des flottes
jj arabes de l'Asie. Les stations intermédiaires, telles par exemple les villes des côtes
|l septentrionales du Pont-Euxin, un grand nombre des villes du littoral de l'Asie Mineure
occidentale, et surtout les villes des côtes pamphyliennes et isauriennes, sont réduites à
une activité commerciale et maritime régionale, tandis que Laodicée et Tarse devien-
nent maintenant les plus importants centres de la Méditerranée orientale reliant l'Egypte
et l'Asie à l'Occident et à Constantinople.
La politique italienne de Byzance et la situation créée à la suite de l'apparition de
la flotte normande en Méditerranée occidentale ont conditionné le sort des bases situées
dans les mers Ionienne et Adriatique. Ainsi Céphalonie, escale principale de l'itinéraire
qui unissait Byzance à ses possessions italiennes, devient, à un moment où les revendi-
cations byzantines sur la Sicile et l'Italie du Sud sont abandonnées, une station secondaire,
contrairement à Corfou, qui contrôle l'itinéraire unissant les côtes dalmates, débouchés
(1) Sur Strobylos, cf. K. AMANTOS, Hellènika, t. X, 1939, p. 292, et à ce sujet, P. Dôl,GER,
B.Z., 40, 1940, p. 253. Strobylos est un nom géographique très fréquent : cf. PSEIAOS, Scripta
minora, éd. DRBXI,, II, p. 299-300.
(2) Sur Attalée, cf. IBN-HAUQAI,, apud A. VASIUEV, Byzance et les Arabes, II, p. 414-
417 ; des sceaux d'un dioikètès d'Attalée (V. LAURENT, Orghidan, n° 255) et d'un commerciale
(G. ScmyuMBERGSR, Sigillographie, p. 305 ; H. ANTONIADIS-BIBICOU, Recherches sur les douanes
à Byzance, Paris, 1963, index, t.v. Attalée) datés du XIe siècle.
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 169
(1) Procédé souvent appliqué dans le passé pour le transport des navires (cf. à titre d'exemple,
THÔOPHANE CONTINUÉ, p. 301) ; pratiqué aussi pendant l'antiquité : cf. THUCYDIDE, 3, 15.
(2) Cf., à titre d'exemple, F. DôXGSR, Regesten, n<" 1081 (mai 1082), 1303, 1365, 1487, 1575,
Ï57 6 . Ï577. 1589. 1606 sq.
170 Des Isauriens aux Conmènes : Byzance face aux Arabes
\\i puissances maritimes de l'Italie, la seule frontière maritime de l'Empire, celle de l'Occi-
dent, reste exposée à la menace d'une nouvelle flotte opérant maintenant dans la Médi-
terranée, la flotte normande. Le sac de Durazzo par les Normands, leur marche à travers
la Grèce, la construction de la flotte turque de Tzachas et ses raids dans la mer Egée,
sont les meilleures illustrations des conséquences du déclin de la force navale de Byzance
il i au xi e siècle. Une réorganisation de la marine byzantine sera entreprise par les Comnènes :
elle fait partie de l'œuvre de restauration de la puissance militaire de l'Empire effectuée
"U par les premiers empereurs de cette dynastie.
(1) Sur ces points, cf. C. NEUMANN, Die Byz. Marine, ihre Verfassung u. ihr Verfall
(10. bis 12. Jahrhund.), Historische Zeitschrift, neue Folge, t. XLV, 1898, p. 13 sq., et 17 sq.
j
Des Macédoniens aux Comnènes : réformes et transitions 171
(
DEUXIÈME PARTIE
ALEXIS I e r COMNÈNE
(1) Cf. des critiques de la politique de Romain IV Diogène par PSEIAOS, II, p. 158-162 ;
ATTAtElATE, p. 136, désapprouve le projet de reconquête et conseille à l'empereur de s'occuper
plutôt des provinces, a des thèmes encore intacts et organisés » ; et surtout NICÉPHORE BRYENNE,
p. 55. Sur la campagne de Mantzikert, cf. C. CAHEN, La campagne de Mantzikert d'après les
sources musulmanes, Byz., t. IX, 1934, P- 613 sq. ; M. MATHIEU, Une source négligée de la bataille
de Mantzikert, Byz., t. XX, 1950, p. 89 sq.
(2) Sur les révoltes des mercenaires francs, de Crispin et de Roussel, déclenchées dans le
thème des Arméniaques (Galatie) et qui se sont étendues ensuite en Paphlagonie et en Bithynie,
cf. ATTAI,EIATE, p. 123, 188 sq. ; NICÉPHORE BRYENNE, p. 73 sq. ; ZONARAS, III, p. 705 sq. ; ANNE
COMNËNE, I, p. 10 sq. ; SKYWTZES, p. 708 sq. ; F. Dôl,GER, Regesten, n° 997 (1074), 998 (1074) ;
G. SCHI.UMBERGER, Deux chefs normands des armées byzantines, dans R.H., t. XVI, 1881,
p. 296 sq., et L. BRÉHTER, Les aventures d'un chef normand en Orient, Revue d. cours et conférences
de la Faculté des Lettres de Paris, t. XX, 1911, p. 172-188.
(3) Sur Jean Doucas, cf. B. LËIB, Jean Doucas, César, moine. Son jeu politique à Byzance
de 1067-1081, Mélanges P. Peeters, Bruxelles, 1950, t. II, p. 163-180.
(4) NlCEPHORB BRYËNNË, p. 102 sq. ; ZONARAS, III, p. 715 sq. ; ATTAI,EIATE, p. 245 sq.
et p. 287-289, où l'auteur est contre Bryenne et pour Nicéphore Botaneiate qui, ayant déclenché
176 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
sa révolte en même temps que Bryenne, réussit à entrer dans Constantinople ; SKYMTZÊS, p . 726 sq.
. La révolte de Mélissène, en détail dans NICEPHORE BRYENNB, p . 160 sq. ; et A N N E COMNENE,
! I, P- 95-97-
(1) Sur les progrès turcs en Asie Mineure jusqu'à l'avènement d'Alexis I e r , cf. J. LATIRENT,
y Sur les émirs Danischmendites, Mélanges N. Jorga, Paris, 1933, p . 499-506 ; du même, Byzance
\\\ et les Turcs Seldjoucides dans l'Asie occidentale jusqu'en 1081, Paris-Nancy, 1913, p . 7-111 ;
•J du même, Byzance et les origines du sultanat de Roum, Mélanges Ch. Diehl, Paris, 1930, I,
'•:' p . 177-182 ; P. WlTTEK, Deux chapitres de l'histoire des Turcs de Roum, Byz., t. X , 1926,
\\ p . 285-319 ; du même. Le Sultan de Rûm, Mélanges E. Boisacq, Bruxelles, 1938, I I , p . 361-
j| | , 390 ; C. CAHEN, L a première pénétration turque en Asie Mineure, Byz., t. X V I I I , 1948, p . 5-67 ;
" | •• du même, The Turkish invasion. The Seldchukids, History of the Crusades, édité par K. M. SETTON,
! University of Pennsylvania, 1955.
' (2) Des îlots dans le P o n t (Héraclée, Kastamonè), en Phrygie (Chôma) et en Cappadoce, men-
' < ' tionnés à l'avènement d'Alexis I e r sous des toparques (ANNE COMNENE, I, p . 131), ce qui indique
:• '1 i une certaine indépendance vis-à-vis du gouvernement central, bien que les toparques mentionnés
!
ij' reconnaissent l'autorité impériale ; cf. également NICEPHORE BRYENNE, p . 92 sq., sur Maurèx,
i Boutomitès et leur armée indépendante des troupes impériales, dans les régions côtières du
': Pont.
* (3) Cf. note précédente ; un bon exemple de gouverneur quasi indépendant établi à ce
moment en Asie Mineure est fourni par Théodore Gabras à Trébizonde : Gabras ayant réussi
1
à libérer cette ville des Turcs l'a considérée comme « son propre bien », son patrimoine : ANNE
COMNENE, II, p. 151. Sur Théodore Gabras, cf. Viz. Vr., t. X I I , 1906, p. 132 sq. ; N. Hell.,
t. VIII, 1911, p. 17 ; G. SCHlXJMBERGER, Sigillographie, p. 342 ; F. DÔI.GER, Regesten, n° 1161.
(4) La chute de Bari se place dans la même année (1071) que le désastre de Mantzikert :
cf. J. GAY, L'Italie méridionale, p. 520 sq.
' (5) G. OSTROGORSKIJ, Geschichte3, p. 293 sq., avec une bibliographie 'générale sur l'époque
i '! • et une bibliographie précise sur ce sujet.
i!
|
Alexis IeT Comnène 177
(1) Sur les premiers succès des Normands, cf. F. CHAI,ANDON, Histoire de la domination
normande en Italie et en Sicile, Paris, 1907, I, p. 189 sq.
(2) ' H àvu7rap7)xouffa (à Constantinople) Aà^taXiç 7raXXoùç èxe£v6)v (Turcs) ETpecpe xal xoû
XaXxiSovfoo gmvov ûSairoç, écrira plus tard Eustathe de Thessalonique (dans W. REGEI,, Fontes, I,
p. 65) en jouant sur damalis = vache et la ville de ce nom située en face de Constan-
tinople, et Chalcédoine, la ville de Bithynie. Sur les autres sources, cf. J. LAURENT, Byzance
et les Turcs Seldjoucides, Paris-Nancy, 1913, p. 11, n. 2, avec des remarques intéressantes
sur la portée de l'expansion turque en Asie. L'image la plus éloquente du rétrécissement de
l'Empire pendant cette période nous est donnée par une source passée jusqu'alors inaperçue,
le discours du patriarche d'Antioche Jean à Alexis I e r : « Les frontières de l'Empire romain, dit
l'orateur, s'arrêtent à l'est à l'acropole de Byzance, et à l'ouest à la Porte dorée » (autrement dit
seule Constantinople se trouve sous le contrôle efficace des Byzantins) : Ekkl. Alèth., t. XX,
1900, p. 357 : sur Jean d'Antioche, cf. le travail récent de P. GAUTIER, Le patriarche d'Antioche,
Jean V l'Oxite, R.E.B., XXII, 1964, p. 128-157.
(3) Sur le règne d'Alexis I e r , cf. l'ouvrage toujours fondamental de F. CHAI,ANDON, Essai
sur le règne d'Alexis Ie* Comnène, Paris, 1900 ; du même, The Earlier Comneni, C.M.H., t. IV,
Ï923. P- 318-35°-
H. AHRWEILER 12
178 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
marche des Normands à travers les provinces occidentales de l'Empire (i). Si le débar-
quement des Normands à Aulôn et surtout la prise des îles ioniennes et de Durazzo
ont rendu évidentes les carences de la flotte byzantine, il va sans dire que leur progrès
vers la Thessalie et la Grèce et surtout les victoires turques en Orient ne sont dus qu'à
l'impuissance de l'année de terre de l'Empire (2).
Iv.î ! Pour faire face à cette situation alarmante, Alexis I e r Comnène, dès son avènement,
fut obligé d'une part de lever une armée de terre pour enrayer le progrès des envahisseurs
normands, et d'autre part de construire une flotte capable d'assurer au moins les débar-
quements des troupes byzantines en Asie, afin de repousser les Turcs installés déjà
tout au long du rivage micrasiatique. La lutte contre les Normands, qui poursuivaient
leur marche à travers le territoire byzantin, étant jugée de première urgence, car les
Turcs qui ne disposaient encore d'aucune flotte se trouvaient arrêtés par la mer qui
baigne l'Asie Mineure, Alexis I e r procéda tout d'abord à la création d'une armée de
terre. Lors de son avènement l'armée de terre de Byzance ne comptait pour tout effectif
que quelques soldats recrutés à Chôma (Phrygie), trois cents, au dire d'Anne Comnène,
le tagma des « Immortels », et quelques mercenaires étrangers en service dans le palais (3).
L'armée de terre précipitamment levée par Alexis (il employa dans ce but l'argent
procuré par la confiscation des trésors des églises constantinopolitaines (4), la caisse
impériale ayant été vidée par son prédécesseur) (5), répartie en divers contingents-
tagmata selon le principe de l'époque, a permis à l'empereur d'une part de consolider
son pouvoir et d'autre part de se tourner contre les Normands qui, après le succès de leur
(1) Des allusions à l'attaque normande contre Byzance dans certaines parties de la Chanson
de Roland, étudiées par H. GRÉGOIRE, La Chanson de Roland de l'an 1085, Bulletin de l'Acad.
Belge, Cl. des Lettres, t. XXV, 1939, p. 211 sq. ; et H. GREGOIRE et R. KEYSER, La Chanson de
i ; Roland et Byzance, Byz., t. XIV, 1939, p. 265 sq., et p. 689 sq.
t (2) Bile était inexistante à l'avènement d'Alexis « du fait que les empereurs qui l'avaient
précédé avaient mal administré les affaires militaires » : ANNE COMNÈNE, I, p. 130 ; ibid., I,
p. 108 : » l'Empire romain avait àcTpa-rîa ».
(3) ANNE COMNÈNE, I, p. 92, 100 : des Varangues, des Némitzai et le tagma des immortels ;
sur les Varangues et Némitzai, cf. bientôt, Cécile MORRISSON, Les mercenaires occidentaux
à Byzance de la mort de Basile II à 1204 (travail en préparation), et sur les Immortels, cf. H. AHR-
wEn,ER, Recherches, p. 24-28.
(4) ZEPOS, JUS, I, p. 303 ; ANNE COMNÈNE, II, p. 10 sq., et p. 45 sq. : confiscation présentée
par la fille d'Alexis comme une sorte d'emprunt fait par l'empereur, et non pas comme 6cp7taY(ia ;
pourtant remarquons les griefs qu'adressent à ce sujet les représentants du clergé : cf. JEAN
D'ANTIOCHE, Discours à Alexis I", Ekkl. Alèth., t. XX, 1900, p. 357 ; et surtout V. GRUMEI,,
Regestes, n° 921, et du même, Les documents athonites concernant l'affaire de Léon de Chalcé-
doine, Miscellanea G. Mercati, III, Rome, 1946, p. 132-134.
(5) Sur la politique économique de Nicéphore Botaneiate et sa générosité désastreuse pour
la caisse impériale, cf. NICEPHORË BRYËNNE, p. 129 ; ATTAI,EIATE, p. 274, et p. 283-284.
Alexis I e r Comnène 179
débarquement en Épire, avaient réussi à pénétrer jusqu'à Larissa. Dans ces opérations
la flotte ne conservait qu'un rôle secondaire. Elle était surtout chargée de surveiller le
passage entre Otranto et Aulôn, afin d'empêcher l'arrivée des renforts normands d'Italie ;
son état par ailleurs peu brillant ne lui permettait guère d'opérations d'envergure
contre les Normands, qui disposaient d'une flotte de combat importante et d'un nombre
considérable de bateaux de transport (1).
Les mesures prises par Alexis I e r à l'annonce de l'attaque normande contre l'Épire
révèlent l'inexistence d'une flotte byzantine, constantinopolitaine ou provinciale, en
état de faire face aux envahisseurs. L'empereur s'empressa, dit Anne Comnène, d'envoyer
des missives aux gouverneurs des villes du littoral et des îles en leur recommandant de
ne pas se décourager, et d'être vigilants, afin d'empêcher les Normands de s'emparer
par surprise des villes maritimes et des îles, « ce qui donnerait fort à faire à l'Empire » (2).
Aucune allusion à une concentration ou à un mouvement de la flotte, aucune recomman-
dation concernant des préparatifs maritimes, alors que la surveillance et la consolidation !!
des forteresses et des murailles des villes menacées, côtières et autres, sont partout jj
vivement conseillées et mises à exécution (3). En effet les Normands débarquèrent sans jj
difficulté tout le long de la côte illyrienne, d'Aulôn à Bouthrôton, s'emparèrent de Corfou, \!
assiégèrent Durazzo, et bien que victimes d'une violente tempête dans laquelle périt !
un grand nombre de leurs bateaux, ils ne se sont nulle part trouvés face aux navires !ï
byzantins (4). Il nous semble évident que les mers Ionienne et Adriatique étaient à ce ii
moment une frontière maritime non surveillée, malgré la présence à Durazzo d'un haut jI
commandement militaire, placé sous les ordres d'un duc-katépanô installé dans cette
ville et de qui relevaient l'Albanie, la Dalmatie et même l'Italie (l'Empire ne semble pas
avoir renoncé à ses droits dans cette partie du monde), comme nous le dit explicitement
Attaleiate (5). Les grandes bases du début du xi e siècle, Céphalonie, Corfou, Durazzo,
sont maintenant désertes. On rencontre encore en Crète, dans les Cyclades et le Dodé-
canèse, les navires de la flotte byzantine, qui ne visitent plus les mers exposées à la menace
(1) ANNE COMNÈNE, I, p. 56 : 150 navires transportant 30 000 hommes. Les sources occi-
dentales avancent divers chiffres (cf. B. LEIB, Alexiade d'Anne Comnène, I, p. 56, n. 1), de sorte
que toute évaluation exacte devient impossible ; cf. encore ANNE COMNÈNE, I, p. 143.
(2) ANNE COMNÈNE, I, p. 132.
(3) Ibid., I, p. 152, 153.
(4) Ibid., I, p. 130 sq.
(5) ATTAI/ËIATE, p. 9 ; cf. également SKYMTZÈS, p. 722. On peut établir une liste quasi
complète des àxics-katépanô de Durazzo pendant le XIe siècle et plus particulièrement à partir
de 1018 : à ce sujet, cf. D. ZAKYTHINOS, Dioikètikè Diairésis, p. 1-11, et p. 136-138 ; à la liste
proposée il nous semble qu'il faut ajouter Michel Dokeianos (ATTAI,EIATE, p. 9) et Argyros Karatzas
nommé en remplacement de Jean Doucas : ANNE COMNÈNE, II, p. 147-148, et F. DÔMÎER, Regesten,
n° 1160 (1091).
i ]i ) 180 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
t
•. ii : i maritime. Plusieurs fois dans le passé les flottes byzantines et vénitiennes avaient collaboré,
mais c'était dans des cas où l'ennemi à combattre, notamment les Arabes de Sicile et
d'Afrique, représentait un danger pour les deux alliés (2). Au moment de l'attaque
normande contre Byzance, c'était la première fois que Venise, en dehors de toute menace,
était appelée à l'aide par l'Empire, disposé par conséquent à payer cher le secours prêté.
Alexis I e r promit aux Vénitiens, en échange de leur aide, des privilèges et des donations
dont l'ampleur, chose surprenante, serait fixée par Venise, et qui, garantis par des chry-
sobulles, seraient appliqués indépendamment de la victoire des armes byzantines contre
les Normands (3). On comprend pourquoi les Vénitiens se sont empressés d'envoyer
l'aide demandée. La présence de la flotte vénitienne n'a pas empêché la prise de Durazzo,
mais les succès contre la flotte normande, importants bien que non décisifs, ont rapporté
aux Vénitiens la reconnaissance de l'empereur, prouvée chaque fois par l'octroi de
nouveaux privilèges économiques et commerciaux (4). De toute façon la flotte vénitienne
a supporté tout le poids de la guerre sur mer contre les Normands. La flotte byzantine,
dont nous essayerons de préciser l'importance et l'origine, semble obéir au comman-
dement vénitien ; elle suit en tout cas la flotte vénitienne dans ses manœuvres et dans
ses opérations (5).
Il est difficile de se faire une idée précise de la flotte byzantine lors des guerres
normandes, malgré le récit détaillé des opérations dû à Anne Comnène. On peut cepen-
dant retenir quelques points qui paraissent évidents. Il est certain, comme nous l'avons
' :j' noté plus haut, qu'aucune formation de la flotte byzantine ne s'opposa au débarquement
j: 'j des Normands. La flotte byzantine (pufxaïxoç aroXoç) n'est mentionnée que pendant
il le déroulement des opérations devant Durazzo et seulement avec la flotte vénitienne.
Or nous savons que l'appel d'Alexis à Venise suivit les premiers succès normands en
Épire, et que la flotte vénitienne a mis un certain temps pour se préparer et pour traverser
l'Adriatique (i). Nous avons là des indices qui nous autorisent à dire que la flotte byzan-
tine, mentionnée uniquement à côté de la flotte vénitienne, venait elle aussi de loin ;
ce n'était pas obligatoirement une escadre locale. Ceci semble confirmé par son comman-
dant, le fameux Maurèx, mentionné sans aucun titre, militaire ou autre, à la tête de la
flotte byzantine, et qui ne peut être que le personnage du même nom qui avait formé
une armée personnelle en Paphlagonie et qui avait, au dire de Bryenne, une grande !
expérience des affaires maritimes (2). Il y a tout lieu de croire que l'escadre byzantine
opérant à Durazzo fut formée à la hâte autour d'un premier noyau constitué, sans doute,
par la flottille mise par Maurèx à la disposition de son ami Alexis Comnène, alors
empereur. Ce n'est que plus tard, bien après la prise de Durazzo, qu'Alexis I e r j
[
entreprit la construction d'une flotte, par ailleurs bien modeste. Elle était composée de
quelques birèmes et dirèmes et de brigantins (3) ; elle était destinée à combattre les !
Normands aux côtés des Vénitiens, seuls à pouvoir s'opposer à la flotte normande et . I
à contrôler avec efficacité les passages entre l'Italie et PÉpire empruntés par les convois I
des envahisseurs (4). j
Cet exposé des conflits byzantino-normands sur mer confirme le déclin de la flotte j
byzantine à la fin du xi e siècle. L'abandon des bases provinciales a permis le !
succès du débarquement normand, l'inexistence d'une flotte de combat a conduit !
Alexis à conclure avec les Vénitiens le traité dont l'application inaugure une !
nouvelle ère dans les relations de l'Empire avec les républiques maritimes d'Italie (5).
Il introduit, en effet, de nouveaux principes dans la diplomatie byzantine et marque un
(1) Ibid., I, p. 146 : l'appel d'Alexis aux Vénitiens fut suivi d'abord d'une ambassade
vénitienne envoyée à Constantinople et ensuite de la préparation de la flotte.
(2) Cf. ci-dessus, p. 162-163.
(3) ANNE COMNÈNE, II, p. 52.
(4) La surveillance des « détroits de Loggibardia » (ANNE COMNENB, II, p. 215, III, p. m , etc.)
devient la tâche principale de la flotte byzantine pendant cette nouvelle période de son histoire
marquée par les convoitises normandes contre Byzance. Le passage de l'Italie à Byzance (de
Brindisi, Otranto ou de Bari vers les côtes illyriennes et Corfou) était emprunté par les flottes
occidentales (normandes, franques, pisanes, génoises, etc.) : les ports de l'Italie méridionale
(Brindisi, Otranto, Bari) continuent de ce fait à être particulièrement actifs ; pendant l'époque
byzantine ils étaient des bases importantes de la flotte impériale.
(5) Sur l'alliance avec Venise et le chrysobulle en faveur des commerçants vénitiens, cf.
F. DôXGER, Regesten, n° 1081 (mai 1082) ; F. CHA^ANDON, Alexis Ie1, p. 82-83 : B - LEiB, Rome,
Kiev, et Byzance à la fin du XIe siècle, Paris 1924, p. 81, n. 2-6 ; W. HEYD, Histoire du commerce
du Levant, tr. F. RAYNAUD, Leipzig, 1885, I, p. 118-120; A. KRETSCHMAYER, Geschichte von
Venedig, Gotta, 1905, I, p. 161 sq. Pour le texte du chrysobulle de mai 1082, cf. TAJ*EI,-THOMAS,
Urkunden, I, p. 43-54 (texte perdu, reconstitué d'après le chrysobulle de 1148 de Manuel I e r ) .
182 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
(1) Sur la pénétration et l'installation des Seldjoucides en Asie Mineure, cf. ci-dessus,
p. 175-176.
(2) K. AMANTOS, Relations entre Grecs et Turcs (en grec), Athènes, 1955, p. 32 sq. ; C. CAHEN,
Le problème ethnique en Anatolie, Cahiers d'histoire mondiale, t. I, 1954, P- 347 sq. ; du même.
Le régime de la terre et l'occupation turque en Anatolie, ibid., p. 566 sq. ; du même, Seljukides
de Rûm, Byzantins et Francs d'après le Seljuknâmeh anonyme, Mélanges H. Grégoire, III,
Bruxelles, 1951, p. 97-106 ; H. GORDIER, Turks et Byzance, Mélanges G. Schlumberger, Paris, 1924,
|!' t. I, p. 23-27 ; W. C. BRICB, The Turkish colonization of Anatolia, Bulletin of John Rylands
.T Library, Manchester, t. XXXVIII, 1955, p. 18-44.
Alexis I e r Comnène 183
d'outre-mer (1). Comme par ailleurs aucun des chefs turcs ne disposait encore d'une
flotte, bien que les petits États installés à Nicée, Sinope, Cyzique, Smyrne et Éphèse,
comptassent dans leur territoire des régions côtières, leur élan était arrêté par la mer.
Ils ne représentaient pas, au moment de l'avènement d'Alexis I e r , un danger imminent
pour le reste de l'Empire, qui était par ailleurs exposé aux attaques normandes et
petchénègues.
Alexis I e r se contenta de repousser les Turcs de Nicée des rives du Bosphore,
rassurant ainsi la population constantinopolitaine, dont le moral était ébranlé par la
présence des bandes turques aux alentours de la capitale. Un petit groupe de soldats
byzantins, transportés sur de petites embarcations (akatia) de Constantinople sur la rive
micrasiatique, aidés dans leurs opérations par l'existence de forteresses et de diverses cons-
tructions (oikodomèmata) (2) dans les villages abandonnés, réussirent à éloigner les
brigands turcs des côtes de Bithynie, et à permettre à Alexis de conclure une paix avec leur
chef, le sultan de Nicée (1081) (3). L'empereur, tranquille pour l'instant en Orient, put
s'occuper exclusivement de la guerre contre les Normands. L'apparition de la première
flotte turque changea la situation et bouleversa les projets militaires d'Alexis, obligé
alors de s'occuper autant, sinon plus, des affaires d'Orient que de celles de l'Occident.
La présence d'une armée de mer deviendra donc un besoin vital pour l'Empire.
Ayant vite rompu la paix et repris le pillage des côtes bithyniennes, les Turcs de
Nicée décidèrent de construire une flotte à Kios, dans la Propontide, afin de poursuivre
leurs opérations contre le territoire byzantin de Thrace (4). Le danger que ce projet
présentait pour l'Empire et plus particulièrement pour Constantinople n'a pas échappé
à Alexis. Il improvisa une flotte, gréant à la hâte les navires qui se trouvaient dans la
capitale (TOCÇ TrapaTu/oûcaç §LY)p£t.<; xal Tpnfjpsiç xai xà XOITOX TOU vauTixoû èÇouXicraç),
et l'envoya à Kios avec l'ordre précis de brûler les navires turcs encore dans les chantiers.
Ce faisant, il découragea toute entreprise maritime des Turcs de Nicée : ils n'ont jamais
possédé de flotte. La petite flotte byzantine mise en état à ce moment et renforcée par
quelques embarcations (paratychonta akatia) se transforma, après sa réussite à Kios,
en transport de troupes (5). Elle servit notamment à convoyer les soldats envoyés dans la
péninsule de Cyzique, afin de repousser les Turcs qui, après la prise de Cyzique et
d'Apollônias, pillaient le rivage micrasiatique de la Propontide, et de les empêcher, sans
doute, de construire une flotte qui, profitant de la situation de la péninsule de Cyzique,
25, 30, et 59-62 (prise de Strobylos), p. 87 (destruction et pillage de Latmos et prise de Mélanou-
dion) ; Vie de saint Christodoulos de Patmos, Néon Leimônarion, p. 83 sq. ; ANNE COMNÈNE, III.
p. 23, 26.
(1) ANNE COMNÈNE, II, p. 110.
(2) Ibid., II, p. 133-134, 158 sq.
(3) ZONARAS, III, p. 737 ; ANNE COMNÈNE, III, p. 162 sq. ; GI/YKAS, p. 620 ; Vie de saint
Mélétios le Jeune, éd. WASSIUEVSKIJ, p. 27 ; JEAN D'ANTIOCHE, Discours à Alexis Iet, Ekkl.
Alèth., t. XX, 1900, p. 357 ; Byz., t. XXXI, 1961, p. 224-226 ; K. KÔNSTANTOPOTJI,OS, Katépanô
Karpathou (où <c Karpathou » est corrigé en Kyprou), Hèmérologion de la Grande Grèce, Athènes,
1928, p. 481-488 ; du même, Stratège de Crète (en grec), E.E.B.S., t. VI, 1929, p. 316-320.
(4) ANNE COMNÈNE, II, p. 158.
(5) Ibid., II, p. n i sq.
(6) F. DÔI.GER, Regesten, n° 1169.
186 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
•)•}
flottes que les empereurs du xii e siècle créeront ; elle témoigne du rôle que les Comnènes
assigneront à l'année de mer et à ses effectifs, rôle, nous le verrons, considérable.
Achevée au début de 1092 (1), régulièrement entretenue et renforcée par la
suite, la première flotte d'Alexis Comnène est au complet en 1094. Elle comprend
\
l'ensemble de la flotte de bataille dont dispose alors Byzance. Elle est placée sous les
, ordres de Jean Doucas, parent de l'empereur, qui, rappelé de son poste de duc de
Durazzo, a surveillé la construction de cette flotte et fut le premier à porter le titre de
grand-duc de la flotte, commandant en chef de toute l'armée de mer de l'Empire, poste
créé à ce moment (2). C'est grâce à cette flotte qu'Alexis a récupéré sur les Turcs le
littoral égéen de l'Asie Mineure et les îles, et qu'il étouffa les révoltes déclenchées à Chypre
et en Crète, soumises de nouveau au pouvoir impérial (1093). Construite pour combattre
Tzachas, ce fut surtout une flotte de la Méditerranée orientale ; ses escadres stationnent
dans les villes côtières de l'Asie Mineure (Smyrne, Strobylos, Éphèse, etc.), et les îles
(Chios, Samos, Lesbos, Rhodes) libérées des Turcs (3). Ses plus importantes bases
sont la Crète, et surtout Chypre (4), qui jouera dorénavant un rôle militaire important
d'une part contre les Turcs qui occupaient encore la Pamphylie et la Cilicie, et d'autre
part contre les Latins que les croisades conduiront en Syrie et en Palestine. Chypre
reste pendant toute cette période le plus important poste de contrôle des routes maritimes
unissant l'Orient latin à l'Occident, la mer constantinopolitaine au bassin oriental de la
Méditerrannée.
Les victoires de la flotte byzantine dans la mer Egée et l'anéantissement de Tzachas,
qui assurèrent une sorte de paix maritime dans la Méditerranée orientale (5), marquent
l'application d'une vraie politique orientale de la part d'Alexis I e r . Ces faits inaugurent
le long effort que Byzance entreprendra à partir de ce moment contre les Turcs installés
en Asie Mineure, pour la reconquête de cette partie vitale de l'Empire. A la flotte
et à l'armée de mer revient le rôle important dans les premières opérations engagées contre
les Turcs. Elles assument d'une part le transport des troupes et leur débarquement sur
i;"'ï'':
il I ;" (1) C'est à ce moment qu'elle entreprend une grande expédition contre Tzachas : cf.
i F. DôLGER, Regesten, n° 1166 (1092 printemps).
,»« ' | ' • (2) K" GTJHXAND, Le drongaire, p. 212 sq.
I ' ; (3) Sur la reconquête du littoral et des îles, cf. ANNE COMNÈNE, II, p. 116, 162-166 ; I I I ,
p. 24-27 ; H. GREGOIRE, Inscriptions d'Asie Mineure, n° 226, 8, p. 74 (nouvelle publication de
' cette inscription par L. ROBERT, Hellenica, t. XI-XII, i960, p. 490 sq., pi. XXI ; sur la date
i. de l'inscription, cf. H. AHRWËHER, L'administration de la Crète byzantine, Byz., t. XXXI,
!•; 1961, p. 223 sq.) ; Vie de saint Christodoulos de Patmos, Néon Leimônarion, p. 84 ; THÉOPHYLACTE,
|!' Lettres, P. G., t. CXXVI, col. 509-512.
|' (4) Elles sont appelées par JEAN D'ANTIOCHB, Discours à Alexis I e r , Ekkl. Alèth., t. XX,
!' 1900, p. 357, xeçoeXal VYJOCÛV.
'•! (5) ANNE COMNÈNE, II, p. 166 : « Le littoral était pacifié et organisé. »
11
Alexis I e r Comnène 187
les divers points du littoral micrasiatique, et d'autre part la construction des forteresses
des villes côtières, points d'appui et de rayonnement vers l'intérieur de l'armée de terre
chargée de nettoyer le territoire des bandes turques. Les escadres provinciales ou constan-
tinopolitaines de la flotte byzantine ont transporté l'année qui, d'Abydos, a repris les
villes du littoral égéen (Adramytte, Pergame, Smyrne, Éphèse, etc.) et celles de l'inté-
rieur (Chliara, Sardeis, Néokastra, Philadelphie, etc.), les troupes qui de Chypre débar-
quèrent en Pamphylie et en Cilicie et reprirent Attalée et Tarse, l'armée enfin qui se
chargea des opérations sur le littoral micrasiatique de la Propontide, et sur les côtes
bithyniennes, contre les Turcs de Cyzique et de Nicée (1). Les équipages de la flotte,
et notamment ceux de son escadre constantinopolitaine, placés sous le drongaire de la
flotte (nous verrons la place de cet officier dans l'administration maritime de l'époque),
s'occupent entre-temps de la construction d'un grand nombre de forteresses maritimes.
Outre celle construite par les soins du drongaire du ploïmon en face de la capitale, au
début des hostilités contre les Turcs de Nicée (2), les sources mentionnent la reconstruc-
tion par le même drongaire des forteresses de Corycos et de Séleucie, la reconstruction
de la forteresse d'Hiéron (Didymes de Milet) par les soins du duc de Crète, la
reconstruction d'Attalée et des villes d'Adramytte, Chliara, Néokastra (3) par les
soins d'Eumathios Philokalès, personnage qui a assumé de hauts commandements
maritimes : il fut duc de Chypre lors de sa soumission au pouvoir impérial (1094) et> P m s
tard, grand-duc de la flotte (4). Ajoutons, à cette liste des forteresses construites par les
équipages de la flotte, la construction d'une petite forteresse maritime près de Tripolis
de Syrie effectuée par l'escadre chypriote (5), et nous avons la ligne fortifiée
maritime de cette époque dans toute sa longueur : elle s'étendait d'Abydos jusqu'à
Laodicée de Syrie, reprise par les Byzantins grâce à la flotte chypriote. Elle était construite
et gardée par la flotte et par ses détachements. Elle a permis aux Byzantins de refouler
les Turcs du littoral et de dégager l'Empire et Constantinople de leur menace.
De cet exposé ressort le rôle important joué par la flotte byzantine lors des conflits
byzantino-turcs. Par ses victoires navales, par la réussite de ses opérations de débar-
quement, par la construction des forteresses maritimes, la flotte a permis à l'armée de
(1) Cf., à titre d'exemple ANNE COMNÈNE, I, p. 136-137 ; II, p. 79, 165 ,212, 227 ; III, p. 11,
24 sq., p. 34-36, 42, 166, 188, 191.
(2) ANNE COMNÈNE, II, p. 71-72.
(3) Cf. H. AHRWEH,ER-GI,YKATZI, Les forteresses construites en Asie Mineure face à l'inva-
sion seldjoucide, Akten d. XI. inter. byz. Kongress, Munich, 1958, p. 182-189; ajouter la
reconstruction par Romain IV Diogène en 1070 de la forteresse de Sôzopolis, : M.A.M.A.,
IV, n° 149, pi. 38.
(4) A N N B C O M N È N E , II, p. 164 ; III, p. 34 ; MM., t. VI, p. 96, 97.
(5) A N N B COMNÈNE, III, p. 34-36.
188 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
(1) Les habitants des îles du lac Pousgousès refusent de se soumettre aux Byzantins : KTN-
;
NAMOS, p. 15 ; et surtout W. RBGEI,, Fontes, I, 2, p. 357.
(2) Ainsi on ne peut suivre R. BROWNING, An anonymous « basilikos logos » addressed to
Alexis I Comnenos, Byz., t. XXVIII, 1958-1959, p. 31-50, dans l'hypothèse que ce discours est
adressé à Alexis I e r : il y est question des victoires navales dans le Pont-Euxin, il doit, nous le
!
verrons, être adressé à un empereur de la maison des Anges ; cf. à ce sujet l'attribution de ce
:
discours à Constantin Stilbès établie par J. DARROUZËS, Notes de littérature et de critique,
R.E.B., t. XVIII, i960, p. 184 sq.
j , , (3) Cf. ci-dessus, p . 176, n. 3.
• ,,- V' | '. ' (4) Sur les exploits de Tarônitès, cf. les lettres que lui adresse THÉOPHYIACTE, P. G., t. CXXVI,
!| J j n° 26, col. 409-413, et n° 37, col. 437, et sur sa révolte, cf. ANNE COMNÈNE, III, p. 75-76 ; ibid.,
WI ! III, p. 156, révolte contre l'empereur de Michel d'Amastris, gouverneur d'Akrounos.
11 (5) Sur Trébizonde, cf. W. FISCHER, Trapezus im 11. und 12. Jahrkundert, Mitteil. d. Inst.
1») I fur ôsterreich. Geschichtsforsch., t. X, 1889, p. 177-207.
I ./ . (6) ANNE COMNÈNE, II, p. 151-153 : P. DôlGER, Regesten, n° 1161 (1091).
;;
• •• , \ ' (7) ANNE COMNÈNE, II, p. 89-92, 193.
(8) Sur la situation géographique d'Anchialos, cf. ANNE COMNÈNE, II, p. 195 ; nomination
! 1
d'un duc à la tête de cette ville, ibid., I, p. 65, 74 ; une dernière mention du duc de Paradounabon,
1il! ibid., II, p. 155 : le titre fut vraisemblablement aboli après l'institution d'un duc à Anchialos ;
sur Paristrion-Paradounabon, cf. N. BANESCU, Les duchés byzantins de Paristrion-Paradounavon
et de Bulgarie, Bucarest, 1946, p. 38 sq.
(9) Épigramme éditée par S. LAMPROS, N. Hell., t. VIII, 1911, p. 127 ; ibid., t. II, 1905,
'•
, i t "•
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Alexis J e r Comnène 189
(paralion kakon (1)), qui pouvait mettre son existence en danger. Il ne serait pas exagéré
de dire qu'Alexis I e r , avec la construction de la grande flotte méditerranéenne, a réussi là
où ont échoué ses prédécesseurs du VIIe siècle, lors de la première construction de la
flotte arabe. Les Turcs n'ont jamais depuis lors représenté pour l'Empire un danger sur
mer, mais leurs progrès sur terre étaient suffisants pour compromettre définitivement le
sort de Byzance.
LA PREMIÈRE CROISADE
190 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
de la flotte de celui-ci dans les opérations contre le littoral égéen. Alexis avait à ce
moment besoin d'une aide maritime, nul ne l'ignorait, et le faussaire de la lettre impériale
en a tenu compte. De toute façon il est incontestable, et la lettre citée ci-dessus n'apporte
que des preuves supplémentaires, que c'est la situation créée par l'apparition de la
i. flotte turque et ses exploits dans la mer Egée, qui préoccupe à ce moment et avant tout
;• i • l'empereur byzantin. Il réagira énergiquement, selon son habitude.
I:
En 1091 Alexis quitte la capitale et décide d'installer son état-major près de la mer
(x<rrà OâXaTxav xaTaXaëeïv). Il s'installe en effet à Ainos, « afin de pouvoir à la fois résister
facilement aux ennemis qui viendraient par mer (Turcs), et combattre commodément
ceux du continent (Petchénègues) » (1). De là, il dirigea personnellement la lutte contre
les Petchénègues, lutte couronnée par le succès final des armes byzantines, tandis qu'il
confiait les affaires maritimes (construction de la flotte et direction de l'armée de mer)
à Jean Doucas, rappelé exprès de son poste de Durazzo (2). L'aide occidentale ne s'étant
pas alors manifestée, du moins avec l'ampleur que les Byzantins pouvaient espérer
(on ne rencontre que cinq cents soldats de Robert de Flandre qui, venus de Nicomédie,
suivirent l'empereur à Ainos) (3), Alexis sauva l'Empire de la menace de Tzachas par
S.. î. \ ses propres moyens (diplomatiques et militaires), comme nous l'avons vu. La flotte
construite pour combattre cet adversaire redoutable était à son complet lors de la première
croisade, et prête à assumer de nouvelles tâches (4).
L'arrivée de la première vague de Croisés, venus à Byzance avec Pierre l'Ermite,
a surpris les Byzantins, qui avaient à affronter le lourd problème de ravitaillement que
posait cette foule par son nombre et sa composition (5). Alexis se décide d'une part à
fi faire passer le plus vite possible en Asie les Croisés qui arrivent à Constantinople (la
flotte byzantine, notamment ses escadres constantinopolitaine et pontique, s'en chargea ;
elle secourut même les Croisés à Hélénopolis, dans la Propontide, quand ils eurent subi
i!
les régions de l'Empire : ANNE COMNENE, II, p. 209, 226, 228; P.L., t. CLV, col. 766-767
( = F. DÔI,GËR, Regesten, n° 1196) ; ibid., t. CLXVI, col. 399 = t. CCI, col. 243 ( = P. DÔI.GER,
Regesten, n° 1182).
Alexis I e r Cormène 191
la sanglante défaite que leur infligèrent les Turcs de Nicée (1)), et d'autre part à renforcer
la surveillance du passage entre l'Italie et l'Épire, le « canal de Longobardie » des Byzan-
tins (2), afin d'empêcher les débarquements des Francs (dont le chef, annonçant son
arrivée, avait manifesté, au dire d'Anne Comnène, peu d'égards envers l'empereur), et
surtout des Normands, qui, lors de leur invasion en Épire et en Thessalie, avaient laissé
un souvenir pénible aux Byzantins (3). La flotte byzantine de Durazzo, placée sous les
ordres d'un duc (4), se chargea de la surveillance de la côte illyrienne ; un de ses déta-
chements assurait en permanence le contrôle du corridor maritime entre l'Italie et
l'Épire (5). Elle compta à son actif des victoires importantes contre les flottes franques
et normandes. Elle obligea les chefs des Croisés qui avaient choisi ce chemin à se plier
au plan byzantin. Recueillis par elle, après la perte de leurs bateaux, ils se présentèrent
diminués devant Alexis, qui n'eut pas de mal à obtenir d'eux le serment de fidélité et
de soumission (6).
Le déroulement des opérations contre les premières flottes des Croisés dans la mer
Ionienne, devant Durazzo, Aulôn, Chimara, et dans le « canal de Longobardie », montre
l'excellent état de la flotte byzantine qui menait les opérations, le bon entraînement de
ses équipages et leur importance. Il est certain que l'escadre de Durazzo, placée sous
les ordres d'un duc, autre que celui de la ville, et comptant dans ses cadres un second
komès (comte) de la flotte, et d'autres officiers marins à la tête de ses détachements (7),
avait reçu à ce moment des renforts importants. Ceci n'a pourtant pas empêché la flotte
byzantine de se montrer active par ailleurs. Elle combat les Croisés du comte Raoul,
personnage non encore identifié, dans la Propontide (8) ; elle stationne dans le lointain
port d'Antioche (Soudi) (9) ; elle garde les villes, les îles micrasiatiques et la Crète ; elle
est importante sur les côtes de Chypre ; elle surveille le passage de la mer Pamphylienne ;
elle entreprend avec succès la conquête des forteresses du littoral syrien ; elle appuie
enfin l'armée byzantine qui opère en Cilicie (10).
(1) ANNE COMNÈNE, II, p. 212 : escadre placée sous Georges ou Alexandre Euphorbènos,
chefs l'un de la flotte du Pont-Euxin (ibid., II, p. 89-92), et l'autre de celle de la Propontide
(ibid., II, p. 79) ; cf. aussi ibid., II, p. 226, 227, 229, 235.
(2) Ibid., II, p. 215.
(3) Ibid., II, p. 213 sq. ; F. DÔI.GER, Regesten, n° 1185 (1096).
(4) Nicolas Maurokatakalôn : ANNE COMNÈNE, II, p. 213, et F. DôXGER, Regesten, n° 1185.
(5) ANNE COMNÈNE, II, p. 213.
(6) Ibid., II, p. 212-236.
(7) Ibid., II, p. 213, 215-217.
(8) Ibid., II, p. 227.
(9) Ibid., III, p. 20-21.
(10) Sur tous ces points, cf. ANNE COMNÈNE, II, p. 162-164, 201, 212, 227; III, p. 11,
26-27, 2 4-36. 40-42.
192 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
Les guerres contre la flotte turque d'une part, et les exploits contre les premières
flottes des Croisés de l'autre, nous donnent le bilan de dix ans d'activité et de réussites
de la flotte que Byzance parvint à construire après presque un siècle de décadence et
d'abandon de son appareil maritime. La flotte construite en 1091-1092 par Alexis I e r
peut être considérée comme la seule grande formation navale que Byzance posséda
. i au xi e siècle et depuis les expéditions contre les Arabes de Sicile. A cause des circonstances
1 !
qui dictèrent sa construction et des tâches multiples que l'Empire lui confia, elle joua un
rôle capital dans les affaires militaires de l'extrême fin du xi e siècle. Elle a réussi, grâce
à l'importance de ses effectifs, à l'organisation de ses détachements et à la bonne réparti-
tion de ses escadres, non seulement à accumuler une série de victoires et à sauver l'Empire,
1 menacé sur plusieurs points de son territoire, mais à devenir une sorte de « camp retran-
ché » mobile, et à contrôler les routes maritimes de l'époque, donnant ainsi à Byzance
; la possibilité de revendiquer encore une fois ses droits à la thalassocratie dans la Médi-
terranée orientale. Autrement dit, elle a réussi là où avait échoué, malgré son importance,
la flotte impériale du début du XIe siècle, absorbée par les guerres italiennes. Notons
néanmoins, à la décharge des flottes byzantines du début du siècle, que, par rapport
à la flotte d'Alexis, les dernières grandes flottes de l'époque des Macédoniens avaient un
rayon d'action beaucoup plus étendu. Elles revendiquaient la suprématie sur les mers
occidentales dans lesquelles la flotte byzantine de la fin du XIe siècle n'a jamais pu
s'aventurer. Le bassin occidental de la Méditerranée et les eaux italiennes constituaient
i le domaine d'action de diverses flottes occidentales (normandes, vénitiennes et franques).
Mais dorénavant la flotte byzantine aura à se mesurer avec elles : la Méditerranée fut
partagée ; les croisades, vues sous l'aspect maritime, représentent l'effort de l'Occident
pour étendre son contrôle sur le bassin oriental de la Méditerranée et pour faire de
cette mer un lac latin. Les flottes byzantines et arabes (notamment celle de l'Egypte
qui, sous les Fatimides, connut un nouvel essor) s'opposeront longtemps à ce projet
occidental ; la suprématie sur mer, au xn e siècle, ne pourra pas être l'affaire d'une seule
puissance maritime ; la piraterie profitera de cette situation pour entraver encore une
fois le trafic maritime et les communications entre l'Occident et l'Orient.
L'Empire, conscient du rôle important de la flotte dans le monde du XIIe siècle,
continuera d'entretenir et même d'augmenter sa puissance navale. Il recueillera les
fruits de cette politique lors de l'apparition des flottes pisanes et génoises dans la Médi-
terranée orientale, où elles provoquèrent la construction de la seconde grande flotte
byzantine d'Alexis I e r , la première du XIIe siècle. Son activité marque la seconde
étape des luttes de PByzance contre les flottes occidentales mobilisées à propos de
la première croisade et mises au service de la politique expansionniste poursuivie
alors par l'Occident.
A l'annonce de la préparation de la flotte pisane (1099), construite par les soins de
Alexis I e r Comnène 193
l'évêque de cette ville et destinée à aider les opérations des Croisés en Syrie, flotte qui
compta environ neuf cents navires et commença son activité par des incursions contre
les îles de la mer Ionienne (Corfou, Leucade, Zante, Céphalonie) (1) et par des agressions
contre les Vénitiens (2), alliés de Byzance, Alexis I e r entreprit la construction d'une
nouvelle flotte byzantine. Des chantiers furent ouverts dans plusieurs régions de l'Empire ;
le plus important fut celui de Constantinople, sous le contrôle de l'empereur lui-même.
Nous devons à Anne Comnène un récit détaillé de la construction de cette flotte, qui
requit tous les soins des services compétents, à cause de l'ennemi redoutable qu'elle
devait affronter, les Pisans « habiles dans les combats navals, connaisseurs de l'art de
la guerre sur mer ». Les Byzantins ont pris particulièrement soin, outre leur solidité,
de la forme des navires : « A la proue ils disposèrent des têtes de lion ou d'autres
animaux terrestres en bronze et en fer, la gueule ouverte ; ils les dorèrent pour que leur
seul aspect fût terrifiant ; le feu qui devait être lancé par les tubes (streptoi) contre les
ennemis passerait par la gueule même des animaux de cette espèce, afin qu'ils semblassent
le vomir » (3). Alexis confia les préparatifs et le haut commandement de cette flotte et
de l'armée de mer en général à Tatikios, qui s'illustra plusieurs fois dans les
luttes contre les divers ennemis de l'Empire ; il porta à cette occasion le nouveau titre
de périphanestatè képhalè (4), tandis que la responsabilité des opérations maritimes
contre les Pisans fut confiée à Landulf, « le plus expert en combats navals »,
(1) ANNE COMNÈNE, III, p. 42 ; B. LEIB, Rome, Kiev, et Byzance à la fin du XI0 siècle, Paris,
1924, p. 224-226.
(2) F. CHAI,ANDON, Alexis Ie* , p. 215.
(3) ANNE COMNÈNE, III, p. 42.
(4) Ibid., III, p. 42 ; il ne faut pas voir dans périphanestatè képhalè un emploi technique :
Himérios, au Xe siècle, est aussi désigné comme « képhalè de la flotte », « képhalè de tous les
ploïma » (LÉON GRAMMAIRIEN, p. 277, 280). Le terme képhalè indique le chef suprême d'une
région, d'un corps d'armée, d'une opération militaire, ou d'un organisme administratif autonome ;
il est même employé pour désigner de hauts prélats : autrement dit le terme képhalè garde encore
le sens qu'il avait dans les tactiques militaires du Xe siècle, il désigne le chef, le responsable,
d'où le verbe képhalarchâ : cf. THEOPHANË, p. 259, 385, 410, 435, 447 (chef arabe), 455, etc. De
Ceremoniis, p. 662 : képhalai des Sklabisianoi de l'Opsikion; EuSTATHE, De expugnatione Thess.,
p. 88 : képhalè d'une ville ; Péri paradromès polémou, p. 199 : « tourmarque ou autre képhalè » ;
CECAUMËNI Strategicon, p. 29, 40-41 : « hypéréchousa k. » et, à ce sujet, P. LEMERI.E, Prolégomènes,
p. 21, n. 3 ; EuSTATHE, op. cit., p. 42 : képhalarchô ; M.M., VI, p. 71 : Père ou képhalè (pour un
ecclésiastique) ; SPANÉAS, éd. S. LAMPROS, D.I.E.E., t. V, 1900, p. 110 : « ta stratiôtika kai ta képha-
latikia »; De Administrando Imperio, I, p. 110 : k. des Francs, etc. Les ternies képhalè et képha-
latikion acquièrent plus tard un sens technique précis (cf. E. STEIN, Untersuchungen z. spâtbyz.
Verfassungs- und Wirtschaftsgeschichte, Mitteil. z. osman. Geschichte, Band I, 1921-1922,
Index, s.v. « képhalatikeu&n », et D. ZAKYTBŒNOS, Le Despotat, II, Index, s.v. « képhalatikeuôn »,
« képhalè » (en grec).
H. AHBWEILER 13
194 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
(1) ANNE COMNENE, III, p. 42-43. Sous les ordres du grand-duc Landulf, on trouve un
comte du ploïmon des Romains, et un autre comte nommé Eléèmôn, ibid., III, p. 43 ; les
« thalassokratorés » de la flotte byzantine, terme littéraire, sont les chefs des escadres station-
nant dans diverses régions (Chypre, Crète, etc.), et qui ne font pas partie des cadres de la
grande flotte commandée par Landulf : cf. ANNE COMNENE, III, p. 45 ; sur les divers officiers
en service dans la flotte de guerre, cf. M. SESAN, La flotte byzantine à l'époque des Comnènes
et des Anges, Byzantinoslavica, t. XXI, 1, i960, p. 51 sq.
(2) Sur les opérations contre les Pisans, cf. ANNE COMNENE, III, p. 42-46 ; sur la flotte pisane
et ses guerres contre les Sarrasins, cf. R. GROUSSET, Histoire des Croisades et du Royaume franc
de Jérusalem, Paris, 1934,1, p. 190 sq. ; ST. RTJNCIMAN, A History of the Crusades, Cambridge 1951,
I, The first Crusade, p. 299 sq.
(3) CAFFARO DE CASCHIFEUONE, De Hberatione dvitatum orientis liber, R.H.C., Historiens
Occidentaux, t. V, p. 49 sq.
(4) H. HAGENMBYER, Die Kreuxzugsbriefe aus den Jahren 1088-1100, Innsbruck, 1902,
p. 155-156-
Alexis I e r Comnène 195
En effet, une année après la défaite de la flotte pisane et l'échec de son expédition
(1104), une importante flotte génoise se prépare à passer en Orient (1). Alexis envoie
Landulf l'affronter, avec l'ordre précis de surveiller le passage du cap Malée, en
Péloponnèse (2). Une grande partie de la flotte byzantine qui avait combattu les Pisans
ayant péri dans une tempête près de Sykè (Isaurie) (3), les effectifs mis à la disposition
de Landulf, dix-huit navires seulement, ne lui permirent pas d'affronter la flotte
génoise. Il se réfugia à Coron (au sud du Péloponnèse) tandis que les Génois doublaient
le cap Malée et se dirigeaient vers la Syrie sans rencontrer de résistance. La présence de
navires génois en Syrie n'empêcha pas les escadres chypriote et pamphylienne (station-
nant à Corycos et à Séleucie), sûrement les plus importantes de la flotte byzantine,
d'assiéger Laodicée, de contrôler le littoral syrien et d'instaurer le pouvoir byzantin
d'Argyrokastron à Tripolis, obligeant ainsi Bohémond à quitter la Syrie pour l'Occident,
où il espérait obtenir de nouveaux renforts. Seule la ruse employée par le chef
normand, qui fit semblant d'être mort, permit au navire qui le transportait de sortir
du port de Laodicée et de gagner l'Occident sans être inquiété par la flotte byzantine (4),
qui surveillait les passages et contrôlait effectivement, comme nous le montre cet incident
légendaire, le bassin oriental de la Méditerranée. Nous avons là, nous semble-t-il, la
preuve de l'échec final de l'expédition de la flotte génoise. Avec celui de la flotte pisane,
il confirme l'importance de la puissance navale de l'Empire à l'aube du xn e siècle.
Byzance, menacée de nouveau par les projets de Bohémond, qui essaiera de soulever
contre l'Empire les villes d'Italie et le pape, sera encore une fois sauvée grâce à sa flotte,
malgré l'incapacité de certains commandants maritimes de l'époque.
A l'annonce des préparatifs de Bohémond, Alexis installe son état-major à Thessa-
lonique ; il décide de renforcer l'escadre de Durazzo ; il réunit les navires des Cyclades,
des villes côtières de l'Asie Mineure et de l'Europe (5), et il crée de nouveau, malgré
l'opinion contraire de son entourage (6), une importante flotte, la troisième qu'il construit
en quinze ans (1090-1105). Il en confie le commandement à Isaak Kontostéphanos,
troisième grand-duc de la flotte byzantine, qui avait sous ses ordres plusieurs autres ducs
à la tête d'escadres importantes, parmi lesquels se distinguait toujours Landulf, et
(1) Sur Gênes pendant cette période, cf. E. BACH, La cité de Gênes au x n e siècle, Classica
et Mediaevalia, Dissertationes, V, Kebenhavn, 1955.
(2) ANNE COMNENE, III, p. 46-48.
(3) Ibid., I I I , p. 45.
(4) Sur tous ces points, ANNE COMNÈNË, III, p. 47-50.
(5) ANNE COMNENB, III, p. 56-66.
(6) « Nombreux étaient ceux qui voulaient empêcher la construction de la flotte... mais
Alexis préférait prévoir les choses afin de ne pas se trouver pris au dépourvu (non préparé)
en cas de besoin » (ANNE COMNÈNE, I I I , p . 65).
196 Des Cotmènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
un second drongaire attaché à son état-major, sans compter bien entendu les komètés
en nombre considérable, responsables des petits détachements (1). Les effectifs impor-
tants dont elle disposait ont permis à la troisième grande flotte byzantine non seulement
de surveiller le passage d'Otranto (sa tâche principale à ce moment) (2), mais de passer
\ aussi en Italie et d'investir la région de Brindisi-Otranto (3) ; manœuvre ambitieuse,
•J uniquement due à l'initiative du grand-duc, elle se transforma en opération pirate, et
elle eut des conséquences malheureuses pour Byzance. Elle a fait se tourner contre
l'Empire les chefs indécis des villes italiennes, et plus précisément la ysvvaîa àpjj], qui
disposait alors de « toutes sortes d'armées importantes » (4), c'est-à-dire le pape, qui
autorisa finalement le passage des troupes de Bohémond en Épire contre les Byzantins
et donna ainsi une nouvelle orientation à la croisade.
| Seule l'incapacité du grand-duc de la flotte byzantine permit aux armées des Croisés
I de débarquer en Épire. Cependant, attaqué par l'armée byzantine, coupé de l'Occident,
aussitôt que l'incapable commandant byzantin eut été remplacé (5), Bohémond fut
; obligé de conclure la paix avec Byzance (6). Dans le traité signé à cette occasion, le
chef normand prit l'engagement de s'abstenir de toute agression contre l'Empire ; il se
contenta de ses possessions syriennes, confiées pendant son absence à son neveu Tancrède.
, Le territoire soumis à son autorité ne dépassait pas en étendue la région contrôlée jadis
par le duc byzantin d'Antioche, amputée en plus de sa partie côtière conservée par
Byzance (7) : détail significatif de la place que l'Empire réservait à ce moment aux
affaires maritimes et plus précisément au contrôle de la Méditerranée orientale.
Toute nouvelle tentative des Croisés pour renouveler les hostilités sur mer contre
Byzance tournera court. La flotte byzantine arrive jusqu'à Acre en Palestine (8) ; les
Francs, qui ont remplacé les villes italiennes dans les luttes navales contre Byzance,
' reculeront effrayés devant la flotte impériale qui, utilisant comme lieu de concentration
| l'entrée de la Propontide et appareillant de Madytos et de Koila (9), croise dans la mer
• M
Egée jusqu'au Péloponnèse ; elle surveille les passages maritimes, elle arrive même
à intercepter les quelques navires espions envoyés par les Francs (1), preuve
du contrôle effectif des xéXeuOoi GaXdcTvrçç (routes maritimes) (2), et signe de
la thalassocratie que Byzance exerce au début du xn e siècle sur la Méditerranée
orientale.
L'organisation de la flotte et de l'armée de mer ainsi que les institutions maritimes
de l'époque sont adaptées à la nouvelle situation. Elles sont l'œuvre d'Alexis I e r . Il
avait compris l'importance de l'appareil naval pour l'Empire, qui essayait de récupérer
ses territoires riverains investis par des ennemis forts sur terre mais inexpérimentés sur
mer, et de se défendre contre des agresseurs maritimes que seule la présence d'une
flotte importante pouvait décourager. Il est regrettable pour Byzance qu'Alexis I e r , qui
était par ailleurs fort averti des affaires maritimes (surveillant lui-même la construction
des navires (3), dessinant à l'intention du commandant de la flotte des cartes marines (4),
adressant des conseils techniques aux responsables des opérations navales) (5), n'ait pas
eu le temps, ni la possibilité d'opposer une flotte byzantine aux Normands lors de leur
première attaque (1081), et qu'il ait été acculé à dépendre alors de l'aide vénitienne, si
chèrement payée par l'Empire. Avant d'examiner les conséquences de cette alliance, qui
se manifesteront surtout lors du règne des successeurs d'Alexis, essayons d'étudier les
réformes appliquées par Alexis, qui ont permis à l'Empire de disposer d'une des plus
importantes flottes de l'époque.
cette situation alarmante, Alexis I e r , outre les mesures exceptionnelles qu'il prit tout
de suite (confiscation de biens privés, alliances étrangères, etc.), procéda à une modifi-
cation complète des rouages administratifs de l'Empire qui aboutit à une réforme radicale
de toutes les institutions byzantines. Elle touche le gouvernement central et l'appareil
provincial, conditionnant ainsi le fonctionnement et la constitution de l'armée de terre
et de mer de l'Empire ; autrement dit, elle constitue l'ensemble des mesures militaires,
juridiques, économiques et financières, dont l'application, inaugurée par Alexis I e r et
généralisée par ses successeurs, donna à l'État byzantin l'aspect qu'il gardera jusqu'à la
fin de l'Empire.
Plusieurs aspects de la réforme d'Alexis et de ses successeurs semblent de prime
j abord étrangers à la flotte et à l'armée de mer qui nous intéressent ici. Le fait cependant
fj j que la réforme appliquée à ce moment poursuit avant tout un but militaire, la restauration
I
des forces de l'Empire, dont le fonctionnement et l'entretien furent profondément modi-
fiés par les institutions économiques, fiscales et administratives mises alors en place, nous
oblige à examiner, et quelquefois en détail, le sujet étant encore insuffisamment traité,
:
tous les aspects de la réforme des Comnènes. Ainsi pourrons-nous mieux suivre le sort
que le nouvel État réserva à sa flotte et à son armée de mer, et voir la place qu'il leur
accorda dans l'ensemble de son appareil militaire.
La réforme opérée au début de la seconde moitié du XIe siècle, œuvre dans une large
mesure de Constantin IX Monomaque, a été dominée, nous l'avons vu (1), par le souci
d'adapter l'appareil administratif aux besoins de l'Empire, alors au sommet de son expan-
sion territoriale. Elle a abouti à la centralisation du pouvoir aux dépens de l'appareil
provincial. Constantinople administrait depuis lors les finances et la justice par l'inter-
médiaire de divers sékréta, bureaux exécutifs, tandis que, grâce aux grands états-majors
' à la tête des commandements militaires importants attachés aux provinces mais dépen-
\ dants du centre, elle contrôlait l'appareil militaire de l'Empire. Conçue à un moment
' d'expansion et appliquée pendant une période de paix, la réforme de Monomaque
accentuait le pouvoir civil aux dépens du pouvoir militaire, et plus particulièrement des
| militaires dépendant de l'appareil provincial. Par contre les mesures administratives
1
d'Alexis I e r , prises à un moment où le sort même de l'Empire est en jeu, tendent à
' défendre le territoire byzantin et à établir le pouvoir impérial dans un pays envahi par
I' des ennemis ou exposé à leur menace. Période critique de guerres permanentes auxquelles
s'ajoutent des troubles intérieurs (2), qui amène le renforcement du commandement
!
Alexis I e r Comnène • 199
militaire aux dépens de l'appareil civil : les militaires jouent de nouveau dans la province
le rôle de gouverneurs généraux, responsables à la fois de l'armée et de l'administration
civile de la circonscription. La disparition du kritès (1) qui, à la suite de la réforme de
Monomaque, réunissait l'administration civile, fiscale et judiciaire dans les provinces,
devenant ainsi plus important que le stratège, alors simple commandant de places fortes
ou de régions limitées, et son remplacement par le duc-katépanô qui, à la suite de la
réforme d'Alexis, devient le gouverneur général, civil et militaire de sa circonscription,
constituent la meilleure illustration de l'orientation que la réforme des Comnènes a
donnée à l'appareil provincial. De ce point de vue, la politique intérieure et plus précisé-
ment l'administration provinciale appliquée par Alexis se rapprochent de celle de
Léon III. Elle va dans le sens contraire de la réforme de Monomaque.
Cependant, de l'expérience du XIe siècle, Alexis a conservé et même accentué deux
points essentiels : a) le contrôle exercé par le pouvoir central sur l'appareil provincial (la
concentration du pouvoir à Constantinople devient maintenant nette), et b) les méthodes
de commandement et de formation de l'armée (de terre et de mer), notamment l'unifi-
cation du commandement militaire sous des états-majors responsables, et l'établissement
du mercenariat comme principe de recrutement militaire. Ces aspects de la politique
militaire d'Alexis I e r conditionnent le régime fiscal et agraire de l'époque, qui tend à
donner à Byzance une armée importante malgré les difficultés économiques dues à la
dévastation du territoire, et malgré le dénuement du trésor, conséquence des guerres
permanentes. Ainsi, parallèlement aux mesures qui touchent le gouvernement central,
nous arrêterons-nous à certaines formes du régime agraire et fiscal, aspects étrangers de
prime abord à notre sujet, mais indispensables pour comprendre le mécanisme de l'armée
de terre et de mer de Byzance à partir du XIIe siècle, et pour suivre les méthodes de leur
constitution et les facteurs qui conditionnent l'importance de leurs effectifs.
LE GOUVERNEMENT CENTRAL
i
Ili:
Alexis J e r Comnène 201
l'étude qu'il consacra à ce fonctionnaire (1) ; elle a été par la suite admise sans discussion.
Cependant, si l'on considère la date du chrysobulle, promulgué juste à l'avènement
d'Alexis, et la situation à ce moment (la révolte des Comnènes réussie, l'empereur
s'apprêtait à quitter Constantinople pour combattre les Normands), on comprend
qu'Alexis n'avait ni le temps ni le goût de changer quoi que ce soit à l'appareil adminis-
tratif (2), dont le fonctionnement restait, par ailleurs, étranger à cet empereur jeune et
de formation uniquement militaire. La juridiction du logothète des sékréta, qui, comme
son nom l'indique, réunit le contrôle de tous les bureaux ministériels, est absolument
identique à celle que Monomaque confia officiellement pour la première fois à Constantin
Leichoudès, dont la place dans le gouvernement central nous est connue en détail grâce
à l'éloge que Psellos adressa à ce personnage : « Afin que le gouvernement divisé en
plusieurs parties ne soit pas dispersé et que les divers pouvoirs ne soient pas de ce fait
séparés les uns des autres, Leichoudès », dit Psellos, « fut le nœud qui liait les chefs
de toutes les branches administratives » (3) ; autrement dit, il nous semble que le logo-
thète des sékréta du chrysobulle d'Alexis I e r , « nœud » qui lie les responsables des
autres sékréta désignés également comme logothètes, mais de tel ou tel bureau, exerce
la fonction de mésasmos (4), que Leichoudès fut le premier à assumer et que les sources
littéraires désignent par la suite comme mésazôn (5), poste mentionné régulièrement
pendant la période qui s'étend de Monomaque à Alexis I e r . Il y a tout lieu de croire que
le logothète des sékréta n'est que le nom technique du fonctionnaire appelé à cette
époque mésazôn ou [ASCTITYJÇ TWV XOIVWV (6).
(1) CH. DlEHi/, Un haut fonctionnaire byzantin ; le logothète « ton sékrétôn », Mélanges
N. Jorga, Paris, 1933, p 217-229.
(2) Le poste du logothète des sékréta est occupé en 1082 par Serge Hexam(ilitès), qui
accompagne d'une lettre une novelle promulguée par Anne Dalassène : ZEPOS, JUS, I, p . 297-298.
(3) Éd. SATHAS, Mes. Bibl., t. IV, p. 399.
(4) SKYUTZÈS, p. 644 : « Leichoudès avait acquis une grande renommée ènl xû [isaaffjJtû
TÎ)ç 8X<ÙV Sioudjaecoç. »
(5) ATTAXEIATE, p. 66 : xal [iscrâÇuv (Leichoudès) év xoïç 6acri.Xe[oiç XYJV XÛV ÔXOJV 8iotx7)aw.
(6) Comme Basile Malésès, qui était xà TrpôSxa çépov xû 6a<nXsï sous Romain IV Diogène
(ATTAI,EIAIE, p. 167) ; Nicèphoritzès qui, chose caractéristique, était logothète sous Michel Doucas
(CEDRENUS-SKYUTZÈS, p . 706) ; Jean Doucas, sous Constantin Doucas, qui était chargé elç T6
(iiaov xal x6 SIOIXEÏV x6 xoivàv (N. OIKONOMIDÈS, Le serment de l'impératrice Eudocie, R.E.B.,
t. XXI, 1963, p. 107 et 118) et de ce fait caractérisé par PSEIAOS, II, p. 150, SKYUTZÈS, p. 659,
et ZONARAS, III, p. 682, comme « conseiller de l'empereur », « associé aux décisions impériales », etc. ;
Jean, métropolite de Sidè, sous Michel VII et Botaneiate, qui était ô ènï xûv 7toXixixûv Ttpay-
(xâxcùv 7tpoaxtxç (ATTAI,EIATE, p. 296) et qui assurait TTJV XÛV XOIVÛV 7rp6votav (ZONARAS, I I I ,
p. 707) ; tous ces personnages ont sûrement assumé des fonctions semblables à celles du mésazôn
Leichoudès ou du logothète des sékréta : sur les expressions désignant les « mésazontés »
du xi» siècle, cf. H. G. BECK, Der byz. MinisterprSsident, B.Z., t. XLVIII, 1955. P- 3^9-
202 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
\ Le titre officiel de logothète des sékréta figure pour la première fois dans le chryso-
?' bulle d'Alexis de 1081 (1) non pas parce qu'il fut créé à ce moment, mais à cause de la
nature officielle de cet acte et surtout à cause de son caractère exceptionnel : l'organisa-
' tion d'une régence. En effet, il était nécessaire que le transfert des pouvoirs impériaux
y fût garanti devant tous les fonctionnaires du gouvernement central, les sékrétikoi, et
•l • notamment devant le plus important d'entre eux, le premier ministre, le logothète des
[} sékréta, seul à être explicitement mentionné. Cependant il semble qu'à cause du gouver-
nement extraordinaire d'Anne Dalassène et des absences fréquentes d'Alexis la fonc-
tion du mésazôn-logoxhète; des sékréta se précise davantage. Tandis que le rôle du mésazôn
était jusqu'alors confié à titre exceptionnel à une personne jouissant de la confiance
de l'empereur, qui devenait ainsi une sorte de conseiller de la couronne, indépendamment
de ses autres fonctions (2), sous Alexis I e r le logothète des sékréta se présente avec un
statut précis. Le poste est régulièrement occupé ; ses titulaires, sortis des cadres
de l'administration, exercent cette fonction comme tâche unique ; ils peuvent cumuler
des charges, mais ils sont avant tout logothètes des sékréta, premiers ministres
officiellement nommés (3). Le mésazôn, remplacé sous Alexis par le logothète des
sékréta, disparaît momentanément, pour réapparaître plus tard comme conseiller
particulier de l'empereur, sans que le logothète des sékréta, désigné alors sous divers
noms (logothète ou prokathèménos des sékréta ou des « tribunaux », et aussi quelquefois
' grand logothète) et exerçant toujours le rôle du premier ministre, ait pour autant dis-
paru (4). En conclusion, il nous semble plus juste, en ce qui concerne le logothète des
sékréta, de parler d'une accommodation faite par Alexis I e r d'une ancienne fonction aux
besoins du moment que de la création d'un nouveau poste, en l'occurrence du plus
important du gouvernement central.
Plus importantes mais pas encore radicales nous semblent les transformations
apportées par Alexis dans l'appareil central de l'armée, et des finances, toujours étroite-
I
Alexis I e r Comnène 203
ment liées et maintenant plus que jamais à la chose militaire (1). Alexis I e r procéda,
nous le verrons en détail à propos de ses mesures militaires, à l'unification du comman-
dement de toute l'armée de terre sous un état-major particulier et de toute l'armée de
mer sous un état-major naval (2). La création de ces deux grands états-majors installés
à Constantinople, mais représentés dans les provinces et collaborant directement avec
les bureaux financiers et économiques, a eu pour conséquence l'affaiblissement du bureau
de l'armée (logothésion du stratiôtikori) (3) et du bureau de la marine (pfficium du dron-
gaire du ploîmon). Le xn e siècle accorde peu de place à ces fonctionnaires, qui jouaient
jusqu'alors le rôle principal dans l'administration et les finances militaires. Ce rôle
revient maintenant aux états-majors et aux cadres qui collaborent, pour le financement de
l'appareil militaire, avec le bureau (sékréton) du budget créé à ce moment.
Afin de mieux répartir le revenu national, dont une grande partie est absorbée par
les dépenses militaires, et de bien contrôler la gestion des finances de l'Empire, Alexis
créa le poste du grand logariaste (4), qui réunit sous son autorité les bureaux économiques
et financiers du gouvernement central. Sorte de ministre de la coordination, le grand
logariaste supervise les sékréta du génikon, du stratiôtikori (poste qu'il assume souvent
personnellement) (5), des sùocysïç olxoi ou sùay ?j aéxps-ra et sûrement de Yeidikon ; leurs
responsables (logothètes ou oikonomoi,titreporté par le responsable des euagè sékréta) per-
dent maintenant de l'importance. Le poste de Yeidikon disparaît, entraînant avec lui la
disparition de la distinction entre les biens de la couronne et ceux de l'État (6). En outre,
en tant que responsable du budget de l'État, comme son nom l'indique, le grand logariaste
collabore avec tous les bureaux exécutifs des affaires civiles et militaires (7). Dans le cas
de la marine qui nous intéresse ici, il est en relation avec le grand-duc et son service
et, pour la flotte commerciale, avec le bureau de la mer, créé un peu plus tard en rempla-
cement du bureau du parathalassitès, qui existe et fonctionne encore en tant que ministère
autonome sous Alexis I e r (8).
(1) Cf. la remarque de CECAUMENI Strategicon, p. 101 : « arpaToû yàp yj) OVTOÇ où8'
ouviaraxai ».
(2) Ci-dessous, p. 205 sq.
(3) Cf. F. DÔI.GER, op. cit., p. 21 ; D. XANAXATOS, Beitràge z. Wirtschajts- und Sozial-
geschichte Makedoniens..., Munich, 1937, p. 44-47.
(4) Première mention en 1094, ZEPOS, JUS, I, p. 650 ; sur ce fonctionnaire, cf. F. DÔI.GER,
op. cit., Index, s.v. « mégas logariastès » ; E. STEIN, op. cit., Index, s.v. « mégas logariastès ».
(5) M.M., VI, p. 138 : 7rapà roû xocvà TTJV f)(/ipav Xoyoôéxou xûv axpaxiGmxôSv xal [xeyâXoo
XoyapiaaxoO.
(6) Cf. F. DÔI.GER, op. cit., Index, s.v. « eidikos logos, eidikon, logothétès eidikou » (en grec
dans l'index).
(7) Sur ces points, cf. P. LEMERIA Notes sur l'administration byz. à la veille de la IV e croi-
sade, R.E.B., t. XIX, 1961, p. 258-272.
(8) H. AHRWEHER, Fonctionnaires et bureaux maritimes, R.E.B., t. XIX, 1961, p. 249-252.
i1 i v. 204 Des Conmènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
1 ,1
i
Alexis IeT Comnène 205
élite sociale et donc administrative, consolider son pouvoir personnel et assurer la succes-
sion au trône de ses héritiers, établissant ainsi une vraie dynastie. Nous avons là un autre
aspect de la tendance, généralement constatée à ce moment, à centraliser le pouvoir et à
resserrer les liens de l'appareil exécutif et de la couronne. C'est surtout à cette réforme
nobiliaire que Zônaras fait allusion quand il accuse Alexis d'àXXotcùcnç TWV àp^atov è0c5v
Tvjç 7coXiTstaç (1) (altération des anciennes coutumes nationales). C'est au but de cette
réforme sans doute que ce même écrivain pense en constatant qu'Alexis se comporta
vis-à-vis de l'État non pas comme oikonomos (administrateur), mais comme despotes (2)
(maître, propriétaire).
Guidé par le souci de défendre l'Empire contre les envahisseurs turcs, normands
et petchénègues, et d'élargir en même temps ses frontières rétrécies, Alexis adopta une
politiaue militaire défensive et offensive à la fois. L'appareil militaire ainsi que les
institutions administratives en général mises en place à ce moment reflètent ce double
objectif. Ainsi l'œuvre militaire et administrative d'Alexis, qui sera continuée et achevée
par ses successeurs, présente des traits la rapprochant d'une part de celle des Isauriens
(défense du territoire impérial et donc prédominance des militaires dans l'administration
provinciale), et d'autre part de celle des empereurs Macédoniens (reconquête du territoire
envahi, d'où renforcement des formations militaires d'attaque, des tagmata et de la flotte
centrale-impériale, contrôlés directement par Constantinople). Bref, Alexis I e r s'occupa
avant tout et tout au long de son règne de l'organisation de l'armée de terre et de mer
et de la mise en place d'un appareil militaire puissant. Il a donné au pouvoir, et contrai-
rement à Monomaque, un fort caractère militaire, nécessaire à cause de l'état de siège
quasi permanent dans lequel vivait alors l'Empire.
Au moment de l'avènement d'Alexis I e r , Byzance ne disposait que de quelques
tagmata, chargés de la garde (maritime et terrestre) de la capitale et dispersés dans les pro-
vinces occidentales (3). L'armée importante de l'Orient avait été anéantie par les invasions
turques, celle de l'Occident compromise dans la révolte de Nicéphore Bryenne. « Les
armées orientales, dit précisément Anne Comnène, étaient alors dispersées de-ci, de-là,
à cause de l'étendue de la conquête turque... celles de l'Occident étaient passées dans
(1) ZONARAS, III, p. 765-766 ; ANNE COMNÈNE, I, p. 114-115, constate la même chose, mais
elle le compte parmi les qualités de l'œuvre de son père, bien qu'elle remarque qu' ce Alexis, qui
était un architecte du gouvernement, surprenait souvent et par le rang qu'il accordait aux choses
et par les noms qu'il leur donnait ».
(2) ZONARAS, III, p. 766.
(3) Ci-dessus, p. 178, n. 2.
' ' \_ 206 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
\ i' '
"** les rangs de Bryenne » (1). Alexis commença par réunir les soldats de quelques tagmata
cantonnés à Constantinople et aux alentours, les « Immortels », les Chômatianoi et les
étrangers (Varangues, Anglais) de la garde impériale, et il recruta de nouveaux soldats,
qu'il répartissait dans divers tagmata créés à ce moment (tels p. ex. les Archontopouloi) (2)
U et connus dans la plupart des cas par le nom ethnique ou le nom du pays d'origine des
* soldats qui les composent. Les sources de l'époque mentionnent les tagmata des Coumans,
Valaques, Celtes, Turcs de Thrace, Albanais, Francs, Russes, Koulpiggoi, Némitzai,
Abasgoi (3), plusieurs d'entre eux, notamment les Occidentaux (Celtes, Francs,
Anglais, etc.), servant dans la flotte impériale. Ils composent, avec les marins byzantins
et les Russes, souvent mentionnés comme Scythes (4), les tagmata maritimes de la flotte
byzantine : ils opèrent contre les forteresses des villes côtières (d'Épire, de l'Asie Mineure
et de Syrie).
Autrement dit, l'armée byzantine, sous Alexis I e r , est uniquement composée de
soldats de métier ; c'est une armée de tagmata, recrutée selon le système du mercenariat,
' U dans l'Empire ou parmi les étrangers alliés ou en service à Byzance. L'armée recrutée
localement et servant sur place (5), l'armée nationale de Byzance, a définitivement disparu.
1
La méthode de recrutement employée par Monomaque et ses successeurs reste en
1
vigueur ; sa généralisation donne à l'armée d'Alexis et de ses successeurs un aspect qui
| '.; la différencie de l'armée des Isauriens et des Macédoniens de l'époque précédente. Les
;
; 1 | tagmata, placés sous les ordres d'officiers byzantins ou étrangers, prennent part aux
1! \, diverses opérations, où qu'elles se déroulent. Ils dépendent tous du commandement
j! I I central de l'armée, de l'état-major général créé à ce moment et placé sous le grand
domestique, mentionné pour la première fois sous Alexis I e r (i). Le Géorgien Pakourianos
fut le premier à exercer cette haute fonction militaire (2) ; il a été vite remplacé par le
propre frère de l'empereur, Adrien Comnène (3). Ainsi l'armée byzantine, qui était ,/
jusqu'alors divisée en armée d'Orient et armée d'Occident, placées respectivement sous
le domestique d'Orient et le domestique d'Occident, a dorénavant un commandement
unique. Les domestiques d'Orient et d'Occident disparaissent (4), ils réapparaîtront
plus tard comme domestiques ou stratopédarques de l'armée d'Orient et d'Occident,
mais ils seront placés sous les ordres du grand domestique, qui continue d'exister
jusqu'à la fin de l'Empire (5) et qui, toujours à la tête de la hiérarchie militaire,
a sous ses ordres toute l'armée (COTKV ÇOCTO-CXTOV) (6). Il est toujours plus important
que son homologue marin, le grand-duc, qui en période d'opérations se trouve
souvent sous ses ordres (7).
L'organisation de l'armée de mer sous Alexis I e r fut, comme par le passé, calquée
sur celle de l'armée de terre. Les bâtiments de la flotte byzantine sont servis par des
marins de métier, byzantins ou étrangers, payés à la solde. Les sources mentionnent
souvent la participation des Latins et des Scythes (Russes) aux opérations navales de
(1) Sur le grand domestique, cf. R. GUIIAAND, Le grand domesticat à Byzance, E.O.,
t. XXXVII, 1938, p. 53-64, et V. LAURENT, Le grand domesticat. Notes complémentaires,
ibid., p. 65-72. Le grand domestique a remplacé au dire de NICÊPHORE BRYENNE, p. 191, le domes-
tique d'Occident ; le domestique d'Orient n'existait pas à ce moment, son armée étant dissoute
à la suite des invasions turques. Zônaras et Skylitzès, influencés par la terminologie de leur époque,
attribuent le titre de grand domestique au domestique des scholes (Orient et Occident) de
l'époque précédente, ce qui est manifestement un anachronisme : cf. ZONARAS, III, p. 666, 721 ;
SKYWTZÈS, p. 642.
(2) Sur Pakourianos et sa carrière, cf. ANNE COMNÈNE, I, p. 73-74, 150-151, 159 ; II, p. 14, 23
(« grand domestique », son nom n'est pas donné), et p. 82 ; et surtout le Typikon de Pakourianos,
éd. L. PETIT, Viz. Vr., t. XI, 1904 (supplément) ; F. DôLGER, Regesten, n° 1018 sq. ; des
sceaux dans G. SCHI,UMBERGËR, Sigillographie, p. 342, 684 ; V. LAURENT, Bulles métriques,
Hellènika, t. VI, 1934, P- 63> n° 564; et THÉOPHYI,ACTE, P.G., t. CXXVI, lettre n° 14;
cf. également les remarques de R. GUIIXAND, op. cit., p. 54.
(3) Sur Adrien, cf. ANNE COMNÈNE, I, p. 114 ; II, p. 88 : grand domestique d'Occident;
p. 176 : grand domestique ; ZONARAS, III, p. 765-766 ; GI,YKAS, p. 619 ; Actes de Lavra, n° 39,
p. 105 ; et R. GUIIXAND, op. cit., p. 54-55.
(4) Quelquefois le grand domestique est désigné comme « domestique d'Occident » (cf.
R. Gun,i,AND, op. cit., p. 54-55), précision géographique due au fait qu'à ce moment les opérations
militaires se déroulent surtout en Occident.
(5) Le dernier grand domestique est un Cantacuzène, contemporain de la prise de Constan-
tinople par les Turcs : cf. DOUKAS, p. 305.
(6) PS.-KÔDINOS, p. 83 ; R. GUH,I,AND, op. cit., p. 62 sq.
(7) Cf. p. ex. les rapports du grand-duc Apokaukos avec le grand domestique Jean Canta-
cuzène, ensuite empereur, ci-dessous, p. 384 sq.
, , v 208 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
cette époque (i). Ils forment les tagmata maritimes, l'armée d'attaque et d'assaut opérant
aussi sur terre, tandis que la plus grande partie des équipages des bateaux est formée
de matelots byzantins originaires des Cyclades et des régions côtières d'Asie Mineure
et de Grèce (2) ; marins réputés depuis toujours, ils servaient jusqu'alors dans la flotte
commerciale, particulièrement florissante dans la seconde moitié du xi e siècle. Mais,
traversant à ce moment une crise due à l'apparition dans la mer Egée et la Méditerranée
orientale de la flotte turque de Tzachas, de la flotte égyptienne, et surtout des flottes
des Croisés (3), ils servent maintenant dans la flotte de guerre alors en pleine expansion.
Nous l'avons souvent constaté, le développement de la flotte marchande est un signe
de paix maritime, celui de la flotte de combat accompagne les périodes de guerre et
de troubles qui affectent la sécurité de la navigation et le commerce maritime. L'essor
des flottes commerciales et des flottes de guerre n'a jamais coïncidé.
Les marins de la flotte byzantine (soldats de tagmata maritimes ou membres des
équipages) servent dans ses divers détachements, où qu'ils se trouvent, indépendamment
de leur lieu d'origine ou de recrutement. Placés sous les ordres d'officiers byzantins,
i cadres de l'armée de terre ou de l'armée de mer, selon les besoins du moment (combats
navals ou opérations sur terre contre des régions côtières), ou sous les ordres d'officiers
étrangers, ces derniers uniquement marins, les détachements de la flotte dépendent du
commandement central de la marine de guerre, de l'état-major naval, créé à ce moment
et placé sous les ordres du grand-duc (4), pendant maritime du grand domestique.
Attachées provisoirement ou non aux provinces, les escadres de la flotte byzantine
obéissent alors au gouverneur militaire de la région où elles stationnent, le dac-katépanô,
(1) ANNE COMNENE, III, p. 79-80 (Scythes) ; ibid., III, p. 42, I,andulf, grand-duc de
la flotte.
(2) ANNE COMNENE, III, p. 43 : un comte originaire de Péloponnèse ; ibid., III, p. 65 : 0 II
a ordonné d'armer une flotte dans les Cyclades, les villes côtières de l'Asie et même de l'Europe. »
Caractéristique de ce point de vue est la mention d'exélasis ploïmôn (mobilisation des marins et
réquisition des matériaux nécessaires à la construction navale) dans les listes d'exemptions pro-
mulguées en faveur des couvents de l'Athos, de Patmos, et de Chios, et des biens situés à Rédestos
II (cf. ci-dessus, p. 150, n. 2) ; notons à ce propos que le goudronnage des navires s'effectue à Samos
.. (ANNE COMNENE, III, p. 42), et que à Chios et à Smyrne fut construite par des Grecs la flotte
!;''• de Tzachas (ANNE COMNÈNË, II, p. 110 ; ZONARAS, III, p. 736).
,'• : (3) Sur la piraterie turque et latine dans la Méditerranée, cf. M.M., VI, p. 81, 89, 91 ; Vie
l'i i pi de saint Christodoulos, apud M. NOTARAS, Néon Leimônarion, p. 83 ; A13ERT D'AIX, Liber chris-
I ]'\ ,\ tianae Expeditionis, R.H.C., Historiens occidentaux, t. IV, § III, 14; Translatio Sancti Nicolai in
iji'l » i Venetiam, ibid., t. V, I, p. 9 sq. ; version grecque dans DOUKAKIS, Mégas Synaxaristès, t. V,
;;', p. 352 ; Itinéraires russes en Orient, tr. B. de KHITROWO, Genève, 1889, p. 55 ; et surtout, pour
j1 1 le x n e siècle, l'essor des pirates génois, dans M.M., III, p. 46-49, et ci-dessous, p. 446-447.
1 :;
' (4) Cf. R. GunYtAND, Le drongaire, p. 222 sq.
Alexis I e r Cotrmène 209
officier de l'armée de terre, qui en réfère, en ce qui concerne leur entretien et leur équi-
pement, au grand-duc et à son service.
Le grand-duc est mentionné, ainsi que le grand domestique, pour la première fois
sous Alexis Comnène. C'est sûrement une création de cet empereur. Jean Doucas, oncle
d'Alexis I e r , fut le premier à exercer cette haute fonction (1). La place que tient le grand-
duc dans la hiérarchie et son rôle dans les affaires militaires de l'époque accusent une
nouvelle tendance dans le commandement des forces byzantines : l'indépendance de
l'année de mer dans son ensemble, et non pas seulement de la flotte, vis-à-vis du comman-
dement de l'armée de terre. La création du poste de grand-duc et sa juridiction montrent
le rôle important que l'armée de mer de l'Empire est appelée à jouer dans les affaires
militaires du xn e siècle et révèlent en même temps la nature et la composition de la
flotte qui sert les objectifs militaires de l'époque. Elle est avant tout une arme offensive ;
elle livre volontiers des combats navals, ce qui n'était pas le cas auparavant ; c'est une
flotte de haute mer construite dans les arsenaux de la capitale, les mieux équipés pour la
construction de flottes importantes composées de grands navires (2) ; elle fait suite,
autrement dit, à la flotte impériale des époques précédentes mais, contrairement
à cette flotte, elle est l'unique formation navale de l'Empire et se trouve donc
régulièrement entretenue. Le grand-duc, qui assumera dorénavant le commandement
suprême de la flotte byzantine dans son ensemble, remplace normalement à ce
poste l'ancien drongaire du ploïmon, le commandant en chef de la flotte impériale
constantinopolitaine.
Le grand-duc, grand amiral de la flotte et commandant en chef de l'armée de
mer plus que ministre de la marine, dispose d'un état-major naval important. Les thalasso-
cratorés et le second drongaire de la flotte dépendent directement de lui (3), ses services
sont représentés dans les provinces, d'une part par les chefs des détachements maritimes
(ducs, drongaires, komètês), et d'autre part par des officiers et fonctionnaires chargés des
(1) Sur le premier grand-duc, cf. ANNE COMNÊNE, Index, s.v. « Jean Doucas » ; Vie de saint
Mélétios, éd. WASSIMËVSKIJ, p. 27 ; Actes de Lavra, n° 45, p. 122 ; P.G., t. CXXVT, col. 972 ;
et sans doute, Scholies des Basiliques, éd. SCHEI/TEMA, L . XI, tit. II, 16, p. 366, en relation avec
les lettres n os 63 et 64 de THEOPHYI,ACTE, P.G., t. CXXVI ; et J. BOMPAIRE, Actes de Xèropo-
tamou, Archives de l'Athos, Paris, 1963, n° 7, p. 64 sq.
(2) Cf. Appendice III.
(3) I,e thalassokratôr, terme d'un sens technique général, indique l'amiral, le chef d'une
escadre : cf. ANNE COMNENE, II, p. 165, 215-216 ; III, p. 24, 81, où les « autres ducs », mentionnés
parallèlement au grand-duc, sont ceux qu'Anne appelle ailleurs les thalassokratorés : ibid.,
III, p. n i ; sur ce terme, cf. M. SESAN, La flotte byzantine des Comnènes et des Anges, Byzan-
tinoslavica, t. XXI, i960, p. 51 : l'auteur n'établit pas de différence entre les thalassokratorés et
le grand-duc.
H. AHRWEILER 14
, , V. 210 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
'. f, '
affaires économiques de l'année de mer et connus comme èvspyouvTeç èv rcj) cnroXca
(agents de la flotte) (i). Ces services collaborent, comme nous le laisse comprendre un acte
d'Alexis I e r , avec les archontes à la tête d'une ville côtière là où ces derniers existent,
mais la tâche des archontes, toujours chargés de la surveillance des eaux territoriales
de l'Empire et du contre-espionnage, les rattache directement au gouvernement central.
Ils reçoivent leurs ordres directement de l'empereur, comme nous le montre la lettre
d'Alexis I e r adressée à l'athènarchos (archonte d'Athènes) (2) et, bien que disposant
\, pour l'exercice de leurs fonctions d'un petit détachement naval, leur rôle les rapproche
V davantage des services du logothète du drome, ministre des affaires étrangères, que de ceux
du grand-duc, qui se contente vraisemblablement de leur fournir leurs effectifs militaires.
La création du grand-duc et de ses services a entraîné la diminution des pouvoirs
du drongaire du ploïmon et de son officium. Sous Alexis I e r le drongaire du ploïmon
devient commandant de l'escadre constantinopolitaine, et plus précisément du basilikon
dromônion, flottille mise à la disposition personnelle de l'empereur et de sa famille. Il
va chercher l'empereur, qui d'Andrinople regagnait Constantinople, à Chersonèse
(Thrace) ; il se charge du transport du matériel pour la construction des forteresses
maritimes, et, en tant que chef de la garde navale de l'empereur, il assume en l'absence
de celui-ci la garde de la ville de Constantinople (3). Le poste de drongaire du ploïmon
fut confié, au début du règne d'Alexis I e r , à l'eunuque Eustathe Kyminiatès (4), et
ensuite à Nicéphore Comnène, le plus jeune frère de l'empereur (5). Nicéphore fut
le dernier personnage important à porter ce titre. Le drongaire du ploïmon, remplacé
par le grand-duc dans le commandement de la flotte et dans radministration de l'armée
•' de mer, disparaît des sources de l'époque des Commènes. Le drongaire ou grand dron-
; gaire, sans autre précision (6), attesté depuis, n'est que le drongaire de la veille, haut
; magistrat de l'Empire. On continue à rencontrer, sous les ordres du grand-duc et dans
! : les cadres de l'armée de mer, des drongaires ; ce sont des officiers subalternes, ils se
(•••'; trouvent, comme les comtes (komètès) de la flotte, à la tête de divers détache-
ments navals ; ce sont les mêmes officiers qui servaient auparavant uniquement
dans la flotte impériale et dans la flotte byzantine en général lors de l'existence d'un
• 'p unique commandement naval, c'est-à-dire avant la création des thèmes maritimes et
(1) Actes de Lavra, n° 51, p. 136, et actes inédits: photos des documents au Centre d'Histoire
et de Civilisation byzantines (Sorbonne).
(2) Vie de saint MéUtios, éd. WASSIMEVSKIJ, p. 32.
