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Aube

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« 

Aube », Rimbaud.

Plan d’explication linéaire (oral):


Introduction du poème (l.1) : Relation personnelle du narrateur avec l’aube

I-Première partie (l. 2 à 6) : Le pouvoir transfigurateur de l’enfance

A-D’abord l’immobilité des choses.


B-Puis le réveil.
Transition : « à la cime argentée je reconnus la déesse » (fin du vers 6)

II-Deuxième partie (l.7 à 11) : L’enfance, l’aube et la poésie

A-Poursuite de la déesse « aube » par l’enfant-poète.


B-Confusion de l’enfant et de l’aube

Conclusion du poème (l. 12)


______________________________________________________________________
__________
Explication linéaire d’ « Aube » de Rimbaud.

Situation : « Aube » est l’un des poèmes du recueil Les Illuminations (1873-1875). Ce
recueil n’a été publié qu’en 1886 grâce au poète Verlaine. Dans ce recueil alternent des
poèmes enthousiastes et d’autres plus sombres et angoissés. Rimbaud y mêle des
narrations, des évocations, des invocations, des hymnes etc… « Aube » apparaît comme
un court poème en prose qui rappelle « Ma bohème ».

Lecture

Introduction : Le narrateur enfant y raconte une course matinale dans la campagne qui
s’éveille. D’abord apparemment immobile et morte, la nature se transforme. La vision
féérique de l’enfant et cette transformation naturelle de l’aube semble faire naître une
rivalité qui suscite une poursuite, une compétition entre l’enfant magicien et la
« déesse »nature. À la fin de cette course, l’enfant est victorieux et fait disparaître
l’aube.

Comment la « rivalité » entre l’enfant et la déesse illustre-t-elle le pouvoir


transfigurateur de l’enfance, de la poésie et de ce moment privilégié qu’est l’aube.

Le texte se compose de deux grandes parties symétriques et égales. La première


partie s’ouvre sur un octosyllabe (l.1), et la deuxième est fermée de la même
manière par un autre octosyllabe (L. 12). Ils contiennent l’un et l’autre une
indication temporelle qui limite le texte (« aube », « midi »).

Introduction du poème (l.1) : Relation personnelle du narrateur avec l’aube

-(l.1) « J’ai embrassé l’aube d’été »


Le premier octosyllabe est ambigu : il donne une information au passé, et représente en
même temps un résumé de toute l’expérience relatée ensuite dans le poème, et comme
celui-ci propose un récit, on peut l’analyser comme une véritable prolepse diégétique
qui jou donc parfaitement son rôle d’introduction de ce qui suit. Pourtant, nous avons
dès le début que cette rencontre avec l’aube qui va être relatée appartient au passé,
puisque le poète utilise le passé composé, l’accompli du présent. Le verbe « embrasser »
est surprenant car il tend à personnifier l’aube. Mais cet usage se justifie par le fait que
l’aube sera ensuite assimilée à une véritable déesse.

I- Première partie (l. 2 à 6) : Le pouvoir transfigurateur de l’enfance

A- D’abord l’immobilité des choses.

Au début de la strophe, immobilité de la nature voisine de la mort (« rien ne


bougeait ») et obscurité (« Les camps d’ombre »), d’autant qu’on se situe dans un
bois, sombre à l’accoutumée. Même l’eau n’est pas agitée par le moindre
plissement dû au vent : « l’eau était morte ». Or l’eau est au contraire
habituellement synonyme de vie : on la cherche sur des planètes lointaines car elle
serait le signe de la vie.

L’expression « camps d’ombre » est métaphorique. Que connote le mot


« camps » : de vastes étendues sombres qui quadrillent le bois. Le mot « camp »
peut connoter aussi l’armée. Tous les animaux de la forêt encore endormis
constitueraient-ils dans l’esprit de l’enfant une véritable armée prête à s’éveiller ?
Tout enfant a normalement peur de la forêt nocturne. Rimbaud aurait pu sinon se
contenter d’évoquer des « champs d’ombre »… Rimbaud a quant à lui toujours
aimé ce moment de l’aube  : (voir sa lettre de juin 1872 à Delahaye).

