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Thèse PHD Nicolas OWONA

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Les politiques publiques des transports au Cameroun de

1884 à 2017
Nicolas Owona Ndounda

To cite this version:


Nicolas Owona Ndounda. Les politiques publiques des transports au Cameroun de 1884 à 2017.
Sciences de l’Homme et Société. Université de Yaoundé I, 2022. Français. �NNT : �. �tel-03964301�

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https://theses.hal.science/tel-03964301
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UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I
THE UNIVERSITY OF YAOUNDÉ I

CENTRE DE RECHERCHE ET
DE FORMATION DOCTORALE POST GRADUATE SCHOOL
EN SCIENCES HUMAINES ET FOR SOCIAL AND
SOCIALES EDUCATIONAL SCIENCES

************* ***************

UNITÉ DE RECHERCHE ET DE DOCTORAL RESEARCH UNIT


FORMATION DOCTORALE EN FOR HUMAN AND SOCIAL
SCIENCES HUMAINES ET SCIENCES
SOCIALES

LES POLITIQUES PUBLIQUES


DES TRANSPORTS AU
CAMEROUN DE 1884 À 2017
Thèse présentée et soutenue publiquement le 11 juillet 2022
en vue de l’obtention du Doctorat Ph.D. en Histoire
Spécialité : Histoire économique et sociale

Par

Nicolas OWONA NDOUNDA


Master en Histoire

Jury
 Président : ESSOMBA Philippe Blaise, Professeur, Université de Yaoundé I

 Rapporteur : ABWA Daniel, Professeur, Université de Yaoundé I

 Membres : TAGUEM FAH Gilbert, Professeur, Université de Ngaoundéré


EBALE Raymond Anselme, Professeur, Université de Yaoundé I
MEYOLO Joël Narcisse, Maître de conférences, Université de Yaoundé I
UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ I
THE UNIVERSITY OF YAOUNDÉ I

DE FORMATION DOCTORALE POST GRADUATE SCHOOL


EN SCIENCES HUMAINES ET FOR SOCIAL AND
SOCIALES EDUCATIONAL SCIENCES

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UNITÉ DE RECHERCHE ET DE DOCTORAL RESEARCH UNIT


FORMATION DOCTORALE EN FOR HUMAN AND SOCIAL
SCIENCES HUMAINES ET SCIENCES
SOCIALES

LES POLITIQUES PUBLIQUES


DES TRANSPORTS AU
CAMEROUN DE 1884 À 2017
Thèse présentée et soutenue publiquement le 11 juillet 2022
en vue de l’obtention du Doctorat Ph.D. en Histoire
Spécialité : Histoire économique et sociale

Par

Nicolas OWONA NDOUNDA


Master en Histoire

Jury
 Président : ESSOMBA Philippe Blaise, Professeur, Université de Yaoundé I

 Rapporteur : ABWA Daniel, Professeur, Université de Yaoundé I

 Membres : TAGUEM FAH Gilbert, Professeur, Université de Ngaoundéré


EBALE Raymond Anselme, Professeur, Université de Yaoundé I
MEYOLO Joël Narcisse, Maître de conférences, Université de Yaoundé I
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À la mémoire de ma mère,
Ndounda Bernadette Alphonsine,
Née un 11 juillet.
P a g e | II

REMERCIEMENTS

D’après Fichte, l’homme ne devient homme que parmi les hommes. Aussi c’est pour
moi un plaisir autant qu’un devoir de remercier tous ceux qui m’ont aidé à arriver au bout de
ce travail.

Je voudrais d’abord exprimer ma gratitude à mon directeur de thèse, le Pr Daniel Abwa,


pour son aide éclairée, ses précieux conseils et l’intérêt motivant qu’il a porté à ce travail tout
au long de sa réalisation.

Aux nombreuses personnes qui, par leurs apports multiformes, n’ont jamais compté leur
temps pour me guider dans mon exploration des arcanes de la science. En particulier, les Pr.
Albert François Dikoumé, Odile Goerg, Albert Pascal Temgoua+, et Saïbou Issa ; mes amis
Jean-Louis Bone Mbang Sodéa, Tiémeni Sigankwe. Merci aussi à eux pour les perspectives
qu’ils m’ont ouvertes sur les divers sujets abordés dans ma thèse.

Mes remerciements vont également à l’ensemble de mes collègues du Centre national


de l’éducation (CNE), principalement Albert Jiotsa, Erick Sourna Loumtouang, Fernand
Ghislain Ateba Ossende, Michèle Sandjol Ankoh Simeu, Moïse Mbey Makang, Laure
Mbilongo Eleme, Abdou Njikam, Victorine Ghislaine Nzino Munongo, Timothy Mussima, et
Diboma Marie Liliane, pour leur soutien moral et surtout logistique. Je leur dois une fière
chandelle.

Ma profonde gratitude va aussi à ma famille toute entière.

D’abord ma femme, Marie Michelle, et mes enfants William, Marlon, Evana et Reine.
Le simple fait d’écrire leurs prénoms me donne du sourire, le même qui me faisait tenir des
nuits durant face à mon ordinateur.

Ensuite, aux membres de ma famille de naissance, bien trop nombreux pour tous les
citer ici. Cependant, je ne puis m’empêcher d’avoir une pensée pieuse pour ma grand-mère,
Marie Edima, décédée en mars 2019 et qui, malgré son illettrisme, m’aida à former mes
premières lettres. Je ne saurais passer sans évoquer ma tante, Joséphine Nkou Edima, qui n’a
jamais failli à sa mission de mère.
P a g e | III

Enfin à toute ma belle-famille, particulièrement ma belle-mère, Gisèle Ndjouyep, dont


le soutien a toujours été sans failles, dans les bons comme dans les mauvais moments. Que
chacune et chacun trouvent en ces mots, l’expression de ma sincère reconnaissance.

Le chemin jusqu’ici n’a pas été facile. Des personnes, j’en ai rencontrées, et mon
cerveau d’être humain faillible en oublie certainement. À tous ceux qui n’ont pas leurs noms
cités dans ces quelques mots, qu’ils n’assimilent pas cet oubli à de la mauvaise foi de ma part.
Je leur dois à tous, une part de la personne que je suis.
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SOMMAIRE

SOMMAIRE ........................................................................................................................... IV
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET ANNEXES ............................................................... VIII
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES.......................................................... XIII
RÉSUMÉ .............................................................................................................................. XVI
ABSTRACT ....................................................................................................................... XVII

INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................................. 1

PARTIE I : LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS SOUS LA


COLONISATION AU CAMEROUN ENTRE 1884 ET 1961 ............................................ 39

CHAPITRE I : LES TRANSPORTS AU SERVICE DE LA POLITIQUE COLONIALE


SOUS LE PROTECTORAT ALLEMAND ENTRE 1884 ET 1916 .................................. 40
A. Un aperçu des transports au Cameroun avant 1884 ............................................................. 41
B. Les fondements de la politique coloniale allemande des transports au Kamerun ............... 48
I. Les origines de la politique coloniale allemande ............................................................ 48
II. La politique allemande des transports au Kamerun ......................................................... 51
C. Les types de transports sous le protectorat allemand ........................................................... 57
I. Les transports terrestres ................................................................................................... 59
II. Les transports fluviaux : un relai économique aux coûts élevés des routes et des
rails .................................................................................................................................. 73
Conclusion ................................................................................................................................ 76

CHAPITRE II : LES TRANSPORTS DANS LA POLITIQUE DE « MISE EN VALEUR »


DU CAMEROUN SOUS MANDAT ET SOUS TUTELLE FRANÇAIS ENTRE 1916 ET
1960 .......................................................................................................................................... 79
A. La « mise en valeur » des colonies : évolution d’un concept politique ambiguë ................ 81
B. L’instabilité politique en France entre 1919 et 1946 et son impact sur les politiques publiques
des transports au Cameroun sous Mandat ............................................................................ 87
I. La crise économique et politique en France et son impact sur les Plans de développement
de l’entre-deux-guerres ................................................................................................... 87
II. Les politiques publiques des transports au Cameroun sous Mandat français ................. 96
C. Le Plan Monnet 1946, fondement des politiques publiques en France et au Cameroun sous
Tutelle ................................................................................................................................ 107
I. Les origines du Plan Monnet......................................................................................... 108
II. Les objectifs du Plan Monnet ........................................................................................ 109
III. Les Plans FIDES, conséquences du Plan Monnet ......................................................... 110
D. La politique française des transports au Cameroun : « mise en valeur » ou propagande
colonialiste ? ...................................................................................................................... 120
Conclusion .............................................................................................................................. 130
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CHAPITRE III. LA POLITIQUE ANGLAISE DES TRANSPORTS AU CAMEROUN


BRITANNIQUE : DES IDÉES INTÉRESSANTES POUR UNE IMPLÉMENTATION
EN DEMI-TEINTE ENTRE 1916 ET 1961........................................................................ 135
A. Les idées phares de la politique coloniale anglaise des transports.................................... 137
I. La politique lugardienne des transports en Afrique tropicale...................................... 137
II. Les Plans de développement anglais entre 1929 et 1957 .............................................. 141
B. L’héritage anglais des transports au Cameroun............................................................... 147
I. Les transports routiers ................................................................................................. 147
II. Les transports maritimes ............................................................................................. 150
C. Le bilan mitigé de la politique anglaise des transports au Cameroun ............................. 152
Conclusion .............................................................................................................................. 157

PARTIE II : LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS AU CAMEROUN


DE L’INDÉPENDANCE AUX PROGRAMMES D’AJUSTEMENT STRUCTUREL
ENTRE 1960 ET 2000 .......................................................................................................... 160

CHAPITRE IV : LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS AU


CAMEROUN SOUS LE LIBÉRALISME PLANIFIÉ ENTRE 1960 ET 1985 ............... 161
A. Le libéralisme planifié, matrice des politiques publiques au Cameroun entre 1960 et
1985 ................................................................................................................................. 163
I. La planification du développement : essai de définition ............................................... 164
II. Les fondements idéologiques et théoriques du libéralisme planifié.............................. 167
III. Les transports dans le libéralisme planifié .................................................................... 175
IV. La situation économique du Cameroun entre 1960 et 1985 .......................................... 177
B. Les projets dans le domaine des transports dans les plans quinquennaux et l’état des lieux
du secteur en 1985 ........................................................................................................... 179
I. Les transports dans les plans quinquennaux au Cameroun entre 1960 et 1985 ............ 179
II. Un état des lieux des transports à la fin des Plans Quinquennaux en 1985................... 205
III. Les acteurs des transports au Cameroun entre 1960 et 1985 ........................................ 219
C. Les limites des politiques des transports sous le libéralisme planifié ................................ 222
Conclusion .............................................................................................................................. 225

CHAPITRE V : LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS À L’ÉPREUVE


DE LA CRISE ÉCONOMIQUE AU CAMEROUN ENTRE 1985 ET 1995 ................... 228
A. Du « libéralisme planifié » au « libéralisme communautaire »....................................... 230
I. Les circonstances du changement de paradigme politique ....................................... 230
II. Les transports dans l’idéologie du libéralisme communautaire................................ 233
B. La crise économique au Cameroun à partir de 1987 et les Programmes d’ajustement
structurel ............................................................................................................................ 234
I. Les causes de la crise économique au Cameroun ..................................................... 234
II. Les Programmes d’ajustement structurel au Cameroun comme conséquences de la
crise économique entre 1988 et 1995........................................................................ 237
C. Évaluation de la politique des transports au Cameroun entre 1985 et 1995 ...................... 244
Conclusion .............................................................................................................................. 249
P a g e | VI

CHAPITRE VI : LE PROJET SECTORIEL DES TRANSPORTS (PST), LA


PRIVATISATION ET LA LIBÉRALISATION DES TRANSPORTS AU CAMEROUN
ENTRE 1995 ET 2000 .......................................................................................................... 250
A. Le Projet sectoriel des transports (PST) de 1995 ............................................................. 251
I. Le PST sur le plan institutionnel ................................................................................... 253
II. Les transports routiers dans le PST ............................................................................... 253
III. Le transport aérien dans le PST ................................................................................. 259
IV. Le transport ferroviaire dans le PST.......................................................................... 260
V. Le transport maritime dans le PST ............................................................................ 260
B. La privatisation des transports au Cameroun : un bilan mitigé ....................................... 263
I. Le processus de privatisation des transports au Cameroun et ses faiblesses ............. 263
II. De la REGIFERCAM à la CAMRAIL : une privatisation au détriment du
social ? ...................................................................................................................... 272
III. Les moto-taxis et les transports clandestins : une conséquence de la libéralisation des
transports urbains et interurbains .............................................................................. 292
C. Les intervenants de la chaîne des transports issus du PST .............................................. 302
I. Les intervenants institutionnels ................................................................................ 302
II. Les autres intervenants ............................................................................................. 305
Conclusion .............................................................................................................................. 308

PARTIE III : LES OUTILS DE LA GESTION ÉCONOMIQUE ET ADMINISTRATIVE


FACE AUX DÉFIS SÉCURITAIRES ET SOCIAUX DES TRANSPORTS AU
CAMEROUN ENTRE 2000 ET 2017 ................................................................................ 310

CHAPITRE VII : LES OUTILS DE GESTION ÉCONOMIQUE ET LES TRANSPORTS


AU CAMEROUN ENTRE 2000 ET 2017........................................................................... 311
A. L’Initiative PPTE et le DSRP comme matrices de développement au Cameroun entre 2000
et 2008 ............................................................................................................................. 313
I. Le Cameroun dans l’initiative PPTE dès 2000 .............................................................. 313
II. Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) de 2003 ...................... 319
B. Le Document de Stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) de 2009 .................... 327
I. Les objectifs du DSCE ................................................................................................ 328
II. Les transports dans le DSCE....................................................................................... 329
III. Une évaluation du DSCE ............................................................................................ 332
C. Le Plan triennal d’urgence triennal de 2015-2017 : un problème de politique ou des
politiques ? ......................................................................................................................... 337
Conclusion .............................................................................................................................. 340

CHAPITRE VIII : ÉTAT DES LIEUX, INTERVENANTS INSTITUTIONNELS ET


DÉFIS DES TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 2000 ET 2017.......................... 342
A. Un état des lieux des infrastructures des transports au Cameroun entre 2000 et 2017 ... 343
I. Les infrastructures aériennes .................................................................................... 343
II. Les infrastructures maritimes ................................................................................... 344
III. Les infrastructures ferroviaires ................................................................................. 345
B. Les intervenants institutionnels de la chaîne des transports au Cameroun depuis 2000 .... 346
I. L’organisation du Ministère des transports depuis 2011........................................... 346
II. Le MINDDEVEL ..................................................................................................... 349
P a g e | VII

III. Le MINMAP ............................................................................................................ 349


IV. Les Collectivités territoriales décentralisées (CTD)................................................. 349
C. Les défis actuels des transports au Cameroun ................................................................. 351
I. Les défis administratifs ............................................................................................. 351
II. Les défis sécuritaires des transports au Cameroun ..................................................... 359
Conclusion .............................................................................................................................. 381

CHAPITRE IX : LES DÉTERMINANTS DES COÛTS DES TRANSPORTS ROUTIERS


AU CAMEROUN ................................................................................................................. 383
A. Le coût d’exploitation des véhicules au Cameroun ......................................................... 388
I. Les charges variables .................................................................................................. 389
II. Les charges fixes ......................................................................................................... 400
B. L’impact de la qualité des routes sur les coûts des transports ........................................... 408
I. La qualité des routes au Cameroun ............................................................................... 408
II. Le lien entre la qualité de la route et le coût d’exploitation des véhicules .................... 411
Conclusion .............................................................................................................................. 412

CONCLUSION GÉNÉRALE .............................................................................................. 415


SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................... 432
I. SOURCES ORALES .................................................................................................... 433
II. BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................ 435
INDEX ................................................................................................................................... 468
ANNEXES ............................................................................................................................. 479
TABLE DES MATIÈRES.................................................................................................... 514
P a g e | VIII

LISTE DES ILLUSTRATIONS ET


ANNEXES

I. TABLEAUX

Tableau n° 1: Les trajets au départ de Bamenda et les jours de marche prévus ....................... 60

Tableau n° 2 : Répartition des financements dans le Plan de développement de 1956 .......... 146

Tableau n° 3 : Répartition des investissements dans le domaine des transports, IVe Plan
quinquennal ............................................................................................................................ 196

Tableau n° 4 : Les prévisions et réalisations au cours du IVe Plan quinquennal .................... 198

Tableau n° 5 : État des lieux des routes au Cameroun selon le classement de 1979 .............. 207

Tableau n° 6 : Les sources de financement du Transcamerounais ......................................... 222

Tableau n° 7 : Les dettes des entreprises publiques des transports au Cameroun en 1994 (en
milliards de FCFA) ................................................................................................................. 245

Tableau n° 8 : Répartition du réseau routier au Cameroun en 1995 ....................................... 254

Tableau n° 9 : Types de travaux publics réalisés, ou en cours de réalisation et les sources de


financement en 1995 ............................................................................................................... 256

Tableau n° 10 : Les projets de réforme prévus par le Plan sectoriel des transports au Cameroun
en 1995 ................................................................................................................................... 262

Tableau n° 11 : Enquête de satisfaction de la CAMRAIL...................................................... 280

Tableau n° 12 : Évolution du trafic « voyageurs » par ligne entre 2011 et 2017 ................... 284

Tableau n° 13 : évolution du trafic « voyageurs » entre 2011 et 2017 ................................... 285

Tableau n° 14 : Parc matériel roulant de la CAMRAIL ......................................................... 289

Tableau n° 15 : Les bases de la classification des routes au Cameroun depuis 2006 ............ 325

Tableau n° 16 : Quelques objectifs du DSCE en matière d’infrastructures ............................ 332

Tableau n° 17 : Quelques grands projets de construction routière et leurs coûts ................... 335

Tableau n° 18 : Deux projets d’entretien routier et leurs coûts en 2013 ................................ 335

Tableaux n° 19 et 20 : État d’avancement des travaux routiers prévus dans le PLANUT en


2017 ........................................................................................................................................ 338
P a g e | IX

Tableau n° 21 : Les ministres en charge des transports au Cameroun de 1957 à 2018 .......... 347

Tableau n° 22 : Les secrétaires d’États et ministres délégués en charge des transports depuis
1991 ........................................................................................................................................ 348

Tableau n° 23 : Les phases d’exécution de la dépense dans le budget programme ............... 353

Tableau n° 24 : Évolution des accidents suivants la catégorie au Cameroun entre 2008 et


2014 ........................................................................................................................................ 361

Tableau n° 25 : Les accidents de la route au Cameroun entre 2000 et 2016 .......................... 361

Tableau n° 26 : les différentes charges liées à l’exploitation commerciale d’un véhicule ..... 389

Tableau n° 27 : Le prix des différents postes d’imposition sur les produits pétroliers au dépôt
de Douala durant le mois de janvier 2021 .............................................................................. 397

Tableau n° 28 : Coût indicatif de transport des produits pétroliers par localité (dépôt de Douala),
janvier 2021 ............................................................................................................................ 398

Tableau n° 29 : Prix des carburants applicables dans les localités desservies par le dépôt de
Douala (janvier 2021) ............................................................................................................. 398

Tableau n° 30 : Décomposition des coûts variables par sous-région (en pourcentage de


l’ensemble des coûts variables) .............................................................................................. 400

Tableau n° 31 : Les documents de bord obligatoires pour un véhicule de transport et son


conducteur .............................................................................................................................. 405

II. SHÉMAS

Shéma n° 1 : Actionnariat de la CAMRAIL en 2007 ............................................................. 275

Shéma n° 2 : Processus de construction des prix des transports routiers................................ 388

Shéma n°3 : La chaîne de transport des produits pétroliers de la SONARA aux


stations-services ...................................................................................................................... 396

III. DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES

Photo n° 1 : Hulk de la compagnie C. Woermann sur le fleuve « Cameroun en 1868 ........... 46


Photo n° 2 : La factorerie de la compagnie C. Woermann aux abords du fleuve « Cameroun ».
La scène des négociations qui ont conduit à l’acquisition du Kamerun ................................... 47

Photo n° 3 : Travaux de terrassement réalisés en 1910 dans la région de Ndunge sur la voie
ferrée du Nord du Cameroun .................................................................................................... 65
Page |X

Photo n° 4 : Matab sur la route de Banyo à Foumban, construite par les Allemands. Photo prise
le 24 juin 1918 .......................................................................................................................... 71

Photo n° 5 : Lolodorf. Route de Kribi à Yaoundé, photo prise en 1917 .................................. 71

Photo n° 6 : Expédition des marchandises sur la Sanaga en 1908............................................ 74

Photo 7 : Chargement de bananes à l’embarcadère de l’Afrikanische Frucht-Compagnie à Tiko


en 1912 ..................................................................................................................................... 75

Photo n° 8 : Pont sur la Dibamba (entre Douala et Edéa) détruit par les Allemands durant la
Grande Guerre puis reconstruit par la Français ........................................................................ 77

Photo n° 9 : La gare de Yaoundé en 1937 .............................................................................. 103

Photo n° 10 : L’aéroport de Yaoundé en 1950, construit durant le Mandat français ............. 106

Photo n° 11 : F-BESN Curtis Commando C-46 de la compagnie Air Cameroun à Yaoundé en


août 1955 ................................................................................................................................ 117

Photo n° 12 : Billet de banque de 100 FCFA datant de 1957 ................................................. 126

Photo n° 13 : Billet de banque de 500 FCFA de 1957............................................................ 126

Photo n° 14 : Timbre postal édité à l’occasion de l’inauguration du pont sur le Wouri le 15 mai
1955 ........................................................................................................................................ 128

Photo n° 15 : Populations construisant une route ................................................................... 149

Photo n°16 : Bateau à moteur le “Pionier” au wharf de Tiko ................................................. 151

Photo n° 17 : Billet de 500F de la République fédérale du Cameroun de 1952 ..................... 176

Photo n° 18 : La gare terminus de Ngaoundéré, inaugurée en 1974 ...................................... 194

Photo n° 19 : Vue d’un avion de la Cameroon Air Transport ................................................ 211

Photo n° 20 : Photo de famille de la conférence de Yaoundé le 28 mars 1961 ...................... 213

Photo n° 21 : Carte postale du vol inaugural de la CAMAIR ................................................ 216

Photo n° 22 : Une vue des wagons du train accidenté dans le ravin à Eséka ......................... 281

Photo n° 23 : Activités commerciales à l’escale du train-voyageurs en direction de Ngaoundéré


à la gare de Ngaoundal (région de l’Adamaoua). ................................................................... 287

Photo n° 24 : Activités commerciales lors d’un croisement de trains-voyageurs à la gare de


Belabo ..................................................................................................................................... 288

Photo n° 25 : Des moto-taxis en face du marché Mboppi à Douala ....................................... 295

Photo n° 26 : Inondation sur une partie du second pont sur le Wouri .................................... 336
P a g e | XI

Photo n° 27 : Véhicules de transport en surcharge à Ebolowa ............................................... 362

Photo n° 28 : Zones d’habitation aux abords du chemin de fer à Yaoundé ........................... 374

Photo n° 29 : Route nationale N° 1 à Ngaoundéré (Corridor Douala-Ndjamena), principale


jonction routière entre le Port de Douala et Ndjamena au Tchad ........................................... 410

IV. CARTES

Carte 1 : Itinéraire du Nordbahn du Cameroun, d’après un dessin de C. Jurisch et


W. Rux...................................................................................................................................... 65

Carte 2 : Carte routière du Cameroun en 1927 ......................................................................... 98

Carte 3 : Système routier et ferroviaire du Cameroun en 1922 .............................................. 104

Carte 4 : Carte aéronautique du Cameroun en 1951 ............................................................... 115

Carte 5 : Les « zones utiles » et les principaux axes de circulation du Cameroun en 1951 121

Carte 6 : Carte routière du Cameroun sous tutelle française (1951)....................................... 121

Carte 7 : Le réseau des transports au Cameroun fédéral (1967) ............................................ 190

Carte 8 : Les aéroports du Cameroun en 1981 ....................................................................... 201

Carte 9 : Le réseau ferroviaire du Cameroun en 1981 ............................................................ 202

Carte 10 : Les ports et voies fluviales du Cameroun en 1981 ................................................ 203

Carte 11 : Le réseau routier du Cameroun en 1981 ................................................................ 204

Carte 12 : Les transports au Cameroun en 1986 ..................................................................... 206

V. LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Le Kamerun Stad .................................................................................................. 480

Annexe 2 : Les transports au Cameroun sous protectorat allemand ....................................... 481

Annexe 3 : Décret créant la Régie d’Exploitation des Chemins de Fer du Cameroun


(REGIFERCAM) .................................................................................................................... 482

Annexe 4 : Loi n° 46-860 du 30 avril 1946, tendant à l’établissement, au financement et à


l’exécution de Plans d’équipement et de développement des territoires relevant de la France et
d’Outre-mer ............................................................................................................................. 483
P a g e | XII

Annexe 5 : Délibération n°90/52 créant un « Comité des routes » et déterminant les modalités
de financement du « Fonds routier ». ..................................................................................... 485

Annexe 6 : Arrêté n° 2928 du 28 mai 1952, rendant exécutoire la Délibération n°90/52 créant
un « Comité des routes » et déterminant les modalités de financement du « Fonds
routier » .................................................................................................................................. 486

Annexe 7 : Décret n° 51-568 du 19 mai 1951, relatif à l’organisation des transports en temps
de guerre ................................................................................................................................. 487

Annexe 8 : R. Powell, « L’allègement de la dette des pays pauvres », Finances et


développement, décembre 2000, pp. 42-45 ............................................................................ 489

Annexe 9 : Ordonnance n° 90/004 du 22 juin 1990, relative à la privatisation des entreprises


publiques et para-publiques .................................................................................................... 493

Annexe 10 : Le Décret n° 2014/575 du 19 décembre portant création, organisation et


fonctionnement du Comité de suivi de la mise en œuvre du plan triennal pour l’accélération de
la croissance économique ....................................................................................................... 496

Annexe 11 : Le Colonial development act de 1929 ................................................................ 503

Annexe 12 : Note explicative sur la réforme du droit de timbre de 2017 ............................... 509

Annexe 13 : Ordonnance n° 2014 /001 du 07 juillet 2014 portant réduction de la Taxe Spéciale
sur les Produits Pétroliers (TSPP) et de certaines taxes dues par les transporteurs de personnes
et de marchandises .................................................................................................................. 512
P a g e | XIII

LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES

ADC : Aéroport du Cameroun

AEF : Afrique équatoriale française

AID : Association internationale de développement

AMGI : Agence multilatérale de garantie des investissements

AOF : Afrique occidentale française

APN : Autorité Portuaire Nationale

ARMP : Agence de régulation des marchés publics

ASECNA : Agence pour la sécurité aérienne en Afrique et à Madagascar

BGFT : Bureau de Gestion du Fret Terrestre

BIP : Budget d’investissement public

BIRD : Banque internationale pour la reconstruction et le développement

CAMAIR : Cameroon Airlines

CAMRAIL : Cameroon railway company

CAMSHIP : Cameroon Shipping Lines

CAMTAINER : Société nationale de Transport et de Transit du Cameroun (Cameroon


Container Transport and Freight Forwarder Company)

CCAA : Cameroon Civil Aviation Authority

CEA : Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique

CEEAC : Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale

CEMAC : Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale


P a g e | XIV

CIRDI : Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

CDP : Compagnie des dépôts pétroliers

CTD : Collectivités territoriales décentralisées

DGSN : Délégation Générale à la Sureté Nationale

DPP : Direction des Projets et Programmes

FMI : Fonds monétaire international

INS : Institut National de la Statistique

LABOGENIE : Laboratoire National de Génie Civil

MATGENIE : Parc National de Matériel de Génie Civil

MINADER : Ministère de l’Agriculture et du développement rural

MINFI : Ministère des finances

MINEFI : Ministère de l’économie et des finances

MINEP : Ministère de l’économie et de la planification

MINEPAT : Ministère de l’Économie, de la Programmation et de l’Aménagement du Territoire

MINMEE Ministère des mines, de l’eau et de l’énergie

MINMAP : Ministère des marchés publics

MINTP : Ministère des Travaux Publics

MINT : Ministère des Transports

MINUH : Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat

MINSANTE : Ministère de la Santé Publique

OMD : Objectif du Millénaire pour le Développement


P a g e | XV

PAD : Port Autonome de Douala

PLANUT : Plan d’urgence triennal

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PST : Projet sectoriel des transports

RCA : République Centrafricaine

RDPC : Rassemblement démocratique du peuple camerounais

REGIFERCAM : Régie Nationale des Chemins de Fer du Cameroun

SCDP : Société camerounaise de dépôts pétroliers

SFI : Société financière internationale

SOTUC : Société des Transports Urbains du Cameroun

SSATP : Sud Saharian African Transport Policy Program

TIR : Transit international routier

UNC : Union nationale camerounaise


P a g e | XVI

RÉSUMÉ
Lorsque les Allemands prennent possession du Kamerun en 1884, ils fondent leur
politique économique sur le capitalisme agraire. Ils investissent prioritairement dans les moyens
de transports dont l’usage permet une évacuation facile et à moindre coût des richesses tirées
de la colonie. Soumis à la double domination franco-britannique dès 1916, le Cameroun connaît
deux expériences de planification : les plans FIDES (Fonds d’investissement pour le
développement économique et social) et le CDWF (Colonial Development Welfare Fund). Ces
fonds de crédits au développement étaient purement liés, eux aussi, à l’économie de traite,
malgré les exigences de développement contenus dans les accords de mandat (1922-1946) et
de tutelle (1946-1960-61). À l’indépendance en 1960/61, les transports au Cameroun ne
desservent que les zones qui avaient été jugées économiquement rentables par les puissances
coloniales.

Sous Ahmadou Ahidjo, le premier président du Cameroun indépendant, la politique des


transports aspire à la fois au développement économique et à l’unité nationale, à travers un
réseau de transports plus rapide, moins coûteux et étendu sur tout le territoire. Ces ambitions
sont encouragées par des années de prospérité économique, conséquence du boom pétrolier des
années 1970. Ainsi, le nouvel État adopte une politique économique qui s’articule autour des
« plans quinquennaux ». Sous l’influence des approches développementalistes des années 1960,
structurées autour de deux grandes orientations théoriques à savoir les théories de la
modernisation et les théories dépendantistes, l’État camerounais inscrit son économie dans une
idéologie de construction nationale, adossée à un modèle de gouvernance économique bâti
autour du « libéralisme planifié » et du « développement autocentré ».

À partir de 1986, la crise économique frappe le pays et marque un arrêt des plans
quinquennaux. Ces derniers laissent la place aux Programmes d’ajustement structurels (PAS)
dès septembre 1988, sous la houlette du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque
mondiale. Dans l’esprit de cette nouvelle politique, le marché constitue le seul moyen de
résoudre les problèmes économiques des pays. Paul Biya, président du Cameroun dès 1982, est
donc contraint de mettre fin à la politique de l’État providence, de laisser faire l’initiative privée
et à ouvrir largement les portes du pays à l’extérieur, en se conformant à la logique libérale de
la mondialisation. Les politiques publiques des transports se soumettent, elles-aussi, à
l’ultralibéralisme qui se met peu à peu en place. Aux rigueurs des PAS, succèdent le Document
de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) en 2003 ; le Document de stratégie pour
la croissance et l’emploi (DSCE) en 2009 ; et le Plan d’urgence triennal (PLANUT) à partir de
2014. Tous ces documents de stratégie économique marquent l’entrée du Cameroun dans l’ère
du « post ajustement », qui devrait conduire le pays vers l’ « émergence en 2035 ».

Notre thèse analyse l’évolution historique des politiques publiques des transports au
Cameroun depuis 1884 année à laquelle les Allemands prennent possession du territoire qui
deviendra Cameroun, jusqu’en 2017, année qui marque la fin prévue de l’exécution du
PLANUT. Entre ces deux dates, quatre (4) périodes politiques se sont succédé : la colonisation
allemande, la colonisation franco-anglaise, le libéralisme planifié d’Ahidjo et le libéralisme
communautaire de Biya. La méthodologie appliquée pour l’élaboration de ce travail est à la fois
quantitative et qualitative, dans la logique de l’analyse historique des politiques publiques
adossée à l’école des Annales.

Mots clés : Cameroun, transports, politiques publiques, libéralisme planifié, libéralisme


communautaire, économie.
P a g e | XVII

ABSTRACT

When the Germans took possession of Kamerun in 1884, they based their economic
policy on agrarian capitalism. They first invested in means of transport allowing an easy and
cheap evacuation of the goods from the colony. Under the double Franco-British domination
since 1916, Cameroon had two planning experiments: the FIDES (Investment Fund for
Economic and Social Development) and the CDWF (Colonial Development Welfare Fund)
plans. These development credit funds were also purely linked to the trading economy, despite
the development requirements contained in the Mandate (1922-1946) and Trusteeship (1946-
1960-61) agreements. Upon independence in 1960/61, transport in Cameroon only served areas
that had been deemed economically profitable by the colonial powers.

Under Ahmadou Ahidjo, the first president of independent Cameroon, transport policy
aspires to both economic development and national unity, through faster, less costly and
nationwide transport network. These ambitions are encouraged by years of economic
prosperity, a consequence of the oil boom of the 1970s. Thus, the new state adopts an economic
policy which revolves around the “five-year plans”. Under the influence of the developmentist
approaches of the 1960s, structured around two major theoretical orientations, namely the
theories of modernization and dependency theories, the Cameroonian state inscribed its
economy in an ideology of national construction, based on a model of economic governance
built around “planned liberalism” and “self-centred development”. One of the objectives of this
policy is the modernization of transport. The ambitions of the new state were encouraged by
years of economic prosperity, a consequence of the oil boom of the 1970s.

From 1986 onwards, the economic crisis hit the country and brought the five-year plans
to a halt. The latter gave place to Structural Adjustment Programmes (SAPs) in September
1988, under the leadership of the International Monetary Fund (IMF) and the World Bank. This
new policy believe that only the market can solve countrie’s economic problems. Paul Biya,
President of Cameroon since 1982, is therefore forced to put an end to the policy of the welfare
state, to allow private initiative and to open the doors of the country widely to the outside, in
accordance with liberal logic of globalization. Public transport policies are also subject to
ultraliberalism which is gradually being put in place. Following the rigours of the SAPs, came
the Poverty Reduction Strategy Paper in 2003; the Growth and Employment Strategy Paper in
2009; and the Three-Year Emergency Plan since 2014. All these economic strategy papers mark
Cameroon’s entry into the “post-adjustment” era, which should lead the country to “Emergence
by 2035”.

Our thesis studies the historical evolution of public transport policies in Cameroon since
1884, when the Germans took possession of the territory that would become Cameroon, until
2017, the year that marks the expected end of the implementation of the Three-Year Emergency
Plan. Between 1884 and 2017, four (4) political periods followed one another: German
colonization, Franco-English colonization, the planned liberalism of Ahidjo and the community
liberalism of Biya. What can we draw from this in terms of transport? The methodology used
to draw up this work is both quantitative and qualitative, in the logic of policy analysis.

Keywords: Cameroon, transport, public policies, planned liberalism, communal


liberalism, economy.
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INTRODUCTION GÉNÉRALE
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I. Objet et intérêt de la recherche

Il faut partir du postulat selon lequel les infrastructures de transport coûtent cher aux
États, mais elles sont d’une grande utilité économique. Pour André Huybrechts : « La vie
économique moderne est basée sur des transports massifs et à bon marché. […] Le
développement économique peut dès lors se mesurer à la rapidité et à la densité de la circulation
des biens, c’est-à-dire au volume des transports ».1 Cela en fait un secteur dont la particularité
est d’être fortement dépendant des pouvoirs publics. Grâce à des instruments adaptés aux
contextes, ce secteur agit sur l’économie en développant des réseaux de transports public et
privé, et en régulant leur exploitation par des lois. Les pouvoirs publics comptent donc
beaucoup sur la mise en place des réseaux de transports pour influer de manière significative
sur le développement des pays. Dans son édition 2017 de l’Annuaire statistique du Cameroun,
l’Institut National de la Statistique (INS) fait remarquer que :

Les infrastructures de transport notamment les routes, les aéroports, les ports et le chemin de fer
constituent le socle où doivent se bâtir le développement et la compétitivité de l’économie. Néanmoins,
ces dernières demeurent insuffisantes face aux besoins des populations. Au Cameroun, le développement
et l’entretien permanent de ces infrastructures permettent de réduire les coûts de production et de
transaction, facilitent l’activité, accroissent le volume de production et impulsent le progrès social.2

Ainsi, la médiocrité des infrastructures est un handicap pour les affaires au Cameroun.
Selon des enquêtes menées auprès des entreprises par la Banque Mondiale, la mauvaise qualité
des infrastructures de transports est responsable de 42 % environ de l’écart de productivité des
entreprises camerounaises, le reste étant dû à une mauvaise gouvernance, à la bureaucratie et à
des contraintes de financement.3 La Banque Mondiale continue, dans le même rapport, en
précisant que le dédouanement apparaît comme la contrainte d’infrastructure qui pèse le plus
lourdement sur les entreprises du pays, viennent ensuite, les pannes de courant.4

L’histoire économique permet de comprendre que, de tout temps, ce sont surtout les
régions et les pays disposant d’un avantage dans le secteur des transports qui ont été prospères
et puissants. C’est uniquement grâce aux performances de sa flotte marchande, que dès le XVe

1
A. Huybrechts, « Le rôle du progrès des transports dans les économies sous-développées », Revue économique,
vol. 22, n°1, 1971, p. 143. Au sujet de l’importance des transports dans la réduction de la pauvreté, lire M.
Gachassin et al., « The Impact of Roads on Poverty Reduction A Case Study of Cameroon », Policy Research
Working Paper 5209, The World Bank, Africa Region, Transport Unit, February 2010.
2
INS, Annuaire statistique de la République du Cameroun, 2017, p. 276.
3
C. Dominguez-Torres et al., « Cameroon’s Infrastructure: A Continental Perspective », Washington DC, The
International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank, 2011, p. 4.
4
Ibid.
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siècle, un pays petit en taille, périphérique et pauvre en ressources naturelles comme le Portugal,
a pu devenir une grande puissance coloniale, voire une puissance mondiale de sorte que ses
ressortissants ont été présentés comme les « pionniers de la globalisation ».5

Pour la Banque Mondiale :

La qualité d’une infrastructure aide à comprendre pourquoi un pays réussit alors qu’un autre échoue - à
diversifier sa production, à développer ses échanges, à maîtriser sa démographie, à faire reculer la
pauvreté ou à assainir le milieu. Une bonne infrastructure augmente la productivité et réduit les coûts de
production […]. À une augmentation du capital d’infrastructure de 1 % correspond une augmentation du
produit intérieur brut (PIB) de 1 % pour l’ensemble des pays. 6

Les politiques publiques des transports ne sont donc pas anodines ou indépendantes.
Elles présentent une forte interaction avec d’autres secteurs (commerce, agriculture, urbanisme,
tourisme…). Ces politiques sont de plus en plus intégrées aux politiques d’occupation des sols
et de développement urbain, ainsi qu’à celles liées au développement économique territorial.
C’est cette vision qui transparait dans la politique des transports au Cameroun dès 1960,
lorsqu’il fallait passer de la politique coloniale à la politique publique impulsée par les
Camerounais eux-mêmes. Ainsi :

Le passage de l’embryon du système des transports mis en place par les administrations allemande,
française et britannique à un réseau moderne répondant aux besoins nationaux impliqu[ait] une politique
sous-tendue par des options fondamentales : desserte de tout le pays, renforcement de l’unité nationale,
complémentarité des réseaux dans une optique « communication » et « aménagement du territoire ».7

À l’entame de cette étude qui porte sur « Les politiques publiques des transports au
Cameroun de 1884 à 2017 », il a paru évident, le lien historique presque fusionnel entre le
commerce et les transports dans la construction du Cameroun. En effet, au-delà de l’aspect
purement communicationnel, les premières grandes lignes des transports en général et les
politiques à la base de leur mise en place en particulier, ont été écrites à travers le
développement du commerce. Celui-ci a induit la nécessité de développer et d’adapter les
infrastructures de transport, afin de permettre aux biens de circuler adéquatement d’un point à
l’autre du territoire. La distance, le temps mis, les obstacles, jouent souvent un rôle fondamental

5
R. J. Nascimiento et al., « Les Portugais, pionniers de la globalisation », Géoéconomie, vol. 48, no 1, 2009, pp.
17-31.
6
Banque Mondiale, « Rapport sur le développement dans le monde. Une infrastructure pour le développement »,
Washington DC, Banque Mondiale, 1994, p. 2.
7
L’encyclopédie de la République Unie du Cameroun, Paris, les Nouvelles Éditions Africaines, 1981, p. 137.
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à ce niveau tout comme la capacité des infrastructures à affranchir les biens.8 Dès lors, le
transport apparaît comme un moyen important pour réaliser le développement d’un pays.

Le choix de ce sujet repose toutefois sur des motivations bien précises.

II. Raisons de choix du sujet

Les motivations pour cette recherche sont principalement d’ordre heuristique. En effet,
ce sujet sur les politiques publiques ne correspond pas à nos axes d’étude précédents. Nous
nous sommes toujours intéressé aux problèmes sociaux, notamment à ceux qui touchent
directement les populations les plus démunies et leurs différents modes d’adaptation,
particulièrement à travers l’informel. Il semblait important de faire parler ces adaptations, ces
modes de vie de la « classe subalterne » par opposition à la « classe dirigeante » dans le sens
d’Antonio Gramsci.9 En effet, tout comme Jacques Pouchepadass, notre analyse est que les
classes subalternes ne sont jamais passives politiquement.10 Il y a toujours en elles un germe de
résistance active. C’est précisément pour cette raison qu’en faire l’histoire, en valorisant au
maximum les traces d’une telle activité, était important pour nous et revêtait une certaine valeur
politique.11

Il s’agissait donc de rétablir le peuple comme sujet de sa propre histoire en refusant de le concevoir
comme simple masse de manœuvre manipulée par les élites, et en rompant avec les téléologies qui le
transforment en agent passif d’une mécanique historique universelle (qu’il s’agisse de l’histoire

8
A. Huybrechts, « Le rôle du progrès des transports… », p. 147.
9
Lire G. Liguori, « Le concept de subalterne chez Gramsci », Mélanges de l’École française de Rome - Italie et
Méditerranée modernes et contemporaines [En ligne], 128-2 | 2016, mis en ligne le 03 novembre 2016, URL :
http://journals.openedition.org/mefrim/3002, consulté le 30 janvier 2020 à 20h53.
10
Lire J. Pouchepadass, « Les Subaltern Studies ou la critique postcoloniale de la modernité », L’Homme, n°156,
2000, pp. 161-186.
11
Notre mémoire de Master d’Histoire s’intéressait à « La vie de nuit dans la ville de Ngaoundéré de 1952 à
2009 ». Ce travail de sociohistoire avait pour objectif d’examiner comment les pesanteurs sociopolitiques,
marqueurs de l’histoire de la ville de Ngaoundéré, avaient pu influencer les modes de vie des populations. La nuit,
espace-temps sujet à de nombreuses représentations négatives, s’était muée dès 1952, en un vaste champ de vie
pour une certaine tranche de la population, celle-là même qui, du fait des vicissitudes de la vie, avait fait de la nuit
son jour.
Nous avons aussi publié un certain nombre d’articles dans cette logique, parmi lesquels :
- N. Owona Ndounda, « Les marchés nocturnes de rue à Yaoundé, entre système D et désordre urbain », in
Janvier Onana (éd.), Gouverner le désordre urbain. Sortir de la tragique impuissance de la puissance
publique au Cameroun, Cameroun, L’Harmattan, 2019, pp. 179-198.
- N. Owona Ndounda, « Boko Haram et la radicalisation des jeunes au Nord-Cameroun. Entre protestation
sociale et nécessité de survie », Émulations, en ligne. Mise en ligne le 8 novembre 2017. URL :
http://www.revue-emulations.net/enligne/Owona-Ndounda-boko-haram-radicalisation-jeunes-Nord-
Cameroun
- N. Owona Ndounda et al, « De la confiance des camerounais aux marques occidentales. Entre mentalité du
colonisé et dépendance culturelle ? », in Sariette et Paul Batibonak (éd.), Le Cameroun et ses anciennes
puissances tutélaires, Ed. Monange, 2019, pp. 77-90.
Page |5

nationaliste qui présente les révoltes de l’époque coloniale comme autant d’étapes dans la genèse de
l’État-nation, ou de l’histoire marxiste qui les voit comme des stades de l’émergence de la conscience de
classe). Il fallait reconnaître son importance historique réelle à la capacité d’initiative (agency) libre et
souveraine de ce peuple […].12

C’est ce regard, ancré dans les subaltern studies et la sociohistoire, qui nous a amené à
constater, en séjour à Zoulabot I (département du Haut-Nyong, région de l’Est-Cameroun), le
pourrissement des produits de l’agriculture locale, principalement le plantain, faute de moyens
de transport pour les acheminer vers les villes, la plus proche étant Abong Mbang à près de 187
km.13 Les populations de Zoulabot I vivent dans une précarité qui leur donne quasiment à penser
qu’ils ne font pas partie de l’État camerounais.

Il ne s’agissait plus d’étudier les classes subalternes dans leurs modes d’adaptation ou
leurs histoires, mais de faire une analyse historique par le haut, à partir des classes dirigeantes.
Il fallait comprendre pourquoi plusieurs localités au Cameroun en général souffraient autant de
pauvreté du fait du manque de voies de communication. Si jusque-là nous avions tenté de
comprendre les modes de résilience des populations, elles nous apparaissaient maintenant
comme des conséquences d’un mal plus profond, celui des politiques publiques. Sur cette base,
celles impliquant les transports nous semblaient majeures, tant sur le plan économique que sur
le plan social, dans le rapprochement entre les peuples.

Ainsi, nous nous intéressons aux politiques publiques génératrices d’actions publiques.
Le manque de voies de communication semble à ce jour être l’une des causes du sous-
développement du Cameroun. Paradoxalement, c’est aussi la pauvreté qui a induit ce retard
dans le domaine des transports.

Pour mieux cerner les contours de cette étude, il est nécessaire de faire une analyse
conceptuelle de ses termes clés.

III. Cadre conceptuel et théorique

Dans toute thèse, il y a des concepts-clés qui reviennent très souvent et dont la définition
constitue un point de départ pour la compréhension de tout le travail. Les concepts principaux
de notre sujet doivent être précisés afin d’éviter toute mauvaise interprétation, toute ambiguïté.

J. Pouchepadass, « Les Subaltern Studies… », p. 165.


12
13
Données obtenues à partir du calculateur de distance en ligne, URL : https://fr.distance.to/Abong-
Mbang/Zoulabot-1,Haut-Nyong,Est,CMR, consulté le 14 octobre 2019 à 5h34.
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Il s’agit de faire, comme le souligne Michel Foucault, « l’archéologie des mots »,14 à travers
l’examen des concepts suivants : “politique/action publique”, et “transport”.

Il est difficile de trouver une définition universelle de la « politique publique ». Un haut


fonctionnaire britannique remarquait avec humour qu’« une politique publique, c’est un peu
comme un éléphant vous le reconnaissez quand vous le voyez, mais vous ne pouvez pas
facilement le définir ».15 L’activité des gouvernements est extrêmement variée : ils prélèvent
des impôts, accordent des subventions, édictent des lois, redistribuent des revenus, recrutent et
gèrent du personnel, font la guerre, conduisent des relations diplomatiques avec d’autres pays
ou avec des organisations internationales, prononcent des discours, construisent des routes entre
autres.16 Il s’agit là de l’ « action publique » mais pas de la « politique publique ». Cependant,
la mise en place de ces actions publiques nécessite une politique bien précise. Ainsi pour Jean-
Claude Thoenig, l’action publique est la construction et la qualification des problèmes
collectifs par une société, problèmes qu’elle délègue ou non à une ou plusieurs autorités
publiques, en tout mais aussi en partie, ainsi que comme l’élaboration de réponses, de contenus,
de processus pour les traiter.17 Dès lors,

A policy is a set of decisions taken by political actor concerning the selection of goals and the method of
attaining them relating to specified situation. The concern of a policy is in the making of decisions
regarding a course of action to be followed by government in dealing with a problem or matter of concern.
Consequently, public policy is a set of interrelated decisions by a political actor or group of actors
concerning the selection of goals and the means of achieving them within a specified situation where
those decisions should, in principle, be within the power of those actors to achieve. 18

En tentant une traduction au mot près de cette définition, la confusion serait facile quant
à ce à quoi renvoie le concept de « politique ». Il est à la fois un adjectif qui qualifie tout ce qui
est en rapport avec l’exercice du pouvoir dans une société, et un nom qui désigne un homme ou
une femme politique. Pour mieux cerner les contours de ce mot, il faut faire recours à l’anglais

14
Lire M. Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, 1966, 323p.
15
G. Cunningham, « Policy and practice », Public Administration, n°41, 1963, p. 229.
16
D. Kübler et J. de Maillard, Analyser les politiques publiques, Collection Politique en plus, Presses universitaires
de Grenoble, 2013, p. 8.
17
J. C. Thoenig, « L’usage analytique du concept de régulation », in J. Commaille et al (éd.), Les métamorphoses
de la régulation politique, Paris, LGDJ, 1998, p. 47.
18
E. Oluwole Oni, « Public policy analysis », in Dhikru Yagboyaju et al., Fundementals of politics and
governance, Concept Publications, pp. 324-325.
Page |7

pour en distinguer les méandres. Aussi, le politologue français Jean Leca le particularise-t-il en
« polity », « politics », et « policy ».19

Tout d’abord la polity, qui, dans son acception la plus simple, recouvre la sphère
politique dans son opposition à la société civile.20

Ensuite les politics, qui représentent l’activité politique et sa compétition. En cinq


particularités, elles concernent :

1) ce qui se passe dans l’État, et singulièrement ses hauteurs gouvernementales,


administratives et parlementaires, les jeux de procédures et la manipulation des
institutions ;
2) les positions sociales de ses élites, leur mode de recrutement par la reproduction mais
aussi par l’élection ou l’occupation brutale du centre ;
3) leur compétition stratégique pour la conquête de positions par le jeu de coalitions, de «
causes » ou de « partis » ;
4) la formulation et la politisation des clivages sociaux ;
5) l’interaction de l’État avec son « environnement » sociétal.21

Enfin, les policies, qui sont le processus de mise en place de programmes d’action
publique. Elles concernent la manière dont l’État traite des problèmes dans différents secteurs
et quelles en sont les conséquences, voulues ou non, pour la production et la répartition de
ressources ainsi que pour la satisfaction, rationnellement justifiée ou ressentie sans trop de
raison, des « populations cibles », unifiées ou non, dans la même situation sociale ou non. Les
« études d’impact » favorisées par les acteurs sont une de ses branches22. Une politique publique
(public policy) est donc un programme d’action, à développer dans un territoire ou/et un
domaine spécifique, destiné à garantir qu’une vision sociale d’un problème déterminé soit
accomplie.

Notre étude, en abordant les différentes réponses de l’État camerounais face aux
problèmes des transports, se classe dans l’analyse des politiques publiques. Il s’agit de savoir

19
Lire J. Leca, « L’état entre politics, policies et polity ; ou peut-on sortir du triangle des
Bermudes ? », Gouvernement et action publique, n° 1, 2012, p. 59-82.
20
Ibid, p. 62.
21
Ibid, p. 63.
22
Ibid.
Page |8

si la forme générale du système politique engendre des contraintes spécifiques dans la conduite
de l’action publique dans certaines conjonctures déterminées.

Pour Pierre Muller, la politique publique est un processus de médiation sociale qui
viserait à prendre en charge les désajustements qui peuvent intervenir. Muller, contrairement à
Leca, ajoute que faire une politique publique, ce n’est pas « résoudre » un problème, mais
construire une nouvelle représentation des problèmes qui met en place les conditions socio-
politiques de leur traitement par la société, et structure par là-même, l’action de l’État.23 Cette
définition englobe à la fois le concept de public policy, se référant au plan d’action à
entreprendre, ce qui inclut la définition de principes de base, d’objectifs, le rôle de l’État et les
relations avec les différents acteurs sociaux. Mais aussi celui de politics, lié aux choix collectifs.

Selon Charles O. Jones24, repris par Pierre Muller25, la vie d’une politique publique
comprend 5 étapes :

1) l’identification du problème. Elle est liée à ce que la société perçoit comme décalage
entre une situation actuelle et une image, objectif qui fait qu’une intervention publique
soit nécessaire ;
2) la mise sur agenda politique. Le choix des priorités d´intervention et la volonté d´agir
sur un problème. Cela s’est fait au Cameroun principalement à travers les plans
quinquennaux, et entre 2010 et 2020, à travers le DSCE notamment ;
3) la formulation politique. Selon Muller, cette formulation aurait deux aspects principaux.
D’abord, la construction d’une image de la réalité, d’une référence qui permette de
justifier les interventions proposées, puis celle d´un programme ;
4) la phase de mise en œuvre qui inclut la définition des responsables institutionnels, la
construction d´instruments, la régulation des acteurs privés, la définition des objectifs
et les interventions dans le temps ;
5) l’étape d’évaluation, qui devrait commencer lors de la conception même de la politique.
Elle devrait permettre d´évaluer les changements que la politique publique génère et
ceux qui n’y sont pas attachés. Ce processus d’évaluation réalisé, avant, pendant et

23
Lire P. Muller, Les politiques publiques, Paris, Que sais-je?, 1990.
24
Lire C. O. Jones, An introduction to the Study of Public Policy, Belmont, Duxbury Press, 1970.
25
P. Muller, Les politiques…, 2009, p. 28.
Page |9

après, permet d´ajuster les interventions dans le temps et d´éventuellement modifier


certains aspects.

Dès lors, évaluer une politique publique devrait permettre de

Livrer des informations fiables et régulières sur la contribution des politiques publiques à résoudre des
problèmes collectifs, à satisfaire des besoins sociétaux reconnus, et sur les aptitudes des institutions
bureaucratiques à allouer de manière efficiente les ressources de l’État ou à gérer la production des
prestations administratives.26

Une politique publique constitue un programme d’actions propre à une ou plusieurs


organisations. Elle vise des objectifs dans un domaine particulier et dans une période donnée.
Elle nécessite des moyens humains, matériels et financiers qu’il faut utiliser efficacement. Les
politiques publiques sont censées constituer un ensemble cohérent répondant aux attentes des
citoyens. La mise en place des transports fait partie intégrante de trois politiques
sectorielles suivantes : l’aménagement du territoire, la promotion économique, et la politique
sociale. Le droit au transport se pose alors comme un des objectifs de la politique publique des
transports. Une politique des transports doit combiner les quatre dimensions fondamentales que
sont : le temps, l’espace, l’économie et la qualité.27 À partir de ces dimensions, le planificateur
peut établir une liste de caractéristiques qu’il prendra en compte dans son action dans ce secteur.

Le « transport » est le fait de déplacer quelque chose, ou quelqu’un, d’un lieu à un autre
(destination), le plus souvent au moyen de véhicules et de voies de communications (la route,
le chemin de fer, la mer, les airs…). Cette définition est celle de la plupart des dictionnaires,
notamment l’Encyclopædia Universalis, pour qui le transport est le « fait de porter, de déplacer
d’un lieu à un autre ».28 Il précise qu’au pluriel, les transports sont l’ « ensemble des techniques
et moyens de déplacement des marchandises ou des personnes ».29

Pour le Dictionnaire Larousse, les transports sont aussi l’ « ensemble des divers modes
d’acheminement des personnes ou des marchandises ».30 Ainsi, par assimilation, des actions de
déplacement et de conduction sont aussi dénommées « transports », comme le transport

26
S. Jacob et al, « L’évaluation des politiques publiques. Six études de cas au niveau fédéral », Courrier
hebdomadaire du CRISP, n° 1764-1765, 2002, p. 5.
27
P. Merlin, Les politiques de transport urbain, Paris, La Documentation française, « Notes et études
documentaires », n°4797, 1985, p. 11.
28
Encyclopædia Universalis, en ligne, URL : https://www.universalis.fr/dictionnaire/transport/, consulté le
11/02/2019 à 21h30.
29
Ibid
30
Dictionnaire Larousse Maxipoche 2009, « Transport », Paris, Éditions Larousse, 2008, p. 1405.
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d’électricité, qui s’effectue sur des réseaux de câbles électriques, le transport du gaz ou du
pétrole, au travers de conduites ou de pipelines.

Mais, ces derniers types de transports ne sont pas l’objet de cette étude. En effet, notre
travail porte uniquement sur les transports par véhicules et à travers les voies de
communications.

Cependant, le transport n’est pas à confondre avec la locomotion : par exemple, la


marche, la course, le patin à roulettes, la trottinette, la raquette, et tant d’autres, sont des modes
de locomotion, car ils servent uniquement à « se déplacer », et pas à déplacer quelque chose
d’autre que soi-même. Le portage, qui utilise pourtant la marche, est un transport parce qu’il
permet justement de déplacer une chose autre que soi, d’un endroit à un autre.

On pourrait aussi ajouter le « pousse-pousse » à cette spécificité. Il s’agit d’une charrette


à deux roues à traction humaine servant à transporter diverses marchandises. Il n’est pas rare
de voir de jeunes débrouillards, généralement âgés de moins de 20 ans, faire usage de brouettes
pour la même besogne. Très utiles, ils sont les « pousseurs », ou les « brouettes », noms par
lesquels on les désigne dans nos marchés, bien souvent spontanés et peu fournis en voies de
desserte des marchandises. Cependant, ce type de transport informel n’est pas non plus notre
objet d’étude dans le cadre de cette thèse.

Au regard de ces définitions, cette thèse est une analyse historique des politiques
publiques, avec un ancrage dans l’école des Annales.

Nombre d’études en politiques publiques occultent bien souvent la dimension historique


des éléments constitutifs de ces politiques.31 Pourtant, la spécificité de l’analyse des politiques
publiques réside dans le fait qu’elle est orientée vers des problèmes. Si les faits dépendent de
conjonctures particulières, ces problèmes sont des constructions historiques dont on ne peut
comprendre la composition que par un retour dans le passé. Ce n’est que par une approche
historique des problèmes publics que peut être faite, l’évaluation du poids des différents acteurs
des politiques publiques dont le rapport de force reflète une interaction qui se poursuit dans le
long terme et donne à chacun d’eux une position spécifique dans l’enjeu qui les unit.32

31
C. A. Vlassopoulou, « L’histoire dans l’analyse des politiques publiques : réflexions à partir de la lutte
antipollution », in Laborier P. et Trom D. (éd.), Historicités de l’action publique, Paris/PUF, 2003, p. 100.
32
Ibid.
P a g e | 11

Notre thèse se situe dans la logique des Annales dans la mesure où elle aborde un thème
globalisant des sciences sociales.33 Pour faire l’analyse historique des politiques publiques des
transports au Cameroun, notre travail se veut pluridisciplinaire. Notre travail se fonde sur la
sociohistoire de l’action publique.

Pendant longtemps, l’analyse des politiques publiques a ignoré la dimension historique


de son objet : l’action publique34. William S. Achenbaum explique cela par l’orientation
positiviste et synchronique de l’analyse des politiques publiques.35 Durant de nombreuses
années en effet, les policy analysts se sont préoccupés essentiellement de réaliser des études
synchroniques tournées vers le conseil aux décideurs et la question de l’efficacité dans l’action
publique.36

L’histoire des politiques publiques s’inscrit aux antipodes de cette orientation pratique
de l’analyse. Ce sont des historiens américains qui, pour la première fois dans les années 1980,
se regroupent autour d’un courant d’analyse en fondant la revue Journal of policy history.

The Journal of Policy History is an interdisciplinary journal concerned with the application of historical
perspectives to public policy studies. While seeking to inform scholars interested in policy history, the
journal also seeks to inform policy makers through a historical approach to public policy. Its authors,
considering public policy primarily in the United States though also in other nations, focus on policy
origins and development through historical inquiry, historical analysis of specific policy areas and policy
institutions, explorations of continuities and shifts in policy over time, interdisciplinary research into
public policy, and comparative historical approaches to the development of public policy. 37

33
L’histoire globale qui est le symbole des Annales est conceptualisée par Fernand Braudel. Dans une tentative de
définition de la « civilisation », il pose cette base analytique : « on ne peut définir la notion de civilisation qu’aux
lumières jointes de toutes les sciences de l’homme, y compris l’histoire […]. C’est par rapport aux autres sciences
de l’homme que l’on essaiera cette fois de définir le concept de civilisation, en faisant appel tour à tour à la
géographie, à la sociologie, à l’économie, à la psychologie collective. » De fait, une bonne analyse des faits sociaux
devrait se faire de manière pluridisciplinaire. F. Braudel, « Jadis, hier et aujourd’hui, les grandes civilisations du
monde actuel », in Baille S., Braudel F. & Philippe R., Le monde actuel. Histoire et civilisations, Paris, Belin,
1963, p. 153.
34
« D’une manière générale, les sociologues de l’action organisée et les sociologues politiques utilisent plus
volontiers l’expression « action publique » que celle de « politiques publiques ». Ils signifient ainsi que la première
ne se réduit pas aux secondes, mais, au contraire, les englobe et que l’exercice du pouvoir politique ne se donne
pas à voir seulement à travers les réformes, mais aussi dans l’action « en train de se faire ». (C. Musselin,
« Sociologie de l’action organisée et analyse des politiques publiques : deux approches pour un même objet ? »,
Revue française de science politique, Vol. 55, 2005, p. 55).
Sur le même sujet, lire entre autres : F. Lacasse et al (éd.), L’action publique, Paris, L’Harmattan, 1997 ; P. Duran,
Penser l’action publique, Paris, LGDJ, 2003 ; P. Laborier, et al (éd.), Historicités de l’action publique, Paris, PUF,
2003 ; G. Massardier, Politiques et actions publiques, Paris, Armand Colin, 2003 ; J.-P. Gaudin, L’action publique.
Sociologie et politique, Paris, Presses de Sciences Po/Dalloz, 2004.
35
W. A. Achenbaum, “Politics, Power and problems: perspectives on writing policy history”, Journal of Policy
History, vol.1, n° 2, 1989, p. 208.
36
Idem.
37
https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-policy-history, consulté le 23/03/2017 à 15h23.
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Cette revue aborde donc l’analyse historique des politiques publiques sous deux
aspects : le premier s’intéresse au développement d’une politique publique dans une période
déterminée dans le passé ; le second adopte une démarche diachronique liant le passé au présent.
Notre travail se situe dans le deuxième aspect, en analysant les effets des différentes politiques
publiques passées et leur impact dans le présent.

Dès lors, l’objet de la policy history se définit, avec W. A. Achenbaum comme


l’ambition de rompre avec les principes historiographiques pour développer des généralisations
fondées sur l’analyse exhaustive de cas strictement définis.38 En ce sens, la rencontre de
l’analyse historique et de l’analyse des politiques publiques peut constituer un moyen efficace
pour aller au-delà des micro-enjeux de l’action publique.

L’analyse historique de la politique des transports au Cameroun depuis la colonisation


allemande en 1884, permet de mettre en évidence, probablement sans exhaustivité, deux apports
de ce type d’analyse. Dans un premier temps, elle permet une meilleure compréhension des
éléments constitutifs d’une politique publique en faisant apparaître leur évolution à travers
l’histoire. Ainsi, l’étude de la façon dont un problème public est débattu sur l’arène publique
dans le long terme amène à reconstituer le processus de sa définition et redéfinition, et à montrer
son caractère socialement construit.39 De même, l’analyse diachronique du rôle joué par les
différents acteurs concernés par un problème public, amène à mieux saisir la position qu’ils
détiennent au sein de la sphère publique et le pouvoir qu’ils peuvent mobiliser pour défendre
leur position.40

Dans un deuxième temps, l’analyse historique des politiques publiques permet de


mesurer le poids du passé dans l’état présent d’une politique publique. Autrement dit, elle fait
apparaître le caractère diachronique de l’action publique qui, malgré des ruptures plus ou moins
importantes, forme un parcours évolutif que le chercheur ne peut reconstituer qu’en portant son
regard sur le passé. Les politiques publiques des transports sont au cœur des préoccupations de
développement d’hier et d’aujourd’hui. Ainsi, leur analyse permet d’interroger « ce que les
gouvernements font, pourquoi ils le font et ce que ça change »41.

38
W. A. Achenbaum, “Politics, Power and problems…”, 1989, p. 207.
39
Ibid.
40
Ibid.
41
T. R. Dye, Understanding Public Policy, Englewood Cliffs, Prentice Hall, 1972, p. 1.
P a g e | 13

Pour répondre à ces interrogations, deux grandes approches de politiques publiques se


construisent. Une approche essentiellement opérationnelle qui cherche à maîtriser au mieux les
processus de fabrication des politiques publiques, en élaborant des outils, en identifiant des
phases, en définissant et en déclinant des procédures censées garantir la réalisation des objectifs
identifiés dans les conditions optimales de performance définies sur des critères managériaux
et en multipliant les recours à l’évaluation.42 Et une approche analytique (policy analysis)
cherchant à interpréter ce qui se joue dans ces programmes, notamment en démontrant comment
le politics, le polity et les policies sont étroitement imbriqués, et en interprétant la complexité
des interactions acteurs/dispositifs et acteurs/techniques.

Le but de ce travail est de mesurer, observer et analyser les effets des différentes
politiques publiques des transports au Cameroun depuis 1884, dès leur conception, pendant ou
après leur mise en œuvre. L’analyse des politiques publiques ne porte pas uniquement sur les
résultats de la politique évaluée, tels que le nombre de routes, de ponts, d’aéroports ou de ports
construits au Cameroun, mais aussi sur leurs effets sur la population qui en est la première cible.
Ce qui dépasse largement la focale quantitative, et s’efforce d’identifier les causes et modalités
qui ont produit ces effets. La présente étude porte donc sur ce champ d’application spécifique
de l’analyse historique des politiques publiques.

IV. Cadre spatio-temporel de l’étude

1. Cadre spatial

Les politiques publiques désignent l’ensemble des interventions d’une autorité investie
de puissance publique et de légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société
ou du territoire.43 Dans ce travail, le cadre spatial est le Cameroun.

Le territoire se définit comme « l’espace à l’intérieur duquel un État est autorisé par le
droit international général à réaliser tous les actes prévus par son droit national ou, ce qui revient

42
D. Darbon et al., « Un état de la littérature sur l’analyse des politiques publiques en Afrique », Research Papers
2019-98, AFD (Agence Française de Développement), 2019, p. 4.
43
Lire J.C. Thoenig, « Politique publique », in L. Boussaguet (éd.), Dictionnaire des politiques publiques, 3e
édition actualisée et augmentée, Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2010, p. 420-427.
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au même, l’espace à l’intérieur duquel, conformément au droit international, les organes


déterminés par un ordre juridique national sont autorisés à exécuter cet ordre ».44

Tout au long de son histoire, l’État du Cameroun, comme la plupart des États
contemporains, a été soumis à des dynamiques de changement à la fois externes (la
globalisation, des formes diverses d’intégration régionale/multilatérales/transnationales, les
mutations du capitalisme, les reconfigurations du champ social et politique au sens large) ; et
internes (les réformes de décentralisation et de privatisation, les mobilisations, les pressions des
extrêmes politiques, la mise en cause de la légitimité, les mutations des formes des bureaucraties
publiques et l’introduction de nouvelles technologies).

Dans ce contexte de mutations profondes, ces États contemporains sont massivement


restés des policy states, c’est-à-dire :

1) des États producteurs de politiques publiques qui opèrent un travail continu de


sélection et hiérarchisation des problèmes publics ;
2) mais aussi des États qui se transforment sous l’effet des politiques publiques qu’ils
contribuent à développer.

C’est donc ce Cameroun, pris comme territoire producteur de politiques publiques qui
est l’objet de cette étude.

2. Cadre chronologique

Les limites chronologiques de ce travail s’étendent de 1884 à 2017.

Notre thèse se donne pour objectif d’analyser les politiques publiques des transports au
Cameroun, or l’on ne peut parler de politique publique que dans un État. Pour Pierre Muller :

Entre le XVIe et le XIXe siècle, les sociétés occidentales ont connu un ensemble de bouleversements qui
ont donné naissance à une forme nouvelle : l’État. C’est à partir de la moitié du XIX e siècle que ces
transformations conduisent à la naissance de ce que l’on appellera les politiques publiques que l’on peut
définir comme le mode de gouvernement des sociétés complexes.45

44
H. Kelsen, Principles of International Law, New York, 1952, p. 209, cité par J. A. Barberis, « Les liens juridiques
entre l’État et son territoire : perspectives théoriques et évolution du droit international », Annuaire français de
droit international, volume 45, 1999, p. 141.
45
P. Muller, Les politiques publiques, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, p. 7.
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Ainsi, l’année 1884 marque la signature du Traité germano-duala. Il faut préciser que
c’est avec l’arrivée des Allemands qu’éclot l’idée même d’un « Kamerun » en tant que pays.
Lorsque ceux-ci signent avec les chefs duala, le Traité qui faisait du Kamerunstadt un
protectorat,46 il y existe déjà quelques voies de communication (pistes et cours d’eau
principalement) permettant des échanges commerciaux dans la mosaïque de peuples qui
constitue ce territoire, dont la superficie n’a cessé de changer au gré des luttes entre les
puissances coloniales.47 Rappelons que, selon les clauses du traité de protectorat germano-
duala, les Allemands devaient conserver aux peuples de la côte, leur monopole bien établi dans
le commerce avec l’intérieur du territoire. En effet, la maîtrise que les peuples de la côte avaient
des quelques voies de communication existantes leur permettait de servir d’intermédiaires entre
les commerçants blancs (Français, Anglais, Allemands et Portugais), et les producteurs de
richesses de l’hinterland.48 Mais, la valeur de l’Adamaoua, nom donné à la partie au nord et au
sud de la rivière Bénoué, était connue des commerçants allemands depuis plusieurs années, non
seulement pour ses richesses, mais aussi pour les rapports rédigés par les explorateurs qui y
avaient séjourné.49 Ce qui attisa les convoitises des Allemands installés sur la côte.

In the 1850’s Barth had worked in the interior for the Royal Geographical Society of London. In the
sixties G. Rohlfs and in the years 1869-73 Gustav Nachtigal had explored those lands and reported on
their value. In 1879 and later in 1882-83 Flegel, German explorer and trader, had entered Adamaua by
way of the Niger and Benue Rivers, and was so much impressed by the opportunities for trade that he
sought to organize a German trading company for its exploitation. The interior of the Cameroons
assumed an exaggerated importance and value in the eyes of the German traders50.

Les premiers Européens qui vont au-delà des côtes, constatent bien vite la différence
des prix pratiqués par les hommes de l’hinterland et les duala, et décident de passer outre la

46
Selon A. Bopda : « Initialement, la ville de Douala actuelle fut appelée « KamerunStadt » (« ville de Kamerun »).
Ce que confirment les archives allemandes de la période de la signature du traité de protectorat dit « germano-
duala ». C’est plus tard que les allemands étendent le nom Kamerun à l’ensemble des terres qu’ils occupent dans
l’hinterland » cf. A. Bopda, « Yaoundé dans la construction nationale au Cameroun : territoire urbain et
intégration », Thèse de Doctorat de Géographie, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, 1997, p. 23.
47
Lire A. Owona, « La naissance du Cameroun (1884-1914) », Cahiers d’études africaines, vol. 13, n° 49, 1973,
pp. 16-36 ; et Lire A. F. Dikoumé, « Du portage comme point de départ de l’économie coloniale au Cameroun »,
Annales de la Faculté des lettres et sciences humaines, Vol. 1, N° 2, 1985, pp. 3-25.
48
Une définition nous semble tout à fait adaptée à la compréhension du mot Hinterland : « L’hinterland désigne la
zone d’influence et d’attraction économique d’un port, c’est à dire la zone qu’un port approvisionne ou dont il tire
ses ressources. Le mot « Hinterland » vient de l’allemand et signifie « arrière-pays » par opposition au « Forland »,
l’« avant-pays » qui désigne la zone d’influence d’un port au-delà des mers. » En ligne, URL :
https://www.glossaire-international.com/pages/tous-les-termes/hinterland.html#gXYodXRWcqwpT8zY.99,
consulté le 30/07/2017 à 13h23. C’est cette vision de l’hinterland que l’on retrouve dans l’article de L. Guihery et
al., « Hinterland portuaire : le nouveau rôle du fer. Une illustration avec la Betuweroute (Pays-Bas) », Région et
Développement, n° 41, 2015, pp. 163-173.
49
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons 1884-1914. A case study in modern imperialism, New Haven, Yale
University Press, 1938, p. 76.
50
Ibid
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promesse faite aux rois Bell et Akwa de protéger leur commerce.51 Avec la conquête de
l’hinterland et le développement de l’exploitation des richesses du territoireErreur ! Signet
non défini., la nécessité de développer un système de transport plus fiable se pose alors avec
acuité. Ainsi, au début du protectorat allemand, le domaine des transports n’est pas adapté à
une exploitation industrielle. Le transport de marchandises s’effectue presque uniquement par
portage à dos d’homme.52 Les politiques coloniales des transports ont donc été dictées par la
nécessité commerciale, puisque cette vision politique de l’usage des transports a aussi été en
grande partie, celle des Français et des Anglais durant le mandat de la Société des Nations
(SDN) et la tutelle de l’Organisation des Nations Unies (ONU), entre 1916 et 1961.

Depuis 2009, le Cameroun est lancé dans la logique de « l’émergence en 2035 », il s’est
doté d’un cadre budgétaire aligné sur le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi
(DSCE)53, qui pose les transports comme un des principaux leviers de la croissance, qui doit
« se fonder sur les atouts indéniables du pays afin de contribuer efficacement à la croissance
économique et à la lutte contre la pauvreté. »54

Le pays met donc simultanément en œuvre le développement de plusieurs


infrastructures à travers de grands projets structurants notamment dans le secteur des transports.
Mais le chemin n’a pas été aisé pour arriver au DSCE. Le Cameroun est passé entre autres par
les Programmes d’ajustement structurels (PAS) dès 1988, le Document de stratégie de réduction
de la pauvreté (DSRP) en 2003, l’Initiative des Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE), dont le
point d’achèvement est atteint en 2006, et le DSCE de 2009 à 2019. Ce dernier est un plan
économique censé s’étendre sur une vingtaine d’année. Cependant, face aux lenteurs accusées
dans son exécution, le président Biya instruit en 2014, un Plan d’urgence triennal (2015-2017)
d’un montant total de 925 milliards de F CFA, en vue de l’accélération de la croissance
économique du pays.55

51
Lire A. F. Dikoumé, « Du portage comme…», 1985.
52
Lire J.-P. Warnier, Échanges, développement et hiérarchies dans le Bamenda pré-colonial (Cameroun),
Stuttgart, Ed. Franz Steiner Verlag Wiesbaden, 1985.
53
Depuis 2020, l’outil de gestion des politiques publiques au Cameroun est la Stratégie Nationale de
Développement (SND-30). Pour les besoins de cette thèse, notre cadre chronologique nous impose de nous limiter
au DSCE.
54
République du Cameroun, Document de strategie pour la croissance et l’emploi, p. 15.
55
Au cours du Conseil Ministériel qu’il préside le 09 décembre 2014, Paul Biya annonce la mise en œuvre du Plan
d’urgence triennal 2015-2017 pour l’accélération de la croissance économique (PLANUT). Ce vaste programme
d’investissements vise à accélérer la mise en œuvre du Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi
(DSCE). Sa finalité est donc de renforcer les performances de l’économie nationale et d’améliorer les conditions
de vie des populations camerounaises. Il se décline en un programme triennal d’investissements dans les secteurs
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L’année 2017 représente donc la fin initialement prévue du Plan d’urgence triennal
(PLANUT). Plusieurs grands travaux ont été menées : 2e pont sur le Wouri à Douala ; bitumage
de routes ; achat d’avions pour la compagnie aérienne CAMAIR-Co ; achat de nouvelles
locomotives pour le compte de la CAMRAIL, port en eau profonde de Kribi entre autres. Mais
de nombreux problèmes demeurent, dont les plus saillants sont les multiples accidents de la
circulation et l’accident ferroviaire d’Éséka en 2016, les atermoiements de la CAMAIR-Co,
pour ne citer que ces exemples-là.

Ces limites chronologiques pourraient sembler grandes, de 1884 à 2017, cela fait
exactement 133 ans. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les politiques publiques
concernent d’abord les idées. Ce sont donc elles qui intéressent en premier cette analyse. Vu
sous l’angle des idées, cela fait quatre (4) périodes bien distinctes : la première est celle de la
colonisation allemande (1884-1916) ; la deuxième est celle de la colonisation franco-anglaise
(1916-1960/61) ; la troisième, celle du régime Ahidjo, marquée par le libéralisme planifié
(1960-1982) ; et enfin celle du régime Biya, marquée d’abord par le libéralisme planifié (1982-
1985), et par le libéralisme communautaire depuis 1985. Chacune de ces périodes a eu un mode
de construction des politiques publiques, lié à la conjoncture et aux acteurs et qui a influencé la
période suivante. Nous faisons nôtres, ces propos de Fernand Braudel :

Qu’on se place en 1558 ou en l’an de grâce 1958, il s’agit, pour qui veut saisir le monde, de définir une
hiérarchie de forces, de courants, de mouvements particuliers, puis de ressaisir une constellation
d’ensemble. À chaque instant de cette recherche, il faudra distinguer entre mouvements longs et poussées
brèves, celles-ci prises dès leurs sources immédiates, ceux-là dans la lancée d’un temps lointain. Le
monde de 1558, si maussade à l’heure française, n’est pas né au seuil de cette année sans charme. Et pas
davantage, toujours à l’heure française, notre difficile année 1958. Chaque « actualité » rassemble des
mouvements d’origine, de rythme différent : le temps d’aujourd’hui date à la fois d’hier, d’avant-hier, de
jadis.56

Cette étude se situe donc dans la logique de la longue durée. En effet, il est difficile de
faire l’étude historique d’une politique publique sans aborder la situation qui l’a précédée. Cette
particularité n’épargne pas les politiques publiques des transports. Pour comprendre la situation
actuelle des transports au Cameroun, nous ne saurions mettre de côté les politiques précédentes.

tels que l’aménagement urbain, l’habitat, la santé, l’agriculture, l’élevage, les infrastructures routières, l’eau,
l’énergie et la sécurité. Source : https://www.spm.gov.cm/site/?q=fr/content/rapport-general-sur-la-mise-en-
%C5%93uvre-du-plan-d%E2%80%99urgence-triennal-2015-2017, consulté le 30/05/2020 à 19h29.
56
F. Braudel, « Histoire et Sciences sociales : La longue durée », Annales. Economies, sociétés, civilisations, 13ᵉ
année, n° 4, 1958, p. 735.
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V. Problématique

La problématique de cette étude se rattache à l’analyse historique des politiques


publiques des transports au Cameroun depuis 1884. Notre but est d’étudier l’impact des
changements sociopolitiques sur la construction des transports.

En effet, depuis la signature du Traité germano-duala, le Cameroun a connu plusieurs


modes de gouvernements. Sous les Allemands (1884-1916), commence l’exploitation des
richesses du territoire. Pour cela, le développement des transports est un impératif catégorique.
Les Allemands posent donc les jalons d’un système des transports, fait de routes, de rails, de
voies maritimes et fluviales. À leur suite, les Anglo-français (1916-1960) développent ce
système, même si leurs ambitions commerciales, agricoles et industrielles ne sont pas les
mêmes que celles des Allemands. Cependant, les politiques des transports sous la colonisation,
à l’instar de toutes les actions qui ont marqué cette période de l’histoire, ont moins pour objectif
de développer le territoire que d’enrichir les colons.57

Ahmadou Ahidjo (1960-1982) qui fonde la première république du Cameroun, hérite


d’un pays fragmenté, doté d’une mosaïque importante de peuples à unifier. Dans ces efforts
d’unification, le concepteur du libéralisme planifié n’a pas négligé l’aspect développemental de
sa tâche. Les politiques des transports sont donc mises à contribution pour imposer l’idée d’une
nation camerounaise tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. Ses efforts sont encouragés par
une longue période de prospérité économique dès 1965. Paul Biya (depuis 1982), trois (3) ans
après son arrivée au pouvoir, fait face à une crise économique dont les soubresauts n’ont pas
fini de secouer le Cameroun jusqu’à nos jours. Les politiques publiques des transports n’ont
cessé d’en pâtir. Selon Yves Surel58, les alternances jouent un rôle décisif dans l’ouverture
d’une fenêtre politique conduisant à un changement radical du contenu de la politique. Cela
veut dire que chaque changement politique est susceptible d’apporter une modification des
politiques publiques.

En ce qui concerne les transports, ces politiques sont très dépensières. Il est donc
nécessaire d’évaluer, dans une perspective de bilan, ce que coûte l’investissement, le travail,

57
Lire G. Austin, « Développement économique et legs coloniaux en Afrique », International Development Policy
| Revue internationale de politique de développement, n°1, 2010, pp. 11-36.
58
Y. Surel, L’État et le livre, Paris, L’Harmattan, 1997, cité par P. Muller, « L’analyse cognitive des politiques
publiques : vers une sociologie politique de l’action publique », Revue française de science politique, 50ᵉ année,
n°2, 2000, p. 190.
P a g e | 19

l’énergie, l’information mise à disposition. Cependant, les politiques publiques ne sont pas
faites au hasard, sans finalité, sans que l’on en attende un mieux, sur tel ou tel critère de qualité
de la vie publique, qui relève de cette politique. Il apparaît donc nécessaire, à côté des systèmes
d’évaluation quantitatifs, de mesures et de contrôles, d’envisager que les politiques publiques
puissent être aussi évaluées à l’aune des critères qualitatifs, ce qui correspond aux résultats, aux
bénéfices, au mieux-être, à l’atteinte des objectifs de qualité de vie auxquels ces politiques sont
censées répondre. Certains concepts doivent donc être pris en compte dans l’évaluation d’une
politique publique : sa pertinence, son efficacité, son efficience, sa cohérence, sa capacité à
répondre aux besoins qui l’ont fait naître.59

Nous avons donc plusieurs types d’évaluation : celle qui se situe au niveau des moyens.
C’est-à-dire, s’assurer que les moyens prévus ont été mis en place dans l’espace et dans le
temps. Les formes traditionnelles de contrôle, telles que les contrôles financiers, sont le plus
souvent de cette nature. Nous avons aussi l’évaluation des réalisations, qui s’efforce d’apprécier
les résultats immédiats de l’activité productrice d’administration dans le cadre de la politique.
L’évaluation d’efficience quant à elle, s’attache à mesurer l’efficience, au sens économique du
terme de la politique appliquée, c’est-à-dire à mettre en rapport les effets de la politique avec
les efforts consentis pour les obtenir.

Notre étude mesure l’impact final de l’action administrative dans l’environnement


socio-économique. Nous nous proposons d’analyser de manière globale les politiques publiques
des transports. Ainsi, notre question de recherche est la suivante : quel bilan peut-on faire des
politiques publiques des transports au Cameroun depuis 1884 ?

D’autres interrogations se greffent à cette question centrale :

Le Cameroun est passé de l’ère coloniale entre 1884 et 1960/61, à la gestion


administrative par les Camerounais depuis 1960/61. Comment les politiques publiques des
transports ont-elles évolué, muté, ou se sont adaptées au gré des changements
socioéconomiques et politiques au Cameroun ? Quel est le contexte historique qui est à l’origine
de ces diverses réponses politiques ? Quel a été le rôle des différents acteurs dans la définition
des politiques ? Quel a été le rôle des institutions dans la genèse de ces politiques ? Considérant

59
A. Fouquet, « L’évaluation des politiques publiques. Concepts et enjeux », in Trosa S. (éd.), Évaluer les
politiques publiques pour améliorer l’action publique : Une perspective internationale, Institut de la gestion
publique et du développement économique, Vincennes, 2009, p. 21.
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qu’une politique publique a pour objet de satisfaire un besoin ou de résoudre un problème


ressenti par la population, le besoin des populations en voies de communication a-t-il été
satisfait ? Quels ont été les freins à l’atteinte des objectifs que se sont fixés les politiques
publiques ?

Ces questions nous amènent à émettre quelques hypothèses qui nous servent de base de
travail.

VI. Hypothèses de travail

Pour Henri Le Chatelier,

La base même de la science est une hypothèse ; la croyance au déterminisme ne peut être appuyée sur des
preuves décisives. Quand nous étendons à un objet nouveau des faits observés antérieurement sur des
objets semblables,...nous faisons une hypothèse. De même en admettant la continuité de tous les
phénomènes naturels, la proportionnalité de la cause à l’effet pour de petits changements des conditions
actuelles, etc.60

Ainsi, l’hypothèse peut être considérée comme un énoncé ou une supposition de départ
dans un travail scientifique ou comme proposition de réponse à une question de recherche.

Les transports au Cameroun sont dans un état de délabrement qui impacte sur son
économie. On observe entre autres problèmes : le manque de routes et le mauvais entretien de
celles existantes, des routes meurtrières, le manque ou le mauvais état des infrastructures
aéroportuaires, les difficultés dans le transit des marchandises le long des corridors routiers qui
relient le Cameroun aux autres pays de l’Afrique Centrale, la mauvaise qualité des transports
ferroviaires et les atermoiements de la compagnie aérienne CAMAIR-Co. Notre hypothèse
principale est que la situation actuelle des transports au Cameroun, est le résultat de politiques
publiques qui ont été mal pensées depuis 1884.

À cette supposition principale se greffent des hypothèses secondaires. De fait, de 1884


à 2017, le Cameroun a connu deux grandes époques politiques : la colonisation, d’abord
allemande et ensuite franco-anglaise ; et la période d’indépendance, marquée par deux ères,
celle du libéralisme planifiée d’abord, et celle du libéralisme communautaire ensuite. Ces
différents contextes historiques influencèrent les politiques publiques des transports qui furent
exécutées au Cameroun, avec les conséquences que nous avons évoquées plus haut.

60
H. Le Chatelier, De la méthode dans les sciences expérimentales, Paris, Dunod, 1936, p. 41.
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En effet, durant la période coloniale, la gestion politique est marquée par une
exploitation économique du territoire, les transports ont principalement servi aux intérêts des
métropoles occidentales. Entre 1884 et 1916, les Allemands s’illustrèrent par une agriculture
capitaliste et par les investissements des factoreries. L’objectif premier fut le maximum de
profits pour des dépenses minimes, ce d’autant plus que les entrepises privées furent à l’origine
de la conquête coloniale allemande. Nous pensons donc que la politique des transports
allemande s’inspira de cette logique d’exploitation du territoire, de ses hommes et de ses biens.

Cependant, ce traitement des colonies ne fut pas propre à l’Allemagne. La France et la


Grande Bretagne, malgré le Mandat de la SDN et la Tutelle de l’ONU entre 1916 et 1960/61,
ne dérogèrent que peu à cette politique coloniale d’exploitation. Les investissements dans les
transports servirent, là aussi, les intérêts des métropoles. Les institutions, les plans de
développement et les crédits mis en place par ces puissances européennes n’eurent qu’un but,
permettre la circulation des biens du territoire au profit de ceux qui les créèrent, et pas des
populations camerounaises qui en supportèrent pourtant le coût, même après les indépendances.
La répartition territoriale des infrastructures de transport tint compte principalement des zones
économiquement intéressantes.

Au moment des indépendances, le Cameroun est fragmenté tant sur le plan politique (un
Cameroun oriental francophone et un Cameroun occidental anglophone), que sur le plan
économique, puisque les efforts économiques en général et les transports en particulier,
s’adaptèrent aux intérêts des Occidentaux, répartis sur une infime partie du territoire. Les
transports eurent en conséquence pour mission d’aider à l’unification des populations et à
l’avancée économique du pays.

Il apparaît que, plus de 67 ans après, ces objectifs n’ont pas été atteints. Les freins à ces
ambitions ont certainement été : un héritage colonial dont le Cameroun ne s’est pas défait, la
crise économique, le carcan de la dette, les fluctuations des prix des matières premières, une
économie tournée vers l’importation, la mauvaise gouvernance et une corruption accrue. Au
final, les besoins des populations en transports rapides, confortables et moins chers restent
insatisfaits.
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VII. Revue de la littérature

Cette étude analyse les politiques publiques des transports au Cameroun depuis 1884. Il
s’agit de retracer l’évolution structurelle, infrastructurelle et administrative du secteur des
transports au Cameroun. Des travaux antérieurs ont inspiré la conduite de cette étude. Il s’agit
d’ouvrages, d’articles scientifiques, et de productions académiques (mémoires et thèses). Nous
en présentons quelques-uns en fonction de l’ancrage chronologique de leurs sujets, et non de
leur année de publication ou de soutenance, pour ce qui est des productions académiques.

La période pré-coloniale et coloniale allemande au Cameroun (avant 1884 jusqu’en


1916) ont inspiré plusieurs publications et travaux scientifiques.

En 1916, l’administrateur des colonies d’origine française Lucien Famechon fait une
Étude politique, géographique, économique et administrative de la colonie allemande du
Cameroun au début de 1914. Il dresse un bilan du passage des Allemands dans ce pays, en
s’inspirant des ouvrages de Von Passarge, de Seidel, d’Esch entre autres. Il fait un état des lieux
des voies de communication construites durant cette première période de la colonisation
européenne. Afin de profiter des richesses du territoire, la première mission des Allemands était
de « relier les principaux centres du pays soit à la côte, soit aux rivières navigables par un
puissant réseau de routes et de voies navigables ».61

La démarche de Famechon est aussi celle de Rudin62, qui étudie le passage des
Allemands au Cameroun. Dans son ouvrage Germans in Cameroon, il fait lui aussi un bilan
économique et politique de la gestion du territoire durant cette période. Il va plus loin que
Famechon, en dressant un état des lieux numérique des transports, le nombre de routes, leur
tracé, les voies navigables, les conflits nés entre agriculteurs et commerçants par rapport à la
main d’œuvre affectée au portage, la construction des voies ferrées et les motivations politiques
qui ont sous-tendu la mise en œuvre de ce projet.

Ainsi, quoique n’abordant pas spécifiquement la politique des transports, l’analyse de


Sandrine Carole Tagne Kommegne nous semble intéressante. En effet, elle étudie
« L’imposition des cultures de rente dans le processus de formation de l’État au Cameroun

61
L. Famechon, Étude politique, géographique, économique et administrative de la colonie allemande du
Cameroun au début de 1914, Brazzaville, 1916, p. 52.
62
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons…, 1938.
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(1884-1914) »63. Ce mémoire de DEA en science politique accorde une grande place à l’histoire
coloniale du Cameroun et nous permet de comprendre la mise en place de la politique agricole
sous la colonisation allemande. Cette étude attire notre attention pour deux raisons : tout
d’abord, elle aborde la question des politiques publiques, thème central de notre étude ; mais
en plus, elle nous permet de faire un lien entre les investissements allemands dans les transports
et la nécessité d’écouler les produits issus des grandes plantations.

Adalbert Owona64 aborde de manière détaillée la conquête allemande, les rivalités


anglo-germaniques sur la côte, l’évolution des frontières du Cameroun à la suite des accords
entre l’Allemagne, la France et l’Angleterre (1885-1908, 1911), la conquête franco-britannique
durant la Première Guerre Mondiale (1914-1916) ; et enfin l’organisation administrative. Si La
naissance du Cameroun (1884-1914) n’aborde pas uniquement la problématique des transports,
son auteur nous renseigne sur la formation politico-administrative du Cameroun. Nous pouvons
retenir que les Allemands ne sont pas allés au bout de leurs projets. Leurs plans ont en effet été
contrariés par le début de la Première Guerre mondiale en 1914. Durant ce conflit, dont l’onde
de choc parvient au Cameroun, les voies de communication jouent un rôle majeur.

Philipe-Blaise Essomba montre comment les voies de communication, au départ


réservées au passage des troupes allemandes et orientées de la côte vers l’intérieur, sont
devenues l’enjeu essentiel pour la victoire finale des Alliés durant la Première Guerre mondiale
au Cameroun. Deux voies ferrées, la Nordbahn, chemin de fer du Nord, et la Mittellandbahn,
chemin de fer du centre, relayées par les routes en terre battue, ont finalement favorisé en 1915
la retraite allemande vers Fernando Pô, territoire espagnol neutre.65

Ce qui ressort de la lecture de ces travaux est que les Allemands furent les pionniers des
transports modernes au Cameroun, palliant aux insuffisances du portage, moyen de transport
qui reste tout de même dans l’histoire comme le « point de départ de l’économie coloniale ».66

63
S. C. Tagne Kommegne, « L'imposition des cultures de rente dans le processus de formation de l’État au
Cameroun (1884-1914) », Diplôme d'Étude Approfondie en Science Politique, Université de Yaoundé II-Soa,
2006, en ligne URL : http://www.memoireonline.com/12/09/2981/Limposition-des-cultures-de-rente-dans-le-
processus-de-formation-de-letat-au-cameroun-1884-19.html, consulté le 28/03/2017.
64
A. Owona, La naissance du Cameroun, 1884-1914, L’Harmattan, 1996, 229 p. Avant cet ouvrage, l’auteur a
publié un article qui est une sorte de résumé de cette publication : A. Owona, « La naissance du Cameroun (1884-
1914) », Cahiers d’études africaines, vol. 13, n° 49, 1973, pp. 16-36.
65
Ph.-B. Essomba, « La guerre des voies de communication au Cameroun, 1914-1916 », Guerres mondiales et
conflits contemporains, vol. 248, no. 4, 2012, pp. 7-26.
66
A. F. Dikoumé, « Du portage comme point de départ de l’économie coloniale au Cameroun », Annales de la
Faculté des lettres et sciences humaines, Vol. 1, N° 2, 1985, pp. 3-25.
P a g e | 24

Albert François Dikoumé analyse le portage au début de l’ère coloniale au Cameroun.


Ce travail se distingue parce qu’il fait une incursion dans la période précoloniale, en présentant
le portage dans le commerce chez les Duala, sur la côte de ce qui deviendra le Cameroun ; et à
l’intérieur de ce territoire, notamment chez les Banen et dans la partie septentrionale. Cet article
scientifique montre surtout le rôle prépondérant joué par le portage dans l’administration et
l’économie coloniales :

Le portage, écrit-il, fut avec le chemin de fer, le principal moyen de transport sous le protectorat allemand.
Il fut surtout utile pour les planteurs et les commerçants qui en usèrent et en abusèrent aussi parfois. Il
permettait aussi aux administrateurs d’effectuer leurs tournées à l’intérieur du pays. 67

Cet article de Dikoumé n’est qu’une infime partie de ses deux thèses de doctorat. La
première, soutenue en 1982, aborde « les transports au Cameroun de 1884 à 1975 ».68 Mais
c’est surtout la seconde, soutenue en 2006 qui attire un peu plus notre attention. Dans cette
thèse, il aborde « les travaux publics au Cameroun sous l’administration publique française de
1922 à 1960 : mutations économiques et sociales ».69 Il entame sa thèse en rappelant les travaux
publics effectués durant la période coloniale allemande. Ces réalisations étaient destinées à
l’économie de traite, mais eurent un impact considérable sur la population de certaines villes
dont elles changèrent les habitudes. Les Français à leur suite, poursuivent cette œuvre en deux
phases : dans l’entre-deux-guerres tout d’abord, leurs efforts se concentrent surtout sur le
« Cameroun utile ». Ensuite après la Deuxième Guerre mondiale, le FIDES permet une amorce
de modernisation de l’équipement. Ainsi, les recherches d’Albert F. Dikoumé mettent une
emphase sur les périodes allemande et française.

Lorsque les Français et les Anglais reprirent le territoire du Cameroun. Ils s’attelèrent,
surtout du côté des Français, à mettre en place un réseau des transports plus élaboré. Catherine-
Suzanne Mpandjo Sombe aborde ainsi les « transports aériens au Cameroun sous administration
française, de 1934 à 1957 ». Dans son analyse, elle rappelle que dans la volonté d’étendre leur
influence à tout le territoire, les Français furent confrontés aux limites des transports de surface
(routes et chemins de fers). Plusieurs régions restaient inaccessibles et ne participaient pas à la
vie économique et administrative du pays. « L’aviation se présentait alors comme le meilleur
moyen d’assurer le désenclavement de ces régions, puisque l’avion procède par points de

67
Ibid, p. 7.
68
A. F. Dikoumé, « Les transports au Cameroun de 1884 à 1975 », Thèse de Doctorat en Histoire, Ecoles des
hautes études en sciences sociales, Paris, 1982.
69
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun sous l’administration publique française de 1922 à 1960 :
mutations économiques et sociales », thèse de doctorat en Histoire, Université de Yaoundé I, 2006.
P a g e | 25

jonction avec le sol. »70 Toujours dans le domaine des transports aériens, Côme Yannick Noah
Essomba aborde les actions de l’État pour réguler le secteur de l’aviation civile.71

Virginie Bikié quant à elle, étudie les transports ferroviaires durant la domination
française. D’après elle, ce sous-secteur des transports connait une relative évolution durant la
période française. Cependant, ce progrès ne s’écarte pas de l’objectif premier qui est d’exploiter
les régions et divers centres dont l’importance économique est évidente.72

Avec la période française, apparaît le concept de « mise en valeur ». Ainsi, les voies
ferrées ont largement contribué au développement des villes agricoles qu’elles desservent. C’est
le cas de Njombé dans la Région du Moungo, dont Iglas Flore Djamen Tchokoute fait la
monographie entre 1909 et 1961.73 Son travail permet de constater que la « mise en valeur » de
cette ville au sol volcanique et fertile, a favorisé l’installation de nombreux étrangers qui ont
créé de vastes plantations de cultures vivrières et de rente. Ce qui a permis à la région de
bénéficier d’un important réseau de communication, d’une gare ferroviaire, d’un centre
commercial, d’une structure de recherche agricole entre autres. André Taning, lui aussi, traite
de l’urbanisation induite par les transports dans son étude sur « La mort de la gare ferroviaire
de Nkongsamba. Déclin et problématique d’un développement local ». L’auteur revient sur les
belles années du tronçon de chemin de fer Mbanga-Nkongsamba, pour examiner les
conséquences socioéconomiques de la fermeture de cette voie de communication.74

Il faut tout de même rappeler que les investissements français au Cameroun étaient
soutenus par le Fonds d’investissement pour le développement économique et social (FIDES),
organisme français, créé en 1946, qui était chargé d’encourager le développement économique
et social des Territoires d’Outre-mer (TOM) de l’Union française. Pour en comprendre les
méandres, Martin-René Atangana fait une analyse de cette période qui s’étend de 1946 à 1957,
dans deux ouvrages distincts qui se complètent.75 Le FIDES consiste en une planification des

70
C.-S. Mpandjo Sombe, « Les transports aériens au Cameroun sous administration française, de 1934 à 1957 »,
Mémoire de Maîtrise d’Histoire, Université de Yaoundé, 1989, p. 20.
71
C. Y. Noah Essomba, « L’aviation civile au Cameroun : centre des mutations politiques et économiques
nationales et internationales (1932-2006) », Mémoire de Master II en Histoire, Université de Douala, 2011.
72
V. Bikié, « Le réseau ferroviaire du Cameroun, 1920-1990 », Mémoire de maîtrise d’Histoire, Université de
Yaoundé, 1991.
73
I. F. Djamen Tchokoute Njombé, « Monographie d’une ville agricole desservie par le chemin de fer du Nord :
cas de l’agglomération de Njombé dans la Région du Moungo (1909 à 1961), Mémoire de master II en Histoire,
Université de Douala, 2012.
74
A. Taning, « La mort de la gare ferroviaire de Nkongsamba. Déclin et problématique d’un développement
local », Mémoire de DEA de Géographie, Université de Dschang, 2005.
75
De cet auteur, il est intéressant de parcourir les deux ouvrages suivants :
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investissements en Afrique, et permet notamment la création de nombreuses institutions


scientifiques et médicales, mais également des ponts, des chemins de fer, des infrastructures
portuaires, et contribue globalement à la modernisation de l’Afrique. Avant d’être remplacé par
le Fonds d’aide et de coopération (FAC) en mars 1959.

Notons qu’entre 1946 et 1956, la France a réalisé 17% de ses investissements Outre-
mer au Cameroun. Pourtant, « ces importants investissements n’ont […] pas empêché la
dégradation progressive de l’image de la France au Cameroun de 1946 et 1956. Ils ont même
été l’une des principales causes de la montée du nationalisme camerounais qui a abouti, à partir
de 1955, à la rébellion et à un véritable état de guerre. »76 La thèse de doctorat que présente
Martin René Atangana étudie les relations entre l’État colonial français et la société
camerounaise.77 Elle montre le rôle joué par le Cameroun dans la dynamique du capitalisme
français, mais aussi le rôle joué par ce capitalisme dans l’évolution du Cameroun, dans celle
des relations franco-camerounaises, et dans la dégradation de l’image de la France au Cameroun
entre 1946 et 1956, la principale décennie du FIDES.

C’est cette période du FIDES qui intéresse Véronique F. L. Fotsing Nkoutchouga dans
son étude sur les transports routiers au Cameroun de 1945 à 1960. Certes, l’étudiante de
l’Université de Yaoundé s’intéresse à deux régions, celle de l’Ouest et celle du Littoral, son
travail semble pertinent en ceci qu’il informe sur les investissements routiers français dans ce
qui a été qualifié de « croissant fertile » par les colons.78

Le croissant fertile est justement la zone d’étude de Pierre Billard, qui aborde La
circulation dans le Sud Cameroun.79 Dans son œuvre, il analyse les moyens de transport (le
chemin de fer et son trafic ; les routes et les ponts avec leur circulation) ; les ports, les voies
navigables et leur trafic ; les transports aériens ; la circulation de l’argent et de la pensée ; la

M.-R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun : au lendemain de la seconde guerre mondiale (1946-
1956), Publications de la Sorbonne, 1998.
- French Investment in Colonial Cameroon: The FIDES Era (1946-1957), Peter Lang, 2009.
76
M. R. Atangana, « Les relations financières entre le Cameroun et la France et l'image de la France au Cameroun
(1946-1956) », Matériaux pour l’histoire de notre temps, n°32-33, 1993, p. 47.
77
M. R. Atangana, « Les relations financières entre le Cameroun et la France et l'image de la France au Cameroun
entre 1946 et 1956 », Thèse de en Histoire (nouveau régime), Université de Paris I, Panthéon Sorbonne, 1994.
78
V. F. L. Fotsing Nkoutchouga, « Les transports routiers au Cameroun de 1945 à 190 : cas de l’Ouest et du
Littoral », Mémoire de Maîtrise en Histoire, Université de Yaoundé, 1992.
79
P. Billard, La circulation dans le Sud Cameroun, Imprimerie des Beaux-Arts, 1961.
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circulation et le développement économique et social (tourisme, circulation et habitat;


urbanisme et industrialisation).

Victor J. Ngoh80 s’intéresse quant à lui à l’évolution politique du Cameroun de la


conquête allemande à l’indépendance du Cameroun sous tutelle anglaise. Ce qui attire notre
attention, c’est le constat qu’il fait sur les réalisations anglaises dans le domaine des transports,
dans la partie qui leur avait été confiée par la SDN et ensuite par l’ONU. Pour lui, les Anglais
n’avaient simplement rien réalisé d’important dans le domaine des transports, tout au plus se
sont-ils contentés d’exploiter le legs allemand.81

La thèse de Walter Gam Nkwi82 puis l’ouvrage qui en est issu, présentent une toute autre
histoire de la colonisation anglaise, dont les réalisations ont impulsé la mobilité des populations.
Pour l’auteur, la mobilité physique des personnes d’un endroit à l’autre en tant qu’individus ou
en tant que groupe est essentiellement horizontale, potentiellement illimitée, et généralement
motivée par le désir et l’ambition de profiter de nouvelles opportunités d’avancement personnel
ou collectif. Cette mobilité est à la base des communautés de Grasslanders au « Cameroun
anglophone » et au-delà. Dans cette étude de Kom, le deuxième plus grand royaume des prairies
de Bamenda, des histoires de vie et de riches fichiers d’archives éclairent l’histoire de la
mobilité en relation avec le développement des technologies de la communication. Entre 1928,
lorsque l’école primaire St. Anthony, Njinikom, Kom a été ouverte et 1998, lorsque la route
reliant Kom et Bamenda a été goudronnée, le nombre de personnes voyageant de Kom et de
retour a augmenté régulièrement. Cette mobilité spatiale a été grandement facilitée et accélérée
par les technologies de transport et de communication « modernes » comme les routes et les
véhicules.

Il faut tout de même noter que la construction des routes ne s’est pas faite sans heurts
durant la période coloniale. L’avis d’un technicien des routes est fort instructif à ce propos.
Stéphane Prévitali83, terrassier, arrive au Cameroun en 1953 pour le compte de son entreprise
des travaux publics, Razel Frères. Il fait face aux difficultés de la construction de la route : les

80
V. J. Ngoh, “The Political Evolution of Cameroon, 1884-1961”, Thesis for the Master of Arts in History,
Portland State University, 1979, p. 79.
81
Ibid., p. 79.
82
W. G. Nkwi, Kfaang and its technologies: towards a social history of mobility in Kom, Cameroon, 1928-1998,
Leiden, African Studies Centre, 2011.
83
S. Prévitali, Le Cameroun par les ponts et par les routes: la naissance d'une nation vue par un terrassier (1953-
1963), KARTHALA Editions, 1988.
P a g e | 28

vicissitudes du travail en forêt, la chaleur et la poussière, les maladies, les parasites, une vie
rythmée par l’avance inexorable du chantier et l’arrivée du courrier de France. Dans le sillage
de l’indépendance, il découvre les rapports complexes entre Blancs et Noirs, sous l’influence
de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et des émeutes sanglantes qui se produisent,
notamment à Douala.

Une fois l’indépendance acquise, il fallait que le nouvel État améliore le réseau des voies
de communication, qui s’était concentré principalement dans la zone utile pour les colons. Les
ouvrages d’Hubert Ngabmen84 étudient les transports au Cameroun après l’indépendance.
L’auteur parcourt dans leur ensemble, les transports routiers depuis 1965, avec la mise en œuvre
du second plan quinquennal, jusqu’en 2001. Cependant, son ouvrage en deux tomes, élude les
autres types de transports, et surtout, fait la part belle aux infrastructures, moins qu’aux
politiques qui ont présidé à leur mise en place.

Les travaux d’Auguste Nguelieutou85, et ceux de Joseph Keutcheu fondent justement


leur focale sur les politiques publiques. Keutcheu aborde, dans une vision propre aux sciences
politiques, la construction de l’espace public au Cameroun à travers les réseaux routiers.86 Sa
logique peut se résumer dans le fait d’analyser la formation d’un espace public au Cameroun,
en le rattachant à l’implantation des infrastructures routières phares et donc, à la mise en relation
des Camerounais, à l’activation subséquente d’un processus interactif complexe. Il tente de
replacer ainsi la notion « d’espace public » là où elle émerge, c’est-à-dire à l’intersection des
champs de l’aménagement du territoire et des sciences sociales.87

Dans cette logique, Ludovic Feudjio Nguetsop88 évalue l’impact de la « Gestion du


réseau routier au Cameroun et développement du linéaire ». À partir d’indicateurs de résultats
établis lors de l’élaboration de la stratégie sectorielle des bâtiments et travaux publics, il analyse
les écarts entre les objectifs fixés et les résultats atteints. Le chercheur fait une comparaison de

84
H. Ngabmen, Les transports routiers au Cameroun, vol I (1999) et vol II (2002), Yaoundé, Alpha Print.
85
A. Nguelieutou, « L’évolution de l’action publique au Cameroun…», 2008.
86
J. Keutcheu, « Voies de communication et construction de l’État au Cameroun », Thèse de Doctorat de science
politique, Université de Yaoundé II, 2010.
- « L’espace public camerounais à l’épreuve de la construction des réseaux routiers de communication »,
Polis/R.C.S.P. /C.P.S.R., Vol. 15, n° 1&2, 2008., en ligne, URL :
www.polis.sciencespobordeaux.fr/vol15n1-2/keutcheu.pdf, consulté le 22/03/2017 à 22h35.
- « La formation d’un espace public camerounais à l’épreuve de la construction des réseaux routiers de
communication », CODESRIA, Afrique et Développement, Vol. XXXV, No. 3, 2010, p. 179-205.
87
J. Keutcheu, « L’espace public camerounais à l’épreuve de la… », 2008, p. 3.
88
L. Feudjio Nguetsop, « Gestion du réseau routier au Cameroun et développement du linéaire », mémoire de
Master en Analyse et Évaluation des Projets, Université Rennes 1 et Université de Yaoundé II, 2008.
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l’extension du réseau structurant et celle des routes frontalières et de désenclavement entre 2006
et 2008. De là, il ressort que l’insuffisance des ressources financières, la mauvaise planification
et programmation, les études, le suivi et l’exécution des travaux mal menées, sont les causes de
l’inefficacité de la gestion du réseau routier Camerounais et de la non atteinte des objectifs
d’extension de son linéaire. Ce qui constitue déjà un pan important de la présente étude.

Nous avons aussi consulté des productions scientifiques n’ayant pas de lien avec le
Cameroun, mais qui aborde les politiques publiques des transports. L’objectif était de
comprendre comment le sujet était abordé ailleurs afin de nous inspirer de la méthodologie.

Ainsi, la thèse de doctorat de Juan Pablo Bocarejo analyse les politiques liées à la
mobilité de quatre agglomérations, Paris, Londres, Bogota et Santiago, afin d’établir d’une part
les éléments clés qui ont permis l’application de politiques autour de l’utilisation de la voiture.
D’autre part, il tente d’évaluer l’impact réel de ces politiques, principalement sur la mobilité, et
spécifiquement sur l’objectif que cette mobilité devienne « plus soutenable »89. Nous retrouvons
ces préoccupations dans la thèse d’Aurélie Mercier, qui, elle, évalue les politiques des transports
en ce qui concerne le tramway dans la ville de Strasbourg.90

En 2003 déjà, Kauffmann et al91, ont abordé la problématique de la nécessaire


coordination entre les politiques urbaines et celles des transports. Ils en arrivent au constat que
la coordination entre urbanisation et systèmes de transports publics est une préoccupation qui
depuis le début des années 1980 a été étudiée, expérimentée, mise à l’agenda politique.
Cependant, les résultats et exemples sont restés maigres en regard des investissements consentis
dans les agglomérations pour l’amélioration des réseaux de transport public. L’ouvrage est
donc une restitution des résultats des travaux menés dans le cadre du programme européen
COST92, qui analyse le lien entre politiques des transports et d’aménagement du territoire, à
partir d’exemples concrets.

89
J. P. Bocarejo, « Évaluation économique de l’impact des politiques publiques liées à la mobilité, les cas de Paris,
Londres, Bogota et Santiago », Thèse de Doctorat nouveau régime, Doctorat de Transport, Université Paris Est,
2008, p. 11.
90
A. Mercier, « Accessibilité et évaluation des politiques de transport en milieu urbain : le cas du Tramway
strasbourgeois », thèse de Doctorat de Sciences Économiques option économie des transports, Université Lumière
Lyon II, 2008, 310p.
91
V. Kaufmann et al, Coordonner transports et urbanisme, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires
romandes, Collection “Science Technique Société”, 2003.
92
COST (European Cooperation in Science and Technology) is a funding organisation for research and innovation
networks. The actions help connect research initiatives across Europe and beyond and enable researchers and
innovators to grow their ideas in any science and technology field by sharing them with their peers.
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L’ouvrage de Marc Wiel analyse le processus de transformation du monde urbain par la


mobilité. La transition urbaine exprime l’évolution de la ville pédestre, vers la ville motorisée,
éclatée, redéployée. Il attribue à la mobilité, facilitée par l’usage de l’automobile, un rôle
central dans l’évolution de la morphologie urbaine, du fait des nouvelles possibilités de
localisation de l’habitat et des activités. L’extension de la ville, ou périurbanisation, est liée à
un processus d’étalement urbain, qui engendre un allongement des déplacements, ceux-ci
provoquent la croissance du trafic automobile, qui rend nécessaire l’amélioration des
infrastructures routières, ce qui oblige à repenser l’intervention publique.93

Nous ne saurions citer tous les travaux sur ce sujet94, ceux qui précèdent nous
permettent de mieux préciser l’originalité de notre étude. En effet, nous abordons les transports
terrestres (routiers et ferroviaires), et les transports non-terrestres (aériens, fluviaux et
maritimes). Il ne s’agit pas pour nous de faire une étude dans la globalité et l’entièreté de ces
transports. Cela nous amènerait à en étudier les pratiques, les métiers, la logistique etc.95 Notre
but est d’aborder les politiques qui, depuis 1884, ont sous-tendues la mise en place de ces
transports. Les politiques publiques sont un enchaînement de décisions ou d’activités résultant
d’interactions structurées et répétées entre différents acteurs, publics et privés, impliqués à
divers titres dans l’émergence, la formulation et la résolution d’un problème défini
politiquement comme public.96 Cela implique que nous nous situons dans ce travail, à la
sociogenèse des politiques publiques. Nous nous efforçons d’analyser non seulement les « trois
I » de l’action publique à savoir : les « intérêts », les « idées » et les « institutions »97, mais aussi
les résultats.

93
94
M. Wiel, La transition urbaine, Mardaga, Sprimont, 1999.
Au sujet des politiques publiques lire entre autres :
- Direction générale de la coopération internationale et du développement, « Étude comparée des politiques
d’aménagement du territoire et de développement régional dans les pays du sud », Ministère des Affaires
Étrangères, France.
- P. Hassenteufel et al, « Politiques publiques », in C. Belot et al (éd.), Science politique de l’Union
européenne, Paris, Economica, 2008, p. 81-105.
- W. Parsons, Public policy, Edward Elgar, Cheltenham, 1996.
- J. Weiss et al, « Public information campaigns as policy instruments », Journal of policy analysis and
management, 13-1, 1994, p. 82-119.
- O. Giraud et al (éd), Politiques publiques et démocratie, La Découverte, 2008.
95
À ce propos, il est intéressant de lire l’ouvrage de Mefiro Oumarou, Transports, espace et logistique, Cameroun,
L’Harmattan, 2012.
96
C. Larrue, et al, Analyse et pilotage des politiques publiques, éd. Somedia Buchverlag, 2005, p. 45.
97
Lire B. Palier et al, « Les « trois I » et l'analyse de l'État en action », Revue française de science politique, vol.
55, 2005, p. 7-32.
P a g e | 31

VIII. Démarche méthodologique

La méthodologie appliquée pour l’élaboration de ce travail est à la fois quantitative et


qualitative. Elle se décline en deux phases : l’étape de la collecte des données et celle de leur
analyse critique.

En ce qui concerne la phase de la collecte, nos informations proviennent prioritairement


des archives et des bibliothèques.

Pour la période coloniale allemande, nous avons eu recours aux archives coloniales
allemandes numérisées, disponibles notamment à l’Institut Goethe de Yaoundé. L’exploitation
des documents s’est effectuée suivant une double démarche : l’une manuelle ayant permis
l’accès aux actes originaux et l’autre numérique qui a débouché sur l’obtention des actes
digitalisés en ligne. La réalisation de ce travail a nécessité la mise à notre disposition de
différents outils de recherche : un répertoire numérique du Fonds Allemand comportant les
côtes des dossiers parfois avec liens électroniques permettant l’accès aux actes digitalisés.98
Nous avons également eu recours aux sites web importants qui traitent de l’histoire coloniale
allemande. L’analyse des données collectées a consisté en une étude du contenu. Il s’est agi de
procéder à la transcription, la traduction des textes, et à leur confrontation avec d’autres
sources : documents publiés, traditions orales, images et données de terrains.

Le traitement des données cartographiques est fait à l’aide de logiciels spécialisés, si


l’on aspire à une reproduction des croquis. Cependant, nous avons opté pour la présentation des
images dans leur aspect originel. Ces images n’étant pas toujours datées de manière précise,
l’étude s’est basée sur les méthodes d’interprétation des cartes historiques : connaissance du
titre, analyse de la légende (type de données, signes conventionnelles), et l’identification du
territoire. Nous avons ainsi pu obtenir des informations importantes sur la politique des
transports initiée par les Allemands entre 1884 et 1916, année de leur départ du Kamerun. Nous
avons recueilli des données sur le portage, la construction des routes, du chemin de fer, le choix
des voies navigables.

Les sources archivistiques de l’Assemblée Nationale du Cameroun, du Ministère de la


recherche scientifique et de l’innovation (MINRESI), les archives en ligne de la Banque

98
Les archives numérisées de l’ère coloniale allemande sont disponible en ligne sur. URL :
https://invenio.bundesarchiv.de/basys2-invenio/login.xhtml, dernière date de consultation : 27/04/2020 à 03h29.
P a g e | 32

mondiale99 et la Bibliothèque Nationale de France, à travers Gallica100, nous ont offert une
littérature abondante sur la période de colonisation française et sur les années Ahidjo et Biya
jusqu’en 1987. Plus précisément, nous avons bénéficié des Rapports Annuels de l’État Français
à la SDN et à l’ONU ; des Journaux Officiels de la République Française ; des Journaux
Officiels des Territoires du Cameroun ; des Journaux Officiels de la République Fédérale du
Cameroun ; des Journaux Officiels de la République Unie du Cameroun ; et des Journaux
Officiels de la République du Cameroun. Pour analyser efficacement les politiques publiques,
les premières ressources sont les lois, les décrets, toutes les décisions administratives pouvant
influencer d’une manière ou d’une autre l’orientation du secteur étudié. Ces différentes archives
sont le réservoir historique de tous ces documents.

Dans les ministères concernés de près ou de loin par les transports, nous avons pu obtenir
des documents stratégiques qui orientent ce domaine au Cameroun. Ainsi, le MINFI nous a
servi pour le volet financier ; le MINEPAT, en sa qualité de planificateur du développement
nous a permis d’avoir les Plans mis en place pour le développement du Cameroun et leur état
d’avancement actuel ; le MINT, en qualité de ministère sectoriel des transports, nous a permis
d’obtenir un ensemble de statistiques sur la sécurité routière entre autres. Ce volet est aussi
revenu dans les documents que nous avons reçus de la Délégation Générale à la Sureté
Nationale.

Les mémoires et des thèses ont quant à eux, été exploités dans les bibliothèques de la
Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines (FALSH) de l’Université de Yaoundé I, à la
Faculté des Lettres et Sciences Humaines (FLSH) de l’Université de Douala, au Cercle
d’Histoire-Géographie de la Faculté des Arts, Lettres et Sciences Humaines (FALSH) de
l’Université de Yaoundé I, ainsi qu’à l’Université de Yaoundé II. Ces documents traitent
essentiellement de la question des transports au Cameroun.

Nous avons aussi bénéficié de la bibliothèque personnelle du Pr. Albert François


Dikoumé, riche en mémoires, thèses et documents d’archives sur les transports au Cameroun.

99
Les archives numérisées de la Banque Mondiale sont disponibles sur le site :
https://databank.banquemondiale.org/databases/archives, disponible en libre accès. Dernière consultation :
14/02/2021 à 20h58.
100
Bibliothèque en ligne, URL : https://gallica.bnf.fr/accueil/fr/content/accueil-fr?mode=desktop, dernière
consultation le 14/02/2021 à 03h50.
P a g e | 33

Même si les entretiens comme méthode d’évaluation des politiques publiques ont encore
du mal à s’imposer101, ceux que nous avons effectués étaient semi-directifs. Cela s’est fait grâce
à un dictaphone électronique, intégré au téléphone portable, dont les données ont été retranscris
sur papier.

L’entretien semi-directif était le moyen le plus efficace quand nous rencontrions un sujet
immergé dans une activité liée au transport. Certains acteurs de ce domaine exerçant dans
l’informel, ont du mal à faire confiance aux personnes qui posent des questions de manière
générale, et aux inconnus en particulier. Dans ce cas de méfiance, un entretien avec papier aurait
pu rebiffer le sujet et le faire rentre dans une coquille mentale peu propice aux informations de
qualité. Ici, nous n’avons pas perdu de vue cette recommandation de Blanchet et al. :

L’entretien est une rencontre. S’entretenir avec quelqu’un est, davantage encore que questionner, une
expérience, un événement singulier, que l’on peut maîtriser, coder, standardiser, professionnaliser, gérer,
refroidir à souhait, mais qui comporte toujours un certain nombre d’inconnues (et donc de risques)
inhérentes au fait qu’il s’agit d’un processus interlocutoire, et non pas simplement d’un prélèvement
d’information.102

Après la collecte des données, il a été question de faire des synthèses de nos sources
pour procéder à une structuration de ce travail. À cette étape, s’est ajoutée une analyse critique
des différentes informations.

Mais, la réalisation de ce travail a buté sur un certain nombre de difficultés.

IX. Difficultés rencontrées

Au cours de nos recherches, nous avons rencontré quelques difficultés. Reconnaissons


que ce n’est pas du tout facile à écrire une thèse, un ouvrage de plus de trois cents pages où
toutes nos idées liées au sujet qu’on veut traiter doivent être rassemblées de manière cohérente
et harmonieuse.

Nous commencerons par évoquer la difficulté concernant le choix du titre. Au départ,


nous pensions étudier « les transports au Cameroun depuis 1960 ». Mais comment étudier
« tout » le domaine des transports sans courir le risque de faire une œuvre faramineuse ? Étudier
les transports implique non seulement les politiques, les infrastructures et les métiers pour

101
Lire P. Bongrand et al, « L’entretien dans l’analyse des politiques publiques : un impensé méthodologique ? »,
Revue française de science politique, vol. 55, n°1, 2005, p. 73-111.
102
A. Blanchet et al., L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Paris, Nathan, 1992, p. 128.
P a g e | 34

chaque type de transports (terrestres, aériens, maritimes et fluviaux). Cela nous aurait entrainé
dans un travail quasiment interminable dans la durée et dans les moyens financiers, ce d’autant
plus que le secteur des transports est en constante mutation. Il fallait donc opter pour une étude
fondée soit sur les politiques, soit sur les infrastructures, ou alors sur les métiers, mais pas les
trois à la fois. Si les infrastructures et les métiers ont bien souvent été des objets d’étude pour
les historiens et pour les techniciens des transports, il nous semblait que l’étude des politiques
des transports demeurait un champ quasiment vierge au Cameroun. Pourtant, les idées pour une
mise en place des infrastructures et la création des métiers venaient bien de quelque part. Ainsi,
nous avions un objet d’étude.

La dernière étape était celle du choix des bornes chronologiques. Nous hésitions entre
1985, année de lancement du libéralisme communautaire, matrice politique du Cameroun
jusqu’à présent ; et 1960, avec la mise en place du libéralisme planifié d’Ahmadou Ahidjo.
Notre première option ne nous permettait pas d’avoir une matière suffisante pour une thèse sur
les politiques publiques des transports. En effet, comme nous le verrons dans ce travail, cette
période a été marquée essentiellement par des politiques de redressement. Le secteur des
transports a été quasiment à l’arrêt. Il fallait restructurer à cause de la crise économique. Or, les
programmes d’ajustement structurels qui marquent cette période, avaient déjà fait l’objet de
plusieurs études. 1960 nous posait problème parce que, pour comprendre la politique
d’Ahmadou Ahidjo, il fallait examiner le passé récent du Cameroun, marqué par la colonisation.
L’état dans lequel était le pays dont il a hérité devait permettre de mieux appréhender sa
politique. Ainsi, il fallait entamer le travail avec la période coloniale. Notre sujet a donc
plusieurs fois subi des changements, à tel point que nous nous sommes retrouvé avec trois
résumés, trois introductions générales et autant de copies de thèses.

De plus, nous avons éprouvé quelques difficultés à obtenir des documents d’archives.
Dans les locaux des Archives nationales à Yaoundé, les documents étaient parfois absents
(volés selon les explications de certains employés des lieux), parfois détruits en partie. De plus,
les documents de l’époque allemande, les plus rares et les moins bien conservés, étaient en
allemand, une langue que nous ne maîtrisons pas du tout. Nous avons ici fait recours, soit à un
traducteur en ligne, pour des raisons financières, soit à des études antérieures à la nôtre, en
français ou en anglais.
P a g e | 35

C’est aussi le lieu de regretter le peu de considération qu’ont certains concitoyens de la


recherche scientifique. En effet, pendant nos recherches dans les ministères, nous avons fait
face à la méfiance de certains fonctionnaires. Dans certains cas, il fallait user de beaucoup de
stratagèmes pour rassurer les interviewés sur notre identité et nos intentions, pour que certains
donnent des réponses à nos questions, parfois en refusant l’enregistrement. Nous pouvons
comprendre cela à travers le climat de suspicion qui règne dans le pays en ce moment avec
l’Opération Épervier.103 Pour un sujet aussi délicat que celui des politiques publiques, avec un
volet fortement économique, certains ont cru y déceler une tentative d’accusation judiciaire.
D’autres personnes nous ont demandé de payer leurs informations, parfois à des prix que nous
jugions élevés en fonction des moyens financiers dont nous disposions, ce qui nous amenait
dans ces cas à renoncer à notre tentative d’obtenir leur aide. Était-ce au fond le but recherché à
travers ces conditions ?

Toutes ces difficultés ont certainement influencé ce travail. Néanmoins, nous avons
tenté, dans la mesure de notre investissement, de présenter un travail digne d’intérêt et
susceptible de contribuer à l’histoire du Cameroun.

X. Structuration du travail

Une fois l’analyse des données achevée, il a fallu procéder à la synthèse des documents
pour rédiger le travail qui se présente en trois parties, subdivisées en neuf chapitres.

La première partie est consacrée aux « politiques publiques des transports sous la
colonisation au Cameroun ».

Le premier chapitre, intitulé « les politiques des transports sous le Protectorat allemand
(1884-1916) », s’attèle à étudier la politique coloniale allemande des transports au Cameroun.
Nous avons cependant jugé opportun d’aborder, dans un premier temps dans ce chapitre, les
transports au Cameroun avant 1884, début du protectorat. Par la suite, il nous apparaît que la
politique allemande des transports s’inspire grandement des raisons qui ont poussé ce pays vers

103
« L’Opération Épervier est une vaste opération judiciaire initiée dans le cadre de la lutte anti-corruption au
Cameroun. Cette opération a été lancée par le gouvernement du Premier ministre Ephraïm Inoni en 2006, sous la
pression des bailleurs de fonds internationaux ».
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_%C3%89pervier_(Cameroun), consulté le 25/05/2020 à
02h27.
P a g e | 36

l’impérialisme. Tous les types de transports pendant cette période n’ont eu qu’un objectif, servir
aux intérêts commerciaux des Allemands. C’est principalement cet aspect qui fait leur faiblesse.

Dans le chapitre II, nous étudions « la politique des transports par les Plans au Cameroun
sous mandat et sous tutelle français (1916-1960) ». À la suite des deux guerres mondiales, c’est
principalement la partie orientale confiée à la France qui a connu une certaine évolution dans
le domaine des transports. On assiste à la mise en place des premiers plans de développement,
sous la houlette de la France. Si elle avait une volonté affirmée de développer le Cameroun, il
ne faut pas non plus perdre de vue que ce pays a été administré de la même façon que les autres
colonies françaises. Or, une colonie a pour vocation première d’aider plutôt la métropole à se
développer. La France a eu une politique des transports quasiment schizophrène, aux prises
entre exploitation du territoire et développement de celui-ci. Au final, c’est l’aménagement du
territoire qui en a pâti.

Dans le Chapitre III, nous étudions « la politique des transports au Cameroun


britannique : des idées intéressantes pour une implémentation en demi-teinte (1916-1961) ».
Soumise elle aussi aux exigences du mandat et de la tutelle, le gouvernement britannique a
pourtant négligé plus qu’exploité la partie du territoire à eux confié par la SDN d’abord et
l’ONU ensuite. Ainsi, les transports sont pratiquement demeurés dans le même état que sous la
colonisation allemande.

Notre tâche est donc d’analyser cette politique du statu quo dont les conséquences ont
été néfastes dans l’implémentation de la politique économique de l’État indépendant du
Cameroun.

La Partie II de la thèse, « les politiques publiques des transports au Cameroun de


l’indépendance aux programmes d’ajustement structurel (1960-2000 », examine les quarante
premières années d’indépendance du Cameroun. Cette période est marquée par deux doctrines
politiques : celle du libéralisme planifié d’Ahmadou Ahidjo et celle du Libéralisme
communautaire de Paul Biya. Ce dernier voit le pays entrer dans la crise économique et les
programmes d’ajustement structurel du FMI.

Ainsi, nous aborderons en Chapitre IV, « la politique publique des transports au


Cameroun sous le libéralisme planifié (1960-1985) ». Nous analysons principalement la
politique des transports durant le libéralisme planifié d’Ahmadou Ahidjo, en nous fondant sur
P a g e | 37

le principal outil des politiques publiques de cette période : les Plans Quinquennaux. Le chapitre
va du 1er Plan en 1960, à la fin du libéralisme planifié en 1985.

Le Chapitre V, « la politique publique des transports à l’épreuve de la crise économique


au Cameroun entre 1985 et 1995 », aborde la période de la crise économique et les Programmes
d’ajustement structurel, sous la direction des Institutions de Bretton Woods (IBW). Nous y
examinons la politique du libéralisme communautaire et les différentes stratégies mises en place
pour faire face à la conjoncture économique.

Entre 1995 et 2000, le Cameroun amorce les privatisations et la libéralisation dans le


domaine des transports. Celles-ci se fondent sur un cadre juridique précis. C’est aussi la période
qui voit le ministère des transports fondamentalement restructuré. Plusieurs stratégies de
relance économique en général, et dans le domaine des transports en particulier, sont mis à
exécution avec plus ou moins de succès. Le Chapitre VI nous permet donc d’analyser « Les
politiques publiques des transports sous les programmes d’ajustement structurel entre 1995 et
2000 : le projet sectoriel des transports, les privatisations et leurs conséquences au Cameroun ».

La Partie III analyse « Les outils de la gestion économique et administrative face aux
défis sécuritaires et sociaux des transports au Cameroun entre 2000 et 2017 ».

À partir de l’année 2000, la situation économique du pays commence à connaître une


certaine amélioration. De nouveaux outils de gestion sont élaborés et mis à exécution. Il s’agit
entre autres de l’initiative PPTE, du DSRP, du DSCE et du Plan d’urgence triennal. Le Chapitre
VII est l’occasion d’analyser « Les outils de gestion économique et les transports au Cameroun
entre 2000 et 2017 ».

Le chapitre VIII, « un état des lieux, nouveaux intervenants institutionnels et les défis
des transports au Cameroun », évalue l’efficacité des différents outils administratifs mis en
place dans la gestion des transports. Ainsi, nous y parcourons les différents problèmes qui
continuent de miner le secteur des transports au Cameroun, malgré les efforts des politiques
(polities) et des mesures qu’ils mettent en place (policies).

Nous terminons ce travail en abordant en chapitre IX, « les déterminants des coûts et
prix des transports routiers : un défi social permanent pour les politiques publiques au
Cameroun ». Le réseau routier camerounais est jalonné de problèmes : manque d’entretien,
P a g e | 38

corruption, absence de signalisation, entre autres problèmes qui augmentent les coûts
d’exploitation des véhicules et impactent sur les prix des transports.
P a g e | 39

PARTIE I :

LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS SOUS LA


COLONISATION AU CAMEROUN ENTRE 1884 ET 1961
P a g e | 40

CHAPITRE I :

LES TRANSPORTS AU SERVICE DE LA POLITIQUE


COLONIALE SOUS LE PROTECTORAT ALLEMAND ENTRE
1884 ET 1916
P a g e | 41

L’engagement de l’Allemagne dans la conquête coloniale est consécutif à la crise


économique de 1873. Elle est à la recherche de débouchés pour ses industries, et de nouvelles
terres agraires. Ce chapitre aborde, en trois articulations, la politique des transports au
Cameroun sous le protectorat allemand (1884-1916). Nous revenons d’abord sur la situation
des transports avant cette période de domination européenne. Cet aperçu nous permet de mieux
examiner ensuite la politique allemande des transports. Sous cette première administration,
cette dernière est essentiellement dictée par les nécessités commerciales, et non par un souci
d’aménagement du territoire. Nous faisons enfin un bilan des réalisations allemandes dans le
domaine des transports.

A. Un aperçu des transports au Cameroun avant 1884

En 1931, parlant de l’Afrique Centrale d’avant la colonisation, Jacques Weulersse en


présente une situation quasi désastreuse des voies de communication.

Jusqu’à ces dernières décades, écrit-il, peu de pays au monde étaient aussi dépourvus de voies de
communication, aussi pauvres en moyens de transport que l’Afrique Centrale. Sur la carte du globe, à
la fin même du XIXe siècle, dans le réseau aux mailles toujours plus serrées des relations mondiales,
cette vaste et puissante masse continentale n’apparaissait encore qu’en blanc : c’était une lacune vide
dans l’organisme mondial. Mais ce qui la caractérisait surtout, [c’] était surtout l’absence quasi totale
de voies de communication primitives, de moyens de transport indigènes1.

Ainsi, l’Afrique Centrale semblait, avant l’arrivée des colons, réfractaire à toute forme
de développement des infrastructures de communication. Il est vrai qu’à l’arrivée des
Européens (commerçants d’abord et missionnaires ensuite), cette « Afrique Centrale » dont
parle Weulersse, et le Cameroun en particulier, avaient quelques « voies de communication
primitives » qui reliaient les cités déjà existantes2. Ainsi, des pistes existaient, quoique
difficilement praticables du fait des guerres entre populations locales, et servaient à relier des
villages ou à faciliter les activités commerciales :

Le commerce était promu par la construction de routes et en 1911 du chemin de fer Douala-Nkongsamba.
Les routes reliaient Douala à Foumban par Bangangté et Bana ; le pays bamiléké à Bamenda, et
l’Adamaoua par Dschang et Bamenda. Le réseau des routes principales ne différait pas fondamentalement
de celui du temps précolonial3.

1
J. Weulersse, « L'évolution des voies de communication et des moyens de transport en Afrique Centrale, Annales
de Géographie, tome 40, n°227, 1931, p. 544.
2
Lire A. Tassou, « Évolution historique des villes du Nord-Cameroun (XIXe – XXe siècles) : des cités
traditionnelles aux villes modernes. Les cas de Maroua, Garoua, Ngaoundéré, Mokolo, Guider et Meiganga »,
Thèse de doctorat/Ph.D d’Histoire, Université de Ngaoundéré, 2005.
3
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest du Cameroun 1880 – 1990. Jeux et enjeux », Thèse de
Doctorat en sciences économiques, Université de Neuchâtel, 1995, p. 52.
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De cet extrait, nous retenons que les premières routes commerciales s’étaient
simplement adaptées aux routes existantes avant l’arrivée des Européens. Il faut également
rappeler qu’avant le début du protectorat allemand en 1884, les Européens commerçaient déjà
avec les populations de la côte. Zenker nous dresse ce tableau :

Des sentiers très nombreux, et souvent inextricables conduisent de hameau en hameau ou bien aux
plantations de plantains situées en plein milieu de la forêt. Les sentiers de la savane sont à chaque saison
sèche agrandis par la fauche et le brûlis, parce que les feuilles et tiges de certaines herbes sont coupantes
et causent beaucoup de blessures. Les sentiers restent le plus souvent sur le plateau, coupant ici et là une
gouttière d’érosion, suivant le cours d’eau, puis grimpant de nouveau pour escalader un autre plateau. Les
ponts, c’est-à-dire des œuvres d’art telles les ponts suspendus de certaines régions de la côte, n’existent
pas ; c’est tout au plus un arbre abattu qui forme un passage précaire. 4

L’homme, à l’époque précoloniale, représentait le principal moyen de transport. Le


portage, qui est le transport à dos d’homme, était le moyen le plus utilisé pour relier deux points
géographiques. Des témoignages de la pratique du portage parsèment l’histoire du Cameroun
ante-colonial, à travers les grandes migrations commerciales.