!;!J1!I (3) ANNE COMNÈNE, II, p . 71-72, 201 ; III, p. 46, 87, etc.
i (4) Ibid., Index, s.v. a Eustathe Cyminiatès ».
(5) ZONARAS, I I I , p. 766 ; GIVYKAS, p. 618 ; A N N E COMNÈNE, I, p. 113.
(6) Particulièrement important dans le gouvernement intérieur sous Alexis I e r : cf. ZEPOS,
Jus, I, p . 279, 280, 281, 293, 302 (tribunal du drongaire), p . 319, 349, etc.
l
'1
-t.
Alexis I e r Comnène 211
et de mer permanente, appuyés sur des bases économiques saines et durables, ont obligé
Alexis I er à élaborer un programme financier capable d'assurer sans interruption les
dépenses militaires. Alexis, à l'exemple des empereurs militaires des époques précédentes,
à l'exception toutefois des empereurs iconoclastes, a eu recours, pour assurer les dépenses
militaires, à des mesures fiscales (i). Il a surtout imposé la propriété terrienne, et ceci
de plusieurs manières. Il l'a grevée, et ceci caractérise sa politique agraire, de charges
militaires permanentes. Pour la création de la flotte qui nous intéresse ici, il instaura
l'impôt appelé baros ploos (charge pour la flotte) (2), qui grevait les biens fonciers des
populations côtières indépendamment du statut de leur propriétaire (les biens ecclé-
siastiques n'en étaient pas exemptés). C'était un impôt régulier et non une taxe extraor-
jl* ' dinaire (3) ; et cela sans que soient bien entendu abolies les prestations et taxes annexes
perçues presque uniquement en espèces et réservées à la construction des bateaux (xarsp-
yoxTiata, XTICTIÇ xapaêiov, —Xotcov xaTocaxeuY], XTICTIÇ j^sXavSiwv, àypapîwv, Çep^icovcov
7ïoXe[i.ixwv, ^apêtwv x a i sTÉpcov TCXOICÙV, (i.sTaxofjit.8Y) xcomcov, S^O)VT)CIÇ c m m m o u , aTOxt-
vqaic, àp[xsvo7tàvtovj etc.), à l'armement et à la formation des équipages (è^éXaaiç 7tXoî[i.«v,
xovTapaTwv), à l'entretien des cadres maritimes en service dans les provinces ([IITÔCTOV,
xâ0Lff[i.a Souxwv, xa-reudcvco, Spouyyapôwv, xojxrjxwv, etc.), à l'approvisionnement enfin
des soldats des tagmata maritimes et autres (dosis de toutes sortes d'articles d'alimenta-
tion (4)). Il est évident que le baros ploos, la strateia maritime, assure le revenu permanent
(1) Cf. les accusations de ZONARAS, III, p. 767 sq., répétées par Gl/VKAS, p. 620 ; et les
'il j griefs de JEAN D'ANTIOCHE, op. cit., p. 357, où sont mentionnées les obligations imposées aux
*.!• 1 ' ' citoyens (paysans, commerçants et artisans) sous prétexte de dépenses militaires ; une confir-
mation de l'application des hyperpléa et des hypertima (mesures touchant l'excédent de la fortune
terrienne introduites par Alexis I er ) dans le Typihon de Pakourianos, éd. PETIT, Viz. Vr., XI,
i 1904 (supplément), p. 55, et pour plus tard dans ZEPOS, JUS, I, p. 384.
t , (2) La charge est désignée comme strateia ou dromos (destinée alors à la poste) ; elle grève
les biens fonciers (proasteia et ktèmata) indépendamment du statut de leur propriétaire, qui ne
jouit évidemment pas d'une exemption fiscale ; la strateia peut faire l'objet d'une exemption à la
suite d'une décision impériale (strateia sympépathèménè), elle s'inscrit alors comme telle (logisimos
strateia) dans les registres (matrikia) des sékréta intéressés (prosphora sékréta) : sur tous ces
points, cf. surtout Actes de Lavra, p . 142 ; et pour leur application ultérieure, cf. ZEPOS, Jus, I,
p. 309 : mention de prostaxis concernant les strateiai sympépathèménai, et p. 383.
(3) Sur l'application de cet impôt désigné plus tard comme plôïmon (à ne pas confondre avec
Yexélasis ploïmân de l'époque précédente, encore en vigueur sous Alexis I e r , et qui concerne le recru-
tement des marins), cf. Actes de Lavra, n° 53, p. 47 ; et plus tard, M.M., VI, p. m , et surtout
MiCHEIi CHONIATE, I, p- 308 ; II, p. 106, 107 : mention des plôïmologoi = percepteurs du ploïmon.
(4) Cf. à titre d'exemple les documents d'archives de cette époque, E.E.B.S., t. I I I , 1926,
p. 122 sq. ; M.M., V, 137, 144 ; ibid., VI, p. 27, 47 ; Actes de Lavra, p. n i ; F . DÔI.GER, Schaiz-
kammern, n 08 1-2, 3 et 14; et plus tard, ZEPOS, JUS, I, p. n i , 377 sq., 383 sq., 428;
M.M., IV, p. 17-18, 21, 249, 250, 251, 252-253 : képhalaion ploïmôn.
•'V
Alexis IeT Comnène 213
i La mention enfin des pronoètai (gérants) des biens du sébastokratôr appelés à respecter
l'exemption accordée à Lavra suppose une pareille attribution en faveur d'Isaak, frère
aîné d'Alexis (i). De toute façon l'attribution du revenu fiscal à des personnes privées
et le versement des impositions à des personnes autres que les agents du fisc agissant
y' pour le compte de l'État, en l'occurrence des personnes employées par le bénéficiaire (2),
-1 qui installe un appareil fiscal rudimentaire calqué sur celui de l'État, constituent une
i. ; nouvelle forme de l'acquittement des obligations de l'État envers ses fonctionnaires.
Elle fut considérablement répandue par la suite (3) et procura ainsi une nouvelle ressource
économique mise à la disposition de l'empereur. Elle provoqua un allégement de l'appareil
fiscal de l'État, remplacé, dans les régions concédées en pronoia ou oikonomia, par celui
des bénéficiaires. L'attribution d'un revenu fiscal à des personnes privées, inaugurée par
Alexis I e r et réservée au début à de hauts dignitaires, officiers et fonctionnaires du gouver-
nement central, membres dans la plupart des cas de la famille impériale (4), deviendra plus
tard, notamment à partir de Manuel Comnène, un mode de paiement de tous les cadres
militaires. Désigné alors comme pronoia militaire, elle est soumise à un statut particulier
qui fait d'elle une donation conditionnée d'un taux fixe, d'habitude modeste, ce qui la diffé-
rencie des attributions importantes octroyées par Alexis I e r . Examinons l'évolution de
cette institution dans la mesure où elle touche l'armée de mer. Elle domine dorénavant
et jusqu'à lafinde l'Empire tout le système de rémunération des cadres militaires (armée
de terre et de mer) de Byzance. Elle s'explique avant tout par les difficultésfinancièresque
l'Empire connaît depuis lors presque sans interruption. En l'étudiant ici nous serons
dispensés de revenir sur les questions concernant le financement de l'armée et l'entretien
de ses cadres.
La pronoia militaire. — Si le XIe siècle est pour l'histoire de l'année byzantine décisif
! à cause de la généralisation du système du mercenariat (5), le xn e siècle marque une
véritable révolution dans l'équipement des soldats (de l'armée de terre ou des tagmata
maritimes), simples combattants ou officiers, indigènes ou étrangers, servant dans l'armée
impériale moyennant une solde. Les guerres permanentes d'Alexis et de ses successeurs
contre des pays disposant d'une armée de cavaliers cuirassés, armée de choc, efficace
dans les guerres offensives et qui fournit le gros des effectifs en service sur les navires
de cette époque, ont obligé les empereurs à moderniser à leur tour l'armée byzantine
en la dotant précisément d'un nombre important de cavaliers de cette sorte. En effet
les divers auteurs byzantins, historiens, chroniqueurs et autres sources narratives et
littéraires de l'époque relatant les opérations militaires, font souvent état de la présence
et du rôle joué par des soldats désignés comme fraktoi ou katafraktoi (1). Ils présentent
cette catégorie de soldats comme une sorte d'élite militaire, comme une force de frappe,
pour employer un terme moderne, opérant à côté de l'armée traditionnelle (fantassins,
archers, etc.). Il s'agit évidemment, comme le terme fraktos (cuirassé) l'indique, de
cavaliers cuirassés. Ils tiennent maintenant une place importante parmi les effectifs de
l'année byzantine, redevenue une armée offensive. Ils sont dans une large mesure recrutés
parmi les étrangers, notamment les Latins qui, à la suite des croisades, affluent vers
l'Orient et qui, équipés et armés par leurs propres moyens, sont prêts à vendre leurs
services au plus offrant. Les cavaliers cuirassés de l'armée byzantine appartiennent aux
effectifs de l'armée impériale (de terre et de mer) par excellence ; autrement dit ils font
partie de l'armée recrutée par les services militaires de la capitale (états-majors généraux)
et payée directement par la trésorerie impériale. Provisoirement entrés dans l'armée
byzantine, ils reçoivent une solde ; définitivement employés par Byzance, ils bénéficient
du mode de paiement réservé aux cadres réguliers de l'armée impériale, de l'attribution
par exemple d'un revenu fiscal, d'une pronoia ou oikonomia. Ils diffèrent, de ce point
de vue, des autres soldats de métier qui forment les divers corps auxiliaires et paramili-
taires (milices locales) de plus en plus nombreux maintenant et qui, affectés à la garde
des forteresses et au maintien de l'ordre, sont recrutés par les autorités locales et sont
payés vraisemblablement par la contribution directe des populations, par les fonds
réservés aux besoins de la sécurité des provinces (2).
(1) Cf., à titre d'exemple, W. REGEI,, Fontes, I, 2, p. 235 : « la race de fer des cuirassés (cava-
liers) » ; THÉODORE PRODROME, P.G., t. CXXXIII, col. 1363 ; NICETAS CHONIATE, p. 97, 696,
706 (« pagchalkon straieuma »), et p. 715.
(2) Ils sont placés sous le kastrophylax et le prokathèménos d'une ville (cette dernière insti-
tution semble de création plus récente : XIIe siècle), ils sont désignés sous divers noms, Tzakônés,
Bardareiôtai (affectés à la garde du palais sacré), Myrtaïtai, ou d'après l'arme, tzaggratores de
la forteresse, etc. : cf. K. SATHAS, Mes. Bibl., t. VI, p. 644 (fonctions de kastrophylax) ; et sur
les Tzakônsé, cf. H. AHRWEII,ER, Les termes « Tsakônés-tsakôniai » et leur évolution séman-
tique, R.E.B., t. XXI, 1963, p. 243 sq.
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218 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
m
Alexis IeT Comnène 219
(pronoia dans son sens primitif), une faveur particulière parcimonieusement accordée
et seulement dans des cas exceptionnels, devient sous ses successeurs, et notamment
sous Manuel I e r , un mode de paiement non seulement des hauts fonctionnaires (militaires
et dignitaires) de l'Empire, mais aussi des cadres réguliers de l'armée (de terre et de
mer), des stratiotes de l'Empire (stratiôtikè pronoia) (1). Les stratiotes servant dans les
tagmata de l'armée de terre ou de mer, inscrits sur les rôles militaires (stratiôtikoi
katalogoi) (2) reçoivent chacun selon son poste, et en tant que traitement régulier pour leurs
services dans l'armée, le revenu fiscal des terres cultivées (de surface plus ou moins impor-
tante, suffisante de toute façon pour produire la somme précisefixéecomme revenu-traite-
ment du bénéficiaire), situées dans divers villages de l'Empire (estrateuména chôria) (3),
et exploitées par des propriétaires ou des détenteurs non exemptés fiscalement. Les terres
frappées par cette mesure acquièrent le statut particulier de la terre militaire (strateia de
cette époque) (4) ; elles figurent comme telles dans les cadastres militaires émis en faveur
des bénéficiaires du revenu fiscal et mentionnés à ce moment (stratiôtika praktika) (5).
L'empereur procède, grâce à ses offices militaires, représentés dans les provinces
par le grand domestique, le grand-duc et les ducs-katépanô des thèmes, à la distribution
des stratiôtikai pronoiai (6), qui constituent dorénavant une concession conditionnelle,
dans la mesure où elle est motivée par le service dû par son bénéficiaire, et par le fait
qu'elle n'est pas héréditaire ; elle reste révocable. L'empereur peut la retirer à son
Paléologues (cf. G. OSTROGORSKIJ, op. cit., p. 92 sq.) : particulièrement intéressant est le cas du
douaire de Constance de Hohenstaufen, femme de Jean I I I Vatatzès, composé du revenu de trois
villes d'Asie Mineure (F. DôLGER, Regesten, n° 1780) : il est à l'origine de certaines complications
diplomatiques qu'ont connues les relations de l'Empire avec la maison d'Aragon : cf. C. MARI-
NESCO, Du nouveau sur Constance de Hohenstaufen, Byz., t. I, 1924, p. 452 sq. La donation
de terres (bien foncier exempté de ses impositions fiscales) à titre héréditaire, procédé toujours
en vigueur (cf. p. ex. sous Alexis I e r le cas de Képhalas, Actes de Lama, n os 37, 38, 41, 42), est
parfaitement illustré pour le XIIe siècle par les importantes possessions du sébastokratôr Isaak
dues à la largesse de son frère l'empereur Jean Comnène (cf. L. PETIT, Le typikon de la Kosmo-
sôtira, I.R.A.I.K., t. XIII, 1903, p. 26 sq.).
(1) Cf. G. OSTROGORSKIJ, op. cit., p. 26-54 ; H. AHRWEH,ER-GI,YKATZI, La politique agraire
des empereurs de Nicée, Byz., t. XXVIII, 1958, p. 58-59 : différence entre la pronoia héréditaire
(apanage) et la pronoia militaire ; de la même, La concession des droits incorporels ; Donations
conditionnelles, Actes du XIIIe Congrès int. d. Études byz. Ochride 1961, t. I, Belgrade, 1964,
p. 103 sq.
(2) KlNNAMOS, p . 8, 259, etc.
(3) L. PETIT, Le typikon de la Kosmosôtira, I.R.A.I.K., t. XIII, 1908, p. 52, 71.
(4) A. DMITRTEVSKIJ, Typika, I, Kiev, 1895, p. 698 ; ZEPOS, Jus, I, p. 382, 383.
(5) MM., IV, p. 318.
(6) F. USPENSKIJ, Viz. Zemlemery, Trudy (Travaux) du VIe Congrès archéol., 1884,
Odessa, 1888, t. II, p. 334.
220 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
'f\ plus précise et plus technique, comme donation des parèques (dôréa paroikôn), expression
fréquente surtout dans les textes de notre époque (4). Le terme paroikos est équivalent
J 'j! ' alors à celui de paysan contribuable, de cultivateur non exempté. Nous devons
1
1 i •. à Nicétas Choniate des renseignements précis sur l'institution de la stratiôtikè pronoia,
\ I !: désignée justement comme dôréa paroikôn, et sur la généralisation de ce procédé par
*• '• (1) L'attribution faite à Synadènos (sans doute par Jean II, le bénéficiaire est mentionné
1[ en 1136 comme feu Synadènos) est caractérisée pour la première fois comme pronoia : A. DMI-
\ • '-i TRIBVSKIJ, Typika, I , K i e v , 1895, p . 697.
>[• ''•' • (2) Actes de Lavra, p. 159.
l'Ji'j }', (3) II faut distinguer de l a pronoia militaire, qui consiste en l'attribution à un militaire-
stratiôtès d'un revenu fiscal non accompagné de la terre qui le produit, les donations de terres
faites à des groupes, n o t a m m e n t aux divers groupes ethniques de Thrace et de Macédoine, installés
dans l'Empire avec l'obligation de servir dans l'armée. Les bénéficiaires de cette catégorie
enrôlés dans les divers corps d'armée sont propriétaires de leur terre, ils subissent toutes
les obligations qui pèsent sur leur bien qui n'est pas obligatoirement exempté : tel est le
cas des estrateuménoi mentionnés dans Le Typikon de la Kosmosôtira, éd. L. PETIT, I.R.A.I.K.,
t. X I I I , 1908, p . 71 (ils sont soumis fiscalement au bénéficiaire du revenu fiscal produit p a r la
région où leur terre est située), des proskathèménoi estrateuménoi de Thrymbaki (Thrace),
soumis fiscalement au couvent du Pantokratôr (A. DMITRIEVSKIJ, Typika, I, p . 697) et des
Coumans mentionnés dans les actes de Lavra : les donations faites aux Coumans installés à titre
militaire dans l'Empire sont à dissocier, à notre avis, de t o u t ce qui concerne la pronoia, militaire
et autre : ce sont des attributions de terres à titre héréditaire à des personnes pouvant servir
militairement l'Empire, procédé appliqué depuis toujours : le cas des Coumans, stratiotes d u
thème de Mogléna (Actes de Lavra, p . 122 et 125), est parallèle à celui des « Manichaioi »
installés à Mogléna p a r Alexis I e r : selon ZONARAS, I I I , p . 740, les Manichaioi Patzinakitai
se sont installés dans l'Empire avec femmes et enfants, ils o n t formé u n corps d'armée
(tagma) particulier ; leurs enfants sont toujours installés dans la région qui les avait
accueillis, ils sont désignés du n o m de cette région comme Patzinakoi (Petchénègues)
Moglénitai (de Mogléna).
(4) Cf. p . ex. Z E P O S , Jus, I, p . 377 ; P . U S P E N S K I J , op. cit., p . 334 ; N I C É T A S CHONIATE, p . 272.
Alexis I e r Comnène 221
Manuel I e r (1). Il nous semble qu'il n'y ait aucune raison de douter de la véracité de
ce renseignement : Manuel I e r , nous le verrons en détail, tut cet empereur qui dilapida
par sa politique le trésor impérial sans cesser cependant de poursuivre jusqu'à la fin de
son long règne (1143-1180) l'organisation de grandes expéditions. De ce fait, il eut plus
que tout autre besoin de trouver un moyen durable lui assurant le maintien d'une armée
régulière importante. En s'inspirant d'un vieux procédé, de la pronoia, acte de sollicitude
impériale en faveur de personnages importants et de toute condition, il appliqua la
stratiôtikè pronoia, concession d'un revenu fiscal modeste équivalent au traitement du
service armé et faite alors à des personnages de situation modeste, en faveur
de simples combattants. Nicétas Choniate, qui critique sévèrement l'application de la
stratiôtikè pronoia, note justement qu'elle livra les citoyens libres de l'Empire à la merci
de personnes rustres et incultes et même à des étrangers (2). Ces derniers sont, sans doute,
les fraktoi, les cavaliers cuirassés, les lizioi kabalarioi (chevaliers liges) recrutés parmi
les étrangers installés dans l'Empire et bénéficiant, comme tous les cadres de l'année
régulière, des stratiôtikai pronoiai (3). A en croire Nicétas Choniate, la distribution des
pronoiai militaires changea le visage de l'Empire et notamment de l'armée byzantine
qui, une fois son traitement assuré par cette méthode, se départit de son caractère
belliqueux et devint oisive (4). Sans nous attarder à cette remarque naïve, notons seu-
lement que la pronoia militaire donna un aspect nouveau à l'armée byzantine, notamment
à celle des provinces servant sous les ducs des thèmes. Les stratiotes bénéficiant d'une
pronoia militaire étaient affectés dans les régions où se trouvaient les terres produisant
leur jpronoîa-traitement, tout en participant aux expéditions importantes se déroulant
en dehors de leur poste d'attache. De toute façon ils n'étaient pas forcément originaires de
ces régions ; ainsi l'armée provinciale avait définitivement perdu toute chance de redevenir
une armée « nationale » soucieuse des intérêts locaux, comme l'avait été l'armée régionale
pendant la première période du régime des thèmes, qui s'était avéré particulièrement
efficace surtout pour la défense des régions menacées. Ceci reste au fond la seule
différence, essentielle, entre les thèmes des vm e -x e siècles et ceux instaurés par Alexis
et ses successeurs, qui furent adoptés ensuite par l'Empire de Nicée et les Paléologues.
(1) NICÉTAS CHONIATE, p. 272-274 ; il est caractéristique que ce passage de Choniate repris
par Skoutariôtès porte en marge du ms. de Skoutariôtès la mention « sur les pronoiai militaires » :
K. SATHAS, Mes. Bibl, t. VII, p. 301.
(2) Nicétas CHONIATË, p. 272-273.
(3) Sur les pronoiai des cavaliers latins, connus surtout par les documents de l'Empire
de Nicée, cf. H. AHRWEII<BR-GI,YKATZI, La politique agraire des empereurs de Nicée, Byz.,
t. XXVIII, 1958, p. 55-59. Sur le sens et l'emploi du terme Hzios (lige), cf. J. FERI.UGA, La Wgesse
dans l'Empire byzantin, Zbornih radova, t. VII, 1961, p. 97-123.
(4) NICÉTAS CHONIATE, p. 273-274.
222 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
'"' E n conclusion, notons que la pronoia militaire devient petit à petit le seul mode de
i i' paiement des effectifs réguliers de l'armée byzantine. Avec certaines modifications,
elle s'étend par exemple à des revenus fiscaux autres que ceux produits par la terre
i\ (droits de pêche, d'exploitation des escales maritimes, des mines, des viviers, etc.) et
quelquefois, surtout sous les Paléologues, en devenant héréditaire, elle reste en vigueur
j jusqu'à la fin de l'Empire ( i ) . Elle est le fruit de la recherche de nouvelles formes de
concessions (typoi oikonomiôn) qui préoccupait, ainsi que le recrutement des soldats
(eklogismoi stratiôtôn), Manuel I e r , au dire d'Eustathe de Thessalonique (2). Elle consti-
•<; ! tue en effet la nouvelle forme d'un vieux procédé qui, né de la générosité impériale, finit
par illustrer la pauvreté de l'Empire. Appliquée dorénavant pour le traitement de l'armée
byzantine en général, la pronoia militaire, telle qu'elle a été exposée ici, nous dispensera
d'étudier par la suite les méthodes appliquées au financement des effectifs de l'armée de
mer. Outre des pronoiai du type courant (produit fiscal des terres), les cadres de l'armée
de mer bénéficiaient vraisemblablement, et à cause des lieux de leur affectation, de
pronoiai d'ordre maritime, droits sur les ports, la pêche, les viviers, etc., souvent men-
il-li tionnées dans les sources de l'époque (3).
m \ •
Alexis Ie1 Comnène 223
nels ; elle est de courte durée ; elle marque dans l'histoire de Padministration provinciale
une étape provisoire et transitoire ; elle a abouti à l'établissement d'un nouveau régime
provincial, les nouveaux thèmes, dont l'application fut possible seulement quand le
territoire byzantin eut retrouvé sa continuité. L'établissement de ce régime est achevé
sous les successeurs immédiats d'Alexis I e r (1).
Conditionnée par les opérations militaires qui se déroulaient dans tout l'Empire,
l'administration provinciale d'Alexis se caractérise par la réunion de tous les pouvoirs
entre les mains des militaires. Le ânc-katépanô, officier investi du commandement de
l'armée des tagmata dans telle ou telle région, assume l'administration civile et militaire
dans le territoire couvert par son armée. En conséquence, le kritès-praitôr, qui assumait
jusqu'alors toute l'administration civile des provinces, perd de son importance. Il
disparaît de toute l'administration de l'Asie Mineure, la première à être organisée selon
la nouvelle méthode, tandis qu'il continue à exercer ses fonctions dans les provinces
les moins touchées par les événements de la fin du XIe siècle, dans le thème unifié de
Thrace-Macédoine, et surtout dans celui de PHellade-Péloponnèse, où il continue à
jouer un rôle important ; cette région aura plus tard, nous le verrons (2), un statut mili-
taire particulier la rattachant au commandement maritime.
Au cours du règne d'Alexis I e r (1081-1118), l'Empire est divisé en une série de
commandements militaires couvrant des régions limitées, souvent isolées, avec une
ville importante pour centre, ville qui donne son nom au commandant militaire, duc-
katépanô, et quelquefois au stratège ou frourôn (gardien) de telle ou telle ville (3), gou-
verneur de la région. Ces nouveaux commandements, comparables aux petites stratégies
de l'époque précédente, n'ont rien à voir avec les grands thèmes du XIe siècle, circons-
criptions administratives importantes gérées par le kritès-praitôr, et ayant un caractère
civil accusé. Le terme de thème dans les sources de l'époque d'Alexis devient un terme
géographique. Il désigne la province (4), la région, comme le mot « thématique » désigne le
provincial par opposition au constantinopolitain (5). En tant que terme technique, le
m o t thème est quelquefois employé dans le jargon fiscal; il désigne alors u n e unité
; fiscale d'étendue modeste, avec son akrostichon et son propre cadastre ( i ) . Les circonscrip-
tions administratives sont à ce m o m e n t placées sous les dacs-katépanô-stiatèges régionaux.
• Les sources d e l'époque mentionnent, outre les ducs d e Thessalonique et d e Durazzo,
' déjà importants à l'époque précédente, des ducs-^arépanô-stratèges à la tête des villes
côtières et des îles suivantes : Abydos, Smyrne, Éphèse, Attalée, Séleucie, Anchialos,
Trébizonde, Amastris, T h è b e s (golfe d'Eubée-Euripos), Crète, Corfou, Chypre, Samos,
Pergame, Adramytte, Cyzique, Héraclée d u Pont et, dans la m e r Cilicienne et P h é n i -
cienne, Tarse et Laodicée (2).
La situation géographique et historique des régions mentionnées ci-dessus e t
•. 1. , placées sous u n dac-katépanô exige la présence, sous les ordres d e leur gouverneur, d ' u n
•A 1 détachement maritime plus ou moins important. E n effet la présence d e la flotte dans
i \[ leurs eaux est souvent signalée p a r les sources d e l'époque ; ce sont sans aucun
4 'II ' doute des bases navales sous Alexis I e r . Certaines d'entre elles bénéficient, e n tant
; L\ q u e postes d e contrôle des routes maritimes internationales, d e la présence perma-
'•• '• '• nente d'escadres importantes, telles p a r exemple Durazzo et Chypre, q u i , pendant le
règne d'Alexis I e r et à cause des rapports de Byzance avec l'Occident latin, notamment à
cause des invasions normandes et des croisades, sont incontestablement les deux stations
principales d e la flotte byzantine. Ajoutons à la liste d e ces commandements maritimes
(1) Actes de Lavra, p. 110, 114, 125 (« horia du thème »), p. 126 (dikaia du thème).
(2) Actes de Lavra, p. 110-111 (Abydos) ; ANNE COMNENE, I I I , p. 26, et M.M., IV, p. 62
(Smyrne) ; ANNE COMNÈNË, III, p. 26 (Éphèse) ; ibid., III, p. 142, et THÉOPHYI,ACTE, Lettres, P. G.,
126, col. 465, n° 49 (Attalée) ; ANNE COMNENE, III, p. 46 (Séleucie) ; ibid., I, p. 66 (Anchialos) ;
G. Scm,UMBERGER, Sigillographie, p. 342 (Gabras, de Trébizonde) ; et P. DôLGER, Regesten,
n° 1222 (Trébizonde) ; V. LAURENT, Orghidan, n° 227 (Amastris) ; Vie de saint Mélétios, éd. WASSI-
MEVSKIJ, p. 29 (Thèbes) ; H. AHRWEHER-GLYKATZI, L'administration militaire de la Crète
byzantine, Byz., t. X X X I , 1961, p. 223 sq. ; ajouter Nicéphore Kontostéphanos, duc de Crète
en 1197 (M.M., VI, p. 139-140), sans doute le dernier représentant de l'autorité byzantine en
Crète ; ANNE COMNENE, I I I , p. 51 (Corfou) ; V. LAURENT, Orghidan, n° 205 ; G. SCHJÏUMBERGER,
Sigillographie, p. 305 ; ANNE COMNENE, Index, s.v. « Chypre » ; P. DôXGER, Regesten, n° s 1211,
1222, 1259, 1295 <*; E.E.B.S., t. I I , 1924, p. 246; K. KÔNSTANTOPOUI,OS, Hèmérologion de la
Grande Grèce, Athènes, 1928, p. 481-488 (Chypre) ; MM., VI, p. 34, 35, 42, 55, et P. DÔI.GER,
Regesten, n° 1143, 1149 (Samos) ; ANNE COMNENE, I I I , p. 155 ; NICETAS CHONIATE, p. 360 (Adra-
mytte) ; ANNE COMNENE, I I I , p. 165 (Cyzique) ; ibid., I, p. 131 (Héraclée du Pont) ; ibid., Index,
s.v. Tarse, Laodicée. Sur l'administration de cette période, cf. M. SESAN, Die administrative
Einteilung d. byz. Reiches z. Zeit d. Komnenen u. Angheloi, Cernauti, 1942 (en roumain, résumé
.1 j allemand), p. 120 sq. : travail bien documenté, mais qui ne permet toutefois pas de suivre les
changements et les raisons des modifications qu'a subies l'appareil administratif de l'Empire :
l'auteur reste prisonnier de la notion du thème, telle que l'époque antérieure aux Comnènes l'avait
élaborée.
il '
i : S
Alexis I e r Comnène 225
les villes-stations maritimes placées sous les ordres d'un archonte (telles par exemple
Athènes (le Pirée), Strobylos, Rôsia et sans doute Sinope) (1), et les endroits où des
concentrations de flottes sont mentionnées (comme par exemple Héraclée de laPropontide,
Koila et Madytos en Chersonèse, Coron dans le Péloponnèse, Aulôn et Chimara sur le
littoral épirote) (2) et ceux fréquentés par les escadres de laflotte(par exemple les Cyclades,
le Dodécanèse, notamment le rivage rhodien, qui continue d'abriter, comme nous le laisse
comprendre une lettre d'Italikos, son arsenal réputé, Karpathos, le littoral syrien avec
Tripolis comme centre et même Soudi, le port d'Antioche) (3) ; ainsi pouvons-nous avoir
une idée plus précise du rayon d'action des grandes flottes construites par Alexis I e r et
du rôle important que joue maintenant l'appareil maritime de l'Empire. Les escadres
mobiles de la flotte contrôlent efficacement la Méditerranée orientale, de la mer Phéni-
cienne jusqu'à l'Adriatique, en utilisant comme point d'attache les grandes bases navales
de l'époque. Des détachements moins importants, placés sous des archontes, surveillent
les grands ports actifs de la mer Egée, et suivent attentivement la situation dans la mer
Noire, qui reste encore maritimement isolée et qui est toujours troublée par la présence
des Turcs et par les tendances séparatistes des gouverneurs byzantins (4). Ce n'est que
sous les successeurs d'Alexis, nous le verrons, que le littoral pontique, redevenu byzantin,
attirera, en tant que débouché des routes de l'intérieur de l'Asie, l'attention des puissances
maritimes de l'époque (5).
H. AHRWEILER 15
CHAPITRE II
j A. JEAN II COMNÈNE
(1) L'ouvrage de F. CHA^ANDON, Les Comnènes, études sur l'Empire byz. aux XIe-XIIe siècles :
Jean II Comnène (1118-1143) et Manuel Comnène (1143-1180), Paris, 1912, reste toujours
fondamental pour l'étude du règne des successeurs immédiats d'Alexis I e r .
(2) Les historiens Kinnamos et Nicétas Choniate racontent très brièvement le règne de
Jean II : « (ûcrrap èv xeçaXcdtp », dit KINNAMOS, p. 5 ; nous possédons peu de documents d'archives
émanant de cet empereur (cf. F. DÔI,GER, Regesten, n oa 1296-1329) ; quelques petites sources
littéraires se rattachant à ce règne deviennent ainsi de première utilité, notamment l'œuvre
de Théodore Prodrome (poésie, lettres, etc.) (cf., à ce sujet, G. MORAVCSIK, Byzantinoturcicaï,
I, p. 522-526), de Michel Italikos (ibid., I, p. 432) et de Jean Tzetzès (ibid., I, p. 342-344) ; cf. aussi
divers discours prononcés en l'honneur de Jean II ou faisant allusion à son œuvre, dans W. REGEI,,
Fontes, I, 2, p. 330-361 ; E. KURTZ, Unedierte Texte aus der Zeit d. Kaisers Johannes Komnenos,
B.Z., t. XVI, 1907, p. 70 sq. ; N. Hell, t. VIII, 1911, p. 50 sq. et p. 144 sq., des poésies en
l'honneur des Comnènes tirées d'un ms. de la Marcienne ; ibid., t. II, 1905, p. 387, acclamations
en l'honneur de Jean I I ; sur les sources (en général) concernant le règne de cet empereur,
cf. G. OSTROGORSKIJ, Geschichte3, p. 310 sq.
i!
Les successeurs d'Alexis IeT Comnène 227
surnom de Kaloïôannès (Jean le Bon) (1) ; la postérité l'a considéré comme xopcavlç
TÔV 8<Toi 'PMJAOUWV èx TOU TÛV Ko[i.vy)vcov yévouç ÛTCpsxàOiaav (le meilleur parmi tous
les empereurs de la maison des Comnènes) (2). Continuateur heureux de l'œuvre de son
père Alexis, Jean II s'occupa particulièrement des affaires de l'Orient, et notamment de
la guerre contre les Seldjoucides. L'Occident et ses rapports avec l'Empire occupèrent
surtout la diplomatie byzantine, soucieuse de se rapprocher du pape afin d'empêcher
la formation d'un front antibyzantin que les Normands essayaient de créer, surtout après
la première croisade et la situation qui en était résultée (3). Les armées byzantines n'ont
exercé aucune sorte de pression sur cette partie du monde ; elles étaient suffisamment
occupées dans les Balkans et en Asie Mineure.
L'établissement du pouvoir byzantin en Asie Mineure a été l'acte final du long
effort militaire déployé par Alexis I e r pour la restauration de l'Empire. Les campagnes
qu'il mena personnellement contre les Seldjoucides pendant les dernières années de son
règne ont rendu à Byzance la Bithynie et une partie de la Phrygie et de la Pisidie (4),
créant ainsi une zone byzantine à l'intérieur du pays, parallèlement à la zone côtière
établie tout le long du littoral méditerranéen de l'Asie Mineure, à la suite des expéditions
maritimes de l'extrême fin du xi e siècle. Les Turcs enfermés entre ces deux zones byzan-
tines, coupés de leurs compatriotes d'Anatolie, gênés dans leurs contacts avec le Sultanat
établi entre-temps à Iconion (5), au milieu d'une population grecque importante, seront
vite neutralisés. Ce fut surtout l'œuvre des successeurs d'Alexis I e r et notamment de
Jean II Comnène.
A l'exemple de son père, Jean II mena personnellement plusieurs campagnes contre
les Turcs de Phrygie, de Pamphylie, de Galatie et de Paphlagonie (6). Il installa dans
ce but son état-major à Lopadion, sur le fleuve Ryndakos, dans la forteresse qu'il
(1) EfSTATHE, De expugnatione Thess., p. 130 : « viens, Jean le bon », « ils appelaient l'empe-
reur Jean au secours » ; W. REGEL, Fontes, I, p. 67 : « à Jean, appelé à juste titre le bon, vont les
premiers éloges ».
(2) NICETAS CHONIATE, p. 63-64.
(3) S. I/AMPROS, Chrysobulles et lettres des empereurs de Byzance concernant l'union des
Eglises (en grec), N. Hell., t. II, 1914, p. 109-111, et le commentaire de G. OSTROGORSKIJ, op. cit.,
p. 318 et n. 2.
(4) Cf. le récit d'ANNE COMNENË, III, p. 159 sq., et 187 sq. L'armée d'Alexis dans la région
de Philomèlion, ibid., III, p. 201-209.
(5) Sur les Turcs d'Asie Mineure, cf. ci-dessus, p. 176, n. 1 : ajouter, P. WlTTEK, Byz.-
selschukische Beziehungen, Oster. Genootschap in Nederland, Leyden, 1936 ; et A. GORDE-
I.EVSKIJ, L'Empire seldjoucide en Asie Mineure (en russe), Moscou, 1941.
(6) Sur les campagnes micrasiatiques de Jean II, et l'expansion de l'Empire dans la région
du fleuve Halys, cf. surtout, THÉODORE PRODROME, P.G., t. CXXXIII, col. 1373-1392, éloge
adressé à Jean à l'occasion de la prise de Kastamonè en 1133 ; prise de villes et de forteresses
228 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
'• !.
'Y, construisit et qui devint le lieu de concentration des troupes byzantines opérant en
Asie (i). De là elles empruntaient les routes qui mènent soit vers la Galatie et la Paphla-
gonie, soit vers la Pamphylie et la Cilicie et donc la Syrie. Les campagnes victorieuses
de Jean II contre Laodicée, Sôzopolis, Attalée, Gaggra, Kastamonè et Trébizonde
* : dissidente depuis longtemps du pouvoir constantinopolitain, et contre Tarse et Anabarze
* en Cilicie (2), villes prises et reconstruites par cet empereur (3), qui ne manqua pas
de célébrer leur soumission (notamment celle de Kastamonè) par des triomphes à
Constantinople (4), ont élargi la frontière byzantine, assuré la continuité du territoire
impérial en Asie Mineure, et donné à la flotte de nouvelles bases importantes lui permet-
tant de contrôler, outre le littoral de la Méditerranée orientale, le rivage septentrional
du Pont. L'Asie Mineure occidentale dans son ensemble fait maintenant partie intégrante
"A 1 de l'Empire, l'administration byzantine s'y installe et fonctionne régulièrement : elle
i sera à son complet surtout sous le successeur immédiat de Jean II, son fils Manuel I e r
II Comnène (5).
l ;, Empereur militaire féru de campagnes terrestres, Jean II Comnène ne s'occupa
• { :i guère de l'appareil maritime de l'Empire qui, mis en place par Alexis I e r , continua à
fonctionner normalement, mais dont les unités ne furent point renouvelées (6). L'armée
I ' non mentionnées p a r les autres sources de l'époque, ibid., col. 1380-1383, inconnues même de
i : '• KINNAMOS, p . 5 sq., qui donne pourtant un récit précis des campagnes micrasiatiques de
j Jean I I Comnène. Sur les campagnes en Cilicie et en Syrie, cf. C. CAHEN, La Syrie du Nord,
P- 359 sq. ; A B O U I , - F E D A , R.H.C., Historiens Orientaux, I, p . 8 sq.
i. (1) H . GlWKA.Tzl-AHRWEn.ER, Les forteresses construites en Asie Mineure face à l'invasion
1ï •
seldjoucide, Akten d. XI. inter. byz. Kongr., Munich, 1958, p . 182-189.
(2) Cf. P . I/AMMA, L a spedizione di Giovanni Comneno in Cilicia e in Siria in u n panegirico
di Michaele Italico, Memorie délia Ac. délie Scienze di Bologna, Cl. di scienze morali, V, 4, 1952 ;
1
KEMAI,-ED-DIN, R.H.C., Historiens Orientaux, I I I , p . 674 sq., OUSAMA, Autobiographie, éd. DEREN-
i :
! ' BODSG, Revue de l'Orient Latin, t. I I , 1894, p . 439 sq.
i
(3) H . GI<YKATZI-AHRWEII,ER, op. cit., p . 185 sq. : sur la reconstruction de Kastamonè e t
de Gaggra, cf. E . KURTZ, Unedierte Texte aus d. Zeit d. Kaisers J . Komnenos, B. Z., t. X V I ,
1907, p . 80. Sur la fin des hostilités avec les Turcs de la régions du Pont, cf. F . DÔI.GER, Regesten,
n° 1308 sq.
(4) Poésies et éloges composés à cette occasion, N. Hell., t. I I , 1905, p . 387-391 :
0 Hymnes des dèmes à J e a n Comnène » ; Notices et Extraits des ms. de la Bibl. du Roi, t. X X I I I ,
p. 3 sq. ; E. KURTZ, op. cit., p. 80 sq. ; et surtout, THÉODORE PRODROME, P.G. t. CXXXIII,
col. 1362-1370, et col. 1373-1383 ; le triomphe célébré par Jean II, ibid., col. 1383 sq.
(5) Ci-dessous, p. 271 sq.
(6) Ni les éloges, ni les poésies adressés à Jean II Comnène ne font allusion à la
construction d'une flotte, malgré le fait que les préparatifs militaires de cet empereur sont
souvent le sujet de ce genre de littérature : cf. p. ex. P. G., t. CXXXIII, col. 1363, où il est question
de « préparation de toutes sortes de machines en bois » et où, malgré l'emploi du terme exartysis
( = préparation, mise en état), il ne s'agit point de l'armement d'une flotte. Seul NICETAS CHONIATE,
è
Les successeurs d'Alexis Ier Comnène 229
de mer, tenue à l'écart des opérations qui se déroulent à l'intérieur des Balkans et de
l'Asie Mineure, ou contre des ennemis maritimes (Turcs du Pont, Arméniens de Cilicie)
mais dépourvus d'une puissance navale, joue un rôle secondaire dans les afiFaires militaires
de l'époque. Elle appuie les opérations menées par l'armée de terre. Ses détachements
fluviaux stationnés àPyramos (Cilicie) et sur le Danube assurent le passage des troupes qui
opèrent dans ces régions : ils sont les seuls à manifester, ne fût-ce que comme simples bacs,
une certaine activité militaire (1). La flotte qu'Alexis I e r avait construite se contente
de la garde du littoral méditerranéen, que personne pour le moment ne menace
sérieusement.
La fin de la première croisade et l'établissement des Latins en Orient ont inauguré
en effet une nouvelle ère dans les relations maritimes entre l'Occident et l'Orient. La
Méditerranée orientale occupe maintenant une place importante dans la politique des
puissances maritimes de l'Italie et de l'Occident en général. La création de foyers latins
en Orient ouvre de nouvelles perspectives aux échanges commerciaux entre les deux
bassins méditerranéens. Les villes commerçantes et maritimes de l'Italie sont les pre-
mières à tenir compte de cette situation ; pour le moment elles essaient de consolider
leur position sur le littoral syrien et palestinien, et d'obtenir des Principautés franques
et normandes de l'Orient des privilèges économiques et commerciaux (2). Les mers
byzantines sont désormais sillonnées par des flottes commerciales ; elles connaissent de
nouveau une période de paix, qui n'est troublée que par quelques actes isolés de piraterie ;
ceux-ci n'ont jamais fait défaut dans les parages de la Méditerranée orientale ; ils sont
maintenant le fait d'initiatives privées ou individuelles, ils sont limités localement et
ne préoccupent point la politique constantinopolitaine (3).
Jean II Comnène, à l'exemple de plusieurs de ses prédécesseurs, essaya de tirer
de cette situation des avantages économiques. D'abord, il refusa de renouveler les
privilèges accordés par son père à Venise (Byzance n'avait point à ce moment besoin
d'aide maritime) ; cette mesure lui permit de rendre à l'Empire la levée des droits sur
p. 24, mentionne la mise en état par Jean II de « navires rapides » (corr. Ta^uvauxoiiiTaç) qui par-
ticipèrent aux opérations contre les Hongrois, qui se sont déroulées dans le fleuve Istros : il s'agit
bien entendu d'une simple escadre fluviale.
(1) NicÉTAS CHONIATE, p. 24, 67 ; SKOTJTARIÔTÈS, p. 194, 217.
(2) Sur ce point, cf. outre le travail toujours fondamental de W. HEYD, Histoire du commerce
du Levant (tr. fr. F. RAYNAUD), Leipzig, 1885, t. I, p. 152 sq., E. H. BYRNE, Genoese colonies
in Syria, The Crusades and other historical essays presented to D. C. Munro, New York, 1928.
C. CAHEN, La Syrie du Nord, p. 472. sq. ; R. GROUSSET, L'Empire du Levant, Paris, 1949, p. 319 sq. ;
A. LEWIS, Naval Power, p. 241 sq. ; citons à titre d'exemple les privilèges accordés par les États
des Croisés à Venise : cf. TAFEI,-THOMAS, Urkunden, I, p. 64-65, 66, 75, 77 (nomination d'un consul
vénitien en Syrie), p. 78, 79, 95, etc., et KHSTNAMOS, p. 281 : prise de Tyr par les Vénitiens.
(3) Ci-dessous, p. 229 sq.
230 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
(1) Ils sont installés à ce moment à Constantinople, dans les villes côtières de la Pro-
pontide, et dans les îles (Lemnos, etc.) : cf. TAFEI,-THOMAS, Urkunden, I, p. 55, 67, 98-101, 103-
105 ; KINNAMOS, p. 281.
(2) NICÉTAS CHONIATE, p. 74.
(3) Ibid., p. 75 ; à comparer avec la version B : a Les sommes recueillies dans les régions
côtières ( = pleustikai strateiai) et destinées à la solde des marins (soldats des katerga) et à
l'armée de mer furent versées sur ordre de l'empereur dans la caisse impériale : l'empereur argua
Les successeurs d'Alexis Ier Cotmène 231
que, comme les navires et leurs équipages ne naviguaient pas continuellement, il était inutile
de dépenser cet argent en vain, étant donné qu'en cas de besoin il était facile d'assurer le verse-
ment de la solde des marins par la caisse impériale (basilikon vestiarion). » SKOUTARIÔTÈS, p. 220.
(1) NicÉTAS CHONIATE, p. 75-76 ; cf. aussi ci-dessous, p. 229 sq.
(2) Nicétas Choniate mentionne la mesure de Jean I I à propos de la carrière de son insti-
gateur, Poutzès, qui fut protonotaire du drome et ensuite, à la fin du règne de Jean II, grand
logariaste (cf. NICÉTAS CHONIATE, p. 73-74 : logistès mégistos ; ibid., version B : mégas logiastès ;
SKOTJTARIÔTËS, p. 220 : mégas logariastës) ; Poutzès pouvait proposer la mesure en question en
tant que protonotaire du drome (responsable économique du service de la poste impériale et des
relations avec les étrangers) ou en tant que grand logariaste : ainsi on ne peut avoir de données
sûres en ce qui concerne la date des mesures maritimes de Jean I I à travers la carrière de leur
instigateur.
(3) Ci-dessous, p. 232.
(4) KCNNAMOS, p. 281-282.
**i 232 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
'• 1 .
'Y diplomatique est absolument normale, les privilèges concédés à des personnes publiques
J' et privées n'étant garantis qu'après confirmation de l'empereur régnant. Jean II, nous
dit André Dandolo, « omissis paternis vestigiis id facere renuit » (1). La réaction
vénitienne fut immédiate. De l'Adriatique où elle stationnait, la flotte vénitienne appa-
' , reilla vers Byzance. En 1122, elle attaqua l'île de Corfou. Un peu plus tard, les déta-
* chements de la flotte vénitienne qui se trouvaient en Syrie et en Palestine reçurent l'ordre
•J d'attaquer le territoire impérial. En accord, semble-t-il, avec les barons francs, la flotte
!• , . ' vénitienne de l'Orient attaqua Rhodes, tandis qu'en 1126 une flotte de quatorze galères
1
* ! ravagea la ville de Céphalonie (2). En outre, les Vénitiens installés dans l'Empire et
1 notamment à Constantinople, chassés par Jean II Comnène, qui pratiqua une politique
j antivénitienne conséquente, attaquèrent sur leur chemin de retour les îles égéennes,
1
"A j mirent à sac Mitylène et ravagèrent Chios. Le récit de Kinnamos (3), le seul à mentionner
cet aspect de la politique de Jean II contre Venise, nous fait connaître cet exploit vénitien,
i ' le plus important avec l'attaque contre Rhodes, et que seule l'absence de flotte byzantine
! peut expliquer. Il nous semble certain qu'en 1126 les mesures antimaritimes de Jean
Poutzès étaient donc en vigueur.
A la suite de la réaction vénitienne et des succès de la flotte de Venise dans
toutes les parties des mers byzantines, Jean II fut obligé d'abandonner sa politique
contre la République adriatique et ses sujets installés dans l'Empire. Il demanda la
paix, reconnut les services rendus dans le passé par Venise à Byzance, et renouvela
enfin le chrysobulle de son père, par le chrysobulle de 1126, qui permit aux citoyens
vénitiens de sauvegarder et d'augmenter leurs intérêts économiques aux dépens de
l'activité commerciale des Byzantins. Le chrysobulle de 1126 (4) illustre mieux que
tout autre acte l'échec de la politique maritime de Jean II Comnène et prouve quel
mauvais calcul fut pour Byzance, pour sa prospérité et son prestige, l'économie réalisée
par la suppression des dépenses destinées à l'entretien de la flotte et de l'armée de mer,
seule arme à pouvoir répondre efficacement à la politique arrogante et expansionniste de
l'Occident qui, dominant déjà la Méditerranée occidentale, cherchait à s'installer dans
la Méditerranée orientale et à faire de cette mer un « lac latin ». Nous avons là le but
inavoué des puissances maritimes de l'Occident qui se sont empressées de secourir les
Croisés, et de mettre, après s'être installées en Orient, leurs flottes au service des États latins
de l'Orient. Manuel I e r tirera profit de la leçon que Venise infligea à Byzance. Contrai-
rement à son père, il s'occupera particulièrement de l'appareil maritime de l'Empire
(il est de ce point de vue le continuateur de l'œuvre d'Alexis I er ) et, armé d'une puissance
navale importante, il essaiera de freiner, à l'exemple de son père, l'expansion économique
de l'Occident et de briser l'arrogance de Venise, cet allié embarrassant qu'Alexis I e r
légua à l'Empire.
B. MANUEL I e r COMNÈNE
Quelques lignes de Nicétas Choniate nous révèlent d'une façon précise et claire
les principes qui ont dominé la politique étrangère et le programme diplomatique de
Manuel I e r Comnène. Peu favorable à cet empereur, Nicétas Choniate souligne, non
sans une légère ironie, que Manuel I e r , à l'exemple de ses prédécesseurs illustres, les
grands empereurs romains qu'il a voulu imiter et dont il a voulu surpasser les exploits,
« porta ses regards à tous les bouts de la terre » (1). « II visa plus loin que les autres
empereurs qui cependant avaient porté les frontières byzantines non seulement d'une
mer à l'autre, mais de l'Orient aux colonnes de l'Occident » (Gibraltar) (2). En effet
la politique extérieure de Manuel I e r Comnène, animée par des aspirations universalistes,
vise à consolider et à étendre l'autorité byzantine en Occident et en Orient. Elle se
manifeste par une intervention active dans les affaires internationales de l'époque ; elle
a fini par mettre l'Empire en face des puissances latines et musulmanes qui se disputaient
à ce moment la maîtrise de la Méditerranée orientale (3). Les multiples expéditions
outre-mer, les oTCpopiot, TCOÀS^OI. et orpaTsiai des Byzantins, organisées par Manuel I e r ,
qui ont mené les armées byzantines de Palestine en Italie, et de l'Adriatique en Egypte,
opérations ambitieuses, lourdes de conséquences pour les finances du pays et âprement cri-
tiquées par la suite (4), manifestent le désir de l'Empire de s'aflirmer en tant que puissance
mondiale et arbitre universel. Elles illustrent l'idée impériale romaine, à laquelle Byzance,
malgré ses multiples revers, n'avait jamais renoncé (5), idée qui guida toute la politique
de Manuel I e r et qui fut chère aussi à Jean II Comnène, comme nous le montre clairement la
lettre adressée par ce sage empereur au pape Innocent II à propos de l'union des Églises (6).
234 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
'• ,'•
p A u n moment où les Occidentaux s'installent grâce aux États des Croisés en Orient
': et où le Sultanat syrien accroît son influence sur l'Egypte (1), la Méditerranée orientale,
seule route de communication entre la métropole latine et ses « colonies » asiatiques,
est constamment sillonnée par des flottes étrangères. Les échanges entre l'Orient et
l'Occident rendent le trafic commercial particulièrement animé et dense. Les avantages éco-
nomiques procurés par l'exercice des métiers maritimes et marchands n'échappent pas aux
1 musulmans, qui cherchent à s'assurer des débouchés vers les côtes ciliciennes et syriennes
• •'• ' • ; d'une part, palestiniennes et égyptiennes d'autre part (2). Ils trouvent en face d'eux
les Byzantins et les Croisés ; chacun agit pour son propre compte. L e jeu de la diplomatie
trouve, avec les hostilités presque permanentes dans cette partie d u monde, libre cours.
Maintenant plus que jamais, Byzance, soucieuse de consolider sa position en Orient,
se trouve obligée d'entretenir u n appareil naval important, capable de contrôler les mers
| | !, ' fréquentées par des flottes de toute nationalité, et de lui assurer, par l'exercice d'une
y j'; suprématie sur la Méditerranée orientale, le rôle d'arbitre qu'elle revendique, avec les
• j* j, avantages économiques que cela comporte. Conscient du rôle important qui revenait à
:
! '! l'armée de m e r dans le monde du XIIe siècle, Manuel I e r s'occupa particulièrement de
. '. la force navale d e l'Empire et tout spécialement d e l'entretien d e la flotte, considérée, à
• .< juste titre, comme l'arme indispensable à l'application d'une politique d'expansion
l exercée contre des puissances maritimes. Plusieurs flottes importantes furent construites
J ' \ pendant le long règne de Manuel I e r , qui n'eut qu'à puiser dans les richesses accumulées
,i || grâce à la politique conservatrice et prudente en matière économique et fiscale de
' i ( Jean I I Comnène. Examinons les diverses phases d e l'effort militaire de Manuel I e r ,
sous l'angle naval. Les opérations menées en Syrie, en Italie et en Egypte, constituent,
avec la réaction byzantine à la seconde croisade, des étapes importantes de l'histoire
navale de Byzance au cours de la première moitié d u XIIe siècle.
L E S OPÉRATIONS EN SYRIE
I
1
caractérisée par R. GROTJSSET, op. cit., p. 425-439, comme « La croisade byzantine » ; sur les rela-
tions de Manuel I e r avec l'État d'Antioche, cf. ibid., p. 221 sq., et 229 ; et surtout C. CAHEN,
! La Syrie du Nord, p. 347 sq., p. 395, la campagne de Manuel.
•i
"it '
• < ! • '
Les successeurs d'Alexis Ier Conmène 235
expédition fut organisée contre la Syrie (1). Son succès est dû dans une large mesure à
la flotte byzantine, qui y participa sous le commandement de Dèmètrios Branas. La
flotte transporta le corps expéditionnaire. L'armée de mer prit part aux opérations devant
Antioche et, après le départ par la Cilicie de l'armée de terre, poursuivit les hostilités.
Elle investit les régions côtières de la principauté d'Antioche, faisant un grand nombre
de captifs, parmi lesquels un haut fonctionnaire normand. Elle brûla les navires qui
stationnaient sur les côtes syriennes et s'empara des forteresses maritimes de la région.
Bref, chargée d'un riche butin, elle gagna l'île de Chypre, étape du voyage entre Constan-
tinople et la Syrie-Cilicie (2).
L'action de la flotte byzantine contraignit le chef de la Principauté d'Antioche,
Raimond, à gagner Constantinople et à reconnaître la suzeraineté byzantine (1144),
ce qui mit fin aux hostilités entre l'Empire et les princes normands d'Antioche, qui
se poursuivaient avec acharnement et obstination depuis Alexis I e r (3). Nous devons
à Théodore Prodrome un long poème sur les succès de Manuel en Syrie et en Cilicie,
qui, au dire du poète, ont éclipsé les victoires de Jean I I : « Invincible, écrit
Prodrome en s'adressant à Manuel, tu as vaincu même ton père » ; « toi l'héritier, tu as
dépassé celui à qui tu dois ton héritage » (4). Toutefois l'opération de pillage, véritable
acte de piraterie, que le prince Renaud de Chatillon entreprit par la suite contre l'île
de Chypre, qui fut suivie de la dévastation de l'île et du massacre d'un grand nombre
de ses habitants (5), et de ce fait désapprouvée et désavouée par les chroniqueurs occi-
dentaux eux-mêmes (6), montra une fois de plus que Byzance ne pouvait compter
longtemps sur l'alliance normande. Les bases de la flotte byzantine situées dans les
mers Pamphylienne et Cilicienne (Chypre, Séleucie, Tarse) ne pouvaient demeurer
impunément dégarnies.
Les relations avec la Principauté d'Antioche, l'attitude des Arméniens de Cilicie,
et les revendications byzantines envers l'Egypte ont conduit plusieurs fois la flotte
byzantine dans les parages de la Méditerranée orientale. Les îles de Rhodes et de Chypre,
contrôlant par ailleurs les voies maritimes entre l'Orient latin et l'Occident, constituent
pendant cette période les plus importantes bases navales de l'Empire. Elles sont souvent
mentionnées comme escales et centres de ravitaillement de la flotte qui opère sur les
côtes syriennes, palestiniennes et égyptiennes (1). U n détachement de la flotte byzantine
mis à la disposition de l'empereur allemand Conrad I I I visita, lors de la seconde croisade,
la Syrie et la Palestine d'où il ramena Conrad à Thessalonique (2). L e roi de France
Louis V I I s'embarqua de Palestine sur des bateaux grecs pour rentrer dans son pays (3).
,.; j • Des navires byzantins stationnent à Tripolis de Syrie (4). L a flotte byzantine fut attaquée
par une flotte égyptienne qui ravageait les côtes syriennes (1151) (5). Enfin, une escadre
importante de la flotte impériale (soixante vaisseaux au moins) visita la Palestine (6)
avant de se diriger sur l'Egypte et de rejoindre la grande flotte qui transportait le corps
expéditionnaire envoyé par Manuel contre Damiette (7).
•;*] | E n conclusion, remarquons que les sources grecques, latines ou orientales, concer-
* jj ' nant l'histoire de la Cilicie, de la Syrie et de la Palestine pendant la période que couvre
v' I' ; le règne de Manuel I e r , laissent entendre que la présence de la flotte byzantine dans
. |< ('| ces régions fut presque permanente. En effet les guerres contre la Principauté d'Antioche
d'une part et la seconde croisade d'autre part ont mobilisé, outre la flotte stationnant
dans les bases de la Méditerranée orientale, l'escadre constantinopolitaine, qui fut envoyée
dans les mers Cilicienne et Syrienne afin d'appuyer les opérations menées par l'armée
byzantine et de contrôler les mouvements des Croisés (8). La flotte byzantine, qui opérait
en Méditerranée orientale pendant les luttes contre la Principauté d'Antioche et lors
de la seconde croisade, était sans doute composée de bateaux construits sous Alexis I e r .
Jean I I , qui, nous l'avons vu, mit l'argent destiné à la flotte dans la caisse impériale,
ne semble pas avoir remplacé la dernière grande flotte de son père (9), et Manuel n'a
(1) NICETAS CHONIATË, p. 209 ; J. A. CRAMER, Anecdota Oxoniensia, III, 1936, p . 171-172 ;
EDRISI, Géographie, tr. A. JATJBERT, Paris, 1840, II, p. 129-130 ; TZETZËS, Epistulae, p . 12, 15 ;
Itinéraires russes en Orient, tr. fr. B. de KHITROWO, Genève, 1889, p. 8-10 ; K. HORNA, op. cit.,
P- 343 ; C. IMPÉRIALE, Codice diplomatico d. Republ. di Genova, Fonti d. Inst. stor. ital. per il
Medio Evo, t. I I , p . 233 ; et surtout KINNAMOS, p. 35 ; pour le recrutement des mercenaires
occidentaux faisant escale à Rhodes avant de se rendre en Palestine, cf. ibid., p . 198-199 ; et
C. CAHEN, La Syrie du Nord, p. 379 sq.
(2) KINNAMOS, p. 86-87.
(3) Ibid., p. 87-88.
(4) Ibid., p. 209.
!,j' :i, (5) ABOU CHAMAH, R.H.C., Historiens orientaux, IV, p. 72.
Jtj ' [ (6) KINNAMOS, p. 278 sq. ; NICETAS CHONIATE, p. 209 sq. ; GUHAATJME DE TYR, R.H.C.,
!( i 11 j Historiens occidentaux, I, p. 962.
(7) Ci-dessous, p. 263 sq.
(8) Ci-dessous, p . 237 sq.
(9) Ci-dessus, p. 230 sq.
h
Les successeurs d'Alexis I e r Comnène 237
entrepris la construction d'une nouvelle flotte à Constantinople que pour les guerres
contre les Normands de Sicile et, pendant les expéditions outre-mer, contre
l'Italie d'abord et contre l'Egypte ensuite.
LA SECONDE CROISADE
(1) P. RousSET, L'idée de Croisade chez les chroniqueurs occidentaux. Actes du Xe Congrès
inter. d. Sciences historiques, Rome, 1955 : Relazioni, III, Storia del Medioevo, p. 547.
(2) Sur la seconde croisade, cf. ST. RUNCIMAN, The kingdom of Jérusalem and the Frankish
East (1100-1187), Cambridge, 1954, et Annelise LÙDERS, Die Kreuzzuge im Urteil syrischer
u. armenischer Quellen, Berlin, 1964, p. 73-78 (Byzance).
(3) KINNAMOS, p. 67, rapporte que Manuel I e r considéra la croisade comme une sorte de
guerre non déclarée contre « ceux qui n'avaient rien fait » (Byzantins).
(4) Ci-dessous, p. 240 sq.
(5) S. LAMPROS, Chrysobulles des empereurs de Byzance concernant l'union des Églises
(en grec), N. Hett., t. II, 1914, p. 112 sq. ; V. GRUMEX, AU seuil de la deuxième croi-
sade : deux lettres de Manuel Comnène au pape, R.E.B., t. III, 1945, p. 143-167 ( = P. DÔLGER,
Regesten, n° 1348) ; W. OHNSORGE, Ein Brief z. Geschichte Manuels I. von Byzanz, Festschrift
A. Brackmann, Weimar, 1931, p. 391-393 (P. DCVCGER, Regesten, n° 1533 : corriger la date 1180
en 1147).
(6) P.L., t. CIvXXXV, col. 383 (= F. DÔI.GER, Regesten, n° 1350) ; KJNNAMOS, p. 67-68;
NICETAS CHONIATE, p. 80-81.
(7) KTNNAMOS, p. 66 ( = P. Dôi,GER, Regesten, n° I352)-
(8) Cf. sur ce point les remarques de P. LEMERi<Ë, Byzance et la Croisade, Actes du
Xe Congrès inter. d. Sciences historiques, Rome, 1955, Relazioni, III, Storia del Medioevo, p. 603 sq.
238 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
ordonna aux apographeis (recenseurs) d'évaluer les troupes des Croisés : « Mais comme
l'importance du nombre rendait toute évaluation impossible, précise Choniate, ceux
qui étaient assignés à ce service, découragés, abandonnèrent tout effort de recense-
ment » (1). Eustathe de Thessalonique raconte à ce propos que les Croisés étaient en
nombre tel que « la postérité aura du mal à croire à son importance », nombre [i.eTpY)Toç
(qu'on peut évaluer) mais difficilement àpi0[X7)T6ç (chif&able), et qui atteignait de toute
façon plusieurs dizaines de milliers (2). Enfin Michel le Rhéteur, témoin oculaire de la
traversée du Bosphore par les Croisés, considère ce « peuple innombrable » comme plus
nombreux que « les grains de sable des rives de la Propontide » (3).
On comprend facilement l'atmosphère qui régnait à Constantinople lors du séjour
des Croisés sous les murailles de la ville. « Nous, la foule sans armes, dit Michel le Rhéteur,
nous étions dans la peur et l'angoisse » ; « les militaires en colère demandaient à l'empereur
l'ordre d'attaquer et de disperser cet amas d'hommes » ; Manuel seul « restait calme et
serein » (4) ; il ne s'occupait que de l'organisation du passage des Croisés en Asie ; il
voulait débarrasser le plus vite possible la capitale de « ses amants encombrants dont
elle repoussait les avances » (5). Pour la traversée du Bosphore, qui dura plusieurs jours,
on mobilisa toutes sortes d'embarcations qui mouillaient dans la mer constantinopolitaine
et la Propontide. Nous devons à Eustathe une description détaillée de ce mouvement
comparable seulement à celui qui « amena les armées de Xerxès en Europe ». « Les Croisés,
embarqués sur une flotte entière d'innombrables navires, passèrent sur l'autre rive.
La flotte était imposante et les navires de tous types, les plus nombreux étant les bateaux
de transport (fortagôgoi) ; leur charge était de milliers d'hommes ; on comptait ces
milliers d'hommes par le nombre culminant des chiffres décadiques (par dizaines)...
nombreux furent ceux qui ont été véhiculés ainsi vers la mort. La population (de Constan-
tinople) consacra plusieurs jours à ce transport, alors que les détroits semblaient trans-
formés en un pont (zeugma), car le grand nombre de bateaux et leur constant va-et-vient
donnaient à celui qui y assistait l'impression que le Bosphore était couvert de navires » (6).
« Ainsi même contre leur gré ils débarquèrent sur l'autre rive » (7), « ceux qui avaient
été conduits par la convoitise et excités par l'appât du gain, et ne visaient en vérité
U'
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il)-;
. i !.
ï '• »
Les successeurs d'Alexis IeT Commue 241
déjà vif pendant le règne de Jean II mais seulement sur le plan diplomatique (1), devient
dorénavant le centre des préoccupations byzantines. Avec la diplomatie, ce sont la flotte
et l'armée de mer de l'Empire qui constituent maintenant l'arme la plus importante et
la plus efficace dans les luttes que Byzance entreprend contre la grande puissance médi-
terranéenne qu'était devenue entre-temps la Sicile normande de Roger II (2).
Les succès de Roger II en Italie n'avaient cessé d'inquiéter Byzance. Jean II ne
manqua pas de constater la menace que présentait pour l'Empire le progrès normand,
mais, impliqué dans les guerres contre les Turcs en Orient, il se contenta d'exciter contre
Roger les Allemands, qui entreprirent une campagne en Italie, remportèrent quelques
victoires sur l'armée sicilienne, sans réussir pour autant à inquiéter Roger II. Le chef
normand avait été entre-temps couronné par le pape roi de Sicile, de Calabre, des
Pouilles et de Capoue, légitimant ainsi la présence normande sur le sol d'Italie, où seule
Pise, et cela grâce au renouvellement des privilèges qu'Alexis I e r lui avait accordés,
continuait à appartenir au camp antinormand (3).
Une fois que l'installation normande en Italie eut cessé d'être discutée, Roger II,
à l'exemple de son prédécesseur Guiscard, songea à attaquer Byzance. Le prétexte ne
lui manqua pas : il lui fut fourni par le refus de la cour byzantine d'accorder une princesse
de sang royal au fils du roi normand (4). Profitant, comme le note Kinnamos (5), de la
surprise créée à Byzance par la seconde croisade, ou en accord avec les chefs des Croisés,
comme le soupçonne Choniate (6), Roger I I lança en 1147 contre le territoire byzantin
une grande flotte pirate rivalisant en importance et en succès avec celles des Arabes
du Xe siècle (7). La flotte normande appareilla de Brindisi (d'Otranto selon Dandolo)
et atteignit Corfou. Les Siciliens s'emparèrent de l'île grâce à la complicité de sa popu-
(1) F. CHAIANDON, Les Comnènes, II, p. 165-169, 169-171 : rapprochement avec l'Empire
allemand.
(2) P. CHAI,ANDON, Domination normande en Italie et en Sicile, Paris, 1907, t. II, p. 1 sq. ;
B. CASPAR, Roger II und die Grùndung d. normannisch-sizilischen Monarchie, Innsbruck, 1904 ;
et, en dernier lieu, H. WIERTJSZOWSKI, Roger I I of Sicily, Rex-Tyranmis, in twelfth century
political thought. Spéculum, t. XXXVIII, 1963, p. 46-78.
(3) Jean confirma les privilèges de Pise en 1136 : cf. F. DÔI,GER, Regesten, n° 1312.
(4) KINNAMOS, p. 92.
(5) Ibid., p. 92 : « en pleine invasion des nations occidentales à Byzance » ; cf. aussi le récit
de l'incursion de Roger II fait par Isaak I I Ange dans son cnrysobulle en faveur des Vénitiens :
ZEPOS, JUS, I, p. 444-445.
(6) NICÉTAS CHONIATE, p. 97 : « II a agi soit selon un accord passé entre lui et le roi des
Alamanoi (et c'est ce qu'on disait), soit de sa propre initiative. »
(7) Récit des événements par KINNAMOS, p. 91-92 ; NICETAS CHONIATE, p . 96-102 ; T A F E V
THOMAS, Urkunden, I, n ° 5 i , p. 113, d'après la chonique d'Andréa Dandolo ; ZEPOS, Jus, I, p. 444-
445 ( = TAFEI,-THOMAS, op. cit., I, n° 71, p. 190).
H. AHKWEILER 10
242 Des Cotmènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
lation et notamment des classes déshéritées (des gymnoi, pauvres), mécontentes du régime
fiscal byzantin et précisément du versement du kapnikon (1). Une garde normande
composée de mille soldats cuirassés s'installa à Corfou, et l'île entière fut considérée
comme partie intégrante du royaume de Sicile (2).
Après l'annexion de Corfou, la flotte normande poursuit sa route vers le sud (« La
mer Ionienne recevait les navires siciliens », précise Michel le Rhéteur, qui ajoute
cependant que les vaisseaux normands naviguaient au large et avaient évité jusqu'alors
le littoral bien gardé par les Byzantins) (3) et atteint, sans avoir remporté d'autres succès,
Monemvasie, d'où, repoussée par la flotte byzantine qui surveillait le passage, elle
rebroussa chemin (4). Les Normands se dirigèrent alors contre l'Aitolie et PAcarnanie,
dont ils ravagèrent le territoire. Ils pénétrèrent dans le golfe de Corinthe et de Rrissa
(près de Delphes), prirent la route vers Thèbes, ayant transformé les marins de leur
armée en fantassins, comme le dit Choniate (5). Ils mirent la capitale béotienne à sac
et emmenèrent un grand nombre de ses habitants en captivité, notamment les fameux
tisserands de cette région (6). De là ils attaquèrent l'île d'Eubée (opération effectuée
toujours par terre : leur flotte n'ayant pas réussi à pénétrer dans la mer Egée était restée
dans le golfe de Corinthe) et descendirent finalement à Corinthe, qu'ils parvinrent à
investir et à piller aponèti (sans difficulté), sans que la garde de la ville, réfugiée dans
l'Acrocorinthe, opposât la moindre résistance. Après ces succès foudroyants dus à
l'absence de toute défense byzantine, notamment de la part de l'armée de terre attachée à
ces régions, les Normands qui, comme le précise Choniate, n'avaient « nulle part rencontré,
ni sur mer ni sur terre, une opposition pouvant se mesurer à leur force » (7), retournèrent
chez eux chargés d'un important butin ; « en regardant leurs bateaux, dit encore Choniate,
on les aurait pris pour de grands bateaux de commerce et de transport, dont le rang
supérieur de rames touchait presque l'eau tellement leur charge était riche et lourde » (8).
Conquête de Corfou, attaque sans succès de Monemvasie, pillage de l'Acarnanie
et de l'Aitolie, arrêt de la flotte à Krissa, marche contre Thèbes et sac de la ville, attaque
(1) Détail rapporté seulement par Nicétas Choniate, qui reste seul, en outre, à faire état
de la collaboration des indigènes avec les Normands : NICÉTAS CHONIATE, p. 97.
(2) NicÉTAS CHONIATE, p. 97 ; KINNAMOS, p. 92 : « Ils l'ont entièrement conquise et l'ont
considérée comme leur propre bien. »
(3) W. REGEt, Fontes, I, p. 156.
(4) NICÉTAS CHONIATE, p. 97-98.
(5) Ibid., p. 98 : « I/ex-marin devient terrien. »
(6) Ibid., p. 99 ; sur l'art des tisserands thébains, cf. Scholia ad Tzetzae, Epistulae,
éd. J. A. CRAMER, Anecdota Oxoniensia, III, 1836, p. 363, et TZETZES, Epistulae, n° 61, p. 57.
(7) NICÉTAS CHONIATE, p. 98 ; ibid., p. 99 : « Ils n'ont pas rencontré d'opposant ni sur terre
ni sur mer. »
(8) Ibid., p. 101-102.
Les successeurs d'Alexis Ier Comnène 243
par les bûcherons afin de procurer à la marine des Romains (Byzantins) des birètnes,
de petits et de grands navires, des dromons, des bateaux de transport et de convoi et
toutes sortes d'embarcations nécessaires à la constitution d'une flotte ; et comme les
enfants suivent leur mère, les trièreis étaient suivies par les dièreis et celles-ci par les
monèreis dans leur voyage vers le sud : c'est vers la mer Egée que se dirigèrent ces vais-
seaux, œuvre vraiment royale » (1).
La flotte mise en état ou construite à neuf pour combattre l'attaque normande
dirigée contre la Grèce et le Péloponnèse par Roger lui-même est la première grande
flotte préparée par Manuel I e r . Elle remplaça les grandes flottes construites par Alexis I e r ,
et fut placée sous les ordres d'Etienne Kontostéphanos, beau-frère de l'empereur, nommé
à cette occasion grand-duc (2). Achevée vers le printemps de 1147, elle appareilla de
Constantinople, descendit la mer Egée, et, voguant à la rencontre de la flotte ennemie,
jeta finalement (automne 1147) (3) l'ancre devant Corfou, déjà enlevée par les Normands,
tandis que l'armée de terre, commandée par l'empereur lui-même, empruntait la route
de l'Épire (4), afin d'empêcher les entreprises contre ces régions et d'aider l'armée de
mer dans ses opérations pour la reconquête de Corfou. La prise de cette île fut incontes-
tablement le plus grand exploit des Normands ; il suscita de la part des Byzantins une
vive et énergique réaction. Manuel commanda personnellement l'expédition qui avait
pour but la reconquête de l'île.
La flotte byzantine, soit à cause de l'inexpérience de son commandant, soit parce
que le mauvais temps ne lui permit pas d'agir librement, laissa passer, selon Kinnamos (5),
un long moment sans manifester d'activité militaire importante. Arrivée enfin devant
Corfou, elle entreprit, secondée par la flotte vénitienne, le siège de la ville. Les opérations
devant Corfou furent longues et difficiles (6). Le grand-duc de la flotte byzantine y trouva
la mort, et bien que Manuel commandât personnellement les assauts contre la forteresse,
faisant preuve d'une bravoure qui suscita l'admiration de ses contemporains (7),
Corfou défendue par la garde normande, aidée par la flotte sicilienne et sans doute par
la population byzantine hostile à l'administration impériale, résista aux attaques obstinées
''ii des assaillants. En outre la querelle armée qui se déclencha à ce moment entre les équi-
.[ ' pages vénitiens et byzantins, et cela malgré les précautions prises pour la séparation du
( commandement et des ancrages des deux flottes (1), compliqua la situation et envenima
gravement les relations de la république adriatique et de l'Empire (2). La flotte vénitienne,
' , celle qui se trouvait à Corfou pour secourir les Byzantins, se livra tout de suite à des
* actes de piraterie contre la population byzantine (3). La réconciliation ne fut obtenue
qu'après l'intervention personnelle de l'empereur. Manuel, engagé dans le siège difficile
de Corfou, essaya par tous les moyens d'apaiser les heurts entre les équipages des deux
flottes, mais sa politique ultérieure à l'égard de Venise montre, comme le notent Kinnamos
et Choniate, que la querelle byzantino-vénitienne devant les murs de Corfou avait
compromis aux yeux de l'empereur toute collaboration et toute bonne entente avec les
Vénitiens, alliés souvent embarrassants pour Byzance (4). C'est à la suite surtout de
l'incident devant Corfou que les Byzantins, déjà instruits sur la fidélité des Vénitiens par
leur comportement lors du règne de Jean II, commencèrent à douter sérieusement de
i I l'alliance avec la république adriatique. Kinnamos appelle sans hésiter Venise « nation
I 1; corrompue, injurieuse, arrogante... servile et immonde comme peuvent l'être les
. ! marins » (5). Les Vénitiens deviennent dorénavant la cible des orateurs de Constantinople,
^ 'j qui n'hésiteront point à employer sur leur compte et sur le compte de leur pays des qua-
1' (' Uficatifs insultants, tels par exemple 'ASpiavv) Tto[xcpoXuÇ, xépauSpoç ocpiç, TEX[i.a-ÛT7]ç 6à-
rpaxoç,TCipaTixàvë6voç TO È£ ' ASptàSoç, ÛTTOXOÀTUOÇ 6<pt,ç (6), etc. Notons que le compor-
tement que Venise adoptera dorénavant à l'égard de l'Empire justifie, nous le verrons (7),
dans une large mesure ces considérations désobligeantes. Les Vénitiens sont ces « faux
frères » dont parle un rhéteur anonyme devant la dépouille mortelle de Manuel I e r .
Ce sont les Vénitiens « qui, comme de vrais comédiens, portèrent le faux visage de l'amitié
sur le seul et vrai visage de la haine, et qui, bien que se désignant, se nommant, se
prétendant frères, par leurs lettres, leurs traités et leurs messages écrits et oraux, ne
travaillaient en vérité qu'à la perte de l'Empire en lui provoquant de graves difficultés (8) ».
L'incident byzantino-vénitien étant, ne fût-ce qu'apparemment, réglé, le siège de
(1) NICÉÏAS CHONIATE, p. 103 : « afin que les mouillages de chaque nation soient séparés et
restent ainsi en dehors de toute dispute ».
(2) Récit de la querelle par KINNAMOS, p. 98, et surtout par NICETAS CHONIATE, p. 113-115.
(3) Ils attaquent l'île d'Astéris située, d'après NICETAS CHONIATE, p. 114, entre Ithaque et
Céphalonie, et qui était alors la base des navires de l'île d'Bubée participant à l'expédition.
(4) NICÉÏAS CHONIATE, p. 115 ; KINNAMOS, p. 170.
(5) KINNAMOS, p. 280 ; NICETAS CHONIATE, p. 222 : « rustres et d'âme perfide ».
(6) W. REGEi;, Fontes, I, p. 36, 109 ; KINNAMOS, p. 281 : « exerçant le brigandage sur mer ».
(7) Ci-dessous, p . 255 sq.
(8) W. REGEt, Fontes, I, 2, p. 219.
i
! I
Les successeurs d'Alexis 7 er Comnène 247
Corfou fut poursuivi sous les ordres de Manuel. La flotte byzantine, placée, après la
mort du grand-duc, sous le commandement du grand domestique Jean Axouch (qui
exerça le commandement maritime par intérim et non pas en tant que grand-duc) (1),
supporta le gros des opérations. Elle mit plusieurs fois en fuite la flotte normande qui
appuyait la défense de la forteresse ; une de ses escadres, placée sous les ordres de Cha-
roupès, fut envoyée contre la flotte sicilienne, qui poursuivait ses opérations pirates en
Méditerranée (2). Charoupès remporta un succès important contre les bateaux normands,
qu'il rencontra vraisemblablement entre le cap Malée et Monemvasie. Lors de la bataille
entre les deux flottes, les Byzantins firent bon nombre de prisonniers parmi lesquels le
roi de France Louis VII qui, de retour de Palestine, avait quitté le bateau grec sur
lequel il s'était initialement embarqué pour emprunter un bateau sicilien, l'un de ceux
qui pratiquaient alors la piraterie en Méditerranée, nous précise Kinnamos (3). La
flotte sicilienne fut décimée, seuls quarante navires en réchappèrent. Ils entreprirent
une attaque d'intimidation contre Constantinople même, leurs équipages brûlèrent
quelques maisons situées à Damalis, en face de la capitale, et ils rentrèrent après avoir
acclamé devant les murailles de Constantinople Roger, roi de Sicile et d'Italie, et couvert
d'injures l'empereur byzantin (4). L'incident, qui, selon Choniate, impressionna la popu-
lation constantinopolitaine, laissa Manuel indifférent. Il considéra cette expédition
sicilienne comme une bravade et une gaminerie (5), d'autant plus que les navires pirates
de retour vers la Sicile furent interceptés par les navires byzantins qui transportaient à
Constantinople le revenu fiscal de la Crète (6). C'est sans doute à cette victoire navale
que fait allusion Michel le Rhéteur dans son discours extrêmement riche en renseigne-
ments concernant la construction et l'activité de la flotte byzantine (7).
Michel le Rhéteur adressa son discours à Manuel I e r après l'expédition punitive
que l'empereur avait menée personnellement contre les Serbes à la suite de la destitution
par ceux-ci du gouverneur (satrapes) impérial (8), sans doute Constantin Ange, nommé
par Manuel I e r duc de la région. L'expédition de l'empereur en Dalmatie se place à la
fin de 1149. Manuel étant rentré à Constantinople en plein hiver, le discours de Michel
a dû être prononcé au début de 1150, sans doute le jour de la Théophanie comme c'était
, l'usage. La bataille navale contre les Siciliens qui fut, d'après Michel (1), un triomphe,
ne peut être que celle qu'ont livrée les navires crétois ; elle doit être datée de la fin
de 1149 et après l'expédition normande contre Constantinople, qui a eu lieu en l'absence
? , de Manuel, c'est-à-dire avant l'hiver de 1149. Michel le Rhéteur ne fait point allusion
1 , dans son discours à l'attaque de quelques navires pirates de Sicile contre les alentours de
Constantinople. Cet incident semble décidément avoir été considéré par la population de
Constantinople, accoutumée à cette sorte d'agression, comme sans importance. Il fut vite
oublié malgré l'opinion de Nicétas Choniate qui, écrivant presque un siècle plus tard,
accorde à l'incident une grande importance et le place après la paix conclue entre les
Byzantins et les Normands, chose évidemment impossible (2), et qui rend encore une
' fois suspecte la véracité de son récit. Par contre, le discours de Michel le Rhéteur reste
à tout point de vue une source extrêmement importante, du fait qu'il a été écrit par
un contemporain et fut prononcé devant des gens qui avaient assisté et sans doute acti-
', vement participé aux événements rapportés. Malgré les exagérations qu'il comporte,
• exagérations habituelles à ce genre de littérature, le discours de Michel le Rhéteur
constitue pour l'histoire de la première flotte de Manuel I e r un témoignage capital.
| Analysons ce texte qui, malgré sa valeur historique, n'a pas rencontré l'attention qu'il
' mérite de la part des historiens de cette époque.
j Après avoir décrit en détail la construction et la composition de la grande flotte
l de Manuel, Michel continue son discours en suivant, dans un style très imagé, les navires
byzantins dans leur voyage vers la mer Egée (3). Appareillant de Constantinople, où
,j elle avait été construite, la flotte byzantine partit à la rencontre de la flotte ennemie,
elle se dirigea contre les navires pirates (peiratikai nèés) signalés dans la mer Ionienne
qui, à l'approche de la flotte impériale, prirent partout la fuite et se dispersèrent. La
rencontre, continue Michel, a cependant eu lieu dans la mer Parthénique, et c'est là
précisément que les Normands ont subi une sanglante défaite ; c'est celle-ci qui fait le
sujet principal du discours. Les bateaux siciliens furent brûlés, leurs équipages décimés ;
ceux qui ont pu échapper à ce carnage ont pris la fuite dans la confusion et le désordre,
et ne se sont arrêtés qu'en Palestine et en Phénicie, « terme de leur exil » (4). L'expédition
pirate des Siciliens contre la Grèce se transforma, pour ainsi dire, en participation à la
croisade. C'est justement en Palestine et en Syrie que les bateaux normands chassés par
les Byzantins ont finalement trouvé refuge. En effet il est malgré tout difficile de dissocier
(il;
Les successeurs d'Alexis Ie1 Comnène 249
que les bateaux siciliens vaincus se sont enfuis vers la Palestine et non vers la Sicile comme
cela aurait été le cas si la bataille s'était déroulée en dehors de la mer Egée actuelle, et
qu'il faille donc exclure l'hypothèse que la victoire de Monemvasie soit celle de la mer
Parthénique. Rappelons à ce propos que certains textes du ix e siècle désignent sous le
nom de golfe Parthénique une partie de l'actuelle mer Egée qui était sans doute l'endroit
,l où se sonf. rencontrés les bateaux, allant les uns de Crète vers Constantinople et les
; ; autres de Constantinople vers la Sicile. Sauf si la bataille rapportée par Michel le Rhéteur
t' , ' a eu lieu dans la mer Phénicienne, désignée également comme Parthénion pélagos : elle
serait alors autre que la bataille de Monemvasie connue par Nicétas et que celle de la
Ij mer Egée (bateaux crétois) mentionnée par Kinnamos (1).
!, ' De toute façon le plus grand exploit naval de l'époque, qui est à l'honneur de la
1
flotte de Manuel I e r , reste indiscutablement la reprise sur les Normands de l'île de
, 'i, Corfou. C'est une victoire due à la principale escadre de la flotte impériale, dont l'histoire
v
| ; était jusqu'alors sans éclat (2). Cependant ce haut fait maritime fut amoindri par la
'" ,' longue durée du siège de la forteresse de la ville de Corfou, par les difficultés qu'elle créa
pour les Byzantins et par le grand nombre d'effectifs militaires qu'elle occupa. Manuel
,, mena avec obstination des attaques souvent infructueuses contre Corfou « car, comme le
/ dit Choniate, il ne pouvait pas permettre que cette île se transformât en base de la flotte
1
sicilienne contre l'Empire » (3). L'armée de terre fournit bon nombre de ses effectifs,
le succès final ne fut point porté au compte de la flotte qui avait toutefois supporté le
gros des opérations et rendu la victoire possible. Une garnison importante, formée
d'Allemands, s'installa finalement dans la ville de Corfou, et l'île entière se retrouva
sous le pouvoir impérial (4).
La reprise de Corfou (1149) marque le recul définitif de l'agression normande
contre Byzance. La flotte libérée de sa tâche principale pouvait maintenant passer dans
son ensemble à l'offensive. C'est le moment pour les orateurs de Constantinople et pour
Michel le Rhéteur d'évoquer les malheurs qui attendent les Normands, comparés à des
condamnés qui attendent dans leur geôle l'heure de leur exécution, afin que justice soit
faite (5). En effet Manuel I e r , de retour à Constantinople, s'empressa de mettre à exécution
le projet grandiose d'attaquer les Normands dans leur propre foyer, afin d'effacer défini-
tivement toute menace contre Byzance et d'instaurer par la même occasion l'autorité
impériale en Italie, qui était toujours considérée par les Byzantins comme partie intégrante
(1) Ci-dessus, p. 77 et n. 4.
(2) KINNAMOS, p. 96 : « I,a flotte arriva à Corfou en automne (elle était partie de Constan-
tinople au printemps) et depuis les affaires des Romains ont mal marché. »
(3) NICÉTAS CHONIATE, p. 116.
(4) Ibid., p. 118.
(5) W. REGEl,, Fontes, I, p. 177-178.
i
Les successeurs d'Alexis Ier Comnène 251
de l'Empire. Dans ce but, Manuel I e r mit en œuvre, selon ses habitudes, un plan militaire,
tout en déployant une importante activité diplomatique. La flotte qui participa aux
opérations de Corfou, toujours placée sous le commandement du grand domestique
Jean Axouch, reçut l'ordre d'appareiller vers Ancône, choisie comme base de départ
(hormètèrion) des opérations byzantines en Italie. Arrivée près de Durazzo, et notam-
ment à l'embouchure du fleuve Boosès (près d'Aulôn, selon Choniate), la flotte rebroussa
chemin (1). Le domestique, peu expérimenté en matière maritime, suivit le conseil des
Vénitiens, qui lui déconseillèrent le voyage vers l'Italie. La flotte byzantine s'attarda
ainsi sur le littoral illyrien ; un nombre important de ses navires fut la proie d'une
tempête, et ceci à cause du peu de précautions prises par son commandant pour sa
sécurité. Le reste rentra à Constantinople « sans avoir réussi rien de remarquable » (2).
Notons, en conclusion, que les historiens de l'époque fournissent une image peu
favorable de l'histoire de la première grande flotte de Manuel I e r . Malgré la prise de
Corfou, les victoires que ses diverses escadres ont remportées contre les Normands et
l'appui apporté par ses détachements fluviaux aux opérations contre les Serbes dans
la région danubienne, (3) la flotte de Manuel, construite pour combattre les Normands,
ayant failli dans sa principale tâche, l'expédition punitive contre la Sicile et l'Italie, se
montra inférieure aux circonstances. Elle déçut les Byzantins de l'époque, qui ont en
définitive considéré le bilan de ses activités comme extrêmement mince par rapport
aux effectifs dont elle disposait. En effet le retour de la flotte à Constantinople obligea
Manuel à ajourner son projet contre l'Italie. Il s'occupa à mieux préparer le terrain par
une activité diplomatique intense et par la mise en œuvre des importants préparatifs mili-
taires nécessaires à l'offensive byzantine contre l'Italie.
pour l'Empire vient « de la mer Ionienne, amère et bouillante » (i) ; ils s'efforcent de
prouver que le projet de Manuel est le seul capable de sauver la dignité bafouée de
l'Empire, de venger les dommages que les envahisseurs normands avaient causés aux popu-
lations côtières de l'Empire et d'empêcher enfin « ce monstre de mer », « ce tyran marin »,
> . « la Scylla sicilienne » d'entreprendre à nouveau une action néfaste contre Byzance (2).
,i , Action psychologique donc, pour employer un terme moderne, activité diplomatique —
j ; rappelons l'alliance avec Venise (renouvellement des privilèges en 1147), et l'entrevue avec
1
,' ; Conrad III au cours de laquelle l'empereur allemand promit d'accorder à sa belle-sœur
'• ; Irène, alors impératrice de Byzance, l'Italie comme dot (3) — opérations militaires enfin,
I| telles par exemple les guerres contre les Dalmates alliés des Siciliens (4), cet ensemble
1 1 de mesures, avec les préparatifs militaires, constitue les différents aspects du plan conçu
1
par Manuel I e r pour l'anéantissement des Normands, ennemis séculaires de Byzance.
, ; 'i I Hanté par son projet grandiose de reconquête de l'Italie, Manuel refusa la paix que
v
j' j Guillaume I e r , successeur de Roger II sur le trône de Sicile, lui proposait, s'engageant
' \) à rendre le butin recueilli lors des incursions de Roger II contre la Grèce, clause parti-
'! culièrement intéressante pour Byzance. Manuel, se considérant toujours en guerre contre
t- les Normands, poursuivit les préparatifs militaires ; une seconde flotte fut mise en état
/ à Constantinople, et fut placée sous les ordres de Constantin Ange, oncle de Fempe-
1
reur (5). La flotte constantinopolitaine fut envoyée à Monemvasie avec l'ordre précis
.; ] d'y attendre les escadres provinciales et de s'abstenir, avant cette concentration, de toute
i1 f. opération militaire. Son commandant passa outre à cette recommandation. Sans avoir
".• ' - attendu les renforts que les provinces préparaient, il attaqua la flotte normande, qui
•' .j rentrait, chargée d'un riche butin, d'une incursion contre l'Egypte. La flotte byzantine
i ' subit une lourde défaite, Constantin Ange lui-même fut fait prisonnier par les Nor-
mands (6) ; l'expédition contre l'Italie fut ajournée une seconde fois et pour la même
! raison : la défaillance de la flotte.
. 1 '• •
Manuel, décidé coûte que coûte à réaliser son projet contre les Normands d'Italie,
ne fut point découragé par ce nouvel échec. Il se contenta de changer de méthode,
d'autant plus qu'il venait d'enregistrer aussi des échecs dans le domaine diplo-
matique. Les efforts pour obtenir de l'empereur allemand Frédéric, successeur de
Conrad III, un appui contre les Normands restèrent vains, et Venise, qui avait entre-
temps conclu la paix avec Guillaume de Sicile, se retira du camp antinormand (1).
Manuel ne pouvait plus compter que sur ses propres forces. L'argent byzantin, abon-
damment utilisé pour la réussite de la politique italienne, devint dorénavant l'arme prin-
cipale de Byzance. Michel Paléologue, Jean Doucas et Alexandre de Gravina arrivèrent
en Italie avec peu d'hommes mais avec des sommes importantes. Ils réussirent, en
exploitant le mécontentement des chefs locaux contre les Siciliens, à enlever un nombre
important de villes et de forteresses et à ramener sous l'autorité byzantine toute la côte
adriatique de Pescara à Brindisi. Nous devons à Kinnamos le récit de cette expédition
extraordinaire qui rendit pour un moment les Byzantins maîtres de toute l'Italie orien-
tale (2). Ceux qui, au dire d'Eustathe, ne pouvaient que « verser des larmes à la pensée
du long abandon de l'Italie » (3), se sont crus à nouveau, grâce aux premiers succès de
l'expédition de 1151, les arbitres des affaires italiennes, comme le dit justement Kinna-
mos : « Les habitants de la péninsule italienne ont vu les Romains (Byzantins), qui depuis
longtemps s'étaient abstenus de toute intervention dans ce pays, mener à nouveau à leur
guise les affaires d'Italie » (4).
Il serait inexact et injuste de porter le succès qui a couronné la première partie de
l'expédition d'Italie au compte de l'armée de terre et de mer de Byzance. Les effectifs
militaires dont disposait le chef de l'expédition, Michel Paléologue, fort médiocres au
début de la campagne, s'accrurent grâce aux alliances locales ; la flotte qui participa aux
opérations n'était composée que de quelques navires (dix au début, quatorze par la
suite) (5) ; la réussite n'est due qu'à l'argent byzantin mis à la disposition des respon-
sables de l'expédition. Il leur a permis d'une part de recruter des mercenaires sur place
et d'autre part de s'assurer l'amitié et la complicité des notables des diverses villes, prêts
à secourir les Byzantins, qui se montraient fort généreux à leur égard. Cependant la
mort du commandant en chef Michel Paléologue (6), suivie de l'arrivée en Italie de
i renforts siciliens venus combattre les Byzantins, renversa le cours des opérations en
faveur des Normands. Les alliances avec les villes italiennes devinrent incertaines ; la
i flotte et l'armée envoyées par Manuel sous les ordres du grand duc Alexis Comnène (i),
i équipée de Celtes et d'Allemands, qui lors des opérations abandonnèrent les rangs byzan-
* tins (2), fut attaquée par les Normands devant Brindisi. Le grand-duc lui-même et le
* commandant en chef Jean Doucas, qui avait remplacé Michel Paléologue, furent faits
prisonniers par les Siciliens. Bref, l'expédition, qui avait commencé sous les meilleurs
i ' auspices pour les Byzantins, se transforma en désastre. Manuel I e r fut contraint d'accepter
la paix et de reconnaître Guillaume comme roi de Sicile et d'Italie. A la suite du traité
, signé entre Byzance et Guillaume (1156) les prisonniers que les Normands avaient faits
j . lors de leur invasion en Grèce et en Péloponnèse furent restitués à l'Empire, à l'exception
>*• 1 toutefois des fabricants de soieries qui œuvraient depuis leur capture dans les ateliers
. normands (3).
i' Ainsi, la première expédition outre-mer projetée par Manuel, longuement attendue
- ; et soigneusement préparée, et qui a lourdement pesé sur le trésor impérial, se solda par
• •' 'j un grave échec qui ne peut être expliqué que par la carence des effectifs militaires et
plus particulièrement des effectifs maritimes mobilisés en vue de cette campagne (4).
i En effet, Kinnamos note que, si lors de l'attaque sicilienne les responsables byzantins
1< avaient pu ordonner la retraite de l'armée dans les navires, d'où ils auraient pu relancer
•; ' : l'offensive, le désastre aurait été évité (5). Ce fut sans doute là l'opinion que l'on se forma
à Constantinople, à l'annonce du revirement inattendu de la campagne d'Italie. Sans
doute la carence des effectifs maritimes empêcha le recours à cette manœuvre. L'expé-
dition échoua non sans avoir laissé chez les Normands le souvenir d'un grave danger à
peine écarté (6). Après l'échec devant Brindisi, les villes italiennes soumises aux Byzan-
tins passèrent l'une après l'autre aux Normands. Seule Ancône resta fidèle à l'Empire.
