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Doctrine Fondamentale de L'eglise Syllabus Last

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1

DOCTRINES FONDAMENTALES DE L’EGLISE

FACULTE DES COMMUNICATIONS SOCIALES ET DEPARTEMENT


INFORMATIQUE

1. Contenu du cours
Une enquête sur le credo, la bible, la tradition chrétienne et certains textes
du Magistère constitue la porte d’entrée pour découvrir l’originalité et la
singularité de la doctrine fondamentale que nous voulons, dans le cadre
limité de notre cours, centrer sur cinq thèmes, notamment :
1) Dieu, la Trinité et la foi chrétienne
2) La vocation de l’homme et de la femme
3) Dialogue entre foi et raison
4) Tu aimeras ton prochain : commandements 4 – 10
5) La valeur du cosmos et notre relation avec le cosmos
6) Technologie et communication sociale et les principes de la
Doctrine Sociale de l’Église
Étant donné que le cours est donné à la Faculté des communications
sociales et Département informatique, les implications de la doctrine sur la
technologie et communication sociale seront discutées à la fin du cours en
puisant sur les Encycliques du pape François Laudato Si’ (para 102-114) et
Fratelli Tutti (24, 44, 47, 50, 114, 200-205, 258).

2. Objectif du cours
Au terme du cours, l’étudiant va d’une part, avoir acquis une connaissance
suffisante et nécessaire de ce que l’Église Catholique croit et enseigne ;
d’autre part être en mesure de se forger une conscience éclairée par la
lumière de l’évangile. Enfin, l’étudiant doit être en mesure de déduire les
implications sociales de la doctrine fondamentale de l’Église pour une
communauté chrétienne vivant en République Démocratique du Congo.

3. Méthodologie
Elle se veut une analyse critique et détaillée des affirmations de
l’enseignement de l’Église sur Dieu et la vocation de la personne humaine
dans le monde. Cette analyse se fera de façon interactive afin d’engager les
étudiants dans les discussions sur des questions posées par le magistère et
différents auteurs. Un documentaire présentant les défis de la doctrine
fondamentale sur la société sera visionné par les étudiants et discuté en
sous-groupes en classe. Étant donné que plusieurs articles du catéchisme de
l’Église Catholique nous donnent des résumés succincts de certaines
doctrines, le cours puisera dans le catéchisme mais aussi dans le magistère
et la bible.

4. Evaluation
Elle se fera en deux phases : la première comprend les travaux pratiques
réalisés par les étudiants. L’enjeu ici est d’initier les apprenants à chercher,
2

trouver et rendre compte des résultats de leur recherche personnelle. La


deuxième phase, dont une interrogation et un examen, est faite des
questions écrites auxquelles l’étudiant devra fournir des réponses écrites.

5. Bibliographie

Elle comprend une sélection d’ouvrages et articles ayant servi à l’élaboration


du cours. L’étudiant devra s’y appuyer pour approfondir la recherche.

CHAPITRE I : LA DOCTRINE SUR DIEU

Le credo ou symbole de la foi, c’est le recueil des principales vérités de la foi.


C’est la référence première et fondamentale pour connaître les doctrines
fondamentales de l’Église Catholique romaine. Le credo débute par
l’affirmation de la foi en Dieu. Si cette affirmation suggère l’existence de
Dieu, elle ne va pas sans poser la question d’identité. Qui est Dieu ?

Qui est Dieu ? (La théologie)

L'une des tâches de la théologie est de répondre à la question du but ultime


de la vie humaine et des moyens pour y parvenir. Une autre tâche de la
théologie c’est de répondre à la question : Qui est Dieu ? Le Catéchisme de
l’Église catholique (Cat. 198 – 231) nous explique les vérités fondamentales
sur la nature, la substance, et l’essence de Dieu. Parmi ces vérités, nous
nous focalisons ici sur trois affirmations de la foi chrétienne : Dieu est
Unique, Dieu est vérité et Dieu est amour.

Dieu est unique

Dieu est unique dans le sens qu’il n’y a qu’un seul Dieu. L’Unique Dieu, le
vrai Dieu est amour, éternel, infini, immuable, et tout puissant (Cat, 200-
202)

Nous croyons fermement et nous affirmons simplement, qu’il y a


un seul vrai Dieu, immense et immuable, incompréhensible, Tout-
Puissant et ineffable, Père et Fils et Saint-Esprit : Trois Personnes,
mais une Essence, une substance ou Nature absolument simple.
Concile de Latran IV (1215)

Toute représentation de Dieu sera toujours limitée et problématique.


Cependant, Dieu s’est révélé d’une certaine façon que nous pouvons décrire
dans nos pauvres mots et étudier— c’est ce que fait la théologie. Dieu est
différent de tout ce qui peut exister dans le monde, son existence n’est pas
assujettie à une durée dans le temps. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui
l'adorent le fassent en esprit et en vérité. (Jn 4 :24)
Dieu se fait connaître à Moïse et aux hommes progressivement comme un
Dieu qui est mystère mais en même temps fidèle, compatissant, qui tient ses
promesses et libère son peuple de l’esclavage. (Exode 3 : 6). Cat.203-208) Il
est le Dieu de tendresse et de pitié, celui qui Est. (Cat, 210-213)
3

Dieu est Vérité, Amour, et tout puissant

La vérité de Dieu est une vérité qui donne vie et qui libère. Le témoignage à
la vérité a été rendu par le Christ (1 Jn 5 : 20). Mais comment est-il possible
de penser à un Dieu tout-puissant, en regardant la puissance du mal dans
le monde ? Nous voudrions certainement une toute-puissance divine selon
nos schémas de pensée et nos désirs : un Dieu “tout-puissant” qui résout
nos problèmes, qui intervient pour nous éviter les difficultés, qui vainc les
puissances adverses, change le cours des événements et supprime la
douleur. Ainsi, aujourd'hui, certains théologiens disent que Dieu ne peut pas
être tout-puissant, sinon il ne pourrait pas y avoir tant de souffrances, de
guerres et d’injustice dans le monde— celle-ci est une question de
théodicée. En réalité, face au mal et à la souffrance, pour beaucoup, pour
nous, il devient problématique, difficile de croire en un Dieu qui nous aime,
et de le croire tout-puissant. Mais la puissance de Dieu est tout autre.

La foi dans le Dieu Tout-Puissant nous pousse à parcourir des sentiers


bien différents : apprendre à connaître que la pensée de Dieu est différente
de la nôtre, que les voies de Dieu sont différentes des nôtres, et même que sa
toute-puissance est différente: elle ne s'exprime pas comme une force
automatique ou arbitraire, mais elle est marquée par une liberté aimante,
paternelle et maternelle. C’est une puissance qui n’écrase pas et qui laisse
l’homme et la femme libres. Sa toute-puissance s'exprime dans l'amour, la
miséricorde, le pardon, l'acceptation de notre liberté et l'infatigable appel à la
conversion du cœur. Une puissance qui est patience, douceur et amour.

Dieu se révèle comme Trinité

Le mystère de la Trinité est central à la foi chrétienne, ce cours l’explorera


dans ses dimensions morales et pratiques. La Trinité est la source de tous
les mystères chrétiens. Lorsque le chrétien catholique se pose ces questions :
Crois-tu en Dieu le Père ? Crois-tu en Jésus-Christ le Fils de Dieu ? Crois-tu
dans le Saint Esprit, il veut affirmer que les trois personnes en Dieu sont de
même importance dans le mystère du salut.

L’affirmation selon laquelle Dieu est amour se voit aussi dans la relation
Dieu le Père, le Fils, et le Saint Esprit. L'amour du Père pour nous n'est pas
le résultat du sacrifice du Fils ; le Père nous a aimés le premier. On peut
comprendre le sens de la Trinité en paraphrasant l'une des analogies de
Saint Augustin sur la Trinité. Il dit que la forme du Christ, qui trouve son
origine dans le Père comme source, nous informe, nous transforme et nous
réforme par l'effusion de l'Esprit Saint, qui est comme la "colle" permanente
de la charité surnaturelle (St. Augustin, Lettre à Nebridius). (Augustin fait
allusion à Rom 8:32 et à Gal 2:20. (Voir Trin. 13.11.15.). Saint Augustin dit
que La Trinité est la simplicité parfaite dans l'unité.
4

La Trinité nous révèle une sagesse, une sagesse sur le salut des hommes.
Elle parle du mystère d’un Dieu qui nous sauve dans le Christ. La vie
chrétienne implique de connaître, aimer, adorer un Dieu révélé en Jésus
Christ et d’agir en fonction de cette révélation.
Jésus Christ prêche la venue du royaume de Dieu et révèle l’ordre de la
nouvelle création, dans lequel tout le monde, spécialement les exclus et les
méprisés, les lépreux, les femmes samaritaines, vont vivre ensemble et en
paix avec les privilégiés.

La destinée de tout homme et de toute la création, c’est d’entrer dans cette


union parfaite avec la parfaite Trinité. (Cat. 260) Mais entrer dans la Trinité
parfaite veut dire aussi vivre abondamment dans une relation correcte avec
Dieu, c’est-à-dire avec le monde. Vivre en Christ ne consiste pas en un salut
individualiste. La vision chrétienne, c’est le salut de toute la communauté
chrétienne, l’Église, aussi appelée le Corps du Christ. Entrer dans l’amour
divin est impossible si nous n’entrons pas dans une vie d’amour en
communion avec les autres. L’ordre social doit refléter l’arrangement divin.
Christ a prêché un règne inclusif – oikos- qui coïncide avec le mystère de
la Trinité qui est un ordre inclusif des trois personnes en Dieu. Les relations
hiérarchiques entre les personnes sur base de sexe, race, richesse, tribu,
ethnie, classe sociale sont rejetées par Jésus Christ. Nous sommes tous
égaux devant Dieu.

Le mystère de la Trinité est applicable à plusieurs volets de la vie chrétienne.


Nous en discuterons quatre : La nature de l’Église, les sacrements, l’éthique
chrétienne et la spiritualité chrétienne.

1.1. La nature de l’Église

L'Église doit être un signe visible du nouvel ordre de relations selon lequel
tous sont un dans le Christ. En Christ, il n'y a plus ni homme ni femme, ni
homme libre ni esclave, ni Juif ni païen (Gal. 3 : 28). Le caractère inclusif de
l'enseignement de Jésus sur le règne de Dieu devrait transparaitre dans les
modèles de relations au sein de l'Église. La vision trinitaire de l'Église ne
réduit pas ses membres au plus petit dénominateur commun. En effet, tout
comme le mystère de la Trinité affirme que le Père, le Fils et le Saint-
Esprit sont égaux bien que radicalement distincts, de même dans
l'Église nous pouvons affirmer l'égalité mais la diversité des personnes
qui sont sacrées aux yeux de Dieu. Cette diversité suggère aussi la
diversité des dons et des charismes. Le leadership est toujours une exigence
dans l'Église, et il peut s'agir d'un effort charismatique et rempli de grâce, à
condition qu'il s'agisse du leadership du service (diakonia) et non de la
domination et du contrôle.

1.2. Les sacrements

Les sacrements nous donnent accès à la maison de Dieu et nous greffent à


la vie de Dieu. Par le baptême, nous "revêtons le Christ", faisant nôtre son
identité. Dans l'eucharistie, nous célébrons le mystère de la communion des
5

personnes, tant divines qu'humaines. Toute la signification de l'eucharistie


peut être résumée par le mot "communion", à la fois l’hostie que nous
avalons et ce nouvel ordre de personnes que l'Esprit Saint crée par
l'eucharistie que nous célébrons ; ces deux dimensions renvoient à la
communion. Par l’eucharistie, la vie sacramentelle de l'Église peut être dite
"catholique", c'est-à-dire qu'elle embrasse toute l'humanité, invitant tous à
partager le mystère du salut par le Christ. Une eucharistie qui devient un
signe d'exclusion contredit ce qu'elle représente, à savoir le nouveau
message de rédemption prêché par Jésus-Christ pour tous.

