(LM) Demil, Benoît - Warnier, Vanessa - Lecocq, Xavier - Stratégie Et Business Models - Master-Pearson Education France (2013)
(LM) Demil, Benoît - Warnier, Vanessa - Lecocq, Xavier - Stratégie Et Business Models - Master-Pearson Education France (2013)
(LM) Demil, Benoît - Warnier, Vanessa - Lecocq, Xavier - Stratégie Et Business Models - Master-Pearson Education France (2013)
Business Models
© Pearson France 2013 _ eText Stratégie et Business Models 9782744053344 _ Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-7440-7650-3
ISSN : 1768-7616
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Tous droits réservés. Aucune représentation ou reproduction, même partielle, autre que
celles prévues à l’article L. 122-5 2° et 3° a) du code de la propriété intellectuelle ne peut
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Table des matières
Applications 18
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IV Stratégie et Business Models
Applications 49
Applications 105
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Table des matières V
Applications 137
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VI Stratégie et Business Models
Applications 159
Applications 213
Conclusion 231
Index 233
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Les auteurs
Benoît Demil est professeur de stratégie et de théories des organisations à l’IAE de Lille.
Ses travaux actuels portent sur les business models, les structures de gouvernance et
l’histoire de la vente par correspondance en France. Il est directeur du LEM (UMR
CNRS 8179) qui rassemble environ 140 chercheurs en management et en économie sur
la métropole lilloise. Il est l’un des fondateurs et animateur de www.businessmodel-
community.com.
Xavier Lecocq est professeur à l’IAE de Lille et part-time professor à l’IESEG. Il enseigne
notamment le management stratégique et l’innovation en matière de business models.
Ses recherches sont dédiées au business model des entreprises et aux formes d’organisa-
tions collaboratives. Il est l’un des fondateurs et l’animateur de www.businessmodel-
community.com, une communauté académique réunissant plus de 250 chercheurs dans
le monde travaillant sur les business models.
Vanessa Warnier est maître de conférences à l’IAE de Lille. Ses travaux, pour lesquels
elle a obtenu le prix de thèse en stratégie de l’AIMS et le prix pour publication de la
FNEGE, portent sur la construction des compétences stratégiques et l’exploitation des
ressources des organisations. Elle enseigne la stratégie et les nouveaux modèles écono-
miques. Elle est aussi l’une des fondatrices de www.businessmodelcommunity.com.
Cet ouvrage est une version remaniée de l’ouvrage Stratégie paru chez Pearson en
août 2009 et auquel avait participé notre collègue, le professeur Alain Desreumaux. Bien
qu’assez différente tant dans sa forme que par son fond, cette version lui doit encore
beaucoup, notamment pour les chapitres 1 et 6. Qu’il reçoive ici notre témoignage de
reconnaissance et d’amitié.
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Introduction
En quelques décennies, le management stratégique s’est affirmé comme l’une des disci-
plines majeures de la gestion. Son développement, ponctué d’emprunts multiples à
d’autres disciplines (économie, sociologie, sciences du comportement, théorie des orga-
nisations, etc.), s’est réalisé selon un scénario en trois étapes (Déry R., 2001)1 :
• Une quête de faits, restitués sous forme de cas et d’histoires d’entreprises
• Une quête de normes devant inspirer le pilotage stratégique de l’entreprise et permettre
de régir formellement la stratégie en tant que pratique des dirigeants.
• Une quête des lois qui caractérisent la stratégie en tant qu’objet d’étude scientifique.
L’ensemble de ces développements a produit différents types de connaissances dont ren-
dent compte de nombreux manuels largement diffusés :
• Des descriptions de pratiques et des analyses de leurs résultats dans une perspective
d’inspiration largement contingente. Cela vaut tant en matière de contenu des
manœuvres stratégiques que de processus décisionnels.
• Des outils d’analyse des situations et d’aide à la décision stratégique, conçus avec
l’idée d’introduire la rigueur nécessaire dans l’analyse et la prise de décision.
• Des propos normatifs qui visent à mettre en place des pratiques pertinentes suscep-
tibles d’assurer des avantages concurrentiels et d’être à l’origine d’une performance
supérieure durable.
L’objectif du présent ouvrage est de donner un aperçu de ces connaissances, mêlant exposé
des concepts fondamentaux et traduction pragmatique via des cas et des exercices.
Les contraintes de volume excluent toute ambition de présentation exhaustive. La
matière est désormais trop riche pour qu’une présentation intégrale mais condensée des
concepts, courants de pensée et outils d’analyse qui la constituent puisse éviter la
simplification excessive, voire la caricature.
La variété des situations stratégiques saisie, ne serait-ce qu’en référence à un simple cri-
tère de taille d’entreprise, est également trop importante pour imaginer son illustration
systématique. Il en est de même de la variété des configurations organisationnelles dans
lesquelles s’encastre le processus de décision stratégique.
Le choix a donc été fait :
• De se limiter aux concepts fondamentaux et aux écoles de pensée les plus établies tout
en accordant une place aux outils et réflexions les plus récents dans le domaine.
• D’adopter une approche restrictive du management stratégique consistant à ne retenir
que les perspectives et les outils qui permettent d’instruire l’une des questions clés en
stratégie : comment construire une performance durable ?
• D’évoquer les options majeures qui constituent l’éventail des stratégies des
organisations.
1. Dery R. (2001), « La structuration socio-épistémologique du champ de la stratégie », dans Martinet A.-C. et Thiétart
R.-A. (coord.), Stratégies – Actualité et futurs de la recherche, Vuibert-Fnege.
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2 Stratégie et Business Models
Identification
1 des DAS
Analyse
2 Analyse interne
par DAS
Analyse externe 3
Synthèse du
4 diagnostic
stratégique
Stratégie
5 corporate
Rétroaction
Stratégie
6 business
Mise en œuvre
7 et contrôle
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3
Tableau I.1 : Les outils associés aux différentes étapes de la démarche stratégique
Chapitres
Outils correspondant
dans l’ouvrage
1 Segmentation stratégique Chapitre 2
2 Analyse par les ressources et compétences ; SWOT ; Chaîne de valeur ; Chapitre 3
Réseau de Valeur ; Atelier de Valeur
3 Analyse des 5 (+1) forces de Porter ; Facteurs Clés de succès ; SWOT ; Matrice Chapitres 2,
BCG 2 ; PESTEL 3, 6
4 Analyse de portefeuille Chapitre 5
5 Choix stratégiques corporate Chapitre 6
6 Stratégies génériques ; stratégie Océan Bleu ; Business Model ; Modèle Chapitres 3,
Delta 4, 6
7 Balanced Scorecard ; Approche relationnelle ; Modalités de mise en œuvre Chapitres 2,
de la stratégie 3, 6
La démarche stratégique classique des limites et appelle une mise en perspective préa-
lable pour ne pas se méprendre sur ses vertus réelles. Une bonne partie des connais-
sances constitutives de la discipline « management stratégique » a été élaborée dans
l’idée de produire, à partir des expériences passées, des modèles génériques considérés
comme utilisables par des décideurs actuels en situation. Malgré l’intérêt de cette pos-
ture, il faut en souligner les aspects discutables.
En premier lieu, il convient de ne pas idéaliser les connaissances qui ont été ainsi pro-
duites. En management stratégique, les concepts sont parfois flous, les outils contes-
tables, les cadres d’analyse sensibles à des effets de mode ou à des biais méthodologiques2
et, dans tous les cas, partiels. La traduction normative de ces éléments, appliquée sans
nuance, peut s’avérer dangereuse si on postule qu’elle est à même de donner LA solution
à un problème stratégique. En cette matière, tout est largement question de contextua-
lisation, d’interprétations, de mélange d’analyse et d’intuition, voire de bon sens, et non
d’application mécanique d’outils et de recettes, quel que soit leur caractère a priori
séduisant. Qui plus est, en matière de stratégie, la décision, que l’on veut empreinte de
rationalité, n’est rien sans action. Préparer et prendre des décisions ne suffit pas, il faut
encore concevoir une pragmatique de l’action managériale dont la problématique
dépasse les ambitions du présent ouvrage.
En deuxième lieu, sans nier l’intérêt que l’analyse des pratiques passées peut présenter,
il faut également tenir compte du fait que la complexité et la volatilité des questions
stratégiques appellent des remises en cause fréquentes des concepts, des outils, des
démarches d’analyse. L’une des difficultés du management stratégique, qu’on le consi-
dère comme discipline ou comme praxis, tient au caractère évolutif des réalités, notam-
ment du fait même de l’action des entreprises. De nouveaux contextes induisent
logiquement des interrogations sur la pertinence des concepts, cadres et niveaux d’ana-
lyse hérités des observations des décennies antérieures. Cela ne conduit pas nécessaire-
ment à faire table rase de ces connaissances, mais à les relativiser, les enrichir, à les
2. Rosenzweig P. (2009), The halo effect… and the eight other business delusions that deceive managers, Free Press, paper-
back edition.
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4 Stratégie et Business Models
combiner avec de nouvelles perspectives. On verra ainsi, par exemple, qu’en matière de
modèles de création de valeur ou de construction d’avantages concurrentiels, les solu-
tions deviennent plus variées que ce qui a pu être un moment présenté comme solutions
de référence.
Enfin, et sans doute plus fondamentalement, la référence à des modèles génériques est
de nature à encourager l’imitation et non l’action créative. Or c’est bien celle-là qui
constitue l’enjeu majeur dont le management stratégique, en tant que discipline, peine
encore à se saisir. Il est peu probable qu’il puisse le faire dans l’esprit d’un ensemble de
recettes. C’est pourquoi nous avons choisi dans cet ouvrage de présenter certains
modèles ou outils d’analyse, certes récents, mais qui encouragent la créativité du stra-
tège en montrant les possibles.
Ressources complémentaires
de la plateforme eText
Vous trouverez à la fin de l’ouvrage le code d’accès nécessaire pour vous inscrire à la
plateforme eText interactive.
Connectez-vous pour accéder aux ressources et exercices complémentaires de l’ouvrage,
disponibles en ligne. Des études de cas corrigées supplémentaires complètent notam-
ment la partie « Applications » de chaque chapitre.
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Chapitre 1
Le processus de la stratégie
Il est courant de distinguer les problèmes de gestion des entreprises selon leur degré
d’importance et d’employer l’expression « stratégie » pour désigner les choix majeurs,
correspondant à la définition du cadre de fonctionnement de l’entreprise et à ses
options fondamentales en matière d’insertion dans son environnement. Traiter de ces
questions, c’est traiter du destin de l’entreprise, lequel passe par le choix des états aux-
quels elle veut aboutir sur un horizon de moyen ou long terme et celui des trajectoires
qu’il lui paraît judicieux de suivre pour y parvenir.
La responsabilité de ces choix est d’abord celle de la direction générale de l’entreprise, à
qui incombe l’énoncé d’une vision de l’avenir de l’entreprise et de la direction à suivre.
Un tel énoncé peut s’analyser en termes de positionnement concurrentiel de l’entreprise
dans un domaine ou une pluralité de domaines d’activité, positionnement qui se tra-
duira par des volumes d’activité, des parts de marché, des niveaux de rentabilité ou
autres résultats financiers. Mais l’enjeu dépasse cette seule expression d’ordre technico-
économique. La stratégie remplit en effet également une fonction sociale d’ajustement et
de reproduction d’un ensemble de significations partagées par les membres de l’organi-
sation. C’est en quelque sorte un processus dont découlent des significations relatives à
la nature, l’objet, l’orientation de l’entreprise qui permettent aux participants de rendre
leur monde organisationnel intelligible.
En d’autres termes, à travers ses orientations de politique générale et ses choix straté-
giques, la direction générale de l’entreprise exerce un rôle d’agent d’institutionnalisation
d’une certaine identité de l’organisation.
Le management stratégique peut s’analyser comme une boucle permanente reliant
découverte des problèmes, choix de solutions et action proprement dite. Elle s’étend
bien évidemment aux questions de mise en œuvre, lesquelles supposent toujours, à des
degrés divers, l’introduction de changements dans les dispositifs organisationnels et les
comportements des acteurs.
Par ailleurs, dès lors que l’environnement lui-même est en évolution, pratiquer la gestion
stratégique c’est tenter de maîtriser un processus dynamique de changement.
L’analyse des questions stratégiques a nourri progressivement une véritable discipline dont
le contenu est extrêmement riche et diversifié. On y trouve à la fois des analyses de
manœuvres stratégiques et de leurs résultats, des propositions d’outils d’aide à la décision,
des investigations sur les processus décisionnels, des mises en perspective historiques, etc.
Dans ce premier chapitre, on posera les concepts fondamentaux avant d’en montrer la
traduction à partir d’études de cas d’organisations variées.
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6 Stratégie et Business Models
1. La notion de stratégie
Le concept de stratégie est d’origine militaire. Il vient du grec strategos (c’est-à-dire géné-
ral) et désigne l’art de commander l’armée en présence de l’ennemi. Dans les domaines
militaire, politique et philosophique, la notion de stratégie a inspiré de nombreux
grands auteurs, de Shakespeare à Tolstoï, en passant par Montesquieu, Kant, Hegel ou
Clausewitz. Une des premières applications au monde des affaires est due à Von Neu-
mann et à Morgenstern, qui ont développé la théorie des jeux. Dans un ouvrage datant
de 1947, ces deux auteurs étudient les stratégies en termes d’interactions décisionnelles
de joueurs qui s’affrontent ou coopèrent entre eux.
Dans le domaine du management, le concept prend en général une signification plus
large qu’en matière militaire puisqu’il recouvre également la définition des buts et des
objectifs par rapport auxquels on planifie l’emploi des ressources. Il n’existe cependant
pas de définition unanimement acceptée, les formulations étant tantôt larges, tantôt
étroites, comme l’illustre l’inventaire partiel suivant.
La stratégie est l’ensemble des actions décidées par une entreprise en fonction d’une situation
particulière (Von Neumann et Morgenstern, 1947).
La stratégie est la détermination des buts à long terme de l’entreprise et le choix des actions et
de l’allocation des ressources nécessaires à leur atteinte (Chandler, 1962).
La stratégie est une règle pour prendre les décisions, déterminée par l’étendue produit/marché,
le vecteur de croissance, l’avantage concurrentiel et la synergie (Ansoff, 1986).
La stratégie est l’ensemble des desseins, des buts et des objectifs d’une organisation, ainsi que
les principales politiques et les plans pour atteindre ces buts, établis de façon à définir ce qu’est
le domaine d’activité de l’entreprise ou ce qu’il devrait être et le type d’entreprise qu’elle est ou
qu’elle devrait être (Learned, Christensen, Andrews et Guth, 1965).
Plutôt que de s’arrêter sur une définition particulière, on insistera ici sur trois points
principaux :
• La notion de stratégie est indissociable d’un ensemble de concepts qui traduisent les
différentes facettes d’un projet pour l’entreprise (voir section 1.1).
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Chapitre 1 Le processus de la stratégie 7
• Ce projet peut être saisi dans sa manifestation concrète mais possède également un
sens fondamental (voir section 1.2).
• La notion de stratégie renvoie à un certain type d’univers (voir section 1.3).
Figure 1.1 : Les trois grandes questions de la stratégie : pourquoi, quoi, comment.
Buts
Formulation
de la stratégie :
– diagnostic ; Politiques
Mission, – évocation
vocation de solutions ;
– évaluation
et choix.
Objectifs
Mise en œuvre
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8 Stratégie et Business Models
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Chapitre 1 Le processus de la stratégie 9
• Les objectifs : tandis que les buts correspondent à des intentions générales, sans hori-
zon temporel véritablement défini, les objectifs sont des résultats que l’entreprise se
propose d’atteindre à une date donnée, des états désirés de l’organisation pour un
moment déterminé du futur. Qu’ils soient exprimés en termes quantitatifs ou quali-
tatifs, les objectifs doivent être suffisamment précis pour servir de guide d’action et de
base d’évaluation de performance. Dans la mesure du possible, les objectifs assignés à
une équipe, un service, une entreprise ou une business unit doivent être clairs, mesu-
rables, atteignables et réalistes, et enfin, faire l’objet d’un calendrier d’évaluation et de
révision.
Le schéma de la figure 1.2 propose une illustration de ces différentes notions et de leur
articulation pour l’exemple d’une société d’emboutissage dans le secteur automobile.
Figure 1.2 : L’articulation de la mission, des buts et objectifs d’une société d’emboutissage.
Remporter
le prochain appel Acquérir
d’offre du une PME Embaucher Développer
Objectifs constructeur technologiquement un scientifique la formation
automobile X pour avancée dans de haut niveau des cadres au
la fabrication de le domaine et dix ingénieurs management
son nouveau des alliages
modèle
Le « comment » de l’activité
Aborder la question du « comment », c’est entrer dans le domaine de l’action devant
permettre l’atteinte des objectifs et l’accomplissement des buts. Cela correspond a priori
à la définition de la stratégie au sens étroit du terme. Les choix correspondants requiè-
rent une certaine méthodologie et relèvent du calcul. Mais ils sont également soumis à
des contraintes de nature comportementale, pas nécessairement formalisées, que l’on
peut rassembler sous le vocable de « politiques ». En général, le mot politique est employé
pour désigner des guides d’action ou des codes de conduite. On peut considérer qu’elles
expriment des attitudes envers les différents acteurs avec lesquels l’entreprise entretient
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10 Stratégie et Business Models
des relations : on parlera alors de politiques vis-à-vis des pouvoirs publics, des concurrents,
des fournisseurs, des clients, des banques, du personnel, des syndicats.
Sous-jacents à l’ensemble de ces choix et les déterminant largement, on trouve les sché-
mas d’interprétation, les valeurs, les croyances à travers lesquels les décideurs traduisent
les événements et développent des modèles de compréhension. Ces modèles facilitent
parfois l’analyse et la prise de décision mais sont autant de biais cognitifs, générateurs
par exemple de myopie face aux évolutions de l’environnement, d’immobilisme ou
encore d’imitation permanente d’un concurrent.
Dans les faits, tous ces éléments ne sont pas forcément explicités. Toute organisation
possède cependant une stratégie, même imparfaite et implicite, qui exprime le plus sou-
vent une certaine cohérence des actions au cours du temps. En effet, depuis plus de
trente ans, nombre de recherches en stratégie ont montré que les entreprises qui mani-
festent durablement des comportements stratégiques incohérents disparaissent, et ce
quel que soit leur secteur. La question de la cohérence de la trajectoire de l’entreprise est
donc centrale dans l’explication de la performance d’une entreprise et les dirigeants
doivent donc veiller non seulement à prendre de bonnes décisions compte tenu de
l’environnement de l’entreprise mais également de bonnes décisions compte tenu de
l’histoire de l’entreprise et de ses caractéristiques actuelles.
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Chapitre 1 Le processus de la stratégie 11
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12 Stratégie et Business Models
une meilleure performance que les concurrents. En d’autres termes, la stratégie est la
recherche des modalités d’obtention et de protection d’un avantage concurrentiel durable.
Si stratégie et concurrence sont indissociables, les comportements que les entreprises
peuvent déployer dans cet univers sont cependant divers : affrontement direct avec les
concurrents, évitement, voire coopération (Koenig, 2004).
La dynamique de la concurrence, nourrie de l’emploi d’une variété d’armes (technolo-
giques, commerciales, organisationnelles, etc.), fait de l’environnement de l’entreprise
un univers changeant. L’idée de turbulence de l’environnement domine désormais les
discours managériaux, mais en fait, dès la fin des années 1960, Ansoff observe que le
concept de stratégie s’impose comme une nécessité dès lors que l’environnement de
l’après Seconde Guerre mondiale est devenu plus changeant, instable, complexe. Un tel
univers appelle une réflexion et une capacité d’anticipation pour tirer avantage des
opportunités, écarter les menaces ou s’y préparer, imaginer des scénarios d’évolution.
Plus fondamentalement, un univers changeant est l’opposé d’un monde clos, c’est-à-
dire d’un monde possédant un nombre fini d’états dont l’occurrence ne peut vraiment
surprendre les acteurs qui y évoluent. Même si une entreprise cherche à atteindre une
certaine position et à la protéger, elle fait face à un monde ouvert où des événements
nouveaux et inattendus peuvent survenir (arrivée de concurrents, faillites d’alliés, évo-
lution des modes de consommation des clients…), précisément parce que alors que l’en-
treprise formule et déploie sa stratégie les concurrents font de même.
La notion de stratégie est ainsi liée à celle de dynamique. Le management stratégique
désigne la façon de faire des choix pour construire progressivement des ensembles d’op-
portunités et imaginer des trajectoires de développement dans un environnement chan-
geant et partiellement imprévisible. En ce sens, la stratégie est plus un processus qu’un
état. De ces éléments se déduisent logiquement les principales caractéristiques des
problèmes stratégiques.
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Chapitre 1 Le processus de la stratégie 13
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14 Stratégie et Business Models
étapes de mise en œuvre. Certaines idées ou décisions ne pourront être mises en œuvre
et devront être abandonnées ou modifiées du fait d’un changement dans l’environne-
ment concurrentiel, de l’apparition d’une technologie ou des résistances internes. En
revanche, l’apparition de nouvelles technologies, l’émergence de nouveaux types de
clients ou certaines prises d’initiative viendront infléchir les intentions initiales en
offrant de nouvelles opportunités.
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Chapitre 1 Le processus de la stratégie 15
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16 Stratégie et Business Models
stratégiques d’une organisation sont souvent attribuées à une mise en œuvre défaillante,
moins souvent à la pertinence des choix.
Une étude de The Economist en 2004 auprès de 276 cadres ou dirigeants suggère que dans
57 % des cas, leur entreprise n’a pas été performante dans la mise en œuvre de la stratégie
sur les trois dernières années. Une autre étude menée par l’American Management Association
souligne le même problème. Seuls 3 % des salariés interrogés jugent la phase de mise en œuvre
de la stratégie comme très satisfaisante. 62 % des salariés interrogés estiment à l’inverse que
leur entreprise est peu, voire pas du tout performante dans la mise en œuvre de la stratégie. Ces
difficultés sont illustrées de façon humoristique par Philippe Varin, PDG de PSA depuis 2009 :
« J’aime assez cette histoire drôle : cinq grenouilles (n’y voyez aucune référence à nos concitoyens)
sont installées sur une bûche flottant sur une rivière. Elles décident de sauter. Combien en reste-t-
il ? ». « La réponse est simple : cinq ! ». « Elles n’ont fait que décider de sauter. Entre la décision et
l’exécution, il y a un fossé et l’une de mes obsessions en tant que patron de groupe est de le combler.
Il ne suffit pas de décider que l’on va implanter les méthodes du lean management pour que, comme
par miracle, l’entreprise soit régie par de nouvelles règles. Il faut penser chaque jour lean ! Cela sup-
pose d’avoir une culture du partage au sein de l’entreprise. Je pousse en permanence mes équipes
à partager la vision stratégique, mais aussi à signaler les problèmes dès qu’ils surgissent » (Usine
Nouvelle, 2 septembre 2010).
L’exécution ou la mise en œuvre d’une stratégie est bien le deuxième pilier fondamental
sur lequel doit s’appuyer le stratège. Cependant, sur ce point, les outils sont plus rares et
la réflexion doit intégrer les apports des autres domaines de la gestion : finance, marke-
ting, gestion des ressources humaines, etc. Si les choix stratégiques comportent toujours
une part de risque et consistent en des paris sur les préférences du consommateur ou le
comportement de la concurrence, la mise en œuvre, elle, présente toujours une part
d’incertitude (Rozensweig, 2009). Il est difficile d’anticiper la réaction des membres
d’une organisation à des changements. La transposition des « bonnes pratiques » d’une
entreprise à une autre n’assure notamment pas du succès de leur mise en œuvre. Les
choix stratégiques se heurteront à la structure du pouvoir dans l’organisation. De nou-
velles incitations devront être créées dans l’entreprise. Bref, les raisons pour que la mise
en œuvre soit défaillante sont nombreuses.
Construire un processus participatif d’élaboration de la stratégie, débattre des options
d’allocation de ressources, établir un ordre de priorités, surveiller au quotidien l’exécu-
tion d’un plan, diffuser la stratégie dans l’organisation ou modifier l’organisation sont
autant d’actions cruciales qui émergent dès que la mise en œuvre est abordée. La diffi-
culté pour une équipe dirigeante est donc souvent beaucoup plus de réussir à entraîner
le reste de l’organisation derrière ses choix que d’arrêter des options stratégiques. Cela
ne signifie pas que la stratégie requiert un leader exceptionnel – Pfeffer et Sutton (2007)
dénoncent cette illusion du messie tout-puissant – mais qu’elle est une affaire du quoti-
dien autant que de la « grande » décision produite par un dirigeant. Pour autant, il est
toujours étonnant de se rendre compte à quel point les salariés d’une entreprise sont
rarement capables d’évoquer la stratégie de l’entreprise à laquelle ils appartiennent.
En stratégie, le courant de la « strategy as practice » (SAP) s’est attaché depuis la fin des
années 1990 à réintroduire les actions concrètes des acteurs qui donnent naissance aux
stratégies et à leur mise en œuvre dans les organisations. Le parti pris de cette approche
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Chapitre 1 Le processus de la stratégie 17
est que la stratégie est concrètement issue de micro-activités qui la font advenir (Jarza-
blowski et Spee, 2009). Le point de départ de l’analyse n’est donc pas de supposer qu’une
organisation a une stratégie, mais de comprendre ce que les acteurs font pour qu’elle en
ait une. Ces micro-activités sont menées par des acteurs tant internes qu’externes et se
répercutent à différents niveaux dans une organisation. Elles reposent sur des actions,
des discours, l’utilisation d’artefacts (données chiffrées, documents, présentations
powerpoint…) Dans cette optique, il s’agit donc moins de comprendre la relation entre
choix stratégique et performance que d’étudier la construction de ces choix et leur mise
en œuvre par des acteurs.
Bien qu’encore récente et n’offrant pas d’outils particuliers, cette approche rappelle que la
stratégie est une affaire collective, faisant intervenir les dirigeants, mais aussi les cadres
intermédiaires – et pas seulement dans la phase de mise en œuvre, mais également de
conception –, des investisseurs et d’autres acteurs extérieurs comme des consultants ou
des clients. Elle permet également de rendre compte de la stratégie comme une activité
quotidienne constituée de réunions, de discussions et de discours, de rapports qui circu-
lent, de traitement d’informations. En conséquence, elle tend à démythifier la produc-
tion de la stratégie et à en faire un processus continuel d’une entreprise qui certes, peut
partir de l’équipe dirigeante, mais est également largement issue d’interactions et de
négociations dans l’organisation.
Références bibliographiques
Andrews K. (1971), The Concept of Corporate Strategy, Dow Jones-Irwin, pp. 26-31.
Ansoff H. I. (1986), Stratégie du développement de l’entreprise, Hommes et Techniques.
Chandler A. D. (1962), Stratégies et structures de l’entreprise, Éditions d’Organisation.
Freeman R. E. (1984), Strategic Management: A Stakeholder Approach, Pitman (Harper
and Row)
Jarzabkowski P., Spee A.P. (2009), “Strategy as practice: A review and future directions
for the field”, International Journal of Management Reviews, 11 (1), pp. 69-95.
Koenig G. (2004), Management stratégique. Projets, interactions et contextes, Dunod,
pp. 132 et s.
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Applications
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Questions
1. Quels ont été les éléments clés qui ont permis le succès du Club Med ?
2. Quels éléments participent aux problèmes rencontrés par le Club Med à partir des
années 1990 ?
3. À votre avis, quels sont les éléments qui rendent difficile l’évolution du Club Med ?
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Questions
1. Vous relèverez dans l’extrait suivant les éléments qui font penser que cette organisation
a bien une stratégie.
2. Quelles en sont les spécificités, notamment par rapport à la stratégie d’une entreprise ?
Éléments de solution
Repositionner le Club Méditerranée
1. Les éléments qui expliquent le succès du Club viennent à la fois de l’environnement
et des choix de l’entreprise elle-même. Le Club Med bénéficie en effet pendant qua-
rante ans d’un environnement macro-économique et sociologique extrêmement
favorable :
– Trente Glorieuses entre 1945 et 1975 marquant une période ininterrompue de
croissance pour les Français ;
– constitution d’une large classe moyenne en France jusque dans les années 1980 ;
– développement d’une appétence pour les loisirs et le tourisme de masse.
1. La recherche translationnelle est un type de recherche situé entre la recherche fondamentale, qui découvre les méca-
nismes théoriques des maladies, et la recherche clinique, appliquée au patient. C’est une mise en application des décou-
vertes fondamentales de laboratoire au profit des patients.
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2. On peut relever trois spécificités majeures dans la stratégie énoncée par cet hôpital.
a. D’abord, elle prend en compte de nombreuses parties prenantes internes (com-
munauté hospitalo-universitaire) et externes (AERES, Université, l’interrégion
Nord-Ouest, Commission Marescaux, les patients). Ces parties prenantes sont
toutes importantes et se réfèrent tant à l’environnement lié à la tâche, au travail à
réaliser, qu’à l’environnement institutionnel. Ces deux types d’environnement ne
peuvent être dissociés.
b. La deuxième spécificité est que les performances sont évaluées et dépendent en
grande partie d’acteurs tierces qui ne sont ni les clients, ni les marchés financiers
mais des organismes administratifs, des classements, des labellisations, des appels
à projets gagnés… La performance est en effet multidimensionnelle et ne peut se
résumer à des critères uniquement économiques. La qualité des soins et celle de la
recherche sont au moins aussi importantes pour assurer la légitimité du CHRU.
c. Enfin – et cela est lié au point précédent –, pour une organisation comme un
hôpital, les missions sont multiples : soins, enseignement, recherche. Ces trois
missions indissociables entretiennent des liens : la recherche irrigue les soins et
l’enseignement, l’enseignement fournit des soignants. La difficulté de mener ces
trois missions tient aux ressources à allouer à chacune d’elles.
Au final, ces spécificités dessinent un environnement extrêmement complexe dans
lequel il faut servir de nombreux publics aux attentes différentes (l’administration,
les patients, les chercheurs, les étudiants), sous contrainte financière forte. Pour
autant, des priorités sont données et des choix sont faits. Il y a donc bien une stratégie
dans cet hôpital.
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Chapitre 2
Le pilotage de la stratégie
La stratégie est un processus complet qui s’étend de l’analyse (ou diagnostic) d’une
situation à la mise en œuvre des stratégies retenues. C’est aussi une démarche qui s’ap-
puie sur de nombreux concepts spécifiques et développés au fil du temps et sur lesquels
un consensus s’est progressivement établi.
La définition du métier d’une entreprise, sa segmentation stratégique ou encore l’iden-
tification de ses buts fondamentaux sont des prérequis à toute décision stratégique,
d’autant que ces éléments déterminent largement les résultats d’un diagnostic ou les
choix opérés. Les concepts de base de l’analyse stratégique (notamment « segmenta-
tion », « domaine d’activité stratégique », « métier », « parties prenantes ») sont traités
dans ce chapitre, tout comme le pilotage de la performance. Dans un premier temps, les
différents niveaux d’analyse de la stratégie (environnement, organisation, domaine
d’activité stratégique, fonction) sont évoqués, tant en matière de diagnostic que de prise
de décision. Puis, les principaux buts d’une organisation (compétitivité, sécurité, légiti-
mité) et leurs conséquences sur la décision stratégique sont étudiés. Enfin, un outil de
pilotage de la stratégie, le Balanced Scorecard, est présenté.
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26 Stratégie et Business Models
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 27
Niveau d’analyse
Niveau de décision stratégique correspondant
du diagnostic
Environnement de Stratégie globale essentiellement mais aussi stratégies de DAS et
l’organisation stratégies fonctionnelles
Organisation dans Stratégie globale et stratégies de DAS essentiellement mais aussi
sa globalité stratégies fonctionnelles
Métier Stratégie de DAS et stratégies fonctionnelles
essentiellement mais aussi stratégie globale
Domaine d’activité Stratégie de DAS et stratégies fonctionnelles
stratégique essentiellement mais aussi stratégie globale
Fonction Stratégies fonctionnelles essentiellement mais aussi stratégies de
DAS et stratégie globale
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28 Stratégie et Business Models
Le tableau 2.1 rappelle que, s’il existe bien une hiérarchie des niveaux de décision straté-
gique, ces derniers sont dans la pratique largement liés et s’influencent réciproquement.
Une stratégie fonctionnelle peut ainsi conduire à réévaluer les stratégies mises en œuvre
dans les différents DAS, voire la stratégie globale de l’organisation.
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 29
Les critères de segmentation peuvent être appliqués de façon plus ou moins stricte. Cer-
taines entreprises peuvent ainsi choisir de ne retenir que deux critères de segmentation,
par exemple la technologie et le type de clients. D’autres peuvent recourir à plusieurs
variables mais en privilégier une pour commencer la segmentation (la technologie ou
encore le besoin satisfait). L’objectif de la segmentation est dans tous les cas de « décou-
per » les activités d’une organisation de telle sorte que chaque sous-ensemble (chaque
DAS) soit relativement homogène et différent des autres sur les critères utilisés.
Besoin satisfait
Technologie
Source : d’après Abell, 1980.
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30 Stratégie et Business Models
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 31
• Enfin, dernière précaution, ces FCS sont toujours historiquement datés et évoluent
dans le temps. La réflexion du stratège doit donc intégrer cette vision dynamique pour
considérer les FCS en émergence sous l’impulsion de concurrents innovants ou d’évo-
lutions de l’environnement. Ainsi, la maîtrise de la motorisation et des modes de pro-
pulsion à faible impact environnemental s’est-elle imposée comme un FCS ces
dernières années dans l’automobile.