Dans la partie septentrionale du territoire, il apparaît que « vers la fin du XIVe siècle,
les marchands ambulants haoussa, à la tête des caravanes constituées de porteurs et d’ânes
surchargés, partent de leur foyer d’origine en direction de l’Est. » 5 Ils rejoignaient le fleuve
Bénoué dont ils remontaient la rive droite jusqu’à Yola où ils sont rejoints par les commerçants
Kanouri (Béri Béri), venus du grand centre commercial bornouan, Ngazargamo. De l’entrepôt
de Yola, ces marchands s’infiltraient dans le Nord-Cameroun en remontant le cours supérieur
de la Bénoué d’une part, et ceux du Deo et du Faro d’autre part. Ce faisant, ils prenaient
progressivement contact avec les peuples préétablis dans cette région (Fali, Guiziga, Tikar, etc.)
et avec lesquels ils entretenaient des relations commerciales. Ils échangeaient les produits tels
que le sel, le textile traditionnel et le fer en barres contre les peaux des bêtes, l’ivoire et les
esclaves.6

Parlant des Haoussa, Famechon les présente comme « les plus habiles commerçants de
toute l’Afrique centrale. […] Ils sont en outre colporteurs dans toute la région centrale du pays
où ils ont essaimé par petits groupes, et ils sont maîtres du trafic indigène de Mora dans le bassin

4
Ph. Laburthe-Tolra, « Yaoundé d’aprés Zenker (1895) », Annales de la Faculté des Lettres et Sciences
Humaines de l’Université de Yaoundé, 1970, n°2, p. 39.
5
Souley Mane, « Migration et commerce au Cameroun : le cas des Haoussa (XIXe-XXe siècles), Syllabus Review
3 (1), Human & Social Science Series, 2012, p. 246.
6
Ibid.
P a g e | 43

du Tchad à la Kadei, affluent de la Sangha, et vers l’Ouest jusqu’au Mbam »7. L’on peut, de
nos jours, témoigner du dynamisme de ces migrations à travers l’existence dans plusieurs villes
du Cameroun de “quartiers Haoussa”. En effet, leur migration s’est poursuivi vers Yaoundé et
ensuite, ces marchands ambulants haoussa se sont dispersés, à partir de cette ville, vers d’autres
localités (Mbalmayo, Eséka, Sangmélima, Ebolowa, Douala…)8 et même au-delà du
Cameroun, en direction de la Guinée Équatoriale et du Gabon actuels. Ceux de l’axe de l’Est
atteignent la République Centrafricaine.9

Le commerce a été l’une des spécialités des Kanouri et des Haoussa. Sa pratique dans
le Grand-Nord et même dans le Sud du pays, serait antérieure à l’implantation des Foulbé dans
la région. Le commerce était pratiqué par des marchands Kanouri, en rapport avec les chefs
Baare dès le XVIIe siècle, d’après Eldridge Mohammadou.10

C’est avec les la conquête peule que le commerce s’intensifie. Nous tenons de Lacroix,
qu’avant 1800 et le djihad peul, des courants commerciaux existaient, mais de façon
embryonnaire.11 Ainsi, on pourrait croire que c’est la domination politique peule qui a fait
évoluer la situation, à travers le commerce, activité florissante dans le lamidat de Ngaoundéré
au XIXe siècle.

Les agents économiques, au service de l’aristocratie peule, furent les marchands hausa, bornouan, choa
et même parfois arabes d’Égypte ou de Tripoli qui sillonnaient le pays en caravanes ou s’établissaient à
demeure dans les principaux centres. Ainsi lors de son expédition dans l’Adamaoua en 1893, Cholet
affirme avoir rencontré une forte caravane revenant du sud avec 175 grosses dents d’éléphant et 22
charges de kola près du camp du zaourou Koundé, qui le reçut entouré de cinq cavaliers couverts de
cuirasse courte. À l’époque, le lamido de Ngaoundéré envoyait une colonne annuelle forte de 3 000
personnes environ, dans les pays tributaires de l’est. Il s’agit dans tous les cas, d’un phénomène important
de brassage humain, susceptible de favoriser l’entente et d’accélérer le processus d’acculturation 12.

Ce qui attire notre attention dans cet extrait, ce sont les différentes références aux
transports : les caravanes (les 3000 personnes qui vont dans les pays tributaires, on peut

7
L. Famechon, Étude politique…, pp. 33-34.
8
Aujourd’hui encore, les populations du Grand-Sud (entendez les Régions administratives actuelles du Centre, du
Sud, et de l’Est), désignent toutes les populations venues du Grand-Nord par le vocable « Haoussa ». Certainement
parce que c’étaient les premiers de cette aire géographique avec lesquels ils ont été en contact. De plus, il continue
d’exister dans les milieux non-scientifiques, l’idée que tous les originaires du Grand-Nord seraient musulmans.
9
Souley Mane, « Migration et commerce au Cameroun… », p. 251.
10
E. Mohammadou, « Nouvelles perspectives de recherche sur l’histoire du Cameroun central au tournant du
XVIIIe siècle (c. 1750-1850) : l’invasion Baare-Tchamba », in Ngaoundéré Anthropos, vol. IV, 1999, p. 84.
11
P. F. Lacroix, « Matériaux pour servir à l’histoire des Peul de l’Adamaoua », Études Camerounaises, n° 37-38,
Yaoundé, 1953, p. 33.
12
T. M. Bah, « Le facteur peul et les relations interethniques dans l’Adamaoua au XIXe siècle », in Jean Boutrais
(éd.), Peuples et cultures de l’Adamaoua (Cameroun), actes du colloque de Ngaoundéré, éditions
ORSTOM/ANTHROPOS, 1992, p. 78.
P a g e | 44

supposer qu’en plus des soldats, il y avait des porteurs), et surtout des chevaux. André
Gondolo13 nous permet de comprendre que Ngaoundéré centralisait toutes les voies
commerciales en provenance de l’actuelle région de l’Est du Cameroun, en passant par
Meiganga. De même, une voie commerciale provenant du sud-est partait de Tibati pour Yola
au Nigéria en passant par Banyo et Kontcha. Une autre voie venait de Kundé (dans l’actuel
RCA), traversait Meiganga avant d’aboutir à Ngaoundéré.14

En résumé, au contraire du Bornou et du pays haoussa, l’Adamaoua et par extension


tout le Grand-Nord, n’avaient pas, avant la conquête peule, d’activité commerciale proprement
dite. Les différentes communautés ne procédaient qu’à des échanges limités, sous forme de
troc, de produits et d’articles requérant une spécialisation : ainsi les Duru, habiles forgerons,
fournissent des outils et armes contre des produits vivriers.15 La conquête peule apporta un
changement notable. La création de besoins nouveaux liés à la vie de cour, l’acculturation des
élites Mbum et Gbaya aboutirent à la création de voies commerciales et à l’intensification des
échanges.16

Dans la plupart des centres commerciaux qu’étaient entre autres Ngaoundéré, Garoua et
Maroua, les laamiibe avaient fait tracer des ruelles susceptibles de faciliter les
communications.17 Ce qui contribuait aussi à l’embellissement de ces cités. En fait, dans le
développement des transports dans les cités du Nord-Cameroun, il faut voir l’apport des
commerçants Haussa et Kanouri, et plus tard, l’impact du djihad peul.

Le trafic des esclaves était aux mains de commerçants bornouan et haoussa dont on signale la présence
dans la ville [de Ngaoundéré] dès l’époque de Ardo Issa (1853-1877). Ils suivaient les expéditions
guerrières ou rachetaient aux familles des guerriers Peul les esclaves qu’ils ramenaient. La vente des
esclaves ne constituait toutefois pas la totalité du courant commercial. Un important trafic portait sur les
défenses d’ivoire, le beurre de karité, les noix de cola et une teinture rouge à base de certains joncs qui
était exportée jusqu'en Tripolitaine. Là encore, Bornouan et Haoussa tenaient l’essentiel du commerce18.

Dans la partie côtière du territoire, les rois duala avaient acquis l’habitude de la traite
des esclaves et entretenaient des relations d’affaires avec l’hinterland, où étaient produits les

13
A. Gondolo, « Ngaoundéré ou l’évolution d’une cité peule », thèse de doctorat en géographie, Université de
Rouen, 1978, p. 79-80.
14
Ibid.
15
T. M. Bah, « Le facteur peul et les relations… », 1992, p. 77.
16
Ibid.
17
Lire A. Tassou, « Évolution historique des villes… », 2005.
18
A. Gondolo, « Évolution économique de la ville de N'Gaoundéré (Cameroun) », Cahiers d’outre-mer, n° 126 -
32e année, avril-juin 1979, p. 181
P a g e | 45

biens d’exportation. Leur rôle était celui d’intermédiaires.19 Les porteurs étaient essentiels à
leurs activités commerciales :

Le transport des produits vendus par les populations de la côte se faisait soit dans des pirogues quand il
leur fallait remonter les fleuves Wouri et Mungo, soit par portage. Les chefs duala et leurs alliés avaient
acquis de nombreux esclaves pendant la traite. Ils disposaient donc d’une main d’œuvre importante, ce
qui était avantageux. […] Les porteurs d’origine servile étaient assez bien traités, et certains finissaient
par s’intégrer à la famille qui les utilisait. Parfois même, ces porteurs jouissaient d’une grande confiance
de la part de leurs maîtres, qui les mettaient à la tête de leurs caravanes commerciales, place généralement
réservée aux enfants des marchands. Ceux qui ne disposaient que de peu ou pas du tout d’esclaves
devaient compter soit sur l’aide des membres de leur famille, soit sur des porteurs recrutés sur contrat.20

Malgré les conflits réguliers entre les populations de l’intérieur, les relations
commerciales existaient. Les Banen commerçaient avec les Bafia, les Lemandé, les Bassa entre
autres. Les transports des produits de ces échanges se faisaient à dos d’hommes, sur des axes
réguliers qui reliaient les aires d’habitation.21 Parmi les routes de portage qui existaient vers le
milieu du XIXe siècle, nous pouvons citer celle située entre Wum, Ibi et Katséna ; celle sur
l’axe Bum, Takum, Wukabari, Ibi.22

Soulignons qu’après l’abolition du commerce d’esclaves par les Anglais en 1841,23


l’estuaire du Wouri se développa en un centre du commerce d’ivoire et d’huile de palme entre
les Européens et le peuple des Duala. Cependant, les Européens qui n’avaient pas de bases sur
la côte, restaient dépendants de la bonne volonté des chefs duala qui obtenaient un droit de
douane sur le commerce. Ce commerce fit prospérer les Duala qui pouvaient affirmer leur
position de monopole grâce aux armes à feux acquises dans ce négoce.24

À partir du XVIIIème siècle l’influence de l’Angleterre sur la côte devint prédominante.


Elle y possédait un certain nombre de bases militaires pour assurer la sécurité de ses
commerçants et depuis 1856 les différends se réglaient dans une Court of Equity anglaise.25 À

19
A. F. Dikoumé, « Du portage… », 1985, p. 5.
20
Ibid.
21
Ibid., p. 6.
22
Ibid.
23
A. Wirz, « La « Rivière de Cameroun »… », 1973, p. 182.
24
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest du Cameroun… », 1995, p. 46.
25
À propos de la « cour d’équité », lire entre autres :
- Wirz, « La « Rivière de Cameroun »… », 1973, pp. 183-184 ;
- R. A. Austen, “Tradition, Invention and History: The Case of the Ngondo (Cameroon)”, Cahiers d'études
africaines, vol. 32, n°126, 1992. pp. 285-309 ;
- Ph. Laburthe-Tolra, « Christianisme et ouverture au monde. Le cas du Cameroun (1845-1915) », Revue française
d’histoire d’Outre-Mer, tome 75, n°279, 2e trimestre, 1988, pp. 207-221 ;
- R. A. Austen, “The Metamorphoses of Middlemen: The Duala, Europeans, and the Cameroon Hinterland, Ca.
1800 - Ca. 1960.” The International Journal of African Historical Studies, vol. 16, no 1, 1983, pp. 1–24.
P a g e | 46

partir de 1800, des commerçants anglais se mirent à installer des factoreries sur la côte. En
1880, il y avait six factoreries anglaises et deux allemandes.

L’installation des planteurs allemands fut préparée par le développement du commerce « légal », celui de
l’huile de palme, au cours de la seconde moitié du XIX e siècle. C’est à partir de 1868 que la maison
Woermann ramassa l’huile sur la côte du Cameroun et c’est en 1869 que la firme John Holt installa une
factorerie à terre, à Bimbia, au pied du volcan. L’idée se répandit alors qu’il valait mieux produire ce
qu’on importait en raison des prix pratiqués par les courtiers locaux et des incessants palabres entre les
côtiers, les subrécargues des navires puis les agents de factoreries.26

Photo n° 1 : Hulk de la compagnie C. Woermann sur le fleuve « Cameroun », 1868

Source : https://deutsche-schutzgebiete.de/wordpress/projekte/kolonien/kamerun/, consulté le 15/10/2019 à


16h48.

À partir du XIXème siècle, les commerçants anglais militaient auprès de leur


gouvernement pour qu’il établisse un protectorat, mais sans succès. De même, les deux maisons
de commerce, Woermann et Jantzen & Thormählen, qui étaient présentes sur la côte
camerounaise depuis 186827 avec beaucoup de profits, tentaient de persuader leur
gouvernement.28 Ces deux entreprises étaient actives sur toute la côte ouest-africaine, avaient

26
M. Michel, « Les plantations allemandes du mont Cameroun (1885-1914) », Revue française d’histoire d’Outre-
mer, tome 57, n° 207, 2e trimestre, 1970, p. 184.
 Wirz et Champaud définissent le « Hulk » comme un « voilier désarmé » (A. Wirz, « La « Rivière de
Cameroun »… », 1973, p. 183 ; et J. Champaud, Villes et campagnes du Cameroun de l’Ouest, Paris,
Éditions de l’Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer, Collection Mémoires, n°98,
1983, p. 53).
27
« Dès 1868 la Maison Woermann de Hambourg, avait installé un comptoir à Cameroun. En 1875, la Maison
Jantzen et Thormahlen, également de Hambourg, participait à Cameroun, elle aussi, à la traite de l’ivoire et de
l’huile de palme. » (A. Owona, « La naissance du Cameroun (1884-1914) », 1973, p. 19).
28
Ibid, p. 18.
P a g e | 47

de multiples comptoirs et la firme Woermann était même propriétaire d’une ligne de bateau à
vapeur entre l’Allemagne et la côte ouest-africaine. C’est aux Anglais que les deux firmes
devaient se fier pour recevoir de l’aide militaire contre les Africains en cas de besoin, une aide
qu’ils recevaient en général29. Cependant, une annexion du Cameroun par l’Allemagne leur
permettait de briser le monopole des duala dans le commerce avec l’arrière-pays et acheter à
meilleur prix. Durant la deuxième moitié du XIXème siècle, les rois duala envoyèrent plusieurs
lettres à la reine d’Angleterre, et au premier ministre, demandant également le protectorat
anglais30.

Photo n°2 : La factorerie de la compagnie C. Woermann aux abords du fleuve « Cameroun ». La scène
des négociations qui ont conduit à l’acquisition du Kamerun.

Source : https://deutsche-schutzgebiete.de/wordpress/projekte/kolonien/kamerun/, consulté le 15/10/2019 à 14h16.31

Finalement, le gouvernement allemand se décida plus rapidement, et un envoyé du


gouvernement allemand, Gustav Nachtigal, vint présenter aux rois duala un traité proposant le
protectorat allemand. Le traité fut signé en 1884 suite à des paiements aux rois et une

29
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 46.
30
L. Harding, « Le Cameroun par les sources : Le début de la servitude. Le Cameroun sous domination allemande.
Une présentation sur la base de sources écrites », 2017, en ligne, URL :
https://www.academia.edu/35394629/Le_Cameroun_par_les_sources_Le_d%C3%A9but_de_la_servitude._Le_
Cameroun_sous_domination_allemande, consulté le 15/10/2019.
31
Le premier bateau à vapeur Woermann baptisé Aline, est construit et mis au service de l’Afrique de l’Ouest. En
1884, cinq navires assurent déjà la liaison entre Hambourg et le Cameroun. Bien avant cette date, en 1881, La
société C. Woermann crée la première filiale sur le continent à Douala (voir photos 1 et 2).
P a g e | 48

démonstration de la force militaire allemande qui rassura le peuple duala qui avait peur des
représailles anglaises.32

B. Les fondements de la politique coloniale allemande des transports au


Kamerun

Pour comprendre la politique des transports que les allemands adoptèrent durant la
période de leur protectorat au Cameroun, il est nécessaire d’étudier les fondements de leur
politique coloniale. Cette section nous permet d’aborder la naissance de l’impérialisme
allemand, conséquence de la révolution industrielle et du krach économique de 1873 qui s’en
suivit, et les formes et voies de communication privilégiées par ceux-ci. Il faut d’ores et déjà
mettre à leur crédit le fait d’avoir donné le premier coup de pioche du système des transports
au Cameroun.

I. Les origines de la politique coloniale allemande

Grâce à la révolution industrielle, le quart de siècle qui suit 1848 connut une poussée
développementaliste accélérée. Ce fut l’époque de la grande multiplication des voies ferrées
(accroissement de cinq en Allemagne, de onze en France, de près de trois en Grande-Bretagne
et de près de cinq en Belgique), de la hausse vertigineuse dans la consommation de charbon, de
puissance-vapeur, d’acier, de coton, etc., à mesure que l’Europe et l’Amérique du Nord
appliquaient la technologie britannique à leurs économies.33

Au début des années 1870 en Europe et en Amérique, l’industrialisation entraina des


découvertes et inventions technologiques en agriculture : moissonneuses, faucheuses, batteuses,
les fertilisants, les canaux d’irrigation, les nouveaux types de blé. À cela, il faut ajouter la
transformation du système des transports : l’expansion des réseaux de chemin de fer, les
systèmes de réfrigération, le fret par voie maritime. Tous ces facteurs contribuèrent à rendre la
culture extensive plus productive. Avec une surproduction agricole à l’échelle mondiale, les
prix subirent une chute impressionnante. Étant donné que la situation favorisa une culture
extensive, les États-Unis, le Canada, l’Australie, l’Argentine et la Russie, devinrent des
producteurs à faibles coûts, livrant une forte concurrence aux pays d’Europe occidentale et
centrale, incapables de s’opposer à ces nouveaux producteurs en raison de leurs hauts coûts de

32
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 46.
33
P. Gourévitch, « Étude comparative des réactions des Grandes Puissances face à la crise économique de 1873 à
1896 », Études internationales, 6 (2), 1975, p. 189.
P a g e | 49

production. La révolution industrielle provoqua une chute agricole tout en créant une dépression
industrielle particulière : les prix baissèrent mais non la production et ses coûts. L’année 1873
marqua le début de la grande dépression.

La chute aiguë de la bourse de Vienne en 1873 apparut de prime abord, comme une
baisse classique du cycle des affaires, comme en 185734 ; cependant, les prix continuèrent à
baisser, mais la production poursuivit son ascension. Bien que de nouvelles industries virent le
jour (acier, chimie, électricité, construction navale), le rendement du capital diminua et, comme
en agriculture, la concurrence se fit de plus en plus forte. Partout, les hommes d’affaires se
sentirent en période de crise et nombreux furent ceux qui entreprirent de la résoudre d’une
manière ou d’une autre35. Parmi les réponses apportées pour résorber la crise, nous pouvons
citer le protectionnisme et l’impérialisme.

En effet, à la fin des années 1870, l’empire allemand abandonna le libre échange pour
freiner les importations. Elle fut la première à introduire des tarifs douaniers protecteurs, suivie
par le reste de l’Europe, à l’exception du Royaume-Uni, des Pays-Bas et du Danemark.36 La
France commença à modifier sa politique commerciale en 1881 et entra définitivement dans le
groupe des pays protectionnistes avec le tarif de Méline en 1892.37

De plus, Les puissances européennes, privées de débouchés pour leurs biens


manufacturés de base, durent trouver des alternatives pour rester les leaders de l’économie
mondiale. Le choix de se lancer dans l’aventure coloniale tenait donc en partie à cette crise de
1873 : il fallait imposer les surplus de production aux pays colonisés. Dans cette situation, les
colonies semblaient ouvrir une porte de secours, en offrant non seulement des ressources bon
marché, mais aussi des débouchés importants. Ainsi une dynamique de course aux colonies
s’installa en Europe dans les années 1880. Chaque puissance voulut s’assurer une partie des
potentiels fournisseurs de matières premières et marchés pour les surproductions des industries

34
Lire T. Aimar, et al., « Le cycle économique : une synthèse », Revue française d’économie, volume xxiv(4),
2009, p. 3-65.
35
P. Gourévitch, « Étude comparative des réactions… », 1975, p. 189.
36
R. Aldenhoff-Hübinger, « Deux pays, deux politiques agricoles : Le protectionnisme en France et Allemagne
(1880-1914) », Histoire & Sociétés Rurales, vol. 23(1), 2005, p. 68.
37
« La loi Méline de 1892 fait passer le taux moyen de protection douanière de 8,2 % entre 1889 et 1891 à 11,4 %
sur la période 1893 et 1895. Le tarif moyen sur les importations agricoles passe de 3,3 % sur la période 1881/1884
à 21,3 % sur entre 1893 et 1895. » Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_M%C3%A9line, consulté le
26/10/2019 à 04h05.
P a g e | 50

européennes, de peur qu’une autre puissance ne pût la devancer. Il est donc intéressant de
rappeler ces mots de Jules Ferry :

La politique coloniale est fille de la politique industrielle. Pour les États riches, où les capitaux abondent
et s’accumulent rapidement, où le régime manufacturier est en voie de croissance continue [...], où la
culture de la terre elle-même est condamnée à s'industrialiser, l’exportation est un facteur essentiel de la
prospérité publique, et le champ d’emplois des capitaux, comme la demande du travail, se mesure à
l’étendue du marché étranger.38

Une autre industrie se développa durant cette période et encouragea la naissance des
colonies de plantations telle que celle du Kamerun : l’industrie du caoutchouc.

Le caoutchouc séché fut initialement importé en Europe en petites quantités dans des
expéditions du Nouveau Monde. À partir de 1770, de petits cubes furent vendus comme
gommes. En 1823, des imperméables Macintosh enduits d’une solution de caoutchouc-benzène
arrivèrent sur le marché en Angleterre. Cependant, ceux-ci ne se vendirent pas bien car ils
devenaient collants dans la chaleur et raides dans le froid. Charles Goodyear trouva la solution
à ce problème aux États-Unis en 1839 avec la « vulcanisation ». Il découvrit que le caoutchouc
devenait résistant à la température en ajoutant du soufre et que, selon la quantité de soufre, le
caoutchouc se transformait en caoutchouc dur ou souple élastique.39

Les premières usines de caoutchouc ouvrirent dans les années 1850 en Allemagne. En
1856, ce fut le Phoenix Gummiwerke à Hambourg-Harburg, et à partir de 1860 une usine du
français Hutchinson à Mannheim a commencé à fabriquer des chaussures imperméables à base
de caoutchouc. De nombreuses autres suivirent dans toute l’Allemagne. En 1895, il y eut 339
usines de caoutchouc en Allemagne avec 12 500 employés, dont 45 grandes entreprises de plus
de 50 employés.40 Elles produisaient une large gamme de produits allant des peignes aux textiles
imperméables, des tubes, des sangles, des bandes, des articles médicaux, des tétines pour bébés,
des tire-lait entre autres.41 Dans les années suivantes, cependant, l’industrie du caoutchouc

38
J. Ferry, 1890, Le Tonkin et la mère-patrie. Témoignages et documents, Paris, Victor-Havard, p. 40
39
Sur l’histoire de du caoutchouc, lire J.-Cl. Maillard, « “Cahuchu” (le bois qui pleure) la “success-story” d’Hevea
brasiliensis », Les Cahiers d’Outre-Mer, numéro thématique : Les plantes américaines à la conquête du monde,
Nos 179-180, 1992, pp. 423-440. En ligne, URL : https://www.persee.fr/docAsPDF/caoum_0373-
5834_1992_num_45_179_3456.pdf, consulté le 03/02/2021 à 00h46.
40
G. Rettenmaier, « Avec du sang et du fer sur du caoutchouch », Die tageszeitung JungerWelt, Édition du 2
décembre 2020, page 12, sujet « Matière première et impérialisme », en ligne : URL :
https://www.jungewelt.de/artikel/391707.rohstoff-und-imperialismus-mit-blut-und-eisen-zum-gummi.html,
consulté le 01er/02/2021 à 01h30. L’article original est en allemand, nous nous sommes servis de Google
translation comme logiciel de traduction.
41
Ibid.
P a g e | 51

connut un développement beaucoup plus dynamique en raison de l’émergence des


pneumatiques pour véhicules routiers.

Il fallut donc se ravitailler abondamment en caoutchouc. La colonisation allemande au


Kamerun fut en partie alimentée par la ruée vers le caoutchouc. Ce qui ne fut pas sans
conséquence : sur la population d’abord, contrainte de travailler dans les champs, dans la
construction et l’entretien des voies de communication ; ensuite sur le type de transports
développés dans la colonie ; enfin sur la spécialisation des différents ports maritimes.

Les deux sociétés commerciales hambourgeoises Woermann ainsi que Jantzen et


Thormälen, actives sur la côte camerounaise depuis les années 1860, achetèrent d’abord des
produits tels que l’ivoire et l’huile de palme à des intermédiaires africains. À partir des années
1890, leurs préférences s’orientèrent de plus en plus vers le caoutchouc.42 Ainsi, la politique
coloniale allemande tira son origine de visées économiques. Logiquement, ces dernières
influencèrent la politique des transports de cette période.

II. La politique allemande des transports au Kamerun

Le Reichskanzler Bismarck était d’abord un adversaire décidé du colonialisme, à


l’encontre de la tendance dans le reste de l’Europe. Ceci était la conséquence tout autant de sa
politique extérieure qu’intérieure. Après une période marquée par de nombreuses guerres,
Bismarck suivait une politique d’équilibre, que des conquêtes coloniales auraient mise en
danger.43 D’après G. Valbert44, le chancelier aurait même prononcé ces mots : « Je ne veux
point de colonies. Pour nous autres Allemands, des possessions lointaines seraient exactement
ce qu’est la pelisse de zibeline pour certaines familles nobles de Pologne qui n’ont pas de
chemises. » 45 Valbert affirme que cette opinion s’accordait avec celle de la nation allemande,
« qui paraissait peu disposée à courir des aventures d’outre-mer, à prendre sa part des joies et
des douleurs attachées aux entreprises coloniales. »46 Pourtant, c’est grâce à l’œuvre
d’unification de l’Allemagne menée par Bismarck qu’en un quart de siècle l’industrie et le

42
Ibid.
43
H. U. Wehler, Bismarck und der Imperialismus, Köln, Berlin: Kiepenheuer und Witschp, 1969, p. 423, cité par
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 43.
44
G. Valbert est le pseudonyme qu’utilise Victor Cherbuliez dans la Revue des Deux Mondes. Né à Genève, il est
naturalisé français en 1880 et entre dès l’année suivante à l’Académie française. Auteur de nombreux romans, il
publie aussi des ouvrages de critiques. Source : https://www.nietzsche-en-france.fr/publications-sur-
nietzsche/valbert/, consulté le 26/05/2020 à 03h46.
45
G. Valbert, « La politique coloniale allemande », Revue des Deux Mondes (1829-1971), Troisième période, Vol.
66, No. 1 (1er novembre 1884), p. 199.
46
Ibid.
P a g e | 52

commerce de l’Allemagne prirent un essor considérable. Dès 1870, le nouvel Empire multiplia
ses usines, ses fabriques, ses manufactures de toutes espèces.47

Ainsi, sous la pression des commerçants influents, à l’instar de Woermann, Bismarck


changea de politique. À côté de ce lobbying pour des intérêts particuliers, émergea en
Allemagne, dans les années 1870, un cercle de gens convaincus que le seul moyen de sortir de
la dépression était la conquête de colonies.48 Plusieurs organisations naquirent dans ce sens,
parmi lesquelles, la Deutsche Kolonialgesellschaft (DKG)49.

C’est donc soumis aux principes économiques et à la pression de ses industriels que
l’Allemagne s’engagea dans l’aventure coloniale. Sa politique des transports fut justement à
l’image de ce mouvement, ancré dans l’agriculture et le commerce. Ces lignes de W. H. Solf,
ancien Secrétaire d’État au Ministère des affaires étrangères et à l’Office impérial des colonies
en Allemagne, en donnent un aperçu :

Notre empire colonial devant nous approvisionner en matières premières et rendre plus puissante notre
situation dans le monde économique en se mettant au service de notre commerce et de notre marine
marchande, il ne suffit pas que nous utilisions la seule force productive du capital ; il faut aussi que nous
développions celle du travail. […] Mais ce n’est pas seulement la transformation de l’homme qui doit être
la base de la colonisation, c’est aussi la transformation de la nature. Et il est aussi difficile de mettre ses
dons en œuvre que ceux de l’homme. Il faut déboiser les forêts vierges, dessécher les marécages, faire
des routes, construire des chemins de fer. Tels sont, en peu de mots, quelques-uns des travaux qui
incombent aux peuples colonisateurs s’ils veulent tirer profit de leurs colonies. 50

Avec les industriels et les commerçants comme principaux instigateurs, on peut


considérer que la politique coloniale n’était en fait qu’un combat de répartition de ressources
étatiques dans une phase de restructuration du système économique allemand. Un petit groupe
économique réussit à engager l’État dans une politique lui garantissant des possibilités de profit

47
Lire J.-L. De Lanessan, L’Empire germanique sous la direction de Bismarck et de Guillaume II, Paris, Librairie
Félix Alcan, 1915. En ligne, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k112788x.pdf, consulté le 03/02/2021 à
02h34.
48
Ibid.
49
La Deutsche Kolonialgesellschaft (DKG), que l’on peut traduire en français par la Société coloniale allemande,
a été créée en 1887 par la fusion de la Gesellschaft für Deutsche Kolonisation (1884) et de la Deutschen
Kolonialverein (1882). Cette société, grâce à ses départements nationaux et à l’étranger, était la plus grande et la
plus influente association de ce genre dans l’empire allemand et la République de Weimar. L’une des subdivisions
de la DKG étaient le Kolonialwirtschaftliches Komitee (Comité économique colonial) (1896). Ce dernier avait
notamment pour objectifs : la promotion de la production de matières premières dans les colonies dans l’intérêt de
l’industrie nationale et de la nutrition populaire ; l’augmentation des ventes de produits industriels nationaux, en
particulier ceux de l’industrie des machines dans les colonies ; le développement du trafic avec et dans les colonies,
en particulier le réseau ferroviaire.
Source : en ligne, URL : http://www.ub.bildarchiv-dkg.uni-frankfurt.de/Bildprojekt/DKG/DKG.htm, consulté le
27 octobre 2019 à 15h52.
50
W. H. Solf, Politique coloniale. Mon testament politique, Berlin, Reimar Hobbing, 1919, pp. 26-27
P a g e | 53

très avantageuses, cela en appuyant sur le levier patriotique.51 Ce furent donc surtout des intérêts
particuliers qui dirigèrent la politique coloniale et par ricochet, la politique des transports,
puisque la tendance principale dans la politique coloniale était d’offrir aux intérêts économiques
des conditions favorables à leurs entreprises coloniales, c’est-à-dire d’abord la pacification, des
infrastructures, l’administration coloniale et cela sans participation financière de la part des
acteurs privés.52 Ceux-ci cherchaient au Cameroun des débouchés pour leur surproduction, une
amélioration de leurs conditions d’approvisionnement et cela à des coûts aussi faibles que
possible.

Quels que furent les motifs pour lesquels Bismarck engagea l’empire dans l’aventure
coloniale, une constance demeura : les potentialités d’enrichissement qu’offraient les côtes
camerounaises pour les hommes d’affaires allemands furent l’une des raisons principales de
cette annexion. Deux textes nous permettent de mieux comprendre les choix coloniaux
allemands :

 Texte 1 :
L’élément le plus important de la colonisation est son bénéfice pratique. Nous devons une fois pour toutes
maintenir le principe que nos colonies doivent ouvrir des débouchés nouveaux pour le commerce
allemand et l’industrie allemande. Le capital allemand n’a pas pour tâche de servir les efforts humanitaires
et religieux, certes louables, mais souvent très peu pratiques et même nuisibles. Un état ne doit pas céder
à de telles aspirations, sinon il risque de déclencher des guerres sanguinaires et de pousser le pays à la
ruine.53
 Texte 2 :
Colonisation, qu’il s’agisse de colonies de plantation ou de colonies de peuplement, veut dire la mise en
exploitation du sol, de ses trésors, de la flore, de la faune et surtout des hommes au profit de l’économie
de la nation colonisante. Celle-ci, en revanche, est obligée à transférer sa culture supérieure, ses concepts
moraux, ses méthodes plus efficaces. Avec tout cela seront installés une autorité nouvelle, une langue
nouvelle, un droit nouveau et avant tout une foi nouvelle, des concepts de morale nouveaux, l’école, qui
dans leur ensemble jetteraient même un Européen dans le désarroi. Mais c’est l’indigène qui est l’objet le
plus important de la colonisation, particulièrement dans toutes nos colonies de plantation. Puisque, Dieu
merci, l’esclavage est aboli et la main d’œuvre adaptée ne peut être trouvée que par voie de contrat dans
d’autres colonies ou dans nos propres possessions et puisque la prestation manuelle des indigènes
constitué l’actif le plus important, une tâche d’importance capitale se présente.
Autrefois, la colonisation était basée sur des moyens de destruction alors qu’aujourd’hui on peut coloniser
avec des moyens de conservation. Le missionnaire en fait partie, aussi bien que le médecin, le chemin de
fer, la machine, autrement dit les sciences supérieures, tant théoriques qu’appliquées, dans tous les
domaines.54

51
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 45.
52
Ibid.
53
S. Passarge, Adamawa. Rapport de l’expédition du comité allemand pour le Cameroun au cours des années
1893-1894, Paris, Karthala, 2010 (1895), p. 527.
54
B. Dernburg, Zielpunkte des deutschen Kolonialwesens, Berlin, Vorträge, 1907, p. 5-10 (Traduction : L.
Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 15).
P a g e | 54

Le Cameroun était donc considéré par les Allemands comme débouché et marché de
production, il ne pouvait réaliser cette double vocation en l’absence d’un système de
communications régulier et relativement peu onéreux, entre les lieux de production et les lieux
de consommation. La circulation des biens était au centre des intérêts économiques et politiques
du protectorat. Mais en attendant qu’une solution définitive fût trouvée à ce grave problème,
l’évacuation des produits de l’arrière-pays sur la côté, continuait à se faire à dos d’hommes. Les
inconvénients de ce mode de transport rendaient encore plus sérieux du fait de la précarité des
routes capables d’assurer, en toutes saisons, le passage des caravanes. En menant dès les
premières années du protectorat, une campagne intense en faveur de la construction des routes,
le gouvernement cherchait donc avant tout le moyen de faciliter le déplacement des porteurs.
Les dimensions d’une si grande entreprise ne pouvaient être étreintes par les faibles moyens
financiers dont disposait l’Administration locale ; celle-ci dut mettre à profit toutes les
occasions qui s’offraient à elle, pour hâter et étendre la construction des routes.

Les objectifs de l’économie coloniale au Cameroun comme dans les autres colonies,
étaient donc orientés vers l’approvisionnement des métropoles en biens d’exportation d’ordre
agricole ou minier, et vers la création de nouveaux débouchés pour les produits industriels ou
autres des métropoles. Les produits destinés à l’exportation ne devaient pas être traités sur place,
l’établissement d’une industrie manufacturière n’étant pas prévu. De même, une modernisation
de l’agriculture, des cultures et des méthodes de traitement des sols, et en général une
amélioration des conditions de vie de la population n’entraient pas dans la politique économique
du pouvoir colonial. Par conséquent, deux économies parallèles se sont constituées : d’une part,
l’économie coloniale, orientée vers les besoins ou demandes du colonisateur ou du marché
mondial et profitant d’investissements continus ; d’autre part, l’économie locale, destinée à
procurer des biens de consommation locale, n’était pas censée profiter d’investissements. Au
contraire, la main-d’œuvre et des sols lui étaient retirés.55

L’économie coloniale profita d’investissements stratégiques considérables par la


construction de routes, l’agrandissement et l’aménagement du port de Douala, la construction
de lignes de chemin de fer, de ponts, la mise en place de l’industrie du bois ou l’établissement
de plantations dont les sociétés de plantations furent les bénéficiaires. En même temps une

55
Lire L. Famechon, Étude politique…, 1916, p. 135-152.
P a g e | 55

main-d’œuvre abondante, mal payée et sans droits, était mise à sa disposition pour les travaux
de construction, le portage, les services ou le travail des plantations.56

La construction de ports, de routes et de chemins de fer était une préoccupation majeure


de la politique économique de tous les pouvoirs coloniaux, comme le rappelle Leonhard
Harding, qui cite le Deutsches Koloniallexikon à propos du Kamerun :

À cause des conditions climatiques, le [Kamerun], à l’exception de quelques parties du plateau, ne pourra
pas devenir une colonie de peuplement. Pour les Européens sa valeur économique consiste principalement
dans sa fonction de débouché et de producteur. Or les importations et les exportations exigeront à côté
des capacités naturelles de production une liaison entre les sites de production et les sites de
consommation. C’est pourquoi le problème de l’infrastructure et du trafic est au premier plan des intérêts
économiques.57

Le but visé par chaque infrastructure des transports était défini et détaillé par
l’administration coloniale et les représentants des acteurs économiques sur place, à savoir par
le Gouverneur et son Conseil (Gouvernementsrat en allemand) ainsi que par des représentants
des sociétés de concessions, des sociétés de plantation, des maisons de commerce et des
entrepreneurs ou planteurs individuels européens.58 Ces constructions devaient servir le
fonctionnement et l’amélioration du commerce extérieur et l’administration de la colonie. Elles
n’étaient pas orientées vers les besoins ou souhaits de la population locale.

Pendant la première décennie de la colonisation du Cameroun entre 1884 et 1904,


l’administration entreprit de promouvoir les intérêts des entreprises coloniales aux dépens de la
population locale, avec des moyens et un impact modeste. L’objectif était d’étendre les activités
commerciales vers l’intérieur du pays. À partir de la fin des années 1880, des expéditions vers
l’intérieur du pays furent entreprises, dans le but de briser le monopole de commerce des Duala.
À partir de 1894, une troupe militaire allemande débarqua au Cameroun afin de soutenir ces
efforts. Les populations du Kamerun réagirent en général avec hostilité à la pénétration
allemande voyant leurs intérêts commerciaux menacés. La soumission des peuples qui se
révoltaient, n'était en général pas trop difficile grâce à la supériorité des armes européennes. On
peut considérer que dès 1905, tous les monopoles commerciaux étaient brisés.

Le but de la troupe militaire était aussi l’expansion de la domination allemande jusque


vers le Lac Tchad dans l’espoir d’y trouver les marchés fabuleux dont certains voyageurs

56
L. Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 94.
57
Ibid.
58
Ibid.
P a g e | 56

apportaient les nouvelles. Les Allemands espéraient trouver là un pouvoir d’achat pour les
surcapacités industrielles de l’Allemagne. De plus, ils voulaient se procurer la main d’œuvre
dont les besoins ne faisaient que s’accroitre, en mesure que la colonie s’agrandissait, et
empêcher les flux commerciaux depuis l’arrière-pays camerounais vers le Calabar anglais et le
Gabon français.

Traders were most eager to have the Government break through the native monopoly and gain access to
the wider markets and less expensive products of the interior. The Woermann firm and that of Jantzen &
Thormahlen both petitioned to this end; and the Colonial Society in its annual session urged the
Government to take the steps necessary for getting control of the hinterland. A fear that the French and
the English approaching the interior from the Congo and from the Niger might get the Cameroons'
hinterland trade and cut off all expansion eastward was among the reasons advanced for prompt action.
The program would have called for explorations, for soldiers to protect whites against native monopolists,
for the construction of roads, and for the erection of garrisons to protect trade. 59

Tout ceci ne se faisait pas sans exactions. Si le gouverneur avait le commandement de


l’armée, il ne pouvait parfois que légitimer les faits après coup, les officiers allant de l’avant de
leur propre initiative. Un deuxième mécanisme favorisait un avancement rapide des troupes :
les commerçants par leurs méthodes brutales et leur poussée rapide dans des régions non
administrées, entraînaient facilement des révoltes de la part de la population locale.60 Cela ne
les freinait pas, bien au contraire, car c’est en cas de révolte que le parlement, frileux à l’idée
de financer l’expansion coloniale, devenait le plus généreux pour octroyer des crédits, l’honneur
allemand étant en jeu.61

Les voies de communication, sous la colonisation allemande, servirent donc deux


desseins : le premier, l’expansion économique (recherche des débouchés, évacuation des
produits des plantations entre autres) ; le second, la conquête militaire du territoire qui, elle
aussi, eut une visée économique. Tous les travaux entrepris par les Allemands pour créer des
voies de communication furent sous la supervision d’un service de travaux publics dirigé par
un référent.62 Mais avant que de construire une route, un port ou un chemin de fer, il fallut
trouver des sources de financement. Puisque ces dernières manquaient, un seul budget fut
élaboré pour toutes colonies.

Early budgets had very few items, the grants being made in lump sums that permitted a large measure of
freedom in their expenditure. It was a necessary device at a time when the complete lack of colonial
experience made impossible any itemization of appropriations. The first regular budget provided for a

59
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons…, 1938, pp. 144-145.
60
M. Fark-Grüninger, « La transition économique à l’Ouest… », 1995, p. 48
61
Ibid.
62
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun sous l’administration publique française de 1922 à 1960 :
mutations économiques et sociales », thèse de doctorat en Histoire, Université de Yaoundé I, 2006, p. 36.
P a g e | 57

joint grant to all three colonies in West Africa, Togo, the Cameroons, and South-West Africa, without
itemizing expenditures for the individual colonies. Later, separate budgets for each colony were made
out, although colonial budgets were parts of the Foreign Office budget until 1907. With the passing of
time a stricter allocation of funds was required by detailed specification. 63

Le budget devint consistant au fur et à mesure que l’entreprise de l’administration se


raffermit sur le territoire et que les tâches à la fois administratives et financières se
diversifièrent. Le représentant de la firme Woermann émit le vœu, en 1887, d’élaborer un
budget à partir d’emprunts, des dons du gouvernement impérial et des ressources financières
du territoire.64 Ainsi, ce sont les prêts publics qui permirent le lancement des chantiers de
travaux publics à partir de 1905. L’administration coloniale pouvait aussi faire des demandes
de prêts au Reichstag pour son programme d’équipement du territoire et s’assurer ainsi le
financement de ses projets. Le territoire disposait également de recettes propres provenant en
partie des taxes qui frappaient les produits à l’exportation et à l’importation, mais aussi des
amendes et patentes diverses :

Le financement de cette administration coloniale se faisait d’abord par des crédits assez modestes de
l’Allemagne, et par les recettes fiscales internes. À partir de 1885, des impôts étaient prélevés sur
l’exportation d’huile de palme et de palmistes, à partir de 1887 remplacé par un impôt sur l’importation
de certains biens. À partir de 1900, un impôt général à l’importation était prélevé, et entre 1899 et 1913
également sur l’exportation de caoutchouc. À partir de 1903, l’administration coloniale introduisit un
impôt pour les camerounais sous forme d’impôt de capitation, au début seulement auprès des Doualas,
ensuite à partir de 1907 dans tout le sud du pays. Ce délai s’explique par l’opposition majeure des Doualas
envers cet impôt. En partie le recouvrement des impôts de capitation était délégué aux chefs qui recevaient
jusque 10% de la somme collectée. Malgré l’opposition initiale, les recettes collectées ont rapidement
atteint des proportions importantes. Suite à cette introduction de l’impôt de capitation, le financement de
l’administration reposa de plus en plus sur la population locale plutôt que sur les activités européennes.65

Il faut aussi noter que certaines dépenses extraordinaires étaient financées grâce à un
fonds africain, dont les objectifs étaient le financement des études scientifiques, l’exploration
et l’amélioration des conditions de navigation dans certaines rivières du Kamerun.66

C. Les types de transports sous le protectorat allemand

Entre 1884, année de signature du traité de protectorat, et 1906, année du début de la


construction du chemin de fer, les Allemands rencontrèrent de nombreuses difficultés qui ne
leur permirent pas d’entamer rapidement l’exploitation du territoire. Il s’agit entre autres :

63
H. R. Rudin, Germans in Cameroons…, 1938, p. 144.
64
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 58.
65
M. Fark-Grüninger, « La transition économique…», 1995, p. 47.
66
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 59.
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 De l’hostilité des populations de la côte, principalement des Duala, qui refusèrent


d’abandonner leur monopole commercial. Une lettre signée des « chiefs of
Cameroons » est reprise par Harry Rudin. Elle énonce les réserves des chefs quant
au fait de voir les Allemands aller au-delà de la côte : « Our wishes is that white men
should not go up and trade with the Bushmen, nothing to do with our markets, they
must stay here in this river and they give us trust so that we will trade with our
Bushmen ».67
 Des résistances des populations de l’intérieur à la pénétration européenne sur leurs
territoires.68 La première résistance fut celle des Bakoko et Bassa. Ensuite, à mesure
que les Allemands progressèrent dans l’intérieur du territoire, les résistances se firent
plus accrues : les Mabea de 1887 à 1889 ; chez les Bulu et les Ewondo entre 1894 et
1900 ; chez les Bangwa, Bandeng, Bafout en 1901, chez les Maka de 1904 à 1907.
« Ce n’est qu’en 1903 que la puissance occupante put contrôler la majeure partie de
son protectorat. Mais jusqu’en 1911, dans la région de Bafia, des escarmouches
continuaient à opposer les troupes allemandes à des groupes d’insurgés ».69 Ainsi,
l’Allemagne n’eut que cinq ans de maîtrise totale du territoire. Il est donc nécessaire
de ne pas perdre cela de vue dans l’évaluation de leur œuvre au Kamerun.
 De la délimitation tardive des frontières avec l’Angleterre et la France. Là encore,
c’est en 1911 que les frontières furent définies. A. F. Dikoumé révèle qu’ « il était
difficile pour les Allemands, […] de faire des estimations suffisamment précises de
la richesse de certaines régions et partant, de juger de l’opportunité d’y construire des
voies ferrées, des routes ou des bâtiments à vocation sociale ou administrative. »70
 De l’inexpérience des fonctionnaires allemands, affectés en colonies par un
gouvernement qui ne s’était pas préparé à l’entreprise coloniale.71

Les Allemands purent tout de même agir sur le territoire. Les transports routiers furent
principalement marqués par le portage. Préexistant à la colonisation, il connut une grande
augmentation durant cette période. Au portage furent associées des routes pour les
déplacements de véhicules roulants. Cependant, le climat tropical qui caractérise le Cameroun
n’offrait pas une praticabilité en tout temps de ces routes. L’entretien en était donc coûteux.

67
H. R. Rudin, Germans in Cameroons…, 1938, p. 423.
68
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 60.
69
Ibid. p. 61.
70
Ibid.
71
Ibid. p. 62.
P a g e | 59

Dès lors, les colons pensèrent aux voies ferrées pour l’évacuation des denrées issues des grandes
plantations. Là aussi, l’œuvre fut freinée par les coûts élevés. Les voies fluviales apparaissaient
alors comme une des alternatives les moins coûteuses. À la fin du protectorat en 1916, ces
différentes voies, routières, ferroviaires et fluviales, constituaient quasiment une chaîne de relai,
de telle sorte qu’à une route, se substituait un fleuve, qui lui-même rejoignait une route donnant
accès au rail et finalement à la mer.

I. Les transports terrestres

1. Le portage, « point de départ de l’économie coloniale »72 allemande au


Kamerun

En l’absence des réseaux routier, fluvial et ferroviaire, le gouvernement et les maisons


de commerce recouraient à des porteurs locaux pour le transport de produits d’exportation. Un
règlement détaillé avait défini en 1908 les conditions de portage. Celles-ci prescrivaient entre
autres que les porteurs devaient transporter une charge allant jusqu’à 30 kilos.73 Si l’on y ajoutait
le ravitaillement (5 kilos) et le poids de leurs affaires personnelles on en arrivait à une somme
totale de presque 40 kilos74, ce qui constituait une charge considérable.

La deuxième caractéristique de ce décret est qu’il règlementait étroitement les


conditions du portage : la supervision des porteurs par les guides, le contrôle par les stations de
passage, les possibilités de repos et les modalités du repos nocturne, le poids des charges et le
temps de travail, tous des éléments que les porteurs ne pouvaient pas modifier.

Décret, concernant le règlement du portage, 4 mars 190875

Article 1 : Seules des personnes adultes, saines et capables de travailler peuvent être engagées comme
porteurs.
La charge maximum à porter par porteur ne doit pas dépasser les 30 kilos. De plus, 5 kilos de nourriture
ou de produits de troc pour l’achat de ravitaillement peuvent être ajoutés.
Par dix porteurs, un porteur de remplacement doit être engagé.
§ 2 Chaque caravane (groupe de deux ou plus porteurs) doit être dotée d’un guide, nommé expressément
par l’employeur ou son agent.
Au départ d’un porteur ou d’une caravane l’employeur ou son agent doivent les munir d’une carte datée
et signée contenant :
- le nom de l’employeur ;
- le nom du guide de la caravane ou du porteur, le nombre des porteurs et leur appartenance tribale ;
- le nombre de charges ;
- le jour du départ ;

72
Nous empruntons cette expression à A. F. Dikoumé, « Le portage… », 1985.
73
Ibid., p. 8.
74
L. Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 101.
75
Ibid. Lire aussi L. Famechon, Étude politique…, 1916, pp. 125-132.
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- la destination ;
- les stations à passer ;
- le nombre des jours de ravitaillement.

§ 4 Les caravanes doivent se signaler en groupe aux stations et postes.
§ 5 Les expéditeurs et guides des caravanes de porteurs doivent munir celles-ci, selon les circonstances,
d’argent liquide, de produis de la terre ou de troc en quantité suffisante. Le gouverneur peut, après
consultation avec l’administration locale, fixer un montant du ravitaillement pour certains districts. …
§ 6 Les localités proches des routes caravanières sont obligées à livrer aux caravanes le ravitaillement
fixé par l’administration ou au prix de l’usage local. Si elles en sont incapables, elles doivent se procurer
une attestation des autorités de leur district….
Ces autorités doivent en informer les firmes au plus tôt.
§ 7 Des porteurs individuels ne sont pas autorisés à passer la nuit dans les localités, si celles-ci sont dotées
d’auberges. Dans les autres localités les chefs doivent si possible procurer un abri. Une somme de 5
Pfennig par porteur et par nuit doit être versée au chef.

Article 10 : Pour atteindre leur lieu de destination ou les postes de passage prescrits, il est interdit aux
porteurs de mettre plus de temps que celui fixé et annoncé par le gouvernement. Pour les trajets non
encore fixés, un total de trois, au maximum quatre heures de marche en moyenne, est prévu. Après cinq
jours de marche un jour de repos est admis….

Buéa, le 4 mars 1908, Le Gouverneur Impérial : Seitz.

Ce décret fixait aussi le nombre de jours de marche pour chaque trajet. En voici
quelques-uns au départ de Bamenda :

Tableau n° 1: Les trajets au départ de Bamenda et les jours de marche prévus

Trajets Temps maximal (jours de


repos inclus)
Bamenda – Dschang 4
Bamenda – Yabassi (via Dschang) 14
Bamenda – Mundame (via Dschang) 15
Bamenda – Mundame (via Bali) 12
Bamenda – Dibombari (via Dschang) 18
Bamenda – Dibombari (via Bali) 14
Bamenda – Soppo (via Dschang) 17
Bamenda – Soppo (via Bali) 14
Bamenda – Victoria (via Dschang) 18
Bamenda – Victoria (via Bali) 15
Bamenda – Bangangte 9
Bamenda – Tinto (via Fontemdorf) 6
Bamenda – Tinto (via Bali) 5
Bamenda – Bascho (via Widekum) 7
Bamenda – Kentu 8
Bamenda – Kumbo (Banso) 4
Bamenda – Banjo (via Kumbo) 11
Bamenda – Banjo (via Foumban) 14
Bamenda – Foumban 5
Bamenda – Joko 14
Source : L. Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 103.

Les commanditaires passaient deux types de contrats avec les porteurs : « ceux qui
s’engageaient pour six mois seulement avaient un salaire de six marks par mois, ceux qui
P a g e | 61

optaient pour huit ou douze mois gagnaient respectivement huit et neuf marks par mois. »76
Albert François Dikoumé nous fait savoir que les porteurs recevaient la moitié de leur salaire
pendant que courait leur contrat et le reste à son expiration.77

Pour justifier cette pratique, les employeurs arguaient souvent qu’ils agissaient ainsi, non seulement afin
de protéger leurs propres intérêts en empêchant l’autre partie de s’enfuir avant l’expiration du contrat,
mais aussi ajoutaient-ils cyniquement, parce qu’ils voulaient protéger leurs porteurs contre leurs propres
excès et la rapacité des chefs traditionnels qui n’hésitaient pas à confisquer leurs revenus. C’était une
excuse bien facile qui arrangeait les traitants. Elle leur permettait non seulement de faire chanter les
porteurs en agitant l’épouvantail du retour au village sans pécule, mais ils réalisaient aussi des économies
en renvoyant leurs salariés pour des vétilles quelques jours avant l’expiration du contrat. […] Les porteurs
étaient en grande partie payés en produits importés. L’administration coloniale essaya, mais en vain, de
faire accepter aux employeurs d’intéresser leurs employés en espèces. 78

En effet, l’arrêté du 17 avril 1907 fixait les modalités de payement de ces travailleurs.
Ainsi, « tout employeur [était] tenu de payer en argent liquide le salaire intégral de ses serviteurs
ou travailleurs. Il [pouvait] leur fournir des vivres en nature, mais non leur avancer des
marchandises à crédit, à valoir sur leur salaire à venir. »79 Les peines encourues par les
contrevenants étaient : une amende de 150 à 1000 marks pour les européens ; et la prison pour
les indigènes, selon le code de l’indigénat.80

Il faut pourtant préciser que les abus sur le salaire n’étaient qu’une partie de ce que
subissaient les porteurs. Dans l’Ordonnance sur le travail du 24 mai 1909, il était recommandé
aux employeurs de prendre soin de la santé des porteurs. Ainsi, les ouvriers devaient être logés,
nourris et soignés gratuitement.81 La suite de l’Ordonnance se voulait plus précise quant à la
prise en charge sanitaire des ouvriers :

Tout employeur qui [avait] à son service plus de 50 ouvriers [devait] construire une salle d’infirmerie
pour les malades et une salle d’isolement pour les contagieux. […] En outre, l’entretien d’un infirmier
noir [était] imposé aux employeurs de 100 à 500 travailleurs, et un médecin ou au moins un infirmier
blanc à ceux dont le personnel [dépassait] cet effectif. 82

La même ordonnance recommandait aux employeurs de faire vacciner leurs porteurs.

Plus intéressés par les bénéfices pécuniaires que par le sort de leurs employés, l’essentiel
des lois édictées par les gouverneurs ne furent jamais respectées. Les conditions de vie

76
A. F. Dikoumé, « Le portage… », 1985, p. 8.
77
Ibid.
78
Ibid.
79
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 125.
80
Ibid.
81
Ibid, p. 128.
82
Ibid.
P a g e | 62

générales des porteurs demeuraient précaires. Les risques de santé dans un environnement
inconnu, loin du village d’origine et de la famille, n’étaient pas pris en considération.

Une catégorie de la population semble encore moins bien lotie que les ouvriers agricoles : celle des
porteurs. Le portage constitue réellement le fléau social des premières années de la colonisation. À
l’époque où les voies de communications sont encore embryonnaires, seules existent les pistes
piétonnières, d’où un va-et-vient incessant de colonnes interminables de porteurs entre la côte et
l’intérieur du pays. Hommes, femmes et enfants sont réquisitionnés à cet effet, sans égard à leur
constitution physique ni leur état de santé, ce qui provoque le quasi-dépeuplement de nombreux villages
de la zone forestière du Cameroun, par suite de l’éloignement forcé de la main-d’œuvre et par une baisse
de la fécondité due aux séparations des couples, mais aussi par une mortalité très élevée. De plus, les
populations des régions traversées se plaignent souvent des comportements des porteurs étrangers à la
région et le portage a été considéré comme un vecteur important des maladies vénériennes, ce qui est tout
à fait comparable au rôle attribué aux transporteurs modernes en la matière. 83

Être porteur était un métier difficile. Il fallait traverser des milieux hostiles. Le portage
vidait les villages et semait la famine.84 Compte-tenu de l’importance économique des
transports, il fallait malgré tout encourager les populations à s’engager dans le portage. Ainsi,
les porteurs de l’armée et de la police par exemple, étaient exonérés de l’impôt de capitation,
tout autant que les ouvriers recrutés par l’administration et affectés aux travaux de construction
des chemins de fer.85 Face à la nécessité d’une exploitation intensive des ressources du
territoire, le portage s’avéra bien vite inapproprié.

Les porteurs parcouraient de longues distances avec des charges lourdes pour eux, et
moindres au regard des besoins des commerçants et des exploitants de plantations. De plus, la
précarité des pistes, impraticables en toute saison, rallongeait la durée du parcours. N’ayant pas
toujours la nourriture nécessaire à leur subsistance, les porteurs se livraient à des pillages dans
les plantations le long de leur route. Ce qui générait des pertes pour l’employeur, obligé de
payer les dégâts causés par ses employés. Enfin, les dépenses liées au portage devenaient de
plus en plus lourdes, de sorte que les « bénéfices commerciaux devaient nécessairement
diminuer en proportion de l’éloignement des régions productrices par rapport à la côte ».86 Il
faut ajouter à ces contraintes que, certains produits tels que le bois n’étaient pas exploités car

83
P. Gubry, « Contribution à l’histoire de la mortalité au Cameroun (1890-1914). L’apport de Kuszinsky », in J.
Némo (éd), Populations du Sud et santé : parcours et horizon : hommage à Pierre Cantrelle, Paris : ORSTOM,
1995, p. 164-165.
84
Les premières années [de la colonisation allemande] on s’était contenté du portage. Ce fut un véritable fléau
pour le pays, car cette corvée se pratiquait dans des conditions inhumaines et les pistes de caravanes furent de tout
temps jalonnées de cadavres. La guerre trouvera le portage aussi vivace qu'au début, malgré le développement du
réseau routier. Entre Yaoundé et Kribi, en 1913, près de 80 000 porteurs s’épuisaient pour relier l’arrière-pays à la
côte. À Lolodorf quotidiennement, on voyait passer mille porteurs chargés du caoutchouc des forêts de
Yokadouma. (Source : E. Mveng, Histoire du Cameroun, Yaoundé, CEPER, 1963, p. 322).
85
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 182.
86
F. Etoga Eily, Sur les chemins…, 1971, p. 268.
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ne pouvant pas être acheminés vers la côte. Une autre constance en rajoutait aux inconvénients
du portage, les abus des entreprises, qui donnaient aux porteurs des charges plus lourdes que ce
qu’autorisait la réglementation.87 Dès lors se posa la nécessité de construire des voies de
communication plus modernes, dans une zone où l’exploitation économique était basée sur le
commerce et les plantations.

2. Les transports ferroviaires, une solution à la problématique de la main


d’œuvre

À mesure que les grandes factoreries s’installaient, et que les plantations grandissaient
en superficie, le problème de main-d’œuvre se posait, marqué par une concurrence entre les
sociétés commerciales et les plantations. Les premières avaient besoin de porteurs pour apporter
le caoutchouc de la forêt vers la côte, et en emporter les marchandises européennes. Les
secondes par contre, souhaitaient conserver une main d’œuvre permanente. Engelbert Mveng
estime par exemple que pour la région de Mungo, il fallait 20 à 50 000 porteurs pour le trafic
commercial et les grandes concessions, et 5 à 10 000 manœuvres dans les plantations de Tiko,
Kumba, Mbanga et Njombé.88 Cette situation poussa l’administration allemande à mettre en
chantier un programme de voies de communication plus efficaces que le traditionnel portage.

La création des nouvelles plantations et l’augmentation du commerce met à jour un nouveau problème
entre les commerçants et les planteurs. La rude concurrence qu’ils se livrent favorise les commerçants par
des conditions de travail exécrables dans les plantations. Beaucoup de travailleurs les abandonnent pour
chercher des emplois dans le secteur du transport des marchandises vers la côte. Occasionnellement, ces
deux groupes rivaux coopèrent pour soutirer au gouvernement les travailleurs du chemin de fer. 89

Il est nécessaire de préciser que la deuxième phase de l’exploitation du Kamerun


s’amorce avec l’arrivée à la Chancellerie de Bernhard Heinrich Martin Karl Von Bülow en
1900. Il inaugure la politique pangermaniste en rupture avec le continentalisme de Bismarck.90
La politique coloniale s’identifie à la Weltpolitik (politique mondiale) du Kaiser Guillaume II.
En 1906, le chancelier sélectionne personnellement le Dr Bernhard Dernburg comme secrétaire
d’État aux Colonies. Il a pour mission de ressusciter et de populariser le sentiment colonial

87
J. Champaud, Villes et campagnes du Cameroun de l’ouest, Éditions de l’Office de la Recherche Scientifique
et Technique Outre-Mer, Collection Mémoires, N° 98, Paris, 1983, p. 63.
88
Ibid.
89
F. Eyelom, « Origines et circonstances immédiates du partage du Cameroun entre la France et l’Angleterre
pendant la Première Guerre mondiale », Thèse de doctorat PhD en Histoire, Université de Montréal, 1997, p. 80.
90
Lire J. Flonneau, « L’Empire allemand (1871-1918) », in Flonneau J., Le Reich allemand : De Bismarck à Hitler,
1848-1945, Paris: Armand Colin, pp. 11-91.
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allemand, et de rebâtir minutieusement l’administration politique et économique des colonies.91


Dès lors, certaines mesures de protection des natifs entrent en vigueur, telles que l’abolition des
travaux forcés et la suppression de la flagellation. Des projets de grands travaux, en particulier
celui des chemins de fer, sont élaborés pour contourner l’épineux problème des routes dans les
colonies. Dernburg croit fermement que la « politique du rail » s’impose pour rentabiliser les
colonies.92

Le développement des transports ferroviaires au Cameroun, au début de la Première


Guerre mondiale, était de moindre envergure que dans les autres colonies allemandes. La raison
principale était que, du point de vue du génie technique, la mise ne place d’un système de voies
ferrées se heurtait aux barrières naturelles qu’étaient les énormes montagnes et les zones
marécageuses et les forêts du centre et du sud de la colonie. Ce qui supposait d’énormes pertes
financières.

In 1901-2 financiers and others interested in the construction of a railroad in the Cameroons got their
preliminary concession from the Government, having the promise of a permanent one after a route with
all necessary details had been given official approval. Their plan called for the construction of a line
from Victoria into the hinterland of Mt. Cameroon. It was abandoned in 1901 because of a wish not to
compete with the narrow-gauge railroad being built by the large Victoria Plantation Company. In 1904
the actual survey of a second route was begun in the colony. It was to be constructed from Bonaberi, the
native village across the Cameroon River from Douala, and was to run north-east into the Manenguba
hills. The actual survey discovered that the railroad would cost a good deal because swamps, ravines,
and hills necessitated numerous bridges and devious routings. The backers of the project were unwilling
to run the risk that so expensive a railway should fail and they therefore asked the Government to
guarantee the investment of the Kamerun Eisenbahngesellschaft against loss […]. On May 4th, 1906,
however, the bill guaranteeing the investment against loss was passed. 93

Ainsi, en 1905, fut fondée la Société du chemin de fer du Cameroun, la Kamerun-


Eisenbahn Gesellschaft.94 Son capital était de 16 640 000 marks, et provenaient entièrement de
sociétés privées.95 Le projet de construction du Kamerun Nordbahn reliant Bonabéri (Hickori
town) au Mt Manengouba fut approuvé par le Reichstag le 4 mai 1906. Un premier tronçon de
ligne, long de 89 km fut ouvert au trafic le 1er août 1909, et le 1er avril 1911, le chemin de fer
atteignait Nkongsamba. Plus de 2300 personnes travaillaient sur le chantier, manœuvres

91
F. Eyelom, « Origines et circonstances immédiates du partage du Cameroun… », 1997, p. 74.
92
Ibid.
93
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons…, 1938, p. 239.
94
L. Famechon donne des dates différentes. Il situe la création de la compagnie des chemins de fer le 19 juin 1906.
Ce fut, d’après lui, le 6 mars 1907 que la construction de la ligne Douala-Mt Manengouba fut confiée à la société
allemande de construction et d’exploitation des chemins de fer coloniaux pour la somme forfaitaire de 16 640 000
marks. La convention fut approuvée par le Chancelier le 6 mars 1907, et donnait un délai de quatre ans pour
l’achèvement du chantier. La ligne fut livrée en totalité à l’exploitation le 1 er avril 1911, avec 40 jours de retard
(L. Famechon, Étude politique…, 1914, pp. 58-59).
95
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 66.
P a g e | 65

originaires de Bamenda, Dschang ou Yabassi, et maçons et charpentiers originaires de


Douala.96 Les travaux de construction furent donc à l’origine d’un déplacement important de
main-d’œuvre dont une partie se fixa ensuite à proximité des 25 gares qui jalonnaient le
parcours Bonabéri-Nkongsamba97, même si sur la carte, elles ne sont pas toutes matérialisées.

Carte 1 : Itinéraire du Nordbahn du Cameroun, d’après un dessin de C. Jurisch et W. Rux

Source : http://www.eisenbahn.tv/2017/06/02/kamerun-eisenbahn-gesellschaft-nordbahn-kolonie/, consulté le


15/10/2019 à 20h54.

Photo n° 3 : Travaux de terrassement réalisés en 1910 dans la région de Ndunge sur la voie ferrée du Nord

Bildarchiv der Deutschen Kolonialgesellschaft, bibliothèque universitaire de Francfort-sur-le-Main numéro de la


photo: 101.3-3053-14. En ligne, URL : http://www.eisenbahn.tv/2017/06/02/kamerun-eisenbahn-gesellschaft-
nordbahn-kolonie/, consulté le 15/10/2019 à 21h30.

96
J. Champaud, Villes et campagnes..., 1983, p. 64.
97
Ibid.
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Bien que les Allemands eussent en projet un prolongement de la voie vers le Nord (d’où
le nom de ce tronçon), ils reculèrent devant les difficultés techniques de la montée sur le plateau
en direction de Dschang.98

La décision de construire la Mittellandbahn fut prise par l’Ordonnance du 18 mai


1908.99 Au premier trimestre 1913, la première section fut ouverte au trafic jusqu’à Bidjoka au
kilomètre 150. La fin des travaux était prévue en fin juillet 1916.100 Le tronçon prévu était :
Douala-Edéa-Mbalmayo, et devait mesurer 283 km. Dans l’esprit de ses concepteurs, cette ligne
était destinée à être l’axe de pénétration économique du pays. Cependant, la décision de prendre
Douala comme point de départ de cette ligne avait suscité des débats. En effet, en 1907 lorsque
le projet voit le jour, il fallait choisir entre Douala et Kribi, villes disposant chacune d’un port.
Toutes deux étaient des carrefours où se croisaient les pistes provenant de l’hinterland. Pour les
commerçants, le point de départ devait être Kribi car elle bénéficiait des mêmes atouts naturels,
géographiques que Douala, qui était déjà tête de ligne de la Nordbahn.

Philippe-Blaise Essomba101 nous explique pourquoi Douala fut finalement choisie par
le ministre des colonies Dernburg :

- Douala disposait d’un meilleur port que celui de Kribi, qui n’était qu’un port de
chalandage, avec un ensablement plus accentué ;
- Douala offrait plus de facilités de transporter les soldats vers l’intérieur du pays ;
- Douala était plus proche du bassin agricole du Moungo ;

Il faut pourtant préciser que le choix de Douala n’était pas qu’économique, il était aussi
politique, comme le précise le gouverneur Théodore Seitz :

Du point de vue politique la construction du chemin de fer Douala-Yaoundé me semblait encore plus
importante. Quoiqu’on puisse atteindre Douala et Yaoundé dans de bonnes conditions en 7 ou 8 jours
(depuis que la route Edéa - Yaoundé est ouverte et qu’on évite le trajet par mer de Douala à Kribi), une
communication directe et indépendante d’influence extérieure entre Douala et Yaoundé est devenue un
besoin irréfutable à cause de l’importance croissante de Yaoundé. On comprenait très bien pourquoi les
firmes qui avaient leurs biens installés à Kribi et dans d’autres places de la côte, disaient que la
construction d’un chemin de fer Douala-Yaoundé entraverait beaucoup leurs intérêts économiques,
puisqu’un tel chemin de fer attirerait nécessairement une grande partie du commerce de la circonscription
de Yaoundé et de son arrière-pays vers Douala. Le gouverneur, cependant, jugea cette question d’un autre

98
Ibid., p. 65.
99
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 63.
100
Ibid., p. 64.
101
Ph.-B. Essomba, « Routes et transports au Cameroun à l’époque allemande de 1884 à 1914 », Mémoire de
Maîtrise, Université de Strasbourg, 1982, p. 60.
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point de vue. Si le commerce de Yaoundé s’orienta vers Kribi et non vers Edéa plus proche, c’est parce
que les premières expéditions étaient parties de Kribi... Mais tôt ou tard (les firmes du Sud auraient dû le
prévoir), le commerce de Yaoundé allait trouver un chemin naturel d’Édéa vers Douala. Le moment
politique fut décisif pour moi : Yaoundé s’étant développé comme centre politique, c’est à partir de là
seulement que le Sud pouvait être gouverné. Kribi d’ailleurs n’avait qu’un rôle secondaire. La
communication ferroviaire entre Douala et Yaoundé permettait ainsi au Gouvernement de faire intervenir,
en toute occasion, une force considérable dans le centre le plus important du Sud.102

Le choix opéré de Douala ne manqua pas de provoquer de vives protestations de la part


des commerçants, qui les soumirent au Dr Solf, ministre des colonies, lors de son voyage au
Kamerun en 1913.103
Il n’était pas possible de ne tenir aucun compte des intérêts du commerce de Kribi, la seconde ville de la
colonie et qui assurait au budget le tiers de ses recettes douanières, quel que soit le désir de l’autorité
supérieure de centraliser à Douala par le Mittelbahn la plus grande partie du trafic de l’ensemble du pays.
Aussi, s’appuyant sur l’impossibilité de faire de Kribi un bon port maritime en raison de la barre violente
qui bat son littoral, sur la difficulté que présentait pour une voie ferrée, le franchissement de la chaîne
côtière, l’administration maintint-elle son refus de construire un chemin de fer partant de Kribi, mais elle
promit en échange d’établir un réseau de routes carrossables aboutissant à cette ville et qui seraient
desservies par des automobiles de charge.104

Au début de la Guerre en 1914, le Kamerun comptait trois axes de chemins de fer. La


plus ancienne était le chemin de fer à voie étroite de la Victoria Plantations Company, qui reliait
les plantations au port de Victoria. Elle allait de Victoria, à travers Soppo vers Meanja, en
passant près de Buea la capitale de la colonie, avec un embranchement à Molive. En considérant
les voies à travers les plantations elles-mêmes, elle comptait 52 kilomètres de long en 1913 et
74 en 1914. L’écartement entre les rails était de 1 m. Les deux autres étaient, le chemin de fer
du Nord et celui du Centre.

Il faut préciser que les Allemands projetaient la construction de deux grandes voies de
pénétration, qui auraient assuré l’exploitation de l’arrière-pays et étendu leur action jusqu’aux
possessions voisines. L’une dirigée vers le Nord, jusqu’aux territoires du Tchad, aurait soustrait
ces régions à l’influence de la Nigeria anglaise ; l’autre poussée vers l’Est et le Sud-Est,
jusqu’aux artères fluviales du bassin du Congo, en aurait accaparé une partie du trafic.105 Il
semble que, peu avant 1914, le prolongement de la Nordbahn, trop excentré et qui présentait
de sérieuses difficultés d’exécution pour la traversée de hautes régions montagneuses, avait été
abandonné au moins au-delà du Bamoun ; l’accès au Tchad était alors décidé par un

102
Théodor Seitz, cité par R. Gouellain, Douala, ville et histoire, Instltut d’ethnologie, Musée de l’homme, Paris,
1975, pp. 122-123.
103
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 68.
104
Ibid., pp. 68-69.
105
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun.
Pour l’année 1922, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1923, p. 113.
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embranchement greffé sur la ligne de l’Est et contournant vers l’Est le plateau central du
Cameroun pour déboucher ensuite au Nord dans les plaines de la Bénoué.106 La ligne de l’Est
restait la voie principale, qui dans l’esprit de ses promoteurs aurait constitué l’amorce d’un,
grand transafricain Douala-Dar-es-Salam107.

La première phase de ce vaste programme était en voie de réalisation par la construction du premier
tronçon du « Mittelandbahn » : Douala-M'Balmayo, kilomètre 284, tête d’un bief navigable supérieur,
250 kilomètres de longueur. En 1914, la ligne était en exploitation jusqu’à Eséka, kilomètre 173, et en
construction sur les vingt kilomètres suivants ; son achèvement était prévu pour le milieu de 1916.
Renonçant à poursuivre la ligne vers le Sud-Est, les Allemands entreprenaient, en même temps en
direction de Yaoundé, Leng-Deng, les études de la future grande ligne de l’Est dont l’exécution passait
en première urgence.108

Le réseau de voies ferrées par lesquelles les Allemands comptaient desservir le


Kamerun, devait être complété par des routes nombreuses, aboutissant aux principales stations
et prolongées par des chemins facilitant la circulation des porteurs, des animaux et des
voitures.109

3. La construction des routes, entre intérêts économiques et “pacification” du


territoire

Quoique les Allemands ne se consacrèrent à la construction des routes que très


tardivement,110 un travail considérable fut fait durant leurs années de protectorat au Kamerun.
À l’arrivée des Français au Cameroun durant la Première Guerre mondiale, ceux-ci trouvèrent
un réseau de voies de communication terrestres en bon état et assez élaboré.111 En tournée sur
le territoire en 1918, le commissaire de la République Lucien Fourneau ne manqua pas de
reconnaitre la qualité des routes laissées par les Allemands :

106
Ibid.
107
Ibid.
Lucien Famechon évoque aussi ces projets : « En ce qui concerne les chemins de fer, écrit-il, le programme
d’ensemble, publié parmi les documents officieux du journal officiel des Colonies de Berlin, est extrêmement
étendu et prévoyait la construction de 3000 kilomètres de voies ferrées à 1 mètre d’écartement. » (L. Famechon,
Étude politique…, 1914, p. 56).
108
Rapport annuel du gouvernement français…, 1923, pp. 113-114.
109
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 67.
110
Le gouverneur Théodor Seitz note à ce propos que : « l’amélioration des voies de communication était restée
en retard par rapport au développement du Protectorat, d’une façon presque fatale pour l’avenir du pays et de sa
population. Tout le réseau routier ne consistait qu’en pistes indigènes qui furent de temps à autre nettoyées sous la
pression de l’administration locale. Celles qui ressemblaient un peu à des routes n’étaient que le chemin de Victoria
à Bouéa (qui fut de temps en temps emprunté en voiture par des gens téméraires) et quelques tronçons de la route
Kribi-Yaoundé ». Cité par R. Gouellain, Douala, ville et histoire, 1975, pp. 120-121.
111
V. Goloubinoff, « Du protectorat allemand au mandat français. Le Cameroun en 1917-1918, vu par Frédéric
Gadmer, photographe militaire », ECPAD – pôle des archives – fonds première guerre mondiale, décembre 2013,
p. 10.
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Un effort vraiment remarquable avait été fait par les Allemands pour doter le Cameroun d’un réseau
routier comme je crois qu’il en existe peu dans nos colonies de l’Afrique tropicale. J’ai été frappé de la
somme de travail que représente l’établissement de voies de communication. 112

Ces routes avaient deux visées dépendantes l’une de l’autre : l’exploitation économique
et la soumission des populations du territoire à l’autorité allemande, bien souvent appelée
« pacification », vocable qui cache mal les exactions qui ont été commises par les militaires
allemands.113 Si l’Allemagne voulait consolider son autorité et sa domination économique au-
delà des régions côtières, il fallait rompre le monopole du commerce intermédiaire des Duala,
des Bakoko et de leurs voisins, et ensuite occuper l’intérieur et le Nord de la colonie. Cela
passait par la construction de routes.

Une série d’expéditions fut organisée pour prendre contact avec les différents peuples
et leurs chefs. Or ces expéditions avaient besoin de protection militaire si elles n’étaient pas dès
leur départ des tentatives militaires de conquête. Après plusieurs expéditions dispersées,
menées par des explorateurs ou des militaires, une approche systématique s’imposait. Une telle
stratégie fut développée par le nouveau Gouverneur Von Puttkamer114, dès son arrivée en 1895.
De concert avec le Dr Von Brauchitsch et le Lieutenant Hans Dominik il mit sur pied un plan
de conquête pour le Nord et l’intérieur du territoire. Leur préoccupation était donc la
« pacification », la soumission des peuples et de leurs chefs et la suppression du monopole
commercial exercé par les Duala et les peuples de l’intérieur, surtout par les Bakoko, le long du
fleuve Sanaga.115

Une expédition punitive contre les Bakoko s’imposait, pour explorer et pacifier le protectorat dans cette
région et pour créer une liaison entre Edéa et Yaoundé. Ensuite la soumission des tribus pillardes Wute
et de leurs voisins, des Balinga, Bati et d’autres devait être lancée, et une pénétration graduelle du sud de

112
J. Champaud, Villes et campagnes du Cameroun de l’ouest, Éditions de l’Office de la Recherche Scientifique
et Technique Outre-Mer, Collection Mémoires, N° 98, Paris, 1983, p. 75.
113
J. Champaud nous parle de cette orientation politique des routes : « la situation du pays bamiléké est assez
particulière dans cet ensemble, il bénéficie d’une façon générale d’un bon réseau de pistes qui a été développé
notamment à l’occasion des opérations de pacification », (Ibid., p. 110).
114
Au Kamerun, Jesko Von Puttkamer, quatrième gouverneur, est considéré comme l’un des plus brutaux de la
colonie. En effet, le régime d’oppression militaire développé par Puttkamer est marqué par une succession de
scandales atroces. Reconnu en Allemagne comme un joueur et un débauché avant sa nomination, il est choisi en
raison de ses liens familiaux avec Bismarck. L’argent du budget destiné à la construction des routes est utilisé pour
construire des villas aux concubines africaines des officiers allemands et de Puttkamer. Le gouverneur admet que
ses officiers ont le droit de mutiler tous les natifs soupçonnés d’avoir des rapports avec les femmes natives
réservées et entretenues par les officiers. Le gouverneur touche, sous forme de dividendes d’actions, les
commissions sur les entreprises commerciales privées qu’il favorise. (Source : F. Eyelom, « Origines et
circonstances immédiates du partage du Cameroun… », 1997, pp. 75-76).
115
L. Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, p. 39. Les expéditions allemandes ont été décrites dans
de nombreuses publications, parmi lesquelles : E. Mveng, Histoire du Cameroun. Tome II, Yaoundé, CEPER,
1985; V. J. Ngoh, Cameroon, 1884-1985. A Hundred Years of History, Yaoundé, Navi-Group Publications, 1987;
M. Z. Njeuma (éd.), Histoire du Cameroun (XIXe s. – début XXe s.), Paris, L’Harmattan, 1989.
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l’Adamaoua. Au Nord la première tâche était la réouverture de la route de Bali, le renouvellement des
contacts avec Garega de Bali et l’établissement de l’ordre à la frontière anglaise au nord de Rio del Rey
et au nord de la rivière Cross […]. M. von Brauchitsch avait rapporté de nombreuses nouvelles
préoccupantes des régions insurgées : il n’existait pas de liaison commerciale dans l’arrière-pays d’Edéa,
et les chefs bakoko auraient déclaré unanimement, devant des assemblées de leurs peuples que tout blanc
qui oserait mettre ses pieds dans leur pays serait tué et mangé. Les bakoko étaient bien armés et prêts à la
guerre. Dans ces circonstances il était évident qu’une intervention sévère s’imposait pour enfin mettre un
point de départ à la conquête de la colonie.116

Si la construction de routes fut essentielle à la soumission des peuples de l’hinterland,


elle fut aussi une préoccupation majeure de la politique économique allemande. Pour les
Allemands, sa valeur économique consistait principalement dans sa fonction de débouché et de
producteur. 117 Or les importations et les exportations exigèrent, à côté des capacités naturelles
de production, une liaison entre les sites de production et les sites de consommation. C’est
pourquoi le problème de l’infrastructure et du trafic fut au premier plan des intérêts
économiques.

La politique des routes fut définie et détaillée par l’administration coloniale et les
représentants des acteurs économiques sur place, à savoir par le Gouverneur et son Conseil,
ainsi que par des représentants des sociétés de concessions, des sociétés de plantations, des
maisons de commerce et des entrepreneurs ou planteurs individuels européens. Ces
constructions devaient servir le fonctionnement et l’amélioration du commerce extérieur et de
l’administration de la colonie.

Aux abords des villes ou des campements d’étape et même en pleine brousse, les routes
étaient pourvues de caniveaux et de systèmes de drainage, parfois bordées de végétation
décorative ou d’arbres destinés à ombrager le passant. Ainsi, au départ des Allemands, le
Cameroun possédait près de 400 km de routes praticables et bien entretenues.118 À propos des
routes allemandes, Nlende Nzume nous donne cette précision :

The first motorable road, which was built by the Germans, ran parallel to the boundary from Douala
through Mbanga, Loum, Manjo, Nkongsamba, and Melong to the Western Province. This was the sole
motorable road that transported persons and goods from Northern Nigeria through Northern Cameroon,
the Western, and Littoral Provinces to the coast. The road was in the French administered zone but was
used by both the British and the French administered peoples. It really was the only way by which people
could move from the Victoria and Kumba Divisions to the Bamenda Division. The French maintained this

116
Source : Jesko von Puttkamer, Gouverneursjahre in Kamerun, Berlin, éd. G. Stilke, 1912, p. 42-43. Traduction
de Leonhard Harding, « Le Cameroun par les sources… », 2017, pp. 40-41. Le livre de Puttkamer est disponible
en version PDF téléchargeable en ligne, URL : https://brema.suub.uni-bremen.de/dsdk/content/titleinfo/1853099,
consulté le 03/02/2021 à 08h55.
117
A. Owona, « La naissance du Cameroun… », Cahiers d’études africaines, vol. 13, n° 49, 1973, p. 19.
118
Great Britain, Foreign Office, Cameroon, H.M. Stationery office, London, 1920, p. 31.
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major road and tightened their control on the heavy flow of goods especially that which was directed to
the seaport in Douala.119

Photo n° 4 : Matab sur la route de Banyo à Foumban, Photo n° 5 : Lolodorf. Route de Kribi à Yaoundé,
construite par les Allemands. Photo prise le 24 juin construite par les Allemands. Photo prise le 29 juin 1917
1918.

Source : V. Goloubinoff, « Du protectorat allemand… », 2013, p. 10.

Les Allemands se sont principalement établis dans les régions côtières. C’est donc dans
cette zone que l’on retrouve les principales routes construites par cette administration. Elles
connectent les points suivants120 :

- Victoria-Bibundi
- Victoria-Bombe
- Kampo-Kribi-Longyi (cette route parcours le long de la côte et devrait continuer à
l’intérieur du territoire afin de se rattacher, à la route d’Edéa pour Yaoundé.)
- Kribi-Bipindi-Lolodorf-Yaoundé
- Kribi-Ebolowa
- Ebolowa-Kribi
- Kribi-Edéa
- Buéa-Tiko
- Bamenda-Nsop-Ribao-Banjo
- Edéa-Babimbi
- Baré-Bana

119
A. Nlende Nzume, “British and French administration of peoples on the southern borderlands of Cameroon.
The case of the Anglo-French inter-Cameroons boundary, 1916-1961”, Thesis submitted for the degree of Ph.D.,
University of London School of Oriental and African Studies (SOAS), 2004, p. 127.
120
Ibid.
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Nous pouvons constater que, comme promis par le Dr Solf, Kribi recevait plusieurs
routes. La plus importante de ces routes était celle qui la reliait à Yaoundé par Lolodorf, longue
de 286 kilomètres selon Lucien Famechon121, avec un embranchement vers Ebolowa. Toutes
ces routes étaient utilisées par des automobiles une grande partie de l’année. Une compagnie
des transports avait même été créée en 1912, la Süd-Kameruner Last-Automobil-Gesellshaft.122

Engelbert Mveng123 donne l’année 1912 comme année de naissance de cette


compagnie,124 mais il ne donne pas les raisons de sa création. Harry Rudin quant à lui, propose
l’année 1913, et donne les raisons de la création de la compagnie des transports routiers : faire
le transport que les indigènes faisaient pour les commerçants, afin de résoudre le problème de
la main-d’œuvre dans la colonie en libérant des milliers de porteurs. 125

La période coloniale peut être considérée comme une période de soumission des
hommes et des ressources naturelles du Kamerun aux besoins des colonisateurs et de leurs
économies. Cette soumission comprenait à la fois, la destruction des systèmes politiques, la
dérision de la culture des peuples, de leurs valeurs, leurs langues, leurs conceptions et pratiques
religieuses et leur droit coutumier, le démantèlement de leur ordre social et surtout
l’exploitation économique.

Établie pour accroître la puissance économique de la métropole, la colonisation donna


lieu à une exploitation économique intensive des colonies. Pour cela, les Allemands
transformèrent profondément l’économie du Cameroun. Ils cherchèrent avant tout à s’assurer
un approvisionnement en matières premières nécessaires à leurs industries. Ainsi,
transformèrent-ils l’agriculture locale, mais peu d’industries sont implantées dans les colonies.
D’importantes infrastructures de transports sont construites afin d’acheminer ces produits en
Europe. Aussi, les politiques de « mise en valeur » ne bénéficient-elles pas directement aux
populations indigènes. Les infrastructures de transport sont surtout destinées aux grandes
plantations durant la domination allemande :

Cent quarante kilomètres de chemin de fer à voie étroite, dont quarante pour la W.A.P.V. et plus de vingt
pour la D.K.A., étaient en exploitation lorsque la [Première guerre mondiale] éclata. Des aménagements
portuaires, amorces des « ports » actuels, avaient été réalisés : la W.A.P.V. avait un warf à Bota, un autre

121
L. Famechon, Étude politique…, 1914, p. 69.
122
Foreign Office, Cameroon, 1920, p. 30.
123
E. Mveng, Histoire du Cameroun, Tome II, Yaoundé, CEPER, 1985, p. 78.
124
C’est aussi l’année 1912 que propose R. Gouellain, Douala, ville et histoire, 1975, p. 121.
125
H. R. Rudin, Germans in the Cameroons…, 1938, p. 243.
P a g e | 73

sur le Moungo dans la Prinz Alfred Pflanzung, une jetée à Victoria et l’Afrikanische Frucht Kie, un warf
à Tiko. Les premières installations d’une industrie de traitement des produits agricoles s’étaient
multipliées à partir des années 1910-1911 : la W.A.P.V. s’était dotée depuis 1910 d’un équipement à peu
près complet pour la transformation des amandes de palme ; la plupart des sociétés possédaient des
séchoirs et des installations de fermentation du cacao, il est vrai rudimentaires ; d’autres installations pour
la fabrication du caoutchouc existaient sur les plantations Woermann, D.K.A. et W.A.P.V. Enfin on peut
ajouter des ateliers (mécanique, menuiserie), des bâtiments (117 pour la W.A.P.V.), des factoreries, les
sociétés se livrant aussi au commerce dans la région de Victoria et même au-delà puisque la W.A.P.V.
avait 15 comptoirs sur 30 dans le reste du Cameroun. Véritable puissance, la W.A.P.V. avait d'ailleurs sa
propre flotte et son propre drapeau. En 1914 elle était la plus importante société cacaoyère du monde.
L’Afrikanische Frucht, société de moindre envergure, mit cependant en service les deux bananiers de la
côte de Guinée en 1913126.

Le développement des infrastructures de transport est ainsi intrinsèquement lié à


l’exploitation du territoire, et ne tient pas compte des besoins des populations locales. D’une
manière générale, l’exploitation économique de la colonie développe particulièrement le
littoral, où se trouvent les villes les plus dynamiques. Il y a donc déséquilibre spatial des
colonies. Sous l’administration allemande, les routes et les chemins de fer partaient de la côte
ou convergeaient vers elle.

En ce qui concerne les routes particulièrement, le réseau routier était loin d’avoir atteint
un degré de développement à la mesure des besoins du protectorat. Dans la région de l’Est par
exemple, la masse de la production commerciale, notamment du caoutchouc, était encore
évacuée à tête d’hommes à travers les petits sentiers de la forêt127. La raison d’une telle politique
des transports routiers semble, d’après Etoga Eily128, résider dans un choix délibéré du
gouvernement allemand. Face à de nombreuses solutions de transports, l’intensification des
routes n’a pas été considérée comme la solution idoine au problème des voies de
communication.

II. Les transports fluviaux : un relai économique aux coûts élevés des routes et des
rails

Ce choix politique se justifiait par deux raisons : tout d’abord, la détérioration rapide
des routes ; ensuite, les nombreux ponts à construire, ce qui en rendait le coût extrêmement
élevé. La solution la moins couteuse considérée, était donc les voies navigables :

126
M. Michel, « Les plantations allemandes … », 1970, p. 206.
127
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement. Essai d’histoire des faits économiques du Cameroun, Centre
d’édition et de production de manuels et d’auxiliaires de l’enseignement, Yaoundé, Cameroun, 1971, p. 264.
128
Ibid, p. 265.
P a g e | 74

Une commission d’experts fut ainsi envoyée au Cameroun en vue d’y procéder à une étude d’ensemble
sur les voies de communication et, plus particulièrement, les voies d’eau. Cette commission put établir
que le Nyong était navigable jusqu’à une hauteur de 75 km en amont du Dja, ces deux fleuves pouvaient
reliés une route, et assurer de ce fait une conjonction route-fleuve, à partir de Kribi jusqu’à la frontière
orientale du Territoire. Le Dja, qui est une branche du fleuve Congo, était en effet navigable sur environ
150 km.129

Les Allemands désiraient en priorité porter leurs efforts sur trois fleuves : le Nyong et
la Sangha au Sud du territoire, et la Bénoué au Nord.130 D’autres voies fluviales avaient été
ajoutées à cette liste : la Sanaga, le Wouri, le Muni, et le Ndian. Le Nord et le Sud-Est du
Territoire quant à eux, étaient reliés aux colonies non allemandes grâces aux voies fluviales
telles que les combinaisons Niger-Bénoué, Congo-Sangha.

Les projets allemands sont restés au stade des intentions car le développement des transports fluviaux tels
qu’ils le projetaient n’a pas pu se réaliser. En effet, il aurait fallu consacrer des sommes substantielles au
Nyong et à la Sangha, et y détacher un nombre important de travailleurs. Jusqu’en 1914, les Allemands
n’étaient pas encore prêts. Il leur était difficile de mener de front la construction de plusieurs
infrastructures de transports. Ils n’aménagèrent véritablement aucun fleuve. 131

Au final, l’objectif premier des transports, quel qu’était leur mode, était de permettre
l’évacuation des produits vers les principaux ports du Territoire. Et les quelques voies fluviales
préexistantes à la colonisation, continuèrent d’être utilisées à cette fin.

Photo n° 6 : Expédition des marchandises sur la Sanaga en 1908

Source : https://www.alamyimages.fr/, consulté le 30/12/2019 à 13h46.

129
Ibid, p. 224.
130
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 80.
131
Ibid, p. 81.
P a g e | 75

Du temps de la colonisation, il y eut une amorce de spécialisation de ports : port bananier


pour Tiko, Kribi pour le bois et le caoutchouc, Douala pour toutes transactions confondues,
Victoria pour la banane aussi.

Photo n° 7 : Chargement de bananes à l’embarcadère de l’Afrikanische Frucht-


Compagnie à Tiko en 1912

Source : Les archives fédérales allemandes, en ligne URL :


https://www.bild.bundesarchiv.de/dba/de/search/?yearfrom=&yearto=&query=tiko, consulté le 03/02/2021 à
10h20.

L’activité maritime de la colonie fut réalisée par des bateaux à vapeur sous pavillon
allemand et anglais ; en 1911 leur nombre total s’est élevé à 536 bateaux, avec un tonnage de
1 551 058 tonneaux, dont 170 bateaux avec un tonnage de 492 990 tonneaux au port de Douala,
et 191 bateaux avec un tonnage de 533.898 tonneaux au port de Victoria.

Des 396 bateaux commerciaux, avec un tonnage de 1 495 058 tonneaux, mouillant aux
ports de la colonie en 1911 la plupart naviguait sous pavillon allemand : 224 bateaux avec un
tonnage de 1 126 206 tonneaux ; 154 bateaux avec un tonnage de 368 852 tonneaux sous
pavillon étranger, surtout britannique, la société d’armement Elder Dempster.

Le port de Douala joua un rôle particulier parce que la ville fut le point de départ de la
colonisation du Kamerun et la première capitale de la colonie. Avant la colonisation, les bateaux
arrivant à Douala devaient mouiller à la rade, en pleine mer, à cause de bancs de sable. Les
P a g e | 76

autorités coloniales draguèrent ces bancs et construisirent un port avec embarcadère pour
l’accostage au nouveau centre commercial de la ville, devenue capitale de la colonie. Le port
fut aménagé et doté d’un bassin flottant de sorte qu’il devint le centre de communication entre
la métropole et la colonie, et il géra la plus grande partie des importations de la colonie, surtout
de matériels pour la construction des deux lignes de chemin de fer partant de Douala et pour
d’autres projets de construction.

Le port de Kribi fut élargi pour gérer les exportations du sud de la colonie. Avant
l’intervention par le colonisateur, les produits d’exportation de l’intérieur du territoire, le
caoutchouc, l’huile de palme, l’ivoire et d’autres marchandises étaient acheminés par des
intermédiaires africains vers la côte. Sous le régime colonial les intermédiaires africains furent
évincés et le port de Kribi devint le centre du commerce extérieur du sud, dépassant nettement
les chiffres des exportations de Douala.132 Le produit le plus important était le caoutchouc.

À côté des ports de Douala et de Kribi d’autres ports furent construits à Victoria, Rio
del Rey, Kampo et la baie de Mouni et à Garoua. 133

Conclusion

Deux étapes sont nécessaires à la compréhension de la politique des transports mise en


place par l’Allemagne entre 1884 et 1916 au Cameroun. D’une part, à partir de l’analyse des
raisons qui ont amené l’Allemagne à se lancer dans la conquête coloniale. Nous avons constaté
que l’impérialisme allemand intervint comme conséquence de la révolution industrielle. Malgré
la dureté de cette crise économique qui s’en suivit, le Chancelier Bismarck fut, au départ,
sceptique quant aux chances de la colonisation de sortir l’Allemagne du marasme. Il se laissa
finalement convaincre par les grandes firmes commerciales déjà installées sur la côté
camerounaise notamment. La politique des transports sous la domination allemande fut donc
fortement influencée par les intérêts de ces grandes firmes commerciales.

D’autre part, nous avons pu faire le lien entre la politique coloniale de l’Allemagne au
Cameroun et sa politique des transports. L’objectif durant cette période ne fut pas
fondamentalement l’aménagement du territoire, mais la création des voies de desserte des
produits agricoles de l’hinterland vers la côte. Dès lors, une priorité fut accordée aux voies de

132
Deutsches Koloniallexikon, 1920, Heinrich Schnee, Berlin, traduction de Leonhard Harding.
133
Lire L. Famechon, Étude politique…, pp. 52-56.
P a g e | 77

communication les moins couteuses ; même si le chemin de fer dérogea à cette règle, tant en
argent qu’en nombre de vies humaines. Les routes quant à elles, étaient difficiles à entretenir
et praticables surtout en saison sèche. Ce qui ne plaidait pas en faveur de leur création.
Lorsqu’intervint donc la grande Guerre en 1914, le Cameroun souffre d’une inégale répartition
des voies de communication. Malgré tout, les nouvelles voies de communication, d’abord au
service de l’impérialisme allemand, devinrent bientôt un enjeu géostratégique, à la fois pour la
pénétration militaire et le passage des troupes allemandes et alliées.134 La maîtrise de ces voies
devint l’objectif à atteindre par tous et s’inscrit à contre-courant d’une volonté du progrès.
Après l’occupation de Douala par les troupes alliées, les Allemands détruisirent ou tentèrent de
détruire tous les ouvrages d’art sur les lignes de chemin de fer. La rupture de certaines parties
du matériel roulant fut provoquée au moyen d’explosifs.135

Photo n° 8 : Pont sur la Dibamba (entre Douala et Edéa) détruit par les Allemands durant la Grande Guerre
puis reconstruit par les Français

Source : http://pedagogie.lyceesaviodouala.org/histoire-geographie/app_grande-guerre/pages/page_4a.htm,
consulté le 30/12/2019 à 06 h30

134
Lire Ph. B. Essomba, « La guerre des voies de communication au Cameroun, 1914-1916 », Guerres mondiales
et conflits contemporains, n° 248(4), 2012, p. 7-26.
135
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 445.
P a g e | 78

Le Général de division Aymerich, commandant les troupes françaises d’opérations et


les contingents du Congo Belge, nous fait ce compte-rendu de terrain :

Le 27 août, excursion en chemin de fer jusqu’à So-Dibanga, presque sur le front des opérations. Dans sa
retraite, en septembre 1914, l’adversaire avait fait sauter derrière lui la station de T. S. F. de Douala, et
tous les ouvrages d’art de la voie ferrée, mais avec beaucoup de précipitation. Sous la direction du
capitaine Chardy, la compagnie du génie français avait réparé les ponts et rétabli la circulation, en utilisant
les magnifiques arbres qui poussaient à côté, et l’outillage des usines de Douala. Tout le monde admira,
en passant, ce travail remarquable, et on adressa au capitaine Chardy, qui était présent, pour lui et ses
auxiliaires, le tribut d’éloges qu'ils avaient mérité. L’utilisation de cette voie ferrée pourrait rendre les
plus grands services, au cours des prochaines opérations136.

Le Capitaine Chardy dans ses propres mémoires, rend compte de la réfection ou la


reconstruction complète du pont sur la Dibamba à Japoma, du pont sur la Sanaga à Édéa (km
81), du pont du ravin de Libnjok (km 98), du pont sur la Kélé (km 121), du pont sur la Lingen
(km 147), puis des ponts de la voie Décauville137 : sur la Petite Malumé (km 189), sur la Mpobé
(km 194), la Mbanga (km 197,5), la Grande Malumé (km 201).138

Le Mandat accordé à la France (partie orientale) et à l’Angleterre (partie occidentale)


par la SDN sur ce territoire, ne fit pas évoluer les infrastructures de transports mises en place
par l’Allemagne dans la partie occidentale du territoire ; tandis que dans la partie orientale, la
France fit un effort que nous étudions dans le chapitre suivant.

136
Général de division Aymerich, La conquête du Cameroun, 1er août 1914 - 20 février 1916, Paris, Payot, 1933,
p. 113.
137
Un Décauville est un chemin de fer à voie étroite, avec des rails et traverses métalliques et un matériel
d’exploitation (locomotive et wagons) adapté. Les Décauville pouvaient servir de voies provisoires en attendant
la construction de voies définitives.
138
Capitaine Chardy, Journal des marches et opérations de la section des chemins de fer de campagne Cameroun
du 6 septembre 1914 au 20 avril 1916, consultable en ligne, URL : http://pedagogie.lyceesaviodouala.org/histoire-
geographie/app_grande-
guerre/journaux_transcris_en_pdf/2_journal_section_chemin_de_fer_6_9_1914_au_20_04_1916.pdf, consulté le
30/12/2019 à 06h09
P a g e | 79

CHAPITRE II :
LES TRANSPORTS DANS LA POLITIQUE DE « MISE EN
VALEUR » DU CAMEROUN SOUS MANDAT ET SOUS
TUTELLE FRANÇAIS ENTRE 1916 ET 1960
P a g e | 80

Ce fut le 14 mars 1916 que le Général Joseph Aymerich reçut le télégramme ministériel
qui le désigna Commissaire du gouvernement de la République Française, pour administrer le
territoire du Cameroun.1 Cet acte marqua le début officiel de l’administration française au
Cameroun. Entre 1922 et 1945, le pays fut confié, sous mandat de la SDN, à la France et
l’Angleterre, et à partir de 1946, sous tutelle de l’ONU. Ce statut lui valut d’être considéré et
administré de manière un peu différente des autres territoires colonisés d’Afrique. Avec la
notion de mandat et de tutelle, les puissances coloniales semblèrent, en dépit de nombreuses
contradictions, ne plus agir comme propriétaires des colonies, mais comme administrateurs au
nom de la communauté internationale.

Dans la partie du Cameroun confiée à la France, les voies de communication semblaient


être la préoccupation majeure, malgré les réalisations allemandes. Les cultures commerciales
qui étaient mises en place, souffraient grandement de ce déficit. Le prix des balles de coton en
provenance du Nord-Cameroun par exemple, était très élevé pour deux raisons : l’absence de
routes praticables en toutes saisons, et les tarifs prohibitifs de la Niger Company, qui exerçait
son monopole sur la Bénoué, elle-même navigable uniquement deux mois par ans.2 La
conséquence de cet état de chose était qu’ : « un chargement de coton quittant Garoua par les
premiers bateaux le 1er août, début de la navigabilité de la Bénoué, n’arrivait en France qu’aux
environs du 25 septembre. Or, c’est à cette date que les cotons américains arrivaient eux aussi
au Havre ».3

Il faut se rappeler que, sous le protectorat allemand, le portage était encore l’un des
principaux moyens de transport. Pourtant, dans l’exploitation d’un pays, un tel mode de
déplacement des marchandises comporte d’énormes inconvénients. Il fallait donc, de toute
nécessité, au portage d’allure primitive et traditionnelle, substituer le portage mécanique. Pour
cela, une politique à la fois routière et ferroviaire fut engagée, dans la continuation de l’œuvre
allemande. Ces deux politiques devaient être concomitantes, de manière à se compléter et à
faciliter au mieux, le transport rapide et à moindres coûts des produits sur l’ensemble du pays.

Ce chapitre aborde tout d’abord, les origines de la planification en France. Le planisme


fit apparaître un concept qui, encore aujourd’hui, sème la confusion : la « mise en valeur ».

1
J. Aymerich, La conquête du Cameroun…, 1933, p. 200.
2
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 411.
3
Ibid.
P a g e | 81

Ensuite, nous étudions la politique coloniale de la France pendant la période qu’a duré le
Mandat, qui est la période de l’entre-deux-guerres. Il s’agit de comprendre pourquoi les plans
élaborés à ce moment-là ont été, soit abandonnés, soit appliqués de manière timide, du fait des
batailles partisanes en France. Enfin, nous examinons les années de Tutelle de l’ONU, marquées
principalement par les Plans FIDES, premières véritables ébauches de la politique de
planification qu’adopta plus tard, le Cameroun indépendant.

A. La « mise en valeur » des colonies : évolution d’un concept politique


ambiguë

La planification économique durant la colonisation est intrinsèquement liée à la notion


de « mise en valeur ». Il faut rappeler que, investir dans les travaux publics, notamment les
transports, coûte cher. Avant d’arriver aux Plans FIDES en 1946, qui ont impulsé l’outillage
des colonies, il a fallu faire évoluer les mentalités colonisatrices, réfractaires à l’idée d’investir
dans les colonies, considérées comme de simples réservoirs de ressources et de débouchés pour
la métropole. Cette évolution peut se lire à travers la définition du concept de « mise en valeur »
tout au long de l’histoire coloniale.

Toute la polémique autour de la compréhension de l’expression « mise en valeur » se


résume en ces mots d’Aimé Césaire :

À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification. J’entends la tempête. On me parle de
progrès, de “réalisations”, de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je
parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées,
de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités
supprimées. On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de
chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à
l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes
arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la danse, à la sagesse. Je parle de millions
d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement,
l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.4

Pour François Pacquement par exemple, la « mise en valeur coloniale » est « l’activité
de l’administration coloniale qui visait à améliorer les richesses produites dans les colonies et
qui a pu contribuer à améliorer les conditions de vie des populations. »5 On peut lire dans cette
définition, une certaine idée positive de la colonisation. Mais nous retenons aussi dans cette
définition, l’idée de l’existence du développement avant la colonisation. De fait, l’on ne peut

4
A. Césaire, Discours sur le colonialisme, Présence Africaine, 2004, pp. 23-24.
5
F. Pacquement, « Belles histoires de l’aide, introduction thématique », Afrique Contemporaine, n° 236, 2010, p.
44
P a g e | 82

« mettre en valeur » que ce qui a déjà une valeur préalable. C’est cette idée que défend Jean-
Pierre Chauveau, pour qui un problème mémoriel s’est installé dans la conception de la « mise
en valeur ». Considérée comme le développement des colonies, c’est-à-dire l’étape cruciale de
l’histoire des Africains qui les aurait fait passer de la sauvagerie à la civilisation, l’expression
amène à occulter le fait que l’idée même de développement n’était pas nouvelle dans ces
colonies :

Ce qu’oublient souvent les théories du développement, même les plus ouvertes à la légitime spécificité
des « développés », c’est que le développement fait déjà partie de l’expérience historique de ces
populations. Au moins dans la plupart des régions de l’Afrique occidentale, notamment francophone, la
« mise en valeur » coloniale qui a suivi la sujétion politique a généralisé l’intervention extérieure. On est
en droit de penser que celle-ci, constituant la toile de fond de l’existence des populations, a été en quelque
sorte intériorisée par elles non seulement pour « s’adapter » la situation nouvelle […], mais encore pour
se reproduire dans sa spécificité.6

Dès lors on peut comprendre qu’à force de répéter la synonymie supposée entre
colonisation, développement, civilisation et mise en valeur, que l’on en soit arrivé à voter la loi
française du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en
faveur des Français rapatriés. En son article 4, cette loi propose que :

« Les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence


française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, et accordent à l’histoire et aux sacrifices
des combattants de l’armée française issus de ces territoires la place éminente à laquelle ils ont
droit ».7 L’indignation suscitée par cette loi est notamment relayée par un groupe d’historiens
qui, dans une pétition, dénoncent une atteinte « à la neutralité scolaire et au respect de la liberté
de pensée qui sont au cœur de la laïcité. Parce que, en ne retenant que le « rôle positif » de la
colonisation, elle impose un mensonge officiel sur des crimes, sur des massacres allant parfois
jusqu’au génocide, sur l’esclavage, sur le racisme hérité de ce passé ».8

Même la colonisation anglaise entretenait ce flou dans la définition de la « mise en


valeur ». À ce propos Larry Butler, présente l’opposition entre les deux conceptions de la « mise
en valeur ». D’une part, celle qui voulait qu’elle soit une œuvre de développement au bénéfice
des colonies et de leurs peuples. Et, d’autre part, celle pour qui les colonies étaient des territoires

6
J.-P. Chauveau, « Le développement approprié : mise en valeur coloniale et autonomie locale : perspective
historique sur deux exemples ouest-africains », in J.-P. Chauveau et al. (éd.), Histoire, histoires... Premiers
jalons. (3), 1986, p. 143. En ligne, URL : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-
doc/pleins_textes/pleins_textes_7/b_fdi_03_03/24148.pdf, consulté le 11/02/2021 à 03h25.
7
« La loi du 23 février 2005 : texte et réactions », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 94-
95 | 2005, URL : http://journals.openedition.org/chrhc/1077, consulté le 10 février 2021 à 02h50.
8
Ibid.
P a g e | 83

sous-développés que la Grande-Bretagne avait le droit et le devoir d’apporter à la productivité


et dans le système commercial mondial. La conviction au centre de ce point de vue était que les
économies britannique et coloniale étaient complémentaires, liées entre elles, une relation dans
laquelle la Grande-Bretagne fournissait des produits manufacturés en échange de matières
premières.

Pourtant, Butler précise que :

This dichotomy of interpretations, although convenient, was artificial. In practice, the distinction between
the two was blurred, and advocates of one interpretation could reinforce their arguments by appealing
to elements of the other. For instance, calls for improved colonial conditions during the 1930s sometimes
came from British manufacturers, concerned at the threat allegedly posed to their export interests by
cheap colonial labour in the Far East. Similarly, metropolitan desires for increased productivity in the
Colonial Empire were sometimes expressed in calls for improved health and dietary standards […]. On
the other hand, the majority of those who adopted the 'welfarist' stance on development also accepted
uncritically the free-trading precept of comparative advantage, and therefore shared the belief in a
complementary economic relationship between Britain and the colonies.9

À l’analyse, on peut bien comprendre cette manière de penser, fruit de plusieurs années
de propagande colonialiste. Jusqu’aux décolonisations, images et discours de glorification sont
les alliés puissants qui ont servi de socle sur lequel la France a légitimé son action coloniale.
En effet, le concept de « mise en valeur » a évolué au fil des années coloniales, depuis la création
de la Compagnie des Indes orientales par Colbert en 1664. Il exprime, au départ, uniquement
l’exploitation économique de la colonie au profit de la puissance colonisatrice, sans tenir
compte des besoins de la colonie. Dans ces projets de « mise en valeur », l’objectif premier
pour les Occidentaux, est de gagner le maximum de profits sur l’investissement qu’est la
colonie. C’est aux lendemains de la Première Guerre mondiale que le concept a véritablement
évolué dans les faits, sans toutefois perdre de vue la recherche, par la puissance colonisatrice,
du maximum de profits en sa faveur.

Au début du XIXe siècle, la politique coloniale française est surtout marquée par le
« pacte colonial ». Ce système de gouvernement imposé par les métropoles à leurs colonies,
contient comme principes essentiels les cinq points suivants :

- Le monopole de la navigation est réservé au pavillon de la métropole ;

9
L. Butler, « The ambiguities of British colonial development policy, 1938-48 », in Gorst A., Johnman L., and
Lucas W. S., Contemporary British History 1931-61. Policy and the Limits of Policy, Pinter, London, 1991, pp.
119-120.
P a g e | 84

- Les débouchés de la colonie sont réservés aux produits manufacturés de la


métropole ;
- l’approvisionnement de la métropole en matières premières et denrées coloniales est
imposé aux colonies ;
- l’interdiction aux colonies de se livrer aux industries et même aux cultures qui
peuvent être fournies par la métropole
- les taxes financières sur les produits tant à leur sortie des ports coloniaux qu’à leur
entrée dans les ports métropolitains sont imposées.
Ces pratiques « mercantilistes » témoignent d’un état d’esprit qui considère les colonies
comme de simples objets d’exploitation dont les métropoles se réservent les bénéfices. Les
colonies ne sont pas des provinces ni des royaumes également sujets du même gouvernement,
mais des réserves économiques n’existant que pour remplir une fonction au service de la
métropole.10 C’est l’avis que défendait déjà Montesquieu :

L’objet de ces colonies est de faire le commerce à de meilleures conditions qu'on ne le fait avec des
peuples voisins, avec lesquels tous les avantages sont réciproques. On a établi que la métropole seule
pourrait négocier dans la colonie, et cela avec une grande raison, parce que le but de l’établissement a été
l’extension du commerce, et non la fondation d’une ville ou d’un nouvel empire. 11

Quelques années auparavant, c’est aussi l’avis de MVDF, rédacteur qui signe l’article
« Colonies »12 dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert : celles-ci n’étant établies que
pour l’utilité de la métropole, il s’ensuit :

- qu’elles doivent être sous sa dépendance immédiate et par conséquent sous sa


protection ;
- que le commerce doit être exclusif aux fondateurs.13
Ainsi, l’intérêt économique de la colonie ne compte pas : « les colonies ne seraient plus
utiles si elles pouvaient se passer de la métropole : aussi c’est une loi prise dans la nature des
choses que l’on doit restreindre les arts et la culture dans une colonie à tels et tels objets suivant
les convenances du pays de la domination. »14

10
G. Pervillé, « Qu’est-ce que la colonisation ? », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, n° 22-3, 1975, p.
325.
11
Ch. de Secondat baron de Montesquieu, L’Esprit des lois : suivi de La Défense de l’esprit des lois, Libraire-
Editeur, 1844, p. 257.
12
D. Diderot et J. Le Rond d’Alembert, Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des
métiers, Volume 3, Briasson, 1753, pp. 648-651.
13
Ibid., p. 650.
14
Ibid.
P a g e | 85

Plus loin encore : « Si la colonie entretient un commerce avec les étrangers ou si l’on y
consomme les marchandises étrangères, le montant de ce commerce et de ces marchandises est
un vol fait à la métropole ».15

Rappelons que la loi du 11 janvier 1892 sur le régime douanier français, établissait un
double tarif autonome : tarif général ou de droit commun, et tarif minimum ou tarif de faveur,
ce dernier étant réservé aux États qui avaient signé avec la France une convention commerciale
particulière. Ce régime douanier, idée du député protectionniste Méline, visait à n’accorder le
tarif minimum qu’aux États qui assuraient à la France des avantages équivalents : en fait celle-
ci conclut des conventions commerciales avec toute l’Europe, et la clause de la nation la plus
favorisée figura dans la plupart de ces conventions sous la forme inconditionnelle.16

Dans ce débat où les intérêts politiques et économiques étaient liés, il n’avait été que
très peu tenu compte des colonies ; celles-ci étaient purement et simplement assimilées à la
métropole (c’est-à-dire entourées des mêmes barrières). Cette orientation nouvelle de la
politique économique de la France avait des répercussions importantes dans ses relations avec
ses territoires d’Outre-mer. Ceux-ci, jouissant depuis 1866 d’une relative liberté de fixer les
taxes douanières et de commercer avec l’étranger.17

Dès le début du XXe siècle, la tendance à la décentralisation commença à grandir dans


la sphère économique. Cette opinion trouva sa première expression cohérente dans les
résolutions du Congrès colonial de 1906,18 qui se prononça contre toute tentative de verrouillage
des marchés coloniaux. Clémentel, Caillaux, Guieysse, et Deloncle entre autres, déclarèrent que
les colonies étaient en train de mourir parce qu’elles étaient trop étroitement liées à la France.

15
Ibid.
16
P. Reynaud, « Les relations commerciales franco-allemandes depuis la Guerre jusqu’au 1er Janvier 1935 », thèse
de doctorat en droit, Université de Lyon, Lyon, Imprimerie du « Salut public », pp. 17-18. En ligne, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9803696n.r=M%C3%A9line%2011%20janvier%201892?rk=21459;2#,
consulté le 08/02/2021 à 14h26.
17
A. Hongla, « Les Députés coloniaux et l'adoption du par la France en 1892 », Outre-Mers. Revue d’histoire, n°
241, 1978, p. 520.
La Loi sur la marine marchande du 19 mai 1866 autorisait l’importation des navires étrangers, moyennant un
simple droit de 2 fr. par tonneau de jauge, qui ne pouvait être considéré que comme un droit de statistique. Les
surtaxes de pavillon étaient complètement supprimées. N’étaient maintenues que les taxes locales de tonnage
perçues pour faire face aux dépenses d’amélioration des ports. Le nouveau régime était étendu aux colonies et à
l’Algérie. (Source : L. L. Beaurin-Gressier, « Le régime fiscal de la navigation maritime », Journal de la société
statistique de Paris, tome 34, 1893, p. 125, En ligne, URL :
http://www.numdam.org/item?id=JSFS_1893 34 115_0, consulté le 11/02/2021 à 04h44.
18
Tous les Comptes rendus de l’Exposition coloniale de Marseille sont en ligne dans le site de la Bibliothèque
Nationale de France, URL : https://gallica.bnf.fr/, consulté le 06/02/2021 à 5h30.
P a g e | 86

Ces protestations trouvèrent un soutien encore plus unanime au Congrès des anciennes
colonies de Paris en 1909. Ce dernier revendiquait ouvertement une autonomie tarifaire, ou du
moins la réciprocité, car le système existant était jugé pire que l’ancien Pacte Colonial.

Le Congrès des anciennes colonies de Paris résuma ainsi les idées phares de 1906 :

Le Congrès colonial de Marseille déclare que le meilleur régime douanier à adopter serait celui qui :

1° Renoncera à, toute unification et centralisation systématiques, que l’expérience de l’application de la


loi du 11 janvier 1892 a démontrées irréalisables ;

2° Abandonnera définitivement le principe faux de la subordination économique des colonies à la


Métropole, en reconnaissant que le véritable intérêt de la Métropole réside dans la prospérité des colonies ;

3° Décrétera l'autonomie de chaque colonie ou groupe de colonies au point de vue économique et réglera
le régime douanier de chaque colonie ou groupe de colonies, au mieux de leurs intérêts, en tenant compte
des formes et conditions essentielles ci-après : a) Revendication par la colonie des mesures et taxes qu'elle
juge les plus favorables au développement de sa richesse ; b) Octroi de ces mesures par la Métropole,
sous réserve de ses intérêts généraux, par un décret rendu dans la forme des règlements d'administration
publique ; c) Fixation d'une durée convenable pour le régime ainsi établi, de façon à permettre aux
mesures prises de sortir pleinement à effet, et aux intéressés d'en tirer le meilleur parti ;

4° Permettra aux petites colonies, par le groupement en gouvernements généraux, de se soustraire aux
influences purement locales dans la revendication des mesures et taxes les plus favorables au
développement de leur richesse.19

L’idée de « mise en valeur » commença donc à s’intéresser aux colonies. Pourtant, la


plupart de ces réformateurs ne voulurent pas forcer le rythme. Ce qu’ils prônèrent, était une
politique variant entre les colonies et proportionné aux particularités de chacune.

Dès la fin de la Première Guerre mondiale, fut entreprise une étude méthodique des
possibilités de la production agricole des territoires sous contrôle français, colonies anciennes
et pays récemment soustraits à l’administration allemande (le Togo et le Cameroun). La
mission fut confiée à Henri Cosnier, un ancien député, dès la fin 1918. La mission Cosnier,
placée sous le patronage du ministre de l’agriculture, bénéficia aussi de l’appui de plusieurs
autres ministres : Victor Boret, ministre du ravitaillement, confronté aux grands besoins de la
métropole en oléagineux ; Clementel, ministre du commerce et de l’industrie, très préoccupé
par la situation critique des industries cotonnières métropolitaines ; Henry Simon, ministre des

19
M. A. Milhe-Poutingon, Congrès des Anciennes colonies, Tenu à Paris du 11 au 16 octobre 1909, Compte-
Rendu des travaux, Paris, Au Siège du Comité d’organisation du Congrès, 1910, p. 278. En ligne, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5833424g.r=congr%C3%A8s%20des%20anciennes%20colonies%20de%2
0paris?rk=64378;0, consulté le 07/02/2021 à 15h12.
P a g e | 87

Colonies, soucieux de développer les productions de laine et de viande ; et des ministres de


l’Armement, des Régions libérées, de la Reconstruction, demandeurs des ressources forestières.

En matière économique, H. Cosnier constata que :

L’Afrique est encore à l’âge du comptoir. Le troc est d’hier. Et, en compensation des richesses
considérables, que notre commerce en a tiré, nous n’avons presque rien laissé au producteur […] Notre
commerce n’a jamais porté attention aux productions agricoles et forestières, si ce n’est en vue du bénéfice
immédiat qu’il pensait en tirer. Ceci explique son désintéressement à peu près complet des progrès de
l’agriculture et l’exploitation abusive de maints produits de cueillette. 20

Malgré les propositions de son rapport, la Mission Cosnier demeura sans effet.21
Cependant, ce que nous retenons de ce travail est l’évolution significative dans la représentation
des colonies. Ce rapport fut une voix supplémentaire qui vint s’ajouter à l’ensemble des
revendications pour une valorisation des colonies, qui tint compte de leur propre
développement. Ces idées furent défendues par Albert Sarraut quelques années plus tard.

Sarraut rejoignit son collègue parlementaire Cosnier, en prônant qu’un fort


investissement fut consenti sur « l’outillage économique » : infrastructures et équipements. Il
vit donc en la mise en valeur, un effort de développement réciproque, tant pour la métropole
que pour la colonie. Cette idée est l’une de celles qui fondèrent les plans et conférences pour le
développement de la France d’Outre-Mer dans l’entre-deux-guerres. Toutes choses qui n’eurent
pour effet que de donner des arguments à la propagande coloniale.

B. L’instabilité politique en France entre 1919 et 1946 et son impact sur les
politiques publiques des transports au Cameroun sous Mandat

I. La crise économique et politique en France et son impact sur les Plans


de développement de l’entre-deux-guerres

Tous les choix économiques en France et donc dans ses colonies, après la Ière Guerre
mondiale, se sont joués autour des incertitudes politiques de l’époque. Rappelons que durant la
Guerre, la France est dirigée par un Gouvernement d’unité nationale appelé « l’Union Sacrée ».
Au lendemain de ce conflit de quatre ans, en 1919, des élections législatives sont organisées,
elles ont lieu les 16 et 30 novembre. Durant la campagne électorale, le thème central est le

20
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, Volume V : Le temps des stations
et de la mise en valeur (1918 – 1940 / 1945), Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO), Rome, 2005a, p. 8.
21
Ibid.
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maintien de l’Union Sacrée afin d’éviter la contagion révolutionnaire venue de l’Est et de la


Russie bolchevique.22

L’année 1919 est dominée par la peur du bolchevisme, alimentée par les tentatives de révolution
communiste en Allemagne et en Hongrie, et en France par les grandes grèves de mai-juin 1919.
Clemenceau tente de calmer l’agitation en faisant voter deux lois importantes : la loi du 25 mars 1919,
qui reconnaît officiellement les conventions collectives conclues entre les représentants des syndicats
d’employeurs et les représentants des syndicats d’employés ; et la loi du 23 avril 1919, qui ramène la
durée de la journée de travail à huit heures (pendant six jours par semaine). Mais la hausse continuelle
des prix, la généralisation du travail à la chaîne, l’influence de la révolution bolchevique déstabilise le
monde ouvrier. L’opinion s’inquiète du péril rouge, de « l’homme au couteau entre les dents » évoqué
par une habile propagande.23

Ces élections sont marquées par une très large victoire du « Bloc national », une
coalition de la droite et du centre, dont 44% des députés sont d’anciens combattants : on parle
d’une « Chambre bleu horizon », en référence au bleu des uniformes de guerre.24 Un
gouvernement réunissant la droite et les radicaux se forme. La gauche, de son côté, est divisée.

Jusqu’en 1924, la situation économique française reste très largement dégradée. La


France est fortement endettée, du fait de nombreux emprunts réalisés durant la guerre,
notamment auprès des États-Unis. Les coûts de reconstruction et la hausse des dépenses
publiques n’arrangent en rien ses finances. La droite comptait en effet sur les réparations
financières que devait payer l’Allemagne :

Pour les vainqueurs, il ne fait aucun doute que ce coût énorme de la guerre doit être réglé par les vaincus :
« L’Allemagne paiera », affirme Klotz, ministre des Finances du gouvernement Clémenceau, « jusqu’au
dernier penny », renchérit Lloyd George poussé, lui aussi, par son opinion publique. Le président Wilson,
lui-même n’est pas hostile à ce principe de réparations financières imposées aux responsables du conflit.25

Or, l’Allemagne ne peut pas payer car elle est trop affaiblie économiquement. Pour punir
les Allemands, le Président du Conseil Raymond Poincaré décide d’envahir la Ruhr et de
s’emparer du charbon allemand. Refusant de dévaluer le Franc pour des raisons d’orgueil
national, le gouvernement est obligé d’augmenter les impôts en raison d’un déficit qui ne cesse

22
Lire M. Swennen, « Les mouvements anticommunistes dans les années 1920 », Courrier hebdomadaire du
CRISP, vol. 2059, no. 14, 2010, pp. 5-51.
23
J. Bouveresse, Chapitre IV. La déstabilisation générale (1914-1932), in Histoire des institutions de la vie
politique et de la société françaises de 1789 à 1945 [en ligne]. Mont-Saint-Aignan : Presses universitaires de
Rouen et du Havre, 2012 (généré le 08 février 2021), URL : https://books.openedition.org/purh/5859?lang=fr,
consulté le 08/02/2021 à 08h52.
24
Tous les résultats de l’élection législative française de 1919, lire M. Dewavrin, « Quelques chiffres à propos des
élections législatives françaises de 1919 », Journal de la société statistique de Paris, tome 61, 1920, pp. 209-216,
en ligne, URL : http://www.numdam.org/article/JSFS_1920 61 209_0.pdf, consulté le 06/02/2021 à 10h55.
25
J. Guiffan, Histoire de l’Europe au XXe siècle : De 1918 à 1945 (de la fin de la Grande Guerre à l’écroulement
du nazisme), Éditions Complexe, 1994, p. 42.
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d’augmenter.26 Les désaccords entre la droite et les radicaux se multipliant, ces derniers se
retirent du gouvernement et s’allient à la SFIO27 en 1923, séparée de sa branche révolutionnaire
lors du Congrès de Tours en 1920 : SFIO et Parti radical forment alors le « Cartel des Gauches ».
Ainsi, les élections de 1924 sont remportées par cette coalition de gauche. Un radical, Édouard
Herriot, devient président du conseil.

Dans les colonies, cette période de crise à la fois politique et économique est marquée
par la nomination d’Albert Sarraut comme ministre des Colonies le 20 janvier 1920. Il présente
un « programme général de mise en valeur des colonies » devant la Chambre des députés le 21
avril 1921. Dans un ouvrage paru en 192128, Sarraut vante les mérites de la colonisation et
justifie la mise en valeur des colonies par les nécessités de la défense nationale et du
redressement économique du pays. Rappelant la participation des soldats coloniaux à l’effort
de guerre, il remarque qu’elle a dépassé les espérances les plus optimistes : environ six cent
mille combattants indigènes ont été incorporés et deux cent mille travailleurs indigènes ont été
recrutés29. Cependant, poursuit-il, le rendement eût été beaucoup plus efficace si les forces
d’outre-mer avaient été d’avance bien préparées par l’amélioration de la race et de l’individu.
L’assistance médicale et l’hygiène publique sont des tâches de longue durée, qui doivent être
conduites méthodiquement et sans arrêt. Il en est de même de l’enseignement, qui marche de
pair avec elles. On ne fait pas en quelques mois des hommes beaux, forts et instruits30.

Au nom du gouvernement, le projet de loi « portant fixation d’un programme général


de mise en valeur des colonies françaises »31 qu’il présente aux députés propose un programme
d’ensemble de grands travaux publics, d’outillage économique (infrastructures et équipements)
et d’œuvres nouvelles, dont la réalisation méthodique a pour objectif d’imprimer une impulsion
puissante tant au développement des richesses matérielles qu’à l’œuvre humaine de civilisation
poursuivie par la France dans son domaine colonial32. Sur le plan économique, le plan Sarraut
propose un fort investissement sur l’outillage économique : infrastructures et équipements. De

26
Ibid., pp. 44-52.
27
« La Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) est un parti politique socialiste français, qui a existé
sous ce nom de 1905 à 1969. En 1969, elle devient le Parti socialiste lors du congrès d’Issy-les-Moulineaux, où
elle s’associe avec l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche. » (Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Section_fran%C3%A7aise_de_l%27Internationale_ouvri%C3%A8re, consulté le
30/12/2019 à 15h34).
28
A. Sarraut, La Mise en valeur des colonies françaises, Paris, Payot, 1921.
29
Ibid, p. 58.
30
Ibid.
31
Journal Officiel de la République Française, n°54 du 13 avril 1921, p. 1555.
32
A. Sarraut, La Mise en valeur…, p. 23.
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nombreux grands travaux sont, en effet, explicitement envisagés : ports, voies de


communications, aménagements de fleuves (notamment pour l’irrigation), équipements de
santé, enseignement, recherche etc.

L’argument majeur d’Albert Sarraut en faveur de ces grands travaux est qu’ils peuvent
avoir des effets économiques, tant d’ailleurs au profit des colonies que de la métropole,
beaucoup plus importants en Afrique, sous équipée, qu’en Europe, déjà bien pourvue : « Alors
que les grands travaux métropolitains contribuent seulement à « l’augmentation » de la
production, les grands travaux coloniaux ont pour conséquence de « créer » la production »33.
Au-delà du programme « d’outillage économique », c’est un « plan de mise en valeur
d’ensemble » que propose Sarraut, qui estime que « les améliorations d’ordre moral,
intellectuel, politique et social sont étroitement liées aux réalisations d’ordre matériel »34.

Finalement, le projet de loi déposé par Albert Sarraut sur le bureau du Parlement
français, le 12 avril 1921, n’est même pas discuté.

Les députés et sénateurs sont sans doute quelque peu effrayés par les conséquences financières que
pourrait entraîner la mise en œuvre d’un tel ambitieux programme : une première crise frappe l’économie
française dès 1921 ; et l’Allemagne n’assure pas le remboursement des dommages de guerre prévus par
le traité de Versailles.35

Ainsi que nous l’avons souligné, ce projet a cependant largement inspiré la politique
coloniale et ses stratégies dans l’entre-deux guerres36. En AOF et AEF, un effort tout particulier
est mis sur les priorités retenues par le Plan Sarraut en matière d’équipement : installations
portuaires, voies navigables, chemins de fer, routes et piste. L’hypothèse est « que l’outillage
accroît fatalement la prospérité des régions traversées »37. Pour Joseph Chailley-Bert, « les
travaux publics sont, aux yeux des indigènes, la seule excuse de la colonisation, car nos lois ils
ne s’en soucient pas, nos fonctionnaires ils les dédaignent, nos réformes, ils les redoutent […].
Les colonies jeunes […] ont besoin d’une forte alimentation […] (qui, pour elles) est l’outillage
économique »38. Ainsi, nombre de propositions du Plan Sarraut se concrétisent, se réalisent, au

33
Ibid, p. 77.
34
Ibid, p. 83.
35
J. Suret-Canale, Afrique noire. L’ère coloniale 1900-1945, Paris, La culture et les hommes, Éditions sociales,
1964, p. 352, cité par R. Tourte, Histoire de la recherche agricole …, 2005a, p. 20.
36
M.-R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun : au lendemain de la seconde guerre mondiale
(1946-1956), Publications de la Sorbonne, 1998, p. 101.
37
P. Lyautey, L’Empire colonial français, Paris, Les Éditions de France, 1931, cité par R. Tourte, Histoire de la
recherche agricole …, 2005a, p. 20.
38
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole …, 2005a, p. 20.
P a g e | 91

moins partiellement mais, pour l’essentiel, avec les moyens ordinaires du budget général et les
budgets locaux.39

Sur le plan international, en août 1924, le Cartel des Gauches accepte le plan Dawes, en
1924, qui réévalue à la baisse les réparations de guerre imposées à l’Allemagne. 40 En échange,
en 1925, le gouvernement fait évacuer la Ruhr qui était occupée depuis 1923 pour faire pression
sur l’Allemagne. Édouard Herriot reconnaît également symboliquement l’URSS à l’automne
1924. Ministre des Affaires étrangères de 1925 à 1932, et Prix Nobel de la Paix en 1926,
Aristide Briand se prononce en faveur d’une union fédérale européenne et en faveur de la paix,
notamment par le pacte Briand-Kellogg qui condamne le recours à la guerre est signé en 1928.41

Sur les questions économiques, cependant, le Cartel des Gauches est divisé. Herriot, peu
à l’aise dans le domaine, ne parvient pas à redresser la situation économique de la France,
endettée. La valeur du Franc s’effondre du fait d’une multiplication des prêts et des avances à
la Banque de France, toujours entre les mains des « 200 familles »42.

L’inflation, par conséquent, augmenta très fortement. Herriot brandit la menace d’un
impôt sur le capital qu’il ne créa jamais et provoqua une panique des milieux bancaires et
financiers. Face à ces difficultés, il fut obligé de démissionner, tout en dénonçant le « Mur
d’argent » qu’il considérait à l’origine de l’aggravation des difficultés financières du pays. 43
Une autre explication est tout de même évoquée :

Dans ce contexte particulier, la gauche va commettre une grosse erreur. Une loi de 1920 avait fixé à 41
milliards le plafond de la circulation des billets. Or, dès l’automne 1924, le gouvernement augmente la
masse de la monnaie fiduciaire. Le plafond est dépassé ; la situation est dissimulée par des truquages des
bilans hebdomadaires de la Banque de France. Mais les fuites de capitaux reprennent, la confiance

39
Ibid.
40
Ibid., p. 51.
41
« Le pacte Briand-Kellogg, ou pacte de Paris, est un traité signé par soixante-trois pays qui “condamnent le
recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renoncent en tant qu'instrument de politique
nationale dans leurs relations mutuelles” ». Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pacte_Briand-Kellogg, consulté
le 06/02/2021 à 11h41.
42
« Les deux cents familles constituent un mythe politique selon lequel un petit nombre de familles tiendrait en
main la majorité des leviers économiques de la France, contrôlant ainsi les destinées politiques du pays. Cette
théorie du complot trouve son origine dans les deux cents plus gros actionnaires (sur près de 40 000) qui
constituaient autrefois l'Assemblée générale de la Banque de France, avant que celle-ci ne soit nationalisée. »
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Deux_cents_familles, consulté le 06/02/2021 à 11h52.
43
Le mur d’argent (ou mur de l’argent) est une expression employée par afin d’expliquer les difficultés financières
rencontrées par son gouvernement (fuite des capitaux, dévaluation du franc, trésorerie publique quasi nulle, etc.),
par l’opposition concertée des banques et de la finance. Symbolisant l’hostilité des « grandes puissances d’argent »
envers les gouvernements de gauche, le « mur d’argent » dénoncé par le Cartel des gauches dans les années 1920
préfigure le mythe des « deux cents familles » stigmatisées durant le Front populaire en 1936. Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Mur_d%27argent, consulté le 06/02/2021 à 11h59.
P a g e | 92

disparaît. Édouard Herriot démissionne en avril 1925, après avoir dénoncé le « mur d’argent » auquel il
se serait heurté. Cependant, la chute du franc s’accélère : en juillet 1926, le dollar vaut 49 Fr. Le président
Gaston Doumergue appelle Poincaré, qui forme un ministère d’union nationale, allant de la droite aux
radicaux. Son programme : la défense du franc. 44

Les importantes mesures fiscales que Poincaré initia, permirent à la France de redresser
ses comptes publics et de rembourser sa dette. Grâce à sa popularité et à de premiers résultats
encourageants, la droite, alliée au centre, remporta les élections législatives de 1928. Poincaré
combattit l’inflation et mit en place une politique d’austérité tout en voulant éviter l’erreur de
Churchill, qui était d’avoir rétabli la convertibilité de la Livre sterling à sa parité d’avant-guerre,
portant un coup fatal aux exportations et à l’économie britanniques. Malgré la réticence d’une
droite conservatrice, il établit finalement le Franc Poincaré en 1928, dévalué de 80% par rapport
au Franc Germinal. Il restaura ainsi la convertibilité du Franc en or et la confiance des
investisseurs, dopant la croissance du pays au moment où les États-Unis sombraient dans la
crise. Ainsi, en 1929, la France vit une période de prospérité.

En 1929, le plan Young succéda au plan Dawes et rééchelonna le paiement des


réparations allemandes. Après des années difficiles de guerre, les années 1920 furent marquées
en France par un climat d’insouciance et de renouveau artistique accompagné d’une forte
croissance économique. Ainsi, il fallut attendre 1931 et la dévaluation de la Livre sterling pour
que la France fût confrontée aux premiers effets de la Grande Dépression. Alors que cette crise
se fit violemment ressentir depuis 1929 aux États-Unis. Mais même par la suite, la France
semble moins touchée : les faillites y sont par exemple moins nombreuses. La France n’est par
ailleurs pas touchée par un chômage de masse, contrairement à l’Allemagne ou aux États-Unis
où le taux de chômage dépassa les 25%. Pourtant, alors que l’on constata des signes de reprises
économiques dès 1934 dans de nombreux pays, la situation française continua de se détériorer,
et ce jusqu’au printemps 1935. La succession de gouvernements, incapables de faire face et la
crise économique et politique du moment, empêtra ainsi la France dans ces difficultés. Afin de
réduire les effets de la crise, la France prit, comme ses partenaires commerciaux, des mesures
protectionnistes importantes. Pour compenser ce repli, elle se tourna vers son Empire colonial
avec lequel les échanges se multiplièrent.

C’est donc en pleine crise, que se tint du 3 décembre 1934 au 13 avril 1935, la
Conférence économique de la France métropolitaine et d’Outre-Mer. Elle confirma le besoin

44
J. Bouveresse, Chapitre IV. La déstabilisation générale (1914-1932)…, 2012.
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d’un plan d’économie à la dimension de l’Empire, destiné à promouvoir l’intervention des


Colonies dans la compétitivité mondiale. En effet, la grande crise atteignit l’économie française.
La Conférence dut chercher dans l’Empire et les possessions d’Outre-Mer, un substitut aux
marchés étrangers perdus en raison de la dépression et du protectionnisme qui eut cours dans la
plupart des pays. Il ne s’agit donc

[…] pas de savoir quels produits coloniaux peuvent remplacer les produits que la France importe de
l’étranger, mais comment réaliser la substitution des produits étranger par des produits coloniaux. Toutes
les déclarations faites par les organisateurs et les participants à la conférence économique impériale de
1934-1935 soulignent que son objet est de favoriser l’émergence d’une entité économique autosuffisante
ou quasi autosuffisante sur l’ensemble de l’Empire. Tel est le motif de sa convocation et le thème de tous
ses travaux. De ce fait, la Conférence constitue un moment historique privilégié qui permet de comprendre
les enjeux de l’édification d’une économie impériale cohérente 45.