Pie X (1903-1914), dans le document Motu proprio Tra le sollicitudini


(1903) affirme les mouvements liturgiques comme puisant aux mystères
sacrés:
« … il est nécessaire de pourvoir avant tout à la sainteté et à la dignité
du temple où les fidèles se réunissent précisément pour puiser cet
esprit à sa source première et indispensable : la participation active
aux mystères sacro-saints et à la prière publique et solennelle de
l’Église»1.

« La source première et indispensable du véritable esprit chrétien se


trouve dans la participation active des fidèles à la liturgie. Telle est la
vérité que développe Pie X dans son premier acte pontifical. Or, pour
amener à ce résultat, deux grands moyens sont nécessaires :
l’intelligence des textes liturgiques et le chant collectif des fidèles » 2.

 La Réforme Liturgique du Concile Vatican II – La constitution


conciliaire Sacrosanctum Concilium s’inscrit dans le même ordre
d’idées en ratifiant les nouveautés et en donnant les orientations de la
réforme liturgique (appelée restauration - instauratio).
SC 1 : Puisque le saint Concile se propose de faire progresser la vie
chrétienne de jour en jour chez les fidèles ; de mieux adapter aux
nécessités de notre époque celles des institutions qui sont sujettes à des
changements ; de favoriser tout ce qui peut contribuer à l’union de tous
ceux qui croient au Christ, et de fortifier tout ce qui concourt à appeler
tous les hommes dans le sein de l’Église, il estime qu’il lui revient à un
titre particulier de veiller aussi à la restauration et au progrès de la
liturgie.

=> La liturgie est donc au cœur de la vie de l’Église

1
Motu proprio sur la musique sacrée Tra le sollicitudini du 22 novembre 1903, cité par F. MOOG,
La participation…, p. 149.
2
Texte publié dans André HAQUIN, Dom Lambert Beauduin et le renouveau liturgique,
Gembloux, Duculot, 1970, p. 238
6

=> La liturgie exprime la conception de l’Église et de sa sacramentalité. Elle


exprime aussi le rapport de l’Église au monde. 3 Une Église appelée à la
fécondité personnelle et commune.

1.3. La spiritualité chrétienne

Enfin, la vie spirituelle chrétienne est la façon dont nous croyons et


comment nous prions. Le Saint-Esprit nous rend saints et nous donne accès
à la vie divine. Les termes utilisés pour cela incluent la grâce, la
sanctification et la divinisation. Tous ces termes indiquent que l'Esprit de
Dieu nous conforme à la personne du Christ et nous incorpore ainsi dans la
communion des saints. La vie spirituelle est un moyen de "discernement" de
ce que Dieu fait dans l'économie de la rédemption. Pour cette raison, la
spiritualité n'est pas un aspect de notre personne ou de notre vie qui est
séparé de toutes les autres dimensions de nos vies, mais elle appartient au
tissu même de ce que signifie être humain.

1.4. L’éthique chrétienne

L'éthique chrétienne concerne les pratiques et les actes qui servent la


communion entre les personnes, qui favorisent l'épanouissement humain,
qui aboutissent à la louange de Dieu, qui rappellent le Christ, qui s'éloignent
du péché vers la conversion et l'authentique humanité. La vie éthique
chrétienne consiste à marcher avec Dieu à travers le service aux autres,
l'amour de l'ennemi et l'accueil de l'étranger dans la maison de Dieu. Cette
vision éthique chrétienne est impossible à poursuivre théoriquement sans
pouvoir considérer le mystère de la Trinité. L'une des revendications
fondamentales de la doctrine chrétienne sur Dieu est que nous sommes
créés à l'image de Dieu. Dieu est l’objet de la communion des chrétiens,
une communion qui est parfaitement représentée dans la Trinité. Et comme
déjà souligné ci-haut : La destinée de tout homme et de toute création, c’est
d’entrer dans cette union parfaite avec la parfaite Trinité. (Cat. 260)

CHAPITRE II : LA VOCATION DE L’HOMME ET DE LA FEMME

La vocation de l’homme et de la femme est de tendre entièrement vers


l’achèvement de ce que l’homme est : l’image de Dieu. C’est le fait d’être
image de Dieu qui est la fondation de la dignité de la personne humaine.
L’homme est appelé à l’amour, à aimer Dieu de toute son âme et de toutes
ses forces et aimer son prochain comme soi-même, comme les Écritures
saintes l’affirment (Marc 12 : 28-31). La personne se conforme à cette
vocation en grandissant dans la conscience morale, la vertu, et aussi dans
le respect de la loi divine et de la loi naturelle.
3
P. PRÉTOT, La liturgie, porte de Vatican II au colloque de la CIPL La liturgie selon Vatican II  : quelle fécondité pour
aujourd’hui ? Ciney, 15-16 novembre 2013 (non publié).
7

Dans la tradition catholique, le Catéchisme insiste beaucoup sur la “loi


naturelle”, ainsi appelée parce qu'elle est formulée par la raison, et la raison
est propre à la nature humaine (Cat. 1955). "La loi naturelle exprime le
sens moral originel qui permet à l'homme de discerner par la raison ce
que sont le bien et le mal, la vérité et le mensonge" (Cat. 1954). Cicéron
est cité à l'appui de l'idée que la juste raison peut constituer une vraie loi
(Cat. 1956) précisément pour faire valoir le fait que la capacité de raisonner
est un privilège de tous les êtres humains, un privilège à utiliser à bon
escient. Le Décalogue, qui reprend les dix commandements enseignés
par l’Église est en cohérence avec les principaux commandements de la
loi naturelle, qui sont “authentifiés dans l'alliance du salut” (Cat. 1955,
1961) et qui sont résumés dans le seul principe : Fais le bien et évite le
mal. Les principaux préceptes de la loi naturelle sont donc bien exprimés
dans le Décalogue.

La loi naturelle, "œuvre très bonne du créateur…fournit les fondements


solides sur lesquels l'homme peut construire l’édifice des règles morales qui
guideront ses choix." (Cat. 1959). Le Décalogue est démontrable
également à partir des Écritures. Et en même temps, même les non-
chrétiens peuvent bien être disposés à incorporer les commandements du
décalogue dans leur vie, simplement parce qu’ils regroupent des idées
morales que le monde non chrétien peut comprendre par la raison. Écouter
la voix de la raison nous aide aussi à former la conscience.

La Conscience

La conscience n'est pas une sorte de sentiment, mais plutôt un jugement qui
rend compte à la raison. Dans sa conscience, on est seul avec Dieu dont
la voix résonne dans ses profondeurs. Mais la voix que l'on entend n'est
assez souvent que la voix de nos propres préjugés. Il se peut que "par le
jugement de sa conscience, l'homme perçoive et reconnaisse les
prescriptions de la loi divine", mais il se peut aussi que l’homme n’écoute
que ses propres prescriptions. (Cat. 1776, 1778) ; Gaudium et spes # 16 ;
Rm. 2. 14-16 ; Rm 1, 32.

Quand l’homme poursuit ses propres prescriptions, l’homme peut se trouver


dans ce que l’Église enseigne comme la conscience erronée. Il est
également vrai que l’Église enseigne que nous sommes obligés de suivre ce
que nous croyons sincèrement être juste, même si nous nous trompons :
“L’être humain doit toujours obéir au jugement certain de sa
conscience.” (Cat. 1790) Ainsi, L’éducation de la conscience est
indispensable à des êtres humains soumis à des influences négatives et
tentés par le péché à préférer leur jugement propre et de récuser les
enseignements” qui peuvent illuminer une droite conscience (Cat. 1783)
Plusieurs facteurs sont à la source d’une conscience erronée (Cat. 1792).
Certains principes et vertus sont indispensables pour bien former la
conscience de l’homme et de la femme. Le principe selon lequel la fin ne
justifie pas les moyens est un bon guide vers le développement de la bonne
8

conscience. La vertu est une autre qualité qui aide l’être humain à
développer une conscience qui ne suit pas seulement ses propres
prescriptions. Le concept “vertu ” est inspiré aussi de la Bible (voir Ph 4, 8) :

“Tout ce qui est vrai, tout ce qui est digne, tout ce qui est juste,
tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui a bon
renom, s’il est quelque vertu et s’il est quelque chose de louable,
que ce soit pour vous ce qui compte.”

“La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien. Elle
permet à la personne, non seulement d’accomplir de bons actes, mais de
donner le meilleur d’elle-même. De toutes ses forces sensibles et spirituelles,
la personne vertueuse tend vers le bien; elle poursuit la vertu et la choisit en
des actions concrètes (Cat. 1803). Grégoire de Nysse affirme que “Le but
d’une vie vertueuse consiste à devenir semblable à Dieu.” Les catholique
enseigne certaines vertus : les vertus morales qui sont humainement
acquises qui sont composées de prudence, justice, tempérance, et force. Et
les vertus théologales qui sont infusées par Dieu dans l’âme et
“adaptent les facultés de l’homme à la participation de la nature divine.”
(Voir 2 Pierre 1, 4.). Les vertus théologales sont la foi, l’espérance et la
charité. (Voir 1 Co. 13, 13) Elles grandissent en l’homme par la grâce de
Dieu. (Cat. 1812-1813)

La vocation de l’homme et de la femme, c’est donc de s’unir à Dieu et


cette union se réalise aussi à travers une vie vertueuse qui permet
l’épanouissement humain, pas seulement un épanouissement individuel. De
la même façon que la source de notre vie chrétienne, c’est ce sens de
communion que nous puisons dans la Trinité, nous ne pouvons pas nous
épanouir seuls. Notre épanouissement se réalise dans la communauté où le
bien prévaut. La prévalence de ce bien requiert un dialogue entre foi et
raison comme le magistère le propose. Puis, cet épanouissement culmine en
Dieu seul en qui il devient total.
Développer le thème de la vocation de l’homme en lisant le texte Le
paradigme d’une mission poétique : Fondement et déploiement par Abbé
Santedi.

CHAPITRE III : La vérité et le Dialogue entre foi et raison

Qu’est-ce que la vérité ? (Jean 18 : 38-39)

…37Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je
suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la
vérité écoute ma voix. 38Pilate lui dit: Qu'est-ce que la vérité? Après avoir dit cela, il
sortit de nouveau pour aller vers les Juifs, et il leur dit: Je ne trouve aucun crime en
lui. 39Mais, comme c'est parmi vous une coutume que je vous relâche quelqu'un à la
fête de Pâque, voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs?…
9

Une question clé, les hommes s’interrogent sur l’origine de la réalité. Pour
certains philosophes, la vérité est relative, jamais absolue ou substantielle.
Pour d’autres, la vérité est absolue et substantielle ; ils sont prêt à donner
leur vie pour ce qu’ils croient comme vérité.
Donc on a des conceptions relatives, chacun a sa propre vérité : agnostiques.
Seul est vrai ce qui peut être démontré scientifiquement. Jean Paul II défend
la capacité de la raison humaine à connaitre la vérité. Mais pour ceci, la
raison et la foi doivent se donner la main et marcher ensemble à la recherche
d’une vérité capable de donner un sens à la vie de l’humanité.