B- Puis le réveil.

Le mouvement de l’enfant provoque l’éveil de la nature. Il réveille « les haleines


vives et tièdes ». Le mot « haleine » fonctionne comme une synecdoque, partie
désignant un tout beaucoup plus vaste. Ne s’agit-il que des haleines des animaux
que l’enfant réveille par son passage, ou de tous les parfums qui émanent de la
terre et de l’humus, le mot « haleine » apparaissant ici également comme
métaphorique alors. Les éléments minéraux de la nature sont maintenant capables
de regarder l’enfant, d’épier son passage : « et les pierreries » regardèrent. Ce
verbe crée une nouvelle personnification de la nature. Nous évoluons dans un
monde merveilleux, comme Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll. Le mot
« pierreries », est compare au mot « pierre » connote davantage les pierres
précieuses, les bijoux, ce qui ajoute encore à cet univers merveilleux. Le mot
« ailes » agit encore comme une synecdoque, car il désigne tout ce qui a des ailes
dans la forêt, tous les oiseaux qui la peuplent. Point de chants d’oiseaux encore,
« les ailes se levèrent sans bruit ». Le monde animal est discret, il se cache de
l’homme, même de l’enfant.
La présence mouvante de l’enfant-poète (« je » est à la fois l’enfant et le poète)
provoque, comme par un coup de baguette magique, le mouvement des choses (la
soudaineté est soulignée par le passé simple).

La fleur est douée de parole dans ce monde magique et merveilleux : « qui me dit
son nom ». On remarque que la lumière a très rapidement empli l’espace : « dans
le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats ». Le rythme du poème est très
rapide. En quelques vers, en quelques mots même, on passe de la nuit au jour, de
l’ombre à la lumière. Il convient aussi de commenter les adjectifs qualificatifs
épithètes liées du mot « éclats ». Si ce mot connote une lumière vive et
éblouissante, et rappelle le mot « pierreries ». L’adjectif « frais » ne se rapporte
pas à la vue, mais à une sensation plus tactile. Au petit matin, il fait encore frais.

Le vers 6 remet en scène l’enfant qui ne se sent plus angoissé dans cette nature qui
s’éveille mais rit quand l’eau s’éveille : « Je ris au wasserfall blond qui s’échevela
à travers les sapins ». Le mot « wasserfall » , désignant une chute d’eau en
allemand donne une connotation germanique au lieu imaginaire évoqué.
L’allusion aux sapins, la chute d’eau, le mot « cime » nous indiquent que l’enfant
se trouve dans une forêt escarpée, peut-être en montagne, dans une sorte de « forêt
noire » merveilleuse. Ce wasserfall est personnifié : il est blond et sa chevelure
s’immisce entre les branches des sapins. On comprend que cette métaphore
personnifiante image le mouvement de cette chute d’eau qui serpente au milieu
des arbres comme une chevelure blonde (le thème de la chevelure est très présent
chez les poètes de cette époque : voir les deux poèmes de Baudelaire portant ce
titre).

Transition : « à la cime argentée je reconnus la déesse »

La fin du vers 6 agit comme une transition entre la première partie du poème, où
l’enfant voit la nature s’éveiller, et la seconde partie où il va connaître une complicité
étonnante avec la déesse de la nature. Si la cime est « argentée », c’est pour continuer à
donner encore à ce monde imaginaire de la forêt de l’éclat. L’argent brille à la lumière.
Plus la lumière sera intense, plus ce monde végétal scintillera. La déesse s’intègre
logiquement au texte (la lumière qui brille sur la cime est le signe du lever du jour) et
constitue une charnière en faisant apparaître, pour l’enfant, une rivale.

II- Deuxième partie (l.7 à 11)

A- Poursuite de la déesse « aube » par l’enfant-poète.