L’analyse par DAS
En permettant d’identifier les DAS, la segmentation stratégique évite de mener des ana-
lyses englobant systématiquement toute l’entreprise. De telles analyses manquent en
effet de finesse et conduisent souvent à opérer des choix pour l’ensemble de l’entreprise
alors que plusieurs technologies cohabitent (avec leurs avantages et leurs inconvénients)
et que les clients servis sont variés. À l’inverse, dans la plupart des entreprises, il serait
impossible de mener un diagnostic stratégique en considérant un par un les produits et
en étudiant pour chacun d’entre eux les tendances de consommation, les concur-
rents, etc. Dans un tel cas, il faudrait plusieurs années d’analyse avant de pouvoir dispo-
ser de milliers de pages censées servir de base à des décisions stratégiques. Le niveau du
DAS est donc un niveau d’analyse intermédiaire entre l’entreprise dans son ensemble et
le produit pris individuellement. Pour cette raison, le DAS peut véritablement être
considéré comme l’unité d’analyse de la stratégie. Certes, un DAS n’est jamais entière-
ment homogène et il revêt donc un caractère partiellement arbitraire. Il convient en
effet de trouver le niveau de finesse idéal pour l’analyse et la prise de décision : ni trop
large (l’entreprise considérée comme un seul DAS), ni trop fin (chaque produit consi-
déré comme un seul DAS). Une segmentation stratégique trop fine néglige les synergies
possibles entre ressources et compétences sur lesquelles s’appuient les DAS et donne lieu
à un morcellement extrême des ressources, tandis qu’une segmentation trop globale
s’avère inopérante pour la décision stratégique. En général, la segmentation stratégique
retenue par une entreprise peut être identifiée grâce aux différentes divisions qui struc-
turent les activités.
Cependant, toutes les divisions ne correspondent pas systématiquement à un DAS en
tant que tel. Certains groupes peuvent très bien ne s’appuyer que sur une technologie et
ne satisfaire qu’un type de besoin mais choisir de se structurer autour de plusieurs divi-
sions selon la zone géographique ciblée (division Europe, division Asie et Océanie, divi-
sion Amérique du Nord…). Une telle organisation donne lieu à plusieurs divisions qui
ne sont différenciées, en termes stratégiques, que par un seul critère de segmentation : le
type de client ciblé. De même, un groupe multimarque peut très bien réunir plusieurs
marques dans un seul DAS si ces dernières s’appuient sur les mêmes technologies et
ciblent des clients identiques ayant les mêmes attentes. De manière générale, il n’y a donc
pas de correspondance systématique entre les frontières juridiques des marques ou des
filiales et les DAS identifiés.
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32 Stratégie et Business Models
Transferts d’expérience
• Nombre de
groupes Prix, Système en impasse Prix, Système de volume
d’acheteurs coût coût
différents
• Taux d’innovation P P
• Nombre de
technologies C
C
non
Importance de l’avantage (prix ou coût) Importance de l’avantage (prix ou coût)
non oui
• Économies d’échelle
• Effets d’expérience Avantage de coût
• Intensité de la R&D
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 33
différencier dans une activité, alors leur concurrence s’opérera essentiellement sur les
prix et un avantage existera potentiellement pour les entreprises disposant des coûts les
plus faibles. Ce dernier type d’avantage se fonde traditionnellement sur des économies
d’échelle importantes, un avantage au premier entrant ou une avancée plus importante
sur la courbe d’expérience.
• Dans un système en impasse, il est difficile pour une entreprise d’obtenir un avantage
décisif sur ses concurrents, que ce soit sous forme de différenciation ou de coût. La
technologie ainsi que les produits sont généralement banalisés. Il en résulte une situa-
tion où aucun concurrent n’a d’avantage décisif, des surcapacités peuvent se créer et
les marges sont faibles. Si les barrières à la sortie sont élevées et qu’aucun repreneur ne
se manifeste, le système concurrentiel peut rester durablement dans cette situation.
La performance des entreprises dépendra alors essentiellement de la croissance de la
demande. C’est le cas par exemple dans le secteur des agences immobilières qui sont
extrêmement dépendantes de la croissance du marché immobilier. Il est néanmoins
possible de tenter de resegmenter le marché (par exemple en se focalisant sur un type
de biens ou de clients), de contrôler une part plus importante du marché en concen-
trant le nombre d’acteurs, voire – la tentation sera grande – de se partager tacitement
ou non le marché. Si de telles actions sont inenvisageables, les acteurs seront incités à
abandonner l’activité.
• Dans un système de volume, un avantage potentiel existe pour les entreprises dispo-
sant d’une structure de coût favorable mais peu de possibilités de différencier l’offre
existent. Les acteurs qui atteignent la taille la plus importante bénéficient d’un réel
avantage de coût du fait de coûts fixes élevés liés aux immobilisations nécessaires dans
l’activité, à travers le mécanisme des économies d’échelle. Ils pourront le cas échéant
baisser leurs prix pour sortir les acteurs moins efficients du marché. À terme, ce sys-
tème mène donc à un nombre de concurrents réduit, comme on l’observe dans l’aéro-
nautique. De plus, dans un système mature, les barrières à l’entrée seront élevées. En
revanche, si l’activité est émergente, on pourra observer une course à la part de mar-
ché de la part des concurrents, en sacrifiant éventuellement les marges, comme cela
s’est déroulé lors de l’ouverture du marché français de la téléphonie mobile. Dans un
tel système, les acteurs chercheront à croître par croissance externe, délocaliseront si
possible une partie de leur activité et viseront des volumes importants, par exemple en
s’internationalisant.
• Dans un système fragmenté, il possible d’obtenir un avantage par la différenciation.
Le prix n’est pas le seul élément pris en compte par les groupes de clients, qui sont
d’ailleurs nombreux. Ce système se caractérise par la présence de nombreux concur-
rents, de taille faible, car aucun avantage à la taille n’existe. Être deux fois plus gros que
son concurrent n’apporte donc pas de marges plus élevées. En revanche, chaque
concurrent pourra développer potentiellement un positionnement original dans ce
type de système et faire valoir des dimensions différenciatrices de son offre. Les bar-
rières à l’entrée et à la sortie du système sont généralement peu élevées, ce qui autorise
de nombreuses entrées et sorties de l’activité. C’est le cas typique de la restauration par
exemple, dans laquelle chaque entrepreneur peut chercher à se différencier par une
localisation originale, un cadre, une ambiance ou un type de cuisine. Ce type de
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36 Stratégie et Business Models
En théorie, si la segmentation a été élaborée à partir des trois critères énoncés précédem-
ment (client servi, besoin satisfait, technologie), il ne devrait y avoir alors aucune syner-
gie entre les DAS identifiés. En effet, dans ce cas, les DAS ne s’appuient pas sur la même
technologie. Ils ne satisfont pas les mêmes besoins ni ne s’adressent aux mêmes clients.
Il y a donc extrêmement peu de chances que des DAS présentant cette configuration
partagent certaines ressources ou compétences. Cependant, comme nous l’avons évoqué
précédemment, une telle configuration est hypothétique. La plupart du temps, les DAS
se distinguent sur un ou deux des trois critères et non systématiquement sur les trois.
Dans de nombreux cas, des effets de synergie entre deux ou plusieurs DAS peuvent donc
être identifiés. L’existence de telles synergies permet de distinguer le ou les métiers d’une
organisation. Un « métier » ou « base stratégique » se compose d’un ensemble de DAS
« entre lesquels existent des partages de ressources, ou des partages de savoir-faire, ou
des effets d’image, ou des complémentarités de gamme, ou des cessions internes (réels
ou potentiels) » (Atamer et Calori, 1993).
Une telle définition du métier suggère que la démarche stratégique commence par la
segmentation stratégique de l’organisation, pour identifier les DAS, et se poursuit par
l’identification de son ou de ses métiers, à partir des synergies entre DAS. Dans un pre-
mier temps, des sous-ensembles d’activités sont donc détectés, puis les interdépendances
entre ces sous-ensembles sont évaluées afin de regrouper ces derniers par métier. La
qualification de leur métier par les entreprises est d’ailleurs souvent le fruit d’une ratio-
nalisation ex post servant à regrouper plusieurs DAS sous le même vocable. La définition
du métier est également un outil de communication auprès des parties prenantes de
l’organisation, qu’il s’agisse des salariés, des partenaires ou des actionnaires. En effet, le
métier est porteur de cohérence en termes d’image en même temps qu’il oriente les
opportunités de développement. Une entreprise qui définit son métier comme la
« construction automobile » ne s’ouvre pas aux mêmes opportunités qu’une autre, exer-
çant éventuellement les mêmes activités stratégiques mais se qualifiant de « fournisseur
de solutions de transport ».
Une organisation, quelle qu’elle soit, a plusieurs métiers lorsqu’il n’existe pas d’interdé-
pendance significative entre certains DAS, alors qu’il en existe entre certains autres.
Nous précisons ici « interdépendance significative » car, dans la réalité, certaines res-
sources et compétences servent à tous les DAS, par exemple un siège social ou un centre
de services partagé pour la comptabilité. Cependant, ces ressources et compétences
communes ne peuvent être considérées comme génératrices de synergies importantes
entre les DAS. Une entreprise peut donc compter deux ou trois métiers (voire plus) com-
posés chacun de plusieurs DAS. Cependant, puisque la création de synergies entre DAS
est l’une des fonctions de la stratégie globale, une entreprise devrait voir progressive-
ment ses DAS s’intégrer en un seul métier au fur et à mesure de la mise en place de
synergies entre les activités.
Les liens qui existent entre les DAS d’un métier supposent que les décisions stratégiques
affectant un DAS risquent d’influencer, positivement ou négativement, la performance
des autres domaines d’activité. De véritables stratégies de métier, concernant plusieurs
DAS, peuvent donc être mises en œuvre pour gérer au mieux les interdépendances entre
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 37
ces derniers. Ces stratégies constituent un niveau intermédiaire entre la stratégie globale
de l’organisation et les stratégies de DAS.
Finalement, l’articulation entre le métier d’une organisation, ses DAS et ses segments de
marché peut être représentée comme suit (voir figure 2.3). Ces éléments correspondent
aux différents niveaux de segmentation d’une organisation.
La segmentation stratégique et l’identification du ou des métiers d’une organisation
sont des prérequis à toute analyse et à toute décision stratégique, mais elles ne sont pas
suffisantes. La réflexion stratégique sur une entreprise, son métier ou ses domaines
d’activité stratégique doit également s’accompagner d’une prise de conscience des
contraintes imposées par la nécessité, pour le dirigeant, de poursuivre trois buts
élémentaires pour la pérennité de son organisation et de chacun de ses domaines d’acti-
vité : la compétitivité, la sécurité et la légitimité.
Métier
DAS 1 DAS 2
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38 Stratégie et Business Models
3.1 Compétitivité
La gestion de la compétitivité de l’organisation
Le rôle le plus évident de la stratégie est d’assurer la compétitivité de l’organisation. Par
compétitivité, il faut ici entendre la capacité à supporter la concurrence (Tarondeau et
Hutin, 2001). La compétitivité est donc toujours issue d’une appréciation relativement à
d’autres organisations, au premier chef desquelles, les concurrents. Koenig (2004) note
le caractère potentiel de cette concurrence. En d’autres termes, il n’est même pas néces-
saire d’avoir des concurrents pour être compétitif ou chercher à l’être. Fidéliser ses
clients ou conquérir de nouveaux marchés ou encore réduire son prix de revient en pré-
servant la qualité sont autant de manifestations de la compétitivité d’une organisation.
Derrière une définition très large, la compétitivité recouvre donc des réalités très diffé-
rentes. Deux buts distincts peuvent être identifiés dans le cadre de la recherche de com-
pétitivité : l’efficacité et l’efficience. L’efficacité consiste à chercher à atteindre un
objectif donné sans considération des ressources engagées pour cela. L’efficience sup-
pose d’atteindre un objectif donné en minimisant les ressources engagées. Les entre-
prises cherchent souvent l’efficience mais se contentent parfois de souhaiter l’efficacité.
Certains indicateurs traditionnels évaluent d’ailleurs l’efficacité d’un choix stratégique,
tandis que d’autres en mesurent l’efficience. Ainsi, la part de marché est un indicateur
d’efficacité. Elle mesure un niveau de valeur indépendamment des ressources néces-
saires (par exemple en publicité et en force de vente) à son obtention. Le retour sur
investissement ou le rendement du capital investi sont en revanche des évaluations de
l’efficience découlant des décisions stratégiques.
Les dirigeants d’une organisation ont a priori intérêt à privilégier la recherche d’efficience.
Cependant, en de nombreuses circonstances, ils doivent accepter de n’être qu’efficaces
pour atteindre leurs objectifs stratégiques à moyen et long terme. Cette tension entre effi-
cacité et efficience est en fait due aux différents horizons temporels auxquels se trouve
confronté le stratège. À court terme, il est préférable d’assurer l’efficience à tous les niveaux
de l’entreprise pour finalement augmenter le profit. Cependant, pour faciliter l’efficience
de demain, les dirigeants doivent faire des investissements lourds et, éventuellement, au
retour incertain. S’implanter dans un pays étranger, se lancer sur un nouveau marché,
innover et, plus généralement, assurer la croissance d’une entreprise implique des coûts
qui limitent de fait l’efficience à court terme pour privilégier l’efficacité. À l’inverse, une
entreprise qui ne cherche que l’efficience en permanence renoncera à renouveler ses actifs
ou à innover et se privera de fait d’une efficience à long terme. La compétitivité tient donc
à un habile arbitrage entre recherche d’efficacité et recherche d’efficience.
Les avantages concurrentiels
Au-delà de la capacité à supporter la concurrence et à se maintenir dans une activité,
certaines entreprises présentent sur moyenne période des niveaux de performance par-
ticulièrement élevés par rapport à leurs concurrents. On dira alors que ces entreprises
possèdent un avantage concurrentiel (Porter, 1980, 1986). Ce concept, central en stra-
tégie, désigne non pas simplement un « point fort » de l’entreprise, mais avant tout le
facteur ou une combinaison de facteurs qui expliquent ces performances supérieures
sur les moyen et long termes. Pour une entreprise donnée, l’avantage concurrentiel se
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 39
traduit par une rentabilité des capitaux investis largement supérieure à celle de ses
concurrents de façon durable. L’appréciation d’un avantage doit donc se faire en calcu-
lant si possible la rentabilité d’une entreprise sur plusieurs années. Sa mesure implique
en effet de rapporter les profits générés par une entreprise avec les capitaux qu’elle a
mobilisés pour produire cette performance. D’autres indicateurs comme la part de mar-
ché, la marge d’exploitation ou les profits sont insuffisants en ce qu’ils ne tiennent pas
compte des ressources en capital mobilisées.
Pour Porter, cet avantage concurrentiel se traduit de deux façons si l’on considère que les
profits reflètent une différence entre prix et coûts : soit l’entreprise réussit à produire
une offre à des coûts inférieurs à ceux de ses concurrents, soit elle peut exiger de ses
clients des prix supérieurs à ceux de ses concurrents (voir figure 2.4). On peut néan-
moins considérer une troisième voie pour développer un avantage concurrentiel avec le
low-cost, qui correspond à un arbitrage prix / coûts différent.
Dans le premier cas, une entreprise présente des coûts d’exploitation moins élevés que
ceux de ses concurrents et/ou utilise plus efficacement son capital. Elle bénéficie par
exemple d’économies d’échelle élevées, d’une excellente productivité, externalise à
faibles coûts certaines de ses fonctions, négocie favorablement ses inputs du fait d’un
pouvoir de négociation important. En pratique, ce choix s’accompagne d’un prix en
général inférieur à la moyenne du marché, même si en théorie l’entreprise peut mainte-
nir des prix dans la moyenne pour s’assurer une plus grande profitabilité.
Dans le second cas, les clients sont prêts à payer un prix plus élevé (une « prime de
prix »), car ils trouvent une valeur supérieure dans l’offre différenciée de l’entreprise.
Cette valeur supérieure peut avoir de multiples origines, tangibles ou intangibles. Elle
peut être liée par exemple à une marque reconnue, un design agréable, des performances
produit supérieures, un emplacement irremplaçable, ou un niveau exceptionnel de ser-
vice.
À l’opposé de cette différenciation de l’offre, les positionnements low-cost se sont mul-
tipliés ces dernières années dans de nombreux secteurs (aérien, distribution, automo-
bile, téléphonie, salons de coiffure, salles de fitness…) en se taillant souvent de francs
succès.
Ce choix, qui a pu paraître pendant longtemps paradoxal et est souvent assimilé à la
domination par les coûts, repose sur une dégradation importante de la valeur de l’offre
par rapport à celles de la plupart des concurrents du secteur et s’accompagne d’un prix
bien moins élevé que le prix moyen du marché. Cette dégradation provient potentielle-
ment d’une standardisation poussée (une même offre pour tous, évitant ainsi les désé-
conomies liées à la variété), d’une simplification de l’offre et/ou de l’épuration de ses
caractéristiques pour se concentrer sur les besoins élémentaires du consommateur.
Cette orientation n’empêche pas d’offrir éventuellement des options aux clients qui
enrichissent à nouveau l’offre de base. Mais le pari que font les concurrents qui adoptent
ce choix est que la baisse des coûts engendrée sera plus importante que la baisse des prix,
assurant une profitabilité supérieure. C’est ainsi que Ryan Air s’assure une profitabilité
de 15 % environ dans le secteur aérien depuis de nombreuses années, largement supé-
rieure à celle de ses concurrents.
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40 Stratégie et Business Models
Figure 2.4 : Des profits plus importants liés à des combinaisons prix/coûts différentes.
Prix, coût
Choix de la différenciation
Coût moyen du secteur
Référence moyenne
du secteur
la domination
par les coûts
Choix de
Choix du
low-cost
Dans tous les cas, il faut noter que l’avantage concurrentiel peut provenir de la façon
dont une entreprise mène ses activités en interne ou bénéficie de relations particulières
avec des acteurs de son environnement, clients, fournisseurs ou offreurs de produits
complémentaires. Un surplus de valeur ou des coûts moindres peuvent en effet être
produits par les relations entretenues avec des partenaires (voir l’approche relationnelle
au chapitre 3). Ainsi, un des avantages durable de Free, nouvel entrant dans la télépho-
nie mobile, est l’accord d’itinérance passé avec Orange pour bénéficier du réseau installé
de cette dernière.
Un autre point à relever est ce qu’on entend par « performance supérieure à la moyenne »
du secteur. Il est évident qu’un résultat sur capital de 1 à 2 % supérieur à la moyenne ne
reflète pas un avantage clair. Même si il n’existe aucune norme en la matière, la diffé-
rence doit être significativement supérieure.
Enfin, la question de la durabilité de l’avantage concurrentiel se pose. En théorie,
pour Porter, celui-ci doit permettre de dégager des performances supérieures sur
moyenne période. En effet, il n’est pas envisageable qu’un avantage soit éternel du fait
de l’innovation des concurrents ou de l’évolution des goûts des consommateurs. Se
pose donc la question des facteurs permettant de maintenir un avantage sur moyenne
période. Globalement, on peut en distinguer deux. Soit l’entreprise rend difficilement
imitable son avantage au travers d’une combinaison unique de ressources ou de ses
activités, ou encore d’un réinvestissement permanent dans l’amélioration de ses pro-
duits et processus, d’une protection de ses innovations. Soit elle réussit à « verrouiller »
la relation de ses clients avec elle via un standard technologique ou des coûts de tran-
saction élevés.
Combiner les avantages concurrentiels
Une question importante est relative à la possibilité d’obtenir ou non une combinaison
d’avantages de types différents. Dans ses premiers travaux, Porter défend plutôt l’idée
d’une incompatibilité de ces avantages et un « enlisement dans la voie médiane » pour
les entreprises qui s’accompagnent de faibles performances. Une entreprise qui cherche-
rait à développer les deux types d’avantages courrait le risque de n’en atteindre aucun.
En effet, les moyens d’obtenir l’un et l’autre sont souvent en partie opposés. La recherche
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 41
Cible visée
Source de l’avantage Large – Le marché dans son Étroit – Un ou quelques segments
concurrentiel ensemble de marché
Caractère unique de l’offre Stratégie de différenciation Focalisation différenciatrice
Coûts Stratégie de domination par les Focalisation par les coûts
coûts
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 43
figure 2.5). Le dirigeant dispose cependant de plusieurs solutions pour être compétitif
tout en préservant une certaine légitimité et en assurant la sécurité de l’entreprise.
Une première solution consiste à légitimer ses choix stratégiques. Pour ce faire, les
stratèges doivent en permanence être capables de justifier les décisions prises, que ce
soit auprès des investisseurs grâce à la communication financière, auprès du grand
public ou des clients grâce au marketing et à la communication. Les entreprises doivent
même légitimer leurs actions stratégiques auprès des organismes de régulation
lorsqu’elles choisissent de fusionner ou d’acquérir un concurrent. Un dirigeant ayant
conscience de cette nécessité de justification permanente aura à cœur non seulement
de prendre de bonnes décisions pour la compétitivité et/ou la pérennité de son organi-
sation, mais également de mener un travail d’argumentation (sous des formes variées)
pour que ses décisions apparaissent comme légitimes et que in fine l’entité qu’il dirige
conserve ou acquière une bonne image. On parle de « projections stratégiques » pour
désigner les efforts déployés par une entreprise pour communiquer sur sa stratégie et
préserver sa légitimité (Rindova et Fombrun, 1999). Cependant, pour porter leurs
fruits, ces efforts ne peuvent se faire dans toutes les directions et doivent être orientés
vers certains publics.
Figure 2.5 : La décision stratégique : un arbitrage entre compétitivité, sécurité et légitimité
Compétitivité
Décisions
stratégiques
Sécurité Légitimité
La recherche de légitimité auprès des acteurs internes et externes a donné lieu à de nom-
breuses propositions au cours des vingt dernières années, notamment à partir du
concept de « stakeholder ». Celui-ci est traduit différemment selon les cas par « partie
prenante », « intervenant », « interlocuteur », ou encore « détenteur d’intérêt ». Les stake-
holders sont des individus ou des groupes qui peuvent affecter ou sont affectés par le fait
qu’une entreprise donnée atteigne ses objectifs (Freeman, 1984). Les employés, les
concurrents, les médias, les actionnaires ou encore les institutions financières sont donc
des parties prenantes d’une organisation. Les réflexions ont permis de prendre
conscience de la difficulté à satisfaire toutes les parties prenantes simultanément. Une
décision stratégique donnée (le lancement d’une nouvelle activité, l’acquisition d’un
concurrent ou encore la cession d’une filiale) peut améliorer la légitimité d’une entre-
prise auprès des actionnaires et la diminuer auprès des salariés, ou inversement. Les
choix stratégiques doivent donc être soigneusement pesés en considérant leurs consé-
quences sur la légitimité de l’entreprise pour les parties prenantes jugées les plus
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importantes par le dirigeant. Plusieurs outils et méthodes de diagnostic ont été proposés
au cours des dernières années pour identifier les parties prenantes auxquelles il convient
d’accorder la plus grande attention. Le tableau 2.4 présente le modèle de Mendelow
(1991, cité par Scholes, 1998), devenu aujourd’hui une référence.
Tableau 2.4 : L’évaluation de l’importance des parties prenantes
(d’après Mendelow, 1991)
Cette matrice permet de positionner chacune des parties prenantes selon deux critères :
d’une part, sa capacité à influencer la réalisation des objectifs de l’organisation concer-
née, d’autre part, son niveau d’intérêt pour l’organisation. Les parties prenantes auprès
desquelles il faut être le plus légitime sont celles qui disposent d’un pouvoir important
sur l’organisation et qui en même temps y portent beaucoup d’attention. Elles sont
appelées « joueurs clés ». Les projections stratégiques doivent avant tout cibler ces joueurs
clés, qu’ils soient internes ou externes, car ce sont eux qui permettent d’assurer la com-
pétitivité et la stabilité de l’organisation à travers leur implication, que ce soit en tant que
salarié, financeur ou principal client.
Pour autant, les projections stratégiques vers les joueurs clés ne suffisent pas à assurer
simultanément, et de manière systématique, les trois buts fondamentaux énoncés précé-
demment. Les joueurs clés comprennent en effet différents types d’acteurs ayant des
attentes divergentes. Les dirigeants sont alors contraints le plus souvent d’alterner dans
la durée les décisions favorisant la compétitivité, la légitimité auprès de certains acteurs
et la sécurité. Ainsi, des décisions de restructuration et de réduction des coûts, qui visent
généralement avant tout l’efficience, apparaissent souvent légitimes pour les action-
naires et les investisseurs potentiels, mais elles le sont moins pour les salariés et le grand
public. Les entreprises ont donc parfois recours, quelques mois après de telles décisions,
à des annonces de campagne de recrutement ou de création d’association ou de fonda-
tion ayant une utilité publique. De même, des périodes de croissance externe (par
fusions et acquisitions), dont le but affiché est la plupart du temps la compétitivité, sont
souvent suivies de périodes de consolidation ayant pour objectif d’assurer la sécurité de
l’entreprise.
Les dirigeants disposent tout de même de moyens pour éviter l’alternance entre compé-
titivité, légitimité et sécurité. Ils peuvent notamment retenir des choix stratégiques qui
contribuent à atteindre plusieurs buts fondamentaux simultanément. Les stratégies de
développement durable sont souvent de ce type. Elles sont bien perçues par la plupart
des parties prenantes et augmentent ainsi la légitimité de l’organisation. Dans le même
temps, elles peuvent parfois permettre de réduire les coûts et d’accroître ainsi la compé-
titivité de l’entité concernée. Les pratiques de lobbying, qui consistent à essayer d’in-
fluencer des organes de régulation pour obtenir des lois ou des réglementations
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 45
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46 Stratégie et Business Models
• Les processus internes : les mesures vont s’attacher ici à mesurer la façon dont l’entre-
prise mène ses principaux processus en interne pour servir ses clients : qualité, pro-
ductivité, taux de service, délais de livraison, taux d’utilisation des équipements, time
to market, ratio de frais généraux rapporté au chiffre d’affaires.
• Les clients : les mesures visent ici à appréhender la satisfaction des clients ou des
groupes de clients si l’entreprise identifie des groupes aux besoins différents. Elles
peuvent donc se référer à un taux de satisfaction, une notoriété spontanée, la fidélité,
des parts de marché, un nombre de clients servis, un taux de renouvellement.
• La finance : si celle-ci n’est pas l’unique approche de la BSC, elle reste un élément
important qui se décline à travers des indicateurs comme l’EBE, l’EVA, le ROI, les
marges, le BFR, le chiffre d’affaires, les fonds propres. Cette perspective adopte le
point de vue de l’actionnaire.
• L’apprentissage organisationnel : ces mesures reflètent essentiellement les variables
liées à la gestion des ressources humaines. Elles comprennent par exemple les investis-
sements en formation, l’efficacité des systèmes d’information, la motivation des sala-
riés, le nombre de participants à des ateliers d’amélioration continue, le développement
des compétences. Ce sont les facteurs qui assurent pour l’essentiel la capacité d’adap-
tation future de l’entreprise aux évolutions de son environnement.
Figure 2.6 : Les quatre perspectives du BSC.
Finance
Apprentissage
Le terme de « balanced » est crucial dans le BSC, car il reflète la recherche d’un équilibre
entre plusieurs oppositions classiques en gestion :
• prise en compte d’éléments financiers et non financiers ;
• appréhension du court terme (les objectifs derrière chaque indicateur qui amènent à
des actions correctrices) et du plus long terme (les objectifs majeurs de chaque per-
spective) ;
• prise en compte à la fois des inputs (humains et matériels), des processus internes qui
transforment ces inputs, et des outputs ;
• prise en compte des parties prenantes internes (les salariés) et externes (les clients, les
actionnaires) ;
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Chapitre 2 Le pilotage de la stratégie 47
• vision correctrice tournée vers le passé et en même temps, outil tourné vers l’atteinte
d’objectifs futurs ;
• alignement des activités opérationnelles tournées vers le client et des fonctions
support.
En termes de démarche, le BSC nécessite d’abord d’établir une stratégie explicite et de
recenser les principaux objectifs que se fixe une direction (rentabilité, croissance, qua-
lité, gain de part de marché, baisse des coûts, accroissement de la capacité à innover…)
Il s’agit ensuite d’établir les KPI (Key Performance Indicators) qui permettront de
suivre effectivement la mise en œuvre de cette stratégie et d’analyser les dérives. Ces
indicateurs sont issus d’une carte stratégique qui établit les relations de cause à effet
entre les déterminants de la performance et les mesures choisies (voir figure 2.7). Ces
indicateurs doivent être sélectionnés avec soin, car ils déterminent au final l’intérêt du
BSC. Pour Kaplan et Norton, ces indicateurs ne doivent pas être très nombreux, mais
choisis pour leur caractère critique et synthétique. Chaque organisation devra adapter
l’outil à son activité et à sa stratégie en adoptant les mesures les plus significatives, à la
fois comptables et financières, et opérationnelles. Ces KPI peuvent être issus de la
direction générale mais sont définis la plupart du temps dans une démarche plus inte-
ractive avec les responsables de fonctions ou d’activités. Ils peuvent également se décli-
ner dans différentes sous-unités d’un organigramme comme des directions régionales
ou pôles d’activité. Enfin, comme tout système de mesure, le BSC doit faire intervenir
des informations synthétiques qui ne sont ni trop coûteuses, ni trop nombreuses, ni
trop longues à collecter et pour lesquelles les responsabilités sont clairement définies
dans l’organisation.
Figure 2.7 : Un exemple de carte stratégique.
Accroître l’utilisation
Facteurs liés à du parc machines en Former les salariés Engager une démarche
l’apprentissage modifiant l’organisation au Kanban et au TQM ISO 14000
du travail
Finalement, cet outil connaît un succès important du fait de sa grande plasticité, adap-
table à des contextes très variés. Les administrations ou les organisations à but non
lucratif pourront par exemple limiter le nombre de perspectives ou les modifier, pour
tenir compte d’aspects sociétaux et d’objectifs non financiers. Le BSC n’est cependant
pas un outil magique. Il ne rend pas performante une organisation qui pâtit d’un
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Applications
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La marque Louis Vuitton pèse à elle seule entre 6,5 et 7 milliards d’euros, ce qui repré-
sente la majorité des ventes de la division mode et maroquinerie, qui réalisait elle-même
8,7 milliards de chiffre d’affaires et plus du quart du chiffre d’affaires du groupe, soit
23,7 milliards en 2011 (JDT n°2152, 8 janvier 2013).
Questions
1. Comment peut-on opérer une segmentation stratégique du groupe LVMH sur la
base des éléments fournis dans l’énoncé ?
2. Quelle segmentation stratégique le groupe LVMH peut-il opérer s’il souhaite limiter
le nombre de DAS (par exemple 6 DAS ou moins) ?
3. Quels sont les avantages et les inconvénients pour l’entreprise d’une telle segmenta-
tion stratégique ?
4. Quelle segmentation stratégique plus fine, comportant plus de DAS, peut-on proposer ?
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sachets ou pots. Ces produits sont utilisés dans tous les secteurs nécessitant des analyses :
laboratoires d’analyse médicale, laboratoires pharmaceutiques, industrie agroalimentaire,
secteur de l’environnement, hôpitaux. Tous ces produits à prix unitaire assez faible sont en
matière plastique et fabriqués à l’aide de différentes matières premières selon les besoins et
les conditions d’utilisation du produit. Ces matières premières sont ensuite injectées dans
des presses, dans lesquelles des moules permettent de sortir les produits en grande série.
Moulex est une entreprise familiale, dirigée par un des fils du fondateur et dont le comité
de direction regroupe le responsable de la production, le DAF, le directeur technique et le
responsable commercial (voir organigramme en annexe). Elle emploie environ 200 sala-
riés répartis dans différentes fonctions comme suit : production (120), commercial et
marketing (25), administratif et financier (25), qualité (5), technique (20). Ces différentes
fonctions doivent se coordonner pour offrir aux clients des produits de haute qualité, n’al-
térant pas les analyses qu’ils effectueront. L’entreprise a ainsi plusieurs certifications à son
actif, certaines exigées par ses clients. Elle vise également à innover en permanence en
améliorant la conception des produits et leurs fonctionnalités, et afin d’offrir les gammes
de produits les plus larges possible. Il faut néanmoins qu’elle veille à assurer une forte pro-
ductivité de son parc de presses, car les marges unitaires des produits sont faibles et la
concurrence de pays à bas coûts reste une menace. L’entreprise a développé des services de
personnalisation de ses produits pour se démarquer en partie de la concurrence (mar-
quage laser des lots produits, incorporation de réactifs). Elle fabrique également des
produits co-développés avec des clients aux besoins spécifiques ou nouveaux.
L’entreprise compte environ 4 000 références à son catalogue pour un nombre de pro-
duits total de 200. Parmi ces références, on tient compte en effet de la couleur du pro-
duit, du fait qu’il soit ou non irradié, de la forme, de la taille, ou encore de la présence de
réactifs incorporés. Pour un même produit, il peut donc y avoir plusieurs dizaines de
références. L’outil de production est composé d’une trentaine de presses sur lesquelles
travaillent les opérateurs en 3 x 8. Elles sont de tailles différentes, ce qui influe sur la
pression qu’elles peuvent exercer et la taille des moules qu’elles peuvent recevoir. Sur
chaque presse, tout changement de production entraîne un changement de moule qui
peut prendre une journée (notamment pour les réglages dus aux nouveaux moules),
mais en général quelques heures seulement suffisent. Les moules doivent être nettoyés
par le service maintenance pour pouvoir être réutilisés dans de bonnes conditions. Les
produits sont ensuite stockés et prêts à partir. Une société extérieure se charge des livrai-
sons. C’est le service logistique qui se coordonne avec l’administration des ventes pour
préparer les commandes à destination de la France ou de l’étranger.
Les moules des presses sont relativement onéreux, selon leur taille, la qualité des alliages
qui les composent et le fournisseur auquel on s’adresse. Pour obtenir un nouveau moule,
il faut un délai compris entre 3 et 6 mois auprès des fournisseurs français et étrangers.
Pendant ce délai, les premières commandes pour le nouveau produit sont engrangées
par les commerciaux auprès des clients. Dès l’arrivée du nouveau moule dans l’entre-
prise, il y a donc toujours beaucoup d’ordres de fabrication à honorer, ce qui précipite
souvent la mise en production. Régulièrement, le lancement de nouveaux produits
bouscule donc les productions en cours, car les moules ne sont pas adaptables sur n’im-
porte quelle presse.
