COUVERT C1032 - COUVERT - ANGLETERRE-GNOSTIQUE - 9p
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ETIENNE COUVERT
LECTURE ET TRADITION, N° 373-374, MARS-AVRIL 2008, P. 6-31
Cet "état d'esprit humaniste" se retrouve chez Thomas More, dont toute la formation a été faussée par l'idéologie ré-
formiste, telle qu'on la retrouve dans son véritable testament : L'Utopie. Il se manifeste déjà dans son attitude à l'égard
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des Protestants. De par sa fonction de Chancelier, il doit les poursuivre, mais il le fait avec beaucoup de ménagements et
de douceur. Il favorise leur évasion, déclarant comprendre leur désir de trouver un gîte plus convenable. Il lui arrive
même de recueillir chez lui, sous son toit, tel hérétique, comme Simon Grynoeus et de l'aider de sa bourse et de ses con-
seils pour le soustraire à la police royale.
La formation première de Thomas lui est venue de son admiration pour les humanistes italiens. En 1505, il publie une
vie de Pic de la Mirandole. Il le présente comme son modèle et lui demande d'exprimer les propres mouvements de son
esprit. Le monde est revêtu d'une nouvelle beauté à l'aube de la Renaissance. Dans son œuvre subséquente, dans
L'Utopie, dans sa controverse avec Luther, dans son Dialogue du réconfort dans l'épreuve, on retrouve cette exaltation
d'un monde qui a retrouvé son harmonie et d'une réduction finale du mal dans le bien, qui est la forme à peine modifiée
du retour à l'Unité Primordiale chantée par tous les gnostiques.
Or, Pic de la Mirandole a introduit chez les Humanistes italiens les thèmes de la Kabbale juive et ceux-ci vont appa-
raître à sa suite dans la littérature (Etienne Couvert, La Gnose contre la Foi, p.52).
More a lu Pétrarque et retenu son mépris de la scolastique et son admiration pour Platon. Il a également lu Marsile Fi-
cin de Padoue. C'est là qu'il a trouvé cette identification de la Sagesse chrétienne avec la Sagesse antique destinées à
se rejoindre dans une manifestation unique de l'âme, étincelle divine, déjà religieuse par sa nature, en se référant à
l'Epître aux Romains (ch. 1 à 8) et au Néoplatonisme.
More communie intensément à ces idées nouvelles. Il a été initié par ses amis Th. Linaere et surtout John Colet.
Ce dernier que More a choisi comme ami et conseiller, avait tout à fait l'étoffe d'un Luther. Il s'attacha au roi Henri VII
Tudor qui le nomma doyen de Saint-Paul à Londres, à 36 ans. C'était aux yeux d'Erasme , «une des grandes lumières du
clergé». Il avait lu Platon et Plotin. Il avait visité tous les hauts lieux de l'Humanisme en Italie. Peu conformiste, convaincu
qu'il fallait secouer la poussière de la vieille religion, il s'installa en 1496 à Oxford, où il expliqua les épîtres de saint Paul
selon une exégèse intuitive qui provoqua de violentes controverses. Il critiquait violemment les moines. En 1521, il faillit
se rallier à Luther, mais Erasme l'en dissuada.
C'est lui qui entraîna More contre la scolastique. Faisant parler son héros auquel il s'identifiait : «Il ne laissa passer
aucun de ces captieux chausse-trappes de la scolastique. Il n'y avait rien qu'il ne haïssait plus que cela. Ces subtilités,
disait il, n'ont d'autre but que d'humilier des personnes fort instruites mais ignorantes de ces bagatelles».
Les Humanistes avaient entrepris de multiplier les traductions de la Bible en langues vulgaires, avec des variantes et
des interprétations nombreuses et divergentes. Auparavant l'Eglise ne reconnaissait que la Vulgate de saint Jérôme,
comme son texte officiel.
Au siècle précédent, Wiclef et ses disciples avaient répandu dans le peuple des traductions qui remettaient en cause
les traditions théologiques, provoquant de multiples discussions et polémiques. Un concile d'Oxford de 1402 défendit
sous des peines très sévères, de répandre toute traduction qui n'aurait pas d'abord été approuvée par un synode diocé-
sain ou par un concile provincial.
Tyndale publia à Worms en 1526 une traduction du Nouveau Testament en 6.000 exemplaires qui ont rapidement
passé en Angleterre. Les notes de cette traduction étaient violemment anti-romaines et véhiculaient la pensée de Lu-
ther.
Erasme avait publié à Londres son Eloge de la Folie. Un jeune professeur de l'Université de Louvain, Martin Van
Dorp, dès 1514, écrivit à Erasme une protestation indignée :
«Il y a du fiel dans les boutades de la Folie et ses sarcasmes jettent le discrédit sur la religion. Quant au Nouveau
Testament, celui que nous avons suffit depuis quinze siècles. A quoi bon le changer ? Défions-nous de ces sources
grecques empoisonnées sans doute par les orthodoxes... S'il est vrai que l'on peut améliorer le texte de la Vulgate,
que restera-t-il de l'autorité de l'Ecriture ? Entendu par là de l'autorité de tous les raisonnements qui s'appuient sur
l'une ou l'autre proposition de l'Ecriture. Or donc est-ce que tous ceux qui ont discuté sur le texte de la Vulgate sont
dans l'erreur ? Les conciles Généraux et leurs définitions sont-ils menacés ? C'est tout l'édifice doctrinal de l'Eglise
qui est ébranlé par la base par ceux qui préconisent le retour aux textes natifs de l'Ecriture». Le reproche était
grave.