"La foi et la raison sont comme les deux alliés qui permettent à l’esprit
humain de s’élever vers la contemplation de la vérité". (Fides et ratio, Jean
Paul II)

Donc la doctrine de l’Église accepte différent genre de certitudes :


1. Par évidence : physique (capté par le sens) ou intellectuelle (vérité
comprise de façon logique)
2. Par démonstration : logique, mathématique ou scientifique
3. Par témoignage digne de foi.
4. Par accumulation d’indices dans un même sens (connaissance
accumulative et sapientielle)
5. Révélée par la foi dans les Saintes Écritures

La foi c’est la réponse de l’homme à Dieu qui se révèle ; l’accueil de ses


paroles, ses promesses et ses commandements. Les termes utilisés dans
l’Ancien Testament sont Aman (se maintenir fidèle à…) : fides, credere et
Batah (espérer avec confiance en …) : spes, sperare
«Abraham crut le Seigneur, et le Seigneur le considéra comme un homme
juste. » (Gen. 15, 6)

Dans le nouveau testament, la foi est plus affirmée comme un assentiment


au message. « La foi est une conviction des choses que l’on espère, argument
des choses qui ne se voient pas » (Heb. 11.1)
Son contenu n’est pas évident : « Bienheureux ceux qui croient sans voir »
(Jn 20, 29) La foi est un don de Dieu «La foi vous a été donnée par la grâce »
(Phil. 1, 29) Mais c’est une acceptation volontaire car «tous n’écoutèrent pas
l’Évangile» (Rom 10, 9-11,16)

L’Église Catholique affirme donc que :


1. L’homme cherche naturellement la vérité. Il est obligé d’honorer la
vérité et l’attester (CEC, 2467)
2. L’homme éprouve beaucoup de difficultés pour connaitre Dieu
seulement à la lumière de la raison. Bien que d’une loi naturelle mise
par le Créateur dans nos âmes, on peut arriver à connaitre la
providence divine qui gouverne le monde ; cependant bien des choses
qui concernent Dieu dépassent le sens humain et la raison (CEC, 37)
3. Pour ceci, l’homme a besoin d’être éclairé par la révélation de Dieu
pour toutes les vérités morales et religieuses (CEC, 38)
4. Dieu transcende toute créature (CEC, 42)
10

Le concile Vatican I affirme ceci :

“La foi et la raison ne peuvent non seulement jamais se contredire, sinon


qu’elles se prêtent une aide réciproque, car la juste raison démontre les
bases de la foi, illuminée par la lumière de celle-ci, et cultive la science des
choses divines ; à son tour, la foi libère et protège la raison des erreurs et
l’enrichit de multiples connaissances. L’Église est donc bien loin de s’opposer
à cultiver les arts et les disciplines humaines, et les aide et les encourage de
mille manières… Et elle n’interdit d’aucune façon que telles disciplines,
chacune dans sa sphère propre, utilisent des principes propres, une
méthode propre ; mais, une fois reconnue cette juste liberté, elle prend soin
attentivement à ce que, en s’opposant peut-être à la doctrine divine, elles ne
tombent pas en erreur ou, outrepassant leurs propres limites, elles
n’envahissent ni ne perturbent le domaine de la foi ” (Concile Vatican I. sess.
3. C.4 : DB 1799)

Paul VI in Ecclesiam suam (1964) suggère une dialectique de la pensée


authentique :

“ Dans le dialogue on découvre combien sont divers les chemins qui


conduisent à la lumière de la foi et comment il est possible de les faire
converger à cette fin. Même s'ils sont divergents, ils peuvent devenir
complémentaires si nous poussons notre entretien hors des sentiers battus
et si nous lui imposons d'approfondir ses recherches et de renouveler ses
expressions. La dialectique de cet exercice de pensée et de patience nous fera
découvrir des éléments de vérité également dans les opinions des autres ;
elle nous obligera à exprimer avec grande loyauté notre enseignement et
nous récompensera de la peine que nous aurons prise de l'exposer aux
objections et à la lente assimilation des autres. Elle fera de nous des sages ;
elle fera de nous des maîtres. ” (Paul VI, ES. 86)

 Le Concile Vatican II, dans la déclaration sur l’éducation chrétienne,


Gravissimum educationis (1965) déclare, se dirigeant aux Facultés et
universités catholiques  :

“ Quant aux écoles supérieures et surtout aux universités et facultés, l’Église


les entoure d’un soin vigilant. Bien plus, dans celles qui dépendent de son
autorité, elle entend que, par une organisation rationnelle, on travaille dans
chaque discipline selon les principes et la méthode particulière à celle-ci et
avec la liberté propre à la recherche scientifique, de manière à en acquérir
progressivement une plus profonde maîtrise. Les problèmes nouveaux et les
recherches suscitées par le progrès du monde moderne seront étudiés très
soigneusement. On saisira plus profondément comment la foi et la raison
s’unissent pour atteindre l’unique vérité. (GE, 10) 

Également au point 10 de Dignitatis humanae, le Concile affirme la liberté de


la foi comme doctrine fondamentale de l’Église en ces termes :
11

“ C’est un des points principaux de la doctrine catholique, contenu dans la


Parole de Dieu et constamment enseigné par les Pères [7], que la réponse de
foi donnée par l’homme à Dieu doit être libre ; en conséquence, personne ne
doit être contraint à embrasser la foi malgré lui [8]. Par sa nature même, en
effet, l’acte de foi a un caractère volontaire puisque l’homme, racheté par le
Christ Sauveur et appelé par Jésus Christ à l’adoption filiale [9], ne peut
adhérer au Dieu révélé, que si, attiré par le Père [10], il met raisonnablement
et librement sa foi en Dieu. Il est donc pleinement conforme au caractère
propre de la foi qu’en matière religieuse soit exclue toute espèce de
contrainte de la part des hommes. Partant, un régime de liberté religieuse
contribue, de façon notable, à favoriser un état de choses dans lequel
l’homme peut être sans entrave invité à la foi chrétienne, peut l’embrasser de
son plein gré et la confesser avec ferveur pendant toute sa vie. ” (DH, 10)

Puis, le Pape Jean Paul II dans Veritatis splendor affirme le lien entre la foi et
la raison en ces termes :

La splendeur de la vérité se reflète dans toutes les œuvres du Créateur et,


d'une manière particulière, dans l'homme créé à l'image et à la ressemblance
de Dieu (cf. Gen. 1, 26) : la vérité éclaire l'intelligence et donne sa forme à la
liberté de l'homme, qui, de cette façon, est amené à connaître et à aimer le
Seigneur. C'est dans ce sens que prie le psalmiste : “ Fais lever sur nous la
lumière de ta face. ” (Ps 4, 7).

“Le rôle rempli par la raison humaine pour la détermination et pour


l'application de la loi morale : la vie morale suppose de la part de la personne
créativité et ingéniosité, car elle est source et cause de ses actes délibérés.
D'un autre côté, la raison puise sa part de vérité et son autorité dans la Loi
éternelle qui n'est autre que la Sagesse divine elle-même. A la base de la vie
morale, il y a donc le principe d'une “ juste autonomie “ de l'homme, sujet
personnel de ses actes. La loi morale vient de Dieu et trouve toujours en lui
sa source : à cause de la raison naturelle qui découle de la Sagesse divine,
elle est, en même temps, la loi propre de l'homme. En effet, la loi naturelle,
comme on l'a vu, “n'est rien d'autre que la lumière de l'intelligence mise en
nous par Dieu. Grâce à elle, nous savons ce que nous devons faire et ce que
nous devons éviter.” (VS, 40)

Dans l’Encyclique Fides et ratio, le pape Jean Paul II souligne, en citant le


grand maître de la pensée et de la spiritualité, saint Bonaventure, qui,
invitait à “ à ne pas croire qu'on peut se satisfaire de la lecture sans
componction, de la spéculation sans dévotion, de la recherche sans
admiration, de la prudence sans exultation, de l'activité sans piété, de la
science sans charité, de l'intelligence sans humilité, de l'étude séparée de la
grâce divine, de la réflexion séparée de la sagesse inspirée par Dieu “ (FR,
105)

Il cite aussi Galilée qui a déclaré explicitement que les deux vérités, de foi et
de science, ne peuvent jamais se contredire, "l'Écriture sainte et la nature
12

procédant également du Verbe divin, la première comme dictée par l'Esprit


Saint, la seconde comme exécutrice très fidèle des ordres de Dieu." (FR, 29)

Le Concile Vatican II ne s'exprime pas autrement ; il reprend même des


expressions semblables lorsqu'il enseigne : "La recherche méthodique, dans
tous les domaines du savoir, si elle [...] suit les normes de la morale, ne sera
jamais réellement opposée à la foi : les réalités profanes et celles de la foi
trouvent leur origine dans le même Dieu" (Gaudium et spes, n. 36)

Et le pape Benoît XVI dans son Discours à l’Université de Ratisbonne (2006)


avait affirmé que “ Ne pas agir selon la raison, ne pas agir selon le logos, est
contraire à la nature de Dieu. ”

Toute la doctrine fondamentale de l’Église invite à ce dialogue entre cultures,


entre foi et raison, à ce grand logos et à cette amplitude de la raison comme
le pape François le fait aussi.

Dans Lumen Fidei (2013), il dit :

“ Dans la culture contemporaine, on tend souvent à accepter comme vérité


seulement la vérité de la technologie : est vrai ce que l’homme réussit à
construire et à mesurer grâce à sa science, vrai parce que cela fonctionne,
rendant ainsi la vie plus confortable et plus aisée. Cette vérité semble
aujourd’hui l’unique vérité certaine, l’unique qui puisse être partagée avec
les autres, l’unique sur laquelle on peut discuter et dans laquelle on peut
s’engager ensemble. D’autre part, il y aurait ensuite les vérités de chacun,
qui consistent dans le fait d’être authentiques face à ce que chacun ressent
dans son intériorité, vérités valables seulement pour l’individu et qui ne
peuvent pas être proposées aux autres avec la prétention de servir le bien
commun. La grande vérité, la vérité qui explique l’ensemble de la vie
personnelle et sociale, est regardée avec suspicion. N’a-t-elle pas été peut-
être — on se le demande — la vérité voulue par les grands totalitarismes du
siècle dernier, une vérité qui imposait sa conception globale pour écraser
l’histoire concrète de chacun ? Il reste alors seulement un relativisme dans
lequel la question sur la vérité de la totalité, qui au fond est aussi une
question sur Dieu, n’intéresse plus. ” (LF, 25)

Exercice à domicile : Suivre à domicile le film : Des hommes et des dieux


(2010), par Xavier Beauvois. Les questions de discussions seront proposées.

CHAPITRE IV : COMMANDEMENTS 4-10

Un des scribes, qui les avait entendus discuter, sachant que Jésus
avait bien répondu aux sadducéens, s'approcha, et lui demanda:
Quel est le premier de tous les commandements? Jésus répondit:
Voici le premier: Écoute, Israël, le Seigneur, notre Dieu, est l'unique
Seigneur; et tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de
toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. Voici le
13

second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas


d'autre commandement plus grand que ceux-là. (Marc 12: 28-31)

Les commandements enseignés par l’Église sont principalement inspirés des


Écritures saintes. Parmi les dix commandements, les trois premiers sont
l’appel de Dieu aux hommes de l’aimer plus que tout et les sept autres sont
l’appel de Dieu aux hommes d’aimer le prochain comme eux-mêmes. Jésus
nous exhorte aussi de nous aimer comme lui nous a aimés : “Aimez-vous les
uns les autres comme je vous ai aimés.” (Jn 13, 34). Il n’y a pas de
commandements plus grands que ceux-ci (Mc 12, 29-31). Ces mots affirment
l’impératif de l’amour dans la vie chrétienne. Nous discuterons de trois
aspects de l’amour dans la pensée de l’Église Catholique Romaine : l’amour
agape, philia, et eros.
Pour raison de temps limité, ce chapitre va se focaliser sur les sept derniers
commandements – ceux qui nous appellent à l’amour du prochain. Ceux-ci
sont appelés commandements mais ils sont un projet de vie et de
communauté, un projet de tout un pays, un projet d’épanouissement
humain.