Deux raisons motivèrent la tenue de cette conférence : le commerce dans l’Empire et


l’impératif de juguler la crise économique. Les investissements nécessaires, étalés sur quinze
ans, devaient être fournis à 30 % par les Colonies, à 70 % par l’aide métropolitaine, « sous la
forme d’un Fonds national pour l’outillage public de la France d’Outre-Mer, géré, par la Caisse
des dépôts et consignations : (c’est), bel et bien, avec douze ans d’avance, les prémices du
FIDES et de la Caisse centrale »46.

En août 1936, Marius Moutet, ministre socialiste des Colonies, décida par une circulaire
de convoquer en Conférence les gouverneurs généraux pour discuter des grands problèmes que
pose l’administration des territoires d’Outremer.47 L’intérêt de la circulaire préparatoire à cette
Conférence est qu’elle nous éclaire à la fois sur la doctrine coloniale de la SFIO48 et sur la
politique économique proposée pour l’empire. Cette politique prolongea en effet le projet
élaboré pendant la crise par certains milieux d’affaires : allégement de la présence
administrative française, promotion des élites locales, financement public accru, élimination
des effets parasitaires du commerce de traite. La politique préconisée par la SFIO ne faisait

45
S. Saul, « Les pouvoirs publics métropolitains face à la Dépression : La Conférence économique de la France
métropolitaine et d'Outre-Mer (1934-1935) », in French Colonial History, Vol. 12, 2011, p. 168.
46
C. Coquery-Vidrovitch, L’Afrique occidentale au temps des Français. Colonisateurs et colonisés, 1860-1960,
Paris, L’Agence de Coopération culturelle et technique, La Découverte, 1992, p. 130.
47
Lire J. Marseille, « La conférence des gouverneurs généraux des colonies (novembre 1936) », Le Mouvement
social, no 101 (Oct. - Dec.), 1977, p. 61-84.
48
« La Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) est un parti politique socialiste français, qui a existé
sous ce nom de 1905 à 1969. En 1969, elle devient le Parti socialiste lors du congrès d’Issy-les-Moulineaux, où
elle s’associe avec l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche. » (Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Section_fran%C3%A7aise_de_l%27Internationale_ouvri%C3%A8re, consulté le
30/12/2019 à 15h34).
P a g e | 94

qu’élargir le vaste projet d’une France impériale, bien loin de préparer les chemins du « self-
government » comme le souhaitait Léon Blum en 1927 :

« En ce qui nous concerne, déclarait-il à la Chambre le 11 juillet 1927, ce n’est pas dans le sens d’une
représentation plus large des indigènes au parlement français que nous voudrions qu’évolue cette
question. Je le dis sinon comme une opinion du parti, du moins comme une opinion partagée par la plupart
de mes camarades : nous désirons que la législation coloniale s’achemine de plus en plus vers
l’indépendance, vers le self-government, comme les dominions. » Une telle politique ne ferait d’ailleurs
que se conformer aux recommandations de l’Internationale socialiste qui s’est, à diverses reprises,
prononcée en faveur de l’accession des colonies à un régime de self-government49.

Les participants à cette Conférence étaient invités à contribuer à l’élaboration de plans


de travaux publics. À cette occasion, Marius Moutet se déclarait pour une économie dirigée
d’intérêt général, opposée aux seules initiatives privées de la libre concurrence. Son but était
« que les capitaux s’investissent dans nos Colonies […] qu’ils y demeurent, qu’ils y travaillent,
qu’ils y produisent, au lieu de chercher irrésistiblement à s’en évader dans un minimum de
temps »50. Et, dans le discours, apparaissaient des termes neufs : industrialisation,
décentralisation économique, développement, économies complexes, dans lesquels étaient
concernés tous les secteurs et non plus seulement celui du commerce d’exportation.51 De plus,
au développement économique, le gouvernement de Léon Blum souhaitait associer un
« programme social d’équipement à la base », contrepartie à la seule planification de travaux
publics de grande envergure.

La Conférence de 1936 reprit, enfin, l’idée d’un Fonds colonial métropolitain déjà
exprimée par celle de 1934-1935. Le chiffre de 5 milliards de francs fut même repris, mais étalé
sur vingt-cinq ans. « La première demande, de 250 millions, traîn[a] jusqu’à la guerre, avant
d’être finalement rejetée par le Sénat en 1939 »52.

Les différents Plans et Conférences de la France de l’entre-deux-guerres ont plusieurs


similarités :

 Tous privilégièrent les dépenses d’infrastructure et de transport.


 Tous affirmèrent « la primauté de la production agricole », mais diffèrent quant à
l’importance qui lui est accordée.

49
M. Semidei, « Les socialistes français et le problème colonial entre les deux guerres (1919-1939) », Revue
française de science politique, 18ᵉ année, n°6, 1968, p. 1142.
50
C. Coquery-Vidrovitch, L’Afrique occidentale au temps des Français…, 1992, p. 131.
51
Lire J. Marseille, « La conférence des gouverneurs … », 1977.
52
C. Coquery-Vidrovitch, L’Afrique occidentale au temps des Français…, 1992, p. 132.
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 Aucun ne dépassa le stade projet. Malgré l’importance de leurs objectifs de production,


ils furent élaborés sans que le souci de leur financement et de leur matérialisation
n’entrât en jeu ; soit aucune solution ne fut envisagée pour leur financement, soit on
en chargea les budgets locaux bien que cela dépassât leurs possibilités réelles (Plan de
1936), soit encore, en cas d’emprunt (Plan de 1931)53, celui-ci fut détourné de son but
initial pour colmater les déficits budgétaires locaux comme le souligne Coquery-
Vidrovitch :
L’intervention métropolitaine, décidée quelques mois auparavant mais accélérée par l’irruption de la crise,
visait à doter l’empire d’une infrastructure de base destinée à rentabiliser l’économie en abaissant le coût
de l’évacuation des produits (prolongements ferroviaires, chantiers routiers et travaux portuaires) : c’était
le but des grandes lois d’emprunt de 1931. Mais la crise les détourna de leur objet puisque leur apport
coïncida presque exactement avec le creux de la dépression […] : au lieu de promouvoir l’amplification
des programmes, les emprunts permirent surtout de compenser - en général très partiellement - le déficit
intérieur, surtout au Cameroun - où les chantiers furent suspendus - et en A.O.F. où plus de la moitié des
travaux continua d’être financée sur les ressources propres de la fédération : rien d’étonnant à cela puisque,
sur les 1 750 millions de francs autorisés par les lois de 1931-32, 593 seulement (en francs courants) avaient
été effectivement versés en 1936, et 828 au total à la veille de la seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire tout
juste la moitié.54

La Conférence impériale de 1934-1935 envisagea la prise en charge de l’infrastructure


par les fonds publics métropolitains, mais cela resta aussi lettre morte.55 En fait, les emprunts
furent pris en charge par les administrations locales :

Les emprunts coloniaux étaient le mécanisme qui permettait de mettre à la charge du colonisé les frais
d’équipement de l’empire. Le principe en est simple. Plutôt que d’inscrire au budget national le coût des
travaux à faire, les gouvernements métropolitains autorisent les autorités locales, c’est-à-dire
l’administration coloniale, à emprunter sur le marché financier métropolitain. Ensuite, les impôts locaux
devaient permettre d’assurer le service de la dette ainsi contractée par le territoire, sans consultation des
indigènes, sujets, mais non citoyens. Le bénéfice était immédiat pour les porteurs de titres. Les parlements
acceptaient volontiers le principe d’opérations qui n’accroissaient pas les charges des électeurs… C’est
ainsi également que la France équipa l’Indochine, l’Afrique noire, l’Afrique du Nord et notamment le
Maroc.56

53
Lire au sujet des emprunts de 1931, F. Bobrie « L’Investissement public en Afrique noire française entre 1924
et 1938. Contribution méthodologique », In Revue française d’histoire d’outre-mer, tome 63, n°232-233, 3e et 4e
trimestres 1976, numéros thématiques : L’Afrique et la crise de 1930 (1924-1938) sous la direction de Catherine
Coquery-Vidrovitch, pp. 459-476.
54
C. Coquery-Vidrovitch, « L’Afrique coloniale française et la crise de 1930 : crise structurelle et genèse du
Rapport d’ensemble », In Revue française d’histoire d’outre-mer, tome 63, n°232-233, 3e et 4e trimestres 1976,
numéros thématiques : L’Afrique et la crise de 1930 (1924-1938) sous la direction de Catherine Coquery-
Vidrovitch, p. 405.
55
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole …, 2005a, p. 22.
56
P. Guillaume et P. Delfaud, Nouvelle histoire économique, Tome 2, « Le XXe siècle », Paris, Armand Colin,
Collection U, 1976, p. 31. Cité par A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun sous administration
française de 1922 à 1960 : mutations économiques et sociales », Thèse de doctorat en Histoire, Université de
Yaoundé I, 2006, p. 3.
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Malgré toutes ces complications dans l’implémentation des politiques coloniales,


quelques investissements dans le domaine des infrastructures de transport sont à noter durant la
période de mandat. Notamment : le port de Douala, le chemin de fer de Yaoundé et la ligne
Otélé-Mbalmayo, soit par le Budget annexe de la construction du port de Douala et du chemin
de fer du Centre (entre 1925 et 1927), soit en « dépenses extraordinaires » en 1924, 1928, 1929,
1930.57 Les investissements se chiffrèrent ainsi qu’il suit :

 Port de Douala : 70 millions.


 Chemin de fer : 56,9 millions (y compris les dépenses de 1922 et 1923). L’emprunt est
utilisé à concurrence de 8,7 millions pour substituer le rail métrique à la voie de 0,60 m
sur la ligne Otélé-Mbalmayo.
 Mesures sanitaires : 27,7 millions ;
 Routes et ponts : 4,8 millions ;
 Divers : 4 millions.58

II. Les politiques publiques des transports au Cameroun sous Mandat


français

Sous le protectorat allemand, l’activité agricole était la principale, voire la seule activité
économique importante du territoire. Mais avant l’arrivée des Français, les bénéfices de cette
production agricole allaient presque exclusivement aux européens, les indigènes n’y étaient pas
véritablement associés. Les changements imposés par le régime de Mandat, a fait en sorte que
la France assure à la fois la promotion économique de l’indigène et la mise en valeur du
Territoire, dans l’esprit du Plan Sarraut.

Pour réaliser ce double objectif, il fallut d’une part créer de nouveaux espaces et, d’autre
part, revaloriser systématiquement toutes les cultures dont l’avenir sur le marché mondial
pouvait apparaître prometteur à plus ou moins longue échéance59. Ainsi que le proposait le Plan
Sarraut, l’administration française s’efforça de faire coïncider ces objectifs avec la
spécialisation de chaque région naturelle dans la pratique d’une ou de plusieurs cultures riches,
afin d’apporter aux populations locales, des ressources durables et régulières. Parmi ces cultures

57
F. Bobrie « L’Investissement public en Afrique noire… », 1976, p. 463.
58
Ibid.
59
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 363.
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d’exportation, on peut citer : le caoutchouc, le cacao, le café, la banane, le coton, l’arachide, le


palmier à huile, et le tabac.

Ces huit cultures se partagèrent les quatre régions naturelles du Cameroun : le Littoral,
le Sud et le Centre furent les terres de prédilection du cacao et du palmier à huile ; l’Est, fut
consacré au caoutchouc, au café et au tabac ; enfin, l’Ouest se spécialisa dans la culture du café
et de banane, et le Nord, à l’arachide et au coton.

Mais le développement de ces cultures dut aller de pair avec le développement des
infrastructures de transport. Il fallut en effet permettre aux différentes régions ciblées de se
mettre en capacité d’évacuer les produits des plantations. De fait, leur coût sur le marché en
dépendait.

1. La politique des transports routiers

Malgré leur volonté de promouvoir les voies fluviales, bien moins coûteuses, les
Allemands se heurtèrent à leur insuffisance et celles-ci durent compléter le système ferroviaire
existant par des routes destinées à en constituer les affluents.

La route, au Cameroun comme dans toutes les colonies, est le complément indispensable de la voie ferrée,
et la médiocrité des voies navigables doit en faire, ici plus qu’ailleurs, l’un des objets essentiels de la mise
en valeur méthodique. L’administration allemande, pourtant, ne s’était pas particulièrement préoccupée
de doter le territoire d’un réseau routier véritable. Les nombreuses routes mentionnées par nos
prédécesseurs n’étaient en réalité que des pistes élargies où l’usage normal de l’automobile était chose
impossible. C’est donc pour la plus grande part à l’autorité française que revient le mérite d’avoir exécuté
un programme routier dont les résultats — routes anciennes et routes nouvelles — se chiffrent par un total
de 1.800 kilomètres de voies accessibles aux automobiles. 60

La politique de l’administration mandataire semble avoir obéi à deux principes majeurs :

 Relier aux voies d’évacuation (lignes ferrées et cours d’eau navigables), les régions de
l’intérieur du pays, riches en produits naturels, de manière à favoriser la participation
de ces régions au commerce, et l’élévation du niveau de vie des indigènes.
 Substituer sur les voies de circulation commerciale, le portage mécanique au portage
humain, afin de réduire l’effort des populations pour le transport des produits.

60
Commissariat de la République Française au Cameroun, Guide de la colonisation au Cameroun, Librairie Émile
Larose, Paris, 1927, p. 37. Cet avis est pourtant en totale contradiction avec le rapport du Commissaire Fourneau
que nous évoquions plus haut dans ce travail. Cela peut aisément se comprendre si l’on prend en considération le
fait que, devenue puissance mandataire de la SDN au Cameroun, la France avait à cœur de justifier sa présence,
en surévaluant son impact dans le processus de « développement » de ce territoire.
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D’après Etoga Eily, l’application de ces principes a été marquée par l’établissement de
trois réseaux mêlant routes, fleuves et chemins de fer61 :

 Le premier réseau, dit de l’Ouest, devait être raccordé au terminus de la voie ferrée du
Nord, pour desservir la région s’étendant jusqu’à la frontière avec le Nigéria.
 Le second réseau était celui du Centre et de Sud, qui se raccordait tour à tour, au
terminus du chemin de fer du Centre, au port de Kribi, et enfin à la voie navigable du
Nyong. Ce réseau englobait à la fois les régions du Centre, de l’Est et du Sud-Cameroun.
Deux antennes se sont ensuite greffées à ce complexe routier : l’antenne du Nord, se
dirigeant vers les régions septentrionales ; et l’antenne de l’Est. Cette dernière devait
quant à elle, former une grande artère commerciale reliant l’Oubangui-Chari au
Cameroun ; raccordée au relief navigable du Nyong par le réseau du Centre, elle
permettait l’ouverture de la transversale Doumé-Lomié, exutoire naturel du caoutchouc
en provenance de l’Est du territoire.
 Le troisième réseau, celui du Nord, comprenait les pistes automobilisables reliant les
uns aux autres, les territoires tributaires du Logone et du Tchad, La Bénoué et, grâce à
des transversales, la colonie française et le Nigéria.

Carte n° 2 : Carte routière du Cameroun en 1927

Source : Commissariat de la République Française au Cameroun, Guide de la colonisation au


Cameroun, Librairie Émile Larose, Paris, 1927, p. 37.

61
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 438.
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Pour A. F. Dikoumé, les routes du Cameroun n’étaient pas seulement importantes pour
le territoire camerounais, mais aussi pour les territoires de l’AEF. En effet, le chemin de fer
Congo-Océan ne résolvait pas le problème de l’Oubangui et du Tchad, dépourvus de façade
maritime. Les routes du Cameroun représentaient donc les voies les plus courtes pour parvenir
à la mer.62
Même si Douala est le centre commercial grâce à son port, on peut observer que le nœud
routier le plus important est Yaoundé. De Yaoundé, se détachent deux routes qui se ramifient
elles-mêmes en plusieurs tronçons : route Yaoundé-Kribi et route Yaoundé-Yoko. Grâce à ces
deux voies, on peut aller de Yaoundé à :

- Kribi (186 kilomètres) : c’est l’ancienne route allemande, refaite sur la plus grande
partie de son parcours ; aux abords de Kribi seulement cette route présentait un aspect
définitif.
- Ebolowa et Sangmélima : cette route se détache de la précédente à Lolodorf.
- Makak : ce tronçon s’embranche à la route de Kribi, à Ngoumou. C’est encore la route
la plus passante du Cameroun ; elle a perdu une partie de son importance depuis que le
chemin de fer est arrivé à Yaoundé. De Yaoundé à Makak, on compte 104 kilomètres63.
- Yoko (258 kilomètres) : cette route amorce la grande ligne vers le Nord.
- Bafia et Dschang : c’est un embranchement de la route précédente ; il s’en détache à
Nachtigal, aussitôt passé le bac de la Sanaga. Jusqu’à Bafia (160 kilomètres de
Yaoundé) la route est commerciale64.
- Nanga-Eboko et au-delà : autre embranchement de la route de Yoko ; la bifurcation est
située au lieu-dit Bikélé Mongo, à 58 kilomètres de Yaoundé. Elle se déroule
actuellement sur 250 kilomètres à partir de Yaoundé ; Nanga-Eboko est à 160 kilomètres
de la capitale.

À côté du réseau qui a pour centre Yaoundé, diverses routes furent construites :

- la route d’Eséka à Lolodorf, qui relia Eséka à Ebolowa et Kribi ;


- la route Doumé-Lomié, par Abong-Mbang ;
- la route Sangmélima-Mbalmayo, terminus du Decauville ;

62
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 197.
63
Ibid, p. 39.
64
Ibid.
P a g e | 100

- les routes qui relient Dschang au terminus du chemin de fer du Nord, Nkongsamba, et
notamment celle qui, passant par Bafang, traversait la rivière Nkam ;
- la route peu commerciale de Dschang à Foumbam ;
- la route Edéa-Dehane, qui se prolongea même au-delà d’Edéa,
- enfin la route Garoua-Maroua et les routes du Nord, qui étaient de bonnes pistes
utilisables en saison sèche65.

Le bilan de ces travaux, au 31 décembre 1925, était que le réseau routier du Cameroun
était de 2415 km, contre seulement 700 km au 31 décembre 1921.66 Les travaux se
poursuivirent de manière soutenue jusqu’en 1932, année à laquelle on assista à des
compressions budgétaires. Cependant, de nombreux travaux routiers continueront jusqu’au
début de la Guerre de 1939-1945. Ainsi,

En 1936, le réseau routier comprend 4 400 km de routes permanentes et 1 600 km de routes saisonnières.
De Yaoundé, plaque tournante, partent trois grandes artères reliant le Cameroun à la vie économique
internationale : 1° Yaoundé-Fort Lamy (1 650 km) dont une partie jusqu’à Garoua, constituée d’ouvrages
d’art définitifs est utilisable toute l’année ; 2° Yaoundé-Bangui (231 km dans le territoire) avec
embranchement sur le Moyen-Congo ; 3° Yaoundé-Ambam et Oyem, reliant toutes les régions du
Cameroun au Gabon. De Yaoundé part également une route rejoignant Dschang (500 km) riche région
habitée par plus de 500 000 indigènes. De Foumban, de Bafoussam, de Banganglé et de Bafang, les routes
s’entrecroisent pour aboutir à N’Kongsamba, tête de ligne du chemin de fer du Nord et se prolongent
même jusqu’à Wouri. Dans le Sud, région du cacao, rayonnent des tronçons vers Ambam, Sangmélima.
Enfin dans le Nord, de Maroua et de Garoua partent des pistes saisonnières sur Mora-Mokolo, Pouss,
Mendiff-Yagoua d’une part, et Demsa-Holma d’autre part. Réalisée par un effort continu et méthodique,
cette œuvre témoigne du génie colonisateur de la France.67

La lecture d’un tel bilan pousserait en effet à croire que tout était alors fait sur le plan
des transports routiers. Il faut tout de même relever que la qualité des routes souffrait très
souvent des affres de la nature. En effet, en saison des pluies, la plupart des routes nouvellement
construites étaient difficilement praticables. Cependant, nous devons reconnaitre l’influence
positive de l’extension du réseau routier sur le développement économique de l’ensemble du
territoire. Pour compléter ce réseau routier, le chemin de fer est développé tout comme sous le
protectorat allemand.

65
Ibid.
66
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 442.
67
Agence économique des colonies autonomes et du Cameroun, Cameroun, magazine trimestriel, 1937, p. 6. En
ligne, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9734097w/f1.item.r=carte%20routi%C3%A8re%20du%20Cameroun%201
932, consulté le 15/02/2021 à 09h21.
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2. La politique des transports ferroviaires

À la fin de la Première Guerre mondiale, le chemin de fer est la voie de communication


qui a subi le plus de dommage. « L’on rapporte même que pour embouteiller le matériel
abandonné au terminus du chemin de fer du Centre, les Allemands auraient lancé l’un contre
l’autre, dans une tranchée, deux trains de ballast dont la collision aurait provoqué un
déraillement, en même temps que la destruction de 25 wagons »68. Dès 1922, après la réparation
provisoire des ponts par l’entreprise Daydé69 70
, les travaux de la voie de Ndjock à Yaoundé
commencent.

Les travaux de prolongement du Chemin de fer entrepris en 1922 ont été poursuivis activement en 1923 ;
ces travaux constituent la réalisation du projet jusqu’à Ottélé. Une modification à ce projet dirige la voie
métrique sur Yaoundé, et de Ottélé à Balmayo sur le Nyong une artère qui recevra au début une voie de
0.60, mais à laquelle on pourra substituer la voie métrique, vu les caractéristiques qui seront données à la
plateforme si les nécessités du trafic l’exigent.
Exécution des travaux. — Les travaux-exécutés au cours de l’année ont intéressé la région Njock-Makak
de beaucoup la plus accidentée de tout le tracé. L’avancement est forcément lent, dans ce pays bouleversé
où les tranchées de 16 mètres de hauteur succèdent très souvent à des remblais de même hauteur71.

D’après Etoga Eily, le prolongement du chemin de fer du Centre avait été inscrit dans
le Plan Sarraut.72 Il prévoyait le prolongement du chemin de fer du Centre jusqu’au Tchad, avec
Eséka-Yaoundé comme premier tronçon ; même si le Plan Sarraut n’est pas adopté, ce
programme de prolongement du chemin de fer est approuvé en 1922, par le Comité des Travaux
Publics.73 Il faut noter que ce programme diffère notablement dans ses objectifs, de celui
qu’avaient conçu les Allemands avant la guerre74. Ceux-ci projetaient la construction de deux
grandes voies de pénétration, qui auraient assuré l’exploitation de l’arrière-pays et étendu leur
action jusqu’aux possessions voisines ainsi que nous l’avons analysé plus haut. Cependant,

La France, puissance mandataire au Cameroun, entourée de possessions françaises ou alliées, ne pouvait


évidemment retenir une œuvre conçue avec l’espoir de porter atteinte à leurs intérêts futurs. Il ne pouvait
être question d’utiliser le port de Douala, pour concurrencer à outrance les autres débouchés maritimes

68
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 445.
69
« Daydé, ou Daydé & Pillé, était une entreprise française de constructions métalliques. Fondée par Henri Daydé,
cette entreprise a porté plusieurs noms : d'abord Daydé, puis brièvement Lebrun, Pillé & Daydé (1880), puis Daydé
& Pillé (1882), puis finalement à nouveau Daydé (1903). L'entreprise a fusionné en 1964 au sein de la Compagnie
française d'entreprises, devenue CFEM, et finalement intégrée dans Eiffel constructions métalliques ». (Source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dayd%C3%A9, consulté le 31/12/2019 à 15h58)
70
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p.446.
71
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun. Pour
l’année 1923, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1924, p. 119.
72
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 446.
73
Ibid.
74
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun. Pour
l’année 1922, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1923, p. 113.
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voisins, non plus que de poursuivre la construction d’un transafricain est-ouest, ni même de pousser le
rail jusqu’au bassin du Congo, dont les magnifiques artères fluviales constituent des voies de transport
bien plus économiques75.

La suite des travaux de construction du chemin de fer ont été, là aussi, dictée par le
mobile économique d’évacuation des produits des plantations, non par un souci d’aménagement
du territoire. Sous l’administration allemande, le chemin de fer était donc censé continuer
jusqu’aux confins de l’Est. Les Français font remarquer qu’au-delà d’Abong-Mbang, la région
était surtout couverte par la haute forêt équatoriale, et ne renfermaient pas d’autres produits
exportables que l’hévéa.76 Ainsi, le prolongement initialement prévu vers l’Est est abandonné,
au profit des régions du Nord Cameroun et du bassin tchadien, « qui renferment plus de la
moitié de la population du Cameroun, formée par des races de civilisation déjà avancée, se
livrant à l’élevage et à la culture ».77

L’administration mandataire a donc mené des études afin de prolonger le chemin de fer
du Centre vers le Tchad. C’est sous le nom du Douala-Tchad que ce projet a été désigné. En
1930, une mission dirigée par le colonel du génie Milhau a donc suggéré de relier Douala à
Moundou, au Tchad, et présenté un projet en ce sens.78

Selon cette étude, le prolongement devait emprunter les vallées de la Sanaga, du Lom
et de la Mbéré, affluent du Logone. L’avantage de ce tracé était qu’il ne présentait aucune
difficulté de construction ; de plus, de Yaoundé à Baïbokum au sud-ouest du Tchad (940 km),
le terrassement n’allait pas être important. Compte tenu des facilités que la nature des lieux
semblait offrir, le coût du kilomètre de rail était appelé à diminuer de manière très sensible ; on
estimait alors qu’il ne dépasserait pas 12 millions de francs.79 L’objectif de ce projet était de
parcourir les localités telles qu’Obala, Nanga Eboko, productrices de cacao, de palmistes et de
bois ; ou encore Batouri, Bertoua, Bétaré-Oya (productrice d’or et de diamant) ; Meiganga avec
son bétail ; désenclaver les régions cotonnières de Moundou (Tchad), de Maroua et Fort-Lamy,
riches en arachides.

75
Ibid, p. 114.
76
Ibid.
77
Ibid.
78
P. Billard, « On construit des chemins de fer au Cameroun », Revue de géographie alpine, tome 54, n°4, 1966,
p. 615.
79
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 453.
P a g e | 103

Finalement, le projet ne vit jamais le jour. En 1928 déjà, le rapport annuel du mandataire
soulignait que la route pouvait suffire à assurer les communications et les échanges, ce qui
rendait, selon les Français, le prolongement du chemin de fer, inutile.

Les indigènes considèrent avec satisfaction la préférence donnée par l’Administration au


développement des routes sur l’extension du réseau ferré. Au surplus, cette dernière ne se conçoit qu’en
étroite relation avec les conditions économiques. […] Au Cameroun le mouvement d'échanges est
largement assuré de communications- rapides et aisées, grâce à son réseau ferré actuellement suffisant
sur lequel viennent se greffer des artères de drainage dirigées vers tous les centres de production, et où
le camion automobile assure parfaitement le trafic. Construire de nouveaux chemins de fer, ce serait,
pour l'instant, imposer aux populations la charge somptuaire de travaux dont la réalisation nuirait au
labeur agricole et, par suite, au développement économique. À chaque génération son œuvre... 80

Photo n° 9 : La gare de Yaoundé en 1937

Source : Agence économique des colonies autonomes et du Cameroun, Cameroun, magazine trimestriel, 1937, p. 6. En ligne,
URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9734097w/f1.item.r=carte%20routi%C3%A8re%20du%20Cameroun%201932,
consulté le 15/02/2021 à 09h21.

Il faut donc dire qu’à la fin du Mandat, le principal travail dans les chemins de fer avait
été le prolongement de Ndjock à Yaoundé. La crise économique d’abord en 1929, et la guerre
de 1939-1945 ensuite, eurent raison des efforts consentis par les Français dans le domaine des
voies de communication. Ces facteurs eurent même raison de l’entretien qui aurait pu être fait

80
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun. Pour
l’année 1928, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1929, p. 48.
P a g e | 104

sur les voies existantes. Si les routes et le rail furent négligés, les voies fluviales quant à elles,
disparurent quasiment. Il faut tout de même noter les débuts des transports aériens.

Carte 3 : Système routier et ferroviaire du Cameroun en 1922

Source : Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du
Cameroun pour l’année 1922, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1923, p. 1
P a g e | 105

3. La politique des transports aériens

Malgré le relatif développement du réseau routier et ferroviaire, celui-ci ne couvrait pas


l’ensemble du territoire. Les régions du Nord-Cameroun, malgré ses richesses, restait
pratiquement coupé du Sud pendant les saisons des pluies. Ces circonstances ont permis de
poser l’aviation comme solution au désenclavement de ces localités. Dès 1934, « les questions
aéronautiques [sont placées] au premier plan de l’actualité »81. Le développement de l’emploi
de l’avion pour le tourisme ou les affaires, la création de lignes commerciales susceptibles de
desservir le Cameroun, enfin l’utilisation par l’Administration du Territoire elle-même d’un
appareil léger, ont dicté la politique des transports aériens sous le Mandat. Le plan complet
d’infrastructure réalisable progressivement prévoyait :

La constitution de trois bases aéronautiques à Douala, Garoua et Yaoundé : elles [devaient] avoir des
dimensions suffisantes pour être accessibles aux plus gros appareils, être pourvues de hangars et de
centres de ravitaillement, et aussi être équipées en stations principales de météorologie. En dehors de
ces bases [devaient être] établis des terrains d’escale près des centres principaux ou dans les régions où
l’aéronautique [était] appelée à exécuter des missions d’intérêt économique. Enfin, entre ces escales,
des terrains de secours [permettraient] aux petits appareils monomoteurs de survoler le pays sans risque,
malgré l’absence, générale en Afrique, de prévisions météorologiques. 82

La création d’itinéraires aériens ainsi jalonnés de terrains a été décidée en premier lieu
selon l’axe Yaoundé/Fort-Foureau (Kousseri actuelle), sur laquelle viendraient plus tard se
greffer des ramifications desservant les régions où le vol est utile (en direction de Dschang
notamment) et en second lieu selon la route Douala-Bangui, la grande voie de pénétration vers
le centre africain83. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, les trois (3) premières routes
aériennes étaient : la route Sud-Nord (de Douala à Fort-Lamy84) par Yaoundé ; la route Ouest-
Est, de Douala à Bangui ; la route côtière, exploitée par la Compagnie des chargeurs réunis 85,
et reliait Dakar à Pointe-Noire par la Côte.

81
Rapport annuel du gouvernement français sur l’administration sous mandat des territoires du Cameroun pour
l’année 1934, Paris, Imprimerie Générale Lahure, 1935, p. 44.
82
Ibid.
83
Ibid.
84
« Fondée par l’armée française en 1900 sous le nom de Fort-Lamy, la capitale tchadienne a été rebaptisée
Ndjamena (en arabe « nous nous sommes reposés ») en 1973. »
Source : https://www.universalis.fr/encyclopedie/n-djamena-fort-lamy/, consulté le 07/12/2021 à 22h53.
85
« Le service Dakar-Pointe Noire de la Compagnie “Aéromaritime” des Chargeurs Réunis, inauguré en mai 1937
et ouverte aux passagers à l’automne suivant, a continué à fonctionner pendant toute l'année 1938 avec une
régularité parfaite. » (Ibid., p. 44).
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Photo n° 10 : L’aéroport de Yaoundé en 1950, construit durant le Mandat français

Source : https://www.pinterest.com/pin/511369732662070108/?lp=true, consulté le 10/01/2020 à


10h48.

Entre 1939 et 1945, l’on assiste, malgré ou grâce à la guerre, à un extraordinaire


développement de l’aviation, d’où la nécessité d’élaborer une réglementation universelle pour
résoudre les problèmes techniques et normaliser les méthodes et moyens mis en place. La
Conférence de Chicago, tenue en automne 1944, aboutit à la rédaction de la Convention
Internationale de l’Aviation Civile signée le 7 décembre 1944.

Face aux lenteurs des voies de communication à l’intérieur du pays, l’aviation s’est
révélée très utile déjà à cette époque-là. Il était de surcroît nécessaire que les richesses de
certaines localités soient incluses dans le réseau d’infrastructures aériennes. Jusque-là, le
programme avait surtout intégré les régions de l’ouest, dotées de vastes plantations
européennes ; de l’Est où les mines d’or offraient de bonnes perspectives économiques ; et le
Nord, riche en coton, arachide et bétail86. L’aviation permettait néanmoins de suppléer
l’insuffisance de l’équipement routier et ferroviaire. Finalement, l’objectif de toutes ces
politiques étaient d’assurer le transit des produits de l’hinterland vers les différents ports.

86
L’avion servit au transport du bétail même pendant la période de Tutelle de l’ONU. J. C. Froelich rend justement
compte en 1954 des « expéditions de carcasses par avion-cargo vers Yaoundé, Douala, les ports d’A.E.F. et
Fernando-Po ». Ce moyen de transport, précise-t-il, fut surtout utilisé par les « éleveurs européens ». Source : J.
C. Froelich, « Ngaoundéré : la vie économique d’une cité peul », Études Camerounaises, Nos 43-44, 1954, p. 27.
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4. La politique des transports maritimes et fluviaux

Le protectorat allemand avait permis de mettre les ports au premier plan du


développement des voies de communication. Le Cameroun, en rappel, comptait les ports de
Douala, de Victoria, et de Kribi. En 1906, la Niger Company avait aménagé sur la Bénoué, un
wharf de fortune, afin de faciliter les opérations de chargement des navires et des chalands.

Sous le Mandat, les Français n’ont pas apporté des changements majeurs. Certes, entre
1926 et 1931, de nombreux travaux ont été entrepris au port de Douala, mais, sans évolution à
l’échelle de ce qui a été fait dans l’aviation, où il fallait partir de quasiment rien. Kribi a même
vu son port perdre en importance sous le Mandat, du fait du déplacement du commerce vers les
axes de chemin de fer et le développement parallèle des régions situées au nord du fleuve
Nyong. Ainsi, quasiment durant toute cette période, aucun investissement n’a été fait en faveur
de ce port. Pourtant, ce port aurait dû connaître un essor important : il était la principale porte
de sortie des bois et cacao produits dans la région d’Ebolowa entre autres. Au final, la période
de Tutelle devait marquer le déclin, pour un temps du moins, de ce port.

C. Le Plan Monnet de 1946, fondement des politiques publiques en France


et au Cameroun sous Tutelle
La planification française d’après-guerre avait des racines intellectuelles et structurelles
dans le keynésianisme du New Deal américain.

De par sa structure et ses objectifs, le Commissariat français de 1946 ressemblait aux institutions
américaines héritées du New Deal. Le « War Production Board » et le « Combined Production and
Resources Board », deux institutions où Monnet joua un rôle clef de 1941 à 1943, avaient en particulier
servi de modèle pour le Commissariat.87

Le Plan Monnet s’imposait avec un objectif de départ concret : rassurer les Américains
sur l’utilisation de l’aide qu’ils accordaient aux Français au terme des accords Blum-Byrnes.88
Ce n’est que plus tard que ses ambitions se sont étendues, ce qui en modifiait le fonctionnement.

87
M.-L. Djelic, « Genèse et fondements du plan Monnet : l’inspiration américaine », Revue Française d’Études
Américaines, N°68, mars 1996, p. 78.
88
« Que le Gouvernement des États-Unis a formellement adhéré à cet accord et à ces résumés (lettre Byrnes du 8
novembre 1945) ; qu’il a été précisé d’un commun accord, le 28 mai 1946 : a) Que la renonciation aux restrictions
d’importation était subordonnée à l’exécution du plan de reconstruction et de modernisation ». Source : JORF,
Avis et rapports du Conseil économique, année 1948, n°1, jeudi 29 janvier 1948, p. 7. En ligne, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97646185/f7.image.r=les%20accords%20Blum%20Byrnes?rk=21459;2#,
consulté le 07/02/2021 à 23h46.
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I. Les origines du Plan Monnet

En 1919, la Société des Nations, dont Monnet est l’un des animateurs, lui confie le poste
de secrétaire général adjoint. Durant la seconde guerre mondiale, les services rendus par lui à
la cause alliée le font designer comme membre du Conseil britannique des approvisionnements
de guerre. À la libération du territoire, il dirige les missions françaises d’achat aux États-Unis.
De Washington, M. Monnet prévoit qu’une fois le prêts-bails terminé, il deviendra nécessaire
de trouver de nouvelles formules qui permettent à la France d’utiliser de façon fructueuse l’aide
étrangère indispensable à la reconstruction et à la modernisation de son équipement. Afin de
répondre à ce besoin, un plan de modernisation et d’équipement formulant des propositions
concrètes pour les secteurs de base est alors élaboré sous sa direction.

L’expérience de planification américaine pendant la guerre avait été une première en


matière de collaboration tripartite entre politiques, représentants patronaux et syndicaux. Le
« War Production Board », le « Combined Production and Resources Board » ainsi que
l’« Office of War Mobilization », créé en 1943, représentaient trois exemples d’une telle
collaboration. Dans l’esprit du New Deal, ces institutions étaient en fait des organismes de
planification dont les membres avaient pour la plupart été fortement influencés par les idées de
Lord Keynes. Robert Nathan, qui, après avoir travaillé avec Monnet à Washington à
l’élaboration du plan français, devint l’un de ses consultants à Paris en 1946, croyait fermement
que le gouvernement se devait de diriger l’économie et de définir les directions générales de la
croissance.

Le 13 décembre 1945, dans un mémorandum adressé au Général de Gaulle, Jean Monnet proposait
l’élaboration d’un plan national. Ce plan avait deux objectifs principaux. Il devait permettre d’accélérer
la reconstruction de l’économie française tout en créant les conditions de sa modernisation. Le 3 janvier
1946, quelques jours avant de quitter le pouvoir, le Général de Gaulle acceptait le projet de Monnet et
créait par décret un « Commissariat Général du Plan ».89

Appelé à la Présidence de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier, M.


Monnet quitte le Plan au mois de mai 1950. Sous sa direction, la plus petite des administrations
françaises, le Commissariat du Plan de Modernisation et d’Équipement, prend son visage
original. Il rassemble dans ses commissions de travail des syndicalistes, des industriels, des
agriculteurs, des experts, des administrateurs, en un mot des hommes compétents qui, pour la

89
M.-L. Djelic, « Genèse et fondements du plan Monnet…», 1996, p. 77.
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première fois, prennent contact directement, hors de tout cloisonnement, de toute hiérarchie
administrative. Ensemble, ils fixent les objectifs du plan.

II. Les objectifs du Plan Monnet

Le premier plan français, ou « Plan de Modernisation et d’Équipement » avait deux


objectifs principaux :

- L’un était de coordonner et d’accélérer la reconstruction rationnelle d’une économie


détruite par des années de guerre et d’occupation.

- L’autre était d’obtenir une modernisation des structures économiques françaises. La


reconstruction était une nécessité, mais la tâche qui intéressait véritablement Monnet
et son équipe était la modernisation.90

Les deux éléments essentiels du programme de modernisation des organismes français


de planification étaient donc, d’une part la concentration industrielle et d’autre part la
productivité. Tous deux trouvaient leurs racines dans un modèle américain.91 En 1945, Eugene
Rostow avait donné à Monnet une liste d’orientations possibles pour le programme français de
modernisation.

Le but [du plan Monnet] est triple ou quadruple : produire et moderniser, conception purement
conjoncturelle, dépasser de 25 % en 1950 la production record de 1929, et maintenir le « rang » […] de
la France en Europe, d’où la priorité donnée à l’industrie lourde. Cinq conditions sont nécessaires pour
cela : obtenir du charbon, améliorer les transports, encourager l’immigration, abaisser les coûts de
production, obtenir l’aide financière étrangère. Autre signe de pragmatisme, prévu pour quatre ans, pour
ne pas « faire soviétique », le plan Monnet sera prolongé jusqu’en 1952, de manière à ce que sa fin
coïncide avec celle du Plan Marshall. Il est rigoureusement exécutoire dans le secteur public, incitatif
dans le privé, il s’inscrit dans une logique d’hostilité au protectionnisme, responsable de la stagnation
économique jusque-là.92

Le Premier Plan est financé par un système dit de « contreparties » : l’aide Marshall et
des emprunts d’État financent le Fonds de Modernisation et d’Équipement (devenu le 30 juin
1955 le FDES, Fonds de Développement économique et social) qui à son tour engendre deux
flux d’argent, un court et direct qui va au secteur public, un autre, indirect, allant à des
intermédiaires publics (Crédit foncier, Crédit national, etc.) qui financent des sociétés privées.

90
Ibid., p. 82.
91
Ibid.
92
D. Lejeune, Années 50. France Janus, en Noir et Blanc ou en Couleurs ?, pp. 164-165. En ligne, URL :
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01504693v6/file/A50-Texte-converti.pdf, consulté le 15/02/2021 à 08h26.
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Les destinataires français sont donc des producteurs, ce qui distingue la France de la Grande-
Bretagne et l’Italie, où l’aide Marshall sert essentiellement à rembourser la dette nationale.93

III. Les plans FIDES, conséquences du Plan Monnet


1. Le fonctionnement du Plan Monnet et la naissance du FIDES

Monnet voulait que le Commissariat soit une unité petite et flexible et à sa création il ne
comptait que vingt membres permanents.94 Ce Commissariat, avec l’aide d’experts et
d’informations fournis par les ministères, définissait les tendances générales pour l’économie
dans son ensemble ainsi que par secteur (niveaux de production et de productivité, priorités
d’investissement, programmes de réorganisation). Les « commissions de modernisation »
étaient ensuite chargées d’élaborer des plans sectoriels précis par secteur. Chaque commission
réunissait les représentants des groupes concernés - patrons, syndicats, Ministères, et
Commissariat. La structure du Commissariat et sa position par rapport à l’administration
traditionnelle, bien que surprenantes en France à l'époque, n'étaient pourtant pas
idiosyncratiques. Il est clair en effet que le « War Production Board » américain a servi de
modèle pour le Commissariat. La ressemblance est frappante. Le « War Production Board »
était lui aussi en marge de l’administration américaine. Comme pour le Commissariat, cette
position marginale reflétait en réalité son rôle clef et la nature de sa fonction principale qui était
de coordonner les différentes administrations américaines. Le Comité du Plan devait définir,
dans les grandes lignes, les priorités économiques de la nation. Il devait aussi veiller au suivi et
à la coordination des programmes sectoriels préparés par vingt-quatre branches industrielles
Chaque branche comprenait des représentants patronaux, syndicaux et des membres de
l’administration. « La tâche principale de chaque chef de branche sera d’obtenir une utilisation
optimale des capacités industrielles de l'industrie qui lui a été confiée, pour la production de
matériel de guerre et civil de base.»95

L’accord Blum-Byrnes, prévoyait des crédits de longue durée consentis pour la


reconstruction et le redressement économique de la France. Il soldait aussi une partie de la dette
française envers les États-Unis après la Seconde Guerre mondiale, deux milliards 800 millions

93
Ibid., p. 165.
94
M.-L. Djelic, « Genèse et fondements du plan Monnet… », 1996, p. 81.
95
Ibid.
P a g e | 111

de dollars de dettes contractées sous le régime du prêts-bails.96 97 Sous l’administration Truman,


ces crédits ont été accrus et se muent en Plan Marshall en 1947. Ainsi, ce sont ces crédits qui
ont permis la mise en œuvre du Plan Monnet.98 Dans cet effort de reconstruction d’après-guerre,
les Territoires d’Outre-Mer ne sont pas en reste :

 L’arrêté du 29 avril 1946 crée, auprès du Commissariat général au Plan, une


Commission de modernisation des Territoires d’Outre-mer présidée par René Pleven
(ancien président de la Conférence de Brazzaville) et déclinée en sept sous-
commissions : agriculture, forêts, mines, équipement public, urbanisme, problèmes
sociaux, Indochine.
 La Loi n° 46-860 du 30 avril 1946 tendant à l’établissement, au financement et à
l’exécution de plans d’équipement et de développement des territoires relevant du
ministère de la France d’outre-mer99, pose les fondements de la politique de
développement économique et social que la France entend désormais mener en faveur
de ses Territoires d’outre-mer, futurs composants de l’Union française en gestation.

Cette loi prévoit notamment100 :

 L’établissement par le ministre de la France d’Outre-mer, des plans de développement


économique et social portant sur une période de dix années. Ces plans devaient
comporter la transformation de ces territoires en pays modernes pour tout ce qui
concerne leur équipement public et privé, et englober la production, la transformation,
la circulation et l’utilisation des richesses de toute nature desdits territoires.
 la création d’un Fonds d’investissement pour le développement économique et social
des TOM, le FIDES. Ce fonds doit assurer le financement des plans sur la base d’une
dotation métropolitaine fixée chaque année par la loi de finances et de contributions
territoriales votées par les assemblées locales. Il est géré par la Caisse centrale de la

96
La loi du prêts-bails ou Lend-Lease Act est une « loi adoptée par le Congrès des États-Unis en mars 1941 et
appliquée jusqu’en août 1945, qui autorisait le président à vendre, céder, échanger, prêter le matériel de guerre et
toutes marchandises aux États dont la “défense était jugée vitale pour la défense des États-Unis”. » Source :
https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/loi_du_pr%C3%AAt-bail/139564, consulté le 03/01/2020 à 13h53.
97
M. Wall Irwin, « Les accords Blum-Byrnes. La modernisation de la France et la guerre froide», Vingtième Siècle,
revue d’histoire, n°13, janvier-mars, Dossier : Nouvelles lectures de la guerre froide, 1987, pp. 45-62.
98
Pour plus d’informations sur le Plan Monnet, lire Ph. Mioche, Le Plan Monnet : genèse et élaboration, 1941-
1947, Publications de la Sorbonne, 1987.
99
En ligne, URL :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000315341&categorieLien=cid,
consulté le 03/01/2020 à 13h56.
100
Voir copie du Journal Officiel de la République Française du 1er mai 1946 en annexe de la thèse.
P a g e | 112

France d’Outre-Mer, CCFOM, sous l’autorité et le contrôle du comité directeur du


FIDES.

La Caisse centrale de la France d’outre-mer, la CCFOM, est l’organisme monétaire


français qui était chargé de l’émission monétaire dans les colonies françaises entre 1944 et
1959. Elle remplace la Caisse centrale de la France libre (CCFL), créée par l’ordonnance du 2
décembre 1941. Sa compétence était donc limitée aux territoires d’outre-mer, le trésor central
étant assuré par la Trésorerie générale d’Alger. Dans la lignée de la conférence de Brazzaville
(6 février 1944), elle s’oriente peu à peu vers la fonction de banque de développement. Avec le
FIDES, la CCFOM101 avait pour mission de :

 gérer les fonds publics ;


 assurer la création de sociétés d’État et d’économie mixte ;
 jouer le rôle d’une banque de développement.

Afin de faciliter la mise en œuvre et l’exécution des plans prévus par la loi du 30 avril
1946, le ministère de la France d’Outre-Mer crée auprès de la direction des Affaires
économiques, qu’assure l’inspecteur général Georges Peter, une sous-direction du Plan confiée
à l’administrateur Xavier Torré.102 Au cours des années 1950, Georges Peter et Xavier Torré
sont remplacés, respectivement, par Pierre Moussa, inspecteur des finances, et Marcel Combier,
administrateur.103 Le plan décennal ainsi arrêté pour les Territoires d’Outre-Mer, partie du Plan
Monnet global pour l’ensemble français, est théoriquement prévu pour la période 1947-1956.
En fait diverses raisons, dont au moins deux essentielles, ont modifié profondément le
calendrier :

 une notable accélération des réalisations, rendue possible par la mise en œuvre du
Plan Marshall ;
 l’impérieuse nécessité d’une évaluation en cours de route des résultats, d’un
infléchissement adéquat des orientations, d’un ajustement et d’un encadrement des
prévisions budgétaires alors requises.

101
La CCFOM devint Caisse centrale de Coopération économique (CCCE) le 12 janvier 1960 et fut chargée de
gérer le Fonds d’aide et de coopération, FAC.
102
Xavier-Antoine Torré a été Haut-Commissaire de la France au Cameroun de février 1958 à janvier 1960. Ainsi,
il a été le négociateur de l’indépendance du Cameroun. Lire à ce sujet D. Abwa, Commissaires et Hauts-
commissaires de la France au Cameroun (1916-1960), Presses universitaires de Yaoundé et Presses de l’UCAC,
2ème édition, 2000, pp. 407-418.
103
B. Voillier, « Les inspecteurs de la France d’outre-mer », in Clauzel J. (éd.), La France d’outre-mer (1930-
1960), Paris, éditions Karthala, 2003, p. 599.
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Le plan décennal s’est trouvé scindé en deux phases à durées volontairement raccourcies
pour correspondre à des programmes budgétaires ou plans FIDES pluriannuels. Ainsi :

 Une première phase couvre approximativement la période 1947-1953 et bénéficie


d’un financement public apporté par un premier plan FIDES, 1947-30 juin 1952. Elle
est toutefois prolongée par une phase intermédiaire d’une année, nécessaire aux
évaluations et ajustements et à la préparation de la phase suivante.
 Une deuxième phase correspond au deuxième plan FIDES, quadriennal, couvrant la
période du 1er juillet 1953 au 30 juin 1957, lui-même segmenté en deux trains : 1953-
1955 ; 1955 – 1957.
 Une troisième phase s’ouvre le 1er juillet 1957 mais est profondément bouleversée
par les proclamations des indépendances des États, anciens Territoires de l’Union
française.

2. Les Plans FIDES au Cameroun sous Tutelle française entre 1946 et 1957
a. La politique des transports dans le Premier Plan FIDES entre 1947 et
1952

En rappel, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, le réseau des voies de


communication du Cameroun comprenait deux voies ferrées ayant Douala pour point de départ.
La ligne nord, après avoir franchi le Wouri sur un pont de 1800 m, traversait la région bananière
du Mungo et atteignait Nkongsamba au kilomètre 171. Cette région était la porte de la région
Bamiléké, pays du café. La ligne centre desservait au passage le centre industriel d’Edéa où
était installé l’usine d’aluminium ALUCAM. Elle desservait aussi la région forestière d’Eséka,
et, après une antenne vers Mbalmayo, à Otélé, au kilomètre 249, elle atteignait Yaoundé au
kilomètre 308. Par cette gare et par Mbalmayo, le chemin de fer drainait les produits de la zone
cacaoyère. Le Plan de développement du Cameroun, établi à partir de 1946, faisait espérer un
accroissement explosif du trafic. Certaines sections illustraient cet accroissement. Elles
concernaient entre autres : le trafic bananier de Nlohé à Bonabéri, les transports de moellons en
provenance d’Edéa et à destination du port de Douala, les trains d’alumine en provenance
d’Edéa vers le port de Douala, le trafic des bois en grumes. Il était donc indispensable de
commander sans retard les matériels tracteur et roulant nécessaires à assurer la relève du
matériel. Il avait en effet souffert pendant la guerre par suite d’un entretien ralenti. Il fallait
aussi faire face à l’accroissement du trafic. C’est cette situation qui imposa l’effort de
modernisation qui fut entrepris au titre du premier plan quadriennal.
P a g e | 114

Le premier plan quadriennal est donc décliné du plan décennal d’origine, et prévu pour
la période 1947-1951, prolongé par une phase intermédiaire 1951-1952 d’achèvement et de
réorientation, avant le second plan 1953-1957. Ses réalisations découlent, pour l’Outre-mer, des
propositions faites à l’échelle de l’Union française par les Commissions du Plan national
retenues par l’État et du fruit des délibérations des représentations fédérales, et territoriales
ultramarines.

Une large priorité y a été accordée aux équipements de base et infrastructures, déjà
insuffisants avant 1940 et ayant fortement souffert du conflit mondial, notamment du fait de la
quasi-rupture économique, voire politique avec la métropole.

Plus de la moitié des crédits mobilisés au cours de ce premier plan, 70 % selon nombre d’experts, sur un
montant global estimé à 350 milliards de francs métropolitains d’époque (soit de l’ordre de 8 à 9 milliards
d’euros actuels) sont destinés aux équipements et infrastructures : installations portuaires, maritimes et
aériennes ; réseaux ferroviaires, fluviaux, routiers ; télécommunications ; production et distribution
d’énergie, etc…104

Au Cameroun, les propositions formulées en 1946 ont visé quatre objectifs


fondamentaux :
 Moderniser et développer les infrastructures et les voies de communication
 Favoriser le développement des services sociaux (santé, enseignement, habitat)
 Créer des ressources nouvelles en développant la production agricole
d’exportation et minière, tout en améliorant qualitativement et quantitativement
les cultures vivrières
 Entreprendre une étude systématique du sol et du sous-sol en vue de faciliter les
minières ultérieures.105

Ce premier plan devait tenir compte de l’existence de deux zones économiques


majeures : celle de Douala, formant un arc de cercle de 300 km autour du port. Ce « croissant
fertile »106 contenait les nombreuses productions européennes, le siège presque toutes les
entreprises et de l’administration. Cette zone produisait la quasi-totalité du café, de la banane,
du cacao, des palmistes et des bois. Ce qui en faisait une zone très importante, avec des voies
de communication insuffisante. La seconde zone était localisée autour de Garoua et de son port.

104
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole en Afrique tropicale francophone, Volume VI : De l’empire colonial
à l’Afrique indépendante 1945-1960. La recherche prépare le développement, Organisation des Nations Unies
pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Rome, 2005b, p. 58.
105
P. Bouchart, « Le F.I.D.E.S. au Cameroun », Civilisations, Vol. 6, No 3, 1956, pp. 396-397.
106
Ibid, p. 397.
P a g e | 115

Dotée d’un potentiel économique important, mais elle aussi handicapée par la modicité des
voies de communication.

Carte 4 : Carte aéronautique du Cameroun en 1951

Source : E. Guernier et al (éd.), Cameroun-Togo, Paris, Éditions de l’Union française, 1951, p. 316.
P a g e | 116

Ainsi, la première urgence de ce programme ne pouvait qu’être l’amélioration des


infrastructures dans la zone de Douala, et la constitution d’un réseau routier et ferroviaire dans
le Nord. De plus, une liaison Nord-Sud était nécessaire. Sur 36 milliards 500 millions francs
consacrés au plan, 31 milliards 200 millions francs avaient été consacrés aux infrastructures.107

Ainsi, à la fin du 1er Plan, le Cameroun devait disposer d’un outil solide,
quoiqu’insuffisant (en ce qui concerne l’axe Nord-Sud), permettant de consacrer un meilleur
transit des cultures de l’hinterland vers la cote. Au rang des réalisations de ce plan, nous
pouvons compter le pont sur le Wouri à voie ferrée, sous la houlette du Haut-commissaire Jean
Louis Marie André Soucadaux, point stratégique dans la guerre qu’il menait contre les
nationalistes de l’UPC.108 Ce pont a permis de faire des réseaux ferroviaires et routiers du
Cameroun un ensemble unique. Par ailleurs, le réseau ferroviaire a été entièrement reconstitué.
Et les travaux en vue de relier le Sud au Nord entamés. Enfin, la liaison permanente de Douala
avec les principaux centres économiques de l’Ouest a été assurée. Elle se prolonge par une série
de travaux en direction de Maroua.109

b. La politique des transports dans le Second Plan FIDES entre 1953 et 1957

C’est par le décret n° 51-1417 du 11 décembre 1951 prescrivant l’établissement d’un 2e


plan de modernisation et de l’équipement, que le deuxième plan de développement des
Territoires d’outre-mer a été lancé. Son objectif principal, assorti de nouveaux investissements,
était « l’accroissement de la production et de la productivité agricoles et industrielles, (pour que
soient) améliorés le sort des producteurs en même temps que la situation financière des
Territoires »110.

Cette mise en avant du monde rural a été nécessaire parce que, après évaluation du Ier
plan, il est apparu que les travaux de celui-ci ne touchait pas les populations les plus éloignées
des villes. « La réalisation du barrage d’Edéa, le pont sur le Wouri, la rénovation du Chemin de
fer, ne paraissent pas aux villageois d’une évidente utilité. Ce sont là des entreprises hors de sa

107
Ibid, p. 398.
108
Lire D. Abwa, Commissaires et Hauts-commissaires…, 2000, p. 343-356
109
P. Bouchart, « Le F.I.D.E.S. au Cameroun », 1956, p. 398.
110
R. Tourte, Histoire de la recherche agricole…, 2005b, p. 60.
P a g e | 117

portée et il ne réalise pas la mesure dans laquelle ces travaux contribuent à l’amélioration de
son bien-être ou simplement de son niveau de vie ».111

Afin que cohérence se dégage des travaux des différentes sous-commissions constituées
pour la préparation du plan, le Commissariat général au Plan institue une Commission d’étude
et de coordination des plans de modernisation et d’équipement dans les Territoires d’outre-mer
présidée par Roland Pré, futur Haut-commissaire de la France au Cameroun (2 décembre 1954
- 17 avril 1956).

Malgré la priorisation de l’agriculture dans ce second plan, il a permis de finaliser la


phase de mise en chantier des grands travaux d’infrastructures. Le développement de la
production dans le but d’accroître les niveaux et la qualité de vie de la population fut l’objectif
principal de ce plan. Pour atteindre cet objectif, le FIDES cibla :

- la diversification et la valorisation des richesses agricoles


- l’intensification des échanges intérieurs des richesses produites ;
- l’amélioration du cadre de travail des producteurs ;
- compléter l’équipement de l’infrastructure commencé au cours de la période précédente
en limitant les nouveaux ouvrages à ceux qui paraissaient indispensables au
développement de la production ;
- l’éducation du producteur et la recherche de son adhésion à l'action de l'entreprise;
- l’extension du mouvement coopératif.112.
À la fin de ces deux Plans quadriennaux, il eut une tranche intermédiaire, dont l’objectif
était « d’assurer la liaison les Plans FIDES et le Ier Plan Quinquennal camerounais »113. Au
total, au cours 96 milliards de FCFA furent investis au Cameroun Oriental par les Plans FIDES.
Le financement de ce programme fut assuré de la manière suivante : 65 milliards d’aide
publique française, 10 milliards de fonds publics locaux et 21 milliards d’investissements
privés.114
Grâce aux différents Plans FIDES, le réseau des transports du Cameroun a connu
d’importantes améliorations et une forte expansion. Pendant la période 1947-1957, un montant

111
P. Bouchart, « Le F.I.D.E.S. au Cameroun », 1956, p. 402.
112
Ibid, p. 404.
113
A. Valette, Les méthodes de planification régionale au Cameroun, Ministère du Plan et de l’aménagement du
territoire, ORSTOM, S.H. no 76, mars 1971, p. 2
114
Ibid.
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de 23 milliards de francs sur un total de 36 milliards a été affecté à des projets d’infrastructure
et, à l’exception de la construction du barrage d’Edéa sur la Sanaga et d’un certain nombre de
centrales thermiques, la plus grande partie de ces dépenses d’investissement ont été consacrées
aux moyens de transports.115 Les installations portuaires ont fait l’objet d’une modernisation
très poussée au cours d’une période de six ans. Bien que le réseau des chemins de fer n’ait pas
bénéficié de nouvelles extensions, d’importantes améliorations y ont été apportées y compris la
diésélisation du matériel roulant, ce qui s’est traduit par une réduction des coûts et un
accroissement du trafic.116 En ce qui concerne les routes, environ 1170 kilomètres de routes
nouvelles ont été construites et l’on a procédé au bitumage de 580 kilomètres de routes
supplémentaires.117 Parmi les nombreux ouvrages d’art, il convient de citer la construction du
pont de Wouri d’une longueur totale de 1805 mètres.118

Dans le domaine de l’aviation, la France, l’un des 55 pays signataires de la Convention


relative à l’aviation civile internationale de Chicago du 7 décembre 1944119, fait signer le Décret
n°47/1069 du 12 juin 1947 relatif au fonctionnement des services de l’aéronautique civile dans
les territoires dépendants du ministère de la France d’Outre-Mer120 et le texte du 5 mai 1948
déterminant les conditions de survol du continent africain, illustrations de sa volonté de
maîtriser l’espace aérien africain. Le 14 mars 1949, il est créé un comité consultatif de l’air au
Cameroun

qui penche sur le dossier des aérodromes publics à ouvrir à la circulation aérienne.
Naissent alors les aérodromes de Foumban (1949), Kribi (1950), Bertoua, Maroua ville et
Maroua Salak, Kaélé, Ngaoundéré (1952), Eséka (1954).121

115
Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/ Association Internationale de
Développement, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », Département Afrique, Rapport n°
AF-15a, 08 avril 1964, p. 3. En ligne, URL :
http://documents.worldbank.org/curated/en/215191468010902914/pdf/AF150V20ESW0French0Box46476B0P
UBLIC.pdf, consulté le 23/12/2018 à 02h03.
116
P. Bouchart, « Le F.I.D.E.S. au Cameroun », 1956, pp. 398-399.
117
Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/ Association Internationale de
Développement, 1964, p. 3.
118
Ibid.
119
Convention en ligne, URL : https://www.mcgill.ca/iasl/files/iasl/chicago1944a-fr.pdf, consulté le 10/01/2020 à
05h32
120
Lire le texte initial paru dans Journal Officiel en ligne, URL :
http://lexpol.cloud.pf/LexpolAfficheTexte.php?texte=268966, consulté le 10/01/2020 à 06h30
121
Cameroon civil aviation authority, « Les premiers “coups d’ailes” en Afrique et au Cameroun », en ligne, URL :
https://www.ccaa.aero/index.php/fr/aviation-civile-au-cameroun-historique-de-laviation-vivile/477-les-premiers-
coups-d-ailes-en-afrique-et-au-cameroun, consulté le 10/01/2020 à 10h35.
P a g e | 119

En même temps que ces aérodromes sont construits, la compagnie aérienne Air France
monopolise les liaisons internationales entre Douala et l’extérieur, il est créé en début de 1950
par René Meyer, une régie d’exploitation de lignes aériennes intérieures du Cameroun
dénommée “Régie Air Cameroun”. Sous les recommandations de Meyer, le Haut-commissaire
Soucadaux achète deux Beech 18 d’occasion, immatriculés F-BESN et F-BEDH au nom du
Haut-commissariat au Cameroun le 29 mars 1950. Un DC-3, immatriculé F-OIAD aménagé en
cargo, vient renforcer dette flotte, et transporte la viande du Tchad vers les villes du bord de
mer et, en retour, embarque de Douala des colis et des légumes vers le Nord.

Photo n° 16 : Le F-BESN de la compagnie Air Cameroun en août 1955 à Yaoundé

Source : http://www.airafrique.eu/2019/02/05/air-cameroun/, consulté le 10/01/2020 à 10h34.

Face à la vitalité de cette régie, Air France, jusque-là en situation de monopole,


s’inquiète de cette concurrence inattendue. Elle finit par obtenir l’arrêt de ses activités en 1952,
par un ordre du ministère de la France d’Outre-mer. René Meyer rembourse l’État le 31
décembre 1952 et déclare la société privée Air Cameroun dès 1953122 qui sera exploitée jusqu’à
la naissance de Cameroon Airlines en 1971.

122
Toutes ces informations sont à lire dans V. Ferry, Du trimoteur au quadrijet : le transport aérien en Afrique
noire francophone, 1940-1961, éditions Le gerfaut, 2006, p. 158-159.
P a g e | 120

Sous l’administration française, les transports connurent une réelle avancée, tant les
transports terrestres, que ceux aériens et maritimes. Mais cette œuvre n’est pas exempte de tout
reproche, surtout si l’on considère que le but ultime des Français était l’évacuation des produits
de la colonie. Il se posait à l’administration sous Mandat et sous Tutelle, l’impératif de rendre
des comptes à l’Assemblée de la SDN et de l’ONU. Dès lors, chaque réalisation infrastructurelle
devint l’objet d’une propagande coloniale dans le but de « mettre en valeur » c’est-à-dire
développer, non pas la colonie, mais de promouvoir l’œuvre « civilisatrice » de la France et
justifier sa présence au Cameroun.

D. La politique française des transports au Cameroun : « mise en valeur »


ou propagande colonialiste ?
Lorsque les réalisateurs conçoivent le Plan d’équipement et de modernisation du
Cameroun en 1946, l’aspect économique du territoire présente à leurs yeux deux sources
principales d’intérêt :

La première, à l’intérieur d’un cercle de 300 kilomètres de rayons autour de Douala : zone de prospérité
contenant les principales productions autochtones, les plus nombreuses plantations européennes, la
plupart des entreprises et des centres commerciaux. À peu près délimitées par Foumban, Bafia, Yaoundé,
Ebolowa, peuplée d’un million et demi d’habitants, cette terre produit la quasi-totalité du café, du cacao,
de la banane, des palmistes et des bois du Cameroun. […] À l’autre extrémité du Cameroun, au Nord, une
seconde zone de 200 kilomètres autour du port fluvial de Garoua présente un très grand intérêt d’avenir,
du fait surtout de sa population (plus d’un million d’habitants). Sa production est modeste encore, mais
son potentiel est important.123

Le développement est donc centré sur deux parties du territoire, appelées « zones utiles »
ou « zones de prospérité »124.

L’une des conséquences de cette planification parcellaire est que plusieurs régions sont
restées parents pauvres des tentatives de développement. La région de l’Est en est une
illustration. Durant la colonisation française, elle ne représentait plus un intérêt sur le plan
économique. En effet, les Allemands avaient développé la culture de l’hévéa dans la zone, mais
sans développer les voies de communication. Etoga Eily nous fait savoir que : « récolté par la
Gesellschaft Sud-Kamerun, dans les circonscriptions de Lomié, Doumé, Ebolowa et même
Yaoundé, le caoutchouc sylvestre était expédié, soit par voie fluviale par la Sangha, puis le
Congo ; soit, pour les régions situées à l’extrême Ouest, acheminé par porteurs, vers le port de

123
E. Guernier et al (éd.), Cameroun-Togo, Paris, Éditions de l’Union française, 1951, p. 119.
124
Ibid., p. 120.
P a g e | 121

Kribi »125. Les deux cartes suivantes nous donnent un aperçu des zones utiles et des transports
en 1951 :
Carte 5 : Les « zones utiles » et principaux axes de
circulation du Cameroun en 1951 Carte 6 : Carte routière du Cameroun en 1951

Source : E. Guernier, Cameroun-Togo, Paris, Éditions Source : E. Guernier, Cameroun-Togo, Paris, Éditions de
de l’Union française, 1951, p. 120 l’Union française, 1951, p. 295.

Durant l’administration française, la région de l’Est tombe purement et simplement en


désuétude.126 Les raisons sont les suivantes :

F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 364.


125

À propos de la Région de l’Est, lire S. Ango Mengue, « La province de l’Est du Cameroun : étude de géographie
126

humaine », Thèse de doctorat en géographie, Université de Bordeaux III, 2004.


P a g e | 122

Selon Etoga Eily, déjà en 1912127, le caoutchouc sylvestre, exploité essentiellement par
les agriculteurs locaux, subit la concurrence des caoutchoucs des plantations128.

Ce fut une véritable catastrophe pour une région comme l’Est, qui ne tirait le plus clair de ses ressources
que du caoutchouc sylvestre ; ses cours étaient tombés en chute libre d’une année à l’autre. On peut
facilement s’en faire une idée en considérant qu’en 1920, le kilo de caoutchouc valait, sur le lieu de
cueillette 1 franc ; mais, dès le 1er semestre de l’année suivante, il ne rapportait plus que 0,50 franc avant
de descendre immédiatement au 2e semestre à 0,25 franc le kilo. Au début de l’année 1923, le kilo de
caoutchouc valait 0,15 franc seulement129.

Pour Achille Mbembe, après la crise de 1929, la situation du caoutchouc au Cameroun


ne cessa de se dégrader.

En 1931, écrit-il, le caoutchouc était, de tous les produits, celui dont les cours avaient subi la plus forte
baisse. Sur le plan international, le caoutchouc africain ne trouvait en outre qu’une clientèle réduite. Aux
cours en vigueur à l’époque, la plupart des consommateurs européens lui préféraient celui des plantations
d’Extrême-Orient. Dès 1930, les commerçants engagés dans son exploitation dans l’Est-Cameroun
avaient subi de lourdes pertes. L’effritement continuel des cours mondiaux avait causé en retour la baisse
progressive des prix d’achat à l’indigène. Face à cette morosité, l’administration se désintéressa de ce
produit.130

Il faut croire que ce n’est pas seulement le produit qui a été abandonné par
l’administration coloniale française, mais la région de l’Est aussi. De fait, la plupart des maisons
de commerces ont fermé dès cette période et n’ont plus rouvert131. Le caoutchouc sylvestre
disparait peu à peu au profit de celui des plantations. « Ceux des producteurs qui s’y étaient
consacrés furent, pour la plupart, contraints de se reconvertir dans des secteurs qui comportaient
moins d’aléa. Bien des plantations de caoutchouc se videront progressivement pour faire place
à de grande forêt ».132

La région de l’Est, au début des Plans FIDES, ne représente donc plus


fondamentalement un intérêt économique. Comme le montre la carte routière de la page
précédente, une grande partie de la région est sans route. Seule celle qui mène à la zone utile
du Nord et qui permet à l’administration française de relier le Cameroun à l’AEF, passe par la
région de l’Est. Dès cette période commence le lent oubli de cette région jusqu’à nos jours.

127
Idem.
128
À côté du caoutchouc sylvestre qui poussait naturellement en forêt et était l’apanage de la région de l’Est,
plusieurs plantations d’hévéas ont été créées par les Allemands dès 1914. Il s’agit entre autres : d’une plantation
dans la région de Kribi (environ 560 hectares) ; d’une plantation à la jonction Edéa-Kribi et la rivière Nyong (14
hectares) ; d’une plantation à 10 km de Lolodorf (10 hectares) ; une plantation à Ngoulemakong sur la route
Ebolowa-Yaoundé (25 hectares) ; la plantation de Dizangué (105 hectares). Lire H. Chamaulte, « L’Hévéaculture
au Cameroun », Journal d'agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, 1942, p. 251.
129
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 366.
130
A. Mbembe, La naissance du maquis dans le Sud-Cameroun (1920-1960), Éditions Karthala, 1996, p. 169.
131
F. Etoga Eily, Sur les chemins du développement…, 1971, p. 366.
132
Ibid., p. 370.
P a g e | 123

Cette politique des transports, adossée à la mise en valeur des « zones utiles » a aussi pour
conséquence un déséquilibre entre les transports et l’aménagement du territoire.

En effet, avec les Plans FIDES, une amorce d’aménagement du territoire fut faite.
Cependant, l’évaluation de l’efficience de ces Plans permet de ressortir trois remarques : tout
d’abord, l’effort porta essentiellement sur les grands travaux d’équipement qui étaient
indispensables, mais dont la continuation et l’entretien allaient être lourdes à supporter par la
suite pour la nouvelle administration. Ensuite, le secteur industriel fut moins présent des
préoccupations des bailleurs de fonds. Enfin, la répartition spatiale des opérations fit apparaître
une inégale répartition des investissements : « les départements qui forment l’actuelle région
administrative du Littoral reçoivent près de 53% des fonds, le Nord 19 %, l’actuel Centre Sud
17,5 %, l’Ouest 8,5 % et l’Est 2 %. Le rôle-clé de Douala se voit confirmé par une politique
d’investissements massifs en infrastructure (pont, route, rail, port) »133.

Ainsi, le problème des politiques publiques coloniales des transports est un


aménagement parcellaire du territoire. La mise en place des transports n’eut pour but que
l’intérêt strictement économique d’évacuation des produits agricoles de l’intérieur du pays. Le
Nord-Cameroun est encore très enclavé à l’accession à l’indépendance du Cameroun Oriental
en 1960.

L’enclavement [de la région du Nord-Cameroun134] est le frein majeur au développement. La région


souffre de la précarité de ses liaisons avec la mer et le sud du pays, ainsi que de l'intermittence de ses
liaisons internes, en particulier entre Garoua et Maroua. Le Diamaré est la région la plus affectée par cette
situation, comme le souligne le rapport annuel de 1950 : « Le seul frein à ce développement économique
est toujours l’état précaire du réseau de communication de la Région. Une seule route est praticable en
saison des pluies permettant de joindre Maroua à Garoua, par l’itinéraire montagneux de Mokolo long de
300 kms. Kaélé et Yagoua sont absolument isolées […]».135

C’est avec la culture du coton que des voies de communications se mettent en place,
mais de manière lente et sans pouvoir permettre une réelle ouverture de la région.136

133
A. Valette, Les méthodes de planification…, 1971, p. 3.
134
L’expression « Nord-Cameroun » désigne l’ensemble de la région s’étendant de l’Adamaoua au lac Tchad. Il a
été constitué en une province au début des années cinquante, puis en trois (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord) en
1983. On désigne aussi cette région sous les appellations « Grand-Nord » ou « Septentrion ».
135
R. Levrat, Culture commerciale et développement rural. L’exemple du coton au Nord-Cameroun depuis 1950,
Éditions L’harmattan, Paris, France, 1999, p. 12.
136
Lire C. Seignobos, « Du coton traditionnel au coton colonial, le coup de force du progrès (Nord-Cameroun) »,
Revue d’ethnoécologie [en ligne], 2019, n° 15, URL : http://journals.openedition.org/ethnoecologie/4067, consulté
le 23 décembre 2019 à 04h22.
P a g e | 124

Un autre problème est à relever dans l’action coloniale française, celui de la propagande.
En effet, les actions de la période française de Mandat et de Tutelle, sont surtout dirigées par la
volonté de présenter une image utilitaire de la colonisation, pour justifier la « mission
civilisatrice » de la France.

C’est dès le XIXe siècle que l’Occident crée, grâce à l’imagerie et les discours, « son »
Orient, dans lequel se confondent Maghreb et Levant, aux côtés d’une Afrique mystérieuse,
d’une Océanie paradisiaque et d’une Asie inquiétante.137 Écrivains, musiciens, peintres et
sculpteurs diffusent une image rêvée et idéalisée, constituant ainsi un courant nommé
orientalisme qui s’affirme dans le dernier tiers du XIXe siècle.138 C’est aussi une façon
d’« apprivoiser » l’exotisme et la France encourage les artistes à séjourner dans les colonies
grâce à des bourses de voyage (via la Société coloniale des artistes français) et des résidences
(la Villa Abd-el-Tif en Algérie).139

Après la phase des conquêtes coloniales, l’aventure en Afrique se concrétise entre les
deux guerres par des expéditions spectaculaires, notamment celles mises sur pied par André
Citroën : la traversée du Sahara en 1922-1923, la Croisière noire d’Oran à Madagascar en 1925,
et la Croisière jaune de Beyrouth à Pékin en 1931-1932. En métropole, le cinéma se fait le relais
de ces expéditions, à la suite de la photographie (le studio Lehnert et Landrock), de la presse
populaire (Le Journal des voyages, Le Tour du monde…) ou des romans d’aventure (Pierre
Mille, Henry Bordeaux, Louis Bertrand, les frères Tharaud…).140 Avec le temps, l’imagerie
coloniale tend à montrer les populations colonisées, hommes et femmes, de façon un peu moins
caricaturale, mais l’« indigène » reste source de projections fantasmées et de stéréotypes.
Déserts, Touaregs et Mauresques pour le Maghreb ; contrées sauvages et populations à
« civiliser » pour l’Afrique noire ; fumeries d’opium, culture du riz, congaïs (concubine
« indigène » d’un colon) et mandarins pour l’Indochine, vahinés et cannibales pour

137
Lire à ce sujet, N. Bancel et P. Blanchard, « De l’indigène à l’immigré, images, messages et réalités », Hommes
et Migrations, n°1207, mai-juin 1997, pp. 6-29. En ligne, URL : https://www.persee.fr/docAsPDF/homig_1142-
852x_1997_num_1207_1_2951.pdf, consulté le 26/03/2021 à 13h55.
138
Il est intéressant de lire à ce propos l’ouvrage d’Edward Saïd : L’Orientalisme. L’Orient créé par l’Occident
(titre original en anglais : Orientalism), Editions Seuil. Paris, 1994.
Cet essai analyse la vision occidentale du Moyen-Orient telle qu’elle apparaissait au XIXe siècle dans l’art et la
littérature, et les implications de cette vision en termes de colonisation et d’impérialisme culturel jusqu’aux années
1970. Saïd y développe quatre thèses, à savoir la domination politique et culturelle de l’Orient par l’Occident, la
dépréciation de la langue arabe, la diabolisation de l’arabe et de l’islam, et la cause palestinienne (à noter que
l’auteur est américain d’origine palestinienne).
139
https://www.achac.com/colonisation-et-post-colonialisme/exposition/images-et-colonies-itinerante/le-
colonial/, consulté le 05/03/2021 à 09h45.
140
Ibid.
P a g e | 125

l’Océanie.141 Entre 1875 et 1935, ce sont d’ailleurs des centaines de milliers de cartes postales
« scènes et types » qui sont réalisées, représentant les indigènes photographiés sous l’angle de
leur altérité, et qui concourent ainsi à la vulgarisation d’images et à la diffusion des stéréotypes
auprès d’un large public métropolitain.

Dans le même mouvement, le discours colonial est désormais une affaire de propagande
d’État, ainsi qu’en témoigne la création de l’Agence générale des colonies142 au lendemain de
la Grande Guerre. Elle regroupe l’action des agences territoriales créées un quart de siècle plus
tôt et fédère le message officiel de la République coloniale porté par des ministres qui
revendiquent désormais l’action propagandiste. Albert Sarraut, alors ministre des Colonies,
estime ainsi en 1920 qu’il est « absolument indispensable qu’une propagande méthodique
sérieuse, constante par la parole et par l’image, le journal, la conférence, le film, l’exposition
puisse agir dans notre pays sur l’adulte et sur l’enfant. »143 C’est cette méthode qui est illustrée
dans ces écrits d’A. F. Dikoumé à propos de l’éducation à l’hygiène :

Tout était mis en œuvre pour diffuser les mots d’ordre : par le journal “Hygiène et alimentation”, par des
films éducatifs, avec des camions sillonnant les villages, par des conférences, par des brochures, des tracts
traduits en langues camerounaises. Le service mobile s’efforçait d’adapter sa propagande à divers
milieux : scolaires, adultes, urbains, ruraux. Elle faisait un travail de fond notamment dans les écoles. Les
enfants étant particulièrement malléables, et ayant une grande capacité d’assimilation, on essayait de faire
pénétrer les idées neuves par leur biais.144

Il faut remarquer que même les billets de banque émis durant cette période étaient une
expression de cette propagande coloniale. Les transports sont ainsi destinés soit à promouvoir

141
Ibid.
142
Le décret du 29 juin 1919 créa l’Agence générale des colonies. Elle groupa les organes communs à
l’administration centrale et aux colonies en deux sections : le service des renseignements, le service administratif.
Y furent associés, les agences économiques et les délégations administratives que créèrent, par arrêtés locaux, les
colonies. Par mesure d’économie l’Agence fut supprimée par décret du 17 mai 1934. Les agences territoriales
furent cependant maintenues. Sont créés par décret du 12 mars 1937, le Service intercolonial d’information et de
documentation et le Commissariat permanent pour la propagande coloniale et les expositions. Ils sont
respectivement chargés : de centraliser toutes les attributions exercées par les agences territoriales en matière de
presse, d'informations, de publicité et de documentation générale, d'assurer la coordination des services
économiques et commerciaux des agences territoriales. Réorganisée par la loi du 22 janvier 1941, l'Agence
économique des colonies, devenue ensuite Agence économique de la France d'outre-mer, fut supprimée en
novembre 1953. Le même décret instaure le Service d'information et de documentation qui a pour objet de
promovoir et de coordonner toutes les initiatives susceptibles d'assurer une meilleur connaissance mutuelle des
territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer et des autres pays de l'Union française.
À propos de l’Agence générale des colonies, lire S. Lemaire, « Propager : l’agence générale des colonies »,
Sandrine Lemaire (éd.), Culture coloniale 1871-1931, éd. Autrement, 2003, pp. 137-147.
143
O. Blamangin, « Une analyse du contenu de la Revue d’histoire des colonies françaises en 1913-1939. Cent ans
d’Histoire des Outre-Mers. SFHOM 1912-2012 », Société française d’histoire des outre-mers, 2013, p. 357.
144
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 571.
P a g e | 126

les ambitions coloniales, soit à présenter la mission “civilisatrice” et “développementaliste” de


la colonisation.

Photo n° 12 : Billet de banque de 100 FCFA datant de 1957

Source : J. C. Mafossi, « Genre et travail dans l’iconographie monétaire en circulation au Cameroun de 1945 à
2002 », Images du travail- Travail des images [En ligne], Dossier, n° 6-7. Femmes au travail : quelles
archives visuelles ?, Images du travail, Travail des images, URL : https://imagesdutravail.edel.univ-
poitiers.fr:443/imagesdutravail/index.php?id=2134, consulté le 08/03/2021 à 18h53.

Photo n° 13 : Billet de banque de 500 FCFA de 1957

Source : https://multicollec.net/3-bi-monde/aef/aef-033, consulté le 09/03/2021 à


00h18.

Le billet de banque de 100 FCFA datant de 1957 présente au premier plan, un vieil
homme, vêtu à la manière traditionnelle de l’Afrique de l’Ouest. L’arrière-plan est fait de
véhicules chargés de biens en tout genre et de personnes en attente de les charger dans les grands
bateaux, certainement pour les envoyer en France. À l’analyse, on pourrait y voir la légitimation
du projet colonial : tel le sage qui regarde sans dire mot, l’Afrique doit rester observatrice de
P a g e | 127

l’exploitation de ses richesses. De plus, il apparait clairement que les transports sont au service
de la métropole, dans ce cas, il s’agit des transports routiers et maritimes.

Le billet de 500 FCFA présente quant à lui une forêt dans laquelle passe un train sur un
pont très haut. Cette opposition entre deux mondes, le traditionnel (forêt) et le moderne (train
et pont), montre le bien fondé supposé de la colonisation qui, même dans les forêts les plus
denses, apporte le développement. Là encore, les transports sont mis au service de la
propagande.

Mais cette propagande, orchestrée par la France, avait aussi d’autres objectifs plus
politiques et plus diplomatiques.

En effet, face à la Société des Nations (SDN) naissante, il convient de légitimer la


politique impériale française en présentant des réalisations infrastructurelles dans les
territoires,145 mais aussi de répondre à la volonté des colonisés concernant leur indépendance.
Il fallait répliquer au principe de l’autodétermination des peuples qui fut introduit dans le droit
international à la fin de la Première Guerre mondiale, officiellement formulé par le président
américain Woodrow Wilson en 1918 pour désigner le droit des peuples occupés militairement
de conserver leur souveraineté sur leur territoire : « Les aspirations nationales doivent être
respectées, les peuples ne peuvent être dominés et gouvernés que par leur propre consentement.
L’auto-détermination n’est pas simplement un mot, c’est un principe d’action impératif. »146

Par ailleurs, il fallait aussi contrecarrer le communisme et sa propagande façonnée à


Moscou par le Kominterm,147 récuser les revendications coloniales allemandes, à partir de

145
Comme on peut l’observer sur la carte 4, la route qui desservait la région de l’Est était « la route de l’AEF »,
une route qui n’était pas prévue dans les programmes de « mise en valeur » du Cameroun sous Mandat français.
D’après Marie-Sophie Momendeng, cette route naît entre 1924 et 1925, du « désir [des autorités mandataires]
d’avoir des rapports satisfaisants à présenter à la commission permanente des mandats à Genève ». À cette
raison, Momendeng note que les Français avaient à cœur de mieux contrôler les populations de cette région et
d’ouvrir une route donnant accès à la zone aurifère et à l’Oubangui-Chari, territoire dépourvu de port.
Lire M.-S. Momendeng, « La route de l’AEF et le développement socio-économique du Lom-et-Kadeï, de 1922
à 1965 », Mémoire de DIPES II en Histoire, École Normale Supérieure de Yaoundé, Université de Yaoundé I,
1998
146
D. Monière, Pour comprendre le nationalisme au Québec et ailleurs, Montréal, Presses de l’Université de
Montréal, 2001. En ligne, URL : http://books.openedition.org/pum/15552, consulté le 09/03/2021 à 00h35.
147
Lire N. Texier, « « L’ennemi intérieur » : l’armée et le Parti communiste français de la Libération aux débuts
de la guerre froide », Revue historique des armées [En ligne], n° 269, 2012, URL :
http://journals.openedition.org/rha/7576, consulté le 09 mars 2021 à 00h 45.
P a g e | 128

1933,148 et italiennes sur la Savoie, Nice et la Tunisie.149 Tout le discours propagandiste de ces
années charnières s’inscrit dans ce contexte. C’est dans cette logique qu’il faut comprendre la
mise en scène derrière l’inauguration du pont sur le Wouri en 1955, dont un timbre postal est
édité pour l’occasion.

Photo n° 14 : Timbre postal édité à l’occasion de l’inauguration du pont sur le Wouri le 15 mai 1955

Source : http://www.histoire-et-philatelie.fr/pages/005_decolonisation/0401_les_territoires_sous_tutelle_1.html,
consulté le 03/01/2020 à 04h42.

Toute cette propagande autour des réalisations coloniales avait enfin pour objectif de
faire taire, ou du moins, de répondre aux critiques d’une certaine classe politique française. Il
est intéressant de lire ces propos du Dr Jean Grassard, sénateur du Cameroun de 1947 à 1955,
lors de la séance du 15 mars 1955. Face aux critiques selon lesquelles le Cameroun
bénéficierait, par rapport au Togo, d’une répartition particulièrement favorable au comité
directeur du FIDES en raison de certains appuis politiques et de sa rentabilité, le sénateur
répondait :

À ce sujet, je me permets de rappeler les admirables travaux qui ont été réalisés dans les territoires que je
représente avec mes collègues Okala et Arouna Njoya qui m’ont donné spécialement mandat pour vous
parler à ce propos. […] Le pont établi sur le Wouri et qui demain sera inauguré par une haute personnalité
de la République ne mérite-t-il pas toute notre admiration ? Avec ses 2 000 mètres de portée, c’est

148
Lire J.-D. Durand, « L’opinion mosellane face à la politique allemande. Janvier 1933 - Septembre 1939 »,
Thèse de Doctorat d'Histoire, Université de Metz, 1998. En ligne, URL : http://docnum.univ-
lorraine.fr/public/UPV-M/Theses/1998/Durand.Jean_Daniel.LMZ9801_2.pdf, consulté le 00/03/2021 à 01h00.
149
Lire G. Montalbano, « Les Italiens de Tunisie: la construction de l'italianité dans un contexte colonial français
(1896-1918) », Thèse de doctorat en Histoire moderne et contemporaine, Universités de Paris Sciences et Lettres
(ComUE) et de Sienne, 2018.
P a g e | 129

maintenant un des plus beaux ponts du monde, une des plus admirables réalisations de l'Union française
et qui fait honneur à nos techniciens. Du reste, ce pont est un des magnifiques exemples des réalisations
que le Cameroun a pu mener à bien. Il en a assuré la dépense en partie avec ses propres fonds et en partie
avec les fonds du FIDES. C’est bien exact, monsieur le rapporteur de la commission des finances ? Ce
pont n’est-il pas aussi le débouché terminal sur Douala du grand axe Nord qui, non seulement assure le
débouché des régions du Nord Cameroun, mais qui demain assurera les débouchés du Tchad et sera le
terminus de l'axe Nord Douala-Fort-Lamy […] dans un avenir plus ou moins prochain. 150

Déjà prévu dans le projet du Gross Duala allemand,151 le pont sur le Wouri devint une
nécessité impérieuse compte tenu des dysfonctionnements que son absence provoquait dans les
circuits économiques.152 Son inauguration le dimanche 15 mai 1955, fut présidée par le ministre
Pierre Henri Teitgen.

De plus, la presse française se livrait une véritable bataille à propos de la place de l’UPC
et des actions menées par l’administration coloniale. En effet, pour les commentateurs de
Marchés coloniaux et de Combat, l’UPC était composée « d’une poignée d’extrémistes formés
à l’école de Moscou [qui] s’efforcent, en entraînant des masses crédules, d’entraver l’œuvre de
la France ».153 L’Humanité, quant à lui, organe du Parti communiste français (PCF) prenait à
partie le ministre Henri Teitgen, après les évènements sanglants de Douala en 1955.154

C’est ette propagande, consistant à mettre en avant les sommes investis par le FIDES,
en occultant le fait que c’étaient des crédits que le Cameroun devait rembourser, que l’UPC
dénonçait avec véhémence. Dans une lettre adressée au secrétaire général de l’ONU en 1952,
Um Nyobé, le secrétaire général de l’UPC, en faisait l’analyse.155

Dans les nombreuses tournées qu’il avait consacrées à la propagande en faveur de « l’Union française »
à la veille d’une mission de visite de l’ONU, M. Soucadaux, Haut-commissaire de la République

150
JORF, Débats parlementaires Conseil de la République, Compte rendu in extenso des séances questions écrites
et réponses des ministres a ces questions, séance du mardi 15 mars 1955 p. 737.
151
R. Gouellain, Douala, ville et histoire, 1975, p. 132.
152
Lire A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, pp. 365-370.
153
M. Michel, « Une décolonisation confisquée ? Perspectives sur la décolonisation du Cameroun sous tutelle de
la France 1955-1960 », Revue française d’histoire d’Outre-mer, tome 86, n°324-325, 2e semestre 1999, p. 233.
154
Ibid.
Fondée en avril 1948, l’UPC prône la réunification du Cameroun et son indépendance de la France. Elle s’associe
au Parti communiste français, s’oppose farouchement à la colonisation, supporte les revendications syndicales et
les grèves qui se multiplient à partir de janvier 1955. Le gouverneur Roland Pré tente de briser son support
populaire en réformant l’administration locale, et fait élire des chefs de villages modérés, organise une alliance
des partis modérés et conservateurs, puis lance une politique de répression contre l’UPC. Des émeutes éclatent les
22 et 27 mai 1955 au Cameroun, et servent de prétexte au bannissement de l’UPC le 13 juillet. Dans la
clandestinité, Nyobé forme l’Armée de libération nationale du Kamerun (ALNK) qui recourt à la lutte armée et au
sabotage.
À propos des émeutes de 1955, lire entre autres : J. A. Anafak, « Le Mouvement Nationaliste au Cameroun sous
Tutelle Française relaté par la presse écrite de France (1945-1960) », Présence Africaine, Nouvelle Série, No.
187/188, 2013, pp 291-313 ; D. Abwa, Cameroun : Histoire d’un nationalisme, 1884–1961, Yaoundé, Éditions
CLE, 2010 ;
155
M. R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun…, 1998, p. 272.
P a g e | 130

Française eu Cameroun a particulièrement insisté sur le fait que le Gouvernement métropolitain


fournissait une somme de 4 milliards de francs par an au Cameroun au titre du FIDES […]. Il est exact
que le Cameroun reçoit des crédits du FIDES et le gouvernement reconnaitra que ces crédits sont
insuffisants et que leur emploi échappe au contrôle ou même au simple regard des autochtones […]. Si
l’on regarde de près, l’on verra que ces crédits et ce développement économique et social qui est beaucoup
mis en relief s’orientent beaucoup plus vers le profit des grosses sociétés et entreprises étrangères
installées au territoire que vers la primauté des intérêts des populations autochtones, prescrite par l’article
73 de la Charte des Nations Unies.156

Pour illustrer son propos, Um Nyobé présente deux situations : celle de l’entreprise des
travaux publics Razel Frères et de la Société Monod. La première, adjutatrice d’un marché de
construction de route de 80 km pour une somme de 1400 millions de francs français. Après
avoir renégocié le marché en cours d’exécution, la somme finalement dépensée dans le cadre
du crédit FIDES était de 2 milliards 800 millions de francs français. La seconde, gérée
entièrement par des non Camerounais, devait construire une route reliant la Région de la Sanaga
Maritime à la Région du Mbam. Le marché, conclu en 1950, était crédité d’une somme de 300
millions de francs français. Et en 1952, au moment de la rédaction de sa lettre, Um Nyobé faisait
le constat que le travail n’en était encore qu’au stade de la « reconnaissance ».157 Or, remarque-
t-il, « le franc subit une dévaluation de trimestre en trimestre et nous sommes certains qu’au
moment où il sera enfin temps de commencer les travaux de construction de la route, le crédit
de 300 millions de francs métropolitains aura été entièrement consommé. »158 Ainsi, face aux
accomplissements infrastructurelles que l’auteur de la lettre ne nie pas, il pose tout de même
une question : à qui profitent toutes ces réalisations ?159

Conclusion

Notre objectif n’est pas de passer en jugement les réalisations françaises au Cameroun
entre 1916 et 1960. Il faut remarquer que cette période a elle-même été marquée par la crise
économique de 1929, et surtout par la guerre de 1939-1945. Ce qui avait probablement freiné
les efforts de la France dans la construction du développement du Territoire. On peut donc au
moins estimer les réalisations qui avaient été menés pour la continuation de l’œuvre allemande,
tant pour les routes, les ports, que pour les voies ferrées. La France avait aussi suivi le
mouvement mondial de développement de l’aviation en construisant les premiers aérodromes
du Cameroun.

156
Ibid.
157
Ibid.
158
Ibid., p. 273.
159
Ibid.
P a g e | 131

Sous l’administration française, le réseau des transports du Cameroun avait connu


d’importantes améliorations et une forte expansion, par rapport à l’ère allemande. Le premier
plan FIDES fut conçu afin de faire sortir le pays de la stagnation dans laquelle la guerre l’avait
plongé. Les premiers crédits furent tout d’abord accordés à l’infrastructure, notamment aux
moyens de circulation et à leur développement en vue de faciliter l’évacuation des produits. Le
plan était financé pour 55 % sous forme de subvention non remboursable et 45 % d’avances
remboursables par le Territoire.160 L’infrastructure qu’il convenait de créer devait permettre à
des territoires comme le Tchad, le Nord-Oubangui et également le Gabon et le Cameroun ex-
britannique, de passer pour leurs exportations par Douala, port le plus proche pour ces pays.

C’est pourquoi, le port, les deux lignes de chemin de fer, les axes routiers qui les
doublaient furent les principaux bénéficiaires du premier plan. Le port en 1949 comme en 1931
ne présentait que 540 mètres de quais, plus 80 mètres construits à Bonaberi, soit cinq postes en
eau profonde. Comme il fallait prévoir, étant donné l’évolution du tonnage maritime, un trafic
minimum de l’ordre d’un million de tonnes pour 1960, l’effort principal porta donc sur Douala :
construction de quais, vastes remblaiements, construction de hangars (33 000 m2 de terre-pleins
couverts la même année au lieu de 15 000 avant), surélévation des chaussées maritimes, système
d’évacuation des eaux, furent en partie réalisés entre 1947 et 1952. Un pont de 1 800 m sur le
Wouri en 1955, reliant Bonaberi à la ville. Douala reçut de substantiels crédits. Les dépenses
furent moindres pour les chemins de fer, les routes, les aérodromes.161

Dans l’ensemble les crédits prévus pour l’infrastructure : port de Douala et grandes voies de
communication, représentèrent près de 80 %, soit plus de 14 milliards, du total des subventions et avances
allouées au titre du premier plan “FIDES”. 10 % furent affectés à la production, le reste à l’“action sociale”
et aux dépenses générales.162

Les travaux d’infrastructure ne furent entrepris que dans la zone dite du « Cameroun
utile ». L’objectif du second Plan fut l’accroissement de la production et de la productivité
agricole et industrielle.

Grâce au nouveau Plan, les productions [furent], par l’amélioration de la qualité et des rendements,
valorisées, et l’économie des régions du Sud-Cameroun, diversifiée : l’exploitation de nouvelles
ressources agricoles et le développement des activités industrielles entraient dans l’optique des
économistes. L’intégration au Cameroun productif des régions du Nord était aussi recherchée.
L’infrastructure qui restait à compléter ou à moderniser retenait également l’attention des planificateurs.

160
R. Gouellain, Douala, ville et histoire, 1975, p. 275.
161
Ibid, p. 276.
162
Ibid.
P a g e | 132

Sur les 16 milliards de francs CFA alloués pour le second plan quadriennal, 36 % revinrent à la production,
43 % à l'infrastructure et le reste, dans sa presque totalité, aux dépenses sociales. 163

L’effort des Français est donc indéniable, et le leader indépendantiste Um Nyobé le


reconnait.164 Cependant, il faut se mettre à la place des premiers planificateurs de l’État
indépendant du Cameroun pour évaluer ces accomplissements. En effet, dès 1960, le nouvel
État déplore l’inégale répartition des transports et la modicité de leurs infrastructures. Il faut
dire que les Français avaient surtout concentré leurs efforts dans la construction des transports
utiles à l’exploitation économique du territoire, sans tenir compte des besoins réels des
Camerounais. La France était mue par l’impératif de tirer le maximum de ressources du
territoire à eux confié par la SDN d’abord et l’ONU ensuite.

Pourtant, selon les règles du mandat et de la tutelle, la France se devait d’aider le


territoire dans son développement, non de s’en servir à son profit. Le général Jan Christiaan
Smuts rappelait à juste titre en ce qui concernait le mandat que :

The Mandatary State should look upon its position as a great trust and honour, not as an office of profit
or a position of private advantage for it or its nationals. And in case of any flagrant and prolonged
abuse of this trust the population concerned should be able to appeal for redress to the League, who
should in a proper case assert its authority to the full, even to the extent of removing the mandate, and
entrusting it to some other State, if necessary.165

Nous pouvons donc déplorer le fait que cette recommandation n’ait jamais été suivie
d’effets. Les dépendants, en l’occurrence les Camerounais, avaient continué d’être traités
exclusivement selon les convenances des pays dominants. Leurs ressources avaient été
développées dans l’intérêt du capitalisme étranger et non dans celui des habitants du pays ; leurs
économies, productrices de matières premières avaient été soumis aux économies des États les
plus avancés.

Cela était aussi le cas avec les transports. Ils ont principalement servi à l’évacuation des
matières premières et à la sécurisation du territoire, avec en filigrane la protection des intérêts
français sur le territoire. Pendant la tutelle, les quelques réalisations d’envergure avaient
bénéficié d’une grande propagande, comme cela avait été le cas avec le pont sur le Wouri en
1955. Les résultats auraient donc dû être meilleurs, compte tenu des possibilités qu’offrait le
territoire. Les zones rurales demeuraient à l’écart du développement. Le paysan s’était
résolument tourné vers la production des matières premières dont la vente lui permettait de

163
Ibid.
164
M. R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun…, 1998, p. 273.
165
J. C. Smuts, The League of Nations: a practical suggestion, New York: The Nation Press, 1919, pp. 21-22.
P a g e | 133

payer les impôts et de se procurer les produits manufacturés dont il avait besoin. Le système
des transports lui restait malheureusement défavorable.

Le Cameroun qui devient indépendant en 1960, hérite aussi d’une dette importante, pour
des dépenses qui avaient été effectuées dans l’intérêt de la puissance coloniale, et sans
consultation de la partie camerounaise. Le Cameroun a ainsi reçu de la part de la métropole via
le FIDES, des fonds évalués à plusieurs dizaines de millions de Francs Français pour le
financement de son plan d’aménagement du territoire et d’investissement dans le secteur des
infrastructures.

Le devis du projet, établi à la fin de 1954, comprend l’ensemble de l’usine (ligne et sous-station électrique,
série d’électrolyse, atelier de pâte d’anode, fonderie, services techniques et généraux), les cités, les
installations portuaires et ferroviaires et le fonds de roulement ; il s’élève à 8 milliards de francs CFA (16
milliards de FF de l'époque). De son côté, Enelcam investira 3,5 milliards de francs CFA pour l’extension
Edéa II. Le financement d’Alucam sera assuré par des augmentations de capital à hauteur de 10 milliards
de francs CFA et d’un prêt de la Caisse centrale d’un montant de 6 milliards de francs CFA sur 20 ans.
Le financement d’Enelcam (Edéa II) comprendra une augmentation de capital de 1,3 milliard de francs
CFA et un prêt de la Caisse centrale de 2,3 milliards de francs CFA sur quarante ans. 166

Le Cameroun indépendant fut donc non seulement endetté, mais doté d’un réseau de
transport très inégalement réparti. Dans cette économie de traite qu’était la colonisation, toutes
les voies de transports eurent pour but de drainer les produits vers les ports. Ces derniers
devaient en retour accueillir les produits finis. Au final, on peut remarquer des réalisations, mais
au profit de la France, plus que du Cameroun et des Camerounais.

L’industrialisation du Cameroun, souligne A. F. Dikoumé, malgré quelques réalisations, était donc assez
superficielle. Les crédits FIDES ne contribuèrent pas véritablement à favoriser son développement. Ils
permirent surtout aux entreprises françaises, et notamment des travaux publics, de réaliser de bonnes
affaires. Ces entreprises investirent très peu dans le territoire car elles rapatrièrent l’essentiel de leurs
gains. Le Plan ne contribua donc pas à initier un développement profond et durable du Cameroun. Il
favorisa plutôt l’exportation des capitaux publics par les capitaux privés. Comme le Plan comprenait une
contribution du territoire aui était de l’ordre de 45%, c’est la richesse du Cameroun qui s’évadait de cette
manière. Le Cameroun, avant de devenir indépendant, était donc déjà endetté au profit du grand capital
français, ce qui obérait ses chances de développement.167

Les dirigeants du Cameroun indépendant devaient donc faire face à l’endettement, à une
inégale répartition des transports, à un développement économique embryonnaire, à un pays
fragmenté par une colonisation bicéphale. Pour atteindre ces objectifs, la politique des
transports du libéralisme planifié, doctrine politique du premier président de la République du
Cameroun, devait tenir compte à la fois de l’aménagement du territoire et du développement

166
M. Laparra, Enelcam - Alucam : l’énergie hydroélectrique du Cameroun à la rencontre de l’aluminium », Outre-
mers, tome 89, n°334-335, 1er semestre 2002, p. 186.
167
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, pp. 244-245.
P a g e | 134

économique, surtout que le Cameroun Britannique ne connut pas de développement important


des infrastructures de transports.
P a g e | 135

CHAPITRE III
LA POLITIQUE DES TRANSPORTS AU CAMEROUN
BRITANNIQUE : DES IDÉES INTÉRESSANTES POUR UNE
IMPLÉMENTATION EN DEMI-TEINTE ENTRE 1916 ET 1961
P a g e | 136

Les Britanniques divisèrent leur part du territoire camerounais en deux parties, le Nord
et le Sud, administrés séparément, mais en tant que partie intégrante du Nigeria. La partie Nord
du Cameroun britannique fut subdivisée et intégrée dans les trois provinces administratives du
nord du Nigéria, tandis que la partie Sud fut incluse et administrée par les provinces du sud du
Nigéria.1 Ces zones étaient respectivement appelées Northern Cameroons et Southern
Cameroons. Le Southern Cameroons fut rattachée à la Eastern Province du Nigeria, et divisée
en deux provinces : Bamenda et Cameroons en 1949.2 L’administration du Northern et du
Southern Cameroons en tant que partie intégrante du Nigeria par les colonisateurs britanniques
ne fut pas synonyme de fusion ou d’intégration sur le territoire nigérian, malgré le fait que ces
territoires furent administrés en tant que tels. L’administration du Cameroun méridional en tant
que partie du territoire nigérian conduisit à une négligence flagrante de son développement.
Comme le souligne Piet Konings :

While the French administered their mandate/trust territory as a separate unit, the British attached one
part of their territory, which came to be called Southern Cameroons, to the Eastern Provinces of Nigeria.
There is no doubt that the administration of Southern Cameroons as an appendage of Nigeria encouraged
the growth of nationalism and autonomist tendencies in the region, particularly because this
administrative construction led to the blatant neglect of the territory's development, as well as to a
dominant position of Igbo and Efik-Ibibio migrants in its economy. In response to Southern Cameroonian
pressures for self-government or more autonomy within the Nigerian political system, the British first
granted Southern Cameroons a quasi-regional status and a limited degree of self-government within the
Federation of Nigeria in 1954, and then full regional status in 1958.3

Ainsi, la forte domination économique des migrants Igbo et Efik-Ibibio provoqua une
augmentation progressive du nombre de migrants nationalistes et des militants autonomistes
appelant à l’autonomie de la région.4 Avant d’obtenir cette autonomie en 1958, plusieurs
politiques de développement furent mises en œuvre par les colons Anglais. Conceptualisée dès

1
Cour Internationale de Justice, Mémoire du Cameroun, Affaire de la frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigeria, Livre I, 16 mars 1995, p. 26, en ligne, URL : https://www.icj-cij.org/files/case-
related/94/8595.pdf, consulté le 01er juin 2020 à 12h18.
2
Lire à ce sujet : Verkijika G. Fanso, “Anglophone and francophone nationalisms in Cameroon”, Journal The
Round Table, The Commonwealth Journal of International Affairs, Volume 88, Issue 350, 1999, pp. 281-296 ; Ch.
Manga Fombad, “Cameroon: Introductory notes”, 2011, en ligne URL : https://nanopdf.com/download/1-
cameroon-introductory-notes-prof-charles-manga-fombad_pdf, consulté le 01er juin 2020 à 13h41.
3
P. Konings, “The Anglophone struggle for federalism in Cameroon”, in L. R. Basta and J. Ibrahim (eds),
Federalism and decentralization in Africa, Freiburg: Institut du Fédéralisme, 1999, pp. 291-292.
4
Pour de plus amples informations sur les migrations nigérianes au Cameroun et leurs conséquences, lire T. L.
Weiss, « Les migrations nigérianes dans le Sud-Ouest du Cameroun », Tome l, Thèse présentée pour l’obtention
du Doctorat de Géographie de l’Université de Paris-Sorbonne Paris IV, Juin 1996. Dans ce travail, Weiss se
propose d’analyser en profondeur les dimensions géographiques des migrations des Nigérians vers l’ancienne
Province du Sud-Ouest. Il étudie le cas particulier des Igbo, qu’il considère comme l’ethnie nigériane la plus
nombreuse au Cameroun. La thèse est disponible en ligne, URL : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-
doc/pleins_textes/divers17-09/010006580.pdf, consulté le 01er juin 2020 à 15h03.
P a g e | 137

1922 par le baron F. D. Lugard5, la politique coloniale anglaise des transports fut marquée par
de bonnes idées, mais une implémentation en demi-teinte. La mise en application des initiatives
fut influencée à la fois par les orientations capitalistes des colons Anglais et leur lutte contre les
nationalismes naissants dans la zone.

A. Les idées phares de la politique coloniale anglaise des transports


En 1922, Lugard publie un ouvrage6 devenu la feuille de route de l’administration
coloniale anglaise. Il y défend une politique de gouvernement indirect (« indirect rule ») pour
les colonies africaines. Il justifie la domination coloniale au nom de la propagation du
christianisme et de la lutte contre la barbarie. L’Empire britannique devait s’impliquer selon lui
dans la colonisation pour protéger non seulement les missionnaires mais aussi les chefs locaux
et les populations autochtones aussi bien des guerres tribales que des ambitions étrangères.7
Les Colonial Development and Welfare Acts quant à eux, sont une série d’actes mis en œuvre
par le Parlement britannique entre 1929 et 1957.

I. La politique lugardienne des transports en Afrique tropicale

Ce qui nous intéresse dans la réflexion lugardienne8 des transports en Afrique tropicale,
c’est son plaidoyer pour un système de transport économique. Il y présente aussi les chemins
de fer comme un mode de transport à la fois économique et stratégique dans la prise en main
des colonies.
1. La nécessité d’un système de transport économique

Pour Lugard : « […] the material development of Africa may be summed up in the one
word “transport.”».9 L’implication de cette déclaration est qu’il était opportun et pertinent de
développer un système de transport moderne pour une meilleure exploitation économique. En

5
“Frederick Lugard, in full Frederick John Dealtry Lugard, Baron Lugard of Abinger, also called F. D. Lugard,
(born January 22, 1858, Fort St. George, Madras, India-died April 11, 1945, Abinger, Surrey, England),
administrator who played a major part in Britain’s colonial history between 1888 and 1945, serving in East Africa,
West Africa, and Hong Kong. His name is especially associated with Nigeria, where he served as high
commissioner (1900–06) and governor and governor-general (1912–19). He was knighted in 1901 and raised to
the peerage in 1928”.
Source : Encyclopædia Britanica, en ligne, URL: https://www.britannica.com/biography/Frederick-Lugard,
consulté le 01er juin 2020 à 14h30.
6
F. J. D. Lugard, The dual mandate in British Tropical Africa, Edinburgh and London, William Blackwood and
Sons, 1922.
7
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Frederick_Lugard, consulté le 01er juin 2020 à 15h50
8
F. J. D. Lugard, The dual mandate…, 1922, pp. 461-476.
9
Ibid., p. 5.
P a g e | 138

termes simples, le transport mécanique était nécessaire pour accélérer l’exploitation et le


développement de l’Afrique. Lugard envisageait un système de transport qui faciliterait le
développement et la dislocation des routes commerciales traditionnelles et détournerait ces
routes commerciales vers de nouveaux centres d’administration, tout en empêchant les Français
et les Allemands d’y avoir accès.

Au début de l’administration coloniale dans divers territoires coloniaux, les puissances


européennes avaient envisagé que leurs colonies jouent un double rôle : source de matières
premières agricoles et de ressources minérales pour leurs industries en Europe ; ainsi que celui
de marché pour les produits manufacturés des industries métropolitaines.10 Ainsi, la fourniture
d’infrastructures de transports modernes était impérative pour réaliser ce motif économique. En
Afrique, en raison de la grande distance de ses régions intérieures et la côte, et à la valeur
relativement faible des matières premières en proportion de leur poids. Ainsi, le transport bon
marché était une nécessité au développement des échanges et du commerce.

L’objectif de la colonisation était de permettre aux puissances européennes d’exercer


un contrôle total sur les ressources humaines et matérielles de l’Afrique. Après l’instauration
de la domination coloniale en Afrique, deux tâches majeures ont confronté les autorités
coloniales. La première consistait à mettre en place une administration saine dans les nouvelles
zones acquises ; et le second consistait à mettre en place une infrastructure appropriée pour
l’exploitation des ressources matérielles de ces zones. C’était en partie pour atteindre ces
objectifs que l’autorité coloniale avait pris des mesures pour développer les systèmes de
transport en Afrique. Ainsi, le développement du système de transport colonial se déroulait dans
le cadre de la politique économique européenne en Afrique.

La politique économique coloniale naquit de la conviction qu’un territoire colonial


existait au profit des pays métropolitains. Il fallut dépasser le portage qui n’était pas assez
rentable, et représentait donc un véritable obstacle sur le plan économique :

[…] the native producer can in such circumstances only obtain a very small profit (if he can sell at all),
and has therefore no money wherewith either to buy imports or to pay a tax, and can only pay it in kind,
which the Government, for like reasons, is unable to realise. With meagre imports (and therefore no
customs dues) and with no direct tax, the revenue must be so small that it can devote no funds to
development works. The vicious circle is completed by the excessive cost of the machinery of
administration—not in money alone but in human life,—for the cost of conveying food supplies and
building material is so great that officials are neither housed nor fed as the climate demands to maintain
health. These facts are now recognised as the axioms of African administration. If they had been accepted

10
Ibid. p. 6.
P a g e | 139

earlier, very many lives might have been saved, and also much of the taxpayer's money,—spent in grants-
in-aid which were no remedy.11

Dans l’esprit officiel anglais, les relations économiques entre les nations européennes et
leurs colonies devaient être régies par le principe de l’avantage comparatif, ce qui signifiait
qu’un pays devait se spécialiser dans la production de ce qu’il était le plus apte à produire. Dans
cette optique, les colonies étaient censées fournir des matières premières aux industries, ainsi
que des marchés pour les produits manufacturés anglais.

De plus, la politique économique anglaise en Afrique durant la période coloniale était


régie par la politique d’autosuffisance. Cela signifiait que l’administration coloniale du pays
devait elle-même, générer des fonds en interne pour couvrir les frais d’administration de base.
On s’attendait à ce que chaque colonie supporte tout le fardeau de son propre développement.
D’après cette analyse, il ressort clairement que la politique économique coloniale en Afrique
visait particulièrement l’exploitation des ressources humaines et matérielles des territoires
africains au profit des nations européennes. Lugard en arrive donc à cette conclusion :

It is, however, now recognised that the construction of arterial railways and the development of
waterways, though involving subsidies or loans upon which the country may not for some time be able to
pay interest, is the truest economy, and the postponement of such works involves unjustifiable waste. For
the development of the African continent is impossible without railways, and has awaited their advent.12

Pour expliquer ce qu’il entend par « waste » (perte), Lugard rappelle que pendant que
Lord Selborne disait en public à Reading (Angleterre) en décembre 1898 que le retard dans le
démarrage du chemin de fer ougandais était responsable de la crise de Fachoda13, Leroy
Beaulieu14 soulignait dans le Journal des débats que le retard de la France dans la construction
du la ligne transsaharienne leur avait coûté la rebuffade de Fachoda. Selon Beaulieu, si cette

11
Ibid. p. 462.
12
Ibid.
13
Ibid. En 1898, la crise de Fachoda faillit déclencher une guerre entre la France et l’Angleterre. Les deux grandes
puissances coloniales souhaitent relier leurs colonies par le biais d’une grande ligne de chemin de fer : l’Angleterre,
du Caire au Cap ; la France, de Dakar à Djibouti. La ville de Fachoda, située à la jonction des deux lignes en projet,
devient alors l’enjeu majeur des deux armées. Le 18 septembre 1898, la mission française de Marchand et
l’expédition anglaise de Kitchener se retrouvent face à face sur le Haut Nil. Sommée de reculer la France s’incline
et doit reconnaître l’autorité britannique sur la totalité du bassin du Nil. Cette défaite entraîne un nouveau partage
des colonies africaines entre Anglais et Français. Source : France Inter, 18 septembre 1898 : la crise de Fachoda,
en ligne, URL : https://www.franceinter.fr/emissions/les-oubliettes-du-temps/les-oubliettes-du-temps-18-
septembre-2012, consulté le 01er juin 2020 à 17h37.
14
Paul Leroy-Beaulieu est un économiste et essayiste français né à Saumur (France) le 9 décembre 1843 et mort
à Paris (France) le 9 décembre 1916. En 1874, il publie un ouvrage tiré de ses travaux académiques sous le titre
De la colonisation chez les peuples modernes. Avec cet ouvrage, Leroy-Beaulieu devient l’un des porte-parole de
la colonisation, inspirant les discours de Jules Ferry, et invitant la Troisième République à une nouvelle expansion
coloniale.
P a g e | 140

ligne avait été construite, la France aurait pu prendre possession de Sokoto et de Kano au Nord
du Nigeria, en envoyant 60 000 hommes d’Algérie15.

2. Le chemin de fer, une priorité stratégique et économique

Le type de transport prioritaire de l’avis de Lugard était le chemin de fer16, qui selon
lui :
- réduisait les dépenses administratives dans le transport des stocks, et permet aux
fonctionnaires d’atteindre leur travail à temps ;
- sauvait la vie et la santé des officiers ;
- réduisait le nombre et le coût des troupes nécessaires pour surveiller le pays en
augmentant leur mobilité ;
- rendait possible la fiscalité directe en offrant un marché pour les produits et en
augmentant la richesse de la population ;
- ouvrait de nouveaux marchés pour le commerce britannique ;
- mettait fin à la traite négrière ;
- libérait la main-d’œuvre engagée dans les transports pour un travail productif17.
Ainsi, « it has been calculated that one railway train of average capacity and engine-
power will do the work of 13,000 carriers at one-twentieth the cost. »18
Lugard estime que ces voies de communication sont un précurseur nécessaire des routes,
car, ni les transports mécaniques ni à traction animale ne peuvent être d’un grand service pour
le développement des régions intérieures, sauf pour alimenter un chemin de fer ou une voie
navigable.19
A railway should, of course, when possible, have some definite objective, as the Uganda railway had in
the Victoria Lake, to the shores of which (extending for 800 or 1000 miles) the produce of the surrounding
countries can be brought, and hence transported by water to the railway port. Or the objective may be a
mineralised area like the tin-fields, or the coal deposits of Nigeria or Gwelo, or the copper mines of
Katanga. Or the railway may connect some great centre like Khartum or Kano with the sea, or link two
navigable sections of a river with each other, as the Matadi line on the Congo, the Keyes-Bamako on the
Upper Niger, or the Sudan railway on the Nile.20

15
F. J. D. Lugard, The dual mandate…, 1922, p. 462.
16
Ibid., p. 463.
17
Comme nous l’avons étudié avec les colons Allemands, les factoreries ont été longtemps en concurrence avec
les plantations au sujet de la main d’œuvre. En effet, le portage employait une quantité importante d’hommes et
causait un déficit de main d’œuvre dans les plantations. Ainsi, la solution de Lugard est la construction des chemins
de fers afin de mettre à profit les anciens porteurs dans les champs.
18
Ibid., p. 463.
19
Ibid.
20
Ibid., pp. 463-464.
P a g e | 141

Les rails sont donc un impératif pour la mise en valeur de la colonie. Malgré leur coût,
les rails devaient être construits. Comme nous le rappelle Austen :

Despite the fixation on rivers of the nineteenth century European explorers and treaty makers, no major
breakthrough in the transport bottleneck of the African economy could be made without investment in
new land arteries. Given the technology available to Europeans at the end of the nineteenth century, it
was inevitable that this new transport system should take the form of railways, whose high cost, rigid
orientation, and capital-intensive structure would leave a lasting imprint on twentieth-century African
economies.21

Dans ce contexte, le colonialiste anglais s’était rendu compte que si ses objectifs
économiques en Afrique devaient être atteints, le système de communication et de transport
dans les colonies devait être amélioré. Cependant, la construction des rails coûtait cher. Il fallait
donc trouver les moyens de financer ces investissements. Les Colonial Development and
Welfare Acts arrivaient donc comme une solution à ce problème de financement.

II. Les Plans de développement anglais entre 1929 et 1957

Avant la fin des années 1920, le gouvernement britannique adhérait fermement à la


doctrine du « laissez-faire » en ce qui concernait l’activité de développement dans les
colonies.22 Les administrations coloniales étaient responsables du maintien de l’ordre public et
« les colonies étaient censées » subvenir à leurs propres besoins « et couvrir toutes les dépenses
d’administration et de services sociaux (le cas échéant) à partir des revenus qu'elles pouvaient
percevoir grâce à la fiscalité locale. »23 G. C. Abbott a une vision similaire de la politique
britannique envers ses colonies et remarque que :

Throughout the nineteenth century colonial development was a matter primarily for the colonies
themselves. They were required to finance their economic development from the proceeds of sales of their
export crops and whatever private international capital they could attract. They were not encouraged to
look to the imperial government for financial or economic assistance, nor did the imperial government in

21
R. A. Austen, African economic history. Internal Development and External Dependency, London, James
Currey, 1987, p. 126.
22
Lire - V. Dimier, « Le discours idéologique de la méthode coloniale chez les Français et les Britanniques de
l’entre-deux guerres à la décolonisation (1920-1960), Travaux et documents, n° 58-59, CEAN, Institut d'Études
politiques de Bordeaux, 1998, disponible en ligne, URL :
http://www.lam.sciencespobordeaux.fr/sites/lam/files/td58-59.pdf, consulté le 02/06/2020, 09h30.
- E. R. Wicker, “Colonial Development and Welfare, 1929-1957: The Evolution of a Policy”, Social and
Economic Studies, Vol. 7, No. 4, 1958), pp. 170-192.
23
Lire G. Cassell, “The Myopic Hand at Work: Colonial Development Policy in Montserrat”, University of the
West Indies, 2003, en ligne,
URL : https://www.open.uwi.edu/sites/default/files/bnccde/montserrat/conference/papers/cassellg.html, consulté
le 02/06/2020 à 09h50.
P a g e | 142

turn actively formulate any programs for colonial development. Colonial assistance was only given in
cases of national emergency, and was purely of a temporary nature. 24

Plusieurs secrétaires d’État au Colonial Office se sont efforcés de changer les mentalités,
car ils se sont pleinement rendu compte qu’une assistance impériale était nécessaire pour
développer les colonies. Joseph Chamberlain, qui fut secrétaire d’État de juin 1895 à octobre
1903, réussit à faire adopter la Colonial Loans Act en 189925. Malgré ses efforts, les espoirs de
L. S. Amery pour une politique de développement colonial ne se réalisèrent pas pendant son
mandat qui courut de novembre 1924 à juin 1929.26 Il a été félicité par le gouvernement
travailliste qui, lorsqu’il a pris le pouvoir, a adopté la politique du manifeste conservateur de
1929 et a présenté le projet de loi sur le développement colonial à la Chambre des communes
en 1929.27 Il a été adopté et est devenu le Colonial Development Act de 1929.

1. Le Colonial Development Act de 192928

La Colonial Development Act (CDA) fut l’une des premières lois adoptée par le nouveau
gouvernement de 1929.29 Il fournit, pour la première fois, des fonds pour le développement des
territoires coloniaux. Il créa un fonds dans lequel le Parlement a voté chaque année les sommes
estimées nécessaires à un maximum annuel de 1 million de Livres. Des avances furent faites
par le Trésor, le concours du secrétaire d’État aux Colonies et sur la recommandation du Comité
consultatif sur le développement colonial, qui créa par la loi pour examiner les demandes
d’assistance et prit la place des prêts d’Afrique de l’Est.

La loi stipulait que les avances devaient être accordées par voie de prêt ou de subvention
aux gouvernements afin de « promouvoir le commerce et le développement industriel de

24
G. C. Abbott, “A Re-examination of the 1929 Colonial Development Act”, The Economic History Review, 23,
1971, p. 68, cité par G. Cassell, “The Myopic Hand at Work…”, 2003.
25
E. R. Wicker, “Colonial Development and Welfare…”, p. 172.
26
G. Cassell, “The Myopic Hand at Work…”, 2003.
27
Ibid.
28
Voir l’Acte dans son intégralité en Annexe de cette thèse.
29
Les élections générales britanniques de 1929 se sont déroulées le 30 mai. Il s'agit de la première élection où
toutes les femmes de plus de 21 ans peuvent voter, en vertu du Representation of the People (Equal Franchise)
Act 1928 (en), ce qui lui a valu le surnom de Flapper Election (« élection garçonne »). Bien qu’il ait reçu moins
de suffrages que le Parti conservateur de Stanley Baldwin, le Parti travailliste de Ramsay MacDonald emporte
davantage de sièges à la Chambre des communes. Toutefois, il ne dispose pas de la majorité absolue : il n’a que
287 sièges sur les 308 nécessaires. Avec ses 59 sièges, le Parti libéral de David Lloyd George occupe donc une
position clef : son soutien est indispensable aux travaillistes s'ils souhaitent gouverner. Après les élections,
MacDonald devient pour la deuxième fois Premier ministre.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lections_g%C3%A9n%C3%A9rales_britanniques_de_1929,
consulté le 02/06/2020 à 10h42.
P a g e | 143

l’Angleterre. Le caractère égoïste et limité de ce projet de développement n'empêche pas l'un


des membres du gouvernement de prévoir qu’il produira de véritables “petits paradis sur
terre” »30 Il a précisé diverses améliorations de moyens d’équipements agricoles, de transport,
de ports, de pêche, de foresterie, levés, remise en état des terres et irrigation, approvisionnement
en eau, électricité, mise en valeur des minéraux, recherche et enseignement des méthodes
d’agriculture et l’industrie, et la promotion de la santé publique. Dans tous ces cas, sauf pour
les deux derniers, l’accent a été mis sur le capital et non sur les dépenses de fonctionnement.

Abbott explique que la loi représente un changement dans l’approche du


développement.

The 1929 Colonial Development Act was the first real attempt to formalize the Chamberlain ad hoc
approach to colonial development. Colonial assistance was now given only after a systematic
examination of all schemes and projects put forward by colonial governments. The act introduced a
greater degree of self-consciousness and systematization. It also created the machinery for the
examination of all projects.31

Rappelons qu’en 1929, un Colonial Development Advisory Committee (CDAC) est créé.
Ce comité regroupe des membres provenant initialement des entreprises, des finances et des
syndicats. Entre 1929 et en 1940, il s’est réuni 125 fois et a publié 11 rapports. Il a recommandé
une aide d’un montant total de 8,88 millions de livres (5,6 millions de subventions) pour un
total des dépenses de 19,3 millions de livres sterling. 30% pour les projets de transport, soit
£2 658 290. Ainsi, les transports tiennent la place prioritaire dans les projets proposés.32

Le déclenchement d’émeutes dans divers pays des îles de l’Océan Indien conduisent à
la nomination de la Commission royale des Indes occidentales, sous la présidence de Lord
Moyne, en août 1938. Dans l’attente de son rapport, le Gouvernement Anglais reconsidère sa
politique en matière de développement colonial en général. Des conclusions de principe sont
tirées avant le début de la guerre en septembre 1939, mais leur publication est retardée jusqu’à
la fin du rapport Moyne.33

30
G. Fischer, « Le parti travailliste et la doctrine de la porte ouverte », Politique étrangère, n°4, 1968, p. 389.
31
G. C. Abbott, “A Re-examination of the 1929 Colonial Development Act”, 1971, cité par G. Cassell, “The
Myopic Hand at Work…”, 2003.
32
Overseas Development Institute, Colonial Development, a factual survey of the origins and history of British
aid to developing countries, Piccadilly London, England, The Overseas Development Institute Ltd, p. 16.
33
Ibid, p. 21.
P a g e | 144

En février 1940, le gouvernement publia la « Statement of Policy on Colonial


Development and Welfare »34. Cette déclaration de politique s’éloignait du principe selon
lequel les territoires devaient compter sur leurs propres ressources et que beaucoup avaient
besoin d’aide extérieure pour leur développement. Elle reconnut le problème de fluctuation des
revenus et de la charge de la dette, et souligna l’importance du développement social, en
particulier de l’éducation, et la nécessité pour la recherche et la planification. Elle engagea le
gouvernement à une aide annuelle plus importante qu’auparavant. Cette nouvelle politique
prévoyait un engagement pour une période de dix ans, afin d’encourager la planification à long
terme. Ainsi, il fallait mettre sur pied une nouvelle politique de développement des colonies :

They propose to introduce legislation to replace the Colonial Development Fund, which is limited to a
maximum of £1,000,000 a year, by new arrangements providing in a new Vote in the Estimates for
assistance to Colonial Governments, up to a maximum of £5,000,000 a year for ten years. This assistance
will be available not only for schemes involving capital expenditure necessary for Colonial development
in the widest sense but also for helping to meet recurrent expenditure in the Colonies on certain services
such as agriculture, education, health and housing. 35

L’objectif de ce changement de politique était l’amélioration de la situation économique


des colonies. La déclaration souligna ainsi la nécessité d’une planification et d’une coordination
des efforts. En fait, la Déclaration partait de l’idée que « the primary aim of colonial policy is
to protect and advance the interests of the inhabitants of the colonies »36.

2. Le Colonial Development and Welfare Act (CDW) de 1940

Cette loi habilitait le secrétaire d’État à mettre en place des programmes à toutes fins
susceptibles de favoriser le développement de toutes les colonies ou le bien-être de leurs
peuples. Elle fournit jusqu’à 5 millions de livres sterling par an sous forme de subvention ou de
prêt, avec une provision distincte pouvant atteindre 500 000 livres sterling pour la recherche,
pour la période de dix ans, entre 1940 et 1950.37

La loi a d’abord été moins utilisée que prévu. Dans une dépêche circulaire du 10
septembre 1940, les gouvernements coloniaux ont été informés qu’en dehors des propositions
directement liées à l’effort de guerre, l’assistance prévue par la loi était peu probable à moins

34
Disponible en ligne, URL :
https://warwick.ac.uk/fac/arts/history/students/modules/hi2e8/syllabus/radicalism/policy_on_colonial_developm
ent welfare.pdf, dernière consultation le 02/06/2020 à 11h54.
35
Statement of Policy on Colonial Development and Welfare, Paragraphe 7, p. 5-6.
36
Ibid., paragraphe 3, p. 4.
37
Ibid., paragraphe 5, p. 5.
P a g e | 145

que les projets ne puissent être exécutés entièrement avec des ressources locales (hommes et
matériaux) et sans nuire à l’effort de guerre. Ces exigences contribuèrent à décourager les
demandes de fonds. En 1942, le Gouvernement subit de nombreuses critiques de la part du
parlement et de la presse. En effet, très peu des 5 millions de livres sterling par an avaient été
alloués.

3. Le Colonial Development and Welfare Act de 1945

Dans le « Statement of Policy on Colonial Development and Welfare » de 1940, il était


stipulé que les montants fournis devaient être revus avant la fin de la période de dix ans (1940-
1950) et que l’aide continuerait probablement au-delà de 1951. Dès 1941, la question de
l’extension avait été soulevée comme une question pratique. Le rapport Moyne sur les Antilles
avait recommandé une assistance sur une période de 20 ans. À la fin de 1944, il devenait clair
que plus de 5 millions de livres sterling par an serait nécessaire. Ce constat se fondait sur le
nombre croissant de demandes et les estimations des besoins à long terme telles que les
gouvernements coloniaux avaient pu en faire.

Le nouveau Colonial Development and Welfare Act est adoptée en 25 avril 1945. Il
prolonge la période d’assistance de cinq ans jusqu’en mars 1956 et fournit une somme totale de
120 millions de livres sterling pour les dix années 1946-1956, dont 20 millions de livres reportés
sur les engagements pris en vertu de la loi de 1940. Il a également corrigé un grave défaut de la
loi de 1940. En effet, en vertu de cette loi, tout l’argent qui avait été alloué mais qui n’avait pas
été dépensé au bout d’un an était caduque et ne pouvait pas être reporté. La loi de 1945
permettait que l’argent soit retiré à tout moment, jusqu’à un plafond de £ 7,5 millions par an.

Le CDW de 1945 a été le premier d’une série d’amendements à l’Acte de 1940, qui a
augmenté le montant de l’assistance et étendu la période pour laquelle il était disponible.
Chaque acte successif a également augmenté les montants maximaux qui devaient être fournis
au cours d’une année. Ainsi, après l’amendement de 1945, ont suivi ceux de 1949, 1950, 1955,
1959 et 1963. Il faut tout de même noter que les autres amendements n’ont pas apporté de
changement majeur dans les CDW, jusqu’à la loi de 1959, qui a introduit les prêts et supprimé
les limites annuelles. Malgré tout, la portée de ces plans n’a pas eu de réel impact dans le
développement des colonies.

Even the vaunted Colonial Development and Welfare funding proved to be a disappointment. The total
allocation of £120 million for development seemed impressive at first sight, but when distributed among
P a g e | 146

a colonial population of over sixty million, and over a period of ten years, its true significance was modest.
Even these sums were not fully expended. By 1951 only about £40 million had actually been spent,
approximately one-sixth of the net colonial contribution to sterling in loans by colonial governments to
London and the sterling balances amassed by the state marketing boards which purchased colonial
produce under monopolistic conditions, generally on terms advantageous to the British consumer.38

Nous l’avons souligné plus haut, le Cameroun britannique était considéré et dirigé par
les Anglais comme partie intégrante du Nigeria. Ainsi, il est pris en considération dans les
différents plans de mise en valeur décidés par les Anglais. Le tableau suivant nous donne une
illustration de cette considération dans les Plans de développement de 1956.

Table n° 2 : Répartition des financements dans le Plan de développement de 1956.

Source: Overseas Development Institute, Colonial Development, a factual survey of the origins and history of
British aid to developing countries, Piccadilly London, England, The Overseas Development Institute Ltd, p. 64.

4. Le Cameroons Development Fund de 1951

Le Gouvernement de la Nigéria créa en mars 1951 un fonds de développement du


Cameroun (Cameroons Development Fund), doté d’un capital initial de 350 000 livres, prélevés
sur les recettes publiques39. L’excédent budgétaire de l’exercice 1950-1951 permit au
gouvernement de verser au Fonds une somme supplémentaire de 204 000 livres40. Le
Cameroons Development Fund reçut également une somme de 148 911 livres, provenant de

38
L. Butler, « The ambiguities of British colonial development policy, 1938-48 », 1991, p. 126.
39
Nations Unies, « Rapport sur le Cameroun sous administration britannique », treizième session du Conseil de
tutelle (28 janvier - 25 mars 1954), supplément n° 4, New-York, 1954, p. 40.
40
Ibid.
P a g e | 147

l’exploitation du domaine de Likomba par le Séquestre nigérian des biens ennemis, et une
contribution de 150 000 livres du United Kingdom Colonial Development and Welfare Fund41.

L’objet de cet organisme était de financer les travaux d’équipement, particulièrement la


construction de routes, dans le Territoire. Ainsi par exemple, « la plus grande partie des
dépenses afférentes à la construction des routes [étaient] à la charge du Cameroons
Development Fund […], et cela depuis 1951-52, date à laquelle cet organisme [avait] dépensé
59.000 dollars ; les dépenses pour l’exercice 1952-53 [étaient] estimées à 297.000 dollars. »42

Le Cameroons Development Fund a reçu son dernier versement le 30 septembre 1954.43


En effet, il n’était plus nécessaire de le maintenir en vertu des dispositions financières de la
nouvelle Constitution.44

B. L’héritage anglais des transports au Cameroun

Notre objectif dans cette section, est de faire un bilan des infrastructures laissées par les
Anglais à la fin de la colonisation. Nous abordons ainsi les différents sous-secteurs des
transports. Pour ce qui est des transports ferroviaires, notons que les Anglais n’ont pas apporté
de modifications aux réalisations laissées par les Allemands dans ce domaine. Pour les
transports aériens, aucune réalisation n’est à noter de ce côté-là non plus.

I. Les transports routiers

Les administrateurs coloniaux britanniques au Cameroun ont déployé d’énormes efforts


pour justifier la nécessité des routes, d’abord dans la province du Cameroun et ensuite dans la

41
Ibid.
42
Ibid., p. 24.
43
Nations Unies, « Rapport sur le Cameroun sous administration britannique », dix-septième session du Conseil
de tutelle (7 février - 6 avril 1956), supplément n° 3, New-York, 1956, p. 28.
44
Pour le Cameroun méridional, l’année 1954 représente un tournant majeur. Si la Constitution Clifford de 1923
ne prévoyait pas de représentation du Cameroun méridional au conseil législatif du Nigeria, la Constitution
Macpherson de 1951 avait séparé le Nigeria en trois grandes régions : septentrionale, occidentale et orientale, et
inclus le Cameroun méridional au sein du Nigeria oriental. Suite à une forte mobilisation en faveur de la séparation
du territoire de la région orientale du Nigeria, galvanisée par la crise politique de 1953 à l’assemblée régionale, la
Constitution Lyttelton de 1954 confère au Cameroun méridional un statut quasi-fédéral. Le territoire est désormais
doté de son propre gouvernement, de sa propre assemblée et de son propre conseil exécutif, même s’il demeure lié
au système administratif du Nigeria, dont il n’est pas totalement séparé. Source : M. Torrent, « Des partages
coloniaux aux frontières culturelles : (ré-)unifications et marginalisations au Cameroun méridional (1954-1961) »,
Mémoire(s), identité(s), marginalité(s) dans le monde occidental contemporain [En ligne], 10 | 2013, URL :
http://journals.openedition.org/mimmoc/1360, consulté le 27 avril 2019, à 02h35, p.2.
P a g e | 148

province de Bamenda. À propos de la route reliant Bamenda à la province du Cameroun, le


secrétaire d’État aux Colonies, Lennox-Boyd, écrit :

I have the honour to inform you that my council of Ministers has recently had under review the adequacy
of present plans for the improvement of the Federal Trunk Road A4 which runs from Victoria to Bamenda.
This road which is the spinal cord of all land communications in the Southern part of the Cameroons
Trust Territory must be given priority (...) the opening of a all-season artery from Bamenda to the Eastern
Region boundary and to the coastal ports of Victoria and Tiko is undoubtedly the prime necessity among
all others at the present time ( ...) The road will be equally valuable in facilitating the movements of
country’s produce from the food-surplus space of the Bamenda Highlands towards the densely populated
Eastern Region.45

Dans la même logique, en 1950, un rapport du de l’administration de la province de


Bamenda sur les routes, justifie leur construction comme signe de progrès :

The Division is very backward in road communication: it is its most pressing problem. Many people
remain locked behind mountains, their economic urges stymied at the outset for lack of an outlet to
markets. They are deprived of the civilising influences and advantages which roads bring in their wake,
so many of them, the most valuable of them all, the youth, leave home for the excitement of the south, a
permanent loss to the economic productivity of this area 46.

