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3-1 | 2005 : Vol. 3, n° 1

Problématique des grands groupes et didactique du français


au Cameroun
David Ngamassu
RÉSUMÉS

FrançaisEnglish
Le problème de la pédagogie des grands groupes a été posé pour la première fois en mars 1984, lors de
la réunion à Khartoum, de l’Association des Professeurs de Français en Afrique. Plus de deux
décennies plus tard, la loi du grand nombre continue à s'imposer, comme une fatalité, dans les classes
en Afrique noire, aussi bien aux niveaux primaire, secondaire, que supérieur. A partir de l'analyse
cette problématique au Cameroun à l'aube du XXI e siècle la présente étude suggère une refondation
du système scolaire camerounais en particulier, afin de l'adapter au contexte socioéconomique et
politique actuel.
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ENTRÉES D’INDEX

Mots-clés :
classes à effectifs pléthoriques, didactique des langues, enseignement
différencié, évaluation, évaluation différencié, grands groupes, groupes hétérogène, petits groupes
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PLAN

1. Prolégomènes
2. Genèse de la pédagogie des grands groupes
2.1 Définition de la pédagogie des grands groupes
2.2 Le grand groupe : une fatalité ?
2.3. Une solution provisoirement définitive
3. Recherche d’unicité en didactique du français.
3.1. Pédagogie des grands groupes et pédagogie différenciée
3.2. L’enseignement mutuel
3.3. Fondements pour une pédagogie des petits groupes
3.4. L’évaluation dans les grands groupes
4. Pour une refondation de l'école et les implications métadidactiques
Conclusion

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TEXTE INTÉGRAL
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1. Prolégomènes
2  Conférence des Ministres de l'éducation des pays ayant en commun le français
1La Déclaration finale des travaux de la 45e session de la CONFEMEN2tenue à Yaoundé
en 1994, après avoir dressé un tableau sombre et alarmant de la situation de l’école en
Afrique noire francophone : programmes scolaires inadaptés, savoirs décontextualisés et
mal maîtrisés, sous-scolarisation, mal-scolarisation, déscolarisation, mauvaises
politiques scolaire, etc., recommande formellement une réorientation de ses objectifs et
finalités, si l’on veut que dans les décennies à venir, elle continue à remplir sa mission
de formation de la jeunesse, et partant de diffusion de la langue française. Plus d'une
décennie s’est écoulée depuis ces assises, et l’on peut constater que la situation de
l’école et de l’enseignement du français en Afrique et donc au Cameroun n'a pas évolué
de manière positive.

2La présente étude, qui est une réflexion critique sur la situation de l’enseignement du
français au Cameroun soulève quelques-uns des problèmes majeurs qu'il pose en ce
début du XXIe siècle : à quels types de problèmes spécifiques est-il confronté ? Face à
son acclimatement en Afrique noire et partant, à l’émergence des normes endogènes,
l’institution scolaire classique pourra-t-elle continuer à assurer son rôle de vecteur
exclusif de sa diffusion et de gardienne de la norme linguistique ? A l’heure de la
mondialisation linguistique, quelles politiques scolaires des langues mettre en place au
Cameroun, afin d’assurer aux générations futures un enseignement efficace du français
et une amélioration durable de la qualité de cet enseignement ? Quelle stratégie adopter
pour permettre à l'école moderne d'offrir à une population scolaire en constante
croissance un enseignement du français de qualité ? Telles sont quelques-unes des
interrogations que soulève la présente étude, dont le but n'est pas d’épuiser le
questionnement méthodologique en didactique des langues, mais de réfléchir sur les
voies et moyens d'une refondation de l'école et donc, de l'enseignement du français au
Cameroun en particulier. La didactique du français est un champ pluridisciplinaire,
tellement vaste qu’on ne saurait avoir l’ambition d’en explorer tous les aspects dans
cette étude ; nous limiterons donc volontairement à l'un des problèmes majeurs
auxquels elle est confrontée au Cameroun depuis plusieurs décennies : les classes à
effectifs pléthoriques et les problèmes que pose sa gestion quotidienne. L’examen de
toute réalité pluridimensionnelle implique deux démarches scientifiques possibles : l’une,
analytique, consiste à en distinguer, séparément, les différents éléments, et à les
considérer comme des entités autonomes ; l’autre, holistique, cherche à établir des liens
de causalité entre les différents éléments de l'ensemble. La deuxième démarche, encore
appelée approche systémique, analyse toute situation comme un système constitué
d’éléments différents en interaction réciproque les uns sur les autres, et dont
l'interdépendance assure la cohésion et l’unité de l’ensemble. En effet, la réussite ou
l’échec de l’enseignement du français au Cameroun dépend de la conjonction de
plusieurs facteurs inter-reliés et d’une multitude d’intentions, de pratiques et d’attitudes.
La recherche de solutions aux problèmes de la didactique du français au Cameroun ne
saurait donc s’appuyer sur un modèle de causalité unidirectionnelle, c'est pourquoi
l'approche systémique, démarche à la fois descriptive et prospectiviste, semble à l’heure
actuelle l'une des voies les plus fécondes pour une analysediachronique et synchronique
de l'école au Cameroun.

3 op. cit., p.13.

4  Ministère de l'Education nationale, La Réforme de l'enseignement primaire au Cameroun,Yaoundé, 26 (...)

5 Henry Tourneux, Olivier Iyebi-Mandjeck,L’école dans une petite ville africaine, Maroua, Cameroun, (...)

6 Aline Cook, "Francophonie au Cameroun indépendant: discours politique et mise en pratique au Camero(...)

3Parmi les problèmes auxquels elle est confrontée au Cameroun, figure la croissance
démographique exponentielle, dont le corollaire est l'augmentation constante des
demandes en matière d’éducation. En effet, depuis trois décennies, la croissance des
populations scolarisables constitue un casse-tête pour les responsables éducatifs
camerounais, qui font face à des difficultés de plus en plus insurmontables. Les salles de
classe prévues pour accueillir une trentaine d’élèves il y a vingt ans en accueillent
aujourd'hui deux, voire trois fois plus. Quelques chiffres illustrent mieux la situation : en
1961 la population scolaire au niveau primaire était de 421000 élèves, en 1968-69 elle
est passée à 938 000 élèves, puis à 2 400 000 en 90-91; en 2003-2004, elle se situait à
3 500 000 élèves. Dans le même temps le nombre de maîtres est passé de 13407 en
1970 à 38 429 en 1990, et se situe en 2004-2005 à moins de 50 000, dont plus des
deux tiers constitués de maîtres vacataires. Quant à celui des salles de classe, il n’a pas
suivi cette croissance. Déjà en 65-66, sur les 4954 salles que comptait l’enseignement
primaire officiel, 390 avaient plus de 70 élèves, et 761 comptaient plus de 80 élèves.
Raymond Lallez constate en 1974 que"c’est au niveau de la Section d’initiation que les
effectifs d’élèves par classe dépassent souvent la centaine" 3. La première conséquence
de cette surpopulation scolaire est évidemment le faible rendement interne de
l'institution scolaire. En effet d'après une étude sérieuse, publié en 1973, 43% des
élèves abandonnaient l'école à la fin de la quatrième année, tandis que 31%
redoublaient eu que seulement 15% passaient le certificat de fin d'études primaires
élémentaires4. Dix ans plus tard, Engilbert. Mveng constate qu'en 1985 que "sur mille
enfants entrés au Cours d’initiation, un seul arrive au baccalauréat" 1.Une autre décennie
après une étude réalisée par Henri Tourneux et Olivier Iyebi-Mandjeck à Maroua
(Province de l'Extrême-Nord) révèle que seulement 42% des élèves qui sont entrés à la
Section d’Initiation en 92-93 sont arrivés au Cours moyen deuxième année, et moins de
14% ont obtenu le Certificat d’études primaires. D’après cette étude, "86% des élèves
entrés à la SIL en 1992 n’auront jamais passé leur certificat d’études primaires, 90%
n’entreront jamais en secondaire"5. Trente ans après l'indépendance, ni le nombre
d'élèves par classe, ni les rendements internes et externes de l'école n'ont connu une
amélioration qualitative subséquente. Aline Cook note qu'au Cameroun le ratio élèves-
professeurs est loin de l’idéal, car en 1990 "la norme officielle prévoit 40 élèves par
professeur. Or on voit parfois jusqu’à 200 élèves pour un seul professeur" 6. Ces chiffres
illustrent bien l'une des tristes réalités auxquelles est confrontée l'école, et partant
l’enseignement du français au Cameroun : les grands groupes ou classes à effectifs
élevés. Alors que dans la plupart des pays industrialisés, où les taux de natalité sont en
constante décélération depuis plusieurs années, la tendance est à une réduction de la
taille des groupes-classes, au Cameroun, comme dans la plupart des pays africains, elle
connaît une croissance vertigineuse ; d'où la problématique des classes à effectifs
pléthoriques, qui couplée aux autres problèmes épineux : insuffisance de ressources
humaines et financières, inadaptations et inadéquation des programmes et des outils
pédagogiques, inertie du système scolaire engluée dans la tradition, et réticente, voire
réfractaire à toute transformation radicale rendent l'école inefficace et inapte à la
diffusion du français.

2. Genèse de la pédagogie des grands groupes


4La problématique de la pédagogie des grands groupes a été posée pour la première fois
en mars 1984, lors de la réunion à Khartoum de l’APFA,(Association des Professeurs de
Français en Afrique). En juin 1985, en marge des journées ‘Pratique du dialogue des
cultures pour les échanges éducatifs’ organisées au CIEP (Centre International d’Etudes
Pédagogiques) de Sèvres par la FIPF (Fédération Internationale des Professeurs de
Français), les professeurs de français en Afrique noire francophone décident de se réunir
en atelier spécialisé, pour jeter les bases de la réflexion sur l’enseignement du français
dans les classes à effectifs pléthoriques, phénomène très répandu dans la plupart des
grandes villes africaines. Il se dégage des travaux de cet atelier que, compte tenu de la
croissance démographique incontrôlée que connaissent les pays africains, du déficit
chronique en mobilier scolaire, du manque d’outils didactiques, et de l’insuffisance
quantitative et qualitative du personnel enseignant et des moyens financiers, le
problème des classes surchargées n’est pas une situation conjoncturelle. S’appuyant sur
les diagnostics dressés par plusieurs experts, les participants à cet atelier sont donc
unanimes que pour longtemps encore, les enseignants de français en Afrique noire sont
condamnés à travailler dans des classes surchargées. Par conséquent, face à
l’improbabilité du retour à une situation de classes à effectifs raisonnables, il faut faire
contre mauvaise fortune bon cœur, en mettant en place des démarches méthodologiques
et didactiques adaptées à ce contexte particulier.