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forte. Trois ou quatre nouveaux produits sont ainsi conçus et lancés chaque année par le
service de R&D, ainsi que de nombreuses références déclinant des produits existant
dans des formes ou des contenances variées. Ces dernières années, le développement de
l’international est devenu un axe stratégique qui représente de réelles opportunités de
croissance. Des pays comme la Pologne sont par exemple de nouveaux marchés pour
l’entreprise. L’activité internationale requiert cependant des produits et des condition-
nements variés et des niveaux de production plus importants. En effet, les normes sont
différentes d’un pays à l’autre. Les modes de conditionnement peuvent également varier.
L’entreprise connaît depuis plusieurs années une croissance régulière de son chiffre d’af-
faires, mais le dirigeant de Moulex vous fait part de son inquiétude, car la rentabilité de
l’entreprise est plutôt à la baisse. Le ROI est passé en quelques années de 8 % à 5 % et
cette dégradation ne semble pas s’arrêter.
Annexe
Figure 2.8 : Organigramme de l’entreprise
PDG
Directeur Responsable
Assurance Directeur de Directeur
marketing financier et
qualité la production technique
et ventes administratif
Gestion
Logistique / Maintenance Paie /
administrative
expédition des machines comptabilité
des ventes
Facturation / Entretien de
Sérigraphie standard / l’outillage Juridique
réclamations et des locaux
Délégués
Ateliers presses R&D Achats
commerciaux
Atelier de
conditionnement
Questions
1. En vous appuyant sur vos connaissances du Balanced Scorecard, vous établirez la
carte stratégique de Moulex SA.
2. Pour les différents éléments de cette carte, vous proposerez des KPI qui permettent
de piloter la performance de l’entreprise.
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Éléments de solution
La segmentation du groupe LVMH
1. Pour opérer une segmentation stratégique à partir des éléments présentés, il est
nécessaire de regrouper les différentes marques du groupe LVMH en fonction des
critères de segmentation traditionnels (besoin satisfait, technologie, client servi).
Ainsi, Dom Perignon (qui produit du champagne) et Hennessy (qui produit du
cognac) relèvent du même domaine d’activité stratégique. Ces marques exploitent
en effet le même type de technologie (pour produire des vins), remplissent la même
catégorie de besoin (la satisfaction du goût et le prestige à la fois) et visent le même
type de client (des individus à fort pouvoir d’achat). Sur la base des trois critères de
segmentation, il est possible de regrouper les marques en plusieurs DAS.
2. Plusieurs regroupements des marques de LVMH sont possibles. Le plus cohérent vis-
à-vis des critères de segmentation est cependant celui retenu par la firme elle-même.
LVMH opère à travers cinq DAS principaux (LVMH parle de « groupes d’activités »)
et un DAS « autres activités » regroupant en fait tout ce qui est lié aux médias et ser-
vices aux entreprises :
– Vins et spiritueux
– Mode et maroquinerie
– Parfums et cosmétiques
– Montres et joaillerie
– Distribution sélective
– Autres activités
Le dernier DAS, « autres activités », relevait plutôt au départ des médias, mais il
est progressivement réorienté vers le même métier que les autres DAS du groupe
LVMH : le luxe.
Concernant les cinq DAS relatifs au métier de base de LVMH, le groupe a choisi de
répartir ses marques (seules les principales marques sont reprises ici) de la manière
illustré dans le tableau 2.6.
Tableau 2.6 : Répartition des marques selon les DAS
VINS ET SPIRITUEUX
Moet & Chandon Newton
Dom Perignon Domaine Chandon California
Veuve Cliquot Bodegas Chandon
Krug Domaine Chandon Australia
Mercier Cloudy Bay
Ruinart
Cape Mentelle
Château d’Yquem
Newton
Hennessy
Belvedere Terrazas de los Andes
Chopin Cheval des Andes
Ardberg 10 cane
Glenmorangie company Wenjun
Estates and Wines Numanthia
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DISTRIBUTION SÉLECTIVE
DFS group Le Bon Marché
Miami Cruiseline Services Samaritaine
Sephora Franck & Fils
Sephora.com La Grande épicerie
Les ventes dans les principales activités se répartissent en 2012 comme indiqué dans
le tableau ci-dessous.
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Le sixième DAS, « autres activités », comprend le Groupe les Echos qui réunit de
nombreuses marques dans les domaines des médias et services aux entreprises
(Les Echos, Investir, Capital Finance, Connaissances des Arts, Eurostaf, le Salon
des Entrepreneurs…) mais également Royal Van Lent (construction de super-
yachts), Cheval Blanc (hôtellerie Ultra Luxe), Le Jardin d’Acclimatation ou encore la
Samaritaine.
3. La segmentation opérée par LVMH pour structurer ses activités et penser sa stra-
tégie n’est qu’un exemple de segmentation possible compte tenu des activités du
groupe. Elle présente certains avantages et certains inconvénients. Le premier
avantage d’une telle segmentation est qu’elle permet une organisation du groupe
autour de pôles d’une certaine taille (puisque seuls cinq grands DAS sont iden-
tifiés). Une segmentation plus fine limiterait probablement les effets de synergie
entre marques en multipliant les DAS, et donc les responsables en charge d’activi-
tés. Un second avantage est que des DAS relativement larges permettent de situer
la plupart des marques dans un seul DAS, simplifiant ainsi la gestion de celles-ci
sans limiter pour autant les opportunités de croissance et de développement. Le
principal inconvénient d’une telle segmentation découle cependant de ce dernier
avantage. La volonté de s’appuyer d’abord sur les marques (c’est l’une des valeurs
de LVMH) conduit le groupe à constituer les DAS autour des marques avant tout,
au détriment parfois des technologies employées. Ainsi, la marque Louis Vuitton
relève du DAS « mode et maroquinerie » alors que l’entreprise produit et vend éga-
lement des montres et de la joaillerie. Ces activités n’ont pas été placées dans le DAS
« montres et joaillerie ». Les marques Givenchy et Dior ont en revanche été « scin-
dées » pour être, selon les types de produits, positionnées dans les DAS « mode et
articles en cuir », « montres et joaillerie » ou encore « parfums et cosmétiques ». Il
est probable que les ventes de montres et de joaillerie de la marque Louis Vuitton
ne représentent pas une activité suffisante en volume ni suffisamment indépen-
dante (en termes d’image) des produits de mode et de maroquinerie qui ont fait le
succès de la marque Louis Vuitton. On voit donc à travers cet exercice consacré à la
segmentation de LVMH qu’il n’existe pas de segmentation parfaite mais plutôt une
bonne ou une mauvaise segmentation en fonction de la stratégie et des valeurs de
l’entreprise. Ici, le groupe LVMH s’est d’abord appuyé sur ses marques pour opérer
sa segmentation stratégique.
4. LVMH aurait pu retenir dès le départ deux métiers : le luxe d’une part (représen-
tant la quasi-totalité des activités du groupe), et les médias d’autre part. Dans les
faits, c’est effectivement sur ces deux métiers que le groupe est présent. Cependant,
deux facteurs peuvent le pousser à ne présenter que le luxe comme métier. D’une
part, les activités liées aux médias et services aux entreprises sont marginales en
volume en comparaison des activités relevant du luxe. D’autre part, il est souvent
préférable pour une entreprise, notamment cotée, d’afficher une certaine cohérence
dans les activités. Si l’on souhaite être encore plus fin sur l’identification des métiers
de l’entreprise, la distribution sélective peut apparaître comme un troisième métier
puisque Sephora par exemple pourrait ne pas être considérée comme une chaîne de
distribution relevant du « luxe ».
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Améliorer
la rentabilité
Accroître
Facteurs liés aux Optimiser la gestion Accroître la qualité
la productivité du
processus internes parc machines
des stocks des produits
2. Comme pour le premier point, il n’y a évidemment pas de solution unique pour la
recherche de KPI sur chacun des facteurs de performance identifiés. À titre d’illus-
tration, nous fournissons une liste dans le tableau 2.8.
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Après avoir établi ce tableau de bord, il reste à la direction à se fixer des objectifs
cibles sur chaque indicateur en vue d’améliorer son fonctionnement et in fine, sa
rentabilité. Pour rappel, chaque objectif s’accompagne d’un plan d’action devant
permettre de l’atteindre ou de corriger des dérapages.
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Chapitre 3
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 63
concurrents ou, en tout cas, meilleure que la moyenne du secteur. Les forces représen-
tent les compétences distinctives de l’entreprise. Une force de vente efficace et impor-
tante ou une organisation orientée client représentent des atouts dans certains secteurs.
• Les faiblesses, contrairement aux forces, sont les facteurs internes sur lesquels l’entre-
prise est moins performante que la moyenne du secteur. Un mauvais réseau de distri-
bution ou un endettement important sont autant de limites à la performance de
l’entreprise.
Les forces et les faiblesses concernent toutes les caractéristiques internes de l’entre-
prise : la dimension commerciale (produits, distribution, publicité…), la dimension
financière (endettement, trésorerie, soutien des actionnaires à la direction…), la dimen-
sion technologique (potentiel d’innovation, coûts de production, détention de bre-
vets…) et la dimension organisationnelle (qualité du management et de la main-d’œuvre,
système de contrôle, flexibilité de la structure…) Par exemple, on peut penser que la
principale force du groupe Disney est de savoir s’appuyer sur quelques personnages pour
générer des revenus dans de nombreuses activités distinctes (dessins animés, jouets,
jeux vidéo, livres…) Sa principale faiblesse au cours des dernières années a été son
manque de créativité et son incapacité à se renouveler face aux nouveaux types de des-
sins animés proposés par Pixar (Toy Story, Monsters Inc., etc.) et Dreamworks (Shrek).
Disney a pris conscience de cette faiblesse et a racheté Pixar pour la combler.
Le caractère très générique des catégories du modèle SWOT a permis à cet outil de s’im-
poser rapidement, et de nombreuses améliorations ont été apportées au modèle au cours
des années. Par exemple, il a été proposé que la synthèse de l’analyse externe (la ren-
contre des forces et des menaces) permette d’identifier les facteurs clés de succès du
secteur, tandis que la synthèse du diagnostic interne (la rencontre des forces et des fai-
blesses) permet d’évaluer le degré de maîtrise de ces facteurs clés de succès par l’entre-
prise concernée. Cependant, l’identification des facteurs clés de succès de l’industrie ne
s’opère pas directement avec une grille opportunités/menaces. Les facteurs clés de suc-
cès ne représentent en effet ni des opportunités ni des menaces mais plutôt des facteurs
stratégiques qu’il convient de détenir pour être performant dans le secteur concerné.
Ainsi, disposer d’un avantage en termes de coûts de production est un vrai atout sur le
marché de la chimie de base (c’est un facteur clé de succès), mais il ne s’agit pas d’une
opportunité ou d’une menace de l’environnement. En revanche, le fait que sur ce mar-
ché les clients aient une préférence pour les produits à prix faible est une opportunité
pour une entreprise qui dispose d’un avantage de coûts. Le passage de la grille d’analyse
SWOT à une grille du type facteurs clés de succès de l’industrie/facteurs clés de succès
maîtrisés nécessite donc une petite gymnastique.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 65
En 1997, deux chercheurs anglais, Hill et Westbrook, publiaient une étude sur l’utilisation du
SWOT dans les entreprises anglaises. Leur échantillon comprenait vingt entreprises manufactu-
rières qui avaient utilisé cet outil à 37 reprises pour analyser leur situation. Leurs résultats met-
tent en lumière les faiblesses potentielles et avérées de cet outil. Mais celles-ci tiennent autant
à des dimensions intrinsèques du SWOT qu’à la façon dont les managers tendent à l’utiliser. Les
faiblesses relevées dans cette étude concernent plusieurs points et permettent d’attirer l’atten-
tion sur ce que serait une analyse SWOT raisonnée :
• Les termes utilisés pour décrire les facteurs sont généralement vagues et standard.
• Aucune vérification empirique n’est menée sur les éléments qui entrent dans l’analyse.
• L’analyse reste essentiellement qualitative et ne fait pas intervenir de données chiffrées.
• Les facteurs relevés s’appliquent indifféremment à tous les produits, fonctions, et marchés.
• Un très grand nombre de facteurs sont relevés par les managers. 4 SWOT sur 37 contiennent par
exemple plus de 70 facteurs, ce qui laisse présager une impossibilité à synthétiser l’ensemble.
• Les managers relèvent plus fréquemment les opportunités que les menaces et mettent en
avant plus volontiers les faiblesses de leur entreprise que ses forces.
• Aucune hiérarchie n’est faite entre les facteurs, tous les facteurs ayant le même poids.
• Aucune analyse complémentaire n’est menée lorsque des facteurs listés dans plusieurs ca-
tégories apparaissent.
• Une certaine incertitude prévaut pour des facteurs donnés quant à leur caractère interne
ou externe.
• Dans la plupart des cas, une fois réalisé, le SWOT n’est plus utilisé.
Hill et Westbrook concluaient qu’à l’évidence, le SWOT souffre d’un manque de rigueur et n’a
que peu d’utilité pour le processus stratégique dans les cas étudiés, car l’outil est générale-
ment déconnecté des phases ultérieures de mise en œuvre. Loin de déclencher des débats sur
les facteurs et leur analyse, leur résultat montre que cet outil est utilisé au mieux comme une
description synthétique de l’entreprise et ne produit pas une analyse stratégique approfondie,
au pire comme un rituel symbolique auquel se soumettent les managers. Reste que l’étude de
Hill et Westbrook tend plutôt à souligner l’incapacité des managers à tirer le meilleur profit du
SWOT que les faiblesses de l’outil en tant que tel.
Une des façons simples d’améliorer l’utilisation du SWOT consiste par exemple à mener une
analyse au niveau corporate et de chaque DAS, afin de ne pas agglomérer des facteurs par
trop hétérogènes entre activités. Une autre façon serait d’animer des réunions successives
où différentes fonctions sont représentées, en limitant a priori le nombre de facteurs finaux.
L’identification d’une problématique stratégique pour l’organisation, à partir des éléments du
SWOT, permet également de déployer l’outil avec plus de pertinence.
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66 Stratégie et Business Models
Enfin, on peut toujours s’interroger sur l’intérêt d’un outil de gestion dans une organisa-
tion. Sa vocation est-elle de produire des réponses à des questions – sous-entendu
des réponses justes – ou d’aider à poser les questions et à canaliser au moins partiellement
les réflexions ? Dans le second cas, le SWOT reste un outil utile à la démarche stratégique.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 67
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68 Stratégie et Business Models
Figure 3.1 : Les forces concurrentielles au sein d’un secteur d’après Porter (1980).
Nouveaux
entrants potentiels
Menaces
des entrants
potentiels
Pouvoir de
négociation
des clients
Fournisseurs Rivalité entre Clients
Pouvoir de concurrents
négociation
des fournisseurs Menaces
des produits
ou services
substituables
Produits
de substitution
L’idée majeure derrière ce concept est que chaque force est susceptible d’accroître les
coûts de production d’un bien ou d’un service, ou d’en baisser le prix et donc in fine
d’influencer la rentabilité des entreprises. Plus une force sera « puissante », plus elle
accroîtra les coûts et/ou baissera les prix dans le secteur pour la majorité des entreprises,
entraînant une baisse de la rentabilité moyenne.
Les cinq forces du modèle de Porter sont les suivantes :
1. Larivalité entre les concurrents du secteur.
2. Le pouvoir de négociation des clients et des distributeurs.
3. Le pouvoir de négociation des fournisseurs.
4. La menace des entrants potentiels.
5. La menace des produits ou des services de substitution.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 69
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70 Stratégie et Business Models
prix en mettant en concurrence les entreprises du secteur. Ils pourront également exiger
des entreprises fournisseurs qu’elles engagent des coûts supplémentaires. Un distribu-
teur de taille importante pourra par exemple exiger de ses fournisseurs à la fois des
conditions tarifaires avantageuses et que ce fournisseur participe à l’effort commercial
du distributeur.
Tout comme pour les fournisseurs, les coûts de changement supportés par les clients
jouent un rôle important dans leur pouvoir de négociation. Si ces coûts sont faibles,
ils pourront changer facilement de fournisseur. Les entreprises d’un secteur ont donc
intérêt à multiplier ces coûts pour limiter le départ de leurs clients. Mettre en place des
programmes de fidélisation (dans le commerce), demander un engagement contrac-
tuel sous peine de pénalité (dans la téléphonie), limiter la compatibilité de ses pro-
duits avec ceux de ses concurrents (dans les machines à café), enregistrer une fois
pour toutes les informations clients (dans le commerce sur Internet) sont des exemples
de mesures accroissant les coûts de changement. Le pouvoir de négociation des clients
se réfère donc au final à la capacité des entreprises d’un secteur à capturer la valeur
qu’elles génèrent. Des PME agroalimentaires peuvent par exemple innover régulière-
ment en termes de produits et voir capter cette valeur de l’innovation par leurs clients
distributeurs.
Les produits de substitution
Au-delà de ces trois forces issues d’une logique de filière, Porter identifie deux autres
forces de la concurrence susceptibles de compromettre la rentabilité des firmes d’un
secteur : les produits de substitution et les entrants potentiels. Les produits et services
de substitution comprennent les offres produites sur la base de technologies diffé-
rentes de celles qui sont employées dans l’activité étudiée, mais remplissant des
besoins proches ou similaires. Les biscottes, mais aussi les céréales pour le petit déjeu-
ner sont des produits de substitution du pain, par exemple. L’appareil photo numé-
rique a ainsi été un produit de substitution des appareils photographiques fondés sur
l’argentique. Le téléchargement illégal de musique ou de vidéo se substitue à l’achat de
biens culturels.
En général, les produits de substitution apparaissent lorsque le secteur est mature. L’in-
troduction des produits de substitution dans l’analyse concurrentielle est un apport
important de l’outil présenté ici. En effet, bien souvent, les concurrents sont envisagés
comme les entreprises qui produisent les mêmes produits. Or, ce sont bien souvent les
produits de substitution (concurrence indirecte) qui remettent en cause des secteurs
d’activité complets plutôt que la concurrence directe entre entreprises. Les cinq forces
appellent donc à la vigilance dans l’analyse de la concurrence. Les entreprises d’un sec-
teur doivent ainsi s’interroger en permanence sur le rapport prix/performance des
offres substituables et sur la fidélité de leurs clients. Si des substituts présentent un
meilleur rapport prix/performance, ils capteront tout ou partie des clients des entre-
prises d’un secteur. Il peut être intéressant de s’interroger alors sur les différents seg-
ments de clients du marché pour comprendre comment chacun d’eux peut être menacé
de façon différenciée par les substituts.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 71
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72 Stratégie et Business Models
Au final, les cinq forces repérées par Porter permettent d’anticiper leur influence méca-
nique sur la rentabilité moyenne d’un secteur (voir tableau 3.2). Cependant, si toutes ces
forces sont présentes dans la plupart des secteurs, leur configuration et leur contenu
empirique varieront d’un secteur à un autre. C’est à l’analyste de comprendre le plus
finement possible la configuration présente dans chaque secteur.
Tableau 3.2. L’influence des forces sur la rentabilité des entreprises d’un secteur
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 73
Pour évaluer concrètement les forces concurrentielles et comparer des secteurs diffé-
rents, il est possible de représenter les 5(+1) forces de la concurrence à l’aide d’un hexa-
gone. Pour chaque force, le niveau de concurrence pour l’entreprise analysée est évalué.
Par exemple, 0 représente un niveau de concurrence faible (un pouvoir de négociation
des fournisseurs évalué à 0 désigne des fournisseurs très peu puissants, incapables d’im-
poser leurs conditions), tandis que 5 est le niveau de concurrence le plus élevé (une
intensité concurrentielle évaluée à 5 désigne donc un secteur concentré composé de
concurrents très puissants). Rappelons que, puisque l’État n’est pas une force ou une
concurrence en tant que telle, l’axe « influence de l’État » représente plutôt le rôle joué
par l’État et les organismes de régulation dans le secteur : 0 marque un État qui ne prend
aucune mesure réduisant les profits dans le secteur, et 5 révèle un État qui limite les
profits par des réglementations ou des taxes diverses. Le fait de relier entre eux les diffé-
rents axes représentant les forces concurrentielles permet d’obtenir l’hexagone sectoriel
(Johnson et al., 2005). Plus la surface de cet hexagone est grande, plus les forces concur-
rentielles dans le secteur sont importantes, et moins une firme est susceptible d’y faire
des profits importants. À l’inverse, une faible surface de l’hexagone sectoriel indique un
secteur attractif pour les entreprises dans lequel la rentabilité moyenne sera élevée.
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74 Stratégie et Business Models
investir dans d’autres activités, à la structure plus favorable, d’envisager une sortie d’acti-
vité ou de chercher un positionnement unique leur permettant de conserver une rentabi-
lité acceptable. Pour Porter, la structure d’un secteur est en effet assez stable dans le
temps. Elle évolue, certes, mais lentement. C’est pourquoi un secteur peu attractif risque
de l’être pour de nombreuses années. Au-delà d’une analyse à un moment donné, une
analyse des cinq forces menée sérieusement doit faire également entrevoir ce que va deve-
nir un secteur dans les années à venir si l’évolution de chaque force est bien comprise.
Les groupes stratégiques
Le groupe stratégique est une unité d’analyse qui permet d’approfondir la compréhen-
sion de la dynamique concurrentielle au sein d’un secteur d’activité. Le but de cette
analyse est de regrouper les entreprises d’un secteur en fonction de dimensions majeures
comme la largeur de gamme, le degré d’intégration verticale, l’intensité des efforts en
R&D ou des efforts marketing afin d’en faire émerger des groupes au sein desquels les
entreprises suivent des stratégies similaires ou partagent des caractéristiques communes
(Porter, 1979). Ce concept est ancien en stratégie, puisqu’il était proposé par Hunt dès
1972 et illustré dans sa thèse par le cas de l’industrie américaine de l’électro-ménager,
avant d’être popularisé et approfondi par Porter dans ses ouvrages à succès. Il permet
d’affiner l’analyse d’un secteur en fournissant une topographie – ou une carte straté-
gique – des groupes d’entreprises en concurrence. Généralement, on repère moins de
dix groupes dans chaque secteur, correspondant chacun à un positionnement viable
dans l’environnement.
En termes de performance, la littérature stratégique n’a pas trouvé de relation stable
entre l’appartenance à un groupe et la performance individuelle. Une entreprise peut
donc présenter de bonnes ou de mauvaises performances, quel que soit le groupe auquel
elle appartient. En effet, la façon dont une entreprise choisit d’être compétitive dans un
secteur ne prédit pas ses performances effectives. En conséquence, de nombreuses
études n’ont pas trouvé de différences de performance moyenne entre groupes du fait de
l’amplitude des performances intra-groupe.
L’intérêt premier de l’analyse des groupes stratégiques est d’insister sur les différents
niveaux de la concurrence, celle-ci se jouant à l’intérieur de chaque groupe, mais éga-
lement entre groupes. Par exemple, le secteur pharmaceutique peut s’analyser à travers
trois groupes : les « génériqueurs », les grands laboratoires et les entreprises de biotech-
nologies, entre lesquels et au sein desquels existe une rivalité concurrentielle partielle.
Elle permet également de souligner que les entreprises d’un secteur ne sont pas toutes en
concurrence les unes avec les autres avec la même intensité. Théoriquement, la concur-
rence apparaît plus forte entre entreprises ayant fait les mêmes choix stratégiques
qu’entre des entreprises ayant fait des choix très différenciés. Au sein d’un groupe, elles
ont en effet adopté un positionnement proche. Pour survivre et se développer, les entre-
prises d’un même groupe visent donc l’acquisition des mêmes ressources – au premier
chef, les clients. Néanmoins, un groupe peut avoir une structure oligopolistique ou être
constitué d’entreprises présentant une concurrence multipoints sur d’autres activités, ce
qui peut atténuer l’intensité concurrentielle au sein de ce groupe.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 75
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76 Stratégie et Business Models
L’analyse des groupes stratégiques débouche sur une représentation qui positionne les
groupes selon deux dimensions (ou plus), chaque groupe ayant une taille proportionnelle au
chiffre d’affaires des entreprises qui le composent (voir figure 3.2). Le point délicat d’une ana-
lyse par les groupes stratégiques concerne les dimensions et les techniques qui permettent
de repérer ces groupes. Il faut en effet que l’analyste trouve des critères qui permettent de
discriminer autant que possible l’ensemble des entreprises d’un secteur. Ces critères doivent
donc être à la fois significatifs pour créer une variance importante dans la distribution des
entreprises du secteur, et indépendants entre eux. Les critères de taille et de chiffre d’affaires
étant généralement très fortement corrélés ne seront par exemple pas retenus ensemble. La
littérature a proposé au cours du temps de nombreux critères qui permettent de distinguer
les choix effectués par les entreprises (McGee et Thomas, 1986) : les cibles visées – restreintes
ou larges –, les stratégies génériques suivies, la présence mondiale ou locale, la taille, le degré
d’intégration verticale, la technologie et les dépenses de R&D, le nombre de segments de
marché couverts ou encore l’effort marketing consenti. La difficulté principale de ce type
d’analyse est de trouver les critères qui répondent aux deux conditions énoncées et pour les-
quels une information suffisante existe, permettant de positionner les différentes entreprises.
En termes de techniques, le repérage des positionnements concurrentiels peut se faire de
façon intuitive lorsque l’analyste a une bonne connaissance du secteur. Cette connaissance
lui permet alors de repérer les deux ou trois facteurs principaux qui permettent de topogra-
phier le secteur. La représentation des positionnements peut également résulter d’une ana-
lyse statistique du type analyse en composantes principales ou analyse factorielle des cor-
respondances. Elle requiert dans ce cas une collecte importante de données quantitatives et
qualitatives sur les acteurs majeurs du secteur afin de représenter la proximité entre concur-
rents. Dans ce cas, les axes sont constitués non pas d’un seul facteur mais d’une variable
agrégeant l’information de différents facteurs. Un groupe rassemblera alors les entreprises
aux caractéristiques les plus proches (minimisation de la variance entre elles) et maximisera
la distance avec les autres groupes.
Élevé
Groupe 1
Facteur 2
Groupe 2
Groupe 3
Groupe 4
Faible
L’analyse par les groupes stratégiques est donc au final un outil de diagnostic intéressant
pour contraster et comparer les firmes aux stratégies similaires et différentes. Elle montre
qu’une structure de secteur est relativement stable dans le temps du fait des barrières à
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 77
Infrastructure
• Activités principales :
– Logistique interne : réception, stockage, manutention…
– Production : processus de transformation, planification des moyens de production,
ordonnancement, emballage…
– Logistique externe : collecte, stockage et distribution physique des produits aux
clients…
– Commercialisation et vente : marketing, force de vente, publicité…
– Services : fourniture de services visant à accroître la valeur du produit (installation,
formation, SAV…)
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78 Stratégie et Business Models
• Activités de soutien :
– Approvisionnements : achats des actifs, des matières premières et des produits
intermédiaires…
– Développement technologique : recherche et développement…
– Gestion des ressources humaines : recrutement, intégration, formation, rémuné-
ration…
– Infrastructure de la firme : direction générale, comptabilité, contrôle de gestion,
gestion de trésorerie…
Selon les secteurs, certaines activités sont plus ou moins vitales pour obtenir un avan-
tage concurrentiel. Pour un distributeur, par exemple, les activités les plus critiques sont
celles liées à la logistique (interne et externe) et aux approvisionnements. Pour une
entreprise de conseil, la production (de services) et les services sont des facteurs clés de
succès.
La chaîne de valeur permet d’identifier les lieux de création de valeur et les sources de
l’avantage concurrentiel de la firme. La création de valeur pour le client peut se faire de
deux manières : soit en termes de coûts, soit en termes de différenciation. Chaque acti-
vité de l’entreprise contribue donc à la position de la firme en matière de coûts (permet-
tant éventuellement de proposer des prix plus bas que les concurrents), mais peut aussi
représenter un facteur de différenciation (permettant de proposer des prix plus élevés)
et ce, que l’activité soit une activité principale ou de soutien. En bref, l’approvisionne-
ment ou le style de prise de décision peuvent être à la base d’un avantage autant que la
logistique ou la production. Les choix qu’opère une entreprise pour organiser chacune
des activités déterminent donc largement les marges de cette dernière. Ainsi, Ikea a ins-
titué une chaîne de valeur originale par rapport à ses concurrents. En effet, puisque le
montage est assuré par le client, les coûts de main-d’œuvre (et donc de production) sont
réduits et la logistique (transport, stockage) est facilitée. Le montage par le client est en
plus un argument de différenciation puisque Ikea met en avant le plaisir ou la fierté
associée à cette contribution à la production.
Au-delà d’une approche analytique, activité par activité, la chaîne de valeur permet de
comprendre les relations entre activités. En effet, si chaque activité de la chaîne de valeur
peut contribuer au profit de l’entreprise, c’est bien l’ensemble de la chaîne de valeur qui
importe. Une chaîne n’est forte que du plus faible de ses maillons. En d’autres termes,
l’excellence dans une activité ne compense pas une ou plusieurs activités déficientes.
C’est finalement la valeur générée par l’activité dans laquelle l’entreprise est la moins
performante qui détermine le profit réalisé. Par exemple, un excellent service marketing
ne compense pas une production qui fait défaut car, dans ce cas, la demande ne sera pas
satisfaite. De même, un département de recherche et développement très efficace ne
pourra créer pour le client la valeur attendue si la distribution est défaillante et si les
consommateurs ne peuvent trouver les nouveaux produits de l’entreprise. La création de
valeur pour le client, et donc le profit, revêt alors un caractère systémique et il faut veiller
à ce que toutes les activités participent positivement à la proposition de valeur de l’entre-
prise, de façon cohérente.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 79
Interactions
différentes au Best practices largement
sein des firmes répandues dans le
Activités stratégiques avec
secteur avec interactions
Contextualité des interactions
interactions uniques
uniques
Best practices
universelles
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80 Stratégie et Business Models
L’un d’entre eux est celui de Stabell et Fjeldstad (1998) qui ont suggéré, pour rendre
compte de la variété des configurations de création de valeur, de réserver le terme de
« chaîne de valeur » aux processus intégrés, s’appuyant sur des technologies maîtrisées,
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 81
utilisées de manière répétitive. La chaîne de valeur est donc une configuration que
l’on rencontre dans les productions en série et les organisations fondées sur une
forte standardisation des processus (par exemple, les fabricants de voitures ou les
producteurs de micro-processeurs). Dans la chaîne de valeur, l’élément clé est la
régularité par la standardisation assez forte des processus. Dans le cas de la chaîne
de valeur, les clients achètent les caractéristiques (le prix et la qualité) du produit
dans son ensemble.
Stabell et Fjeldstad distinguent deux autres modèles de configuration de valeur, c’est-à-
dire de processus de création de valeur. On retrouve les trois formes de configurations
de valeur (chaîne de valeur, atelier de valeur, réseau de valeur) dans différents secteurs,
même si certains types d’activités se prêtent plus à une configuration de valeur qu’à une
autre.
Un « atelier de valeur » (« Value Shop ») correspond aux cas où la valeur est créée via
des solutions (produits ou services) ad hoc (voir figure 3.6). Il peut s’agir d’entreprises
de conseil, de certains types d’artisans, ou d’entreprises à haute intensité technolo-
gique impliquant surtout une activité de R&D. Les clients achètent donc les efforts de
résolution de leurs problèmes, mais une incertitude demeure sur le résultat. Une
configuration de valeur de ce type ne s’appuie pas sur un processus standardisé. La
plupart du temps, seules les fonctions support le sont. Les opérations donnent lieu à
une résolution de problèmes pour chaque nouveau client et/ou chaque nouvelle pres-
tation.
Dans l’atelier de valeur, l’élément clé est la capacité à se doter de dispositifs permettant
de résoudre des problèmes variés.
Figure 3.6 : L’atelier de valeur
Infrastructure de la firme
Management des ressources humaines
Développement technologique
Approvisionnement
Choix
Dans les cas où le client ne paye pas pour obtenir un produit fini complet mais pour
simplifier l’accès à d’autres entreprises ou clients et interagir avec eux, c’est la logique de
« réseau de valeur » (« Value Network ») qui est retenue (voir figure 3.7). Un réseau de
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82 Stratégie et Business Models
valeur vend avant tout son rôle de médiateur ou de facilitateur. Les transporteurs, les
courtiers en tout genre ou les banques d’affaires s’appuient plutôt sur un réseau de valeur
que sur une chaîne de valeur. Bien souvent, un réseau de valeur s’appuie sur une ou
plusieurs plateformes pour mettre en contact des individus et/ou des entreprises. Les
GAB dans le domaine bancaire ou iTunes dans le domaine de la musique sont des mar-
queurs de ce type de configuration de valeur.
Dans le réseau de valeur, l’élément clé est donc la plateforme, c’est-à-dire le lieu, la tech-
nologie ou le produit qui permettent à différents types d’acteurs d’interagir et/ou de
rendre des services complémentaires.
Figure 3.7 : Le réseau de valeur
Infrastructure de la firme
Management des ressources humaines
Développement technologique
Approvisionnement
Services
Opérations de l’infrastructure
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 83
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84 Stratégie et Business Models
à une menace, ou plus généralement de réduire les coûts ou de fournir une valeur
supplémentaire au client.
2. Les ressources et compétences doivent être rares. Elles ne doivent pas être détenues
par un grand nombre de concurrents (réels ou potentiels). Plus une ressource est
rare, plus elle devient stratégique.
3. Les ressources et compétences de la firme doivent être imparfaitement imitables par
les concurrents réels ou potentiels. La difficulté d’imitation des ressources et des com-
pétences repose sur la difficulté de leur identification et la complexité du processus
qui conduit à l’avantage concurrentiel. On parle d’ambiguïté causale pour désigner la
difficulté pour un concurrent de savoir précisément quelles sont les ressources et/ou
les compétences qui sont à l’origine de la performance d’une firme donnée.
4. Les ressources et compétences doivent être difficilement substituables. C’est-à-
dire que le même résultat doit difficilement pouvoir être obtenu en exploitant une
ressource ou une compétence différente. La valeur stratégique d’une ressource est
moindre si un concurrent peut se procurer le même avantage grâce à une ressource
de substitution.
