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Lutte antiérosive

Réhabilitation des sols tropicaux et protection contre les pluies exceptionnelles


Éric Roose, Hervé Duchaufour et Georges De Noni (éd.)

DOI : 10.4000/books.irdeditions.12419
Éditeur : IRD Éditions
Année d'édition : 2012
Date de mise en ligne : 7 septembre 2018
Collection : Colloques et séminaires
ISBN électronique : 9782709922753

http://books.openedition.org

Édition imprimée
ISBN : 9782709917285
Nombre de pages : 758

Référence électronique
ROOSE, Éric (dir.) ; DUCHAUFOUR, Hervé (dir.) ; et DE NONI, Georges (dir.). Lutte antiérosive :
Réhabilitation des sols tropicaux et protection contre les pluies exceptionnelles. Nouvelle édition [en ligne].
Marseille : IRD Éditions, 2012 (généré le 22 avril 2019). Disponible sur Internet : <http://
books.openedition.org/irdeditions/12419>. ISBN : 9782709922753. DOI : 10.4000/
books.irdeditions.12419.

© IRD Éditions, 2012


Conditions d’utilisation :
http://www.openedition.org/6540
L utte antiérosive
Réhabilitation des sols tropicaux
et protection contre les pluies exceptionnelles

Éditeurs scientifiques

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Ambassade de France en Haiti

Lutte antiérosive,
réhabilitation des sols tropicaux
et protection contre les pluies exceptionnelles

Editeurs scientifiques
Eric ROOSE, Hervé DUCHAUFOUR et Georges DE NONI

avec le soutien de
l’Université d’État d’Haïti
l’Université de Quisqueya
le SCAC de l’Ambassade de France en Haïti
l’Institut de recherche pour le développement (IRD)

IRD EDITIONS
Marseille, 2012

© IRD, 2012
ISBN : 978-2-7099-1728-5
Préface
En Haïti, plus de 80% de la population vit sous le seuil de pauvreté. L’indice de
ème
développement humain de la Banque Mondiale classe le pays au 145 rang sur 169 pays. Les deux
tiers des Haïtiens sont touchés par le chômage ou le sous-emploi. Haïti importe 60 % de ses besoins
alimentaires et 80 % du riz qu'il consomme. Plus d'un Haïtien sur quatre est sous alimenté.

Pourquoi la première république noire, Haïti, qui a fait figure d’exception en Amérique latine,
qui fut le plus important fournisseur de cacao, de sucre, de café et de coton pour l’Europe, s’est-elle
déviée des valeurs portées par Toussaint-Louverture et fait partie aujourd’hui des pays les plus
pauvres du monde ?

Force est d’admettre que l'économie haïtienne est affectée fréquemment par une succession
d’aléas, d’origine climatique pour les plus récurrents (ouragans, cyclones, inondations) : avant le
séisme de 2010, les catastrophes climatiques ont tué en 2008 plusieurs centaines de personnes et
causé plus de 200 millions de dollars US de dégâts. L'insécurité alimentaire qui en résulte, concerne
trois millions de personnes : l'autosuffisance alimentaire n'est plus assurée dans ces conditions. Les
effets de la déforestation massive, résultant de la surpopulation paysanne pour cultiver de nouvelles
terres et produire du charbon de bois, s’ajoutent à ces aléas pour contraindre le développement
économique. L’environnement est très dégradé et l’érosion des sols dramatique.

C’est au regard de ce contexte que l’équipe du Réseau Erosion-GCES (Gestion conservatoire


de l’eau et des sols) de l’AUF a proposé, après les réunions d’Antananarivo (2004), Marrakech(2006)
et Hanoï (2008), d’organiser un nouveau colloque scientifique à Port-au-Prince pour traiter
spécifiquement ce type de problématique. La question principale peut s’énoncer de la façon suivante :
les techniques de lutte antiérosive (LAE) sont-elles capables de restaurer la productivité des sols et de
protéger les bassins-versants des effets des pluies exceptionnelles ? Cette question est cruciale parce
qu’elle se pose directement en Haïti, mais aussi parce qu’elle est d’actualité pour d’autres pays et
continents aux caractéristiques proches : versants volcaniques d’Amérique latine, massifs
montagneux du Maghreb, et collines surpeuplées d’Afrique de l’Est, de Madagascar et d’Asie.
Mais le séisme qui frappe l'île en janvier 2010 engendre horreur et drame : 250.000 morts en
30 secondes, des milliers de personnes disparues et 1500 000 sans abri. La ville de Port au Prince
est quasi détruite, la communauté internationale tardant à la reconstruire face à l’ampleur du désastre.
Aujourd’hui, le colloque initialement prévu en avril 2010 est annulé mais son objectif demeure entier,
toujours d’actualité !
L’édition de ce DVD permet ainsi de mettre à disposition les textes et les résultats qui auraient
du être présentés au colloque à la communauté scientifique haïtienne et internationale ainsi qu’aux
décideurs politiques ou économiques : 56 documents ont été retenus, ventilés en 6 parties : 1)
Efficacité de la LAE sur la restauration de la productivité des sols. 2) Influence de la LAE sur la
dynamique des eaux, de la parcelle aux bassins versants. 3) Aspects agronomiques de la gestion
durable de l’eau, de la biomasse et de la fertilité des sols (GCES). 4) Rôles des arbres dans la GCES.
5) Spatialisation des risques d’érosion (SIG, indicateurs, simulation de pluies) et 6) Les aspects socio-
économiques de la LAE.

Ce DVD est aussi un apport à l’action de l’AIRD (Agence Inter-Etablissement de Recherche


pour le Développement) pour la refondation du système de l’enseignement supérieur et de la
recherche d’Haïti, une mission de coordination de la réponse française confiée à cette Agence par le
Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. La problématique soulevée dans le DVD
concerne à la fois la communauté universitaire et celle de la recherche, deux secteurs essentiels pour
reconstruire le pays mais encore trop faibles qualitativement et quantitativement : dispersion des
établissements d’enseignement supérieur, formations généralistes jusqu’à la licence et une recherche
publique presque inexistante. Ce DVD constitue un outil concret pour aider à concevoir des
enseignements, à programmer des ateliers de recherche et à former l’élite universitaire et scientifique
dont le pays a besoin.

Georges De Noni
Introduction
De nombreux pays tropicaux connaissent un ensemble de circonstances ayant abouti à la
dégradation du milieu naturel. Parmi les milieux les plus dégradés, les pays montagnards à forte
population, vivant le plus souvent sur un foncier insécurisé, manquent aujourd’hui des produits
indispensables à leur subsistance. Ils en sont arrivés à la dégradation accélérée des ressources
naturelles, à la dégradation du potentiel de production des terres, à l’érosion des terres et la pollution
des eaux avec des conséquences parfois dramatiques sur la biodiversité, l’alimentation des populations
et l’économie de ces régions, aboutissant parfois au déséquilibre social.
De plus, la succession de plus en plus rapprochée de tempêtes tropicales et de cyclones (peut-
être en relation avec le réchauffement climatique) y a entraîné l’appauvrissement extrême des
populations rurales (due à la dégradation des terres) et la fragilisation des populations urbaines
(inondations et dépôts de boues). Dans ce contexte, il faut se demander si les nombreux projets de lutte
antiérosive qui ont été financés dans les Caraïbes et dans les autres régions tropicales, sont parvenus
à préserver la qualité de l’eau au niveau des bassins versants et à améliorer la productivité des terres
aménagées. Les experts de la FAO (Hudson, 1991) et les chercheurs qui présentent ici leurs résultats
émettent un doute justifié par leurs observations dans divers pays du monde.
Par ailleurs, la conservation des sols n’est pas seulement un problème technique : les
populations bénéficiaires des aménagements sont directement concernées. Les aspects socio-
économiques, administratifs et culturels liés à l’érosion des sols vont orienter le choix des solutions
proposées, l’acceptabilité des techniques par les populations et la durabilité des aménagements.
Pour trouver des solutions acceptables à ces problèmes complexes, il faut des études intégrées
interdisciplinaires couvrant diverses échelles d’espace et de temps : depuis les champs qui subissent
l’érosion, à travers les bassins versants jusqu’aux rives de l’océan où sont concentrés les polluants
dans les villes et les sites touristiques.
Le cas de Haïti, mais aussi ceux de Madagascar ou du Maghreb, nous semblent très
parlants : le défrichement des forêts pour la production de charbon de bois et de nourriture, a
accéléré la dégradation de la fertilité des sols, le ravinement des versants et la pollution des
eaux qui vont inonder les plaines habitées et déposer des tonnes de boues dans les villes.
Ainsi, les études présentées dans cet ouvrage proviennent non seulement d’Amérique latine,
mais aussi d’Asie et surtout d’Afrique et de Madagascar où de nombreux chercheurs ont
exploré diverses techniques de gestion conservatoire de l’eau et de restauration de la
productivité des sols. Compte tenu de l'extrême nécessité de générer des revenus
complémentaires pour répondre aux besoins des millions de petites exploitations familiales, la
majorité des parcelles cultivées, le plus souvent sans sécurité foncière et sur forte pente, sont
peu protégées des effets dévastateurs des pluies les plus agressives.
Nous nous proposions d’organiser en Haïti, milieu insulaire tropical francophone, un colloque
international sur ce thème complexe de l’influence de la lutte antiérosive (LAE) sur la restauration de la
productivité des sols et la protection contre les pluies surabondantes qui saturent les sols et provoquent
des érosions et inondations catastrophiques.
Un an plus tard, la situation à Port au Prince ne permet pas encore de réunir ce colloque. Nous
avons donc décidé d’annuler ce colloque mais de publier une soixantaine de communications
sélectionnées par un comité de lecture pour faire circuler les informations disponibles sur ce thème lié
au développement durable des milieux ruraux et à la protection des villes en aval. Suite à l’envoi de 80
projets de communications, le comité d’organisation a sélectionné les six thèmes présentés ci-dessous
et retenu 56 communications et une dizaine de communications brèves.
Profitant de l’espace disponible sur ce DVD, nous avons ajouté aux communications une série
de documents issus des réflexions des experts sur les réalisations de lutte antiérosive en Haïti. Ce DVD
constitue donc aussi une ressource bibliographique très importante (plus de 1000 pages) pour les
experts, les Ministères, les ONG, les étudiants et les chercheurs concernés par la gestion durable de
l’eau et de la productivité des sols tropicaux.

Thème 1 : Efficacité de la lutte antiérosive sur la restauration de la productivité des sols. Les divers processus
d’érosion ont un impact variable sur la productivité des sols. Les techniques de Conservation des Eaux et des Sols (CES)
ont pour objectif de gérer les eaux de ruissellement et de ralentir les transports solides dûs à l’érosion hydrique. Les
techniques de lutte antiérosive n’entraînent pas forcément l’augmentation de la productivité des sols « conservés ».

Thème 2 : Influence de la lutte antiérosive (techniques culturales, structures antiérosives et reboisement) sur la
dynamique de l’eau : de la parcelle au bassin versant. Fonctionnement hydrologique des bassins versants.
Caractérisation des cyclones (fréquence, hauteur et intensité des pluies) et adaptation nécessaire des techniques de LAE.
Stockage et recyclage du ruissellement : analyse de la valorisation des eaux de surface par les fossés, les banquettes, les
terrasses, les seuils de ravines, les citernes et les lacs collinaires.

Thème 3 : Les aspects agronomiques de la Gestion Conservatoire de l’Eau et des Sols (GCES). Gestion de la
biomasse, utilisation des litières en surface, fumures organiques et minérales, rotations et cultures associées, billonnage et
semis direct sous litière.
Association agriculture - élevage : influences positives et négatives des systèmes et des conduites d’élevage.

Thème 4 : Rôles des arbres dans la GCES en fonction du bilan hydrique régional. Reforestation des versants abrupts,
agroforesterie, agro-vergers, production fourragère.
Sélection d’espèces indigènes ou introduites.

Thème 5 : Spatialisation des risques en fonction des différents types d’érosion (SIG, indicateurs, simulation).
Validation des modèles à partir de mesures de terrain.

Thème 6 : Aspects socio-économiques de la lutte antiérosive. Apports de la GCES à l’économie rurale des bassins
versants, coût de l’érosion et des diverses techniques antiérosives, opportunités de développement, influence de la pression
foncière et du mode de faire valoir sur l’acceptabilité des techniques de lutte antiérosive par les populations.
Planification, participation et valorisation des aménagements. Rôles des politiques publiques dans la gestion de
l'environnement.
Comité scientifique
- Eric ROOSE, IRD, Montpellier (France),……………………………………… ………….
- Hervé DUCHAUFOUR, Université d'Etat d'Haïti (Haïti)……………………………..……
- Abdellah LAOUINA, Université Mohamed V, FLSH, Rabat (Maroc)…………………….
- Pham QUANG HA, National Institute for Soils and Fertilizers (Vietnam) …………………
- Simone RATSIVALAKA, Université d’Antananarivo (Madagascar) :................................
- Dieter KOENIG, Université de Koblenz (Allemagne) : ………………………………………
- Georges DE NONI, IRD, (Sénégal) …………………………………………………………….
- Evens EMMMANUEL, Université de Quisqueya (Haïti) : …………………………………...
- Ophny Nicolas CARVIL, Faculté d'Agronomie et de Médecine Vétérinaire,
Université d'État d'Haïti (Haïti) : ……………………………………………………………….
- Jean ALBERGEL, IRD, Kenya (Kenya) :……………………………………………………...
- Alain LARAQUE, IRD, Montpellier(France) : …………………………………………………
- Jean-Marie FOTSING, IRD, Guyane (France) : ……………………………………………...
- Didier ORANGE, IRD-IMWI (Vietnam) : ………………………………………………………
- Michel BROCHET, IRC (France) : …………………………………………………………….
- Christian VALENTIN, IRD, Bondy (France) : …………………………………………………
- Khalef BOULKROUNE, Agence Universitaire de la Francophonie (France) :