La route était justifiée par l’exportation de denrées alimentaires de Bamenda vers la


région orientale du Nigéria. Elle symbolisait la nouveauté et le développement. Il faut
comprendre que, la nécessité des routes étaient autant justifiés parce que, pour le Gouvernement
pour les Anglais, le Cameroun britannique était une région marginale par rapport au Nigeria.

Ainsi, durant le mandat anglais (1916-1946), peu de choses changèrent au Nord-Ouest.


Le manque d’infrastructures empêchait l’exportation de biens tout autant de rente que vivriers.
Ce n’est que dans les années 50 avec l’achèvement de la route Bamenda-Mamfé et de la « Ring
Road » (Bamenda-Kumbo-Nkambe-Wum-Bamenda) que la culture du café prit un certain essor
dans la partie méridionale de la province de Bamenda. Pour l’essentiel, ce sont les populations
elles-mêmes qui construisaient les routes, sous la supervision des chefs de villages47. « All
adults were obliged to participate. One of the people who observed the construction of the road
was Henry Mbain. […] According to him the village police, the nikangsii, were ordered to

45
File Rc 1956/2 Cameroons Road Programme Policy (National Archives of Buea); also see CO 583/248/11
Cameroon Re-port on Road Communication (PRO), cité par W. Gam Nkwi, African Modernities and Mobilities:
An Historical Ethnography of Kom, Cameroon, C. 1800-2008, Cape Town, Langaa RPCIG, 2015, p. 54.
46
File NW/Fa. 1950/1, Tours and visit of Senior Officers to the Bamenda Province. Re-Touring Notes (Bamenda
Provincial Archives). Cité par W. Gam Nkwi, African Modernities and Mobilities, 2015, p. 56.
47
Pour de plus amples informations sur les routes construites dans la Province de Bamenda sous administration
anglaise, lire W. Gam Nkwi, African Modernities and Mobilities: An Historical Ethnography of Kom, Cameroon,
C. 1800-2008, Cape Town, Langaa RPCIG, 2015. Dans cet ouvrage, l’auteur consacre son Chapitre IV aux
« Roads, mobility and kfaang, c. 1928 – 1998 ». Il revient sur la construction des axes routiers qui ont relié la ville
de Bamenda et les villages environnants. Ce qui est intéressant dans ce travail est que l’auteur met une emphase
sur le rôle des chefs dans la construction des routes.
P a g e | 149

ensure that there were no absentees and any such absentees were fined from £1 to £2:15s by
the Fon and the traditional council. »48

Photo n° 15 : Population construisant une route. Source: Cameroon under United Kingdom
Administration, 1948 Report/ Road construction in Kom, Wum Division (NAB).

Source: W. Gam Nkwi, African Modernities and Mobilities…, 2015, p. 60.

Au final, la situation des routes dans le Cameroun Britannique n’a pas


fondamentalement évoluée. La région resta en effet dans un certain isolement géographique.
Thomas Lothar Weiss nous présente les contours de cet isolement :

L’isolement géographique est caractérisé par la déficience des infrastructures de transport. Les deux zones
les plus peuplées du Southern Cameroons, les plateaux et les grassfields de la région de Bamenda au Nord
et de la côte autour de Victoria et l’ancienne capitale du Kamerun allemand, Buea, sont séparées par des

48
Ibid., p. 57.
P a g e | 150

territoires montagneux, couverts de forêts et peu peuplés. Par conséquent, l’établissement de moyens de
communication et de transport est extrêmement difficile et ce, jusqu’à ce jour 49.

La seule route est celle qui lie Victoria et Buea à Kumba et puis à Mamfe sur le Cross
River, passant entre les Monts Rumpi et les Monts Bakossi. Cette route est impraticable en
saison des pluies. Kumba est relié au Cameroun francophone et à la région du Moungo par une
route peu utilisée qui passe non loin de Tombel, vers Loum. Depuis Marnfe, une route se dirige
vers le Nord-Est en direction de Bamenda, escaladant l’escarpement de la forêt vers le plateau.
Cette route est habituellement fermée en saison de pluie, ce qui provoque l'absence de voies de
communication dans une partie très importante du Cameroun britannique pendant plusieurs
mois de l'année. Vers la fin du mandat, Bamenda est lié à Nkambe par la ring road, une route
circulaire qui traverse la partie septentrionale du Cameroun britannique. Aucune route ne lie le
Southern Cameroon au Northern Cameroon. La seu1e voie de communication entre le
Cameroun britannique et le Nigéria d’un côté ainsi que le Cameroun francophone de l’autre
côté est alors le transport maritime vers Douala ou Calabar. Le transport local et interprovincial
est, de ce fait, organisé autour de colonnes de porteurs couvrant de longues distances. Cette
isolation sur le plan des transports marque alors profondément la vie sociale, politique et
économique du Cameroun britannique.50

II. Les transports maritimes

D’après Walter Gam Nkwi, la création du port de Victoria est l’œuvre d’Alfred Saker51.
En effet, explique-t-il, Saker et sa mission se sont tout d’abord installés sur l’île de Fernando
Po (actuelle Guinée Equatoriale) en janvier 184252. Lorsqu’en mai 1858, les jésuites espagnols
arrivent sur l’île, ils proclament le catholicisme comme religion principale53. Sous la pression
des missionnaires catholiques, Alfred Saker décide de s’installer avec ses partisans en face de
l’île de Fernando Po, dans la région appelée Bimbia. « The foundation of Victoria was traced
to the London Baptist Missionaries who were led by Alfred Saker. On 23 August 1858 Alfred
Saker signed a treaty with King William of Bimbia who claimed to have had unlimited powers
over the land arranging for its purchase at the cost of £1,800. »54

49
Rappelons que la thèse de doctorat de Weiss date de 1996.
50
T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 218-219.
51
W. Gam Nkwi, « Salt Wata Modernity: The Port City of Victoria (Cameroon), ca. 1920’s-1980 », CORIOLIS,
Volume 6, Number 2, 2016, p. 36.
52
Ibid.
53
Ibid.
54
Ibid., p. 35.
P a g e | 151

Mais après l’avoir acquise, il la nomme Victoria en l’honneur de la reine d’Angleterre55.


Les débuts du port de Victoria remontent aux années 1880 lorsque les Allemands ont annexé le
Cameroun56. Bien que le port de Victoria ait été l’œuvre des allemands au départ57, il atteint
son apogée seulement dans les années 1920 sous l’administration coloniale britannique58. C’est
durant cette période que Victoria est devenue la première ville du Cameroun britannique.

Sous l’administration coloniale britannique, Victoria devient la capitale de la division


de Victoria (actuel département du Fako)59, et un important centre économique. Des migrants
ont envahi cette ville portuaire à la recherche d’emplois. Les migrants sont arrivés du l’arrière-
pays, en particulier les prairies de Bamenda qui comprenaient Meta, Bali, Bafut, Wum, Kom,
Nso ainsi que des étrangers comme les Togolais, Les pêcheurs créoles, en particulier les Ejaw
du Nigeria et de la Sierra Léone

Photo n° 16 : Bateau à moteur le “Pionier” au wharf de Tiko

Source : http://www.bmarchives.org/items/show/74744 consulté le 04/06/2020 à 12h42 60

55
Ibid., p. 36.
56
W. Gam Nkwi, « Rivers and ports in transport history of Cameroon, 1916-1961 », OGIRISI: a New Journal of
African Studies, Vol 13, 2017, p. 204.
57
Rappelons qu’en mars et décembre 1885, l’Allemagne signe avec la Grande-Bretagne et la France des accords
sur la délimitation des frontières. Les Britanniques abandonnent ainsi leurs visées sur le Mont Cameroun jusqu’à
Calabar, la frontière avec les possessions françaises sera marquée par la rivière Campo au Sud. La station de
mission britannique de Victoria est vendue aux Allemands. Après la cession de Victoria par les Britanniques, les
sociétés Woennann, Jantzen et Thoermahlen commencent à aménager des plantations sur les pentes basses du
Mont Cameroun. Source : T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 202-203.
58
W. Gam Nkwi, « Rivers and ports…», 2017, p. 206.
59
La ville de Victoria a changé de nom le 16 mai 1982 pour devenir Limbe.
60
Les Archives de la Mission de Bâle, propriétaires de l’image, ne précise pas la date à laquelle la photo a été
prise. Cependant, nous avons pu retracer l’histoire du navire. Ainsi, le « Pionier » était un navire frigorifique
P a g e | 152

Outre Victoria, il y avait également le port de Tiko. Ce dernier était un port en eau
profonde de taille considérable construit par un Allemand. Le partenaire commercial le plus
important de ce port était Allemagne. Il y avait un service hebdomadaire entre ce port et le port
principal de Douala.

C. Le bilan mitigé de la politique anglaise des transports au Cameroun

Le constat que nous pouvons faire est que la zone du Cameroun tenue par les Anglais
avait été négligée sur le plan du développement. Les colons se sont contentés soit de faire
entretenir les routes qui existaient déjà par les populations, soit de simplement abandonner les
zones les moins utiles. La mission de visite des Nations Unies dans les Territoires sous tutelle
du Cameroun sous administration britannique et du Cameroun sous administration française de
1955 souligne :

[…] l’importance capitale que présente pour le développement général du Territoire un réseau routier
approprié et amélioré. Presque toutes les communications reçues par la Mission contenaient des plaintes
concernant le manque de bonnes routes, et, à en juger par sa propre expérience, la Mission considère
que ces plaintes sont parfaitement justifiées. Il faut souligner que, par suite du manque de routes, la
présente Mission, de même que les deux missions précédentes, n’a pas été en mesure de visiter la région
de Tigon-Ndoro-Kentu et le plateau de Mambila dont le potentiel économique a été mentionné plus haut
dans le rapport.61

La même mission fait savoir que les autorités coloniales n’ignorent pas la situation
générale62, puisque les rapports précédents des Nations Unies avaient déjà attiré leur attention
sur ce problème d’infrastructures63. L’ONU observe aussi que très peu de machines avaient

allemand, utilisé comme transporteur de troupes et coulé par un sous-marin britannique en septembre 1940. Le
navire a été lancé le 2 novembre 1933 et livré le 30 décembre 1933 à la compagnie maritime hambourgeoise F.
Laeisz. Le pionnier a été utilisé par l’African Fruit Company (AFC), une filiale de la compagnie maritime F.
Laeisz, dans le transport de fruits entre Hambourg et les ports d’Afrique de l’Ouest. Cela impliquait principalement
le transport de bananes à partir du port de Tiko. Sources : https://de.wikipedia.org/wiki/Pionier_(Schiff,_1934),
consulté le 04/06/2020 à 13h38 ; B. A. Teboh, « Science, technology and the african woman during (British)
colonization, 1916-1960 », in Toyin Falola et E. Brownell, Landscape, Environment and Technology in Colonial
and Postcolonial Africa, Routledge, 2013, pp. 87-119.
61
Nations Unies, « Rapport sur le Cameroun sous administration britannique », dix-septième session du Conseil
de tutelle (7 février - 6 avril 1956), supplément n° 3, New-York, 1956, p. 25.
62
Ibid.
63
Le rapport de mars 1954 nous renseigne qu’ : « en 1951, la longueur totale des routes utilisables par les
automobiles atteignait 2.367 km, contre 2.199 en 1950. Sur ce total, 1.529 km sont utilisables par tous les temps.
La construction et l'entretien des routes se heurtent à différents obstacles tels que les inondations pendant la saison
des pluies, la nature accidentée du terrain, l'absence de pierres convenables et le manque de main-d'œuvre dans
certaines régions. La Mission estime qu'il faudrait donner la toute priorité aux projets de construction et
d'amélioration des routes ; c'est également l'avis de 1’Administration. » Source : Nations Unies, « Rapport sur le
Cameroun sous administration britannique », treizième session du Conseil de tutelle (28 janvier - 25 mars 1954),
supplément n° 4, New-York, 1954, p. 24.
P a g e | 153

jusque-là été utilisées pour la construction des routes dans le Territoire, et que l’on utilisait
encore beaucoup la main d’œuvre manuelle et un outillage mal approprié64. À la suite de cette
mission d’inspection, le ministre fédéral des travaux publics à Lagos fait savoir qu’un crédit de
848.000 livres sterling à prélever sur le budget fédéral était prévu pour l’amélioration de la
route de Kumba-Mamfé65. Les dépenses étaient ainsi réparties :

- Matériaux...................................... £306.000
- Main-d’œuvre ............................... £362.000
- Équipement… ................................ £180.000

À titre de comparaison, le rapport rappelle le montant des dépenses afférentes aux


travaux de la même route Kumba-Mamfé pour les trois années précédentes :

- 1952-53……………………..£15.967
- 1953-54……………………..£102.239
- 1954-55……………………..£81.000

L’administration britannique prévoyait un autre crédit de 400 000 livres sterling pour
l’amélioration de la grande route de la catégorie A, Mubi-Uba-Bama entre 1955 et 1956 ; la
construction d’une grande route de catégorie A, allant de Nkambé à Sugu via Serti et Juntari,
afin de relier le Cameroun méridional au Cameroun septentrional : et une route allant de
Kamine, dans la division de Nkambé, à Takum, dans la province de la Bénoué au Nigéria.

En ce qui concerne les routes à la charge de l’administration du Cameroun méridional,


celle-ci proposait d’affecter à ces travaux un crédit global de 659 000 livres sterling, à prélever
sur la contribution de 1 330 000 livres sterling du Colonial Development and Welfare Fund
pour la période 1955-1960.66 Ces prévisions de dépenses, chiffrées en livres sterling, se
répartissaient comme suit :

- Route Kumba-Tombel… ....................................... 133.000


- Rouge Mbonge-Kumba ..........................................171.000
- Route Bakebe-Fontem… ....................................... 298.000
- Route Bamenda Ring-Ouest… .............................. 10.000
- Route Menemo-Ngaw… ....................................... 20.000
- Route Ossing-Nguti ................................................. 4.00067

64
Ibid.
65
Ibid.
66
Ibid, p. 25.
67
Ibid, p. 26.
P a g e | 154

Pour ce qui est des routes construites et entretenues par les autorités traditionnelles,
aucune dépense chiffrée n’avait été programmée.

De belles idées donc qui ne furent pas suivies d’effets. Pour Victor Juluis Ngoh :

The British Government constructed no efficient communication network in the British Cameroons. The
roads were still as they had been under the Germans; air transport and air railway lines were neglected.
The first road connecting the grassfield to the forest zone (from Kumba to Mamfe) was completed in
1947.68

Une autre source nous conforte dans ce point de vue. En effet, pour l’Encyclopædia
Britannica en ligne,

Greater agricultural development took place in French Cameroun. Limited industrial and infrastructural
growth also occurred, largely after World War II. At independence, French Cameroun had a much higher
gross national product per capita, higher education levels, better health care, and better infrastructure
than British Cameroons.69

Malgré le British Colonial Development Act, le British Colonial development and


Welfare Act et le Cameroons Development Fund, créés pour financer les projets
d’investissement dans les colonies, les montant d’argent transférés à la colonie du Cameroun
restait très limité. Lorsque la comparaison est faite avec les plans de développement mis en
place par la France, il apparaît que :

The increase in net subsidies was more pronounced in French colonies, where they represent more than
20 % of total expenditure in AOF in 1949, and more than 30 % in 1952, while they are always below 10
% in British colonies. This was likely a manifestation of the different ways in which France and Britain
envisioned the future of their African empire after World War II (self-government versus assimilation).70

Plusieurs raisons pourraient expliquer ce manque d’investissement des Anglais dans


leur colonie du Cameroun. Nous les classons en raisons économiques d’une part, et en raisons
politiques d’autre part.

En ce qui concerne les raisons économiques, il faut reconnaître avec Fark-Grüninger


que « pour les Anglais, le Southern Cameroons était une région marginale par rapport au
Nigeria. Et au sein du Southern Cameroons, le Nord-Ouest l’était également, les plantations se
trouvant toutes au pied du Mont Cameroun. En conséquence, sous le mandat anglais, peu de

68
V. J. Ngoh, “The Political Evolution of Cameroon, 1884-1961”, Thesis for the Master of Arts in History,
Portland State University, 1979, p. 79.
69
Source : https://www.britannica.com/place/Cameroon/British-Cameroons-1916-61-and-French-Cameroun-
1916-60, consulté le 16/10/2019.
70
D. Cogneau et al, African states and development in historical perspective: Colonial public finances in British
and French West, Paris school of economy, Working paper n° 2018/29, 2018, pp. 25-26.
P a g e | 155

choses changèrent au Nord-Ouest »71. De fait, depuis que le territoire était entré en leur
possession en 1916, les Anglais avaient agi comme s’ils n’en voulaient pas.

Tout au long de la période qui va jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, nous renseigne Weiss, la vie
économique, sociale et politique du Cameroun britannique est relativement peu mouvementée.
Administrativement uni au Nigéria, le Cameroun britannique est souvent considéré par l’administration
coloniale comme un « fardeau » pour son budget colonial.72

En 1919, le Traité de Versailles dans son article 297 (b), autorise les gouvernements
alliés, qui avaient reçu pleins pouvoir sur les anciennes colonies allemandes, de conserver ou
de liquider toutes les propriétés allemandes :

b) Sous réserve des dispositions contraires qui pourraient résulter du présent traité, les puissances alliées
ou associées se réservent le droit de retenir et de liquider tous les biens, droits et intérêts appartenant, à la
date de la mise en vigueur du présent traité, à des ressortissants allemands ou des sociétés contrôlées par
eux sur leur territoire, dans leurs colonies, possessions et pays de protectorat, y compris les territoires qui
leur ont été cédés en vertu du présent traité. La liquidation aura lieu conformément aux lois de l’État allié
ou associé intéressé, et le propriétaire allemand ne pourra disposer de ces biens, droits et intérêts, ni les
greffer d’aucune charge, sans le consentement de cet État.73

Ainsi, pendant l’entre-deux-guerres, trois domaines de plantations seulement


appartiennent à des sociétés britanniques : la Bwinga dans la plaine de Tiko, la Bai Rubber and
Cocoa Estate et la Ndian Estate74. Ainsi, sur le plan économique, les Anglais n’avaient
concrètement pas d’intérêts majeurs dans ce territoire. En ont-ils jamais voulu ? Notre
hypothèse est que les Anglais ne voulaient pas s’y installer. Cela peut tout aussi être étudié sous
le prisme des raisons politiques, principalement le caractère inadapté de l’indirect rule dans
cette région.

Déjà pacifié par les divers colonisateurs au tournant du siècle, la tradition politique
préétablie dans le Northern Cameroons facilite la volonté des populations d’accepter les
changements qu’entraîne l’application de l’indirect rule anglais et ce d’autant que
l’administration n’envisage pas de restructurer la vie sociale et politique.75

71
Fark-Grüninger M., « La transition économique à l’Ouest du Cameroun 1880 – 1990. Jeux et enjeux », Thèse
de Doctorat en sciences économiques, Université de Neuchâtel, 1995, p. 69.
72
T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 218.
73
Traité de Versailles, article 297 (b), 1919. En ligne, URL :
https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Versailles_1919/10, consulté le 06/06/2020 à 11h01.
74
Ces trois domaines sont à l’origine de l’actuelle PAMOL (Cameroun) Limited, créé en 1936. La PAMOL est
une filiale de la United Africa Company (UAC). Elle est propriétaire de Bwinga depuis 1895 et achète les domaines
de Bai et de Ndian en 1925 et 1932 à des exploitants Allemands. En 1950, elle a acquiert en outre le domaine de
Lobe. Lire G. Courade, « Les plantations d’Unilever au Cameroun (plantations Pamol du Cameroun Limited) ou
la croissance d’une firme multinationale dans une région marginale », Travaux et Documents de I’I.S.H., n°1 et
Cahiers de l’ONAREST, vol. 1, no 2, pp. 10-126.
75
Ibid., p. 248.
P a g e | 156

Au Southem Cameroons, les Britanniques se sont trouvés face à une très grande variété
de groupes, clans, ethnies et autres divisions traditionnelles, partiellement en raison de la
décomposition du tissu ethnique et social traditionnel imposé par les plantations et
l’immigration déjà importante. L’administration a très tôt reconnu qu’il ne serait pas possible
d’administrer le Southem Cameroons de la même manière que le Northern Cameroons. Le
gouverneur britannique du Southern Cameroons écrit en 1920 :

Il s’est révélé impossible d’appliquer les principes [d’administration] de la Province du Nord [Northem
Cameroons] à la Province du Sud païenne [Southem Cameroons]. On ne peut s’attendre à un succès de la
part d’un personnel administratif non adapté, même s’il s’agit d’Igbo ou d’Ibibio ... Le païen du
Cameroun, comme le païen du Nigéria, est très jaloux de son indépendance et refuse de reconnaître
l’autorité au-delà de sa propre communauté…76

Pour tenter de résoudre ces problèmes sociaux, les Native Authorities sont constituées
dès 1922. Ils sont composés selon la région, d’un chef seul ou d’un conseil de notables.77 Dans
un territoire où régnait une constellation de peuples et de pouvoirs, le choix des Natives
Authorities par l’administration britannique était toujours source de conflits entre les chefferies,
car le choix de l’administration ne correspondait pas toujours à la réalité, ce qui entraînait des
coûts importants pour contrecarrer les ambitions des chefs non choisis.78 Les Native Authorities
n’étaient pas simplement récepteurs d’ordre, elles étaient responsables de la police, de la justice,
du développement local (routes, santé)79. Leur rôle pour le développement s’est accru après la
deuxième guerre mondiale, les dépenses pour les travaux publics, pour l’éducation et la santé
sous leur contrôle sont devenues plus importantes. Mais les grands investissements restaient
de la compétence de l’administration centrale.

Malgré cela, ils subirent également une perte d’autorité progressive, à cause de l’exclusion des notables
du pouvoir et d’abus de pouvoir assez fréquents surtout dans la collecte des impôts, tolérés par une
administration britannique manquant trop de personnel pour pouvoir les contrôler. Celle-ci tenta de les
supporter en les rémunérant, pour qu’ils puissent subvenir aux dépenses nécessaires à leur rang. La
politique de l’indirect rule créa une certaine tension entre les intérêts économiques européens et la
protection des institutions africaines. En général, la Grande Bretagne opta pour la protection de
l’économie traditionnelle. Ceci a entraîné une certaine stagnation économique. 80

76
T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 220.
77
L’indirect rule impliquait l’utilisation de chefs locaux pour mettre en œuvre les politiques coloniales. Les chefs
et les sous-chefs nommés en tant qu’autorités autochtones étaient habilités à percevoir des recettes fiscales sur leur
territoire pour les dépenses des administrateurs coloniaux ou sur leur avis (Lire Lugard, The dual mandate…, 1922,
p. 194-211). Le fait que ce même pouvoir soit également conféré à certains sous-chefs menaçait de déclencher de
nouvelles luttes pour l’autonomie. En effet, les sous-chefs voyaient en cette décision de leur confier la collecte des
recettes fiscales comme un acte de reconnaissance politique. (Lire Nantang Ben Jua, « Indirect Rule in Colonial
and Post-Colonial Cameroon », Paideuma, n° 41, 1995, p. 40).
78
Fark-Grüninger M., « La transition économique…», 1995, p. 66.
79
Ibid.
80
Ibid, p. 67.
P a g e | 157

Ainsi, que ce soit au niveau purement économique que dans la pratique de la politique
de l’Indirect rule, les Anglais ont manqué à leurs obligations de développement du territoire à
eux confié par le mandat de la SDN (1922-1946) et par la tutelle de l’ONU (1946-1961). En
fait, en vendant les plantations allemandes, les Anglais ont quasiment tourné le dos aux
Cameroun, laissant faire les populations locales. On peut donc aisément comprendre que les
revendications politiques y aient pris naissance bien assez tôt, dès 1920. Au final, les bonnes
intentions affichées par les politiques mises décidées par le gouvernement anglais n’ont eu que
peu d’effet dans le Cameroun britannique.

Conclusion

Contrairement à la période coloniale britannique et française, la période coloniale


allemande au Cameroun est souvent associée à un certain niveau de développement économique
et de prospérité relative et ce, en dépit des aspects extrêmement répressifs de l’administration.81
Des réalisations de l’époque allemande se retrouvent partout pour rappeler l’effort de
développement physique et économique mené par les Allemands : les plantations, les
installations portuaires (Douala, Campo, Tiko et Victoria), les voies ferrées, les nombreux
ponts, pistes et routes. Ces éléments servent de comparaison entre la période allemande et celle
franco-britannique, et constituent une solide base pour l’élargissement du réseau des
infrastructures et l’exploitation du potentiel agricole.

Cependant, à la décharge des colons Anglais et Français, nous dirions que la dynamique
économique du Kamerun allemand comparée au relatif déclin de l’activité en particulier au
Cameroun britannique, s’explique aussi par le fait que l’Allemagne avait très peu de colonies
par rapport à la France et à la Grande-Bretagne.82 Cette situation lui permettait de concentrer
ses efforts de manière plus soutenue que la France et la Grande Bretagne, du fait de la taille de

81
Lire entre autres : L. I. Sah, « Activités allemandes et germanophilie au Cameroun (1936-1939) », Revue
française d'histoire d'outre-mer, tome 69, n°255, 2e trimestre 1982, pp. 129-144 ; S. Michels, A.-P. Temgoua
(éds), La politique de la mémoire coloniale en Allemagne et au Cameroun : actes du colloque à Yaoundé, octobre
2003, Münster, Lit Verlag, 2005 ; Zourmba Ousmanou, « La conservation et la valorisation des vestiges du
protectorat allemand dans la ville de Douala (Cameroun) », mémoire de Master de Géographie, Università degli
studi di Padova, 2017.
82
L’empire colonial allemand comprenait les territoires suivants : Togo : 87 516 km² ; Cameroun : 496 938 km²
jusqu’au traité de 1911 avec la France (« Vieux Cameroun ») et 750 000 km² ensuite ; Sud-ouest africain :
838 370 km² ; Est africain : 995 000 km² ; Tsing-Tao (actuellement une ville de la province du Shandong en
Chine) : 551 km² ; archipel des Samoa : 2 600 km² ; Terre de l’empereur Guillaume (Papouasie-Nouvelle-Guinée) :
179 000 km² ; archipel Bismarck (appartenant aujourd’hui à la Papouasie-Nouvelle-Guinée) : 61 000 km² ;
ensemble des archipels du Pacifique (Carolines, Mariannes, Palau, Marshall) : 2 475 km2. Source : R. Porte, « La
défense des colonies allemandes avant 1914 entre mythe et réalités », Revue historique des armées, n°271, 2013.
P a g e | 158

leurs empires coloniaux83. Selon une formule célèbre, le Cameroun anglophone, négligé par les
Britanniques, n’a jamais été plus que « la colonie d’une colonie »84, en l’occurrence le Nigéria
sous domination britannique.

Cette négligence est exploitée par certains politiciens favorables à la réunification durant
la campagne électorale de 1960-61. En effet, les tenants de la réunification, John Ngu Foncha
le premier, mettent en avant une identité camerounaise presque immémoriale, un Grand
Cameroun qu’il est du devoir des Camerounais méridionaux de retrouver85. Le KNDP86 de
Foncha oppose une double critique : des Nigérians, et particulièrement des populations igbo,
apparentés dans plusieurs discours à des envahisseurs, exploiteurs, quasi-colonisateurs87 ; et des
Britanniques, accusés d’avoir sciemment maintenu le Cameroun méridional à la marge de leurs
stratégies de développement colonial, négligé, plus encore qu’exploité, d’une certaine
manière88.

Mais la critique du « fait colonial » au Cameroun méridional conduit parfois à une valorisation, implicite
du moins, du « fait colonial » français. « Cela fait quarante ans », déclarent certains, « que nous sommes
avec le Nigeria sous administration britannique. Nous n’avons pas de routes, pas d’écoles secondaires
publiques, rien. Il est grand temps de tenter notre chance de l’autre côté de la frontière » La colonisation
à la française à l’est du fleuve Mungo est ainsi présentée comme porteuse d’avantages dont les

83
L’Empire colonial britannique est le plus étendu du monde au XIXe siècle avec environ 33 millions de km2 pour
environ le quart de la population mondiale totale d'alors, c’est-à-dire 500 millions d'habitants (source :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Empire_britannique#:~:text=L'Empire%20colonial%20britannique%20est,di
re%20500%20millions%20d'habitants, consulté le 06/06/2020 à 23h18). Quant au second empire colonial
français, il a été au cours de la seconde moitié du 19e siècle et au 20e siècle, le deuxième plus vaste du monde,
derrière l’Empire colonial britannique. Présent sur tous les continents, il s’étendait, à son apogée, de 1919 à 1939,
sur 12.347.000 km². En incluant la France métropolitaine, les terres sous souveraineté française atteignaient ainsi
la superficie de près de 13 millions de km², soit près d’1/10 de la surface de la Terre, abritant une population de
110 millions d’habitants à la veille de la Seconde guerre mondiale, soit 5 % de la population mondiale de l’époque
(source : http://www.souvenirfrancais-issy.com/2017/03/l-empire-colonial-francais.html, consulté le 06/06/2020
à 23h24).
84
J.-F. Bayart, L’État au Cameroun, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, (2ème
édition), 1985, p. 109.
85
T. L. Weiss, « Les migrations nigérianes… », 1996, p. 233.
86
Le Gouverneur général du Nigéria, Sir John MacPherson annonce dès son arrivée en 1948 que le Southern
Cameroons serait prêt à accepter de nouveaux changements constitutionnels. En 1949, sont créés la Cameroons
National Federation (CNF) et le Kamerun United National Congress (KUNC), le dernier par Endeley. Ces deux
groupes appuient les revendications en faveur d’une autonomie accrue du Southern Cameroons et de la
réunification avec le Cameroun francophone. La CNF et le KUNC fusionnent finalement en juin 1953 pour former
le premier parti politique local du Southern Cameroons, le Kamerun National Congress (KNC), sous la direction
d’Endeley, Foncha, Mbile et Solomon Tandeng Muna. Aux élections de décembre 1953 et de novembre-décembre
1954, le KNC gagne six sièges réservés aux Camerounais dans la nouvelle chambre fédérale à Lagos et douze des
treize sièges dans l’Assemblée du Southern Cameroons, créée en application de la Constitution Lyttleton. Les
revendications d’Endeley concernant le statut particulier du Southern Cameroons ont été satisfaites. Pourtant, il
s’éloigne progressivement de sa demande initiale de réunification avec le Cameroun francophone. Ce revirement
dans la position d’Endeley provoque une crise ouverte dans le KNC qui se solde par la création du Kamerun
National Democratic Party (KNDP) en 1955 par John Ngu Foncha. Le KNDP continue à plaider en faveur de la
réunification et fait alliance avec l’UPC.
87
M. Torrent, « Des partages coloniaux aux frontières culturelles… », 2013, p. 8.
88
Ibid.
P a g e | 159

Camerounais méridionaux pourraient bénéficier a posteriori, dans le cadre d’une unification avec la
République du Cameroun indépendante.89

Ainsi, le processus de construction territoriale du nouvel État indépendant du Cameroun


(1960) et réunifié (1961) débute avec un lourd passé colonial qu’il faut assumer pour construire
une Nation et s’engager dans la voie du développement ensemble. Rien de plus normal qu’à
côté de l’installation de l’appareil administratif, la construction de routes interrégionales ait été
la priorité principale de l’État. Ceci est d’autant plus indispensable que le pays est constitué,
d’une part, d’un agrégat de tribus qui ne se rencontraient que pour des guerres ou pas du tout
et, d’autre part, qu’il a été en proie à une rébellion armée (1957 à 1971), celle de l’Union des
Populations du Cameroun (UPC), qui considérait que l’indépendance accordée au Cameroun
était fictive et que la jeune administration en place n’était qu’un cliché du colonisateur. Dans
ce long processus dit de construction de l’État, la Première République dirigée par Amadou
Ahidjo devait mettre en place une véritable politique de développement économique en général,
et des transports en particulier.

89
Ibid.
P a g e | 160

PARTIE II
LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS AU
CAMEROUN DE L’INDÉPENDANCE AUX PROGRAMMES
D’AJUSTEMENT STRUCTUREL ENTRE 1960 ET 2000
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CHAPITRE IV

LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS AU


CAMEROUN SOUS LE LIBÉRALISME PLANIFIÉ ENTRE
1960 ET 1985
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À l’indépendance du Cameroun Oriental en 1960, il fallait gommer les inégalités dans


la répartition des transports sur le territoire, tout en tentant de stabiliser le pays sur le plan
politique. Cela passait donc par la mise en place des institutions et organismes qui permettaient
au nouvel État d’exercer une souveraineté effective. La dernière année de tutelle et la première
année du Cameroun indépendant, étaient marquées par exemple, par la création d’un conseil
économique et social (30 novembre 1960), d’une École d’administration (27 juillet 1959), d’une
École militaire pour la formation des sous-officiers camerounais, de l’adoption par l’assemblée
nationale d’un projet de création d’une marine et d’une aviation militaires, en janvier 1961.1
Pour Engelbert Mveng, « le bilan de la première année de l’indépendance camerounaise
demeure en somme fort modeste ; le terrorisme, le chômage, la libération de la femme, la
réforme des pouvoirs traditionnels attendent encore une solution. Seule l’administration et
l’armée prennent une réelle implantation. »2

Le nouveau président déroula son programme économique sous le slogan de


« libéralisme planifié ». Le Cameroun, sous la direction d’Ahmadou Ahidjo, fit le choix d’un
« modèle économique agricole » en vue d’assurer l’autosubsistance des Camerounais, et dans
le but que les revenus agricoles rapportèrent des devises pour financer l’industrialisation et le
développement socioéconomique.

Au Cameroun, l’agro-industrie fut un instrument-clé destiné à stimuler le


développement agricole et à desserrer les contraintes économiques que représentèrent les
cultures traditionnelles d’exportation (café et cacao). Durant les deux premiers plans
quinquennaux, le secteur paysan fut privilégié par l’État (renforcement du système coopératif,
soutien à des projets de développement rural intégré, etc.). Par la suite, on put observer un
renversement de tendance. Dans le troisième plan quinquennal déjà, 60 % des investissements
publics alimentèrent des entreprises agroindustrielles lourdes.

Pour cela, la priorité accordée à l’agriculture par les pouvoirs publics se concrétisa par
la création et la mise en place de filières, unités ou entreprises destinées à l’exécution de la
politique agricole décidée par le gouvernement. L’agriculture, globalement performante,
favorisa alors un début d’industrialisation qui remplaça les importations massives, sources
d’érosion des devises. Par ailleurs, le secteur agricole, quoique non entièrement étatisé, fut

1
E. Mveng, Histoire du Cameroun, 1985, p. 257.
2
Ibid, p. 258.
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fortement soumis au contrôle du pouvoir public à travers une régulation et une planification,
mises en œuvre notamment à travers les plans quinquennaux. Dans cette logique, le système
des transports dut faciliter l’implémentation de cette politique agricole.

Ce chapitre aborde les grandes lignes du libéralisme planifié, politique que le président
Ahidjo mit en place dès son accession au pouvoir en mai 1960, et examine la place qu’y tinrent
les transports. Aussi définirons-nous la planification du développement et les fondements
idéologiques du libéralisme planifié. Toute politique publique étant fille de la conjoncture
économique, nous étudions aussi la situation économique du Cameroun durant ces années
(1960-1985). La deuxième articulation permet d’aborder la politique des transports sous les
plans quinquennaux, documents cadres du développement du Cameroun postindépendance.
Nous analysons enfin, dans une troisième articulation, les limites des politiques des transports
sous le libéralisme planifié.

A. Le libéralisme planifié, matrice des politiques publiques au


Cameroun entre 1960 et 1985

Lorsque poignaient les indépendances en Afrique francophone, les Plans FIDES


arrivaient à échéance. Il était logique de continuer dans une politique économique donnant la
part belle à la planification. Celle-ci était considérée dans les premières années de ces États,
comme le moyen le plus apte à réaliser une accélération de la croissance économique. L’idée
que la planification s’accompagnait d’un taux de développement élevé, était répandue. Pour
Sékou Touré, « la planification économique n’ [était] pas un attribut exclusif des régimes
socialistes ou communistes, elle [était] le fondement en tant que science d’un développement
économique aussi déterminé que possible. »3 Le Cameroun n’échappait pas à cette tendance.
Ce sous-chapitre en trois sections nous permet tout d’abord, d’analyser la planification dans
son essence. Ensuite, nous étudions les fondements idéologiques et théoriques du libéralisme
planifié. Comme doctrine à la fois politique et économique. Enfin, nous examinons la place des
transports dans cette politique.

3
Parti démocratique de Guinée, La planification économique, Imprimerie Nationale, Conakry, 1960, p. 297.
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I. La planification du développement : essai de définition

La planification camerounaise fut un avatar de la planification française. Elle eut pour


but d’analyser les moyens d’ordonner les investissements et la production afin d’éviter les crises
économiques observées dans les pays capitalistes, causées par un ancrage des intérêts privés
qui commandèrent le système économique.4 Plusieurs théories furent développées dans le cadre
de la planification du développement. Nous en retenons quelques-unes qui nous semblent
appropriées au contexte de l’étude, centrée sur le Cameroun.

Il n’existe pas de définition unique de la planification du développement. Toutefois, on


peut dire que la planification du développement suppose la formulation d’un programme
d’actions nationales en vue d’atteindre des objectifs de développement. Elle apparaît comme
un outil de travail qui s’adresse à tout groupe souhaitant organiser, préparer et maîtriser son
avenir. La planification du développement permet donc de déterminer des objectifs précis, des
moyens appropriés à l’atteinte desdits objectifs, le tout dans des délais bien déterminés.

Todaro et Smith la définissent comme « une tentative délibérée des pouvoirs publics de
coordonner la prise de décisions économiques à long terme et d’influer sur le niveau de
croissance des principaux variables socioéconomiques d’une nation, afin de réaliser un
ensemble d’objectifs de développement déterminés à l’avance ».5 Il existe une multiplicité de
planification en fonction du contexte sociopolitique. Nous pouvons citer entre autres : la
planification de la reconstruction en temps de guerre et d’après-guerre, la planification urbaine
et rurale, la planification du plein emploi, la planification anticyclique, et la planification du
développement.

Pour Albert Waterston, certaines caractéristiques représentent des constances d’une


situation à l’autre : « despite the great variety of forms which it may take, all planning has
certain common attributes. These include looking ahead, making choices, and, where possible,

4
I. Peaucelle, « Les théories de la planification et la régulation des systèmes économiques », PSE Working Papers
n° 2005/29, p. 1.
5
M. Todaro et al, Economic development, ninth edition, United States, Pearson-Addison Wesley, 2006, cité par
Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, La planification au service du développement de
l’Afrique. Enseignements, indications et messages à tirer des expériences passées et présentes, Addis Abeba,
Éthiopie, édition CEA, 2016, p. 3.
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arranging that future actions for attaining objectives follow fixed paths or, where this is
impossible, setting limits to the consequences which may arise from such action.»6

Dans le cadre conceptuel, la planification du développement a été utilisée en temps de


paix comme en temps de guerre (par exemple, pour le Plan Marshall qui a fait suite à la Seconde
Guerre mondiale) et a été appliquée par tous les systèmes de gouvernement, qu’ils soient
socialistes, totalitaires, démocratiques ou capitalistes.7 Ainsi, toute planification du
développement doit pouvoir anticiper, faire des choix et faire en sorte que les actions futures
soient bien déterminées et orientées. La planification peut être soit physique, soit spatiale dans
le cadre de l’aménagement urbain, territorial ou rural, soit conceptuelle, pour définir des
stratégies et priorités visant à assurer une affectation et une utilisation optimales des ressources.
Le champ de la présente étude est limité à la planification conceptuelle.8

Par ailleurs, une distinction est établie entre l’utilisation de la planification en tant que
mécanisme de stabilisation et celle de la planification en tant qu’outil de la transformation
socioéconomique. La planification de stabilisation, souvent visée en tant que planification
anticyclique, tend à stimuler la croissance dans des périodes de récession ou de ralentissement
de la croissance. À la différence de la planification anticyclique, la planification du
développement va au-delà de la simple promotion de la croissance, en favorisant le progrès
économique et social et en levant les contraintes qui font obstacle à ces progrès. Cela exige
souvent la mise en œuvre de réformes institutionnelles et structurelles. La distinction entre la
planification anticyclique et la planification du développement a été bien résumée par le Vice-
Président du Conseil consultatif suprême indonésien en ces termes :

Countries such as Indonesia should be fully aware of the difference in nature between planning as a
feature of society, where the “target” is to build a new society, and the planning of development projects,
where the “target” is a specific item of development. The second objective of planning should be
subservient to the first which is primary.9

6
A. Waterston, Development Planning: Lessons of Experience, The Economic Development Institute, The
International Bank for Reconstruction and Development, The Johns Hopkins Press, Baltimore Maryland, 1969, p.
9.
7
UNECA, La planification au service du développement de l’Afrique. Enseignements, indications et messages à
tirer des expériences passées et présentes, Addis Abeba, Éthiopie, Commission économique des Nations Unies
pour l’Afrique, 2015, p. 2.
8
Ibid.
9
A. Waterston, Development Planning…, 1969, p. 17.
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La planification anticyclique est souvent entreprise dans des sociétés plus développées,
où les institutions et les marchés fonctionnent raisonnablement bien.10 En revanche, des
mesures de transformation sont requises dans les pays en développement, où les
dysfonctionnements institutionnels et du marché sont omniprésents, l’épargne est faible, les
infrastructures sont insuffisantes et où les investissements étrangers sont concentrés dans les
secteurs extractifs qui apportent peu d’avantages à la majorité de la population. Les programmes
d’ajustement structurel imposés aux pays africains au début des années 80 peuvent être
considérés comme un exemple de l’application des mesures de planification anticyclique pour
s’attaquer aux problèmes structurels des pays en développement.11

Selon ce point de vue, les plans de développement doivent :

- comporter des objectifs déterminés à l’avance et bien définis ;


- être placés sous le contrôle d’une autorité centrale (c’est-à-dire l’État ou le
gouvernement) ;
- s’efforcer d’utiliser de façon optimale les facteurs de production ;
- enfin, réaliser leurs objectifs dans un intervalle de temps donné.

Ces définitions semblent identiques, au regard de la finalité à atteindre et de


l’instrumentalisation de la planification du développement. Toutefois, il serait indiqué de les
compléter et de les enrichir par les éléments de définition de la planification régionale. Selon
l’économiste Alain Valette, c’est en effet ce modèle de planification qui a été appliqué au
Cameroun dans ses premières années postindépendances.12 Selon Robert Robert, on entend par
planification régionale :

« la planification des interventions » visant à susciter le développement économique, notamment en ce


qui concerne les actions de l’État et du secteur privé, c’est-à-dire : à la mise en place et au maintien
d’équipements et d’infrastructures, aux politiques ou aux actions sectorielles dans les domaines de
l’industrie, du commerce, de l’agriculture, des pêcheries, de la forêt, etc. Dans d’autres cas, on réfère aux
résultats de ces interventions, c’est-à-dire l’amélioration d’un milieu résultant soit d’un dynamisme qui
lui est propre soit d’interventions suscitées par des agents extérieurs à ce milieu. 13

10
UNECA, La planification au service du développement de l’Afrique…, 2015, p. 2.
11
Ibid., p. 3.
12
Lire A. Valette, Les méthodes de planification…, 1971 ;
- « Moyens et limites d’une planification régionale dans un pays en voie de développement : L’expérience
camerounaise », Paris, ORSTOM, (39), p. 199-221, Travaux et Documents de l’ORSTOM :
Différenciation Régionale et Régionalisation en Afrique Francophone et à Madagascar, Journées de
Travail de Yaoundé, Yaoundé/Cameroun, 1974.
13
R. Robert, « Développement régional au Québec : un bilan de 30 ans », dans Serge Côté et al, La pratique du
développement régional, Rimouski, Association des étudiants et diplômés en développement régional [AEDDR]
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Le produit de la planification en général et de la planification du développement en


particulier est le plan. Pour Irina Peaucelle,

Le Plan permet l’intervention de l’État dans la définition des objectifs à atteindre et dans l’encadrement
de l’action des entreprises et des institutions d’intérêt public en constituant un dispositif de contrôle de la
conformité des comportements de ces unités économiques et sociales au regard de ce que le gouvernement
démocratique attend d’eux.14

Considérons donc le plan de développement comme un ensemble d’objectifs de


développement à atteindre dans un horizon bien déterminé. Ces objectifs sont déclinés dans un
plan en actions et autres moyens réalistes. Aussi, les responsables chargés de réaliser ces actions
et les sites d’implantation desdites actions sont bien identifiés après un choix raisonné et
consensuel.

La politique de développement du Cameroun aux lendemains des indépendances


s’adossait donc sur la planification. Entre 1960 et 1985, elle trouvait son ancrage idéologique
dans le libéralisme planifié. En accédant à l’indépendance en 1960, le Cameroun s’est trouvé
confronté à de multiples problèmes de développement, compte tenu de la structure de son
économie, caractérisée par une mise en valeur insuffisante par rapport aux potentialités du pays.
Ainsi, la tâche de construction nationale à laquelle devait s’atteler le gouvernement allait se
manifester à la fois sur les plans politique et économique. Il fallait aussi asseoir l’autorité de
l’État, réaliser l’unité du pays et mobiliser toutes les couches de la population en faveur du
développement.

II. Les fondements idéologiques et théoriques du libéralisme planifié

Dès la naissance de l’État du Cameroun en 1960, les politiques économiques de


développement, et naturellement les politiques publiques des transports, s’articulent autour des
programmes de planification encore appelés « plans quinquennaux ». Ces politiques
s’inscrivent dans une idéologie de construction nationale. Elles rentrent dans un modèle de
gouvernance économique baptisé « libéralisme planifié » et « développement autocentré ».
Derrière ces termes, on décèle l’influence des approches développementalistes des années 1960,
structurées autour de deux grandes orientations théoriques plus ou moins opposées, que sont les
théories de la modernisation et les théories dépendantistes.

et Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional de l’Est du Québec [GRIDEQ] de


l’Université du Québec à Rimouski [UQAR] (Coll : Actes et instruments de la recherche en développement
régional, no 12), 1995, p. 1.
14
I. Peaucelle, « Les théories de la planification… », 2005, p. 1.
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1. Les fondements idéologiques du libéralisme planifié

Le libéralisme planifié plaça l’État au centre de la prise des décisions. En effet, c’est lui
qui définit les axes économiques stratégiques, géra les ressources naturelles et encadra les
investissements étrangers pour les diriger dans des secteurs géographiques ou économiques
spécifiques. L’État se substitua à une initiative privée supposée défaillante dans certains
secteurs, jugés prioritaires par le pouvoir politique.15 L’investissement privé camerounais fut
donc encouragé dans tous les secteurs, car le développement économique se devait d’être
endogène.16 On assista alors à la mise en œuvre d’un nationalisme économique c’est-à-dire, la
mise en place d’un cadre dans lequel « toute personne ou groupe de personnes [pouvaient]
prendre des décisions essentielles à condition qu’elles soient orientées vers le mieux-être
général, soit à la faveur d’incitations dont les directives du gouvernement [étaient] assorties,
soit par l’effet du sens civique »17.

Le libéralisme planifié était donc défini comme « une tentative de synthèse du


capitalisme et du socialisme collectiviste. Son spectre s’étendait des confins de la libre
entreprise aux frontières du capitalisme d’État. »18 À cette philosophie économique, le régime
d’Ahidjo associa le « développement autocentré », pour souligner, d’une part, la coexistence
et la collaboration des secteurs libres et privés dans le cadre d’une régulation étatique et d’autre
part l’option d’un développement endogène, c’est-à-dire mobilisant en priorité les ressources
propres du Cameroun, afin de maîtriser les finances et l’endettement extérieur et d’avoir la
maîtrise de son développement.

Lors de son discours de présentation du IVe Plan Quinquennal de développement


économique et culturel (1976-1981) à l’Assemblée nationale, le président Ahmadou Ahidjo
reprend les grandes lignes de la politique économique du Cameroun :

C’est dire que le but visé est en un mot, de construire un Cameroun nouveau. Dans la réalisation de cette
haute et légitime ambition, la planification est une nécessité, car dans un contexte de pénurie de ressources
financières et techniques qui caractérise un pays jeune comme le Cameroun, il est impératif d’utiliser
rationnellement les moyens disponibles.
Mais, ainsi que je l’ai déclaré, cette planification se conçoit et s’exécute dans le cadre de quatre principes
essentiels : le libéralisme planifié, le développement autocentré, la justice sociale et l’équilibre.

15
J. C. Willame, « Cameroun : les avatars... », 1985, p. 45.
16
Lire P. Dessouane et al, « Cameroun : du développement autocentré au national libéralisme », Politique
africaine, n° 22, 1986, pp. 111-119.
17
UNC, L’unité, édition spéciale, XXe anniversaire de l’accession au pouvoir d’Ahmadou Ahidjo, Éditions
LAMARO, 1978, p. 23.
18
Ibid.
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Le libéralisme planifié marque notre conviction que d’une part, l’initiative privée demeure le meilleur
moteur du développement et d’autre part, qu’il appartient à l’État, responsable de l’intérêt général, de
mobiliser, de coordonner et d’orienter les efforts pour le progrès.
Le développement autocentré, qui pour nous signifie d’abord le développement du peuple par le peuple,
répond à la nécessité de mobiliser toutes les ressources et toutes les énergies nationales en vue du
développement, car nous sommes profondément convaincus qu’il n’est de développement authentique
que celui qui repose sur l’effort productif et créateur du peuple.
La justice sociale implique que l’amélioration du niveau de vie résultant de l’effort productif et créateur
du peuple, bénéficie à tous les Camerounais et se traduise par une redistribution équitable des fruits de la
croissance entre les différentes catégories sociales
Le principe d’équilibre enfin se justifie par la variété et la diversité de notre pays. Cet équilibre doit être
organisé entre les différents secteurs d’activité, entre la ville et la campagne, entre les générations. De
cette manière, les inégalités naturelles, historiques ou sociales seront atténuées et les fruits du
développement pourront ainsi être mieux répartis à l’ensemble de la population.19

En résumé, la planification camerounaise sous le libéralisme planifié eut pour caractères


principaux :

- le nationalisme : la planification camerounaise voulut assurer l’indépendance


économique de la nation en concentrant les moyens disponibles sur les secteurs
susceptibles du meilleur développement et en définissant les moyens financiers à
mettre en œuvre soit par la fiscalité (moyen interne), soit par les aides extérieures.
- Indicatif : pour le secteur privé, il lui proposa des domaines à développer. Mais pour
le secteur public, il était impératif. En effet, les organismes d’État furent obligés de
l’appliquer.
- À la fois à court terme et à long terme. Les plans mis en place s’étendirent sur une
période limitée de cinq ans. La planification indiqua un ensemble de besoins à
satisfaire ainsi que les moyens d’y parvenir en fonction des ressources en hommes,
en argent, en matières premières disponibles. De plus, le premier Plan par exemple,
eut pour but le doublement du revenu national sur une période relativement plus
longue de vingt ans.

Notons que l’aspect humain constituait l’élément central de la politique du libéralisme


planifié.20 Le facteur humain était en effet à la fois considéré comme une fin et comme un
moyen : comme une fin, puisqu’il fallait en définitive améliorer les différents aspects de la

19
Ministère de l’économie et du plan, IVe Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1976-1981), 1976.
20
P. Chauleur, « Un “libéralisme planifié” pour associer le secteur privé aux efforts de développement », Le Monde
diplomatique, 1976, en ligne, URL : https://www.monde-diplomatique.fr/1976/08/CHAULEUR/33871, consulté
le 16/07/2018 à 19h28.
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condition humaine ; comme un moyen, puisque des hommes mieux alimentés, en meilleure
santé et plus instruits devaient être les instruments les plus efficaces de la croissance
économique.

2. Les fondements théoriques du libéralisme planifié

Nous pouvons donc constater que, suivant la rhétorique officielle, le libéralisme planifié
considérait l’initiative privée comme le meilleur moteur de développement, et l’État comme
responsable de l’intérêt général, devant mobiliser, coordonner et orienter les efforts pour le
progrès. Rappelons qu’à leurs accessions aux indépendances, les États d’Afrique subsaharienne
accèdent à la souveraineté politique avec une structure économique conçue pour servir les
besoins exclusifs des puissances coloniales : « les accords de coopération consécutifs à
l’indépendance assurent un débouché important à l’activité économique et commerciale de
l’ancienne Puissance coloniale, par le jeu des préférences commerciales et des franchises
douanières ».21

Colonisés par des nations capitalistes qui ont préservé des positions clés de la vie
économique interne tout en freinant leur développement autocentré, la plupart des États
africains se trouvent au début des années 1960, dans une situation de non maîtrise de leur propre
développement. La conséquence à cet état de chose est que les hommes portés au pouvoir dans
ces jeunes années des États africains, ont à cœur de garantir le pouvoir économique des
anciennes métropoles dans un contexte de lutte d’influence à l’échelon mondial.22 En fait, les
politiques de développement appliquées, à l’instar du libéralisme planifié, sont le reflet de
l’influence de deux théories contradictoires qui dominent les débats au cours des décennies
1950 à 1970 : la théorie de la modernisation (production, libre échange et marché prônés par
Adam Smith et revisité par Rostow), et la théorie de la dépendance (influence marxiste).

Ray Kiely nous en donne la différence :

21
A. Bourgi, La politique française de coopération en Afrique. Le cas du Sénégal, Paris, Librairie Générale de
Droit et de Jurisprudence et Nouvelles éditions africaines, 1979, p. 16. Sur le même sujet, lire également G. Fischer,
« La décolonisation et le rôle des Traités et des Constitutions », Annuaire français de droit international, volume
8, 1962, pp. 805-836 ; H. Ben Hamouda, Houda, et K. Ramondy, « Mémoires et constructions nationales en
Afrique », Matériaux pour l’histoire de notre temps, vol. 117-118, no3, 2015, pp. 4-9.
22
Il est nécessaire de comprendre les politiques économiques des États africains dans les années 1960, à l’aune de
la Guerre Froide. Lire à cet effet, G. Le Voguer, « Décolonisation et guerre froide : les équivoques de la politique
étrangère américaine (1946-1973) », ILCEA, n°30, 2018 ; Zaki Laidi, « Les deux grandes puissances et l’Afrique
(1960-1977) », Thèse de Doctorat d’État en Sciences politiques, Institut d’études politiques de Paris, 1983, 625p.
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Modernization theory essentially regarded development as a linear process in which societies (which
were assumed to be nation-states) pass through similar stages of development in the process of achieving
modernity. In this theory, the relationship between the ‘advanced’ West and ‘backward’ Rest was
regarded as either irrelevant or benign. ‘Backward’ societies either developed in isolation from ‘the
West’ (and more specifically the western-led international economy), or contact with the latter was
assumed to aid the development of the former. Underdevelopment theory, on the other hand, was far more
critical of such contact. It argued that the development of the West rested on the exploitation, or
underdevelopment of the Rest. Third World contact with the West was therefore not conducive to
development, which could only take place through delinking from the western-led world economy.23

Plus explicitement, les tenants de la théorie de la modernisation s’intéressent surtout au


Tiers-Monde et à la manière d’en favoriser le développement, tout en gardant implicitement le
monde développé comme modèle. Selon cette théorie, les nations du Tiers-Monde souffrent
d’un vice fondamental qui explique leur retard économique. Ainsi les sociologues soulignent-
ils la persistance des institutions et des valeurs traditionnelles,24 cependant que les psychologues
mettent en avant le faible niveau d’aspiration,25 que les démographes s’alarment de l’explosion
démographique,26 que les spécialistes des sciences politiques dénoncent l’inefficacité et la
corruption de la bureaucratie27 et que les économistes, enfin, incriminent le manque
d’investissements productifs28.

À cet égard, on peut dire que la théorie de la modernisation fournit une explication
« interne » des problèmes de développement du tiers monde.29 Walt Whitman Rostow estime
qu’« à considérer le degré de développement de l’économie, on peut dire de toutes les sociétés

23
R. Kiely, « Globalization and Poverty, and the Poverty of Globalization Theory », Current Sociology, vol. 53,
no 6, 2005, p. 902.
24
Lire O. Galland et Y. Lemel, « Tradition-modernité : un clivage persistant des sociétés européennes », Revue
française de sociologie, vol. 47, no. 4, 2006, pp. 687-724.
25
Lire S. Ghosn, « Le rôle de la Psychologie dans les dynamiques de la production, des inégalités et de la
redistribution », Thèse de doctorat en sciences économiques, Université Paris-Dauphine, présentée et soutenue
publiquement le 22 septembre 2014.
26
Lire F. Sandron, « Croissance économique et croissance démographique : théories, situations, politiques », in
Charbit Y. (éd.), Le monde en développement : démographie et enjeux socio-économiques, Paris : La
Documentation Française, 2002, p. 15-41. Rappelons qu’en 1944, l’économiste et démographe français Alfred
Sauvy publie La population. Dans cet ouvrage d’initiation aux questions démographiques, Sauvy montre que la
prévision démographique ou plus exactement l’élaboration de perspectives de population, permet de dessiner
l’avenir le plus vraisemblable, compte tenu des évolutions en cours. Si celui-ci ne semble pas satisfaisant eu égard
au bien-être collectif, des actions correctrices sont alors à envisager : des politiques de population, visant la natalité,
la mortalité et/ou les migrations doivent dans ce cas être mises en place. Une certaine proximité du pouvoir, un
natalisme revendiqué et des opinions tranchées sur les questions de population font de la démographie telle que
l’envisage Sauvy une science politique plus que sociale, d’autant plus qu’il ne cesse de militer pour des
interventions publiques. Lire : J. Veron, « La démographie selon Alfred Sauvy au fil des rééditions de La
Population », Revue Quetelet, Vol. 3, n° 1, octobre 2015, pp. 7-49.
27
Lire A. Zagainova, « La corruption institutionnalisée : un nouveau concept issu de l’analyse du monde
émergent », Thèse de doctorat en sciences économiques, Université de Grenoble, 2012.
28
Lire G. Foladori et R. D. Wise, « Le capitalisme contemporain. Le développement dans le contexte de la
mondialisation néolibérale », in H. Veltmeyer et N. Ary Tanimoune (éds), Des outils pour le changement. Une
approche critique en études du développement, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2015, pp. 61-65.
29
S. H. K. Yeh, Modernisation et valeurs culturelles de diverses sociétés d’Asie et du Pacifique, UNESCO, 1989,
p.2.
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qu’elles passent par l’une des cinq phases suivantes : la société traditionnelle, les conditions
préalables au démarrage (ou décollage), le démarrage (ou décollage), le progrès vers la maturité,
et l’ère de la consommation ».30 Sur le plan socio-psychologique, elle explique l’essor de
l’Occident par la très grande exigence des Occidentaux, en particulier des protestants, en
matière de rationalité et de réussite.31 Ainsi, les possibilités de développement d’une société
dépendraient, au moins partiellement, du profil psychologique de ses membres.

Dans sa version classique, la théorie de la modernisation a une structure essentiellement


bipolaire : elle oppose la société moderne à la société traditionnelle. Les nations occidentales
sont modernes, tandis que les pays du tiers monde sont traditionnels. Les versions de cette
théorie sont toutes mélioristes,32 en ce sens qu’elles admettent la possibilité d’accélérer les
changements souhaitables grâce notamment à l’aide étrangère, au transfert de technologie, à la
réforme des institutions juridiques et économiques, à une action psychologique tendant à
renforcer le sens de l’universalisme ou les mobiles de réussite ou à une combinaison de ces
différents facteurs.

La théorie de la modernisation a exercé une forte influence sur les plans nationaux de
développement de nombreux pays du tiers monde, ainsi que sur l’aide au développement
fournie par des organismes internationaux, notamment diverses institutions du système des
Nations Unies. Elle se heurte toutefois à un certain nombre de critiques. On peut faire valoir
que cette théorie a tendance à proposer comme objectif du développement une image idéalisée
de la société occidentale contemporaine, d’autant que les sociétés occidentales elles-mêmes
sont en pleine évolution. De façon analogue, vouloir imposer le modèle « capitalisme-
démocratie » en en donnant comme exemple l’expérience occidentale ou américaine crée une
impression d’ethnocentrisme excessif dans la mesure où toute variation par rapport au modèle
occidental est considérée comme une déviation qui doit être corrigée. De plus, quel sort
réserver, dans cet élan de modernisation, aux cultures spécifiques du Tiers-Monde qui semblent
faire obstacle à la modernisation ?

30
W.W Rostow, The Stages of Economic Growth, Cambridge University Press. Traduction française, les étapes
de la croissance économique, 1960 (1963), Éditions du Seuil, p. 13.
31
Lire Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Paris, Librairie Plon, 1964. L’ouvrage est
disponible en téléchargement libre à l’adresse :
http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/ethique_protestante/Ethique.html, consulté le 07/06/2020 à 13h52.
32
Le méliorisme est la « doctrine selon laquelle le monde tend à s'améliorer ou peut être amélioré par l’effort de
l’Homme; plus généralement tendance à s’améliorer ». Source : Centre national de ressources textuelles et
lexicales, en ligne, URL : https://www.cnrtl.fr/definition/m%C3%A9liorisme, consulté le 07/06/2020 à 13h58.
P a g e | 173

Les théoriciens de la dépendance quant à eux, ont les mêmes préoccupations que les
tenants de la modernisation, et souhaitent, comme eux, promouvoir le développement du Tiers-
Monde ; mais ils proposent un modèle théorique différent et expliquent le stade de
développement du tiers monde par des facteurs non pas « internes » mais « externes ».

En résumé, ils affirment que le retard économique des pays du Tiers-Monde est dû non
pas au caractère traditionnel de leurs institutions et de leurs valeurs, mais au fait qu’ils sont
exploités par les pays capitalistes avancés.33 Leur situation à la « périphérie » n’est pas le
résultat d’une évolution naturelle ; bien au contraire, c’est le produit historique de plusieurs
siècles de domination coloniale.34

Par conséquent, dans les pays qui composent aujourd’hui le tiers monde, il n’y a pas non-développement,
mais bien sous-développement dû aux nations du « centre ». C’est le « centre » qui maintient le tiers
monde dans son sous-développement, grâce à un système qui restructure l’économie de la périphérie en
privilégiant la monoculture d’exportation, l’extraction des minéraux et matières premières, et en éliminant
les industries autochtones - de sorte que l’excédent dégagé par l’économie puisse être systématiquement
transféré de la périphérie vers le centre.35

Notons tout de même que la théorie de la dépendance a elle aussi une structure
essentiellement bipolaire : elle oppose le « centre » à la « périphérie ». Les pays industrialisés,
en majorité occidentaux, constituent le centre et les pays du tiers monde la périphérie. La thèse
qu’elle soutient est que le centre exploite la périphérie dans son propre intérêt. Ce sont le
colonialisme en tant que phase historique et l’utilisation des excédents produits par la périphérie
qui ont entraîné le sous-développement des pays de la périphérie, selon un processus qu’André
Gunder Frank appelle le « développement du sous-développement »36. Tant que le centre
exercera sa domination, il est peu probable que les pays de la périphérie ne puissent jamais
connaître un développement autonome. C’est ce qui explique que les théoriciens de la
dépendance sont dans l’ensemble pessimistes quant à l’avenir du Tiers-Monde, estimant qu’il
continuera d’être « à la traîne » du centre, et que de ce fait les inégalités iront s’accroissant dans
le monde.

33
Lire J. Dessau et G. Destanne de Bernis, « Le sous-développement est aujourd’hui considéré comme le produit
du système mondial capitaliste », Le Monde Diplomatique, décembre 1973, p.13, en ligne URL :
https://www.monde-diplomatique.fr/1971/12/DESSAU/30660, consulté le 22/01/2021 à 14h30.
34
Lire P. A. Carlos, « La théorie de la dépendance : bilan critique », Revue française de science politique, 27ᵉ
année, n° 4-5, 1977, pp. 601-629.
35
S. H. K. Yeh, Modernisation et valeurs…, UNESCO, 1989, p. 2.
36
A. G. Frank, « Le développement du sous-développement » Cahiers Vilfredo Pareto, T. 6, no 16/17, 1968, pp.
69-81
P a g e | 174

Le libéralisme planifié, mis en place par Ahmadou Ahidjo, est donc la parfaite
combinaison théorique de ces modes de pensées. Il doit pouvoir juguler l’immense retard du
Cameroun. J. Dessau et G. Destanne de Bernis résument les grandes pensées des deux
théories :

Le retard étant dû essentiellement à l’insuffisance du capital (avec une offre de travail illimitée, A. Lewis),
l’augmentation de l’investissement est la condition du « décollage » (Rostow). Dans un pays à faible
revenu, et donc à marcher étroit, une industrie ne peut se développer isolément. Il faut pouvoir mettre en
place presque en même temps ces industries dans toutes les branches des biens de consommation afin que
chacune trouve des débouchés dans la main-d’œuvre de toutes les autres : cette croissance balancée est la
transposition des modèles néoclassiques d’équilibre. Encore le capital privé – à qui l’activité productive
est réservée – ne sera-t-il attiré (ou retenu) que si l’État assure la construction de l’infrastructure
nécessaire.37

Dans les faits, dès 1960, le Cameroun opta pour une politique de développement
privilégiant l’émergence d’un secteur industriel constitué essentiellement d’entreprises
publiques et parapubliques, au détriment des unités industrielles assises sur la productivité
locale. L’objectif déclaré d’indépendance économique prolongeant l’indépendance politique,
conduisit à l’exaltation du rôle du chef de l’État comme acteur privilégié de la politique
dirigiste-volontariste tant à l’extérieur38 qu’à l’intérieur39. Une telle orientation politique
légitima la mise en place d’un secteur public fort, nécessitant le rôle actif de l’État dans
l’économie, appuyé sur une administration, des entreprises publiques puissantes et un appareil
réglementaire complexe.40

La mise en œuvre de cette politique conduisit à la création de la Société Nationale


d’Investissement (SNI) en 1963, avec pour but de « promouvoir les jointventure avec les
investisseurs privés étrangers, mais aussi de prendre en charge la gestion et la rentabilisation
du portefeuille de l’État »41. La priorité accordée aux entreprises publiques traduit ainsi une
certaine exaltation des pouvoirs publics dans le développement économique, tout en laissant
percevoir les traces d’un legs colonial traduisant une tradition d’interventionnisme étatique
requérant une implication directe de l’État dans le circuit de production des biens et services.

37
J. Dessau et G. Destanne de Bernis, « Le sous-développement … », 1973, p.13.
38
Y. A. Chouala, La politique extérieure du Cameroun. Doctrine, acteurs, processus et dynamique régionales,
Paris, Karthala, 2014, pp. 29 et 73.
39
Lire A. Eyinga, Introduction à la politique camerounaise, Paris, L’Harmattan, 1984.
40
J. Nzomo Tcheunta, « Le processus de retrait de l’État de la production des biens et services au Cameroun.
Premier bilan et perspectives », Thèse de doctorat en Sciences économiques, Université de Yaoundé II, 2000, p.
25.
41
Ibid., p. 5.
P a g e | 175

Or, dans ce contexte de décolonisation, le financement du développement posa un défi


aux nouveaux États africains. L’essentiel du financement de la croissance économique des États
d’Afrique provint de l’extérieur. Aussi, les politiques économiques élaborées semblèrent peu
adéquates à mobiliser les moyens internes « au maximum et les orienter vers les secteurs
névralgiques de l’économie nationale »42. Au Cameroun, si les plans de développement de la
période coloniale furent essentiellement financés par les fonds externes, la situation demeure
quasi-inchangée après les indépendances.

III. Les transports dans le libéralisme planifié

La politique camerounaise des transports sous le libéralisme planifié fut donc dictée par
la préoccupation de desservir suffisamment tout le territoire en vue de répondre aux besoins
nationaux en matière de transports et de communications. Cette recherche de desserte
économique du pays justifia l’action entreprise pour entretenir tous les axes de communications,
quelle que fut leur importance.

En ce qui concerne les transports, la politique d’Ahmadou Ahidjo envisagea


essentiellement un développement intégral de tous les modes de transport dans un souci de
complémentarité. Elle ne privilégia aucun mode mais tendit plutôt, par des interventions
simultanées, à renforcer la complémentarité des réseaux. En permettant à chaque mode de
transport de répondre à ses missions, la politique camerounaise voulut rendre tout le système
plus efficace. La modernisation des infrastructures de base était la préoccupation majeure. Le
réseau routier, en particulier, dut tout de même bénéficier d’une action de grande envergure
s’inscrivant en partie dans l’optique de la promotion du monde rural.

Ainsi, les transports avaient un rôle à la fois social, économique et politique. Il s’agissait
certes d’évacuer la production, de faciliter la circulation de personnes et des biens ; mais
également, il fallait que ces infrastructures de transport jouent une fonction d’ouverture des
populations, non seulement au monde moderne, mais également aux autres pays. C’est à l’aune
de ces objectifs qu’il faut comprendre l’image de ce billet de banque de 1962, représentant la
combinaison entre transport et agriculture. Il n’est pas anodin de retrouver, à travers les dessins
de ce billet, les codes de la propagande coloniale, puisque l’excroissance de l’Agence générale

42
A.-M. Mboudou, « Le financement du développement au Cameroun », Thèse de Doctorat de 3e Cycle en
Sciences économiques, Université de Yaoundé, 1982, p. 3.
P a g e | 176

des colonies, à savoir le Service d’information et de documentation, continua d’œuvrer même


après les indépendances.

Photo n° 17 : Billet de 500F de la République fédérale du Cameroun de 1952

Source : J. C. Mafossi, « Genre et travail dans l’iconographie monétaire en circulation au Cameroun de 1945 à
2002 », Images du travail- Travail des images [En ligne], Dossier, n° 6-7. Femmes au travail : quelles
archives visuelles ?, Images du travail, Travail des images, URL : https://imagesdutravail.edel.univ-
poitiers.fr:443/imagesdutravail/index.php?id=2134, consulté le 08/03/2021 à 18h53.

Il en résulte que plusieurs infrastructures furent envisagées plus particulièrement à des


fins de désenclavement, l’existence de voies de communication devant entraîner un regain
d’activité économique. Les transports jouèrent ainsi un rôle de soutien au développement
économique. Le système des transports camerounais fut surtout envisagé comme stimulateur
du développement.

Le rôle socioéconomique des transports se doublait d’un rôle essentiellement politique


dans la recherche de l’unité nationale. Il s’agissait de favoriser les communications entre les
différentes régions, et donc la circulation des personnes. Les voies de communications réalisées
par le gouvernement camerounais avaient ainsi un aspect politique très important. Certains axes
portent d’ailleurs des dénominations évoquant cette finalité politique, la route Douala-Tiko dite
« Route de la réunification » et le cas du « Transcamerounais » restent suffisamment révélateurs
à cet égard. Tant il est exact qu’en plus de leur rôle économique, les voies de communications
ont une remarquable fonction de brassage des populations.
P a g e | 177

Dans un tel contexte de territorialisation, les voies de communication tels que les routes se révèlent
comme les instruments d’une cybernétique spatialisée au sein de l’État, mais aussi des instruments de
mise en contact de l’individu avec son environnement immédiat et étendu. Elles participent à
l’opérationnalisation du principe de publicité, donc au processus de construction de sens, le sens de l’État
sur un espace territorialisé et labellisé Cameroun. Elles participent au processus d’imposition de
l’ « esprits d’État » sur ledit espace (Bourdieu, 1993 : 49-62). De fait, la construction des routes participe
de la mise en place de structures d’encadrement politique des populations camerounaises et, ce faisant,
« produit du territoire » selon l’expression d’Alliès (1980). C’est notamment à travers la route que le sens
de l’État, maître d’ouvrage, se construit dans des localités telles que Mokolo, Mora et Kousseri à
l’Extrême-nord, Tibati, Tignère, Meiganga et Toubouro dans l’Adamaoua, Belabo, Garoua-Boulaï et
Batouri à l’Est, Nkambé, Kumbo et Wum dans le Nord-ouest.43

Les transports avaient donc 2 objectifs essentiels dans la politique du libéralisme


planifié à savoir :

- aider à l’implémentation des projets de développement


- et contribuer à l’unification du pays, ceci en rapprochant les populations les unes des
autres.

Dès ses premières années d’indépendance, le Cameroun adopta le modèle économique


de la planification. Dès lors, quelle était la situation économique du Cameroun durant ces 25
années de libéralisme planifié ?

IV. La situation économique du Cameroun entre 1960 à 1985

L’insuffisance et le coût élevé des transports dans les pays sous-développés en général,
ont été souvent mis en lumière.44 En effet, les difficultés sont multiples : le relief sinueux, les
distances et la dispersion des populations et des ressources, toutes choses qui nécessitent de
coûteux investissements et alourdissent les conditions d’exploitation. Le climat, comme nous
l’avons vu durant la période coloniale, restreint la navigabilité des cours d’eau en saison sèche
et rend certaines routes, souvent la majorité, impraticables en saison des pluies. La conséquence
est que les trafics sont faibles, déséquilibrés dans le temps, pour les trafics agricoles surtout, et
dans l’espace, pour les trafics miniers principalement. Ainsi, le progrès des transports reste
étroitement limité aux quelques zones privilégiées, notamment côtières, où l’accroissement de
la mobilité et un certain développement vont de pair. Le développement d’un réseau des
transports fiables nécessite la disponibilité d’énormes moyens financiers. Nous nous proposons
donc d’analyser la situation économique du Cameroun dès 1960, parce que celle-ci a déterminé
les investissements opérés durant cette période.

43
J. Keutcheu, « L’espace public camerounais à l’épreuve de la… », 2008, p. 6.
44
Lire A. Huybrechts, « Le rôle du progrès des transports… », 1971.
P a g e | 178

Au moment où le Cameroun accéda à l’indépendance, le pays était en proie à des


perturbations sociales hostiles à l’investissement (1955-1964)45, ce qui a imposé au pays une
certaine stagnation économique sur la période. Ce n’est qu’à partir de 1965 qu’il amorça sa
croissance. Contrairement à d’autres pays d’Afrique subsaharienne, entrés en phase
d’ajustement dès le début de la décennie 80 ou plus tôt, le Cameroun fut longtemps considéré
comme un modèle de prospérité économique.46

Trois moments caractérisèrent ces premières années de l’économie camerounaise :


d’abord, de 1965 à 1977, marqué par une progression annuelle constante du PIB pour atteindre
une moyenne de 4 %. Ensuite de 1977 à 1981, années au cours desquelles, grâce à la découverte
des ressources pétrolières, le PIB atteignit 13 % par an. Enfin, de 1982 à 1985, moment qui se
caractérisa par le maintien de la croissance à un rythme soutenu, autour de 8%.

La période allant de 1965 à 1977 fut donc marquée par une croissance maintenue par
une meilleure absorption interne, notamment la consommation privée et publique.47 Bien que
très dépendant des produits primaires (cacao, café, etc.), le dynamisme économique de la
période reposa sur un tissu économique assez diversifié et une main d’œuvre relativement bien
adaptée aux besoins.

La période allant de 1977 à 1981, marquée par une croissance qui s’accéléra (+13% en
moyenne) à la suite de la découverte du pétrole et de sa mise en exploitation immédiate.48 Le
secteur extractif fit montre d’une explosion fulgurante avec un rebond de +44% par an en
volume, induisant un effet d’entraînement pour les autres secteurs dont la croissance se situa
autour de 10%.49 L’effet du boom pétrolier amène l’État à perdre toute vigilance dans la maîtrise
des dépenses publiques, notamment les dépenses d’investissement public qui accusent un
déficit de 3% du PIB en 1981 (autour de 25% sur la moyenne de 19,5% entre 1976 et 1984).50

45
Lire entre autres D. Mokam, « Les associations régionales et le nationalisme camerounais 1945-1961 », Thèse
d’Histoire, Université de Yaoundé I, 2006 ; A. Mbembé, La naissance du maquis dans le Sud-Cameroun (1920-
1960), Paris, Karthala, 1996 ; et D. Abwa, Cameroun : Histoire d’un nationalisme, 1884–1961, Yaoundé, Éditions
CLE, 2010.
46
F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais 1965-1990 : de la croissance équilibrée à la crise
structurelle », in Courade G., Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Éditions Karthala, 1994, p.
52.
47
Ibid., p. 54.
48
Ibid., p. 55.
49
Ibid.
50
Ibid. p. 56.
P a g e | 179

La période allant de 1982 à 1985, qui se caractérisa par le maintien de la croissance à


un rythme soutenu (autour de 8%).51 Cette période, qui peut être considérée comme transitoire
à la situation de conjoncture qui suivit, commença à présenter les signes d’une dérégulation
économique importante. Très rapidement, les principaux secteurs comme l’exploitation
pétrolière, l’agriculture et l’industrie manufacturière virent leur évolution s’infléchir. Par
ailleurs, les dépenses publiques des administrations s’accrurent alors que l’investissement,
quant à lui, connut un net recul. Ces dépenses publiques, couplées à l’explosion de la masse
salariale, se positionnèrent comme des indices de dérapage qui désarmèrent le pays dans sa lutte
pour se soustraire des incertitudes de l’avenir. Les excédents budgétaires furent fictivement
maintenus en puisant de plus en plus dans les réserves de l’État placées à l’étranger pour laisser
appréhender une situation financière relativement saine.52

Tout au long de la décennie du décollage (1977-1985), le PIB réel par tête augmente
rapidement, plaçant le pays dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la classification
de la Banque mondiale.53 Le rythme élevé de la croissance se traduisit par une amélioration
sensible des niveaux de vie, que l’on peut mesurer indirectement à travers l’élévation de la
consommation privée par tête.54

B. Les projets dans le domaine des transports dans les Plans


quinquennaux et l’état des lieux du secteur en 1985

Du fait du lien intrinsèque entre la situation économique d’un pays et la mise en place
d’une politique des transports, ce sous-chapitre précédent s’est donné pour objectif d’examiner
l’évolution économique du Cameroun de 1960 à 1985. Nous étions alors dans la politique du
libéralisme planifié. Cette matrice du développement au Cameroun dicta aussi la mise en place
des transports, à travers les 5 Plans quinquennaux qui constituèrent les feuilles de route
économique du Cameroun durant ces 35 premières années de vie du nouvel État.

I. Les transports dans les Plans quinquennaux entre 1960 et 1985

Soumis à la double tutelle franco-britannique, le Cameroun connut avant


l’indépendance, deux types de plans économiques : les Plans FIDES (Cameroun Oriental) et le

51
Ibid. p. 57.
52
Ibid.
53
J. J. Aerts et al., L’économie camerounaise : un espoir évanoui, Paris : Karthala, 2000, p. 16.
54
Ibid., p. 17.
P a g e | 180

CDWF (Cameroun Occidental). Ces Plans, principalement le FIDES, posèrent les jalons d’une
organisation économique et infrastructurelle du pays. Les Plans quinquennaux du Cameroun
indépendant continuèrent cette œuvre de planification économique. Nous nous intéressons ici à
la place des transports dans chacun de ces plans.

1. Les transports dans le Premier Plan quinquennal (1961-1965)

L’élaboration du Premier Plan quinquennal de développement économique et social du


Cameroun fut confiée aux autorités politiques et administratives. Le premier gouvernement du
Cameroun fut non seulement le comptable, mais en plus, l’unique responsable de l’arbitrage au
cours de tout le processus d’élaboration et d’exécution de ce plan. Dans son esprit, ce plan
quinquennal de développement économique et social s’étala de 1961 à 196555 et fut placé sous
le signe de la continuité et de la consolidation des acquis des deux plans quadriennaux de
l’époque coloniale.

Le Premier Plan quinquennal de développement économique et social du Cameroun fut


considéré comme un programme d’opérations et non comme un document comptable.56 Selon
le ministère des Finances et du Plan (MINFIP), les objectifs de ce plan furent taillés à la
dimension des potentialités économiques et des possibilités limitées de l’intervention de l’État
dans le secteur productif. Il s’agit particulièrement d’améliorer le revenu national, le revenu
individuel et le revenu de l’État, par l’augmentation du volume de la production nationale.
L’État focalisa ses efforts sur la poursuite de l’acquisition des équipements collectifs d’intérêt
général et sur le développement des cultures de rentes destinées à l’exportation. Le
développement du monde rural et la dynamisation du secteur agricole et particulièrement les
cultures de rente furent les objectifs spécifiques visés.

Les objectifs du Plan furent de fournir la base d’un programme général de


développement visant à doubler le revenu national en l’espace de vingt ans (1960-1980). Pour
cela, il fallait que le PIB augmentât en moyenne de 4,5% par an, alors qu’au cours de la décennie

55
Nous pouvons considérer l’année 1961 comme année de mise en exécution du premier Plan quinquennal. En
effet, adopté en décembre 1960, ce ne fut véritablement qu’en 1961 que son exécution débuta. De plus, avec la
réunification en 1961, le Plan connut une modification en 1962. Ainsi, ce premier Plan n’eut de quinquennal que
son titre officiel. Dans les faits, il fut, selon notre analyse, un autre plan quadriennal.
56
Ministère des Finances et du Plan, Le Premier Plan Quinquennal du Cameroun, Yaoundé, MINFIP, 1960, p.
18.
P a g e | 181

précédente, le taux de croissance annuelle du PIB réel se situa sans doute aux alentours de 4%.57
Les dépenses effectives au titre de l’investissement public furent en moyenne de 3,7 milliards
de FCFA par an jusqu’en 1963.58 Pendant l’exercice suivant, 1963/64, les sommes provenant
de l’aide extérieure et consacrées à l’investissement s’élevèrent à 3 milliards de FCFA, tandis
que les ressources locales financèrent l’investissement d’un peu plus de 2 milliards de FCFA.
Cela fait un total de 5 milliards de FCFA, alors que la moyenne prévue pour la période
d’application du Plan était de 7 milliards de FCFA par an.59

Face au déficit du premier budget de la République du Cameroun au cours de l’année


1960-1961, l’État opta pour une planification objective de ses interventions, afin de faire table
rase des investissements publics somptuaires, non productifs et peu rentables économiquement
et socialement. Effectivement, les défis et les enjeux de développement économique, social et
culturel furent énormes et les moyens d’intervention très limités. Les opérations retenues dans
ce plan de développement devaient donc être directement et immédiatement rentables.

Ainsi, ce plan visa prioritairement le développement économique de la nation.


Cependant, la stratégie arrêtée par le gouvernement fut de concilier le développement humain,
avec en ligne de mire l’amélioration des différents aspects de la condition humaine ; et le
développement économique, axé sur la mise en valeur du potentiel agricole, l’accroissement
des échanges intérieurs et l’implantation d’une industrialisation embryonnaire et sélective. Pour
cela, le premier plan de développement proposa le développement humain et agricole,
l’industrialisation du pays et l’amélioration des infrastructures de communication et de base.60

Ce plan de développement se particularisa également par ses différentes sources de


financement. De manière générale, trois sources de financement furent sollicitées pour le
financement de la mise en œuvre de ce Plan. Il s’agissait :

57
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », Département Afrique, Rapport n° AF-48b,
1966, En ligne, URL :
http://documents.worldbank.org/curated/en/578391468010859198/pdf/AF480ESW0French0Box46525B0PUBLI
C.pdf, consulté le 23 décembre 2018, p. 23.
58
Ibid.
59
Ibid, p. 24.
60
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration de l’élaboration des stratégies de
développement au Cameroun : cas des stratégies ministérielles de développement », Doctorat en développement
régional, Université du Québec à Chicoutimi et université du Québec à Rimouski, 2009, p. 137.
P a g e | 182

- du budget de l’État français et des organisations françaises de coopération


internationale, dont la demande des autorités se chiffrait à 68,43% du coût total du
Premier Plan quinquennal de développement économique et social du Cameroun ;
- des fonds publics camerounais qui s’élevaient à 9,47% du coût total dudit Plan ;
- le financement qui avait été sollicité au secteur privé représentait 22,1% du même
coût total.61

En bref, un constat se dégage : ce Plan fut globalement financé par des apports financiers
extérieurs, plus spécifiquement par le Trésor français. En jetant un regard concis sur la nature
des dépenses telle que présentée par le 1er Plan, il ressort que les investissements administratifs
(bureaux, logements, magasins) et les investissements de longue durée concernant des
opérations diffuses comprenant une forte proportion de dépenses de personnel et de
fonctionnement furent financés uniquement par le budget de l’État du Cameroun, c’est-à-dire
par les ressources intérieures et propres au pays. Le budget d’investissement public représentait
56% du coût total des interventions qui constituèrent le Premier Plan quinquennal de
développement économique et social du Cameroun.62

En 1959, la part de l’industrie du transport dans le produit intérieur brut n’était estimée
qu’à 3%.63 Mais, se fonder sur ce chiffre ne donne pas une idée précise du rôle que jouèrent les
transports dans une économie à vocation exportatrice, reposant sur la production agricole d’une
population éparse dans un pays présentant, en plus de longues distances, de très grands obstacles
physiques aux voies de communication. Ainsi, les transports durent tenir une très grande place
dans l’effort de développement du Cameroun. Le premier Plan de développement affecta à ce
secteur 47% environ du montant total de l’investissement public prévu. En fait, les sommes
dépensées pour les transports avaient représenté, pendant les trois exercices financiers compris
entre 1960 et 1963, 41% du total des dépenses publiques. Le programme des transports était
dominé par la nécessité économique et politique d’établir des liaisons entre les diverses régions

61
Ministère des Finances et du Plan, Le Premier Plan…, 1960, p. 19.
62
Ibid.
63
Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement/ Association Internationale de
Développement, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », Département Afrique, Rapport n°
AF-15a, 08 avril 1964. En ligne, URL :
http://documents.worldbank.org/curated/en/215191468010902914/pdf/AF150V20ESW0French0Box46476B0P
UBLIC.pdf, consulté le 23/12/2018, p.1.
P a g e | 183

du pays. Il s’agissait avant tout de relier le Nord et le Sud du Cameroun oriental et de rattacher
l’un à l’autre les deux Cameroun, occidental et oriental.

Le réseau routier était encore loin de répondre aux besoins immédiats de l’économie
camerounaise. D’importantes lacunes subsistaient encore dans le réseau de routes praticables
par tous les temps, seule une très faible portion étant bitumée. Outre la nécessité de constituer
un réseau d’importance minimum, il se posait un besoin croissant de consolider et d’étendre
davantage les moyens de transports routiers, et notamment les routes secondaires, sur une
échelle correspondant aux dimensions du pays, à sa population et aux ressources naturelles
disponibles.64 Ainsi, le programme routier du Gouvernement fut conçu en fonction des objectifs
suivants :

- Drainer vers le chemin de fer Transcamerounais le maximum de trafic au moyen


d’un réseau de routes rayonnant vers le nord à partir de Ngaoundéré ;
- Assurer une liaison moderne grâce à un axe routier Nord-Sud ;
- Éviter toute concurrence éventuelle entre la route et le rail sur le parcours
Ngaoundéré-Tibati ;
- Permettre aux moyens de communications offerts par la Bénoué et le port de Garoua
de jouer un rôle régulateur sur les prix des transports et, le cas échéant, offrir une
alternative au trafic ;

- Tenir compte de la possibilité de développer une entité économique centrée sur Kribi
et prévoir au besoin les possibilités d’un aménagement du site portuaire ;
- Le développement des échanges intérieurs à travers l’aménagement des routes
secondaires et des pistes de collecte.

À ces objectifs assignés aux routes par les politiques de l’époque, une autre
préoccupation ne saurait être négligée, la nécessité d’établir un moyen de communication peu
coûteux et à la fois rapide et confortable, entre le Cameroun occidental et oriental. Étant donné
que ces deux régions étaient séparées par une barrière linguistique et par des caractéristiques
différentes sur le plan de l’organisation sociale et de l’éducation, le besoin d’établir un courant
de compréhension et d’échange d’idées rapide et permanent, ainsi que des moyens de
communication améliorés, était considéré comme un facteur particulièrement important pour
l’intégration et la collaboration effective des deux économies et des populations. Le bilan qu’en

64
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, pp. 1-2.
P a g e | 184

fait la BIRD en 1964 nous permet de comprendre la nécessité d’un investissement accru dans
les routes au Cameroun occidental :

Le réseau routier du Cameroun occidental compte 1 600 km de routes en mauvais état et insuffisamment
développées. Le kilométrage de routes bitumées représente à peine 6% du total. Le reste est constitué de
pistes de terre dont les conditions sont, par endroit, lamentables. La plupart des routes praticables par tous
les temps se trouvent dans la région du littoral où les routes sont relativement bonnes, mais le nord et
l’Ouest ne possèdent pas de telles voies de communication avec le sud, sinon en empruntant le réseau
routier de la région orientale du Cameroun. Le réseau comprend une route circulaire dans le Sud reliant
Bota, Victoria, Buea et Kumba, avec des embranchements sur Tiko et Kombone. À partir de Kumba, un
axe principal se dirige vers le nord en direction de Mamfé ; une seconde route principale part vers le nord
et l’est du Cameroun oriental vers Bafoussam et Bamenda. Mamfé et Bamenda sont reliées par un axe
transversal qui se prolonge en direction de l’ouest jusqu’au Nigéria. Les communications sont dans un
sens, meilleures avec le Nigéria qu’avec les autres régions de la Fédération. 65

Ainsi, la réunification en 1961 posa la nécessité d’accorder la même priorité aux


communications entre le Cameroun occidental et le Cameroun oriental. Déjà, en 1964, la BIRD
fit remarquer l’impératif de « tirer profit au maximum du vaste fond de bonne volonté existant
dans les relations entre le Cameroun occidental et le Gouvernement fédéral en vue de surmonter
les graves obstacles qui pourraient éventuellement surgir avant qu’ils puissent devenir une
source de tension et de rancœur sur le plan intérieur »66.

Le premier Plan partit donc du constat que l’état général des routes du Cameroun
oriental fut supérieur aux conditions existantes au Cameroun occidental. L’aménagement du
réseau routier du Cameroun oriental bénéficia en effet d’investissements considérables de la
part du FIDES puis du FAC67, et des subventions et prêts octroyés par le FED et l’AID.68 Le 1er
Plan prévut l’amélioration du réseau et l’achèvement de 150 kilomètres supplémentaires de
route bitumée en 1964, et l’amélioration et la reconstruction de quelque 1200 kilomètres de
routes principales. La BIRD nous rappelle que ce ne fut qu’à la fin de la colonisation que les
routes du Cameroun occidental devinrent une priorité en matière d’investissements, « près de
600 millions de FCFA ayant été fournis par les fonds C. D. et W. du Royaume Uni ».69

L’objectif visé par la politique du 1er Plan fut de doter le pays d’une infrastructure solide
de routes bien construites, dont les frais d’entretien courants ne seraient pas importants. Il faut
rappeler que les obstacles à la construction des routes ne manquèrent pas : les saisons des pluies

65
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, pp. 5-6.
66
Ibid, p. 7.
67
Par le Décret n°59-462 du 27 mars 1959 relatif à l’aide et à la coopération entre la République et les autres États
membres de la communauté, le FIDES devient le Fonds d’Aide à la Coopération. Source : JORF du samedi 28
Mars 1959, pp. 3700-3701.
68
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, p. 6.
69
Ibid.
P a g e | 185

et leurs impondérables, les régions montagneuses couvertes de forêts, les rivières profondes, la
difficulté de l’entretien du matériel consacré aux travaux de construction.

Le Plan de développement des moyens de communication eut donc pour objectifs


principaux :

- l’amélioration des conditions d’évacuation des produits d’exportation,


- la diffusion des produits importés
- l’accélération des échanges intérieurs.
Dès lors, la construction du chemin de fer Transcamerounais introduisait un élément
nouveau dans la formulation de la politique des transports. Le chemin de fer Douala-Tchad,
projet phare des transports ferroviaires, était considéré non seulement comme une simple
extension du réseau national, mais plus particulièrement comme un moyen de desserte de
l’ensemble de la cuvette tchadienne.

Les travaux dans les chemins de fer représentaient de véritables viviers d’emplois et des
gages de développement sûrs pour le nouveau gouvernement en place depuis 1960. Ainsi,
toujours en 1964, était lancé le chantier du Transcamerounais, censé s’étirer jusqu’au Tchad et
en RCA. Sur son passage, il devait faire naître une cimenterie à Garoua-Figuil, permettre la
création d’une unité agricole et industrielle de production sucrière dans la région de Nanga-
Eboko, et un complexe textile sur la zone de production cotonnière.70 Face aux présidents
François Tombalbaye du Tchad et David Dacko de RCA, voici en quels termes le président
Ahidjo présentait les motivations politiques de ce projet :

Ce magnifique moyen de communication que constitue le Transcamerounais et ses prolongements, que


représente-t-il pour notre pays et pour nos voisins et amis du Tchad et de Centrafrique ? Il permettra
essentiellement une liaison économique sûre et rapide entre les deux grandes zones de peuplement de la
forêt méridionale et du Nord-Cameroun qui se trouvent séparées par l’Adamaoua, entité géographique à
vocation surtout pastorale, pour l’instant, et relativement peu peuplée. Complémentaires par leurs
productions, par le tempérament de leurs habitants, ces différentes zones pourront, demain mieux encore
qu’aujourd’hui, conjuguer étroitement leurs efforts dans la réalisation de notre programme national de
développement, pour le plus grand profit des populations. 71

À la fin du Ie Plan, le chemin de fer allait de Douala à Yaoundé (avec embranchement


sur Mbalmayo) et de Douala à Nkongsamba, ce qui représentait au total 517 km de voie ferrée,

70
République unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1957- février 1968, 3e édition, Discours du
président Ahidjo, lors de l’inauguration du chantier du Transcamerounais à Yaoundé, ACAP n° 252du 3/11/1964,
p. 476.
71
Ibid.
P a g e | 186

héritage de la colonisation allemande et française. La principale voie ferrée en construction était


le chemin de fer Transcamerounais. La ligne Douala-Yaoundé, qui existait déjà, devait être
prolongée de 630 km vers le Nord, jusqu’à Ngaoundéré. Un premier tronçon de 293 km, allant
de Yaoundé à Belabo, avait été financé conjointement par le Fonds Européen de développement
(FED) (17,3 millions de dollars), l’AID (9,2 millions de dollars) et le FAC (8,2 millions de
dollars).72

Des pourparlers furent également engagés entre le gouvernement du Cameroun et les


trois organismes d’assistance déjà cités, pour le financement d’un second tronçon allant de
Belabo à Ngaoundéré (337 km). Un petit embranchement reliant la ligne de Mbalmayo au
Cameroun occidental était également en construction entre Mbanga et Kumba (30 km). Les
dépenses, qui s’élevaient au total à 4,6 millions de dollars, étaient financées par le Cameroun
(REGIFERCAM), le FAC et le FED.73 Ce tronçon de chemin de fer avait pour objectif d’œuvrer
à la réunification des deux Cameroun.

Mes chères concitoyennes et mes chers concitoyens, disait Ahidjo, dans quelques instants, nous allons
procéder à l’inauguration des travaux de construction de la ligne de chemin de fer Mbanga-Kumba. Geste
symbolique sans doute, mais s’il est de symbole qui revêt une profonde signification, c’est bien celui-là.
Il annonce des millions de coups de pioches camerounais qui dans les mois à venir, vont se succéder pour
frayer le chemin aux rubans de bois et d’acier qui, à travers les plaines, vallées, collines et rivières, reliera
le Cameroun occidental au Cameroun oriental par un moyen de transport moderne, efficace et
économique.74

La route, elle aussi, devait contribuer à ces efforts de réunification du pays. En 1965, le
Cameroun était doté d’environ 33 000 km de routes.75 Cependant, bien que le gros des
transports intérieurs se fit par route, plusieurs régions n’étaient pas encore reliées entre elles ni
par route ni par voie ferrée. La construction de nouvelles routes était surtout financée à l’aide
de ressources étrangères, avec, là encore, au centre des préoccupations, la nécessité de
développer le pays et la volonté impérieuse du président Ahidjo de réunifier le Cameroun dans
les faits. C’est ce qui ressort de ses propos lors du lancement des travaux de la route Douala-
Tiko en 1965 :

Mais cette route qui nous apportera tant sur le plan économique, représente encore beaucoup plus pour
nous car elle est le symbole de la réunification, de l’unité retrouvée. Nous ne voyons pas seulement en

72
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, p. 5.
73
République unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1957- février 1968, 3e édition, Discours du
président Ahidjo, lors de l’inauguration des travaux du chemin de fer Mbanga-Kumba, ACAP n° 75 des 29/30 et
31/3/1964, p. 451.
74
Ibid.
75
BIRD, « L’Économie de la République Fédérale du Cameroun », 1964, p. 6.
P a g e | 187

elle un instrument important de développement économique, nous y voyons aussi et surtout l’artère, au
sens propre du terme, qui inaugurera les deux États fédérés, qui sera le symbole de l’unité de notre nation.
Et je trouve bon que ce premier coup de pioche coïncide avec le quatrième anniversaire de notre
réunification, car il ne pouvait y avoir manifestation plus évidente de la volonté de tous les Camerounais
si longtemps séparés, de construire ensemble un Cameroun uni et prospère.76

Deux maîtres-mots ressortent donc de la politique des transports dans l’exécution du Ier
Plan : réunification et développement économique.

Pour la réalisation de cette double ambition, un seul Plan n’aurait pas suffi. De 1960 à
1965, les institutions d’assistance mirent à la disposition du Cameroun, pour l’extension et
l’amélioration de son réseau routier, environ 6,6 milliards de FCFA ; mais sur ce total, 2,8
milliards de FCFA étaient destinés à des travaux qui, à la fin du Plan, n’étaient pas encore
terminés. Le second Plan se devait de continuer cette politique d’investissement dans le secteur
des transports.

2. Les transports dans le Deuxième Plan quinquennal (1966-1971)

Le Deuxième Plan quinquennal de développement économique et social du Cameroun,


qui couvrit la période de juillet 1966 à juin 1971, fut conçu dans des conditions plus favorables
que le premier. À la suite de l’instauration d’un développement planifié et concerté, le Premier
Plan quinquennal de développement économique et social du Cameroun, jeta les jalons de la
construction de la nation camerounaise. Dans le cadre de l’élaboration du Deuxième Plan
quinquennal de développement économique et social, les autorités gouvernementales de la
République fédérale du Cameroun optèrent pour :

- la poursuite des acquis de l’exécution du Premier Plan quinquennal de développement


économique et social ;
- la fortification de la démocratie sociale et du libéralisme moderne et planifié ;
- la continuation de l’intégration politique et économique du pays et de l’amélioration
du niveau de vie des populations ;
- la consolidation de la justice sociale dans toutes les initiatives de développement et
dans la gestion quotidienne de la cité ;
- le doublement du revenu individuel moyen des camerounais et l’amélioration objective
et substantielle du taux de croissance du revenu global à 4,6% par an ;

76
République unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1957- février 1968, 3e édition, Discours du
président Ahidjo, lors de l’inauguration du chantier de la route Douala-Tiko, ACAP n° 231 des 10 et 11/10/1965,
p. 525.
P a g e | 188

- l’exploitation éclairée, au cours des initiatives de développement et de la planification


du développement, des données démographiques à l’échelle du pays et des
informations issues de la rectification des comptes économiques détaillés après la
réunification des deux États fédérés du Cameroun oriental et du Cameroun occidental
le 1er octobre 1961 ;
- la finalisation de l’harmonisation des politiques de développement jadis en vigueur
dans les États fédérés et particulièrement dans les domaines de la fiscalité, des prix,
des salaires, de l’urbanisation, de l’emploi et de la formation et de la coopération
internationale ;
- le redéploiement des structures administratives publiques sur l’ensemble du territoire
fédéral à la suite de l’établissement de la souveraineté et de l’autorité de l’État sur la
grandeur du territoire national.77

Il est aussi important de rappeler que, comme mesure indispensable destinée à améliorer
l’élaboration et l’exécution du Deuxième Plan quinquennal de développement économique
social du Cameroun, les autorités politiques et administratives du pays renforcèrent et
améliorèrent la coordination entre les ministères et les services et dotèrent le ministère chargé
du Plan, de moyens budgétaires, humains et matériels. Ainsi, son champ d’intervention avait
été élargi et couvrait tous les aspects du développement, dont les investissements publics, le
développement régional et local, l’utilisation et la coordination des politiques de
développement des ressources humaines à l’échelle nationale.78

Le Deuxième Plan quinquennal de développement du Cameroun eut donc pour


objectifs de :

- freiner l’exode rural,


- relancer les activités agricoles et pastorales,
- maîtriser les problèmes liés à l’urbanisme et à l’habitat urbain,
- résoudre l’épineux problème du sous-emploi en milieu rural et dans le secteur
traditionnel,
- régler ou réduire l’inadéquation entre la formation et l’emploi dans le secteur
moderne et réorganiser le mouvement coopératif.

77
MINFIP, Loi n° 66/LF/14 du 30 aout 1966 portant approbation du Deuxième Plan Quinquennal de
développement économique et social, 1966.
78
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration… », 2009, p. 154.
P a g e | 189

Toutes ces attentes visaient globalement à susciter une meilleure répartition de la


population sur le territoire national ; à accélérer le rythme des investissements productifs, à
améliorer les structures d’encadrement du monde rural, à orienter l’enseignement et la
formation en fonction des besoins économiques et à réduire les disparités régionales.79

Dans ces objectifs, les transports tenaient naturellement une place de choix. Si le premier
Plan de développement avait affecté à ce secteur 47% environ du montant total de
l’investissement public prévu, il faut dire que les sommes dépensées pour les transports ont
représenté, pendant les trois exercices financiers compris entre 1960 et 1963, 41% du total des
dépenses publiques. De l’estimation provisoire des dépenses publiques d’investissement à
prévoir pendant la période d’application du deuxième Plan quinquennal, il ressortait que le
Cameroun comptait dépenser pour l’infrastructure, 38 milliards de FCFA, soit 45% du total
visé pour l’investissement public. Comme pour les années antérieures, la majeure partie des
investissements dans l’infrastructure devait être financée au moyen de l’aide extérieure.

Le programme des transports était encore dominé par la nécessité économique et


politique d’établir des liaisons entre les diverses régions du pays. Il s’agissait, là encore, de
relier le Nord et le Sud du Cameroun oriental et de rattacher l’un à l’autre les deux Cameroun,
occidental et oriental. Ainsi, le IIe Plan prévoyait, sur les cinq années de son exercice,
l’établissement de ces deux liaisons pour près de 70% des sommes consacrées aux transports.80

Le deuxième Plan de Développement comportait un programme encore plus ambitieux


de construction de routes. Il prévoyait, rien que pour l’amélioration des grands axes, un budget
de 18,3 milliards de FCFA, qui devait être financé en majeure partie par l’aide extérieure. Les
dépenses relatives à l’entretien des routes avaient augmenté sur les deux premières années du
second Plan. Elles s’élevaient, pour les routes utilisables par tous les temps, à une moyenne de
102 500 FCFA par km. Mais au Cameroun oriental, la dépense par km était environ le triple de
ce qu’elle était au Cameroun occidental.81

Pour ce qui est de la construction des routes, le principal projet concernait l’achèvement
de celle devant relier le terminus ferroviaire de Ngaoundéré aux régions septentrionales du pays
et au Tchad. Les deux principaux tronçons de route à améliorer, pour assurer cette liaison

79
Ibid.
80
Ibid.
81
Ibid.
P a g e | 190

septentrionale, étaient ceux de Ngaoundéré à Garoua et de Mora à Fort-Foureau (Kousseri).


Pour le premier, les moyens de financement extérieur restaient à trouver ; pour le second, le
Kreditanstalt ne s’était engagé à couvrir qu’une partie de la dépense. Pour achever la liaison
septentrionale, il fallait en outre construire un pont sur la Bénoué ; tandis que dans le Nord, les
communications avec le Tchad n’étaient envisageables qu’avec un pont sur le Logone.

Carte 7 : Le réseau des transports au Cameroun fédéral (1967)

Source : BIRD, Rapport No. AF-48b du Le 3 novembre, 1966, p. 9.


P a g e | 191

3. Les transports dans le Troisième Plan quinquennal (1971-1976)

L’engagement politique pris par le président Ahidjo à l’aube de l’élaboration du


Troisième Plan quinquennal de développement économique et social du Cameroun, était celui
de faire de l’élaboration de ce Plan de développement un laboratoire de démocratie et de
participation de tous les acteurs de développement à l’édification d’une nation forte et
prospère.82 Le président Ahidjo résumait ces orientations démocratiques ainsi qu’il suit :

Par ailleurs, vous le savez également, se poursuivent heureusement les travaux d’élaboration du 3 e Plan
quinquennal qui fixera, pour les cinq prochaines années qui suivront son adoption par l’Assemblée
nationale, les objectifs nationaux dans les domaines économique, social et culturel. Au niveau régional,
comme à celui de la nation, le peuple a été largement associé à la définition de ces objectifs conformément
aux principes démocratique et de justice sociale qui demeurent des caractéristiques essentielles de notre
régime.83

Ce Plan de développement s’inscrivait, comme les deux précédents, dans le souci de


poursuivre la consolidation de l’unité nationale, d’impulser une vision commune et des
initiatives collectives de développement aux niveaux national, régional et local, d’instaurer une
solidarité vécue et collective dans l’accomplissement d’un destin commun. L’élaboration du
Troisième Plan quinquennal de développement économique et social du Cameroun était pour
les décideurs centraux du pays l’occasion de consolider et de parfaire le dialogue dans la gestion
de la vie nationale. Ce Plan de développement devait instaurer réellement le dialogue dans la
gestion des politiques publiques et des actions de développement du pays.

La procédure d’élaboration du Troisième Plan quinquennal de développement


économique et social renforçait la vocation territoriale de la planification du développement
socioéconomique au Cameroun et la régionalisation du développement du pays. Le caractère
fondamental d’œuvre collective et démocratique permettait de confectionner un Plan de
développement dont les opérations de développement étaient conformes aux orientations
nationales, étudiées et proposées par les collectivités locales et pour lesquelles l’intervention
de l’État n’était qu’un complément à l’effort fourni par la population, en espèce ou sous forme
d’investissement humain. Cette procédure d’élaboration du Troisième Plan quinquennal de
développement du Cameroun s’appuyait sur la démarche mixte, top-down et bottom-up84 et

82
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration… », 2009, p. 169.
83
République unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1968 - 1973, 3e édition, Message du président
Ahidjo à la Nation, ACAP n° 4/1/1971, p. 228.
84
La planification descendante (top-down) et la méthode ascendante (buttom-up) sont deux des approches de
planification les plus courantes :
P a g e | 192

garantissait aussi le caractère réaliste des objectifs retenus et la priorisation pragmatique des
opérations stratégiques relevant du secteur public.

Ainsi, en plus des caractéristiques propres qui firent les forces du Plan de développement
précédent, relevons les spécificités complémentaires du Troisième Plan de développement :

- la combinaison des approches territoriale et sectorielle au cours de l’identification


des programmes et des projets de développement et de l’affectation des ressources
aux paliers régionaux et locaux qui améliora la visibilité technique, la justice sociale
et l’équité dans les initiatives de développement ;

- les approches humaniste et populationnelle qui mirent les conditions humaines et la


personne, ses préoccupations et ses aspirations au centre de toutes les initiatives de
développement ;
- la procédure réaliste, objective et pragmatique adoptée au cours de l’élaboration de
ce Plan de développement ;
- la large sollicitation des sources de financement public et la contribution effective
des communes et d’autres sources périphériques relevant du secteur privé
(entreprises, ménages et institutions administratives de droit privé), des organismes
publics, des subventions extérieures, des emprunts extérieurs et des emprunts
extérieurs des organismes publics ;
- le financement sectoriel des opérations de développement conformément aux
orientations et aux objectifs globaux de développement du pays à savoir entre
autres : industrie, mines et énergie (25,1% des investissements totaux) ; secteur
social (santé, enseignement, jeunesse et sports, information, habitat rural et urbain,
urbanisme : 22% des investissements totaux) ; Infrastructures (ports, routes et ponts,

- Dans la planification descendante, les premiers objectifs sont définis et les moyens de les atteindre sont
déterminés par l’administration. Ils sont progressivement déplacés vers les niveaux inférieurs de la hiérarchie
organisationnelle à développer et à préciser. Il s’agit d’une approche divergente.
- Avec la méthode de planification ascendante, des objectifs relativement étroits sont initialement fixés aux
niveaux inférieurs de la hiérarchie organisationnelle. Ils sont ensuite progressivement intégrés dans le cadre
des objectifs et de la stratégie globale à des niveaux supérieurs. Il s’agit donc d’une approche convergente.
Comment fonctionne la procédure à contre-courant?
- Préparation descendante : le sommet de l’État fixe des objectifs.
- Les niveaux de hiérarchie suivants, les ministères et leurs démembrements, utilisent les directives définies
comme orientation et créent des sous-objectifs et des sous-plans pour leurs départements respectifs à partir des
objectifs de niveau supérieur.
- Réponse ascendante: le niveau hiérarchique le plus bas coordonne les sous-plans étape par étape et les résume.
- Le sommet de l’État approuve les objectifs et les plans pour le pays.
Source : « Top-down and Bottom-up planning », en ligne, URL: https://www.jedox.com/en/solutions/top-down-
bottom-up-planning/, consulté le 01/02/2020 à 06h41.
P a g e | 193

chemins de fer, aéronautique, météo, postes et télécommunications : 20,5% des


investissements totaux) ; commerce, transport privé et services (15,1% des
investissements totaux) ; économie rurale (9,2% des investissements totaux).85

Ce plan se particularisa donc par des efforts de développement orientés vers


l’industrialisation du pays, la santé publique, l’éducation et la formation des masses, le
logement social, l’amélioration des infrastructures et la modernisation du monde rural.

Même si la priorité était accordée à l’agriculture, les transports avaient tout de même
leur place dans ce Plan. Ainsi, le bilan par sous-secteurs des transports était le suivant à la fin
du Plan :

- Dans le sous-secteur des ports et voies navigables :


Des études avaient été lancées en vue de l’agrandissement du port de Douala-Bonabéri,
ainsi que les modalités de financement. Sous l’instigation de l’Office national des ports du
Cameroun (ONPC), plusieurs travaux de construction et d’aménagement avaient été lancés pour
un montant de 1,6 milliard de FCFA86, dans les ports de Douala, Tiko-Victoria, Kribi et Garoua.

- Dans le domaine des routes et ponts :


Près de 30 000 km de routes étaient entretenues par l’État, dont 2000 km de routes
bitumées.87 Le IIIe Plan avait permis la réalisation de 600 km de nouvelles routes bitumées, avec
comme axes majeurs : Ngaoundéré-Garoua (233 km), Waza-Maltam (70 km), Tibati-
Meidougou (85 km), et Bafoussam-Bamenda (30 km). D’autres projets étaient en cours
d’exécution à la fin du Plan : Garoua-Mora, Douala-Kékem, Tibati-Meidougou.

En plus de ces routes bitumées, plusieurs routes en latérite avaient été réalisées. Avec la
liaison Kumba-Mamfé et la route Djoum-Mintom-Alati, on comptait 300 km de route en
latérite.

- Dans le domaine des chemins de fer :


Le tronçon du Transcamerounais Belabo-Ngaoundéré, long de 327 km, avait été achevé
en 1973.88 Ce qui permettait d’ouvrir à l’exploitation l’axe rail-route Nord-Sud Douala-

85
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration… », 2009, p. 173.
86
Ministère de l’économie et du plan, IVe Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1976-1981), presses d’AGRACAM, 1977, p. 48.
87
Ibid.
88
Ibid.
P a g e | 194

Kousseri. La REGIFERCAM exploitait donc à cette date, un réseau de 1168 km. Les
investissements, juste pour ce tronçon, s’élevaient à 17 milliards de FCFA.89

Photo n° 18 : La gare terminus de Ngaoundéré, inaugurée durant le Troisième Plan en 1974

Prise de vue : Nicolas Owona, 15 juin 2015

- Dans le domaine de l’aéronautique :


Le volume des investissements avait atteint 5 milliards de FCFA.90 Ceux-ci s’étaient
portés sur les aéroports de Douala, de Ngaoundéré et de Maroua-Salak.

4. Les transports dans le Quatrième Plan quinquennal (1976-1981)

L’objectif premier du Quatrième Plan quinquennal de développement économique,


social et culturel de ce pays, qui couvrit la période allant de 1976 à 1981, était la promotion du
progrès et le plein épanouissement de tous les Camerounais. Au regard du contexte socio-
économique du Cameroun au cours de l’élaboration de ce Plan de développement, la
planification du développement avait comme piliers méthodologiques les quatre principes
suivants : « le libéralisme planifié, le développement autocentré, la justice sociale et
l’équilibre »91.

89
Ibid, p. 49.
90
Ibid.
91
Ibid (Communication de S. E. Ahmadou Ahidjo, président de la République unie du Cameroun).
P a g e | 195

La démarche d’élaboration de ce Plan de développement s’inscrivait dans la logique des


plans de développement précédents et par conséquent elle était à contre-courant. En plus des
caractéristiques du Troisième Plan, celui-ci recentrait l’utilité et l’importance de la planification
du développement comme instrument d’éclairage, de promotion et de gestion du
développement du pays. La reconsidération de la dimension culturelle, au même titre que les
dimensions économique et sociale, fut l’une des grandes innovations politiques,
méthodologiques et techniques. D’où la nouvelle formulation de l’appellation en vue
d’introduire la dimension culturelle dans la désignation des Plans de développement au
Cameroun.

De manière spécifique, la méthodologie d’élaboration du Quatrième Plan quinquennal


de développement économique, social et culturel du Cameroun se distinguait par :

- les moyens institutionnels, revus et renforcés, afin de rendre plus efficace le


processus d’élaboration de ce Plan de développement ;
- l’approche sectorielle permettant de déterminer les objectifs sectoriels et de
hiérarchiser les programmes et les projets prioritaires de chaque secteur d’activité
aux différentes sphères du territoire national ;
- l’identification des secteurs prioritaires tels que le secteur rural, le secteur éducatif,
le secteur de la santé et le secteur culturel comme catalyseurs du développement
de la nation ;
- la référence aux études sectorielles territorialisées et à l’état réel des infrastructures
et des équipements, qui permit d’avoir une bonne connaissance de l’état de
développement des différentes localités administratives et de parfaire la répartition
territoriale des équipements, des infrastructures socioéconomiques de base et des
investissements publics structurants ;
- l’approche projet, qui facilita l’organisation technique et l’articulation du Plan de
développement autour de « programmes spécifiques par grand produit ». Cette
organisation méthodologique perfectionna la répartition dans les différentes zones
d’opération de l’ensemble des fonctions nécessaires au développement ;
- l’approche intégrée et concertée au cours de l’élaboration et de l’exécution du Plan
de développement, laquelle bonifia le système de planification camerounais. En
facilitant la mise en œuvre d’opérations intégrées et régionalisées et en adaptant les
actions de développement aux conditions propres des différents secteurs et
P a g e | 196

territoires. En imposant la formation des acteurs de développement et des masses.


En diffusant les informations et les techniques modernes de production. En
responsabilisant les acteurs régionaux et locaux. En satisfaisant les besoins de
consommation nationale. En améliorant la qualité de vie des populations. En
assurant le ravitaillement des pays voisins en denrées de premières nécessités et en
accroissant leurs revenus ;

- la décentralisation industrielle fut l’option choisie comme levier de promotion du


développement équilibré.
C’est en lien avec le commerce que les transports avaient été envisagés dans le IVe Plan
quinquennal.
Le développement du commerce suppose l’existence d’un réseau minimum de communication où tous
les modes de transports (maritimes, aériens, routes, ferroviaires), peuvent offrir un niveau minimum de
services appréciables. C’est pourquoi, pour prévoir les besoins et prévenir les goulots d’étranglement
subséquents, une planification rigoureuse des services doit étroitement intégrer les perspectives de
l’ensemble de l’économie et de chaque secteur, en tenant compte de l’interdépendance et de la
complémentarité entre les différents modes de transports. 92

Le tableau suivant nous permet de voir les investissements prévus dans le domaine des
transports au cours du IVe Plan.

Tableau n° 3 : Répartition des investissements dans le domaine des transports, IVe Plan quinquennal

Source : Ministère de l’économie et du plan, IVe Plan quinquennal de développement économique, social et
culturel (1976-1981), presses d’AGRACAM, 1977, p. 136.

92
Ibid, p. 129.
P a g e | 197

La politique qui présidait à la programmation de ces investissements visait l’entretien,


l’amélioration et l’extension du réseau des infrastructures de communication, avec pour
objectif, « une intégration spatiale plus poussée du territoire national, […] une amélioration des
échanges internationaux et […] une mise en place des équipements répondant aux besoins du
pays. »93 Ainsi que le montre le tableau, dans le domaine des ports et voies navigables, plusieurs
travaux étaient prévus dont le réaménagement du port de Douala, les équipements des ports de
Kribi, de Campo et de Garoua.

Dans le domaine des chemins de fer, était prévu la rectification de la ligne Yaoundé-
Douala, la modernisation et le renforcement des installations de la REGIFERCAM. Pour les
routes et les ponts, étaient programmés la construction et le développement pour assurer les
liaisons internationales, les liaisons rail-route et les liaisons permanentes.

Ce Plan avait prévu de consacrer près de 23% des investissements nationaux aux
infrastructures de communication, finalement c’est une proportion de 20,7% qui leur avait été
consacrée, pour un taux de réalisation de 73%.94 L’aéronautique civile était le secteur qui connût
le taux de réalisation le plus élevé à 144%.95 Les investissements avaient portés sur les aéroports
de Douala, Yaoundé et Garoua. Ainsi, prévu à 7,1%, des investissements, c’est plutôt 14% qui
y avaient été consacrés. Le tableau suivant revient sur les prévisions et les réalisations au cours
du IV e Plan :

93
Ibid (Communication de S. E. Ahmadou Ahidjo, président de la République unie du Cameroun).
94
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel (1981-
1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 209.
95
Ibid.
P a g e | 198

Tableau 4 : Les prévisions et réalisations au cours du IVe Plan quinquennal

Source : Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et


culturel (1981-1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 209.

5. Les transports dans le Cinquième Plan quinquennal (1981-1986)

Ce Plan quinquennal de développement économique, social et culturel, qui couvrait la


période allant de 1981 à 1986, avait été élaboré dans un contexte national et international
marqué à la fois par l’incertitude et par l’espoir. L’incertitude était liée aux égoïsmes nationaux,
aux oppositions d’intérêts qu’avait mis en exergue la crise économique mondiale, au retour du
protectionnisme, à la diminution constante de l’aide internationale, à la dégradation des termes
de l’échange, à l’instabilité monétaire, aux tensions politiques, sociales et culturelles. Quant à
l’espoir, il résultait de la prise en mains par les Camerounais de leur propre destin par
l’internalisation des principes de développement autocentré et endogène.96

La plus haute autorité politique et exécutive du Cameroun justifiait l’élaboration du


Cinquième Plan de développement économique, social et culturel du Cameroun de la manière
suivante :

En effet, élaborer une politique de développement qui embrasse tous les aspects de la vie nationale, c’est
poser la nécessité d’agir dans le cadre d’une coordination globale pour organiser le soutien mutuel entre
tous les secteurs, affecter les ressources, déployer les moyens en fonction des objectifs fixés et,

96
J. D. Ngatcha Kuipou, « État actuel et perspectives d’amélioration… », 2009, p. 188.
P a g e | 199

finalement, ajuster ces objectifs selon les capacités disponibles. L’instrument d’une telle coordination
réside dans la planification.97

Cette clarification du rôle et de l’importance de la planification dans la gestion de la vie


nationale et de l’édification d’un pays dynamique, équilibré et développé, exposait aussi l’une
des carences de l’élaboration et de la mise en route des Plans de développement précédents. Il
s’agissait de l’absence d’une culture de planification et du manque de coordination globale, de
synergie et de complémentarité entre les interventions des acteurs de développement en général,
des administrations publiques et parapubliques et des municipalités en particulier.

L’élaboration du Cinquième Plan quinquennal de développement économique, social et


culturel s’inscrivait dans la continuité des plans précédents et exploitait les acquis
méthodologiques et les résultats techniques, économiques et sociaux de ces derniers. Toutefois,
par souci d’efficacité et de performance, la reconsidération objective des actions endogènes de
développement, en harmonie avec les grandes options nationales déterminées par le
gouvernement et permettant d’accroître le niveau de vie du peuple camerounais, avait été la
directive technique à respecter par les acteurs de la planification du développement.98

La démarche méthodologique préconisée par les responsables camerounais reposait sur


une approche programme déclinant des plans sectoriels à long terme et s’articulant en objectifs
multidimensionnels. Cette démarche s’appuyait sur des variables démographiques pour la
simple raison que la personne a toujours été considérée, par les politiques et les planificateurs
de ce pays, comme le capital le plus précieux de la stratégie de développement équilibré du
Cameroun.99

La démarche et l’approche programme axées sur l’amélioration du bien-être du


développement avaient été sollicitées pour solutionner les questions fondamentales et
récurrentes du développement du pays telles que :

- l’équilibre entre les villes et les campagnes ;


- l’amélioration du cadre de vie aussi bien en milieu rural qu’en milieu urbain ;
- le problème de l’emploi avec son aspect sous-jacent, l’adéquation formation-emploi ;
- la redistribution des revenus ;

97
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal…, 1981 (Communication de S. E. Ahmadou Ahidjo,
président de la République unie du Cameroun).
98
Ibid.
99
Ibid.
P a g e | 200

- la gestion rationnelle de l’espace national, l’organisation et la protection de


l’environnement ;
- enfin et surtout, les problèmes alimentaires qu’entraînerait une urbanisation rapide,
se traduisant en termes d’écrémage permanent du milieu rural de ses forces vives.
L’élaboration et l’exécution du Cinquième Plan quinquennal de développement
économique et social du Cameroun reposait sur l’adhésion et la participation volontaire et
consciente de tout le peuple et, particulièrement, celles de chaque citoyen. Un cri d’alarme fut
lancé par le président Ahidjo pour institution et la garanti d’une « camerounisation » du
développement de la nation. Celle-ci allait dans le sens de l’utilisation judicieuse et optimale
des ressources nationales et de la maîtrise du développement du pays.100

Ainsi, les investissements du Ve Plan étaient répartis de la manière suivante :

- 23,7% des investissements totaux furent alloués au secteur de la production rurale ;


- 16,4% des investissements totaux furent destinés au secteur secondaire ;
- 21,2% du total desdits investissements attribués au secteur des infrastructures de
communication ;
- 15,8% des investissements affectés au secteur social ;
- 15,3% de ces investissements accordés au secteur de l’équipement, de l’urbanisme et
de la recherche ;
- 7,7% des investissements octroyés au secteur tertiaire.
Les secteurs de la production rurale, des infrastructures de communication et
secondaires recevaient donc 61,2% du montant total des investissements destinés à l’exécution
du Cinquième Plan de développement économique et social du Cameroun.

Notons qu’en 1982, moins d’un an après le lancement de l’exécution du Ve Plan, le


président Ahmadou Ahidjo démissionne de son poste. En annexe de la thèse, on peut voir les
cartes des différents sous-secteurs des transports en 1981, dernière année pleine d’exercice
d’Ahidjo. Ces cartes présentent la situation des transports maritimes, routiers, aéronautiques et
ferroviaires. Paul Biya, successeur d’Ahmadou Ahidjo, conduit à son terme ce Plan. Cependant,
en 1985, la matrice politique qui conduisait jusqu’ici les efforts du développement du
Cameroun, le libéralisme planifié, laisse la place au libéralisme communautaire. Nous

100
Ibid.
P a g e | 201

étudierons ce dernier dans le chapitre suivant, ainsi que ses implications dans le domaine des
transports. Mais, dans la suite immédiate de ce travail, nous présentons la situation des
transports à la fin du libéralisme planifié.

Carte 8 : Les aéroports du Cameroun en 1981

Source : L’encyclopédie de la République Unie du Cameroun, Les nouvelles éditions


africaines, 1981, p. 147
P a g e | 202

Carte 9 : Le réseau ferroviaire du Cameroun en 1981

Source : L’encyclopédie de la République unie du Cameroun, les nouvelles éditions


africaines, 1981, p. 145
P a g e | 203

Carte 10 : Les ports et voies fluviales du Cameroun en 1981

Source : L’encyclopédie de la République unie du Cameroun, les nouvelles éditions


africaines, 1981, p. 149
P a g e | 204

Carte 11 : Le réseau routier du Cameroun en 1981

Source : L’encyclopédie de la République unie du Cameroun, Les nouvelles éditions


africaines, 1981, p. 155
P a g e | 205

II. Un état des lieux des transports à la fin des plans quinquennaux en 1985

Les ambitions principales de la politique du libéralisme planifié dans le secteur des


transports étaient de travailler à la réunification des deux Cameroun et au développement de
l’ensemble du pays. La planification du développement avait tenté :
- d’assurer progressivement l’accessibilité permanente des zones frontalières ou
enclavées ;
- de poursuivre le bitumage des axes principaux prolongeant le chemin de fer,
structurant le réseau national en assurant les communications internationales ;
- d’améliorer sensiblement l’état du réseau classé et non classé par un entretien ou un
renforcement adéquat ;
- d’engager un programme cohérent de construction de routes et pistes rurales ou
stratégiques ;
- d’améliorer la planification du sous-secteur, ainsi que l’évaluation des projets ;
- de rechercher par des études appropriées les structures les mieux adaptées au sous-
101
secteur.

101
Ministère de l’Économie et du Plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1981-1986), presses d’AGRACAM 1981, p. 214.
P a g e | 206

Carte 12 : Le réseau de transports au Cameroun en 1986

Source : Neba A. S., Modern Geography of the Republic of Cameroon, Second Edition, New Jersey, Camden,
1987.
P a g e | 207

1. Les transports routiers

Le décret n° 79/93 du 21 mars 1979 portant nomenclature routière faisait état d’un
réseau routier classé estimé à 28 681 km. Les différents décrets de 1979 avaient défini les
catégories de routes suivantes, constituant le « réseau routier classé »: autoroutes, routes
nationales, routes provinciales, routes départementales, routes rurales et voies urbaines.102 Ces
routes étaient ainsi réparties :
Tableau n° 5 : État des lieux des routes au Cameroun selon le classement de 1979

Types de routes Nombre de kilomètres

Route nationales 6215 km


Routes provinciales 5539 km
Routes départementales
5565 km
Autres routes de l’ancien réseau classé
(Classement antérieur aux décrets de 1979) 11 362 km
Pistes
36 000 km
Total 64 681 km

Source : Décret n°79/94 du 21 mars 1979 portant numérotation et inventaire des routes nationales et le décret
n°79/95 du 21 mars 1979 portant numérotation et inventaire des routes provinciales.

De ce total de 64 681 km de route, seules 2500 km étaient bitumés en 1981.103 En 1985,


à la fin du Ve Plan quinquennal, qui prévoyait 7300 km de routes à construire104, on estimait à
environ 70 000 kilomètres de routes et pistes au Cameroun. Mais les problèmes ne manquaient
pas dans ce secteur.

Au premier rang de ces problèmes, était l’insuffisance de l’entretien. Elle se manifestait


dans tous les compartiments du réseau (routes bitumées, toutes celles en terre classées, routes

102
En plus du décret n°79/93 du 21 mars 1979 portant nomenclature routière, deux autres décrets ont été signés le
même jour : décret n°79/94 du 21 mars 1979 portant numérotation et inventaire des routes nationales et le décret
n°79/95 du 21 mars 1979 portant numérotation et inventaire des routes provinciales.
103
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1981-1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 212.
104
Ibid.
P a g e | 208

rurales, voirie urbaine). Très peu était les routes en bon état en toute saison. Comme
conséquences de cette situation, nous pouvons citer :

- les coûts des transports routiers élevés,


- l’impraticabilité de certaines liaisons en saison des pluies, et certaines régions en étaient
enclavées ;
- de plan en plan, les reconstructions des routes étaient toujours programmées du fait
d’une grave compromission suite au défaut d’entretien. Le IVe Plan en donne des
exemples. En effet, il fallait reconstruire la Route nationale N°1, qui prolongeait vers le
Nord le chemin de fer Transcamerounais ; la route Kumba-Loum ; la route Douala-
Kekem.105
Un autre problème était celui de l’insuffisance de l’information et de la planification.
C’est à ce problème que les décrets de 1979 avaient tenté d’apporter des solutions. Cependant,
la longueur officielle des diverses sections de routes classées demeuraient inconnues. De plus,
les routes rurales et la voirie urbaine n’avaient jusque-là, pas encore connu une véritable
classification. Ainsi, il n’existait pas de cartes matérialisant clairement la structuration du réseau
selon les diverses classes de routes ; pas non plus de carte des bacs, pourtant à la base de la
politique de construction des ponts.

En ce qui concernait la planification, les déficiences étaient dans les études routières,
qui ne permettaient pas de disposer d’éléments fiables pour fonder la définition de priorités
pour la construction des routes et des ouvrages d’art. Malgré les mesures prises dès le VIe Plan
en matière d’entretien routier, et poursuivis dans le Ve Plan (formation du personnel de la
direction des routes ; programme d’entretien et de réfection des routes ; promotion des petites
et moyennes entreprises nationales de travaux publiques ; installations des stations de
pesage…), beaucoup restait à faire, et les financements, surtout étrangers, se faisaient de plus
en plus rares.

2. Les transports aériens

Nous ferons le bilan des transports aériens en nous fondant sur deux aspects : les
infrastructures aéronautiques et les compagnies aériennes. Pour ce qui est des infrastructures

105
Ibid, p. 212.
P a g e | 209

aéronautiques, en 1986 le Cameroun comptait plusieurs pistes adaptées pour les atterrissages
d’avions.
Les aéroports internationaux étaient :
- Celui de Douala :
Ouvert à la circulation aérienne publique en 1949. En 1981, les installations
aéroportuaires étaient transférées du « bois des singes » au site actuel. Ainsi, l’aéroport
pouvait désormais accueillir des avions gros porteurs type B 747. Cet aéroport
comprenait à date : une piste de 2850 x 45 m en béton bitumineux, équipée d’un balisage
lumineux avec rampe d’approche ; une aérogare avec des jetées passerelles
télescopiques dimensionnées pour traiter un maximum d’un million et demi de
passagers par an ; un bloc de huit niveaux abritant les services nécessaires à la sécurité
de la circulation aérienne et les services connexes ; des équipements et aides à la
navigation aérienne.106
- Celui de Garoua :
Il avait connu de grands travaux en vue de son internationalisation dès 1978. L’objectif
politique qui avait motivé ces travaux était la volonté « de doter le Cameroun d’une
seconde porte d’entrée et de sortie et de combler le manque d’infrastructure reliant la
partie septentrionale au Sud du pays. »107 Il comprenait des installations comparables à
ceux de Douala.
- Celui de Yaoundé :
Construit non loin de la ville en 1949 à Mvan pour accueillir essentiellement des DC 3.
Dès 1978, l’avancée de la ville vers cette piste et la nécessité de doter la capitale d’un
véritable aéroport international, avait amené les autorités à diligenter entre 1978 et 1982,
des études pour la construction d’un nouvel aéroport. Ainsi, Nsimalen, à 25 km au sud
de la ville de Yaoundé, avait « été choisi comme meilleur du point de vue de l’ensemble
des critères de comparaison, notamment les contraintes liées à l’environnement (bruit,
urbanisme) et les possibilités d’extension future »108.

Les aéroports nationaux étaient :

106
A. D. Kamajou, L’aviation civile au Cameroun : état des lieux et perspectives, Alpha Print, 2001, pp. 21-22
107
Ibid, p. 23.
108
Ibid, p. 26.
P a g e | 210

- Koutaba, créé en 1952. En 1985, la construction d’une aérogare avait été entreprise,
mais les travaux furent arrêtés faute de financement. Le montant des travaux fut évalué
à 850 millions de FCFA, ces travaux furent interrompus alors qu’ils en étaient à un taux
de réalisation de 80%.109
- Maroua-Salak, créé en 1952, des travaux furent entrepris pour son réaménagement afin
qu’il put accueillir des avions B 737. C’est en 1986 que débutèrent justement ces
travaux.
- Ngaoundéré, lui aussi créé en 1952, il reçut les avions de type B 737, avec une aérogare
passager.
- Bamenda, dont la modernisation commença en 1983 et s’acheva en 1986.
- Bafoussam, fut doté d’installations similaires à celui de Bamenda. Sa modernisation
était en cours depuis 1985.
Les autres aérodromes secondaires, étaient destinés aux services à courtes distance, à la
formation aéronautique, aux sports aériens et au tourisme. Ils étaient dans la plupart, dotés de
pistes d’atterrissage non bitumées, limitées aux avions légers et servant essentiellement au
ravitaillement des exploitants agricoles et forestiers. En 1986, le Cameroun comptait plus d’une
quarantaine d’aérodromes secondaires, répartis dans toutes les provinces.

Pour ce qui est des compagnies aériennes, deux types d’initiatives étaient mises en
place : des initiatives privées qui assuraient les vols sur les lignes intérieures principalement ;
et les initiatives internationales.

Pour ce qui est des initiatives privées, en plus de la société privée Air Cameroun qui
desservait déjà quelques lignes intérieures, ainsi que quelques pays voisins du Cameroun depuis
1953, le Cameroun occidental comptait la « Cameroon Air Transport » (CAT), est créée en
1963110. Cette deuxième compagnie aérienne avait son siège à Bota111. La CAT fut fondée par
la Southern-West Cameroons Development Agency112. La compagnie assurait les liaisons

109
Ibid, p. 27.
110
http://camerounliberty.net/afrique/le-cameroun-sous-le-fdralisme-avait-deux-compagnies-ariennes-le-cas-de-
la-cameroon-air-transport-en-1965?true=3917, consulté le 05/02/2020 à 11h 55.
111
https://www.camerounweb.com/CameroonHomePage/business/Airline-Companies-created-in-Cameroon-
since-1944-351550, consulté le 05/02/2020 à 11h52.
112
C’est par la Law No. 11 of 1956 que nait la Southern Cameroons Development Agency (SCDA). L’objectif de
l’Agence était de manière centrale, d’améliorer la qualité de vie des habitants du Southern Cameroon. Dans ce
sens, il a envisagé un plan pour instaurer un partenariat pour le développement des plantations d’hévéa, de
bananier, de palmier à huile et aussi pour créer un ranch de bétail et de produits laitiers dans la région de Bamenda.
L’Agence visait également à améliorer l’état des infrastructures et la puissance industrielle du territoire. Surtout,
P a g e | 211

depuis les exploitations agricoles de l’ouest camerounais vers des parties du territoire
dépourvues d’infrastructures routière ou ferroviaire. D’autres lignes régulières avaient aussi été
établies entre Yaoundé, Bamenda, Mamfé, Douala et Ebolowa, Port Harcourt au Nigéria. La
CAT fut contrainte à la liquidation en 1972 et fut associée à la CAMAIR113.

Photo n° 19 : Vue d’un avion de la Cameroon Air Transport

Source : http://www.sakerpride.com/almanac2.html, consulté le 05/02/2020 à 16h55. La date et le lieu de la prise


de vue ne sont pas précisés.

Quant aux initiatives internationales, rappelons qu’entre 1958 et 1962, tous les
territoires français d’Afrique Occidentale et Centrale accèdent à l’indépendance. Face à
l’augmentation du trafic aérien dans ces différents territoires les nouveaux dirigeants africains
devaient choisir entre laisser l’exploitation des airs aux entreprises étrangères et la prise en main

son objectif principal était de réorganiser des initiatives agricoles à grande échelle axées sur l’exportation.
L’Agence devait également formuler et exécuter des projets pour le bénéfice économique et la prospérité des
producteurs et des zones de production, former les habitants à la mise en place de schémas de développement
économique, réaliser des études de faisabilité adéquates des projets de développement et autres schémas pouvant
être créés sur le territoire. Elle envisageait également d’octroyer des bourses pour former des entrepreneurs locaux
aux fins de la mise en œuvre des programmes proposés par la loi sur l’Agence. C’est en 1957 que l’Agence
commence officiellement ses travaux. Source : N. Kahjum Takor et K. N. Yufenyuy, “The Southern-West
Cameroon(s) Development Agency, 1956-1973: Historical Evidence of Hope and Despair in Economic
Development”, International Journal of History and Cultural Studies (IJHCS), Volume 4, Issue 3, 2018, pp. 42-
53.
113
http://www.sakerpride.com/almanac2.html, consulté le 05/20/2020 à 16h45.
P a g e | 212

de leur propre destin dans le domaine du transport aérien. Tous optèrent pour la deuxième
solution, mais les voies suivies pour atteindre cet objectif furent différentes.