Manuel, qui ne renonça point à la poursuite de sa politique d'intervention en Italie, s'efforça
de maintenir cette place sous le contrôle byzantin. La situation géographique d'Ancône
faisait de cette ville le point idéal non seulement pour la poursuite des opérations en
Italie, mais aussi pour le contrôle des mouvements de la flotte des Vénitiens, dont la
politique méditerranéenne et l'activité commerciale dans l'Empire même n'étaient pas
sans inquiéter Manuel (1). Essayons de tracer brièvement l'évolution des relations de
Byzance avec Venise sous Manuel I e r , car elles conditionnent dans une large mesure la
politique maritime de l'Empire pendant la seconde moitié du xn e siècle et jusqu'à la
prise de Constantinople par les Latins. Elles entrent maintenant dans une phase d'hos-
tilité qui inaugure la rivalité de ces deux grandes puissances maritimes pour le
contrôle des voies internationales de la Méditerranée orientale.
BYZANCE ET VENISE
les Allemands, qui convoitent l'Italie et, lorsque la situation change, du côté des Allemands
I contre les Byzantins installés sur la rive occidentale de l'Adriatique.
Dès que l'expédition en Italie fut sérieusement projetée, Venise se retira du camp
antinormand. D'ores et déjà toute tentative byzantine pour attirer la République contre
la Sicile, plusieurs fois amorcée par l'Empire même après l'échec de l'expédition byzan-
tine en Italie, se heurta à l'opposition formelle de Venise (1). De même l'antagonisme
byzantino-allemand en Italie trouva Venise d'abord du côté des Byzantins — Kinnamos
rapporte que les Vénitiens promirent de secourir Byzance en cas d'hostilités avec les
Allemands par l'envoi de cent bateaux (2) — et ensuite, quand la position byzantine en
Italie fut renforcée par la formation d'une coalition anti-allemande qui avait groupé
plusieurs villes italiennes, du côté des Allemands. En effet les Vénitiens, soucieux avant
tout de l'expansion de leur activité commerciale et économique en Méditerranée, ont
vu avec inquiétude les troupes byzantines s'installer en Dalmatie, à Spalato et à Dioclée,
et l'autorité impériale s'établir en Italie et notamment à Ancône (3) : Byzance avec sa
flotte pouvait assurer alors le contrôle du passage de l'Adriatique vers la Méditerranée,
elle pouvait, le cas échéant, isoler Venise dans son golfe et la condamner ainsi au marasme
économique. Venise réagit immédiatement devant cet éventuel danger d'une part par
son alliance avec les Normands et d'autre part en se rapprochant des Allemands juste
au moment où la politique italienne de Manuel l'opposait à Frédéric Barberousse, aux
, .; prises alors avec le pape Alexandre III, qui était en bonne entente avec les Byzantins (4).
;'•. Manuel I e r , conscient de l'instabilité de la politique extérieure de Venise, préoccupé
j ' . du rôle de plus en plus important que la République adriatique jouait dans l'activité
commerciale et économique de la Méditerranée orientale, inquiet enfin de l'attitude
adoptée par les Vénitiens dans les affaires européennes de l'époque, décida de passer
outre aux traités byzantino-vénitiens, de se débarrasser de ces alliés difficiles et instables
et de briser, quand il en était encore temps, l'élan de l'expansion vénitienne dans la
Méditerranée orientale. Il rompit d'abord le monopole des privilèges économiques
(1) Intéressante de ce point de vue est la clause contenue dans les traités signés par la suite
entre Byzantins et Vénitiens, selon laquelle les Vénitiens sont tenus d'aider les Byzantins en cas
d'attaque normande et dans toute bataille sur mer ou sur terre entre Byzance et la Sicile : TAFËI,-
THOMAS, Urkunden, I, p. 190.
(2) KINNAMOS, p. 237.
(3) Sur le maintien de l'autorité byzantine à Ancône après l'échec de l'expédition en Italie,
cf. KINNAMOS, p. 170 : d'après cet écrivain, Manuel tenait le port d'Ancône afin d'intimider les
Vénitiens et de poursuivre ainsi les guerres en Italie ; cf. aussi NicETAS CHONIATE, p. 128. Sur la
réaction vénitienne à la suite de l'occupation de la Dalmatie et d'Ancône par les Byzantins,
cf. ANDRÉA DANDOWS, apud TAÏEI,-THOMAS, Urkunden, I, p. 150 sq.
(4) Sur l'évolution des relations byzantino-allemandes et la politique de Manuel I e r vis-à-vis
des villes italiennes et de la papauté, cf. F. CHAIANDON, Les Conmènes, II, p. 555 sq.
Les successeurs d'Alexis J e r Comnène 2$j
dont jouissait Venise dans le territoire de l'Empire, en signant des accords semblables
avec Pise et Gênes (i) et quand, par la suite, les Génois installés dans l'Empire se
trouvèrent aux prises avec la colonie vénitienne, l'empereur saisit l'occasion pour
déclarer la guerre aux citoyens vénitiens installés dans Byzance (2). Les Vénitiens furent
chassés de Constantinople, qu'ils quittèrent sur leurs bateaux, abandonnant sur place
les trésors considérables que les franchises dont ils jouissaient depuis près d'un siècle
leur avaient permis d'accumuler. La réaction vénitienne fut immédiate et se manifesta
par une série d'incursions contre les îles de Chios, de Skyros et d'Eubée (3) ; elle causa
plus de dommages à la République qu'à l'Empire : les troupes vénitiennes furent décimées
par la peste qui sévit dans leur camp. Le doge, inspirateur de cette attaque contre
l'Archipel grec, fut jugé et condamné. La première étape des hostilités byzantino-véni-
tiennes se termina en faveur de l'Empire.
Cependant les opérations des Vénitiens contre les Byzantins en Italie et en Dalmatie
furent moins malheureuses pour la République. Après avoir renouvelé leur alliance avec
la Sicile (4), les Vénitiens passèrent du côté des Allemands en guerre alors avec Byzance.
Dans le cadre des opérations contre l'Empire, ils envoyèrent leur flotte contre les villes
de Dalmatie fidèles à Byzance et assiégèrent avec les Allemands Ancône, alliée de Byzance
et devenue le centre de l'activité diplomatique de l'Empire en Italie (5). Deux longs
discours d'Eustathe adressés à Manuel et une notice brève contenue dans un manuscrit
de Paris, textes importants passés jusqu'ici inaperçus, nous permettent de connaître en
détail les mesures que les Byzantins prirent pour empêcher les incursions vénitiennes
contre l'Archipel grec et pour défendre efficacement la ville d'Ancône. Us nous révèlent
la préparation d'une grande flotte byzantine et une nouvelle expédition outre-mer en Italie.
Eustathe, encore candidat à la métropole de Myra, donc peu avant 1174, date de
sa nomination au siège de Thessalonique, adressa à Manuel I e r un discours d'apparat,
prononcé, selon l'usage, le jour de la Théophanie (sans doute de l'année 1173-1174) (6).
L'orateur, après avoir évoqué brièvement les victoires de l'empereur contre les multiples
ennemis de l'Empire, victoires qui sont la cause du bien-être et de la paix dont jouissaient
alors les Byzantins (« tous les citoyens vivent dans la prospérité à l'écart de la guerre...
et se réjouissent de la paix ») (7), s'arrête longuement sur les succès byzantins en Occident,
qui ont marqué l'année qui vient de s'écouler. L'éloge est centré tout particulière-
ment sur les exploits contre Venise, « dont toutes les machinations furent démontées,
comme le prouve la défense de la ville d'Ancône » (1), et sur le recul de la puissance
normande, « de ce nouveau Typhon », « de cette bête marine qui agite les mers sans
réussir rien d'important, qui crée quelques problèmes, par ailleurs insignifiants, pour
l'année de mer de l'Empire et rentre toujours défaite chez elle sans que sa pêche lui ait
rien rapporté » (2). La préparation à Constantinople par Manuel d'une grande flotte,
une année avant la rédaction du discours (donc en 1172-1173), occupe la partie
principale de ce texte. Elle est pour nous d'un intérêt capital, car nous n'avons que très
exceptionnellement dans les textes byzantins des renseignements aussi détaillés et des
témoignages aussi vifs sur ce que comportait la mobilisation maritime : « Autre cause
d'émerveillement, dit Eustathe, ces grands navires que nos détroits ont reçus il
y a à peine une année; leur nombre fut incalculable : bateaux huissiers, dromons,
birèmes et toutes sortes de navires : hier encore (peu de temps avant) ces unités de
guerre se trouvaient ancrées aux endroits prévus pour leur sécurité (arsenaux) ; vides
d'armes et de tout ce qui est nécessaire pour la navigation, elles ne présentaient aucun
aspect marin, ils n'accusaient point l'urgence du voyage et du combat : ainsi en fut-il
hier ; mais dès que l'ordre impérial fut donné, et cela était alors indispensable, les birèmes
furent remplies et les arsenaux désemplis, les ports abritant les navires de guerre restèrent
vides, tandis que la Propontide ne laissait point paraître l'eau de mer (tellement
important était le nombre de bateaux) ; on aurait dit que notre mer rivalisait en nombre
de bâtiments mobiles avec la Grande Ville (Constantinople) aux bâtiments innombrables.
Tout donnait l'impression d'un grand combat naval, le son des trompettes, les mou-
vements nerveux des rames, les manœuvres des bateaux, les ordres que les capitaines
adressaient, l'éclat des armes, les barrages formés par les marins, tout était prêt pour
la bataille, seul l'ennemi était absent; mais j'ajouterai, dit Eustathe entre parenthèses,
dans un prochain discours, ce que l'ennemi subira ; il ne s'agissait point d'une levée
de gens venus d'ailleurs ou de l'étranger : l'armée était indigène, les soldats, enfants
de notre pays, habitants de la Grande Ville qu'ils ne quittaient jamais ; de même les
navires rassemblés ne venaient que des proches alentours, des endroits qu'en partant
d'ici (de Constantinople) on peut aisément atteindre en l'espace d'une journée. Si telle
fut la flotte mobilisée sur-le-champ, pensez, poursuit l'orateur, à ce que peut être une
flotte longuement préparée et soigneusement armée et équipée ! On peut dire : malheur
à la nation qui s'oppose à un tel empereur ; on peut considérer comme des êtres ridicules
ceux qui osent prendre le large et essaient de s'emparer de quelques îlots isolés : de la
\r-
ti'1*
I;'
Les successeurs d'Alexis IeT Comnène 259
terre insulaire et de la terre entière, notre empereur est maître après Dieu » (1).
Il est évident que l'allusion d'Eustathe à ceux qui attaquent les petites îles s'adresse
aux Vénitiens qui venaient d'enlever quelques îles de l'Archipel grec. La flotte préparée
à Constantinople et avec des moyens (hommes et argent) fournis par la capitale est sûre-
ment celle qui a poursuivi les Vénitiens dans la mer Egée. Elle était composée, au dire
de Choniate, de cent cinquante bateaux (2), placés sous les ordres du grand-duc Andronic
Kontostéphanos. Elle appareilla de Constantinople et se dirigea vers le cap Malée, afin
d'y attendre les Vénitiens qui, repoussés de Chios, devaient emprunter cette route pour
rentrer chez eux. Les Vénitiens, avertis de l'arrivée de la flotte byzantine, continuèrent,
en partant de Chios, leurs incursions contre l'île de Skyros ; la flotte impériale les pour-
suivit dans la mer Egée. Plusieurs navires vénitiens furent alors détruits ou capturés par
les Byzantins, mais le gros de la flotte vénitienne, qui avait partout évité soigneusement
de rencontrer la flotte byzantine, rentra finalement dans l'Adriatique. La flotte byzantine
intacte reprit la route vers Constantinople (3). Il est probable qu'une partie de la flotte
byzantine gréée lors des incursions vénitiennes dans l'Archipel grec a pris part, après la
fin des opérations contre les Vénitiens, à la défense de la ville d'Ancône, assiégée en
avril 1173 par les troupes allemandes et la flotte vénitienne. Ceci nous ramène en Italie,
qui fut, après la mer Egée, le théâtre des hostilités entre Venise et Byzance. En effet c'est
devant Ancône que l'Empire mena obstinément la lutte pour se maintenir sur la rive
occidentale de l'Adriatique et pour empêcher Venise de lui disputer le rôle d'arbitre
qu'il se réservait dans les affaires maritimes de l'époque.
Un autre discours d'Eustathe (4) et surtout la notice contenue dans un manuscrit
de la Bibliothèque Nationale de Paris (5) concernant le chef de l'expédition byzantine
à Ancône, nous permettent d'apporter certaines précisions sur le dernier acte des hostilités
vénéto-byzantines, le siège et la défense d'Ancône (avril-octobre 1173), événement bien
connu par ailleurs, grâce à d'autres sources byzantines et à des textes occidentaux (6).
Il a attiré l'attention des historiens de l'époque à cause du succès extraordinaire qu'ont
remporté les assiégés sur les nombreuses troupes allemandes et sur la flotte vénitienne.
Les historiens byzantins et occidentaux relatant le siège d'Ancône laissent entendre que
l'heureuse défense de la ville n'était due qu'au courage et à la bravoure de ses habitants,
amis fidèles de Byzance. Encouragés par l'aide que la comtesse de Bertinoro leur apporta,
cette « amazone », comme l'appelle Eustathe, qui émerveilla les Byzantins en menant
personnellement les combats ( i ) , les Ancônitains repoussèrent pendant sept mois les
assauts des assaillants et supportèrent les souffrances que ce long siège leur infligea.
Cependant Eustathe, qui consacre à la victoire d'Ancône la plus grande partie d u dis-
* cours (2) qu'il adressa à Manuel I e r e n tant que métropolite d e Thessalonique (donc
', après 1174 et sans doute au début de 1175), porte le succès au compte des armes byzan-
) > tines, tout en louant bien entendu la bravoure et la fidélité des Ancônitains : « C'est de
l'Italie, dit l'orateur, que nous est parvenue la lettre qui m e remplit d e joie... c'est là
j. que l'on vit la chute de grandes nations et nos exploits sur mer et sur terre, là sont les
I trophées des victoires terrestres et maritimes... (3) et ceci grâce aux dispositions prises
-"* 1 par l'empereur, qui, bien qu'occupé personnellement en Orient, ne manqua pas d'envoyer
. e n Occident ses généraux (stratègoi) et de commander les opérations en transmettant
par écrit ses ordres » (4). Nous avons là la mention explicite de l'envoi d ' u n corps expé-
+; ditionnaire byzantin en Italie. D'importance sans doute modeste, il se borna à la défense
\ de la ville d'Ancône ; le projet de Manuel d'attaquer Venise, étant venu aux oreilles des
Vénitiens par Vakolouthos Aarôn (5), comme nous le laisse entendre Kinnamos, n e
.''• i fut jamais mis à exécution.
' L a participation armée des Byzantins à la défense d'Ancône nous est également
; confirmée par la notice d u manuscrit de Paris, demeurée jusqu'ici inconnue, qui
' y i concerne l e sébaste Constantin Doucas, chef, comme elle nous le dit explicitement, d e
,:;i , j l'expédition byzantine à Ancône : « L e 8 avril, ind. 2 de l'année 6687 ( = 1779),
m o u r u t Constantin sébaste Doucas ; envoyé par l'empereur Manuel à la défense (phylakè)
d'Ancône lors d u siège de la ville par la flotte (katerga) vénitienne, il réussit à rassembler
des troupes (alliées) et pendant sept mois livra plusieurs batailles ; sorti vainqueur et
ayant entièrement détruit toute l'armée d u pays des Allemands (Alamanikè chôra) et
d e toute la Vénétie, il rentra auprès d e l'empereur qui le nomma duc d e l'armée (kata
laon douka) et gouverneur de toute la Dioclée et la Dalmatie, de Spalato et de Durazzo » (6).
Cette notice est la seule à nous livrer le nom patronymique du chef du corps expédition-
naire, connu uniquement par son prénom et par les sources occidentales, qui présentent
p a r ailleurs sa mission à Ancône comme purement diplomatique et dépourvue d e tout
(1) Sur ce sujet, cf. le récit de KINNAMOS, p. 289 : « Les Allemands ont reculé devant
une armée conduite par une femme » ; et surtout EUSTATHE, apud W. REGEI,, Fontes, I,
: p . II3-H4-
(2) W. REGËI,, Fontes, I, p. 105-107.
(3) Ibid., I, p. 101, 102, 103, 104.
(4) Ibid., I, p. 116.
(5) KINNAMOS, p. 284.
(6) B. MONTFATJCON, op. cit., p. 47.
t
Les successeurs d'Alexis Ie1 Comnène 261
caractère militaire (1). Il nous semble évident que le sébaste Constantin Doucas de
notre notice doit être identifié avec le gouverneur byzantin de la Dalmatie, le sébaste
Constantin, connu par les sources dalmates pour les années 1171-1173 (2). H y a tout
lieu de croire que le gouverneur de Dalmatie Constantin Doucas, étant donné la situation
géographique de son commandement, reçut l'ordre de traverser l'Adriatique et de se
porter au secours d'Ancône. Il employa dans ce but la flotte qui stationnait dans sa
circonscription, dans la région de son commandement, renforcée sans doute par des
bateaux ragusains qu'on rencontre souvent mentionnés à côté des Byzantins lors des
luttes contre Venise (3), et par des bateaux de Durazzo qui, comme le note Kinnamos,
avaient attaqué la flotte vénitienne au retour de son incursion contre l'Archipel grec (4).
En outre, comme le siège d'Ancône dura sept mois, il n'est point exclu que des déta-
chements de la flotte constantinopolitaine mise en état lors de l'invasion vénitienne aient
pris part, après le départ des Vénitiens et sous les ordres de Constantin Doucas, aux
opérations d'Ancône. De toute façon Constantin Doucas mena victorieusement la lutte
contre la flotte vénitienne assiégeant Ancône. Comme récompense il vit son comman-
dement étendu à toute la côte adriatique et illyrienne. Il se trouva ainsi à la tête du plus
important commandement maritime de l'époque, celui dont dépendait sans doute
l'ensemble de la flotte de l'Occident byzantin.
Les opérations devant Ancône semblent être les dernières hostilités entre Venise et
Byzance. Les pourparlers entre les deux pays, qui se poursuivaient malgré les incursions
sporadiques des Vénitiens contre le territoire impérial et malgré le siège d'Ancône,
aboutirent finalement à la conclusion d'un traité de paix (1175) (5). L'empereur s'enga-
geait à dédommager les Vénitiens de l'Empire du tort qu'ils avaient subi lors des persé-
(1) BONCAMPAGNI, Liber de obsidione Ancône, éd. GATJDENZI, Bulletino del Inst. storico
italiano, t. XV, p. 162 ; ROMUAI,D DE SAI,ERNE, Chronicon, M.H.G., Scriptores, t. XIX, p. 264 ;
Annali venetici, ibid., t. XIV, p. 72 ; Annali Pisani, ibid., t. XIX, p. 264 ; FRA-SAIJMBENE, Chro-
nique, ibid., t. XXXII, p. 2 ; F. Dôl,GER, Regesten, n° 1573 : « Gesandtschaft des Konstantinos
nach Ancona mit einer bedeutenden Geldsumme. »
(2) THOMAS DE SPAI,ATO, éd. I/ucrus, p. 328-330 ; ANDRÉA DANDOI/US, apud MTJRATORI,
R.I.SS., t. XII, p. 292 ; sur les autres ducs byzantins de la région, cf. T. SMICIEXAS, Codex
dipl. regni Croatiae, Dalmatiae et Slavoniae, Zagreb, 1904, II, p. 130, 138, 143, 156, 165, 166 (pour
Spalato) et ibid., p. 98, 102, pour Raguse ; cf. aussi F. DôXGER, Regesten, n° 1534.
(3) NICETAS CHONIATE, p. 224 : « Les Byzantins avaient avec eux plusieurs navires alliés,
fournis par les régions des Sthlabinoi » (= Dalmatie et Croatie) ; Raguse et les autres villes dal-
mates et croates, fidèles à |l'Empire, furent attaquées par la flotte vénitienne : ANDRÉA DAN-
DOI,US, apud MTJRATORI, R.I.SS., t. XII, p. 291 ; sur Raguse et ses relations avec les Byzantins,
cf. en dernier lieu B. KREKIÔ, Dubrovnik et le Levant au Moyen Age, Paris, 1961, p. 13 sq.
(4) KINNAMOS, p. 285.
(5) TAFEI,-THOMAS, Urkunden, I, p. 153-154 ; NICETAS CHONIATE, p. 225-226.
;l 262 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
l;i
Les successeurs d'Alexis I e r Comnène 263
La réaction brutale qui se manifestera quelques années plus tard (1181) contre tous les
Latins ne pourra pas libérer l'Empire de l'engrenage dans lequel l'avait jeté pour la
première fois le traité d'Alexis I e r avec Venise, ni de l'emprise économique que l'Occident
exerçait depuis sur Byzance par l'intermédiaire des villes marchandes de l'Italie.
(1) Sur le rôle de ce pays entre Byzantins, Musulmans et Croisés, cf., R. GROUSSET, op. cit.,
p. 385-424 (note bibliographique : ibid., p. 385) ; N. JORGA, L'Arménie cilicienne, Paris, 1930 ;
C. CAHEN, La Syrie du Nord, p. 374 sq.
(2) Roger II de Sicile occupa Tripolis (1146), Mendia, Sousse et Sfax (1148) : cf. F. CHA-
I.ANDON, Op. cit., II, p. 160-164.
(3) Sur les relations de Byzance et de l'État de Jérusalem, cf. J. I/A MONTE, Byzantine Empire
and Crusading States, Byz., t. VII, 1932, p. 259-264 ; ajoutons à sa documentation une notice
de ms. datée du règne de Manuel I e r et d'Amaury, apud H. OMONT, Fasc. d. ms. grecs datés de la
Bibl. Nationale, Paris, 1891, pi. XLVIII.
(4) KINNAMOS, p. 278.
(5) ETTSTATHE, Laudatio ad imp. Manuelem, apud W. REGEL, Fontes, I, p. 39-40, où figure
la description du séjour d'Amaury à Constantinople.
(6) GTJII,I,AUME DE TYR, R.H.C., Historiens occidentaux, I, p. 946 sq. ; C. CAHEN, La Syrie
du Nord, p. 412 sq.
(7) NicéXAS CHONIATE, p. 208.
Les successeurs d'Alexis IeT Cormène 265
et six de l'île d'Eubée) (1), fut construite et mise en état à Constantinople ; elle fut placée
sous les ordres du grand-duc Andronic Kontostéphanos (2); inspectée par Manuel
lui-même et dotée de trois mois de vivres, elle appareilla au mois d'août 1169 de Méli-
boton (en face de Constantinople). Arrivée à Koila (près de Sestos et d'Abydos), elle
embarqua l'armée qui y était rassemblée et, par les détroits de l'Hellespont et la mer Egée,
se dirigea vers Chypre, tandis qu'un détachement composé de soixante navires arrivait
en Palestine afin de prendre les renforts francs et les vivres (opsônia) destinés aux
cavaliers palestiniens qui participeraient à l'expédition. Avec un retard considérable,
provoqué par l'indécision des Francs, la flotte byzantine atteignit l'Egypte par les côtes
syriennes et palestiniennes et, à la fin du mois de septembre ou au début du mois
d'octobre 1169, elle mit le siège devant Damiette (3). Malgré ses premiers succès,
l'expédition tourna finalement au désastre pour les armes byzantines. Le long siège de
Damiette, resté infructueux, dans une large mesure à cause de l'attitude ambiguë
des Latins, finit par provoquer le mécontentement des troupes byzantines qui, dépourvues
du nécessaire, périssaient de famine et de maladie (4). Le siège de Damiette fut finalement
levé au début du mois de décembre, et les Byzantins rembarquèrent en désordre ; leurs
navires, dans un sauve-qui-peut général, tentèrent de regagner leurs bases dans l'Empire
et de ramener les soldats dans leur pays d'origine. Un grand nombre de bateaux byzantins
furent la proie des tempêtes, le reste parvint enfin à Constantinople, où se trouvaient déjà
les six bateaux qui étaient restés sous les ordres du grand-duc (5). Telle fut la fin
lamentable d'une des plus importantes expéditions maritimes organisées par Byzance. La
flotte qui y participa — outre celle construite à Constantinople, les sources mentionnent
des renforts venus de Durazzo et d'Eubée (6) — loin de compter dans ses effectifs les
mille navires dont parle Saladdin dans une lettre (7), fut incontestablement la seconde
grande flotte que Manuel I e r gréa. Désarmée après l'échec de l'expédition contre l'Egypte,
elle fut à nouveau mise en état, nous le savons grâce à la description d'Eustathe (8), lors
des hostilités contre les Vénitiens dans l'Archipel grec.
(1) Ibid., p. 208 ; Choniate est seul à mentionner le nombre de navires et leur provenance ;
KINNAMOS, p. 278 : il mentionne la construction d'une flotte considérable, composée d'unités
de guerre et de bateaux huissiers, sans préciser exactement son importance.
(2) KINNAMOS, p. 278 ; NICÉTAS CHONIATE, p. 208.
(3) NICÉTAS CHONIATE, p. 208-209 ; KINNAMOS, p. 279.
(4) Récit détaillé par GUHAAUME DE TYR, R.H.C., Historiens occidentaux, I, p. 962 ; NiCETAS
CHONIATE, p. 210-219 ; KCNNAMOS, p. 278-280 ; G. SCHI/CMBERGER, Campagnes du roi Amaury I e r
en Egypte, Paris, 1906, p. 253-309.
(5) NICÉTAS CHONIATE, p. 218.
(6) Ibid., p. 208.
(7) R.H.C., Historiens orientaux, IV, p. 173.
(8) Ci-dessus, p. 258.
266 Des Contnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
Cette campagne désastreuse contre l'Egypte, cette miara eksttateia (expédition impie)
selon le mot de Tzetzès (dont le frère, de retour d'Egypte, mourut à Rhodes des priva-
tions qu'il avait subies pendant l'expédition) (i), après l'échec de l'autre grande expé-
dition maritime de Manuel contre les Normands (2), marque pour Byzance lafinde son
\ rêve de thalassocratie. Elle illustre les paroles que Nicétas Choniate prête au grand-duc
de la flotte Andronic Kontostéphanos : « Les succès romains appartiennent au passé, les
grands exploits de nos armes sont définitivement révolus et anéantis » (3). Cependant,
\ '' Manuel, tenace et obstiné dans la poursuite de ses projets, qui tenaient souvent de la
mégalomanie, ne se décida point à abandonner sa politique offensive à l'égard de l'Egypte.
Les orateurs de Constantinople sont là pour minimiser le plus possible l'échec de la
première expédition contre ce pays. Eustathe, faisant brièvement allusion aux affaires
égyptiennes, note : « Ce qui concerne la Libye ( = Egypte) ne fut pas considéré comme
particulièrement important par l'empereur, qui trouva d'autres moyens pour soumettre
ce pays » (4), et le rhéteur Diogène parle des aparchai (offrandes) que Babylone a pré-
sentées à Manuel (5), ce qui correspond au renseignement fourni par Choniate et par
Kinnamos, selon lequel les Égyptiens, après l'expédition contre Damiette et de crainte
qu'une pareille tentative ne se renouvelle, ont envoyé à Constantinople des ambassadeurs
qui proposèrent en échange d'une paix définitive le versement annuel de sommes
fixes à l'Empire (TOCXTOV TL ^puaiov txvà TOXV SXSLÔSV xojiiÇEaOai ETOÇ 'Pofwdoiç
w[i.oX6youv) (6). Cette proposition extraordinaire et inattendue fut néanmoins repoussée
par Manuel qui, au dire de Kinnamos, ne songeait qu'à attaquer à nouveau l'Egypte et
à la soumettre définitivement à Byzance (7). En effet, selon les dernières lignes de l'his-
toire de Kinnamos, qui nous est malheureusement parvenue mutilée, Manuel organisa
une seconde expédition contre l'Egypte. Elle mobilisa cent cinquante navires (8), proba-
blement les mêmes qui avaient auparavant poursuivi avec succès les Vénitiens dans
l'Archipel grec. Elle est sûrement restée aussi infructueuse que la première, puisque la
paix fut finalement conclue entre l'Empire et le sultan. Byzance dut renoncer à ses
revendications et abandonner tout projet contre l'Egypte, qui tombe alors sous l'influence
V1
Ii:
Les successeurs d'Alexis Ier Comnène 267
du Sultanat de Syrie (1), ce qui illustre l'échec de la politique de Manuel dans cette partie
du monde méditerranéen. Ainsi l'armée de mer et la flotte byzantines, chargées de tâches
dépassant largement leurs capacités, enregistrèrent un nouvel échec. La position byzan-
tine dans les parages de la Méditerranée orientale fut fort ébranlée ; la piraterie sarrasine
réapparut et s'accrut (2).
prises sans avoir le temps de subir le contrecoup de ses échecs. Elles nous présentent
chacune un aspect valable et également caractéristique de la politique de Manuel I e r
Comnène. En effet on peut dire de cet empereur qu'il voyait clair et calculait mal, et
qu'ayant aperçu le danger que représentait pour l'Empire l'essor de l'Occident, et
notamment l'apparition des nouvelles puissances maritimes, il s'efforça d'étouffer ce
nouveau monde en essayant de l'assujettir, se faisant une idée surannée de la grandeur
Y
impériale, au lieu de renforcer la position que la situation géographique réservait à
Byzance dans le monde du xii e siècle. Ainsi, devant la dépouille mortelle de l'empereur
un orateur resté anonyme loua « la paix universelle » (1) et l'expansion de Byzance en
Orient et en Occident, œuvre de Manuel (2) ; il évoqua les humiliations qu'il avait infligées
partout aux ennemis de l'Empire ; il n'hésita pas à désigner Byzance comme Ttocyxocrjjuoç
êoccnAîç (3) (reine universelle), mais il reste néanmoins vrai que l'Empire, malgré les
1
i !
larges frontières qu'il avait acquises, sortait du règne de Manuel I e r singulièrement
affaibli et las.
•u. Les succès de Manuel se sont révélés partout fragiles et précaires. Ses entreprises
ambitieuses se sont finalement soldées par le dénuement du trésor impérial, épuisé
0: •' surtout par les expéditions outre-mer (4) et les exigences de la diplomatie byzantine, par
le mécontentement des citoyens de l'Empire (qui avaient en effet supporté les lourdes
charges des campagnes lointaines, qui se terminaient souvent avec le retour d'armées déci-
mées, vaincues et découragées), et par des concessions de plus en plus larges en faveur
des étrangers, qui s'installèrent nombreux dans l'Empire et s'enrichirent aux dépens
des Byzantins. En conclusion, on peut dire que le programme grandiose de Manuel I e r
de replacer Byzance au rang d'empire universel, programme qu'il appliqua avec obsti-
nation en Orient et en Occident, malgré quelques succès byzantins, avorta entièrement,
en fin de compte. La politique de la renovatio, de l'établissement de la domination
romaine sous l'autorité impériale, se révéla encore une fois chimérique. Elle se heurta,
comme le note G. Ostrogorskij (5), à la résistance du monde environnant, elle fut handi-
capée dès le départ par le manque de moyens. Byzance sortait à peine du néant dans
lequel l'avaient jetée les invasions turques en Asie et les guerres normandes, petchénègues
M1; et hongroises en Occident. Bref, en affaiblissant l'économie du pays, elle provoqua les
troubles qui ont secoué Byzance au lendemain de la mort de Manuel I e r . Enfin, en mettant
l'Empire face à l'Occident débordan* d'élan et de vitalité, elle fut l'origine lointaine de
' ; '/
1!
il';
Les successeurs d'Alexis IeT Comnène 269
(1) W. REGEt, Fontes, I, 2, p. 195 : Y) TÎJÇ (3ICOTIXTJÇ OaAâacrrçç x£Xeu6oç pâoTV)" 7tâcn)ç Suc-
Xepûv TteipccTetaç âxep ô 7tXo0ç.
(2) NICÉTAS CHONIATE, p. 223.
(3) Ils figurent parmi les centres commerciaux (sauf ceux du Pont-Buxin) dans lesquels
les villes italiennes jouissaient de privilèges. Pour leur activité commerciale, cf. BARACCHI, Le
carte del mille et mille cento che si cons^rvano nell' archivio notarile di Venezia, Archivio Veneto,
VIII, p. 135 (Durazzo) ; BENJAMIN DE TUDÈI,E, tr. M. ADI,ER, p. 10 ; G. BERTOI,OTTO, Documenti
sulle relazioni di Genova eolT impero bizantino, A tti délia Società Ligure di storia patria, t. XXVIII,
1896, p. 370-387 ; BDRISI, Géographie, tr. A. JAUBERT, t. II, p. 296 (Eubée-Negroponte). Pour
le commerce du Pont-Euxin à cette époque, cf. NicÉTAS CHONIATE, p. 699-700 ; TzETZÈS, Epistulae,
p. 89-90 (Amastra) ; et sur tous ces points W. HEYD, Histoire du commerce du Levant,
tr. F. RAYNAUD, Leipzig, 1885, I, p. 190-264 ; sur les grandes îles méditerranéennes, Rhodes,
la Crète et Chypre, cf. ci-dessus, p. 236, n. 1, et 240, n. 4.
;i •• 270 Des Cormènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
en face d'elle des flottes privées formées de pirates de métier de toute nationalité qui,
contrairement à ceux des époques précédentes, travaillent pour leur propre compte
(tel p. ex. Kaphourès dans la mer Egée) ou bien vendent leurs services au plus offrant
(tel Siphantos, participant avec les Normands, nous le verrons, au siège de Thessalonique).
Ds échappent tous au contrôle des puissances maritimes de l'époque, aucune n'étant
capable d'exercer seule une vraie thalassocratie, et ils créent ainsi une nouvelle situation
dans les relations maritimes internationales (1).
A cause et à la suite de cette nouvelle étape de l'histoire de la Méditerranée orientale,
la flotte et l'armée de mer de Byzance ont vu à nouveau leur rôle se modifier. La flotte
se contente maintenant de jouer le rôle d'une police navale affectée aux grands ports
de l'Empire et aux principaux nœuds des routes maritimes. Ses cadres collaborent avec
le bureau de la marine marchande (sékréton de la mer), qui gagne de plus en plus en
importance (2). Les archontes des villes (ports), responsables du règlement de la navigation
et de la sécurité maritime, ainsi que les commerciaires se multiplient (3), tandis que les
cadres traditionnels de l'armée de mer, les officiers en exercice dans la flotte de bataille,
les drongaires et les comtes, disparaissent des sources. La flotte stationnant dans les
provinces se trouve sous les ordres des autorités locales, les ducs-katépanô, gouverneurs,
nous le verrons (4), de nouveaux thèmes, tandis que Constantinople entretient son esca-
dre (5) sous les ordres du grand-duc (6). Mais elle n'entreprend plus la construction de
grandes flottes de bataille qui comptaient dans leurs effectifs de nombreux détachements
placés sous les ordres de commandants marins. Autrement dit, la fin du règne de
Manuel I e r Comnène et l'abandon de la politique d'expansion ont transformé la flotte
byzantine en flotte uniquement provinciale relevant des autorités locales. Le grand-duc
et son état-major ressemblent maintenant davantage à un ministère de la marine de
guerre qu'au commandement suprême de la flotte. Les documents d'archives de la
seconde moitié du xii e siècle nous les montrent en collaboration étroite avec les bureaux
1
' : '•'
Les successeurs d'Alexis Ie1 Comnène 271
(1) M.M., VI, p. 122-124, 127-130, 142-144 ; P. X,EMERI,E, op. cit., R.E.B., t. XIX, 1961,
p. 265 sq. ; Germaine ROUHAARD, Taxes maritimes et commerciales d'après les actes de Patmos
et de Lavra, Mélanges Ch. Diehl, I, Paris, 1930, p. 284.
(2) Cf. p. ex. le rôle joué sous Manuel I er par Théodore Styppeiôtès, qui était épi
tou kanikleiou et jouissait ainsi d'une grande « familiarité » (oikeiôsis) auprès de l'empereur :
TZETZÈS, Epistulae, p. 19-21 ; sur le rôle du protoasecretis, cf. KINNAMOS, p. 290.
(3) Sur leur participation aux diverses ambassades échangées à ce moment entre Byzance
et les autres puissances du xn« siècle, cf., à titre d'exemple, MICHEI, ITAIJKOS, éd. J. A. CRAMER,
Anecdota Oxoniensia, III, 1836, p. 170-176 ; TzETzÈS, Epistulae, p. 29-30, 66-67 '• NlCEPHORB
BASII,AKES, apud W. REGEi,, Fontes, I, 2, p. 237-238. Sur Constantinople, centre diplomatique
international de l'époque, cf. surtout EUSTATHE, apud W. REGEi,, op. cit., I, p. 5 (arrivée quoti-
dienne d'ambassades étrangères), p. 39 (arrivée du roi de Jérusalem), p. 41 (arrivée du sultan
d'Iconion), p. 89, etc.
272 Des Conmènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
L' v
Les successeurs d'Alexis J e r Comnène 273
nement de régions étendues qui, ayant pour centre une grande ville, formèrent des
unités administratives à part, des circonscriptions territoriales continues : les nouveaux
thèmes de l'Empire. La promotion du duc, chef d'une ville, au rang de duc, chef d'un thème,
fut lente ; elle n'a pas suivi partout le même rythme ; elle dépendait de la situation mili-
taire des diverses régions et de la progression de la reconquête. Il serait en effet vain de
chercher un acte impérial décrétant la constitution des nouveaux thèmes du XIIe siècle ;
Byzance procéda une fois encore, dans la réforme de ses institutions administratives,
en tâtonnant et en s'adaptant aux besoins et aux possibilités du moment. Examinons
ce nouvel aspect de l'administration provinciale ; il concerne l'intérieur et les régions
côtières de l'Empire, et est resté dans ses grandes lignes en vigueur jusqu'à la
fin de l'Empire.
L'administration des nouvelles circonscriptions territoriales de l'Empire a été
calquée sur celle des thèmes des ix e -x e siècles. Elle marque en général la réapparition
du régime des thèmes, abandonné au xi e siècle (réforme de Constantin Monomaque),
qui se caractérise par la réunion du gouvernement civil et militaire de la province (thème)
entre les mains d'une seule personne, le commandant de l'armée de la région. Les nou-
veaux thèmes, à l'exemple de ceux des époques précédentes, sont dotés d'un appareil
civil et militaire complet. Leur gouverneur, officier supérieur, est le commandant de
l'armée qui y stationne et le responsable de l'administration civile ; il est à la fois duc
et anagrapheus (praktôr, harmostès, dasmologos suivant la source) (1) ou d'une manière
générale prattôn ou énergôn du thème (2). Autrement dit, il a remplacé à la fois le stratège
et le kritès des thèmes des époques précédentes. Il jouit ainsi dans sa circonscrip-
tion, en tant que seul représentant de l'empereur, de juridictions vastes et de toute
nature (militaire, judiciaire, fiscale et policière). On comprend sans peine le
poids que lui donne l'exercice de sa fonction et pourquoi son mandat est d'une
durée limitée (3).
Les sources de la seconde moitié du XIIe siècle mentionnent des ducs à la tête des
régions suivantes : Trébizonde-Chaldie, Paphlagonie, Bithynie (Nicée, Nicomédie),
Opsikion-Mer Egée, Cyclades (Samos-Kôs), Crète, Chypre, Thracésiens, Cibyrrhéotes,
Néokastra, et, plus tard, Mylasa-Mélanoudion qui a remplacé les Cibyrrhéotes ; Anchialos
(Danube), Thessalonique, Naïssos-Belgrade, Durazzo-Ochride, Dahnatie-Dioclée (Spa-
(1) M.M., VI, p. 317, 318, 324, 325, 327, 328, 329 ; Actes de Lavra, p. 161, 352 ; NlCÉTAS
CHONIATE, p. 529 (arche et apographè), et p. 700; H. STEVENSON, Bibliotheca vaticana, codices
palatini, Rome, 1885, p. 7-8.
(2) M.M., VI, p. 107, m , 113.
(3) La liste des ducs des divers thèmes de l'époque, lorsqu'on peut l'établir malgré les
lacunes de notre documentation, montre que la durée de cette fonction dépassait rarement
trois ou quatre ans.
H. AHKWEILER
274 &es Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
lato) et Cilicie-Syrie (i). Tous ces nouveaux thèmes, sauf celui de Naïssos-Belgrade,
englobent dans leur circonscription des régions côtières plus ou moins étendues ; ils
disposent donc normalement d'un appui maritime, d'un détachement de la flotte plus
ou moins important. Même le thème de Naïssos-Belgrade, qui remplace le comman-
dement du Danube, seul thème non maritime, dispose d'un détachement important de
la flotte fluviale, plusieurs fois mentionné dans les multiples opérations que les Byzantins
ont menées pendant le xii e siècle sur la frontière danubienne (1).
Les effectifs maritimes de ces nouveaux thèmes relèvent, comme l'armée de terre
qui y stationne, du duc du thème, lequel dépend directement de l'empereur. Ainsi, les
détachements provinciaux de la flotte échappent au contrôle du grand-duc, qui reste
le commandant de l'escadre constantinopolitaine et des flottes que la capitale construit
éventuellement en vue d'opérations militaires précises. Cependant, il est certain que
pendant les périodes de guerre toutes les opérations navales dépendent du grand-duc
et de son état-major : tous les effectifs de la flotte byzantine, indépendamment de leur
provenance et appartenance, se placent alors sous les ordres du commandant en chef
de l'ensemble de la flotte impériale, en l'occurrence le grand-duc de la flotte (2), dont
l'autorité s'exerce ainsi sur tous les commandements maritimes des provinces, et aussi
là où ses missions militaires le conduisent. Ainsi, on comprend pourquoi le duc de
Crète se désigne comme anthrôpos (homme dépendant) (3) du grand-duc, et pourquoi
celui de Chypre se plie aux ordres du chef suprême de la flotte lors des opérations contre
les Turcs, les Latins d'Orient ou les Égyptiens. De ce point de vue il est caractéristique
que le grand-duc assume souvent personnellement le commandement des régions
purement maritimes, comme par exemple Chypre (4) et la Mer Egée (5). Cela semble
de règle pour l'Hellade-Péloponnèse, thème qui acquiert maintenant un caractère pure-
ment maritime et peut, toutes proportions gardées, être comparé aux thèmes maritimes
de l'époque des Isauriens et des Macédoniens.
Un cas particulier, dans l'administration provinciale de l'époque et notamment dans
l'administration maritime, nous est fourni par la composition et le caractère des deux
anciens thèmes de Thrace-Macédoine, et de l'Hellade-Péloponnèse, demeurés intacts
dans leur circonscription territoriale. Les sources de la seconde moitié du xii e siècle
dernière fois sous Alexis I e r (ANNE COMNÈNE, II, p. 155), cf. NICËTAS CHONIATE, p. 505. Sur l'admi-
nistration provinciale en général de l'époque des Comnènes et des Anges (1081-1204), cf. le travail
bien documenté de M. SESAN, Die administrative Einteilung d. byz. Reiches z. Zeit d. Comnener u.
Angheloi (en roumain, résumé allemand, p. 120-128), Cernauti, 1942 : plusieurs points sont à
réviser, surtout ce qui concerne la survivance à cette époque des thèmes des périodes précédentes,
mais le travail reste très utile ; et en dernier lieu, A. HOHI,WEG, Beitràge x. Verwaltungsgeschichte...
unter den Komnenen, Munich, 1965.
(1) Ci-dessus, p. 245, n. 4. Ci-dessous, Appendice IV.
(2) NICETAS CHONIATE, p. 321.
(3) M.M., VI, p. 96, 125 ; H. AHRWEII<ER, L'administration militaire de la Crète byzantine,
Byz., t. XXXI, 1961, p. 225, 227.
(4) N. Hett., t. V, 1908, p . 485, notice d'un ms. : « selon l'ordre du grand-duc (qui est aussi)
anagrapheus de Chypre ».
(5) B. PANÔENKO, Catalogue, I.R.A.I.K., t. IX, 1904, n<> 241.
276 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latin*
continuent de mentionner ces deux grands thèmes sous l'autorité du kritès, qui, dans ces
circonscriptions importantes, exerce, comme par le passé et uniquement là (il a en effet
disparu de l'appareil administratif des thèmes placés sous les ducs), la même juridiction
I : étendue que pendant la seconde moitié du XIe siècle à la suite des réformes de Mono-
maque, lesquelles avaient particulièrement développé son pouvoir (1). Le kritès repré-
.! i sentant du pouvoir civil reste normalement étranger au gouvernement militaire de sa
circonscription ; il expédie toutes les affaires judiciaires et fiscales ; il est en fait le gouver-
neur de la province, mais il n'est point responsable de l'armée que sa circonscription
fournit ou de celle qui y stationne (2). La question se pose du fonctionnement de l'appa-
reil militaire de l'Hellade ou plutôt de la Grèce au cours du xii e siècle. Une source capitale
pour l'histoire de la péninsule hellénique pendant la seconde moitié de ce siècle, les écrits
du métropolite d'Athènes Michel Choniate et ceux du métropolite de Thèbes Euthyme
Malakès, nous permet de préciser le régime militaire de cette région et le statut parti-
culier dont elle jouissait.
Régions côtières, au riche passé maritime, particulièrement l'Hellade-Péloponnèse
dont les recrues occupent depuis toujours une place importante dans les équipages
de la flotte byzantine, les provinces grecques semblent avoir constitué pendant la seconde
moitié du XIIe siècle des circonscriptions uniquement maritimes, à l'exemple des thèmes
des Cibyrrhéotes, de la Mer Egée et de Samos de l'époque précédente, avec cette diffé-
rence cependant que les régions maritimes de cette période ne sont pas placées sous
l'autorité d'un commandant provincial, tel par exemple le duc de Crète, de Chypre ou
des Cyclades, mais sous celle du grand-duc lui-même. Michel Choniate nous le dit
explicitement (3) ; il le confirme même pour une période antérieure à son épiscopat à
Athènes (4) ; il nous le montre clairement quand il s'adresse au grand-duc pour obtenir
des allégements fiscaux en faveur de son église (5), épuisée, comme toute la population
de ces régions, par le versement du ploïmon perçu par les ploïmologoi (percepteurs de la
taxe du ploïmon) et écrasée par les exigences des katergoktistai (préposés à la construction
des navires) (6) ; il l'illustre enfin lorsqu'il nous montre son diocèse participant à la
(1) Sur le kritès-praitôr de Thrace-Macédoine, cf. ST. KYRIAKIDÈS, Byzantinai Mélétai, IV,
Thessalonique, 1937-1939, p. 226 ; sur ceux d'Hellade-Péloponnèse, cf. A. BON, Péloponnèse
byzantin, Paris, 1951 : Listes des fonctionnaires.
(2) Sur la fonction du kritès-praitôr à ce moment, cf. H. AHRWEHJER, Recherches, p. 83 sq.
(3) MICHEI, CHONIATE, I, p. 335 : « 1/empereur te confie le monde (la région) qui s'étend de
la Thrace au Péloponnèse » ; ibid., p. 340 : « Investi de l'administration (gouvernement absolu =
isobasileios) de toute l'Europe » : lettres adressées au grand-duc.
(4) Ibid., I, p. 336 : « II porte le même titre et exerce la même fonction : le gouvernement
des villes grecques. »
(5) Ibid., I, p. 324-342 ; II, p. 98-100.
(6) Ibid., II, p. 106-107.
Les successeurs d'Alexis 7 e r Comnène 277
(1) Ibid., I, p. 308 ; II, p. 106, 107, 159. Sur Kaphourès, cf. ci-dessous, p. 289-291.
(2) M.M., VI, p. 96, 125 ; MICHEI, CHONIATE, I, p. 338 : où simplement grand-duc ou anthy-
patos (= duc, gouverneur) de l'Hellade. G. SCHI,UMBERGER, Sigillographie, p. 189.
(3) Tel est le cas de Stryphuos : MICHEI, CHONIATE, I, p. 324-342.
(4) II ressort des lettres de Michel Choniate et d'Euthyme Malakès, éd. K. MPONÈS, Ta
Sôzoména Euth. Malakè, Athènes, 1937, p. 73, que Yarchitélônès Bardas, mentionné par Malakès
(ibid., p. 49), doit être identifié soit avec le praitôr qui peut en effet être désigné sous des titres divers
(dasmologos, etc.) soit avec l'archonte maritime (cf. ci-dessus, p. 54 sq.). Sur quelques praitôr-kritès
d'Hellade-Péloponnèse non signalés comme kritès ou praitôr, cf. A. PAPADOPOUI,OS-KERAMEUS,
Noctes Petropolitanae, 1913, p. 145 (Alexis Kontostéphanos) ; THÉODORE PRODROME, P.G.,
t. CXXXIII, col. 1274 (Aristènos), etc.
(5) Cf. H. AHRWEII<ER, Recherches, p. 77, n. 5 : liste et références aux sources.
(6) Cf. ANNE COMNÈNE, II, p. 166. L'emploi du terme horion = frontière, souvent utilisé par
les textes soit pour désigner les alentours d'une ville (fin de sa circonscription), et le terme est alors
employé au pluriel (cf., à titre d'exemple, NICÉPHORB BRYENNE, p. 94-95 ; ATTAI,EIATE, p. 9, 45, 54,
117, etc.), soit pour désigner la périphérie (circonscription) d'une propriété (cf. THEOPHYI,ACTE,
Lettres, P.G., t. CXXVI, col. 405 : « horion d'une veuve »; CAMENIATE, p. 505; « horia des
278 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
horia sont sans doute tenus de fournir un certain contingent d'effectifs maritimes. Ils
supportent de toute façon l'impôt maritime, leploïmon, et ils sont gardés par des détache-
ments de la flotte assignée à la surveillance des eaux territoriales de l'Empire. Faut-il
rappeler à ce propos que nous connaissons déjà l'existence des archontes, des officiers
assignés aux points extérieurs de la ligne maritime de l'Empire et exerçant le contrôle
.i •, j de la navigation précisément à la tête des villes qui forment des horia (i) ? Autrement
dit, il nous semble probable que le responsable de la circonscription désignée comme
horion et dont le titre n'est pas révélé par nos sources soit le successeur de l'archonte d'un
port ; il exerce les mêmes fonctions que lui, et doit appartenir aux cadres maritimes de
l'Empire relevant directement du centre, en l'occurrence du grand-duc.
En conclusion, notons que l'unification du pouvoir civil et militaire sous le duc-
anagrapheus, caractérisant l'administration provinciale des Comnènes, ne s'est pas
réalisée en Grèce. L'Hellade-Péloponnèse fournit une armée de mer (ou des prestations
fiscales destinées à la flotte et aux besoins de la marine de guerre) ; elle est gardée par des
détachements de la flotte relevant directement du grand-duc et répartis dans les divers
horia, subdivisions territoriales de ce thème englobant des régions côtières, tandis que
l'intérieur du pays est protégé par des milices locales. Ces dernières sont assignées surtout
aux régions montagneuses du pays, dans les drouggoi (passes montagneuses) (2) ;
elles finissent par être désignées de ce nom (3), et forment alors des corps paramilitaires
veuves »), n'a rien à voir avec le terme de l'administration provinciale et qui est en outre à ne pas
confondre avec le terme technique horion ou hôrreion, ou horion, ou horrion désignant le dépôt de
blé : le terme horiarios ou hôreiarios indique le responsable du dépôt de blé et non pas le chef de
l'horion, circonscription administrative. Ainsi le sceau d'un horiaritès de Smyrne (cf. K. KÔNSTAN-
TOPOUI.OS, Byz. Molybdoboulla, p. 214) ne peut pas être attribué à un représentant de l'admi-
, nistration provinciale; d'autant plus que nous connaissons l'existence des hôreia ( = dépôts de
blé) à Smyrne (cf. M.M., IV, p. 10) et que nous ignorons le titre que portait le responsable de la
circonscription administrative horion ; sur les apothèkai et hôreia, cf., F. DÔI.GER, B.Z., t. XXIX,
1929, p. 430-439 ; H. ANTONIADIS-BIBICOU, Recherches sur les douanes à Byzance, Paris, 1963,
p. 185 sq.
(1) Thèbes, Athènes, Patras, Nauplie, Argos, etc.
(2) MlCHEl, CHONIATE, Hypomnèstikon à Alexis III Ange, éd. G. STADTMÛUJER, Orientalia
Christiana, Analecta, t. XXXIII, 2, 1934, n ° 9 1 . P- 3°3 ( = MICHEI, CHONIATE, I, p. 310-311).
(3) Le terme drouggos est l'équivalent du terme zygos : c'est un terme géographique ; dans
les sources concernant la Grèce continentale et le Péloponnèse ces deux termes sont indifférem-
ment employés : tous les deux sont devenus des patronymiques (cf., à titre d'exemple, M.M.,
V, p. 39, 42 ; VI, p. 158, 160, etc.). S. KOUGÉAS, Pragmateiai de l'Ac. d'Athènes, t. XV, igso.p.ôsq.,
suivant G. STADTMUIAËR, op. cit., p. 303, n'accepte pas le sens « défilés » pour le mot drouggos,
sens proposé par J. BUCHON, Chroniques étrangères, Paris, 1875, p. 107, malgré l'équivalence des
termes drouggos et zygos qu'il constate. S. Kougéas croit que le terme géographique drouggos
est le même que le terme militaire souvent attesté dans les sources byzantines, et notamment
Les successeurs d'Alexis I e r Comnène 279
que l'on trouve seulement dans les provinces occidentales, notamment en Grèce ;
elles dépendent vraisemblablement du praitôr-kritès du thème (1), du gouverneur de la
province qui, en tant que responsable, comme son nom l'indique, de la justice, assure le
maintien de l'ordre dans sa circonscription, et qui est le chef de la police locale (2).
L'administration provinciale mise en place sous les Comnènes, exception faite
toutefois du régime particulier de la Grèce, qui disparaît avec l'occupation latine, a duré
jusqu'à la fin de l'Empire. Au cours de l'histoire, les circonscriptions territoriales de
l'époque ici présentée ont subi des modifications dans leur étendue, leur importance ou
leur nomenclature. Certaines disparaissent tandis que de nouvelles se créent à leur
place, mais l'esprit et les principes qui dominent l'administration provinciale restent
immuables. Nous nous contenterons de noter au fur et à mesure de notre exposé l'évo-
lution des thèmes importants pour l'histoire maritime, sans nous occuper particulière-
ment de l'administration provinciale de l'Empire dans les nouvelles étapes de son histoire,
qui sera singulièrement perturbée par des événements extérieurs.
dans les tactiques militaires (cf. H. AHRWEHER, Recherches, Index, s.v. « drouggos », en grec et en
français) : ainsi drouggos terme militaire désignant à l'origine une formation tactique d'un groupe
de soldats, finit par désigner un détachement de soldats placés sous les ordres d'un officier appelé
drouggarios. S. Kougéas pense avec D. ZAKYTHINOS, Les Slaves en Grèce (en grec), Athènes, 1945,
p. 59, que le terme géographique drouggos désigne la circonscription gardée par les soldats du
détachement ainsi appelé, à l'exemple des termes thêma, tourma, bandon. Cependant il faut noter
que les sources mentionnant les subdivisions administratives du thème, comme p. ex. le De Thema-
tibus et le De Administrando Imperio (cf. ci-dessus, p. 62 sq.), pour ne citer que les plus impor-
tantes, ne mentionnent nulle part le drouggos comme circonscription territoriale : autrement
dit le terme drouggos ne fut pas un terme de géographie administrative : une preuve indirecte
nous est fournie par le fait que dans les sources concernant l'Asie Mineure, berceau du régime
des thèmes, il n'est nullement question de drouggos dans un sens géographique, seul le terme zygos
est employé (aux références données par K. AMANTOS, Hellènika, t. XI, 1939, p. 272, il faut
ajouter un évêché de Zygos, Vie de saint Pierre d'Atrôa, éd. V. LAURENT, p. 81 ; et M.M., VI, p. 158)
et que dans le cas, et ceci en Péloponnèse, où un drouggos est gardé militairement, il est alors
placé non pas sous un drongaire mais sous un sébaste — tzaousios : plusieurs exemples nous sont
fournis par les inscriptions péloponnésiennes du XIVe siècle et les sources de cette époque.
(1) Ceci est confirmé par MAIAKËS, éd. K. MPONES, p. 73-74, qui présente les services du
praitôr comme obligeant des ecclésiastiques à échanger leurs « soutanes » contre des uniformes de
soldats, et d'autre part procédant à un recrutement des paysans : ibid., p. 50.
(2) Sur le kritès-praitôr et sa juridiction, cf. H. AHRWEIWOR, Recherches, p. 83 sq. ; sur praitôr-
pronoètès, cf. G. STADTMÙIAER, Landverteidigung u. Siedlungspolitik im ôstrôm. Reich., Bull, de
l'Inst. Arch. Bulgare, t. IX, 1925, p. 396 sq.
I !
CHAPITRE III
A. ANDRONIC I e r COMNÈNE
(1) F. COGNASSO, Partiti politici e lotto dinastiche in Bizanzio alla morte di Manuele Comneno,
Turin, 1912 ; du même. Un imperatore bizantino délia decadenza : Isaaco II Angelo, Bessarione,
t. XIX, 1915, p. 29-60.
(2) NICÉTAS CHONIATE, p. 296, 298-299, 317.
(3) EUSTATHE, De expugnatione Thess., p. 26-28 : sinôpikè chersonnèsos = presqu'île de
Sinope et non pas Scutari (en face de Constantinople) comme le veut l'éditeur St. Kyriakidès.
(4) Ibid., p. 28 : « II avait reçu la région de Paphlagonie pour en être gouverneur et pour
en tirer profit. »
(5) Récit détaillé des événements par NICÉTAS CHONIATE, p. 298-299 et surtout p. 317 sq.,
et par EUSTATHE, De expugnatione Thess., p. 18 sq., et surtout p. 30 sq.
Crises intérieures et effondrement de l'Empire 281
Eustathe, « de disposer ses navires sur les rivages et les golfes de sorte qu'on ne puisse
savoir exactement ni leur nombre, ni leur nature » (1). Il est évident qu'Andronic ne
disposait que d'une petite flottille (le détachement paphlagonien ne devait pas être
important), augmentée sans doute par les bateaux fournis par la population des côtes
pontiques et bithyniennes soumises au révolté.
Après l'échec des opérations menées sur terre contre Andronic, le protosébaste
Alexis mit tous ses espoirs dans la flotte constantinopolitaine pour étouffer la révolte
(« c'est par la guerre sur mer qu'il essaya de repousser Andronic », nous dit Choniate) (2),
et notamment dans l'escadre équipée des Latins de Constantinople, qui lui restaient
fidèles, alors que la population byzantine de la capitale était ouvertement favorable
au soulèvement d'Andronic. Une partie importante de la population constantinopoli-
taine commençait, avant même de connaître le résultat de la lutte armée qui s'était
engagée contre le révolté, à franchir le Bosphore sur toutes sortes d'embarcations afin
de rejoindre les rangs d'Andronic à Chalcédoine : « Les détroits étaient couverts de
bateaux et de barques transportant la foule désireuse de voir son libérateur », dit Michel
Choniate dans l'éloge qu'il a adressé à Andronic Comnène (3). Son frère, lui, se contente,
en parlant des rassemblements publics tenus par les partisans d'Andronic, de noter que
seuls « ceux qui se plaisent dans le renversement des régimes traversaient les détroits et
se rendaient à Chalcédoine » (4).
Nous devons à Nicétas Choniate un récit détaillé montrant l'importance et la
composition de la flotte constantinopolitaine mobilisée par le protosébaste Alexis contre
Andronic Comnène : « II y avait alors, dit Nicétas, dans la Propontide, des birèmes dont
une partie était équipée par des marins et des soldats (des tagmata maritimes) byzantins
et une autre par des Latins de toute provenance, installés à Constantinople. Cette dermère
partie de la flotte était la plus importante, la mieux équipée et la mieux armée, car l'argent
coulait à flot quand il s'agissait des Latins et de leurs intérêts » (5). La partie de la flotte
constantinopolitaine montée par des Latins, « bien plus redoutable, parce que pourvue
de soldats couverts de fer et de caractère fort belliqueux » (6), resta jusqu'à la fin fidèle
au protosébaste Alexis, tandis que l'escadre montée par des Byzantins rejoignit le révolté,
avec le grand-duc Andronic Kontostéphanos, qui assumait « comme il se devait, le com-
mandement suprême de toute la flotte » et cela malgré les efforts du protosébaste pour
%
confier cette fonction à ses partisans, notamment aux Latins (1). La défection de l'escadre
byzantine, qui rejoignit Andronic, marqua la défaite du protosébaste (2) et donna la
victoire finale à Andronic. La foule constantinopolitaine attaqua le palais et arrêta
Alexis ; le patriarche lui-même franchit le Bosphore et alla à la rencontre du révolté (3)
qui s'apprêta à franchir les détroits et à s'installer triomphalement à Constantinople toute
acquise à sa cause. La flotte que le grand-duc fournit au révolté lui permit d'effectuer
le transport de ses troupes à Constantinople. Les détroits furent franchis par Andronic,
qui entra dans la ville en 1182. Les soldats paphlagoniens qui avaient suivi Andronic
dès le début de sa révolte participèrent avec la foule constantinopolitaine au massacre
des Latins et au pillage de leurs biens (4). Les Latins de Constantinople (évalués par
Eustathe à soixante mille) (5), attaqués par mer et par terre (6), prirent la fuite sur leurs
bateaux ; ils se livrèrent en fuyant, comme ils en avaient l'habitude en pareil cas, au
:ÎI, Î pillage des îles constantinopolitaines (îles des Princes) et des côtes de la Propontide,
v
• • \ dépourvues de toute défense, et regagnèrent l'Occident sans être inquiétés (7). Pendant
:i: ce temps, les équipages de la flotte byzantine poursuivaient le pillage de la capitale.
Le récit de la révolte d'Andronic, par Eustathe de Thessalonique et surtout par
Nicétas Choniate, montre d'une manière évidente que le succès de la révolte d'Andronic
est dû, dans une large mesure, à la flotte constantinopolitaine. Son escadre byzantine
a pu neutraliser l'escadre équipée par les Latins de la capitale fidèles au protosébaste
Alexis et effectuer le transport des troupes d'Andronic à Constantinople. Choniate
remarque à juste titre qu'une meilleure utilisation, par le protosébaste, de l'importante
escadre de Latins aurait sans doute empêché le succès de la révolte d'Andronic (8).
Ce ne fut pas le cas. L'incident de la révolte de 1182 nous révèle la nouvelle composition
des équipages et des soldats-marins de l'Empire. Les Latins tiennent la part la plus
(1) Cf. les remarques intéressantes de G. OSÏROGORSKIJ, Geschichte3, p. 326 sq., sur le règne
et la politique d'Andronic I e r Comnène.
(2) R.H.C., Historiens grecs, I, p. 561 ; Isaak assumait le poste sous Manuel I e r ; NICETAS
CHONIATE, p. 376 : à ce titre Isaak était installé à Tarse, capitale du thème byzantin de Cilicie.
(3) NICÉTAS CHONIATE, p. 376-377-
284 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
l\\
Crises intérieures et effondrement de l'Empire 285
La ville fut prise d'assaut, sa population mécontente du gouverneur Rômanos, qui avait
été sans doute peu auparavant duc impérial de la région, ne s'opposa pas aux Siciliens (1) ;
le duc en fonctions, Jean Branas, fut fait prisonnier par les envahisseurs et conduit en
Sicile (2). De Durazzo, l'armée normande prit la route et marcha sur Thessalonique, où
elle arriva avant la flotte : celle-ci, ayant fait voile vers Thessalonique, pillait au passage
les régions côtières dépourvues de toute défense maritime (3). Michel Choniate mentionne
des attaques en Attique. Les Italiens, nous dit-il, parmi les trésors qu'ils emportaient, ne
négligeaient point les manuscrits que les marchands de livres leur procuraient : « plusieurs
bateaux chargés de cette cargaison ont gagné l'Occident » (4). Le 6 août, la flotte sicilienne
mit le siège devant Thessalonique déjà attaquée par l'armée normande. Après une faible
résistance de sa garnison, placée sous les ordres du duc David Comnène, hostile à l'empe-
reur, la ville fut prise dans un assaut général, le 15 août, et entièrement saccagée et pillée.
Nous devons à Eustathe, alors métropolite de Thessalonique, la chronique du
siège, de la prise et du pillage de la seconde ville de l'Empire par les troupes nor-
mandes (5). Le métropolite, qui fut un témoin oculaire, fait un récit vivant du début
des hostilités et du déroulement des opérations militaires ; il considère l'incapable
duc David Comnène, qui a manqué d'énergie et de courage, comme responsable du
désastre qui a frappé la ville (6). Prisonnier lui-même des Siciliens, et notamment de
leur allié, le pirate Siphantos (7), il nous fait connaître la situation qui régna dans le
camp normand, et plus précisément dans la flotte sicilienne, à la suite du grand exploit
que fut le sac de Thessalonique. Les Siciliens, ragaillardis par la prise de Thessalonique,
ravagèrent la Macédoine et la Thrace, marchèrent contre Constantinople, tandis que i
leur flotte resta dans la capitale macédonienne (8). Andronic, outre les alliances exté- |
rieures qu'il chercha (il conclut en effet une alliance avec Saladdin, sultan d'Egypte,
contre les Normands (9)), s'empressa de mettre en état les murailles de Constantinople
et de mobiliser la flotte byzantine de la Propontide. Cent bateaux furent remis àflot(10),
qui appartenaient aux formations qui avaient secouru Andronic lors de sa révolte ; ils
avaient été construits par Manuel I e r à lafinde son règne, car les sources ne mentionnent
aucune construction de flotte constantinopolitaine après la mort du dernier grand
I' 5 I Comnène. Andronic I e r n'avait point le temps ni la liberté d'esprit d'entreprendre la
.1 .;
construction d'une flotte de bataille, bien qu'il s'occupât particulièrement de questions
maritimes, à vrai dire de celles qui avaient trait à la marine marchande, alors ressource
importante de l'économie byzantine. Andronic I e r prit des mesures rigoureuses pour
protéger le commerce maritime et notamment les bateaux marchands qui, naufragés
ou échoués sur le rivage byzantin, étaient, malgré les lois en vigueur, la proie des
populations côtières (1).
La flotte byzantine mobilisée par Andronic I e r se chargea de la surveillance de la
mer constantinopolitaine. Elle était prête à secourir les îles et les côtes de la Propontide
exposées à l'attaque de la flotte normande, qui avait entre-temps appareillé de Thessa-
lonique, traversé les détroits de l'Hellespont et faisait voile vers Constantinople (2).
La capitale de l'Empire a vu en effet sous ses murailles les troupes siciliennes qui avaient
ravagé au passage la Macédoine et la Thrace, et sur ses rivages la flotte normande :
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« Une double guerre sévissait à l'extérieur contre la Ville, dit Michel Choniate dans
l'éloge qu'il adressa cette fois à Isaak II Ange, tandis qu'à l'intérieur régnait la tyrannie »
(Andronic I e r Comnène). « La guerre sévissait contre la Ville », poursuit l'orateur,
« sur mer et sur terre ; d'un côté les armées siciliennes couvertes de fer (pagchalkos),
comparables aux têtes terribles de Scylla qui, la gueule ouverte, avalait les villes grecques,
et de l'autre, comparable à Charybde, la flotte ennemie, composée de navires innom-
brables, se répandait de toutes parts. La population de Constantinople, qui avait la vie
douce et facile et qui était restée jusqu'alors à l'écart de pareils malheurs, s'étonnait et
mettait tous ses espoirs dans le Tout-Puissant » (3). C'est cette foule constantinopolitaine
qui aida Isaak Ange à renverser, lors des moments troubles du siège de la capitale par les
Siciliens, celui qui quelques années auparavant était son idole. Isaak Ange fut proclamé
empereur, Andronic I e r s'enfuit vers le Pont. Il fut arrêté à Chilè, et livré à la foule,
qui le mit à mort après des supplices atroces. Cette même foule excitée se livra encore
une fois au pillage. Les trésors du palais et les dépôts d'armes furent pillés, tandis que
les Normands encerclaient toujours la capitale et saccageaient les alentours (4).
Sous le commandement du nouvel empereur, Isaak II Ange, la flotte et l'armée
byzantines réussirent finalement à dégager Constantinople du siège sicilien. Les Nor-
(1) Détails intéressants sur l'application de cette mesure d'Andronic I e r , dans NicÉTAS
CHONIATE, p. 423-428.
(2) NICÉTAS CHONIATE, p. 415.
(3) MICHEI< CHONIATE, I, p. 225-226, et allusion à l'attaque normande, ibid., I, p. 210.
(4) NICÉTAS CHONIATE, p. 440, 453.
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Crises intérieures et effondrement de l'Empire 287
mands furent partout pourchassés. Un grand nombre d'entre eux, parmi lesquels le
chef de la flotte, tomba entre les mains des Byzantins (1), le reste de leurs armées prit
en désordre la fuite vers Thessalonique, tandis que la flotte vaincue se livrait, dans sa
retraite, au pillage des îles constantinopolitaines, notamment de Kalônymos et des
côtes de la Propontide. La flotte byzantine, étant donné la faiblesse de ses moyens,
s'abstint prudemment de poursuivre la flotte sicilienne, qui disposait de plus de deux
cents bateaux restés à l'ancre lors des opérations dans le golfe d'Astakènos, en face de
Constantinople. Chargée avant tout de la garde de la capitale, troublée par le renverse-
ment d'Andronic, la flotte byzantine poussa cependant sa croisière jusqu'au golfe de
Kios, mais elle évita de s'éloigner, et n'atteignit même pas la presqu'île de Cyzique (2).
De Thessalonique la flotte sicilienne rembarqua les troupes qui avaient été chassées
de Thrace et de Macédoine par l'armée d'Isaak II Ange. Elle fit voile vers l'Occident,
continuant le pillage, mais les Normands furent obligés d'abandonner Durazzo et de
quitter les autres places byzantines qu'ils tenaient. Leur flotte était incapable de les
protéger ; elle fut la proie des tempêtes (3), fut en partie décimée et, vaincue, rentra
finalement en Sicile. L'ofiFensive normande contre l'Empire était terminée, Isaak II Ange
commença son règne sous les meilleurs auspices. Serge Kolybas, dans l'éloge qu'il
adressa à cet empereur, s'arrête longuement, comme il se doit, sur l'échec que les Siciliens f
ont subi sur terre et sur mer, et notamment sous les murailles de Constantinople : |
« L'insulaire ( = Sicilien), dit l'orateur, qui s'arma pour attaquer par mer et par terre
Constantinople, une fois sur terre, périt comme les bêtes marines qu'on retire de l'eau 5
il est vrai que ses navires avaient réussi à voir Constantinople mais c'était comme s'ils
y avaient été en croisière, pour regarder et raconter ensuite le spectacle mémorable que
la ville offre au spectateur, et non point pour l'attaquer; ils ont ainsi visité la ville et
ensuite, comme gorgés et saturés de sa beauté, ils s'en sont retournés » (4). Ainsi,
et d'une manière inattendue, l'attaque sicilienne tourna au désastre pour l'envahis-
seur, malgré des premiers succès éclatants, tels que la prise de Durazzo et surtout le
sac de Thessalonique. Une alliance fut finalement conclue entre Byzance et la Sicile.
Elle comportait une clause importante qui ne nous est connue que par le discours de >,
Serge Kolybas : les Siciliens étaient tenus de fournir à l'empereur byzantin une flotte |<j
(naumachikon symmachikon) a u cas où l'Empire e n aurait besoin et l'aurait d e m a n d é (5).
La dernière tentative normande contre l'Empire s'acheva sur cette victoire byzantine,
célébrée par les orateurs de l'époque qui ont écrit en l'honneur d'Isaak II Ange (1).
Elle marque la fin de l'agression normande, qui dura plus d'un siècle, mais pour les
Constantinopolitains elle fut le prélude de la quatrième croisade et des événements qui
, t suivirent, lesquels eurent pour eux une autre issue.
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à leur service (quand elles ne se livraient pas au pillage de son littoral) et à aban-
donner son propre appareil maritime, qui tomba progressivement en désuétude. Les
événements du début du xin e siècle, conséquence de cette politique désastreuse, prouvent
combien fut grave et irréparable pour l'Empire l'abandon de sa flotte et de son armée
de mer nationales amorcé sous Manuel I e r .
Malgré un rhéteur anonyme qui affirme qu'à la mort de Manuel I e r la piraterie était
anéantie, et les voies maritimes ouvertes à la navigation et à l'activité commerciale (3),
(1) Cf. W. REGEt, op. cit., p. 277, 278, 287-289 ; MlCHEl,CHONIATB, I, p. 210, 225, 226, 244-245.
(2) Byz., t. XXVIII, 1958, p. 37 : « attaquer et détruire (les pirates) des bateaux polyphorta
( = à pleine cargaison )».
(3) Apud "W. RBGEL, Fontes, I, 2, p. 195.
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Crises intérieures et effondrement de l'Empire .289
de l'Empire en échange d'avantages considérables, et qui s'est montré depuis lors maintes
fois utile à l'Empire par ses exploits sur mer » (1). Il est malheureux que Nicétas Choniate
ne fournisse aucune précision sur les victoires du pirate Steiriônès, pirate « patenté »
de l'empereur (2) et dont les victoires seraient ainsi portées au compte de la flotte byzan-
tine de cette époque. Cependant Steiriônès, pirate célèbre et jusqu'alors invincible fut,
« contre toute attente », précise Nicétas (3), vaincu par Kaphourès. Les navires byzantins,
surpris par la flotte du pirate génois près de Sestos (à l'embouchure des détroits de
PHellespont), furent détruits ou amarinés. Kaphourès, après cet exploit, poursuivit
impunément ses incursions contre les îles et les côtes égéennes, dont les populations furent
alors contraintes à verser des impôts réguliers au pirate, signe évident de leur dépendance.
L'empereur Alexis III Ange entreprit des pourparlers avec le pirate, proposant notam-
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ment d'acheter la paix, tandis qu'une nouvelle flotte était en formation à Constantinople.
C'est une attaque surprise de cette nouvelle flotte, grossie de navires pisans et confiée
toujours à Steiriônès, contre les navires de Kaphourès, qui donna finalement la victoire
aux Byzantins et débarrassa la mer Egée de ce fléau. En effet la flotte byzantine réussit à
s'emparer par surprise de la flotte de Kaphourès et à mettre à mort le pirate génois (4).
Cela fut considéré comme un grand exploit naval, qui honora particulièrement Steiriônès,
:U lequel exerçait alors le commandement effectif de toute la flotte impériale (5). Le grand-
duc Stryphnos, personnage bien connu par les diverses sources de l'époque (discours
prononcés en son honneur, documents d'archives, etc.) (6), se contenta d'organiser les
(1) NICETAS CHONIATE, p. 636. Sur Steiriônès, cf. JEAN APOKAUKOS, Lettres, éd. A. PAPA-
DOPom,OS-KÊRAMEUS, Archevêché d'Ochride (en grec), PetropoH, 1905, p. 6-10, et B. Z., t. XIV,
1905, p. 572-
(2) Sur ce pirate, cf. note précédente et surtout MICHËI, CHONIATE, I, p. 308 ; II, p. 106-107,
159 ; son prénom Pansias (Pancio ?) suggère une origine italienne ou espagnole ; il continua à servir
l'Empire même après la chute de Constantinople : il fut envoyé par Théodore Lascaris auprès de
Michel Choniate, et il est alors désigné comme paneugénestatos : ibid., n, p. 159 ; et ci-dessous, p. 304.
l\ (3) NICÉTAS CHONIATE, p. 636 : para doxan.
(4) Ibid., p. 636-637. Une lettre impériale datée de mars 1199 {M.M., III, p. 46-47,
= F. DÔXGER, Regesten, n° 1649) annonça à Gênes la destruction de la flotte de ce pirate.
(5) Récit de cette victoire dans R. BROWNING, An anonymous « basilikos logos » addressed
to Alexis I Comnenos, Byz., t. XXVIII, 1958, p. 31-50 : l'éditeur, comme nous l'avons remarqué
ci-dessus, p. 188, n. 2, n'a pas reconnu le discours de Constantin Stilbès, adressé non pas à
Alexis I e r Comnène, mais à Alexis III Ange (cf. J. DARROUZÈS, Notes de littérature et de critique,
R.E.B., t. XVIII, i960, p. 184 sq.) : la victoire navale contre le drakôn peiratès qui ravagea la
Troade est celle remportée par Steiriônès contre Kaphourès qui venait d'attaquer Adramytte et
sa région.
(6) Actes de Lama (inédits, photos du Centre d'Histoire et de Civilisation byzantines, Sor-
bonne) ; et sur ce sujet, cf. P. LEMEKCE, Notes sur l'administration byzantine, R.E.B., t. XIX,
1961, p. 258-272 ; MICHEI, CHONIATE, I, p. 324, 330 ; II, p. 98.
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Crises intérieures et effondrement de l'Empire 291
pourparlers avec Kaphourès, afin que Byzance trouve le temps de mettre en état la flotte
destinée à le combattre. Il ne fut point mêlé aux opérations militaires. Nicétas
Choniate, qui nous donne un portrait détaillé de l'homme, le montre rapace et avide,
ne pensant qu'à s'enrichir par les multiples avantages que son poste lui procurait, et ceci
bien entendu aux dépens des intérêts de la flotte et de l'armée de mer, qui étaient laissées
à l'abandon (1). Ajoutons à ce propos que les documents d'archives nous présentent ce
grand-duc et ses services comme étant en rapports étroits avec le sékrêton de la mer,
traitant des affaires concernant le commerce maritime, et mêlés à des questions fiscales,
source importante d'enrichissement (2). Michel Choniate souligne l'abondance des
trésors et l'importance des biens accumulés par Stryphnos (3).
Les avantages procurés par la piraterie ont fini par tenter l'Empire même et ses
cadres officiels. Léon Sgouros, gouverneur quasi indépendant de Nauplie, attaqua, avec
sa flotte, les côtes péloponnésiennes et helladiques. Il s'empara de Corinthe et d'Athènes,
où il se comporta comme le pire ennemi de l'Empire. Les villes furent pillées et leur
population massacrée (4) par les troupes de ce Byzantin. Le gouverneur de Samos,
Pègonitès, fut accusé de se livrer à des exactions contre la population de sa cir-
conscription (rà vrçaiSia xoupaeûcov Stà xaTÉpycov LSLWV) (5). Enfin l'empereur lui-même
ne négligea point le gain que la piraterie pouvait lui procurer. Alexis III Ange envoya
dans lePont-Euxin ConstantinPhraggopoulos avec six birèmes, sous le prétexte d'enquêter
sur le naufrage d'un navire près de Kérasous (il faut penser que les mesures d'An-
dronic I e r concernant la navigation et la sécurité des bateaux marchands étaient toujours
en vigueur) (6), mais à vrai dire pour piller les bateaux marchands qui affluaient dans le
port d'Amisos. L'objectif fut facilement atteint, Phraggopoulos dépouilla tous les mar-
chands qui se trouvaient à Amisos quelle que fût leur nationalité, et il poursuivit la même
opération contre les bateaux qu'il rencontra dans le Pont-Euxin (7). L'incident suscita
la protestation du sultan d'Iconion, plusieurs marchands turcs ayant été victimes des
exactions de Phraggopoulos. L'empereur répondit que Phraggopoulos avait agi pour son
propre compte et contre les ordres impériaux (8). L'Empire se comportait en véritable
(1) NICÉTAS CHONIATE, p. 637 ; et surtout p. 651, 716 : il vendait pour son compte
l'armement des navires.
(2) Ci-dessus, p. 290, n. 6.
(3) MICHEI, CHONIATE, II, p. 98 : « Dieu t'a donné beaucoup de biens : des domaines, des
esclaves, etc. »
(4) Ibid., II, p. 169-170.
(5) M.M., VI, p. m .
(6) Ci-dessus, p. 286.
(7) NICETAS CHONIATE, p. 699.
(8) Ibid., loc. cit.,
292 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
pirate. Il y eut pourtant des orateurs pour porter cette opération au compte des victoires
de l'année de mer et pour louer à cette occasion l'œuvre de l'empereur (1). On comprend
l'état dans lequel se trouvait à ce moment la flotte byzantine et la mentalité qui régnait
parmi ses cadres. Le portrait du grand-duc Stryphnos que fait Nicétas Choniate (2) et
le comportement des gouverneurs des régions maritimes et des officiers de la flotte
impériale en sont de bonnes illustrations. Personne ne s'étonnera du résultat de la
quatrième croisade, qui s'explique avant tout par l'abandon de la flotte, la dégradation
de l'appareil naval de l'Empire et la dépravation des mœurs maritimes : à la fin
du XIIe siècle la piraterie est officiellement exercée par toutes les puissances maritimes,
les républiques italiennes en tête (3).
On ne saurait dire avec certitude si la grande flotte préparée par Venise pendant les
trois premières années du xin e siècle était destinée, comme le notent Robert de Clari,
Villenardouin, André Dandolo (4) et les autres sources occidentales, à secourir les
Croisés francs, ou si elle était destinée, sous le prétexte de la croisade, comme
u l'affirme Nicétas Choniate (5), à s'emparer de Constantinople et de ses richesses et
à réaliser enfin le rêve que les Vénitiens nourrissaient depuis le moment où, par les
concessions faites aux autres villes italiennes, leur situation dans l'Empire était devenue
instable, et fragiles leurs privilèges (6). En effet le comportement des Byzantins vis-à-vis
des Vénitiens depuis Jean II Comnène et surtout l'attitude de Manuel I e r ne présentaient
plus les garanties nécessaires au bon fonctionnement et au maintien des privilèges accordés
à Venise par Alexis I e r . Les traités, bien que régulièrement renouvelés, étaient dans la
pratique peu respectés, leurs clauses souvent violées (les écrivains byzantins l'avouent),
surtout par les empereurs de la maison des Ange (1). Il n'est donc point exclu que Venise,
qui était à ce moment-là une grande puissance maritime, ait conçu le projet d'attaquer
par mer d'une part ses ennemis et concurrents de l'Adriatique (« Dux tune Tergestinos
et Muglenses mare infestantes comprimere anhelans », dit Dandolo) (2) et d'autre part
Constantinople, pour donner le coup de grâce à ce grand malade de l'Orient qu'était
Byzance, affaiblie par les crises dynastiques, les révoltes permanentes et les soulèvements
séparatistes. Ces derniers, qui se sont multipliés à la fin du xn e siècle, aboutirent
l'un après l'autre à la création de petits États indépendants de Constantinople et
provoquèrent la dislocation de l'Empire, dangereusement amorcée avant même
son effondrement définitif en 1204 (3). Ces soulèvements sont une des plus impor-
tantes causes de l'affaiblissement de Byzance. Ils expliquent l'impossibilité devant
laquelle se trouva Constantinople d'opposer une force armée cohérente et de
mobiliser les effectifs militaires des provinces contre la flotte vénitienne et les
troupes des Croisés.
En effet, l'exemple d'Isaak Comnène, qui avait réussi à installer à Chypre un pouvoir
indépendant et qui, après sept ans de règne, finit lors de la troisième croisade prisonnier
non pas de l'empereur, mais des Anglais (ces Croisés étranges, d'après le mot de
Néophyte le Reclus, qui arrivaient sur leurs énormes bateaux, « les nakai », et qui
occupèrent Chypre, chassant le « tyran ») (4), trouva par la suite plusieurs imitateurs. En
Orient, les petits-fils d'Andronic I e r Comnène, Alexis et David, s'installèrent de Trébi-
zonde à Héraclée du Pont, région avec laquelle leur maison avait d'anciennes attaches (5).
Ils furent ainsi à l'origine de la création de l'Empire de Trébizonde qui, sorti du désordre de
lafindu XIIe siècle, mènera dorénavant une vie à part et survivra à Byzance même. Maggafas
s'empara de l'intérieur du thème des Thracésiens (6), tandis que sur les régions côtières
du même thème s'installèrent d'autres dynastes indépendants, Maurozômès dans la
(1) NlCÉTAS CHONIATE, p. 712 : « Ayant plusieurs fois transgressé les accords avec Venise,
ils portèrent tort aux Vénitiens dans leurs biens, et ils imposèrent des obligations à leurs
navires. »
(2) TAFEL-THOMAS, Urkunden, I, p. 288.
(3) Sur ce point, cf. le témoignage important de NICÉTAS CHONIATE, p. 701, concernant les
mouvements de rébellion et d'indépendance déclenchés surtout par des représentants de la famille
des Comnènes.
(4) K. SATHAS, Mes. Bibl., II, p. 2 sq., récit détaillé de la prise de Chypre par les Anglais ;
NICÉTAS CHONIATE, p. 547-548 : au départ des Anglais après la troisième croisade, l'île fut donnée
par leur roi aux Francs de Jérusalem.
(5) NICETAS CHONIATE, p. 842, 844-845 ; A. VASHIEV, The foundation of the Empire of
Trebizond, Spéculum, t. XI, 1936, p. 3-37.
(6) NICETAS CHONIATE, p . 521 sq. : dynaste indépendant qui avait frappé une monnaie
d'argent portant son effigie.
l. 294 Des Comnènes à 1204 : Byzance entre les Turcs et les Latins
vallée du Méandre (1) et Sabbas Asidènos à Sampsôn, près de Milet (2). La ville d'Attalée,
important port de l'époque, passa sous le pouvoir de l'Italien Aldebrandinos, depuis
longtemps installé dans l'Empire (3). Rhodes connut le même sort sous Gabalas (4),
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quelques navires pirates surirent à enlever la Crète (5), tandis qu'en Occident Léon
Sgouros avait étendu son pouvoir de Nauplie à la Thessalie (6) et que le fils bâtard du
sébastokratôr Isaak, Michel Doucas, s'emparait de la région occidentale de l'Hellade,
où fut créé l'État indépendant connu sous le nom de Despotat grec d'Épire (7). Cette
situation confuse qui caractérise l'Empire à la veille de la quatrième croisade se résume
ainsi : à l'extrêmefindu xn e siècle le pouvoir de l'empereur de Constantinople ne subsiste
que sur un territoire limité. L'Empire a perdu sa continuité territoriale, la capitale en
danger ne peut plus compter que sur ses propres moyens ; les provinces lui sont étran-
gères, sinon hostiles et rivales (8). Ainsi l'insouciance que le grand-duc et l'empereur
lui-même manifestèrent à l'annonce de la préparation de la grande flotte vénitienne (9)
ne pouvait qu'être fatale à l'Empire.
En effet, après de longs préparatifs qui nous sont connus par les récits de Villehar-
douin et de Robert de Clari (10), la flotte vénitienne et les Croisés francs, dans le dessein,
ou sous prétexte, d'installer sur le trône de Byzance le jeune Alexis Ange (fils de l'ex-em-
pereur Isaak II détrôné par son frère Alexis III) ( n ) , partant de Venise, lieu de rassem-
blement des Croisés, se dirigèrent vers Byzance, « et jamais plus belle flotte », dit fièrement
Villehardouin, « ne partit de nul port... Ils quittèrent le port de Venise comme vous
avez ouï le I e r octobre 1202 » (1). Durazzo fut comme d'habitude la première à être
attaquée ; elle fut prise sans résistance et ses habitants acclamèrent comme empereur
Alexis Ange, le protégé des Croisés. La flotte des Croisés poursuivit tranquillement sa
route vers la mer Ionienne (2). D'après Villehardouin et Robert de Clari (3), les Croisés
firent une longue halte à Corfou où Alexis Ange les rejoignit. Le pacte officiel d'alliance
entre celui-ci et les Croisés était conclu. Alexis Ange, espérant devenir empereur de
Byzance par la force des armes des Croisés, leur avait promis entre autres de les appuyer
avec une force byzantine dans leur expédition aux Lieux Saints (4) et, pour l'instant,
il conduisait les armées destinées à abattre l'Empire à l'assaut de la capitale byzantine.
Les Croisés et Alexis Ange campèrent à Corfou. La ville même de Corfou, protégée
par ses murailles, fut à l'abri de leurs attaques (5). Les Croisés, sans s'attarder, prirent
la route de Constantinople. Ils p.'llèrent au passage (Villehardouin l'avoue) (6) les
îles et les côtes de la mer Egée, notamment les îles d'Eubée et d'Andros et le rivage
de la Troade. C'est alors seulement que l'empereur et le grand-duc Stryphnos furent
alertés. Ils se décidèrent enfin à agir en mettant en état la flotte impériale. « Ceux qui,
au dire de Nicétas Choniate, auraient considéré jusqu'alors comme le pire des ennemis
celui qui aurait osé toucher aux arbres des forêts réservées aux chasses de la cour pour
se procurer le bois nécessaire à la construction des navires, ceux qui avaient réussi par
cette politique à vider les arsenaux byzantins et à anéantir la flotte impériale » (7), réus-
sirent finalement à réunir «vingt chaloupes pitoyables et pourries » (oxoctpîSioc ÛTCocraOpa
xal 6pi7n)8é<TT<xTa) (8). Telle fut la flotte destinée à combattre la flotte vénitienne,
composée de plusieurs centaines d'huissiers et de birèmes (9), équipés de plusieurs
milliers d'archers et d'arbalétriers, et transportant plus de mille cavaliers cuirassés (10).
La suite des événements était inéluctable.
Après le pillage des îles et des côtes de la mer Egée, la flotte vénitienne traversa les
détroits de l'Hellespont et la Propontide, et jeta l'ancre devant Constantinople. La prise
de la tour de Galata, gardée par « les Danois et les Anglais » (les Varangues de la garde
de l'Empire. La prise de Constantinople est le plus grand exploit maritime des Croisés ;
elle réussit grâce à la puissance de la flotte des Vénitiens, qui seuls purent dorénavant
revendiquer la thalassocratie en Méditerranée. Elle n'aurait pu être évitée que par
l'action énergique d'une autre flotte également importante, en l'occurrence la flotte
byzantine, mais celle-ci était depuis longtemps inexistante. Les événements qui suivirent
la prise de Constantinople se résument au pillage des régions côtières de la Propontide
et de la mer Egée par la flotte vénitienne (1). Les Croisés, enivrés par leur réussite, oubliè-
rent leur principal but, l'expédition aux Lieux-Saints, et tentèrent de s'emparer du reste
de l'Empire. Du côté byzantin, la résistance commença aussitôt à s'organiser dans les
diverses régions de l'Empire qui se trouvaient à l'écart des attaques des Croisés et notam-
ment en Asie Mineure occidentale, où se réfugia l'élite constantinopolitaine et où fut
créé l'Empire de Nicée, qui assumera désormais le destin byzantin et le sort de l'Empire
d'Orient (2).
(1) Ibid., p. 820, 824 : les Croisés se livrent à la réquisition des articles nécessaires à la navi-
gation et au gréement de leurs navires, aux dépens de la population byzantine de la Propontide.
(2) Attitude vite adoptée par les populations byzantines soumises aux Latins ; le premier
empereur de l'Empire de Nicée est considéré par MICHEI, CHONIATE, I, p. 280, comme le futur
« sauveur... et le libérateur de toute la Romanie ».
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TROISIÈME PARTIE
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CHAPITRE PREMIER
enfin se contente de constater le même phénomène, qu'il considère après tout comme la
conséquence normale de la disparition de l'autorité étatique. Il voit là l'œuvre des exilés
1
i constantinopolitains : « Les hauts hommes de Grèce, dit-il, se divisèrent et une grande
partie d'entre eux passa, outre le Bras (Bosphore), du côté de la Turquie ; et chacun
saisit pour son compte autant de terre qu'il lui plut » (1). L'un de ces « hauts hommes »
qui franchirent le Bosphore après la prise de Constantinople (Acropolite nous confirme
que les Latins autorisèrent ceux qui le voulaient à quitter la ville) (2) fut Théodore
Lascaris, gendre d'Alexis III Ange et frère de Constantin, que les derniers défenseurs
de la capitale avaient choisi pour empereur (3) : « Sans armes ni armée et sans argent,
dépourvu de tout », « nu » (gymnos), comme le dit Michel Choniate, Théodore Lascaris se
réfugia dans une « bourgade » (4) bithynienne, où, accueilli par la population, il organisa la
défense de la région. Désigné, sans doute à la mort de son frère, tué pendant les opérations
contre les Latins (5), comme empereur, il fut finalement couronné empereur des Romains
selon les règles (par le patriarche et le sénat reconstitué par ses soins), à Nicée, en 1208.
La date de son couronnement marque la naissance officielle de l'Empire byzantin exilé,
dont cependant l'histoire commence au lendemain même de la chute de Constanti-
nople (1204) (6). Le nouvel État byzantin est désigné du nom de sa première capitale.