Comité d’organisation
! Hervé DUCHAUFOUR, ATF, Université d'’Etat d'Haïti (Haïti)
! Eric ROOSE, IRD, Montpellier (France), coordonnateur du Réseau Erosion et GCES de l’AUF (France)
! Evens EMMANUEL, Université de Quisqueya (Haïti)
! Jacques BLAISE, doyen de la Faculté d'agronomie et de médecine vétérinaire, Université d'Etat d'Haïti (Haïti)
! Jean Vilmond HILAIRE, Université de QUISQUEYA (Haïti),
! Jean Marie THEODAT, directeur régional du bureau Caraïbes de l'AUF (Haïti)
! Ophny Nicolas CARVIL, vice–doyen chargé de la recherche à la Faculté d'agronomie et de médecine vétérinaire,
Université d'Etat d'Haïti (Haïti)
! Jocelyn LOUISSAINT, directeur des Affaires extérieures à la Faculté d'agronomie et de médecine vétérinaire, Université
d'Etat d'Haïti (Haïti)
! Bernard SMOLIKOWSKI, attaché de coopération pour le développement, Scac/Ambassade de France (Haïti)
! Khalef BOULKROUNE, Agence universitaire de la francophonie, AUF (France)
! Ogé PIERRE LOUIS, directeur de la Direction des ressources forestières et des sols, ministère de l’Agriculture, des
Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR – Haïti)
! Myrlène CHRYSOSTOME, USAID (Haïti)
! Yves DUPLAN, PNUD (Haïti)
!Paul VERMANDE, coordonnateur du Réseau Développement Durable et Environnement/AUF (France)
SOMMAIRE

Préface
Introduction

Thème 1 : Efficacité de la lutte antiérosive sur la restauration de la productivité des sols

1.1. Restauration de la productivité des sols tropicaux


E. ROOSE, (IRD, Montpellier)

1.2. Des stratégies traditionnelles pour la lutte contre l’érosion dans les monts Mandara et dans la plaine du
Diamare, nord-ouest du Cameroun.
C. SEIGNOBOS (IRD, Montpellier) et M. TCHOTSOUA, (Univ.Ngaoundere)

1.3. Influence du labour, du semis direct et du type de sol sur le stock de carbone, les pertes en terre et les
rendements d’une rotation intensive (maïs-coton) au Sud-Mali.
D. DIALLO (IER de Bamako), D. ORANGE et E. ROOSE (IRD)

1.4. Evaluation des effets de systèmes de semis direct sous couverture végétale pérenne (SCV) sur l’érosion
hydrique et la production agricole sur les Hautes Terres d’Antsirabé (Madagascar).
C. RAZAFINDRAMANANA, J-M DOUZET, B. BARTHES (IRD), L. RABEHARISOA, A. ALBRECHT (IRD)

1.5. Effect of improved fallow systems on chemical properties and crop yields in the rain forest of SE Nigeria
F.N. IKPE et L.D.GBARANEH (Univ. Port Harcourt)

1.6. Apports organiques et pratiques de conservation de l’eau comme clés de la restauration de la productivité des
sols dégradés dans la zone semi-aride du Burkina Faso
E. HIEN (IRD), W. KABORE (Univ. Ouagadougou), D. MASSE (IRD), P. DUGUE (Cirad Montpellier)

1.7. Amélioration de la gestion paysanne de la fertilité des sols des versants cultivés des collines du BV Maniandro
(Madagascar)
E. ANDRIAMBELOMANGA, S. RATSIVALAKA (FLSH, Univ. Antananrivo), N. ANDRIAMAMPIANINA (FOFIFA), J.-C.
RANDRIAMBOAVONJY, M. ANDRIAMIHAMINA (ESSA, F ORÊTS , Univ. Antananarivo)

1.8. Dynamique de l’érosion sous différentes utilisations du sol au niveau d’un versant en zone méditerranéenne
subhumide : influence des cultures, des aménagements de GCES et des couvertures forestières en Algérie
B. MORSLI, A. SELADJI (INRF, Tlemcen), O. KACI (Univ. Tlemcen)

1.9. Effets de la GCES sur la production agricole en moyenne montagne méditerranéenne algérienne.
M. ARABI (INRF Médéa) et E. ROOSE (IRD)

1.10. Réhabilitation des sols volcaniques indurés d’Equateur et du Mexique : comportement avant et après mise en
culture
Ch. PRAT (IRD), G. DE NONI (IRD), J. ETCHEVERS, A. BAEZ, C. HIDALGO et G. TRUJILLO (Ministère de la Recherche,
Equateur)

1.11. Les techniques de cultures en terrasse dans les Monts Mandara (Nord Cameroun)
A. WAKPONOU, M. MAINGUET et F. DUMAY (Univ. Reims)

1.12. Des stratégies traditionnelles de lutte contre l’érosion des sols sur le plateau de Ngaoundere (Nord Cameroun)
M. TCHOTSOUA (Univ. Ngaoundere)

13. Les techniques traditionnelles de GCES et de restauration de la productivité de sols du Rwanda.


F. NDAYIZIGIYE (ISAR, Rubona)
Thème 2. Influence de la LAE sur la dynamique de l’eau : de la parcelle au bassin versant
2.1. Caractéristiques des fortes pluies et des cyclones sur les Antilles. Perspectives en liaison avec le
réchauffement climatique.
M. REYAL (Météo-France, Guyane).

2.2. L’observatoire CARAIBE-HYCOS : exemple de coopération transfrontalière sur les ressources en eau.
A. LARAQUE, J.-P. BRICQUET, B. THEBE, (IRD)

2.3. Etat des lieux et proposition de restauration des sols sur le bassin versant de Tondi Kiboro (Niger).
L. DESCROIX (IRD-LTHE Grenoble), Ibrahim MAMADOU, Moussa MALAM ABDOU, Abba. BACHIR, Ibrahim, BOUZOU
MOUSSA (FSLH. Niamey), Eric LEBRETON (LPG-CNRS Meudon), Kadidiatou SOULEY YERO

2.4. Processus érosifs et transport solide en milieu tropical insulaire. Cas des bassins versants de la Baie du
Robert, Martinique.
N. ROCLE, X. BRAY, A.-Cl. NIVET, J. GRESSER, F.-X. DE LA FOYE (CEMAGREF, Martinique)

2 .5. Risques d’inondation urbaine. Cas d’une agglomération à l’aval de versants argileux terrassé dans l’Ouest
Algérien.
B. MORSLI (INRF, Tlemcen) et M. HABI (Univ., TLEMCEN)

2.6. Comportement de certaines techniques traditionnelles suite aux événements pluviométriques exceptionnels de
2008-2009 dans le Nord Ouest de l’Algérie.
M. MAZOUR, M. BENMANSOUR, M. BOUGHALEM (Univ. Tlemcen)

2.7. Influence des arbres sur les eaux souterraines au Burkina Faso.
S. YAMEOGO (Univ. Ouagadougou)

2.8. La gestion du risque érosif cyclonique par les Tanala. Opportunité et limites des techniques traditionnelles pour
l’adaptation au changement climatique à Madagascar.
G. SERPANTIE (IRD), A. RAKOTONIRINA (Univ. Antananarivo)

2.9. Effets des systèmes de cultures bananières sur un sol brun tropical volcanique sous des simulations de pluies
cycloniques en Martinique
B. KHAMSOUK (Cirad), E. ROOSE (IRD), E. BLANCHART(IRD), M. DOREL(Cirad), L. RANGON (IRD), J.-J. BANIDOL (Cirad)

2.10.L’épisode pluviométrique du 15 juin 2010 dans le Var, (France) : précipitations, crues et inondations.
Cl. MARTIN (Univ. Aix)

Thème 3. Aspects agronomiques de la Gestion conservatoire de l’eau et des sols.


3.1. Les cultures associées traditionnelles à l’échelle du champs : une technique biophysique raisonnée de
valorisation des intrants.
S. VALET (ONG. Passerelles)

3.2. Le soya : une option pour rassasier les sols et les fermiers du Kenya.
I. VANDEPLAS, B. VANLAUWE, J. DECKERS, R. MERCKX (Univ. Catho. Louvain).

3.3. Impacts agronomiques, économiques et environnementaux de quelques amendements organiques à


Nkolondom, Yaoundé (Cameroun).
E. SEH NGOUN (CRESA, Yaoundé), M. OMOKO (FASA, Dchang), S. SIMON (Cirad)

3.4. Aménagements hydro-agricoles permettant la conservation des eaux et la restauration de la productivité des
sols de Gros Morne en Haïti.
M. BROCHET, CH. LILIN, SAINTIL CLOSSY
3.5. Influences de la fertilisation et de la gestion de la biomasse sur la production de couverts permanents en milieu
montagnard tropical densément peuplé (Burundi).
H. DUCHAUFOUR (ISABU, Burundi)

3.6. Influence de la conduite de la bananeraie et du paillage sur l’érosion en Martinique sur sols brun -rouille à
halloysite.
R. ACHARD et H. ANTOINE (CIRAD, Martinique)

3.7. Effets de l’élevage sur les risques d’érosion en COLOMBIE.


M. HERMELIN et A.F. ARISTAZABAL (U.EAFIT Medellin).

3.8. Cultures associées traditionnelles multi-stratifiées: une technique biophysique empirique d’exploitation
écologique et de protection de l’environnement (montagnes du SO du Cameroun) ;
S. VALET (ONG Passerelle)

3.9. Potentiel de restauration de la qualité des sols sous agriculture de conservation au Maroc.
R. MRABET et R. MOUSSADECK (INRA, Tanger)

Thème 4. Rôle des arbres dans la GCES en fonction du bilan hydrique régional
4.1. Influence de l’agroforesterie sur l’érosion hydrique et la restauration de la productivité des sols ferrallitiques
acides du RWANDA
D. KÖNIG, ( Univ. KOBLENZ).

4.2. Performances de certaines légumineuses arbustives dans la station INERA de KIPOPO, RDC Congo ;
J-P. JOS MULAMBA, (INERA, Kinshasa, Congo)

4.3. Les avantages environnementaux et socio-économiques d’un reboisement de 8000 ha sur le Plateau Bateke,
Kinshasa (Congo RDC)
N. SHUKU ONEMBA…(KINSHASA, CONGO RDC)

4.4. Effets de diverses jachères arbustives légumineuses sur l’amélioration de la conductivité hydraulique du sol et
de sa productivité (Manankazo, Madagascar).
M-A. RAZAFINDRAKOTO (ESSA Univ. Antananarivo)

4.5. Rôles des haies vives antiérosives sur la gestion de l’eau, du sol et le rendement des cultures du centre Sud
arachidier du Sénégal.
M. DIATTA, E. FAYE (Isra, Dakar), M. GROUZIS (IRD), P. PEREZ (Cirad)

4.6. Effets des plantations forestières sur banquettes sur le ruissellement et l’érosion par rapport aux parcours dans
les montagnes semi-arides du Haut-Atlas, Marrakech (Maroc).
A. CHEGGOUR (Univ. Marrakech), V. SIMONNEAUX (IRD Toulouse), E. ROOSE (IRD Montpellier)

4.7. Potentiel du J a t r o p h a c u rc a s pour le développement économique, le reboisement et l’aménagement de bassins


-versants en Haïti.
G. PRESSOIR

4.8. MAMPU, sur les plateaux Bateke en R.D.Congo, le projet qui réconcilie agroforesterie et production de bois-énergie.
F. BISIAUX, R. PELTIER (Cirad) et J.-Cl. MULIELE (projet agroforestier )

Thème 5. Spatialisation des risques de divers types d’érosion (SIG)


5.1. Intégration des familles paysannes haïtiennes dans la lutte antiérosive à travers la cartographie participative.
F. DELERUE (AVSF)

5.2. Evaluation des pertes en terre en région de montagne tropicale humide : massif volcanique des Bambouto,
Ouest Cameroun.
O. LEUMBE (INC Yaoundé), D. BITOM (Univ. Yaoundé), R. ASSAKO (ENS. Yaoundé)
5.3. Utilisation des SIG pour l’aménagement du bassin versant de l’ISSER (Nord 0uest de l’Algérie)
M. BOUGHALEM, M. MAZOUR (CES Univ. Tlemcen), M. ZAAGANE (Géomatique Univ. MASCARA)

5.4. Estimation du risque d’érosion dans un bassin versant agro-sylvicole, province de Phu Tho (Nord Vietnam).
T. NGUYEN VAN (IAE, Hanoi), S. POMEL (CNRS Bordeaux), Ha PHAM QUANG (I.AGRIC-ENV.Hanoi)

5.5. Evaluation qualitative et quantitative de l’érodibilité de différentes unités paysagères représentatives du


Burundi : de la parcelle au micro-bassin.
H. DUCHAUFOUR et C. MIKOKORO (ISABU, Bujumbura)

Thème 6. Aspects socio-économiques de la lutte antiérosive


6.1. Perception paysanne de la dégradation des terres et des types d’érosion : impacts des programmes de LAE sur
la restauration de la productivité des sols de Madagascar.
S. RANDRIAMANGA RATSIVALAKA (FLSH, Univ. Antananarivo)

6.2. Perception de la banquette antiérosive fruitière par les utilisateurs dans le Moyen Atlas (MAROC).
R. PELTIER, M. SABIR, C. LILIN, A. ODDI, F. SCHNEIDER, F. Amia, D. KÜBLER, TK. WIESINGER, A. MENGONE-ANGO
(Cirad Montpellier, Enfi-Salé, Engref-Montpellier)

6.3. Aspects socio-économiques des techniques traditionnelles et modernes de conservation de l’eau et des sols
(CES) dans la région de Beni Sous, Tlemcen (NO Algérie).
N. ZEKRI-BELLAHCENE, M. MAZOUR, B. SALHI, M. TRANDJI (Univ. Tlemcen)

6.4. Agriculture sur pentes au Vietnam : une nécessité pour la sécurité alimentaire et un risque pour la durabilité du
système agricole.
D. ORANGE, Ha PHAM QUANG, Toan TRAN DUC, FL. CLEMENT, P. JOUQUET, Nguyen DUY PHUONG, Nguyen VAN
BO (IRD / IWMI Hanoi)(IAE Hanoi, SFRI Hanoi, VAAS, Hanoï).

6.5. History & economics of Soil & Water Conservation (SWC) in Jamaica (1960-2000).
J. LINDSAY, M. WALKER (UNIV. MONA , JAMAICA), J. DE GRAAFF(UNIV. WAGENINGEN, THE NETHERLANDS)

6.6. Aspects socio-économiques et démographiques du développement durable de la société rurale du BURUNDI.


H. DUCHAUFOUR (Coopération française).

6.7. Effets des crises politiques au Burundi sur l’érosion dans la région du MIRWA CENTRAL (Burundi).
Th. RISHIRUMUHIRWA (Fac. Agro. Burundi)

6.8. Notion de transfert ville--campagne à Port -au- Prince (Haiti) : en quoi la ville peut-elle apporter une valeur
ajoutée pour la campagne par la gestion de ses déchets organiques et de la campagne vers la ville par la
production de produits alimentaires.
JC. FERNANDES, J. DENIS, E. EMMANUEL, J. LACOUR, H. DUCHAUFOUR, P. VERMANDE, R. BAYARD
.(univ. Quisqueya, Port au Prince, FAMV, Haiti, LGCIE, Univ. et INSA Lyon).

