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Cours 7

ANDRE GIDE

(1869-1951)

"On a beaucoup ri d'un télégramme que Mauriac a reçu peu de jours après la mort
de Gide et ainsi rédigé : " Il n'y a pas d'enfer. Tu peux te dissiper. Préviens Claudel. Signé
André Gide" Julien Green, Journal 28 février 1951

1- Une enfance maladive et sombre.

André Gide est né en 1869 dans une famille de la haute bourgeoisie protestante. Son
père est un brillant professeur à la faculté de droit de Paris, et sa mère, la fille d'un industriel
rouennais du textile. André Gide est élevé dans une atmosphère puritaine. Petit garçon émotif
et de santé fragile, il est sujet à des crises nerveuses répétées qui lui valent de nombreuses cures.
André Gide est très affecté de perdre, à 11 ans, son père, cet être érudit et généreux qu'il admire.
C'est son premier drame. Il sera élevé au milieu de femmes, au premier rang desquelles : sa
mère, Anna Schackleton, l'ancienne gouvernante de celle-ci, la bonne, ses tantes et ses trois
cousines.

A treize ans, lors d'un séjour à Rouen, André Gide découvre sa cousine Madeleine (âgée
de 16 ans) en pleurs et en prière du fait de l'inconduite conjugale de sa mère, la tante Mathilde.
C'est son second drame : "Je sentais que dans ce petit être, que déjà je chérissais, habitait une
grande , une intolérable tristesse, un chagrin, tel que je n'aurais pas trop de tout mon amour,
toute ma vie pour la guérir..." . Le jeune André Gide prend ainsi conscience du sentiment
amoureux qu'il éprouve pour sa cousine.

2- Les débuts symbolistes

Très tôt Gide fréquente des cercles littéraires, en particuliers celui des milieux
symbolistes. Gide fait la connaissance de Mallarmé, de Valéry et d’autres symbolistes,
commence à écrire dans des revues. Ses premiers textes sont marqués par le symbolisme et par
la philosophie de Schopenhauer. Il publie alors, à compte d’auteur,Les Cahiers d'André Walter,
Le traité de Narcisse. Gide, du petit garçon fragile qu'il était, est devenu une sorte d'esthète,
très influencé par la littérature contemporaine.

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3- L’affirmation littéraire et les crises personnelles.

Toute la vie de Gide est aimantée entre le ciel et l'enfer, entre la liberté et la contrainte
morale, entre l'ange et le diable; il semble écartelé entre les extrêmes, déchiré entre les
contradictions. Ainsi l'austérité de La Porte Etroite répond àl'Immoraliste (1902) et Saül (1903)
est un écho aux Nourritures terrestres (1897).

En 1909, Gide fonde la NRF avec Copeau et Schlumberger. Cette revue imposera peu à
peu une école de la rigueur et du classicisme, avec des écrivains comme Gide lui-même, Proust,
Alain-Fournier, Giraudoux, Martin du Gard, ou Valéry. Puis Gide rompt avec le
catholicisme. Les Caves du Vatican (1914), dont le célèbre héros, Lafcadio, cherche à se libérer
par un acte gratuit, en est un des éléments tangibles. En 1919, Gide publie la Symphonie
Pastorale. Puis de 1920 à 1925 Gide va connaître "une triple libération" : "libération du passé
dans Si le grain ne meurt (1926), souvenirs d'enfance et de jeunesse, où il pousse la confession
jusqu'à son point extrême ; libération de la contrainte morale, libération artistique aussi, la plus
féconde, dans lesFaux-Monnayeurs (1925)".

4- L’engagement politique

Gide s'engage contre le colonialisme après un voyage au Congo (1925-1926) ; en faveur


de la paix (il assiste au congrès mondial de la paix en 1932), et enfin dans le communisme, qu'il
abandonnera dans la douleur suite à un voyage décevant en URSS (1936).

Gide, devenu veuf en 1938, a des attitudes fluctuantes durant la Seconde Guerre
mondiale : après avoir éprouvé une certaine admiration pour Pétain et fait paraître ses feuilles
autobiographiques dans La nouvelle revue française, dirigée par le collaborationniste Drieu la
Rochelle, il rencontre de Gaulle à Alger en 1943.

5- La vieillesse et la fin de Gide

Lors de l'occupation allemande, Gide séjournera sur le continent africain. Au retour de


la guerre, il renoue avec un personnage qui le hante depuis longtemps : Thésée, l'aventurier
auquel, il s'identifie, malgré ses apparentes allures de moraliste.

En 1947, André Gide obtient le prix Nobel de littérature (sixième écrivain français à
être couronné depuis 1901).

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Il adapte ensuite le Procès de Kafka que Jean-Louis Barrault mettra en scène, en 1947,
au Théâtre Marigny.