Van Dorp avait bien compris que cette passion subite pour l'Ecriture Sainte et cette vénération apparente pour le livre
de la Bible cachaient une volonté perverse de démolir la Tradition théologique et les dogmes de l'Eglise Romaine.
Thomas More entreprit de voler au secours de son ami Erasme. Il s'en prit sévèrement à la Constitution d'Oxford, dé-
signée par lui comme l'instrument du malheur et un moyen d'oppression contre la liberté. Les évêques, dit-il, «craignent
que des esprits insubordonnés retirent plus de mal de ces traductions». Cette crainte, More ne l'éprouve pas. Dans son
Dialogue concerning Tyndale, il ajoute : «Quelle que soit la malice ou la folie de ceux qui font naître le mal d'une chose
bonne et destinée au bien de tous, il ne faudrait jamais pour cette seule raison abolir ce qui peut être si profitable». More
s'indigne de la pusillanimité de certains chefs religieux : «Car si l'abus d'une bonne chose doit être cause qu'elle soit abo-
lie et enlevée à ceux qui pourraient en user, le Christ eut mieux fait de ne jamais naître ni d'apporter la foi dans le
monde». Qu'importe si les hérésies ont toujours éclaté à propos des textes sacrés interprétés par des esprits or-
gueilleux, trop confiants en leur propre savoir : «Si les choses bonnes sont faites pour aller de l'avant, ne faut-il pas,
de toute nécessité, qu'on ose les abandonner aux risques de l'aventure ?»
Voilà un texte qui sonne étrangement aux oreilles modernes accoutumées à entendre aujourd'hui les refrains de
l'Eglise conciliaire : Aller de l'avant – Ne pas avoir peur – Accepter les risques du monde moderne – Savoir s'adapter aux
nécessités d'aujourd'hui – Relever les défis – Oser s'engager dans des voies nouvelles, etc .
L'Humanité est en marche vers sa Déification. Il nous faut «prendre le train en marche», ne pas regarder en arrière ni
compter les dégâts et si l'enseignement de Jésus-Christ ne s'inscrit pas dans ce processus, il sera rejeté. Telle est la reli-
gion des Humanistes et nommément celle de Thomas More, comme il vient de nous le dire. Telle est aujourd'hui la re-
ligion de l'Eglise conciliaire qui accepte encore le culte de Jésus-Christ seulement au service du culte du Monde.
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Or, hélas ! pour eux tous, le Christ a affirmé : «Je ne suis pas venu pour sauver le monde» et «Mon royaume n'est pas de
ce monde».
Dans ce même Dialogue concerning Tyndale, More continue de développer sa pensée sur la tradition vivante qui
épouse avec souplesse les aspects concrets de la vie. Il présente avec facilité les questions de développement et de
l'évolution des vérités révélées et des rites : «Dieu ne livre pas ses secrets d'un seul coup, écrit-il. Selon les âges, selon
les temps, la vérité apparaît plus ou moins dévoilée par la Sagesse et la Bonté divine. S'il s'agit des rites à observer, cette
même prudence providentielle permet aussi la variété, la mutation et le changement... Selon qu'il plaît à sa Majesté de
voir que telle chose est connue ou forte dans son Eglise, Dieu tempère ses révélations et il les insinue dans les cœurs
des fidèles pour les amener à s'accorder sur les mêmes points».
André Prévost, dans sa biographie de Thomas More, a rapproché ces textes du discours prononcé par Jean XXIII, le
11 octobre 1962 à l'ouverture du Concile Vatican II : «Autre est le dépôt de la Foi, c'est-à-dire les vérités que renferment
nos vénérables dogmes, autre est le mode selon lequel ces vérités reçoivent la formulation qui permet d'exprimer le
même sens et la même idée. C'est à ce mode d'expression qu'il faudra apporter une extrême attention et travailler avec
persévérance». C'est-à-dire s'acharner à modifier les textes de la Foi en prétendant conserver le même sens.
CETTE PRÉTENTION EST UN MENSONGE ET UNE IMPOSTURE.
André Prévost présente Thomas More comme un moderniste avant la lettre et un précurseur du Concile Vatican II. Il
lui en fait gloire d'ailleurs...
2/ LE "CAS" SHAKESPEARE
En 1598, on arrêta à Angoulême un magicien nommé Beaumont. Il fut jugé à Paris et enfermé au château de Chinon.
L'historien J.A. de Thou raconte dans ses "Mémoires", au livre VI, qu'il put assister, sans être vu, à un interrogatoire du
magicien : «La magie dont il faisait profession était l'art de converser avec ces génies qui sont une portion de la divinité...