5Depuis l’appel de Khartoum, plusieurs rencontres consacrées partiellement, ou


entièrement à la pédagogie des grands groupes ont été organisées en France ou dans
certains pays africains : à Djibouti en novembre 1985, Colloque du Sèvres en juin 1986,
Séminaire de Brazzaville en novembre 1986, rencontres de l’Ile Maurice en février 1987,
Séminaire de Sèvres en février 1988, Séminaire de Thiès (Sénégal) en novembre-
décembre 1988, réunions de Bordeaux en janvier 1989 et décembre 1990, séminaire de
N’Djamena en 1991, journées de Dakar en juillet 1995, etc. La fréquence et surtout le
nombre de journées, rencontres et séminaires consacrés à la réflexion sur la pédagogie
des grands groupes témoignent de l’importance grandissante accordée à cette question.
La publication du Répertoire méthodologique sur les techniques d’organisation et
d’enseignement dans les classes à effectifs pléthoriques par la CONFEMEN, (Conférence
des Ministres de l’éducation des pays ayant en commun le français), en juillet 1991,
marque un tournent décisif dans la réflexion sur la pédagogie des grands groupes.

2.1 Définition de la pédagogie des grands groupes


6Tout le monde s’accorde sur le fait qu’au-delà d’un certain seuil, l’action de l'enseignant
en classe n’est plus efficace, dans la mesure où il n’y a plus d’interaction possible au sein
du groupe-classe. Cependant il est difficile de fixer avec précision ce seuil; par
conséquent on ne peut pas définir avec exactitude ce qu’est un grand groupe. Une
définition consensuelle fixe à quarante-cinq, ou au plus à cinquante, la moyenne au-delà
de laquelle on est dans une situation de classe à effectifs élevés. Il faut dire cependant
qu’il ne s’agit que d’un seuil relatif, car au Cameroun rares sont les classes, même en
zones rurales, ayant moins de cinquante élèves. Dans les grandes villes, la moyenne se
situe généralement entre cent et cent-cinquante, avec des pics à plus de deux cents
élèves dans certains quartiers populeux. Si l’on s’en tient uniquement aux expressions
employées pour désigner les grands groupes : ‘classes pléthoriques’,‘classes
surchargées’, ‘classes à effectifs élevés’, on peut dire que le nombre d’élèves constitue le
principal critère définitionnel retenu. Pourtant d’autres éléments doivent être pris en
compte, notamment les moyens matériels, la formation des enseignants, la motivation
des élèves, l’adéquation des outils méthodologiques, etc.

7Face à cette inadéquation, seules des solutions propres à chaque contexte particulier
constituent la voie de survie pour l’école au Cameroun. Les demandes en salles de classe
et en enseignants croissent de façon exponentielle, et malgré tous les efforts déployés,
le pays n’est plus en mesure d’offrir un enseignement de qualité. Le système de double
flux, proposé dans les années soixante-dix, et qui était censé résoudre le problème
d’effectifs en optimisant l’exploitation des salles de classe, a permis de le résorber
provisoirement, en multipliant par deux les capacités d’accueil des salles de classe.
Pratiqué surtout dans les grandes villes, ce système appelé 'classes à mi-temps' consiste
à atténuer la pénurie de locaux, en en allouant une même salle à deux classes distinctes,
qui l’utilisent en demi-journée de manière alternée : les élèves de la classe A sont
scolarisés une semaine sur deux entre sept heures et douze heures, tandis que ceux de
la classe B sont scolarisés les après-midi, de douze heures trente minutes à dix-sept
heures.

8Ce système a pour inconvénient majeur de réduire considérablement le nombre


d’heures de cours effectifs par semaine. Au Cameroun l’année scolaire, déjà réduite à
trente et une semaines (à cause des vacances de fin d'année particulièrement longues),
contre trente-six semaines fixées par l’ UNESCO, est fortement grevée par les multiples
jours fériés et d’interminables fêtes légales et 'illégales' : (1 er janvier, fête de la
jeunesse, du travail, fête nationale, fête du Mouton, fête du Ramadan, fête de
l’Ascension, fête de la Réunification, sans compter les multiples ponts et autres jours
fériés décrétés ou non, à l'occasion des tournées en provinces des responsables
politiques et administratifs à divers niveaux). Malgré la généralisation du système de
double flux dans les grandes villes, et de plus en plus dans les villes moyennes et les
villages, au Cameroun, l'école primaire offre généralement le spectacle désolant des
classes où plusieurs dizaines d’élèves, assis quelquefois à même le sol, s’entassent les
uns sur les autres, dans des salles exiguës mal aérées et sans éclairage, encadrés par
des enseignants qui, parce que pas préparés à la gestion de ces situations de crise,
croulent sous le poids des tâches diverses, en dépit de leur dévouement. En réalité dans
les grandes villes camerounaises le véritable problème est plus le manque de salles de
classe, que l’insuffisance quantitative d’enseignants. L’expérience montre que dans les
villes de Douala et Yaoundé par exemple, il y généralement deux à trois fois plus de
maîtres dans les écoles que de salles de classe disponibles. Dans la plupart des classes
en milieu urbain, on trouve deux voir trois maîtres dans une même classe, alors que
dans le même temps dans certaines écoles de campagne, un seul maître est obligé
d'enseigner deux voire trois classes. Dans ces classes tenues par deux voire trois
maîtresses la pratique courante consiste généralement à se partager quotidiennement
les tâches : par exemple l'une s'occupe de la discipline, pendant que l'autre enseigne et
que la troisième corrige les cahiers des élèves.

2.2 Le grand groupe : une fatalité ?


9On peut se demander cependant si la situation de grand groupe est une fatalité, c'est-
à-dire une situation contre laquelle on ne peut rien, et qu'il faut assumer. En se basant
sur les données disponibles et les prospectives, on est tenté de répondre par
l’affirmative. Car même les études les plus optimistes n’entrevoient pas, dans
l’immédiat, ou même dans un avenir proche, de solutions adéquates. Le taux de natalité
demeure très élevé au Cameroun, si on le compare aux courbes de croissance
économique et du développement infrastructurel. Nous pensons cependant que faire
l’apologie de la pédagogie des grands groupes, c’est remettre en cause les fondements
mêmes de l’éducation, dans la mesure où chaque enfant qui arrive à l’école, comme
chaque malade qui va voir le médecin, est un cas unique. On ne saurait donc imaginer
une situation scolaire de thérapie de groupe. Même dans les situations critiques de
grande pandémie, aucun médecin n’envisagerait de regrouper ses malades et de les
soumettre à un traitement collectif ou à une thérapie collective. Ilne lui arriverait pas
non plusl’idée de demander aux malades moins souffrants de s’occuper des plus
malades.

7 op. cit., p.77.

10En effet, en milieu scolaire camerounais, la pratique assez répandue consistant à


demander à certains élèves plus âgés de s’occuper d’autres élèves ressemble fort à une
telle situation. Pour certains cette pratique est condamnable, car plus l’enfant est jeune,
plus il est fragile et délicat, et par conséquent plus il a besoin d’une approche
pédagogique particulière, appropriée à sa situation socio-affective, qui est
fondamentalement différente de celle des élèves plus âgés. Choisir, à ce stade fragile de
sa croissance, de le confier à d’autres élèves, fussent-ils plus grands ou plus forts, c’est
en quelque sorte le sacrifier. Certes le travail en grands groupes contribue au processus
de socialisation de l’enfant, mais il ne saurait constituer une démarche pédagogique. Car
parler d'une approche pédagogique signifie qu’on est face à une situation stable et
acceptable. On ne saurait donc ériger en modèle pédagogique une situation pathogène.
En effet, les grands groupes sont une situation de crise, et les remèdes aux situations de
crise relèvent du ponctuel. Prétendre que la situation de grands groupes est une
condition favorable d’enseignement n’est pas, à notre avis, une position
pédagogiquement défendable ; car plus un groupe est grand, plus il est difficilement
gérable, et plus l’homme (et à plus forte raison le jeune enfant), y paraît fragile face à
l'immensité de la foule. André de Peretti, citant Newcomb, affirme que "lorsque la taille
du groupe augmente, les ressources tendent à augmenter" 7. Mais ceci ne saurait
s’appliquer au groupe-classe. Car s’il avait été prouvé que les grands groupes sont
susceptibles de donner des résultats meilleurs, il y a longtemps que toutes les salles de
classe auraient été transformées en amphithéâtres, ce qui évidemment en réduirait le
coût de fonctionnement, tout en augmentant leurs rendements.

11Nous ne prétendons pas cependant que les petits groupes aient un rendement
absolument meilleur. En effet les exemples des écoles des zones rurales au Cameroun,
où les effectifs dépassent rarement une cinquantaine d’élèves par classe, montrent que
les résultats ne sont pas nécessairement fonction de la taille du groupe-classe. De
même, dans les grandes villes, certaines écoles qui accueillent en majorité les ‘enfants
des riches’, et dont les effectifs par classe ne dépassent jamais 40-50 élèves, (l’Ecole du
Centre Administratif et l’Ecole Bilingue de Bastos à Yaoundé par exemple), ne sont pas
nécessairement les meilleures en termes de rendement scolaire. Ces remarques faites, il
faut cependant se rendre à l'évidence, et reconnaître que si la pédagogie des grands
groupes n'est pas la solution idéale, elle constitue néanmoins la seule possible à l'heure
actuelle. Par conséquent, faute de pouvoir trouver une solution acceptable, le
pragmatisme recommande de reconnaître que la pédagogie des grands groupes, solution
provisoirement définitive, ou définitivement provisoire, est la seule applicable au
Cameroun aujourd'hui.