André Gide est mort le 19 février 1951 d'une congestion pulmonaire. Il eut ces derniers
mots mystérieux :" J'ai peur que mes phrases ne deviennent grammaticalement incorrectes.
C'est toujours la lutte entre le raisonnable et ce qui ne l'est pas ..."

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Cours 8

Le surréalisme

Préambule

La Première Guerre mondiale mit en évidence le dérisoire de l'humanisme occidental.


Celui-ci venait d'aboutir à une des plus grandes catastrophes de l'histoire. Ses valeurs ne
résistaient plus à la réalité : il fallait les redéfinir. Il fallait redéfinir l'homme et le monde. Dada
réagit violemment. Il eut pour but de détruire ; le surréalisme prit la relève. Détruire d'abord,
agir ensuite, tenter de susciter une re-naissance en tenant compte des grandes révolutions
intellectuelles et politiques de l'époque, le freudisme et le marxisme, ne craignant pas de les
associer tout en faisant appel à d'autres disciplines, comme l'ésotérisme. Les cloisons qui,
jusque-là, séparaient les différents chemins de la connaissance étaient réduites à néant. Tous les
moyens furent envisagés pour réviser de fond en comble l'homme malade de civilisation de ce
début du XXe s.

Jusque-là, l'homme avait trouvé refuge dans l'art ou la religion pour éviter d'être
confronté à une réalité qui se dégradait peu à peu ; à partir du surréalisme, l'écart établi entre la
réalité et l'irréel, entre le possible et l'impossible fut nié. Pour la première fois, la volonté de
réaliser le rêve dans le quotidien commença à voir le jour ; elle n'était plus le but de la littérature,
mais la raison de vivre.

Dans cette perspective, le surréalisme avait été préparé de longue date.

Lorsque André Breton, Philippe Soupault, Louis Aragon lièrent amitié à la fin de 1917,
ils signaient l’acte de naissance d’un mouvement de pensée qui allait être le plus novateur de
l’entre-deux-guerres, le plus radical, et pour certains, le plus scandaleux.

Un mouvement ambitieux

Le surréalisme ne voulut pas se contenter d’être une « école » littéraire de plus,


harmonieusement inscrite dans le sillage du romantisme, du réalisme et du symbolisme qui
avaient marqué le siècle précédent. Refusant de se réduire à la stricte littérature, il eut
l’ambition, plus vaste, d’opérer une véritable révolution des sensibilités et des mentalités. Il
voulut, comme le dit Aragon, promulguer « une nouvelle déclaration des droits de l’homme »,
par le moyen (le mot cette fois est de Breton) d’une plus grande émancipation de l’esprit».

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Un mot riche de sens

L’adjectif « surréaliste » a été utilisé par Guillaume Apollinaire. En 1924, Le Manifeste


de Breton définira le surréalisme à partir de l’usage de l’écriture automatique. Mais le sens du
mot déborde vite cette définition : il doit s’entendre comme l’attention portée à un réalisme
supérieure, c’est-à-dire plus profond.

Il ne s’agit pas en effet, de reconnaître un ordre des choses transcendant, situé au-dessus
de la réalité. Le surréalisme refuse tout idéalisme qui, religieux ou non, séparerait la chair de
l’esprit. Il revendique l’unité du monde et de l’homme et les poètes chercheront le secret de la
réalité au cœur de celle-ci. Certains intègreront de ce point de vue et sans difficulté les
présupposés matérialistes de Marx, après s’être appuyé sur les démonstrations de Freud.

Les grandes étapes du surréalisme

1- Les séductions de la révolte (1917-1921)


Des jeunes gens en colère

Le surréalisme est né de la protestation de quelques jeunes gens en colère, qui eurent


vingt ans pendant la 1 ère Guerre Mondiale. Horrifiés par l’hécatombe que celle-ci avait
provoquée, le poète Paul Valéry : « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous
sommes mortelles. » Admirateurs de Valéry, les premiers surréalistes partagèrent ce constat
de faillite, qu’ils lièrent à une volonté de rupture.

L’écriture automatique

Enrôlés dans des services de médecine militaire, Breton et Aragon avaient constaté par
eux-mêmes les ravages que la guerre avait opérés sur les corps meurtris et dans les consciences
perturbés des soldats revenus du front. Pour soigner ces névroses de guerre, Breton eut
l’occasion d’utiliser dès 1916 des méthodes nouvelles de traitement, recommandées par un
psychiatre viennois encore inconnu en France : Sigmund Freud. Il s’agissait de faire parler les
malades selon le principe des associations libres : on leur demandait de produire non un discours
structuré, mais un flux de mots et d’images échappant à la censure de la conscience, cela
permettant l’émergence de leurs obsessions cachées.

C’est de cette pratique médicale qu’allait dériver le mode de production des textes
surréalistes. Dès 1919, Breton et Soupault entreprennent ensemble « de noircir du papier, avec
un louable mépris de ce qui pourrait s’ensuivre littérairement ». Ainsi, naquirent les Champs
magnétiques (1920). Cette « écriture automatique », sorte de dictée de l’inconscient, frappa les
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auteurs par sa richesse et sa fantaisie. Elle sera pour longtemps le moyen privilégié de parvenir
à la libération des contraintes recherchées par le surréalisme.