Une fois reconnue, l’aube est immédiatement pourchassée par l’enfant, en une fuite qui
lui fait traverser des lieux différents, ceux que traverse aussi l’enfant. La disparition de
ses voiles suggère métaphoriquement la découverte progressive du monde perceptible
dans la lumière du jour. Il ne faut pas se tromper sur l’interprétation du mot
« dénoncée » (l.7) : il ne s’agit pas d’une dénonciation : il faut comprendre : « où je l’ai
annoncé au coq ». Bien-sûr, le coq est l’un des symboles traditionnels de l’aube, le
chant du coq étant déclenché par le lever du jour. Il s’agit d’une nouvelle insertion du
monde animal dans le poème, mais le coq vit dans une basse-cour, près des hommes. Il
s’agit bien d’une transition qui mène l’enfant de la forêt à la ville. On note dans cette
succession de lieux différents, un élargissement fabuleux de « l’allée », en passant par
« la plaine » et la ville, qui apparaît sous un aspect féérique. Comment comprendre que
l’aube fuit devant l’enfant ? Partout où il va, l’enfant voit l’aube recouvrir le monde de
sa lumière devant lui. Le passage de l’aube fait apparaître des objets nouveaux :
« dômes », « clochers », « route », « bois de lauriers ». Ainsi se crée l’idée d’un même
pouvoir magique chez l’aube et chez l’enfant, qui est un enfant poète.

B- Confusion de l’enfant et de l’aube


Ainsi se confondent en un pouvoir commun les rôles de l’enfant et de l’aube, qui est
particulièrement souligné dans la dernière strophe (l. 10 et 11). L’enfant a rattrapé
l’aube et l’entoure « avec ses voiles amassés ». Peu à peu la brume s’est levée et la
lumière a éclairé le monde. L’enfant imagine poétiquement qu’il rhabille alors l’aube
avec ces voiles de brume qui la caractérisait il y a quelques instants à peine. L’image
devient plus sensuelle quand il affirme avoir « senti un peu son immense corps ». On
peut comprendre de différentes manières cette proposition : tout le poème est fait de
sensations, et c’est à la fin du poème le toucher qui l’emporte, l’aube s’évanouissant peu
à peu dominée par le jour, et devenant un fantôme. Or pour l’enfant, ce fantôme prend
encore corps. Mais Rimbaud s’identifie à l’enfant. Quand il écrit ces vers c’est un
adolescent, et toute dimension érotique du poème n’est pas à exclure. Il rêve ici
clairement d’une « aube-déesse », et celle-ci va s’endormir avec lui.

Conclusion du poème (l. 12)

Le deuxième octosyllabe souligne brutalement le passage du temps (disparition de


l’aube) et le sommeil de l’enfant. Cette disparition magique dans le sommeil : « Au
réveil il était midi » met fin à la fois au poème et à la transfiguration par un retour au
réel. Le rêve érotique prend fin avec le réveil. Mais c’est aussi le signal de la triple
alliance de l’enfance, de l’aube et de la poésie, associés dans une même image au
commencement et au renouvellement du monde.

Conclusion : Ce poème associe donc un instant – celui de l’aube – la féérie de


l’enfance, à celle de l’aube et de la poésie. La féérie de l’enfance fait du paysage un
monde magique, fabuleux et mystérieux. L’imagination de l’enfant est à l’origine de
cette création de l’esprit. La déesse-aube détient un double pouvoir de métamorphose et
de renaissance. Elle fait passer de la mort à la vie. La féérie de la poésie transfigure
quant à elle la réalité. La nature peut être associée à un personnage d’abord endormi
puis fuyant, tissant avec l’enfant-poète des liens secrets et mystérieux.
On comprend dans ces conditions que les poètes surréalistes, au début du siècle suivant,
feront notamment d’Arthur Rimbaud et de Guillaume Apollinaire des prédécesseurs du
surréalisme.

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