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Stratégie (PDFDrive)

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s'est généralisée dans les établissements Grands-Augustins, 75006 Paris).

© Dunod, 2015
5 rue Laromiguière, 75005 Paris
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-072530-4
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0
c Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l' article
:J L. 122-5, 2° el 3° a), d' une part, que les «copies ou reproductions strictement
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réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective»
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el, d 'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et
0 d 'illustration , « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite
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sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est
© illicite » (art. L. 1224) .
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..c Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue-
Ol rait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et su ivants du
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a.
Code de la propriété intellectuelle.
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Sommaire
Présentation des auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI

Avant-propos..................................................................... VII

Table des matières................................................................ IX

Introduction....................................................................... XII

Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

&&.iiiJQ• Analyser l'environnement de l'entreprise ............................. 2

&&.llW• Analyser la capacité stratégique de l'entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel 70

&&.iiiJ$• Exploiter un avantage concurrentiel classique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

&!1149 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel .............. 100

Partie 3 Construire une trajectoire de croissance 120

&&.iiiJZ... Analyser les axes de croissance de l'entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122


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&&.ilU Analyser les modalités de croissance de l'ent reprise .................. 154
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:J 0 Corrigés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181
0 ·=u
lil .g Bibliographie...................................................................... 193
.-t 0
0
N eo. Lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
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....... ~
..c 1 Index des entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
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Index général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
8@
Présentation
des auteurs
Franck Brulhart est maître de conférences à la faculté d'économie et gestion
d'Aix-en-Provence (Aix-Marseille Université), professeur affilié à Toulouse
Business School, et chercheur au LEST, UMR CNRS 7317. Au sein de la faculté ,
il dirige le Master 2 « Contrôle Audit Conseil », ainsi que la Licence profession-
nelle « Commerce - import-export ». Diplômé de l'EDHEC, agrégé d'économie
et gestion et docteur en sciences de gestion, il est l'auteur de nombreuses études
de cas, en stratégie et politique générale, ainsi que de plusieurs dizaines d'articles
de recherche. Il a également publié plusieurs ouvrages de stratégie d'entreprise. Il
enseigne la stratégie d'entreprise et les méthodologies quantitatives, et intervient
dans le cadre de séminaires de formation en entreprise. Il mène également une
activité de conseil et d'étude en stratégie auprès de PME.

Christophe Favoreu, docteur en sciences de gestion de l'IAE d'Aix-en-Provence,


est professeur à Toulouse Business School au sein de laquelle il enseigne la stra-
tégie et dirige la spécialisation« Stratégie et conseil » ainsi que la chaire du même
nom. Ses recherches, qui portent sur les thèmes de la stratégie et du management
de la performance des organisations publiques, ont fait l'objet de nombreuses
publications dans des revues académiques. Il est aussi l'auteur d'études de cas en
stratégie et politique générale de la firme et mène des activités de conseil auprès
des collectivités locales dans le domaine du management stratégique territorial.

Sandrine Gherra est professeur assistant en sciences de gestion, spécialité« Stra-


tégie et responsabilité sociales des entreprises» au sein de Montpellier Business
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School depuis septembre 2010. Titulaire d'un doctorat en sciences de gestion, elle
0
c enseigne la stratégie d'entreprise ainsi que la responsabilité sociale des entreprises
:J
0 aux niveaux Master et MBA. Elle présente ses travaux de recherche sur la respon-
lil
.-t sabilité et la performance des entreprises lors de conférences internationales, telles
0
N qu'Academy of Management, European Academy of Management, ou Association
@ internationale de management stratégique. Ses recherches sont publiées dans des
......
..c revues nationales et internationales telles que Finance Contrôle Stratégie, Revue
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·;::::
> internationale PME, Revue française de gestion , Logistique et Management,
a.
0 Économies et Sociétés, ou encore Journal of Management Development.
u
Avant-propos
Cet ouvrage, destiné aux étudiants de Licence (L2, L3), de Bachelor des Écoles
de management, d'IUT et d'Écoles d'ingénieurs, présente les outils, les méthodes
et les concepts fondamentaux de la stratégie d'entreprise.
Il s'adresse aux étudiants qui vont entrer dans le monde professionnel ainsi qu'à
ceux qui vont poursuivre leurs études. Dans le premier cas, il permet de couvrir
la globalité des connaissances et techniques nécessaires au diagnostic et à la
formulation stratégique; dans le second cas, il constitue une base indispensable
pour la suite de leurs études au niveau Master, notamment dans les filières rela-
tives à la stratégie, au marketing stratégique et au conseil.
La conception de la stratégie proposée dans cet ouvrage s'appuie sur la volonté
de mettre en situation et d'appliquer concrètement les méthodes, les techniques
et les concepts abordés. Pour cela, et au-delà des apports académiques et théo-
riques, l'ouvrage accorde une grande importance à la présentation de cas réels
d'entreprises (Netfl.ix, Danone, Coyote, Mittal, Inditex, Accor, Tesla, Zadig
et Voltaire ... ) dans des secteurs d'activité très divers. Ces cas d'actualité sont
abordés sous la forme d'exemples, d'illustrations détaillées, d'exercices d'appli-
cation et d'études de cas corrigés. En outre, l'ouvrage inscrit chaque concept et
outil présentés dans une démarche globale et structurée de formulation de la
stratégie pour l'entreprise.
Au fil du texte, l'étudiant peut s'approprier les notions présentées et les confronter
à des situations réelles professionnelles, au travers des très nombreux exemples
exposés. Par ailleurs , la rubrique« Focus » lui permet d'approfondir la réflexion
autour de points fondamentaux du cours et de les relier à l'actualité écono-
mique, tandis que la rubrique « En pratique » le guide dans la mise en œuvre
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des approches et des outils proposés ; enfin, la rubrique « Les points clés»
'&
·;: synthétise les apports fondamentaux de chaque chapitre et la rubrique « Ques-
0
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-0 c: "' tions à » lui permet de profiter des témoignages de praticiens de haut niveau
0 0
c c sur les thèmes abordés.
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0
.2ü
lil .g À l'issue de chaque chapitre, une mise en application des éléments clés du chapitre
.-t 0
est proposée sous la forme de trois catégories d'exercices. Des QCM corrigés
0
N eo. permettent de tester la maîtrise des notions abordées. Une étude de cas corrigée
@ ~
....... ~ vise à mettre en application ces notions dans la résolution d'un cas concret réel
..c 1
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·;:: g d'entreprise. Enfin , des propositions d'activités permettent de poursuivre la
>- ::i réflexion et de mettre en œuvre les concepts et les outils.
a. Cl
8@
Stratégie

L'ambition de l'ouvrage est de permettre aux étudiants d'appréhender clairement


la démarche d'évaluation et de formulation d'une stratégie pour l'entreprise en
suivant pas à pas les différentes étapes qui composent son processus d'élabora-
tion. Il présente par ailleurs l'avantage de ne nécessiter aucun prérequis dans
ce domaine et guide l'étudiant progressivement dans son apprentissage, en
adoptant une approche simple, illustrée et pédagogique. Enfin, il correspond
aux référentiels universitaires et académiques des différentes formations visées.

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Table des matières
Présentation des auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . VI

Avant-propos..................................................................... VII

Introduction....................................................................... XII

Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

d.iiiJi• Analyser l'environnement de l'entreprise ............................. 2

D La place du diagnostic de l'environnement au sein du diagnostic stratégique . . . . . . 4

fJ L'analyse du macro-environnement: le modèle PESTEL. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

D L'analyse de la structure concurrentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

a L'analyse des groupes stratégiques . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . 23

• • 3 questions à Gilles Bordes-Pagès ' ' · . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29


Les po ints clés ................................................................. 30

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d.iiWM Analyser la capacité stratégique de l'entreprise ...................... . 36
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D Le diagnostic interne .......................................................... . 38
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0 0 fJ Le diagnostic fonctionnel. ..................................................... . 40
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D L'analyse de la chaîne de valeur ................................................ . 41
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0

eo. a Le diagnostic des ressources et des compétences ............................... . 52


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....... ~ ~ La synthèse du diagnostic stratégique : le modèle SWOT ......................... . 60
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·;:: g Les points clés ................................................................ . 65
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a. Cl
8@
Stratégie

Partie 2 Construire et consolider


un avantage concurrentiel 70

J&.:UJ$• Exploiter un avantage concurrentiel classique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

D Choisir un type d'avantage concurrentiel pour l'entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74

f) La stratégie de domination par les coûts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

D La stratégie de différenciation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

9 Combiner coût et différenciation? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90


Les poiots clés................................................................. 95

J&.11&• Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel .............. 100


D Renouveler l'avantage concurrentiel de l'entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

f) L'effet « Reine Rouge» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105


D Innovation stratégique et stratégie de rupture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108

9 La stratégie « océan bleu ». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112


Les points clés ....... .... . .... ....... .... ....... .... . .... ....... .... ....... .... 115
' ' 3 questions à Olivier Marion ' ' . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

Partie 3 Construire une trajectoire de croissance 120

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J&.i:U4"9 Analyser les axes de croissance de l'entreprise ....................... 122
0
N D Choisir une direction de croissance pour l'entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124
@
.......
..c f) Croissance et spécialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
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Table des matières

D Croissance et diversification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

EJ Croissance et expansion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

D Croissance et internationalisation .. . ..... ......... ............. . .. . .......... . .. 141

•• 3 questions à Julien Sauvagnargues ' '. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148


Les points clés ................................................................. 149

&&.iiU Analyser les modalités de croissance de l'entreprise.................. 154


D Choisir une modalité de croissance pour l'entreprise ............................. 156

fJ Croissance et développement interne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 158

D Croissance et fusion-acquisition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 160

EJ Croissance et alliance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167

D Quelle modalité pour quel axe de croissance? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174


Les points clés ................................................................. 176

Corriges. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

Bibliographie...................................................................... 193
Lexique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Index des entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199
Index général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203
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Introduction
Définition de la stratégie

Opérations de fusion-acquisition , recherche d'un positionnement différencié,


manœuvres d'internationalisation, décisions de développement de nouveaux
produits et de nouveaux domaines d'activité ou à l'inverse, recentrage sur les
métiers d'origine, transformation du business mode!: il n'existe pas un jour sans
que la presse généraliste ou spécialisée ne fasse état d'actions et de manœuvres
stratégiques de la part des entreprises. Face à la diversité de ces pratiques, que
recouvre réellement le terme de «stratégie »? Il existe en fait plusieurs manières
de définir la stratégie selon la perspective que l'on adopte. La stratégie peut
être perçue alternativement comme une trajectoire, un positionnement ou bien
encore un plan formel constitué d'objectifs et de moyens d'action.
• Dans une perspective dynamique, la stratégie s'assimile à une trajectoire,
c'est-à-dire une suite de mouvements qui forment au cours du temps un
ensemble cohérent et qui prend sens progressivement. Cette signification est
mise en exergue par les observateurs et analystes externes sans pour autant
qu'il n'y ait eu obligatoirement une conception explicite préalable. Chaque
action, en s'intégrant et en renforçant les opérations précédentes, consolide
la trajectoire stratégique et détermine les manœuvres futures.
• Selon une perspective plus statique, la stratégie peut aussi se définir comme
le positionnement concurrentiel qu'occupe l'entreprise à un instant t. Ce
positionnement traduit les choix opérés par l'entreprise en termes de segments
de marché visés, de valeur créée pour les clients , de technologie, et plus géné-
ralement de business mode!. Ce positionnement a pour but de surclasser les
concurrents et de prendre sur eux un avantage concurrentiel décisif et durable.
• La troisième perspective enfin consiste à assimiler la stratégie au plan d'ac-
tions dont se dotent les entreprises afin de piloter le ur développement sur le
"'O
0 long terme. La stratégie apparaît ici comme un ensemble de décisions et de
c
:J
0 choix formalisés, qui vont guider le développement de l'organisation dans le
lil
.-t but d'optimiser sa performance et d'assurer sa croissance. Ces choix portent
0
N aussi bien sur les objectifs (les finalités et les buts que l'organisation sou-
@ haite atteindre) que sur les moyens d'action. La stratégie a ici pour objectif
......
..c d'assurer le meilleur positionnement possible de l'organisation compte tenu
O'l
·;::::
> des caractéristiques de son environnement, que cela soit selon une logique
a.
0 d'adéquation ou au contraire de rupture. Cette stratégie affichée garantit, en
u
Introduction

outre, une transparence et une lisibilité sur les intentions de développement


de l'entreprise, qui s'avèrent fondamentales pour les choix des actionnaires
et des futurs investisseurs. Enfin, la stratégie, du fait de son opérationnalisa-
tion et de sa traduction pour les différents niveaux organisationnels, permet
d'assurer une coordination entre les différentes composantes de l'entreprise
(services, départements, équipes ...).

Selon la perspective retenue, la stratégie pourra être de nature délibérée ou


émergente. Dans le premier cas, le développement d'une organisation est pensé,
organisé et planifié par ses dirigeants. Son pilotage, à travers un plan explicite
défini de manière formelle et rationnelle, permet de guider précisément les chan-
gements stratégiques et organisationnels selon une direction souhaitée. Dans le
second cas, la stratégie résulte de réactions ad hoc en réponse à des événements
non anticipés par le plan stratégique. Ces actions stratégiques émergentes, non
planifiées a priori, expliquent les différences constatées entre la stratégie souhaitée
(«officielle») et la stratégie finalement réalisée. L'observation des entreprises
montre que la stratégie effective des organisations consiste souvent en une
combinaison entre une composante délibérée et une composante émergente.

Au final, si les conceptions de la stratégie sont multiples, il est possible de s'ac-


corder sur l'idée que son rôle est d'organiser le futur collectif de l'organisation
dans le but d'en maximiser la performance.

La stratégie peut se définir comme l'ensemble des choix et des décisions qui
portent sur les objectifs de long terme, les modalités d'action et l'allocation
de ressources et qui ont pour but d'assurer la performance et la pérennité
de l'entreprise.
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:; Stratégie et recherche de performance
-0 c: "'
0 0
c c
:J .2ü Dans le but de maximiser sa performance, l'entreprise doit définir une stratégie
0
lil .g à deux niveaux: au niveau de chacune de ses activités, et au niveau de l'ensemble
.-t 0
des activités de l'entreprise. Il s'agit ainsi d'une part d'optimiser le fonctionne-
0
N eo. ment indépendant de chacune de ses activités (on parlera alors de « stratégie
@ ~
....... ~ d'activité », «stratégie business » ou «stratégie générique ») afin de construire et
..c 1
CJl "O
·;:: g de maintenir un avantage concurrentiel sur chacune d'entre elles. Il s'agit d'autre
>- ::i part d'organiser au mieux le développement de l'ensemble de ses activités afin
a. Cl
8@
Stratégie

d'en assurer le bon équilibre (on parlera alors de «stratégie de croissance » ou


«stratégie corporate») et de préserver l'harmonie du portefeuille d'activités de
l'entreprise, sa compétitivité et sa pérennité.
Le premier niveau de formulation d'une stratégie pour l'entreprise consiste à
définir, pour chacune des activités de l'entreprise considérées indépendamment,
un positionnement permettant de construire un avantage concurrentiel, c'est-à-
dire permettant de générer une performance supérieure à celle de ses concur-
rents. Pour cela, l'entreprise devra choisir l'une des deux stratégies génériques
« classiques », relatives à la domination par les coûts ou à la différenciation, et la
mettre en œuvre plus efficacement que ses concurrents, au travers d'une meil-
leure maîtrise des facteurs clés de succès attachés à l'activité. Cependant, face
à cette logique «d'exploitation », consistant à jouer les règles du jeu de l'activité,
il existe une a lternative pour l'organisation en quête d'une stratégie d'activité
performante: changer les règles du jeu et opter pour une stratégie de rupture,
dans une logique «d'exploration » cette fois. Ainsi, face à la volatilité des posi-
tions concurrentielles et au phénomène d' hyperconcurrence, l'entreprise a la
possibilité de recomposer le business mode/ traditionnel communément accepté,
pour innover et faire émerger une nouvelle opportunité d'affaires.
Le second niveau de formulation d'une stratégie consiste à optimiser l'organisa-
tion globale de l'ensemble des activités constitutives de l'entreprise. Il ne s'agit
plus ici de se préoccuper de la performance de chaque activité prise isolément,
mais bien de penser le développement harmonieux de l'ensemble du portefeuille
d'activités. La réa lisation de cet objectif passe par la mise en œuvre de choix
d'allocation de ressources (investissements et désinvestissements) au sein du
portefeuille d'activités de l'entreprise, susceptibles de faire évoluer son périmètre.
Le rôle de la stratégie de croissance consiste d'une part à définir l'orientation
(c'est-à-dire la direction) de ces choix d'allocation de ressources au travers des
axes de croissance (spécialisation, expansion , diversification et internationa li-
sation); une fois les directions fixées, la stratégie de croissance consiste d'autre
part à les mettre en œuvre par le biais du choix des modalités (développement
interne, alliance ou fusion-acquisition).

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Ces deux niveaux de formulation d'une stratégie imposent cependant une ana-
0
c lyse préa lable approfondie du contexte environnementa l et des capacités de
:J
0 l'entreprise dans le cadre de la phase de diagnostic.
lil
.-t
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N Stratégie et diagnostic
@
......
..c Le but de la stratégie est d'assurer le meilleur positionn ement possible entre
O'l
·;::::
> l'organisation et les caractéristiques de son environnement. L'environnement, en
a.
0
u dictant les règles du jeu et les conditions de réussite, détermine ce que l'entreprise
Introduction

devrait faire pour être performante. Celle-ci, de par ses produits, ses technologies,
ses ressources et ses savoir-faire, dispose d'une capacité d'action qui la poussera
à privilégier certaines opportunités de développement et certaines stratégies
mais aussi à en écarter d'autres. La stratégie résulte donc d'une confrontation
entre ce que l'entreprise devrait faire et ce qu'elle peut fai re.
Dès lors, et afin de limiter les risques et les pertes liés à des stratégies inadaptées,
l'organisation devra mettre en œuvre une démarche structurée et organisée
lui permettant d 'analyser et de connaître ses capacités et compétences ainsi
que les caractéristiques de son environnement. Dans ce cadre, le diagnostic
interne a pour objectif de déterminer les forces et faib lesses de l'entreprise et,
plus généralement, sa capacité stratégique. Le diagnostic externe vise quant à
lui à déterminer les opportunités et menaces de développement ainsi que les
facteurs clés de succès de l'environnement. Les diagnostics interne et externe
constituent en conséquence les deux composantes fondamentales du diagnostic
stratégique servant de base à la formulation des stratégies business et corporate.
Le diagnostic stratégique mobilise ainsi des concepts, des outils et des techniques
permettant d'appréhender et d'a nalyser les informations clés et constituant le
support de la prise de décision stratégique.
Le diagnostic stratégique permet donc d'apporter des éléments de réponse à
deux questions fondamentales de la stratégie: où sommes-nous et qui sommes-
nous? La phase de diagnostic constitue de ce fait une étape indispensable de la
démarche d'élaboration de la stratégie.

La démarche d'élaboration de la stratégie pour l'entreprise

L'ambition de cet ouvrage est de permettre d'appréhender clairement la démarche


d'élaboration d'une stratégie pour l'entreprise en suivant pas à pas son processus
de formation. Dans ce cadre, la démarche stratégique est abordée comme un
ensemble de concepts, d'outils et de méthodologies mis en action permettant à
l'entreprise de fixer des objectifs et de construire une performance économique.
""'
"
'& L'objectif n'est pas d'être exhaustif e n termes d'approches théoriques ou même
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:; d'outils d'analyse mais bien d'inscrire chacun des concepts, outils ou approches
-0 c: "' proposés dans une méthode globale.
0 0
c c
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0
.2ü Pour cela, la première partie de l'ouvrage se concentre sur les techniques et les
lil .g méthodes permettant de réaliser un diagnostic de l'environnement et d'évaluer les
.-t 0
0
N eo. ressources disponibles au sein de l'entreprise. C 'est la confrontation entre analyse
@ ~ externe(~ chapitre 1) et analyse interne(~ chapitre 2) qui permet à l'entreprise
....... ~
..c 1
de formuler une stratégie lui permettant de mettre le profil de l'organisation en
CJl "O
·;:: g
>- ::i adéquation avec les exigences et les contraintes de son environnement. Cette
a. Cl
8@ formulation vise d'une part la recherche d'un avantage concurrentiel , avec la
Stratégie

mise en place d'une stratégie d'activité pertinente, fondée sur une meilleure
maîtrise des facteurs clés de succès que ses concurrents dans le domaine de la
maîtrise des coûts ou de la différenciation(.,.. chapitre 3) , ou sur une réinvention
des facteurs clés de succès dans le cadre d'une stratégie de rupture(.,.. chapitre 4).
La formulation d'une stratégie vise d'autre part la poursuite d'une croissance har-
monieuse, pérenne et rentable par le biais de la définition des axes de croissance
(.,.. chapitre 5) et des modalités qui y sont attachées (.,.. chapitre 6). Le schéma
suivant permet de synthétiser la démarche d'élaboration d'une stratégie pour
l'entreprise, au travers de ces différentes étapes.

Diagnostic stratégique

-
Formulation stratégique

Exploiter un AC :
Stratégie
de coûts et de
différenciation

Chap. 3
Explorer
une nouvelle
source d' AC :
Stratégie de rupture

Chap. 4
Fixer les axes
de croissance :
spécialisation,
expansion,
diversification,
internationalisation

Chap. S
Fixer les modalités
de la croissance :
croissance interne,
alliance,
fusion-acquisition

Chap. 6
-
La démarche d'élaboration de la stratégie

-0
0
En décembre 2014, Google annonce son intention de créer un moteur de recherche
c pour enfants, regroupant également YouTube, qui filtrerait les contenus inadaptés
::i
0 et qui mettrait en avant une série de services éducatifs et ludiques. Mais quelle est
lJ")
...-l donc la vision stratégique de ce géant du numérique qui multiplie les services et les
0
N produits à destination du grand public ? Où se trouve la logique derrière l'accumulation
© de ces activités? Depuis la création de son moteur de recherche en 1998, fondé sur

..c un algorithme complexe lui permettant de repérer et de répertorier les informations
0\ disponibles sur Internet, l'entreprise a fait du chemin: régie publicitaire en ligne
ï::::
>- depuis 2000, elle facture les liens publicitaires «au clic ». Puis l'entreprise multiplie
a.
0
u

XVI
Introduction

les nouveaux services dont la plupart sont gratuits: géo-localisation (Google Earth),
messagerie (Gmail) , informations (Google News), gestion de photos sur Internet
(Picasa), vidéo (YouTube), système d 'exploitation (Android, Chrome OS), suite de
logiciel bureautique (Google Apps), navigateur Internet (Goog le Chrome), offre
C loud 1 , obj ets connectés (Google glass), etc.
E t si toutes ces offres ne visaient qu'à alimenter le business mode! principal de l'entre-
prise? Celui sur lequel repose l'essentiel de ses revenus et de ses profits: la publicité ...
En effe t, quels sont les facteurs clés de succès de la publicité et notamment de la
publicité en ligne? Il s'agit principalement de l'audience et du ciblage: pour séduire
les a nnonceurs, il faut prouver sa capacité à toucher une grande quantité de clients
(audience) et sa capacité à diriger le message publicitaire sur le client qui y sera le
plus sensible (ciblage). Pour l'activité publicitaire de Google, il s'agit donc d 'une part
d'augmenter le trafic sur ses sites et d'améliorer sa notoriété dans le but de maximiser
son audience; quel meilleur moyen pour cela que de multiplier les services gratuits
aux consommateurs, qui vont passer leur temps de connexion sur les services de
l'entreprise? Il s'agit d 'autre part pour Google de mieux connaître les habitudes, les
comportements de consommation et les styles de vie des utilisateurs afin de maîtriser
le ciblage. Là encore, la multitude des services offerts aux consommateurs lui permet
de connaître en profondeur leurs habitudes, leurs attentes et leurs goûts.
Serait-il possible alors que la stratégie de Google ne vise pas simplement à améliorer
de manière philanthropique la vie des utilisateurs d'Internet ? Lorsque nous écrivons
un mail en utilisant Gmail, faisons une recherche sur Google, utilisons les services de
cloud, regardons une vidéo sur YouTube, nous sommes scrutés par les robots logiciels
de l'entre prise qui accumulent des données sur notre vie, afin de nous proposer des
messages publicitaires toujours plus adaptés et toujours plus nombreux, auxquels
nous serons exposés lors d' une prochaine navigation . C'est cette maîtrise extrême
des facteurs clés de succès du secteur de la publicité (rendue possible par un dévelop-
pement ininterrompu des nouveau x produits/services offerts à l'utilisateur final) , qui
permet à Google de se différencier de ses concurrents et de consolider son avantage
concurrentiel. Cet avantage concurrentiel se traduit par un chiffre d'affaires constitué
pour l'essentiel par son activité de régie publicitaire, toujours en progression (plus
de 43 milliards d'euros en 2013 contre moin s de 18 milliards en 2009) a insi qu'une
rentabilité exceptionnelle ( près de 10 milliards d'euros de résultat ne t en 2013).

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>- ::i
a. Cl 1 L'offre de cloud compwing consiste à déporter les logiciels et les données du disque dur des
8@ ordinateurs vers les serveurs de l'entreprise.
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise .................. 2

Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise ......... 36


B
ien que la rent abilité du secteur du trans- - les low cost et les compagnies du Golfe - qui
port aérien ait toujours été structurelle- déploient des modèles économiques performants
ment faible (une marge nette moyenne et des stratégies agressives en termes de prix.
de 0,1 % entre 1970 et 2013), celle-ci s'est très Malgré ces conditions extrêmement difficiles,
fortement dégradée à partir du milieu des années certaines compagnies (telles que EasyJet, Emi-
2000. La crise financière mondiale, l'instabilité rates, Turkish Airlines) semblent tirer leur épingle
géopolitique, une réglementation de plus en du jeu en témoignant de niveaux de croissance et
plus contraignante à laquelle est associée une de performance économique relativement élevés.
libéralisation croissante des marchés, l'envolée
Quels sont les facteurs environnementaux et
du prix du pétrole sont autant d'éléments qui ont
concurrentiels qui influencent le développement
agi défavorablement sur les prix et la demande
d'un secteur ? Comment expliquer les différentiels
du secteur. Les faillites et les acquisitions se
de performance observés entre des entreprises
sont alors multipliées, de même que les plans de
d'un même secteur? Quelles sont les stratégies
rationalisation et de restructuration (cas notam-
permettant de faire face aux transformations
ment d'Air France-KLM et d'Iberia). L'industrie
environnementales et concurrentielles?
a en outre connu l'arrivée de nouveaux acteurs

20 Profita bil ité globa le du transport aérien 4


- Profits cumulés
15 3 (en Mds €)
- Marge nette (en %)
10 2
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Attentats du 11 septemb re 2001
et crise sanitaire du SRAS

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Restructuration des compagnies
américaines

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...C\ Il Accord OpenSky: libéralisation
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~ -15 :? totale des vols transatlant iques
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-20 -3 a Crise financière mondiale,
envolée du cours du pét role
...., - 25 -4
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11 Reprise du t ra f ic dans les BRIC
ï::: - 30 -5
>- 2000 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14
0.
0
u • L'influence de l'environnement sur la profitabilité du transport aérien
Analyser
l'environnement
de l'entreprise
,Plaq
D La place du diagnostic de l'environnement
au sein du diagnostic stratégique ...................................................................... 4

D L'analyse du macro-environnement : le modèle PESTEL.. ................................... 7

D L'analyse de la structure concurrentielle ....................................................... 11

E L'analyse des groupes stratégiques ......................................................................... 23

pbjectjf~

-+ Connaitre et comprendre la méthodologie du diagnostic


de l'environnement.

-+ Décrire et caractériser l'influence du macro-environnement


sur l'entreprise.

-+ Analyser l'attractivité d'un secteur d'activité et identifier


les déterminants de l'intensité concurrentielle.

-+ Comprendre les différentiels de performance et de profitabilité


entre les entreprises d'un même secteur.

-+ Proposer des actions permettant de gérer les changements


environnementaux et concurrentiels.
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Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

D La place du diagnostic
de l'environnement au sein
du diagnostic stratégique
Ill Le diagnostic stratégique
Le diagnostic stratégique constitue une étape préalable à la conception et à la
formulation de la stratégie. Il vise à repérer et analyser les éléments internes
et externes à l'organisation susceptibles d'impacter son développement et sa
performance. Il permet à l'entreprise de se situer et de se positionner face à son
environnement, à ses marchés, à ses concurrents et à leurs évolutions anticipées.
Le diagnostic conduit, en outre, l'entreprise à une meilleure connaissance de ses
ressources, capacités et dysfonctionnements internes qui vont être autant de freins
ou au contraire de leviers dans la conduite d'une stratégie de développement.
Ces informations vont alors servir de fondement à la formulation de la stratégie
et à la prise de décisions stratégiques en termes d'orientations de croissance,
d'avantages concurrentiels. La meilleure connaissance des contextes interne et
externe de l'entreprise permet de dresser un bilan critique de sa stratégie actuelle.
Le diagnostic stratégique se décompose lui-même en deux phases distinctes
mais interdépendantes:
- le diagnostic externe qui permet de repérer les influences environnementales
positives et négatives ;
- le diagnostic interne qui vise à caractériser le potentiel d'action et de res-
sources de l'entreprise.
La confrontation des informations issues de ces deux diagnostics débouche sur
la formulation d'objectifs et d'actions stratégiques selon une logique d'adéqua-
tion ou de congruence: le but de la stratégie est d'exploiter les opportunités de
développement et de minimiser les risques ou menaces environnementales en
s'appuyant sur les compétences et ressources clés de l'entreprise.
"'O
0
c
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0
lil
.-t Le diagnostic stratégique consiste à faire le bilan de la situation de l'en-
0
N treprise au sein de son environnement et à en déduire des implications sur
@ l'évolution souhaitable de sa stratégie et de son positionnement concurrentiel.
......
..c
O'l
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>
a.
0
u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

La confrontation entre ce que l'entreprise devrait faire (étant donné les caracté-
ristiques de son environnement repérées par le diag nostic externe) et ce qu'elle
peut réellement faire (étant donné ses capacités stratégiques identifiées par le
diagnostic interne) permet de sélectionner un ensemble d'objectifs et d'axes de
développement à la fois souhaitables et possibles selon une synthèse en termes
de Forces-Faiblesses-Opportunités-Menaces(~ chapitre 2, partie 5). L es outils,
concepts et méthodes analytiques mobilisés lors des différents diagnostics varie-
ront selon les secteurs étudiés, les problématiques qui se posent à l'entreprise et
l'accessibilité des données.

ltl Le diagnostic externe ou diagnostic


de l'environnement
La compréhension de l'environnement et de sa dynamique est primordiale dans
la détermination des choix stratégiques.

L'environnement est le cadre au sein duquel l'entreprise exerce son activité et


se développe. Il est composé d'éléments externes à l'entreprise qui influencent
son développement et son potentiel de croissance.

Le but du diagnostic externe est de repérer les facteurs environnementaux qui


ont une influence effective ou potentielle, positive ou négative sur la performance
et le développement de l'entreprise. Ces caractéristiques environnementales se
présentent sous deux formes:
- les opportunités qui , si elles sont exploitées, peuvent favoriser le développe-
ment et la compétitivité de l'entreprise ;
les menaces, pouvant remettre en cause la performance de l'entreprise et sa
capacité à atteindre ses objectifs.
""'
"
'&
·;:
L e diagnostic externe a pour principal objectif de définir les règles de réussite
0
:; (les facteurs clés de succès actuels et futurs) d'un secteur d'activité ainsi que
-0 c: "' les principales opportunités et menaces à considérer dans l'élaboration de la
0 0
c c
:J
0
.2ü stratégie de l'entreprise.
lil .g L'environnement contraint ou influence donc le développement de l'entrepri se .
.-t 0
0
N eo. Cependant, celle-ci, à travers ses choix, ses décisions et ses actions, peut tirer
@ ~ parti de ces changements, voire les modifier.
....... ~
..c 1
CJl "O
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>- ::i
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

FOC US
La notion centrale de facteur clé de succès
Un facteur clé de succès (FCS) se définit comme une compétence, une ressource ou un actif qu'une
entreprise doit m aîtriser pour réussir mieux que ses concurrents da ns un secteur d'activité ou un seg-
ment stratégique donné. Autrement dit, les FCS s'apparentent à des règles du jeu attachées à un secteur
d'activité et autour desquelles s'organise la logique concurrentielle du secteur. Les entreprises doivent
maîtriser les FCS du secteur dans lequel elles évoluent afin de proposer une offre à moindre coût et/
ou une offre créatrice d'une valeur supérieure pour le client par rapport à celle des concurrents. Les
FCS sont généralement conditionnés par les attentes des clients de l'activité. Étant propres à chaque
secteur d'activité, ils ne sont pas immuables et sont au contraire susceptibles d 'évoluer dans le temps
sous l'effet de la transformation des styles de vie, de l'action des concurrents ou encore des évolutions
technologiques, économiques ou réglementaires. L'identification des FCS d'un secteur et de leurs évolu-
tions potentielles constitue la finalité fondamentale du diagnostic externe. Le prix, l'image de marque,
la rapidité de la distribution, la qua lité en termes de design des produits sont des exemples de FCS.

Dans le diagnostic externe, et face à la multiplicité des éléments à prendre en


compte, deux niveaux d'environnement sont généralement distingués et analysés
de manière successive:
le premier niveau, le macro-environnement de l'entreprise, regroupe les
éléments généraux qui influencent l'ensemble des entreprises d'un secteur
(voire plusieurs secteurs d'activité) et sur lesquels celles-ci n'ont que peu ou
pas de prise à court terme ;
le second niveau , le micro-environnement, rassemble les facteurs et acteurs
avec lesquels l'entreprise interagit directement et sur lesquels elle dispose
d'un pouvoir d'action. Cet environnement s'assimile à son contexte sectoriel
et concurrentiel proche et est généralement constitué de ses clients, de ses
concurrents directs et indirects, des apporteurs de capitaux. Il se décompose
en deux sous-catégories : le secteur d'activité, les concurrents directs.
1Trois enjeux sont associés au Chaque niveau mobilise des outils d'analyse spécifiques: PESTEL
diagnostic externe :
pour le macro-environnement, l'analyse des forces concurrentielles
- repérer les éléments
-0 environnementaux les plus
et l'analyse des groupes stratégiques pour le micro-environnement.
0
c significatifs et les plus influents;
:J L'environnement est analysé à partir de diagnostics successifs
0 - les hiérarchiser;
lil qui permettent d'appréhender le contexte général, de se recentrer
..-t - en déduire des objectifs et des
0 progressivement sur le secteur d'activité de l'entreprise, et enfin de
N actions stratégiques.
@ se focaliser sur l'analyse de ses concurrents directs(..,.. figure 1.1).
.......
..c
CJl
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

Le macro- ---7
environnement
Détermination
Le secteur Analyse des forces progressive
d 'activité des opportunités,
concurrentielles menaces et FCS

Analyse des groupes


stratégiques

.à Figure 1.1 Les d ifférentes étapes et composantes du d iagnostic externe

fJ L'analyse du macro-
environnement: le modèle PESTEL
Ce diagnostic, conduit de manière dynamique et non statique, permet de déter-
miner les caractéristiques générales de l'environnement qui influencent ou sont
susceptibles d'influencer significativement le développement de l'entreprise et donc
sa stratégie future. L'objectif de ce diagnostic est triple. Il s'agit consécutivement:
- de caractériser et comprendre le contexte actuel dans lequel l'entreprise se
développe;
- d'anticiper ses évolutions futures;
- de déduire les conséquences stratégiques pour les entreprises du secteur.
L'analyse et l'identification des opportunités et des menaces, actuelles et futures,
constituent donc la finalité de ce diagnostic. L'analyse PESTEL est la principale
méthode d'analyse de l'environnement général de l'entreprise.

Le modèle PESTEL est une méthodologie d'analyse qui permet d'appréhender


et d'évaluer, à travers six dimensions principales, l'environnement général
des entreprises dans le but d'identifier les facteurs susceptibles d'influencer,
positivement ou négativement, leur développement et leur performance.

Les six dimensions retenues par le modèle sont d'ordres politique, économique,
social, technologique, environnemental et légal et représentent autant de
facteurs potentiels d'influence. Chaque dimension se décompose elle-même en

7
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

sous-catégories permettant une ana lyse et une caractérisation plus détaillées


des influences environnementales. La figure 1.3 présente l'articul ation générale
du modèle PE STEL. Les sous-catégories sont données à titre indicatif; en fait,
elles seront sélectionnées en fonction de l'entreprise, de son secteur d'activité,
et de la période considérée.

MACRO-ENVIRONNEMENT

Di mension politique Dimension technologique


• Stabilité du gouvernement et des institutions • Apparition de nouvelles technologies
• Attit ude vis-à-vis du privé et de la • Convergences technologiques
concurrence • Financement public de la R&D
• Politiques publiques sectorielles • Clusters technologiques et pôles de
• Politiques monétaires et budgétaires compét it ivité
• Politiques en matière de commerce • Émergence ou confortement de standards
international et d'aide à l'exportat ion technologiques
• Politiques en matière de recherche • Invest issements R&D du privé

Dimension économique Dimension légale


• Évolution du PIB • Normes techniques et sanitaires
• Taux d'inflation et de chômage • Droit du travail et des sociétés
• Taux d'épargne et d'endettement des • Réglementation fiscale et f inancière
ménages • Lois sur la protect ion de l'environnement
• Évolution des salaires et du pouvoir d'achat et la responsabilité sociale des entreprises
• Taux de création d'ent reprises • Réglementation concernant la concurrence
• Évolution de la structure économique en et l'ouverture des marchés
termes de sect eurs d'activité • Législation sociale

Dimension sociologique Di mension environnementale


et démographique • Prise de conscience écologique
• M ontée en puissance des produits et de
• Évolution de la pyramide des âges
la consommation verte
• Taux de natalité, vieillissement, évolution
• Groupes de pression et lobbying écologiques
de la struct ure démographique
• Préoccupation environnement ale en t ermes
• Structure des dépenses de consommat ion
de recyclage, de gestion des déchets,
• Phénomène d'urbanisation et de mobilité
d'économies d'énergie
• Évolution des structures en termes de CSP
et de population active

à Figure 1.2 Le modèle PESTEL

L'objet de cette analyse n'est pas de dresser un listing ou une check-list exhaustive
et descriptive de l'ensemble des caractéristiques environnementales. Le risque
est en effet grand pour l'analyste de se perdre dans une multiplicité de données
-0
0
c
et de faits bruts qui n'apportent pas ou peu d'informations sur les enjeux et les
::i questions clés qui se posent à l'entreprise.
0
lJ")
...-l L'objectif est au contraire de se concentrer sur les tendances significatives,
0
N lourdes et durables (les variables pivots) qui ont une influence majeure sur le
© développement du secteur d'activité auquel appartient l'entreprise. L'anticipation

..c des futures tendances lourdes et structurantes (les fa its porteurs d'avenir) doit
0\
ï::::
>- permettre dans un second temps de dresser des scénarios potentiels d'évolution
a.
u
0 du secteur.

8
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

L'une des solutions, face à la quantité et la diversité des données à prendre en


compte, consiste à classer et hiérarchiser l'information en fonction d'un certain
nombre de critères, dont:
la nature des impacts environnementaux, qui se présentent sous la forme d'op-
portunités de développement ou de menaces et de risques pour les entreprises;
l'importance de leur impact pour le secteur d'activité et pour l'entreprise en
particulier;
l'horizon temporel dans lequel s'inscrit l'impact (impact avéré et immédiat,
à moyen terme ou à long terme) ;
les implications de ces changements environnementaux sur les stratégies des
entreprises.
À ce stade de l'analyse, une série de recommandations ou de réponses straté-
giques peut d'ores et déjà être listée et envisagée.

L'année 2013 a été marquée pour l'industrie pharmaceutique française par la multi-
plication des plans sociaux (plus de 27) et par une forte réduction des emplois (2 700,
soit une baisse de 2 ,7 %) et des capacités de production. L'analyse PESTEL permet
de comprendre les difficultés e t les enjeux auxquels est confronté actuellement le
marché français des médicaments, qui connaît une décroissance régulière aussi bien
en termes de prix (- 3,5 % en 2012 et 2013), que de volumes de vente (-2,3 % en 2012)
et de consommation (-4,5 % de 2005 à 2012) depuis une dizaine d'années en France.
Ce marché, d'une valeur de 38,5 milliards de dollars (soit 4,5 % du marché mondial),
est fortement dépendant des financements publics et des politiques publiques en matière
de santé. Or la faiblesse des taux de croissance pour la zone Europe et l'aggravation des
déficits publics et de la dette (94 % du PIB) laissent entrevoir des politiques de finance -
ment et de prise en charge par l'État e t la Sécurité socia le de plus en plus restrictives.
En outre, les autorités publiques, en baissant les prix imposés sur les médicaments de
marque et en favorisant à travers le tiers payant la prescription par les pharmaciens de
génériques, limitent les perspectives de croissance des grands laboratoires.
La montée en puissance des biotechnologies, l'apparition de nouvelles pathologies,
l'évolution des niveaux de vie dans les pays émergents représentent en revanche des
opportunités de développement significatives et prometteuses.
Face à ces changements, les entreprises du secteur auront de plus en plus tendance
""'
"
à privilégier:
'&
·;: - l'internationalisation (exportation et dé loca lisation des sites de production);
0
:; - des politiques de réduction de coûts et de capacités;
-0 c: "' - le recours aux a lliances et à la sous-traitance (R&D, fabrication);
0 0
c c
:J
0
.2ü - des stratégies de différenciation et de spécialisation sur des segments plus restreints
lil .g et à plus forte va leur ajoutée (technologie, groupes de clients et pathologie).
.-t 0
En outre, ces changements devraient accélérer la consolidation du secteur et les
0
N eo. opérations de méga fusions et acqu isitions (plus de 11 depuis 2009 dont le rachat
@ ~ de Schering-Plough par Merck & Co) a insi que des racha ts plus ciblés dans Je
....... ~
..c 1 domaine des biotechnologies (rachat par Sanofi-Aventis de Genzyme (États-Unis)
CJl "O
·;:: g et de Céphalon par Teva) et des médicaments génériques (nouvel acteur majeur des
>- ::i génériques issu de l'acquisition d'Actavis par le laboratoire Watson). Ceci dans une
a. Cl
8@ logique de recherche de ta ille critique e t d 'économies d 'échelle .
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

Nature Conséquences
Criticité
Facteurs environnementaux des impacts et stratégiques
ou significativité
des influences potentielles

POLITIQUE
• Politique de réduction du déficit de
l'assurance-maladie et de maîtrise des Réduction des coûts et
dépenses de santé (baisse des prix, Menace Influence majeure des capacités
déremboursement, incitat ion à la modé- et impact croissant Restructurations, exter-
ration des prescriptions) --- " nalisations

• Politiques nationales de dépistage, Influence modérée


d'information et de vaccination
Opportunit é +-+
ÉCONOMIQUE
• Faiblesse de la croissance économique
aggravant le déficit de l'assurance- Influence limitée Nécessité d'évolution du
maladie, baisse du pouvoir d'achat des Menace par l'importance modèle économique
ménages accordée à la santé
- -+
• Croissance économique soutenue et
amélioration du niveau de vie dans les Influence croissante L'exportation comme
Opportunité re lais de croissance
pays émergents (poids croissant des +"
dépenses de santé)

SOCIAL
• Croissance démographique, vieillisse-
ment de la population Focalisation sur des
• Apparition de nouvelles pathologies ou Tendance lourde et pathologies et des seg-
renforcement de maladies liées à l'évolu - Opportunité influence croissante ments de clients à plus
tion démographique et aux modifications ++ " forte valeur ajoutée
des modes de vie (oncologie, vaccins,
diabète ... )

• Multiplication et médiatisation des Mise en place d'un


scandales sanitaires (Médiator, Plavix ... ) Tendance émer- management de crise
• Perception négative croissante de l'in- gente croissante préventif et réactif,
dustrie et judiciarisation du champ théra-
peutique
Menace
- " importance de la corn-
municat ion
• Développement de l'automédication et
des médecines alternatives
-0
0
TECHNOLOGIQUE
c • Développement des biotechnologies
:J
0 • Développement de la distribution digi- Tendance Adoption de la tech-
lil
t ale de médicaments confirmée et nologie et des modèles
.-t
0 • Maturité des technologies de chimie Opportunité influence croissante de fonctionnement des
N
de synthèse et ralentissement du taux de +" start-up biotech (bio-
@
découverte de nouvelles molécules techisation)
.......
..c
CJl
·;:::: ~
>-
a.
0
u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

Nature Conséquences
Criticité
Facteurs environnementaux des impacts et stratégiques
ou significativité
des influences potentielles

ENVIRONNEMENTAL
• Pollution et dégradation environnemen-
tales entraînant des problèmes de santé Fact eur émer-
• Fo rt impact environnemental des pro- Menace gent d'influence
cessus de conception et de conditionne- modérée
ment des médicaments - -+
LÉGAL
• Réduction des références re mboursables
• Baisse du tau x de prise en charge Influence majeure Réduction des coût s
• Baisse des prix imposée par les orga- Menace et impact soutenu et des capacités
nismes et agences publiques dans le temps Rest ructu ration, exter-
• Durcissement des critères d'homologa- nalisation
tion et de remboursement

 Tableau 1.1 L'analyse PESTEL de l'industrie pharmaceutique française

D L'analyse de la structure
concurrentielle
L'analyse de la structure concurrentielle, qui s'inscrit à la suite du diagnostic de
macro-environnement de l'entreprise, permet de se focaliser sur l'environnement
proche de l'entreprise, à savoir son environnement concurrentiel.

Ill Définition et objectifs


""'
" L'analyse de la structure concurrentielle d'un secteur d'activité est fondamentale
'&
·;:
0
:; dans le sens où elle permet d'identifier:
-0 c: "' • L'intensité concurrentielle (ou degré de concurrence) qui règne dans un
0 0
c c
:J
0
.2ü secteur. Cette intensité conditionne le potentiel global de profit et de marge
lil .g pour les entreprises de ce secteur, et donc l'attractivité de celui-ci.
.-t 0
0
N eo. • La nature et l'intensité des principa les forces et acteurs qui façonnent,
@ ~ influencent et déterminent les structures concurrentielles d'un secteur d'acti-
....... ~
..c 1 vité. La capacité d'une entreprise à créer un positionnement optimal vis-à-vis
CJl "O
·;:: g de ces forces lui permettra de développer un avantage concurrentiel et de
>- ::i
a. Cl
générer un niveau de rentabilité supérieur à ses concurrents.
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

L'analyse concurrentielle vise à évaluer l'attractivité d'un secteur d'activité à


travers l'étude approfondie de son intensité et de sa structure concurrentielles.

Les différences de structure concurrentielle expliquent les différences de ren-


tabilité observées entre les secteurs d'activité. Ainsi, la rentabilité des secteurs
tels que la pharmacie et les spiritueux s'avère très largement supérieure à celle
des industries telles que le textile ou la sidérurgie en raison d'une plus faible
intensité concurrentielle. Le modèle des cinq forces concurrentielles, proposé
par l'économiste industriel Michael Porter (1982), est une technique permettant
d'analyser de manière systématique et exhaustive l'ensemble des forces et fac-
teurs qui déterminent la structure concurrentielle d'un secteur. Cette méthode
s'appuie sur deux principes fondamentaux:
le niveau de profitabilité d'un secteur (et donc son attractivité) est déterminé
par l'intensité concurrentielle qui y règne: plus la concurrence est intense,
moins le secteur est profitable ;
l'intensité concurrentielle est elle-même fonction de l'action combinée de
cinq forces concurrentielles qui sont les nouveaux entrants, les produits de
substitution, les clients, les fournisseurs et les concurrents directs. Ces forces
constituent autant de détermi nants de la rentabilité d'un secteur.

Produits de
substitution

Pouvoir de négociation ......_


1
Concurrence Pouvoir de négociation
des fournisseurs .....,. interne des clients

-0
0 Figure 1.3..,,.
t
Menace
c de nouveaux entrants
::i Le modèle des cinq
0
lJ")
forces concurrentielles
...-l
0
de Porter
N

©

..c
0\
ï::::
>-
a.
0
u

12
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

,EOCUS,
La notion de force concurrentielle
dans le modèle de Porter
Le modèle de Porter propose une vision élargie concurrence avec les entreprises du secteur dans la
de la concu rrence en ne se limitant pas unique- captation des profits générés, et peuvent donc être
ment au x seules entreprises rivales mais en inté- considérées comme des acteurs rivaux. Ces pres-
grant des acteurs périphériques. Ces cinq forces sions, lorsqu'elles sont importantes, débo uchent
concurrentielles, par leurs ressources et leurs sur une réduction des marges et/ou des volumes
comportements, ont un pouvoir d'influence leur de ventes des entreprises du secteur. L'entreprise
permettant de s'accaparer une partie de la valeur devra donc intégrer ces acteurs (leur positio nne-
créée au sein du secteur, au détriment des entre- ment et leurs mouvements) dans sa réflexion et
prises qui le composent. En ce sens, elles sont en ses actions stratégiques.

L'analyse de la structure concurrentielle se réalise en trois étapes successives:

1. Passer en revue chacune des forces concurrentielles selon des L'analyse concurrentielle perme; - i
critères prédéfinis, décrits ci-après, afin d'évaluer l'intensité et de mesurer l'attractivité actuelle
les détermin ants de leur pouvoir de pression. et f uture d 'un sect eur d'activit é
et d'envisager des strat égies
2. Hiérarchiser ces forces afin de déterminer l'intensité concurren- d'amélio ration de la position
tielle générale du secteur (et donc son attractivité) et de préciser des ent reprises vis-à-vis des
les facteurs clés de succès (FC S). forces concurre ntielles les plus
menaçantes.
3. Envisager les manœuvres et les stratégies permettant de limiter,
voire de contrer, la pression des forces concurrentielles les plus
significatives.

11'1 L'analyse détaillée des forces


concurrentielles
""'
"
'&
·;:
0 L'influence et le poids de chacune des forces concurrentielles peuvent être évalués
:;
-0 c: "' sur la base de critères détaillés. Il s'agit ici d'identifier la nature et l'importance
0 0
c c des pressions exercées par chacune des cinq composantes du modèle de Porter.
:J
0
.2ü
lil .g
.-t 0 3.2.1 Le pouvoir de négociations des clients
eo.
1 1
0
N
@ ~ Les clients directs de l'entreprise peuvent être soit le consommateur fina l, soit
....... ~
..c 1 un distributeur, soit une entreprise dans le cas d'une relation B to B 1 • Selon les
CJl "O
·;:: g
>- ::i
1 « B to B »ou parfois« B2B »pour« Business to Business» désigne les échanges ou transactions
a. Cl
8@ commerciales effectués d'entreprise à entreprise.
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

secteurs considérés, plusieurs catégories de clients devront être distinguées et


analysées séparément. Ainsi , pour les fabrica nts de pneumatiques, les clients
concernent aussi bien les clients finals, via les réseaux de distribution détenus
en propre par les pneumaticiens (par exemple, Euromaster pour Michelin), que
les constructeurs automobiles ou les distributeurs indépendants. Le terme
d'« acheteur » est d'ailleurs généralement préféré à celui de « cl ient».
~pouvoir de pression des Un rapport de force favorable aux clients leur permet notamment
clients se traduit par leur capacité
de négocier des baisses de prix ou une augmentation de qualité à
à imposer ou à influencer en leur
faveur les conditions de l'échange,
prix constant et constitue donc une menace pour les profits et les
que cela soit en termes de prix, de marges de l'ensemble des entreprises du secteur.
qualité, de quantité, de délais de Un certain nombre d'éléments déterminent les rapports de force qui
livraison ou de paiement.
s'établissent entre l'entreprise et ses acheteurs/clients(~ tableau 1..2).

Pouvoir de négociation des acheteurs


Éléments à considérer
Élevé Faible
Clients réduits
Clients nombreux
Nombre et concentration des clients et concentrés,
et dispersés
achetant en volume
Offre standard et
Caractéristiques de l'offre Offre unique
homogène au sein
(produit ou service acheté) et différenciée
des fournisseurs
Contribution du produit fourni à
Faible Importante
la valeur de l'offre de l'acheteur (B to B)
Coûts de transfert (prix, qualité)
supporté par l'acheteur en cas Faible Fort
de changement de fournisseur
Existence de sources Limitées, voire
Nombreuses
d'approvisionnement de substitution nulles
Capacité des acheteurs à assurer
Limitée, voire
leur propre approvisionnement Forte ou avérée
impossible
(logique d'intégration amont)
Sensibilité des clients au prix Forte Fa ible

.à Tableau 1.2 Les critères d'évaluation du pouvoir de négociation des clients

-0 La puissance d'un client/acheteur est fonction de la relation de dépendance qui


0
c
:J s'établit entre lui et l'entreprise, et des coûts de transfert qu'il devrait supporter
0
lil (coûts financiers , investissements et pertes en termes de qualité) dans le cas d'un
.-t
0 changement de fournisseur.
N
@
...... 3.2.2 Le pouvoir de négociation des fournisseurs
..c 1 1
O'l
·;::::
>
a.
Les fournisseurs regroupent les acteurs situés en amont du secteur analysé et
0 qui approvisionnent celui-ci en biens ou en services. Selon les industries, il sera
u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

parfois nécessaire de conduire une analyse différenciée en fonction des différentes


catégories de fournisseurs de l'industrie. Les fourn isseurs, en exerçant des
pressions à la baisse sur les prix, la qualité des prestations fournies ainsi que sur
les délais de paiement peuvent affecter significativement les profits de l'industrie.
L'analyse de leur pouvoir de pression est symétrique à celui des
clients et s'effectuera selon les mêmes critères cités précédemment Le pouvoir de négociation d=-1
(nombre, degré de concentration, caractère unique ou différencié fournisseurs est principalement
de leur offre, capacité à se substituer à ses clients par le biais d'une déterminé par leur nombre, leur
intégration aval). Ainsi, des fournisseurs concentrés, proposant un degré de concentration, le nivea u
bien ou une composante fortement différencié qui contribue de de différenciation des offres et
leur capacité d'intégration ava l.
manière importante à la qualité du produit du client, auront un
pouvoir de négociation élevé.

Si l'on considère le secteur de la production des cartes à puce (les encarteurs de type
Gemalto ou Oberthur), deux types de fournisseurs peuvent être identifiés:
- les fournisseurs de supports pl astiques;
- les fournisseurs de microprocesseurs (ou fondeurs).
Le secteur des fournisseurs de supports apparaît atomisé par rapport au secteur de la
carte à puce, pa rticulièrement concentré (quatre acteurs mondiau x se partagent plus
de 80 % du marché); par a illeurs, compte tenu du caractère banalisé de ce composant,
les entreprises du secteur de la carte à puce disposent d'une forte faci lité de transfert
(capacité à passer facilement d'un fournisseur à un autre); en outre, du fa it de leurs
moyens financiers, elles peuvent aisément s'intégrer en amont et racheter les producteurs
de supports; enfin, la qualité liée des supports plastiques, c'est-à-dire l'importance de la
valeur apportée par le produit fourni à la valeur tota le du produit du client, est faible. Les
fournisseurs de support plastiques disposent donc d'un faible pouvoir de négociation.
À l'opposé, les fournisseurs de microprocesseurs (STMicroelectronics, Samsung, NXP
qui concentre à lui seul 30 % du marché en valeur. ..) apparaissent fortement concentrés:
les possibilités d'intégration amont des fa bricants de carte à puce sont quasi nulles,
leur capacité de transfert est fa ible, et le degré de qualité liée est élevé (notamment
pour la technologie NFC de paiement sans contact). E n conséquence, il est possible
de conclure à un fort pouvoir de négociation des fournisseurs de microprocesseurs.
""'
"
'&
·;:
0
:;
"'
1 3.2.3 1 Les produits de substitution
-0 c:
0 0
c c Les produits de substitution regroupent des produits fourni s par des entreprises
:J .2ü
0 appartenant à une autre industrie. Bien que reposant sur des technologies différentes,
lil .g
.-t 0 ces produits remplissent des fonctions et des usages similaires. Ils représentent
0
N eo. une menace dès qu'ils offrent un rapport qualité/prix plus avantageux et un niveau
@ ~
....... ~
de performance plus élevé que les produits ou services de l'industrie étudiée. Les
..c 1
CJl "O produits de substitution peuvent capter une partie de la demande de l'industrie
·;:: g
>-
a.
::i
Cl
et aller jusqu'à entraîner une disparition de celle-ci. Pour un certain nombre de
8@ distributeurs s'appuyant sur des réseaux de distribution physiques de type maga-
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

sins et boutiques, le développement de la vente par Internet constitue une remise


en cause de leur stratégie et de leur modèle de développement (cf. les cas de la
FNAC et des Virgin Megastore pour les produits culturels). Afin d'éviter le risque
de substitution, les entreprises du secteur seront amenées à prendre une série de
mesures (baisse des prix, augmentation de la différenciation produit, actions de
fidélisation et de communication) se traduisant par des dépenses supplémentaires
susceptibles d'impacter négativement leurs marges.

Dans Je secteur du transport aérien, les produits ou technologies de substitutions sont


nombreux (le train, le transport m aritime, l'automobile e t le covoiturage) et menacent
l'ensemble des différents segments: le court, le moyen et le lo ng courrier. L e segment
Je plus menacé est Je court courrier avec la montée en puissance des trains et des lignes
à grande vitesse. Air France est la compagnie qui a le plus pâti de cette concurrence
(baisse de 1,5 % de son trafic sur les lignes radiales Paris-province). Ainsi , et sur les
dessertes de moins de deux heures, Je TGV détient près de 80 % de parts de marché.
Des avantages en termes de ta rifs (bi llets à moins de 30 euros) et de localisation (gares
situées en centre-ville) ont profondément modifié un rapport de force qui était, il y
a une quinzaine d'années, très largement en faveur de l'avion. La densificatio n du
réseau gra nde vitesse à travers Je développement de nouvelles LGV (Bordeaux, Tours,
Barcelone ...) est susceptible d'accentuer les pertes d'Air France et de menacer, à terme,
le segment des moyens courriers en Europe. En 2013, la compagnie abandonne la
ligne Paris-Strasbourg et propose une offre combinant acheminement TGV et avio n.
L'offre TGV-Air proposée au dépar t des gares d'Avignon e t de Valence - permettant
l'achat en une seule fois d'un voyage internation al comprenant l'acheminement TGV
à l'aéroport et le vol - constitue une réponse à la menace de substitution.
En ce qui concerne le trafic long courrier, la visioconférence constitue une alternative
aux déplacements professionnels, notamment dans les périodes de récession économique.
Enfin , le fret aérien , du fait de l'envolée des prix du pétrole(+ 500 % en 15 ans), a
été fortement impacté (baisse du trafic de 1,2 % et du CA de 3 % en 2013) par la
concurrence du fret ma ritime, beaucoup plus compétitif en termes de prix.
La SNCF se voit elle-même co ncurrencée par la montée en puissance du covoiturage
(la levée de fonds en 2014 de plus de 73 millions d'euros du leader des sites de covoi-
turage, Blablacar, illustre l'importance grandissante de cette activité). Face à cette
menace, la SNCF rachète en 2013 123envoiture.com (devenu idvroom.com) da ns une
logique plutôt de compréhension de ce m arché e t des clients, que de diversification.
"'O
0
c
:J Les convergences 1 et les innovations technologiques sont généralement à l'ori-
0
lil gine de l'apparition de produits de substitution. Cette menace est d'autant plus
.-t
0
N
difficile à repérer que ces produits appartiennent à des industries éloignées et
@ que leur concurrence est latente et progressive. L'identification de ce type de
...... risque nécessite souvent des a nalyses dynamiques et prospectives .
..c
O'l
·;::::
>
a. 1 Système technique qui intègre plusieurs technologies développées précédemment et séparément:
0
u par exemple les télécommunications, les technologies de l'information et les médias.
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

1 3.2.4 1 Les nouveaux entrants


Cette force concurrentielle rassemble les entreprises susceptibles de rentrer
et de se développer au sein du secteur d'activité. Les entrants potentiels, en
augmentant le volume d'offres concurrentes - et donc l'intensité concurrentielle
de l'industrie - représentent une menace pour la rentabilité du secteur. Leur
arrivée s'accompagne généralement d'une guerre des prix, déclenchée soit à leur
initiative (selon une logique de conquête de parts de marché), soit à l'initiative
des concurrents déjà installés (selon une logique de protection). En outre, les
ripostes en termes d'innovation et de différenciation, mises en place par les
entreprises du secteur, génèrent des suppléments de dépenses et d'investisse-
ments qui affectent à court terme leurs profits et leurs marges. Baisse des prix,
innovation et différenciation constituent donc les trois principales mesures de
rétorsion mobilisables par les entreprises en place contre les nouveaux entrants.
Cette menace doit être évaluée selon les critères suivants:
• Le taux de croissance et le niveau de rentabilité du secteur: plus ceux-ci sont
élevés, plus ils constituent un signal d'appel pour les entreprises extérieures.
• Le potentiel de rétorsion des entreprises du secteur, déterminé par leur
capacité d'investissement, de financement et d'innovation. À titre d'exemple,
les niveaux d'endettement et de marges des entreprises du secteur peuvent
être retenus comme des indicateurs pertinents de leur potentiel de rétorsion.
• Les barrières à l'entrée, qui regroupent des éléments propres à l'industrie,
des caractéristiques structurelles qui limitent ou interdisent la possibilité pour
des entreprises extérieures de pénétrer l'industrie ou le secteur d'activité. Ces
barrières peuvent être de différents types :
- financier ou économique (l'existence d'importantes économies d'échelle,
l'intensité capitalistique et le besoin en capital) ;
marketing et commercial (l'image de marque, la notoriété, l'accès au réseau
de distribution) ;
technologique (l'accès aux brevets, aux savoir-faire, à des approvisionne-
""'
" ments et des ressources rares);
'&
·;:
0
:; réglementaire et juridique (les normes techniques et sanitaires restrictives,
-0 c: "' la réglementation limitant le nombre de concurrents et l'accès au marché ... ).
0 0
c c
:J
0
.2ü Bien que généralement surmontables, ces barrières induisent pour les nouveaux
lil .g entrants des dépenses et des hausses de coûts conséquentes qui remettent en
.-t 0
0
N eo. cause leur compétitivité et leur pérennité au sein de l'industrie 1 •
@ ~
....... ~ 1 Le concept de barrière à l'entrée est une notion relative dont l'importance et la nature varient
..c 1
CJl "O selon les ressources et les compétences dont disposent les entreprises. Ainsi, ce qui peut paraître
·;:: g insurmontable pour une entreprise ne l'est pas pour une autre disposant de ressources financières
>- ::i
a. Cl et/ou de compétences technologiques plus importantes qui satisfont aux conditions d'entrée (notion
8@ de ressources ou actif seuil).
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

Pendant près de quinze ans, le marché français de la téléphonie mobile a é té dominé


par trois opérateurs (Orange, Bouygues Telecom, SFR) sans qu'aucun nouveau concur-
rent ne vienne reme ttre en cause ce t oligopole. L'existence de barrières à l'entrée de
types légal et capitalistique explique cette situa tio n. L'entrée sur ce marché passe en
effet par l'a ttributio n par l'État d' une licence dont le monta nt (plus de 600 millions
d'euros) et les conditions d'obtention (l'obligation d'un taux minima l de couverture de
la population à partir de son propre réseau) sont tels qu'aucun acteur n'est capable d'y
répondre jusqu'en 2012. Bénéficiant d'une ba isse du prix de la licence et s'appuyant
sur les liquidités générées par son activité de fournisseur d'accès Interne t, Free
pénètre ce marché en 2012 par le biais d 'une stratégie novatrice en termes d 'offre et
agressive en termes de prix. L'entreprise propose en effet des forfaits illimités à prix
cassé (deux fois moins cher que ses concurrents), sans engagement et sans télépho ne.
Cette rupture lui permet de gagner plus d 'un million d'abonnés en quelques jo urs
et quatre millions en moins d' un a n. Sa part de marché s'établit aujourd' hui à 11 %
avec un parc de 8 millions d'abonnés. L'entrée de Free a profondément bouleversé
l'équilibre concurrentiel du secteur et déclenché un e guerre des prix entre les prin-
cipaux opérateurs. Celle-ci s'est traduite par une baisse des prix, qui s'est for tement
accentuée en 2013 (- 25,5 % contre - 11,4 % en 2012). Les autres opérateurs, qui
ont été contraints de développer leur propre offre low cost (pa r exemple Sosh pour
Orange) ont vu leurs revenus et leurs marges chuter sensiblement e n 2013 (- 4,5 %
pour Orange, - 11 % po ur Bouygues Telecom et - 9,6 % po ur SFR). En 2014, Free
récidive en proposa nt grat uiteme nt son option 40. À cette même date, SFR sort du
m arché à travers son rachat par Numéricable.

D e la même façon qu'il existe des barrières à l'entrée d'un secteur, il existe des
facteurs qui rendent difficile la sortie d'une entreprise de ce secteur. Ces facteurs
ou barrières à la sortie, sont principalement d'ordre économique mais peuvent
également être d'ordres politique, historique ou psychologique. Plusieurs facteurs
constituent traditionnellement des barrières à la sortie significatives. Les coûts
économiques relatifs à la cession d'une branche, à l'arrêt d'un site de produc-
tion, à l'abandon d'actifs non redéployables, au démantèlement des installations
apparaissent comme les éléments les plus visibles. Cependant, d'autres facteurs
existent, relatifs à la pression syndicale, politique ou sociale qui peut apparaître
suite à l'abandon d'une activité par l'entreprise; enfin, des freins psychologiques
peuvent jouer un rôle dans la décision de conserver une activité qui est associée
"'O
0 à l'origine de l'entreprise ou à son succès initial. La difficulté de sortie renforce
c
0
:J l'inte nsité concurrentielle du secteur: plus les acteurs sont contraints de rester
lil dans un secteur de moins en moins profitable, plus ils se battent sur le prix et
.-t
0
N
les coûts, seuls leviers de différenciation.
@
.......
Les nouveaux entrants représenteront une menace d'autant plus forte que:
..c
O'l les taux de croissance sont élevés;
·;::::
>
a.
les barrières à l'entrée et à la sortie sont réduites;
0 le potentiel de rétorsion des entreprises du secteur est limité.
u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

1 3.2.5 1 La rivalité intra-sectorielle


La rivalité intra-sectorielle - la nature et l'intensité de la concurrence que se
livrent les acteurs en place - est l'un des principaux déterminants de la profita-
bilité et de l'attractivité d'un secteur. Une rivalité for te se traduira par une lutte
concurrentielle principalement ciblée sur les prix et/ou par des investissements
importants menés selon une logique de différenciation et de démarcation par
rapport aux principaux concurrents. D ans les deux cas, les pressions à la baisse
sur les marges et les profits seront importantes. Les déterminants de la rivalité
intra-sectorielle dépendent du secteur (son taux de croissance, son degré de
concentration) mais aussi des entreprises qui le composent (leur nombre et leur
taille, leur stratégie, les caractéristiques de leur offre) et des actions qu'elles
mettent en œuvre (..,.. tableau 1.3).

Éléments Rivalité intra-sectorielle


à considérer Forte Faible
Faible, voire stagnant : la prise de parts Ëlevé : la croissance est partagée entre
Taux de croissance
de marché ne peut se faire qu'au détri- les différents concurrents
du secteur
ment des concurrents
- Faible et en progression - Important et stabilisé
Degré - Multiplication des fusions acquisitions - Système oligopolistique ou duopolis-
de concentration tique stabilisé
du secteur - Ententes et part age du marché entre
les concurrents dominants
Degré - Faible: la concurrence se port e uni- - Fort e : faible concurrence front ale sur
de différenciation quement sur les prix les mêmes variables st rat égiques
des offres - Offres standardisées
concurrentes
- Concurrents nombreux et de taille - Secteur dominé par des entreprises de
Nombre et similaire cherchant à s'imposer les uns grande taille à côté desquelles coexistent
homogénéité par rapport aux autres des entreprises de plus petite taille
des concurrents - Stabilisation concurrentielle
- Phénomènes d'ent ent e
""'
" - Import ants - Faibles
'&
·;: - Nécessité de générer des volumes de - La t aille n'est pas nécessairement une
0
:; Coûts fixes vente élevés en jouant su r des prix bas condition fondament ale de performance
-0 c: "' (logique d 'économies d 'échelle et d'ef- et de compétitivité (stratégie de niche
0 0
c c fets d'expérience) possible)
:J
0
.2ü
- Existence d 'actifs spécialisés ou de - Faibles
lil .g pressions publiques empêchant le désen- - Reconversion facile des actifs et des
.-t 0

eo.
0 Barrières à la sortie
N gagement et créant des surcapacités investissements
@ ~ - Fort es possibilités de désengagement
....... ~
..c 1 •Tableau 1.3 Les critères de détermination de la rivalité intra-sectorielle
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

FOC US
L'État, une 5e force concurrentielle?
L'une des ada ptatio ns du modèle de Porter consiste à intégrer l'État en tant que sixième force concur-
rentielle. E n effet, les autorités publiques, par leurs interventio ns réglem entaires, leurs subventions et
aides et, plus généralement, leurs politiques publiques, peuvent favoriser ou contraindre le déve loppement
d'un secteur d'activité. D es actions de lobbying peuvent être envi sagées a fin d'influencer l'action de
l'État. La prise en compte de cet acteur est généralement effectuée en a mo nt, lors de l'analyse PE STE L ,
à travers l'ana lyse des dimensions politiques et légales du modè le. U ne étude déta illée de l'influe nce
des autorités publiques sur les conditio ns et la structure concurrentielle du secteur peut néa nmoins
venir enrichir l'analyse des cinq forces et compléter l'analyse PESTEL.