Le 4ème commandement

Le 4ème commandement n’affirme pas l’obéissance aveugle, il ne met pas en


évidence des structures autoritaires rigides dans la famille qui suscitent
l'obéissance comme réponse (Cat. 2216-2217) ; il met l'accent sur l'égale
dignité de toutes les personnes humaines, y compris de chaque membre de
la famille (Cat. 2203), fondée sur la création à l'image de Dieu, étant fils de
Dieu, de sorte que toute relation avec le prochain revête réellement un
caractère personnel (Cat. 2212). En outre, il est proposé que les enfants
n’apprennent pas les valeurs morales (Cat. 2207) simplement par imposition
mais aussi par le bon exemple des parents et de la société. (Cat. 2222-23; cf.
2232).

L’Église met l’accent sur la valeur de la famille, les relations entre la famille
et la société, et les relations au sein de la famille elle-même. Elle rappelle
aussi l’importance du bien commun, le bien-être de toutes les personnes, et
le principe de subsidiarité. Ce principe demande que les groupes ou des
sociétés soient autonomes, que les sociétés aient leur propre agence. Par
conséquent, si une aide doit être apportée à une société, elle doit l'être de
manière à préserver la socialité et l’autonomie du groupe assisté. L’amour
libère et rend responsable, il n’entretient pas des relations de domination,
que ce soit dans la famille ou la société. La subsidiarité est donc requise
même dans la famille, car elle permet de responsabiliser l’autre.

Cependant, l’accent mis sur la famille semble suggérer que la famille comme
cellule de base de la société permettra à la société de bien fonctionner. La
présomption semble être celle-ci : si la famille réussit, tout le reste se mettra
en place. Pour la grande majorité des peuples du monde, ce n'est tout
simplement pas le cas. Appeler la famille la cellule de base de la vie sociale
14

(Cat. 2207) ne la rend pas automatiquement ainsi. La famille traverse


beaucoup de défis. Bien des parents n’arrivent pas à aider leurs enfants à
devenir responsables et les enfants se retrouvent infantilisés même quand ils
sont adultes, pas par leurs parents mais par beaucoup de défis sociaux que
la famille affronte. L'expérience de beaucoup est que la famille est davantage
victime de la pauvreté, de l'injustice structurelle et de la dictature politique
et économique. Mais c’est dans ce contexte que l’amour du prochain est
demandé ; et le prochain est aussi membre de la famille, bien que le concept
de prochain soit étendu.

Le cinquième commandement

Le cinquième commandement est le plus court mais il n'est pas


nécessairement l'un des plus simples. Lorsque le Catéchisme traduit Exode
20:13 par "Tu ne tueras pas", il évite complètement une question exégétique
controversée qui a des implications importantes pour la théologie. Cette
version "ordinaire" de ce commandement avec lequel la plupart d'entre nous
ont grandi a laissé des générations de personnes se demander comment la
légitime défense, la guerre et la peine capitale pouvaient être justifiées,
même par des hommes d'Église, alors que le meurtre est clairement
condamné dans la Bible. On peut ajouter à cela la question de savoir si
l'interdiction contenue dans le cinquième commandement s'étend aux
animaux. Le Catéchisme a choisi de traiter des relations avec les animaux
sous le septième commandement sur le "Respect de l'intégrité de la création"
(Cat. 2415-2418). Il convient de souligner ici que le texte de l’Exode lui-
même utilise le mot hébreu rasah, qui est mieux traduit par "meurtre" plutôt
que "tuer".

Cette différence de langage entre “ meurtre ” et “ tuer ” suggère un enjeu qui


dépasse largement le choix des mots, un enjeu à la fois linguistique et moral.
Ce que la Bible dit en Matthieu 5 : 21-22 est une illustration de cet enjeu.
Ainsi, Matthieu, les sciences humaines contemporaines et l'éthique
chrétienne confirment ce que la plupart d'entre nous savent déjà comme le
"bon sens" : il y a une différence entre la colère qui est simplement une
émotion et donc non qualifiable moralement, et la colère injustifiée, débridée,
aveugle, destructrice qu'il est préférable d'appeler hostilité, belligérance,
vengeance, voire même agressivité (disproportionnée). Ce deuxième sens
n'est pas une émotion mais une attitude, une disposition, une manière de se
rapporter aux autres (Cat. 1866).

Sixième commandement

L’Église reconnait que la sexualité affecte tous les aspects de la personne


humaine (Cat. 2332). Une sexualité responsable appelle à l’intégrité et à la
maîtrise de soi. L’Eglise ajoute aussi l'ascèse comme source de la pratique de
vertu morale qui conduit à la tempérance. La tempérance est une vertu qui
permet d’user de la raison dans les passions et appétits des sens. (Cat.
2341). Le Catéchisme affirme que développer la maîtrise de soi est un
processus de longue haleine (Cat. 2342), qui a besoin des lois de la
15

croissance humaine (Cat. 2343). La maîtrise de soi requière une information


et une éducation qui respectent les dimensions morales et spirituelles de la
vie humaine. (Cat. 2344).

Septième commandement

L'interdiction de “ voler ” implique une certaine considération des choses


matérielles, et aussi tout ce qui est même de loin lié aux “ biens ” y compris
les promesses et les contrats. (Cat. 2410)

Huitième commandement

La plupart des gens approuverait immédiatement l'idée que mentir c’est


mauvais et que la vérité doit être dite au-delà de tout. On approuverait que
dans toutes circonstances, apposer sa signature sur un document officiel ou
prêter serment avant de parler devant un tribunal est une obligation morale,
un acte d’engagement personnel à dire la vérité, dont la violation est punie à
juste titre par presque tous les systèmes ou structures juridiques et moraux.
La fondation théologique du bien-fondé de dire la vérité est puisée en Dieu
lui-même : Dieu est vérité.

Tout ce qui perturbe l'échange d'informations ou détruit la fiabilité ou la


crédibilité est préjudiciable aux personnes humaines et à leurs relations et
doit donc être évité. Cette approche met l'accent sur le bien des personnes
(ce qui inclut nécessairement les relations). En même temps, nous
discuterons des défis que l'expérience humaine pose à l’égard du fait de dire
la vérité en toutes circonstances comme un défi qui est réel, humain qui
imprègne toute la vie.

Le huitième commandement assume donc les questions qui vont au-delà de


de la question de la vérité absolue : “Que ce que vous dites soit simplement “
oui ou non” (Cat. 2466 ; cf. Mt 5, 37). Par cette parole, Jésus est concerné
aussi par la confiance : les chrétiens doivent avoir des relations et, par
extension, doivent contribuer à la construction d'un monde dans lequel
l'amour entre les personnes entretient une atmosphère de confiance de telle
sorte qu’ils n’aient pas besoin d'invoquer toute autre source ou témoin de la
véracité de leurs communications. Quels genres de communications avons-
nous comme chrétiens ? Sont-elles de mensonges et de méfiance ?

Le huitième commandement nous invite non seulement à être des personnes


vraies mais aussi à considérer le côté positif du dilemme moral lié à la vertu
de dire la vérité. Il nous pousse et nous encourage à acquérir et à pratiquer
les vertus de droiture, de véracité, de sincérité et de candeur (Cat. 2468).

Neuvième et dixième commandement

Les références qui sont offertes par le catéchisme pour le neuvième et


dixième commandements révèlent qu'ils ont leurs origines dans un seul
verset qui apparaît dans deux traditions bibliques :
16

“Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain; tu ne convoiteras pas la


femme de ton prochain, ni son esclave, ni sa servante, ni son bœuf, ni son
âne, ni quoi que ce soit qui lui appartienne.” (Exode 20: 17; Deut 5:21)

Si l'on considère les neuvième et dixième commandement ensemble, on voit


comment chacun à son tour, s'adressant d'abord aux relations humaines,
puis aux choses, souligne l'importance de l'intention, de la motivation, voire
de l'attitude fondamentale. Convoiter c'est avoir une attitude qui détruit
insidieusement l'intégrité de soi et finalement l'intégrité des relations
humaines. Une telle attitude est assez complexe et doit être différenciée de
l'appréciation, de l'admiration, voire de ce qui n'est pas encore engagé dans
l'action. De plus, convoiter le conjoint d'un autre ne renvoie pas
nécessairement ou exclusivement à un désir sexuel.

Bien que l'occasion ne se présente peut-être jamais de posséder ce que l'on


convoite, les dommages auto-infligés à l'intégrité morale personnelle sont
déjà présents. La convoitise elle-même, qu'elle porte sur des partenaires ou
des biens, manifestera ses effets d'autres manières car la convoitise est
caractéristique d'une attitude encore plus générale qui place une personne
avant les autres et qui en fin de compte détruit la communauté en plaçant
les choses au-dessus des personnes et la possession au-dessus de leur
usage. La convoitise est en effet à l'origine de nombreux péchés.

CHAPITRE V : LA VALEUR DU COSMOS (ECOLOGIE)

La nature incarne une signification religieuse et l'univers est composé de


dimensions physiques et spirituelles indissociables. 4 Les forêts, plus qu'une
source d'alimentation et d'énergie, sont les demeures des ancêtres et
fortifient la vie spirituelle des communautés forestières en Afrique. 5 Dans la
spiritualité africaine, l'univers est un composé d'éléments divins, spirituels,
humains, animés et inanimés.6 Ces éléments sont des “forces de vie” qui
peuvent être visibles ou invisibles, et les hommes jouent un rôle central pour
conserver leur harmonie. Ainsi, l'univers avec tout ce qu'il contient fait partie
d'une communauté spirituelle par laquelle Dieu se communique à nous et
demeure avec nous. Le Pape François nous rappelle que nous devons être
conscients que nous ne sommes pas déconnectés des autres créatures et
conscients de notre vocation “de former avec les autres êtres de l’univers une
belle communion universelle.” (Laudato Si’, 220) Il est donc plus qu'urgent
de reconnaître les liens qui nous unissent dans notre maison commune.

4
Laurenti Magesa, African Religion: The Moral Traditions of Abundant Life (Maryknoll,
NY: Orbis Books, 1997), 74.
5
M. L. Daneel, African Earthkeepers: Wholistic Interfaith Mission (Maryknoll, NY: Orbis
Books, 2001), 107.
6
Magesa, African Religion, 39.
17

David G. Horrell signale plusieurs textes contribuant à étayer la


responsabilité environnementale des chrétiens inspirée de l'Ancien et le
Nouveau Testament.7 Il explique que les textes de la Bible doivent être lus à
travers six principes de justice écologique.

I. Quelques principes écologiques

Le premier, c’est le principe de la valeur intrinsèque de l’univers. Ce


principe affirme qu'il y a une valeur inhérente à l'univers et à la terre et à
tout ce qu'ils comprennent.8 La lettre de Saint Paul à Timothée exprime bien
la valeur intrinsèque de l'univers lorsqu'il affirme la bonté de la création :
“ Car toute créature de Dieu est bonne, et il n'y en a point qui soit à rejeter,
étant prise avec action de grâces” (1 Tim 4:4). Comme l'affirme aussi le Livre
de la Genèse, “ Dieu vit tout ce qu'il avait fait et voici, cela était très bon ”
(Gn 1, 31). Le psaume de David affirme que les cieux racontent la gloire de
Dieu, et l'étendue de la terre manifeste l'œuvre de ses mains : “ Que tes
œuvres sont en grand nombre, ô Eternel! Tu les as toutes faites avec
sagesse. La terre est remplie de tes biens.” (Psaume, 104: 24)

La valeur intrinsèque de l'univers est également reconnue par la religion


traditionnelle africaine d'une manière très particulière. Magesa soutient que
dans la conscience religieuse traditionnelle africaine, l'environnement n'est
pas une simple matière ; il est imprégné d'énergie de puissance. 9 Pour la
conscience africaine, le monde naturel révèle la création de Dieu, et c'est un
don de Dieu. Comme le dit Mercy Amba Oduyoye, la religion traditionnelle
africaine, le christianisme et l'islam en Afrique reconnaissent tous les biens
de la création. Un être humain est celui qui n'abuse ni du Créateur ni des
créatures.10 Puisque Dieu veut que ce qu'Il a créé existe, alors le créé a une
valeur intrinsèque et donc détruire le créé est contraire à la volonté de Dieu.

