Aube
Aube
Aube
Aube », Rimbaud.
Situation : « Aube » est l’un des poèmes du recueil Les Illuminations (1873-1875). Ce
recueil n’a été publié qu’en 1886 grâce au poète Verlaine. Dans ce recueil alternent des
poèmes enthousiastes et d’autres plus sombres et angoissés. Rimbaud y mêle des
narrations, des évocations, des invocations, des hymnes etc… « Aube » apparaît comme
un court poème en prose qui rappelle « Ma bohème ».
Lecture
Introduction : Le narrateur enfant y raconte une course matinale dans la campagne qui
s’éveille. D’abord apparemment immobile et morte, la nature se transforme. La vision
féérique de l’enfant et cette transformation naturelle de l’aube semble faire naître une
rivalité qui suscite une poursuite, une compétition entre l’enfant magicien et la
« déesse »nature. À la fin de cette course, l’enfant est victorieux et fait disparaître
l’aube.
B- Puis le réveil.
La fleur est douée de parole dans ce monde magique et merveilleux : « qui me dit
son nom ». On remarque que la lumière a très rapidement empli l’espace : « dans
le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats ». Le rythme du poème est très
rapide. En quelques vers, en quelques mots même, on passe de la nuit au jour, de
l’ombre à la lumière. Il convient aussi de commenter les adjectifs qualificatifs
épithètes liées du mot « éclats ». Si ce mot connote une lumière vive et
éblouissante, et rappelle le mot « pierreries ». L’adjectif « frais » ne se rapporte
pas à la vue, mais à une sensation plus tactile. Au petit matin, il fait encore frais.
Le vers 6 remet en scène l’enfant qui ne se sent plus angoissé dans cette nature qui
s’éveille mais rit quand l’eau s’éveille : « Je ris au wasserfall blond qui s’échevela
à travers les sapins ». Le mot « wasserfall » , désignant une chute d’eau en
allemand donne une connotation germanique au lieu imaginaire évoqué.
L’allusion aux sapins, la chute d’eau, le mot « cime » nous indiquent que l’enfant
se trouve dans une forêt escarpée, peut-être en montagne, dans une sorte de « forêt
noire » merveilleuse. Ce wasserfall est personnifié : il est blond et sa chevelure
s’immisce entre les branches des sapins. On comprend que cette métaphore
personnifiante image le mouvement de cette chute d’eau qui serpente au milieu
des arbres comme une chevelure blonde (le thème de la chevelure est très présent
chez les poètes de cette époque : voir les deux poèmes de Baudelaire portant ce
titre).
La fin du vers 6 agit comme une transition entre la première partie du poème, où
l’enfant voit la nature s’éveiller, et la seconde partie où il va connaître une complicité
étonnante avec la déesse de la nature. Si la cime est « argentée », c’est pour continuer à
donner encore à ce monde imaginaire de la forêt de l’éclat. L’argent brille à la lumière.
Plus la lumière sera intense, plus ce monde végétal scintillera. La déesse s’intègre
logiquement au texte (la lumière qui brille sur la cime est le signe du lever du jour) et
constitue une charnière en faisant apparaître, pour l’enfant, une rivale.
Une fois reconnue, l’aube est immédiatement pourchassée par l’enfant, en une fuite qui
lui fait traverser des lieux différents, ceux que traverse aussi l’enfant. La disparition de
ses voiles suggère métaphoriquement la découverte progressive du monde perceptible
dans la lumière du jour. Il ne faut pas se tromper sur l’interprétation du mot
« dénoncée » (l.7) : il ne s’agit pas d’une dénonciation : il faut comprendre : « où je l’ai
annoncé au coq ». Bien-sûr, le coq est l’un des symboles traditionnels de l’aube, le
chant du coq étant déclenché par le lever du jour. Il s’agit d’une nouvelle insertion du
monde animal dans le poème, mais le coq vit dans une basse-cour, près des hommes. Il
s’agit bien d’une transition qui mène l’enfant de la forêt à la ville. On note dans cette
succession de lieux différents, un élargissement fabuleux de « l’allée », en passant par
« la plaine » et la ville, qui apparaît sous un aspect féérique. Comment comprendre que
l’aube fuit devant l’enfant ? Partout où il va, l’enfant voit l’aube recouvrir le monde de
sa lumière devant lui. Le passage de l’aube fait apparaître des objets nouveaux :
« dômes », « clochers », « route », « bois de lauriers ». Ainsi se crée l’idée d’un même
pouvoir magique chez l’aube et chez l’enfant, qui est un enfant poète.