Les sages qui s'appliquent à faire le bien, commandent aux génies, connaissent par leur commerce les secrets de la na-
ture les plus cachés, ignorés du reste des hommes et dont personne n'a jamais écrit, apprennent aux hommes à con-
naître l'avenir, les moyens d'éviter les périls, de recouvrer ce qu'ils ont perdu, de passer en un moment d'un lieu dans un
autre... Il ajouta qu'il conversait avec les esprits célestes, habitants de l'air, qui, bienfaisant de leur nature, ne sont ca-
pables que de faire du bien... Que le monde était rempli de sages qui faisaient profession de cette sublime philosophie,
qu'il y en avait en Espagne, à Tolède, à Cordoue, à Grenade et en beaucoup d'autres lieux, qu'autrefois elle était célèbre
en Allemagne, qu'en France et en Angleterre elle s'y conservait dans certaines familles illustres, qu'on n'admettait à la
connaissance de ces mystères que des gens choisis de peur que par le commerce des profanes, l'intelligence de ces
grands secrets ne passât à la canaille et à des gens indignes».
On peut rapprocher ce témoignage d'un compte-rendu d'une réunion secrète qui prépara le mouvement janséniste,
quelque vingt ans plus tard et que nous avons publié (Etienne Couvert : De la Gnose à l'Œcuménisme, 2°éd., p. 64 et sv).
On y retrouve les même expressions : les connaissances, l'ouvrage, les élus, les profanes. Il s'agit très exactement de
réseaux occultistes, c'est-à-dire gnostiques, qui fonctionnaient régulièrement dans toute l'Europe.
En 1584, avait paru à Londres un ouvrage de Reginald Scot intitulé : The Discovery of Witchecraft. L'auteur énumère,
page 451, les ouvrages qui étaient lus chez les magiciens : «Les enchanteurs ont encore de nos jours des livres portant
les noms d'Adam, Abel, de Tobie, d'Enoch, lequel Enoch ils regardent comme le plus divin confrère en ces matières. Ils
ont aussi des livres qu'ils disent faits par Abraham, Aaron, Salomon. Ils ont des livres de Zacharie, de Paul, d'Honorius,
de Cyprien, de Jérôme, de Jérémie, d'Albert et de Thomas et aussi des Anges Riziel, Hazael et Raphael».
Retenons au passage quelques ouvrages gnostiques bien connus aujourd'hui : le livre d'Adam, manuel de base
des Sabéens ou Mandéens que nous avons présenté avec précision (Etienne Couvert : La Gnose en question, p. 174 :
notice sur les Sabéens), le livre d'Abraham, manuel de base des Zoroastriens (Etienne Couvert : La Gnose universelle, p.
64), le livre d'Enoch que l'on a retrouvé dans les grottes de Qumran, l'Evangile de Thomas, bien connu aujourd'hui et
d'autres...
Par où l'on voit que les réseaux occultistes ont conservé au cours des siècles les manuels des premiers
gnostiques et sont restés fidèles à la gnose primitive, celle de Simon le Magicien.
Revenons au témoignage de Beaumont. En Angleterre, d'illustres familles ont conservé les traditions occul-
tistes, par exemple celle des comtes de Derby.
Abel Lefranc a démontré avec un luxe de preuves remarquables que le nom de Shakespeare était le pseudonyme
littéraire du comte William Stanley, qui utilisa le patronyme d'un acteur de la troupe théâtrale qu'il subventionnait. Ce
comte avait parcouru l'Europe à la recherche des réseaux de magiciens et d'occultistes dont il connaissait parfaitement
les agissements et ses pièces de théâtre étaient destinées à en diffuser la mode en Angleterre.
Le maître des magiciens, à Londres, s'appelait John Dee. Il se prétendait astronome, c'est-à-dire astrologue et al-
chimiste. Il vécut de 1527 à 1608. Il fut le conseiller intime de la reine Elisabeth qui le tenait en haute estime et lui
donna en 1595 le titre de "Wardenship" du collège de Manchester, cher à la famille des Derby.
On a retrouvé le carnet de rendez-vous de John Dee. Il contenait de nombreuses mentions du comte de Derby. Le
père de William, Henri Stanley, avait déjà noué des relations intimes avec le célèbre magicien. Son fils, William, le ren-
contrait régulièrement entre 1595 et 1597. Par exemple, le 13 septembre 1595, John Dee dîne à Russel House avec le
comte de Derby et deux autres convives, dont un Allemand, Staltfeld. Le 20 janvier 1596, une rencontre eut lieu chez
Dee, avec William Stanley, Lady Gérard, sir Richard Molynox et sa femme, Mr Haughten et d'autres.
Une partie notable de l'aristocratie anglaise s'adonnait à l'occultisme et à la magie. Outre la famille de Stanley,
le comte d'Oxford, beau-père de William, Lord Sidney, sir Walter Raleigh, le comte d'Essex, de Leicester, lord Burgley,
lord Pembroke, le marquis de Northampton. Le château de Russel House constituait comme une plaque tournante des
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réseaux occultistes en relation avec ceux du continent.