Le deuxième principe est celui d'interdépendance. Ce principe affirme


que tous les êtres vivants et toutes les choses sur terre sont liés et
interdépendants.11 Horrell explique que l'alliance entre Dieu et Noé et ses
fils, telle que décrite dans Genèse 9:8-17 reflète la profondeur de
l'interconnexion entre toutes les créatures vivantes : l'humanité, les animaux
et la terre.12 Chaque composant des créatures vivantes compte pour la survie
de l'ensemble. De plus, l'interdépendance entre toutes les espèces est
magnifiquement soulignée par le pape François lorsqu'il fait référence à
7
David G. Horrell, The Bible and the Environment: Towards a Critical Ecological Biblical
Theology, Biblical Challenges in the Contemporary World (London ; Oakville, CT: Equinox,
2010), 11.
8
Ibid., 13–14.
9
Laurenti Magesa, “Locating the Church among the Wretched of the Earth,” in Catholic
Theological Ethics in the World Church: The Plenary Papers from the First Cross-Cultural
Conference on Catholic Theological Ethics, ed. James F. Keenan (New York: Continuum,
2007), 52.
10
Mercy Amba Udoyoye, “Catholic, Protestant, and Muslim Perspectives: A Protestant
Perspective,” in Catholic Theological Ethics, Past, Present, and Future: The Trento Conference,
ed. James F. Keenan (Maryknoll, NY: Orbis Books, 2012), 26.
11
Horrell, The Bible and the Environment, 13–14.
12
Ibid., 47.
18

l'importance du bassin du Congo et des forêts amazoniennes pour l'avenir de


l'humanité. Comme il l'affirme :

“Les écosystèmes des forêts tropicales ont une biodiversité d’une


énorme complexité, presqu’impossible à répertorier intégralement,
mais quand ces forêts sont brûlées ou rasées pour développer des
cultures, d’innombrables espèces disparaissent en peu d’années,
quand elles ne se transforment pas en déserts arides.” (Laudato
Si’, 38)

De même, le flux vital entre les êtres humains et le cosmos est profondément
célébré dans les traditions africaines, qui affirment qu’en définitive, une
véritable harmonie dans la création lie tout à Dieu qui est l'Être suprême.
Pour Bénézet Bujo, l'harmonie entre Dieu et la création se retrouve dans de
nombreuses pratiques traditionnelles africaines, par exemple lorsque le
médecin administre des médicaments accompagnés de minéraux, de
morceaux de bois secs, d'ossements d'animaux, etc. Bujo explique que cette
dernière pratique peut sembler irrationnelle aux yeux d'un étranger, mais
dans les traditions africaines le fait de toucher un élément naturel ou de
sentir l'odeur d'une plante crée une harmonie avec l'ensemble du cosmos et
rétablit la santé dans son sens holistique.13 Lorsqu'une telle harmonie n'est
pas respectée, tout l'environnement crie au respect, et nous ferions mieux
d'écouter les façons dont la nature nous parle et de tenir compte de ce que
Horrell appelle le principe de la voix.

Le principe de la voix souligne que la terre peut jubiler se réjouissant de


son respect et peut pleurer comme pour pousser un cri disant non aux abus
qu’elle subit.14 Il est important de respecter l’écosystème de la terre pour
éviter des conséquences sur les êtres humains. Comme nous l'enseignent les
scientifiques, la nature tient à un équilibre mystérieux et délicat par lequel
elle se renouvelle. Si nous nous immisçons dans le fonctionnement de la
nature sans respecter cet équilibre, nous mettons en péril l'équilibre de
l'environnement qui est essentiel à notre survie et courons le risque de ne
laisser derrière nous que des débris résultant de notre manipulation. 15 Les
exemples de cris de la nature réclamant justice et respect lorsque ses lois ne
sont pas respectées en disent long. Il est impératif de respecter l’objet de
chaque composant de l'univers.

Le principe de la voix s'aligne avec le principe de résistance, qui souligne


que la terre et ses composants, en plus de souffrir des actions humaines
d'injustice, leur résistent et crient justice. 16 Un être humain est un
microcosme dans le macrocosme. 17 Ce faisant, l'être humain est appelé à
une écologie durable et responsable pour son propre bien-être.
13
Bénézet Bujo, “Reasoning and Methodology in African Ethics,” in Catholic Theological
Ethics, Past, Present, and Future: The Trento Conference, ed. James F. Keenan (Maryknoll,
NY: Orbis Books, 2012), 150.
14
Horrell, The Bible and the Environment, 13–14.
15
Ibid., 47.
16
Ibid., 13–14.
17
Bujo, “Reasoning and Methodology in African Ethics,” 155.
19

Le principe de finalité stipule que la terre, l'univers et ses composants font


partie du cosmos dans lequel chaque pièce a sa propre valeur et son rôle
pour l'harmonie de l'ensemble. Beaucoup de peuples africains ont une
relation particulière avec la nature, incluant ceux du Congo comme les
Bahema dans le Nord-Est, les Gikuyu et Maasai au Kenya pour qui certains
arbres sont sacrés et vénérés parce qu'ils symbolisent la présence de Dieu. 18
La multitude des propriétés que possède la nature doit être protégée, et les
êtres humains doivent fonctionner en tant qu'intendants de la création de
Dieu. Ils sont responsables de la préservation de la nature.

2. Les données bibliques

A l’égard du christianisme, la militance écologique est souvent critique. On


lui reproche d’avoir justifié théologiquement l’exploitation de la nature au
profit de l’humanité. En effet, certains écologistes accusent la culture judéo-
chrétienne de cautionner la destruction de la planète. L’ethnobotaniste
François Couplan exprime très exactement cette position dans son ouvrage
La Nature nous sauvera, Paris, Albin Michel, 2008 : “ Née d’une civilisation
d’agriculteurs et d’éleveurs, la Bible me semble être avant tout une
justification de la domination de la nature par l’humanité ”.
Il y a donc un vrai défi pour le christianisme à réélaborer une théologie
de la nature qui évite les pièges de cette attitude dominatrice de l’homme de
la modernité sans revenir pour autant à la fascination du cosmos antique.
Pour ce faire, il faut à la lumière des réflexions de René Coste 19, relire
l’Ecriture de Gn 1, 28 : “Dieu les bénit et leur dit : “ Soyez féconds,
multipliez, emplissez la terre et soumettez-la ; dominez sur les poissons de la
mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre ”. Le
problème est celui de la signification exacte, d'après le contexte, des deux
verbes “ soumettre ” et “ dominer ”. Le verbe “ soumettre ” (kabas) peut
effectivement recevoir, dans certains contextes, des connotations de violence
et de brutalité et même exprimer la tuerie et le viol. Mais son sens
fondamental, “ poser le pied sur un objet ou un être vivant ”, n’a en lui-
même aucune signification péjorative dans le contexte sémitique. Il peut
signifier simplement une prise de possession ou même impliquer une
protection et des soins. C’est cette dernière nuance qui s'impose dans ce
récit de la création, où le Créateur confère lui-même à l’humanité une prise
de possession pacifique de la planète-terre. (p. 66). De même, le verbe
“ dominer ” (radah) n’implique pas nécessairement une domination
tyrannique. Il peut, en effet, désigner le comportement du berger qui se
déplace avec son troupeau, qui le conduit vers les bons pâturages et qui le
protège contre les bêtes de proie (p. 66-67).
Dans l’ancienne culture orientale, l’idéal du pouvoir est celui du berger
qui veille avec soin sur son troupeau. (…) C’est donc une signification
éminemment positive en faveur de notre planète qu’il faut donner aux deux
18
Ibid., 151.
19
R. COSTE, Dieu et l’écologie. Environnement, théologie, spiritualité, Paris, éd. de
l’atelier, 1994, p. 66-71.
20

verbes dans le premier récit de la création. Le pouvoir qui est conféré par le
Créateur à l’humanité est un pouvoir de service et de sollicitude, qui
suppose qu’on aime cette planète qui constitue notre habitat, qu’on veille sur
elle avec soin, à l’image du Créateur, qui a tout créé par amour et qui aime
toute sa création. Des croyants qui ne se préoccuperaient pas des
conséquences de leurs actes sur l’environnement terrestre, a fortiori des
croyants qui le dévasteraient délibérément – par sadisme ou pour nuire à
leur prochain- seraient en contradiction radicale avec leur foi. Ils courraient
une grave responsabilité devant le Créateur. p. 67.
Le second récit de la création (dont il ne faut jamais oublier qu'il est
le plus ancien et qu'il constitue le matériau sur lequel le premier a été
construit) apporte un éclairage essentiel, en présentant la mission de
l'homme sur la terre comme celle d'un jardinier : “ Yahvé Dieu prit l'homme
et l'établit dans le jardin d’Eden pour le cultiver et le garder (Gn. 2, 15) ”. La
planète-terre est le Jardin de Dieu et l'homme est son jardinier,
responsable devant lui. Le vrai jardinier est amoureux de son jardin et il
ne cesse de l'améliorer et de le faire fructifier. Ce n'est pas lui qui en
amoindrira la qualité. Bien au contraire !

3. Laudato si du Pape François

1°) Les grandes articulations

L’Encyclique tire son titre du poème de saint François d’Assise, “ Loué


sois-tu, mon Seigneur ” qui, dans le Cantique des Créatures, rappelle que la
terre est aussi comme une sœur et une mère. L’intuition de saint François
rejoint ici d’ailleurs les sensibilités africaines où la terre est considérée chez
les Tetela comme un père et une mère (andja omboci).
Le cri de la nature maltraitée et le cri des pauvres abandonnés
montent jusqu’à Dieu. Avec le Patriarche Bartholomée, le pape François
qualifie les atteintes à l’environnement de péchés. La réponse appropriée à
cette prise de conscience est une conversion écologique globale (n° 5). Sont
inséparables la préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres,
l’engagement pour la société et la paix intérieure.
Le parcours de l’Encyclique Laudato si’ est construit autour du
concept d’écologie intégrale, comme un paradigme capable d’articuler les
relations fondamentales de la personne : avec Dieu, avec lui-même, avec
d’autres êtres humains et avec la création. Le plan de l’encyclique reflète la
méthode voir-juger-agir, avec une partie additionnelle sur l’éducation, la
spiritualité et la célébration. Autant dire que le Pape fait d’abord un état des
lieux de la question écologique, il prend une distance critique et enfin
propose des voies et moyens pour sauvegarder la maison commune.