En Afrique de l’Ouest anglophone, l’option fut faite en faveur de la création par chaque
État de sa propre compagnie nationale de transport aérien. Les pays de l’ex AOF (moins la
Guinée qui préféra créer sa propre compagnie nationale, Air Guinée), et de l’ex AEF devaient
quant à eux, pencher pour l’idée de mettre sur pied une compagnie multinationale privilégiée
qui assurerait les liaisons internationales entre les différents États membres et recevrait de
chacun d’eux les droits d’exploitation aérienne qui lui sont dévolus. Ainsi, les chefs d’État et
de gouvernement de onze États francophones d’Afrique centrale et occidentale se réunissent à
Yaoundé, le 28 mars 1961. De cette réunion naissait l’idée de la création de la compagnie
multinationale Air Afrique.

Air Afrique est née du traité de Yaoundé signé entre onze États. Des douze chefs d’États
et de Gouvernement présents à Yaoundé, onze ont effectivement signé le texte portant création
d’Air Afrique : Fulbert Youlou (Congo), David Dacko (République Centrafricaine), Ahmadou
Ahidjo (Cameroun), Félix Houphouët-Boigny (Côte d’Ivoire), Léon Mba (Gabon), Hubert
Maga (Dahomey, actuellement Bénin), Maurice Yaméogo (Haute-Volta, actuellement Burkina
Faso), Moktar Ould Dada (Mauritanie), Hamani Diori (Niger), Mamadou Dia (Premier
Ministre, Sénégal), François Tombalbaye (Tchad).114

114
Le Togo douzième État membre, n’a adhéré au Traité de Yaoundé qu’en 1964.
P a g e | 213

Photo n° 20 : Photo de famille de la conférence de Yaoundé le 28 mars 1961

Source : « Air Afrique », en ligne, URL : http://www.airafrique.eu/histoire/traite-de-yaounde/, consulté le


01/02/2020 à 16h45

Le Président Philibert Tsiranana de Madagascar décida en raison de l’éloignement de


son pays, d’opter pour la création d’une compagnie distincte. En 1964, la République Togolaise
manifesta son intérêt pour Air Afrique et décida d’user de l’ouverture prévue par l’article 13 du
Traité. Après avoir accompli les formalités diplomatiques nécessaires à son accession au Traité
de Yaoundé, le Togo devient effectivement actionnaire en 1968. Mais avant d’en arriver là, le
Traité de Yaoundé est passé par une série de concertations et de démarches instaurées au niveau
des dirigeants de l’Afrique noire d’expression française dès le lendemain des indépendances.

Le capital initial d’Air Afrique était fixé à 1500 millions de francs CFA répartis en 50
000 actions de 10 000 francs CFA chacune, souscrites à raison de115 :

 33 000 (66 %) actions par les États qui se les partagent à parts égales (soit 3 000
actions par États) ;

115
Ibid, p. 134.
P a g e | 214

 17 000 (34 %) par la Société française Air Afrique116 (Société de Transports Aériens
en Afrique, SODETRAF).

En 1971, le président Ahidjo décida de retirer le Cameroun du Traité de Yaoundé. Pour


comprendre le départ du Cameroun de l’actionnariat d’Air Afrique, il est nécessaire de relire le
témoignage d’un ancien membre du conseil d’administration de la société :

Le Cameroun a quitté Air Afrique pour créer sa propre société des transports aériens. Retenons tout de
suite que dans le portefeuille des trafics aériens que détenait Air Afrique, le Cameroun à lui seul détenait
plus de 25%. C’est dire plus du quart du trafic, donc de recettes perçues dans les douze États. Le Cameroun
le savait depuis le début, mais ce n’est pas cela qui l’a décidé à quitter Air Afrique. C’est le mauvais
fonctionnement de cet instrument prodigieux qui, tout au long de ses dix années d’âge, a dévié du chemin
tracé par le traité de Yaoundé. En effet, dès le premier Conseil d’Administration des 26 et 27 juin 1961,
un président a été élu en la personne de Cheik Fall, un des administrateurs du Sénégal, conformément aux
statuts, et Loury de la SODETRAF Directeur Général qui a démissionné par la suite. Cheik Fall, par ses
manigances en a profité pour s’arroger le titre de Président Directeur Général (PDG) 117.

En 1969, sur décision du Chef de l’État, des études pour la création d’une compagnie
de transport aérien d’intérêt national avaient été menées.118 Celles-ci incluaient une
participation d’Air Afrique, conformément à l’article 3 du Traité de Yaoundé. Mais, le 2 février
1971, le ministre des transports, Vincent Efon, reçoit la presse pour expliquer le retrait du
Cameroun d’Air Afrique. Un projet de loi est déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale
fédérale lors de sa session budgétaire de mai 1971. La loi sera promulguée le 4 juin 1971 par le
président de la République fédérale, conformément à la Constitution du 1er septembre 1961 et
consacre la naissance de la Cameroon Airlines.119

Dès lors, les événements se déroulent plus vite que prévu, et le 26 juillet 1971,
l’Assemblée générale constitutive des actionnaires se réunit à Yaoundé. Cette assemblée qui
regroupe les représentants du gouvernement camerounais et ceux de la compagnie nationale
française de transport aérien, Air France, décide de fixer à 1 milliard 500 millions de francs

116
Par le protocole annexe au Traité, la SODETRAF accepta de céder le nom Air Afrique à la compagnie
multinationale africaine. Par la suite, la Société de Transports Aériens en Afrique (SODETRAF) est devenue
Société pour le Développement du Transport Aérien en Afrique, conservant ainsi les mêmes initiales. La
compagnie aérienne, Union des Transports Aériens, contrôle 75 % des actions de la SODETRAF.
117
CCAA, « L'aviation civile arrive au Cameroun en 1934 », interview de Gilles Njamkepo, premier camerounais
ingénieur de l’aviation civile, et premier camerounais directeur de l’aéronautique civile fédérale (mars 1961 – juin
1972). En ligne : https://www.ccaa.aero/index.php/fr/aviation-civile-au-cameroun-historique-de-laviation-
vivile/487-l-aviation-civile-arrive-au-cameroun-en-1934, consulté le 13 avril 2019 à 22h15.
118
Ibid.
119
Ibid.
P a g e | 215

CFA le capital social de Cameroon Airlines, divisé en 30 000 actions de 50 000 francs CFA
chacune. Cameroon Airlines est créée.120

Et le gouvernement camerounais ne lésina pas sur les moyens, notamment pour financer
les bâtiments qui abritèrent le siège de la nouvelle compagnie. L’acquisition et l’aménagement
du bâtiment coûtèrent 220 millions de francs CFA. Ainsi que le 1er novembre 1971, eut lieu le
baptême de l’air et le début de l’exploitation de la société camerounaise de transport aérien.
Dans un premier temps les missions qui lui furent assignées consistèrent en l’exploitation des
droits de trafic aérien internationaux du Cameroun, et assurer le transport aérien civil des
passagers, du fret et de la poste.

En 1986, la flotte de la compagnie était composée des appareils suivants : 1 Boeing 707
(acheté en 1972), 2 Boeing 737 et un Twin Otter (achetés en 1974), un 3e Boeing 737 (acheté
en 1977) et 3 DC- 4.121 En 1981, elle avait fait l’acquisition d’un Boeing 747- Combi. La
CAMAIR fut nominée dans le prestigieux classement IATA au 6ème rang mondial en juin 1983,
mieux que son parrain et mentor Air France, alors classé 18ème.122

120
Ibid.
121
A. D. Kamajou, L’aviation civile au Cameroun…, 2001, p. 58.
L’auteur nous fait savoir qu’avant 1981, année d’acquisition du B 747 Combi, les vols de la CAMAIR à destination
de l’Europe et des pays africains étaient assurés par UTA et Air Afrique (p. 59).
122
CCAA, « L'aviation civile arrive au Cameroun en 1934 ».
P a g e | 216

Photo n° 21 : Carte postale du vol inaugural de la CAMAIR

Source : https://www.osidimbea.cm/entreprises/publiques-dissoutes/x-camair/ consulté le 16/02/2021 à


10h34.

D’autres compagnies étrangères opéraient au Cameroun en 1986 de façon régulière :


UTA, Sabena, Lufthansa, Aéroflot, Air Gabon, Air Zaïre, Swissair, Ethiopian Airlines, Nigeria
Airways, Air Afrique, Alitalia. Mais en plus de ces compagnies étrangères, sur le plan national,
des opérateurs occupaient l’espace aérien. Il s’agissait de :

- l’Unité de traitements agricoles par voies aérienne (UTAVA), créée le 30 août 1985
avec pour siège Garoua. Elle était chargée d’appliquer la politique du gouvernement en
matière de traitements agricoles par voie aérienne ; d’organiser toutes campagne
nationale de lutte aérienne contre les déprédateurs des cultures ; d’assurer l’encadrement
pratique des paysans et la formation des cadres et techniciens en matière d’aviation
agricole ; et de coordonner toutes les activités de protection des cultures.123

123
Ibid, p. 64.
P a g e | 217

- La Cameroon Helicopters (CAMHEL), créée le 28 décembre 1983, anciennement


ARDIC, dont l’existence datait de 1963. Elle avait pour activités, le traitement agricole
par avion (bananiers et caféiers), et le transport à la demande de passager et de fret.124
- Les aéroclubs, localisés à Douala, Yaoundé, Dschang, Bafoussam, Sangmelima et
Nkongsamba. Jusqu’en 1986, ces structures recevaient des subventions de l’État.125

3. Les transports maritimes et fluviaux

À la fin du libéralisme planifié en 1985, la situation des transports maritimes et fluviaux


se caractérisait par l’existence d’un port dominant, celui de Douala-Bonabéri, qui assurait près
de 90 % du trafic maritime du pays.126 En plus de ce port, existaient ceux de Kribi, de Tiko-
Victoria et le port fluvial de Garoua.

4. Les transports ferroviaires

Les investissements dans la construction des chemins de fer au Cameroun entre 1961 et
1986 avaient bénéficié de l’héritage colonial. La ligne de l’Ouest (Douala-Nkongsamba) avait
été construite par l’administration Allemande de 1902 à 1911. Cette voie traversait les riches
terres volcaniques qui constituaient la mamelle nourricière de Douala.

Pierre Billard nous permet d’avoir une idée assez précise de la situation des transports
ferroviaires en 1966 au Cameroun :

De Douala, capitale économique du Cameroun réunifié, partent deux lignes à voie métrique : celle de
Douala-Nkongsamba (172 km) qui dessert l’Ouest ; elle transporte des bananes, du café et du bois. La
ligne dite du centre, Douala-Yaoundé (307 km) via Edéa et Eséka, exporte beaucoup de bois et de cacao
ainsi que des lingots d’aluminium. Sur cette artère se greffe une antenne un peu plus récente entre Otélé
et Mbalmayo (37 km) qui amène à la ligne principale bois et cacao. Ces lignes sont malgré tout anciennes
: les Allemands en avaient construit plus de la moitié. Elles comportent bien des imperfections :
nombreuses rampes et courbes de faible rayon, médiocre capacité des gares. Sans doute des efforts parfois
remarquables avaient-ils été entrepris entre 1946 et 1960 : Diésélisation, groupement des ateliers à Bassa,
pont rail-route sur le Wouri. Mais avec la construction du Transcamerounais (autre version du Douala
Tchad), il devenait urgent d’améliorer la partie ancienne, sous peine de voir certains secteurs devenir des
goulots d’étranglement pour le trafic127.

De 1964 à 1969, l’Administration Camerounaise construisit un embranchement entre


Mbanga et Kumba, créant ainsi la première liaison ferroviaire entre les parties anglophone et

124
Ibid, p. 65.
125
Ibid, p. 66.
126
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1981-1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 210.
127
P. Billard, « On construit des chemins … », 1966, p. 611-612.
P a g e | 218

francophone du Cameroun. La ligne du Transcamerounais, dont le nom n’est pas sans rappeler
la Union Pacific des États Unis ou encore le Transsibérien de l’Union Soviétique, relie les
parties méridionale et septentrionale du pays. Elle ouvrit la voie aux échanges entre l’intérieur
et la ville portuaire de Douala. Cette ligne comporte deux grandes sections connues sous
l’appellation de Transcam I et Transcam II.

 La voie ferrée Transcam I


La ligne Transcam I relie les villes de Douala et Yaoundé. Elle a été construite sous
deux Administrations :

- Le tronçon Douala-Eséka a été réalisé par l’Administration Allemande de 1907 à


1914.
- Le tronçon Eséka-Yaoundé a été construit par l’Administration Française de 1922 à
1927. Sur ce tronçon, un embranchement a été ouvert, de 1927 à 1932 entre les villes
d’Otélé et de Mbalmayo.

Le raccordement de la ligne Ouest à la ligne Transcam I s’est effectué en 1955 grâce à


la construction du pont (rail-route) sur le fleuve Wouri, entre Douala et Bonabéri. La ligne
Transcam I a connu des travaux de réhabilitation et de rectification en 1986 faisant ainsi passer
la liaison de 311 km à 265 km.

 La voie ferrée Transcam II

La ligne Transcam II a été construite par l’administration Camerounaise, de 1964 à


1974, et a permis de relier Yaoundé à Ngaoundéré. Les travaux de construction de cette ligne
de chemin de fer ont commencé à Yaoundé le 31 octobre 1964. En mai 1969, le premier tronçon
de 297km entrait en service jusqu’à Belabo. Le deuxième tronçon, Belabo-Ngaoundéré
(327km), fut ouvert aux trains réguliers le 4 février 1974128.

La réalisation des terrassements et la pose des voies (à écartement d’un mètre) a nécessité de considérables
déplacements de matériaux lourds dans un terrain souvent difficile : Belabo est à 600 mètres d’altitude et
Ngaoundéré à 1100 mètres. Il a fallu manipuler 22 millions de mètres cubes de terre et de roches pour les
terrassements, 460 000 mètres cubes de ballast, 42 000 tonnes de rails, plus d’un million de traverses,
85 000 mètres cubes de béton, 34 kilomètres de buses métalliques. Pour franchir les nombreuses rivières
il a fallu construire 79 ponts.

Plus de trois mille Camerounais ont travaillé sur les chantiers du chemin de fer, emmenant leurs familles
avec eux soit 10 000 personnes au total. Des écoles, des dispensaires, des maisons ont été construits le

128
Fonds Européen de Développement, « Cameroun, 1960-1975 », Rapport Commission des Communautés
Européennes, novembre, Ed. S.A. Van In, Lier, 1975, p. 14.
P a g e | 219

long de la voie pour le personnel et les familles. Belabo qui était au départ un hameau d’une vingtaine
d’habitants est devenu une petite ville de 3000 âmes. À Ngaoundal, base de l’entreprise qui a réalisé les
travaux, est née une petite ville de 5000 habitants avec maisons en dur, une église, une école 129.

Cette ligne a donc été construite par lots et a été mise graduellement en service. Les
tronçons ont été respectivement ouverts au trafic commercial ainsi qu’il suit :

- Le tronçon Yaoundé- Nanga Eboko, ouvert au trafic commercial en 1968


- Le tronçon Nanga Eboko-Belabo en 1969
- Le tronçon Belabo-Ngaoundal en 1973
- Le tronçon Ngaoundal-Ngaoundéré en 1974130.
En 1986, le chemin de fer du Cameroun était fait de 942,5 km pour la ligne
transcamerounaise ; et 200,5 km pour la ligne de l’Ouest. Soit un total de 1143 km de chemin
de fer.131

III. Les acteurs des transports au Cameroun entre 1960 et 1985


1. Les acteurs ministériels

Le premier acteur de la politique des transports était évidemment le président de la


république. En sa qualité d’ordonnateur de la politique général du pays, il était celui qui mettait
en place le dispositif institutionnel de l’État du Cameroun afin d’œuvrer efficacement à
l’implémentation de sa politique. Malgré les évolutions politiques du pays, le domaine des
transports était demeuré à la charge du pouvoir central. Ainsi, plusieurs départements
ministériels intervenaient dans la chaîne des transports. Il s’agissait principalement des
ministères en charge de la planification, la programmation, la construction et l’entretien et le
financement des infrastructures de transports.
- Le ministère en charge de l’économie et de la planification : il assurait l’élaboration des
orientations générales et des stratégies de développement à moyen et long-termes et du
suivi de leur mise en œuvre ainsi que la programmation et la mobilisation des ressources
financières pour le financement des investissements publics ;

129
Ibid.
130
République du Cameroun, « Évaluation environnementale de la mise en concession des chemins de fer du
Cameroun », Buursink/RCM, International consultants in environmental management, novembre 1998, p. 7.
131
Ministère de l’économie et du plan, Ve Plan quinquennal de développement économique, social et culturel
(1981-1986), presses d’AGRACAM, 1981, p. 220.
P a g e | 220

- le ministère en charge des finances qui, de par ses compétences financières


transversales, intervenait également dans la gestion du secteur des transports et en
assurait la tutelle financière ;
- le ministère en charge de l’administration territoriale ;
- le ministère en charge des travaux publics, responsable de la construction, l’entretien et
la protection du patrimoine routier ;
- le ministère en charge des transports, responsable du développement des modes de
transport ;
- le ministère en charge de l’aménagement du territoire.
À ces intervenants institutionnels, plusieurs organismes de régulation et de gestion des
transports sont associés. Pour la plupart sous la tutelle du ministère en charge des transports.
Nous soulignerons aussi la forte contribution des organismes internationaux dans la
construction des transports au Cameroun. Dans ce travail, nous nous focalisons sur les IBW,
notre choix tient au fait que dès 1963, ces institutions ont été de quasiment tous les projets dans
le domaine des transports.

2. Les institutions de Bretton Woods et les transports au Cameroun entre 1963


et 1985 132

C’est le 10 juillet 1963 que le Cameroun devient pays membre de la Banque


Mondiale133. La Banque a privilégié l’expansion du réseau et de 1a capacité des transports en

132
Les données contenues dans cette section ont été obtenues du « Rapport d’évaluation du sixième projet routier
de la République du Cameroun », Banque Mondiale, Rapport No. 537l-CH du 7 mai 1985.
133
C’est aussi le 10 juillet 1963 que le Cameroun devient membre du Fonds monétaire international (FMI). En
effet, pour devenir membre de la Banque Mondiale, en vertu des Statuts de la Banque internationale pour la
reconstruction et le développement (BIRD), un pays doit d’abord adhérer au FMI. Les adhésions à l’Association
internationale de développement (AID), à Société financière internationale (SFI) et Agence multilatérale de
garantie des investissements (AMGI), et à la Centre international pour le règlement des différends relatifs aux
investissements (CIRDI) sont conditionnelles à l’adhésion à la BIRD. Le Cameroun adhère à l’IDA le 10 avril
1964 ; à l’IFC le 1er octobre 1974 ; à la MIGA le 10 juillet 1963 ; et à la CIRDI le 2 février 1967. En ligne, URL :
http://www.banquemondiale.org/fr/about/leadership/members consulté le 06/08/2018.
Le Groupe de la Banque mondiale est composé de cinq institutions :
 La BIRD prête aux pays à revenu intermédiaire et aux pays pauvres solvables.
 L’AID accorde des prêts ou des crédits sans intérêt et des dons aux pays les plus pauvres de la planète.
Ensemble, la BIRD et AID forment la Banque mondiale.
 La SFI finance des prêts, des fonds propres et des services-conseil pour stimuler l'investissement privé
dans les pays en développement.
 L’AMGI offre aux investisseurs des garanties contre les pertes associées aux risques non commerciaux
dans les pays en développement.
 Le CIRDI offre des mécanismes internationaux de conciliation et d'arbitrage des différends liés aux
investissements.
En ligne, URL : http://www.banquemondiale.org/fr/about consulté le 06/08/2018.
P a g e | 221

harmonie avec 1e développement économique rapide et 1a croissance du trafic du commerce


intérieur et, dans une moindre mesure, du commerce de transit des deux pays enclavés que sont,
1e Tchad et 1a RCA.

En février 1985, La BIRD et l’AID avaient déjà prêté au Cameroun environ 349 millions
de dollars au titre du secteur des transports : 70,5 millions US pour des projets ferroviaires, 49
millions pour des projets portuaires et 218,5 millions US pour des projets de construction et
d’entretien routiers, ainsi que 11 millions pour un projet de pistes de desserte. En plus de ces
sommes, le sixième projet routier devait coûter 125 millions de Dollars US, crédit que la
Banque débloqua dès juin 1986. Le secteur des transports absorba donc la part la plus large (43
%) des engagements de la Banque Mondiale au Cameroun. Nous pouvons citer ici quelques-
uns de ces projets :

- Premier projet ferroviaire (Prêt 687-CM, 5,2 millions de dollars US, 1970)
- Premier projet routier (Prêt 663-Credit l80-M, 21,0 millions de dollars US, 1970)
- Premier projet du port de Douala (Crédit 229-CM, 1,5 million de dollars US, 1971)
- Deuxième projet routier (Prêt 935/Crédit 429-CM, 63 millions de dollars US, 1974)
- Deuxième projet ferroviaire (Prêt l038-CM, 16,0 millions de dollars US, 1974)
- Troisième projet ferroviaire (Crédit S-4 CM, 2,3 millions de dollars US, 1976)
- Deuxième projet du port de Douala (Prêt 1321/Crédit 657-CM, 25,0 millions de
dollars US, 1976)
- Premier projet de coopération technique (Crédit 673-CM, 4,5 millions de dollars US,
1977)
- Premier projet de pistes de desserte (Prêt 1494-CM/Crédit 749-CM, 11,1 millions de
dollars US, 1977)
- Troisième projet routier (Prêt lSlS-CM, 16,5 millions de dollars US, 1978)
- Quatrième projet routier (Prêt 1723/Crédit 926-CM. 48,0 millions de dollars US,
1979)
- Quatrième projet ferroviaire (Prêt 1734/Crédit 936-CM, 47,0 millions de dollars US,
1979)
- Cinquième projet routier (Prêt 2180-CM, 70,0 millions de dollars US, 1982)
- Troisième projet du port de Douala (Prêt 2259-CM, 22,5 millions de dollars US,
1983)
P a g e | 222

Le tableau suivant nous permet d’avoir les sources de financement du


Transcamerounais. On peut y voit d’autres acteurs internationaux qui ont très souvent
accompagné le développement en général au Cameroun depuis son indépendance.

Tableau n° 6 : Les sources de financement du Transcamerounais

Source : Fonds Européen de Développement, « Cameroun, 1960-1975 », Rapport Commission des


Communautés Européennes, p. 14.134

C. Les limites de la politique des transports sous le libéralisme planifié

Entre 1965 et 1985, la situation économique du Cameroun était très favorable à


l’investissement. Comme nous l’avons souligné plus haut, ces 20 années ont connu une
croissance accélérée. De 1965 à 1977, le pays a connu une croissance à un rythme moyen
d’environ 4%. De 1977 à 1981, la croissance s’accélère et dépasse 13% en moyenne, avec un
maximum de 15% en 1980. Cette envolée correspond à la découverte du pétrole et à sa mise en
valeur. De 1982 à 1985, la croissance se maintient à un rythme soutenu (autour de 8%), après
un ralentissement marqué en 1982. Le boom pétrolier avait largement contribué à aider le
Cameroun dans ses efforts de développement. Son impact direct sur les finances publiques se

134
U. C. représente l’unité de compte européenne. Elle était définie par rapport à un « panier » de toutes les
monnaies de la communauté. Le cours de chacune des monnaies de la communauté par rapport à l’u. c. était calculé
chaque jour par la communauté. Au 23/04/1975, au moment de la rédaction du rapport, 1 UC valait 1,30 Dollar
US et 278,5 FCFA.
P a g e | 223

manifestait par le fait que les recettes avaient fortement augmenté, les dépenses suivent aussi.
Ainsi, jusqu’en 1981, les administrations publiques enregistrent toujours un léger déficit
(environ 3 % du PIB en 1981).135 Tout au long de la décennie du décollage (1977-1985), le
Cameroun se classe dans la catégorie des pays à revenu intermédiaire de la classification de la
Banque Mondiale.136 Et c’est l’investissement public qui tenait la plus grande part dans le
programme de dépenses budgétaires, et se faisaient de manière parfois incontrôlée.

Dans un article qui pose une évaluation de la politique du libéralisme planifié, Jean-
Claude Willame fait le constat que ce qui semblait être le « miracle camerounais »,

reposait en fait sur des bases fragiles, à savoir sur des transferts massifs et peu judicieux de technologie
dans une économie qui, du fait du boom pétrolier, fut abruptement projetée d’un stade de croissance lente
et peu intégrée à un rythme de surchauffe économique artificiel et producteur de nombreux déséquilibres.
On doit noter d’emblée que, comme c’est le cas dans beaucoup d’autres pays africains, le manque de
planification efficiente a induit bon nombre de ces transferts malencontreux : le « libéralisme planifié »,
leitmotiv officiel du mode de développement camerounais, était supposé substituer l’État à une initiative
privée défaillante. En fait, la planification camerounaise ne fut souvent rien d’autre qu’une liste de projets
d’investissement public désirables au lieu d’être un exercice rigoureux et intégré. 137

Dans la même logique, Philippe Dessouane et Patrick Verre constatent que les différents
investissements mis en place par les Plans quinquennaux du libéralisme planifié se sont avérés
des échecs. Passant en revue les différentes sociétés étatiques qui n’ont pas satisfait les espoirs
placés en elles, les auteurs en arrivent à la conclusion que :

Le libéralisme planifié s’est avéré un étatisme sans stratégie qui, engouffrant les revenus pétroliers dans
des intrants importés et une assistance technique étrangère, a tourné le dos au développement autocentré
prôné par le discours officiel, tout en se subordonnant une couche d’affairistes intéressés à de nouveaux
flux d’importations et en se ralliant une technobureaucratie à côté d’une fonction publique contrôlée. 138

En plus des multiples faiblesses qui ressortent de l’élaboration et de la mise en œuvre


des Plans quinquennaux, il faut reconnaître que ceux-ci ont peu atteint leurs objectifs : la
révolution verte lancée en 1972 n’a pas réussi sa percée comme prévu : le taux d’exode rural
s’est en fait accéléré. « 16% de la population vivaient dans les centres urbains aux alentours de
1970, 34% en 1980, et 65% pourraient y résider vers 1990. C’est là un des taux de croissance
urbaine les plus rapides du Tiers Monde. La situation sociale dans des agglomérations comme

135
F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994, p. 56.
136
F. Roubaud, Cameroun : évolution économique rétrospective et perspectives macroéconomiques à l’horizon de
1995, Paris, DIAL, 1991, p. 1.
137
J. C. Willame, « Cameroun : les avatars... », 1985, p. 45.
138
P. Dessouane et al, « Cameroun : du développement autocentré… », 1986, p. 111.
P a g e | 224

Douala est devenue explosive ; le crime et la pauvreté augmentent, tandis que le logement est
devenu très difficile pour les nouveaux venus. »

Dans le domaine des transports, le bilan est tout aussi mitigé. En effet, certains projets
majeurs n’ont jamais vu le jour sous cette politique : le prolongement de la ligne de chemin de
fer vers le Tchad et vers la RCA ; le non-entretien des routes ; la construction d’un port en eau
profonde à Kribi entre autres.

Les préoccupations quant aux insuffisances de la planification économique étaient déjà


exprimées par la Banque Mondiale en 1979, dans le rapport d’évaluation du quatrième projet
ferroviaire du Cameroun. La banque remarque en effet que les pouvoirs publics d’alors, se
préoccupaient surtout d’achever l’axe Transcamerounais route/rail et d’améliorer certaines
routes intérieures. En fait, les décisions d’investissement avaient été prises, en général, projet
par projet.139

II en est résulté un programme de construction de routes sans priorité nettement définie,


dépassant les ressources financières disponibles et dans lequel la préparation et l’évaluation des
projets ont été insuffisantes. On ne s’est guère préoccupé de l’entretien des routes et, vu
l’absence de bonnes routes, nombreux ont été les partisans de la réalisation d’un programme
d’infrastructure ferroviaire qui risque de se révéler comme excessif, eu égard au rôle à long
terme des chemins de fer. De ce fait, il n’y a pas eu de planification systématique du
développement à long terme des transports, en relation avec les ressources du Cameroun et avec
la demande de plus en plus grande de services de transport. L’attention s’est concentrée sur des
projets coûteux, et l’on n’a pas suffisamment songe à exécuter les grands projets en plusieurs
phases.140

Ainsi, en dépit de grands efforts déployés pour construire et remettre en état des routes
bitumées, la situation générale du réseau routier s’était dégradée, en raison de l’insuffisance des
normes de construction initiales, de la précarité de l’entretien et de l’augmentation du trafic.141
Les routes empierrées et les chemins de terre qui constituaient 92% du réseau classé, étaient
fréquemment impraticables pendant la saison des pluies. Pendant la saison sèche, le mauvais

139
Banque Mondiale, « Cameroun, Quatrième projet ferroviaire, rapport d’évaluation », Rapport N o 2353-CM.,
1979, p. 7.
140
Ibid.
141
Ibid, p. 3.
P a g e | 225

état de leur surface (tôle ondulée, pierres, profonds nids-de-poule) provoque une usure
excessive des véhicules.142

Le Cameroun avait tout aussi brillé par ce nous appellerons des « dépenses d’orgueil ».
En effet, plusieurs projets d’envergure avaient été menés en dehors des plans. Si nous avons
relevé les insuffisances de ces derniers, de telles dépenses n’étaient pas pour aider les finances
publiques. Nous prendrons ici l’exemple de la création de la CAMAIR. Il apparaît que le
président Ahidjo décide de sa création en 1971, sous prétexte que le PDG d’Air Afrique faisait
courir des informations mensongères au sujet du Cameroun.

Une de ces résolutions [à la suite du Comité ad hoc d’avril 1970] avait proposé de séparer les fonctions
du Président du Conseil d’Administration de celles de Directeur général. Du coup, Cheik Fall s’était
retrouvé uniquement Président du conseil d’administration. C’est à partir de ce moment-là que Cheik Fall
avait fait courir des informations mensongères suivant lesquelles le Cameroun avait insisté pour la
séparation des fonctions du Président du conseil d’administration de celles du Directeur général.

Ce serait donc à la suite de ces propos, parvenus au président de la République, qu’il


aurait ordonné d’étendre l’étude de la création d’une compagnie nationale au transport aérien
international. Une médiation, en vain, avait même été organisée à Garoua en mars 1971,
réunissant les présidents du Niger, du Tchad et un représentant spécial du chef de l’État
sénégalais autour du président Ahidjo. Tout s’était passé en un an (1970-1971). Les dépenses
qui en avaient résulté étaient somptueuses et hors budget : dépenses en bâtiments, avions,
personnels etc.

Conclusion

La trop grande centralité des années de la politique de libéralisme planifié (1960 - 1985)
ont eu pour conséquence leur non efficience. En effet, la figure du président Ahidjo était quasi
omniprésente dans toutes les décisions, et ne permettait pas une remise en question du modèle
économique mis en place. Malgré tout, nous devons de reconnaitre à cette politique d’avoir
posé les jalons d’un État et des structures viables. Lorsque le régime change de chef le 6
novembre 1982, les finances de l’État sont encore soutenables, avec une dette acceptable.143
Dès lors, il convient de se demander si le dérèglement du système économique qui apparait
entre 1982 et 1986, fut le fait de la politique du libéralisme planifié comme semblait l’indiquer

142
Ibid.
143
Lire F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994, pp. 52-72.
P a g e | 226

le changement de politique avec l’adoption d’une nouvelle : le libéralisme communautaire et le


changement de dénomination du parti ; ou simplement un problème de mal gouvernance ?

En effet, après une année de récession en 1982, date de changement de régime, le PIB
repart à un taux annuel moyen de 8 % jusqu’en 1985. Cette fois, le pétrole n’est plus le secteur
moteur, les services ont pris le relais et l’investissement perd aussi son dynamisme, tandis que
la consommation des administrations continue à croître. En fait, la croissance se tourne de plus
en plus vers l’extérieur et la balance des biens et des services passe à 44 % entre 1982 et 1985
contre à peine 3 % entre 1977 et 1981. Le pétrole avait pris une place prépondérante dans les
exportations du Cameroun durant la période, les termes de l’échange vont en suivre les
variations de prix. Il faut dire que les premiers indices de dérapage apparaissent du côté des
finances publiques avec une véritable explosion des dépenses salariales qui pèse sur l’avenir.
« On peut penser rétrospectivement que les autorités ont commis une erreur d’appréciation en
augmentant des dépenses par nature très rigides comme le sont les dépenses de salaires alors
que l’amélioration des recettes s’appuyait sur des variables très volatiles comme le prix du
pétrole et le taux du change franc CFA/dollar US. »144

De fait, le changement de paradigme politique, du libéralisme planifié au libéralisme


communautaire, pose tout de même le problème de l’absence de consensus. En effet, il n’y a
pas de politique publique parfaite, qui échapperait à la critique. Lorsque deux acteurs de la
politique publique ne proposent pas la même solution à un problème, on peut faire appel au
« consensus ambigu », telle que l’a développée Bruno Palier145. Il permet de voir en effet,
qu’une mesure qui paraît faire consensus n’est pas nécessairement le fait d’un accord clair entre
tous les acteurs sur les buts assignés au dispositif. Ainsi, des acteurs n’ayant pas une même
vision du monde réussissent à trouver un terrain d’entente sur une mesure parce que subsiste
une ambiguïté sur les buts ou les résultats escomptés, permettant finalement à chaque acteur
d’y trouver une interprétation acceptable.146

144
F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994, p. 57.
145
Lire B. Palier, Gouverner la Sécurité sociale. Les réformes du système français de protection sociale depuis
1945, Paris, PUF, 2002 ; B. Palier, « Gouverner le changement des politiques de protection sociale », in Favre, P.,
Hayward, J. et Schemeil, Y. (dir.), Être gouverné. Études en l’honneur de Jean Leca, Paris, Presses de Sciences
Po, 2003, p. 163-179.
146
B. Palier et al, « L’explication du changement dans l’analyse des politiques publiques : identification, causes et
mécanismes », in B. Palier et al., Quand les politiques changent: temporalités et niveaux de l’action publique,
Paris, L’Harmattan, coll. Logiques politiques, 2010.
P a g e | 227

Dès lors, il est nécessaire de comprendre comment, dès 1985, le Cameroun est passé
d’un pays avec des dispositions économiques appréciables, à un pays en crise.
P a g e | 228

CHAPITRE V :
LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS À
L’ÉPREUVE DE LA CRISE ÉCONOMIQUE AU CAMEROUN
ENTRE 1985 ET 1995
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Le Cameroun, sous la direction d’Ahidjo, avait fait le choix d’un « modèle économique
agricole » en vue d’assurer l’autosubsistance des Camerounais et dans le but que les revenus
agricoles rapportent des devises pour financer l’industrialisation et le développement
socioéconomique. Pour cela, la priorité accordée à l’agriculture par les pouvoirs publics se
concrétisait par la création et la mise en place de filières, unités ou entreprises destinées à
l’exécution de la politique agricole décidée par le gouvernement, et par le développement des
voies de communication, éléments essentiels pour l’évacuation des produits des plantations.
L’agriculture, globalement performante, favorisait alors un début d’industrialisation qui
remplaçait les importations massives, sources d’érosion des devises. Le régime d’Ahmadou
d’Ahidjo parlait alors de « libéralisme planifié » et de « développement autocentré » pour
souligner, d’une part la coexistence et la collaboration des secteurs libres et privés dans le cadre
d’une régulation étatique, et, d’autre part, l’option d’un développement endogène, c’est-à-dire
« mobilisant en priorité les ressources propres du Cameroun ».1 À la fin du pouvoir d’Ahmadou
Ahidjo en 1982, le Cameroun était globalement dans une situation économique et financière
correcte et cela malgré les deux crises pétrolières des années 1970.2

Quand Paul Biya arrive au pouvoir, le cinquième plan quinquennal (1981-1986) est en
cours d’exécution. Vers la fin de celui-ci en 1985, Biya réaffirme l’option préférentielle pour
le modèle économique agricole.3 Néanmoins, à partir de cette année-là, le constat est fait des
dérèglements de ce modèle, à cause d’une économie camerounaise fondée sur un régime de
croissance économique entretenu par des revenus pétroliers incertains.4 Il fallait donc changer
d’orientation économique. De plus, dans la même période, certaines pesanteurs de politique
intérieur finissent de précipiter la fin du « libéralisme planifié », et la survenue du « libéralisme
communautaire » en 1985, marqueur d’un changement de régime politique au Cameroun.

Ce chapitre tente de répondre aux questions suivantes : comment le Cameroun passa-t-


il du « libéralisme planifié » au « libéralisme communautaire » ? Quelle fut la situation
économique du pays entre 1985 et 1995, marquée par une crise économique et le passage aux
programmes d’ajustement structurel ? Face à ces changements à la fois politiques et

1
C. Ambomo, « Analyse d’un discours politique… », 2013, pp. 37-38.
2
Lire F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994.
3
Rapport de politique générale du président Paul Biya au 4e Congrès ordinaire de l’UNC (Bamenda, 22 mars
1985).
4
Lire F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994.
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économiques, quelle évaluation pouvons-nous finalement faire de ces dix premières années du
« libéralisme communautaire » dans le domaine des transports ?

A. Du « libéralisme planifié » au « libéralisme communautaire »

Après 22 ans à la tête de l’État, le président Ahmadou Ahidjo décida, à l’âge de 58 ans,
de démissionner pour des raisons de santé. Ce fut le 4 novembre 1982, par une déclaration
radiodiffusée dans le journal national du soir, qu’il informa la nation de sa décision, cédant ainsi
sa place à son successeur constitutionnel, Paul Biya, premier ministre depuis le 30 juin 1975.
En effet, dans cette même intervention radiodiffusée, il invita « toutes les Camerounaises et
tous les Camerounais à accorder sans réserve leur confiance et apport et leur concours à son
successeur constitutionnel, M. Paul Biya »5, ajoutant que ce dernier méritait la confiance de
tous à l’intérieur et à l’extérieur.6 Ce fut donc quelques jours plus tard, le 6 novembre 1982, que
Paul Biya, soutenu par Ahidjo, accéda à la magistrature suprême. Seulement, trois ans après
cette prise de pouvoir pacifique, le nouveau président prit acte de changer l’orientation politique
suivie par le pays jusque-là. Le Cameroun passa alors du libéralisme planifié au libéralisme
communautaire. Nous nous intéressons ici aux circonstances qui menèrent à ce changement de
paradigme, aux fondements idéologiques du libéralisme communautaire, et à la place qu’y
occupèrent les transports.

I. Les circonstances du changement de paradigme politique

Paul Biya avait 49 ans lorsqu’il accédait à la charge suprême. Il était un pur produit du
régime Ahidjo avec lequel il collaborait depuis 20 ans. Lors de la prestation de serment, le
nouveau président camerounais indiquait qu’il plaçait sa magistrature sous le « double signe de
l’engagement et de la fidélité »7 et que son serment, « expression de la fidélité »8, s’inscrivait
« dans le droit fil de celui que, le 5 mai 1980, le président Ahmadou Ahidjo, après tant d’autres
serments, avait prêté »9. Il précisait aussi son engagement à continuer l’œuvre de son
prédécesseur.10

5
Discours de démission radiodiffusé du président Ahmadou Ahidjo, le 4 novembre 1982.
6
Ibid.
7
Discours de prestation de serment du président Paul Biya, le 6 novembre 1982.
8
Ibid.
9
Ibid.
10
Ibid.
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Quant à la fidélité, d’ordre politique, elle était celle à un homme, Ahmadou Ahidjo, celle
à un peuple, le peuple camerounais, celle aux options de l’UNC, parti unique à ce moment de
l’histoire politique du Cameroun. Ces options étaient entre autres : « l’indépendance et l’unité
nationale, la paix, le développement économique, social et culturel à travers [les] choix de
libéralisme planifié, de développement autocentré, de justice sociale et de maîtrise »11.

« La continuité dans le changement »12 semblait être le credo de Paul Biya qui, tout en
déclarant sa fidélité totale à son prédécesseur, réaffirmait sa volonté de changement pour la
population camerounaise. Lors de son discours de première prestation de serment, il énonçait
ainsi un programme de société qui posait d’une part, les jalons d’une moralisation de la vie
publique et d’autre part, le développement de tous les secteurs comme l’éducation, la santé, les
transports, l’urbanisme, etc. En structurant son discours autour des valeurs et du bien-être
social, le nouveau président adaptait son discours aux préoccupations sociales des
Camerounais. D’où la nécessité pour lui de réaffirmer constamment son engagement à servir la
Nation et sa fidélité à la politique économique de son prédécesseur. Lors de son discours devant
l’Assemblée nationale le 17 juin 1983, il disait à ce propos :

Quant à la continuité de notre politique économique, financière, monétaire et sociale, elle se manifeste à
travers le projet de budget pour l’exercice 1983-1984 par le respect de son contenu à l’égard de nos
options traditionnelles et fondamentales qui nous ont permis jusqu’à présent de faire face à la crise, de
maintenir nos grands équilibres et d’enregistrer une croissance soutenue. Il s’agit :

- du libéralisme planifié qui concilie l’initiative privée avec les impératifs de l’intérêt général et permet une
plus grande maîtrise de notre développement ;
- du développement autocentré et auto-entretenu et équilibré qui fait reposer nos actions en priorité sur nos
propres moyens et les oriente vers la satisfaction de nos besoins sur l’ensemble du territoire national ;
- de la révolution verte qui enfin consacre la priorité à l’agriculture dans notre stratégie de développement.13
La démission d’Ahidjo et l’accession de Paul Biya au pouvoir de manière pacifique,
auguraient des lendemains harmonieux au Cameroun. Pourtant, cette idylle politique
commença à connaître quelques fissures, ce d’autant plus que Paul Biya voulut s’affranchir de
son mentor.14 Ainsi, le 18 juin 1983, quelques jours après la fin de sa tournée de prise de contact
à travers le pays, Paul Biya procéda à un remaniement du gouvernement, et limogea
principalement d’anciens collaborateurs et fidèles de son prédécesseur : Victor Ayissi Mvodo,
ministre d’État chargé de l’Administration territoriale ; Sadou Daoudou, secrétaire général de

11
Ibid.
12
Ibid.
13
Paul Biya, discours prononcé devant l’assemblée nationale, le 17 juin 1983. Source : C. Ambomo, « Analyse
d’un discours politique… », 2013, p. 393.
14
Lire J.-F. Bayart, « La société politique camerounaise (1982-1986) », Politique africaine, n° 22, pp. 5-35.
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la présidence de la République ; et Samuel Eboua, ministre d’État chargé de l’Agriculture entre


autres. Une crise institutionnelle s’installa à la tête de l’État.

Le film des événements, dès lors, s’accéléra. Le 22 août [1983], M. Biya annonçait solennellement au
pays la découverte d’un complot. Quelques jours plus tard, M. Ahidjo, installé en France depuis le mois
de juillet, engageait une virulente polémique sur les ondes de RFI. Entre temps, un mouvement, sinon
populaire, du moins estudiantin et « élitaire », avait apporté son soutien au chef de 1’État et le pressait de
se porter candidat à la présidence de l’Union nationale camerounaise, que M. Ahidjo avait conservée et
dont il dut démissionner afin d’éviter l’humiliation d’un limogeage. 15

Cette crise institutionnelle connut un point culminant avec la tentative de putsch du 6


avril 1984.

Après ce coup d’État manqué, l’épilogue de la crise politique se tient à Bamenda, du 21


au 24 mars 1985, où est organisé le Quatrième congrès de l’UNC. Lors de ce congrès, l’UNC
(Union nationale camerounaise) d’Ahidjo devient le RDPC (Rassemblement démocratique du
peuple camerounais) de Biya. Toujours lors de ce congrès, le nouveau président du parti unique
tourne le dos au « libéralisme planifié » pour adopter le « libéralisme communautaire ». Celui
qui se présente comme l’homme du « Renouveau national »16, énonce sa politique en ces
termes :

Notre parti a déjà à maintes reprises affirmé son attachement au libéralisme planifié. La liberté
d’entreprendre, si elle doit être canalisée par un plan assumant l’intérêt général, vu, à n’en pas douter,
dans le sens de la stimulation de l’initiative et de la créativité. Mais la liberté d’entreprendre doit s’exercer
dans un contexte éthique que l’État est chargé de faire respecter. L’État doit être non seulement une force
d’impulsion conduisant la construction nationale et le développement mais encore une force de régulation
capable de maintenir les équilibres nécessaires entre les groupes et les régions et de sauvegarder la justice
entre les catégories sociales.

Car, en effet, le but ultime, je l’ai dit, c’est de construire une société fondée sur la solidarité aussi bien
dans l’effort et les sacrifices que dans les avantages. Seule une telle société est fidèle aux traditions et aux
cultures africaines […].

S’il faut qualifier cette société nouvelle, qui doit favoriser le plein épanouissement de l’homme
camerounais, je la qualifierais de société de libéralisme communautaire parce que, imprégnée de l’esprit
libéral, elle se réchauffe également au foyer ardent du communautarisme africain. J’ai parlé de création
originale “made in Carneroon”. Il nous appartiendra, il appartiendra à notre parti, de continuer, par la
réflexion et l’action à préciser toujours davantage le projet de société ainsi évoqué. 17

Le mobile de ce changement de politique économique semble jusqu’ici être le désaccord


politique entre Paul Biya et son mentor. Mais au-delà, les premiers signes de la crise

15
Ibid, p. 5.
16
Paul Biya, Message des vœux du nouvel an à la Nation et d’ouverture de la campagne électorale, 30 décembre
1983.
17
Paul Biya, rapport de politique générale au 4e Congrès ordinaire de l’UNC, Bamenda, 22 mars 1985.
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économique commençaient à poindre, il fallait donc ajuster la politique économique du pays.


Dès lors, il est nécessaire d’analyser la place des transports dans cette nouvelle politique.

II. Les transports dans l’idéologie du libéralisme communautaire

Dès 1985 donc, le libéralisme communautaire remplaça donc le libéralisme planifié


comme matrice politique au Cameroun. Pour en maîtriser les fondements idéologiques, il faut
principalement se référer à l’ouvrage de Paul Biya, Pour le libéralisme communautaire18. Dans
ce document, le président du RDPC, trace la feuille de route de son parti, alors unique parti au
Cameroun. Cela tient en une trentaine d’objectifs qu’il envisage pour le Cameroun. Nous nous
intéressons à sa vision économique, socle des transports. L’économie tient pour Paul Biya en
neuf objectifs fondamentaux :

- Une économie autocentrée, qui permette aux Camerounais de « conserver la


prérogative de l’initiative dans la marche de l’économie »19 ;
- Une économie au service de la justice sociale, à même de mettre en place « une juste
répartition des fruits de la croissance fondée sur le travail de chacun et le principe de
solidarité »20 ;
- Une économie indépendante, encourageant l’épargne locale et la maîtrise du système
de crédit21 ;
- La modernisation de l’agriculture22 ;
- Le développement des agro-industries23 ;
- Le renforcement de la production énergétique24 ;
Dans ce programme, qui n’est pas sans rappeler celui du libéralisme planifié dont il ne
s’écarte que par le nom, les transports doivent œuvrer à lutter contre l’exode rural :

Pour intéresser les populations à l’exploitation agricole et enrayer l’exode rural qui a privé beaucoup de
nos campagnes de leurs jeunes énergies parties à l’aventure dans les villes, il est impérieux de mettre en
œuvre un programme systématique de désenclavement des campagnes par la construction d’un réseau
routier bitumé, dense et de bonne qualité. Car sans route, les agriculteurs qui rencontrent déjà bien des

18
P. Biya, Pour le libéralisme communautaire, Ed. Pierre-Marcel Favre, Lausanne, Suisse, 1987.
19
Ibid, p. 140.
20
Ibid, p. 141.
21
Ibid.
22
Ibid, pp. 141-142-143
23
Ibid, p. 143.
24
Ibid.
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difficultés pour écouler leurs produits ne sauraient raisonnablement envisager d’étendre leurs
exploitations, c’est-à-dire d’augmenter leur production.25

La première focale fut donc mise sur des transports au service de l’agriculture. En plus,
les transports devaient permettre aux Camerounais de connaître le Cameroun et aider au
tourisme de masse.26 Malheureusement, ces idées se heurtèrent à une crise économique dont les
premiers signes se firent sentir dès 1986.

En effet, les finances du pays se dégradèrent considérablement, sans que le Cameroun


ne prît des mesures pour remédier à cette situation de crise. Il essaya quand même de supporter
son économie creusant les déficits publics et en faisant le pari d’une éventuelle embellie
prochaine. C’est bien plus tard, quand l’État n’arriva plus à payer ses fonctionnaires, qu’il
décida d’adopter des mesures de restrictions budgétaires, avec le mécontentement social que
ces mesures entraînèrent. À partir de cette période qui couvrit l’année 1987-1988, toute une
série de mesures furent mises en œuvre pour redresser l’économie et les finances.

B. La crise économique au Cameroun à partir de 1987 et les PAS

Jusqu’en 1985, la situation économique du Cameroun restait viable, malgré les


soubresauts négatifs de l’économie mondiale. Ces derniers contraignirent plusieurs pays du
monde et d’Afrique aux PAS dès la fin des années 1970. La situation du Cameroun se détériora
dans le tournant des années 1985-1987. Il faut donc en comprendre les causes, et la principale
conséquence, les PAS.

I. Les causes de la crise économique au Cameroun

Durant les trois (3) premières années du régime Biya (1982-1985), le Cameroun
enregistrait des performances économiques encourageantes, malgré un léger ralentissement.
Les perspectives étaient mêmes plutôt encourageantes :

Ainsi, sur le plan économique, en dépit de la crise mondiale persistante, caractérisée par la stagnation,
l’inflation, les désordres monétaires, la chute vertigineuse des prix des matières premières et la montée
du protectionnisme, notre économie aura poursuivi son rythme de croissance. […] De même
l’augmentation et l’équilibre du budget 1982-1983, la revalorisation des salaires, le taux de croissance
maintenu à 6 % environ, constituent-ils des signes évidents de la bonne santé de notre économie. […]
S’agissant des infrastructures, il y a tout lieu de se féliciter de l’état d’avancement satisfaisant de nos
programmes des grands axes, notamment le réalignement du chemin de fer Douala-Yaoundé, et la

25
Ibid, p. 142.
26
Ibid, p. 145.
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réalisation des axes lourds Yaoundé-Bafoussam dont le premier tronçon Yaoundé-Bafia est entré en
service la semaine dernière.27

Les années 1985 et 1986 marquèrent la fin de la période faste pour l’économie
camerounaise et le début de la récession. Entre 1984/85 et 1985/86, les termes de l’échange
s’effondrèrent, entraînant le pays dans une crise économique profonde. En monnaie nationale,
le prix du pétrole perdit 42,1 %. Ce fut la conséquence d’un double mouvement d’appréciation
de taux de change nominal F CFA/US $28 et de la chute des prix du pétrole exprimés en dollars
sur le marché mondial.29

L’année suivante, en 1986/87, le prix des exportations connut un nouveau déclin de


27,8%. Mais cette fois la régression fut généralisée. On enregistra -38,6 % pour le pétrole,
-44,8% pour les produits raffinés, -31,3 % pour les services marchands et -16,6 % pour
l’agriculture d’exportation. Compte tenu de la structure des exportations camerounaises (les
biens manufacturés ne représentaient que 5 % des exportations) et de la moindre dérive des prix
d’importation, les termes de l’échange30 accusaient une première contraction de 24,5% en
1985/86 et de 19,1 % l’année suivante31.

Ce choc externe, subi par le Cameroun provoqua une série de répercussions en chaîne,
néfastes pour l’économie du pays à cause d’une part, du fait que le pays est price taker32 sur

27
Paul Biya, Message des vœux de nouvel an à la Nation, le 31 décembre 1982.
28
Le « taux de change nominal » est le taux auquel un individu peut échanger la monnaie d’un pays contre celle
d’un autre (prix relatif de deux monnaies). Or, si le taux de change du F CFA par rapport au Dollar augmente, cela
signifie que le Dollar « se déprécie » (car il en faut plus pour faire 1 FCFA) et que le FCFA « s’apprécie ». Dans
le cas du contre-choc pétrolier de 1986, le Dollar se déprécie face au FCFA. Tous les échanges des matières
premières, dont le pétrole, sont pourtant effectués en Dollar.
29
« Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979 et l’envolée du prix du baril, la surproduction de pétrole due au
ralentissement de l’économie a entrainé une baisse brutale du prix du brut dans la première moitié des années
1980. Cette période, souvent qualifiée de « Contre-choc pétrolier » a vu le prix du baril de pétrole atteindre un
minimum de 10 dollars en 1986. Cette baisse est le résultat d'un accord politique entre les États-Unis et l'Arabie
saoudite, visant à augmenter la production de pétrole, en vue de satisfaire les besoins occidentaux en énergie.
D'autres considérations géopolitiques étaient également prises en compte : la baisse des prix du pétrole entraînerait
avec elle la diminution des revenus de l’Union soviétique, à l’époque fortement exportatrice de pétrole,
l’empêchant d’entretenir les pays satellites du bloc communiste. » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Contre-
choc_p%C3%A9trolier, consulté le 31/01/2019 à 15h48).
30
« En économie internationale, les termes de l’échange désignent le pouvoir d’achat de biens et services importés
qu’un pays détient grâce à ses exportations. L’indice des termes de l’échange le plus courant mesure le rapport
entre les prix des exportations et les prix des importations. Une augmentation de cet indice correspond à une
amélioration des termes de l’échange : par exemple, un pays vend plus cher ses exportations pour un prix à
l’importation constant. Inversement, une diminution de l’indice correspond à une dégradation des termes de
l’échange. » (https://fr.wikipedia.org/wiki/Termes_de_l%27%C3%A9change, consulté le 31/01/2019 16h04).
31
Pour les différentes données statistiques citées dans cette sous-partie, lire F. Roubaud, Cameroun : évolution
économique…, 1991.
32
Un « preneur de prix » (en anglais price taker) est un agent économique qui accepte les prix qui apparaissent
sur le marché concurrentiel, sans intervenir dans leur fixation.
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l’ensemble de ses produits d’exportation, et d’autre part, de la gestion du taux de change, réglé
par les conventions régissant la zone franc. L’impact de la baisse des recettes d’exportation se
fit immédiatement sentir sur la balance courante, et avec un an de décalage sur les finances
publiques. En 1985/86, la balance commerciale se réduisit mais resta positive, alors que la
balance courante connut son premier déficit depuis 1982 (-217 milliards de FCFA). Malgré un
apport net de capitaux à court terme rapatriés de l’étranger, la balance de base devint
irrémédiablement négative dès 1986/87, entraînant le pays dans le cercle vicieux de
l’endettement externe, malgré l’effort d’ajustement des finances publiques.

Du côté des finances publiques en effet, le gouvernement réussit donc à limiter l’impact
de la perte des termes de l’échange en 85/86, grâce au rapatriement de comptes pétroliers hors
budget, placés à l’étranger. Mais cette manne s’épuisa rapidement, et un déficit de 7,5 % du
PIB apparut en 1986/87. En 1989/90 le déficit public ne put être résorbé (7,4% PIB), malgré
des politiques sévères de restriction budgétaire mises en œuvre à partir de l’exercice 1987/88.

Les principaux rouages de l’économie camerounaise furent déréglés par ces chocs
externes, entraînant une récession brutale dans la plupart des secteurs productifs. En particulier,
on observa une quasi-faillite du système bancaire « formel » très dépendant des créances
accordées au secteur public, qui accumula sur la période un important montant d’arriérés de
paiements. Ce qui, en retour, plaça l’économie en situation d’illiquidité.33

L’assèchement de l’épargne a mécaniquement réduit la capacité d’investissement. Les programmes de


développement inscrit au sixième plan quinquennal et notamment les importants projets d’investissement
public ont été ainsi stoppés. Le Cameroun a durant cette période enregistré les taux d’investissement les
plus bas de son histoire, passant sous la barre de 20% dès 1984 jusqu’à un triste record en 1992 à 14%.
Le taux d’investissement public, qui progressait d’environ 5 points tous les 4 ans entre 1970 et 1983,
amorce son déclin en 1987 passant de plus de 21% à cette période à 2% en 1996. L’investissement privé,
passe quant à lui de 13% du PIB en 1987 à 8,6% du PIB en 1993, tout en représentant 80% de la formation
brute du capital fixe total du fait de la débâcle de l’investissement public. 34

En résumé, avant 1985, le Cameroun faisait figure de modèle économique africain et


semblait promis à un développement économique et social certain. Alors que les finances
publiques connaissaient un déficit de 7 milliards de FCFA en 1980/81, celui-ci passait à 230
milliards en 1985/86. « Ce sont des deux années qui marquent véritablement le début de la crise

33
F. Roubaud, « Le « modèle » de développement camerounais… », 1994, p. 18.
34
N. A. Ndikeu Njoya, « Corruption et croissance économique au Cameroun : de l’effet direct et des effets indirects
à travers la répartition des dépenses publiques », Thèse de Doctorat en Économies et finances, Université Rennes
1 et Université de Yaoundé II, 2017, p. 101.
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économique car durant la première moitié des années 80 diverses performances économiques
parviennent à masquer les faiblesses de l’économie et des finances camerounaise. »35

La forte dégradation du tissu économique du Cameroun obligea donc les décideurs du


Cameroun à solliciter le concours des institutions de Breton Woods en 1987. Ce fut le
démarrage des Plans d’ajustement structurel en septembre 1988, la mise sous perfusion de
l’économie et l’officialisation du contrôle des interventions de l’État par le FMI et la Banque
Mondiale.

II. Les Programmes d’ajustement structurel au Cameroun comme conséquences


de la crise économique entre 1988 et 1995

Cette sous-section a pour objectif d’aborder l’historique des PAS au Cameroun. En


effet, bien avant que ce pays ne s’y engage, ce programme rassemblait déjà une grande partie
des pays en développement. Il est donc nécessaire d’en comprendre les contours, la définition
et les caractéristiques. Dans leur application, les PAS obéissent quasiment aux mêmes
principes. Cependant, les modalités par pays sont à prendre en compte. Ainsi, nous analysons
leur implémentation au Cameroun, et surtout leur impact dans le sous-secteur des transports.

1. Historique des Programmes d’ajustement structurel

La notion d’ajustement structurel, appliquée aux pays sous-développés, était étroitement


liée à la spirale de l’endettement international, ainsi qu’à la crise de paiement qui s’en suivit au
début des années 1980. Limité, au départ, à certains pays d’Amérique latine, le phénomène de
cessation de paiement se généralisa pour toucher plusieurs pays producteurs de pétrole,
notamment après le contrechoc pétrolier de 1986. Face à l’ampleur du phénomène
d’insolvabilité, les bailleurs de fonds internationaux, notamment le FMI et la Banque Mondiale,
décidèrent d’exiger des pays emprunteurs de s’engager à prendre des mesures économiques et
financières radicales, pour parvenir à dégager des excédents financiers et rembourser leur dette
extérieure. Ces mesures furent consignées dans des programmes annuels ou pluriannuels
appelés « Plans d’Ajustement Structurel » (PAS).

Dans son acception la plus large, l’ajustement d’une économie nationale désigne la nécessité de corriger
ses déséquilibres financiers et monétaires externes et internes qui entretiennent généralement un fort
endettement extérieur, c’est-à-dire le déficit de la balance des comptes courants, le déficit du budget de
l’État et l’inflation. À ce titre, l’ajustement est une nécessité évidente qui s’impose à tout pays et à tout

35
C. Ambomo, « Analyse d’un discours politique… », 2013, p. 37.
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État dont les dépenses sont supérieures aux gains, et pas seulement dans le Tiers Monde. D’ailleurs, si les
politiques d’ajustement se sont généralisées dans le Tiers Monde au cours des années 1980, nombre de
pays socialistes fortement endettés en ont aussi fait l’expérience. De même, l’histoire récente a montré
que les pays de capitalisme avancé connaissent eux aussi la contrainte de l’équilibre extérieur. Seuls les
États-Unis font exception, dans la mesure où le dollar est la monnaie internationale par excellence et que
rien ne les oblige dans les conditions actuelles à rééquilibrer leur balance des paiements et leur budget.
C’est pourquoi les États-Unis qui sont le pays le plus endetté au monde échappent à la nécessité de
l’ajustement structurel.36

Après un début d’application limité, les PAS prirent un essor particulier au début des
années 1990. En effet, l’effondrement de l’URSS et la chute du Mur de Berlin conférèrent aux
Institutions Financières Internationales (IFI) le statut de « parrain » de la transition vers le
marché. La thérapie de choc, issue du Consensus de Washington, fut partout imposée au début
des années 1990, comme un « mal nécessaire » pour réussir la transition vers le marché.

John Williamson37 explique en dix points, les principes fondateurs du Consensus de


Washington :

1. Austérité budgétaire : l’équilibre budgétaire doit être atteint à moyen terme. Des déficits
budgétaires trop importants sont source d’inflation, de crises de la balance des
paiements et de volatilité des capitaux. Le retour à l’équilibre budgétaire vise à limiter
l’endettement de l’État afin que le remboursement de la dette publique interne ne se
substitue pas à celui de la dette publique externe.
2. Action sur les dépenses publiques par une réduction des subventions : la recherche de
l’équilibre budgétaire et le désengagement de l’État commandent de réduire les
dépenses publiques plutôt que d’accroître la pression fiscale. Il convient alors, selon
Williamson, de réduire les subventions afin de réorienter les dépenses publiques vers
l’éducation, la santé et les investissements d’infrastructure.
3. Action sur les taux d’intérêt par l’intermédiaire d’une politique monétaire orthodoxe :
les taux d’intérêt doivent être déterminés par le marché et les taux réels doivent être
positifs et modérés afin de pouvoir attirer les capitaux internationaux, nécessaires au
financement du développement, sans compromettre l’investissement et le
remboursement de la dette publique.

36
F. Yachir, « L’Ajustement structurel dans le Tiers Monde », Afrique et Développement, Vol. 16, no1, 1991, pp.
165-166.
37
J. Williamson, « What Washington means by policy reform », in Williamson J. (éd.), Latin America adjustment:
how much has happened ? Washington, Institute for International Economics, 1990, en ligne, URL :
https://piie.com/commentary/speeches-papers/what-washington-means-policy-reform, consulté le 1er/02/2019 à
17h13.
P a g e | 239

4. Taux de change compétitifs : l’objectif est de favoriser les exportations, donc la


croissance, tout en maintenant le déficit de la balance des transactions courantes à un
niveau qui peut durablement être financé. Pour cela, il convient de dévaluer la monnaie
(dans un régime de changes fixes) ou de la laisser se déprécier (dans un régime de
changes flexibles). Ce mouvement doit cependant être modéré afin de ne pas engendrer
de pressions inflationnistes qui freineraient l’investissement.
5. Libéralisation : dans sa version initiale, le Consensus de Washington envisage
simplement, dans une logique de promotion des exportations, de libéraliser les échanges
commerciaux. Il s’agit de limiter, voire de supprimer, les barrières tarifaires et non
tarifaires.
6. Compétitivité : si la libéralisation totale des mouvements de capitaux n’est pas une
priorité pour Williamson, l’existence de barrières freinant l’entrée des investissements
directs étrangers (IDE) doit cependant être combattue. Ces restrictions sont vues comme
des mesures favorisant un nationalisme économique qui est condamné.
7. Privatisation : il existe un large consensus sur ce point. La privatisation est nécessaire
car les entreprises privées sont supposées être mieux gérées que leurs homologues
publiques :
However, the main rationale for privatization is the belief that private industry is managed more
efficiently than state enterprises, because of the more direct incentives faced by a manager who either
has a direct personal stake in the profits of an enterprise or else is accountable to those who do. At the
very least, the threat of bankruptcy places a floor under the inefficiency of private enterprises, whereas
many state enterprises seem to have unlimited access to subsidies. This belief in the superior efficiency
of the private sector has long been an article of faith in Washington.38

Ces mesures, adoptées officiellement en 1985 avec le plan Baker39, visent en outre à
restaurer l’équilibre budgétaire et réduire l’investissement public, donc le poids de
l’État. Pourtant, Williamson ne semble pas totalement convaincu et considère que dans
certains cas (transports publics ou gestion de l’eau par exemple) de telles privatisations
sont inappropriées.

38
Ibid.
39
Le « Plan Baker », du nom du secrétaire américain au Trésor, a été lancé en octobre 1985 à Séoul, il consistait
à renforcer le financement bancaire des pays fortement endettés. Cette initiative ne concernait en fait que les dettes
bilatérales des pays lourdement endettés et donc n’impliquait à première vue, que les créanciers publics. Le plan
comporte trois volets principaux à savoir : l’application de l’économie de l’offre ; renforcer la coopération avec le
FMI et la Banque mondiale ; accroître les crédits bancaires à destination des pays fortement endettés (J. B.
Rakotomalala, « Le FMI et la crise financière internationale…», 2004, p. 72).
P a g e | 240

8. Déréglementation : l’expérience américaine, initiée par l’administration Carter et


approfondie par l’administration Reagan, ayant été jugée positive, on souhaitait la
transposer aux pays en développement sans tenir compte de leurs spécificités. Dès lors,
l’objectif était d’abolir, ou à défaut de réduire, les barrières à l’entrée et à la sortie des
marchés, donc d’éliminer les règles qui freinaient l’initiative économique et la libre
concurrence.
9. Réforme fiscale : l’objectif est double. Il s’agit d’accroître le nombre de contribuables
en élargissant l’assiette fiscale par l’intermédiaire d’une généralisation de la TVA et de
réduire les taux d’imposition marginaux.
10. Droits de propriété : il s’agit de renforcer les droits de propriété afin de promouvoir la
création privée de richesses et de permettre au secteur informel d’obtenir ces droits à
des coûts acceptables.

2. Les caractéristiques des PAS au Cameroun

L’avènement des Plans d’ajustement structurel furent le début de la paupérisation des


populations. En effet, à la suite des différentes tensions de trésorerie, des moyens d’intervention
limités de l’État du Cameroun, de l’impossibilité des dirigeants de ce pays à honorer les
engagements nationaux et internationaux et surtout du poids faramineux de la dette intérieure
et extérieure, le gouvernement de la République entreprit, à partir de 1987, une collaboration
directe avec les IBW. Celle-ci visait le redressement financier de l’État, la restauration de
l’équilibre budgétaire, condition sine qua non au paiement de la dette du pays et l’amélioration
de la crédibilité extérieure et de la cote de crédit du Cameroun. Tous ces objectifs devaient
permettre à l’État du Cameroun d’envisager de nouveaux moyens pour mettre en œuvre ses
politiques publiques et répondre aux besoins des populations.

Selon les experts du FMI, le poids de la dette et des autres charges récurrentes de cet
État étaient de grandes contraintes au développement du pays. La collaboration avec cette
institution de Bretton Woods avait permis aux dirigeants du pays d’appliquer une politique
d’ajustement afin d’obtenir les crédits qui permettaient aux États sous ajustement structurel, de
mener à terme des réformes négociées entre le gouvernement et cette institution. Ces crédits
étaient appelés « facilités d’ajustement structurel et [concernaient] les prêts d’ajustement
P a g e | 241

structurel et les prêts d’ajustement sectoriel »40. Ces réformes étaient déclinées en programmes
économiques. Cinq points avaient été ciblés dans le but de consolider la nouvelle mission de
prévention des crises financières41.

Il s’agissait de :

- renforcer les systèmes financiers nationaux et internationaux ;


- intensifier la surveillance du FMI ;
- promouvoir une diffusion beaucoup plus large de données transparentes sur la situation
et la politique économiques des pays membres ;
- mettre en évidence le rôle central du FMI dans la gestion des crises ;
- faire participer davantage le secteur privé à la prévention ou à la solution des crises
financières.
Ainsi, les structures opérationnelles du FMI devenaient les principaux organes
décisionnaires du Cameroun. L’État sous ajustement se départissait, de facto, de certaines de
ses prérogatives institutionnelles et stratégiques et perdait ainsi une grande partie de sa
souveraineté au détriment du FMI. Les politiques économiques et d’austérité s’appuyaient
uniquement sur les réalités macroéconomiques.

C’est dans cette logique que s’inscrivaient les réformes suivantes appliquées au
Cameroun dès l’avènement des PAS :

- la réforme fiscale et douanière visant l’augmentation des recettes fiscales et


l’amélioration des performances de recouvrement des impôts et taxes ;
- le désengagement de l’État du secteur productif par la privatisation des entreprises
publiques et parapubliques ;
- l’instauration d’une gestion rigoureuse et transparente dans les entreprises ayant des
missions stratégiques et de services publics maintenues dans le portefeuille de l’État du
Cameroun ;
- l’amélioration de la rentabilité financière des entreprises publiques et parapubliques par
la signature des contrats de performance exigeant des best-practices en matière de
gestion financière et budgétaire et la fin des subventions de l’État aux dites entreprises ;

40
FMI, « Rapport annuel 1998 », 1998, en ligne, URL : https://www.imf.org/~/media/Websites/IMF/imported-
flagship-issues/external/pubs/ft/ar/98/f/pdf/_file04fpdf.ashx, consulté le 01/02/2019 à 18h23.
41
Ibid, p. 53.
P a g e | 242

- l’assainissement du secteur financier et bancaire pour relancer le financement à moyen


et long terme des activités du secteur privé par les institutions financières nationales ;
- la réforme de la fonction publique camerounaise dans le but d’assainir le secteur public
et, partant, d’alléger et de maîtriser les effectifs des agents publics et de ramener la
masse salariale à un seuil abordable ;
- la réforme du système judiciaire pour lutter contre l’impunité, la corruption et
promouvoir la transparence et la gouvernance dans la gestion des affaires publiques ;
- la libéralisation du paysage économique national avec comme objectif avoué de rendre
plus compétitif le secteur privé et de mettre à la disposition des populations, à des coûts
accessibles, des produits de premières nécessités ;
- le ciblage des secteurs prioritaires (éducation, santé et infrastructures) afin d’y consacrer
les investissements publics, de lutter contre le saupoudrage dans l’affectation des
ressources budgétaires devenues très rares et de relancer l’économie nationale.
Toutes ces mesures draconiennes avaient pour objectif final, la maîtrise des dépenses de
l’État, la rationalisation des interventions publiques, l’amélioration du service de la dette et la
reconquête de la crédibilité perdue du pays sur la scène nationale et internationale. Dans le
cadre de ce programme de relance économique, le Gouvernement camerounais adoptait donc
un nouveau programme de réforme au niveau des politiques, des institutions et des allocations
des ressources, pour restaurer la compétitivité de l’économie et, ainsi inverser son déclin et
celui de la paupérisation, rétablir les équilibres macro-économiques intra-sectoriels et financiers
et sortir de la crise économique que connaissait le pays. Ce programme reconnaissait la place
primordiale des transports dans la relance de l’économie, et surtout la nécessité de restructurer
ce sous-secteur de l’économie.

3. La Déclaration de stratégie de développement et de relance économique


(DSDRE) dès 1988

L’une des causes de la crise économique au Cameroun était l’omniprésence de l’État


dans l’appareil administratif et économique, et les aspirations populaires en faveur d’une société
P a g e | 243

démocratique, forçaient le gouvernement à adopter des reformes structurelles, sous l’égide, des
IBW.

En mars 1988, le Gouvernement camerounais publiait la « Déclaration de stratégie de


développement et de relance économique »42. Cette déclaration, qui se référait au programme
d’ajustement structurel, explicitait la stratégie à suivre en vue de mettre de l’ordre dans
l’appareil administratif et économique du pays, pour que la lutte contre la pauvreté soit menée
dans de meilleures conditions et aboutisse à des résultats probants.

La DSDRE mentionnait en six (6) volets la stratégie de reprise économique adoptée par
le gouvernement : la stabilisation des finances publiques ; la rationalisation de la gestion du
secteur public et parapublic ; la restructuration du secteur bancaire ; la relance des activités
économiques ; l’attention à apporter à la dimension sociale de l’ajustement et, l’ajustement
externe.

 La stabilisation des finances publiques

Les actions envisagées dans ce volet consistaient à : maitriser les dépenses de l’État,
restructurer les dépenses budgétaires, rationaliser le choix des investissements publics,
restructurer et augmenter les recettes budgétaires. L’objectif était de réduire le déficit à des
proportions raisonnables et acceptables. Ainsi, le gouvernement avait entrepris, pour stabiliser
les finances publiques, de geler des salaires et des effets financiers relatifs aux avancements
dans la fonction publique ; de baisser les éléments de rémunération de certaines catégories des
personnels de l’État ; et de créer de nouvelles taxes dès 1991.

 La rationalisation de la gestion du secteur public et parapublic

Ce volet envisageait de reformer la fonction publique et de réhabiliter les entreprises


publiques et parapubliques43 ; de réduire les effectifs de la fonction publique ; de signer divers
contrats de performance entre les entreprises et l’État ; de privatiser et liquider certaines
entreprises publiques et/ou parapubliques. L’objectif était la rationalisation de la gestion du
secteur public et parapublic.

 Restructuration du secteur bancaire et relance des activités économiques

42
République du Cameroun, Déclaration de stratégie de développement et de relance économique, Yaoundé,
Imprimerie nationale, 1988.
43
Lire République du Cameroun, Note de synthèse de la mission de réhabilitation des entreprises du secteur public
et parapublic. Rapport provisoire, Yaoundé, Imprimerie nationale, 1988.
P a g e | 244

Deux mots étaient au centre de ce volet : libéralisation et dérèglementation. À cet égard,


de nouveaux textes législatifs et règlementaires avaient été adoptés. La libéralisation et la
privatisation ont donc été appliquées dans des domaines variés de l’économie nationale, et
logiquement dans les transports.

 Ajustement externe
La stratégie consistait à abandonner la politique protectionniste d’import-substitution
adoptée par le Cameroun depuis 1960. La libéralisation devait s’appliquer tant au niveau
national qu’au niveau sons-régional. Au niveau national, le commerce extérieur camerounais
devait être libéralisé à travers le Programme général des échanges (PGE), tandis qu’au niveau
sons-régional, la libéralisation devait être menée dans le cadre du Programme régional de
réforme (PRR) de l’UDEAC.

Suite à la DSDRE, le Cameroun avait mis en application une batterie de réformes


structurelles en général, et dans le secteur des transports en particulier. De fait, l’objectif évident
des PAS était celui de la lutte contre la pauvreté. Plus tard en décembre 1998, comme nous le
verrons dans le chapitre suivant, la détermination du Cameroun à lutter contre la pauvreté se
manifestait à travers une Déclaration de stratégie de lutte contre la pauvreté (DSLP), dans
laquelle les transports avaient une place plus importante.

C. Une évaluation de la politique des transports au Cameroun entre 1985 et


1995

Globalement, le secteur des transports au Cameroun n’était pas productif en 1995. Un


premier bilan s’impose au niveau du nombre de personnes employées :

Sept entreprises publiques étaient sous la juridiction du ministère des transports : la


CAMAIR, avec 1600 employés ; la REGIFERCAM, avec 4000 employés ; la SOTUC avec
1050 employés, opérant sur des lignes de bus à Yaoundé et Douala ; la CAMSHIP, avec 280
employés ; la CAMTAINER avec 200 employés ; l’ONPC avec 1000 employés, chargés de la
gestion des ports ; le CNCC, avec 130 employés. Deux autres entreprises sous la tutelle du
ministère des travaux publics intervenaient dans la chaîne des transports : le MATGENIE, avec
P a g e | 245

400 employés, et le LABOGENIE avec 530 employés, dont la mission était de contrôler les
normes et les standards des routes.44

Le bilan de la dette intérieure de ces entreprises se résume dans le tableau suivant :

Tableau n° 7 : Les dettes des entreprises publiques des transports au Cameroun


en 1994 (en milliards de FCFA)

Source: The World Bank, Technical annex to the memorandum and recommendation (report no P-6559-CM)
on a proposed credit in the amount equivalent to SDR 6.9 million to the Republic of Cameroon for a transport
sector technical assistance project, report no. T-6559-CM, March 23, 1995a, p. 6.

Pour toutes ces entreprises, la restructuration était un impératif économique. Ce tableau


présente juste la dette à court terme. Le mal était bien plus profond et concernait le mode de
gestion de ces entreprises. Pour ce qui était de la CAMAIR par exemple, la Banque mondiale
affirmait que :

Financial and operational management is poor and lacks transparency. Fraud is widespread. The
company is overstaffed by about 800 employees. CAMAIR operates one B-747, and three short haul
carriers (B-737) for regional and domestic flights. […] Several attempts to restructure the company failed
because the Government interfered with management, in particular with respect to staffing decision. The
company maintains the presidential fleet without being paid for the service, and civil servants use
CAMAIR without the Government paying for all tickets.45

Les dettes extérieures de ces entreprises finissaient d’en dresser le tableau financier
désastreux. Pour ce qui est de la REGIFERCAM, sa dette à long terme s’élevait à environ 75
million de Dollars US au 30 juin 1994 ; en 1993/94, la CAMAIR avait une dette extérieure
estimée à 78 millions de Dollars US, avec des arriérés de près de 55 millions de Dollars US46.

44
The World Bank, Technical annex to the memorandum and recommendation (report n o P-6559-CM) on a
proposed credit in the amount equivalent to SDR 6.9 million to the Republic of Cameroon for a transport sector
technical assistance project, report no. T-6559-CM, March 23, 1995a, p. 6.
45
Ibid.
46
Ibid.
P a g e | 246

La SOTUC, avec 229 bus (107 à Yaoundé et 122 à Douala), n’avait plus fait de profit
depuis 1988. En 1994, seule la moitié des bus étaient opérationnels, et ce nombre ne cessait de
diminuer du fait du manque d’entretien. Durant l’année budgétaire 1993, la SOTUC avait
enregistré des pertes de 7 millions de Dollars US. Au 30 juin 1993, sa valeur négative était
estimée à 56 millions de Dollars US, pour un capital de 12 millions de Dollars US. Ses arriérés
auprès des banques, des employés, des fournisseurs, de la Trésorerie, de la sécurité sociale,
s’élevait à 45 millions de Dollars US.47 Là encore, la politique gouvernementale n’est pas
exempte de reproche :

The Government’s policy of maintaining a high number of staff, insisting on operating uneconomic routes,
and setting preferential tariffs for certain segments of the population has been the principal cause of
SOTUC’s failure. It would have cost the State about US$7 million annually to continue operating SOTUC
over the next few years. A performance contract signed under the SAL was never implemented. In 1994,
because salaries had not been paid for more than one year, the company had been de facto taken over by
its employees who ran the buses for their own account. 48

Il apparaît que le principal problème des transports au Cameroun était la gouvernance.


L’État providence ne pouvait plus fonctionner dans une situation de diminution de ressources.
Les décideurs n’avaient pas anticipé sur cette situation de déficit. Pratiquement tous les secteurs
des transports étaient endettés. Pour autant, les réformes engagées par les PAS méritent-ils un
blanc-seing ?

Le bilan des initiatives des institutions financières de Bretton Woods est le constat d’un
échec de ces réformes libérales recommandées dès 1989 au Cameroun. Les PAS sont
notamment taxés de négligence dans les domaines humains, sociaux, culturels et
environnementaux. Au lieu de rattraper le retard de modernité et de développement accusé par
les pays sous ajustement structurel, les mesures de stabilité économique et structurelles ont
plutôt ensemencé la pauvreté et la misère dans les pays ayant sollicité le concours du FMI et de
la Banque Mondiale.49 En effet, les solutions préconisées ne cadraient pas avec les réalités
sociales, culturelles et environnementales des pays sous ajustement. Des solutions exogènes,
identiques, clés en main et passe-partout, basées sur les vertus du marché, sur l’apologie de
l’initiative privée et sur la fin de l’État interventionniste avec la remise en cause de celui-ci dans
l’économie furent appliquées à tous les pays du Sud sous ajustement structurel. Malgré tout, les

47
Ibid.
48
Ibid.
49
Lire A. Valette, « L’évaluation des programmes d’ajustement structurel (PAS) : quelques repères sur les outils
et méthodes », in G. Courade, Le village camerounais à l’heure de l’ajustement, Paris, Éditions Karthala, 1994,
pp. 138-147.
P a g e | 247

institutions financières internationales soutiennent avec acharnement depuis les années 1980,
l’idée que la mise en œuvre des politiques économiques libérales du consensus de Washington
améliore la situation économique et sociale des pays concernés.

Xavier Sala-i-Martin affirme que la pauvreté et les inégalités ont été largement réduites
au cours de la décennie 1990, mais doit cependant reconnaître que les résultats positifs
enregistrés en matière de pauvreté se limitent à l’Asie et que la pauvreté n’a pas diminué en
Amérique latine et a même explosé en Afrique :

Asia is a great success, especially after 1980. Latin America reduced poverty substantially in the 1970s
but progress stopped in the 1980s and 1990s. The worst performer was Africa, where poverty rates
increased substantially over the last thirty years: the number of $1/day poor in Africa increased by 175
million between 1970 and 1998, and the number of $2/day poor increased by 227. Africa hosted 11% of
the world’s poor in 1960. It hosted 66% of them in 1998.50

Dans le même sens, William Easterly conclut que les politiques menées dans les années
1980 et 1990 ont conduit à la stagnation des pays en développement. Le titre de son rapport est
fort évocateur à propos : « The Lost Decades: Developing Countries’ Stagnation in Spite of
Policy Reform 1980-1998 »51. Dans son analyse de la mondialisation, Branko Milanovic note
pour sa part que, durant les deux dernières décennies (entre 1980 et 2000), la croissance a ralenti
et les inégalités entre pays, qui avaient été légèrement réduites dans les années 1960-1970, ont
très nettement augmenté. Il constate même que les PED qui ont le mieux réussi, notamment la
Chine, sont souvent ceux qui se sont écartés des prescriptions des IFI.52

François Bourguignon et Christian Morrisson, considèrent que les inégalités entre pays
sont restées stables au cours du dernier demi-siècle, mais que l’accroissement de la pauvreté
dans certaines régions du globe demeure très préoccupant.

In the long run, however, the increase in inequality across countries was the leading- factor in the
evolution of the world distribution of income. The burst of world income inequality now seems to be over.
There is comparatively little difference between the world distribution today and in 1950. This does not
mean that the distribution has become stable or that a convergence analogous to that witnessed among
European countries and their offshoots in the early 20th century is beginning to take place on a world

50
X. Sala-i-Martin, « The World Distribution of Income », NBER Working Paper Series, n°8933, 2002, en ligne,
URL: http://papers.nber.org/papers/w8933.pdf, consulté le 06/02/2019 à 18h56.
51
W. Easterly, « The Lost Decades: Explaining Developing Countries’ Stagnation in Spite of Policy Reform 1980-
1998 », Journal of Economic Growth, vol.6, n°2, 2001. En ligne URL:
http://siteresources.worldbank.org/DEC/Resources/27272_The_Lost_Decades.pdf, consulté le 06/02/2019 à
19h15.
52
B. Milanovic, « The Two Faces of Globalization: Against Globalization as We Know it », World Development,
vol. 31, n°4, 2003, pp. 667-683. En ligne, URL: https://www.gc.cuny.edu/CUNY_GC/media/CUNY-Graduate-
Center/PDF/Centers/LIS/Milanovic/papers/2003/world_devt.pdf, consulté le 06/02/2019 à 20h24.
P a g e | 248

scale. On the contrary. The increasing concentration of world poverty in some regions of the world is
worrying.53

Nous pouvons donc résumer les critiques émises à l’endroit des PAS sous trois angles54 :

- Tout d’abord la critique scientifique : il faut relever ici, en mettant en lumière


les incohérences et l’inconsistance analytique de politiques fondées sur les
prémisses de la vulgate néoclassique la plus basique (notamment dans son biais
anti-État), aujourd’hui totalement dépassée ;
- Ensuite, au nom du principe de réalité, en établissant le lien direct entre les
mesures imposées par les IBW et leurs résultats destructeurs sur le terrain, en
particulier à propos de la crise asiatique et de la gestion de la transition à l’Est
qui semblent avoir pesé lourdement sur sa propre prise de conscience de
l’impasse. Dans un cas (libéralisation versus régulation financière) comme dans
l’autre (thérapie de choc versus gradualisme), les politiques du consensus de
Washington ont aggravé les problèmes, les pays qui ont résisté aux injonctions
du FMI ayant systématiquement mieux réussi que ceux qui s’y sont pliés
(Malaisie, Corée du Sud contre Thaïlande ou Indonésie, Pologne contre
Tchéquie ou Russie) ;
- Enfin, la critique politique : ces stratégies ont été mises en œuvre non dans
l’intérêt des populations des pays qu’elles avaient vocation à soulager, au
premier rang desquels les États-Unis, et les IFI.
À ce propos, Paul Biya, tenait ce discours devant le corps diplomatique le 6 janvier 1995
pour ses vœux de nouvel an :

Il est désormais admis par tous que l’impératif du développement est une priorité au même titre que
l’impératif de paix. L’un ne va pas sans l’autre.
Comment, dès lors, ne pas s’alarmer de la stagnation, voire de la régression des économies des pays du
Tiers-Monde et, en particulier, des pays d’Afrique ?
Tandis que les pays du Nord retrouvent peu à peu le chemin de la croissance, qu’ils contiennent
l’inflation, ceux du Sud continuent de ployer sous le poids de la dette, de pâtir de la détérioration
persistante des termes de l’échange et constatent que les transferts de ressources se font à leur détriment.
Rien d’étonnant alors que nos pays se débattent dans une grande pauvreté en dépit des sacrifices consentis.
Il convient alors de poser la question :
La mondialisation des économies, l’organisation du commerce mondial, l’aide au développement, telles
qu’elles sont envisagées actuellement, prennent-elles suffisamment en compte les problèmes de
l’Afrique ?

53
F. Bourguignon et al, « Inequality Among World Citizens: 1820-1992 », The American Economic Review, vol.
92, n°4, 2002, p. 742.
54
Ces différentes critiques sont développées par J. E. Stiglitz, La Grande Desillusion, Paris, Fayard, 2002.
P a g e | 249

Certaines prévisions, à cet égard, ne prêtent guère à l’optimisme. Il ne s’agit pas, ici, d’instruire un
quelconque procès contre le monde industrialisé qui connaît lui-même des difficultés et qui consacre des
ressources importantes à l’aide au Tiers-Monde.
Il s’agit plutôt de prendre conscience de la catastrophe économique et sociale qui menace l’Afrique, de
l’urgence qu’il y a d’intervenir, de l’importance des moyens qu’il convient de mettre en œuvre. C’est
aussi une question d’approche, plus humaine, moins technocratique.

La prise en compte de ces critiques a abouti à l’annexion des filets sociaux aux PAS et
les conditionnalités ordonnées par le FMI ont inclus des aspects sociaux appelés Facilités pour
la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Un nouveau concept imposé de l’extérieur
vit également le jour dans certains pays sous ajustement structurel dont le Cameroun. Il s’agit
du concept de Document stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP).

À ces critiques générales sur les PAS, notons qu’au Cameroun, deux autres problèmes
s’ajoutèrent, et contribuèrent à l’échec des différentes mesures prises dans le sens du
redressement économiques sous les PAS. Il s’agit notamment des problèmes de bureaucratie et
du processus de privatisation, qui ne définirent pas entièrement les rôles des différentes parties.

Conclusion

Les dix premières années du libéralisme communautaire, entre 1985 et 1995, furent
quasiment des années noires sur le plan économique. Durant cette période, marquée par la crise
économique, les transports furent à l’arrêt. Malgré les projets initiés par les différents
programmes sectoriels des transports, le remboursement de la dette absorba l’essentiel des
ressources du pays. Sans grandes possibilités d’investissements, le Cameroun vécut sous
perfusion du FMI et de la Banque mondiale.

Il faut rappeler que, si les causes exogènes à la crise économique sont nombreuses, les
causes endogènes ne sont pas négligeables. Elles vont de la hausse des salaires non contrôlée
dans la fonction publique, au mauvais usage des crédits alloués au pays. En effet, c’est bien
l’endettement du Cameroun qui lui valut de passer de pays à revenus intermédiaires, à pays très
pauvre très endetté au début des années 2000.

Cette période ne connut donc pas de réelles avancées sur le plan des transports, au
contraire : sans moyens financiers, les routes tombèrent en désuétude faute d’entretien ; des
routes nouvelles ne furent pas construites. De fait, presque tout le secteur fut à l’arrêt. Peu à
peu, l’État se désengagea de ses responsabilités d’antan. Ainsi s’ouvrit l’ère des privatisations
et des libéralisations, qui ne laissèrent pas le sous-secteur des transports indemne.
P a g e | 250

CHAPITRE VI :
LE PROJET SECTORIEL DES TRANSPORTS (PST), LA
PRIVATISATION ET LA LIBÉRALISATION DES
TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 1995 ET 2000
P a g e | 251

Ce chapitre aborde la problématique des privatisations et des libéralisations des


transports au Cameroun. Cela passe par une analyse du cadre juridique qui encadra cette
proposition issue des PAS. En plus de ce cadre juridique, il fallut restructurer le ministère des
transports. Nous examinons ses différentes évolutions de 1988, à l’orée des PAS, jusqu’à 1998,
année de la signature du décret n° 98/152 portant organisation de ce ministère et date de la
Déclaration de stratégie de lutte contre la pauvreté (DSLP). Ainsi, nous étudions la politique
de privatisation des entreprises au Cameroun, et la transition que les entreprises publiques
connurent, passant d’une gestion entièrement publique à une gestion privée ou simplement à
des restructurations. Mais nous commençons par examiner les politiques qui ont dirigé ces
privatisations et ces libéralisations.

A. Le Projet sectoriel des transports (PST) de 1995

Entre 1988 et 2000, les investissements dans le domaine des transports étaient quasiment
nuls. Le pays se préoccupait de se départir des dépenses superflues et des entreprises
budgétivores, comme l’étaient l’essentiel de celles des transports. Dans cette section, nous
revenons donc sur le cadre politique qui a permis de mettre en place ces décisions : le projet
sectoriel des transports (PST) en 1995.

Le PST faisait partie intégrante des PAS, et avait pour objectif d’amener l’État à cesser
d’être un État-providence, lui qui était à la fois entrepreneur, marchand, organisateur et
régulateur. Ainsi, il devait s’occuper uniquement des fonctions régaliennes. Le PST lancé en
1995, visait les principaux secteurs suivants : les transports routiers (le transport urbain et le
transport en transit), le transport ferroviaire, le transport aérien et le transport maritime. Ainsi,
le FMI et le gouvernement camerounais avaient entrepris une batterie de réformes sur la base
du constat des insuffisances du sous-secteur économique des transports.

En effet, le secteur des transports [souffrait] d’une faible performance des institutions, d’une politique
privilégiant les investissements à 1’entretien et d’une allocation des ressources inadéquate. L’absence de
ces reformes [constituait] une contrainte majeure pour le programme de relance. De plus, les principaux
modes de transport [présentaient] une faible efficacité et des couts élevés résultant : d’un entretien
insuffisant des infrastructures et des équipements et d’une détérioration des performances techniques et
financières des entreprises publiques du secteur, ce qui [constituait] un obstacle majeur à la compétitivité
de l’économie et un lourd fardeau pour les finances publiques. 1

La stratégie mise en place par le gouvernement, avait pour objectif d’assurer une
meilleure efficacité et un développement durable et cohérent du secteur des transports afin que

1
FMI, « Republic of Cameroon, Transport sector project », Rapport N°15550-CM, 1996, p. 50.
P a g e | 252

celui-ci contribue à la croissance de l’économie du pays, à la réduction de la pauvreté et à la


protection de l’environnement.2 Pour atteindre cet objectif, les actions à mener portaient sur :

- L’amélioration de la gestion des politiques sectorielles, en redéfinissant le rôle de l’État,


afin de le désengager des opérations transférables au secteur privé et le concentrer sur
les tâches de planification, de réglementation et d’élaboration des politiques ;
- l’équilibre de l’allocation des ressources entre investissements prudents et dépenses
d’entretien, en renforçant la capacité institutionnelle et en assurant une mobilisation
permanente des ressources ;
- l’amélioration de l’efficacité du secteur par une réforme du cadre réglementaire visant
la libéralisation, une meilleure compétitivité et la mise en place des mécanismes
incitatifs de marché ;
- la mise en place une politique de protection de l’environnement.3
Pour la mise en œuvre de cette stratégie, le Gouvernement prépara un programme
global, à moyen terme à exécuter en plusieurs phases : la première concerna la privatisation ou
la liquidation des entreprises suivantes du secteur des transports aérien, ferroviaire, urbain et
maritime (CAMAIR, REGIFERCAM, SOTUC, CAMSHIP et CAMTAINER), qui avaient un
grand impact sur l’efficacité du système des transports et les finances publiques. Cette phase
porta également sur la libéralisation du transport urbain.

La deuxième phase portait entre autres sur :

1. un programme de réhabilitation du réseau routier, du chenal d’accès au port de


Douala, du chemin de fer et de l’outil portuaire,
2. un programme d’entretien de ces infrastructures de transport faisant recours à une
plus large privatisation de l’exécution des travaux, au développement des techniques
à haute intensité de main d’œuvre et, pour l’entretien routier, à la définition d’un
réseau prioritaire.
3. Le désengagement de l’État du MATGENIE et la restructuration du LABOGENIE
et sa mise en concurrence.
4. La clarification des missions et la réorganisation des Ministères charges des routes et
des transports.

2
Ibid.
3
Ibid.
P a g e | 253

5. La restructuration de l’ONPC pour améliorer les performances portuaires et assurer


les services au moindre cout.
6. La redéfinition des missions du CNCC dans le sens d'un meilleur appui aux
chargeurs.
7. La libéralisation du transport maritime et du transport aérien.
8. La facilitation du transport en transit dans le cadre du Programme Régional de
Réforme de l’UDEAC.
9. Une mise en cohérence des différentes réglementations avec le programme de
réformes.

I. Le PST sur le plan institutionnel

Comme mentionné ci-dessus, le rôle du MINTP devait être redéfini. Celui-ci devait
maintenant s’occuper de programmer, gérer et superviser les travaux d’entretien des routes,
dont la plupart seraient confiés à des entrepreneurs privés. À la suite de la révision du code
national des marchés publics en 1995, le MINTP était devenu autonome dans les décisions de
passation de marchés de travaux d’entretien. Le MINT devait aussi se consacrer à la mise sur
pied d’une stratégie sectorielle, la formulation des politiques et la réglementation des transports.
Une restructuration de MINT devait donc intervenir dans le cadre du projet d’accompagnement
de la privatisation des transports.

II. Les transports routiers dans le PST

Trois aspects des transports routiers sont mis en exergue : l’amélioration du réseau
routier, le transport urbain et le transport en transit.

1. L’amélioration du réseau routier

En 1995, lorsque le PST fut lancé, le réseau routier camerounais était long d’environ 50 000
km, répartis selon le tableau ci-après.
P a g e | 254

Tableau n° 8 : Répartition du réseau routier au Cameroun en 1995

Routes classées (Km)


Types de Totaux
routes
Nationales Provinciales Départementales Rurales

Bitumées 3 082 647 325 /////// 4 054

En terre 4 239 5 178 7 872 27 935 45 224

Totaux 7 321 5 825 8 197 27 935 49 278

Source : Ministère des Travaux publics, Génie Civil Magazine, Revue Trimestrielle, édition spéciale (hors-série),
1995, p. 7.

Les objectifs du PST étaient de promouvoir le transport routier dans un cadre libéral
pour faciliter les échanges ; réduire les coûts et les tracasseries de tous ordres ; assurer un
meilleur entretien des routes ; améliorer la compétitivité de l’économie et accompagner le
développement.4

La stratégie des responsables du PST pour réaliser ces objectifs se résumait ainsi :

- Améliorer le réseau du transport routier avec un système de réseau prioritaire, en


introduisant le recouvrement des coûts d’usage qui permettaient de contribuer à
l’entretien des routes ;
- Améliorer la gestion des gares routières ;
- Harmoniser et simplifier la fiscalité routière afin de baisser les tarifs ;
- Promouvoir une grande sécurité de la circulation routière pour baisser le nombre et la
gravité des accidents.5

Les actions menées dans le cadre des reformes du PST dans le transport routier furent
nombreuses. Nous pouvons en citer quelques-unes :

4
CEA-ONU, Impact des politiques de réforme dans le secteur des transports. Cas de quelques pays en Afrique,
Division de la Coopération et de l’intégration Régionales, Addis-Abeba, Éthiopie, 1999, p. 12.
5
Ibid.
P a g e | 255

- Mise en place d’une banque de données, relavant par exemple le nombre d’accidents de
la route et leur impact économique.
- Mise en place de systèmes de pesage pour des engins et camions afin de prévenir le
mauvais usage des routes.
- Formation et sensibilisation des usagers de la route concernant en particulier la sécurité
routière.
- Création d’un fonds routier censé financer l’entretien des routes du pays et faciliter
l’exécution du Programme d’urgence d’entretien routier (PUER). Ce programme
comprend des axes routiers importants qui nécessitent soit la réhabilitation, soit
l’entretien, soit la revalorisation. Les types de travaux réalisés ou en cours de réalisation,
et les sources de financement, le tableau en page suivante en donne un aperçu.6
- Identification des centres spécialisés de visites techniques des véhicules
- Mise en place de systèmes de barrières de pluie.
Le tableau suivant donne plus de précisions quant aux types de travaux réalisés, ou en
cours de réalisation et les sources de financement en 1995 :

6
Ibid, p. 15.
P a g e | 256

Tableau n° 9 : Types de travaux publics réalisés, ou en cours de réalisation et les sources de


financement en 1995

Source : CEA-ONU, Impact des politiques de réforme dans le secteur des transports…, 1999, p. 15.
P a g e | 257

L’impact de ces réformes du transport routier dans le processus d’amélioration des conditions
d’exploitation des routes et leur promotion, afin de contribuer à la lutte contre la pauvreté,
s’évalue en fonction du PUER. Soulignons les éléments ci-après, relevés en 1999 :

1. Création directe d’emplois : on estimait que le PUER avait créé environ 2000
nouveaux emplois de manœuvres ou personnes non qualifiées pour un salaire
journalier moyen de 1800 FCFA. 7

2. Amélioration de la sécurité alimentaire à travers la baisse des coûts des transports, ce


qui tend à baisser l’offre des produits agricoles de base.8

3. Réduction des coûts d’exploitation des véhicules suite à l’amélioration de l’état des
routes et à un contrôle plus minutieux des véhicules, les coûts d’exploitation des
véhicules diminuent.9

De plus, le gouvernement avait accepté de réduire les activités de location d’équipement


du MATGENIE. La stratégie consistait à scinder le MATGENIE en cinq entités distinctes et à
les privatiser progressivement. Quant au LABOGENIE, le gouvernement avait accepté de le
restructurer. Le processus devait consister en une restructuration financière et en un
licenciement d’environ 300 employés. Cela devait aboutir à la création de sociétés de conseil
locales spécialisées dans le domaine de la géotechnique et favoriser la concurrence pour la
supervision géotechnique des travaux routiers.

2. Les transports urbains

La reforme dans ce sous-secteur visait les objectifs suivants :

- Assurer une plus grande accessibilité aux services sociaux (hôpitaux, écoles, etc.),
grâce aux déplacements à moindre coût et en sécurité ;
- assurer l’accessibilité aux zones et places d’emplois ;
- libéraliser les services de transport urbain afin, d’une part, d’accroitre l’offre globale
de transport collectif en permettant à des opérateurs privés d’exploiter les services des
transports collectifs urbains à l’aide de véhicules de moyenne et grande capacité, dans

7
Ibid., p. 16.
8
Ibid.
9
Ibid., p. 17.
P a g e | 258

des conditions assurant la viabilité et la durabilité de leur entreprise et, d’autre part, de
répondre à la demande de déplacement de la population aux revenus modestes et
limités.10

Le gouvernement avait décidé de liquider la SOTUC, la compagnie publique de


transports urbains, et de se départir des transports urbains. Le 22 février 1995, l’Assemblée
générale des actionnaires avait donc officiellement annoncé la liquidation de la SOTUC et les
services arrêtés. En avril 1995, un liquidateur était nommé, avec pour mandat d’achever la
liquidation dans les six mois, une fois la procédure engagée.

Dans le cadre du transport interurbain, le gouvernement étudiait la simplification du


système de taxation du transport routier par la création d’une taxe de circulation perçue par une
seule institution, censé remplacer plusieurs taxes perçues à différents stades par plusieurs
institutions ; ainsi qu’une redevance d’usage de la route clairement identifiée, destiné à financer
l’entretien des routes.

3. Le transport de Transit international routier (TIR)

Comme objectif dans ce sous-secteur, il fallait faciliter les échanges de marchandises


par voie de surface entre les États membres de l’Union douanière et économique de l’Afrique
centrale (UDEAC), par une simplification des formalités douanières et une amélioration de la
qualité du transport.11 La stratégie consistait donc à réhabiliter les itinéraires de transit et à
développer l’aspect réglementaire et opérationnel dans le cadre du projet TIPAC, en vue
d’harmoniser et d’homogénéiser la réglementation du transport routier.

Rappelons que dans le cadre de l’UDEAC, un régime douanier de transit international,


appelé système TIPAC (Transit international dans les pays de l’Afrique Centrale) avait été
accepté par les États membres le 22 novembre 1991 à Libreville puis confirmé par les Chefs
d’États lors du XXIe sommet de l’UDEAC, le 5 décembre 1991. Ce régime avait pour principal
objectif la simplification des procédures douanières au départ, au passage et à l’arrivée des
marchandises en transit, et de responsabiliser les différentes parties prenantes de l'opération de
transport proprement dite.

10
Ibid, p. 18.
11
Ibid, p. 20.
P a g e | 259

Ainsi les délais d’acheminement des marchandises en transit devraient s’en trouver
considérablement réduits et la sécurité assurée. Par voie de conséquence, le coût du transit lui-
même devait diminuer dans des proportions importantes. La procédure TIPAC pouvait être
considérée comme un accord entre d’une part, les administrations des douanes des six pays
concernés, et d’autre part les opérateurs du transport. Elle impliquait en particulier la
responsabilité directe du transporteur. En 1996, l’Acte N° 4/96-UDEAC-611-CE-31 définissait
un cadre juridique d’exploitation de transport multimodal inter-États de transport multimodal
de marchandises, dans l’optique de faciliter « la mise en œuvre de la procédure de Transit Inter-
États des Pays d’Afrique Centrale (TIPAC) et pour l’expansion ordonnée du commerce intra-
communautaire et international. »12

III. Le transport aérien dans le PST

L’objectif fut d’assurer une intensification de la desserte aérienne du Cameroun à


moindre coût tant au plan domestique, régional qu’international, tout en améliorant 1a qualité
des services et la sécurité. Pour y arriver le gouvernement camerounais adopta une stratégie
comprenant les éléments ci-après :

- libéralisation du secteur en vue d’encourager la concurrence dans le respect des


normes de sécurité et de protection de l'environnement ;
- privatisation de la CAMAIR ;
- rentabilisation des aéroports ;
- réformes institutionnelles et réglementaires entre autres.

En septembre 1994, le gouvernement acceptait de privatiser les activités de transport


aérien national et international au Cameroun. La stratégie convenue consistait à liquider la
CAMAIR et à créer une nouvelle société de fourniture de services aériens. Le contrôle et la
propriété de la nouvelle société au secteur privé seraient transférés par le biais d’un contrat de
gestion avec option de privatisation différée ou par la capitalisation de la nouvelle société par
un groupe d’investisseurs privés.

Parallèlement à la privatisation des services aériens, la CAMAIR se préparait à réduire


son nombre d’employés. Sur la base de ratios typiques pour les compagnies aériennes, on

Préambule de l’Acte N° 4/96-UDEAC-611-CE-31 définissant le cadre juridique d’exploitation de transport


12

multimodal inter-état de transport multimodal de marchandises.


P a g e | 260

estimait que la CAMAIR employait effectivement 600 à 800 personnes, soit environ la moitié
de ses effectifs. Une liquidation pure et simple de la CAMAIR aurait été politiquement
inacceptable. Le gouvernement attachait une grande importance à la compagnie, en tant que
transporteur national, non seulement parce qu’il desservait des liaisons intérieures, mais aussi
parce qu’il plaçait le Cameroun sur la carte aux niveaux régional et international. Le
gouvernement considérait également que le Cameroun, pays de 12 millions d’habitants, avait
besoin d’un service aérien intérieur. Afin d’accroître l’efficacité de la fourniture de services de
transport aérien au Cameroun et de promouvoir la participation du secteur privé, le cadre
réglementaire devait donc être revu avant la privatisation.

IV. Le transport ferroviaire dans le PST

Le gouvernement accepta de séparer la propriété de l’infrastructure, des activités


ferroviaires, en créant une nouvelle société privée chargée de l’exploitation commerciale des
services de transport ferroviaire de marchandises par le biais d’un accord de concession. Les
principaux actionnaires de la nouvelle société d’exploitation devaient être sélectionnés
conformément aux procédures d’appel d’offres internationales. Le gouvernement devait encore
choisir les conditions d’exploitation des services de passagers parmi quatre options suivantes :

1) inclure les services dans la convention de concession en tant qu’obligations de


service public ;
2) conclure un contrat avec une société privée distincte de la société concessionnaire
pour le fret ;
3) remplacer les services de transport ferroviaire de voyageurs par des services
d’autobus et sous-traiter une entreprise privée pour l’exploitation de ces services ;
4) cesser de fournir des services voyageurs tout en entretenant les routes menant aux
villages le long de la voie ferrée.

V. Les transport maritime dans le PST

Le gouvernement accepta de privatiser la CAMSHIP, la compagnie maritime nationale,


et de privatiser ou de liquider la CAMTAINER, le transporteur routier national et le transitaire.

Le gouvernement avait défini une nouvelle stratégie pour les opérations portuaires ainsi
qu’il suit :
P a g e | 261

1) Le dragage du canal d’accès serait sous-traité afin d’assurer une performance efficace
et durable de l’activité. Le gouvernement envisageait deux options pour sous-traiter
le dragage : a) sélectionner une entreprise sur la base d’appels d’offres
internationaux ; ou b) promouvoir la création d’une entreprise locale avec la
participation de partenaires privés et publics locaux et étrangers.
2) Les opérateurs portuaires devraient être davantage impliqués dans la gestion de
l’autorité portuaire et dans la définition des stratégies du secteur en redéfinissant les
relations entre les parties prenantes au sein de la communauté portuaire et en
augmentant la participation des utilisateurs du port au conseil d'administration du
Conseil autorité portuaire.
3) L’autorité portuaire serait restructurée afin de réduire les coûts d’exploitation et les
tarifs sur la base de la comptabilité analytique mise en œuvre. Un plan de
développement des ressources humaines devait être établi et mis en œuvre
parallèlement à la restructuration.
4) Le plan d’investissement devait être révisé afin de tenir compte des priorités
économiques et de la capacité de l’ONPC à le financer.

Les réformes envisagées dans le secteur des transports ont été résumées dans le tableau
suivant :
P a g e | 262

Tableau n° 10 : Les projets de réforme prévus par le Plan sectoriel des transports au
Cameroun en 1995

Source: FMI, « Republic of Cameroon… », Rapport N°15550-CM, 1996, p. 32.


P a g e | 263

B. La privatisation des transports au Cameroun : un bilan mitigé

Cette section aborde la problématique des privatisations des transports au Cameroun.


Cela passe par une analyse du contexte juridique qui encadrait cette proposition issue des PAS.
En plus de ce cadre juridique, il fallait restructurer le ministère des transports. Nous examinons
ses différentes évolutions de 1988, à l’orée des PAS, à 1998, année de la signature du décret n°
98/152 portant organisation de ce ministère. Ainsi, nous étudions la politique de privatisation
des entreprises au Cameroun, et la transition que les entreprises publiques ont connu, passant
d’une gestion entièrement publique à une gestion privée ou simplement à des restructurations.
Il apparaît au final que ces réformes ont produit des résultats mitigés.

I. Le processus de privatisation des transports au Cameroun et ses faiblesses

Les orientations stratégiques des entreprises publiques sont guidées par des choix
politiques du gouvernement. L’optimisation de la richesse n’étant pas un but à atteindre,
l’efficacité de la gestion est fonction du respect du budget.13 La privatisation se présente donc
comme un moyen de promouvoir l’efficience productive et l’effort managérial, dans un
contexte où la gestion publique perd de sa crédibilité. Elle suppose une amélioration de la
productivité, voire la profitabilité d’une activité en vue d’attirer les capitaux. Toutefois, elle
suppose également un glissement de la propriété nationale vers le secteur privé et de ce fait la
cessation du contrôle.14 Largement répandue dans le monde, la privatisation demeure un sujet
de tiraillement politique au Cameroun.

Afin de faire une évaluation efficiente de la politique de privatisation mise en place au


Cameroun avec les PAS, il est nécessaire d’en analyser le cadre réglementaire. Notre objectif
dans cette sous-section est de présenter les règles du jeu des privatisations et les contours des
libéralisations au Cameroun, c’est-à-dire, l’ensemble des textes de lois qui conditionnaient ces
procédures. Nous commencerons par visiter l’historique et les étapes de ces privatisations.

1. Historique et étapes des privatisations au Cameroun

Bien que ce soit avec les PAS de 1989-1990, que le Cameroun a véritablement
enclenché le processus de privatisation, celui-ci ne date pas de cette période-là. Il est vrai

13
Lire C. Lambert, « La fonction contrôle de gestion… », 2005.
14
P. Nguihé Kanté, «Les contraintes de la privatisation des entreprises publiques et parapubliques au Cameroun »,
Revue internationale de droit économique, 4/2002 (t. XVI, 4)», 2002, p. 605.
P a g e | 264

cependant, que c’est au cours de cette période cependant que le cadre législatif et réglementaire
y afférant a été clairement défini, à partir de la loi n° 89/030 du 29 décembre 1989, autorisant
le président de la république à définir par ordonnances le régime de privatisation des entreprises
du secteur public et parapublic.15

Rappelons donc que, c’est la loi n° 63/25 du 19 juin 1963 autorisant l’émission publique
des bons et prévoyant la création d’une Société nationale d’investissement (SNI), dans le but
de suppléer, au lendemain de l’indépendance, la carence des investisseurs nationaux, qui l’avait
déjà envisagé.16 L’article 4 du décret n° 64/DF/486 du 16 décembre 1964 dispose que « la SNI
peut à tout moment rétrocéder tout ou partie des participations qu’elle détient […] »17.

Mieux, le décret n° 85/1177 du 28 août 1985 réorganisant la SNI est sans équivoque :

Les participations souscrites ou rachetées par la SNI sont assorties d’une clause de rétrocession en
faveur des personnes physiques ou morales de nationalité camerounaise. La rétrocession doit être
entièrement réalisée dans un délai maximum de 7 ans sauf pour les opérations où la présence de la
SNI est jugée indispensable par le gouvernement […].18

Mais à l’évidence, en dehors de quelques opérations ponctuelles telles que la


privatisation de la Société camerounaise des minoteries (SCM) ou des Tanneries et Peausseries
du Cameroun (TANICAM) réalisée en 198619, l’option de rétrocession des entreprises
publiques et parapubliques a été purement et simplement éludée du fait de la prospérité de
l’économie camerounaise. Mais à cause de la crise économique, en 1990, l’intention devient
réalité avec surtout la publication du décret de 1990 admettant 15 entreprises à la privatisation.

Résumons en trois étapes, le processus de privatisation au Cameroun20 :

- La première étape du programme

15
En droit constitutionnel français, selon l’article 49-3 de la Constitution française, l’ordonnance constitue une
mesure prise par le Gouvernement dans des matières relevant normalement du domaine de la Loi. Dans ce cas, le
Gouvernement est préalablement habilité à les prendre sur un vote du Parlement. L’article 49 alinéa 3, dit
d’« engagement de responsabilité », permet au gouvernement de faire passer le texte qu’il présente, sans vote, sous
couvert du rejet de la motion de censure que l’opposition se doit de déposer. Lire H. Alcaraz, « L’article 49, alinéa
3, de la Constitution du 4 octobre 1958: antidote ou “coup de force” », Revista catalana de dret públic, Nº 53,
2016, pp. 1-12,
16
P. Nguihé Kanté, « Les contraintes de la privatisation… », 2002, p. 606.
17
Ibid.
18
Ibid.
19
Ibid. Lire aussi J. C. Willame, « Cameroun : les avatars... », 1985, p. 44-70.
20
Ces différentes étapes sont à lire en ligne, URL : http://www.minfi.gov.cm/index.php/services-
rattaches/commission-technique-des-privatisations-et-des-liquidations-ctpl/programme-de-privatisat, consulté le
02/02/2019.
P a g e | 265

Le démarrage du programme a lieu avec la publication de la première liste des


entreprises à privatiser par le décret n° 90/1423 du 03 octobre 1990 portant privatisation de
certaines entreprises du secteur public et parapublic. Il s’agit d’une quinzaine d’entreprises
évoluant dans des secteurs divers tels l’agro-industrie (OCB, CAMSUCO), l’industrie du bois
(COCAM et SOFIBEL), l’imprimerie (CEPER et Imprimerie Nationale), l’élevage
(ONDAPB).

En 2002, l’État s’était désengagé de la quasi-totalité des entreprises à privatiser de la


première liste à l’exception de l’Imprimerie Nationale qui a été retirée du programme de
privatisation en juin 1994, à cause de son caractère particulier d’entreprise de service public.21

- La deuxième étape du programme

La liste qui illustre la deuxième vague d’entreprises à privatiser est publiée par le décret
n° 94/125 du 14 Juillet 1994. Cette deuxième phase marque l’entrée en scène des grandes
entreprises de l’économie camerounaise dont la CDC, la SOCAPALM, la SODECOTON, la
REGIFERCAM, et la CAMAIR. À ce jour, seules la SODECOTON et la CAMAIR (devenue
CAMAIR-Co en 2006) parmi ces entreprises, n’ont pas encore été privatisées.

- La troisième étape du programme

La 3ème étape du programme de privatisation intervient avec le discours du chef de l’État


Paul Biya, le 1er Juin 1995 et connaît l’introduction des grandes entreprises pourvoyeuses de
services publics dans la liste des sociétés à privatiser :

Je voudrais maintenant aborder avec vous le problème de l’avenir des entreprises publiques et des services
publics à caractère commercial.
Pour les premières, le gouvernement a adopté une politique de réhabilitation qui a abouti à la liquidation
ou à la dissolution d’une soixantaine d’entre elles ainsi qu’à l’inscription sur la liste des privatisations de
25 sociétés. Mais l’État reste encore impliqué dans près de 150 entreprises. La prise en charge de
l’endettement colossal du secteur public et des banques défaillantes a eu évidemment pour effet d’alourdir
considérablement la dette publique.
[…] Il en est de même des services publics à caractère commercial, tels que la distribution de l’eau et de
l’électricité, ou la gestion des réseaux téléphoniques. Le moins que l’on puisse dire est que les prestations
de services rendus aux usages actuellement sont loin de donner satisfaction. Il est temps par conséquent
d’appliquer les formules qui ont fait leur preuve dans les pays semblables au nôtre et de confier tout ou
partie de ces tâches à des professionnels sous la surveillance de l’autorité publique qui garantit le respect
de l’intérêt général.
[…] Pour ce qui est des entreprises du secteur public et parapublic, j’invite le Gouvernement à accélérer
le désengagement de l’État dans le respect de l’intérêt général. L’accent portera désormais sur la mise en

21
Ibid.
P a g e | 266

œuvre d’un processus de privatisation discernant pas à pas les modalités les meilleures de transfert de
responsabilité aux opérateurs du secteur privé.22

On peut donc citer la SONEL, INTELCAM, la SNEC au nombre des entreprises


admises à la privatisation. Finalement, le décret 99/012 du 22 Septembre 1999 précise
formellement la liste des autres entreprises à intégrer dans le processus. Outre les entreprises
productrices de services publics, on y retrouve la CIMENCAM et la SCDP. Ainsi, les secteurs
concernés et qui étaient jusque-là monopolistiques ont connu de profondes réformes avec
notamment la création d’organes de régulation (ART pour les télécommunications ou ARSEL
pour l’électricité).

Une recension des entreprises des transports privatisées à ce jour peut donc être faite sur
la base des informations reçues de la CTPL, il s’agit de :

- La Société Camerounaise de Manutention et d’Acconage (SOCAMAC) dont les 53,51%


d’actions détenues cumulativement par la CNCC, la SNI et la CAMSHIP ont été reprises
le 03 Octobre 1991 par la SAPA appartenant à la CCEI BANK ; par la suite, des parts
ont été cédées au groupe français GEODIS en Octobre 1993 qui détient aujourd’hui
51% du capital.
- La Cameroon Shipping Lines (CAMSHIP) dont 50,79 % des parts de capital ont été
attribuées à plusieurs repreneurs le 13 Février 1997.
- La Régie Nationale des Chemins de Fer (REGIFERCAM) est passée à hauteur de 77 %
aux mains du groupement franco-sud-africain BOLLORE-COMAZAR le 1er mars
1999.
Le constat que nous pouvons faire à ce jour est qu’une partie des entreprises qui avaient
été désignées comme devant faire l’objet d’une privatisation ne le sont pas encore, à l’instar de
la Cameroon Airlines Corporation (CAMAIR-Co).

2. Le cadre légal des privatisations au Cameroun

En ce qui concerne les formes de privatisation au Cameroun, l’Ordonnance n° 90/004


du 22 juin 1990 relative à la privatisation des entreprises publiques et parapubliques fixe les
cinq modalités suivantes en son article 3 alinéa 1 :

- la cession totale ou partielle d’actions détenues par l’État et les organismes publics ;

22
Paul Biya, discours à la Nation annonçant les mesures de relance économique, le 1er Juin 1995.
P a g e | 267

- la cession totale ou partielle des actifs des entreprises à privatiser ;


- l’entrée au capital des entreprises, de personnes physiques ou morales de droit privé ou
l’augmentation de leur participation au capital de ces entreprises ;
- la location ou la location-gérance des actifs et/ou des formulaires de commerce de
l’entreprise à privatiser ;
- la signature d’un contrat de gestion.

Il faut dire que l’entrée du Cameroun dans les PAS avec en l’occurrence l’adoption des
politiques de privatisation, qui constituent un changement notable de la politique économique
du pays, a nécessité des points de repère bien définis pour limiter autant que possible
d’éventuels égarements. Ces points de repères sont en l’occurrence un ensemble de textes qui
constituent une balise pour l’environnement juridique et institutionnel relatif aux privatisations.

En effet, pour ce qui est de l’environnement légal et institutionnel, il est constitué d’un
ensemble de textes et d’organes qui régissent l’activité de désengagement de l’État
camerounais. Quoique l’année 1990 puisse être considérée comme celle de l’adoption officielle
des programmes de privatisation par le Cameroun, il est à noter que l’organe chargé de la
politique de dérèglementation a été créé antérieurement, par le décret 86/656 du 03 juin 1986.
Il s’agit de la Mission de Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et Parapublic
(MRESPP). La Commission Technique de privatisation et de liquidation (CTPL) est
l’organisme responsable de l'exécution du programme de privatisation du pays. Par la suite,
plusieurs décrets ont été adoptés pour clarifier le cadre initial. Il s’agit notamment du décret n°
90/1257 du 30 août 1990, portant application de l’ordonnance relative à la privatisation des
Entreprises publiques et parapubliques ; et du décret n° 95/056 du 29 mars 1995, portant
réorganisation de la Mission de Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et parapublic.

En 1997, est créée la Commission Technique de privatisation et des liquidations des


Entreprises du secteur public et parapublic, par le décret n° 97/003 du 3 Janvier 1997. Le décret
prévoit spécifiquement comme organes compétents en matière de privatisation :

- Le Comité Interministériel (organe décisionnel) qui est présidé par le ministre des
finances.
- La Commission Technique de Privatisation et des Liquidations (organe technique)
qui a la charge de la supervision des études techniques et financières, du lancement
P a g e | 268

des consultations, du dépouillement et de l’analyse des offres, du suivi des opérations


post-privatisation.23

Dans le cadre de cette étude, nous avons donc recensé quelques-uns des textes qui ont
construit le processus de privatisation au Cameroun :

1. La loi n°63/25 du 19 Juin 1965 autorisant l’émission publique des bons


d’équipement et prévoyant la création d’une Société Nationale d’Investissement et
modifiée par l’article 20 de la loi n° 69/LF/7 du 14 Juin 1969.
2. Le décret n° 85/ 1177 du 28 Août 1985 réorganisant la Société Nationale
d’Investissement.
3. Le décret n° 86/ 656 du 03 Juin 1986 portant création d’une Mission de
Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et Parapublic.
4. L’instruction n°007/CAB/PR du 04 Novembre 1988 relative à la réhabilitation des
entreprises du secteur public et parapublic.
5. Le décret n°89/010 du 04 Janvier 1989 portant sur l’élargissement des attributions
de la Mission de Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et Parapublic.
6. La loi n°89/030 du 29 Décembre 1989 autorisant le Président de la République à
définir par ordonnances le régime des privatisations.
7. Le décret n°90/428 du 27 Février 1990 créant la sous-commission de la
privatisation au sein de la Commission Technique de la Mission.
8. Le décret n°90/429 du 27 Février 1990 attribuant au Comité Interministériel de la
Mission, le pouvoir de proposer au chef de l’État la rétrocession des actions
détenues par la SNI.
9. Le décret n°90/430 du 27 Février 1990 portant nomination du vice-président et des
membres chargés spécialement de la privatisation au sein de la Commission
Technique de la Mission.
10. L’ordonnance n° 90/004 du 22 Juin 1990 relative à la privatisation des entreprises
publiques et parapubliques.
11. Le décret n° 90/1257 du 30 Août 1990 portant application de l’ordonnance
n°90/004 du 22 Juin 1990.

23
Ministère des finances du Cameroun, en ligne URL : http://www.minfi.gov.cm/index.php/procedures-au-
minfi/65-manuels-de, consulté le 06/02/2019.
P a g e | 269

12. Le décret n° 90/1423 du 03 Octobre 1990 portant sur la privatisation de certaines


entreprises du secteur public et parapublic.
13. Le décret n° 94/125 du 14 Juillet 1994 portant admission de certaines entreprises
du secteur public et parapublic à la procédure de privatisation.
14. La déclaration de politique générale du gouvernement relative aux entreprises du
secteur public et parapublic, Yaoundé, Mai 1994.
15. Le décret n° 95/056 du 29 mars 1995 portant réorganisation de la Mission de
Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et Parapublic.
16. Le décret n° 97/001 du 03 Janvier 1997 portant création d’une Commission
Technique de Privatisation et des Liquidations.
17. Le décret n° 97/003 du 03 Janvier 1997 portant organisation et fonctionnement de
la Commission Technique de Privatisation et des Liquidations.
18. La loi n°98/012 du 17 Juillet 1998 relative au dumping et à la commercialisation
des produits d’importation subventionnés.
19. La loi n° 98/013 du 17 Juillet 1998 fixant le régime de la concurrence.
20. La loi n° 98/014 du 17 Juillet 1998 portant réglementation des télécommunications.
21. La loi n° 98/ 022 du 24 Décembre 1998 régissant le secteur de l’électricité.
22. Le décret n° 99/ 125 du 15 Juin 1999 portant organisation et fonctionnement de
l’Agence de Régulation du Secteur de l’Électricité.
23. Le décret n°99/210 du 22 Septembre 1999 portant sur la privatisation de certaines
entreprises du secteur public et par public.
24. Le décret n° 99/024 du 29 Octobre 1999 modifiant et complétant certaines
dispositions du décret n° 95/056 du 29 Mars 1995 portant réorganisation de la
Mission de Réhabilitation des Entreprises du Secteur Public et Parapublic.
25. La loi n° 99/016 du 22 Décembre 1999 portant statut général des établissements
publics et des entreprises du secteur public et parapublic.
26. Le décret n° 2000/462 du 26 Juin 2000 portant renouvellement et déclaration en
cours de validité lors de l’entrée en vigueur de la loi n° 98/022 du 24 Décembre
1998 régissant le secteur de l’électricité.
27. Le décret n° 2000/ 4641/PM du 30 Juin 2000 portant organisation des activités du
secteur de l’électricité et fixant les modalités d’octroi, de renouvellement, de
révision, de suspension et de retrait des concessions des licences et autorisations
prévues par la loi régissant le secteur de l’électricité.
P a g e | 270

3. Les problèmes liés au processus de privatisation

Comme nous l’avons vu dans la section précédente, le cadre législatif des privatisations
fait l’objet de plusieurs textes différents, portant à la fois sur les procédures de privatisation et
l’organisation des structures chargées de mener à bien ces opérations. Il apparaît alors une
multiplicité de textes aux dispositions contradictoires, les différentes approbations préalables à
obtenir pour chacune des étapes de la cession et le nombre important d’intervenants avec des
objectifs parfois incompréhensibles ont largement contribué à bloquer l’ensemble du processus
de privatisation, à retarder les transactions et à laisser le passif des plus importantes de ces
entreprises se détériorer gravement.24

Le caractère complexe et peu opérationnel de ce processus ne reflétait en réalité, que


l’absence de stratégie claire en matière de désengagement et le manque de consensus réel entre
tous ses acteurs, en l’occurrence les membres du gouvernement. Les instances compétentes en
matière de privatisation étaient : la sous-commission chargée de la privatisation, la Mission de
réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques, le Comité interministériel, le Ministre
des Finances, les services du Premier Ministre, la Présidence de la République.

Le domaine de compétence de la sous-commission chargée de la privatisation instance


technique resta flou. La déclaration de mai 1994 et le décret n° 95/056 du 29 mars 1995
réorganisant la Mission de réhabilitation la dépouilla même de tout ce qu’elle avait comme
compétence réelle et renforça plutôt les pouvoirs du Premier Ministre et du Président de la
République. Au final, seule la commission technique fut chargée « d’étudier et de préparer les
mesures inhérentes à la réhabilitation, à la privatisation ou à la liquidation des entreprises
publiques et parapubliques »25.

La conduite des opérations de réhabilitation et de privatisation des entreprises du secteur


public, telles qu’elles viennent d’être exposées, imposa la mise en place d’institutions dotées
de pouvoirs et de moyens humains, matériels et financiers adaptés aux objectifs fixés. Il était
urgent d’alléger le mécanisme de la privatisation en supprimant certains niveaux de décision et
en responsabilisant davantage la structure technique.

24
Lire P. Nguihé Kanté, « Les contraintes de la privatisation… », 2002.
25
Décret n° 86/656 du 3 juin 1986 créant une Mission de réhabilitation des entreprises publiques et parapubliques
et réorganisée par le décret n° 95/056 du 29 mars 1995.
P a g e | 271

Ainsi, afin d’accélérer le processus et de restaurer sa crédibilité largement affectée par


les lenteurs passées, le gouvernement essaya d’adopter avec plus ou moins de bonheur de
nouvelles dispositions législatives et réglementaires en matière de privatisation. Il fut décidé
que le processus de privatisation relèverait désormais du ministère des Finances. La
Commission Technique de privatisation et des liquidations des Entreprises du secteur public et
parapublic (CTPL) vit donc le jour à travers le décret n° 97/003 du 3 Janvier 1997. Sous la
présidence du ministre des finances, la CTPL fut chargée d’étudier, de préparer et de suivre les
mesures inhérentes à la conduite du processus de privatisation au Cameroun. Elle eut
notamment pour mission de :

- réaliser toutes les études préalables jugées nécessaires pour la préparation


Technique de la privatisation ;
- faire procéder à l’évaluation de chaque entreprise à privatiser ;
- conseiller le Comité Interministériel dans le choix de la stratégie et du mode de
privatisation ;
- procéder à la mise en place des mesures préparatoires éventuelles ;
- proposer les mesures d'accompagnement des opérations de privatisation ;
- lancer les appels d'offres et recevoir les offres ;
- dépouiller et évaluer les offres reçues ;
- négocier avec les adjudicataires ;
- préparer le closing des transactions ;
- faire le suivi post-transaction.26
Cette nouvelle organisation sembla donc considérablement améliorer le processus de
privatisation dans la mesure où elle supprima tous les niveaux décisionnels intermédiaires
antérieurs, sources de lenteur et de dilution de responsabilité. Dès lors, peut-on penser que la
privatisation des entreprises de transports fut un succès dans le fonctionnement interne des
entreprises une fois privatisées ou restructurées ?

26
Ministère des finances, http://www.minfi.gov.cm/index.php/services-rattaches/commission-technique-des-
privatisations-et-des-liquidations-ctpl, consulté le 06/02/2019 à 02h00.
P a g e | 272

II. De la REGIFERCAM à la CAMRAIL : une privatisation au détriment du


social ?

La privatisation de la REGIFERCAM s’est révélé une opération aux résultats


ambivalents. Pour comprendre cette ambivalence, nous étudions le processus de privatisation
de cette société, la faisant passer de la REGIFERCAM à CAMRAIL. Le principal reproche fait
à ce changement de tutelle est d’avoir délaissé le volet social de sa mission. Dans le cadre de
ce travail, nous considérons le terme « social », comme tout ce qui contribue à l’amélioration
des conditions de vie des classes défavorisées.

1. De la REGIFERCAM à la CAMRAIL

C’est à la suite des accords issus du programme d’ajustement structurel du FMI de


1988, que la REGIFERCAM fut identifiée comme un des monopoles d’État potentiellement
privatisable. La décision fut prise en 1994 d’engager le processus de mise en concession27, et
la REGIFERCAM apparaît en 1996 sur la liste des entreprises à privatiser. Le processus d’appel
d’offre fut lancé cette même année.

La mise en place de ce partenariat public-privé (PPP) obtint le soutien des bailleurs de


fonds (Banque mondiale, Banque européenne d’investissement, AFD et Proparco), ainsi que
celui de trois banques locales, via le financement des programmes d’investissements (d’urgence
et prioritaires) pour un total de 57 M€ (le programme d’investissements atteignant au total 93
M€ sur 5 ans).28 Le processus d’attribution du contrat s’acheva au bout de trois ans et
l’exploitation sous le nouveau régime de la concession commença le 1er avril 1999. La
privatisation de la REGIFERCAM avait pour objectifs essentiels29 :

- l’assainissement des finances publiques ;


- la stimulation des initiatives privées et la promotion des investissements ;
- la restauration des mécanismes du marché ;
- la mobilisation et l’orientation de l’épargne nationale vers les investissements
productifs.

27
Décret présidentiel n° 94/125 du 14 juillet 1994.
28
A. Blanc et al, La concession du chemin de fer du Cameroun : les paradoxes d’une réussite impopulaire,
Document de travail 44, Agence Française de Développement, 2007, p. 10.
29
Préambule de la convention de concession. La convention rappelle ici l’article 2 de l’ordonnance n° 90/004 du
22 juin 1990 relative à la privatisation des entreprises publiques et parapubliques.
P a g e | 273

La REGIFERCAM était tout naturellement considérée comme une des entreprises qui
devait suivre ce processus de passage vers la sphère privée30. En effet, la situation globale de
l’entreprise était désastreuse :

Le chemin de fer nécessitait des travaux importants de réparation et de réhabilitation, et un grand


pourcentage du rail et des traverses étaient en mauvais état. En termes de matériel roulant, seule la moitié
des 61 locomotives principales étaient disponibles pour les opérations. Une grande partie de la flotte de
wagons pour le transport de fret de 1 296 wagons devait être rénovée, et seulement 50 des 73 de la flotte
de voitures pour le transport de voyageurs étaient opérationnels. En 1998, Regifercam a souffert 271
déraillements, 37 sur la ligne principale, créant de longues interruptions de service. Depuis les années
1980, les retards avaient presque quadruplé. Le délai moyen était de 150 minutes pour les trains de
voyageurs et de 280 minutes pour les trains de marchandises. Des opérations ferroviaires peu fiables et
un service insuffisant se sont aggravés à cause d’un niveau faible de sécurité et une culture généralisée
de la corruption mineure.31

La procédure de concession connut deux offres financières venant de deux groupes.


Un groupe comprenant deux sociétés : Bolloré (SAGA/SDV) et Systra, une filiale des chemins
de fer français (SNCF) ; l’autre était Comazar. Le gouvernement accorda la concession à
SAGA/SDV, mais exigea qu’elles utilisent Comazar comme opérateur plutôt que Systra, ce qui
fut appliqué. Dans le cadre d’un partenariat, Bolloré et Comazar détenaient une participation
majoritaire dans la société de portefeuille, Société Camerounaise des Chemins de Fer (SCCF).

La SCCF détenait à son tour 85% de CAMRAIL, le gestionnaire et l’exploitant actuel


de la concession, tandis que le gouvernement et les employés possédaient le reste. En avril
1999, lorsqu’elle commença ses activités, la Camrail eut pour but de transporter du fret par voie
ferrée, maritime ou aérienne, et de fournir des services auxiliaires tels que le stockage et la
maintenance. La Camrail obtint une concession de 20 ans pour la gestion des biens ferroviaires
et l’exploitation, la maintenance et l’amélioration de l’infrastructure ferroviaire. Tous les cinq
ans, la concession pourrait être prolongée pour cinq autres années. Toutefois, le gouvernement
pourrait annuler la concession après 10 ans, moyennant un préavis de cinq ans et un paiement
compensatoire.

Le gouvernement conserva la propriété légale de l’infrastructure, y compris les stations


et la voie. La CAMRAIL sélectionna le matériel roulant qu’elle loua pendant huit ans avec

30
La REGIFERCAM s’est avérée progressivement incapable de satisfaire la demande des usagers (notamment
pour le fret, où les conditions et les délais de transport de marchandises devenaient inacceptables). Elle a fixé des
tarifs bien en dessous du seuil de rentabilité et a sous-investi dans la maintenance et le développement des réseaux
(particulièrement entre 1985 et 1995). Ainsi, à partir des années 1980, la gestion du réseau ferré est devenue
déficitaire, enregistrant une perte annuelle de l’ordre de 4 Mds FCFA entre 1995 et 1998.
31
Banque Mondiale, La Réforme des Chemins de Fer : Manuel pour l’Amélioration de la Performance du Secteur
Ferroviaire, Washington DC, Transport and ICT Global Practice, La Banque internationale pour la Reconstruction
et le développement/ Groupe Banque mondiale, 2017, p. 421.
P a g e | 274

option d’achat. Camrail obtint également le droit d’acheter et vendre son propre équipement, et
le gouvernement conserva le droit de premier refus sur toute vente de matériel roulant. La
CAMRAIL devait faire des investissements dans l’infrastructure par une délégation
gouvernementale, et accepta d’entreprendre un programme d’investissement d’environ 92
millions de Dollars US sur une période de cinq ans.

Le programme fut financé à 58% par des prêts de la Banque mondiale/IDA, les agences
de développement française et allemande et la Banque Européenne d’Investissement ; et 42%
furent financés par des injections de capitaux propres (17%) et des bénéfices non répartis (25%).
La réhabilitation de l’infrastructure, principalement au nord de Yaoundé, représentait environ
50% du programme et la réhabilitation, tandis que la réhabilitation du matériel roulant
représentait environ 25%.

CAMRAIL prit plus de 3 000 employés de REGIFERCAM, sur un total de 3 400


emplois avant la concession, et a réduit ce nombre à 2 800 après la première année
d'exploitation. Les coûts de réduction furent à la charge du gouvernement, tandis que la Banque
Africaine de Développement et la Banque Européenne de Développement financèrent les
indemnités de licenciement et les pensions. La CAMRAIL réduisit le personnel à 2 600
employés au début de 2002.32

Pour les services commerciaux, la société était libre d’établir des tarifs et de signer des
contrats avec les expéditeurs et les fournisseurs. Elle était cependant obligée de ne prendre en
charge que deux contrats existants, l’un pour l’aluminium et l’autre lié à la construction du
pipeline Tchad-Cameroun. Le gouvernement lui imposa aussi de fournir des services non
commerciaux spécifiques, principalement les services passagers «omnibus» de Douala à
Yaoundé, qui s'arrêtaient à toutes les stations (dont beaucoup n’étaient pas reliées à des routes
toutes saisons) et des services au nord de Douala pour des plantations. Pour ces services non
commerciaux, la CAMRAIL recevrait des compensations.