L'a nalyse du m odèle des forces concu rrentielles appliquée au secteur de la sidé-
rurgie à la fin des a nnées 2000 permet de co nclure à un degré d'attract ivité qui s'est
accru après des a nnées de crise et de consommation morose. E n effet, même si les
fournisseurs présentent un fort po uvoir de négocia tio n (dû à la pressio n exista nt sur
le m arché des ma tièr es premières et à la forte de ma nde e n minerai de fer, no ta m-
ment), les clients (automobile, BTP .. .) o nt vu le ur pouvoir de négocia tio n diminuer
au cours des vingt dernièr es a nnées, du fa it du p héno m ène de concentratio n du
secteur de la sidérurgie e t de l'éme rgence de groupes très puissants (Arcelor-Mittal
par exemple qui génère un CA de plus de 59 milliards d'eu ros). E n outre, la r ivalité
intra-sectorie lle est assez fa ible du fa it de la fo rte croissance d u m arché (t rès fo r te
hausse de la dema nde d'acier en Asie), de stra tégies de positionneme nt sur des aciers
spécia lisés haut de ga mme e t de prix p lutô t en augm entati o n . E nfin , il n'existe pas
véritablem ent de no uveaux e ntra nts da ns ce secteur, et la menace des produits de
substitution (plastique et alum inium) reste modérée. A u fi nal, l'intensité concur-
rentielle (r ésulta nte des cinq influences) peut ê tre considérée comme modér ée e t le
secteur peut être qua lifié d'attracti f.

1•1 La hiérarchisation
des forces concurrentielles
-0
0
c
et les recommandations stratégiques
:J
0
lil Une fois l'ana lyse de chacune des forc es effectuée, une synthèse et une hié-
.-t
0 rarchie des forces concurrentielles doivent être réalisées afin de juger du niveau
N
@ d'intensité concurrentielle du secteur et d'en déduire son degré d'attractivité et
.......
..c de profitabilité moyen. D e manière résumée, plus les forces concurrentielles
O'l
·;:::: sont nombreuses et puissantes, plus l'attractivité et la profit abilité de l'industrie
>
a.
0
seront fa ibles.
u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

La synthèse concurrentielle doit aussi permettre de mettre en valeur les prin-


cipales opportunités et menaces concurrentielles du secteur ainsi que les FCS,
complétant ainsi l'analyse PESTEL.

EN PR AT 1QU~
Une synthèse graphique, prenant la forme d'une donné ici(.,. figure 1.4), l'intensité concurrentielle
représentation radar, est généralement utilisée afin est élevée avec une prédominance de trois forces
de visualiser l'intensité concurrentielle. Celle-ci concurrentielles: les clients, les fournisseurs, la
consiste à noter selon une échelle de 0 à 5 chacune rivalité interne.
des forces concurrentielles, la note 5 traduisant
une forte menace ou un fort pouvoir de pres- Clients
sion de la force considérée. En reliant chacune
des notes atteintes, on obtient une surface ou
une aire révélatrice de l'intensité concurrentielle
Rivalité intra-
concu rrentiel le !l
""' 3 Fournisseurs
du secteur. Plus cette surface est importante, et
recouvre le pentagone concurrentiel maximum 2
(note maximale pour chacune des forces concur-
rentielles), plus la rivalité est importante au sein 0
du secteur. La surface concurrentielle permet, en
outre, de visualiser la hiérarchie et l'importance
relative des forces. Ce type de représentation
s'avère particulièrement utile pour comparer des
secteurs entre eux ou pour opérer une analyse de Nouveaux Produits
la dynamique concurrentielle d'un même secteur entrants de substitution
au cours du temps. Dans l'exemple théorique •Figure 1.4 Le pentagone concurrentiel

L'analyse de la structure concurrentielle permet de renseigner la prise de déci-


sion à deux niveaux:
• Au niveau de la stratégie «corporate » (.,. chapitre 5). L'analyse des forces
concurrentielles permet d'orienter les décisions de croissance en matière
de diversification (cas d'un secteur à forte attractivité ne présentant pas de
barrières significatives pour une entreprise située en dehors du secteur) ou de
désengagement (cas d'un secteur dont la profitabilité est fortement impactée
par l'accroissement de l'intensité concurrentielle).
• Au niveau des stratégies« business » (.,. chapitre 3). L'entreprise cherchera à
développer un avantage concurrentiel par le biais de manœuvres et d'actions
lui permettant d'accroître son pouvoir de négociation et/ou de réduire la
menace des forces concurrentielles les plus significatives au sein du secteur
(.,. figure 1.5).

21
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

E N T R E p R s E

• Stratégie • Développement de • Amélioration de • Actions de


d'intégration amont barrières à l'entrée : l'offre développement ou
ou aval par innovation • Communication sur de renforcement
acquisition ou technologique, les sources de d'un avantage
croissance interne brevets, différenciation et concurrentiel : coût
• Accroissement développement de de démarcation ou différenciation
de la taille relative la notoriété, contrôle • Adoption du substitut • Coopération, alliance
et des volumes des réseaux • Fidélisat ion de la stratégique
d'achat ou de vente d'approvisionnement, clientèle • Acquisition
• Passation de contrats rachats .. . • Innovations • Stratégie de rupture
de long terme • Ripostes en termes technologiques
• Création d'une de forte baisse des
marque valorisée par prix ou de
le client final et différenciation accrue
manœuvres de • Acquisition
fidélisation • Actions marketing
• Diversification des de fidélisation des
sources clients
d'approvision nement
et des débouchés

Clients ou Nouveaux Produits Concurrents


fournisseurs entrants de substitution directs

 Figure 1.5 Les manœuvres de réduction du pouvoir de pression des forces concurrentielles

fOCUâ
Le segment stratégique : l'unité d'analyse et de diagnostic
L'ana lyse concurrentielle peu t être menée au est caractérisée par une forte hétérogénéité. La
niveau d 'un secteur d'acti vité mais aussi de ses segmentation stratégique s'opère géné ralement
différen tes composantes, appelées les segments selon trois cr itères principaux (les technologies,
stratégiques. Les segments stratégiques se défi- les groupes de clients, les besoins satisfaits) et peut
ni ssent comme des sous-ensembles homogènes être appliquée au portefeuille d'une entreprise afin
d 'activités qui partagent les mêmes technologies, de déterminer ses principaux domai nes d'activités
-0
0
c
les mêmes groupes de clients et satisfont aux mêmes stratégiques ou DAS. Par exemple, le secteur du
::i besoins types. Un secteur d 'activité est générale- transport aérien peut être segmenté selon le critère
0
lJ")
ment composé de plusie urs segments. À chaque « technologie» (familles d'ap pareils en termes
...-l
0
segment stratégique correspondent des conditions d'heures de vol et de capacité) en trois catégories:
N concurrentielles et des facteurs de réussite spéci- le cou rt, le moyen et le long courrier, mais il peut
©
..., fiques. Le découpage de l'industrie en segments aussi l'être selon les attentes et les groupes de
..c stratégiques homogènes constitue un préalable à clie nts: les segme nts business et tourisme.
0\
ï:::: l'a na lyse concurrentielle dès lors que l'industrie
>-
a.
0
u

22
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

D L'analyse des groupes stratégiques


Cette troisième étape du diagnostic externe se focalise sur les concurrents directs
de l'entreprise. Elle s'appuie sur la construction et l'interprétation de la carte
stratégique du secteur étudié.

Ill Définition et objectifs


Un secteur d'activité est généralement caractérisé par une certaine diversité
ou hétérogénéité stratégique se traduisant par l'existence de différences de
positionnements et de choix stratégiques entre les entreprises du secteur. Cette
hétérogénéité explique les différentiels de performance existant entre des firmes
qui évoluent pourtant au sein du même secteur et de la même structure concur-
rentielle. En fonction des trajectoires et des positionnements stratégiques adoptés,
les entreprises seront ainsi plus ou moins en concurrence les unes par rapport aux
autres et subiront différemment la pression des autres forces concurrentielles.
Les firmes ayant fait des choix identiques sur un certain nombre de variables et
de dimensions stratégiques clés font partie d'un même groupe stratégique et se
retrouvent donc en concurrence frontale.

Un groupe stratégique rassemble des entreprises concurrentes partageant


les mêmes caractéristiques, comportements et positionnements stratégiques
au sein d'un secteur d'activité

Les secteurs d'activité sont généralement composés d'une pluralité de groupes


stratégiques qu'il convient d'identifier et d'analyser. L'objectif est ici de dresser
une typologie des positionnements stratégiques types afin d'analyser leurs
""'
"
caractéristiques et leur performance (niveau et déterminants).
'&
·;:
0
:;
L'analyse des groupes stratégiques présente trois intérêts principaux:
Le modèle des groupes ...,
-0 c: "' repérer les positionnements stratégiques types au sein du secteur
stratégiques vise à analyser les
0 0
c c (et les entreprises qui s'y rattachent) et anticiper leur évolution;
:J .2ü positionnements stratégiques
0 analyser et comprendre leurs caractéristiques, leur degré de types au sein d'un secteur
lil .g
.-t 0 performance et les déterminants de leur performance ; d'activité. Il permet une analyse
0
N eo. - suggérer des manœuvres stratégiques permettant soit de renforcer détaillée de l'une des cinq forces
@ ~ du modèle de Porter: la rivalité
....... ~
et de développer la position concurrentielle de l'entreprise au sein
..c 1 i ntra-sectoriel le .
CJl "O de son groupe stratégique, soit d'évoluer vers des positionnements
·;:: g
>- ::i stratégiques plus performants.
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

La méthode des groupes stratégiques se compose de deux étapes:


- une étape de repérage et d'identification des groupes stratégiques;
une étape d'analyse et de recommandations en termes d'évolution du posi-
tionnement stratégique (Brui hart, 2009).

ltl La construction de la carte


des groupes stratégiques
Le premier temps du repérage passe par l'identification des variables et des
critères révélateurs de choix et de comportements stratégiques types au sein de
l'industrie. Ces variables doivent non seulement permettre de répartir les firmes
en des sous-ensembles homogènes mais aussi être suffisamment discriminantes
en traduisant de réelles différences stratégiques entre les groupes d'entreprises .
La construction des cartes suit une méthodologie décrite par la figure 1.6.

Identifier les variables ou dimensions les plus DimX


différenciatrices : variables non corrélées signalant
0 des différences importantes entre les positionnements )
concurrenti els et pouvant êt re
qualitatives et/ou quantitatives
DimY

1
Positionner les firmes sur une matrice à deux dimensions
DimX
Firme A Firme C
Firme D Firme E
Firme B
en comb inant les différentes paires de variables FirmeG
Firme F
stratégiques ret enues
DimY

1
Placer les f irmes qui se situent dans une zone
proche dans le même groupe stratégique
DimX

)
Groupe stratégique 1

~A
.
F1rme
Firme(]
Firme o Firm.e E
Gj Firme B
Blt:IDW!m
Groupe stratégique 3
Firme F

1
DimY
-0
0 DimX
c
::i
0
LJ)
.--l Tracer un cercle autour de chaque groupe )
0
N DimY
©

..c .à Figure 1.6 Les étapes de construction d'une carte stratégique
0\
ï::::
>-
a.
0
u

24
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

L'une des difficultés, face à la diversité des dimensions constitutives de la stratégie,


réside dans la sélection des variables les plus pertinentes. Un certain nombre de
critères, potentiellement mobilisables, sont généralement proposés par les manuels
et la littérature. Cependant, leur utilisation ne peut être systématique et leur
sélection devra tenir compte des caractéristiques et conditions concurrentielles
propres à chaque secteur. Ces variables devront être opérationnalisées par des
indicateurs de mesure, quantitatifs ou qualitatifs, de m anière à être évaluables
et ne pas être corrélées.

Variables ou dimensions stratégiques discriminantes


- Inte nsité des dépenses R&D
- Degré de spécia lisation
- Qualité perçue des produits
- Position en termes de coût
- Politique de prix
- Inte nsité des dépenses marketing
- D egré d'intégration vertica le
- Importance de la notoriété et de l'image de marque
- Intensité capitalistique
- Réseaux et modes de distribution
- Couverture géographique ou degré d'internationalisation
- Segments couverts au sein de l'industrie
- Largeur de la gamme
- Nature des stra tégies marketing
- Innovation et leadership technologiques
- Services associés
- Différenciation des produits

;;:;
~ Dans un second temps, les stratégies des entreprises sont caractérisées selon les
::i

~ variables retenues. Une représentation sur un graphique à deux dimensions -


"
'&
·;:
chaque axe du graphique correspondant à l'une des variables retenues - permet
~ de visualiser les choix effectués par chaque entreprise du secteur et donc de les
-g §"' situer au sein de la carte stratégique. Si plus de deux dimensions sont retenues,
c c
:J .2 cela conduira à l'éla boration et à l'analyse simultanée et complémentaire d'autant
~~ de cartes stratégiques que nécessaire. Les firmes qui sont proches les unes des
8[ autres occupent le même espace stratégique et font donc partie du même groupe
N e
@ ~ stratégique. Le recensement graphique de l'ensemble des positionnements stra-
...., ~ tégiques des entreprises constitue la carte stratégique de l'industrie .
..c 1
CJl -0
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

Le marché de la vente de vin par Internet, bien que ne représentant que 15 % des ventes
de vin en France, est un secteur en plein essor avec un taux de croissance annuel de
plus de 30 % depuis 2007. Générant un chiffre d'affaires de plus de 750 millions d'euros
(500 millions en 2012), qui devrait être multiplié par deux da ns les années à venir, ce
marché, en raison de son potentiel de croissance et des faibles barrières à l'entrée, ne cesse
d'attirer de nouveaux acteurs. Aujourd' hui, ce sont plus de 350 entreprises (horm is les
domaines viticoles) qui évoluent dans un secteur fortement concurrentiel, peu structuré
et qui connaît un fort taux de renouvellement (7 à 8 % par an) à travers des cessions,
des rachats, de nombreuses entrées et sorties (créations, faill ites, arrêts d'activité .. .).
Le profil des acteurs qui composent ce marché est très diversifié. Ainsi, aux côtés des
poids lourds historiques que sont 1855.com, Chateauonline.fr (racheté récemment par
1855), Wineandco.com, on trouve les spécialistes de la vente événementielle (Vente-
privee.com) ainsi que les sites Internet de la grande distribution (tels que Auchandirect.fr
ou Ooshop.com) mais aussi les cavistes et les négociants tels que Nicolas ou Millesima.
Deux critères d iscriminants permettent néanmoins d'identifier des positionnements
stratégiques types au sein de l'industrie. Il s'agit d 'une part du degré de spécialisation
produit qui permet de distinguer les entreprises dont le vin constitue l'unique produit
de vente par Internet des sites proposant d'autres produits (alimentaires ou non). Le
deuxième critère a trait au degré de spécialisation sur le canal de distribution en ligne
qui permet de différencier les pure player utilisant comme unique mode de distribution
le canal virtuel, des distributeurs «click-mortar» qui combinent réseau de boutiques
physiques et canal virtuel (stratégie cross canal ou multicanal). Le croisement de ces
deux dimensions permet de faire apparaître trois groupes stratégiques :
- Le premier, qui peut être qua lifié d' hyperspécia lisé, est composé d'entreprises
distribuant uniquement du vin via leur site Internet. On retrouve ainsi des sites
créés ex nihilo te ls que Wineandco.com, Chateauonline.fr, TroisFoisVin.com,
Lepetitballon.com.
- Le deuxième groupe rassemble les sites de vente à dominante événementielle que
l'on pourrait qualifier de généralistes événementiels. Ces acteurs distribuent une
diversité de produits via des ventes privées (Vente-privee.com, Transgourmets.fr,
Privateoutlet.com).
- Le troisième groupe est composé des spécialistes multicanaux. Il s'agit principalement
de cavistes et de distributeurs qui ont développé progressivement leur boutique en
ligne (Millesima, Nicolas).
Si aucun groupe n'a réussi à s'imposer sur ce marché, certains semblent p lus fragiles
que d'autres. Il s'agit notamment du groupe des hyperspécialisés pour lequel les sources
"'O de différenciation sont limitées e t qui connaît régulièrement des retards de livraison
0
c nuisant fortement à l'image et à la crédibilité des entreprises qui le composent. Le
:J
0 groupe des spécialistes multicanaux, de par leurs magasins, le nombre de références
lil
.-t
disponibles (et qui disposent parfois de leurs propres chais) rassurent les clients et
0
N
proposent un niveau de service plus élaboré.
@
.......
..c
O'l
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

ID L'analyse des cartes stratégiques


À travers l'analyse des groupes stratégiques, une entreprise va pouvoir succes-
sivement:
- se situer par rapport à ses différents concurrents (directs ou éloignés);
- éva luer les caractéristiques et le degré de performance de chaque groupe;
- envisager de nouvelles trajectoires et de nouveaux positionnements stratégiques.
Deux niveaux d'analyse de la rivalité concurrentielle doivent être distingués:
l'analyse intra-groupe et l'analyse inter-groupe.

1 4.3.1 1 L'analyse intra-groupe


L'analyse intra-groupe vise à déterminer les caractéristiques internes de chaque
groupe afin d'en déduire leur attractivité et profitabilité respectives. L'attractivité
sera fonction de trois éléments:
- le nombre et la taille des concurrents composant chaque groupe: plus ceux-ci
sont nombreux et de taille identique, plus la rivalité concurrentielle intra-
groupe sera forte;
- le degré d'exposition du groupe aux pressions exercées par les cinq forces
concurrentielles;
- la nature et l'importance des barrières à l'entrée propres à chaque groupe
stratégique.

,E OCUâ
L'importance des barrières à l'entrée
pour l'attractivité des groupes stratégiques
Les barrières à l'entrée sont des éléments protégeant certains groupes stratégiques d'entreprises exté-
""'
"
rieures souhaitant les intégrer. Elles s'assimilent à des ressources, des compétences dont la détention
'& est fondamentale pour pouvoir intégrer ou migrer vers un groupe jugé plus attractif. Les coûts et les
·;:
0
:; investissements associés au choix d 'un nouveau positionnement stratégique, lorsqu'ils sont significa-
-0 c: "' tifs, vont limiter les phénomènes de mobilité et d'imitation intergroupe. Plus les barrières à l'entrée
0 0
c c ou conditions d'accès attachées à un groupe sont importantes et coûteuses à surmonter, plus le degré
:J
0
.2ü d 'attractivité de celui-ci sera important et durable dans Je temps.
lil .g
.-t 0
0
N eo.
@ ~
....... ~
..c 1
1 4.3.2 1 L'analyse inter-groupe
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
L'analyse inter-groupe vise à mesurer la distance qui sépare chaque groupe
8@ stratégique (analyse statique) et à appréhender sur une ou plusieurs périodes
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

(voire à anticiper) les mouvements de chacun d'entre eux. Une faible distance et
des phénomènes convergents sont révélateurs d'une forte rivalité concurrentielle
ou d'un accroissement de celle-ci. À l'inverse, des écarts ou des mouvements
divergents importants conduisent les entreprises à se différencier stratégiquement
et à ne pas être en concurrence frontale sur les mêmes variables.
En fonction des résultats de l'analyse effectuée, trois types de choix s'offrent à
l'entreprise (..,.. figure 1.7):
• Poursuivre son développement au sein du même groupe stratégique. Sa
stratégie consistera à améliorer sa position au sein du groupe (par le biais
d'acquisitions, d'un accroissement de sa taille ou de son avantage concurren-
tiel) et à renforcer ou développer des barrières à l'entrée.
• Évoluer vers un groupe stratégique jugé plus performant. Ce choix est
conditionné par l'adéquation entre les ressources et compétences détenues
par l'entreprise et celles nécessaires au nouveau positionnement stratégique
(les barrières à l'entrée du groupe visé).
• Se positionner sur un espace vierge de la carte en créant un nouveau groupe
stratégique. Cette stratégie de rupture de type «océan bleu» (..,.. chapitre 4)
est risquée, mais elle peut aussi être extrêmement profitable dans le sens où
l'entreprise, fortement différenciée stratégiquement, n'a plus de concurrents
directs.

Renforcer la position
Dim 1 du groupe stratégique Ëvoluer vers un groupe
et/ou la position de la firme stratégique plus favorable
au sein du groupe

-0
0
c Créer un nouveau
::i GS3 ''
0 groupe stratégique '' ''
LJ)
...-l ........ .. .... '
0
N

©
..., Dim 2
..c
0\
ï:::: .&. Figure 1.7 Les options stratégiques issues de l'analyse des groupes stratégiques
>-
a.
0
u

28
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

''
Comment les compagnies aériennes analysent-elles
le comportement de leurs concurrents?
3 questions à Nul besoin dans le transport aérien de recherches
sophistiquées pour savoir ce que font les concurrents, car
Gilles cette industrie a mis en place un dispositif d'échange des
Bordes-Pagès données entre les compagnies européennes. Il se fait via
Directeur des relations l'association des compagnies européennes (AEA) qui récolte
stratégiques Air France ' ' les déclarations des participants, les examine afin d'éliminer
les erreurs puis les diffuse aux participants. C'est la valeur
ajoutée et la pertinence des analystes qui fait la différence
et non l'information de base. Charge à chaque compagnie
de décortiquer et modéliser ces données pour en tirer le
maximum: ce traitement fait référence à l'intelligence
économique chez Air France.

Quels sont les enjeux et les processus associés


au diagnostic stratégique et à /'intelligence
économique au sein d'Air France?
Le travail d'intelligence économique vise à alimenter le
processus de planification stratégique qui consiste à établir
des vecteurs d'objectifs à trois ans glissants. Avec Internet
et l'AEA, on dispose de plus d'informations que nécessaire :
il s'agit d'organ iser l'expertise non pour rechercher
l'information mais pour la trier, l'analyser mieux et la diffuser
plus vite que ne le font les concurrents. Cette analyse vise à
évaluer l'offre concurrente (via la connaissance de la f lotte
et du réseau) et à la comparer à la demande prévisible
(estimée en fonction des prévisions d'évolution de PIB par
zones géographiques). Ce processus permet d'évaluer les
probabilités de surcapacité ou sous-capacité et de guider les
choix de politiques commerciales.

Quelles sont les limites de ce type d'analyse


et de diagnostic?
Les vraies limites sont liées à la capacité de l'entreprise à
prendre les bonnes décisions face à ces informations et ces
analyses. Mais le plus difficile, lorsqu'on a un processus
bien établi, consiste à savoir «sortir de la boîte >> pour aller
au-delà des raisonnements routiniers. Il en va ainsi des
changements de paradigmes qu'il faut guetter sans relâche
(comme la généralisation de« l'open sky» ou la disparition
des régulateurs étatiques) ou de l'émergence de nouveaux
modèles économiques (comme le /ow cost). •
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

Les points clés


-+ Le diagnostic externe vise d'une part à repérer et analyser les facteurs envi-
ronnementaux qui ont ou peuvent avoir une influence positive ou négative
sur le développement et la performance de l'entreprise et, d'autre part, à
identifier les règles du jeu (ou FCS) du secteur.

-+ Le modèle PESTEL consiste à analyser le macro-environnement ou envi-


ronnement général à travers ses six composantes principales (politique,
économique, sociale, technologique, environnementale et légale) afin de
déterminer les opportunités et les menaces de développement auxquelles
doit faire face l'organisation.

-+ Le modèle des forces concurrentielles vise à caractériser l'environnement


direct ou concurrentiel de l'entreprise et à déterminer l'intensité concurren-
tielle (et donc l'attractivité) du secteur dans lequel elle évolue. Cette analyse
doit s'appliquer à chaque segment de l'industrie si celle-ci est fortement
hétérogène en termes de FCS et de conditions concurrentielles.

-+ L'intensité concurrentielle est fonction de l'action combinée de cinq forces


que sont les clients, les fournisseurs , les nouveaux entrants, les produits
de substitution et la rivalité intra-sectorielle. Plus le pouvoir de pression
des cinq forces est important, plus la profitabilité, et donc l'attractivité du
secteur est faible.

-+ Le modèle des groupes stratégiques se focalise sur les concurrents directs


de l'entreprise. Cette analyse consiste à identifier et évaluer la performance
des positionnements stratégiques types au sein de l'industrie et s'appuie sur
la construction d'une carte stratégique. Il permet notamment de repérer
les positionnements les plus performants ainsi que les conditions d'accès
à ceux-ci.

-0
0
c
:J
0
lil
.-t
0
N
@
......
..c
O'l
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>
a.
0
u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

APPLICATIONS
b. L'analyse des forces concurrentielles vise à déter-
QCM ..,.. Corrigés p. 181
miner la nature de l'avantage concurrentiel da ns un
secteur.
c. L'analyse des fo rces concurrentielles vise à déter-
Une seule bonne réponse par question. miner l'espérance de renta bilité dans un secteur d'ac-
tivité donné.
1 Le modèle PESTEL est une méthodologie
permettant d 'identifier: 6 Une stratégie de rupture de type « océan bleu »
a. Les activités créatrices de valeur dans le processus conduit à:
de production de l'entreprise. a. Créer un nouveau positio nnement stratégique au
b. Les opportunités ou menaces globales issues du sein du secte ur.
macro-environnement. b. Maîtriser mieux que les concurrents les FCS exis-
c. Les principaux groupes stratégiques. ta nts de l'industrie.
c. Faire évoluer l'entreprise vers un groupe stratégique
2 La menace des nouveaux entrants dépend : existant jugé plus attractif.
a. D es barrières à l'entrée.
b. D e leur nombre et de leur degré de concentration. 7 Quelle est l'affirmation correcte?
c. D es capacités des nouveau x entrants à surmonter a. Les FCS sont contingen ts aux entreprises et aux
les barrières à l'entrée. secteu rs d'activités.
b . Les FCS varient selon les secteurs d'activité et dans
3 Si dans un secteur donné, le produit livré p ar le temps.
les fournisseurs aux entreprises du secteur analysé c. Les FCS sont principa lement de nature techno-
p ossède une qualité liée forte, il est possible d'en logique et commerciale .
déduire que :
a. Le pouvoir de négociation des fourni sseurs est fort.
b. Le pouvoir de négociation des fournisseurs est
faible.
c. On ne peut se prononcer car il manque des éléments Étude de cas ..,.. Corrigés p. 181
d'appréciation.

4 Le m o dèle des groupes stratégiques a pour 8 Le secteur des grandes surfaces


objectif essentiel : alimentaires
a. De déterminer les moyens de surclasser les concur- Le 10 mai 2014, le hard-discounter Dia annonçait son
rents similaires en termes de positionnement straté - retrait du marché français. Ce départ est révélateur
gique. des pressions concurren tielles et des contraintes éco-
b . De déterminer les concurrents similaires en termes nomiques et réglementaires qui pèsent sur le marché
de positionne ment stratégique. français de la grande distribution. Il traduit aussi les
c. De déterminer les moyens de diminuer l'intensité d ifficultés d'adaptation des acteurs aux évolutions
de la rivalité intra-sectorielle. tant conjoncturel les que structurel les. Le secteur des
grandes surfaces alimentaires (GSA), qui regroupe
5 Quelle est l'affirmation erronée ? des magasins de vente au détail dont la majorité du
a . L'ana lyse des forces concurrentielles vise à déter- chiffre d'affaires (CA) provient de la vente de produits
miner le degré d'attractivité d'un secteur. alimentaires, génère u n CA annuel de 180 milli ards
Partie .. Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

Exemples
Format Surface Assortiment Implantation
d'enseignes
A li mentaire et Périphérie Leclerc
Hypermarché > 2 500 m 2 non-alimentaire centre commercial Carrefour
40 000 références Auehan
Petite: 400 à A li mentaire et Petit: quartier lntermarché
1 000 m 2 non-alimentaire rési dentiel, petit e Carrefour
Supermarché
Grande: 1 000 à 5 000 à 10000 ville Express
2500 m 2 réf érences Grand: périphérie Super U
Périphérie Lidl
70 0 à 1 000 réfé-
Moyenne : 600 m 2 Quartier résidentiel Leader Price
rences
Centre-ville A ldi
Quartier résidentiel City Carrefour
Supérette 120 à 400 m 2 2 000 références
Pet ite ville Petit Casino

.Â. Tableau 1.4 Les caractéristiques des différents formats de vente

d'eu ros. Au sein de cette industrie, on distingue quatre ba isse (-0,7% en 2013) a lo rs que le drive (commande
principa ux formats qui se différe ncie nt qua nt à la par Internet et retrait par le client da ns des sites dédiés),
ta ille des surfaces de vente et au nombre de références la vente par Internet (livra iso n à domicile) et les for-
offertes (..,.. tableau 1.4). mats de proximité (de type supérette) connaissent de
Les GSA do minent la distribution a lime nta ire avec forts taux de croissance (+ 40 % du parc de drive en
67 % des ventes dans l'alimentaire. Cependant, cette 2013 et 4 % de parts de marché). Après quarante ans
domin ation est remise en cause à travers le reno uveau de croissance, les formats de type hypermarchés et
des commerces indépendants de proximité (épiceries, supermarchés semblent être arrivés à maturité (même
bouche ries .. .) et le développement des ventes en si on anticipe une croissance des petits supermarchés).
ligne. E n o utre , le C A réa lisé d ans le no n-a lime n- La m arge ne tte moyenne du secteur est de 1,4 % et
ta ire (équi pement de la personne et de la m a ison) a diminué en m oyenne depuis 5 ans. L e m odèle du
a fortem ent chuté au cours de ces dernières années bard-discount (HD) semble lui aussi ê tre en perte
avec une baisse de près de 2,2 % depuis 10 a ns du de vitesse avec une part de m ar ché qu i est to mbée
fait principalement de la mo ntée en puissance des en 2013 à 12,4 % contre 15 % cinq ans auparavant.
grandes surfaces spécialisées (GSS) dans l'électro- Le m arché français de la distribution fait l'objet depuis
dom estique, le bricolage, les produits culturels et des trente ans de très no mbreuses réglementations (loi
gra ndes plateformes <l'e-commerce de type Am azon. Galla nd, loi R affarin, loi Royer. .. ) qui o nt visé soit
Le m odè le é co nomique des GSA s'appuie sur des à limite r l'expa nsio n des gra nds distri buteurs (ce qui
volumes de ven tes (parc im porta nt de magasins de a constitué un désincitatif à l'entrée de co ncurrents
gra nde taille) et d'achat élevés qui leur permettent de étrangers), soit à réguler les rapports q ue les G SA
générer des économies d'échelle et un fort pouvoir entretienne nt avec leurs fournisseurs en vue de pro-
de négociation. Cette stratégie permet ainsi aux G SA téger ces dern iers. La dernière réglem enta tio n , la
"O
0
c de proposer un vaste assortiment de produits à pri x loi de modernisation de l'économie (LME) mise
::i ré duit. L a similarité des assortiments de grandes en p lace en 2010, vise à relancer la concurre nce au
0
l..f)
m arques offer ts par les diffé rents co ncurre nts rend profit des consomma teu rs (baisse des prix, faci lité
.-1
la différ e nciatio n diffi cile et conduit à une lutte d'implantatio n des fo rmats de type H D) et à protéger
0
N concurrentielle principaleme nt basée sur les prix les fournisseurs en supprima nt les marges a rrières.
@ e t sur des po litiques prom o tionne lles agressives . La dema nde de biens alimentaires est fortement liée à
...... Après une croissance de plus de 11,2 % entre 2004 la conjoncture économique et à l'évolutio n du pouvoir
~
0\
ï:::: et 2010, le CA des GSA n 'a cessé de diminuer depuis d'achat des ménages. Du fait d'une conjoncture défavo-
>-
0. (-4,1% entre 2010 et 2013). Les formats hyperm archés rable (crise économique et financière de la zone euro),
0
u et superm a rchés o nt été les plus affectés par cette celui-ci n'a que très faiblem ent progressé au cours de
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

l'année 2013 (+ 0,3 %) après une baisse record en 2012 souhait d'une consommation plus raisonnée menacent
(-0,9%). La poussée du chômage, l'évolution à la hausse aussi le modèle traditionnel des GSA et induisent
des prix (liée à l'augmentation du prix des matières des investissements supplé menta ires pour celles-ci.
premières), l'augmentation de la pression fiscale et la Près de sept acteurs s'affrontent sur ce m arché e t
faible croissance économique (0,3 % en 2012 et 2013) se répa rtissent entre des grandes chaînes intégrées
ont fortement restreint les dépenses de consommation (Carrefour, Casino, Anchan, Lidl et Aldi) et des grou-
(+0,3 % par an depuis 2008). pements d'indépendants (Système U, Intermarché,
À ces évolutions conjoncturelles s'ajoutent des chan- E . Leclerc) . Les deux leaders représentent près de
gements structurels. Ainsi, du fait de l'élévation du 40 % des ventes. Si Carrefour reste leader, il est
niveau de vie, la part relative des dépenses alimentaires peu à peu rattrapé par E. Leclerc qui a vu sa part de
a fortement chuté dans la structure de consommation marché continuellement croître ces dernières années.
des ménages français (12,9 % en 2013 contre 30 % en Intermarché et Système U poursuivent aussi leur
1959), au profit des loisirs et de la santé. Au cours des progression. Les bard-discounts (les derniers entrants
deux dernières décennies, des mutations culturelles, sur ce marché à la fin des années 1980) voient le taux
socio-économiques et démographiques (vieillissement de croissance de leurs ventes chuter sensiblement. Il s
de la population, diminution du nombre de personnes semblent avoir subi de plein fouet la concurrence des
par foye r, réduction du temps dévolu aux courses, marques de distributeur (MDD) premier prix qui
sensibilité accrue au facteur « prix », développement se sont multipliées et le développement d'enseignes
des mono -ménages, concentration urbaine . .. ) ont hard-discount ou de rayons hard-discount au sein
profondément affecté les modes de consommation. La même des magasins existants (tel que Leader Price par
rapidité de l'acte d'achat, sa simplicité, une recherche Casino). Les enseignes les plus rentables (en termes
de proximité permettant des gains de temps et la de marge nette) sont pour les formats hyper et super
réduction des déplacements automobiles (à la fois pour E. Leclerc (1,79 %), Super U (1,35 %), Intermarché
des raisons écologiques et environnementales ma is (1,31 %) et pour les formats hard-discount et proxi-
aussi du fait de l'augmentation du prix du carburant) mité Franprix (Casino) (2,08 %), U Express (1,67 %),
sont autant de facteurs aujourd' hui valorisés par les Carrefour Express (1,61 %) et Intermarché contact
consommateurs et qui remettent en cause certaines (1,22 %). Pour la majorité des acteurs, l'internationa-
formules de vente caractérisées par des magasins de lisation, les formats de proximité ainsi que le modèle
très grande taille loca lisés en périphérie. Le rejet de drive et, plus généralement, une stratégie multicanal
l'hyperconsommation, la recherche d 'authenticité (physiques et virtuels) constituent des relais de crois-
et de qualité des produits (à la suite des nombreux sance importants. Les caractéristiques des diffé rents
sca ndales et crises alimentaires), d'une plus grande concurrents e t de leur positionnement stratégique
tra nsparence des filières d 'approvisionnement et le sont détai llées dans le tableau 1.5.

~ CA total % du CA réalisé Répartition du CA par format (France)


i::; Part de marché
c: 2013 (en milliards à l'étranger Proxi et
-
"
"'
d'euros) (nbre de pays) Hyper Super HD
autres
(France)

""
~ Carrefour 84,3 55 % (34) 55 % 33 % - 12 % 20,30 % (- 0,3 pt )
·=
0
::; Auchan 48,7 60 % (15) 80 % 16 % - 4% 11 ,30 % (- 0,2 pt)
"'O c: "' Leclerc 45,2 7 % (7) 90 % 3% - 7% 19,60 % (+ 0,9 pt)
0 0
c c:
::i
0 ü
.2 ITM 39,9 10 % (6) 11 % 72% 4% 13% 14,20 % (+ 0,3 pt)
l..f) .g Système U 23,9 0,3 % (1) 19 % 72% - 9% 10,30 % (+ 0,4 pt)
.-1 0
0 5.. Groupe
N e 48,6 60 % (8) 25 % 36 % 22 % 17 % 11,70 % (- 0,6 pt)
@ ~ Casino
...... ~ Lidl 63 (6,8 Mds en Fra nce) - - 100 % 0 4,60 %
~ I
0\ i::;
ï::: g Aldi 57 (3,2 Mds en France) - - 100 % 0 2,30 %
>- Cl"
o.
8 @ A Tableau 1.5 Les chiffres clés des GSA
Partie .. Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

Du petit producteur local de fruits et légumes ou de la individue ls. La plupart des distributeurs proposant
coopérative agricole à la multinationale agro-alimen- les mêmes grandes marques nation ales ou mondiales
taire telle que Nestlé ou Danone en passa nt par les à leurs clients à des prix équivalents, la fidélisation
géants de l'industrie des produits de grande consom- par le biais de l'offre semble difficile. Les évolutions
mation du type Unilever ou Procter & Gambie, les technologiques, telles que Je développement d'Internet,
fournisseurs des GSA ont des profils très variés. E n la mise à disposition en ligne de comparateurs de prix
France, la majorité des fournisseurs de la grande ainsi que le recours aux publicités comparatives ont
distribution est constituée d e PME: 2/3 des four- fait des consommateurs des acteurs de plus en plus
nisseurs sont des PME françaises, e t les PME vont (et de mieux en mieux) informés, accroissant leur
jusqu' à représenter 93 % des fournisseurs si l'on volatilité. En outre, leur attachement croissant aux
inclut les PME étrangères. Elles représentent en outre marques pousse les distributeurs à une inflation du
29 % des références et 55 % du CA des GSA. À titre portefeuille produits dans les linéaires, augmentant
de comparaison, les gra nds groupes étrangers, qui leur dépendance vis-à-vi s des grands industriels.
représentent 2,5 % des fournisseurs des distributeurs Cet accroissement de la volatilité conduit les distri-
français comptent pour plus de 45 % du CA et 48 % du buteurs à approfondir leur pratique a nalytique et
nombre de références. Les volumes de vente par PME opérationnelle de la gestion de la relation client, le
sont très fa ibles. Depuis 2010, les grands industriels CRM (Customer relationsl1ip management). Afin
ont vu eux leur taux de marge s'accroître , de même d'éviter une concurrence fondée uniquement su r
que leur diffé rentiel de rentabilité avec la gra nde les prix, les distributeurs tentent de développer des
distribution: + 14 % depuis 2008 pour les premiers, offres plus différenciées, à plus forte valeur ajoutée
- 13 % pour les seconds. Leur ma rge d'exploitation et qui s'appuient sur:
et leur marge nette, en 2013, s'établissent respecti- - des produits ou des marques exclusives ;
vement à 15,9 % e t 10,l % contre 6,1 % et 2 % pour - des a ménagements et des services spécifiques;
les distributeurs. Ces acteurs, qui ont tendance à se - un C RM repensé et renforcé;
concentrer (mouvement de fusions-acquisitions) ont - une gamme rationalisée, voire réduite, de pro-
réussi à développer des portefeuilles de marques duits correspondant aux attentes spécifiques des
mondiales (Lesieur, Nutella, Coca-Cola, Pampers ...) consommateurs et à l'évolution de leur mode de vie
et n a tion a les dont les distributeurs ne peuvent se (produits du terroir et marques régionales, produits
passer. Les différences de rentabilité existant entre les bio, MDD premier prix comme haut de gamme ... ).
distributeurs peuvent s'expliquer par le pri x d 'achat
des marchandises, lui-même déterminé par le pouvoir En tant que business analyst d' un cabinet de conseil
de négociation de leurs centrales d' achat. Depuis en s tratégie, vous êtes chargé(e) de conseil.Ier une
2010, une réglementation plus stricte , ainsi que la entreprise souhaitant entrer sur le marché français des
mise en place de filières qualité et de véritables par- GSA. Il vous est donc demandé un rapport construit
tenariats entre producteurs agricoles et distributeurs en trois parties:
(notamment pour les marchés valorisant la traçabilité 1. Ide ntifier les facte urs environnem ent aux qui
et la qualité des produits), ont permis de rétablir un affectent le développement du secteur.
certain équilibre avec les PME. 2. Analyser les principales forces concurrentielles
La distribution é tant un marché de masse, les gra nds de l'industrie.
distributeurs sont confrontés à un très grand nombre 3. Repérer et caractériser les principaux positionne-
"O et à une très grande dive rsité de consommateurs ments stratégiques ou groupes stratégiques.
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c
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l..f)
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u
Chapitre 1 Analyser l'environnement de l'entreprise

notamme nt sur l'analyse, pour chaque acteur, des


Activités dimensions stratégiques suivantes: le positionne-
ment international, Je niveau de gamme, le degré de
différenciation , l'innovation produit et l'intensité des
9 Le pouvoir de négociation des clients dépenses R&D.
de Nespresso
En vous appuyant sur les sites Internet de Nestlé et 12 L'analyse comparative des structures
de Nespresso et sur la presse spécialisée dans l'agroa- concurrentielles
.limentaire (Linéaire, RIA ... ), déterminez le pouvo.ir En vous appuyant sur l'étude de cas portant sur le sec-
de négociation des clients de Nespresso ainsi que teur des GSA (..,. application 6) et sur les informations
ses facteurs explicatifs. Pour cela, analysez les offres recueillies lors de l'élaboration des groupes stratégiques
concurrentes, et plus spécifiquement, le positionnement du secteur des pneumatiques(..,. application 9) que vous
de groupes tels que DEME , Monde.lez, ECC, Sara compléterez pour les autres forces concurrentiel les,
Lee, en termes de qualité, de largeur de la gamme et comparez l' intensité et la structure concurre ntielle
de réseau de distribution. de chacun des secteurs. Effectuez une représentation
radar pour chacun des secteurs et comparez la dif-
10 L'analyse PESTEL du transport aérien férence de surface concurrentielle. Puis tirez-en des
Sur la base d'une recherche documentaire réalisée conclusions en ce qui concerne l'attractivité relative
par vos soins sur le site Internet de l'association inter- de chaque secteur et les forces concurrentielles les
nationale du transpo rt aérien (IATA), et en vous plus importantes.
appuyant sur la presse professio nnelle (Air Journal,
Le journal de l'aviation), déterminez les principales 13 Les groupes stratégiques dans le secteur
évolutions environnementales qui affectent l'industrie du mobile tactile
mondiale du transport aérien et, plus spécifiquement, E n vous appuyant sur les stratégies mises en œuvre
l'industrie européenne. Pour cela, appuyez-vous sur 1.e s par des acteurs tels que Nokia, Apple, Microsoft,
dimensions légale, environnementale et économique LG, L e novo, Samsung, HTC, Sony, ZTE et sur
du modèle PESTEL. la presse spécialisée (L'Usine digitale, Zdnet.fr,
Olnet.com .. .), identifiez et analysez les principaux
11 Les groupes stratégiques dans le secteur groupes stratégiques composant l'industrie du mo bile
des pneumatiques
tactile ou smartphone. Vous vous intéresserez notam -
Sur la base de l'analyse des sites Internet et des rap- ment à la politique de prix pratiquée par ces acteurs, à
ports d'activité des entreprises Michelin, Goodyear, leur degré d'intégration et à leur présence sur les dif-
Bridgestone, Pirelli, Continental, Cooper, Hankook et férents appareils connectés (smartphones et tablettes).
Sumitomo et de la presse spécialisée (Usine nouvelle, Vous essaierez a lors d'interpréter le rachat de Nokia
Journal de l'auto ... ), identifiez les groupes stratégiques par Microsoft en 2014.
du secteur des pneumatiques. Pour cela, focalisez-vous
elon certains analystes, l'arrivée de Netftix déficit de notoriété, le manque de programmes

S sur le marché français en septembre 2014


constitue un véritable tsunami suscep-
tible de gravement menacer les modèles écono-
récents, la nécessité de passer par les box des
fournisseurs d'accès à Internet, le délai élevé
imposé entre la sortie d'un film et sa mise en
miques des leaders locaux, dont Canal+. Leader vente à la demande), la menace peut s'avérer
de la vidéo à la demande aux États-Unis, Netflix moins importante que prévue et contraindre
dispose en effet d'atouts et de moyens consi- Netflix à s'orienter vers une stratégie d'offre de
dérables en termes d 'offre, de prix et de capa- télévision payante low cost.
cité d'investissement dans le développement de
Comment analyser et déterminer la capacité
programmes. La fluidité de son interface et la
stratégique d'une entreprise ? Quelles sont les
puissance de son moteur de recommandation
ressources et les compétences à l'origine de l'avan-
constitueraient la ressource la plus fondamentale
tage concurrentiel? Comment déterminer des
et distinctive de Netflix. Cependant, et au regard
stratégies permettant de combiner les analyses
des faiblesses et des handicaps du groupe, eux-
et les informations tirées des diagnostics interne
mêmes liés aux spécificités du marché français (le
et externe?

CA : 4,37 Milliards ($)


Résultat: 113 Millions ($)

Forces Faiblesses
"O
0 • SVOD par abonnement • Manq ue de notoriét é
c
::i ~J • Prix ult ra compétit if • Cat alogue daté et qui
0 • Importance du catalogue manque de contenus
L{) • Moteu r de recommandat ion français
..-! • Capacité d ' invest issement • Potentiel de diffusion limité:
0
N • Séries originales produites nécessite de passer par les
en interne box des FAI
@ • Contraint e de la législation
...., française
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u
.& Les forces et les faiblesses de Netflix sur le marché français
Analyser la capacité
stratégique
de l'entreprise
,Plaq
D Le diagnostic interne .......................................................................................... 38
EJ Le diagnostic fonctionnel .................................................................................. 40
D L'analyse de la chaîne de valeur ................................................................... .... 41
!] Le diagnostic des ressources et des compétences ....................................... 52
D La synthèse du diagnostic stratégique: le modèle SWOT .......................... 60

gbi,ectjf~
' Connaitre et maitriser la méthodologie du diagnostic interne.
' Identifier et analyser la capacité stratégique de l'entreprise.
' Comprendre les déterminants internes de l'avantage concurrentiel.
' Connaitre et distinguer les différents leviers internes de création
de valeur.
' Déterminer des stratégies permettant l'adéquation entre les exigences
de l'environnement et les capacités de l'entreprise.

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Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

D Le diagnostic interne
Ill Objectifs
Le diagnostic interne, qui représente la seconde composante du diagnostic straté-
gique, se focalise sur l'analyse des caractéristiques internes de l'organisation. Le
diagnostic interne s'assimile à une évaluation critique des composantes internes
du processus de production et de commercialisation d'une entreprise et conduit à
déterminer sa capacité d'action. L'entreprise est en effet constituée de ressources,
d'actifs et de compétences qui vont jouer un rôle plus ou moins important dans
sa capacité à se positionner face aux enjeux environnementaux (repérés sous
la forme d'opportunités et de menaces lors du diagnostic externe) et face aux
conditions de performance propres à chaque secteur d'activité (les facteurs clés
de succès ou FCS). L'ensemble des moyens internes et la capacité à les déployer
vont donc conditionner la performance externe de l'entrepri se. Les différences
de dotation en ressources et compétences des entreprises expliquent les diffé-
rentiels de performance observés entre des entreprises appartenant à la même
industrie. D 'une manière plus pratique, le diagnostic interne a pour objectif
l'identification des principales forces et faiblesses de l'entreprise.

Le diagnostic interne est une méthode d'analyse permettant de déterminer


la capacité d'action d'une entreprise, c'est-à-dire ce qu'elle peut et sait faire ,
compte tenu de ses forces, de ses ressources et de ses compétences actuelles.

• Les forces correspondent à des caractéristiques internes sur lesquelles l'entre-


prise va pouvoir s'appuyer pour maîtriser les facteurs clés de succès du secteur
ou du segment sur lequel elle est positionnée. Dès lors que par rapport à ces
éléments internes, l'entreprise se révèle plus performante que la moyenne des
concurrents du secteur, elle dispose d'un avantage concurrentiel.
• À l'opposé, les faiblesses font référence à des retards, des manques ou des
-0
0 limites internes par rapport aux facteurs clés de compétitivité et de perfor-
c
:J mance du secteur. D es écarts importants, par rapport aux concurrents, se
0
l.J'l traduisent ici par des désavantages ou retards concurrentiels.
.-t
0
N
@
....... Les activités d'Airbus Group, qui génère nt un chiffre d'affaires de 59,25 milliards
..c
O'l d'euros (2013), s'articulent autour de la production d 'avions de ligne, d' hélicoptères
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

civils et militaires, de lanceurs spatiaux, de missiles, d'aéronefs milita ires, de sate llites
et de systèmes de défense. Le groupe comme rcialise égale me nt des ser vices liés à
l'ensemble de ces produits.
La principa le force de cette entreprise se trouve da ns le rayonnement de ses principa les
fili a les, te lles qu'Airbus et Airbus Helicopters, leaders mo ndiau x da ns leur do ma ine
d'activité. Ces business units offrent, e n outre, des sources de revenus diversifiées
provena nt de marchés et de por tefeuilles clients su iva nt des logiques écono miques
distinctes; par exemple, les marchés civils et militaires observent des cycles et des règles
diffé rentes. L a marque A irbus, bénéficiant du prestige e t des succès de l'avio nne ur,
renforce l'image du groupe , suite à un rebranding effectué début 2014 pour remplacer
le nom E ADS. A ir bus, consacrant de m anière récurrente plus de 5 % de son chiffre
d'affaires à la r echerche et au dévelo ppement (3,1 milliards d 'euros en 2013), insta lle
da n s ses produits des co mposants utilisant des techno logies de pointe, ce qui lui
donne des avantages concurrentiels (co mm andes de vol é lectriques sur les premiers
A irbus, sur l' hélico ptère NH90, circuit hyd raulique de l'A380 po ur réduire la masse
de l'appare il). E nfin , une réserve impo rta nte en cash (9,1 millia rds d 'euros en 2013)
lui permet de déployer depuis le dé but des a nnées 2010 une stratégie de croissance
extern e faite d'acqui sitio ns dans des e ntre prises de services offrant une meilleure
rentabilité (Vector Aerospace e t Satair e n 2011, A rkoon Network Security en 2013).
Pour des ra isons historiques e t politiques, les sites de productio n sont écl atés prin-
cipa le ment entre l'A llemagne, la F r ance, le R oyaume-U ni et l'Espagne, ce qui aug-
me nte les coûts de productio n. Cette dispersio n géographique de l'orga nisatio n induit
égale ment des coû ts de structure dupliqués et des surcoûts de développement des
progr ammes qui viennent o bérer la rentabilité de l'entreprise; cela s'est no tam ment
caractérisé par de nombreu x re tards dans les programmes A380, A400M, T igre et
N H 90. Par a illeurs, cette socié té, principa lem ent domiciliée en zone euro, effectue
m ajorita irement ses acha ts en euros a lors qu'elle vend en do llars a méricain s; e lle
est do nc exposée à un risque de change important. Enfin , m êm e si A irbus G roup
témoig ne d'une segmentatio n stratégique per form a nte, le poids des r ésultats éco-
no miques de l'aviatio n commercia le est très impo rtant (68,8 % du chi ffre d'affaires
groupe provena it des ventes d'avion Airbus e n 2013); de même, la part des ventes de
services (seulem ent 10 % du chi ffre d'affa ires) est insuffisa nte, alors qu'ils offrent une
rentabilité bien plus im portante que les produits. Ces déséquili bres du portefeuille
fragilisent l'entreprise.
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:;
-0 c: "'
0 0
c c
:J .2ü lt"I Caractéristiques
0
lil .g
.-t 0 Les forces et les faiblesses vont à leur tour déterminer la capacité stratégique
0
N eo. de l'entreprise, c'est-à-dire sa capacité à mettre en œuvre des stratégies lui
@ ~
....... ~
permettant d'exploiter les changements environnementaux et de maîtriser les
..c 1
CJl "O FCS des activités dans lesquelles elle se développe ou souhaite se développer.
·;:: g
>-
a.
::i
Cl
L a capacité stratégique délimite les possibilité s d 'action de l'entreprise et
8@ sa capacité à atteindre ses obj ectifs. Ell e traduit le potentiel de création de
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

valeur de l'entreprise et de maîtrise des facteurs de performance. À travers ses


décisions d'investissement et d'allocation de ressources, l'entreprise cherchera
à renforcer et développer ses forces et à réduire ses faiblesses et dysfonction-
nements internes.

La capacité stratégique regroupe les moyens, ressources et compétences


sur lesquels va pouvoir s'appuyer l'entreprise pour mettre en œuvre des
stratégies lui permettant de gérer les évolutions environnementales et de
maîtriser les FCS.

Les notions de forces , de faiblesses et de capacité stratégique doivent être


envisagées et évaluées de manière relative et non absolue. Elles sont en effet
directement fonction des facteurs clés de succès propres à chaque secteur et de
la position concurrentielle des concurrents. Diagnostics interne et externe sont
donc intrinsèquement liés et les analyses issues de ces deux diagnostics n'ont de
sens que l'une par rapport à l'autre.
Trois techniques sont généralement utilisées afin d'évaluer le potentiel interne
de l'entreprise et sa capacité stratégique:
- le diagnostic fonctionnel;
- l'analyse de la chaîne de valeur;
- l'analyse des ressources et des compétences fondamentales.

fJ Le diagnostic fonctionnel
Il s'agit de la méthode la plus simple d'évaluation et la première étape du dia-
gnostic interne. Elle consiste à évaluer la position de l'entreprise par rapport à

"O
0
r:- diagnostic fonctionnel
s'applique particulièrement bien
ses concurrents dans chaque grand domaine fonctionnel (la fane-
tian finance, la fonction production et développement, la fonction
financière ...). Une position favorable traduira une force. À l'inverse,
c aux entreprises de petite taille une sous-performance sera synonyme de faiblesse. Des critères
:J
0 (TPE et PME) ou spécialisées. d'évaluation devront être établis pour chaque fonction. La liste du
l.J'l
..-t Il s'avère en revanche peu tableau 2.1 est donnée à titre illustratif mais n'est pas exhaustive. Le
0 adaptée aux entreprises ayant des
N choix de critères et la configuration de la grille d'évaluation devront
@ structures organisationnelles de être adaptés à chaque cas étudié et varieront selon les entreprises
....... type divisionnel ou matriciel.
..c et les secteurs analysés .
CJl
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

Situation par rapport


Fonction analysée Exemple de critères d'analyse aux principaux
concurrents
• Rentabilité
• Solvabilité
Diagnostic financier • Endettement Forces ou faiblesses
• Flexibilité
• Etc.
• Portefeuille de produits
• Profondeur et diversité de la gamme de produits
Diagnostic • Efficacité de la force de vente et des canaux de distribution
Forces ou faiblesses
commercial • CA/actif commercial, CA/effectif commercial, nombre
de nouveaux clients/nombre t otal de client s
• Etc.
• Capacité de production
• Qualité des équipements
Diagnostic fonction • Niveau et structure des coûts
Forces ou faiblesses
de production • Niveau et coût de la qualité
• Valeur de la production/effectif de product ion
• Etc.
• Potentiel de nouveaux produits
• Capacité à innover
Diagnostic de la • Détention de brevets
Forces ou faiblesses
fonction R&D • Dépenses R&D/CA. CA relatif aux nouveaux produit s/
CA total
• Etc.
• Nombre d 'entrepôts et de sites de stockage
• Coûts logistiques
Diagnostic de la
• Valeur du stock Fo rces ou faiblesses
fonction logistique
• Nombre de retards/nombre de livraisons
• Etc.

•Tableau 2.1 Les critères d'analyse du diagnostic fonctionnel

""'
"
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0
:;
D L'analyse de la chaine de valeur
-0 c: "'
0 0
c c
:J
0
.2ü Ill Objectifs et définition
lil .g
.-t 0
0
N eo. L'analyse de la chaîne de valeur est u n outil de diagnostic interne développé
@ ~ pa r M ichael Porter en 1985. E lle a pour pri ncipal objet d'identifier, au sein des
....... ~ activités de l'entreprise, les sources internes, actuelles ou potentielles, de créa-
..c 1
CJl "O
·;:: g tion de valeur et d'avantage concurrentiel. Ce dernier repose sur la capacité de
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

l'entreprise à maximiser la valeur créée tout en minimisant les coûts associés à


cette création de valeur.
L'avantage concurrentiel déterminant le niveau de marge et de rentabilité de
l'entreprise, il devient essentiel de comprendre quelles sont les activités et fonc-
tions qui contribuent le plus à la valorisation de son offre.
Le concept de chaîne de valeur s'appuie sur l'idée que toute offre
['7:vantage concurrentiel valorisable sur un marché est le résultat d'une série d'activités, liées
traduit une meilleure maîtrise les unes aux autres, qui contribuent de manière différenciée et pro-
par l'entreprise des FCS du
gressive à la création de valeur finale pour le client. Les activités,
secteur. Il résulte de la capacité
et la manière dont celles-ci sont configurées et organisées, varient
de l'entreprise à proposer une
offre plus fortement créatrice de
d'une organisation à l'autre, donnant lieu à des systèmes de création
valeur que ses concurrents et/ou de valeur spécifiques à chaque entreprise.
à minimiser les coûts. Cette méthode permet donc une décomposition en étapes ou phases
clés afin de comprendre comment chacune est (ou peut être) une
source de coûts et/ou de différenciation. Cette analyse vise à repérer au sein
du processus de production et de commercialisation les zones de coûts et de
différenciation de manière à réduire les premières et à maximiser les secondes.

La chaîne de valeur a pour objectifs:


- de décomposer les différentes étapes du processus de production qui per-
mettent à une firme de générer de la valeur pour le client et/ou de réduire
ses coûts;
- puis d'identifier les étapes qui contribuent le plus significativement à sa
marge bénéficiaire.

L'une des finalités de cette démarche est l'optimisation de chacun des maillons
de la chaîne de valeur pris séparément, mais aussi des liens et interdépendances
existant entre eux. Les actions d'optimisation et d'amélioration porteront donc
autant sur des fonctions isolées que sur la configuration globale de l'activité
(articulation et coordination des activités entre elles). Cette analyse permet par
-0
0 la suite d'orienter les politiques fonctionnelles ainsi que les choix en matière de
c
0
:J structure organisationnelle.
l.J'l
.-t L'intérêt de cette méthode pour l'analyste se situe à deux niveaux:
0
N
• Comprendre comment chaque activité, c'est-à-dire chaque maillon qui com-
@
....... pose l'entreprise, génère ou détruit de la valeur.
..c
O'l
·;:::: • Allouer des ressources et concentrer les efforts sur les activités et les liens
>
a.
0
clés qui renforcent l'avantage concurrentiel de l'entreprise.
u
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

,EOCUS,
L'entreprise en tant que processus regroupant
des activités créatrices de valeur
Il est important de considérer l'entreprise comme tion d'un grand nombre de centres d'appel ou call
une unité économique qui mobilise un certain centers au milieu des années 1990, notamment
nombre d'activités afin de proposer une offre com- dans le secteur des services. Ces fonctions , qui
merciale, valorisable sur un marché. Sa capacité à gèrent la relation client au niveau des commandes,
réaliser des marges signifie que l'entreprise par- des réservations, des réclamations ou encore du
vient à créer pour le client une valeur supérieure SAV étaient considérées comme des centres de
aux coûts et aux dépenses induites par le dévelop- coûts, faiblement créatrices de valeur. Les opé-
pement de cette offre. Le prix que le consommateur rateurs télécom, dont Bouygues, Free ou SFR, se
est prêt à payer - et qui traduit la valeur que les sont ainsi fortement désengagés de ces activités,
clients attachent à l'offre - doit se situer au-delà les délocalisant vers les pays du Maghreb. À l'in-
des coûts de production et de commercialisation. Il verse, depuis le milieu des années 2000 et face
devient dès lors fondamental pour une entreprise à la dégradation de la qualité et à l'importance
qui cherche à accroître sa performance de com- accordée à la gestion de la relation client (CRM) ,
prendre quelles sont les fonctions qui contribuent un nombre croissant d'entreprises réintègre cette
le plus significativement à la création de valeur et activité et la relocalise dans leur pays d'origine.
quelles sont, à l'inverse, celles qui en détruisent Le cas le plus emblématique est sans nul doute
et qui génèrent des coûts élevés. celui de Dell , qui a rapatrié aux États-Unis en
C'est ce mode de raisonnement qui explique les 2004 le support technique de ses PC, localisé
phénomènes d'externalisation et de délocalisa- auparavant e n Inde.

L'analyse de la chaîne de valeur s'organise en trois étapes:


1. Caractériser et représenter les différentes activités et étapes constitutives de
la chaîne de valeur de l'entreprise.
2. Analyser de façon détaillée la contribution de chaque activité et de leurs
interactions à la création de valeur.
3. Envisager des choix en matière d'allocation de ressources et d'investissements
""'
" qui permettront d'optimiser les zones de création de valeur les plus significatives
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·;:
0 (fonctions et/ou lie ns inter-fonctionnels et/ou liens inter-organisationnels).
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-0 c: "'
0 0
c c
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0
.2ü 1111 Caractérisation de la chaine de valeur
.g
lil
.-t 0 de l'entreprise
0
N eo.
@ ~ La première étape de l'analyse passe par un repérage et une caractérisation
....... ~
..c 1
des différentes activités sur lesquelles l'entreprise est présente. La chaîne de
CJl "O
·;:: g
>- ::i valeur de Porter (~ figure 2.1) est généralement utilisée comme référentiel
a. Cl
8@ de découpage de l'entre prise . Elle décompose l'activité d'une e ntre prise en
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

deux catégories génériques: les activités/fonctions principales et les activités/


fonctions de soutien.

Fonctions de soutien

Infrastructure et système
Gestion des ressources humaines
Développement technologique

Figure 2.1 ....


La chaîne de valeur
d'après Michael Porter
Fonctions principales
(1986)

1 3.2.1 1 Les activités principales


Les activités principales rassemblent des fonctions qui sont directement et maté-
riellement impliquées dans le développement et la commercialisation du produit.
Elles s'assimilent à des fonctions opérationnelles qui contribuent directement
à la création de valeur.
Au sein des activités principales on peut distinguer:
• La logistique amont qui rassemble les opérations et processus d'acquisition
et de gestion des ressources (biens ou services) et des moyens nécessaires à
la production des biens et des services (réception des matières premières,
stockage, acheminement aux sites de production, ordonnancement. .. ).
• La production qui englobe les activités de transformation des facteurs de
production en produits finis (fabrication et assemblage, planification des
opérations productives, emballage, conditionnement. ..).
• La logistique aval qui concerne le stockage et la distribution physique des produits
"O
0 aux clients (gestion des stocks, traitement des commandes, livraison, transport. . .).
c
:J
0 • La commercialisation et la vente qui visent à assurer une adéquation optimale
lil
.-t
entre l'offre et la demande et qui incluent le marketing, les actions de promo-
0
N tion et de commercialisation, la publicité et la communication, la gestion de
@ la force commerciale et des points de vente .
.......
..c • Les services qui permettent d'augmenter la valeur et l'utilité perçue du produit
O'l
·;::::
> par le client. Il s'agit notamment des services d'installation, de formation et
a.
0
u du service après-vente (SAY).
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

1 3.2.2 1 Les activités de soutien


Les activités de soutien permettent le bon fonctionnement et la coordination
des activités principales. Elles peuvent être considérées comme des fonctions
supports et ne sont impliquées qu'indirectement dans la création de valeur.
Elles ont une influence importante sur l'efficacité du fonctionnement global de
l'entreprise et sur la coordination des fonctions principales entre elles.
Les activités de soutien sont composées de:
• L'infrastructure de l'entreprise qui englobe la direction générale, la direction
administrative et financière, la direction des affaires juridiques, les systèmes
d'information et de planification.
• La gestion des ressources humaines qui, à travers ses activités de recrutement,
de formation, de gestion des compétences, de rémunération et de promotion ,
influence l'ensemble des fonctions principales.
• Le développement de la technologie qui rassemble les activités permettant la
conception, le développement et l'amélioration des produits et des processus
de production (R&D, management technologique, gestion des brevets, opti-
misation des systèmes d'information ... ).
• Les approvisionnements qui regroupent les activités et process d'acquisition
de ressources et facteurs de production: les achats de matières premières, la
sélection des fournisseurs, la négociation des contrats avec les fournisseurs ...
Chaque fonction est elle-même composée de processus spécifiques et d'opéra-
tions qu'il conviendra aussi d'identifier et de caractériser. La liste de fonctions
données ci-dessus n'est pas exhaustive et n'est donnée qu'à titre indicatif. Il
en va de même du modèle de découpage proposé par Porter. Le contenu et la
configuration des chaînes de valeur sont en effet contingents au secteur et aux
choix spécifiques des entreprises. Les chaînes de valeur - leur contenu et leur
organisation - différeront donc selon les entreprises et les secteurs d'activité.
""'
"
'&
·;:
0
:; Le groupe Starbucks est aujourd'hui le leader mondial des chaînes de vente de café
-0 c: "' (à emporter et à consommer sur place) avec plus de 17000 cafés répartis dans 55 pays.
0 0
c c L a chaîne, qui génère un chiffre d 'affaires de près de 15 milliards de dollars et un
:J
0
.2ü profit de 1,7 milliard de dolla rs, a connu un succès fulgurant, la faisant passer du
lil .g statut de chaîne régionale orientée vers les inconditionnels du café à celui de firme
.-t 0
0
N eo. mu! tinationale.
@ ~ Le succès de la marque est dû à un positionnement initial original et risqué sur le
....... ~ marché américain, à savoir vendre du café de qualité (et notamment du café à l'ita-
..c 1
CJl "O
·;:: g lienne) à des aficionados, puis tenter de développer ce marché de niche en é duquant
>- ::i les consommateurs américains à l'art du café (importer la romance des cafés bars
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

italiens aux États-Unis). La création de cette culture du café repose sur une stratégie
de différenciation qui porte à la fois sur la qualité du café, mais aussi sur les services
offerts au sein de chaque café: l'objectif étant de créer une expérience unique de
consommation.
Le groupe va donc investir fortement sur la transformation du café en acquérant
4 usines de torréfaction, mais aussi sur les approvisionnements et la qualité de la matière
première. Un cahier des charges strict permet de garantir des achats de qualité mais
aussi socialement responsables. Chaque planteur récoltant est ainsi accrédité selon des
critères très précis qui permettent aux plus performants d'être qualifiés de «stralegic
suppliers » et d'être liés au groupe par des contrats de long terme (quasi-intégration).
Aujourd'hui, 86 % du café Starbucks vendu dans le monde est du café équitable (100 %
en Europe certifié Max Havelaar). Le café est torréfié et moulu au sein des boutiques
qui sont contrôlées majoritairement par la chaîne. Celle-ci recourt en effet le moins
possible aux franchi ses dans une logique de contrôle de l'ensemble de la chaîne de
valeur: approvisionnement, transformation, distribution. Le groupe propose plus de
106 boissons et 39 cafés différents, mais il est possible par combinaison de proposer
plus de 50000 produits aux clients.
En outre, l'i nnovation, qui porte aussi bien sur les systèmes de fabrication des bois-
sons, les méthodes d'extraction des arômes, les recettes que les emballages, constitue
l'une des priorités de Starbucks, lui permettant d'être au cours du temps détenteur
de plus de 120 breve ts.
Le personnel, et notamment, les baristas (les serveurs), sont considérés comme une
ressource clé de l'entreprise et comme les principaux ambassadeurs ou évangélistes
de la m arque. Des politiques e t des action s socialement responsables permettent
d'accorder à chaque employé des conditions extrêmem ent favorables de formation,
de couverture santé (pour les salariés à temps plein et à temps partiel a insi que pour
leur conjoint), de plan retraite, de rémunération par le biais de primes et d'actions
offertes. L'entreprise est ainsi régulièrement classée parmi les 50 compagnies offrant
le meilleur cadre de travai 11 et connaît l'un des taux de turn-over le plus faible du
secteur. Le respect et la motivation des salariés, ainsi que le développement d'une
forte culture d'entreprise, sont considérés comme les principaux vecteurs de la qua lité
de service. Les baristas sont incités à développer une relation de proximité avec les
clients, tout en assurant un service rapide.
La différenciation se fait aussi au niveau de l'aménagement des cafés qui met en
avant le confort, la personnalisation du décor (sofas, fauteuils club) et la diversité des
services offerts (musique, wifi, livres). Les cafés ne sont plus uniquement des lieux de
consommation mais des espaces de détente où l'on passe du temps entre son travail
"'O
0 et son domicile (concept de third place).
c
:J Ainsi, l'avantage concurrentiel de Starbucks repose sur un contrôle é troit de l'en-
0
lil semble de la chaîne de valeur ainsi que sur des investissements importants en amont
.-t
0
et en aval de celle-ci.
N
@
.......
..c
O'l
·;::::
>
a.
0
u 1 Classement Forbes et Glassdoor.
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

Fonctions de soutien
• Forte culture d'entreprise, image d'entreprise socialement et environnementalement responsable
• GRH très développée : système de promotion et de rémunération par prime et stock option,
couverture sociale, plan de retraite ..

• Développement t echnologique produits, emballages et process de fabrication


(120 brevets, 255 marques)

. . . . . ...
.
• Approvisionnement • Opérations: • Services de haute
vert et durable production qualité rendus aux Marge
• Commercialisation: clients: rapidité,
•Système de et distribution
pas de franchises accueil, services
conformité, qualité depuis 2 usines
aux États-Unis, annexes,
du produit donc économies
réseau très dense élargissement de la
+ conditions d'échelle
de boutiques gamme de produits
de travail pour servir
(logique du hub proposés,
des producteurs une qualité
and spoke') cadre/ambiance
et protection industrielle
de l'environnement des boutiques ...

Fonctions principales

.&. Figure 2 .2 La chaîne de valeur de Starbucks

lsl L'identification des sources


d'avantages concurrentiels
La seconde étape de la démarche vise à ana lyser et à déterminer les principales
sources internes de création de valeur et d'avantages concurrentiels. Il existe
trois grandes catégories de déterminants qui constituent autant d'axes d'analyse
et de diagnostic pour l'entreprise.