6.9. Le paysan haïtien et la Lutte antiérosive (LAE) depuis 50 ans : un bilan.


G. R. SMUCKER

6.10. Stratégie de LAE dans la Sierra Madre Occidentale (Mexique).


J-L. GONZALES BARRIOS (INIFAP), L. DESCROIX (IRD)

6.11. Synthèse des principaux éléments des bilans effectués durant les quinze dernières années en Haïti.
A. BELLANDE

7. CONCLUSIONS GENERALES
7.1. Conclusions principales des communications des six thèmes.
E. ROOSE et H. DUCHAUFOUR
8. RESUMES

8.1. Récupération des terres dégradées dans les communes de Bitinkodji et Namaro (Niger) par approche
participative des populations locales.
I. AMADOU, S. SEYNI, M. ABBA (Projet lutte contre l’ensablement)

8.2. Pratiques paysannes et gestion du terroir d’Antatanikarefo , périphérie urbaine de Antananarive.


M. T. ANDRIATSARAFARA et S. RATSIVALAKA (FLSH, Géographie, Univ. Tananarive)

8.3. Infiltration capacity of mined soils reforested with A c a c i a a n d C a s u a r in a in the Dominican Republic
C. CRUZ

8.4. Le basin versant : institutionnaliser et planifier la GCES en Haïti.


Y. Jamont DUPLAN

8.5. Modification du ruissellement et des pertes en terres suite à l’abandon d’une culture annuelle (manioc) au profit
de plantations agroforestières dans des périmètres villageois sur forte pente au Nord Vietnam.
P. PODWOJEWSKI, D. ORANGE, P. JOUQUET, Th. HENRY DESTUREAUX, Van Thiet NGUYEN, Pham Van RINH, Do
DUI PHAI, Tran Duc TOAN (IRD, Soils & Fertilizers Institute)

8.6. Influences des arbres sur le stock de carbone du sol et les risques d’érosion et de ruissellement dans les
montagnes du Maroc.
M. SABIR (ENFI Salé Maroc), E. ROOSE (IRD Montpellier)

8.7. Analyse des facteurs d’érosion des sols selon le modèle USLE de Wischmeier et Smith, 1960. Cas de Laplate,
1re section communale du Bassin Bleu (Département du Nord Ouest d’Haïti).
D. SADRACK

8.8. Aspects socio-économiques de la lutte antiérosive au Sénégal.


Ibra SENE

Ressources bibliographiques : autres documents sur la lutte antiérosive en Haïti


1. Rapports de M. Brochet sur le projet SOS-ESF de Gros Morne en Haiti
1.1. Présentation de SOS-ESF en octobre 2009 (36 p.)
1.2. Aménagements hydro-agricoles et GCES : diaporama de la communication (55 p.)
1.3. Eveil à l’environnement : diaporama sur le projet de développement de Gros Morne (24 p.)
1.4. Rapport final 2010 : dév. de l’arboriculture fruitière dans le bassin versant Gros Morne (48 p.)
1.5. Annexes photos décembre 2010 (49 p.)
1.6. Etude de cas : ravine Bois Scié : GCES (28 p.)
1.7. SOS-ESF : Projet de développement durable à Gros Morne(2006) (06-1) (54 p.)
1.8. Diaporama : bilan des seuils (06-2) (47 p.)
1.9. Compte rendu final 2007 : correction ravines (08-1) (39 p.)
1.10. Illustration Caye Epin, 2009 (09-2) (84 p.)

2. CIAT Haiti : colloque juin 2011


2.1. G. SMUCKER : Vulnérabilité dans les bassins versants avant le 12 1 2010 (64 p.)
2.2. R. TOUSSAINT : Situation dans les bassins après le 12 1 2010 (19 p.)
2.3. G. DAMAIS : Principaux vecteurs de la vulnérabilité dans les bassins (8 p.)
2.4. A. BELLANDE : Historique des interventions sur les bassins : les leçons apprises (5 p.)
2.5. E. DOUARZIN : Pour une politique de gestion intégrée des bassins : développement durable
(15 p.)
2.6. CHRISOSTOME : Investissements en cours dans les bassins : typologie, caractérisation (16 p.)
2.7. Mathieu OXFAM : Gestion durable des écosystèmes de montagnes : marchés (10 p.)
2.8. HOPGOOD : Développement économique pour un environnement durable (10 p.)
2.9. MICHEL : Programme d’informations territoriales pour le développement durable (22 p.)
2.10. ERBY : Eléments du plan d’aménagement du bassin versant du Cul de Sac (19 p.)
2.11. Y. DUPLAN : Gestion des BV et des aires protégées : initiatives et perspectives (6 p.)
2.12. NEPTUNE : Méthode de diagnostic de l’état des BV dans le Sud Est de Haïti (15 p.)
2.13. LEVY : Initiative Régénération de Haïti(HRI) schéma de développement durable (22 p.)
2.14. SEMINARIO : Les bassins versants de Haïti (66 p.)
2.15. DUBOIS : Gestion des bassins versants et développement de l’élevage (17 p.)
2.16. BROCHET M.: Dynamique de développement : projet Gros Morne et Caye Epin (54 p.)

3. Ministère de l’agriculture et du développement rural :


3.1. Manuel pratique de conservation des sols d’Haïti (75 p.)
3.2. Techniques de traitement des ravines (58 p.)

4. Panorama des méthodes d’analyse de l’érosion dans un contexte insulaire (28 p.)

5. Importance de la recherche pour le développement de l’agriculture haïtienne : ex gestion des bassins versants
H.DUCHAUFOUR (60 p.)
6. Avancée du trait de cote de la Baie du Marin (Martinique) : conséquence de l’activité anthropique (6 p.)
P. SAFFACHE
7. 0rigine du ruissellement et de l’érosion sur sols bruns à Halloysite de Martinique.
Premières observations sous bananiers.
E.ROOSE, B. KHAMSOUK, A. LASSOUDIERE, M. DOREL (9 p.)

8. Validation des estimations de l’aléa érosion des sols à l’échelle européenne (41 p.)
VAN ROMPAYE, V.VIEILLEFONT, R. JONES, L.MONTANARELLA, G. VERSTRATEN, P. BAZZOFFI, T. DOSTAL,
J. KRASA, J. DEVENTE, J POESEN
9. Les choix techniques pour le traitement des ravines.
Ch. LILIN (15 p.)
10. Expérimentations sur la lutte antiérosive et la revégétalisation assistée d’un versant décapé de la réserve
naturelle de la Caravelle en Martinique (27 p.)
E.ROOSE, N. VENUMIERE, P. LAUNE, J.LOURI, et R. RAVELA

11. Diagnostic de l’érosion sur le bassin versant de la Baie du Robert en Martinique (184 p.)
K. PINTE,

12. Impact socioéconomique de la dégradation des terres en Haïti. Interventions pour la réhabilitation du milieu
cultivé. Rapport final du programme PAGE (83 p.)

13. Exploring how to prevent potential cross border environmental-based conflicts: Haiti-Dominican Republic
M. GUERRIER A. , ICAR, Virginia USA (33 p.)

14. La GCES, une nouvelle stratégie de lutte antiérosive en Haïti : cas du transect Petite Rivière de Nippe – Salagnac
- Aquin dans le sud d’Haïti (25 p.)
B. Smolikowski, 1993, Cah.Orstom Pédol., 28, 2 : 229-252.

15. Méthodologie de delimitation cartographique des bassins versants


Rapport LGL SA (103 p.)

16. Guide méthodologique pour les etudes de diagnostic des bassins versants
Rapport final Ciat (52 p.)

17. An analysis of farming practices


Thèse P. Rosseau (172 p.)
T h è m e 1

E ffic a c ité
d e la lu tte a n tié ro s iv e s u r
la ré h a b ilita tio n d e la p ro d u c tiv ité d e s s o ls

L a c o n s e rv a tio n d e l’e a u e t d e s s o ls (C E S ) a é té d é v e lo p p é e p a r H . B e n n e t a u x U S A d e p u is le s
a n n é e s 1 9 3 0 p o u r ré d u ire le s in flu e n c e s n é fa s te s d e l’é ro s io n h y d riq u e s u r la q u a lité d e s e a u x d e s u rfa c e
e t s u r l’é ro s io n d e s s o ls c u ltiv é s . D e p u is lo rs , d e s s o m m e s im p o rta n te s o n t é té d é p e n s é e s d a n s le
m o n d e e t e n p a rtic u lie r d a n s le s p a y s tro p ic a u x , p o u r ré d u ire le s p ro b lè m e s d ’é ro s io n e t p ro té g e r la
q u a lité d e s e a u x d e s u rfa c e .

M a is o n p e u t s e d e m a n d e r s i c e s a m é n a g e m e n ts d iv e rs d e s tin é s à ré d u ire l’é ro s io n (b a n q u e tte s ,


te rra s s e s , d ig u e tte s , c h e m in s d ’e a u , tra v a u x d u s o l va rié s ) o n t a u g m e n té la p ro d u c tiv ité d e s te rre s
a m é n a g é e s e t lim ité le s in o n d a tio n s , le s g lis s e m e n ts d e te rra in s e t l’e n v a s e m e n t d e s la c s lo rs d e s
a v e rs e s c y c lo n iq u e s o u d e fré q u e n c e ra re ? L e s c o n trib u tio n s à c e c o llo q u e n o u s m o n tre n t q u e l’o n n ’a
p a s a tte in t c e s o b je c tifs .

O r le s p ro b lè m e s d e fa m in e o n t re fa it s u rfa c e ré c e m m e n t à la fa v e u r d e la c ro is s a n c e
d é m o g ra p h iq u e d e s p a y s é m e rg e n ts , d e la m o n d ia lis a tio n d e l’é c o n o m ie e t d e s c h a n g e m e n ts
c lim a tiq u e s . Il e s t d o n c u rg e n t d e b ie n d is tin g u e r le s te c h n iq u e s c a p a b le s d e re s ta u re r ra p id e m e n t la
p ro d u c tiv ité d e s s o ls d é g ra d é s p a r l’é ro s io n o u é p u is é s p a r le s c u ltu re s q u i n e re s titu e n t p a s
s u ffis a m m e n t le s n u trim e n ts e x p o rté s .

P o u r d o c u m e n te r c e tte th é m a tiq u e , n o u s a v o n s d o n c ra s s e m b lé d a n s c e tte p a rtie u n e d o u za in e


d e c o m m u n ic a tio n s q u i ra p p o rte n t le s ré s u lta ts e x p é rim e n ta u x d e c e s 2 0 d e rn iè re s a n n é e s d e re c h e rc h e
s u r le s p o s s ib ilité s d ’a m é lio re r la p ro d u c tiv ité d e s s o ls d is p e rs é s s o u s d iv e rs c lim a ts e t v a lo ris é s p a r
d iv e rs s y s tè m e s d e p ro d u c tio n .

E n c o n c lu s io n d e c e t o u v ra g e , o n tro u v e ra le s s ix rè g le s p e rm e tta n t la re s ta u ra tio n ra p id e d e la


p ro d u c tiv ité d e s te rre s a g ric o le s é p u is é e s .
Restauration de la productivité des sols tropicaux

Eric Roose
UMR 210 Eco&sol, centre IRD, BP 64501 F 34394, Montpellier cedex 5, France. Courriel : Eric.Roose@ird.fr

Résumé.
Dans les milieux scientifiques, il est coutume de dire que le sol est une ressource naturelle non
renouvelable : d’où des discours pessimistes sur l’avenir de la planète et de nombreux travaux
sur la dégradation des sols. Or plusieurs expériences paysannes ou scientifiques montrent
qu’en milieu tropical il est possible d’accélérer l’altération de certaines roches et de restaurer
la capacité de production de sols dégradés par les cultures ou décapés par l’érosion. L’analyse
de treize cas montre que pour restaurer rapidement la productivité de ces sols il faut respecter
six règles : 1/prévoir une gestion adéquate des eaux de surface (cordons de pierres, haies,
cuvettes) 2/rouvrir la macroporosité et la stabiliser (travail du sol et enfouissement de matières
organiques), 3/ revitaliser l’horizon de surface par l’apport de matières organiques fermentées,
4/nourrir les plantes, 5/ adapter le pH du sol et 6/choisir des végétaux bien adaptés aux
conditions locales mais non envahissants. Cet investissement (travail + fumure organique et
minérale) n’est acceptable que si l’amélioration des revenus est sensible et les conditions
socio-économiques (pression démographique et marché où écouler la surproduction) durables.
Mots clés : restauration, productivité des sols tropicaux, réhabilitation des systèmes sol-
végétation

Abstract.
Scientists commonly declare that soils are a not renewable resource and are pessimistic
concerning the potential of soil restoration: therefore the studies concerning the degradation
processes are abundant. Nevertheless, many farmers or scientists have shown that, in tropical
areas, it is possible to accelerate the weathering of certain rocks like shale, argillite, marl,
basalt. It seems possible to restore in a few years the productivity potential of degraded or
eroded soils. In this paper, the author analyses 13 study cases showing that it is possible to
restore rapidly the productivity of certain soils if six general rules are respected: 1/a good
management of superficial waters, 2/opening the macro-porosity by deep tillage and
stabilising the structure, 3/ revitalising the upper horizon with 3t/ha of manure or compost, 4/
regulate the pH between 5 & 8, 5/ insure a good nutrition of cultivated plants and 6/ select a
good vegetative cover well adapted to local conditions but not invading the country. This
investment (labour, organic + mineral fertilizers) is only acceptable if the net income is
improved and the market durable.
Keywords: Soil restoration, tropical soils productivity, soil-vegetation systems
rehabilitation