2- Deux revues, un manifeste (1922-1924)

La révolte de Breton porte en effet, bien plus que pour Tzara, sur la place de l’art et de
la littérature, qu’il faut redéfinir. C’est d’ailleurs ce titre de littérature qu’il choisit par
antiphrase, pour la revue qu’il fonde en 1919. Cette revue se radicalise en 1922. Alors que
Philippe Soupault s’éloigne du groupe en 1926, Robert Desnos et René Crevel y publièrent des
récits de rêves et des textes écrits sous hypnose. Il s’agit toujours, comme l’écriture
automatique, de donner la parole à l’imaginaire enfoui sous la conscience. Le but reste de libérer
les forces vives de l’individu, non de produire de « beaux textes » savamment composées.

En 1924, Breton fait paraitre le Manifeste surréaliste, où il définit le mouvement par les
techniques d’automatisme pratiquées depuis 1918 :

« SURREALISME, n.m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose


d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de tout autre manière, le fonctionnement
réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison,
en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.
ENCYCL, PHILOS Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de
certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au
jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes
psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la
vie. On fait acte de SURREALISME ABSOLU MM. Aragon, Baron, Boiffard, Breton,
Carrive, Crevel, Deleil, Desnos, Eluard, Gérard, Limbour, Malkine, Morise, Naville,
Noll, Péret, Picon, Soupault, Vitrac »
En cette même année 1924 est fondée une nouvelle revue : la Révolution surréaliste. Un
« bureau de recherches surréalistes » est ouvert à Paris, où se rencontrent membres du groupe
et sympathisants. Antoine Artaud en est le visiteur assidu, mais son goût pour le mysticisme ne
plaît pas à Breton.

3- De la révolte à la révolution (1925-1933)


Succès du surréalisme

Un groupe différent, plus soucieux d’humour et de divertissement, s’organise à Paris.


Autour de Jacques Prévers et de Raymond Queneau. Breton le considère avec circonspection,
comme ce sera le cas en 1929 pour le groupe du « Grand jeu ».

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De 1925 à 1928 paraissent quelques œuvres majeurs : Aragon publie Le Paysan de Paris
en 1926 et Le Traité du style (1928). Eluard Capitale de la douleur (1926) et Desnos La liberté
ou L’amour (1927). En 1928 Breton fait paraitre Nadja, modèle achevé d’un type nouveau du
récit qui s’inscrit au cœur de la recherche « surréel ».

L’intérêt pour le marxisme

Admirateurs de Rimbaud, les surréalistes s’efforcent de réaliser le précepte de celui-


ci : « changer la vie ». Sous l’impulsion de Breton, ils vont adopter un autre mot d’ordre, plus
politique, de Karl Marx : « changer le monde » qui leur semble indissolublement lié au premier.

A partir de 1925 s’amorce en effet un rapprochement avec des intellectuels


communistes. En janvier 1927, Aragon, Eluard, Breton et Péret adhèrent au parti communiste
français malgré de fortes réticences.

Des crises violentes secouent le mouvement. Crises personnelles, comme la tentative de


suicide d’Aragon en 1928, exclusion surtout, des anciens compagnons qui refusent cet
engagement comme Desnos, Leiris et d’autres. Fin 1929, Breton produit le très dogmatique
Second Manifeste du Surréalisme qui précise les motifs de cet éclatement. A partir de l’année
1930, la revue du mouvement change de titre, adoptant, pour que nul ne s’y trompe, celui-ci :
Le surréalisme au service de la révolution. De nouveaux poètes, comme René Char, viennent
cependant compenser en partie les départs.

La dispersion du groupe

Eluard rompt définitivement avec Breton en 1938. Après la défaite française de 1940,
ce dernier choisit de s’exiler en Amérique. Une activité surréaliste renaît aux Etats-Unis alors
qu’Aragon et Eluard se font les chantres de la Résistance et que Robert Desnos meurt en
déportation.

4- La fin du mouvement (1945-1969)

Revenu en France en 1946, Breton est combattu par les communistes et concurrencé par
l’existentialisme. Sartre et Camus sont les hommes nouveaux de l’après-guerre.

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Passionné par la magie et le socialisme utopique (Ode à Charles Fourrier), Breton
réclame une « occultation » du surréalisme. Sa mort, en 1966, consomme la fin du mouvement
surréaliste.

Mais l’esprit surréaliste, ses principes esthétiques, font subir leur influence sur la
sensibilité contemporaine. L’attention de l’imaginaire que porte une société de plus en plus
modelé par l’image doit sans doute beaucoup aux pionniers qui explorèrent les « champs
magnétiques » de l’inconscient.

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