2.3. Une solution provisoirement définitive


12Mais on ne saurait cependant se résigner à son triste sort, ni se faire le chantre de
l’échec de toute pédagogie en Afrique. Il se pourrait que la loi du grand nombre, qui
constitue aujourd’hui, pour les pays africains, un obstacle quasi insurmontable, devienne
demain un véritable atout pour leur développement. C’est pourquoi les recherches en
pédagogie des grands groupes méritent d’être encouragées et soutenues. Certes la taille
du groupe-classe peut favoriser ou compliquer la tâche de l’enseignant, suivant le type
d’activités. Mais il est difficile de prouver scientifiquement que plus la classe est
surchargée, plus elle est dynamique, comme l’affirment certains chercheurs, s’appuyant
sur la conception médiévale de la pédagogie défendue par Jean Amos Comenius qui écrit
:

8 Jean Amos Comenius, La grande didactique. Traité de l’Art universel d’enseigner tout à tous, 1657, (...)

"je soutiens, non seulement qu’un seul maître pourrait diriger une centaine d’élèves, mais aussi
que cela convient mieux et est avantageux pour lui et pour les élèves. Le maître remplira sans nul
doute ses fonctions avec d’autant plus de plaisir qu’il aura devant lui des élèves plus nombreux.
[ ... ] lorsque l’auditoire du maître est peu nombreux, fatalement telle ou telle de ses paroles ne
sera pas recueillie par les oreilles de tous, tandis que s’il est nombreux, chacun attrape autant qu’il
peut"8

13On ne saurait cependant proposer aujourd'hui, comme solution au problème des


classes à effectifs élevés, cette approche méthodologique vieille de plusieurs siècles. Si
l’idée défendue par Jean Amos Comenius d’ouvrir l’école au plus grand nombre d’enfants
possible, donc de favoriser un enseignement de masse est certes conforme à la politique
scolaire de la plupart des pays africains, le véritable problème est l’inadéquation entre
cette politique de l’école des masses et les moyens humains et matériels disponibles. Ce
problème se pose en termes diamétralement opposés, car la question en Afrique est de
savoir comment gérer le flux de plus en plus important d’enfants qui aspirent
légitimement au savoir. Il convient de dire que tant que ces pays n’auront pas mis en
place une véritable politique de limitation des naissances, les grands groupes
constitueront toujours un problème fondamental pour l’école ; par conséquent les
enseignants africains seront éternellement condamnés à la débrouillardise
méthodologique. Car ce qui fait la particularité de la pédagogie des grands groupes, c’est
l’esprit d’initiative dont l’enseignant est en permanence obligé de faire montre, dan
l'organisation de la classe. Il est condamné à faire avec le peu de moyens dont il
dispose, de se débrouiller. Comme le note si bien André de Peretti,

9 André de Peretti, "Les lois des grands nombres", inDiagonales, n° 7, p.29.

"chaque dimension de groupe définit des possibilités de travail spécifiques de groupe par rapport à
des objectifs spécifiques et différentiels. On ne fait pas la même chose avec un petit groupe, un
groupe moyen ou un grand groupe en termes d’objectifs, pas plus qu’en termes d’organisation.
Dans chaque cas, il faut puiser des solutions et définir des conditions pratiques. " 9

14En d’autres termes, on ne saurait parler, à l'état actuel, d’une théorie pédagogique
des grands groupes en Afrique, mais des pédagogies de grands groupes, adaptées
chacune, à une situation spécifique différente. On peut avoir plusieurs situations
d’enseignement/apprentissage en grands groupes dans un même pays ou dans une
même région. En d'autres termes chaque pays africain connaît des spécifiques de
difficultés liées aux grands groupes; par conséquent considérer cette problématique sur
le plan du continent africain tout entier, ou même de toute l'Afrique noire francophone
participe d'une surgénéralisation. Cependant que ce soit au niveau national ou régional,
l'un des défis les plus urgents à relever consiste à harmoniser les pratiques de classe en
usage dans ces différentes situations, et partant, à faire une de synthèse des résultats
des expériences pédagogiques isolées, ce qui servirait de base à une esquisse de
théorisation de la pédagogie des grands groupes.

10 CONFEMEN,Répertoire méthodologique sur les techniques d’organisation et d’enseignement dans les cl (...)

15Publié par la CONFEMEN en 1991 le Répertoire méthodologique sur les techniques


d’organisation et d’enseignement dans les classes à effectifs pléthoriques est un point de
départ appréciable pour une réflexion approfondie sur la question. Ce répertoire, dont la
rédaction avait été commandée par les Ministres de l'éducation des pays francophones
lors de la 38e session de la CONFEMEN en 1989 comporte une quinzaine de fiches
techniques proposant chacune des possibilités variées d’organisation de la classe et
d’enseignement en grands groupes. D’après les auteurs, ces fiches sont
présentées "dans toute leur généralité pour pouvoir être essayées dans les conditions
matérielles des contextes institutionnels, des orientations pédagogiques extrêmement
divers."10 Ces fiches, toutes issues d’expériences de terrain, ont été expérimentées
pendant plusieurs années dans certains pays, dont le Cameroun, avec très peu de succès
sur le plan pédagogiques. D’autres pistes sont actuellement expérimentées dans divers
pays africains. En marge des travaux de terrain, la formation continuée des enseignants
aux techniques d’organisation et de gestion des grands groupes a été amorcée il y a une
quinzaine d'années sous les auspices de la CONFEMEN

11 Séminaire d’experts de la CONFEMEN sur Les problèmes organisationnels et pédagogiques liés à l’accr (...)

16Afin de transformer ce qui, pour la plupart des pays africains, semble être une fatalité
en une situation humainement gérable, des efforts de différents types ont été entrepris
et se poursuivent dans divers pays, même si au Cameroun l'on semble s'accommoder de
la situation. Il est probable que dans les décennies à venir, des solutions durables seront
trouvées par ces pays, soit en accélérant les travaux de recherches en pédagogie des
grands groupes, soit en réformant les systèmes scolaires actuels, pour les adapter aux
réalités locales, et plus particulièrement aux problèmes de la croissance démographique.
En attendant, des stratégies de remédiation à court et moyen termes sont mises en
place, pour une amélioration de l'enseignement du français dans les pays du Sud,
notamment avec l'aide de l'Agence de Coopération Culturelle et Techniques et des
bâilleurs de fonds internationaux. Il ressort des conclusions des travaux des différents
séminaires et réunions relatifs à la pédagogie des grands groupes 11 que la recherche de
solutions durables suppose le recensement préalable des causes de l’accroissement de la
demande de scolarisation et des conséquences découlant de cette situation, la
formulation des propositions pédagogiques concrètes, etc. Au Cameroun, la réflexion,
encore embryonnaire, ne semble pas constituer une priorité pour le pouvoir; pourtant le
phénomène des grands groupes prend de l'ampleur, aussi bien au niveau primaire que
secondaire, voire au niveau universitaire. L'enseignement supérieur, il connaît même une
situation plus tragique, en dépit de l'éclatement en 1993 de l'Université de Yaoundé en
six universités d'Etat, auxquelles il faut ajouter l'Université Catholique d'Afrique Centrale.
Le bilan des vingt ans de réflexion sur la pédagogie des grands groupes en Afrique noire
demeure dans l'ensemble assez maigre; il se limite, pour l’essentiel, à quelques
expériences pilotes menées au niveau primaire, et dans de très rares cas, au niveau
secondaire. Pourtant une réflexion plus approfondie sur la gestion des grands groupes
aux niveaux secondaire et supérieur s'impose, si l'on veut améliorer la qualité de
l'enseignement du français en particulier, et les conditions de fonctionnement de l'école
en général.

3. Recherche d’unicité en didactique du français.


17Comme nous l’avons souligné supra, la situation actuelle étant appelée à durer pour
longtemps encore, il est souhaitable voire recommandable qu’une politique
d'harmonisation des pratiques pédagogiques dans les grands groupes soit mise en place
au Cameroun de toute urgence, même si à long terme, on ne saurait cependant se
résigner à une telle hypothèse, qui est non seulement trop coûteuse, mais aussi peu
rentable. Néanmoins face à la croissance exponentielle continue de la population
scolarisable et la diminution drastique des moyens financiers, situation rendue encore
plus catastrophique avec l'avènement de la crise économique qui sévit au Cameroun
depuis une vingtaine d'années, espérer un changement positif rapide de la situation
relève d’une vision chimérique. Cependant la nécessité et l'urgence de la refondation de
l'école et d'une redéfinition de sa place dans la diffusion du français imposent de
nouvelles pistes de réflexion.

18Parmi celles-ci, celles relatives aux approches didactiques méritent une attention
particulière. En didactique des langues en général, il existe un certain nombre
d’invariants méthodologiques que les enseignants en situation de grands groupes ont
tout intérêt à maîtriser. Si l'on admet qu'en situation de grands groupes, l’enseignant est
surtout confronté au problème de gestion pratique de la classe : discipline, notation,
correction et appréciation des devoirs, animation du groupe, dynamique
interactionnelle ; outre ces problèmes ayant partie liée avec le nombre élevé d'élèves, il
n’y a pas de divergences fondamentales entre la didactique du français dans les petits
groupes et dans les grands. Il n’y a pas de cloisons étanches ou de barrières
infranchissables entre les deux situations d'enseignement. Au-delà des spécificités qui
ont partie liée aux contextes politiques, sociolinguistiques et économiques, la didactique
des langues en général présente une unicité et de nombreux invariants. Certes les
pratiques méthodologiques divergent, mais dans le fond, les pratiques didactiques des
langues maternelles, secondes ou étrangères présentent de nombreux points de
convergence. Une véritable synergie devrait s'établir entre les enseignements dans les
petits groupes pratiqués dans les pays du Nord, et les situations de pédagogie des
grands groupes qui s’imposent fatalement dans les pays du Sud. En d’autres termes,
l'une des solutions possibles au problème des classes à effectifs élevés pourrait être la
mise en place des réseaux d’échanges pédagogiques entre les pays du Nord et ceux du
Sud d'une part, et entre les pays du Sud d'autre part. Les enseignants-didacticiens du
Sud et ceux du Nord ont donc intérêt à travailler ensemble à la mise en place des
banques de données méthodologiques, car en s’enfermant chacun dans une logique
méthodologique isolationniste, ils ne pourront pas bénéficier des expériences réciproques
menées dans les divers contextes. De même qu’il n’existe pas de méthodologie
spécifique du français langue seconde, coupée de la didactique des langues en général,
on ne saurait imaginer en Afrique une didactique spécifique aux grands groupes,
fondamentalement différente de celle des petits groupes. En effet la plupart des manuels
de français et des outils méthodologiques utilisés en pédagogie de grands groupes en
Afrique sont conçus et réalisés dans les pays du Nord, où la tendance est plutôt à la
pédagogie des petits groupes. Mais la diversité des situations sociolinguistiques impose
l'adaptation de ces outils aux réalités locales, culturelles et sociales.