Les paiements pour la concession étaient les suivants :

- un montant annuel fixe de FCFA 500 millions (862 000 $ US), augmenté selon les prix
industriels ;

32
Ibid, p. 423.
P a g e | 275

- et un montant variable de 2,25% des revenus au cours de la première année, de 3,0%


pendant la deuxième jusqu’à la cinquième année ; et un montant négocié d’au moins
5,0% à partir de la sixième année.
Depuis la mise en concession, quelques évolutions mineures ont eu lieu dans la
répartition de l’actionnariat :

- suite au mécontentement des salariés après la décision de CAMRAIL de ne distribuer


aucun dividende pendant les dix premières années d’exploitation, l’État a racheté les
actions qui avaient été accordées aux salariés de CAMRAIL ;
- par ailleurs, deux actionnaires minoritaires (Total avec 5,31 % et la Société
d’exploitation de bois du Cameroun avec 3,76 %) sont rentrés au capital de la
concession, reprenant des parts précédemment détenues par la SCCF (Société
camerounaise des chemins de fer).
Le schéma ci-dessus résume l’actionnariat de la société CAMRAIL :

Schéma n° 1 : Actionnariat de la CAMRAIL en 2007

Source : A. Blanc et al, La concession du chemin de fer du Cameroun…, 2007, p. 11.

En 2008, le contrat de concession fut modifié et les mesures clés suivantes furent
introduites :
P a g e | 276

- la concession fut portée à 30 ans à partir de l’an 20 de la concession (2019) ;


- le capital fut augmenté de 9 millions de dollars US ;
- les frais de concession fixes et variables furent plafonnés à 4,4 millions de dollars US
annuels dans le cadre d’un droit de concession fixe ;
- le gouvernement garantit un financement de 193 millions de dollars US pour un
nouveau programme de renouvellement d’infrastructures jusqu’en 2020, qui serait
partiellement financé par l’introduction d’un RIRIF33 payable par le concessionnaire au
gouvernement dans un compte géré par le concessionnaire ;
- le gouvernement financerait 27 millions de dollars US en matériel roulant passagers
seulement ;
- et le concessionnaire financerait 290 millions de dollars US en matériel roulant et des
investissements liés au matériel roulant jusqu’en 2020.
Dès lors, quel bilan social pouvons-nous faire de cette concession ?

2. Une privatisation au détriment du social ?

Le transport de voyageurs par rail est réputé non rentable dans la majorité des pays s’il
ne correspond pas à l’un des domaines de compétitivité spécifiques du rail, tel que le transport
de grande vitesse ou le transport périurbain. C’est notamment le point de vue des ministres en
charge des transports de l’Union africaine lorsqu’ils concluent que « le service voyageurs
présente dans la plupart des cas un déficit chronique qui nécessite une intervention financière
des États »34 Face à ce déficit, l’État camerounais, responsable des chemins de fer, a révisé le
statut juridique des transports dans le cadre de la privatisation, ce qui a ouvert la voie à la
participation du secteur privé. Cependant, les résultats de cette privatisation sont mitigés.

En effet, dans la majorité des cas, la privatisation n’a pas donné de résultats positifs
sur le continent. Au Cameroun, il ressort globalement que le trafic ferroviaire continue de
connaître un déclin en raison de la mauvaise gestion, de la vétusté de l’infrastructure et du
matériel, d’une concurrence déséquilibrée que subit ce trafic de la part d’entreprises privées de

33
RIFIF : Redevance d’Investissement et de Renouvellement des Investissements Ferroviaires (frais
d’investissement ferroviaire et Renouvellement). Elle est calculée annuellement sur la base de 50% du bénéfice
net avant impôts de l’année précédente.
34
Union africaine, Viabilité des entreprises ferroviaires : évaluation des processus de privatisation et de
restructuration, Première conférence de l’Union africaine des ministres africains en charge du transport
ferroviaire, Brazzaville, République du Congo, 10-14 avril 2006.
P a g e | 277

transport routier, dont la plupart ne sont pas responsables de la gestion de l’infrastructure


routière qu’elles utilisent.35

a. La CAMRAIL et l’héritage de la REGIFERCAM

Sous la REGIFERCAM, les services voyageurs étaient de deux types : les services dits
commerciaux et les services omnibus (également appelés services conventionnés). L’activité
omnibus étant déficitaire, elle donnait droit au versement d’une subvention annuelle par l’État
en guise de dédommagement. Durant les années 1992-1997, le trafic-voyageurs omnibus
représentait en moyenne 300 millions de FCFA de chiffre d’affaires par an, et le trafic
commercial entre 3 milliards et 3,5 Milliards FCFA. La compensation du coût net des services
conventionnés faisait peser une charge importante sur le budget de l’État, de l’ordre de 3
milliards de FCFA par an.

Dans le cadre de la mise en concession, l’État souhaita améliorer la rentabilité globale


de la société et diminuer le coût du service omnibus. À cet effet, il évalua la possibilité de
fermer certaines dessertes et, pour ne pas pénaliser les populations concernées, de réhabiliter
les infrastructures routières des zones correspondantes. Des études furent alors lancées pour
évaluer les travaux à entreprendre sur ces « routes de substitution », ainsi que pour déterminer
les arrêts alors susceptibles d’être fermés. Elles aboutirent à l’attribution en décembre 1998
d’un prêt de 38 millions de FRF par l’AFD pour financer l’aménagement de 45 sections de
piste, pour un linéaire total d’environ 400 km.

Lorsque la concession ferroviaire vit le jour le 1er avril 1999, le gouvernement attribua
à la CAMRAIL le droit de recevoir les subventions associées aux services non-commerciaux.
Cependant, sans y faire référence textuellement dans le contrat de concession, la construction
des routes de substitution et la fermeture des dessertes omnibus semblaient bien avoir été
décidées, et servirent de cadre à l’offre de l’opérateur privé.36

Un retard dans les études du maître d’ouvrage, notamment en lien avec une
problématique de prise en charge par le budget de l’État de l’entretien des routes ainsi
construites, a repoussé le début des travaux, qui n’ont pris fin que courant 2005.37 Le projet de

35
Rappelons que la concession de la REGIFERCAM à la CAMRAIL demande à cette dernière d’entretenir le
réseau ferroviaire.
36
A. Blanc et al, La concession du chemin de fer du Cameroun…, pp. 20-21.
37
Ibid.
P a g e | 278

routes de substitution tardant, la CAMRAIL a assuré le service de transport omnibus


conformément aux conventions signées. Cependant, l’État n’a pas honoré ses engagements, et
aucune subvention n’a été payée pendant les trois premiers exercices sociaux (entre 1999 et
2002). CAMRAIL a donc dû assumer seul le déficit de trésorerie correspondant (à hauteur de
6,6 Mds FCFA).38 Prenant en compte cette situation, un protocole d’accord a été signé entre
l’État et les bailleurs de fonds en mars 2002, concluant à l’individualisation comptable de
l’activité voyageurs dans le but d’évaluer précisément le déficit réel de ce service.

Une étude du coût global de l’activité voyageurs fut commandée par la CAMRAIL en
2002, avec pour but de réorganiser cette activité sur le plan opérationnel et organisationnel.
Cette étude conduisit les dirigeants de la CAMRAIL à créer en décembre 2002 une entité
séparée au sein de l’entreprise, MOBIRAIL, chargée spécialement de gérer l’activité voyageurs.
Les conclusions centrales de cette rationalisation comptable firent le constat d’un déficit de tous
les services voyageurs (qu’ils soient commerciaux ou non).39

À la suite de la création de MOBIRAIL, et une fois établie la preuve du déficit général


de l’activité voyageurs, les négociations entre l’État et le concessionnaire ont abouti en
décembre 2003 à la signature d’une nouvelle Convention de transport voyageurs. La convention
a redéfini en détail cette activité, pour laquelle il n’existait désormais plus aucune différence
entre services commerciaux et services conventionnés. Ainsi, tous les services de transport de
voyageurs, pour lesquels un nouveau plan de transport avait également été défini, ont donné
droit à une subvention d’équilibre.

b. Une hostilité à la privatisation marquée dans le transport de voyageurs

De la même manière que le choix du PPP se fait parfois pour des raisons idéologiques
et non au regard d’études économiques, l’appréciation de ces projets de privatisation par le
public est, dans de nombreux cas, le résultat d’une perception biaisée de la privatisation. Ainsi,
l’idéologie dominante dans les pays en voie de développement est généralement négative à
l’égard des privatisations. Les commentaires repris par la presse laissent souvent entendre que
l’impact des privatisations serait négatif pour la grande majorité des usagers. L’exemple du rail
camerounais est représentatif de ce phénomène, la privatisation ayant déclenché une vague de

38
Ibid.
39
Ibid.
P a g e | 279

ressentiment parmi la population, tandis qu’une action de mobilisation opposait les cheminots
au nouveau concessionnaire.

Malgré la réussite de la concession d’un point de vue opérationnel, la CAMRAIL est


victime d’une impopularité généralisée parmi la population camerounaise. Cette expérience de
PPP est perçue comme un échec sans appel. Le chemin de fer est un moyen de transport qui
offre, certes, une certaine sécurité par rapport à la route, mais caractérisé par un temps de trajet
rédhibitoire, la suppression d’arrêts, ou encore le manque d’amélioration de la qualité des
voitures. La cause de tous ces maux est, dans cette appréciation de la concession, la perception
d’une préférence du concessionnaire pour le transport de marchandises, aux dépens du transport
de voyageurs.

Ce sentiment d’hostilité vis-à-vis de la privatisation est renforcé par la série de scandales


qui ont fait irruption dans les médias :

- l’échec du programme d’investissement salarié ;


- la disparition du fonds de pension mis en place par l’État pour les anciens cheminots ;
- l’achat en 2003 de cinq autorails d’occasion. Le concessionnaire les a acquis pour le
compte de l’État. Or, ils se sont avérés inadaptés aux conditions météorologiques du
Cameroun et ne roulent toujours pas quatre ans après. Ces événements consécutifs au
PPP ont conforté les soupçons que beaucoup nourrissaient à l’égard du partenaire privé,
vu comme cherchant à maximiser son profit au détriment des voyageurs.
- Les déraillements à répétition.
- L’accident de train d’Eséka de 2016.
Le tableau ci-après donne quelques chiffres de la satifaction des clients de la CAMRAIL
entre 2014 et 2017.
P a g e | 280

Tableau n° 11 : Enquête de satisfaction de la CAMRAIL

Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 20. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.

L’analyse de ce tableau nous permet de constater que, entre 2014 et 2017, la CAMRAIL
a enregistré au total huit déraillements sur le trafic voyageur. Pourtant, les plus grandes
perturbations viennent du trafic de marchandises. En effet, bien souvent ce sont ces
déraillements qui sont à l’origine des retards et autres annulations de voyages. En quatre années,
la CAMRAIL a enregistré 72 incidents liés au trafic marchandise. Une autre pesanteur
importante est le nombre de pannes des locomotives : 1557 pannes entre 2014 et 2017, soit une
moyenne de 389,25 pannes par an. Si ces chiffres nous semblent déjà énormes, ils semblent ne
pas correspondre aux différents pourcentages de satisfaction de la clientèle évoqués par la
compagnie. Peut-on vraiment penser qu’avec 448 pannes et 21 déraillements, la clientèle soit
satisfaite à 77% ? Taux qui, à notre analyse, semble bien grand lorsque l’on effectue un voyage
sur la ligne Yaoundé-Ngaoundéré.40

40
Le 14 mars 2017, nous avons effectué un voyage en train de Yaoundé à Ngaoundéré. Durant ce voyage, nous
avons pu constater le désamour grandissant entre la clientèle et la compagnie de transport ferroviaire. Notre constat
est que, pour bien des passagers, c’est faute de mieux que l’on emprunte le train. Les problèmes les plus évoqués
sont : la longue durée du voyage, l’inconfort des sièges, mauvais accueil des employés, la relation-client distante
(pas d’explications lors d’arrêts de longue durée en pleine brousse, ou lors d’arrêts prolongés dans des gars
intermédiaires etc.), l’insécurité (risque de se faire voler), les arnaques en tout genre. Enfin, une phrase a retenu
notre attention au cours de ce voyage, de la part d’un enseignant de lycée en poste à Ngaoundéré : Lorsque j’achète
mon billet, je ne peux pas savoir quand le train partira, ni quand il arrivera, c’est Dieu seul qui sait ».
P a g e | 281

2016 représente une année charnière dans l’histoire du rail au Cameroun en général, et
de la CAMRAIL en particulier. Le taux de satisfaction clientèle n’y est pas précisé. C’est en
effet l’année qui a enregistré le déraillement le plus meurtrier au Cameroun. Aurait-il été
indécent de demander le ressenti des clients après un tel évènement ? À la suite, l’année 2017
présente un taux de satisfaction bas à 46%. De fait, l’accident d’Eséka a eu de graves
répercussions dans l’entreprise CAMRAIL et sur la population.

Le déraillement du train Intercity N° 152 eut lieu le 21 octobre 2016 à 13 h 30, près de
la gare d’Éséka sur la ligne de Douala à Yaoundé. L’un des éléments déclencheurs de cette
catastrophe fut l’interruption du trafic entre Yaoundé et Douala sur la Route Nationale N° 3, à
cause de la rupture d’un aqueduc au niveau de Manyaï dans la Commune de Matomb dans la
Région du Centre. Sans autre possibilité de mobilité à moindre coût, la population se rua vers
les gares-voyageurs. Le train fut exceptionnellement doublé (seize voitures au lieu de neuf
habituellement) et un fourgon à bagages. L’accident fit 79 morts et 551 blessés : une quinzaine
de voitures se renversèrent, dont quatre basculèrent dans un ravin.

Photo n° 22 : Une vue des wagons du train accidenté dans le ravin à Eséka

Source : https://actucameroun.com/2017/05/23/cameroun-drame-ferroviaire-deseka-voici-le-rapport-et-les-
prescriptions-de-la-commission-yang/, consulté le 28/02/2021 à 13h58.

Le Décret N°2016/424 du 25 octobre 2016 portant Création d’une commission


d’enquête sur l’accident ferroviaire survenu le 21 octobre 2016 à Eséka est signé. Ladite
P a g e | 282

commission est placée sous la supervision du premier ministre. Selon l’article 5 de son décret
de création, la commission disposait d’un délai de trente (30) jours pour remettre son rapport
au chef de l’État.41 Finalement, ce fut le 23 mai 2017 que les premières conclusions furent
rendues publiques. Le communiqué du secrétaire général à la présidence42 qui en fit la synthèse,
donna les éléments suivants pour expliquer la survenue de la catastrophe.

La cause principale retenue est la « vitesse excessive » du Train Intercity n° 152, évaluée
à 96 km/h lors de son entrée dans la gare d’Eseka, alors que sur ladite portion, celle-ci est limitée
à 40 km/h. Les raisons de ce dépassement de vitesse sont dues, selon les experts, au non-respect,
par la CAMRAIL, de certaines règles de sécurité.

Les raisons secondaires étaient les suivantes :

- Surcharge du convoi et rallonge inappropriée de la rame


- Utilisation de voitures de voyageurs dont plusieurs présentaient des organes de freinage
défaillants
- Utilisation d’une motrice dont le freinage rhéostatique était hors service
- Absence de vérification sérieuse de la continuité du freinage de la rame avant son départ
de Yaoundé
- Refus de prise en considération, par la hiérarchie de CAMRAIL, des réserves émises
par le conducteur du train du fait des anomalies et défaillances précitées.

Rappelons que les wagons incriminés dans cette catastrophe furent achetés en 2014. En
effet, la CAMRAIL réceptionna un premier lot de 40 voitures-voyageurs construites par la
société chinoise CSR Nanjing Puzhen, suivant un contrat de marché signé le 23 juin 2011 à
Yaoundé, d’un montant de 11,7 milliards de FCFA.43 Comment comprendre alors que des
wagons âgés de moins de trois ans aient pu causer un tel accident ?

41
Le décret est téléchargeable en ligne, URL : https://www.prc.cm/fr/actualites/actes/decrets/1970-decret-n-2016-
424-du-25-octobre-2016-portant-creation-d-une-commission-d-enquete-sur-l-accident-ferroviaire-survenu-le-21-
octobre-2016-a-eseka, consulté le 01/03/2021 à 02h39.
42
Le communiqué du secrétaire général à la présidence est consultable en ligne, URL :
https://www.prc.cm/fr/actualites/communiques/2273-accident-ferroviaire-d-eseka-les-mesures-du-chef-de-l-etat,
consulté le 01/03/2021 à 02h36.
43
« Cameroun : Bolloré Africa Logistics réceptionne une commande de wagons chinois pour 18 millions d’euros »,
article en ligne, URL : https://www.agenceecofin.com/investissement/1601-16742-cameroun-bollore-africa-
logistics-receptionne-une-commande-de-wagons-chinois-pour-18-millions-d-euros, consulté le 01/03/2021 à
02h57.
P a g e | 283

Il faut noter qu’après la catastrophe, plusieurs plaintes furent déposées. Le Procureur


général près la Cour d’appel du Centre, chargé de l’enquête menée conjointement par la police
et la gendarmerie camerounaises pour le compte du tribunal d’Eseka, ordonna une enquête.

Dans ce document d’une vingtaine de pages, étayé par les données provenant de la boîte noire du convoi
ayant déraillé le 21 octobre 2016 à Eseka, un expert ferroviaire a analysé les débris des voitures, les
témoignages des acteurs et le déroulement des faits. Et ses conclusions sont édifiantes, en particulier à
l’encontre de la société ferroviaire CAMRAIL, qui connaissait selon lui l’existence de graves
dysfonctionnements dans 13 des 17 voitures formant le convoi (dont les huit ajoutées pour pallier l’afflux
de voyageurs sur le trajet du 21 octobre 2016). 44

Le rapport note que la CAMRAIL savait depuis 2014, année de l’achat des wagons
chinois, que ceux-ci étaient défectueux, puisque, comme le note le rapport d’expertise, « les
plaquettes de frein ne présentaient pas d’usure et n’étaient pas serrées sur leur disque de
freinage. […] Ces défauts de freinage sont liés à la conception même du système ».45 Ainsi,

La Camrail aurait également pris des mesures concernant les wagons chinois dès 2014,
alors que plusieurs défaillances avaient été constatées lors de leur utilisation. Des convois
composés de ce type de voitures avaient en effet « dérivé » et pris une vitesse excessive, en mai
2014 ou en juillet 2014.46 Pour résoudre le problème, les dirigeants de CAMRAIL décidèrent
de composer un mixage des convois afin de compenser les effets négatifs de ce système de
freinage. Il fallut donc encadrer les voitures chinoises avec d’autres de provenance différente,
notamment française et allemande.47

C’est d’ailleurs ainsi qu’elle procéda le 21 octobre, concernant le train qui allait dérailler à Eseka. Les
douze voitures de fabrication chinoise (de type CSR série 1300, de 44 à 45 tonnes chacune, et dont huit
avaient été ajoutées le jour même), étaient ainsi situées entre la locomotive « Dietrich » de conception
allemande, et les quatre voitures de queue « Soule » d’origine française. 48

À la suite de l’accident d’Eseka, la décision fut prise au sein de la CAMRAIL, de retirer


les wagons chinois de la circulation. Les tableaux suivants permettent d’avoir une idée des
conséquences de ce retrait.

44
Mathieu Olivier, « Cameroun : un rapport d’expertise conclut à une « responsabilité totale et entière » de Camrail
dans la catastrophe ferroviaire d’Eseka », Jeune Afrique, mis en ligne le 25 janvier 2017 à 15h21, URL :
https://www.jeuneafrique.com/395809/societe/cameroun-rapport-dexpertise-conclut-a-responsabilite-totale-
entiere-de-camrail-catastrophe-ferroviaire-deseka/, consulté le 01/03/2021 à 03h09.
45
Mathieu Olivier, « Cameroun : pourquoi Camrail a retiré ses wagons chinois de la circulation ? », Jeune Afrique,
mis en ligne le 23 février 2017 à 13h17, URL : https://www.jeuneafrique.com/406325/societe/cameroun-camrail-
a-retire-wagons-chinois-de-circulation/, consulté le 01/03/2021 à 03h17.
46
Ibid.
47
Ibid.
48
Ibid.
P a g e | 284

Tableau n° 12 : Évolution du trafic « voyageurs » par ligne entre 2011 et 201749

Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 22. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.

Le tableau n° 12 permet de constater la baisse du nombre de voyageurs, passant de


572 601 en 2015, tout juste après l’achat des wagons chinois, à 133 135 en 2017, après leur
retrait. Il faut surtout noter que la CAMRAIL avait purement et simplement annuler les trains-
voyageurs après la catastrophe d’Eséka. Le bilan global est encore plus éloquent. En 2011, le
train enregistrait 9 072 743 passagers, toutes lignes confondues, contre 3 922 192 seulement en
2017. Au niveau des recettes (tableau n° 13), on passait de 9 107 400 000 FCFA en 2015, juste
après l’achat des wagons chinois, à 3 786 600 000 FCFA en 2017.

49
Le transport de passagers est assuré par la CAMRAIL sur trois liaisons :
• La Ligne de l’Ouest, Douala - Kumba :
• Le TRANSCAM 1, Douala – Yaoundé :
> Des trains Omnibus desservent toutes les gares et arrêts. Ils aident au désenclavement des zones rurales et
permettent l’acheminement des produits vivriers vers les grandes villes.
> Des trains semi-directs, composés de rames classiques (voitures 1ère et 2ème classe, bar restaurant, fourgons
générateurs) desservent les grandes zones et chefs-lieux d’arrondissement.
> Des trains directs : Ils sont réalisés par une rame de 2 voitures 1ère classe et de 4 voitures Premium.
• Le TRANSCAM 2, Yaoundé – Ngaoundéré :
> Des trains omnibus desservant la zone de Belabo à Ngaoundéré, permettent aux populations riveraines de se
déplacer et d’acheminer leurs vivres vers les grands axes.
>> Des trains semi-directs de Yaoundé à Ngaoundéré.
Source : http://www.camrail.net/transp_voyageurs.html, consulté le 01/03/2021 à 07h30. La dernière mise à jour
de ces informations n’est pas précisée. Nous les utilisons afin de renseigner le lecteur sur les trois lignes de la
CAMRAIL encore fonctionnelles.
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Tableau n° 13 : évolution du trafic « voyageurs » entre 2011 et 2017

Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 22. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.

Mais il est utile de préciser que l’accident d’Eséka vint trouver un contexte déjà marqué
par le mécontentement des populations suite à la fermeture (ou aux tentatives de fermeture) de
certains arrêts. Jusque-là principal moyen de mobilité d’une grande partie de la population, cette
dernière se trouva en incapacité d’acheminer ses productions, surtout vivrières. L’abandon du
tronçon Mbanga-Nkongsamba en est une illustration.

Construite entre 1902 et 1911, la ligne de l’Ouest (Douala-Nkongsamba) a été construite


par l’Administration Allemande50. Cette voie traversait les riches terres volcaniques qui
constituaient la mamelle nourricière de Douala. De 1964 à 1969, nous l’avons noté au Chapitre
IV de ce travail, l’Administration Camerounaise a construit un embranchement entre Mbanga
et Kumba. Du fait de la concurrence entre les transports ferroviaire et routier sur le corridor
Mbanga-Nkongsamba l’exploitation ferroviaire n’était plus financièrement rentable, à cela il
faut ajouter les conséquences des choix techniques opérés dès 1990, notamment l’acquisition
de nouveaux matériels roulants nécessitant de lourds travaux d’aménagement de la voie51. Dès
1991 le tronçon Mbanga-Nkongsamba était déclaré hors service par une décision de gestion

50
Pour comprendre la place prépondérante de ce tronçon de chemin de fer, il est intéressant de lire cet extrait :
« La “Kamerun Eisenbahn Gesellschaft” fut constituée en 1903, et le 11 avril 1911 on inaugura le tronçon
Bonabéri-Nkongsamba (160 km). Parmi les 24 gares qui jalonnaient la ligne et avaient été conçues principalement
pour desservir les grandes plantations du Mungo, plusieurs devinrent par la suite de petites villes : Mbanga, Penja,
Njombé, Loum, Manjo. C’est le chemin de fer qui donna naissance à la ville même de Nkongsamba. Celle-ci ne
devait être qu’une étape provisoire en direction du nord et un projet gouvernemental de 1914 prévoyait sa poursuite
au moins jusqu’à Foumban ». Source : J. Champaud, « Genèse et typologie des villes du Cameroun de l’Ouest »,
Cahiers de l’ORSTOM, Série sciences humaines, vol. LX, n° 3, 1972, p. 329.
51
D’après un cadre du ministère des transports, dans le cahier des charges de Camrail, le tronçon Mbanga-
Nkongsamba a été suspendu pour des raisons de sécurité. Les rails, posés en 1906, étaient tombés sous le coup de
l’usure. Entretien tenu à Yaoundé le 11 décembre 2019 à 13h.
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interne aux CFC52. Depuis cette mise hors service, les populations se sentent orpheline de cet
outil qui a autrefois marqué la modernité :

De Mbanga à Nkongsamba, en passant par Nkapa, Loum, Ndoungué, … les populations qui ont connu la
belle époque du train ne veulent rien entendre comme raison de la privatisation de leur moyen de transport
privilégié. “Le train était tout pour nous. Un moyen de transport, une source de revenus et une histoire de
fierté”, déclare avachi, un sexagénaire à Penja. Ressaisi, il peut ajouter : “il nous aidait à nous déplacer
avec ou sans argent et à développer un petit commerce entre les localités riveraines et Douala. Depuis que
le train ne passe plus ici, on est mort”. Et pourtant, la route est là. Mais pour notre interlocuteur comme
pour bon nombre d’habitants à Penja, la route ne saurait remplacer les rails. Et pour cause. “Dans quelle
voiture pouvez-vous monter sans payer de Nkongsamba à Douala? Avec le train à l’époque, on pouvait
le faire en jonglant les contrôleurs. Et quand quelqu’un était coincé, il savait comment faire pour s’en
sortir”, poursuit-il. Le train dans ce tronçon n’a pas fait que l’affaire des petits commerçants de café,
d’huile de palme, de vivres frais, etc. “Lorsque je fréquentais à Ndoungué, nous empruntions le train à la
gare de Douala-Bassa sans payer un seul sou”, se souvient Salomon Ketcha, diplômé de l’enseignement
supérieur et vendeur d’ananas à Penja. Pour Adalbert Tchompdou, infirme de son état, l’incertitude est
totale depuis qu’“un groupe d’individus démontent ce qui restait encore de souvenirs du chemin de fer et
qui animait l’espoir et le rêve qu’un jour la voie sera rouverte”. 53

Ainsi, pendant de nombreuses années, la desserte des villages enclavés a contribué à la


structuration des économies locales. L’étude économique de Gannett Fleming révélait que le
seul moyen de locomotion généralement accessible aux populations riveraines des abords des
routes de substitution était le train54. Pour certains villages, la voie ferrée joue un rôle essentiel
dans l’évacuation des productions vivrières.

Les personnages emblématiques de ce lien entre l’économie locale et le train sont les
« bayam salam », ces femmes qui assurent le commerce des productions vivrières entre les
villages situés le long de la voie et les grands centres urbains. Achetant une partie de leur
cargaison au cours des haltes du train, elles se rendent jusque dans les grandes villes pour y
écouler cette marchandise. Au cours du voyage de retour, elles revendent parfois à ces mêmes
villages des biens industriels achetés en ville. Cette activité constituait une double contrainte
pour CAMRAIL : non seulement la durée des haltes était particulièrement longue pour
permettre le chargement de la marchandise, mais de plus, les colis chargés étaient abondamment
entassés dans les voitures de voyageurs (ce n’est plus le cas avec les mesures prises par le
concessionnaire). L’impact économique de ce commerce est assez difficile à mesurer. Il semble
néanmoins que l’offre de débouchés ainsi fournie, bien que marginale au niveau du pays, soit

52
Ministère des transports et Ministère des travaux publics, « Programme sectoriel des transports. Évaluation
environnementale de la mise en concession des chemins de fer du Cameroun », Rapport final, Buursink/RCM
International Consultants, novembre 1998, p. 5.
53
N. Ndjebet Massoussi, « Nkongsamba : Le train ne sifflera plus », Quotidien Le Messager, article en ligne,
URL : http://peuplesawa.com/fr/bnlogik.php?bnid=111&bnk=21&bnrub=1, consulté le 16/06/2020 à 04h13.
54
Lire G. Fleming, « Étude des routes de desserte des gares ferroviaires. Deuxième phase : Évaluation des besoins
en entretien et réhabilitation », volume II : Impacts environnementaux, République du Cameroun, ministère des
Transports, cellule de coordination du projet sectoriel des transports, août 1998.
P a g e | 287

essentielle pour les populations pauvres vivant tout le long de la voie ferrée. La question de
l’impact des privatisations sur les populations pauvres et sur la répartition des revenus est au
cœur de la problématique des PPP. Les études menées aujourd’hui ne permettent pas de
répondre catégoriquement à cette question : Estache soutient que les besoins des plus pauvres
ont été largement ignorés55 ; dans une étude portant sur 10 privatisations en Amérique latine,
McKenzie et Mookherijee rapportent que les privatisations ont un effet très faible sur les
inégalités, et qu’elles ont permis au mieux de réduire la pauvreté, et au pire de ne rien changer
à la situation56.

Photo n° 23 : Activités commerciales à l’escale du train-voyageurs en direction de


Ngaoundéré à la gare de Ngaoundal (région de l’Adamaoua).

Prise de vue: Nicolas Owona, 14 mars 2017.

55
Lire A. Estache, « Réformes des services publics dans les pays en voie de développement : mythes et réalités »,
in Ponts et Chaussées Magazine, n° 10, 2006.
56
Lire D. McKenzie et al, “Paradox and Perceptions: Evidence from four Latin American Countries”, in J. Nellis
et al, Reality Check: the Distributional Impact of Privatization in Developing Countries, Center for Global
Development, Washington D.C, 2005.
P a g e | 288

Photo n° 24 : Activités commerciales lors d’un croisement de trains-voyageurs à la


gare de Belabo (région de l’Est).

Prise de vue : Nicolas Owona, 14 mars 2017.

En rappel, l’avenant à la concession de 2008 prévoyait les investissements :

- le gouvernement garantit un financement de 193 millions de dollars US pour un


nouveau programme de renouvellement d’infrastructures jusqu’en 2020 ;

- le gouvernement financerait 27 millions de dollars US en matériel roulant passagers


seulement ;

- et le concessionnaire financerait 290 millions de dollars US en matériel roulant et des


investissements liés au matériel roulant jusqu’en 2020.

Au final, en termes d’investissements, le bilan est le suivant : seules 49 wagons


constituent les nouvelles acquisitions de la CAMRAIL en plus de 20 ans de concession. Lorsque
l’on sait que parmi ces wagons, 40 sont les wagons chinois mis hors service depuis 2017, on
comprend alors que la CAMRAIL fonctionne encore avec les équipements de la
REGIFERCAM. Le tableau suivant nous instruit sur le parc de matériels roulants de la
CAMRAIL.
P a g e | 289

Tableau n° 14 : Parc matériel roulant de la CAMRAIL

Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 21. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.

Ce qui précède nous amène à nous interroger sur le bien-fondé des privatisations dans
les transports, qui sont par nature des “services publics”. Il faut définir un service public selon
deux sens57 :

Au sens organique, le service public est une organisation formée d’agents et de moyens
matériels destinée à accomplir certaines dispositions, au sein d’une Administration (ex: le
service de la santé).

Au sens matériel du terme, le service public est un organisme à vocation générale ; si


certains services publics poursuivent un objectif de rentabilité, ils doivent avant tout avoir pour
objet d’effectuer une « mission de service public ». Le but premier est donc de satisfaire l’intérêt
général. Le service public se justifie seulement par cet objectif, difficile à déterminer car
variable dans le temps et dans l’espace.

C’est donc au sens matériel du terme que nous concevons l’utilité des services de
transport à l’instar du chemin de fer, des transports urbains (SOTUC), des transports aériens et
des routes de bonne qualité. Ainsi, les services publics se caractérisent par le fait qu’ :

57
Ces définitions sont consultables en ligne. URL:
https://www.lemondepolitique.fr/cours/droit_public/service_public/notion.html, consulté le 01/03/2021 à 07h49.
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 ils doivent avant tout satisfaire l’intérêt général, et donc ne pas recourir aux exigences
de rentabilité ou rechercher le profit (à la différence des entreprises).

 ils doivent être rattachés à une personne publique. Traditionnellement, l’activité


d’intérêt général devrait être sous le contrôle d’une administration. Mais a été admise la
gestion privée du service public dès lors qu'il existe un lien suffisant avec la personne
publique (dans les faits, une simple dépendance suffit) ; dans ce cas, les règles propres
à l’administration doivent s’appliquer (attribution de prérogatives de puissance
publique, obligations particulières).

Le service public peut donc exister par l’intermédiaire d’une personne publique qui
prend en charge les moyens nécessaires pour garantir la mission d’intérêt général ; mais
l’intermédiaire peut également être un organisme privé. Dans les deux cas, l’État doit s’assurer
de la sauvegarde des intérêts de sa population. En effet, le service public, a-t-on coutume de le
dire, n’a pas vocation à être rentable.

La concession de la CAMRAIL laisse une place importante à l’État. Il n’est pas logique,
selon notre analyse, d’incriminer uniquement le Groupe Bolloré, actionnaire majoritaire de la
CAMRAIL, pour les manquements imputables en partie à l’État camerounais. C’est ce dernier
qui n’a pas su sauvegarder les intérêts de sa population. En rappel des directives de la
concession, l’État camerounais devait financer matériel roulant passagers à hauteur de 27
millions de dollars US. En effet, le volet du transport des passagers incombait au premier chef,
à l’État du Cameroun.

En 2018, la CAMRAIL estimait avoir « investi environ 100 milliards FCFA. Par
ailleurs, 50 milliards FCFA reversés au Trésor public au titre des impôts et taxes et plus de 11
milliards FCFA de retenues opérées à la source et reversées à l’État. »58 L’entreprise évoquait
ces chiffres pour justifier la demande formuler par sa hiérarchie d’une aide de l’État
camerounais.

Selon son directeur général, le Français Pascal Miny, cité vendredi dernier par Jeune Afrique, Camrail
« manque de trésorerie ». Mais il précise toutefois que l’entreprise n’est pas encore « en péril financier ».
Par conséquent, écrit le journal, le nouveau patron en est réduit à donner une seconde vie à onze véhicules
cinquantenaires, remisés depuis des lustres. « Encore faut-il trouver 1,2 milliard de FCFA pour cette
réhabilitation ». Le patron de Camrail espère « que le gouvernement débloquera les fonds nécessaires à
temps […] Pour profiter des possibilités commerciales qu’offre la prochaine Coupe d’Afrique des nations,

58
« Camrail au bord de l’asphyxie financière », EcoMatin, mis en ligne le 25 septembre 2018, URL :
https://ecomatin.net/transport-ferroviaire-camrail-veut-rehabiliter-11-vehicules-cinquantenaires/, consulté le
01/03/2021 à 08h12.
P a g e | 291

organisée au Cameroun dans moins d’un an, le Français de 59 ans comptait sur une partie des vingt-cinq
voitures voyageurs neuves en cours d’acquisition par l’État. Mais elles ne seront opérationnelles qu’après
la compétition ».59

Le 27 janvier 2019, Paul Biya habilita, dans deux décrets respectifs, le ministre de
l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Alamine Ousmane Mey, à
signer des conventions de crédit acheteur avec la Standard Chartered Bank, d’un montant
cumulé de 7,8 milliards FCFA, pour l’acquisition de quatre locomotives pour le compte de
Camrail. Lesdites locomotives seraient affectées au transport des voyageurs. Même si cette
décision fut prise en respect des engagements pris par l’État du Cameroun dans le cadre de la
convention signée en 1999 avec le groupe Bolloré, certains préalables semblent simplement
n’avoir pas été remplis avant une telle intervention.

Tout d’abord, l’audit de la concession de 1999 en passant par les avenants de 2005 et
2008, pour savoir si effectivement les tâches dédiées à la société CAMRAIL ont été bien
remplies. Ce fut l’une des prescriptions phares du rapport d’enquête commandé par le chef de
l’État à la suite de l’accident ferroviaire du 21 octobre 2016. Celui-ci proposait, entre autres,
des mesures visant à limiter les risques de survenue d’une telle catastrophe à l’avenir. Paul Biya
avait surtout, au terme de cette enquête, promis une plus grande implication de l’État dans le
secteur ferroviaire, en tant que garant de la sécurité des Camerounais. L’État du Cameroun
entendait donc ainsi reprendre la main dans le volet transport des personnes en termes de
contrôles, de procédures, de ressources humaines.

Pour respecter tous les engagements pris par le Cameroun dans le contrat de concession,
Paul Biya avait par ailleurs annoncé qu’une société de patrimoine serait créée pour gérer le
chemin de fer qui demeure le patrimoine de l’État. Cette entreprise était censée prendre la forme
de l’Autorité aéronautique civile du Cameroun ou l’Autorité portuaire nationale.60 Mais avant,
il était attendu une relecture du contrat avec le groupe Bolloré. Préalable pour lequel un avis
d’appel à manifestation d’intérêt pour la présélection des cabinets, entreprises ou groupements,
avait été lancé en 2015.61 Une initiative restée sans suite.

59
Ibid.
60
« Camrail: comment l’Etat s’apprête à injecter 7,8 milliards sans l’audit de la concession », mis en ligne le 30
janvier 2019, URL : https://ecomatin.net/camrail-letat-sapprete-a-injecter-78-milliards-sans-laudit-de-la-
concession/, consulté le 01/03/2021 à 08h26.
61
Ibid.
P a g e | 292

III. Les moto-taxis et les transports clandestins : une conséquence de la


libéralisation des transports urbains et interurbains

À l’entame de cette sous-section, rappelons brièvement le contexte des transports


urbains des personnes au Cameroun. En 1973, en raison d’une croissance urbaine rapide et
soucieux de faciliter la mobilité des populations alors confrontées à un déficit criard de moyens
de transport collectif, l’État camerounais décida de créer une société d’économie mixte
dénommée SOTUC (Société des Transports Urbains du Cameroun) qui jouissait du monopole
d’exploitation des transports urbains par autobus dans les villes de Douala et de Yaoundé depuis
25 ans. Face à une situation financière désastreuse, sa liquidation a été prononcée le 22 février
1995, et le gouvernement avait pris l’option de libéraliser l’exploitation des services de
transports urbains au Cameroun. Depuis lors, les transports urbains motorisés sont assurés par
des taxis collectifs de petite capacité, des minibus, et des moto-taxis. Mais au-delà des
problèmes de mobilité qui continuent de se poser, les moto-taxis et les clandos représentent
aujourd’hui un véritable problème de sécurité.

1. Les moto-taxis, une aide à l’emploi et à la mobilité

Ce serait par le grand Nord que la moto a essaimé l’espace camerounais comme moyen
de transport ou de déplacement des personnes et des biens par excellence.62 Cette intégration a
bénéficié à ses débuts de nombreux attributs : la baisse des prix des motos due à la contrebande,
la proximité et la porosité de la longue frontière avec le Nigeria, d’où elle étaient importés ou
assemblés. Au début des années 1980, Maroua, Garoua, Ngaoundéré, Yagoua, étaient les
premiers foyers des moto-taxis au Cameroun. Après le septentrion, la Province de l’Est à travers
les villes telles que Bertoua, Batouri, Yokadouma a constitué le deuxième foyer des moto-taxis
au Cameroun.63 Ce n’est que dans les années 1990 que l’emploi de la moto à titre onéreux est

62
Lire A. Sadou, « Le taxi moto et l’insécurité urbaine dans le Nord-Cameroun, le cas de la ville de Ngaoundéré »,
2005, en ligne, URL : https://www.ville-en-mouvement.com/sites/default/files/Sadou1_ngaoundere.pdf, consulté
le 29/01/2020 à 15h52.
63
C. Kaffo et al, « L’intégration des "motos-taxis" dans le transport public au Cameroun ou l’informel à la
remorque de l’État : une solution d’avenir au problème de mobilité et de l’emploi urbain en Afrique
subsaharienne », Colloque international sur le taxi organisé à Lisbonne les 20 et 21 septembre 2007. En ligne,
URL : https://www.ville-en-mouvement.com/fr/content/les-taxis-motos-et-linsecurite-urbaine-dans-le-nord-
cameroun-le-cas-de-la-ville-de, consulté le 29/01/2020 16h05.
P a g e | 293

intégré dans le transport public dans les provinces du centre du Cameroun constituant ainsi le
troisième foyer de diffusion de ce mode transport.64

Plusieurs facteurs en ont favorisé l’expansion :

Outre le simple phénomène d’intégration ci-dessus décrit, plusieurs facteurs ont


contribué à l’émergence du transport par moto au Cameroun. Nous pouvons évoquer entre
autres : la fermeture des sociétés de transport urbain dans les villes où elles existaient ; les
difficultés d’accès au marché du travail et la baisse des revenus ; la crise socio-politique des
années 1990 avec le vent démocratique et, surtout, les problèmes de mobilités qu’éprouvaient
les citadins et les habitants des zones enclavées. La fermeture de la SOTUC en septembre 1994
et une démographique de plus en plus galopante, complétées par le désengagement de l’État
dans la dotation des villes des moyens permanents le transport intra-urbain ont, au fil des ans,
aggravés le problème de mobilité des personnes. Cette situation a fait du transport par moto un
véritable phénomène de société au Cameroun.

Un autre facteur contribuait à l’essor de l’activité de mototaxi, c’était la dégradation du


marché du travail et le déclin des revenus réels. Au Cameroun, l’environnement macro-
économique, caractérisé par une profonde crise économique, avait limité les chances d’accès
au marché du travail pour de nombreuses familles. Entre 1985-86 et 1991-92, suite aux effets
de la crise économique, la population sans emploi avait atteint près de 57,7 % de la population
totale du Cameroun tandis qu’au cours de la même période, l’emploi salarié a diminué de
19,2%65.

La tranche d’âge des 15-30 ans constituait l’essentiel de la masse des demandeurs
d’emploi. Et, cette population ne cessait de croître, en raison de l’arrivée chaque année sur le
marché du travail, de diplômés de l’enseignement supérieur et d’un nombre au moins égal de
diplômés ou exclus de l’enseignement secondaire, généralement sans qualification
professionnelle.

64
C’est d’ailleurs en 1995 qu’intervient le premier texte dont l’objectif était de réguler l’exercice de cette activité.
Il s’agit du Décret n°95/650 du 16 novembre 1995 fixant les conditions et modalités d’exploitation des motocycles
à titre onéreux.
65
Pour une meilleure lecture de la situation de l’emploi au Cameroun entre 1983 et 1993, lire Roubaud F., 1994,
« Le marché du travail à Yaoundé, 1983-1993. La décennie perdue », Tiers-Monde, tome 35, n°140, p. 751-778.
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C’est donc pour juguler la saturation du marché du travail formel que les populations
précarisées ont développé des stratégies de survie particulières en direction du secteur informel.
La situation s’était profondément dégradée au point que certains jeunes avaient développé des
stratagèmes visant à combiner école et travail pour emmagasiner une expérience même si les
perspectives en matière d’attente professionnelle demeuraient réduites. C’est suite à cet avenir
incertain que la précarisation de l’emploi a induit une tendance à la sédentarisation des jeunes
dans le secteur informel et au choix d’une activité à revenu immédiat dans les rues des
métropoles.

Le transport par moto est l’un des secteurs qui avait attiré ces jeunes sans emplois. La
conjoncture économique et politique difficile des années 90 a donc offert une plus-value à cette
activité comme réponse aux vagues de licenciements dans de nombreuses entreprises. Si les
licenciés des entreprises étaient au départ parmi les premiers et les plus nombreux à investir
dans l’activité de mototaxi, à la suite de la crise économique, elle était devenue un débouché
pour de nombreux chômeurs.

Le début de la décennie 1990 voit l’entrée de ce mode de transport dans les zones
urbaines, jadis réservé uniquement aux zones à faibles densités de population comme le grand
nord du Cameroun.66 Lors des troubles socio-politiques des années 1990 et grèves successives
des auto-taxis de ville, les motos sont devenues le moyen de transport le plus usité. C’est ainsi
qu’il fait son entrée dans les provinces de l’Ouest, du Nord-ouest, du Littoral et du Centre sous
l’emprise des « villes mortes ». La moto s’est présentée comme un moyen plus sûr de se déplacer
durant les opérations « villes mortes » en échappant à la vindicte populaire récurrente en ces temps
et moyen d’accès rapide aux quartiers enclavés. Avec la dégradation prononcée de la plupart des
artères de la ville aggravée par l’incinération des pneus sur la chaussée pendant les villes mortes et
la baisse progressive de l’offre de transport urbain, les moto-taxis ont investi jusqu’au centre-ville
et l’idée d’en faire un véritable métier s’est enracinée sans que l’administration ne puisse prendre
des dispositions pour la gestion quotidienne. Dès lors, le phénomène a pris une ampleur
difficilement maîtrisable.

C’est le contexte insurrectionnel à Douala dans les années 1990 qui donne véritablement naissance à
l’activité de moto-taxis. Au début des années 1990, l’opposition, comme moyen de pression sur les
pouvoirs publics, organise des opérations « villes mortes » dans tout le pays. Douala, la plus grande
agglomération et bastion de la protestation, est la plus touchée. Les taxis, comme toutes les automobiles,
sont interdits de circulation par une coalition de partis de l’opposition. Les propriétaires de motocyclettes
particulières ont alors l’idée de faire du transport de personnes. À la fin des « villes mortes », les moto-

66
Lire M. Paba Salé, « Petits métiers du transport à Maroua (Cameroun) », Cahiers d’outre-mer, n° 137, 1982, pp.
77-85;
P a g e | 295

taxis se replient dans des quartiers enclavés en périphérie, inaccessibles aux automobiles. Petit à petit,
aidées par la dégradation de la voirie urbaine qui cause beaucoup de casse aux transports publics
traditionnels, les motos vont gagner la ville entière.67

La période crise économique a aggravé les problèmes de mobilité des personnes, résultat
d’une croissance démographique ne s’accompagnant pas toujours de moyens pour satisfaire le
surplus de la demande. La forte sollicitation des moyens de transport en commun et l’étroitesse
des routes occasionnent des embouteillages interminables sur certains tronçons. Pour se
déplacer, les populations sont parfois obligées d’abandonner les auto-taxis pour emprunter une
moto qui a la possibilité de se faufiler entre les voitures, foulant au pied les règles élémentaires
du code de la route.

Photo n° 25 : Des moto-taxis en face du marché Mboppi à Douala

Source : https://fr.blastingnews.com/societe/2016/07/cameroun-le-slogan-pas-un-pas-sans-une-moto-est-en-
vogue-a-douala-001024441.html, consulté le 29/01/2020 à 11h28.

Dans les grandes métropoles, les populations éprouvent de nombreuses difficultés. Du


fait de la dégradation de la voirie, les auto-taxis rechignent à se rendre dans certains quartiers.
Dans la ville de Ngaoundéré par exemple, les « taxis jaunes » ne desservent que la ville
estudiantine de Dang. Seule la moto est utilisée pour les déplacements à l’intérieur de la ville.

67
J. Keutcheu, « Le « fléau des motos-taxis » », Cahiers d’études africaines [En ligne], 219 | 2015, URL :
https://journals.openedition.org/etudesafricaines/18208, consulté le 29/01/2020 à 16h02.
P a g e | 296

De même dans d’autres agglomérations, la construction de nouveaux quartiers, généralement


sans plan d’urbanisation ni d’aménagement, permet l’agrandissement des villes avec des accès
difficiles. Ainsi, la moto se présente comme la meilleure solution pour la mobilité.

Étant donné les avantages comparatifs dont dispose le transport par moto tant à l’intérieur
qu’à la périphérie des grandes métropoles, ce mode de transport semble effectivement constituer
une alternative viable à la précarisation de l’emploi et à la stagnation voire la baisse des revenus.
Toutefois, l’activité fait face à une insécurité totale ou à des goulots d’étranglement qu’il paraît
difficile de lever. Dans l’ensemble, le transport par moto évolue totalement en marge de la loi. Les
conducteurs sont très souvent sans permis de conduire, et ne respecte pas toujours les règles
élémentaires du code de la route.

Ainsi, à la place des avantages socio-économiques qu’on vantait, on entend plutôt


désormais des plaintes. Les moto-taxis sont à l’origine de la recrudescence des agressions de
personnes transportées et surtout des vols de nombreux accidents.

Statistiques qualifiées de dramatiques par le corps médical, qui a présenté un rapport mercredi à la CUD
[Communauté urbaine de Douala]. Pavillon « Bend-skin » à l’hôpital Laquintinie à Douala. Beaucoup
s’imaginent l’ambiance qui peut régner ici. Des tas de blessés de suite d’accident de la circulation
occasionnés par les bends skin qui arrivent au quotidien. Même comme les principaux acteurs, les
médecins en l’occurrence, parlent d’une simple anecdote au sujet du nom donné à ce service. Toujours
est-t-il qu’en 2011, sur près de 16.000 cas admis au service d’urgences de l’hôpital Laquintinie, 2311 sont
des victimes d’accidents causés par des moto-taxis. C’est en substance l’information donnée mercredi
dernier lors d’une concertation à la Communauté urbaine de Douala (CUD) entre magistrats municipaux,
médecins et autres partenaires.68

Toutefois, rapidité et accessibilité aux zones les plus reculées sont autant d’atouts qui
font d’eux en ce moment les transporteurs urbains les plus prisés, sans oublier les prix qui sont
plus abordables que chez les chauffeurs de taxi de ville. Cependant, l’État se heurte à
l’impossibilité d’interdire cette activité, sans alternative viable à l’instar du métro ou du
tramway. D’abord le problème de déplacement va se poser cruellement, ensuite il faudra gérer
le chômage que cela va entraîner avec ces conséquences, et enfin il faudra d’énormes capitaux
pour investir dans ces nouveaux moyens de transport.

L’activité de mototaxi s’est présentée au Camerounais au début de la décennie 1990,


comme une belle opportunité d’emploi et d’aide à la mobilité. Du fait de la récurrence des

68
Cameroon Tribune, « 2311 accidentés de « Bend skin » en 2011 à l’hôpital Laquintinie », 12 mai 2012, en ligne,
URL : http://ct2015.cameroon-tribune.cm/index.php?option=com_content&view=article&id=66551:2311-
accidentes-de-l-bend-skin-r-en-2011-a-lhopital-laquintinie&catid=4:societe&Itemid=3, consulté le 29/01/2020 à
17h30.
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accidents qui lui sont imputés, elle est de plus en plus décriée. La question est simple : peut-on
encore aujourd’hui s’en passer ? Ainsi, l’usage de la moto à titre onéreux s’avère être un mal
nécessaire, au même titre que les véhicules de transports clandestins.

2. Les transports urbains et interurbains « clandestins » : un milieu à assainir

« Clandestins », ce qualificatif leur est attribué pour plusieurs raisons : ils fonctionnent
le plus souvent en toute illégalité, bien que tolérés par les pouvoirs publics ; ils ne sont pas
reconnus par l’administration camerounaise ; leurs promoteurs n’ont pas de licence de transport
collectif, ne sont pas regroupés dans un syndicat ; et les véhicules qu’ils exploitent ne sont pas
assurés contre les risques de la circulation : rien ne garantit la sécurité des marchandises et des
voyageurs. Toutes ces modalités en font des cibles privilégiées pour les forces de sécurité
routière. Pourtant, il faut y voir l’esprit d’initiative d’une population en proie au chômage et au
problème de mobilité.

Albert François Dikoumé69 situe l’apparition des transports clandestins au milieu des
années 1950. Déjà durant la colonisation, la crise économique,70 l’appât du gain facile et les
tracasseries des forces de l’ordre furent les raisons du développement de cette activité. Une
forte concurrence s’installa entre ceux qui étaient restés dans la légalité et ces clandestins, dont
le comportement ne manqua pas de faire contagion au sein des transporteurs.

Cette concurrence qui mettait à mal les finances de nombreux entrepreneurs, modifia le comportement
d’une frange relativement nombreuse des transporteurs. Certains après avoir acquis des camions ou des
cars, oubliaient ensuite de payer leurs traites et entraient dans la clandestinité. […] Des entrepreneurs
endettés jusqu’au cou, choisissaient de quitter la ville où ils étaient installés parfois depuis de longues
années pour aller s’établir dans une autre ville sous une fausse identité, acquise grâce à un jugement
supplétif. Ils acquéraient ce faisant, une nouvelle virginité qui leur permettait de repartir sur d’autres bases
qui étaient celles du transport clandestin. Mais pour se relancer, il leur fallait de nouveau s’endetter et le
manège recommençait jusqu’à ce que acculés, ils se retrouvent en prison. 71

Kengne Fodouop situe quant à lui, l’implantation des transports “clandestins” entre
Yaoundé et les régions voisines en 1975. Il nous en dresse ainsi le récit :

En mars 1975 donc, Monsieur E. racheta une vieille camionnette à une entreprise de Travaux Publics à
Yaoundé et la confia à un jeune chauffeur. Cette camionnette fut mise en service entre la capitale et Soa,
mais suivant les occasions, elle pouvait se rendre aussi à Nkolbisson, Afaneyoa et Oveng. Une telle

69
A. F. Dikoumé, « Les travaux publics au Cameroun… », 2006, p. 473.
70
Dans les années 1950, la colonie du Cameroun subit une forte crise économique due aux fuites des capitaux et
à deux dévaluations consécutives du FCFA, dont l’une le 18 octobre 1948 et l’autre le 20 septembre 1949. À la
suite de ces dévaluations, persista un fort climat de crainte d’une nouvelle dévaluation, qui plomba
considérablement des investissements privés déjà bien maigres. Lire à ce sujet M.-R. Atangana, Capitalisme et
nationalisme au Cameroun: au lendemain de la seconde guerre mondiale (1946-1956), Publications de la
Sorbonne, 1998, pp. 197-225.
71
Ibid.
P a g e | 298

initiative eut très vite des imitateurs, tant à Yaoundé que dans un certain nombre de localités voisines
comme Mbalmayo, Obala ou Mfou. Fin 1977, on comptait déjà 16 véhicules spécialisés dans les
transports « clandestins » autour de Yaoundé. À cette date, 5 lignes partaient de la capitale vers Soa,
Oveng, Afeneyoa, Mbankomo et Okola.72

Si les premiers véhicules de transports dits clandestins sont apparu pour relier les
grandes villes aux périphéries, dans le cadre des liaisons interurbaines, des taxis clandestins
sont eux-aussi apparus par la suite, afin d’assurer le transport intra-urbain. En effet, dès la fin
des années 1980, début des années 1990, la crise économique avait considérablement diminué
le pouvoir d’achat des cadres parfois au point de ruiner complètement leur standing de vie.
Plusieurs propriétaires de véhicules de tourisme se livraient au ramassage clandestin de
passagers urbains au même titre que les taxis patentés.

Les taxis clandestins appelé « clando » ont fait leur apparition dans toutes les villes du
pays et plus particulièrement à Douala et à Yaoundé. Notre analyse est que ces villes
regroupaient le plus de personnes, propriétaires de véhicules et licenciés soit de la fonction
publique, soit d’entreprises en faillite. De plus, ces villes comptaient parmi celles qui
s’étendaient le plus rapidement. Dans un contexte de fermeture de la SOTUC, les liaisons entre
le centre-ville et les nouveaux quartiers ne pouvaient pas seulement être assurées par les taxis
classiques, incapables de combler toute la demande. Ces « clandos » apparaissaient comme une
aide à la mobilité pour les populations les plus démunies et les plus éloignées dans les villages
suburbains.

Lorsque nous faisons avancer notre analyse, nous constatons que plusieurs modalités
ont fait proliférer les transports clandestins jusqu’à nos jours.

La première est leur caractère improvisé, ce qui ne donne ni le temps, ni les moyens de
faire établir tous les papiers nécessaires à l’exploitation d’un véhicule de transport. En effet,
l’enquête que nous avons menée auprès d’une trentaine de véhicules de transports faisant la
ligne Marché Mokolo (Yaoundé) - Okola, nous avons constaté la forte implication des agents
de la fonction publique. Ils le font très souvent comme activité secondaire génératrice de
revenus. Si cela est improviser, débourser presque 200 000 FCFA nécessaire à la mise en
circulation légale, semble assez difficile.

72
Kengne Fodouop, 1985, « Les transports « clandestins » autour de Yaoundé », Cahiers d’outre-mer, n° 150,
1985, p. 175.
P a g e | 299

Ils y sont, soit comme chauffeurs, soit comme propriétaires. Ainsi, un enseignant de

maçonnerie au Lycée technique de Nkolbisson, nous faisait savoir qu’il n’a que cinq heures de
cours par semaine. Et ses cours, il s’en est assuré selon ses dires, n’interviennent que le mardi.
Le reste de la semaine, il sort le matin faire le « ramassage » entre Mokolo et Leboudi. Ce qui
lui permet de pourvoir aux petites dépenses du quotidien.73 Lorsqu’ils ne sont pas eux-mêmes
chauffeurs, ces fonctionnaires confient leurs véhicules à des connaissances pour exploitation.
Les revenus journaliers oscillent entre 8 et 10 000 FCFA. Le contrat de base stipule que le
propriétaire, en remettant les clés du véhicule, donne au chauffeur 10 000 FCFA pour le
carburant. Tous les soirs, au moment de remettre la recette journalière, le chauffeur doit y
adjoindre les frais de carburant constitutif du capital de l’entreprise. Comme salaire, le
chauffeur exploite à son compte le véhicule pour une journée dans la semaine, le dimanche
étant consacré à la vidange du moteur.

De prime abord, cela pourrait sembler juteux. En effet, ce pourrait l’être si la moralité
des chauffeurs n’était pas tout le temps décriée par les propriétaires. Pour M. Akoa, propriétaire
de véhicule, « il est très difficile d’avoir un chauffeur honnête. Très souvent c’est la recette qui
est incomplète, ou les pannes multiples dans le véhicule. Finalement, tout ce qu’on gagne
disparaît dans l’entretien de la voiture, et celle-ci ne cesse de s’abimer et devient hors d’usage
en moins d’un an ».74

Pour comprendre ces conflits récurrents entre chauffeurs et propriétaires, il faut se


référer au témoignage d’un chauffeur :

Le tronçon Mokolo-Okolo souffre d’abord des multiples postes de contrôle : à l’entrée d’Okola, vous
avez la gendarmerie, à Ngoya, il y a un poste mixte gendarmerie-police, à Leboudi, c’est la prévention
routière, moins de deux kilomètres après, c’est encore la gendarmerie. Et les jours où vous êtes vraiment
malchanceux, à Nkolbisson vous avez la police, de même qu’au Carrefour Cité-Verte. Tout cela sur 30
km. Nous n’avons pas les papiers, et ils le savent. À chaque poste, il faut payer entre 1000 F et 2000 F. À
cela il faut ajouter les embouteillages et le mauvais état de la route. Nous les chauffeurs, on ne s’en sort
pas !75

Les exploitants de clandos, même s’ils reconnaissent leur illégalité, se plaignent des
abus des forces de maintien de l’ordre (FMO). Pourtant, le gouvernement n’est pas resté sans
rien faire pour tenter de limiter ces abus sur les routes. La circulation des biens et des personnes
par route est ainsi régie par la Loi N° 96/07 du 8 avril 1996 sur la protection du réseau routier,

73
Entretien avec Monsieur D., environ 40 ans, enseignant, tenu le 27/10/2019 à Mokolo (Yaoundé).
74
Entretien avec Monsieur Akoa, 45 ans, agent contractuel au MINFI, tenu le 28/10/2019 à Mokolo (Yaoundé).
75
Entretien avec Monsieur Ekani, 38 ans, chauffeur de « clando », tenu le 28/10/2019 à Mokolo (Yaoundé).
P a g e | 300

qui habilite les autorités administratives à ériger des barrières temporaires lorsque les
circonstances le commandent.76

La lettre circulaire N° 3047/DGSN du 7 septembre 1990 à l’intention des inspecteurs


généraux, conseillers techniques, directeurs, chefs de division et chefs de services provinciaux
de la Sécurité nationale sur le retrait et la confiscation des documents officiels des usagers des
routes a pour objet de mettre un terme à certains abus et de clarifier les conditions et les
procédures applicables à la confiscation du véhicule et des documents officiels personnels.
Celle-ci stipule notamment que :

Le décret n°79/341 du 3 septembre 1979 modifié par le décret n°86/818 du 30 juin 1986 portant
réglementation de la circulation routière (code de la route) au Cameroun subordonne la mise en circulation
des véhicules automobiles à la production des pièces suivantes :

- une carte grise;

- un certificat d’assurance;

- et une vignette pour les véhicules à usage personnel.

Par ailleurs :

- un certificat de visite technique;

- une carte bleue;

- une carte de stationnement, sont exigés pour les véhicules de transport public des personnes ou des
marchandises.

Les infractions liées au défaut de présentation ou à la péremption de l’une des pièces ci-dessus ne sauraient
donner lieu au retrait du permis de conduire ou de toute autre pièce afférente à la mise en circulation du
véhicule ou pièces officielles. Par contre, ces infractions entraînent la mise immédiate du véhicule en
fourrière.

Pour mieux protéger le droit de circuler librement, des mesures visant à la bonne
organisation des points de contrôle policiers ont été adoptées. Dans un communiqué du 25
juillet 2005, le délégué général à la sécurité nationale a prescrit certaines mesures à ses
collaborateurs sur l’organisation et le fonctionnement des points de contrôle policiers et leur
comportement sur les routes. Il a notamment ordonné que les points de contrôle diurnes fixes
soient levés de manière à fluidifier la circulation et à renforcer la liberté de circulation des
citoyens. De même, il a autorisé les seuls officiers de police judiciaire à imposer des
contraventions aux usagers des routes et au besoin, à procéder au retrait de leurs documents

Voir aussi l’ordonnance N° 3962-A-MTPT du 23 juillet 1991 régissant l’interception et la confiscation des
76

véhicules, qui précise les cas dans lesquels le personnel du Ministère des transports est autorisé à arrêter les
véhicules privés. Le texte est consultable en ligne, URL : https://www.camerlex.com/mise-en-fourriere-de-
vehicules-automobiles-868/, consulté le 30/01/2020 à 16h30.
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officiels. Des instructions similaires ont été données à la gendarmerie nationale. L’inspection
générale a adopté des actions énergiques pour juguler les abus commis sur les routes.

Le secteur des transports clandestins est à ce jour un véritable nid de corruption. Rendue
illégal par la Loi n° 2001/015 du 23 juillet 2001 régissant les professions de transporteur routier
et auxiliaire des transports routiers, les amendes à l’activité de clando sont les suivantes :

Article 15 :

(1) Sans préjudice de la suspension ou du retrait de la licence ou de l'autorisation, selon le cas, est puni
d'un emprisonnement de trois (3) à six (6) mois, et d'une amende de cinq cent mille (500 000) à cinq
millions (5 000 000) de francs CFA ou de l'une de ces deux (2) peines seulement, celui qui est reconnu
coupable d'exercice illégal de la profession de transporteur roulier ou d'auxiliaire des transports routiers.

(2) En cas de récidive, les peines visées à l'alinéa (1) ci-dessus peuvent être doublées.

Cette activité est pourtant le résultat d’un esprit de débrouillardise et d’adaptation à un


contexte de mobilité difficile et de précarisation de la population, même celle qui a un emploi
dans la fonction publique. Ces amendes, surtout dissuasives, sont un moyen de pression et
d’extorsion pour les FMO. Le milieu est donc à assainir.

Ces clandos sont l’unique moyen pour les zones rurales d’être relier aux grandes
agglomérations. Il faut dire que le type de véhicules qui s’y risquent n’est jamais en bon état.
Ces zones rurales sont bien souvent dotées de routes en terre. Nous l’avons vu plus haut, ces
routes non classées constituent plus de 70% du réseau routier camerounais. Il est donc
impossible d’avoir sur ces tronçons, des véhicules capables de passer la visite technique avec
succès. L’offre étant moindre et de mauvaise qualité, la surcharge s’impose alors à la fois
comme aide aux clients, et aussi comme moyen de pallier au manque à gagner que cause l’état
des routes (multiples pannes de véhicules) et les contrôles des FMO sur le trajet.

Pour véritablement mettre fin aux clandos, l’État doit, entre autres mesures, revaloriser
les salaires des fonctionnaires, afin que ceux-ci n’aient plus besoin d’activités secondaires ;
améliorer l’état des routes et en construire d’avantages ; créer de nouveaux moyens de
transports (bus à grande capacité, métro, tramway, développement des transports ferroviaires
dans les zones rurales…). La situation économique actuelle du Cameroun ne permet pas
d’envisager ces évolutions. Le clando a donc encore de beaux jours devant lui. Il est par
conséquent nécessaire d’alléger les charges obligatoires pour l’exploitation à titre onéreux des
véhicules.
P a g e | 302

C. Les intervenants de la chaîne des transports, conséquences des PAS entre


1995 et 2000 au Cameroun
Nous l’avons constaté au chapitre précédent, la réforme du secteur des transports
imposait au Cameroun de redéfinir le cadre de ses institutions. Plusieurs restructurations avaient
ainsi été faites. Nous abordons ici quelques-unes des institutions qui sont nés des PAS. Nous
souhaitons mettre en exergue les principaux intervenants dans le secteur des transports au
Cameroun nés des réformes imposées par le FMI et la BM.

I. Les intervenants institutionnels

Les intervenants institutionnels désignent les différents ministères qui sont impliquées
dans la gestion, le fonctionnement, la mise en place et l’entretien des transports au Cameroun.
Nous prenons aussi le soin de préciser quel est leur domaine d’intervention. Pour ce qui est des
années entre 1995 et 2000, nous nous appuyons principalement sur le Décret N° 97/205 du 07
décembre 1997 portant organisation du Gouvernement, modifié et complété par le décret n°
98/067 du 28 avril 1998. Notre objectif n’est pas de revenir sur le rôle du président de la
République qui, logiquement, est élu sur la base d’un programme et donc, d’une politique. Il
est celui qui choisit les hommes les mieux à même de l’accompagner dans l’implémentation de
cette politique, au premier rang desquels, le Premier ministre.

1. Le Premier ministre

Selon la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la constitution du 02 juin


1972, le rôle du Premier ministre est ainsi précisé en l’article 12, alinéa 4 : « Il [le Premier
ministre] dirige tous les services administratifs nécessaires à l’accomplissement de sa mission. »
Ainsi, le premier ministre a droit de regard sur le fonctionnement de tous les ministères qui
constituent le gouvernement qu’il dirige.

Pour mieux comprendre son rôle, il est intéressant de se référer à l’article 1 er du décret
n °92/089 du 04 mai 1992, portant attributions du Premier ministre, modifié et complété par le
décret n° 95/145-Bis du 4 août 1995. Il stipule que :

Le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, dirige l’action de celui-ci. À ce titre, sous


réserve des pouvoirs dévolus par la Constitution au Chef de l’État,
P a g e | 303

- il est chargé, suivant l’orientation donnée par le Président de la République de


l’impulsion, de l’animation, de la coordination et de la supervision des services placés
sous son autorité ;
- il veille à la réalisation des programmes d’action des ministères approuvés par lui et
impartis aux chefs de départements ministériels ;
- il veille au respect de la légalité des décisions gouvernementales.

Le premier ministre intervient donc dans la vie de tous les ministères en général, et dans
le sous-secteur des transports en particulier. C’est en cette qualité qu’il apparait à nos yeux
comme le premier maillon institutionnel dans la chaîne des transports au Cameroun, après le
président de la République et avant le ministre en charge des transports.

2. Le ministre des transports

Rappelons que de 1957 à 1998, le ministère en charge des transports a tour à tour été :

- ministère des transports, Mines et Postes (1957-1968)


- ministère des transports et Postes et télécommunications (1968-1970)
- ministère des transports (1970-1988)
- ministère des travaux publics et transports (1988-1992)
- ministère de transports depuis 1992.

Revenons à l’année 1988, à l’aune des PAS. C’est par le décret n° 88/772 du 16 mai
1988, que le président de la République organise le gouvernement. Le Chapitre II sur la
structure du gouvernement, établi en article 5, tiret 19, que les attributions du ministre des
travaux publics et des transports sont :

- il assure ou contrôle l’organisation et le fonctionnement des transports aériens,


ferroviaires, routiers, maritimes et fluviaux,
- il assure l’entretien et la protection du patrimoine routier, ferroviaire, des ports
maritimes et fluviaux et entreprend des études pour l’adaptation aux conditions des
écosystèmes locaux de ces infrastructures en liaison avec le Ministère chargé de la
recherche scientifique ou de ses instituts de recherche ou d’enseignement,
- il étudie, participe à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures législatives ou
règlementaires relatives aux transports, à la sécurité de ceux-ci ainsi qu’à leur
application,
P a g e | 304

- il apporte son concours à la construction et à l’entretien des routes départementales et


communales,
- il est responsable de l’aviation civile, de la navigation fluviale et maritime, des
transports routiers et ferroviaires et de la météorologie.
En outre,
- il concourt à la formation professionnelle des personnels des transports et des travaux
publics et suit l’École nationale des travaux publics,
- il suit les affaires de l’ASECNA et toutes celles relatives à la sécurité aériennes,
- il a la tutelle de la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun (REGIFERCAM),
de l’Office national des ports du Cameroun (ONPC), de l’Office du chemin de fer
Transcamerounais, de Cameroon Shipping Lines (CAMSHIP), de Cameroon airlines
(CAMAIR), du Conseil national des chargeurs du Cameroun (CNCC), de la Société
camerounaise de manutention et d’acconage (SOCAMAC), de la Société
camerounaise des transports par containers (CAMCONTAINER), de la Société des
transports urbains du Cameroun (SOTUC) et du Parc national du matériel de génie
civil (MATGENIE).
Par ailleurs, il assure en liaison avec le ministère des relations extérieures, des relations
avec l’organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et les autres organisations
internationales spécialisées dans les transports, la navigation et les travaux publics.

En 1992, le décret n° 92/069 du 09 avril portant organisation du gouvernement du


Cameroun, reprend entièrement ces attributions du ministre des travaux publics et des
transports. Cependant, la principale innovation réside en la création du poste de secrétaire
d’État. Le premier secrétaire d’État aux travaux publics et aux transports fut Shey Jones Yembe.

Le décret n° 97/205 du 07 décembre 1997 portant organisation du Gouvernement,


modifié et complété par le décret n° 98/067 du 28 avril 1998, intervient à la suite des
privatisations de certaines entreprises des transports et la création d’organismes de régulation.
À ce titre le désormais ministre des transports : « assure la tutelle de la Régie nationale des
chemins de fer du Cameroun, de l’Office national des ports du Cameroun, de la Cameroon
airlines, du Conseil national des chargeurs du Cameroun, de la Société des aéroports du
Cameroun et de tous les autres organismes publics et parapublics relevant de son secteur. »
P a g e | 305

Ainsi, le décret n° 2011/1408 du 9 décembre 2011 portant organisation du


gouvernement fait suite à ces différentes modifications, conséquences des privatisations. Et
précise mieux les attributions actuelles du MINT.

II. Les autres intervenants


1. L’ARMP

Certes, c’est le décret n° 2001/048 du 23 février 2001 qui crée et organise le


fonctionnement de cette agence. Cependant, cette création fait partie d’un long processus qui
visait à assainir la passation des marchés au Cameroun dès 1995. Ce décret fait donc suite au
décret n°95/102 du 9 juin 1995 portant attributions, organisation et fonctionnement des
commissions des marchés publics, modifié et complété par le décret n° 2000/156 du 30 juin
2000 ; au décret n°95/101 du 9 juin 1995 portant réglementation des marchés publics, modifié
et complété par le décret 2000/155 du 30 juin 2000 ; et à la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999
portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et
parapublic.

L’ARMP est chargée d’assurer la régulation du système de passation des marchés


publics et des conventions de délégation des services publics. Ainsi, elle a à charge
notamment77 :

- D’émettre des avis techniques, en tant que de besoin, à la demande du ministère chargé
des marchés publics ou des administrations concernées ;
- De recruter, par voie d’appel d’offres, les observateurs indépendants, de veiller à la
bonne exécution de leur mission d’observation et d’exploiter leurs rapports ;
- De contribuer à la formation des acteurs du système de passation des marchés publics à
la demande des administrations concernées ;
- De diffuser l’information relative aux marchés publics auprès de tous les acteurs
concernés ;
- De procéder à la publication dans le journal des marchés publics, des avis d’appel
d’offres, des montants, délais et attributaires ;
- De transmettre aux autorités compétentes les cas de violation constatées des dispositions
réglementaires sur les marchés publics.

77
Décret n° 2001/048 DU 23 février 2001 portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence de
Régulation des Marchés Publics, article 3, alinéa 1.
P a g e | 306

2. Le Conseil national des transports routiers (CNTR)

Le Conseil National des Transports Routiers a été créé par le décret n°99-708-PM du 2
aout 1999. Ce décret est la concrétisation d’un organisme institué par la loi n° 90/030 du 10
août 1990 fixant les conditions de l’exercice de la profession de transporteur routier. Le CNTR
est un organe consultatif placé sous l’autorité du Ministre chargé des transports. Il est chargé
de donner son avis sur toutes les questions intéressant l’organisation, le fonctionnement et la
réglementation des transports routiers, ainsi que l’harmonisation des intérêts des transporteurs
routiers avec ceux des professionnels des autres modes de transport public. À ce titre, il fait des
propositions relatives :

- à l’élaboration de la politique nationale en matière de transport routier ainsi qu’à la


programmation des investissements publics du secteur des transports routiers ;

- à la coordination des actions internationales en matière de transports routiers ;

- à la concertation entre les intervenants du secteur des transports routiers ;

- aux études et aux programmes de formation nécessaires à une meilleure maîtrise


l’information et de l’expertise dans le secteur des transports routiers ;

- à toute question dont il est saisi par le gouvernement.

3. Le Comité National de Sécurité Routière (CNSR)

Le Comité National de Sécurité Routière est régi par le Décret n° 99/724/PM du 25 août
1999 portant création du Comité national de Sécurité routière, modifié et complété par le décret
n°2004/0606/PM du 17 mars 2004. Placé sous l’autorité du Ministre chargé des transports, le
CNSR étudie et propose au ministre en charge des transports, toutes mesures susceptibles
d’optimiser les actions de prévention et de sécurité routières. À ce titre, il est notamment
chargé :

- de l’élaboration du plan national de prévention et de sécurité routières ;

- de l’examen et de l’adoption du plan d’action annuel de prévention et de sécurité routière ;

- de l’examen et de l’adoption du budget de la prévention et de la sécurité routières ;


P a g e | 307

- de la mise en œuvre et du suivi de l’exécution du plan d’actions de la prévention et de la


sécurité routières ;

- de la coordination des actions des différentes structures intervenant dans la prévention et


la sécurité routières.

4. Fonds routier du Cameroun (FRC)

Le Fonds routier du Cameroun a été créé par la Loi n° 96/07 du 08 avril 1996 portant
protection du patrimoine national. Il est régi par le Décret n° 2005/239 du 24 juin 2005 portant
organisation et fixant les modalités de fonctionnement du Fonds Routier du Cameroun, modifié
et complété par le décret n°2012/173 du 29 mars 2012.

Il s’agit d’un établissement public administratif (EPA), placé sous la tutelle financière
du ministre chargé des finances et sous la tutelle technique du ministre chargé des routes. Ce
Fonds assure le financement, d’une part, des programmes de protection du patrimoine routier
national, ceux de prévention et de sécurité routières, d’entretien du réseau routier et, d’autre
part, des opérations de réhabilitation et d’aménagement des routes. Sa mission s’exerce par le
biais de deux guichets distincts et indépendants à savoir, le guichet « Entretien » et le guichet
« Investissement ».

Le guichet « Entretien » a pour objet exclusif d’assurer le financement et le paiement


des prestations réalisées à l’entreprise et relatives à :
- l’entretien du réseau routier prioritaire interurbain classé, rural et les voiries urbaines ;
- la prévention et la sécurité routières ;
- la protection du patrimoine routier national.

Le guichet « Investissement » a pour objet exclusif d’assurer le financement et le


paiement des prestations réalisées à l’entreprise et relatives à l’aménagement et à la
réhabilitation des routes.

5. Le péage routier

Toutes les dispositions relatives au péage routier sont définies par Décret n° 98/013 du
28 janvier 1998 fixant les modalités du péage sur certains axes bitumés du réseau routier
national. Le péage routier a pour principal objectif la collecte des fonds destinés principalement
P a g e | 308

à l’entretien et à l’amélioration du réseau routier. C’est l’une des ressources financières du


Fonds Routier du Cameroun78.

6. Le pesage routier

En son article 11, la Loi n° 96/07 du 8 avril 1996 portant protection du patrimoine routier
national, modifiée et complétée par les Lois n° 98-011 du 14 juillet 1998 et n° 2004/021 du 22
juillet 2004, définit le pesage routier comme « une opération technique destinée à contrôler la
conformité des normes relatives aux poids total autorisé en charge et à la charge à l’essieu, pour
tout véhicule dont le poids total en charge est supérieur à 3,5 tonnes. » Son but est donc, en
premier, de contribuer à la protection du patrimoine routier. C’est à la suite de cette loi que le
Décret n° 99/37/CAB/PM du 20 janvier 1999 fixe les modalités de fonctionnement des stations
de pesage routier.

7. L’Autorité portuaire nationale (APN)

L’Autorité Portuaire Nationale (APN) est un établissement public administratif (EPA)


doté de la personnalité juridique et de l’autonomie financière. Placée sous la tutelle du ministre
chargé des affaires portuaires, l’APN est conçue comme l’outil privilégié du Gouvernement
dans l'élaboration de la politique portuaire, la codification des normes, le suivi et le contrôle
des performances portuaires et la protection de l'environnement. Les dispositions sur son
fonctionnement sont décrites dans le décret N° 99/126 du 15 juin 1999 portant organisation et
fonctionnement de l’Autorité Portuaire Nationale

Conclusion

La politique des transports au Cameroun entre 1995 et 2000 a été marquée par les
privatisations des entreprises des transports, et aussi de la libéralisation des différents secteurs
des transports. Il était question pour l’État de se désengager des différentes entreprises sous sa
tutelle. Entre 1982 et 1994, ces entreprises ont été de véritables gouffres à argent du fait de la
mauvaise gouvernance. Les gouvernants, durant les années de crise, avaient préféré donner la

78
Décret n°2012/173 du 29 mars 2012, modifiant et complétant le Décret n° 2005/239 du 24 juin 2005 portant
organisation et fixant les modalités de fonctionnement du Fonds Routier du Cameroun, article 25 alinéa 1.
P a g e | 309

priorité au remboursement de la dette extérieure, et au payement des salaires. Face à une


faiblesse fiscale accrue, l’entretien des routes avait été abandonné79.

La conséquence immédiate a été une limitation de la mobilité tant en zones urbaines


qu’en zones rurales, avec le corolaire de pauvreté qui en découlait.

En effet, cette situation, en particulier dans les zones rurales, avait considérablement
réduit les échanges et le commerce entre les villages et entre les zones rurales et provinciales.
Au niveau des villages, l’accès aux transports et aux infrastructures de marché pour le
commerce et les produits agricoles était une préoccupation majeure. De nombreux problèmes
de pauvreté, manque d’accès à la santé, à l’éducation et aux marchés, étaient aggravés par les
infrastructures limitées ou inexistantes (routes et ponts) qui coupaient de nombreux villages et
en rendent certains inaccessibles jusqu’à quatre mois durant la saison des pluies. Un mauvais
transport et des routes en mauvais état ou leur absence, sont un facteur clé de la pauvreté.

A respondent who sells foodstuffs in Maroua pointed out that 20 kg of plantains selling in Yaounde for
500 francs would cost 4,000 francs in Maroua, due principally to transportation costs. Traders in food
crops mentioned that even where the road is "good", "travel on those roads is a real nightmare" because
of the numerous road blocks, police harassment and customs check points. The absence of efficient
communication facilities in their regions in general means that the poor have to pay proportionally
higher rates for travel; and because of bad roads, transport rates are higher in rural areas. 80

Durant les PAS, les transports avaient été les parents pauvres des politiques
économiques. Avec la reprise économique dès les premières années 2000, une politique de
reprise des travaux dans le secteur des transports, grâce à l’IPPTE.

79
The World Bank, Technical annex to the memorandum and recommendation (report no P-6559-CM) on a
proposed credit in the amount equivalent to SDR 6.9 million to the Republic of Cameroon for a transport sector
technical assistance project, report no. T-6559-CM, March 23, 1995a, p. 12.
80
The World Bank, Cameroon Diversity, Growth, and Poverty Reduction, Report No 13167-CM, April 4, 1995b,
p. 40.
P a g e | 310

PARTIE III
LES OUTILS DE LA GESTION ÉCONOMIQUE
ET ADMINISTRATIVE FACE AUX DÉFIS
SÉCURITAIRES ET SOCIAUX DES
TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 2000 ET
2017
P a g e | 311

CHAPITRE VII :
LES OUTILS DE GESTION ÉCONOMIQUE ET
LES TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 2000
ET 2017
P a g e | 312

L’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (IPPTE) s’inscrivit dans le cadre
de la conversion de la dette, après que plusieurs initiatives1 furent sans grand succès. En raison
de l’impact limité de ces stratégies sur le niveau d’endettement des pays à faibles revenus ou à
revenus intermédiaires et lourdement endettés, le FMI et la Banque mondiale ont conjointement
proposé en septembre 1996 à Lyon, l’IPPTE, afin de s’assurer qu’aucun pays ne fût confronté
à une charge d’endettement qu’il ne pût gérer2. Ainsi, la communauté financière internationale,
y compris les institutions multilatérales et les autorités nationales, œuvrèrent pour ramener à un
niveau soutenable la charge de l’endettement extérieur des pays pauvres les plus lourdement
endettés.3 Ce fut en octobre 2000 que le Cameroun accéda au point de décision de l’IPPTE.
Cette initiative permit d’impulser une nouvelle dynamique dans les politiques publiques au
Cameroun, à travers les nouveaux outils de gestion économique qu’elle contribua à mettre en
place.

Ce chapitre a pour objectif de passer en revue ces outils de gestion économique, à partir
de l’IPPTE. Il s’agit notamment du Document de stratégie de réduction de la pauvreté au
Cameroun (DSRP) dès 2003, du Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE)
dès 2009, et le Plan triennal d’urgence (2015-2017). Le chapitre s’achève par une évaluation
des forces et faiblesses de ces différentes politiques dans le domaine des transports.

1
Pour toutes les initiatives en faveur du désendettement, lire entre autres :
R. Vivien, « L’annulation de la dette du Tiers Monde », Courrier hebdomadaire du CRISP 2010/1 (n° 2046-
2047), p. 5-75 ; et S. Fambon, « Endettement du Cameroun. Problèmes et Solutions », Discussion Paper N o.
2002/49, UN University WIDER, mai 2002. En ligne, URL :
http://bibliotheque.pssfp.net/livres/ENDETETEMENT_DU_CAMEROUN_UN_UNIVERSITY.pdf, consulté le
07/08/2018 à 01h21.
2
En ligne, URL : https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm, consulté le 07/08/2018 à 01h32.
3
L’initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE, ou en anglais HIPC – Heavily Indebted Poor Countries) avait
pour objectif :
« D’obliger les pays à faire face à “toutes leurs obligations présentes et futures en matière de service de la dette
extérieure, sans rééchelonnement de la dette ou accumulation d’arriérés et sans affaiblir la croissance” en ramenant
le niveau de leur dette publique externe à un niveau soutenable. Mais en raison du caractère encore trop limité de
ces nouveaux allègements de dette, l’initiative initiale a été renforcée en 1999, lors du sommet du G7 de Cologne.
La part d’effacement de la dette non APD pré-date butoir a été portée à 90 % pour les pays les plus pauvres et les
plus endettés (PPTE), sélectionnés par le FMI et la Banque mondiale. Pour la première fois, le FMI et la Banque
mondiale ont dû participer activement à cette initiative en allégeant une partie des dettes multilatérales des PPTE. »
(R. Vivien, « L’annulation de la dette du Tiers Monde », Courrier hebdomadaire du CRISP 2010/1 (n° 2046-
2047), pp. 31-32.)
P a g e | 313

A. L’Initiative PPTE et le DSRP comme matrices de développement au


Cameroun entre 2000 et 2008
L’IPPTE marqua un tournant décisif dans la résolution des crises économiques qui
secouèrent une partie des pays du monde dès la fin des années 1970. En effet, en 1979, La FED,
banque centrale des États-Unis, décida d’augmenter ses taux d’intérêt afin de faire redémarrer
la machine économique, affaiblie suite au choc pétrolier. La majorité des prêts octroyés par les
différentes banques et institutions étant des prêts à taux variables indexés sur le taux des États-
Unis, tous les pays endettés virent leurs dettes se multiplier. Ce procédé provoqua dans un laps
de temps relativement court, une augmentation considérable des dettes, auxquelles les
principales IFI ont tenté de trouver des solutions.

Cette section aborde l’implémentation de l’IPPTE au Cameroun, et la place que les


transports y ont occupée.

I. Le Cameroun dans l’Initiative PPTE dès 2000

1. L’Initiative PPTE, conséquence de la crise de la dette au Cameroun

L’admission du Cameroun à l’Initiative PPTE se justifia principalement par son niveau


d’endettement extérieur. En effet, dix ans après son indépendance, cette dette était relativement
faible. La tendance à la hausse s’observa progressivement et, en 1977, le montant de celle-ci
commença à excéder les recettes d’exportation du pays. Depuis cette date, la tendance
défavorable ne s’est pas inversée. D’après les chiffres de la Banque mondiale sur les indicateurs
mondiaux de développement en 2003, la dette extérieure du Cameroun se multiplia par trois en
l’espace de vingt ans, passant de 2,9 milliards de dollars US en 1983 pour atteindre 7,3 milliards
de dollars US en 1993, et 9,189 milliards de dollars US en 2003, soit plus de 5000 milliards de
FCFA.

Quelques ratios relatifs à la dette permettent également d’apprécier le niveau


d’endettement du Cameroun. Il s’agit notamment du ratio dette globale sur PIB, du ratio service
de la dette sur les exportations et du ratio dette globale sur les exportations.

Le ratio dette sur le PIB apprécie la dette extérieure par rapport au poids économique
du pays. Il fournit une idée du degré d’hypothèque que représente la dette extérieure sur la
richesse nationale. Le FMI considère qu’un pays est peu endetté lorsque ce ratio est inférieur à
P a g e | 314

30%. Au-delà de 50%, le pays est considéré comme fortement endetté. Ce ratio a fortement
augmenté depuis 1986, indiquant que le Cameroun est surendetté à partir de 1989.

Le ratio du service de la dette sur les exportations des biens et services prend en compte
non pas l’endettement lui-même mais sa charge. Il permet d’apprécier la capacité du pays à
honorer ses engagements extérieurs. Le seuil de 20% traduit une situation dangereuse. Ce ratio
a considérablement augmenté pour le Cameroun sur la période 1986-1998 et a connu par la
suite des seuils tolérables à partir de 1991, passant de 16,4% en 1992 à 21,2% en 1993, 17% en
1994, 15,3% en 1995 et 13,5% en 1996.

Le ratio de la dette globale sur les exportations des biens et services compare
l’endettement en devises avec le flux annuel de devises que procurent les exportations. On
considère généralement que lorsque ce ratio est inférieur à 165%, le pays n’a pas un niveau
d’endettement inquiétant. Ce ratio pour le Cameroun s’est considérablement envolé à partir de
1987. De 143,4% en 1986, il a atteint un pourcentage de 218,7 un an après et n’a cessé
d’augmenter. En 1996, il était évalué à 389,2%.

L’état de ces indicateurs du niveau d’endettement, pour le Cameroun, a amené la


Banque mondiale à le reléguer, en 1995, dans le groupe des pays à faibles revenus sévèrement
endettés. C’est pour cette raison qu’il a été admis en octobre 2000, à l’Initiative en faveur des
pays pauvres très endettés.

Cette dette se structure en trois principales composantes : la dette bilatérale, la dette


multilatérale et la dette privée. La dette bilatérale est consécutive à des prêts effectués d’État à
État. La dette multilatérale est relative aux prêts accordés par les Organisations internationales
relevant du droit public. Entrent dans cette catégorie la Banque mondiale (BIRD, AID, SFI), le
FMI, la BAD et tous les autres Organismes financés par l’Organisation des pays producteurs
de pétrole (OPEP). La dette privée quant à elle est consécutive aux prêts contractés auprès des
banques privées.

En septembre 2000, la part des créanciers bilatéraux dans la dette extérieure du


Cameroun représentait 70% alors que celle des créanciers multilatéraux était de 21% et 9%
pour les créanciers privés. Comment le Cameroun est-il arrivé à cette situation de
surendettement ?

Les éléments explicatifs de l’endettement extérieur du Cameroun se trouvent tant au


niveau des conditions de l’endettement qu’à celui de l’utilisation de la dette. Le choc pétrolier
P a g e | 315

de 1973 marque le point de départ de l’endettement excessif des pays en développement.


Comme d’autres pays en développement, le Cameroun a été candidat au bénéfice des
pétrodollars issus de ce choc. Du côté des pays producteurs de pétrole, en effet, ce choc a généré
des pétrodollars qui ont provoqué une surliquidité des banques. Ces pétrodollars devant être
rémunérés, la concurrence interbancaire de plus en plus vive a amené ces banques à s’intéresser
aux possibilités de « vendre » les crédits aux pays en développement, plus particulièrement à
ceux susceptibles d’absorber des financements importants. S’appuyant sur la maxime selon
laquelle « la dette de l’État est toujours soldée », ces banques ont considéré les prêts à ces pays
comme de « bons risques ». C’est ainsi que les prêts ont été multipliés.

Le choc pétrolier qui s’est traduit par l’augmentation des prix du pétrole, a eu des
incidences néfastes sur le fonctionnement des pays en développement. Le recours à
l’endettement s’est alors imposé dans l’objectif d’accroître leurs débouchés et de redresser leurs
balances commerciales touchées par l’augmentation du prix du pétrole. C’est ainsi que les pays
industrialisés et les exportateurs ont multiplié les prêts aux pays en développement.

La politique économique des États-Unis a également joué un rôle dans l’endettement


excessif des pays en développement. En effet, cette politique dite du monétarisme, a entraîné
une augmentation des taux d’intérêts suite à la remontée du dollar. Cette remontée du dollar qui
coïncide avec le second choc pétrolier, provoque un renchérissement de la dette libellée en
dollars. À ce sujet et à titre d’exemple, le rapport sur la crise de la dette publié par le Comité
permanent des affaires extérieures et du commerce international de la Chambre des communes
mentionnait des exemples de prêts de 7% en 1977 dont les frais de service en 1980-1981
représentaient un intérêt de 20%. À cause de l’augmentation des taux d’intérêts, les emprunts
se sont multipliés pour honorer le service de la dette, ce qui a précipité ces pays, dont le
Cameroun, dans un endettement stérile.

L’endettement extérieur du Cameroun intervient dans un contexte marqué par le choc


pétrolier et par l’augmentation des taux d'intérêts. Mais l’utilisation de la dette explique
également cet endettement. En effet, bon nombre de financements extérieurs ne se sont pas
traduits par un investissement productif pouvant générer des revenus pour contribuer à leur
remboursement. Le pays s’est endetté sans tenir compte de la capacité d’absorption de son
économie et pour des projets dont la rentabilité était douteuse. C’est le cas par exemple de la
« cellulose du Cameroun » (CELLUCAM), qui a été financée sur fonds autrichiens à un coût
de 51,3 milliards de francs CFA. L’usine est aujourd’hui fermée alors que les camerounais
P a g e | 316

continuent de payer la dette contractée pour sa construction. Les conditions d’endettement et


l’utilisation de la dette rendent compte des circonstances de l’endettement du Cameroun,
circonstances somme toute similaires à celles de beaucoup d’autres pays en développement.
Quelles en sont alors les conséquences ?

Du fait de l’utilisation qui en a été faite, la dette extérieure du Cameroun, au lieu de


constituer un viatique pour son développement, est plutôt devenue un obstacle. Les
conséquences de l’endettement extérieur du Cameroun s’observent à la fois au niveau du
service de la dette et au niveau social.

L’endettement donne lieu à un remboursement et à une charge d’intérêt qui constitue la


rémunération du capital emprunté. Le service de la dette a des répercussions immédiates au
niveau des charges de l’État. En effet, la part du service de la dette a considérablement augmenté
dans le budget public. En 1971, elle représentait à peine 3% de la masse des dépenses de l’État.
En 1981, elle en représentait 12%, et 23,4% si l’on prend en compte seulement le budget
d’investissement public. Elle a considérablement crû à partir de 1982, constituant ainsi une
lourde charge pour le pays. Dans l’impossibilité de supporter la charge de la dette, en raison de
la pression financière qu’elle exerce sur le budget de l’État, le Cameroun a accumulé
d’importants arriérés de paiements. En mai 1997, les arriérés de la dette extérieure s’élevaient
à 672,5 milliards de francs CFA, dont 249,4 milliards dus au Club de Londres4, 186,3 milliards
au Club de Paris5 et très peu aux organismes multilatéraux. La dette extérieure du Cameroun,
qui est en croissance exponentielle, pèse indirectement sur les populations. Les effets fournis
pour assurer le service de la dette se sont traduits par les réductions considérables des budgets

4
Le club de Londres est un groupe informel de créanciers privés (banques commerciales, fonds d'investissement)
qui s'occupe de dettes publiques. Bien qu'inspiré du club de Paris, il préfère rééchelonner les dettes. Sa première
rencontre eut lieu en 1976 à Londres, pour tenter de résoudre les problèmes de paiements du Zaïre. Le club de
Londres n'a aucun statut officiel, il regroupe un ensemble de "comités ad hoc", réunissant les principales banques
créditrices. Les rencontres se font à l'initiative du débiteur, lesquelles se font dans différents centres de finance
internationale. Le club n'existe que pendant les négociations. Une fois une entente signée, il se dissout.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_Londres, consulté le 03/02/2020 à 03h27.
5
Le club de Paris est un groupe informel de créanciers publics dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées
et durables aux difficultés de paiement de pays endettés. Les créanciers du club de Paris leur accordent un
allègement de dette pour les aider à rétablir leur situation financière. Cet allègement de dette peut être obtenu par
un rééchelonnement ou, en cas de traitements concessionnels, une réduction des obligations du service de dettes
pendant une période définie (traitements de flux) ou une date fixée (traitements de stock). Ce forum a été créé
progressivement à partir de 1956, date de la première négociation entre l’Argentine et ses créanciers publics à
Paris. Il traite les dettes publiques, c’est-à-dire celles des gouvernements et celles du secteur privé garanties par le
secteur public. Les vingt-deux pays membres permanents du club de Paris sont : l’Allemagne, l’Australie,
l’Autriche, la Belgique, le Brésil, le Canada, la Corée du Sud, le Danemark, l’Espagne, les États-Unis, la Fédération
de Russie, la Finlande, la France, l’Irlande, Israël, l’Italie, le Japon, la Norvège, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la
Suède et la Suisse.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_de_Paris, consulté le 03/02/2020 à 03h31.
P a g e | 317

sociaux, par une diminution de la consommation intérieure et en définitive, par le détournement


de fonds qui auraient pu servir à lutter contre la pauvreté. De plus, la difficulté du Cameroun à
assurer son service de la dette a été à l’origine des PAS mis en œuvre par le FMI et la Banque
mondiale pour lui permettre d’honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers
(remboursement du capital et des intérêts de la dette). Les PAS ainsi mis en œuvre ont plutôt
aggravé la pauvreté et détérioré la situation des pauvres. En effet, les compressions budgétaires,
la diminution des dépenses sociales exigées par les PAS ont eu des conséquences immédiates
sur les différentes composantes de la pauvreté : baisse des revenus, accroissement du chômage
notamment dans la fonction publique, diminution de la couverture des besoins essentiels,
réductions des services sociaux....

Pour toutes ces raisons, l’endettement extérieur du Cameroun constitue pour lui un lourd
fardeau et donc un frein pour son développement. C’est pour remédier à cette situation que le
Cameroun a été admis à l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés.

2. Le parcours du Cameroun dans l’IPPTE

L’Initiative PPTE est un processus à deux grandes étapes : le point de décision et le


point d’achèvement.

 Le point de décision

Cette première étape de l’Initiative PPTE a été franchie par le Cameroun en octobre
2000, après avoir respecté un certain nombre de mesures conditionnelles. Ces mesures sont les
suivantes :

- l’exécution satisfaisante de son premier programme économique triennal ;

- l’adoption des stratégies sectorielles de la santé et de l’éducation ;

- la poursuite de l’exécution satisfaisante et dans les délais requis du Crédit à


l’ajustement structurel III (CAS III) ;

- l’adoption d’un DSRP intérimaire tenant compte des premières consultations


participatives ;

- l’adoption d’un programme national de gouvernance accompagné d’une matrice


d’actions détaillées ;
P a g e | 318

- l’établissement des arrangements institutionnels, comptables et budgétaires pour une


meilleure utilisation des ressources supplémentaires au titre de l’Initiative PPTE.

Il s’agit pour ce dernier point de la mise en place d’un système d’exécution budgétaire,
comptable et de trésorerie respectant la réglementation et les procédures nationales dans la
perspective de la simplification et de la transparence en vue de faciliter le suivi de l’exécution
des dépenses, notamment par la production des documents périodiques spécifiques. Toutes ces
mesures ont permis au Cameroun d’atteindre le point de décision de l’Initiative PPTE en
octobre 2000.

 Le point d’achèvement

L’atteinte de cette seconde étape de l’IPPTE passe par la mise en œuvre d’un ensemble
de mesures encore appelées « déclencheurs » du point d’achèvement. Ces mesures sont relatives
au DSRP, aux réformes structurelles et macroéconomiques, à la gouvernance et la lutte contre
la corruption, aux secteurs sociaux.

Au niveau du DSRP, il est attendu que le DSRP final soit adopté, mis en œuvre de
manière satisfaisante et que la revue du premier rapport annuel soit acceptable.

Au niveau des réformes structurelles et macroéconomiques, les politiques


macroéconomiques et structurelles prévues au point de décision doivent être mises en œuvre de
manière satisfaisante pendant la période intérimaire. Les économies réalisées au titre de
l’Initiative PPTE doivent être également utilisées conformément aux critères retenus au point
de décision. Ces réformes doivent viser la poursuite de l’assainissement des finances publiques,
la stabilité macroéconomique, l’exécution satisfaisante du programme FRPC, la gestion
conforme des ressources PPTE et la conclusion du Crédit à l’ajustement structurel III (CAS
III).

Au niveau de la gouvernance et de la lutte contre la corruption, les plans d’action du


programme de gouvernance et du programme de lutte contre la corruption doivent être mis en
œuvre de manière satisfaisante. Le nouveau système de passation de marchés publics doit
également fonctionner de façon satisfaisante. Il est aussi attendu que les Agences de régulation
dans les industries (eau, électricité, téléphone etc.) soient fonctionnelles et exercent en toute
indépendance. Il en est de même pour les plans d'action de gestion des finances publiques qui
doivent être appliqués avec satisfaction. À ceci s’ajoutent la création de la Chambre des
P a g e | 319

comptes, la création du Conseil constitutionnel, l’Audit des marchés publics, le suivi de la mise
en œuvre des mesures de réformes pour la santé et l’éducation, la publication des résultats de
l’exercice de suivi de l’exécution du budget et la publication des résultats de l’enquête auprès
des usagers.

L’examen de l’application de ces mesures par le gouvernement camerounais fut jugé


non satisfaisant par les IBW en 2004. Après l’obtention d’un moratoire auprès de ces
Institutions, c’est à la fin du premier trimestre 2006 que le Cameroun atteignit le point
d’achèvement. L’atteinte de ce point permit au Cameroun de bénéficier de la totalité des
allègements de la dette prévue au titre de cette Initiative.

II. Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) de 2003

Dans l’optique d’améliorer leur contribution aux efforts de lutte contre la pauvreté
déployés sur plan international, le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale ont
adoptèrent, fin 1999, une nouvelle stratégie d’aide aux pays à faible revenu. Celle-ci s’articulait
pour l’essentiel en deux volets :

- les deux institutions devaient fonder les prêts concessionnels et les allègements de dettes
accordés aux pays à faible revenu sur des Documents de stratégie pour la réduction de
la pauvreté (DSRP) préparés par les pays eux-mêmes ;

- les prêts concessionnels du FMI devaient être apportés dans le cadre d’un mécanisme
de prêt révisé, la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC)6,
axé davantage sur la lutte contre la pauvreté.

Sur les 77 pays admis à bénéficier de la FRPC, 28 dont le Cameroun, élaborèrent des
DSRP intérimaires et 23 autres des DSRP définitifs. Ces derniers sont presque tous engagés
dans des programmes appuyés par la FRPC.

6
Du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000, le programme économique et financier du Cameroun s’appuyait sur le FASR.
Ce programme visait à consolider l’assainissement de la situation des finances publiques et à mettre en place les
conditions d’une croissance économique soutenue et d’un redressement tangible du niveau de vie des populations.
La conclusion et la bonne exécution de cet accord ont graduellement restauré la crédibilité du Cameroun au sein
de la communauté financière internationale. Le Gouvernement a engagé, le 1 er octobre 2000, l’exécution d’un
deuxième programme économique et financier triennal appuyé par le FMI au titre de la Facilité pour la Réduction
de la Pauvreté et la Croissance (FRPC). Ce second programme était, davantage que le précédent, conçu autour de
l’objectif de réduction de la pauvreté, et est entré en vigueur en avril 2003. (République du Cameroun, Document
de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, p. xi)
P a g e | 320

1. Les objectifs du DSRP

Suite au constat d’échec des différents programmes d’ajustement structurel entrepris par
le Cameroun avec l’aide du FMI et de la BM, les stratégies économiques furent changées. Ainsi,
en août 1997, après avoir exécuté de manière satisfaisante un programme de référence suivi par
les services du FMI durant tout l’exercice 1996/97, que le Gouvernement put, pour la toute
première fois, conclure avec cette institution, un accord au titre de la Facilité d’Ajustement
Structurel Renforcée (FASR).7 Le FMI accorda ainsi son appui au programme économique et
financier à moyen terme que les autorités camerounaises mirent en place pour couvrir la période
allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 2000.

Ainsi, l’objectif de cette nouvelle génération de politiques économiques et sociales


envisagées par le Gouvernement fut-il d’une part, de consolider les acquis des programmes
passés afin de relever le rythme de croissance, et d’autre part, de renforcer la sphère sociale afin
que les bonnes performances économiques se traduisirent par une nette amélioration des
conditions de vie des populations. À cet effet, le gouvernement élabora un Document
intérimaire de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP-I) en août 2000. La mise en œuvre
du DSRP-I a été accompagnée de la production d’une série de documents de stratégies
sectorielles, notamment pour l’éducation, la santé, le secteur rural et les infrastructures de base
(routes, eau), et un document de stratégie sociale est aussi en préparation.8

En avril 2003, le gouvernement du Cameroun certifia que l’adoption du Document de


Stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) fut une étape décisive dans la poursuite des
réformes menées par les autorités de ce pays depuis octobre 20009. Cette date représente le mois
de l’atteinte du point de décision dans le cadre de l’initiative renforcée d’allègement de la dette

7
La crise de l’endettement des années 1980 a d’abord touché les pays émergeants, ensuite les pays pauvres. Face
à cette crise qui sévit, la Banque Mondiale et le FMI adoptent une politique spécial. Jusqu’en 1986, le FMI fournit
un soutien aux pays les plus pauvres au travers de ses instruments traditionnels (accords de confirmation et facilités
élargies). Le recours aux accords de confirmation, dont la durée est de un an, est critiqué pour leur courte durée et
pour leurs conditions vues comme inadaptées aux pays endettés les plus pauvres. En réponse à ces critiques, le
FMI introduit une nouvelle facilité de crédit pour les pays les plus pauvres en mars 1986, appelée Facilité
d’Ajustement Structurel (FAS), afin de soutenir des programmes d’une durée de trois ans. Ce sont les pays éligibles
aux crédits de l’Agence Internationale de Développement (IDA, une filiale de la Banque mondiale) qui peuvent y
prétendre. Ces crédits sont remboursables sur dix ans et leur taux d’intérêt n’est que de 0,5%. Au milieu de 1987,
Le FMI introduit les FAS Renforcées (FASR), pour des montants cinq fois supérieurs à ceux des FAS, avec des
financements budgétaires de la France, du Japon et d’autres pays industrialisés (Rakotomalala J. B., « Le FMI et
la crise financière…», p. 72). Lire aussi à ce sujet : Lenain P., Le FMI, La Découverte, 2004.
Ainsi, au moment où le Cameroun entre dans le cycle des PAS, ce sont les FASR qui sont déjà appliquées.
8
République du Cameroun, Document de stratégie de réduction de la pauvreté, 2003, p. ix.
9
Ibid, p. I.
P a g e | 321

des pays pauvres très endettés. C’est grâce à la bonne exécution du premier programme
économique et financier triennal 1997-2000 que le pays a atteint cette étape de son évolution
vers le point d’achèvement de l’Initiative Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE), et dont le
franchissement facilitera la mobilisation des ressources additionnelles indispensables pour
lutter efficacement contre la pauvreté endémique qui sévit actuellement au Cameroun et pour
contrer ses effets multiplicateurs négatifs sur la qualité de vie des populations.

L’année qui vient de s’écouler a également été une bonne année pour notre économie : notre taux de
croissance s’est maintenu à un niveau élevé, l’inflation est restée maîtrisée, l’investissement a repris, nos
avoirs extérieurs se sont améliorés ainsi que notre balance commerciale, bref, les perspectives sont
encourageantes.
De la même manière, notre programme à moyen terme s’est achevé dans des conditions satisfaisantes,
ce qui nous a permis de nous qualifier au bénéfice de l’annulation de la dette prévue par l’initiative
PPTE.10

L’élaboration du DSRP obéit à la mise en place des réformes ayant comme objectif
principal la réduction sensible de la pauvreté au moyen :

- d’une croissance économique forte et durable ;

- d’une meilleure efficience des dépenses ;

- de politiques de réduction de la pauvreté convenablement ciblées et du renforcement


de la gouvernance ; de la réalisation efficace des objectifs de développement pour le
millénaire.

La stratégie de croissance et de réduction de la pauvreté que le Gouvernement se propose


de mettre en place repose sur sept grands axes stratégiques présentés ci-dessous. Ces axes
comportent chacun des orientations claires et un plan d’actions que le Gouvernement ajustera
périodiquement, à la lumière de l’évolution de l’environnement, de la disponibilité des
ressources et du progrès dans leur mise en œuvre. Il s’agit de :

 Axe 1 : la promotion d’un cadre macro-économique stable ;

 Axe 2 : le renforcement de la croissance par la diversification de l’économie ;

 Axe 3 : la dynamisation du secteur privé comme moteur de la croissance et partenaire


dans l’offre des services sociaux ;

10
Paul Biya, Message des vœux de Nouvel An à la Nation, le 31 décembre 2000.
P a g e | 322

 Axe 4 : le développement des infrastructures de base, des ressources naturelles et la


protection de l’environnement ;

 Axe 5 : l’accélération de l’intégration régionale dans le cadre de la CEMAC ;

 Axe 6 : le renforcement des ressources humaines, du secteur social et l’insertion des


groupes défavorisés dans le circuit économique ;

 Axe 7 : l’amélioration du cadre institutionnel, de la gestion administrative et de la


gouvernance.11

2. Les transports dans le DSRP

Les infrastructures de transport connurent à la fin des années 1980 et début 1990, une
forte détérioration marquée par l’arrêt de l’entretien routier, celui de la construction de
nouvelles routes, celui du dragage du chenal d’accès au port de Douala, la vétusté de la voie
ferrée entre autres. L’amélioration générale de l’état de ces infrastructures fit l’objet d’une forte
préoccupation de la part des populations lors des consultations participatives.

Le DSRP reprit donc l’essentiel des projets contenus dans le PST de 1996.

Plusieurs projets marquaient le PST sous le DSRP. En 2003, l’État s’était déjà
désengagé des chemins de fer en privatisant la REGIFERCAM. Les projets concernaient donc
principalement les transports dans les zones non urbaines. Ces dernières se caractérisaient par
un réseau routier rural et les transports fluviaux et lacustres.

Dans le domaine du transport rural, les réformes engagées conduisirent à l’élaboration


et à l’adoption d’une stratégie d’entretien et de réhabilitation des routes rurales. À la faveur du
démarrage au Cameroun du Programme de Transport en Milieu Rural (PTMR), les autorités
finalisèrent l’élaboration d’autres stratégies dans les domaines du transport fluvial et lacustre et
du développement des moyens et services de transport. Les autorités conduisirent également
une réforme importante du secteur portuaire.

Un des axes prioritaires de la stratégie gouvernementale de réduction de la pauvreté était


la réhabilitation et le développement des infrastructures routières et pistes rurales. En vue de
permettre au secteur des transports et travaux publics de jouer pleinement son rôle dans le cadre
du développement du pays, les autorités élaborèrent, dans le domaine spécifique des

11
DSCE, p. 37.
P a g e | 323

infrastructures routières, une stratégie sectorielle des transports et des travaux publics qui
permit de définir un réseau routier prioritaire sur lequel fut concentré l’essentiel des moyens
disponibles ; de recentrer les missions de l’État sur des tâches de planification, de
programmation et de contrôle ; de privatiser les travaux d’entretien routier qui sont désormais
confiés aux PME ; et rendre efficace les financements affectés à l’entretien et au développement
du réseau routier.

La stratégie sectorielle des transports et des travaux publics se déclinait en un ensemble


de programmes prioritaires dans le contexte du DSRP. Dans l’ordre des priorités des
programmes, le Gouvernement envisageait de construire le prolongement de la route
transafricaine dans le cadre du NEPAD ; de développer le réseau à vocation sous régionale dans
la zone CEMAC ; d’améliorer l’ossature du réseau national ; et de bien maintenir le réseau
existant.

En ce qui concerne la route transafricaine, le Cameroun constituait un pôle de


développement pour toutes les deux sous-régions, de par sa position stratégique entre l’Afrique
de l’Ouest et l’Afrique Centrale. Cette route devait relier le Nigeria à la République
Centrafricaine en traversant le Cameroun par les villes d’Ekok, Mamfé, Bamenda, Bafoussam,
Foumban, Nyamboya, Banyo, Tibati, Meidougou et Garoua-Boulaï.

Quant au réseau de la zone CEMAC, il s’agissait d’un programme de routes qui devaient
relier le Cameroun aux pays voisins de la CEMAC, notamment la Guinée Équatoriale, Gabon,
le Tchad, la RCA et le Congo. Les principaux axes concernés sont : Ambam–Kyé-Ossi ;
Ambam–Eking ; Ngaoundéré–Touboro–Moundou (Tchad) ; Garoua–Demsa–Frontière
Nigeria ; Mora–Limani–Banki (Nigeria) ; Sangmélima–Djoum–Frontière Congo ; Kousséri–
Ndjamena (Tchad).

L’amélioration de l’ossature du réseau national devait répondre à la fois aux exigences


de la décentralisation (liaison capitale nationale – capitales provinciales), et à celles du
développement socio-économique du pays profond (liaison entre les pôles portuaires et
industriels, les centres de consommation et les sites touristiques). De ce fait, l’action envisagée
était de prolonger le réseau bitumé existant de manière à assurer sa continuité en reliant : les
deux grandes métropoles du pays (Douala et Yaoundé) à tous les chefs-lieux des provinces ;
les chefs-lieux des départements à leur chef-lieu de province ; et les zones de productions
agricoles aux marchés correspondants qui étaient généralement les centres urbains.
P a g e | 324

Enfin, la sauvegarde du patrimoine existant consistait en l’entretien du réseau routier de


manière à assurer sa pérennité et sa fonctionnalité. Dans ce cadre, les routes rurales tiennent
une place de choix. La Nouvelle Stratégie d’Entretien des Routes Rurales (NSERR) prévoyait
l’intervention des unités déconcentrées dans l’entretien des Routes Rurales et une plus grande
implication des populations bénéficiaires. Elle se distinguait de la politique appliquée sur le
reste du réseau par son caractère communautaire et décentralisé. Ce sont ces routes qui assurent
l’essentiel du désenclavement des villages, des plantations et des usines, permettant la collecte
des produits et leur acheminement vers les marchés périodiques, les centres urbains, ainsi que
le ravitaillement des campagnes en produits de consommation et en intrants agricoles ou
industriels. Elles assurent également la continuité du réseau principal. Des mesures
d’accompagnement particulières étaient prévues pour les projets de routes rurales. Il s’agissait
donc de la formation et de l’organisation des populations riveraines en comités d’entretien
routier pouvant assurer l’entretien courant du réseau réhabilité de façon à permettre la prise en
charge effective du patrimoine routier par les collectivités locales.

En l’an 2000, le gouvernement camerounais a adopté ce qu’on appelle aujourd’hui la Nouvelle Stratégie
d’Entretien et de Réhabilitation des Routes (NSERR). Celle-ci prévoit le transfert du patrimoine des
routes rurales aux Communes avec la participation des populations bénéficiaires à toutes les étapes de la
prise de décision, du financement et de l’entretien courant post-réhabilitation, ainsi qu’à leur protection
notamment par la gestion des barrières de pluies. Pour être plus efficace dans ce processus, la loi 2004/018
du 22 juillet 2004 fixant les règles applicables aux communes a davantage renforcé la responsabilité des
communes dans leur devoir d’entretien des routes rurales. 12

Pour une meilleure implémentation de ses actions, le Gouvernement avait élaboré, un


Plan Directeur Routier (PDR). « Le PDR, qui [se présentait] comme un outil moderne d’aide à
la décision pour une gestion toujours plus efficace des ressources affectées au réseau routier,
consacre la volonté du Gouvernement à opter pour une gestion axée sur les résultats. »13 Ainsi,
l’étude de ce Plan avait été menée par le Bureau d’Études italien AIC PROGETTI, sous la
supervision d’un Comité Interministériel de Coordination créé à cet effet par Arrêté n°064/PM
du 1er novembre 2001 par le Premier ministre, et placé auprès du Ministre des travaux publics.
Ainsi, les résultats obtenus portaient sur :

1) une nouvelle classification et hiérarchisation du réseau routier,

12
J. F. Channon, « Routes rurales camerounaises: La synergie de décentralisation en marche, Quotidien Le
Messager, 28/11/2005, en ligne, URL : http://www.cameroon-info.net/article/routes-rurales-camerounaises-la-
synergie-de-decentralisation-en-marche-95175.html, consulté le 18/02/2021 à 06h24.
13
MINTP, Plan Directeur Routier du Cameroun, 2006, p. 3.
P a g e | 325

2) une projection de ressources financières à affecter aux routes pour les 20 ans à
venir, selon trois scénarii de développement et,
3) la préparation, en fonction des prévisions de la demande de transport et des
ressources financières, d’un Programme d’intervention sur 20 ans (2006-2025)
sur le réseau routier, pour chaque scénario.14
Le PDR avait permis de mettre sur pied de nouvelles bases de classification des routes
au Cameroun, ce qui permettait de modifier la classification datant de 197915.

Tableau n° 15 : Les bases de la classification des routes au Cameroun depuis 2006

MINTP, Plan Directeur Routier du Cameroun, 2006, p. 11

14
Ibid.
15
Voir une partie du catalogue actuel des routes classées au Cameroun en Annexes de cette thèse. Le catalogue
complet est téléchargeable en ligne, URL :
http://www.fondsroutiercameroun.org/sites/default/files/fichiersarticles/catalogue_des_routes_du_cameroun.pdf,
consulté le 7 juillet 2019 à 05h42.
P a g e | 326

Pour ce qui est des transports fluviaux et lacustres, ils s’étaient développés dans les
régions où les fleuves et les lacs sont navigables. Le Cameroun possède de nombreux fleuves
et lacs où il est possible de promouvoir le transport fluvial et lacustre. Quelques rivières ou
parties de rivières sont navigables au Cameroun, de façon permanente ou selon la saison. On
trouve notamment les ports fluviaux suivants :

- Garoua sur la Bénoué,

- Behondo sur la rivière Nyong,

- Moloundou sur le Ngoko,

- Yabassi sur le Wouri,


- Mamfé sur la Cross River (le fleuve Cross River est navigable jusqu’à Mamfé et assure
une partie non négligeable de transport de marchandise entre le Nigeria et le Cameroun).

- Le fleuve Moungo est aussi partiellement navigable.

Ils constituent ainsi le moyen de communication le plus important pour la mobilité des
personnes de ces régions et le seul recours permettant d’assurer la mobilité de leurs biens. Mais
ce mode de transport est encore pénalisé par les mauvaises conditions d’accostage, de
chargement et déchargement, du manque de quais aménagés, qui provoquent souvent une
détérioration et une perte importante des marchandises.

Pour pallier à ces insuffisances, le gouvernement a pensé à mettre en place une


organisation devant définir et soutenir une politique de développement de transport fluvial et
lacustre ; définir, en concertation avec le secteur privé, un cadre législatif et réglementaire
adapté permettant de mieux structurer la gestion et l’organisation de ce type de transport ;
lancer, en partenariat avec le secteur privé, des projets pilotes ; planifier un programme
d'investissement stratégique ; et mettre en place un mécanisme de suivi évaluation qui permettra
de mieux orienter, organiser, stimuler et gérer l'offre et la demande de transport fluvial et
lacustre. De plus, les autorités devaient mettre sur pied une stratégie visant à promouvoir les
moyens intermédiaires de transport communautaires à moindre coût.

3. Une évaluation du DSRP

Au cours de la période de mise en œuvre du DSRP, 2003 à 2007, le PIB a enregistré un


taux moyen de croissance réelle de 3,32%. Cette moyenne se situe en dessous de celle de 4,23%
observée au cours de la période allant de 2000 à 2002, au cours de laquelle le Cameroun ne
P a g e | 327

mettait en œuvre aucun programme formel visant essentiellement la lutte contre la pauvreté.
C’est dire qu’en matière de croissance économique, les objectifs recherchés, à partir d’avril
2003, date de l’entrée en vigueur du programme FRPC, n’ont pas été atteints. Les estimations
récentes pour l’exercice 2008, affichant un taux de croissance de 3,1% maintiennent le profil
de croissance en dessous de celui projeté dans le DSRP.16

Il faut même surtout regretter le fait les projets en matière d’infrastructures des
transports soient demeurés sur papier. En effet, les ambitions en matière de routes rurales sont
restées lettres mortes. Ce n’est que le 26 février 2010, trois ans après la fin du DSRP, que le
décret n° 2010/0240/PM du premier ministre, vient fixer les modalités d’exercice de certaines
compétences transférées par l’État aux Communes en matière de création et d’entretien des
routes rurales non classées, ainsi que de la construction et de la gestion des bacs de
franchissement.

Le recours à des techniques à haute intensité de main d’œuvre (HIMO) pour réduire les
coûts et promouvoir l’emploi, ainsi que la formation des populations à l’entretien des routes
n’ont pas été suivis d’effectivité. Tout aussi bien que les grands projets de routes
transnationales, l’aménagement des transports fluviaux et lacustres. Au final, le DSRP sur le
plan des transports n’a été qu’une longue liste de projets jamais suivis d’effets

B. Le Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) de 2009

Le DSCE a été élaboré dans un contexte caractérisé par le renchérissement du coût de


la vie au niveau national, la crise financière internationale de 2008, la crise alimentaire17 et la
crise énergétique au niveau mondial. Il se décline alors en sept chapitres interdépendants portant
sur : 1) la revue des politiques de développement ; 2) la vision de développement à long terme
et les objectifs du DSCE ; 3) la stratégie de croissance ; 4) la stratégie de l’emploi ; 5) la
gouvernance et la gestion stratégique de l’État ; 6) le cadrage macroéconomique et budgétaire,
et 7) le cadre institutionnel et les mécanismes de mise en œuvre et de suivi du DSCE. Nous

16
République du Cameroun, « Document de stratégie pour la croissance et l’emploi », 2010, p. 29.
17
En février 2008, le Cameroun était au rang des pays qui ont été secoués par ce qui fut appelé par la presse, « les
émeutes de la faim ». Du 25 au 28 février 2008, nombre de jeunes Camerounais dans les villes de Yaoundé et
Douala, ont pris le risque de sortir dans la rue pour manifester leur mal-être : la vie chère principale, la contestation
de la modification de la constitution par le président de la République et le chômage des jeunes constituaient alors
les principales causes de cette révolte populaire.
P a g e | 328

nous intéressons aux objectifs et à la place des transports dans cette stratégie nouvelle de
développement.

I. Les objectifs du DSCE

Le DSCE est donc le premier document de planification issu de l’élaboration du


Document de travail : « Cameroun Vision 2035 ». Ce document par en effet du constat que la
croissance retrouvée depuis les lendemains de la dévaluation du Franc CFA en 1994 n’aurait
pas atteint une vigueur durable et resterait insuffisante pour atteindre les OMD. L’hypothèse
formée par le gouvernement est que la multiplicité des cadres de référence de l’action
économique sans une vision commune et cohérente, fondée sur les enjeux bien identifiés,
constituait l’une des lacunes majeures de la politique économique jusque-là.18 Les
conséquences étaient : des dysfonctionnements importants, une rationalisation insuffisante dans
la sélection des programmes, un déséquilibre dans l’aménagement régional, un impact de
l’investissement public fortement réduit et une faible appropriation d’outils d’évaluation, de
coordination et de réorientation des appuis financiers extérieurs. Il fallait donc se doter d’une
Vision Prospective, préalable à toute stratégie nationale de développement à long terme.

Dans le contexte du Cameroun, la vision du développement à long terme représente ce que les
camerounais et leurs dirigeants souhaitent pour eux et les prochaines générations, à l’horizon de 25-30
ans. Il s’est agi de circonscrire dans un cadre stratégique, logique et cohérent, les aspirations profondes
des camerounais et les ambitions des dirigeants ; il a été également question de construire un consensus
autour d’un minimum de valeurs partagées et d’objectifs communs acceptés. L’horizon de 25-30 ans qui
a été choisi correspond au temps de doublement de la population du Cameroun. Au-delà de l’aspect
démographique, le choix de l’horizon a également été guidé par le souci de considérer une période
suffisante pour les changements structurels.19

Le DSCE devait donc couvrir les dix premières années de la vision à long terme (2010-
2020). Il était centré sur l’accélération de la croissance, la création d’emplois formels et la
réduction de la pauvreté. Il avait donc pour objectifs20 :

1) porter la croissance à 5,5% en moyenne annuelle dans la période 2010-2020 ;

2) ramener le sous-emploi de 75,8% à moins de 50% en 2020 avec la création de


dizaines de milliers d’emplois formels par an dans les dix prochaines années ;

3) ramener le taux de pauvreté monétaire de 39,9% en 2007 à 28,7% en 2020.

18
Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, « Cameroun, Vision 2035 »,
Document de travail, 2009, p. 1.
19
Ibid.
20
République du Cameroun, « Document de stratégie pour la croissance et l’emploi », 2010, p. 14.
P a g e | 329

II. Les transports dans le DSCE

Le DSCE représentait donc la mise en œuvre stratégique du Document Cameroun


Vision 2035. Celui-ci considérait que « l’ensemble des infrastructures, les infrastructures de
communications (routes, ouvrages d’art, ports, aéroports, voies ferrées, gares, …) et de
télécommunications constituent des supports physiques d’accompagnement de la production
qui sont à la fois des facteurs de production et générateurs de richesse et d’emplois ».21

Dans la perspective du décollage industriel, les missions assignées aux infrastructures


de communication étaient d’assurer le désenclavement des bassins industriels,
l’approvisionnement des usines en matières premières (particulièrement d’origine minière),
l’écoulement des productions vers les marchés intérieurs et extérieurs, et le transport des
personnes de manière à réduire les coûts d’exploitation et améliorer la compétitivité des
entreprises nationales et l’attractivité du pays.22

Les stratégies devaient porter sur : le renforcement des programmes d’entretien et de


réhabilitation des infrastructures ; l’extension et la densification des infrastructures et des
réseaux de transport terrestre, ferroviaire, fluvial, maritime et aérien ; et la gouvernance du
secteur et le renforcement des capacités.23

En matière de routes, l’objectif affiché à travers la vision était de porter la proportion de


10% du réseau routier bitumé à plus de 30%.24 S’agissant des infrastructures ferroviaires,
l’objectif à court et moyen terme était l’amélioration de l’état du réseau ferré existant. À long
terme, il s’agissait de bâtir un nouveau réseau de chemin de fer obéissant aux normes modernes,
électrifié et réellement capable d’accompagner à la fois le développement des industries
extractives, l’intégration de l’espace économique national et le processus d’intégration
régionale.

Pour ce qui concerne la façade maritime du Cameroun, l’option était de tirer au


maximum profit de la position géographique stratégique du pays en développant et modernisant
l’ensemble des ports en un système cohérent et intégré, susceptible de renforcer fortement
l’attractivité du pays.

21
Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, « Cameroun, Vision 2035 »,
2009, p. 38.
22
Ibid.
23
Ibid.
24
Ibid
P a g e | 330

La participation économique des infrastructures de communication est indéniable. En


effet, elles fournissent le socle essentiel où se bâtissent le développement et la compétitivité de
l’économie. Elles réduisent les coûts de production et de transaction, facilitent l’activité,
accroissent le volume de production et impulsent le progrès social. En 2010, le DSCE
reconnaissait que le taux d’accès aux infrastructures était très bas, qu’elles fussent à caractère
économique (routes, ponts, aéroports, ports, production et distribution de l’énergie, réseaux
d’adduction d’eau, assainissement et réseaux viaires, télécommunications, etc.) ou social
(infrastructures sanitaires et éducatives). 25
De plus, leur état de fonctionnalité n’était pas
suffisamment relevé pour soutenir le développement du secteur privé.

Dans le sous-secteur routier, qui monopolise plus de 85% du transport national, les
principales réformes conduites depuis la mise en œuvre du programme sectoriel des transports
(PST) en 1996 ont conduit à des mesures importantes parmi lesquelles : la privatisation des
travaux et du contrôle des travaux routiers ; la mise en place d’un Fonds Routier pour le
financement et le paiement à bonne date des prestations ; la concentration des moyens
disponibles sur un réseau prioritaire, etc.

Malgré des avancées importantes au plan opérationnel et stratégique, les moyens


disponibles et les stratégies mises en place ne suffisent pas à résorber l’énorme déficit structurel
entre l’offre et la demande. Ainsi seulement 10% des 50 000 km environ que constitue le réseau
national sont bitumés, et le pourcentage de réseau en bon état en 2005 était de 24%. Le principal
défi qui se pose au sous-secteur routier est d’assurer l’entretien du réseau principal et des routes
rurales en relation avec l’accès aux marchés de la production du secteur rural, et de faire passer
le taux du linéaire bitumé à un seuil compatible avec le développement de l’industrie et des
services sur le territoire national.

Les ports en eaux profondes de Kribi et Limbé seront ainsi construits tandis que le port
de Douala sera modernisé et verra sa capacité d’accueil renforcée. La stratégie de
développement des infrastructures de transport sera articulée autour de :

- La mise en place d’un cadre institutionnel et stratégique approprié ;


- la promotion et l’adaptation de l’offre de transports (moyens, services et systèmes de
transport) en intégrant notamment les préoccupations environnementales ;
- l’amélioration des connexions entre les différents modes de transport ;

25
République du Cameroun, « Document de stratégie pour la croissance et l’emploi », 2010, p. 46.
P a g e | 331

- la promotion des technologies adaptées et de l’utilisation des matériaux locaux ;


- le développement de l’approche de partenariat Public/privé ;
- l’intensification des partenariats avec les investisseurs privés nationaux et étrangers.

Le DSCE énonçait que, dans le sous-secteur routier, les orientations stratégiques à


moyen et long termes du Gouvernement à l’horizon de la stratégie, en cohérence avec le
scénario ambitieux du PDR de février 2006 et la stratégie sectorielle élaborés, visaient à faire
passer la fraction du réseau routier bitumé de 10% actuellement à 17 % à l’horizon 2020. Ces
orientations devaient passer par les axes suivants :

1) l’amélioration de l’offre en infrastructures routières, en mettant d’abord l’accent sur la


réhabilitation et l’entretien du réseau existant, puis sur son extension et son
aménagement (aussi bien en ce qui concerne le réseau bitumé que celui de desserte) ;

2) la mise en place des mesures d’accompagnement nécessaires au développement des


performances sectorielles, qui passe par : l’optimisation de l’organisation et des
performances du secteur industriel de la construction ;

3) le développement des capacités et de la compétitivité des opérateurs privés du BTP ;


l’amélioration de la gouvernance dans le secteur du BTP ;

4) et le développement et l’amélioration de la gestion des ressources humaines dans le


secteur.26

Pour ce qui est de l’entretien routier, les opérations d’entretien routier devaient
concerner à la fois le réseau classé prioritaire, le réseau non prioritaire, de même que le réseau
des routes rurales. Elles devaient permettre d’améliorer nettement le niveau de service du réseau
routier, en s’assurant que 100% du réseau classé prioritaire était en bon état, ainsi qu’une
proportion importante (30%) du reste du réseau routier.27

Les actions de protection du patrimoine routier devaient permettre à l’horizon du


DSCE : d’assurer le contrôle des charges sur 100% du réseau bitumé, contre 30% au moment
de son adoption ; le respect des conditions de circulation par temps de pluie et la construction
des barrières de pluie sur le réseau des routes en terre.28

26
Ibid, p. 57.
27
Ibid.
28
Ibid.
P a g e | 332

Tableau n° 16 : Quelques objectifs du DSCE en matière d’infrastructures

Source : Ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire, « Cameroun, Vision


2035 », 2009, p. 54.

Le Gouvernement s’engageait aussi à réaliser à court terme, un inventaire complet des


routes rurales qui mettrait en évidence un indicateur composite d’accessibilité29, dans le but
d’élaborer un programme rationnel et pertinent des interventions sur ce réseau.

Étaient aussi prévu dans le DSCE : Le second pont sur le Wouri ; un programme de
bitumage des corridors, du réseau CEMAC, de la transafricaine, du réseau structurant, avec une
attention particulière pour le désenclavement des villes secondaires de l’aire métropolitaine de
Douala et de Yaoundé ; un programme autoroutier sur la boucle Yaoundé-Douala-Bafoussam-
Yaoundé, sur le tronçon Yaoundé-Nsimalen et sur la route Douala-Limbe. Ainsi, l’État
s’engageait à bitumer en moyenne 350 km de routes par an.

III. Une évaluation du DSCE

Le 23 janvier 2019 à Yaoundé, Paul Tasong, le ministre délégué en charge de


l’Économie, présidait des travaux d’élaboration d’un nouveau cadre de référence pour le
développement du pays. Ces travaux, après évaluation, devait acter la fin du DSCE, et la mise
sur pied d’un nouvel instrument de planification pour atteindre l’émergence en 2035. Il s’agira
dès 2020, du Projet de stratégie nationale de développement (PSND).

29
C’est en 2016 que cet inventaire a été effectué. Il est téléchargeable en ligne dans le site de l’Institut national de
la statistique, URL : http://slmp-550-104.slc.westdc.net/~stat54/nada/index.php/catalog/101/study-description,
consulté le 26/01/2020 à 22h30.
P a g e | 333

Dans son discours inaugural, le ministre dressait un bilan peu élogieux des années
DSCE : « le tout premier indicateur portait sur une croissance économique soutenue pendant
les 10 ans. Le souhait était d’atteindre une croissance moyenne de 5,5% sur la période de
planification. À ce jour [janvier 2019], nous n’avons pas atteint de manière totalement
satisfaisante ce taux de croissance. Le taux de croissance moyen de nos jours est de 4,5% ».30

Toujours, selon le ministre Tasong, le Cameroun a fait reculer la pauvreté de 3% là où


l’on attendait 10%. Seulement, a-t-il précisé, ces objectifs non atteints s’expliquent par le fait
que le pays a fait face à un choc exogène avec, notamment, la chute du cours du pétrole et les
problèmes sécuritaires dans le Nord-ouest, le Sud-ouest, à l’Est et dans l’Extrême-Nord.31

Le DSCE n’est finalement demeuré qu’au stade de la phase 1, qui allait de 2010 à 2019.
Au cours de cette période, le Cameroun était censé voir sa croissance s’accélérer. Ce qui n’a
pas été le cas. De 2020 à 2027, le pays doit accéder au statut de pays à revenu intermédiaire de
la tranche supérieur32. Ceci en mettant l’accent sur ses atouts immédiats : l’agriculture et
l’extraction minière, tout en veillant à une répartition moins inégalitaire des revenus. La phase
3 (2028-2035) est celle au cours de laquelle le Cameroun doit devenir un pays industrialisé.

Dans les infrastructures, le DSCE a été plombé en grande partie par le coût des travaux
publics au Cameroun. En 2003, l’on estimait le prix moyen du kilomètre de route bitumée au
Cameroun à environ 205 millions de francs CFA. Pourtant, ce même prix culminait à 100

30
S. Andzongo, « Le DSCE, document de référence du Cameroun pour l'émergence en 2035, sera remplacé le 1er
janvier 2020 », Investir au Cameroun, 2019, en ligne, URL :
https://www.investiraucameroun.com/index.php/gouvernance/2401-12042-le-dsce-document-de-reference-du-
cameroun-pour-lemergence-en-2035-sera-remplace-le-1er-janvier-2020, consulté le 26/01/2020 à 23h24.
31
Ibid.
32
En 2019, la Banque mondiale a actualisé ses seuils, comme elle le fait chaque année au début de son exercice
budgétaire (qui commence en juillet). Ces seuils restent inchangés pendant les 12 mois suivants, indépendamment
des éventuelles révisions ultérieures des estimations du RNB par habitant. Les seuils de revenu ont été relevés par
rapport à l'année 2018, en raison de l’accroissement de la valeur du DTS. Au 1er juillet 2019, les seuils de revenu
sur lesquels repose la classification des économies sont les suivants :
Seuil Juillet 2019/$ Juillet 2018/$
Pays à Revenu intermédiaire
1 026 - 3 995 996 - 3 895
de la tranche inférieure
Pays à Revenu intermédiaire
3 996 - 12 375 3 896 - 12 055
de la tranche supérieure
Pays à Revenu élevé > 12 375 > 12 055
Le Cameroun est aujourd’hui classé comme pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure. Sont dans ce groupe,
17 autres pays : Cap-Vert, République du Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Égypte, Ghana, Inde, Lesotho,
Mauritanie, Maroc, Nigeria, São Tomé-et-Principe, Sénégal, Soudan du Sud, Soudan, Swaziland, Zambie.
Sources : https://competitivite.ferdi.fr/pays/comparaison/cameroun-cmr/revenu-intermediaire-tranche-inferieure
http://blogs.worldbank.org/fr/opendata/nouvelle-classification-des-pays-en-fonction-de-leur-revenu-
actualisation-2019-2020, consultés le 29/01/2020 à 21h28.
P a g e | 334

millions de francs CFA en moyenne en Afrique, soit la moitié du prix pratiqué au Cameroun.33
Afin d’infléchir cette courbe, le gouvernement camerounais avait décidé de la construction de
4 centrales de concassage pour un montant global de 10 milliards de francs CFA. En effet, au
Cameroun les granulats représenteraient 25% du coût de construction d’une route.

Pourtant, un opérateur économique camerounais avait présenté aux acteurs du BTP, un


produit qui permettait déjà de réduire considérablement les délais de construction des routes, et
par conséquent les coûts globaux. Ce produit dénommé Carboncor, dont la fiabilité avait même
été confirmée par le LABOGÉNIE, et expérimenté, avec succès, sur un tronçon de la route
Yaoundé-Afanoyo, n’avait finalement pas été adopté par les décideurs camerounais des travaux
publics.

C’est finalement en 2014, soit 11 ans après ce constat et le lancement des appels d’offre,
que les quatre marchés pour la fourniture, l’installation et la mise en service de centrales de
concassage dans les régions camerounaises du Centre, de l’Ouest, de l’Extrême-Nord et du Sud,
avaient été attribués aux entreprises Sermi Sarl, Socatraco Sarl et Sarem SA34.