Introduction
Seuls les systèmes forestiers et les savanes protégées des feux et du surpâturage sont
des systèmes de production capables de maintenir ou d’améliorer la fertilité des sols
tropicaux : leur mise en culture entraîne forcément leur dégradation à plus ou moins court
terme (Roose, 1994, Conedera et al., 2010). En effet, dès le défrichement et la disparition des
litières, on observe une décroissance rapide des matières organiques du sol (MOS) et un début
de dégradation chimique, biologique et physique des horizons de surface. Le feu minéralise
brutalement les litières, redresse temporairement le pH, mais rejette du CO2 et des cendres
lesquelles sont soufflées par le vent ou lessivées lors des premiers orages. Le labour à son tour
introduit de l’oxygène dans le sol, accélère la minéralisation des MOS et mélange les horizons
humifères et minéraux sous-jacents : à court terme, le travail du sol réduit les activités de la
faune (vers de terre en particulier). Les sols sableux cultivés perdent 50% de leur MOS en 4
ans et les sols argileux en 10-15 ans. Au total, les sols cultivés deviennent à la fois moins
productifs et moins résistants à l’énergie des pluies (Roose, Barthès, 2006). On comprend dès
lors les efforts de mise au point de systèmes de semis direct dans la litière gardant le sol
couvert : après tout, « on n’a jamais labouré les sols sous forêt » : les activités de la faune et
de la flore suffisent à maintenir dans les sols forestiers de bonnes conditions pour la
croissance des plantes (Roose, 1994).
Les pédologues enseignent que le sol est une ressource naturelle non renouvelable à
échelle humaine. C’est vrai lorsque l’érosion a détruit le mince horizon humifère qui couvre
une roche dure, comme les calcaires ou les granites : en effet il faut 200 à 300 000 ans pour
altérer un mètre de granite (Leneuf, 1959). C’est beaucoup moins vrai pour certaines roches
tendres comme les argilites, marnes, grès et schistes tendres, et même pour le basalte qui
produisent 0.5 m d’altérite en moins d’un siècle. Aussi des paysans astucieux ont développé
divers systèmes de création de sols nouveaux à partir d’altérites ou de cendres volcaniques
minérales. Il existe aussi des jachères pour restaurer la productivité des sols dégradés par la
culture (Floret et Serpantié,1991) et des techniques traditionnelles permettant de réhabiliter
des sols érodés comme le paillage, l’agroforesterie, la fumure organique et minérale (cendres)
ou encore le zaï, technique complexe faisant intervenir le stockage de l’eau dans le sol, la
fumure organique (et minérale), les termites et le travail du sol en zone soudano-sahélienne
(Roose, 1994 ; Sawadogo et al., 2008).
Pour les écologues, la « restauration » au sens strict, consiste à interrompre les facteurs
de dégradation pour permettre au milieu de retrouver naturellement la flore et la faune
primitives et plus tard les propriétés physiques, chimiques et biologiques des sols originaux
(Aronson et al., 1993). Ceci fait appel à la résilience du milieu naturel, ce qui peut prendre
beaucoup de temps et ne satisfait pas forcément aux conditions optimales de production des
cultures : certains sols forestiers sont par exemple trop acides et inaptes à la production
intensive de la majorité des légumineuses tropicales.
Dans ce document, nous parlerons de manipulations vigoureuses mais simples en vue
de restaurer rapidement la productivité des sols dégradés, leur permettant de remplir
correctement leur rôle premier, à savoir l’alimentation des populations rurales. (Roose, 1993 ;
Sawadogo et al. 2008 ; Conedera et al 2010).

1. Création de nouveaux sols productifs sur roches altérées.


En Haïti, les sols argileux sur basaltes cultivés sur pentes sont souvent sujets à un fort
ruissellement et à une érosion linéaire intense : en quelques années, le labour remonte des
cailloux et le sol est abandonné (Smolikowski, 1993). Mais certains paysans plus
débrouillards rachètent ces « terres mortes », y creusent tous les 2 à 4 m. en quinconce à la
barre à mine des trous (100 litres) qu’ils remplissent d’un mélange de terre fine et de fumier :
ils y plantent un arbre (fruitier) et des légumineuses rampantes. Des petits sillons y
concentrent les eaux de ruissellement. Par ailleurs, ils élèvent un animal (chèvre ou cochon)
dans une fosse voisine où s’accumulent leurs déjections qui, mélangées à la litière, vont
produire le fumier indispensable pour redonner vie aux altérites. En une dizaine d’années, la
parcelle traitée « en cuvettes » où sont concentrées les eaux de ruissellement, les déjections
animales, les résidus végétaux et les terres érodées, reconstitue un milieu productif.
Au Mali, les Dogons, forcés au XVII siècle de vivre dans les falaises gréseuses pour
échapper aux envahisseurs musulmans des plaines, ont reconstitué des sols sur des bancs
subhorizontaux de grès en y construisant des cordons de pierres « en nids d’abeille »
(hexagonaux) et en y coulant du sable prélevé dans la plaine voisine et du fumier (Kassogue
et al., 1996). Chaque logette couvrant 1 m² est plantée en oignons doux appréciés à 100 km
alentour et irriguée à l’aide d’une calebasse remplie dans un micro barrage collinaire voisin.
Au Nord Cameroun, dans les monts Mandara, les Mofu dans des situations semblables
mais au milieu de chaos granitiques, accélèrent la formation de petites parcelles cultivées en
terrasses grâce à des murets de pierres, des apports de fumier et de sables, à l’action
simultanée de plantes choisies pour leur enracinement s’infiltrant dans les fissures des roches
(sorgho, mil, Cynodon dactylon, divers fougères et plantes fourragères), introduisant du
fumier et des boutures de Ficus ou d’Acacia polyacantha dans les fissures. Des feux sont
allumés à la base des boules de granite pour qu’elles éclatent et se désagrègent en particules
sableuses (Seignobos, 1998).
Au Mexique, Quantin, Prat, Zebrowski (1993) et en Equateur De Noni, Viennot
(1993), ont restauré des cendres volcaniques indurées (tepetate) par rotoration (fragmentation
mécanique), terrassement et fertilisation d’une rotation alternant céréales (blé, maïs) et
légumineuses (vesces, fèves, haricots) : dès la troisième année, les rendements sont du même
ordre que sur les terres profondes.
Au Salvador, Collinet et Mazariego (1993) ont restauré la structure et la productivité
d’un andosol sur cendres volcaniques brutes en y introduisant du fumier de poule et des
feuilles de Gliricidia sepium.
En Martinique, des études expérimentales ont tenté de restaurer la végétation naturelle
et réduire l’érosion d’un versant décapé qui menace la vie des coraux dans la baie voisine de
la réserve naturelle de la Caravelle. Une première tentative en 1995, a échoué qui a opposé
des dosses de Mahogany fichées perpendiculairement au ruissellement : celles-ci ont capté
quelque 34 t/ha de sédiments, lesquels ont détourné le ruissellement en nappe et relancé
l’érosion linéaire concentrée dès la deuxième année. Très peu de plants forestiers ont survécu
dans ces poches de sédiments sableux très acides et pauvres en azote, en matières organiques
et en phosphore assimilable. Suite à une convention entre le PNRM et l’IRD (Roose et al.,
2005), cinq ravineaux (Surface= 67 à 130 m²) ont été isolés sur un versant de lave acide
décapée jusqu’à l’altérite (ocre, blanche et rouge). Une fosse de 1m3 a permis de capter les
terres de fond érodées, une partie du ruissellement et de sa charge en suspension fine, en vue
d’estimer le potentiel d’érosion de ces terres nues (120t/ha/an selon le modèle USLE) et
l’efficacité d’une technique écologique de restauration (épandage d’une litière de bagasse de
canne à sucre (2 à 3cm). Durant 3 années peu pluvieuses (1500 à 750 mm), le paillage a réduit
l’érosion à néant (au lieu de 25 à 39 t/ha/an) et le ruissellement de 50% (Cram de 11 à 32% et
CRmax de 20 à 40% sur sol nu) sur ces pentes raides (45 à 60%). Cependant la troisième
année, le paillis étant en grande partie minéralisé, l’érosion a réapparu progressivement (4 à
20 t/ha en fonction du couvert végétal développé par les herbes naturelles et les arbustes
plantés sous le paillage). Pour prendre le relai du paillis en voie de minéralisation, quatre
espèces locales d’arbustes ont été plantées dans des cuvettes (40x40 cm). Tous ont souffert de
la sécheresse exceptionnelle de ces trois étés mais surtout les Courbaril (Hymenaea
courbaril) et les Poiriers (Tabebuia heterophylla). Les Zicaques (Chrysobalanus icaco) ont
relativement bien résisté, de même que les Acacia farnesiana, touffes basses poussées
naturellement. Les boutures de Gliricidia sepium qui ont trouvé une fissure et un peu de terre
ont bien poussé, mais le couvert des arbustes au bout de 3 ans n’excédait pas dix %. Un tiers
des potets n’a reçu que des roches pourries et le paillis : tous les plants sont morts car le
milieu est trop pauvre et trop acide). Le deuxième tiers a reçu dix litres de compost et les
plants ont mieux résisté à la sécheresse. Enfin les plants ont mieux poussé dans le 3ème tiers
qui a reçu dix litres de compost + NPK. Globalement, plus de 50% des plants arbustifs sont
morts, soit qu’ils ont reçu beaucoup trop de paillis, beaucoup d’eau, soit que les sols étaient
très érodés : de plus les Cassythes, parasites couvrant la canopée, ont encore affaibli les jeunes
plants.
Bien que la bagasse ai été offerte gracieusement par l’usine la plus proche, le transport
de 50t/ha de bagasse humide sur 10km et surtout sa répartition sur ces pentes abruptes a couté
7000 €/ha. Il faudrait donc envisager de réduire le volume de litière en l’épandant en ligne
sous les plantations, de mécaniser l’épandage et de sélectionner des espèces végétales mieux
adaptées à ce milieu très pauvre : mais la restauration du couvert végétal est possible par ce
système de gestion intégrée de l’eau et des sols.
En conclusion, si les pressions socio-économiques sont fortes et durables, les
populations rurales développent des techniques complexes capables d’accélérer l’altération
des roches et la construction de nappes pédologiques en conjuguant diverses actions
biologiques aux apports minéraux et organiques permettant aux cultures de se développer.

2. Méthodes traditionnelles de réhabilitation de sols dégradés.


2.1. La jachère.
La méthode la plus courante pour restaurer la fertilité des champs devenus
improductifs est la jachère longue où les graminées restaurent la structure du sol grâce au
chevelu racinaire qui emballe chaque agrégat et aux racines profondes des arbres/arbustes qui
ramènent en surface (litière) les nutriments emportés par les eaux de drainage (Floret et
Serpantié, 1991). Pour faire face à la pression démographique, les paysans ont développé des
jachères fourragères courtes dont une partie de la production de biomasse est exportée mais
les racines et les souches restent sur place. Une étape supplémentaire a été franchie quand on
a choisi des légumineuses et autres plantes qui fixent l’azote de l’air et protègent efficacement
la surface du sol contre les pluies et le soleil (Roose, 1991).
Au sud du Bénin sur les terres de barre, dans une zone à forte population, la rotation
entre le maïs en première saison des pluies et une jachère courte (8 mois) à Mucuna pruriens,
replantée en maïs dès l’année suivante, a permis de réduire le ruissellement et l’érosion, de
relever le taux de SOM et les rendements de 0.2 à 2.8t/ha/an de maïs-grain (Azontonde,
1993). Selon l’aridité du milieu, la richesse minérale des roches et l’état de dégradation, la
réhabilitation de la productivité du sol par la jachère prend 10 à 50 ans, mais en la protégeant
on peut réduire ce temps à moins de 2 ans.

2.2. La restauration des sols ferrallitiques acides par le paillage des bananeraies.
Au Burundi central (Station de Mashitsi), suite à trois années de mesure de l’érosion
en parcelles (300 m²), on a testé l’arrière effet de l’érosion cumulée de 0,1 t/ha/3 ans après
paillage complet, 17 à 54 t/ha/3ans après bananeraies denses à lâches, et 154 t/ha/3ans sur sol
nu sans paillage. La 4éme année, on a subdivisé en quatre chaque parcelle et semé du maïs
uniformément. Le bloc témoin n’a reçu aucun nutriment : on n’a pas récolté de grain après sol
nu, 600 kg/ha après bananeraies et 1500 kg/ha de grain après paillage complet (comme après
défrichement de la forêt primitive). L’érosion a donc des arrières effets sur le potentiel de
production du sol les années suivantes.
Sur les trois autres blocs, on a testé trois techniques de restauration de ces sols acides
dégradés par divers niveaux d’érosion sélective en nappe : R1 = 20t/ha de fumier frais,
comme font les paysans, R2 = 10t de fumier + NPK complémentaires et R3 = idem + 200
kg/ha de chaux pour réduire l’acidité et la toxicité aluminique du sol. Sur la parcelle la plus
dégradée, le rendement maximal fut 500 kg/ha de maïs. Sur la parcelle la mieux protégée, on
a récolté 3000 kg/ha de grain après fumier et 4000kg/ha après fumier + NPK complémentaire.
Sous bananeraie à paillage intermédiaire, les rendements furent aussi intermédiaires.
Curieusement sur ces sols très pauvres, l’apport de chaux a eu un effet dépressif sur les
rendements et sur le phosphore assimilable. L’érosion en nappe a donc un effet durable sur la
productivité des sols (Rishirumuhirwa, 1993). L’apport de MO et d’une fumure minérale
complémentaire adaptée à la plante cultivée permet de multiplier par 8 le rendement en grain
de maïs. Voir figure 1.
Au Rwanda (stations de Rubona et de Butare), sur le même type de sol et des pentes
de >25%, des haies vives d’arbustes légumineuses (Calliandra et Leucaena) ont réduit le
ruissellement (Cram<2%) et l’érosion (E<2t/ha/an) et apporté 100 kg/ha de N, dix kg/ha de P,
et environ 40 kg/ha de Ca+Mg+K. Mais, malgré la bonne conservation de l’eau et des sols, le
rendement des cultures (maïs et haricots) n’a progressé qu’à partir du moment où on a rajouté
du fumier de ferme ou du NPK minéral. On constate donc que certaines cultures bien soignées
peuvent réduire l’érosion sans pour autant donner plus de grains (Roose, Ndayizigiyé et
Sekayangé, 1993 ; König, 2005). Fig 2.

2.3. Restauration des sols ferrugineux sableux en zone soudano-sahélienne.


Au Nord Cameroun sur sol ferrugineux sableux, la gestion des résidus enfouis par le
labour n’a guère amélioré l’infiltration, ni les pertes en terre : en 4 ans, l’érosion cumulée sur
un sol de 2% de pente atteint 160t/ha (10 mm) sur parcelle nue, 90 t/ha/4ans (6mm) sur
rotation maïs-coton après labour annuel, et 30 t/ha/4ans (2mm) sous les mêmes cultures mais
sans labour. La 5ème année, on a semé partout du maïs et observé ici aussi l’arrière effet de
l’érosion en nappe sélective : pour une différence d’érosion en nappe de 4 mm, les
rendements ont baissé de 40% par rapport au système de semis direct sur litière. On atteint la
même différence sur des parcelles voisines où l’on avait décapé (non sélectivement) 4 cm :
l’érosion en nappe sélective est donc dix fois plus dégradante qu’un simple décapage non
sélectif (l’érosion en rigole ou en masse).
Par ailleurs, l’apport de 3t/ha/an de fumier de chèvre et du complément minéral indispensable
a permis de produire 1.8 t/ha de coton grain et 4 t/ha/an de maïs sur des sols sableux dégradés
par 30 années de culture avec labour. Des rendements semblables ont été obtenus après
jachère de légumineuse (Mucuna pruriens), complément de fertilisation minérale et travail du
sol limité à la ligne de plantation. La restauration de la productivité de ces parcelles sableuses
abandonnées est remarquable.