A la mort d'Elisabeth, le roi Jacques 1er Stuart lui succéda. Au cours d'un voyage qu'il entreprit pour épouser une prin-
cesse danoise, il dut subir à l'aller et au retour plusieurs violentes tempêtes. Il se crut victime d'un ensorcellement et, à
son arrivée à Londres, il renouvela et aggrava les lois contre les magiciens et les sorciers. Sans indulgence ni faiblesse, il
les poursuivit énergiquement dès le début de son règne. Il fit brûler l'ouvrage de Reginald Scot dont nous avons parlé,
mais il fut stupéfait et indigné de devoir se heurter à la noblesse anglaise, toute gagnée à l'occultisme. Il jugea né-
cessaire de se justifier, en écrivant un ouvrage de Démonologie (Daemonologia, in form of a dialogo divided into three
books, written by the high and migthie Prince James by the grave of Good King of England, Scotland... London, 1603).
«La terrible abondance à cette époque et dans ce pays de ces détestables esclaves du diable, les sorciers et
les enchanteurs, écrit-il dans sa préface, m'a décidé, bien aimé lecteur, à terminer à la hâte le traité que voici».
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Le comte William Stanley Shakespeare entreprit de répondre au roi Jacques 1 et s'efforça de justifier les magiciens
dans sa dernière pièce de théâtre : La Tempête, qui ne fut jamais représentée en public, au cours de son règne. Elle
constitue son Testament. Le héros de cette pièce, Prospéro, fait servir la magie au triomphe du bien et de la justice, vise
à légitimer l'emploi de cette magie et à en présenter l'apologie. Il proteste contre la haine dont elle est l'objet.
Voici un commentaire de cette œuvre par F. V. Hugo, qui résume bien toute la pensée de Shakespeare :
«Shakespeare ne rejeta pas la tradition de la Bible et de la Légende, il les arbora. Il ne contesta pas le monde invi-
sible, il le réhabilita. Il ne nia pas la Puissance surnaturelle de l'homme, il la sanctifia. Jacques 1er avait dit : Anathème
aux esprits ; Shakespeare dit : Gloire aux esprits. Shakespeare croyait profondément au mystère. Convaincu qu'il y a
un monde intermédiaire entre l'homme et Dieu, Shakespeare était invité, par la logique même, à reconnaître l'exis-
tence de toutes les créatures dont le Panthéisme de la Renaissance remplissait le monde. Il y a place dans l'infini pour
toutes les créatures de toutes les Théogonies !
«Shakespeare venge les fées des calomnies du fanatisme papal ou puritain. Il restitue à ces tutélaires créatures la
place splendide que leur assignait dans l'ordre des êtres la vieille foi celtique. Sur le théâtre de Shakespeare, les fées
si longtemps méconnues redeviennent les gardiennes charmantes de la Nature. "La Tempête" est le dénouement su-
prême rêvé par Shakespeare au drame sanglant de la Genèse. C'est l'expiation du crime primordial. Le pays où elle
nous transporte est un terrain magique où l'arrêt de la damnation est cassé par la clémence et où la réconciliation dé-
finitive se fait par l'oubli fratricide. Et à la fin de la pièce, quand le poète attendri jette Antonio dans les bras de Prospé-
ro, il a fait pardonner Caïn par Abel». Nous avons souligné au cours de ce texte toutes les formules les plus clas-
siques de la gnose.
Tout le théâtre de Shakespeare est imprégné d'occultisme et de magie : données sur l'astrologie dans Le Roi
Lear, sur les mouvements des astres, la musique des sphères, dans Le Marchand de Venise, sur le rôle prépondérant at-
tribué au soleil, qui cadre bien avec les théories coperniciennes de l'époque, sur l'influence des comètes et des étoiles à
l'égard de la destinée humaine, sur le rôle de la sorcellerie dans Macbeth, sur les mentions multiples des fées, démons,
génies et spectres, présages et prédictions que l'on rencontre un peu partout dans Le Songe, Le Roi Lear, Hamlet, Jules
César, Roméo et Juliette, etc...
«On peut dire en un sens que Shakespeare était païen, explique Chesterton, en ce qu'il n'est jamais si grand que
lorsqu'il décrit les grands esprits enchaînés. Ses pièces les plus sérieuses sont un Enfer».
Non, M. Chesterton ! William Stanley-Shakespeare n'était pas un païen, mais un satanique et c'est pour cela
que ses personnages évoluent dans un monde infernal. «Ce qui n'est pas un hasard, continue Chesterton, c'est que,
dans Shakespeare, le nombre des fous soit si grand. On dit qu'il les mettait là pour éclaircir un peu le fond sombre de ses
drames. Je pense plutôt que c'était pour l'assombrir encore». Evidemment, quand on vit dans un Enfer, on finit par
devenir fou et c'est un juste retour des choses...
«Pour Hamlet, le Danemark est une prison, et pour Shakespeare, c'est le monde qui en est une», précise Chesterton.