C'est l'Empire de Nicée ou, pour les Byzantins de l'époque, l'Empire d'Anatolie (7),
l'Empire de l'Asie Mineure.
Le seul avantage des Lascarides, au lendemain de la chute de Constantinople, sur
les autres dynastes indépendants, qui étaient souvent responsables de territoires impor-
tants, alors que celui des Lascarides ne comportait qu'une région exiguë (autour de
Brousse et Nicée), fut sans aucun doute d'avoir été tout de suite désignés comme succes-
seurs des empereurs de Constantinople et d'avoir pu faire légitimer ce choix. En effet
\\\\
L'Empire de Nicée et la flotte 303
Théodore Lascaris fut le seul à être reconnu et appelé « empereur des Romains » (1). Le pays
asservi se tourna vers lui comme vers l'incarnation de l'espoir de sa délivrance. Comme
le dit Michel Choniate (2), qui cependant ne se trouvait pas dans les régions soumises
à Théodore Lascaris, « c'est de lui qu'on attend ce que tous espèrent et désirent : instaurer
le trône de Constantin le Grand là où dès l'origine Dieu décida qu'il soit » (3). « Seul
Théodore Lascaris, dit encore Michel Choniate, peut délivrer la Ville (Constantinople)
de l'affront qu'elle a subi et chasser les chiens enragés de l'enceinte de notre Jérusalem ;
lui seul peut recevoir le titre du nouveau polistès et oikistès de Constantinople » (4).
Nous avons là tout le programme politique de l'Empire de Nicée et son fondement
idéologique, énoncé par son fondateur et adopté par les Byzantins : « Nous aurons à
nouveau les patries dont nous sommes chassés », dit Théodore Lascaris dans son discours
de couronnement, « notre premier et ancien siège, le Paradis, la ville du Tout-Puissant
sise dans l'Hellespont (Propontide), la ville de notre Dieu, le joyau de la terre, celle qui
est désirée par tous les peuples et réputée dans le monde entier » (5). En somme l'Empire
de Nicée était créé à la place de l'Empire de Constantinople. Il fut considéré par tous
comme l'Empire de Byzance en exil. Il cessera d'exister dès que son but suprême sera
atteint, dès que Constantinople redeviendra byzantine, mais ceci restera longtemps un
idéal politique animant l'effort national. La situation créée au lendemain de la quatrième
croisade ne permettait pas la réalisation immédiate de ce rêve, qui dépendait avant tout
des forces militaires que le jeune État pourrait opposer aux Latins, et surtout de l'armée
de mer nicéenne appelée à se mesurer avec la redoutable flotte des Vénitiens, maîtresse
des mers byzantines depuis 1204.
Théodore Lascaris, installé en Bithynie, se trouva tout de suite aux prises avec les
dynastes indépendants établis en Asie Mineure ; en lutte aussi avec les Turcs qui,
profitant de la confusion, s'emparèrent de villes et de forteresses, entre autres d'Atta-
lée (6). Il fut en guerre contre les Francs, qui s'empressèrent d'occuper l'Asie Mineure,
qui leur revenait d'après l'accord sur le partage de l'Empire passé entre les Croisés à la
(1) Cf. p. ex. les actes, chrysobulles et prostagmata, promulgués par lui, dans F. DôXGER,
Regesten, n os 1669-1708 ; il est le seul à porter ce titre jusqu'à la date du couronnement du
despote d'Épire Théodore Ange après la prise de Thessalonique.
(2) MICHEI, CHONIATE, II, p. 150 : a Tu es devenu un refuge universel » ; p. 276, 277 : « sauveur
et libérateur de tous » ; GRÉGORAS, I, p. 17 : « II a dispersé la vague de polyarchie et contre toute
attente il a donné un refuge et un espoir à tous. »
(3) MICHEI. CHONIATE, II, p. 355.
(4) Ibid., II, p. 151, et 260 : « Vous (les Nicéens), vous serez les seconds constructeurs de
la Ville. »
(5) Éd. K. SATHAS, Mes. Bibl., t. I, p. 106.
(6) NICETAS CHONIATE, p. 843-844 : attaquée en vain par le sultan ; cependant selon ACRO-
POUTE, p. 15, la ville d'Attalée se trouve quelques années plus tard sous les Turcs.
304 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
veille de la chute de Constantinople (1). Le premier empereur de Nicée avait donc fort
à faire pour étendre et consolider son pouvoir et donner à son pays les vraies assises
d'un État. Dans l'ensemble de la politique et des objectifs de Théodore I e r Lascaris,
la possession d'une flotte et d'une armée de mer pouvait lui assurer d'une part l'expansion
de son Empire dans des régions côtières, notamment les îles voisines de l'Asie Mineure
nécessaires à la défense du continent, et d'autre part empêcher l'installation des Francs
en Asie Mineure, et même l'établissement des Vénitiens dans les îles égéennes que l'acte
du partage de l'Empire (Partitio Romaniae) leur attribuait (2).
Nous possédons peu de renseignements sur l'organisation de la flotte et de l'armée
de mer de Théodore I e r Lascaris. Les historiens grecs de l'époque sont presque entière-
ment muets à ce sujet, mais quelques petites sources littéraires complétées par les
renseignements fournis par les sources occidentales, et notamment Villehardouin, permet-
tent de tracer l'image de la première flotte nicéenne et d'affirmer que Théodore I e r
Lascaris, bien qu'il s'occupât avant tout de reconquérir l'Asie Mineure et des guerres
sur terre, ne négligea point les avantages que pouvaient lui procurer la possession d'une
flotte et l'entretien d'une armée de mer, ne fût-ce qu'afin de poursuivre commodément
l'expansion de son État vers l'intérieur du pays. En effet, il semble que Théodore Lasca-
ris, dès que ses victoires contre les dynastes indépendants de l'Asie Mineure lui eurent
permis de s'installer sur les régions côtières, entreprit la consctruction d'une flotte.
Il utilisa dans ce but les ressources en hommes et en argent du pays qui lui était soumis.
Les équipages de cette première flotte de l'Empire exilé sont sûrement formés de marins
grecs, les dépenses maritimes sont assurées par la perception de l'impôt maritime, du
ploïmon (3). L'armée de mer de Nicée ainsi constituée fut placée sous les ordres de
Steiriônès, le fameux pirate calabrais qui était déjà passé, sous Isaak II Ange (4), au
service de l'Empire. Steiriônès fut ainsi le premier grand-duc de l'Empire de Nicée. Le
témoignage de Villehardouin ne laisse aucun doute sur ce point (5).
La première flotte nicéenne fut partagée en deux escadres. L'une stationnait dans
la Propontide, l'autre dans la mer Egée. C'est avant tout, et contrairement à la flotte
(1) Sur la Partitio Romaniae, cf. TAFEI,-THOMAS, Urkunden, I, p. 444, le traité entre les Véni-
tiens et les Croisés en mars 1204, et ibid., n° CXXI, p. 453 sq., le partage de l'Empire entre les
vainqueurs, avec un commentaire géographique de l'éditeur.
l l (2) Ibid., I, p. 453 sq., et p. 469 : l'attribution aux Vénitiens de l'Archipel grec.
(3) Les actes du chartulaire de Lembos font souvent mention de la perception de cet impôt
sur la population côtière de l'Empire de Nicée, cf. M.M., IV, p. 17-18, 21, 249, 250, 251, 252-253 :
1 ! il est désigné comme képhalaion ploïmôn.
(4) Sur ce personnage, cf. ci-dessus, p. 290, n. 1 et 2.
(5) VTOEHARDOTJIN, II, p. 291 : « Esturion (Steiriônès) qui était amiral des galées de Toldre
1 '• I l'Ascre (= Théodore Lascaris). »
) /
'I V
L'Empire de Nicée et la flotte 305
(1) Sur l'avance des Latins sur le littoral de la Propontide et en Asie Mineure, cf. NICËTAS
CHONIATE, p. 795-798; ACROPOLITE, p. 11-12 : « Tout le thème d'Opsikion-Égée et même la
ville d'Adramytte ont été soumis aux Latins »; VIU/EHARDOUIN, II, p. 113 sq. ; GRÉGORAS,
I, p. 14.
(2) ACROPOWTE, p. 11, parle d'une visite de Théodore Lascaris au sultan d'Iconion, à la suite
de quoi il a reçu du sultan une aide militaire. NICÉTAS CHONIATE, p. 842, ne parle que de la paix
r
conclue entre Théodore Lascaris et le sultan selon laquelle Lascaris reconnut l'autorité de Mau-
rozômès, gendre du sultan, sur une partie de la Phrygie, notamment sur les villes de Chôma et
de Laodicée.
(3) NICEÏAS CHONIATE, p. 844-845.
(4) ACROPOUTE, p . 12.
(5) La lutte déclenchée contre Môrothéodôros (surnom de Maggaphas) signifia sûrement
la rupture de la paix avec le sultan. Lascaris récupéra le territoire maritime occupé par Môro-
théodôros, mais il semble que la Phrygie orientale qui était soumise à ce dynaste passa après sa
défaite sous le contrôle turc.
(6) C'est Môrothéodôros qui se bat contre les Latins d'Henri de Flandre, qui avec l'aide
des Arméniens de la Troade avaient réussi à enlever en 1207 le territoire entre Lampsaque et
Adramytte, cette dernière ville incluse; cf. VIHEHARDOUIN, II, p. 119, 129, 131 : d'après cet
auteur c'était Constantin Lascaris, frère de Théodore, le présumé empereur (cf. ci-dessus, p. 302,
n. 5), « un des meilleurs Grecs de Romanie », qui marcha contre Henri cantonné alors à
Adramytte ; par contre NICÉTAS CHONIATE, p. 798, parle de la défaite que les Latins ont
infligée devant Adramytte à Théodore de Philadelphie.
(7) NICETAS CHONIATE, p. 844, ne mentionne pas la prise d'Héraclée pontique par Lascaris :
il fait arrêter Lascaris devant cette ville ; par contre ACROPOUTË, p. 18, mentionne explicitement
la prise d'Héraclée, d'Amastris et de leur région. Ainsi il nous semble certain qu'en 1215-1216
les Turcs d'Iconion ont enlevé Sinope (cf. l'inscription commémorant la prise de la ville et la
construction de ses murailles par Patratinès Opoupakis, bibliographie par G. MORAVCSIK,
Byzantinoturciccfi, I, p. 310) à l'empereur de Trébizonde et non pas aux Lascarides : ajoutons
qu'en 1254 c'est le Grand Comnène Manuel (empereur de Trébizonde) qui reprend aux Turcs
la ville de Sinope (cf. les notices marginales du ms. n° 75 de Chalkè, ANTONIN, Zapiski
odesskago obSiestva istorii i drevnostej, t. V, 1863, p. 617, n° 148 ; et Marie NYSTAZOPOTOOU,
i! V
L'Empire de Nicée et la flotte 307
L,a dernière reconquête de Sinope par les Grecs de Trébizonde, R.E.B., t. XXII, 1964,
p. 241-249). Par contre il est certain qu'Héraclée appartenait aux Lascarides ; elle était d'après
NICOLAS MESSARITÈS (apud A. HEISENBERG, Neue Quellen z. Geschichte d. latein. Kaisertums
u. der Kirchenunion, III, Munich, 1923, p. 33) le centre des opérations de Théodore I e r en
Paphlagonie.
(1) ACROPOMTE, p . 12.
(2) NICÉPHORE GRÉGORAS, I, p. 17.
(3) Sur l'étendue de l'État de Lascarisen 1208-1210, cf. NICËTAS CHONIATE, p. 842, 844-845 ;
ACROPOUTE, p- 12 ; sur la valeur du témoignage de GRÉGORAS, I, p. 16, selon lequel la Cappadoce
était la frontière orientale du territoire lascaride, cf. G. JËRPHANION, Trois inscriptions cappa-
dociennes, O.C.P., t. I, 1935, p. 240 sq.
(4) Les Turcs, installés à Sinope dès 1215-1216 (cf. N. A. BEES, Die Inschriftenaufzeichnung d.
Kodex sinaïticus gr. 508 (976) und die Maria-Spilâotissa-Klosterkirche bei Sille (Lykaonien),
dans Texte u. Forschungen z. byz. neugriech. Philologie, I, Berlin, 1922, p. 53-54), sont devenus
une puissance maritime importante de la mer Noire, rivale des Grecs de Trébizonde ; il est carac-
téristique qu'ils aient même pu menacer les régions de la Crimée qu'ils ont attaquée vers 1227
avec leur flotte : cf. M. T. HOUTSMA, Cber eine turkische Chronik z. Geschichte d. Seldguquen
KMnasiens, Actes du XVIe Congrès inter. des orientalistes, p. 381 sq., d'après le témoignage
d'iBN-Bmi, éd. DUDA, p. 130-139 ; sur les Turcs de Sinope et leurs rapports avec l'Empire de
Trébizonde, cf. ci-dessus, p. 306, n. 7.
308 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
Lascaris, comme le note Nicétas Choniate, d'étendre son pouvoir sur les îles voisines
de l'Asie Mineure (Samos, Chios, et sans doute Mitylène) et même sur les Cyclades (i).
Il est en effet intéressant de remarquer que la première flotte de Nicée placée sous
le commandement de son grand-duc, l'ex-pirate Steiriônès, visite les Cyclades les plus
éloignées du littoral micrasiatique et transmet les messages de Théodore I e r Lascaris
à leurs habitants. Michel Choniate et Euthymios Tornikès, réfugiés après l'occupation
de leurs diocèses par les Latins, l'un à l'île de Kéa et l'autre à Andros, sont en contact
avec le paneugénestatos Steiriônès, qui, à plusieurs reprises, leur a remis les invitations
que Théodore Lascaris leur avait adressées (2). Cependant, il serait exagéré de considérer
I
les Cyclades comme effectivement soumises au pouvoir de l'empereur de Nicée et faisant
partie de son territoire. Étant donné le nombre important de ces îles, l'Empire de Nicée
ne pouvait pas y être représenté par un appareil provincial régulier. De même, il est
hors de doute que les Vénitiens, à qui revenait d'après l'acte de Partitio l'Archipel grec,
n'avaient pas les moyens suffisants pour s'y établir définitivement. Après leur installation
sur les îles importantes de l'Archipel (Eubée, Andros, Naxos) et en Crète (3), les Vénitiens
parvinrent à contrôler la grande artère maritime qui de l'Occident menait à Constan-
tinople et dans le Pont-Euxin, ouvert maintenant à leur activité commerciale. Ils se
contentaient, en ce qui concerne les innombrables petites îles égéennes, d'exiger de leur
population, sans par ailleurs y parvenir toujours, le versement des prestations fiscales
r
collectées lors des croisières que leur flotte organisait périodiquement dans l'Archipel.
Une longue poésie de Michel Choniate est à cet égard précieuse (4). Elle nous décrit en
détail la résistance opposée par les habitants de Kéa aux exigences vénitiennes et la
réussite de leur mouvement quasi révolutionnaire qui permit à l'île de rester libre au
moins jusqu'en 1211, date de la rédaction de cette poésie (5). Comme par ailleurs, d'après
le contenu de la même poésie, l'exemple des habitants de Kéa a été vite imité et avec
succès par les habitants des autres îles (malheureusement Michel Choniate ne précise
lis-
L'Empire de Nicée et la flotte 309
pas lesquelles) (1), de nombreuses Cyclades restèrent non occupées jusqu'à cette date.
En conclusion, on peut dire que les populations des îles égéennes situées entre
l'Asie Mineure et la Grèce reconnaissaient l'autorité de l'Empire de Nicée. Michel
Choniate en témoigne à plusieurs reprises (2), mais l'absence d'un appareil régulier
de l'administration provinciale (confirmé par le fait que le grand-duc lui-même
transmet les messages impériaux (3) aux habitants de cette région) et l'impossi-
bilité pour les Vénitiens de s'y installer définitivement incitent à penser que ces îles
jouissaient pendant les premières années de la conquête latine d'une autonomie de fait.
Elles étaient tour à tour exposées aux exigences vénitiennes et aux revendications légi-
times de Nicée, mais aucune de ces puissances rivales ne pouvait s'y installer et être
représentée d'une manière suivie. L'Empire de Nicée se contente ainsi de contrôler les
grandes îles micrasiatiques, bases, avec Smyrne, de sa flotte égéenne, tandis que les Véni-
tiens renforcent leur position sur les îles et le littoral jalonnant les routes internationales
de l'époque, les itinéraires qui unissent l'Occident à l'Orient, et plus précisément Constan-
tinople et le Pont-Euxin à l'Italie et au bassin oriental de la Méditerranée. Ainsi la Pro-
pontide, l'Hellespont et les îles qui contrôlent l'accès aux détroits (Ténédos, Imbros)
et celles qui jalonnent la route de Constantinople vers Thessalonique et l'Occident,
notamment Lemnos (4) et Samothrace, se sont vite trouvées sous le contrôle effectif
des Croisés, qui, outre Constantinople, avaient étendu leur pouvoir en Macédoine, sur la
Grèce continentale et le Péloponnèse. Venise par contre ne s'intéressait qu'aux avantages
économiques et commerciaux que sa participation à la quatrième croisade pouvait lui
procurer et elle s'abstint de toute revendication purement territoriale. Elle ne chercha
qu'à contrôler les postes stratégiques commandant les communications internationales
et la navigation. Elle s'installa dans la Propontide à Lampsaque, Kallipolis, Rédestos,
et dans les détroits de l'Hellespont, dans l'Archipel grec, à Andros et Naxos, sur les côtes
sud du Péloponnèse (5) et en Crète. Elle réussit, ce faisant, à tenir effectivement tous les
postes clés contrôlant le trafic entre l'Occident et l'Orient latins. Elle pouvait dorénavant
profiter tranquillement des échanges commerciaux internationaux, particulièrement
florissants après la création du Royaume latin de Constantinople, et du commerce entre
l'Occident, les Balkans et les pays du Pont-Euxin, qui s'était accru par suite du recul
des pirates indépendants, découragés dans leurs entreprises par le constant va-et-vient
des flottes latines, notamment des Vénitiens, seuls maîtres des mers à cette époque (i).
I? En effet l'affaiblissement de la piraterie, sinon sa disparition, au moins dans la forme
qu'elle avait revêtue à l'époque précédente (piraterie de corsaires indépendants), et le
rétablissement de la sécurité de la navigation dans la mer Egée et dans le bassin oriental
de la Méditerranée semblent être les plus importantes conséquences, en ce qui concerne
l'histoire de la Méditerranée, de l'installation des Vénitiens aux postes contrôlant les
mers byzantines. Michel Choniate nous fournit indirectement des renseignements
importants sur ce point. Les Cyclades, qui avant l'occupation latine étaient la proie
constante et le repaire habituel des pirates de tout acabit et de toute nationalité, au point
d'avoir connu de ce fait une période de dévastation et de dépeuplement (Michel Choniate
est catégorique à ce sujet) (2), ont établi au lendemain de 1204 un contact suivi avec
le littoral grec. Leurs petits bateaux de transport et de commerce assurent régulièrement
les communications entre le continent et l'Archipel sans que personne les inquiète (3).
« .
C'est ce qui ressort du moins de la lecture de la longue correspondance de Michel
Choniate qui, de Kéa où il se trouvait, adressa plusieurs lettres à diverses personnes
installées dans les autres îles, en territoire grec et en Asie Mineure. Quant aux attaques
pirates et à leurs conséquences sur la vie des populations des régions côtières de la Grèce
et des îles, les lettres de Michel Choniate écrites d'Athènes (donc avant 1204) et celles
écrites de Kéa (après 1206) présentent une image absolument opposée. La vie dans les
îles et sur le littoral égéen, entièrement bouleversée à cause de la piraterie avant 1204,
est redevenue parfaitement normale après cette date, d'après les renseignements que
nous fournit sur ces mêmes régions cette même source concernant ces deux périodes.
j
échappent au contrôle du podestat vénitien de Constantinople (ibid., I, p. 569 ; II, p. 54 sq.) :
ainsi on a une image complète de l'empire maritime de Venise à ce moment ; il est en outre carac-
téristique que l'acte de fidélité du despote d'Épire Michel au duc de Venise, promulgué en 1210
(ibid,, II, p. 119 sq.), garantissait les intérêts vénitiens dans la mer Ionienne et assurait à la Répu-
blique adriatique le contrôle absolu de la route vers l'Italie.
(1) Les Vénitiens et leur flotte attaquent en 1207 le dernier pirate indépendant mentionné
par les sources de cette époque, le pirate Léon Veneto installé à Corfou : après sa défaite, l'île de
Corfou passe sous le pouvoir de Venise : cf. TAFEI,-THOMAS, Urkunden, II, p. 54-55 et 57.
(2) MICHBI, CHONIATE, I, p. 147 ; II, p. 40-43, 52, surtout p. 72 et 75, p. 82, 99 ; sur Kéa,
p. 144, et sur Makrè, p. 238, etc.
(3) Ibid., II, p. 194, 238 (il nomme un hégoumène dans l'île de Makrè à la tête d'un couvent
qui jusqu'alors était abandonné à cause des pirates), p. 275, etc.
; • »
L'Empire de Nicée et la flotte 311
Après le partage de l'Archipel grec entre les Vénitiens et les Grecs, les Francs
établirent leur pouvoir en Hellade et en Péloponnèse, délogeant les dynastes indé-
pendants (1) et notamment Léon Sgouros et Chamaraitos (2). L'effort maritime de
Théodore I e r Lascaris se porta vers la Propontide micrasiatique contrôlée par les Francs, à
l'exception toutefois des détroits de l'Hellespont, d'Abydos et de Lampsaque, tenus par les
Vénitiens. Lascaris, soucieux de s'assurer des débouchés maritimes dans la Propontide, prit
pour point de départ de ses opérations contre le littoral de la Propontide micrasiatique (il est
encore loin d'envisager une action contre la Propontide de Thrace) ses possessions bithy-
niennes, notamment Brousse et le rivage du golfe de Kios. C'est de là que Théodore Las-
caris essaya, pendant les années 1206-1207, de déloger les Latins installés dans la région de
Nicomédie, sur le golfe Astakènos, dans la péninsule de Cyzique et, plus à l'est, de Pègai
jusqu'à Lampsaque, occupée par les Vénitiens mais souvent utilisée par la flotte franque
pour ses opérations dans la Propontide. Nous connaissons surtout par les sources occi-
dentales, et notamment par Villehardouin, les opérations qui ont opposé les armées de
Lascaris et des Latins se disputant le contrôle de la zone côtière de la Propontide micra-
siatique. Elles ont duré de 1204 à 1212, date de l'accord qui établit les frontières entre
ces deux puissances (3). Elles connurent plusieurs phases.
Obligé de posséder un appui naval pour des opérations qui se déroulaient contre
des forteresses maritimes, Théodore Lascaris construisit dans la Propontide une flotte
particulière. L'escadre égéenne de la flotte de l'Empire de Nicée ne pouvait pas traverser
l'Hellespont, soigneusement surveillé par la flotte vénitienne. Petite flotte composée
d'une dizaine d'unités, l'escadre de la Propontide fut sans doute construite sur le rivage
de Brousse, vraisemblablement dans le golfe de Kios, qui avait déjà (fin du XIe siècle)
abrité l'arsenal de la flotte que les Seldjoucides de Nicée avaient essayé de construire (4).
Avec son armée et « ce qu'il a pu avoir comme vaisseaux », comme le dit Villehardouin (5),
Théodore Lascaris assiégea Civetot (Kibôtos des Byzantins), dans le golfe de Nicomédie,
occupée par les Francs. Les renforts maritimes envoyés de Constantinople à l'aide des
assiégés, avec des équipages de Vénitiens, et de Pisans installés dans la ville avant 1204,
empêchèrent la prise de la forteresse. La petite flotte nicéenne de la Propontide fut brûlée
par les Byzantins eux-mêmes pour qu'elle ne tombe pas entre les mains de l'ennemi (6).
(1) Sur le partage de l'Occident byzantin en tyrannidès, cf. NlCETAS CHONIATE, p. 840-841.
(2) Sur la résistance de Léon Sgouros, cf. NICÉTAS CHONIATË, p. 805 sq. et 818 ; sur l'appui
que les Croisés ont trouvé auprès de certains Grecs, cf. ibid., p. 840-841, et VULEHARDOUIN, II,
P. 135-
(3) ACROPOUTE, p. 27 ; F. DÔI.GER, Regesten, n° 1684.
(4) Ci-dessus, p. 183.
(5) Vn,i,EHARDOTJiisr, II, p. 279.
(6) Ibid., II, p. 283-287.
312 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
• \
Elle n'aurait pu s'aventurer dans la Propontide, sillonnée par les navires latins,
ni bien entendu franchir l'Hellespont, contrôlé par les Vénitiens, pour gagner la mer
Egée et rejoindre l'escadre égéenne de l'Empire de Nicée.
Plus importante mais aussi inefficace fut l'attaque que Théodore Lascaris tenta
contre Cyzique. La flotte égéenne de l'Empire de Nicée composée de dix-sept navires
••! ! 1 et commandée par le grand-duc Steiriônès réussit, profitant sans doute de la confusion
que les attaques bulgares contre le littoral de Thrace (1) avaient semée dans les rangs des
Latins (2), à franchir les détroits, à pénétrer dans la Propontide et à mettre le siège
devant Cyzique (3). Ce fut là un grand exploit, qui alarma les Francs de Constantinople.
Une mobilisation générale de la flotte de Constantinople fut aussitôt proclamée.
L'ensemble de la flotte constantinopolitaine portant, comme le souligne Villehardouin (4),
l'élite de la cavalerie franque, se dirigea vers Cyzique dont les Byzantins se virent
contraints de lever le siège. Steiriônès et sa flotte prirent la fuite, l'opération finit par
quelques harcèlements vite rompus, la flotte byzantine évita de rencontrer celle des
Latins, traversa finalement les détroits de l'Hellespont et regagna ses bases égéennes (5).
Cyzique fut cédée un peu plus tard aux Byzantins (1207) à la suite de la trêve signée
entre Théodore I e r Lascaris et Henri de Flandre, qui cherchait à rompre l'alliance
byzantino-bulgare et à assurer ses possessions en Asie, pour pouvoir se porter au secours
d'Andrinople assiégée par les troupes bulgares (6).
Ainsi le long effort de Théodore I e r Lascaris dans les régions côtières de la Propon-
tide micrasiatique finit par assurer à l'Empire de Nicée le contrôle d'une zone côtière
d'étendue modeste (elle comprenait les régions situées entre le golfe de Kios et la pénin-
sule de Cyzique) mais d'importance considérable pour l'avenir de l'expansion nicéenne
et pour la poursuite de la reconquête sur le rivage de la Propontide, de l'Asie Mineure
et de Thrace. C'est en partant de ces régions que Lascaris essaya de harceler les Latins,
(1) Cf. le travail récent d'Alexandra KRANTONELLÈ, L'action gréco-bulgare contre les Latins
en Thrace (en grec), Athènes, 1964.
(2) Sur l'avance bulgare en Thrace au lendemain de la quatrième croisade et les invasions
contre les villes du littoral de la Propontide, cf. VH,I,EHARDOUIN, II, p. 227, et surtout p. 233 où
les Coumans et les Valaques sont signalés devant les portes mêmes de Constantinople ; ACRO-
POI.ITE, p. 23, note que les Bulgares profitant de la chute de l'Empire s'emparèrent d'un
nombre important de villes, afin d'empêcher les Byzantins, dans le cas où ces derniers retrou-
veraient leur ancienne puissance, de récupérer leurs villes ; GREGORAS, I, p. 14-16 ; NICÉTAS
CHONIATE, p. 831, 834, 837.
(3) VmtEHARDOtJiN, II, p. 291-295.
(4) Ibid., II, p. 293-295 : la flotte constantinopolitaine était montée par des Vénitiens et com-
mandée par les Francs ; et 0 jamais galées ne furent mieux armées ni montées de meilleures gens ».
(5) VIU,EHARDOUIN, II, p. 295.
(6) Ibid., II, p. 303.
L'Empire de Nicée et la flotte 313
toujours installés dans le golfe de Nicomédie (1) et à l'est de Cyzique, à Pègai, ville mari-
time importante, solidement tenue par les Francs, du fait qu'une grande partie de sa
population était composée de Latins dès avant 1204 (2). Nous manquons de rensei-
gnements sur le résultat des efforts tentés par Théodore I e r Lascaris pour étendre ses
possessions sur le rivage micrasiatique de la Propontide. Le traité conclu entre l'empereur
de Nicée et les Vénitiens en 1219 (3) et celui signé entre l'empereur et Henri de Flandre
en 1212 (4), établissant les frontières entre les possessions latines et nicéennes, semblent
indiquer tous deux que Lascaris n'a pu, du moins jusqu'aux dates de ces traités, étendre
considérablement son pouvoir sur cette partie de l'Asie Mineure. Toutefois il est certain
que Théodore I e r Lascaris, avec l'occupation de la région côtière qui s'étend du golfe
de Kios à Cyzique, a établi les bases qui permettront à son successeur Jean Vatatzès non
seulement d'étendre son pouvoir sur tout le rivage de la Propontide micrasiatique, de
Nicomédie à Lampsaque, mais d'entreprendre de grandes expéditions outre-mer contre
le rivage de la Propontide de Thrace, contre la Chersonèse, l'intérieur de la Thrace et
même contre la Macédoine, opérations qui caractériseront le règne du second empereur
de Nicée.
Dès son avènement au trône de Nicée (1222), Jean Vatatzès, gendre de Théo-
dore I e r Lascaris, envisagea la reconquête du territoire d'outre-mer (Thrace et Macé-
doine), nécessaire à la réalisation du but qui dominait toujours la vie, la politique et la
diplomatie de l'Empire de Nicée : la prise de Constantinople sur les Latins. La politique de
Théodore I e r Lascaris dont le règne fut, selon Acropolite, àpxh f% fûv 'POÙJAOÛCÙV
"PX'TJÇ (5), ses succès militaires et ses réalisations administratives et diplomatiques (notam-
ment ses victoires sur les Turcs (6) et la consolidation de son pouvoir sur toute l'Asie
(1) A la suite de la trêve conclue entre Lascaris et Henri de Flandre, les Latins détruisirent
la forteresse de Nicomédie (cf. VIHEHARDOUIN, II, p. 303), ce qui donna aux Nicéens le libre
accès au golfe de cette ville.
(2) NICÉTAS CHÛNIATB, p. 795 : « Des Latins de l'Hellespont, dont la ville est appelée Pègai. »
(3) TAFEI,-THOMAS, Urkunden, II, p. 205-207. F. DôJtGER, Regesten, n° 1703.
(4) ACROPOWTE, p. 27-28. F. Dôi,GER, Regesten, n° 1684.
(5) ACROPOUTE, p. 32.
(6) Elles sont surtout marquées par la victoire d'Antioche du Méandre (1211), que
Lascaris remporta sur les Turcs, avec son armée composée dans une large mesure de cava-
liers latins au service de Nicée : cf. ACROPOUTE, p. 15-16 ; GREGORAS, I, p. 18-19, évalue
à 800 les cavaliers latins de l'armée de Lascaris. Sur cette victoire, cf. MICHEI, CHONIATE,
n
> P- 353 sq.
. ' . * > • ' ,
Mineure occidentale), son rapprochement avec les Bulgares qui, malgré les dévastations
provoquées par leurs attaques contre les territoires grecs de Thrace et de Macédoine,
ont aidé le jeune État de Théodore à refouler les Latins occupés dans les guerres bul-
gares (1), sa politique intérieure enfin qui dota l'Empire de Nicée d'un appareil militaire,
administratif et ecclésiastique complet (2), toutes ces mesures ont permis à Jean Vatatzès
de se tourner vers l'Occident et d'étendre son pouvoir sur la Thrace et la Macédoine.
Il réussit ainsi à confiner le Royaume latin de Constantinople dans un territoire exigu
autour de la ville et à jouer le rôle d'arbitre dans les affaires balkaniques de l'époque,
dominées par l'expansion bulgare vers le sud (en Macédoine et en Thrace) et par les
revendications du Despotat d'Épire, qui avait réussi à annexer la plus grande partie de
la Thessalie et de la Macédoine orientale et qui, à la suite de la prise de Thessalo-
nique (1224) (3) et du couronnement du despote Théodore Doucas comme empereur
des Romains (4), se présentait comme le successeur légitime de l'Empire de Byzance et
devenait le principal rival de l'Empire de Nicée.
La dispersion des forces latines aux divers points de Pex-Empire byzantin et la
création des multiples États des Croisés ont affaibli considérablement la puissance du
Royaume latin de Constantinople. Acropolite le constate et note : « Quant aux Italiens
divisés et disséminés, qui se heurtent en Occident et en Orient à des adversaires
(1) Vru,EHARDOUlN, II, p. 189-195, p. 275 : traité entre Théodore et le roi bulgare Jean
conclu en mars 1207 ; p. 297-303 : les Francs ajournent leur attaque contre Andrinople à cause
des opérations en Orient.
(2) Par ses invitations lancées à divers ecclésiastiques chassés de leur diocèse du fait de
l'occupation latine (Eubée, Athènes, Crète, etc.) Lascaris a voulu reconstituer le synode (cf.
SKOUTARIÔTÈS, éd. HEISENBËRG à la suite d'ACROPOLITE, p. 466). Le gouvernement de Lascaris
comptait de hauts personnages constantinopolitains réfugiés en Bithynie : cf. à titre d'exemple
les fonctions assumées par Dètnètrios Tornikès (MICHEI, CHONIATE, II, p. 356-357 ; M.M., VI,
p. 177, 181, 183, et sur la carrière de ce personnage, cf. H. G. BECK, Der byz. « Ministerprâsident »,
B.Z., t. XLVIII, 1955, p. 311, et J. VERPEAUX, Contribution à l'étude de l'administration byz.,
le « mésazôn », Byzantinoslavica, t. XVI, 1955, p. 274-275). Enfin l'armée de Théodore I e r Lascaris
compta un nombre important de mercenaires latins (cf. ACROPOWTE, p. 15-16 ; GRËGORAS, I,
p. 18-19) ; plusieurs d'entre eux sont détenteurs de pronoiai en Asie Mineure : cf. H. AHRWEHER,
La politique agraire des empereurs de Nicée, Byz., t. XXVIII, 1958, p. 51 sq. (ajouter M.M.,
VI, p. 176, mention du stratiote Gylielmos Teirès). Sur ces points, cf. de la même, L'histoire et
la géographie de la région de Smyrne entre les deux occupations turques, Travaux et Mémoires,
t. I, 1965, Index, s. v. pronoia.
(3) Sur la date de la prise de Thessalonique, cf. J. LONGNON, La reprise de Salonique par
les Grecs en 1224, Actes du VIe Congrès int. d. Études byz., t. I, 1950, p. 141 sq., et B. SINO-
GOWITZ, Zur Eroberung Thess. im Herbst 1224, B.Z., t. XLV, 1952, p. 28.
(4) L. STIERNON, Les origines du Despotat d'Épire, Actes du XIIe Congrès int. d'Études byz.,
t. II, 1964, p. 197-202, place avec vraisemblance le sacre de Théodore Doucas en 1227-8.
L'Empire de Nicée et la flotte 315
puissants, ils ont commencé à décliner » (1). De la même façon le souci des Vénitiens
de s'emparer, pour profiter des avantages économiques du trafic commercial, des stations
importantes jalonnant les routes maritimes de la mer Egée et de la Propontide, amena
la division de la grande flotte vénitienne en plusieurs petites escadres stationnant aux
points stratégiques, privant ainsi les Latins de la flotte qui aurait pu être rapidement
mobilisée et empêcher les entreprises navales des Byzantins dans l'Archipel grec et dans
la Propontide.
Ainsi, lors de l'avènement de Jean III Vatatzès, l'Empire de Nicée jouissait d'une
unité territoriale et administrative rigoureuse face à des ennemis divisés et affaiblis.
Il se trouvait dans des conditions extrêmement favorables à la réalisation de son rêve
et de son but suprême : la reconquête de Constantinople. Cependant les Latins de
Constantinople se montreront plusieurs fois encore capables d'inquiéter l'Empire de
Nicée en Asie Mineure même. La reconquête de Constantinople ne sera toutefois retardée
que par la rivalité aiguë qui mit alors aux prises les deux États grecs, l'Empire de Nicée
et le Despotat d'Épire.
Dès son avènement, Jean III Vatatzès fut obligé de faire face à l'attaque importante
que les Latins de Constantinople entreprirent par mer contre le rivage de la Propontide
micrasiatique. De Lampsaque, lieu de concentration de leur flotte, et avec l'aide des
frères de l'empereur Théodore I e r , jaloux d'être devancés sur le trône par Vatatzès,
les Latins longèrent avec leur flotte le rivage de la Propontide en direction de Cyzique
et s'avancèrent vers l'intérieur du pays. La grande victoire que Vatatzès remporta sur
les Latins à Poimanènon lui permit d'annexer plusieurs forteresses de la Mysie (outre
Poimanènon, il s'empara de Lentiana, Charioros, Berbénakion) (2) et de dégager progres-
sivement le rivage de la Propontide de la présence des Latins. En 1224, Vatatzès construi-
sit à Olkos (3), près de Lampsaque, la première grande flotte nicéenne de Propon-
tide (4). Il lui assigna un double objectif : harceler, comme nous le dit Skoutariôtès (5),
les navires des Latins qui d'Italie se dirigeaient vers Constantinople après avoir franchi
les Dardanelles, et investir le littoral de la Thrace. Les ports de Kallipolis, de Madytos
1 • 1.
VEmpire de Nicée et la flotte 317
envisagée). Ceci caractérise d'ailleurs toutes les flottes byzantines ou latines qui opèrent
alors dans la Propontide : elles dépassent à peine dix (1) bâtiments. La révolte
de Nestoggos étouffée, Vatatzès retourna sans tarder en Mysie. Il conclut finalement la
paix avec les Latins qui cédèrent à l'Empire la ville côtière de Pègai, dernière possession
franque sur le rivage micrasiatique de la Propontide, mise à part la région de
Nicomédie (2).
Par l'annexion de Pègai (1225), Nicée établit son pouvoir sur tout le littoral micra-
siatique de Nicomédie à Lampsaque (il ne restait aux Latins que les alentours de Constan-
tinople et de Nicomédie) et assura ses communications avec le territoire d'outre-mer.
L'Hellespont fut traversé par les troupes nicéennes en 1226. Andrinople accueillit
pour la première fois l'armée de l'empereur grec (3), qui en fera le centre mili-
taire de ses opérations pour la reconquête de la Thrace et de la Macédoine.
Cependant les campagnes de Vatatzès en Occident seront enore une fois retardées par
une nouvelle révolte, celle du gouverneur de Rhodes, le césar Léon Gabalas. Elle
fut réprimée par l'intervention rapide de la flotte égéenne de Nicée qui, ayant appa-
reillé de Stadia (4) (sur le littoral carien au sud de Milet), comme nous le laisse entendre
Acropolite, attaqua Rhodes défendue par les considérables armées du révolté. Blem-
mydès (5) nous fournit des renseignements importants sur les opérations de cette flotte,
qui réussit finalement à rétablir l'ordre et à ramener l'île sous l'autorité impériale
(1232-1233) (6).
(1) La flotte mobilisée par les Latins de Constantinople et montée par des Vénitiens et Pisans
comptait 17 vaisseaux (VII/LEHARDOUIN, II, p. 285) ; celle commandée par Steiriônès devant
Cyzique comptait également 17 « galées » : elle fut poursuivie par une flotte latine qui ne comptait
pas plus de 14 galées (VII,I,EHARDOUIN, II, p. 291, 293) ; la flotte de Jean Vatatzès a été vaincue
par 13 navires latins : A. HEISENBERG, Kaiser Johannes Batatzes der Bahrmlierzige, B.Z.,
14, 1905, p . 220.
(2) ACROPOUTE, p. 38 : « Les Latins occupaient les alentours de Constantinople et la région
de Nicomédie » ; sur Pègai, cf. aussi du même, Épitaphios de Jean Vatatzès, éd. HEISENBERG, Scripta
minora, p. 16, 18. P. DôXGER, Regesten, n° 1711 : le traité avec les Latins (circa 1225).
(3) ACROPOI.ITE, p. 38.
(4) IbicL., p. 45-46 ; sur la localisation, cf. W. TOMASCHEK, Hist. Topographie, p. 40.
(5) N. BI,EMMYDÈS, Curriculum Vitae, éd. HEISENBERG, p. 62.
(6) ACROPOLITE, p. 45, permet d'établir exactement la date de la révolte de Gabalas ; Jean
de Brienne resta deux ans à Constantinople et, « dès qu'il put réunir une année et des navires »,
il se porta en Orient : il arriva à Lampsaque juste au moment où Jean Vatatzès y retournait
après avoir battu Gabalas ; Jean de Brienne est nommé empereur de Constantinople en 1231,
la révolte de Gabalas doit donc se situer dans l'année 1232, et son étoufrement dans la
même année ou au début de 1233. Cependant un acte passé entre Léon Gabalas a Dominus
Rhodi » et les Vénitiens, et daté d'août 1234, présente encore Gabalas comme maître de
l'île : Gabalas s'intitule « Dominus Rhodi et Cicladum insullarum Kaserus ( = césar) »; il
318 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
s'engage à aider les Vénitiens de Crète dans le cas où Vatatzès attaquerait leur île, et
contre les Grecs de l'île au cas où ils se révolteraient contre la domination vénitienne
(cf. TAEËI,-THOMAS, Urkunden, II, p. 319-322). Il faut penser qu'un arrangement eut lieu entre
Vatatzès et Gabalas en 1232 lors de l'expédition de la flotte byzantine contre l'île : Gabalas fut
sans doute reconnu comme maître de l'île de Rhodes mais il reconnut la suzeraineté de
l'Empire ; il s'abstint dorénavant de toute attaque contre le territoire nicéen et abandonna toute
revendication au trône, mais il resta vraisemblablement libre d'agir à sa guise dans l'île même
de Rhodes ; notons par ailleurs qu'AcROPOUTE, p. 45, note seulement que « les choses concernant
le césar (Gabalas) furent arrangées dans l'intérêt de l'empereur » : il ne parle point d'une défaite
du césar ; en outre deux lettres éditées par S. LAMPROS, N. Hell., t. VI, 1909, p. 32-38, et concer-
nant l'île de Rhodes à cette époque, présentent en effet l'île sous l'autorité de la famille Gabalas ;
les Gabalas deviennent petit à petit des cadres de l'Empire de Nicée, on compte parmi eux un
grand drongaire de la flotte (M.M., IV, p. 254-255) ; l'île de Rhodes passa ainsi sous le contrôle
des représentants réguliers de l'empereur (cf. ci-dessous, p. 322). Un apographeus de l'île de Rhodes
et des Cyclades est signalé en 1263 : M.M., VI, p. 214.
(1) En 1231 un traité d'alliance fut signé entre Venise et Jean de Brienne contre Vatatzès ;
les Latins reçurent à cette occasion quatorze trirèmes vénitiennes : cf. TAFEI,-THOMAS, Urkunden,
n . p. 277, p. 295.
(2) ACROPOMÏE, p. 47.
(3) GREGORAS, I, p. 29 ; ACROPOWTE, p. 50-51.
" l
L'Empire de Nicée et la flotte 319
(1) ACROPOUTË, p. 51, 55. La prise de Tzouroulos par les Byzantins se place en 1237, un peu
plus tard que la grande offensive contre le territoire d'outre-mer ; GREGORAS, I, p. 29.
(2) ACROPOUTE, p. 65, 71, 85, 89, 109, 124, etc. ; GREGORAS, I, p. 48-49.
(3) ACROPOUTE, p. 58-60. Ci-dessous, Appendice IV.
(4) Ibid., p. 59.
(5) Ibid., loc. cit.
(6) Ibid., p. 85.
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5 ,
320 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
l Malgré la défaite de sa flotte, Vatatzès put conserver grâce à son armée les places
fortes qu'il avait occupées dans le golfe de Nicomédie. Après la perte de Tzouroulos, il
consolida ses positions en Chersonèse et en Propontide de Thrace ; il traversa plusieurs
fois dans ce but, à la tête de ses armées, les détroits de Lampsaque à Kallipolis. Ces
campagnes successives lui ont permis d'étendre son pouvoir en Thrace et en Macédoine,
de prendre Thessalonique même en décembre 1246 et d'installer l'autorité de l'Empire
de Nicée sur les côtes illyriennes aux dépens des Bulgares et surtout du Despotat grec
d'Épire (1). L'œuvre de Jean III Vatatzès en Occident fut poursuivie et consolidée par
son successeur, son fils Théodore II Lascaris (2), qui s'occupa tout particulièrement des
forces militaires de l'Empire (3). La reconquête du territoire d'outre-mer de la Thrace
et de la Macédoine est l'œuvre de ces deux empereurs. Elle fut facilitée par la paix que
l'Empire de Nicée connaissait alors en Orient (les Seldjoucides d'Iconion se défendaient
contre les Mongols qui envahissaient l'Asie Mineure orientale) (4). Elle est due dans une
large mesure à l'armée de mer de l'Empire de Nicée, qui, malgré la présence de la flotte
vénitienne, assura les communications entre le rivage micrasiatique et thrace de la
Propontide, et qui exerça dans cette partie des mers, comme le note Grégoras, une véri-
table thalassocratie (5). Bref les progrès byzantins sur les territoires d'outre-mer permirent
i •••,
la reconquête de Constantinople même, qui fut bien l'œuvre des Lascarides, quoique
le hasard ait voulu qu'elle eût pour artisan celui-là même qui mit fin à leur dynastie :
Michel Paléologue.
(1) Comme le note G. OSTROGORSKIJ, Geschichte3, p. 365, les anciens rivaux de l'Empire
de Nicée avaient été éliminés sous Vatatzès ; le despotat d'Épire et l'Empire bulgare, épuisés,
ne représentaient pas un sérieux danger, l'Empire latin agonisait.
(2) Sur le règne de cet empereur, cf., outre les historiens ACROPOUTE, p. 105 sq., et GRÉGORAS,
I» P- 53 S<I-. sa correspondance publiée par N. FESTA, Theodori Ducae Lascaris Epistolae, Florence,
1898. Sur ses campagnes en Occident, cf. S. DRAGOUMIS, Reconstitution du trajet de la première
campagne de Théodore II (en grec), Byzantis, t. II, 1911, p. 201-216.
(3) Cf. la lettre de Théodore II à Blemmydès (éd. N. FESTA, n° 44, p. 57-58) où l'empereur
souligne le besoin de la création et de l'entretien d'une armée nationale puissante.
(4) Sur les invasions mongoles à cette époque, leurs répercussions dans l'histoire du Sultanat
d'Iconion, et le mouvement de populations qu'elles ont provoqué, cf. surtout GREGORAS, I, p. 30-41.
(5) GRÉGORAS, I, p. 29 : « La flotte impériale exerçait le contrôle des mers (thalassokratôn). »
!L : i
L'Empire de Nicée et la flotte 321
Propontide. C'est là que stationne maintenant un détachement important placé sous les
ordres des grands-ducs de l'époque : Kontofré, Isfre et à nouveau Kontofré (1). Ses
effectifs importants, ou plutôt la décadence de la puissance vénitienne dans ces régions,
par suite de la prise de Kallipolis par les Byzantins, permettent à la flotte nicéenne de la
Propontide de franchir les détroits de l'Hellespont et de se joindre à l'escadre égéenne.
C'est sans doute la flotte de la Propontide qui, sous Kontofré, rappelé au poste de grand-
duc après l'échec d'Isès, appuya les opérations de Vatatzès sur le littoral macédonien (2),
donc dans la mer Egée et précisément devant Christoupolis (Kavalla) et peut-être devant
Thessalonique.
L'escadre égéenne, avec Smyrne (3) pour principale base, est toujours chargée de
surveiller le littoral égéen de l'Asie Mineure qui, de l'embouchure du Skamandros à Attalée,
est maintenant contrôlé par les Byzantins. Hiéron (Didymes), Mélanoudion, Milet, Anaia,
Linopéramata, Smyrne et Adramytte sont les escales importantes (4) de cette période,
situées tout au long du littoral égéen de l'Empire de Nicée. L'escadre égéenne, appareillant
de ces stations, tente d'augmenter le nombre des îles de l'Archipel soumises à Nicée, et cela j~; j
aux dépens des Latins installés dans le nord de la mer Egée, des Vénitiens et des divers
dynastes installés sur les multiples îles égéennes (5). Elle étouffe par son action rapide la
)1
322 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
révolte de Gabalas à Rhodes (i). Elle sauve un peu plus tard (1249) cette île de l'attaque des
1 -I i Génois qui, en route vers la Palestine, s'en étaient emparés en 1248 (2). Bref, elle harcèle
les navires latins et notamment vénitiens qui naviguent en mer Egée, sans négliger
le profit que des actions pirates contre les grands bateaux vénitiens chargés de riches
cargaisons pouvaient lui procurer (3). Autrement dit, la flotte égéenne de l'Empire de
Nicée joue dans la Méditerranée orientale et face à la flotte vénitienne un rôle non négli-
geable, sans pour autant pouvoir prétendre à l'exercice d'une thalassocratie quelconque
dans cette partie des mers, quoi qu'en dise Grégoras (4).
Au début de la seconde moitié du xin e siècle, le rapport des forces dans la Méditer-
ranée orientale et plus précisément dans la mer Egée ne permet à aucune puissance
, i
maritime de l'époque, ni aux Républiques italiennes, prises évidemment séparément,
ni aux Byzantins de Nicée, ni aux Latins de Jérusalem-Chypre, ni enfin aux Musulmans
d'Egypte, d'exercer une vraie thalassocratie et d'établir son propre pouvoir. Les échanges
maritimes entre l'Occident et l'Orient sont à ce moment particulièrement intenses ;
les bateaux qui les assurent sont exposés à l'action des diverses flottes nationales exploi-
tant le bassin oriental de la Méditerranée et revendiquant chacune pour son propre
compte le profit procuré par le contrôle des escales maritimes. Elles agissent souvent
vis-à-vis des bateaux de commerce des autres pays comme de vraies flottes pirates (5), de
sorte qu'on peut dire sans exagération que la situation dans la Méditerranée orientale au
début de la seconde moitié du XIIIe siècle est caractérisée par une piraterie officielle,
pratiquée selon les circonstances par toutes les puissances maritimes de l'époque, et
cela par l'intermédiaire de leurs représentants officiels, [qu'elles sont pourtant prêtes à
même (cf. TAFEITTHOMAS, Urkunden, II, p. 321) ; l'empereur 'grec ne semble pas étranger aux
révoltes des Cretois déclenchées à ce moment contre les occupants vénitiens : cf. TAFEI,-THOMAS,
op. cit., II, p. 250-251, 333.
(1) Ci-dessus, p. 317, n. 6.
(2) ACROPOUTE, p. 86; EPHRAEM, V. 8634; M.M., III, p. 72 (= F. DôXGER, Regesten,
n° 1749) ; SKOUTARIÔTÊS, éd. HEISENBERG, p. 499. Contre les Génois Vatatzès arma 30 trirèmes
construites à Smyrne (ACROPOUTE, p. 87) ; il les confia à Théodore Kontostéphanos et à
Jean Kantakouzènos, pincerne et duc à ce moment du thème des Thracésiens : sur la carrière
de ce personnage, cf. H. AHRWEn,ER, L'histoire et la géographie de la région de Smyrne entre
les deux occupations turques, Travaux et Mémoires, t. I, 1965, Index, s. v.
(3) Cf. à titre d'exemple les protestations de Venise contre l'activité de Krybitziotès, TAFEI,-
THOMAS, Urkunden, III, p. 176, connu par ailleurs comme duc des Thracésiens (cf. H. AHRWEII.ER,
op. cit., Index, s. v.) et assumant à l'exemple des ducs de cette région le commandement de
l'escadre égéenne.
(4) GRÉGORAS, I, p. 29.
(5) Nos textes parlent à maintes reprises des koursarioi qui dévastent le territoire impérial :
cf., à titre d'exemple, M.M., V, p. 12 (attaque contre Chios avant 1259).
I •'
L'Empire de Nicée et la flotte 323
désavouer si le besoin et l'intérêt national l'exigent. Cet état de choses donna lieu maintes
fois à des notes de protestation émanant tour à tour des services diplomatiques des
différentes puissances. C'est l'origine de la formation d'un droit maritime international
rudimentaire, qui prend corps à ce moment (1). Ainsi, comme aucune puissance maritime
de l'époque ne peut entreprendre seule des opérations navales de grande envergure,
libre cours est donné au jeu diplomatique, aux alliances et aux combinaisons, toujours
précaires et aléatoires. C'est précisément à la diplomatie qu'aura recours Michel VIII
Paléologue, qui accéda au trône de Nicée au moment où la reconquête de Constantinople,
entièrement préparée par les Lascarides, était imminente, afin d'organiser l'attaque de la
ville par mer. Avant d'examiner les mesures et les démarches, diplomatiques et autres,
entreprises par Michel Paléologue pour obtenir l'appui naval nécessaire à l'expédition
contre Constantinople, essayons de préciser quelles sont les bases de la flotte nicéenne de
la première moitié du xm e siècle, quels sont leur importance et leur rôle, et quels sont les
changements amenés dans les itinéraires maritimes de l'époque par la création de l'Empiré
de Nicée et du royaume latin de Constantinople, ainsi que par l'installation des Latins
et des Vénitiens dans la mer Egée, la Propontide et le Pont.
( 1) Caractéristiques de ce point de vue est le règlement de navigation adressé par Venise à tous
ses citoyens installés dans la Méditerranée orientale (TAFEI,-THOMAS, Urkunden, II, p. 260 sq.),
et les décisions des juges vénitiens concernant diverses afîaires maritimes qui avaient opposé les
citoyens vénitiens aux ressortissants et aux autorités des autres puissances maritimes de l'époque
et notamment Byzance (TAFEL-THOMAS, op. cit., III, p. 159 sq.), ainsi que le traité conclu entre
Gênes et Venise à la suite duquel Gênes fut obligée de dédommager les Vénitiens dont les mar-
chands avaient été lésés par l'attaque d'un pirate citoyen génois (TAFEI<-THOMAS, Urkunden,
II, p. 197).
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flotte byzantine sur les parages septentrionaux de la mer Egée (1). Ainsi, les bases impor-
tantes de Lemnos, de Samothrace, et même d'Imbros, de Ténédos et d'Abydos contrôlant
l'accès à l'Hellespont furent en butte à ses attaques ; l'isolement de Constantinople
devient de plus en plus net ; Abydos et les bases du nord de la mer Egée périclitent ; les
Vénitiens renforcent prudemment leurs positions dans le sud de l'Archipel grec (Eubée,
Cyclades) et surtout en Crète et au sud du Péloponnèse (Modon, Coron), stations
importantes de l'itinéraire entre l'Occident et la Méditerranée orientale. Abydos, Lemnos,
Samothrace, Imbros, Ténédos finiront par entrer sans coup férir dans le monde byzantin.
Elles sont avec Smyrne, Adramytte, Éphèse, Anaia, Mélanoudion et Hiéron sur les
côtes micrasiatiques et les îles de Chios, Samos, Mitylène, Rhodes et le Dodécanèse,
les bases de la flotte égéenne de l'Empire, tandis que l'Archipel grec avec les îles de
Naxos et d'Andros abritera longtemps encore le Duché vénitien de la mer Egée, indé-
pendant de sa métropole adriatique (2). De même l'Eubée, station importante de la
route vers Thessalonique et vers Constantinople, restera encore sous les dynastes latins,
autonomes mais sous le contrôle maritime et sous l'influence de Venise, représentée
par son bailtis (3), tandis que le Péloponnèse connaît l'épanouissement de la Principauté
franque d'Achaïe (4), puissance qui, comme le Despotat grec d'Épire, n'a guère eu
d'ambitions maritimes. Venise s'acharnera à garder Modon et Coron dans le Pélo-
ponnèse et l'île de Crète, postes qui sont alors les véritables frontières maritimes entre
l'Occident et l'Orient. Elle arrive ainsi à monopoliser le contrôle du trafic maritime qui
s'exerce entre l'Occident et les Latins de Constantinople, les Latins d'Orient, les Musul-
mans d'Egypte et les Seldjoucides d'Iconion, puissances avec lesquelles la République adria-
tique entretient de bonnes relations et dans le territoire desquelles elle jouit de franchises
et de privilèges économiques (5). Bref, Venise représente toujours la grande puissance
économique et maritime dans le monde du xin e siècle ; elle demeure l'ennemi principal
de Byzance sur mer. Michel Paléologue, soucieux de renforcer sa flotte pour attaquer
Constantinople, où les intérêts économiques de Venise sont fortement représentés (1),
ne pouvait que s'adresser à des puissances maritimes rivales et hostiles à Venise. C'est à
chercher de telles alliances qu'il employa ses efforts diplomatiques.
les Musulmans de Tunisie (ibid., II, p. 450 sq.), qui favorisent son activité commerciale dans les
parages méridionaux de la Méditerranée.
(1) Cf. TAPEVTHOMAS, Urkunden, II, p. 253-254, 255. Rappelons à ce propos que le Royaume
latin, littéralement épuisé à ce moment, dépend uniquement des Vénitiens, et que Baudouin II
fut obligé de remettre en gage son fils unique Philippe aux marchands vénitiens, afin d'obtenir
l'emprunt nécessaire pour équilibrer les finances de son royaume : cf. R. LEE Wowi?, Mortgage
and rédemption of an emperor's son, Spéculum, t. XXIX, 1954, p. 45 sq.
CHAPITRE II
i V LA RECONSTITUTION DE L'EMPIRE
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La reconstitution de l'Empire 329
Mon encaissé par les Latins de Constantinople et des versements en or (1). Proclamé
enfin empereur (2), il se dirigea avec son armée sur Lampsaque, d'où il prépara son
expédition contre Constantinople même. L'été de 1260, l'empereur grec traversa avec
ses troupes la Propontide et il campa aux alentours de Constantinople, à Galata. Les
premiers accrochages avec les Latins commencent. L'aide de l'intérieur de la ville sur
laquelle Michel Paléologue avait tellement compté ne se manifestant pas, les Byzantins
se retirent sans avoir même réussi à renforcer leurs positions stratégiques autour de la
ville. Même Galata, comme le soulignent Acropolite et Grégoras (3), fut abandonnée
par Michel Paléologue. De cette expédition si peu honorable pour l'armée impériale,
Michel Paléologue tira la conclusion que la reconquête de Constantinople ne pouvait
s'effectuer sans un appui maritime considérable. Seule, une attaque combinée par mer
et par terre pouvait en effet obliger les Latins confinés dans l'enceinte de la ville à capituler.
Confiant en son armée de terre, dont l'expédition contre le despote d'Épire et ses
alliés latins fut un exploit sans précédent pour les armes byzantines (le prince d'Achaïe
lui-même fut fait prisonnier par les Nicéens) (4), Michel Paléologue s'occupa surtout
du renforcement de l'appareil maritime de l'Empire. Soucieux de disposer rapidement
d'une flotte capable de mener le siège et l'attaque contre Constantinople qui, outre la
flotte latine locale, aurait à ses côtés pour sa défense la flotte de ses alliés vénitiens
toujours redoutables sur mer, l'empereur grec s'adressa aux Génois, puissants sur mer,
et en rivalité aiguë avec les Vénitiens pour la maîtrise des routes maritimes (5).
Le 13 mars 1261 fut conclue à Nymphaion l'alliance entre Nicée et Gênes (6). En
échange de son aide navale, Gênes devait recevoir d'après ce traité, outre des
franchises, des privilèges économiques et des installations dans tous les ports impor-
tants de l'Empire, l'octroi de la ville de Smyrne et de son port. Autrement dit elle
(1) ACROPOMTE, p . 163 : « Je demande que les Latins de Constantinople versent à l'État
grec (j.epJSa (ièv êx TOG xofj.fiepx£ou aùfûv T7jv r)(j.iaetav xax TOÛ xpuc£tjJY]TeÊou OCÛTÛV -rrçv àvàXo^ov
eôaaùxûiç etaoSov. »
(2) GRÉGORAS, I, p. 78 : « Ils (l'armée) l'ont porté sur le bouclier » ; sur la date du couronne-
ment de Michel Paléologue, cf. G. OSTROGORSKIJ, Geschichte3, p. 369, n. 2.
(3) ACROPOUTE, p. 173-174 ; GRÉGORAS, I, p. 80-81.
(4) Exposé détaillé de la bataille de Pélagonia par D. J. GEANAKOPI,OS, Greco-Latin r dations
on the eve of the Byz. restoration : The battle of Pélagonia, D.O.P., t. VII, 1953, p. 99 sq.
(5) Sur la puissance maritime des Génois à ce moment, cf. B. H. BYRNE, Genoese shipping
in the Xllth et XlIIth centuries, Cambridge Mass., 1930 (Monographs of the médiéval Ac. of
America, n° 1) : publication de documents importants ; cf. compte rendu, Byz., t. VI, 1931,
p. 882-883.
(6) Édition du traité par C. MANFRONI, Le relazioni fra Genova, l'impero bizantino e i Turchi, •si
Atti délia Società ligure ai storia patria, t. XXVIII, 1896-1902, p. 791 sq., et F. DôXGER, Regesten,
n° 1890, avec la bibliographie.
I
330 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
(1) C. MANFRONI, op. cit., p. 795 ; et P. LEMERI,E, L'émirat d'Aydin, Paris, 1957, p. 45-46,
remarques sur la vraie portée de cette clause ; analyse de la clause concernant la ville et le
port de Smyrne par H. AHRWEHER, L'histoire et la géographie de la région de Smyrne entre les
deux occupations turques, Travaux et Mémoires, t. I, 1965, p. 34 sq.
(2) Ci-dessus, p. 213 sq. ; H. AHRWEHER, La concession des droits incorporels. Donations
conditionnelles, Actes du XIIe Congrès inter. d. Études byzantines, Belgrade, 1964, II, p. 109 sq.
(3) Cf. les remarques de P. LEMËRtE, L'émirat d'Aydin, Paris, 1957, p. 45-46.
(4) Cf. ci-dessous, p. 344 sq.
(5) Ci-dessous, p. 386, n. Ï ; pour l'activité des Génois, cf. G. BRATIANTJ, Recherches sur
le commerce génois dans la mer Noire, Paris, 1929, p. 81 sq., et pour leur installation à Phocée et
Chios, cf. P. ï 'BMERi/Ë, op. cit., p. 50 sq. avec critique de la bibliographie précédente.
La reconstitution de l'Empire 331
son expédition contre la ville avaient été inutiles. Quelques centaines de soldats byzantins
sous les ordres d'Alexis Stratègopoulos, le général qui s'était distingué dans les combats
contre le despote d'Épire, profitant de l'absence de l'armée et de la flotte latines (qui
étaient en expédition contre le port de Daphnousia dans le Pont-Euxin) et aidés par la
population grecque de Constantinople, pénétrèrent dans la ville le 25 juillet 1261 (1).
Le rêve qui pendant plus d'un demi-siècle avait hanté les Byzantins était enfin réalisé.
L'Empire de Nicée, ayant atteint son objectif, n'avait plus de raison d'être. Byzance se
réinstalla sur le Bosphore. La dernière période de la vie de l'Empire d'Orient va
commencer.
Si la prise de Constantinople par les Latins, en 1204, fut dans une large mesure le
résultat de la politique vénitienne, l'ironie du sort voulut que sa reconquête par les
Byzantins fût facilitée par la maladresse du représentant de la République adriatique à
Constantinople. Les Vénitiens, et plus précisément le podestat de Venise à Constan-
tinople, excités comme toujours par l'appât du gain, avaient conseillé aux Latins
de Constantinople d'entreprendre une expédition contre le petit port de Daphnousia,
situé dans le Pont-Euxin (2) et fréquenté par de nombreux marchands. Constantinople
se trouva ainsi dégarnie de ses défenseurs. Alexis Stratègoupolos prit la ville sans ren-
contrer de résistance ; le grand exode des Latins de Constantinople commença aussitôt ;
la flotte latine revenue en hâte de Daphnousia embarqua ce qu'elle put des Latins chassés
de la ville et fit route vers l'Occident (3). Michel Paléologue installé en Asie Mineure,
et qui préparait toujours sa grande expédition contre Constantinople, fut informé de la
prise de la ville. Il se hâta d'entrer dans la capitale redevenue byzantine. Il y fut couronné
pour la seconde fois empereur des Romains ; il fut appelé « Nouveau Constantin » (4),
tandis que le vrai vainqueur, le césar Alexis Stratègopoulos, entendait acclamer son
nom dans les cérémonies, à côté de celui des empereurs (5). Ainsi, l'Empire fut restauré
sur sa base ancestrale ; le grand rêve national était enfin réalisé ; la joie populaire se donna
libre cours ; seules les paroles prophétiques que le protoasecretis Sénachéreim, dit le
Méchant, prononça à l'annonce de l'entrée des Byzantins à Constantinople : « Dorénavant
que personne n'attende rien de bien, car les Romains occupent à nouveau la Ville » (i),
préfigurent le sort réservé désormais à l'Empire, absorbé à nouveau par les affaires
d'Occident, aux dépens du pays qui fut toujours son centre de gravité, l'Asie Mineure.
Michel VIII, installé dans l'ancienne capitale de l'Empire, dont la reconquête
l'honora personnellement, réunit dans sa titulature les noms de toutes les grandes dynas-
ties du passé. Il s'appela Doucas, Ange, Comnène (2) et se considéra comme l'héritier
légitime des grands empereurs des siècles précédents, de l'époque où le pouvoir de
l'Empire s'étendait, comme le rappellent avec une certaine nostalgie Bekkos et Méli-
tèniotès (3), du Danube à la Syrie et de la Mésopotamie à l'Italie. En eflFet la politique de
Michel VIII, comme l'a justement souligné Chapman (4), est dorénavant dominée par
le souci d'établir l'autorité impériale dans tous les territoires que Byzance possédait
avant sa chute ; le rêve de l'hégémonie universelle de l'Empire romain fut encore une fois
ressuscité, mais comme toujours ce fut en vain. De ce point de vue l'eflFort de Michel VIII
rappelle, toutes proportions gardées, celui de Manuel I e r Comnène ; il présente en effet
le même aspect grandiose et utopique et il eut les mêmes conséquences désastreuses
pour l'avenir de Byzance (5).
Le chrysobulle que Michel VIII Paléologue promulgua à son entrée dans Constan-
tinople, et qui était destiné à être diffusé dans tout l'Empire (6), est à cet égard significatif.
Il précise clairement le but que l'Empire se fixe après la reconquête de Constantinople ; il
trace les lignes de la politique que Michel VIII suivra par la suite sans défaillance : « La
chute de la Ville, déclare l'empereur, a été suivie par la chute du reste (de l'Empire) ; de la
même façon, sa reconquête annonce la reprise du reste de l'Empire » (7). « D'autres lieux,
continue Michel VIII, suivront le sort de Constantinople, et ainsi le vide sera à nouveau
comblé, des bourgades modestes et de nom peu illustre connaîtront désormais le sort des
grandes villes » (1). But grandiose, dépassant de beaucoup les moyens de l'Empire à peine
sorti du néant, et qui se heurtera aux aspirations des puissances avoisinantes, notamment
des Bulgares (2) et des Mongols (3) qui se disputaient la Thrace et la Macédoine, du
Despotat d'Épire (4) qui revendiquait la Thessalie, et des Latins qui contrôlaient toujours
une partie de la Grèce, le Péloponnèse et les îles (5). Il épuisera à la longue les finances
et fatiguera les forces militaires du pays ; bref, il amènera l'Empire à s'occuper surtout
de sa partie occidentale et à négliger ses provinces orientales, qui étaient pourtant celles
qui lui procuraient, en hommes et en argent, les moyens pour mener à bien la politique
de reconquista qui domine maintenant l'effort militaire et diplomatique de Byzance.
Ainsi le règne de Michel VIII, conditionné avant tout par le fait mémorable que fut la
reconquête de Constantinople, peut être considéré comme le dernier chapitre de l'histoire
de Byzance, empire universel. Il annonce certes un renouveau important de toute la vie
byzantine, mais pour une durée fort courte.
Sur le plan intérieur, la politique de Michel VIII, après la reprise de Constantinople,
est caractérisée par la réorganisation de la puissance militaire de l'Empire et l'établisse-
ment de son autorité sur l'ensemble du territoire. Constantinople exerce maintenant
solidement et efficacement son contrôle sur toutes les provinces proches ou lointaines
qui font partie de l'Empire (6). Sur le plan extérieur, la politique impériale de cette
époque est marquée par l'élaboration d'une diplomatie savante dont l'application soi-
gneuse procura à Byzance d'importants avantages. Elle lui permit de sauver sa capitale
menacée par les Latins qui la considéraient comme leur propre patrimoine, et lui donna
pour la dernière fois la possibilité de jouer le rôle d'arbitre dans les affaires balkaniques,
d'exploiter à son avantage les heurts et les contradictions qui opposèrent les diverses
puissances occidentales en Italie et de profiter de la situation créée dans le bassin oriental
de la Méditerranée après le déclin des États latins et l'épanouissement du Sultanat
d'Egypte (i). Par l'élan de patriotisme que la reconquête de Constantinople suscita dans
la population de l'Empire, le règne de Michel VIII Paléologue se trouve à l'origine de
l'épanouissement du nationalisme byzantin. Les hauts personnages de l'Empire évoquent
avec fierté les peines et les souffrances qu'ils ont endurées pour la « Remania » (2), les
gens du menu peuple massacrent et se font massacrer parce que les Latins osent fair;
allusion à leur occupation de Constantinople (3).
Du renouveau général que la reconquête de Constantinople inaugure, reste à l'écart
la région vitale de l'Empire, l'Asie Mineure. Ayant connu son grand épanouissement
économique, politique et culturel sous les Lascarides, l'Asie Mineure a vu avec méconten-
tement sa prospérité atteinte et son importance négligée par le premier Paléologue.
Michel VIII exigea pour réaliser sa politique occidentale (la défense de Constantinople
et la reconquête des provinces grecques) des sacrifices importants de la population micra-
siatique. Il prit des mesures qui affaiblirent la défense du pays, les sources de l'époque
insistent particulièrement sur ce point (4). L'Asie Mineure, attachée à la maison des
Lascarides, dynastie micrasiatique par excellence, se souleva contre le fondateur de la
nouvelle dynastie qui, soucieux de transmettre la couronne à ses descendants, s'était
comporté inhumainement envers les derniers Lascarides : il avait aveuglé l'empereur
destitué Jean IV Lascaris et donné ses sœurs en mariage à des étrangers de peu d'impor-
(1) Sur les relations avec le Sultanat d'Egypte, cf. M. CANARD, Le traité de 1281 entre Michel
Paléologue et le sultan Qala'un, Byz., t. X, 1935, p. 669-680 ; du même, Un traité entre
Byzance et l'Egypte au XIIIe siècle et les relations diplomatiques de Michel VIII Paléologue
avec les sultans mamluks Baibars et Qala'un, Mélanges Gaudefroy-Demombynes, Le Caire,
1937. P- 197-224 ; et surtout F. DÔI.GER, Der Vertrag d. Sultans Quala'un von Âgypten mit d.
Kaiser Michael VIII. Palaiologos, Festschrift F. Babinger, Serta Monacensia, Leiden, 1952,
p. 60-79. Sur le déclin des États latins d'Orient, cf. les remarques de PACHYMERE, I, p. 178, et
de GRÉGORAS, I, p. 101-102 et p. 106-107.
(2) M.M., IV, p. 235.
(3) PACHYMERE, I, p. 425.
(4) Cf. surtout PACHYMERB, I, p. 17 sq. et p. 222-223, où l'auteur explique la passivité de
la population face à l'avance turque par l'importance des charges qu'elle assumait sous le règne
de Michel VIII Paléologue.
La reconstitution de l'Empire 335
(1) PACHYMËRE, I, p. 173 : « H n'était point fait mention de Jean » (de l'empereur légitime
Jean IV Lascaris) ; ibid., I, p. 191 : l'aveuglement de Jean IV ; et GRÉGORAS, I, p. 92-93, 95.
(2) Cf. le récit de PACHYMÈRE, I, p. 193-201, qui met l'accent sur la collaboration de l'armée
avec les paysans.
(3) Cf. sur ce sujet le témoignage i m p o r t a n t du testament d'Arsénios, P.G., t. CXL,
col. 947 sq., peu utilisé pour cette question. Intéressante remarque de PACHYMÈRE, I, p . 312,
selon laquelle l'empereur lui-même attribuait le mécontentement des populations micrasiatiques
aux troubles ecclésiastiques et n o t a m m e n t à l'affaire des arsénites.
(4) lia. plupart des campagnes de Michel V I I I étaient effectuées p a r des troupes micra-
siatiques : cf., à titre d'exemple, Chronique de Morée, version grecque, v. 4555, 6487 ; PACHY-
MÈRE, I, p. 205, 222-223, e t surtout, ibid., I, p. 310-311, où l'auteur explique l'affaiblissement
de l'Orient par la présence de ses armées en Occident.
(5) D'après PACHYMÈRE, I, p. 310-311, non seulement l'intérieur du pays était déjà investi
par les Turcs (Bithynie, Mysie, Lycie, Carie), mais le littoral situé en face de Rhodes se trouvait
aussi sous leur contrôle ; de toutes les possessions byzantines dans le Pont-Euxin, ne restaient sous
l'autorité de l'Empire que quelques forteresses maritimes isolées : il n'était pas possible, précise
Pachymère, de se rendre par terre de Constantinople à Héraclée, les embouchures du Saggarios
étant déjà sous le contrôle turc. Sur la formation des Émirats turcs de l'Asie Mineure au xrv" siècle,
cf. P. WlTTEK, Das Fiïrstentum Mentesche : Studien z. Geschichte Westkleinasiens im XIII.-XV. Jh.
Istanbul, 1934 • C. CAHEN, Quelques textes négligés concernant les Turcomans de Rûm au moment
de l'invasion mongole, Byz., t. XIV, 1939, p. 131-139 ; P. WlïTEK, The rise of the Ottoman Empire,
Londres, 1938 ; GËORGIADÈS-ARNAKIS, Les premiers Ottomans (en grec), Athènes, 1947, e t surtout
P. LEMERtE, L'émirat d'Aydin, Byzance et l'Occident, Paris, 1957, avec une utilisation critique
de la bibliographie précédente.
336 Les Lascarides et les Paîéologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
ont encore une foi ; conduit l'Empire à renforcer son appareil maritime. Plusieurs flottes
furent construites à Constantinople ; régulièrement entretenues, elles contrôlent les mers
byzantines du Pont-Euxin aux mers Pamphylienne, Ionienne et Cretoise ; elles exercent
sur la mer Egée une vraie thalassocratie qui fait l'orgueil des Byzantins (i) et leur permet
d'adopter une politique ferme vis-à vis des Républiques italiennes, notamment de
Gênes. Celle-ci, à la suite du traité de Nymphaion, revendiquait une position privilégiée
dans l'Empire et devint à partir de la seconde moitié du xm e siècle le facteur important
du commerce et des affaires économiques de l'Orient, face non seulement aux Byzantins
mais aussi aux Vénitiens (2). Mais avant tout la puissance navale de l'Empire pendant
cette période permit aux Byzantins de sauver leur capitale de la menace occidentale
qui ne cessa de peser sur elle après 1261 car, comme le disait l'empereur lui-même, « il
n'était pas possible de garder la Ville... sans être de véritables maîtres des mers » (3). Ce
sont en effet les besoins de la défense de Constantinople qui ont conduit Michel VIII à entre-
prendre, dès son installation dans la capitale, la construction de sa première grande flotte.
Michel VIII Paléologue, empereur militaire que sa carrière avant son avènement
au trône avait souvent mis en contact avec des étrangers (4), était bien placé pour savoir
que la diplomatie et les alliances ne sont efficaces que dans le cas où la puissance militaire
du pays oblige ses adversaires au respect et rend son amitié utile à ses alliés. L'alliance avec
Gênes lui était nécessaire, surtout au moment où elle fut conclue, mais il ne pouvait se fier
à elle dans le contexte que la reconquête de Constantinople avait créé. Ainsi, devant la
menace occidentale qui pesait sur Constantinople, Michel VIII, parallèlement à l'activité
diplomatique qu'il déploya et qui lui permit de gagner du temps, prit surtout soin de ren-
forcer par tous les moyens l'appareil militaire de l'Empire et la défense de Constantinople.
(1) Cf. Imp. Michaelis Palaeologi « De vita sua », éd. H. GRÉGOIRE, Byz., t. XXIX-XXX,
1959-1960, p. 457 : « Depuis longtemps la mer Egée n'avait vu autant de trirèmes. »
(2) PACHYMÈRE, I, p. 419-420; cf. sur ce point R. L/OPEZ, Genova marinarianelduecento...,
Messine-Milan, 1933 ; du même, Storia délie colonie genovesi nel Mediterraneo, Bologne, 1938 ; et
les remarques pertinentes de A. PASPATÈS, Byzantinai Mélétai (en grec), Constantinople, 1877,
p. 232-276.
(3) PACHYMERE, I, p . 309-310.
(4) Sur la fuite de Michel Paléologue chez les Turcs, cf. une lettre, M.M., VI, p. 198,
qui complète le récit des historiens. Sur la carrière de Michel VIII, cf. son autobiographie éditée
par H. GRÉGOIRE, Byz., t. XXXI-XXX, 1959-1960, p. 447 sq., et les chapitres que consacre à
ce sujet D. J. GEANAKOPI,OS, Michael Palaeologus, p. 16 sq.
La reconstitution de l'Empire 337
Un vaste programme de reconstruction de la capitale fut mis à exécution, qui est, à juste
titre, le sujet principal des éloges que les orateurs de l'époque ont adressés à Michel VIII (1).
Outre la restauration de ses monuments (églises, palais, fondations pieuses, etc.),
l'empereur s'occupa particulièrement du repeuplement de Constantinople et du renfor-
cement de l'élément grec. Des terres furent distribuées aux thélèmatarioi (2), c'est-à-dire
à la population des alentours de la ville qui, installée dans un no maris land entre les
Byzantins de Nicée et le Royaume latin de Constantinople, jouissait d'un statut parti-
culier. Ils avaient aidé les Byzantins dans la prise de la ville, ce qui explique les mesures
prises en leur faveur (3). Une mesure qui a eu des conséquences sur la composition de
l'armée de mer fut l'installation dans la capitale de Péloponnésiens, notamment de
Tzaconiens (habitants du littoral oriental du Péloponnèse) (4), passés sous l'autorité
de l'Empire après l'établissement du pouvoir byzantin dans le sud du Péloponnèse.
Ils fournirent des cadres pour la garnison de la ville, qui s'accrut considérablement à ce
moment (5), et ils composèrent surtout les équipages de la flotte que Michel VIII cons-
truisit après la reconquête de Constantinople (6). Des mesures importantes furent
tout de suite prises pour le ravitaillement régulier de la population constantinopolitaine
et pour le maintien de l'ordre (7). On prit particulièrement soin d'éliminer le danger que
présentaient les diverses colonies occidentales installées dans la ville, particulièrement
nombreuses et turbulentes. Michel VIII procéda à une répartition dans Constantinople
et ses alentours des établissements des citoyens des villes italiennes (Gênes, Venise,
Pise) (8). Ainsi espérait-il éviter les troubles que leurs querelles ou, le cas échéant, leur
(1) GRÉGOIRE DE CHYPRE, P.G., t. CXLII, col. 377; MANUEI, HOI.OBÔI.OS, éd. TRËU,
Potsdam, 1906-1907, p. 58.
(2) PACHYMËRE, I, p. 164 : « Terre attribuée à titre de gonikia (patrimoine, héréditaire) à
des thélèmatarioi, à cause de leur zèle et des services qu'ils ont rendus. »
(3) Sur le statut des thélèmatarioi, cf. PACHYMERE, I, p. 110, et sur leur collaboration avec
les Byzantins, ibid., I, p. 164.
(4) PACHYMËRE, I, p. 188 ; GRÉGORAS, I, p. 98.
(5) Les textes mentionnent à plusieurs reprises le renforcement de la garnison de Constan-
tinople, formée à ce moment de « soldats légers » (cf. PACHYMËRE, I, p. 164, 187, 188) ; faut-il
voir là une allusion à une garde de tzakônés, corps militaire assigné justement à la garde des
forteresses ? Dans le cas de Constantinople à ce moment, la garde de tzakônés serait formée de
Tzaconiens : sur cette question, cf. en dernier lieu H. AHRWËHER, Les termes « Tsakônés-Tsa-
kôniai » et leur évolution sémantique, R.E.B., t. XXI, 1963, p. 243-249.
(6) Ci-dessous, p . 360 sq.
(7) PACHYMERE, I, p. 163-164, et pour plus tard, pendant la menace de Charles d'Anjou,
ibid., I, p. 186 sq.
(8) PACHYMËRE, I, p. 162-163 .' pour l'étude des colonies occidentales à Constantinople,
est utile le travail de R. JANIN, Les sanctuaires des colonies latines à Constantinople, R.E.B.,
t. IV, 1946, p. 163 sq. ; cf. aussi D. J. GEANAKOPI,OS, Michael Palaelogus, p. 131-137.
H. AHHWEILER 22
338 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
de la flotte (1). « Comme il savait, nous dit Pachymere, que ceux qui avaient possédé
Constantinople, une fois chassés, et de quelle manière, n'allaient pas rester inactifs,
mais entreprendraient une attaque par mer (CTTOX^ auvsm67)aea0ai)j l'empereur se hâta
de construire une flotte. Il employa pour cela des équipages recrutés dans toutes les
provinces (chôrai) et dont le nombre se monta à plusieurs milliers » (2). Nous avons là
la première mention de la construction d'une flotte par Michel VIII. C'était une flotte
constantinopolitaine, d'importance modeste. « II arma une petite flotte », précise ailleurs
le même Pachymere (3), ses équipages servaient à la solde et étaient payés par la caisse
impériale (4) ; c'étaient surtout des Gasmouloi (nés d'une mère grecque et d'un père
latin) de Constantinople et des alentours (5), notamment de la Propontide, régions où la
cohabitation des Latins et des Grecs était antérieure à l'occupation latine. Tel fut le
premier noyau de la flotte construite par Michel VIII ; c'était une flotte destinée avant
tout à défendre la capitale contre la menace occidentale, alors que la flotte provinciale,
celle qui avait été construite par les Lascarides, et notamment l'escadre égéenne, continue
de surveiller le rivage micrasiatique, et cherche à établir le pouvoir byzantin sur les îles
voisines (6) ; comme le précise Pachymere, elle ne possédait pas encore les effectifs
nécessaires pour assurer seule la défense maritime du littoral entier, et encore moins
pour entreprendre de grandes expéditions outre-mer et pour reconquérir les provinces
occidentales, autre objectif, avec la défense de la capitale, de la politique de Michel VIII.
Pour le moment, la flotte de l'Empire, en collaboration avec la flotte génoise, se contente
d'un rôle défensif : la surveillance de la mer constantinopolitaine dans laquelle les
bateaux des Latins d'Eubée font leur apparition (7). C'est ainsi, comme nous le dit
toujours Pachymere, plutôt vaguement, « qu'elle rend des services importants à l'empe-
reur » (8). Les opérations offensives sur mer seront possibles dès que le sort de Constan-
tinople sera assuré. L'armée de mer byzantine, qui pourra alors s'adjoindre des marins
réputés, tels que les Péloponnésiens de Tzaconie, pourra passer outre l'alliance douteuse
avec les Génois. La flotte sera augmentée par de nouvelles constructions de navires,
(1) PACHYMÈRE, I, p. 164, 188, 364 ; GREGORAS, I, p. 98, qui précise que contre Charles
d'Anjou Michel VIII prépara plus de soixante navires.
(2) PACHYMÈRE, I, p. 164.
(3) Ibid., I, p. 188.
(4) Ibid., loc. cit.
(5) GREGORAS, I, p. 98 ; sur le sens du terme Gasmouloi, cf. K. SATHAS, Documents inédits
relatifs à l'histoire de la Grèce, Paris, 1880-1890, t. IV, p. i,xx sq. ; et D. KAMBOTTROGI,OU, Praktika
de l'Ac. d'Athènes, t. IV, 1929, p. 24 ; L. BRÉHIER, Les Institutions, p. 425. Ci-dessous,
Appendice I.
(6) PACHYMERE, I, p. 188.
(7) a-dessous, p. 344-346.
(8) PACHYMËRB, I, p. 189.
340 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
L'empereur latin Baudouin II, en fuite après la prise de Constantinople par les
Grecs,fitune courte escale en Eubée (Negroponte) et traversa les possessions latines en
Grèce (2) ; il regagna l'Italie et, par Venise, se réfugia à Rome. Cela n'alla pas sans
provoquer des complications pour Byzance réinstallée dans son ancienne capitale, ville
qui allait être désormais considérée par l'Occident comme le patrimoine de l'empereur
latin destitué. Le pape Urbain IV, « stupéfait », disent les sources de l'époque (3), de la
nouvelle de la prise de Constantinople, qu'il apprit par des envoyés de Venise, prit tout
de suite l'initiative de former une vaste coalition antigrecque (4). Aidé dans son projet
par les Vénitiens, dont les intérêts souffrirent de la nouvelle situation, le pape prêcha,
sans grand succès, il est vrai, la croisade (5) et excommunia Gênes (6), alliée des Byzan-
tins. Michel VIII réagit énergiquement contre le projet pontifical. Outre les mesures
prises sur le plan militaire, la consolidation de la défense de Constantinople (construction
de ses murailles, renforcement de sa garnison, etc.) et la réorganisation des forces byzan-
tines (construction d'une flotte constantinopolitaine) (7), l'empereur grec utilisa contre
le projet anticonstantinopolitain de l'Occident une diplomatie savante (8).
(1) Sur cette ambassade, cf. en dernier lieu R. J. LOENERTZ, Notes d'histoire et de Chrono-
logie, R.E.B., t. XX, 1962, p. 171 sq.
(2) P. DôtGER, Regesten, n° 1906 ; F. Bussi, Istoria délia dttà di Viterbo, t. II, Rome, 1743,
n° 20, p. 409 : édition de la lettre.
(3) F . DÔI.GER, Regesten, n° 1899 ; M. RONCAGUA, Les frères mineurs et l'Église grecque
(1231-1274), Le Caire, 1954, P- 121-122.
(4) W. NORDEN, op. cit., p. 431.
(5) Sur les relations et l'antagonisme de Manfred et de Michel VIII, cf. en dernier lieu
D. J. GEANAKOPI,OS, Michael Palaeologus, p. 53-54, 143-147.
(6) D. J. GEANAKOPI,OS, op. cit., p. 189 sq. ; et en général sur les Angevins, cf. E. LÉONARD,
Les Angevins de Naples, Paris, 1954.
(7) Une analyse du traité conclu entre Charles d'Anjou et l'ex-empereur de Constantinople
Baudouin II, par J. LONGNON, Le rattachement de la Principauté de Morée au Royaume de Sicile
342 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
d'Anjou contre Byzance, Michel VIII opposa efficacement cette fois la diplomatie byzan-
tine. Elle visait à affaiblir la coalition antigrecque, et était, dans ce but, orientée vers le
rapprochement avec Rome. Elle aboutit enfin à l'union des Églises (7 mai 1274) qui,
bien que précaire et contraire aux aspirations et au sentiment orthodoxes, sauva Constan-
tinople d'une nouvelle aventure. Le pape Grégoire X prit la protection de l'Empire
chrétien d'Orient (1), s'opposa à la politique de Charles d'Anjou et empêcha finalement
l'attaque contre Constantinople, longuement et minutieusement préparée par le comte
français (2). L'intervention finale des Catalans dans les affaires siciliennes et la grave
défaite infligée aux Angevins par les armées du roi d'Aragon Pierre II, aidées par la
population sicilienne soulevée contre les Français (Vêpres siciliennes, 1282), ont mis
définitivement fin, et à l'avantage de Michel VIII, au conflit qui avait opposé pendant
plus de quinze ans l'empereur grec à Charles d'Anjou et ont sauvé Constantinople du
danger latin (3). La diplomatie byzantine fut sans aucun doute l'arme la plus efficace
pendant toute la seconde et dernière phase des revendications occidentales sur Constan-
tinople. Michel VIII, pour empêcher la formation d'un front antigrec capable de mettre
en échec ses armées, utilisa tous les moyens possibles. Ses ambassadeurs traversent
infatigablement les mers pour se rendre auprès du pape à Rome, auprès du roi français
sous les murailles de Tunis (4) et auprès des rois aragonais à Valence (5). Son attache-
en 1267, Journal des Savants, 1942, p. 134 sq. ; sur la politique orientale de Charles d'Anjou
depuis cette date, cf. S. BORSARI, La politica bizantina di Carlo d'Angio dal 1266 al 1271, Archivio
storico italiano, t. XXXV, 1956, p. 319-349.
(1) Sur Grégoire X, sa politique orientale et le concile d'union des Églises, cf. V. GRUMEI,,
Le I I e concile de Lyon et la réunion de l'Église grecque. Dictionnaire de Théologie catholique,
t. IX, col. 1391-1410 ; V. LAURENT, La croisade et la question d'Orient sous le pontificat de
Grégoire X, Revue histor. du Sud-Est européen, t. XXII, 1945, p. 106-137 ; du même, Grégoire X
et le projet d'une ligue antiturque, E.O., t. XXXVII, 1938, p. 257-273 ; du même, Le rapport
de Georges Métochite apocrisiaire de Michel VIII Paléologue auprès du pape Grégoire X (1275-
1276), Revue histor. du Sud-Est européen, t. XXIII, 1946, p. 233-247 ; A. FXICHE et V. MARTIN,
Histoire de l'Église, X, 1950, p. 446-460, 487-497 ; selon PACHYMERE, I, p. 298 sq. et 396, le pape
fut proclamé « àxpoç àpxiEpsùç TYJÇ àTzoa-zokixrf, èxxXv)ataç jcal OÏXOUJAEVIX6Ç mibra; ».
(2) D. J. GEANAEOPI,OS, Michael Palaeologus, p. 254 sq.
(3) Sur les Vêpres siciliennes, cf. ST. RUNCIMAN, The Sicilian vespers, a history of the Medi-
terranean world of the late thirteenth century, Cambridge, 1958.
(4) PACHYMERE, I, p. 359-364 ; F. DÔI,GER, Regesten, n 03 1967, 1968, 1971 ; sur l'ambassade
auprès du roi français, cf. L. BR&HIËR, Une ambassade byzantine au camp de saint Louis devant
Tunis, Mélanges N. Jorga, Paris, 1933, p. 140 sq.
(5) Sur les relations de Byzance avec les Catalans à cette époque, cf. D. J. GEANAKOPI,OS,
Michael Palaeologus, p. 252 : l'auteur utilise des sources jusqu'alors négligées ; pour un exposé
général, cf. A. BUSSON, Die Doppelwahl d. Jahres 1257 u. d. rômische Kônigtum Alfons X. von
Castilien, Munster, 1866.
La reconstitution de l'Empire 343
ment à la veuve de Vatatzès, sœur du roi Manfred de Sicile, est présenté comme devant
aider le rapprochement de Byzance avec la maison aragonaise (1). L'union des Églises
a été déclarée à l'avantage de la papauté et contre le sentiment grec (2) ;J!argent byzantin
enfin fut largement distribué pour encourager le soulèvement des Siciliens contre les
Français (3). Michel VIII lui-même avoua que les Vêpres siciliennes avaient été son
œuvre (4). Grégoras, bien qu'hostile à la politique religieuse de Michel VIII, admire l'acti-
vité déployée par l'empereur pour se défendre contre son adversaire redoutable, Charles
d'Anjou. Il nous rapporte ce jugement caractéristique qui, si on l'en croit, fut prononcé
par les « sages » de l'époque : « Si à ce moment ne s'était trouvé un tel empereur à la tête
des Romains, le roi d'Italie Charles aurait facilement subjugué Byzance, et vice versa,
si un tel roi n'avait gouverné alors l'Italie, l'empereur aurait sans peine soumis les
Italiens » (5). La mort a frappé presque simultanément les deux protagonistes du
long conflit dont Constantinople était l'enjeu, et à un moment où l'apparition de
nouveaux facteurs en Orient (Turcs en Asie Mineure et Égyptiens en Palestine
et en Syrie) inaugure une nouvelle étape de l'histoire maritime du bassin oriental
de la Méditerranée et redonne aux luttes de l'Occident en Orient un caractère de
croisade. Il s'agit à nouveau de la défense de la chrétienté contre les Musulmans (6).
Byzance essaiera de profiter de cet aspect des interventions de l'Occident dans les
affaires d'Orient pour éloigner le danger turc mais, épuisée par les longues luttes
en Occident, réduite à la mort de Michel VIII à un « État mineur », comme le dit
justement G. Ostrogorskij (7), elle finira par succomber sous le coup des Turcomans
qui, déjà maîtres de l'Asie Mineure, allaient devenir tôt ou tard les maîtres de Constan-
tinople et de tout l'Empire.
Negroponte (Eubée) qui représentent à ce moment une force maritime non négligeable (1).
La prise de Constantinople par les Grecs, suivie de l'installation dans l'Empire des
Génois, fut ressentie par Venise comme une grave défaite de sa politique orientale (2).
Les citoyens de la République adriatique installés dans l'Empire, et notamment à Constan-
tinople, furent exposés aux représailles grecques (3) ; leurs intérêts économiques souf-
frirent de l'installation des Génois, leurs concurrents, dans les endroits où ils étaient les
seuls jusqu'alors à jouir de privilèges étendus. Venise s'inquiéta en outre à juste titre
du sort de ses bases dans la mer Egée, sillonnée maintenant par la flotte byzantino-génoise
surveillant le littoral impérial et en action contre les possessions latines. Les bases impor-
tantes de Modon et de Coron furent menacées par les Byzantins qui opéraient en Pélo-
ponnèse (4). L'île d'Eubée particulièrement visée par les Byzantins subissait les attaques
successives que la flotte byzantino-génoise organisait depuis les ports de la Thessalie
(Halmyros, Dèmètrias) et de la Grèce du Nord (Thessalonique, Kavalla, etc.) (5). Le
Duché vénitien des Cyclades se trouvait constamment sous la menace de petites flottes
que les Byzantins armaient dans les ports micrasiatiques (Anaia, Adramytte, etc.) ;
les communications avec les comptoirs vénitiens de Syrie étaient perturbées par la
flotte byzantine stationnant à Rhodes (6) ; enfin des craintes sérieuses étaient formulées
sur le sort de la Crète qui, déjà en 1262, avait vu les troupes byzantines arriver au secours
de la population, révoltée contre les Vénitiens (7) et qui, de toute façon, pouvait diffici-
(1) Sur le traité conclu entre Negroponte et Venise, cf. TAFËVTHOMAS, Urkunden, III,
p. 45 sq. ; ajoutons qu'une partie de la flotte vénitienne qui avait auparavant fui de Constan-
tinople resta probablement à Negroponte : sur ce point, cf. ANDRÉA DANDOI,TJS, apud MURATORI,
R.I.SS., XII, p. 311.