2.4. La restauration des sols en zone soudano-sahélienne par le Zaï. Après 10 à 15


ans de culture extensive et labour, le sol nu épuisé est abandonné. Il se couvre alors d’une
épaisse croûte d’érosion quasi imperméable qui empêche la régénération de la végétation par
la jachère: plus de 20% des terres cultivables sont ainsi désertifiées en pleine zone soudano-
sahélienne : plus rien n’y pousse malgré 400 à 800 mm de pluie en 4 à 6 mois. Ce sont ces
« zipellés » (terres blanchies désertifiées) qui sont récupérés lorsque la population manque de
terre. En pleine saison sèche, les « sans terres » y creusent de 8 à 12 000 petites cuvettes de 20
cm de profondeur, 40 cm de diamètre dont la terre est disposée en demi-lune en aval. Le
paysan y enfouit 1 à 3 t/ha de fumier (en général des poudrettes de caprins) ou à défaut de
résidus organiques et sème en sec 10 à 15 graines de sorgho ou de mil (assez pour soulever la
croûte qui va se produire au fond de la cuvette). Aux premières pluies, les cuvettes vont capter
le ruissellement et sa charge en nutriments et stocker une grande poche d’eau dans le sol
permettant aux plantes de tenir trois semaines sans pluie. Dès la première année, le champ
produit autant que la moyenne régionale (600 kg/ha), mais avec un complément de N60+P30,
on peut atteindre 1500 kg soit 8 fois la production sans Zaï (Roose et al., 1993). Figure 3.
3. Conclusions.

3.1. Les six règles pour restaurer rapidement la productivité d’un champ.
Il est possible de restaurer rapidement la capacité de production des sols en respectant
certaines règles :
1. capter le ruissellement par un dispositif adapté : haies, cordons de pierres, paillis, Zaï, etc. ;
2. recréer la macroporosité et la structure du sol par un travail profond enfouissant des MO ;
3. revivifier l’horizon de surface par du compost, fumier, litière, légumineuses rampantes ;
4. corriger le pH du sol jusqu’5 pour supprimer la toxicité aluminique (cendres, résidus) ;
5. nourrir les plantes cultivées en rendant le stock de nutriments assimilable (MO, purin, feu,
litières) et compléter les besoins de la plante par des apports minéraux raisonnés ;
6. sélectionner une couverture végétale bien adaptée couvrant rapidement le sol sans pour
autant devenir envahissante.

3.2. L’investissement indispensable pour restaurer le sol (travail, fumure organique et


minérale) ne sera accepté que si les bénéfices le justifient et sous la pression socio-
économique, sans quoi les paysans reviennent à aux jachères traditionnelles et aux cultures
extensives.

3.3. Il est temps de réorienter les recherches vers les solutions à la dégradation des sols et à
les adapter localement aux milieux et aux besoins des paysans. Dans tous projets de lutte
antiérosive, 10% du budget devraient être réservés à la recherche de systèmes de production
rentables, acceptables par les paysans et efficaces pour la gestion de l’eau et de la fertilité des
sols.

3.4. Nous invitons nos collègues des régions tropicales à revisiter les techniques
traditionnelles, à tester leur amélioration en intégrant nos connaissances modernes sur la
fertilisation, la gestion de la flore, faune et microflore, les ressources génétiques et la diversité
biologique plutôt que de s’éterniser sur les techniques mécaniques pour lutter contre l’érosion
et le ruissellement, mal adaptées aux averses tropicales et aux pluies cycloniques saturant la
couverture pédologique.

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Des stratégies traditionnelles pour la lutte contre l’érosion dans les monts
Mandara et dans la plaine du Diamaré NO du Cameroun.

Christian SEIGNOBOS* et Michel TCHOTSOUA**


*IRD UR199 « Dynamiques socio-environnementales et gouvernement des ressources » Montpellier,
**Université de Ngaoundéré, Département de Géographie
christian.seignobos@wanadoo.fr, tchotsoua@yahoo.fr

Résumé : Le Nord du Cameroun est, avec les monts Mandara, une référence en Afrique
en matière d’aménagement en terrasses. Ces réseaux de terrasses en gradins isohypses, qui
cisèlent l’intégralité des pentes et infiltrent toutes les pluies, se voient complétées,
généralement dans les talwegs plus menacés par l’érosion, par des dispositifs de canaux-
drains souvent dédiés à des cultures particulières attirées par l’eau. Dans les plaines du
Diamaré, ce n’est plus l’entièreté du terroir qui, comme en montagne, suit un modèle cohérent
d’aménagement. Les techniques antiérosives n’intéressent que certaines parties des terroirs. Il
s’agit de sols argileux, les vertisols, voués à une culture stratégique en ce qu’elle est réputée
prévisible, celle des sorghos repiqués de contre-saison dont la part dans l’agrosystème n’a
cessé de croître depuis les années 1950. Ces stratégies de lutte contre l’érosion et l’entretien
de la fertilité, en dépit de leur degré de sophistication et de leur efficacité par le passé, ont
perdu de leur pertinence avec les mutations démographiques, sociales et techniques.
Aujourd’hui, la lutte antiérosive est devenue un impératif pour l’ensemble des communautés
agricoles et pastorales du Nord du Cameroun, mais les recettes du développement n’ont pas
jusqu’ici entraîné l’adhésion attendue.

Mots-clés : Nord Cameroun, monts Mandara, lutte antiérosive, terrasses, fertilité des
sols.

Abstract: The Northern Cameroon, along with the Mandara Mountains, is a reference to
Africa in terms of terracing. These networks of curvilinear terraces, which carve the entire
slope, are completed, generally in the troughs more threatened by erosion, by either channel-
drain often dedicated to specific crops living near water. In the plains of Diamaré, it is not the
entirety of the land, like in the mountains, following a consistent pattern of development.
Erosion control techniques concern only certain parts of the land. These lowland Vertisols,
dedicated to a strategic culture as it is deemed foreseeable, that of transplanted sorghum
season-cons whose share in the agro-ecosystem has grown steadily since the 1950. These
strategies against erosion and maintain fertility, despite their sophistication and effectiveness
in the past have lost their relevance with the demographic, social and technical pressure.
Today, erosion control has become an imperative for all agricultural and pastoral communities
in northern Cameroon, but revenues from development have so far resulted in the expected
accession.

Keywords: Northern Cameroon, Mandara Mountains, erosion control, terracing, soil


fertility.
Introduction

Les régions traditionnellement densément peuplées se sont toujours avérées les


meilleures gestionnaires de la conservation des sols et de l’entretien de la fertilité. Ce fut le
cas pendant longtemps des pays masa, gizey, tupuri (25 hab/km!) qui combinent des soles de
sorghos sous des parcs denses de Faidherbia associés à un élevage bovin important. Après
1970, la saturation foncière et les spéculations ont provoqué, du moins chez les Tupuri, un
déséquilibre de ce modèle.

Les monts Mandara auraient pu être le théâtre d’une érosion intense par ravinement, il
n’en a rien été. L’équilibre a été obtenu grâce à de fortes densités de peuplement (80 à 150
hab/km2), seules en capacité d’entretenir un aménagement intégral des terroirs par des
terrasses, un contrôle des eaux d’écoulement et la gestion savante d’une végétation
sélectionnée. C’est la déprise actuelle de certains terroirs montagnards qui introduit l’érosion.

Ainsi chaque société agricole a dans le passé recherché un équilibre entre potentialités
édaphiques, choix agronomiques et densités de peuplement et d’élevage, mais il s’agissait là
de modèles fragiles.
Le développement urbain, la sortie des économies de subsistance, l’obligation de
passer à des cultures spéculatives ont bousculé ces systèmes qui, sans ignorer l’érosion,
savaient en partie en compenser les méfaits. L’érosion s’est développée, avec les spéculations.
C’était le prix à payer pour à la fois entrer dans la monétarisation et accéder à
« l’indépendance alimentaire ». Pour rester dans le cliché, le tandem charrue-production
cotonnière va rapidement produire de l’érosion. Cette érosion va même, pour ainsi dire,
s’exporter avec la descente des migrants de l’Extrême Nord, précisément des zones où ils
avaient prouvé leurs savoir-faire pour juguler l’érosion, dans les fronts pionniers des plaines
de la Bénoué où ils seront accusés de se livrer à une sorte « d’exploitation minière ».

Nous allons exposer deux exemples d’agro-systèmes qui font la démonstration d’une
lutte, encore à l’œuvre, contre l’érosion dans les monts Mandara et les plaines du Diamaré.

1. L’élaboration des pratiques antiérosives dans les monts Mandara : un système


global fondé sur les terrasses

L’érosion est dénoncée depuis l’après guerre par des « ingénieurs d’agriculture
coloniale » qui réclament déjà à l’époque une intervention d’urgence pour la restauration des
sols et des couverts arborés. A. Vaillant n’en signale pas moins certains systèmes antiérosifs
efficaces comme ceux des monts Mandara à travers ses enquêtes agronomiques chez les Mofu
de Wazan : « Les murs en pierre sèche établis par les populations du Mandara forment une
série de terrasses qui retiennent la terre. Au moment des pluies, l’eau est absorbée par ces
divers plans horizontaux […]. Toutes ces terrasses forment donc comme autant de cuvettes de
terre poreuse qui laissent filtrer lentement l’eau en excès à la base de leurs murs. Longtemps
après une forte pluie, une circulation lente de l’eau se continue des terrasses supérieures aux
terrasses inférieures » (A. Vaillant, 1948 : 10).

Les populations apportent tous leurs soins à l’entretien des murs de soutènement des
terrasses dans la mesure où elles leur permettent de survivre. Toutefois il n’est pas certain
que, dans les monts Mandara, la construction des terrasses se soit faite en commençant par le
bas de la pente et en remontant progressivement jusqu’au sommet comme dans le Rif
marocain (Sabir et al., 1999). Les monts Mandara ont offert un refuge à des populations qui
ont d’entrée privilégié des positions défensives sur les crêtes et les encorbellements. Ce sont
les terrasses qui ont créé les champs sur des coulées de blocs de rochers ou sur des collines
caillouteuses. Grâce aux chaos de roches granitiques sommitaux travaillés par l’érosion
mécanique favorisant à son tour l’action chimique dans les diaclases pour libérer quartz,
biotite, mica… les terrasses récupèrent toute cette arène granitique. L’appellation par les
Mofu du mur de la terrasse : mengue ley (= piège + champ) est sans équivoque. Par ailleurs,
Mafa et Mofu accéléraient l’éclatement des roches en semant et en bouturant dans les fentes
de futurs gros ligneux : caïlcédrats, Ficus, Diospyros… qui, dans cette situation, ne pouvaient
gêner les cultures. En revanche, ils amendaient fortement, avec des tiges de mil et du fumier,
les parcelles de « roches pourries » (jeheher en mofu). Les montagnards n’hésitaient pas à
construire des parcelles artificielles linéaires sur les plaques rocheuses derrière un liseré de
pierres, qui récupéraient l’eau de ruissellement pour des récoltes précoces.

Dans ces milieux de montagne, les éléments fins descendent en continu avec le
ruissellement. Mais les terrasses vont maintenir leur contenu de terre arable qui ne cesse de se
renouveler, faisant de ces lithosols des sols à jamais peu évolués. Ils seront longtemps mis au
bas de l’échelle des pédogenèses par les pédologues. Toutefois, à partir de ces « sols
squelettiques » les hommes vont tirer des cultures et pratiquer des rotations culturales
parfaitement adaptées, au point qu’ils pourront supporter à certains endroits des densités de
peuplement supérieures à 200 hab/km².

Le choix se portera sur des cultures peu exigeantes, en accord avec ces sols légers : les
éleusines, les petits mils et surtout des sorghos de lithosols, les slaraway ou cerge, tellement
spécialisés qu’ils se révèlent improductifs en plaine.

De plus, dans les massifs mafa, les plus enclavés, la rotation biennale petit mil/sorgho vise
encore à ménager ces sols et à enrayer la prolifération de certaines adventices et celle de
déprédateurs. L’année du petit mil (année bissextile) s’accompagne d’une énorme production
de niébés d’une surabondance d’oseille de Guinée, semée en ligne qui entoure et quadrille
chaque parcelle afin que les niébés soient mieux protégés. Cette année vouée aux
légumineuses prépare celle du sorgho qui permettra de dégager un léger surplus en grains.
Oseille de Guinée et niébés peuvent apparaître comme un lot de cultures de substitution lors
des crises alimentaires provoquées dans le passé par des criquets et autres ravageurs. La
cohérence de ces agrosystèmes a contribué à forger de véritables civilisations climaciques
montagnardes.

Tout repose sur un entretien scrupuleux des murs des terrasses avant chaque saison des
pluies. Elles vont, bien sûr, varier en fonction de la déclivité, du matériau et des pratiques du
travail de la pierre des différentes communautés montagnardes. Elles sont plus resserrées sur
le haut des pentes alors que, vers les fonds de talwegs, les parcelles prennent de l’ampleur. On
peut voir les plus beaux murs de soutènement de pierres sèches jointoyées avec des éclats de
roches, de 2 à 3 m de hauteur, chez les Podokwo et les Gemzek ; la pierre est cassée plutôt
que taillée. Ailleurs, dans les vallées intra montagnardes, les terrasses, toujours curvilignes,
plus modestes (de 0,50 à 0,75 m) relèvent plus d’un épierrage minutieux des champs (Photos
1 et 2 en pays mafa).

Photo 1. Terrasse de tête de vallon Photo 2. Terrasses à proximité de concessions


Cliché M. Tchotsoua, Mars 2007 Cliché M. Tchotsoua, Mars 2007

Ce travail transforme des pentes caillouteuses en terrains plus fertiles à certains


endroits que les colluvions des piémonts. Sous les gros amas de blocs, les replats des terrasses
reçoivent les particules rocheuses délitées qui, mélangées aux sols participent à leur
fertilisation.

Ce qui, dans les Mandara, frappe l’observateur, c’est cette mise en terrasses totale des
massifs, comme le souligne J. Boutrais (1973) : « Le modèle du terroir montagnard ne
comprend pas d’espaces incultes […]. L’homme transforme le paysage naturel en paysage
densément humanisé. En détruisant le couvert forestier naturel, remplacé par un semis
d’arbres sélectionnés, il est contraint, pour éviter l’érosion, de mettre à nu les versants, d’en
modifier l’ensemble des pentes par des terrasses. Le système de terrasses n’est efficace que
s’il couvre tout le versant des premières pentes jusqu’à l’aval ».