Dans la lignée des quatre conditions posées par Barney pour obtenir un avantage concur-
rentiel, Puthod et Thévenard (1999) présentent un enchaînement de cinq tests qui per-
mettent d’apprécier la valeur stratégique des ressources. Les quatre premiers tests
s’appuient sur les quatre conditions énoncées par Barney et présentées ci-dessus. Le cin-
quième test correspond à la condition de redéployabilité des ressources et compétences.
Cette condition pose la question de la réutilisation des ressources dans d’autres contextes,
car plus une ressource ou une compétence est spécifique, moins elle est redéployable et
plus sa valeur est stratégique. À partir de ces cinq tests, l’entreprise peut établir un dia-
gnostic stratégique global lui permettant de classer ses ressources en fonction de leur
degré de supériorité sur la concurrence. La figure 3.8 résume le processus de création d’un
avantage concurrentiel tel qu’il est abordé dans l’approche ressources et compétences.
Figure 3.8 : Le processus de création d’un avantage concurrentiel durable dans le modèle
ressources et compétences.
Ressources et Caractéristiques
compétences des ressources et
compétences
- Acquises Avantage
- Développées - Valeur concurrentiel
dans l'entreprise (dont redéployabilité) durable
- Rareté
- Imitabilité imparfaite
- Substituabilité limitée
Pour préserver leur avantage concurrentiel, les entreprises doivent mettre en place ou
bénéficier des mécanismes isolants qui leur permettent de protéger leurs ressources et
leurs compétences de l’imitation. Les droits de propriété, notamment sous la forme de
dépôts de brevets, ou l’ambiguïté causale sont des moyens de réduire l’imitabilité d’une
ressource ou d’une compétence. L’innovation continue, le développement d’actifs com-
plémentaires ou le secret en sont d’autres. De même, plus une ressource est coûteuse à
acquérir ou à développer, plus elle est difficilement imitable par les concurrents.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 85
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86 Stratégie et Business Models
Processus Définition
Construction de compétence Modification qualitative des ressources et compétences de
l’entreprise.
Intensification de compétence Processus d’adaptation et d’amélioration continuelle d’une
ressource ou d’une compétence de façon à maintenir son ef-
ficacité dans la réalisation des objectifs de création de valeur de
l’entreprise.
Exploitation de la compétence Processus par lequel une entreprise déploie une ressource ou une
compétence détenue dans des conditions nouvelles (nouveaux
produits, nouvelles clientèles…).
Défense de la compétence Processus de protection d’une ressource ou d’une compétence
contre des menaces d’action de la part d’autres organisations qui
pourraient remettre en cause l’atteinte des objectifs de l’entreprise.
Une fois qu’une compétence est construite ou qu’une ressource est acquise, il s’agit donc
de la protéger de l’imitation puis de l’utiliser de manière intensive pour gagner en effi-
cience, mais également de multiplier les formes et les lieux de son exploitation. Les
quatre phénomènes conjoints (construction, défense, intensification et exploitation de
la compétence) permettent à l’entreprise de générer et de préserver un avantage concur-
rentiel. Contrairement au modèle porterien, l’approche ressources et compétences ne
recommande donc pas de chercher à accroître le pouvoir de négociation de la firme
(notamment en augmentant sa taille) mais plutôt de se focaliser sur l’exploitation et
l’intensification des principales ressources et compétences, laissant les autres activités à
des partenaires ou sous-traitants.
Figure 3.9 : Aborder les déterminants de la performance sous l’angle de l’environnement
et de l’entreprise.
Performance
Les approches porterienne et par les ressources, si elles défendent des visions différentes
du développement de l’entreprise et de sa performance, ne sont pas complètement
déconnectées l’une de l’autre. Empiriquement, il est souvent utile de mener de front les
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 87
deux types d’approches pour saisir la complexité d’une situation et notamment pour
comprendre les déterminants de la performance d’une entreprise (voir figure 3.9). À un
niveau théorique, des passerelles entre les deux approches existent également. L’analyse
de l’environnement passe en effet souvent par la mise en évidence des facteurs clés de
succès. Ces facteurs clés peuvent s’analyser comme autant de ressources et compétences
que l’entreprise doit maîtriser au minimum dans son secteur pour être compétitive. S’il
s’avère qu’une entreprise maîtrise beaucoup mieux ces facteurs clés, il est probable
qu’elle aura alors un avantage concurrentiel vis-à-vis de ses concurrents.
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88 Stratégie et Business Models
pas que les seules relations entre firmes relèvent de la rivalité. Contrairement au modèle
des ressources et compétences, il met l’accent sur le fait que l’avantage concurrentiel est
lié aux caractéristiques des relations entre entreprises et non à leurs actifs. Dans le
modèle relationnel, le rôle des dirigeants pour qu’une firme obtienne un avantage
concurrentiel est de mettre en place des relations privilégiées avec les clients et les four-
nisseurs, et l’on peut voir tous les jours dans l’actualité que de nombreux chefs d’entre-
prises font ce choix de développer les coopérations. Cependant, malgré son intérêt,
l’approche relationnelle n’a pas donné lieu à des outils spécifiques d’analyse stratégique.
Une autre de ses limites est qu’elle ne considère que la dimension coopérative des inte-
ractions entre firmes. En effet, le modèle de performance dans cette perspective repose
sur le partenariat : c’est celui-ci qui permet de générer des profits importants. Or, le jeu
économique n’est pas uniquement fondé sur la coopération mais avant tout sur la
concurrence.
Tableau 3.5 : La vision contrastée des sources de performance
Approche de
Approche
l’économie Approche relationnelle
ressources
industrielle
Unité d’analyse Secteur Entreprise Réseau de firmes ou col-
laborations interfirmes
Mécanismes générateurs Pouvoir de négocia- Ressources rares ou Investissements spécifiques
de profits tion intangibles à la relation
Collusion Routines d’échange
de connaissances
Gouvernance efficace
Complémentarité
des ressources
Mécanismes pour Barrières à l’entrée Barrières à Barrières à l’imitation de la
préserver les profits l’imitation relation
Possession des rentes Collective (toutes les Firme individuelle Collective
générées entreprises du secteur) (avec les partenaires)
Source : d’après Dyer et Singh, 1998.
4.2 La coopétition
Au milieu des années 1990, Brandenburger et Nalebuff ont proposé un modèle straté-
gique pour rendre compte du développement des comportements de coopération et
d’affrontement qui caractérisent les relations entre firmes. D’après les auteurs, les
affaires ne sont ni une guerre permanente contre tous ni une paix permanente. La
concurrence n’est pas incompatible avec des coopérations sélectives. La « coopétition »
désigne cette imbrication de relations de concurrence et de coopération. Le maillage de
la valeur (voir figure 3.10) est un outil qui rend compte des relations qu’a une entreprise
avec ses partenaires/concurrents afin d’accroître la valeur de son offre (dimension
coopération) et de la façon dont cette valeur sera répartie (dimension concurrence). En
effet, pour reprendre une métaphore de Brandenburger et Nalebuff, créer un plus gros
gâteau relève de la coopération tandis que le partager relève de la concurrence.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 89
Relation (interaction)
Les fournisseurs Pas de relation
(sans interaction)
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90 Stratégie et Business Models
4.3 L’hypercompétition
En 1994, Richard D’Aveni propose le concept d’hypercompétition pour souligner le fait
que la concurrence s’est exacerbée dans de nombreux secteurs et que la vision porte-
rienne traditionnelle de création et de défense d’avantages concurrentiels durables n’est
plus tenable. Sa démonstration consiste à montrer dans différents secteurs – et notam-
ment celui des sodas et de la guerre entre Pepsi et Coca-Cola – qu’une spirale destruc-
trice de chaque avantage qu’un concurrent peut développer se met en place. Il isole ainsi
quatre arènes traditionnelles où se joue la concurrence : la qualité et les prix, les sauts
technologiques et le timing d’entrée, la mise en place de barrières à l’entrée et l’accumu-
lation de ressources financières pour éliminer les concurrents par une guerre d’usure.
Pour chacune d’elles, D’Aveni soutient que les avantages ne peuvent être que transi-
toires. Les produits de bonne qualité à des prix abordables abondent sur les marchés. Les
sauts technologiques et les avantages au premier entrant dans une activité sont annihilés
rapidement par les choix d’imitation des innovations et la durée de vie des produits
raccourcit. Les barrières à l’entrée sont contournées dans la plupart des secteurs soit par
des rachats directs d’entreprise dans le secteur, soit par l’arrivée de nouveaux entrants ne
subissant pas l’inertie des entreprises en place et jouant sur d’autres types d’avantages.
Enfin, bénéficier de ressources financières importantes n’empêche pas des alliances
entre concurrents de se former et l’arrivée de concurrents étrangers et globaux.
Cette escalade concurrentielle qui voit chaque avantage détruit de plus en plus rapide-
ment mène à une situation dans laquelle aucune entreprise ne parvient plus à
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 91
développer un avantage particulier dans un secteur et les marges s’érodent pour tous les
concurrents (voir figure 3.11). Les offres deviennent assimilables à des produits de com-
modité pour lesquels seuls les prix restent un facteur discriminant, thème développée
plus tard par D’Aveni (2010). Cette tendance à la commodité est liée aux évolutions du
secteur où une certaine standardisation des offres va progressivement s’imposer et les
meilleures pratiques être imitées par tous les concurrents. Cependant, D’Aveni insiste
avant tout sur les choix concurrentiels de certaines entreprises comme facteur numéro
un dans la tendance à la commodité de certains secteurs. Des acteurs vont notamment
proposer plus de bénéfices à leurs clients à un prix égal ou inférieur à la moyenne du
marché, vont multiplier les offres pour couvrir une multitude de combinaisons prix/
valeur ou vont transformer un marché plutôt haut de gamme en marché de masse en
baissant les bénéfices de l’offre et son prix.
D’Aveni dessine ainsi au final une situation de concurrence proche de la concurrence
pure et parfaite des économistes.
Figure 3.11 : Deux visions opposées de la pérennité de l’avantage concurrentiel.
Profitabilité
Profitabilité
Temps
Bien que munie de moins d’outils que l’analyse de Porter, l’approche de D’Aveni n’est pas
sans conséquences sur les préconisations stratégiques qu’il adresse aux entreprises. Pour
D’Aveni, la concurrence s’établit désormais avant tout sur la vitesse et l’agressivité des
actions. Il les invite ainsi à briser en permanence le statu quo qui prévaut dans un sec-
teur en suggérant la nécessité de mouvements stratégiques nombreux qui visent à agres-
ser la concurrence, c’est-à-dire à contrer ou attaquer leur éventuel avantage. L’entreprise
qui agit ainsi peut être évidemment amenée à remettre en cause, par ses choix, son
propre avantage concurrentiel, qui de toute façon n’est que temporaire. Un leader tech-
nologique sera incité à poursuivre régulièrement le lancement d’innovations afin
d’échapper en permanence aux imitateurs. Une entreprise aux ressources financières
importantes pourra chercher à modifier régulièrement son portefeuille d’activités pour
abandonner les activités devenues moins attractives.
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92 Stratégie et Business Models
Règles simples
Logique stratégique Poursuivre des opportunités
Démarche stratégique Se lancer dans la confusion
Bouger en permanence
Saisir les opportunités
Question stratégique Comment faire ?
Source d’avantage Des processus clés et des règles de décision simples
Marchés adaptés au modèle Les marchés ambigus, changeant rapidement
Durée de l’avantage Imprévisible
Risque Trop d’expérimentations sont lancées pour saisir les opportunités
Objectif de performance Croissance
Source : d’après Eisenhardt et Sull, 2001.
Les facteurs qui expliquent l’avantage au pionnier sont multiples, mais on peut notam-
ment évoquer le fait que l’entreprise pionnière bénéficie d’une attention disproportion-
née, c’est-à-dire qu’elle est plus visible que ses concurrents par les clients ou les investisseurs.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 93
Le modèle des règles simples a les mêmes avantages que celui de l’hypercompétition : il
remet en question les modèles dominants en stratégie et propose une analyse adaptée
aux environnements turbulents. Cependant, il ne comprend pas d’outil d’analyse
stratégique spécifique et n’est, de ce fait, qu’un modèle de performance.
La stratégie Océan Bleu dessine un espace de marché idéal. Pour parvenir à ce résultat,
Kim et Mauborgne suggèrent qu’un travail sur les catégories traditionnellement admises
dans un secteur doit être entrepris et que les entreprises doivent être proactives dans les
modifications des marchés sur lesquels elles interviennent (voir figure 3.12). La stratégie
Océan Bleu invite donc à un travail de déconstruction cherchant à remettre en cause les
frontières des secteurs et celles entre groupes stratégiques ou groupes clients et à modi-
fier de façon volontaire les offres admises sur les marchés en jouant sur les largeurs de
gammes, les produits complémentaires, les fonctions remplies par les produits ou ser-
vices, voire sur les émotions produites par les offres.
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94 Stratégie et Business Models
Cette approche constitue une critique de l’approche porterienne qui tend à focaliser
l’analyse sur les structures de secteur telles qu’elles existent à un moment donné. Elle
rejette également la dichotomie entre les choix stratégiques de différenciation et de
domination par les coûts en soulignant que des innovations organisationnelles, de pro-
cessus ou de produits peuvent à la fois accroître la valeur de l’offre pour les clients et
baisser les coûts de production. Pour parvenir à dépasser cette opposition tradition-
nelle, Kim et Mauborgne proposent de réduire ou d’éliminer certains éléments de l’offre
traditionnelle sur un marché afin de réduire les coûts. Simultanément, l’entreprise doit
chercher à créer de nouvelles dimensions dans son offre par rapport aux offres dispo-
nibles sur le marché ou pousser certaines dimensions à des niveaux inconnus sur le
marché (voir figure 3.13).
Figure 3.13 : Le développement des innovations de valeur dans un secteur
Quatre questions pour se distinguer des offres de référence du secteur résument la démarche :
• Quels critères peuvent être exclus de l’offre ?
• Quels critères peuvent être atténués ?
• Quels critères peuvent être renforcés ?
• Quels nouveaux critères peuvent être créés ?
Cette stratégie assimilable à une stratégie d’évitement doit permettre de délivrer une
valeur supérieure aux clients à un coût moindre, ou en tout cas de rendre toute
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 95
comparaison avec les offres concurrentes inopérante. Ce type de stratégie a été employé
par exemple par Nintendo pour pénétrer le marché des consoles vidéo de salon. En
abandonnant la course à la puissance graphique à ses concurrents, Sony et Microsoft,
pour accroître la dimension ludique et familiale de sa console Wii et en introduisant des
manettes de contrôle à distance par le mouvement, l’entreprise s’est ouvert un Océan
Bleu pendant quelques années.
Les préconisations issues du travail de Kim et Mauborgne sont donc claires. L’entreprise
doit se focaliser sur quelques caractéristiques de son offre sur lesquelles elle s’assure le
leadership. Elle doit chercher à se démarquer des caractéristiques traditionnelles du sec-
teur pour en ajouter de nouvelles. Elle doit viser à sortir de la vision traditionnelle de son
marché, tant en termes de concurrents qu’en termes de clients acheteurs. Pour cela, elle
doit notamment explorer les non-clients actuels d’un marché. Enfin, elle ne doit pas
hésiter à abandonner certaines caractéristiques ou les réduire pour générer des écono-
mies de coûts. Cette stratégie débouche donc potentiellement sur un positionnement
original, autour de quelques éléments différenciateurs, qu’une entreprise doit être
capable de résumer en une formule.
Southwest Airlines, le pionnier du low-cost américain, résume par exemple son offre au
slogan suivant : « la rapidité de l’avion au prix de la voiture – quand vous le voulez ». Les
caractéristiques saillantes de l’offre (rapidité, prix et flexibilité) ressortent bien d’un tel
slogan. Kim et Mauborgne proposent de réfléchir à ces caractéristiques à travers un
« canevas stratégique » qui repère le niveau faible ou élevé des caractéristiques de la plu-
part des offres sur un marché (voir figure 3.14). L’objet de la réflexion revient à concevoir
une offre qui diminue certaines d’entre elles et en crée de nouvelles.
Figure 3.14 : Exemple de canevas stratégique – Le Cirque du Soleil
Niveau
élevé
Cirque
du soleil
Ringling Bros.
Niveau
Cirques régionaux
faible
L’invitation d’Océan Bleu à une plus grande créativité stratégique est salutaire. Elle
invite à sortir des recettes acquises et partagées dans un secteur et à redéfinir les confi-
gurations de valeur traditionnelles. En cela, l’Océan Bleu fait écho au travail de Spender
(1989), qui insistait déjà sur l’existence d’idées ancrées au sein des secteurs et partagées
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96 Stratégie et Business Models
par les acteurs sur la façon dont la concurrence se déroule et l’activité s’analyse. Un autre
intérêt de cette approche est de proposer des outils visuels sur lesquels un travail de
réflexion collaborative peut être mené ou peut servir de base à l’animation d’un sémi-
naire de réflexion.
Cependant, les outils proposés se focalisent pour l’essentiel sur les offres sur un marché.
Or, la reconfiguration des offres proposée oblige généralement à une profonde reconfi-
guration du système d’activités de l’entreprise. De nouvelles compétences doivent être
développées. Une image doit être modifiée dans l’esprit du public. De nouveaux canaux
de distribution doivent être mis en place. Bref, la reconfiguration d’une offre, si elle peut
apparaître simple au travers du canevas stratégique, ne doit pas faire oublier la difficulté
pour un grand nombre d’entreprises de lutter contre l’inertie et la longueur des périodes
de transition lors d’un changement majeur de positionnement stratégique. À ce titre, de
nouveaux entrants ou des start-up auront probablement plus de facilité à créer une stra-
tégie de rupture inspirée d’Océan Bleu que des entreprises en place depuis longtemps
dans un secteur.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 97
• La stratégie de la solution client complète est plus rare. Elle consiste à se focaliser sur
les clients afin de leur proposer une meilleure gamme, une relation spécifique, voire la
prise en charge de certaines activités afin de créer de la valeur pour le client.
• La stratégie du verrouillage du système est la plus difficile à mettre en œuvre. Il s’agit
dans ce cas de se focaliser sur le réseau de valeur dans son ensemble (clients, fournis-
seurs, complémentaires…) afin d’y obtenir une position dominante source de profits.
Pour mener à bien une stratégie de verrouillage du système, une entreprise peut cher-
cher à imposer son standard propriétaire, développer un réseau de distribution exclu-
sif ou encore devenir l’intermédiaire indispensable entre deux acteurs. L’objectif est ici
de contrôler le réseau de valeur pour s’approprier une rente.
Figure 3.15 : Le Triangle du modèle Delta
Verrouillage du système
Restriction de l'accès
La stratégie du meilleur produit (voir tableau 3.8) peut prendre deux formes. Le cas d’un
positionnement « coûts faibles » se retrouve dans le cas par exemple des compagnies
aériennes low-cost, comme Ryan Air ou Easy Jet. En mettant en place un service mini-
mum (une seule classe, système de réservation en ligne…), une utilisation intensive des
actifs (uniformité de la flotte, taux de remplissage élevé, rotations rapides, personnel
polyvalent) et un recours aux aéroports secondaires, ces entreprises arrivent à économi-
ser jusqu’à la moitié des coûts d’une compagnie aérienne traditionnelle. Le positionne-
ment « différenciation » est celui de firmes telles que Porsche dans le secteur automobile.
L’entreprise est depuis de nombreuses années l’une des plus rentables de son secteur
grâce à sa capacité à générer une marge importante sur chaque voiture vendue du fait
d’une excellente image.
Selon Hax et Wilde, la stratégie du meilleur produit (et notamment la recherche des
coûts faibles) conduit souvent à transformer le produit en « commodité », c’est-à-dire à
générer un désintérêt des clients pour le produit (parce qu’il est devenu indifférencié ou
parce que la guerre permanente pour la différenciation n’a plus d’impact sur le client).
Pour « décommoditiser » leur activité, Hax et Wilde suggèrent d’avoir recours à la
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98 Stratégie et Business Models
stratégie de solution client complète (l’entreprise répond aux attentes du client et donc
celui-ci s’intéresse à nouveau aux produits de l’entreprise) ou à chercher le verrouillage
du système. Dans ce dernier cas, même si le produit reste une commodité, les clients
n’ont pas le choix et sont verrouillés par l’entreprise.
Tableau 3.8 : La stratégie du meilleur produit
La stratégie de la solution client complète comprend trois possibilités (voir tableau 3.9).
La redéfinition de la relation client se retrouve dans le développement des cinémas mul-
tiplexes par UCG ou Gaumont en France. Ces entreprises ont transformé l’offre tradi-
tionnelle en proposant au client de vivre l’expérience du cinéma différemment, amenant
ce dernier a passer plus de temps dans le cinéma et à faire beaucoup plus de dépenses
annexes (glaces, boissons, petite restauration…). L’élargissement de l’offre a été choisi
notamment par Amazon qui a commencé par vendre avec succès des livres sur Internet
puis s’est progressivement développé sur de nombreuses catégories de produits (électro-
nique, vidéo, DVD…) afin de bénéficier du principe du « tout en un » qui autorise l’en-
treprise à pratiquer des prix plus élevés que certains concurrents moyennant la
simplification de la vie du client. Enfin, le positionnement « intégration du client » a été
retenu par General Electric qui a développé toute une série de services (ingénierie,
financement, maintenance) permettant aux clients de ne plus assurer des pans entiers
de la chaîne de valeur en échange de leur fidélité à General Electric.
Tableau 3.9 : La stratégie de la solution client complète
Solution client
Stratégie Notes
complète
Redéfinition de Considérer l’expérience complète du con- Une connaissance intime du client
la relation client sommateur, de l’achat à la possession et est nécessaire pour une segmentation
tout au long du cycle de vie du produit fine et à un traitement différencié.
Élargissement Proposer une offre complète et sur-mesure Il s’agit de rechercher une position
de l’offre de produits et services: le « tout en un » dominante dans l’esprit du client
(« one-stop shopping »).
Intégration Se substituer à certaines activités menées L’entreprise est envisagée comme un
du client par les clients. portefeuille de compétences pour
améliorer la position du client.
Source : d’après Hax et Wilde, 2001.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 99
Verrouillage
Stratégie Notes
du système
Restriction de l’accès Des barrières significatives empêchent Position difficile à atteindre et
les concurrents d’acquérir des clients. maintenir. Le législateur tend
à limiter ces pratiques.
Domination des échanges L’entreprise se constitue une position La plus accessible des
entre acheteur et vendeur qui est dif- positions de verrouillage.
ficile à contourner une fois la masse L’avantage au pionnier est
critique atteinte. critique.
Développement d’un L’offre devient la (seule) référence. Option indisponible dans
standard propriétaire Le client est attiré par l’offre car un beaucoup de secteurs. Si elle
riche réseau de produits complémen- est réussie cette option permet
taires existe pour fonctionner avec le de générer une rente impor-
produit. tante et durable
Source : d’après Hax et Wilde, 2001.
Le tableau 3.11 constitue une synthèse des trois grandes stratégies qui conduisent à la
performance. Chacune semble s’appuyer sur une logique spécifique. Cependant, dans le
cadre du modèle Delta une entreprise peut (et même devrait) chercher à « parcourir le
triangle » (Bojin et Schoettl, 2005) pour bénéficier d’une profitabilité encore plus élevée.
Une entreprise ayant choisi la différenciation (meilleur produit) peut ainsi chercher à
proposer de nouveaux produits et services (solution client complète) puis à pousser ses
clients à signer des contrats d’exclusivité (verrouillage du système).
Tableau 3.11 : Synthèse des différentes stratégies dans le modèle Delta
Solution client
Domaines Meilleur produit Verrouillage du système
complète
Focalisation stra- Produit : Entreprise : Système :
tégique Activité, industrie et Entreprise, clients, Entreprise, clients, fournis-
concurrents fournisseurs seurs et complémentaires
Benchmark Concurrents Clients Complémentaires
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100 Stratégie et Business Models
Solution client
Domaines Meilleur produit Verrouillage du système
complète
Types de produits Standardisés Ensemble adapté de Portefeuille de produits
produits et services et services étendu grâce
aux complémentaires
Innovation Développement produit En collaboration avec Avec une forte contribu-
interne les clients tion des complémentaires
Supply chain Interne Intégrée avec les cli- Du système, y compris des
ents et les fournisseurs complémentaires
Canaux de distri- Banalisés (commodités), Distribution directe, Canaux vers les clients et
bution grande distribution ciblée les complémentaires
Fidélisation client Faible Potentiellement forte Potentiellement la plus
élevée
Source : d’après Hax et Wilde, 2001.
Comme nous l’avons mentionné, le modèle Delta (et notamment le triangle) présente de
nombreux avantages (intégration des recommandations de plusieurs modèles straté-
giques, simplicité d’utilisation, approche dynamique…). Son usage est donc en plein essor.
Cependant, il convient également de constater ses limites. La principale limite du modèle
est qu’il consiste finalement à remettre sous une autre forme des recettes déjà bien connues
en stratégie (prix bas, différenciation, solution client…). De plus, dans le triangle, la stra-
tégie du meilleur produit (les prix bas ou la différenciation) est souvent opposée à celle de
la solution client complète. Or, on considère bien souvent en stratégie que le dévelop-
pement d’une relation spécifique avec le client est une forme de différenciation.
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 101
(rachats, fusions). Ces rentes ont donc été essentiellement abordées dans le modèle de Por-
ter. Bien qu’absentes du cadre porterien original, les externalités de réseau sont également
un moyen de générer des rentes monopolistiques. Les externalités de réseau sont les effets
des choix d’un agent économique (individu, entreprise, État…) sur les choix d’un autre
agent économique, en dehors de tout mécanisme de prix. Dans certaines industries, les
externalités de réseau créent des rendements croissants d’adoption : plus un produit est
adopté, plus il est intéressant pour un acheteur de l’acquérir, et ce indépendamment de
son prix. Ainsi, à prix égal, il est plus intéressant d’acheter un logiciel A qu’un logiciel B
remplissant les mêmes fonctions si le logiciel A est le plus diffusé. L’échange de fichiers sera
ainsi facilité pour les clients. Avec les externalités de réseau, un produit qui commence à
s’imposer donne lieu rapidement à une situation de quasi-monopole. IBM dans les
années 1970 puis Microsoft dans les années 1990 sont devenues des entreprises domi-
nantes bénéficiant de rentes monopolistiques grâce aux externalités de réseau. Ces exter-
nalités jouent aussi du côté de l’offre. Certains standards technologiques se sont ainsi
imposés sur les marchés parce que de nombreuses entreprises les adoptaient. La technolo-
gie qui s’impose est donc le plus souvent celle qui exploite le mieux les externalités de
réseau plutôt que la plus performante d’un point de vue technique.
Les rentes ricardiennes (du nom de l’économiste Ricardo) proviennent de la posses-
sion et de l’exploitation par une entreprise d’une ressource rare et de valeur dont l’offre
est limitée. Cet avantage est issu de ressources acquises par la firme et qui ne peuvent
être ni imitées ni échangées. Dans la logique ricardienne, les différences de performance
sont dues à la détention de ressources présentant un différentiel de productivité. La
question stratégique dans une perspective ricardienne est donc « comment les firmes
peuvent-elles entrer en possession d’actifs ayant une productivité accrue par rapport à
leur prix ? ». Ainsi, pour obtenir des rentes de manière systématique, il est nécessaire de
réussir à se procurer des ressources dont la valeur future est supérieure à celle des res-
sources que les concurrents sont susceptibles de trouver. En effet, le coût d’acquisition
d’une ressource sur un marché peut ne pas refléter sa valeur pour la firme à un moment
ultérieur. Avec le temps, la valeur de la ressource pour la firme est démontrée, mais elle
ne peut plus être acquise par les autres firmes au même coût historique. Dans le même
temps, l’entreprise qui avait acquis la ressource en question a bénéficié de profits plus
importants que ses concurrents.
Si on ne compte pas uniquement sur la chance, la sélection des ressources est donc de
première importance car elle permet de développer une vision plus fine que les concur-
rents de la valeur des ressources présentes sur le marché. Cependant, la veille est décisive
car la bonne sélection des ressources n’est possible que si la firme dispose d’une infor-
mation supérieure à celle des concurrents sur la valeur future de la ressource, mais éga-
lement si elle peut anticiper la valeur de la ressource lorsqu’elle sera utilisée conjointement
avec celles qu’elle détient déjà. Par exemple, en 1980, Microsoft a racheté à l’entreprise
Seattle Computer Products le système d’exploitation QDOS, précurseur du MS-DOS,
pour 50 000 dollars. À cette époque, Microsoft disposait d’informations sur la demande
imminente par IBM d’un système d’exploitation pour équiper ses ordinateurs. Micro-
soft a donc acheté la ressource QDOS pour un coût beaucoup plus faible que sa valeur
productive une fois que ce système d’exploitation a fait partie intégrante du standard
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102 Stratégie et Business Models
naissant IBM PC. Les rentes ricardiennes sont considérées comme l’archétype des rentes
générées dans le cadre du modèle des ressources et compétences.
Les quasi-rentes sont appréciées par la différence entre la première (la meilleure) et la
deuxième valeur d’utilisation d’une ressource (Mahoney, 1995). Par exemple, si deux
firmes possèdent la même machine, et si l’une crée plus de valeur que l’autre grâce à
cette machine (parce qu’elle est mieux réglée ou mieux entretenue), cette firme bénéfi-
cie d’une quasi-rente équivalente au différentiel de valeur. La quasi-rente est la diffé-
rence de profit entre la firme qui fait l’utilisation la plus efficace ou la plus pertinente
d’une ressource donnée et les autres firmes du secteur. On parle de quasi-rente car
l’avantage acquis se situe à moyen terme plutôt qu’à long terme, comme dans le cas des
rentes monopolistiques ou des rentes ricardiennes. En effet, la meilleure utilisation
d’une ressource par une organisation à un moment donné n’empêche pas définitive-
ment ses concurrents de se procurer cette ressource sur le marché à une certaine valeur
historique (comme c’est le cas avec une logique ricardienne), ni de limiter la concur-
rence en termes de débouchés (comme le supposent les rentes monopolistiques). La
quasi-rente correspond à une perspective schumpeterienne de la création de rentes. En
effet, pour l’économiste Schumpeter, les rentes résultent d’un comportement entrepre-
neurial et notamment, dans un vocabulaire plus stratégique, de nouvelles manières de
combiner ou de valoriser les ressources. Dans cette approche schumpeterienne, il s’agit
moins de sélectionner les bonnes ressources que de les déployer de manière plus effi-
ciente que les concurrents ou de leur trouver de nouvelles applications par des combi-
naisons audacieuses.
Une réflexion sur les types de rentes permet de comprendre les différentes formes d’ac-
cès à l’avantage concurrentiel et de dépasser une approche en termes de modèle straté-
gique. Plutôt que d’effectuer des choix en s’inscrivant de facto dans un modèle stratégique
(et nous avons vu que leurs recommandations peuvent diverger considérablement), il
devient possible d’identifier les mécanismes qui génèrent chaque type de rentes indé-
pendamment des modèles stratégiques (voir tableau 3.12). À chacun de ces types de
rentes correspondent en effet des manœuvres ou des actions à engager prioritairement.
Tableau 3.12 : Les choix stratégiques pour accéder aux différents types de rentes
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Chapitre 3 Les modèles de performance en stratégie 103
Une firme qui essaie de mettre en place les différents mécanismes d’obtention des trois
types de rentes multiplie les opportunités de générer des profits importants, supérieurs
à ceux des concurrents. Par ailleurs, on peut voir qu’il existe des liens entre les types de
rente, voire des séquences stratégiques possibles. Par exemple, l’accès à une ressource
rare permet souvent de générer des rentes ricardiennes dans un premier temps puis
éventuellement de bénéficier de rentes monopolistiques ou quasi-monopolistiques
lorsque la ressource concernée devient extrêmement rare. De même, l’innovation peut
permettre de dégager des rentes schumpeteriennes mais peut également donner lieu à
une série de dépôts de brevets conférant des rentes monopolistiques dans un second
temps.
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Lecocq X., Yami S. (2004), « L’analyse stratégique et la configuration de valeur », Revue
française de gestion, septembre-octobre, pp. 45-65.
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104 Stratégie et Business Models
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Applications
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106
Question
Analysez les tableaux 3.13 et 3.14. Quelles leçons pouvez-vous en tirer ?
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n’hésitent pas à s’offrir des bijoux, celles qu’il appelle les “contemporaines”. Pour inciter
cette nouvelle clientèle à pousser la porte de ses boutiques, Mauboussin mise sur la bague de
fiançailles à prix accessible. “C’est généralement par ce biais qu’une femme nous découvre,
ce qui lui donne envie de revenir”, observe Alain Némarq. »
De fait, la bague est l’atout majeur du joaillier, avec des classiques comme Olympe ou
Alessandra, et plus encore Nadia, création de Patrick Mauboussin en 1980 qui devient
un best-seller et le demeure jusque dans les années 2000. « La démocratisation de Mau-
boussin a commencé avec elle », estime Alain Némarq, cité dans l’article. D’autres
modèles font depuis partie des meilleures ventes, parmi lesquels Chance of Love, Moi
Aimer Toi, Fou de Toi ou Love Ring. En 2007, la bague de fiançailles représentait ainsi
40 % du chiffre d’affaires de Mauboussin. Cette stratégie de démocratisation est égale-
ment passée par la création d’un site Web en 2007.
La relance est efficace : le chiffre d’affaires de Mauboussin remonte à 25 millions
en 2006, contre 12,5 millions d’euros en 2003 et l’entreprise renoue avec les bénéfices.
La maison estimait que les femmes représentaient alors 60 % des clients en boutiques,
contre 10 % avant 2002.
Ce succès est aussi dû à un certain nombre de changements radicaux pour l’univers de
la joaillerie, à commencer par la fabrication de certaines pièces en Asie, afin de parvenir
aux prix compétitifs recherchés. La marque les affiche aussi bien dans les publicités que
dans les vitrines de ses boutiques, ce qui est inédit, et n’hésite pas à s’associer à des
présentatrices de JT ou même à des vedettes de la télé-réalité.