En effet tout le monologue d'Hamlet est un appel au suicide : Etre ou ne pas être, telle est la question !... Que non pas.
Nous n'avons pas choisi notre existence, nous l'avons reçue et si nous décidons de ne pas être, il ne nous reste
plus que le suicide : «Notre âme ne peut supporter les coups poignants de la fortune cruelle ou s'armer contre un dé-
luge de douleurs et, en les combattant, y mettre un terme, poursuit Hamlet. Mourir, c'est dormir, rien de plus et par ce
sommeil nous mettons fin aux souffrances du cœur et aux mille douleurs léguées par la nature à notre chair mortelle.
Dormir... dormir, dormir !...»
Voilà le fond ultime de la pensée de William Stanley-Shakespeare !
Enfin, Paul Arnold a publié une étude complète sur les formules et expressions gnostiques et ésotériques ré-
pandues un peu partout dans le théâtre de Shakespeare . Nous y renvoyons dans notre bibliographie.
La Gnose, avons-nous dit, est apparue tardivement en Angleterre avec les Humanistes de la Renaissance. Ils ont re-
çu leur inspiration des écrivains italiens et français, Pic de la Mirandole, Marsile Ficin, Ramus et d'autres. Ils ont ainsi pris
contact avec les réseaux occultistes du continent, comme nous l'avons vu.
Tous, ils ont rêvé d'un monde idéal, depuis l'île d'Utopie jusqu'à l'île de Ben-Salem et le Paradis retrouvé. Un monde
idéal, dont eux, les Humanistes, resteraient les maîtres, regroupés dans une Société académique et secrète qui
leur donnerait le pouvoir universel dont ils rêvent. Il leur a fallu deux siècles de projets élaborés avec peine avant
d'arriver à la solution de la Franc-Maçonnerie.
Robert Fludd (1574-1637), médecin à Londres, devint célèbre en Angleterre, en prenant la défense des Rose-Croix.
Dans ses ouvrages intitulés : L'histoire du Macrocosme, publié en 1617 et Philosophie mosaïque, publiée en 1638, puis à
Londres en 1659, il enseigne la doctrine de la Cabale. Ses références sont Hermès Trismégiste, le plus souvent cité,
Porphyre et Jamblique, Saint Augustin...
Fludd ne sait pas bien ce qu'est la Cabale. Il lui arrive de prendre le "Zoar" ou le"Bahia" pour des rabbins.
Mais la doctrine, il l'a très bien assimilée. Dans Philosophie mosaïque, il écrit : «Les rabbins les plus célèbres et les
cabalistes les plus profonds démontrent que les natures opposées procèdent d'une seule cause éternelle, que Dieu est
cette Unité pure et catholique qui inclut et comprend en soi toute multiplicité». Plus loin : «Dieu est tout entier dans tout.
C'est lui qui agit et sans intermédiaires en chaque créature... Tout se fait d'une matière première qui est la substance de
Dieu... Dieu a envoyé son souffle sur le "Néant" et le "Vide"; par "Néant" et par "Vide", on entend une ombre sans vie que
même Moïse nommait "Terre vide"... L'Esprit de Dieu est dans le Soleil, parce que le Soleil est la conservation particu-
lière de l'Esprit divin et la Substance divine dans son mode actif». Plus loin : «Que la Terre est la Mère de tous les corps
et que les influences des étoiles sont comme les spermes du ciel projetés dans la matière de la Terre».
On s'excuse de répéter inlassablement de telles élucubrations, reprises aux gnostiques des premiers siècles ; mais il
faut rappeler ici le culte du Soleil divinisé, le culte de la Terre Mère, la matière divine de notre être... Les thèmes ressas-
sés de toutes les Gnoses...
Un disciple de Fludd, Elias Ashmole (1617-1692) est admis pour la première fois, en 1646, comme "maçon accepté"
et affilié, le 16 octobre 1648, à la petite loge de Warrington, dans le Lancaster. Première tentative de Maçonnerie.
Après la révocation de l'Edit de Nantes, les protestants français se réfugièrent surtout en Angleterre. Ils furent mal re-
çus par le roi Charles II Stuart, mais, dès la Révolution de 1688 et l'avènement de Guillaume d'Orange, ils vinrent en
foules. Ils reçurent des pensions et des places dans le nouveau gouvernement et furent alors tout dévoués au nouveau
régime. Ils formèrent un ensemble cohérent et solidaire. Ils se réunissaient régulièrement à la "Taverne de l'Arc-en-ciel"
et y créèrent une agence internationale d'information. Dans leurs publications, ils exaltent l'Angleterre dans sa littérature,
ses sciences, sa philosophie.
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«Que si jamais, disait César de Missy dans un sermon, on nous a vu par troupes tristement assis auprès du fleuve
d'une impure Babylone, cette Babylone fut la France, notre marâtre patrie et non l'Angleterre qui est pour nous une se-
conde patrie, digne de ce beau nom, une Judée. une Jérusalem. une Sion. Heureux rivage que la Tamise arrose !» Tou-
jours le même rêve d'un royaume messianique. Londres est la Jérusalem provisoire dans l'attente du retour du Peuple
élu dans la Terre Promise, libérée par l'Angleterre.