19L’objectif partagé de l'enseignement du français comme langue maternelle en France,


ou comme langue seconde dans les pays du Sud, est de favoriser son usage comme
langue de scolarisation ou d’acquisition des savoirs. Il est regrettable cependant de
constater que dans la plupart des pays du Sud, les systèmes scolaires fonctionnent
aujourd’hui encore sur le modèle des programmes, objectifs et finalités identiques à ceux
en usage au XIXe siècle dans les pays du Nord, alors que les exigences culturelles et
sociolinguistiques de la didactique du français dans les grands groupes appellent à des
changements radicaux, et à des réformes pédagogiques fondamentales. La rigidité des
horaires et des programmes est en fait incompatible avec la nécessité d’adapter
l’organisation des enseignements aux exigences des grands groupes, où les inter-actions
impliquent une large variation et une grande diversification des modes d’intervention.
Car les stratégies didactiques mises en place par l’enseignant en classe de langue sont la
condition sine qua non de la réussite de toute action pédagogique.

20En didactique du français en particulier, et des langues en général, la loi de la variété


requise, c'est-à-dire la pluralité des modes d'intervention pédagogique s’impose plus
qu’ailleurs. Car les exigences didactiques, en situation des grands groupes ne sauraient
s’accommoder de la rigidité des emplois du temps traditionnels, de l’utilisation du temps
dans le groupe-classe, et des rôles classiques immuables de l’enseignant qui enseigne et
de l’apprenant qui apprend. La variété des profils des apprenants et des situations
d’apprentissage impose une différenciation des objectifs, des stratégies et des modalités
organisationnelles du travail des élèves. Ceci implique donc que l'enseignant a une assez
large maîtrise des théories qui sous-tendent les différentes approches méthodologiques,
qu'il est capable d'en faire la synthèse, afin de tirer le meilleur de chacune d'elles, d'où
l'urgence de l'institution de la didactique comparée comme discipline dans les écoles
normales et comme un nouveau champ de recherches.

3.1. Pédagogie des grands groupes et pédagogie


différenciée
21Par essence, le grand groupe est un groupe hétérogène : ses membres viennent
d'horizons divers, avec des héritages linguistiques et culturels différents et des habitudes
d'apprentissage diverses. Cette hétérogénéité impose en pédagogie des grands groupes
une distribution des tâches et des rôles, différente de celles qu’on trouve dans les
situations classiques en didactique des langues. Cette hétérogénéité impose à
l’enseignant l'adaptation de ses stratégies de communication du savoir à la nature
hétéroclite du groupe-classe, en d'autres termes, en optant par exemple pour une
pédagogie différenciée, quand cela est possible. Une pédagogie est
dite différenciée, lorsqu’elle permet d’individualiser les apprentissages, en reconnaissant
à chaque élève une personnalité propre, et des attitudes personnelles face à
l’apprentissage.
12 Halina Przesmycki,Pédagogie différenciée, Paris, Hachette-Education, 1991, p.17.

22L’enseignement différencié vise à prendre en compte les différences socioculturelles,


cognitives linguistiques et psychologiques de l’élève, et s’oppose ainsi à l'idéologie de
l’égalité de tous les élèves devant le savoir, et au mythe identitaire de l’uniformité que
véhicule cette idéologie, qui, paradoxalement, semble être à la base de la réflexion sur
l'école en Afrique noire en général et au Cameroun en particulier. Son objectif principal
est donc la réduction des échecs scolaires, en prenant compte de l’hétérogénéité du
groupe-classe, et en adaptant l’enseignement et l’évaluation aux conditions spécifiques
de chaque élève ou de chaque groupe d'élèves, c’est-à-dire en mettant en place des
processus qui permettent de débloquer chez eux le désir d’apprendre, de trouver chacun
sa propre voie d’accès au savoir, en un mot, d’améliorer les relations entre enseignés et
enseignants. La différenciation de l’action pédagogique est le résultat de la
reconnaissance de la responsabilité fondamentale du dysfonctionnement du système
scolaire dans l’échec des élèves. Elle porte sur les méthodes d’apprentissage, les
contenus des programmes et la structuration de la classe. Nous pensons avec Halina
Przesmycki que différencier la pédagogie nécessite d'abord une différenciation des
structures. Selon elle, "une pédagogie différenciée authentique est celle qui est fondée
sur la différenciation des processus d’apprentissage des élèves et qui passe, pour
atteindre ce but, par l’organisation […] diversifiée et variée des processus
d’enseignement."12 Ainsi, la pédagogie différenciée peut être l’une des solutions
possibles au problème des classes à effectifs élevés, dans la mesure où elle permet une
distribution des rôles, et une diversité des stratégies au sein du groupe-classe, offrant
ainsi à l’enseignant l’opportunité de rompre avec l’immobilisme traditionnel des
structures organisationnelles classiques.

23La pédagogie différenciée apparaît donc comme l’une des voies capables de réduire la
mortalité scolaire, en améliorant la qualité de l'enseignement du français au
Cameroun. En prenant en compte l’hétérogénéité des élèves et donc, en s’intéressant
particulièrement à ceux en difficulté scolaire l'enseignant cesse d'être un dispensateur
des savoirs, et devient l'animateur du groupe-classe. Il convient de se demander si
l'école au Cameroun offre les possibilités structurelles et matérielles d’une démarche
pédagogique axée sur l’enseignement différencié. En d’autres termes, permet-elle de
concilier un système d’enseignement/apprentissage rigide et linéaire, basé sur des
programmes et des manuels dont les contenus doivent être suivis à la lettre, et
s’adressant à la masse d’une part, et l’idéal d’un enseignement différencié, qui prend en
compte les problèmes spécifiques de chaque élève d’autre part ; ce qui suppose une plus
grande marge de manœuvre vis-à-vis des instructions officielles, des programmes et des
horaires?

24Sur ce plan, l’enseignant camerounais est doublement limité dans ses initiatives visant
à prendre en compte les spécificités des élèves en difficulté scolaire. Il est tenu de
couvrir les programmes officiels, découpés en séquences rigides imposant des délais à
respecter, ponctuées d’évaluations dont l’organisation dépend généralement des
instances externes à l'enseignant. Par conséquent, il est obligé de progresser, non pas
au rythme des élèves, mais à celui des textes et règlements qui fixent les échéances à
respecter. Il avance à une cadence imposée par les programmes officiels, dont le
caractère atomisé, et sans lien intrinsèque apparent, l’oblige quelquefois d’accélérer son
rythme de progression, de sauter des sections pourtant essentielles, voire de souvent
passer sans transition d’une unité didactique à une autre. Ces programmes officiels,
conçus par le Ministère de l’éducation nationale, et destinés à un publicabstrait, ne
prennent pas en compte les besoins individuels des apprenants, ni les spécificités des
conditions d’enseignement/apprentissage qui varient souvent d’une région à une autre, à
l'intérieur du pays.

25Par exemple, au Cameroun les situations d’enseignement du français ne sont pas


identiques dans les villes et en zones rurales, ni dans les quartiers résidentiels et les
bidonvilles. Cependant, en dépit des inégalités linguistiques, culturelles et économiques
criantes entre les deux milieux, les programmes, horaires, objectifs et contenus fixés par
le Ministère de l’éducation sont identiques pour tous les jeunes Camerounais. Pourtant
théoriquement, on ne devrait pas enseigner le français aux enfants issus des milieux
sociaux culturellement avantagés, donc qui en ont déjà une certaine maîtrise, avec les
mêmes outils méthodologiques que ceux employés avec les enfants originaires des
milieux sociaux défavorisés, et pour qui il a généralement le statut de langue
étrangère stricto sensu. En effet le caractère démocratique de l’école, et surtout la
prétention démagogique des politiques de donner à tous les élèves les mêmes conditions
de réussite constituent l'un des obstacles majeurs à la pédagogie différenciée. Il faut
reconnaître que cette prétendue égalité des chances pour tous, prônée par l’école, est
une vraie utopie car, pour reprendre Pierre Bourdieu,

13 Pierre Bourdieu, "L’inégalité sociale devant l’école et devant la culture", inRevue française de s(...)

"pour que soient favorisés les plus favorisés et défavorisés les plus défavorisés, il faut et il suffit
que l’école ignore, dans le contenu de l’enseignement transmis, dans les méthodes et les
techniques de transmission et dans les critères de jugement, les inégalités culturelles entre les
enfants des différentes classes sociales : autrement dit, en traitant tous les enseignés, aussi
inégaux soient-ils en fait comme égaux en droits et en devoirs, le système scolaire est conduit à
donner en fait sa sanction aux inégalités initiales devant la culture. "13

14 P. Burns, "Methods for individualizing instruction", in Cahiers pédagogiques, n°148-149, p.188.

26Quelles que soient les difficultés que pose sa mise en place, la pédagogie différenciée
apparaît pourtant comme une solution fortement envisageable au Cameroun, si l'on veut
réduire le taux de mortalité scolaire, et améliorer la qualité de l'enseignement du
français, aussi bien comme unique vecteur d'acquisition des autres savoirs, que comme
principal outil de communication. Dans un contexte où l’enseignement traditionnel, qui
s’adresse aux masses a montré toutes ses limites, il urge substituer à l’approche
pédagogique classique, une approche nouvelle, qui prend en compte les diversités
socioculturelles et linguistiques des élèves et, les disparités liées à l’hétérogénéité des
classes, et à la différence de niveau socio-économique et professionnel entre leurs
familles. Cette démarche pédagogique cherche à réduire ainsi les inégalités de
traitement entre les élèves. Comme le souligne P. Burns, "il n’y a pas deux apprenants
qui progressent à la même vitesse. Il n’y a pas deux apprenants qui soient prêts à
apprendre en même temps. […] Il sera donc opérationnel de mieux connaître les élèves
à la fois dans l’hétérogénéité de leur cadre de vie non scolaire et scolaire, puis dans leurs
processus d’apprentissage."14