La place des arbres sera minutieusement calculée. On contrôle la croissance de


certaines essences de pleine terrasse comme Faidherbia albida, Vitex doniana, Anogeissus
leiocarpus, Acacia polyacantha... D’autres servent de soutien aux murs ; dans le nord des
monts Mandara, il s’agit de Terminalia brownii (chez les Podokwo et les Muktele), Ziziphus
mauritiana (Mofu, Mafa) et, plus au sud, d’Holarrhena floribunda (Bana, Djimi). Traités en
têtard bas à un ou plusieurs brins pour fournir des perches, on contrôle leur venue afin qu’ils
ne gênent pas la croissance du mil. Un certain nombre d’essences arbustives sont exploitées
au pied même des terrasses, comme Grewia vilosa, le sokwor des Mofu et des Mafa. Recépé
très bas par les femmes, son liber donne une sauce fortement mucilagineuse très commune.

Les murs des terrasses chez les Mafa de Magoumaz et de Ziver portent, pour les plus
importants, une végétation de graminées comme Cynodon dactylon et Digitaria spp. qui
serviront pour l’affourragement du bétail claustré pendant la saison des pluies. On y
rencontre aussi une petite fougère, Adiantum philipensis, placée là, comme les graminées avec
leur motte de terre, afin que leur système racinaire stolonifère tienne les pierres et surtout
contrôle le suintement de l’eau. Sur le haut de la terrasse, le long du muret intérieur, on semait
en lignes des éleusines qui tallent fortement.

La plupart des terrasses marquent une inclinaison faible, en contre pente vers le mur
de la terrasse du haut pour forcer l’eau à percoler la terre de la terrasse dans son épaisseur. Les
réseaux de terrasses qui, parfois, dépassent 200 m. de dénivelé ont rarement été conçus
comme des ouvrages d’ensemble. Chaque exploitant a construit ses terrasses et les a
raccrochées à celles de ses voisins sur des niveaux approchants. Les petits décrochements que
l’on observe au moment des raccords ne nuisent pas à l’efficacité générale. Les terrasses ne
sont pas, non plus, des ouvrages fixes. Au cours de sa vie, un paysan a pu changer certains de
leurs linéaments. Mais, dans la mesure où il s’agit de touches souvent infimes avant chaque
saison des pluies, les habitants des montagnes ont le sentiment d’un immobilisme des réseaux
de terrasses et d’un héritage global des « ancêtres ».

Contrairement à une idée reçue, un réseau de terrasses peut être rapidement monté.
Sur la route Maroua-Mokolo, après Mouhour, l’ensemble des terrasses a été dessiné et bâti
dans les années de l’indépendance. Après un conflit (Ziver-Vouzad) en 1961 et 1962, un
quartier de Ziver a été déporté entre Mouhour et Mokolo. En quelques années, cette zone de
plateau (« Ziver plaine ») a été couverte de terrasses (J. Boutrais, 1973). Il en a été de même
de toute la ligne de crête de Cuwok qui domine la plaine de Zamay, entre 1950 et 1975, et
pour une majorité d’entre elles en moins de quinze ans, ce dont nous avons été témoin dans
les années 1970 (C. Seignobos).

Le maintien de la fertilité est en partie assuré par des arbres de restitution


agronomique comme Acacia polyacantha que l’on retrouve encore dans des vallées reculées
(pays mada). Ils ont été peu à peu remplacés ou complétés aux XVIIe et XVIIIe siècles par
Faidherbia albida, diffusé par les zébus achetés en plaine chez les Peuls (C. Seignobos,
1993A). Sous leurs houppiers, on retenait la litière avec des graminées mises en paillis et que
l’on allait enfouir dans d’autres parties de la parcelle. Les montagnards épandaient
systématiquement des cendres et de la poudrette de petit bétail.
Lors du 2ème sarclage a lieu l’enfouissement systématique des rudérales dans de petites
buttes intercalées entre les pieds de mil. Avec le 3ème sarclage, désigné par « enlever les
feuilles de sorgho » (ma gworey), ce sont les basses feuilles de la tige qui sont soit enfouies,
soit données au bétail claustré. Ce dépouillement des basses feuilles permettait aux sorghos
de montagne d’aller jusqu’au bout de leur croissance. Ce sarclage est aussi celui du
désenroulement des niébés sur les tiges de sorghos ou de petit mil, afin de concourir à une
protection maximale du sol contre l’agression de la pluie. Le sol des terrasses est l’objet de
soins constants de la part des montagnards. Les appellations en mofu, par exemple, en rendent
compte comme d’une chose vivante. Le sol est la peau de la terre (dlay ma dala), comme on
le dit pour la peau de l’homme (dlay ma ndaw) alors que celle concernant l’animal est
différente. Soit à sec, soit après les pluies, le sol des terrasses n’est jamais travaillé
profondément, cette technique étant réservée aux zones humides. Si l’érosion se manifeste, on
parle de plaie (mblek) du sol. Pour y remédier, il faut alors le « panser », sans cela la fertilité
peut partir et on dit du champ appauvri qu’il s’est enfui (ley kamcila…).

Dans cette agriculture intensive, les espaces sensibles à l’érosion, les bassins de
réception des hauts talwegs, les parties jouxtant les torrents et surtout les lignes de piémont où
convergent les eaux de ruissellement vont être traités par le biais de cultures bien
particulières. L’eau est utilisée pour les cultures, tout en dispersant et en disciplinant les plus
gros flux après de fortes pluies. De micro rizières vont récupérer certains passages d’eau tout
en la contraignant à emprunter un compartimentage très serré de diguettes, parfois hautes de
50 cm, limitant ainsi les effets érosifs.Le taro est très présent chez les Mafa. On le cultive en
général au pied de grandes plaques rocheuses, dans des endroits où l’eau sourd. Les Mafa
créent alors un quadrillage de petits murets de pierres qui vont faire circuler l’eau dans cette
tarodière (giy mesler) avec une entrée et une sortie de l’eau (également signalé par F. Hiol-
Hiol et al., 1996 : 281).

Ce sont également des parcelles de souchet, giy menda (Cyperus esculentus) . Pour ce
minuscule tubercule qui aime la proximité de l’eau sans toutefois en supporter les excès, on
construit des planches-billons selon des surfaces et des hauteurs variables. Ce gros travail est
exécuté par les hommes même s’il s’agit d’une culture exclusivement féminine. Les
planches-billons disposées en quinconce, obligent l’eau venant des massifs à se diluer dans
un lacis de canaux, l’eau empruntant un parcours constamment en baïonnette. Les angles
de ces grosses planches où l’eau vient buter peuvent être renforcés par des parements de
pierres. Les planches ne sont pas obligatoirement individualisées, mais elles peuvent
représenter des surfaces avec des rentrants de canaux, sorte de digitations dont le but est
toujours de profiter du passage de l’eau tout en annihilant les excès du ruissellement.

La culture du souchet, quatre à cinq variétés, constitue le plus important apport


saccharifère pour les montagnards. Les femmes y épandent des fientes de poulet, poudrette et
cendres afin d’empêcher la venue de déprédateurs ou les recouvrent de branches pour
prévenir l’attaque de rongeurs et d’oiseaux.

La patate douce a intégré tardivement l’agrosystème montagnard dans la gestion de


ses parties humides et sensibles à l’érosion. Les hauts billons longilignes sont mis à profit
pour être combinés aux tarodières et aux billons plats des souchets. On y rencontre encore des
billons circulaires fortement bombés pour le Ceratotheca sesamoïdes (mejiger metexed), dont
la production de semence sera vendue aux maraîchers de la plaine.
Mais ce sont les aménagements des hauts talwegs qui présentent les systèmes
antiérosifs les plus complexes ; celui de Way Ziver dans la cuvette sommitale du massif de
Ziver semble en être le plus bel exemple. Les way (points d’eau) en pays mafa sont des
mares, des sources ou encore des puits généralement entourés d’une pâture enclose de
haies d’Euphorbiaceae. Un collecteur longe l’extérieur de la haie et reçoit l’eau à partir de
réseaux de drains qui vont la capter sous les dernières terrasses du bas des pentes. Ces canaux-
drains (luray) composent un système de planches (var uray) qui ne sont pas sans évoquer la
disposition des planches de souchet. Simplement celles des way sont pérennes et portent les
mêmes rotations culturales que celles de l’ensemble du massif. Dans certains canaux, en
revanche, on peut cultiver le taro. Ainsi au cœur de la saison des pluies l’eau sera canalisée
vers le collecteur qui, ensuite, la conduit dans le torrent du talweg. L’eau pourra aller
imbiber la pâture enclose parfois jusqu’à ce qu’elle devienne spongieuse, sans toutefois créer
la moindre altération par érosion. L’eau dans le talweg est freinée par des lignes
d’enrochements disposées perpendiculairement au courant et par une végétation ripicole
suffisamment dense et filtrante d’Acacia ataxacantha et de Ziziphus mucronata.

Bien que ces communautés montagnardes ne soient pas des sociétés de l’hydraulique,
elles ont pu réaliser un certain nombre de cultures grâce à un relatif contrôle de l’eau, sur des
espaces mesurés, mais essentiels quant au dispositif antiérosif du terroir. A la différence des
terrasses, le but recherché et non induit semble bien avoir été une réelle volonté de bloquer
l’érosion.

Dans les années 1940, ce que l’on craignait déjà en matière d’érosion pour les monts
Mandara, c’était – à la différence de la plaine – un relâchement des densités de peuplement,
« l’abandon des ouvrages d’art qui ont consolidé la terre sur les pentes et discipliné les eaux
sauvages et torrentielles » (A. Vaillant, 1948 : 11).

Lorsque l’émigration atteint certains seuils, elle contraint à l’abandon de terres et donc
de terrasses en commençant par celles du haut, les plus étroites. Le processus d’abandon est
largement décrit par J. Boutrais (1973) qui l’analyse dans les premiers glissements d’habitat
en plaine chez les Mafa de Moskota. Les terrasses abandonnées résistent plus ou moins bien
aux passages du bétail. Elles s’éboulent et sont remplacées par des couloirs d’érosion à peine
contrariés par une amorce d’embuissonnement des pentes. En 2009, les hommes valides sont
dans les villes ou travaillent à façon en plaine. C’est aux femmes qu’incombe la responsabilité
des terrasses. Or, elles ne sont pas des ayants droit sur ces terres, aussi n’exécuteront-elles
qu’a minima la réfection des dégradations occasionnées par le petit bétail pendant la saison
sèche.

Dans les années 1970 encore tous les massifs ou presque étaient vivifiés ; en 2009, on
constate de nombreux abandons et des « trous » dans ce tissu aménagé en continu. Chacun
tend à se concentrer sur l’espace situé autour de sa ferme (ay). Le paysan mofu va accorder
plus d’importance à son « champ de case » (ar manbow). Ainsi les terrasses, surtout celles de
soutènement des ay, seront régulièrement entretenues. Peut-on alors associer cette nouvelle
redistribution des exploitations à une logique d’organisation économique de type Von Thünen
(Léonard et al, 2002), l’effort d’entretien étant centré sur les lieux le plus souvent
fréquentés et travaillés ?
2. Des pratiques antiérosives de la plaine du Diamaré, des applications
spécifiques

Dans les piémonts et les plaines où l’espace était moins compté qu’en montagne, on
relève des ébauches de systèmes antiérosifs. Mais, ici encore, ils ne sont que contingents à
d’autres buts qui répondaient à des protections de parcelles contre les intrusions du bétail,
ou servaient à marquer un espace approprié. Elles sont formées de haies dont la plupart,
dans les piémonts des Mandara et la région de Maroua, expriment des sortes d’archéophytes
composés de Commiphora africana, Acacia ataxacantha et de différentes Euphorbiaceae,
issus de systèmes défensifs encore présents au début du XXe. Ils ont été démantelés et
corrigés par des essences moins agressives comme les haies de Jatropha curcas. Dans ces
anciens bocages défensifs, les lignes perpendiculaires à la pente peuvent encore prétendre à
des effets antiérosifs.

Les paysans des plaines du Diamaré ont porté leurs efforts sur l’entretien de leurs
vertisols (karal) au service d’une culture de contresaison, les sorghos repiqués (muskuwaari).
Depuis trois décennies, cette culture s’est substituée à celle du coton comme pivot de
l’agrosystème aussi bien en vivrier qu’en spéculation.

Il existe une gamme de karal qui, chacun, réclame des traitements particuliers quant
au brûlis, au sarclage, à l’écartement et à la profondeur des plants. Le besoin de cultiver ces
sorghos désaisonnés, culture réputée « sûre » en ce qu’elle n’est pas tributaire des pluies, a
poussé les paysans à défricher toujours plus de vertisols jusqu’à investir des sols aux horizons
faiblement argileux et surtout à récupérer des sols halomorphes « stériles », les harde
(Seignobos, 1993 B).

Il existe, ici encore, plusieurs types de harde. Ceux en marge des villages sont des
terres stérilisées par le stationnement du bétail (harde dabbaji) avant son départ pour les
pâturages. Ils sont facilement récupérables alors que d’autres demandent plus
d’investissement pour être à nouveau vivifiés. La reprise de ces sols halomorphes s’effectue à
l’aide de carroyages de diguettes (dingiiji) de 0,30 m de haut en moyenne et qui favorise une
contention de l’eau de pluie. Elle devra s’infiltrer progressivement dans les horizons argileux,
constituant ainsi une réserve pendant la saison sèche. On vient y verser, en dépit du manque
de moyen de charroi, de la poudrette qui favorisera la venue d’un couvert graminéen dominé
par les Setaria spp. souvent aidé par un ensemencement artificiel.

Pendant toute la saison des pluies, les karal portent une sorte de « jachère dérobée »
qui sera brûlée avant le repiquage. Des trous d’eau de 2 à 3 m de diamètre (okoloore) sont
aménagés à espaces réguliers sur l’ensemble des vertisols ; ils servent à entreposer les bottes
de muskuwaari et à verser de l’eau dans les trous des plants afin de réduire le stress hydrique.