A partir de ce moment, de 1690 à 1710, les publicistes anglais inondent le continent de livres sociniens, arminiens,
déistes, athées, matérialistes, blasphématoires, magiques, mystiques, druidiques, égyptiens et babyloniens. Tyndal écrit
un «Christianisme aussi vieux que la Création», Toland un «Christianisme sans mystères». John Toland prétend ratta-
cher le Christianisme à une religion plus essentielle et primitive. Il va jusqu'à présenter un rituel et compose des prières
qui semblent imiter celles de la messe avec des invocations à la philosophie. Il prépare les rites de la future société ma-
çonnique.
Puis, c'est en 1717, la création de la Franc-Maçonnerie, point d'aboutissement de tous les essais antérieurs. Elle va
réunir en une société universelle, les réseaux gnostiques et occultistes répandus un peu partout en Europe. A partir de
ce moment, l'histoire de la subversion religieuse se confond avec celle des loges, bien connue des historiens.
Nous arrêtons là notre exposé.
Nous avons montré, dans une étude précédente (Etienne Couvert, La Gnose contre la foi, chap. IV) que le mouve-
ment romantique au XIXe siècle fut une formidable explosion de la Gnose dans toute l'Europe. L'Angleterre a con-
nu, elle aussi, une telle littérature satanique et blasphématoire. Ce ne sont que poings levés et tendus vers le ciel, vo-
ciférations impies, outrances verbales, imprécations forcenées, railleries atroces et furibondes...
Commençons par William Blake (1757-1827). Dès 1793, dans son Mariage du ciel et de l'enfer, il rétablit l'instinct de
la chair, comme l'expression de l'énergie vitale. Il voit dans le prétendu péché originel, la valeur fondamentale de la vie. Il
affirme : «L'homme n'a pas un corps distinct de son âme, l'énergie émane du corps et n'a pour bornes que nos tabous
chrétiens, que nous décorons du nom de raison». La chasteté est un crime contre la nature.
Dans son poème intitulé "Jérusalem" :
«Lorsque Satan banda pour la première fois son arc
Il délivra les hommes du mythe du péché originel
Inventé par d'hypocrites moralisateurs, par les faibles
Cherchant à asservir les forts par la ruse »
C'est toute la philosophie de Nietzsche.
Dans son poème : "L'Evangile éternel", il écrit :
«Tu es Homme, Dieu n 'est pas plus
Apprends à adorer ta propre humanité ».
Blake fait souvent référence à Swedenborg. Pour lui, les démons sont une catégorie d'anges qui président à l'énergie
et à l'imagination. Jésus-Christ est sa bête noire :
«La vision du Christ que tu vois réellement
Est le plus grand ennemi de ma vision ».
Il continue de dénoncer les prêtres comme les ennemis de tous les hommes. La création est une ombre, une illu-
sion, une plaisanterie du Tout Puissant.
Lord Byron (1788-1824) a composé une geste sataniste. Satan est un héros d'épopée digne d'admiration et un état
d'âme à imiter. Avec Manfred (1817), Don Juan (1818) et Caïn (1818), Byron a exercé une influence considérable sur
tout le mouvement romantique.
Manfred est le désespéré qui se complaît dans sa propre malédiction. Il défie Dieu, il défie l'Enfer, il est son propre
bourreau. Il ne se relâche pas même à l'instant suprême : «Ce n 'est pas à un être tel que Toi que je vendrai mon âme.
Arrive ! Je mourrai seul, comme j'ai vécu. Je vous défie tous. Je ne partirai pas d'ici tant qu'il me restera un souffle pour
vous exprimer mon mépris».
Dans Caïn, Lucifer est le personnage central du poème. Il se dresse contre Dieu : «Dieu a vaincu, qu'il règne ! Nous
sommes des âmes qui osent regarder le Tout Puissant face à face dans son éternité et lui dire que le Mal, son ouvrage.
n'est pas un Bien» et plus loin : «Je n 'ai rien, je ne veux rien avoir de commun avec lui ».
Caïn était un personnage sceptique et désillusionné, souffrant de l'étrange disparité entre ses aspirations et sa condi-
tion humiliante, toujours dressé contre le Créateur, responsable de l'injustice qui règne dans le monde.
«Le serpent disait vrai. Il était l'arbre de la Connaissance Il était l'Arbre de la Vie. La connaissance est bonne La vie
également. Où est donc alors le Mal ?» («The snake spoke truth, it was the free of Knowledge / It was the tree of life ;
Knowledge is good, / An life is good, and can both be evil ?»)