Rendus en 2016, le kilomètre de route a pourtant augmenté. Pour 19,2 km de route à


Douala, l’État a dépensé en moyenne 2 726 093 750 par km. La phase I du projet de réalisation
de la pénétrante Est de la ville de Douala avait été au départ estimé à 47 milliards. Au final, il
aura coûté 70 milliards, pour seulement 10 km de route (3x2 voies), livrés en 2016.35 Les autres
travaux ont coûté tout autant, comme en témoigne les tableaux suivants36,

33
https://www.investiraucameroun.com/btp/1709-4597-le-cout-du-km-de-route-bitumee-au-cameroun-est-le-
double-du-prix-moyen-en-afrique, consulté le 26/01/2020 à 03h26.
34
https://www.investiraucameroun.com/index.php/mines/2104-5248-cameroun-4-entreprises-se-partagent-10-
milliards-de-fcfa-pour-l-installation-de-centrales-de-concassage, consulté le 26/01/2020 à 04h50.
35
https://www.journalducameroun.com/projets-routiers-le-ministere-des-travaux-publics-reconnait-quils-
coutent-plus-chers-au-cameroun/, consulté le 26/01/2020 à 22h32.
36
MINTP, Ministère des travaux publics, annuaire statistique du secteur des infrastructures au Cameroun, Édition
2015, 2015, p. 36 (Tableau 12) et p. 39 (Tableau 13).
P a g e | 335

Tableau n° 17 : Quelques grands projets de constructions routières et leurs coûts

Source : MINTP, Ministère des travaux publics, annuaire statistique du secteur des infrastructures au
Cameroun, Édition 2015, 2015, p. 36.

Tableau n° 18 : Deux projets d’entretien routier et leurs coûts en 2013

Source : MINTP, Ministère des travaux publics, annuaire statistique du secteur des infrastructures au
Cameroun, Édition 2015, 2015, p. 39.
P a g e | 336

Au-delà de ces coûts exorbitants tant en construction qu’en entretien, il faut aussi
déplorer le manque de symbiose entre aménagement du territoire et transports. En effet,
plusieurs ouvrages des transports souffrent de cette absence, à l’instar du second pont sur le
Wouri.

Le second pont sur le Wouri se situe en aval immédiat (8 mètres) du premier,


inauguré en 1955, d’une longueur totale d’environ 850 mètres, s’y ajoutent un peu plus
de 2 kilomètres de voies de raccordement avec le réseau de voirie urbaine de Douala,
représentant un tronçon total (ouvrage et voies de raccordement) de 3 kilomètres. Les
objectifs de sa construction étaient entre autres de fluidifier le trafic entre les rives du
Wouri ; et désenclaver la rive droite afin de faciliter l’accès des populations défavorisées
résidant dans la ville droite aux services publics et aux pôles d’emplois, situés sur la rive
gauche.37 Pourtant, pour un ouvrage d’art qui avait coûté 141,6 milliards de francs CFA,
il a fallu envisager des travaux d’assainissement en urgence du fait des inondations
incessantes sur le pont. Les raisons de cet état de choses : la présence d’une conduite
d’eau de 1200 mm et son encombrement par les matériaux solides rejetés par les usagers.

Photo n° 26 : Inondation sur une partie du second pont sur le Wouri

Source : en ligne, URL : http://www.agora-mag.net/2019/04/01/cameroun-douala-inondation-sur-le-2eme-pont-


sur-le-wouri/, consulté le 29/01/2020 à 09h22

37
Agence française du développement, « Construction du deuxième pont sur le Wouri à Douala », en ligne :
https://www.afd.fr/fr/carte-des-projets/construction-du-deuxieme-pont-sur-le-wouri-douala, consulté le
29/01/2020 à 09h15.
P a g e | 337

En définitive, même si le DSCE partait d’une bonne idée, il a été plombé par un
ensemble de pesanteurs liées à la mal gouvernance qui semble avoir marquée la plupart des
plans depuis 1960 : improvisation des travaux, coûts très élevés, mauvaise qualité des ouvrages
réalisés, fait au départ pour aider au développement, il en est devenu un frein. Cette situation a
été la base de la décision du président Biya d’initier le Plan d’urgence triennal.

C. Le Plan d’urgence triennal de 2015-2017 : un problème de politique ou


des politiques ?

C’était au terme d’un conseil des ministres qu’il avait présidé le 9 décembre 2014 à
Yaoundé, que le président Paul Biya avait annoncé qu’au premier trimestre 2015, un plan
d’urgence triennal (2015-2017) serait lancé, pour un montant total de 925 milliards de francs
CFA, en vue de l’accélération de la croissance économique du pays et de l’améliorer des
conditions de vie des populations. Dans sa communication spéciale lors de ce conseil des
ministres, le chef de l’État faisait tout de même ces précisions :

Le plan d’urgence est un programme spécial de mesures et de projets visant les besoins immédiats des
populations. Étalé sur une durée de trois ans, il touche l’ensemble du territoire national. Je crois qu’il
est important de relever que ce plan est distinct de notre stratégie pour la croissance et l’emploi qui
demeure notre « charte » de développement. Il n’interfère pas non plus avec les feuilles de route des
départements ministériels qui doivent continuer d’être appliquées avec toute la diligence et la rigueur
nécessaires.

Toujours dans ce discours, il dénonçait quelques-uns des maux qui semblaient avoir
plombés l’action de l’État jusque-là : l’augmentation effrénée des dépenses en biens et en
services, l’accroissement excessif des missions notamment à l’étranger, la multiplication des
comités et des projets inappropriés, l’accroissement abusif des subventions. Le PLANUT
apparaissait donc comme un test d’efficacité pour le gouvernement. En effet, dans une période
de temps limitée, trois ans, avec les moyens financiers mis à leur disposition, chaque ministre
devait atteindre des objectifs précis. Deux maîtres-mots revenaient faisaient l’essentiel des
recommandations du président de la République : célérité et rigueur. Pour veiller à l’efficacité
du PLANUT, un Comité chargé de son suivi et de sa supervision était créé quelques semaines
plus tard, sous la supervision du Premier ministre.38

38
Décret N° 2014/575 du 19 décembre 2014 portant création, organisation et fonctionnement du Comité de suivi
de la mise en œuvre du Plan d’Urgence triennal pour l’accélération de la croissance économique.
P a g e | 338

En novembre 2017, initialement la fin du PLANUT, le bilan qu’en fait le Comité de


suivi et d’évaluation est loin d’être flatteur. Dans le secteur des travaux publics, il s’agissait
d’ouvrir les bassins de production sur le territoire national. L’accord du chef de l’État avait été
obtenu le 22 juin 2015, pour la réalisation de travaux de construction sur dix routes du segment
ferme et d’études sur dix autres routes du segment conditionnel.39

L’état d’avancement des travaux peut être apprécié dans les tableaux suivants, le
premier présente les travaux de construction des routes, et le second, les études 40 :

Tableaux n° 19 et 20 : État d’avancement des travaux routiers prévus dans le PLANUT en


2017

Source : Monitoring committee for the implementation of the three year emergency plan to accelerate
economic growth, “General report on the implementation of the three year emergency plan to
accelerate economic growth”, 2017, p. 10.

39
Monitoring committee for the implementation of the three year emergency plan to accelerate economic growth,
“General report on the implementation of the three year emergency plan to accelerate economic growth”, 2017, p.
9.
40
Ibid, pp. 10-11
P a g e | 339

Source : Monitoring committee for the implementation of the three year emergency plan to accelerate
economic growth, “General report on the implementation of the three year emergency plan to
accelerate economic growth”, 2017, p. 11.

Aujourd’hui, le PLANUT, prévu pour trois ans, semble être le principal outil de
politique économique. Le Premier ministre Dion Ngute, lors de son discours de présentation du
budget devant l’Assemblée nationale le 29 novembre 2019, faisait ainsi le bilan de ce plan. Tout
en reconnaissant ses débuts laborieux liés d’après lui à l’absence d’études techniques pour
plusieurs projets, et aux contraintes inhérentes à la mobilisation des financements, il affirmait
que le Plan avait désormais atteint sa vitesse de croisière : « à ce jour, les marchés déjà passés
s’élèvent au total à 817 milliards 614 millions 756 mille 464 francs CFA. »

Dans le secteur des transports c’est principalement le volet routier qui bénéficie des
investissements du PLANUT. Dion Ngute faisait savoir que 21 marchés avaient déjà été
attribués au titre de la tranche ferme, pour un montant d’environ 300 milliards de FCFA toutes
taxes comprises, à raison de 12 marchés de maîtrise d’œuvre et 9 marchés des travaux, dont un
avait été résilié pour défaillance grave constatée. En 2019 donc, l’état d’avancement des travaux
routiers se présente de la manière suivante toujours selon le Premier ministre :

- Maroua-Bogo : 45,63% (rappelons que le même marché était à 14,05% en 2017 soit une
progression de seulement 31,58% en deux ans)

- Mandjou-Akokan : 38% (en étude en 2017)


P a g e | 340

- Bonepoupa-Yabassi : 32% (2% en 2017)


- Akokan-Batouri : 32% (en étude en 2017)
- Douala-Bonepoupa : 26% (7% en 2017)
- Foumban-Koumpamatapit-Limite Ouest/Nord-Ouest : 3,73% (en étude en 2017)
Pour compléter le tableau, le chef du gouvernement rappelait que le marché concernant
la construction de la route Ngaoundéré-Paro avait été signé le 02 août 2019 et que l’entreprise
était en cours d’installation. Quant aux tronçons routiers Guidjiba-Taparé dans la Région du
Nord, Babungo-Oku-Noni dans la Région du Nord-Ouest et Olounou-Oveng dans la Région du
Sud, les marchés y relatifs devaient être attribués dès que les études techniques auraient été
recadrées, afin d’en abaisser les coûts. Par ailleurs, le processus de maturation se poursuivait
pour les 10 autres tronçons routiers de la tranche conditionnelle.

Dans la pratique, on ne peut que constater l’échec du PLANUT, plombé lui aussi par les
multiples atermoiements de l’administration camerounaise. Nous reconnaissons le fait que les
travaux publics concernant les routes prennent du temps, celui des études d’abord, de la
réalisation ensuite, et de la livraison enfin. Cependant, le PLANUT, censé relever les
manquements du DSCE, est finalement tombé dans ses travers. Au final, il est nécessaire de se
poser la question suivante : le problème est-il dans la politique ou dans les politiques, c’est-à-
dire des hommes chargés de l’implémentation ?

Conclusion

Ce chapitre abordait les nouveaux outils de la gestion économique et les transports au


Cameroun entre 2000 et 2017. Cette période a surtout été marquée par l’admission du
Cameroun à l’IPPTE. Celle-ci a largement contribué à la relance économique du pays. Mais les
résultats se font attendre, les politiques mises en place semblent plus être des freins que des
outils de facilitation du développement. Nous sommes ainsi passés du DSRP au DSCE. Mais
ce dernier a lui-même été en quelque sorte, court-circuité par le PLANUT. Malheureusement,
le décollage tant espéré tarde à prendre. Nous avons certes enregistré quelques travaux dans le
domaine des transports : si plusieurs ont été entamés, peu ont été livré. Finalement sont-ce les
politiques le problème ou les hommes ne charge de leur implémentation ?
P a g e | 341

Dans un discours de campagne présidentielle le 1er octobre 2004 à Monatélé, le candidat


Paul Biya tenait ces propos qui semblent largement expliquer le problème économique du
Cameroun :

S’agissant des contraintes internes [au développement durable] qui sont de notre responsabilité, nous nous
sommes efforcés de les desserrer pour donner plus de latitude à notre économie, plus d’espace à la liberté
d’entreprendre, plus de facilités aux acteurs de la vie économique. Pour y parvenir, nous avons dû lutter
contre des maux que j’ai souvent dénoncés : inertie à divers niveaux, complications administratives et
surtout corruption, laquelle reste répandue dans notre société.

Pour ce qui est de la corruption, l’opération épervier de 2006 a certainement été un des
leviers de lutte. S’il a entamé une certaine cure des mentalités, il faut dire que le mal est profond
et il plombe grandement les initiatives en faveur du développement. On se souvient alors que
le président Ahidjo, dans un rapport de politique général, dénonçait les mêmes tares en 1960
déjà :

J’ai parlé aussi de la tendance de plus en plus généralisée de détourner les deniers publics et ceux d’autrui.
Combien d’agents spéciaux, de gérants postaux, d’économes sont mis débet. Le secteur privé est aux
prises avec le même fléau. L’honnêteté est devenue un vain mot. On veut s’enrichir avec tous les siens à
la fois. Cela explique la vague classique qui s’observe à partir des cabinets ministériels, des interventions
parlementaires, des affectations dans les administrations publiques. L’intérêt général, le sens public
cèdent désormais le pas sur les attaches familiales, les relations particulières. Avec cet état de choses,
croyez-moi, l’impéritie s’installe dans les services, le rendement baisse dans le travail. Le préjudice causé
à notre jeune République est grand.41

Le mal est donc profond et historiquement imprégné dans les mentalités. Si nous avons
loué l’effort de l’opération épervier, il faut reconnaitre que celle-ci est de plus en plus décriée
dans la presse et dans l’opinion publique, qui y voit principalement « un cadre juridique pour
régler des comptes politiques »42. Le BIP et le budget programme mis en place respectivement
en 2012 et 2013, afin de mieux contrôler la dépense publique, n’ont fait qu’alourdir la chaîne.
Le nombre élevé d’intervenants semble être finalement autant de poche de dépenses et de
possibilité de corruption. Le système des transports, outil indispensable de développement, en
est donc de plus en plus plombé.

41
République Unie du Cameroun, Recueil des discours présidentiels 1957- février 1968, 1968, pp. 182-183.
42
C. A. Djoko, « Opération épervier ; un cadre juridique pour régler des comptes politiques », 2018, en ligne,
URL : https://www.camerounweb.com/CameroonHomePage/features/Op-ration-Epervier-un-cadre-juridique-
pour-r-gler-des-comptes-politiques-435532, consulté le 27/01/2020 à 21h21.
P a g e | 342

CHAPITRE VIII

ÉTAT DES LIEUX, INTERVENANTS INSTITUTIONNELS ET DÉFIS


DES TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 2000 ET 2017
P a g e | 343

Comme le relève le chapitre précédent, le Cameroun a enregistré une certaine reprise


économique depuis le début des années 2000. Malheureusement, entre 2000 et 2017,
l’implémentation des politiques de développement avait du mal à porter ses fruits. Nous
souhaitons aborder dans ce chapitre, trois aspects des transports durant cette période. Il s’agira
d’abord de faire un état des lieux de ceux-ci. Par la suite, nous examinerons les intervenants
institutionnels nés des réformes engagées par l’État durant la période de l’IPPTE. Enfin, nous
évaluerons l’efficacité de ces organes de gestion des politiques des transports.

A. État des lieux des infrastructures des transports au Cameroun entre 2000
et 2017

En 2006, le bilan que le Plan directeur des routes dresse du secteur des transports semble
très négatif. En effet, pour le sous-secteur du chemin de fer, note-t-il, il souffre d’insuffisances
infrastructurelles, de mauvaises connexions avec les autres modes de transport, de manque de
structures intermodales pour faire face à la concurrence de la route. Les ports quant à eux sont
présentés comme un système totalement déséquilibré car la quasi-totalité du trafic transite par
le port de Douala, dont la capacité est réduite par les accès par mer et par route, alors que les
autres ports en eaux profondes qui pourraient le soulager (Limbé et Kribi) ne sont qu’à l’état
d’étude. Enfin, le transport fluvial est presque nul à cause du manque d’infrastructures, enfin
les aéroports sont mal entretenus et insuffisamment exploités. Nous faisons ici un état des lieux
des infrastructures des transports. Cependant, nous n’aborderons pas dans ce sous-chapitre, les
transports routiers. En effet, le Chapitre IX de cette thèse dans lequel nous analysons les
déterminants des coûts et des prix des transports routiers au Cameroun, s’intéresse à l’état des
routes.

I. Les infrastructures aériennes

Depuis 1986, le bilan en ce qui concerne les infrastructures des transports aériens n’a
pas fondamentalement évolué.
P a g e | 344

12
Nous notons la mise en service en 1991 de l’aéroport de Yaoundé-Nsimalen. La
Cameroon civil aviation authority nous en donne la fiche technique : il est situé dans une zone
couvrant une superficie de 12 404 kilomètres carrés, et « possède le plus grand potentiel de
croissance de trafic international de 15, 4 % par an, desservant, la capitale, siège des institutions
administratives et politiques »3. Il est doté d’une capacité d’accueil de 1 500 000 passagers
et 50 000 tonnes de fret par an, pour 14 postes de stationnement et une capacité exploitée de 17
%.4

II. Les infrastructures maritimes

Depuis le décret N° 99/127 du 15 juin 1999 portant création des organismes portuaires
Autonomes, le Cameroun dispose de quatre ports autonomes : le port d’estuaire de Douala, le
port maritime de Kribi, le port maritime de Limbe et le port fluvial de Garoua.

Le port de Douala assure près de 95% du trafic portuaire national. Il se positionne ainsi
comme le principal port d’Afrique centrale et dessert les pays limitrophes enclavés tels que le
Tchad, la RCA (République centrafricaine) et le nord du Congo.5

Les dispositions réglementaires sur l’organisation du port autonome de Douala sont


définies par le décret n° 99/130 du 15 Juin 1999 portant organisation et fonctionnement du Port
Autonome de Douala. Construit sur l’estuaire du fleuve Wouri, Ce port est relié à l’océan par
un chenal de 50 km dragué à une côte moyenne de -7 m. Avec une capacité annuelle de trafic
de 7 millions de tonnes, il est constitué de : 26 quais d’accostage sur 5,5 km de long, 7 terminaux
spécialisés, 15 entrepôts, 65 ha de terre-pleins, 25 km de voies ferrées, et 20 km de routes
bitumées.6

D’une superficie de 70 ha, le port de Kribi dispose de deux magasins sous douane d’une
capacité de 8 500 m3. Les quais d’accostage offrent un tirant d’eau de 9 m avec une capacité

1
Cf. chapitre III : Politique publique des transports au Cameroun sous le Libéralisme Planifié (1960-1985).
2
Voir la Carte des aérodromes du Cameroun (2003) en Annexes de la thèse.
3
CCAA, « Aéroport International de Yaoundé-Nsimalen », 2015, en ligne, URL :
https://www.ccaa.aero/index.php/fr/aviation-civile-au-cameroun-aeroports-du-cameroun/400-aeroport-
international-de-yaounde-nsimalen, consulté le 27/01/2020 à 23h21.
4
Ibid.
5
Logistique-Conseil, « Présentation sommaire des ports autonomes et infrastructures portuaires du Cameroun »,
en ligne, URL : http://www.logistiqueconseil.org/Articles/Transport-maritime/Ports-autonomes-cameroun.htm,
consulté le 27/02/2020 à 19h23.
6
Ibid.
P a g e | 345

réelle de 70 navires par an. Essentiellement consacré à l’exportation du bois, ce port présente
aujourd’hui un fort potentiel de développement avec la construction du terminal pétrolier lié à
l’oléoduc Tchad–Cameroun. Les dispositions réglementaires sur l’organisation du port
autonome de Kribi sont définies par le décret n° 99/132 du 15 Juin 1999 portant organisation et
fonctionnement du Port Autonome de Kribi.7

Le port de Limbe abrite essentiellement des infrastructures de raffinage de Pétrole de la


SONARA (Société Nationale de Raffinage). L’installation programmée d’une cimenterie ainsi
que le projet de développement d’un port en eau profonde dont la première étape est la
construction par le Chantier naval et industriel du Cameroun (CNIC) d’un yard pétrolier, offrent
de bonnes perspectives pour cette place portuaire. Les dispositions réglementaires sur
l’organisation du port autonome de Limbe sont définies par le décret n° 99/133 du 15 Juin 1999
portant organisation et fonctionnement du Port Autonome de Limbe.8

Le port de Garoua quant à lui, dispose de deux quais avec une capacité de 15 barges par
an, de 6 magasins d’une superficie de 4 800 m² chacun et d’un terre-plein de 12 000 m². Sa
gestion a été confiée depuis 2004 à la Communauté urbaine de Garoua. Les dispositions
réglementaires sur l’organisation du port autonome de Garoua sont définies par le décret
n° 99/131 du 15 Juin 1999 portant organisation et fonctionnement du Port Autonome de
Garoua.9

III. Les infrastructures ferroviaires

Tout comme avec les infrastructures aéroportuaires, les infrastructures ferroviaires n’ont
pas évolué depuis 1986. Au contraire, il faut surtout regretter la dégradation des locomotives.
Le 11 juin 2013, à l’issue de la 16e session du Comité interministériel de renouvellement des
infrastructures ferroviaires (COMIFER) tenue à Yaoundé, sous la présidence du ministre des
Transports, Robert Nkili, la CAMRAIL concessionnaire du chemin de fer au Cameroun,
annonçait l’acquisition en cours de 50 voitures-voyageurs, et d’une dizaine d’autorails.

En 2015, le ministre réceptionne quatre cinq locomotives. Ces investissements étaient


consentis dans le cadre de l’avenant N°2 à la convention de concession avec l’État du

7
Ibid.
8
Ibid.
9
Ibid.
P a g e | 346

Cameroun, qui prévoyait sur la période 2009-2020, des investissements de 230 milliards de
francs CFA, dont 158 milliards à la charge du concessionnaire.10

B. Les intervenants institutionnels de la chaîne des transports depuis 2000

À la fin des PAS, plusieurs réformes ont dues être entreprises par le gouvernement, afin
d’arrimer les institutions à la nouvelle donne des transports au Cameroun. Les rôles ont changés
(ministère des transports) et d’autres ministères se sont ajoutés (MINDDEVEL et MINMAP).
Il faut souligner qu’à l’entame des années 2000, la concrétisation de la décentralisation
annoncée dans la constitution de 1996, commence à prendre corps. Ainsi, le rôle des CTD dans
le domaine des transports prend une plus grande portée.

I. L’organisation du Ministère des transports depuis 2011

C’est le décret n° 2011/408 du 09 décembre 2011 portant organisation du Gouvernement


qui définit les attributions actuelles du ministre des transports. Il crée aussi le poste de ministre
délégué, et consacre la disparition du poste de secrétaire d’État. En substance, le ministre des
transports est responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique du
Gouvernement en matière de transport et de sécurité routière. Il ne s’occupe donc plus de la
construction des routes, ni de leur entretien.

Il est chargé :

- d’étudier et de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures


législatives ou réglementaires relatives aux transports ;

- d’étudier et de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures


législatives ou réglementaires relatives à la sécurité et à la prévention routières
en liaison avec les autres Administrations concernées ;

- de veiller au développement coordonné de tous les modes de transport ;

- d’assurer ou de contrôler l’organisation et le fonctionnement des transports


aériens, ferroviaires, maritimes et fluviaux ;

10
Investir au Cameroun, 2015, « Camrail réceptionnera cinq nouvelles locomotives sur la période juillet-septembre
2015 », en ligne, URL : https://www.investiraucameroun.com/entreprises/2007-6555-camrail-receptionnera-cinq-
nouvelles-locomotives-sur-la-periode-juillet-septembre-2015, consulté le 27/01/2020 à 17h35.
P a g e | 347

- d’assurer ou de contrôler l’organisation et le fonctionnement des transports


routiers et de la sécurité routière en liaison avec les Administrations concernées ;

- du suivi de la mise en œuvre et l’exécution du plan sectoriel des transports ;

- de l’aviation civile, des navigations fluviale et maritime, des transports routiers


et ferroviaires et de la météorologie ;

- de concourir à la formation professionnelle des personnels des transports ;

- du suivi des activités de la société CAMRAIL.

Il suit les affaires de l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne (ASECNA)


et toutes celles relatives à la sécurité aérienne.

- Il assure la liaison entre le Gouvernement et l’Organisation de l’Aviation Civile


Internationale (OACI) ainsi que l’Organisation Mondiale de la Météorologie
(OMM) en liaison avec le Ministère des Relations Extérieures.

- Il exerce la tutelle sur les Ports Autonomes et sur tous les organismes publics ou
para publics relevant de son secteur de compétence, notamment : l’Autorité
Portuaire Nationale (APN) ; la société Aéroports du Cameroun (ADC) ;
l’Autorité Aéronautique « Cameroon Civil Aviation Authority » (CCAA) ; la
société Cameroon Airlines Corporation (CAMAIR Co) ; le Conseil National des
Chargeurs du Cameroun (CNCC).

- Il est assisté d’un Ministre Délégué.

Les deux tableaux suivants présentent les ministres successifs en charge des transports,
ainsi que leurs ministres délégués et leurs secrétaires d’État.

Tableau n° 21 : Les ministres en charge des transports au Cameroun de 1957 à 2018

Période Nom et prénoms Fonction

2018- Jean Ernest Massena NGALLE BIBEHE

2015-2018 Edgar Alain MEBE NGO'O

2011-2015 Robert NKILI

2009-2011 Bello BOUBA MAIGARI Ministre des transports

2007-2009 GOUNOKO HAOUNAYE

2004-2007 DAKOLE DAISSALA

2004-2004 Charles SALE


P a g e | 348

2002-2004 John BEGHENI NDEH

2001-2002 Christopher NSAHLAI

1996-2001 Joseph TSANGA ABANDA

1992-1996 Issa TCHIROMA BAKARI

1992-1992 Jean Baptiste BOKAM

Ministre des travaux publics et


1991-1992 Paul TESSA
Transports

1988-1991 Claude TCHEPANOU

1985-1988 André Bosco TCHEUOUA

1984-1985 Benjamin ITOE

1979-1984 Albert NGOME KOME


Ministre des transports
1975-1979 John MONI NKENGONG

1972-1975 Christian SONGWE BONGWA

1970-1972 Vincent EFON

1968-1970 Bernard FONLON Ministre des transports et PTT

1961-1968 Solomon TANDENG MUNA

1959-1961 Oumarou SANDA


Ministre des transports, mines et
1958-1959 Charles OKALA postes

1957-1958 Michel NJINE

Tableau n° 22 : Les secrétaires d’États et ministres délégués en charge des transports depuis
1991

Période Nom et prénoms Fonction

2019- Njoya ZAKARIAOU Ministre délégué auprès

2011-2019 du Ministre des Transports


Mefiro OUMAROU
2007-2011
Secrétaire d'État aux Transports
2006-2007 Badel NDANGA NDINGA
P a g e | 349

2004-2006 Edmond MOAMPEA MBIO

1997-2004 Nana Aboubakar DJALLO

1994-1997 Zacharie PEREVET

Secrétaire d'État aux Travaux publics


1992-1992 Shey Jones YEMBE
et aux Transports

Source des deux tableaux : Osimbea, la mémoire du Cameroun. En ligne, URL :


https://www.osidimbea.cm/institutions/gouvernement/transports/, consulté le 06/02/2019 à 01h58.

II. Le MINDDEVEL

Au regard du décret n° 2018/190 du 2 mars 2018, modifiant et complétant certaines


dispositions du décret n° 2011/408 du 9 décembre 2011, portant organisation du gouvernement,
le Ministère de la décentralisation et du développement local (MINDDEVEL) est responsable
de l’élaboration, du suivi, de la mise en œuvre et de l’évaluation de la politique du
Gouvernement en matière de décentralisation, ainsi que de la promotion du développement
local . Il intervient dans le domaine des transports en ceci qu’il est chargé de la promotion du
développement socio-économique des collectivités territoriales décentralisées.

III. Le MINMAP

Le ministre délégué à la présidence de la République en charge des marchés publics


(MINMAP) est responsable de l’organisation et du bon fonctionnement des marchés publics. Il
intervient dans le sous-secteur des transports dans la passation des marchés. Ainsi :
- il procède au lancement des appels d’offres des marchés publics en liaison avec les
Départements Ministériels et les Administrations concernées ;
- il procède à la passation des marchés publics et en contrôle l’exécution sur le terrain en
liaison avec les Départements Ministériels et les Administrations concernées ;
- il participe, le cas échéant, au montage financier des marchés publics en liaison avec les
Départements Ministériels et les Administrations concernées.

IV. Les collectivités territoriales décentralisées (CTD)

Selon la loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation au


Cameroun, « la décentralisation consiste en un transfert par l’État, aux collectivités territoriales
P a g e | 350

décentralisées, […] de compétences particulières et de moyens appropriés. »11 Ainsi, la même


loi définit les objectifs de la politique de décentralisation :

- L’approfondissement du processus démocratique, en adaptant l’administration et plus


généralement le cadre institutionnel aux objectifs et aux exigences du pluralisme
politique en permettant l’émergence d’une démocratie locale ;
- Et la promotion du développement local et régional favorisant l’émergence d’initiatives
au niveau des différents acteurs et la mise en place d’un nouveau cadre de
développement à partir des préoccupations, des ressources et du savoir-faire des
populations.

C’est pour ce qui est du volet de la promotion du développement local et régional, que
les CTD interviennent dans le domaine des transports. La communauté urbaine a compétence
dans les domaines suivants :

- Urbanisme et aménagement urbain ;


- Équipements et infrastructures d’intérêt communautaire ;
- Entretien de la voirie principale et signalisation ;
- Éclairage public et approvisionnement en eau potable ;
- Circulation et transport ;
- Parkings publics et parcs de stationnement ;
- Dénomination des rues, places et édifices publics.

En matière de transport terrestre, la Communauté urbaine est chargée de l’étude, et de


la gestion des programmes d’entretien des infrastructures et des réseaux de moindre envergure.
Ceux de grande envergure sont pris en charge par le MINTP et le MINHDU. La
Communauté Urbaine s’occupe également de la gestion du domaine public routier, en relation
avec les services concernés. À cet effet, elle dispose d’un service de la Circulation et des
déplacements urbains » chargé :

- de l’étude et réalisation des aménagements et des équipements nécessaires à


l’application du plan de circulation ;
- des transports et déplacements urbains ;
- de l’entretien et la gestion des différents équipements de transport ;

11
Loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004 portant orientation de la décentralisation au Cameroun, Article 2, alinéa 1.
P a g e | 351

- d’assurer la liaison avec les opérateurs du secteur transport.

Au quotidien, la Communauté urbaine veille au respect des infrastructures et des


aménagements installés sur la voie publique afin de maintenir un développement des
déplacements adaptés pour une mobilité, mieux pour une urbanisation plus simplifiée et plus
organisée.

Au final, il apparaît une grande multiplicité d’intervenants institutionnels dans le secteur


des transports. Si la démultiplication du nombre d’intervenants, n’est pas en soi problématique
lorsque les compétences de chaque acteur public sont clairement définies, il en est tout
autrement lorsque tel n’est pas le cas. Force est de reconnaître que, la multitude des tutelles
ministérielles du secteur des transports (infrastructures et services) a un impact négatif sur la
coordination et le suivi des actions. Elle entraîne, en règle générale, un ralentissement dans le
traitement des dossiers et la prise de décision. Il en résulte ainsi des difficultés dans la mise en
œuvre des orientations de l’État, tant du point de vue des politiques que de l’exécution, de la
coordination et du suivi des activités relatives au secteur, d’une part, et d’autre part, d’assurer
pour le compte de l’État la maîtrise d’ouvrage et/ou la maîtrise d’œuvre de l’ensemble des
infrastructures de transport. Nous ferons une évaluation plus approfondie de cette politique dans
la suite de ce travail, en abordant les problèmes actuels de la chaîne des transports au Cameroun.
Mais avant, il est important de passer en revue tous les autres acteurs de la chaîne des transports.

C. Les défis actuels des transports

Deux problèmes apparaissent lorsque l’on évalue l’implémentation des politiques


publiques depuis la première décennie 2000 : les défis administratifs, marqués par les lourdeurs
et les lenteurs dans l’implémentation des politiques ; et les défis sécuritaires qui se posent dans
tous les domaines des transports en général.

I. Les défis administratifs dans les transports

Là encore, nous faisons face à deux problèmes majeurs : la non-maîtrise de la matrice


du budget programme (BP) par les agents publics en charge de son exécution cause des
lourdeurs administratives dans la chaîne des projets publics ; et la sous-consommation du
budget d’investissement public (BIP).
P a g e | 352

1. Les lourdeurs administratives de la chaîne des projets publics

Née en 2007 à la faveur de loi de finances de la même année, l’idée d’élaborer le budget
général du Cameroun par programme se concrétise réellement avec la loi de 2012 comptant
pour l’exercice de budgétaire de 2013. En effet, la loi n° 2007/006 du 26 décembre portant
régime financier de l’État imposait aux autorités publiques de présenter le projet de loi de
finances sous forme de programme. L’article 8 de cette loi définit le programme comme un «
ensemble d’actions à mettre en œuvre au sein d'une administration pour la réalisation d’un
objectif déterminé dans le cadre d'une fonction. » De fait, l’alinéa 2 de l’article 2 de cette loi
dispose : « la loi de finances présente l’ensemble des programmes concourant à la réalisation
des objectifs de développement économique, social et culturel du pays », l’article 10 alinéa 3
de la même loi précise que « la loi de finances fixe, pour le budget général, les programmes
concourant à la réalisation des objectifs assortis d’indicateurs, les montants des autorisations
d’engagement et de crédits de paiement. ».

Promulguée le 21 décembre 2012, la loi n° 2012/014 portant loi des finances de la


République du Cameroun pour l’exercice 2013, marque l’avènement concret de la budgétisation
par programme introduite en 2007. En effet, dans l’article 25 de la deuxième partie de cette loi,
il est disposé que : « les montants des autorisations d’engagements et de crédits de paiements
ouverts sur les programmes concourent à la réalisation des objectifs assortis d’indicateurs sont
fixés comme suit : […] chaque chapitre poursuit des programmes qui se déclinent en objectifs.
Ces derniers se déclinent eux-mêmes en indicateurs ». Cette exigence s’adosse sur l’article 8
de la loi de 2007 qui définit chacun de ces contenus.

Désormais, la procédure d’exécution de la dépense publique s’articule autour de quatre


étapes résumées dans le tableau suivant :
P a g e | 353

Tableau n° 23 : Les phases d’exécution de la dépense dans le budget programme

Source : MINFI, « Manuel de pilotage de l’exécution du budget programme », 2013, p. 62.

Dans un Rapport d’évaluation de son projet d’appui à l’amélioration de l’efficacité de


la dépense publique (PAEDEP) au Cameroun, le Groupe de la Banque africaine de
développement fait le constat que, dans son programme d’investissements publics le pays fait
face à plusieurs goulots d’étranglement qui pèsent sur la croissance économique. Le déficit en
infrastructures de transport et d’énergie constitue en effet les principales contraintes à la
P a g e | 354

promotion du secteur privé et à la compétitivité de l’économie.12 De plus, le faible niveau de


préparation des projets constitue l’un des principaux obstacles à l’exécution du programme
d’investissements publics.

La Banque a mené une étude sur la gestion des investissements publics et des revues de
dépenses dans les secteurs du transport et de l’énergie. Ces études ont fait ressortir les
faiblesses institutionnelles qui affectent la qualité de la dépense publique. Les besoins de
renforcement des capacités humaines et institutionnelles ont été évalués sur la base de ces
études et des rencontres avec les différentes structures13.

Il faut préciser à la suite de ce constat de la BAD, que la chaîne de la dépense publique


s’est beaucoup alourdie depuis 2013. Les acteurs de la chaîne de la dépense sont désormais :

 Les ordonnateurs :

Les Ministres ou assimilés, et les présidents d’organes constitutionnels sont les


ordonnateurs principaux ; les gouverneurs, préfets, délégués régionaux, départementaux…,
présidents des tribunaux, les ordonnateurs secondaires ; et les secrétaires généraux, directeurs
généraux, directeurs, les ordonnateurs délégués.

 L’unité de gestion des ressources :

Dans chaque institution ou département ministériel, il existe une structure ou service


spécialement chargé d’organiser la gestion financière. Cette unité a à sa tête un gestionnaire de
métier dont le rôle est de répondre à toute sollicitation de l’ordonnateur principal concernant
l’élaboration, l’exécution et le suivi financier du budget.

 Les comptables matières :

Le comptable matières, est un agent public chargé du suivi des opérations d’acquisition,
de maniement et d’aliénation des biens meubles et immeubles acquis par l’État, les collectivités
territoriales décentralisées et les établissements publics. Il réceptionne par conséquent les
différentes fournitures et prestations réalisées à la suite de conventions conclues avec les

12
Groupe de la Banque africaine de développement, « Rapport d’évaluation de son projet d’appui à l’amélioration
de l’efficacité de la dépense publique (PAEDEP) au Cameroun », OSGE/GECL, 2016, p. iv.
13
Ibid.
P a g e | 355

fournisseurs, prestataires, cédants et donateurs, les conserve dans un local approprié afin de les
distribuer aux services bénéficiaires sur ordre de l’ordonnateur.

 Les comptables publics :

L’Article 58 al.2 de la loi n° 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier


de l’État dispose que « Les comptables publics sont des agents publics régulièrement préposés
aux comptes et/ou chargés du recouvrement, de la garde et du maniement des fonds et valeurs ».
On distingue trois grandes catégories de comptables publics :

 les comptables directs du trésor différenciés selon le champ de compétence au niveau


territorial : au niveau central, cette fonction est exercée par l’agent comptable central
du Trésor, le payeur général et les payeurs spécialisés. Dans la région, la fonction est
assurée par un trésorier payeur général. Au niveau départemental, c’est un receveur
des finances qui assure la fonction. Dans l’arrondissement, le percepteur joue le rôle
de comptable public. Au niveau des représentations diplomatiques, les payeurs
auprès des missions diplomatiques.
 Les comptables des collectivités territoriales décentralisées et les agents comptables
d’établissements publics : Ils exécutent toutes les opérations de recettes et de
dépenses du budget de l’organisme public auprès duquel ils sont affectés, ainsi que
toutes les opérations de trésorerie.
 Enfin les comptables des administrations financières qui exécutent sous l’autorité
directe du ministre en charge des finances, toutes les opérations de recettes. Il s’agit :
des receveurs des impôts, des receveurs des douanes, des receveurs des domaines.

 Les contrôleurs financiers

Le contrôleur financier est un agent du Ministère des finances placé auprès d’une ou de
plusieurs structures administratives afin de faciliter l’exécution de la dépense publique dans
l’optique de la déconcentration de la gestion financière de l’État. Le contrôleur financier veille
à la régularité et à la soutenabilité budgétaire des opérations d’engagement et
d’ordonnancement.
P a g e | 356

 Les régisseurs d’avances

Dans le cadre de la gestion budgétaire de l’État, le régisseur est désigné lors de la


création ou de la réouverture d’une caisse d’avance par arrêté du ministre en charge du budget
à la demande du Chef de département ministériel intéressé. Le régisseur est chargé pour le
compte d’un comptable public d’opérations d’encaissement et de paiement. Il procède au
règlement des dépenses autorisées par le gestionnaire en contrepartie des pièces justificatives
suffisantes et régulières qui lui sont nécessaires pour la tenue de sa comptabilité.

Cette chaîne de la dépense publique ne concerne que le ministère des finances. Les
lourdeurs administratives ne s’arrêtent pas là. Elles concernent aussi le nombre d’intervenants
dans la passation des marchés publics. Depuis 2012, le système de passation des marchés
publics au Cameroun est assuré par à la fois par l’Agence de Régulation des Marchés Publics
(ARMP), et le Ministère des Marché Publics (MINMAP), agissant à travers les Commissions
de Passation des Marchés Publics.

L’ARMP a été créée par le Décret n°2001/048 du 23 février 2001, et modifié par le
Décret n° 2012076 du 08 mars 2012 modifiant et complétant certaines dispositions du Décret
n°2001/048 du 23 février 2001 portant création, organisation et Fonctionnement de l’ARMP.
Ce décret stipule qu’elle est chargée d’assurer la régulation du système de passation des
marchés publics et des conventions de délégation des services publics.

Le MINMAP quant à lui, a été créée par Décret n°2012075 du 08 Mars 2012 portant
organisation du Ministère des Marchés Publics (MINMAP). Il procède au lancement des appels
d’offres des marchés publics, en liaison avec les ministères ; procède à la passation des marchés
publics et en contrôle l’exécution sur le terrain, en liaison avec les départements ministériels et
les administrations concernés ; participe, le cas échéant, au montage financier des marchés
publics, en liaison avec les départements ministériels et les administrations concernés.

En fait, le rôle de l’ARMP semble n’être que juridique, celui de « régulateur du


système ». Toute la primauté revient au MINMAP. Cependant, cette chaîne travaille en
Commissions de Passation des Marchés Publics. Là encore, le système n’est pas moins
compliqué.
P a g e | 357

Précisons d’abord que, selon l’Article 2(a) du Décret n°2012/074 du 08 mars 2012
portant création organisation et fonctionnement des Commissions de Passation des Marchés
Publics :

Le marché public est un contrat écrit, passé conformément aux dispositions réglementaires,
par lequel un entrepreneur, un fournisseur, ou un prestataire de services s’engage envers l’État,
une collectivité territoriale décentralisée, un établissement public ou une entreprise du secteur
public ou parapublic, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des biens ou des services, dans
un délai déterminé, moyennant un prix.

Le même décret précise que en son article 3 que Commissions de passation des marchés
sont des organes d’appui technique qui concourent au respect de la règlementation et
garantissent, notamment les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de
traitement des candidats et de transparence des procédures de passation des Marchés Publics.

Et en article 4, il est créé auprès du Ministre chargé des Marchés Publics, des
Administrations publiques, des collectivités territoriales décentralisées, des établissements
publics et des entreprises du secteur public et parapublic, ainsi que les Projets, des Commissions
de Passation des Marchés dénommées comme suit :

- Les Commissions Centrales de Passations des Marchés ;


- Les Commissions Ministérielles de Passation des Marchés ;
- Les Commissions Locales de Passation des Marchés ;
- Les Commissions Internes de Passation des Marchés.

En ce qui concerne les projets dans le secteur des transports, à ces commissions, on doit
aussi ajouter le rôle de planificateur du MINEPAT, l’approbation du Premier ministère avant
toute action de dépense, le rôle du MINFI que nous avons relevé plus haut, le rôle finalement
du MINTP comme exécutant des travaux, lui qui en dernier recours doit choisir les prestataires
des marchés. La chaîne est longue, lourde et cause de nombre de retards dans l’implémentation
des politiques.14 De plus, avec le budget programme, le bénéficiaire du marché doit lui-même
financer et se faire rembourser à la fin du marché. Si cela semble assurer une certaine

14
En plus de ces intervenants, la chaîne institutionnelle des transports au Cameroun compte aussi : le Ministère de
l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU) qui est chargé de l’élaboration et de la mise en œuvre des
stratégies de gestion des infrastructures urbaines en liaison avec le Ministère des Travaux Publics (MINTP) en
milieu urbain ; et le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural est chargé de la promotion de la
politique d’hydraulique agricole (MINADER).
P a g e | 358

transparence dans l’exécution des marchés, cette pratique met aussi un frein aux velléités
d’investisseurs moins importants, et donne la part belle aux multinationales. Que la loi soit la
base du nouveau concept en matière de dépense publiques est une bonne chose, seulement les
véritables défis ne sont-ils pas ailleurs, par exemple, dans la capacité des gestionnaires, dans
leur inclination toujours croissante à la corruption ou à l’enrichissement personnel ?

2. La sous-consommation du Budget d’investissement public (BIP)

Sur la période 2010-2017, l’enveloppe budgétaire destinée à l’investissement public au


Cameroun avait enregistré sa plus forte progression au cours des deux décennies précédentes,
à cause du lancement dès 2012, de certains grands projets d’infrastructures prévus dans le
Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) mis en œuvre depuis 2010. Alors
qu’il était seulement de 677 milliards de FCFA en 2011, le BIP avait atteint 792,2 milliards de
FCFA en 2012 (soit 28,28% de l’enveloppe budgétaire globale), en augmentation d’un peu plus
de 115 milliards de FCFA.15 En 2013, sur un budget équilibré en recettes et en dépenses à la
somme de 3 236 milliards de FCFA, l’enveloppe allouée à l’investissement public représentait
29,57%, soit 957 milliards de FCFA en valeur absolue.16 À partir de l’année 2014, les
ressources financières destinées à l’investissement public au Cameroun franchissaient, pour la
première fois, la barre symbolique de 1000 milliards de francs CFA, à la faveur du lancement
du plan d’urgence triennal pour la réduction de la pauvreté et des chantiers liés à l’organisation
des Coupes d’Afrique des nations (CAN) de football 2016 et 2019.

Cependant, en dépit de cette place confortable que prend le BIP dans l’enveloppe
budgétaire nationale, son exécution sur le terrain n’a jamais été optimale. En témoignent les
retards et autres difficultés techniques observés sur certains grands chantiers (projets
autoroutiers, infrastructures de la CAN 2019, barrage de Mekin notamment), ainsi que les taux
d’exécution du BIP au cours de certains exercices budgétaires. Par exemple, à trois mois de la
fin de l’exercice 2014, les pointages officiels révélaient un taux d’exécution du BIP de

15
https://www.investiraucameroun.com/gestion-publique/2407-9180-cameroun-entre-2010-et-2017-le-budget-d-
investissement-public-a-atteint-son-plus-haut-niveau-depuis-au-moins-20-ans, consulté le 27/01/2020 à 23h35.
16
Ibid.
P a g e | 359

seulement 36% sur l’ensemble du territoire.17 À l’origine de cette sous-consommation du BIP


au Cameroun, plusieurs arguments sont avancés.

D’abord, la frilosité des gestionnaires de crédits, qui seraient de plus en plus prudents
dans les engagements sur les fonds publics, de peur d’être happés par les serres de l’opération
Épervier, opération judiciaire initiée dans le cadre de la lutte anti-corruption au Cameroun, par
le gouvernement du Premier ministre Éphraïm Inoni en 2006.

Ensuite, le fait pour entreprises de présenter des offres qui minimisent les coûts des
marchés, dans l’optique d’en être les moins disant et par conséquent les adjudicataires finaux.
Le stratagème dans ce cas consiste à gagner le marché, puis à demander des rallonges
budgétaires en cours du projet, lesquelles rallonges ne sont pas souvent acquises, situation
conduisant généralement à l’abandon des chantiers et donc, à des pertes financières de la part
de l’État.

Enfin, les multiples obstacles liés aux lenteurs administratives observées dans la
passation des marchés publics, lesquelles lenteurs se sont décuplées avec la création du
ministère des Marchés publics, qui concentre l’essentiel des passations des marchés de
l’ensemble du pays. Par ailleurs, les difficultés de trésorerie des entreprises, généralement
occasionnées par le payement tardif des prestations réalisées pour le compte de l’État, ce qui
contribue à ralentir l’engouement de certains prestataires.

II. Les défis sécuritaires des transports au Cameroun

Nous analysons le défi sécuritaire en fonction des différents types de transports. En effet,
les politiques publiques en matières de sécurité peuvent être soit majoritairement nationales,
comme dans le cas des transports terrestres ; soit majoritairement internationales comme dans
le cas des transports aériens ; ou les deux à la fois, comme dans les transports maritimes.

17
https://www.investiraucameroun.com/gestion-publique/2810-5777-le-bip-camerounais-execute-a-seulement-
36-a-3-mois-de-la-fin-de-l-exercice-budgetaire, consulté le 27/01/2020 à 19h35.
P a g e | 360

1. La politique sécuritaire dans le domaine des transports terrestres

Il s’agit ici des transports routiers, dont le bilan des morts est assez alarmant ; et des
transports ferroviaires. Même si ceux-ci bénéficie d’un bilan moins inquiétant, ils sont tout de
même soumis à une certaine législation sécuritaire.

a. Le politique sécuritaire dans le domaine des transports routiers

En 2010, l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la Décennie d’action pour
la sécurité routière 2011-2020. L’objectif de cette décennie est de stabiliser et de réduire ce
nombre de décès liés aux accidents de la route. Des avancées ont été enregistrées au niveau
mondial avec l’inclusion de la sécurité routière dans les objectifs de développement durable
(ODD), avec la cible 3.6 visant à réduire de moitié le nombre d’accidentés de la route et de
décès d’ici à 2020, ainsi que la cible 11.2 visant à fournir d’ici à 2030 l’accès à des systèmes
de transport sûrs, abordables, accessibles et durables pour tous. En 2018, l’Assemblée générale
des Nations Unies a adopté la Résolution A/RES/72/271 sur l’amélioration de la sécurité
routière mondiale, dans laquelle elle encourage les États membres à prendre des mesures plus
fortes pour atteindre les ODD en matière de sécurité routière.

Le Cameroun a enregistré un total de 116 081 accidents sur la période 2008-2014, soit
en moyenne 16 583 accidents par an (près de 46 accidents par jour). La grande majorité de ces
accidents (81,25 %) sont survenus dans les milieux urbains, contre 18,75 % pour les zones
interurbaines. Dans l’ensemble, le nombre total d’accidents a diminué de 44 % entre 2008 et
2014, diminution qui s’explique essentiellement par la réduction de 50 % des accidents urbains
survenus entre 2013 et 2014.

En comparaison avec la situation d’avant 2009, le nombre d’accidents matériels


constatés par la gendarmerie (routes interurbaines) a diminué de 20 %, alors qu’au même
moment celui constaté par la police (routes urbaines) progressait de 13 %. Pour ce qui est du
nombre d’accidents corporels, il a reculé respectivement de 23 % selon la gendarmerie et de 47
% selon la police. Le nombre d’accidents mortels constatés s’est accru de 6 % et de 160 %
respectivement pour les zones interurbaines et les zones urbaines.18

18
CEA-ONU, « Évaluation de la performance en matière de sécurité routière (EPSR) Cameroun », Nations Unies,
New York et Genève, 2018, p. 26.
P a g e | 361

Tableau n° 24 : Évolution des accidents suivants la catégorie au Cameroun de 2008 à


2014

Source : CEA-ONU, « Évaluation de la performance en matière de sécurité routière (EPSR) Cameroun », Nations
Unies, New York et Genève, 2018, p. 26.

Tableau n° 25 : Les accidents de la route au Cameroun de 2000 à 2016.

Source : Ministère des transports, Transtat 2018, Annuaire Statistique des transports, p. 45. En ligne,
URL : http://mintransports.net/Annuaire-Statistics-du-Ministere-des-Transports_2018.pdf, consulté le
28/02/2021 à 08h36.
P a g e | 362

Une constance se dégage de ces tableaux nonobstant leurs sources : les multiples efforts
engagés ont permis de réduire le nombre d’accidents, mais les taux de sévérité se sont accrus et
sont restés très élevés ; c’est ce qui explique la situation paradoxale où l’on a en même temps
une diminution du nombre d’accidents et une augmentation du nombre de personnes décédées.

Dans l’ensemble, les accidents en zones interurbaines de la période 2008-2014 sont dus
pour 3,64 % aux causes environnementales, pour 15,39 % aux causes mécaniques (liés au
mauvais état des véhicules), et pour 80,97 % aux causes humaines. Trois causes humaines
majeures sont à elles seules à l’origine de près de 70 % des cas d’accidents constatés dont :
l’inattention et la distraction des conducteurs (30,67 %), l’excès de vitesse (19,97 %) et le défaut
de maîtrise des conducteurs (18,53 %). Ces premières causes sont suivies par : les piétons
(causes humaines) : 3,60 % ; les dépassements dangereux : 3,15 % ; les pneus défectueux : 2,80
% ; les manœuvres dangereuses sur la chaussée : 2,34 % ; le mauvais état de la route : 2,20 %.
Les causes d’accidents liées à l’inattention et à la distraction des conducteurs, ainsi que celles
liées au défaut de maîtrise des conducteurs sont souvent associées à la consommation d’alcool
au volant.

Photo n° 27 : Véhicules de transport en surcharge à Ebolowa

Prise de vue Nicolas Owona, 23 juin 2017.


P a g e | 363

Les estimations faites dans le cadre de l’étude d’Élaboration de la Stratégie nationale de


prévention et de sécurité routières (2009) évaluent les pertes économiques subies par le
Cameroun du fait des accidents de la route à près de 100 milliards de francs CFA par an, soit
l’équivalent de 1 % du PIB de cette période. Comparées aux urgences de développement qui
s’imposent au Cameroun, ces pertes représentent, en termes de réinvestissement perdu,
l’équivalent d’environ : 10 000 salles de classe équipées (en deux salles jumelées) d’une
moyenne de 20 000 000 francs CFA par an pour couvrir l’essentiel des besoins du pays en salles
de classe en deux ans ; plus de 250 kilomètres de routes bitumées construites d’une moyenne
de 40 milliards de francs CFA par 100 kilomètres qui sont sacrifiés chaque année ; huit hôpitaux
de référence dotés d’un investissement moyen de 12,5 milliards tous les ans pour l’équipement,
de quoi doter toutes les régions du pays en hôpitaux de référence en deux ans.

Les préoccupations relatives à la sécurité routière ont été intégrées par le Gouvernement
du Cameroun qui a commandé une première étude (par un cabinet d’étude néerlandais) à partir
de 1983, jetant ainsi officiellement les bases de nouvelles activités en faveur de la sécurité
routière au Cameroun.

En 1987, la forte dégradation du tissu économique du Cameroun obligea les décideurs


à solliciter le concours des IBW. L’avènement des Plans d’ajustement structurel, la mise sous
perfusion de l’économie et l’officialisation du contrôle des interventions de l’État par le FMI et
la Banque Mondiale, firent passer le Cameroun d’un État-providence à un État régulateur,
rompant avec l’interventionnisme et le dirigisme tous azimuts qui furent la marque des années
antérieures19. Le Cameroun se vit donc contraint de libéraliser la plupart des secteurs de
l’économie dans lesquels l’État était le principal maître d’œuvre. Les transports en général, et
les transports routiers en particulier, ne sont pas en reste. Dès lors, apparut au législateur
camerounais la nécessité de protéger l’ensemble des infrastructures routières et de réglementer
les professions impliquées dans les transports routiers. En effet, le manque de documentation
et d’information sur l’exercice des professions liées au transport routier, le développement
croissant de ce secteur au Cameroun, l’anarchie instaurée par les transporteurs, les auxiliaires
de transport et le laissé-allé des uns et des autres avaient profondément détériorés l’image du
transport routier. À cela, il faudrait ajouter la dégradation des infrastructures routières. Ainsi,
les problèmes subis par les chargeurs et les voyageurs se sont accumulés au fil des ans. On a

19
A. Nguelieutou, « L’évolution de l’action publique au Cameroun…», 2008.
P a g e | 364

longtemps observé le désordre dans les gares routières, la création anarchique et informelle des
professions auxiliaires au transport routier, le peu de contrôle des compagnies de transport
routier, qui ne sont pas restés sans conséquences sur les usagers : nombre de dommages et
accidents croissants entre autres.20

Ainsi, un plan d’action a été élaboré en 1994 à la demande du Ministère des transports
(par un cabinet norvégien). L’intérêt pour la sécurité routière s’est renforcé au fil des années, et
c’est ainsi qu’une Stratégie nationale de prévention et de sécurité routières (assortie d’un plan
d’actions prioritaires) a été élaborée par le Ministère des transports, laquelle a été validée par
l’ensemble des parties prenantes en 2009 pour servir de cadre de référence de la programmation
en matière de sécurité routière pour le pays.

L’objectif global retenu par la stratégie nationale de 2009 était d’améliorer durablement
la sécurité des usagers et des véhicules sur les routes du Cameroun, au moyen d’une réduction
de 30 % des accidents et des pertes subies sur la période 2009-2014. La Stratégie nationale de
prévention et de sécurité routières adoptée en 2009 au Cameroun a défini des objectifs en
parfaite cohérence avec ceux du Plan mondial de la Décennie d’action pour la sécurité routière
2011-2020, dont elle intègre les cinq piliers. Ces objectifs sont également en accord avec les
documents d’orientation stratégique en matière de sécurité routière aux niveaux régional et
national, et notamment : le Plan d’action africain de la Décennie d’action pour la sécurité
routière 2011-2020, les ODD des Nations Unies, la Vision Cameroun 2035, le Document de
stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) du Cameroun, et la Stratégie sectorielle des
transports, révisée en 2010.

Au Cameroun, la sécurité routière est régie par une abondante réglementation qui passe
par des lois, des décrets, les arrêtés et des circulaires, rassemblés dans un « Recueil des textes
en vigueur en matière de prévention et de sécurité routières au Cameroun »21. On distingue ainsi
les textes adoptés sur le plan national et la transposition des accords et règlements
internationaux.

20
En ligne, URL : http://www.logistiqueconseil.org/Articles/Transport-routier/SR-reglementation-nationale.htm,
consulté le 16/08/2018 à 16h35.
21
Ministère des transports, Recueil des textes en vigueur en matière de prévention et de sécurité routières au
Cameroun, CMM Sarl, Cameroun, 2012.
P a g e | 365

 La réglementation nationale

La réglementation nationale des transports routiers est constituée des textes régissant :
la protection du patrimoine routier ; les pièces administratives des transports routiers ; le
transport routier des marchandises dangereuses ; la circulation et la sécurité routières. Ces textes
réglementaires ne sont pas toujours figés à une de ces orientations en particulier. Il arrive donc
que certains textes soient transversaux. Nous souhaitons, dans cette section, relever quelques-
uns de ces textes22.

En ce qui est de la protection du patrimoine routier, le texte de référence est la loi n°


96/07 du 08 Avril 1996. Portant protection du patrimoine routier national, modifiée et
complétée par la loi n° 98/011 du 14 juillet 1998.

L’article 2 de cette loi précise qu’elle a pour objectif de protéger le patrimoine routier
national, c’est-à-dire, l’ensemble des infrastructures routières urbaines, interurbaines et rurales
dont la construction et/ou l’entretien est ou sont assurés par l’État ou les collectivités publiques
locales. De manière générale, cette loi permet au Cameroun d’avoir une réglementation en ce
qui est du contrôle technique des véhicules, du pesage routier, des barrières de pluie et des
barrières ponctuelles.

La loi n° 96/07 du 08 Avril 1996 portant protection du patrimoine routier national, a été
modifiée et complétée par la loi n° 98/011 du 14 juillet 1998. La modification porte sur l’ajout
d’un article 22, qui crée le Fonds routier du Cameroun, dont le rôle est d’« assurer le
financement des programmes de protection du patrimoine routier national, ceux de prévention
et de sécurité routières, ainsi que d’entretien routier ».

La loi n° 96/07 du 08 Avril 1996 portant protection du patrimoine routier national subit
une nouvelle modification à travers la loi n° 2004/021 du 22 juillet 2004. Cette nouvelle
modification permet de préciser les sanctions en ce qui est du dépassement du poids des
véhicules en charge ou de la charge à l’essieu ; et aussi d’élargir les responsabilités du Fonds
routier à la prise en charge des « opérations de réhabilitation et d’aménagement des routes, dans
le cadre de deux guichets distincts et indépendants ». De plus, le statut du Fonds routier est ici

22
Face à la multitude de textes régissant les transports routiers, il est nécessaire de se référer au site internet du
Ministère des transports (http://www.mint.gov.cm). Lire aussi : Ministère des transports du Cameroun, Recueil
des textes en vigueur…, 2012.
P a g e | 366

précisé au sens de l’article 1er de la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999, portant statut général
des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic classé comme un
établissement public de type particulier relativement à ses organes de gestion, à la rémunération
et aux avantages de son personnel, et aux règles de tenue de sa comptabilité.

D’autres textes accompagnent la réglementation nationale des transports routiers, il


s’agit :

- Du Décret n° 99/037/CAB/PM du 20 janvier 1999, fixant les modalités de


fonctionnement des stations de pesage routier.

- De l’Arrêté conjoint n° 2528/MINTP/MINT du 03 août 1999 portant localisation et


modalités de fonctionnement des barrières de pluie.

- La Circulaire n° 0100/C/MINTP du 09 janvier 2009, relative aux constats sur des


infractions et des atteintes au patrimoine routier.

Pour ce qui est des transports routiers urbains et interurbains, la réglementation


comporte entre autres les textes suivants :

- Le Décret n°97/075/pm du 18 février 1997 fixant les conditions et modalités


d’exploitation à titre onéreux des autobus et minibus pour le transport en commun
des voyageurs dans les centres urbains et leurs périphéries

- La loi n° 2001/015 du 23 juillet 2001 régissant les professions de transporteur routier


et d’auxiliaire des transports routiers.

 La réglementation internationale

Sur le plan international, les transports routiers sont régis par des conventions et codes
communautaires, les actes uniformes de l’OHADA (Organisation pour l’Harmonisation du
Droit des Affaires en Afrique), et des autres conventions ratifiées par les pays membres de
l’ONU (Organisation des Nations Unies). Parmi ces conventions, nous pouvons citer :

- La convention 34 du 13 avril 1999 en matière de transports routiers entre la


République du Tchad et la République du Cameroun, dont l’objectif est de favoriser
les transports routiers de marchandises entre les deux pays ainsi que le transit à
P a g e | 367

travers leurs territoires. Ainsi, cette convention stipule en son article 1er qu’elle
s’applique « aux transports routiers de marchandises effectués entre la République
du Tchad et la République du Cameroun ou en transit sur le territoire de l’un ou de
l’autre des États par des opérateurs nationaux au moyen des véhicules immatriculés
dans l’un ou l’autre des deux États contractants. » Les transporteurs, au sens de la
présente convention, sont tenus à l’obligation de se munir d’une vignette spéciale et
d’un sauf-conduit international, dont les modalités de production et de distribution
sont conjointement fixées par le Bureau National de Fret Tchadien (BNF) et le
Bureau de Gestion de Fret Terrestre Camerounais (BGFT).

- La convention du 22 décembre 1999 en matière de transport terrestre de


marchandises entre la République du Cameroun et la République Centrafricaine. Là
encore, l’article 1er stipule que « les dispositions de [cette] Convention s’appliquent
aux transports terrestres de marchandises effectués entre la République du
Cameroun et la République Centrafricaine ou en transit sur le territoire de l’un ou
de l’autre des États par des opérateurs nationaux au moyen de véhicules
immatriculés dans l’un ou de l’autre des deux États contractants. » Les transporteurs,
au sens de la présente convention, sont tenus à l’obligation de se munir d’une
vignette spéciale et d’un sauf-conduit international, dont les modalités de production
et de distribution sont conjointement fixées par le Bureau d’Affrètement Routier
Centrafricain (BARC) et le Bureau de Gestion de Fret Terrestre Camerounais
(BGFT).

- Convention inter-états de transport routier de marchandises diverses (CIETRMD)


signée par les pays de la CEMAC à Libreville au Gabon en 1996. Cette Convention
s’applique à tout contrat de transport de marchandises par route à titre onéreux au
moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu
prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux
pays différents dont l’un au moins est un pays contractant, quels que soient le
domicile et la nationalité des parties.

- Le Code Communautaire de la Route (CCR), approuvé le 17 mai 2001 à Douala par


les États membres de la CEMAC, et ses annexes. Ces textes sont applicables « à
tous les véhicules et engins immatriculés sur le territoire de la Communauté
P a g e | 368

Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale, aux conducteurs et passagers qui y


circulent ainsi qu’à tous les usagers de la route, quelle que soit leur nationalité. Elles
régissent l’usage des voies routières ouvertes à la circulation. Ces dispositions
s’appliquent également aux conducteurs, passagers et véhicules étrangers circulant
sous la juridiction d’un État membre de la CEMAC conformément aux Accords de
réciprocité passés entre un État membre de la CEMAC et un État tiers en application
des Conventions Internationales. »23

- Acte uniforme OHADA, relatif aux contrats de transport de marchandises par route,
adopté le 22 mars 2003. Il « s’applique à tout contrat de transport de marchandises
par route lorsque le lieu de prise en charge de la marchandise et le lieu prévu pour
la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés soit sur le territoire d’un
État membre de l’OHADA, soit sur le territoire de deux États différents dont l’un au
moins est membre de l’OHADA. L’Acte uniforme s’applique quels que soient le
domicile et la nationalité des parties au contrat de transport. »24 Sont exclus de cet
acte, le transport des marchandises dangereuses, funéraires, de déménagement ou
des transports effectués en vertu des conventions postales internationales25.

- La Convention CMR ou Convention sur le contrat de transport international de


marchandises par route signée le 19 mai 1956 à Genève. Cette « Convention
s’applique à tout contrat de transport de marchandises par route à titre onéreux au
moyen de véhicules, lorsque le lieu de la prise en charge de la marchandise et le lieu
prévu pour la livraison, tels qu’ils sont indiqués au contrat, sont situés dans deux
pays différents dont l’un au moins est un pays contractant. Il en est ainsi quels que
soient le domicile et la nationalité des parties »26 ; à l’exclusion du transport des
marchandises dangereuses, des transports funéraires, des transports de
déménagement, ou des transports effectués en vertu des conventions postales
internationales27.

23
Code Communautaire routier de la CEMAC, Première partie : dispositions générales champ d’application, 2001.
24
Acte uniforme OHADA, relatif aux contrats de transport de marchandises par route, Chapitre 1 – Champ
d’application et définitions, Art.1er, alinéa 1.
25
Ibid, section 2.
26
CMR, article 1er, alinéa 1.
27
Ibid, alinéa 4.
P a g e | 369

- Convention douanière relative au Transit International Routier ou Convention TIR


(Transit International Routier) sous le couvert de carnets TIR signée à Genève le 14
novembre 1975. Elle remplace la Convention relative aux transports Internationaux
Routiers (TIR) de 1959, et est entrée en vigueur le 20 mars 1978. Elle s’applique
aux transports de marchandises effectués sans rupture de charge, à travers une ou
plusieurs frontières, d’un bureau de douane de départ d’une partie contractante à un
bureau de douane de destination d’une autre partie contractante, ou de la même
partie contractante, dans des véhicules routiers, des ensembles de véhicules ou dans
des conteneurs dûment scellés, à condition qu’une partie du trajet entre le début de
l’opération TIR et son achèvement se fasse par route ; sous la garantie d’associations
agrées28.

Dans le cadre de la sécurité routière, plusieurs institutions sont impliquées. Il s’agit


notamment du ministère des transports, de plusieurs autres administrations publiques, le secteur
privé à travers les assureurs et les auto-écoles

Pour comprendre le rôle sécuritaire du ministère des transports, il faut se référer au


décret no 2012/250 du 1er juin 2012 portant organisation du Ministère des transports. Il est
responsable de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique du Gouvernement en matière
de transport et de sécurité routière. À travers la Direction des transports routiers (DTR), qui a
une Sous-Direction de la prévention et de la sécurité routières, le Ministère des transports a
plusieurs missions :

- la conception, l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre de la politique du


Gouvernement en matière de sécurité routière ;

- l’élaboration et le suivi de l’application des programmes de formation à la conduite


automobile ;
- l’organisation et la régulation de la circulation sur le réseau routier ;

- le suivi de la formation des conducteurs ;


- la délivrance des certificats d’immatriculation des véhicules et des engins des missions
diplomatiques et/ ou en admission temporaire ;
- le renouvellement des permis de conduire ;

28
En ligne, URL : http://tfig.unece.org/FR/contents/TIR-convention.htm, consulté le 16/08/2018 à 17h23.
P a g e | 370

- la définition des conditions d’accès à la profession de moniteur d’auto-école, en liaison


avec les administrations concernées ;
- la définition des règles d’équivalence des permis de conduire ;

- l’organisation de la sécurité routière et la prévention ;

- le suivi de la mise en œuvre et de l’application du Schéma national de prévention et de


sécurité routière ;
- l’analyse des risques et des causes des accidents ;

- la définition et la promotion des actions de sensibilisation et d’information des usagers ;


- le suivi de l’ensemble des actions de sécurité des usagers, en liaison avec les
administrations et les organisations concernées ;
- l’établissement des normes d’homologation des véhicules ;

- l’étude des dossiers de demande d’agrément et du contrôle des centres d’homologation


et des centres de visites techniques ;
- l’établissement des normes et des règles de contrôle technique des véhicules ;

- l’adaptation des normes de sécurité, d’équipement et de signalisation sur les


infrastructures routières, en liaison avec les administrations chargées des routes et des
voies urbaines ;
- l’analyse régulière des problèmes de sécurité sur le réseau routier, en liaison avec les
administrations chargées des routes et des voies urbaines ;

- la participation à la définition des normes de sécurité des véhicules automobiles,


notamment leurs équipements, en liaison avec les administrations concernées ;
- l’élaboration de la réglementation en matière de transport urbain, en liaison avec les
organisations professionnelles, les associations d’usagers, les collectivités territoriales
décentralisées et les administrations concernées ;

- le suivi du respect de la réglementation en matière de circulation routière ;


- le concours à la surveillance du trafic sur le réseau routier ;
- la conduite des activités opérationnelles de sensibilisation et de contrôle des usagers de
la route en liaison avec les administrations concernées ;

- la conception du Schéma national de la prévention et de la sécurité routière en liaison


avec les services déconcentrés.

Ainsi, le ministère des transports est l’institution la principale chargée de la gestion de


la sécurité routière au Cameroun. D’autres institutions l’accompagnent dans cette mission.
P a g e | 371

- Le ministère des travaux publics : il est en charge de la construction et de l’entretien des


routes interurbaines et de leurs équipements ;

- le ministère du développement urbain et de l’habitat (MINDUH) : il participe à


l’élaboration et à la mise en œuvre de la politique de transport urbain au niveau national,
à l’étude des plans de transports des zones urbaines, à l’organisation du trafic urbain, à
la planification des différents modes de transport, ainsi qu’à l’établissement des
documents de planification en matière d’urbanisme et d’occupation des sols ;

- le Ministère de la justice : il participe à l’élaboration et à l’application de la


réglementation en matière de sécurité routière ;

- les ministères en charge de l’éducation nationale (enseignements primaire, secondaire


et universitaire), qui sont des maillons essentiels pour l’éducation des jeunes et pour la
diffusion des messages de sécurité routière ;

- les ministères en charge de l’administration territoriale et de la décentralisation, qui


jouent le rôle de tutelle des mairies avec des responsabilités plus élargies dans divers
secteurs d’activités du transport routier dans les centres urbains ;

- le ministère de la santé publique, qui assure la mise en œuvre de la politique de santé


publique, et conséquemment la prise en charge des victimes d’accidents de la route ;

- le ministère des finances, qui assure la mobilisation des financements prévus pour les
activités de sécurité routière, et la tutelle du Fonds routier ;

- le ministère de la communication, qui assure la tutelle des médias d’État et qui participe
à la sensibilisation des populations et à la diffusion des messages de sécurité routière ;

- le ministère de la défense à travers le Secrétariat d’État chargé de la gendarmerie


nationale, qui assure la surveillance du réseau routier interurbain, réprime les infractions
aux règles de la circulation routière, constate les accidents de la route et élabore les
procès-verbaux ;

- la Délégation générale à la sûreté nationale, qui assure la surveillance du réseau routier


urbain, réprime les infractions aux règles de la circulation routière, constate les accidents
de la route et élabore les procès-verbaux ;

- le ministère de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire


(MINEPAT), qui assure l’élaboration des orientations générales et des stratégies de
développement à moyen et à long terme.

Ces structures de niveau ministériel sont accompagnées dans leurs missions par des
structures consultatives dont le CNSR rattaché au Ministère des transports et le Conseil national
de la route (CONAROUTE) rattaché au Premier Ministre, qui assistent l’État dans la
P a g e | 372

coordination des activités et donnent des avis motivés sur les questions relatives à l’organisation
et à la gestion de la sécurité routière.

Les assureurs jouent un grand rôle dans la prévention des risques d’accidents en
apportant une contribution importante au développement de celle-ci soit par des conseils aux
assurés sur la prévention des accidents grâce à une conduite.

En plus des assureurs, nous avons comme autres intervenants, Organismes de Visite
technique. Tout véhicule en circulation est périodiquement soumis à un contrôle technique.
Celui-ci porte sur les éléments dont la défectuosité est susceptible de dégrader les
infrastructures routières ou de porter atteinte à la sécurité des personnes, des biens et/ou de
l’environnement. Les modalités de déroulement du contrôle technique sont fixées par l’Arrêté
du Ministre chargé des transports n°011/A/MINT du 23 février 1998 portant réglementation de
la visite technique des véhicules.

Enfin, les auto-écoles : c’est l’Arrêté n° 0040 6/A/MINT/DTT du 28 avril 2000 qui
réglemente le permis de conduire et des auto-écoles au Cameroun. Il est adossé aux articles 41,
42, 43, 44, et 45 du décret n° 79/341 du 3 septembre 1979 portant réglementation de la
circulation routière, modifié et complété par le décret n°86/818 du 30 juin 1986. Cet arrêté fixe
donc :

- les modalités d’apprentissage de la conduite automobile ;

- les modalités d’organisation de l’examen du permis de conduire ;

- les conditions de délivrance et de validité du permis de conduire ;

- le fonctionnement de la commission de suspension et de retraite du permis de conduire ;

- les modalités d’organisation et de tenue des fichiers des titulaires des permis de
conduire.

b. La politique sécuritaire dans le domaine des transports ferroviaires

La législation des transports ferroviaires au Cameroun est régie à la fois par des règles
internationales et nationales.
P a g e | 373

Pour ce qui est des règles internationales, il s’agit principalement de la Convention


Relative aux Transports Internationaux Ferroviaires (COTIF), signée à Berne le 09 mai 1980 et
modifiée par le protocole de Vilnius (Lituanie) du 03 juin 1999.

Sur le plan national, les lois sont surtout portées sur la sécurité des chemins de fer. Ainsi,
nous avons la Loi n°74/10 du 16 juillet 1974 relative à la police et à la sécurité des Chemins de
Fer, le Décret n°75/588 du 20 aout 1975 relatif à la Police et à la Sécurité des Chemins de fer.

La Loi n°74/10 du 16 juillet 1974 relative à la police et à la sécurité des Chemins de Fer
est adoptée quelques mois avant l’inauguration du Transcamerounais le 10 décembre 1974.
Cette loi permet de circonscrire le domaine public ferroviaire. Ce dernier comprend :

- les voies ferrées construites ou concédées par l’État ;


- les terrains des emprises;
- les voies ferrées, voies de garages ou d’embranchement, appareils de signalisation
ou de manœuvre, lignes de télécommunication, lignes électriques, quais, trottoirs sis
dans les emprises ;
- les ouvrages d’art exécutés pour l’établissement des voies ou leur conservation ;
- les bâtiments des gares, ateliers, magasins, logements, toutes constructions édifiées
dans les emprises ;
- les terrains dûment affectés au fonctionnement du Chemin de fer29.

L’Article 2 alinéa 2 de cette loi précise que « les emprises des gares, haltes et terrasses
des zones urbaines sont définies par décret. » C’est dans ce but qu’est signé le Décret n° 75/588
du 20 aout 1975 relatif à la Police et à la Sécurité des Chemins de fer.

29
Loi n°74/10 du 16 juillet 1974 relative à la police et à la sécurité des Chemins de Fer, Article 1.
P a g e | 374

Photo n° 28 : Zones d’habitations aux abords du chemin de fer à Yaoundé.

Prise de vue : Nicolas Owona, 19/03/2017

2. La politique sécuritaire dans le domaine des transports aériens

La législation des transports aériens est fortement influencée par les conventions
internationales, les protocoles de modification desdites conventions, et les accords inter-
transporteurs de l’IATA. Ainsi, depuis son accession à l’indépendance le 1er janvier 1960, le
Cameroun a signé de nombreuses conventions internationales dans le secteur de l’aviation
civile. De même, le pays a engagé sur le plan purement national, la mise en place d’un cadre
réglementaire. L’analyse de ce cadre réglementaire international permet de noter qu’à la base
de l’aviation civile dans le monde en général et au Cameroun en particulier, il y a la convention
de Chicago du 7 décembre 1944. Elle sert de constitution à l’OACI. Le Cameroun a ratifié cette
dernière le 15 janvier 196030.

30
En ligne, URL : https://www.ccaa.aero/index.php/fr/aviation-civile-au-cameroun-cadre-reglementaire consulté
le 16/08/2018 à 11h25.
P a g e | 375

À côté de cette convention de base, il existe sur le plan régional et sous régional trois
instruments juridiques qui contribuent également à règlementer le secteur de l’aviation civile
au Cameroun :

 La Décision de Yamoussoukro de novembre 1999, dont le Cameroun est signataire,


concerne la mise en œuvre de la Déclaration de Yamoussoukro sur la libéralisation
de l’accès au marché du transport aérien en Afrique. Les objectifs principaux de
cette Décision sont la promotion et le développement des services aériens à travers
une libéralisation graduelle et progressive des services de transport aérien réguliers
et non réguliers intra africains. Elle règlemente des domaines tels que : l’octroi des
droits de trafic, les tarifs, les fréquences et capacités, les désignations et
autorisations, les règles de concurrence et le règlement des différends.31

 l’accord CEMAC de 1999. L'accord CEMAC quant à lui, signé le 18 août 1999 à
Bangui par les pays de la Communauté Économique et Monétaire de l'Afrique
Centrale a une portée bien définie, à savoir : permettre une meilleure desserte de la
communauté, promouvoir les relations économiques et commerciales entre les États
membres de la Communauté, prévenir les mesures susceptibles de porter préjudice
au développement du transport aérien entre États ; encourager la mise en œuvre des
mesures préventives en matière de supervision de la sécurité des vols et favoriser la
coopération technique et commerciale entre les compagnies aériennes.

 Code de l’aviation civile de la CEMAC, qui les règles applicables à l’aviation civile
au sein de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale dans
chaque État membre en ce qui concerne les aéronefs, les aérodromes, la navigation
aérienne, le personnel et l’exercice des activités dans ce domaine. Les dispositions
du présent Code s’appliquent à tous les aéronefs civils. À moins de dispositions
contraires, les aéronefs militaires et les aéronefs appartenant à l'État et
exclusivement affectés à un service public ne sont soumis qu'à l'application des
règles relatives à la responsabilité du propriétaire ou de l'exploitant. En ce qui est de
la souveraineté de l’espace aérien chaque État membre possède une souveraineté
pleine et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de sa partie terrestre et, pour l’État
membre côtier, sa partie maritime, et exerce sur celui-ci, sa juridiction

31
« La Décision de Yamoussoukro », Article 2, Portée de la décision.
P a g e | 376

conformément au présent Code, à sa législation ainsi qu’aux conventions et accords


internationaux dûment ratifiés.

Sur le plan de la réglementation national de l’Aviation Civile au Cameroun, plusieurs


textes coexistent. Les principaux sont la Loi n°63/LF/35 du 05 novembre 1963 portant code de
l’aviation civile et la loi du 24 décembre 1998 portant régime de l’Aviation Civile.

La Loi du 05 novembre 1963 est une uniformisation des différentes législations


aéronautiques disparates qui étaient en vigueur au Cameroun occidental, ainsi qu'au Cameroun
oriental. Elle fut abrogée par la Loi du 24 décembre 1998. Pour être plus exacte, on devrait dire
abrogée dans ses dispositions contraires à celles de 1998. C'est dire s'il y a encore quelques
survivances de cette Loi de 1963 qui continue toujours de s'appliquer chaque fois qu'il y a, sur
un point donné, silence de la Loi de 1998. La Loi de 1998 marque le début de l'ère moderne de
l'Aviation Civile au Cameroun. Elle entend régir toutes les activités ayant un rapport direct ou
indirect avec la navigation aérienne. Aussi, prend-t-elle en compte les aéronefs, les aérodromes,
le transport aérien et le personnel navigant.

L'objectif de cette Loi, qui se veut révolutionnaire, est de rendre le transport aérien
camerounais plus compétitif dans un environnement international marqué de plus en plus par
l'économie libérale et la lutte contre les menaces telles que le terrorisme, auxquelles est exposée
cette activité. La réforme de 1998 a donc fondamentalement changé l'aviation civile
camerounaise dans le sens de la moderniser au moyen de la libéralisation progressive des
services aériens, la mise en place d'une réglementation adéquate et une sécurisation accrue du
transport aérien.

3. La politique sécuritaire dans le domaine des transports maritimes

La législation des transports maritimes est régie par de nombreuses conventions


internationales. Nous avons principalement retenue trois conventions qui s’intéressent
particulièrement au contrat de transport maritime (droits et obligations des parties au contrat) ;
aux titres de transport maritime et à la gestion des avaries communes. Mais nous commencerons
par le Code Communautaire de la Marine marchande, adopté le 22 juillet 2012; et la Loi n°
95/09 du 30 janvier 1995, fixant les conditions d’exercice des professions maritimes et para-
maritimes.
P a g e | 377

En son article 1er, le Code communautaire de la marine marchande de la CEMAC stipule


que ses dispositions sont applicables :

- à tous les navires immatriculés dans un État membre ;


- aux équipages et passagers qui y sont embarqués, ainsi qu’à toutes les personnes,
quelle que soit leur nationalité, qui, bien que non présentes à bord, auraient
commis une infraction aux dispositions du présent Code ou de ses textes
d’application ;
- aux navires étrangers se trouvant dans les eaux sous juridiction d’un État
membre, lorsque cela est prévu par les accords de réciprocité passés entre un
État membre et un État tiers ou en application des conventions internationales
en vigueur ;

- aux équipages et passagers de ces navires étrangers, sous les mêmes conditions
qu’à l’alinéa précédent ;
- aux gens de mer de nationalité d’un État membre ou résidant dans un État
membre, sans considération du lieu d’immatriculation ou d’affrètement du
navire à bord duquel ils sont employés,
- aux plateformes flottantes se trouvant dans les eaux sous juridiction nationale
d’un État membre ; en outre, lorsque cela est expressément prévu, certaines
dispositions des Livres IV, V et VII s’appliquent également aux plateformes
fixes se trouvant dans lesdites eaux.

La Loi n° 95/09 du 30 janvier 1995, fixant les conditions d’exercice des professions
maritimes et para-maritimes, quant à elle, organise le secteur professionnel du sous-secteur
maritime. Ainsi, elle considère comme professions maritimes, « toutes les activités maritimes
et fluviales dont l’exercice nécessite l’exploitation, en propriété et/ou en location, de navires »32
et comme professions para-maritimes ou auxiliaires des transports maritimes, « toutes les
activités qui concourent à la réalisation des opérations annexes au transport maritime »33.

À cette loi, nous pouvons adjoindre la Loi n° 2000/02 du 17 avril 2000 relative aux
espaces maritimes de la République du Cameroun. Elle a pour objet de fixer les limites des

32
Loi n° 95/09 du 30 janvier 1995, fixant les conditions d’exercice des professions maritimes et para-maritimes,
article 2 alinéa 1.
33
Ibid, alinéa 2.
P a g e | 378

espaces maritimes du Cameroun et de mettre sa législation en conformité avec ses engagements


internationaux dans ce domaine34.

En fait, les différentes lois en vigueur au Cameroun dans le domaine des transports
maritimes, sont soumises aux conventions internationales ratifiées par le Cameroun.

 Les Règles de Rotterdam35

Adoptée par l’Assemblée générale le 11 décembre 200836, la Convention des Nations


Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou
partiellement par mer dite Règles de Rotterdam, établit un régime juridique uniforme et
moderne régissant les droits et obligations des chargeurs, transporteurs et destinataires en vertu
d’un contrat de transport de porte à porte, comprenant une étape maritime internationale37.

La Convention donne suite et fournit une alternative moderne aux conventions


antérieures relatives au transport international de marchandises par mer, en particulier la
Convention internationale pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement38,
les Règles de La Haye adoptées à Bruxelles le 25 août 1924 ; et ses Protocoles : les Règles de

34
Cette loi fait référence à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, conclue
à Montego Bay (Jamaïque). Le Cameroun l’a ratifié le 19 novembre 1985.
35
Par la Loi n° 2017/001 du 18 avril 2017 votée à l’Assemblée Nationale, le Président de la République du
Cameroun a été autorisé à ratifier les Règles de Rotterdam ; ainsi, le Décret n° 2017/130 porte ratification de la
Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou
partiellement par mer.
36
Le Principal organe juridique du système des Nations Unies dans le domaine du droit commercial international
est la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Il s’agit d’un organe
juridique à participation universelle spécialisé dans la réforme du droit commercial dans le monde. La CNUDCI
s’attache à moderniser et à harmoniser les règles du commerce international. Le commerce stimule la croissance,
améliore le niveau de vie et crée de nouveaux débouchés. Afin d’accroître ces débouchés dans le monde, la
CNUDCI élabore des règles modernes, équitables et harmonisées sur les opérations commerciales. Ses travaux
prennent la forme :
- De conventions, de lois types et de règles acceptables dans le monde entier
- De guides et de recommandations juridiques et législatifs revêtant une grande utilité pratique
- D’informations actualisées sur la jurisprudence et l’adoption de législations commerciales uniformes
- D’une assistance technique dans le cadre de projets de réforme du droit
- De séminaires régionaux et nationaux sur le droit commercial uniforme.
Source : http://www.uncitral.org/uncitral/fr/about_us.html consulté le 17/08/2018 à 18h23.
37
En ligne, URL : http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/transport_goods/2008rotterdam_rules.html
consulté le 16/08/2018 à 08h21.
38
Le connaissement est un ensemble de document, représentant le contrat de transport, transmis par le chargeur
au transporteur maritime. Ce contrat est une preuve de la prise en charge ou la mise à bord des marchandises par
le transporteur. Il engage le transporteur à délivrer la marchandise contre la remise de ce document. C’est un titre
de propriété de la marchandise expédiée et de quittance de marchandises. C’est un effet de commerce et un titre
endossable. Ce document donne le droit au porteur de prendre possession des marchandises envoyées.
Source : http://www.assurance-credit-entreprise.fr/glossary/connaissement/ consulté le 17/08/2018 à 17h25.
P a g e | 379

La Haye-Visby, et la Convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer,
dite Règles de Hambourg (Hambourg, 31 mars 1978)39.

Les Règles de Rotterdam constituent un cadre juridique qui tient compte des
nombreuses nouveautés technologiques et commerciales qu’a connues le transport maritime
depuis l’adoption de ces conventions (La Haye et Hambourg), dont le développement de la
conteneurisation, l’aspiration à un transport de porte à porte en vertu d’un contrat unique et le
développement des documents électroniques de transport. La Convention fournit aux chargeurs
et transporteurs un régime universel contraignant et équilibré à l’appui de l’exécution des
contrats maritimes de transport où peuvent intervenir d’autres modes40.

 Les règles de La Haye-Visby et de Hambourg41

Les règles de La Haye-Visby figurent dans la Convention internationale de Bruxelles


du 25 août 1924 pour l’unification de certaines règles en matière de connaissement, modifiée
par le Protocole de Bruxelles du 23 février 1968 et par le Protocole de Bruxelles du 21 décembre
1979.

Durant les années 1970, les pays en voies de développement et les principales nations
de chargeurs ont exercé de lourdes pressions au sein de la CNUDCI, en faveur d’une refonte
du système de responsabilité du transporteur maritime qu’ils jugeaient trop complaisant42. Cette
initiative aboutit, le 18 mars 1978, à la signature de la Convention des Nations Unies sur le
transport international de marchandise dite Règles de Hambourg. Plutôt que d’amender les
Règles de la Haye-Visby, les règles de Hambourg ont adopté une nouvelle approche de la
responsabilité du transporteur maritime, au profit des chargeurs.

Les Règles de Hambourg diffèrent de celles de La Haye sur les points suivants :

- Un champ d’application plus étendu (prise en compte des transports en pontée et des
transports d’animaux vivants).

39
Ibid.
40
Ibid.
41
Le Cameroun est partie prenante des Règles de Hambourg depuis le 1er août 1994.
42
P.-P. Gacon, « Les transports internationaux de marchandises par mer non soumis aux Règles de la Haye-
Visby », Mémoire de DESS de Droit Maritime et des Transports, Université de Droit, d’économie et des sciences
d’Aix-Marseille III, cité par le site internet http://www.logistiqueconseil.org/Articles/Transport-maritime/Regles-
hambourg-haye-visby.htm consulté par 17/08/2018 à 22h25.
P a g e | 380

- Une extension de la période couverte par le contrat de transport (de la prise en charge
à la livraison).
- Un système de responsabilité basé sur une présomption de faute du transporteur.
- L'introduction de la responsabilité du fait du retard.
- La suppression de tous les cas exceptés d'exonération du transporteur sauf le cas
d'incendie non fautif.
- La majoration des limites de réparation.
- Une augmentation du délai de prescription de l'action en responsabilité.

En réaction contre le système minimaliste de la Convention de Bruxelles, les auteurs


des règles de Hambourg ont opté pour un élargissement du domaine des règles impératives
devant encadrer les rapports des parties au contrat de transport maritime. Pour ce faire, ils
mettent en place des critères d’application multiples. Les règles sont non seulement applicables
à tous transports par mer entre deux États différents lorsque le port de chargement ou le port de
déchargement est situé dans un État partie mais encore à tous transports dont « le
connaissement, ou un autre document faisant preuve du contrat de transport […], est émis dans
un État contractant »43.

Les règles de responsabilité ont, elles aussi, été revisitées. Alors que les règles de La
Haye-Visby prévoient une responsabilité objective du transporteur maritime qui peut s'exonérer
en invoquant l’un des cas exceptés limitativement énumérés, les règles de Hambourg basent le
système de responsabilité sur une présomption de faute dont le transporteur peut apporter la
preuve contraire en démontrant que « lui-même, ses préposés ou mandataires ont pris toutes les
mesures qui pouvaient raisonnablement être exigées pour éviter l'évènement et ses
conséquences »44.

Les règles de Hambourg sont entrées en vigueur le 1er novembre 1992 quand le nombre
de ratification fût atteint. Pourtant elles n’ont jamais eu le succès escompté. Aujourd’hui, 29
États, représentant moins de 1% de la flotte mondiale, en sont parties, dont sept sont enclavés.
Les États parties sont en majorité africains et méditerranéens. Les transporteurs ayant des lignes
régulières avec ses régions du globe sont donc quotidiennement confrontés à ses règles qui ont
valeur impérative.

43
Ibid.
44
Ibid.
P a g e | 381

 Les règles d’York et d’Anvers

Les règles d'York et d'Anvers s’appliquent lors du règlement d’avaries communes


survenues au cours du transport des marchandises par voie maritime. Il y a acte d’avarie
commune quand, et seulement quand, intentionnellement et raisonnablement, un sacrifice
extraordinaire est fait ou une dépense extraordinaire encourue pour le salut commun dans le but
de préserver d’un péril les propriétés engagées dans une aventure maritime commune.

Pour tenir compte des évolutions économiques et juridiques, ainsi que des impératifs
commerciaux auxquels les acteurs du commerce maritime sont confrontés, les règles d'York et
d'Anvers sont périodiquement révisées par le Comité maritime international (CMI). La dernière
révision (à notre disposition) a eu lieu le 1er juin 2004 lors de la Conférence du CMI à
Vancouver au Canada.

Conclusion

Ce chapitre nous a permis d’aborder les différentes évolutions des transports à la fin des
PAS au début des années 2000. Deux aspects ont retenus notre attention : la situation des
infrastructures de transports et les nouveaux intervenants nés des réformes instituées par lesdits
PAS. On constate alors que, malgré une certaine reprise économique, les transports ont du mal
à évoluer : problème de politiques ou problème de ressources humaines ? Les deux pourraient
en effet être mis en cause. Dans la dernière section de ce chapitre, nous voyons en effet que
dans les politiques mises en place pour accélérer le développement économique, et par voie de
conséquence, le développement des transports, bien trop de pesanteurs administratives
alourdissent la chaîne de la dépense publique et des projets par extension. Le nombre de
ministères, de services, ou encore de commissions impliqués dans le processus des projets, rend
inefficace leur implémentation. Face à leur incapacité à impulser le développement, le
Cameroun a dû partir du DSRP en 2003, au DSCE depuis 2009. Mais là encore, apparaît le
PLANUT en 2014 et ce, sans mettre fin au DSCE. Comme pour ne pas faciliter le processus, le
budget programme est institué. De fait, des politiques, il y en a en nombre impressionnant.
Cependant, leur maturation est toujours approximative et plombe les objectifs de leur mise en
place.

Mais nous l’avons déjà souligné plus haut dans ce travail, aucune politique n’est
mauvaise en soi. Très souvent, le problème vient de ceux en charge de leur mise en œuvre.
P a g e | 382

Plusieurs maux caractérisent la chaîne administrative au Cameroun : l’inertie, la corruption, la


non-maîtrise des outils de gestion, les lenteurs dans l’exécution des tâches… Bien souvent, le
travail de bureau prend plus de temps que le travail de terrain dans la construction des routes.
Pour ce dernier aspect, les entreprises souvent choisies pour l’exécution des travaux ne sont pas
exemptes de tout reproche, elles qui sont le moins disant possible lors de la soumission aux
appels d’offre, et qui rallongent les budgets une fois le marché obtenu. Ce qui finalement
entraîne l’abandon de ce dernier.

Un autre problème est le marqueur de la jonction de deux problèmes précédents : les


conflits de compétence entre administrations. Le nombre d’intervenants dans la chaîne des
transports ne permet pas d’améliorer la qualité du rendement dans ce secteur. En effet, au moins
trois ministères sont impliqués dans la construction des routes : le MINTP (routes nationales,
régionales et départementales), le MINDUH (voirie urbaine), et le MINADER (intervient au
niveau des routes rurales). En plus de ces organes ministériels, nous avons les CTD, eux-mêmes
en proie au conflit entre communautés urbaines et communes d’arrondissements. Ces
complications politiques combinées à ce qui s’apparente au manque de volonté de certains
administrateurs et élus locaux, a pour résultat que dans la plupart des villes du Cameroun, la
voirie urbaine est dans un très mauvais état. Cette situation met ainsi en exergue certains des
défis actuels des transports au Cameroun : sécurité et coûts de plus en plus élevés, avec un
impact important sur l’inflation. Les voies de communication, comme leur nom l’indique,
permettent une jonction entre les populations. Leur absence apparaît donc comme un danger
pour l’unité nationale. Il est important, en concluant ce chapitre, de garder en mémoire que sous
Ahidjo, les transports s’assignaient deux objectifs : le développement économique et la
construction de l’unité nationale.
P a g e | 383

CHAPITRE IX :
LES DÉTERMINANTS DES COÛTS DES TRANSPORTS
ROUTIERS AU CAMEROUN
P a g e | 384

Pour impacter significativement sur les coûts et les prix des transports, il faut développer
le réseau des infrastructures. Des transports moins chers ne sont possibles qu’avec de meilleures
infrastructures. Depuis 2014, le Cameroun a mis sur pied une Stratégie de développement des
infrastructures. Si les résultats tardent à être visibles, nous devons déjà comprendre l’incidence
du manque de bonnes routes sur les coûts des transports au Cameroun.

Ce chapitre est consacré à l’analyse des déterminants des coûts et des prix des transports
routiers. Nous choisissons de nous appesantir sur ce sous-secteur des transports, du fait de son
importance sociale. En effet, dans les discours politiques, le lien entre territoire, transport et
développement semble évident. L’infrastructure de transport routière est souvent associée au
développement local ou régional.1 Or, dans ces mêmes discours, on associe rarement par
exemple la construction d’un hôpital ou d’une école au développement, alors même qu’ils y ont
un rôle décisif. On les ramène essentiellement à leur but fondamental, à savoir l’accès aux soins
et à l’éducation. On en oublie que le but fondamental de la route est le transport des personnes
et des marchandises. Cela pourrait se comprendre si on considère que l’accès aux autres
infrastructures (hôpital, école, etc.), dépend largement de l’efficacité des infrastructures de
transport routière. Par ailleurs, ces dernières permettent aussi un accès aux matières premières,
aux marchés, au travail et aident au développement des services de télécommunications.

L’importance de l’infrastructure de transport routière n’est plus à démontrer dans un


pays en développement tel que le Cameroun, en pleine phase de construction d’un réseau
d’infrastructures de transport indispensable à la fois pour la structuration du territoire national,
la mise en valeur économique de ses potentialités et l’amélioration des accessibilités des
populations. Les transports routiers se sont imposés comme un instrument décisif des politiques
mises en œuvre, ce mode de transport étant largement accessible à la majorité de la population

1
Toutefois, de plus en plus de voix s’élèvent pour contredire ce lien qui semble évident entre route et
développement. Jean Marc Offner remarque que depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, la rhétorique de
l’«impact», de l’«effet induit» des transports sur l’urbanisation et l’aménagement n’a pas cessé d’accompagner le
développement des infrastructures de communication. Pourtant, fait-il remarquer, « les travaux empiriques
rigoureux ne concluent, au mieux, qu’à une amplification et une accélération de tendances préexistantes. Si le
mythe des effets structurants perdure, c’est en fait par l’usage politique qui en est fait dans les processus de décision
et les procédures d’évaluation ex ante des grands projets. » (J.-M. Offner, « Les « effets structurants » du transport :
mythe politique, mystification scientifique », Espace géographique, tome 22, n°3, 1993. pp. 233-242). Banister et
Berechman ne manquent pas de souligner les limites de ce lien de causalité « route = développement » en
déconstruisant les idées que les décideurs politiques et les aménageurs peuvent véhiculer sur les bienfaits de la
route (D. Banister et Y. Berechman, « Transport Investment and the Promotion of Economic Growth », Journal
of Transport Geography, n° 9, 2001, pp. 209-218).
P a g e | 385

notamment grâce à son coût modeste par rapport aux transports aérien et ferroviaire. Ainsi, de
nombreuses infrastructures routières sont nécessaires pour désenclaver les zones défavorisées
et accroître les échanges économiques. Les routes ont alors un double rôle à jouer en faveur du
développement économique et de la lutte contre la pauvreté. En outre, au-delà des enjeux de
développement local, l’un des principaux arguments pour le développement des infrastructures
de transport routières est leur participation active dans le processus de mondialisation ainsi que
leur rôle dans l’intégration régionale.

La route joue donc un rôle important dans le développement socio-économique d’un


pays. Les pays européens, les États-Unis, les pays émergents (Singapour, Brésil, Inde, Afrique
du Sud, Ile Maurice, etc.) ont mis un accent particulier sur le développement de leur réseau
routier.2 Plusieurs raisons expliquent ce choix :

- Les routes internationales permettent le développement des échanges commerciaux


(transport des biens et des marchandises), et la réduction des coûts de transport. Le
PNUD estime que :

Le développement de l’infrastructure intra-africaine pourrait générer des bénéfices substantiels pour le


commerce, la croissance économique et le développement humain. Selon certaines estimations, un
investissement de 32 milliards USD dans le réseau routier de l’Afrique, principal mode de transport utilisé
pour acheminer les biens jusqu’aux consommateurs ou aux ports d’expédition, pourrait accroître les
échanges intra-africains de 250 milliards USD sur une période de 15 ans3.

- Les routes urbaines ont une importance capitale dans la réduction du coût de la vie et la
fluidité des activités économiques.

- Les routes rurales quant à elles, permettent de désenclaver les zones de production en
améliorant l’écoulement des marchandises vers les villes, réduisant ainsi les coûts de
transport, améliorant l’accessibilité aux services de base (services de santé, les écoles),
et l’accès aux marchés des produits agricoles.

Un réseau routier bien construit et bien entretenu est donc essentiel à la croissance
économique et à la lutte contre la pauvreté. On pourrait même se risquer à poser la question :

2
Lire à cet effet, D. Sutherland et al., « Infrastructure Investment: Links to Growth and the Role of Public
Policies», OECD Economics Department Working Papers, No 686, OECD Publishing, 2009. En ligne, URL:
https://www.researchgate.net/publication/277615508_Infrastructure_Investment_Links_to_Growth_and_the_Rol
e_of_Public_Policies, consulté le 18/01/2021 à 03h00.
3
PNUD, Intégration régionale et développement humain : une voie pour l’Afrique, One United Nations Plaza
New York, NY 10017, États-Unis, 2011, p. 20
P a g e | 386

ne serait-il pas préférable d’investir dans les routes au lieu d’augmenter les salaires pour
améliorer les conditions de vie des populations ? En effet, l’augmentation des salaires
n’améliorent pas forcément les conditions de vie des travailleurs. Un mauvais réseau routier ou
un manque de routes a un effet néfaste sur l’activité économique et les conditions de vie des
populations. Aussi, un réseau routier mal entretenu, entraîne une augmentation du coût de
transport qui conduit à son tour à l’augmentation des prix des produits alimentaires. Ce dernier
est source d’inflation qui a pour conséquence la diminution du pouvoir d’achat des populations.
Il apparait donc qu’investir dans les routes pourrait avoir un impact positif sur les conditions de
vie des populations, plus que ne le ferait une augmentation des salaires. Lorsque le
gouvernement décide d’augmenter les salaires, l’effet induit peut ne pas être celui escompté :
l’augmentation des salaires entraine nécessairement celle de la consommation et partant des
importations, avec pour conséquence l’accompagnement du déficit de la balance commerciale
puis de la balance des paiements. Le pays est obligé d’emprunter pour régler ce déficit.

Nous consacrons ce chapitre aux transports routiers, d’une part au regard de leur
importance dans le processus de développement, et d’autre part pour leur rôle central dans le
rapprochement des hommes et la facilitation des échanges. Ces transports, du fait de leurs prix,
sont souvent un élément décisif dans la précarité de certaines populations. Or, les prix des
transports routiers ne sont que la conséquence des coûts dus aux politiques publiques. Ainsi, il
semble judicieux de faire un distinguo entre les concepts de coût et de prix.

Ces deux notions sont intimement liées, et il n’est pas toujours facile de les distinguer.
Le coût d’une chose (produit, service, activité, etc.), est la somme que coûte son obtention ou
sa réalisation. Le prix désigne quant à lui la valeur de la transaction (vente, échange, etc.) dont
cette chose fait l’objet. Il dépend non seulement du coût réel, mais aussi d’autres
facteurs comme la marge bénéficiaire, les conditions du marché, etc.4 Dans le cas présent, le
coût des transports est l’ensemble des dépenses effectuées par un prestataire afin de réaliser la
mise en circulation de son/ses véhicule(s). C’est ce coût qui détermine le prix à payer par
l’usager des transports.

Comme nous l’avons noté plus haut, le secteur des transports dans le Monde en
général, et au Cameroun en particulier, constitue l’un des plus influents de l’économie. Toute

4
Ministère de la Justice du Canada, « Coût, prix et frais : affaire de perspective », article en ligne, URL :
https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/sjc-csj/redact-legis/juril/no31.html, consulté le 05/01/2021 à 05h28.
P a g e | 387

politique publique se doit donc de prendre en compte le volet des transports, quel que soit le
secteur d’activité concerné par un projet : santé, industrie, défense, urbanisme, agriculture,
éducation etc. Les coûts de ces transports doivent être prioritaires dans le montage des
politiques publiques et leur implémentation.

Ainsi, si nous faisons le constat du caractère incontournable des transports dans


l’économie, il faut souligner avec la Banque Mondiale que :

Le coût du transport de marchandises en Afrique est le plus élevé au monde, ce qui non seulement a une
incidence sur la hausse du coût de l’activité économique, dans la mesure où cela freine l’investissement
privé, mais constitue également un obstacle supplémentaire qui empêche les pays africains de tirer parti
de la croissance rapide du commerce mondial. Pour les nombreux pays africains dépourvus d’accès au
littoral, cela revient à dire que dans la réalité, malgré la libéralisation de leurs régimes commerciaux, ils
resteront enclavés.5

Dans ce chapitre nous tentons de répondre à la question suivante : comment les coûts
induits par les politiques publiques influencent-ils les prix des transports routiers au Cameroun ?
En effet, à l’exception des prix du transport en taxi, qui sont déterminés par le MINT, les prix
des autres types de transports sont décidés soit par les exploitants (chauffeurs généralement)
eux-mêmes de manière directe, à l’instar des « opep » ou « clando », des moto-taxis, et de
l’essentiel des transports routiers non-réglementés. Soit par les syndicats de ces exploitants.
Dans les deux cas du reste, ce sont les exploitants, non l’État, qui décident des prix. Cependant,
l’établissement de ces prix obéit à plusieurs coûts, dont l’État a le contrôle. Il s’agit : du coût
d’exploitation des véhicules (CEV), du coût du transport et, enfin, de la marge bénéficiaire.
Pour répondre à la question des déterminants des prix des transports routiers au Cameroun, nous
analysons donc la manière à laquelle ces prix sont établis, en étudiant les différents coûts qui
en constituent les principales variables dépendantes. Le schéma ci-après présente la
construction des prix des transports, en mettant en exergue ces différents coûts.

5
S. Teravaninthorn et G. Raballand, Le prix et le coût du transport en Afrique. Étude des principaux corridors,
Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale, Washington DC, 2009, p.
xi.
P a g e | 388

Schéma n° 2 : Processus de construction des prix des transports routiers

Source : S. Teravaninthorn et G. Raballand, Le prix et le coût du transport en Afrique…, 2009, p. 5.

A. Le coût d’exploitation des véhicules au Cameroun

Le coût d’exploitation est l’ensemble des dépenses engagées lors du processus de


production. Elles peuvent être variables ou fixes. Quelle que soit leur nature, elles entrent dans
le prix de revient des marchandises produites. Ces dernières peuvent être : soit le prix final à
débourser par les clients des transports, soit le prix final des marchandises transportés. Le coût
d’exploitation d’un véhicule constitue donc la base du transport routier de marchandises ou de
personnes.
P a g e | 389

On distingue généralement : les charges variables, qui n’existent que lorsque le véhicule
circule ; et les charges fixes, qui existent que le véhicule circule ou pas. Le tableau suivant
permet de distinguer ces différentes charges.

Tableau n° 26 : les différentes charges liées à l’exploitation commerciale d’un véhicule

Charges variables Charges fixes


- Carburant - Assurance du véhicule
Véhicule
- Pneus - Assurance marchandise
- Maintenance - Financement amortissement
- Part variable de salaire - Part fixe de salaire
Conducteur
- Frais de déplacements - Contribution sociale
///////////// - Frais généraux
Autres frais
- Impôts et taxes

Dans ces différentes charges, les politiques publiques influencent de manière directe
certains aspects. Il s’agit notamment, des prix du carburant, des pneus et de la maintenance,
pour ce qui est des charges variables. Et de l’assurance et des impôts et taxes pour ce qui est
des charges fixes. Le reste des charges est bien souvent fonction des propriétaires de véhicules,
malgré une forte influence des syndicats des différents secteurs impliqués (transports de
marchandises par camion, transports urbains, transports interurbains). Nous étudions ici
l’impact des politiques publiques sur le coût final supporté par les usagers des transports, et/ou
des marchandises transportées.

I. Les charges variables

Au rang des charges variables, nous avons celles liées au véhicule (le carburant, la
pneumatique et la maintenance), et celles liées au conducteur (salaire, déplacement). Des
différences existent entre les types de véhicules (moto, camion, bus, véhicule de petits moteurs
etc.) ; les distances couvertes ; les types de transports (marchandises uniquement, personnes
uniquement, personnes et marchandises). Dans notre analyse, nous abordons principalement les
charges dont les coûts sont influencés par les politiques publiques.

Au Cameroun, quatre entreprises publiques et établissements publics interviennent dans


le secteur pétrolier. La Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) est l’unique intervenant
dans la partie amont, en délivrant les permis de recherche à des sociétés pétrolières qui explorent
P a g e | 390

les gisements potentiels entre autres.6 Quant à la partie aval, l’on distingue la Société Nationale
de Raffinage (SONARA), qui approvisionne le marché national en produits pétroliers issus de
sa raffinerie ou des importations. La Société Camerounaise des Dépôts des Produits Pétroliers
(SCDP) pour sa part, est chargée du stockage des produits pétroliers, alors que la Caisse de
Stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH) s’occupe de la stabilisation des prix des
produits pétroliers.

Selon le Ministère des finances du Cameroun, le secteur pétrolier fait face de nos jours
à de nombreuses difficultés, aux rangs desquelles : un déficit de la production des produits finis
par la SONARA pour satisfaire les besoins du marché national7 ; mais aussi une insuffisance
des capacités de stockage susceptibles d’assurer une flexibilité de gestion des stocks
commerciaux et des stocks outils des marketeurs8, tout en assurant l’intégrité des stocks de
sécurité de l’État.9

Il faut souligner que l’absence de dépôts pétroliers dans certaines régions et localités,
constitue aussi un handicap à la couverture rationnelle et stratégique du territoire national en
produits pétroliers. Il s’agit notamment de :

- Limbé, pour les livraisons de produits dans la Région du Sud-Ouest ;

- Bakassi, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie gouvernementale de


repeuplement de la péninsule ;

- Kribi, en tant que facilité essentielle pour accompagner le développement de la future


ville industrielle, ainsi que le ravitaillement des navires du nouveau port en eaux
profondes ;

- Bamenda et Maroua, en vue d’un quadrillage stratégique du territoire national.

6
Pour plus d’informations sur les missions de la SNH, se référer au site internet de la Société, URL :
https://www.snh.cm/index.php/fr/presentation-de-la-snh/profil, consulté le 12/01/2021 à 02h39.
7
Ntyam Ngana et al., Supply of petroleum products in enclaved urban areas: Case of Adamaoua Region, MPRA
Paper No. 64808, 2015, en ligne, URL : https://mpra.ub.uni-muenchen.de/64808/1/MPRA_paper_64808.pdf,
consulté le 18/02/2021 à 16h13.
8
Un marketeur est, dans le contexte de l’exploitation pétrolière, une personne ou une entreprise qui achète les
produits pétroliers auprès des structures de l’État, afin de les revendre aux populations.
9
Commission Technique de Réhabilitation des Entreprises du secteur public et parapublic (CTR), « Rapport sur
la situation des entreprises publiques et des établissements publics », Ministère des Finances de la République du
Cameroun, 2018, p. 58. Téléchargeable en ligne, URL : https://www.ctr.cm/rapports-dactivites/, consulté le
08/01/2021 à 03h35.
P a g e | 391

Enfin, La distribution nationale est assurée par plusieurs distributeurs entre autres :
Total, MRS, Tradex, Bocom, Camoco, Socaepe, Socamit, Petrolex, Algo, Delta Petroleum,
Blessing petroleum, First Oil, Green Oil, OLA, pour les produits liquides ; SCTM, CAMGAZ,
AZA, Africagaz, Kosan Crisplant exclusivement pour les GPL (Gaz de Pétrole Liquéfié).

Afin de réguler ce secteur d’activité dans lequel interviennent plusieurs acteurs, l’État a
créé en 1974 la CSPH.10 De manière globale, cette structure a pour mission principale de
prendre en charge totalement ou partiellement les augmentations des prix des produits pétroliers
dans la mesure de ses possibilités financières. Au plan technique, elle procède par deux
mécanismes : la péréquation et la stabilisation. Alors que la stabilisation consiste à maîtriser les
prix intérieurs grâce aux prélèvements opérés sur les consommateurs en vue de constituer des
réserves susceptibles de faire face à des variations des prix à l’importation, la péréquation, elle,
consiste à garantir aux distributeurs des marges bénéficiaires dans les zones peu rentables
(enclavées et éloignées de la raffinerie) à travers par exemple la prise en charge des coûts de
transport.11

Une commission de révision mensuelle des prix présidée par la CSPH procède au calcul
des prix sur la base des paramètres susmentionnés, puis fait des propositions rationnelles au
Gouvernement. Ensuite, les prix arrêtés au cours d’un mois sont communiqués aux marketeurs
qui à leur tour affichent sur des panneaux dans les stations-services. Ces prix indicatifs servent
de base de calcul à la rémunération des différents intervenants dans la distribution des produits
pétroliers à partir de la raffinerie jusqu’à dans les stations-services en passant par le transport

Les prix actuellement pratiqués par ces distributeurs sont :

- 630 FCFA pour le super ;


- 575 FCFA pour le gasoil ;
- 350 FCFA pour le pétrole ;
- 6500 FCFA pour la bouteille de gaz de 12.5 kg.

10
La Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures (CSPH) estt créée par le décret n° 74/458 du 10 mai 1974,
au lendemain du premier choc pétrolier. Le 31 décembre 1980, par arrêté n° 43/MINEP/SG/SAC, la structure est
élargie par la mise en place des bureaux de la comptabilité et de la documentation. En janvier 1988, le décret
n°88/150 met en place un comité de direction. Une profonde réforme intervient en 1998 avec la réorganisation de
la Caisse par le décret n° 98/165 du 26 août 1998, pour en faire une structure moderne, autonome et dont le
fonctionnement obéit aux règles classiques de gestion des établissements publics. Le décret n° 2019/032 du 24
janvier 2019 portant réorganisation de la Caisse de Stabilisation des Prix des Hydrocarbures est le dernier texte en
date qui régit cette entreprise.
11
https://www.csph.cm/index.php/fr/a-propos/historique, consulté le 18/02/2021 à 17h36.
P a g e | 392

C’est depuis le 1er juillet 2014 que les produits pétroliers ont subi une hausse
significative. En effet, le litre de super a augmenté de 14,2%, celui du gasoil de 15,4%, et le
gaz liquifié de + 8,3%. Exception notable, celui du pétrole lampant s’est maintenu à 350 F CFA.

Cette augmentation fait suite à la réduction de la subvention aux carburants versée par
l’État camerounais. Juste au premier trimestre 2014, soit avant la réforme, l’Etat avait déjà
dépensé 157 milliards de F CFA soit plus de 70% de l’enveloppe prévue à cet effet. Les pertes
cumulées selon le gouvernement s’élèvent à 1 357 milliards depuis 2008.12 Pour faire passer la
pilule auprès des conducteurs de véhicules et motos, le gouvernement réduit de moitié, l’impôt
libératoire, la taxe sur le stationnement et celle sur l’essieu.13

Pour arriver à ce prix, les produits doivent franchir plusieurs postes d’imposition, qui se
répartissent en deux composantes : non fiscales et fiscale.

Les composantes non fiscales sont :

- Le prix du produit ou prix parité import : les prix des produits, au moment où ils
sortent de la raffinerie, sont dérivés de la moyenne mensuelle des cours du Brent,
de la parité du dollar et des coûts du fret. Ils dépendent donc de la conjoncture
sur le plan international.

- Le coefficient d’ajustement : il représente 15 % du prix du produit. Il se


décompose comme suit : environ 1/3 compense les handicaps liés à
l’environnement fiscalo-douanier et à l’ouverture du marché, soit le régime
fiscalo-douanier (0,5 %), l’impôt de perception (0,9%) et l’ouverture du marché
(3,5%). Les 2/3 restants se rapportant aux handicaps liés en grande partie à la
structure de l’outil de production (capacité et complexité de la raffinerie), soient
environ 10%.

- Le cabotage Limbé-Douala : ce poste correspond à la rémunération du transport


des produits pétroliers par voie fluviale de Limbé (SONARA) à Douala.

12
O. Mbadi, « Le Cameroun met fin au gel des prix des carburants », Mensuel Jeune Afrique, mis en ligne le 02
juillet 2014 à 09h15, URL : https://www.jeuneafrique.com/8616/economie/le-cameroun-met-fin-au-gel-des-prix-
des-carburants/, consulté le 20/02/2021 à 06h03.
13
L’ordonnance N° 2014/001 du 07 juillet 2014 portant réduction de la Taxe Spéciale sur les produits pétroliers
et de certaines taxes dues par les transporteurs de personnes et de marchandises, fixe les nouveaux prix à payer.
Voir copie de ladite ordonnance en annexe de cette thèse.
P a g e | 393

- Le soutien de l’État aux consommateurs : il s’agit du différentiel entre le prix


réel des produits pétroliers et le prix appliqué à la pompe. Ce poste représente
l’effort consenti par l’État camerounais afin de soutenir la consommation des
carburants sur le triangle national. Dans la pratique, la SONARA facture son
produit aux distributeurs (marketers) à un prix minoré et se tourne vers l’État
pour récupérer la différence représentant son manque à gagner.

- Les redevances portuaires : elles représentent la rémunération de l’utilisation des


infrastructures du Port Autonome de Douala (PAD). Les produits en provenance
de la SONARA par bateau transitent par le PAD. Ces revenus couvrent donc les
frais d’amortissement, d’entretien, d’investissement et de gestion des
infrastructures portuaires.

- Le passage dépôt : cette rétribution est versée à la SCDP pour couvrir les frais
d’amortissement et d’entretien des dépôts pétroliers. Le taux retenu est fixé en
couverture des charges d’exploitation de ladite société moyennant une
majoration de 12%, autre titre de la marge industrielle communément acceptée
au Cameroun.

- Le fonds de lutte contre la fraude : ce sont des prélèvements assignés à la lutte


contre la contrebande et de commercialisation des produits illicites sur le
territoire national. Ce fonds est géré par un comité présidé par le MINEE.

- La péréquation transport : ce poste est géré par la CSPH. Il vise à supporter les
compensations des frais d’acheminement des carburants, des dépôts principaux
de la SCDP (Douala et Limbé) vers les cinq (05) autres dépôts de l’intérieur du
pays (Yaoundé, Garoua, Bafoussam, Belabo, Ngaoundéré) de façon à
harmoniser les prix à la sortie des dépôts. Ce poste varie ainsi d’un dépôt à un
autre suivant les distances séparant le dépôt de destination des deux dépôts
principaux.

La CSPH opère une répartition des charges liées au transport des produits raffinés entre
les différentes zones desservies par les marketeurs. Cette opération vise à assurer une offre de
services publics homogènes à travers le rétablissement d’un équilibre économique adéquat. Le
but est la résorption des déséquilibres sous l’angle des recettes mais également des charges.
P a g e | 394

Elle peut de ce fait être entendue comme un mécanisme de redistribution qui vise à réduire les
inégalités entre les localités. Elle se fait à deux niveaux. La péréquation inter-régionale : elle a
pour objectif d’harmoniser les prix de revient des produits pétroliers à la sortie des différents
dépôts secondaires, permettant ainsi de réduire les écarts de prix entre les zones
d’approvisionnement de la raffinerie et les collectivités territoriales éloignées. La péréquation
verticale, qui est opéré entre les produits aux fins d’assurer le maintien de l’équilibre financier
entre les centres de distribution.

- Les frais généraux : ils couvrent les charges d’exploitation des sociétés de
distribution telles qu’elles sont présentées dans les déclarations statistiques et
fiscales, déduction faite des charges découlant d’autres produits pétroliers (gaz,
lubrifiants, fioul, kérosène etc.).

- Les frais financiers : ils sont introduits dans la structure des prix des carburants
pour couvrir l’obligation de constituer en permanence des stock-outils
équivalents à 15 jours de consommation à laquelle l’État astreint les distributeurs
afin de se prémunir contre les pénuries.

- Les coulages : le caractère volatile des produits pétroliers implique des pertes,
ce poste correspond à la compensation des pertes d’exploitation subies, soit au
dépôt, soit au cours du transport desdits produits.

- Le bénéfice : il représente la rémunération des investissements mis en œuvre par


les marketeurs tels que la mise en place du réseau de stations-service et autres
installations de distribution. Il génère en plus une partie substantielle de la marge
d’autofinancement des marketeurs afin de permettre un appontement du capital
et le réinvestissement.

- L’amortissement et l’entretien : ce poste représente les montants alloués à


l’amortissement de la construction et à l’entretien des stations-service.

- La livraison ville : il s’agit ici des frais de transport engagés pour assurer
l’acheminement des produits, des dépôts vers les différents points de vente, sur
un rayon de 25 km autour dudit dépôt. Les différentes localités sont desservies
avec des prix variant en fonction des distances.
P a g e | 395

- La marge revendeur : ce poste correspond à la rémunération des gérants de


stations-service.

Les composantes fiscales sont au nombre de trois, à savoir les droits de douane, les
postes de Tva et la taxe spéciale sur les produits pétroliers.

- Les droits de douane : ce poste représente 10% de la valeur du poste prix du


produit. Il est reversé à la direction générale des douanes camerounaises,
conformément à la législation en vigueur.

- Les postes de TVA : il s’agit de la TVA sur produit, la TVA sur les prestations
de services, la TVA sur distribution

- La taxe spéciale sur les produits pétroliers (TSPP) : elle sert principalement au
financement de l’entretien routier au titre de la RUR (redevance d’usage routier)
en vertu du principe selon lequel il vient aux utilisateurs dudit réseau de
contribuer à son entretien.

Ce sont ces composantes qui conduisent au prix final que nous connaissons. Ainsi, nous
présentons quatre (4) tableaux qui illustrent les déterminants des prix des produits pétroliers au
Cameroun. D’abord la chaîne de transport des produits pétroliers de la SONARA aux stations-
services ; ensuite le tableau représentant la valeur des différents postes d’imposition sur les
produits pétroliers au dépôt de Douala durant le mois de janvier 2021. Lorsque ce pétrole quitte
les dépôts, il est acheminé vers les autres villes, ainsi s’ajoute le coût du transport qui dépend
de la distance séparant la ville de dépôt à la ville de livraison finale, tel que nous le montre le
troisième tableau. Dès lors, il nous semble intéressant d’observer la différence des prix des
produits pétroliers à la pompe, d’une localité à une autre dans la même région.
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Schéma n° 3 : La chaîne de transport des produits pétroliers de la SONARA aux stations-


services
P a g e | 397

Tableau n° 27 : Le prix des différents postes d’imposition sur les produits pétroliers au dépôt
de Douala durant le mois de janvier 2021

Source : CSPH, Structure des prix concernant le pétrole livré dans le réseau traditionnel de distribution, du 1 er
au 31 janvier 2021, p. 2. En ligne, URL :
https://www.csph.cm/images/publications/structure_des_prix/2021/JANVIER_2021.pdf, consulté le 18/01/2021
à 04h28.
P a g e | 398

Tableau n° 28 : Coût indicatif de transport des produits pétroliers par localité (dépôt de
Douala), janvier 2021.

Source : CSPH , Structure des prix concernant le pétrole livré dans le réseau traditionnel de distribution, du 1er
au 31 janvier 2021, p. 3. En ligne, URL :
https://www.csph.cm/images/publications/structure_des_prix/2021/JANVIER_2021.pdf, consulté le 18/01/2021
à 04h44.

Tableau n° 29 : Prix des carburants applicables dans les localités desservies par le dépôt de
Douala (janvier 2021)

Source : CSPH , Structure des prix concernant le pétrole livré dans le réseau traditionnel de distribution, du 1er
au 31 janvier 2021, p. 4. En ligne, URL :
https://www.csph.cm/images/publications/structure_des_prix/2021/JANVIER_2021.pdf, consulté le 18/01/2021
à 04h58.
P a g e | 399

Les prix du carburant ont un impact considérable sur les prix des transports. En effet, le
Cameroun subit les fluctuations des prix à l’international. Par exemple le 21 avril 2020 à 14
heures, le baril de pétrole coûtait 15,5 dollars US soit 9 356,834 FCFA. La veille pourtant, ce
prix était à 7,02 dollars US (4237,22 FCFA), son plus bas niveau depuis 1986. Pour les pays
producteurs de pétrole, cette chute représente un manque à gagner pour les recettes budgétaires.
Au Cameroun, par exemple, le budget 2020 a été élaboré sur la base d’un cours du baril à 54,4
dollars (30 197,44 FCFA). Par contre, pour les pays importateurs, la situation est plutôt un
avantage, puisqu’elle entraîne des économies pour l’approvisionnement. Le problème est que
le Cameroun se trouve dans les deux cas de figure, à la fois producteur et importateur.

Il faut même préciser que, depuis l’incendie de la SONARA, intervenu le 31 mai 2019,
le Cameroun est importateur net de produits pétroliers. Avec la chute des cours du pétrole sur
le marché international, en principe, les prix des produits pétroliers devraient en être impactés.
En effet, officiellement, le secteur pétrolier aval a été libéralisé au Cameroun depuis le début
des années 2000. Les distributeurs pourraient donc en réalité appliquer les prix qu’ils veulent.
Bien plus, plutôt que de répercuter la chute du cours du baril sur les prix appliqués aux
consommateurs dans les stations-services, le gouvernement a préféré sécuriser les marges des
opérateurs de la filière.

Dans une correspondance du 25 mars 2020, du Secrétaire général de la Présidence de la


République, Ferdinand Ngoh Ngoh, au Secrétaire général des services du Premier ministre,
relative à l’approvisionnement du marché intérieur en produits pétroliers au cours de l’année
2020, il apparaît que le Président de la République a approuvé les propositions du Premier
ministre, notamment :

La mise en vigueur dès ce mois de mars 2020 de la nouvelle grille des produits pétroliers, qui : accorde
une marge minimale de 47,88 FCFA/litre, sans incidence sur le niveau actuel des prix à la pompe ; accorde
aux importateurs, y compris la SONARA, une marge fixe de 16 FCFA/ litre, destinée à couvrir leur
rémunération ; revalorise les droits de passage au profit de la SDCP à hauteur de 2 FCFA/litre, l’ouverture
par le gouvernement, des négociations avec Afreximbank, au titre de la mobilisation de la tranche de 300
millions d’euros, destinées à l’importation des produits pétroliers par la Sonara. 14

L’espoir de voir les prix des hydrocarbures baisser à la pompe s’évanouit donc. On peut
dès lors comprendre les menaces de grèves à répétition des camionneurs, qui, en plus des
charges liées au carburant, doivent affronter les multiples postes de contrôle des FMO. Le

14
https://ecomatin.net/voici-pourquoi-les-prix-du-carburant-ne-baissent-pas-a-la-pompe/, consulté le 21/02/2021
à 04h51.
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tableau suivant présente la répartition en pourcentage de ces charges sur les différents corridors
d’Afrique.

Tableau n° 30 : Décomposition des coûts variables par sous-région (en pourcentage de


l’ensemble des coûts variables)
Point de
Corridor départ/ Carburant Pneus Entretien Pots-de-vin
destination
Tema/Accra-
74 16 4 6
Afrique de Ouagadougou
l’Ouest Tema/Accra-
80 9 5 6
Bamako
Douala-
60 17 10 13
Ndjamena
Douala-
Afrique 60 19 9 12
Bangui
centrale
Ngaoundéré-
53 11 14 22
Ndjamena
Ngaoundéré-
38 12 23 27
Moundou
Mombasa-
79 13 6 2
Afrique de Kampala
l’Est Kampala-
67 31 1 1
Kigali
Lusaka-
51 48 1 0
Afrique Johannesbourg
australe Lusaka-Dar-
60 38 1 1
es-Salaam

Source : S. Teravaninthorn et G. Raballand, Le prix et le coût du transport en Afrique…, 2009, p. 74.

Dans les corridors étudiés, le coût du carburant est le principal coût variable. Trois autres
coûts variables : pneus, entretien et pots-de-vin sont tout aussi importants, même si leur part
varie suivant les corridors. On peut constater qu’en Afrique centrale, le carburant et les
lubrifiants représentent 38 à 60 % du total des coûts variables, et les pots-de-vin, 27 %, un
pourcentage parfois égal ou supérieur à celui des pneus.

II. Les charges fixes

Les politiques publiques touchent directement les charges fixes que sont les assurances,
notamment celles liées au véhicule et celles liées à la marchandise transportées dans le cas des
camions ; mais aussi les impôts et les taxes. D’autres charges interviennent, mais non
P a g e | 401

directement liées aux politiques publiques. Il s’agit du financement de l’amortissement sur


l’achat du véhicule et la part fixe de salaire du chauffeur.

1. Les assurances des véhicules au Cameroun

Dans le cadre de l’analyse des politiques publiques des transports, deux aspects nous
intéressent en ce qui concerne les assurances : d’une part, nous estimons utile de faire un bref
retour sur l’histoire des assurances au Cameroun. En effet, comment comprendre la situation
actuelle si l’on ne maîtrise pas le passé ? Cet aperçu nous permet de situer les prémisses
juridiques des assurances, afin de comprendre d’autre part, la législation actuelle des
assurances. Notre objectif n’est pas d’énoncer les prix des assurances, ce d’autant plus qu’ils
diffèrent d’un assureur à l’autre, mais de comprendre comment les politiques publiques
influencent, par les lois et conventions internationales, la détermination de ceux-ci.

a. Aperçu historique des assurances au Cameroun

Selon le courtier en assurance Narcisse Tankam :

L’assurance fait son apparition dans la plupart des pays de la zone franc durant la période coloniale. Les
premières opérations sont présentées par les comptoirs de certaines maisons de commerce, pour
prémunir les propriétaires de biens contre d’éventuelles avaries. Par la suite et à la faveur des
transactions commerciales qui se développaient, la métropole qui était soucieuse de sauvegarder ses
investissements, a incité les compagnies de son marché à s’implanter sur les territoires coloniaux où
celles-ci exerceront sous forme de succursales ou de simples agences15.

C’est aussi cette analyse qui ressort des travaux de Boris Degloire Souop Kamga16.
Dès l’amorce des indépendances dans les pays sous domination française au début des années
1960, la Direction des Assurances de France organise dès 1959 plusieurs assises visant à
imprégner les représentants des colonies en matière d’assurance. En effet, à la fin de la
colonisation, l’influence française demeure forte en Afrique subsaharienne. À l’exception de la
Guinée, du Mali et du Togo, la plupart des pays estiment judicieux d’instaurer une surveillance
du marché et harmoniser celui-ci à l’exemple de la France pour créer un marché de l’assurance
plus vaste.17 Ainsi, le 27 juillet 1962, ces États signent une convention avec la France et

15
N. Tankam, « Histoire des assurances au Cameroun », en ligne, URL : http://assureblog.com/histoire-des-
assurances-au-cameroun/, consulté le 13/01/2021 à 05h12.
16
B. D. Souop Kamga, « Le marché des assurances au Cameroun (Étude de marché) », Mémoire de Master
professionnel en Relation Internationale option Marketing International, Université de Yaoundé II, Institut des
Relations Internationales du Cameroun (IRIC), 2007. En ligne, URL :
https://www.memoireonline.com/07/08/1227/le-marche-des-assurances-au-cameroun-etude-de-marche.html,
consulté le 13/01/2021 à 04h22.
17
Swiss Re Corporate History, Histoire de l’assurance en France, Swiss Re Corporate Real Estate & Logistics/
P a g e | 402

Madagascar pour fonder la Conférence internationale des contrôles d’assurances (CICA). Les
États signataires de cette convention sont : le Bénin, le Burkina, le Cameroun, la Centrafrique,
le Congo, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo,
Madagascar et la France18.

C’est au cours de ces assises que les premiers textes réglementant cette activité en
Afrique francophone sont élaborés. Il faut préciser qu’avant cette date, les assurances en
Afrique française en général et au Cameroun en particulier, étaient régies par la loi française du
13 juillet 1930 relative au contrat d’assurance19. Le 27 Novembre 1973, la France et
Madagascar se retire de la CICA. Son siège qui se trouvait initialement à Paris, est transféré à
Libreville au Gabon en 1976.

Au Cameroun, l’autonomie ainsi prise par les pays africains membres est à l’origine, en
1973, de la deuxième ordonnance prise en matière d’assurance par les législateurs nationaux,
après celle de mars 1962 qui jette les premières bases du droit camerounais des assurances.
L’ordonnance de 1973 contribue à accroitre les compétences des autorités publiques quant à la
surveillance du marché, étant entendu qu’elle stipule que toutes les sociétés d’assurances y
exerçant doivent désormais être de droit camerounais. Dans ce contexte de « camerounisation »
du secteur, les agences représentant les compagnies étrangères se conforment aux nouvelles
exigences réglementaires, pour être autorisées à exercer. Ces officines se regroupent pour
former des sociétés répondant aux nouvelles normes relatives à la taille financière minimale.
Par ailleurs, l’État marque sa présence au sein de ces sociétés par des prises de parts dans leur
capital. C’est ainsi qu’après la compagnie Assurances Mutuelles Agricoles du Cameroun
(AMACAM), d’autres sociétés d’assurances de droit camerounais voient le jour notamment :
la Société Camerounaise d’Assurances et de Réassurances (SOCAR), la Compagnie
Camerounaise d’Assurances et de Réassurances (CCAR), la Société Nouvelle d’Assurances du
Cameroun (SNAC) et la Guardian Royal Exchange Cameroun (GREACAM)20.

Cependant, la crise économique des années 80 a considérablement ralenti cet essor des
activités dans le domaine des assurances. Pour y remédier, les autorités ont commis un groupe

Media Production, Zurich, 2013/2017, p. 47.


18
Lire l’Historique de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA), en ligne, URL :
https://cima-afrique.org/historique-2/, consulté le 13/01/2021 à 05h53.
19
Cette loi est disponible en ligne dans le site de la Bibliothèque Nationale de France, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65337722/f5.item.texteImage#, consulté le 11/01/2021 à 2h26.
20
N. Tankam, « Histoire des assurances au Cameroun », op. cit.
P a g e | 403

d’experts qui s’est réuni dès 1989 pour proposer des solutions visant à restructurer le secteur.
Le 10 juillet 1992 à Yaoundé, est signé le traité instituant la Conférence Interafricaine des
Marchés d’Assurances en abrégé CIMA. Ce nouveau cadre législatif qui régit le
fonctionnement du secteur dans les États signataires du traité, va au-delà d’une simple
harmonisation de la réglementation puisqu’il instaure une organisation intégrée de l’industrie
des assurances entre les pays membres21. Au Cameroun, le Traité CIMA est rentré en
application en février 199522.

b. L’assurance des véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et


semi-remorques

Au Cameroun, c’est la Loi n° 65/LF/9 du 22 mai 1965 portant assurance automobile


obligatoire23 qui institue pour la première fois l’obligation pour toute automobile de souscrire
à une assurance. Cette loi a été modifiée par la loi n° 74/15 du 5 décembre 1974. Cette obligation
d’assurance s’applique même si le véhicule ne circule pas, par exemple, lorsqu’il est remisé
dans un garage.

Depuis 1995, le Cameroun est soumis au Code des Assurances de la CIMA. Ainsi, c’est
en son Livre II, portant sur « Les assurances obligatoires », que ledit Code présente en Titre I,
« L’assurance des véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et semi-remorques ».24
Le Chapitre 1 de ce Livre II précise les personnes assujetties à ce type d’assurance. Il s’agit de :

Toute personne physique ou toute personne morale autre que l’État, au sens du droit interne, dont la
responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux
personnes ou aux biens et causés par un véhicule terrestre à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-
remorques, doit, pour faire circuler lesdits véhicules, être couverte par une assurance garantissant cette
responsabilité, dans les conditions fixées par le présent Code 25.

Le Code précise que les contrats d’assurance couvrent aussi la responsabilité civile de
toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, à l’exception

21
Historique de la Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances (CIMA), op. cit.
22
E. M. Goghoue Tchomte, « Le retrait d’agrément aux compagnies d’assurance dans la zone CIMA », Mémoire
de Master Université de Dschang, master II, 2010
23
Cette Loi est disponible en ligne, URL : https://www.camerlex.com/lassurance-automobile-2268/, consulté le
13/01/2021 à 18h34.
24
Le Code des Assurances de la CIMA est contenu en Annexe au Traité instituant la Conférence Interafricaine
des Marchés d’Assurances (CIMA) du 10 juillet 1992. Ce Code a été modifié notamment par :
- le règlement n°002/CIMA/PCMA/PCE/2018 du 12 avril 2018
- le règlement n°003/CIMA/PCMA/PCE/2018 du 12 avril 2018
- le règlement n°006/CIMA/PCMA/PCE/2018 du 12 avril 2018
Le Code des Assurances de la CIMA est disponible en ligne. URL : http://www.droit-afrique.com/uploads/CIMA-
Code-assurances.pdf, consulté le 13/01/2021 à 17h53.
25
Code des Assurances de la CIMA, Livre II, Titre I, Chapitre I, Article 200.
P a g e | 404

des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l’automobile, ainsi que la


responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l’assurance. Si ce premier type
d’assurance ne couvre pas les professionnels de la réparation, c’est parce qu’ils sont assujettis
à une autre assurance obligatoire.

En effet,

Les professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l’automobile sont tenus de s’assurer pour
leur propre responsabilité, celle des personnes travaillant dans leur exploitation, et celle des personnes
ayant la garde ou la conduite du véhicule, ainsi que celle des passagers. Cette obligation s’applique à la
responsabilité civile que les personnes mentionnées au précédent alinéa peuvent encourir du fait des
dommages causés aux tiers par les véhicules qui sont confiés au souscripteur du contrat en raison de ses
fonctions et ceux qui sont utilisés dans le cadre de l’activité professionnelle du souscripteur du contrat26.

Précision est aussi faite des prix des assurances. Dans son Article 212, le Code défini le
« Tarif minimal » des assurances. Ainsi, « les entreprises d’assurance déterminent librement
leurs tarifs en responsabilité civile automobile. Ceux-ci doivent être au moins égaux au tarif
minimal approuvé par la Commission de Contrôle pour chaque État membre. » Quelques
critères sont adossés à la détermination de ce tarif minimal : la zone géographique de
circulation, les caractéristiques et usage du véhicule, le statut socio-professionnel et
caractéristiques du conducteur habituel.

Au Cameroun, les différents types de garanties pouvant être inclus dans l’assurance
automobile, au-delà de la garantie « d’assurance au tiers » obligatoire27, le contrat peut garantir :

- Les dommages corporels du conducteur,


- Les dommages collision,
- Les dommages tous accidents,
- Le vol et l’incendie du véhicule,
- Les bris de glace,
- Les objets transportés, effets personnels, aménagements.