La collaboration avec Converse en 2006 est un autre aspect des efforts de la médiatisa-
tion de la marque, ensuite poursuivis par le lancement de la ligne M, déclinée en diffé-
rents produits : parfum, stylo ou encore lunettes de soleil griffés de l’étoile à quatre
branches de Mauboussin. Enfin, le joaillier ouvre en 2007 une boutique sur les Champs-
Élysées puis, l’année suivante, sur Madison Avenue, à New York, où il avait dû fermer
son enseigne de Park Avenue quelques années auparavant. « Comme ses clientes, Mau-
boussin est désormais une marque moderne et contemporaine qui a appris à communiquer
et réserve ses effets d’annonce. »
Source : B. Jourgeaud, « Mauboussin, un joaillier pour toutes », Le Figaro, 29 juin 2007.
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profession : le taux sur les pierres, communément de 70 %, est ainsi de 20 % depuis 2007
pour Mauboussin.
Cette volonté de rendre le luxe accessible s’est également traduite par méthodes de
« mass-marketing », comme des campagnes de publicité dans le métro ou l’affichage des
prix, choquant dans la joaillerie : « mes confrères de la place Vendôme […] trouvaient cela
blasphématoire. » La publicité représente 17 % du chiffre d’affaires de la marque, qui fait
ainsi connaître les nouveautés de sa collection, renouvelée deux fois par an pour « évoluer
selon l’air du temps ».
Némarq assure d’ailleurs que la crise ne les a pas contraints à reporter d’ouverture de
magasin, bien que celle de la boutique du boulevard Saint-Germain des Prés n’ait pu se
faire. Il cite plutôt, en Russie, une commande qui n’aurait pu être payée et n’a donc pas
été livrée, et la difficulté d’atteindre les objectifs : « À New York, la boutique de 700 m2 sur
Madison Avenue a été inaugurée le 21 octobre 2008. La campagne de publicité – 23 pages
pleines dans le New York Times et 15 dans le New York Post –, destinée à nous faire connaître
aux États-Unis, avait démarré le 18 septembre, précisément trois jours après la chute de
Lehman Brothers… En novembre et décembre, nous n’avons réalisé, à cause de la crise, que
la moitié de nos prévisions (10 000 euros de chiffre d’affaires par jour), mais en janvier nous
avons réalisé nos objectifs. » Les ouvertures se sont de fait poursuivies : à Tokyo en
février 2009 (représentant un investissement tout de 7,55 millions d’euros) et Singapour
en décembre de la même année.
De tels investissements sont cependant lourds, et N. Vulser souligne la perte de 2,03 mil-
lions d’euros (pour un chiffre d’affaires de 28,3 millions) subie en 2007. S’il ne fait pas
de prévisions, A. Némarq souligne l’importance des investissements et la progression
du chiffre d’affaires, qui a doublé entre 2004 et 2008, passant de 15 à 31 millions d’euros.
Source : A. Némarq, interview avec N. Vulser, Le Monde, 3 février 2009.
Question
Sur la base de ces documents, bâtissez la matrice des caractéristiques de l’offre exclues,
réduites, améliorées et créées ainsi que le canevas stratégique de l’entreprise.
Éléments de solution
Performances des entreprises et performances sectorielles
Le tableau 3.13 montre des performances extrêmement contrastées entre les perfor-
mances moyennes des différents secteurs. Certains sont profitables sur longue période
(la pharmacie, la chimie, l’alimentation) quand d’autres présentent des performances
médiocres (l’acier, le transport aérien). Si l’on écarte l’hypothèse que certains secteurs
attirent des équipes dirigeantes médiocres qui prennent systématiquement de mau-
vaises décisions, cette distribution tend à démontrer la pertinence de l’analyse structu-
relle de Porter : les configurations structurelles de chaque secteur influencent largement
les performances des firmes de ce secteur. Pour la chimie ou la pharmacie, la possibilité
de breveter des innovations constitue des barrières à l’imitation importantes, tout
comme dans l’alimentation, les investissements en publicité et en marketing. À
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rue. Cette sortie revendiquée de la logique « plus c’est cher, plus c’est luxe » caractérise
une stratégie Océan Bleu.
Tableau 3.15 : Matrice des caractéristiques de l’offre
Niveau
élevé Entreprises
traditionnelles
Niveau
Mauboussin
faible
Viser les
Investissement
hommes Prix et Viser la femme
Renouvellement publicitaire Prix Production
au moins marges contemporaine
des collections sur support affichés en Asie
autant que élevés grand public
grand public
les femmes
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Chapitre 4
1. Nous retenons le terme de business model (BM), non pas pour céder à l’appel des anglicismes, mais parce qu’il nous
apparaît comme le plus diffusé dans les entreprises et qu’il évite l’ambiguïté du terme de « modèle économique » ren-
voyant au champ académique de l’économie.
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112 Stratégie et Business Models
mouvant. Cette période se caractérise en effet par des changements majeurs dans le
monde des affaires.
• Le premier est l’émergence de l’e-business et la diffusion massive des technologies
de l’information. La révolution numérique fondée sur la pénétration massive des
technologies de l’information dans les foyers et les entreprises, la diffusion des lignes
haut débit et l’expansion d’Internet va s’accompagner en effet de l’apparition de nou-
veaux métiers et permettre à de nouvelles entreprises d’exploiter des sources de revenus
originales, de complexifier les relations interentreprises ou de concurrencer des entre-
prises en place. Par exemple, des méthodes de vente telles que les enchères se générali-
sent à des échelles jamais atteintes jusque-là et vont forger le succès d’entreprises comme
eBay. Des modèles révolutionnaires fondés en partie sur des offres gratuites vont assimi-
ler Internet à un vaste marché du gratuit. Concernant les relations interentreprises, les
plateformes électroniques d’achats groupés se développent également dans les années
1990 avec plus ou moins de succès. Des métiers plus traditionnels voient apparaître de
nouveaux concurrents utilisant à plein la puissance de diffusion d’Internet, comme
Amazon dans la vente et la distribution de livres puis de produits culturels.
• Le second facteur de changement important tient à la déréglementation de secteurs
économiques entiers (Rédis, 2007). Qu’il s’agisse du marché des télécoms ou de
l’énergie, des services postaux ou des services financiers, des médias ou du transport
aérien, les décennies 1980 et 1990 auront créé de vastes opportunités pour pénétrer
des activités jusque-là fortement réglementées. Dans ce contexte, la redéfinition des
filières ou réseaux de valeur va donner naissance à des BM originaux portés par de
nouvelles organisations concurrençant les entreprises en place. L’arrivée de Canal + en
1984 dans le secteur télévisuel français est un exemple emblématique parmi d’autres
d’un nouveau modèle basé sur le paiement mensuel d’un abonnement couplé avec une
offre en partie gratuite. Dans les télécoms, des opérateurs virtuels (MVNO : Mobile
Virtual Network Operator) apparaissent au milieu des années 2000 sans posséder de
spectre de fréquences propre et généralement sans avoir développé leurs réseaux de
transmission de données nécessaires traditionnellement pour opérer dans le secteur.
Ces deux tendances lourdes amènent des entrepreneurs à recourir à la notion de BM
pour expliquer la logique novatrice de leur future activité et justifier leurs sources de
revenus auprès des investisseurs potentiels. Comment expliquer à des investisseurs que
l’on va gagner de l’argent sans faire payer le client ? Comment convaincre qu’une nouvelle
organisation de la filière est pérenne ? Comment justifier de ses chances de succès face à
des entreprises en place ? En cette période mouvante, le terme « business model » fournit
aux entrepreneurs un « objet » propre à appuyer leur propos et à emporter la conviction.
Cependant, le concept ne s’impose pas sans heurts dans la communauté académique.
Dans un article portant sur l’analyse stratégique du e-business, Porter (2001) critique le
concept de BM comme vague et peu clair. Son jugement tranché est que les outils tradi-
tionnels de la stratégie tels que l’analyse des forces concurrentielles, les stratégies géné-
riques ou la chaîne de valeur appliqués à ces nouvelles activités auraient évité bien des
déboires aux investisseurs. Finalement, selon lui, on peut ramener les différents BM aux
archétypes des stratégies génériques : les BM fondés sur la différentiation et l’innovation
versus les BM visant à obtenir un leadership par les coûts.
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Chapitre 4 L’approche business model 113
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Chapitre 4 L’approche business model 115
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116 Stratégie et Business Models
Ressources et compétences
(RC)
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Chapitre 4 L’approche business model 117
2. Parler de proposition de valeur permet d’aller au-delà des produits et services concrets de l’entreprise et d’envisager plutôt
les fonctions auxquelles répond une offre de l’organisation. De plus, les conditions de paiement ou les garanties des produits
et services (inclus dans l’idée de proposition de valeur) peuvent avoir autant d’importance que le produit lui-même.
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118 Stratégie et Business Models
Ressources immatérielles
Ressources Ressources Ressources Technologie Savoir-faire/
physiques financières humaines Réputation compétences
Relations
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Chapitre 4 L’approche business model 119
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Tableau 4.2 : Les propositions de valeur (modèle RCOV détaillé)
Produit/
Cibles Groupes Promesses Groupes Lieux Conditions Prix
service
Consommateurs Besoins similaires Simplicité Individuel Information Service automatisé Gratuit (freemium,
razor/blade, plate-
Entreprises Besoins complé- Performance Bundling (mêmes Conception Self-service
120 Stratégie et Business Models
forme)
mentaires produits ou
Médias Prix produits complé- Achat Assistance Payant
Institutions Sécurité mentaires) Prestation / Indéterminé (subven-
locales Part tion, pay as you want)
Valorisation Post-prestation Prestation unique
Fournisseurs Plateforme /
Personnalisation / Abonnement
Actionnaires Forfait
Plaisir Lieu dédié
Employés Usage/temps
Lieu non dédié
Concurrents Performance
Chez le client
… /
Autre
Prix fixe (non dégres-
sif, dégressif)
Prix variable (yield
management, en-
chères, négociation,
avantages fidélité)
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Chapitre 4 L’approche business model 121
La promesse est incarnée sous forme de produits et/ou services. L’intérêt de formuler
d’abord la promesse est qu’elle laisse ouverte la question des caractéristiques du pro-
duit ou du service (voire les deux) qu’il convient de proposer pour tenir cette pro-
messe. L’entreprise ne s’enferme donc pas a priori dans les habitudes de son secteur
d’activité.
Enfin, les produits et/ou services de l’organisation peuvent être groupés, vendus indi-
viduellement, vendus en parts ou articulés autour d’une plateforme. S’ils sont groupés,
des produits similaires peuvent être proposés en volume ou des produits complémen-
taires proposés ensemble (par exemple la console de jeu, la manette et un jeu vidéo).
Cette réflexion sur le bundling (groupage) et l’unbundling (dégroupage) permet là
encore d’innover en matière d’offre. Par exemple, un quotidien d’information peut
certes être vu comme un produit, mais il comprend en réalité des dizaines d’articles et
le fait de considérer ces articles individuellement conduit à une autre offre qu’à un
journal : le pay-per-view. L’offre peut également consister à acheter une partie d’un bien
(une ou plusieurs parts), qu’il s’agisse d’une maison de vacances, d’une voiture ou
même d’une œuvre d’art. Bien que fortement réglementée en France, la loterie est une
forme particulière d’illustration de ce principe dans lequel chacun achète à un prix
forfaitaire et modique un ticket qui permet d’espérer gagner un lot d’un prix impor-
tant. L’offre consiste dans ces cas en une part d’un bien ou d’un service plus global.
Enfin, plusieurs produits et/ou services peuvent également être vendus individuelle-
ment mais être articulés autour d’une plateforme, c’est-à-dire un produit ou une tech-
nologie qui sert d’interface entre les différentes propositions de valeur. Dans ce cas, les
groupes de produits et services sont constitués par leur relation avec la plateforme. À
partir de cette dernière, une réflexion créative sur le BM d’une entreprise peut avoir
pour objectif la création de nouvelles propositions de valeur à destination de nouvelles
cibles complémentaires aux clients actuels. Une nouvelle proposition de valeur peut
alors transformer un marché traditionnel en un marché multi-faces dans lequel plu-
sieurs groupes bénéficient de propositions de valeur complémentaires. C’est le cas par
exemple de la stratégie d’Apple autour de ses iPhone et iPad. Apple a su conjuguer à
cette occasion l’enrichissement de son catalogue d’applications avec l’accroissement de
la valeur de ses appareils auprès des clients finaux. L’entreprise a dans ce cas deux pro-
positions de valeur complémentaires – la proposition d’une plateforme de développe-
ment d’applications et l’accès à un catalogue d’applications – qui s’enrichissent
mutuellement et pour lesquelles elle se fait rémunérer à la fois sur chaque transaction
de téléchargement d’applications et sur la vente de ses appareils. Dans le modèle
d’Apple, AppStore et iTunes sont des plateformes autour desquelles s’articulent diffé-
rentes propositions de valeur à destination de publics différents.
Les modes d’accès
La catégorie « Modes d’accès » est probablement la plus complexe, car elle englobe de
nombreuses sous-catégories et modalités différentes.
Un mode d’accès comprend un ou plusieurs « lieux » pour chaque phase du processus
d’achat (information, conception, achat, prestation, post-prestation). Ce lieu peut être
dédié (comme un magasin dédié aux offres de l’entreprise analysée) ou non dédié (on
trouve alors l’information sur le produit, et/ou le produit lui-même, et/ou le service
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122 Stratégie et Business Models
après-vente dans un magasin vendant des produits et/ou services de différentes entre-
prises/marques ou chez le client lui-même – par exemple dans le cas de la vente ou de la
prestation à domicile).
Les conditions sont une autre sous-catégorie des modes d’accès. Le service rendu peut
être automatisé (comme dans un distributeur automatique), en self-service (comme
dans un supermarché ou un hypermarché), ou avec assistance (comme dans une épice-
rie de luxe). Quel que soit le type de format proposé, la prestation vendue peut être
unique ou un abonnement peut être proposé. La presse propose par exemple le plus
souvent les deux types de conditions (prestation unique et abonnement) aux mêmes
clients. Parfois, le client peut être relativement captif même sans une logique d’abonne-
ment. C’est le cas par exemple des clients des experts comptables qui ont tendance à
renouveler les prestations par tacite reconduction. Ce type de pratique est alors assimi-
lable à l’abonnement.
Enfin, le prix est la dernière sous-catégorie des modes d’accès. Une proposition de
valeur peut être gratuite, payante ou à un prix indéterminé. Si elle est gratuite, plusieurs
modalités sont possibles, comme l’a illustré Anderson (2009) : le modèle freemium
repose sur la gratuité d’une version de base du produit et le caractère payant d’une ver-
sion plus développée. Certains consommateurs paient alors pour des versions enrichies
du produit ou du service, ce qui subventionne une offre gratuite pour les autres clients.
C’est le cas par exemple de la version de base d’Adobe, Acrobat Reader, dont les fonction-
nalités sont restreintes et des versions professionnelles et sophistiquées d’Adobe qui per-
mettent l’édition professionnelle de documents, le montage vidéo ou le développement
d’applications web ; le modèle razor/blade repose sur la subvention croisée d’un produit
par un autre (par exemple, les téléphones portables sont gratuits ou presque, car ils sont
financés par les abonnements nécessaires pour les utiliser) ; le modèle de plateforme
repose sur le financement du produit pour un utilisateur par un autre « client » (c’est le
cas des quotidiens d’information gratuits financés par la publicité).
Le prix indéterminé peut prendre aussi deux modalités. L’une, très rare, est le « payez ce
que vous voulez » (« pay as you want »). Plusieurs ouvrages, spectacles ou albums de
musique ont adopté ce modèle. Certains restaurants originaux ont également appliqué
ce modèle en proposant aux clients de payer ce qu’ils veulent selon la qualité de leur
repas. L’autre cas de prix indéterminé est, lui, beaucoup plus fréquent : il s’agit des sub-
ventions ou des dons. Les organisations comme les ONG ont bien des propositions de
valeur claires à l’égard des pouvoirs publics, des collectivités locales ou des individus
auprès de qui elles sollicitent des aides financières. Cependant, ces propositions de
valeur n’ont pas réellement de prix, les parties prenantes payant (ou non) ce qu’elles
veulent. Enfin, si les produits ou les services sont payants, leur prix doit être déterminé
à partir d’une « base de prix » qui peut être un forfait (Internet aujourd’hui), un temps
ou une quantité utilisée (par exemple, l’électricité ou le prix d’un vêtement) ou une
performance (c’est le cas des entreprises spécialisées dans la baisse des coûts, parfois
rémunérées sous forme de success fees, en pourcentage des économies qu’elles ont permis
de réaliser). Quelle que soit la base de prix, plusieurs modalités sont possibles : un prix
fixe (qui peut être dégressif ou non – le plus souvent en fonction de la quantité achetée)
et un prix variable, selon les principes du yield management (comme dans le secteur du
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Chapitre 4 L’approche business model 123
Organisation
Configuration Opérations/ Organisation Acteurs- Organisation Partenaires/
Groupes de la
de valeur tâches interne clés externe prestataires
transaction
Chaîne de Marché
valeur
Réseau
Atelier de (franchise,
valeur licence, parte-
nariat, co-
Réseau de production)
valeur
Bazar (open
source)
La configuration de valeur
En matière d’organisation, une entreprise devra en général commencer par s’interroger
sur la nature de la configuration de valeur du domaine d’activité stratégique analysé.
Les trois grands types de configuration de valeur (chaîne de valeur, atelier de valeur,
réseau de valeur) ont été présentés au chapitre 3. La plupart du temps, un DAS repose sur
un seul type de configuration. Selon la configuration de valeur, l’entreprise peut identi-
fier toute une série d’opérations ou de tâches nécessaires à la réalisation des propositions
de valeur choisies. Si ces opérations s’appuient sur les mêmes compétences ou reposent
potentiellement sur des synergies en termes d’actifs, elles peuvent être regroupées (voir
colonne « Groupes » du tableau 4.3) et éventuellement confiées à la même entité (service
interne ou partenaire). Il s’agit ensuite d’arbitrer, pour chaque opération ou groupe
d’opérations, s’il est préférable de la réaliser en interne ou à l’extérieur de l’entreprise. En
général, une activité sera internalisée ou confiée à l’extérieur en fonction de critères tels
que les ressources et compétences actuelles de l’entreprise, sa capacité à développer de
nouvelles ressources et compétences dans la réalisation des opérations, ou encore les
coûts et les avantages du recours à un prestataire. Comme l’ont noté Warnier et al.
(2012), l’innovation en matière de BM peut parfois simplement consister à confier à un
partenaire une activité considérée généralement comme relevant du cœur de métier.
C’est par exemple le choix qu’a fait Dell à sa création en envisageant la R&D comme une
fonction secondaire (et de fait assurée par des partenaires comme Intel ou Microsoft),
alors que toutes les entreprises du secteur s’engageaient dans une logique d’inflation en
la matière. Dell a ainsi pu renforcer d’autres activités, comme la logistique, tout en pro-
posant des prix plus bas que ceux des concurrents. Les choix faits en matière d’organi-
sation interne déterminent largement le périmètre du réseau de partenaires à constituer
(et inversement).
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124 Stratégie et Business Models
Dans le tableau 4.3, on pourra spécifier pour les opérations internalisées qui sont les
« acteurs clés », c’est-à-dire les individus ou les services en charge de ces dernières. Pour
les opérations confiées à un prestataire ou un partenaire, on pourra également spécifier
le nom de celui-ci.
L’organisation de la transaction
La catégorie la plus importante ici est toutefois celle de l’organisation de la transaction.
Si l’entreprise choisit de confier une opération ou un groupe d’opérations à l’extérieur, il
convient de clarifier le type de relations que l’on souhaite entretenir avec l’organisation
qui prend en charge l’opération. On distingue alors plusieurs types d’organisation de la
transaction (en dehors des transactions internes lorsque l’opération est internalisée) : le
marché, le réseau et le bazar (Demil et Lecocq, 2006).
• Le marché suppose des relations de type fournisseur-client sans engagement et sans
intuitu personae entre les acteurs. Il s’agit dans ce cas d’assurer un contrôle régulier
sur le prestataire pour préserver et/ou améliorer les prestations et de changer de
prestataire en cas d’insatisfaction à un moment donné. Le marché consiste à « faire
faire ».
• Au contraire, dans une organisation de la transaction de type « réseau » , la confiance
et les relations interpersonnelles garantissent une sollicitude et une réciprocité entre
les entreprises. Les partenaires assurent ensemble les opérations, conjointement ou en
se répartissant les rôles. L’engagement est à long terme. Le réseau consiste à « faire
avec ».
• Enfin, dans une organisation de type « bazar » , les opérations qui ne sont pas inter-
nalisées peuvent être confiées à qui le souhaite, l’entreprise abandonnant éventuelle-
ment une partie de sa propriété sur certains actifs afin de permettre à des individus
motivés de s’engager pour contribuer à réaliser l’opération. Le bazar est notamment la
forme d’organisation des transactions dans les communautés du logiciel libre ou de
l’open source. Le système d’exploitation Linux repose sur ce type de fonctionnement.
Le bazar consiste à dire « faire faire par qui le veut bien ». Le choix entre marché,
réseau ou bazar pour une transaction donnée réalisée à l’extérieur de l’entreprise
définit le type de relations entretenu avec les entreprises de l’environnement.
Bien sûr, pour organiser une activité, l’entreprise peut choisir de faire certaines opéra-
tions à la fois en interne et en externe (plutôt que de choisir de manière exclusive de faire
ou de faire faire), ou de confier une opération à plusieurs partenaires, ou encore de mul-
tiplier, pour une même opération, les formes d’organisation des transactions avec les
prestataires ou partenaires. En matière d’organisation, la créativité peut consister à
mobiliser un partenaire inattendu ou à développer une nouvelle forme de relation dans
le secteur. Par exemple, dans les années 1980, l’entreprise américaine Domino’s Pizza
s’est développée à l’international très rapidement, car elle s’est appuyée sur le principe de
la « master franchise », peu utilisé à cette époque, se reposant ainsi sur un partenaire clé
dans chaque pays. Le « crowdsourcing » et le « crowdfunding » sont des cas de recours à
un partenaire inattendu (en l’occurrence le grand public) pour mener à bien certaines
opérations.
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Chapitre 4 L’approche business model 125
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126 Stratégie et Business Models
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Chapitre 4 L’approche business model 127
Finalement, on peut dire que le modèle RCOV détaillé est un outil qui permet d’analy-
ser le BM d’une entreprise ou d’en mettre un au point dans le cadre de la création d’une
organisation. Il concilie les impératifs de performance tout en stimulant la créativité
stratégique de l’entrepreneur ou des dirigeants.
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128 Stratégie et Business Models
peut donc y avoir des objectifs stratégiques variés. L’atteinte de ces objectifs ne conduit
pas nécessairement à un avantage concurrentiel en tant que tel, mais permet de répondre
au mieux aux attentes des dirigeants et/ou des autres parties prenantes de l’organisation.
Une organisation choisit ou fait évoluer son BM pour :
• générer des revenus (son chiffre d’affaires) et/ou assurer une croissance (une augmen-
tation du chiffre d’affaires) ;
• et/ou augmenter son profit ;
• et/ou stabiliser son activité ;
• et/ou pour se différencier (effet d’image et/ou de notoriété) ;
• et/ou réduire le risque (d’investissement ou de marché) associé à l’activité ;
• et/ou réduire la dépendance envers une partie prenante ;
• et/ou créer plus de valeur pour une partie prenante.
C’est cette variété d’objectifs en termes de performance qui permet à l’approche BM
d’être adaptée à des contextes et à des types d’organisations très variés (entreprise, col-
lectivité, association, ONG…) Cependant, comme nous le montrons dans la suite de ce
chapitre, quel que soit le type d’organisation, la performance repose sur le design d’un
bon BM (susceptible d’obtenir la performance attendue) mais également sur le manage-
ment de ce BM par les dirigeants.
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Chapitre 4 L’approche business model 129
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130 Stratégie et Business Models
positif en termes d’image comparé aux pratiques traditionnelles du secteur (forfait par
mission ou tarif journalier). De même, les journaux n’ayant pas recours à la publicité
pour se financer (par exemple Le Canard enchaîné) génèrent une image d’indépendance
plus forte que les journaux mobilisant le BM traditionnel de la presse (paiement du
journal par le lecteur et publicité par les annonceurs) ou le BM gratuit (publicité par les
annonceurs uniquement).
Réduire l’investissement ou le risque de marché associé à l’activité
Une autre motivation dans le choix d’un BM peut être la volonté de réduire le risque
associé à l’activité. Cela peut prendre deux formes.
La première consiste à vouloir réduire l’investissement nécessaire pour opérer dans le
secteur. Lecocq et Demil (2006) ont par exemple montré que des entreprises pouvaient
adopter certaines technologies parce qu’elles réduisaient les coûts d’entrée sur le marché.
D’autres organisations déploient un BM qui fait supporter à certaines parties prenantes
l’investissement. C’est le cas de MyMajorCompany (MMC), créée en 2007. Elle invite
chacun à devenir producteur de nouveaux artistes. Le client peut acheter des « parts »
dans la production d’un artiste, ce qui fait de lui un producteur et dans le même temps
un client de MMC. Une fois que le montant total investi sur un artiste a atteint le mon-
tant requis, MMC enregistre et distribue son album en ajoutant un investissement rela-
tivement faible. Les individus producteurs se partagent 30 % des revenus générés par les
ventes de l’album selon leur nombre de parts. L’artiste reçoit 20 % des revenus et MMC
50 % des revenus. Avec son BM original, MMC réduit le risque financier associé à l’ac-
tivité en investissant beaucoup moins que les producteurs de musique adoptant le BM
traditionnel.
La seconde forme de réduction de risque qui peut être recherchée à travers un BM est
relative au risque marché, c’est-à-dire au risque supporté par l’entreprise lorsqu’elle met
un produit sur le marché. Si dans certains secteurs les études de marché permettent de
réduire ces risques, dans d’autres (par exemple dans les industries créatives), il reste
difficile de prédire le succès d’un produit donné. Certains BM, qui placent le client au
centre des opérations, visent ainsi à réduire le risque marché. MyMajorCompany, en
faisant approuver par le public et tester par les consommateurs (qui deviennent eux-
mêmes producteurs) la musique avant de la produire, pouvait espérer réduire le risque
marché en plus de réduire l’investissement nécessaire à la production de l’artiste. Cepen-
dant, l’entreprise a connu plusieurs échecs commerciaux, car en devenant producteurs
les consommateurs ne donnaient pas leurs préférences, mais essayaient d’imaginer les
préférences du public, à la manière du concours de beauté de Keynes (1942).
Réduire la dépendance envers une partie prenante
Il est commun de penser que dans un secteur donné, on peut lister les principales
parties prenantes et définir leur influence sur les entreprises du secteur. C’est même
d’ailleurs le raisonnement sous-jacent du modèle des 5+1 forces de Michael Porter.
Cependant, un BM innovant dans un secteur peut faire varier de façon originale le
poids de certains acteurs, qu’ils soient clients, partenaires, fournisseurs…
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Chapitre 4 L’approche business model 131
Par exemple, Le Canard enchaîné évoqué précédemment est un journal qui, grâce à
son BM, a réduit l’influence des grands annonceurs (jusqu’à ne plus les considérer
comme une partie prenante), très puissants dans la presse traditionnellement.
Créer plus de valeur pour une partie prenante
À l’inverse, une organisation peut souhaiter donner plus de poids à une partie prenante.
Il peut s’agir de mieux l’intégrer dans les processus de l’entreprise, par exemple lorsque
le client co-construit le produit ou le service. Mais cette partie prenante peut également
être mieux rémunérée, c’est-à-dire capter plus de valeur. Le commerce équitable repose
par exemple sur un BM dans lequel l’entreprise qui distribue les produits dans les pays
« riches » rémunère mieux les producteurs locaux. De nombreux autres BM peuvent
mieux rémunérer l’une ou l’autre des parties prenantes, autrement dit la rémunérer
mieux que ne le lui permettrait son pouvoir de négociation.
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132 Stratégie et Business Models
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Chapitre 4 L’approche business model 133
Les sept actions qu’il convient de mettre en œuvre pour assurer la performance d’un
BM choisi sont : exploiter, valoriser, intégrer, développer, aligner, performer et investir.
Elles sont opérées via les dispositifs et les tâches quotidiennes des managers, mais égale-
ment à travers les décisions des dirigeants (lancement de nouveaux produits, investisse-
ment…). Si ces sept actions sont déployées de manière équilibrée, alors l’entreprise
génère des cercles vertueux en matière de performance. À l’inverse, le fait de délaisser
certaines de ces actions peut conduire à une baisse de performance et une dérive du BM
(entropie). Par exemple, l’intégration des ressources et compétences dans l’organisation
et leur exploitation sous forme de propositions de valeur doivent également être accom-
pagnées d’investissements sur les ressources et compétences sous peine de surexploiter
ces dernières. Au contraire, de lourds investissements en matière de ressources et com-
pétences qui ne donnent pas lieu à une bonne intégration de ces derniers dans les dispo-
sitifs d’organisation (« intégrer ») et/ou à la génération de nouvelles propositions de
valeur (« exploiter ») aboutissent à un faible retour financier. La baisse de performance
d’un BM peut donc donner lieu à une analyse afin d’identifier les actions qui ne sont
plus mises en œuvre de manière satisfaisante dans l’organisation.
1. « Exploiter » (RC → V) correspond à la nécessité pour les organisations d’exploiter
les ressources via des propositions de valeur. Les ressources et compétences qui ne
sont pas utilisées totalement dans le dispositif organisationnel peuvent être exploi-
tées à l’extérieur, c’est-à-dire transformées en propositions de valeur (assorties
d’une promesse, d’une offre de produits et/ou services et d’un certain nombre de
choix en matière de modes d’accès). C’est le cas lorsque le Stade de France propose
d’organiser des grands événements pour mieux exploiter ses compétences internes
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Chapitre 4 L’approche business model 135
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136 Stratégie et Business Models
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Applications
Question
Sur la base du modèle RCOV, vous chercherez de nouveaux business models pour entrer
dans le secteur.
Éléments de solution
L’objectif de l’exercice est de stimuler la créativité stratégique des étudiants et de ne pas
cantonner la réflexion stratégique à la seule analyse. Le secteur des agences immobi-
lières est choisi car c’est un secteur actuellement difficile, où les hausses et baisses de
l’offre (les vendeurs) et de la demande (les acheteurs) ont un impact rapide et direct sur
le nombre d’entreprises. Il semble difficile d’y offrir quelque chose de différent et la
santé économique des agences dépend largement d’un contexte macro-économique qui
échappe aux entreprises. Les barrières à l’entrée sont quasiment nulles. À l’exception de
la détention d’une carte d’agent immobilier nécessaire pour au moins l’un des salariés,
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Ressources et compétences
Catalogue, connaissance du marché local,
compétences des agents, agence,
éventuellement publicité
Organisation
Proposition de valeur aux acheteurs
agents immobiliers, éventuellement
Acheter un bien correspondant le plus
collaboration avec les autres agences
à ses aspirations et aux prix le plus juste
d’un réseau
Revenus Coûts
Commission d’environ 5 % Loyer et salaires fixes des agents,
du montant de la transaction × commissions sur ventes
Nombre de transactions versées aux agents
Marge
Dépend essentiellement
du nombre de transactions
Les ressources et compétences partagées par ces deux propositions sont l’existence d’une
agence « en dur », les connaissances du marché local, un catalogue large et la compé-
tence des agents. À ces ressources et compétences, les réseaux d’agence ajoutent
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Chapitre 5
L’analyse du portefeuille
d’activités
L’analyse des différents domaines d’activité stratégique (DAS) permet d’aboutir à une
connaissance des principales caractéristiques de l’environnement et du fonctionnement
interne de chaque DAS. Cependant, ces analyses, menées au niveau « business » de la
stratégie, doivent ensuite faire l’objet d’une synthèse pour envisager l’articulation entre
les différents DAS au niveau global de l’entreprise (le niveau corporate de la stratégie).
Une fois les DAS analysés, ces derniers peuvent être « placés » dans une matrice afin
d’avoir une vue de l’ensemble du portefeuille d’activités de l’entreprise. L’évaluation de
la performance de chaque DAS et de ses perspectives d’évolution permet ensuite de
rationaliser la prise de décision des dirigeants concernant l’allocation des ressources
entre les différentes activités de l’entreprise et les choix d’investissement.
Dans ce chapitre, nous présentons en premier lieu les enjeux de la gestion de porte-
feuille. Puis, dans une deuxième section, nous étudions les principales matrices d’ana-
lyse de portefeuille : la matrice BCG (Boston Consulting Group), la matrice McKinsey
et la matrice ADL (Arthur D. Little). Ces matrices diffèrent par le nombre et le type de
critères qu’elles font intervenir. Nous montrons comment utiliser ces matrices et met-
tons en évidence leurs avantages et leurs limites. Enfin, dans une troisième section, des
alternatives à ces matrices sont proposées (la matrice cubique de Faulkner et la matrice
matrice des business models).
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142 Stratégie et Business Models
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Chapitre 5 L’analyse du portefeuille d’activités 143
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144 Stratégie et Business Models
Vedette A Dilemme C
10 %
5 1 0,5
Part de marché relative
En fonction du positionnement des DAS dans les quatre cases de la matrice, des recom-
mandations en termes de stratégie sont faites (voir figure 5.2). Ainsi, dans l’exemple
précédent, le DAS A est un DAS « vedette », tandis que le DAS B est « vache à lait », le
DAS C « dilemme », et le DAS D « poids mort ». En général, un DAS suit un cycle de vie
qui commence par le statut de « dilemme » (lorsque le DAS n’est pas leader du marché
mais se trouve sur un marché en croissance forte – c’est-à-dire un marché jeune) avant
de passer à celui de « vedette » (si la firme devient leader), puis de « vache à lait » (lorsque
le secteur n’est plus en croissance forte –autrement dit, lorsqu’il est mature) et enfin,
éventuellement, de « poids mort ».