2°) Ce qui se passe dans notre maison

Il se veut un panorama des résultats scientifiques disponibles


aujourd’hui sur les questions environnementales. Les constats du Pape sont
inquiétants :
21

a) A propos de la pollution, ordure et culture du déchet, le souverain


Pontife distingue deux niveaux (cfr n° 20-22) : la pollution due aux polluants
atmosphériques et celle issue des déchets toxiques, toutes deux nuisibles à
l’ensemble de l’humanité, à commencer par les plus faibles. Pour le premier
niveau, le Pape écrit sans ambages : “ L’exposition aux polluants
atmosphériques produit une large gamme d’effets sur la santé, en particulier
des plus pauvres, en provoquant des millions de morts prématurées. Ces
personnes tombent malades, par exemple, à cause de l’inhalation de niveaux
élevés de fumées provenant de la combustion qu’elles utilisent pour faire la
cuisine ou pour se chauffer. À cela, s’ajoute la pollution qui affecte tout le
monde, due aux moyens de transport, aux fumées de l’industrie, aux dépôts
de substances qui contribuent à l’acidification du sol et de l’eau, aux
fertilisants, insecticides, fongicides, désherbants et agro-chimiques toxiques
en général. La technologie, liée aux secteurs financiers, qui prétend être
l’unique solution aux problèmes, de fait, est ordinairement incapable de voir
le mystère des multiples relations qui existent entre les choses, et par
conséquent, résout parfois un problème en en créant un autre ” (n° 20).
Pour le second niveau, on peut lire sous la plume de François ce qui
suit : “ Il faut considérer également la pollution produite par les déchets, y
compris les ordures dangereuses présentes dans différents milieux. Des
centaines de millions de tonnes de déchets sont produites chaque année,
dont beaucoup ne sont pas biodégradables : des déchets domestiques et
commerciaux, des déchets de démolition, des déchets cliniques,
électroniques et industriels, des déchets hautement toxiques et radioactifs.
La terre, notre maison commune, semble se transformer toujours davantage
en un immense dépotoir. À plusieurs endroits de la planète, les personnes
âgées ont la nostalgie des paysages d’autrefois, qui aujourd’hui se voient
inondés d’ordures. Aussi bien les déchets industriels que les produits
chimiques utilisés dans les villes et dans l’agriculture peuvent provoquer un
effet de bio-accumulation” dans les organismes des populations voisines, ce
qui arrive même quand le taux de présence d’un élément toxique en un lieu
est bas. Bien de fois, on prend des mesures seulement quand des effets
irréversibles pour la santé des personnes se sont déjà produits” (n° 21).
Les causes de tout ce qui précède sont liées à la culture du déchet qui
affecte autant les personnes que les choses de la nature.
Un autre fait écologique qui inquiète le Pape est le climat (cfr n° 23-26).
Ce dernier considéré comme un bien commun pour assurer au mieux la vie
de tous, est aujourd’hui livré à un réchauffement effrayant dû
principalement à l’activité humaine, responsable de production des gaz à
effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, oxyde de nitrogène et autres)
qui, en se concentrant dans l’atmosphère, empêchent la chaleur des rayons
solaires réfléchis par la terre de se perdre dans l’espace. De là, le Pape
interpelle la conscience de chacun : “ L’humanité est appelée à prendre
conscience de la nécessité de réaliser des changements de style de vie, de
production et de consommation, pour combattre ce réchauffement ou, tout
au moins, les causes humaines qui le provoquent ou l’accentuent ”.
Pour le Pape, les conséquences du réchauffement climatique peuvent
être désastreuses plus particulièrement pour les pays pauvres dont la survie
dépend essentiellement de leur potentiel écosystémique. Qui ne frémirait
22

point à lire ces mots angoissants : “ Les pires conséquences retomberont


probablement au cours des prochaines décennies sur les pays en
développement. Beaucoup de pauvres vivent dans des endroits
particulièrement affectés par des phénomènes liés au réchauffement, et leurs
moyens de subsistance dépendent fortement des réserves naturelles et des
services de l’écosystème, comme l’agriculture, la pêche et les ressources
forestières. Ils n’ont pas d’autres activités financières ni d’autres ressources
qui leur permettent de s’adapter aux impacts climatiques, ni de faire face à
des situations catastrophiques, et ils ont peu d’accès aux services sociaux et
à la protection. Par exemple, les changements du climat provoquent des
migrations d’animaux et de végétaux qui ne peuvent pas toujours s’adapter,
et cela affecte à leur tour les moyens de production des plus pauvres, qui se
voient aussi obligés d’émigrer avec une grande incertitude pour leur avenir
et pour l'avenir de leurs enfants ” (cfr n° 25).

b) Le Pape François en vient ensuite à la question de l’eau (Cfr n° 27-


31).

Nul n’ignore que l’eau c’est la vie. Malheureusement il s’observe une


grande disparité entre ceux qui y ont un accès facile et abondant et ceux qui
souffrent de pénurie d’eau. Au dire de sa Sainteté, “ L’eau potable et pure
représente une question de première importance, parce qu’elle est
indispensable pour la vie humaine comme pour soutenir les écosystèmes
terrestres et aquatiques. Les sources d’eau douce approvisionnent des
secteurs sanitaires, agricoles et de la pêche ainsi qu’industriels. La provision
d’eau est restée relativement constante pendant longtemps, mais en
beaucoup d’endroits la demande dépasse l’offre durable, avec de graves
conséquences à court et à long terme. De grandes villes qui ont besoin d’une
importante quantité d’eau en réserve, souffrent de périodes de diminution de
cette ressource, qui n’est pas toujours gérée de façon équitable et impartiale
aux moments critiques. Le manque d’eau courante s’enregistre spécialement
en Afrique, où de grands secteurs de la population n’ont pas accès à une eau
potable sûre, ou bien souffrent de sécheresses qui rendent difficile la
production d’aliments. Dans certains pays, il y a des régions qui disposent
de l’eau en abondance et en même temps d’autres qui souffrent de grave
pénurie ” (n° 28).
Comme on peut l’imaginer, la pénurie d’eau contraint les populations
concernées à s’abreuver de n’importe quelle eau. Nous voilà directement
exposés à la question de la mauvaise qualité d’eau dont les conséquences
sont à n’en point douter, suicidaires : “ Un problème particulièrement
sérieux est celui de la qualité de l’eau disponible pour les pauvres, ce qui
provoque beaucoup de morts tous les jours. Les maladies liées à l’eau sont
fréquentes chez les pauvres, y compris les maladies causées par les micro-
organismes et par des substances chimiques. La diarrhée et le choléra, qui
sont liés aux services hygiéniques et à l’approvisionnement en eau impropre
à la consommation, sont un facteur significatif de souffrance et de mortalité
infantile. Les eaux souterraines en beaucoup d’endroits sont menacées par
la pollution que provoquent certaines activités extractives, agricoles et
23

industrielles, surtout dans les pays où il n’y a pas de régulation ni de


contrôles suffisants ” (Cfr n° 29).

c) La perte de la biodiversité

Notre civilisation contemporaine est de plus en plus happée par


l’immédiateté et le consumérisme. A force de vouloir satisfaire les besoins
immédiats, on en vient à la déforestation et à la dévégétarisation impliquant
la perte de certaines espèces qui non seulement ont une valeur en elles-
mêmes mais encore sont garantes de l’avenir de la planète et des générations
à venir. A ce sujet précisément, le Pape ne cache pas son émoi : “ Chaque
année, disparaissent des milliers d’espèces végétales et animales que nous
ne pourrons plus connaître, que nos enfants ne pourront pas voir, perdues
pour toujours. L’immense majorité disparaît pour des raisons qui tiennent à
une action humaine. À cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront
plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer
leur propre message. Nous n’en avons pas le droit ” (Cfr n° 33).
Pourtant, les esprits avertis devraient regarder plus loin que leur nez
pour réaliser combien la perte de la biodiversité est néfaste à la qualité de la
vie présente, voire celle que nous pensons léguer à nos héritiers. Le Pape
conseille quiconque a des oreilles pour entendre : “ La sauvegarde des
écosystèmes suppose un regard qui aille au-delà de l’immédiat, car lorsqu’on
cherche seulement un rendement économique rapide et facile, leur
préservation n’intéresse réellement personne. Mais le coût des dommages
occasionnés par la négligence égoïste est beaucoup plus élevé que le bénéfice
économique qui peut en être obtenu. Dans le cas de la disparition ou de
graves dommages à certaines espèces, nous parlons de valeurs qui excèdent
tout calcul. C’est pourquoi nous pouvons être des témoins muets de bien
graves injustices, quand certains prétendent obtenir d’importants bénéfices
en faisant payer au reste de l’humanité, présente et future, les coûts très
élevés de la dégradation de l’environnement ” (Cfr n° 36).

d) Détérioration de la qualité de la vie humaine et dégradation sociale

Ce qui détériore la qualité de la vie humaine dans le monde


d’aujourd’hui, c’est la dégradation de l’environnement, le modèle actuel du
développement et la culture du déchet. Un observateur attentif a vite fait de
réaliser combien nos villes regorgent de pollution et d’insalubrité, et il faut
ajouter à cela des constructions anarchiques qui rendent chaotique l’habitat.
L’être humain vit aujourd’hui dans un milieu défavorable à sa croissance
intégrale. Le pape en donne une illustration épatante : “ Aujourd’hui nous
observons, par exemple, la croissance démesurée et désordonnée de
beaucoup de villes qui sont devenues insalubres pour y vivre, non seulement
du fait de la pollution causée par les émissions toxiques, mais aussi à cause
du chaos urbain, des problèmes de transport, et de la pollution visuelle ainsi
que sonore. Beaucoup de villes sont de grandes structures inefficaces qui
consomment énergie et eau en excès. Certains quartiers, bien que
récemment construits, sont congestionnés et désordonnés, sans espaces
verts suffisants. Les habitants de cette planète ne sont pas faits pour vivre
24

en étant toujours plus envahis par le ciment, l’asphalte, le verre et les


métaux, privés du contact physique avec la nature ” (Cfr n°44).

e) Inégalité planétaire

Entre les pauvres et les riches de la terre, la qualité de vie n’est pas la
même. La crise écologique qui frappe de plein fouet notre époque touche
particulièrement les pauvres sans moyens d’y faire face. De fait, écrit le saint
Père, “ la détérioration de l’environnement et celle de la société affectent
d’une manière spéciale les plus faibles de la planète. (…) Par exemple,
l’épuisement des réserves de poissons nuit spécialement à ceux qui vivent de
la pêche artisanale et n’ont pas les moyens de la remplacer ; la pollution de
l’eau touche particulièrement les plus pauvres qui n’ont pas la possibilité
d’acheter de l’eau en bouteille, et l’élévation du niveau de la mer affecte
principalement les populations côtières appauvries qui n’ont pas où se
déplacer ” (Cfr n° 48). Le pire, c’est que ceux qui détiennent le pouvoir et les
moyens nécessaires se protègent tous seuls, laissant les plus démunis à leur
propre compte. Pour le Pape, la question de la crise écologique va de pair
avec celle de la pauvreté. Pour les puissants de ce monde, la pollution c’est
bon pour les pauvres. Voilà pourquoi l’assainissement environnemental des
pauvres n’est jamais traité de façon conséquente par les grands décideurs,
vivant en milieu urbain, loin des campagnes défavorisées en tout.
Le Pape pousse sa réflexion beaucoup plus loin en montrant que les
inégalités ne touchent pas que les seuls individus mais aussi les Etats.
Entre l’hémisphère nord et l’hémisphère Sud, entre les pays dits développés
et ceux du tiers monde, le contraste est saisissant en ce qui concerne la
dégradation de l’écosystème. En termes très clairs, le pape ne mâche pas ses
mots quand il s’agit de stigmatiser les états polluants et pollueurs.