1 3.3.1 1 L'analyse de chacune des activités


Le premier axe d'analyse consiste à évaluer la contribution respective de chacune
"""' des activités, considérée séparément, à la valeur créée pour le client. Lors de cette
'&
·;:
0 analyse, les entreprises peuvent s'appuyer sur des études marketing et des enquêtes
:;
-0 c: "' de satisfaction clients afin, d'une part, de déterminer les éléments de l'offre les plus
0 0
c c valorisés par le client final (et les plus différenciateurs vis-à-vis des concurrents)
:J .2ü
0 et, d'autre part, de rechercher leur origine au sein des fonctions de l'entreprise.
lil .g
.-t 0
0
N eo. La notion de coûts peut être intégrée lors de cette phase de l'analyse. E n
@ ~ effet, chaque fonction ou activité, de par les dépenses de fonctionnement et
....... ~ d'investissement qu'elle nécessite pour être mise en œuvre, génère des coûts .
..c 1
CJl "O
·;:: g On cherchera donc à déterminer le différentiel coûts-valeur de chaque fonction.
>- ::i
a. Cl
8@ 1 Il s'agit d'une logique de maillage d'un territoire. Ce terme est emprunté au transport aérien.
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

À l'instar de Johnson et a l. (2011), il est possible d'identifier, selon ce critère,


quatre catégories de fonctions au sein de la chaîne de valeur:
les activités fortement génératrices de valeur et à faibles coûts;
- les activités fortement génératrices de coûts et de valeur;
- les activités faiblement génératrices de valeur et à coûts élevés;
les activités faiblement génératrices de coûts et de valeur.
Cette analyse fonction par fonction vise notamment à repérer les fonctions pour
lesquelles le différentiel coût-valeur est le plus important. Elle permet dans le
même temps d'identifier la répartition des coûts au sein de l'entreprise et de
visualiser la configuration générale de sa structure de coûts.

Différenciation

Figure 2.3 ~
Le lien entre chaîne
de valeur et avantage
concurrentiel

1 3.3.2 1 L'analyse des liens internes


Le deuxième axe d'analyse porte sur la contribution à la création de valeur des
liaisons internes existant entre les différentes fonctions de l'entreprise. Plus que
les fonctions elles-mêmes, ce sont les interactions (les flux de produits et d'in-
formations) existant entre les fonctions qui peuvent être des sources d'avantage
concurrentiel. Il s'agit ici de comprendre en quoi l'intégration et la coordination
de certaines activités améliorent l'offre de l'entreprise et optimisent son fonc-
tionnement global.
-0
0
c
::i
0
lJ")
...-l
Malgré l'atonie du marché européen et la baisse des ventes dans le textile, le groupe
0 Inditex, et sa marque phare Zara, qui représente p lus des deux tiers du chiffre d'af-
N

© faires du groupe, continuent de connaître une croissance relativement forte. Au cours


.µ de l'année 2013, Inditex a a insi vu croître son profit de 22 % à 2,4 milliards d 'euros
..c
0\ pour un chiffre d'affaires de 16,7 milliards d'euros. Zara a bâti son avantage concur-
ï::::
>- rentiel de différenciation sur des produits tendance, à prix modéré et constamment
a.
0
u

48
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

renouvelés. La m arque est aujo urd'hui l'un des leaders du m a rché de la fast fashion
(ou mode é phémère) avec H&M et Gap.
L'une des forces du groupe réside dans sa capacité à coller con stamment à la tendance
et aux a tte ntes du ma rché (voire à les a nticiper) et dans sa rapidité de mi se sur le
ma rché de nouveaux modèles. Ainsi, chez Zara , une collection entière peut être créée
en quatre sema ines, voire moins, ce qui conduit à un r enouve llement perm anent et
un e rota ti on des modèles da ns to utes les boutiques de la m arque . D eu x cents stylistes
cr éent ainsi plus de 11000 modèles par an. Le fait de produire en qua ntités limitées
des séries courtes présente deux avantages. Premièrem ent, les produits n'o nt pas le
temps de se dé moder. D euxiè mement, la r areté, créée pa r le renouvelleme nt, pousse
les clients à visiter plus souvent les bo utiques e t à pratiquer des ach ats d 'impulsion.
Si la rapidité pe ut être ra ttachée à deux ma illo ns clés de la chaîne de valeur de Z a ra
et à leur efficacité respective (la confection et la logistique), la ca pacité à coller aux
tenda nces du marché est, elle, liée à une intégrati on e t une coordination o ptima les
entre les par ties amo nt et ava l de la chaîn e de valeur (la fo nctio n co nfec tio n et design
d'un côté et la fonction commerciale de l'autre). A insi, deu x fois par sem aine en pas-
sant co mma nde, chaque respo nsable de magasin o père des re mo ntées d 'informatio n
sur les ventes et l'évolutio n des attentes des co nsommateurs auprès des responsables
m arketin g pays localisés dans le Q G d' Inditex en Corogne (Espagne). Ces informa-
tio ns sont directem ent a na lysées et discutées avec les stylistes, eux aussi situés e n
Corogne . Ces échanges constants e t directs conduisent à repenser, reconfec tio nner
et a mé lio rer de m a nièr e continue les modèles e t les collectio ns de la ma rqu e. L'autre
source d 'inspi rati o n provient de la m ode et des gra nds créateu rs. L'offre est a in si
quasiment ajustée au quo tidien : deu x fois par semaine , toutes les boutiques du monde
reçoivent des réasso rts co mposés de no uveaux modè les.
L'un e des sources de différenciatio n de Zara (sa ra pidité e t sa réactivité) repose do nc
sur une intégration et une coordination o ptimales des fonctions conception e t com-
mercia les, intégratio n qui lui confère une capacité à sentir les évolutio ns du m arché
et à y ré po ndre rapidement et de m anière adaptée.

3.3.3 1 L'analyse des liens externes


La création de valeur peut enfi n résulter des relations optimales que l'entreprise
""'
"
a su développer avec ses partenaires externes (sous-traitants, fournis seurs,
'&
·;: distributeurs) situés en amont ou en aval de sa chaîne de valeur. Il
0
:;
"' est en effet rare qu'une entreprise maîtrise la totalité des activités
-0 c:
0 0
La capacité à optimiser ...,
c c et des opérations nécessaires à la conception, à la production et à
la coordinat ion entre la chaîne
:J
0
.2ü la commercialisation de ses produits. Par la qualité des produits ou de valeur de l'entreprise et celle
lil .g prestation fournies, ces acteurs peuvent contribuer significativement de ses partenaires permettra
.-t 0
0
N eo. à la valeur de l'offre finale proposée par l'entreprise. Le système à l'entreprise d'accroître la valeur
@ ~ de valeur de l'entreprise intègre donc non seulement sa chaîne de de son offre et de minimiser
....... ~
..c
CJl "O
1 valeur, mai s aussi la chaîne de valeur de ses principaux partenaires ses coûts.
·;:: g localisés au sein d'une même filière.
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

Dl L'optimisation de la chaine de valeur


de l'entreprise
Cette optimisation portera sur les trois principaux leviers de création de valeur:
les fonctions, les liens inter-fonctionnels et les relations inter-organisationnelles.
L'optimisation des fonctions consistera à investir et à allouer en priorité des
ressources (financières, humaines, informationnelles) vers les fonctions les plus
créatrices de valeur. La mise en évidence d'activités potentiellement génératrices
d'avantages, mais qui ne sont pas présentes dans la chaîne de valeur, poussera
l'entreprise à intégrer celles-ci à travers des acquisitions ou un développement
interne. À l'inverse, les fonctions faiblement génératrices de valeur, ou qui en
détruisent, feront l'objet de désinvestissement par le biais de décisions d'externa-
lisation et de sous-traitance. Il s'agira ici de déterminer le périmètre optimal de
l'entreprise, c'est-à-dire les activités qu'elle doit contrôler et réaliser en interne de
manière à maximiser le différentiel coût-valeur. L'analyse de la chaîne de valeur
permet ainsi d'orienter les choix en matière d'intégration et d'externalisation et
d'arbitrer entre le «faire soi-même» et le «faire faire ».

1 1

Le benchmark des chaines de valeur des concurrents


Afin d'optimiser l'analyse de la chaîne de valeur, ont eu le temps de perfectionner et de maîtriser
la technique du benchmarking est généralement au cours du temps. Du fait de cet avantage d'an-
utilisée en complément. Celle-ci vise, dans un tériorité, l'imitation et le rattrapage s'avèrent être
premier temps, à repérer les entreprises les plus des stratégies coûteuses et peu efficaces. L'histoire
performantes du secteur et à rechercher, en décom- montre, en outre, que les entreprises les plus per-
posant leur chaîne de valeur, les sources de leur formantes (Dell, Ikea, Komatsu , Canon) ont su
performance. Le benchmarking conduit alors à
mettre en place des stratégies de rupture s'ap-
reproduire les activités les plus différenciatrices
puyant sur des «business mode! » et des chaînes
et créatrices de va leur.
de valeur totalement novateurs et différenciateurs
Cependant, cette technique est aujourd' hui de par rapport à leur secteur.
"O plus en plus critiquée. Premièrement, elle tend à
0
c ignorer l'analyse des échecs qui sont pourtant de L'analyse de la chaîne de valeur des concurrents
:J
0 riches sources d'enseignement. D euxièmement, peut néanmoins être bénéfique pour apprendre à
l.J'l
.-t
des études montrent qu'elle conduit souvent à des faire différemment de la moyenne du secteur. On
0
N
niveaux de performance moyens en poussa nt les parlera alors de benchlearning (apprendre pour
@ entreprises à imiter des stratégies que les leaders faire autrement)
.......
..c
O'l
·;::::
>
a. L'optimisation des liens inter-fonctionnels constitue le deuxième axe d'intervention.
0
u L'entreprise cherchera à améliorer l'enchaînement coordonné et intégré des diffé-
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

rentes étapes du processus de production de manière à augmenter la valeur créée


et à réduire ses coûts. Les systèmes de management, les systèmes d'information ,
de même que les procédures et les processus internes, vont être utilisés comme
des leviers d'optimisation et d'amélioration des liens inter-fonctionnels.
Enfin, l'avantage concurrentiel peut résulter de la capacité de l'entreprise à
développer et optimiser la coordination de ses activités avec celles de ses prin-
cipaux partenaires. L'intégration des systèmes d'information de ses prestataires,
la participation des fournisseurs au développement des produits de l'entreprise,
des investissements dans les fonctions logistiques des sous-traitants représentent
autant d'actions de création et d'optimisation des liens inter-organisationnels.
L'avantage concurrentiel se situe, dès lors, en dehors de l'entreprise et dépend
de sa capacité à développer, gérer et coordonner les liens relationnels avec une
diversité de partenaires externes: c'est la notion d'écosystème d'affaires et de
réseau d'entreprises. Il s'agit ici de développer et de piloter un système collaboratif
et partenarial permettant de coproduire de la valeur (définition d'une stratégie
commune, définition et répartition des rôles et responsabilités ... ).

Le groupe Komatsu, deuxième fabricant mondial d'engins et de matériel de chantier


derrière Carterpillar avec un chiffre d'affaires de 14,5 milliards d'euros et un résultat
net de 1,2 millia rd d'euros, m et l'accent, depuis le milieu des années 2000, sur le
développement de relations privilégiées avec une partie de ses fournisseurs en Europe
et en Amérique du Nord. Ainsi , le développement de cercles ou de groupes de four-
nisseurs privilégiés, appelés Midori-kai, permet de rassembler des fournisseurs triés
sur le volet (en fonction de leur ouverture e t de leur volonté d 'amélioration continue)
dans le but de développer des relations privilégiées et bénéfiques aux deux parties.
Quatre cercles ont ainsi été constitués dans chaque grande zone d'implantation du groupe:
le Japon (164 membres), l'Amérique du Nord (37 membres), l'Europe (51 membres) et la
Chine (61 membres). En échange d'engagements sur des normes de qualité, le respect des
délais de livraison et l'atteinte d'objectifs en termes de coûts, ces partenaires bénéficient
d'un traitement préférentiel (en termes de prix, de volume de com mande et de durée des
contrats). Celui-ci se traduit aussi par une sécurisation des contrats sur le long terme et
une augmentation des volumes d'affaires pour ces fournisseurs. En outre, ils bénéficient
""'
" d'une plus grande transparence et d'une information privilégiée sur les prévisions de
'&
·;:
0 vente de Komatsu à plus de six mois et sur la planification de la production du groupe,
:;
"' permettant un ajustement de leur production et une gestion optimale de leurs stocks.
-0 c:
0 0 Ces cercles o nt auss i pour objectif l'échange constant d' informatio ns portant sur
c c
:J
0
.2ü les innovations et les meilleures pratiques au sein de chaque Midori-kai , mais aussi
lil .g entre les membres des différents cercles répartis à travers le monde. Des réunions
.-t 0
régulières et des conférences intra mais aussi inter Midori-kai sont ainsi organisées
0
N eo. régulièrement. Ces rencontres permettent, en outre, de développer et d' harmoniser
@ ~ les pratiques des fournisseurs en matière de RSE et de développement durable .
....... ~
..c 1 L'exemple de Komatsu démontre ainsi une volonté d'accroissement de la valeur de
CJl "O
·;:: g ses produits à travers une intégration é troite de sa chaîne de valeur à celles de ses
>- ::i
a. Cl principaux fourn isseurs.
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

FOC US
Le Big Data en tant que levier d'optimisation
de la chaine de valeur
Le Big Data, qui se définit comme un ensemble de technologies, de services et de processus permettant
de collecter, d'analyser et de diffuser des ensembles très vastes de données brutes et diversifiées, est
aujourd'hui considéré comme l'un des leviers les plus prometteurs d'amélioration de la performance
commerciale mais aussi organisationnelle, notamment à travers sa capacité à renforcer le processus de
création de valeur et à optimiser les activités clés de l'entreprise. Les nombreuses données, remontant
des réseaux de vente physiques et virtuels, mais aussi des médias et des réseaux sociaux, contribuent
significativement à l'optimisation de la partie aval de la chaîne de va leur en permettant de mieux cibler
les offres, de personnaliser les promotions quasiment en temps réel, d'affiner la connaissance client,
de développer une segmentation plus fine des marchés, et d'anticiper les besoins. Sur la partie amont
de la chaîne de valeur, les analyses Big Data peuvent être un levier déterminant d'optimisation de la
consommation de ressources et des flux logistiques et d'amélioration de la qualité et de la performance
des processus de développement et de production. D 'aucuns préconisent donc de développer une
véritable stratégie Big Data qui consiste à collecter, analyser et structurer des données autour des
fonctions clés de la chaîne de valeur de l'entreprise de manière à l'optimiser.

D Le diagnostic des ressources


et des compétences
Ill Objectifs et définition
Cette méthodologie de diagnostic interne, qui a été réellement formalisée au
début des années 1990, vise à identifier les déterminants les plus fondamentaux
de l'avantage concurrentiel de l'entreprise. Elle repose sur l'idée que la perfor-
mance ne réside pas tant dans les activités et les caractéristiques des produits de
l'entreprise que dans des éléments plus abstraits et moins visibles: les ressources
-0
0 et les compétences. Selon cette approche, toute entreprise est composée d'une
c
:J
0 combinaison unique de ressources et de compétences qui va déterminer son
lil
.-t niveau de compétitivité et de performance au sein du secteur. L'hétérogénéité
0
N des ressources et compétences, entre les entreprises d'un même secteur, explique
@ les écarts de performance qui peuvent exister entre elles .
......
..c
O'l
·;:::: L'analogie suivante permet de saisir l'importance et la place de ces éléments: si
>
a. les produits et les avantages concurrentiels représentent la partie émergée et
0
u
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

visible de l'iceberg entreprise, les ressources et les compétences centrales consti-


tuent la partie immergée et la base qui soutient et détermine la performance à
long terme de l'entreprise. Cette démarche conduit ainsi l'analyste à s'interroger
sur les sources et les briques fondamentales internes constitutives de l'avantage
concurrentiel et de la compétitivité de l'entreprise. Celles-ci détermineront
directement la capacité de l'organisation à développer durablement une offre
valorisée par les clients et à mettre en œuvre des stratégies lui permettant de
gérer de manière optimale les évolutions de son environnement.

Aptitudes, savoirs
et savoir-faire capables
de créer une valeur Capacités/Compétences
supérieure (combinaison organisationnelles
de ressources)

Actifs stratégiques
l î Ressources
Permettent
la réalisation
de ce potentiel

~
qui ont une
potentialité d'usage
<Ill Figure 2.4

Intangibles Tangibles La relation ressources -


compétences - avantage
concurrentiel

La performance et la compétitivité des entreprises vont être déter-


L'approche fondée sur les ...,
minées par la détention et l'exploitation de compétences uniques et
ressources considère que les
distinctives dont les caractéristiques (exposées ci-après) permettront ressources et les compétences,
à l'entreprise de développer des avantages concurrentiels, en termes plus que les produits, les activités
de coûts et/ou de différenciation, qui sont à la fois durables, décisifs de l'entreprise et les caractéristiques
et défendables. des marchés, constit uent le niveau
pertinent d'analyse et de diagnostic
de la performance.

Les ressources et les compétences, qui s'assimilent à des actifs et des savoir-faire,
représentent les déterminants les plus fondamentaux de l'avantage concur-
rentiel de l'entreprise et de sa capacité à créer une survaleur pour ses clients.

• Les ressources regroupent les actifs clés détenus par une entreprise qui ont un
potentiel de création de valeur. On distinguera les ressources matérielles (les
équipements, les produits, les brevets, les disponibilités financières, les systèmes
d'information, les bases de données clients .. .) des ressources immatérielles

53
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

ou intangibles (la notoriété, l'im age de marque, le capital intellectuel , les


connaissances marketing, managériales ou technologiques).

Nature des ressources


- Ressources humaines (nombre de salariés, composition et niveau de qualification,
expertise, expérience, implication et senti ment d'appartenance organisationnelle ... ).
- Ressources financières (CAF, taux d 'endettement, trésorerie, capacité à lever des
capitaux ... ).
- Ressources physiques (équipements, machines, sites de production et localisation
géographique, stocks de matières premières et de produits ... ).
- Ressources organisationnelles (systèmes d'information, systèmes d'évaluation
et de management de la performance, t ableaux de bord, normes et procédures de
coordination ... ).
- Ressources technologiques (savoir-faire, brevets ... ).
- Ressources réputationnelles (marques, notoriété .. .).

.6. Tableau 2.2 Les différentes catégories de ressources

• Les compétences font, elles, références à des savoirs, des aptitudes et/ou des
savoir-faire qui vont permettre le déploiement et l'exploitation des ressources
et donc la réalisation de leur potentiel de création de valeur. E lles regroupent
aussi bien des compétences opérationnelles et techniques, c'est-à-dire des savoir-
faire en matière de production , d'i nnovation ou de commercialisation, que des
compétences managériales plus transversales qui permettent l'exploitation et
le déploiement des compétences opérationnelles: les savoir-faire en matière
de management de projet, de gestion de la qualité, de gestion d'équipes multi-
culturelles peuvent être considérés comme des compétences managériales.

Nature des compétences


- Compét ences en conception et communication de la stratégie de l'entreprise :
capacité à élaborer une stratégie claire et à la faire partager par l'ensemble des membres
de l'entrep rise.
- Compét ences en commercialisation, vente et service : capacité à identifier préci-
sément les besoins des différent s segments de clients et à proposer une offre adaptée,
capacité à percevoir, voire à anticiper, les changements des attentes du marché.
- Compét ences en gestion financière : capacité à gérer la t résorerie de manière opti-
male, capacité à gérer les besoins de financement.
- Compéten ces en gestion du personnel : capacité à développer les compétences sur
-0
0 le long terme (recrutement , fo rmation) et le capital humain.
c - Compétences en organisation de l'entreprise : capacité à planifier et coordonner
:J
0 les activités internes.
lil - Compét ences à diriger : capacité de leadership et d'entraînement organisationnel.
.-t
0
N
- Compétences en maîtrise de l'information : capacité à collecter, sélectionner et
@ analyser l'informati on pertinent e de manière à soutenir la prise de décision st rat égique
.µ et opérationnelle .
..c - Compétences à gérer les relations utiles à l'entreprise : capacité à créer, entretenir
O'l
·;:::: et développer des réseaux formels et informels inter-organisationnels.
>
a.
0
u .6. Tableau 2.3 Les différentes catégories de compétences
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

Po ur un certa in no mbre d 'entrepri ses, le développeme nt de réseaux et de commu-


nau tés de clients o u d 'utilisateurs co nstitue une r essource qui peut ê tre à la fois
difficile à imiter e t fortem e nt créatrice de valeur. Ces communautés perme ttent
non seulement d'obteni r des inform atio ns r iches et actu a lisées sur les attentes et les
goûts des consomma teurs, m ais elles r eprésentent aussi de véritables a mbassadeurs
de la marque , perm etta nt la promotio n et le développem ent de celle -ci. Le nom bre
de membres de ces co mmunautés d'usagers accroît la va leur de celles-ci à travers des
phéno mènes d'éco nomies de densité . L a capacité à gérer et exploiter ces communautés
peut ainsi constituer un e réelle co mpétence stra tégique .
Coyote
La société Coyote, créée en 2005, est auj ourd'hui le leader des assistants d'aide à
la conduite (a nciens averti sseurs de radars ou de dangers) avec plus de 3 m illio ns
d'utili sateu rs, 70 % de parts de m arché en Fra nce et 90 millio ns de chi ffre d'affa ires.
La technologie et les ser vices Coyote sont basés sur l'échange d 'infor mations géo -
localisées qui permettent aux auto m o bilistes d'être alertés en temps réel des a léas
de la route. La co mmunauté d 'utilisateurs s'écha nge quo tidienneme nt, et en te mps
réel, des millions de données e t d 'infor m ation s sur les limitation s de vitesse, les zones
à r isques et les zones de danger, les bo ucho ns e t les pe rturbatio ns routières. Ainsi,
toutes les m inutes o nt lieu des communicatio ns entre les utilisateurs e t les serveurs
de l'e ntreprise. Le r etraiteme nt et l'ana lyse de plus de 4 millions d'informa tio ns (et
donc le B ig D ata) sont des compétences clés qui contribuent à la fi abilité et à la qua lité
du ser vice. Plus le nombre d'utilisateurs est important et la communauté impliquée
dans la r emo ntée d 'informations fi ables, plus la qualité du ser vice et l'importance de
l'ava ntage concurre ntiel de Coyote s'accroissent.
Ces de rniè res a nnées, le groupe a réalisé des investisseme nts impor ta nts d a ns les
techno logies d'ana lyse de do nnées en temps réel. L'ana lyse des flux de circulation
et la prévisio n de leur évolutio n, la déte ction a nticipée des boucho ns e t le ca lcul de
traje ts o ptimisés sur la base d 'informa tion s réelles (e t no n de do nnées théoriques)
sont auta nt d'activités qui ont permis à l'entreprise non seulement de revendre ces
do nnées aux socié tés gestio nna ires des autoroutes (et no ta mment au x autoroutes
Paris, Rhin, Rhône) m ais aussi de se dévelo pper sur un no uveau segm ent : celui des
produits e t services de localisatio n e t de nav igatio n.
L'importance de la communauté d 'utilisateurs, ma is aussi la capacité de Coyote à la
développer et à exploiter la g rande m asse de données issue de son réseau de clients,
""'
"
'&
·;:
lui o nt permis de dévelo pper de no uveaux services, de trouver de nouvelles sources de
0
:; revenus et de se diversifier sur de no uvelles activités. E n o utre, l'entreprise en 2011 a
-0 c: "' su très habilement, et avec succès, mo biliser cette communauté, à travers un lo bbying
0 0
c c effréné et une pé titio n q ui a réuni plus d'un 1,5 million d'utilisateurs, afi n d'empêcher
:J
0
.2ü l'interdiction par le gouvernem ent français des aver tisseurs de radar.
lil .g
.-t 0
0
N eo. Les ressources et les compétences sont généralement difficiles à repérer et à
@ ~ cerner. Leur processus de formation est complexe et résulte de phénomènes
....... ~
..c
CJl "O
1 d'apprentissage, d'accumul ation d'expérience et de routines organisationnelles
·;:: g qui sont eux-mêmes liés à l'évolution et à l'histoire spécifique de l'entreprise.
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

ttl Les ressources et compétences


stratégiques selon le modèle VRIN
Le modèle VRIN, développé par Barney (1991), est généralement utilisé afin
d'identifier parmi l'ensemble des ressources et compétences de l'entreprise,
celles qui permettront de développer un avantage concurrentiel déterminant
et durable. Pour être qualifiées de stratégiques, les ressources et compétences
doivent répondre à quatre critères principaux qui correspondent
~on le modèle VRIN, aux quatre colonnes d 'évaluation du modèle VRIN: valorisable,
l'avant age concurre ntiel réside rare, inimitable, non substituable (..,. figure 2.5).
dans la capacité de l'entreprise
à développer et combiner des L'objectif de cette analyse est double en permettant:
ressources et des compétences - de repérer et d'analyser les ressources et compétences les plus
qui sont à la fois fortement stratégiques et les plus distinctives;
créatrices de valeur, ra res, - de mettre en œuvre une série d'actions permettant de développer
difficilement imitables et non et de valoriser le portefeuille de ressources et de compétences de
substit uables.
l'entreprise.

Ressource ou
HM1ll~IJll
compétence W
Non 0
Ressource ou
compétence X Oui Non e
Ressource ou
compétence Y
Oui Oui Non
e
Ressource ou
compétence Z
Oui Oui Oui Oui 0
0 Faiblesse/handicap concurrentiel
-0
0
c
::i
8 Force permettant le mai ntien concurrentiel
0
lJ")
...-l f) Force - Compétence disti nctive : avant age concurrent iel t emporaire
0
N

©
...,
0 Force - Compétence distinctive : avant age concurrentiel durable
..c
0\
ï::::
>- .à Figure 2.5 Le modèle VRIN
a.
0
u

56
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

1 4.2.1 1 Le critère de valeur


La ressource ou la compétence doit contribuer de manière significative aux
éléments de l'offre valorisés par les clients. En outre, elle doit permettre l'ex-
ploitation des opportunités et la neutralisation des menaces environnementales.
Pour qu'une ressource ou compétence soit considérée comme stratégique, elle
doit au minimum satisfaire à ce critère. En effet, détenir des compétences non
valorisables mobilise inutilement des moyens et constitue donc un handicap ou
une faiblesse pour l'entreprise. La valeur d'une compétence est aussi fonction
de sa capacité à être redéployée et utilisée sur les autres domaines d'activités et
produits de l'entreprise (son caractère transversal). Le fait d'utiliser une même
ressource ou compétence dans la production et/ou la commercialisation de
plusieurs produits permet à l'entreprise de générer des économies de champs.

1 4.2.2 1 Le critère de rareté


Ce critère traduit le nombre limité, voire l'absence, d'entreprises possédant cette
ressource ou compétence en dehors de l'entreprise étudiée. Les coûts élevés d'ac-
quisition (en termes de temps et de moyens mobilisés) ainsi que l'impossibilité
de se procurer celle-ci sur un marché (du fait de son intangibilité ou de sa faible
mobilité/transférabilité) expliquent la rareté de la compétence.

1 4.2.3 1 Le critère d'inimitabilité


Ce caractère inimitable traduit la difficulté, voire l'impossibilité, pour les
concurrents de copier ou reproduire la compétence. La complexité du processus
de formation de la compétence, sa nature informelle et tacite (la compétence
résulte de connaissances et de savoir-faire individuels et collectifs), l'ambiguïté
causale (la difficulté pour les concurrents de comprendre la relation entre la
performance et les compétences de l'entreprise) sont autant d'éléments qui vont
""'
"
limiter, voire interdire les phénomènes d'imitation et de reproduction par les
'&
·;:
0
autres entreprises du secteur.
:;
-0 c: "'
0 0
c c 1 4.2.4 1 Le critère de non-substituabilité
:J
0
.2ü
lil .g L'avantage procuré par la ressource ou la compétence ne peut être obtenu par le
.-t 0
0
N eo. développement et la combinaison de ressources ou compétences différentes. Des
@ ~ ressources de substitution sont économiquement ou techniquement impossibles
....... ~
..c 1 à développer de la part des concurrents .
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

1 4.2.S 1 Les compétences stratégiques


Seules les ressources ou compétences possédant les quatre caractéristiques citées
précédemment permettront le développement d'un avantage concurrentiel solide
et durable dans le temps. On pourra alors parler de compétences fondamentales
ou stratégiques, ou bien encore distinctives.

Les compétences stratégiques représentent des domaines d'excellence orga-


nisationnelle fortement créateurs de va leur et différenciateurs par rapport
aux concurrents.

Si en revanche, et bien qu'étant rares et sources de valeur, les compétences


peuvent être reproduites par les concurrents, l'ava ntage concurrentiel ne sera
que temporaire et ne protégera pas l'entreprise sur le long terme. Lorsque la
compétence ne répond pas au critère de rareté, l'entreprise pourra s'appuyer sur
celle -ci pour pénétrer et se maintenir sur un marché mais elle ne pourra pas
développer un niveau de performance supérieur à ses principaux concurrents.
On a ici affaire à une compétence seuil, c'est-à-dire un minimum requis pour
pouvoir se maintenir au sein du marché. Enfin, l'existence d'une compétence
ne répondant à aucun des critères du modèle VRIN traduira une faiblesse ou un
handicap concurrentiel pour l'entreprise. Celle -ci mobilise inutilement des
moyens et des fin a ncements qui pourraient être affectés au développement de
compétences réellement différenciatrices et créatrices de valeur.

La sortie de Dragons 2 en 2014 ma rqu e indubitablement une rupture technologique


dans le do ma ine des fil ms d 'anim atio n per metta nt au x studios DreamWorks de se
dém arquer, une nouvelle fois, par rapport à leurs concurrents. Les expression s, le
mo uve ment des pe rsonnages, la qua lité des images o nt a insi forte me nt gagné e n réa-
lisme et en déta il par rappo rt au x générations de films précéde ntes. Les pa le ttes de
co uleurs, utilisées notamment da ns les scènes de paysage, sont quant à e lles beaucoup
plus diversifiées et r iches. Cette ava ncée technologique a é té rendue possible grâce au
"'O dévelo ppe ment d' une suite complète de logiciels d'animatio n (Premo) et d'éclairage
0
c (Torch), intégrés au sein d'un logiciel principa l intitulé Appollo. Outre ces avancées
:J
0 gra phiques, ce logicie l perme t de mettre en présence de très no mbreu x personn ages
lil sur un même pla n (plus de 300) m ais aussi de m odifier l'image et d 'interagir en temps
.-t
0 réel, co nduisant à une réducti o n des coûts e t des temps de dévelo ppe ment.
N
@ Les savoir-fa ire te chno logiques, e n matière de logicie l e t d 'animati on d'images de
....... synthèse, constituent une réelle compé tence centra le qui a permis à DreamWorks de
..c
O'l deve nir en moins de quinze a ns le leader des films d 'animatio n . D e puis sa créatio n
·;::::
> en 2000, le studio a a insi produit plus de 28 film s, enchaîna nt les succès (Fourmiz,
a.
0
u
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

Kung Fu Panda, Madagascar, Dragon , la saga Shrek .. .) et développa nt de nombreuses


licences qui constituent autant de ressources sur lesquelles le studio s'appuie aujourd'hui
pour mettre en œuvre sa stratégie de diversification dans la télévision et l'édition de
livres. Avec un chiffre d'affaires de plus de 709 millions de dollars et un résultat de
55 millions de dollars, le studio a généré depuis sa création plus de 1,5 milliard de
dollars au box-office, remettant en cause la position dominante du leader Disney.
L'une de ses forces réside dans sa capacité à développer des technologies HPC
(High -Performance Computing) et des applications propres (algorithmes et logiciels)
dont le studio est propriétaire et qui lui permettent de se différencier au niveau de
la précision , de la rapidité et de la fluidité des animations 30. Cette compétence lui
permet ainsi de développer une ressource (les applications propriétaires) qui est à la
fois rare, fortement créatrice de valeur et non imitable du fait des brevets. La tech-
nologie s'avère clé ca r elle permet d 'accroître les capacités d'expression narrative et
cinématographique des artistes-animateurs. Cette compétence résulte à la fois de la
qualité de ses ingénieurs (spécialisés e n aéronautique et en m écanique des fluides),
de ses spécialistes logiciels, mais aussi et surtout, de la collaboration étroite existant
entre ceux-ci et les créatifs du groupe. En outre, Je studio a toujours su s'appuyer sur
des partenariats étroits avec des entreprises de haute technologie (PDI) et des grands
groupes de l'informatique (Hewlett-Packard , Intel).

I l l Le développement du portefeuille
de ressources et de compétences
Selon l'approche fondée sur les ressources et compétences, la performance de la
firme réside dans sa capacité à développer et gérer un portefeuille de compétences
équilibré. Il s'agira d'exploiter au maximum les compétences fondamentales de
l'entreprise et de déployer celles-ci sur une diversité de produits et d'activités au
sein de son portefeuille. Les compétences clés de l'entreprise devront aussi être
mobilisées pour soutenir les stratégies de diversification et de développement
sur de nouvelles activités. Pour minimiser le risque de diversification et le coût
""' de développement sur un nouveau métier, l'entreprise privilégiera des activités
"
'&
·;: qui partagent des ressources et des compétences stratégiques avec ses métiers
0
:; existants.
-0 c: "'
0 0
c c Le développement, l'amélioration et la protection des compétences existantes
:J
0
.2ü représentent une autre composante de la gestion du portefeuille de compétences.
lil .g
.-t 0 Cependant, face aux risques d'obsolescence des ressources et face aux évolutions
0
N eo. de la demande, l'entreprise devra renouveler son portefeuille en développant de
@ ~
....... ~
nouvelles ressources ou compétences. L'apprentissage ainsi que l'accumulation et
..c 1
CJl "O la diffusion de nouveaux savoirs, individuels et collectifs, représentent la capacité
·;:: g
>- ::i
a. Cl
la plus fondamentale d'une entreprise. Selon cette logique, la performance de la
8@ firme réside plus dans la gestion optimale de son portefeuille de compétences
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

et de ressources stratégiques - et donc dans sa capacité d'apprentissage organi-


sationnel - que dans les caractéristiques et la composition de son portefeuille
de produits et d'activités.
La gestion du portefeui lle de ressources et de compétences de l'entreprise
mobilise ainsi des actions de développement, d'amélioration , de protection et
de régénération (._ figure 2.6).

Création et développement d'u n stock et d'une


combina ison unique de ressources et de compétences

Exploit ation, valorisation et déploiement des


ressources et des compétences sur les différentes
activités de l'entreprise

Amélioration et protection des ressources


et compétences

Régénération du stock : identifier de nouvelles


Figure 2.6 ._ combinaisons de ressources et de compétences
Les étapes de la permettant d'exploiter de nouveaux marchés
gestion du portefeuille (clients ou produits) et/ou de faire face
de compétences à l'évolution des marchés existants
et de ressources

mLa synthèse du diagnostic


stratégique: le modèle SWOT
-0
0
c
0
::i ...._, Définition et objectifs
lJ")
...-l
0 Le modèle SWOT (acronyme de Strengths, Weaknesses, Opportunites, Threats)
N
ou modèle FFOM en français (Forces, Faiblesses, Opportunités, Menaces)
©
...,
..c est un e méthode d'analyse permettant de synthétiser et de mettre en relation
0\
ï:::: les éléments issus des diagnostics interne et externe. Bien qu'étant l'un des
>-
a. premiers modèles d'analyse stratégique et l'un des plus utilisés, il ne s'agit
0
u

60
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

pas d 'un outi l de diagnostic en tant que tel. L'analyse SWOT constitue l'étape
intermédiaire entre la phase de diagnostic et celle de formulation stratégique
en permettant de passer de la première à la seconde. Elle s'appuie sur le prin-
cipe d'adéquation suivant: la performance de l'entreprise (et donc la logique
et la pertinence de ses choix stratégiques) passe par une adéquation entre ses
caractéristiques internes (les forces et les faiblesses) et les caractéristiques de
son environnement externe (les opportunités et les menaces). L'entreprise, à
travers ses choix stratégiques, cherchera à gérer au mieux les enjeux et évolu-
tions environnementales en mobilisant sa capacité stratégique. La performance
de l'entreprise sera donc fonction de sa capacité à maîtriser les facteurs clés
de succès du secteur et les enjeux environnementaux à partir de ses forces et
tout en réduisant ses faiblesses.

Le modèle SWOT est une méthode de synthèse visant à déterminer des


stratégies qui permettent à l'entreprise de tirer parti des opportunités de
développement et de réduire les menaces environnementales par la mobi-
lisation de ses forces et compétences et par la réduction de ses faiblesses.

Diagnostic interne Diagnostic externe


• Analyse fonctionnelle • Analyse PESTEL
• Analyse des ressources • Analyse des forces concurrentielles
et des compétences • Analyse des groupes stratégiques
• Analyse de la chaîne de valeur ( )

i 1

-""'
~"
0
:;
. "'
-0 c
0 0
c ~
::i 0
0 'i l
lJ") .g
...-l O
0 !5..
N e
© ~
..., ~ Â Figure 2.7 Le modèle SWOT
..c 1

.gi g Il faut ainsi qu'il existe une cohérence entre d'un côté les moyens et les capacités
>- ::s
a. ci d'action de l'entreprise et, d'un autre côté, les facteurs de performance et les
8 (9

61
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

évolutions environnementales. Si le diagnostic externe détermine ce que l'entre-


prise devrait faire pour être performante, le diagnostic interne définit ce qu'elle
peut réellement faire compte tenu de ses forces et faiblesses. La confrontation
de ces deux analyses permet de déterminer, parmi l'ensemble des options stra-
tégiques souhaitables, celles qui sont réalisables.
Le modèle SWOT présente ainsi deux intérêts principaux:
- catégoriser les informations issues des diagnostics interne et externe;
- mettre en relation de manière croisée ces informations dans le but d'orienter
les choix stratégiques.

l"tl Les choix stratégiques issus


du modèle SWOT

Diagnostic interne


Forces (Fo) •
Faiblesses (Fa)
1 1
~
Option stratégique Fo/O
visant à exploiter les
Option stratégique Fa/O
visant à exploiter les
1
opportunités en mobilisant
les forces et compétences ?
opportunités en réduisant les
faiblesses et en développant
•iuw@er'i'nmdJ•
de l'entreprise des compétences
1
1
1 1
~ V
Option stratégique Fo/M Option stratégique Fa/M
----~ visant à réduire les menaces visant à éviter les menaces
en s'appuyant sur les forces
et compétences )
en minimisant ses faiblesses
ou en se dotant de
•i@<werarné&i•
de l'entreprise nouvelles compétences

.6. Figure 2.8 Les options stratégiques issues de la synthèse SWOT

À partir de cette synthèse, quatre types de choix stratégiques, que l'on peut
regrouper en deux grandes catégories, pourront être envisagés. JI s'agit de
-0
0 catégories générales qui devront être détaillées et précisées afin de rendre opé-
c
0
::i rationnels les choix stratégiques (...,. figure 2.8).
lJ")
...-l • Une première catégorie de stratégies dites offensives cherchera à tirer parti des
0
N évolutions environnementales favorables à l'entreprise. Il s'agira pour celle-ci
© d'exploiter les opportunités de développement par des actions mobilisant

..c ses forces et ses compétences distinctives. L'exploitation d'opportunités peut
0\
ï:::: aussi passer par l'acquisition des ressources et des compétences manquantes
>-
a.
0 et donc par la réduction des faiblesses de l'entreprise.
u

62
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

• Selon une logique plus défensive, l'entreprise peut aussi chercher à se protéger
des évolutions défavorables de son environnement. Elle pourra alors soit
s'appuyer sur la capacité stratégique existante (ses forces et compétences),
soit développer des moyens internes lui permettant de gérer ces menaces en
réduisant ses faiblesses .

...., Les limites du modèle SWOT


Bien que disposant d'un certain nombre d'atouts et d'avantages (sa simplicité
d'utilisation, son potentiel d'application à de nombreux contextes, sa capacité à
résumer et à mettre en relation une diversité d'informations internes et externes
à l'entreprise), le modèle SWOT comprend des limites pouvant rendre son uti-
lisation délicate et problématique:
• Le modèle suppose une séparation nette entre ana lyse interne et analyse
externe et suggère ainsi que le diagnostic stratégique est composé d'une série
d'étapes indépendantes les unes des autres pouvant être conduites de manière
séquentielle. Dans la réalité, les analyses interne et externe sont étroitement
imbriquées et interdépendantes. Les notions de forces et faiblesses n'ont de
sens que par rapport aux opportunités et menaces, et inversement. Analyse
interne et analyse externe doivent être donc menées de manière simultanée.
Le diagnostic stratégique est en fait une démarche itérative, composée de
multiples interactions et rétroactions entre ses différentes phases, mais aussi
entre le diagnostic stratégique et la phase de formulation stratégique. L'iden-
tification de certaines opportunités conduira à reprendre et approfondir le
diagnostic interne. La mise en évidence de compétences distinctives pourra
nécessiter d'analyser plus en détail certaines opportunités identifiées préala-
blement. Enfin, la formulation de certaines options stratégiques nécessitera
un retour sur des éléments internes et/ou externes du diagnostic.
• La deuxième limite du modèle SWOT est liée à la nature relative et variable
""'
"
des concepts clés du diagnostic (les notions de forces , faiblesses, compétences,
'&
·;: opportunités, menaces et FCS). Ceux-ci sont à la fois relatifs et contingents à
0
:;
-0 c: "' chaque situation étudiée: ils diffèrent selon les entreprises étudiées mais aussi,
0 0
c c et pour une même entreprise, ils varient selon la période et le lieu considérés.
:J
0
.2ü Le cas Netflix évoqué en introduction montre que des atouts et des forces
lil .g développés sur un marché géographique peuvent s'avérer être des faib lesses
.-t 0
0
N eo. dans une autre zone de développement.
@ ~
....... ~
• Une dernière limite a trait au caractère relativement descriptif de la démarche .
..c 1
CJl "O Le risque est alors grand de dresser une check-list exhaustive de faits et de
·;:: g
>-
a.
::i
Cl
données bruts empêchant de distinguer l'essentiel de l'accessoire et n'orientant
8@ pas la prise de décision.
Partie 1 Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

EN P RAT 1Q_U----=E____
Évaluer et représenter
l'avantage concurrentiel de l'entreprise
Une analyse graphique, s'appuyant sur une repré- Des écarts sur chacun des axes sont synonymes
sentation radar, peut être utilisée afin de repérer pour l'entreprise d'avantages concurrentiels ou
les principales forces et faiblesses de l'entreprise et à l'inverse de retards concurrentiels.
d'évaluer sa position concurrentielle par rapport
Dans l'exemple théorique représenté ICI
à ses principaux concurrents.
(.,.. figure 2.9), l'entreprise étudiée dispose de trois
Cette démarche consiste, dans un premier temps, à avantages concurrentiels et génère un niveau de
lister et hiérarchiser les principaux FCS du secteur performance supérieur à son principal concurrent
et à les représenter sous la forme d'axes gradués sur trois des FCS du secteur: les prix, Je coût et
de 0 à 10. l'image. En revanche, des écarts défavorables
au niveau de la force commerciale et de la tech-
Dans un second temps, l'entreprise est positionnée
nologie sont révélateurs pour l'entreprise de
sur chacun des axes en fonction de son degré de
faible sses et de handicaps concurrentiels. Ces
maîtrise des FCS: la note 0 signifiant une absence
retards sont d'autant plus préoccupants que ces
de contrôle des FCS et, à l'inverse, la note 10
éléments semblent représenter les FCS les plus
traduisant une surperformance de l'entreprise.
importants du secteur: le concurrent est leader
La même opération est effectuée pour chaque
du marché en maîtrisant uniquement ceux-ci.
concurrent de l'entreprise.
Ces écarts permettent d'orienter les stratégies et
En reliant chacune des notes, on obtient l'aire de les actions à mettre en œuvre afin d 'améliorer la
compétitivité de l'entreprise qui peut, dès lors, être compétitivité et la performance de l'entreprise
comparée à celles de ses principaux concurrents. étudiée.

L'entreprise - - Le leader du marché

Prix
1CY"...
8

Coûts Image, notoriété

-0
0
c
::i
0
lJ")
Brevets, technologie Force commerciale
...-l
0
N •Figure 2.9 L'analyse comparative des aires de compétitivité des entreprises
©

..c
0\
ï::::
>-
a.
0
u

64
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

Les points clés


-+ Le diagnostic interne est une méthode d'analyse structurée ayant pour
objet de déterminer la capacité stratégique d'une entreprise, c'est-à-dire
les ressources, les compétences et les forces sur lesquelles elle va pouvoir
s'appuyer pour mettre en œuvre des stratégies de croissance et de développe-
ment d'avantages concurrentiels. Cette démarche mobilise trois techniques
d'analyse principales: le diagnostic fonctionnel, l'analyse de la chaîne de
valeur et le diagnostic des ressources et des compétences.

-+ La chaîne de valeur vise à découper les activités de l'entreprise de manière


à cartographier et visualiser les principales zones de coûts et de création de
valeur. Chaque maillon de la chaîne constitue un levier potentiel de réduction
de coûts et/ou d'accroissement de la différenciation. L'optimisation des liens
intra et inter-organisationnels constitue les deux autres leviers de création
de valeur et de développement d'un avantage concurrentiel.

-+ L'analyse fondée sur les ressources et compétences a pour objet l'identifi-


cation des facteurs internes qui contribuent le plus significativement et le
plus durablement à la création de valeur et aux avantages concurrentiels de
l'entreprise: les ressources et les compétences stratégiques. Cette identifica-
tion s'opère à l'aide du modèle VRIN qui définit les quatre caractéristiques
fondamentales des compétences et ressources stratégiques: la valeur, la
rareté, l'inimitabilité, la non-substituabilité.

-+ Le modèle SWOT, qui permet de classer et de mettre en relation les infor-


mations issues des diagnostics interne et externe, a pour objet de définir
des choix stratégiques assurant l'adéquation entre la capacité stratégique
de l'entreprise et les FCS du secteur.

""'
"
'&
·;:
0
:;
-0 c: "'
0 0
c c
:J
0
.2ü
lil .g
.-t 0
0
N eo.
@ ~
....... ~
..c 1
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie .. Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

APPLICATIONS
6 Selon l'analyse de la chaîne de valeur, les trois
QCM leviers de création de valeur portent sur l'optimisation:
a. Des activités principales, des activités de soutien
..,. Corrigés p. 184 et des liens inter-fonctionnels.
Une seule bonne réponse par question. b. Des liens inter et intra-fonctionnels et des activités
principales.
1 Selon la perspective du diagnostic interne, le c. De chaque activité, des liens inter-fonctionnels et
déterminant majeur de l'avantage concurrentiel des relations inter-organisationnelles.
d'une entreprise est/sont:
a. Les caractéristiques structurelles de l'industrie. 7 Le modèle VRIN permet d'identifier:
b. La différenciation des produits. a. Les sou rces des FCS les plus importants pour
c. Les ressources et compétences de l'entreprise. l'entreprise.
b. Les déterminants les plus fondamentaux de l'avan-
2 Le but de la stratégie selon le modèle SWOT tage concurrentiel de l'entreprise et de sa capacité à
est d'assurer une adéquation entre :
créer de la valeur.
a. Le stratégique et le fonctionnel. c. Les sources d 'optimisation du portefeuille de res-
b. Le stratégique et l'opérationnel. sources et de compétences de l'entreprise.
c. L'interne et l'externe.

3 Laquelle de ces affirmations est erronée?


a. La chaîne de valeur permet de repérer les sources
internes de création de valeur.
b. La chaîne de valeur permet d 'orienter les choix en
Etude de cas
termes de diversification. ..,. Corrigés p. 184
c. La chaîne de valeur permet d'orienter les choix en
matière d'intégration et d'externalisation d'activités. 8 Hermès: un artisan face aux géants du luxe•
Dans le secteur du luxe, la maison Hermès, du fait de
4 Une compétence est dite stratégique si: sa taille, de son positionnement stratégique et de sa
a. Elle est non substituable, rare, inimitable et for- philosophie de gestion, occupe une place réellement à
tement créatrice de valeur. part et singulière. Employant plus de 11000 personnes,
b . Elle est difficilement imitable, non transférable, présent sur l'ensemble des segments du luxe (maro-
fortement différenciatrice et à dominante technolo- quinerie, sellerie, prêt-à-porter féminin et masculin,
gique. chaussures, ceintures, gants, chapeaux, soie et textile,
"O c. Elle est rare, fortement créatrice de valeur, non parfums, horlogerie, arts de la table, décoration,
0
c imitable et substituable. bijouterie, mobilier) et comptant 315 points de vente
::i
0 dans le monde, Hermès a généré, en 2013, un chiffre
l..f)
.-1
5 La capacité stratégique d'une organisation d'affaires de 3,75 milliards d'euros pour un résultat
0 détermine: de 790 millions d'euros. Ce volume de vente semble
N
@ a. Ce que l'entreprise devrait faire. relativement faible en comparaison de ses principaux
...... b. Ce qu'elle peut réellement faire. concurrents que sont LVMH, Richemont et Kering,
~
0\ c. Ce qu'elle devrait faire mais ne peut faire.
ï::: 1 Cas inspiré de« Groupe Hermès International: grandir,
>-
0. pas grossir», S. Lavigne et P. Rousselot. document interne,
0
u TBS. 2013.
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

dont les chiffres d'affaires s'établissent respectivement manuel. Hermès exerce ai nsi un contrôle élevé sur
à 22 milliards, 10 milliards et 9 milliards d'euros. l'ensemble des activités constitutives du métier de la
Cependant, Hermès dépasse ses concurrents en termes maroquinerie.
de rentabiJité (sa marge opérationnelle est de 32,4 % Le groupe pratique des prix élevés qui lui permettent
contre 20 % pour LVMH et 18 % pour Kering, sa d'absorber l'augmentation du prix des matières pre-
marge nette de 22 % et son ROE de 31,7 %) et ses mières et les variations des taux de change. À titre
ventes ne cessent de progresser (+ 13 % en 2013), d'exemple, le prix de l'un des produits phares du
malgré un tassement du marché mondia l du luxe groupe, le sac Kelly, varie de 2000 à 12000 euros selon
(+ 2 % en 2012 et 2013). les modèles (plus de 40000 euros pour certains d'entre
Entre 2011et2013, Hermès connaît une croissance à eux aux enchères). Les valeurs de la marque découlent
deux chiffres dans l'ensemble de ses divisions. Si en de son origine artisanale. Les deux devises suivantes
2013, son activité principale, la maroquinerie, affiche permettent de résumer la philosophie de développe-
une progression soutenue de ses ventes(+ 8,8 %), c'est ment du groupe: «Grandir mais pas grossir», «La
véritablement dans la parfumerie et dans les vêtements qualité plus que la quantité ». Pour Hermès, seule
et accessoires que le groupe connaît ses plus forts l'excellence des produits compte et le coût n'a pas
taux de croissance: + 15 % pour le premier, + 18 % d'importance. La structure familiale de la société
pour les seconds. Ceci est d'autant plus positif que le permet à la famille de conserver une maîtrise parfaite
groupe souffre d'une trop forte dépendance vis-à-vis de la marque et de privilégier le positionnement à long
de son activité principale, la maroquinerie (même si terme, quitte à sacrifier ses résultats à court terme:
celle-ci a diminué en passant de 51 % il y a quelques l'abandon du sac «fourre-tout » en toile, pourtant très
années à 44 % du CA en 2014). rentable mais jugé non conforme à l'image de marque,
Fondée en 1837, la maison Hermès gère un héritage l'illustre bien. L'entreprise cultive et vend l'image du
et des savoir-faire en matière d'artisanat vieux de plus luxe made in France. Cette différenciation s'appuie
de 177 ans. L'attractivité de sa marque génère, et de sur un contrôle et des investissements élevés sur un
manière croissante, des problèmes de contrefaçons certain nombre d'activités clés: l'approvisionnement,
qui nuisent à son image. la tannerie, la production, la commercialisation.
Le groupe contrôle 100 % de l'activité tannerie (qui
Autres produits Autres métiers assure l'achat, le tannage, la teinture et la finition des
Arts de 1a ta bl e ~ 4 % 6%
peaux destinées aux fabrications de haute qualité
2% ~
pour la maroquinerie, la mode et l'horlogerie haut de
Horlogerie
gamme) et investit fortement dans celle-ci à travers de
4%
nombreuses acquisitions (quatre en moins de deux ans).
En outre, afin de sécuriser ses approvisionnements et
6%
Maroquinerie d'avoir accès aux meilleurs cuirs, Hermès, à l'instar
44% de LVMH, rachète des élevages entiers d'animaux:
l'entreprise a ainsi acquis trois fermes d'élevage de
crocodiles en Australie. Le groupe négocie actuel-
lement en France des partenariats exclusifs avec des
exploitations bovines. Dans un contexte de rareté de
la matière première (cuir, soie, cachemire), l'approvi-
sionnement devient une fonction clé de l'industrie du
luxe que le groupe maîtrise totalement.
.â. Figure 2.10
La répartition du chiffre d'affaires Au niveau de la production, Hermès International
d'Hermès par domaine d'activité (en %) possède 46 sites de production, dont 35 manufactures
Le groupe poursuit une stratégie de différenciation localisées en France (76 % de ses manufactures).
par le haut (..,. chapitre 3) à travers la production et la Plus des deux tiers des produits sont entièrement
commercialisation de produits uniques de très grande fabriqués en interne. Depuis quelques années, et
qualité, fabriqués selon une logique d'artisanat d'art. pour faire face à des ruptures de stock, Hermès s'est
À titre d'exemple, chaque sac est fabriqué par un engagé dans une stratégie de renforcement de ses
seul artisan et nécessite près de 20 heures de travail capacités de production dans trois de ses métiers

67
Partie .. Diagnostiquer l'environnement et évaluer les ressources

principaux: la maroquinerie, le textile, l'horlogerie. d'artisanat d'art. En 2013, Je groupe a inauguré au


Ainsi, le groupe mi se sur la montée en puissance des sein de son QG une cité des métiers permettant de
deux nouvelles m anufactures (en Isère et en Cha- regrouper et de valoriser tous les savoir-faire de la
rente-Maritime) et sur la création d'un nouvel atelier marque. 300 artisans trava.illent ainsi aux côtes des
en Franche-Comté. Dans la filière textile, un site de fonctions support, contribuant à sacraliser les savoir-
teinture (localisé à Irigny) a été acq uis en 2012 et fa ire d 'Hermès. Ces structures permettent au ssi de
Hermès dispose à présent d'un outil moderne de développer une très forte culture d'entreprise centrée
teinture (Atelier d'ennoblissement d' lrigny). Quant autour de l'artisanat d'art.
à la division horlogerie, le groupe a fait l'acquisition , Le design constitue l'une des forces d'H ermès. Com-
en 2012, de Natéber, spécialisée dans les cadrans. binant tradition, élégance, innovation et modernité,
Hermès poursuit ai nsi sa stratégie de production made le groupe renouve.lle constamment ses collections
in France qui lui permet aujourd'hui de fabriquer plus (deux tiers des articles tous les six mois à travers des
de 85 % de ses produits dans l'hexagone. La maison va riations de teintes et de cuirs) tout en conservant
Hermès a, en outre, acquis de nombreux sous-traitants l'esprit Hermès. Si le groupe développe de nouveaux
(maroquiniers, parfumeurs, porcelainiers, gantiers). produits, il s'appuie aussi sur des produits cultes ou
L'entreprise a par ailleurs augmenté son rythme de mythiques (le sac Kelly créé en 1935 et le sac Birkin
recrutement, permettant au nombre d'artisans de développé en 1984) qui sont au cours du temps revi-
passer de 250 dans les années 1990 à 4000 en 2013. Les sités et modernisés.
effectifs totaux du groupe ont quant à eux progressé Hermès réalise près de 85 % de ses ventes via des
de 81 % entre 2003 et 2013. Malgré cela, le groupe a magasins exclusifs (répartis sur tous les continents)
du mal à ajuster son offre au niveau de la demande: qui sont soit des succursales (203 boutiques détenues
sa structure actionnariale, sa philosophie de gestion en propre) soit des concessions (ou magasins sous
mais aussi des contraintes techniques (les temps de enseigne). Ces boutiques assurent la commercialisa-
formation extrêmement longs des artisans) expliquent tion de plus de 50000 références. Afin de contrôler
ces ruptures de stocks qui ont généré une forte insa- la qualité et de garantir un service haut de gamme,
tisfaction des clients. Le groupe a néanmoins réussi le groupe privilégie de plus en plus le modèle de la
à augmenter en 2013 ses capacités de production de succursale et assure une formation poussée de son
10 % et, de ce fait, à limiter les ruptures de stocks. personnel commercial. Des services sont notamment
La maison Hermès a institué des relatio ns de long proposés permettant de personnaliser les produits
terme avec ses fournisseurs et parten aires pour selon les attentes et les désirs spécifiques des clients.
sécuriser les approvisionnements et protéger des Un atelier exclusivement dédié à la commande spéciale
savoir-fa ire spécifiques. E lle est ainsi engagée dans et composé de cinq ar tisans a été créé à cet effet. La
une politique rigoureuse de sélection des meilleurs commercialisation des produits du groupe repose
fo urnisseurs et a créé, en 2011, une direction du déve- donc majoritairement sur une distribution exclusive.
loppement durable, très attentive aux conditions de Pendant longtemps, Hermès a investi sans compter
production (mise en place d 'une stratégie de com- dans l'acquisition, à travers le monde, des emplace-
pensation carbone, construction de bâtiments Haute ments les plus convoités et les mieux situés. Depuis
Qualité E nvironnementale, contrôle de la production quelques années, le groupe mise sur un développe-
des déchets ... ). ment qualitatif de son réseau de vente par le biais
La maison Hermès place au premier plan la formation d'agrandissements et de rénovations. Les boutiques
"O de ses salariés. E lle dispose à cet effet de ses propres cultivent une image d 'élégance discrète, dans une
0
c structures et programmes de formation (École du ambia nce de maison de famille.
::i
0 Cuir, École du Textile, École des Marchands Hermès, En adéquation avec les valeurs portées par la marque,
l..f) Hermès Asia North Academy). Un réseau de forma- le groupe axe sa communication sur l'artisa nat et
.-1
0 teurs internes a été mis en place afin de repérer les sur le caractère exclusif et unique de ses produits,
N
artisans qui pourraient former et accompagner les rejetant a.i nsi tout ma rketing ostentatoire. Plutôt
@
...... salariés du groupe vers l'excellence. Les investis- que de recourir aux égéries pour ses campagnes de
~
0\
sements réalisés au niveau du recrutement et de la communication , elle fait appel à des photographes ou
ï::: formation lui permettent ainsi de développer, perpé- des designers reconnus et privilégie les partenariats
>-
0.
0
tuer et conserver des savoir-faire uniques en matière avec des artistes. E n outre, le groupe communique
u
Chapitre 2 Analyser la capacité stratégique de l'entreprise

par le biais d'expositions et de manifestations de pres- appuyant sur la presse professionnelle (Air Journal,
tige: le concours équestre de saut d'obstacles «Saut Le Journal de l'aviation), réalisez une analyse SWOT
Hermès » organisé dans le Grand Palais, le festival du groupe Air France-KLM. Déterminez les options
des métiers organisé dans sept métropoles mondiales possibles du groupe face aux menaces des low cost et
dont Beijing, Londres et Toronto, l'exposition Lealher des compagnies du golf et face à l'opportunité que
Forever à Madrid. représente l'explosion du trafic passager en Asie.
Les activités de distribution sont centralisées et assu-
rées par la filiale Hermès Sellier qui gère les réseaux 11 La chaîne de valeur de Nespresso
de distribution de l'ensemble des produits. Il en va de En vous appuyant sur les sites Internet de Nestlé et
même des activités logistiques, concentrées sur un de Nespresso, sur la presse spécialisée dans l'agroa-
site unique en région parisienne qui gère les stocks limentaire (Linéaire, LSA .. .) et sur le site Strategies.
et les process de contrôle qualité de tous les produits fr, déterminez la chaîne de valeur de cette filiale et
expédiés dans le monde. identifiez les activités qui contribuent le plus à son
avantage concurrentiel de différenciation.
1. Quel est l'avantage concurrentiel d 'Hermès ainsi
que ses forces et faiblesses? 12 Les ressources et compétences
2. Comment se caractérise sa chaîne de valeur et stratégiques de Babolat
quelles sont les activités clés? Sur la base de l'analyse du site Internet et des rap-
3. Quelles sont les compétences stratégiques ports d 'activité de l'entreprise Babolat, identifiez
d'Hermès? les ressources et compétences clés qui ont permis à
l'entreprise de devenir leader du marché des raquettes
de tennis. Pour cela , intéressez-vous notamment au
métier d'origine du groupe et aux compétences déve-
Activités loppées dans celui-ci.

13 Les ressources et compétences


9 Les forces et faiblesses de Lego des concurrents français de Netflix
En vous appuyant sur la presse spécialisée (Les Échos, En vous appuyant sur les sites Internet de TF1 et de
La Tribune, L ' Usine Nouvelle) et sur les rapports Canal+, sur leurs rapports d 'activité respectifs et sur
d'activité de Lego, analysez les faiblesses du groupe la base d'une analyse en termes de chaîne de valeur
qui ont conduit à sa quasi-faillite à la fin des années et de VRIN, déterminez quelles sont les principales
1990. Pour cela, déterminez sur quelles forces et forces, ressources et compétences sur lesquelles ces
quelles compétences le groupe s'est appuyé pour se deux acteurs vont pouvoir s'appuyer pour contrer le
relancer au début des années 2000. développement de Netflix sur le marché français de la
SVOD. Vous identifierez notamment les éléments de
10 L'analyse SWOT d'Air France-KLM la chaîne de valeur que maîtrisent particulièrement
Sur la base d'une recherche documentaire réalisée par TF1 et Canal+ par rapport à Netflix et conclurez par
vos soins sur le site Internet de l'entreprise et en vous une analyse SWOT de chacun de ces deux acteurs.
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique . . .. .. .. . .. 72

Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel ... 100


P
assée sous le contrôle du groupe Volk- Quelles sont les stratégies à adopter pour
swagen depuis 2009, Porsche est une construire un avantage concurrentiel? Est-il
entreprise particulièrement rentable et possible de les combiner? Quelles sont leurs
ne semble pas souffrir de la crise mondiale. Sa caractéristiques? Quels sont les avantages et les
rentabilité, tout comme son volume d'activité, risques qui y sont associés?
sont en croissance constante depuis quelques
années. En 2014, Porsche annonce même un Résultat Chiffre Marge
programme de 5 000 nouvelles embauches sur net* d'affaires* nette
5 ans, soit une hausse prévue de près de 25 % 2012 1,8 13,8 13 %
Porsche
de ses effectifs. Ce succès éclatant, l'entreprise 2013 1,9 14,3 13 %
le doit à un avantage concurrentiel fondé sur 2012 0,24 10 %
2,4
une stratégie de différenciation particulière- Ferrari
2013 0,25 2,4 10 %
ment réussie: des motorisations performantes
et fiables, des châssis à l'équilibre inégalé, des 2012 1,7 40,7 4%
Renault
architectures innovantes, une image forte et 2013 1,7 40,9 4%
une réputation d'excellence liée à ses succès en 2012 4,2 99,4 4%
Ford
compétition depuis 60 ans, un modèle mythique 2013 5,3 109,4 5%
avec la 911, un renouvellement régulier de ses
produits, une priorité accordée à la recherche * En milliards d'euros.
"O
0
c et développement (en témoigne par exemple sa .à Les rentabilités comparées de Porsche, Ferrari,
::i Renault et Ford
0 « supercar » hybride, la 918), un soin permanent
L{)
..-! apporté au service à ses clients ... Tous ces élé-
0
N ments font de Porsche l'une des entreprises les
@ plus performantes de son secteur.
......
.s=
0\
ï:::
>-
0.
0
u
Exploiter
un avantage
concurrentiel
classique
0 Choisir un type d'avantage concurrentiel pour l'entreprise ..................... 74
D La stratégie de domination par les coûts ...................................................... 76
D La stratégie de différenciation ......................................................................... 84
!] Combiner coût et différenciation? .................................................................. 90

Q.bjectjfs
Connaitre et distinguer les types d'avantage concurrentiel traditionnels,
' fondés soit sur la maîtrise des coûts, soit sur la différenciation.
Décrire et caractériser les stratégies relatives au choix du type
' d'avantage concurrentiel retenu.
Analyser et discuter les avantages et les risques attachés au choix
' d'un type d'avantage concurrentiel.
Comprendre les implications induites par le choix du type d'avantage
"O
0
c
' concurrentiel.
Choisir un type d'avantage concurrentiel et une stratégie,
0
::i

L{)
..-!
' adaptés à la situation de l'entreprise, en fonction de ses ressources
et de son environnement.
0
N
@
......
.s=
0\
ï:::
>-
o.
0
u
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

D Choisir un type d'avantage


concurrentiel pour l'entreprise
L'objectif principal d'une entreprise consiste à maximiser son profit, afin de
créer de la valeur pour l'actionnaire (ou le propriétaire). Dans le contexte d'un
environnement concurrentiel, il s'agit pour cette entreprise de trouver les moyens
de surclasser ses concurrents, afi n d'atteindre cet objectif et de développer un
avantage concurrentiel.

Un avantage concurrentiel désigne le fait , pour une entreprise, de bénéficier


d'une performance supérieure à celle de ses concurrents, ou supérie ure à la
moyenne des entreprises de son secteur.

En conséquence, l'entrepri se do it déterminer, et mettre en œuvre, une stratégie


lui permettant de gérer au mieux les activités sur lesquelles elle est positionnée,
afin de générer une « surperformance » par rappo rt à ses concurrents. Ce type
de stratégie, généralement appelé «stratégie générique », «stratégie d'activité »,
«stratégie business» ou «stratégie de positionnement », correspond à la mise en
œuvre de l'un des deux types traditionnels d'avantage concurrentiel: avantage
de coût ou avantage de différenciation (Porter, 1986).
Dan s cette optique, pour obtenir un e performance supérieure à celle de ses
concurrents, l'entreprise peut classiquement opter pour une stratégie de domi-
nation par les coûts ou pour une stratégie de différenciation. Elle va ainsi:
proposer une offre similaire à celle de ses concurrents, généralement com-
mercialisée à moindre prix grâce à des coûts mieux maîtrisés (stratégie de
domination par les coûts) ;
ou proposer une offre différente de celle de ses concurrents et plus créatrice
de valeur pour ses clients, généralement commercialisée à un tarif
~ur construire un avantage supérie ur (stratégie de différenciation).
concurrentiel et surclasser ses
"O
0
c concurrent s, l'entreprise dispose L e choix de la stratégie générique à mettre en œuvre dépend alors à
:J
0
de deux choix classiques: faire la fois de la nature de l'environneme nt de l'activité choisie (facteurs
lil moins cher (stratégie de clés de succès orientés sur une attente de coût ou de différenciation)
.-t
0 domination par les coûts) et du profil de compétences et de ressources de l'entreprise (actifs
N
ou faire mieux (stratégie de
@ ou ressources disponibles adaptées à la maîtrise des coûts ou à la
.µ différenciation).
..c différenciation) .
CJl
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

Laville et Exaprint: vision croisée sur 2 imprimeurs


Le secteur de l'imprimerie (ou industrie graphique) recouvre principa lement l' im-
pressio n (journaux, livres, magazines, imprimés publicitaires ... ), mais également les
activités de finition , de re liure e t autres activités graphiques. En France, ce secteur
reste très fragmenté (16000 entrepri ses pour un chiffre d 'affaires glo ba l d 'environ
10 milliards d'euros), mêm e si un mouvem ent de concentration se dessine prog ressi-
vement. En o utre, ce secteur souffre profondément de la crise: en témoigne la cessa-
tion d 'activité de plus de 1000 entreprises par an et la baisse du nombre de créa tions
d'entreprises (environ 300 créations par an aujourd' hui contre plus de 1000 en 2010).
Au sein de ce secteur, deux PME obtiennent des résultats très satisfaisa nts en pour-
suivant deux stratégies bien distinctes:
- Exaprint, qui réa lise un CA de près de 50 millions d'euros (2013) principa lement
sur les segments de l'imprimé publicitaire et de la carterie;
- Laville, qui réalise un CA d'environ 800000 euros, e n proposant des impressio ns
relief de haute qualité .
Exaprint s'adresse exclusivem e nt aux professionne ls des a rts graphiques (s tudios
PAO, imprimeurs, agences de communication, re prographes, sérigraphes) e n leur
proposant une large gamme de produits imprimés (cartes, dépliants , brochures,
affiches, ftyers . ..) à des prix très compétitifs. Cet imprimeur montpelliérain né e n
1998, a ppuie cette activité de sous-traitance sur un pa rc machine ultramoderne et de
grande capacité, des investissem ents lourds destinés à augmenter l'automatisation , des
cadences de production en continu (productio n en 3x8 et 7 jours sur 7) et un concept
de création et de vente en ligne r endu possible par un système d 'information dernier
cri (ex tranet, serveurs haute perform a nce, lig ne fibre o ptique, solutions ta blettes et
sm ar tphones ...). Ce choix de la vente en ligne auprès de professio nnels et les effets
de volume liés à sa structure spécialisée permettent à cette entreprise de développer
un avantage concurrentie l de coût, tout en assurant des dé la is de livraison rapides.
Laville est une TPE parisien ne née en 1966 et reprise e n 2003 par Pierre Fustier, un
ancien consultant passionné pa r l'imprimerie. Initia lement positionnée sur les produits
classiques du secteur (cartes de visite, papier à en-tête, cartes de vœux, billetteri e, etc.)
l'entreprise o pte sous l'impulsio n de son no uveau PDG pour un e spécia lisation sur
le créneau de l'impression en relief. C'est en ca pitalisant sur les savoir-faire existants
et en investissant sur les techniques anciennes (gaufrage, thermo-relief, dorure à
""'
"
chaud, impression typographique en ton di rect) que l'entreprise propose des produits
'& d'exception en impressio n relief («relief graphique») mais également des produits
·;:
0
:; innovants(« re lief tactile ») associa nt sur le même support une impression tradition-
-0 c: "' nelle e t une impression relief destinée aux m a lvoyants, créant a insi de véritables
0 0
c c supports « bilingues ». E n o utre, sa pe tite ta ille confère à l'entreprise une réactivité
:J
0
.2ü et une souplesse qui perm etten t u n suivi étroit des clients et un service personna lisé.
lil .g Enfin , Laville trava ille sur la recherche de papiers de gra nde qua lité et fa brique ses
.-t 0
0
N eo. encres à pa rtir des couleurs primaires. Tous ces éléments contribuent à a limenter
@ ~ l'avantage co ncurrentiel de Laville , fondé sur une stratégie de différenciation réussie.
....... ~
..c 1
CJl "O
·;:: g Traditionnellement, l'approche adoptée par l'entreprise s'appuie sur une pre-
>- ::i
a. Cl
8@ mière phase d'analyse des facteurs clés de succès de l'activité (..,.. chapitre 1),
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

puis sur une phase d'analyse des compétences et des ressources disponibles au
sein de l'organisation (..,.. chapitre 2). C'est cette double analyse qui va conduire
d'une part au choix de l'activité sur laquelle l'entreprise souhaite se positionner
et d'autre part au choix des compétences à consolider ou à faire émerger, afin,
finalement, de fixer le type d'avantage concurrentiel à construire et à développer.