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Chapitre 5 L’analyse du portefeuille d’activités 145
Vedette Dilemme
- Équilibre entre besoins et - Besoin de ressources
Taux de croissance
surplus de ressources financières - Renforcement ou segmentation
- Maintien du DAS ou abandon
du marché
10 %
Vache à lait Poids mort
- Surplus de ressources financières - Équilibre entre besoin et surplus
- Maintien du DAS de ressources
- Abandon ou maintien sans effort
5 1 0,5
Part de marché relative
Un DAS « vedette » est équilibré financièrement car la firme est leader sur un marché en
croissance. Cependant, la croissance du marché amène une concurrence très rude qui
suppose de lourds investissements pour maintenir une position de leader. Cela a par
exemple été le cas pendant les premières années de la téléphonie mobile, qui connaissait
des progressions largement supérieures à 10 %, mais requérait de lourds investissements
pour déployer le réseau de couverture du territoire. Il ne génère donc pas d’énormes
profits à court terme, mais permet d’envisager des profits à moyen et long termes.
Un DAS « vache à lait » génère beaucoup de ressources financières (d’où l’expression
vache à lait) car l’entreprise est leader et ne rencontre que peu d’opposition puisque le
marché n’est plus en croissance. Moins d’investissements sont donc nécessaires pour
préserver une position de leader. Le DAS doit être maintenu puisqu’il finance éventuel-
lement le développement d’autres DAS de l’entreprise en situation de dilemme. Cela est
par exemple le cas de la téléphonie fixe dans les télécoms.
Un DAS « dilemme » a besoin de ressources financières pour assurer son développe-
ment car il évolue sur un marché où la concurrence est rude (forte croissance). Le BCG
recommande dans ce cas d’investir pour augmenter la part de marché du DAS (renfor-
cement), de garder et de développer les produits ou les services les plus prometteurs du
DAS (segmentation), ou d’abandonner le DAS si l’entreprise ne dispose pas des res-
sources financières suffisantes. Toujours dans les télécoms, ce type d’activité comprend
par exemple la vente de contenus en ligne (musique, cinéma), qui offre un relais de
croissance mais dans laquelle les groupes télécoms sont loin d’être leaders.
Enfin, un DAS « poids mort » ne fournit plus beaucoup de ressources mais n’en néces-
site que peu. Le BCG conseille dans ce cas d’abandonner l’activité ou de la maintenir
sans réinvestir. C’est par exemple le cas des services commerciaux proposés sur Minitel,
maintenus par Orange jusqu’en 2012.
On comprend bien qu’un portefeuille d’activités équilibré compte des DAS dans les dif-
férentes cases de la matrice. À l’inverse, une organisation présentant uniquement des
activités jeunes de type « dilemme » a des besoins considérables en termes de finance-
ment, tandis qu’une organisation n’ayant que des DAS « vache à lait » réalise des béné-
fices importants mais risque de disparaître à moyen terme si elle ne réinvestit pas dans
des marchés en croissance qui assureront à long terme sa pérennité.
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Chapitre 5 L’analyse du portefeuille d’activités 147
Position
concurrentielle Croissance Moisson /
Modérée Sélectivité
de l’entreprise sélective désinvestissement
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Chapitre 5 L’analyse du portefeuille d’activités 149
bien le cycle de vie de l’industrie dans son ensemble (et non d’un produit comme c’est
souvent le cas en marketing) qui doit être considéré.
Figure 5.4 : Le cycle de vie de l’industrie.
Ventes de
l’industrie
Biotechnologies,
commerce
électronique
Nanotechnologies,
génomique Automobile,
restauration
Construction navale,
photographie
argentique
Temps
Une industrie naît souvent d’une nouvelle technologie capable de proposer aux clients
un produit nouveau. La phase d’introduction de la technologie, ou plus généralement de
l’innovation à l’origine d’une nouvelle activité, se caractérise par une forte incertitude
liée aux tâtonnements des entreprises pour proposer leurs produits aux consomma-
teurs. La phase de croissance voit l’augmentation de la demande du marché et le déve-
loppement de l’activité nouvellement créée. Les besoins des clients et le potentiel
d’exploitation de la technologie sont mieux cernés. L’incertitude quant au développe-
ment de l’activité et à l’adhésion des clients diminue. En phase de maturité, la demande
se stabilise et il devient de plus en plus difficile de conquérir de nouveaux clients. La
menace des produits de substitution commence à se faire sentir. L’évolution naturelle du
secteur le conduit alors au déclin caractérisé par une chute de la demande sur le marché
et donc des ventes. Ce déclin n’est pas totalement irrémédiable : une innovation techno-
logique ou un nouveau modèle économique peut relancer une nouvelle phase de crois-
sance ou tout au moins prolonger la période de maturité.
Le cycle de vie est particulièrement important car les choix stratégiques d’une entreprise
dépendent largement de l’« âge » des secteurs sur lesquels elle est positionnée. Thiétart
R. A. (1990) rapproche par exemple les phases du cycle de vie de l’industrie des stratégies
fonctionnelles que devraient adopter les firmes (voir tableau 5.1).
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Chapitre 5 L’analyse du portefeuille d’activités 153
principale raison de cet écart de performance tient dans la relation entre les DAS déte-
nus par la firme. Ainsi, une entreprise qui est présente sur des DAS qui s’appuient sur les
mêmes compétences stratégiques (en distribution ou en recherche et développement
dans un domaine par exemple) a plus de chances de créer des effets de synergies entre
ses activités qu’une autre dont les DAS n’ont pas de base commune. La proximité des
DAS en termes de compétences à mobiliser est donc un critère déterminant de la perfor-
mance de la firme et donc de la gestion de portefeuille d’activités. La matrice cubique
(voir figure 5.5) permet de prendre en compte cette dimension qu’est la proximité des
compétences nécessaires à l’exploitation des différents DAS.
Figure 5.5 : La matrice cubique d’analyse de portefeuille
Forte
Attractivité
du marché Faibles
Relations avec
les compétences
Faible stratégiques
Fortes
Forts Faibles
Atouts de l’entreprise
Source : d’après Faulkner, 1998.
Comparativement aux matrices classiques, cette matrice cubique propose une analyse
systémique du portefeuille d’activités d’une entreprise et non plus une analyse DAS par
DAS que l’on synthétise par un diagnostic en termes d’équilibre des ressources. Elle
s’appuie sur les mêmes axes que les matrices traditionnelles, et notamment celle de
McKinsey (attractivité du marché et forces de l’entreprise ou position concurrentielle),
et ajoute une dimension supplémentaire : la proximité de chaque DAS avec les compé-
tences stratégiques de la firme. Ces compétences sont celles que l’entreprise maîtrise
mieux que ses concurrents et qui, bien souvent, fondent sa réputation. Cette troisième
dimension (relations avec les compétences fondamentales) permet de prendre en
compte les synergies potentielles entre activités. Plus une compétence permet d’établir
des ponts entre activités, plus elle est stratégique.
En 1993, Hamel et Prahalad ont relevé cette caractéristique d’élasticité ou « stretch » des
compétences stratégiques. Si une entreprise dispose des DAS « Fabrication de peinture »,
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Chapitre 5 L’analyse du portefeuille d’activités 155
Risque
Très faible
d’incompatibilité
des choix
Domination Stratégies
Low-cost
par les coûts hybrides
Coût de revient relatif
Faible
Position de base
sur le marché
Moyen
Désavantage
concurrentiel Différenciation
Différenciation
luxueuse
Risque de sortie
Élevé
de l’activité
La matrice des business models consiste bien à analyser les DAS. Cependant, elle ne
considère pas, contrairement aux autres matrices d’analyse de portefeuille, l’environne-
ment (et notamment le cycle de vie du secteur) comme une variable décisive pour expli-
quer la performance d’un DAS. En effet, comme nous l’avons vu dans le chapitre 4, une
approche en termes de business model permet souvent de s’affranchir des données de
l’environnement pour trouver ou retrouver une performance dans une activité donnée.
La matrice des business models repose sur trois postulats.
• D’abord, une organisation peut chercher dans le même temps à vendre ses produits
plus chers que l’offre de référence dans le secteur et à obtenir des coûts moins élevés.
Ces choix ne sont pas forcément exclusifs, car la recherche de différenciation peut
s’accompagner de baisses de coûts (voir chapitre 2).
• Ensuite, c’est en cherchant à optimiser sa position sur les deux axes que l’entreprise
peut faire le plus de profits sur chacun de ces DAS, jusqu’à une certaine limite où l’ac-
tivité propose des prix trop élevés par rapport aux caractéristiques de qualité, d’image
et de création de valeur du produit. Autrement dit, on ne peut pas être à la fois celui
qui offre les produits les plus chers d’un secteur et celui qui a les coûts de revient les
plus faibles. À l’extrême, ces deux business models sont incompatibles, puisque la dif-
férenciation suppose de développer des compétences de marketing spécifiques et une
maîtrise de la relation client, tandis que la domination par les coûts suppose une
industrialisation des processus de production, un contrôle de gestion fort et un marke-
ting de masse, voire inexistant.
• Enfin, la performance globale d’une firme dépend moins des caractéristiques des pro-
duits proposés par les différents DAS que des synergies possibles entre ces DAS. Or,
pour être effectives, ces synergies supposent un positionnement proche des différents
DAS afin de pouvoir exploiter au mieux des compétences et des ressources com-
munes. S’il est envisageable de faire simultanément des choix poussant à des coûts
faibles et à une prime de prix, il est en revanche difficilement envisageable d’avoir un
DAS orienté vers le low-cost et un DAS présentant une stratégie extrêmement poussée
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Chapitre 5 L’analyse du portefeuille d’activités 157
dynamique peut perturber le client qui risque de ne plus identifier clairement la straté-
gie de la firme sur l’activité. Puisque l’outil proposé ici porte sur le positionnement stra-
tégique, il peut également être utilisé pour positionner le DAS d’une entreprise et ceux
des concurrents du secteur afin d’opérer des comparaisons et de chercher à replacer
éventuellement l’activité (vers plus de différenciation ou plus de domination par les
coûts).
Dans une seconde phase de l’analyse, le portefeuille peut être considéré globalement.
La matrice permet de visualiser la cohérence d’ensemble de la stratégie suivie sur les
différents DAS. En effet, il est très difficile pour une firme d’adopter des stratégies
variées en matière de différenciation et/ou de maîtrise des coûts simultanément sur ses
différents DAS. Une firme court des risques importants à mener sur certains DAS une
stratégie de pure différenciation et sur d’autres une stratégie exclusive de domination
par les coûts ou de low-cost, et ce même si elle adopte des marques différentes pour ses
multiples activités. Se différencier de ses concurrents suppose en effet, quels que soient
les secteurs concernés, des compétences particulières (savoir-faire, service client, mar-
keting ou encore innovation produit) très différentes de celles requises pour dominer
par les coûts exclusivement (compétences en achat, en production, en contrôle de gestion
ou en logistique notamment).
Le cas de Mercedes qui, habituée essentiellement à la différenciation luxueuse, souhai-
tait initialement lancer une voiture à très bas prix (la Smart devait coûter moins de
6 000 € lors de son lancement en 1994), est révélateur de ce phénomène. La marque n’a
pas réussi à passer d’un extrême à l’autre en proposant une voiture low-cost alors qu’elle
était habituée à la différenciation. À l’inverse, Renault – moins différenciée et position-
née traditionnellement dans la moyenne de son secteur – a réussi sur le marché du low-
cost avec la Logan lancée en 2004, suivie des autres modèles de la marque Dacia (comme
Duster et Sandero), du fait de sa maîtrise des coûts. Cependant, lorsque Renault a tenté
de lancer l’Avantime et la Velsatis, des modèles haut de gamme très différenciés à des
prix proches de ceux des concurrents Mercedes ou BMW, l’entreprise a connu des échecs
retentissants.
La logique de développement d’un portefeuille d’activités apparaît donc souvent à
recherchre dans la proximité des modèles économiques mis en œuvre dans les diffé-
rentes activités (voir chapitre 4). On peut cependant envisager que, sur le long terme,
une entreprise réussisse à faire évoluer fortement son business model dominant. Les
entreprises japonaises puis, plus récemment, chinoises, sont ainsi progressivement
montées en gamme pour incorporer de plus en plus d’éléments de différenciation dans
leurs offres.
Plutôt que d’ajouter une variable « relations avec les compétences stratégiques » pour
analyser la cohérence du portefeuille d’activités comme le fait la matrice cubique de
Faulkner, notre outil propose d’évaluer la distance euclidienne (notamment sur les
dimensions prix relatifs et coûts relatifs) entre les DAS d’une firme, positionnés dans le
cube. C’est donc la distance entre les points représentant les DAS qui définit la cohé-
rence du portefeuille. Une entreprise ayant des DAS trop éloignés les uns des autres a
peu de cohérence entre ces DAS ce qui peut avoir deux conséquences négatives sur sa
performance :
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158 Stratégie et Business Models
– le client peut ne pas comprendre quelle est l’image de l’entreprise et ne pas lui accor-
der de légitimité si elle mène dans le même temps une activité low-cost et une activité
très haut de gamme différenciée. Pour éviter cet inconvénient, les entreprises choisis-
sent souvent de créer et de développer plusieurs marques différentes afin de couvrir
des segments différents du marché (Mercedes et Smart, Renault et Dacia, Yves Saint
Laurent et Rive Gauche, Auchan et Simply Market…)
– des problèmes internes se posent à l’entreprise pour poursuivre des buts très diffé-
rents et évaluer ses DAS sur des critères trop distincts, relevant de valeurs souvent
antagonistes (comment mener de front une guerre contre les coûts et la mise en
avant du service client à tout prix ? Comment opérer simultanément un développe-
ment des compétences en matière d’innovation produit et en matière de contrôle de
gestion industriel ?)
Compte tenu de sa lecture multi-niveaux (DAS par DAS et globale) et de sa prise en
compte des synergies entre DAS, la matrice des business models combine donc les avan-
tages de facilité d’utilisation et d’opérationnalisation tout en prenant en compte la
dynamique de positionnement des DAS et les effets de portefeuille.
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Applications
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Revenus EBIT
En Me
2012 2011 2012 2011
Automobiles 70 208 63 229 7 195 6 823
Motos 1 490 1 436 6 41
Services financiers 19 550 17 510 1 561 1 790
Total* 76 848 68 821 7 819 7 383
*Le total n’est pas égal à la somme des activités étant donné les retraitements d’opérations intragroupe opérés.
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Le secteur automobile est devenu plus difficile depuis 2008. En effet, à l’échelle mon-
diale, le marché connaît une croissance relativement faible depuis plusieurs années et la
crise économique a conduit à un effondrement des ventes sur certains marchés matures
comme l’Europe. Seuls quelques marchés connaissent des croissances supérieures à 5 %
(Russie, Chine, Brésil, Argentine). En 2012, le marché, tiré par les États-Unis et la Chine,
présente malgré tout un taux de croissance global de 5 % à environ 70 millions de véhi-
cules. Cependant, le marché premium profite à plein de l’attirance des pays émergents
pour le luxe allemand avec 8 % de croissance attendue. Sur ce marché, BMW se retrouve
ainsi en concurrence directe avec ses consœurs allemandes Mercedes et Audi. Chacune
occupe ces dernières années environ 20 % du marché premium, lui-même estimé à
environ 10 % du marché total. Pour Rolls Royce, les ventes devraient se stabiliser avec le
ralentissement de la croissance chinoise.
Le marché de la moto compte de son côté environ 100 millions de ventes annuelles. Il
connaît des difficultés depuis 2009 mais devrait croître de 7 % dans les années à venir,
tiré notamment par les ventes en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud, qui représen-
tent plus de 80 % du marché. Sur le marché premium des motos (> à 250 cc) qui concerne
essentiellement les marchés matures, la croissance devrait être nettement plus faible, de
l’ordre de 4 %. BMW y conserve sa 5e place avec 7 % de parts de marché, derrière les
quatre japonais Yamaha (19 %), Honda (16 %), Kawasaki (9 %) et Suzuki (8 %). BMW
est concurrencée en Europe par la marque autrichienne KTM. Au début 2013, l’entre-
prise a d’ailleurs annoncé la revente de l’activité moto sous marque Husqvarna, spécia-
liste de la moto tout-terrain, à son principal concurrent autrichien – KTM –, six ans
seulement après l’avoir acquise elle-même auprès d’Agusta. Cette cession est justifiée
par une orientation affichée vers la mobilité urbaine et électrique de sa division moto,
ainsi que la volonté de se concentrer sur la marque BMW.
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Questions
1. Menez une analyse du portefeuille d’activités du groupe BMW en 2012 en mobili-
sant la matrice BCG. Que peut-on en déduire sur l’utilisation de cette matrice ?
2. Menez une analyse du portefeuille d’activités du groupe BMW en mobilisant la
matrice McKinsey. Que peut-on en déduire sur l’utilisation de cette matrice ?
3. Menez une analyse du portefeuille d’activités du groupe BMW en mobilisant
la matrice des business models. Que peut-on en déduire sur l’utilisation de cette
matrice ?
Éléments de solution
1. La matrice BCG du groupe BMW nécessite d’abord une segmentation des activités.
Cette segmentation comprend :
– La construction et la vente de voitures représentant la part la plus importante
du chiffre d’affaires de l’entreprise (77,5 %). Si tous les modèles de voitures de
BMW sont situés sur les segments premium, Rolls Royce se distingue par un
mode de production particulier (co-conception du véhicule avec le client, pro-
duction très peu automatisée), des concurrents spécifiques et une clientèle pou-
vant acheter des modèles à partir de 200 K€. En revanche, Mini et BMW partagent
une partie de leur réseau de concessionnaire, même si les usines dédiées à Mini
sont bien localisées en Angleterre. On peut donc distinguer deux DAS automo-
biles : les véhicules premium (99 % des volumes) et les véhicules de luxe (1 %).
– Les services financiers (21 % du chiffre d’affaires) comprenant six types de ser-
vices différents pour financer et assurer les ventes de véhicules. Ils pourraient
donner lieu à une segmentation fine en fonction des types de clients et des fonc-
tions assurées telles que le financement ou l’assurance des véhicules. Cependant,
1. Source : « Global automotive finance and leasing : The role of product diversification and emerging markets in future
growth », KPMG, 2012.
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aucune donnée désagrégée n’est disponible. Il faut donc les considérer comme un
seul DAS.
– La construction de motos et scooters (1,5 % du chiffre d’affaires) comprenant
deux marques aux fonctions différentes : les routières et urbaines pour BMW
(scooters et motos ; 91 % des volumes) et les tout-terrain sous marque Usqvarna
(cédée en 2013 ; 9 % des volumes). On peut donc repérer deux DAS motos.
Au passage, on remarquera l’importance de définir le marché pertinent pour cha-
cune de ces activités. L’activité automobile doit s’apprécier par rapport au marché
premium (BMW et Mini) et de l’ultra-luxe (Rolls Royce). De même pour le marché
de la moto. Une erreur habituelle serait d’apprécier la position des activités sur l’en-
semble du marché automobile et de la moto.
Pour construire la matrice BCG, deux types d’informations sont nécessaires : les
parts de marché relatives pour chacune des activités et la croissance des marchés
de ces activités. Selon les informations fournies, les taux de croissance des diffé-
rents marchés sont : 8 % si l’on considère le marché automobile premium (et non le
marché automobile global) ; 6 % pour le marché de la voiture de luxe ; 4 % si l’on
considère le marché moto premium (et non l’ensemble du marché) ; 6 % pour les
services financiers (en considérant leur croissance comme corrélée à celle du marché
automobile, ce dernier passant de 70 à 90 millions de véhicules en 2017).
En termes de part de marché relative (PDMr), on peut considérer que celle-ci est
d’environ 1 sur le marché automobile premium, BMW et Mini faisant jeu égal avec
Mercedes et Audi (20 % / 20 %) ; sur l’ultra-luxe, la part de marché de Rolls Royce
est d’environ 1,2 % (3 500/300 000) et sa part de marché relative de 0,032 (la part
de marché de Jaguar est de 37 %) ; sur le marché premium moto, la part de marché
relative de la marque BMW est de 0,37 (7 %/19 %) et celle de Husqvarna est dix fois
plus petite, soit 0,037 ; enfin, sur les services financiers, la part de marché relative du
groupe est d’environ 0,25 en se comparant à des financeurs comme Toyota.
Enfin, pour la part des activités dans le chiffre d’affaires de BMW, on pourra faire
plusieurs approximations raisonnables en fonction des volumes de ventes. Pour l’ac-
tivité Rolls Royce, le chiffre d’affaires est d’environ (3575 × 350 K€), soit 1,6 % du CA
du groupe. Pour l’activité BMW et Mini, il est donc de (77,5 % –1,6 %), soit 75,9 %.
Pour les motos et scooters sous marque BMW, il est d’environ 9/10e de 1,5 % (1,35 %)
et de 1/10e pour la marque Husqvarna (0,15 %).
Taux de croissance Part de marché Part du CA
Activités
des marchés relative de BMW
Automobiles BMW et Mini 8% 1 75,9 %
Automobiles Rolls Royce 6% 0,032 1,6 %
Services financiers 6% 0,25 21 %
Motos/scooters BMW 4% 0,37 1,35 %
Motos Husqvarna 4% 0,037 0,15 %
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Croissance du marché
10 %
A
C B
D E
1 0,5 0
Part de marché relative
A : BMW & Mini D : Motos & scooters BMW
B : Rolls Royce E : Motos Husqvarna
C : Services financiers
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évalué à 2,5. L’intensité concurrentielle est très forte sur le marché automobile. De
nombreuses marques se partagent le marché mondial. Cependant, BMW est située
sur un marché premium qui ne subit pas les effets de la concurrence de l’ensemble
des marques, mais de quelques grands concurrents comme Mercedes, Audi, Toyota
(Lexus). De plus, la croissance de ce marché est soutenue avec l’émergence des BRIC.
De ce fait, la rivalité entre concurrents fondée essentiellement sur la puissance de
marque et les innovations technologiques est amoindrie et peut être évaluée à 2.
Les nouveaux entrants sont peu nombreux sur le marché premium caractérisé par de
fortes barrières à l’entrée en termes de marque. La dernière grande marque arrivée sur
le marché est Lexus (lancée en 1987) et il est peu probable que des concurrents asia-
tiques viennent concurrencer ces marques avant longtemps. Les nouveaux entrants
représentent donc une force de 1. Les produits de substitution directs à l’automobile
ne sont pas nombreux, même si la hausse du carburant à l’échelle mondiale pourrait
entraîner un recours plus important au transport en commun ou aux moyens de
transport alternatifs comme les voitures en libre service. La force concurrentielle
induite par les produits de substitution peut être jugée à 2. Finalement, le secteur
de l’automobile premium est donc assez attractif avec une intensité concurrentielle
relativement faible (une somme des forces de 8,5 sur un potentiel de 25).
L’analyse serait identique, voire plus favorable, sur le marché de l’ultra-luxe où Rolls
Royce évolue : le nombre de concurrents est encore plus réduit, les effets de la crise
se font moins sentir qu’ailleurs (le nombre de millionnaires ne cesse d’augmenter
dans le monde), les clients y sont encore moins sensibles au prix que sur le marché
premium.
Le secteur des services financiers présente des facteurs de concurrence différents.
L’intensité concurrentielle y est forte puisque de nombreuses entreprises, et notam-
ment les banques et les assurances, proposent des prestations équivalentes à celles de
BMW. Cependant, les constructeurs ont l’avantage de pouvoir ‘capturer’ le client lors
d’une vente en concession et de répondre immédiatement à ses besoins sur le lieu
de vente (on pourra remarquer que le nombre de contrats est fortement corrélé au
nombre de ventes de véhicules en volumes). On estime que sur les marchés matures
(États-Unis et Europe) les organismes financiers des constructeurs sont dominants,
alors que les banques sont dominantes dans les marchés en forte croissance comme
la Chine ou l’Inde (voir étude KPMG, ibid.) La force de la rivalité entre concurrents
peut être évaluée à 3. Le pouvoir de négociation des clients est plutôt faible, même si
certaines entreprises clientes de BMW (les concessionnaires, notamment) peuvent
disposer d’un pouvoir de négociation plus fort que celui des individus. Les clients
représentent donc une force de 2,5. Les fournisseurs ont un statut un peu parti-
culier puisqu’il s’agit essentiellement des banques. Les taux à court, moyen et long
terme dépendent des politiques menées par les principales banques centrales et le
pouvoir des « fournisseurs » de financement est donc total. La force des fournis-
seurs est donc de 5. Les produits de substitution sont inexistants puisque les services
financiers de BMW couvrent la quasi-totalité des prestations liées à l’automobile.
Puisque nous avons considéré les banques et les assurances comme des concurrents
directs (leur menace est représentée dans la rivalité entre concurrents), il n’existe
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motos et scooters BMW (DAS E) ainsi sur les motos Husqvarna (DAS F), le groupe
BMW fait moins figure de référence que dans l’automobile et le marché est plutôt
dominé par les firmes japonaises.
La figure 5.8 représente la matrice McKinsey du portefeuille de BMW.
Figure 5.8 : La matrice McKinsey du groupe BMW en 2012.
D E
Sélectivité Moisson/
Moisson/ désinvestissement
Faible
désinvestissement
Élevée Faible
Attractivité du marché
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Sur le DAS A (voitures BMW et Mini) BMW bénéficie d’une image de marque forte
qui lui permet de proposer ses véhicules à des prix plus élevés que la plupart des
marques automobiles (comme Fiat, Renault, Ford ou Toyota). Cette image est liée
au marketing, mais également à l’innovation (BMW a gagné de nombreux prix
en la matière au cours des dernières années). Le groupe est donc assez fortement
différencié sur cette activité. Parallèlement, l’entreprise a mené une vaste politique
de maîtrise des coûts de production qui passe par la formation des opérateurs, la
standardisation des produits, des investissements en machines ou encore la mise en
place d’une politique d’achat globale. Sur le DAS A, BMW est donc très différenciée,
mais réussit également à assez bien maîtriser ses coûts et ce d’autant qu’elle n’hésite
pas à multiplier les sites de production à l’étranger. Sur le DAS B (Rolls Royce), la
question des coûts est moins importante. Nous nous trouvons ici face à une acti-
vité de luxe pour laquelle le client achète plus qu’une voiture : un produit unique,
sur mesure et pour lequel les économies d’échelle sont très faibles. Pour les services
financiers (DAS C), la maîtrise des coûts, relativement à celle des concurrents, n’est
pas connue. Or, c’est cette information relative qui nous permettrait de positionner
ce DAS sans ambiguïté. BMW dispose probablement sur ce DAS de beaucoup moins
d’expérience et d’effets d’échelle que les banques ou les assurances qui opèrent sur
ces services. On peut donc positionner ce DAS comme dans la moyenne du marché
des services financiers. Enfin, pour les activités liées à la moto et aux scooters (DAS
D et E), BMW joue la carte de la différenciation (grosses cylindrées, motos tout-ter-
rain, solutions électriques) mais est clairement dans une situation de faible maîtrise
des coûts vu les EBIT dégagés par ces DAS. Les volumes produits restent en effet
modestes et les sites de production sont localisés en Europe. L’entreprise ne se repose
pas sur un réseau de partenaires pour produire, à la différence de l’automobile.
Figure 5.9 : La matrice des business models du groupe BMW en 2012.
Risque
Très faible
d’incompatibilité
des choix
Domination Stratégies
Low-cost
par les coûts hybrides
Coût de revient relatif
Faible
A
Position de base
C
sur le marché
Moyen
Désavantage Différenciation
concurrentiel luxueuse
Différenciation
B
Risque de sortie D E
Élevé
de l’activité
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On peut voir à travers cette analyse des business models que le portefeuille des acti-
vités se situe dans une même zone. Il n’y a a priori pas d’incohérences majeures entre
les business models utilisés dans chaque activité. Les DAS offrent donc potentielle-
ment de bonnes synergies entre eux tout en apparaissant légitimes pour les clients.
En l’état actuel du positionnement de l’activité BMW et Mini, il semble difficile
de continuer de baisser les coûts sans remettre en cause l’image de l’entreprise. En
revanche, les DAS C, D et E pourraient bénéficier de la mise en place de programmes
de réduction de coûts pour ces activités comme pour le DAS A. Une telle stratégie
permettrait d’augmenter les profits dans ces activités.
L’utilisation de cette matrice permet d’apprécier la cohérence globale des choix effec-
tués dans chaque activité. Dans le cas de BMW, elle indique une duplication d’un
business model premium dans ses différents DAS.
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Chapitre 6
Les trajectoires de
développement de l’entreprise
L’entreprise est une organisation en situation permanente de déséquilibre et non un
simple centre de décision sur des prix et des quantités pour des produits donnés. Plutôt
que comme une position occupée à un moment donné, c’est-à-dire un ensemble de
domaines d’activité dans lesquels l’entreprise s’est positionnée, la stratégie gagne à être
considérée de façon dynamique. Dans ce cadre, une trajectoire désigne les mouvements
passés suite aux choix déjà réalisés et la direction vers laquelle l’entreprise envisage ou
est contrainte de se développer pour assurer sa pérennité et sa croissance. Cette trajec-
toire mêle donc à la fois des éléments contraignants qui limitent les choix stratégiques
possibles et des éléments volontaristes orientés vers le futur.
La conception dominante de la stratégie est de considérer qu’elle est une suite de choix
plus ou moins judicieux, effectués après une analyse de son environnement et de son
organisation. Ces choix apparaissent de façon discrète et positionnent une organisation
dans son environnement concurrentiel. Cette conception présente un paradoxe : alors
que la stratégie devrait être affaire de long terme, elle ne serait en fait qu’une suite de
décisions ponctuelles qui s’aggloméreraient dans le temps. Une façon de résoudre ce
paradoxe est de considérer que ces décisions s’inscrivent dans une trajectoire de long
terme. Cette trajectoire est dessinée par des décisions volontaires, stratégiques ou opéra-
tionnelles, mais également par des évolutions de son environnement et des éléments
émergents intra-organisationnels.
Le rôle du stratège est de concevoir la trajectoire de développement qui permette de
pérenniser l’entreprise compte tenu de ses ambitions, de ses capacités, des tendances du
marché et des incertitudes inhérentes à toute projection dans l’avenir. Il est aussi de
veiller à la conception et à l’opérationnalisation d’une logique de création de valeur qui
conditionne le succès de l’entreprise dans chacun de ses domaines d’activité.
Quelles que soient les ambitions de l’entreprise en matière de développement, il faut
considérer la recherche de possibilités d’expansion comme une décision stratégique tra-
duisant l’esprit d’entreprise et requérant de l’intuition et de l’imagination. Des cadres et
des outils d’analyse aident à orienter la réflexion, mais ils ne peuvent se substituer à la
perspicacité de l’entrepreneur-stratège inspiré par la vision d’un projet spécifique. Ces
cadres ou points de repère analytiques seront présentés de façon résumée et accompa-
gneront l’analyse des principales stratégies d’expansion ou de construction de son
portefeuille d’activités.
Cette conception de la stratégie en termes de trajectoire peut s’analyser sous plusieurs
angles. D’abord, en considérant que le portefeuille d’activités d’une entreprise évolue
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172 Stratégie et Business Models
dans le temps avec les offres que l’entreprise met sur les marchés et les clients qu’elle vise.
À ce niveau corporate, ce sont essentiellement les choix de diversification qui infléchis-
sent la trajectoire d’évolution d’un portefeuille. À un second niveau, la trajectoire de
chacune des activités d’une entreprise peut être considérée comme le résultat de quatre
facteurs : le positionnement initial des activités, les choix stratégiques, le comportement
stratégique des firmes, le poids de l’environnement (voir figure 6.1). Ces facteurs intera-
gissent pour forger la trajectoire d’une activité en termes de valeur et de coûts, et diffé-
rentes trajectoires peuvent alors être repérées.
Figure 6.1 : Les facteurs influençant la trajectoire de l’entreprise.
Poids de
l’environnement
Trajectoire de Positionnement
Choix stratégiques
l’entreprise initial des activités
Comportement
stratégique
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 173
plus rapidement que la nature des trajectoires se combine avec une variété de modalités
de mise en œuvre. Il s’agira de se limiter ici aux principaux scénarios.
Si l’on considère une entreprise dès son origine, on peut partir de l’idée qu’elle se posi-
tionne dans un domaine d’activité initial, un couple produit/marché (ou un triplet
produit/marché/technologie) ressortissant à un secteur donné. Le plus souvent, ce posi-
tionnement se confond avec un maillon dans une filière verticale plus large ou une
chaîne de valeur ajoutée dans lesquelles d’autres entreprises interviennent. À partir de
ce point, quelles sont les évolutions possibles ?
Produits
Actuels Nouveaux
Mission
Actuelle Pénétration de marché Développement de produit
Nouvelle Extension de marché Diversification
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174 Stratégie et Business Models
Technologie
À technologie connexe À technologie différente
Type de clients servis
Du même type Motos, tondeuses, véhicules de Appareils électro-ménagers
transport urbain
Diversification horizontale
La firme elle-même Roues, transmissions Peintures, vitres, pneus
Intégration verticale
D’un type similaire Tracteurs et machines agricoles Petites machines de gestion
Diversification concentrique
D’un type nouveau Locomotives Diesel Produits
pétrochimiques
Diversification concentrique Diversification hétérogène ou
conglomérale
1.2 Le désengagement
À ces trajectoires de développement des activités, il faut cependant ajouter qu’une entre-
prise peut opter pour des choix de désengagement (Koenig, 1990, p. 222) qui infléchi-
ront également la trajectoire sur laquelle elle se développe.
• Au sein d’un DAS, elle pourra ainsi réduire sa présence en resegmentant sa clientèle ou
les gammes de produits qu’elle propose.
• Au niveau de sa chaîne de valeur, elle pourra considérer que certaines activités peu-
vent être externalisées pour des raisons de coûts, de flexibilité ou de compétences.
• Au niveau de son portefeuille d’activités, elle pourra envisager d’abandonner certaines
d’entre elles.
• Enfin, en termes de localisation, elle pourra réduire ses implantations internationales
en se retirant de certains pays ou zones géographiques.
Ces différentes options sont généralement la conséquence d’une perte de compétitivité
de l’entreprise ou d’une perte d’attractivité des marchés qui amènent à reconsidérer des
choix passés. Ces options peuvent donc avoir des causes internes à l’entreprise (dérive
des coûts, trop grande complexité structurelle à gérer, changement de stratégie, besoins
de liquidités financières, nouvelles impulsions données par les actionnaires) ou externes
(arrivée de nouveaux concurrents, perte d’attractivité d’un marché ou d’une activité,
intensification de la concurrence).