Et pour mettre ses actes en conformité avec ses paroles et ses pensées, Byron s'est fait, en Italie, le complice des ré-
volutionnaires. Il s'est affilié aux Carbonari, chez qui il tint des grades importants. Il a soutenu ses affidés dans leurs ten-
tatives de révolte : «Nous allons nous battre quelque peu le mois prochain, écrit-il. Si les Huns (c'est-à-dire les Autri-
chiens) ne repassent le Pô et même s'ils le repassent. Je ne peux rien dire de plus...»Une autre fois il triomphe : «Nous
sommes ici à la veille d'un beau tapage. Ils ont couvert les murs de la ville, cette nuit, avec des inscriptions de ce genre :
Vive la République ! Mort au Pape !... La police a passé tout l'après-midi à la recherche des coupables, mais n'a pu
mettre la main encore sur eux. Ils ont du travailler la nuit entière, car les "Vive la République" et les "Mort au Pape et aux
prêtres" sont innombrables et placardés sur tous les palais...»
Tout ceci se passait à Ravenne, mais ce qu'il ne savait pas, c'est que la police autrichienne le surveillait journellement
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et suivait pas à pas ses gestes. A son arrivée à Pise, on note : «Le célèbre poète , lord Byron, qui, s'il n 'avait pas la répu-
tation d'être un fou, mériterait que toute la police d'Europe fût à ses trousses a loué le palais...». A, propos d'un ouvrage
sur Dante : «L'ouvrage n'est certainement pas conçu dans un esprit favorable à notre gouvernement ni à aucun gouver-
nement italien. Il semble destiné à éveiller les sentiments hostiles de la population qui ne le sont déjà que trop. Byron fait
de Dante son porte-parole et le prophète des libertés démocratiques (Etienne Couvert, «La vérité sur Dante. Dante et la
Gnose», dans Lecture et Tradition, n°358, décembre 2006), comme si ces libertés devaient être le salut de l'Italie ».
L'influence de Lord Byron sur le romantisme français a été considérable. Toute une geste satanique française est tirée
des poètes anglais : Eloa, de Vigny , d'abord intitulé "Satan", la Chute d'un ange de Lamartine, la Fin de Satan de Victor
Hugo.
«A toi Byron, chantre d'enfer et de néant» s'écrie Jules Vavre. «Son génie vouait à l'enfer son luth divin» dit Vigny.
Lamartine , dans sa Méditation à l'Homme, dédiée à Byron, écrit :
«Toi, dont le monde ignore encore le vrai nom
Esprit mystérieux, mortel, ange ou démon,
Qui que tu sois, Byron, bon ou fatal génie,
J'aime de tes concerts, la sauvage harmonie.
Les cris du désespoir sont les plus doux concerts.
Le mal est ton autel et l'homme est la victime.
Ton œil, comme Satan, a mesuré l'abîme ;
Et ton âme y plongeant loin du jour et de Dieu,
A dit à l'espérance un éternel adieu !»
Byron avait rencontré son ami Shelley, au cours d'un voyage en Suisse. Ils avaient commencé des entretiens où ils
communiaient dans les mêmes sentiments. Shelley enseignait une gnose panthéiste, sorte d'extase divine, de folle
ivresse au contact de l'immense univers, dans lequel il ne pouvait plus distinguer la cause de l'effet ni comprendre si Dieu
était dans la nature ou si la nature n'était pas Dieu en personne.
Shelley (1792-1822) avait été étudiant à Oxford, mais après avoir écrit un ouvrage intitulé Nécessité de l'athéisme, il
en fut renvoyé, en 1812, à vingt ans à peine. Il mourut dix ans après au cours d'un naufrage.
Le romancier Paul Bourget, dans sa jeunesse, avait été fort attiré par l'Angleterre et sa littérature. Il y avait fait de
longs séjours. Mais, plus tard, après mûre réflexion, il comprit tout ce que cette littérature avait de spécieux et de pervers.
Voici comment il résume les poèmes de Shelley : «A la première page des vers de Shelley, on pourrait écrire cette
phrase si souvent citée du subtil Amiel : Un paysage est un état d'âme. La magie suprême de cette imagination, c'est
qu'en effet tous les objets se spiritualisent pour elle et s'humanisent, mais cette spiritualité n'est le résultat ni d'un symbo-
lisme, ni d'une comparaison. Shelley considère qu'il y a entre notre âme et la nature, non pas une analogie, mais une
identité. Une pensée diffuse s'agite dans la moindre parcelle de cet immense univers et cette pensée n'est pas différente
de notre pensée. Une sensibilité obscure frémit dans ce que nous appelons les choses et cette sensibilité ne dire de la
notre que par le degré. Lorsque nous comparons une émotion de notre cœur à un aspect du monde visible, nous ne fai-
sons que reconnaître l'unité secrète qui relie les unes aux autres les diverses manifestations de la vie universelle.
«Après une lecture prolongée de cette poésie, un déplacement singulier se produit dans la pensée. On cesse d'aper-
cevoir les hommes et les choses dans leur caractère individuel ; c'est une âme unique qui se révèle, dont tous les êtres et
toutes les choses traduisent l'éternelle aspiration. C'est un vaste cœur de l'univers qui se manifeste en proie à un infini
désir qu'il ne parviendra jamais à satisfaire. C'est ce douloureux, cet immense esprit qui est la réalité suprême et nous
ne sommes, nous, que les ombres d'un songe dans cette vie où tout n'est qu 'apparence» («where nothing is, but all
things seem - and we the shadows of the dream») .