FOC US
Avantage concurrentiel et origine
de l'avantage concurrentiel
Le langage courant assimile très souvent les notions d'avantage concurrentiel, de type d'avantage concur-
rentiel et d'origine de l'avantage concurrentiel. Il est cependant important de distinguer ces concepts.
L'avantage concurrentiel d'une entreprise est lié à sa performance, et se définit comme une notion
relative, c'est-à-dire comme une surperformance comparée à celle de ses concurrents. De ce point de
vue, il peut être appréhendé par le biais de mesures telles que la part de marché (ventes de l'entreprise
ramenées aux ventes totales du marché) ou par la comparaison de ratios de rentabilité divers (Résultat
net/CA ou Résultat net/Actifs investis par exemple). Le type d'avantage concurrentiel renvoie quant
à lui à la nature de la stratégie générique adoptée pour générer cette surperformance: domination
par les coûts ou différenciation. Enfin, l'origine de l'avantage concurrentiel désigne les moyens mis
en œuvre pour obtenir cet avantage de coût ou de différenciation; elle désigne donc les ressources,
les actifs ou les compétences déployées par l'entreprise afin de maîtriser les facteurs clés de succès de
l'activité mieux que ses concurrents, dans le but de générer cet avantage de coût ou de différenciation.

f) La stratégie de domination
par les coûts
tJll Caractérisation et objectifs
"'O La stratégie de domination par les coûts vise à développer un avantage concur-
0
c
:J rentiel en s'appuyant sur une meilleure maîtrise des coûts de l'activité que ses
0
lil concurrents. Pour cela, l'entreprise recherche en permanence, et sur l'ensemble
.-t
0 des fonctions qui la composent, à réduire ses coûts. Cette stratégie la conduit
N
@ ainsi à analyser et à optimiser le fonctionnement de chaque étape de sa chaîne
...... de valeur (conception, recherche et développement, achat, production , distribu-
..c
O'l
·;:::: tion, marketing, finance, etc.) afin de réduire le coût complet final de son offre
>
a. (..,.. chapitre 2) .
0
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

En outre, indépendamment de la capacité de l'entreprise à réduire ses coûts au


sein de sa chaîne de valeur, cette stratégie est adaptée à des activités caractéri-
sées par la prédominance des facteurs clés de succès liés au prix c~ chapitre 1)
et par une forte sensibilité des clients à cet attribut. C'est la raison pour laquelle
les environnements propices à la stratégie de domination par les coûts sont
généralement caractérisés par des produits simples, basiques, et à faible valeur
ajoutée. Dans ce type d'environnement, l'avantage concurrentiel repose plei-
nement sur la capacité de l'entreprise à proposer une offre à moindre prix par
rapport à ses concurrents, et donc sur sa capacité à réduire ses coûts de sorte à
préserver sa marge.

La stratégie de domination par les coûts se définit comme l'une des deux
stratégies génériques possibles permettant de développer un avantage
concurrentiel sur une activité. Cet avantage concurrentiel repose sur une
meilleure maîtrise de la structure de coût de l'entreprise, et s'accompagne
généralement d'une politique de prix très compétitifs.

Le principe de la stratégie de domination par les coûts consiste à proposer au


client une offre standard, correspondant à l'offre de référence sur le marché
(c'est-à-dire correspondant à l'offre de base que les clients s'attendent implici-
tement à trouver sur le marché), tout en l'obtenant à moindre coût par rapport
à ses concurrents(~ figure 3.1). En effet, le plus souvent, cet avantage de coût
sera répercuté par l'entreprise sous la forme de baisse de prix afin d'améliorer
l'attractivité relative de son offre, en proposant une offre simi laire à celle de ses
concurrents mais commercialisée à un prix inférieur. Dans certains cas cepen-
dant, et en fonction de la situation de son environnement concurrentiel, l'entre-
prise peut choisir de maintenir des prix similaires à ceux de ses principaux
concurrents afin de transformer son avantage de coût en un gain en termes de
marge.
""'
"
'&
·;:
Ainsi, l'avantage concurrentiel réside dans une meilleure maîtrise
0 La stratégie de domination ...,
:; des coûts que ses concurrents; il peut se concrétiser sous la forme
"' par les coûts vise à développer
-0 c:
0 0 d'une augmentation du volume de ventes (par le biais d'une baisse
c c un avantage concurrentiel en
:J .2ü de prix) ou d'une amélioration de la marge (par le bais d'un main- proposant au client une offre
0
lil .g tien du prix). La politique de prix reste donc indépendante de considérée comme «standard»
.-t 0

eo.
0 la stratégie de domination par les coûts même si, dans la grande sur le marché, obtenue à moindre
N
@ ~ majorité des cas, cette orientation stratégique s'accompagne d'une coût, et commercialisée à un prix
....... ~ politique de prix bas . compétitif .
..c 1
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

~
~ Élevé
.o Stratégie de dominat ion
QI
"O par les coûts
c:
0
·,p
c:
...
QI
..c
0

... Faible
~
•:::::s
8
Faible Élevé
Figure 3.1 ~
Niveau de différenciation de l'offre
La stratégie de
(écart relatif à l'offre de référence)
domination par les coûts

Yue Yuen est une entreprise chinoise principalement spécialisée dans la fabrication
de chaussures de sport. Cette entreprise emploie plus de 300 000 personnes pour un
chiffre d'affaires qui dépasse 3 milliards d'e uros et réalise l'essentiel de ce chiffre
d'affaires en assurant la sous-traitance des grands équipementiers mondiaux (Nike,
Adidas, etc.). Dans le secteur des équipementiers sportifs, la création de valeur pour
le client final réside principalement dans les étapes de conception et de marketing ;
c'est la raison pour laquelle ces entreprises externalisent la fonction production en
privilégiant le critère de prix. Yue Yuen dispose de la capacité à satisfaire cette exi-
gence et met en place une stratégie de domination par les coûts qui s'appuie:
- sur un volume de production très important qui lui confère un fort pouvoir de
négociation auprès des fournisseurs de matières premières et lui permet également
de réaliser des économies d 'échelles importantes;
- sur un coût de main-d'œuvre réduit du fait du différentiel de sa laires entre la Chine
et les pays de l'O CDE dont sont originaires les équipementiers.

FOC US
Les stratégies /ow cost
-o Les stratégies low cost constituent un cas particulier de logique de domination par les coûts lorsque
0
c celle -ci est poussée à l'extrême. En effet, lorsque les nouveaux acteurs du low cost entrent dans les
::i
O secteurs traditionnels (grande distribution alimenta ire, transport aérien, automobile ...), ils modifient
~ l'offre de référence. Ainsi , soumis à ces nouvelles offres (le plus souvent dégradées par rapport aux
~ offres traditionnelles), les clients changent progressivement le regard qu'ils portent sur la nature de
© leurs atten tes minimales. De ce point de vue, avec leurs offres low cost, ces nouveaux acteurs créent
..., véritablement une nouvelle offre de référence (c'est-à-dire la référence présente dans l'esprit du consom-
..c
0\ mateur), qu'ils sont capables de proposer à un coût beaucoup plus faible que les acteurs traditionnels
ï::::
&
0
~
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique


du secteur. Cette capacité leur permet de proposer des prix particulièrement attractifs et de séduire
les clients à la recherche d'une offre simple et basique. Ces nouveaux acteurs du low cost mobilisent
leur capacité supérieure à réduire leurs coûts pour proposer une offre nouvelle au client; ils agissent
ainsi sur le marché pour faire émerger une nouvelle attente de base qu'ils sont en capacité de satisfaire
mieux que leurs concurrents traditionnels, grâce à leur organisation et leurs aptitudes spécifiques.

L'exemple de Ryan Air


Dans le secteur du transport aérien, Ryan Air de l'absence de saturation de ces aéroports. Au
apparaît souvent comme l'exemple type de la niveau de la production de l'offre, la suppression
réussite d'une stratégie low cost. Avec un chiffre de nombreux services périphériques au trans-
d'affaires approchant les 5 milliards d'euros et port (repas à bord, salons d 'attente, transport
une marge nette qui dépasse les 10 % de 2009 des bagages, gestion des correspondances, sièges
à 2013, le modèle économique de la première attribués, etc.) génère également des économies
compagnie aérienne européenne en volume est notables; de même, les contrats de droit irlandais
simple: proposer des vols fréquents en court ou du personnel limitent les charges de personnel en
moyen courriers (faible distance) et sur un réseau permettant des temps de travail plus élevés et des
« point à point », en supprimant la majorité des sa laires plus faibles. L'optimisation des taux de
services traditionnellement attachés à l'offre des remplissage et le choix d'avions à forte densité de
compagnies «classiques ». Ainsi, à chaque étape sièges réduisent les coûts d'exploitation. Enfin, au
de la chaîne de va leur, l'entreprise parvient à niveau de la commercialisation, l'absence de points
réduire ses coûts. Au niveau des achats, le choix de vente physiques et le choix d'une distribution
des aéroports secondaires permet à la fois de quasi exclusivement en ligne permettent une baisse
limiter les ta xes mais aussi de réduire les retards des coûts de structure.
et les temps d'immobilisation de l'avion du fait

t.WI Mise en œuvre et leviers d'action


Dans le cadre d'une stratégie de domination par les coûts, l'entreprise dispose
de plusieurs leviers visant à réduire ses coûts sur l'ensemble des étapes de sa
""'
" chaîne de valeur. Ces leviers peuvent être utilisés de manière isolée ou combinée
'&
·;:
0 et se rapportent à trois catégories principales relatives aux inputs, au process
:;
-0 c: "' et aux outputs.
0 0
c c
:J .2ü
0
lil .g
2.2.1 Les leviers de réduction des coûts
.-t 0
relatifs aux inputs
0
N eo.
@ ~
....... ~
Pour réduire ses coûts, l'entreprise peut agir sur Je prix des facteurs de production
..c 1
CJl "O par le biais de son pouvoir de marché. L'entreprise peut profiter d'une baisse de
·;:: g
>- ::i
a. Cl
ses coûts d'achat (matières premières, marchandises, composants, sous-systèmes
8@ ou consommables) du fait de l'augmentation de son volume d'achat et de l'accrois-
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

sement du pouvoir de négociation qui en découle par rapport aux fournisseurs


(ce phénomène est appelé « effet de taille») . Par ailleurs, l'entreprise peut avoir
recours à la délocalisation d'une partie de sa chaîne de valeur dans une zone à
bas salaires afin de réduire le coût du facteur travail. La délocalisation désigne
ici une manœuvre qui consiste pour une entreprise à transférer ou à organiser
une partie de sa chaîne de valeur vers des zones géographiques à bas salaires.

2.2.2 Les leviers de réduction des coûts


relatifs aux process
Pour réduire le coût du processus de production de son offre, l'entreprise dispose
de quatre leviers principaux.
1. Le premier se rapporte aux économies d'échelle et donc au volume de
production ou de vente. Les économies d'échelle se définissent comme une
diminution du coût unitaire due à l'augmentation du volume de production
ou de vente sur une période donnée ; ce phénomène peut être attribué à
l'étalement des coûts fixes sur un plus grand nombre d'unités produites. Par
exemple, une entreprise industrielle a la possibilité de générer d'importantes
économies d'échelle en répartissant les charges relatives à son outil de pro-
duction sur un nombre de produits fabriqués plus important. Les économies
d'échelle sont donc majoritairement présentes dans les secteurs d'activité où
les coûts fixes (R&D, outil de production, publicité, réseau de distribution .. .)
représentent une part importante de la structure de coût: transport aérien,
automobile, hôtellerie, industrie pharmaceutique... Dans ce type d'industrie,
il est nécessaire de produire à grande échelle pour étaler les coûts fixes et être
compétitif en termes de coût/prix.
2. Le deuxième concerne le phénomène des économies d'expérience. Les éco-
nomies d'expérience (aussi appelées «effet d'apprentissage ») se définissent
comme la baisse du coût unitaire d'une offre du fait de l'augmentation de sa
production cumulée, c'est-à-dire du fait de l'expérience accumulée au fil du
temps et au fur et à mesure de sa production. Cette expérience accumulée
optimise en effet le processus de production de l'offre par le biais d'un effort
"O
0 d'amélioration continue et accroît la productivité de la main-d'œuvre du fait
c
0
:J d'une consolidation des compétences et des savoir-faire.
lil
.-t 3. Le troisième levier renvoie à la notion d'économies de variété. Les économies
0
N de variété désignent une baisse de coût liée à la réduction du nombre de com-
@
...... posants ou de sous-systèmes différents nécessaires à la production de l'offre .
..c
O'l En réduisant la diversité de ces composants, le processus de production est
·;::::
>
a.
simplifié, de même que la gestion logistique, ce qui induit une amélioration
0 de la productivité, de la fiabilité et une diminution des coûts de non-qualité.
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

4. Enfin , le quatrième levier se rapporte aux économies de champ (aussi appelées


«économies d'éventail » ou« économies de liaison »). Une entreprise va réaliser
des économies de champ en utilisant, pour produire son offre, des ressources
(actifs de production, réseau de distribution ... ) ou des compétences (savoir-
faire) déjà exploitées dans la production d'une ou de plusieurs autres offres.
Le fait d'utiliser des ressources déjà constituées et disponibles pour produire
son offre va permettre à l'entreprise de réduire ses coûts en augmentant la
rentabilisation de ses ressources ou actifs. Ce phénomène se rapproche de
celui des économies d'échelle qui consiste à améliorer l'exploitation de res-
sources données pour une même offre ; dans le cas des économies de champ,
l'entreprise améliore l'exploitation de ressources données en les mobilisant
dans le cadre d'une offre différente.

Airbus est avec Boeing l'un des deu x leaders mondiaux du secteur de la construction
aéronautique. Détenue à 100 % par Airbus Group (a nciennement EADS), l'entre -
prise aéronautique réalise un chiffre d'affaires d'environ 60 milliards d'euros pour un
résultat net de plus de 1,5 milli ard d 'euros (2013).
Airbus mobilise à la fois les leviers d 'économies d'échelle et d 'économies de champ
pour rester compétitif en matière de coût.
Ainsi, le fa it de co nce ntre r la fa brica tion et l'assemblage sur deux sites, celui de
Blagnac en France et de Hambourg en Allemagne, contribue à réduire les coûts fixes
unitaires en amortissant les lourds investissements nécessaires à la mise en place de
ces sites de production. Certes un site unique aurait permis d 'aller encore plus loin
en matière d'économies d'échelle, m ais la gouvernance fra nco-allemande d'Airbus
Group n'a pas autorisé ce type d'accord.
Les é conomies d'échelle ne sont pas limitées au produit fini (c'est-à-dire à un type
d'avion) et portent également sur les composants et les sous-systèmes qui sont communs
à plusieurs appa reils. Par exemple, les programmes A320, A330 et A340 disposent
des mêmes commandes de vol, des mêmes postes de pilotage et leur carlingue est
identique, ce qui permet de réaliser des économies d'échelles sur les coûts de concep-
tion , de R&D e t d 'industrialisation.
E nfin , Airbus réalise des économies de champ en développant son activité de ser-
""'
" vices au x compagnies aériennes (support, m aintenance, formation) qui constitue un
'&
·;:
0 marché mondia l estimé à plusieurs dizaines de milli ards d'euros. Dans le contexte
:;
"' de ce marché à forte marge, Airbus va mobiliser ses connaissances, ses actifs et ses
-0 c:
0 0 compé tences de haut niveau (qui mieu x qu'Airbus connaît ses avions?) ainsi que
c c
:J
0
.2ü sa capacité à proposer une offre de service globale sur la totalité de l'avion, pour
lil .g développer ce nouveau business à moindre coût.
.-t 0
0
N eo.
@ ~
....... ~
..c 1
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

2.2.3 Les leviers de réduction des coûts


relatifs aux outputs
Pour réduire sa structure de coûts, l'entreprise peut opter pour une modification
de la nature de son offre. À partir d'une offre de référence, formée d'une série
d'attributs, l'entreprise a la possibilité de dégrader la valeur de certains de ces
attributs, voire d'en supprimer certains. Cette orientation s'apparente à la stra-
tégie des acteurs du low cost qui tentent de modifier la nature de l'offre, en
réduisant ou en dégradant certaines composantes constitutives de cette offre,
dans le but de dégager des économies importantes qui seront répercutées sur le
prix final.
L'analyse de ces différents leviers d'action souligne le rôle central
Pour mettre en œuvre sa strat égie du volume dans la stratégie de do mination par les coûts. En effet,
de domination par les coûts, le volume d'activité (par le biais du volume d'achat, du volume de
l'entreprise dispose de trois
production ou du volume de vente) influence lourdement la structure
catégories de leviers d'action,
de coût de l'entreprise au travers des effets de taille, des économies
relatives aux inputs de l'offre, au
processus de production, et à la
d'échelle et des économies d'expérience. C'est la raison pour laquelle
nature même de l'offre (outputs). de nombre uses entreprises poursuivant cette stratégie cherchent à
s'inscrire dans un «cercle vertueux » du volume (..,. figure 3.2).

Effets de t aille
Ëconomies d'échelle

, '
Ëconomies d'expérience

Augmentation Augmentation
des ventes de la production

Figure 3.2..,.
Cercle vertueux du Augmentation Baisse Baisse
volume et stratégie de de la demande des prix des coûts
domination par les coûts

"'O
0
c
0
:J t•I Risques et limites
lil
.-t
0 L'adoption d'une stratégie de domination par les coûts n'est cependant pas sans
N
@ risques. Il est possible d'en identifier trois principaux, liés aux phénomènes de
......
..c
guerre des prix , de surcapacité et de rigidités de l'entreprise .
O'l
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

1 2.3.1 1 Le risque de guerre des prix


Le premier risque attaché à la stratégie de domination par les coûts
L'entreprise qui adopte une ...,
est issu de l'apparition d'une dynamique concurrentielle focalisée
stratégie de domination par les
sur l'obsession du volume. En effet, lorsque plusieurs concurrents coûts s'expose à trois types de
cherchent simultanément à profiter des effets de volume et à rentrer risques : alimenter une guerre
dans ce cercle vertueux(..,. figure 3.2), ils peuvent être tentés de jouer des prix, souffrir de surcapacité, et
sur le levier du prix. Dans cette optique, ils vont tenter d'obtenir la perdre le contact avec le marché
plus forte croissance du volume de vente et de production en bais- du fait de la formation de rigidités.
sant les prix, dans le but de profiter de la baisse des coûts qui y est
attachée. Or, l'adoption simultanée de cette orientation par plusieurs acteurs du
marché les conduit à sacrifier leurs marges, sans pour autant bénéficier d'une
augmentation relative notable de leur volume par rapport aux concurrents.
Cette situation se traduit alors par la dégradation des marges des principaux
intervenants et la dégradation de la rentabilité du secteur.

1 2.3.2 1 Le risque de surcapacité


Le deuxième risque découle également de la volonté d'augmenter son volume
d'activité, afin de réaliser des économies d'échelle et des économies d'expérience.
Pour profiter pleinement de ces économies, l'entreprise a besoin de disposer d'une
échelle de production maximale et d'une capacité à capitaliser de l'expérience en
augmentant sa production cumulée le plus rapidement possible. Cet objectif la
pousse alors à consentir de lourds investissements et à mettre en place les actifs lui
permettant d'atteindre ces deux objectifs. Or l'entreprise est ici à la merci d'une
mauvaise appréhension de la taille ou de l'évolution du marché qui pourrait la
mettre dans une situation de surcapacité. Incapable de faire fonctionner son outil
de production à plein régime du fait d'un actif surdimensionné, l'entreprise pâtit
alors d'un phénomène de « déséconomies d'échelle » qui dégrade sa structure
de coût au lieu de l'améliorer.

""'
"
'&
·;:
1 2.3.3 1 Le risque de rigidités
0
:;
-0 c: "' Le troisième risque concerne le manque de capacité d'adaptation et le manque
0 0
c c de réactivité susceptibles d'affecter les entreprises concentrées sur leur objectif
:J .2ü
0 de baisse des coûts. En effet, focalisées sur la nécessité de produire et de
lil .g
.-t 0 vendre le même type de produit le plus longtemps possible afin de profiter à
0
N eo. plein des effets de taille, d'échelle et d'expérience, l'entreprise perd sa capa-
@ ~
....... ~
cité à percevoir les évolutions de son environneme nt, qu'elles soient relatives
..c 1
CJl "O à la technologie ou aux attentes des clients. Ainsi, une entreprise menant une
·;:: g
>- ::i stratégie de domination par les coûts réussie pourra voir sa rente confisquée
a. Cl
8@ par des concurrents ayant opté pour une nouvelle technologie plus récente ou
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

par des concurrents à l'écoute d'une modification qualitative de la demande


des consommateurs.

L'échec de Nokia dans son activité de téléphonie mobile peut être attribué à ce phé-
nomène de rigidités. Leader mondia l du secteur des té léphones mobiles depuis 1998,
Nokia voit progressivement sa situation se dégrader, jusqu'à connaître en 2009 les
premières pertes de son histoire (560 millions d'euros). Focalisée sur une stratégie de
maîtrise des coûts et de volume, Nokia a concentré son effort sur les téléphones d'en-
trée de gamme («feature phones ») afin de conquérir les marchés des pays émergents
en très forte croissance (en Inde par exemple, il se vend deux fois plus de «feature
phones » que de smartphones). L'entreprise a alors subi une guerre des prix parti-
culièrement agressive du fait de la crise, qui a été exacerbée par la concurrence des
constructeurs chinois; cette situation a dégradé ses marges de manière dramatique
(entre 2008 et 2009, l'entreprise a vu le prix moyen de ses mobiles s'effondrer de
plus de 15 %). En outre, cette orientation l'a conduit à négliger des évolutions tech-
nologiques majeures (comme les écrans tactiles) et à sous-investir dans les éléments
véritablement créateurs de valeur pour les clients; ainsi, son système d'exploitation
Symbia n s'est retrouvé très vite dépassé. Enfin, le fa bricant finlandais a pris conscience
trop tardivement du caractère stratégique de la bibliothèque d 'a pplications (dès son
lancement, sa plateforme de contenu Ovi a connu un échec cuisant). Victime des
rigidités issues de la poursuite de sa stratégie de coût, l'entreprise a fin alisé la vente
de ses activités de téléphonie mobile à Microsoft en avril 2014.

D La stratégie de différenciation
Ill Caractérisation et objectifs
La stratégie de différenciation vise à développer un avantage concurrentiel
en proposant au cli ent une offre différente de l'offre de référence (c'est-à-dire
de l'offre standard présente sur le marché) et plus créatrice de valeur. Il s'agit
donc pour l'entreprise de jouer sur le différentiel existant entre la valeur atta-
chée à l'offre telle qu'elle est perçue par le client, et son prix, afin de présenter
-0
0
c un différentiel supérieur à celui des offres existant sur le marché (offres de
:J
0 référence) et de séduire les clients. Cette stratégie la conduit ainsi à analyser
lil
.-t
et à optimiser le fonctionnement de chaque étape de sa chaîne de valeur
0
N (conception , recherche et développement , achat , production, distribution ,
@ marketing, finance, etc.) afin d'identifier les fonctions susceptibles de créer
.......
..c
O'l
cette valeur supplémentaire chez le client et de la lui communiquer(~ chapitre 2) .
·;::::
> En outre, cette stratégie est adaptée à des environnements caractérisés par la
a.
0 prédominance des facteurs clés de succès liés à la qualité, à l'innovation, à
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

l'image de ma rque et aux services associés (~ chapitre 1) et par une fa ible


sensibilité des clients au prix. C 'est la raison pour laquelle les environnements
propices à la stratégie de différenciation sont caractérisés par des produits
généralement complexes, élaborés et à forte valeur ajoutée. Dans ce type
d'environnement, l'avantage concurrentiel repose pleinement sur la capacité
de l'entreprise à proposer une offre valorisée par le client, qui apparaît unique
à ses yeux et qui justifie de ce fait un prix supérieur.

La stratégie de différenciation se définit comme l'une des deux stratégies


génériques possibles permettant de développer un avantage concurrentiel
sur une activité. Cet avantage concurrentiel repose sur la création d'une plus
grande valeur que les concurrents pour le client, en lui proposant une offre
perçue comme «unique», ce qui justifie un prix plus élevé.

Le principe de la différenciation consiste ainsi à proposer au client une offre


«améliorée», porteuse d'une valeur supérieure par rapport à l'offre de référence,
ce qui nécessite généralement un surcoût; l'amélioration réalisée
La stratégie de différenciation ...,
justifie alors une augmentation de prix et génère une marge et une
vise à développer un avantage
rentabilité améliorées(~ figure 3.3). Pour cela, l'entreprise doit faire
concurrentiel en maximisant la
en sorte d'une part que l'offre proposée soit suffisamment différen- création de valeur pour le client
ciée pour qu'elle ne soit plus comparable à celle des concurrents et en lui proposant une offre qu'il
(échappant ainsi à la concurrence par les prix), et d'autre part que perçoit comme «unique» et qui
les charges associées à l'amélioration de l'offre soient inférieures justifie un prix plus élevé que les
au gain généré grâce à la valeur perçue supplémentaire. offres standard alternatives.

Stratégie
de différenciation

Faible Ëlevé
'4111 Figure 3.3
Niveau de différenciation de l'offre
La stratégie de
(écart relatif à l'offre de référence)
différenciation

Ainsi , l'avantage concurrentiel de l'entreprise réside dans une meilleure création


de valeur pour les clients que ses concurrents et se concrétise le plus souvent
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

par une amélioration de la marge (générée par des prix plus élevés que les
concurrents). La politique de prix est donc un enjeu central de la stratégie de
différenciation , qui ne peut être rentable que si elle pa rvient à compenser le
surcoût lié à cette différenciation par une augmentation du prix, perçue comme
justifiée par le client.

Avec un chiffre d'affaires 2013 d'environ 3,75 milliards d'euros, Hermès (dont l'acti-
vité est concentrée principalement sur la m aroquinerie, les accessoires et les textiles)
fa it figure de « petit poucet » dans le secteur du lu xe dominé par de grands groupes
internation au x (LVMH réalise un CA de plus de 22 milliards d'euros, Richemont e t
Kering réa lisent tous deux un CA d'environ 9 milliards d'euros). Pou rtant, la rentabilité
d'H ermès le place parmi les entreprises les plus perform antes de ce secteur, voire la
plus perfo rmante (avec 32 % de marge opérationnelle, l'entreprise se situe pa r exemple
très au-dessus de LVMH qui présente une marge opérationnelle de l'ordre de 20 %.
Cette performance excepti onne lle, Hermès la doit no tamment à une stratégie de dif-
férenciatio n particulièrement efficace. Cette stratégie s'appuie sur des compétences
et des ressources déployées tout le long de la chaîne de valeur, au niveau des achats
(matières premières sélectio nnées auprès de producteurs de peau rare et de qualité),
de la production (avec un e orientatio n très prononcée sur l'ar tisanat d'exception et
une production essentiellement réa lisée en France), de la comm ercialisation assurée
par des magasins détenus e n propre et Je choix d'une distribution exclusive, mais
au ssi au niveau de la formation du personnel (avec des centres de formation dédiés
permettant de conserver e t de développer les compétences d'artisanat d 'art). E nfin ,
l'entreprise s'appuie sur son image forte, a lime ntée pa r des événements marquants,
tel Grace Kelly dissimulant sa grossesse naissante en 1956 derrière un sac à m ain
He rmès créé en 1930 et qui devie ndra Je sac Ke lly.

lltl Mise en œuvre et leviers d'action


D ans le cadre d'une stratégie de différenciation, l'entreprise doit agir de manière
conjointe sur deux catégories de facteurs: les axes techniques et les axes marketing.

1 3.2.1 1 Les axes techniques


-0
0 La différenciation repose ava nt tout sur la proposition d'une offre « objecti-
c
:J vement » différente et améliorée, par rapport à l'offre de référence. L e levier
0
lil technique renvoie ici par exemple à la performance du produit, à sa qualité, à sa
.-t
0 fiabilité, à son caractère éthique ou respectueux de l'environnement naturel, à
N
@ son design original, à son caractère innovant, à la noblesse des matériaux utilisés,
.....
..c mais aussi à l'efficacité des services associés, aux compétences des personnels en
O'l
·;:::: contact avec le client, à la pertinence du conseil apporté ou enco re à la qualité
>
a.
0
de l'accueil proposé.
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

1 3.2.2 1 Les axes marketing


Pour mettre en œuvre une stratégie de différenciation efficace, l'entreprise doit
également travailler sur un axe « marketing » afin d'une part d'identifier les
éléments de l'offre qui peuvent être réellement valorisés par le client et d'autre
part de maximiser la perception par le client de cette valorisation.
La première étape réside donc dans l'identification de facteurs (fonctionnalités,
caractéristiques ou attributs de l'offre) auxquels le client accorde une grande valeur
et sur la base desquels l'entreprise pourra construire sa différenciation. Or dans ce
domaine, il est très difficile de déterminer les préférences réelles des clients, d'autant
plus lorsque les caractéristiques susceptibles d'être proposées sont nouvelles. Les
clients ont en effet beaucoup de mal à en percevoir l'utilité lorsque celles-ci sont
innovantes; ils ne sont donc pas enclins à l'exprimer. D'une part, ces nouvelles
fonctionnalités proposées sont difficiles à comprendre et à évaluer, d'autre part,
un doute existe dans l'esprit du client quant à sa capacité à profiter pleinement de
ces attributs (du fait de l'apprentissage nécessaire ou de la complexité de l'offre).
Une fois la composition de l'offre fixée en termes d'attributs et de fonctionnalités,
la seconde étape consiste à optimiser la perception par le client de la valeur de cette
offre et son caractère différencié. En effet, il ne suffit pas de réaliser une différen-
ciation de manière «objective», encore faut-il que le client en prenne conscience et
puisse la percevoir. Dans ce cadre, c'est la capacité de l'entreprise à communiquer
sur sa différence et à convaincre le client qui conditionne le succès de la stratégie.
Les éléments d'image, de réputation ou de communication sont ici critiques. Une
entreprise à l'origine d'une forte différenciation « objective » mais incapable de
communiquer valablement sur celle-ci risque en effet de se voir surclassée par un
concurrent proposant une offre objectivement de valeur moindre mais mieux perçue
et donc considérée comme plus attractive par les clients (..,. figure 3.4).

Différenciation perçue

Niveau de
différenciation
réel/perçu

<1111 Figure 3.4

La différenciation réelle
Produit A Produit B et la différenciation
perçue
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

Au fin a l, ces deux axes doivent permettre la réussite de la différenciation en s'as-


surant tout d'abord que le client valorise la différenciation proposée, puis en créant
la réalité «objective » de cette différenciation, et enfin en permettant
Pour mettre en œuvre sa stratégie
l'appréhension par le client de cette différenciation. C'est à ces condi-
de différenciation, l'entreprise
doit combiner la création d'une
tions que l'offre de l'entreprise sera perçue comme «unique », ce qui
valeur «objective » pour le client lui permettra d'échapper à une concurrence directe en devenant
et d'u ne valeu r« subjective ». «incomparable » et de s'assurer une plus forte rentabilité.

Le cas de l'iPhone, lancé en juin 2007, constitue l'illustration d'une stratégie de différen-
ciation qui a réussi à mettre en œuvre ces trois étapes de manière exceptionnellement
efficace. En effet, en faisant du téléphone mobile un objet de loisir (téléphone, lecteur
multimédia, outil de navigation Web, appareil photo, etc.), Apple a trouvé une source de
création de valeur révolutionnaire que le client a valorisée au-delà de toute espérance.
L'entreprise est partie de l'idée que le problème des téléphones existants était liée à la
méthode de saisie (les touches physiques permettaient de taper mais leur utilisation ren-
dait beaucoup trop compliquée une navigation visant à élargir les fonctionnalités au-delà
des appels ou des messages écrits; de même, les écrans tactiles existants nécessitaient la
manipulation d'un stylet, mobilisant les deux mains, et rendaient leur utilisation contrai-
gnante). Avec l'innovation du clavier tactile, Apple a résolu Je problème de l'interface,
apporta nt ainsi une proposition de valeur beaucoup plus élevée que ses concurrents
aux consommateurs qui peuvent ainsi utiliser leur téléphone pour des usages multiples,
similaires à ceux d'un véritable ordinateur. Non seulement les usages sont enrichis, mais
le produit offre une très grande facilité d'utilisation, particulièrement intuitive, permet-
tant de rassurer les clients et de viser une clientèle très large: du passionné au néophyte!
Cette offre de valeur s'appuie évidemment sur des éléments techniques particulièrement
élaborés, à la fois en termes de système d'exploitation et de matériel, qui permettent le
contrôle de l'appareil: le défilement à impulsion, le pincer/zoomer, l'effet élastique, le
«double tap », etc. Ces innovations ont fait l'objet de centaines de brevets et ont émergé
grâce aux connaissances technologiques et aux compétences de design présentes chez
Apple, mais aussi grâce à une culture de la poursuite de l'excellence et à l'impul sion
d'un dirigeant visionnaire.
Une fois l'offre de valeur définie et les défis techniques relevés, il restait à s'assurer que
le client perçût la différenciation ai nsi créée. Les ressources marketi ng d 'Apple ont
largement contribué à atteindre cet objectif en ayant recours à plusieurs techniques :
la création d'événements marquants (lancement dans la boutique Orange des Champs-
Élysées en novembre 2007 de la première version de l'iPhone), la mise en place d'un
-0
0 marketing viral (alimentant les rumeurs et les légendes), la tenue régulière de« keynotes »
c par Steve Jobs, la couverture intensive de ces événements par les différents médias,
:J
0 l'existence (alimentée par l'entreprise ?) de phénomènes de pénurie à chaque lancement
lil
.-t (matérialisés par des files d'attente interminables dès la veille de la commercialisation) .
0
N E nfin, A pp le s'est appuyé sur des «effets de réseau », qui font en sorte que l'utilité d'une
@ offre augmente avec la quantité des utilisateurs, en raison notamment de la facilité des
.......
..c échanges ou des apprentissages liée à cette offre. Ce phénomène aussi appelé «rende-
CJl
·;:::: ment croissant d'adoption », décrit la situation dans laquelle une technologie (ou un
>
a. produit) devient dominante du fait qu'elle est la plus adoptée.
0
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

ID Risques et limites
L'adoption d'une stratégie de différenciation n'est cependant pas sans risque.
Il est possible d'en identifier deux principaux, respectivement liés à la difficulté
de maintenir la différenciatio n dans le temps et au possible surcoût de cette
différenciation.

1 3.3.1 1 Le risque de dégradation de la différenciation


Le premier écueil auquel est confrontée l'entreprise qui mène une stratégie de
différenciation réside dans la difficulté à maintenir la différenciation dans la
durée, c'est-à-dire à maintenir d'une part la spécificité de la valeur proposée par
l'offre, et d'autre part la perception positive qu'en ont les clients. L'entreprise est
ici exposée à l'attaque des concurrents susceptibles d'imiter les sources de diffé-
renciation sur lesquelles elle s'appuie, mais aussi à la modification des attentes
des clients, sous l'effet d'offres concurrentes qui renouvelleraient les facteurs
de différenciation. En outre, l'entreprise est exposée à des risques de dégra-
dation de son image, qui pourraient pénaliser sa différenciation perçue. Parmi
ces risques, la contrefaçon et l'appropriation de la marque par une cible client
non souhaitée constituent deux inquiétudes majeures de l'entreprise. En ce qui
concerne la contrefaçon , elle est tout d'abord à l'origine d'une perte de chiffre
d'affaires importante pour l'entreprise (évaluée pour la France à environ 6 mil-
liards d'euros par le comité Colbert qui réunit les 75 grandes maisons du luxe)
et dégrade également l'image de la marque et l'attractivité des produits. En ce
qui concerne l'appropriation des produits par une cible non souhaitée, si elle
peut contribuer d'un côté à augmenter le volume de ventes, elle risque surtout
de détourner le cœur de cible de l'entreprise de ses produits.

D ans les années 1990, la marque Lacoste conquiert de nouveaux clients et devient
""'
"
progressivement l'emblème des jeunes issus des quartiers et des banlieues en dif-
'& ficulté. Cette marque, créée en 1933, symbole du chic bourgeois, de l'élégance et
·;:
0
:; du haut de gamme, est alors affichée par ces jeunes comme une empreinte de leur
-0 c: "' réussite matérielle et constitue un signe extérieur de richesse leur permettant de
0 0
c c s'affirmer. L'entreprise connaît a lors des difficultés car sa clientèle traditionne lle se
:J
0
.2ü détourne de ses produits. Face à cette situation , l'entreprise va tenter de renouveler
lil .g ses modèles, de moderniser ses collections , d'élargir ses gammes et de redynamiser
.-t 0
0
N eo. sa di stribution en privilégiant les implantations sur les quartiers chics. Pourtant,
@ ~ l'entreprise familiale peine à renouer avec le succès. Profitant des di ssensions entre
....... ~ les action naires majoritaires, le groupe Mauss Frères (holding suisse) en a pris le
..c 1
CJl "O
·;:: g contrôle en 2012.
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

1 3.3.2 1 Le risque de surcoût de la différenciation


Le second écueil consiste à poursuivre une stratégie de différenciation sans
prêter attention aux coûts générés par l'amélioration de l'offre que l'entreprise
souhaite obtenir. Le prix ne constitue certes pas le facteur de concurrence
majeur, cependant l'entreprise est dans l'obligation de rentabiliser les investis-
sements nécessaires à la différenciation grâce au différentiel existant entre la
valeur perçue générée par ces investissements et le prix. Or indépendamment de
certaines niches « ultraluxe» (comme c'est le cas par exemple des « hypercars »,
véhicules aux performances extrêmes et construits à partir des technologies les
plus avancées, dont le tarif dépasse le million d'euros), l'entreprise
~ntreprise qui adopte une ne peut pas fixer ses prix simplement en ajoutant un taux de marge
stratégie de différenciation à son coût de revient sans provoquer une baisse de demande péna-
s'expose à deux types de ri sques: lisante. Elle doit donc contrôler ses coûts et doser pour trouver le
voir sa différenciation se dégrader
bon équilibre de ses actions de telle sorte qu'une augmentation de
et voir la rentabilité de sa
ses investissements se traduise par une augmentation de marge plus
différenciation diminuer.
que proportionnelle.

D Combiner coût et différenciation?


Nous venons de voir que l'entreprise peut choisir, pour développer un avantage
concurrentiel, entre une stratégie de domination par les coûts et une stratégie
de différenciation. Cependant, la question de la combinaison de ces deux stra-
tégies se pose graduellement à partir des années 1980. Est-il possible de proposer
une offre différenciée et obtenue à moindre coût? Ces deux stratégies génériques
traditionnelles sont-elles compatibles? Est-il concevable de poursuivre une
troisième voie, une stratégie « hybride»? (..,.. figure 3.5).

...
Q)

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Q)
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Ëlevé
e-1 ns~~a~Ti~fe Stratégie de
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-0 c: différenciation
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Q) Stratég ie de dominat ion
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LJ) .c par les coûts
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0 Faible
Stratégie~
hybride 1 ~
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ï::::
Figure 3.5..,..
>- Le panorama des Niveau de différenciatio n de l' offre
a. (écart re latif à l'offre de réfé rence)
0 stratégies génériques
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

I l l L'enlisement dans la voie médiane


Dans son analyse des stratégies concurrentielles, Michael Porter refuse l'idée
d'une combinaison possible entre domination par les coûts et différenciation.
Po ursu ivre ces de ux objectifs sur une même activité de manière simultanée
reviendrait selon lui à «s'enliser dans la voie médiane » et conduirait à l'échec,
pour deux raisons principales:

• Tout d'abord , la nature des investissements à consentir pour mettre en œuvre


l'une ou l'autre de ces deux orientations est très différente et les fonctions
de la chaîne de valeur à privilégier ne sont pas les mêmes (volume et auto-
matisation de la production pour le coût, par exemple, et R&D et image de
marque pour la différenciation). Vouloir mener de front ces deux stratégies
reviendrait ainsi à disperser ses ressources et à dégrader sa performance à la
fois en termes de maîtrise des coûts et en termes de différenciation. L'offre
proposée serait alors surclassée tant sur le plan du prix (par les concurrents
ayant opté pour une stratégie pure de domination par les coûts) que sur le
plan du niveau de différenciation (par les concurrents ayant opté pour une
stratégie pure de différenciation).
• Ensuite, le fait d'investir simultanément sur ces deux dimensions induit une
augmentation globale des investissements et des dépenses. Cette double
orientation apparaît donc plus coûteuse qu'une stratégie générique « pure »,
alors même qu'elle ne semble pas produire de recettes supplémentaires (cf
supra). De ce fait, cette stratégie « hybride » semble bien conduire à une baisse
de la rentabilité.
Au final, avec une stratégie hybride, on aurait ainsi une stratégie moins efficace
car moins attractive pour le client, et moin s efficiente car moins rentable. C'est
bien à cela que Michael Porter fait allusion en parlant « d'enlisement dans la
voie médiane».

""'
" Combiner domination par les coûts et différenciation sur une même activité enl
'&
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0
:; tentant d'égaler sur ces deux dimensions les acteurs ayant opté pour des stratégies
-0 c: "' pures est une illusion qui conduit à la dégradation de la rentabilité de l'entreprise.
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Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

FOC US
Stratégies génériques «pures»
et enlisement dans la voie médiane
Dans un a rticle des Échos.fr d'avril 2013, Jérôme Cependant, ces résultats doivent éga lement être
Barthele my ana lyse u ne étude menée au Canada complétés par u ne autre étude (non publiée) dont
par Roderick White et Stewart Thornhill auprès fait état l'auteur de l'article. Celle-ci mon tre en
de plus de 2 300 e ntreprises e t visa nt à comparer effet que si les entreprises aya nt choisi une stratégie
la performa nce des stratégies génériques pures générique pure sont les plus rentables, comparées
(domination par les coûts et différenciation) avec la à celles qui choisissent une voie médiane, e lles
performance des stratégies hybrides, afin de tester sont égaleme nt celles qui ont le plus fort risque
l' hypothèse de l'enlisement dans la voie médiane. de fa illite. E n effet, du fait de leur positionne-
Les résultats sont sans appel et confirment que les ment plus « radica l», elles sont plus exposées aux
stratégies pures permettent d'obtenir une rentabi- changements de co njoncture: ainsi, lorsque la
lité supérieure (mesu rée sur la base de la marge sensibilité des clients au x prix devient plus for te,
opérationnelle). En outre, en comparant les deu x les entreprises les plus différenciées en souffre nt
stratégies traditio nnelles, les résultats mette nt les premières et lorsque les clie nts deviennent
e n ava nt l'influence du secteur d 'activité et de la plus exigeants e n matière de différenci ation de
position de l'entreprise dans sa filière: ainsi, si dans l'offre, ce sont les entreprises ayant foca lisé leurs
les services, les entreprises aya nt opté pour une efforts sur la maîtrise des coûts qui en pâtissent.
stratégie de domination par les coûts présentent D ans les deux cas, les entreprises ayant choisi un
une rentabilité supérieure, les donneurs d 'ordre positionnement médian en souffren t moin s. Au
du secteur du BT P positionnés sur une stratégie final, si les stratégies génériques pures sont les
de différenciation sont les plus performants et les plus rentables, elles sont aussi les plus exposées
sous-traitants de ce même secteur qui réussissent aux modifications de conjonctu re.
Je mieux ont choisi la domination par les coûts.

lfl Les stratégies à «thème majeur»


Malgré ces constats, les entreprises semblent encouragées à poursuivre les objec-
tifs de maîtrise des coûts et de différenciation , poussées par des clients de plus
en plus exigeants et attentifs au rapport qualité/pr ix. Comment alors concilier
-0
0 ces attentes multiples des clients et l'exigence de rentabilité?
c
:J
0
Comme nous venons de le voir, la solution ne réside pas dans la tentative de
lil
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0
poursuivre les deux objectifs « à égalité », sous peine de se retrouver « enlisé». Il
N
ne s'agit donc pas de prétendre mener une stratégie de domination par les coûts
@
...... tout en procu rant aux clients une valeur équivalente aux entreprises ayant opté
..c
O'l
·;:::: pour la différenciation, ni de prétendre mener une stratégie de différenciation
>
a.
0
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

tout en étant aussi compétitif en termes de coût et de prix que les entreprises
s'étant clairement positionnées en domination par les coûts .
En revanche, il apparaît nécessaire de ne pas négliger la maîtrise et/ou la réduc-
tion des coûts lorsque l'on choisit une stratégie de différenciation, de même qu'il
est important de se préoccuper de la valeur créée pour le client lorsque l'on se
positionne sur une stratégie de domination par les coûts. La stratégie générique
devient alors une stratégie à «thème majeur », sans pour autant que le « thème
mineur » soit complètement absent. Dans les années 1990, Michael Porter nuance
d'ailleurs sa position concernant le risque d'enlisement dans la voie médiane
et avance l'idée que l'offre de l'entreprise constitue une combinaison complexe
au sein de laquelle, si le thème dominant se rapporte à un type de stratégie
générique pur, il est cependant possible de trouver des éléments relatifs à l'autre
type de positionnement. C'est d'ailleurs cette optique qui est adoptée au sein de
nombreux secteurs d'activités .

Sur le segment de l'automobile compacte (Renault Méga ne, Peugeot 308, Ford Focus,
Mazda 3, e tc.), les entreprises poursuivent clai rement un e stratégie sur le thème
majeur de la domination par les coûts. Pour cela, elles ont recours à tous les moyens
possibles: économies d'échelle obtenues par l' utilisation de plateformes communes
sur plusieurs modèles ou marques du groupe, composants ou sous-systèmes communs
à plusieurs modèles, délocalisation de la production ou de l'assemblage dans les
zo nes à bas salaire, automatisa tion et sta ndardisation des c haînes d'assemblage,
etc. Pourta nt, confrontées à l'exigence croissante de variété e t de personnalisation
de la part des clients, les constructeurs automobiles ont opté pour la mise en place
d'un système de différenciation retardée, permettant d 'intégrer en bout de chaîne
de production (et donc sans pénaliser les objectifs de volume et de standardisation
nécessaires aux économies d 'échelle), les attributs de la différenciation: type de
finition et gamme d'options. Si cette technique ne permet pas de proposer un produit
véritablement différencié ( la quasi-totalité du produit, et du coût, étant identique sur
tous les modèles sortis de la chaîne) , elle introduit une« mineure» de diffé renciation
perme ttant d'améliorer la valeur de l'offre perçue par le client.
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"
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0
:; De ce point de vue, les observateurs qui qualifieraient la stratégie d'une entre-
-0 c: "' prise comme une stratégie hybride parfaite (parvenant à réussir de manière
0 0
c c
:J .2ü égale sur les dimensions de la domination par les coûts et de la
0 Le contexte de concurrence ...,
lil .g différenciation) commettraient une erreur d'interprétation ou se
.-t 0 extrême pousse les entreprises
laisseraient piéger par la communication habile de l'entreprise. En
0
N eo. à retenir des stratégies à
effet, dans la quasi-totalité des cas, les exemples visant à illustrer «thème majeur» plutôt que des
@ ~
....... ~ ces stratégies tiennent plus de stratégies «à thème majeur» que de stratégies «pures» .
..c 1
CJl "O
·;:: g véritables stratégies hybrides.
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

L'entreprise Ikea est très régulièrement citée en exemple de réussite d'une stratégie
hybride. Cette entreprise réussirait l'exploit de combiner différenciation et création
de valeur pour le client tout en s'assurant une parfaite maîtrise des coûts e t des prix
compétitifs. Certes, cette entreprise parvient à proposer des m eubles originaux et
la qualité des assemblages est la plupart du temps irréprochable. En effet, malgré la
difficulté à croire que les 35 pièces d'une penderie rangées sagement dans un carton
plat, achetée lors d'une interminable promenade dans un magasin labyrinthique dont
il n'est possible de sortir qu'en suivant le fléchage au sol, vont pouvoir s'assembler si
l'on respecte strictement les 54 étapes de la notice pas à pas, la plupa rt du temps tout
se passe sans problème et quelques heures après, l'armoire est terminée. Cependant,
ces éléments ne suffisent pas à créer une véritable différenciation et de nombreux
facteurs démontrent qu'il s'agit e n fait d 'une stratégie de coût. Par exemple, Ikea
délocalise une partie de la production dans les pays à bas salaires (Inde, Vietnam e t
Bangladesh) et le pri x est un élément déterminant du choix des matières premières.
E n outre, le design des produits est très largement conditionné par la contrainte de
coût, imposée aux concepteurs dès le début du processus de création. Enfin, sorti de
l'offre de base qui est offerte (achat en magasin et transport assuré par le client), les
problèmes de qualité se multiplient, comme en témoignent les nombreux messages
de consommateurs mécontents sur les forums Internet. La politique commerciale
est aussi parfois étonnante: un client qui achète ses produits e n magasi n et choisit
l'option livraison sera livré sur le pas de la porte d'entrée de son immeuble, même
(et surtout) s'il habite au quatrième étage sans ascenseur. .. Le service est réduit au
minimum: le suivi d 'une commande réalisée sur Internet peut se faire par téléphone
mais uniqueme nt par un numéro surtaxé dont le temps d'attente est souvent intermi-
nable ; de la même faço n, le SAY téléphonique vous conduira à patienter de longues
minutes avant de pouvoir parler à un interlocuteur (si vous y parvenez ...). Le choix de
sous-traiter la livraison (pour respecter une contrainte de coût) conduit les clients à
des journées d 'attente (plage de livraison de 6 à 8 heures); sous la pression des tarifs
imposés par Ikea, ces transporteurs surchargent les pla nnings de livraison, ce qui
conduit les livreurs à «sauter » des livraisons pour alléger leur tournée. En interne, cette
pression sur le coût est également présente et porte sur les salariés, leurs conditions
de travail e t leur productivité. Ikea est ainsi accusé dans de nombreux pays (dont la
France) de «violatio ns des droits syndicaux ». Des responsables de magasins fran-
çais ont mis en place des systèmes de surveillance illégale des clients et des salariés,
conduisant en mars 2012 à la « mise en disponibilité» du directeur général France et
de la DRH. Tous ces é léments montrent clairement que, malgré la volonté de créer
de la valeur pour le client au travers du design des produits, du renouvellement des
"'O gammes et de la construction de buzz publicita ires réguliers(« Allô? Non mais allô
0
c quoi! T'es une chaise et t'as pas de coussin?!» pour ses coussins d 'assises Hallô, par
:J
0 exemple), la stratégie m ajeure du groupe est bien celle de la domination par les coûts.
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Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

Les points clés


-+ L'entreprise dispose traditionnellement de deux stratégies possibles pour
développer un avantage concurrentiel sur une activité, c'est-à-dire pour
générer une performance supérieure à celle de ses concurrents: la domi-
nation par les coûts et la différenciation.

-+ La stratégie de domination par les coûts consiste à proposer au client, et à un


prix compétitif, une offre considérée par le marché comme l'offre de base.
Pour cela, l'entreprise cherche à réduire ses coûts tout au long de sa chaîne
de valeur, en jouant notamment sur le volume (effets de taille, économies
d'échelles, économies d'expérience ou économies de champ). En adoptant
cette stratégie, elle s'expose cependant à des effets pervers susceptibles de
la couper du marché (risques d'inadéquation qualitative ou quantitative à
la demande).

-+ La stratégie de différenciation consiste à proposer au client une offre plus


créatrice de valeur que celle de la concurrence afin de la positionner comme
unique dans l'esprit du client, échappant de ce fait à une concurrence
directe par les prix. Pour cela , l'entreprise s'appuie à la fois sur un axe de
différenciation technologique et sur un axe de différenciation marketing.
La réussite de cette stratégie nécessite de parvenir à maintenir ce surplus
de valeur proposé au client sur la durée et de doser le bon équilibre des
investissements de différenciation, de manière à préserver sa rentabilité.

-+ Sous l'effet de la concurrence croissante et de la montée des attentes des


clients, les entreprises sont appelées à faire évoluer leurs stratégies génériques
et à complexifier la formation de leur offre. Ainsi , s'il leur est nécessaire
de se positionner clairement sur l'une de ces deux stratégies thématiques,
les entreprises ne peuvent plus se permettre de négliger l'autre thème. Elles
mettent alors en œuvre des stratégies à « thème dominant » (ou « thème
""'
" majeur») complétées par des efforts sur l'autre thème: par exemple, une
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0
:; stratégie de domination par les coûts accompagnée d'efforts pour augmenter
-0 c: "' la qualité de l'offre.
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Partie '? Construire et consolider un avantage concurrentiel

APPLICATIONS
b. Une stratégie de différenciation consiste à aug-
QCM menter le différentiel entre valeur de l'offre perçue
par le client et prix.
..,. Corrigés p. 186 c. Il est impossible de mener une stratégie générique
Une seule bonne réponse par question. autre que la différenciation dans le secteur de la montre
de luxe.
1 Quelle est l'affirmation la plus pertinente?
a. L'augmentation de la production peut être un moyen 5 Quelle est l'affirmation la moins pertinente?
de mettre en œuvre une stratégie de domination par a. Soumises à une concurrence de plus en plus aiguë,
les coûts. les entreprises optant pour une stratégie de diffé-
b. Le recours à la délocalisation peut être un moyen renciation doivent également tenter de réduire leurs
de mettre en œuvre une stratégie de domination par coûts.
les coûts. b. Il est possible de combiner simultanément diffé-
c. Le recours à l'externalisation peut être un moyen renciation et domination par les coûts sur la même
de mettre en œuvre une stratégie de domination par activité afin de concurrencer à la fois les entreprises
les coûts. pleinement différenciées et les entreprises pleinement
d. Les trois affirmations précédentes sont vraies. axées sur la maîtrise des coûts.
c. Les entreprises affichant la volonté de mener une
2 Quelle est l'affirmation erronée? stratégie hybride mènent en réalité une stratégie« à
a. La stratégie de domination par les coûts peut être thème dominant » majoritairement orientée soit sur
à l'origine d'un phénomène de guerre des prix dans la différenciation, soit sur la domination par les coûts.
un secteur d'activité.
b. Une entreprise focalisée sur une stratégie de domi- 6 Quelle est l'affirmation la moins pertinente?
nation par les coûts risque, en se concentrant sur la a. Sur l'activité de fabrication et distribution de
standardisation du produit, de perdre le contact avec meubles, lkéa mène une stratégie à thème dominant
les attentes ou les besoins des clients. de domination par les coûts.
c. L'objectif de la domination par les coûts est de b. Sur l'activité de grande distribution de produits
proposer une offre perçue comme «Unique» par le alimentaires, Dia mène une stratégie pure de domi-
client. nation par les coûts.
c. Sur l'activité de fabrication et de vente de bijoux,
3 Quelle est l'affirmation la plus pertinente? Hermès mène une stratégie à thème dominant de
a. La stratégie de différenciation passe par la baisse différenciation.
des prix. d. Sur l'activité de fabrication et commercialisation
"O
0 b. La stratégie de différenciation passe par une amé- des avio ns Rafale, Dassault mène une stratégie à
c lioration de l'offre.
::i thème dominant de différenciation.
0 c. La stratégie de différenciation passe par une dégra-
l..f)
.-1 dation de l'offre . 7 Quelle est l'affirmation la plus pertinente?
0
N d. Aucune des trois affirmations précédentes n'est vraie. a. Parmi les risques principaux de la stratégie de
@ différenciation , figure celui d'un surcoût généré par
...... 4 Quelle est l'affirmation la moins pertinente? l'amélioration de l'offre.
~
0\ a. Si le produit proposé par l'entreprise est carac- b. Parmi les risques principaux de la stratégie de
ï:::
>- térisé par une grande qualité «objective », alors la différenciation, figure celui d'une dégradation de
0.
0 différenciation sera réussie. l'image générée par la contrefaçon.
u
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

c. Parmi les risques principaux de la stratégie de dif- rapidité de la mise sur le marché. Aujourd'hui , si la
férenciatio n, figure celui d'une mauvaise perception rapidité est toujours l'une des clés de la réussite de
de celle-ci par le client. l'entreprise, le «copié » a été remplacé par « l'inspiré».
d. Les trois risques évoqués précédemment se rap- À l'affût de l'évolution du secteur, plusieurs di zaines
portent tous à la stratégie de différenciation. de «chasseurs de tendances» parcourent le monde et
les défilés de mode pour fa ire émerger ce qui sera le
style des semai nes et des mois à veni r. Ces a na lyses
sont communiquées au x stylistes de l'e ntreprise (les

Etude de cas studios de création de l'entre pr ise em plo ien t plus


de 200 stylistes à temps plein sur le site principa l du
groupe à L a Corogne) qui vont s'en inspirer pour créer
..,. Corrigés p. 186
les collections de la marque. E n outre, les statistiques
8 Zara, vaisseau amiral du groupe lnditex de vente des boutiques sont ana lysées quotidiennement
e t communiquées aux stylistes pou r faire évoluer
Avec un chiffre d'affa ires (CA) de 16 ,7 millia rds
d'euros et un bénéfice net de 2,4 milliards d'euros le ur travail en fon ction du succès des modèles. Ce
(2013), le groupe Inditex (propriéta ire de la marque ser vice de création produit plus de 11000 nouveaux
emblémat ique Zara) présente une marge nette impres- modèles annuellement (contre e nviron 3 000 pour
sionnante de plus de 14 % . D e plus, sa croissance ne la moyenne des concurrents) et le taux d'échec reste
faiblit pas malgré la crise et il affiche des taux de pro- particulièrement bas (environ l %). Les stylistes créent
gression à deux chiffres au cours des trois dernières des patrons et des prototypes qui sont testés au siège
a nnées(+ 11 % par an en moyenne depuis 2010 pour puis envoyés à la phase d'industria lisation e n cas de
le CA et + 13 % par a n en moyenne pour le résultat validation. L a création consti tue la pre mière étape
net). Avec plus de 6000 points de vente dans le monde, du mo dè le Z ara appelé «J-15 » qui repose sur un
et plus de 110 000 salariés, cette performance place délai de 15 jours entre la conception des modèles et
Inditex dans une lutte au coude à coude avec H &M la mise en boutique (J-15: création ; J -13: découpe des
pour obtenir le premier rang mondial du secteur de tissus ; J-5: confection et assemblage; J-3: expédition ;
l' habillement. Ri en ne pouvait la isser penser que J : mise en rayon) et sur la production de petites séries
cette petite entreprise créée en 1975 par A ma ncio (15000 pièces) qui sont très régulièrement renouvelées
O r tega Gaona e t disposant d 'une seule b outique et très rarement réassorties. Ainsi, les modèles mis en
deviendrait le n° 3 mondial e n 2007 puis le n° 1 ou rayon ne restent jama is guère plus de quatre semaines
.le n° 2 en a ltern ance avec H&M d an s les années et u ne nouvelle livraison arrive en boutique tous les
suiva ntes. N ° 2 mondia l du secteur en 2012 derrière 15 jours. Cette organi sation permet de dyna miser
Inditex, le sué dois H &M (pour H ennes & Mauritz), le trafic e n boutique (avec un taux de fréquentation
créé en 1947 pa r E rling Persson , a repris le leadership moyen de près de 20 visites p a r an pour les clients
mondia l e n 2013 avec un C A de 17 millia rds d'euros Z ara contre moins de 10 chez les concurrents.
et un bénéfice ne t de 1,95 milliard d'euros (soit u ne Ce modèle de «chrono-compétitivité » s'appuie sur
marge nette de 11,5 %). La concurrence est très forte une organisation spécifique de la logistique et de la
da ns ce secteur: malgré une rentabilité inférieure à production. Sur le p lan de la logistique , l'e ntreprise
celle d' l nditex, H &M progresse de manière constante a la m aîtrise totale de la chaîne e t a intégré deux
e t ouvre chaque année 10 à 15 % de nouveaux points plateformes entièrement au tomatisées (hub de La
de vente (soit environ un nouveau magasin par jour Corogne et de Saragosse) qui regroupent les produits
dans le monde !). en attente de livraison. Le hub de La Corogne est e n
Dans la suite de cette analyse, nous concentrerons notre charge du marché espagnol et européen a lors que celui
analyse d 'lnditex sur sa marque Zara, qui constitue de Saragosse gère les produits destinés à être livrés
selon nous l'essence même du modèle économique da ns le reste du monde. Les produits sont livrés da ns
développé par l'entreprise espagnole. Le modè le de les boutiques dans u n déla i a lla nt de 24 à 48 heures.
Zara repose sur l'objectif de faire des vêtements chics Par a illeurs, Zara réalise e lle-mê me e nviron 50 % de
à des prix abordables. À la création de l'entreprise, ce sa production grâce à sa vingtaine d' usines implan-
modèle s'appuie sur la copie de vêtemen ts de grandes tées d a ns la province de La Corogne. L'entreprise
marques (Balmain, Prada, Isabe l Marant, etc.) et la assume la production des modè les les plus vendus e t
Partie '? Construire et consolider un avantage concurrentiel

sur lesquels l'effet de mode est le plus fort; ce sont ces est relié au studio de création, aux fournisseurs, aux
vêtements qui vont véhiculer l'image de la marque. sous-traitants, aux centres d'expédition et aux magasins.
Zara a consenti de très lourds investissements portant Enfin, les points de vente constituent l'un des atouts
sur des machines à tisser et à tricoter entièrement phares de la marque. Présents dans plus de 65 pays, ils
robotisées. La part de production délocalisée dans sont détenus en propre par Inditex dans leur grande
les pays à bas salai re est limitée à 30 % (contre 70 % majorité via une filiale de commercialisation; environ
en moyenne dans ce secteur) et le reste est confié à 10 % de ces magasins sont des franchises (notamment
un réseau de sous-traitants locaux implantés à proxi- dans les pays où le marché est plus restreint et où
mité géographique immédiate du siège social, parfois l'entreprise est moins présente). Le personnel des bou-
équipés de machines financées par Zara. tiques Zara est donc salarié du groupe. Ces magasins
Ce faible taux de recours à la sous-traitance offshore jouent un rôle majeur dans la construction de l'image
ne met pas pour autant l'entreprise à l'abri d'une crise de l'entreprise qui fixe au minimum les investissements
sociopolitique; ainsi, en 2011 une enquête visait les publicitaires (l'entreprise investit en effet moins de
activités d'un sous-traitant brésilien de Zara qui faisait 0,4 % de son CA en communication contre 3,5 % en
travailler des ouvriers dans des conditions déplorables. moyenne dans le secteur) et parie sur l'implantation de
Depuis, l'entreprise a intensifié ses efforts dans ce points de vente dans les endroits les plus prestigieux.
domaine. Inditex est l'un des rares acteurs de son La vitrine des boutiques, renouvelée chaque semaine ,
secteur à avoir signé un accord avec IndustriALL, joue ainsi le rôle des panneaux publicitaires. Ce choix
le syndicat international représentant les travai lieurs de ne pas utiliser de communication mass media est
du textile. Zara participe également à ETI (Ethical également lié à son modèle économique du J-15. En
Trading Initiative) qui regroupe des entreprises au sein effet, du fait de la rotation très rapide des modèles
d'une association visant à promouvoir les conditions en magasin, il est difficile de communiquer sur un
de travail décentes pour les travailleurs de l'industrie produit qui ne sera probablement plus dispon.i ble
manufacturière. Zara a donc signé le code de conduite quinze jours plus tard.
d'ETI qui reprend 9 principes portant sur l'interdiction
du travail forcé et du travail des enfants, la liberté Analysez le type d'avantage concurrentiel développé
d'association et le droit aux négociations collectives, la par lnditex pour Zara. Après avoir mis en avant les
sécurité et l'hygiène au travail, le paiement de salaires éléments constitutifs de la stratégie générique de l'en-
décents, l'absence de discriminations, l'absence de treprise, concluez en caractérisant le type d'avantage
traitements inhumains et dégradants. concurrentiel qui est visé par le groupe espagnol.
En ce qui concerne la production, l'entreprise a intégré
les étapes de teinture, d'impression, de découpe et les
processus mécanisables (exemple: tricotage) et a exter-
nalisé l'assemblage à proximité auprès de sous-traitants
dédiés. Les étapes de finition (pressing, mise sous
Activités
housse, contrôle qualité) sont également réalisées en
interne. La politique d'approvisionnement constitue 9 Bic
également une priorité pour Zara, qui l'a intégré en Sur la base d 'une recherche documentaire réalisée
grande partie par le biais de sa filiale d'achat Comditel. par vos soins sur Internet et sur les rapports annuels
Les achats de fils et de tissus sont réa lisés à 95 % en diffusés par l'entreprise, analysez la stratégie générique
"O
0 Europe et portent sur des produits «bruts» qui seront mise en œuvre par l'entreprise Bic. Celle-ci a-t-elle
c
::i soit tissés soit teintés à la demande par les filiales évolué au fil du temps? Est-elle dépendante du type
0
l..f)
d'Inditex. En outre, l'entreprise a mis en place depuis d'activité au sein de l'entreprise?
.-1 une dizaine d 'années une politique de diminution du
0
N nombre de ses fournisseurs. 10 Le secteur du transport aérien
@ La coordination des acteurs internes et externes, de Au sein du secteur du transport aérien, et sur la base
...... même que la rapidité de l'enchaînement des étapes de d'une recherche personnelle (presse, site web des
~
0\
ï::: la création à la distribution sont rendues possibles par entreprises, etc.), comparez les stratégies génériques
>-
0. l'intégration de l'ensemble des partenaires par un E RP respectivement mises en place par Air France, United
0
u (Enterprise Resource Planning) grâce auquel le siège Airlines et Emirates sur le segment du transport de
Chapitre 3 Exploiter un avantage concurrentiel classique

passagers en moyen et long courrier. Identifiez pour 13 Des stratégies génériques


chacune de ces compagnies la stratégie visée et repérez Sur la base d'une recherche personnelle, réalisée dans
les différences entre ces entreprises en vous appuyant le secteur d'activité de votre choix, identifiez un e
sur le modèle de la chaîne de valeur. entreprise ayant opté pour une stratégie de domina-
tion par les coûts et une entreprise ayant opté pour
11 Seb
une stratégie de différenciation. Analysez chacune
Sur la base d'une étude réalisée sur un moteur de
de ces stratégies en en précisant les caractéristiques
recherche, identifiez les éléments de la stratégie de Seb
respectives majeures.
sur le secteur du petit électroménager qui contribuent
à la maîtrise des coûts et ceux qui s'apparentent à une 14 Le secteur automobile
volonté de création de valeur pour le client. À l'issue Au sein du secteur de l'automobile, et sur la base
de cette recherche, caractérisez la stratégie générique d'une recherche personnelle (presse, sites Internet des
de Seb (stratégie pure ou stratégie à thème dominant, entreprises, etc.), analysez le cas de l'entreprise Volk-
différenciation ou domination par les coûts). swagen. Est-il possible de caractériser une stratégie
générique qui s'appliquerait à ce groupe de manière
12 Miele vs. Bang & Olufsen
uniforme? Expliquez et commentez.
Miele et Bang & Olufsen sont deux marques menant
Dans un second temps, analysez le cas de Dacia . Est-il
clairement une stratégie de différenciation dans leur
possible alors de caractériser une stratégie générique
secteur respectif. Caractérisez les leviers de cette
qui s'appliquerait à l'entreprise de manière uniforme?
différenciation mobilisés dans chacun de ces deux
Expliquez e t commentez. Concluez en pointant la
cas à l'aide d'une recherche réalisée sur Internet.
différence existant entre ces deux cas.
Identifiez les différences et les points communs de
ces deux stratégies de différenc.i ation .
P
roposer, au triple du prix de la concurrence, D'une manière générale, l'entreprise peut-elle
un produit de grande consommation qui se limiter à exploiter un avantage concurrentiel
présente un bilan écologique désastreux fondé sur des modèles classiques (coût ou dif-
et dont l'accès est particulièrement difficile pour férenciation)? L'entreprise doit-elle chercher à
le consommateur qui ne peut le trouver dans les développer un avantage concurrentiel fondé sur
circuits de grande distribution: un modèle éco- l'innovation? Quelles sont les caractéristiques
nomique suicidaire sur lequel aucune entreprise de ces stratégies d'innovation (ou de rupture)?
n'oserait s'aventurer? C'est pourtant l'histoire de Par quels mécanismes peuvent-elles générer un
l'un des plus gros succès récents. Créé en 1986, avantage concurrentiel? Quels sont les moyens
Nespresso connaît depuis les années 2000 un permettant de les mettre en œuvre avec succès?
succès croissant: plus de 250 millions d'euros de
résultat net, en croissance de 23 % en 2013, pour Marque forte
{luxe, privilège et prestige)
un CA qui approche les 2,5 milliards d'euros!
Le secret de cette réussite? Avoir su innover
non seulement sur le produit et la technologie Innovation
(1 700 brevets), sur la nature de l'offre de valeur technologique
{brevets)
proposée au client (un café chez soi comme
au café), mais aussi sur le modèle économique
"O
0
(équiper les clients de machines pour générer Capital client Partenariats fournisseurs
c du CA grâce à la vente de capsules spécifiques: (8 millions de
::i {café et machines)
0 consommateurs'f"(jélisés)
LO
modèle de la « recharge») et sur l'organisation
..-!
0 concrète de ce modèle (vente en ligne, adhésion
N .& Nespresso: les clés du succès
@
au club ... ). Nespresso a su créer un nouveau
...... segment stratégique au sein de l'industrie tra-
..c
0\
ï:::
ditionnelle du café, dont il s'emploie à exploiter
>-
0. la quasi-totalité des revenus.
0
u
Explorer de
nouvelles sources
d'avantage
concurrentiel
D Renouveler l'avantage concurrentiel de l'entreprise ................................ 102
fi L'effet «Reine Rouge» ...................................................................................... 105
D Innovation stratégique et stratégie de rupture ......................................... 108
D La stratégie «océan bleu » ............................................................................... 112

Objectifs
-+ Comprendre le phénomène d'hyper-concurrence et la difficulté
à maintenir un avantage concurrentiel traditionnel.
-+ ConnaÎtre et distinguer le phénomène d'innovation stratégique.
-+ Comprendre le rôle de l'innovation dans la construction d'un avantage
concurrentiel renouvelé.
-+ Comprendre le lien entre business mode/ et avantage concurrentiel.