f) La faiblesse des réactions

Avant de dénoncer ce qu’il appelle la faiblesse des réactions, le Pape


fait remarquer le lien intime qui existe entre la dégradation de
l’environnement, celle de l’humanité et l’éthique de la responsabilité.
Aujourd’hui plus que jamais, ce qui nuit à la terre nuit aussi à l’humanité et
devrait interpeler la conscience de tout être pensant et agissant afin que soit
mis en place un nouveau style de vie commandé par l’amour du bien
commun au sens global du terme. Malheureusement, le système capitaliste
qui a perdu le sens de l’écologie intégrale au profit d’un gain très discutable
fait la sourde oreille. Le Pape le dénonce non sans raison : “ La faiblesse de
la réaction politique internationale est frappante. La soumission de la
politique à la technologie et aux finances se révèle dans l’échec des Sommets
mondiaux sur l’environnement. Il y a trop d’intérêts particuliers, et très
facilement l’intérêt économique arrive à prévaloir sur le bien commun et à
manipuler l’information pour ne pas voir affectés ses projets. (…) L’alliance
entre l’économie et la technologie finit par laisser de côté ce qui ne fait pas
partie de leurs intérêts immédiats. (Cfr n° 54).

g) La diversité d’opinions
25

Face à la dégradation accélérée de notre maison commune, les


tendances divergent, parfois à l’extrême. D’une part, certains soutiennent à
tout prix le mythe du progrès et affirment que les problèmes écologiques
seront résolus simplement grâce à de nouvelles applications techniques,
sans considérations éthiques ni changements de fond. D’autre part, d’autres
pensent que, à travers n’importe laquelle de ses interventions, l’être humain
ne peut être qu’une menace et nuire à l’écosystème mondial, raison pour
laquelle il conviendrait de réduire sa présence sur la planète et d’empêcher
toute espèce d’intervention de sa part.
Or entre deux extrêmes opposés, il convient de trouver un juste milieu.
C’est pourquoi le saint Père estime que la réflexion devrait identifier de
possibles scénarios futurs, parce qu’il n’y a pas une seule issue. Cela
donnerait lieu à divers apports qui pourraient entrer dans un dialogue en
vue de réponses intégrales (Cfr n° 60).
Après cet état de lieux établi en 7 points, le Pape aborde le chapitre
deuxième de son ouvrage.

4. Une reprise africaine de la question écologique

Le débat sur la sauvegarde de notre environnement doit repartir, en


Afrique, d’abord du rapport entre l’homme et la nature, ensuite croiser les
regards entre les spiritualités africaines et les préoccupations d’aujourd’hui
et cerner l’apport des traditions africaines à la crise écologique
contemporaine.

a. L’homme et la nature

La place du muntu dans le cosmos peut être appréhendée à partir de


l’anthropologie. Celle-ci a ceci de particulier : ce qui définit l’homme comme
personne, c’est le fait qu’il est un faisceau de relations interpersonnelles et
cosmiques. (…) Il est la récapitulation du cosmos et de l’humanité 20. Cette
thèse mérite d’être développée.
En effet, en Afrique noire, l’homme est non seulement un morceau de
la matière, mais encore un univers en miniature au sein duquel les éléments
de l’univers visible et invisible, spirituel et matériel, animé et inanimé se
résument à travers le temps et la durée. L’homme est vraiment un être
cosmique (cfr E. MVENG, L’art d’Afrique noire): “ L’homme apparaît comme le
Fils de la Terre et du Ciel, véritable synthèse de l’univers auquel nous
appartenons. Il appartient au monde céleste, monde des esprits, du soleil, de
la lune et des étoiles, monde des forces cosmiques et des puissances
mystérieuses, là où règnent les “ Puissances, les Trônes et les
Dominations ”. Il appartient au monde terrestre, avec son foisonnement de la
vie et de la mort. Il appartient enfin au monde d’en bas, royaume des
ténèbres, de l’angoisse et de la peur. L’homme appartient à la totalité de la
durée ; il est racine initiatique, à la fois aboutissement et commencement
20
Cfr A. NGINDU MUSHETE, Les thèmes majeurs de la théologie africaine, Paris,
L’Harmattan, 1989, p. 90.
26

absolu ; il est le fondement de l’histoire qui donne à la durée son sens et son
contenu. A la fois terre et ciel, esprits et forces cosmiques, passé, présent et
avenir, l’homme est réellement l’univers en miniature, microcosme au sein
du macrocosme ”21.

b. La spiritualité africaine écologique

1) Dire Dieu à partir des éléments du monde

Dans la cosmologie africaine, on considère que la voûte céleste est


composée du soleil, de la lune et des étoiles. Cette vision n’est pas neutre.
Chez les Tetela par exemple, elle suggère une connaissance naturelle de
Dieu. En effet, le soleil par son incandescence est le maître et le chef de
l’univers. Or le “ monothéisme ” bantu veut que Dieu soit le seul Maître du
monde, il s’ensuit une certaine théologie cosmique tetela selon laquelle l’Être
Suprême habite le soleil, la lumière du soleil n’est que son regard
flamboyant. C’est ce qui justifie des noms théophores comme Onnyashongo
c’est-à-dire “ Soleil-père-du-Firmament ”.
Comme on peut le voir, le muntu a une perception religieuse et
anthropologique de la voûte céleste. La contemplation de la voûte céleste
provoque dans la conscience du muntu une interpellation religieuse, dans la
mesure où la transcendance du ciel est déduite de sa hauteur infinie. Le
“ Très-haut ” devient naturellement un attribut divin : “ Mfud’Olongo ”
(oiseau du ciel) nomme-t-on Dieu en pays tetela.
Bref, l’Africain se sert des symboles puisés dans son univers culturel,
et ce depuis les astres, en passant par les végétaux, les animaux et
jusqu’aux phénomènes cosmiques. F. Kabasele Lumbala s’est plu à en
répertorier quelques-uns22 : “ Il est “ le soleil qu’on ne peut regarder
fixement ” (Dîba katangilayi cishiki, wakutangila dyamosha nsesa) ; il est “ la
terre qui n’offre pas de tribut à la pluie ” (Buloba kalambudi mvula), “ la
route qui ne gémit pas, mais ceux qui gémissent ce sont ceux qui marchent
dessus ” (Njila katu mikemu, batwatwa mikemu mbamwendenda) ; il est “ la
termitière qui grouille de vie dans ses profondeurs et qui ne craint ni pluie ni
sécheresse ” (Cilundu wa nkumina mund’a buloba, katwidi mvula, katwidi
minanga) ; il est “ l’arbre, Cinkunku sous lequel se rassemblent les
chasseurs ” (Cinkunku sang’a bilembi) ; il est “ l’oiseau qui ne se crève jamais
l’œil, en passant à travers une forêt touffue de lianes et d’épines ” (Nyunyi
kafu disu, nansha mubwela mu ditu dya nkodi ne meba) ; il est le “ léopard à
forêt propre ” (Nkashama wa dyenda ditu) ; il est “ l’insecte en tête de
file ”(Dijinda ntung’a mulongo) ; il est “ l’eau origine du sel ” (Mayi mfuki’a
mukele) ; il est “ l’arc-en-ciel qui arrête les pluies torrentielles ” (Mwanza
Nkongolo Lukanda mvula wa mudimbi) ; il est “ le vent à qui on ne peut
tendre de piège ” (Cipepela ukena kuteya) ; “ l’ouragan qui dévêt ceux qui
portent les raphias ” (Mvunda katuula ba madiba) ; il est “ l’étang

21
E. MVENG, L’Afrique dans l’Église : Paroles d’un croyant, Paris, L’Harmattan, 1985, p.
11-12.
22
Cfr F. KABASELE LUMBALA, “ Révélation de Dieu dans des traditions Luba ”, art. cité,
p. 116.
27

marécageux duquel les pêcheurs ne viennent jamais à bout (Dijiba dya


lunteka, dyakamana batuwi mpata).

2. La liturgie cosmique

Quand le muntu prie et invoque Dieu, il y associe tous les éléments de


l’univers. Si son oraison est une quête de salut et d’épanouissement pour
que la vie triomphe de la mort, elle n’est pas un acte isolé. C’est un rendez-
vous entre ciel et terre pour que se réalise ‘l’assomption’ de l’univers en
Dieu. La prière du muntu est comme une marche vers l’avant et une montée.
Dans cette montée, écrit Mveng, “ c’est tout l’univers qui s’affranchit,
s’unifie, se personnalise et s’accomplit. Le rite africain est incompréhensible
à qui n’a pas la claire vision de cette dimension cosmique de l’Homme.
L’Homme est à la fois du monde des Vivants et de celui des Morts ; il est
esprits, animaux, végétaux ; il est feu, eau, il est vent ; il est Geb et Nut,
c’est-à-dire ciel et terre. La liturgie africaine, c’est le cosmos qui emprunte la
voix de l’homme pour adorer Dieu et célébrer la victoire de la vie sur la mort.
Le vêtement liturgique est à la fois masque, dépouilles animales, végétales et
minérales ; la matière du rite est eau, feu, sang, plantes, animaux ; tout cela
récapitule en l’homme l’univers qui s’humanise ainsi et devient l’Église de la
célébration cosmique, c’est-à-dire la communauté de foi où toute la
communauté s’exprime dans l’homme vivant ”23.
C’est sous ce rapport qu’il faut bien interpréter les motifs et couleurs 24
imprimés sur les aubes-chasubles, étoles et nappes d’autels dans les églises
d’Afrique noire : palmiers, peau de léopard, lances et flèches sont autant
d’éléments cosmiques introduits dans le culte divin pour faire participer le
cosmos à la liturgie et exprimer ainsi l’articulation entre le muntu et
l’univers, de sorte qu’on ne peut penser le salut de l’un sans l’autre. Voici
l’explication de différents signes cosmiques imprimés sur des habits
liturgiques bantu :
- Le palmier est une plante généreuse. Toutes ses parties sont utiles :
ses palmes, ses racines, ses fleurs, ses fruits et sa sève sont diversement
utilisés pour nourrir et soigner le muntu. Le motif du palmier sur le
vêtement liturgique exprime la surabondance des grâces divines reçues en
Jésus-Christ.
- La peau du léopard renvoie à la nature de cet animal d’exception. En
effet, le léopard est féroce, tout ce qui lui appartient est en sécurité. Comme
personne ne peut l’approcher, sa vie reste secrète, son territoire bien marqué
23
E. MVENG, L’Afrique dans l’Église. Parole d’un croyant, p. 11
24
Le blanc est la couleur des morts. Sa signification rituelle va plus loin encore : couleur
des morts, il sert à éloigner la mort. Les semblables se repoussent : il est donc la mort de la
mort ! On lui attribue une puissance curative immense. Bains des nouveau-nés, soin des
malades, conjuration des malheurs ne vont jamais sans aspersion d’eau à l’argile blanche.
Souvent dans les rites d’initiation, le blanc est la couleur de première phase, celle de la lutte
contre la mort. Chez les Bapende du Congo, les maîtres-initiateurs du rite Mugonge sont
littéralement blanchis au “ pemba ”. Aux yeux du novice tremblant, ils sont l’image vivante
des esprits des Ancêtres ”. Le rouge est la couleur de sang, couleur de la vie. De quelle vie ?
De la vie humaine, car c’est en elle que toute vie terrestre trouve son accomplissement et sa
signification. Le noir, couleur de la nuit, est couleur de l’épreuve, de la souffrance, du
mystère. Il peut donc être l’abri de l’Adversaire aux aguets. Cfr Id., L’art d’Afrique noire, o.c.,
p. 32.
28

et privé comme celui des héros. Dans le contexte liturgique, le motif du


léopard sur l’habit est une métaphore animale 25 traduisant l’insondabilité du
mystère divin. Dieu est comme un “ Nkashama wa diende ditu. Wadia mbuji
wadi didila : “ Léopard à-propre-forêt. Nul ne sait quand ni comment il dévore
sa proie (ici chèvre).
- Les lances et flèches évoquent les outils de chasse et des armes de
guerre. Dans le régime traditionnel, elles étaient liées à la force, au pouvoir,
à l’autorité et au commandement du chef. En liturgie, elles évoquent la
toute-puissance du Dieu invincible. On n’est pas loin de la mentalité
psalmique qui, en temps de détresse, invoque l’Éternel des armées (Ps 59, 5 ;
80, 4 ; 84, 1).
Comme on peut le remarquer, le muntu associe à sa prière les
éléments cosmiques pour qu’ensemble, ils se réalisent en Dieu.
A partir de tout ce qui précède, on réalise que le muntu ne peut vivre
sans les autres éléments du cosmos dont il est le centre. Sa place dans
l’univers et l’intégration de toute la nature dans sa prière l’ont démontré.
Cependant, on ne peut passer sous silence ce paradoxe : aujourd’hui le
muntu semble faire figure d’imprudent qui scie l’arbre qui le porte et le
nourrit. En effet, ce cosmos, matrice et terreau de croissance du muntu est
continuellement livré à la pollution et à des destructions massives. Le
sauvegarder et le protéger, n’est-il pas une autre façon de travailler à son
salut en plus de l’associer à la prière ?