(2) MARTINO DA CANALE, p. 480 : « Moult fu corocies Monsignor li Dus de celé aventure et
de celé parte » ; SANTJDO, Fragmentant, apud C. HOPF, Chroniques, p. 173.
(3) PACHYMËRE, I, p. 148 ; les Vénitiens ont subi les premiers les représailles byzantines,
comme le souligne ACROPOUTE, p. 183.
(4) Ci-dessous, p. 351 sq.
(5) Ci-dessous, p. 363 sq.
(6) La flotte opérant sur les côtes micrasiatiques et rhodiennes, et dont le rayon d'action
s'étend d'un côté dans la mer Egée et de l'autre dans la mer Pamphylienne (c'est du moins ce
qui ressort d'un document intéressant, les décisions des juges vénitiens, TAFEI,-THOMAS, Urkunden,
III, p. 159 sq.), est encore à ce moment celle construite par Vatatzès et stationnant dans les thèmes
maritimes des Thracésiens et de Mylasa-Mélanoudion, notamment dans les ports de Smyrne,
Anaia-Éphèse, Adramytte ; sur ce point, cf. Liber jurium reipublicae genuensis, I, col. 1345 et
1347, dans Historiae Patriae Monumenta, t. VII, Turin, 1854.
(7) Une clause du traité byzantino-vénitien de 1265, TAFEI,-THOMAS, Urkunden, III, p. 80,
obligeait Michel VIII à retirer son armée de Crète ; sur ce point et notamment sur la mission de
Steggos, chargé dans l'île de préparer le soulèvement de la population grecque, cf. S. XANTHOU-
DIDES, ' H 'EvEToxpotTÉa êv 'EXXâSi, Athènes, 1938, p. 45-48.
346 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
tuent avec les bases que l'Empire réussit à s'assurer, nous le verrons, en Péloponnèse,
notamment Monemvasie, et avec les grands ports de l'Asie Mineure, Adramytte, Smyrne,
Anaia, et surtout Rhodes, les points stratégiques d'où la flotte byzantine contrôle les
voies maritimes lors du dernier effort pour la maîtrise de la mer Egée que Byzance
déploya sous le règne de Michel VIII. Pour le moment, Michel VIII, organisant ses
propres forces navales et restaurant la puissance militaire de l'Empire pour reconquérir
les territoires grecs soumis à des Byzantins dissidents (despote d'Épire) ou aux Latins,
se fie au service de ses alliés génois pour déjouer le plan vénitien contre l'Empire (1).
Rien en effet ne semble compromettre la collaboration des flottes génoises et byzantines,
sauf le fait que l'empereur trouve quelquefois ses alliés peu empressés à lutter contre la
flotte vénitienne, de plus en plus dangereuse en mer Egée (2).
Cet état de choses, et plus particulièrement la bonne entente des Byzantins avec les
Génois, changea après la grave défaite infligée à la flotte génoise par la flotte vénitienne,
inférieure en nombre cependant, devant Spetzai en 1263 (3). Byzance perdit alors son
appui maritime. L'efficacité de l'alliance byzantino-génoise, qui coûtait cher à l'Empire,
qui payait les équipages génois, fut irrémédiablement compromise ; Michel VIII décida
de renforcer les effectifs de sa propre flotte. Il manifesta son mécontentement à l'égard
des Génois et licencia la flotte génoise (4) à son service. Il en avait parfaitement le droit,
de mariage avec la veuve de Vatatzès, sœur de Manfred (1), mais finalement il se retourna
à nouveau vers ses anciens alliés, les Génois. A la suite du traité de 1267 les commerçants
génois retrouvèrent leurs privilèges dans l'Empire (2). Ils furent installés à Galata
dont les fortifications, comme nous le dit Pachymère (3), avaient cependant été détruites
par mesure de précaution par les Byzantins. Galata deviendra désormais le centre, quasi
indépendant de l'autorité byzantine, de la plus riche, de la plus nombreuse et de la plus
turbulente colonie étrangère de Constantinople, ce qui causera à l'Empire d'importants
déboires (4). Les Vénitiens se virent donc encore une fois dépassés par leurs concurrents
dans les affaires d'Orient. Les conséquences économiques du rapprochement byzantino-
génois risquaient d'être graves pour les marchands vénitiens, et Venise ne pouvait plus
se permettre de bouder l'Empire. Aussi s'empressa-t-elle de conclure un traité d'alliance
avec Byzance.
En 1268 fut signé entre Byzance et Venise un pacte de non-agression (5). Bien que
moins avantageux pour la République adriatique que le projet d'alliance de 1265 (la
clause p. ex. de l'éviction des Génois de l'Empire a maintenant disparu et pour cause) (6),
il peut être considéré comme la ratification du traité de 1265 qui en fournit les bases (7).
En définitive, le traité de 1268 marque la reconnaissance par Byzance de la présence
vénitienne dans les eaux territoriales de l'Empire. Par ce traité Venise, outre les privilèges
économiques (exemption du kommerkion, installation à Constantinople, Thessalonique,
Boléron, Ainos, mer Noire, Propontide micrasiatique, Adramytte, Smyrne, Anaia) (8),
obtenait la garantie de ses positions dans la mer Egée, le Péloponnèse et la Crète, tandis
que Byzance de son côté se réservait la liberté d'action contre les autres possessions
latines en Grèce, notamment contre Negroponte. Elle garantissait seulement les intérêts
des Vénitiens qui y étaient installés, à condition que ces derniers n'aient pas aidé les
seigneurs latins d'Eubée contre Byzance. Byzance obtenait la libération des citoyens
byzantins détenus par les Vénitiens à Modon, Coron, Negroponte et en Crète, dont la
population grecque serait libre dorénavant de quitter le territoire vénitien, c'est-à-dire
leur pays, pour se mettre au service de l'Empire (i). Mesure importante qui permit aux
Byzantins de recruter des équipages expérimentés pour leur flotte. Enfin la clause de
non-agression, qui ouvre les traités de 1265-1268, obligeait Venise à refuser son aide
maritime et l'affrètement même de sa flotte commerciale à des puissances hostiles à
Byzance (2). Ce traité, qui fut plusieurs fois renouvelé (3), permit aux Byzantins d'entre-
prendre des opérations contre les possessions latines de Grèce, notamment contre le
Péloponnèse et l'Eubée. Ces deux régions, dépourvues de l'aide maritime de Venise,
restaient exposées à l'action de la flotte byzantine entièrement mise en état entre-temps (4).
Cela permit aussi aux Byzantins de se débarrasser des Génois qui après leur établissement
à Galata devenaient de plus en plus prospères et commençaient à monopoliser le trafic
commercial entre le Pont-Euxin et l'Occident, de sorte que, comme le note Pachymère,
« non seulement ils privaient les Grecs des avantages de la navigation et du commerce
maritime, mais ils dépassaient aussi Venise en richesse, en installations et équipements
maritimes de toute nature » (5).
Michel VIII, se fiant à sa propre puissance navale et à la sécurité que le traité
avec Venise et ses relations avec le pape (6) lui procuraient, décida de se libérer
de l'emprise génoise (7). Il saisit l'occasion que le comportement de quelques marins
génois lui fournit. Ceux-ci refusaient, en passant devant le palais des Blachernes,
d'acclamer, comme il se devait, l'empereur grec. Michel VIII ordonna une véritable
chasse aux Génois dans Constantinople pour se débarrasser définitivement de cette
colonie qui, depuis son installation à Galata, n'avait cessé de préoccuper les autorités
constantinopolitaines. La colonie génoise fut contrainte d'acheter la paix (8) ; les
marchands génois continuèrent leurs affaires dans la ville, mais les relations entre
Byzance et Gênes furent nettement compromises. Les Vénitiens gagnèrent la partie
tandis que les Génois, obligés de se plier devant la fermeté de l'empereur grec, commen-
Le plus important résultat de la victoire de l'armée de Michel VIII contre les Latins
du Péloponnèse, alliés alors du despote d'Épire, en 1259 (1), fut sans aucun doute la
cession par le prince d'Achaïe, en échange de sa liberté (Guillaume de Villehardouin fut
fait prisonnier par les Byzantins à la bataille de Pélagonia et resta captif près de trois
ans) (2), des forteresses péloponnésiennes de Monemvasie, du Magne, de Hiérakion
(Géraki) et de Mistra (3), et, selon Pachymère, de la région riveraine de Kinsterna en
Laconie (4) : territoire considérable, qui, au dire de Pachymère qui nous fournit des
détails précis sur le traité conclu à Constantinople en 1262 (5), fut SsoTroTeiaç cT£(i.vwp.a
ou, en d'autres termes, territoire suffisamment important pour marquer la présence
(1) Sur ce parlement connu seulement par des sources occidentales, cf. TERRIER DE LORAY,
Un parlement de dames au xm° siècle, Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Besançon,
1880, p. 205-211 ; F. DôivGER, Regesten, n° 1896.
(2) A rapprocher des renseignements des Annali Genovesi, IV, p. 51 : « navigarent ad
Malvaxiam ».
(3) Chronique de Morée, version grecque, v. 4534-4535.
(4) Ibid., v. 4520 sq. Ci-dessous, Appendice IV.
(5) J- GUIRAUD, Les registres d'Urbain IV, Paris, 1901-1904, II, p. 292-293.
(6) TAFEVTHOMAS, Urkunden, III, p. 46 sq. et 51 sq.
(7) J. GUIRAUD, op. cit., II, p. 102-103, 136.
(8) Sur la visite de Villehardouin dans ses possessions en Laconie, Chronique de Morée,
version grecque, v. 4520 et 4550 : « II a violé son serment. »
H. AHRWEILER 23
354 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
faut imputer au prince franc l'ouverture en Péloponnèse des hostilités, qui, dès le début
de 1263 et du fait de la riposte énergique des Byzantins, ont pris l'ampleur de grandes
opérations militaires. Notons néanmoins que les sources latines sont unanimes à rendre
Michel VIII responsable de l'ouverture des hostilités (1).
Tout comme pour la défense de Constantinople, autre objectif des revendications
occidentales, Michel VIII réagit immédiatement contre le projet péloponnésien des
Latins. La défense du Péloponnèse, second champ du conflit byzantino-occidental et
argument de la politique antibyzantine menée à ce moment par le pape et les Vénitiens,
était primordiale pour la défense même de l'Empire. En outre, l'empereur grec ne perdait
pas de vue qu'un éventuel échec latin en Péloponnèse non seulement éloignerait le danger
qui pesait sur Constantinople, mais consoliderait la présence byzantine dans le pays et
lui permettrait d'entreprendre, sitôt après, son expansion aux dépens des Francs ; il inau-
gurerait ainsi l'application de l'autre grand projet byzantin : la soumission des provinces
grecques à l'autorité impériale. Ainsi, dès que l'annonce de mouvements suspects de
Villehardouin parvint à Constantinople, Michel VIII décida d'expédier en Péloponnèse
une armée importante (2). L'organisation de cette campagne outre-mer nous est surtout
connue par Pachymère (3) et par la Chronique de Morée, seule en outre à fournir
des détails sur le déroulement des opérations. Elle comporte deux étapes :
a) la mission Makrènos mentionnée seulement par la Chronique de Morée, et
b) l'expédition proprement dite contre les Francs, dirigée par le frère de l'empereur,
le sébastokratôr Constantin.
D'après la Chronique de Morée, Makrènos, investi de pouvoirs extraordinaires (il
fut chargé de conclure des traités au nom de l'empereur avec les chefs slaves de la région
du Taygète), arriva en Péloponnèse avant le corps expéditionnaire (4). De Monemvasie,
il embarqua, nous dit toujours la même source, l'armée dont il disposait sur les navires
et il se dirigea vers la Laconie. Il faut croire, ce qui est normal, qu'un détachement de
la flotte byzantine stationnait déjà en permanence à Monemvasie, alors siège, semble-t-il,
du gouverneur byzantin (5), et que l'armée que Makrènos emmena avec lui en Laconie,
qui était composée de Micrasiates et de Turcs (6), s'accrut alors de régiments péloponné-
siens. Une fois en Laconie, Makrènos réussit à s'assurer l'alliance des chefs locaux,
(1) MARINO SANTJDO, apud C. HOPF, Chroniques, p. i t 6 ; J. GUIRAUD, op. cit., II, p. 103.
(2) Chronique de Morée, version grecque, v. 4546 sq.
(3) PACHYMÈRE, I, p. 205 sq.
(4) Chronique de Morée, version grecque, v. 4556 sq.
(5) C'est à Monemvasie que se trouvait le képhalè des Péloponnésiens, Kantakouzènos, lors
de la visite de Guillaume en Laconie : cf. Chronique de Morée, version grecque, v. 4534-4535.
(6) Ibid., v. 4553-4555 : l'armée est évaluée à 3 500 hommes dont 2 000 sont des Anatolikoi
( = Micrasiates).
La reconstitution de l'Empire 355
notamment des Slaves, à qui il distribua des titres et des dignités (« il a nommé les uns
sébastes et les autres tzastadés ») (1), et à soumettre à l'autorité impériale la région qui
s'étend de Batika en Tzaconie et du Taygète (drouggos tou Méligou) à la Gisterne. C'est
alors que fut sans doute soumise pour la première fois aux Byzantins la région désignée
comme thème de Kinsterna et qui, selon Pachymère, faisait partie des concessions accor-
dées par Villehardouin à Michel VIII. Cette clause du traité de Constantinople ne fut
appliquée qu'à ce moment et contre la volonté des Francs (2). Ainsi, la mission
de Makrènos, qu'il faut situer vers la fin de 1262, semble plus une opération d'établisse-
ment de l'autorité byzantine dans la partie péloponnésienne revenant à l'Empire qu'une
agression contre la Principauté franque, comme ce fut le cas de la grande expédition
placée sous les ordres du sébastokratôr Constantin, mentionné par erreur comme grand
domestique par la Chronique de Morée.
Au début du printemps de 1263, l'armée byzantine, composée de troupes micrasia-
tiques (« la fleur de la Romanie », dit la Chronique de Morée (3), des troupes de Magédôn
et de Lycie, précise Pachymère) (4) et des mercenaires turcs (les mercenaires latins ne
pouvaient être désignés pour mener une guerre contre des Latins, note justement Pachy-
mère) (5) et placée sous le commandement du sébastokratôr, qui avait pour hyparques
(adjoints) le grand domestique Alexis Philès et le parakoimomène Makrènos (6), embarqua
sur les bateaux de la flotte byzantino-génoise et gagna Monemvasie (i), base de la flotte
et centre des opérations en Péloponnèse. Les hostilités contre les Latins commencèrent
aussitôt, d'abord sous les ordres du sébastokratôr et ensuite, quand le frère de l'empereur
eut quitté le pays, sous ceux de Makrènos. Malgré les premiers succès byzantins, la
lutte pour la reconquête du Péloponnèse donna peu de résultats (2). La réaction latine
fut vive et rapide, l'armée byzantine se contenta finalement de consolider la présence
de l'autorité impériale dans les territoires déjà recouvrés. Une partie de la politique
péloponesienne de Michel VIII était ainsi réalisée mais, en ce qui concerne la reconquête
du pays sur les Francs solidement installés dans la partie centrale et le Nord, il restait
encore beaucoup à faire.
La première expédition outre-mer en Péloponnèse avait en outre des conséquences
importantes et inattendues pour la composition de la force navale de l'Empire et pour
sa politique maritime. En effet c'est vraisemblablement dans le cadre des opérations en
Péloponnèse qu'il faut placer la grande défaite que la flotte génoise qui assurait le trans-
port de l'armée expéditionnaire subit en 1263, alors qu'elle regagnait Constantinople
venant de Monemvasie (3). Défaite que lui infligea la flotte vénitienne dans la bataille,
relatée par les sources occidentales seules, de Sette-Pozzi, nom italien de l'île de Spetzai,
où les deux flottes se rencontrèrent. A la suite de cette défaite, qui, vue de Byzance, fut
la preuve du peu d'efficacité de l'alliance byzantino-génoise, Michel VIII, nous l'avons vu,
licencia la flotte génoise (4) à son service, qui selon les paroles de l'empereur « coûtait
cher à l'Empire pour le peu qu'elle rapportait » (5). Michel VIII orienta ensuite sa
politique vers un rapprochement avec Venise et, décidé avant tout à ne se fier qu'à ses
propres forces, entreprit le renforcement de l'armée de mer byzantine. Il employa dans
des opérations, hyparchos ( = commandant adjoint) avec Philès, sous les ordres du sébastokratôr.
T>. ZAKYTHINOS, Le despotat, I, p. 33, n. 3, croit plutôt au renseignement de Pachymère et il
considère que Makrènos arriva en Péloponnèse en même temps que le sébastokratôr.
(1) J. GUIRAUD, Les registres d'Urbain IV, II, p. 100 ; Annali Genovesi, IV, p. 51 ; D. ZAKY-
THINOS, op. cit., I, p. 33, n. 4, avec des renseignements sur la carrière du sébastokratôr.
(2) D. ZAKYTHINOS, Le despotat, I, p. 33 sq.
(3) Annali Genovesi, IV, p. 51 : « Cum exercitus galearum nostrarum, quae erant numéro 38,
navigarent ad Malvaxiam ex precepto imperatoris causa portandi ad ipsum locum qui per
imperatorem tenetur quaedara guarnimenta... ad insulam... Septem Puteos... ». MARTINO DA
CANALE, p. 494 : « II dévoient (les Génois) doner vitaille à Malveisie... il ne dona pas », ce qui est
une allusion à l'échec génois.
(4) Ci-dessus, p. 350.
(5) h. BEI.GRANO, Cinque documenti genovesi-orientali, Atti délia Società Ligure di storia
patria, t. XVII, 1885, p. 229 : a Non alias (galées génoises) preparari et consumere thesauros
nostros in vanum » ; MARTUTO DA CANAIJS, p. 496 : « II despendroit trestos son avoir, et ne gagnera
nule riens. »
La reconstitution de l'Empire 357
ce but les équipages expérimentés fournis par ses possessions péloponnésiennes, notam-
ment la Tzaconie (1). Il augmenta les effectifs de sa flotte qui, contrairement à celle des
Génois, marquait alors d'importants succès contre les Latins dans la mer Egée.
La flotte byzantine était placée sous le commandement du prôtostratôr Alexis
Philanthrôpènos, qui, comme le précise Pachymère, n'avait pas le titre de grand-duc
(mégabdoukaton) bien qu'il en eût la charge, pour la seule raison que ce titre, devenu
en l'occurrence plus une dignité qu'une fonction, était porté par le vieux frère de
l'empereur Théodore I e r Lascaris (2). Le prôtostratôr appareilla de Constantinoplc au
printemps de 1263, en même temps que le corps expéditionnaire du Péloponnèse, et
mit le cap, avant de gagner le Péloponnèse, sur les îles égéennes occupées par les Latins :
« La flotte voguait, dit Pachymère, et les navires accostant les îles en enlevèrent plusieurs
qui furent aussitôt gardées par des garnisons grecques. Ainsi était intégrée à l'Empire
la région (les îles) jusqu'alors soumise aux Latins » (3). « La flotte naviguait, dit encore
Pachymère, et réussissait dans plusieurs entreprises » (4). Naxos, Paros, Kéa (et non
Kôs qui était depuis longtemps byzantine) et même l'île d'Eubée (Karystos et Oréoi) (5)
furent attaquées par la flotte de Philanthrôpènos qui arriva finalement en Péloponnèse,
sans doute après la défaite génoise de Sette-Pozzi, pour appuyer les opérations que ie
corps expéditionnaire menait contre les Francs sous les ordres du sébastokratôr. Elle
ravagea les côtes méridionales de Laconie (6), ce qui ne fut pas sans inquiéter les Vénitiens
(1) Sur l'emploi des Tzaconiens dans la marine byzantine, notamment par Michel VIII,
cf. PACHYMÈRE, I, p. 209, et surtout p. 309 ; GRËGORAS, I, p. 98 ; il est évident que l'emploi des
Tzaconiens dans la flotte se place après la soumission de la Tzaconie ( = Kinsterna) aux Byzan-
tins : les Tzaconiens ont renforcé les effectifs de la première flotte de Michel VIII, celle qui était
équipée de Gasmouloi ; ces derniers ont été les premiers à servir dans la flotte de Michel Paléologue.
(2) PACHYMÈRE, I, p. 206. La date proposée par R. GUII,I,AND, Le drongaire, p. 231, pour
l'accession de Philanthrôpènos au poste de grand-duc (1271), est à notre avis à rectifier : cf.
ci-dessous, p . 368-369.
(3) PACHYMÈRE, I, p. 204-205 : renseignement rapporté uniquement par Pachymère pour la
période d'avant l'expédition en Péloponnèse ; ibid., I, p. 188.
(4) Ibid., I, p. 206 : opérations contemporaines à l'expédition en Péloponnèse.
(5) C'est à ce moment qu'il faut placer les premiers contacts de Likarios, révolté contre ses
seigneurs en Bubée et futur grand-duc, avec les Byzantins ; ceci est confirmé par MARINO SANTJDO,
apud C. HOPF, Chroniques, p. 119-120 : « Un cavalier délia città di Caristo... qui tenai un certo
Castelle in una montagna altissima detta la Termopile, ove fuce un castello fortissimo... Miser
Licario, che non si tenere sicuro ivi... fù a parlamento con il capitano dell' Armata dell' imperator » :
l'événement doit se placer en 1262-1263 ; cependant GREGORAS, I, p. 95, exposant, à propos de la
collaboration de Likarios avec les Byzantins, qui commence à ce moment, des faits qui s'étalent
dans les années suivantes, peut nous induire en erreur en ce qui concerne la date des relations
de Likarios avec l'Empire : cf. sur ce point, ci-dessous, p. 368.
(6) Sur les succès de la flotte byzantine pendant cette première expédition contre les Latins,
cf. PACHYMÈRB, I, p. 204-205. GREGORAS, I, p . 98, donne une image générale des opérations de
358 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
la flotte byzantine : les succès contre Lemnos, Chios, Rhodes qu'il rapporte sont soit postérieurs
à la première expédition maritime (p. ex. la prise de Lemnos), soit dus à la flotte de Nicée et
antérieurs à la période que nous étudions ici. Rhodes était déjà territoire byzantin sous Vatatzès
(cf. ci-dessus, p. 322) et en ce qui concerne Chios l'acte de Michel VIII promulgué en faveur du
couvent de Néa Monè en avril 1259 (cf. Actes de Chios, p. 569-574) montre que l'île de Chios
ainsi que le port d'Halmyros en Thessalie mentionné dans cet acte faisaient dès cette date partie
de l'Empire.
(1) I/importance de Monemvasie comme base de la flotte à ce moment est attestée par
les sources occidentales (cf. ci-dessus, p. 356, n. 3) et byzantines (cf. ci-dessous p. 360). Le
document des juges vénitiens, TAEEI,-THOMAS, Urkunden, III, p. 159 sq., fait plusieurs fois men-
tion de bateaux grecs qui, utilisant comme base Monemvasie, inquiétaient les Vénitiens de Modon,
de Coron et de Crète : cf. ibid., p. 164, 192, 215, 220, 225-226, et surtout, ibid., p. 231-237, où
sont traités plusieurs cas concernant des marchands vénitiens du Péloponnèse et les dommages
qu'ils ont subis du fait de la flotte byzantine de la région.
(2) TAFEI,-THOMAS, Urkunden, III, p. 176 : Portus Vituli. A noter aussi que dans ce même
document, ibid., p. 232, il est question d'un capitaine de Gisterne nommé Mésopotamitès, et
ibid., p. 233, d'un capitaine d'Arduuista ( = Andravista).
(3) TAKEI,-THOMAS,Urkunden, III, p. 175. A noter, ibid., p. 174, la mention d'un duc de
Patras nommé Kalojean : « tune capitaneum pro domino imperatore » et des « comestabiles
lignorum exercitus imperatoris qui simul erant ».
(4) PACHYMÊRE, I, p. 205 : « Biles furent partie de l'Empire celles (les îles) qui auparavant
étaient soumises aux Latins. »
La reconstitution de l'Empire 359
entreprise maritime contre Byzance, notamment une agression par mer contre Constan-
tinople que la flotte byzantine, comme l'avoue l'empereur lui-même (1), n'aurait pu
empêcher, du moins pendant cette première période de son activité.
La première expédition byzantine en Péloponnèse resta sans résultats décisifs quant
à la reconquête du pays. Les opérations entre Byzantins et Latins se sont éternisées,
puis transformées en une sorte de guérilla permanente entre le prince franc et les
gouverneurs byzantins installés maintenant à Mistra (2). Pendant cette période d'hosti-
lités continuelles, interrompues par des trêves plus ou moins longues, les [Francs ont
accru leurs forces grâce à l'aide de Charles d'Anjou que sa politique orientale et notam-
ment son projet contre Constantinople rendaient particulièrement attentif aux affaires
péloponnésiennes (3), tandis que les Byzantins recevaient des renforts envoyés de
Constantinople (4). D'où le souci de l'empereur de contrôler les communications mari-
times entre la capitale et le Péloponnèse. La flotte byzantine, qui comptait maintenant
dans ses effectifs un nombre important de Péloponnésiens (notamment des Tzaconiens,
habitants de la Tzaconie), visita plusieurs fois le Péloponnèse byzantin. La campagne
de 1270 était commandée par le chef de la flotte, Alexis Philanthrôpènos (5) ; les navires
byzantins transportaient régulièrement des troupes de Constantinople à Monemvasie,
principale base péloponnésienne, escale des liaisons avec Constantinople (6). La ville de
Monemvasie, devenue le centre de l'activité maritime des Byzantins dans le Péloponnèse,
joue maintenant un rôle militaire important qu'elle conservera tout au long de l'histoire
du Péloponnèse byzantin. Michel VIII, soucieux de s'assurer la fidélité des habitants
de Monemvasie, leur accorda des privilèges considérables qui comportaient, comme
nous le laisse comprendre le chrysobulle de son successeur Andronic II promulgué en
(1) Ibid., I, p. 182 : « II n'existait pas de navires suffisants à leur opposer (aux Latins). »
(2) D. ZAKYTHINOS, Le despotat, I, p. 44 sq.
(3) D. J. GEANAKOPI.0S, Michael Palaeologus, p. 229 sq., et D. ZAKYTHINOS, op.cit., I,
p. 47 sq.
(4) D. ZAKYTHINOS, op. cit., I, p. 52 sq.
(5) Chronique de Morde, version grecque, v. 6487, et version catalane, § 415 : sur ce point,
cf. D. ZAKYTHINOS, op. cit., p. 52 : l'auteur identifie le neveu de l'empereur, chef de l'expédition,
avec Alexis Philanthrôpènos sans faire état cependant du rôle maritime de ce personnage, ce
qui donne à l'expédition une allure particulière ; il faut, à notre avis, se demander si Pachymère,
qui rapporte les opérations de la flotte de Philanthrôpènos contre le Péloponnèse en même temps
que celles contre les îles, ne fait pas à cette occasion un exposé général de toute l'activité de la flotte,
qui, en fait, s'étale sur plusieurs années : à l'appui de cette hypothèse vient le fait que Pachymère
mentionne parmi les équipages des Tzaconiens, qui n'ont pu passer à Constantinople et servir
dans l'armée impériale qu'après la première trêve entre les Latins et les Péloponnésiens, donc
obligatoirement après 1266 : sur la date et la durée de cette trêve, cf. D. ZAKYTHINOS, Le despotat,
I, p. 44.
(6) Cf. ci-dessus, p. 356-358.
360 Les Lascarides et les Paîéologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
faveur de cette ville, l'exemption totale de toute charge fiscale et de toute taxe commer-
ciale (1). Des facilités considérables furent en outre accordées aux Péloponnésiens qui
accepteraient de s'installer dans l'Empire et notamment à Constantinople (2). De
nombreux habitants de Monemvasie se sont en effet établis dans la ville de Pègai (3),
sur le littoral micrasiatique de la Propontide, où ils remplacèrent vraisemblablement
les commerçants occidentaux installés dans cette ville avant la prise de Constantinople
par les Latins. D'autres se sont installés à Constantinople même (4) ; ils ont fourni
avec les autres Tzaconiens les équipages de la flotte que Michel VIII construisit pour
faire face à la grande expédition préparée par Charles d'Anjou contre Constantinople (5).
Nous connaissons les détails de la construction de cette flotte, la plus importante
des flottes byzantines du XIIIe siècle, par Pachymère et Grégoras (6). Elle fut placée sous
les ordres d'Alexis Philanthrôpènos, qui n'était toujours pas grand-duc, et qui ne le
fut qu'après la mort de Lascaris. Elle était divisée en plusieurs escadres stationnant
dans les provinces et commandées par les ducs de diverses régions. Les sources de
l'époque signalent des ducs à Thasos, Lemnos, Thessalonique, Patras, Chios, Naupacte,
Halmyros, etc. (7), outre ceux connus pour l'époque de Nicée (Thracésiens, Mylasa-
été fort utile à l'Empire, pour le compte duquel travaillaient ses multiples flottilles ; elle a
donné à la flotte byzantine le prestige d'une flotte « thalassocrate » (1) ; elle a soustrait
la mer Egée au contrôle occidental, éloignant ainsi la menace qui pesait sur Constan-
tinople même.
EXPÉDITIONS EN THESSALIE ET CONTRE L'ÎLE D'EUBÉE
Bien que les revendications épirotes à l'hégémonie byzantine aient été enterrées à la
bataille de Pélogonia (1259), le despote Michel II Ange, encouragé par son gendre
Manfred, roi de Sicile (2), ne cessa d'inquiéter les Byzantins. Son armée continua une
lutte infatigable pour l'expansion de l'autorité épirote en Grèce du Nord aux dépens
des possessions byzantines. Les succès qu'a connus alors l'effort épirote (le libérateur
de Constantinople Alexis Stratègopoulos fut fait prisonnier et expédié en Sicile à Manfred,
qui l'échangea plus tard contre la veuve de Vatatzès, sa propre sœur) (3) décidèrent
Michel VIII Paléologue, après ses victoires contre les Bulgares (auxquels il avait enlevé
les villes pontiques de Mésembria et d'Anchialos) (4) à entreprendre les opérations contre
le Despotat d'Épire. En 1263, le frère de Michel VIII, le despote Jean, conduisit de
Thessalonique l'armée byzantine contre les possessions épirotes en Grèce. Il contraignit
le despote Michel II Ange à se soumettre ; la paix fut conclue (5) ; Michel VIII n'aura
plus à se soucier des affaires épirotes jusqu'à la mort du despote d'Épire, en 1271. Le
démembrement à la mort de Michel II de l'État épirote donne le gouvernement de la
Thessalie à Jean, fils bâtard de Michel II (6), farouchement hostile à Byzance. Michel VIII
s'appliqua à mettre un frein à l'action antibyzantine du gouverneur thessalien ; il agit
d'abord par la voie diplomatique. Il attribua à Jean le titre du sébastokratôr, il signa la
paix avec lui et la consolida par le mariage de la fille de Jean Ange avec un de ses propres
neveux (7). Cet état de choses fut cependant provisoire. Jean Ange, soutenu par les
Latins, notamment par son allié, Charles d'Anjou, qui venait d'installer son autorité sur
l'île de Corfou et qui l'installa un peu plus tard sur les côtes illyriennes (8), reprit ses
activités antibyzantines, ce qui, dans l'ensemble de la conjoncture politique du moment,
(1) Cf. les remarques de Michel VIII lui-même sur sa flotte et son importance, « De vita sua »,
éd. H. GRÉGOIRE, Byz., t. XXIX-XXX, 1950-1960, p. 457. Ci-dessous, Appendice IV.
(2) PACHYMERE, I, p. 215, 242.
(3) GREGORAS, I, p. 90-92 ; PACHYMERË, I, p. 185.
(4) Sur ce point, cf. V. LAURENT, La domination byzantine aux bouches du Danube sous
Michel Paléologue, Revue histor. du Sud-Est européen, t. XXII, 1945, p. 185-198.
(5) PACHYMERE, I, p. 214-215, 242 ; F. Dôi,GER, Regesten, n° 1931.
(6) D. Nicor,, The despotate of Epirus, Oxford, 1957, ne traite pas l'histoire de la Thessalie.
(7) PACHYME E, I, p. 308. F. DôXGER, Regesten, n° 1976.
(8) Sur la pénétration angevine dans les Balkans, cf. D. J. GËANAKOPI,OS, Michael Palaeologus,
p. 229 sq.
364 Les Lascarides et les Pàléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
(1) Cf. les récits de PACHYMÈRE, loc. cit., et de GREGORAS, loc. cit.
(2) Ci-dessus, p. 364, n. 4.
(3) GREGORAS, I, p. 118.
(4) Ibid., I, p. 117.
(5) Ci-dessus, p. 349.
(6) C'est du moins ce que GRÉGORAS, I, p. 117, affirme.
(7) TAFEI,-THOMAS, Urkunden, III, p. 133 sq. P. Dôi,GER, Regesten, n° 2026. ;<.
(8) PACHYMÈRE, I, p. 336 : « L'échec subi sur terre a été racheté par la victoire sur mer. s»r
(9) PACHYMÈRE, I, p. 337.
366 Les Lascarides et les Palêohgues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
ensemble (i) ; un seul navire ennemi échappa, dit l'empereur lui-même (2) ; l'armée
de mer byzantine poursuivit tranquillement ses attaques contre les possessions latines
de la mer Egée. Les Sporades (Skopélos, Skyros, Skiathos) passent alors sous la domi-
nation byzantine (3). Une grande attaque se prépare contre Negreponte, redoutable
ennemi maritime comme l'avait prouvé la difficile victoire de Dèmètrias (4). En effet,
c'est à la suite de la bataille navale de Dèmètrias qui, selon Sanudo, leur donna la
confiance nécessaire, que les Grecs ont cru pouvoir chasser facilement les Latins de
toute la Grèce (5). Et Michel VIII décida d'en finir avec l'île d'Eubée, qui empêchait
l'établissement d'un contrôle absolu sur la mer Egée et gênait les projets byzantins en
Thessalie et en Grèce. La grande expédition maritime qui aboutit à la soumission
de la plus grande partie de l'île sera un des plus remarquables succès de la flotte
byzantine. Il sera à la gloire de son nouveau commandant en chef, le fameux Likarios,
Lombard de l'île d'Eubée, révolté contre ses seigneurs et passé au service de l'Empire.
Byzance l'avait récompensé en lui cédant l'île d'Anémopylai (6), territoire qu'il avait
réussi à faire passer sous son contrôle lors de sa révolte contre les maîtres de l'île
d'Eubée (7).
L'île d'Eubée, d'une part à cause de sa situation géographique (elle contrôle la
route maritime qui unit Thessalonique à la Grèce du sud et à l'Occident, et les provinces
grecques à l'Asie et à Constantinople), et d'autre part en raison de son importance militaire
(elle était tenue par des seigneurs lombards alliés de Venise, qui y était représentée par
une forte colonie marchande et par un bailus, disposait d'une armée et surtout d'une
flotte considérable et était un des plus importants postes de la flotte vénitienne de
laRomania) (1), attira tout de suite l'attention de Michel VIII Paléologue, soucieux d'éli-
miner l'influence occidentale du voisinage de Constantinople et décidé à établir son
pouvoir dans les provinces grecques et la mer Egée (2). En eflFet, nous avons vu qu'une
clause du traité vénéto-byzantin de 1265, ratifié en 1268, réservait à l'Empire le droit
d'intervenir contre l'île d'Eubée, avec laquelle il était alors en guerre (3). La flotte byzan-
tine sous les ordres de Philanthrôpènos poursuivait à ce moment ses incursions contre
les Latins de la mer Egée. Parmi ses succès, Pachymère mentionne les attaques d'Oréoi
dans le nord de l'île d'Eubée et de Karystos dans le sud (4), bases importantes des
Eubéens après Negroponte, capitale des seigneurs Latins.
On ne peut préciser si l'attaque de Philanthrôpènos en 1263 (lors des premières
opérations maritimes dans la mer Egée et en Péloponnèse) donna des résultats durables
et si les Byzantins s'assurèrent dès lors le contrôle de quelques postes eubéens. Cela
nous semble improbable. En revanche, il est possible de placer à ce moment, comme nous
le dit Sanudo, la révolte de Likarios contre ses seigneurs (5) et le début de sa collabo-
ration avec les Byzantins. Grégoras rapporte en eflFet que Likarios profita, pour déclencher
sa révolte, de la confusion qui suivit la prise de Constantinople (6). Son mouvement
doit être de peu postérieur aux événements de 1261. Il faut penser que l'intervention
byzantine dans les affaires d'Eubée se limite à ce moment à l'action antilatine de Likarios
que son intérêt rapprochait des Byzantins. Il ne semble pas qu'on puisse parler dès
maintenant de l'établissement d'un quelconque contrôle byzantin sur une partie même
modeste du territoire eubéen. Il est néanmoins certain que dès l'apparition de la flotte
de Michel VIII dans la mer Egée, l'île d'Eubée fut en permanence exposée à ses attaques.
Elle a sûrement vu sur son littoral des navires impériaux se livrer à des actes de piraterie
contre sa population ; elle a sans aucun doute subi les méfaits des incursions de la flotte
de Philanthrôpènos lors de l'expédition contre le gouverneur de Thessalie. La flotte
byzantine était chargée d'attaquer les possessions latines de la mer Egée, notamment
celles qui pouvaient se porter à l'aide du sébastokratôr Jean, gouverneur de Thessalie,
comme nous le précise Pachymère (7). L'Eubée, voisine et alliée de la Thessalie, était
(1) Sur ce point, cf. les remarques intéressantes de MARINO SANUDO, apud C. HOPF, Chro-
niques, p. 119.
(2) Comme le souligne ACROPOWTE, Scripta Minora, éd. HEISENBËRG, p. 18, l'Eubée était
déjà visée par les Nicéens ; elle et le Péloponnèse avaient échappé de justesse à l'action de Jean
Vatatzès.
(3) Ci-dessus, p. 349.
(4) Ci-dessus, p. 357.
(5) MARINO SANUDO, apud, C. H O P F , Chroniques, p . 120.
(6) GREGORAS, I, p. 95-96 ; et ci-dessus, p. 357, n. 6.
(7) Ci-dessus, p. 363.
368 Les Lascarides et les Paléoîogues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
sûrement sa cible principale. Bien que les sources ne lient pas les deux faits, il nous
semble certain que l'opération négropontine à Dèmètrias fut un acte de vengeance
contre la flotte byzantine, qui avait maintes fois ravagé l'île.
L'importance de l'action négropontine contre la flotte byzantine entraîna à son
tour la réaction de l'Empire. L'expédition contre l'île d'Eubée (et il n'y eut qu'une seule
expédition dirigée uniquement contre cette île) (i) n'est, à notre avis, qu'une conséquence
de la bataille navale de Dèmètrias ; elle lui est sûrement postérieure et c'est le récit de
Pachymère qui permet d'établir l'ordre exact des événements relatifs à cette expédition,
contrairement à Sanudo qui, d'un point de vue latin, relate sans précisions chronolo-
giques les principaux faits de l'histoire de chaque État latin de Grèce, et contrairement
aussi à Grégoras qui, mentionnant le début de la collaboration de Likarios avec les
Byzantins, énumère l'ensemble des services rendus à l'Empire par Likarios, services
qui s'étendent en vérité sur plusieurs années (2). La relation de l'expédition contre
l'Eubée, avec la bataille de Dèmètrias et lafinde la première campagne contre la Thessalie
(confirmée par Pachymère qui relate que l'attaque contre l'île d'Eubée fut décidée dans
le cadre de la seconde expédition contre le sébastokratôr Jean) (3), situe le début de
l'offensive byzantine contre Negroponte à la fin de 1275, ou au début de 1276 au plus tôt.
Plusieurs faits confirment cette date. Un acte daté de janvier 1275, émanant d'un seigneur
latin de Negroponte, constitue, par son contenu, un terminus post quem de la soumission
de l'île aux Byzantins (4). Par ailleurs les carrières de Philanthrôpènos, vainqueur de
Dèmètrias, et de Likarios, triomphateur en Eubée, apportent des précisions importantes
pour dater la seconde expédition contre la Thessalie et l'attaque contre Negroponte.
Alexis Philanthrôpènos, encore prôtostratôr lors de la bataille de Dèmètrias où il fut
blessé, fut alors nommé grand-duc de la flotte byzantine (5), le vieux grand-duc Lascaris
étant sans doute mort. Or Pachymère précise que Likarios, après sa victoire contre les
Négropontins et sûrement après la mort de Philanthrôpènos (l'empereur, dit Pachymère,
avait perdu le despote Jean son frère et le grand-duc) (6), a accédé au poste de grand-duc,
honneur accompagné de récompenses matérielles considérables que Sanudo énu-
(1) Ceci contrairement à D. J. GEANAKOPI,OS, Michael Palaeologus, p. 235 sq. : « The first
impérial campaign in Negropont », et p. 295 : « The second phase of the campaign in Negropont »,
qui accepte deux opérations byzantines visant directement l'Bubée, parce qu'influencé sans doute
par les récits de Sanudo et de Grégoras qui résument des faits concernant la carrière de Likarios
dont une partie est indépendante de sa collaboration avec Byzance, cf. ci-dessus, p. 357, n. 5.
(2) Ci-dessus, p. 357, n. 5.
(3) PACHYMÈRE, I, p. 410 sq.
(4) TABE^-THOMAS, Urkunden, III, p. 130.
(5) Ci-dessus, p. 357, n. 2.
(6) PACHYMÈRE, I, p. 410.
La reconstitution de l'Empire 369
mère (1). Même en admettant qu'Alexis Philanthrôpènos mourut peu après sa nomination
comme grand-duc, l'expédition contre Negroponte ne peut être située avant 1276, date
de la seconde expédition contre la Thessalie, entreprise du vivant du despote Jean (2).
Or, celui-ci était mort et Philanthrôpènos aussi lors de la nomination de Likarios comme
grand-duc de la flotte byzantine (3). De toute façon l'expédition contre l'île d'Eubée
qui eut lieu dans les années 1276-1277 fut un succès pour les armes byzantines. Elle
donna à la flotte impériale un prestige sans précédent. Elle marqua le recul définitif
de la puissance maritime des Latins de la mer Egée ; les Sporades et les îles du Duché
vénitien de l'Archipel grec, à l'exception de Naxos et d'Andros, furent soumises aux
Byzantins (4). Elle décida Venise à renouveler son traité avec Byzance ; celui-ci fut
ratifié en 1277 (5) ; il laisse toute liberté d'action entre les signataires quant à la suite
des opérations contre l'île d'Eubée.
remportée sur l'fle d'Eubée (i), souligne que, grâce à l'action de la flotte impériale,
la piraterie a disparu de la mer Egée (2). Elle n'était en effet exercée que par les Byzantins
ou pour leur compte (3) ; or ce sont eux qui contrôlent à présent les routes de la mer
Egée fréquentées par les bateaux de commerce de toutes nationalités. On considéra alors
que la flotte byzantine avait accompli sa tâche ; elle n'avait plus de raison d'être. Selon
une vieille habitude, on pensa même à la désarmer mais, comme le rapporte Grégoras,
Michel VIII préféra assumer les lourdes dépenses de son entretien régulier que de priver
l'Empire de son appui naval, « de peur que la disparition de la flotte n'entraîne la pertur-
bation de la paix qui régnait alors sur les mers, ce qui provoquerait pour l'Empire des
difficultés autrement plus importantes que celles que lui causait l'avance turque en
Orient » (4). Ce jugement de la situation, porté par l'empereur lui-même, caractérise
toute l'orientation politique de Michel VIII ; il se trouve à l'origine des revers que
l'Empire a connus immédiatement après sa mort. Toujours au nom du danger occidental
qui n'avait jamais cessé, il est vrai, de peser sous diverses formes sur Byzance (après
la mort de Grégoire X, le pape de l'union des Églises, en 1276, la menace occidentale
résidait dans le débarquement en Illyrie des troupes angevines encouragées par la papauté
et par Venise) (5), l'Empire négligea la défense du territoire vital de l'Asie Mineure, qui,
avant même la fin du règne de Michel VIII, fut presque entièrement envahi par les
Turcomans. Finalement, la menace contre Constantinople, tellement redoutée pendant
toute la seconde moitié du xm e siècle, ne s'est pas manifestée sur mer, comme on le
craignait. Elle n'est pas venue de l'Occident, mais a suivi les routes micrasiatiques et
elle s'installa, avant même la fin du xm e siècle, face à la ville impériale. La flotte byzan-
tine, incapable de répondre au nouveau danger que représentait l'expansion turque,
connut, après ses succès contre les Latins de la mer Egée, une période de trêve. Aux armées
angevines qui, jouissant de la complicité des populations dissidentes de Byzance (Alba-
nais, Serbes), avaient envahi l'Illyrie, Michel VIII opposa victorieusement son armée
de terre (6). La flotte impériale fut alors répartie dans les diverses bases provinciales,
et fut chargée de la défense du territoire byzantin. Comme le dit Grégoras, l'empereur
(1) Éd. H. GRÉGOIRE, Byz., t. XXIX-XXX, 1959-1960, p. 458-459. Ci-dessous, Appendice IV.
(2) Ibid., p. 457 : « Nous avons nettoyé la mer des bandits qui l'exploitaient. »
(3) Sur la piraterie à cette époque, cf. P. CHARANIS, Piracy in the Aegean during the reign
of Michael VIII Palaeologus, Mélanges H. Grégoire, II, Bruxelles, 1950, p. 127-128 : l'auteur
s'appuie uniquement sur les décisions des juges vénitiens, il ne souligne pas la collaboration des
flottilles pirates avec les Byzantins.
(4) GRÉGORAS, I, p. 140-141.
(5) D. J. GEANAKOPI,OS, Michael Palaeologus, p. 229 sq.
(6) Sur l'invasion de 0 Rôs Solymas », connue par les historiens et rapportée en détail par la
Chronique de Morée, cf. G. TYPAI,DOS, RÔS Solymas des Byzantins (en grec), E.E.B.S., t. II, 1925,
p. 316 sq.
La reconstitution de l'Empire 371
ordonna à l'armée de mer de conserver ses bases, « car il jugea préférable d'assurer la
protection de ce qu'on possédait que d'entreprendre des opérations d'issue incertaine » (1).
Précaution inutile, mesure de prudence vaine, la présence de la flotte sur le littoral
micrasiatique n'a pas empêché le flot turc d'envahir l'Asie Mineure et de s'installer sur
les régions côtières du pays (2), d'où les Turcomans, peuple de nomades, sont entrés en
contact avec la mer et, devenus les maîtres incontestables du littoral, ont revendiqué un
peu plus tard et avec succès la maîtrise de la mer Egée.
Le successeur de Michel VIII Paléologue, son fils Andronic, libéré du cauchemar
occidental, essaiera de parer à la situation en Orient. La flotte, arme mal adaptée aux
nouvelles luttes, en souffrira. En vérité, son histoire s'achève avec Michel VIII et la
politique occidentale d'un Empire qui se veut encore universel ; elle s'achève sur l'effort
obstiné et les succès précaires et inutiles de la dernière flotte impériale que Michel VIII
construisit et entretint régulièrement tout au long de son règne pour défendre l'Empire
et notamment Constantinople contre la menace constamment présente et toujours avortée
de l'Occident latin. On ne saurait donc dire si c'est la situation créée à la suite de la
prise de Constantinople par les Byzantins, ou si c'est le choix délibéré de Michel VIII,
toujours considéré par la population micrasiatique comme un usurpateur, ou si ce sont
les deux faits à la fois, qui ont conduit l'empereur à orienter sa politique vers l'Occident,
à s'occuper presque uniquement des provinces grecques et à négliger la défense de l'Orient,
exposé à la poussée turcomane et particulièrement vulnérable du fait du sentiment de
frustration ressenti par sa population, dépourvue des avantages que les Lascarides lui
prodiguaient. Avant même la mort de Michel VIII, la situation en Asie Mineure était
plus qu'alarmante. L'empereur lui-même le constate. Il attribue le désastre à l'hostilité
de la population envers sa politique et plus particulièrement envers ses mesures reli-
gieuses (3). Pachymère le confirme (4) ; les orateurs des dernières années du règne de
Michel VIII, malgré leur souci d'exalter comme il se devait l'œuvre impériale, ne peuvent
passer sous silence la gravité de la situation en Orient, ni éviter des allusions aux diffi-
cultés que crée pour Byzance « le peuple d'Asie, particulièrement nombreux... et attaquant
de tous les côtés, pénible et plus que jamais dangereux pour les Byzantins d'Asie » (5).
Il serait toutefois injuste de rejeter sur Michel VIII et sur sa politique la responsa-
bilité de la perte de l'Asie Mineure qui, accomplie dès le début du xive siècle, entraîna
la chute de l'Empire. Michel VIII, héritier d'un Empire menacé sur toutes ses frontières
et incapable d'opposer des forces suffisantes sur plusieurs fronts à la fois, concentra son
effort principal contre le danger occidental, qui lui semblait imminent et nettement plus
important que les mouvements désorganisés de quelques bandes turques en Orient.
Ce fut sans doute un mauvais calcul, dont les conséquences furent graves pour l'Empire.
Michel VIII sous-estima le danger turc, ne s'occupant qu'accidentellement des affaires
micrasiatiques.
La défense de l'Asie Mineure sous le règne de Michel VIII fut d'abord confiée
au frère de l'empereur, le despote Jean (i), puis à son fils préféré, le porphyrogénète
Constantin (2) et enfin au coempereur Andronic IL Michel VIII, décidé à défendre
la Paphlagonie et la Bithynie envahies par les Turcomans, visita lui-même la vallée du
Saggarios. C'est alors seulement qu'il se rendit compte de la gravité de la situation.
Incapable d'y remédier efficacement, il se contenta d'organiser la défense du territoire
contrôlé par les Byzantins (consolidation des forteresses, renforcement des garnisons) (3),
alors que son fils Andronic II faisait de même dans la vallée du Méandre et du Caystre (4),
la Lycie étant déjà entièrement soumise aux Turcs (5). L'œuvre de restauration d'Andro-
nic, notamment la reconstruction et le repeuplement de Tralles, tellement louée par
les orateurs de l'époque (6), ainsi que l'effort de Michel VIII en Bithynie, demeurèrent
sans résultats (Tralles fut prise quatre ans après sa reconstruction) (7) ; les quelques
succès militaires remportés par les Byzantins dans la vallée du Méandre, à Phila-
delphie et à Laodicée (8), furent provisoires. Avant la fin du règne de Michel VIII,
les Turcs de la région du Saggarios (Ottomans) avaient fait leur apparition sur le littoral
de la Bithynie (la route qui unissait Constantinople à Héraclée du Pont était selon Pachy-
mère impraticable) (9) ; les Turcs de Phrygie (Émirat de Kermian) contrôlaient la vallée
du Méandre ; dans la vallée du Caystre s'était formé l'Émirat d'Aydin (1), qui déploya
au xive siècle une importante action maritime en mer Egée ; dans la vallée de l'Hermos
s'était établi l'Émirat de Saroukhan ; l'Émirat de Mentesche contrôlait tout le littoral
méridional de l'Asie Mineure (Lycie) (2), tandis que la vallée du Skamandros était
parcourue par les Turcs de Yaxi, installés en Mysie et poursuivant leurs attaques contre
le littoral de la Propontide. Les Byzantins ne contrôlaient plus que la zone côtière de
l'Ionie et d'Aiolide (où était installé le Génois Zaccharia à qui Michel VIII avait cédé la
région de Phocée (3)) et les villes fortifiées, encerclées par les Turcs et constamment
attaquées. La suprématie byzantine sur la mer Egée ne servit à rien, tout le littoral
micrasiatique passa sous le contrôle turc (4), sans que la flotte puisse réagir, et procura
désormais des bases aux nouvelles flottes égéennes hostiles à Byzance et à ses intérêts
économiques et militaires.
(1) Sur la formation de cet Émirat et son histoire, cf. l'ouvrage fondamental de P. L,EMERI,E,
L'émirat d'Aydin, Byzance et l'Occident, Paris, 1957.
(2) Aperçu général mais très important sur l'histoire de cet Émirat, par P. WITTEK, Das
Fùrstentum Mentesche, Stud. z. Gesch. West-Kleinasiens im XIII.-XV• Jh., Istanbuler Mittei-
lungen, Heft 2, 1934.
(3) D. J. GËANAKOPI,OS, Michael Palaeologus, p. 210-211 : références aux sources.
(4) Sur les Émirats créés sur le territoire micrasiatique, cf. GRËGORAS, I, p. 137-142 ; liste
des Émirats donnée par GRËGORAS, II, p. 214-215, et par PHRANTZÈS, Bonn, p. 77 ; un tableau
d'ensemble des Émirats turcomans par SIHABËDDIN, Masalik al-absar fi mamalik al amsar (Voyages
des yeux dans les royaumes des différentes contrées), tr. E. QUATREMËRE, Notices et Extraits des
ms. de la Bibl. du Roi, Paris, 1838, t. X I I I , chap. V : Asie Mineure, p. 334-381, source capitale
qui donne des détails sur la puissance militaire de chaque Émirat.
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CHAPITRE III
Andronic II, qui connaissait les aflFaires de l'Orient (ses rapports avec l'Asie Mineure
datent, nous l'avons vu, du règne de son père), fut dès le début de son règne particuliè-
rement attentif à cette partie de l'Empire. Orientation politique nouvelle qui différencie
le règne d'Andronic II de celui de son prédécesseur, et qui marque l'effort militaire
et l'organisation des armées byzantines de cette époque. Elle rappelle, toutes proportions
gardées, le revirement de la politique impériale sous Jean II Comnène, à la suite de
la politique d'Alexis I e r . Elle se caractérise en effet par les mêmes tendances que la
politique du second Comnène (dissolution de la flotte, campagnes terrestres en Asie
Mineure) ; mais ses résultats furent moins heureux, l'équilibre des forces dans le monde
de la Méditerranée orientale étant maintenant tout autre que celui du XIIe siècle.
Plusieurs grandes expéditions furent organisées par Andronic II contre les Turcs
en Asie Mineure. Elles ont été menées d'abord par l'armée byzantine, composée surtout
de Cretois, placés sous les ordres d'Alexis Philanthrôpènos, et qui ont remporté des
succès importants vite effacés par la révolte de Philanthrôpènos (i), et ensuite par des
armées de mercenaires, Alains et Catalans (2), conduites par le coempereur Michel IX,
(1) PACHYMERË, II, p. 209 sq. ; GREGORAS, I, p. 196-202 ; sur les exploits de Philanthrôpènos
contre les Turcs, cf. MAXIMOS PI,ANUDÈS, Epistulae, éd. TREU, p. 137 sq.
(2) Sur l'expédition catalane, cf. G. SCHI,UMBERGER, Expédition des Almugavares ou routiers
catalans en Orient de l'an 1302 à l'an 1311, Paris, 1924. Sources importantes, outre les renseigne-
ments des historiens byzantins (PACHYMÈRE, II, p. 393 sq. ; GREGORAS, I, p. 220 sq. ; PHRANTZÈS,
p. 33, etc.), la chronique de Muntaner, témoin oculaire des événements (éd. L. NICOI,ATJ D'OIAVER,
L'expedicio dels Catalan a Orient, Barcelone, 1926), les écrits de THEODOUI,OS MAGISTROS
(éd. J. BOISSONADE, Anecdota Graeca, II, Paris, 1830, p. 188-211, 212-228), et le récit publié
par MAI, N.P.B., VI, p. 437 sq.
L'abandon de la flotte et le déclin de Byzance 375
fils d'Andronic II. Le seul résultat des campagnes de ces mercenaires et surtout de la
campagne catalane, dont l'œuvre principale fut le pillage et le ravage du pays, a été,
outre de ruiner le trésor impérial, de hâter l'avance des Turcs, que la population micra-
siatique jugeait moins redoutables que les bandes de brigands alliés à l'empereur. L'échec
de l'expédition catalane et l'impression fâcheuse qu'elle laissa chez les Byzantins mar-
quèrent lafinde l'effort byzantin pour la reconquête de l'Asie Mineure. L'installation des
Turcs tout le long du littoral égéen et sur les côtes de la Propontide et du Pont-Euxin
fut vite accomplie ; les régions côtières de l'Asie Mineure furent partagées entre les Émirats
côtiers de Mentesche (Lycie), d'Aydin (Ionie), de Saroukhan (Aiolide), de Yaxi
(Troade) (1) et d'Osman (Bithynie) qui y construisirent leurs premières flottes et se
livrèrent au pillage des îles égéennes et du littoral grec et pontique. Les invasions
turques se tournèrent ainsi contre la Thrace et la Macédoine (les détroits de PHellespont
sont dorénavant régulièrement franchis par les flottilles turques, notamment celles de
l'Émirat de Troade). Les flottes turques, et plus précisément celle d'Aydin, revendiquent
efficacement la maîtrise de la mer Egée. Leur activité préoccupe, outre Byzance, les
grandes puissances maritimes de l'Occident. C'est alors que la politique maritime appli-
quée par Andronic II, et qui était à l'opposé de celle de son père, se révéla dangereuse
pour la sécurité de l'Empire réduit à sa partie grecque.
L'abandon des projets antibyzantins des Occidentaux d'une part, et la nature des
opérations militaires menées par Byzance au début du règne d'Andronic II d'autre part,
enlevèrent à l'armée de mer et à la flotte l'importance que la politique occidentale et
grecque de Michel VIII leur avait accordée. Soucieux d'assurer les dépenses que les
expéditions micrasiatiques représentaient, dépenses particulièrement lourdes (du fait de
l'emploi d'importantes armées de mercenaires étrangers) pour le trésor impérial (2)
appauvri par la politique diplomatique et militaire de Michel VIII, Andronic II dut
adopter une politique d'austérité et d'économie. Il réduisit l'énorme appareil militaire
mis en place par son père et décida de supprimer les charges considérables exigées par
l'entretien régulier de l'importante flotte constantinopolitaine. Celle-ci fut jugée abso-
lument inutile et inefficace dans les luttes que l'Empire menait alors sur terre contre un
ennemi réputé pour la qualité de sa cavalerie, mais dépourvu à ce moment de toute
puissance navale (3). Les sources de l'époque s'attardent longuement sur la suppression
de la flotte ordonnée par Andronic II. La mesure provoqua l'étonnement des Byzantins,
(1) Sur la zone maritime des divers Émirats, cf. le texte intéressant publié par B. HONIGMANN,
Byz., t. XIV, 1939, p. 649 sq.
(2) L'aide des Génois installés à Constantinople fut nécessaire ; ils versèrent des sommes
importantes pour l'entretien de l'armée catalane, ce qui ne fut pas sans créer des complications
pour l'Empire : cf. PACHYMERE, II, p. 397-398 ; GREGORAS, I, p. 220, 223-224.
(3) Selon PACHYMËRE, II, p. 389, « seule la mer empêcha les Turcs d'avancer davantage ».
376 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
fierj de la thalassocratie exercée en mer Egée par l'Empire sous Michel VIII, et suscita
d'âpres critiques de la part des historiens du règne d'Andronic. Examinons cette mesure,
qui marque une date importante dans l'histoire maritime de Byzance. Elle signifie la
fin de l'armée de mer et de la flotte byzantines. Ses conséquences sous leurs divers aspects
furent particulièrement fâcheuses pour la sécurité de l'Empire occidental et grec qu'était
devenue à la fin de sa vie Byzance, et pour la situation économique et militaire de sa capitale,
intimement liée par sa position géographique à la mer et au contrôle des routes maritimes.
La mort de Michel VIII fut une occasion pour le gouverneur de la Thessalie, Michel,
fils du sébastokratôr Jean, de reprendre ses attaques contre les possessions byzantines.
Ainsi, dès son avènement, Andronic II organisa une expédition en Thessalie qui, outre
l'armée expéditionnaire, mobilisa l'ensemble de la flotte constantinopolitaine composée
de quatre-vingts navires placés sous le commandement d'Alexis Raoul. Comme le dit
Pachymère, « la flotte était alors considérée comme particulièrement utile et importante
pour le bon déroulement des affaires de l'Empire » (1). A la fin de cette campagne, qui
fut surtout menée par l'armée de terre, la flotte se contenta, semble-t-il, du transport du
corps expéditionnaire. Certains « archontes impériaux », arguant qu'après la mort de
Charles d'Anjou l'Empire pouvait assurer sa sécurité maritime grâce aux accords et
aux traités qu'il avait conclus (spondai et synthésiai), conseillèrent à l'empereur de
dissoudre la flotte (2) et de supprimer ainsi les dépenses que son entretien représentait.
Au moment où le danger angevin avait en effet disparu et où la paix régnait en Méditer-
ranée, « les dépenses de la flotte furent considérées comme vaines et inutiles » (3), « l'utilité
de l'armée de mer fut jugée moins importante que les sacrifices exigés pour son entre-
tien » (4). Tels furent les arguments de ceux qui conseillèrent la dissolution de la flotte
arguments adoptés non sans hésitations, comme nous dit Pachymère (5), par l'empereur
et qui entraînèrent dès le début du règne d'Andronic II, et plus précisément dès la mort
de Charles d'Anjou (1284), le désarmement de la flotte construite par Michel VIII et la
dissolution de l'année de mer. « Les navires furent abandonnés à leur sort, le temps
acheva leur destruction », dit Pachymère (6). « Les trirèmes laissées vides dans la Corne
d'Or, précise Grégoras, disséminées ici et là, périrent, s'écrasèrent ou s'échouèrent dans la
profondeur de la mer, sauf quelques-unes, fort peu nombreuses, qui continuèrent à recevoir
des soins et restèrent en service, sans doute dans l'espoir d'un meilleur avenir » (7).
(1) Cf., à titre d'exemple, PACHYMÈRE, II, p. 105 : « La piraterie connut alors un grand essor,
car il n'existait point de flotte » ; ibid., II, p. 323 : » L'armée de mer avait depuis longtemps
disparu » ; ibid., I I , p. 531 : « II n'était pas possible pour les Constantinopolitains de vivre en
sécurité s'ils ne construisaient pas comme auparavant des navires » ; GRÉGORAS, I, p. 208-209 :
« Les Romains ont volontairement porté un coup à leur hégémonie, car ils ont dépouillé les mers
de navires, dans l'espoir d'en tirer profit. »
(2) PACHYMÈRE, II, p. 70 : « II est impossible à l'État romain d'imposer son autorité sans
une flotte, étant donné qu'il possède Constantinople et des îles. »
(3) GRÉGORAS, I, p. 175.
(4) PACHYMÈRE, II, p. 70.
(5) Cf. le récit détaillé de GRÉGORAS, I , p . 174-176 et p. 208-209; et de PACHYMÈRE, II, p. 69-71.
(6) GRÉGORAS, I, p. 176.
(7) Ibid., p . 174 sq.
(8) Vie de saint Denis de Trébizonde, DOUKAKIS, Mégas Synaxaristès, VI, p. 307-308.
GRÉGOIRE PANAMAS, Lettres, éd. A. ADAMANTIOU, N. Hell., t. XVI, 1922, p. 7 sq. Vie de saint
Sabbas, A. PAPADOPOUIOS-KÉRAMEUS, Anal. Hier. Stach., V, p. 211, 214 et p. 291-294, reconstruc-
tion par Andronic I I d'Héraclée de Thrace.
(9) Notices et Extraits des ms. de la Sibl. du Roi, t. VI, 1801, p. 29.
378 Les Lascarides et les Pàléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
dévastées à maintes reprises par des bateaux de toute nationalité passant dans la région (i) ;
les villes duPont-Euxinne sont point épargnées par la piraterie, pour ne point parler du
littoral égéen, qui reste dans toute son étendue exposé aux attaques de diverses flottes
étrangères alliées ou ennemies de Byzance. c) Dissolution de l'armée de mer byzantine
et licenciement des équipages qui se mirent au service des étrangers, notamment des
Latins et des Turcs, ennemis de l'Empire. Il est en effet évident que, sans la collaboration
des marins grecs, les Turcs n'auraient pu devenir la grande puissance maritime qu'ils
étaient déjà au début du xive siècle, c'est-à-dire dès que la conquête du littoral micra-
siatique eut été achevée. Il semble que nous ayons là (avec le développement de la puis-
sance des Latins de Constantinople et celui surtout de la colonie génoise) la plus impor-
tante conséquence de la dissolution de la flotte byzantine. L'Empire, dépourvu d'armée
de mer et de flotte, n'a pu empêcher les Turcs de traverser les détroits de l'Hellespont
et de porter leurs attaques contre la Thrace et le voisinage même de Constantinople.
L'Empire a perdu ainsi la possibilité de protéger efficacement les îles et son littoral
qui passent petit à petit sous le contrôle, soit de diverses puissances occidentales, soit
des Turcs. Après Phocée, Chios voit les Génois s'installer sur son territoire, et ceci
conformément à la volonté impériale (2), tandis que Rhodes passe sous la domination
des Hospitaliers (Templiers), qui étendent par la suite leur autorité sur le Dodécanèse
et certaines îles des Cyclades (3), et Lesbos sous les Gatelusi, dont la domination s'étend
un peu plus tard sur Ainos, Imbros et Samothrace (4). Enfin l'émir d'Aydin, Omour, à la
tête d'une des grandes puissances maritimes de l'époque, entreprend périodiquement de
Smyrne, arsenal et principale base de sa flotte, des incursions contre les îles voisines
de l'Asie Mineure (Chios, Lesbos, etc.) et le littoral grec et péloponnésien (5). Pour
avoir un tableau complet de la situation qui règne sur les mers byzantines après
la dissolution de la flotte, ajoutons que divers groupes de pirates agissant pour leur
propre compte attaquent régulièrement le littoral impérial. Ils ne trouvent en face d'eux
que les Turcs ou les Latins qui leur disputent le contrôle des places que Byzance est
incapable de défendre (6).
(1) PACHYMÈRE, II, p. 323 sq., et surtout p. 327 : pillage de Proikonèsos et de Polypythia
par les Vénitiens ; GREGORAS, I, p. 208 : l'empereur ne pouvait pas opposer de navires à l'attaque
vénitienne, car ils étaient depuis longtemps abandonnés.
(2) PACHYMÈRE, II, p. 558 ; GREGORAS, I, p. 438 ; CANTACUZÈNE, I, p. 370 sq.
(3) PACHYMÈRE, II, p. 635-636 ; cf. J. DËI,AVII,I,E LE Roux, Les Hospitaliers à Rhodes,
Paris, 1913, et le chapitre X X I I de l'ouvrage général de M. MEi/vnxE, La vie des Templiers,
Paris, 1951.
(4) IYAONIKOS CHAl^KOKONDYI.èS, p . 52O.
(5) Sur tous ces points, cf. P. LËMERI,E, L'émirat d'Aydin, Byzance et Occident, Paris, 1957.
(6) PACHYMERE, I I , p. 343-344-
Vabandon de la flotte et le déclin de Byzance 379
De cet exposé il ressort clairement, à notre avis, que l'abandon de la flotte fut, comme
le veulent et le soulignent les historiens de l'époque, un malheur et un désastre pour
l'Empire. Faut-il accabler Andronic II de toutes les conséquences fâcheuses que la
mesure qu'il appliqua au début de son règne eut par la suite sur le sort de l'Empire ?
Autrement dit, est-il certain que Byzance au XIVe siècle aurait pu avoir la flotte dont elle
disposait au XIIIe siècle lorsque l'Asie Mineure lui appartenait ? N'oublions pas
qu'Andronic II décida la dissolution de la flotte à un moment où la situation générale
le permettait, et que sa politique orientale, qui primait tout à ce moment, l'exigeait.
C'était là une vieille habitude des empereurs byzantins, qui n'avait pas empêché leurs
successeurs de prendre des mesures contraires et de construire, quand la situation l'exigeait
et quand les moyens de l'Empire le permettaient, de nouvelles flottes. Au xive siècle,
cela fut pratiquement impossible; les moyens manquaient, la province vitale de l'Empire,
qui lui procurait jusqu'alors des ressources importantes, avait définitivement échappé
au contrôle byzantin. L'échec de l'effort d'Andronic II en Asie Mineure constitue, à
notre avis, la véritable défaite de l'Empire. C'est à la suite de la perte de l'Asie Mineure
que Byzance, réduite à sa partie grecque et maritime, eut besoin d'une flotte pour se
défendre ; mais elle n'avait plus la possibilité matérielle d'entretenir un appareil militaire
important, notamment une armée de mer et une flotte, charge particulièrement lourde pour
l'État mineur qu'elle était alors devenue (1). Privé de sa ressource agricole qui alimentait,
comme le soulignent Pachymère et Cantacuzène (2), le trésor de l'État, et qui avait surtout
ses racines dans la population micrasiatique, l'Empire perdit en réalité sa base écono-
mique. Les quelques grosses fortunes privées accumulées facilement, semble-t-il, par
l'exercice des fonctions fiscales (3), tâches particulièrement lucratives dans un État
en décadence, sont en contraste avec la pénurie du trésor impérial, laquelle s'aggrave
constamment. L'armée de mer nécessitait une trésorerie impériale largement munie, et
cela ne se produisit jamais plus à Byzance. Tous les efforts entrepris par Andronic II
lui-même et par ses successeurs pour reconstituer la flotte et l'armée de mer étaient
voués à l'échec ; ils se sont toujours heurtés au manque de moyens nécessaires ; ils n'ont
jamais réussi à donner à Byzance l'apparence même d'une puissance maritime. Ainsi,
placée dans le contexte historique de l'époque, la disparition de la flotte byzantine
semble plus une conséquence qu'une cause de la chute de l'Empire. Le véritable échec
d'Andronic II reste la perte définitive de la région qui aurait pu assurer à l'Empire une
économie saine et une puissance militaire stable. L'ultime effort entrepris par cet empe-
reur pour réorganiser l'armée de mer byzantine n'aurait pas sans cet échec lamentable-
ment échoué.
Le revirement de la situation après l'échec des expéditions en Asie Mineure a
conduit Andronic II à réviser sa politique maritime. L'apparition de la flotte catalane
devant Constantinople, juste après l'expédition dévastatrice de ces alliés encombrants
de l'empereur contre la population de l'Asie Mineure, inquiéta les Byzantins. Roger
de Flor, chef des mercenaires catalans, refusa de se plier aux ordres impériaux ; sa
mort provoqua la rébellion de ses troupes ; la population constantinopolitaine, menacée
par la flotte catalane ancrée dans le port de la capitale, s'agita, accusa l'empereur de la
dissolution de la flotte (1) et de toutes les conséquences de son alliance avec les Catalans
qui menaçaient Constantinople, qui avaient pillé l'Asie Mineure, et qui, de Kallipolis
où ils étaient retirés, dévastaient la Thrace. L'empereur, obligé de se défendre contre
les Catalans qui contrôlaient la mer constantinopolitaine et la Propontide (outre Kalli-
polis, ils possédaient Cyzique) et perturbaient le ravitaillement de la capitale et son trafic
maritime, entreprit, dans la mesure de ses minces moyens, un ultime effort pour réorga-
niser la marine byzantine. Les quelques bâtiments épargnés par la dissolution de la
flotte furent remis en activité (2) ; on s'adressa aux Génois qui, lésés dans leur commerce
par la présence dans la Propontide de la flotte catalane, se portèrent volontiers au secours
de l'empereur. Des bateaux génois, avec la modeste flotte byzantine composée de quelques
petites unités (les sources de l'époque mentionnent maintenant souvent des navires
« monèrè », il n'y a plus de trirèmes et de birèmes), au nombre d'une dizaine environ,
essaient de contrôler les détroits de l'Hellespont afin d'empêcher le passage en Thrace
des Turcs alliés des Catalans et de repousser ceux-ci du littoral de la Propontide qu'ils
dévastaient impunément (3) : opérations mineures et désordonnées. Les Catalans décla-
rent qu'ils peuvent, malgré la présence de la flotte byzantine, transporter d'Asie en
Thrace autant de Turcs qu'ils le désirent (4). Ces opérations sont menées par des officiers
marins portant le nouveau titre d'amiralès (5) (faut-il rappeler que le titre de grand-duc
était attribué au chef catalan Roger de Flor ?). Elles se transforment en opérations
pirates. Mouriskos, l'amiralès byzantin, avoue préférer ce métier au service de l'em-
pereur (1). Elles n'empêchent pas l'attaque de Ténédos (2), base importante de la flotte
byzantine, par des pirates, et se soldent par quelques succès insignifiants et une série de
défaites. Le seul espoir des Byzantins sur mer reste maintenant l'alliance avec les Génois.
Le déroulement de l'expédition catalane et la menace qu'elle présenta pour l'Empire
mirent en relief la dépendance maritime de Byzance à l'égard des Génois et fournirent à
ceux-ci l'occasion de consolider leur position dans l'Empire. Constantinople devient
dorénavant un poste génois ; le territoire impérial se transforme en théâtre de l'antago-
nisme vénéto-génois. Les Constantinopolitains assistent impuissants aux luttes armées
qui opposent, dans leur propre ville, ces ennemis séculaires, et subissent les représailles
des Vénitiens, qui leur reprochent leur alliance avec les Génois (3). Ils se plient en effet
aux exigences de leurs alliés génois, souvent humiliantes pour leur prestige. Byzance,
après la perte de l'Asie Mineure, était en train de perdre d'une autre manière, mais aussi
définitivement, sa capitale, sans pouvoir réagir. Tout en comptant sur l'appui maritime
des Génois (du moins pendant la lutte contre les Catalans lorsque Andronic II affrétait
souvent des bateaux génois se trouvant à Constantinople dans un but commercial) (4),
l'empereur grec voulut remédier durablement à la carence de la flotte et de l'armée de
mer impériales. Grégoras nous rapporte qu'Andronic II pensa, dans ce but, construire
une flotte de vingt unités qu'il se proposait d'entretenir régulièrement grâce au revenu
fiscal augmenté de nouvelles impositions (5). Ce projet vit probablement le jour mais ne
donna pas les résultats escomptés. De toute façon il n'eut pas de suite. La fin du règne
d'Andronic II inaugure la période des luttes intestines qui finiront par achever la ruine
de l'Empire. Les empereurs de cette période n'auront ni les moyens ni le loisir de
concevoir et d'appliquer une politique maritime conséquente.
(1) Sur l'écrivain et l'empereur, cf. V. PARISOT, Cantacuzène, homme d'État et historien,
Paris, 1845.
(2) C'est justement l'aspect qui illustre bien la pénurie du trésor impérial et l'impossibilité
dans laquelle se trouvait l'Empire d'entretenir une flotte régulière.
L'abandon de la flotte et le déclin de Byzance 383
dit, ce n'étaient pas, comme ce fut souvent le cas, des mesures d'urgence hâtivement
prises et abandonnées dès que la menace semblait éloignée. Malgré les remarques de
l'impératrice, qui trouvait le métier de marin peu digne d'un empereur (1), Andronic III
mena personnellement des expéditions navales contre les Génois de Chios, de Phocée
et de Lesbos. Elles aboutirent à la soumission de ces îles et à la reconnaissance de l'autorité
impériale par les Génois de Phocée. Elles peuvent être considérées comme les dernières
grandes expéditions offensives entreprises avec succès par la flotte byzantine, en l'occur-
rence la flotte qu'Andronic III avait réussi à réunir de toutes les régions de l'Empire
pour une ultime occasion (2). L'apparition de la flotte byzantine à son complet dans la
mer Egée ne fut pas sans créer une certaine sensation. Le duc vénitien des Cyclades
s'empressa de se mettre au service des Byzantins (3) ; les Hospitaliers, jusqu'alors alliés
des Génois, abandonnèrent cette alliance compromettante (4) ; les émirs d'Aydin et
de Saroukhan ne manquèrent pas de traiter avec Byzance (5) ; Alexis Philanthrôpènos,
gouverneur byzantin de Lesbos, remporta avec sa flotte des victoires (6) qui lui valurent
les félicitations chaleureuses de son correspondant Grégoras (7) ; bref, Constantinople
put marquer sa présence en dehors des détroits de l'Hellespont, ce qu'elle aura rarement
par la suite la possibilité de tenter.
Andronic III, rentré après ces exploits à Constantinople, où la colonie génoise,
impressionnée par la victoire impériale sur ses compatriotes, fut contrainte au calme,
se tourna contre les Turcs ottomans. Ceux-ci menaçaient Nicomédie et dévastaient le
territoire micrasiatique face à Constantinople. L'empereur abandonna encore une fois
la flotte (1) et s'occupa d'organiser l'armée de terre chargée des opérations en Asie.
L'échec d'Andronic III en Bithynie porta le danger turc aux portes de Constantinople.
Les Ottomans construisirent leur première flotte dans le golfe de Kios (à Trigleia, sur
le rivage de la Propontide) (2) et, malgré leur inexpérience en matière maritime et faute
d'opposant, ils commencèrent leurs attaques contre la Thrace et les alentours mêmes
de Constantinople, aggravant ainsi le danger qui pesait sur cette partie de l'Empire du
fait des incursions des Turcs de la Troade, qui franchissaient régulièrement les détroits
de l'Hellespont et dévastaient la Chersonèse et même le littoral de la Macédoine et de
la Thrace byzantines. Vers la fin du règne d'Andronic III, et à l'instigation d'Alexis
Apokaukos, une flotte fut construite à Constantinople dans le but de défendre l'Empire
contre les Turcs. Cantacuzène, qui relate la préparation de cette flotte, la désigne comme
« la flotte des opérations contre les Turcs » (3). Elle fut placée sous le commandement
d'Apokaukos qui semble avoir contribué personnellement (4), ainsi que Cantacuzène,
alors grand domestique, aux dépenses de sa construction. Cette flotte compta plus de
soixante-dix navires (5) et elle se fit surtout remarquer dans les luttes qu'Apokaukos
mena en tant que chef du parti anticantacuzéniste contre Cantacuzène qui revendiquait
alors le trône (6). Par ailleurs, l'armée de mer restait fidèle à Apokaukos, nommé entre-
temps grand-duc, et à la cause anticantacuzéniste, qui avait réuni les éléments populaires
opposés à l'élite sociale, économique et administrative farouchement cantacuzéniste ;
elle fut à l'origine des troubles qui secouèrent Constantinople à la mort d'Apokaukos,
véritable rébellion déclenchée, avec l'autorisation semble-t-il de l'impératrice Anne,
par les Gasmouloi qui fournissaient, nous l'avons vu, les équipages de la flotte constan-
tinopolitaine (7). Cantacuzène, porté enfin sur le trône grâce à l'aide serbe et surtout à
(1) Lors de la première attaque maritime des Ottomans, Andronic III ne disposait que de
deux trirèmes « qu'il équipa précipitamment pendant la nuit ; il n'existait pas d'autres bateaux
capables de prendre la mer », dit explicitement CANTACUZÈNE, I, p. 507.
(2) CANTACUZÈNE, I, p. 505 sq.
(3) Ibid., I, p. 540, et II, p. 98.
(4) Ibid., I, p. 540-541.
(5) Ibid., II, p. 65.
(6) Sur l'activité de cette flotte contre les Turcs, cf. CANTACUZÈNE, I, p. 540-541 ; II, p. 77-80,
sous Sénachèreim qui remplaça Apokaukos en 1341, elle s'empare d'une place côtière de Saroukhan ;
sur ses opérations pendant la guerre contre Cantacuzène, cf. ibid., II, p. 225, où il est dit qu'Apo-
kaukos augmenta les effectifs de la flotte en vue des luttes contre Cantacuzène ; cf. aussi ibid.,
II, p. 243, 253, 323, 325, 327, 333, 385, et 522 où il est dit qu'Apokaukos s'appuyant sur sa flotte
comptait réorganiser les services douaniers d'Hiéron afin de se procurer des ressources écono-
miques, projet qui échoua mais qui fut repris par la suite par Cantacuzène également sans succès.
Sur la flotte et ses luttes contre Cantacuzène, cf. également GREGORAS, II, p. 634, qui évalue
à 50 bateaux la flotte d'Apokaukos, et ibid., p. 608, 671.
(7) GREGORAS, II, p. 736-740 ; sur les Gasmouloi en service dans la flotte constantinopo-
litaine, cf. ci-dessus, p. 361-362, et ci-dessous. Appendice III.
L'abandon de la flotte et le déclin de Byzance 385
l'appui maritime que son puissant allié l'émir d'Aydin Omour lui procura, fut placé
tout de suite devant des difficultés économiques sans précédent (il ne trouva dans le
trésor, au dire de Grégoras, que « des poussières et des atomes d'Épicure ») (1) ; se
méfiant en outre de la flotte d'Apokaukos et fort de ses alliances avec les Turcs, notam-
ment avec Omour, et l'ottoman Orchan, son beau-fils, il ne jugea pas nécessaire, au
moins au début de son règne, de s'occuper de l'appareil maritime de l'Empire (2).
Seule l'attitude des Génois de Constantinople qui, brimés à plusieurs reprises par
Andronic III, cherchaient l'occasion de prendre leur revanche des revers que
leurs compatriotes subissaient en mer Egée, décida Cantacuzène à entreprendre
la construction d'une flotte. Il espérait avant tout lutter avec celle-ci contre le
monopole économique des Génois de Constantinople. Les navires byzantins étaient
pour lui une arme économique, pouvant permettre à l'Empire d'instaurer un nouveau
règlement douanier qui, grâce à la flotte, serait respecté par les intéressés eux-
mêmes, c'est-à-dire les Génois de Constantinople, dont l'opulence contrastait avec la
pauvreté de l'Empire.
Espérant donc s'assurer le contrôle du trafic maritime et des transactions commer-
ciales et nourrir ainsi le trésor impérial, Cantacuzène lança un appel à la population
constantinopolitaine pour trouver les fonds nécessaires à la construction de saflotte(3).
L'appel fut tièdement entendu, la réaction génoise par contre se manifesta tout de suite
et de façon fort véhémente. Des troubles eurent lieu dans Constantinople, qui prirent
vite l'ampleur d'une véritable guerre. Cantacuzène lui-même parle à cette occasion de
« la guerre latine ». Les Génois brûlèrent les arsenaux où l'on construisait les navires
byzantins. Les quelques bâtiments grecs qui purent échapper à l'incendie, renforcés
par ceux que l'empereur construisit précipitamment dans les arsenaux intérieurs de la
ville et qui furent équipés à la hâte et imparfaitement armés, périrent sans même
avoir affronté les Génois (}), qui établirent le blocus de Constantinople, pour-
suivirent leurs attaques contre les villes maritimes du Pont et de la Propontide et
finirent par imposer leurs conditions à l'empereur : « L'Empire, dit Grégoras, perdit
ainsi définitivement tout espoir de tirer un profit quelconque de l'activité commerciale
de Constantinople » (5).
a. AHRWEILER 25
386 Les Lascarides et les Paléologues : l'Orient et l'Occident contre Byzance
(1) Nous devons à Alexis Macrembolite un récit détaillé des événements de la guerre
des Génois contre Constantinople : outre les destructions causées par les Génois dans la
capitale, l'incendie de ses arsenaux et le pillage de ses alentours, l'auteur insiste sur le blocus de
Constantinople et la perturbation apportée à son ravitaillement : cf. A. PAPADOPOULOS-KÉRAMEUS,
Analecta Hier. Stock., I, p. 147, 152, et ibid., p. 151 sq., récit de l'attaque génoise contre les villes
maritimes de la Propontide et du Pont-Euxin ; cf. ci-dessous, Appendice IV.
(2) CANTACUZÈNE, III, p. 81.
(3) CANTACUZÈNE, III, p. 80-81, où il est question de « presque 200 bateaux appartenant
aux Byzantins » ; H. ANTONIADIS-BIBICOU, Recherches sur les douanes à Byzance, Paris, 1963,
p. 102, n. 2, utilise le renseignement de Cantacuzène concernant les nouvelles dispositions sur
le kommerkion.
(4) CANTACUZÈNE, III, p. 80-81.
(5) Sur l'activité de cette flotte et son histoire, cf. CANTACUZÈNE, III, p. 81 sq. (attaque
contre Chios), p. 85 sq. (flotte envoyée en Péloponnèse), p. 114 (flotte commandée par Jean V
Paléologue contre les Turcs en Thrace), p. 116-117 (flotte envoyée à Thessalonique et en Macé-
doine), p. 165 (préparation de l'arsenal de l'Heptaskalon pour la réparation des navires), p. 193 sq.
(collaboration de la flotte byzantine avec les Vénitiens contre les Génois), p. 209-228 (id.).
(6) CANTACUZÈNE, III, p. 253 sq.
(7) PHRANTZÈS, p. 91.
L'abandon de la flotte et le déclin de Byzance 387
constantinopolitaine fut la seule à être entretenue ; elle fut souvent renforcée, surtout
dans les cas d'extrême nécessité ; elle entreprit même des opérations parfois victorieuses
contre les Turcs menaçant Constantinople, mais elle reste loin d'être une force maritime
digne d'être prise en considération par les grandes puissances navales de l'époque, les
Latins et les Turcs, en conflit dans la mer Egée et dans la Propontide.
Byzance, pauvre comparse, s'alliera tantôt à l'un et tantôt à l'autre des puissants
de l'époque (1), en exploitant les contradictions et les heurts qui les opposent aux xiv e et
XVe siècles. Elle essaiera de survivre et de garder sa petite place. Les paroles du dernier
grand-duc Luc Notaras : « Je préfère voir dans Constantinople le turban turc que la
tiare latine » (2), illustrent bien l'alternative désespérée devant laquelle se trouve Byzance
à la fin de son histoire. État mineur disloqué et appauvri, tributaire des Turcs et soumis
économiquement aux Latins, l'Empire byzantin mènera cette piteuse existence pendant
plus d'un siècle, jusqu'au moment où la flotte et les armées de Mahomet II, déjà maître
de l'Asie Mineure turque et de l'Occident byzantin, mettront à sac, le 29 mai 1453, la
ville impériale, triste vestige de l'Empire universel que fut Byzance pendant plus de
mille ans (3). Cette pauvre mort, survenue après une longue agonie, présente cependant
un moment de grandeur : la défense héroïque que le dernier empereur Constantin XI
opposa aux Turcs (4). Sa mort sur les murailles de Constantinople alimentera la légende
et nourrira l'espoir des Grecs condamnés à une longue soumission. Plusieurs générations
passeront pourtant jusqu'à ce que l'expression « même morte, la Romanie fleurit » (i)
devienne une réalité. La chute de Constantinople et les événements qui en résultèrent
inaugurent pour les Grecs et pour les peuples des Balkans la plus obscure et la plus
difficile période de leur histoire.
(i) Expression conservée chez les Grecs du Pont, cf. Melpo MERUER, Les archives micrasia-
tiques (en grec), Athènes, 1948, p. 56 ; G. MÉGAS, La chute de Constantinople dans les chants
et les légendes des Grecs (en grec), L'Hellénisme contemporain, tome du cinquième centenaire
de la prise de Constantinople, Athènes, 1953, p. 247.
- 7 ;:'V. f.r*"'1
BYZANCE ET LA MER
méditerranéenne ; la Méditerranée est son cadre unique. Cela détermine son histoire
et son évolution. Partant de cette caractéristique, nous pouvons dégager les grandes
lignes d'une histoire intimement liée aux objectifs successifs poursuivis par l'Empire
en Méditerranée.
Il est normal que les premières flottes byzantines, qui furent créées dans le but de
faire face à l'expansion du monde arabe, aient eu un but essentiellement défensif. Après
avoir triomphé sur terre, les Arabes avaient créé une flotte leur permettant de poursuivre
leur expansion et mettant en danger, par la menace qu'elle faisait peser sur la capitale,
le sort même de Byzance. Les premières flottes byzantines s'efforcèrent à la fois d'arrêter
le flot des invasions arabes, en protégeant les régions menacées, et d'éloigner de Constan-
tinople tout danger maritime, qui eût pu devenir fatal, les armées impériales étant alors
en pleine déroute. C'est pour faire face à ce danger maritime que fut créée la flotte des
provinces (la flotte des thèmes), régulièrement entretenue par la suite, parallèlement aux
flottes constantinopolitaines. Cette flotte est l'œuvre des empereurs Isauriens. C'est à
eux que revient la gloire d'avoir sauvegardé l'intégrité territoriale de l'Empire et d'avoir
brisé l'élan arabe dans cette partie du monde. La flotte des Isauriens poursuivit le même
objectif que l'armée de terre réorganisée à ce moment ; elle fut mise au service de la sage
politique de consolidation des territoires restés sous la domination byzantine et de défense
de la frontière maritime tacitement établie entre le Califat et l'Empire. Elle atteignit
son but. Sans être illustrée par de hauts faits maritimes, son histoire porte les fruits de la
longue et ingrate surveillance que la marine de guerre byzantine dut assumer sous les
empereurs Isauriens et pendant tout le vm e siècle. Elle eut à affronter l'action permanente
et désordonnée des multiples flottes arabes qui se livraient volontiers à la piraterie et
qui, quand l'occupation définitive d'un territoire leur était impossible, se contentaient
de piller les régions investies.
Durant plus d'un siècle, Byzance avait déployé en Méditerranée des efforts incessants
qui avaient établi un véritable équilibre. Celui-ci fut irrémédiablement rompu du fait
de l'occupation définitive de la Crète, en 826, par un groupe d'Arabes occidentaux,
occupation due à une simple action pirate aidée par une série de hasards. La conséquence
immédiate de la prise de la Crète par les Arabes fut la rupture des communications avec
l'Occident byzantin. Celle-ci se solda par la perte de la Sicile et par l'affaiblissement de
la présence byzantine en Italie. Coupée de Constantinople, l'Italie byzantine se détacha
peu à peu de l'influence de l'Empire oriental et chercha sa propre voie. Désormais, son
sort se liera à celui de l'Europe occidentale, qui était précisément en train d'affirmer sa
personnalité culturelle et spirituelle et de revendiquer son indépendance politique et
économique vis-à-vis de Byzance.
La réaction byzantine fût vive et rapide mais resta longtemps inefficace ; la politique
et la diplomatie impériales, obligées maintenant de tenir compte de cette nouvelle réalité,
392 Conclusion
atteint son but avec la reconquête de la Thrace, qui permit la reprise de Constantinople
en 1261, couronnement de la politique nicéenne.
A peine rénové, l'Empire du premier Paléologue employa tout son élan à la poursuite
du vieux rêve de reconquête de la partie occidentale de Byzance, c'est-à-dire des pro-
vinces grecques, partagées entre les États latins, le Despotat d'Épire et les Bulgares.
La flotte de Michel Paléologue au service de la politique de la reconquête fut, comme
toujours en pareil cas, importante, et, comme les flottes byzantines de tous les temps,
elle atteignit son but, mais une fois encore ce fut en vain : le sort de l'Empire se jouait
comme toujours ailleurs, sur terre et en Orient. Cet Orient qui, épuisé par les longs sacri-
fices que lui infligeait la reconquête de l'Occident, était en train de se livrer sans résistance
aux nouveaux envahisseurs, les Turcomans. La dernière tentative de reconquête de la
partie occidentale de l'Empire se solda comme toutes les précédentes par la ruine de la
force militaire et économique de l'Empire et par l'affaiblissement de l'Orient, qui suppor-
tait toujours l'effort que la politique impériale soutenait en Occident sans jamais pouvoir
compter sur une éventuelle aide occidentale. Le dernier effort vers l'Occident occupe
la dernière page de l'histoire de la marine de guerre de Byzance, qui fut abandonnée
avec le rêve de la Grande Idée, qu'elle avait fidèlement servi jusqu'au bout et qui, de
programme politique, devint ensuite mythe et légende, ne cessant de hanter le monde
byzantin et post-byzantin jusqu'à nos jours.
On ne soulignera jamais assez le rôle que la poursuite de la politique de la Grande
Idée, de la reconquête du territoire romain, a joué dans l'histoire de la flotte et de l'armée
de mer de Byzance : la marine de guerre impériale est tributaire, tout au long de son
histoire, de la poursuite de cette politique chimérique, dont la réussite ou l'échec condi-
tionnent la force navale de l'Empire. Les grandes flottes byzantines, créées pour servir
cette idée, disparaissaient avec elle et, sans pour autant être responsables de son échec,
en supportaient les conséquences : la flotte et l'année de mer de Byzance ne pouvaient
de ce fait jouir d'une existence permanente et régulière, leurs effectifs et leur importance
dépendaient de l'orientation et des buts que s'assignaient successivement les politiques
impériales. Lors de l'application d'une politique occidentale, offensive et expansionniste,
les flottes sont considérables, elles dépendent directement de Constantinople qui les
construit et les entretient (flottes impériales). Lors des périodes d'application d'une poli-
tique conservatrice, préoccupée des affaires de l'Orient et de la défense du territoire impé-
rial, elles se répartissent en plusieurs escadres, d'importance souvent modeste (flotte des
provinces-thèmes), et stationnent en permanence sur le littoral byzantin face à des
ennemis maritimes en expansion : elles constituent une arme défensive régulière et
permanente. Bref, elles sont toujours au service de l'armée de terre, de qui dépend en
définitive le succès des opérations offensives ou l'application efficace des programmes
défensifs : autrement dit, la marine de guerre de Byzance a toujours été une arme d'impor-
Conclusion 395
tance secondaire, bien que souvent indispensable. Byzance reste, bon gré mal gré et avant
tout, un empire continental dont la vraie base fut toujours l'Orient, étranger aux choses
de la mer : c'est l'armée de terre que fournit l'Orient qui assure le fonctionnement sans
entrave de l'administration, c'est elle qui garantit par sa présence l'exercice de l'autorité
impériale, c'est l'armée de terre seule qui servit efficacement la réalité byzantine. L'armée
de mer et la flotte, dans la mesure où elles n'exercent pas un rôle parallèle à celui de
l'armée de terre (sécurité et défense des îles et des contrées côtières), sont au service de
la politique d'expansion, se chargeant de porter le drapeau impérial au-delà des frontières,
le plus loin possible : elles sont l'arme du rêve romain de Byzance, et leur histoire enregis-
tra toutes les vicissitudes que pareille tâche réserve à ses serviteurs. Terminons par une
constatation à la décharge de la marine et de la politique maritime impériale : Byzance
avait depuis toujours compris les choses de la mer et, plus encore, en se considérant toujours
comme un empire universel, donc maritime et occidental, elle en avait exagéré l'impor-
tance. Mais faute d'avoir compris les choses de la terre, Byzance refusa de rester ce
qu'elle avait toujours été, un empire continental et oriental : elle périt sans avoir jamais
essayé, depuis l'échec de la politique iconoclaste, de réviser cette vision et de s'adapter
à sa condition historique et géographique ; le coup définitif lui fut normalement porté
par un ennemi terrestre, devenu maître de l'Orient, qui instaura sur son sol non pas un
empire maritime, mais le plus grand empire continental des temps modernes.