Nous avons souligné, au cours de ce texte, toutes les expressions les plus classiques de la gnose panthéiste.
6/ LA GNOSE CONTEMPORAINE
A partir du XXe siècle, les écrivains gnostiques sont légion en Angleterre. Il nous semble fastidieux d'énumérer des
livres et d'exposer des doctrines déjà bien connues de nos lecteurs.
Voici, par exemple le cas d'Aldous Huxley. Son œuvre s'étale sur la première partie du siècle. Contrepoint en 1928,
L'ange et la fête en 1929. Mais dès 1930, Huxley subit sa crise de mysticisme, comme beaucoup d'autres, c'est-à-dire
qu'il passe à l'Occultisme et à la Gnose. Il lit le pseudo-Denys, Joachim de Flore, Me Eckart et toute la kyrielle des au-
teurs de la secte. On a, en 1936, La paix des profondeurs, L'Eternité retrouvée et, enfin, son chef-d'oeuvre La Philoso-
phie éternelle (The Perennial philosophy) en 1946.
Huxley se tourne vers l'Asie, se passionne pour les philosophies orientales et est tout étonné d'y retrouver les thèmes
habituels de toute Gnose : amour des hommes, non violence, oubli de son «moi», recherche de l'anéantissement de la
personne dans le «Toi» absolu, le «Tuam» des Védas, l'océan sans rives du divin.
«Tu» est identique à «cela» et le «cela», selon la formule sanscrite «Tat twam asi», identique au «Toi» est identique à
l'Absolu, le fondement éternel, l'Atman de l'Hindouisme.
Le «Logos éternel», c'est le fondement absolu, l'abîme qui absorbe, engloutit mon misérabilisme. Ce divin, dans le-
quel l'homme doit se perdre, Huxley l'appelle «the Ground».
La création n'est pas un acte libre et gratuit de Dieu, c'est une «chute de l'Unité dans ta Dualité» : le récit de la Ge-
nèse, pour être adéquat à notre expérience doit être modifié. En premier lieu, il faudrait rendre manifeste que la Création,
c'est-à-dire le passage incompréhensible de l'Un non manifesté à la multiplicité manifestée (en langage clair, de Dieu au
Monde) n'est pas seulement le prélude et la condition nécessaire de la chute («to some extent it is the fall»), en un sens,
c'est la Chute ! La création est donc le péché originel de Dieu. Il n'y a de salut pour l'homme que dans l'évasion hors du
temporel, la rentrée de la multiplicité au sein de l'Unité. Ce que les gnostiques de tous les temps ont appelé le retour à
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l'unité primordiale. Nous sommes donc dans un domaine bien connu déjà. Huxley s'est contenté d'en renouveler les for-
mules par un emprunt aux expressions orientales.
Nous avons trouvé chez un autre philosophe anglais, Witehaed, une définition de la Trinité gnostique tout à fait ori-
ginale et subtile. Le Père, pour les gnostiques, c'est la source de l'être sans existence positive, c'est donc LA NATURE
PRIMORDIALE, monde des essences et des désirs impuissants.
Le Fils, c'est le Démiurgue, incarné dans le monde, c'est LA NATURE CONSÉQUENTE. L'Esprit correspond à LA
NATURE SUBJECTIVE de Dieu qui modifie la créativité divine en l'enrichissant.
Mais tout cela n'est que pur paradoxe, car le Dieu créateur est en même temps une créature infinie dans sa virtualité,
mais furie dans sa perfection. Or cette activité est surabondante, en perpétuelle mobilité, elle est l'actualisation du flux
universel. Nous sommes toujours en plein panthéisme.
Nous arrêtons là notre étude. Nous savons, en effet, que nos lecteurs qui ont bien pénétré l'essence de la Gnose,
sont capables par eux-mêmes d'en déceler les manifestations chez tous les écrivains anglo-saxons qui, aujourd'hui inon-
dent le monde de leurs productions sataniques, depuis Da Vinci Code jusqu'aux séries d'Harry Potter et au monde de
Narnia... où pullulent les sorciers, les magiciens et les démons...
Etienne COUVERT
NOTES BIBLIOGRAPHIQUES
Il n'existe pas d'ouvrage d'ensemble sur le sujet. Nous avons dû nous contenter de monographies. Signalons cepen-
dant un excellent article de Marcel Signac : «La revanche d'Erasme», paru dans Les Ecrits de Paris d'octobre 1969.
Pierre Janelle : L'Angleterre catholique à la veille du Schisme (Beauchesne, 1935).
Sur Shakespeare
- Abel Lefranc : Sous le masque de William Shakespeare (2 volumes) (Payot, 1919). Ouvrage remarquable. L'auteur
étudie avec minutie les réseaux occultistes de cette époque.
- Jacques Boulenger : L'Affaire Shakespeare (Champion, 1919).
- Paul Arnold : Clef pour Shakespeare. Esotérisme de l'œuvre shakespearienne (Vrin,1977).