En montagne comme dans les zones de karal il s’agit pour les populations de protéger
un potentiel jugé vital pour elles, même si pour les muskuwaari, il n’est devenu vital qu’après
les années 1955 avec l’imposition du coton.
3. Les limites de la lutte antiérosive traditionnelle

Les exploitations montagnardes présentaient de bons rendements, mais des


productivités faibles. Aujourd’hui ce constat est remis en cause par un changement au sein de
la force de travail. La main d’œuvre familiale, appauvrie par l’émigration des jeunes, conduit
à une féminisation du travail de la terre entrainant des changements, non seulement des
rythmes de travail, mais aussi de types de cultures. Sur la montagne, le besoin en intrants et en
disponibilité financière se fait également sentir au point que, dès la décennie 1990, le coton a
été spontanément cultivé sur les terrasses de Zamay à Mokolo et de Koza à Djinglia. On entre
dans une crise de la structure paysagère de la montagne qui ne sera pas sans conséquences sur
l’érosion risquant même d’impliquer les piémonts des Mandara.

En plaine, le coût de la main d’œuvre et l’impérieuse nécessité d’un repiquage rapide


ont toujours constitué le goulot d’étranglement de la culture des sorghos repiqués. Le paysan a
cru l’avoir résolu à partir de 2000/2001 par l’utilisation massive d’herbicides. La répétition de
ces pratiques ne manque pas de transformer et d’appauvrir cette « jachère dérobée » de saison
des pluies et suscite quelques inquiétudes chez les exploitants quant à la fertilité et l’avenir de
leurs vertisols.

Ce sont les agro-systèmes qui intègrent les pratiques antiérosives soit de façon globale
comme sur les Mandara septentrionaux, soit sur une famille de sols particuliers dans les
plaines du Diamaré. Mais, en aucun cas, les techniques contre l’érosion sont plaquées sur
un système agronomique, elles lui appartiennent, pourrait-on dire, de façon consubstantielle.
En d’autres termes, il n’existe pas de pratiques antiérosives employées pour ce qu’elles
représentent.

C’est la réponse à toutes les interrogations des Développeurs depuis le début des
années 1980 : pourquoi les populations capables d’exploits techniques pour combattre
l’érosion dans leurs pays de départ, une fois sur les fronts pionniers de la Bénoué ne
reproduisent-elles pas, sur ces nouveaux sites, leurs « bonnes habitudes de gestion
conservatoire des sols » ?

Le maintien de la fertilité associé à un aménagement de terroirs, à une intensité de


soins apportés à la terre et à une gestion optimale de la fumure ne suffit pas. L’argent se gagne
ailleurs et des jeunes partent (J. Louléo 1977). Aussi, en dépit d’adaptations remarquables par
le passé, la logique de production évolue et elle induit des points de rupture remettant en
cause la reproductivité de ces systèmes. A cela s’ajoutent des phénomènes de saturation
foncière, sources de conflits rémanents.

Il est primordial pour les développeurs, si l'on veut augmenter la productivité, de


procéder à une meilleure gestion de l'eau, mais aussi à une meilleure gestion des nutriments
et de la matière organique. Ainsi, dans les propositions, désormais classiques, du
Développement au Nord Cameroun, on retrouve la production de haies vives et de bandes
d’arrêt enherbées. Elles favorisent l’infiltration par ralentissement des écoulements tout en
bloquant les processus de transport d’éléments solides. On peut améliorer la restitution
organique en répandant dans les espaces des intertalus les résidus de taille restituant ainsi des
nutriments…

La Sodecoton, seule à conduire un développement de masse montrait que sur ses


milliers d’hectares aménagés en 2008 par le projet DPGT (Développement Paysannal et
Gestion de Terroirs), la dominante des bandes enherbées était située au sud de la Bénoué
(75%), les cordons pierreux au nord de la Bénoué jusqu’à Guider (15%) et les ados,
bourrelets renforcés d’Andropogonées, entre Kaélé et Mora (10%) (Roose et al., 1998).
Parallèlement, on a multiplié les parcs de restitution agronomique volontaires de Faidherbia
albida créés parfois ex nihilo, de Prosopis africana et de divers Acacia.

Les dernières propositions (Boli et Roose, 2004) du Développement dans le Nord du


Cameroun, concernent les SCV (Systèmes de culture sur couvert végétal). Ce labour
biologique serait appelé à prendre le pas sur le labour mécanique promu plus d’un demi-siècle
auparavant et désormais accusé d’avoir favorisé l’érosion et l’appauvrissement des sols.

Les SCV présentés comme un retour à des formes compréhensibles d’agriculture


auraient sans doute été plus en conformité avec les agrosystèmes des années 1930. Toutefois
les paysans du Nord du Cameroun ont fini par adhérer à l’agriculture qualifiée de
productiviste. Cette agriculture les a fait vivre et, pour certains, prospérer ces dernières
décennies. Elle a su créer ses propres critères de réussite basés sur l’idéal du « laboureur »
avec ses bœufs d’attelage et tout le matériel afférent.

Les mots d’ordre des SCV vont à l’encontre de ceux de la précédente révolution
technologique, ils sont néanmoins imposés sur le même mode idéologique. En plus du
maintien des résidus de récoltes, ils prônent la réintroduction de l’herbe sur le champ, les
« mauvaises herbes » n’en sont plus et les légumineuses sont plébiscitées. Le sillon de la
charrue fait place à une trouaison du mulch qui devrait s’accompagner d’une réduction des
intrants. Le travail de la terre est confié à l’entomofaune et aux systèmes racinaires. Mais,
surtout, plantes de couverture et résidus de récoltes ont la charge d’enrayer enfin l’érosion.

Les SCV ne peuvent être la panacée, mais face à la démultiplication des crises, celle
du système montagnard, celle cotonnière avec des prix d’achat toujours plus bas et des
intrants toujours plus chers, celle de la dérégulation de l’élevage transhumant dans la
violence, la configuration développementiste semble se rallier à ce défi : produire une
biomasse abondante accessible à tous. Les SCV, théoriquement partout applicables, ne
semblent devoir être promus que dans les terroirs cotonniers. Ils ne s’adressent ni aux champs
en terrasses, ni aux zones de vertisols, comme si les agrosystèmes concernés poursuivaient
leur évolution singulière.

Conclusion

Les stratégies antiérosives relèvent de systèmes de cultures intensives, aussi celles


nouvellement proposées incitent-elles également les paysans à s’orienter vers l’intensif. Or, si
l’agriculture intensive nourrit, c’est l’agriculture extensive qui rapporte et les paysans ne
sauraient accepter d’affaiblir leur productivité par des travaux supplémentaires
d’aménagement. Les SCV représentent un système qui intègre au maximum la lutte
antiérosive, mais celui-ci n’a pas pour autant fait aux paysans du Nord du Cameroun la
démonstration de sa supériorité dans les rendements (Boli et Roose, 2004).
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Influence du labour, du semis direct et du type
de sol sur le stock de carbone, les pertes en
WHUUHHWOHVUHQGHPHQWVG¶XQHURWDWLRQLQWHQVLYH
(coton/maïs) au Mali Sud
DIALLO Drissa, ORANGE Didier, ROOSE Eric
Courriels : drdiallo@ird.fr , orange@ird.fr, Eric.Roose@ird.fr,
Résumé
$X 0DOL O¶LQWHQVLILFDWLRQ GH OD URWDWLRQ FRWRQ-maïs a favorisé une baisse de fertilité et
O¶érosion des sols. Dans ce contexte, O¶pWXGHGHO¶LPSDFWGHVQRXYHOOHVWHFKQLTXHVVXU
les sols et les rendements des cultures a été conduite en 1998 et 1999 sur 17
SDUFHOOHV G¶pURVLRQ  j  m²) en zone soudanienne. Les coefficients de
ruissellement, faibles sous jachère (22%) atteignent 25 à 45% sous culture (ils sont
SOXVpOHYpVVRXVODERXU /¶pURVLRQGpFURvW de 25 t.ha-1.an-1 sur sol nu, à 18 sur labour,
6,6 sur semis direct sous litière (SDL) et 3,3 t.ha-1.an-1 sur jachère. Les pertes en
carbone sur sol ferrugineux rouge varient de plus de 400 kg.ha-1.an-1(labour) à moins
de 150 kg.ha-1.an-1 (SDL et jachère). Elles sont respectivement 250 kg.ha -1.an-1 et
moins de150 kg.ha-1.an-1 sur sol brun vertique. Les flux de carbone particulaire à la
sortie des parcelles cultivées sont 30 à 80 fois plus forts que dans le fleuve Niger,
VXLWH DX SLpJHDJH GDQV OH SD\VDJH /¶HIIHW GHV WHFKQLTXHV VXU OHV UHQGHPHQWV GHV
cultures semble dépendre du type de sol et de la quantité de pluie. Les tendances sur
le court terme ne sont pas nettes. A long terme, le semis direct sous litière devrait
améliorer le sol et sa productivité en Afrique occidentale.

Mots clés : Mali Sud ; Ruissellement, Erosion, Labour, Semi direct sous litière, Pertes
de Carbone

Abstract: The impact of tillage, direct sowing and soil type on the carbon stock
and soil erosion among an intensive rotation (cotton/corn) in Southern Mali
In Mali the intensification of rotation including cotton and corn induced soil and
environmental degradation. In this context, the impact of the new techniques on soil
and crops yield was measured in 1998 and 1999. Experimentation on 17 plots (100 to
1000 m ²) on red ferruginous soil and brown vertic soil of Djitiko watershed (12° 03' N,
8° 22' W) made it possible to compare fallow, conventional tillage and direct sowing
under litter (SDL). The runoff, 22% under fallow, is about 25 to 45% on cultivated plots
(values are higher under tillage). Soil erosion decrease from 25 t.ha-1.yr-1 on bare soil,
to 18 on tillage, 6,6 on SDL and 3,3 t.ha-1.yr-1 on fallow. Carbon losses vary according
soils, land use and techniques: more than 400 kg.ha-1.yr-1 (tillage) to less than
150kg.ha-1.yr-1 (SDL and fallow) on red soil and respectively 250 kg.ha-1.yr-1 and less
than 150 kg.ha-1.yr-1 on brown vertic soil. Particulate carbon flows at the exit of the
cultivated plots are 30 to 80 times stronger than in the Niger river, according trapping
into the landscape. Techniques impact on crops yield seems to depend on soil type
and rainfall. The tendencies on the short term are not clear. In the long run, the direct
sowing under litter should improve soils and their productivity in Western Africa.

Key words: Southern Mali; Runoff, Erosion, Tillage, drilling under litter, Carbon
losses by erosion
1. Problématique
Le programme cotonnier au Mali, à partir des années 1970, a concerné plus de 135
000 km2 et pluV GH   PLOOLRQV G¶KDELWDQWV ,O D SHUPLV O¶LQWHQVLILFDWLRQ GHV FXOWXUHV
(coton et maïs en particulier). La mécanisation (avec traction animale), proposée aux
DJULFXOWHXUV D IDYRULVp O¶H[WHQVLRQ GHV VXSHUILFLHV FXOWLYpHV OD UpGXFWLRQ GH OD GXUpH
GHV MDFKqUHV HW OH VXUSkWXUDJH (Q FRQVpTXHQFH GHSXLV  G¶LPSRUWDQWV
bouleversements environnementaux sont observés et les agriculteurs se plaignent de
O¶DPSOHXU GX UXLVVHOOHPHQW GH  O¶pURVLRQ HW GH OD EDLVVH GH IHUWLOLWp GHV VROV &HV
constats ont justifié, au cours des campagnes agricoles 1998 et 1999, des études
H[SpULPHQWDOHV GX UXLVVHOOHPHQW HW GH O¶pURVLRQ GHV  VROV 'LDOOR  ; Diallo et al,
2004  (OOHV RQW SULQFLSDOHPHQW YLVp OD  FRPSDUDLVRQ GH O¶LPSDFW GHV WHFKQLTXHV
culturales (labour conventionnel, travail minimum du sol ou semis direct sur litière) sur
O¶pURVLRQOHVWRFNGHFDUERQHGXVROHWOHVUHQGHPHQWVGHVFXOWXUHV

2. Milieu G¶pWXGHet méthodes


/¶pWXGHD pWp FRQGXLWH GDQV OHEDVVLQ YHUVDQW GH 'MLWLNR ƒ¶1 ƒ¶:  FRXYUDQW
103 km2 dans le haut bassin du Niger (figure1). La pluviosité moyenne annuelle à
Kangaba (station de référence) est 1076mm pour la période 1935- 1995. Le petit
bassin versant se reparti entre quatre principales couvertures pédologiques (figure2).
3RXU FRPSDUHU O¶LPSDFW GH O¶RFFXSDWLRQ GX VRO HW des pratiques culturales, les
expérimentations sont conduites sur des parcelles de 100 à 1000 m 2, de pentes
modérées (1à 3%) :
- parcelle nue (risque potentiel maximum.) ;
- rotation coton-maïs sur parcelle labourée ;
- coton-maïs sur parcelle de travail minimum du solo ou semis direct sur litière
G¶DGYHQWLFHVKHUELFLGpV
- jachère de plus de 20 ans (risque minimum).
Ces parcelles sont principalement localisées sur un sol ferrugineux tropical rouge
argilo-sableux acide (Kaolinite), désigné ici par S1 et sur un sol brun vertique
(Beidellite) beaucoup plus riche, désigné par S2.
La caractérisation des états de surface, jO¶LQWpULHXUGHVSDUFHOOHVH[SpULPHQWDOHVHVW
faite selon les techniques définies par Roose (1996) et en insistant en particulier sur
OD FRXYHUWXUH HW O¶RXYHUWXUH GX VRO /H VWRFN GH FDUERQH HVW pYDOXp SRXU O¶KRUL]RQ
superficiel (0-10 cm) à partir de sa concentration en carbone et sa densité apparente.
/HVPHVXUHVGHUXLVVHOOHPHQWHWG¶pURVLRQVRQWIDLWHVGHIDoRQFODVVLTXHVXUSDUFHOOHV
isolées. Les pertes en carbone sont évaluées à partir des sédiments et eaux de
ruissellement.
N
40
0
W E
37 0
S
MALI

370
S
400 pn
pg
al er
N ig

ni
BAM AKO B a
#
#$
BV Djitiko
0

KAN GABA
45

$
Tiko
450

Parcelle sol brun % a


% Parcelle sol caillouteux
a

a
% Parcelle sol gravillonnaire
LE GE NDE
0
0

40

37 Parcelles
45

a
%
0 Ouronina
$ Courbes de niveau
Bassin versant
370

$ Villages

400
35
0
a
%
Parcelle sol rouge
$
Madina
1 0 1 2 Kilometers

Figure 1: Situation géographique du bassin versant de Djitiko


-8.25

1 km

12.10

12.05

Relief résiduel à sol caillouteux

Dépression à sol brun vertique

Glacis cuirassé à sol gravillonnaire

Bas glacis à sol ferrugineux

Dépression à sol hydromorphe

Figure 2 : Carte morphopédologique du bassin versant de Djitiko

3. Résultats

 ,PSDFW GH O¶RFFXSDWLRQ GX VRO HW GHV pratiques agricoles sur les états de
surface
/HVLQGLFDWHXUVG¶pWDWGHVXUIDFHXWLOLVpVLFL ODFRXYHUWXUHGXVROSDUODYpJpWDWLRQHWOD
OLWLqUH O¶RXYHUWXUH GX VRO  VRQW YDULDEOHV DX FRXUV GH O¶DQQpH en fonction du type de
sol, de son occupation et des techniques culturales (tableau1et figure 3).
La couverture du sol dans la jachère, est légèrement plus élevé sur sol brun vertique
que sur sol rouge, respectivement 41% et 34 % en début de saison pluvieuse, au mois
de mai. Ces taux de recouvrement sont au moins multipliés par deux à partir de juillet.
Les parcelles cultivées sont presque nues en début de saison des pluies, mais elles
SUpVHQWHQWGqVODPRLWLpGHODVDLVRQGHVWDX[GHUHFRXYUHPHQWGHO¶RUGUHGHjSOXV
de 90 % sur sol brun et de 60 à 90 % sur sol ferrugineux rouge. Le taux de couverture
est toujours meilleur sous semis direct que sous labour. Les différences sont 8% sur
sol brun et 3 % sur sol rouge en début de saison, et respectivement 16% et 27%
pendant le reste de la saison.