"O
-+ ReconnaÎtre et caractériser une stratégie de rupture.
0
c
::i
-+ MaÎtriser les étapes de la mise en œuvre d'une stratégie de rupture
0 (stratégie« océan bleu») et de la création d'un avantage concurrentiel
LO
..-!
de rupture.
0
N
@
......
..c
0\
ï:::
>-
o.
0
u
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

D Renouveler l'avantage
concurrentiel de l'entreprise
La recherche d'un avantage concurrentiel traditionnel(~ chapitre 3) repose tout
d'abord sur l'analyse des facteurs clés de succès existants et l'étude du profil de
compétences et de ressources de l'entreprise (~ chapitres 1 et 2). En fonction
de cette analyse conjointe, l'entreprise doit choisir un positionnement (domi-
nation par les coûts ou différenciation) dans le cadre duquel elle cherchera à
parvenir à une maîtrise maximum de ces facteurs clés de succès, en travaillant
sur le développement et le renforcement de ses compétences. C'est alors, par
une meilleure maîtrise des facteurs clés de succès que ses concurrents, que l'en-
treprise parviendra à développer un avantage concurrentiel, bénéficiant ainsi
d'une performance supérieure.
Cette logique s'inscrit clairement dans une démarche d'optimisation de l'existant
visant à améliorer la maîtrise des règles du jeu établies de l'activité. Ici l'entre-
prise consacre ses ressources à atteindre un objectif d'exploitation au sein d'une
activité existante dont les facteurs clés de succès sont bien établis. L'entreprise
alloue ainsi des ressources dans le but d'affiner et de perfectionner ses modes
de fonctionnement , dans le cadre d'un business mode/ existant.

Le business model se définit comme un système d'action finalisé mis en


œuvre par une entreprise pour réussir dans une activité.

FOC US
Le business mode/
Le terme de business model est très souvent utilisé dans la littérature ou la presse spécialisées, mais
-0 il est peu souvent défini et s'apparente alors à une notion «fourre-tout » qui expliquerait, de manière
0
c presque magique, l'origine de l'échec ou de la réussite stratégique d 'une entreprise sur une activité.
::i
0 C'est la raison pour laquelle il est indispensable d'en éclairer le sens.
lJ")
...-l De manière générale, le business mode/ (ou modèle économique) désigne la combinaison d'un concept
0
N (c'est-à-dire d 'une idée d'activité) e t de ressources, organisées de manière à mettre ce concept en action,
© de telle sorte qu'il crée une valeur pour le client et qu'il soit rentable pour l'entreprise. Il contient trois

..c composantes principales:
0\
ï::::
>-
a.
0
u
Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

~
- une proposition de valeur, c'est-à-dire la définition d'une offre créatrice de valeur pour le client; cela inclut
la définition de la cible client, la nature du besoin satisfait mais aussi la manière dont celui-ci est satisfait;
- un modèle de profit, c'est-à-dire une formule permettant de générer un chiffre d'affaires supérieur aux
coûts engagés pour délivrer la proposition de valeur; cela inclut une évaluation de la taille de marché et
de la politique de prix, une analyse de la structure de coût et de l'arbitrage volume/marge;
- un système opérationnel, c'est-à-dire une organisation opérationnelle spécifique, adossée à des ressources
et des processus clés, permettant de délivrer l'offre aux clients et d'assurer le bon fonctionnement du
modèle de profit ; cela inclut une analyse en termes de chaîne de valeur (technologie, ressources humaines,
système d'information, partenaires potentiels, politique de marque ...).
La stratégie choisie par l'entreprise guide la définition du business mode/. Dans ce contexte, le choix
stratégique peut être soit de « coller » à un business mode[ établi, en tentant d'optimiser sa mise e n
œuvre (en améliorant notamment le système opérationnel), soit de se détacher volontairement des
business models «classiques » du secteur d'activité, en innovant sur plusieurs des trois composantes
(en renouvelant notamment la proposition de valeur et/ou le modèle de profit).

Cependant, du fait des évolutions de l'environnement économique, le choix


d'adopter les règles du jeu établies du secteur et d'opter pour une stratégie tradi-
tionnelle dans une logique d'exploitation s'avère de plus en plus périlleux. «Coller »
aux facteurs clés de succès du secteur et tenter de surclasser les compétiteurs sur
la base des mêmes critères de concurrence ne permet plus aussi facilement de
générer de la rentabilité. Plusieurs éléments expliquent cette situation: la frag-
mentation et la volatilité croissantes des marchés, le phénomène de globalisation
et de déréglementation, le développement des technologies de la communication,
ou encore la pression de la crise mondiale. Ces tendances sont à l'origine d'une
inte nsification de la concurrence (phénomène d'hyper-concurrence) et d'une
surenchère des ressources, rendue obligatoire pour tenter de maintenir ou de
consolider sa position. Dans ce type de contexte, tenter d'égaler les meilleurs
en se positionnant sur leur terrain et en cherchant à dépasser leur maîtrise
des facteurs clés de succès relève souvent de l'impossible. Deux universitaires
""'
"
américains, W. Kim et R. Mauborgne (2005), considèrent que les entreprises
'&
·;:
0
optant pour ce type d'attitude plongent dans un « océan rouge », dont la couleur
:;
"' est due au sang des concurrents qui se déchirent au sein d'un environnement
-0 c:
0 0
c c concurrentiel saturé.
:J
0
.2ü
lil .g
.-t 0
0
N eo. Artega Automobil GmbH
@ ~ Artega Automobil est une entreprise allemande créée en 2006 par Klaus Dieter Frers
....... ~ avec l'aide des capitaux de Paragon AG, entreprise spécialisée dans la fourniture de
..c 1
CJl "O
·;:: g systèmes électriques et électroniques à destination de l'industrie automobile. La PME
>- ::i de 50 salariés a pour ambition de se positionner sur le segment des voitures de sport ;
a. Cl
8@
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

elle va concevoir, fabriquer et distribuer à partir de 2008 un seul modèle: l'Artega


GT. Ce coupé deux places en aluminium et en fibre de carbone est une propulsion et
dispose d'un moteur V6 de 290 chevaux. La production (limitée à 500 exemplaires
par an) débute en octobre 2008 et les premiers modèles sont commercialisés en 2009
à des tarifs supérieurs à 80 000 euros. Le pari est osé. Ce secteur subit une forte crise
(même si le segment du haut de gamme reste le plus profitable), les pression s sociétales
et réglementaires sont fortes (hostilité devant le caractère ostentatoire des voitures
de sport, taxes a ntipollution , etc.) et la concurrence est puissante. Sur ce segment,
l'entreprise doit par exemple faire face à Porsche (avec le Cayman S), à BMW (avec
le Z4M), à Audi (avec Je TT RS), ou encore à Lotus (avec l'E vora).
Pourtant, l'entreprise se lance dans cette aventure avec enthousiasme et met en œuvre
ses ressources pour coller aux facteurs clés identifiés de ce segment: la performance
et la fiabilité des motorisations et des châssis, l'originalité et la sportivité du design
extérieur et intérieur, la qua lité des finitions intérieures, l'image de marque et la
réputation, le sérieux du service au client (SAY, distribution), la taille critique, l'in-
tensité capitalistique et l'expérience du secteur. Artega veut construire un avantage
concurrentiel de différenciation et va organiser ses ressources en sorte de parvenir
à maîtriser ces facteurs clés de succès.
Pour s'assurer de la performance des moteurs et des châssis, de la qualité du design
ou des finitions intérieu res, l'entre prise recrute des collaborateurs expérimentés
parmi lesquels H ardy Essig (ex-designer technique Porsche), Karl Heinz Kalbfell
(ex-ingénieur moteur BMW), Henri Fisker (ex-designer Aston M artin) , Peter Muller
(ex-responsable du programme Porsche Boxster) ou Gabriele Rafanelli (ex-propriétaire
de l'écurie de Fl française AGS). Cette équipe de direction animée par Klaus Dieter
Frers, puis à partir de 2010, par Wolfgang Ziebart (ex-responsable du département
recherche et développeme nt de BMW) est chargée de relever ces défis.
Pour surmonter les barrières liées aux économies d'échelle et à la taille critique, Artega
utilise les relations de son actionnaire principal et se fournit au sein du groupe VW pour
le moteur et la boîte de vitesse. Ce choix permet ainsi de s'assurer à la fois de la fiabilité
de ces organes majeurs de la voiture et de leur compétitivité en termes de coût. Pour
financer les lourds investissements nécessaires (intensité capitalistique), Artega a pu
compter sur le soutien de son actionnaire principal, Paragon AG, qui a apporté les fonds
pour construire une unité de production moderne dans la zone d'activités de Delbrück,
où les assemblages sont entièrement réalisés à la main. En ce qui concerne les services
aux clients (distribution , entretien, suivi , service après-vente), Artega a fait le choix du
partenariat avec des distributeurs reconnus; en France, cette fonction est assurée pa r
Chassay (déjà distributeur de Corvette et de Lotus). Enfin , pour promouvoir la marque
nouvellement arrivée sur le marché, l'entreprise s'appuie sur la presse spécialisée afin
"'O de construire une image d 'entreprise haute couture et d'artisanat d 'excellence; elle
0
c propose d 'ailleurs un programme de personnalisation sur mesure très étendu.
:J
0 Malgré ces nombreux atouts, l'Artega GT n'a pas su séduire son public, et l'entreprise
lil
.-t a été dans l'impossibilité de faire jeu égal avec les leaders historiques du secteur. En
0
N tentant d 'éga ler Porsche ou Lotus sur les mêmes critères de concurrence, Artega
@ Automobil s'est mise dans une position intenable: promettre une offre de valeur
....... similaire à celle de ses concurrents mais être incapable de rivaliser en termes de maî-
..c
O'l
·;:::: trise des facteurs clés de succès. Plongé da ns un «océan rouge », Artega Automobil
>
a. a déposé le bilan une première fois en 2010 et a été racheté par le fonds d 'investisse-
0 ment mexicain Tresalia Capital, avant d 'arrêter définitivement son activité en 2012.
u
Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

Ce chapitre vise à mettre en évidence les situations dans lesquelles l'entreprise


ne peut se limiter à la poursuite d'un avantage concurrentiel traditionnel dans
une logique d'exploitation mais doit aussi chercher à innover dans une logique
d'exploration. Pour cela, nous concentrerons notre attention sur les phénomènes
qui doivent conduire les entreprises à changer leur logique et à passer de l'ex-
ploitation à l'exploration puis nous montrerons à quelles conditions l'innovation
constitue une solution possible pour développer un nouvel avantage concurrentiel.

EJ L'effet « Reine Rouge»


t.11 La volatilité des positions concurrentielles
Une stratégie se limitant à exploiter un avantage concurrentiel traditionnel dans
un environnement considéré comme stable apparaît aujourd'hui particulièrement
risquée dans nombre de secteurs d'activité, caractérisés par une turbulence crois-
sante et une concurrence aiguë. Même les entreprises les plus performantes ne
sont pas à l'abri et certaines, un temps érigées en exemple, disparaissent parfois
peu après. Ainsi, si l'on considère le classement «Fortune 100» (regroupant les
100 premières entreprises américaines), moins de vingt entreprises présentes en
1965 le sont encore quelque cinquante ans plus tard. Contrairement à ce que cer-
tains gourous du management ont prétendu dans les années 1980 et 1990, il n'y
a pas de recette universelle du succès, qui permettrait d'assurer la solidité d'un
avantage concurrentiel. Si une entreprise réussit, il est possible d'en déduire que ses
choix lui ont permis de maîtriser ces recettes (c'est-à-dire de maîtriser les facteurs
clés de succès pertinents) pour une période donnée et dans un environnement
donné. Mais elle s'expose à une remise en question permanente de cette réussite.
Cette volatilité des positions concurrentielles semble inexorable. Ainsi, même les
""'
"
entreprises les plus performantes sont appelées à voir leur résultat se dégrader.
'&
·;:
0 Trois explications peuvent être proposées pour comprendre ce phénomène.
:;
-0 c: "' 1. La première est liée à un effet de régression vers la moyenne: lorsqu'une
0 0
c c
:J
0
.2ü variable (ici la performance d'une entreprise à un instant t) prend une valeur
lil .g très élevée, la probabilité conditionnelle d'un score plus faible (c'est-à-dire
.-t 0
0
N eo. d'une décroissance) dans la valeur suivante (ici la performance de l'entreprise
@ ~ à un instant t + 1) augmente. Cependant, ce phénomène est uniquement lié
....... ~ à la partie aléatoire du processus en jeu (ici, la performance de l'entreprise) .
..c 1
CJl "O
·;:: g 2. Indépendamment de cet effet aléatoire, une deuxième explication de la vola-
>- ::i
a. Cl
8@ tilité de la performance peut être invoquée: elle est relative à l'accélération
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

des changements environnementaux et à la complexité croissante de ces


environnements. Ces changements croissants rendent obsolètes les cadres de
pensée traditionnels; l'entreprise ne peut plus se limiter à fonder la nature de
son avantage concurrentiel sur une adaptation à des conditions environne-
mentales données, sous peine de se retrouver en inadéquation chronique avec
cet environnement: guidée par cette analyse, à l'instant t, vers un objectif de
maîtrise d'une série de facteurs clés de succès et la poursuite d'une stratégie
générique, l'entreprise se trouve alors dans un environnement profondément
modifié (caractérisé par de nouveaux facteurs clés de succès), confrontée à
de nouveaux enjeux auxquels elle n'est pas préparée.
3. La troisième explication est liée à l'action de la concurrence. En effet, l'avan-
tage concurrentiel est fondamentalement relatif et même une entreprise qui
s'a méliore peut aller à l'échec si ses concurrents progressent plus vite. Dans
cette optique, une entreprise qui consacre ses efforts à améliorer sa maîtrise
des facteurs clés de succès dans une activité avec des recettes connues de
ses concurrents ne peut espérer guère mieux qu'un maintien de sa position.
Même si sa performance absolue augmente, celle de ses concurrents, qui
réalisent le même type d'efforts, s'améliore aussi, et possiblement plus vite
et plus radicalement.

Kmart vs. Wall-Mart 1


À partir des années 1990, Kmart, un géant américain du secteur de la grande distribu-
tion généraliste, met en place une série de mesures destinées à améliorer sa stratégie
de domination par les coûts, afin de concurrencer le leader mondia l Wall-Mart. Dans
cet esprit, Kmart élargit sa gamme de produits pour augmenter son chiffre d'affaires.
L'entreprise réduit également le nombre de ses fournisseurs et centralise ses achats
pour réduire ses coûts. En outre, elle investit lourdement dans son système d 'infor-
matio n afin de suivre et de comprendre les comportements d'achat de ses clients.
Enfin, des investissements logistiques lui permettent de réduire son déla i de rotation
des stocks, améliorant ainsi l'efficacité et la rentabilité de ses actifs. Pourtant, malgré
ces efforts, l'entreprise accumule les difficultés et se retrouve dans une situation cri-
tique au début des années 2000 qui la conduit à déposer le bilan en 2002. Malgré la
reprise de l'entre prise par un fonds d'investissement en 2003, celle -ci n 'est toujours
-0
0
pas parvenue à bout de ses difficultés en 2014 (en 2014, l'entreprise a ainsi fermé de
c nombreux points de vente). Comment une entreprise qui a autant investi pour améliorer
:J
0 sa maîtrise des facteurs clés de succès a-t-elle pu connaître une telle dégradation de
lil
.-t sa performa nce? L'explication réside da ns l'excelle nce de son concurrent principal,
0
N Wall-Mart, qui a su la surclasser sur toutes ces mesures: l'assortiment de produits était
@ plus riche, la centralisation et la maîtrise du coût d'achat des marchandises étaient
......
..c
O'l
·;::::
>
a. 1 Adapté de Jérôme Barthélemy,« Pourquoi une entreprise qui ne cesse de s'améliorer peut aller
0
u tout droit vers la faillite? », LcsEchos.fr, 21 juin 2013.
Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

plus poussées (80 % d 'achats centralisés chez Wall-Mart contre 75 % chez Km art), la
mise en place d 'un système d 'information informatisé a été anticipée chez Wall-Mart
(dès 1988 contre 1990 chez Kmart), l'a mélioration de la rotation des stocks a été plus
radicale chez Wall-Mart (avec une amélioration de 77 % entre 1994 et 2002 contre
seulement 32 % pour Kmart). En analysant Kmart et son évolution dans les années
1990 sans regarder le comportement de ses concurrents, l'échec de cette entreprise
peut sembler incompréhensible. À la lumière de la comparaison entre ces deux grands
distributeurs américains, on constate qu'il n'est pas suffisant de progresser dans la
maîtrise des facteurs clés de succès pour réussir.

t•.I Courir pour rester sur place


Progressivement et dans de très nombreux secteurs d'activité, les entreprises
sont ainsi confrontées au syndrome de la «Reine Rouge ». La Reine Rouge fait
référence au personnage inventé par Lewis Carroll dans le deuxième volet d'Alice
au pays des merveilles intitulé De l'autre côté du miroir. Dans un passage de ce
livre, alors qu'Alice et la Reine Rouge courent à perdre haleine, Alice demande:
«Mais, Reine Rouge, c'est étrange, nous courons vite et le paysage autour de
nous ne change pas? » Et la reine répond: «Nous courons pour rester à la même
place. (... ) Ici vous voyez, il faut courir le plus vite possible pour rester au même
endroit. Si vous voulez aller ailleurs, il vous faut courir deux fois plus vite. »

L'effet « Reine Rouge» se définit comme l'impossibilité à améliorer sa


performance et à développer un avantage concurrentiel de manière durable
du fait de la modification permanente de l'environnement concurrentiel.

Du fait de l'effet « Reine Rouge », la recherche d'une adaptation à son environne-


ment ne peut conduire au mieux qu'à un maintien ou à une amélioration précaire
de la position concurrentielle. Dans ce cadre, une entreprise qui travaille pour
""'
"
améliorer sa maîtrise des facteurs clé de succès va améliorer sa performance
'&
·;:
0
absolue mais va déclencher une action de ses concurrents qui risque de dégrader
:; son gain de performance, voire de l'annuler. Sa tentative de courir
-0 c: "'
0 0
c c plus vite ne lui aura ainsi pas permis d'avancer dans la direction d'une Les entreprises évoluent ...,
:J
0
.2ü plus grande compétitivité du fait de l'action de ses concurrents. Cet dans un environnement
lil
.-t
.g
0
obstacle sera d'autant plus difficile à surmonter que tous les concur- caractérisé par une forte
0
N eo. rents d'une même activité réalisent des efforts dans la même direction turbulence. Confrontées à une
accélération des changements
@ ~ (c'est-à-dire sur les mêmes facteurs clés de succès) et dans le cadre
....... ~
environnementaux, elles prennent
..c 1 d'un même type de business mode!. conscience de la fragilité de
CJl "O
·;:: g
>- ::i Ces constats préalables appellent ainsi, dans un nombre croissant de l'avantage concurrentiel et de la
a. Cl
nécessité de le renouveler.
8@ secteurs d'activité, à changer la manière d'appréhender la construction
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

d'un avantage concurrentiel et à abandonner une approche classique fondée sur


l'adaptation de l'entreprise à son environnement. Cette approche (analyse de
l'environnement et identification des facteurs clés de succès puis adaptation de
l'entreprise par le biais du choix d'une stratégie générique adaptée) conduit en
effet à faire émerger un modèle de pensée dominant dans le secteur. Toutes les
entreprises suivent alors ce schéma en adoptant des stratégies et des business
models similaires et en se focalisant sur des améliorations incrémentales en
matières de coût ou de qualité. Avec cette convergence stratégique des acteurs
du secteur, la concurrence augmente et les offres se banalisent, la pression sur
les prix est plus forte et les marges se dégradent, donnant ainsi naissance à un
« océan rouge ».
C'est la raison pour laquelle l'entreprise doit substituer à cette approche adap-
tative, une approche proactive fondé e sur l'innovation stratégique. La solution
pour une entreprise qui souhaite améliorer sa performance relative consiste à
renoncer à travailler sur une meilleure adaptation à un environnement donné pour
tenter de créer de nouvelles conditions qui lui seront plus favorables. L'idée est ici
d'explorer un chemin inattendu, sur lequel les concurrents ne sont pas présents et
ne seront pas en mesure de le suivre immédiatement, c'est-à-dire d'innover pour
faire émerger un nouveau business mode! et de nouveaux facteurs clés de succès.

D Innovation stratégique
et stratégie de rupture
L'innovation consiste, selon L e Petit Robert, à introduire quelque chose de
nouveau, d'encore inconnu, dans une chose établie. L'innovation concerne donc
tout type de nouveauté et peut affecter de ce fait n'importe quel domaine de
la vie. D ans un contexte plus économique et de ma nière générale, l'innovation
s'apparente à un changement provoqué par un agent économique et destiné
à créer un surplus de valeur (soit par une augmentation des recettes, soit par
"'O une diminution des coûts) en créant une opportunité d'affaire nouvelle. Da ns
0
c le cadre plus particulier de l'innovation stratégique, le changement porte sur le
:J
0 business mode/ existant ou traditionnel, au travers d'une stratégie de rupture.
lil
.-t
0
La stratégie de rupture vise à recomposer le business mode/ de l'entreprise par
N
une modification notable de plusieurs de ses composantes. L'entreprise doit
@
...... ainsi remettre en cause les trois composantes de sa vision stratégique: la nature
..c
O'l
·;::::
de ses clients, les caractéristiques de son offre, et la mise à disposition de cette
>
a. offre à ses clients.
0
u
Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

La stratégie de rupture désigne le choix de s'appuyer sur une innovation


stratégique dans le but de bousculer les facteurs clés existants d'une activité
et de mettre en place de nouvelles règles du jeu dont on aura seul la maîtrise.

Lehmann-Ortega et Roy (2009) proposent de définir les stratégies de rupture


en mettant l'accent sur huit caractéristiques:
1. Le recours à la technologie n'est pas obligatoire
Si la technologie (notamment au travers des technologies de l'information et de
la communication) peut constituer un levier d'innovation et de création d'un
nouveau business mode/, elle n'en constitue pas le passage obligé. La stratégie
de rupture peut ainsi s'appuyer sur une innovation concernant la conception de
l'offre, le mode de consommation ou le moyen de satisfaire le besoin.
2. Une valeur unique est proposée au client
La stratégie de rupture repose sur une innovation interne à l'entreprise mais
surtout sur une innovation destinée à créer une valeur originale pour le client.
3. La démarche est proactive
La stratégie de rupture s'apparente à une prise d'initiative. Elle n aît d'une
intention forte de l'entreprise d'opérer un changement original et radical de son
business mode! et ne procède pas du hasard.

FOC US
Stratégie de rupture et sérendipité
Si le hasard ne peut constituer l'essence de la stratégie de rupture, celui-ci peut néanmoins jouer un
rôle dans le cadre de la création d'un nouveau segment stratégique, par le biais de la sérendipité. Ce
concept se définit par le fait de trouver ce que l'on ne cherchait pas, de réaliser une découverte de façon
""'
"
inattendue, dans le cadre d'une recherche portant sur un autre sujet. La sérendipité repose sur trois
'&
·;: éléments distincts (Barthélémy, LesEchos.fr, 1°' mars 2013):
0
:;
- la recherche active : c'est la recherche de quelque chose qui va conduire à trouver autre chose;
-0 c: "'
0 0
c c - le hasard favorable: c'est la chance, sous la forme d'un événement ou d'un résultat inattendu, qui va
:J
0
.2ü provoquer la découverte ;
lil .g - la sagacité: les connaissances et les compétences alliées à la sagacité, vont permettre d'exploiter le hasard
.-t 0
0
N eo. et de transformer la découverte en succès.
@ ~ L a création de YouTube, en 2005, par Steve Chen , Chad Hurley et Jawed Karim (l'entreprise a
....... ~ é té rachetée en 2006 par Google pour 1,65 milliard de dollars), illustre le concept de sér endipité .


..c 1
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

E n effet, à l'origine, ces trois entrepreneurs ne cherchaient pas du tout à créer un site destiné à héberger
et à partager des vidéos mais tentaient de mettre en place des sites de rencontres fondés sur une
présentation vidéo des clients (Tune In et Hook Up). Un soir, deu x des entrepreneurs cherchent à
envoyer une vidéo à des amis mais n' y parviennent pas du fait de son volume trop impor tant. Le
troisième, de son côté, ne parvient pas à trouver sur Internet la vidéo de Janet Jackson chantant lors
du Super Bowl. Les trois associés ont alors l'idée de créer un site permettant de mettre en ligne et de
consulter des vidéos sur Internet: YouTube est né. Cette innovation stra tégique repose sur les trois
éléments de la sérendipité: une recherche active (dans le cadre de leur volonté de créer une entre-
prise autour d'Internet), un hasard chanceux (lié au désir de partager une vidéo et à une recherche
infructueuse), et une grande sagacité (liée à la bonne connaissance du secteur et de la technologie
du fait de leur projet de création initi al).

4. L'objectif est une amélioration de la rentabilité


La stratégie de rupture vise à a méliorer le niveau de p e rfo rma nce de l'e ntreprise
et d oit intégrer les processus d estin és à capter la va leur supplém entaire qui est
créée par l'innovation.

5. Les changements portant sur le business model sont radicaux


L a stratégie de rupture ne conduit pas à une m od ification à la m a rge de l'offre
qui pourrait s'ap pare nter à une stratégie de di ffére nciation (mo dificatio ns par
rapport à l'offre de référe nce) ma is à une refonte de la nature même de l'activité.
E lle s'appuie sur des mo des de fonctionne ment nouveau x et la mobilisation de
compétences sp écifiques.

6. Les facteurs clés de succès traditionnels sont remis en question


Sou s l'action d 'une stratégie de rupture, la nature d e l'activité est modifiée et
les règles du je u traditionnelles sont tra nsformées. L'entreprise à l'origine d 'une
innovation st ratégique fa it émerger un nouve au segment stratégique, donna nt
n aissance à de no uveaux facteurs clés de succès.

7. Les entreprises concurrentes sont déstabilisées


La stratégie de rupture, en fa isant apparaître de nouvelles règles du jeu, me t e n
difficulté les co ncurrents figés d a ns une appréhensio n traditio nnelle du secteur
-0
0
d 'activité et incapables de s'a dapter aux nouveaux facteurs clés de succès.
c

~ ~e stratégie de rupture
8. Un marché nouveau apparaît
L a stratégie d e rupture, e n proposant une nouvelle offre d e va leur
8 correspond à une refont e du
N business mode/, impulsée par à destination du clie nt, fait apparaître un nouveau segme nt straté-
@ l'entreprise pour dynamiser sa gique. D a n s certains cas, cette nouvelle activité, radica le ment plus
.......
..c
CJl
rentabilité; elle vise à créer une c réatrice de valeur que les a ctivités traditio nne lles, va les fa ire
·;::::
> valeur originale pour le client. di sparaître, en devenant le m a rché d omina nt. D a ns d 'autres cas, le
a.
0
u
Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

nouveau modèle d'affaires va se juxtaposer aux modèles préexistants, sans pour


autant les faire disparaître.
Face à un environnement turbulent et à une concurrence agressive, la construc-
tion d'un avantage concurrentiel repose sur la capacité de l'entreprise à agir de
manière proactive sur cet environnement (c'est-à-dire à le modifier),
de sorte à remodeler les règles du jeu à son avantage. L'innovation stratégique, qui :-i
s'appuie pas obligatoirement sur la
technologie, provoque une remise
en question des facteurs clés de
Pathé et l'innovation «multiplexe» succès du secteur et conduit à faire
Le premier cinéma multiplexe est introduit en France, près de Toulon, par émerger une demande nouvelle.
Pathé en 1993, ouvrant la porte à une révolution stratégique du secteur
(Roy, 2005). Cette introduction du multiplexe (par opposition au modèle traditionnel
de l'exploitation cinématographique) constitue clairement une stratégie de rupture,
introduite par l'un des leaders du secteur en France, mais progressivement suivie et
adoptée par les acteurs principaux (UGC, Gaumont qui fusionnera avec Pathé pour
former EuroPa laces, CGR). Les huit caractéristiques précédemment identifiées sont
en effet présentes:
1. Le recours à la technologie n'est pas obligatoire: si la technologie est présente par
Je biais de la modernisation des installations (image, son, réservation à distance),
elle ne constitue pas le cœur du modèle économique de cette activité.
2. Une valeur unique est proposée au client: la valeur nouvelle offerte au client porte
à la fois sur la quantité (plus de choix de fi lm s, plus de salles disponibles) et sur
la qualité (amélioration du confort, de l'accueil , multiplication des services, de la
qualité technique du son et de l'image).
3. La démarche est proactive: c'est sous l'impulsion de Pathé, qui tente de faire face
à la crise que connaît ce secteur depuis les années 1980 (avec un volume annuel
d'entrées passant de 200 à 120 millions) et lance le premier multiplexe en 1993, que
cette innovation stratégique va se répandre dans le secteur.
4.Les changements portant sur le business mode! sont radicaux: le concept du
multiplexe ouvre la voie à une vision industrielle du mé tier d 'exploitant de salles
de cinéma. Les multiplexes sont à la fois en recherche de volume (afin de profiter
d'économies d'échelle) et en recherche de différenciation (par le biais de la qualité
des prestations et de la multiplication des services) . En outre, la rentabilité ne se
""'
"
fait pas exclusivement sur le cœur du métier (exploitation cinématographique) mais
'& aussi sur les activités connexes comme les services (restauration, confiserie, salles de
·;:
0
:; jeu) et sur les activités reliées comme la publicité (location d 'espaces publicitaires
-0 c: "' destinés à la fois aux distributeurs mais aussi aux autres catégories d'annonceurs).
0 0
c c 5. Les facteurs clés de succès traditionnels sont remis en question: si les facteurs clés
:J
0
.2ü de succès traditionnels étaient essentiellement liés à la localisation (implantation
lil .g à proximité, en centre-ville) et à la politique de programmation (c'est-à-dire à la
.-t 0
0
N eo. nature des films proposés), les règles du jeu concurrentiel ont changé sous l'effet
@ ~ de l'appa rition des multiplexes. Les nouveaux facteurs clés de succès sont liés plus
....... ~ au contenant (salles, prestations, services) qu'au contenu (films). Ils induisent de
..c 1
CJl "O
·;:: g ce fait une forte intensité capitalistique, nécessaire pour adapter les installations
>- ::i au niveau de qualité souhaité. Le facteur de localisation est toujours présent mais
a. Cl
8@
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

l'implantation en centre-ville devient un handicap (difficulté à se garer, taille réduite


des surfaces dispo nibles, difficulté d'insonorisation , prix du foncier en centre-ville,
etc.) et l'impératif est celui de la périphérie urba ine. Enfin, la fidélisation à l'enseigne
est critique du fait de la nécessité de re ntabiliser les investisseme nts nécessaires
particulièrement lo urds (en témoigne l'initiative de carte d'abonnement illimité
initiée par UGC e n 2001).
6. L'objectif est une amélioration de la r entabilité : Pathé est conduit à lancer cette
innovation stratégique du fait de la dégradation de la conjoncture du secteur e t de
la disparition des m arges. C'est dans une optique de recherche de r entabilité que
s'inscrit cette innovatio n stratégique : grâce aux importants volumes de fréquentation
(générés par l'impla ntation et la qualité supérieure des prestations) , les multiplexes
réalisent des économies d'échelle, font ém erger de nouve lles sources de rentabilité
(services an nexes) et amélio rent leur pouvoir de négociation auprès des distributeurs,
ce qui leur perm et de bénéficier des films les plus attractifs.
7. Les entreprises concurrentes sont déstabilisées : face à ce tte rupture introduite par
Pathé, les concurre nts n'ont pas pu maintenir les salles généralistes tradition ne lles
(sauf d an s les zones ne disposant pas de multiplexes). L es concurrents ont alors
dû fa ire le choi x du passage au multiplexe o u d'un positionnement de niche très
spécialisée (sa lle a rt e t essai, VO, etc.).
8. Un marché nouveau apparaît : en 10 ans, de 1993 à 2003, le pourcentage de Français
a lla nt au cinéma est passé de 50 % à 60 % et le nombre d 'entrées a augmenté de
50 %, démo ntrant une extension du marché. E n outre , les salles traditionnelles o nt
progressivement disparu, les acteurs principaux ont concentré leurs efforts sur la
créatio n de nouveaux multiplexes, et certains indé pe nda nts ont dû adhérer à cette
te nda nce pour assurer leur survie. L'ensemble du secteur d'activité a été affecté et
les multiplexes sont devenus progressivem ent la norme.

D La stratégie «océan bleu»


Kim et Mauborgne (2005) proposent une méthodologie visant à mettre en place
une stratégie de rupture qu'ils appellent stratégie« océan bleu ». Par opposition
à une situation d'« océan rouge » dans laquelle les acteurs du secteur s'affrontent
dans une concurrence frontale, destructrice de rentabilité, la stratégie «océan
bleu » s'appuie sur une innovation stratégique et a pour but de positionner l'en-
"'O treprise dans un territoire de concurrence radicalement nouveau, hors d'atteinte
0
c
:J de l'attaque des concurrents et propice à une plus forte rentabilité.
0
lil
.-t
0
N
@ La stratégie «océan bleu » se définit comme la remise en question du
.......
..c périmètre traditionnel du marché, de la nature de l'activité existante et des
O'l
·;:::: facteurs clés de succès établis afin de se positionner sur un nouveau territoire
>
a.
0
concurrentiel, vierge de toute concurrence.
u
Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

Il s'agit ici de passer d'une logique d'amélioration (ou d 'exploitation) à une


logique de révolution stratégique (ou d'exploration) , de détruire l'ordre établi
pour faire émerger des opportunités nouve lles , de remettre en cause les
avantages concurrentiels existants pour faire apparaître une offre de valeur
inédite et singulière.
L'objectif d'une stratégie «océan bleu » est de refuser l'imitation des concur-
rents et de reformuler l'offre ou le business model existant . Pour cela, ces
auteurs proposent d 'identifier les composantes de l'offre existante (c'est-à-dire
les attributs de l'offre qui sont générateurs de valeur pour le client et qui ont
traditionnellement foca lisé les efforts des concurrents) pour les modifier. C ette
modification a deux objectifs :
- améliorer la proposition de valeur (c'est-à-dire créer une valeur différente et
attractive pour le clie nt) ;
- optimiser le modèle de profit (c'est-à-dire augmenter la marge générée par
l'activité).
Par voie de conséquence, ces deux objectifs doivent se traduire par une modi-
fication substantielle du système opérationnel et de la chaîne de valeur de l'en-
treprise. Créer un « océan bleu » vise ainsi à proposer un nouvel assemblage de
critères de création de valeur pour le client en combinant quatre actions portant
sur les attributs traditionnels d'une offre: exclure, atténuer, renforcer et créer
(..,. figure 4.1).

Exclure Renforcer
.~
~
'O
c:
:i
~
Atténuer Créer
""
~

·=:;
0
Augmenter la valeur Réduire les coûts
"'c:0 de l'offre et créer une et améliorer
c: demande nouvelle la rentabilité

Cette recomposition du business mode/ s'appuie ainsi su r :


- la suppression o u l'atténuation des éléments de l'offre qui sont historiquement au cœur
des efforts concurrentiels du secteur mais n'apportent que peu de vale ur comparative- <Ill Figure 4.1
ment aux coûts engagés pou r les développer;
La matrice «océan bleu »
- la création ou le renforcement des éléments de l'offre qui sont historiquement négligés
et qui sont susceptibles de créer une va leur ou une demande nouvelle.
(Kim et Mauborgne,
2005)
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

Pour cela, une stratégie «océan bleu » doit lutter contre le phénomène de
«fausse majorité» qui régit le secteur, c'est-à-dire ne p as accepter la défin ition
du secteur d'activité, du client et du besoin, tels qu'ils sont traditionnellement
et communément exprimés.

Le Cirque du Soleil
Confrontés à la crise et à la baisse de rentabilité que traverse le secteur du cirque
traditionnel (pression des clients/familles sur le prix, montée en puissance des produits
de substitution tels que les jeux vidéo ou la télévision , for t pouvoir de négociation des
vedettes du cirque), les acteurs de ce secteur focalisent leurs efforts sur six attributs
de l'offre:
- la baisse du prix afi n de renforcer leur positionnement fami lial ;
- la recherche de vedettes du cirque (acrobates, dresseurs, clowns ...) pour
~stratégie «océan bleu» développer leur prestige et leur notoriété;
s'appuie sur une reformulation - la foca lisation sur l'humour et sur les a nimaux pour séduire une clien-
de l'offre de valeur existante dans tèle d'enfants;
un secteur pour créer un territoire - le développement de la confiserie afin de consolider la rentabilité;
de concurrence vierge et s'assurer - l'aba ndon des chapiteaux au profit des sa lles de spectacles traditionnelles
une re nte économique. pour améliorer le confort;
- la multiplication des pistes (c'est-à-dire des numéros simultanés) pour
augmenter la va leur perçue.
Créé au milieu des années 1980 par Guy Laliberté, le Cirque du Soleil constitue un cas
de stratégie «Océan bleu». À sa création, le Cirque du Soleil va radicalement reformuler
l'offre de valeur proposée au spectateur. Cette reformulation peut se traduire par la
mobi lisation des quatre actions de suppression, atténuation , création et renforcement.
1. Suppression: le Cirque du Soleil supprime plusieurs éléments qui foca lisaient les efforts
concurrentiels des acteurs du secteur (animaux, vedettes du cirque, confiserie, concept du
«multi-pistes »). La présence des animaux est génératrice de gêne pour les spectateurs,
inquiets des mauvais traitements éventuels et de la captivité des animaux sauvages.
En outre, le coût d'achat, d'entretien et de transport des animaux est considérable. Le
recours à des contrats de prestation avec des artistes reconnus du cirque (dresseurs,
acrobates, voltigeu rs) est particulièrement coûteux, alors même que leur notoriété n'est
pas un élément déterminant pour le spectateur. Outre son coût important, le choix
du « multi-pistes »en simultané est à l'origine d'une agitation visuelle, et perturbateur
pour le spectateur. Enfin, si la confiserie apporte effectivement un complément de
-0 rentabilité, elle donne un sentiment d'exploitation désagréable au spectateur.
0
c
:J 2. Création: le Cirque du Soleil introduit plusieurs innovations a u sein de son offre:
0
une intrigue, une musique et une chorégraphie, un renouvellement. À la manière du
lil
.-t théâtre, les spectacles du Cirque du Soleil s'appuient sur une histoire et un thème
0
N qui font le lien entre les numéros. À la manière des ballets, ces spectacles sont
@ soutenus par une musique et une chorégraphie originales. Enfin, à la manière de
......
..c la comédie musica le, les spectacles sont régulièrement renouvelés chaque saison .
CJl
·;:::: 3. Atténuation: le rôle des acrobates et des clowns est limité et mis au service de
>
a. l'intrigue et de l'histoire racontée par le spectacle.
0
u
Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

4. Renforcement : le concept du chapiteau extérieur (par opposition au choix d'une salle


de spectacle) est renforcé dans le but de contribuer à la magie et à l'esprit du cirque.
En outre, l'esthétique des lieux est retravaillée, comme les installations de confort.
En refusant la définition établie du secteur et en reformulant le business
mode! du cirque via les quatre actions de la matrice «océan bleu », le ~matrice «océan bleu» (exclure,
Cirque du Soleil évite un effet de dispersion des ressources sur des élé- atténuer, renforcer et créer) permet
ments qui ne sont pas véritablement créateurs de valeur pour le client de mettre en évidence cette
et foca lise ses efforts sur un nombre limité d'attributs clés de l'offre. En reformulation de l'offre.
outre, l'entreprise met en place un business mode! original, radicalement
divergent des offres existantes et du modèle dominant du secteur, ce qui lui permet
d'échapper à une concurrence directe. Enfin, son offre renouvelée cible une nouvelle
clientèle (plus adulte e t plus solvable) et contribue ainsi à faciliter la r entabilité . En
se positionnant sur un nouveau territoire de concurrence et un espace de marché
vierge caractérisé par un client solvable et une faible élasticité au prix, le Cirque du
Soleil invente une nouvelle activité créatrice de valeur pour le client, sur laquelle il
est seul. De ce fa it, il bénéficie d'une rentabilité et d'une croissance très largement
supérieures à celles des acteurs du cirque traditionnel.

Les points clés


-+ En raison de la montée de la concurrence dans tous les secteurs d'activité
et de la turbulence croissante des environnements, les entreprises optant
pour la construction d'un avantage concurrentiel traditionnel sont menacées
par une remise en question de leur position, même lorsqu'elles déploient
beaucoup d'efforts pour parfaire leur maîtrise des facteurs clés de succès.

-+ Lorsque son adaptation à l'environnement n'est plus suffisante pour assurer


une position concurrentielle solide, l'entreprise peut choisir d'innover pour
agir sur son environnement et le rendre plus favorable à l'exploitation de ses
compétences. Par le biais de cette innovation stratégique et de la mise en œuvre
d'une stratégie de rupture, l'entreprise vise à faire émerger un nouveau type de
""'
"
business model sur la base duquel elle pourra générer un surplus de rentabilité.
'&
·;:
0
:;
"'
-+ La stratégie« océan bleu » est une stratégie de rupture qui vise à générer de
-0 c:
0 0
c c nouvelles opportunités de création de valeur pour l'entre prise en créant un
:J
0
.2ü nouveau territoire concurrentiel. En refusant la conception traditionnelle du
lil .g secteur d'activité, de la cible client et de la définition du besoin, la stratégie
.-t 0
0
N eo. «océan bleu» consiste à proposer une nouvelle offre inédite, en renouvelant
@ ~ et en recomposant les attributs de création de valeur pour le client. Ce posi-
....... ~ tionnement original permet à l'entreprise d'éviter une situation d'« océan
..c 1
CJl "O
·;:: g rouge» dans laquelle les concurrents s'entre-déchirent en proposant une
>- ::i
a. Cl offre banalisée dans un environnement saturé.
8@
Partie 2 Construire et consolider un avantage concurrentiel

••
3 questions à
Olivier Marion
PwC - Associé responsable
Quels sont les éléments qui doivent être à l'origine
d'une remise en question de la stratégie d'activité
de l'entreprise?
Lorsqu'une entreprise connaît des difficultés, elle doit
comprendre les causes de sa sous-performance, souvent
multiples. Cette phase de diagnostic, indispensable, passe
des activités Business Recovery par une remise en question sans concession de la stratégie
Services France suivie jusqu'alors. Dans ces situations, l'entreprise ne génère
Trésorier et membre du Bureau plus de valeur ajoutée, ou du moins plus suffisamment,
de l'ARE (Association
pour le retournement des d'où une offre qui perd de sa pertinence, une activité en
entreprises) décroissance, une rentabilité qui s'érode et une génération
de trésorerie en berne, voire négative. On ne peut pas
survivre longtemps à ce régime-là et ce type de constat
implique de repenser sa stratégie d'activité.
Au-delà de la phase de remise en question, quel doit être
le point de départ de la reconstruction de la stratégie?
L'entreprise doit se poser une question simple: «Quelle est
la raison de mon exist ence?» Cette question peut sembler
triviale, mais elle recèle en fait le terreau même de la st ratégie
d'entreprise: une vision, servie par un modèle économique
(«business mode!») générateur de valeur. L'environnement
étant par nature évolutif, la stratégie doit l'être tout autant, et
idéalement être en avance de phase pour s'avérer gagnante.

Qu'est-ce qu'une stratégie de «retournement»


de /'entreprise?
Lorsque l'entreprise traverse une crise grave, elle doit passer
par une phase de rupture afin d'assurer le ret our à un modèle
vertueux, générateur de valeur: cett e rupture constitue le
cœur de la stratégie de« retournement». Pour y parvenir,
l'organisation doit fédérer les différentes parties prenantes
de l'entreprise (clients, fournisseurs, créanciers, employés,
managers, actionnaires) autour d'une nouvelle vision, le tout
dans un temps limité, et avec des ressources qui ne le sont pas
moins. La probabilité de succès de ces manœuvres est difficile
à évaluer, ce qui incite à militer pour une remise en question
permanente de sa strat égie, en amont des difficultés, afin de
préserver la pertinence de son modèle économique. •
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Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

APPLICATIONS
5 Quelle est l'affirmation la plus pertinente?
QCM a. Un business mode/ désigne un plan stratégique
chiffré destiné à évaluer les profits futurs de l'entre-
.,.. Corrigés p. 187 prise.
Une seule bonne réponse par question. b . Un business mode! désigne la combinaison d'un
concept et de ressources organisées en vue de per-
1 Laquelle des propositions suivantes ne mettre la mise en œuvre de ce concept.
correspond pas à une piste de travail visant à c. Un business mode! désigne un système d'actions
développer un business model «océan bleu»?
destiné à optimiser et à exploiter au mieux une activité
a. Optimiser l'adaptation aux règles du jeu de l'activité. existante.
b. Renouveler la définition de la cible acheteur.
c. Réfléchir à l'expérience globale du client pour pro-
poser une nouvelle manière de satisfaire son besoin.

2 L'effet «Reine Rouge» se définit comme:


a. Le fait d'ava ncer dans une direction différente de
Etude de cas
celle souhaitée par l'entreprise. .,.. Corrigés p. 187
b. Le fait de rester à l'arrêt malgré les efforts d'amé-
lioration déployés pour avancer plus vite. 6 La Nintendo Wii1
c. Le fa it de reculer pour mieux avancer. Le secteur des consoles de jeu vidéo voit le jour aux
États-Unis dans les années 1970 avec les consoles
3 Parmi ces éléments, lequel n'explique pas connectées à la télévision (A tari, par exemple). Cette
la volatilité des positions concurrentielles des industrie a, depuis, connu une croissance particuliè-
entreprises? rement élevée (supérieure à 10 % par an en moyenne)
a. L'accélération des changements environnementaux et a bénéficié des fortes avancées technologiques et
(technologiques, sociaux, démographique, etc.). industrieJles. L e volume d'affaires mondia l de ce
b. La multiplication des offres de valeur et la montée secteur représente aujourd' hui plus de 30 milliards
de la concurrence. de dollars (à un niveau similaire à celui de l'industrie
c. Le choix de plus en plus fréquent des stratégies de cinématographique).
différenciation. Trois grands leaders dominent ce marché: Microsoft,
Nintendo et Sony, qui investissent très lourdement en
4 Parmi ces éléments, lequel ne peut pas être recherche et développement afin de produire et d'im-
considéré comme une caractéristique d'une stratégie poser des« standards» sur le marché, en collaboration
de rupture? avec plusieurs catégories d'acteurs : les développeurs
a. La création d'un nouveau marché. (à l'origine de la programmation des jeux), les éditeurs
b. La modification des facteurs clés de succès et du (en charge du financement du développement et de
business mode! traditionnel. la ges tion des droits des jeux), et les distributeurs.
c. Le recours exclusif à la technologie pour construire Dans ce contexte, l'innovation technologique est
une innovation stratégique. capitale et nécessite des investissements massifs, pris
d. La proposition d'une valeur unique et singulière en charge par les fa bricants de consoles qui intègrent
au client. très régulièrement des fonctionnalités ou des compo-

1 Adapté de Aurégan et Tellier (2009).


Partie '? Construire et consolider un avantage concurrentiel

sants issus d'autres secteurs d'activité pour enrichir lation, aventure). La politique de création et d'entretien
l'expérience du joueur (lecteur CD, puis DVD, puis du catalogue de jeux est d'autant plus critique pour
Blu-ray, connexion Internet, etc.). Cette innovation les fabricants qu'elle conditionne directement leur
technologique est notamment destinée à séduire le rentabilité. En effet, pour favoris er la pénétration de
joueur intensif qui constitue le cœur de cible des leur console, les fabricants acceptent une marge nu He.
entreprises: un homme entre 15 et 35 ans dont la Tablant sur un modèle économique de «recharge »
pratique du jeu couvre plusieurs heures quotidiennes. (type cartouche d'imprimante ou lame de rasoir), les
Outre le phénomène d'innovation technologique, la fabricants de consoles visent les royalties perçues sur
concurrence forte sur ce secteur pousse les acteurs à un les jeux dédiés à leur console.
renouvellement très rapide des produits (en moyenne, C'est dans ce contexte que Nintendo lance sa nou-
une nouvelle génération de consoles, qui reste com- velle console Wii en 2006. Investissant le champ des
patible avec les jeux de la génération précédente, est consoles de jeux vidéo dans les années 1980, Nintendo
mise sur le marché tous les six ans). Chaque nouvelle est le leader incontesté de ce secteur au début des
génération présente des performances supérieures à années 1990. Cependant, Sony, arrivé sur ce secteur
la précédente (tant en termes de puissance que de en 1994 avec une console de cinquième génération,
qualité graphique ou que de nombre de fonctionna- la Playstation 1, modifie radicalement la répartition
lités). Cette surenchère des investissements touche des parts de marché et s'assure alors la domination
également le secteur de l'édition de jeu et les budgets technologique sur ce secteur. La commercialisation
de développement ont été multipliés par dix sur les de la Playstation 2 au début des années 2000 renforce
vingt dernières années. encore cette domination de Sony, suivi de Microsoft
Dans le but de rentabiliser ces investissements massifs, qui entre dans la compétition des consoles de sixième
les fabricants de consoles proposent des systèmes génération avec sa Xbox, a lors que Nintendo est
«fermés » et «propriétaires» interdisant la compati- relégué à la troisième place avec sa Gamecube.
bilité avec les matériels concurrents. En outre, du fait Le lancement des consoles de septième génération
de la situation d'oligopole de ce marché, les fabricants donne l'occasion à Nintendo de changer la donne avec
exercent un très fort pouvoir de négociation sur leurs sa console Wii. Commercialisée à 250 euros (sans
fournisseurs et notamment sur les éditeurs qui doivent augmentation de prix par rapport à la Gamecube et
reverser des royalties importantes (supérieures à à un prix très inférieur aux 400 euros de la Xbox ou
20 % du CA réalisé) pour s'assurer que leurs jeux aux 600 euros de la Playstation 3), e lle propose une
entrent au catalogue des consoles. Le choix des jeux manette innovante: la wiimote. Comme les manettes
à intégrer au catalogue est critique pour les fabricants classiques, celle-ci présente plusieurs boutons de
de consoles car on estime que 20 % des jeux sont à contrôle mais propose, grâce à des capteurs, la pos-
l'origine de 80 % du CA. En outre, le cycle de vie des sibilité de se repérer dans l'espace et de retranscrire
jeux est très court et le CA est réalisé sur les premiers dans le jeu les mouvements qui lui sont imposés. Le
mois de leur commercialisation. Les fabricants sont joueur est de ce fait immergé dans l'univers du jeu et
ainsi dans l'obligation de génér er un renouvellement doit réaliser des mouvements pour commander les
permanent et rapide (la grande majorité des jeux fonctions du jeu (par exemple, la wiimote lui permet
disparaissant en moins d'un an), notamment dans le de simuler la frappe du joueur de golf en prenant le
cadre du lancement d'une nouvelle console qui doit rôle du club). Cependant, les prestations techniques
obligatoirement s'accompagner d'un éventail de jeux de la Wii sont limitées par rapport à ses concurrentes:
"O nouveaux (impossibles à utiliser avec la génération de la console ne dispose pas de disque dur ni de lecteur
0
c consoles antérieures), destinés à provoquer l'achat. DVD ou Blu-ray, la carte graphique est bien moins
::i
0 Pour s'assurer de la réussite de leur catalogue, les performante que celle de la X box ou de la Playstation 3,
l..f) fabricants s'appuient sur une politique de licences le processeur est beaucoup moins rapide que celui de
.-1
0 très connues (FIFA ou WRC, par exemple) et sur ces concurrents ... Cette « infériorité » technologique
N
la création de «suites » à des jeux à succès (certains permet cependant à Nintendo de limiter son coût
@
...... éditeurs sortent même un nouvel opus de leur jeu à de fabrication (estimé à 135 euros contre 400 euros
~
0\
succès sur un rythme annuel, comme Activision avec pour la Xbox 360 et 600 euros pour la Playstation 3).
ï::: Cali of Duty), en se limitan t par ai lleurs aux quatre Outre ces caractéristiques techniques, c'est la cible
>-
0.
0
catégories classiques de jeu (action, plateforme, simu- visée qui distingue éga le m ent la Wii de ses deux
u
Chapitre 4 Explorer de nouvelles sources d'avantage concurrentiel

principaux concurrents. E n effet , Nintendo cible 8 Marionnaud


les non-joueurs ou les joueurs occasionnels ainsi L'enseigne Marionnaud naît dans le milieu des années
que les classes d'âge généralement peu concernées 1980 sous l'impulsio n de Marcel Friedman. Très vite
par les consoles (les moins de 10 a ns et les plus de les points de vente se multiplient (75 boutiques en
40 ans). Pour séduire les anciens jo ueurs, Nintendo 1997, 578 en 2000 et 1232 en 2004, juste avant son
réédite d'anciens jeux (en reprenant par exemple de rachat par le groupe AS Watson). L'entreprise se
vieux circuits de Mario Kart). Pour conquérir les non- lance dans une course effrénée à la croissance, accé-
joueurs, le fabricant lance de nouve lles catégories de lérée par son introduction en Bourse en 1998. Le
jeux (danse, sport, jeux «Sérieu x») dont il optimise la mot d'ordre du créateur: « le luxe au prix discount».
jouabilité gr âce à de nouveaux accessoires, comme la L'enseigne commercialise les produits cosmétiques à
Wii Balanced Board (associée aux jeux Wii Fit). Cette des prix inférieurs d'environ 20 % à ceux pratiqués
balance sur laquelle le joueur se positionne calcule par ses concurrents indépendants et s'appuie sur sa
son inclinaison et son centre de gravité et propose, puissance d'achat pour négocier des remises auprès
combinée avec la wiimote, des exercices de souplesse des fournisseurs. Complétez ce bref exposé du cas
et des épreuves physiques (yoga, gymnastique, aérobic, de M arionnaud par des recherches personnelles puis
jeu d'équilibre) ai nsi qu'une surveilla nce de l'évolu- discutez l'innovation stratégique initiée par M. Frie-
tion de la condition physique et des programmes de dman.S'agit-il d'une stratégie de rupture?
r emise en forme.
Immédiatement, la console Wii connaît un énorme 9 Le secteur du transport aérien
succès avec des ventes équivalentes au cumul de celles Sur la base d'une étude réalisée sur un moteur de
de ses deux concurrents sur la période 2007-2009. recherche et dans la presse spécialisée et économique,
Sa rentabilité présente également une progression identifiez les facteurs clés de succès du transport aérien
considérable, avec une rentabilité économique passant et le niveau d'inten sité concurrentielle de ce secteur.
de 8 % en 2006 à 30 % en 2009 et un doublement du À l'issue de cette recherche, caractérisez la stra tégie
taux de marge d'exploitation sur cette même période. générique adoptée par les principaux acteurs de ce
secteur. Proposez des idées d 'innovation stratégique
1. Identifiez les r ègles du jeu traditionnelles (facteurs po ur faire face à la concurrence et m ettre en place
clés de succès) de l'industrie des consoles de jeu. une stratégie de rupture.
Nintendo a-t-elle remis en question certains de ces
facteurs clés de succès? 10 Stratégie de rupture
2. Présentez la m atrice «océan bleu», «Exclure/atté- Sur la base d'une recherche personnelle, réalisée dans
nuer/créer/renforcer » appliquée à la Wii. le secteur d'activité de votre choix, ide ntifiez une
3. Concluez en montrant en quoi Nintendo apparaît entreprise ayant mis en place une stratégie de rupture
comme à l'origine d'une stratégie de rupture sur le en précisant d'une part la nature du business mode!
secteur des consoles de jeu. existant dans Je secteur et d'autre part les modifications
~
"O
c: induites par l'entreprise dans l'ensemble des fac teurs
-"
"'
clés de succès traditionnels.
""
~::; Activités
"O c: "'
0 0
c c:
::i .2 7 «Océan bleu»
O
l..f)
ü
.g Sur la base d'une recherche docume ntaire réalisée
..-1 o par vos soins sur Internet, ana lysez la stratégie de
0 5..
N e Free dans la télépho nie mo bile. La stratégie utilisée
@ ~ et le business mode! proposé s'apparentent-ils à une
J:: ~ logique «océan bleu »? Justifiez votre réponse.
0\ "O
·;:: g
>- Cl"
o.
8@
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise .. .. .. . .. 122

Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise . .. 154


E
n 2011, la direction d'Essilor (dont l'acti- équipements optiques vise à la fois à profiter des
vité est la conception, la production et la opportunités liées à la forte croissance des pays
commercialisation de verres correcteurs émergents et à consolider son expertise métier
et d'équipements d'optique) décide d'intensifier en cultivant sa spécialisation.
sa stratégie d'internationalisation dans les pays
Quels sont les enjeux des choix de croissance
émergents. En trois ans, la part de son chiffre d'af-
de l'entreprise ? Quelles sont les alternatives de
faires réalisé dans ces pays passe alors de moins
développement disponibles ? Quelles directions
de 14 % à plus de 20 %. Ce choix de croissance
choisir pour dynamiser sa croissance? Quels sont
fondé sur le développement international et la
les avantages et les risques qui y sont associés?
concentration de ses efforts dans le domaine des

Readers (lunettes (Ëquipements)


prémontées (loupes) machines et
et solaires)
7% ifc consommables
4%
Verres et
matériels optiques A~ériquJ latine
(verres correcteurs)
sie, o Jéanie,
89%
Moyen- nent, Afnque • • • • • • • • • •

Amérique d Nord

"O -20 % -10% 0% 10 % 20 % 30% 40 % 50 %


0
c
::i
0 .à La répartition du CA d'Essilor (2013) .à L'évolution du CA d'Essilor par zone
L{)
..-! géographique (2010-2013)
0
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u
Analyser les axes
de croissance
de l'entreprise
,Plaq
D Choisir une direction de croissance pour l'entreprise ............................... 124
EJ Croissance et spécialisation ............................................................................ 128
D Croissance et diversification .. ............................ ......... ...................... ............ ..132
!] Croissance et expansion ........ ......... .. ...................................... ...................... .. .. 138
D Croissance et internationalisation .............................. .. ................................. 141

gbi,ectjf~
Connaitre et distinguer les différents axes de croissance possibles
' pour l'entreprise.
Décrire et caractériser les axes de croissance adoptés par l'entreprise.
' Analyser et discuter les objectifs poursuivis et les avantages attendus
' par l'entreprise, en fonction des choix de croissance retenus.
Évaluer la pertinence des choix de croissance adoptés par l'entreprise
' en identifiant les arbitrages avantages/risques.
Proposer des directions de croissance pour l'entreprise, en fonction

"O
' de sa situation et de ses motivations.
0
c
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u
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

D Choisir une direction


de croissance pour l'entreprise
La notion de croissance est, dans le langage courant, souvent assimilée à l'aug-
mentation de la taille de l'entreprise. En stratégie, cependant, elle renvoie
principalement aux chemins et aux manœuvres que l'entreprise va retenir pour
faire évoluer son portefeuille d'activités, autrement dit son périmètre d'activité.

La croissance désigne les choix d'investissement ou de désinvestissement qui


conduisent l'entreprise à faire évoluer (ou pas) la nature des activités qui la
composent, pour assurer son développement et optimiser sa performance.

Ce sont donc les décisions d'allocation de ressources sur les différentes activités,
préexistantes ou non, qui vont caractériser les choix de croissance de l'entreprise
et les manœuvres qui y sont associées.
Si la performance de l'entreprise s'appuie sur sa capacité à bien gérer les activités
sur lesquelles elle est impla ntée, c'est-à-dire à développer un avantage concur-
rentiel sur ces activités (..,.. partie 2), elle repose également sur sa capacité à bien
choisir les activités sur lesquelles elle est implantée, c'est-à-dire à organiser avec
pertinence la composition de son portefeuille d'activités. Ce point résume ainsi
l'enjeu des choix de croissance de l'entreprise: sur quelles activités l'entreprise
doit-elle investir et avec quelle intensité? Sur quelles activités l'entreprise doit-
elle désinvestir et avec quelle intensité? Il est important de noter qu'il n'existe
pas de « bonne » stratégie de croissance dans l'absolu mais que l'entreprise se
trouve confrontée à plusieurs chemins possibles dont la pertinence dépend de
leur adéquation avec Je contexte environnemental et les ressources disponibles
de l'entreprise (..,.. partie 1) mais également de leur cohérence avec les objectifs
de l'organisation.
Ce chapitre vise à éclairer et permettre de mieux comprendre les choix de crois-
"'O
0
c
sance possibles pour l'entreprise. Ceux-ci s'établissent selon trois directions
:J
0 principales (ou axes de croissance) qui sont définies en référence aux activités
lil
.-t
existantes de l'entreprise. La première direction renvoie à la notion de spécia-
0 lisation. Dans ce cas, l'entreprise va concentrer ses ressources sur ses activités
N
@ existantes, sans modifier la nature de son périmètre d'activités; ses choix d'al-
......
..c location de ressources vont ainsi la conduire à se maintenir sur ses activités et
O'l
·;:::: ses métiers existants. La deuxième renvoie à la notion de diversification. D ans
>
a.
0 ce cas, l'entreprise va mobiliser ses ressources pour développer une nouvelle
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

activité, radicalement différente de ses activités existantes, en élargissant ainsi


la nature de son périmètre d'activités; ses choix d'allocation de ressources vont
ainsi la conduire à se positionner sur des activités et des métiers différents. Ces
deux axes de croissance forment les extrémités d'un continuum à l'intérieur
duquel l'entreprise a la possibilité d'opter pour des solutions intermédiaires.
Celles-ci vont la conduire à mobiliser ses ressources pour modifier partiellement
la nature de ses activités existantes; en d'autres termes, l'entreprise va développer
des activités nouvelles mais proches, en s'appuyant sur des éléments existants
au sein des activités et des métiers de l'entreprise . Ces choix intermédiaires
renvoient à un troisième axe de croissance: l'expansion.
Ces trois axes de croissance (spécialisation, expansion et diversification) désignent
des types « purs » de manœuvres stratégiques de croissance entre lesquelles les
frontières ne sont cependant pas complètement étanches. Par exemple, il pourra
exister des choix de croissance qui se situent à l'interface entre spécialisation et
expansion ou entre expansion et diversification. 1.-:-
1 La stratégie de croissance renvoie
En outre, et indépendamment des choix réalisés sur le continuum aux manœuvres utilisées par
des axes de croissance, l'entreprise va pouvoir décliner ces axes de l'entreprise pour faire évoluer son
croissance localement ou internationalement en fonction du péri- périmètre d'activité. Elles sont au
nombre de quatre : la spécialisation,
mètre géographique sur lequel elle se développe; cette dimension
la diversification, l'expansion et
constitue ainsi un quatrième axe de croissance, lié à l'internationa-
l'internationalisation.
lisation (..,. figure 5.1).

c: ''
0 Fort ''
+; ''
ra ''
.!!! ''
ra -- -- - ---- - --- -- --- --..'' ------- ---- - -- - -- -- -- --- --
- - -- -- ...' -- --- --- -- -
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Moyen
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-0 c: "' Spécialisation Expansion Diversification
0 0c:
c
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0
.2
ü
Continuum des axes de croissance
lil .g L'axe horizontal donne une indication sur le degré de si milarité ent re l'activité (ou les
..-t 0
0
N eo. activités) existante(s) de l'entreprise et l'activité visée par la manœuvre de croissa nce ana -
lysée. Plus cette similarit é est forte, plus cette manœuvre s'approche de la spécialisa-
@ ~
tion ; plus cette si milarité est faible, plus cette manœuvre s'approche de la diversif ication .
...... ~
..c 1 L'axe vertica l donne une indication sur le degré d'int ernationalisation de la manœuvre
CJl -0
·;:: g analysée, c'est-à-dire sur l'amplit ude de la zone géographique concernée par l'act ivit é
>- Cl"' .,.. Figure 5.1
a. de l'entreprise.
8@ La matrice de croissance
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

Tesla Motors
Dans le monde de l'automobile, caractérisé par une très forte concentration et la
domination de quelques géants multimarques qui se partagent le marché mondial,
Tesla Motors fait figure de Petit Poucet. Créée en 2003 en Californie, cette entre-
prise a fait le choix d'une spécialisation extrême sur le secteur de l'automobile, en se
positionnant sur le segm ent des automobiles à motorisation tout électrique de très
haut de gamme (65000 à 120000 euros). Le premier véhicule de l'entreprise est la
Tesla Roadster, une voiture de sport qui utilise des batteries lithium-ion, présente une
autonomie de plus de 300 km e t accélère de 0 à 100 km/ h en moins de 3,7 secondes.
Entre 2008 et 2013, l'entreprise vend plus de 2500 exemplaires de son Tesla Roadster
dans plus de 30 pays.
C'est en s'appuyant sur des installations modernes , un personnel dont la moyenne
d'âge approche les 30 a ns, la m aîtrise de la m ajorité des opérations du processus
de production (de nombreuses opérations traditionnellement sous-traitées par les
constructeurs traditionnels sont réalisées en interne chez Tesla Motors) et les avan-
tages fi scaux et financi e rs consentis par l'État de Californie, que l'entrepri se peut
annoncer en 2013 (et pour la première fois de son histoire) un résultat positif. Forte
de ce succès dans un marché particulièrement difficile (plusieurs concurrents ont en
effet déposé le bilan), l'entreprise se renforce sur le segment du véhicule électrique
de haut de gamme en commercialisant une luxueuse berline en 2012 (Model S) e t
un SUV premium e n 2014 (Model X) ; l'entre prise a nnonce également son a mbition
de renforcer et d 'accentuer son développement international à la fois en termes de
structures de production et de structures commerciales.
Tesla Motors est une entreprise très spécialisée qui focalise ses ressources pour se
développer sur un segment d 'activité très précis (voitures électriques de très haut de
gamme) qu 'elle fabrique et commercialise à l'échelle mondiale (fort degr é d 'inter-
nationa li sation).
Groupe La Poste
E n 2010, l'Assemblée nationa le vote le changement de statut de La Poste, qui perd
son statut d 'é tablissement public pour deve nir un e société anonyme (SA). Pour le
gouvernement de l'é poque, ce changement de statut vise à préparer le groupe à l'ou-
verture totale à la concurrence intervenant en 2011. Le groupe reste cependant une
entreprise publique, dont l'activité se répartit entre le courrier (représentant environ
50 % du CA, cette activité historique en déclin souffre de la montée en puissance
d'Internet), le colis (représentant environ 24 % du CA, cette activité est caractérisée
par une forte croissance, dynamisée par l'essor due-commerce) et la ba nque (repré-
"'O sentant environ 24 % du CA, cette activité est critique pour l'entreprise du fait de la
0
c forte marge qu'e lle génère).
:J
0 Avec un CA proche de 22 milliards d'euros (dont 17 % seulement réalisés à l'étranger),
lil
.-t et l'arrivée en 2013 d'un nouveau PDG, La Poste doit relever les défis de la crise éco-
0
N nomique et de la mutation numérique. Dans ce contexte, pour compenser le déclin de
@ l'activité courrier (avec une baisse d'activité entre 2008 et 2016 estimée à - 30 %), La
....... Poste recherche des relais de croissance et se lance notamment dans deux nouvelles
..c
O'l activités en 2011 et 2012.
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

Ainsi, en 2011, l'entreprise lance une offre A D SL complète (téléphone mobile, fi xe,
Internet et té lévision) pui s, en 2012, l'entreprise propose un bouquet très large de
services à la personne (télésurveilla nce, aide au x personnes dépe nda ntes à domicile,
etc.) sur la thématique de l'habitat connecté.
Outre ces deux nouvelles activités, La Poste étudie différents projets destinés à étendre
ses activités e n s'appuyant notamme nt sur le réseau de proximité constitué par ses
90 000 facteurs et ses 17 000 points de vente sur le territoire fra nçais; par exemple,
les facteurs sont progressivement équipés de smartphones qui leur permettront de
réaliser des expertises pou r le compte d'assu reu rs grâce à des photos certifiées et
géolocalisées .
À l'opposé des choix de croissance de Tesla Motors, le groupe La Poste présente un
profil très diversifié (courrier, colis, banque) et poursuit cette diversification avec la
mise en place de nouvelles activités (offre A DSL, services à la personne) et l'étude
de nouvelles pistes de diversification (expertise) . E n revanche, son degré d'internatio-
nalisation est faible e t la réalisation de son CA est concentrée sur le marché français.
Zadig & Voltaire
Zadig & Voltaire est une entreprise créée en 1997 par T hierry Gillier et évoluant sur
le secteur du prêt-à-porte r de luxe. Initialement destinés à une clie ntèle féminine, et
bénéficia nt d 'une im age forte (notamment identifiée par les pulls en cachemire et les
tee-shirts tuni siens ainsi que les motifs à tête de mort), les produits de l'entrepri se
sont progressivement élargis aux hommes (2004) puis aux enfa nts (2006). E n outre,
à par tir de 2008, l'entre prise développe une série de produits com plémenta ires :
accessoires, montres, chaussures, lunettes et sacs ainsi que de nombreux produits sous
licence (linge de maison, coques de téléphone, bijou x). E lle crée éga lement un label
de musique indépendant (Zadig & Voltaire Music) et lance une activité de parfum
en 2012. E nfin, un hôtel Zadig et Voltaire s'installe à Pari s e n 2014, offrant sur ses
3 000 m 2 un établi ssement « intime e t tranquille» ainsi qu'une série de prestations
annexes (boutique et restaurant).
L'e ntreprise réalise un CA supérieur à 300 millions d'euros grâce à plus de 250 po ints
de vente dont plus de la moitié sont à l'étranger. Son créateur affirme d'ailleurs qu'il
dispose de suffi samment de cash-fl ow pour mener de front diversification et interna-
tionalisatio n, comme en témoignent les ouver tures récentes en Asie, e n Amérique
du Nord et au Moyen-Orient.
Ainsi, Zadig & Voltaire est une PME dynamique qui a pour ambition d'accentuer
""'
" encore un dévelo ppement international de ses activités déjà bien e ntamé. E n outre,
'&
·;:
0 l'entreprise initialement présente sur une activité de prêt-à-porter se diversifie peu à
:;
-0 c: "' peu dans de nouvelles activités (accessoires, parfums, hôtellerie); si ces ma nœuvres
0 0 s'apparentent effective ment à de la diversification, la proxi mité de certaines d'entre
c c
:J
0
.2ü elles (prêt-à-porter e t maroquinerie, par exemple) nous conduit à positionner l'en-
lil .g tre prise dans une zone plus proche de l'expansion que pour La Poste.
.-t 0
0
N eo.
@ ~ Les manœuvres de croissance des trois entreprises que nous venons d'évoquer sont
....... ~
..c 1 représentées de manière synthétique sur la matrice de croissance(~ figure 5.2) .
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

La suite de ce chapitre va permettre de préciser la nature et les enjeux de ces


différentes manœuvres de croissance en abordant successivement les quatre
choix évoqués précédemment: la spécialisation, la diversification, l'expansion
et l'internationalisation.