3.2. L’enseignement mutuel


15  Toutes les références à l'opinion ou aux points de vue des parents d'élèves dans la présente étude(...)

27Dans le grand groupe, la discipline est l'un des problèmes fondamentaux à résoudre :
plus sa taille est grande, plus il est difficilement gérable. Parmi les expériences et
initiatives isolées entreprises par quelques enseignants camerounais de façon informelle
pour faire face aux grands groupes, il convient de citer l’enseignement mutuel, qui
consiste à responsabiliser certains élèves, en leur confiant une part des tâches
incombant normalement au maître. Ainsi, dans une classe, on peut avoir, en fonction de
leurs compétences avérées, et de leurs motivations, des élèves responsables des leçons
de grammaire, d’orthographe ou de calcul; leur rôle étant d'aider les élèves les plus
faibles à faire leurs devoirs et à réviser leurs leçons après le cours. D'autres tâches
élémentaires peuvent également leur être confiées : lecteurs de textes, effaceurs de
tableau, ou même d'écrire les résumés et les exercices au tableau, etc. La
responsabilisation des élèves, en leur confiant, de temps de temps, des tâches
secondaires peut constituer une véritable source de motivation et de stimulation pour la
classe, dans la mesure où chaque élève voudrait se voir confier ces tâches. Dans le
système à double flux, on peut faire intervenir des élèves des classes supérieures dans
les petites classes, éventuellement réparties en sous-groupes; leur rôle consistant à
aider les jeunes élèves à assimiler leurs leçons et à répéter les leçons particulièrement
difficiles après la classe. Certains parents d'élèves interrogés 15 pensent cependant qu'il
est anormal que l’enseignant se décharge ainsi, même partiellement, sur ses élèves, qui
n’ont déjà pas suffisamment de temps à consacrer à leurs études, et qui surtout n’ont
pas une formation adéquate. Pour eux le temps consacré par ces élèves aux tâches
secondaires d’encadrement d'élèves plus faibles peut servir à d’autres apprentissages.
Selon eux, demander à un élève, même plus intelligent, d’enseigner à d’autres enfants,
c’est comme si on demandait à un patient moins souffrant, de soigner d’autres patients,
qui justement parce qu’ils sont plus souffrants, ont le plus besoin du médecin. Car pour
eux, chaque élève en situation de difficultés scolaires est un cas unique, qui requiert une
attention particulière de la part de l’enseignant, c’est-à-dire qui a besoin d’un
enseignement personnalisé.

28Ainsi, pour ses détracteurs, l’enseignement mutuel ne saurait constituer une solution
au problème des grands groupes au Cameroun. Selon eux l’enseignement mutuel est
non professionnel, et par conséquent, il est anormal que le sort des élèves plus jeunes,
et donc psychologiquement plus fragiles soit confié à des autres élèves, même plus
avancés. Il est donc pour eux inadmissible de réexpérimenter des pratiques qui ont
montré toutes leurs limites ailleurs. En outre, certaines personnes interrogées pensent
qu'en confiant l’instruction des élèves plus jeunes à des pseudo enseignants
inexpérimentés, et sans formation, ils courent le risque d'être exposés aux fautes et
erreurs qu'il est plus tard difficile d'éradiquer.

29Pourtant, les défenseurs de l’enseignement mutuel pensent au contraire qu’on peut


bien s’appuyer sur l’expérience menée dans d'autres pays pour tenter de résoudre le
problème des grands groupes au Cameroun, car c’est sur les ruines du passé qu’on bâtit
l’avenir. Un argument de poids en faveur de l'enseignement mutuel permet de soutenir
la thèse des défenseurs de l'enseignement mutuel : l'expérience montre que c'est grâce
à l'aide des enfants plus âgés que les jeunes enfants apprennent toutes sortes de jeux;
d'autre part, dans l'Afrique traditionnelle, l'initiation des plus jeunes était confiée aux
plus jeunes. En outre certains défenseurs justifient leur prise de position en faveur de
cette forme d'enseignement par le fait qu’ils ont souvent vécu eux-mêmes cette
expérience, qu' A. Sadji rapporte dansL’Education africaine:

16 A. Sadji, L’Education africaine, Paris, Karthalla, p.68.

"les élèves étaient répartis en sections, confiées chacune à un moniteur, et ces moniteurs n’étaient
autres que les élèves plus avancés. Chaque matin, avant que l’école ne s’ouvrît à l’ensemble,
l’instituteur, pendant une heure ou deux, réunissait les moniteurs, complétait leur instruction
générale, leur faisait répéter les leçons qu’ils allaient avoir à donner à leurs camarades et surtout
(il) leur inculquait des procédés d’enseignement et de discipline. "16

17 Philippe Perrenoud,La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, L’Harmattan, 199 (...)

30Nous avons nous-même été formé au niveau primaire dans ce système: au cours
moyen deuxième année, bien qu'étant l'un des plus jeunes de la classe, nous avions
secondé le maître tout au long de l'année; il nous est même arrivé de le remplacer toute
une journée entière. Le souvenir de cette expérience nous permet que l'enseignement
mutuel est tout aussi bénéfique pour l'élève à qui on confie la charge de la classe, qu'à
ses camarades; nous pensons que les jeunes peuvent apprendre mieux lorsqu'ils ont
entre eux. Cependant, la logique voudrait que les enfants en difficultés, scolaires soient
confiés à des enseignants plus expérimentés, car pour reprendre P. Perrenoud, "c’est
lorsque la réalité résiste qu’il faut des compétences professionnelles spécifiques,
lorsqu’on se trouve en face d’un enfant peu motivé, peu soutenu par le milieu familial,
ou rencontrant des difficultés"17.

31Pourtant l’expérience montre qu’au Cameroun les basses classes, qui sont réputées


difficiles, sont confiées généralement aux jeunes enseignants souvent très peu
expérimentés. Une telle pratique très courantes au niveau primaire contribue largement
à augmenter les échecs et redoublements scolaires. Car c’est dans ces classes qu’on
rencontre non seulement les effectifs les plus élevés, mais aussi le plus grand nombre de
cas de déviances, de marginalisation, d’inadaptation scolaires. Par conséquent, nous
pensons qu'il est souhaitable de réduire au minimum les effectifs dans ces petites
classes, et les confier à des enseignants chevronnés. En réduisant la taille des petites
classes au minimum l'enseignant permet aux élèves l’acquisition des éléments de base
et les fondements de la langue, à travers une meilleure organisation des activités
conversationnelles. Il est évident qu'une gestion efficiente des grands groupes est
fonction de l’aptitude de l’enseignant à les fractionner en autant de petits groupes, en
fonction des types d’activités. En définitive, sa capacité à bien gérer les situations de
grands groupes dépend de son aptitude à transformer l’obstacle que constitue la loi du
grand nombre en avantage pédagogique.

32Il se dégage de la micro-enquête citée supra que les initiatives en vue d'améliorer la


qualité de l'enseignement sont de plus en plus sollicitées par les parents d'élèves. A
travers des circuits de formation parallèles, qui ont pour vocation de permettre aux
élèves d'acquérir des compléments de connaissances ou de réviser leurs leçons : cours
du soir, cours complémentaires organisés par les enseignants, cours de vacances,
recours aux répétiteurs, ils essaient ainsi de pallier, tant bien que mal, aux lacunes
contre lesquelles l'école classique ne peut faire face. Le recours aux "répétiteurs" et
autres circuits parallèles de formation est une pratique courante au Cameroun.
Individuellement ou en groupes, des enseignants et étudiants organisent des cours de
répétition à l'intention des élèves du primaire et du secondaire, surtout ceux qui sont en
classes d'examen. Depuis quelques années, face à l’échec du système scolaire
camerounais, et à l’impuissance du gouvernement à arrêter la dégradation de la qualité
de l’enseignement, les parents recrutent des répétiteurs, ou s’organisent en groupes, au
niveau des quartiers, pour embaucher des enseignants, qui s’occupent de leurs enfants
après les classes. Cette pratique permet aux élèves de réviser leurs leçons, sous la
supervision d’enseignants qualifiés, qui peuvent ainsi arrondir leurs fins de mois, ou
souvent avec l'aide des étudiants. En attendant qu'une enquête à large échelle soit
menée au Cameroun pour déterminer l'ampleur réelle du phénomène et son impact sur
les résultats scolaires, il n'est pas prouvé que ces pédagogies parallèles améliorent
effectivement les performances des élèves. Mais il faut reconnaître que ces pratiques
présentent cependant un danger certain : ces cours de répétition se transforment parfois
en de véritables cours parallèles, qui ne respectent pas toujours les programmes
officiels. Quelles qu'en soient les formes : cours de répétition, ou de vacances; ces
enseignements parallèles ne sont qu'une forme accompagnement scolaire, c'est-à-dire
un soin palliatif, qui confirme la faillite des approches traditionnelles. Par conséquent la
solution durable au problème des grands groupes passe par une réduction drastique de
la taille du groupe-classe.