Empiriquement, ces choix d’abandon prennent différentes formes. Une entreprise peut
chercher à vendre son DAS ou ses actifs étrangers à d’autres entreprises. L’opération est
facilitée par la structure sous forme de sociétés indépendantes entre lesquelles peu de
synergies auront été développées. Peuvent néanmoins alors se poser des questions de
concentration et de droit de la concurrence pour approuver ou non l’opération. Le cas
s’est présenté en 2013 lorsqu’Anheuser Busch InBev a proposé de racheter Modelo et sa
fameuse bière Corona aux États-Unis et s’est vu refuser l’opération au motif d’une part de
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 175
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176 Stratégie et Business Models
Secteur
d’activité 1
Stratégie de diversification
Secteur
d’activité 2
… Stratégie de diversification
Secteur
d’activité n
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 177
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178 Stratégie et Business Models
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 179
l’objet d’achat ou de vente à l’extérieur. Une unité est généralement qualifiée de tota-
lement intégrée lorsque cette proportion atteint ou dépasse 95 %.
• Enfin, la troisième dimension est celle de la forme de l’intégration, ce qui désigne le
mode de contrôle exercé sur les unités considérées. Une solution traditionnelle réside
dans leur possession juridique intégrale. Cependant, cela n’est pas indispensable pour
exercer le contrôle des opérations et bénéficier des avantages de ce type de stratégie. Il
existe de multiples arrangements, qualifiés de quasi-intégration, qui donnent un
pouvoir de contrôle : propriété des unités partagées avec d’autres entreprises, contrats
de sous-traitance, contrats à long terme en matière d’approvisionnement, etc. Les
choix relatifs à ces différentes dimensions doivent s’instruire en fonction des données
de situation que sont la phase de développement de l’industrie, le degré de volatilité de
la concurrence, le pouvoir de négociation déjà détenu vis-à-vis des clients et des four-
nisseurs et les objectifs stratégiques même de l’entreprise.
Figure 6.3 : Différentes configurations de l’intégration verticale
MATIÈRES
PREMIÈRES
DE BASE
a a a
1
PRODUITS a a b a b b
PRIMAIRES
2
COMPOSANTS a b c c d a b b c d
3
UNITÉ ÉTUDIÉE
4
ASSEMBLAGE a b c c d a b c c d
5
MARKETING a b b a b c
6
DISTRIBUTION a a a b c
7
ENTREPRISE ENTREPRISE ENTREPRISE
A B C
ENTREPRISE B : elle est présente à tous les stades mais son degré d'intégration
est plus faible que celui de l'entreprise A puisqu'elle achète certains inputs à
l'extérieur. Elle est plus intégrée aux stades 3 et 5 qu'aux stades 2 et 6
car elle y assure un plus grand nombre d'activités.
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180 Stratégie et Business Models
Avantages et inconvénients
Les choix d’intégration verticale sont actuellement moins privilégiés par les entreprises
qui préfèrent en général se concentrer sur les activités sur lesquelles elles peuvent déve-
lopper un avantage concurrentiel et garder une certaine flexibilité. Néanmoins, on
associe d’ordinaire à l’intégration verticale des avantages à la fois techniques, financiers
et concurrentiels.
D’un point de vue technique, cette stratégie autorise une rationalisation des opéra-
tions productives, la maîtrise de multiples technologies et un contrôle plus étroit de la
qualité des produits. Fondamentalement, lorsque des activités sont étroitement inter-
dépendantes, une coordination administrative est plus à même que le marché d’accé-
lérer les flux entre unités et d’assurer un usage plus rationnel des facteurs de
production. C’est le cas par exemple dans le secteur pétrolier entre les activités
d ’exploration et d’exploitation de gisements.
Les avantages financiers sont tout d’abord ceux de l’appropriation des marges bénéfi-
ciaires qui étaient celles des fournisseurs et/ou des clients. Ce sont également les réduc-
tions de coûts liées aux phénomènes d’économies d’échelle induits par l’accession à la
grande taille, et d’économies de champ faisant que la fabrication conjuguée d’un
ensemble de produits s’avère souvent moins onéreuse que des productions disjointes en
raison de la rationalisation possible des opérations dans le temps et dans l’espace. Enfin,
l’intégration verticale autorise également des réductions des coûts dits de transaction,
c’est-à-dire de conclusion et de surveillance des contrats qu’il fallait passer auparavant
avec les partenaires.
Quant à ses avantages concurrentiels, la stratégie d’intégration verticale a surtout
pour effet d’augmenter le pouvoir de marché de l’entreprise qui la pratique. En même
temps qu’elle procure des garanties sur les approvisionnements, l’intégration vers
l’amont permet d’échapper à la domination potentielle de fournisseurs dont les pro-
duits n’ont guère de substituts et tout au moins de fournir un niveau d’information
sur les coûts des fournisseurs permettant de rééquilibrer la relation avec eux. C’est
également un moyen de garder la maîtrise des savoirs particuliers que requiert l’éla-
boration des produits de l’entreprise, voire de renforcer leur différenciation. Ce n’est
évidemment pas par hasard si une entreprise comme Polaroid a longtemps produit
elle-même les composants de ses produits dont elle avait la propriété industrielle. L’in-
tégration aval procure, elle, des garanties sur les débouchés et sur l’accès aux circuits
de distribution et constitue cette fois une protection contre le pouvoir de négociation
des clients. Elle procure également une capacité à mieux différencier le produit tout
simplement grâce au contrôle d’un grand nombre de composantes des processus de
production et de distribution. Surtout, elle donne un meilleur accès aux informations
pertinentes concernant le marché puisque celles-ci, qu’il s’agisse d’éléments relatifs au
volume, à la composition de la demande ou aux goûts des consommateurs, tendent à
se situer plus près du stade aval. La connaissance de ces informations permet un
meilleur ajustement quantitatif et qualitatif des productions, ce qui constitue un
avantage concurrentiel d’autant plus décisif que le secteur considéré est instable ou
cyclique. Enfin, l’intégration verticale est un moyen d’élever des barrières à l’entrée de
concurrents potentiels dans le secteur. Ces barrières tiennent à l’importance des
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 181
investissements requis d’un nouveau venu qui voudrait bénéficier des avantages des
firmes déjà intégrées.
L’intégration verticale présente également des inconvénients. Pour l’essentiel, ce sont
les multiples facteurs de rigidité qui caractérisent le fonctionnement de l’entreprise
intégrée :
• modification de la structure des coûts dans le sens d’un accroissement de la part des
frais fixes, ce qui augmente la sensibilité aux risques conjoncturels ;
• renonciation aux avantages potentiels du changement de partenaires sur le plan de
l’approvisionnement et des débouchés ;
• perte des incitations issues du marché tant en matière d’amélioration de la qualité, de
baisse des coûts ou d’innovation ;
• obscurcissement des mesures de performances des différentes unités le long de la
filière ;
• difficulté à sortir de la filière choisie en raison de la spécialisation des actifs associés à
l’intégration.
À cela s’ajoute le fait qu’en s’intégrant vers l’amont et/ou vers l’aval l’entreprise peut
changer de métier ou exercer plusieurs métiers différents de ceux qu’elle maîtrisait
auparavant sans en avoir véritablement conscience.
L’observation empirique ne permet pas d’affirmer qu’il existe des différences significa-
tives de taux de profit et de risque entre entreprises verticalement intégrées et celles qui
ne le sont pas. Le bilan des avantages et inconvénients ne peut donc être établi de façon
catégorique.
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182 Stratégie et Business Models
LOGIQUES DE DIVERSIFICATION
Se rapprocher de de la vision de long
Cohérence par rapport à
l’identité future (vision)
Virage stratégique
terme
Forte
Exemple : Canon dans les services et Exemple : Amazon dans les services sur
l’imagerie médicale le Web et le matériel
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 183
2. Calcul de ratios significatifs. Une fois l’inventaire des activités discrètes réalisé, de
nombreux ratios peuvent être calculés pour caractériser la composition du chiffre
d’affaires de l’entreprise. Parmi ces ratios, deux sont plus particulièrement mobilisés :
Le ratio de spécialisation (RS) : le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par la
plus grande activité discrète. Constatant empiriquement qu’il n’existe pas de posture
moyenne en matière de diversification, Rumelt considère qu’un ratio de 0,7 permet
de distinguer les entreprises à activité dominante des entreprises diversifiées. Un
ratio au moins égal à 0,95 correspond à des cas d’entreprise à activité unique.
Le ratio de liaison (RL) : le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé par le groupe
d’activités liées le plus important, c’est-à-dire d’activités discrètes possédant des
parentés d’ordre commercial et/ou technologique. Par exemple, l’entreprise Unilever
est présente dans trois groupes d’activités différents (produits alimentaires, produits
d’entretien de la maison, produits de soin de la personne) qui partagent une même
logique de forme de distribution ; il s’agit d’une entreprise à diversification reliée. De
même pour la firme allemande Zeiss, dont les différentes activités (lentilles simples,
microscopes, télescopes, systèmes optiques complexes) partagent cette fois le même
type de technologie. Rumelt retient le même seuil de 0,7 pour opposer les entreprises
à diversification reliée (RL > 0,7) et les entreprises à diversification non reliée
(RL < 0,7). Entre autres justifications, ce seuil garantit qu’une entreprise ne pourra
pas être considérée simultanément comme une entreprise à activité dominante et
une entreprise à activités non liées. La figure 6.4 résume cette catégorisation des
stratégies de diversification.
Figure 6.4 : Les formes de diversification
Activités
non liées
0,7
Ratio de
liaison
Activités
liées
Activité
dominante
Activité
unique 1
0,95 0,7 0
Ratio de spécialisation
Source : selon Wrigley, 1970.
L’analyse peut être affinée en opérant des distinctions au sein des catégories « acti-
vités liées » et « activité dominante », sur la base du type de liens existant entre les
activités : chaque activité est-elle virtuellement reliée à toutes les autres (cas d’acti-
vités liées-contraintes) ou simplement à au moins une autre, de façon logique (cas
d’activités liées-en chaîne) ? Cela conduit à l’inventaire plus complet proposé au
tableau 6.4.
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184 Stratégie et Business Models
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 185
les facteurs de succès varient selon les secteurs d’activité et les phases de la chaîne
productive au sein de ces secteurs.
En simplifiant beaucoup, on peut globalement opposer par exemple les activités de type
amont à celles de type aval : les premières ajoutent de la valeur aux matières premières
en réduisant leur variété pour obtenir un nombre limité de produits de base, tandis que
les secondes ajoutent de la valeur en concevant et en fabriquant une grande variété de
produits finis destinés à satisfaire les besoins des consommateurs. Les capacités requises
ou les facteurs clés de succès à maîtriser diffèrent fondamentalement pour ces deux
types d’activités. En amont, il s’agit plutôt de fabriquer des produits standard et d’en
maximiser le nombre d’utilisateurs. Puisque les produits sont semblables, la concur-
rence tend à jouer principalement sur les prix, en supposant acquises les spécifications
techniques. La réussite est fonction des capacités à maîtriser des processus de produc-
tion d’ordinaire fortement capitalistiques, à innover en processus, à produire au moindre
coût, tout ceci requérant un certain mode d’organisation. Si les coûts ne sont pas une
variable négligeable s’agissant d’activités de type aval, le succès dans ces dernières repose
plus sur la conception et l’adaptation des produits aux exigences spécifiques de diffé-
rents types de clientèles. Cela suppose des compétences en innovation de produit, en
diagnostic et segmentation du marché ou, de façon plus générale, en marketing. En
somme, chaque grand type d’activités appelle un certain profil organisationnel et un
ensemble de compétences et de ressources. Toute adjonction d’une activité nouvelle
peut s’analyser en termes d’éloignement plus ou moins grand par rapport au centre de
gravité correspondant au positionnement de départ de l’entreprise, par exemple en s’ai-
dant d’une grille d’évaluation systématique des différents aspects fonctionnels de la
gestion des activités anciennes et nouvelles.
C’est dans ces termes que le concept de degré de parenté entre activités prend une tour-
nure plus opérationnelle, au sens où la difficulté de mise en œuvre d’une stratégie est à
la mesure de l’éloignement qu’elle signifie par rapport aux compétences déjà maîtrisées.
Ceci conduit à dresser une typologie des manœuvres stratégiques comptant – outre
l’intégration verticale et les changements délibérés de positionnement au sein d’une
chaîne d’activité, ce qui correspond à un changement du centre de gravité – quatre
formes de diversification (voir encadré 6.1).
Dans cet ordre, ces quatre stratégies correspondent a priori à un ordre croissant d’am-
pleur du changement opéré, de degré de diversité des activités qui en résulte et de diffi-
culté de mise en œuvre. Il est certain que les dispositifs organisationnels adoptés
comptent beaucoup pour maîtriser cette dernière et obtenir les avantages espérés de la
manœuvre projetée.
Ajoutons enfin que le concept de parenté entre activités peut prendre un autre sens que
celui de parenté opérationnelle, d’ordre commercial ou technologique, qui sous-tend les
analyses précédentes et, de façon générale, l’approche ressources en stratégie. On peut
en effet également s’intéresser à ce que Grant (1988) qualifie de « parenté managériale »,
qui désigne les similitudes entre activités en termes de risques, de durée de vie et de taille
des investissements, de position sur un cycle de vie, etc. Des activités qui présentent des
points communs sur des critères de ce type relèvent d’une même logique décisionnelle
sur les plans de la nature des informations pertinentes, de l’horizon temporel à prendre
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186 Stratégie et Business Models
en considération, des exigences de mise en œuvre, etc. Quand de telles similitudes exis-
tent, il devient possible pour les dirigeants de développer des compétences managériales
autorisant la maîtrise d’une variété d’activités, même en l’absence de parentés opéra-
tionnelles entre ces dernières. En d’autres termes, la stratégie conglomérale peut trouver,
dans un contexte de parenté managériale entre activités, une forme de rationalité expli-
quant son maintien malgré les critiques qui lui ont été adressées.
Plusieurs facteurs permettent de comprendre les faibles performances des F&A pour l’acqué-
reur. D’abord, il existe toujours une asymétrie d’informations avant l’opération, c’est-à-dire
un écart entre les informations détenues par l’acquéreur et sa cible, et la période de due
diligence, période pendant laquelle l’acquéreur peut effectuer des vérifications notamment
comptables et financières sur sa cible, ne permet pas toujours de la lever. Il n’est pas rare que
l’acquéreur découvre une réalité très différente une fois l’opération effectuée de celle qu’il
avait anticipée.
Ensuite, les problèmes managériaux de l’intégration sont nombreux et difficiles à surmonter :
harmonisation des structures et des systèmes d’information, convergence des processus de
gestion – notamment en matière de gestion des ressources humaines –, départs de managers
clés, antagonismes culturels. Enfin, il n’est pas rare que les montants de ces opérations soient
surévalués, notamment quand d’autres opérations du même type ont lieu dans le secteur et
qu’un effet de mimétisme apparaît comme ce fut le cas, par exemple, des télécoms au début
des années 2000. Cette surévaluation peut être attribuée à l’hubris des dirigeants, persuadés
que les marchés financiers sous-estiment la valeur des cibles.
Au final, ces opérations risquent donc de divertir une part importante des ressources de l’en-
treprise et de l’équipe dirigeante pour des résultats incertains. Pourtant, deux facteurs sem-
blent favoriser le succès de ces opérations. Le premier est l’apprentissage organisationnel
qu’une organisation développe dans ce type d’opérations. La performance d’une F&A est
en partie liée à un véritable savoir-faire accumulé par l’entreprise. Le second est de se foca-
liser sur des opérations de taille réduite. Pitney Bowes, le leader mondial des solutions de
traitement du courrier, choisit ainsi ses cibles de préférence dans des activités connexes aux
siennes ; réalise une majorité d’opérations de faible envergure mais nombreuses ; se donne
des critères clairs concernant l’acquisition de ses cibles : un impact neutre sur les résultats à
court terme et un retour sur capital de 10 % à un horizon de 3 ans (Nolop, 2007). Une prise
de risques concerne néanmoins une petite partie de ses acquisitions sur des marchés à très
forte croissance, de technologies émergentes, présentant des perspectives de revenus élevés
à un horizon de 5 ans.
La commercialisation de sous-produits : c’est une des manœuvres les plus accessibles pour une
entreprise s’étant d’abord développée par intégration verticale.Elle consiste simplement à recher-
cher des sources de revenus et de profits supplémentaires en vendant sur les marchés une partie de sa
production de produits intermédiaires plutôt que de se limiter à satisfaire ses seuls besoins propres.
Le nombre de sous-produits ainsi commercialisés, et donc d’industries dans lesquelles l’entre-
prise affirmera sa présence, donnera ici une bonne mesure du degré de diversité atteint et de
celui de la décentralisation nécessaire de l’organisation.
La diversification reliée : il s’agit de la manœuvre par laquelle l’entreprise pénètre dans de nou-
velles industries reliées à son activité de base mais en conservant le même centre de gravité.
La firme Procter & Gamble en donne un bon exemple. Démarrant son activité avec la fabri-
cation de savons, cette entreprise s’est progressivement diversifiée dans l’agroalimentaire, les
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 187
produits pharmaceutiques, les boissons non alcoolisées, le dentifrice, etc. Même après son désen-
gagement du secteur des jus de fruits (dont la rentabilité s’avérait nettement inférieure à celle des
divisions détergents et produits d’hygiène), Procter & Gamble présente un portefeuille d’activités
très étendu. Il s’agit cependant d’activités qui partagent nombre de points communs au plan des
technologies de fabrication et des modes de distribution et, surtout, dont le succès dépend des
mêmes compétences en marketing et gestion de marques. Si chaque mouvement de diversifica-
tion a demandé l’apprentissage d’un nouveau secteur et d’une nouvelle activité, il n’a pas obligé
Procter & Gamble à apprendre chaque fois une nouvelle façon de gérer ses affaires.
La diversification intermédiaire : c’est le cas des entreprises dont les activités présentent des points
communs, mais opèrent à des centres de gravité différents. Les difficutés de gestion tiennent à la
fois au nombre de ces centres et à leur degré d’éloignement. C’est le cas par exemple de Motorola,
dont toutes les activités sont reliées au domaine de l’électronique, mais à des stades différents
dans la chaîne d’activités de la communication, de l’électronique militaire, des semi-conducteurs
et des calculateurs.
La diversification non reliée : c’est la stratégie de l’entreprise présente dans plusieurs industries
sans relations de parenté et chaque fois avec un centre de gravité différent. On aboutit ainsi à un
conglomérat sans engagement psychologique à quelque secteur ou groupe d’activité que ce soit,
et procédant à des mouvements d’acquisition et de désinvestissement commandés par une lo-
gique essentiellement financière et d’équilibre des risques. La logique de rapprochement entre les
secteurs de la banque et de l’assurance vise ainsi à regrouper des activités aux risques faiblement
corrélés afin de minimiser les risques globaux de ces groupes.
Avantages et inconvénients
Il est courant de justifier la stratégie de diversification en lui associant des avantages
d’ordre économique et financier.
La diversification est tout d’abord un moyen de satisfaire des ambitions de croissance
qui ne pourraient plus être assouvies par la spécialisation initiale sur un seul domaine
d’activité. En ce sens, elle peut être considérée comme une étape logique dans le déve-
loppement de l’entreprise. C’est également un moyen de réduire les risques liés à la
dépendance par rapport à un secteur d’activité unique. Enfin, la diversification devrait
conduire à une meilleure rentabilité en raison de différents types d’économies de coûts
qu’elle autorise. Économies d’intégration tout d’abord, lorsque la maîtrise d’activités en
interdépendance séquentielle permet d’investir à moindre risque dans des actifs spéci-
fiques améliorant la performance technique et d’éviter la rédaction et le suivi de contrats
complexes avec des partenaires extérieurs. Économies de champ ensuite, en raison de
l’utilisation partagée de ressources entre plusieurs activités et de phénomènes de syner-
gie. Enfin, économies dues à l’instauration d’une sorte de marché financier interne et de
systèmes de contrôle assurant une meilleure allocation des ressources que ce que peut
réaliser un investisseur extérieur ou le marché financier en général.
Bien sûr, les différentes formes de diversification ne présentent pas les mêmes avantages
potentiels. La diversification liée paraît supérieure puisqu’elle donne a priori accès à
l’ensemble des sources d’amélioration de la rentabilité, tandis que la diversification non
liée n’offre que des possibilités d’économie de marché financier interne. Mais il faut
ajouter que cette dernière présente des exigences moindres en termes de dispositifs de
coordination et se caractérise par des coûts organisationnels moins élevés que la diver-
sification liée.
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188 Stratégie et Business Models
De multiples enquêtes statistiques ont tenté d’élucider les relations entre diversification
et performance des entreprises, en termes de rentabilité et de risque. Plusieurs travaux
marquants ont tout d’abord montré que les entreprises choisissant de limiter l’étendue
de leurs activités à une base de compétences en pratiquant une diversification reliée
obtiennent des performances supérieures aux autres. Cependant, plutôt qu’à la forme
de diversification, ces différences ont également pu être attribuées aux caractéristiques
de structure des marchés dans lesquels les entreprises opèrent. De façon générale, il
n’est guère possible de formuler une conclusion claire quant à la performance relative
des différentes formes de diversification sur la base des observations réalisées jusqu’à
présent, lesquelles délivrent leur lot de résultats contradictoires, dus notamment à l’uti-
lisation de différentes mesures de la diversification. Par ailleurs, rien ne permet d’affir-
mer que les relations entre diversification et performance sont stables au cours du
temps.
On peut cependant noter que cette disparité de résultats concernant la relation entre
performances et choix de diversification se retrouve dans les différents points de vue
théoriques que l’on peut adopter sur cette manœuvre (Neffke et Henning, 2013). Du
point de vue financier et de la théorie de l’agence, les dirigeants d’une entreprise diver-
sifiée imposent en quelque sorte un portefeuille d’activités déjà constitué aux marchés
financiers. La diversification est alors considérée comme au service des ambitions de
croissance du dirigeant, mais pas forcément de la rentabilité des capitaux de l’action-
naire. S’ensuit généralement une décote dans le cours de ce type d’entreprise de l’ordre
de 15 % liée à une moins grande liquidité des activités et une moins grande lisibilité de
la stratégie poursuivie. Cependant, il est important de noter que cette décote est moins
forte lorsque la diversification est clairement liée et offre des possibilités de développer
des synergies de coûts ou de valeur. Une deuxième approche théorique, inspirée par
l’économie industrielle, considère que la performance est a priori positivement associée
à la diversification, quelle que soit la forme qu’elle prend, liée ou non liée. En effet, celle-
ci aura pour effet mécanique d’accroître le pouvoir de marché de la firme et de modifier
favorablement les relations qu’elle entretient avec ses clients et fournisseurs. Enfin, si
l’on considère que la diversification doit avant tout être tirée par l’utilisation habile des
ressources d’une entreprise, notamment les compétences humaines, la diversification
liée sera positivement associée aux performances.
Quant aux inconvénients de la diversification, c’est la difficulté de gérer simultanément
des activités aux logiques différentes et le défi organisationnel correspondant qui consti-
tuent l’inconvénient majeur. À cela s’ajoute le risque de dispersion des ressources et de
non-atteinte des tailles critiques qui déterminent la viabilité d’une position sur les
marchés visés.
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 189
L’option fréquente pour la seconde solution en a fait une des stratégies les plus visibles de
la deuxième moitié du xxe siècle. En effet, le mouvement d’internationalisation de l’ac-
tivité des entreprises a connu une ampleur et une généralisation remarquables depuis le
début des années 1950, conduisant notamment à l’émergence de puissantes entreprises
multinationales dont on a dit, un moment, qu’elles domineraient le monde. Ainsi, plus
de 70 % du chiffre d’affaires des entreprises du CAC 40 sont aujourd’hui réalisés hors de
France. Mais il ne faut pas surestimer le rôle de la taille puisque le comportement d’in-
ternationalisation, par exportation ou par implantation d’unités de production et/ou de
commercialisation, vaut également pour les PME.
Soulignons par ailleurs que le développement de l’entreprise multinationale n’est pas
nécessairement le fruit d’une démarche planifiée et volontariste dès le départ. Il n’est
pas rare que l’entreprise se lance dans des activités productives à l’étranger sans plan
précis, simplement à titre de mesure défensive contre la menace de perte de marchés
acquis à l’origine de façon largement accidentelle ou pour saisir des opportunités qui se
présentent. Une entreprise mondialement connue comme Nestlé, qui emploie plus de
150 000 personnes, possède près de 400 usines et ne réalise que 2 % de ses opérations
dans son pays d’origine, s’est largement développée sans volonté initiale délibérée de
parvenir au statut qu’on lui connaît à présent. Dans les faits, l’internationalisation relève
souvent d’un processus d’apprentissage où le temps joue un rôle important pour l’acqui-
sition des compétences requises par la diversité des marchés et la conception d’une
stratégie véritable de coordination des activités. Le souci de cette dernière n’émerge
d’ordinaire qu’à l’issue d’un premier flux d’implantations, lorsqu’il s’agit d’en rationa-
liser l’exploitation.
À l’instar de la stratégie de diversification, avec laquelle elle est d’ailleurs souvent cou-
plée à des degrés divers, l’internationalisation revêt de multiples formes qui justifient de
nombreux essais typologiques.
D’un point de vue factuel, il est possible de classer les formes de l’internationalisation
selon, d’une part, qu’elles requièrent ou non des investissements directs à l’étranger et,
d’autre part, qu’elles correspondent ou non à une délocalisation des opérations produc-
tives en dehors du pays d’origine de l’entreprise considérée. Cela conduit à l’inventaire
illustré à la figure 6.5.
Chacune de ces modalités d’internationalisation diffère des autres à de nombreux
points de vue. Par exemple :
• Engagement financier et de gestion : il est plus large dès qu’il y a investissement direct
à l’étranger ou lorsqu’il s’agit d’opérations « clés en main » ou de partenariat de pro-
duction.
• Risques financiers et politiques : plus faibles pour les opérations n’impliquant pas
d’investissement direct, excepté pour les contrats « clés en main ».
• Localisation du contrôle : le plus souvent dans l’entreprise, sauf pour les opérations
productives menées en dehors d’une propriété totale.
• Limitations dans le temps : les opérations productives sans investissement direct
ainsi que les exportations de know-how sont généralement conclues pour une durée
déterminée, avec des conditions spécifiées de renouvellement ou de reconduction.
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190 Stratégie et Business Models
PRODUCTION
À L'ÉTRANGER
NON OUI
INVESTISSE-
MENTS DIRECTS
À L'ÉTRANGER
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 191
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192 Stratégie et Business Models
Dispersion Concentration
géographique géographique
Fort investissement
à l'étranger et Stratégie globale pure
COORDINATION
DES ACTIVITÉS
Avantages et inconvénients
Plusieurs déterminants essentiels ont été fréquemment invoqués pour justifier l’inter-
nationalisation. Certains relèvent de l’évidence, comme la nécessité d’accéder à des
ressources naturelles géographiquement dispersées, celle de surmonter les obstacles
de nature diverse aux échanges commerciaux, ou la volonté d’exploiter des écarts de
coûts de facteurs de production entre pays. D’autres explications sont plus élaborées
comme celle qui a prévalu un moment de la théorie du cycle de vie international du
produit selon laquelle c’est la perte de l’avantage technologique détenu par un inno-
vateur qui constituerait l’explication majeure de sa décision de délocaliser des opéra-
tions productives. Une autre explication tient enfin au type de secteur dans lequel
évolue l’entreprise. Si certaines activités peuvent être maintenues à une échelle
nationale ou régionale, d’autres requièrent au contraire d’envisager la concurrence et
la dynamique sectorielle à un niveau forcément international, au risque de subir un
désavantage concurrentiel. De ce fait, le caractère global ou multidomestique de
l’activité est une caractéristique essentielle qui pousse à envisager une stratégie
d’internationalisation (voir figure 6.7). Bien évidemment, entre ces deux extrêmes
existe toute une palette de configuration d’activités selon les combinaisons de forces
poussant à la globalisation ou au géocentrage.
Cependant, on peut difficilement évoquer une raison unique au développement inter-
national. Celui-ci se justifie davantage par la combinaison de trois types d’avantages
potentiels (Dunning, 1981), illustrés au tableau 6.5 :
• Des avantages spécifiques ou monopolistiques (O) : des forces particulières détenues
par l’entreprise, telles qu’une supériorité technologique, la disponibilité de talents
managériaux en matière internationale, une différenciation des produits, etc., peuvent
justifier l’option pour l’internationalisation.
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 193
• Des avantages de localisation (L) : ils tiennent essentiellement aux coûts des facteurs
dans les pays d’accueil, à leurs infrastructures, et à l’existence de consommateurs
potentiels.
• Des avantages d’internalisation (I) : ceux qui sont liés à l’organisation interne de l’en-
treprise, laquelle permet de réduire des coûts de transaction, de mieux contrôler les
opérations productives, la qualité des produits, de mieux coordonner les activités à
une échelle internationale.
Figure 6.7 : La combinaison global/local des activités.
+
- Caractère multinational des clients
GLOBALISATION
Ces variables sont évidemment fonction des caractéristiques structurelles des pays, des
secteurs d’activité, et de l’entreprise elle-même.
… … …
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194 Stratégie et Business Models
pas d’avantage à la localisation. Au cas, enfin, où seul existe l’avantage spécifique, il reste
la faculté d’accorder des licences à des firmes locales ou de recourir à des intermédiaires.
Ces choix peuvent également s’analyser dans une perspective dynamique en tenant
compte des stades d’évolution des pays d’accueil. Tant que ces derniers sont à un stade
de grande pauvreté, ils ne constituent pas un cadre attirant d’implantation pour les
firmes de pays développés possédant des avantages spécifiques et d’organisation, ni un
marché justifiant le développement d’un courant d’exportations. Les avantages à la loca-
lisation s’accroissent avec l’accession à un début de développement économique, ce qui
justifie l’investissement direct comme mode de pénétration, plutôt que la seule exporta-
tion. À mesure que ce développement se poursuit, les pays considérés multiplient les
exigences à l’égard des investisseurs étrangers qui perdent ainsi les avantages à la locali-
sation en même temps que leurs avantages monopolistiques tendent à s’estomper.
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 195
La croissance interne
Pour de nombreuses entreprises, le premier et principal mode de croissance relève de la
croissance interne. Il s’agit d’accroître le périmètre du portefeuille d’activités ou les fron-
tières de l’organisation en lançant de nouveaux produits, en explorant de nouveaux
marché, en développant de nouveaux segments de clients ou en se lançant dans de nou-
velles activités reliées ou non. Une réflexion en termes d’innovation de marché et d’offre
peut s’inspirer par exemple de la stratégie Océan Bleu développée au chapitre 3.
Dans ce mode de développement, l’entreprise s’appuie avant tout sur ses ressources et
compétences – quitte à en développer elle-même de nouvelles –, ce qui présente à la fois
un gage de sécurité et l’inconvénient d’entraîner une croissance à un rythme modéré,
sauf à bénéficier de marchés particulièrement porteurs. En effet, cette croissance s’ali-
mentera par les ressources financières dégagées par les activités qui pourront être réin-
vesties dans l’entreprise, auxquelles s’ajouteront éventuellement les ressources apportées
par les actionnaires ou les banques. Elle présente néanmoins l’avantage d’une évolution
sans ruptures majeures, facilitant le pilotage et évitant les accroissements subits de taille
et de complexité organisationnelle entraînés par les autres modes de croissance. Enfin,
elle permet aux actionnaires de conserver le contrôle de leur entreprise, ce qui peut être
déterminant dans une vision patrimoniale de l’entreprise.
La croissance collaborative
La croissance collaborative recouvre de nombreuses formes empiriques de coopération
avec des tiers : filiales communes de production ou de commercialisation, mise en place
d’un réseau de franchise, accords de commercialisation et de distribution, licences
technologiques ou de marques, accords de sous-traitance, crowdsourcing…
Ces multiples formes dépendent des montages juridiques mis en œuvre et des objectifs
des partenaires. Les collaborations peuvent en effet viser de très nombreux objectifs
selon une logique de complémentarité ou d’addition des capacités et compétences :
accéder à un nouveau marché, développer des innovations technologiques, atteindre
une taille critique économiquement viable, augmenter un pouvoir de négociation avec
les clients ou les fournisseurs, réduire les coûts de transaction, imposer un standard
technique, mutualiser les risques.
En termes de forme, une première distinction est à opérer entre les coopérations avec
des concurrents actuels ou potentiels pour lesquelles on parle d’alliance stratégique, et
les collaborations avec d’autres tiers que l’on désigne par le terme de partenariat. Dans
ces deux formes, la dimension juridique est néanmoins cruciale et un accord devra éta-
blir clairement les moyens mis en œuvre par les partenaires, les options de montée au
capital, l’horizon temporel de la collaboration, l’appropriation éventuelle et la mise en
commun de la propriété intellectuelle, les clauses de confidentialité, la gouvernance
mise en place et la répartition des résultats de la coopération. Une deuxième distinction
est à faire entre les relations impliquant un niveau élevé d’engagement de ressources
(comme dans le cas d’une filiale commune) et celles ne nécessitant qu’un engagement
faible (par exemple dans le cas d’un accord de distribution).
En termes d’avantages, la croissance collaborative permet de croître à un rythme plus
rapide que la croissance organique, en évitant le caractère risqué et difficilement
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 197
Développement, notamment dans les secteurs de haute technologie, comme les techno-
logies de l’information ou les biotechnologies (1 % des cas). Ce dernier cas peut sembler
une faible proportion, mais l’étude de Bower s’étant focalisée sur les opérations supé-
rieures à 500 millions de dollars, de nombreuses opérations de moindre envergure mais
concernant des start-up technologiques échappent à son étude, ainsi que les nombreuses
opérations entre PME.
Les avantages de ce mode de développement sont clairement qu’il permet d’acquérir
rapidement une taille et un poids importants dans un secteur en donnant un contrôle
total sur les activités fusionnées ou acquises, à la différence du développement collabo-
ratif. En revanche, les résultats de ces opérations montrent que beaucoup d’entre elles
font perdre de la valeur aux actionnaires de l’entreprise acquéreuse.