Tesla Motors
Zadig & Voltaire
c: ''
o Fort ''
'.;;
l1l '''
.!!! ''
l1l
c: --- ---- - - - ---- ------ '' ·-' ----- ----- -- - --------- ....'
'
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·.;:; '' La Poste
~ Moyen '''

...c:
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i:i ''' '''


'
' <Il
~ '''
en Faible
(Il
Figure 5.2..,. 0
L'analyse des axes Spécia lisation Expansion Diversification
de croissance de Tesla
Motors, Zadig & Voltaire Continuum des axes de croissance
et La Poste

f) Croissance et spécialisation
tlll Les caractéristiques de la spécialisation
La spécialisation désigne une manœuvre de croissance conduisant à foca liser
ses efforts sur une activité préexistante, sans en modifier la nature, c'est-à-dire
sans faire évoluer le métier de cette activité.

-0
0
c La stratégie de spécialisation consiste à concentrer ses investissements sur
::i
0 une activité préexistante et à fonder le développement de l'entreprise sur
lJ")
...-l cette activité particulière .
0
N

©
..., De ce fait, la spécialisation renvoie souvent à une stratégie de pénétration de
..c
0\
ï:::: marché qui consiste à développer le volume d'activité sur les activités existantes.
>-
a.
0
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

,EOCUS,
La distinction entre manœuvre et situation
Il est important de distinguer la manœuvre de l'entreprise (c'est-à-dire le mouvement de spécialisation)
et la situation de l'entreprise (c'est-à-dire la nature de son portefeuille d'activités). En effet, la spécia-
lisation peut désigner à la fois le choix de croissance de l'entreprise (autrement dit sa décision d'allouer
les ressources sur une activité existante) mais aussi la nature de son périmètre d'activité (autrement dit
le degré de diversité des activités qui la composent).
Par exemple, une entreprise diversifiée (c'est-à-dire composée d'activités différentes) peut choisir de
focaliser ses ressources et d 'investir sur une activité existante (et donc mettre en œuvre une stratégie
de spécialisation).
Par ailleurs, une entreprise spécialisée (c'est-à-dire dont l'activité est construite autour d'une seule
activité) peut opter soit pour une stratégie de spécialisation (orienter ses efforts sur l'activité existante)
soit pour une stratégie de diversification (allouer ses ressources pour développer des activités nouvelles).

Depuis 2007, Danone est structuré autour de quatre pôles d'activité principaux: les
produits la itiers frais (environ 56 % du CA aujourd'hui), les eaux (environ 18 % du
CA), la nutrition infantile (environ 20 % du CA) et la nutrition médicale (environ 6 %
du CA) . Ce groupe, qui évolue certes sur le secteur de l'agroalimentaire, peut être
considéré comme un groupe diversifié compte tenu des différences fortes existant en
termes de savoir-faire e t de compé tences dans ces quatre mé tiers. Cependant, depuis
2007, la stratégie de croissance de Da none est claire: elle consiste à se renforcer sur
ces quatre activités, en augmentant ses propres investissements et en réalisant de mul-
tiples acquisitions ou alliances dans ces domaines. Cet exemple est révélateur d'une
différence forte entre la nature du groupe, c'est-à-dire sa situation (groupe diversifié)
et le choix de son chemin de croissance, c'est-à-dire son mouvement (spécialisation).

Dans le cas d'une manœuvre de spécialisation, l'entreprise focalise ses efforts


""'
"
sur un territoire connu, à la fois en termes d'offre proposée, de client visé, de
'&
·;:
0
besoin satisfait, de compétences et de maîtrise des facteurs clés de succès, afin
:; de développer un avantage concurrentiel solide sur son activité. C'est cette
-0 c: "'
0 0
c c concentration des efforts et des investissements sur la même activité qui vise
:J
0
.2ü à améliorer son expertise du domaine, son efficacité et sa rentabilité. Dans ce
lil .g contexte, l'entreprise concentre ses efforts pour développer un avan-
.-t 0
0
N eo. tage concurrentiel sur cette activité en poursuivant un objectif de La spécialisation vise à ...,
@ ~ maîtrise des coûts ou un objectif de différenciation (..,.. chapitre 3). développer une expertise sur
....... ~
..c 1 une activité afin d'accroître son
CJl "O
·;:: g Par ailleurs, si la spécialisation renvoie à la décision de concentrer
volume d'affaires et à construire
>- ::i les ressources sur le périmètre existant de l'activité de l'entreprise,
a. Cl un avantage concurrentiel.
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

cette manœuvre peut également s'accompagner d'une volonté de réduction de ce


périmètre d'activité. Dans ce cas, la spécialisation s'accompagne d'une manœuvre
de recentrage stratégique qui conduit à abandonner certaines activités du por-
tefeuille de l'entreprise (désinvestissement) et à focaliser les investissements sur
les activités restantes. Cette décision permet à l'entreprise de se replier sur son
métier de base et d'utiliser le cas échéant les liquidités générées par le désin-
vestissement pour se renforcer sur ce qu'elle considère être son cœur de métier.

Dans les années 1990, Danone engage un mouvement de spécialisation et de recen-


trage qui va conduire l'entreprise, en 2006, à une position de leader ou de deuxième
mondia l da ns trois activités: les produits la itiers frais, les boissons et les biscuits et
produits céréaliers. Pour cela, le groupe investit sur ces trois métiers prioritaires et
conduit un désengagement massif sur toutes les autres activités jugées périphériques
(emballages en verre, condiments, surgelés, produits d 'épicerie, bières, e tc.). En 2007,
l'entre prise réoriente sa stratégie en se désengageant des biscuits e t produits céréa-
liers (vendus à Kraft Food pour plus 6 milliards d'euros) que l'entreprise considère
comme ayant un potentiel de développement plus faible et comme n'étant pas suffi-
samment en phase avec l'image «Santé » que le groupe veut imposer. Danone opte
a lors pour une diversifica tion da ns deux nouveaux segments: la nutrition infantile
et la nutrition médicale.

tltl Les avantages de la spécialisation


Il est possible d'identifier trois avantages majeurs issus du choix de la spécialisation:
• Tout d'abord, la spécialisation permet de limiter le risque fondamental de
l'activité, c'est-à-dire le risque issu d'une mauvaise maîtrise des facteurs clés
de succès; en effet, la focalisation des ressources sur un territoire connu et sur
un ensemble limité de compétences permet de développer une forte expertise
et de réduire le risque d'échec.
• En outre, cette concentration des énergies sur la même activité et l'expertise qui
en résulte permet à l'entreprise de s'imposer comme une référence du marché,
ce qui peut lui permettre de générer un effet de domination de marché qui
-0 peut être un support important de sa stratégie de différenciation (~ partie 2);
0
c de ce point de vue, la spécialisation peut permettre à l'entreprise de développer
:J
0 un avantage technologique, un avantage de notoriété et de réputation ou un
lil
.-t avantage de présence et d'implantation sur le marché .
0
N
@
• Enfin, en concentrant ses investissements sur une activité, la spécialisation
...... ouvre la possibilité à l'entreprise d'acquérir une taille critique sur cette acti-
..c
CJl
·;:::: vité et ainsi de bénéficier à la fois d'effets de taille et d'économies d'échelle
>
a. (~ partie 2) afin de développer un avantage de coût.
0
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

Universal Corporation
Universal Corporation est le leader mondial du négoce de feuilles de tabac. Installée
aux États-Unis dans l' État de Virginie depuis 1918, cette entreprise réalise un CA
de l'ordre de 2 ,5 milliards de dollars et un bénéfice d'environ 150 millions de dollars.
E lle est spécialisée dans l'achat de feui lles de tabac brut, le séchage et le traitement
à l'air chaud et la revente du tabac ainsi traité aux géants industriels de la cigarette
(Japan Tobacco et China National Tobacco en Asie, Altria, Philip Morris et British
American Tobacco en Europe et aux États-Unis). L'entreprise travaille avec de
nombreux fournisseurs de tabac répartis dans le monde entier (principa lement en
Amérique du Sud, en Amérique du Nord et en Afrique) et pèse lourd dans ce marché
en achetant plus de la moitié des récoltes mondia les. Sa taille lui permet de bénéficier
d'un fort pouvoir de négociation auprès des fournisseurs de feuilles de tabac ainsi
que d'économies d'échelle à toutes les é tapes du processus de production. C'est ce
qui lui vaut d 'être particulièrement compé titive en termes de prix et contribue à son
ambition affichée d'être un fournisseur «low cost » de produits de qualité («a low
cost quality producer »1).
Da none
À partir de 2007, Danone va concentrer ses ressources sur quatre activités (produits
laitiers frais, eaux, nutrition infantile et nutrition médicale), mettant en œuvre une
stratégie de spécialisation « multi-activités ». Ce choix de croissance vise notamment
deux objectifs principaux:
- positionner Danone comme un acteur central de la santé des consommateurs
(« Apporter la santé par l'alimentation ») et construire son image et sa réputation
autour de cette composante santé présente dans ces quatre activités pour a limenter
la stratégie de différenciation de ses marques ;
- devenir le leader mondial sur le marché des produits a limentaires apportant un
bénéfice santé en inve stissant m a ssivem ent sur un nombre limité d 'activités afin
d'atteindre une taille critique mondiale et de profiter des avantages de coûts qui
y sont liés.

La spécialisation vise à obtenir un avantage de coût (par l'augmentation du volum; ; i


eVou un avantage de différenciation (par une meilleure maîtrise des facteurs clés de
""'
" succès de l'activité). Elle permet de réduire le risque fondamental de l'entreprise.
'&
·;:
0
:;
-0 c: "'
0 0
c c
:J .2ü t•I Les risques de la spécialisation
0
lil .g
.-t 0 Deux risques principaux peuvent être identifiés .
0
N eo. • D 'une part, la spécialisation conduit l'entreprise à limiter le nombre de secteurs
@ ~
....... ~ d'activité sur lesquels elle est présente et augmente de ce fait sa dépendance
..c 1
CJl "O
·;:: g vis-à-vis de l'évolution conjoncturelle de ce secteur (risque sectoriel).
>- ::i
a. Cl
8@ 1 www.universalcorp.com
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

~ risques princi paux


• D 'autre part, le choix de la spécia lisation sur une seule activité
peut entraîner des phénomènes de rigidité au sein de l'entreprise:
de la spécial isation sont liés à
le fa it de n'être confronté qu'à un secteur unique conduit au fil du
la dépendance sectorielle et
au renforcement des modes temps à renforcer ses modes de pensée et de fonctionnement ; ce
de pensée et de fonctionnement renforcement rend alors difficile les remises en question ou les
(rigidités). réorientations qui peuvent être nécessaires en fonction de l'évolu-
tion de l'environnement (par exemple en cas de déclin de l'activité).

Kodak naît e n 1880 lorsque G. E astma nn invente l'ancêtre de la pellicule argentique


et les premiers appareils pho tographiques. Pendant des di zaines d'années, l'entrepri se
multiplie les innovations da ns ce dom a ine, ta nt sur le pla n de la pellicule que sur le
pla n de l'appa reil photographique (pellicule Kodach rom e en 1935, pellicule 35 mm
et appareil miniature Insta ma tic e n 1963, etc.), à tel point que Kodak devient la réfé -
re nce mo ndia le du secteur, son no m devenant qu asiment une appellatio n générique
pour les produits de ce secteur.
À la fin des années 1980, la photographie numérique fait son apparition avec les premiers
appa reils1 . Koda k, qui est touj ours le leader mo ndia l de la technologie argentique, ne
perçoit pas l'impact à venir de cette nouvelle technologie numérique, ni l'évolution
des atte ntes clients e t tarde à se lancer sur ce nouveau secteur d'activité qui apparaît.
Po urta nt, en 1975, un ingénieur de Kod a k ava it proposé un prototype de premier
appareil numérique (les photos étant stockées sur un e cassette audi o) m ais l'entreprise,
concentrée sur la technologie argentique, n'a pas su va lo riser cette innovatio n à temps.
Ce retard et cet immobilisme, générés par les effets de rigidité liés à une spécialisa-
tio n lo urde penda nt plus de 100 ans, précipitent la chute de ce géant ; m a lgré un pla n
de r elance initié en 2003, Koda k ne pa rvient pas à rattra per ses co ncurrents (Sony,
Fuji et Ca no n). Si pendant quelques années, Koda k pa r vient à survivre (nota mment
gr âce aux brevets qu'elle détient sur. .. le numérique !), l'entreprise est contrainte de
dé poser le bila n en 2012.

D Croissance et diversification
-0
0
Dl Les caractéristiques de la diversification
c
:J
0 La diversification désigne une manœuvre de croissance conduisant l'entreprise
lil
.-t à s'engager sur un secteur d'activité (ou un segment stratégique) sur lequel elle
0
N n'est p as encore présente. D e ce fait , il s'agit pour l'entreprise d'ajouter une
@
.......
nouvelle activité à son portefeuille et d'étendre de manière radicale son péri-
..c mètre d'activité.
CJl
·;::::
>
a.
0
u 1 L e premier appareil photo 100 % numérique est le Fuji DS-1 P (1988).
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

La stratégie de diversification consiste à appuyer la croissance de l'entreprise


sur le développement d'un ou de plusieurs nouveaux domaines d'activité
stratégique (ou segments stratégiques).

La diversification peut s'opérer dans deux directions, soit verticalement soit


horizontalement:
• La diversification verticale renvoie au développement d'une entreprise dans
le secteur de ses fournisseurs (diversification vertica le amont) ou dans le
secteur de ses clients (diversification verticale aval).
• La diversification horizontale renvoie à un développement de l'entreprise
vers de nouveaux domaines d'activité sans que celle-ci ne soit ni fournisseur
ni client de ces secteurs.
Tout comme dans le cas de la spécialisation, il est important de distinguer la
manœuvre et le mouvement de diversification de la situation du portefeuille
d'activités de l'entreprise. Ainsi, une entreprise spécialisée (situation) pourra
faire le choix de la diversification (mouvement) en se lançant sur une nouvelle
activité; à l'opposé, une entreprise diversifiée (situation) pourra faire le choix
de la spécialisation et du rece ntrage en réduisant son périmètre d'activité et en
focalisant ses ressources sur un nombre plus limité de métiers (mouvement).
Dans le cas de la diversification , l'entreprise s'engage sur un nouveau territoire
concurrentiel, caractérisé par de nouveaux métiers, de nouveaux clients et de
nouvelles compétences (ou facteurs clés de succès) non maîtrisés. De ce fait, alors
que la spécialisation s'appuie sur une base connue, la diversification e ntraîne
l'entreprise vers « l'inconnu » d'un nouveau secteur d'activité, ce qui en fait une
manœuvre à la fois plus radicale et plus risquée.

Siemens est une entreprise diversifiée dans de nombreux secteurs d 'activité (conglo-
""'
"
'&
·;:
mérat). Premier employeur privé en Allemagne avec plus de 400000 salariés, Je groupe
0
:; est présent sur des secteurs aussi différents que les télécommunications, les équipe -
-0 c: "' ments de radiographie, la métallurgie, l'électroménager, les matériels ferrovia ires,
0 0
c c l'informatique, les services financiers ou les centrales électriques.
:J
0
.2ü Dans les années 2000, avec la perspective de la transition écologique et la montée en
lil .g puissance des énergies renouvelables, le groupe décide de se diversifier dans l'éolien
.-t 0
0
N eo. et le solaire. Malheureusement, les difficultés se multiplient (problèmes de connexion
@ ~ entre le réseau électrique continental et le parc d'éoliennes en mer du Nord, ralen-
....... ~ tissement de la croissance de ce secteur en Europe et aux États-Unis et déplacement
..c 1
CJl "O de la demande vers l'Asie où l'entreprise a beaucoup de mal à pénétrer le marché,
·;:: g
>- ::i baisse du prix des panneaux photovoltaïque rendant moins rentable la technologie
a. Cl
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

adoptée par Siemens, etc.). À la fin de l'an née 2012, Siemens prend la décision de
fermer ces activités et en 2013, son PDG, Peter Lôscher, qui ava it é té l'artisan de
cette diversification, est limogé.

Cependant, dans certains cas, l'entreprise va s'orienter vers des activités dans
le cadre desquelles elle pourra exploiter des compétences ou des savoir-faire
qu'elle maîtrise déjà. Le support de la diversification sera alors constitué par les
facteurs clés de succès qui sont communs aux activités existantes et à l'activité de
diversification. D ans le cas de ces diversifications dites «reliées»,
~diversification peut parfois les compétences (ou ressources) communes à l'activité de base et à
s'appuyer sur des compétences la nouvelle activité sont appelées «compétences pivots » et vont faire
préexistantes au sein de le lien entre les deux activités en générant des effets de synergie 1 .
l'entreprise. Ces compétences Ces compétences pivot peuvent être de natures commerciale ou
communes sont appelées
technologique.
«compétences pivots ».

Groupe Maillard Industrie


Installé dan s le départem ent du Doubs, Groupe Maillard Industrie (50 millio ns
d'euros de CA et 500 salariés) est initia leme nt spécia li sé dans le condition nement
des pièces pour automobile grâce à ses compétences en plasturgie (rotomoulage,
thermoformage) et en métallurgie (fil mé tallique e t mécano -soudure). En 2013, l'en-
treprise mobilise ces deux pôles de compétences (pivot technologique) pour lancer
un nouveau produit, visant le marché des seniors, le «Garden Edge ». Il s'agit en fait
d'une jardinière réglable, c'est-à-dire d 'un bac rotomoulé en plastique, équipé d'une
manivelle qui permet de régler sa hauteur et qui offre la possibilité de jardiner debout
ou m ême en fauteuil roulant. D ès son lancement en été 2013, plusieurs m a isons de
retraite et établissements de santé passent commande du «Ga rden Edge ».
Photo Box
En 2013, PhotoBox, le spécialiste des tirages photo e n ligne, se lance dans une
nouvelle activité: le faire-part e n lig ne (naissance, m ariage, anniversaire). C 'est en
s'appuyant sur ses capacités d 'impression et son savoir-faire logistique ainsi que sur
sa maîtrise du e -commerce que l'entreprise veut offrir au x clients la possibilité de
personnaliser leur fa ire-part, en misa nt s ur des possibilités de design étendues. Avec
des tarifs beaucoup plus ava ntageux que les imprimeurs traditionnels, l'entreprise
-0
0
c espère drainer le CA des imprimeurs locaux, comme cela a été fai t avec la pho to. Dans
:J ce cas, si le pivot technologique semble le plus importa nt, l'entreprise vise éga lement
0
lil à exploiter sa notoriété et sa présence sur le marché du tirage photo pour attirer les
.-t
0 clients sur sa no uvelle activité (pivot commercial) .
N
@
.......
..c
CJl
·;::::
>
a. 1 Les effets de synergie se définissent ici comme le gain supplémentaire issu de la gestion commune
0
u de deux activités différentes, lié soit à l'augmentation de revenus, soit à la réalisation d'économies.
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

I l l Les avantages de la diversification


Il est possible d'identifier trois objectifs (ou avantages) majeurs mis en avant
pour justifier le choix de la diversification.
• Tout d'abord, la diversification permet de réduire le risque sectoriel; en se
positionnant sur des activités dont la conjoncture n'est pas liée, l'entreprise se
protège d'une crise sectorielle qui pourrait intervenir sur l'un de ses marchés
et supprime sa dépendance à un seul secteur.
• Ensuite, la diversification permet à l'entreprise de saisir une opportunité de
marché sur un secteur porteur sur lequel elle n'était pas présente. Cette atti-
tude peut d'ailleurs correspondre soit à une logique défensive (du fait de
difficultés dans son activité initiale, l'entreprise va chercher Je moyen de
compenser son déclin par le recours à la diversification), soit à une logique
offensive (dans ce cas, l'entreprise vise à améliorer la rentabilité globale de
l'entreprise et/ou à utiliser la rentabilité dégagée dans son activité initiale, en
se lançant sur l'activité de diversification).
La diversification permet ...,
• Enfin, le choix de se diversifier peut correspondre à la volonté de réduire le risque sectoriel,
de profiter de la maîtrise des compétences ou des ressources de saisir des opportunités de
existant dans l'activité initiale pour les exploiter dans le cadre marché nouvelles, de viser une
d'autres applications ou d'autres secteurs d'activité. Cet objectif amélioration de la ren tabilité
vise ainsi à profiter d'effets de synergie liés à la mise en commun moyenne de l'entreprise ou de
d'activités caractérisées par des facteurs clés de succès communs. profiter d'effets de synergie.

Lamborghini
En 1951, Ferrucio Lamborghini crée l'entreprise du même nom et produit des tracteurs
agricoles pour satisfaire la demande en croissance continue que connaît le marché
italien. En dix ans, l'industriel fait fortune et devient le troisième opérateur national
de machines agricoles. À l'époque propriétaire d'une Ferrari 250, l'industriel fait la
route jusqu'à Maranello pour se plaindre auprès d 'E nzo Ferrari de problèmes d'em-
""'
"
brayage continuels. Le fond ateur de Ferrari lui jette a lors au visage cette formule
'& bien connue: «Tu sais conduire un tracteur, mais tu ne sauras jamais conduire une
·;:
0
:; Ferrari! ». Piqué au vif et peut-être empli d'une vision stratégique géniale, Ferrucio
-0 c: "' Lamborghini décide alors de se diversifier dans la voiture de sport et crée en 1963
0 0
c c Automobili Ferruccio Lamborghini, qui prend l'emblème du taureau (signe zodiacal de
:J
0
.2ü l' industriel , né le 28 avril 1916), installant une usine dernière génération à Sant'Agata
lil .g Bolognese. Cette diversification offensive naît ici plus de la vision stratégique d'un
.-t 0
0
N eo. homme qui voit l'opportunité d'un nouveau défi industriel sur un secteur où Ferrari
@ ~ règne en maître, que de la volonté d'exploiter des compétences existantes.
....... ~ À l'automne 1963, le nouveau constructeur commercialise son premier modèle: la
..c 1
CJl "O
·;:: g 350 GTV (suspension à quatre roues indépendantes et moteur V12, ce qui est à cette
>- ::i époque le monopole de Ferrari). Très vite, le succès est au rendez-vous, notamment
a. Cl
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

avec la Marzal, puis la Miura. Les grands de ce monde (le chah d 'Iran, le roi Fayçal
d'Arabie, Rod Stewart ou Frank Sinatra) s'arrachent les modèles Lamborghini ; le
constructeur gagne alors de l'argent en vendant moins de 600 véhicules par an .
En 1971, devant la crise qui touche le secteur agricole, l'entreprise se sépare de son
pôle de matériel agricole. Peu de temps après, le Cavaliere Ferrucio Lamborghini
vend ses parts de Automobili Lamborghini et se retire dans son vignoble de Fiorita,
en Ombrie. Après le lancement de modèles mythiques (Countach, Diable) et souf-
frant d' une santé financière fragile , l'entreprise est rachetée en 1998 par le groupe
Volkswagen. L'entreprise est restructurée, les process sont rationnalisés, la gamme
s'étend et la fi abilité est au rendez-vous tout comme le succès, matérialisé par une
hausse constante du CA et du bénéfice.
La Poste
Les tentatives de diversification de La Poste de ces dernières années (box Internet,
services aux personnes, etc.) correspondent clairement à une logique défensive; devant
les difficultés actuelles et anticipées de l'activité courrier qui représente une part non
négligeable de son CA (de l'ordre de 50 %), l'entreprise veut exploiter ses ressources
existantes (c'est-à-dire à la fois ses ressources humaines avec ses 90000 facteurs et son
réseau de distribution de 17000 points de vente, qui assure un maillage exceptionnel
du territoire national) pour trouver un ou plusieurs relais de croissance.
Dalian Wanda
En 2013, le conglomérat chinois Dalian Wanda (immobi lier, divertissement, hôtel-
lerie, distribution, tourisme ...), dont les actifs sont valorisés à plus de 49 milliards
de dollars, annonce le rachat du groupe Sunseeker, fabricant de yachts de luxe (et
fournisseur exclusif des yachts uti lisés par James Bond dans ses quatre derniers film s)
pour 375 millions d'euros. Le conglomérat chinois à la santé financière éclatante
voit dans ce rachat l'opportunité de monter en gamme et de posséder des marques
à forte image, pour répondre à la demande des classes aisées chinoises. En effet, le
secteur du luxe (auquel le nautisme appartient) est en pleine croissance en Asie e t
sa rentabi lité est légendaire. C'est ainsi l'occasion pour ce groupe chinois d'investir
dans des activités permettant d'augmenter sa marge moye nne e t de réduire encore
son niveau de risque sectoriel.

lsl Les risques de la diversification


Deux limites principales peuvent être identifiées:
"'O • La première limite touche au phénomène de dispersion des ressources induit
0
c par cette manœuvre. En effet, la firme diversifiée risque de «privilégier la
:J
0 quantité à la qualité » et, en menant de front plusieurs activités sans rapport
lil
.-t les unes avec les autres, de ne pas avoir les moyens de développer une véritable
0
N expertise en termes de compétences ou de technologie (à la différence des
@
.......
entreprises très spécialisées). C'est notamment pour ce motif que de nombreuses
..c
O'l études soulignent la supériorité des diversifications « reliées» (c'est-à-dire
·;::::
>
a.
faisant appel à des compétences pivots) sur les diversifications conglomérales
0 (c'est-à-dire ne présentant aucun point commun entre l'activité de base et
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

l'activité de diversification). D e ce point de vue, le choix de la diversification


reliée permet en effet de concentrer les efforts sur un nombre limité d'actifs
et de technologies tout en laissant à l'entreprise la possibilité de profiter des
avantages traditionnellement associés à la diversification.
• La seconde limite concerne le surcoût généré par la structure centrale de
l'entreprise qui est en cha rge de la coordination des différentes activités. En
effet, si l'on adopte le point de vue de l'actionnaire ou de l'investisseur, ce
dernier va privilégier une diversification des risques (autrement dit des secteurs
d'activité) réa lisée directement sur le marché financier (c'est-à-dire en inves-
tissant dans plusieurs entreprises spécialistes) ; cette solution lui permettra
ainsi de réduire son risque sectoriel, sans supporter le coût de la structure
centrale d'une entreprise diversifiée. Ce dernier élément est d'ailleurs géné-
ralement à l'origine d'un phénomène de «décote» des conglomérats (c'est-à-
dire des entreprises diversifiées de manière non reliée) sur le marché boursier.

La diversification temporaire
Devant les nombreux échecs de diversifications réalisées par des groupes de l'agroali-
mentaire dans des métiers trop éloignés de leur activité de base (échec de Nestlé dans
le lancement d'une chaîne de cafés à son e nseigne, échec de la tentative de Lustucru
de créer un résea u de bars à pâtes, difficul tés connues par Haagen Dazs da ns son
activité de glacier, e tc.), les groupes adoptent une nouvelle ligne de conduite avec la
« diversification temporaire». C'est dans ce cad re que Coca-Cola ouvre en 2013 un
café-restaura nt à la gare de Paris-Montparnasse. Cette déma rche correspond plus à
une action de communication qu'à une véritable di versification puisque l'activité n'a
pas vocation à se pérenniser mais constitue plutôt un événement temporaire destiné
à entretenir l'image de marque et à créer un lien avec les consommateurs. D 'autres
marques de ce secteur avaie nt déjà tenté l'expérie nce d 'un espace de restauration
éphé mère (Unilever avec les glaces magnum , Danone avec un ba r D a nette ou un
D a none Bar en région parisienne). Ce choix permet ainsi d'éviter une diversification
hasardeuse et risquée tou t en communiquant sur les produits de l'en treprise dans un
contexte renouvelé.
""'
"
Samsung Electronics
'& Samsung Electronics est une fili ale du conglomérat coréen1 du même no m, présent
·;:
0
:; da ns des secteurs au ssi différents que l'é le ctronique, la constructio n navale, les
-0 c: "' assurances, les semi-conducteurs ou le BT P. Samsung Electronics est en 2013 le n° 1
0 0
c c mondia l de la télé phonie mobile et de l'électron ique grand public (bénéfice net d'en-
:J
0
.2ü viron 14 milliards d 'euros en 2012 pour un CA de l'ordre de 185 milliards d'euros).
lil .g Pourtant, cette entreprise su bit sur le marché boursier une décote de conglomérat
.-t 0
0
N eo. liée à son appartena nce au chaebol Samsung et sa valorisation boursière (c'est-à-dire
@ ~ la valeu r accordée par les investisseu rs à l'entreprise) est de l'ordre de huit fois son
....... ~ bénéfice contre treize fois pour Apple, par exemple .
..c 1
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl 1 Ce type de conglomérat regroupant de nombreuses sociétés reliées par des montages juridiques
8@ et financiers complexes porte en Corée le nom de chaebo/.
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

D Croissance et expansion
I l l Les caractéristiques de l'expansion
L'expansion désigne une manœuvre de croissance située à l'interface entre spé-
cialisation et diversification. À la différence de la spécialisation, l'entreprise va
étendre son périmètre au-delà des activités existantes; mais à la différence de
la diversification, elle va pour cela s'appuyer sur une partie de son activité, soit
en relation avec ses produits, soit en relation avec ses clients.

La stratégie d'expansion consiste à fonder la croissance de l'entreprise


sur le développement de nouvelles offres destinées à des clients existants
(expansion métier), ou sur la conquête de nouveaux clients en s'appuyant
sur des produits existants (expansion marché).

Pour mettre en œuvre une stratégie d'expansion, l'entreprise va être amenée soit
à développer de nouveaux produits destinés à ses clients existants (expansion
métier ou expansion produit), soit à utiliser ses produits existants pour viser une
nouvelle clientèle (expansion marché ou expansion mission).
• L'expansion métier est très souvent associée à une extension de gamme dans
le cadre de laquelle l'entreprise va ajouter à son offre de nouveaux produits
ou services pour étendre son volume d'affaire chez les clients existants.
• L'expansion marché constitue très souvent la suite logique d'une stratégie de
spécialisation ; après avoir exploité un produit sur une cible clientèle donnée,
cette dernière est élargie afin de permettre un développement du volume
d'affaire (en passant par exemple d'un marché professionnel à un marché
grand public ou d'un marché masculin à un marché féminin).
Il est important de souligner que ces deux types d'expansion peuvent être menés
de front par l'entreprise, soit de ma nière successive, soit de manière simultanée.
-0
0
L'alternance des deux manœuvres lui permet ainsi de développer son volume
c d'activité de ma nière importante sans courir le risque de l'éloignement trop
:J
0
lil
brutal de son territoire associé à la diversification.
.-t
0
N
@ [7:'xpansion désigne une manœuvre de croissance con duisant l'entreprise à investir
...... sur des activités connexes aux activités existantes, tout en prenant appui soit sur les
..c
O'l
·;:::: produits existants, soit sur les clients existants.
>
a.
0
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

Plastic Omnium
Plastic Omnium est une entreprise fra nça ise spécialisée da ns la transformation et
la commercialisation de matières plastiques. Son activité est tout d'abord centrée
sur la fabrication de pièces destinées à l'industrie automobile (réservoirs plastiques,
pare-chocs, etc.). Progressivement, et compte tenu de la montée en puissance des
exigences de réduction de poids des véhicules (elles-mêmes liées à la volonté de
réduire la consommation de carburant et donc les émissions de CO ), le plastique,
bien plus léger que l'acier et bien moins cher que l'a luminium, constitue pour les
constructeurs automobiles une a lternative souhaitable pour un nombre croissant de
pièces (la part du plastique devrait représenter 30 % du poids des véhicules en 2018
contre 17 % en 2012). C'est sur la base de ce constat que Plastic Omnium a mis en
place une stratégie d'expansion métier en développant et commercialisant des hayons
automobiles (notamment destinés à la Peugeot 308); l'entrepri se prépare également
le lancement de nouveaux produits pa rmi lesquels des ailes, des pièces de structure
et des systèmes d'absorption d'énergie.
Sonia Rykiel
E n 2013, l'entreprise Sonia Rykiel, spé ci a liste du prê t-à -porter féminin haut de
gamme, conclut une alliance avec le chausseur Robert Clergerie porta nt sur la pro-
duction et la vente de souliers Sonia Rykiel. En outre, l'entreprise lance également
une gamme de sacs et d 'objets de ma roquinerie. Cette expansion métier (réalisée ici
grâce aux compétences techniques d'une autre entreprise : Robert Clergerie) vise
claire ment à développer son activité e n proposa nt une gamme de produits plus large
à la clientèle de la marque. Parallèlement à cette manœuvre, Jean Marc Loubier, qui
dirige l'entreprise, a également pour ambition de développer une seconde enseigne
qui commercialisera des produits de prêt-à-porter plus accessibles e t destinés à une
clientèle plus jeune. Ces produits seront commercialisés sous des enseignes «Sonia by
Rykiel », qui viendront s'ajouter aux boutiques cl assiques Sonia Ryk iel et aux corners
des grands magasins. Cette décision s'apparente ainsi à une expansion marché, menée
en simultané de l'expa nsion mé tier, et qui permet de cibler une nouvelle clientè le plus
jeune et disposa nt de moins de moyens, tout en développant le prêt-à-porter qui reste
le cœur de l'activité de l'entreprise.

""'
"
'&
ltl Les avantages de l'expansion
·;:
0
:; Il est possible d'identifier deux objectifs (ou avantages) majeurs mis en avant
-0 c: "'
0 0
c c pour justifier le choix de l'expansion:
:J
0
.2ü • Tout d'abord, l'expansion permet d'atteindre une taille critique lorsque l'ac-
lil .g tivité principale de l'entreprise est saturée, sans pour autant prendre le risque
.-t 0
0
N eo. d'un éloignement trop radical des métiers de base.
@ ~
....... ~ • Par ailleurs, le choix de l'expansion va permettre de générer des «économies
..c 1
CJl "O
·;:: g de champ». Les économies de champ constituent des économies d'échelle
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

(ou des effets de taille) qui sont réalisées non pas au niveau du produit, du
service ou de l'activité mais au niveau de ressources particulières du produit
ou du service.

Les économies de champ désignent des gains issus de la mobilisation de


ressources ou de compétences qui sont communes à des activités ou à des
produits différents.

Par exemple, dans le cas d'une expansion métier, il est possible de réaliser des
économies d'échelle au niveau de son réseau de distribution (extension de la
gamme de produit commercialisée dans le même réseau), ou même
~choix de l'expansion permet sur des parties communes du processus de production (sur les
d'ouvrir de nouvelles opportunités étapes de production communes aux diffé rents produits de la
de marché à l'extérieur du gamme). Dans le cas d'une expansion mission, il est possible de
secteur d'activité traditionnel profiter d'économies d'échelle ou d'effets de ta ille sur certa ines
de l'entreprise, tout en limitant fonctions (pa r exemple pour la fonction achat) qui contribuent à
les risques et en profitant
l'offre destinée à la clientèle initiale et à la clientèle qui fait l'objet
d'économies de champ.
de l'expansion.

Medica est un spécia li ste français des maisons de retraite ou E HPAD (Établissement
d'hébergement pour personnes âgées dé penda ntes). C réé en 1968, il fa it partie des
quatre plus grands acteurs frança is de ce secteur (avec Orpéa, Korian et DVD). À sa
création, l'entreprise se concentre sur le développement de son offre de lits en E HPA D.
Puis, très vite, Medica opte pour une stratégie d'expansion mission en proposant une
offre d 'établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR). Cette expansion
permet ainsi de proposer des offres adaptées au niveau de dépenda nce et au x âges
de la cible (les SSR visant à proposer un premier niveau de gestion de la dépendance,
qui reste temporaire, puis les E HPAD, lorsque la dépenda nce s'accentue et nécessite
un hébergement permanent en centre spécialisé). Cette manœuvre permet à l'entre-
prise de profiter p leinement de la croissance exceptionnelle de ce secteur d'activité
(pour leque l l'offre est encore inférieure à la demande et qu i présente des tau x de 20
à 30 % de croissance annuelle) en se positionnant à toutes les é tapes de la gestion de
-0 la dépenda nce et en ciblant des popula tions différentes a lors que les savoir-fa ire des
0
c E HPAD s'appliquent en très grande partie dans le secteur des SSR et que certa ines
:J
0 fonctions peuvent même ê tre centralisées (par exemp le les achats de consommables
lil telles que les protections absorba ntes). D e ce point de vue, la suite logique de cette
.-t
0 expansion pourrait résider dans l'ajout d 'une offre de soins à domicile, qui permettrait
N
@ de couvrir l'ensemble de cette fili ère de dépendance .
......
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a.
0
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

mCroissance et internationalisation
..111 Les caractéristiques de l'internationalisation
L'internationalisation désigne une manœuvre de croissance consistant pour
une entreprise à se développer dans des pays ou des zones géographiques dans
lesquels elle n'est pas présente.

L'internationalisation consiste à construire Je développement de l'entreprise


par l'extension de son activité à l'extérieur des frontières de son pays d'origine.

Elle renvoie à la décision d'une entreprise de réaliser et/ou d'organiser une ou


plusieurs étapes de sa chaîne de valeur (achat, production, vente, service après-
vente ... ) au-delà de son territoire national. Par ailleurs, l'internationalisation
constitue un axe de croissance « non exclusif» des trois axes précédemment abordés
puisqu'il peut se superposer à la spécialisation, l'expansion ou la diversification ;
de ce point de vue, l'internationalisation représente le niveau de développement
géographique appliqué à ces différentes directions de la croissance.
Si cet axe de croissance se développe dès le début du xxesiècle, c'est véritablement
à partir des années 1980 et du mouvement de globalisation (ou mondialisation)
des économies que les entreprises y ont recours massivement. Le phénomène de
globalisation est lié à des facteurs techniques (baisse du coût des transports et
des communications), des facteurs juridiques et politiques (disparition
progressive des barrières douanières, fiscales et politiques) et des L'internationalisation condui; - i
facteurs économiques (uniformisation des modes de vie à l'échelle l'entreprise à concevoir et à
mondiale, maturité des marchés des pays développés et croissance organiser une ou plusieurs étapes
des pays émergents ... ). À partir des années 1980, ces trois facteurs de sa chaîne de valeur dans de
vont se combiner et provoquer une augmentation particulièrement nouvelles zones géographiques,
situées hors du territoire national.
forte du recours aux stratégies d'internationalisation.
Caractériser une manœuvre d'internationalisation
revient à répondre à quatre questions que l'on
peut représenter sous la forme d 'une matrice
(.,.. figure 5.3):
- Pourquoi s'internationaliser?
- Quand s'internationaliser? "'4 Figure 5 .3
La matrice de
- Où s'internationaliser?
caractérisation de
- Comment s'internationaliser?
l'internationalisation
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

Mesurer le degré d'internationalisation


De nombreux indicateurs existent pour mesurer l'intensité du degré d'internationalisation: nombre
de filiales à l'étranger, part du CA réalisée à l'étranger, part des effectifs présents à l'étranger, part du
volume d'actifs à l'étranger, part du CA réalisé dans le pays principal , etc. Pour utiliser ces mesures de
manière pertinente, il est important de souligner deux éléments:
• D ' une part, compte tenu du fort mouvement de mondialisation apparu dans les années 1980 et de
l'émergence de zones économiques intégrées (comme l'Union européenne), il peut être intéressant
de mesurer l'internationalisation des entreprises non pas en rapport à un pays mais en rapport à une
zone géographique (Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Asie ou Afrique, par exemple).
• D 'autre part, si le degré d'internationalisation vise à mesurer l'intensité de la présence internationale
de l'entreprise, la référence à retenir n'est pas forcément le pays d 'origine ou la zone d'origine de
l'entreprise; en effet, une entreprise peut par exemple réaliser 10 % de son CA dans son pays (ou
sa zone) d'origine et présenter un profil peu international si elle réalise la totalité des 90 % restants
dans un seul autre pays. Dans ces conditions, l'indicateur de part du CA réalisé dans le pays (ou la
zone) principal(e) peut constituer une mesure pertinente.

•1tl Pourquoi s'internationaliser?


Les motivations des entreprises qui optent pour cet axe de croissance sont mul-
tiples mais peuvent être synthétisées en trois catégories: des facteurs de marché,
des facteurs de coût et des facteurs concurrentiels.
• Les facteurs de marché renvoient à l'opportunité d'accéder à de nouvelles
clientèles en s'internationalisant, ce qui permet le cas échéant de compenser
un marché local en stagnation ou en déclin, en se développant sur une zone
géographique plus large.
• Les facteurs de coût désignent la possibilité offerte à l'entreprise de profiter
d'une réduction de ses coûts de revient, soit du fait d'un volume de production
plus important permis par l'expansion internationale (économies d'échelle et
-0 effets de taille), soit du fait de l'accès à des zones de production caractérisées
0
c par des coûts plus faibles de main-d'œuvre ou de matières premières, soit du
:J
0 fait de mesures d'incitations fiscales mises en place par les pays étrangers.
lil
.-t
0 • Enfin, les facteurs concurrentiels correspondent à la volonté d'une entreprise
N
@
de s'internationaliser pour neutraliser ou pénaliser ses concurrents, notam-
....... ment par le biais de la pratique de la concurrence « multipoints ». La concur-
..c
O'l
·;:::: rence multipoints désigne une situation où la concurrence est pensée
>
a. mondialement et où les entreprises sont susceptibles d'attaquer ou de riposter
0
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

sur plusieurs territo ires co ncurre ntiels et d onc de réagir à une


L'internationalisation permet- ,
attaque sur un territoire par une riposte sur un autre territoire.
à l'entreprise de réduire ses
C haque attaque potentielle peut provoquer une répo nse rapide,
coûts, de con quérir de nouveaux
voire une escalade concurrentielle dans le futur sur d'autres zones marchés ou de réduire la marge
géographiques (représailles multimarchés), ce qui peut a limenter de ma nœuvre des concurrent s.
une stratégie de dissuasio n.

Créée e n 1972, l'entrepr ise indienne Apollo Tyres est aujourd' hui un acteur centra l
de l'industrie pneumatique (présent dans les 15 premiers mondia ux), non seulement
en Inde mais aussi à l'intern ationa l. Très tôt, e t à la différence de ses concurrents
locau x, cette e ntrepr ise a massivement investi e n R &D pour ê tre capable de pro-
duire des pneu s de type «radial » e t « tubeless » . Cette différenciation technologique
lui a permis d'être la seule e ntreprise indie nne de ce secteur présenta nt un très fo r t
développement internationa l (avec des produits présents da ns 70 pays et des sites
de production insta llés en A sie, e n Afrique et en E urope). Même si la croissa nce
du marché du pneu en Inde reste élevée (6 à 7 % par an e n moyenne), l'essentie l du
marché concerne e ncore des produits d'entrée de gamme de ty pe «diagonal ».
G râce à ses ressources technologiques, à sa main-d 'œuvre à faible coût et à sa poli -
tique industr ie lle innovante , Apollo Tyres a pu construire sa croissa nce sur l'accès à
de nouveaux marchés internationau x (avec un CA export de plus de 40 %). En outre,
l'augmentation induite de son volume de production lui a permis de béné ficier d'effe ts
de ta ille et d 'économies d'échelle. Cet exemple montre pa r ailleurs que l'internatio -
nalisation ne concerne plus seulement les flux Nord-Sud (des pays développés vers
les pays émergents) ma is de plus en plus les flu x Sud-Nord (des pays é mergents vers
les pays dévelo ppés) .

..._, Quand s'internationaliser?


La question du «quand » renvoie à celle du rythme de l'internationalisation. D ans
ce domaine, la plupart des entreprises adoptent traditio nnellement un rythme
le nt. Cette progressivité s'appuie sur l'idée qu'une entreprise doit passer par des
""'
" étapes successives et un processus de « petits pas» pour réussir son développe-
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0 ment international : c'est la théorie des étapes.
:;
-0 c: "' Selon les tenants de cette théorie, le développement international de l'entre prise
0 0
c c
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0
.2ü est ralenti par le manque de connaissance des marchés étrangers, qui ne peut être
lil .g réduit que par l'accumulation progressive d'expériences de la part de l'entreprise. E n
.-t 0

eo.
0 effet, c'est à travers les opérations de l'entreprise à l'étranger que celle-ci maîtrise
N
@ ~ progressivement les enjeux de ces nouveaux marchés et réduit le risque attaché à
....... ~ cette manœuvre. Ainsi, chaque nouvelle implantation à l'étranger capitalise sur les
..c 1
CJl "O
·;:: g expériences cumulées des précédentes implantations. Au fur et à mesure de ses
>- ::i
investissements internationaux, l'entreprise améliore sa connaissance des marchés
a. Cl
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

et diminue le risque qui y est attaché; elle peut alors progressivement augmenter
son engagement et son implantation internationale. Autrement dit, plus la maîtrise
des marchés internationaux s'améliore, plus l'engagement de l'entreprise augmente
et plus son engagement augmente, plus sa maîtrise des marchés s'améliore; ce qui
la conduit à adopter un rythme d'internationalisation par étapes.

Le cas de Pernod Ricard illustre parfaitement ce type de développement par étapes.


L'entreprise Pernod Ricard naît en 1975 de la fusion des deux entreprises éponymes.
À ce moment-là, elle réalise 85 % de son CA en France. Au cours des cinq années qui
suivent, l'entreprise met en place une politique d'exportation et s'implante en Europe
occidentale. Puis, les années 1980 voient Pernod Ricard se lancer à la conquête du marché
américain (rachat d'Austin Nichols et de son bourbon Wild Turkey, par exemple), tout
en renforçant sa présence en Europe et en prenant pied en Australie sur le secteur des
vins. De 1990 à 2000, l'entreprise consolide sa position à l'international en se positionnant
sur les marchés d'Europe de l'Est désormais ouverts (ouvertures de filiales et rachats de
marques locales) et développe sa présence sur les marchés asiatiques (fi liales, rachats et
alliances). En 2001, Pernod Ricard réalise le rachat du pôle spiritueux de Seagram pour
près de 5 milliards d'euros, ce qui lui permet de rééquilibrer son portefeuille géographique
en accentuant sa présence en Amérique du Nord. La France ne représente alors plus
que 22 % du CA. E n 2005, le rachat de Allied Domecq consacre le statut multinational
du groupe qui accède à la deuxième place mondiale (et la première hors États-Unis).
La France représente a lors 16 % de son CA. Cette progression par étapes successives a
fait de Pernod Ricard un géant mondial du spiritueux, leader (France, Allemagne, pays
nordiques, Argentine, Inde) ou deuxième mondial (Grèce, Russie, Japon , Canada ... )
dans de très nombreux pays.

Cependant, à partir de la fin des années 1990, une vision concurrente se fait jour
sous l'effet de l'apparition de petites entreprises qui s'internationa-
~e nombreuses lisent de façon très rapide et même parfois brutale, sans passer par
entreprises construisent leur
les différentes phases de la théorie des étapes. Ces entreprises, sou-
internationalisation sur la
capitalisation progressive
vent appelées les « born global», enchaînent de manière soutenue les
d'expériences à l'étranger, implantations commerciales et/ou industrielles dans différentes régions
certaines optent pour une du monde pour exploiter les opportunités qui y sont attachées. Très
démarche plus brutale : on les vite, ces entreprises présentent des profils de répartition géographique
appelle les « born global ». de l'activité similaires à ceux de grandes multinationales.
"'O
0
c Les études menées sur ces entreprises mettent en avant deux carac-
:J
0 téristiques:
lil
.-t elles sont souvent dirigées par des équipes disposant d'une forte sensibilité
0
N aux questions internationales (en termes de formation ou d'expériences pro-
@ fessionnelles antérieures);
.......
..c ne pouvant pas s'appuyer sur une taille critique et sur les économies qui y sont
O'l
·;::::
> associées, elles se développent le plus souvent par le biais d'une stratégie de
a.
0
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

différenciation, ce qui leur permet de compenser leur déficit d'information


du marché local.

L'entreprise Végéplast naît au début des années 2000 dans le sud de la France. E lle se
construit sur un brevet lui permettant de transformer des matières végétales (céréales
telles que le blé ou le maïs) en matières plastiques biodégradables compostables (bio-
plastique). Très rapidement, l'entreprise multiplie les appl ications de cette technologie
dans de nombreux secteurs d'activité: agriculture (attaches à vigne), agroalimentaire
(capsules de café, couverts jetables, emballages), animalerie (friandises pour chien),
défense (liens de parachute), sport et loisir (tee de golf). La maîtrise de la technologie
de l'injection thermoplastique de produits biodégradables et la détention des brevets
associés lui permettent de soutenir sa stratégie de différenciation et de construire
très rapidement une position à l'international avec plus de 70 % du CA réalisé hors
de France.

•-ml Où s'internationaliser?
Si l'on adopte la vision de la théorie des étapes, il semble important de définir
les zones géographiques à cibler en priorité, et sur lesquelles l'entreprise pourra
capitaliser son expérience et construire sa stratégie d'internationalisation.
Dans ce contexte, l'école suédoise d 'Uppsala avance l'idée que le choix des
zones doit être guidé par la distance psychique qui sépare la zone d'origine
de la zone cible.
La distance psychique se définit comme l'écart entre les contextes géogra-
phique, économique, social, institutionnel, réglementaire et culturel des deux
zones considérées. Elle fait référence à des différences de langue, de valeurs, de
croyances religieuses, de normes sociales, de systèmes éducatif, politique ou légal,
de pratiques managériales, de développement industriel ou d'infrastructures de
transport. Ainsi, l'entreprise doit privilégier en priorité les pays ou les zones à
faible distance psychique pour son implantation internationale.
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......... Comment s'internationaliser?
0 0
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:J .2ü Enfin , l'entreprise doit définir le type d'orientation pour son développement
0
lil .g international. Cette orientation peut être définie sur la base de deux objectifs:
.-t 0

eo.
0 un objectif d'efficacité globale et un objectif d'adaptation locale.
N
@ ~ • L'objectif d'efficacité globale se définit comme la volonté de s'appuyer sur
....... ~
..c 1 son activité internationale pour générer des effets de volume (effets de taille,
CJl "O
·;:: g économies d'échelle) et améliorer sa structure de coût; en d'autres termes, en
>- ::i
a. Cl augmentant son activité internationale, l'entreprise réduit ses coûts et améliore
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

sa compétitivité. Cependant, cette logique impose à l'entreprise de proposer


une offre similaire (c'est-à-dire les mêmes produits) à l'échelle mondiale si
elle veut tirer les bénéfices des effets de volume.
• L'objectif d'adaptation locale désigne la volonté d'adapter les produits aux
attentes particulières de la clientèle de chaque pays ou zone (en termes de
marque, de goût, de packaging, de forme, d'image, de mode de distribution
ou de communication, par exemple) afin de coller au mieux aux besoins des
clients locaux. Cependant, cette logique impose à l'entreprise de « person-
naliser» ses offres et ses produits à chaque zone ou pays (autrement dit de
maintenir une forte diversité de produits sur les différentes zones) si elle veut
tirer les bénéfices des effets de différenciation.
La difficulté pour l'entreprise est donc de faire coexister ces deux impératifs
antagonistes. En effet, l'efficacité globale implique, pour pouvoir profiter des
effets de volume, une forte standardisation des produits et des
~stratégie d'internationalisation
processus à l'échelle mondiale ainsi qu'une coordination étroite
assurée par le siège social de l'entreprise. À l'opposé, l'adaptation
doit arbitrer entre deux impératifs
antagonistes: l'efficacité globale locale implique, pour pouvoir séduire les clients de chaque pays, de
(afin de profiter d'effets de volume proposer des produits spécifiques et de privilégier une autonomie
à l'international) et l'adaptat ion forte des filiales locales.
locale (afin de séduire les clients
étrangers en adaptant l'offre). Le positionnement sur ces deux dimensions permet de caractériser le
type de stratégie internationale menée par l'entreprise(.,.. figure 5.4). '

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(9 Fort
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d'export
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Figure 5.4.,.. Faible Fort
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.:ë La matrice des stratégies Degré d'efficacité globale
.gi internationales
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u 1 D'après Stopford et Wells. 1972.

146
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

Mê me s'il es t difficile une fois de plus de trouver des e ntreprises qui correspo nde nt à
ces ty pes« purs» de stratégie internationa le, il est possible de proposer des firmes qui
sont r évélatrices de ces quatre d ynamiques. Ainsi, Coca-Cola peut ê tre considérée
comme une entreprise men a nt majoritairement une stratégie glo ba le caractérisée
par une implantation m assive dan s un gra nd nombre de pays et la mise en vente de
produits peu adaptés loca lement.
À l'opposé e t de m anière contre -intuitive, le marché de la bière peut être qualifié de
multidomestiq ue. En effet, l'importance des coûts de distribution et de tra n spo r t, les
particula rités des goûts et des m odes de distributio n tout comme les différ ences en
ter mes de contrai ntes réglementa ires poussent les gra nds brasseurs (Inbev, Heineken
ou Carlsberg, par exemple) à personnaliser leurs produits en fo nction des zones et des
clients. A insi, le po ids d es ma rques mo ndi ales est in fé ri eur à 20 % du CA chez ces
acteurs internatio nau x alors que les marques locales représentent plus de 80 % du CA.
E nfin, Danone tente de concilier les deux impératifs d 'ad aptation et d'efficacité en
co mbina nt à la fois des ma rques mo ndia les e t des ma rques loca les et e n adapta nt plus
ou mo ins ma rginalement ses produits pha res (Activia pa r exemple) au x d ifférents pays
(en termes de form at, de nom ou de packaging); c'est le cas d 'une stratégie glocale.

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Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

••
3 questions à
Julien
Sauvagnargues
Quels axes de croissance ont été privilégiés par
Olympus au cours de ces dernières années?
Depuis environ trois ans, et à la suite du changement
de l'équ ipe dirigeante au Japon, qui a mis en place un
système de gouvernance particulièrement strict, Olympus
a opté pour une stratégie de recentrage. Le groupe a donc
Vice-Président Groupe - Ventes décidé de concent rer ses ressources sur ses trois principaux
et Marketing métiers - le médical, le scientifique et la phot o - et de se
Olympus lmaging America lnc. désengager des activités jugées moins pertinentes ou moins
rentables. Pour Olympus, il s'agit clairem ent d'un retour aux

'' sources qu i remet l'accent sur le cœur de compét ences de


l'entreprise. Ainsi, après plusieurs années de diversification
à tout va dans le début des années 2000, la compagnie
a vendu les f il iales qui n'avaient pas de lien avec ces trois
métiers et concentre ses efforts sur les activit és qu'elle
maîtrise le mieux. Les mots d'ordre communiqués par
le groupe ont ainsi été «Back To Basics » et «Profitable
Growth ».

Quels sont les objectifs poursuivis avec ce choix


de croissance ?
Ce choix stratégique visait deux objectifs majeurs :
d'une part, il s'agissait d'exploiter la position dominante
d'Olympus dans le domaine de l'imagerie médicale et de
s'appuyer sur l'innovation technologique pour croître de
façon profi table; d 'autre part, il s'agissait d'améliorer la
lisib ilité du portefeuille d' activités d 'Olympus po ur redo nner
confi ance aux actionnaires: « Nous faisons à nouveau ce que
nous savons bien faire et nous le montrons ». Ce recentrage
était également le moyen de réaffirmer clai rement ses
valeurs, qu i guident la stratégie: «Innovation », « lntegrity»
et « lnvolvement», résumées dans le terme « Socia//n ».

Quels ont été les résultats de cette nouvelle


orientation ?
Dans la première moitié de l'année fiscale 20 14, Olympus a
enregistré des profits record grâce à la croissance régulière
de son activité médicale. L'entreprise a également retrouvé
-0
0 la confiance de ses actionnaires, comme en témoigne la
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::i hausse du cours de son action. •
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Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

Les points clés


-+ L'entreprise à la recherche de croissance dispose de quatre axes possibles
pour mener à bien cet objectif: la spécialisation, l'expansion et la diver-
sification, qui lui permettent de faire évoluer la nature de son activité, et
l'internationalisation, qui lui permet de faire évoluer la zone géographique
de son activité.

-+ La spécialisation vise à développer les activités existantes de l'entreprise


sans en changer la nature, ce qui permet de réduire le risque fondamental
de l'entreprise (maîtrise des compétences) mais induit un risque de passi-
vité, de renforcement des modes de pensée et de dépendance sectorielle.

-+ La diversification consiste à construire la croissance sur le développement


de nouveaux segments stratégiques (ou domaines d'activité) afin de profiter
de l'émergence de nouvelles opportunités de marché ou d'effets de synergie
avec les activités existantes. Cependant, il existe pour l'entreprise un risque
fort de dispersion de ses ressources, susceptible de dégrader son degré de
maîtrise des compétences.

-+ L'expansion est une manœuvre intermédiaire visant à s'appuyer sur des


composantes préexistantes des activités de l'entreprise (soit les clients,
soit les produits) pour développer des activités connexes. Cette manœuvre
permet ainsi de s'ouvrir à de nouveaux clients ou de nouveaux produits en
présentant des risques inférieurs à ceux de la diversification.

-+ Enfin, l'internationalisation conduit l'entreprise à développer ses activités


hors de ses frontières pour profiter d'opportunités de marché (en séduisant
de nouveaux clients) ou pour améliorer sa compétitivité (en profitant d'effets
de volume).

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Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

APPLICATIONS
5 Quelle est l'affirmation la moins pertinente?
QCM a. L'expansion (métier ou mission) permet à l'entre-
prise d'assurer la croissance de son volume d'affaires
..,. Corrigés p. 188 en limitant les risques d'une mauvaise maîtrise des
Une seule bonne réponse par question. compétences.
b. L'expansion (métier ou mission) permet de générer
1 Quelle est l'affirmation juste? des économies de champ pour l'entreprise.
a. Les choix de croissance de l'entreprise s'apparentent c. L'une des deux affirmations précédentes est fausse.
à un choix d'allocation de ressources.
b. Les quatre axes de croissance principaux (spécialisa- 6 Lequel de ces éléments n'est pas constitutif
tion , diversification, expansion et internationalisation) des objectifs associés à l'internationalisation de
sont mutuellement exclusifs l'un de l'autre. l'entreprise?
c. Les deux affirmations précédentes sont fausses. a. La réduction du risque de change.
b. L'accès à de nouveaux débouchés.
2 Quelle est l'affirmation erronée? c. Le contrôle de ses approvisionnements.
a. La diversification se définit comme l'ajout d'une d. La réduction des risques de conflits culturels.
activité au portefeuille de l'entreprise.
b. La diversification désigne obligatoirement l'entrée 7 Quelle est l'affirmation la moins pertinente?
de l'entreprise dans une activité assurée précédemment a. L'objectif de la diversification est de répartir les
par ses fournisseurs ou ses clients. risques pour l'entreprise.
c. La diversification est une stratégie de croissance b. L'objectif de la diversification est de contrôler les
de l'entreprise. approvisionnements de l'entreprise.
c. L'objectif de la diversification est de compenser la
3 Quelle est l'affirmation erronée? saisonnalité d'une activité.
a. Il est impossible pour une entreprise diversifiée d. L'objectif de la diversification est de développer
de mener une stratégie de spécialisation. l'expertise de l'entreprise en concentrant la totalité
b. L'objectif d'une stratégie de spécialisation est de de ses ressources sur une seule activité.
concentrer ses efforts pour réussir à développer un
ava ntage concurrentiel de différenciation ou de coût.
c. Le recours à la spécialisation permet de limiter le
risque fondamental attaché à l'activité de l'entreprise.

4 Quelle est l'affirmation la moins pertinente?


Etude de cas
"O ..,. Corrigés p. 188
0 a. L'internationalisation se défi nit comme une
c
::i manœuvre de développement de l'entreprise, consistant
0 à organiser son activité à l'échelle internationale.
8 Accor
l..f)
.-1 b. L'internationalisation se définit comme la décision L'histoire du groupe Accor débute véritablement en
0
N d'une entreprise de réaliser une ou plusieurs étapes de 1967, avec la création de Novotel-SIEH (qui deviendra
@ sa chaîne de valeur au-delà de son territoire national. le groupe Accor en 1983) et l'ouverture du premier
...... c. L'internationalisation se définit exclusivement hôtel Novotel dans la banlieue de Lille, à Lesquin.
~
0\ comme une manœuvre qui consiste pour une entre- Les débuts sont rendus difficiles par le caractère
ï::: innovant de cet hôtel ; par exemple, l'établissement
>-
0.
prise à transférer des activités exista ntes, implantées
0 localement, vers des pays à bas salaire. peine à obtenir l'agrément octroyé par le ministère du
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

Tourisme: les normes imposent en effet une salle de ressources fin ancièr es disponibles les forcent à opter
bain par étage et l' hôtel dispose d'une salle de bain pour la franchise et limite m ajorita irement cette
par chambre, ce qui n'est pas prévu par le règlement; internatio nalisatio n à l'Europe jusqu'aux années 1980.
la société finira par ajouter une salle de bain sup- Dans ce début des an nées 1970, l'entreprise décide
plémentaire à chaque étage qui fera en fait office de d'élargir son périmètre d'activité et rachète la chaîne
débarras. Dans un secteur atomisé, caractérisé par une Courtepaille. À ce moment-là, en 1973, Courtepaille
multitude d'hôteliers locaux indépendants, l'objectif de est riche de 14 restaura nts situés à proximité des
la socié té est de proposer un concept d'hô tel formaté grands axes routiers et conçus sur un concept de
de milieu-haut de gamme, insta llé en périphérie des restauration traditionnelle, rapide et bon marché . E n
villes, qui sera répliqué à l'identique sur toutes les 1990, Courtepaille compte 100 restaurants. À la fin
implantations avec une recette simple: des chambres des a nnées 1970, l'entreprise accé lére sa croissance
spacieuses, bien équipées (téléphone, bureau), dotées avec le rachat de l'enseigne Mercure (chaîne d'hôtels
d'une literie de qualité, d 'un canapé convertible et traditionnels trois étoiles, implantés en centre-ville
d'une salle de bain avec baignoire. L'hôtel propose en e t disposant d'une forte spécificité régionale, sou s
outre des services de restauration, une salle de réunion, la marque de laque lle seront regroupés par la suite
une piscine et un parking. Très vite, les implantations les hôtels non formatés qui ne peuvent pas ê tre inté-
se multiplient (Colmar, Marseille), toujours sur le grés aux enseignes exista ntes) puis avec le rachat de
même modèle. E n 1973, le vaisseau amira l ouvre ses Sofitel, fleuron de l'hôtellerie française quatre étoiles,
portes à Bagnolet et propose 600 chambres ; il a coûté en 1980. Les années 1980 sont également celles de
plus de 50 millions de francs (7,6 millions d'euros) l'accentuation du développement international avec
en gra nde partie financés par les banques. E n 1974, une implantation progressive en Afrique fra ncophone
le groupe di spose de 45 hôtels réparti s dans toutes (Mali , Congo, Sénégal, Cameroun) et des tentatives
les grandes villes et profite d'une forte inflation qui d'implantation en Asie qui restent pa rticulière ment
réduit ses charges d'intérêts d'emprunt. P our mettre modestes, tout comme sur le marché améri cai n avec
en œ uvre ce développement, la petite société combine quelques acquisitions d'hô te ls très ciblés (un établis-
endettement pour les hôtels détenus en propre et sement de très haut de gamme à New York, l'hôtel
un innovant recours à la franchise qui leur permet Roosevelt, par exemple). Mais l'activité internatio nale
d'assurer un maillage du territoire en partageant les du groupe reste très m ajoritairem ent centrée sur l'Eu-
investissements avec les franchi sés. Forts de ce succès, rope pour des raisons de proximité géographique, de
Paul Dubrule et Gérard Pélisson, les deux créateurs contraintes portant sur le marché des changes et du fait
de l'entreprise, veulent poursuivre la croissance de de la forte spécificité de la clientèle française et de la
l'entreprise et lancent une nouvelle enseigne d'hôtel difficulté à exporter les concepts natio naux. C'est en
en 1974 sur la mêm e idée d 'une chaîne d 'établisse- 1983 qu'Accor décide de renforcer sa présence dans le
ments formatés: Ibis. Ciblant une clientèle jeune et secteur de la restauration avec la prise de contrôle de
modeste, leur positionnement vise à concurrencer Jacques Borel International. Cette fusion lui permet
les hôte ls indépendants deux étoiles, de qualité très d 'entrer sur le secteur de la restauration collective
inégale. Pour cela, ils proposent des chambres 30 % (Générale de restauration), le secteur de la restauration
""'
"
plus petites et 30 % moins chères que celles du Novotel de concession (Café route, L'Arche, Freetime, Pizza
'& mais ne renoncent pas à la qualité des prestations (les del Arte ...). C'est également cette fusion qui conduira
·;:
0
:; chambres auront toutes une salle de bain alors que Accor à rentrer sur l'activité de tickets restaurant
-0 c: "' 20 % seulem ent du parc des chambres de l'hôtellerie avec un principe simple: la société émettrice vend des
0 0
c c: traditionnelle en sont équipés). Leur positionnement titres repas aux entreprises qui les cèdent à moindre
::J
0
.2ü est donc celui du rapport qualité/prix. En outre, les coût (en profitant d'un effet fi scal favorable) à leurs
lil .g Ibis sont construits à proximité des Novotel a fin de salariés, qui eux-mê mes peuvent les utiliser chez les
.-t 0
0
N eo. fa ire é merger des « pôles hôteliers ». E n quinze a ns,
300 hô tels Ibis voient le jour.
restaurateurs partenaires. Progressivement, le prin-
cipe du ticket prépayé va se généraliser et toucher de
@ ~
....... ~
Dès Je début des années 1970, les créateurs de l'en- nouveaux services : des chèques étudiants permettant
..c 1
treprise visent l'international en ciblant dans un de financer les frais d'études des enfants des salariés,
Ol "O
·;:: g premier temps les pays limitrophes: Suisse, Belgique, des ticke ts santé pour les services liés à la santé et au
> ::i
a. Cl Royaume -Uni et Pays-Bas . Néanmoins, le peu de bien-être, des tickets transport pour prendre en charge
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

les déplacements des employés, tickets pressing, tickets payés aux entreprises. En outre, et pour alléger le coût
cadeaux ... Tous ces services à la personne établis sur de ses actifs possédés, Accor privilégie de plus en plus
le principe des services prépayés aux entreprises seront la formule de « l'asset light » qui consiste à minimiser
regroupés dans l'activité Accor Services, au côté de son le nombre d 'hôtels détenus en pleine propriété (ce qui
activité hôtelière (Accor Hospitality). E n 1984, ciblant passe le cas échéant par la revente de certains hôtels à
la clientèle modeste des hôtels une étoi le , l'entreprise des sociétés immobilières) et à opter soit pour un contrat
crée Formule 1 : sans aucun service (ni personnel sur de gestion management (gestion pour le compte d'un
place, ni restauration), les chambres de taille réduite ne propriétaire et sous l'une des enseignes du groupe), soit
disposent pas de salle de bain mais coûtent 80 francs pour un contrat de franch ise dans lequel Accor met
(12 euros) la nuit. L'enjeu réside dans le coût et la son savoir-faire et ses structures à la disposition d'un
vitesse de construction de ces établissements. Pour franchiseur qui a .la gestion d 'un hôtel sous enseigne
cela, l'entreprise innove en ayant recours à l'architec- du groupe (moyenna nt un pourcentage du CA), soit
ture modulaire et aux techniques de préfabrication pour un contrat de location variable (dans le cadre
industrielle. En 1994, le groupe compte 200 hôtels à duquel Accor loue les murs à un investisseur et lui paie
enseigne Formule 1. Cette enseigne sera complétée un loyer à part variable indexé sur son activité). Les
par celle d'Etap Hôtel, positionnée également sur le années 2000 sont également celles de l'accélération de
segment «économique». En 1991, Accor lance une l'internationalisation des activités, notamment sur son
OPA sur .la Compagnie internationale des wagons-lits activité hôte.ller.ie. En effet, jusque-là, la domination
et du tourisme (CWL). Ce rachat lui permet d'étendre de la France et de l'Europe dans les implantations
son activité au secteur ferroviaire (service de transport et la répartition du CA est encore très forte. Accor
ferroviaire), à la location de voiture (Europcar) et aux vise alors les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine)
agences de voyages (Viajes Ecuador, Wagon lit Travel, qui constituent dans ce secteur un énorme potentiel
Business Travel). Il lui permet également de se ren- de croissance du fait du développement du tourisme
forcer dans l'hôtellerie (enseignes Pullman, Altea et dans ces régions et de la faible présence d'hôtels de
Arcade pour un volume d'environ 36000 chambres), chaîne. Au milieu des années 2000, ces pays deviennent
la restauration coHective (Eurest) et la restauration clairement une priorité stratégique. L'entreprise est
d'autoroute (Relais autoroute). Les années 1990 voient consciente des risques induits par la mauvaise qualité
une poursuite du développement internationa l avec de l'information, Je caractère spécifique des .législations,
par exemple le rachat de Motel 6 (550 hôtels en Amé- les différences de rythme dans la négociation avec les
rique du Nord) qui, compte tenu de l'impossibilité à partenaires locaux, le manque de transparence de ces
exporter le modèle Formule 1 (trop typé culturelle- partenaires locaux, etc. C'est la raison pour laquelle
ment) constitue le moyen de pénétrer le marché amé- Accor opte pour la mise en place de partenariats avec
ricain. Ce positionnement est renforcé en 1999 avec des entreprises locales et de contrats de management.
le rachat des 322 motels de la chaîne Red Roof Inn. Dans ce processus, Accor s'appuie également sur sa
Cependant, cette décennie voit également l'abandon grande expérience internationale antérieure. Ainsi en
de nombreuses activités. Ainsi Accor revend la restau- Asie, le parc d'hôtels passe de 300 à 500 entre 2007
ration concédée et la restauration collective (cession et 2010, avec une priorité donnée au segment écono-
en 1994 de la Générale de restauration, d'Eurest, mique et aux contrats de management. L'entreprise
de L'Arche, de Café route), comme les activités de fait le maximum pour s'adapter aux attentes locales;
location de voiture (Europcar) en 1999, ou sa chaîne le groupe a ai nsi lancé récemment l'enseigne haut de
"O Courtepaille (en 2000). Par la suite, l'entreprise se gamme « Mei Jue » en Chine qui propose notamment
0
c retire du service de transport ferroviaire (CWL), du une restauration typée asiatique, un personnel habillé en
::i
0 secteur des tour-opérateurs (revente de Go Voyages) tenue traditionnelle, des séances de tai-chi quotidienne
l..f) et du secteur du tourisme (revente de sa participation ou un bar à vin (prestation particulièrement appréciée
.-1
0 de 29 % de Club Méditerranée). Le développement par la clientèle chinoise).
N
sur l'hôteHeri.e se poursuit néanmoins avec la création En 2010, le groupe se scinde en deux sociétés indépen-
@
...... de Ail Seasons qui regroupe les hôtels indépendants dantes regroupant d'une part les activités hôtelières
~
0\
non formatés du groupe de niveau deux étoiles. (qui gardent le nom d'Accor) et d'autre part les activités
ï::: Au milieu des années 2000, le groupe s'appuie sur deux de titres de services prépayés (qui donnent naissance
>-
0.
0
activités: son pôle hôtellerie et son pôle services pré- à la société Edenred). À cette date, Accor vend le
u
Chapitre 5 Analyser les axes de croissance de l'entreprise

reste de ses activités de restauration et devient un pourrez par exemple organiser la réponse en traitant
groupe 100 % hôtelier dont l'ambition est de devenir successivement le rythme de son internationalisation,
le leader mondial du secteur. En 2014, le groupe les objectifs poursuivis par le groupe ainsi que le type
est fort de 3 500 hôtels dans plus de 90 pays et pré- de stratégie internationale retenue (export, globale,
sent sur les quatre niveaux de gamme. Sa stratégie multidomestique ou glocale).
s'établit dorénavant sur trois objectifs: tout d'abord,
poursuivre sa conquête de parts de marché (avec une 11 Hermès
priorité donnée aux marchés é mergents); ensuite, Sur la base de l'analyse du site Internet de l'entreprise
développer sa logique« d'assets light» pour optimiser Hermès, caractérisez ses choix de croissance. L'en-
sa rentabilité ; enfin , rationaliser son portefeui lle de treprise est-elle spécialisée ou diversifiée? Pour cela,
marques et augmenter sa visibilité à l'échelle mondiale. listez les différentes catégories de produits commer-
Ainsi, Etap Hôtel et A li Seasons d isparaissent pour cialisés par l'entreprise et identifiez les différences et
se transformer respectivement en Ibis Budget et Ibis les poi nts communs entre ces catégories.
Styles et faire vivre ce qui devient la « mega-marque »
Ibis. Le groupe annonce par ailleurs son intention de 12 Expansion ou diversification?
généraliser cette logique à l'ensemble de ses enseignes. Que ls sont les éléments permettant de différen-
cier expansion et diversification ? Sur la base d'une
1. Ide ntifiez de manière structurée la stratégie du recherche personnelle réalisée sur un moteur de
groupe Accor au fil de son histoire et caractérisez recherche, trouvez un exemple d 'entreprise ayant
chacune de ses manœuvres de croissance succes- opté pour une stratégie d 'expansion et un exemple
sives (nature, objectifs, ava ntages recherchés, risques d'entreprise ayant opté pour une stratégie de diversi-
.i nduits, etc.). fication. Pour cela identifiez les deux caractéristiques
2. Présentez les principaux axes sur une matrice de principales de chacune de ces manœuvres et recher-
croissance. chez la présence de ces caractéristiques dans les cas
d'entreprise retenus.