3.3. Fondements pour une pédagogie des petits


groupes
18  Didier Anzieu, Jacques-Yves Martin,La dynamique des groupes restreints, Paris, P.U.F., 1973, p.23

19 G. C., Homans, The human group, New York, Harcourt and Brace, 1950, p.25.
33En pédagogie des grands groupes, l’un des rôles de l’enseignant est la réorganisation
dugroupe-classe en sous-groupes de taille acceptable, en fonction du type d'activités
programmées. Or la notion de grand groupe qui est une notion relative dépend de
plusieurs facteurs inter-reliés, on ne peut déterminer où finit le petit groupe et où
commence le grand : un petit groupe peut aller de trois individus à plusieurs dizaines.
Selon le contexte, une classe de vingt ou trente élèves peut être considérée comme une
classe normale, ou comme une classe à effectifs pléthoriques. Un cours magistral à cent
étudiants dans un amphithéâtre est normal; alors qu’un groupe de travaux dirigés de
quinze individus peut être qualifié de pléthorique. Pour Didier Anzieu et Jean Yves
Martin, un petit groupe est un groupe qui comprend un "nombre restreint de membres,
tel que chacun puisse avoir une perception individualisée de chacun des autres, être
perçu réciproquement par lui et que de nombreux échanges interindividuels puissent
avoir lieu."18Quant à G. C. Homans, il pense qu’"un petit groupe consiste en un nombre
de personnes qui communiquent entre elles pendant une certaine période, et peu
nombreuses pour que chacune puisse communiquer avec toutes les autres, non par
personne interposée, mais face à face"19. Il se dégage de ces définitions que le nombre
de membres et la fonction communicative sont les deux critères définitoires du petit
groupe. Si elles soulignent le caractère restreint du nombre de membres, elles n'en
fixent pas le seuil indicatif. En revanche elles mettent l'accent sur l’interaction verbale
entre les membres. En effet c’est sur le postulat qu’une société est faite d’individus qui
se communiquent entre eux que se fonde l’interaction verbale en classe de langue, le
lieu par excellence de communication. Or pour que la communication ne peut s'y
dérouler dans des conditions normales que si les rôles sont clairement et si les élèves
sont répartis en petits groupes. Cette répartition peut se faire suivant plusieurs
modalités, la méthode la plus simple étant la séparation géographique des membres,
suivant loi du hasard, ou à partir du découpage des listes des participants, ou encore par
le tirage au sort. Mais elle peut se faire aussi en fonction de l’âge, du sexe; sur
désignation par l’enseignant, (ou par les autres élèves) ; ou encore sur la base du
volontariat (auto-formation des sous-groupes, sur la base des affinités, vote, inscription
sur des listes, en fonction des thèmes). Les sous-groupes ainsi formés sont plus ou
moins stables, et leur durée de vie varie en fonction de la nature des activités qui ont
motivé leur  création. En situation de pédagogie des grands groupes il ne suffit pas
cependant, pour l'enseignant, d’organiser la classe en groupes, mais d’y jouer le rôle
d'animateur et de véritable chef d'orchestre.

34Si dans les pays développés la classe de langue ne dépasse pas une trentaine
d'élèves, au Cameroun sa taille moyenne est d'une centaine voire de cent cinquante
élèves ; or il est établi que l'apprentissage des langues en petits groupes présente
plusieurs avantages : les élèves ont plus confiance en eux ; par conséquent, même les
élèves les plus timides, qui souvent n'arrivent pas à s'exprimer dans une classe à effectif
élevé, peuvent y prendre la parole, dans des situations de communication diverses. Cet
apprentissage coopératif leur est bénéfique : il se développe entre eux l'esprit d'équipe.
Contrairement à l'individualisme et l'esprit de compétition qui caractérisent le système
scolaire traditionnel, l'apprentissage des langues en petits groupes peut être stimulant.
Dans les petits groupes, l'élève développe des habiletés différentes de celles que
privilégie le système scolaire classique : leadership, esprit d'équipe, aptitude à écouter
les autres, aptitude à mener un groupe, habileté interactive, etc. Le petit groupe est
aussi bénéfique pour l'enseignant, qui cesse d'être le simple distributeur du savoir, pour
devenir le guide et l'organisateur de la communication et de l'interaction verbale. Les
contacts enseignant-élèves sont plus directs et plus personnels que dans une classe
traditionnelle. Il cesse d'être le dispensateur des savoirs, pour devenir un organisateur
des connaissances. Quant à l'élève, il n'est plus un simple assimilateur des savoirs, mais
un artisan de sa formation. L'école camerounaise, dans sa forme actuelle est le lieu où
l'on apprend pour réciter; l'élève camerounais est réputé pour son obéissance et pour sa
faculté à réciter. Or réciter n'est pas penser, l'école nouvelle a pour mission d'apprendre
à penser et à s'exprimer.
3.4. L’évaluation dans les grands groupes
35La variable du nombre constitue l'un des obstacles majeurs auxquels est confronté
l'enseignant camerounais. Si l'évaluation dans une classe d'une vingtaine d'élèves n'est
déjà pas facile, sa tâche est plus dans une classe de cent-cinquante élèves. Rien de plus
harassant en effet pour lui, que la correction des centaines de copies, dans les conditions
psychologiques pas toujours enviables. Plus les effectifs sont nombreux, plus sa tâche
devient difficile, et par conséquent la marge de subjectivité du correcteur est plus
grande. Plus que dans les autres disciplines, l’évaluation et la correction des matières
littéraires subit l’influence de la loi du grand nombre. Dans la pratique quotidienne de la
classe, la notation des devoirs, qui constitue l'une des tâches de l'enseignant est
d'autant plus difficile que le groupe est nombreux. Cependant une bonne organisation et
surtout une programmation rigoureuse peuvent permettre à l'enseignant d'y faire face. Il
convient sans doute d'évoquer une expérience menée il y a une quinzaine d'années
lorsque nous étions confronté à des classes à effectifs pléthoriques. Notre démarche
consistait soit à faire un choix rotatif des devoirs à corriger; soit à alterner
systématiquement la correction de ceux-ci, c'est-à-dire à corriger les devoirs de chaque
sous-groupe une semaine sur deux; soit encore à procéder à une évaluation
fragmentaire. Notre expérience de praticien montre que cette forme d'évaluation, qui
consiste à n'évaluer qu'un aspect particulier des savoirs ou des savoir-faire à la fois est
très efficace. L'évaluation de l'introduction, de la conclusion, des transitions, de la
rédaction d'un paragraphe descriptif ou descriptif, de la maîtrise de l'argumentation,
permet à l'enseignant de focaliser l'attention sur un savoir ou un savoir-faire précis.

36Une autre expérience de classe relative aux grands groupes est la correction des
copies : pendant plusieurs années, lorsque nous enseignions au lycée nous avons pu
contourner la difficulté liée à la situation de grands groupes, en impliquant les élèves
dans la correction et à la notation de leurs propres devoirs. En fonction des types
d’activités, nous régulièrement faisions recours aux élèves pour corriger eux-même leurs
devoirs. Pour les exercices de grammaire et de dictée par exemple, chaque élève corrige
lui-même son travail (auto-correction), ou celui d'une autre élève (hétéro-correction).
Pour les évaluations mensuelles, et trimestrielles, pour rendre cette pratique plus
objective, les copies à corriger étant anonymes; nous faisions généralement permuter
les copies de nos différentes classes, de manière que les élèves d’une classe A, corrigent
les copies de la classe B et vice-versa. Evidemment une telle pratique implique un travail
minutieux dans la préparation et la rédaction d'une correction type et du barème de
correction.

37Toujours lorsque nous enseignions au lycée, nous avons expérimenté deux formes
d'évaluation assez originales dans trois classes terminales comptant 120 élèves chacune.
La première démarche consiste à répartir la classe en douze groupes de travail de dix
élèves chacun; chaque groupe étant placé sous la responsabilité d'un élève-
coordonnateur. L'évaluation de la production écrite: dissertation française, contraction
de texte, commentaire de texte est traitée en deux temps. Pendant la première phase
qui dure heure, chaque élève fait individuellement le devoir, comme dans toute situation
normale d'évaluation; son travail consistant à la recherche des idées et à l'élaboration du
plan. Au terme de cette première heure, les élèves rejoignent leurs groupes respectifs;
ensemble chaque groupe fait la synthèse des bonnes idées contenues dans les devoirs
individuels, le coordonnateur, qui joue le rôle de secrétaire étant chargé de la prise des
notes. La dernière phase est consacrée à la mise en forme et à la rédaction définitive du
devoir, à remettre au professeur pour la notation. Après la correction chaque groupe
reçoit ainsi une note collective.. Ainsi au lieu des cent-vingt copies, le professeur n’en
corrige que douze. La correction en classe est pour chaque élève l’occasion de découvrir
non seulement ses propres lacunes, mais aussi celles de son groupe, et d’améliorer son
travail personnel qu’il conserve comme devoir-modèle. L’expérience a montré que cette
activité donne lieu à une interaction, qui dépasse généralement le cadre du cours de
français, et que certains groupes ainsi formés dans le cadre du cours de français
deviennent de véritables groupes d'études. Cette approche présente à nos yeux un
double avantage : non seulement elle réduit considérablement le nombre de copies à
corriger; mais aussi elle contribue à la socialisation des élèves, et au renforcement de
l’esprit d’équipe; le sort de tout le groupe.

20 Bernard Lussato, cité par A. de Peretti, in A. Peretti et al, Recueil de processus et d’instruments (...)

38L'autre type d'évaluation, qui n'est pas en soit une innovation, quoiqu'elle ne soit pas
pratiquée au Cameroun a partie liée avec la nature particulièrement hétérogène. En effet
l’une des principales caractéristiques des classes à effectifs pléthoriques au Cameroun
est la très grande disparité de niveaux, d’âges, d'habitudes et de compétences
d'apprentissage qui existe entre les élèves d'une classe. Face à ces groupes-classes,
dont les membres présentent des comportements et habitudes d’apprentissage très
différents, nous avions pensé qu'il était injuste d'administrer tous les élèves les mêmes
évaluations, comme c'est la pratique dans le système scolaire camerounais. En nous
fondant sur la loi de la variété acquiseformulée par B. Lussato, qui stipule qu'"un
environnement très varié ne peut être contrôlé que par un système d’une variété au
moins équivalente"20nous avions introduit dans nos classes l'évaluation différenciée.
Nous pensons en effet que compte tenu des disparités liées à l'âge, au statut social des
élèves, et à leur niveau et de compétence, il est impossible à tous les élèves d’une classe
d’avancer au même rythme. Par conséquent leur imposer la même vitesse d’acquisition
des connaissances, ou les soumettre aux mêmes tests, c’est ignorer ces différences et
particularités individuelles. D’où la nécessité d’organiser la classe en plusieurs sous-
groupes, selon les compétences et les aptitudes des élèves. Or l’objectif premier de
l’enseignement différencié décrit supraétant de permettre à chaque élève d’avancer à
son propre rythme, il serait anormal de les soumettre tous aux mêmes évaluations.
L'évaluation différenciée part du postulat qu’on ne doit comparer que ce qui est
comparable. Par conséquent les progrès de chaque élève ne sont mesurables de façon
objective qu'à l’intérieur de son sous-groupe. Car en évaluant avec les instruments
identiques des groupes-classes hétérogènes, l’école contribue à renforcer l’inégalité
sociale, qu’elle est censée combattre. Le principe de la différenciation dans l’évaluation
suppose que les élèves ne sont soumis qu’à des tâches correspondant à leur niveau de
compétence, et qu’ils sont évalués par rapport à eux-mêmes, et non par rapport à
l'ensemble du groupe-classe.