APPENDICE I
LES ÉQUIPAGES
Dès la constitution par Byzance d'une force navale régulière, l'Empire eut à faire
face aux problèmes du recrutement des équipages et de la construction navale. Il est
certain que dans une large mesure les effectifs des escadres stationnant dans telle ou
telle grande base navale étaient recrutés sur place par les autorités provinciales. Cepen-
dant certaines régions spécialement réputées pour la qualité de leurs marins, telle par
exemple la Cilicie, l'Egypte, la Sicile, les îles et le littoral égéens et la Propontide, ont
fourni à la flotte byzantine des équipages expérimentés, indépendamment du lieu de
son stationnement : on rencontre des marins de ces régions en service dans les flottes
centrales de Constantinople (i), qui ont souvent utilisé en outre des équipages étrangers,
des Huns et des Goths pour la haute époque (2), des Russes, des Toulmatzoi (Dal-
mates ?) et des Varangues et des Latins plus tard (3). Autrement dit il nous semble
normal que les régions côtières de l'Empire, dont la population était depuis toujours
versée dans l'exercice des métiers de la mer (pêche, navigation, commerce maritime, etc.),
(1) P. ex. la flotte de Bélisaire lors de l'expédition contre les Vandales était montée par des
Égyptiens, des Ciliciens et des Ioniens, cf. PROCOPE, I, p. 362.
(2) Ils armaient la flotte de Vitalien : cf. MALAXAS, p. 404.
(3) Les Russes, baptisés précise le PORPHYROGÉNÈTE, De Ceremoniis, p. 57g, étaient déjà
employés dans les flottes constantinopolitaines au début du xG siècle, cf. ibid., p. 651 sq. ; ils ont
pris part à l'expédition maritime de Nicéphore Phocas contre la Crète : THÉOPHANE CONTINUÉ,
p. 473 sq. ; on les trouve en stationnement dans les îles micrasiatiques : cf. Actes de Chios, p. 548.
Les Varangues sont surtout mentionnés dans le xi» siècle, ils servent dans le détachement réservé
à l'empereur : cf. SKYMTZÈS, p. 730 ;zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDC
Α Τ Τ Α Ι ,Ε Ι Α Τ Ε , p. 254 ; CECAUMEN I zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXW
Strategicon, p. 30 ; AN N E
COMNÈNE, I, p. 92, 100 ; et en Crète, NICÉTAS CHONIATE, p. 342. Les Toulmatzoi ou Talmatzioi
sont mentionnés par le PORPHYROGÉNÈTE, De Ceremoniis, p. 57g, 664, 667, avec les ploïmoi de
Constantinople et les Russes ; REISKE, ibid., p. 579, voit en eux des « Dolbatschi aut Dalmatae ».
Des Toulmatzioi captifs (aichmalôtoi) sont en effet mentionnés à Durazzo (ibid., p. 668). Pour les
Latins, cf. ci-dessus p. 281 sq. Les Pharganoi (troupes orientales), les Khazars, les Agarènes et
les Francs, à la solde de l'Empire au Xe siècle, Ρ Η Ι Ι ,Ο Τ Η Ε Ε , Klètorologion, p. 160, servaient sans
doute dans la flotte. Les Khazars et les Pharganoi payaient pour leur enrôlement 7 livres d'or
chacun : ils recevaient ensuite une solde de 12 nomismata (De Ceremoniis, p. 693).
398 Appendice I
(1) Sur l'histoire et la constitution de ce commandement, cf. cidessus, p. 19 sq.
(2) Les attaques incessantes des Mardaïtes du Liban avaient particulièrement gêné les
Arabes de Syrie : une clause du traité de Justinien II avec les Arabes (cf. P. Dôi,GER, Regesten,
n° 257) obligeait l'empereur byzantin à éloigner cette peuplade des confins de l'Empire (cf. THEO
PHANE, p. 363 ; De Administrando Imperio, I, p. 84, et surtout p. 94) : cette mesure fut âprement
critiquée pax les historiens byzantins, notamment par Tnéophane et le Porphyrogénète, qui
expliquent les succès enregistrés depuis lors par les Arabes sur la frontière orientale de l'Empire
par la « dissolution du mur de fer » que constituaient auparavant les Mardaïtes ; sur les Mardaïtes
du Liban, cf. en dernier lieu la note bibliographique donnée par B. LEWIS, De Administrando
Imperio, II, p. 75.
(3) S. LAMPROS, Tria keiména..., N. Hell., t. IX, 1912, p. 171.
(4) Sur l'utilisation des marins des Cyclades et de l'Opsikion dans les flottes byzantines de
Constantinople et des provinces, cf. THEOPHANE, p. 385386 ; NICEPHORE, p. 50.
(5) De Ceremoniis, p. 655, 656,665 ; THEOPHANE CONTINUÉ, p. 304 ; A. BON, Le Péloponnèse
byzantin, Paris, 1951, p. 7576, n. 2.
(6) Sur le katépanô des Mardaïtes et d'Attalée, cf. cidessus, p. 108, et la note de R. JENKINS,
De Administrando Imperio, II, p. 192.
(7) Hellènika, t. V, 1932, p. 130 sq. ; contre l'opinion de K. Amantos, D. ZAKYTHINOS,
Les Slaves en Grèce (en grec), Athènes, 1945, p. 92.
400 Appendice I
mer {tagma maritime) qui n e devait à cette peuplade q u e son n o m . L a thèse de
K. Sathas ( i ) est analogue : Sathas, qui cependant ne distingue pas des Mardaïtes d u
Xe siècle rencontrés dans les régions helladiques ceux de l'Asie Mineure, cherche sous
le terme Mourtatoi ou Myrtaïtai, qui désigne au xiv e siècle u n corps de la garde impé
riale (2), u n nom dérivé des Mardaïtes des v n e x e siècles ; notons, à rencontre de cette
opinion de Sathas, que le terme Mourtatos est d'origine turque (jnurtat, de l'arabe
murtedd), qu'il signifie le renégat (3), et que le corps des Mourtatoi, mentionné seulement
sous les Paléologues, est assigné au palais impérial et ne semble avoir aucune relation avec
la mer. Seuls les pamphyloi, placés sous u n mιgas pamphylos, semblent avoir formé
au Xe siècle u n tagma maritime particulier : ils sont mentionnés avec les ploïmoi de
Constantinople. Nous étudierons cette question à propos d u navire qui leur doit son
nom (4). E n outre, on a voulu voir dans la mention des Mauroi installés dans la région
de Milet (5) la présence d ' u n corps de Maures utilisés dans la flotte byzantine (6) :
il nous semble qu'il s'agit tout simplement d'une famille puissante d u nom de Mauros,
nom particulièrement fréquent dans la prosopographie grecque. Quoi qu'il en soit le
texte qui les mentionne, la Vita de saint Paul de Latros, n'autorise point à parler d'un
corps maritime particulier.
Exception faite des Mardaïtes, employés, pour les raisons que nous venons de voir,
dans des flottes autres que celle de leur foyer (Cibyrrhéotes), il est incontestable que les
flottes des thèmes maritimes et les flottes provinciales en général, entretenues régulière
ment par l'Empire au moins à partir du VIIe siècle et jusqu'à la fin d u XIe, étaient armées
par des marins des régions où elles stationnaient : nous avons sur ce point des renseigne
ments précis. Citons quelques exemples qui illustrent cet état de choses : le stratège des
thèmes, maritimes et autres, est explicitement chargé par l'empereur de recruter sur
place les effectifs de son armée (de terre et de mer) (7) ; u n fait rapporté par le rédacteur
de la Vita de saint Nil le jeune (8), la destruction par la population calabraise, qui se
refusait au service forcé dans la marine, de la flotte de cette région, illustre le procédé
employé par l'autorité provinciale pour le recrutement des équipages des flottes parmi
les populations du lieu ; la mention, si fréquente dans les documents d'archives concernant
(1) K. SATHAS, Documents inιdits relatifs ΰ l'histoire de la Grθce au Moyen Age, IV,
p. txvmtxxn.
(2) PS.-KÔDINOS, p. 12, 27, 37, 42 ; V. LAURENT, Hellθnika, t. V, 1932, p. 143 ; K. AMANTOS,
ibid., t. VI, 1933, P· 3 2 6 ·
(3) G. MORAVCSIK, Byzantinoturcica2, II, p . 197.
(4) Cf. ci-dessous, p. 415 sq.
(5) Anal. Boll., t. XI, 1892, p. 138-140.
(6) P. CHARANIS, The tranfer of population, Comp. Stud. in Soc. and Hist., t. I I I , 2, 1961,
p. 149, d'après l'opinion de RUDAKOV, Aperçu de la civilisation byz. d'aprθs l'hagiographie (en
russe), Moscou, 1917, p. 56.
(7) Naumachica de Léon VI, apud A. DAIN, p. 23 : repris par NICÉPHORE OURANOS, ibid.,
p. 76 ; De Ceremoniis, I, p. 651 sq. ; et surtout, Tactiques attribuées à CONSTANTIN PORPHYRO-
GÉNÈTE, éd. LAMI, Ioannis Meursii opιra, VI, Florence, 1745, p. 1214 :zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZY
τ ά χ ε λ ά ν δ ια 6 (corr. έ ξ )
α υ τ ώ ν ε ξ ο πλ ισ µέ ν α .
(8)zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
P.G., t . CXX, col. 105.
Les ιquipages 401
service de l'Empire furent utilisés très tôt et dans une large mesure, et de ce fait, la flotte
impériale centrale présente, contrairement à la flotte nationale des thèmes, un caractère
international plus ou moins accentué. Notons toutefois que le mode de recrutement
appliqué dans la flotte impériale connut à travers les temps, du moins en ce qui concerne
l'origine de ses soldats, des modifications importantes dues soit à l'orientation de la
politique extérieure de l'Empire (alliance ou hostilité envers tel ou tel pays dont les
ressortissants pouvaient servir dans la flotte byzantine), soit aux divers buts que l'Empire
fixait chaque fois à sa flotte impériale, soit enfin à la nature des opérations dont cette
arme se chargeait. U n besoin urgent, telle par exemple la défense contre les flottes arabes
de Crète et d'Afrique qui infestaient la mer Egée et la Méditerranée dans le ix e siècle,
ou les opérations contre les Arabes de Cilicie, au début du Xe siècle, qui menaçaient
la mer constantinopolitaine, amenait l'Empire à augmenter précipitamment les effectifs
de la flotte centrale. Il recourait dans ce but à un large recrutement individuel ; des
combattants marins étaient embauchés en vue d'une entreprise précise, souvent contre
des avantages matériels importants (i) ; des marins byzantins de tous les points de
l'Empire répondaient à cet appel, leur service dans la flotte impériale était le résultat
d'une sorte de « contrat » passé entre eux et les autorités qui les embauchaient, contrat
qui expirait avec la fin des opérations : ces marins byzantins étaient ainsi et pour un
certain temps des mercenaires qui vendaient leur service à leur propre pays, et de ce
fait ne formaient pas les effectifs permanents et réguliers de la flotte impériale.
Par contre l'application d'une politique offensive contre des ennemis maritimes et
des régions côtières, politique décidée par Byzance, permettait aux services impériaux
chargés de l'élaboration du projet d'attaque et des préparatifs militaires de procéder
à u n recrutement raisonné. Les combattants étaient alors recherchés parmi les popu
lations byzantines réputées pour la qualité et l'expérience de leurs marins, et parmi les
étrangers : ces derniers, embauchés individuellement ou en groupe, et alors avec le consen
tement des autorités de leurs pays, formaient les unités des « alliés » (symmachoi) dont la
solde et les dépenses étaient bien entendu assumées par l'Empire (2). Des combattants
ainsi embauchés restaient souvent, après la fin des opérations, au service de l'Empire
(le cas devait se produire fréquemment, bien que nous manquions de renseignements
précis), ils pouvaient même accéder à de hauts postes militaires (3), et formaient sûrement
une partie considérable des effectifs permanents de la flotte impériale, qui, rappelonsle
encore une fois, n'étaient pas toujours importants. Autrement dit, le recrutement des
effectifs permanents de la flotte impériale centrale ressemble en tout point à celui
(1) Nous nous bornons à mentionner les travaux les plus importants et les plus récents où
figure également la bibliographie antérieure : K. RADOS, La marine des Byzantins : Matιriel,
organisation et tactique navale (en grec), Athènes, 1920; Ph. KOUKOUI,ÉS, Laographica d'Eustathe
de Thessalonique (en grec), Athènes, 1950,1, p. 290 sq. ; du même, Sur la vie maritime des Byzan
tins (en grec), E.E.B.S., t. XXI, 1951, p. 1 sq. ; du même, La flotte de guerre de Byzance (en grec),
Nautikθ Epithιôrθsis, t. XXXV, 1954, P· J>8 (article général, sans références) ; B. EICKHOFP,
Seehrieg, p. 7489 : Die Schiffe ; K. AI^XANDRÈS, La puissance navale de l'Empire byzantin
(en grec), Athènes, 1956, p. 53 sq., avec des illustrations tirées des graffiti, des miniatures, et
autres objets représentant des navires byzantins ; et en dernier lieu la note d'introduction au
chapitre 51 du De Administrando Imperio, II, p. 195196, de R. J. JENKINS ; le travail de
H. BIBICOU, Sources byzantines pour servir à l'histoire maritime. Actes du IVe Congrθs intern.
d'Histoire maritime, Paris, 1959, éd. S.E.V.P.E.N., 1962, p. 121136, contient une bibliographie
de la question.
(2) Naumachica, p. 64-66.
(3) Seul E. EICKHOFF, Seekrieg, p. 74 sq., les utilise.
Catιgories et types de navires 409
non exploitées, les textes astrologiques, accessibles dans le Catalogus Codicum Astrologorum
Graecorum, et par ajouter à la liste des sources proposée cidessus les trouvailles que les
récentes recherches archéologiques sousmarines nous apportent (1) ; l'étude des épaves
des bâtiments byzantins, guidée bien entendu par une solide connaissance des sources
écrites et figuratives, peut en effet être déterminante pour la connaissance des navires
byzantins et pour leur évolution. De toute façon il n'est ni de notre compétence ni dans
notre intention de présenter un travail systématique sur la question technique de la
construction navale. Nous nous contenterons de donner ici une simple liste commentée
des termes employés pour désigner les navires de guerre byzantins, termes qui reviennent
fréquemment dans les sources des diverses périodes sans pour autant se référer toujours
au même type de bâtiment : autrement dit la présente note est avant tout destinée à
aider à la compréhension des textes et des divers témoignages concernant la marine de
guerre de Byzance. Sans poser et sans, bien entendu, essayer de résoudre les multiples
problèmes que l'étude du navire byzantin présente, nous nous efforcerons de préciser
certains aspects du langage maritime concernant les unités de guerre et de déterminer
l'usage qu'en font les sources.
L'ensemble d'une flotte de guerre est désigné dans les sources par un des termes
suivants : stolos, très fréquent surtout dans les textes littéraires ; ploïmon, ploïma, dromônion,
chιlandion (pour l'ensemble d'une escadre) (2) par excellence byzantins ; nautostolθma et
nautostolia peu usités et particulièrement recherchés (3), plous employé par des érudits
archaïsants (4). Le terme karaboploïa, extrêmement rare, semble réservé à la flotte
marchande (5), qui d'habitude est désignée par l'expression pragmateutika ou emporeutika,
skafθ, ploïa, karabia, etc. Enfin la flotte de transport est dénommée fortθga ou fortagôga
ou plus souvent kamatθra et skeuophora {karabia, ploia, skafθ, etc.) : des qualificatifs dési
gnant la nature de la cargaison, tels par exemple hippagôga, sitagôga ou plus souvent
sitophora, sont fréquemment employés ; le terme pyrsophoros stolos désigne uniquement
la flotte impériale, bien qu'elle ne fût pas la seule à être munie du feu grégeois : les grandes
unités des flottes des thèmes possédaient le feu grégeois, elles étaient siphonophoroi, ou
kakkabopyrphoroi (triκreis, nθιs, etc.), ce dernier terme d'usage et d'origine populaire est
attesté seulement dans Théophane (6).
Les termes employés pour désigner les navires en général, sans précision de leur
utilisation, outre naus, ploξon, skafos, holkas, d'usage littéraire et archaïsant, sont les
suivants : karabos (-ion), ploïmon, katergon, xylon (7) : les termes agrarion, sandalion,
arklion désignent d'habitude de petites embarcations de toutes sortes et sont fréquemment
(1) G. F. BAAS, Underwater excavations at Yassi Ada : a byzantine shipwreck, Archàolo-
gische Anzeiger, 1962, p. 537564; du même, A byzantine shipwreck, A.J.A. t. I/XVI, 1962,
p. 194.
(2) MANSI, XVI, col. 425 :zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
χ ε λ ά ν δ ιο ν έ ξ ο πλ ίσ ο α µε τ ά τ ω ν χ ρ ε ιώ ν α υ τ ώ ν .
(3) Cf. à titre d'exemple, THÉOPHANE, p. 352 (nautostolia) ; D. ZAKYTHENOS, Le chrysobulle
d'Alexis III, empereur de Trébizonde, en faveur des Vénitiens, Paris, 1932, p. 36.
(4) Cf. à titre d'exemple, V. LAURENT, Les Bulles métriques, n° 301.
(5) Cf. D. ZAKYTHINOS, op. cit., p. 36.
(6) THÉOPHANE, p. 419 ; κ α κ κ ά β α = chaudron et par extension les siphons du feu grégeois.
(7) Caractéristique est l'expression holoxylos thalassa (mer couverte de navires), THEOPHANB,
P· 397·
4io Appendice II
mention remonterait ainsi au Ve, etnon au VIe siècle comme il est communément admis (1).
Cependant le terme dromon reste pendant la période de Justinien I e r et même pendant
tout le VIe siècle d'un usage restreint : Procope éprouve le besoin de décrire les navires
appelés dromons, en ajoutant que ce nom leur est donné par les gens de son époque
(oi nyn anthrôpoi) (2) ; Théophylacte Simocatta emploie l'expression tachynautousai
holkadιs, en précisant que ces navires sont appelés par les gens (plθthos) dromons (3) ; ces
détails nous montrent bien l'origine populaire du terme dromon qui indique la rapidité
(tachynautousai) du navire auquel il se rapporte. De toute façon le terme est employé
sans autre précision, ce qui indique que son sens était parfaitement clair, par plusieurs
écrivains du vi e siècle, grecs et latins : Cyrille de Skythopolis l'emploie (il parle des
basilikoi dromônιs) (4), Procope et Jean Lydos l'utilisent (5), Cassiodore mentionne des
dromonarioi et emploie plusieurs fois le terme dromon pour désigner les navires construits
par Théodoric dans l'Italie du Nord (6), les termes dromon et dromonarioi figurent dans
les textes juridiques de l'époque (7), Malalas enfin n'hésite pas à désigner de ce nom les
navires romains qui ont pris part à la bataille d'Actium et ceux dont disposait Trajan (8),
ce qui vraisemblablement conduisit L. Bréhier et à sa suite K. Alexandrès à considérer
le liburnum romain comme l'ancêtre du dromon byzantin (9) : notons en effet que le
terme libernon est utilisé par Malalas et Jean Lydos à propos de la flotte de BasΫiskos
opérant contre les Vandales (10) ; ainsi la relation avec le liburnum romain (bateau utilisé
d'abord par les pirates de Livourne à qui il doit son nom) n'est pas exclue, surtout en ce
qui concerne une caractéristique fondamentale de ces deux bateaux, la rapidité, mais en
ce qui concerne le type de navire désigné par les Byzantins comme dromon, Léon VI dans
l'introduction de ses Naumachica précise qu'il est le même que celui de la triθres
grecque (11) : le dromon est avant tout un navire long, à rames.
On considère d'habitude que le dromon et le chιlandion sont deux navires différents,
on croit que le dromon est un bâtiment plus important que le chιlandion bien qu'appar
tenant au même type que lui (12) : les quelques sources, notamment Théophane, qui men
(1) La mention de dromon dans les chartes de Ravenne du v e siècle est considérée comme
la première mention explicite de ce navire : cf. SERRE, Les marines de guerre de l'Antiquité
et du Moyen Age, Paris, 1885, t. III, p. 24.
(2) PROCOPE, I, p . 362363.
(3) THÉOPHYI,ACTE SIMOCATTA, p. 178.
(4) B. SCHWARTZ, Kyrillos von Skythopolis, Leipzig, 1939, p. 173.
(5) PROCOPE, éd. HAURY, Index, s.v. « Dromon ». JEAN LYDOS, De magistratibus, I I , 14·
(6) CASSIODORE, Variae, M.G.H., t. XII, V, 16, p. 152, n° 17, p. 153, n« 18, p. 154.
(7) Cod. Just., I, 27, 2 § 2.
(8) MAI,AI,AS, p. 219, 271 ; la flotte armée par Anastase contre Vitalien était composée, tou
jours d'après MAI,AI,AS, p. 404, de dromons ; ibid., p. 481, des dromons de l'époque de Justinien I e r .
(9) L. BREHTËR, Les Institutions, p. 407, considère le liburnum comme un dromon léger ;
cf. K. AI,EXANDRÈS, Puissance navale de l'Empire byzantin (en grec), Athènes, 1956, p. 52 sq. : la
libournis se trouve selon cet auteur à l'origine du dromon.
(10) MAI,AI,AS, p. 373. JEAN LYDOS, De magistratibus, III, 43 : navires longs qu'on appelle
libyrnas.
(11) Naumachica, p. 19.
(12) K. AI,EXANDRÈS, op. cit., p. 73 ; R. JENKINS, De Administrando Imperio, II, p. 195.
412 Appendice II
tionnent les deux termes simultanément et à propos de la même opération maritime (i),
semblent confirmer cette opinion, mais des témoignages de beaucoup plus nombreux et plus
importants établissent clairement l'identité des termes dromon et chιlandion, qui, peut
être distincts au début de leur emploi (et le terme chιlandion ne semble pas antérieur
au IXe siècle) (2), finirent très vite par se confondre entièrement. Il nous semble certain
que les deux termes indiquent le même navire, l'un et l'autre désignent le bâtiment de
guerre par excellence byzantin (3). Ils se réfèrent au navire long et à rames (4) utilisé par
les flottes de guerre, contrairement à celui qui était utilisé par la marine marchande et
qui était « rond » (stroggylon) et à voiles (5) : la rapidité est la caractéristique principale
des unités de guerre byzantines d'où l'emploi d'un des qualificatifs suivants souvent
utilisé à leur propos : eudromos, tachynautôn, gorgoploos, tachyploïmos, plôtorsios (6), etc.
(sousentendu ploion, holkas, naus, skafos, chιlandion et même dromon, ce dernier étant
devenu un nom dont la relation avec le dromos, donc la rapidité, était entièrement
oubliée) ; c'est justement le terme dromon qui indique la rapidité de ces bâtiments de
guerre, d'où naus dromas (7), tandis que le terme chιlandion, dérivé vraisemblablement du
mot egchélys-chélys ( = anguille) (8), indique leur forme allongée (makron). Les termes
dromon et dromônion, d'un emploi plus ancien que le terme chélandion, sont vite devenus
officiels et savants tandis que le chélandion est resté longtemps d'un usage populaire,
d'où l'expression utilisée encore dans le Xe siècle ta légoména chélandia (les dénommés ché-
landia) (9) et la remarque d'Eustathe (XIIe siècle) :zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPO
τ ρ ιη ρ ο ε ι,δ έ ς ... κ α ι ιδ ιω τ ικ ώ ς ε ιπε ίν χ ε λ ω -
ν ο ε ιδ έ ς (corrigé par Du Cange en χ ε λ α ν δ ο ε ιδ έ ς ( ί ο ) et à juste titre, puisque Eustathe lui
même établit l'identité des termes chélys-chélônê ( n ) , chélys pris dans le sens de l'instrument
musical). De ce point de vue, il est très caractéristique que les Naumachica de Nicéphore
Ouranos, rédigés en langage populaire (12), n'emploient que le terme chélandion dans les cas
(1) Terme dû vraisemblablement au nom du poisson galéè, galéos : cf. LIDDEU.SCOTT ; et
pour galéa, nom de poisson, STEPHANUS, Thésaurus graecae linguae, citant SUIDAS.
(2) Naumachica, p. 21 : « dromons plus petits, extrarapides (gorgotatoi), appelés galéai et
monèreis ». Sur galloia, cf. N. Hell., t. IX, 1912, p. 171 sq.
(3) Sur l'utilisation des galéai, cf. Naumachica, p. 21, 33, 66 (Naumachica de BASILEzyxwvutsrq
Ι ,Ε
PARAKOIMOMÈNE) , et p. 73, 88 (passage des Naumachica de LÉON VI repris par NICÉPHORE
OuRANOS).
(4) Selon VEtymologikon, cité par Du CANGE, S.V. « γ α λ έ α ».
(5) Cf.zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Naumachica, p. 41- 42 et p. 101 où les sagènai sont mentionnés comme bateaux lourds ;
THEOPHANE CONTINUÉ, p. 196 et p. 299, où la satoura est comparée au myoparôn ; THÉOPHANË,
p. 396 : katènai polémihai et sitophoroi.
(6) De Administrando Imperio.I.p. 150, et II, p. 129130 ; la kountoura est mentionnée comme
nom de bateau utilisé par les Dalmates avec la sagènè : elle désigne un bâtiment plus léger que
la sagènè : fautil chercher une relation avec le dromon étant donné que le terme koundoura
désigne en grec médiéval le drome impérial, le cursus ? (Cf. sur ce point un texte de PSEIAOS,
dans K. SATHAS, Mes. Bibl., t. V, p. 532 sq. ; O. SCHISSËI,, Glotta, t. XXII, 1934, P· 286 sq. ;
K. AMANTOS, Hellènika, t. VIII, 1935, p. 269270 ; H. AHRWEILER, Recherches, p. 5, 19). Thalasso-
kountouron, B. Z., t. X, 1901, p. 548, et t. XI, 1902, p. 543, désigne un aviso de la flotte franque.
(7) THÉOPHANE, p. 396.
(8) Cf. les précisions données par LÉON VI, Naumachica, p. 32, p. 87 (mpadia) ; De Thema-
tibus, p. 97 ; THÉOPHANE CONTINUÉ, p. 196, 299.
(9) Cf. A. VASUJEV, Byzance et les Arabes, I, p. 246, n. 3 : l'origine arabe de satoura est
certaine, celle de koumbarion vraisemblable ; contre l'origine arabe de koumbarion, EUSTATHE,
Commentaire à l'Iliade et l'Odyssée, v. 584, 1205, sur les termes kymbè et kymbion qui désignent
Catιgories et types de navires 415
par dromon ou chιlandion à un ou à deux rangs de rameurs). La voile n'est pas totalement
absente du dromon-chélandion classique (les Naumachica de Basile mentionnent en effet
une istodokè, un mât, sur le dromon) (1), mais elle ne joue qu'un rôle secondaire dans les
manuvres du bâtiment. Or, le fait que les ousiai sont souvent équipées de marins russes
que leurs monoxyles ont familiarisés avec la navigation à voile et le fait surtout que le
terme ouson indique dans l'antiquité le gréement d'un navire et notamment l'ensemble
des mâts et des voiles (2), que celui de ousia a été employé à Byzance pour désigner une
sorte de tunique (3) et que le pamphylos reste un bateau de commerce et de transport
du train maritime, nous incitent à formuler l'hypothèse que les navires portant le nom de
ousia étaient des navires à voiles que la flotte byzantine a commencé à utiliser à côté des
dromons classiques à partir du Xe siècle et pour des expéditions lointaines. En tant que
navires de guerre, les ousiai sont aussi désignés comme dromons et chélandia, simples
épithètes alors (équivalant aux termes stratiôtis ou polémikè) du substantif ousia. Rappe
lons en effet que les bateaux à voiles sont des bâtiments de la marine marchande, la quali
fication dromon ou chélandion pour ceux utilisés par la marine de guerre était, au moins
pour le début, nécessaire. De toute façon il nous semble exclu que la ousia byzantine
ait une relation quelconque avec le bateau huissier des Vénitiens, comme le suppose
K. Alexandrès (4) ; les bateaux huissiers sont équipés pour le transport des chevaux,
tandis que la ousia est un nom donné au yacht impérial (et c'est une rare mention de
ousia-dromônion) (5) qui, en effet, devait être un voilier de grandes dimensions, un
dromônion à voiles.
Les sources du x i e x n e siècle, et notamment les listes d'exemptions accordées aux
couvents et Anne Comnène (6), mentionnent à côté des chélandia, terme qui désigne à ce
moment comme nous le montre Kékauménos le navire de guerre par excellence (7) (il a
remplacé le terme dromon qui se rencontre seulement dans les sources Littéraires de cette
époque), les agraria, dont nous avons vu l'emploi par la marine de guerre, les charbia et
les zermônes inconnus par ailleurs et passés jusqu'alors inaperçus de ceux qui se sont
occupés des navires byzantins (8). Notre documentation ne nous permet pas de préciser le
type de ces bâtiments ; notons seulement que, bien qu'utilisés par la marine de guerre,
comme le notent nos textes (9), il s'agissait surtout de bateaux de la marine marchande,
sinon on ne comprendrait pas la précision polémikos ( = de guerre) après la mention de
ces bâtiments. Autrement dit il s'agissait de bateaux ronds et à voiles.
Enfin le terme katergon exkoussaton mentionné seulement par Anne Comnène (io),
qui précise que c'est le nom que les marins donnent au navire employé par le vice
amiral, semble se référer plutôt au statut qu'à la nature du bâtiment, si toutefois le
terme exkoussaton, difficile à interpréter ici, n'a pas à être corrigé en exkoursaton : de
toute façon on ne saurait préciser de quelle sorte d'exkouseia (licence, immunité) béné
ficiait ce bâtiment, la lecture exkoursaton serait de loin préférable, le terme indiquerait
un navire rapide, une sorte de bateau éclaireur, propre à Y excursus, à l'incursion (i).
Terminons cette note sur les types de navires de guerre byzantins en soulignant
une fois encore leurs caractéristiques fondamentales qui les distinguent des unités de
la flotte commerciale de l'Empire et des flottes de guerre de ses adversaires. Le navire
de guerre byzantin est un bâtiment long, léger et à rames, contrairement à celui des
Arabes, qui est rond, lourd et à voiles, comme le bateau de commerce et de transport
chez les Byzantins. Le navire à rames reste au moins jusqu'à la fin du XIe siècle l'unité
par excellence de la flotte byzantine ; il n'a jamais disparu. Le bateau à voiles fait son
apparition dans la flotte byzantine à partir du Xe siècle : désigné à ce moment comme
ousia, on le trouve par la suite fréquemment mentionné sous le terme byzantin de agrarion,
qui, à l'origine, désignait un petit bateau de commerce et de pêche (donc un bateau à voiles),
mais qui au xn e siècle devient avec chιlandion un terme fréquent de la flotte de
guerre (2). Le bateau à voiles est en effet l'une des unités principales des flottes impériales
du XIIe siècle. Le tonnage des bâtiments byzantins s'est alors considérablement accru,
les unités de guerre sont maintenant des bâtiments ronds et lourds, ils continuent
cependant à être désignés comme dromons et surtout comme chιlandia, termes indiquant
à ce moment le navire de guerre en général sans aucune précision spécifique.
(1) H. GRÉGOIRE, Notes sur Anne Comnène, Byz., t. III, 1926, p. 312, croit que le terme
désigne un aviso.
(2) M.M., VI, p. 20, 28 ; Actes de Ckios, p. 548 ; ANNE COMNÈNE, II, p. 110, etc.
APPENDICE III
Pour mener à bien l'étude de la construction navale à Byzance, il faudrait pouvoir
d'abord préciser le sens des termes qui se rapportent aux installations maritimes et à leur
personnel technique et administratif, au matériel nécessaire à la construction navale et
aux diverses opérations que l'armement et le gréement des navires supposent. Or une
pareille entreprise est pratiquement impossible : les renseignements des sources sur
ces sujets sont extrêmement pauvres et épars, les problèmes techniques ont peu préoccupé
les historiens et les lettrés de Byzance en général, les traités sur la naupθgikθ tιchnθ
( = art de la construction navale) font défaut ( i ) , les Naumachica ne concernent que la
stratégie navale et ne fournissent qu'occasionnellement des renseignements concernant
la construction navale, se limitant en général à une description sommaire des bâtiments
de guerre (2). Aussi nous borneronsnous à traiter ici de quelques termes techniques,
notamment de ceux qui concernent les installations navales et leur administration, sans
négliger pour autant ceux qui concernent la construction navale proprement dite, dans
la mesure surtout où ils nous aident à utiliser des renseignements de sources souvent
difficiles à interpréter. Mais avant d'aborder l'étude sémantique des termes concernant
les arsenaux et les chantiers navals, faisons une constatation qui mérite d'être soulignée
et qui est de conséquence : presque tous les termes techniques concernant la construction
navale et la mise en état des navires, ainsi que ceux ayant trait à l'outillage maritime,
aux diverses parties du bâtiment et aux installations des chantiers navals sont, du moins
jusqu'au XIIe siècle, d'origine grecque (3) : on remarque quelques emprunts arabes,
(1) Le métier de kalafatθs est décrit en détail par PSEIAOS, I, p. 69 (Cidessous, Appen
dice IV), à propos du père de Michel V, surnommé le Kalafatès ; le métier est considéré comme
inférieur à celui dezyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
ν α υ πη γ ό ς ; zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDC
De Ceremoniis, p. 658 : kalafatθsis.
(2) C. VESSEI/Y, Die Pariser papyri des Fundes von ElFaijum, Wiener Denkschriften,
t. XXXVII, 1889, n03 41, 1, et 42, 1 ; 53, 7, 1 ; cf. aussi Ph. KouKOUtÉS, Sur la vie maritime des
Byzantins (en grec), E.E.B.S., t. XXI, 1951, p. 10 ; à noter aussi l'origine arabe de quelques noms
de bateaux : cf. cidessus, p. 414.
(3) Le nom de bateau Kbernon, du latin, libumum, est le seul terme naval d'origine romaine ;
il est rarement employé et seulement au vi e siècle (cf. JEAN LYDOS, De magistratibus, I I I , 43, et
MAI,AI,AS, p. 373) ; il figure dans les divers glossaires d'où apud Du CANGE, Gloss. gr. s.v. « Lïberna
et libyrnon » (en grec) ; sur ά ρ σ ιν ά λ η ς , cf. ci- dessous, p . 432.
(4) Caractéristiques de ce point de vue sont les termes employés dans les portulans grecs :
cf. éd. A. DEIATTE, I, Les portulans grecs, Liège, 1947 ; II, Complιments, Bruxelles, 1958
(Mιmoires de l'Acadιmie royale de Belgique, Classe des Lettres et Sciences morales et politiques,
a. 53. 1)·
(5) Commentaire ΰ l'Iliade et ΰ l'Odyssιe, v. 1562, 36.
La construction navale : chantiers et arsenaux 421
service, du moins en ce qui concerne la capitale : notons en effet que la mention dans
un document du Xe siècle d'un ιpeiktθs de Lemnos (1), de l'île qui était à ce moment le
centre du grand thème maritime de la Mer Egée et où la présence d'un exartistκs est
aussi signalée (2), permet de conclure que le terme ιpeiktθs continue dans certains cas
(p. ex. en province) à être utilisé pour indiquer le responsable de la construction navale,
car il nous semble difficile d'admettre l'existence permanente à Lemnos d'un ιpeiktθs
chargé des constructions ou de l'écurie impériales.
On ne saurait affirmer, bien que cela semble évident, que du service administratif
de Yexartysis dépendaient le personnel technique des constructions navales et plus préci
sément le recrutement et le paiement des ingénieurs et des charpentiers maritimes
mentionnés en groupe dans les textes comme naupθgoi, sans autres précisions sur la
spécialité de chacun : remarquons seulement que selon les Naumachica chaque grande
unité de guerre comptait parmi son personnel au moins un naupθgos capable de réparer
les légères avaries et d'assurer l'entretien du bâtiment (3) : il se trouvait norma
lement sous les ordres du capitaine du navire (prôtokarabos). Ces naupθgoi navi
gants n'ont rien à voir avec Yexartysis et son service. De même on ne saurait dire si la
surveillance des chantiers navals et des bâtiments stationnant dans les arsenaux, les
textes mentionnent en effet les termes nιôphylakô, nauphylakô et.Jôrιô (4) (tous signifiant
monter la garde dans un arsenal), était assurée par le personnel de Yexartysis ou, ce qui
nous semble plus probable par des marins, soldats de l'armée de mer, appartenant aux
effectifs de l'escadre qui stationnait dans la région où se trouvaient des chantiers navals
et des arsenaux. Par contre il va sans dire que du service technique et administratif de
Yexartysis il faut distinguer d'une part le service économique de la marine de guerre et
d'autre part le service de l'armement des soldats de l'armée de mer et de l'équipement
des bâtiments en machines de guerre. Les responsables du service économique et du
recrutement des soldats de la marine de guerre étaient le protonotaire et le chartulaire du
ploïmon (5) (un chartulaire du ploïmon est mentionné à partir du Xe siècle, et on connaît
le protonotaire à partir du XIe, mais il existait sûrement avant) : ils étaient attachés d'abord
à Yofficium du drongaire du ploïmon (ix e xi e siècles) et ensuite au service du grandduc
(à partir des Comnènes et de l'unification du commandement maritime), dans le bureau
duquel se trouvaient plusieurs fonctionnaires civils (les notarioi assignés à Yhypθrιsia de
la mer, à ne pas confondre avec ceux du bureau, du sιkrιton, de la Mer) : du service
économique de la marine de guerre dépendaient sûrement les fonctionnaires désignés
comme ploïmologoi (6), en service dans les provinces et chargés comme leur nom l'indique
de la perception et de l'administration de l'obligation du ploïmon et de Yexιlasis ploïmon,
à savoir du recrutement des équipages (7). Notons néanmoins qu'en ce qui concerne
(1) Document inédit de Lavra : photo du Centre d'Histoire et Civilisation byzantines
de la Sorbonne.
(2) Cf. Actes de Lavra, n° 12, p. 34 ; sur le rôle de Lemnos dans l'histoire maritime du Xe siècle,
cf. cidessus, p. 108, 127.
(3) Naumachica, p. 20, 72.
(4) EUSTATHE, Commentaire ΰ l'Iliade et ΰ l'Odyssιe, v. 1562 ; PHOTIUS, Lexicon, s.v.
(5) Sur ces fonctionnaires, cf. cidessus, p. 152.
(6) MICHEL CHONIATB, II, p. 107. '•
(7) Sur le ploïmon, cf. cidessus, p. 152, 212, 276. -h ''
424 Appendice III
les provinces et notamment les thèmes maritimes pendant la période de leur existence
quasi autonome visàvis de Constantinople (vm e xi e siècles), le service de la construction
navale, c'estàdire de la construction et de l'entretien des flottes provinciales, était
assuré, selon les principes du régime des thèmes, par le bureau du stratège dans lequel
figurent justement un chartulaire chargé du recrutement des effectifs militaires du thème,
et un protonotaire responsable de l'équipement et de l'entretien (approvisionnement,
armement, etc.) de l'armée et de la flotte thématiques (i). L'appendice du De Ceremoniis
concernant la préparation des flottes provinciales pour les expéditions en Crète et en
Italie (2) nous fournit une image précise du rôle du protonotaire du thème dans la
construction et la mise en état de la flotte de sa circonscription. La même source nous
apprend que les machines de guerre transportées par les navires (skeuophora) et l'arme
ment des soldats embarqués sur les bâtiments de la flotte impérialecentrale (les flottes
des thèmes maritimes sont aussi de ce point de vue autonomes) étaient fournis par le
service de Yarmamιnton de Constantinople, terme désignant les fabriques et les dépôts
d'armes de la capitale (3). A la tête de ce service contrôlé jusqu'à la fin du VIe siècle par
le magister officiorum se trouve un fonctionnaire désigné commezyxwvutsrqponmlkjihgfed
ο ιpanô tou armamen
tou (4) ou katιpanô tou armamentou (5) ou archôn tou armamentou (6), titres qui indiquent
l'indépendance de ce service de tout autre bureau militaire ou civil. Terminons cette
note sur le service administratif de la construction navale en soulignant que le service
de l'exartysis était strictement limité à la mise en état des bâtiments de guerre, à la
construction navale proprement dite : toute responsabilité concernant l'équipement et
l'armement militaires des flottes ainsi que leur entretien économique lui échappait
entièrement. Jamais en effet l'exartysis ne fut un bureau administratif à part ; de ce point
de vue l'absence d'un « archonte a'exartysis » est significative : Vexartistκs appartient
au Xe siècle à Vofficium du vestiarios ; c'est ce sιkrιton qui est responsable des dépenses
de la construction navale, il le resta jusqu'à la fin de l'Empire (7).
Cet exposé sur les termes techniques concernant les installations de construction
navale et leurs services administratifs et techniques nous aidera à préciser l'emplacement
des arsenaux et des chantiers navals utilisés par la marine de guerre de Byzance. Il va
sans dire que tout autre terme ayant trait à la construction et à l'armement des navires
et aux techniciens et fonctionnaires qui s'en occupent, et qui se trouve mentionné à
(1) Cf. p. ex., M.M., V, p. 50 : Karabostasi, et p. 5657 : Arménadés, à Céphalonie ; N. Hell.,
I, 1904, p. 85 : Chiliarménon, à Cyzique, etc.
(2) P. ex. pamphylos, et bateaux de Raguse, d'Bubée, de Karpathos, de Cherson, etc.
NICÉTAS CHONIATE, p. 114, 118 (Eubée) ; De Ceremoniis, p. 652 sq. (Bubée, Rhodes, Karpathos) ;
MM., I I I , 66 ; NlCETAS CHONIATE, p. 224 (Raguse), etibid., p. 208 (Durazzo). Cf. cidessus, p. 52.
(3) Cf. à titre d'exemple, « egchôria ploia des Ragusains » : THEOPHANE CONTINUÉ, p. 293 ;
De Administrando Imperio, I, p. 128 : « Les Chrôbatoi sont passés en Lagoubardia (Longobardie)
avec leurs propreszyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
(ίδ ια ) n avires », et p . 150 ; zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPON
ibid., p . 182, « chιlandia de Paphlagonie » autres
que les basilika chιlandia ; ibid., p. 286 : chersônitika karabia et nautai chersβnitai ; ibid., p. 286 :
« paphlagonika et boukellarika ploia et plagitika du Pont ( = littoral oriental ») ; « ε ν τ ό πια χ ε λ ά ν δ ια »
à Lampsaque : P.G., t. CXI, col. 303304.
(4) Mentions fréquentes dans les Vies des saints de l'époque ; on rencontre quelquefois
des naupθgoi parmi le personnel technique des couvents possédant des biens maritimes.
(5) Cf., à titre d'exemple, MHAETPARGOIRËPETIT, Recueil des inscriptions chrιtiennes de
l'Athos, Paris, 1904, p. 4243, 93, n0B 139, 140, 289, 290.
426 Appendice III
à la réparation des avaries, au gréement et quelquefois à la construction même des
bateaux de petit et de moyen tonnage. Ces petits chantiers navals étaient situés d'habitude
à l'écart du port proprement dit, dans des endroits naturellement abrités, proches des
ressources forestières de la région (on utilisait surtout le bois de cyprès et de pin (i), et
le littoral byzantin était littéralement couvert de ces essences), et disposant d'un
personnel technique (abondant dans les régions côtières grecques) qui exerçait de père
en fils et selon une longue tradition le métier de naupθgos en bateaux de toute nature :
de guerre, de commerce et de pêche, sans distinction. Les renseignements, épars et
indirects, il est vrai, que les sources de diverses périodes nous fournissent à ce sujet, confir
ment pleinement l'existence d'installations de construction navale dans presque toutes
les régions côtières de l'Empire. Citons quelques exemples : des ploïma eidθ ( = fourni
tures maritimes) sont exigées des populations du PontEuxin oriental (2) où sont également
mentionnés les bateaux plagitika du Pont (des rives pontiques), les chersônitika les
boukellarika et les paphlagonitika karabia de toute sorte (3) ; la flotte de guerre italienne
(byzantine ou non) est construite sur place dans les ports de l'Adriatique (notamment à
Ravenne, et sur les rives du Pô qui fournissaient le matériel nécessaire) (4), de Sicile et
de Calabre (5) ; les flottes dalmates et illyriennes sont construites dans les arsenaux de
Raguse, de Durazzo et de Salôna (6) ; les flottes du littoral méridional de l'Asie Mineure
(Carie, Pamphylie, Isaurie, Cilicie), flottes de pirates ou de marchands des villes côtières
de ces régions, sont réputées depuis l'antiquité (7) ; et pour revenir aux exemples de
l'époque byzantine, des rames, des gouvernails, des mâts sont exigés des populations du
littoral et des îles égéermes, les régions côtières en général sont soumises à l'obligation
de la katergoktisia et de Yexιlasis nθôn, et ce n'est qu'à la suite d'un privilège particulier
qu'on peut être exempté de ces charges (8) ; les Vénitiens, maître de la Propontide au
lendemain du 1204, extorquent à sa population des fournitures maritimes (9) ; Michel VIII
les autorise, à la suite du traité de 1277, à acheter « des gouvernails, des mâts, du bois et
en général tout ce dont ils auront besoin pour leurs bâtiments » (1) et ceci dans tout
l'Empire, ce qui prouve que sur tout le littoral byzantin fréquenté par les Vénitiens
au XIIIe siècle de pareils biens étaient disponibles. Arrêtons cette série d'exemples en
soulignant un fait qui illustre bien les grandes possibilités de l'Empire en matière de
construction navale, dans toutes les régions et de tout temps. Il est caractéristique que
des peuples peu versés dans l'art de la navigation et des métiers maritimes, une fois
installés sur un point quelconque du littoral impérial, trouvent toujours sur place les
moyens nécessaires en matériel et en personnel technique pour construire des flottes plus
ou moins importantes. Tel fut le cas des Ostrogoths en Italie du Nord au vi e siècle,
des Arabes en Syrie, en Egypte et en Tunisie aux vii e vm e siècles, des Avaroslaves
dans l'Adriatique à partir du vi e siècle, des Seldjoucides de Bithynie en Propsntide et
surtout de Tzachas en Ionie au xi e xn e siècle, du Sultanat d'Iconion par la suite
(qui a construit des flottes dans la mer Noire, à Sinope, et dans les mers Pamphylienne
et Cilicienne), des Latins dans la mer Egée après 1204 (EubéeCyclades, etc.), et enfin
des Émirats turcomans de l'Asie Mineure pendant les xivexve siècles : de Yaxi dans la
Propontide, d'Aydin et de Saroukhan sur les côtes et les îles égéennes, de Mentesche
en Carie, et des Ottomans, d'abord en Bithynie puis sur les rives thraces de la Propontide
(Kallipolis) ; ajoutons que des dynastes indépendants ou des simples pirates installés
dans telle ou telle région côtière de l'Empire trouvaient toujours la possibilité de construire
et d'entretenir sur place leurs flottilles : tel fut le cas de Gabalas à Rhodes, et de la foule
de corsaires qui, du littoral de la Thessalie, de l'Asie Mineure et du Péloponnèse du Sud,
infestaient, comme nous le montre un document vénitien (2), la mer Egée et la Méditer
ranée orientale pendant la période trouble du xm e siècle. Nous pouvons donc conclure
sans hésitation que des flottes plus ou moins importantes, de guerre ou de commerce,
commandées par Byzance, par ses ennemis ou par des pirates indépendants, surgissaient
facilement en tout temps et sur n'importe quel point du littoral impérial et eximpérial.
Soulignons ce fait important : Byzance n'a jamais eu à faire face au problème de la
construction navale, car elle disposait abondamment des ressources nécessaires en matériel
et en hommes et des sites propices à l'installation de ses chantiers navals, qui sont souvent
passés intacts entre les mains de ses adversaires et continuèrent le même travail mais
pour des objectifs différents.
Aussi estil rigoureusement impossible de dresser même une simple liste des arsenaux
et des chantiers navals qui ont travaillé pour la flotte byzantine ou qui étaient installés
sur le littoral impérial. Nous nous bornerons ici à citer à part et, dans la mesure où nos
sources le permettent, à décrire les plus importants arsenaux utilisés pour la construction
des grands bâtiments de guerre et de flottes entières. Les sources des diverses périodes
nous fournissent des renseignements importants pour Constantinople, mais épars et
parcimonieux en ce qui concerne les autres grandes bases navales de l'Empire : nous nous
efforcerons, en nous appuyant sur des renseignements et des indications indirects et
souvent imprécis, de donner une image de l'emplacement, de l'importance et, dans la
mesure du possible, du fonctionnement et de l'administration des arsenaux et des
chantiers navals réservés à la flotte de guerre ou plutôt ayant travaillé pour la marine de
guerre de Byzance et qui étaient établis dans les diverses provinces maritimes.
Pendant la période qui suivit la paix maritime établie dans la Méditerranée et le
PontEuxin à la suite des victoires de Justinien I e r , l'Empire construit ses navires dans
les grandes bases navales de l'époque, qui sont, en outre, des centres importants de l'admi
nistration provinciale : outre les arsenaux de Constantinople, ceux de Ravenne, d'Alexan
drie, de Carthage, de Tyr, des grandes îles méditerranéennes (notamment de Chypre
et de Sicile), du Bosphore Cimmérien et de Trébizonde dans le PontEuxin, sont main
tenant en pleine activité (i). Ils travaillent à la construction des bâtiments de guerre et
surtout de commerce, le trafic maritime connaissant alors un essor particulier. Ils utilisent
les ressources matérielles et humaines locales, même si les dépenses pour la construction
des unités de guerre et des bâtiments transportant des marchandises dites tamiaka
(appartenant au fisc, à l'État) et composant la flotte officielle de transport (2) sont
assumées par Constantinople. La suprématie maritime que Byzance exerce indiscuta
blement à ce moment permet le fonctionnement régulier et sans entraves de ces
arsenaux, aucun problème concernant leur sécurité ne se pose.
L'installation des Arabes sur les rives de la Méditerranée (Tyr, Séleucie, Alexandrie,
Carthage et Septem, sont passés sous le contrôle arabe et les bases méditerranéennes de
Chypre, de la Crète et même de la Sicile ont été menacées dès la seconde moitié du
VIIe siècle), et les invasions avaroslaves, gothes et lombardes dans la région de l'Adria
tique, ont obligé Byzance à abandonner pour des raisons de sécurité toute construction
navale importante dans les ports extérieurs qui, même demeurés sous le contrôle impérial,
étaient exposés aux attaques des ennemis. Bien que les sources de la seconde moitié
du vn e siècle nous permettent de constater une activité maritime en Occident, notamment
en Sicile (3) à la suite de l'installation de Constans II à Syracuse, en Sardaigne et en
Afrique, centres importants de l'armée de mer de l'époque (4), ainsi qu'à Chypre (5) et
à Rhodes (6), réputées dès l'antiquité pour leurs installations maritimes et connues à
(1) THEOPHANE, p. 385 (Rhodes) ; P.G., t. CVII, col. 1072 ; CEDRENUS, II, p. 9 (Chypre) ;
C. IMPÉRIALE, Codice diplomatico délia Repiibl. di Genova, Fonti dell' Instituto slor. ital. per il
Medio Evo, t. II, p. 233 : mention de l'enrôlement d'un Génois (en 1174 ?) dans la flotte sta
tionnant à Chypre.
(2) THEOPHANE, p. 377.
(3) Sur la mise en état de toutes ces flottes, cf. THÉOPHANE, p. 345 sq., 35 2 . 353. 35^, 37°.
373. 377. 3 8 5, 395 sq., etc.
(4) Endroits où la présence de la flotte des Karabisianoi est signalée : cf. Liber Ponlificalis,
éd. DUCHESNE, I, p. 390 ; Ténédos est la principale escale des navires descendant de l'Hellespont
ou se préparant à y pénétrer (cf. PROCOPE, III, p. 150151). La flotte des Karabisianoi relâche
aussi dans l'île de Skiathos (P. G., t. CXVI, col. 1369) qui est toutefois, selon notre source, aoihθtos
(= non habitée) : il faut chercher un arsenal non pas dans cette île, mais dans l'île voisine d'Eubée,
qui fut depuis toujours un centre maritime important. Sur Chios comme station maritime de
l'époque, cf. P.G., t. CXVI, col. 1257, 1260.
(5) Éd. O. SEËCK, à la suite de Notitia Dignitatum, p. 239.
(6) A. LEWIS, Naval power, p. 19 : sur Anastase ; l'arsenal (Néôrion) existait comme quartier
à l'époque de Justinien I e r : cf. MAtA^AS, p. 491 ; Léonce a nettoyé le port ainsi nommé : cf.
THÉOPHANE, p. 370.
430 Appendice III
Parallèlement au port du Néôrion, Yexartysis est mentionnée dans les sources,
surtout à partir du ix e siècle (1). Il n'est pas aisé de localiser avec précision l'endroit
appelé Exartysis qui, comme son nom l'indique, abrita l'arsenal impérial de Constan
tinople : un texte du xm e siècle mentionne la palaia exartysis (2), un passage de Pachy
mère précise que cette palaia exartysis est autre que le Néôrion (3) ; désignée comme
palaia (ancienne) dans le XIIIe siècle, elle est sûrement la même que PExartysis tout
court des ix e xi e siècles, abandonnée depuis lors pour des raisons que nous examinerons,
d'où son nom de palaia exartysis ; il est donc erroné de la chercher, à la suite du Père Janin,
dans le port même du Néôrion (4).
De toutes les mentions de Yexartysis de Constantinople, et elles ne sont pas très
nombreuses (5), seule celle du Synaxaire de Constantinople, qui nous apprend que le
nom désigne un quartier suburbain, nous permet de la localiser. A propos de Saint
Sôzôn le synaxariste note :zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Τ ε λ ε ίτ α ι ή µν ή µη α ύ τ ο ϋ έν τ φ ν α ω τ ω ο ν τ ι πέρ α ν έν δ ο ν τ η ς
έ ξ α ρ τ ύ σ ε ω ς κ α ΐ πλ η σ ίο ν τ η ς Ά γ ια ς Θ εο δ ο σ ία ς (6). Retenons deux points essentiels : l'église
de Saint Sôzôn située dans l'Exartysis (nom du quartier) se trouvait pιran (en face),
c'estàdire en face de la rive constantinopolitaine de la Corne d'Or, mais « près de
SainteThéodosie ». L'église de Sainte Théodosie est bien connue, elle était voisine de
celle du Christ Euergétès avec laquelle souvent elle se confond, elle se trouvait dans le
quartier de Dexiokratous sur la rive constantinopolitaine de la Corne d'Or (7), autre
ment dit elle était située sur la rive opposée de l'Exartysis et de l'église de Saint Sôzôn :
aussi nous sembletil que le « près (plθsion) de Sainte Théodosie » indique un voisinage
maritime. Il faut chercher l'église de SaintSôzôn et l'Exartysis dans laquelle elle se
trouve, en face du quartier de Dexiokratous (pιran) et à la hauteur de l'église de Sainte
Théodosie et du Christ Euergétès : c'est en effet à cet endroit que la Notitia situe les
navalia de la ville (dans la XIII e région) (8), c'est à cet endroit que se trouve le quartier
actuel au nom significatif d'EskiTarsena ou Tarzena = l'ancien arsenal, simple traduction
de Palaia Exartysis qui est en effet mentionnée comme faisant suite au quartier subur
bain et « pératique » des Pègai (9). Il devient ainsi évident que les navalia du Ve siècle,
l'Exartysis des ix e xi e siècles et la Palaia Exartysis du xm e , ainsi que l'EskiTarsena
ottoman, désignent le même quartier situé dans « Péran », le quartier qui abritait les
(1) Cf. P.G., t. XCV, col. 368 ; Βcta SS., Propylaeum Nov., p. 21 ; THÉOPHANE CONTINUÉ,
p. 391 ; GEORGES Ι ,Ε M O I N E CONTINUÉ, p. 883 ; CEDRENUS, II, p. 529 ; M.M., III, p. 79 ; dans
les notes que R. JANIN, op. cit., p. 328 et p. 417418, consacre à l'Exartysis, il confond cette
localité avec le Néôrion et ne tient pas compte des déplacements des arsenaux (de Yexartysis) :
ainsi il signale des textes qui parlent d'une exartysis autre que celle qui donna son nom à un
quartier de la ville : pourtant, sur la carte qui accompagne l'ouvrage de R. Janin, le quartier
d'Exartysis est bien localisé : cf. carte, I, G 4.
(2) M.M., I I I , p. 79.
(3) PACHYMÈRE, I, p. 365.
(4) R. JANIN, Constantinople, p. 227, en contradiction pourtant avec ce que dit l'auteur p. 418.
(5) Cf. cidessus, p. 430, n. 3.
(6) Acta SS., Propylaeum Nov., p. 21, 1. 5455
(7) Cf. R. JANIN, Les Églises et les monastθres de Constantinople, Paris, 1953, p. 150 sq.
(8) Ed. O. SEECK, p. 239.
(9) M.M., I I I , p. 79.
432 Appendice III
arsenaux et les chantiers navals de la ville, et qui n'a rien à voir avec le Néôrion, quartier
situé sur la rive constantinopolitaine et à l'embouchure de la Corne d'Or. La mention
de 1' « exartysis tou Nιôriou » (i) indique l'existence à Néôrion d'un autre arsenal; le
terme exartysis garde dans ce cas son sens technique, il est dépourvu de toute signification
topographique que seul le nom Néôrion présente. Autrement dit nous constatons
l'existence à Constantinople, et pour la période d'avant 1204, de deux arsenaux, l'un situé
dans le port du Néôrion et l'autre dans PExartysis proprement dite, le quartier suburbain
de Péran : reste à savoir à partir de quel moment et jusqu'à quand ils ont fonctionné
simultanément et pour le compte de la marine de guerre.
L'arsenal du Néôrion est explicitement mentionné pour la première fois dans un
texte se rapportant au règne de Théodora et de Michel III (2) : il existait sûrement
avant cette date. Fautil considérer qu'une curieuse inscription constantinopolitaine
mentionnant la construction par Théophile d'un mιgalotatos arsinalκs (3) se rapporte
à la construction de l'arsenal du Néôrion, celui de l'Exartysis étant de toute façon, comme
nous le montre la Notitia, de beaucoup antérieur ? L'inscription est mal éditée et n'a
jamais fait l'objet d'une étude épigraphique ou historique (elle n'est pas utilisée par
R. Janin), le terme arsinalκs est inusité pour le ix e siècle, enfin l'affectation de cette
construction de Théophile, que ce texte présente comme une sorte d'hospice (pros
anapausin laou), nous obligent à ne pas tenir compte de ce renseignement pourtant
intéressant (4). De toute façon le fait que l'exartysis apparaît en tant que service
administratif au IXe siècle (5) incite à penser qu'un remaniement important concer
nant la construction navale destinée à la marine de guerre a eu lieu à ce moment.
Il comporte vraisemblablement, entre autres, la création d'un second arsenal, d'une
autre exartysis, celle du Néôrion, mentionnée probablement comme arsinalκs, si l'inscrip
tion citée plus haut est authentique, afin d'éviter une confusion avec l'Exartysis proprement
dite, celle de Péran. Il n'est pas exclu que les modifications concernant la construction
navale constantinopolitaine et son administration, commencées par les empereurs du début
du ix e siècle (le chartulaire de Y exartysis est mentionné pour le règne de Léon V), aient ιti
achevées par Basile I e r . Rappelons à l'appui de cette hypothèse que l'exartistθs figure dans
le taktikon de Philothée (6) tandis qu'il est absent de celui d'Uspenskij de peu antérieur
au règne de cet empereur, et que Basile I e r est le réformateur du service et du commande
ment de la flotte impériale centrale (notamment du bureau du drongaire de ploïtnon (7)),
qui sous son règne devient une des plus importantes formations navales de l'Empire.
Uexartysis du Néôrion, créée sans doute au IXe siècle, continua probablement à
fonctionner, comme nous le montre en 1115 la mention dans le Néôrion de l'endroit dit
Kôparia (fabrique d'avirons) (8), jusqu'à la chute de l'Empire en 1204. Il fut sans doute
Ν ο υ ., zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJ
(1) Acta SS., PropylaeumzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFED
p . 936.
(2) Ibid., p . 936.
(3) CI.G., IV, n ° 8680.
(4) R. Gvn&AND, op. cit., p. 231, et H . GRÉGOIRE, ibid., p. 231, n. 2, ne se fient pas à cette
inscription.
(5) P.G., t. XCV, col. 368 : chartulaire de l'exartysis.
(6) J. BURY, Administrative System, p. 9697, 114, 153.
(7) Cf. cidessus, p. 97 sq.
(8) MM., III, p. vi.
La construction navale : chantiers et arsenaux 43a
utilisé par les Latins de Constantinople qui, comme nous le confirmePachymère (1), avaient
trouvé intactes les installations de construction navale byzantines. Le fonctionnement régu
lier depuis la haute époque jusqu'à la chute de Constantinople en 1204, et par les Latins
ensuite, est mieux établi en ce qui concerne PExartysis par excellence ainsi mentionnée
dans les sources à partir du IXe siècle. On relève la présence dans l'Exartysis du dron
gaire du ploïmon Romain Lécapène (où il était en train de mettre la flotte en état) (2) ;
l'incendie de l'Exartysis et des bâtiments qui y stationnaient en 1035 (3) ; Alexis I e r
visite les arsenaux dans lesquels se préparait sa grande flotte (celle qui combattit
les Pisans) « en traversant sur une petite embarcation (monθrιs) », précise Anne
Comnène (4), ce qui montre bien que ces arsenaux se trouvaient en face de la rive où
était situé le palais des Blachernes, à Péran donc, justement dans le quartier de l'Exar
tysis ; bref c'est à l'Exartysis de Péran que fait allusion Pachymère quand il parle du
nιôrion, autre que celui de la Porte du Néôrion, précise prudemment l'auteur, situé
près du couvent du Christ ÉuergétèszyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCB
πρ ο ς τ η µο ν ή τ ο ϋ Ε . Χ ρ . (la même que l'église de
Sainte Théodosie, nous l'avons vu) et qui {nιôrion — exartysis = arsenal) était « jusqu'à
hier encore utilisé par les Latins » (5). Michel Paléologue abandonna pour des raisons
de sécurité le nιôrion du Euergétès, c'est-à-dire l'Exartysis. Il refusa d'installer ses
arsenaux dans le « Palaion Néôrion », celui de la Porte du Néôrion à l'embouchure de la
Corne d'Or, précise Pachymère (6). Tous deux furent abandonnés après 1261. L'Exartysis
devient de ce fait la « Palaia Exartysis », elle est ainsi mentionnée dans un document
de 1265 (7). Le port du Néôrion continue à être ainsi appelé mais l'abandon de ses
installations navales lui donne aussi le nom du « palaion néôrion » (8), le terme nιôrion
devenant équivalent à celui d'exartysis = arsenal.
Ainsi, après la reconquête de Constantinople en 1261, les arsenaux impériaux
quittèrent la Corne d'Or et son voisinage qui présentaient l'inconvénient de κ α τ ά πρ ό σ ω πο ν
πα ρ έ χ ε ιν τ α ΐς ν α υ σ ΐ πρ ο ς τ α ς τ ω ν ε χ θ ρ ώ ν τ ή ν µά χ η ν , comme le précise Pachymère (9), et
s'abritèrent dans les ports de la Propontide et notamment au Kontoskalion où Michel VIII
construisit des installations maritimes importantes (10), et dans le port voisin d'Heptaska-
lon. C'est au Kontoskalion que furent construites les grandes flottes de Michel VIII,
c'est dans cet arsenal et dans celui de l'Heptaskalon que Cantacuzène arma la dernière
grande flotte byzantine (11), celle qui fut anéantie par les Génois, c'est dans ces ports
propontiques que stationnaient les quelques bâtiments que l'Empire continua à entretenir
fonctionnait donc avant la prise de Constantinople par les Latins. Il nous semble
probable qu'à côté de l'Exartysis et de l'arsenal du Néôrion les Comnènes (probablement
Manuel Ier)> grands constructeurs de flottes, avaient installé un arsenal dans le voisinage
du palais impérial, justement dans le quartier qui fut particulièrement embelli et aménagé
par cette dynastie. Le nιôrion des Blachernes ainsi créé a fonctionné vraisemblablement
jusqu'en 1204 : abandonné depuis cette date, il fut sans doute réaménagé par Canta
cuzène (si l'on accepte l'hypothèse qu'il est le même que celui du KosmidionPissa),
soucieux de se procurer des installations de construction navale autres que celles de la
Propontide, facilement bloquées par les flottes italiennes (génoises) qui contrôlaient
alors les accès de la mer constantinopolitaine (1). De toute façon, ni comme nιôrion
des Blachernes ni comme arsenal du KosmidionPissa, les installations navales établies
dans le fond de la Corne d'Or ne furent particulièrement importantes. Pour la période
d'avant 1204 l'arsenal des Blachernes ne pouvait être qu'une annexe de l'Exartysis et
du Néôrion, et pour la période d'après 1261 les chantiers navals du KosmidionPissa
s'effaçaient devant ceux des ports de la Propontide, notamment le Kontoskalion men
tionné comme « Condoscali vel Arsena » (2), que Ps.Kôdinos appelle d'une manière
vivante « agora des marchands maritimes » (3) et qui aujourd'hui encore porte le nom
significatif de Katergalimani (port des bateaux) (4).
Pendant la période de l'existence parallèle de la flotte impériale et des flottes des
thèmes (vn e xi e siècles), indépendamment des arsenaux constantinopolitains réservés
à la flotte impériale, des arsenaux importants fonctionnaient dans les provinces, notam
ment dans celles qui formaient les thèmes purement maritimes. Ils travaillaient à la
construction des importantes flottes provinciales dont disposait à ce moment l'Empire
et à partir des ressources matérielles et humaines locales. Il est certain que les grandes
flottes des Cibyrrhéotes, composées d'unités de toute sorte, étaient construites sur place,
dans les arsenaux d'Attalée et dans ceux de Rhodes ; ces derniers avaient particulièrement
attiré l'attention de Masûdï (5). Les flottes du thème de la Mer Egée étaient construites
dans les arsenaux de l'île de Lemnos, où la présence d'un exartystκs et d'un ιpeiktθs
est signalée au Xe siècle (6), et dans ceux de l'Hellespont (AbydosLampsaque), où
des « chιlandia locaux » se trouvaient au moment des attaques de Syméon contre Constan
tinople (7). Enfin les flottes du thème de Samos étaient construites dans les arsenaux
de cette île dont l'existence nous est confirmée par Anne Comnène (8), et dans ceux
de Smyrne, qui abrita plus tard les arsenaux de Tzachas et ceux de l'Empire de Nicée (9).
D e la même façon les flottes provinciales, celles qui n'étaient pas envoyées par Constan
tinople, utilisaient des arsenaux locaux. L a flotte de l'Hellade était sûrement construite
dans l'arsenal d'Eubée, qui procure souvent des unités de guerre, mentionnées à propos
de diverses opérations maritimes ( i ) , et qui après 1204 abrita la plus importante
flotte latine de la mer Egée, celle des seigneurs de Negroponte. L a flotte italienne était
construite dans les arsenaux de Sicile (IbnHauqal mentionne les ressources en fourni
tures maritimes de Païenne) (2), et dans ceux de Calabre, où nous avons la mention
explicite de la construction d'une flotte locale (3). Durazzo enfin, qui abrita longtemps
et à plusieurs reprises de grandes flottes impériales, disposait sûrement d'installations
de construction navale capables d'assurer l'entretien de bâtiments importants et la
construction des unités stationnant en permanence dans ce port, souvent mentionnées
ainsi que celles de Raguse dans les opérations navales menées par les Byzantins (4).
La flotte pontique enfin, notamment celle de Paphlagonie, était construite dans les
arsenaux d'Amisos et d'Amastra. Trébizonde et Cherson abritèrent également des
installations navales, des bâtiments de ces régions (de commerce et de guerre) sont en
effet souvent mentionnés (5).
Après la disparition des flottes autonomes des thèmes (seconde moitié du XIe siècle),
le service de la construction navale de Byzance est placé sous l'étatmajor du grandduc,
commandant en chef de toutes les flottes byzantines, et de ses représentants dans les
provinces, les ducs ou katιpanô des régions formant des circonscriptions maritimes (6).
C'est la période où les flottes byzantines se construisent surtout, sinon uniquement, à
Constantinople. Les arsenaux des provinces continuent à fonctionner mais, en ce qui
concerne la flotte de guerre, ils se bornent sans doute à des travaux de réparation et
à l'entretien des unités sorties des grands chantiers navals de la capitale. Quelques
arsenaux provinciaux continuent à garder une importance : citons, à titre d'exemple,
ceux de Samos, où la flotte construite par Alexis I e r à Constantinople fait escale pour
le goudronnage de ses bâtiments (7), ceux de Rhodes, de Chypre, de Crète et de Durazzo,
et sans doute ceux de Thessalonique, Lemnos et Eubée, qui constituent les centres
maritimes importants de la marine de guerre ou de commerce, pendant toute la période
des Comnènes et des Anges (xn e siècle) (8).
L'Empire de Nicée, privé des chantiers navals de Constantinople, qui, depuis 1204,
fonctionnèrent pour le compte des Latins, utilisa pour la construction de ses flottes,
réparties, nous l'avons vu, en deux escadres (mer Egée, Propontide) (9), des arsenaux
situés dans la Propontide et sur le littoral micrasiatique de la mer Egée. Nicée utilisa
sans doute l'arsenal de Kios, qui, dans le début du xii e siècle, avait uvré pour le compte
des Seldjoucides de Bithynie (1), mais ses empereurs, et plus précisément Jean Vatatzès,
ont procédé à l'aménagement du grand arsenal de Lampsaque, situé à l'endroit qui porte
le nom significatif d'Olkos (2), dans lequel furent construites les grandes flottes nicéennes
qui effectuèrent le débarquement des armées de Vatatzès et de Théodore I I Lascaris
en Thrace et en Macédoine. Toutefois l'arsenal le plus important de cette période reste
sans aucun doute celui de Smyrne (3), où l'Empire de Nicée construisit son escadre égéenne
qui mena les importantes opérations contre les Génois et contre Gabalas à Rhodes,
contre les Latins de la mer Egée, et pour la prise de Thessalonique. L'aménagement des
installations de construction navale de Smyrne, connues déjà pour l'époque précédente
par la construction de la flotte de Tzachas (4), est sans aucun doute dû à Vatatzès, qui y
construisit, comme nous le dit explicitement Acropolite, sa plus grande flotte et qui,
installé dans la région voisine de Nymphaion, s'occupa tout particulièrement de la forti
fication et de l'embellissement de Smyrne (5), considérée comme une sorte de capitale
administrative de l'Empire. A côté des arsenaux de Lampsaque et de Smyrne fonctionna
le grand arsenal de Rhodes, d'abord pour le compte de Gabalas, qui était « maître
des Cyclades » et ensuite, après la soumission de ce dynaste, pour le compte de
l'Empire.
Pendant la période qui commence avec la reprise de Constantinople (1261) et qui a
vu la mise à flot des grandes flottes de Michel VIII, les arsenaux de la capitale installés
dans les ports de la Propontide sont de loin les plus importants, sinon les seuls à être
utilisés par la marine impériale (6). Les grandes stations navales de l'époque, Monem
vasie, Lemnos, Rhodes, Smyrne, etc., abritent sûrement des installations de construction
navale, mais il ne semble pas que leurs arsenaux travaillent pour la flotte de guerre : ils
se limitent vraisemblablement à la construction des bâtiments de la flotte commerciale
et à l'entretien des unités de guerre stationnant, ou de passage, dans ces régions. De
toute façon il est incontestable que les bâtiments, sûrement de faible tonnage, utilisés à
ce moment par les multiples flottilles de pirates qu'abrite la mer Egée (en Asie Mineure,
en Thessalie et en Péloponnèse du Sud) sont construits dans les petits arsenaux situés
sur le littoral et les îles égéennes : Anaia près d'Éphèse, Dèmètrias et Halmyros en
Thessalie, Oitylon et le golfe de Laconie en Péloponnèse, Skyros et même Lemnos
sont les bases des pirates de cette époque (7). Enfin, pendant la toute dernière période
de l'histoire byzantine, les quelques bâtiments que l'Empire entretient sont construits
dans les nιôria de la Propontide (Kontoskalion, Sophianai, Porte Dorée). Les gouverneurs
des provinces devenues presque indépendantes utilisent pour la construction de leurs
flottilles des arsenaux locaux : ceux de Ténédos, de Lemnos et de Thessalonique sont
(1) Sur l'importance de Ténédos et de Lemnos pendant cette période et leur rôle dans l'histoire
maritime, cf. CANTACUZÈNE, III, 255 sq. (Ténédos) et p. 312 sq. (Lemnos) ; GREGORAS, III,
p. 236 sq. (Ténédos) ; mise en état de flottes à Thessalomque mentionnée par CANTACUZÈNË,
III, p. 276, et par GRËGORAS, III, p. 226.
(2) Cf. P. LEMERliE, L'ιmirat d'Aydin, Byzance et l'Occident, Paris, 1957, P· 5^ sq.
(3) DOUKAS, p. 147 ; KRITOBOUI,OS IMBRIOS, F.H. G., V, p. 70 b.
(4) NlCEPHORE, p. 50 ; ZONARAS, III, p. 245.
(5) M. LOMBARD, Un problème cartographie, le bois dans la Méditerranée musulmanezyxwvutsr
(ν π β - χ ΐ β siècles), Annales t. XIV, 1959, p. 234254.
zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONM
(6) GRÉGOIRE Ι ,Ε G RAN D , Epistolae, VI, 58, dan s M.H. G., t . I, p. 433.
(7) I/étude de la marine de l'Empire de Trébizonde reste à faire, elle est importante pour la
connaissance de l'histoire maritime du PontEuxin à partir du x n i e siècle. Signalons la mention
par PANARETOS (éd. PAMPOUKES, p. 42) de Vexartysis du port de Trébizonde.
(8) Pour les installations navales du PontEuxin oriental pendant la domination byzantine,
cf. cidessus, p. 426.
La construction navale : chantiers et arsenaux 439
byzantines envoyées de Constantinople (1), devait posséder des installations maritimes
d'une certaine importance, capables de toute façon d'assurer l'entretien des bâtiments
de guerre et sans doute de construire de petites unités de la flotte fluviale, des arklia et
des naukιlia ( = chaloupes) : des renseignements précis à ce sujet font défaut, ainsi
qu'en ce qui concerne PEuphrate, autre fleuve souvent franchi par les armées byzan
tines (2). Le seul chantier naval fluvial que nous connaissons est celui de Kiev (3) : il
n'était pas de création byzantine.
(1) Cidessus, p. 87 ; remarquer les détails des voyages des navires byzantins dans les
régions fluviales du Danube, du Dniestr et du Dniepr rapportés par le PORPHYROGÉNETE, De
Administrando Imperio, I, p. 54 sq., et les conseils contenus dans les tactiques attribuées à cet empe
reur (éd. LAMI, / . Meursii Opιra VI, Florence, 1745, p. 1214) pour la traversée des fleuves.
(2) Plusieurs mentions, surtout pendant les guerres perses ; cf., sauf celles des chroniqueurs
et historiens, Vita S. Theodori mon. hegumeni Chorensis, éd. CH. LOPAREV, Petropoli, 1903, p. 3 ;
CONSTANTIN PORPHYROGÉNETE, Narratio de Imagine Edessena, P.G., t. CXIII, col. 448, etc.
Sur la flotte de l'Euphrate, cf. V. CHAPOÏ, La frontiθre de l'Euphraie de Pompιe ΰ la conquκte
arabe, Paris, 1907, p. 146. Autres fleuves visités par la flotte byzantine, le Tibre (cf. PROCOPE,
éd. HAXJRY, Index, s.v.) et le Rhône (période protobyzantine) : cf. à titre d'exemple, GRÉGOIRE
DE TOURS, Historiae Francorum, VI, XVIII (26), éd. POUPARDIN, p. 228, anno 583, le Pyramos
et le Saros : KINNAMOS, p. 30 ; ANNE COMNENE, III, p. 57.
(3) De Administrando Imperio, p. 58 : le traducteur considère à tort que le terme exartysis
désigne l'armement des navires et non pas l'arsenal.
APPENDICE IV
TESTIMONIA
Έ ν δ έ τ α ϊς ή µέ ρ α ις Κ ώ ν σ τ α β α σ ιλ έ ω ς Κ ω ν σ τ α ν τ ιν ο υ πό λ ε ω ς , έ γ γ ό ν ο υ δ έ 'Η ρ α κ λ ε ίο υ , Μ ο α β ία ς
ό τ ω ν 'Α ρ ά β ω ν α ρ χ η γ ό ς µε τ ά δ υ ν ά µε ω ς πλ ε ίσ τ η ς έ ξ ε λ θ ώ ν κ α τ ή λ θ ε µέ χ ρ ι κ α ΐ τ η ς 'Ρ ό δ ο υ τ η ν γ η ν
τ ώ ν 'Ρ ω µα ίω ν λ η ΐζ ω ν , ώ ς κ α ΐ τ α ύ τ η ν κ α τ έ σ τ ρ ε ψ ε κ α ΐ πδ σ α ν τ η ν πα ρ α λ ία ν τ α ύ τ η ς έ λ ε η λ ά τ η σ ε .
ό δ έ β α σ ιλ ε ύ ς τ α ϋ τ α ά κ ο υ σ α ς κ α ΐ λ α ό ν σ υ ν α θ ρ ο ίσ α ς ή λ θ ε ν ε ις Φ ο ίν ικ α , ώ ς τ ο ύ τ ω τ φ Μ ο α β ία ά ν τ ιπα -
ρ α τ ά ξ α σ θ α ι κ α ΐ πό λ ε µο ν σ υ ν ά ψ α ι. η τ τ ώ ν τ α ι 'Ρ ω µα ίο ι, ό δ έ α υ τ ό ς Κ ώ ν σ τ α ς µό λ ις δ ια σ ω θ ε ίς
ύ πέ σ τ ρ ε ψ ε ν έ ν τ η πό λ ε ι µ ε τ ' α ισ χ ύ ν η ς , é δ έ Μ ο α β ία ς έ πα ρ θ ε ίς τ η ν ίκ η έ πό ρ θ η σ ε ν κ α τ ε δ α φ ή σ α ς
τ η ν πε ρ ίχ ω ρ ο ν µέ χ ρ ι κ α ΐ α ύ τ η ς τ η ς Κ ω ν σ τ α ν τ ιν ο υ πό λ ε ω ς , ώ ς κ α ΐ τ ή ς β ίβ λ ο ν τ α ύ τ η ν zyxwvutsrqponmlkji
(Danielis
prophetae apocalypsis) έ ν τ υ χ ώ ν κ α ΐ τ α γ ε γ ρ α µµέ ν α θ α υ µά σ α ς , δ ο ύ ς τ ο ις "Α ρ α ψ ιν
τ η ίδ ια δ ια λ έ κ τ ω µε ίν α σ α ν έ ν τ ο ύ τ ο ις µέ χ ρ ι κ α ΐ τ ή ν σ ή µε ρ ο ν .
Έ ν δ έ τ φ ς ψ ν γ ' ε "τ ε ι (1245) έ ν τ υ χ ώ ν τ ή ν δ ε 'Α λ έ ξ ιο ς τ ις ά πό Β υ ζ ά ν τ ιο ν , δ ο ϋ λ ο ς
υ πά ρ χ ω ν β α σ ιλ ε ϋ σ ι 'Α ρ ά β ω ν , τ α ς γ ρ α φ α ς κ α ΐ τ ή ν δ ιά λ ε κ τ ο ν ά µφ ω ν γ ιν ώ σ κ ω ν κ α ΐ τ
ά ν α γ ν ο ύ ς έ πό θ η σ ε τ ο ϋ µε τ α φ ρ ά σ α ι τ α ύ τ η ν κ α θ ώ ς υ πό κ ε ιτ α ι σ υ µµα ρ τ υ ρ ο ϋ σ α ν κ α ΐ
δ γ χ ω ν τ ή ν τ ώ ν 'Α ρ ά β ω ν πε ζ ικ ή
Catalogus codicum asirologorum graecorum, Cod. Paris., t . VI I I , 3, p . 171- 172.
Testimoma
Έ ν α ρ χ ή τ η ς β α σ ιλ ε ία ς Λ έ ο ν τ ο ς τ ο ϋ Ί σ α ύ ρ ο υ τ ο ϋ κ α ΐ Κ ό ν ω ν ο ς α ν ή λ θ ε πλ ή θ ο ς Σ α ρ α κ η ν ώ ν
δ ιά πο λ λ ώ ν πλ ο ίω ν κ α τ ά τ η ς µε γ ίσ τ η ς Κ ω ν σ τ α ν τ ιν ο υ πό λ ε ω ς , β ο υ λ ό µε ν ο ι πο λ ιο ρ κ ή σ α ι κ α ΐ πα ρ α -
λ α β ε ΐν α υ τ ή ν κ α ΐ τ η ν πίσ τ ιν τ ω ν Χ ρ ισ τ ια ν ώ ν ε ίς τ η ν ε α υ τ ώ ν πλ ά ν η ν µε τ α πο ιή σ α ι... (suit u n passage
sur la religion musulmane).
Π α σ ά ν τ ε τ ή ν γ ή ν µέ χ ρ ι τ ε ρ µά τ ω ν έ λ η ίσ α ν τ ο , 'Ι ν δ ο ύ ς κ α ΐ Α ιθ ίο πα ς κ α ι τ α Μ α υ ρ ο ύ σ ια έ"θ ν η ,
Λ ίβ υ α ς τ ε κ α ΐ 'Ι σ πα ν ο ύ ς . Έ σ χ α τ ο ν δ έ ή λ θ ο ν κ α ί ε πί τ ή ν Κ ω ν σ τ α ν τ ιν ο ύ πο λ ιν , β ο υ λ ό µε ν ο ι κ α ί
τ α ύ τ η ν έ λ ε ϊν . Τ ο ϋ δ ε β α σ ιλ έ ω ς Λ έ ο ν τ ο ς πρ ο θ ε µέ ν ο υ δ ο ϋ ν α ι α ΰ τ ο ϊς πά ν τ α , α υ τ ο ί κ α ί φ ύ λ α κ α ς τ η
πό λ ε ι έ γ κ α τ α σ τ ή σ α ι ά πή τ ο υ ν ... Π ρ ο σ β α λ ό ν τ ε ς δ έ τ ο ις Β ο υ λ γ ά ρ ο ις ίπε σ ο ν ύ π' α υ τ ώ ν Σ α ρ α κ η ν ο ί
τ ό ν α ρ ιθ µό ν δ ισ µύ ρ ιο ι, κ α ΐ ο ι λ ο ιπο ί α υ τ ώ ν πε ζ ο πο ρ ο ϋ ν τ ε ς έ ν α τ ιµία ύ πέ σ τ ρ ε ψ α ν . Τ ώ ν σ κ α φ ώ ν δ έ
α υ τ ώ ν κ α τ α λ α β ό ν τ ω ν τ ή ν ά κ ρ ό πο λ ιν , τ η ς ά λ ύ σ ε ω ς έ κ τ α θ ε ίσ η ς α πό τ ο ϋ Π ε ρ ά µα τ ο ς ε ω ς τ α Γ α λ ά τ ο υ
ο ύ κ ϊσ χ υ σ α ν ε ίσ ε λ θ ε ϊν ε ίς τ ό ν Λ ά κ κ ο ν . Τ ό τ ε ά ν ή λ θ ο ν ε ίς τ ό Σ τ ε ν ό ν κ α ΐ ώ ρ µη σ α ν τ α πλ ο ία α υ τ ώ ν
ε ίς τ ό λ ε γ ό µε ν ο ν Σ ω σ θ έ ν ιο ν κ α ί ε ίς ε τ έ ρ ο υ ς β ρ α χ υ τ ά τ ο υ ς λ ιµέ ν α ς , ώ ν τ ίν ω ν τ α πλ ε ίω χ ε ιµώ ν ο ς
γ ε γ ο ν ό τ ο ς σ υ ν ε τ ρ ίβ η σ α ν . Έ ξ ώ ν τ α µε ίζ ο ν α α υ τ ώ ν πλ ο ϊα ο ί 'Ρ ω µα ίο ι πυ ρ πο λ ο ΰ σ ι. Κ α ί ή µέ ν
πό λ ις έ σ τ ε ν ο χ ω ρ ε ΐτ ο , τ ρ ο φ α ς µή έ χ ο υ σ α "α υ τ ο ί δ έ πά ν τ α α φ ε ιδ ώ ς τ α πρ ο σ τ υ γ χ ό ν τ α ά φ α ν ίσ α ν τ ε ς
κ α ΐ µη δ έ ν πρ ο ς φ υ λ α κ ή ν τ η ς ε α υ τ ώ ν ά πο τ ρ ο φ ή ς κ α τ α λ ε λ ο ιπό τ ε ς ε ίς τ ο ια ύ τ η ν ά πό γ ν ω σ ιν ή λ θ ο ν
λ ιµο ϋ ... ώ σ τ ε πο λ λ ο ύ ς τ ώ ν µε γ ισ τ ά ν ω ν α υ τ ώ ν τ η πό λ ε ι πρ ο σ ρ υ ή ν α ι. Μ ε τ ά δ έ τ α ϋ τ α ά πα ίρ ο υ σ ιν
έ κ τ ο ϋ χ ε ρ σ α ίο υ τ ε ίχ ο υ ς κ α ΐ έ ρ χ ο ν τ α ι έ ν Σ υ κ α ϊς κ α ί έ ν τ α ϊς Π η γ α ις "κ ά κ ε ϊ ε ΰ ρ η κ ό τ ε ς ά ν δ ρ α έ π'
έ γ κ λ ή µα τ ι κ α τ ε γ ν ω σ µέ ν ο ν κ α ί πρ ο σ φ υ γ ό ν τ α ε ίς α υ τ ο ύ ς , τ ο ϋ τ ο ν έ πιλ α β ό µε ν ο ι ά ν η γ ό ρ ε υ σ α ν β α σ ιλ έ α
'Ρ ω µα ίω ν , πε ρ ισ τ ή σ α ν τ ε ς α ύ τ ώ κ α ι δ ο ρ υ φ ό ρ ο υ ς κ α ί σ πο ν δ α ς θ έ µε ν ο ι πρ ο ς α υ τ ό ν πε ρ ιή γ ο ν τ ό
τ ε ίχ ο ς , ε ύ φ η µία ις ε γ κ ω µίω ν ά ν α κ η ρ ύ τ τ ο ν τ ε ς α υ τ ό ν κ α ί τ ή ν πίσ τ ιν τ ώ ν Χ ρ ισ τ ια ν ώ ν δ ή θ ε ν µε γ α λ ύ -
ν ο ν τ ε ς . 'Α λ λ α µη δ έ ν δ υ ν η θ έ ν τ ε ς ά ν ϋ σ α ι δ ια κ ε ν ή ς ε µε ν ο ν ... (suit u n récit étrange de la visite
par Souleiman de la ville de Constantinople, et la destruction de la flotte arabe dans la
mer Egée connue par Théophane, p. 399).
S. LAMPROS, 'Ι σ τ ο ρ ικ ά µε λ ε τ ή µα τ α , Athènes, 1884, p. 142144 (chronique tirée
du Cod. Hist. Graec. 453 de Vienne ; à comparer avec le Synaxaire de
Constantinople, Acta SS., PropylaeumzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQ
Ν ο υ ., ρ . 895).
Τ ο ΰ χ ρ ό ν ο υ 8è πα ρ α δ ρ α µό ν τ ο ς κ α ΐ τ ω ν 'Ρ ω µα ίω ν Ο πλ ω ν κ α τ ιω θ έ ν τ ω ν έ ξ α µε λ ε ία ς , έ κ ρ ά τ η σ α ν
α ύ τ η ς (de C h ypre) ο ί Σ α ρ α κ η ν ο Ι ε πί τ η ς β α σ ιλ ε ία ς 'Η ρ α κ λ ε ίο υ . Κ α Ι πρ ώ τ ο ς έ ν α ύ τ η δ ια πε ρ ά σ α ς
Ά β ο υ β α ρ ά χ ο ς , ο δ κ α ΐ τ η ς θ υ γ α τ ρ ο ς τ ά φ ο ς έ ν α ύ τ η φ α ίν ε τ α ι, τ α ύ τ η ς έ κ ρ ά τ η σ ε ν . Ό δ έ µα κ ά ρ ιο ς
κ α ι πε ρ ιώ ν υ µο ς έ ν β α σ ιλ ε ΰ σ ι ό έ µδ ς πά ππο ς Β α σ ίλ ε ιο ς ε ίς θ έ µα τ ο ς τ ά ξ ιν α υ τ ή ν κ α τ έ σ τ η σ ε , κ α ΐ
δ ιε πέ ρ α σ ε ν έ ν α ύ τ η 'Α λ έ ξ ιο ν σ τ ρ α τ η γ δ ν ε κ ε ίν ο ν τ ό ν πε ρ ιβ ό η τ ο ν , τ ο γ έ ν ο ς Ά ρ µέ ν ιο ν (1), δ ς κ α ΐ
έ πε κ ρ ά τ η σ ε ν α ύ τ η ς χ ρ ό ν ο υ ς ε πτ ά . Π ά λ ιν δ έ ά φ η ρ ε θ η ύ πό τ ω ν Σ α ρ α κ η ν ώ ν κ α ΐ τ α ύ τ η ν
ώ σ πε ρ κ α ΐ πρ ό τ ε ρ ο ν .
CON STAN TIN PORPHYROGÉNÈTE, De Thematibus, p. 8081.
« Pour subvenir aux dépenses des expéditions maritimes contre les musulmans et à
l'entretien des vaisseaux de guerre, chelandia et galères, voici comment on procède.
Dans chaque village proche de la mer, on vient lever sur chaque feu, c'estàdire sur
chaque maison, un impôt de deux dinars. Ces sommes sont réunies, et l'on remet à
(1) Sans doute Μ ω σ η λ έ .
Testimonia
chaque homme qui part pour une expédition maritime douze dinars. Il doit s'entretenir
sur ce qu'il trouve dans les prises qu'il fait. Mais il ne lui revient rien dans le butin, sur
le prix de vente des musulmans ou des marchandises capturés. Tout cela appartient en
bloc à l'empereur. Une fois qu'ils ont touché leur solde, les marins réparent les navires,
agrès ou carcasses de vieux navires qu'ils veulent remettre à neuf, dans leur arsenal.
L'argent qui reste sur les sommes réunies pour la campagne est emporté par l'amiral
dans l'expédition contre le territoire musulman, et, une fois terminée la tâche qui lui avait
été assignée, il le dépense à sa guise. »
IBNHAUQAI,, Kitab almasalik wa'lmamalik (Livre des voies et des provinces),
tr. M. CANARD, apud A. VASUJBV, Byzance et les Arabes, II, 2, p. 417. La
traduction du baron ROSEN reproduite par G. SCHMJMBERGER, Un empereur
byzantin au Xe siθcle, Paris, 1890, p. 537, n. 2, est légèrement différente.