13 Zodiac

Activités Sur la base d'une recherche personnelle réalisée sur


Internet, analysez l'histoire stratégique (c'est-à-dire
les axes de croissance successifs mis en œuvre au fil
9 Club Méditerranée du temps) de Zodiac depuis la création de l'entreprise
Sur la base d'une recherche documentaire réalisée en 1911. Est-il possible de trouver une régularité dans
par vos soins sur Internet et sur le rapport annuel de les axes de croissance choisis par l'entreprise au cours
l'entreprise, analysez les choix de croissance réalisés des 100 dernières années?
par l'entreprise Club Méditerranée au cours des trente
dernières années. Pour cela, il sera nécessaire d'iden-
14 Spécialisation, diversification
et internationalisation
tifier les principaux axes de croissance mis en œuvre
ainsi que leurs caractéristiques et les motivations qui Sur la base d'une recherche personnelle, réalisée dans
y sont attachées. le secteur d'activité de votre choix, identifiez une
entreprise ayant opté de manière simultanée pour un
10 Bonduelle axe de spécialisation et un axe d' internationalisation;
Sur la base d'une recherche documentaire réalisée puis identifiez une entreprise ayant opté de manière
p ar vos soins sur Je site Internet de l'entreprise et simu ltanée pou r un axe de diversification et un axe
sur son rappor t annuel, analysez les choix du groupe d'internationalisation. Comparez ces deux options en
Bonduelle en matière de stratégie internationale. Vous termes d'avantages/inconvénients pour l'entreprise.
ors de l'été 2013, deux géants mondiaux de la donnent leur projet devant les difficultés générées

L publicité, le français Publicis (n° 3 mondial)


et l'américain Omnicom (n° 2) annoncent
leur rapprochement prochain, sous la forme d'une
par les conflits de pouvoir entre Jeurs dirigeants
respectifs. Cet exemple est révélateur à la fois
de l'importance des fusions comme modalité de
fusion-acquisition qui doit donner naissance croissance mais aussi des enjeux, des obstacles et
au n° 1 mondial du secteur. L'objectif de cette des risques induits par ce type de choix.
fusion est de mettre en œuvre une stratégie de
Quelles modalités choisir pour mettre en œuvre
spécialisation permettant de dégager des effets
les choix de croissance de l'entreprise? Quelles
de volume et de lutter contre Les concurrents issus
sont leurs caractéristiques? Quels sont les avan-
du monde de L'Internet (Google ou Facebook).
tages et les risques qui y sont associés?
Pourtant, en juin 2014, les deux partenaires aban-

4000

3 500

3000

2 500

2000

1 500
"'O
0
c 1000
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0
LO
500
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N
@ 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014

..c à L'évolution du montant des fusions-acquisitions dans le monde (en milliards de dollars)
0\
·c
>-
0.
0
u
Analyser
les modalités
de croissance
de l'entreprise
~

D Choisir une modalité de croissance pour l'entreprise ............................... 156


EJ Croissance et développement interne .......................................................... 158
D Croissance et fusion-acquisition .................................................................... 160
!] Croissance et alliance ....................................................................................... 167
D Quelle modalité pour quel axe de croissance ? ........................................... 174

Objectifs
-+ Connaitre et distinguer les différentes modalités de croissance
possibles pour l'entreprise.
-+ Décrire et caractériser les modalités de croissance adoptées
par l'entreprise.
-+ Évaluer la pertinence des choix de l'entreprise en termes de modalités
de croissance, en identifiant les arbitrages avantages/risques.
"O
0 -+ Mettre en correspondance les axes et les modalités de croissance.
c
0
::i
-+ Proposer des modalités de croissance adaptées pour l'entreprise,
LO
en fonction de sa situation et de ses motivations.
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0
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o.
0
u
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

D Choisir une modalité


de croissance pour l'entreprise
Si les choix de croissance d'une entreprise se traduisent avant tout par une direc-
tion: spécialisation, expansion, diversification et internationalisation(~ chapitre 5),
ils se déploient également au travers de modalités de mise en œuvre de ces
directions. En ce qui concerne ces choix de mise en œuvre, l'entreprise dispose
de trois solutions:
s'appuyer sur ses ressources propres et développer ses propres compétences
et actifs: croissance interne ou organique;
accéder à des ressources nouvelles par l'acquisition de tout ou partie d'une
autre entreprise: croissance externe ou fusion-acquisition;
mettre en commun des moyens avec une entreprise partenaire pour faire
émerger des ressources nouvelles: croissance partagée ou alliance.

La modalité de croissance désigne la manœuvre retenue par l'entreprise


pour mettre en œuvre ses axes de croissance: développement interne,
fusion-acquisition ou alliance.

À partir des années 1980, les évolutions, à l'échelle internationale, de l'environ-


nement politique, réglementaire et économique ont conduit à un développement
très important du nombre d'alliances et de fusions-acquisitions. La libéralisation
des mouvements de capitaux, la sophistication des marchés financiers , l'ouverture
des frontières, le mouvement de déréglementation ont offert aux entreprises
l'opportunité et les moyens de se développer en s'appuyant sur des ressources
externes à l'entreprise. Certes, dès la fin du x1xe siècle, on voit apparaître les
premières alliances ou les premières opérations de rachats (ainsi US Steel, l'un
des leaders de l'acier américain , est né de la fusion en 1901 de la Federal Steel
Company et des aciéries Andrew Carnegie). Cependant, au cours des trente
-0
dernières années, non seulement ces opérations se sont multipliées, mais elles
0
c ont également changé de nature. Les alliances ont évolué vers une plus grande
:J
0 profondeur des relations en engageant des éléments clés de la compétitivité des
lil
.-t entreprises et en concernant des entreprises concurrentes. Les fusions, comme
0
N les alliances, ont progressivement impliqué des volumes d'affaires considérables
@ jusqu'à faire parler de méga-alliances ou de mégafusions .
.......
..c
O'l
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

l'alliance SkyTeam
En 2000, à la suite de l'accord stratégique passé entre Air France et Delta Airlines
un an auparavant, Korean Air et Aeromexico rejoignent ces deux entreprises pour
fonder une grande alliance globale dans le secteur du transport aérien: SkyTeam.
Cette a lliance s'inscrit dans la dynamique du secteur, à la suite de la création de
StarAlliance en 1997 (structurée autour de Lufthansa e t United Airlines) et de
OneWorld en 1998 (structurée autour d'American Airlines e t British Airways).
Progressivement, SkyTeam va être rejointe par de nouvelles entreprises jusqu'à
atteindre 20 compagnies en 2014, avec le souhait d 'un élargissement permanent de
partenaires. Cette a lliance forme le 2° opérateur mondial du secteur (avec près de
600 millions de passagers transportés annuellement) et permet a ux compagnies
membres de soutenir leur stratégie de spécialisation , par la mise e n commun de
ressources techniques, logistiques et commerciales (slots, hubs, réseau x de vol), leur
offrant la possibilité de poursuivre un objectif de différencia tion (augmentation du
nombre de destinations et a mélioration du maillage géographique global , réduction
des temps de correspondance et des temps de transit, optimisation de l'itinéraire total
en termes de distance et de temps).

La multiplication des alliances et des fusions-acquisitions au cours des der-


nières années, l'importance des enjeux et des risques attachés à ces opérations
(conduisant souvent au rapprochement d'entreprises concurrentes) et la forte
« visibilité » de la croissance externe et partagée par opposition à
la croissance interne, ont conduit les observateurs à focaliser leur Si l'alliance et la fusion- --,
attention sur ce type de manœuvres. acquisition sont des modalités
ut ilisées par les entreprises depu is
C 'est pourquoi, après avoir succinctement défini et caractérisé la longtemps, elles connaissent un
modalité de croissance interne, nous focaliserons plus spécifique- développement accéléré depu is
ment notre attention sur les enjeux portés par la fusion-acquisition les années 1980.
d'une part et l'alliance d'autre part.

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FOC US
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0
:; La distinction entre stratégie et modalité
-0 c: "'
0 0
c c Avec l'attention médiatique croissante accordée aux modalités de croissance externe et partagée et leur
:J
0
.2ü développement accéléré au cours des dernières années, le langage courant considère souvent, à tort,
lil .g ces modalités comme de véritables directions de croissance, parlant ainsi abusivement de « stratégie
.-t 0

eo.
0 d 'alliances » ou de «Stratégie de fusions-acquisitions ». Ces termes laisseraient penser que l'objectif
N
stratégique de l'entreprise serait spécifiquement de conclure une alliance ou de réaliser une acquisition,
@ ~
....... ~
alors que ces manœuvres doivent être considérées comme le moyen de mener à bien l'organisation ou
..c 1
la réorganisation du portefeuille d 'activités (elle -même initiée par les choix de croissance retenus:
CJl "O
·;:: g spécialisation , expansion, diversification ou internationalisation).
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

Ainsi, malgré la popularité des alliances et des fusions-acquisitions, il faut se


rappeler que ces modalités sont, avant tout, au service de l'axe de développement
stratégique et ne constituent ni le cœur, ni l'objectif premier de la stratégie de
croissance. Dans cette perspective, l'entreprise doit tout d'abord établir la direction
souhaitée de sa croissance, la stratégie (spécialisation, expansion, diversification
ou internationalisation) avant de considérer, ensuite, le moyen le plus adapté à
la mettre en œuvre, la modalité (développement interne, fusion-acquisition ou
alliance).

fJ Croissance et développement
interne
En faisant le choix de la croissance interne, l'entreprise va mobiliser des facteurs
de production (travail, capital, technologie) pour mener à bien son objectif de
spécialisation, d'expansion, de diversification ou d'internationalisation.

La croissance interne désigne une modalité de croissance consistant pour


l'entreprise à s'appuyer, de manière autonome, sur ses compétences, ses
ressources et ses actifs pour mettre en œuvre ses choix de croissance.

Il faut souligner le rôle central de la croissance interne dans le développement


des entreprises. Si cette manœuvre est moins visible, elle n'en est pas moins
prépondérante en pratique, notamment chez les PME. Cependant, son caractère
plus progressif, sa discrétion, son moindre niveau de risque et de sophistication,
et son amplitude souvent plus réduite, invitent en général à moins de commen-
taires (Brulhart et Guieu, 2014).
En ayant recours à la croissance interne, l'entreprise fait l'acquisition d'actifs
(embauche de salariés, achat de matériel de production, achat de licence d'exploi-
-0
0 tation, souscription d'emprunt, etc.), qu'elle va combiner et déployer pour faire
c
0
:J émerger des ressources stratégiques (réputation, image de marque, innovation,
lil etc.) susceptibles de servir l'objectif de croissance. La finalité est ici de faire évo-
.-t
0
N
luer progressivement le stock d'actifs dont dispose l'entreprise et de lui permettre
@ de s'appuyer sur la combinaison de ces actifs pour développer les compétences
......
..c clés dont elle a besoin pour construire un avantage concurrentiel.
O'l
·;::::
>
a. Quel que soit l'axe de croissance poursuivi (spécialisation, expansion, diversifi-
0
u cation ou internationalisation), le développement interne présente l'avantage
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

d'un meilleur contrôle des ressources et d'une meilleure maîtrise du rythme de


croissance dans la mesure où l'entreprise est la seule en jeu et où les frontières
de l'entreprise ne sont pas remises en cause (à la différence de l'alliance et de la
fusion-acquisition). Cette indépendance offre ainsi à l'entreprise l'opportunité
de construire une croissance «à son rythme », en limitant à la fois
les conflits internes (risques sociaux générés par les modifications La croissance interne constitu: - i
structurelles induites par les alliances et les fusions-acquisitions) et une modalité «naturelle» de
externes (risques d'affrontements liés au partage du pouvoir entre développement de l'entreprise.
les partenaires d 'une alliance ou d'une fusion-acquisition). En Son caractère autonome et
progressif en fait un mode de
revanche, la croissance organique peut, du fait même de la situation
développement moins risqué et
d'autonomie choisie par l'entreprise et de la difficulté d'accès aux
plus discret. C'est la modalité la
ressources qui y est attachée, ralentir ou bloquer le développement plus fréquemment utilisée.
souhaité par l'organisation.

Emirates
À l'opposé du modèle dominant dans le secteur aérien, fondé sur la participation à des
al liances globales de grandes tailles, Emirates a construit, au moins jusqu'en 2012,
son développement exclusivement sur le recours à la croissa nce organique. A lors que
les grandes compagnies avaient recours à l'alliance ou à la fusion-acquisition pour
améliorer leur offre en matière de nombre de destinations et de réduction du temps
de trajet, Emirates s'est appuyée sur son hub de Dubaï (qui bénéficie d'une position
géographique centrale très favorable dans le trafic aérien mondial) e t sur le rayon
d'action étendu de sa flotte d'appareils pour proposer un grand nombre de destinations
tout en minimisant les escales et en assurant une qualité de service à la fois stable
et é levée. À sa création, e n 1985, la compagnie dispose de deux Boeing 727 loués à
Pakistan Airlines. Forte de l'appui de l'État qui a financé des investissements aéro-
portuaires très importants (en janvier 2013, Emirates inaugure un nouveau terminal
réservé à ses A380, d 'une capacité de 15 millions de passagers/an), de condition s
d'exploitation particulièrement favorables (absence de charges sociales e t d'impôts
à Dubaï), de facilités de crédits exports d es pays producteurs d 'avions, e t d' une
excellente santé financière lui permettant de trouver des financements avantageux,
Emirates s'est dotée d 'une flotte d'appareils modernes (plus de 140 gros-porteurs en
""'
" 2013), renouvelée régulièrement (200 commandes fermes en 2014 dont 90 A380 et
'&
·;:
0 près de 300 comma ndes envisagées d'ici 2020). Sa stratégie de spécia lisation, fondée
:;
"' sur une croissance interne à deux chiffres depuis les années 1990 a fait d 'Emirates
-0 c:
0 0 un acteur incontournable de cette industrie. Depuis peu , la compagnie semble initier
c c
:J
0
.2ü un e nouvelle étape de sa croissance en ayant recours aux alliances; elle a ainsi signé
lil .g des accords avec Qantas et EasyJet en 2012 e t envisage de nouvelles coopérations.
.-t 0
0
N eo.
@ ~ À l'inverse de la croissance interne, caractérisée par la très forte indépendance
....... ~
..c 1
de l'organisation dans son processus de développement, l'alliance et la fusion -ac-
CJl "O
·;:: g
>- ::i
quisition impliquent l'intervention d'un tiers, sous la forme d'une autre entreprise.
a. Cl
8@ Cette dernière va soit coopérer avec l'entreprise pour poursuivre un objectif de
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

croissance partagé (alliance), soit être rachetée et intégrée pour servir la stratégie
de développement du nouvel ensemble ainsi constitué (fusion-acquisition). C'est
la présence de ce tiers dans le processus de développement qui ouvre de nou-
velles opportunités de croissance mais qui rend également ces deux modalités
plus difficiles à gérer, induisant des risques de conflit et d'échec plus importants.

D Croissance et fusion-acquisition
La fusion-acquisition (F/A) consiste pour l'entreprise à s'assurer le contrôle de
ressources, d'actifs ou de moyens de production, détenus et organisés par une
entreprise, par le rachat de celle-ci.

La fusion-acquisition désigne le rachat ou la prise de contrôle d'une entre-


prise (la cible) par une autre (l'acquéreur). Cette manœuvre provoque ainsi
le passage de la cible sous contrôle de l'acquéreur.

La fusion-acquisition peut être menée dans trois directions:


soit par Je biais du rachat d'un concurrent dans le même secteur d'activité:
acquisition horizontale ;
soit par le biais du rachat d'un fournisseur ou d'un client: acquisition verticale;
soit par le biais du rachat d'une entreprise qui n'appartient pas à la même
industrie, c'est-à-dire qui n'est ni concurrente, ni fournisseur ou client: acqui-
sition conglomérale.

EN PRATIQUE
Fusion-acquisition et OPA
-0 Concrètement, la FIA se concrétise par le transfert de plus de la moitié des parts de la cible sous le
0
c contrôle de l'acheteur. Cependant, dans le cas d'une société cotée, l'opération peut faire l'objet d'une
::i
0 offre publique d'achat (OPA). Dans le cadre d 'une OPA, l'acquéreur potentiel doit déposer un projet
lJ")
...-l
auprès des autorités de régulation du marché précisant ses objectifs et ses intentions, le nombre d'ac-
0
N
tions de la cible déjà en sa possession, Je prix d'achat des actions qu'il propose ainsi que les conditions
sous lesquelles l'offre pourra être déclarée valide (cela concerne généralement le pourcentage d'ac-
©
..., tions minimum à obtenir, qui sera fixé entre 50 % et 100 % du capital de la cible). Ainsi, il n'est pas
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0
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

nécessaire de détenir 100 % des actions d'une entreprise pour réussir une OPA et prendre le contrôle
d 'une entreprise-cible ; légalement, le contrôle est obtenu à partir de 50 % des actions plus une action.
Une fois l'opération déclenchée, les actionnaires de la cible disposent d'un temps limité pendant lequel
ils peuvent souscrire à l'offre (c'est-à-dire accepter la proposition d 'acha t de l'acquéreur). Dans le cas où
le conseil d'administration de la cible se prononce en faveur de l'opération, l'OPA est dite « amicale »;
dans le cas contraire, l'OPA est dite« hostile ». À l' issue de la durée fixée pour l'opération, si l'acqué-
reur dispose d'un pourcentage du capital supérieur ou égal à la limite fixée dans son offre, l'OPA est
réputée réussie. La réussite de l'OPA dépend essentie llement du prix proposé aux actionnaires pour
leurs actions, qui doit être supérieur à la valeur cotée de l'action (« prime d'acquisition »).

En janvier 2010, le groupe pharmaceutique français Sanofi-Aventis lance une OPA


amicale (le conseil d'administration de la cible aya nt approuvé l'opération à l'una-
nimité) sur 100 % des action s de l'entreprise a méricaine Chattem (sp écialiste des
médicaments délivrés sans ordonnance) en proposant de racheter chaque action à
93,50 dollars (ce qui valorise la cible à environ 1,9 milliard de dollars). Ce rachat vise
à faire de Sanofi-Aventis le cinquième groupe pharmaceutique mondial (santé grand
public) ; il lui perme t de conforter sa présence sur le continent américain notamment
sur le segment des« produits de santé gra nd public », évalué à environ 20 milliards de
dollars. En outre, cet axe de développement permettrait de compenser partiellement
la baisse prévue de son chiffre d'affaires due à l'expiration de certains de ses brevets
sur ses produits « blockbusters », qui pourraient alors être commercialisés par les
fabricants de médicaments génériques.

I l l Les logiques de la fusion-acquisition


La FIA vise à accéder à des moyens, des actifs ou des ressources non disponibles
en interne afin de poursuivre une stratégie de croissance donnée: spécialisation,
expansion, diversification ou internationalisation. Dans ce contexte, le rachat
""'
"
d'une cible va permettre de mettre en œuvre un ou plusieurs de ces axes stra-
'&
·;:
0
tégiques par le biais de trois catégories d'objectifs: l'accès à des compétences,
:;
"' l'accès à des marchés, et la maîtrise des coûts (Brulhart et al., 2011).
-0 c:
0 0
c c
:J .2ü Il est ainsi possible de caractériser une opération de FIA en fonction de l'axe
0 stratégique choisi et de l'objectif poursuivi (..,.. figure 6.1).
lil .g
.-t 0
0
N eo. • Tout d'abord, le recours à la FIA permet de construire ou de consolider des
@ ~ compétences nécessaires à la poursuite d'un axe de croissance, notamment
....... ~ lorsque celles-ci auraient été soit trop longues soit très difficiles ou impossibles
..c 1
CJl "O
·;:: g à développer en interne. Dans ce cas, l'entreprise va par exemple racheter
>- ::i
a. Cl une cible qui dispose de compétences techniques spécialisées nécessaires à
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

la poursuite de son développement (dans le cadre d'une diversification par


exemple); le rachat peut également être le moyen d'accéder à des compétences
protégées légalement comme des brevets ou de bénéficier de ressources
marketing critiques comme une marque forte ou une bonne réputation sur
un marché (permettant alors de conforter une stratégie de spécia lisation ou
de diversification).

:~
::::i
~ Accès aux
5Cl. compétences
' ''
- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - ~- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - J. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -
Cii ' '
::::i
.2"
Cl
Accès aux
~ marchés
......"' '
-- - - - -- - - - -- - - - - - - - - r' - - - - -- - - - - - -- - - - -- - - - -- 'T-
' -
'
-- - - - -- - - - -- - - - -- -

....
Ill

·.;::; Maîtrise
'' ''

u
Cii des coûts
:c'
0
Figure 6.1.,.. Spécialisation Internationalisation Diversification
La matrice de Axe de croissance visé
caractérisation de la F/A

E n 2012, Virbac (8• groupe pharmaceutique m ondial dé dié à la santé animale) com-
mercialise Canileish, un vaccin contre la leishmaniose canine, maladi e parasita ire qui
touche no ta mment les pays d'Europe du Sud, à laquelle 24 millio ns de chiens seraient
exposés (dont 10 % seraient infectés). Virbac a pu r éali ser ce lancem ent par le rachat
en 2003 de la société BioVetoTest (BVT). À l'époque, BVT conduisait un projet de
vaccin contre la leishmaniose avec l' Institut de recherche po ur le dévelo ppement
(IRD) qui ava it do nné lieu à un premier dépôt de brevet. Virbac fait a lo rs l'acquisition
de BVT pour soutenir sa stratégie de renforcement sur l'activité de vaccins pour les
animaux de compagnie (Virbac détient également le vaccin co ntre la leucose féline).
A près plusieurs a nnées de dévelo ppe ment nécessaires à l'obtentio n de l'autorisatio n
de mise sur le ma rché, l'entre prise propose désormais ce vaccin dans les pays du sud
de l'E urope avant d'attaquer les marchés du Mag hreb, de l'Amérique du Sud et de
l'Inde. Le po te ntie l de ce produit est estimé à plusieu rs di zaines de millio ns d 'euros
"'O
0 de chiffre d'affaires à l'horizon cinq ans.
c
:J
0
lil
.-t
• Ensuite, la F/A constitue le moyen d'accéder à de nouveaux marchés ou de
0
N renforcer sa position sur des marchés existants, qu'il s'agisse de marchés
@ sectoriels ou géographiques. Dans ce cas, l'entreprise peut utiliser le rachat
.......
..c pour faciliter et accélérer son internationa li sation en bénéfici ant a insi de
O'l
·;::::
>
a.
0
u

162
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

l'accès immédiat à une part de marché et/ou à des structures de distribution


dans la zone géographique visée. Le rachat offre alors la possibi lité de
surmonter plus aisément les barrières réglementaires ou culturelles. De même,
dans le cas d'une stratégie de spécialisation, le choix de la FIA constitue une
modalité de lutte concurrentielle, en ce qu'elle permet d'asseoir sa domination
sur une activité ou sur une zone, soit en rachetant les concurrents les plus
menaçants, soit en rachetant les cibles convoitées par ces derniers pour
alimenter leur croissance.
• Enfin, le choix d'une FIA participe de la volonté de réduire ses coûts. Dans
le cas d'une stratégie de spécialisation ou d'internationalisation, la FIA peut
ainsi permettre à l'entreprise d'atteindre brutalement une taille critique et
de profiter d'économies liées aux effets de volume, qu'elle n'aurait pu réa-
liser de manière autonome (par le biais d'économies d'échelle et/ou d'effets
de taille). D ans le cas d'une stratégie de diversification, de spécialisation
ou même d'internationalisation, l'entreprise peut tenter de profiter d'effets
de synergie. La réalisation de synergies renvoie ici à l'obtention d'un gain
ou d'une économie supplémentaire du fait du regroupement de plusieurs
entreprises en une seule, par rapport à la somme de ce qu'elles auraient
pu générer indépendamment. Dans ce cadre, la FIA peut donner lieu à des
synergies du fa it de la similarité des entreprises qui fusionnent (dans ce cas,
les économies sont réalisées par l'élimination de ressources en
doublon , sans que l'efficacité n'en soit réduite pour autant) ou La fusion-acquisition permet . . . ,
au contraire du fait de leur différence (dans ce cas, c'est la com- à l'entreprise de mettre en
plémentarité des profils des deux organisations qui va générer œuvre un ou plusieurs axes
de croissance stratégique
une amélioration de l'efficacité et de la rentabilité).
(spécialisation, diversification,
À ce stade, il est important de noter que l'entreprise qui choisit internationalisation), en lui
la FIA pour mettre en œuvre un ou plusieurs axes stratégiques donnant accès à des compétences,
des marchés ou une taille critique
(spécialisation, diversification ou internationalisation) peut égale-
suffisante pour réduire ses coûts.
ment poursuivre de manière simultanée ces objectifs d'accès aux
compétences, d'accès au marché et de maîtrise des coûts.
""'
"
'&
·;:
0
:;
-0 c: "' En 2005, le groupe chinois AS Watson (ASW) fa it l'acquisition de Marionnaud,
0 0
c c leader français et acteur majeur de la distribution sélective de produits cosmétiques
:J
0
.2ü en E urope, qui traverse alors de grandes difficultés. ASW est déjà présent, à l'échelle
lil .g internation ale, sur le secteur de l' hygiène-beauté via plusieurs chaînes de distribution
.-t 0
0
N eo. (Watsons, Kruidvat, The Perfume Shop, Rossmann, etc.). L'objectif a nnoncé par
@ ~ ASW est clair: devenir le leader mondial de cette activité par le biais de cette stratégie
....... ~
..c 1
CJl "O
·;:: g
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

de spécialisatio n et de renforcement à l'intern ational. D a ns ce contexte, le rachat de


Marionnaud correspond à une combinaison des logiques d'accès au marché, d 'accès
aux compétences et de maîtrise des coûts:
- tout d 'abord, cette acquisition permet à ASW de pénétrer le ma rché français sur
lequel il était absent, m ais aussi d 'équilibrer son implantation européen ne, grâce
à la présence importante de Marionnaud en Europe du Sud (synergies de complé-
mentarité);
- ensuite, avec ce rachat , ASW intègre les compétences spécialisées du personnel de
Marionnaud, réputé po ur sa fidélité et sa connaissance de la distribution sélective ;
- enfin , la taille du nouveau groupe lui permet d 'augmenter son pouvoir de négocia-
tion auprès des fournisseurs et de réduire ses coûts d'achat, a lors que la fusion des
deux entités conduit à des synergies conséquentes (restructuration, suppression
des doublons et mise en commun des systèmes d' info rmation et des actifs liés à la
fonctio n logistique).

I l l Quelle performance pour la F/A?

1 3.2.1 1 Un bilan mitigé


Malgré la popularité des manœuvres de FIA dont témoigne l'import ance des
volumes d'affaires impliqués à l'échelle mondiale (entre 2 et 4 milliards de dollars
par an de montant de transactions sur les quinze dernières années), le bilan de
cette modalité est particulièrement mitigé, à la fois en termes de performance
sociale (impact négatif sur l'emploi, dégradation du climat social) et en termes
de performance économique (impact négatif sur la rentabilité ou sur la créa-
tion de valeur pour l'actionnaire). À tel point qu'on évalue à plus de 50 % les
cas d'échec de FIA (scission et retour à la situation initiale, revente rapide de la
cible rachetée, dégradation du rendement boursier, ou baisse de la rentabilité) .

E n septembre 1998, les actionnaires de Daimler-Benz et de Chrysler s'enthousiasment


à l'idée de créer le 3° constructeur automobile mondial avec la fusion de ces deux
"'O groupes; ils votent o ui à 98 % pour le rachat de Chrysle r pa r D a imler pour près de
0
c 37 milliards de dollars. Séduits par les fortes complém entarités géographiques e t
:J
0 industrie lles, le groupe a llemand et l'entreprise a mérica ine veule nt s'appuyer sur
lil leurs m arques puissantes (Mercedes, Jee p ou Chrysler nota mment) pour peser da ns
.-t
0 la négocia tion avec leurs fournisseurs et assurer un e présence mondiale de leurs
N
@ modèles. Les promo teurs de la fusio n assurent en outre qu'aucune suppression d'em-
....... ploi ne s'en suivra. La réa lité sera beaucoup plus sombre. En effet, le géant industriel
..c
O'l ainsi créé (150 milliards de dollars de CA e t p lus de 360000 sa lariés) voit ses résultats
·;::::
>
a.
0
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

se dégrader de manière impressionnante; en 2003, les pertes enregistrées depuis la


FIA se chiffrent à 66 milliards d'euros et le groupe, dont la capitalisation boursière
était de 76 milliards de dollars en 1998 n'est plus évalué qu'à 27 milliards. En 2007,
la décision de revendre Chrysler est prise, après sept exercices déficitaires et près
de 50000 suppressions d'emplois. L'entreprise est cédée au fonds d'investissement
Cerberus pour 5,5 milliards de dollars.

Plusieurs explications peuvent être invoquées pour comprendre les contre-per-


formances affichées par certaines FIA:
• Tout d'abord, la F/A induit une augmentation des coûts de coordination, du
fait de l'augmentation brutale de la taille de l'entreprise et de l'interdépen-
dance forcée d'activités initialement autonomes. Cette exigence de coordi-
nation est également rendue plus difficile du fait des divergences culturelles
potentielles entre les deux entités fusionnées.
• Ensuite, le rachat étant très souvent lourd à financer pour l'acquéreur, celui-ci
se retrouve dans une situation de ressources contraintes, et dans l'impossibilité
de saisir d'autres opportunités de développement qui pourraient se présenter
sur le marché. En outre, la rentabilité de la nouvelle entreprise fusionnée est
pénalisée dès l'origine par l'importance des honoraires absorbés par les inter-
médiaires intervenant dans la réalisation de l'opération (banques d'affaires,
cabinets d'avocats, etc.).
• Enfin, l'impact social de l'opération (rationalisation, suppression
La fusion-acquisition est à --,
d'emplois, réorganisation du travail, harmonisation des systèmes
l'origine de trois catégories de
de gestion du personnel ou des modes de management) risque
risques: un risque financier,
de pénaliser la productivité, la mobilisation ou même la fidélité lié à l'importance du coût
des salariés du fait de l'anxiété provoquée au sein du personnel d'achat, un risque culturel ,
(départ de compétences clés, conflits sociaux, démotivation). lié à la difficulté du processus
d'intégration des deux structures
Au final, ces« synergies négatives» sont susceptibles de compenser
et un risque social, lié à
ou de neutraliser les espérances de gains attendus par les partenaires l'inquiétude des salariés.
""'
" de la F/A.
'&
·;:
0
:;
-0 c: "'
0 0
c c En 1999, Carrefour rachète Promodès pour former le premier groupe de distribution
:J
0
.2ü généra liste européen avec 52 milliards d'euros de CA et 240000 salariés. Pourtant,
lil .g les synergies attendues tardent à se concrétiser et 15 ans après, les difficultés du
.-t 0
0
N eo. groupe français sont encore attribuées par certains analystes à une fusion décevante.
@ ~ En cause: les fortes différences de culture d'entreprise et de méthodes de travai l
....... ~ (entreprise décentralisée à la mentalité familia le privilégiant l'autonomie des maga-
..c 1
CJl "O sins de petites et moyennes surfaces pour Promodès et groupe centralisé et intégré,
·;:: g
>- ::i dominé par les hypermarchés pour Carrefour) qui ont rendu l'intégration beaucoup
a. Cl
8@ plus difficile que prévue.
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

1 3.2.2 1 Comment réduire le risque d'échec?


Pour réduire ce risque d'échec de la FIA et profiter des synergies attendues,
l'entreprise doit d'une part vérifier l'existence préalable de facteurs favorables
(analyse ex ante) et d'autre part mettre en œuvre une méthodologie d'intégration
rigoureuse (action ex post), adaptée aux caractéristiques des deux entreprises
en présence. Ainsi, certaines conditions initiales ont été identifiées comme des
facteurs clés de succès de la FIA, parmi lesquelles la proximité des partenaires
(structurelle, sectorielle, culturelle et organisationnelle), mais également l'ex-
périence de ce type de manœuvre et l'existence de liens antérieurs à la fusion
entre les organisations.
Au-delà de ces facteurs favorables, le mode d'intégration doit être adapté aux
objectifs et aux exigences d'interdépendance des deux entreprises qui fusionnent.
Ainsi, lorsque l'autonomie de la cible est critique pour l'atteinte des objectifs
(dans le cas par exemple où la FIA consiste à capter des compétences spécialisées
et que celles-ci sont intrinsèquement liées à la culture d'entreprise et aux modes
d'organisation du travail de la cible), l'acquéreur devra préserver l'indépendance
de la cible et limiter son implication au minimum (suivi financier par exemple).
À l'inverse, lorsque l'objectif de la fusion est de profiter d'effets de volume et de
générer des économies d'échelle, une restructuration et une mise en commun
des actifs, de même qu'une uniformisation des procédures pourront s'avérer
nécessaires. Dans ce cas, une intégration efficace demandera des efforts profonds
de rationalisation et de réorganisation afin d'aligner les modes de management
des deux entreprises.

Lorsque Disney rachète Pixar e n 2006, le géant américain historique du dessin ani mé
est en grande difficulté. Sur le plan artistique, il est en panne d'inspiration, sur le
pla n technique, ses tentatives de dessins animés en 3D ne sont pas concluantes. Il est
capable de valoriser des personnages au travers de toutes ses activités (distribution
de film , parcs à thèmes, produits dérivés, chaînes de télévision , etc.) mais pour leur
donner vie, il dépend entièrement de son a lliance avec Pixar qui a dé buté e n 1991.
En 2006, deva nt les difficultés rencontrées pour poursuivre l'alliance, et pour ne pas
"'O perdre l'accès au x compétences artistiques et techniques de Pixar, la décision est prise
0
c par Disney de racheter l'entreprise ca lifornienne. D ans ce contexte, compte te nu
:J
0 du caractère indissociable de la culture d 'entreprise de Pixar et de ses compétences
lil spécialisées, Disney veut préserver l' identité de Pixar et éviter que ses graphistes,
.-t
0 ses programmeurs, ses directeurs artistiques ou ses réalisateurs ne soient tentés
N
@ de partir chez les concurrents. C'est la raison pour laquelle Disney fait de Pixar
....... une fili ale particulièrement auto nome, sa ns chercher à homogénéiser les modes de
..c
O'l management ou les conditions de travail entre la maison mère et la cible rachetée.
·;::::
> Ce choix a permis d 'assurer la réussite de ce rachat et l' intégration harmonieuse de
a.
0 Pixar au sein de l'empire Disney.
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

Dans tous les cas, trois règles majeures doivent être respectées (même si elles
doivent être adaptées en fonction des cas particuliers) dans le cadre du processus
d'intégration de la cible:
• La formalisation du processus: les étapes successives de l'inté-
gration des deux structures doivent être clairement définies et Si certaines conditions préalabl=-1
l'équipe en charge de la fusion doit effectuer un suivi précis de ont été identifiées comme
l'avancement; en outre, les objectifs doivent être fixés clairement favorables au succès d'une
pour assurer la mobilisation des salariés et éviter les périodes fusion-acquisition (proximité
d'instabilité. entre les partenaires ou
expérience antérieure), la phase
• La stratégie de communication: mise en œuvre par l'équipe
d'intégration apparaît comme
en charge de la fusion , elle doit être permanente dans le but de un facteur critique du succès.
limiter les incertitudes propices à générer de l'angoisse et de la
démotivation chez les salariés. La communication doit être complète, fiable ,
cohérente, réactive et pleinement diffusée dans toute l'organisation.
• L'attitude de la direction générale: elle doit promouvoir l'opération de fusion
en proposant une vision stratégique forte, à laquelle tous les salariés de la
nouvelle entreprise pourront adhérer, et sur la base de laquelle ils pourront
ensemble construire une nouvelle identité commune.

(1 Croissance et alliance
L'alliance consiste pour une entreprise à s'associer avec une ou plusieurs autres
entreprises pour réaliser un projet de croissance (spécialisation, expansion,
diversification ou internationalisation), dans le cadre d'une organisation coor-
donnée. L'alliance implique ainsi une action commune et une gestion concertée
des objectifs entre les firmes, ainsi qu'un partage du contrôle sur les activités
concernées par l'accord de coopération.
""'
"
'&
·;:
0
:;
-0 c: "' L'alliance désigne l'association de plusieurs entreprises indépendantes
0 0
c c (concurrentes ou non), sous la forme de la mise en commun et de la coordina-
:J
0
.2ü tion de ressources (humaines, techniques, financières ...), afin de poursuivre
lil .g des objectifs conjoints .
.-t 0
0
N eo.
@ ~
....... ~
À la différence de la fusion-acquisition , l'alliance se caractérise par la préser-
..c 1
CJl "O vation de l'autonomie des entreprises partenaires, qui restent indépendantes.
·;:: g
>-
a.
::i
Cl
La prise de décision est négociée pour les activités communes, et indépendante
8@ pour les activités hors du périmètre de l'alliance ; alors que dans le cas de la FIA ,
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

la prise de décision dépend d'un management unique et toutes les activités sont
regroupées sous la même autorité hiérarchique (..,.. figure 6.2).

Firme A Firme B Firme A Firme B

Intérêts Intérêts
propres propres

Figure 6.2..,..
Alliance et fusion-
acquisition

Malgré la grande diversité des formes d'alliance, il est possible de proposer


trois caractéristiques fondamentales constitutives de cette modalité:
('7:mance associe plusieurs
entreprises indépendantes qui les alliances regroupent des sociétés qui sont juridiquement
s'engagent à mettre en commun indépendantes, ce qui les différencie notamment des FIA;
certain es de leurs ressou rces et les alliances engagent les partenaires dans la durée, sur le long
à coopérer pour poursuivre un terme, ce qui les différencie des relations marchandes (ou relations
objectif de croissance donné de marché) qui se conçoivent comme ponctuelles et uniques;
(spécialisation, diversification,
les alliances associent généralement des partenaires de cultures
internationalisation).
différentes du fait de leur histoire, de leur secteur ou de leur pays.

I l l Typologie des alliances


Sur le plan de la forme, les alliances sont caractérisées par une très grande hétérogé-
néité, et il est nécessaire de distinguer les différents types de coopération possibles.
Dans ce cadre, quatre dimensions peuvent permettre de caractériser une alliance:
• La première concerne le nombre de partenaires impliqués dans l'accord. Si la
grande majorité des alliances impliquent deux entreprises partenaires (alliances
bilatérales), certaines coopérations regroupent un nombre plus important de
partenaires (alliances multilatérales). Ces« consortiums» s'observent notam-
-0
0
c ment dans des secteurs anciens, arrivés à maturité, dans lesquels l'objectif de
::i
0 taille est fondamental, soit dans le but de profiter d'économies liées aux effets
lJ")
...-l
de volume, soit pour imposer un standard à l'échelle internationale, soit pour
0
N accéder à des ressources permettant de fa ire face aux attentes des clients.
©
..., • La deuxième concerne la dimension capitalistique. Il faut alors distinguer
..c les alliances donnant lieu à des prises de participations de capital de l'un et/
0\
ï::::
>- ou de l'autre (alliances capitalistiques) et les alliances n'impliquant pas de
a.
u
0 partage du capital par les alliés et généralement régies par des contrats de

168
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

long terme (alliances non capitali stiques). En ce qui concerne les a lliances
capitalistiques, elles se concrétisent par deux cas de figure:
- soit l'un et/ou l'autre des entreprises prend une participation dans le capital
de son partenaire ;
- soit les partenaires de l'alliance partagent (à égalité ou pas) la propriété et
le contrôle d'une entité commune juridiquement indépendante (co -entre-
prise ou «joint venture»).
• La troisième dimension concerne l'origine géographique des partenaires. On
distinguera ici les alliances regroupant des entreprises issues d'un même pays
(alliances domestiques) des alliances impliquant des partenaires de nationa-
lités différentes (alliances internationales). Depuis une vingtaine d'années,
on constate une multiplication des alliances internationales (qui constituent
aujourd'hui la majorité des accords), impliquant notamment des firmes issues
des pays émergents (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud).
• Enfin, la quatrième dimension considère la position relative des
partenaires dans le secteur d'activité ou la filière économique.
Il est possible de caractériser un: - i
Ce critère nous permet de différencier les alliances impliquant
alliance en fonction du nombre de
des entreprises évoluant dans le même secteur d'activité (alliance partenaires, de l'existence de liens
horizontale), celles regroupant des entreprises qui entretiennent capitalistiques reliant les firmes,
des relations de fournisseur à acheteur dans une filière économique de leur origine géographique, ou
(partenariat vertical) et celles impliquant des firmes n'appartenant de leur position relative dans le
pas à la même industrie (alliance intersectorielle). secteur ou la filière.

L'alliance Watt Disney et Pixar


En 1991, Walt Disney et Pixar s'allient pour produire et distribuer des films d'ani-
mation en 3D (Barthe lemy, 2006). Si les conditions de l'accord évoluent au fil du
temps (notamment en termes de partage des gains entre les partenaires), la logique
reste la m ême jusqu'en 2006, année du rachat de Pixar par Disney. Pixar apporte sa
maîtrise des technologies d'animation en 3D, notamment via ses logiciels RenderMan
ou Ringmaster, sa créativité artistique à l'origine d'un repositionnement du dessin
""'
" animé vers un public plus large et moins centré sur les enfants, enfin sa capacité à
'&
·;:
0 créer une alchimie entre dimension technologique et dimension artistique. De son
:;
-0 c: "' côté, Disney apporte sa légitimité et sa visibilité dans le secteur du dessin animé, son
0 0
c c réseau de distribution via sa filiale Buena Vista , ses compétences fortes en termes
:J
0
.2ü de marketing et de produits dérivés permetta nt d 'exploiter les personnages créés
lil .g par les films , ainsi que ses moyens financiers. Cette alliance, qui peut être qualifiée
.-t 0

eo.
0 d'asymétrique tant les partenaires sont différents (tai lle, ressources , culture) est un
N
accord bilatéral (deux partenaires), non capitalistique (régi par un contrat qui sera
@ ~
....... ~
renégocié régulièrement au cours des quinze années de sa vie), dom estique (i l regroupe
..c 1 deux entreprises américaines) et hori zontal (les deux partenaires évoluent tous deux
CJl "O
·;:: g dans le secteur de la production de films d 'a nimation).
>- ::i
a. Cl
8@
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

Le secteur automobile
Le secteur de l'automobile apparaît particulièrement révélateur de la dynamique des
relations de partenariat vertical. Dans ce secteur, les fournisseurs sont encouragés
à devenir de véritables partenaires des constructeurs a utomobiles en investissant
lourde ment (R&D), notamme nt pour accéder au x« parcs industriels fo urnisseurs»,
sortes de plateformes géographiqu es communes sur lesquelles sont rassemblés
(et reliés par le biais de systèmes d'informations partagés) l'ensemble des fournisseurs
impliqués dans le développement et l' industria lisation d'un modèle automobile (c'est
le cas par exemple pour la Smart ou la Twingo). D ans ce contexte, le constructeur
automobile conclut généralement des accords bilatéraux non capitalistiques avec ses
fournisseurs, impliquant soit des e ntreprises de même nationalité ou de nationalité
différente. L'implication des fournisseurs clés, dès le début du projet et sous la forme
de relation de pa rtena riat, permet de prendre en compte les contraintes de toutes
les parties prenantes du projet dès sa conception et de générer une proximité forte
à la fois relationnelle, technique, culturelle et géographique, entre les partenaires.
Ce mode d'organisation, fo ndé sur l'échange et la négociation, favorise la réactivité
des acteurs et permet d'optimiser la structure de coût.

ltl Logiques des alliances


Les alliances peuvent également être classées en fonction de l'objectif poursuivi.
Comme dans le cas de la FIA, l'alliance constitue un support de la stratégie de
croissance (spécialisation, diversification , expansion ou internationalisation). Dans
ce cadre, on distingue traditionnellement deux catégories d'alliance susceptibles
de contribuer à la réalisation d'un axe de croissance (Garette et Dussauge, 1995):
celles qui reposent sur la mise en commun de ressources similaires (alliances
endogènes ou d 'échelle) et celles qui impliquent de regrouper des ressources
différentes (alliances exogènes ou complémentaires).

1 4.2.1 1 Les alliances endogènes


Les alliances endogènes associent généralement des partenaires très similaires
(compétences, technologies ou taille) qui vont cumuler leurs actifs et leurs compé-
tences pour améliorer leur expertise ou pour atteindre une taille critique. L'alliance
"'O
0 leur permet de profiter d'effets de volume (économies d'échelle et effets de taille)
c
0
:J mais aussi d'un élargissement de leur marché, issu du cumul des parts de marché
lil des deux entreprises. Les entreprises impliquées dans l'alliance profitent ainsi des
.-t
0
N
mêmes avantages que ceux dont bénéficie un concurrent de plus grande taille.
@
.......
Ce type d'alliance constitue prioritairement un support de la spécialisation ,
..c
O'l dans le cadre de laquelle l'entreprise cherche à développer un avantage concur-
·;::::
>
a.
rentiel de coût (par le biais de l'augmentation de sa taille) et/ou de différencia-
0 tio n ( p a r le bi ais de l'am é lioration de son expertise technologique o u
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

commerciale) sur son activité principale. L'accès à la taille efficiente minimale


constitue dans certains cas une barrière à l'entrée forte pour certains secteurs
d'activité (automobile ou industrie pharmaceutique par exemple)
ou certaines zones géographiques, que les nouveaux entrants ne Les alliances endogènes
pourront surmonter qu'en s'associant. Dans ce contexte, l'alliance associent des partenaires
endogène peut également être le moyen de pénétrer un nouveau apportant des ressources
marché sectoriel ou géographique, et constituer le support d'une similaires et visant généralement
un objectif de taille critique.
stratégie de diversification ou d'internationalisation.

La taille efficiente minimale désigne le volume d'activité minimum (en


termes de production et/ou de commercialisation) à partir duquel l'activité
est rentable, du fait de la baisse des coûts fixes unitaires (effets de taille et
économies d'échelle).

En 2012 , PSA et General Motors s'allient sous la forme d' un accord contractuel
d'une durée initiale de dix ans. Cette a lliance endogène associant les deux groupes
automobi les correspond principalement à une logique de consolidation de la position
concurrentielle des deux entreprises sur leur activité (spécialisation), par le bi ais d'une
meilleure maîtrise des coûts. Elles comptent en effet profiter d'effets de taille dus
à la création d' une filiale d'achat commune , qui deviendra le plus gros acheteur du
secteur, et bénéficier d'économies d'échelle sur des composants et des sous-systèmes
communs: plateformes ou composants.

4.2.2 1 Les alliances exogènes


À l'inverse, les alliances exogènes se caractérisent par le regroupement d'en-
treprises mettant en commun des ressources différentes, dans le but de mettre
en œuvre un projet de croissance donné. Les partenaires vont ainsi chercher à
bénéficier de la complémentarité de leurs ressources pour réaliser des synergies
""'
"
ou profiter de transferts de connaissance.
'&
Les alliances exogènes associe~
·;:
0 Ce type d'alliance constitue prioritairement un support de la diver-
:;
-0 c: "' sification ou de l'internationalisation. Dans le cas d'une diversifica- des partenaires dont les apports
0 0
c c tion, c'est la combinaison des compétences respectives de chacun sont différents afin de profiter
:J
0
.2ü des partenaires qui va leur ouvrir les portes d'une nouvelle activité. d'effets de complémentarité
lil .g
.-t 0 Dans le cas d'une internationalisation, l'entreprise souhaitant se nécessaires pour mettre en
0
N eo. développer à l'extérieur de ses frontières pourra s'allier avec un œuvre le plus souvent une
@ ~ partenaire local. Elle apportera ses produits, sa technologie ou ses stratégie de diversification ou
....... ~ d'internationalisation .
..c 1
capitaux alors que le partenaire local apportera par exemple son
CJl "O
·;:: g
>- ::i expertise en termes de connaissances des attentes des consommateurs, de maî-
a. Cl
8@ trise de la réglementation ou d'implantation au sein des réseaux de distribution.
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

En 2002, Nestlé et L'Oréal créent ensemble une alliance qui donne lieu à la nais-
sance d 'une société commune («joint venture»), détenue à part égale par les deux
groupes : Inneov. Cette société, insta llée en France est positionnée sur le secteur de
la« nutricosmétique » qui regroupe les compléments a lime ntaires à visée cosmétique
(peau , cheveux, ongle, etc.). Les deux géa nts de l'agroalimentaire e t de la cosmé tique
veulent s'appuyer sur leur complémentarité évidente pour réussir cette diversifica-
tion dans un secteur particulièrement dynamique où les concurrents restent encore
modestes (Arkopharma ou Oenobiol par exemple). Le dém arrage de l'activité de
cette a lli ance exogène a été plus lent que prévu et les performances décevantes (avec
plusieurs exercices déficitaires). En effet, ce positionnement « nutricosmétique » ne
semble pas suffisant aujourd'hui sur le marché des compléments alimentaires. C'est la
raison pour laquelle l'entreprise a initié, à partir de 2009, un virage stratégique pour
élargir son activité aux compléments alimentaires à vocation santé (probiotiques par
exemple), afin d'améliorer sa croissance et sa rentabilité.

Ill Alliance et performance


Au même titre que les FIA, les alliances sont réputées être des manœuvres à
haut risque et les taux d'échec sont souvent évalués à plus de 50 % . Même s'il
est difficile de valider ce chiffre, compte tenu de la difficulté à évaluer le succès
ou l'échec d'une alliance, cette manœuvre induit effectivement de nombreux
risques (Blanchot, 2006).

EN PRAT 1QUE
Mesurer le succès ou l'échec d'une alliance
Trois catégories de mesures peuvent permettre d'évaluer le succès d' une alliance, en fonction de l'unité
d'analyse que l'on retient.
• La première concerne l'impact de l'alliance sur la performance des partenaires; on va ici évaluer les
effets de l'alliance sur la création de valeur de chacun des alliés (augmentation de la valeur boursière,
évolution de la part de marché, croissance du profit, développement ou acquisition de compétence).
• La deuxièm e concerne l'évaluation de l'atteinte des objectifs de l'alliance; on va ici évaluer la
-0 performance de l'entité alliance en elle-même (CA, rentabilité ou profit généré par la joint-venture
0
c éventuelle, réalisation du projet d 'internationalisation, réussite de la création d'une nouvelle acti-
:J
0 vité, durée de vie de l'allia nce, développement d' une nouvelle technologie ou dépôt d 'un brevet).
lil • La troisième porte sur la performance relationnelle de l'alliance ; on va ici éva luer la satisfaction
.-t
0 des partenaires concernant leur relation mutuelle (sentiment d'équité de la relation, fréquence des
N
@ conflits, degré de confiance, importa nce de l'engagement dans la relation).
....... Compte tenu du caractère complémentaire de ces mesures, il s'avère intéressant de combiner des indi-
..c
O'l
·;:::: cateurs issus de ces trois catégories afin de disposer d'une vision complète de l'alliance.
>
a.
0
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

Trois écueils majeurs peuvent handicaper le bon fonctionnement d'une a lliance:


• Le premier est lié à l'individualisme des partenaires. Il induit un risque de
comportements opportunistes, c'est-à-dire le risque que l'un des partenaires
poursuive son intérêt personnel aux dépens de l'autre, en utilisant la ruse, la
dissimulation ou la tricherie, en vue de s'approprier une plus grande part des
bénéfices de la coopération (captation de savoir-faire, absence d'équité dans
le partage coût/gain).
• Le deuxième écueil concerne la forte incertitude inhérente à l'alliance. Cette
incertitude est susceptible de modifier l'intérêt ou l'engagement des partenaires
dans l'a lliance. Elle porte tout d'abord sur l'environnement et son évolution
initiée à la fois par les évolutions possibles des technologies, des attentes
clients et des comportements des concurrents. Cette incertitude porte ensuite
sur le comportement ou les intentions du partenaire qu'il est difficile d'ap-
précier du fait de phénomènes d'asymétrie d'information 1 •
• Le troisième écueil est lié à l'incompréhension entre les partenaires, générée
par leurs différences en termes de culture et de mode de mana-
gement. Cette incompréhension mutuelle est susceptible de
Du fait de la nature coopérative!
provoquer des phénomènes de rigidité ou de conflit, néfastes à de l'alliance, de l'indépendance
l'atteinte des objectifs de l'alliance et de dégrader la confiance entre des partenaires et du caractère
les partenaires. Ces trois écueils peuvent induire un phénomène divergent de leurs intérêts
auto-entretenu dans lequel l'incertitude et l'incompréhension se respectifs, cette modalité est
combinent et amplifient la méfiance entre les parties, encourageant exposée à des risques de conflit,
de ce fait une augmentation de l'individualisme et des risques de d'incompréhension et de
comportements opportunistes. comportements opportunistes.

En 1996, Danone conclut une a lliance avec l'entreprise chinoise Wahaha dans le
secteur des boissons non a lcoolisées, qui donne lieu à une joint-venture, « Wahaha
Group », détenue à 51 % par Danone. L'entreprise française apporte son savoir-faire,
ses produits, sa technologie et ses capitaux a lors que son partenaire local lui donne
""'
"
accès au marché chinois2 • En 2007, Waha ha est le leader chinois de l'eau en bouteille.
'& Malgré ce tte réussite, les conflits apparaissent assez rapidement entre les deux alliés.
·;:
0
:; En 2008, Franck Riboud, PDG de Danone, annonce qu'il souhaite sortir de la co-en-
-0 c: "' treprise. Le contentieux est important: Da none reproche notamment à son partenaire
0 0
c c chinois d'avoir créé un réseau complexe de sociétés (via des holdings situées aux Îles
:J
0
.2ü Vierges) qui fabrique nt et commercialisent des produits similaires ou identiques à
lil .g ceux de la joint-venture et utilisent de manière illégale les marques, les réseaux de
.-t 0
0
N eo.
@ ~
....... ~ 1 L'asymétrie d'information renvoie à une situation dans laquelle les partenaires ne disposent pas
..c 1
tous du même niveau d'information; les acteurs les mieux informés peuvent alors parfois tenter
CJl "O
·;:: g d'exploiter cet avantage informationnel aux dépens de leurs partenaires.
>- ::i
a. Cl 2 Il s'agissait à l'époque d'une obligation réglementaire qui imposait à toute entreprise occidentale
8@ de passer un accord de joint-venture avec un partenaire chinois pour commercialiser ses produits.
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

distribution et les fournisseurs de la joint-venture. De son côté, le partena ire chinois


exprime aussi des doléances: selon lui, Danone veut exclure son partenaire chinois du
contrôle de Waha ha Group en augmentant sa participation ; d'autre part, il considère
que les accords régissant la joint-venture ne sont pas justes, en ce qu'ils interdisent au
partenaire chinois de commercialiser des produits concurrents de Wahaha hors de
l'alliance, alors qu'ils permettent à Danone de multiplier les alliances avec d'autres
entreprises chinoises. À la suite d'un feuilleton juridique, Danone finit par céder
toutes ses parts de l'alliance à son partenaire.

D Quelle modalité pour quel axe


de croissance?
Contrairement à une idée reçue répandue, le choix d'un axe de croissance (spé-
cialisation, expansion, diversification ou internationalisation) ne conditionne
pas de manière automatique le choix de la modalité; ce n'est pas
r:=-choix d'un axe de parce que l'entreprise souhaite se spécialiser qu'elle est forcée
croissance (spécialisation, d'avoir recours au développement interne; de même, ce n'est pas
expansion, diversification une obligation impérative de passer par une FIA pour se diversifier.
ou internationalisation) ne Ainsi, a priori, les trois modalités abordées dans ce chapitre sont
conditionne pas mécaniquement
susceptibles de constituer le support de tous les axes de croissance
le choix d' une modalité.
envisagés par l'entreprise (..,.. chapitre 5).
En revanche, plusieurs critères peuvent guider l'entreprise dans son choix de
modalité (Brulhart et al., 2011): l'exigence de rapidité, le montant d'investissement
initial , le poids des coûts de transaction, le degré de contrôle des opérations, la
capacité à protéger ses compétences et le degré de réversibilité de l'opération.
• L'objectif de rapidité conduit généralement l'entreprise à opter pour la F/A,
ou dans une moindre mesure, pour l'alliance. En effet, dans la poursuite d'un
objectif de développement des compétences lié à une diversification , d'un
objectif d'implantation sur un marché lié à une internationalisation ou encore
-0
0 d'un objectif de maîtrise des coûts lié à une spécialisation, le recours à un par-
c
0
:J tenaire externe va faciliter l'accès aux ressources opérationnelles (humaines,
lil techniques ou commerciales) nécessaires à l'atteinte de ces objectifs; dans
.-t
0
N
ce contexte, la F/A permet une mise en œuvre immédiate de ces ressources
@ alors que l'impératif de coordination lié à l'alliance est susceptible de ralentir
...... le processus. La croissance interne est la modalité la plus consommatrice de
..c
CJl
·;:::: temps puisque l'entreprise se retrouve seule à devoir développer les ressources
>
a.
0 dont elle a besoin.
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

• Le montant de l'investissement initial est minimisé dans le cas d'une alliance,


du fait d'un apport partagé des actifs par les partenaires. En cas de croissance
interne, l'entreprise assumera seule les investissements nécessaires à la mise en
œuvre de son axe de croissance. De même, dans le cas de la F/A, l'acquéreur
devra supporter seul le coût du rachat pour accéder aux actifs visés.
• Les coûts de transaction recouvrent des frais ex ante (recherche d'un partenaire
éventuel, négociation, finalisation d'un accord) et des frais ex post (suivi et
surveillance de l'accord, contrôle, gestion des conflits, intégration). Ces coûts
sont inexistants en cas de croissance interne, mais conséquents pour la F/A
(principalement en termes de frais ex ante) et maximaux en cas d'alliance du
fait de la coordination importante post-accord.
• Le degré de contrôle des opérations (c'est-à-dire de contrôle des décisions
et des actions liées à l'axe de croissance choisi) est maximal dans le cas de
la croissance interne et dans le cas de la FIA (même si les problèmes d'in-
tégration éventuels de la cible sont susceptibles de réduire ce contrôle). En
revanche, l'a lliance implique une gestion conjointe et concertée, de même
qu'une asymétrie informationnelle qui réduit fortement le degré de contrôle.
• La protection de ses savoir-faire (technologiques, commerciaux, relationnels)
est un objectif important pour l'entreprise, quel que soit l'axe de croissance
poursuivi. Si la croissance interne et la F/A permettent une protection forte ,
liée au maintien en interne de ces savoir-faire, l'alliance introduit un partenaire
externe qui dispose d'un accès facilité à ces compétences ou à ces ressources.
Le risque de captation ou de transfert incontrôlé des savoir-faire est alors
maximum.
• Enfin, le degré de réversibilité renvoie à la capacité de l'entre-
Pour choisir efficacement sa --,
prise de faire marche arrière dans la poursuite d'un objectif de
modalité de croissance,
croissance précis. De ce point de vue, la F/A reste la modalité la
l'entreprise doit identifier ses
moins flexible (même si des scissions conduisant chaque entreprise priorités en termes de délai, de
à reprendre son indépendance sont parfois possibles) tout comme capital disponible, de volonté
la croissance interne. En effet, dans ces deux cas, les coûts de
""'
"
de contrôle, d'impératif de
'& sortie sont particulièrement lourds. Dans le cas de l'a lli ance, la protection des savoir-faire et de
·;:
0
:; réversibilité est plus facile par le biais notamment de la cession degré de réversibilité souhaité.
-0 c: "' des activités à l'un des partenaires.
0 0
c c
:J
0
.2ü Indépendamment de ces critères, les entreprises ont souvent tendance à concen-
lil .g trer leur pratique sur une, voire deux modalités. Du fait de leur histoire, de leurs
.-t 0
0
N eo. expériences antérieures, de leurs réussites et de leurs échecs passés, il est fréquent
@ ~ que les entreprises développent progressivement une routine en matière de choix
....... ~
..c 1
de modalité de croissance. Cette routine les pousse alors à privilégier systéma-
CJl "O
·;:: g
>- ::i tiquement la même modalité au fil du temps , quel que soit le contexte, et les
a. Cl
8@ empêche de mener une analyse systématique des avantages respectifs des
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

d ifférentes modalités, en fonction de l'axe de croissance visé, de leurs objectifs,


de leurs priorités et du contexte environnemental. C'est cette « myopie » de la
modalité unique qui les conduit à faire des choix non optimaux.
~choix de varier les modalit és Une étude récente (Capron et Mitchell, 2012) montre d'ailleurs que
de croissance (par opposition les entreprises qui panachent leurs modes de croissance (croissance
à celui de privilégier une seule interne, FIA, a lliance) ont 46 % de plus de chances de rester en
modalité) pour mener à bien activité cinq ans plu s tard que celles qui ne s'intéressent qu'aux
son développement améliore
all iances, 26 % de plus que celles qui ne font appel qu'aux fusions
l'espérance de performance de
et aux acquisitions et 12 % de plus que celles qui ne reposent que
l'entreprise.
sur le développement interne.

Les points clés


-+ L'entreprise dispose de trois modalités possibles pour mettre en œuvre sa
stratégie de croissance : le développement interne (ou croissance organique),
la fusion-acquisition (ou croissance externe), et l'alliance (ou croissance
partagée). Ces trois modalités peuvent constituer le support d'une stratégie
de spécialisation , de diversification et/ou d'i nternationalisation.

-+ La croissance organique constitue à la fois la modalité la plus répandue et


la plus discrète. E lle consiste à s'appuyer sur ses ressources internes (actifs,
compétences, etc.) et à les combiner, pour construire une croissance autonome
et progressive. La forte autonomie qui caractérise cette modalité constitue à
la fois une force (diminution du risque de conflit) et une faiblesse (difficulté
d'accès aux ressources) .