39L'évaluation différenciée, qui exige de chaque élève en fonction de ses moyens,


fonctionne sur un principe simple : soit soumettre tous les élèves d'une classe à un
même test comportant des difficultés croissantes soigneusement étudiées, de façon à
permettre au groupe le plus faible de ne répondre uniquement qu'à la première série de
questions, au groupe moyen de répondre, en plus de la première série, aux questions
plus complexes, et ainsi de suite, soit les soumettre à des tests différents (par exemple
des exercices à trous pour le groupe le plus faible, des questions à choix multiples pour
le deuxième groupe, et des questions de production écrites, plus difficiles pour le
troisième groupe), les exigences variant évidemment en fonction du niveau des groupes.
En d’autres termes, l’élève est évalué par rapport à lui-même et à son sous-groupe, et
non pas par rapport au groupe-classe, comme c’est le cas dans la pratique traditionnelle
au Cameroun. Afin de créer l’émulation et la saine concurrence entre les membres d’un
groupe, il avait été convenu au départ, avec l'accord de tous, que l'élève d’un groupe
donné, qui totaliserait, au terme d'une série d'évaluations, un score égal ou supérieur à
15/20 à trois ou quatre évaluations successives, passerait dans le groupe
immédiatement supérieur au sien. Inversement, l’élève qui totaliserait successivement
cinq scores inférieurs au seuil-plancher fixé à 05/20 devait être rétrogradé au niveau
immédiatement inférieur. Evidemment en fin d'année, les élèves sont soumis au même
type de test; comme l'exige l'institution, mais sont admis en classe supérieure non pas
par ordre de mérite mais e fonction des progrès réalisés dans leur sous-groupe tout au
long de l'année scolaire. Le plus important, dans d’évaluation différenciée, c’est que les
élèves sont évalués sur des bases plus équitables. Face aux protestations liées à
l'incompréhension de notre démarche par certains collègues, cette expérience a été
abandonnée au bout d'une année. Cependant, malgré ces réticences et résistances, nous
pensons qu'aussi bien les pratiques d'évaluation actuelles, que le système scolaire dans
son ensemble, appellent une refondation radicale.

4. Pour une refondation de l'école et les implications


métadidactiques
21 Louis-Jean Calvet, "Le français dans l’espace francophone", in Didier de Robillard, Michel Beniamin (...)

22 P. Peroncel-Hugo,Le Monde, p.41. n° 2012.

23 Jean Pierre Fuchs,Quel avenir pour le français dans les pays d’Afrique noire et de l’Océan indien? (...)

40Plusieurs travaux mettent en exergue le dysfonctionnement chronique de la machine


éducative en Afrique noire et donc au Cameroun et soulignent le caractère aigu de la
crise multidimensionnelle qui la secoue. Ainsi L.-J. Calvet affirme que "tout le monde est
unanime à souligner que ces systèmes sont dans un état de crise grave dont les causes
peuvent être diverses et les effets néanmoins convergents : inadéquation de l’école aux
besoins des divers publics concernés et par conséquent, des Etats (ce qui militerait en
faveur de l’hypothèse d’une crise structurelle.)" 21Tout en reconnaissant que la
francophonie se porte apparemment bien en Afrique, P. Peroncel-Hugo, constate
néanmoins qu’en réalité il ne s’agit que d’une apparence, car selon lui, l’école y traverse
une crise aiguë et "derrière cette roborative façade littéraire et populaire, presque tout le
système d’enseignement primaire et secondaire sans l’aide duquel la francophonie ne
sera bientôt plus, du moins en Afrique, qu’une vague nébuleuse créolophone a atteint un
état de délabrement alarmant". 22Dans un rapport sur la situation du français en Afrique
adressé au Premier ministre français, le député Jean-Pierre Fuchs écrit : "on observe
l’essoufflement d’une scolarisation qui ne répond pas toujours aux attentes de promotion
sociale des familles, [...] ce mauvais rendement de l’école est un signe de
dysfonctionnement des systèmes scolaires"23. Ainsi, ces chercheurs sont tous
unanimes : ces lacunes relevées seraient les signes avant-coureurs d’une mort
imminente de l’école en Afrique noire. Pour les plus optimistes, elles sont l'expression de
son incapacité à continuer à servir vecteur de diffusion du français en Afrique noire
Paradoxalement, après avoir posé ces diagnostics généralement pessimistes, les
chercheurs en éducation et autres spécialistes se perdent dans des propositions et
suggestion irréalistes et peu applicables, ou susceptibles de ne pas donner des résultats
satisfaisants. Parmi ces discours pessimistes sur la situation de l’école en Afrique noire,
citons les travaux de Robert Chaudenson pour qui,

24 Robert Chaudenson, "Plurilinguismes et développement en Afrique subsaharienne francophone: les prob(...)

"l’échec des systèmes scolaires est patent, ils avancent inéluctablement vers une implosion finale
que rend inévitable l’évolution démographique et sociale; (tenter de les réformer ou de les
amender comme on songe, semble-t-il, revient à changer la canne blanche ou les lunettes noires
d’un aveugle qui marche droit vers un précipice!)[…] il est impératif et urgent d’imaginer d’autres
systèmes adaptés à des conditions et des perspectives différentes, appuyées sur des moyens
nouveaux qui ne peuvent être que ceux de la communication de masse" 24.

41Après une trentaine d'années d'expérience de l'enseignement du français à tous les


niveaux du système scolaire camerounais, y compris, pendant six ans, à des adultes en
milieu extra-scolaire (au Programme de Formation Linguistique de la Présidence de la
République), nous convenons avec Robert Chaudenson qu'il est inutile de continuer à
imposer l'école, du moins dans sa forme actuelle, et qu'il faut trouver d'autres voies, si
l'on veut qu'elle continue à remplir sa mission de formation de la jeunesse et de diffusion
du français au Cameroun. Car depuis plusieurs années, l'école camerounaise est en
panne. Il urge de trouver de nouvelles voies susceptibles de la sortir de son enlisement
actuel.

25 Daniel Baggioni, Robert Chaudenson, et al, Multilinguisme et développement dans l’espace francophon (...)

26 Isabelle Deble, "Différenciations ou uniformisations?", in Afrique contemporaine, n° 172, 1974, p. (...)

42Bien que le contexte économique ambiant ne soit pas de nature à envisager un


changement en profondeur du système scolaire, il convient de reconnaître que .seule
une solution globale peut permettre d'en améliorer le fonctionnement. Son
développement étant directement tributaire du développement socio-économique, sa
faillite est sans aucun doute liée à celle de l’économie. On ne peut donc dissocier la
situation désastreuse de l’école de la situation économique, politique et sociale
catastrophique que connaissent les pays africains en général et le Cameroun en
particulier. Robert Chaudenson constate que "cette école qui vise à apprendre tout le
français à tout le monde n’apprend rien à personne." 25Même si ce jugement peut
paraître quelque peu sévère dans la mesure où il ne prend pas en compte les efforts
fournis par certains pays, pour faire face à une croissance démographique galopante
d’une part, et à la dégradation des économies d’autre part, il faut admettre que depuis
l'indépendance, l'école hérité de la colonisation n'a pas effectué la mue nécessaire, les
transformations indispensables pour son adaptation au contexte africain. Les causes du
dysfonctionnement et de la faillite de l'école sont à la fois internes et externes. Ainsi,
parmi les causes externes, pour reprendre Isabelle Deble, les responsables de la
situation dans laquelle se trouve l’école en Afrique aujourd’hui, "ce sont surtout les
Occidentaux, pédagogues en mal de terrain, faux éducateurs coopérants, décideurs,
experts qui ont proposé des formes nouvelles et des expériences de toutes sortes pour
résoudre ailleurs ce qui pose problème chez soi"26. Par ailleurs, les causes internes de
ce dysfonctionnement sont surtout liées à la croissance démographique incontrôlée, aux
crises économiques et à une gestion archaïque et à la gabegie des politiques africains
figurent parmi les plus importantes

43Au Cameroun les échecs et redoublements scolaires ont partie liée avec la mauvaise
maîtrise du français, non seulement parce qu'il est la matière de base aux niveaux
primaire et secondaire, mais aussi parce qu'il est la langue d’enseignement. En effet, la
maîtrise des autres disciplines est conditionnée par celle du français, qui n’est pas
simplement une matière comme les autres; mais la matière matricielle, sans laquelle
l'acquisition des connaissances en général n’est possible. Il est donc évident qu’une
mauvaise maîtrise du français est synonyme d’échec scolaire. Par conséquent toute
recherche de stratégies de réduction du redoublement scolaire au Cameroun doit
prendre en compte l’amélioration de la qualité de l’enseignement du français.

44Parmi les mesures concrètes susceptibles de permettre d'améliorer la qualité de son


l'enseignement, il y a une modification fondamentale de l'attitude de l'école face aux
langues locales d'une part, et face aux  normes endogènes d'autre part. Car en se
considérant comme l'unique gardienne de la norme linguistique standard, l'institution
scolaire, refuse de reconnaître l'existence des normes endogènes qu'elle condamne
comme sous-normes. Elle ne prend pas en compte la langue circulante dans
l'enseignement du français, ce qui contribue à développer chez les élèves l'insécurité
linguistique. En effet, comme l'affirme Marie-Louise Moreau,

27 op. cit., p.103.