Τ δ ν σ τ ό λ ο ν ά γ ω ν ίζ ο υ πά ν τ ο τ ε ά κ µά ζ ε ιν κ α ΐ ε χ ε ιν α ύ τ δ ν α ν ε λ λ ιπή "ό γ α ρ σ τ ό λ ο ς ε σ τ ίν ή δ ό ξ α
τ η ς 'Ρ ω µα ν ία ς , ά γ ω ν ίζ ο υ δ έ έ"χ ειν κ α ΐ τ ο ϋ σ τ ό λ ο υ ά ρ χ ο ν τ α ς α ν ω τ έ ρ ο υ ς πα ν τ ό ς δ ώ ρ ο υ κ α ΐ λ ή µµα τ ο ς ,
ε ι γ α ρ ε ίσ ΐν λ ε ίξ ο υ ρ ο ι κ α ΐ δ ω ρ ο λ ή πτ α ι ο ί τ ο ϋ σ τ ό λ ο υ ά ρ χ ο ν τ ε ς , ά κ ο υ σ ο ν τ ί πο ιο ϋ σ ιν . έ ν πρ ώ τ ο ις
µέ ν σ τ ρ α τ ε ία ς έ ώ σ ιν έ ξ κ ο υ σ ε ύ ε σ θ α ι λ α µβ ά ν ο ν τ ε ς έ ξ α υ τ ώ ν ν ο µίσ µα τ α ο ύ χ δ σ α ή θ ε λ ο ν δ ο ϋ ν α ι ε ίς
τ ή ν έ πή ρ ε ια ν τ ο ϋ σ τ ό λ ο υ , ά λ λ ' έ ν δ ιπλ ή πο σ ό τ η τ ι, κ α ι γ ίν ε τ α ι χ ε λ ά ν δ ιο ν ε λ λ ιπέ ς , κ α ΐ ό ά ε τ δ ς έ ν
α έ ρ ι ιπτ ά µε ν ο ς , έ α ν λ ε ίπη τ ό πτ ε ρ ό ν , πά ν τ ω ς ο ύ κ α γ α θ ή α ύ τ ο ΰ έ σ τ ιν ή πτ ώ σ ις (corr. πτ ή σ ις )·
ο ΰ τ ω ς ο δ ν κ α ΐ α ί µα κ ρ α ί ν ή α ι έ ά ν λ ε ίπω σ ι κ ώ πα ι ο ύ κ ε ύ πλ ο ο ΰ σ ι. ά λ λ ο δ '£τ ι πο ιο ϋ σ ιν ο ί πλ ε υ σ τ ικ ο ί
ά ρ χ ο ν τ ε ς λ α µβ ά ν ο ν τ ε ς ά πό τ ω ν σ τ ρ α τ ιω τ ώ ν δ ώ ρ α · πα ρ α χ ω ρ ο ΰ σ ιν α ύ τ ο ϊς τ ο ΰ ε ίν α ι α ό πλ ο υ ς ,
κ ά ν τ ε ΰ θ ε ν σ υ γ κ ρ ο ύ σ α ν τ ε ς µε τ ά τ ω ν πο λ ε µίω ν τ ρ έ πο ν τ α ι, κ α ί τ ί λ έ γ ω σ υ γ κ ρ ο ύ σ α ν τ ε ς ; ο ύ δ * ε ίς
δ ψ ιν α υ τ ώ ν έ λ θ ό ν τ ε ς φ ε ύ γ ο υ σ ι, κ α ΐ γ ίν ε τ α ι α ισ χ ύ ν η τ ώ ν 'Ρ ω µα ίω ν , έ ν δ έ τ α ϊς ν ή σ ο ις ά πε ρ χ ό µε ν α ι
α ί µα κ ρ α ί ν ή α ι πρ ο φ ά σ ε ι λ ο γ ικ ή ς φ υ λ α κ ή ς ο υ δ έ ν ά λ λ ο πο ιο ϋ σ ιν ε ί µή ά πό τ ώ ν Κ υ κ λ ά δ ω ν κ α ΐ
α µφ ο τ έ ρ ω ν τ ώ ν η πε ίρ ω ν σ υ ν ά γ ο υ σ ι σ ίτ ο ν , κ ρ ιθ ή ν , δ σ πρ ιο ν , τ υ ρ ό ν , ο ΐν ο ν , κ ρ έ η , ίλ α ιο ν , ν ο µίσ µα τ α
πο λ λ ά κ α ΐ ά λ λ ο ε ϊ τ ι α ϊ ν ή σ ο ι έ χ ο υ σ ι. τ ο α ύ τ ο δ έ πο ιο ΰ σ ι κ α ί ε ίς τ ή ν Κ ύ πρ ο ν , κ α ΐ ε ίς τ ή ν Κ ρ ή τ η ν .
χ ρ ή ο δ ν σ έ ϊχ ε ιν , δ έ σ πο τ α , ά κ ρ ίβ ε ια ν ε ίς τ α ΰ τ α , κ α ΐ τ ο ν σ τ ό λ ο ν σ ο υ ε χ ε ιν σ ώ ο ν κ α ΐ α ν ε λ λ ιπή , µή
γ ο γ γ ύ ζ ο ν τ α τ δ ο 'ιο ν ο ΰ ν . κ α ΐ τ α ΰ τ α µέ ν ο ί πλ ό ϊµο ι κ α ΐ ο ί σ τ ρ α τ ιώ τ α ι· τ ή ν α υ τ ή ν δ έ τ ά σ ιν πο ίη σ ο ν
κ α ΐ ε ίς τ ο υ ς ά ρ χ ο ν τ α ς τ ο ΰ σ τ ό λ ο υ κ α ΐ ε Ό τ ω σ α ν α ν ε λ λ ιπε ίς ε ίς τ α α ρ µό ζ ο ν τ α α ύ τ ο ϊς . κ α ί ε ϊπε ρ ε ίς
λ ε ιξ ο ύ ρ α ς χ ω ρ ή σ ο υ σ ι, πα ίδ ε υ σ ο ν α υ τ ο ύ ς δ ια δ α ρ µο ΰ κ α ΐ κ ο ύ ρ α ς κ α ΐ χ ρ η µα τ ικ ή ς ζ η µία ς , ε ίώ θ α σ ι δ έ
ο ί τ ο ΰ σ τ ό λ ο υ ά ρ χ ο ν τ ε ς έ πιµε ίν α ν τ ε ς χ ρ ό ν ο ις πο λ λ ο ίς έ ν τ ω σ τ ό λ ω κ ε κ τ η σ θ α ι ν ω θ ρ ό τ η τ α , ά ν ά πα υ σ ίν
τ ε κ α ΐ τ ρ υ φ ή ν , έ ν α ΐς πα ν τ ε λ ή ς α φ έ λ ε ια γ ίν ε τ α ι, χ ρ ή ο δ ν σ έ ά κ ρ ίβ ε ια ν ίχ ε ιν ε ίς τ δ ν σ τ ό λ ο ν κ α ΐ
ε ϊπε ρ ϊδ η ς ο ύ τ ω ς α υ τ ο ύ ς β ιο ΰ ν τ α ς κ α ί πρ ά τ τ ο ν τ α ς , δ ιώ κ ε ιν α υ τ ο ύ ς ά πδ τ ώ ν σ τ ό λ ω ν , ε τ έ ρ ο υ ς δ έ
ά ν τ ' α υ τ ώ ν πρ ο ϊσ τ α ν . ε ϊπω δ έ τ ι τ ω ε ύ σ ε β ε ϊ κ ρ ά τ ε ι σ ο υ , κ α ί ε ί πο ιή σ ε ις τ ο ϋ τ ο , ο ύ σ φ α λ ε ρ ό ν σ ο ί
έ σ τ ιν , ά λ λ ' έ ν ά σ φ α λ ε ία Ε σ η πο λ λ ή , ε ϊπε ρ ϊδ η ς τ ο υ ς πλ ε υ σ τ ικ ο ύ ς ά ρ χ ο ν τ α ς ο ύ τ ω ς σ ο ι ώ ς πρ ο ε ίρ η τ α ι
δ ια κ ε ιµέ ν ο υ ς , µή ά λ λ ο υ ς πλ ε υ σ τ ικ ο ύ ς ά ν τ ' α υ τ ώ ν ε ίς τ δ ν β α θ µδ ν α υ τ ώ ν κ α τ α σ τ ή σ η ς , ά λ λ α ά πο
τ ώ ν πα ρ α τ α γ ώ ν ε ΰ ρ έ κ ό µη τ α ς δ ρ ο υ γ γ α ρ ίο υ ς γ έ ρ ο ν τ α ς , ο υ ς ο φ ε ίλ ε ις ώ ς ά ν ε ν ε ρ γ ή τ ο υ ς δ ιώ ξ α ι ά πδ
τ ώ ν τ α γ µά τ ω ν ε ϊτ ε κ α ΐ δ ε δ ιω γ µέ ν ο υ ς πα ν τ ε λ ώ ς , κ α ΐ κ α τ ά σ τ η σ ο ν α υ τ ο ύ ς ά ρ χ ο ν τ α ς τ ο ϋ σ τ ό λ ο υ ,
κ α ί δ η µη γ ό ρ η σ ο ν α ύ τ ο ϊς ο ΰ τ ω ς δ τ ι : ύ µε ϊς ο ϊδ α τ ε δ τ ι γ έ ρ ο ν τ ε ς έ σ τ ε κ α ΐ ά ν ε ν έ ρ γ η τ ο ι κ α ΐ ή ρ µο ζ ε ν
ύ µό ίς ά ν α πα ύ ε σ θ α ι έ ν τ α ϊς ο ίκ ία ις υ µώ ν , ή δ έ β α σ ιλ ε ία µο υ , γ ιν ώ σ κ ο υ σ α δ τ ι ε ίς τ α ς ο ικ ία ς υ µώ ν
Testimonia Λ Λ $zyxwvutsrq
α πε λ θ ό ν τ ε ς σ τ ε ρ η θ ή ν α ι έ χ ε τ ε τ ώ ν α ν α γ κ α ίω ν , δ ι '& πρ ο ε κ ο πιά σ α τ ε ο ύ κ α τ ε δ έ ξ α τ ο σ τ ε ρ ε ϊσ θ α ι
ύ µα ς . δ ια τ α ΰ τ α πρ ο ε β ά λ ε τ ο ύ µα ς ά ρ χ ο ν τ α ς τ ο ϋ σ τ ό λ ο υ , δ πω ς έ χ ο ν τ ε ς τ ή ν α ύ τ ά ρ κ ε ια ν υ µώ ν µή
ά µε λ ή σ η τ ε , ά λ λ ' ά ν α κ ε ίµε ν ο ι, τ ό δ ή λ ε γ ό µε ν ο ν , δ υ ν ή σ η σ θ ε Θ ε ο ϋ ε ύ δ ο κ ο ϋ ν τ ο ς σ τ ή σ α ι τ ρ ό πα ια , κ α ΐ
τ ο ϋ τ ο γ ίν ω σ κ ε ό τ ι έ ά ν ο δ τ ω ς πο ιή σ ε ις , ο ύ χ ά µά ρ τ η ς τ ο ΰ σ κ ο πο ϋ , ά λ λ ' έ ν τ ε λ ε ία κ α τ α σ τ ά σ ε ι Ε σ τ α ι
6 σ τ ό λ ο ς σ ο υ . τ ο ξ ό τ α ι δ έ έ σ τ ω σ α ν έ ν τ α ϊς µα κ ρ α ΐς ν ή α ις . δ ρ ο υ γ γ ά ρ ιο ς δ έ κ α ί πρ ω τ ο ν ο τ ά ρ ιο ς ο ί
τ ο ΰ σ τ ό λ ο υ ίσ τ ω σ α ν ε υ σ ε β ε ίς , ε ν ε ρ γ ε ίς , ικ α ν ο ί, σ υ ν ε τ ο ί κ α ί φ ο β ο ύ µε ν ο ι τ ό ν Θ ε ό ν κ α ί τ ή ν β α σ ιλ ε ία ν
σ ο υ , πρ ο σ έ χ ο ν τ ε ς κ α ί έ ρ ε υ ν ώ ν τ ε ς µε τ ά α κ ρ ιβ ε ία ς κ α ΐ τ ό λ ε πτ ό τ α τ ο ν 8 πρ ά τ τ ε τ α ι ε ις τ ό ν σ τ ό λ ο ν
ά ν α τ ρ α πέ ν τ ο ς γ α ρ τ ο ϋ σ τ ό λ ο υ ε ις τ ό ο ύ δ α µιν ώ τ α τ ο ν σ ύ ά ν α τ ρ α πή σ η κ α ί κ α τ α πέ σ η ς .
CBCATJMBNI Strategicon, p. 101- 103.
Τ ο ΰ σ ε β α σ τ ο ΰ λ ο γ ο θ έ τ ο υ τ ώ ν σ ε κ ρ έ τ ω ν κ α ΐ έ πΙ τ ώ ν κ ρ ίσ ε ω ν , γ ε γ ο ν ό τ ο ς δ έ κ α ΐ ε φ ό ρ ο υ Ν ικ ή τ α
τ ο ΰ Χ ω ν ιά τ ο υ πρ ο φ ώ ν η µα ε ίς τ ό ν β α σ ιλ έ α κ ύ ρ Ί σ α ά κ ιο ν τ ό ν "Α γ γ ε λ ο ν έ γ ρ ά φ η δ έ ά ρ τ ι γ ε γ ο ν ό τ ο ς
α ύ τ ο ϋ κ ρ ιτ ο ΰ τ ο ϋ β ή λ ο υ .
Ά πα ίρ ε ις έ ξ η µώ ν έ κ σ τ ρ α τ ε ύ σ ω ν κ α τ ά β α ρ β ά ρ ω ν , θ ε ο ε ίκ ε λ ε β α σ ιλ ε ϋ ... µε τ α β α ίν ε ις έ κ τ ή ς
δ ε πρ ο ς πό λ ιν τ ή ν β ό ρ ε ιο ν , τ ή ν έ κ ε ϊσ ε β α ρ β α ρ ικ ή ν δ ια σ κ ε δ ά σ ω ν ά χ λ ύ ν µή δ "ά ν ο χ ε ύ σ α ς
τ ώ ν φ ρ ο ν τ ίδ ω ν α ς ύ πή ν ε γ κ α ς τ ά ς ά λ α µα ν ικ ά ς δ ο λ ο φ ρ ο σ ύ ν α ς ά πο κ ρ ο υ ό µε ν ο ς , α δ πά λ ιν ... φ έ ρ ε ις
τ ό ν σ ίδ η ρ ο ν πα ν η µέ ρ ιο ς · κ α ΐ χ θ ε ς µέ ν κ α ΐ πρ ό τ ρ ίτ η ς β α σ ιλ ικ ή ς µε γ α λ ο ν ο ία ς έ ρ γ ο ν ε ίν α ι
ο ίη θ ε ίς πρ ο κ α τ α λ η φ θ ή ν α ι τ ά ς δ ι' "Ι σ τ ρ ο υ κ α θ ' η µώ ν έ κ β ο λ ά ς τ ώ ν Σ κ υ θ ώ ν , τ ό έ ν ν ό η µα zyxwvutsrqpon Ιρ γ ο ν
έ πο ίη σ α ς · κ α ί ό τ η ς Π ρ ο πο ν τ ίδ ο ς πο ρ θ µό ς µικ ρ ο ϋ τ ο ϊς σ κ ά φ ε σ ιν ά πε γ α ιο ϋ τ ο , τ ά ν ώ τ α ύ π' α υ τ ώ ν
446zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Appendice IV
µο υ κ α ΐ τ ώ ν 'Ρ ω µα ίω ν πρ α γ µα τ ε υ τ ώ ν κ α ΐ λ ο ιπώ ν κ α ι τ α πα ρ ά τ ο ϋ Σ α λ α χ α τ ίν ο υ σ τ α λ έ ν τ α τ η
β α σ ιλ ε ίς µο υ φ ά ρ ιά τ ε κ α ΐ µο υ λ ά ρ ια κ α ΐ ά λ λ ο ϊα ζ ώ α κ υ ν η γ ε τ ικ ά κ α ί πα ν τ ο ία πο λ ύ τ ιµα πρ ά γ µα τ α
ά ν ε λ ά β ο ν τ ο , µή τ ίν ο ς τ ώ ν έ ν τ ο ις τ ο ιο ύ τ ο ις πλ ο ίο ις 'Ρ ω µα ίο υ ή έ θ ν ικ ο ϋ , χ ρ ισ τ ια ν ο ύ τ ε κ α ί µο υ σ ο υ λ -
µά ν ο υ φ ε ισ ά µε ν ο ι, ε ΐ µή µό ν ο ν τ ώ ν έ ν α ύ τ ο ϊς Γ ε ν ν ο υ ϊτ ώ ν κ α ΐ Π ισ σ α ίω ν , ο ΐς κ α ί σ ώ α τ ά πρ ά γ µα τ α
α υ τ ώ ν ά πο δ ε δ ώ κ α σ ιν , ά λ λ α κ α ί πλ ο ίφ λ ο γ γ ο β α ρ δ ικ ω έ ν τ υ χ ό ν τ ε ς , ε ις τ ά µέ ρ η τ η ς Κ ύ πρ ο υ ά πε ρ χ ο µέ ν ω
κ α ί ά πο κ ρ ισ α ρ ίο υ ς τ η ς β α σ ιλ ε ία ς µο υ έ "χ ο ν τ ι, τ ό ν τ ε θ ε ο φ ιλ έ σ τ α τ ο ν έ πίσ κ ο πο ν Π ά φ ο υ κ α ί πρ ό ε δ ρ ο 'ν
τ ώ ν πρ ω τ ο σ υ γ κ έ λ λ ω ν , κ α ί τ ό ν φ ρ έ ρ ιο ν Σ πα ν ίο υ λ ο ν Ο δ γ ο ν κ α ί τ ό ν λ ίζ ιο ν κ α β α λ λ ά ρ ιο ν τ η ς β α σ ιλ ε ία ς
µο υ Π ιπϊν ο ν τ ό ν Π ισ σ α ϊο ν , κ α ί τ ω τ ο ιο ύ τ ω πλ ο ίω λ η σ τ ρ ικ ώ ς έ πιθ έ µε ν ο ι κ α τ ίσ χ υ σ α ν κ α ί α ύ τ ο ϋ ,
κ α ΐ τ ο υ ς µέ ν Λ ο γ γ ιβ ά ρ δ ο υ ς µα χ α ίρ α ς πα ρ α ν ά λ ω µα Ε θ ε ν τ ο , τ ό ν δ έ Π ιπϊν ο ν Π ισ σ α ϊο ν κ α ΐ τ ό ν
Σ πα ν ίο υ λ ο ν Ο δ γ ο ν µε τ ά κ α ί τ ώ ν πρ α γ µά τ ω ν α υ τ ώ ν ά πο λ ε λ ύ κ α σ ι, τ ό ν θ ε ο φ ιλ έ σ τ α τ ο ν έ πίσ κ ο πο ν
Π ά φ ο υ κ α ί µό ν ο ν ε ν δ ε σ µο ΐς µέ χ ρ ι τ ο ϋ ν ΰ ν κ α τ έ χ ο ν τ ε ς .
Τ α ϋ τ α πά ν τ α πα ρ ά τ ώ ν Π ισ σ α ίω ν κ α ί τ ώ ν Γ ε ν ν ο υ ϊτ ώ ν κ α τ ε πρ ά χ θ η σ α ν κ α ί τ ό σ η ζ η µία
κ α ί α τ ιµία τ η β α σ ιλ ε ία µο υ κ α ΐ τ η 'Ρ ω µα ν ία έ κ τ ο ϋ γ έ ν ο υ ς υ µώ ν πρ ο σ ε γ έ ν ε τ ο · α λ λ ' ή β α σ ιλ ε ία
µο υ κ α ί τ α ΰ τ α , τ ο ϋ πρ ά γ µα τ ο ς µε γ ά λ ο υ δ ν τ ο ς κ α ΐ µε γ ά λ η ς έ κ δ ικ ή σ ε ω ς δ ε ο µέ ν ο υ , φ ιλ α ν θ ρ ώ πω ς
µέ χ ρ ι τ ο ϋ ν ΰ ν α ν έ χ ε τ α ι, κ α ί ε ΐ κ α ί ε ϊχ ε ν α ν τ ί τ ώ ν σ φ α γ έ ν τ ω ν 'Ρ ω µα ίω ν πλ ε ίο υ ς Γ ε ν ν ο υ ίτ α ς ά ν τ α -
πο κ τ ε ϊν α ι κ α ί Π ισ σ α ίο υ ς κ α ΐ α ν τ ί τ ώ ν α φ α ιρ ε θ έ ν τ ω ν πρ α γ µά τ ω ν πο λ λ α πλ ά σ ια λ α β ε ίν , έ κ δ ιώ ξ α ί τ ε
τ έ λ ε ο ν τ ώ ν τ η ς 'Ρ ω µα ν ία ς ο ρ ίω ν ό ίµφ ω τ ά τ ο ια ΰ τ α γ έ ν η , ό µω ς ή ν έ χ ε τ ο κ α ί ε ισ έ τ ι α ν έ χ ε τ α ι, α ν
ε ϋ δ η σ ιν δ ο ϋ σ α τ η υ µε τ έ ρ α σ υ ν έ σ ε ι έ κ δ ίκ η σ ιν έ ξ α υ τ ή ς λ ά β ο ι τ η ν πρ ο σ ή κ ο υ σ α ν κ α ί Ί κ ά ν ω σ ιν τ ώ ν
πρ α γ µά τ ω ν τ ώ ν τ ε πρ α γ µα τ ε υ τ ώ ν κ α ΐ τ ώ ν τ η ς β α σ ιλ ε ία ς µο υ κ α ί α υ τ ώ ν τ ώ ν πα ρ ά τ ο ΰ σ ο υ λ τ ά ν ο υ
τ η ς Α ιγ ύ πτ ο υ σ τ α λ έ ν τ ω ν τ η β α σ ιλ ε ία µο υ , α κ α ΐ πο σ ο ϋ ν τ α ι, τ α µέ ν τ η ς β α σ ιλ ε ία ς µο υ ε ις ν ο µίσ µα τ α
ύ πέ ρ πυ ρ α έ ξ α κ ισ χ ίλ ια ε ξ α κ ό σ ια έ β δ ο µή κ ο ν τ α πέ ν τ ε , τ ά δ έ τ ο ϋ µε γ α λ ο ε πιφ α ν ε σ τ ά τ ο υ κ α ί ο ικ ε ίο υ
τ η β α σ ιλ ε ία µο υ µυ σ τ ο ϋ (leg. µύ σ τ ο υ ) ε ις ύ πέ ρ πυ ρ α έ κ τ α κ ό σ ια (ε πτ α κ ό σ ια OU ο κ τ α κ ό σ ια ),
τ α τ ώ ν πρ α γ µα τ ε υ τ ώ ν ε ις χ ιλ ιά δ α ς ύ πε ρ πύ ρ ω ν τ ρ ιά κ ο ν τ α ε ν ν έ α , ν ο µίσ µα τ α δ µο ια ε κ α τ ό ν έ ν ν ε ν ή κ ο ν τ α
τ ρ ία , τ ο ΰ πε ρ ιπο θ ή τ ο υ α ύ τ α δ έ λ φ ο υ τ η ς β α σ ιλ ε ία ς µο υ , τ ο ΰ πα ν ε υ τ υ χ ε σ τ ά τ ο υ σ ε β α σ τ ο κ ρ ά τ ο ρ ο ς
κ υ ρ ο ΰ 'Α λ ε ξ ίο υ , ε ις ύ πε ρ πύ ρ ω ν χ ιλ ιά δ α ς πε ν τ ή κ ο ν τ α , ώ ς ε ίν α ι δ µο ΰ τ α ό λ α χ ιλ ιά δ α ς ύ πε ρ πύ ρ ω ν
έ ν ν ε ν ή κ ο ν τ α ε"ξ , ν ο µίσ µα τ α δ µο ια πε ν τ α κ ό σ ια έ ξ ή κ ο ν τ α έ 'ξ , ό ίν ευ τ ώ ν µή δ η λ ω θ έ ν τ ω ν έ ν τ ω σ η µε ι-
ώ µα τ ι, ώ ς τ ώ ν ε χ ό ν τ ω ν α υ τ ά τ ώ ν µέ ν σ φ α γ έ ν τ ω ν , τ ώ ν δ έ κ α τ α σ χ ε θ έ ν τ ω ν , κ α ί ά ν ε υ τ ώ ν πρ ο ς τ ή ν
β α σ ιλ ε ία ν µο υ πα ρ ά τ ο ΰ Σ α λ α χ α τ ίν ο υ σ τ α λ έ ν τ ω ν φ α ρ ίω ν , ξ υ λ α λ ο ώ ν , β α λ σ α µε λ α ίο υ , ά µπα ρ ά τ ω ν ,
β λ α τ τ ίω ν , σ ε λ ο χ α λ ίν ω ν χ ρ υ σ ώ ν ε ίκ ο σ ιε πτ ά µε τ ά λ ιθ α ρ ιώ ν κ α ί µα ρ γ α ρ ιτ ά ρ ω ν , κ α ί τ ώ ν τ ο ΰ Σ α λ α χ α -
τ ίν ο υ κ α ί τ ο ΰ ά πο κ ρ ισ α ρ ίο υ α ύ τ ο ΰ κ α ί ε τ έ ρ ω ν ιδ ικ ώ ν πρ α γ µά τ ω ν , ά ν α δ ιδ ά σ κ ε ι γ ο ΰ ν τ α ϋ τ α υ µά ς
ή β α σ ιλ ε ία µο υ , κ α ί ε πιζ η τ ε ί έ ξ υ µώ ν κ α τ ά τ ή ν σ υ µφ ω ν ία ν υ µώ ν τ ή ν τ ε έ πί τ ο ϊς ά πο κ τ α ν θ ε ΐσ ιν
έ κ δ ίκ η σ ιν κ α ί τ ή ν τ ώ ν πρ α γ µά τ ω ν πά ν τ ω ν ίκ ά ν ω σ ιν ε ί δ έ µή ίκ α ν ω θ ή σ ε τ α ι τ α ΰ τ α πά ν τ α ά πό
τ ώ ν έ ν τ η Μ ε γ α λ ο πό λ ε ι πα ρ ε υ ρ ε θ έ ν τ ω ν Γ ε ν ν ο υ ϊτ ώ ν , ο δ ς έ ν ε λ ε υ θ ε ρ ία µέ χ ρ ι κ α ί τ ο ΰ ν ΰ ν κ α ί έ ν
πά σ ε ι α δ ε ία δ ια φ υ λ ά τ τ ε ι ή β α σ ιλ ε ία µο υ κ α ί έ ν κ α τ α σ χ έ σ ε ι τ ώ ν δ ε δ ω ρ η µέ ν ω ν τ ή Γ ε ν ν ο ύ α α κ ιν ή τ ω ν
ε ν τ ό ς τ η ς Μ ε γ α λ ο πό λ ε ω ς δ ν τ α ς , δ ια τ η ρ ε ί µό ν α ς τ ά ς πρ α γ µα τ ε ία ς α υ τ ώ ν έ ν ά σ φ α λ ε ϊ θ ε µέ ν η , ώ σ τ ε
πα ρ ' α υ τ ώ ν δ ια πω λ ε ΐσ θ α ι, κ α θ ώ ς α ν α υ τ ο ί κ α ί πρ ο ς ο υ ς β ο ύ λ ω ν τ α ι, κ α ί τ ό τ ίµη µα τ ο ύ τ ω ν έ ν α πο -
τ ίθ ε σ θ α ι, ώ ς α ν ε ί µή φ ρ ο ν τ ίς τ γ ) υ µε τ έ ρ α χ ώ ρ α γ έ ν ο ιτ ο τ η ς ο φ ε ιλ ο µέ ν η ς έ πί τ φ τ ο ιο ύ τ ω ά τ ο πή µα τ ι
έ κ δ ικ ή σ ε ω ς κ α ί τ η ς τ ώ ν πρ α γ µά τ ω ν πά ν τ ω ν ίκ α ν ώ σ ε ω ς , ίκ α ν ω θ ή ν α ι τ α ΰ τ α έ ξ α υ τ ώ ν τ ή ν τ ε β α σ ιλ ε ία ν
µο υ κ α ί τ ο υ ς έ ν τ ο ϊς πλ ο ίο ις δ ν τ α ς πρ α γ µα τ ε υ τ ά ς κ α ί έ κ τ ο τ ε πά λ ιν ε ϊν α ι τ ή ν πρ ο ς υ µά ς τ η ς β α σ ιλ ε ία ς
µο υ ε ύ µέ ν ε ια ν , ε ί β ο ύ λ ε σ θ ε , σ ώ α ν κ α ί α σ φ α λ ή , φ ρ ο ν τ ισ ά τ ω ο ΰ ν ή υ µε τ έ ρ α σ ύ ν ε σ ις τ ο ΰ τ ε σ υ µφ έ -
ρ ο ν τ ο ς ύ µΐν κ α ί τ ο ϋ ά ζ η µίο υ τ ή β α σ ιλ ε ία µο υ κ α ί τ η 'Ρ ω µα ν ία , έ πί τ ο ύ τ ω γ α ρ κ α ί ό πα ρ ώ ν ά ν θ ρ ω πο ς
τ η ς β α σ ιλ ε ία ς µο υ ό Ί γ γ λ ιν ο ς Π έ τ ρ ο ς σ ύ ν τ φ σ υ µπο λ ίτ η υ µώ ν Π έ τ ρ ω Π α ν δ ώ λ ω πρ ο ς ύ µδ ς α πε σ τ ά λ η .
Μ η ν ί ν ο ε µβ ρ ίω ίν δ . ια '.
Β α σ ιλ ικ ό ν ε ις τ ο υ ς σ υ ν ε τ ω τ ά τ ο υ ς κ ο υ ν σ ο υ λ α ρ ίο υ ς κ α ί σ ε ν ά τ ω ρ α ς κ α ί λ ο ιπο ύ ς έ κ κ ρ ίτ ο υ ς
ε πο ίκ ο υ ς Γ έ ν ο υ α ς κ α ί τ ό λ ο ιπό ν πισ τ ό τ α τ ο ν τ η β α σ ιλ ε ία µο υ πλ ή ρ ω µα α υ τ ώ ν .
Μ .Μ ., I I I , 37- 4° = ρ · DÔWΞBR, Regesten, n» 1612.
448 Appendice IV
Κ α Ι τ η ς µέ ν ε ν τ ε ύ θ ε ν ύ β ρ ε ω ς τ ώ ν Λ α τ ίν ω ν ο ύ τ ω ς ά πή λ λ α κ τ ο τ α κ α τ ά τ ή ν Ά σ ία ν , α ϊ δ έ τ ρ ιή ρ ε ις
πε ρ ιιο ϋ σ α ι τ ά ς πα ρ α λ ίο υ ς ίβ λ α πτ ο ν πό λ ε ις , Ι ω ς κ α ΐ τ α ύ τ α ις ά ν τ ίρ ρ ο πο ν ν α υ τ ικ ή ν α ν τ ικ α τ έ σ τ η σ ε
(Jean I I I Vatatzès) σ τ ρ α τ ιά ν . τ ρ ιή ρ ε ις γ α ρ κ α τ α σ κ ε υ ά σ α ς κ α ιν ά ς ν α υ τ ικ ή ς έ πλ ή ρ ο υ δ υ ν ά µε ω ς ,
ν α ύ τ α ς ό θ ε ν δ ή πο τ ε τ ό τ ε σ υ ν α γ α γ ώ ν — ο ΰ γ ά ρ πω τ ό τ ε τ ή ν ν α υ τ ικ ή ν ο ί κ α τ ά τ ή ν Ά σ ία ν ή σ κ ο υ ν —,
έ σ τ ι δ 'ο υ ς κ α ΐ µή πω πρ ό τ ε ρ ο ν έ µβ ά ν τ α ς ε ις θ ά λ α σ σ α ν τ ό τ ε πρ ώ τ ο ν ε ίσ ή γ ε ν , δ κ α ΐ τ ο ϋ πτ α ϊσ α ι
τ ή ν α ρ χ ή ν τ δ ν πρ ώ τ ο ν σ τ ό λ ο ν α ίτ ιο ν ή ν : πλ η ν έ ξ α ν ά γ κ η ς τ ο ιο ύ τ ο υ ς Ε χ ω ν τ ο ις έ ν τ α ϊς ν α υ σ ΐ
πο λ ε µίο ις έ µά χ ε τ ο , ά ν δ ρ ά σ ι πό ρ ρ ω θ ε ν ή σ κ η κ ό σ ι τ ή ν ν α υ τ ικ ή ν ν α υ τ ιώ ν τ α ς ά ν δ ρ α ς ά ν τ ε πε ξ ά γ ω ν .
τ α ύ τ η τ ο ι κ α ΐ τ α πρ ώ τ α ή τ τ ο ν ϊσ χ ο ν ο υ ς ε ίς τ ά ς ν α ϋ ς έ ν ε β ίβ α σ ε , κ α ΐ ν ικ ώ σ ι µέ ν ο ί πο λ έ µιο ι,
ο ΰ µή ν κ α ΐ τ α ς τ ρ ιή ρ ε ις έ λ κ ύ σ α ι πρ ο ς ε α υ τ ο ύ ς ο ίο ί τ ' έ γ έ ν ο ν τ ο · ά λ λ α τ ρ έ πο ν τ α ι µέ ν ol τ ο ϋ
β α σ ιλ έ ω ς , τ α ς τ ρ ιή ρ ε ις δ ' έ χ ο ν τ ε ς έ πα ν ή λ θ ο ν . πλ η γ ε ίς ο ύ ν τ ο ύ τ ο ις ό β α σ ιλ ε ύ ς χ α λ ε πώ ς ή ν ε γ κ ε
τ δ σ υ µβ ε β η κ ό ς , ο ύ κ ε ίω θ ώ ς τ δ ν πρ ό σ θ ε ν πά ν τ α χ ρ ό ν ο ν ν ικ α σ θ α ι πα ρ ' ο ύ δ ε ν ό ς . τ ρ ιή ρ ε ις τ ο ίν υ ν
έ πισ κ ε υ α σ ά µε ν ο ς πλ ε ίο υ ς κ α ΐ ά ν δ ρ α ς έ πΙ µισ θ ω πα ν τ α χ ό θ ε ν σ υ ν α γ α γ ώ ν ε ΰ ε ίδ ό τ α ς τ α ν α υ τ ικ ά ,
τ ο ύ τ ο ις τ ο υ ς ο ικ ε ίο υ ς πα ιδ ε ύ σ α ς , θ α τ τ ο ν ή τ ις ά ν πρ ο σ ε δ ό κ η σ ε ν , ά ν δ ρ α ς α γ α θ ο ύ ς πε πο ίη κ ε κ α ί
TestimoniazyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
449
τ ο λ µη τ ά ς έ ρ γ ω ν γ ε ν ν α ίω ν κ ά ν τ ο ις ν α υ τ ικ ο ΐς ο ύ δ έ ν ω ν ϊλ α τ τ ο ν φ ε ρ ο µέ ν ο υ ς , ο ίς χ ρ ώ µε ν ο ς τ ο ϋ
λ ο ιπο ϋ τ ώ ν έ πιό ν τ ω ν έ κ ρ ά τ ε ι. ώ ς δ έ ο ί κ α τ ά γ ν ώ µη ν πρ ο κ ε χ ώ ρ η κ ε πά ν τ α , τ α ϊς τ ρ ιή ρ ε σ ι πά λ ιν
µε τ ά τ ο ύ τ ω ν ε πιτ ίθ ε τ α ι τ ώ ν Λ α τ ίν ω ν , ο Τ ς ο ύ κ έ θ " ο µο ίω ς ώ ς τ ό πρ ό τ ε ρ ο ν ρ ά δ ιο ς ό ά γ ω ν έ δ ό κ ε ι,
ά λ λ ' ϊγ ν ω σ α ν ά ν δ ρ ά σ ι πε ρ ιπε σ ό ν τ ε ς γ ε ν ν α ίο ις κ α ΐ σ ύ ν ε πισ τ ή µη τ α πο λ ε µικ ά µε τ ιο ϋ σ ιν . έ ρ ρ ω µε -
ν έ σ τ ε ρ ο ν ο δ ν ά ν τ ισ χ ό ν τ ε ς έ µά χ ο ν τ ο κ α ΐ ή ν ό ά γ ω ν ά µφ ο τ έ ρ ω θ ε ν ισ χ υ ρ ό ς , έ ω ς πε ρ ισ τ ά ν τ ε ς ο ί τ ο υ
β α σ ιλ έ ω ς τ ο υ ς ύ β ρ ισ τ ά ς ε κ ε ίν ο υ ς κ α ΐ α λ α ζ ό ν α ς τ ύ χ η τ ιν ί δ ε ξ ις ί ή κ α ΐ ε πισ τ ή µη σ τ ρ α τ η γ ικ ή ή θ ε ο ϋ
πρ ό ν ο ια ή ο ύ κ ο ΐδ ' 8 τ ι φ ώ έ ν µέ σ ω σ φ ώ ν σ υ ν ε λ ά σ α ν τ ε ς πα ν τ α χ ό θ ε ν έ τ ίτ ρ ω σ κ ο ν β ά λ λ ο ν τ ε ς , ο ύ
µή ν ά λ λ α κ α ΐ ά ν τ ιπρ ώ ρ ο ις τ α ϊς ν α υ σ ΐ κ α ΐ έ γ κ α ρ σ ίω ς µε τ ά ρ ο θ ίο υ σ φ ο δ ρ ο ύ πρ ο σ β ά λ λ ο ν τ ε ς τ ά ς
πο λ ε µία ς τ ρ ιή ρ ε ις κ α τ έ δ υ ο ν , ώ ς έ ν ά πό ρ ω τ ο ϊς Λ α τ ίν ο ις κ α τ α σ τ η ν α ι τ ά πρ ά γ µα τ α κ α ΐ µη δ ε µία ν
σ φ ίσ ιν ύ πο λ ε ιφ θ ή ν α ι σ ω τ η ρ ία ς ε λ πίδ α , ο ΰ τ ω δ ' έ χ ο ν τ ε ς ά πο δ ιδ ρ ά σ κ ε ιν µέ ν έ πε χ ε ίρ ο υ ν , τ α ύ τ η ν
µό ν ο ν ό ρ ώ ν τ ε ς ά πα λ λ α γ ή ν τ ώ ν πε ρ ισ χ ό ν τ ω ν α υ τ ο ύ ς χ α λ ε πώ ν , ή ν δ έ ο υ δ έ τ ο ϋ τ ο ρ ά δ ιό ν σ φ ισ ϊ πα ν τ α -
χ ό θ ε ν ώ ς έ ν δ ικ τ ύ ο ις ά πε ιλ η µµέ ν ο ις . µέ ν ο ν τ ε ς ο ύ ν ύ π' α ν ά γ κ η ς ά πε µά χ ο ν τ ο κ α θ ' δ σ ο ν ο ίο ι τ ε ή σ α ν
έ πε ί δ έ ή δ η ά πε ιρ ή κ ε σ α ν , δ ε ξ ιά ν ή τ η σ α ν , κ α ΐ τ ά πισ τ ά λ α β ό ν τ ε ς έ ξ ή ε σ α ν κ ε ν ο ί τ ώ ν τ ρ ιή ρ ε ω ν ό ίκ ρ ω
τ ιν ί πρ ο σ χ ό ν τ ε ς , ά γ α πή σ α ν τ ε ς δ τ ι µη κ α ΐ τ ό ζ η ν µε τ ά τ ώ ν ά λ λ ω ν α πώ λ ε σ α ν , τ ά ς δ έ τ ρ ιή ρ ε ις ο Ί
τ ο ϋ β α σ ιλ έ ω ς κ ε ν ά ς λ α β ό ν τ ε ς ά ν έ σ τ ρ ε ψ α ν ο ίκ α δ ε , σ η µε ϊο ν φ έ ρ ο ν τ ε ς µέ γ α ή ς ά ν ή ρ η ν τ α ι ν ίκ η ς τ ά ς
τ ο ια ύ τ α ς τ ρ ιή ρ ε ις .
Α . H EISEN BERG , Kaiser Johannes Batatzes der Barmlierzige, B.Z., t. XIV, 1905, p. 220.
ε κ ε ίν ο ς έ χ ε ι τ ή ν ά µα ρ τ ία ν , ε κ ε ίν ο ς κ α ΐ τ ό ψ έ γ ο ς ».
Χ α ρ τ ία ά γ ρ α φ α τ ο ϋ έ β ο ύ λ λ ω σ ε µέ τ ο χ ρ υ σ ό β ο υ λ λ ό ν τ ο υ ,
κ α ΐ λ έ γ ε ι τ ο ϋ ο ΰ τ ω ς : « Μ ά κ ρ υ ν ε , ε πα ρ έ τ α µε τ ά σ ε ,
κ ι α ν κ ά µη χ ρ ε ία πρ ο ν ο ιά σ µα τ α ή " ε ύ ρ γ ε σ ίε ς ν α πο ίη σ η ς ,
πρ ο ς τ ή ν ο ύ σ ία ν τ ο ϋ κ α θ ε ν ό ς τ ο θ έ λ ε ις ε ΰ ρ ε ι ε ίς α δ τ ο ν ,
δ ρ ιζ ε κ α ΐ α ς τ ο ΰ γ ρ ά φ ο υ σ ι ε ις α δ τ α τ α χ α ρ τ ιά ».
Τ ο ΰ Δρ ο ύ γ γ ο υ , τ ο ϋ Γ α ρ δ α λ ε β ο ΰ , ο µο ίω ς τ η ς Τ σ α κ ω ν ία ς
χ ρ υ σ ό β ο υ λ λ ο ν τ ο υ ς ή φ ε ρ ε ν , ό λ ο ι ν α ε Τ ν α ι έ γ κ ο υ σ ά τ ο ι,
ά ρ µα τ α ν α β α σ τ α ίν ο υ σ ιν , δ ε σ πο τ ικ ά µή πο ιή σ ο υ ν .
> • . Ε ις κ ά τ ε ρ γ α έ σ έ β η σ α ν , 'ς κ α ρ ά β ια κ α ΐ τ α ρ έ τ ε ς
κ α ΐ τ η ς θ α λ ά σ σ η ς ή λ θ α σ ιν ε ίς τ ή ν Μ ο ν ο β α σ ία ν .
Ο ΰ τ ω ς ω σ ά ν σ έ τ ό λ α λ ώ κ ι ω σ ά ν σ έ τ ό α φ η γ ο ύ µα ι,
ά ρ χ ισ ε ή µά χ η σ τ ο ν Μ ο ρ έ α ν ν α µά χ ω ν τ α ι oi δ ύ ο ,
δ β α σ ιλ έ α ς κ ι ό πρ ίγ κ ιπα ς , δ πο υ ή σ α ν γ α ρ σ υ ν τ έ κ ν ο ι.
Κ ι ώ ς έ σ ω σ ε ν ό Μ α κ ρ υ ν ό ς ε ίς τ ή ν Μ ο ν ο β α σ ία ν ,
έ πέ ζ ε ψ ε ν 'ς τ α κ ά τ ε ρ γ α ε κ ε ίν ο ς κ ι ό λ α ό ς τ ο υ .
'Ο λ ό ρ θ α ε ίς Λ α κ ε δ α ιµο ν ία ν ή λ θ ε ν µέ τ α φ ο υ σ σ δ τ α "
ε ρ ώ τ η σ ε τ α ο ν ό µα τ α τ ω ν α ρ χ η γ ώ ν τ ο ΰ Μ ε λ ιγ ο ΰ , δ µο ίω ς τ η ς Τ σ α κ ω ν ία ς ,
ό λ ω ν α πό σ τ ε ιλ ε γ ρ α φ α ς ά πό τ ό ν β α σ ιλ έ α ν ,
ά λ λ ο υ ς ε πο ικ ε ν σ ε β α σ τ ο ύ ς , τ ο υ ς πρ ώ τ ο υ ς γ α ρ τ ζ α σ τ δ δ ε ς .
Τ α Β ά τ ικ α έ πρ ο σ κ ύ ν η σ α ν , ο µο ίω ς κ ' ή Τ σ α κ ω ν ία *
ό δ ρ ό γ γ ο ς γ α ρ τ ο ϋ Μ ε λ ιγ ο ΰ , τ ό µέ ρ ο ς τ η ς Γ ισ τ έ ρ ν α ς ,
ε κ ε ίν ο ι έ ρ ρ ο β ό λ ε ψ α ν µε τ ά τ ο ν β α σ ιλ έ α .
Chronique de Morιe, version grecque, ν . 4545- 4593 § 331- 334·
Έ χ τ ω ν τ α κ τ ικ ώ ν Ν ικ η φ ό ρ ο υ Ο ύ ρ α ν ο ϋ
Π ε ρ ί θ α λ α σ σ ο µα χ ία ς
'Α ρ µό ζ ε ι τ ό ν σ τ ρ α τ η γ ό ν ε χ ε ιν µε θ ' έ α υ τ ο ϋ τ ο υ ς γ ιν ώ σ κ ο ν τ α ς α κ ρ ιβ ώ ς τ ή ν πε ϊρ α ν τ η ς θ α λ ά σ σ η ς
ε ις ή ν πλ έ ε ι, τ ό πο ίο ι ά ν ε µο ι κ υ µα ίν ο υ σ ιν α υ τ ή ν κ α ί τ ό πο ιο ι φ υ σ ώ σ ιν ά πό τ η ς γ η ς · ϊν α δ έ γ ιν ώ σ κ ω σ ι
κ α ΐ τ ά ς κ ρ υ πτ ο µέ ν α ς πέ τ ρ α ς ε ις τ ή ν θ ά λ α σ σ α ν κ α ΐ τ ο υ ς τ ό πο υ ς τ ο υ ς µή έ χ ο ν τ α ς β ά θ ο ς κ α ΐ τ ή ν
πα ρ α πλ ε ο µέ ν η ν γ η ν κ α ΐ τ ά ς πα ρ α κ ε ιµέ ν α ς α ύ τ η ν ή σ ο υ ς , τ ο υ ς λ ιµέ ν α ς κ α ΐ τ ό πό σ ο ν ά πέ χ ο υ σ ι ο ί
τ ο ιο ύ τ ο ι λ ιµέ ν ε ς ε ις ά πό τ ο ϋ ά λ λ ο υ ' ϊν α δ έ γ ιν ώ σ κ ω σ ι κ α ΐ τ ά χ ω ρ ία κ α ΐ τ α ΰ δ α τ α ' πο λ λ ο ί γ ά ρ έ κ
τ ο ϋ έ χ ε ιν ά πε ιρ ία ν τ η ς θ α λ ά σ σ η ς κ α ΐ τ ω ν τ ό πω ν ά πώ λ ο ν τ ο , ε πε ιδ ή φ υ σ ώ σ ι πο λ λ ά κ ις ά ν ε µο ι κ α ΐ
σ κ ο ρ πίζ ο υ σ ι τ ά πλ ο ία ε ις ά λ λ ο ν κ α ΐ ά λ λ ο ν τ ό πο ν . Κ α Ι α ρ µό ζ ε ι ϊν α µή µό ν ο ν ό σ τ ρ α τ η γ ό ς ε χ η τ ο υ ς
γ ιν ώ σ κ ο ν τ α ς δ πε ρ ε ϊπο µε ν , α λ λ ά κ α ΐ h> ε κ α σ τ ο ν πλ ο ϊο ν ϊν α έ"χ η τ ο ν τ α ϋ τ α γ ιν ώ σ κ ο ν τ α , πρ ο ς τ ό
β ο υ λ ε ύ ε σ θ α ι κ α λ ώ ς τ ό σ υ µφ έ ρ ο ν .
Α . D AIN , Naumachica, Paris, 1943· Ρ · 93·
Κ α τ α σ κ ε υ α σ θ ή ν α ι δ έ δ ε ϊ κ α ΐ δ ρ ό µω ν α ς κ α τ α ρ κ ο ϋ ν τ α ς πρ ο ς ν α υ µα χ ία ν κ α τ ά τ ώ ν ά ν τ ισ τ ρ α τ ε υ ο -
µέ ν ω ν πλ ω ΐµω ν πο λ ε µίω ν κ α ί πρ ο ς τ ή ν ε κ ε ίν ω ν κ α τ ά σ τ α σ ιν κ α ι τ ώ ν σ ώ ν (du Stratège du ploïmon)
πο ιή σ α σ θ α ι τ ή ν κ α τ α σ κ ε υ ή ν δ υ ν α τ ή ν πρ ο ς ά πα ν τ α έ κ ε ίν ο ις ά ν τ ιµά χ ε σ θ α ι.
Ή δ έ τ ώ ν δ ρ ο µώ ν ω ν κ α τ α σ κ ε υ ή µή τ ε πά ν υ πα χ ε ΐα , ίν α µή α ρ γ ο ί γ έ ν ω ν τ α ι έ ν τ α ϊς έ λ α σ ία ις ,
µή τ ε λ ία ν ε ίς λ ε πτ ό τ η τ α έ ξ ε ιρ γ α σ µέ ν η , ίν α µή α σ θ ε ν ή ς ο δ σ α κ α ί σ α θ ρ ά τ α χ έ ω ς ύ πό τ ώ ν κ υ µά τ ω ν
κ α ΐ τ η ς τ ώ ν ε ν α ν τ ίω ν σ υ γ κ ρ ο ύ σ ε ω ς δ ια λ ύ ε τ α ι' α λ λ ά σ ύ µµε τ ρ ο ν έ χ έ τ ω τ ή ν έ ρ γ α σ ία ν ό δ ρ ό µω ν ,
ϊν α κ α ΐ έ λ α υ ν ό µε ν ο ς µή λ ία ν ε σ τ ίν α ρ γ ό ς κ α ΐ κ λ υ δ ω ν ιζ ό µε ν ο ς ή πα ρ ά τ ώ ν έ χ θ ρ ω ν σ υ γ κ ρ ο υ ό µε ν ο ς
Ι σ χ υ ρ ό τ ε ρ ο ς δ ια µέ ν η κ α ΐ ά ρ ρ η κ τ ο ς .
Έ χ έ τ ω σ α ν δ έ κ α ι πά ν τ α πρ ο ς έ ξ α ρ τ ισ µό ν δ ρ ό µω ν ο ς ά πα ρ ά λ ε ιπτ α κ α ΐ δ ιπλ ά , ο ίο ν α υ χ έ ν α ς ,
κ ώ πα ς , σ κ α ρ µο ύ ς , σ χ ο ιν ία , κ ά ρ υ α , κ α ι τ ά ά ρ µε ν α δ έ α υ τ ώ ν κ α ΐ κ ε φ α λ ά ρ ια κ α ί κ α τ ά ρ τ ια κ α ί ό πό σ α
ά λ λ α ή ν α υ τ ικ ή τ έ χ ν η πρ ο ς χ ρ ε ία ν α πα ιτ ε ί. Έ χ έ τ ω δ έ κ α ί έ κ πε ρ ισ σ ο ύ ξ ύ λ α τ ιν ά έ γ κ ο ίλ ια κ α ι
σ α ν ίδ α ς κ α ΐ σ τ υ ππία κ α ΐ πίσ σ α ν κ α ι ύ γ ρ ό πισ σ ο ν κ α ί ν α υ πη γ ό ν µε τ ά πά ν τ ω ν τ ώ ν ε ρ γ α λ ε ίω ν α ύ τ ο ϋ
έ ν α τ ώ ν ε λ α τ ώ ν , ο ίο ν σ κ ε ρ πά ν ο υ , τ ρ υ πά ν ο υ , πρ ίο ν ο ς κ α ί τ ώ ν ο µο ίω ν .
Έ χ έ τ ω δ έ πά ν τ ω ς τ ό ν σ ίφ ω ν α κ α τ ά τ ή ν πρ φ ρ α ν έ µπρ ο σ θ ε ν χ α λ κ ώ ή µφ ιε σ µέ ν ο ν , ώ ς ίθ ο ς ,
δ ι' ο ΰ τ ό έ σ κ ε υ α σ µέ ν ο ν πϋ ρ κ α τ ά τ ώ ν ε ν α ν τ ίω ν α κ ο ν τ ίσ ε ι. Κ α ί ά ν ω θ ε ν δ έ τ ο ϋ τ ο ιο ύ τ ο υ σ ίφ ω ν ο ς
ψ ε υ δ ο πά τ ιο ν ά πα σ α ν ίδ ω ν , κ α ΐ α υ τ ό πε ρ ιτ ε τ ε ιχ ισ µέ ν ο ν σ α ν ίσ ιν , έ ν φ σ τ ή σ ο ν τ α ι ά ν δ ρ ε ς πο λ ε µισ τ α ί
τ ο ις έ πε ρ χ ο µέ ν ο ις ά πό τ η ς πρ ώ ρ α ς τ ώ ν πο λ ε µίω ν α ν τ ιµα χ ό µε ν ο ι ή κ α τ ά τ η ς πο λ ε µία ς ν η ό ς δ λ η ς
β ά λ λ ο ν τ ε ς δ ι' δ σ ω ν ά ν έ πιν ο ή σ ω σ ιν ό πλ ω ν .
'Α λ λ ά κ α ΐ τ ά λ ε γ ό µε ν α ξ υ λ ό κ α σ τ ρ α πε ρ ί τ ό µέ σ ο ν τ ο ϋ κ α τ α ρ τ ίο υ έ ν τ ο ις µε γ ίσ τ ο ις δ ρ ό µω σ ιν
έ πισ τ ή σ ο υ σ ι πε ρ ιτ ε τ ε ιχ ισ µέ ν α σ α ν ίσ ιν , έ ξ ώ ν ά ν δ ρ ε ς τ ιν έ ς ε ίς τ ό µέ σ ο ν τ η ς πο λ ε µία ς ν η ό ς ά κ ο ν τ ί-
σ ο υ σ ιν ή λ ίθ ο υ ς µυ λ ικ ο ύ ς ή σ ίδ ε ρ α β α ρ έ α , ο ϊο ν µα ζ ία ξ ιφ ο ε ιδ ή , δ ι' ώ ν ή τ ή ν ν α ΰ ν δ ια θ ρ ύ ψ ο υ σ ιν , ή
τ ο υ ς υ πο κ ε ιµέ ν ο υ ς σ υ ν θ λ ά σ ο υ σ ι, σ φ ο δ ρ ώ ς κ α τ α φ ε ρ ό µε ν α , ή 2τ ε ρ ό ν τ ι έ πισ χ ύ σ ο υ σ ιν , ή έ µπρ ή σ α ι
τ ή ν ν α ϋ ν τ ώ ν πο λ ε µίω ν δ υ ν ά µε ν ο ν , ή τ ο υ ς έ ν α ύ τ η θ α ν α τ ώ σ α ι. Έ κ α σ τ ο ς δ έ τ ώ ν δ ρ ο µώ ν ω ν ε ύ µή κ η ς
ϊσ τ ω κ α ΐ σ υ µµέ τ ρ ο υ ς £χ ω ν τ ά ς λ ε γ ο µέ ν α ς έ λ α σ ία ς δ ύ ο τ ή ν τ ε ά ν ω κ α ί τ ή ν κ ά τ ω .
Π ρ ο ς τ ο ύ τ ο ις φ ρ ο ν τ ίσ ε ις , ώ σ τ ρ α τ η γ έ , κ α ΐ τ η ς δ ε ο ύ σ η ς τ ω ν σ τ ρ α τ ιω τ ώ ν δ α πά ν η ς , ώ σ τ ε
Ι χ ε ιν α υ τ ο ύ ς τ α α ν α γ κ α ία , ίν α µη τ ο ύ τ ω ν λ ε ιπό µε ν ο ι ή σ τ α σ ιά σ ω σ ιν ή έ ν ίδ ια χ ώ ρ α ο ν τ ε ς τ ο υ ς
σ υ ν τ ε λ ε σ τ α ς κ α ΐ υ πη κ ό ο υ ς η µώ ν τ υ ρ α ν ν ώ σ ι κ α ΐ ά δ ικ ώ σ ι τ η σ πά ν ε ι τ ω ν α ν α γ κ α ίω ν ά ν α γ κ α ζ ό µε ν ο ι.
'Α λ λ ', ε ϊ γ ε δ υ ν α τ ό ν , έ ν τ ά χ ε ι τ η ν πο λ ε µία ν κ α τ α λ ά β η ς γ η ν κ α ΐ έ ξ α ύ τ η ς ά πα ν τ α τ α ε πιτ ή δ ε ια
πρ ο σ λ ά β η ς .
Π α ρ α γ γ ε ίλ η ς δ έ κ α ΐ τ ο ϊς ά ρ χ ο υ σ ι µη δ έ ν α τ ω ν ύ π' α υ τ ο ύ ς σ τ ρ α τ ιω τ ώ ν ά δ ικ ε ϊν ή τ ό ο ίο ν ο ϋ ν
δ ώ ρ ο ν πα ρ ' α υ τ ώ ν λ α µβ ά ν ε ιν , ή τ α ς λ ε γ ο µέ ν α ς σ υ ν ή θ ε ια ς . Π ε ρ ί γ α ρ τ η ς σ η ς έ ν δ ο ξ ό τ η τ ο ς τ ί χ ρ ή
λ έ γ ε ιν ώ ς ο υ δ έ έ ν θ υ µη θ ή ν α ί τ ι τ ο ιο ύ τ ο ν δ έ ο ν µή τ ε γ ε δ ια πρ ά ξ α σ θ α ι, µή τ ε δ ώ ρ ο ν τ ο ο ιο ν δ ή πο τ ε
ά πα µικ ρ ο ϋ η " µε γ ά λ ο υ α ν θ ρ ώ πο υ τ ο ϋ ύ πό σ ε τ ε λ ο ύ ν τ ο ς λ α µβ ά ν ε ιν τ ο σ ύ ν ο λ ο ν .
Τ ο υ ς δ έ σ τ ρ α τ ιώ τ α ς α ν δ ρ ε ίο υ ς έ πιλ έ γ ο υ κ α ι πρ ό θ υ µο υ ς κ α ΐ µά λ ισ τ α τ ο υ ς ε ίς τ α ά ν ω τ ο ϋ
δ ρ ό µω ν ο ς τ α σ σ ό µε ν ο υ ς , ο ίτ ιν ε ς κ α ΐ ά πα χ ε ιρ ό ς τ ο ις πο λ ε µίο ις σ υ µπλ έ κ ο ν τ α ι. Ε ί δ έ τ ιν α ς τ ώ ν
σ τ ρ α τ ιω τ ώ ν ά ν α ν δ ρ ο υ ς έ πιγ ν ώ ς , τ ο ύ τ ο υ ς ε ίς τ η ν κ ά τ ω έ λ α σ ία ν πα ρ ά πε µπε , κ α ΐ ε ί πο τ έ τ ις πλ η γ ή
ή πέ σ η τ ώ ν σ τ ρ α τ ιω τ ώ ν , τ ό ν ε κ ε ίν ο υ τ ό πο ν έ κ τ ώ ν κ ά τ ω έ ξ α ν ά γ κ η ς α ν α πλ η ρ ώ σ ε ις .
Α . D AI N , zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFED
Naumachica, Paris, 1943. Ρ · 22- 23 (Traité de Léon VI).
L E VAISSEAU AMIRAL
Π ά ν τ ω ς γ α ρ δ ε ι σ έ , ώ σ τ ρ α τ η γ έ , δ ρ ό µω ν α ε χ ε ιν τ ό ν ϊδ ιο ν έ ξ ά πα ν τ ο ς τ ο ϋ σ τ ρ α τ ο ύ ε πίλ ε κ τ ο υ ς
τ ο υ ς σ τ ρ α τ ιώ τ α ς µε γ έ θ ε ι κ α ΐ α ν δ ρ ε ία κ α ΐ ά ρ ε τ η κ α ί. τ η ά λ λ η πα ν ο πλ ία δ ιέ χ ο ν τ α ς · κ α ΐ τ ό ν δ ρ ό µω ν α
δ έ µε γ έ θ ε ι κ α ί τ α χ υ τ η τ ι τ ώ ν ά λ λ ω ν α πά ν τ ω ν δ ιε φ έ ρ ο ν τ α , ώ ς ά τ ε κ ε φ α λ ή ν τ ίν α τ η ς πα ρ α τ ά ξ ε ω ς
ά πά σ η ς ' κ α ί κ α τ α σ τ η σ α ι τ ό ν τ η ς σ η ς έ ν δ ο ξ ό τ η τ ο ς τ ο ιο ύ τ ο ν δ ρ ό µω ν α , τ ό δ η λ ε γ ό µε ν ο ν , πά µφ υ λ ο ν .
'Ο µο ίω ς δ έ κ α ΐ τ ο υ ς ά λ λ ο υ ς ύ πό σ έ ά ρ χ ο ν τ α ς δ σ ο ι ε χ ο υ σ ιν ύ π' α υ τ ο ύ ς τ ιν α ς δ ρ ό µω ν α ς έ ξ
α υ τ ώ ν έ πιλ έ ξ α σ θ α ι ά ν δ ρ α ς κ α ΐ έ χ ε ιν έ ν τ ο ϊς ο ίκ ε ίο ις , ώ σ τ ε κ α ί α υ τ ο ύ ς δ ια φ έ ρ ε ιν τ ώ ν ά λ λ ω ν . Κ α ί
τ ο ύ τ ο υ ς δ έ πά ν τ α ς κ α ΐ τ ο υ ς λ ο ιπο ύ ς πρ ο ς τ ό ν σ ό ν ά πο β λ έ πε ιν δ ρ ό µω ν α κ α ι πα ρ ' α ύ τ ο ΰ ρ υ θ µίζ ε σ θ α ι
κ α τ ά τ ό ν τ ο ΰ πο λ έ µο υ κ α ιρ ό ν , ε ι µή γ ε ά ρ α ε τ ε ρ ό ν τ ι πα ρ ά δ ο ξ ο ν τ ώ ν β ε β ο υ λ ε υ µέ ν ω ν ά ν α φ α ν η κ α ί
δ έ η τ α ι µε θ ό δ ο υ ε τ έ ρ α ς .
Ε ίν α ι δ έ σ η µε ΐο ν ίσ τ ά µε ν ο ν έ ν τ ω δ ρ ό µω ν ι ε ϊτ ε β ά ν δ ο ν ε ίτ ε φ λ ά µο υ λ ο ν ε ίτ ε τ ι έ τ ε ρ ο ν ε ίς τ ό πο ν
πε ρ ίο πτ ο ν , ίν α δ ι' α ύ τ ο ΰ σ η µα ίν ο ν τ ο ς σ ο υ τ ΐ δ ε ι πρ ά τ τ ε ιν , ε υ θ έ ω ς έ πιλ α µβ ά ν ω ν τ α ι τ ο ϋ δ ό ξ α ν τ ο ς
έ ρ γ ο υ ο ι λ ο ιπο ί, ε ίτ ε σ υ µβ ά λ λ ε ιν ε ίς πό λ ε µο ν χ ρ ή , ε ίτ ε ά ν α χ ω ρ ε ΐν ά πό πο λ έ µο υ , ε ίτ ε έ ξ ε λ ίσ σ ε ιν
ε ίς κ ύ κ λ ω σ ιν κ α τ ά τ ώ ν πο λ ε µίω ν , ε ίτ ε ε ίς β ο ή θ ε ια ν κ α τ α πο ν ο υ µέ ν ο υ µέ ρ ο υ ς σ υ ν δ ρ α µε ϊν , ε ίτ ε
ά ρ γ η σ α ι τ η ν έ λ α σ ία ν , ε ίτ ε έ πιδ ο ϋ ν α ι ε ις τ ά χ ο ς τ η ν κ ίν η σ ιν , ε ίτ ε ε γ κ ρ υ µµα δ έ ο ν γ ε ν έ σ θ α ι, ε ίτ ε
ά πο έ γ κ ρ ύ µµα τ ο ς έ ξ ε λ θ ε ΐν ή ά λ λ α τ ιν ά κ α θ * έ κ α σ τ α ά πό σ η µε ίω ν τ ο ΰ σ ο ΰ δ ρ ό µω ν ο ς ά πα ν τ α ύ πο δ έ -
χ ε σ θ α ι α φ ο ρ ώ ν τ α ς δ πω ς δ έ ο ν πο ιε ϊν .
e
CHRONIQUE DE L'ACTIVITÉ DE LA FLOTTE AU xiv SIÈCLE
Χ ρ ο ν ικ ό ν ν έ ο ν έ ν σ υ ν τ ό µω
Α ύ γ ο ύ σ τ ω (...) ίν δ ικ τ ιώ ν ο ς α ' (1333) ά πη λ θ ε ν ό β α σ ιλ ε ύ ς µε τ ά κ ά τ ε ρ γ ω ν ε ίς τ ή ν Ν ικ ο µή δ ε ια ν
κ α ί έ γ έ ν ε τ ο α γ ά πη µε τ ά τ ο ϋ "Ο ρ κ α ν ι. κ α ΐ ε τ α ξ ε ν ό β α σ ιλ ε ύ ς τ ε λ ε ϊσ θ α ι α υ τ ό ν κ α τ ' έ τ ο ς (ύ πέ ρ πυ ρ α )
χ ιλ ιά δ α ς ιβ ', έ ν ε κ ε ν τ ώ ν κ ά σ τ ρ ω ν τ η ς Μ ε σ ο θ η ν ία ς , ά πό τ ή ν Ν ικ ο µή δ ε ια ν µέ χ ρ ι τ η ς πό λ ε ω ς .
TestimoniazyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
453
'Α λ ε ξ ίο υ Μ α κ ρ ε µβ ο λ ίτ ο υ . Λ ό γ ο ς πε ρ ιέ χ ω ν τ ή ν τ ώ ν Γ ε ν ν ο υ ϊτ ώ ν ά σ θ έ ν ε ια ν κ α ΐ... τ ή ν πε ρ ί
τ ο υ ς ε ύ ε ρ γ έ τ α ς κ α κ ο τ ρ ο πία ν κ α ΐ έ πιβ ο υ λ ή ν .
... Έ µν η σ ικ ά κ ε ι ( = τ δ γ έ ν ο ς τ ώ ν Γ ε ν ο υ ϊτ ώ ν ) τ ο ϋ τ ο ν ( = Κ α ν τ α κ ο υ ζ η ν ό ν ) κ α ΐ σ φ ό δ ρ α
κ α τ ' α ύ τ ο ϋ έ φ λ έ γ µα ιν ε , τ ο ϋ τ ο µέ ν κ α ΐ δ ι' ή ν έ χ ο ρ ή γ η σ ε πρ ό ο λ ίγ ο υ 'Ρ ω µα ίο ις ε ύ ε ρ γ ε σ ία ν δ ια χ ρ υ σ ό -
454 zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Appendice IVzyxwvutsrq
β ο ύ λ λ ο υ , ο λ ίγ ο ν ά πο δ έ ο υ σ α ν τ η ς πά λ α ι πρ ο ς α υ τ ό γ ε ν ο µέ ν η ς , τ ο ϋ τ ο 8έ κ α ί δ ι' ά ς έ ν α υ πή γ ε ι ν η α ς
µα κ ρ ά ς κ α ι δ τ ι τ ό ν ά πε χ θ α ν ό µε ν ο ν α ύ τ ο ϊς ό ίν θ ρ ω πο ν ( = πρ ω τ ο σ τ ρ ά τ ω ρ Φ α κ ε ω λ α τ ο ς ) τ ο ύ τ ο ν
κ α τ έ σ τ η σ ε ν α ύ α ρ χ ο ν ε ις τ ό ν κ α τ " α ύ τ ο ϋ , ώ ς φ ό ν τ ο , µε λ ε τ ώ µε ν ο ν πό λ ε µο ν . ( L 'em p ereu r est
absen t de C on stan tin ople. )
Διό κ α ί πο λ υ τ ε λ ώ ς ά πε ρ υ θ ρ ιϊσ α ν ( = τ ό γ έ ν ο ς τ ω ν Γ ε ν ο υ ΐτ ώ ν ) τ φ πυ ρ ί... σ υ µµα χ ώ χ ρ η σ ά µε ν ο ν ,
τ ό ν κ ό σ µο ν τ η ς πό λ ε ω ς πά ν τ α κ α τ έ κ α υ σ ε ν ... τ α ς γ α ρ ο ικ ία ς , at πα ρ ά τ ό τ ε ίχ ο ς α ύ τ η ς ώ ς πε ρ ιδ έ ρ α ιο υ
ίκ ε ιν τ ο ... α φ ε ιδ ώ ς ά πε τ έ φ ρ ω σ ε κ α ί ν α ο ύ ς κ α ι τ ε µέ ν η κ α ί τ α ς φ ο ρ τ α γ ω γ ο ύ ς ό λ κ ά δ α ς µε τ ά τ ω ν
ά γ ω γ ίµω ν κ α ΐ τ α ς µα κ ρ ά ς ν η α ς , α ς κ α ΐ τ ώ ν ά λ λ ω ν µά λ ισ τ α έ δ ε δ ο ίκ ε ι κ α ΐ ε "τ ρ ε µε ν , ε ίς τ ή ν έ α υ τ ο ϋ
τ α τ ο ύ τ ω ν µε τ α κ ό µισ α ν έ φ ό λ κ ια . 'Ο µο ίω ς δ ' ά πο τ ε φ ρ ο ϋ σ ι κ α ΐ τ α ς α ν τ ικ ρ ύ κ ε ιµέ ν α ς ο ικ ία ς τ η ς
πό λ ε ω ς κ α ί τ α ς πε ρ ί τ ο ν Ά ν ά πλ ο υ ν χ ώ ρ α ς ο ίχ ρ ι τ ο ϋ ίε ρ ο ΰ Σ ω σ θ ε ν ίο υ . Ο ϊν ο ν δ έ πά ν τ α κ α ι σ ίτ ο ν κ α ί
ε ϊ τ ι τ ώ ν α ν α γ κ α ίω ν έ τ ε ρ ο ν πρ ο ς τ ή ν β α σ ιλ ε ύ ο υ σ α ν σ υ ν ή θ ω ς δ ια κ ο µιζ ό µε ν ο ν ε"κ τ ε τ η ς κ ά τ ω κ α ι
τ η ς ά ν ω θ α λ ά σ σ η ς , πρ ο ς δ έ κ α ί ά πα κ ό λ πο υ τ ο ϋ ' Α σ τ α κ ιν ο ϋ , ό δ ο σ τ α τ ο ϋ ν , µά λ λ ο ν δ έ µε τ ά τ ώ ν τ ρ ιή ρ ε ω ν
δ ιιό ν , δ ιή ρ πα ζ ε ν α ύ τ α ϊς ό λ κ ά σ ι κ α ι ε ίς τ ή ν έ α υ τ ο ϋ µε τ ε κ ό µιζ ε ν ... τ ο υ ς δ έ κ α τ α σ χ ε θ έ ν τ α ς έ ν τ ο ις
πλ ο ια ρ ίο ις α ν θ ρ ώ πο υ ς τ ο υ ς µέ ν α γ χ ό ν η τ ο υ ς δ έ µα χ α ίρ α τ ο υ β ίο υ ε ξ ή γ α γ ε ... ε ίλ η φ ό τ ε ς έ κ τ ώ ν
ρ ω µα ϊκ ώ ν πλ ο ίω ν σ η µα ία ν τ ώ β υ θ φ τ η ς θ α λ ά σ σ η ς θ α µιν ώ ς κ α τ ε β ά πτ ιζ ο ν , ώ ς ή τ ιν ε ς ε χ θ ρ ο ί τ ο ϋ
σ τ α υ ρ ο ύ κ α ι ά λ ά σ τ ο ρ ε ς Τ ά δ έ τ ε ίχ η τ η ς πό λ ε ω ς ό σ η µέ ρ α ι δ ια τ ώ ν τ ρ ιή ρ ε ω ν πε ρ ιιό ν τ ε ς έ πε ι-
ρ ώ ν τ ο κ α ι τ α ύ τ η ς ε ν τ ό ς γ ε ν έ σ θ α ι... Τ Η σ α ν δ 'α ύ τ η ς κ α ι τ α τ ε ίχ η σ α θ ρ ά κ α ι ά ν ε πιµέ λ η τ α κ α ι ά ν θ ρ ω -
πίν η ς κ ό πρ ο υ ο ί πύ ρ γ ο ι ά ν ά µε σ τ ο ι, χ ρ ό ν ο ν έ πί πλ ε ίσ τ ο ν ε ίρ ή ν η ν ά γ ο ύ σ η ς ( La défense de la ville est
assurée, en l'absence de l'empereur, par l'impératrice).
Κ α ι τ ή ν µέ ν ε ίς πρ ο δ πτ ο ν µά χ η ν ά ν ε β ά λ λ ε τ ο (ή β α σ ιλ ίς )... τ ό ν β α σ ιλ έ α δ ή θ ε ν έ κ δ ε χ ο µέ ν η ...
ε πιτ ιθ ε µέ ν ο υ ς τ ο υ ς α ν τ ιπά λ ο υ ς κ α ί ά ν ε χ α ίτ ιζ ε δ ι' ώ ν κ α τ ε σ κ ε ύ α σ ε θ α τ τ ο ν πε τ ρ ο β ό λ ω ν µη χ α ν η µά τ ω ν
κ α ί ώ ν έ πο ιο ϋ ν τ ο ε κ δ ρ ο µώ ν κ α τ ά σ υ ν έ χ ε ια ν ο ί πα ρ ' α ύ τ η Ί ππό τ α ι, ο υ ς ό ύ σ τ ε ρ ο γ ε ν ή ς πα ις α ύ τ η ς
κ ϋ ρ ις Μ α ν ο υ ή λ ό Κ α ν τ α κ ο υ ζ η ν ό ς ή γ ε , κ ο ρ υ φ α ίο ς ώ ν τ ο ϋ έ ν τ η πό λ ε ι λ α ο ΰ , κ α ί ό έ πί θ υ γ α τ ρ ί γ α µβ ρ ό ς
α ύ τη ς ό Κ ό ντο ς.
(Arrivée de l'empereur ; échec des pourparlers entre Génois et Byzantins entrepris
par l'intermédiaire de l'archonte de Rhodes.)
Τ ώ ν πε ιρ α τ ικ ώ ν ο ύ τ ο ι (Γ ε ν ο υ 'ίτ α ι) ε πιτ η δ ε υ µά τ ω ν ά ν υ πο σ τ ό λ ω ς ε ϊχ ο ν τ ο , ά ρ πα γ α ς ό σ η µέ ρ α ι
πο ιο ύ µε ν ο ι κ α ί φ ό ν ο υ ς α ν δ ρ ώ ν , δ τ ε κ α ι τ α ε ίς τ ό ν λ ιµέ ν α τ η ς "Η ρ ά κ λ ε ια ς κ α τ ά ρ α ν τ α πλ ο ία α πε λ θ ό ν τ ε ς ,
τ ά µέ ν έ ν έ πρ η σ α ν , τ α δ έ µε τ ά τ ώ ν ά γ ω γ ίµω ν ε ίς τ ή ν ε α υ τ ώ ν µε τ ε κ ό µισ α ν ... δ πε ρ τ ό ν α υ τ ικ ό ν
δ ιε τ ά ρ α ξ ε µά λ ισ τ α κ α ι κ α τ ά τ ο ΰ κ ρ α τ ο ΰ ν τ ο ς ά ν ο η τ α ίν ο ν τ ε ς έ πε γ ό γ γ υ ζ ο ν δ τ ι µή ο ύ σ υ ν ε χ ω ρ ο ΰ ν τ ο
τ α χ έ ω ς κ α τ ' α υ τ ώ ν έ ξ ε λ θ ε ΐν ...
Τ α τ η ς πό λ ε ω ς τ ε ίχ η κ α τ ο χ υ ρ ο ΰ σ ι ( = ο ί 'Ρ ω µ α ίο ι) κ α ι ό πλ α κ α τ α σ κ ε υ ά ζ ο υ σ ι... κ α ί πε τ ρ ο β ο λ ά
ε"τ ερ α σ κ ε ύ η τ ε κ τ α ίν ο υ σ ι δ ι' ώ ν τ ώ ν ο ικ η µά τ ω ν α υ τ ώ ν (Γ ε ν ο υ ΐτ ώ ν ) πο λ λ ά κ α τ α θ ρ α ύ ο υ σ ι κ α ι τ ώ ν
ν η ώ ν ο ύ κ ο λ ίγ α ς τ ώ β υ θ ώ κ α τ α δ ύ ο υ σ ι, τ α ς δ έ λ ο ιπά ς έ κ τ ο ΰ λ ιµέ ν ο ς ά πο δ ιώ κ ο υ σ ιν , α ς τ ό πρ ώ τ ο ν
ε ϊπε ν α ν τ ις ίδ ώ ν ισ τ ο ύ ς ο ύ ν η ώ ν , ά λ λ ' δ ρ ο ς δ α σ ύ κ α ι κ α τ ά φ υ τ ο ν έ πί τ ώ ν τ η ς θ α λ ά σ σ η ς ν ώ τ ω ν
πα ρ α δ ό ξ ω ς ά ν α φ υ έ ν , έ ξ ώ ν πέ ν τ ε κ α τ ά σ υ ν έ χ ε ια ν σ υ ν τ ε θ ε ϊσ α ι γ έ φ υ ρ α ς δ ίκ η ν , τ ό ν πο ρ θ µό ν ά πα ν τ α
σ χ ε δ ό ν έ ν α πέ κ λ ε ισ α ν . 'Α λ λ ά τ ό ε ίρ η µέ ν ο ν µη χ ά ν η µα ( = τ ό πε τ ρ ο β ό λ ο ν ) κ α ί α υ τ ο ί ( = Γ ε ν ο υ ΐτ α ι)
µιµη σ ά µε ν ο ι κ α ι έ πί ν η ώ ν κ α τ α σ κ ε υ ά σ α ν τ ε ς κ α ί σ τ η ρ ίξ α ν τ ε ς έ π' ά γ κ υ ρ ώ ν έ θ ρ α υ σ α ν έ ν ία ς τ ώ ν
ο ικ ιώ ν ύ σ τ ε ρ ο ν δ έ κ α ι τ ό ν έ ν Β λ α χ έ ρ ν α ις ν α ό ν τ η ς Θ ε ο µή τ ο ρ ο ς τ ό ν πε ρ ίκ λ υ τ ο ν ... έ λ ω β ή σ α ν τ ο
λ ίθ ο ις , oî κ α ι µέ χ ρ ι τ ο ϋ α ρ χ ε ίο υ ( = palais) έ γ έ ν ο ν τ ο . Ά πε πε ιρ ά σ α ν τ ο δ έ τ ά δ µο ια δ ρ ά σ ε ιν κ ά πί
τ ή ν σ ε β α σ µία ν τ ο ΰ Σ ω τ η ρ ο ς Χ ρ ίσ τ ο υ τ ο ϋ Ε υ ε ρ γ έ τ ο υ µο ν ή ν ... Έ ν δ έ τ ω ν ε ω ρ ίω τ ώ ν Σ ο φ ια ν ώ ν
πα ρ α γ ε ν ό µε ν ο ι έ πε ιρ ώ ν τ ο κ α ί τ α ς έ κ ε ϊσ ε µα κ ρ ά ς ν ή α ς , ά ς ό α υ τ ο κ ρ ά τ ω ρ έ ν ό λ ίγ α ις ή µέ ρ α ις ...
έ τ ε κ τ ή ν α τ ο πα ρ ά πα σ α ν ε λ πίδ α , κ α τ α θ ρ α ΰ σ α ι ή τ ή ν τ ο ύ τ ω ν κ ω λ ϋ σ α ι δ ιέ ξ ο δ ο ν δ ι' ώ ν έ πιτ ή δ ε υ σ α ν
έ κ ε ϊσ ε πε τ ρ ο γ ό µω ν κ α τ α δ ΰ σ α ι ό λ κ ά δ ω ν ... τ ά ς δ έ δ ια σ ω θ ε ίσ α ς τ ώ ν β α σ ιλ ικ ώ ν τ ρ ιή ρ ε ω ν ... ά πα
τ η ς τ ο ύ τ ω ν πυ ρ κ α ΐδ ς κ α ι τ φ πο τ α µ φ ε ισ α χ θ ε ίσ α ς ... δ ιή µα ρ τ ο ν . Τ έ λ ο ς δ έ τ ά ς έ κ β ο λ α ς τ ο ύ τ ω ν
( = τ ρ ιή ρ ε ω ν ) ά πε ίρ γ ο υ σ ι πε τ ρ ο γ ό µα πλ ο ιά ρ ια έ κ ε ϊσ ε κ α τ α δ ύ σ α ν τ ε ς κ ά πί τ ο ϋ πέ λ µα τ ο ς κ α τ α χ ώ -
TestimoniazyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
455
σ α ν τ ε ς κ α ΐ πα τ τ ά λ ο ις δ ξ έ σ ι πρ ο σ πή ξ α ν τ ε ς ... Π ρ ό ο λ ίγ ο υ δ έ κ α ΐ τ α έ ν Σ ω ζ ο πό λ ε ι έ λ λ ιµε ν ίσ α ν τ α
πλ ο ία κ α τ έ κ α υ σ α ν µε τ ' ο λ ίγ ω ν πλ ο ια ρ ίω ν έ κ ε ϊσ ε πα ρ α γ ε ν ό µε ν ο ι. Π α ρ ε σ τ ή σ α ν τ ο 8έ κ α ι τ α φ ρ ο ύ ρ ιο ν
Ά β ο ρ δ ο β ιζ ύ η ν ... κ α ΐ τ ο υ ς ε πο ίκ ο υ ς α ύ τ ο ϋ ε ίς δ έ κ α χ ιλ ιά δ α ς ν ο µισ µά τ ω ν δ ιέ πρ α σ α ν .
Alexandrθs K., 408 (1), 411 (et 9, 12), Anatolie, 227, 302 (et 7), 360 (7) ;
412 (5, 8), 415 (8), 416 (6), 417» Anatolikoi, 354 (6), 449.
426 (1). Anatoliques, 28, 46 (2) ; voir θ έ µα .
Alexandrie, 12 (et 4), 17, i8, 19, 20, 26, Anchialos, 27, 161 (et 2), 166- 167,
28 (et 2), 39, 47, 96, 398 (7), 428 (et 1), 188 (et 8), 224 (et 2), 245 (4), 269,
429, 438. 273J 274 (1), 307, 363, 438; voir
Alexis I e r Commène, 136, 158, 162, δ ο ϋ ξ.
163, 175225, 227, 228, 229, 230, Ancône, 251, 254, 256263.
233> 236, 244, 245, 255, 263, 272, Andalous, 3839 ; voir Arabes.
274 (1), 290 (5), 292, 330, 374, 393, Andravista, 358 (2).
433· Andrinople, 167, 210, 312, 314 (1), 317
Alexis II Comnène, 280, 283. 324.
Alexis III Ange, 289296, 301, 302. Andronic I e r Comnène, 215 (4), 274 (1),
Alexis IV Ange, 294 (et 11), 295, 296. 280288, 291, 293, 405 (1), 446.
Alexis V Doucas Mourtzouflos, 296, Andronic II Paléologue, 359, 360 (3),
301. 371, 372 (et 2, 6), 374381.
Alexis I e r Comnène, empereur de Tré Andronic III Paléologue, 381385, 453.
bizonde, 293. Andronikopolis, 372 (6) ; voir Tralles.
Alexis, sébastokratôr, 447. Andros, 295, 308, 309, 326, 369.
ALEXIS, 440. Anémas, 198 (2).
ALKAIROUANI, 36 (4, 5). Anémopylai, 366 (et 6).
Allemands, 123, 238 (5), 240, 241 (et 1, Ange, 188 (2), 274 (1), 288297, 332, 405,
6), 244, 250, 252, 253, 254, 256 (et 4), 436. Constantin, 247, 252 (et 6).
257, 259260, 445 ; voir Alamanoi. Jean d'Épire, 363369, 376. Michel II
ALTIGANI, 36 (4). d'Épire, 363. Michel III d'Épire, 376.
Théodore d'Épire, 303 (1) ; voir
Alôpékai, 142 (1) ; voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
ε πίσ κ ε ψ ις .
Alexis.
Amalfi, 91.zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Amantos K., 13 (4), 33 (1), 168 (1), Angevins, 341 (6), 342, 352 (et 3), 362,
182 (2), 278 (3), 399 (et 7), 400 (2), 363 (8), 364, 370, 376 ; voir Charles
414 (6). d'Anjou.
Amari M., 1, 36 (5), 37 (6), 38 (1), Angleterre, 150 (4) ; Anglais, 206, 293
39 (2), 48 (4), 93 (3), 94 (2), 104 (1), (et 4), 295.
Anion, 140 (3) ; voir δ ο ϋ ξ .
426 (5), 436. Annales Génoises, 1, 340 (6), 344 (3, 5),
Amaseia, 111 ; voir κ α τ ε πά ν ω . 347 (3> 4), 348 (et 1, 3), 353 (2),
Amastra (- is), 12 (4), 103 (3), 111 (1), 356 (1, 3) ; Regni Francorum, 84 (2),
161 (2), 166,188 (4), 198 (2), 224 (et 2), 94 (6) ; Vénitiennes, 261 (1).
4
269 (3), 306 (7), 307, 372 (9), 436. ANNE COMNÈNE, 6, 76 (1), 132 (5),
Amaury, 264 (et 3, 5). 142 (1), 149 (2), 158 (6), 161162,
amiral,
X
64, 67, 75, 76, 98, 113, 118, 167 (1), 175176, 178181, 186191,
59 (2), 416, 443> 452 5 voir ά µφ ά λ η ς . 1931973 199200, 204206, 208211,
Amisos, 12 (4), 101, 165, 166, 269, 223225, 227 (4), 270 (3), 274 (1),
291, 436, 438 ; voir ά β υ δ ικ ό ς . 277 (6), 324 (2), 397 (3)> 410 (6),
AM M IEN MARCELLIN , 428 (5).
Amoriens, 41. 412 (7), 417 (et 10), 418 (2), 433
Amphipolis, 167 (et 5). (et 4), 435437, 439 (1)·
Anabarze, 228. Anne de Savoie, 384.
Anaia, 166 (1), 321 (et 4), 326, 345 (et 6), ANONYME, rhéteur, 246, 268, 269, 288.
347> 349» 362, 437. Anrich G., 75 (6), 164 (2).
Anaplous, 454. Antioche, 12, 140 (3), 191, 196, 218 (4),
225, 226, 234237, 263, 313 (6) ;
Anastase I " , 13 (4), zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
19, 398, 411 (8),
428 (1), 429 (et 6). voir δ ο ϋ ξ .
Anastase II, 26 (et 4), 28, 29, 30, 429. Antoniadis- Bibikou Hιlθne, 13 (4), 61 (3),
Index gιnιral 459
Aydin, 373 (et 2), 375, 378 (et 5), 383, Belgrade, 273, 274 (et 1) ; voir δ ο ϋ ξ .
42.7, 438. Belgrano L., 1, 347 (2), 356 (5).
azankos, 267 (3). Bélisaire, 7, 11 (5), 397 (1), 403.
Azov, 389, 390, 392. Bell J., 18 (1).
Belle Porte, 430 ; voir Néôrion.
Baas G. F., 409 (1). BeneSevio V., I, 64 (2), 76 (1), 79 (et 7),
Babylone, 266. 85 (2), 98 (2) ; voir taktika.
Bach E., 195 (1). Benevento, 341.
Bagdad, 37, 182. BENJAMIN DE TUDÈLE, 214 (5), 269 (3).
Bagénétia, 57 (et 2), 85, 87, 90, 101, Berbénakion, 315.
Béritos, 326 (5).
111, 165, 169 ; voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
ό ίρ χ ω ν .
bailus, 326 (et 2), 366. BERNOLDUS, 189 (2).
Baka Bouba, 446. Bertinoro, 259.
Baléares, 7, 11 (et 6), 36, 48 (et 4). Bertolotto G., 240 (4), 269 (3), 350 (7).
Balkans, 8, 9, 11, 2122, 116, 167, BeSevliev V., 30 (3), 88 (1).
176, 226227, 229, 269, 310, 314, Besta E., 11 (6), 57 (2).
334, 363 (8), 382, 388. bibliothèque, voir Chalkè, Escorial, Mar
Bβnescu N., 76 (1), 88 (7), 100 (4), tienne, Paris, Vienne.
124 (1), 140 (3), 188 (8). birèmes, 181, 183, 240, 244, 245, 258,
Bardareiôtai, 215 (2). 281, 291, 295, 380, 383 (2) ; voir δ ιή ρ η ς .
Bardas, césar, 112. Bithynie, 78, 158, 175 (2), 177 (2),
Bardas, ά ρ χ ιτ ε λ ώ ν η ς , 277 (4). 183, 187, 227, 273, 274 (1), 280- 281,
Barè, 78. 303, 305- 307, 311, 314 (2), 335 (et 5),
Bari, 125 (et 1), 139 (2), 176 (4), 181 (4). 372, 375^ 382, 384, 427, 436.
Barkalas Michel, 88 (et 6). Blachernes, 79, 350, 361 (5), 433, 434,
Barna, 88. 435> 454·
Baronius G., 340 (3). BLEMMYDÈS NICÉPHORE, 317 (et 6),
barque, 240 (2), 296 ; voir α κ ά τ ιο υ . 320 (3), 321 (5).
Basilakès, 406 (1) ; NICÉPHORE, 271 (3). blocus, 36 (7), 255, 306 (7), 453455·
Basilakios, 176. Blôndal S., 159 (1).
Basile I e r , 92, 96, 98 (et 3), 103106, Bohémond, 194, 195, 196 (et 6).
112, 432, 442. Boïôannès, 124 (5).
Basile II, 117, 119120, 123 (et 4), Boissonade J., 8 (3), 62 (2), 371 (5),
125, 131 (4). 372 (6, 8), 374 (2).
BASILE LE PARAKOIMOMÈNE, 120 (et 3), Boléron, 349.
126 (et 1), 142 (3), 408, 413414* Bompaire J., 209 (1), 213 (4).
417, 419 (2). Bon Α ., 66 ( ι ) , 84 (7), 276 (1), 399 (5).
Basile, 94 (1). BONCAMPAGNI, 26l ( i ) .
Basiliskos, 398, 411. Boniface de Monferrat, 308 (3).
Basiliques, 407 (2) ; voir scholies. Boor C. de, 6, 164 (2).
bataille, flotte de : 45 (et 1), 49, 54, 61, Boosès, 251.
6671, 248, 249250, 258, 270, 398; Borillios, 156157.
voir Actium, Benevento, Dèmètrias, Borsari S., 48 (3), 51 (4), 65 (3), 84 (8),
Phoenix, Spetzai, Tagliacozzo. 341 (7)·
Batika, 355, 450. bosentikos, 267 (3).
Baudouin II, 327 (1), 340341. Bosphore, 13 (et 4), 52 (3), 57 (et 2),
BauerzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Α ., 6. 60, 100 (1), 122, 128, 156, 157, 158,
G., zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Beck H.zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
74 (2), 142 (3), 201 (6), 177 (et 2), 183, 238, 239 (et 7), 240,
202 (2), 314 (2). 281, 282, 302, 331, 390, 403, 434.
Becket G. H., 18 (1). Bosphore Cimmérien, 8, 12 (et 4),
Bιes N., 57 (2), 86 (4), 307 (4). 48 (et 5), 121-122, 428, 438 ; voir
BEKKOS, 332. έ πα ρ χ ο ς , σ τ ρ α τ η γ ό ς .
Index gιnιral 461
2l8 (4), 220, 224, 226-229, 235-236, Constance de Hohenstaufen, 218 (4),
263-264, 267 (3), 274 (et 1), 283 _ 342343» 349» 363·
(et 2), 289 (6), 326 (5), 397 (et 1), Constans II, 24 (et 3), 73, 94 (1), 428,
399, 404, 415, 426427 ; voir Arabes, 429, 440.
Arméniens,zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
δ ο ϋ ξ. Constantin le Grand, 303, 338, 429.
Civetot, 311. Constantin IV, 14 (3), 23, 24.
Clysma, 12. Constantin V, 77, 78 (5).
codices astrologorum, 18 (2), 398 (8), CONSTANTIN VII PORPHYROGÉNÈTE, 7,
409, 428 (2), 440.zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
32 (2), 34 (3), 39 (2), 46 (2), 57,
Cognasso F., 280 (1). 64 (1)» 77 (et 1), 7981, 88, 102 (1),
Collomp P., 1. 106 (et 6), 107108, 132 (5), 157,
colonies italiennes, 167 (3), 168 (et 2), 397 (3)» 399400, 402, 414415, 422,
180- 182, 230- 233, 257, 261- 262, 282, 438439, 442 ; De Administrando Im
330, 337- 338, 345, 349, 360, 375 (2), perio, 34 (3), 36 (1), 39 (2), 44 (2),
377» 378, 381- 383* 385> 405» 420, 47 (2), 50 (3), 52 (3)» 5556, 6364,
430, 434, 4.53- 455 ; voir Génois, Pi 72 (2), 77 (2), 83 (5), 87 (2), 94 (6),
sans, Vénitiens. 102-103, 107-108, 110 (7), 157 (6),
Colonnes d'Hercule, 7. 193 (4)» 278 (3), 399 (2, 6), 401 (3),
Columba M., 76 (3). 403 (6), 408 (1), 410 (2), 411 (12),
commerce, 810, 14, 1819, 38, 40, 414-417, 425-426, 438-439zyxwvutsrqponmlkji
ί De Cere-
4243, 4849, 52, 61, 9293, 96, 99, moniis, 33- 34» 46 (1), 51- 52, 55- 58,
101-102, 105-106, 117, 118, 144, 152- 60 (2, 3), 82 (1, 2, 6), 84 (5, 6), 86 (5),
153» 155» *59» 161-171, 208, 229, 230, 88 (et 3, 4, 6), 92 (1), 102 (4, 5),
234, 242, 255, 262, 269-272, 286, 107- 115, 122 (3, 5), 142 ( i), 148 (2),
288, 291, 310, 315, 322, 324-3275 152 (4)» 157 (1» 2), 164- 167, 193 (4),
331> 336, 348350, 358 (1)» 360, 362, 380 (5), 397- 407) 415- 416, 420 (1),
366, 370, 380, 382, 385386, 389390, 422 (8), 424- 426, 436 (10), 440 zyxwvutsrqpon
;
397» 4°3» 407409^ 412 (et 8), 415 De Thematibus, 7, 46 ( 1, 2), 51 (2),
(et 3), 417418, 425428, 436438. 63 (3)» 77- 81, 83 (4), 92 (1), 103- 104,
107- 108, 113 (3), 115 (7), 121 (7),
commodore, 68 (3). 132 (5), 278 (3), 402 (et 1, 4), 414 (8),
Comnènes, 15, 101, 126 (5), 136, 139, 442 ; Narratio de imagine Edessena,
152 (et 7), 158, 161, 170171, 218 34 (3)» 157 (7)» 439 ( 1); Tactiques,
(et 2), 226 (2), 227, 234 (3), 263, 32 (2), 400 (7), 438 (8).
274 (1), 278279, 293 (3), 332, 405,
406, 423, 435, 436 (et 5); Adrien, Constantin VIII, 136, 137.
207 (et 3), 213 (et 3) ; Alexis, protosé Constantin IX Monomaque, 117, 128-
baste, 280283 j Alexis, grandduc, 131, 134, 136- 137» 139» 140- 143»
254 ; Alexis, pincerne, 284 ; David, 146- 147» 151» 153» 158- 159» 161,
duc de Tnessalonique, 285 ; Da 171, 198- 206, 273, 276.
vid de Trébizonde, 293, 306, 307 ; Constantin X Doucas, 138 (2), 139 (1),
Isaak, sébastokratôr, 200, 214 5 Isaak, 143 (et 6), 148 (1), 151, 201, (6).
sébastokratôr, 218 (4) ; Isaak de Chy Constantin XI Paléologue, 387388.
pre, 283284, 289, 293 ; Jean C. Va Constantin, pape, 26.
tatzès, 284 (5) ; Nicéphore, 210 ; voir, Constantin, comte des écuries, 398.
er er
Alexis I , Alexis e rII, Andronic I , Constantin, sébastokratôr, 354358·
Jean II, Manuel I . Constantinople, passim ; siège de C ,
comte, 341, 342 ; voir κ ό µη ς . 11» 13» 2526, 3031» 35» 128129,
condominion, 37. 286287, 292299, 441 ; voir Ε πα ρ χ ο ς .
condottières, 406. consul, 229 (2).