26
Code des Assurances de la CIMA, Livre II, Titre I, Chapitre I, Article 201.
27
La formule dite du « tiers simple » couvre les dommages subis par les tiers et vos passagers en cas d’un sinistre
dont vous êtes responsable. Elle ne prend pas en charge les dommages que vous pourriez subir lors d’un sinistre
responsable. C’est la garantie minimale et correspond souvent à la formule la moins chère, elle comprend :
- La responsabilité civile : si vous causez du tort à une personne, votre assurance prend en charge la réparation
de ce tort qu’il soit matériel ou corporel. Par exemple : Vous emboutissez une voiture de luxe qui a freiné
brusquement, l'assureur répare les dégâts quel que soit le montant.
- La défense et le recours anticipé permet à l’assuré quand il est victime d’un sinistre d’être indemnisé
rapidement sans attendre la procédure entre les assureurs. Cela s’applique lorsqu’un tiers est responsable de
l’accident.
P a g e | 405

L’assureur peut également proposer certaines garanties de services telles que


l’assurance de protection juridique ou la garantie d’assistance. Le contrat peut garantir des
dommages au véhicule : garanties tempête, catastrophes naturelles, attentats et risques de
terrorisme etc.

En définitive, le montant de la prime d’assurance28 pour une automobile dépend de :

- L’étendue des garanties proposées

- Des caractéristiques du véhicule assuré (catégorie, prix, poids, puissance…)

- L’usage du véhicule (à des fins professionnelles ou uniquement personnelles)

- La zone de circulation du véhicule.

Il est donc difficile de déterminer le prix final d’une assurance pour un véhicule29.

2. Les autres charges fixes influencées par les politiques publiques

Plusieurs autres pièces sont exigibles à la fois au conducteur d’un véhicule, au véhicule
lui-même et le cas échéant, à la marchandise transportée. En annexe de cette thèse, nous
présentons le tableau de ces pièces exigibles. Les documents nécessaires à l’exploitation d’un
véhicule de transport sont indiqués dans le tableau suivant 30:

Tableau n° 31 : Les documents de bord obligatoires pour un véhicule de transport et son


conducteur

Type de vehicules Pièces exigibles


– Carte de transport public (carte bleue) ;
– Certificat de visite technique en cours de
Véhicules taxis (05 places
validité ;
assises maximum)
– Plaque CEMAC ;
– Carte de stationnement de la Mairie du lieu de

28
Dans le domaine des assurances et mutuelles souscrites à titre individuel, la prime est la somme que l’assuré
doit verser pour que l’assureur soit engagé par les garanties souscrites au contrat. Autrement dit, il s’agit du tarif
du contrat d’assurance, élément très difficile à comparer tant les garanties pour un même risque sont différentes
d’une compagnie à l’autre.
29
Certains assureurs donnent tout de même la possibilité de simuler le devis de son assurance en ligne. Il s’agit
notamment d’Activa. URL : https://www.activa-cameroun.com/index.php/fr/simulateur-devis/devis-assurance-
auto, consulté le 13/01/2021 à 19h51.
30
Pour les différents impôts exigés dans le cadre des transports en général au Cameroun, lire le Code général des
impôts, dont la version 2020 est en ligne. URL :
https://www.impots.cm/sites/default/files/documents/CGI%202020%20-%20dv.pdf, consulté le 14/01/2021 à
22h36.
P a g e | 406

rattachement ;
– Vignette automobile ;
– Police d’assurance ;
– Carte grise ;
– Impôt libératoire ;
– Fiche des tarifs officiels ;
– Couleur jaune ;
– Permis de conduire de la catégorie « B » ;
– Certificat de capacité, modèle « T » ;
– Carte Nationale d’Identité ;
– Badge d’identification.
– Plaque CEMAC ;
– Carte de stationnement de la Mairie du lieu de
rattachement ;
– Vignette automobile ;
Mototaxis (02 places assises
– Police d’assurance ;
maximum)
– Carte grise ;
– Impôt libératoire ;
– Permis de conduire de la catégorie « A » ;
– Carte Nationale d’Identité.
– Certificat de visite technique en cours de
validité ;
– Plaque CEMAC ;
– Vignette automobile VT ;
– Police d’assurance ;
Véhicules (10 places assises – Carte grise ;
maximum) – Impôt libératoire ;
– Permis de conduire de la catégorie « B » ;
– Carte Nationale d’Identité ;
– Couleur : vert, blanc et bande jaune.NB : Sous
réserve du parachèvement du dispositif juridique
régissant ce type de transport.
– Carte de transport public (carte bleue) ;
– Certificat de visite technique en cours de
validité ;
– Plaque CEMAC ;
– Carte de stationnement de la Mairie du lieu de
rattachement ;
Véhicules (plus de 10 places : – Vignette automobile ;
cars et autocars) – Police d’assurance ;
– Carte grise ;
– Patente ;
– Licence Spéciale S4 ;
– Permis de conduire de la catégorie « D » ;
– Carte Nationale d’Identité ;
– Couleur : vert, blanc et bande jaune.
P a g e | 407

– Carte de transport public (carte bleue) ;


– Certificat de visite technique en cours de
validité ;
– Plaque CEMAC ;
– Carte de stationnement de la Mairie du lieu de
rattachement ;
– Vignette automobile ;
– Police d’assurance ;
Véhicules (plus de 10 places :
– Carte grise ;
bus, cars et autocars)
– Patente ;
– Fiche des tarifs officiels ;
– Licence ordinaire de transport public de 2e
catégorie ;
– Autorisation d’ouverture provisoire/définitive de
la Compagnie ;
– Permis de conduire de la catégorie « D » ;
– Carte Nationale d’Identité.
– Carte de transport public (carte bleue) ;
– Certificat de visite technique en cours de
validité ;
– Plaque CEMAC ;
– Carte de stationnement de la Mairie du lieu de
rattachement ;
– Vignette automobile ;
– Police d’assurance ;
Véhicules (camions citerne,
– Carte grise ;
grumiers, fourgonnette,
– Patente ;
camionnette etc.)
– Taxes à l’essieu pour les véhicules attelés ;
– Licence ordinaire de transport public de 3e
catégorie ;
– Agrément pour le transport routier des
marchandises (diverses/dangereuses) ;
– Permis de conduire des catégories « C » et
«E »;
– Carte Nationale d’Identité.
– Certificat de visite technique en cours de
validité ;
– Plaque CEMAC ;
– Vignette automobile ;
Véhicules de tourisme
– Police d’assurance ;
– Carte grise ;
– Permis de conduire de la catégorie « B » ;
– Carte Nationale d’Identité.

Source : https://mintransports.net/en/pieces-exigibles-lors-des-controles-routiers-dans-le-cadre-de-la-lutte-
contre-le-transport-routier-clandestin/, consulté le 14/01/2021 à 03h52.
P a g e | 408

B. L’impact de la qualité des routes sur les coûts et les prix des transports

Comme nous l’avons souligné en introduction de ce chapitre, la vie de nos sociétés


dépend largement des réseaux routiers. Leur prospérité et leur développement économique sont
directement liés à la mobilité et à l’accessibilité des populations et, donc, fortement tributaires
de l’existence de réseaux routiers de qualité. Au Cameroun, la route représente actuellement le
mode de transport dominant. Du fait du nombre important d’usagers enregistré, on attend des
réseaux routiers qu’ils fournissent un moyen de transport sûr, pratique et efficace, ainsi qu’un
bon accès aux populations. Pour cette raison, les administrateurs du secteur concentrent leur
attention sur le maintien de la qualité et des performances des réseaux de leur ressort au niveau
qui convient. Depuis la survenue de la crise économique au Cameroun, le défi, pour les
opérateurs, est de s’efforcer à élaborer et à appliquer des politiques d’entretien et d’exploitation
optimales pour pallier les contraintes budgétaires. En effet, alors que les besoins des usagers
augmentent et que les infrastructures routières se dégradent, les ressources disponibles se
contractent. Tel est le dilemme auquel font couramment face les autorités routières, qui
éprouvent souvent de la difficulté à maintenir un bon réseau routier. Ce dernier est souvent mis
à l’index lorsque l’on aborde la question du coût des transports. Ce sous-chapitre aborde donc
les deux aspects du problème : la qualité des routes et la problématique du lien entre cet état
des routes et le coût d’exploitation des véhicules (CEV).

I. La qualité des routes au Cameroun

Dans le cadre de la mise en œuvre du Pilier II (Sécurité des routes et mobilité) du Plan
d’action africain de la décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020, le Cameroun a
entrepris le bitumage progressif des routes. Selon le Ministère des travaux publics, le réseau
routier national en 2015 compte environ 121 424 kilomètres de routes, dont 21 973 kilomètres
de routes sur le réseau principal et près de 100 241 kilomètres de routes dans le réseau rural. Le
réseau principal compte 6 110 kilomètres de routes bitumées en 2017 (contre 4 061 kilomètres
en 2013) et 15 863 kilomètres de routes en terre. Les infrastructures routières existantes
desservent actuellement les dix régions et nombre de localités du Cameroun.

Malgré ces efforts d’amélioration des infrastructures routières pour la réduction des
accidents de la route, le diagnostic des routes camerounaises par rapport à la mise en œuvre du
Plan mondial et du Plan d’action africain de la Décennie d’action pour la sécurité routière 2011-
P a g e | 409

2020 n’est pas reluisant. En effet, le réseau routier du pays souffre, parmi d’autres problèmes,
d’un déficit de signalisation et de traçage, de fissures, de nids de poule, d’une mauvaise
évacuation des eaux de pluies, d’absence de trottoirs et de pistes cyclables, et de désordre en ce
qui concerne le stationnement. De grandes insuffisances sont constatées s’agissant de l’état du
réseau. Citant une étude réalisée par le MINTP au premier semestre 2016, la CEA-ONU fait
état de grandes insuffisances constatées s’agissant l’état des routes : le réseau des routes
nationales n’est en bon état que sur 26 % de son linéaire. Les routes départementales sont les
plus dégradées, avec seulement 4,7 % du réseau en bon état. Quant aux routes régionales
(provinciales en 2016), leur état est équilibré avec 50,8 % du réseau en mauvais état et 49,2 %
du linéaire jugé acceptable, dont 10,2 % en bon état et 39 % dans un état moyen.31 Plusieurs
facteurs expliquent le mauvais état des routes au Cameroun : l’absence de cadre institutionnel,
la surcharge, la corruption, une gestion irrationnelle et approximative du réseau, un défaut
d’entretien, et la présence d’obstacles et de véhicules en panne sur les routes.32

Plusieurs facteurs expliquent le mauvais état des routes au Cameroun : l’absence de


cadre institutionnel, la surcharge, la corruption, une gestion irrationnelle et approximative du
réseau, un défaut d’entretien, et la présence d’obstacles et de véhicules en panne sur les routes
etc. Les normes techniques et le cadre réglementaire de réalisation des projets d’infrastructures
routières en vue de l’amélioration de la performance et de la gouvernance technique dans les
différentes phases d’élaboration des études technique et d’exécution des travaux routiers sont
fixés par le décret No 2014/3863/PM du 21 novembre 2014 portant organisation de la maîtrise
d’œuvre technique dans la réalisation des projets d’infrastructures. Cependant, il faut constater
que ces normes ne sont pas appliquées, chaque intervenant appliquant les normes relevant de
sa compétence, d’où des différences entre celles-ci.

Pour résoudre le problème de la vétusté des transports routiers, le Gouvernement a


institué en 2016 la Gestion de l’Entretien des routes basée sur les niveaux de services (GENIS),
afin de maîtriser l’entretien des routes et prolonger leur durée de vie. Ces « contrats à niveau
de service »33 sont prévus pour des travaux réalisés sur les grands axes bitumés et les voiries
structurantes.

31
Ibid.
32
Ibid.
33
Le service-level agreement (SLA) ou « entente de niveau de service » est un document qui définit la qualité de
service, prestation prescrite entre un fournisseur de service et un client. Autrement dit, il s'agit de clauses basées
sur un contrat définissant les objectifs précis attendus et le niveau de service que souhaite obtenir un client de la
P a g e | 410

Photo n° 29 : Route nationale N° 1 à Ngaoundéré (Corridor Douala-Ndjamena), principale jonction


routière entre le Port de Douala et Ndjamena au Tchad.

Prise de vue : Bone Mbang Sodéa Jean-Louis, 18/08/2019.

La GENIS est une approche d’entretien routier qui tend à amplifier le rôle des
entreprises chargées de réaliser les travaux, le faisant passer de la simple exécution desdits
travaux à la gestion et à la préservation des investissements routiers.34 Ce qui suppose, de la
part du Maître d’Ouvrage (Ministère des Travaux publics) davantage de précision dans la nature
des prestations attendues et les indicateurs de résultats des contrats GENIS, les marchés des
travaux routiers entrant dans la logique d’une Gestion Axée sur les Résultats.

Il s’agit, pour les entreprises contractualisées d’œuvrer, dans le cadre de leur prestation,
au maintien d’un axe routier donné, dans un état de viabilité, de confort et de sécurité

part du prestataire et fixe les responsabilités. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Service-level_agreement,


consulté le 23/09/2021 à 14h07.
34
MINTP, « Note d’orientation stratégique sur la gestion par niveau de service dans l’entretien routier au
Cameroun », 2016, en ligne URL : http://www.mintp.cm/fr/news/967/24/NOTE-D-ORIENTATION-
STRATEGIQUE-SUR-LA-GESTION-PAR-NIVEAU-DE-SERVICE-DANS-L-ENTRETIEN-ROUTIER-AU-
CAMEROUN, consulté le 27/01/2020 à 21h26.
P a g e | 411

compatible, avec les obligations du cahier de charges ; il ne s’agira plus de payer des prestations
par prix unitaire.35

Ainsi, les travaux types à exécuter sont groupés en services physiques et services non
physiques :

 Les travaux initiaux de mise à niveau de l’axe routier ;


 Les travaux d’entretien ou d’amélioration ;
 Les travaux d’urgence éventuels, pour réparer les dégâts directement causés à la route par
des phénomènes imprévisibles ou accidentels.

Les critères d’appréciation des niveaux de services sont essentiellement fondés sur les
paramètres appréciables que sont :

 L’exploitation des rapports sur les niveaux de services ;


 La viabilité qui est l’accessibilité, en toutes saisons, pour les véhicules de référence ;
 La vitesse moyenne de circulation ;
 La sécurité et le confort de l’usager, qui tiennent compte du bon état de la couche de
roulement, de la signalisation, de l’amplitude des ondulations ;
 La durabilité de la route.

Parmi les exploitants des véhicules, les routes en mauvais état entraînent des coûts
variables élevés car elles diminuent le rendement énergétique ; dégradent les véhicules, et
génèrent des coûts d’entretien et d’exploitation plus importants ; réduisent la durée de vie des
pneus ; diminuent la capacité d’utilisation des véhicules qui circulent à une vitesse plus basse,
et réduisent la durée de vie des véhicules. Mais peut-on, dans le contexte camerounais, imputer
les coûts élevés d’entretien des véhicules uniquement à la mauvaise qualité des routes ?

II. Le lien entre la qualité de la route et le coût d’exploitation des véhicules

L’état de la route affecte généralement quatre coûts variables : la durée de vie des
camions et des pneus, les dépenses liées à l’entretien et la consommation de carburant. Il existe
des stratégies que peuvent appliquer les camionneurs pour atténuer l’impact de l’état de la route
sur les coûts d’exploitation :

35
Ibid.
P a g e | 412

• Durée de vie des camions. Des routes en mauvais état risquent de réduire la durée de
vie des camions qui se dégradent plus rapidement. Même si tel est le cas, il est difficile de
déterminer la part de responsabilité des facteurs tels que : état sous-optimal de la route, stratégie
d’entretien inadaptée, pièces détachées et travaux de réparation de mauvaise qualité, surcharge,
etc.

• Durée de vie des pneus. Souvent, la principale cause de réduction de la durée de vie
des pneus est en rapport avec leur qualité pour réduire le prix d’achat.

• Coût d’entretien du véhicule. Les dépenses d’entretien induites par le mauvais état
de la route n’ont pas un impact significatif sur le coût d’exploitation total du véhicule. Il semble
que les dépenses liées à l’entretien soient limitées par la stratégie employée par les propriétaires
pour les vieilles voitures. Plus le véhicule est vieux, moins le propriétaire est enclin à
l’entretenir. Parfois, l’entretien préventif est retardé ou omis totalement. En outre, les vieux
véhicules sont synonymes de technologie simple, ce qui permet aux conducteurs et propriétaires
créatifs de bricoler leurs moteurs et d’improviser des réparations ou fabriquer des pièces
détachées pour limiter les dépenses d’entretien.

• Consommation de carburant. Tout comme les dépenses d’entretien, la consommation


de carburant est plus élevée sur des routes en mauvaise état. Cela dit, le recours à des camions
d’âge avancé pourrait être un facteur plus déterminant que l’état de la route. Comme pour les
pneus et l’entretien, les camionneurs doivent faire appel à leur connaissance de l’état réel de la
route pour élaborer une stratégie optimale concernant l’âge et les caractéristiques des camions.

Conclusion

L’infrastructure au Cameroun s’améliore, mais elle le fait à partir d’une base faible. Les
routes de mauvaise qualité et la faiblesse des infrastructures de transport sont depuis longtemps
un problème pour le commerce camerounais et sont considérées comme les principales raisons
de son faible niveau de compétitivité. La route est un moyen de communication destiné à
l’usage de l’ensemble des populations, urbaines et rurales, qui en sont les bénéficiaires finaux.
Les bénéficiaires intermédiaires sont les opérateurs économiques (industriels, agriculteurs et
commerçants), les transporteurs de personnes et les transporteurs de marchandises.
L’accroissement du linéaire de routes désenclave le territoire et génère des activités susceptibles
P a g e | 413

de réduire la pauvreté des populations défavorisées, qui sont établies à 70% en milieu rural et
contribuent à plus de 86% au taux de pauvreté nationale.

Les voies de communication contribuent à l’insertion des populations dans le circuit


économique et à leur accès aux services sociaux de base tels que l’éducation, l’eau potable,
l’électricité, les soins de santé, les centres commerciaux etc. Les activités routières favorisent
la création d’emplois directs dans les villes et les villages, ayant comme conséquence la lutte
contre l’exode rural. Pour ce qui est des travaux routiers :

- les travaux à haute intensité d’équipement (HIEQ), comportant les travaux d’entretien
mécanisé, les travaux de réhabilitation, d’aménagement ou de création de routes, génèrent la
distribution d’une masse salariale de l’ordre de 20% de leur chiffre d’affaires, et une
estimation donne 18 000 emplois/an créés en 2004.
- les travaux routiers génèrent également des revenus pour les sociétés de location d’engins
de génie civil, même s’il convient de mentionner que l’offre en matériels est très limitée avec
un acteur public (MATGENIE), qui bien qu’en pleine restructuration, connait encore des
difficultés. Pour ce qui est des acteurs privés, la qualité de service est d’autant affectée que
les matériels sont vieux et en très mauvais état.
- les travaux à haute intensité de main d’œuvre (HIMO), portant sur les activités de cantonnage
sur les routes bitumées et certains travaux d’entretien des routes rurales, génèrent la
distribution d’une masse salariale comprise entre 40% et 60% de leur chiffre d’affaires, et
une estimation donne 3 000 emplois/an créés en 2004.
- la contribution des travaux d’entretien routier à l’augmentation ponctuelle des revenus des
populations en milieu rural est importante. En effet, les revenus des actifs dans ces zones
sont estimés en moyenne à 143 000 FCFA par an et personne (sur la base du calcul des
revenus moyens par ménage). Or, pour les travaux routiers, un manœuvre gagne
annuellement en moyenne 576 000 FCFA, ce qui représente un apport ponctuel
supplémentaire très sensiblement supérieur au revenu annuel des actifs ruraux.36

Pour ce qui est des services de transport routier (transport de personnes et de


marchandises) :

36
MINEPAT, Stratégie de développement des infrastructures du Cameroun. État des lieux et diagnostic, LC
/LC/PR/MINMAP/DGMAS-DMSPI/2012, novembre 2014, p. 26.
P a g e | 414

- chaque véhicule opérationnel crée plus de deux emplois, ce qui représente environ 45 000
emplois directs annuels en ne considérant que la flotte des camions et autobus au Cameroun
(flotte évaluée à 22 400 véhicules pour l’année 2000).37

Par ailleurs, l’amélioration des infrastructures (notamment routières) crée des emplois
induits dans d’autres secteurs (commerce, agriculture, etc.), ce qui a été par le modèle MPA’A
2012/MINTP (développement du réseau routier sur la croissance économique et l’emploi au
Cameroun).38

Bien qu’il soit tentant d’attribuer la majorité des coûts élevés du commerce en
Cameroun à la mauvaise qualité des routes, nous avons constaté que ce n’est pas nécessairement
le principal déterminant des coûts de transport élevés. Au lieu de cela, la recherche révèle que
le fardeau élevé du carburant et de la corruption plombe grandement la circulation sur nos
routes. À cela il faut ajouter les réglementations (techniques et douanières) et les procédures
commerciales.

On a souvent présumé que de gros investissements dans des infrastructures routières


améliorées réduiraient les prix des transports, mais cela ne semble pas avoir été le cas. En effet,
les importants programmes de soutien mis en œuvre par la Banque mondiale depuis les années
1970 dans les couloirs de transport au Cameroun semblent avoir eu peu ou pas d’impact sur les
prix des transports.39

37
Ibid., pp. 26-27.
38
Ibid.
39
S. Teravaninthorn et G. Raballand, Le prix et le coût du transport en Afrique…, 2009, p. 54.
P a g e | 415

CONCLUSION GÉNÉRALE
P a g e | 416

À l’entame de notre thèse sur « Les politiques publiques des transports au Cameroun de
1884 à 2017 », nous nous sommes posé une question : comment les politiques publiques, dans
le domaine des transports, ont-elles évolué, muté, ou se sont adaptées au gré des changements
socioéconomiques et politiques au Cameroun ? Nous souhaitions en effet analyser le contexte
historique qui a été à l’origine des diverses réponses politiques et le rôle des différents acteurs
dans la définition des politiques publiques des transports. Nous partions du constat de l’inégale
répartition, de la mauvaise qualité des infrastructures de transports dans notre pays et du coût
très élevé des prix des transports. Cet état de chose, nous l’avons souligné, est source de
pauvreté dans les localités les plus éloignées des centres urbains. Ces derniers sont eux-mêmes
impactés par les pénuries de denrées alimentaires en saison des pluies par exemple. Ainsi, la
mauvaise qualité des transports ne permet pas un ruissèlement des richesses du centre vers les
périphéries.

Au terme de notre thèse, le bilan que nous pouvons faire des politiques publiques des
transports au Cameroun depuis la période allemande jusqu’en 2017 est négatif. Cette conclusion
s’appuie sur un ensemble de pesanteurs politiques, sociales et historiques.

Il s’agit entre autres d’une inégale répartition des infrastructures des transports dont nous
venons de faire mention ; un entretien déplorable de celles existantes ; un processus
d’attribution des marchés des travaux publics qui prend du temps et coûtent extrêmement cher
au contribuable ; des travaux de construction des infrastructures qui coûtent plus chers au
Cameroun, que dans la plupart des pays d’Afrique ; un secteur marqué par la corruption ;
l’inadéquation entre les politiques des transports et celles de l’aménagement du territoire ; la
non-maîtrise par les exécutants (gouvernement) des outils des politiques décidées par le
président de la République ; une trop grande centralisation des décisions ; le trop grand nombre
d’intervenants dans ce secteur ; des sociétés parapubliques peu rentables ; le coût des
hydrocarbures trop élevé.

Pour que la situation soit telle que nous la décrivons, cela s’est construit dans le temps
et selon un ensemble de théories des politiques publiques inadaptées. De fait, le Cameroun n’a
jamais décidé d’une politique propre, et s’est toujours contenté de recycler, d’adapter ou
simplement de transférer des politiques déjà opérationnelles ailleurs. Or, une bonne politique
publique des transports doit s’adapter à la conjoncture économique du pays qui l’applique et en
P a g e | 417

fonction de ses réalités sociologiques. Au Cameroun, il faut même se poser la question de savoir
si nous n’avons jamais été propriétaires de notre propre économie ?

Dans notre chapitre I, nous avons rappelé les causes de l’impérialisme allemand. Du fait
de la crise de 1873, du manque de débouchés et de terres agricoles, l’Allemagne de Bismarck
est contrainte de s’impliquer dans la conquête coloniale. Sous la pression des opérateurs
économiques à l’instar de Woerman, les colonies sont transformées en territoires de profits. Il
fallait rentabiliser l’investissement. On comprend alors que les transports n’aient servi
principalement qu’à l’évacuation des produits de la colonie. Même quand cela semble être une
avancée majeure, à l’instar du chemin de fer, les intérêts des Allemands sont encore à la
manœuvre pour en dicter l’initiative et le tracée. C’est bien à cause de la concurrence au niveau
de la main d’œuvre entre les plantations (nécessité des planteurs) et les factoreries (nécessité
des porteurs), que le chemin de fer est construit afin de maximiser l’effort des travailleurs dans
les plantations et non plus sur les routes. Au final, les Allemands posent les premières bases de
l’inégale répartition actuelle des infrastructures de transports au Cameroun.

En fait, il faut analyser le modèle économique après la période allemande pour


comprendre les enjeux qui ont orienté les politiques économiques postindépendances. C’est
l’objet de nos chapitres II et III. En effet, soumis à la double domination franco-britannique
après la défaite allemande de 1914-18, le Cameroun colonial connaît deux expériences de
planification avec les plans FIDES (Fonds d’investissement pour le développement
économique et social) et le CDWF (Colonial Development Welfare Fund). Les objectifs des
plans FIDES et CDWF (1946-1959) étaient purement coloniaux et liés à l’économie de traite
pour l’essentiel (évacuer la production locale vers la métropole).

Nous ne pouvons pas aisément faire l’évaluation de la rentabilité de ces programmes.


Même entre économistes, le débat demeure. Pour Philippe Hugon, l’action du FIDES n’a pas
été rentable du fait du blocus des initiatives paysannes et privées locales, au profit des
réalisations somptuaires profitant d’abord aux colons903. Par contre, Touna Mama pense que
les objectifs fixés par les plans FIDES et CDWF sont globalement atteints. En effet, il affirme
qu’au plan du développement rural, l’économie largement fondée sur l’agriculture, a poussé à

903
Lire P. Hugon, Analyse du sous-développement en Afrique Noire. L’exemple de l’économie du Cameroun,
travaux et recherches de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Paris, série « Afrique » n° 3, Paris,
Presses Universitaires de France, 1969.
P a g e | 418

la concentration des investissements tant privés que publics « sur les biens de production
destinés à l’exportation plutôt qu’au marché local »904.

Sauf qu’en même temps, la « mise en valeur » tant vantée par les colons et surtout Albert
Sarraut (1923)905, entendue comme théorie et praxéologie du développement en situation
coloniale, semblait davantage participer d’une idéologie et d’une stratégie hégémoniques au
service de la pérennité de la suprématie occidentale, et dont l’héritage postcolonial au
Cameroun explique en grande partie cette illusion de développement si caractéristique de
l’Afrique subsaharienne. Mais revenons plus en détail sur cette période post-germanique.

Pour les pays impérialistes en général, le gouvernement colonial en Afrique devait être
peu coûteux pour les contribuables européens. La doctrine britannique par exemple, voulait que
chaque colonie soit financièrement indépendante. Toute augmentation des dépenses du
gouvernement devait être financée par une augmentation des recettes906. Gareth Austin nous
cite en exemple le cas du Ghana dans les années 1920 quand « le gouverneur Guggisberg est
parvenu à financer la création […] d’un nouveau port et de nouvelles routes et voies de chemin
de fer, par des recettes douanières alimentées par la croissance des exportations de fèves de
cacao par la colonie »907 908.

Après leur repli pendant la dépression des années 1930 et tout particulièrement pendant
la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), les administrations coloniales sont entrées dans
l’après-guerre dotées d’un nouvel engagement public : être considérées comme favorisant
activement le développement des économies qu’elles présidaient. Il faut y voir les conséquences
de la guerre telles que la montée des nationalismes et la guerre froide. L’émergence des deux
superpuissances américaine et russe a nécessairement poussé les métropoles coloniales
d’Europe à revisiter leurs discours. Nous l’avons vu dans ce travail (chapitre II), l’inauguration
du pont sur le Wouri en 1955 par exemple a participé de cette propagande sur le développement

904
Touna Mama, L’économie camerounaise. Pour un nouveau départ, Yaoundé, Afrédit, 2008, p. 221.
905
Lire le Chapitre II de cette thèse.
906
Lire Chapitre III de cette thèse.
907
G. Austin, « Développement économique et legs coloniaux en Afrique », International Development Policy/
Revue internationale de politique de développement, n°1, 2010, pp. 11-36.
908
À ce propos, lire l’article de Tahar Abb, “The Ten Year Plan in the Gold Coast”, mai 2019. Téléchargeable en
ligne à l’adresse :
https://www.researchgate.net/publication/333339199_The_Ten_Year_Plan_in_the_Gold_Coast, consulté le
08/06/2020 à 13h14.
P a g e | 419

des colonies (impression des timbres sur l’évènement notamment). L’inauguration du pont a
tout autant été un évènement de propagande. Mais peut-on totalement y voir une œuvre de
bienfaisance au profit d’un développement du territoire ?

Parti de Cotonou la capitale du Dahomey (ancienne appellation du Bénin) le samedi 14


mai, le ministre Pierre Henri Teitgen arrive à Yaoundé le 14 mai 1955. Moins de deux heures
après son arrivée au Cameroun, le ministre français prend la parole devant les conseillers de
l’Assemblée territoriale du Cameroun (ATCAM) réunis en séance extraordinaire. Il saisit
l’occasion pour faire un bilan de l’action de la France au Cameroun depuis 1946 et énumérer
quelques projets d’avenir909. Mais ce qui nous intéresse, ce sont les propos de Paul Soppo Priso,
président de L’ATCAM, en réponse au ministre français. Il

soulignera entre autres avec force le poids élevé des remboursements des interventions du Fonds
d’intervention pour le développement économique et social (FIDES), principal financier du
développement économique et social des pays africains de la France d’Outre-mer. Alors que ce fonds
avait été constitué avec des sommes prélevées dans les pays africains, Paul Soppo Priso estimait que les
délais de remboursement et les intérêts exigés des pays africains n’étaient pas de nature à faire progresser
notre développement.910

Il faut dire que le FIDES fut, selon les mots de Martin-René Atangana, « un cadeau
empoisonné et non rentable ».911 Ainsi, le langage « développemental » s’est certes traduit par
une augmentation des dépenses de la France envers ses colonies, lesquelles en principe
provenaient partiellement du contribuable métropolitain, mais un bémol est toutefois à relever :

Dans le cas de la France, les recettes fiscales venues d’Afrique ont continué à excéder les dépenses
publiques en Afrique. En Afrique occidentale britannique, les nouveaux offices publics d’exportation ont
accumulé des surplus substantiels en maintenant une marge importante entre les prix auxquels ils
achetaient aux producteurs et ceux auxquels ils vendaient sur le marché mondial des produits agricoles.
Les surplus étaient gardés à Londres en titres du gouvernement britannique, une épargne forcée des
agriculteurs africains qui a aidé l’économie métropolitaine britannique à se relever de la pénurie de dollars
de l’après-guerre912.

Le Mandat accordé à la France (partie orientale) et à l’Angleterre (partie occidentale)


par la SDN sur ce territoire, n’a pas fondamentalement fait évoluer les infrastructures de
transports mises en place par l’Allemagne dans la partie occidentale du territoire ; tandis que
dans la partie orientale, la France a fait un effort que nous avons tenté d’étudier. Il faut dire que

909
Article du Quotidien Le Messager, en ligne, URL: https://www.bonaberi.com/article.php?aid=1006, consulté
le 08/06/2020 à 13h44.
910
Ibid.
911
M.-R. Atangana, Capitalisme et nationalisme au Cameroun…, 1998, p. 227.
912
Ibid.
P a g e | 420

durant cette période, nous assistions aux prémices de planification économique, méthode qui
n’a plus jamais quitté le Cameroun. Il faut se rappeler que, sous le protectorat allemand, le
portage était encore l’un des principaux moyens de transport, ce qui représentait un handicap
dans la mise en valeur du pays. Les Français s’étaient attelés à mettre en place une politique à
la fois routière et ferroviaire, dans la continuation de l’œuvre allemande. Ces deux types de
transports devaient être concomitants, de manière à se compléter et à faciliter au mieux, le
transport rapide et à moindres coûts des produits sur l’ensemble du pays.

Mettons tout de même au crédit de la France, qu’elle a initié les premiers pas de
l’aviation civile, en construisant les premiers aérodromes du Cameroun. Ainsi, sous
l’administration française, le réseau des transports du Cameroun avait connu d’importantes
améliorations et une forte expansion. Malgré tout, les premiers planificateurs du Cameroun
indépendant déploraient l’inégale répartition territoriale des transports et la modicité de leurs
infrastructures. Il faut dire que les Français avaient surtout concentré leurs efforts dans la
construction des transports utiles à l’exploitation économique du territoire. Dans l’évaluation
que nous avons faite de la politique des transports durant la période de domination française,
nous avons eu l’impression d’une sorte de schizophrénie. En effet, la France semblait partagée
entre, d’une part les exigences du mandat et de la tutelle ; et d’autre part, l’impératif de tirer le
maximum de ressources du territoire à eux confié par la SDN d’abord et l’ONU ensuite. Cet
état de chose était donc à l’origine de cette inégale répartition territoriale des transports. À
l’indépendance du Cameroun, ce sont ces inégalités qu’il fallait gommer, tout en tentant de
stabiliser le pays sur le plan politique et de l’unifier sur le plan social.

Or dans ce contexte de décolonisation, le financement du développement pose un défi


aux nouveaux États africains. Alors qu’il repose essentiellement sur une accumulation interne
au sein des nations développées, l’essentiel du financement de la croissance économique des
États d’Afrique provient de l’extérieur. Aussi, les politiques économiques élaborées semblent
peu adéquates à mobiliser les moyens internes au maximum et les orienter vers les secteurs
névralgiques de l’économie nationale. Au Cameroun, si les plans de développement de la
période coloniale (FIDES et CDWF) sont essentiellement financés par les fonds externes, la
situation demeure quasi-inchangée après les indépendances. Telle que conçue et dispensée, les
objectifs de l’aide extérieure ne sont ni favorables au développement du pays et à
l’épanouissement des citoyens, ni favorables aux transformations structurelles nécessaire à la
dynamique harmonieuse de développement.
P a g e | 421

Mais encore, le bénéfice de l’aide au développement étant, au lendemain des


indépendances, conditionné par l’élaboration d’un plan, l’élite politique est contrainte d’adopter
la planification du développement. Indicative ou impérative, la planification se définit comme
une activité visant à fixer des objectifs cohérents et des priorités au développement économique
et social ; à déterminer les moyens appropriés pour atteindre ces objectifs ; à mettre
effectivement en œuvre ces moyens en vue de la réalisation des objectifs visés. Le bilan que
font Philippe Hugon et Olivier Sudrie de cette planification n’est pas du tout élogieux :

La planification africaine est en crise. D’ardente obligation au lendemain des indépendances, le plan est
devenu, dans de nombreux pays, une liturgie, une règle rythmant les actions administratives mais sans
réelle emprise sur des économies qui demeurent largement séculières : les procédures d’élaboration
paraissent limitées au niveau central et il y a peu de mobilisation des acteurs sociaux. Les planificateurs
manquent de systèmes d'informations fiables et les plans demeurent très formels. Dans la plupart des cas,
on observe de simples catalogues de projets souvent mal évalués et non hiérarchisés sans réel cadrage
macroéconomique. Il existe rarement des mécanismes institutionnels permettant de coordonner les
activités liées à la gestion financière à court terme aux politiques à long terme. Dans la pratique, la plupart
des investissements et des choix de projets se réalisent selon des orientations extérieures aux plans; ceux-
ci apparaissent ainsi comme des documents non intégrés dans un processus permanent de planification et
demeurent le plus souvent lettre morte.913

La mise en place des plans quinquennaux laisse percevoir une volonté politique
d’emprise interne sur le développement économique. À l’instar de nombreux pays en
développement, le Cameroun centralise sa stratégie d’industrialisation sur le marché intérieur
et tournée vers la demande domestique. Il met en outre un accent sur une production de
substitution aux importations, une protection douanière élevée et la création de nombreuses
entreprises publiques. Si les objectifs poursuivis par cette stratégie sont « grandement » atteints
jusqu’au lancement du Ve Plan en 1981 selon le discours officiel.914

Mais une analyse historico-politique nous laisse entrevoir les insuffisances de la


planification au Cameroun, proposée par Fritz Eboko-Ekoka915. Dans sa communication,
l’auteur hiérarchise les donneurs d’ordres et sources des décisions stratégiques dans
l’élaboration des Plans au Cameroun. Il place le président de la république française, Charles
de Gaulle, au sommet de la pyramide. Suivent dans l’ordre décroissant, le Conseil national du
patronat français (CNPF, actuel MEDEF) et sa branche africaine, le Conseil interprofessionnel

913
P. Hugon et O. Sidrie, « La crise de la planification africaine. Diagnostic et remèdes », Tiers-Monde, tome 28,
n°110, 1987, p. 407.
914
Lire le discours prononcé par le président Ahmadou Ahidjo lors du lancement du Ve plan quinquennal en 1981
915
F. Eboko-Ekoka, « Une expérience de planification dans le Cameroun des années 1970-80 », in L’État,
l’ingénierie, le social. Les techniques économiques dans l’histoire, Septième Semaine de la recherche organisée
par le CRESC et la Chaire d’Études africaines comparées, École de gouvernance et d’économie, 14-16 décembre
2016, Rabbat-Maroc.
P a g e | 422

d’Afrique noire à Paris (CIAN)916, en deuxième position. Ce n’est qu’ensuite que le chef de
l’État du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, vient compléter la pyramide, encadré par un
Gouverneur/Haut-commissaire.

Sous l’égide de cette hiérarchisation, la sélection des grands travaux qui justifient la
planification au Cameroun en 1960 serait, si l’on s’en tient à cette analyse, commandée par la
superstructure pyramidale décisionnelle sus-évoquée qui, faisant triompher les intérêts de la
métropole. Avant l’indépendance, La France avait déjà posé les jalons de cette planification à
travers la priorité donnée aux constructions des routes et ponts sur les fleuves
Sanaga/Wouri/Moungo, du Transcamerounais, du barrage électrique sur la Sanaga à Edéa par
Électricité de France (EDF)917, les montages d’usines d’aluminium à Edéa (par Pechiney-
France) et de raffinerie de pétrole à Limbé (par ELF/Total).

Notre analyse est que le but véritable de la planification économique au Cameroun


(grands projets d’infrastructures et d’équipements) est, durant cette période, de faciliter
l’exploitation optimale des produits stratégiques (pétrole, gaz, électricité, minerai, fer, acier,
aluminium, bauxite, cuivre, zinc, etc.) par l’industrie française. Il en découle un processus de
planification économique greffé sur le grand projet industriel et minier français et articulé
autour de la construction d’usines et centrales qui sont à la base du processus d’industrialisation
du Cameroun, et qui continueraient à informer l’orientation pratique et idéologique des grands
chantiers actuels. Surtout ces projets, à l’instar du système économique global, reposeraient sur
un système monétaire répressif qui annihilerait toute perspective d’autofinancement endogène.
Comme le souligne Jacques Marseille : « Quelle solution restera-t-il à la présence française
dans une indépendance [de ses territoires d’outre-mer], sinon l’implantation économique ?
C’est en vendant français, c’est en imposant du matériel français, c’est en créant une industrie
nouvelle française en Afrique que nous resterons en Afrique »918.

Au final, la période du libéralisme planifié a été marquée par une trop grande centralité
des initiatives sur le plan économique avec pour conséquence leur non efficience. La figure du

916
A. Béguec, « Patronat et organisations patronales en France depuis 1945 », DESS Ingénierie documentaire,
Rapport de recherche bibliographique, Ecole nationale supérieur des sciences de l’information et des
bibliothèques, mars 2002.
917
Lire M. Laparra, « Enelcam - Alucam : l’énergie hydroélectrique.. », 2002, pp. 177-200.
918
J. Marseille, Empire colonial et capitalisme français : histoire d’un divorce, Paris, Albin Michel, 2005,
p. 346.
P a g e | 423

président Ahidjo était quasi omniprésente dans toutes les décisions, et ne permettait pas une
remise en question du modèle économique en place. Malgré tout, nous nous devons de
reconnaître à cette politique d’avoir posé les jalons d’un État et des structures viables. Lorsque
le régime change de chef le 6 novembre 1982, les finances de l’État étaient encore soutenables,
avec une dette acceptable même si les indicateurs de la future crise économique étaient déjà
établis. Pourtant, les dérèglements du système économique mondial ont commencé à avoir leurs
impacts au Cameroun entre 1982 et 1986. Durant la même période on assistait au changement
de paradigme dans la gestion économique du Cameroun. On passait du libéralisme planifié au
libéralisme communautaire, sous fond de crise politique. Entre autres causes de la crise
économique et son corollaire de réformes dont le Cameroun a encore du mal à se sortir de
manière définitive aujourd’hui.

Le chapitre V nous a donc permis d’analyser la période dite du libéralisme


communautaire au prise avec la crise économique. Il est communément admis que la capacité
d’adaptation aux situations nouvelles est un indicateur crédible de l’efficacité d’une politique
économique. Or avec la chute « brutale » du cours mondial du pétrole et des cours des
principaux produits agricoles d’exportation au milieu des années 1980, le Cameroun entre dans
une crise économique profonde qui voit son PIB chuter continuellement avec un taux de
croissance moyen de -4,1% l’an entre 1987 et 1994919. La littérature officielle, dans sa variante
dominante, insistera davantage sur les facteurs externes : la crise économique survenue au
milieu des années 1980 provoquée par la chute des prix des principaux produits d’exportation
(pétrole, cacao, café, caoutchouc) et une dégradation considérable des termes de l’échange
(1986-1988) va modifier les orientations économiques du gouvernement920.

On pourrait tout aussi imputer cette crise en partie aux mauvaises performances
économiques du secteur public. Alors que le pays connaissait une croissance soutenue grâce à
la rente agricole, droits tirés des produits d’exportation entre 1960 et 1979, et au boom pétrolier
(1980), le secteur public s’est attelé à caporaliser les bénéfices de la croissance alors même que
les objectifs initiaux prévoyaient un transfert au secteur privé :

Lourdement déficitaires, les entreprises étatiques et para-étatiques doivent chaque année recevoir
d'incroyables subventions de l’État pour pouvoir continuer à fonctionner: 150 milliards de CFA en 1984
par exemple, soit la moitié des recettes pétrolières de l'État cette année-là et près du cinquième de ses
dépenses totales ! Entre la Présidence, qui gère une partie de l’argent du pétrole par le biais des comptes

919
Touna Mama, L’économie camerounaise…, p. 16.
920
Ch. M. Ngo Tong, « L’opérationnalisation de la stratégie de Croissance pro-pauvres au Cameroun », Revue
Interventions économiques, n°56, 2016, p. 3.
P a g e | 424

hors budget, la SNH (Société Nationale des Hydrocarbures) disposant d’une autre partie, les ressources
dégagées par l’ONCPB et par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, les fonds engagés par la SNI et
les ressources de fonctionnement normales gérées par le ministère des Finances, c’est à une véritable
prolifération institutionnelle qu’on a pu assister au cours de la décennie 1975-1985 : chaque ministère a,
en effet, cherché à compenser un pouvoir considérablement limité, en haut, par la centralisation extrême
exercée par la présidence et son secrétariat général (plus de 200 personnes) en créant, sous sa compétence,
un grand nombre d’organismes parapublics et d’agences de développement. Chacune de ces nouvelles
institutions a ainsi été l’objet de véritables bagarres entre ministères, pour savoir qui en aurait la tutelle.921

L’avènement de la crise ne ferrait ainsi que révéler les mauvaises performances


généralisées des entreprises publiques et parapubliques, mais aussi les apories d’une
administration atone, renfermant les caractéristiques de l’État prédateur.922 Un effet pervers de
son pouvoir hyper centralisé est d’avoir vidé les institutions publiques de leur efficacité, tout
en marginalisant l’entrepreneuriat privé au même moment que se développe un secteur public
déficitaire.923

Pour faire face à cette crise économique, l’État crée la Mission de réhabilitation des
entreprises publiques et parapubliques. Cette mission, qui s’inscrit dans le cadre de l’élaboration
d’une stratégie de stabilisation, d’ajustement et de relance économique et de ses accords avec
les institutions de Breton Woods (premier PAS), aboutit à la mise en liquidation de 59
entreprises et à des restructurations/ réhabilitation des autres, moyennant l’établissement de
contrats de performance. La difficile atteinte des objectifs fixés dans le cadre de ce programme
oblige les autorités, après la dévaluation du francs CFA en 1994, à adopter un nouveau
programme de redressement économique soutenu par les institutions financières
internationales. Il s’agit de la Déclaration de politique générale du gouvernement relative aux
entreprises publiques. Pendant ce temps, les travaux dans le domaine des transports connaissent
un véritable ralentissement, si ce n’est un arrêt.

Le Cameroun entre alors dans une phase de mutation symbolisée par le retrait officiel
de l’État en vue de la croissance du secteur privé et une révision de sa stratégie globale de
développement. Le modèle dirigiste du « tout État » poursuivie depuis l’indépendance est remis
en question au bénéfice d’une ouverture vers l’économie de marché dite du « tout économique
» et nécessitant un recours aux technocrates.

921
S. Brunel, « Les difficultés du Cameroun : fin d'un modèle ou crise de croissance ? », L’information
géographique, volume 67, n°1, 2003, p. 137.
922
G. Amougou, « Esquisse d’histoire des politiques de développement au Cameroun : Un regard contextuel
CERDAP », Working Paper « Developmental State Strikes Back ? », 2/2018, p. 23.
923
Ibid.
P a g e | 425

Dans le chapitre VI, nous avons examiné les privations des entreprises, notamment dans
le domaine des transports, comme solution à la crise économique qui sévit. Nous avons fait le
constat que le cadre juridique qui le sous-tendait ces privatisations était en lui-même vicié. En
effet, la révision permanente du cadre institutionnel devant rythmer le processus de retrait de
l’État est un indicateur des titubations rencontrées dans sa mise en application, en même temps
qu’elle présage de l’effilochement continu du tissu socio-institutionnel. La vision hyper
politisée des réformes augure d’une ingérence continue des autorités gouvernantes sur le
processus amorcé. L’existence de plusieurs centres et niveaux de pouvoir ou de décisions qui
se contredisent, au déficit de diligence administrative.

Corrolaire des politiques d’ajustement structurel, la privatisation permet, dans le court


terme, une amélioration des recettes budgétaires de l’État. L’ajustement structurel se présente
alors comme un tournant décisif pour le Cameroun, dans la mesure où celui-ci annonce
officiellement une rupture avec l’emprise de l’État sur l’orientation des politiques économiques
internes. Si l’on ne saurait nier cette évidence, il convient néanmoins d’atténuer quelque peu la
rhétorique de la « rupture » qui, en réalité, camoufle une certaine continuité historique : celle
du maintien de la nature extravertie de notre économie.

Entre 1988 et 2003, le gouvernement camerounais met en œuvre six programmes de


PAS : le premier (septembre 1988 – juin 1990), le deuxième PAS (décembre 1991 – septembre
1992). Le troisième PAS (mars 1994 – juin 1995) intervient avec la réduction de 50% de la
valeur du franc CFA. Le quatrième PAS (septembre 1995 – juillet 1996), le cinquième PAS ou
programme économique et financier à moyen terme pour la période du 1 er juillet 1997 au 30
juin 2000, intervient après les difficultés rencontrées dans l’exécution des programmes
précédents (1995/1996 et 1996/1997), pour renforcer la politique d’ajustement et répondre aux
contraintes de la croissance durable. Les contraintes rencontrées durant l’opérationnalisation
vont amener le gouvernement à solliciter du FMI un accord triennal au titre de la facilité
d’ajustement renforcée (FASR). Les objectifs poursuivis sont de maintenir une croissance du
PIB réel de 5%, ramener l’inflation en glissement annuel à 2%, et limiter le déficit courant
(transferts officiels indus) à 2,5% du PIB. Une série de stratégies est ainsi adoptée notamment
achever la privatisation des 30 dernières entreprises ciblées dont la REGIFERCAM et la
CAMAIR. Le sixième et dernier PAS ou programme économique et financier du 1er octobre
2000 au 30 septembre 2003, a pour objectif ultime de réduire le taux de pauvreté de 50% en
1999/2000 à environ 42% en 2003/2004. Sa stratégie s’articule autour de l’adoption des
P a g e | 426

mesures macro-économique en vue de remédier aux faiblesses structurelles tout en stimulant la


productivité et la compétitivité. C’est durant ce programme que les pouvoirs publics vont
accentuer le renforcement de la gouvernance et la lutte contre la corruption. Tout cela entraine
la création de nouveaux outils dans l’élaboration et la gestion des politiques publiques des
transports au Cameroun.

Le chapitre VII nous a permis de comprendre le rôle de chacun de ces nouveaux acteurs
des politiques publiques des transports.

1987 est la date de déclaration de la crise par le président Paul Biya. Officiellement,
c’est la date à laquelle le Cameroun devient sévèrement endetté après avoir connu un
endettement plus ou moins modéré. L’objectif des PAS sera ainsi de « limiter les dégâts » en
recherchant la stabilisation des grands équilibres en vue de relancer l’économie. Dans la réalité,
les PAS ne parviennent pas à réduire la dette publique qui ne cesse de peser sur l’État.
L’ajustement signifiait donc que l’État devait réduire son train de vie au niveau de ses moyens
propres. Car le surendettement est la principale cause de la crise au Cameroun. Réduire de
manière considérable la dette constituait le but et la raison d’être de l’initiative Pays Pauvres et
Très Endettés (iPPTE), qui se proposait de la ramener à un niveau de soutenabilité. La difficulté
des États à atteindre les objectifs assignés au travers des PAS est ainsi à la base de la proposition
de l’initiative PPTE. Ainsi, les fonds reçus de l’iPPTE sont de ce fait conditionnés par
l’investissement dans la réalisation des projets et programmes de réduction de la pauvreté.

L’organisation à Yaoundé les 3 et 4 novembre 2006 d’un comité interministériel élargi


au secteur privé (CIESP)924 regroupant près de 400 participants, inaugurerait le retour à la
planification. Au sortir de cette rencontre, la politique économique de l’État transite des
« Grandes ambitions » aux « Grandes réalisations »925. Décidé à opérer un changement de cap,
le gouvernement amende le DSRP et élabore le Document stratégique pour la croissance et la
réduction de la pauvreté (DSCE). Trois (3) ans après l’atteinte de l’Initiative Pays Pauvres Très
Endettés (IPPTE) en 2009, le gouvernement élabore un programme de planification du
développement, en vue de l’atteinte de l’émergence en 2035 : « Cameroun : Vision 2035 ».

924
Le Comité a été créé par l’Arrêté n° 076 /PM du 06 juillet 2006 portant création, organisation et fonctionnement
d'un Secrétariat Technique de suivi et d'évaluation des résolutions et recommandations du Comité Interministériel
Élargi au Secteur Privé.
925
Lire le « Programme de S. E. Paul Biya », en ligne, URL : https://www.prc.cm/fr/le-president/programme-fr,
consulté le 09/06/2020 à 08h19.
P a g e | 427

C’est le document-programme de projection et de planification du développement élaboré par


le gouvernement camerounais en vue de l’atteinte de l’émergence en 2035.

Cependant, on peut bien y voir plus une continuité qu’une de rupture structurelle réelle :
l’accent mis sur une rhétorique d’obédience propagandiste, prééminence de l’institution public,
ouverture assez méfiante vis-à-vis des acteurs de la société civile, lenteurs administratives,
corruption etc. Aussi l’on relève un élan doctrinaire et idéologique qui semble oblitérer le fait
que le problème historique est d’abord d’ordre pratique-systémique. L’instruction du PLANUT
par le président Biya en 2014 n’est que l’illustration de ces manquements et de la prédilection
des effets d’annonce sans concrétisation. Pour un programme triennal censé avoir été achevé
en 2017, il faut constater qu’en 2020, il court toujours.

Malgré la relative reprise économique, le Cameroun a du mal à tirer les leçons de son
histoire économique. Dans le domaine des transports par exemple le premier défi est celui des
routes, de leur construction et de leur entretien. En dépit des financements importants dans ce
domaine, les activités de maintenance sont mal planifiées et ne parviennent pas à optimiser le
cycle de vie des actifs routiers. Ces carences dans l’entretien ont contribué à l’état relativement
mauvais du réseau routier du Cameroun.

La qualité des tronçons camerounais des corridors régionaux essentiels laisse également
à désirer, surtout comparée à celle des sections des pays voisins. Cette déficience empêche le
transport efficace des personnes et des biens à partir des pays enclavés. Le Cameroun a des
tronçons dans quatre corridors régionaux : Douala-Bangui, Douala-Ndjamena, Pointe Noire-
Brazzaville-Bangui et Nouakchott-Ndjamena.

Accroître la sécurité routière au Cameroun constitue un autre défi important. Si le


comportement humain est responsable de trois quarts des accidents, certains « points noirs »
ont également été identifiés dans les infrastructures. D’après la Banque Mondiale :

A 2008 EU-financed study 6 evidenced that between 2004 and 2007, the accident rate on the Douala –
Yaoundé road was 35 times higher than on a similar road in Europe, with 60 deaths per 10,000 vehicles.
While human behavior is responsible for three quarters of the accidents, some infrastructure “black
spots” were also identified. Car crashes do not only cost lives and injuries; they also have an economic
cost that adds up to the high transport and transit costs along the corridor. It has been estimated that the
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direct and indirect impact of deteriorated safety conditions in developing countries such as Cameroon
typically amount to about 1.5 percent of gross domestic product (GDP). 926

De nombreuses actions sont menées, et nous en avons étudiées quelques-unes, mais


beaucoup est à faire. Les véhicules, le comportement des hommes, et les infrastructures
routières sont les principales causes des accidents. Plusieurs projets de mise en place d’une base
de données sur les accidents de la route ont existé au Ministère des transports, mais sont restés
sans suite après leur démarrage, notamment le projet d’informatisation des certificats
d’immatriculation des véhicules engagés en 1982 ; la mise en place d’une banque de données
par le cabinet SNC/LAVALIN en 1998 ; l’introduction du « Bulletin d’analyse des accidents
de la circulation » (BAAC) par le cabinet BETA Consult en 2002 ; ou la mise en place d’un
système de collecte et de gestion des données sur la sécurité routière par le cabinet CARTES.927

Au final, tout nous ramène aux politiques. Ce ne sont pas les routes en elles-mêmes le
problème, mais les politiques de leur construction, de leur entretien, et celles dédiées à leur
sécurisation. Cela met en évidence un problème que nous soulevions dans ce travail, celui des
lourdeurs administratives. Bien trop de structures administratives interviennent dans la chaîne
des transports au Cameroun. Dès la conception du projet jusqu’à la réalisation complète, on
dénombre au moins six ministères qui interviennent : MINMAP, MINTP, MINFI, MINEPAT,
Services PM, MINDUH. Les directions et commissions sont toutes aussi nombreuses et
gourmandes en budget. Du recrutement d’un cabinet pour expertiser la faisabilité d’un projet,
jusqu’à la livraison complète de ce projet, la chaîne est tellement longue que l’on peut aisément
comprendre le coût élevé des routes dans notre pays. Un toilettage administratif est donc
impératif.

Que ne gagnerions-nous pas à concentrer les travaux routiers dans un seul et unique
ministère : le MINTP ? Que ne gagnerions-nous pas à concentrer les efforts de construction des
routes au sein du MATGENIE. En effet, depuis 2015, cette entreprise fait maintenant plus, que
simplement de louer des engins. Elle est, aujourd’hui, une véritable entreprise de BTP. Plutôt
que de dépenser des sommes faramineuses à engager des cabinets, généralement étrangers, pour
la réalisation des tests de faisabilité des projets routiers, que le Gouvernement de la République

926
Banque Mondiale, « Project Paper on a Proposed Second Additional Financing and Restructuring Credit to the
Republic of Cameroon for the CEMAC Transport and Transit Facilitation Project», Rapport 59869-CM, Région
Afrique, Banque mondiale, Washington, DC. 31 mars 2011, p. 4.
927
CEA-ONU, « Évaluation de la performance…», 2018, p. 35.
P a g e | 429

mette le LABOGENIE à contribution. Rappelons-nous que le laboratoire de génie civil et


d’études en ingénierie géotechnique conseille depuis 1953, les constructeurs pour la conception
d’ouvrages en interaction avec le sol. À ce jour, son capital social est estimé à 3 500 000 000
FCFA928. Dans les zones estimées en insécurité (Extrême-nord, Nord-ouest et Sud-ouest entre
autres), le Génie militaire pourrait y œuvrer. Le Cameroun perd beaucoup d’argent dans la
construction et l’entretien des routes. Pourtant, des solutions existent. Ces pesanteurs
administratives sont d’autant plus problématiques que s’y ajoute la corruption.

Dans son rapport 2017, la CONAC classait, selon son indice de perception de la
corruption, les ministères les plus corrompus au Cameroun. Dans l’ordre, on retrouve le
MINMAP en tête de peloton avec une moyenne de 7,77/10, ce ministère est l’administration la
plus corrompue au Cameroun. Et, le secteur des marchés publics, celui où l’on registre le plus
d’actes de corruption. Au 2ème rang des ministères les plus corrompus, on retrouve le ministère
des Finances, notamment ses services centraux. Le ministère de la justice vient ensuite. Suivi
par la gendarmerie. Et en 5e position, le ministère des transports, avec une note de 6,34/10. Le
MINTRANS doit ce classement aux nombreux actes de corruption tant décriés au niveau de la
délivrance du permis de conduire. Pour aboutir à ce classement, la CONAC dit avoir fait une
enquête sur le terrain, en donnant la parole à un échantillon de 6 145 personnes disséminées
dans 360 arrondissements du Cameroun. Cet échantillon de personnes était interrogé sur leur
appréciation des efforts et des résultats obtenus après cinq années d’implémentation de la
stratégie nationale de lutte contre la corruption au Cameroun929. Ce qui attire notre attention et
qui nous semble d’autant plus inquiétant, est que 4/5e de ces ministères sont impliqués dans le
domaine des transports : le MINMAP, le MINFI, le MINTrans et la Gendarmerie.

Plus que tout, le Cameroun doit alléger sa bureaucratie. En effet, les lourdeurs
administratives sont un véritable fléau qui affecte les services publics au Cameroun. Pourtant,
la digitalisation pourrait être la solution idoine à ce problème et améliorer leurs services et
promouvoir la bonne gouvernance. Malgré les multiples réformes engagées pour
responsabiliser les agents de la fonction publique, la lenteur des procédures reste un phénomène
qui plombe les relations entre citoyens et administrations civils. Et parce que le laxisme est

928
http://www.mintp.cm/fr/news/50/43/Labogenie, consulté le 06/02/2020 à 3h28.
929
Le Quotidien EcoMatin, « Classement Conac 2018: le top 5 des ministères les plus corrompus », en ligne,
URL : https://ecomatin.net/classement-le-top-5-des-ministeres-les-plus-corrompus/, consulté le 06/02/2020 à
04h53.
P a g e | 430

présent à plusieurs niveaux, une tâche que l’on pourrait exécuter en quelques heures prend des
mois au Cameroun. Les administrations publiques au Cameroun pourraient pourtant connaître
un meilleur fonctionnement grâce à l’adoption de l’e-gouvernance qui s’avère être une solution
efficace pour combattre ces fléaux. Elle simplifierait grandement les procédures administratives
grâce à l’usage du numérique. Cela passe par une vulgarisation des services en ligne et la
création de centres d’accès tels que les sites internet.

Dans la Circulaire N°0001/CAB/PRC du 20 juin 2018 relative à la préparation du budget


de l’État pour l’exercice 2019, le président Biya prescrivait que les quatre directions générales
en charge de l’administration financière placées sous la tutelle du ministère des Finances au
Cameroun puissent s’interconnecter et échanger plus facilement des informations. Ces
directions sont : la Direction générale des Impôts, la Direction générale des Douanes, la
Direction générale du Budget et la Direction générale du Trésor, de la Coopération financière
et Monétaire. Dans cette circulaire, le président de la République demande aux ministres, à
leurs collaborateurs et ordonnateurs de la dépense publique d’exploiter toutes les possibilités
qu’offre le numérique. Par exemple, pour l’amélioration de l’environnement fiscal des affaires,
Paul Biya prescrivait « des mesures ambitieuses de simplification des procédures » à travers
« l’amélioration de la qualité des services rendus aux contribuables, notamment par la
densification de l’offre de service en ligne »930.

L’histoire des politiques publiques au Cameroun nous donne à penser qu’il est trop
ambitieux, mais peu réaliste, avec beaucoup de problèmes de gouvernance, trop d’effets
d’annonce, une politisation à outrance. Même les techniciens préfèrent s’arrimer à la posture
politicienne pour préserver leurs postes. Le pouvoir central a pris trop de force. Aujourd’hui,
deux points de vue s’affrontent quant à la situation économique du Cameroun. Celui pour lequel
l’aide extérieure, la dette, l’ajustement structurel, l’initiative PPTE, sont considérés comme des
manifestations permanentes de la déchéance économique et du « cycle infernal » de dépendance
qui structurerait les relations du Cameroun avec l’extérieur. Ce serait pour cette tendance, la
cause de son sous-développement. Selon un autre point de vue, ce serait la nature postcoloniale
de l’État la principale explication de la permanence d’une infrastructure économique et sociale
embryonnaire et reposant sur des modèles importés d’industrialisation.

930
Circulaire N°0001/CAB/PRC du 20 juin 2018 relative à la préparation du budget de l’État pour l’exercice 2019.
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Même s’il est urgent de repenser le développement et l’économie du Cameroun, notre


point de vue est qu’avec des décideurs soucieux du bien-être des populations et du
développement du pays, avec moins de poches de corruption, avec un appareil étatique moins
centralisé, nous pourrions nous développer malgré les pesanteurs historiques notamment la
colonisation et le Franc CFA. Le mal du développement au Cameroun est dans la nature
prédatrice d’une partie du groupe dirigeant. Nous terminerons donc cette thèse avec cet extrait
de Dominique Darbon qui date de 1990 et résume l’essentiel des problèmes actuels des
politiques publiques au Cameroun :

Dans l’histoire, la gestion des affaires privées et des affaires publiques a rarement été séparée. Mais
l’extraction réalisée par 1’État en Afrique au détriment de la société n’a conduit à aucune forme de
consolidation économique et politique, faute d’investissement dans des activités productives locales.
Ainsi, la survie du groupe dirigeant complètement coupé de la société ne peut s’expliquer que par le
maintien d’une structure bureaucratique légitime appelée État, vivant comme un prédateur sur son
environnement. Or, paradoxalement, plus un État est convaincu de son impunité et moins il ressent le
besoin de négocier avec sa société.931

931
D. Darbon, « L'État prédateur », Politique africaine, no 39, 1990, p 44.
P a g e | 432

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
P a g e | 433

I. SOURCES ORALES

Nons et prénoms Fonction/profession Date et lieu de l’entretien

Bihina Zambo Jean Yaoundé le 11 décembre


MINT
Sébastien 2019

Mbele Mbele Didier Ange Yaoundé les 2 et 3 mars


MINT
Gilbert 2017

Mohammed Aziz Ngouloure Démographe/MINEPAT Yaoundé le 22 mai 2020

Mme. EDOU, née Directeur des Transports


Yaoundé le 13 avril 2019
MENGUELE Irêne, Ferroviaires (DTF).

Bambe Jacques MINFI Yaoundé le 13 avril 2019

Yaoundé le 28 septembre
Tchinda Mbouzikeu Henri Gendarmerie Nationale
2017

Délégation générale à la
Nimpa Jacques Yaoundé 14 mars 2019
sûreté nationale

Nkoa Jean Commissaire de police Bafoussam 17 octobre 2017

Joan Limunga Ministère de la justice Yaoundé 12 mars 2019

Simo, environ 45 ans Camionneur Yaoundé 05 février 2021

27/10/2019 à Mokolo
Monsieur D., environ 40 ans Enseignant
(Yaoundé).
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28/10/2019 à Mokolo
Sani Fred Moto-taximan
(Yaoundé)

28/10/2019 à Mokolo
Akoa, 45 ans agent contractuel au MINFI
(Yaoundé)

28/10/2019 à Mokolo
Ekani, 38 ans chauffeur de « clando »
(Yaoundé)
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INDEX
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Accident, 17, 278, 280, 281, Agence pour la sécurité Arrêté, 323, 365, 371
282, 284, 290, 295, 403, 426 aérienne en Afrique et de
Madagascar: ASECNA, XIII Association internationale de
Achenbaum, 11, 12, 440 développement: AID, XIII,
Agriculture, 3, 5, 48, 49, 54, 72, 219
Action publique, 6, 7, 8, 11, 87, 111, 114, 117, 162, 166,
12, Atangana, 25, 26, 90, 130, 132,
179, 193, 228, 230, 232,
28, 30, 225, 362, 435, 436, 296, 418, 434, 440, 455
233, 234, 332, 440
437, 439, 444, 448, 449,
450, 453 Ahidjo, XVI, XVII, 17, 18, 32, Automobile, 30, 97, 103, 368,
34, 36, 159, 163, 168, 174, 371
ADC: Aéroport du Cameroun,
185, 186, 187, 191, 200, Autorité Portuaire Nationale:
XIII, 346
213, 224, 228, 229, 230, APN, XIII, 307, 346
Administration, 19, 24, 25, 41, 231, 340, 381, 420, 421, 422
53, 55, 56, 57, 60, 61, 62, Banane, 75, 97, 114
Ahmadou Ahidjo, XVI, 34, 36,
63, 64, 67, 68, 70, 71, 73, Banque internationale pour la
162, 168, 175, 194, 197,
80, 81, 86, 93, 95, 96, 97, reconstruction et le
199, 200, 212, 228, 229,
101, 102, 103, 104, 105, développement: BIRD, XIII,
230, 465
110, 114, 119, 121, 122, 219, 462
123, 125, 129, 131, 136, Air Afrique, 212, 213, 214
137, 138, 139, 141, 146, Banque mondiale, 2, 3, 219,
147, 148, 151, 152, 153, Allemands, 15, 23, 46, 48, 53, 238, 244, 248, 271, 311,
155, 156, 157, 158, 159, 58, 69, 74, 151, 155 312, 313, 316, 318, 332,
162,174, 192, 213, 216, 217, Allemands, IX, X, XVI, 15, 18, 427, 462
219, 224, 239, 260, 289, 21, 22, 23, 31, 36, 51, 54,
293, 296, 339, 349, 351, Banque Mondiale, XVI, 2, 3,
56, 57, 58, 66, 67, 68, 69, 32, 179, 219, 220, 222, 223,
370, 419, 423, 428, 429, 70, 71, 72, 74, 77, 88, 97,
445, 456, 458, 461, 464 236, 245, 272, 319, 362,
101, 120, 122, 138, 140, 386, 426, 427, 460, 462, 465
Administration, 6, 54, 103, 147, 150, 151, 155, 157,
105, 149, 152, 213, 216, 216, 416 Bateaux, 75, 80
217, 224, 230, 284, 288, 444 Aménagement, 3, 9, 28, 29, 30, BIP, XIII, 340, 350, 357, 516
AEF, XIII, 90, 99, 122, 127, 36, 41, 54, 76, 102, 117,
Bismarck, 51, 52, 53, 63, 69,
212, 457 123, 134, 165, 183, 184,
76, 157, 416, 437, 445
193, 214, 219, 276, 295,
Aérien, aériennes, aérien, 306, 326, 327, 328, 330, Bitumées, bitumage, 184, 193,
aérienne: air, 9 331, 335, 349, 364, 370, 207, 210, 223, 343, 362
441, 451, 453, 461
Aérodromes, 118, 119, 131, Biya, XVI, XVII, 16, 17, 18,
210, 343, 374, 375, 419 Amendes, 57, 300 32, 36, 228, 229, 230, 231,
Afrique, XIII, 28, 41, 47, 69, 232, 233, 290, 336, 425,
Amérique, 48, 236, 246, 286
87, 90, 93, 94, 105, 114, 426, 429, 434, 438
118, 119, 163, 164, 166, Analyse, 4, 5, 7, 11, 12, 22, 28,
Blum, 94, 110, 454
178, 181, 182, 211, 212, 29, 30, 33, 35, 76, 180, 225,
213, 214, 215, 224, 233, 246, 250, 262, 267, 297, Budget, IX, 91, 181, 182, 189,
237, 246, 247, 248, 253, 369, 373, 442, 449, 450, 224, 230, 233, 235, 236,
257, 258, 291, 322, 333, 453, 457, 458 262, 276, 305, 315, 318,
343, 357, 365, 367, 374, 338, 340, 350, 351, 352,
Angleterre, 23, 45, 47, 50, 58,
427, 435, 436, 440, 441, 353, 354, 355, 356, 357,
63, 78, 80, 139, 143, 150,
444, 447, 450, 452, 454, 380, 429, 463
418, 456; Anglais, 15, 16,
460, 462, 463 45, 47 Cacao, 73, 97, 102, 107, 114,
Afrique Centrale, XIII, 20, 41, 162, 178, 216
AOF, 90, 154, 212
257, 258, 322, 367, 374, 454
P a g e | 470

café, 97, 114, 162, 178, 216 315, 316, 317, 318, 319, chemin de fer, XI, 9, 41, 48,
323, 325, 327, 328, 329, 53, 54, 64, 67, 72, 76, 77,
CAMAIR, XIII, 17, 211, 214, 332, 333, 340, 343, 346, 98, 99, 100, 101, 102, 103,
224, 243, 244, 251, 258, 348, 350, 351, 352, 355, 107, 183, 185, 186, 205,
264, 265, 303, 346 357, 358, 359, 360, 362, 208, 217, 218, 223, 233,
CAMAIR-Co, 17, 20, 264, 265 363, 364, 365, 366, 369, 251, 271, 274, 276, 278,
371, 373, 374, 375, 376, 303, 328, 342, 344, 373, 460
Cameroon: Cameroons, X, 377, 380, 381, 383, 385,
XIII, XVII, 2, 27, 64, 70, 72, 386, 387, 388, 389, 392, chemins de fer, 26, 52, 55, 62,
118, 119, 154, 206, 210, 394, 398, 400, 401, 402, 64, 67, 68, 73, 78, 90, 98,
211, 214, 216, 244, 250, 403, 407, 408, 411, 413, 102, 103, 118, 131, 137,
261, 265, 295, 303, 308, 415, 416, 417, 418, 419, 185, 193, 197, 216, 218,
343, 346, 427, 436, 438, 420, 421, 422, 423, 424, 223, 272, 274, 275, 285,
444, 455, 458, 461, 464 425, 426, 427, 428, 429, 303, 321, 372, 435, 442,
430, 434, 435, 436, 437, 445, 461
Cameroon Airlines: CAMAIR,
438, 439, 440, 441, 442, Circulaire, 365, 429
XIII, 214, 265, 346
443, 444, 445, 446, 447,
Cameroon Civil Aviation 448, 449, 450, 452, 453, Clandestins, clando, opep, 296
Authority: CCAA, XIII, 346 454, 455, 456, 457, 458,
clandos, 291, 297, 298, 300
459, 460, 461, 462, 463,
Cameroons Development 464, 465, 466, 478, 479, classes subalternes, 4, 5
Fund, 146, 147, 154, 513 480, 512, 513, 514, 515,
516, 517 Claude Thoenig, 6
Cameroun, XV, XVI, 2, 3, 4, 5,
8, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, camerounais, XV, 4, 7, 28, Club de Londres, 315
18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 117, 162, 168, 176, 177,
25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, Club de Paris, 315
178, 182, 186, 187, 195,
32, 33, 34, 35, 36, 37, 41, 199, 211, 213, 214, 222, CNCC, 243, 252, 265, 303,
42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 224, 225, 229, 230, 231, 346
53, 54, 55, 56, 57, 58, 59, 235, 241, 242, 243, 245,
60, 62, 63, 64, 65, 67, 68, 250, 252, 258, 266, 275, CNSR, 305, 370, 515
69, 70, 72, 73, 74, 77, 78, 291, 300, 314, 318, 327,
coloniale, IV, 3, 5, 15, 19, 21,
80, 90, 95, 97, 99, 100, 101, 333, 358, 362, 375, 447,
22, 23, 24, 27, 31, 41, 48,
102, 103, 104, 105, 107, 451, 453, 457
51, 52, 56, 57, 58, 59, 61,
112, 114, 116, 117, 118,
CAMRAIL, VIII, 17, 272, 273, 63, 70, 81, 82, 83, 85, 87,
120, 121, 122, 123, 125,
276, 277, 278, 279, 280, 95, 120, 122, 124, 125, 129,
127, 130, 131, 132, 133,
281, 282, 283, 285, 287, 133, 137, 138, 139, 141,
134, 136, 146, 147, 148,
288, 289, 290, 515; 151, 155, 157, 170, 173,
149, 150, 151, 152, 153,
Cameroon railway company, 175, 400, 416, 417, 419,
154, 157, 158, 162, 166,
VI, IX, XIII, 17, 271, 274, 438, 439, 443, 453, 512, 513
174, 175, 176, 177, 178,
182, 183, 184, 186, 187, 276, 277, 344, 346, 515
colonie, XVI, 22, 36, 51, 55,
188, 189, 190, 191, 193, 56, 64, 67, 69, 70, 72, 73,
CAMSHIP, XIII, 243, 251,
194, 195, 198, 199, 200, 75, 76, 83, 84, 85, 86, 87,
259, 265, 303
201, 202, 203, 204, 205, 98, 120, 139, 141, 154, 158,
206, 207, 209, 210, 212, caoutchouc, 50, 51, 57, 62, 63, 296, 416, 417, 435; colonial,
213, 214, 216, 217, 218, 73, 75, 76, 97, 98, 120, 122, colonial, colon, IV, 3, 23,
219, 220, 221, 223, 224, 422 34, 35, 42, 48, 49, 50, 52,
225, 228, 229, 230, 232, 53, 54, 55, 72, 76, 90, 93,
233, 234, 235, 236, 239, CCFOM, 111, 112
94, 177, 180, 443, 512
240, 241, 243, 262, 263, CDA, 142
267, 271, 276, 281, 282, colonisation, XVI, 12, 17, 18,
284, 285, 292, 299, 300, CDW, 144, 145, 513 20, 22, 23, 27, 32, 34, 35,
301, 302, 303, 304, 306, 36, 41, 51, 52, 53, 55, 56,
307, 311, 312, 313, 314, CDWF, XVI, XVII, 180, 416, 58, 62, 72, 74, 75, 76, 81,
419
P a g e | 471

82, 84, 89, 90, 97, 98, 120, coton, 48, 80, 97, 106, 123, Deuxième Guerre mondiale,
124, 126, 127, 129, 133, 437 24, 105, 154
134, 137, 138, 139, 147,
158, 184, 186, 296, 400, coûts, VIII, 3, 48, 53, 59, 80, développement, V, VI, XI,
430, 435, 439, 462 118, 208, 239, 241, 253, XIV, 2, 3, 12, 16, 28, 30, 36,
256, 260, 326, 328, 329, 41, 44, 46, 52, 64, 73, 77,
commerçants, 15, 22, 24, 41, 333, 334, 335, 336, 339, 80, 89, 94, 96, 97, 98, 100,
42, 44, 45, 46, 52, 56, 62, 358, 381 101, 102, 103, 105, 106,
63, 66, 67, 72, 122, 285, 412 107, 111, 112, 114, 116,
crise économique, IV, V, XVI, 117, 120, 122, 123, 131,
commerce, 3, 15, 41, 42, 43, 18, 21, 34, 36, 37, 41, 48, 132, 133, 162, 163, 164,
44, 45, 46, 53, 55, 59, 73, 76, 87, 92, 93, 103, 131, 165, 166, 167, 168, 169,
76, 93, 94, 97, 107, 166, 198, 228, 232, 233, 234, 175, 176, 177, 178, 179,
193, 196, 220, 243, 247, 236, 241, 248, 263, 292, 180, 181, 182, 183, 185,
258, 266, 285, 308, 314, 293, 294, 296, 297, 401, 186, 187, 188, 189, 191,
377, 380, 452, 454, 461, 478 407, 422, 423, 424, 446, 192, 193, 194, 195, 196,
513, 514 197, 198, 199, 200, 205,
Commission Économique des
Nations Unies pour croissance, VI, XVI, 30, 50, 207, 216, 218, 219, 220,
l’Afrique: CEA, XIII 163, 164, 165, 169, 170, 221, 222, 223, 224, 225,
178, 179, 181, 187, 220, 228, 230, 231, 232, 235,
compagnies, 208, 210, 215, 221, 222, 225, 228, 230, 236, 237, 239, 241, 242,
258, 363, 374, 400, 401, 402 232, 233, 238, 246, 247, 245, 246, 247, 250, 251,
248, 251, 291, 294, 311, 253, 260, 272, 277, 286,
comptoirs, 47, 73, 400
315, 318, 319, 320, 325, 300, 312, 314, 315, 316,
CONAROUTE, 370 326, 327, 329, 332, 336, 320, 321, 322, 324, 325,
343, 352, 357, 363, 377, 326, 327, 328, 329, 330,
Conférence, 93, 94, 95, 106, 331, 335, 336, 339, 340,
434, 451, 452, 458, 516
111, 380, 452 342, 344, 345, 348, 349,
CTD: Collectivités territoriales 350, 351, 352, 353, 359,
construction, VIII, IX, XVI,
décentralisées, VI, XIV, 345, 362, 370, 371, 374, 378,
XVII, 3, 6, 8, 15, 17, 18, 22,
348, 349, 381, 516 380, 381, 435, 437, 438,
27, 28, 31, 41, 49, 51, 54,
440, 443, 451, 452, 454,
55, 56, 57, 62, 64, 66, 67, culture, 48, 50, 53, 72, 90, 97,
457, 458, 460, 461, 462,
68, 69, 70, 74, 76, 78, 96, 102, 123, 199
463, 464, 481, 514, 516
101, 102, 118, 128, 130,
131, 132, 136, 139, 140, décret, 59, 60, 86, 108, 116,
difficultés, 33, 34, 35, 66, 67,
141, 147, 148, 149, 152, 125, 207, 250, 262, 263,
177, 233, 248, 292, 294,
153, 158, 167, 174, 177, 264, 265, 266, 267, 268,
315, 350, 357, 358
184, 185, 186, 187, 189,193, 269, 270, 281, 299, 301,
197, 205, 208, 209, 210, 302, 303, 304, 305, 306, Dikoumé, II, 15, 16, 23, 24, 32,
216, 217, 218, 219, 220, 307, 326, 343, 344, 345, 45, 56, 57, 58, 59, 61, 64,
223, 231, 232, 273, 276, 348, 355, 356, 368, 371, 74, 95, 99, 125, 129, 133,
294, 303, 315, 321, 326, 372, 390, 408 134, 296, 443, 456
330, 333, 335, 337, 339, Décret, XI, 59, 118, 269, 271, DKG, 52
344, 345, 364, 370, 381, 292, 301, 304, 305, 306,
383, 386, 387, 393, 415, 307, 336, 355, 356, 365, Douala, IX, X, XI, 15, 17, 25,
419, 421, 426, 427, 442, 372, 377, 480 28, 32, 41, 43, 45, 47, 54,
447, 456, 457, 512 64, 65, 66, 67, 68, 70, 72,
défi, 329, 358 75, 76, 77, 78, 96, 99, 101,
convention, 259, 271, 277, 344,
102, 105, 106, 107, 113,
365, 366, 368, 373, 374 dette, XII, 21, 92, 95, 109, 110,
114, 116, 119, 120, 123,
119, 133, 144, 224, 236,
corruption, 21, 35, 38, 171, 129, 131, 150, 152, 157,
237, 239, 241, 244, 247,
241, 272, 300, 317, 340, 176, 185, 186, 187, 193,
248, 264, 308, 311, 312,
357, 358, 381, 408, 413, 194, 197, 208, 209, 211,
313, 314, 315, 318, 319,
415, 425, 426, 428, 430, 459 216, 217, 220, 223, 233,
320, 422, 425, 429, 453, 516
243, 245, 251, 273, 280,
P a g e | 472

283, 284, 285, 291, 293, 152, 184, 189, 197, 205, 257, 258, 275, 312, 314,
294, 295, 297, 321, 322, 207, 208, 218, 219, 220, 315, 347, 359, 366, 367,
326, 329, 331, 333, 335, 223, 245, 248, 250, 251, 374, 379, 384, 400, 402,
339, 342, 343, 366, 391, 252, 253, 254, 257, 276, 419, 425, 464
392, 394, 396, 397, 399, 285, 298, 301, 302, 303,
409, 426, 436, 438, 449, 306, 307, 308, 321, 322, Etoga Eily, 73, 77, 80, 96, 98,
456, 458, 459 323, 326, 328, 329, 330, 100, 101, 102, 120, 122, 435
334, 335, 345, 349, 364, étude, 3, 4, 5, 7, 10, 12, 13, 14,
DSCE, VI, VIII, XVI, 8, 16, 370, 392, 393, 394, 399,
37, 311, 321, 326, 327, 328, 17, 18, 19, 22, 23, 25, 26,
407, 408, 409, 410, 411, 27, 29, 30, 31, 34, 74, 86,
329, 330, 331, 332, 336, 412, 415, 426, 427, 428,
339, 357, 363, 380, 516 102, 114, 117, 121, 164,
432, 434, 442, 464 165, 224, 267, 277, 285,
DSDRE, 241, 242, 243 esclaves, 42, 44, 45 286, 323, 338, 339, 342,
349, 353, 362, 369, 370,
DSRP, VI, XVI, 16, 37, 248, Eséka, X, 43, 68, 99, 101, 113, 408, 449, 455, 512
311, 312, 316, 317, 318, 118, 216, 217, 278, 280,
319, 320, 321, 322, 325, 283, 284 Europe, 29, 48, 49, 50, 51, 72,
326, 339, 380, 516 85, 88, 90, 109, 138, 214,
Essomba, 23, 25, 66, 77, 444, 417, 426
duala, 15, 18, 44, 45, 47, 48 456, 458
européens, 15, 55, 96
Duala, 15, 47, 64 État, VI, VIII, XVI, 5, 7, 8, 9,
13, 14, 18, 22, 23, 25, 26, Européens, 41, 42, 45, 55
économie, XIV, XVI, 2, 9, 11,
15, 16, 20, 21, 23, 24, 29, 28, 30, 32, 36, 52, 63, 109, évaluation, VI, 10, 13, 19, 58,
49, 53, 54, 59, 72, 90, 92, 112, 114, 119, 125, 132, 243, 325, 331, 383, 416,
93, 94, 95, 108, 109, 110, 142, 144, 148, 155, 158, 419, 425, 445, 516; évaluer,
112, 125, 132, 133, 156, 162, 166, 167, 168, 169, 8, 9, 29, 33, 112, 116, 123,
167, 169, 171, 173, 174, 170, 174, 177, 178, 179, 205, 219, 222, 223, 229,
175, 178, 179, 182, 183, 180, 181, 182, 188, 191, 245, 262, 270, 275, 311,
193, 196, 197, 198, 199, 192, 193, 198, 207, 212, 325, 327, 331, 337, 348,
207, 216, 218, 222, 228, 213, 216, 218, 222, 224, 350, 352, 353, 445, 447,
232, 233, 234, 235, 236, 229, 230, 231, 233, 236, 453, 457, 460
238, 241, 243, 245, 250, 237, 238, 239, 240, 241,
251, 253, 263, 264, 285, 242, 245, 247, 248, 250, expansion, 48, 55, 56, 117,
291, 314, 320, 327, 328, 251, 264, 266, 267, 271, 131, 139, 219, 258, 292, 419
329, 331, 340, 353, 362, 274, 275, 276, 277, 278,
exploitation, 2, 15, 16, 36, 53,
370, 375, 378, 385, 386, 281, 289, 290, 291, 292,
67, 68, 72, 73, 101, 119,
416, 417, 418, 419, 420, 295, 300, 301, 303, 307,
132, 177, 178, 179, 188,
422, 423, 424, 425, 430, 313, 314, 315, 321, 322,
193, 211, 212, 214, 232,
434, 436, 440, 441, 442, 326, 331, 333, 336, 337,
256, 258, 259, 260, 271,
443, 444, 450, 457, 512 342, 345, 346, 347, 348,
274, 291, 292, 297, 298,
350, 351, 353, 354, 355,
emploi, VI, XVI, 105, 164, 300, 328, 365, 376, 410
356, 358, 362, 364, 367,
188, 199, 291, 292, 293, 370, 372, 374, 376, 379, exportation, 45, 50, 54, 57, 59,
295, 300, 311, 326, 327, 386, 389, 390, 391, 392, 76, 94, 97, 114, 133, 148,
329, 336, 357, 363, 515, 516 393, 401, 402, 403, 420, 162, 173, 180, 185, 211,
421, 422, 423, 424, 425, 234, 235, 312, 344, 417,
employeurs, 61, 88
429, 430, 434, 439, 442, 418, 422
emprunt, 95, 96 443, 444, 450, 451, 457,
458, 459, 463, 516 faiblesses, 222, 236, 311, 353
endettement, dette, 168, 235,
236, 237, 248, 264, 311, États, IX, XIII, 2, 14, 48, 50, Faivre d’Arcier, 456
312, 313, 314, 315, 316 85, 88, 92, 107, 108, 110,
Famechon, 22, 42, 43, 54, 59,
113, 132, 163, 170, 175,
entretien, VIII, 2, 20, 33, 37, 61, 62, 64, 66, 67, 68, 72,
184, 187, 188, 212, 213,
51, 58, 61, 103, 113, 123, 76, 435
217, 234, 237, 239, 247,
P a g e | 473

Fark-Grüninger, 41, 45, 47, 48, 125, 127, 129, 131, 132, 444, 446, 447, 448, 449,
51, 53, 56, 57, 154, 156, 456 133, 139, 151, 154, 157, 453, 454, 478
158, 214, 231, 315, 319,
FASR, 318, 319 400, 401, 416, 418, 419, IFI, 246, 247, 312

FED, 184, 186, 312 421, 434, 436, 437, 440, importation, 21, 57, 85, 107,
441, 448, 451, 452, 454, 234, 268, 390, 398
fédéralisme, fédéral, 23, 435, 455, 456, 460, 461, 462,
457 463, 464, 465, 481, 513 indépendance, XVI, 20, 27, 28,
36, 94, 112, 123, 127, 129,
ferroviaires, VI, 20, 25, 30, 59, gaz, 10, 390, 391, 393, 421 156, 159, 162, 163, 167,
63, 64, 95, 101, 114, 116, 169, 170, 174, 177, 178,
133, 147, 185, 196, 200, Germans in the Cameroons,
15, 22, 56, 64, 72, 439 179, 211, 221, 230, 263,
216, 220, 259, 272, 275, 312, 317, 373, 419, 421, 423
285, 300, 302, 303, 328, gouvernance, XVI, 2, 21, 167,
344, 345, 346, 359, 371, 225, 241, 245, 307, 316, indépendances, 21, 113, 167,
512, 513, 514, 516 317, 320, 321, 326, 328, 170, 175, 176, 213, 400,
330, 332, 336, 408, 420, 419, 420, 450
FIDES, IV, XVI, XVII, 24, 25,
26, 81, 93, 109, 110, 111, 425, 428, 429, 444, 452 Indirect rule, 156
112, 113, 116, 117, 122, gouvernement, 14, 35, 36, 46,
123, 129, 130, 131, 133, industrialisation, 48, 94, 162,
47, 54, 57, 58, 59, 60, 63, 181, 193, 228
163, 179, 184, 416, 418, 67, 68, 73, 80, 83, 84, 88,
419, 434, 513 89, 91, 94, 101, 103, 104, informel, 4, 10, 33, 239, 291,
financement, VIII, XI, 2, 56, 105, 108, 130, 137, 141, 293, 315
57, 93, 95, 111, 112, 117, 142, 143, 144, 146, 147,
infrastructure, 2, 3, 55, 70, 94,
133, 141, 175, 181, 182, 157, 162, 165, 166, 167,
95, 105, 117, 118, 123, 131,
186, 190, 192, 193, 210, 168, 176, 180, 181, 185,
132, 138, 154, 174, 184,
218, 221, 237, 238, 241, 186, 199, 212, 214, 215,
189, 209, 223, 237, 259,
254, 255, 271, 275, 287, 228, 230, 235, 239, 242,
272, 273, 275, 383, 384,
306, 323, 329, 364, 394, 250, 256, 257, 258, 259,
411, 426, 429, 460
400, 419, 457, 481, 483, 484 260, 262, 263, 264, 268,
269, 270, 272, 273, 275, infrastructures, VI, VIII, 2, 3,
firme, 46, 47, 57, 155, 443 276, 287, 289, 291, 298, 16, 28, 30, 33, 41, 53, 72,
301, 302, 303, 304, 305, 73, 78, 89, 96, 97, 106, 114,
fleuve, IX, 42, 46, 47, 59, 74,
318, 319, 323, 325, 327, 116, 117, 132, 166, 175,
107, 217, 343
333, 336, 339, 345, 348, 176, 181, 193, 195, 197,
fluvial, 59, 216, 321, 325, 328, 358, 385, 391, 398, 415, 200, 208, 218, 233, 241,
342, 343 417, 418, 422, 423, 424, 250, 251, 276, 302, 308,
425, 448, 464 319, 321, 326, 328, 329,
FMI, XIV, XVI, 219, 236, 238, 330, 331, 332, 333, 334,
239, 240, 245, 247, 248, Grand-Nord, 43, 44, 123
342, 343, 344, 349, 350,
250, 261, 271, 301, 311, 352, 357, 362, 364, 369,
Guerre, X, 23, 64, 67, 68, 77,
312, 313, 316, 318, 319, 371, 380, 464, 516
100, 101, 105, 110, 165
362, 461
Hambourg, 46, 47, 378, 379 institutions, 7, 9, 11, 30, 37,
Français: France, X, 15, 16, 68, 162, 166, 167, 187, 192,
77, 93, 94, 96, 102, 103, Harding, 47, 53, 55, 59, 60, 69, 219, 236, 241, 245, 250,
107, 132, 435 70, 76, 446 257, 269, 301, 311, 312,
France, IV, XI, 14, 21, 23, 26, hinterland, 15, 44, 56, 64, 66, 318, 343, 345, 348, 368,
28, 30, 32, 36, 48, 49, 58, 70, 76, 106, 116 369, 514
63, 78, 80, 83, 85, 87, 88, intervenants, VI, 37, 219, 269,
89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, histoire, 2, 4, 11, 23, 35, 42,
43, 46, 62, 73, 110, 128, 301, 304, 305, 340, 342,
96, 97, 100, 101, 107, 108, 345, 350, 355, 371, 380,
109, 110, 111, 112, 117, 212, 230, 237, 435, 439,
381, 515, 516
118, 119, 120, 123, 124,
P a g e | 474

investissement, VIII, XIII, 357, 364, 365, 372, 375, Ministère des Transports, XIV
XIV, 23, 29, 54, 93, 116, 376, 377
117, 123, 162, 164, 166, Ministère des Travaux Publics,
168, 177, 181, 182, 184, main-d’œuvre, 54, 55, 62, 63, XIV
188, 189, 192, 193, 194, 65, 72, 140, 174
ministères, 32, 35, 110, 188,
195, 196, 197, 200, 216, mandat, XVI, 16, 36, 67, 68, 192, 218, 301, 302, 345,
218, 219, 222, 237, 238, 80, 96, 101, 103, 104, 105, 355, 370, 380, 381, 423,
241, 242, 248, 250, 251, 129, 132, 142, 148, 150, 427, 428
271, 305, 338, 344, 345, 154, 156, 257, 419, 438,
352, 353, 409 461, 464 mise en valeur, IV, 25, 72, 80,
81, 82, 83, 86, 87, 89, 90,
IPPTE, 16, 308, 311, 312, 316, Mandat, IV, X, 78, 96, 103, 96, 97, 120, 123, 127, 141,
320, 339, 342, 425, 516 105, 107, 513 143, 146, 167, 181, 221,
Jantzen & Thormählen, 46 383, 417, 419, 440, 513
marché, X, 2, 49, 50, 54, 96,
Jones, 8, 303, 348, 436, 442 97, 166, 234, 237, 245, 251, modes de locomotion, 10
271, 292, 293, 294, 308,
Kamerun, IX, XI, XVI, XVII, 338, 339, 356, 358, 374, Monnet, IV, 107, 108, 109,
15, 31, 47, 48, 50, 51, 55, 381, 442 110, 111, 112, 438, 444, 513
57, 58, 59, 63, 64, 67, 68, moto-taxis, VI, X, 291, 293,
69, 70, 120, 129, 149, 157, marchés publics, XIII, 252,
304, 317, 348, 355, 358 294, 295, 515
158, 284, 478, 512
MATGENIE, XIV, 243, 256, Moutet, 93, 94
krach économique: crash, 48
303 Muller, 8, 14, 438, 449
Kribi, 71, 74, 75, 76, 98, 99,
107, 118, 183, 193, 197, matières premières, 21, 49, 52, Mveng, 62, 72, 162, 438
216, 223, 329, 342, 343 72, 83, 84, 132, 133, 138,
139, 169, 173, 233, 234, Nachtigal, 15, 47, 99
LABOGENIE, XIV, 244, 256 328, 383
Nation, 132, 191, 230, 231,
Les politiques publiques des mémoires, 22, 32, 78 234, 265, 320, 439
transports, 18, 37, 415
mer: maritime, 9, 44, 46, 59, Nordbahn, XI, 23, 64, 65, 66,
Libéralisation, privatisation, 75, 89, 111, 112, 113, 116, 67
238 117, 119, 123, 293, 297,
Northern Cameroons, 136,
342, 376, 377, 378, 379,
libéralisme communautaire, V, 155, 156
446, 448, 450, 454, 478, 481
XVI, 34, 37, 200, 225, 228,
objectifs, VI, VIII, 8, 9, 28, 52,
229, 231, 232, 434, 514 Ministère de l’économie et de
54, 95, 96, 101, 114, 164,
la planification: MINEP,
libéralisme planifié, XVI, 17, 166, 167, 177, 180, 183,
XIV
18, 36, 134, 167, 168, 169, 185, 188, 189, 191, 192,
170, 174, 421, 514 Ministère de l’économie et des 195, 198, 199, 222, 232,
finances: MINEFI, XIV 239, 253, 256, 269, 271,
Libéralisme planifié, V, XVI, 319, 320, 326, 327, 331,
34, 36, 162, 163, 167, 168, Ministère de l’Économie, de la 332, 335, 336, 349, 351,
169, 175, 177, 179, 194, Programmation et de 359, 363, 374, 380, 381, 516
200, 201, 205, 216, 221, l’Aménagement du
222, 224, 225, 228, 229, Territoire: MINEPAT, XIV obstacles, 3, 182, 184, 353,
230, 231, 232, 248, 454, 514 358, 408
Ministère des finances: MINFI,
locomotion, 10, 285 XIV, 267, 270, 354 ONPC, 193, 243, 252, 260, 303

loi, Loi, Lois, 49, 89, 90, 110, Ministère des marchés publics, ONU, 16, 21, 27, 32, 36, 80,
111, 112, 214, 263, 267, XIV 81, 106, 120, 130, 132, 152,
268, 295, 301, 304, 305, 156, 253, 255, 359, 360,
307, 348, 349, 351, 354, Ministère des mines, de l’eau et 365, 408, 419, 427, 462
de l’énergie, XIV
P a g e | 475

Ordonnance, XII, 61, 66, 265, Plan d’urgence triennal: policy, XVII, 6, 7, 8, 11, 12,
510 PLANUT, XV, XVI, 37, 336 13, 14, 30, 83, 144, 146,
237, 245, 437, 438, 440,
Outre-Mer, 63, 69, 93, 111, plan économique: plan social, 443, 444, 445, 452, 454, 462
112, 118, 435, 445, 452 16, 89, 186, 233, 248
politics, 6, 7, 8, 13, 442, 446,
ouvrages, 28, 77, 117, 118, plan économique, 5 448
208, 328, 335, 336, 372
plan quadriennal, Plan politique, IV, V, VI, XVI, 3, 4,
ouvriers, 61, 62 quinquennaux, 180 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 16,
Owona, 4, 15, 23, 46, 70, 194, plan quadriennal, Plans 17, 18, 19, 20, 21, 22, 27,
286, 287, 361, 373, 438, 450 quinquennaux, 113 28, 29, 30, 31, 33, 34, 35,
36, 37, 41, 43, 48, 49, 50,
palmier à huile, 97 plan quinquennal, 28, 162, 180, 51, 52, 54, 55, 59, 61, 62,
228, 235, 420, 514 63, 64, 66, 67, 68, 69, 70,
PAS: Programmes d'ajustement
72, 73, 76, 80, 81, 82, 83,
structurel, V, VI, XVI, 16, Plan quinquennal, VIII, 169,
85, 86, 87, 88, 89, 90, 91,
233, 236, 239, 240, 243, 180, 182, 187, 188, 189,
92, 93, 94, 97, 101, 105,
245, 247, 248, 250, 262, 191, 193, 194, 195, 196,
106, 111, 113, 114, 116,
266, 301, 302, 308, 316, 197, 198, 199, 200, 205,
120, 123, 124, 127, 128,
345, 380, 453, 514, 515 207, 216, 218
129, 134, 137, 138, 139,
passé, 12, 16, 34, 99, 213, 224, plan social, 5 141, 142, 143, 144, 147,
226, 228, 356 150, 152, 154, 155, 156,
planificateurs, 132, 199 157, 158, 159, 162, 163,
patrimoine, 219, 302, 306, 307, 167, 168, 169, 170, 171,
323, 330, 364, 365 planification, V, 29, 81, 94,
173, 174, 175, 176, 177,
117, 123, 163, 164, 165,
179, 182, 184, 185, 187,
Paul Biya, 200, 228, 229, 230, 166, 167, 168, 169, 177,
189, 191,197, 198, 200, 205,
231, 232, 234, 247, 264, 180, 181, 188, 191, 192,
208, 209, 215, 218, 221,
265, 320, 336, 340, 455 194, 195, 196, 199, 205,
222, 223, 224, 225, 228,
208, 218, 222, 223, 251,
pauvreté, VI, XVI, 2, 3, 5, 16, 229, 230, 231, 232, 234,
322, 327, 328, 331, 332,
223, 242, 243, 245, 246, 236, 237, 239, 240, 243,
370, 439, 441, 451, 453,
247, 248, 250, 251, 256, 245, 247, 250, 251, 262,
462, 514
286, 308, 311, 316, 318, 264, 266, 268, 292, 293,
319, 320, 321, 326, 327, plans quinquennaux, V, XVI, 301, 305, 307, 308, 314,
332, 357, 384, 412, 415, 8, 162, 163, 179, 205, 514 319, 323, 325, 327, 336,
424, 425, 516 338, 339, 340, 345, 348,
Plans, Plan, plan, plans, V, XI, 349, 350, 356, 359, 368,
pays, 62 37, 81, 94, 117, 123, 163, 370, 371, 373, 375, 380,
179, 180, 195, 199, 222, 383, 386, 415, 417, 419,
PDR: Plan directeur routier, 236, 239, 362, 481, 513, 514 420, 422, 423, 424, 425,
323, 324, 330
430, 435, 436, 438, 439,
plantations, 23, 25, 42, 46, 50,
permis de conduire, 295, 299, 440, 441, 442, 443, 446,
54, 56, 59, 62, 63, 67, 70,
368, 369, 371 449, 450, 451, 452, 453,
72, 73, 97, 102, 106, 120,
455, 456, 457, 512, 513,
pétrole, 10, 178, 221, 225, 234, 122, 140, 151, 154, 155,
514, 515, 516
236, 313, 314, 332, 390, 156, 157, 210, 273, 284,
391, 394, 396, 397, 398, 323, 416, 443, 448 politique publique, 3, 6, 7, 8, 9,
421, 422 12, 14, 17, 19, 20, 36, 37,
PLANUT, VIII, XV, XVI, 16,
163, 225, 386, 415
pétrolier, pétrole, 178, 221, 17, 336, 337, 338, 339, 380,
222, 234, 236, 312, 313, 426 politiques, 3; politique, V, VI,
314, 344 XVI, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11,
poids, 59, 238, 239, 247, 307,
12, 13, 14, 16, 19, 22, 23,
PIB, 3, 178, 179, 180, 222, 312, 364
28, 29, 30, 33, 34, 35, 37,
225, 235, 312, 325, 362 49, 54, 72, 80, 81, 96, 106,
P a g e | 476

123, 163, 166, 180, 183, 107, 131, 133, 143, 148, 257, 276, 285, 333, 344,
185, 188, 191, 195, 198, 151, 192, 193, 197, 203, 351, 352, 353, 358, 460
199, 218, 225, 235, 237, 243, 302, 303, 325, 328,
239, 240, 241, 246, 247, 329, 342, 343, 384, 446 protectorat, IV, XI, 15, 16, 24,
250, 251, 252, 253, 255, 35, 41, 42, 46, 47, 48, 54,
262,266, 293, 308, 311, 317, pouvoirs publics, 2, 93, 162, 57, 58, 59, 68, 69, 71, 73,
319, 320, 326, 336, 339, 164, 223, 228, 293, 296, 452 80, 96, 100, 107, 155, 157,
340, 342, 343, 350, 356, 419, 459, 461, 479, 512
PPTE, VI, 37, 311, 312, 316,
358, 380, 381, 415, 437, 317, 320, 516 PST, V, VI, XV, 250, 252, 253,
438, 440, 442, 445, 447, 256, 257, 258, 259, 321,
449, 450, 451, 453, 454, pré-coloniale, 22 329, 515
456, 457, 458, 461, 463,
Premier Ministre, 212, 269, rails, 18, 67, 73, 78, 141, 217,
514, 516
301, 370 284, 285
politiques publiques, IV, V,
Première Guerre mondiale, 23, Razel, 27, 130
XVI, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
63, 64, 68, 83, 86, 101, 127,
11, 12, 13, 14, 16, 17, 18,
456 réalisations, VIII, 90, 112, 113,
19, 20, 22, 23, 28, 29, 30,
116, 130, 133, 197, 198
32, 33, 34, 35, 36, 37, 87, prévention, 240, 298, 305, 306,
96, 107, 123, 163, 167, 191, 345, 362, 363, 364, 368, réformes, 11, 90, 165, 225,
225, 239, 311, 350, 358, 369, 371, 463 239, 240, 243, 245, 250,
385, 386, 388, 399, 400, 252, 256, 258, 260, 262,
404, 415, 425, 429, 430, Privatisation, VI, 238, 262, 265, 301, 317, 318, 319,
437, 438, 440, 442, 445, 266, 268, 515 320, 329, 342, 345, 380, 438
447, 449, 450, 451, 453,
prix, 15, 35, 46, 47, 48, 49, 60, REGIFERCAM, VI, XI, XV,
454, 456, 458, 513, 514, 517
80, 183, 188, 225, 233, 234, 194, 197, 243, 244, 251,
polity, 7, 13, 448 291, 295, 314, 332, 333, 264, 265, 271, 272, 276,
356, 410, 462 303, 321, 480, 515
population, 4, 13, 20, 24, 51,
54, 55, 56, 57, 62, 68, 102, programme, IX, 7, 8, 9, 29, 68, République, XV, 3, 43, 52, 68,
117, 120, 132, 140, 146, 89, 90, 94, 97, 101, 106, 97, 98, 111, 118, 181, 182,
157, 166, 167, 169, 171, 116, 117, 162, 164, 180, 183, 184, 185, 186, 187,
182, 183, 189, 191, 222, 182, 183, 185, 189, 199, 191, 194, 197, 199, 212,
230, 245, 257, 278, 280, 205, 208, 222, 223, 230, 213, 214, 218, 219, 224,
284, 289, 292, 293, 296, 232, 236, 241, 242, 250, 231, 239, 242, 267, 269,
300, 327, 383, 446 251, 252, 254, 263, 264, 275, 285, 301, 302, 318,
266, 271, 278, 301, 316, 319, 322, 326, 327, 329,
Port, XI, XV, 211, 343, 344, 317, 318, 319, 320, 322, 332, 336, 340, 343, 348,
409 325, 326, 329, 331, 336, 351, 365, 366, 376, 377,
340, 350, 351, 352, 356, 435, 460, 462, 463, 464, 466
Port Autonome de Douala:
380, 463
PAD, XV, 343
réseau, VIII, XI, XII, XVI, 3,
programmes, 7, 13, 34, 36, 37, 22, 24, 25, 28, 37, 41, 52,
portage, 10, 15, 16, 22, 23, 24,
82, 95, 110, 112, 127, 144, 62, 67, 68, 69, 73, 97, 98,
31, 42, 45, 55, 58, 59, 61,
166, 167, 192, 195, 211, 99, 100, 103, 105, 106, 113,
62, 63, 80, 97, 138, 140,
228, 233, 235, 236, 240, 116, 117, 123, 131, 133,
419, 443, 512
245, 248, 266, 271, 302, 152, 157, 175, 177, 183,
portage, porteurs: dos 305, 306, 318, 319, 322, 184, 185, 187, 190, 194,
d'homme, 16, 42 327, 328, 349, 351, 364, 196, 197, 202, 204, 205,
368, 413, 416, 424, 425, 206, 207, 208, 219, 223,
porteurs, 42, 44, 45, 54, 59, 60, 453, 514
61, 62, 63, 68, 72, 95, 120, 232, 251, 252, 253, 272,
140, 150, 209, 416 projet, 64, 66, 89, 90, 93, 95, 276, 298, 300, 306, 321,
101, 102, 103, 162, 185, 322, 323, 324, 328, 329,
ports, XII, 2, 13, 26, 51, 55, 72, 189, 195, 214, 219, 220, 330, 331, 335, 368, 369,
74, 75, 76, 84, 85, 90, 106, 223, 230, 231, 250, 252, 370, 383, 384, 393, 394,
P a g e | 477

396, 397, 407, 408, 413, secteur, V, 2, 9, 16, 22, 25, 32, taxes, XII, 57, 84, 85, 86, 240,
419, 426, 456, 457, 515 34, 37, 63, 109, 110, 123, 242, 257, 289, 338, 388,
133, 162, 166, 169, 174, 391, 399, 510
réseau routier, VIII, 28, 69, 73, 178, 179, 180, 182, 187,
97, 100, 105, 116, 175, 183, 188, 189, 192, 193, 195, Tchad, XI, 67, 98, 101, 102,
184, 187, 207, 223, 232, 196, 197, 200, 205, 207, 119, 123, 185, 189, 212,
251, 252, 253, 298, 300, 219, 220, 225, 235, 236, 216, 220, 223, 224, 322,
306, 321, 322, 323, 324, 239, 240, 241, 242, 243, 343, 344, 365, 409
328, 330, 368, 369, 370, 248, 250, 251, 253, 256,
457, 515 temps, II, XI, 2, 3, 4, 8, 9, 12,
257, 258, 259, 260, 262, 17, 19, 26, 35, 41, 54, 58,
richesses, 15, 16, 89, 105, 106, 263, 264, 266, 267, 268, 59, 60, 62, 68, 75, 87, 93,
111, 117, 239 269, 270, 275, 290, 293, 94, 101, 107, 116, 119, 124,
300, 301, 302, 303, 304, 130, 139, 140, 152, 158,
route, VII, IX, X, 9, 27, 56, 59, 305, 308, 315, 319, 320, 164, 165, 166, 170, 174,
62, 64, 66, 68, 70, 71, 74, 321, 325, 328, 329, 330, 177, 183, 184, 189, 214,
97, 99, 100, 103, 105, 112, 333, 334, 337, 338, 340, 231, 264, 278, 288, 289,
122, 123, 127, 130, 137, 342, 346, 348, 350, 353, 293, 297, 298, 312, 327,
148, 149, 153, 176, 177, 356, 362, 365, 368, 373, 330, 336, 339, 361, 381,
179, 183, 184, 186, 187, 374, 376, 381, 383, 385, 415, 417, 423, 424, 435,
189, 193, 197, 199, 207, 388, 389, 390, 398, 401, 440, 442, 485, 486
208, 216, 217, 223, 232, 402, 407, 415, 422, 423,
254, 257, 278, 285, 294, 425, 428, 454, 460, 464, 514 territoire, XVI, 3, 7, 9, 13, 15,
295, 298, 299, 322, 331, 28, 29, 30, 36, 41, 68, 71,
332, 333, 336, 339, 342, secteurs, 3, 7, 16, 94, 108, 122, 73, 76, 78, 96, 97, 98, 100,
359, 360, 361, 362, 366, 147, 166, 168, 169, 175, 102, 105, 117, 123, 132,
367, 368, 369, 370, 383, 178, 179, 193, 195, 198, 133, 175, 177, 188, 189,
384, 407, 408, 410, 411, 200, 216, 228, 230, 235, 195, 197, 211, 219, 230,
427, 457, 517 241, 245, 250, 264, 265, 327, 328, 329, 331, 335,
293, 307, 317, 353, 362, 336, 337, 358, 366, 367,
Route, XI, 176, 207, 208, 366, 370, 388, 413, 419 370, 456, 461
409
sécurité routière, 254, 296, 305, thèse, II, XVI, 10, 11, 14, 16,
routier, VIII, XI, XV, 59, 97, 345, 346, 359, 362, 363, 24, 26, 27, 29, 33, 34, 36,
98, 99, 100, 104, 106, 183, 368, 369, 370, 371, 462, 515 44, 56, 85, 111, 136, 142,
184, 207, 208, 219, 220, 149, 173, 200, 324, 342,
251, 253, 254, 256, 257, SFIO, 89, 93
343, 391, 404, 415, 417,
259, 276, 300, 302, 305, sociohistoire, 4, 5, 11 430, 457
306, 307, 321, 322, 323,
329, 330, 334, 338, 349, Solf, 52, 67, 72, 439 Thoenig, 6, 13, 437, 438, 453
362, 363, 364, 365, 366,
367, 370, 409, 410, 460, SOTUC, XV, 243, 245, 251, Tiers-Monde, 171, 172, 173,
464, 515 257, 291, 292, 297, 303 247, 248, 292, 420, 441, 446

Rudin, 15, 22, 56, 57, 58, 64, sous-développement, 5 traite, XVI, 7, 24, 25, 44, 45,
72, 439, 479 46, 93, 133, 140, 212, 315,
Southem Cameroons, 155, 156 416
Sanaga, X, 69, 74, 78, 99, 102, Sud, 26, 43, 67, 74, 100, 120,
118, 130, 421 Traité, 15, 212, 213, 214, 440
122, 132, 136, 151, 156,
Sarraut, 87, 89, 90, 96, 101, 157, 384, 389, 428, 434, 459 traite des esclaves, 44
125, 417 Sud, Est, Ouest, Nord, Centre, Transcam, 217
SCDP, XV, 265 XV, 43, 62, 67, 68, 74, 97,
98, 105, 116, 123, 178, 183, Transcamerounais, VIII, 176,
SDN, 16, 21, 27, 32, 36, 78, 184, 189, 193, 209, 245, 183, 185, 186, 193, 208,
80, 97, 120, 127, 132, 156, 247, 315, 332, 333, 339, 216, 217, 221, 223, 303,
418, 419 437, 444, 446 372, 421
P a g e | 478

transport, VI, IX, X, XVII, 2, 275, 279, 283, 284, 285, unification: unifié, unité, unie,
3, 5, 6, 9, 10, 16, 21, 23, 24, 288, 291, 294, 296, 297, 177, 377, 378
26, 27, 29, 33, 41, 42, 45, 299, 300, 301, 302, 303,
54, 59, 63, 72, 73, 80, 94, 305, 307, 308, 311, 312, Union nationale du Cameroun:
96, 97, 102, 106, 119, 133, 321, 322, 325, 326, 327, UNC, XV
137, 138, 140, 141, 143, 328, 329, 335, 338, 339, urbanisme, 3, 29, 111, 188,
149, 150, 151, 154, 175, 340, 342, 343, 345, 346, 192, 200, 209, 230, 370,
182, 186, 193, 210, 211, 347, 348, 349, 350, 356, 436, 451
212, 213, 214, 216, 219, 358, 359, 360, 362, 363,
223, 224, 244, 250, 251, 364, 365, 366, 367, 368, Victoria, 60, 64, 67, 68, 70, 71,
252, 253, 256, 257, 258, 369, 370, 371, 373, 375, 73, 75, 76, 107, 140, 148,
259, 272, 275, 276, 277, 376, 377, 378, 379, 380, 149, 150, 151, 152, 157,
278, 279, 283, 285, 288, 381, 383, 385, 386, 387, 184, 193, 216, 446
289, 290, 291, 292, 293, 388, 398, 400, 404, 407,
voies de communication, 5, 15,
294, 295, 296, 297, 299, 408, 413, 415, 416, 418,
20, 22, 23, 28, 41, 48, 51,
305, 308, 321, 324, 325, 419, 423, 424, 425, 426,
56, 63, 68, 69, 73, 74, 77,
328, 329, 342, 345, 349, 427, 428, 436, 438, 447,
80, 103, 106, 107, 113, 114,
350, 352, 353, 359, 361, 456, 457, 458, 461, 462,
120, 131, 140, 150, 176,
362, 364, 365, 366, 367, 463, 465, 479, 485, 486,
177, 182, 184, 228, 381,
368, 369, 370, 374, 375, 512, 513, 514, 515, 516, 517
412, 444, 454
376, 377, 378, 379, 380,
383, 384, 385, 386, 387, travail, II, 4, 5, 11, 13, 30, 34,
voies de communications, 9,
390, 391, 392, 393, 394, 35, 50, 55, 59, 69, 103, 117,
10, 62, 90, 123, 176
395, 397, 399, 404, 405, 164, 201, 219, 232, 271,
406, 407, 411, 413, 419, 292, 293, 327, 340, 350, voies fluviales, XII, 18, 59, 74,
426, 436, 441, 446, 449, 380, 415, 460, 462 97, 104, 203
450, 454, 457, 462, 463, travaux, VIII, 17, 22, 28, 29, voies maritimes, 18
464, 513, 515 30, 55, 65, 89, 90, 93, 94,
96, 100, 101, 102, 103, 107, Von Puttkamer, 69
transports, IV, V, VI, VII, VIII,
IX, XI, XII, XV, XVI, 2, 3, 116, 117, 123, 185, 186,
Woermann, IX, 46, 47, 51, 52,
4, 5, 7, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 187, 191, 193, 197, 208,
56, 57, 73
16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 209, 210, 217, 218, 219,
23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 243, 251, 252, 254, 255, Wouri, X, 17, 45, 74, 100, 113,
30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 256, 276, 302, 303, 308, 116, 118, 128, 129, 131,
37, 41, 43, 44, 45, 48, 51, 321, 322, 323, 329, 331, 133, 216, 217, 325, 331,
52, 53, 55, 57, 58, 59, 62, 332, 333, 334, 335, 336, 335, 343, 417, 421, 455
63, 64, 66, 72, 73, 74, 76, 337, 338, 339, 347, 356,
78, 81, 87, 96, 97, 100, 101, 370, 377, 381, 409, 410, 456
104, 105, 106, 109, 113, travaux publics, VIII, 24, 27,
116, 117, 119, 120, 123, 28, 56, 57, 58, 64, 74, 81,
125, 127, 131, 132, 133, 89, 90, 94, 95, 99, 125, 129,
134, 137, 138, 140, 143, 130, 133, 134, 152, 156,
147, 150, 152, 159, 162, 219, 243, 255, 285, 296,
163, 167, 175, 176, 177, 302, 303, 321, 322, 323,
179, 180, 182, 183, 185, 332, 333, 334, 337, 339,
186, 187, 189, 190, 191, 347, 370, 407, 415, 456, 465
193, 194, 196, 198, 200,
205, 206, 207, 208, 213, tutelle, XI, XVI, 27, 36, 80,
214, 216, 218, 219, 220, 129, 146, 147, 152, 156,
221, 223, 229, 230, 232, 419, 423, 429, 448, 461
233, 236, 238, 241, 243,
Tutelle, 16, 128, 132, 133, 162,
244, 245, 248, 250, 251,
252, 253, 255, 256, 257, 179, 219, 243, 271, 303,
306, 307, 346, 370
260, 261, 262, 265, 270,
P a g e | 479

ANNEXES
P a g e | 480

ANNEXE I : Le Kamerun Stad

Source : Wirz A., 1973, « La « Rivière de Cameroun » : commerce pré-colonial et contrôle du pouvoir
en société lignagère », Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 60, n°219, 2e trimestre, p. 173.
P a g e | 481

ANNEXE II : Les transports au Cameroun sous protectorat allemand

Source : Harry Rudin, Germans in Cameroon…, 1938, p. 457.


P a g e | 482

ANNEXE III : Décret créant la Régie d’Exploitation des Chemins de Fer du Cameroun
(REGIFERCAM)

Source : JORF du 22 aout 1917, p. 8286.


P a g e | 483

ANNEXE IV : Loi N° 46-860 du 30 avril 1946, tendant à l’établissement, au financement et à l’exécution


de Plans d’équipement et de développement des territoires relevant de la France et d’Outre-mer
P a g e | 484

Source : JORF du 1er mai 1946, pp. 3655-3656


P a g e | 485

ANNEXE V : Délibération n°90/52 créant un « Comité des routes » et déterminant les


modalités de financement du « Fonds routier ».

Source : JOCF, juillet 1952.


P a g e | 486

ANNEXE VI : Arrêté n° 2928 du 28 mai 1952, rendant exécutoire la Délibération


n°90/52 créant un « Comité des routes » et déterminant les modalités de financement du
« Fonds routier ».

Source : JOCF, juillet 1952.


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ANNEXE VII : Décret n° 51-568 du 19 mai 1951, relatif à l’organisation des transports
en temps de guerre.

Source JOCF,du 04 juin 1952.


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ANNEXE VII : Décret n° 51-568 du 19 mai 1951, relatif à l’organisation des transports en
temps de guerre. Source JOCF,du 04 juin 1952 (suite et fin).
P a g e | 489

ANNEXE VIII : R. POWELL, « L’ALLÈGEMENT DE LA DETTE DES PAYS PAUVRES »,


FINANCES ET DÉVELOPPEMENT, DÉCEMBRE 2000, PP. 42-45.
P a g e | 490
P a g e | 491
P a g e | 492

Source : https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2000/12/pdf/powell.pdf, consulté le 25/02/2021 à 21h04.


P a g e | 493

ANNEXE IX : ORDONNANCE N° 90/004 DU 22 JUIN 1990, RELATIVE À LA


PRIVATISATION DES ENTREPRISES PUBLIQUES ET PARA-PUBLIQUES
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P a g e | 495
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ANNEXE X : LE DÉCRET N° 2014/575 DU 19 DÉCEMBRE PORTANT CRÉATION,


ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU COMITÉ DE SUIVI DE LA MISE EN ŒUVRE DU
PLAN TRIENNAL POUR L’ACCÉLÉRATION DE LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE

Source : https://www.prc.cm/fr/multimedia/documents/3258-decret-n-2014-575-du-19-12-2014-comite-de-
suivi-du-pla-d-urgence, consulté le 25/02/2021 à 21h43.
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ANNEXE XI : LE COLONIAL DEVELOPMENT ACT DE 1929.

Source : https://www.legislation.gov.uk/ukpga/1929/5/pdfs/ukpga_19290005_en.pdf, consulté le 25/02/2021 à


21h47.
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ANNEXES XII : NOTE EXPLICATIVE SUR LA REFORME DU DROIT DE TIMBRE

Source : https://www.impots.cm/uploads/NOTE_DR_DE_TIMBRE_AUTO_F.pdf, consulté le 25/02/2021 à 21h55.


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ANNEXE XIII : Ordonnance n° 2014 /001 du 07 juillet 2014 portant réduction de la Taxe Spéciale sur les
Produits Pétroliers (TSPP) et de certaines taxes dues par les transporteurs de personnes et de
marchandises

Source : https://www.prc.cm/fr/multimedia/documents/2553-ordonnance-n-2014-001-du-07-07-2014-reduction-
taxes, consulté le 20/02/2021 à 06h24.
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TABLE DES MATIÈRES

DÉDICACE ................................................................................................................................ I
REMERCIEMENTS ............................................................................................................... II
SOMMAIRE ........................................................................................................................... IV
LISTE DES ILLUSTRATIONS ET ANNEXES ............................................................... VIII
LISTE DES ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES.......................................................... XIII
RÉSUMÉ .............................................................................................................................. XVI
ABSTRACT ....................................................................................................................... XVII

INTRODUCTION GÉNÉRALE ............................................................................................. 1


I. Objet et intérêt de la recherche ............................................................................................ 2
II. Raisons de choix du sujet .................................................................................................... 4
III. Cadre conceptuel et théorique.............................................................................................. 5
IV. Cadre spatio-temporel de l’étude...................................................................................... 13
1. Cadre spatial ................................................................................................................. 13
2. Cadre chronologique ..................................................................................................... 14
V. Problématique .................................................................................................................... 18
VI. Hypothèses de travail......................................................................................................... 20
VII. Revue de la littérature ........................................................................................................ 22
VIII. Démarche méthodologique.............................................................................................. 31
IX. Difficultés rencontrées ....................................................................................................... 33
X. Structuration du travail ...................................................................................................... 35

PARTIE I : LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS SOUS LA


COLONISATION AU CAMEROUN ENTRE 1884 ET 1961 ............................................ 39

CHAPITRE I : LES TRANSPORTS AU SERVICE DE LA POLITIQUE COLONIALE


SOUS LE PROTECTORAT ALLEMAND ENTRE 1884 ET 1916 .................................. 40
A. Un aperçu des transports au Cameroun avant 1884 ............................................................. 41
B. Les fondements de la politique coloniale allemande des transports au Kamerun................ 48
I. Les origines de la politique coloniale allemande ............................................................ 48
II. La politique allemande des transports au Kamerun ......................................................... 51
C. Les types de transports sous le protectorat allemand ........................................................... 57
I. Les transports terrestres ................................................................................................... 59
1. Le portage, « point de départ de l’économie coloniale » allemande au
Kamerun ................................................................................................................ 59
2. Les transports ferroviaires, une solution à la problématique de la main
d’œuvre .................................................................................................................. 63
3. La construction des routes, entre intérêts économiques et “pacification” du
territoire ................................................................................................................. 68
II. Les transports fluviaux : un relai économique aux coûts élevés des routes et des
rails ............................................................................................................................... 73
P a g e | 515
Conclusion ................................................................................................................................ 76

CHAPITRE II : LES TRANSPORTS DANS LA POLITIQUE DE « MISE EN VALEUR »


DU CAMEROUN SOUS MANDAT ET SOUS TUTELLE FRANÇAIS ENTRE 1916 ET
1960 .......................................................................................................................................... 79
A. La « mise en valeur » des colonies : évolution d’un concept politique ambiguë ................ 81
B. L’instabilité politique en France entre 1919 et 1946 et son impact sur les politiques publiques
des transports au Cameroun sous Mandat ............................................................................ 87
I. La crise économique et politique en France et son impact sur les Plans de développement
de l’entre-deux-guerres ................................................................................................... 87
II. Les politiques publiques des transports au Cameroun sous Mandat français ................. 96
1. La politique des transports routiers ....................................................................... 97
2. La politique des transports ferroviaires ............................................................... 101
3. La politique des transports aériens ...................................................................... 105
4. La politique des transports fluviaux et maritimes ............................................... 107
C. Le Plan Monnet 1946, fondement des politiques publiques en France et au Cameroun sous
Tutelle ................................................................................................................................ 107
I. Les origines du Plan Monnet ......................................................................................... 108
II. Les objectifs du Plan Monnet ........................................................................................ 109
III. Les Plans FIDES, conséquences du Plan Monnet ......................................................... 110
1. Le fonctionnement du Plan Monnet et la naissance du FIDES ........................... 110
2. Les Plans FIDES au Cameroun sous Tutelle française entre 1946 et 1957 ......... 113
a. La politique des transports dans le Premier Plan FIDES entre 1947 et
1952 ................................................................................................................ 113
b. La politique des transports dans le Second Plan FIDES entre 1953 et
1957 ................................................................................................................ 116
D. La politique française des transports au Cameroun : « mise en valeur » ou propagande
colonialiste ? ...................................................................................................................... 120
Conclusion .............................................................................................................................. 130

CHAPITRE III. LA POLITIQUE ANGLAISE DES TRANSPORTS AU CAMEROUN


BRITANNIQUE : DES IDÉES INTÉRESSANTES POUR UNE IMPLÉMENTATION
EN DEMI-TEINTE ENTRE 1916 ET 1961........................................................................ 135
A. Les idées phares de la politique coloniale anglaise des transports .................................... 137
I. La politique lugardienne des transports en Afrique tropicale ........................................ 137
1. La nécessité d’un système de transport économique ................................................ 137
2. Le chemin de fer, une priorité stratégique et économique ....................................... 140
II. Les Plans de développement anglais entre 1929 et 1957 ............................................ 141
1. Le Colonial Development Act de 1929..................................................................... 142
2. Le Colonial Development and Welfare Act (CDW) de 1940 ................................... 144
3. Le Colonial Development and Welfare Act de 1945 ................................................ 145
4. Le Cameroons Development Fund de 1951 ............................................................. 146
B. L’héritage anglais des transports au Cameroun ................................................................. 147
I. Les transports routiers ................................................................................................... 147
II. Les transports maritimes ............................................................................................... 150
C. Le bilan mitigé de la politique anglaise des transports au Cameroun ............................. 152
Conclusion .............................................................................................................................. 157
P a g e | 516
PARTIE II : LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS AU CAMEROUN
DE L’INDÉPENDANCE AUX PROGRAMMES D’AJUSTEMENT STRUCTUREL
ENTRE 1960 ET 2000 .......................................................................................................... 160

CHAPITRE IV : LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS AU


CAMEROUN SOUS LE LIBÉRALISME PLANIFIÉ ENTRE 1960 ET 1985 ............... 161
A. Le libéralisme planifié, matrice des politiques publiques au Cameroun entre 1960 et
1985 ................................................................................................................................. 163
I. La planification du développement : essai de définition................................................ 164
II. Les fondements idéologiques et théoriques du libéralisme planifié.............................. 167
1. Les fondements idéologiques du libéralisme planifié ............................................ 168
2. Les fondements théoriques du libéralisme planifié ................................................ 170
III. Les transports dans le libéralisme planifié .................................................................... 175
IV. La situation économique du Cameroun entre 1960 et 1985 .......................................... 177
B. Les projets dans le domaine des transports dans les plans quinquennaux et l’état des lieux
du secteur en 1985 ........................................................................................................... 179
I. Les transports dans les plans quinquennaux au Cameroun entre 1960 et 1985 ............ 179
1. Les transports dans le premier plan quinquennal (1961-1965) ................................ 180
2. Les transports dans le deuxième plan quinquennal (1966-1971) ............................. 187
3. Les transports dans le troisième plan quinquennal (1972-1976) .............................. 191
4. Les transports dans le quatrième plan quinquennal (1977-1981) ............................. 194
5. Les transports dans le cinquième plan quinquennal (1981-1986) ............................ 198
II. Un état des lieux des transports à la fin des Plans Quinquennaux en 1985................... 205
1. Les transports routiers ............................................................................................. 207
2. Les transports aériens .............................................................................................. 208
3. Les transports maritimes et fluviaux ....................................................................... 217
4. Les transports ferroviaires ....................................................................................... 217
III. Les acteurs des transports au Cameroun entre 1960 et 1985 ........................................... 219
1. Les acteurs ministériels ........................................................................................... 219
2. Les institutions de Bretton Woods et les transports au Cameroun entre 1963 et
1985 ......................................................................................................................... 220
C. Les limites des politiques des transports sous le libéralisme planifié ................................ 222
Conclusion .............................................................................................................................. 225

CHAPITRE V : LES POLITIQUES PUBLIQUES DES TRANSPORTS À L’ÉPREUVE


DE LA CRISE ÉCONOMIQUE AU CAMEROUN ENTRE 1985 ET 1995 ................... 228
A. Du « libéralisme planifié » au « libéralisme communautaire » ......................................... 230
I. Les circonstances du changement de paradigme politique ....................................... 230
II. Les transports dans l’idéologie du libéralisme communautaire................................ 233
B. La crise économique au Cameroun à partir de 1987 et les Programmes d’ajustement
structurel ............................................................................................................................ 234
I. Les causes de la crise économique au Cameroun ..................................................... 234
II. Les Programmes d’ajustement structurel au Cameroun comme conséquences de la
crise économique entre 1988 et 1995 ....................................................................... 237
1. Historique des programmes d’ajustement structurel ................................................ 237
2. Les caractéristiques des Programmes d’ajustement structurel au Cameroun ........... 240
3. La Déclaration de stratégie de développement et de relance économique (DSDRE) dès
1988 .......................................................................................................................... 242
P a g e | 517
C. Évaluation de la politique des transports au Cameroun entre 1985 et 1995 ...................... 244
Conclusion .............................................................................................................................. 249

CHAPITRE VI : LE PROJET SECTORIEL DES TRANSPORTS (PST), LA


PRIVATISATION ET LA LIBÉRALISATION DES TRANSPORTS AU CAMEROUN
ENTRE 1995 ET 2000 .......................................................................................................... 250
A. Le Projet sectoriel des transports (PST) de 1995 ............................................................. 251
I. Le PST sur le plan institutionnel ................................................................................... 253
II. Les transports routiers dans le PST ............................................................................... 253
1. L’amélioration du réseau routier .............................................................................. 253
2. Le transport urbain ................................................................................................... 257
3. Le transport de Transit international routier (TIR) ................................................... 258
III. Le transport aérien dans le PST ................................................................................. 259
IV. Le transport ferroviaire dans le PST .......................................................................... 260
V. Le transport maritime dans le PST ............................................................................ 260
B. La privatisation des transports au Cameroun : un bilan mitigé ....................................... 263
I. Le processus de privatisation des transports au Cameroun et ses faiblesses ............. 263
1. Historique et étapes des privatisations au Cameroun ............................................... 263
2. Le cadre légal de la privatisation des entreprises des transports .............................. 266
3. Les problèmes liés au processus de privatisation ..................................................... 270
II. De la REGIFERCAM à la CAMRAIL : une privatisation au détriment du
social ? ...................................................................................................................... 272
1. De la REGIFERCAM à la CAMRAIL ..................................................................... 272
2. Une privatisation au détriment du social ? ............................................................... 276
a. La CAMRAIL et l’héritage de la REGIFERCAM............................................... 277
b. Une hostilité à la privatisation marquée dans le transport des voyageurs ........... 278
III. Les moto-taxis et les transports clandestins : une conséquence de la libéralisation des
transports urbains et interurbains .............................................................................. 292
1. Les moto-taxis, une aide à l’emploi et à la mobilité .............................................. 292
2. Les transports urbains et interurbains clandestins : un milieu à assainir................ 297
C. Les intervenants de la chaîne des transports issus du PST .............................................. 302
I. Les intervenants institutionnels ................................................................................ 302
1. Le Premier ministre ................................................................................................ 302
2. Le Ministère des transports .................................................................................... 303
II. Les autres intervenants ............................................................................................. 305
1. L’ARMP ................................................................................................................ 305
2. Le Conseil national des transports routiers (CNTR) .............................................. 306
3. Le Comité national de sécurité routière (CNSR) ................................................... 306
4. Le Fonds routier du Cameroun (FRC).................................................................... 307
5. Le péage routier ..................................................................................................... 307
6. Le pesage routier .................................................................................................... 308
7. L’Autorité portuaire nationale (APN) .................................................................... 308
Conclusion .............................................................................................................................. 308

PARTIE III : LES OUTILS DE LA GESTION ÉCONOMIQUE ET ADMINISTRATIVE


FACE AUX DÉFIS SÉCURITAIRES ET SOCIAUX DES TRANSPORTS AU
CAMEROUN ENTRE 2000 ET 2017 ................................................................................ 310

CHAPITRE VII : LES OUTILS DE GESTION ÉCONOMIQUE ET LES TRANSPORTS


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AU CAMEROUN ENTRE 2000 ET 2017 ........................................................................... 311
A. L’Initiative PPTE et le DSRP comme matrices de développement au Cameroun entre 2000
et 2008................................................................................................................................ 313
I. Le Cameroun dans l’initiative PPTE dès 2000 .............................................................. 313
1. L’IPPTE, conséquence de la crise de la dette au Cameroun .................................. 313
2. Le parcours du Cameroun dans l’initiative PPTE .................................................. 317
II. Le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) de 2003 .................... 319
1. Les objectifs du DSRP ........................................................................................... 320
2. Les transports dans le DSRP .................................................................................. 322
3. Une évaluation du DSRP ....................................................................................... 326
B. Le Document de Stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) de 2009 .................... 327
I. Les objectifs du DSCE ................................................................................................ 328
II. Les transports dans le DSCE....................................................................................... 329
III. Une évaluation du DSCE ............................................................................................ 332
C. Le Plan triennal d’urgence triennal de 2015-2017 : un problème de politique ou des
politiques ? ......................................................................................................................... 337
Conclusion .............................................................................................................................. 340

CHAPITRE VIII : ÉTAT DES LIEUX, INTERVENANTS INSTITUTIONNELS ET


DÉFIS DES TRANSPORTS AU CAMEROUN ENTRE 2000 ET 2017.......................... 342
A. Un état des lieux des infrastructures des transports au Cameroun entre 2000 et 2017 ...... 343
I. Les infrastructures aériennes .................................................................................... 343
II. Les infrastructures maritimes ................................................................................... 344
III. Les infrastructures ferroviaires ................................................................................. 345
B. Les intervenants institutionnels de la chaîne des transports au Cameroun depuis 2000 .... 346
I. L’organisation du Ministère des transports depuis 2011........................................... 346
II. Le MINDDEVEL ..................................................................................................... 349
III. Le MINMAP ............................................................................................................ 349
IV. Les Collectivités territoriales décentralisées (CTD)................................................. 349
C. Les défis actuels des transports au Cameroun ................................................................. 351
I. Les défis administratifs ............................................................................................. 351
1. Les lourdeurs administratives de la chaîne des projets publics ................................ 352
2. La sous-consommation du Budget d’investissement public (BIP) ........................... 358
II. Les défis sécuritaires des transports au Cameroun ..................................................... 359
1. La politique sécuritaire dans le domaine des transports terrestres ........................... 360
a. La politique sécuritaire dans le domaine des transports routiers ......................... 360
b. La politique sécuritaire dans le domaine des transports ferroviaires ................... 372
2. La politique sécuritaire dans le domaine des transports aériens ............................... 374
3. La politique sécuritaire dans le domaine des transports maritimes .......................... 376
Conclusion .............................................................................................................................. 381

CHAPITRE IX : LES DÉTERMINANTS DES COÛTS DES TRANSPORTS ROUTIERS


AU CAMEROUN ................................................................................................................. 383
A. Le coût d’exploitation des véhicules au Cameroun ......................................................... 388
I. Les charges variables .................................................................................................. 389
II. Les charges fixes ......................................................................................................... 400
1. Les assurances des véhicules au Cameroun ............................................................. 401
a. Un aperçu historique des assurances au Cameroun ............................................. 401
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b. L’assurance des véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et semi-
remorques ............................................................................................................ 403
2. Les autres charges fixes influencées par les politiques publiques ............................ 405
B. L’impact de la qualité des routes sur les coûts des transports ......................................... 408
I. La qualité des routes au Cameroun ............................................................................... 408
II. Le lien entre la qualité de la route et le coût d’exploitation des véhicules..................... 411
Conclusion .............................................................................................................................. 412

CONCLUSION GÉNÉRALE .............................................................................................. 415


SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................... 432
I. SOURCES ORALES .................................................................................................... 433
II. BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................ 435
1. Ouvrages ................................................................................................................... 435
2. Articles scientifiques ................................................................................................ 441
3. Articles de journaux.................................................................................................. 455
4. Mémoires et thèses ................................................................................................... 456
5. Rapports.................................................................................................................... 461
6. Documents divers ..................................................................................................... 463
7. Webographie............................................................................................................. 466
8. Dictionnaire et encyclopédie .................................................................................... 467

INDEX ................................................................................................................................... 468


ANNEXES ............................................................................................................................. 479
TABLE DES MATIÈRES.................................................................................................... 514

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