"la reconnaissance, par la communauté francophone, d’une et d’une seule norme linguistique, les
conditions historiques de la diffusion du français sur le territoire africain, les modalités actuelles de
son apprentissage sur ce continent, […]constituent un terreau propice à l’épanouissement, chez
tout francophone africain, d’une robuste insécurité linguistique." 27

28 Gabriel Manessy, Le français en Afrique noire. Mythe, Stratégie, Pratiques. Paris, L’Harmattan, 199 (...)

45En effet les conditions d’appropriation du français en milieu scolaire au Cameroun sont
fortement génératrices du sentiment d’insécurité linguistique. L’insécurité linguistique
naît de la tension entre deux pôles normatifs : la norme standard a priori inaccessible,
imposée par l’école, et la norme fonctionnelle, moins valorisée certes, mais la plus
utilisée et la plus courante dans la pratique quotidienne de la langue. En effet l'une des
principales causes de la mauvaise maîtrise du français au Cameroun est liée au fait que
l'école recherche surtout la conformité à la norme standard, au lieu de privilégier
l’efficacité de la communication. Nous pensons donc qu'il faut désacraliser le français et
démystifier, voire démythifier l'école, qui pourrait ainsi prendre en compte les normes
endogènes et non les stigmatiser comme étant une mauvaise maîtrise de la langue. Le
problème fondamental n’est pas cependant la reconnaissance par l’école des normes
endogènes, mais plutôt celui d'une exploitation pédagogique de celles-ci, à travers une
réhabilitation des variétés locales. Au lieu de les condamner et de les censurer, elle
pourrait faire comprendre aux élèves pourquoi certains mots, qui ne peuvent être
employés en classe, sont admis dans la cour de récréation;ou en famille, en leur
expliquant surtout où, quand et avec qui ils peuvent s’exprimer d’une façon ou d’une
autre. En effet cette langue fonctionnelle, dépouillée des contraintes normatives que
l’école impose n’est rien d'autre que la langue telle qu’elle se parle dans la communauté
de l'enfant. Nous pensons avec Gabriel Manessy (1994 : 217) qu'"il suffirait que l’école
cessât de faire obstacle à la diffusion de cette variété et que, sans pour autant renoncer
à enseigner le français standard qui conserve ses propres domaines d’exercice, elle
acceptât d’assumer une fonction de contrôle sur la mise à jour et sur l’évolution d’une
norme endogène complémentaire et non concurrente du modèle académique" 28 Il ne
s’agit pas d’instituer un enseignement systématique des normes endogènes, mais plutôt
de ne plus continuer à les rejeter catégoriquement ces normes endogènes qui devraient
servir de point de départ pour une analyse des conditions favorables pour un meilleur
enseignement du français au Cameroun.

46Par ailleurs les langues locales devraient trouver leur place à l'école, carle fait de
dénier à l’élève le droit de parler sa langue maternelle, comme le fait l'école au
Cameroun, renforce chez lui le sentiment d’insécurité linguistique. Depuis l'époque
coloniale, les méthodes d’enseignement du français en Afrique noire francophone
participent de l'approche submersive, la langue maternelle de l'élève
étant submergée par le français. Or il a été prouvé qu'une situation d'apprentissage où la
langue de l'enfant, langue dans laquelle ont été vécues ses premières émotions et ses
premières grandes expériences, celle avec laquelle est construite son identité, est
malmenée ou dévalorisée, débouche inévitablement sur un bilinguisme soustractif.
L'échec scolaire massif au Cameroun a partie aussi liée avec cette approche submersive,
qui fait l'apologie de l'unilinguisme en français, seule langue de l'école. Pour qu'elle cesse
d'être génératrice d'insécurité linguistique d'une part, et de développer chez les élèves
un bilinguisme soustractif d'autre part une refondation de l'école et une réorientation de
ses missions s'impose, par une introduction des langues nationales et une attitude plus
souple à l'égard des variétés locales du français.

47Enfin, l'une des causes des échecs scolaires est l'hétérogénéité des classes : dans une
même classe coexistent généralement des enfants d'origines diverses, et de niveaux
socioculturels différents. Si pour ceux des zones rurales l'apprentissage du français ne
commence que vers cinq-six ans avec le début de la scolarisation; en zones urbaines on
trouve souvent dans une même classe des élèves ayant eu une appropriation extra ou
préscolaire du français, ceux issus des écoles maternelles, ayant eu une ou deux années
d'apprentissage préscolaire du français, ceux provenant des familles où le français est
une langue quasi-maternelle et ceux qui sont de vrais débutants. La classe de français
est ainsi le lieu d'un véritable continuumque la didactique devrait prendre en compte,
soit e créant des groupes à partir des tests diagnostics qui permettrait de constituer des
groupes homogènes correspondant au niveau réel des élèves.

Conclusion
48Ainsi, l'analyse des problèmes auxquels fait face le système scolaire camerounais nous
a permis d’en souligner la complexité des interactions. Il se dégage de cette étude que
les diverses parties prenantes devraient orienter leurs actions vers les recherches de
solutions globales au problème des grands groupes. Il convient cependant de reconnaître
que si dans l'ensemble les pays africains font face aux classes à effectifs pléthoriques,
toute généralisation doit être nuancée. Car dans les zones rurales en particulier, ce
problème est moins sévère que dans les grands centres urbains. En outre, du fait de la
faible densité de la population dans certaines régions, il n'a pas la même envergure dans
les tous les pays africains, voire dans les différentes régions d'un même pays. Par Ces
larges variations régionales et nationales dissimulent une diversité importante entre
différents pays et à l'intérieur de ceux-ci, et confirment que non seulement les
généralisations en formes de lois sur la problématique des grands groupes sont plutôt
rares et que le problème doit être analysé d'abord sur le plan local, si l'on veut améliorer
l'enseignement du français au Cameroun.

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BIBLIOGRAPHIE

Amos Comenius, J. (1657), La grande didactique. Traité de l’Art universel d’enseigner


tout à tous, cité par Claude Oliviéri, "L’enseignement mutuel", inDiagonales, n°7.

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dans le Monde. Recherches et applications, février-mars.

Przesmycki, H., (1991), Pédagogie différenciée, Paris, Hachette-Education.

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NOTES

1 Titulaire d'un Doctorat Nouveau Régime en Sciences du langage, option linguistique et


didactique des langues (Université Stendhal-Grenoble 3) et d'un Doctorat de troisième cycle en
littérature française, il est également diplômé de l'Ecole Normale Supérieure. Pendant une
vingtaine d'années, il a enseigné dans diverses institutions publiques au Cameroun, notamment au
Centre Pilote du Programme de Formation Bilingue, Présidence de la République. Depuis 1996 il
est enseignant de didactique du FLE (français langue étrangère), de linguistique française, et de
littératures française et francophones à l'Université de Buéa, (Cameroun).Il enseigne également à
la Faculté d'Education de la même université. Il est l'auteur de plusieurs articles en sciences du
langage, en didactique du français langue étrangère et en littérature française.

2  Conférence des Ministres de l'éducation des pays ayant en commun le français

3 op. cit., p.13.

4  Ministère de l'Education nationale, La Réforme de l'enseignement primaire au


Cameroun, Yaoundé, 26-29 mars 1973.

5 Henry Tourneux, Olivier Iyebi-Mandjeck, L’école dans une petite ville africaine, Maroua,
Cameroun, Paris, Karthalla, 1994

6 Aline Cook, "Francophonie au Cameroun indépendant: discours politique et mise en pratique au


Cameroun oriental", in A. Miguet, P. Corcoron, (éds.), Francophonie, Mythes, Masques et Réalités.
Enjeux politiques et culturels, Paris, PubliSud, 1996, p167.

7 op. cit., p.77.

8 Jean Amos Comenius, La grande didactique. Traité de l’Art universel d’enseigner tout à tous,
1657, cité par Claude Oliviéri, "L’enseignement mutuel", in Diagonales, n°7, p.34.

9 André de Peretti, "Les lois des grands nombres", in Diagonales, n° 7, p.29.

10 CONFEMEN, Répertoire méthodologique sur les techniques d’organisation et d’enseignement


dans les classes à effectifs pléthoriques, Dakar, CONFEMEN, 1991, p.15.

11 Séminaire d’experts de la CONFEMEN sur Les problèmes organisationnels et pédagogiques liés


à l’accroissement de la demande scolaire dans les Etats membres, Djibouti, 18-25. 12.85.

12 Halina Przesmycki, Pédagogie différenciée, Paris, Hachette-Education, 1991, p.17.

13 Pierre Bourdieu, "L’inégalité sociale devant l’école et devant la culture", inRevue française de
sociologie, n°3, 1966, pp. 336.

14 P. Burns, "Methods for individualizing instruction", in Cahiers pédagogiques, n°148-149, p.188.

15  Toutes les références à l'opinion ou aux points de vue des parents d'élèves dans la présente
étude sont tirées des résultats d'une micro-enquête menée il y quelques années auprès de
quelques associations des parents d'élèves de la ville de Yaoundé, dans le cadre de notre thèse de
doctorat en sciences du langage.
16 A. Sadji, L’Education africaine, Paris, Karthalla, p.68.

17 Philippe Perrenoud, La formation des enseignants entre théorie et pratique, Paris, L’Harmattan,
1994, p. 181.

18  Didier Anzieu, Jacques-Yves Martin, La dynamique des groupes restreints, Paris, P.U.F., 1973,
p.23.

19 G. C., Homans, The human group, New York, Harcourt and Brace, 1950, p.25.

20 Bernard Lussato, cité par A. de Peretti, in A. Peretti et al, Recueil de processus et d’instruments


d’évaluation formative, Paris, Institut Nationale de Recherches Pédagogiques, 1983, p.127.

21 Louis-Jean Calvet, "Le français dans l’espace francophone", in Didier de Robillard, Michel
Beniamino (éds.), Le Français dans l’espace francophone, Paris, Champion, 1996, p.404.

22 P. Peroncel-Hugo, Le Monde, p.41. n° 2012.

23 Jean Pierre Fuchs, Quel avenir pour le français dans les pays d’Afrique noire et de l’Océan
indien? Rapport au Premier ministre, Paris, 1991, p. 45.

24 Robert Chaudenson, "Plurilinguismes et développement en Afrique subsaharienne francophone:


les problèmes de communication", in Cahiers des sciences humaines, vol. 27,303-4, 1991, p.311.

25 Daniel Baggioni, Robert Chaudenson, et al, Multilinguisme et développement dans l’espace


francophone, Paris, Didier Erudition, 1989, p.37.

26 Isabelle Deble, "Différenciations ou uniformisations?", in  Afrique contemporaine, n° 172, 1974,


p.15.

27 op. cit., p.103.

28 Gabriel Manessy, Le français en Afrique noire. Mythe, Stratégie, Pratiques. Paris, L’Harmattan,
1994, p.217.
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POUR CITER CET ARTICLE

Référence électronique
David Ngamassu, « Problématique des grands groupes et didactique du français au
Cameroun », Corela [En ligne], 3-1 | 2005, mis en ligne le 04 juillet 2005, consulté le 29 avril
2016. URL : http://corela.revues.org/503
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AUTEUR

David Ngamassu
ISSN électronique 1638-573X

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