Conrad III, 236, 240 (et 2), 252, contrôle, voir règlement.
253. ConusWohka W., 243 (5).
Conradin, 341. Coptes, 36.
464 Index gιnιral
Corfou, 122, 160, 168, 179, 181 (4), cursoria, 410 (et 11).
193, 223 (et 2), 232, 241243, 245 cursus, 410, 414.
247, 249251, 295, 309 (5), 310 (1), Cyclades, 12, 43, 44, 6365, 77, 79-82,
363, 401, 421 (4) ; voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
δ ο ϋ ξ , Korfi- 90, 108, 120121, 132 (5), 134,
tianoi. 160 (et 7), 179, 195, 208 (et 2), 225,
Corinthe, 57 (et 2), 58 (2), 60, 70, 273, 276, 308310, 317 (6), 326,
90 (et 2), 91, 101, m , 165, 169, 345> 358, 378, 383> 399 (et 4), 401,
242, 277, 289 (5), 291,395 ; voir ά ρ χ ω ν , 4273 437> 444 5, voir δ ιο ικ η τ ή ς , δ ο ϋ ξ ,
ôpiov. δ ρ ο υ γ γ ά ρ ιο ς , κ ρ ιτ ή ς , σ τ ρ α τ η γ ό ς .
Corne d'Or, 75 (6), 376, 43°435· Cyrénaïque, 11.
Coron, 169, 195, 225, 309 (5), 326 (et 2), CYRILLE DE SKYTHOPOLIS, 411 (et 4).
345> 350, 358 (et 1). Cythère, 361, 362.
corsaires, 310, 327, 377 ; voir piraterie. Cyzique, 14 (et 1), 20, 52 (3), 78,
Corse, 7, 103. 167 (et 4), 183185, 187, 223 (3),
Corycos, 24 (6), 50 (et 4), 77 (4), 187, 224 (et 2), 287, 3113135 3i5> 3I73I8,
195· 325> 377> 380, 425 (1).
Coumans, 206 (et 3), 220 (3), 312 (8).
couvent, voir Athos, Chios, Dionysiou, Dain Α ., 4, 45 (i) passim.
Latmos, Lavra, Lembos, Mèdikion, D akybiza, 319, 325.
Narsou, Pantokratôr, Patmos, Roufinia Dalassène Anne, 200201, 223 (4).
nai, SaintsApôtres, Théotokos Achei Dalmatie, 11, 5657, 7172, 76, 80, 90,
ropoiètos, Vatopédi, Xèropotamou. 92, 100 (1), n i , 121, 140 (3), 168,
Cramer J.zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Α ., 2, 42 (6), 52 (3), 148 (2), 179, 247, 256257, 260261, 273274,
225 (3) 3 236 (1), 242 (6), 271 (3), 309 (5), 401 (et 3) ; Dalmates, 34 (1),
406 (1). 102, 252, 397 (et 3), 401 (3), 414 (et 6),
Crète, 12 (et 4), 18, 22, 35, 3840, 44, 415, 426. Voir ά ρ χ ω ν , δ ο ϋ ξ , θ έ µα .
52 (3)3 57 (2), 60, 67 (et 1, 2), 71, D amalis, 177 (2), 247.
7276, 80, 82, 84, 86, 9097, 100 D amas, 14.
(et 6), 102107, 111117, 119121, D amianos, 104 (7).
131, 150 (4), 160 (et 7), 162, 165169, D amiette, 47 (1), 97, 104 (et 2), 236,
179, 185 (et 3), 186187, I9i> 194 (0> 265- 266.
198199, 224 (et 2), 240, 244, 247, DAN DOLO ANDRÉA, 232, 241 (et 7),
249250, 269 (et 3), 273276, 294, 244, 256257, 261 (2, 3), 292293,
308309, 314 (2), 317 (6), 321 (5), 340 (2, 3), 344346 ; Marino, 305 (2).
326, 336, 345346, 349350, 358 (1), DANIEL, higoumène, 164 (2), 225 (3).
362, 365, 374, 391, 392, 397 (3), Danischmendites, 176 (1).
399, 401402, 404 (et 1, 2), 415, Danois, 295.
421 (4), 424, 428, 429, 436, 440, Danube, 8, 47, 89 (1), 103 (3), 117,
44I3 444 ; voir Arabes, Vénitiens, 119 (5), 120, 140 (3), 144, 167 (1),
ά ρ χ ω ν , δ ο ϋ ξ , κ α τ ε πά ν ω , σ τ ρ α τ η γ ό ς . 229, 238, 245 (4), 251, 271, 273275,
Creyghton R., 434 (2). 332, 392, 438 (et 8), 445446 j voir
Crimée, 7, 307 (4), 324. Istros.
Cnspin, 155, 175 (2).
Croatie, 261 (3, 4). Daphnousia, 331 (et 2).
croisades, 186, 189192, 215, 224, 227, Dardanelles, 100 (1), 315 ; voir Hel-
230, 234 (3), 236240, 244, 248249, lespont.
251, 262264, 269, 288, 292297, Dargeskabos, 57 (2).
301, 303, 311 (2), 312 (2), 319, 340, Darrouzθs J., 2, 78 (8), 101, 109 (3),
34i> 343.3 346, 387 (1)5 448 ; Croisés, 116 (2), 132 (5), 188 (2), 290 (5).
190 passim, 208,232,234,236,263-264, Davidson Gladys, 2.
269, 309, 314. débarcadère, 421.
Cumont F., 43 (5), 87 (1). débarquement, 186-187, 2 39·
Index gιnιral 465
Débeltos, 57 (et 2), 8990, 101, 166 ; Jean, grandduc, 179 (5), 186, 190
voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
209 (et 1), 213 ; Jean, duc de Du
ά ρ χ ω ν .zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Delatte Α ., 89 ( i) . razzo, 198 (1) ; Jean, 253, 254 ; Isaak,
Delaville le Roux J., 378 (3). 294 ; Michel d'Epire, 294 (et 7),
309 (5) ; Théodore d'Epire, 314 (et 4) ;
Delehaye if., zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
24 (6).
D elphes, 242. voir Ange.
Dèmètrias, 113, 130 (1), 168, 345, 346, Doukakis Ch., 208 (3), 267 (2), 377 (8).
362, 364366, 368, 437· DOUKAS, 6, 207 (5)/ 387 (4), 405 (5),
Derenbourg H., 228 (2). 438 (2).
Despotat, voir Epire, Mistras. Douze Iles, 51 (et 3), 63 (et 7), 65, 80
despote, voir δ ε σ πό τ η ς . (et 1), 81, 108, 121 (1), 132 (5) ; voir
Devreesse 22., 164 (2). δ ρ ο υ γ γ ά ρ ιο ς , σ τ ρ α τ η γ ό ς , χ α ρ τ ο υ λ ά ρ ιο ς .
D exiokratous, 431. DOXAPATRIS, 419 ( i ) .
D ibaltos, 446. Dragoumis S., 320 (2).
D idymes, 187, 321 (et 4) ; voir Hiéron. Drexl F., 6, 79 (1), 109 (3), 132 (5),
Didymotique, 453. 135 (2), 140- 142, 146 (1), 168 (1).
Diehl Ch., i l (5)5 12 (2), 19 (2), 22 (2), droit, 326.
43 (2), 94 (1), 200 (3), 201 (1). dromon, voir δ ρ ό µω ν .
Dioclée, 58 (5), 89 (5), 90, 256, 260, Du Gange, 76 (1), 412, 414 (4), 417 (3),
273274 ; voir ά ρ χ ω ν , δ ο ΰ ξ . 420 (3), 428 (2).
DIOGÈNE JEAN, 266, 267 (3) ; Nicéphore, duc, voir δ ο ϋ ξ .
198 (2). Duchesne L., 12 (4), 19 (2), 22 (2), 24 (3,
Diomθdθs Α ., 136 ( i) , 143 (4). 4), 26 (2, 4, 6), 28 (2), 31 (2), 43 (2),
Dionysiou, 145 (et 3), 146 (3). 48 (4), 428 (3), 429 (4)·
Diplakionin, 453. Duda H., 307 (4).
dirèmes, 181, 183 ; voir δ ιή ρ η ς . Dujcev L, 11 (1).
DLUGOZ JEAN , 387 (3). Dûmmler E., 113 (7), 443).
Dmitrievskij Α ., 141 (4), 213 (4), 220 ( ι , Durazzo, 55 (3), 57 (et 2), 58 (5), 59,
2), 222 (3). 71, 72 (et 3), 76, 80, 87, 90, 100 (1),
D niepr, 88, 438 (8). m , 121, 140 (3), 160, 162, 169,
D niestr, 438 (8). 177181, 186, 190191, 195, 224, 240,
Dobschiitz E., 114 (7). 251, 260, 261, 264, 265, 269 (et 3),
documents d'archives, 270, 272 (2, 3), 273, 274 (1), 284287, 295, 309 (5),
289- 291, 400 ; voir Chios, D ionysiou, 397 (3)> 421 (4), 425 (2), 426, 436 ;
Latmos, Lavra, Lembos, Miklosich- voir ό ίρ χ ω ν , δ ο ϋ ς , σ τ ρ α τ η γ ό ς .
Mûller, Vatopédi, Xèropotamou. Dvornik F., 55 (4), 91 (l), 164 (2).
Dodécanèse, 80 (et 1), 90, 108, 135, dynastes, 293- 294, 301- 307, 312, 321,
160, 162, 168, 179, 184 (4), 185, 194, 326, 393> 427» 437·
225, 326, 378 ; voir Douze Iles,zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIH
δ ρ ο υ γ γ ά ρ ιο ς . écuries impériales, 398, 422, 423 ; voir
doge, 180 (4), 257, 293, 344 (2), 348. έ πε ίκ τ η ς , κ ό µη ς .
D okeianos M ichel, 179 (5). ED RISI, 52 (3), 167 (2), 225 (2), 236 (1),
Dôlger F., 2, 25 (2) et passim. 269 (3)· , . .
Dolley R. H., 94 (3), 413 (4)· Egée, i l , 18, 2247, 52 (3)J 76ii3 3
Domenico, 231. 126, 131134, 160169, 184187, 190,
domestique, voir δ ο µέ σ τ ικ ο ς . 194, 197, 208, 225, 242250, 259,
Dorée Porte, 177 (2), 434, 437. 265, 267 (2), 270, 283, 289, 290, 295,
douane, 61 (4), 81, 164165, 166 (et 2), 297, 301307, 310, 312, 3i5> 320
384 (6), 385386 ; voir règlement, 327, 336349, 357, 362378, 382387,
κ ο µµέ ρ κ ιο ν , κ ο µµε ρ κ ιά ρ ιο ς . 396, 398 (8), 404 (et 1), 426429,
Doucas, 332 ; Constantin, 260,261 (et 1) ; 436437, 441, 450 ; îles, 23, 25, 39
Jean, césar, 175 (et 3), 201 (6); (et 2), 42, 86, 103106, 184 (4), 232
H . AHRWEILEB 30
466 Index gιnιral
289, 290, 295, 308309, 321 (et 5), 386387, 394, 397, 405 (1), 409,
325326, 333, 339> 357363.J 375* 412 (2), 436437·
396, 399> 426427, 437 5 voir Mer escale, 90 (2), 127 (6), 167171, 235-
Egée. 236, 321322, 340, 359, 406 (i),
Egine, 289 (5). 421 (4); 425, 429 (4); voir itiné
EGINHARD, 48 (4). raire, routes.
églises, voir Christ Euergétès, Néa, Saint Escorial, 80 (1), 118.
Sôzôn, SainteThéodosie. EskiTarzena, 431.
Egypte, 9, 17, 18, 3637. 39> 56 (1), Espagne, 9, 3638, 47, 96, 289 (3),
82, 93 (et 1), 96, 103, 104, 163, 166, 290 (2), 441 ; voir Arabes.
168169, 192, 208, 233237, 252, Etienne, pape, 103 (5).
263267, 275, 283, 285, 322, 326 (et 5), Ethiopie, 8 (et 3), 441.
334 (et 1), 343, 397, 427, 438,446447 i Etymologikon, 414 (4).
voir Arabes, Sultanat. Eubée, 73 (3), 86, 90, 168, 224, 242
Eickhoff E., 2, 11 (4, 7), 18 (2), 33 (2), 243, 246 (3), 257, 265, 269, 295,
43 (3)5 47 (4), 92 (2), 9496, 115 (i)> 308 (et 3), 314 (2), 325326, 339- 34Ο ,
121 (5), 408 (1, 3), 413416. 345- 346, 349- 350, 357- 358, 362- 370,
EIRÈNIKOS THÉODORE, 309 (4). 401, 421 (4), 425 (2), 427, 429 (4),
Eléèmôn, 194 (1). 436, 450.
Elie, drongaire, 98 (3). Eugène, pape, 237.
ELIE DE NISIBE, 47 (1). Eugéniou Porte, 433 (11).
Elpidios, 94 (1). Euphèmios, 85, 94 (1), 95 (1).
embarcadère, 430. Euphorbènos Alexandre, 191 (1) ;
embarcation, 157, 183, 184, 239240, Georges, 191 (1).
245, 281, 409410, 433. Euphrate, 36, 392, 439.
Emirat, 94, 96, 176 (et 1), 182183, Euripos, 224, 277, 450 ; voir ôpiov.
335> 372373, 375 (et 1), 378, 383, Europe, 36 (7), 96, 163, 167, 195,
385, 427, 438. 208 (2), 238, 239, 256, 267 (3), 319,
Epanagôgè, 407 (2). 324, 382, 389, 391.
EUSTATHE, 141 (5), 204 (2).
éparque, voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
ϊπα ρ χ ο ς .
Ephèse, 46 (2), 58 (et 3), 9091, 101, Eustathe, drongaire, 105.
108, 111112, 115, 165166, 168, EUSTATHE DE THESSALONIQUE, 6, 76 (i),
183, 186187, 224 (et 2), 270 (3), 121 (7), 177 (2), 193 (4), 218 (4),
326, 345 (6), 362, 402, 437; voir 222, 227 (1), 238-240, 253-254, 257-
έ φ χ ω ν , τ ο ϋ ρ µα . 260, 264-267, 271 (3), 274 (1), 280-
EPH RAEM, 5, 316 (4), 321 (2), 322 (2). 285, 289 (1), 412, 414 (9), 415 (1),
Epicure, 385. 419420, 423 (4), 445.
Epidamnos, 220 ; voir D urazzo. EvertKappessowaHalina, 343 (2), 387 (2).
Epire, 110, 169, 177, 179, 181, 184, exarchat, 20.
191, 196, 206, 225, 231, 245 (et 4), Exartysis, 430433 i Palaia, 432433 5
294 (et 7), 303 (1), 309 (5), 314- 3155 voir έ ξ ά ρ τ υ σ ις .zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXW
320 (et 1), 325- 326, 328- 329, 331,
333 (et 4) 3 346, 347> 351> 362- 369, Falier- Papadopoulos J. B., 92 (4) ; voir
394J 399 j voir Ange, D oucas, δ ε σ πό τ η ς . Papadopoulos J.
Epitomè, 8 (1). Faral E., 5, 292 (6), 295 (9), zyxwvutsrqponmlk
308 (2),
Erdmann C , 189 (4). 448.
escadre, 8 (et 1), 13, 19, 24, 28, 33, 49, F atimides, 96, 131 (5), 163, 192.
50, 67, 7275, 8589, 99100, 104, Faure- Biguet G., 37 (7).
110, 113 (4), 118, 126128, 154163, Ferluga J., 221 (3).
181-195, 208210, 224225, 228 (6), Festa N., 320 (2, 3), 324 (2).
236, 240, 245 (4), 247252, 270271, feu grégois, 14 (et 3), 23, 34, 39, 44,
277, 281283, 304322, 339, 360, 106 (et 3), 114, 119 (5), 120, 129,
Index gιnιral 467
131 (6), 160 (et 5), 193, 244, 296 (6), GaudefroyDemombynes M., 240 (4),
267 (2).
409 (et 6) ; voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
πϋ ρ .zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Fischer W., 188 (5). Gautier E. F., 37 (7).
Fliche Α ., 342 ( i) . Gautier P., 138 (2), 177 (2).
Florence, 450. Gay J., 2, 42 (4), 95963 103 (5)3 "3>
flotte commerciale, voir commerce ; flu- et passim.
viale, 228 (6), 238, 251, 275, 410, Gayangos D. P. de, 36 (5), 48 (4).
438 (8), 439; impériale, 3135 pas Geanakoplos D., 2, 328 (1), et passim.
sim ; provinciale, 3135 passim ; thé Gelzer H., 112 (3).
matique, 3135 passim ; de transport, Gênes (ois), 181 (4), 192, 194196,
voir transport; voir σ τ ό λ ο ς . 225 (5), 257, 262 (et 1), 289 (et 6), 290,
forteresse, 12, 94, 153, 1793 206, 210, 305, 3213253 329330, 336340, 344
215, 227 (et 6), 235, 247, 249, 253, 3533 3563583 361 (5)3 362, 3733
269, 311, 315, 318- 319, 335 (5)> 375 (2)3 3783 3803873 406 (4), 429 (1),
337 (5)J 352, 372 (et 9) ; voir κ ά σ τ ρ ο ν , 4334373 4464473 453455 5 voir co
φ ρ ο ύ ρ ιο ν . lonies italiennes.
FRA- SALIMBEN E, 261 (1). GÉNÉSIOS, 5, 32 (3), 39 (2), 47 (3)3
France, 7, 8 (1), 103, 341 ; Français, 52 (3)3 69 (1), 73 (4), 74 (5)3 92 (1),
341343, 348 ; voir Galliai. 98 (4), 103 (5), 112 (4), 113 (3),
Francs, 7, 3536, 48 (4)3 84, 92 (2),
147, 150 (4), 175 (et 2), 181 (4), Geoffroy, pirate, 289 (3).
191192, 193 (4), I 9 6 I 9 7 J 206 (et 3), GEORGES L E MOINE, 5, 12 (4), 24 (3),
229, 232, 264265, 293297, 3O33O53 87 (2), 92 (1).
307, 3"3i4> 319s 321 (5)3 326, GEORGES L E MOINE CONTINUE, 5, 46 m ,
3513633 397 (3)3 405· 87 (2), 96 (3)3 102 (5), 103 (5), 109 ( 6 \
Frédéric d'Aragon, 343 (3). 113 (4), 142 (1), 149 (2), 157 (4, 5)3
Frédéric Barberousse, 253, 256. 401 (8), 431 (1)3 433 (2). ,
Frolow Α ., 292 (6). GEORGES DE CHYPRE, voir GRÉGOIRE.
GeorgiadθsArnakis G., 335 (5).
G abalas, 317 (6) ; Léon, 294 (et 4), Géorgie, 56, 58 (1, 5)3 166.
317318, 321322, 427, 437. Gépides, 252 (4).
Gabotto F., 95 (1). Géraki, 351 ; voir Hiérakion.
Gabras Théodore, 176 (3), 188, 198 (2), Germain II, 315 (2).
224 (2). Germain III, 331 (4)·
Gabrieli F., 36 (6). Gertzos Baldouinos, 446.
Gaggra, Gangres, 228 (et 3). Gibelins, 341.
Galata, 295296, 329, 338, 349 (et 4), Gibraltar, 8, 233.
350, 430 (1), 441, 453 Gisteme, 355, 358 (2), 450 ; voir Kins
Galatie, 64, 175 (2), 227228. terna.
galée, 304 (5)3 312 (4), 317 (1)3 344 (4)3 glossaires, 407408, 414, 420 (3).
346 (et 3), 356 (5), 4433 448. GLYCAS, 5, 140 (3)3 146 (4)3 i84 (4)3
galère, 232, 289 (3), 387 (1), 442. 185 (3)3 204 (3), 207 (3), 210 (5),
Galliai, 9 (1) ; voir France. 212213.
Ganos, 319. Goggylès Constantin, 106 (6).
Ganshof F., 10 (1), 36 (6). Gordelevskij Α ., 227 (5)·
Gardalébos, 450. Gordier H ., 182 (2).
garde impériale, 149 (4), 156, 206, Gorjanov B.s 453.
215 (2), 295296, 400, 405. G oths, 8, 20, 397- 398, 428 ; gotthikos,
Gardthausen V., 428 (5). 267 (Si-
Gasmouloi, 339 (et 5), 357 (1), 361362, goudronnage, 194,244,420,429,436,444.
384 (et 7), 405 (et 2). Gouillard J., 101 (6). ·
Gatelusi, 378. gouvernail, 426- 427, 451.
468 Index gιnιral
Himérios, 104, 105, 113 (4), 193. Impιriale C , 1, 236 (1), 429 (1).
Himyarites, 8 (3). impôts, 144150, 152, 180, 212213,
HIPPOLYTOS, 164 (1). 230231, 276, 278, 289, 304 (et 3),
Hitti P., 37 (3)· 381, 401, 423, 426, 442443·
Α ., zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
HohlwegzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
274 ( i) . Indes, 441.
H OLOBOLOS M AN U EL, 337 (1). Innocent, pape, 233.
Hohzmann W ., 124 (5). inscriptions, 3,13 (4), 45 (1), 54, 83 (et 1),
H ongrois, 88 (et 5), 176, 226, 227, 100 (6), 101 (6), 104 (6), 107,126 (et 5),
267 (3), 268 ; voir T urcs. 186 (3).
Honigmann E., 375 (1). Ionie, 12, 23, 184, 307* 373> 375> 397 (1)3
Hopf C, 3, 340 (2), 344 (2), 345 (2), 402, 427.
351 (3). 354 ( i) , 357 (5). 364 (4. 7)> Ionienne, mer, 67 (2), 7980, 90,94 (et 6),
366- 367, 369 ( 1, 4- 6). 95, 103104, 133, 168169, I78I79S
Horna K., 235 (5), 236 (1). 184, 191, 193194) 242243, 248,
H ospitaliers, 378 (et 3), 383, 4 5 4 ; 252, 295, 309 (5), 336, 347 (1).
voir Rhodes. Ios, 52 (3).
Houtsma M. T ., 307 (4). Irène, a. 43 (5), 94 (1) ; b. 252.
H ughes, 443. Isaak I e r Comnène, 139 (3), 143, 151.
huissier, 244, 258, 265 (1), 293, 383 (2), Isaak II Ange, 241 (5), 284, 286, 289,
412 (2), 417 ; voir ίππα γ ω γ ό ς . 294, 296, 304, 445446.
H un s, 7, 13 (4), 397. Isaak, drongaire, 77.
H ydra, 347 (3). Isaurie, 50, 52 (3), 80, 82, 168, 195,
H YRTAKEN OS, 377. 426.
Isauriens, 7, 10, 15, 21, 31, 37"39J 41»
Ibérie, 58 (1), 140 (3), 1461473 *5O (4)3 205206, 267 (3), 275, 391392.
267 (3) ; voir δ ο ϋ ξ . Isfre, 319, 321.
ISIDORE DE KIEV, 360 (3).
I BN - BI BI , 307 (4).
I BN - H AN I , 38, 131 (5). ISIDORE DE SÉVILLE, Ι Ι ( Ι ) .
I BN - H AU QAL, 121, 166 (2), 168 (2), I stros, 87- 88, 228 (6), 445- 446 ; voir
401 (et 4), 412 (3), 426 (5), 436 (et 1), D an ube, Paristrion.
Italie, 7- 12, 24 (3), 26 (4), 38, 41- 473
443·
56, 67 (2), 82, 84, 90 (2), 91- 107, " I 3
I BN - JOBAI R , 240 (4), 267 (2).
113 (et 5), 116, 120, 122- 130, 133,
IBNKHORDÂDHBEH, 63 (3), 112 (3).
136, 137, 140 (3), 150 (4), 159- 164
IBNULTIQTAQAALFAKRI, 37 (6).
(et 2), 168- 170, 176, 179, 181 (et 4),
IbrahimInal, 147 (5).
191- 196, 225 (5), 229, 233- 234, 237,
Icard J., i l (7).
241, 247, 250- 256, 259- 260, 263,
Icarie, 316, 321 (5).
267, 268 (4), 269 (3), 285, 288, 290 (2),
Iconion, 176, 227, 237, 269, 271 (3),
292, 294, 308- 309, 314- 315) 324, 330-
29I3 303 (6), 306 (2, 7), 320 (et 4), 332, 3343 336, 3383 340- 3433 3483
326 (et 5)3 427 ; voir Sultanat, 358, 391- 3933 401- 406, 4113 420,
iconoclasme (stes), 10, 31, 37, 39> 4°44> 424, 426- 427, 435- 436, 440, 442,
4647, 71, 80, 91, 97, 212, 392, 395, 450 ; voir colonies, δ ο ϋ ξ .
403.
ITALIKOS M I C H E L, 225, 226 (2), 228 (2),
iconodoules, 26 (4), 40, 80, 164 (2), 403.
Igglinos Pierre, 447. 271 (3)3 272 (1), 406 (1).
Igor, 106 (2, 3), 443444 I thaque, 246 (3).
Illyricum, 48 (8) ; voir έ πα ρ χ ο ς . itinéraire, 14, 25, 45 (1), 49s " 5 5 164
Illyrie, 179, 181 (4)3 191, 197 (4)> 251, (et 2), 166171, 225 (2), 235, 240 (4),
261, 309 (s), 320, 363, 370, 398, 401, 2433 3093 323327·
426.
I m bros, 52 (3), 78, 90, 108, n i , 166, Janin R., 109 (3), 337 (8), 338 (3, 6),
309, 316, 326, 378, 421 (4). 430435 (4)·
470 Index gιnιral
Kinsterna, 351, 355 (et 2), 361 ; voir KRITOBOU LOS IM BRIOS, 6, 405 (5), 430 ( i) ,
Gisterne,zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
θ έ µα . 438 (2).
Krômna, 372 (9).
Kios, 79, 183, 287, 3"- 3i3> 325> zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJ
lH>
436. Krumbacher K., 77 (4).
Klètorologion, 4, 97101, 422 ; voir Krybiziotès, 322 (3).
Philothée. Kulakovskij J., 62 (2).
Klimata, 72 (3), 80 ; voir σ τ ρ α τ η γ ό ς . Kurtz E., 142 (3), 226 (2), 228 (3, 4),
Knidos, 194. 274 (1)·
Koila, 196, 225, 265. Kurtze F., 84 (2), 94 (6).
Kolôneia d'Arménie, 58 (5), 63 (2) ; voir Kydnos, 426 (7).
ά ρ χω ν. Kyminiatès Eustathe, 210 (et 4).
Kolôneia d'Albanie, 55 (3), 169. Kyriakidθs St., 6, 45 (1), 48 (8), 71 (3),
Kolpos, 6365, 73, 7581, 108 ; voir 120 (3), 125 (3), 126, 142 (3), 274 (i),
δ ρ ο υ γ γ ά ρ ιο ς . 276 (1), 280 (3).
KOLYBAS SERG E, 287.
Konôn, voir Léon III. Laconie, 351, 353 (8), 354 (et 5), 357,
Kônopa, 88. 360 (1), 437, 450.
Kônstantia, 88.
Kônstantopoulos K., 3, 57 (2), 58 (5), Lagarde P., 128 (3), 142 (2), 152 (4).
88 (2), et passim. Lake K. et Sylvia, 78 (3), 132 (5).
Kontofré, 319, 321 (et 1), 404 (3). Lakkos, 441.
Kontos, 454. Lakkou Mètata, 78 (et 4) ; voir β ά ν δ ο ν .
Kontoskalion, 338, 433435> 437> 453· Lami G., 32 (2), 400 (7), 438 (8).
Kontostéphanos Alexis, 277 (4) ; Andro Lamma P., 228 (2).
nic, 259, 265266, 281 ; Isaak, 195, La Monte J., 196 (7), 235 (3), 264 (3).
196 (5) ; Nicéphore, 224 (2) ; Sté Lam pe, 223 (3) ; voir σ τ ρ α τ η γ ό ς .
phanos, 245 ; Théodore, 322 (2). Lampros S., 6, 13 (1), 55 (2, 4), 115 (5),
Kopsènos Christophore, 213. 188 (9), 193 (4), 222 (3), et passim.
Korfitianoi, 52 (3), 122 (3) ; voir Corfou. Lampsaque, 14, 52 (3), 102 (1), 167,
Kôs, 63, 65, 80, 82, 90, m , 121, 160 305- 309» 312- 313, 315- 320, 323- 325^
(et 7), 168, 184 (4), 194, 213, 273 329, 421 (4), 425 (3), 435, 437 (et 1).
274 (1), 316, 321 (5), 357, 362 ; voir Land P., 11 (1).
ά ν α γ ρ α φ ε ύ ς , δ ρ ο υ γ γ ά ρ ιο ς . Landulf a. 116; b. 193- 194 (et 1),
Kosmas, 43. 195, 208 (1), 404 (3).
Kosmidion, 434- 435. Lane- Poole St., 17 (3), 20 (1).
Kouber, 27- 30. Laodicée d'Asie Mineure, 306 (2), 372.
Koubiarès, 30. Laodicée de Syrie, 47 (1), 9697, 113 (4),
Kougιas S., 1263 278 (3). 168, 187, 194195, 224 (et 2), 228.
Koukoulκs Ph., , 4 408 (1), ( ) , 4
410 ((1,
, 3), Laourdas B., 105 (4), 113 (4).
412 () (5), 414 () (9)> 415 (et ( 1),
) 419 (3)>
() Lapardas, 284 (5).
420 (2). Larissa, 179, 277 ; voir ôpwv.
Koulpiggoi, 206. Lascaris, 211, 302, 306 (7), 320321,
Kourkouas, 117. 323325> 332 (2), 334, 339, 371 ;
Kourtikès, 106 (6). grandduc, 357, 360, 368 ; Constantin,
Kourykiôtai, 24 (6), 50 (et 4), 52 (3) ; 302 (et 3, 5) ; voir Théodore.
voir Corycos. Latins, 166, 182, 186, 189, 207, 215,
Kovrat, 27, 30. 221 (3), 226, 229, 232233, 262265,
Krantoneïlθ Alexandra, 312 (1). 269, 275, 281283, 292297, 311340,
Krιkiι B., 261 (3). 346, 347> 349, 351. 36337^ 377378,
Kretschmayer Α ., 95 (2), I 8 I (5). 382, 386387, 393394> 397 (et 3)
Kriôtabros, 58 (et 4) j voir ά ρ χ ω ν . 405 (et 1), 420, 427, 433434> 43
Krissa, 242, 243. 437, 448449» 455·
472 Index gιnιral
Macédoniens, 41 (1), 45, 69, 71, 74, Marinesco C, 218 (4).
8386, 9093, 135139, 158, 163, 192, maritime, voir commerce, règlement,
205206, 275, 333, 392. transport, θ έ µα , πλ ό ΐµο ς .
MACREMBOLITE ALEXIS, 386 (1), 434, Maroc, 37.
453455 ; EUSTATHE, 76 (1). Marquard J., 167 (4).
Madytos, 167 (et 2), 196, 225, 315, 318 ; Martin V., 342 (1).
voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
β α σ ιλ ικ ό ς . MARTIN O DA CANALE, 4, 340 (2), 344 (2,
Magédôn, 355. 4- 6), et passim.
Maggana, 141 (et 4). Martroye F., 12 (1).
Maggaphas, 293 (6), 306 (5). Maslama, 35 (et 1).
magister officiorum, 424. Mas- Latrie, M. L. de, 37 (7).
Magistrou Ta, 441. MASΫDΞ, 12 (4), 47 (1), 435.
Magne, 351, 355 (2). mât, 18 (et 2), 417, 426428, 440 ; voir
Mahomet II, 387. bataille,
MaizyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Α ., 3, i l (2), 25 (4), 44 (6), 77 (4), matelot, 208, 399, 401 (5), 402403,
8o (1, 3), 104 (4), 374 (2). 410 ; voir ε λ ά τ η ς .
Maïos, 247 (4). Mathieu M., 175 (1).
Maiotide, 166. Matracha, 58 (et 1), 101, 165, zyxwvutsrqponm
166,
Makrè, 310 (2, 3). 225 (-5), 438 , voir ά ρ χ ω ν .
Makrènos, 354356, 358, 44945°. M aures, 400, 441.
MALAKÈS EUTHYME, 276, 277 (4), 279 (1). Maurèx, 162163, 176 (2), 181.
MALALAS, 5, 19 (3), 397 (2), 398 (2, 4), Maurokatakalôn Marianos, 196 (5) ;
411 (et 8, 10), 420 (3), 421 (ij 4)> Nicolas, 191 (4).
429 (6), 430 (8). MAUROPOUS JEAN, 128 (3), 142 (2),
Malée, 195, 247, 249, 259 (et 3). 152 (4).
Malésès Basile, 201 (6). Mauros, 27, 29 (et 7), 400.
Malte, 57 (et 2), 70, 85, 87, 9091 ; Maurozômès, 293294, 306.
voir ά ρ χ ω ν . Mayer Th., 95 (4).
M amluks, 334 (1). Méandre, 294, 305306, 316 (6), 372-
M amun, 39. 373·
MANASSÊS, 235 (5). Médie, 140 (3) ; voir δ ο ϋ ξ .
Manès, 51 (1). Mèdikion, 78.
Manfred, 341 (et 5), 343, 348349» 363· Médisos Oubos, 446.
Manfroni C, 329 (6), 330 (1), 334 (6), Méditerranée, 725, 354°, 44» 47"48,
53, 72, 80, 93, 9697» 100107, m ,
Mango C , 105 (4), 113 (4), 338 (3). 113 (4), 115, 118, 127, 132, 135, 160,
Maniakès Georges, 125 (2), 132 (3), 163170, 186, 192, 195197, 208, 225,
144, 147, 176, 206 (3). 228230, 232, 234236, 247, 249,
Manichaioi, 206 (3), 220 (3). 255256, 262264, 267, 269270, 283
Mansi J., 3, 11 (5), et passim. 284, 288289, 297, 309310, 322325,
Mantzikert, 139 (2), 175 (et 1), 176 (4). 330, 334335» 343» 346, 374, 376,
Manuel I e r Comnène, 41 (1), 181 (5), 389392, 398, 404* 427429·
214, 218 (et 4), 219, 221, 222, 225 (5), Mégareitès, 289.
228, 233280, 283 (et 1), 284, 286, Mιgas G., 388 (1).
288, 289 (3), 292, 332, 393, 435, 445· Mehdia, 264 (2).
Manuel de Trébizonde, 306 (7). Mélaggeia, 142 (1) ; voir ε πίσ κ ε ψ ις .
Marçais G., 37 (7). Mélanoudion, 184 (4)3 273274, 294 (7),
Marcienne, 226 (2). 321 (et 4), 326, 333 (6), 345 (6),
Mardaïtes, 33 (1), 44 (et 2), 50 (et 2, 3), 361 (1) ; voir δ ο ϋ ξ .
52 (et 1, 3), 57 (2), 60, 82 (et 2), 84, Mélès, 272 (1).
85, 108 (et 1), 110 (et 1), 3994.00, Méliboton, 265. ,«,,:,,,>*;
407 (5), 414 ; voir Occident, κ α τ ε πά ν ω . Mélingues, 353, 355, 450. :
; ï:K # Λ
474 Index gιnιral
80, 82, 8586, 90, 110 (et 1), 134, 168, Patmos, 184 (4), 208 (2), 213, 289 (3),
186188, 195, 227, 228, 399, 415, 426, 321 (4)5 417·
427 ; mer, 191, 194, 235, 240, 289 (6), Patras, 57 (et 2), 90 (et 2), 94 (6), lo i ,
336, 345 (6), 362 ; voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
πά µφ υ λ ο ς , τ ο ϋ ρ µα . m , 165, 169, 277, 278 (1), 358 (et 3),
Pampoukθs J., 438 (6). 360 (et 7), 362 ; voir ά ρ χ ω ν , δ ο ϋ ξ , δ ρ ιο ν .
Panagiôtakθs N., 114 (6). Patratinès Opoupakis, 306 (7).
PANARÉTOS, 438 (6). Patria de Constantinople, 6, 234 (1).
Panleriko B., 4, 51 (7) passim. Patriarcat, 119, 282, 302.
Pancio, 290 (2) ; voir Steiriônès. Patzinakitai, 220 (3) ; voir Manichaioi,
Pandôlos Pierre, 447. Petchénègues.
Pardon, 57 (et 2), 101, 165, 167, 307 ; PAUL DIACRE, 26 (4, 5), 29 (et 2), 37 (2,3).
voir ά ρ χ ω ν . Paul, sacellaire, 398.
PaulyWissovaKroll, 410 (9).
Panormos, 101 (6) ; Panormitai, 52 (3) zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHG
;
voir Palerme, κ α τ ε πα ν ω , πα ρ α θ α λ α σ σ ίτ η ς . pêche, 222, 397, 410 (et 1), 415, 418,
Pantokratôr, 220 (et 3). 425, 426.
Papadopoulos J., 6, 112 (3), 114 (7) ; Peeters P., 48 (8), 92 (4), 120 (3), 164 (2).
voir Falier. Pègai de Constantinople, 441 ; de la Pro
PapadopoulosKιrameus Α ., 4, 9 ( i) , 75 pontide, 167 (et 4), 311, 313 (et 2), 317
(6), 94 (6), passim. (et 2), 318, 325, 360 (et 3).
Papauté, 227, 241, 256 (et 4), 294 (11), Pégonitès, 291.
Peira, 141 (5), 152 (1, 7), 204 (1).
340341, 342 (et 1), 343, 348, 350, Pekri, 150 (4).
353354? 370. Pélagonia, 329 (4), 351, 363.
Paphlagonie, 52 (3), 110111, 121, 131, Péloponnèse, 42, 44 (6), 51 (et 7), 52 (1),
162163, 175 (2), 176, 181, 215 (4), 61, 66, 80, 82 (2), 8385, 9091, 104,
227228, 273274 (1), 280 (et 3, 4)282 110111, 121, 166, 169, 195, 197, 199
(et 4), 306 (7)3°7> 324Ξ 333 (6), 372, (1), 208 (2), 223, 225, 237, 240, 243,
401, 425 (3)426 ; voir δ ο ϋ ξ , θ έ µα , 245, 249, 254, 275279, 289, 291,
κ α τ ε πα ν ω . 309, 311, 326 (et 4), 333, 337, 339>
Paphos, 447. 345346, 3493633 367 (et 2), 369,
papyri, 410, 420 (2). 378, 386 (et 5), 387 (4), 399, 405» 427>
437, 450 ; voir θ έ µα , κ ρ ιτ ή ς , πρ α ίτ ω ρ ,
Paradounabon, 129 (3), 140 (3), 144, 167 τ ο υ ρ µά ρ χ η ς .
(1), 188 (8), 274 (1) ; voir Paristrion, Pérama, 441·
δ ο ϋ ξ. Péran, 431433
Paralios, 51 (7), 84 (et 9), 110 (et 4) ; Pérateia, 324, 438.
voir πα ρ ά λ ιο ς , τ ο υ ρ µά ρ χ η ς . Pergame, 187, 223 (3), 224 (et 2) ; voir
Parapinakès, voir Michel VII. σ τρ α τη γό ς.
Pargoire J., 425 (5). Péri paradromès polémou, 193 (4).
Paris, 259. Perroy E., 8 (5).
Parisot V., 382 (1). Perses, 79, 21, 166.
Paristrion, voir Paradounabon. Pertusi Α ., 6, n (2) passim, 123 (3) passim.
Paros, 357. Pertz G. H., 104 (1).
Parthénikos, Parthénios, 77 (et 4, 5), Pescara, 253.
78, 243, 248250. Petchénègues, 77, 136, 144, 147 (5)>
Parthénoupolis, 77 (5). 161 (2), 176177, 183, 185, 188190,
Parthey G., 78 (7). 197, 220 (3), 222, 226, 268, 272, 438 ;
Partitio Romaniae, 79, 277, 304 (et 1), voir Patzinakitai.
305 (1), 308. Petit L., 78 (2), 99 (3), 109 (1), 115 (7),
Paschalès, 446. 164 (2), 166 (2), 207 (2), 212 (1) passim,
Paspatκs Α ., 336 (2), 338 (3), 349 (4)>zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJ
274 (i), 425 (5)· "' · ' l
43Ο , 435 (4)· , s
Patara, 194, 289 (3). Pétrion, 141.
478 Index général
6i (3)> 75 (6), 398 (2, 5, 7), 4OI (5), Ramsay W ., 78 (5).
403, 411 (et 2), 429 (4), 439 (1). R aoul, comte, 191. Alexis, 376.
Proikonèsos, 378 (1). Rapsommatès, 198 (2), 199 (1).
Propontide, 12 (4)i4, 1920, 23, 2526, Ravenne, 21 (1), 43 (2), 411 (i), 426,
30, 38, 46 (1), 67 (2), 75, 7780, 87, 428.
101102 (2), 104105,108,113,127 (6) Raynald O., 340 (3).
128,132 (5), 133,156157,159,164 (2), Raynaud F., 8 (5), 181 (5), 229 (1),
167, 183184, 187, 190191 (et 1), 269 (3)·
196, 222 (3), 225, 230 (1), 238, 249, reconquista, 9, 10 (et 1), 333.
258, 281282, 285287, 295, 297 (et 1), Rédestos, 164 (et 2)3 208 (2), 305 (1),
301309, 311325, 329, 339, 346, 309, 325.
349, 360, 373, 375, 377, 380, 384387, Regel W., 4, 177 (2) passim.
396, 399, 402, 426427, 430 (et 2), règlement maritime, 9, n , 13 (4), 44,
433 (et 11), 434437, 445> 448. 49, 52, 6061, 7576, 84, 95, 99102,
Prousiade, 306. 118, 162, 164165, 171, 270, 286, 291,
Provence, 36 (et 6), 341. 326 (2), 385, 390, 408.
provincia, 79 ; voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
θ έ µα . Reiske J., 39 (3), 422 (8).
PSELLOS M I C H E L , 6, 78, 79 (et 1), 109 Rιmondon R., 47 (i), 104 (2).
(et 3), 119 (2), 122 (1), 128- 129, Rιmusat Α ., 36 (4).
131 (4, 6), 132 (5), 135 (2), 137- 152, R en aud de Chatillon, 235.
155 (2), 160 (et 1, 5), 167 (2), 168 (1 Renaud E., 6.
175 (1), 201 (et 6), 414 (6), 420 (1 renovatio, 10 (1), 268.
421 (et 5). Rhègion, 92, m .
pseudo- Alexis, 284 (5). Rhodes, 12 (et 4), 14 (2), 18, 22, 28, 36,
pseudoDiogène, 198 (2). 52 (3), 57 (et 2), 80 (et 2), 90, 100
pseudoiBNQuTAYBAH, 36 (5), 48 (et 5)-IOI, 160 (et 7), 165, 168,
pseudoKÔDiNOS, 5, 202 (4), 207 184 (et 4), 186, 194, 225 (et 3),
380 (5), 400 (2), 435 (et 3). 232 (et 3), 235-236 (1), 249, 266,
pseudoSYMÉON MAGISTRE, 5, 46 269 (et 3), 294 (et 4), 316 (et 5)-
52 (3), 74 (4), 87 (2), 92 (1), 96 317 (et 6), 321 (3, 5), 322, 326, 335 (5),
102 (5), 103 (5), 112115 (1), 142 345, 347, 357 (6), 361-362, 372 (5),
149 (2), 157 (4)· 378 (et 3), 401, 406 (1), 421 (4),
pseudoMAURiCE, 67 (6). 425 (et 2), 427-429, 435-437, 44°,
Pyramos, 229, 439 (1). zyxwvutsrqponmlkj
446-447, 454 ; voir arsenal, άπογραφευς
Pyrénées, 35. αρχών.
Pyrros, 446. Rhône, 7, 439 (1).
Pythia, 421 (5). ROBERT DE CLARI, 292 (et 4), 294296.
Robert de Flandre, 189190.
Qilidj Arslan, 185. Robert L., 186 (3), 321 (4).
quaestor exercitus, 8 (1), 12 (2). Roger II de Sicile, 241 (et 2, 5), 245,
Quatremθre E., 373 (4). 247, 252, 264 (2).
Roger de Flor, 380381.
Rabe H., 243 (5), 419 (1). Romain I e r Lécapène, 56 (1), 89, 106,
Rados K., 408 (1), 412 (5). 113 (et 6), 433, 443444·
Radouanos, 446. Romain II, 106, 114, 119.
Raguse, 52 (3), 122, 130 (et 4), 134, 169, Romain III Argyre, 123 (et 4), 126.
261 (et 2, 3), 425 (2, 3), 426 (et 6), Romain IV Diogène, 139 (2), 151,
436 ; voir σ τ ρ α τ η γ ό ς . 175 (et 1), 187 (4), 201 (6).
R aim on d d'An tioche, 235. Romanie, 15, 56, 88, 89, 162, 170,
Rallθs G., 4, 55 (3). 297 (2), 306 (6), 334, 344, 346, 355»
rame, rameurs, 258, 399, 406407, 410, 367, 388, 444, 447. (f ··•••·
413418, 426 ; voir κ ώ πη , ε λ ά τ η ς .zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHG
Rômanos, duc, 285.
48ο zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA Index gιnιral
Rome,zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
ί ο , 127 (6), 282 ( 4), 340- 342; 108-109, m » 120-121, 123, 132-134,
Romains, 194, 227, 232, 244- 245, 168, 184 (et 4), 186, 194, 208 (2),
250 (2), 253, 262 (5), 263 (3), 266, 224 (et 2), 273274 (1), 276, 291,
302- 303, 305, 3i3- 3i4 5 331- 332, 342, 308, 360 (7), 399, 401402 (et 1),
377 (1)» 389- 3955 440- 447, 453- 455· 421 (4), 435436 ; voir δ ο ϋ ξ , θ έ µα ,
ROMUALD DE SALERNE, 2 0 1 ( i ) . σ τρ α τη γό ς.
RoncagHa M., 341 (3). Samothrace, 52 (3), 78, 108, 309, 346,
Rôs Solymas, 370 (6). 361- 362, 378.
Rôsia, 58 (et 1), 101, 165166, 225 Sampsôn, 294 (2).
(et 5) ; voir ά ρ χ ω ν . Sanudo Marco, 305 (2) ;
305 (2) ; MARINO,
J 340 (2),
Rossano, 116 (5) ; voir Rysianon. 344 (2), 1 (2), 353 354 (1), 357 (5),
Rossi- T aibbi G., 113 (3). 364369.
Roufinianai, 157- 158. Sardaigne, 7, 11 (et 6), 12 (4), 48, 101,
Rouge, m er, 8 (et 3). 103, 428 (et 4).
Rouillard Germaine, I , 271 (1). Sardeis, 187.
Rousion, 206 (1). Saros, 439 (1).
Roussel, 155, 175 (2). Saroukhan, 373, 375, 383384 (6), 427,
Roussel P., 190 (4), 237 (1). 453
routes, 10- 11, 18- 19, 44, 46- 47, 52, Sarrasins, 36, 50, 82, 94 (6), 127 (et 6),
76, 92, 95- 96, 117- 118, 127 (6), 160, 130 (1), 133134, 139 (2), 194 (2).
163- 171, 186, 192, 194, 197, 228, 235, 267 (et 1), 269, 289 (3), 294 (11), 362,
240, 245, 255, 269 (et 1), 270, 308- 309, 441443.
315. 323- 327, 366, 370, 372, 406 (1). Sathas K., 46, 122 (1) passim, 201 (3),
Runciman St., 56 (3), 113 (6), 190 (4), 215 (2) passim, 400 (et 1) passim.
194 (2), 237 (2), 292 (6), 342 (3). sceaux, 13 (4), 45 (1), 48 (8), 51 (et 5),
Russie, 8, 167, 325 ; Russes, 14, 34 (1), 5458, 65, 71, 76 (1, 2), 81 (2), 82,
46, 52 (3), 67, 75, 87- 88, 92, 97, 84 (9)90 (2), 98 (3), 107, 110, 122,
102- 103, 105- 106, 110 (et 2), 112- 124 (1, 3), 132 (3), 135 (1), 165,207 (2),
113 (et 7), 116, 119 (et 6), 126- 134, 270 (3), 331 (4), 4i6·
150 (4), 155- 159, I 6 I , 166, 206- 207, Scheltema H., 152 (2), 209 (1), 214 (2).
390, 397 (et 3), 404 (2)- 4O5, 416- 417, Schenk K., 41 (2).
443· Schirù G., 164 (2).
Ryndakos, 167 (4), 227. Schissel O., 414 (6).
Rysianon, 116, 442; voir Rossano. Schlumberger G., 5, 51 (5, 7) passim,
114 passim.
Sabatier J., 99 (4). Schneider A. M., 83 (1), 338 (3).
Saggarios, 335 (5), 372. scholies, 152 (2), 209 (1), 214 (2), 408 ;
SAIN T BLAISE DE CONSTANCE, 189 (2) ; ARISTOTE, 243 (et 5) ; Basiliques,
voir BERNOLDUS. 152 (2), 209 (1), 241 (2) ; HOMÈRE, 76
Saint Martin J., 161 (2). (1), 408, 412 (11), 414 (9), 419 (3),
SaintSiège, 341. 420 (5), 423 (4).
SaintSôzôn, 431. Schramm P., 10 (1).
SainteThéodosie, 431, 433. Schwarz E., 411 (4).
SaintsApôtres, 149 (2). Sclavènes, 12 (2), 56 (4)57 (2), 86 (4) ;
Sakkιliôn J., 89 (4). voir Sklabisianoi, Sthlabinoi, ά ρ χ ω ν .
Salachatinos, 446447 ; voir Saladdin. Scutari, 122,274 (1), 280 (3) ; voir Chryso-
Saladdin, 265, 285, 446447. polis.
salandiya, 412 (3) ; voir χ ε λ ά ν δ ια . Scylla, 252, 286.
Salin E., 9 (1). Scythie, 12 ( 2) , S cythes, 206- 208 ( 1),
Salôna, 426. 245 (4), 445.
Salu, 360 (7). Sébastopolis, 8 (2).
Samos, 46 (2), 81 (et i), 90, 99 (et 4), secrétaire, 238, 244, 271 ; voir ν ο τ ά ρ ιο ς .
Index général 481
Seek O., 12 (2, 4), 19 (2), 80 (1), 410 (9), SKIZÈNOS, 267 (3).
42? (5)> 431 (8). Sklabisianoi, 193 (4), 402 (3) ; voir
SeguinzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
35 ( 2). Sclavènes, κ ε φ α λ ή .
Α ., zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
S eldjoucides, 136, 143, 146- 147, 151, Sklèraina, 204 (1).
161 ( 2), 175- 176, 182- 189, I99> 227, Sklèros Bardas, 120 (et 3), 126.
311, 320, 326, 392- 393, 427» 4 3 6 ; Skopélos, 361-362.
Grands, 182, 263 ; voir Turcs. SKOUTARIOTÈS, 6, 184 (4), 221 (1),
Séleucie, 187, 195, 224 (et 2), 235, 428. 223 (4), 229 (i)-23i (et 2), 274 (1),
Sélinas, 88 ; voir Soulinas. 314 (2), 315 (et 4, 5), 322 (2), 324 (1),
Sélymbria, 14 (et 1), 167, 307, 318. 437 (1)·
Sémountos, 446. SKYLITZÈS, 5, 125 (1), 129 (5), 138 ( i ) ,
Sénachéreim a. 331, 335 ; b. 384 (6). 139 (i> 3)> 143-144 (2), 148 (1, 3)>
sénat, 302 ; voir γ ε ρ ο υ σ ία , σ ύ γ κ λ η τ ο ς . 150 (4)> 151 (3> 4)3 167 (1, 4), 175 (2-
S eptem, 11 ( et 5), 48, 428. 4), 179 (5)> 201 (4, 5), 202 (1), 206 (3),
S erbie, 176 ; S erbes, 127 ( 6), 226, 247 ( et 207 (i)> 397 (3) 5 Stéphanos, 225 (5),
8), 251- 252 ( 4), 267 ( 3), 370, 381- 382, 274 (1)·
384. Skyros, 58 (et 3), 101, 127, 131 (3),
S erblias Léon, 146. 132 (5), 257, 259, 362, 366, 4 3 7 ;
Serge, magistre, 441. voir ά ρ χ ω ν .
Sermisianoi, 29 (7) ; voir Kermèsianoi. S laves, 9, 11 ( et 1), 14, 2 1 , 23, 40, 4 2 ,
Serre, 411 (1). 44, 56 ( 4), 57 ( 2), 78 ( et 5), 92, 137,
Sesan M., 194 (1), 209 (3), 224 (2), 140 (3)> 353- 355> 392.
274 (1). Smiciklas T., 261 ( 2).
Sestos, 265, 290, 307, 316, 318, 323-324. Smoléna, 213.
Sette Pozzi, 344 (4), 347 (3), 348, 356 Smyrne, 46 (2), 58 (et 3), 91 (et 1),
(et 3)j 357 ί voir S petzai. 101, 108, n i , 165, 168, 183-184
Setton K. M., 176 ( 1), 190 ( 4). (et 4), 186-187, 208 (2), 224 (et 2),
S fax, 264 ( 2). 274 (1), 277 (6), 307, 309, 321 (et 3)-
S gouros Léon, 291, 294, 312 (et 2). 322, 326, 329-330, 345 (6), 347> 349>
Sicile, 7, 11-12 (4), 24 (3), 38, 41 (i)> 362, 378, 402, 425, 435, 437-438;
43-44, 48, 51 (et 4), 63, 65 (et 3), voir ό ίρ χ ω ν , δ ο ϋ ξ , κ α τ ε πά ν ω , ό ρ ια ρ ίτ η ς .
74, 83-85, 90-97> 100 (1), 103-104, solde, voir ρ ό γ α .
106, 113 (et 3), 116-117, 120-125 (1), Soloviev Α ., 58 ( ι ).
I3IJ 133-134, I44> 163-164 (2), 168, S ophianai, 434> ( et ι ), 437> 454- 455·
180, 192, 237, 241-256, 264, 282 (4), S orbonne, 59> 8 i ( 2), Ι ΐ 8 , 1 3 1 (3)> 2 ΐ ο ( ι ),
284-289, 328, 341-3433 348, 363J 391- 290 ( 6), 423 ( ι )·
392, 397> 421 (4) 3 426 (et 5), 428, 436, Sorlin Irène, 114 (7)·
442, 450 ; voir Arabes, Normands, Sôsthénion, 45IJ 454·
δ ρ ο υ γ γ ά ρ ιο ς , θ έ µα , σ τ ρ α τ η γ ό ς . Soudi, 191, 225.
Sidè, 201 (6). Sougdaia, 438.
SIDOINE APOLLINAIRE, 410 (et 11). Souleiman, 441.
SlHABEDDIN, 373 (4). Soulinas, voir Sélinas.
Silberschmidt M., 387 (1). Sousse, 264 (2).
Sinogowitz B., 302 (3, 5), 314 (3)· Sôzopolis, 187 (3), 228, 453, 455·
Sinope, 12 (4), 57 (et 2), 101, 161 (2), Spalato, 256, 260-261 (2), 273-274 (1) ;
165-166, 183, 211 (2), 225, 274 (1), voir δ ο υ ξ .
280 (et 3), 306 (4)-3O7 (et 4)> 3M> SPANÉAS, 193 (4),
427, 438 ; voir α ρ χ ώ ν . Spanioulos Ougos, 447.
S iphantos, 270, 284- 289. Spetzai, 347 (et 3), 348, 356 ; voir Sette
S isinios, 27, 29- 30. zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Pozzi.
Skamandros, 321, 373. Sporades, 77, 132 (5), 366 (et 3), 369.
Skiathos, 27, 362, 366, 429 (4). Stadia, 317, 372 (5).
H . AH RWEILER 31
482 Index gιnιral
Stadtmiiller G., 55 (et 2), 278 (2, 3), 60, 82, 96,103104,106, 112113,117,
279 (2). 163, 165166, 168169, i75> 186187,
Stamatiadθs E., 99 (4). 191, 193196, 206, 224229 (et 2), 232,
Steggos, 345 (7). 234237» 248, 263265, 267 (et 2), 271,
Stein E., 6, 7 (1, 3), 8 (2), 12 (2), 22 (1), 274 (et 1), 326 (2), 332, 343, 345, 392,
passim, 193 (4), 203 (4), 428 (5). 399 (2), 406 (1), 427, 437 ; voir Arabes,
Steiriônès, 289290, 304 (et 5), 308 (et 2), Normands, Sultanat.
312, 317 (1), 404 (3). SYROPOULOS, 434.
Sténon, 13 (et 3), 57 (et 2), 5961,102 (1),
122, 403, 441 ; Sténitai, 52 (3), 122 (5), Tactiques militaires, 32 (2), 45 (1), 61,
405 ; voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
ό ίρ χ ω ν , κ ό µη ς , θ έ µα , σ τ ρ α τ η γ ό ς . 63 (i), 6768, 7071, 90, 97, 105,
Stéphanos, patrice, 124 (3). 107, 150, 193 (4), 278 (3), 400 (7),
Stephanns, 414. 438 (8) ; voir CONSTANTIN VII,
Sthlabinoi, 261 (3). LÉON VI, Naumachica, OURANOS N I
Stiernon L., 294 (7), 314 (4). CÉPHORE.
STILBÈS CONSTANTIN, 188 (2), 290 (5). Tadiι J., 426 (6).
STRABON, 77 (1), 78 (et 1), 426 (7). Tafel T. L., 121 (7), 274 (1).
stratège, voir σ τ ρ α τ η γ ό ς . Tafel G.Thomas G., 5, 167 (3), 178 (2),
Stratègopoulos Alexis, 328, 331, 338, 181 (5), 229 (2) passim.
363, 372 (2). Tagliacozzo, 341.
stratopédarque ; voir σ τ ρ α τ ο πε δ ά ρ χ η ς . taktika des dignités, 45 (1), 53, 64, 66, 71
Strobylos, 57 (et 2), 101, 165, 168 (et 1), (et 3), 76 (1), 80, 85, 97101, 107108,
184 (5), 186, 225, 372 (5) ; voir α ρ χ ώ ν .zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJI
121 (7), 422 ; voir BeneSevic, Klèto
StruckA., 113 (4). rologion, Oikonomidès, Uspenskij.
Strymon, 167. Tancrède, 196.
Stryphnos, 277,290- 292,295. Taormina, 94 (et 3).
Styppeiôtès Théodore, 271 (2).
Suez, 8. Tarantinoi, 52 (3) ; voir Térentos.
Suidas, 414, 420, 422 (8). Tarônitès Grégoire, a. 125 (3) ; b. 188
Sultanat, 175, 183 (et 3), 185, 227, 234, (et 4), 198 (2), 225 (4).
237, 264, 267 (et 2), 271 (3), 285, 291, Tarse, 96, 103, 168, 187, 224 (et 2),
303, 306 (2, 5), 320 (4), 326 (5), 334 228, 235, 283 (2).
(et 1), 393, 427, 446447 ί voir Egypte, Tarzena, 431.
Iconion, Nicée, Syrie. Tatikios, 193.
Svoronos N., 57 (2), 58 (5), 86 (5). Tauride, 58.
Sykè, 195, 441. Taurus, 20, 35, 42, 264, 283.
Syllaion, 83 (et 3), 90, 108, 111 ; voir taxes, voir impôts.
τ ο υ ρ µά ρ χ η ς . Taygète, 353355·
Syméon, tsar, 89, 435. Tazerout M., 36 (1).
SYMÉON MAGISTRE, voir PseudoSYMÉON Teirès Gylielmos, 314 (et 2).
MAGISTRE. Templiers, 378 (et 3).
SYMÉON LE MÉTAPHRASTE, 164 (2), Ténédos, 14 (et 1), 7778, 90, 108, m ,
428 (2). 116, 309, 316, 326, 381, 386, 421 (4),
Synadènos, duc, 220 (et 1) ; prôtostratôr, 429 (et 4), 437 (et 7).
453· Terbel, 27, 30.
Synaxaire de Constantinople, 92 (4), Térentos, 125 (et 1) ; voir Tarantinoi,
94 (2), 164 (2), 430 (8), 431 (et 6), κ ό µη ς , σ τ ρ α τ η γ ό ς .
432 (1), 441. Terrier de Loray, 353 (1).
Synodikon de l'Orthodoxie, 101 (6). thalassocratie, 34, 44, 46, zyxwvutsrqponmlkjihgfed
92, 96, 105,
Syracuse, 94 (et 2), 428. 118- 120, 170, 192, 197, 230- 231,
SYRIANOS MAGISTRE, 67 (6), 43. 262- 263, 265, 269- 270, 297, 320, 322,
Syrie, 9, 1718, 25, 3637, 40, 47 (et 1), 6 363» 376, 389·
Index gιnιral 483
Thasos, 52 (3), 346, 360 (et 7), 362; Théophile I e r , 74, 103, 432.
voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
δ ο ϋ ξ. Théophile, patrice, 26.
Thèbes, 57 (et 2), 58 (2), 86, 90, 101, Théophobos, 103 (3).
165, 168, 224 (et 2), 242 (et 6), 276, THÉOPHYLACTE, 55 (3), 186 (3), 209 (1),
277278 (1), 450 ; voir ά ρ χ ω ν , 8pwv.zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIH
224 (2), 225 (4), 277 (6).
Theiner Α ., 340 (3). THÉOPHYLACTE SIMOCATTA, 6, 411 (et 3).
thème, voir θ έ µα ; armée 3637 (4), Théotokos Acheiropoiètos, 109 (3).
66, 117, 121, 124 (4) ; maritime, Thermaïque, 285 (5).
32 (et 2), 34 (2), 42, 4546, 50533 Thermè, 285 (5).
6265, 6869, 7i 3 8081, 83, 90, 9899, Thermopyles, 357 (5), 366 (6).
108109, 119121, 127 (6), 130135, Thessalie, 168, 177178, 191, 294, 314,
I54J I59> 184, 210, 275, 345 (6), 3333 345346, 357 (6), 362369, 376,
399402, 416, 4234243 4293 435 5 4273 437·
régime, 17, 2122, 31333 42, 495°, Thessalonique, 23, 2629, 48 (et 7),
64, 66, 70, 95, 137, 154, 159, 211, 221 58 (et 2), 61 (4), 90, 101, 104105,
223, 273 passim, 278 (3), 424, 429. 113 (et 4), 124127, 130, 132 (5), 133,
Théoctiste, 112 (et 2, 3). 164 (2)i68, 195, 213, 224, 236, 244,
Théodora, e112, r
432, 441. 257, 260, 270, 273274 (1), 285289,
Théodore I Lascaris, 290 (2), 301314, 309, 314 (et 3), 320321, 324326,
316, 328, 357. 345346 (et 6), 349, 360, 362363,
Théodore II Lascaris, 320 (et 3), 324 366, 386 (et 5), 405, 436437 (et 7)3
(2), 328, 437. 453 5 voir ά β υ δ ικ ό ς , ά ρ χ ω ν , δ ο ϋ ξ , έ πα ρ χ ο ς .
THÉODORE, 8 (1). Thibètôn, 57 (2), 86 ; voir Thèbes, ά ρ χ ω ν .
THÉODORE PRODROME, 215 (1), 225 (4) Thiriet F., 14 (1), 308 (3).
passim, 228 (4), 235, 267 (3), 272 (1), Thomas le Slave, 39 (et 2), 43, 69 (1),
274 (i)> 277 (4),· 733 403 (3)·
THÉODORE SPOUDEE, 164 (2). TH OM AS D'EDESSA, Ι Ι ( Ι ) .
THÉODORE STOUDITE, 43 (5), 48 (8), Thomas de Spalato, 261 (2).
164 (2), 315 (3). Thrace, 27, 29- 30, 42, 156- 157, 167,
Théodoric, e411. 177, 183- 184, 189, 199 (1), 206 (et 5),
Théodose I r , 48 (8). 210, 220 (1), 223, 275- 279, 285- 287,
Théodose III, 26 (et 4), 2830. 307, 312- 320, 324, 328, 333, 366 (3),
Théodose, révolté, 158. 3753 377- 378, 380- 381, 384, 386 (5),
THÉODOSE LE DIACRE, 114 (et 6). 394, 427, 435, 437 ; voir θ έ µα .
THÉODOSE LE GRAMMAIRIEN, 13 (1). Thracésiens, 46 (2), 84 (9), 110 (4), 131,
THÉODOSE DE MÉLITENE, 6, 46 (1), 150 (4), 223 (4), 273274 (1), 293,
„, i?3 (5)3 274 (1). 322 (2, 3), 333 (6), 345 (6), 360 (et 7),
THEODOULOS MAGISTROS, 374 (2). 361 (1), 402 (et 1), 424 (2) ; voir δ ο ϋ ξ ,
Théologos, 58 (3), 91 (1), 270 (3) ; voir θ έ µα , πρ ω τ ο ν ο τ ά ρ ιο ς , σ τ ρ α τ η γ ό ς .
Ephèse, ά ρ χ ω ν . Thrymbaki, 220 (3).
THÉOPHANE, 6, 11 (2)i4 (2, 3), 20 (2), TH U CYD ID E, 169 ( ι ) .
23 (243 7) 29, 33 (1) passim, 50 (3, 4) tiare, 387 (2).
57 (2), 67 (2), 73 (4) passim, 80 (2), Tibère, 12 (4), 50 (4); voir Apsimar.
82 (2), 84 (i), 86 (4)8 7 (2), 90 (2) Tibre, 439.
passim, 157 (7)3 193 (4)> 398 (6) passim, Tion, 372 (9).
402 (3), 407 (4), 409 (et 33 67), 411 Tomaschek W., 315 (3), 317 (4)5 321 (4)3
412 (1, 2), 414, (5, 7) passim. 331 (2), 426 (7).
THÉOPHANE CONTINUÉ, 5, 32 (3)34 (1)3 tonitrualia, 408.
39 (et 2, 3) passim, 67 (2), 72 (2) pas Tornikès, 147 ; Dèmètrius, 314 (2} ;
sim, 102106, 109 (6)H5 (1), 119 (3)3 Euthymios, 308 ; GEORGES, 287 (5) ;
132 (5), 142 (1) passim, 155 (3), 157" Léon 176. ?.»:; ,?Ό
158 (2), 169 (1), 397 (3) passim. Toscane, 450. « ;W v]
484 Index gιnιral
113 (4) ; Aréthas, 8 (3), 62 (2) ; Atha Vitalien, 397 (2), 398, 411 (8).
nase l'Athonite, 78 (et 2), 86 (1), Viterbo, 341, 362.
99 (3)> I 0 9 (1)3 " 5 (5J 7)> 164 (2), 166 vivier, 222.
(2) ; Barbaros, 39 (1), 94 (6) ; Biaise Vladimir, 128130.
d'Amorion, 164 (2) ; Christodoulos voile, 415418.
de Patmos, 184 (4, 5), 186 (3), 208 (3) ;
Constantin le Juif, 164 (2) ; Dèmètrios, Wassilievskij B., 2, 60 (4), 87 (1), I I I (i),
11 (1), 22 (2)24 (4), 2731, 48 (8); 164 (2)i66 (2), 185 (3), 209 (1), 210 (2),
Denis de Trébizonde, 377 (8) ; Elie 224 (2).
de Sicile, 84 (4), 113 (3) , Etienne le Wendel C, 321 (4).
Jeune, 43, 77 (4), 90 (1), 101 (4), Wieruszowski H., 241 (1).
164 (2), 421 (5) ; Euthyme, 167 (2) ; Wiet G., 17 (3), 39 (1)·
Georges d'Amastris, 87 (1), 111 (1),
164 (2), 166 (2) ; Grégoire le Déca Winh P., 308 (3).
polite, 55 (4), 91 (1), 164 (2) ; Ignace, Wittek P., 176 (1), 227 (5), 335 (5)>
94 (2)3 98 (3) ; Jean Damascène, Wunsch R., 6.
93 (3), Joannice, 78 (4); Joseph,
164 (2) ; Lazare de Galèsion, 204 (1),
Léontios, 267 (2) , Luc le Jeune, 61 Xanalatos D., 153 (1), 203 (3).
(1) ; Martin, pape, 164 (2), Mélétios Xanthoudidθs S., 345 (7).
le Jeune, 60 (4), 164 (2), 165 (1), Xèropotamou, 209 (1), 213 (4).
185 (3), 209 (i)-2io (2), 224 (2), Xerxès, 239.
Mélétios, patriarche, 421 (5) ; Nicolas,
75 (6), 164 (2), 208 (6), 408 ; Nicon le yacht impérial, 417 ; voirzyxwvutsrqponmlkjihgfedc
δ ρ ο µώ ν ιο ν .
Métanocité, 115 (5); Nil le Jeune, Yaxi, 373, 375, 427.
110 (6), 116 (5), 124, 145 (1), 164 (2),
400, 412 (9), 426 (5), 442, Paul de
Latros, 86, 99 (4), 400 ; Phocas, 12 (4), Zaccharia, 373.zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXW
408, 436 (4) ; Pierre d'Argos, 25 (4), Zakythinos D., 5, 39 (1) passim.
44 (6), 80 (1, 3), 92 (4) ; Pierre d'Atrôa, Zampιlios S., 119 (4).
52 (3), 278 (3); Sabbas, 377 (8); Zante, 193.
Sampsôn, 98 (3) ; Théodore, higoumène Zaoutzas e rStylianos, 142 (3).
de Chôra, 439 (1), Théodore Stoudite, Zenon I , 398.
48 (6), 78 (4) ; Théophane le Confes Zéphinezer, 78, 99 (3).
seur, 77, 164 (2) j Triphyllios de Zιpos J. et P., 5, 8 (2), passim.
Chypre, 25 (4). Saintes : Christine, Zichie, 58 (1), 267 (3), voir δ ρ χ ω ν .
24 (6) ; Théophanô, 142 (3). Saints : ZONARAS, 5, 12 (4), 22 (2), 24 (3, 6),
David, Syméon, Georges de Lesbos, 26 (4, 7)> 46 (1), 52 (3), 56 (4), 85 ( i) ,
43 (5)5 164 (2), Kyros et Jean, 77 (4), 89 (2), 92 (2), 96 (3), 103 (5), 120 (et 3)-
92 (4) ; Valère, Vincent, Eulalie, 92 (4). 125 (2), 128 (et 3, 4), 131 (2, 6)- i34
Vienne, 13 (1). (2, 4), 138 (1), 139 ( 1. 3) passim, 146
VlLLEHARDOUIN, 5, 292 (et 4), 294296, (et 4, 6), 148- 151 passim, 160 (et 3),
301302 (et 1), 304 (et 5)3o6 (16), 175 (2, 3), 184 (4), 185 (3)> 201 (6),
308 (2), 311 (et 2, 5)3i4 (i)> 317 W> 204 (3)- 2i4> 220 (3), 407 (5), 438 (3).
448; Guillaume, 351353, 449450. Zygos, 278 (3).
.rιwn''
IN D EX DES TERMES GRECS
ά β υ δ ικ ό ς , 48 (8), 58 (5), 100- 102, 118, α πο θ η κ ά ρ ιο ς , 83 (3). ' :: *
127 (et 5) , 165; voir Am isos, T h e s- α πο θ ή κ η , 277 (6).
salon ique. ά πο κ ρ ισ ά ρ ιο ς , 446- 447.
α γ γ α ρ ε ία , 144. α πό πλ ο υ ς , 165.
α γ ο ρ ά , 435. ά πό ρ φ υ ρ ο ς , 119 (2).
«γ ρ α , 410. α πο σ τ ρ α τ ε ύ ω , 213.
ά γ ρ ά ρ ιο ν , 34 (3), 152 (7), 157, 212, 490- ά πο τ ε τ α γ µέ ν ο ς , 401 ; πλ ό ΐµο ς .
410 (et 2) , 417- 418; voir α λ ιε υ τ ικ ό ς , ά ρ κ λ α (- ίο ν ), 409- 410, 439.
β α σ ιλ ικ ό ς , ρ ο ύ σ ιο ς . ά ρ µα , 424.
α θ ά ν α τ ο ι, 178 (et 3), 206. ά ρ µα µέ ν τ ο ν , 102 (5), 424 (et 4, 5) ; voir
ά θ ή ν α ρ χ ο ς , 60, 165, 210. ά ρ χ ω ν , κ α τ ε πά ν ω .
α ιχ µά λ ω τ ο ς , 397 (3), 440. ά ρ µε ν ο ν , 389 (1), 451.
ά κ ά τ ιο ν , 183, 455. ά ρ µε ν ό πα ν ο ν , 212.
α κ ό λ ο υ θ ο ς , 147, 260. α ρ µο σ τ ή ς , 273.
ά κ ρ ε ισ α ν δ ά λ ιο ν , 410 (et 5). ά ρ µο φ ύ λ α ξ , 424 (6).
α κ ρ ό πο λ ις , 243 (5), 441. α ρ πα γ µα , 178 (4).
ά κ ρ ό σ τ ιχ ο ν , 224. ά ρ σ ιν ά λ η ς , 420 (et 3), 432.
α λ ιε ία , voir pêche. ά ρ χ ε ΐο ν , 454- 455.
α λ ιε υ τ ικ ό ς , 410. α ρ χ ή , 12 (2), 18 (3), 27, 68, 77, 81, 122 (2),
α λ λ α γ ή , 146. 196, 313, 405; ν ή σ ο ς , ν α υ τ ικ ό ν .
ό ίλ υ σ ις , 441. α ρ χ ιε πίσ κ ο πο ς , 101.
ά µη ρ α ς , 56 (1), 380 (5). ά ρ χ ιε ρ ε ύ ς , 101, 342 (1).
ά µιρ ά λ η ς , 380 (et 5)- 381. ά ρ χ ιτ ε λ ώ ν η ς , 90 (1), 101 (4), 277 ( 4) ;
ά ν α γ ρ α φ ε ύ ς , 152, 153 (1), 160 (4), 184 (4), voir Nicomédie.
213, 273, 275 (4), 278; voir κ ο ν τ α ρ α τ ο ς , α ρ χ ο ν τ ιά , 55 (4), 56, 61 (4).
πλ ό ΐµο ς , C h yp re, Kôs. ά ρ χ ο ν τ ίκ ιο ν , 61, 102, 165.
ά ν α ζ ή τ η σ ις , 152 (6). ά ρ χ ο ν τ ό πο υ λ ο ι, 206.
ά ν ά λ ω µα , 230. «ρ χ ω ν , 13 (et), 19, 29 (7), 44, 48- 49
ά ν ά πα υ σ ις , 432, 444. (et l ) , 54- 61, 68, 70- 73, 75- 76, 79- 81,
α ν δ ρ ε ιω µέ ν ο ι, 206 (2). 85- 92, 95, 99- 102, 111, 118, 123 (3),
ά ν ε ν έ ρ γ η τ ο ς , 162 (3), 444. 124 (2), 126- 127, 131 (3), 132 (5),
ά ν θ ρ ω πο ς , 214zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
(2), 275, 411, 452. 159, 162- 165, 210, 225, 270, 277 (4),
α ν θ ύ πα τ ο ς , 277 (et 2). 278, 376, 386, 442 (et 8), 424, 428 (2),
ά ν ν ώ ν α , 149 (3). 444- 445, 450, 452, 454- 455.
α ξ ίω µα , 204 (1), 442. ά σ τ ρ α τ ία , 178 (2).
ά ο ίκ η τ ο ς , 429 (4). ά σ ύ µβ ο λ ο ς , 369 (1).
ά πα ίτ η σ ις , 212. α ύ γ ο υ σ τ ά λ ιο ς , 222 (3).
α πα ρ χ ή , 266. α ύ γ ο υ σ τ ικ ό ς , 410.
«πλ η κ τ ο ν , 52, 144, 421. α ύ θ έ ν τ η ς , 453.
ά πο γ ρ α φ ε ύ ς , 239, 317 (6); voir R h o des. α ύ τ ε ρ έ τ η ς , 109, 401 (et 5), 403. ; - u ; •
488zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
Index des termes grecs
α υ τ ο κ ρ ά τ ω ρ σ τ ρ α τ η γ ό ς , zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
118, 124 (et 1) . δ α σ µο φ ο ρ ία , 146.
α ύ τ ό σ τ ο λ ο ς , 109, 401. δ ε σ πο τ α τ ο ν , 382; voir Epire, M istras,
α υ τ ο φ υ ή ς , 421. T h essalo n iqu e.
α ύ χ ή ν , 451. δ ε σ πο τ ε ία , 351.
δ ε σ πό τ η ς , 205, 302 (7), 309 (5), 314, 328-
β α λ ά ν τ ιο ν , 442; voir β α σ ιλ ικ ό ς . 331, 346- 347, 351- 352, 362- 369, 379,
β ά ν δ ο ν , 62, 63, 68, 78, 278 (3), 416, 452. 386, 444; voir E pire, M ist ras, T h e s-
β ά ρ ο ς , 146, 151, 212. salon ique.
β α ρ ύ µισ θ ο ν , 151. δ ε σ πο τ ικ ό ν , 450.
β α ρ ύ ς , 264. δ η µό σ ιο ς , 141 (4), 147, 203 (1), 204 ( 1) ;
β α σ ίλ ε ια , 201 (5). voir χ ώ ρ α .
β α σ ιλ ε ο πά τ ω ρ , 142 (3). δ ια πό ν τ ιο ς , 105 (2), 249; voir σ τ ρ α τ ε ία ,
β α σ ιλ ε ύ ς , 185, 188 (9), 200- 201 (6), 440- φ ρ α γ µό ς .
442, 446, 448, 450. δ ιή ρ η ς , 14 (3), 181, 183, 245, 410, 416;
β α σ ιλ ικ ό ς adj., 69, 98, 109- 110 (3), 154, voir birème.
156- 159, 162, 165, 171, 204 (1), 210, δ ίκ α ιο ν , 224 (1), 446.
230 (3), 240, 361 (5), 403, 410, 411, δ ικ α ν ικ ό ς , 143 (et 7), 148 (3).
416, 425 (3), 442, 447; voir ά γ ρ ά ρ ιο ν , δ ίκ η , 141.
β α λ ά ν τ ιο ν , β ε σ τ ιά ρ ιο ν , γ ρ ά µµα , δ ρ ό µω ν , δ ικ α σ τ ή ρ ιο ν , 141.
δ ρ ο µώ ν ιο ν , ίπιπλ ο ν , ν α υ τ ικ ό ν , πλ ό ϊµο ν , δ ικ α σ τ ή ς , 141, 152 (2), 153 (et 3) .
τ ρ ιή ρ η ς , δ ιο ίκ η σ ις . 200 (et 4, 5).
β α σ ιλ ικ ό ς subs., 132 (5), 167 ( 2) ; voir δ ιο ικ η τ ή ς , 153 (1), 160 (7), 168 ( 2) ;
Madytos, M er Egée. voir Attalée, Cyclades.
β α σ ιλ ίς , 268, 454. δ ό κ ιµο ς , 399.
β ε σ τ ά ρ χ η ς , 204. δ ο µέ σ τ ικ ο ς , 117- 118, 120- 121, 124, 140 (3),
β ε σ τ ιά ρ ιο ν , 102 (5), 230 (3); voir β α σ ιλ ικ ό ς , 150, 207 ( et ) ; Α ν α τ ο λ ή ς , 140 ( 3) ; 150,
β ε σ τ ιά ρ ιο ς , 380 (5), 422 (et 2) , 424 (et 7). 207; Δύ σ ε ω ς , 140 (3), 150, 207; µέ γ α ς ,
β ή λ ο ν , 445. 117, 206- 209, 213, 219, 251, 272, 284 (5),
β ίγ λ α , 74 (5), 414; voir δ ρ ο υ γ γ ά ρ ιο ς . 355, 384; σ χ ο λ ώ ν , 140 (3).
β ιω τ ικ ό ς , 269 (1). δ ο ρ υ φ ό ρ ο ς , 441.
β λ α τ τ ίο ν , 54 (5), 447; voir δ ρ χ ω ν . δ ό ξ α , 290 (3).
β ο υ λ ή , 143. δ ο ξ ο µα ν ία , 301.
δ ό σ ις , 144, 212.
γ α λ έ α (- η ) (- ο ς ), 19, 52 (3), 91, 110, δ ο ϋ ξ , 55 (4), 63 (2), 72 (et 2), 100 (6),
407 (5), 410 (et 8), 413- 414, 416, 425. 111 (1), 116 (5), 118, 120- 121, 124-
γ α λ λ ο ία , 414 (et 2) . 127 (et 6), 129 (3)- 130 (1), 139 (4),
γ ε ρ ο υ σ ία , 243. 140 (3), 144, 150, 153- 154, 159. 167 (1),
γ ε ν ικ ό ν , 101, 141 (4), 153, 203, 272; 179 (et 5), 186- 187, 191, 194, 196,
Voir λ ο γ ο θ έ τ η ς , σ έ κ ρ ε τ ο ν . 198 (2)- 199, 208- 209 (et 3) , 212,
γ έ ν ο ς , 143, 227. 219- 225, 227, 260- 261 (2), 270, 272-
γ ε φ υ ρ ο πο ιΐα , 144- 145. 280, 283, 294 (7), 322 (2, 3) , 333 (6),
γ η , 223 (4). 358 (3), 360 (et 7)- 361 (1), 406, 436;
γ ν ώ σ ις , 13 (4). µέ γ α ς , 186- 187, 194- 196 (et 5) , 198 (2),
γ ο ν ικ ία , 337 (3). 203, 207- 210, 213- 214 (2), 219, 245,
γ ο ρ γ ό πλ ο ο ς , 412. 247, 249, 254, 259, 265- 266, 270- 272,
γ ρ ά µµα , 165, 189- 190; voir β α σ ιλ ικ ό ς . 275- 277, 281- 283, 290- 295, 304, 308-
γ ρ α µµα τ ικ ό ς , 204 (1 ) ; voir P h ylax. 309 (et 4) , 312, 319, 321 (et 4) , 357
γ υ µν ό ς , 242, 302. (et 2, 5) , 360 (et 7), 365, 368- 369,
380, 384, 387 (et 2, 4) , 406, 423, 436,
δ α πά ν η , 380 (5), 424 (7), 452. 453.
δ α σ µο λ ό γ ο ς , 273, 277 (4). δ ρ ά κ ω ν , 290 (5).
δ α σ µό ς , 146. δ ρ ο µά ς , 412.
Index des termes grecszyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTSRQPONMLKJIHGFEDCBA
489
205- 208, 212, 215, 219, 220 (3), 223, ύ πη ρ ε τ ο ύ µε ν ο ς , 401, 403.
244, 281, 400, 402, 444; τ α γ µα τ ικ ό ς , 54. ύ πο γ ρ α µµα τ ε ύ ς , 238.
τ α γ µα τ ά ρ χ η ς , 361. ύ πο γ ρ α φ ε ύ ς , 54 (5).
τ α µε ϊο ν , 141, 204 (1), 228 (et 2) ,
τ α ξ Χ τ ο ς , 33 (1), 52 (1), 84- 85, 110. φ λ ά µο υ λ ο ν , 452.
τ α ξ ε ιδ ιά ρ ιο ς , 42. φ ό ρ ο ς , 146.zyxwvutsrqponmlkjihgfedcbaZYXWVUTS
τ α ξ ε ίδ ιο ν , 146. φ ο ρ ο λ ο γ ώ , 442.
τ ά ξ ις , 52 (1), 68, 442. φ ό ρ τ ο ς , 428 (21.
τ α ρ ίτ α , 420, 450. φ ο ρ τ α γ ω γ ό ς , 239, 409, 454.
τ α ρ σ α ν ά ς , 425. φ ο ρ τ η γ ό ς , 409.
τ α ϋ ρ ο ς , 58 (4). φ ο σ σ α τ ο ν , 207, 449- 450.
τ α χ υ ν α υ τ ώ ν , 228 (6), 411- 412. φ ο υ ν δ ο υ κ ά ρ ιο ς , 167 (2).
τ α χ υ πλ ό ΐµο ς , 25, 412. φ ρ α γ µό ς , 105 (2), 445.
τ έ λ ο ς , 146, 243. φ ρ α κ τ ό ς , 215, 221, 242, 406 (1), 443;
τ ε λ ω ν ικ ό ς , 152 (4). voir κ α τ ά φ ρ α κ τ ο ς .
τ έ χ ν η , 419. φ ρ ο υ ρ ά , 146.
τ ζ α γ γ ρ ά τ ω ρ , 215 (2). φ ρ ο ύ ρ ιο ν , 8 (2), 455.
τ ζ α ο ύ σ ιο ς , 278 (3). φ ρ ο υ ρ ώ ν , 223 (et 3) .
τ ζ α σ τ ά ς , 355, 450. φ υ λ α κ ή , 160, 260, 441, 444.
τ ο πά ρ χ η ς , 56, 176 (2).
τ ό πο ς , 223 (4), 243 (1), 421, 445, 451; χ α ρ α γ ή , 54 ( 5) ; voir α ρ χ ώ ν .
τ ο πικ ό ς , 425. χ ά ρ β ιο ν , 152 (7), 212, 417 (et 6).
τ ο πο τ η ρ η σ ία , 63. χ α ρ τ ο υ λ ά ρ ιο ς , 57 (2), 63 (7), 70 (et 2),
τ ο πο τ η ρ η τ ή ς , 70, 100, 119, 124- 125, 127, 74 (et 2) , 103 (et 1), 135 (1), 152 (et 6),
129, 159, 223. 153 (1), 422- 424, 432 (et 5) .
τ ο ϋ λ δ ο ν , 54 (5), 414- 415 (3). χ ε λ ά ν δ ιο ν , 19, 52 (3), 84 (5), 91, 102 (1,
τ ο ϋ ρ µα , 62- 64, 68- 69, 108, 278 (3), 402, 2), 110, 116 (5), 127 (et 6), 152 (7),
416. 160 (7), 212, 400 (7), 401 (4), 409- 418,
τ ο υ ρ µά ρ χ η ς , 24, 51 (et 5- 8), 62, 64, 66, 425 (3), 426 (5), 435, 442- 444.
68- 70, 73, 83- 86, 90, 91, 110 (et 4) , χ έ λ υ ς , 412.
124 (4), 159 (et 2) , 193 (4L χ ε λ ώ ν η , 412.
τ ρ ιά ρ µε ν ο ν , 269. χ ο ρ η γ ία , 214 (4).
τ ρ ιή ρ η ς , 25, 128 (1), 129, 157 (7), 180, χ ο ρ η γ ό ς , 380 (5), 424 (7).
183, 245, 252, 409- 411, 413, 445, 448- χ ό ρ τ α σ µα , 144, 149 (2).
450, 454- 455; vo ir trirèmes, χ ρ ε ία , 144.
τ ρ ιη ρ ο ε ιδ ή ς , 412. χ ρ ή µα , 213.
τ ύ πο ς , 222. χ ρ υ σ ε ψ η τ ε ϊο ν , 329 (1).
τ υ ρ α ν ν ίς , 311. χ ρ υ σ ίο ν , 266.
χ ρ υ σ ό β ο υ λ λ ο ν , 56, 180 (et 2), 181 (5),
ύ γ ρ ό πισ σ ο ν , 451. 200- 202, 223 (4), 225 (5), 231- 232,
β πα ρ χ ο ς , voir έ πα ρ χ ο ς , 241 (5), 244, 255, 277, 289- 290 (4),
ύ πα τ ικ ό ς , 100 (6). 303 (1), 332, 359- 360 (3), 409 (3),
υ πε ρ έ χ ω ν , 193 (4). 446, 450, 453- 454.
ύ πε ρ ό ρ ιο ς , 233, 263, 392. χ ώ ρ α , 52 (2), 56, 78, 131 (6), 132 (1),
ύ πέ ρ πλ ε ο ν , 212 (1}. 146- 147, 160, 189, 223 (4), 260, 339,
ύ πέ ρ πυ ρ ο ν , 447, 452. 442, 446- 447, 450, 452, 454.
ύ πέ ρ τ ιµο ν , 212 (1). χ ω ρ ίο ν , 219.
ύ πέ ρ τ ιµο ς , 180 (4).
υ πη ρ ε σ ία , 401, 423. ώ ρ ε ϊο ν , 277 (6).
ύ πη ρ έ τ η µα , 202 (4). ώ ρ ιά ρ ιο ς , 277 (6).
Vu, LE 24 AVRIL I964,
Le Doyen de la Facultι des Lettres et Sciences Humaines
de l'Universitι de Paris,
André AYMARD.
V u ET PERMIS D'IMPRIMER,
Le Recteur de l'Acadιmie de Paris,
Jean ROCHE.
TABLE DES MATIERES
PAGES
SlGLBS ET ABRÉVIATIONS 6
INTRODUCTION
Le monopole naval de Byzance et son déclin : de Justinien I e r aux Isauriens .. 14
PREMIÈRE PARTIE
• • s\
CHAPITRE PREMIER
L'apparition des Arabes sur mer
et Vorganisation des forces navales de Byzance
A. — Le conflit arabobyzantin 17
La piraterie maritime arabe 17
La riposte byzantine. La flotte des Karabisianoi et le nouveau système
de défense 19
La création de la flotte des thèmes. La constitution des formations
navales 31
B. — Les luttes arabobyzantines du dernier siège de Constantinople à la perte
de la Crète 35
CHAPITRE II
La nouvelle organisation de l'armιe de mer
et des bases navales
A. — Anciennes bases navales et nouvelles circonscriptions maritimes 45
B. — Commandants maritimes et officiers de l'armée de mer 53
a) Les commandants des bases : archontes d'une région côtière ou d'un
port 54
H. XHBWEILER 32
498 Table des matiθres
PAGES
b) Commandants des circonscriptions maritimes et des détachements —
de la flotte provinciale 62
c) Les officiers de la flotte de bataille 66
C. — L'organisation du IXe siècle d'après le « Taktikon Uspenskij » et les sceaux 71
L'archonte régional 71
Les drongaires et les comtes du ploïmon :
I. Le drongaire du ploïmon 73
II. Le drongaire de la Mer Egée 76
^ .. III. Le drongaire du Kolpos 79zyxwvutsrq
Λ Le stratège des Cibyrrhéotes. Les tourmarques du ploïmon . . . . 81
Archontes régionaux connus par des sceaux 85
Les bases de la flotte byzantine 90
CHAPITRE III
De la perte ΰ la reconquκte de la Crθte et de la Sicile
A. — La situation à la veille de l'avènement des Macédoniens. La perte de la
Sicile 93
B. — L'organisation de la marine sous les premiers Macédoniens. La création
de Γ « officium » du drongaire du ploïmon 97
La flotte impériale centrale 102
La flotte des thèmes maritimes 107
La flotte provinciale 109
C. — Le rétablissement de l'empire et le sort de la flotte. La reconquête de
la Crète m
Le déclin de la flotte à la fin du Xe siècle 117
Un tableau de l'organisation maritime à la fin du Xe siècle tiré du
« Taktikon Oikonomidès » 118
D. — Les forces navales de Byzance pendant la première moitié du XIe siècle.
L'effort pour la reconquête de la Sicile et l'éclatement de la flotte
centrale 122
;.. Les flottes régionales et le déclin des thèmes maritimes 130
CHAPITRE IV
PAGES
DEUXIEME PARTIE
CHAPITRE PREMIER
CHAPITRE II
A. — Jean I I Comnène. Les expéditions terrestres et l'abandon de la flotte.... 226
La suppression des défenses maritimes et les mesures antivénitiennes 230
B. — Manuel I e r Comnène , 233
Les opérations en Syrie 234zyxwvutsr
Λ
500 Table des matiθres
PAQES
CHAPITRE III
TROISIÈME PARTIE
CHAPITRE PREMIER
' PAGES
B. — L'organisation de la défense de Constantinople et la construction de la —
première flotte de Michel VIII 336
C. — Michel VIII et le nouveau concert international , 340
D. — La politique et les alliances maritimes de Michel VIII 344
E. — Le rôle de la flotte dans la reconquête. Expéditions en Péloponnèse et
contre les îles égéennes 351
Expéditions en Thessalie et contre l'île d'Eubée 363
F. — Les conséquences de la politique de Michel VIII 369
CHAPITRE III
CONCLUSION
Byzance et la mer 389
APPENDICES
I. — Les équipages 397
IL — Catégories et types de navires 4°8
III. — La construction navale :
Les chantiers et arsenaux : leur administration 419
Les chantiers et arsenaux de Constantinople et des provinces .. 425
IV. — Testimonia :
Une nouvelle source sur la bataille des mâts 44°
Un récit du siège de Constantinople par les Arabes (717) . . . . . 441
Témoignages sur l'occupation provisoire par les Byzantins des îles
de Chypre et de Crète avant leur reconquête par Nicéphore
Phocas 44 1
Le refus des Calabrais de servir dans la flotte 4422
Aspects des préparatifs maritimes
er
des Byzantins 44
La victoire navale de Romain I contre les Russes d'Igor (941)... 443
Le père d'un empereur calfat de métier 444
Conseils à un empereur du XIe siècle pour l'organisation de la
marine de guerre 444
502 Table des matiθres
f _..ï PAGES
il. La mobilisation de la flotte constantinopolitaine par Manuel I e r —
Comnène 445
La flotte byzantine stationne dans le Danube 445
' · Aspects de la piraterie dans la Méditerranée à la fin du XIIe siècle 446
;
Les Grecs tentent d'incendier la flotte des Croisés 448
La flotte nicéenne de la Propontide, création de Jean Vatatzès . . . . 448
Les Tzaconiens au service de l'empereur Michel VIII Paléologue.. 449
L'uvre maritime de Michel VIII Paléologue 450
Une tradition orale des portulans grecs 451
Instructions pour la construction du dromon 451
Le comportement des officiers à l'égard de leurs subordonnés 452
Le vaisseau amiral 452
Chronique de l'activité de la flotte au XIVe siècle 452
Le blocus de Constantinople par les Génois et la défaite navale des
Byzantins 453
INDEX GÉNÉRAL , 457
CARTE 216-217
1966. — Imprimerie des Presses Universitaires de France. — Vendôme (France)
ËDIT. N° 28 397 mpumâ EN FRANGE BIP. N» 19 244