c. L’apport des spiritualités africaines au débat écologiques

J. M. Ela, théologien et sociologue camerounais d’heureuse mémoire,


écrivait avec justesse : “ (…) une véritable inculturation de la foi au Dieu
créateur est inséparable des luttes pour la protection de l’environnement.
Peut-être un dialogue approfondi avec les spiritualités africaines permet-il de
retrouver l’esprit de la Terre, de l’Air, de l’Eau, ou de l’Arbre violé, torturé et
exploité à cause de la cupidité humaine. (…) A partir des religions africaines
où les croyances à la Terre-mère animent les comportements et les attitudes
à l’égard de la nature, les Églises d’Afrique ont besoin de recentrer
l’expérience de la foi sur la vie afin de procéder à une nouvelle lecture de la
Bible dans la perspective des oiseaux, de l’eau, de l’air, des arbres et des
montagnes à la manière de Jésus de Nazareth qui intègre les réalités de la
création dans l’annonce du royaume de Dieu. Comme le suggère saint
François d’Assise que l’on considère aujourd’hui comme l’ancêtre de
l’écologie, la parenté du croyant avec l’eau, la mer, le soleil, la lune, les
étoiles, l’arbre, les oiseaux se fonde sur une vision de la réalité qui suppose
un retour inattendu à l’animisme trop longtemps assimilé aux
manifestations du paganisme africain ”26.
J. M. Ela fait bien de relever cette “ réhabilitation de l’animisme ”.
Comme d’aucuns le savent, certains ethnologues ont pensé que l’Africain
était animiste, c’est-à-dire, qu’il croyait à la présence d’une âme

25
Cfr L. MUSEKA NTUMBA, La nomination africaine de Jésus-Christ : Quelle
christologie ? (Thèse de doctorat), Louvain-la-Neuve, 1988, p. 223.
26
J. M. ELA, Repenser la théologie africaine, o.c., p. 129.
29

anthropomorphique chez les êtres de la nature. Les missionnaires ont vu


dans cet ‘animisme’ un relent de paganisme. Aujourd’hui les uns comme les
autres ne se permettraient plus un tel jugement, car en respectant la nature,
l’Africain imaginait derrière les choses sensibles une vie, une activité et non
une volonté ou une âme personnelle. D’ailleurs le muntu croit que la force et
l’activité présentes dans un objet naturel y ont été mises par Dieu lui-même.
Ces objets sensibles peuvent être des lieux choisis par les esprits pour
manifester leur puissance, ce sont des points de contact avec l’Invisible 27.
Par ailleurs, dans le monde africain où la nature est agressée (par les
armes à destruction massive, la pollution, l’incendie, etc.) et n’est plus
respectée comme autrefois, un appel pressant est lancé aux chrétiens et aux
Églises pour redécouvrir et réactualiser l’héritage culturel où l’homme
cherche à vivre en équilibre avec l’univers. C’est sous ce rapport, pense
Jean-Marc Ela, que se dessine la vision unitaire du monde et une spiritualité
unitaire dans la mesure où le caillou, la plante et l’homme sont en
corrélation devant Dieu. Dans ce sens, l’oppression de l’humain va de pair
avec celle de la nature et implique une offense à Dieu. Car c’est depuis les
sols dont la dégradation s’accélère qu’il convient d’apprendre à dire Dieu en
Jésus-Christ28.

d. Quelques apports.

a) Des interdits alimentaires

Un proverbe luba dit : “ Dia kimo uyuke kio fua ” (“ Mange un seul
aliment, tu sauras de quoi tu mourras. Ou encore “ Qui mange en désordre
ne saura jamais ce qui l’a emporté ”). C’est une invitation à l’hygiène
alimentaire et à la maîtrise de l’avidité humaine pour ne pas consumer la
nature. “ Muluba kadile kidie diedie ” (Un Muluba ne mange pas n’importe
quoi, n’importe quand ni n’importe comment) 29. Ce proverbe se rapproche de
la spiritualité traditionnelle africaine relative aux interdits alimentaires. Sans
relever de la magie ni de la superstition, ces interdits (totems) ont été un
facteur favorisant la sauvegarde de l’environnement.
Selon une étude menée par P. C. Bile sur les Bulu de l’Afrique
centrale30, pour éviter de porter atteinte à la vie et pour limiter la disparition
de certaines espèces, tout le monde ne peut pas tout manger. Les
restrictions sont imposées à tous, en majeure partie aux femmes et aux
enfants. Voici quelques illustrations : les reptiles sont exclusivement
réservés aux hommes adultes ; les oiseaux sauvages sont réservés aux
hommes et aux femmes en cessation d’activité sexuelle. Les chenilles et
certaines espèces d’escargot sont réservées aux hommes car ils perturbent la
27
MULAGO gwa Cikala, La religion traditionnelle, o.c., p. 14.
28
Cfr J. M. ELA, Repenser la théologie africaine, o.c., p. 129-130.
29
Cfr G. MALOBA, “ ” La théonymie ” en pays luba. Quête de pertinence ”, dans CRA,
Nouvelle série, Volume 1, n. 2 (décembre 2020), p. 67.
30
Cfr Paule-Christiane BILE, “ Les Bulu et la terre : entre appropriation et soumission.
Des méthodes ancestrales de protection de l’environnement ”, dans B. FANSAKA, Ecologie,
traditions africaines et développement. Enjeux environnementaux en Afrique subsaharienne,
Paris, Karthala, 2015, p. 49-58.
30

reproduction chez la femme. Le folon et les bourgeons de macabo surtout


bouillis sont strictement interdits aux hommes car ils les rendent
impuissants. Pour protéger l’enfant à naître, la femme enceinte ne mange
pas d’œuf (sinon l’enfant sera chauve), pas d’antilope (l’enfant en aura les
yeux et le cou), pas d’escargots (l’enfant en héritera la bave et risque
l’asthme), pas de tête de poulet (sinon l’enfant ne fera pas pousser les dents),
pas de silure ni de serpent (l’enfant ne marchera pas, ou alors trop tard) 31.
Nous découvrons donc, que grâce aux interdits, la consommation de
certaines espèces est modérée et par conséquent permet à la nature de se
renouveler et de se reproduire. Il se fait malheureusement qu’aujourd’hui
tout le monde a accès à tout, le marché favorisant la surconsommation de
toutes les espèces animales et végétales. L’absence de tabous et d’interdits
accélère le consumérisme : tout le monde y compris les femmes mange du
boa et la viande du chien est de plus en plus prisée. Ce qui suscite, dans
certains cas, la perte de la biodiversité. En effet, dans un continent aux
multiples problèmes alimentaires, confronté aux urgences de survie, la
surconsommation des richesses naturelles relatives à la faune et à la flore
est de plus en plus inquiétante aujourd’hui. La pêche incontrôlée (même à la
moustiquaire), la chasse non règlementée, l’exploitation anarchique du sol et
du sous-sol accentuent énormément la perte de certaines espèces pourtant
incontournables dans l’équilibre de l’environnement et dans la qualité de vie.

b) De l’écothérapie

La médecine traditionnelle africaine nous inspire une autre dimension


de la considération de la nature, car c’est dans cette dernière que la
thérapeutique puise ses ressources. Selon les mots de J. Ngbelu et Y.
Lukenge : “ Soigner c’est négocier la santé auprès des forces de la terre, de
l’air, de l’eau et de la lumière. Ces espaces cosmiques sont considérés
comme des espaces sacramentaux, car ils permettent aux acteurs des soins
de santé de se métamorphoser et de métamorphoser leurs malades, non
seulement physiquement, mais aussi et surtout spirituellement afin
d’exploiter pour le bien-être collectif et individuel les énergies vitales qu’ils
renferment ”32.
Pour ce faire, le thérapeute africain nous apprend à vivre une
authentique fraternité avec l’environnement global. Par son expérience et sa
pratique sanitaires, nous découvrons la sacralité de la nature et les mystères
de la forêt. La nature dont dépend essentiellement l’équilibre ou le
déséquilibre de notre vie, est le lieu concret d’où le guérisseur quête la
guérison de ses patients. La nature est comme un “ temple à mystères ”, elle
regorge “ des arbres totémiques, des mares, des sources, des rivières
sacrées, des amas de pierres, des ports, des jardins des palmiers-raphia ou à
huile, des grottes, des enclos des richesses communautaires que les
“ nganga ” (terme que nous traduisons par experts de santé générale) sont

31
Cfr Paule-Christiane BILE, “ Les Bulu et la terre ”, art. cité, p. 56.
32
Josaphat NGBELU MOYOKO EMMEMOTEDO et Y. LUKENGE, “ Espaces
sacramentaux et gestion écologique de la santé dans la médecine traditionnelle africaine ”,
dans B. FANSAKA BINIAMA (sous la Dir.), Ecologie, traditions africaines, o.c., p. 121.
31

tenus de protéger et de gérer avec beaucoup de religion et de


responsabilité ”33. En d’autres termes, l’écothérapie nous donne une belle
leçon que je me permettrai de rendre en ces termes : “ Respectez la nature,
elle vous sauvera la vie. Protégez la forêt, elle vous guérira ! ”. Ce cri, sans
nul doute, fait écho à l’un des dix commandements pour sauvegarder la
création : “ Tu ne brûleras pas inutilement une forêt ”34.
A cet interdit peut s’adjoindre une sagesse ancienne Yombe : “ Ukuna
nti kasi zinga bobo lo ” (Celui qui a planté un arbre n’a pas vécu inutilement).
Outre l’invitation au reboisement de notre environnement, ce proverbe fait
prendre conscience de ce que tout homme doit laisser à la génération à
venir. L’arbre nous assure un bel oxygène pour la respiration et un abri pour
le repos, ses fruits sont nourrissants, son bois est utile pour aménager
l’habitat, etc. Il est donc le symbole de la bonne qualité de vie à léguer à ceux
qui viendront après nous. Qui plante un arbre n’aura donc pas vécu que
pour lui-même mais aussi pour les autres. Vivre et être pour les autres est
caractéristique du bwimuntu. Et c’est en étant pour les autres qu’on peut
aussi être pour Dieu. Le bwimuntu (être homme) nous fait découvrir le bwi-
Leza (l’être Dieu).

33
Josaphat NGBELU MOYOKO EMMEMOTEDO et Y. LUKENGE, “ Espaces
sacramentaux ”, art. cité, p. 122.
34
Cfr S. – J. MUYENGO MULOMBE, Ne laissons pas mourir la terre. Autour de Laudato Si
du Papa François et de la COP 21 de Paris, Kinshasa, Presse de l’Université Catholique du
Congo, 2020, p. 94-95.

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