.+ La fusion-acquisition constitue le moyen de mettre en œuvre une stratégie de


spécialisation, de d iversification et/ou d'internationa lisation par le biais de
la prise de contrôle d'une autre firme qui d ispose des actifs et des ressources
nécessaires à la poursuite de cet axe de croissance. Caractérisée par une
grande rapidité d'accès aux ressources nécessaires et par la possibil ité de
réaliser des synergies, cette modalité implique généralement un investisse-
ment élevé et expose l'entreprise à des risques (sociaux, culturels) importants
-0
du fait de la difficulté à intégrer deux structures disti nctes.
0
c
0
:J
-+ L'alliance associe deux ou plusieurs entreprises qui décident de mettre en
l.J'l
.-t
commun des ressources dans le but de profiter d'effets de volume (ressources
0
N similaires) ou d'effets de complémentarité (ressources différentes). La diversité
@ des partenaires (secteur, taille, pays, compétences, etc.) fait la richesse de la
.......
..c coopération mais la forte indépendance des partenaires expose l'alliance à
O'l
·;::::
>- des risques de conflit (comportement opportuniste, intérêts d ivergents, etc.).
a.
0
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

APPLICATIONS
c. Une des deux affirmations précédentes est fausse.
QCM 5 Quelle est l'affirmation la moins pertinente?
.,.. Corrigés p. 190 a. Les entreprises qui s'appuient majoritairement sur
une seule modalité pour construire leur croissance
Une seule bonne réponse par question.
développent une expertise particulière sur cette moda-
1 Quelle est l'affirmation juste? lité précise.
a. La croissance interne ne peut être utilisée que pour b . Les entreprises qui se spécialisent sur une modalité
mettre en œuvre une stratégie de spécialisation. de croissance particulière augmentent la probabilité
b. La croissance interne consiste pour l'entreprise de réussite de leur déve.l oppem ent.
à s'appuyer sur ses seules ressources pour me ttre en c. Une des deux affirmations précédentes est fausse.
œuvre ses choix de croissance.
c. Comparée à la fusion-acquisition ou à l'alliance, la
croissance interne présente l'avantage de la rapidité,
en termes d'atteinte des objectifs stratégiques.
Etude de cas
2 Quelle est l'affirmation erronée?
.,.. Corrigés p. 190
a. L'objectif d'une fusion-acquisition est d'accéder à
de nouveaux marchés. 6 Danone
b . L'objectif d'une fusion-acquisition est de réduire
L'entreprise BSN (Boussois Souchon-Neuvesel) naît
le chiffre d'affaires.
en 1966 et réalise à cette époque un CA d'environ
c. L'objectif d'une fusion-acquisition est d'accéder à
150 millions d'euros dans des activités de production
de no uvelles compétences.
de verre. À partir des années 1970, cette entreprise se
d. L'objectif d'une fusion-acquisition est de neutraliser
diversifie progressivement dans l'industrie agroa limen-
la concurrence dans un secteur.
taire, notamment grâce à la fusion en 1973 avec Gervais
3 Quelle est l'affirmation la plus pertinente? Da none. Cette orientation stratégique se poursuit dans
les années qui suivent, avec un développement dans
a. Les entreprises impliquées dans une alliance
tous les segments de l'agroalimentaire et sur tous les
conservent leur autono mie à l'extéri.e ur des activités
continents. C'est seulement en 1994 que l'e ntreprise
de l'alliance.
prend le n_om sous lequel el le est connue aujourd' hui :
b. Une alliance entre deux concurrents diminue obli-
D a no ne. A partir de 1997, le groupe prend la décision
gatoirement la concurrence sur le secteur d 'activité.
de se recentrer, c'est-à-dire de se désengager des
c. Les entreprises impliquées dans une a lliance se
activités jugées non stratégiques, pour concentrer ses
partagent le contrôle sur la totalité de leurs activités
ressources sur trois métiers principaux: les produits
respectives.
laitiers frais (yoghourts et produits assimilés), les
4 Quelle est l'affirmation la moins pertinente? boissons (principalement eaux en bouteille) et les
a. L a fusion-acquisition vise à générer des effets biscuits et produits céréaliers. Cette phase de recen-
de synergie par la suppression de doublons dans les trage se conclut en 2007 avec la cession des activités
fonctions des entrepr ises impliquées. biscuits à Kraft Foods. Face à une concurrence de
b. La fusion-acquisitio n vise à générer des effets de spécialistes mondiaux de l'agroalimenta ire (Nestlé,
synergie par la recherche de complémentarité dans PepsiCo, Kraft, Mars, Coca-Cola), Danone veut e n
les compétences des entreprises impliquées. effet être leader sur les activités où il est positionné, ce
Partie 3 Construire une trajectoire de croissance

qui lui paraît compromis pour le marché des biscuits. 2008, Danone ouvre sa première usine en Colombie.
En outre, cette activité n'est plus en cohérence avec Ils constituent également le moye n de décliner les
l'image« santé et bien-être » sur laquelle le groupe veut gammes de produits et de dynamiser l'internationa-
communiquer. La vision promue par l'entre prise est lisation du groupe.
alors de «devenir leader de la santé par l'alimentation E n 2010, Danone fait l'acquisition d e Unimilk
au plus grand nombre ». (implanté en Russie, Ukraine, Kazakhstan et Géorgie),
2007 constitue véritablement un to urna nt dan s la pour 1,3 milliard d 'euros. Danone é tait déjà présent
vie du groupe Danone qui, indépendamment de la sur ce territoire et donne ainsi naissance au leader
revente du pôle biscuit, réalise une de ses plus grosses des produits laitiers dans la Communauté des États
acquisitions avec le rachat du hollandais Numico indépendants ou CEi (par exemple, Danone-Unimilk
(pour un prix de 12 milliards d'euros). Ce rachat lui détient 21 % des parts de ma rché en Russie). Da none
permet de s'implanter m assivement dans l'activité veut ainsi capitaliser sur les marques fortes et l'image
«alimentation infantile e t nutrition m édicale » et d'Unimilk et sur son réseau de distribution de proxi-
de devenir l'un des leaders mondiaux de ce secte ur mité et ses 26 centres de productio n. Les consom-
particulièrement prometteur en termes de perspec- mate urs de cette zone géographique consomment
tives de croissance (croissance quatre fois supérieure encore peu de produits laitiers (cinq fois moins que
à celle de l'agroalimentaire en général), de m arges les Français); ils connaissent une fo rte augmen tation
et présentant des perspectives a lléch an tes da ns les de leur pouvoir d'achat et profitent d 'une croissance
pays émergents. D éjà présent depuis une trenta ine de 3 % à 4 % par an. E n outre, la nutrition médicale
d'années dans la nutrition infantile avec la marque est une activité qui fa it ses premiers pas (lancement
Bledina en France et en Belgique, Dano ne rachète de Fortimel en 2012). La priorité des années suivant
ainsi une «pépite », disposant de fortes capacités de la fusion est la réussite de l'intégration e t du rappro-
R&D (Numico consacre 3 % de son CA à la R &D chement des deux entreprises dont les méthodes de
contre 1 % pour D ano ne), de marques locales recon- travail sont très différentes. Pour cela, Da no ne met tout
nues, d'une position forte en A sie (leader en C hine) d'abord en place un m anagement commun ; e nsuite,
et qui présente, selon le PDG, Franck Riboud, une un travail d'harmonisation des chaînes de production
forte proximité culturelle avec son groupe . Pourtant, et de l'organisation logistique est engagé sur le moyen
certains analystes considèrent que le prix payé par terme (5 ans); enfin, l'entreprise entame le chantier
Da no ne est élevé. Si chez Da no ne, on reconnaît qu'il des systèmes d'informatio n, considéré comme un
n'y a pas de synergies liées à l'élimination de doublons élément critique de cette phase d'intégration. Ce
(très peu de présence a ntérieure sur les métiers de rapprochement se caractérise par une forte complé-
Numico), on table en reva nche sur des synergies « de mentarité, en termes géographiques tout d'abord
croissance» (utilisation du réseau de distribution de (Danone à l'ouest e t Unimilk à l'est), en termes de
Da none pour les produits Numico, collaboration en catégories de produits ensuite (produits santé pour
R&D sur des domaines complémenta ires). D ès 2008, Danone et produits traditionnels pour Unimilk). En
les nouveaux pôles nutrition représentent 24 % du CA outre, Je Français apporte ses compétences en matière
de L'entreprise et présentent des marges opérationnelles de normes de production, de marketing et de mer-
particulièrement élevées (de 17 % à 22 %). chandising (notamment en grande distribution), alors
Parallèlement, Da none poursuit le développement de que le Russe fournit, outre ses produits reconnus, ses
son activité, nota mment dans le pôle «produits la i- capacités de production, ses compétences de la gestion
"O tiers», avec des investissements industriels importants en flux tendu et sa maîtrise de La distribution tradition-
0
c (d'un montant d'environ 700 millions d'euros par an ne lle. Par exemple, la m arque Prostokvashino, déjà
::i
0 entre 2007 et 2010). Ces investissements génèrent une bien implantée, a profité du savoir-faire commercial
l..f) croissance organique qui évolue entre 5 % et 8 % sur et marketing de D a none (nouvea u design , nouvelle
.-1
0 ces a nnées, m algré la cri se mondia le. Ils visent prin- impla ntatio n en grande surface) avec pour résultat
N
cipalement à augmenter les capacités de productio n une augm entation du CA de 13 %.
@
...... dans les pays émergents et à fort potentiel de crois- D e 2011 à 2013, les investissements industriels de
~
0\
sance (Argentine, Brésil, Canada, É tats-Unis, Chine, Danone augm entent encore pour atteindre environ
ï::: Indonésie) ainsi que dans les pays d 'implantation 1 milliard d'euros par an. S.i les anticipations de crois-
>-
0.
0
récente (Corée du Sud, Thaïlande). Par exemple, en sance en Europe sont défavorables, elles sont plutôt
u
Chapitre 6 Analyser les modalités de croissance de l'entreprise

favorables dans le reste du monde. D ans ce contexte


le groupe travaille en Europe sur la rénovation d~ Activités
ses gammes pour s'adapter aux attentes des consom-
mateurs et sur des mesures de restructuration et de
rationalisation de ses structures, avec un objectif
7 Accor
d 'économie. Dans le reste du monde, Danone vise à Sur la base d'une recherche documentaire réalisée
fai re progresser ses parts de marché, à renforcer sa par vos soins sur Internet et sur les rapports annuels
présence en termes de marques et à développer ses diffusés par l'e ntreprise, analysez les modalités de
catégories de produits. croissance retenues par l'entreprise Accor au cours des
En 2012, D anone rachète les activités nutrition du trente dernières années. Construisez une matrice croi-
groupe indien Wockhardt pour 250 millions d'euros, sant les trois modalités et les trois axes de croissance
ce qui lui permet de s'implanter sur le marché indien principau x et placez les choix réalisés par Accor dans
de la nutrition infa ntile (marques Dexolac, Farex et les intersections correspondantes. Quelle conclusion
Nusobee) e t médicale (compléments nutritionnels pouvez-vous en tirer?
Protinex). Ce marché est particulièrement dynamique
8 Hermès
(25 millions de naissances par an) et Wockhardt donne
Sur la base de l'analyse du site Internet de l'entreprise
accès à un réseau de distribution couvrant l'ensemble
H ermès, caractérisez les choix de modalités retenus
des régions en Inde.
au cours des vingt dernières années pour mener à
E n 2013, Danone prend également le contrôle exclusif
bien la stratégie d'internation alisation. Identifiez les
de Centrale Laitière au Maroc, renforçant ainsi sa
raisons de ces choix.
présence en A frique du Nord. En 2001, Danone avait
déjà pris une participation minorita ire dans l'entre - 9 Le secteur des EHPAD
prise qui distribuait les produits du groupe depuis
Le secteur des E HPAD (Établissements d 'héberge-
longtemps (accords de licence). Le Maroc constitue
ment pour personnes âgées dépendantes) en France
un pays stable en plein développement et au contexte
se développe majoritairement en ayant recours à la
économique favorable. Or Centra le Laitière est leader
croissance externe. Après avoir illustré cette situa-
sur ce marché avec une part de marché de près de 60 %,
tion par deux exemples d'entreprises de ce secteur
accompagnée d'une forte croissance (environ 8 % par
ayant opté pour la fusion-acquisition, proposez une
a n). Ce rachat, facilité par des relations anciennes
explication de ce phénomène.
entre les deux e ntreprises, constitue pour D a none
la possibilité de renforcer son implantation dans un 10 Alliance ou fusion-acquisition?
pays émergent particulièrement attractif. Quels sont les éléments permettant de différencier
a lliance et fusion-acquisition ? Que ls sont les avan-
1. Analysez brièvement les deux modes de croissance tages et les risques respectifs de ces modalités? Sur
principaux retenus par Danone depuis 2007. la base d 'une recherche personnelle réalisée sur un
2. Caractérisez et commentez les rachats de Numico moteur de recherche, trouvez un exemple d 'alliance
et d'Unimilk (nature, objectifs poursuivis, stratégie puis un exemple de fusion-acquisition illustrant un des
sous-jacente, risques). risques et un des ava ntages que vous avez identifiés.
"'Cl
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Corrigés

CORRIGÉS
tChapitre 1
1 b. 2 c. 3 c. 4 b. 5 a. 6 a. 7 b.
8 Le secteur des grandes surfaces alimentaires p. 183). Quatre forces prédominent - les clients, les four-
1. Le secteur des GSA est caractérisé par une faible renta- nisseurs de type industriels, la rivalité intra-sectorielle et les
bilité (2 % de marge), de faibles taux de croissance et une technologies de substitution - et déterminent une intensité
forte intensité concurrentielle. Cependant, les différents concurrentielle relativement fo rte qui ne cesse de croître.
formats de vente ne connaissent pas tous la même situation. Face à ces pressions, les grands distribute urs doivent faire
D es changements relatifs à l'environnement général mais face à des exigences contradictoires, à savoir baisser leurs
aussi à l'environnement concurrentiel expliquent la situa- prix (pression des clients, de la rivalité concurrentiel.le et
tion relativement difficile du secteur ainsi que les enjeux de la réglementation) tout en augmentant le urs dépenses
auxquels doivent faire face les différents acteurs. et investissements (clients, réglementation , fo urnisseurs) et
L'analyse PESTEL permet de mettre en évidence l'influence donc le ur coût d 'exploitation. Le maintien de leur part de
de quatre catégories de facteurs liés au macro-environnement: marché se fait donc au détrim ent de leur profitabilité.
le facteur économique, le facteur social, le facteur réglemen- 3. Bien que soumis aux mêmes changements structurels et
taire et le facteur technologique (voir tableau p. 182). Ces concurrentiels, les acteurs du secteur montrent des niveaux
changements structurels entrainent des mutations majeures de performance différents (cf l'évolution des parts de
dans les modes de consommation et les comportements des marché et des marges). L'étude permet de mettre en évi-
consommateurs. Ces évolutions remettent aussi en cause une dence cieux dimensions discriminantes révélatrices des posi-
partie du modèle économique des GSA et des formats de tionnements stratégiques types au sein du secteur, à savoir le
vente privilégiés jusqu'à maintenant. Du fait de la conjonc- degré d' internationalisation (part du CA réalisé à l'étranger
ture économique défavorable, le prix et l'image prix se sont et nombre de pays dans lesque ls les GSA sont implantées),et
affirmés comme les principaux FCS ou éléments créateurs le degré de spécialisation sur un format de vente dominant.
de valeur pour le consommateur. Une politique continue de Le croisement de ces deux variables permet de mettre en
prix bas et une communication renforcée à ce niveau, le déve- évidence trois groupes principaux: 1. les spécialisés locaux
loppement des MDD et des rayons hard-discount au sein des (lntermarché, E. Leclerc, Système U), 2. les spécialisés inter-
magasins existants constituent des leviers stratégiques à pri- nationaux (Anchan) et 3. les multiformats ou généralistes
vilégier dans un contexte de crise. Les changements de type internationaux (Carrefour, Casino). Au sein de ce dernier
socio-démographique ont aussi modifié les FCS de l'industrie. groupe, on note des différences entre les cieux acteurs qui
Du fait de l'évolution des modes de vie et de la démographie, le composent: Carrefour a un degré d'internationalisation
les consommateurs privilégient de plus en plus la simplicité, plus élevé en étant présen t dans un plus grand nombre de
la praticité et la facilité de l'acte d'achat. À ceci s'ajoutent pays et en réalisant un CA à l'étranger plus important en
des exigences croissantes en matière de qual.ité des produits valeur. Casino, qui est principalement positionné sur ll\ mé-
et de consommation plus raisonnée intégrant des dimens.ions rique du Sud, est présent de manière plus équilibrée sur les
éthiques et environnementales. Des fonnats de proximité trois principaux formats de vente. L'analyse des groupes
situés en centre-ville, le développement de stratégies multi- stratégiques montre que certains distributeurs, qui ont limité
canal et du drive, l'élargissement de l'assortiment de catégo- leur développement, soit en termes de formats de vente, soit
ries de produits intégrant les nouvelles demandes en matière en termes de zones géographiques de développement, font
de qualité, d 'authenticité et de produits bio semblent consti- preuve d 'un niveau de performance élevé (E. Leclerc, lnter-
tuer des réponses à ces changements. marché, Système U). La concentration de leurs investisse-
2. L'analyse des forces concurrentielles permet de com- ments sur un pays et/ou un format semble leur permettre de
prendre .les déterminants de la faible rentabilité du secteur développer un niveau de performance plus élevé et d 'éviter
e t de la stagnation de son chiffre d 'affaires (voir figure la dispersion de leurs efforts ( ~ chapitre 5).
Stratégie

. Criticité ou Conséquences stratégiques


Facteurs environnementaux . significativité potentielles

Léga l/Réglementai re
• Une pression rég lementaire accrue en
matière de: • Dépenses et investisse-
- sécurité alimentaire ments supplémentaires
- protection des fournisseurs (délais de lnfl uence fort e et
paiement) Menace constante depuis • Remet en cause les
- interdiction des marges arrières 20 ans stratégies de volume, les
- autorisation de la publicité comparative économies d'échelle et la
- limitation des capacités d'extension recherche de taille critique
(magasins existants) et d'ouverture de
nouvelles surfaces de vente
Économique
Influence forte
• Crise économique et financière impac- Menace pouvant s'i nverser Nécessité de maintenir des
tant le pouvoir d'achat et les dépenses de dans le cas d'une prix bas et de développer
consommation reprise écono- des MDD premiers prix
mique L'internationalisation comme
• Baisse des dépenses alimentaires (-2 % Menace relai de croissance
en France) et maturité des marchés occi - Tendance lourde
dentaux (France)
Social

• Vieillissement de la population, urbanisa-


tion de la sociét é, f éminisation de la popu-
lation active, développement des foyers Nécessité de développer
mono-ménages les formats de proxim ité, la
vente par Internet et le drive
• Ëvolution de la structure de consomma- Tendance lourde
Possibilité de se différencier
tion en défaveur des biens alimentaires Menace croissante

• Priorité donnée à la qualité, au dévelop-


- " sur les aménagements et
les assortiments de produits
(bio, terroirs, produ its régio-
pement durable, à la t raçabilité et à une naux)
consommation raisonnée et plus qualitative

• Acte d'achat perçu comme une


contrainte et une perte de temps
"O
0 Effet de substitution sur le
c Technologique
::i non alimentaire
0 Tendance
Développement du e-commerce et de la Menace Nécessité d'intégrer ces
l..f) croissante
.-1 vente par Internet technologies dans les for-
0 mules de vente
N
@
...... .& L'analyse PESTEL du secteur des GSA
~
0\
ï:::
>-
0.
0
u
Corrigés

Nouveaux entrants dans l'alimentaire Nouveaux entrants dans l'équipement


• Aucun entrant depuis 15 ans à la personne et à la maison
Barrières à l'entrée • Forte concurrence des grandes surfaces
spécialisées (électronique grand public,
• Réglementation
bricolage, électroménager)
• Intensité capitalistique et maillage
• Forte spécialisation permettant
territorial des surfaces de vente
de générer des volumes
• Ëconomies d'échelle et pouvoir
et des économies d'échelle élevés
de négociation
(cent rales d'achat)
• Notoriété et antériorité des leaders
historiques français

1 1
Fournisseurs :
~ Menacl faible Menace forte
industriels
de l'agroalimentaire t Clients
et des produits ~ Rivalité intra-concurrentielle
de grande • Développement
consommation Pouvoir • Taux de croissance fa ible d'une clientèle très
fort • Maturité des segments hyper sensible au prix
• Concentration forte
(2,5 % des fournisseurs et super . . - ( - - - • Difficulté de
• Faible possibilité de différenoat1on fidélisation et
mais 45 % du CA) • Concurrence principalement basée Pouvoir forte volat ilité
• Groupes mondiaux / sur les prix fort Faibles coûts de
• Coûts de transfert • Accroissement des dépenses transfert: similarité
élevés liés à la notoriété et des investissements ne pouvant des offres des GSA
des marques être répercuté sur les prix • Des exigences
• Augmentation du prix Pouvoir
----7 Rivalité forte accrues en termes
des MP et volonté des faible
de qualité, de
industriels de l'agro-
sécurité et
alimentaire de
maintenir leurs marges Î.
Menace croissante
d'authenticité
des produits
Fournisseurs : 1
PME régionales Produits de substitution
• Nombreuses • E-commerce et sites spécialisés
et de petite taille sur la partie non alimentaire
• Faible part des ventes • Forte substituabil ité: gamme plus
des PME large et forte compétitivité prix
• Les GSA représentent
leur principal, voire
unique client
• Capacité d'intégrati on
amont via les MDD
• Forte facilité
de transfert pour
les GSA

.â. L'analyse des forces concurrentielles du secteur des GSA

183
Stratégie

Les m ult iformats internationaux

Multiformats

Les spécial isés locau x

Format Le spécia lisé internatio nal


lntermarché
Système U

Mono format Leclerc

Faible Moyen Élevé


Présence locale Présence régionale Présence globale
Degré d'internationalisation

.Â. La carte des groupes stratégiques du secteur des GSA

IChapitre 2
1 c. 2 c. 3 b. 4 a. 5 b. 6 c. 7 b. stratégie de valeur et non de volume en se focalisant sur le
segment de l'hyp erluxe. Trois axes de différenciation sont
8 Hermès: un artisan face aux géants du luxe ainsi mobilisés et exploités avec efficacité par le groupe:
1. Hermès est aujourd 'hui l'un des leaders mondiaux du - la très grande qualité des produits e t le ur caractère
luxe, m algré sa taille restreinte (en comparaison des mul- unique e t exclusif ;
tinationales que sont LVMH et Richemont) et sa structure - Je service de commercialisation ;
actio nnariale. Pour développer cette position, le groupe a - l' im age de marq ue et les valeurs attachées aux produi ts
pu s'appuyer sur un certain nombre de forces: H ermès.
- la qualité et Je caractère unique de ses produits; 2. La chaîne de valeur d'H ermès se caractérise par un très
- un savoir- faire artisanal qui s'est perpétué et consolidé fort degré d'intégration et de contrôle des activités consti-
au cours de ses 177 années d'existence; tutives de la filière du luxe. La maîtrise de l'amont et de
- un réseau de commercialisation diversifié internationa- l'aval de la chaîne de vale ur lui perme t ainsi de contrôler
lement ; des acti vités qui vont to utes contribuer à re nforcer son
- un contrô le et une maîtrise de l'ensemble des activités clés avantage concurrentiel de différenciation sur l' un ou plu-
qui conduisent à un business model intégré e t performant ; sieurs des axes évoqués précédemment. Son positionn e-
- un e performance économique et financière très é levée ment et ses in vestissements sur l'approvisionnement, les
"'O (cf. leur marge opérationnelle); achats e t les élevages lui permettent de garantir l'accès à
0
c: - un actio nnaria t fa milial qui permet un e stabilité et une une matière première de très grande qualité, mais aussi
::i
0 autonomie stratégique et financière. de sécuriser les volumes fo urnis et les p rix. La production
L{) Cependant, le gro upe présente aussi des faiblesses et doit e t la formation des artisans permettent d 'entretenir et
,......
0
fai re face à un certain nombre de risques: de verrouille r les savoir-faire artisana ux qui constituent
N - une dépendance vis-à-vis de l'activité maroquinerie; l'un des élé ments clés de la diffé renci ation d'H ermès. La
@ - une taille et une capacité de production restrein tes qui distribution e t la communication, opérées à un niveau
.µ entraînent des ruptures de stocks et une insatisfaction des corporate, perm ettent de valoriser le caractère exclusif
~
0\ clients. e t d 'excepti o n des produits e t joue nt tout autant sur la
ï:::
>- L'avantage concurrentiel d'Hermès est fo ndé sur une très qua lité du service que sur le maintie n de l' im age et de la
0.
0 fort e différenciation par le haut. Le groupe poursuit une réputation de l'entreprise.
u

184
Corrigés

Fonctions de soutien
• Gestion des ressources humaines: recrutement et formation d'un personnel à très haut niveau
d'expertise, développement d'une forte culture d' entreprise (motivation et adhésion aux valeurs du groupe)
• Approvisionnement: contrôle direct ou quasi intégration permettant la maîtrise de la qualité
et la sécurisation des achats (prix, quantités fournies)

• Communication :
• Conception • Commercialisatio n : sur les va leurs Différenciation
et design : via des boutiques de raffinement, basée sur
• Logistique capacité • Production : exclusives localisées de créativit é les produits,
et distribution : à marier t radition artisanale, dans les end roit s et d'exception sur les services
centralisées et modernit é s'appuyant sur les plus prestigieux des produit s et la marque
et fortement (renouvellement des savoir-faire • Qualit é et sur le savoir-faire
int égrées const ant spécifiques des aménagement s en mat ière
(un seul sit e} des collections tout et rares et de la mise en d'artisanat d'art
en s'appuyant sur valeur des prod uits Communication
des produit s cu ltes) de prest ige
et non ostentat oire

Fonctions principales

..._ La chaîne de valeur d'Hermès


3. Vavantage concurrentiel d'H ermès, basé sur la différen- d 'individus (les artisans). Les concurrents ont, quant à eux,
ciation, est relativement élevé et lui permet de générer des privilégié une production plus industrielle;
niveaux de marge supérieurs à ceux de ses concurrents. Cet - la qualité de la distribution (services de conseil et de
avantage est en outre solide et soutenable car s'appuyant sur personnalisation, localisatio n et amé nagement des bo u-
un certain nombre de compétences qui sont à la fois rares, créa- tiques) e t la capacité à gérer e t protéger l'image d'excep-
trices de valeur, difficilement imitables et non substituables. ti on, de rareté et d'exclusivité des produits Hermès.
Les deux compétences stratégiques les plus importantes sont : Si les autres ressources et compétences (la qualité des
- les savoir-faire en matière de production artisanale qui approvisionnements, le design) sont, elles aussi, fortement
reposent sur des expertises développées et entretenues créatrices de valeur, elles peuvent néanmoins être repro-
au cours du te mps et que maîtrisent un nombre limité duites par les concurrents.

Qualité de
l'approvisionnement
• Oui Oui
..... Non Oui
Avantage
concurrentiel

Tem poraire

Innovation, design Oui Non Non Oui Temporaire


Notoriété, image de
marque Oui Oui Oui Oui Durable

Savoir faire en
matière d'artisanat Oui Oui Difficilement Oui Durable
d'art
Qualité du système
Oui Ou i Difficilement Ou i Durable
de distribution

..._ L'analyse VRIN d'Hermès

185
Stratégie

IChapitre 3
1 d. 2 c. 3 b. 4 a . 5 b. 6 c. 7 d.

8 Zara, vaisseau amiral du groupe lnditex de texti le, dans un secteur qui a très mauvaise réputation (on
Inditex a su développer, depuis le début des années 2000 et se souvient du drame du Rana Plaza au Bengladesh).
notamment grâce à sa marque Zara, un avantage concur- Parallèlement à ces e fforts de différenciation , Zara semble
rentie l q ui semble solide, comme en témoignen t sa lutte aussi porter une grande attention à la maîtrise de ses coûts.
pour le leadership d u secteur avec H&M et sa rentabilité Elle cherche à mobiliser majoritairement les leviers liés aux
exception nelle. Cependant, il semble difficile d 'identifier inputs et aux process, mais aussi aux outputs.
clairement le type de cet avantage concurrentiel: l'entre- Ainsi, elle réduit le nombre de ses fournisseurs et concentre
prise mène+elle une stratégie de domination par les coûts ses achats de matières sur un plus petit nombre d 'entre-
ou une stratégie de différenciation? Pour répondre à cette prises afin de générer des effets de taille. Le choix d'exter-
question, il est nécessaire de passer en revue les éléments naliser les phases d'assemblage (très consommatrices de
constitutifs de sa stratégie et d'analyser les leviers d'action main-d 'œuvre) auprès de sous-traitants dédiés la met dans
mobilisés par l'entre prise. Plusieurs é léments semblent tout une posi ti on de force dans la négociation avec ces PME qui
d'abord participer d 'une stratégie de différenciation. sont fortement dépendantes.
En effet, l'organisation de l'identification des tendances D'autre p art, elle cherche à profiter d 'économies d'échelle à
(chasseurs de tendances), l'inspiration issue des grandes la fois sur l'étape de production et sur l'étape de commer-
marques, et la remontée d 'informations en continu des points cialisation. En matière de production, le choix de l'automa-
de vente vers le siège permettent à l'entreprise de repérer les tisation et de la robotisation lui permet de réduire ses coûts
préférences et les attentes des clients (levier marketing de dif- unitaires en tablant sur un volume de production important.
férenciation). Le fai t de disposer d'une équipe de 200 stylistes En matière de commercialisation, la rapidité de création de
en interne au sein de l'entreprise offre la rapidité nécessaire Zara (une collection tous les 15 jours Livrée en boutique) lui
pour traiter ces informatio ns et les transformer en produits. perm et d'alimenter en nouveautés les boutiques et donc d 'ac-
E n outre, et du fait de la grande volatilité de ces attentes dans croître le trafic en magasin (20 visites par an contre 10 visites
le secteur de l'habi llement, le modèle J-15 sur lequel repose la en moyenne chez les concurrents). Cette intensification du
marque permet à l'entreprise d'atteindre une très forte réac- trafic permet d'augmenter le CA et donc de réaliser des éco-
tivité par rapport aux variations de ces attentes; là encore, ce nomies d'échelles sur les structures commerciales.
système permet de proposer aux clients les produits qu'ils E nfin, le choix de sa stratégie de communication et la qua-
attendent et qui correspondent à leurs préférences en faisant si-suppression des budgets de publicité (0,4 % du CA contre
évoluer les offres (levier marketing de différenciation). 3,5 % en moyenne dans le secteur), peuvent s'apparenter à
L'entreprise travaille également sur un axe technique de une dégradation des attributs de l'offre (c'est-à-dire à une
différenciation e t vise à proposer une offre «objective- action de réduction des coOts fondés sur les outputs).
ment» supérieure à celle des concurren ts. Pour cela, e t Au fina l, lnditex et Zara mettent en œuvre des leviers de
outre sa réacti vité, elle s'appuie sur sa capacité à s'inspirer différenciation (axe technologique et axe marketing) mais
des grandes marques prestigieuses, sur la qualité des res- aussi des leviers de domination par les coOts (portan t sur
sources de création disponibles en interne (200 stylistes) les inputs, les outputs et les process). Peut-on pour autant
mais aussi sur le contrôle de sa productio n (50 % des pro- considérer que Zara mène une stratégie hybride comme
duits fabriq ués en interne) et sur le contrôle de la phase pourrait le laisser penser la vision de son créateur: «des
de finition (pressing et contrô le q ualité), ce qui lui permet vêtements chics à un prix abordable»? L'e ntreprise ne
de vérifier de mani ère plus efficace la conformité des pro- semble pas proposer un niveau de différenciation équiva-
duits qui sortent de l'usine. La maîtrise de la d istribution au lent aux grandes marques dont ell e s'inspire. E lle est dans
-0 travers des boutiq ues détenues en propre par l'entreprise l'impossibilité de proposer des prix aussi bas que les spécia-
0 contribue également à la différenciation «objective » en listes de la domination par les coOts. Pour autant, l'analyse
c
::::1 a méliorant le service au cl ient (formation du personnel). que nous avons menée laisse à penser que Zara mène une
0 stratégie générique à « thème dominant ». Dans ce cadre,
Enfin, l'entreprise travaille aussi à améliorer la différencia-
L()
.-i tion perçue par le client (levier marketing). Le rôle publi- nous pouvons interpréter sa stratégie géné rique comme «à
0 citaire des vitrines des points de vente, installés dans les thème dominant différenciation». En effet, si l'entreprise
N
@ quartiers les plus prestigieux des grandes villes contribue cherche à réduire ses coOts, elle vise prioritairement à se dif-
...... ainsi à dynamiser l'image de marq ue de l'entreprise. Zara fait fére ncier de l'offre standard dans son segment de marché,
..c également des efforts en matière de différenciation éthique en s'appuyant sur un renouvellement ultrarapide de ses
Ol
·c (accord avec industriALL, participation à ETI) et cet axe de produits (24 collections par an) et la volonté de proposer au
>- communication concourt à redorer son image de producteur client une offre qui correspond exactement à ses attentes.
0.
0
u
Corrigés

IChapitre 4
1 a. 2 b. 3 c. 4 c. 5 b. FCS6: e n repre nant des jeux anciens présents dans le cata-
logue historique de l'entrep rise.
6 La Nintendo Wii » FCSlO: e n supprima nt le caractère m ultifonctionnel des
1 . Il est possible d 'ide ntifie r dix facteurs clés de succès tra- consoles.
ditio nnels du secte ur des consoles de je u: 2. Voir fi gure ci-dessous.
FCSl : le re no uvelle ment des produits e t le lancem ent régu- 3. Le cas de la console Nintendo W ii s 'appa re nte bien à une
lie r d ' une no uvelle géné rati o n de console. stratégie de rupture. JI présente e n effet les hui t caractéris-
FCS2: l'innovatio n techno logique e t la surenchère des per- tiques révé latrices de ce type de stratégie:
form a nces des consoles (puissance, graphisme, e tc.). - cette console s'appuie sur une innovation rad icale mais
FCS3: un business mode! fondé sur les royalties issues de la celle-ci po rte plus sur les usages e t la cible clie nt que sur la
vente des jeux et la commercialisation des consoles à ma rge techno logie;
nulle. - une vale ur singul ière est proposée a u cl.ie nt par le biais
FCS4: la concentratio n des efforts marketing sur la cible de no uveaux usages, de nouvelles catégori es de jeu et de la
des jo ue urs inte nsifs. Wiimote;
FCSS: le ma in tien de q uatre catégories de je u : plateforme, - cette innovation est la ncée par Ni ntendo, de manière
action, simulation, aventure. proactive;
FCS6: le renouvelle ment régulier e t rapide des jeux (cycle - e lle vise à faire retrouver à l'en treprise sa posi tion
de vie court des jeux). concurrentie lle perdue et à la fa ire renouer avec la renta-
FCS7: le lancement de no uveaux je ux e n accompagne ment bilité;
d u la nceme nt d' une no uvelle génération de consoles. - le business mode! traditionne l (marge réa lisée sur les
FCSS: le ma intien de systè mes « fermés» inte rdisant la royalties des jeux et non sur les consoles) est remis en ques-
compatibilité en tre les consoles concurre ntes. tio n ;
FCS9: la compa tibilité entre gé né ratio ns successives de - les facte urs clés de succès historiques sont modi fiés sous
consoles e n ma tiè re de je ux . l'impu lsio n de cette no uvell e console (..,.. question 1);
FCSlO : l'enrichisseme nt des console s par des fonctio nn a- - la stratégie de N intendo déstabilise les leaders du sec-
lités multipl.es (In ternet, lecteur Blu-ray). te ur q ui voient le ur positio n concurren tielle se dégrader
(avec nota mme nt une dégradatio n des parts de marché);
Parmi ces dix é lé me nts, Ninte ndo re me t e n questi o n six de - e lle o uvre la voie à un nouveau marché (no uve ll e clien-
ces fac te urs clés de succès: tèle), créant de ce fait un territoire de concurrence vierge.
FCS2: e n proposant une console aux capacités techniq ues
très lim itées. Au fin al, avec la console Wii, N intendo s'appuie sur une
FCS3: e n réalisant la marge non seule me nt sur les jeux mais innovatio n d 'usage qui lui permet de se posit ionner dans
aussi s ur la console. un nouvel espace stratégique. En remettan t e n question le
FCS4: en ciblant les non-joueurs o u les joue urs occasionne ls. business model et les règles é tablies du je u concurrentiel,
FCSS: en introduisa nt de no uvelles catégories de jeux. l'e nt reprise parvient à créer une re nte économiq ue fo rte.

Exclure Renforcer
Surenchère technologique Jeu en ligne
(puissance, graphisme) Système propriétaire
Compatibilité avec
supports audio/vidéo
Réduire les coûts 1.d_ug!!1_enter. /a valeur client

Atténuer Créer
Lancements de Nouveaux «types/usages»
nouveaux jeux de jeux
Nouvelles pratiques
(wiimote)
Réédition d'anciens jeux

La matrice «océan bleu» appliquée au cas de la Wii


Stratégie

tChapitre 5
1 a. 2 b. 3 c. 4 b. 5 c. 6 d. 7 d. (se rvices ferroviaires, location de véhicules, agences de
voyage et tour-opérateurs). Ces trois diversifications s'ins-
8 Accor crivent dans une logique offensive car l'activité hôtelière
1. Plusieurs axes de croissance sont identifiables au fi l du est flori ssante ; en o ut re, elles offrent à l'entreprise la pos-
développement du groupe Accor. Leur analyse peut être sibilité de réduire sa dépendance vis-à-vis du secteur de
structurée en trois périodes principales. l'hôtellerie et donc de diminuer son risque sectoriel. E n
A. 1967-1975: Création et naissance du groupe: le choix de revanche, e lles constituent dans leur majorité des diversi-
la spécialisation fications non reliées. E n effet, s' il est possible de dégager
Au cours de cette période, l'entreprise consacre toutes des effets de synergie (et des facteurs clés de succès
ses ressources à développe r une activité principale en se communs) entre l'hôtellerie de chaîne et la restauration
concentrant sur l'hôtellerie moyen-haut de gamme (trois de chaîne, il n'en est pas de même pour les activités de
étoiles) et sur son enseigne Novote l. Ce choix de la spé- services touristiques : ces activités sont complémentaires
cialisation, qui reste cohérent avec la contrainte financière mais les compétences req uises restent très différenciées,
forte d' une entreprise jeune, s'appuie sur une volonté même si que lques effets de synergie peuvent être dégagés,
de pénétration de marché (multiplication des implanta- no tamment en matière de vente liée, c'est-à-dire de vente
tions) et sur la recherche d' un avantage concurrentiel de d'une offre globale touristique (transport et héberge-
différenciation (concept hô telier innovant, équipeme nts ment par exemple). Enfin, l'activité de titres de p aiement
et prestations de qualité, services nombreux, etc.). Cette constitue clairement une diversification conglomérale.
stratégie de pénétration de marché e t de gain de parts de Les années 1980 et 1990 voient l'entreprise développer
march é es t rendue possible par le recours à des finance- l'ensemble de ses activités à l'international, même si ce
ments bancai res et par le choix d'un développement par développement apparaît modeste, plutôt désordonné et
franchise permettant de réduire le coût des nouvelles principalement centré sur l'E urope, d u fait des fortes spé-
implan tations. cificités nationales et/ou régionales du secteur hôteli er, qui
empêchent l'exportation à l'identique des concepts déve-
B. 1975-1995: deux décennies au service de la diversifica-
loppés en France. Le choix de l'Europe permet de réduire
tion et de l'expansion
la distance psychique et de s'implanter sur des marchés qui
Cette deuxième étape de la croissance de l'entreprise
sont relativement proches en termes de culture, d'attentes
s'appuie à la fois sur des manœuvres d'expansion et des
clients, de réglementations ou de niveau des infrastructures.
manœuvres de diversification.
Le développement en Afrique s'appuie sur une proximité
L'expansion pre nd la forme d 'un e expansion marché
historique avec les pays fra ncophones et le développement
puisque l'entreprise va progressivement s'implanter sur
en Amérique du Nord (marché pour lequel la distance
l'ensemble des cibles clientèles de ce secteur en proposan t
psychique est plus forte) nécessite le rachat d'une chaîne
des enseignes ciblées d'abord sur le ni veau deux étoiles
avec Ibis, puis Sofitel (po ur le haut de gamme, type qua tre existante afin de contourner la difficulté à exporter des
étoiles), puis Formule 1 (pour la gamme économique, concepts spécifiquement français.
type une étoile). Accor s'appuie alors sur sa maîtrise de C. 1995-2014: Recentrage et objectif de leadership mondial
l'offre de service hôte lier pour élargir sa clientèle (à la fois À partir du milieu des années 1990, Accor modifie radica-
vers le haut de gamme et vers la gamme économique) e t lement sa stratégie et opte pour un recentrage et un retour
construire la croissance de son volume d'affaires. Cette à la spécialisation. Celui-ci débute avec le retrait des acti-
expansion lui perme t de croître e n s'appuyant sur des vités de restaurati on puis de transport, de location de véhi-
compétences maîtri sées et de générer des économies de cules e t de tour-opérateur. L'entreprise opte alors pour
champ sur les différentes composantes de la gestion hôte- une spécialisation multi-activités centrée sur les activités
"O
0 lière (système de réservation, achat, entretien, services au d'hôtellerie d'une part et des titres de paiement d' autre
c part. La cession de ces activités semble correspondre à la
::i client, etc.).
0 Pendant cette période, e t profitant de sa santé financière prise de conscience de la nécessité pour l'entreprise de
l..f)
.-1 florissante comme de l'appui des banques, Accor opte se concentrer sur son cœur de mé tier, mais apparaît éga-
0 pour une stratégie de diversification dans différents sec- lement comme le moyen de trouver les liquidités néces-
N
teurs d'activité. À la recherche d 'opportunités nouve lles saires à son développement. Parallèlement, le passage à une
@
...... et d'un renforcement de sa rentabilité, le groupe se déve- logique « d'asset light » (c'est-à-dire le fait de privilégier des
~ loppe sur trois nouveaux secteurs d'activité: la restaura- contrats moins onéreux en termes de possession d'actifs)
0\
ï::: tion (restaurati on collective et restauration de chaîne), contribue également à dégager des liq uidités permettant de
>-
0. les services prépayés aux entreprises (tickets restau- se renforcer sur ses deux métiers de base, mais surtout de
0
u rants, tickets transport, tickets loisirs, etc.) et le tourisme financer l'internationalisation dans les BRIC : cette zone à
Corrigés

très fort potentiel de croissance devient un objectif straté- mondial et gagner en visibilité, Accor fait le pari du groupe
gique prioritaire à partir des années 2000. Dans ce cadre, 100 % hôtelier, ce qui l'expose néanmoins à une incertitude
Accor mène une stratégie d'internationalisation multido- accrue, du fait de sa dépendance extrême à un seul secteur
mestique en tentant de s 'adapter au plus près aux attentes d'activité. Ce recentrage dépasse d 'ailleurs le périmètre des
de la clientèle locale (le choix du concept de l'enseigne activités et s'applique également aux marques de l'entre-
«Mei Jue» témoigne de cette priorité donnée à l'adapta- prise. En effet, Accor prend la décision de concentrer ses
tion locale: cadre, prestations et services spécifiquement investissements sur un nombre limité de marques en faisant
développés pour cette chaîne). La logique de spéciali- apparaître des «méga-marques» ou «marques ombrelles»
sation est poussée à l'extrême en 2010 lors de la scission permettant de regrouper différentes enseignes. C'est le cas
des activités du groupe et l'apparition d 'Edenred. Accor avec Ali Seasons et E tap Hôtel qui deviennent Ibis Styles
opte clairement ici pour un nouveau recentrage radical et et Ibis Budget et rejoignent ainsi les établissements sous
une spécialisation mono-activité centrée sur l'hôtellerie. marque Ibis.
Consciente de la nécessité de concentrer ses ressources sur 2. La figure ci-dessous permet de synthétiser l'ensemble
son activité unique pour pouvoir prétendre au leadership des manœuvres de croissance mises en place par le groupe.

1967-1975:
Développement de Novotel
~--'-------4-l995-20B: Recentrag
c:
0
·;; et poursuite du
Ill leadership mondial
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Expansion
Continuum des axes d

1975-1995 : Développement de 1975-1995 : diversification reliée


la gamme hôtelière (F1 et Ibis) et conglomérale (titres de paiement,
+ internationalisation européenne resta uration et tou risme)

.à L'histoire stratégique d'Accor

189
Stratégie

IChapitre 6
1 b. 2 b. 3 a. 4 c. 5 b.
6 Danon e présence sur les marchés émergents où cette activité est
l. À partir de 2006, Danone combine croissance interne et pour l'instant peu développée mais dispose de perspectives
croissance externe pour me ttre en œuvre plusieurs axes de particulièrement attractives. Avec cette acquisition, support
développement : spécialisation multi-activités et pénétration d ' une double stratégie de dive rsificat io n et d 'international i-
de marché, diversification, et internationalisation. Les inves- sation , Danone accède à des nouveaux marchés (en termes
tissements industriels relatifs à la croissance interne sont de secteurs et de pays) e t à de nouvelles compétences. E n
particulièrement conséquents (entre 700 et 1000 millions revanche, compte tenu de la complémentarité fort e des
d 'euros par an); ils visent à la fois un objectif de rationali- deux en treprises, les attentes en matière de réduction des
sation et de développement de produits mieux adaptés aux coûts sont très l i mité es(~ figure ci-dessous).
attentes des clients sur un marché européen plutôt atone Si l'acq uisition de Numico permet à Danone de s'implanter
et un objectif de développement des parts de marché sur sur un nouveau secteur d'activité et de soutenir sa stra-
les zones à forte croissance (pays émergents et Amérique tégie de diversification, le rachat d'Unimilk sert avant tout
du Nord), considérées comme des relais de croissance à privi- un obj ectif de consolidation. Le groupe est positio nné sur
légier. La croissance interne se traduit par des taux de hausse quatre pôles depuis 2007 (produits laitiers fra is, eaux en
d'activité évoluant entre 5 % et 8 % par an. En ce sens, elle bouteille, nutrition infantile et nutrition santé) et mène une
permet de mettre en œuvre une stratégie de pénétration stratégie de spécia lisation multi-activités. Ce rachat nourrit
de marché, d 'expansion (extension et développement de cette stratégie en renforçant le pôle « produits laitiers frais »
gamme) et d'internationalisation. Le recours à la croissance sur un marché géographique particulièrement attracti f :
exte rne se traduit par trois acquisitions principales qui visent contexte économique favorable (croissance fo rte et aug-
à la fois un objectif de diversification (Numico) mais aussi de mentation du pouvoir d'achat) et marge de progression
consolidation (spécialisation multi-activités) et d'internatio- fo rte de la consommation de produits laitiers. Ce tte stra-
nalisation {Centrale Laitière, Wockhardt et Unim ilk). tégie de spécialisation et de renforcemen t est couplée avec
2. Le cas présenté revient sur quatre acquisitions princi- une stratégie d'inte rnationa lisation: avec U nimilk, Danone
pales réalisées depuis 2007 dans le cadre de la politique devient le leader de cette activité sur la zone CET. Le rachat
de croissance externe mise en œuvre par D anone. Nous de l'entreprise russe permet ai nsi de mettre en œuvre cette
concentrerons notre analyse sur les rachats de Numico et double orientation stratégique tout e n visant les objectifs
d 'Unimilk. d'accès au marché, d'accès aux compé tences et de maîtrise
Le racha t de Numico constitue clairement le support d'une des coûts (~ figure ci-dessous). Le choix de la croissance
stratégie de diversification. Danone, qui vient d 'aban- externe permet tout d'abord d'accéder à ce marché attractif,
donner l'activité « biscuit », saisit ici l'occasion de se posi- à la fois grâce au cumul des parts de marché de Danone et
tionner sur une nouvelle activité, plus cohérente avec sa Unimilk et par une amélioration de leur efficacité commer-
mission affichée {la santé par l'alimentation) et dont les ciale conjointe {cf. par exempl e l'augmentation de CA de
taux de croissance attendus sont particu lièrement élevés la marque Prostokvashino). E nsuite, cette acquisition offre
(croissance très largeme nt supérieure au secteur de l'agroa- à D anone un accès aux compétences de son partenaire en
limentaire). Ce rachat lui permet de prendre pied massi- matière de distribution {réseau d'Unimilk), de production
vement (l 'entre prise accède ainsi aux premières places du (26 centres de production), de logistique (maîtrise de la
marché) et rapidement sur un secteur très attractif, grâce à gestion en flux tendu) et de marketing (marques locales
la forte présence sur le marché de Numico (notamment sur fortes). Enfin, le rapprochement des deux e ntités vise à
les pays émergents) ainsi qu' à son portefeuille de produits générer des économies notables au travers de l'harmoni-
-0 e t ses compétences spécialisées (puissance de la R&D). sation et de la mise e n commun des systèmes logistiques
0 De manière secondaire, cette acquisition permet à Danone et d'i nformation {économies d'échell e) de même que des
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::::1 de consolider son in ternationalisation et de renforcer sa services achat (effets de taille).
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Corrigés

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Maîtrise
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Spécia 1isation 1nternationa1isation Diversification
Axe de croissance visé

 La logique de croissance externe de Danone


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0 the Growth Dilemma » , H arvard B usiness Press Books
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Lexique
Alliance Compétences stratégiques
L'alliance désigne l'associati on d e plusieurs e ntrep rises Les compétences stratégiq ues représentent des do main es
indépendantes (concurre ntes ou n on), sous la forme de d 'excellence organisationn elle fortement créateurs de
la mise en commun e t de la coordina ti on de ressources valeur e t diffé renciateurs par rapport aux concurrents.
(humaines, techniques, fin anciè res ... ), afi n de pou rsui vre
des objectifs conj oints. Croissance
La croissance désigne les cho ix d' investissement ou de
Analyse concurrentielle désinvestissem en t q ui conduisen t l'entreprise à faire
L' ana lyse concurre nti elle vise à éva lue r l'attractivité évo luer (ou pas) la na ture des acti vités qui la composent ,
d ' un secte ur d 'activité à trave rs l'étude a pprofondi e de pour assurer son dévelo ppement et optimi ser sa perfo r-
son intensité et de sa structure concurrentielles. m ance.

Avantage concurrentiel Croissance interne


U n avantage concurrentie l dés igne le fa it, pour une La croissa nce inte rn e désigne une modalité de cro issa nce
entreprise, de bénéfici er d ' une perfo rma nce supé rie ure à consistant po ur l'entre prise à s'appuyer, de m ani ère
celle de ses concurrents, o u supérieure à la moyenne des a utonome, sur ses compé tences, ses ressources et ses
entreprises de son secteur. acti fs pour mettre e n œ uvre ses cho ix d e croissance.

Business model Diagnostic interne


Le business mode/ se défi n it comme un système d 'action Le diagnostic inte rne est une méthode d 'analyse pe rme t-
fin alisé mis en œ uvre par une en treprise pour réussir tant de dé termine r la cap acité d 'action d ' une en tre prise,
dans une activité. c'est- à-dire ce q u'e ll e peut et sait fa ire, compte tenu
de ses forces, de ses ressources et de ses compétences
Capacité stratégique actu elles.
La capacité stratégique regroupe les moyens, ressources et
compétences sur lesquels va pouvoir s'appuyer l'en treprise Diagnostic externe
pour m ettre en œ uvre des stratégies lui permettant de gérer Le diagnostic externe vise à repérer les fac teurs environ-
les évolutions environnementales et de maîtriser les FCS. ne mentaux q ui ont une influence effective ou potentielle,
positive o u négative sur la p erformance et le dévelop pe-
Chaîne de valeur me nt de l'entreprise. Tl permet d' identifi er les règles de
La ch aîn e de vale ur a pour objectifs: de d écompose r les réussite (les facte urs cl és de succès actuels e t futurs) d 'u n
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diffé rentes é tapes du processus de production qui per- secteur d ' activité ainsi que les principales opportunités
'& mettent à une firme d e générer de la valeur pour le cli ent e t menaces.
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:; e t/ou de réduire ses coûts.
-0 c: "' Diagnostic stratégique
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c c: Compétences Le di agnostic stratégique co nsiste à fa ire le bilan de la
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0
.2ü Les ressources e t les compétences, q ui s' assimile nt à des situ atio n de l'entreprise au sein de son e nvironnement et
lil .g actifs et des savoir-fa ire, rep rése ntent les dé te rmin ants à en déduire des impli cati ons sur l'évoluti on souha itabl e
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0
N eo. les plus fonda me ntaux de l'ava ntage concurre ntiel de de sa stra tégie et d e son positi o nn ement concurrenti el.
@ ~ l'entreprise et de sa capacité à créer une surva leur pour
....... ~ ses clie nts. Économies d'échelle
..c 1
O'l "'O Les économi es d'échelle se défi nissen t comme u ne dimi-
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>- ::i nution du coût unitaire due à l'augmenta tio n du volume
a. Cl
8@
Stratégie

de producti on ou de ve nte sur une pé riode d onn ée; ce doit maîtriser pour réussir mieux que ses concurrents
phénomène peut ê tre attribu é à l'étalem ent des coûts dans un secteur d 'activité ou un segment stratégique
fixes sur un plus grand nombre d 'unités. donné. Les FCS s'apparentent à des règles du jeu atta-
chées à un secteur d 'activité e t auto ur desquelles s'orga-
Économies d'expérience nise la logique concurrentielle du secteur.
Les économies d 'expérience (aussi appelées «effe t d 'ap-
prentissage ») se définissent comme la baisse du coût Faiblesses
unitaire d 'une offre du fait de l' augmentati on de s a Les faib lesses fo nt ré férence à des retards, des manques
producti on cumulée, c'est-à -dire du fa it de l'expérie nce ou des limites internes pa r rapport a ux facte urs clés de
accumulée au fil du temps e t au fur et à mesure de sa compétitivité et de performance du secteur.
production.
Forces
Économies de champ Les fo rces correspo ndent à des caractéris tiques internes
Les économies de cha mp désignent des gains issus de la sur lesquell es l' entreprise va pouvoir s'appuyer pour
mobilisation de ressources ou de compétences qui sont maîtriser les facteurs clés de succès du secteur ou du seg-
commun es à des activités ou à des produits diffé rents. me nt sur le quel e lle est positionn ée.

Économies de variété Fusion-acquisition


Les écon omi es de vari été désignent une baisse de coût liée La fusion-acquisition désigne le racha t ou la prise
à la réduction du nombre de composants ou de sous-sys- de contrôle d 'une entreprise (la cible) par une autre
tèmes différents nécessaires à la production de l'offre. (l'acqué reur). Cette manœuvre provoque ainsi le passage
de la cibl e sous co ntrôle de l'acquéreur.
Effets de taille
Les effets de taille d ésignent une baisse des coûts d 'ap- Groupe stratégique
provisionnement de l'entreprise (m atières premiè res, Un groupe stratégique rassemble des entreprises concur-
marchandises, composants, sous-systèmes ou consom- rentes partagea nt les mê mes caracté ristiques, compor-
ma bles ... ) du fait de l'a ugmenta ti o n de son volum e tem ents e t positionneme nts stratégiques au se in d ' un
d 'achat et de l'accroissement du pouvoir de négociation secteur d 'activité puis d 'identifier les étapes qui contri-
qui en découle par rapport aux fournisseurs. buent le plus significativement à sa marge béné ficiaire.

Effet «Reine Rouge» Internationalisation


L'effet « Reine Rouge » se définit comme l' impossibilité L'internationalisation consiste à construire le dévelop-
à améliorer sa performance e t à développer un avantage pement de l'entreprise par l'extension de son activité à
concurre nti el de maniè re durabl e du fait de la modifica- l'exté rie ur des fr onti ères de son pays d ' origin e.
tion perma nente de l'e nvironn eme nt concurrentie l.
Menaces
Environnement Les menaces représentent des facteurs environnemen-
L'e nvironne me nt est le cadre a u se in duquel l'entre prise ta ux pouvant remettre en ca use la pe rformance de l'en-
exerce son activité et se développe. Il est composé d 'élé- treprise et sa capacité à atteindre ses o bjectifs.
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ments exte rnes à l'entreprise qui influencent son déve-
0 loppement et son po tentiel de croissance. Micro-environnement
c
:J Le micro-environn ement rassembl e les fa cteurs et
0
lil Environnement concurrentiel acteurs avec lesquels l'entreprise interagit directement et
.-t
0 Cf. micro-environn ement. sur lesquels elle dispose d ' un pouvoir d 'action. Cet envi-
N
ronn ement s'assimile à son contexte sectoriel et concur-
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.......
Facteur clé de succès rentiel proche .
..c Un fa cteur clé d e succès (FCS) se définit comme une
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> compé tence, une ressource ou un actif qu' une entreprise
a.
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Lexique

Modalité de croissance Stratégie de différenciation


La modalité de croissa nce désigne la man œ uvre rete nue La stratégie de diffé rencia ti o n se définit comme l' une
par l'entreprise po ur m ettre en œuvre ses axes de crois- des deux stratégies gén ériques possibles permettant de
sance : dévelo ppeme nt interne, fusion-acquisitio n ou développer un ava ntage concurrentiel sur une activité.
a lli ance. Cet avantage co ncu rrentie l re pose sur la créatio n d' un e
plus grande valeur que les concurrents p our le clie nt, en
Modèle PESTEL lui proposant une offre perçue comme « unique», ce qui
Le modè le PESTE L est une mé thodo logie d ' analyse qui justifie un prix plus é levé.
pe rme t d 'app réhender et d 'évaluer, à travers six dim en-
sions principales, l'environn ement général des entre- Stratégie de diversification
prises dans le but d 'identifier les facteurs susceptibles La stratégie de diversification consiste à appuyer la crois-
d 'influencer, positiveme nt ou négati vement, leur déve- sance de l'entreprise s ur le développement d 'un o u de
loppement et leur pe rfo rm ance. plusie urs nouveaux do maines d ' activité stratégique (ou
segments stratégiqu es).
Modèle SWOT
Le modè le SWOT est une mé thode de synthèse visant à Stratégie de domination par les coûts
dé termin er des stratégies qui perm ette nt à l'entrep rise La stra tégie de domination par les coûts se définit comme
de tirer parti des opportunités de d éve loppe me nt et de l'une des deux stratégies génériques possibles permettant
réduire les menaces environnementales par la mobilisa- de développer un avantage concurrentiel sur une activité.
tio n de ses forces e t compé tences et par la réducti o n de Cet avantage concurrentiel repose sur une meilleure maî-
ses fa iblesses. trise de la structure de coût de l'e ntreprise, et s'accompagne
généralem ent d'une politique de prix très compétitifs.
Opportunités
Les opportunités représentent des caractéristiques envi- Stratégie de rupture
ronne mentales, qui s i elles sont exploitées, peuvent fa vo- La stratégie d e rupture désigne le cho ix de s'appuye r sur
riser Je dévelo ppement et la compétitivité de l'entreprise. une inn ova tion stra tégique dans le but de bo uscule r les
facteurs clés existants d ' une activité et de m ettre en pl ace
Ressources de nouvelles règles du jeu d o nt o n aura seul la maîtr ise.
Les ressources et les compé tences, qui s'assimilent à des
acti fs et des savo ir- fa ire, re présentent les détermin ants Stratégie de spécialisation
les plus fonda mentaux de l'ava ntage concurrentie l de La stratégie d e spécialisation consiste à concentrer ses
l'entreprise et de sa capacité à créer une survaleur pour investissements sur un e activité préexistante et à fond er
ses clients. le dévelo ppement de l'entre prise sur ce tte acti vité par-
ti culière.
Stratégie
La stratégie peut se définir comm e l'ensemble des choix Stratégie «océan bleu»
e t des décisions qui portent sur les objectifs de long La stra tégie «océan bleu » se défini t comme la remise
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'& terme, les mo dalités d'acti o n et l'a lloca ti on de ressources en questi on du périmètre traditi onne l du marché, de
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:; e t qui ont pour but d 'assurer la performance et la pé ren- la nature de l'acti vité existante et des fa cteurs clés de
-0 c: "' nité de l'entreprise. succès établis afin de se positio nner sur un nouvea u terri -
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c c: to ire co ncurrentie l, vierge d e toute concurre nce.
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Stratégie d'expansion
lil .g La stratégie d 'exp ansion consiste à fond er la croissance Taille efficiente minimale
.--t 0

eo.
0 de l'entreprise sur le dévelo ppement de nouve lles offres La taille efficiente minimale désigne le volume d 'activité
N
destin ées à des clients existants (exp ansion m étier ), ou minimum (en termes d e production et/ou de commercia-
@ ~
....... ~ sur la co nquête de no uveaux clie nts en s'appuyant sur lisati o n) à partir duquel l'activité est re ntable, du fa it de
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des produits existants (expansion marché). la baisse des coûts fi xes unitaires (effets de taille et éco-
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·;:: g nomies d 'échelle).
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Index des entreprises
123envoiture.com 16 Casino 33
1855.com 26 Centrale Laitière 179
Céphalon 9
A Cerberus 165
CGR 111
Accor 150, 152, 179 Chateauonline.fr 26
Actavis 9 Chattem 161
Airbus 81 China National Tobacco 131
Airbus Group 38 Chrysler 164
Air France 16, 157 Cirque du Soleil 114
Air France-KLM 2
Club Méditerranée 153
Aldi 33
Coca-Cola 137, 147
Allied Domecq 144
Compagnie intern ationale des wagons-lits
Altria 131
et du tourisme (CWL) 152
American Airlines 157
Android XIX
Apollo Tyres 143
Io
Apple 88 Dacia 99
Arcelor-Mittal 20 Daimler-Benz 164
Arkoon Network Security 39 Dalian Wanda 136
Arkopharma 172 Danone 34, 129-130, 147, 173
Artega Automobil 103 Dell 50
AS Watson 119, 163 Delta Airlines 157
Auchan 33 Disney 59, 166
Auchandirect.fr 26 DreamWorks 58
Audi 104 DVD 140

B E
Bang & Olufsen 99 EasyJet 2, 159
Bic 98 Edenred 152
BioVetoTest 162 E. Leclerc 33
Blablacar 16 Emirates 2, 159
BMW 104 Essilor 122
Boeing 81 EuroPalaces 111
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Bonduelle 153 Exaprint 75
'& Bouygues 43
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Bouygues Telecom 18
British Airways 157 f
Facebook 154
c c: British American Tobacco 131
.2ü Ferrari 135

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0 Ford 93
l.J'l .g Free 18,43
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N eo. Canal+ 36 Fuji 132
@ ~ Canon 50
....., ~ Carlsberg 147
"§i ,6 Carrefour 33, 165
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>- g::i Carterpillar 51
a. Cl
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Stratégie

G
Gap 49 Maillard 134
Gaumont 111 Marionnaud 119, 163
General Motors 171 Mauss Frères 89
Genzyme 9 Max J-lavelaar 46
Google XVIII, 109, 154 Mazda 93
Medica 140
H Mercedes 164
Merck & Co 9
I-lermès 66-68,86, 153, 179
Michelin 14
I-lewlett-Packard 59
Microsoft 84, 117-118
I-l&M 49,97
Miele 99
Millesima 26
1
Ibe ria 2
ldvroom.com 16
Nespresso 100
lkea 94,50
Nestlé 34, 137
Inbev 147
Netflix 36, 69
Inditex 48, 97
Nicolas 26
Inneov 172
Nintendo 117-118
Intel 59
Nokia 84
Inte rmarché 33 Numéricable 18
Numico 178
J NXP 15
Jacques Borel International 151
Japan Tobacco 131
Jeep 164
Oenobiol 172
Olympus 148
K Omnicom 154
Kering 66, 86 OneWorld 157
Kmart 106-107 Ooshop.com 26
Kodak 132 Orpéa 140
Komatsu 50-51
Korian 140
Kraft Foods 177
p
Pakistan Airlines 159
Paragon AG 103
L
1
Path é 111
Lacoste 89 PDI 59
Lamborghini 135 Pernod Ricard 144
La Poste 126, 136 Peugeot 93
"'O Laville 75 Philip Morris 131
0
c Lepetitballon.com 26 PhotoBox 134
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0 Lidl 33 Pixar 166, 169
lil L'Oréal 172 Plastic Omnium 139
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0 Lotus 104 Porsche 104
N
Lufthansa 157 Privateoutlet.com 26
@ Procter & Gambie 34
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LVMI-1 66-67, 86
..c Promodès 165
O'l
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a. Publicis 154
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Index des entreprises

Q
Q antas 159 UGC 111
Unilever 34

B
R enault 93
Unimilk 178
United Airlines 157
Universal 131
Richemont 66, 86 US Steel 156
R obert Clergerie 139
Ryan Air 79
y
s' Vector Aerospace 39
Végéplast 145
Samsung 15, 137 Vente-privee.com 26
Sanofi-Aventis 9, 161 Virbac 162
Satair 39 Volkswagen 99, 136
Schering-Plough 9
Seagram 144
Seb 99
SFR 18,43 Wahaha 173
Siemens 133 Wall-Mart 106-107
SkyTeam 157 Walt Disney 169
SNCF 16 Watson 9
Sonia Rykiel 139 Wineandco.com 26
Sony 117-118, 132 Wockhardt 179
StarA lliance 157
Starbucks 45
STMicroelectronics 15
Sunseeker 136 YouTube XIX, 109
Système U 33 Yue Yuen 78

T z
'
Zadig & Voltaire 127
Tesla Motors 126
Teva 9 Z ara 48, 97
Z odiac 153
TroisFoisVin.com 26
Turkish Airlines 2

""'
"
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0
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-0 c: "'
0 0
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lil .g
...-1 0
0
N eo.
@ ~
....... ~
..c 1
CJl "O
·;:::: g
>- ::i
a. Cl
8@
Index général
coûts de transfert 14
activités croissance 124, 174
- de soutien 44-45 - externe 156
- principales 44 - interne 156, 158-159
alli ance 156, 167, 169, 171 - organique 159
ambiguïté causale 57 - partagée 156
ana lyse
- concurrentielle 12 D
- de la chaîne de valeur 40-41, 43, 65 déséconomies d'échelle 83
- des forces concurrentielles 6 diagnostic
- des groupes stratégiques 6, 23 - des ressources et des compétences 65
- des ressources et des compétences fondamentales 40 - externe xvn, 4-6, 30, 62
- inter-groupe 27 - fonctionn el 40-41, 65
apprentissage 55, 59 - interne XVII, 4, 52, 62, 65
attractivité 11, 19, 30 - stratégique 4, 38
avantage concurrentiel XVI, 11, 21, 42, 47, 64, 74, 76, 102, différenciation 17
129 distance psychique 145
diversification 124, 127, 132, 135, 158

barrières E
- à la sortie 18 économies
- à l'entrée 17-18, 26-27
- de champ 57, 81, 139
benchlearning 50 - d'échelle 19, 78,80-81, 140, 142, 170-171
benchrnark 50 - de variété 80
bom global 144 - d'expérience 80
business mode! 102, 110, 113, 116 effet
- de taille 80, 82, 140, 142, 170-171
- d'expérience 19
capacité - «Reine Rouge» 105, 107
- de transfert 15 environnement concurrentiel 11
- stratégique 39-40 expansion 125, 127, 138, 140, 158
""'
" caractéristiques internes 38
'&
·;:
0
carte stratégique 24-25, 27, 30 F
:; cercle vertueux du volume 82 facteur clé de succès (FCS) 5-6, 30, 38-40, 64
-0 c: "' chaîne de valeur 41-42, 44, 50, 65
0 0 faiblesse 5, 38-40, 61
c c: clients 12
:J .2ü force 5, 38-40, 61
0 compétence 27-28, 38, 52-54, 65 - concurrentielle 12-13, 20-22, 30
lil .g - distinctives 53 fournisseurs 12
.-t 0

eo.
0 - pivots 134, 136 fusion-acquisition 156, 160, 163, 165, 167
N - seuil 56-58
@ ~
....... ~
..c 1
- stratégique 58
concurrents directs 12, 30
G
CJl "'O
·;:: g conglomérat 137 globalisation 141
>- ::i groupe stratégique 23-26, 28, 30
a. Cl
8@
potentiel de rétorsion 17-18
pouvoir
handicap concurrentiel 58 - de négociation des clients 13-14
- de négociation des fournisseurs 14-15
produits de substitutions 12, 15-16
profitabilité 19
innovation stratégique 108, 111 - de l'industrie 20
intégration amont 14-15, 22
intensité concurrentielle 11, 17, 20-21, 30
internationalisation 122, 125, 141, 146, 158
ls
recentrage 130, 148
rendement croissant d'adoption 88
ressources 21-28, 38, 52-54, 56, 65
joint-venture 169, 173 rigidité 83, 132
rivalité
- concurrentielle 28
- intra-sectorielle 19-20, 30
low cost 78, 131

M
segments stratégiques 22
macro-environnement 6, 30
spécialisation 124, 126, 128, 131, 158-159
menaces 5, 21, 61
stratégie XV
micro-environnement 6
- «business» 21
modalité de croissance 156, 175
- « corporate » 21
modèle
- d'activité XV
- des cinq forces concurrentielles 12
- de croissance XVI
- FFOM 60
- de différenciation 74, 84-86
- S\VOT 60-61,63,65
- de domination par les cofits 74, 76-77
- VRIN 56,58
- de rupture XVI, 28, 108-109
- générique 74
- «hybride.,. 90-91, 94
nouveaux entrants 12, 17-18 - «océan bleu» 112
structure concurrentielle 11-12
g synergie 134-135, 163

océan bleu 112, 115


océan rouge 103, 108, 112
OPA 160-161 taille efficiente minimale 171
opportunités 5, 21, 61 théorie des étapes 143

V
PESTEL 6-8, 20, 30 variables pivots 8
portefeuille
- d'activités 124
- de compétences 59
~

STRATEGIE
Comment réaliser un diagnostic strategique 7
Quelle methode employer pour formuler une stratégie 7
Comment construire Jn business model permettant
de développer un avantage concurrentiel 7
Comment organiser la croissance de> l entreprise ?
Alliant theorie et pratique ce manuel met l'accent
sur l'acquisition des methodes et des competences
indispensables a tout etud1ant pour reussir sa Licence.
son Bachelor ou son DUT Il propose
Franck BRULHART
• des situations concrètes pour introduire les concepts Maitre df r le r · ices a
• un cours visuel et des conseils méthodologiques pour Aix Marse1llP UnivNc;1te et
profes~Pur df'1lie a Toulouse
acquenr les connaissances fondamentales en strateg1e
Bus nt c; Schoo 11 est d1plome
d entreprise de l Edhr•c et docteur en
• de nombreux exemples des cas d'entreprises deta1lles sciercec; dC' qC'st1on Cherc.,eur
(Netflix. Air France-KU"1 Zara Nintendo. Apple. Hermes. au LEST CNRS 1 C'St a1.ss1
co"sultant dupres de PME
Accor. Starbucks. Porsche. P1xar Nespresso. etc.) et des
éclairages professionnels pour concret1ser le lien entre
concepts academ1ques et pratiques strateg1ques Christophe FAVOREU
"f r "' 1enct de gestion
• des applications progressives et variées (OCM etudes
est professeur a Toulouse
de cas. act1v1tes) et leurs corriges deta1lles pour s'evaluer Business School dont 11 dirige
et s entrainer a cha re C0Me1l
Ses recherches por t ent sur
la strateg1e et le management
de la performance des
organ1c;at1onc; publiques

Sandrine GHERRA
Profl .:.SE Jr a• 1• t ant a
Montpellier Business School
et docte1..1r en sciences
PUBLICS
de gest•on elle enseigne
• Licences Gestion , Économie et gestion, la strateg1e d entreprise et
la RSE Ses recherches por tent
Économie, AES sur la responsab1lite
et la performance
• Bachelors des écoles de management
• DUT et licences professionnelles

9
1
82100 720361
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5433399
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ISBN 978·2· 10·072036· 1 du savoir

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