Plusieurs facteurs permettent de comprendre les faibles performances des F&A pour l’acqué-
reur. D’abord, il existe toujours une asymétrie d’informations avant l’opération, c’est-à-dire un
écart entre les informations détenues par l’acquéreur et sa cible, et la période de due diligence,
période pendant laquelle l’acquéreur peut effectuer des vérifications notamment comptables
et financières sur sa cible, ne permet pas toujours de la lever. Il n’est pas rare que l’acquéreur
découvre une réalité très différente une fois l’opération effectuée de celle qu’il avait anticipée.
Ensuite, les problèmes managériaux de l’intégration sont nombreux et difficiles à surmonter :
harmonisation des structures et des systèmes d’information, convergence des processus de
gestion – notamment en matière de gestion des ressources humaines –, départs de managers
clés, antagonismes culturels. Enfin, il n’est pas rare que les montants de ces opérations soient
surévalués, notamment quand d’autres opérations du même type ont lieu dans le secteur et
qu’un effet de mimétisme apparaît comme ce fut le cas, par exemple, des télécoms au début
des années 2000. Cette surévaluation peut être attribuée à l’hubris des dirigeants, persuadés
que les marchés financiers sous-estiment la valeur des cibles.
Au final, ces opérations risquent donc de divertir une part importante des ressources de l’entre-
prise et de l’équipe dirigeante pour des résultats incertains. Pourtant, deux facteurs semblent
favoriser le succès de ces opérations. Le premier est l’apprentissage organisationnel qu’une
organisation développe dans ce type d’opérations. La performance d’une F&A est en partie
liée à un véritable savoir-faire accumulé par l’entreprise. Le second est de se focaliser sur des
opérations de taille réduite. Pitney Bowes, le leader mondial des solutions de traitement du
courrier, choisit ainsi ses cibles de préférence dans des activités connexes aux siennes ; réalise
une majorité d’opérations de faible envergure mais nombreuses ; se donne des critères clairs
concernant l’acquisition de ses cibles : un impact neutre sur les résultats à court terme et un
retour sur capital de 10 % à un horizon de 3 ans (Nolop, 2007). Une prise de risques concerne
néanmoins une petite partie de ses acquisitions sur des marchés à très forte croissance, de
technologies émergentes, présentant des perspectives de revenus élevés à un horizon de 5 ans.
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 199
Bien entendu, il faut associer également à chaque stratégie des coûts spécifiques qui sont
essentiellement des coûts d’organisation. Ceux-ci peuvent être considérés comme étant
liés à la complexité des dispositifs organisationnels requis par la gestion de chaque stra-
tégie. Cette complexité s’accroît avec l’intensité des relations existant entre les différentes
activités. D’un point de vue organisationnel, la stratégie de diversification non reliée
devrait présenter les coûts les plus faibles puisque, par définition, elle rassemble des
activités sans relations les unes avec les autres. L’intégration verticale, où les activités
entretiennent des relations de dépendance séquentielle, est plus coûteuse. Enfin, la stra-
tégie de diversification reliée est potentiellement la plus complexe à gérer, et donc la plus
coûteuse, dans la mesure où les relations entre activités ont plus de chances d’être réci-
proques que simplement séquentielles.
Adopter une logique financière de développement consiste au final et pour l’essentiel à
adopter le point de vue des marchés financiers et de l’actionnaire. Il s’agit alors de privi-
légier la rentabilité à la croissance des résultats, de rapporter les résultats produits au
coût du capital engagé, et d’équilibrer au mieux les risques dans son portefeuille. Cette
logique s’est globalement développée avec la montée en puissance du poids des marchés
financiers et des investisseurs institutionnels dans les années 1980, donnant lieu à
l’émergence d’une nouvelle figure du capitalisme : le capitalisme financier.
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200 Stratégie et Business Models
La logique identitaire
Construire la trajectoire de développement d’une entreprise selon une logique que l’on
qualifiera d’identitaire consiste à restreindre l’ensemble des opportunités de développe-
ment à celles qui sont cohérentes avec ce qui constitue l’identité et la culture de l’entre-
prise. Cette logique ne revient évidemment pas à ignorer les exigences de rentabilité ni
l’appréciation des risques liés à la dynamique de l’environnement dans ses différentes
dimensions (économique, technologique, sociopolitique, etc.), mais à se refuser de
prendre des décisions stratégiques en quelque sorte au cas par cas, sans souci d’une
cohérence fondamentale.
Paradoxalement, c’est en renonçant à une totale liberté d’action (entendue comme le fait
de prendre des décisions au cas par cas), et en conditionnant les choix de développement
par le respect d’un ensemble de principes, que l’entreprise peut bâtir sa propre identité.
Avec cette logique, l’entreprise ne peut plus être considérée comme un simple assem-
blage d’activités, un portefeuille reconfigurable à souhait ou un « nœud de contrats ».
Elle prend plutôt l’allure d’une « institution », dont la direction assume une responsabi-
lité fondamentale : donner un sens, une orientation, en gardant présent à l’esprit le fait
que ce qu’une organisation a été affecte ce qu’elle pourra faire et être. En d’autres termes,
des décisions stratégiques qui ne seraient pas en harmonie avec le développement histo-
rique de l’entreprise, ou qui ne l’étendraient pas d’une façon cohérente, exprimeraient
un leadership inconséquent.
De fait, une pluralité de notions peut s’inscrire dans cette perspective générale. C’est le
cas de la notion de métier, qui a été présentée au chapitre 2 de cet ouvrage. C’est le cas
également des différentes déclinaisons de la notion de compétences, désignant ce que
l’entreprise est particulièrement capable de faire en s’appuyant sur les ressources de dif-
férente nature qu’elle détient ou qu’elle a pu construire : compétences fondamentales,
compétences distinctives, compétences spécifiques. On peut également évoquer la
notion de « force motrice » qui désigne ce qui donne cohérence à l’entreprise et participe
à la construction de l’identité. Les formules suivantes en donnent quelques exemples
(Tregoe et Zimmerman, 1982) :
• La logique « produits offerts » : poursuivre son développement en continuant de
fabriquer et de commercialiser des produits semblables à ce que l’entreprise produisait
par le passé, en recherchant de nouveaux marchés géographiques ou de nouveaux
segments de marché.
• La logique « besoins du marché » : rechercher de nouveaux moyens de satisfaire des
besoins que l’entreprise satisfait actuellement.
• La logique « technologie » : rechercher un grand nombre d’applications de la techno-
logie dont l’entreprise s’est fait une spécialité.
• La logique « méthodes de distribution » : rechercher différents types de produits qui
peuvent être distribués par les circuits que l’entreprise maîtrise bien, etc.
Que l’on parle de logique dominante, de vision, de paradigme stratégique, voire de
« recette stratégique », ce qui unifie les conceptions correspondantes c’est de considérer
que la stratégie de l’entreprise n’est pas qu’un positionnement concurrentiel acquis ou
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Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 201
souhaité auquel s’attache une certaine rente de situation. C’est également, peut-être
même surtout, l’expression de schémas de pensée sur l’entreprise et son environnement
que les acteurs et les décideurs construisent progressivement à partir des situations et
des problèmes qu’ils rencontrent.
On peut considérer que ces schémas de pensée désignent la façon dont les décideurs
conceptualisent leur activité et leur contexte et décident de l’allocation des ressources.
La recette stratégique de l’entreprise, pour retenir cette expression parmi les autres, se
compose d’un certain nombre d’éléments dont trois sont le plus souvent évoqués :
• La conception du champ d’activité de l’entreprise, c’est-à-dire la façon dont cette acti-
vité est perçue et définie. Ce premier élément renvoie d’une certaine façon aux
concepts de mission et de vocation de l’entreprise.
• La représentation qu’ont les dirigeants des compétences distinctives de l’entreprise,
c’est-à-dire de ce qu’elle sait faire mieux que les concurrents. La nature de ces compé-
tences perçues induit assez logiquement une représentation de l’ordre d’importance
des différentes fonctions de l’entreprise.
• La perception de la stratégie actuelle, en ce qu’elle traduit une certaine vision de la
trajectoire et du mode d’évolution de l’entreprise auquel les acteurs adhèrent.
Une telle recette oriente fondamentalement la façon selon laquelle l’entreprise définit les
problèmes qu’il est pertinent de traiter et les réponses qu’il convient d’y apporter. Elle se
forme progressivement, à partir des expériences de succès et d’échec, et peut être consi-
dérée de ce fait comme une production culturelle de l’organisation.
La recette stratégique d’une entreprise est rarement explicitée. Il est même possible que
les dirigeants n’en aient pas une claire conscience. Elle constitue cependant une sorte de
perception majoritaire chez les principaux dirigeants, ce qui n’exclut pas les divergences
de représentations.
La capacité d’adaptation de l’entreprise est fortement contrainte par la recette straté-
gique qui s’est formée avec le temps et qui a pu assurer le succès. Cette recette fonctionne
en effet à l’instar d’un filtre d’information. L’attention des acteurs de l’organisation est
naturellement concentrée sur les données qui semblent pertinentes selon la recette exis-
tante, la tendance étant d’ignorer assez largement les autres éléments. En d’autres
termes, la recette stratégique constitue une contrainte pesant sur la capacité d’apprentis-
sage de l’entreprise. Elle doit être en quelque sorte désapprise et oubliée pour qu’un
apprentissage se développe. Ceci peut résulter de l’action d’un nouveau dirigeant plus ou
moins visionnaire, prenant soin d’opérer des changements significatifs dans la structure
et les systèmes de gestion de l’organisation qui sont étroitement couplés à la recette pré-
existante. Il est possible également que des acteurs influents, conscients des change-
ments du monde environnant et des limites de la recette en place, parviennent à faire
émerger de nouvelles visions. Quel que soit le cas de figure, la modification de la recette
stratégique dépend d’une transformation des compétences disponibles dans l’entre-
prise.
Former une stratégie dans une perspective identitaire, c’est ainsi veiller à ce que les déci-
sions de développement soient cohérentes avec une certaine conception de la nature, de
l’objet et de la direction de l’entreprise.
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Tableau 6.8 : Les différents comportements stratégiques
Pôle entrepreneurial Domaine d’activité large et en Domaine hybride : à la fois stable et Domaine d’activité étroit : une vaste
développement constant changeant gamme de produits et services sur une
activité
Surveillance étendue de l’environnement Mécanismes de surveillance limités au Analyse limitée de l’environnement
marketing mais très formalisés
Croissance par développement de Croissance régulière par pénétration du Stratégie prudente et incrémentale, interne
nouveaux produits marché et développement de produits plutôt qu’externe
204 Stratégie et Business Models
Pôle engineering Technologie flexible produisant des Recherche d’efficience dans les parties Base technologique souvent unique
prototypes stables et flexibilité dans les parties
changeantes
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complexes (plans et standardisation)
Chapitre 6 Les trajectoires de développement de l’entreprise 205
des caractéristiques internes mais dont la stratégie est devenue inadaptée aux conditions
de l’environnement (problème de consistance entre les dimensions internes et l’environ-
nement). En caractérisant ces trois types de réacteur, Miles et Snow expliquent donc la
manière dont une firme peut échouer dans son processus d’adaptation. Les entreprises
performantes ayant adopté des comportements de prospecteur, d’analyste ou de défen-
seur sont donc elles aussi vulnérables lorsqu’elles se transforment ou lorsque leur envi-
ronnement évolue. Cependant, la dynamique sous-jacente au principe de cycle adaptatif
permet aux organisations devenues de type réacteur (et présentant une baisse durable
de performance) de remédier à leur sort avant de disparaître.
4. Le poids de l’environnement
sur les trajectoires
Au-delà des éléments de choix directement sous le contrôle d’une entreprise (choix des
activités, choix stratégiques, modes de mise en œuvre, comportement stratégique), le
dernier élément forgeant la trajectoire d’une entreprise est l’environnement dans lequel
elle évolue. Ce facteur est en effet primordial pour comprendre la trajectoire des entre-
prises, étant donné les liens étroits qui existent entre le développement d’une organisa-
tion et l’environnement dans lequel elle évolue. Ces liens peuvent se comprendre au
travers d’une métaphore biologique. En effet, à l’instar d’une cellule, une organisation
opère des échanges permanents de ressources avec son environnement et celui-ci déter-
mine donc sa viabilité et sa survie. Elle met sur le marché des produits ou services,
importe des ressources financières, développe des liens d’échange avec ses fournisseurs,
échange de l’information, etc. Plus largement, l’entreprise est immergée dans un milieu
social qui influence ses choix stratégiques, ses pratiques et ses modes de fonctionnement
– voire, les interroge ou les remet en cause – à travers des normes, des réglementations
ou des standards.
4.1 Le macro-environnement
Une première distinction peut être opérée entre un environnement lié directement aux
opérations économiques de l’entreprise et un environnement conçu plus largement,
incluant des acteurs avec lesquels l’entreprise n’entretient pas de liens économiques
directs ainsi que les tendances socio-économiques plus larges traversant la société.
Une analyse des cinq forces de Porter telle que nous l’avons développée au chapitre 3
correspond clairement à la première conception ; une analyse SWOT, plutôt à la seconde.
Cette dernière s’articule en effet généralement avec une analyse macro-environnemen-
tale que l’on désigne sous l’acronyme de PESTEL.
Cette analyse consiste à repérer et à analyser dans l’environnement les facteurs poli-
tiques (P), économiques (E), sociologiques (S), Technologiques (T), écologiques (E) et
légaux (L) qui peuvent potentiellement impacter les opérations d’une entreprise. Le
contexte de crise depuis 2008 modifie ainsi des variables clés de l’environnement de la
plupart des entreprises : un accès plus difficile au crédit pour les entreprises et les
ménages, une plus faible consommation dans de nombreux secteurs liée à un taux de
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Figure 6.8.a
• La trajectoire 1 reflète la trajectoire d’une entreprise misant avant tout sur les gains de
productivité pour s’imposer dans son secteur. Cette trajectoire peut être imposée par
l’environnement ou être un choix volontaire. En termes de comportement stratégique,
cette trajectoire pourrait être associée à un comportement de défenseur. La trajec-
toire 2 peut s’assimiler à une perte de compétitivité par rapport à ses principaux
concurrents. Elle n’est a priori pas voulue par l’entreprise, mais procède d’une dérive
des coûts et de processus internes devenus inadaptés à l’environnement. Une telle
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Figure 6.8.c
1. Les produits de l’entreprise deviennent des commodités, considérées par le client comme peu créatrices de valeur.
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• La trajectoire 5 est a priori la plus difficile à impulser. Elle consiste à la fois à vouloir
monter en gamme et à améliorer sa compétitivité. Une entreprise comme Air France
a ainsi engagé un plan de restructuration en même temps qu’une annonce de montée
en gamme de ses services, tant au sol que dans les airs sans que, pour l’instant, ce
choix produise de résultats positifs. La difficulté tient aux exigences contradictoires
requises pour opérer un tel mouvement, mais comme nous l’avons vu avec la stratégie
Océan Bleu, ces deux objectifs ne sont pas forcément contradictoires. Des innovations
de valeur peuvent très bien s’accompagner d’innovations permettant de réduire les
coûts, comme le serait la mise en place d’un enseignement de qualité par modules
d’autoformation sur Internet pour une école ou une université. Cependant, comme
nous l’avons défendu, cette logique de conciliation ne peut être atteinte que jusqu’à un
certain niveau, au-delà duquel il devient impossible et indésirable de chercher à être le
plus compétitif en termes de coûts et d’adopter un positionnement en termes de prix
élevés. Tout comme la trajectoire 6, elle correspond à un comportement d’analyste
capable d’équilibrer les logiques de coûts et de marché. Cette dernière trajectoire
retrace le parcours d’une entreprise qui abandonne ses facteurs de différenciation (un
restaurant étoilé abandonnant la course aux étoiles, par exemple) et qui bénéficie en
conséquence d’une baisse de coûts, par exemple en visant des volumes de vente plus
importants. C’est le cas d’un producteur agroalimentaire abandonnant sa marque
propre pour passer en marque de distributeur uniquement.
Figure 6.8.d
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Prix relatif
Références bibliographiques
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Applications
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Question
Analysez les objectifs stratégiques de ces alliances, leur forme et effectuerez une
comparaison entre les deux portefeuilles d’accords.
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étoffe peu à peu ses services et comprend les diagnostics plomb et amiante, ainsi que
l’assistance à l’achat de biens immobiliers.
Au début des années 1990, l’entreprise sent qu’il faut grossir au niveau international, au
risque d’être marginalisée dans son secteur. Elle ouvre alors deux filiales à l’étranger, au
Portugal et en République tchèque comme d’autres vépécistes français. À la fin des
années 1990, elle ouvrira également un premier magasin Magie Bleue en Allemagne.
Cependant, avec les difficultés de l’entreprise, ces filiales fermeront au début des années
2000.
Une autre filiale importante verra le jour dans les années 1980. Le groupe CAMIF se
lance en effet dans le crédit à la consommation dès 1987 à travers sa filiale C2C (47 sala-
riés en 2007). La carte Véronèse lancée s’appuie sur la Casden, la banque coopérative des
personnels de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Culture. En 2006, 23 % du
CA de la CAMIF sont ainsi financés par la C2C. Deux autres activités sont adjointes au
groupe en 1992 avec le rachat de l’éditeur Delachaux et Niestlé, et du groupe Léon Far-
gues, spécialiste de la vente à distance de produits de gastronomie. Au fil des ans, ce
dernier pôle rassemble quatre autres marques (Les amis gourmets, Viniphile, Art vil-
lage, Nicole Bernard) autour des vins mis en bouteille à la propriété et de la gastronomie
régionale, notamment du Sud-Ouest. L’idée est de promouvoir des produits du terroir
de qualité pour une clientèle exigeante. Le groupe tentera de se lancer également dans
les produits de beauté naturels avec la marque Vert Azur, mais l’abandonnera quelques
années plus tard. De la même façon, une prise de contrôle du Savour Club en 1996 se
soldera finalement par une revente quelques années plus tard, alors que cette filiale
affiche 46 M€ de pertes en 2000.
Une nouvelle enseigne dédiée aux loisirs et qui étoffe l’offre du groupe est créée en 1993
avec le Club CAMIF. Ce dernier propose des prestations de voyages, de loisirs, de presse,
des offres de services et la vente de véhicules à ses clients. Ce club est géré depuis fin 2003
par Romactis, une filiale à 100 % de l’entreprise. Cette offre est accessible aux sociétaires
CAMIF sur un site réservé et via deux catalogues : Le Club CAMIF (trois parutions par
an) et Véhicules (deux parutions).
En 1999 et 2000, un premier coup de tonnerre éclate. La CAMIF enregistre pour la pre-
mière fois deux exercices déficitaires d’affilée, alors que son président depuis 1998, Jean
Gasol, envisageait de se lancer dans la croissance externe pour développer l’activité en
Europe, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni, deux pays traditionnellement
attachés à la vente par correspondance. L’objectif était alors de doubler le chiffre d’af-
faires de l’enseigne en trois ans, de passer de 5 à 10 milliards de francs, et le dirigeant
défendait l’idée que « pour assurer notre pérennité, nous devons doubler notre chiffre d’af-
faires en trois ans. Notre survie sera alors assurée, sinon nous reculerons ». Au lieu de ce
développement, un premier plan social a lieu. 300 postes sont alors supprimés ; le pôle
magasins et catalogue qui réalise 60 % du chiffre d’affaires du groupe mais près de
50 M€ de pertes est recentré. Le secteur mode sur le catalogue, qui représente à lui seul
un foyer de 13 M€ de pertes, est arrêté. Sur les 1,2 million de sociétaires appelés à contri-
buer au comblement des pertes, 100 000 répondront présents. La MAIF et la Casden
sont appelées à la rescousse et acquièrent des magasins CAMIF. Ces actions doivent
mener à un retour à l’équilibre dès 2001.
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2. Pour CAMIF SA, un soutien de 10 M€ de la MAIF et de 8 M€ de la MACIF est réalisé en juillet 2007. Pour CAMIF
Particuliers, un apport de 25 M€ d’OSIRIS Partners/VARDE, dont 14 M€ versés à la signature de l’accord et une partici-
pation de la Casden de 4,6 M€, a été réalisé à la même époque.
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était resté aux mains du monde mutualiste, à partir de 2007, la société de gestion Osiris
Partners prenait 66 % de la filiale CAMIF Particuliers, la filiale la plus importante du
groupe. Cette société de gestion n’agissait pas en son nom propre mais pour le compte
du fonds d’investissement américain Värde, spécialisé dans la reprise d’entreprises en
difficulté. En injectant environ 25 M€ dans l’entreprise, cette société prenait le contrôle
de CAMIF Particuliers et entraînait la mise hors du périmètre du groupe de cette filiale
qui affichait un CA de 342 M€, mais un résultat d’exploitation de –18 M€. Après le der-
nier plan social qui s’est traduit par 80 licenciements, MAIF et MACIF avaient une nou-
velle fois injecté des fonds. À l’issue de ces changements capitalistiques, la gouvernance
du groupe changeait. Le conseil de surveillance de CAMIF Particuliers comprenait
désormais quatre représentants d’Osiris Partners/Värde et trois représentants de
CAMIF SA Coopérative.
Au-delà de ce montage financier, un bref retour en arrière montre que la CAMIF a fait
évoluer pendant ses dernières années différentes pratiques qui la rendaient si parti-
culière. Par exemple, alors que seuls 6 % de ses références étaient importés en 2006
quand ses concurrents opéraient un sourcing international poussé, cette part augmen-
tait significativement ces dernières années. En 2005, l’assemblée des sociétaires de la
CAMIF votait également à une majorité écrasante une proposition révolutionnaire pour
l’enseigne. Désormais, tout acheteur pouvait devenir un sociétaire, sans être tenu d’ap-
partenir au monde enseignant ou de la fonction publique. Pour cela, il suffisait qu’il
achète une part sociale pour obtenir le statut de sociétaire, sans autre condition. Cette
décision parachevait une évolution de long terme d’ouverture du sociétariat vers d’autres
populations. Cette décision avait pu se prendre du fait d’une moindre implication des
sociétaires. Comme le note un ancien responsable syndical, « La CAMIF, c’était une
démocratie digne du Vatican. Petit à petit, les sociétaires ont perdu la gestion directe de
l’entreprise, car il n’y avait plus que des délégués lors des AG. Et les salariés, comme ils
n’avaient pas l’habitude de revendiquer, du fait de leurs bonnes conditions de travail jusqu’à
la fin des années 1980, ont mis du temps à réagir ».
Cette nouvelle politique n’empêcha pas l’entreprise de mener deux nouveaux plans
sociaux, en novembre 2005 et en mars 2007, supprimant 460 emplois dans la coopéra-
tive, notamment dans la filiale dédiée aux particuliers. Dès 2006, 60 % des pertes
avaient disparu. Ce relatif succès n’empêchait pas certaines critiques de la stratégie
suivie ces dernières années. Jocelyne Baussant, déléguée FO à la CAMIF, explique ainsi
que « La direction a mené des plans d’économie et non des plans de développement. Les
expertises conduites par le comité d’entreprise ont toujours démontré que la CAMIF n’avait
pas les moyens de ses ambitions. Nous n’avons pas réussi à nous distinguer sur le marché ».
Pour Jocelyne Baussant, « notre stratégie devrait reposer sur la consommation respon-
sable, une véritable sélection des produits, un accompagnement. Autant de services qui ont
été progressivement abandonnés. Ce serait la meilleure façon de donner du sens à l’écono-
mie sociale ».
Une opposition frontale a lieu avec M. Gasol, les syndicats demandant sa démission et
soulignant son salaire exorbitant ainsi que ses déclarations parfois tonitruantes,
comme celle-ci : « … Faut pas rêver ! la CAMIF a été créée à une époque où ce type
d’entreprise était possible. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. S’imaginer qu’on peut
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fabriquer une coopérative de consommateurs est pure illusion. » Cette fronde mènera au
départ du dirigeant en 2007 et son nom est conspué dans les différentes manifesta-
tions des salariés pour maintenir l’emploi. Il est remplacé par Louis Mallet en mai
2007 (voir Annexe).
Pour la direction cependant, les explications à une dérive de plus vingt ans sont à trou-
ver ailleurs. Les difficultés viennent de la chute du marché du mobilier. De plus, en
2008, la crise financière liée aux subprimes américains venait frapper le groupe dans sa
capacité d’emprunt et accélérait le mouvement de déclin enregistré ces dernières années.
Le président du directoire de CAMIF Particuliers, Pierre Jullien, avait précisé la semaine
précédant le redressement judiciaire que l’entreprise aurait perdu « 30 millions d’euros à
la fin du mois d’août sur les huit premiers mois de l’année ». Sans liquidités, le groupe ne
pouvait plus faire face. Mais alors, qui a tué la CAMIF ?
Questions
1. Quelle segmentation stratégique du groupe peut-on opérer avant son dépôt de bilan ?
2. À l’aide des stratégies de croissance, vous retracerez les choix qui ont amené à l’émer-
gence du groupe CAMIF.
3. Vous analyserez la trajectoire suivie par la CAMIF au cours de son existence et expli-
querez les causes de sa disparition.
Annexes
Tableau 6.9 : Les activités du groupe CAMIF : un CA de 640 M€ en 2006
Camif Particuliers
Camif Coopérative SA
C2C
Camif Collectivités
Groupe Camif
Camif Habitat
Léon Fargues
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mité, le contact physique, on voit, on touche… Internet c’est la fin des distances, l’im-
matériel, l’information pure.
Quelles implications pour le groupe CAMIF ?
Ces options stratégiques majeures impliquent des investissements lourds, tant en termes
d’Internet, que de magasins ou de catalogues. Car le catalogue demeure un outil irrem-
plaçable. Elles demandent aussi des compétences nouvelles. Pour développer notre
clientèle, nous devons susciter des adhésions affinitaires, individuelles ou collectives.
Pour ce faire, il est essentiel de nous recentrer sur notre statut de coopérative et sur les
valeurs qu’il porte. Et l’image doit être retravaillée pour mieux coller aux préoccupa-
tions d’aujourd’hui. Enfin, il nous faut gérer intelligemment l’alliance entre les valeurs
de l’Économie Sociale et les obligations industrielles, capitalistiques et commerciales
qui caractérisent une entreprise rentable. Ces deux logiques ne s’excluent pas, mais la
construction de la cohérence entre les deux est un vrai travail aujourd’hui.
Éléments de solution
L’analyse d’un portefeuille d’accords
1. Objectifs stratégiques des accords.
L’analyse des différents accords des constructeurs automobiles français indique claire-
ment les objectifs visés par ce type de développement :
L’innovation : co-développement de batteries, de boîtes de vitesses ou de moteurs avec
Daimler pour Renault ; toujours pour Renault, diffusion des véhicules électriques via
des accords avec les loueurs de voitures (Hertz, Avis), les fournisseurs de services à la
mobilité (Vinci, Better Place), ou les producteurs d’énergie (Gaski Enerji) ; pour PSA,
accord avec Petrobras pour développer de nouveaux types de carburant, avec Orange, la
SNCF et Total pour développer les solutions à la mobilité.
Les économies d’échelle : PSA et Fiat à Sevel Nord et Sud ; PSA et Toyota en République
tchèque ; PSA et General Motors dans le cadre d’une alliance mondiale concernant les
achats et la production ; Renault et Daimler par partage de plateformes de production.
L’internationalisation : internationalisation de Renault en Russie, au Maroc, en Chine
et en Algérie, ou de PSA en Chine, au Brésil, en Inde. Cette internationalisation passe
par la construction de nouveaux sites de production, mais aussi le partage de capacités
existantes, servant donc à la fois des objectifs d’internationalisation et d’économies
d’échelle. En plus de la génération d’économies d’échelle (avec d’autres constructeurs),
les alliances permettent de contourner des barrières à l’entrée, notamment réglemen-
taires et institutionnelles, pour s’implanter sur de nouveaux marchés (le plus souvent,
avec des acteurs publics).
La forme partenariale s’effectue donc dans une logique de complémentarité des capaci-
tés et des compétences (pour l’innovation et sa diffusion, ainsi que pour l’internationa-
lisation en partie) ou dans une logique d’addition des capacités et des compétences
(pour les économies d’échelle et, partiellement, l’internationalisation). On voit donc
clairement que les accords participent directement aux objectifs stratégiques des deux
entreprises.
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• Faire prendre conscience de la difficulté tant à analyser les clés du succès d’une
entreprise que les causes de son déclin et de sa disparition. Il est en effet souvent
difficile d’attribuer une seule cause à la disparition d’une entreprise et bien souvent,
ce qui est encensé comme les causes de réussite, est décrié comme les causes d’échec
quelque temps plus tard. Ce phénomène est notamment décrit par Phil Rosenzweig
dans The Halo effect (2007). L’idée générale du livre de Rosenzweig est que les ana-
lystes de la vie des affaires subissent régulièrement un effet de halo, c’est-à-dire qu’ils
recherchent une cohérence générale dans la situation d’une entreprise. Cet effet
implique qu’une entreprise qui présente de mauvaises performances entraîne tout un
ensemble d’attributions négatives, qui n’auraient pas été faites si elle avait présenté de
bonnes performances. Il s’agit de mettre en accord performance et facteurs de perfor-
mance !
• Réfléchir à la trajectoire de la CAMIF pour en comprendre le lent déclin et saisir
l’intrication de facteurs internes et externes.
1. Le métier historique de l’entreprise est la vente par catalogue de biens d’équipement
à des sociétaires issus de l’enseignement. Elle va progressivement adjoindre à son
activité historique de nombreux autres DAS. On peut les regrouper autour de trois
activités principales :
– la vente aux particuliers ;
– les services aux collectivités ;
– le rôle de médiateur.
Ces trois grandes activités entretiennent des synergies importantes entre elles : elles
s’adressent au même type de clients particuliers (ventes aux particuliers et médiateur)
et plus généralement le monde de l’enseignement ; utilisent les mêmes technologies de
distribution (catalogue, Internet) (ventes aux particuliers et aux collectivités) ; remplis-
sent le même type de besoin (équipement) (ventes aux particuliers et aux collectivités).
Ce portefeuille permet a priori de développer des synergies entre les canaux de vente,
en termes d’image, et en termes de puissance d’achat. Du point de vue de l’exploitation
de ces synergies, la trajectoire de l’entreprise paraît cohérente.
Tableau 6.10 : La segmentation des activités du groupe
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Produits
Actuels Nouveaux
Mission
Actuelle Vente d’équipements par catalogue Nouvelles gammes de produits (hi-fi,
aux enseignants informatique, textile, sport…)
Club CAMIF
CAMIF Habitat
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Prix relatif
Prix relatif
Prix relatif
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Conclusion
Ce manuel vise à fournir à un lecteur intéressé par la stratégie, des concepts, des grilles
d’analyse, des théories, des outils qui peuvent alimenter sa réflexion en situation réelle.
Cependant, avant de clore ce livre, trois mises en garde doivent être évoquées. La pre-
mière est que le panorama fourni ici est forcément incomplet. Des dizaines de revues et
journaux proposent en permanence de nouvelles réflexions et études empiriques, qui
corroborent ou infirment nos savoirs, ou ouvrent de nouvelles perspectives. Un pano-
rama exhaustif du « marché des idées » en stratégie est donc impossible à établir. Une
deuxième mise en garde concerne la nécessaire contextualisation des savoirs lors de leur
mise en action et confrontation au réel. Les connaissances présentées ici restent abs-
traites. Leur mise en œuvre exige une bonne maîtrise et une solide compréhension de
leurs fondements afin de s’en écarter ou de les modifier éventuellement. Cependant,
cette mise en œuvre requiert également d’autres qualités comme le sens politique, la
créativité, la finesse d’analyse, l’ouverture d’esprit ou la curiosité. Ces qualités permet-
tent d’affronter l’incertitude associée à la stratégie et d’être capable de la mettre en
œuvre. Enfin, les savoirs produits en stratégie restent fragiles. Les cadres théoriques ne
convergent pas, voire s’opposent et offrent des visions différentes de ce qu’est une entre-
prise ou l’environnement. Les études empiriques ne se cumulent pas pour indiquer à
coup sûr ce qui « marche » ou non. Pour autant, nous restons persuadés qu’une réflexion
en stratège, aussi mal assurée soit-elle, vaudra toujours mieux que l’absence de réflexion
stratégique.
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Index
Symboles C
3 Suisses 134 CAMIF 217
5(+1) forces de la concurrence 72 Canal + 112
évaluation 73 Capture de la valeur 131
5 forces 68 Centre de gravité de l’entreprise 184
de la concurrence 66, 68 Chaîne de valeur 68, 77
20 Minutes 115 avantage concurrentiel 79
chaîne standard 79
A Clients 28, 69, 119
Club Méditerranée 18
Activités 10
Commoditisation 209
de soutien 77 Compétences 83, 118
fondamentales 77 Compétitivité 30, 37, 38
principales 77 Comportement stratégique 202
Adobe 122 Concurrents directs 69
Airbnb 113 Configuration de valeur 123
Alliance stratégique 195 Construction de compétences 85
Analyse de secteur 73 Coopération 87
Apple 121 Coopétition 88
Aravind Eye Hospital 131 Corporate strategy 26
Atelier de valeur 81 Couple produit/marché 173
Avantage Courbe d’expérience 71
au pionnier 92 Coûts 126
concurrentiel 38, 66, 78 modèle de coûts 126
combinaison 40 Création de valeur 78, 131
durabilité 40 Critère de segmentation 28
relationnel 87 Croissance 128
collaborative 195
B externe 100, 196
interne 195
Balanced ScoreCard (BSC) 45
Crowdfunding 124
Barrières à l’entrée 66, 71 Crowdsourcing 124
Base stratégique 36 Cycle de vie 148
Bazar 124
Besoins D
du marché 200 Dell 64, 123
satisfaits 28 Déréglementation 112
BlackSocks.com 129 Désengagement 174
BMW 159 Développement durable 44
BSC Voir Balanced Scorecard Diagnostic 15, 61
Business model 111 externe 62
social 131 interne 62
Business strategy 26 Différenciation 129
Buts 8, 37 Distribution 200
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234 Stratégie et Business Models
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Index 235
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236 Stratégie et Business Models
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