Tableau 1: Dynamique de recouvrement du sol sur parcelles expérimentales


(bassin versant de Djitiko)
Occupation du
sol et Début de saison Milieu- fin de saison
pratique
culturale
Nu Litière végétation Recouvrement Nu Litière végétation Recouvrement

JS1 65 31 3 34 26 16 58 74

JS2 59 31 10 41 18 13 69 82

LS1 92 8 0 8 36 26 38 64

LS2 87 11 2 13 18 21 61 82

SDLS1 89 7 4 11 9 39 52 91

SDLS2 79 16 5 21 2 29 69 98

S1 : Sol 1 (Sol ferrugineux tropical rouge) ; S2 : Sol 2 (Sol brun vertique)


J : jachère ; L : labour ; SDL : semis direct sous litière (travail minimum du sol)
/HV WDX[ G¶RXYHUWXUH GX VRO IRQFWLRQ GX W\SH GH VRO GH VRQ RFFXSDWLRQ HW GHV
pratiques culturales, sont faibles en début de saison pluvieuse et deviennent
nettement plus importants par la suite (figure 3).
100
90
80
70
60
% SO

50
40
30
20
10
0
JS1 JS2 LS1 LS2 SDLS1 SDLS2

Occupation du sol et pratique culturale SO i SO f

Figure 3 : Dynamique des surfaces ouvertes sur parcelles expérimentales


(bassin versant de Djitiko)
S1 : Sol 1 (Sol ferrugineux tropical rouge) ; S2 : Sol 2 (Sol brun vertique) ;
J : jachère ; L : labour ; SDL : semis direct sous litière (travail minimum du sol) ; SO :
surface ouverte ; Soi WDX[LQLWLDOG¶RXYHUWXUH GpEXWGHVDLVRQSOXYLHXVH ; SOf : taux
ILQDOG¶RXYHUWXUH ILQGHVDLVRQSOXYLHXVH 
3.2. Impact des pratiques agricoles sur le stock de carbone du sol
Dans toutes les situations étudiées, le sol brun vertique montre des stocks de carbone
plus importants que le sol ferrugineux tropical. Les valeurs moyennes mesurées sous
jachère sont respectivement 42,7 t ha-1 et 14,3 t ha-1. En milieu cultivé le travail
minimum du sol ou SDL montre toujours un stock de carbone supérieur à celui
mesuré sous labour (tableau 2).
Tableau 2 : Usage des sols et stock de carbone dans couche (0-10 cm) du sol
(t.ha-1) dans le bassin versant de Djitiko

Occupation du sol JS1 JS2 LS1 LS2 SDLS1 SDLS2


et pratique culturale

Stock de carbone
14,3 42,3 9,2 41, 9 11,3 59,2

S1 : Sol 1 (Sol ferrugineux tropical rouge) ; S2 : Sol 2 (Sol brun vertique)


J : jachère ; L : labour ; SDL : semis direct sous litière (travail minimum du sol)

3.3. Ruissellement mesuré


,OIDXWSUpFLVHUTX¶DXFRXUVGHODSpULRGHGHPHVXUHles pluies ont été déficitaires (995
mm) en 1998 et excédentaires (1355 mm) en 1999. Les coefficients de ruissellement
annuels moyens mesurés sur parcelles sont montrés à la figure 4. Ils sont variables en
fonction du type de sol et surtout de son occupation et de la pratique agricole. Dans
tous les cas, les coefficients de ruissellement sous jachère (22%) sont inférieurs à
ceux mesurés sur parcelles cultivées (25 à 45%). La différence entre le labour (qui
ruisselle plus) et le semis direct est de 20% sur sol ferrugineux tropical et de 3% sur
sol brun vertique.

50
45
40
35
KRAM (%)

30
25
20
15
10
5
0
JS1 JS2 LS1 LS2 SDLS1 SDLS2
Occupation du sol et pratique culturale

Figure 4 : Usage des sols et ruissellement dans le bassin versant de Djitiko (mesure
sur parcelles expérimentales en 1998 et 1999)
S1 : Sol 1 (Sol ferrugineux tropical rouge) ; S2 : Sol 2 (Sol brun vertique) ; J : jachère ;
L : labour ; SDL : semis direct sous litière (travail minimum du sol) ; KRAM : coefficient
de ruissellement annuel moyen
3.4. Pertes en terre
Les pertes en terre mesurées, montrées à la figure 5, VRQWGHO¶RUGUHGHjWKD-
1
.an-1 sur parcelles nues (NS1 et NS2). Elles sont faibles sous jachère et assez
importantes sur parcelle labourée. On note bien que le travail minimum du sol ou
VHPLVGLUHFWVRXVOLWLqUHSHUPHWGHPDLQWHQLUO¶pURVLRQDQQXHOOHjXQQLYHDXIDLEOH

35

30
an )
-1

25
-1.
Eriosion (t.ha

20

15

10

0
NS1 NS2 JS1 JS2 LS1 LS2 SDLS1 SDLS2
Occupation du sol et pratique culturale

Figure 5: Usage des sols et perte en terre dans le bassin versant de Djitiko (mesure
sur parcelles expérimentales en 1998 et 1999)
S1 : Sol 1 (Sol ferrugineux tropical rouge) ; S2 : Sol 2 (Sol brun vertique) ; N : parcelle
nue ; J : jachère ; L : labour ; SDL : semis direct sous litière (travail minimum du sol)

3.5 Pertes en carbone


Les pertes totales en carbone varient de plus de 400 kg.ha -1.an-1 sur sol ferrugineux
tropical labouré à moins de 150 kg sous SDL et vieille jachère, et de 250 kg. ha -1.an-1
sur sol brun labouré à moins de 150 kg sous jachère et SDL. Les teneurs en carbone
soluble dans les eaux du fleuve Niger sont du même ordre que celle des parcelles
mais par contre les teneurs en carbone solide sont 20 à 40 fois plus faibles dans les
eaux du fleuve que dans le ruissellement au bas des parcelles.

3.6. Rendements des cultures


Les rendements du maïs et du coton graine sont respectivement montrés aux figures
6.1 et 6.2. Sur sol ferrugineux tropical, le rendement du maïs est nettement meilleur
sur parcelle labourée que sur parcelle de semis sur litière. Par contre sur sol brun
vertique, les deux pratiques culturales donnent des rendements très peu différents.
Les rendements de coton graine sur sol brun vertique sont meilleurs avec le semis
direct sous litière.

5 6

5
4
Rendement (t.ha-1)

Rendement (t.ha-1)

4
3
3
2
2
1
1
0
LS1 LS2 SDLS1 SDLS2 0
LS1 LS2 SDLS2
Sol et pratique culturale Sol et pratique culturale

Figure 6.1 : Rendements du maïs Figure 6.2 : Rendements du coton graine


sur parcelles expérimentales sur parcelles expérimentales
S1 : Sol 1 (Sol ferrugineux tropical rouge) ; S2 : Sol 2 (Sol brun vertique) ; N :
parcelle nue ; J : jachère ; L : labour ; SDL : semis direct sous litière (travail
minimum du sol)

4. Discussion
4.1. Les états de surface et leur évolution
La faible couverture des sols en début de saison pluvieuse V¶H[SOLTXHHQJUDQGHSDUWLH
par les modes actuels de gestion du milieu, en particulier la pratique annuelle des feux
de brousse qui brûlent la presque totalité des biomasses herbacée et
détritique, O¶H[SRUWDWLRQ GHV UpVLGXV GH UpFROWH SUpOqYHPHQW SRXU GLYHUV EHVRLQV
domestiques, pâture par les bovins). Ces pratiques ont deux conséquences graves sur
les sols :
- GLIILFXOWp GH PDLQWLHQ HW HQFRUH PRLQV G¶DPpOLRUDWLRQ GHV WDX[ GH FDUERQH HW GH
matière organique dans le sol ;
- DXJPHQWDWLRQ GX ULVTXH G¶pURVLRQ OHV VROV pWDQW H[SRVpV j O¶DFWLRQ YLROHQWH GH
O¶KDUPDWWDQSHQGDQWODVDLVRQVqFKHHWDX[YLROHQWHVpluies de début saison.
La nette augmentation des taux de couverture en pleine saison, quelque soit le sol et
VRQRFFXSDWLRQV¶H[SOLTXHSDUOHVERQQHVFRQGLWLRQVK\GULTXHV6XUSDUFHOOHFXOWLYpH
le taux de couverture est légèrement supérieur avec le semis GLUHFWTX¶DYHFOHODERXU
du fait de la gestion améliorée des adventices avec la première technique. En
FRPSDUDLVRQ DYHF OD MDFKqUH O¶DSSRUW G¶HQJUDLV PLQpUDX[ DX[ FXOWXUHV accroît la
SURGXFWLRQGHELRPDVVHHWDWWpQXHO¶HIIHWGHODGpJUDGDWLRQUHODWLYHGHV propriétés des
sols en milieu cultivé.
Les différences de caractéristiques morphologiques, physiques et chimiques entre les
deux types de sol et leur comportement spécifique sous culture semblent expliquer
les différences de recouvrement observées quelque soit la période de mesure. La
bonne structure, les meilleurs teneurs en matière organique et en bases favorisent le
sol brun.
En ce qui concerne le taux de surfaces ouvertes, la situation sous jachère en début de
saison pluvieuse, semble dépendre de deux facteurs : la fissuration par dessiccation
des argiles et surtout l'activité faunique. Une forte activité faunique (actions des
termites et autres insectes, des vers et des rats), nettement visible sur le sol
ferrugineux rouge expliquerait la meilleure ouverture de ce sol en cette période. Au
cours de la saison pluvieuse, l'ouverture du sol sous jachère semble être d'autant plus
importante que le couvert herbacé est développé, d'où un meilleur comportement du
sol brun vertique. Pendant cette période, les parcelles de semis direct montrent plus
G¶RXYHUWXUHFHTXLHVWOLpjune meilleure accumulation de biomasse détritique.

4.2. Stockage du carbone


Les meilleurs stocks de carbone enregistrés sous jachère et sur parcelle de semis
direct (SDL) peuvenW V¶H[SOLTXHU SDU GHV UDLVRQV GLIIpUHQWHV (Diallo et al, 2007). La
MDFKqUH FRUUHVSRQG j XQH SOXV ORQJXH SpULRGH G¶DFFXPXODWLRQ HW GH GpFRPSRVLWLRQ
des débris végétaux. Concernant la parcelle de semis direct, HOOH HVW OH VLqJH G¶XQH
très forte activité faunLTXH OLpH j O¶DFFXPXODWLRQ GH PXOFK VXLWH j O¶KHUELFLGDJH GH
début de saison. Par ailleurs, sur cette parcelle les cultures bénéficient de fertilisation
minérale favorisant une forte production de biomasse végétale. Concernant influence
du type de sol, les faibles stocks du sol IHUUXJLQHX[URXJHSRXUUDLHQWV¶H[SOLTXHUSDUVD
fraction argileuse qui HVWGHODNDROLQLWHjIDLEOHFDSDFLWpG¶pFKDQJHLRQLTXH

4.3. Ruissellement et érosion des sols


La différence de sensibilité des deux types de sol au ruissellement est clairement mise
en évidence par les coefficients mesurés. Le sol ferrugineux tropical qui montre les
plus forts coefficients de ruissellement semble être le plus sensible à la réorganisation
superficielle (matériau riche en limon, plus de 50 % du matériau superficiel)
GpIDYRUDEOH j O¶LQILOWUDWLRQ /HV IDLEOHV YDOHXUV GH OD SOXLH G¶LPELELWLRQ  PP j O¶pWDW
VHF HW  PP j O¶pWDW KXmide) notées sur ce sol (Diallo et al, 2005) sont indicatives
dans ce sens. La forte perméabilité du sol brun en début de saison, probablement en
UDSSRUW DYHF VD IRUWH ILVVXUDWLRQ SHUPHW G¶H[SOLTXHU HQ SDUWLH OHV UHODWLIV IDLEOHV
coefficients de ruissellement. Pour ce qui est de l'augmentation du ruissellement avec
le labour, elle peut s'expliquer par la forte réorganisation superficielle (développement
rapide de croûtes et pellicules). Quant à la diminution du ruissellement avec le travail
minimum du sol, elle est favorisée aussi par un effet "état de surface" : présence du
mulch , stimulateur de l'activité biologique et dHO¶ouverture du sol.
La faible perte de terre qui est enregistrée sous jachère est tout à fait normale,
FRQIRUPH DX[ FRQQDLVVDQFHV DFTXLVHV VXU O¶pURVLRQ GHV VROV &HSHQGDQW O¶pURVLRQ
mesurée ici (plus de 3 t ha-1an-1) sous jachère, sur sol ferrugineux est supérieure aux
valeurs données dans la littérature relative à la zone soudanienne : par exemple les
mesures faites par Roose au cours des années 1970 (Roose, 1977). A ce sujet, on
SHXW UDSSHOHU TX¶HQ $IULTXH WURSLFDOH OHV SUDWLTXHV GH MDFKqUH VRQW WUqs variées
(Nkamleu et al, 2000) et cela peut favoriser une diversité de caractéristiques
biologiques et de fonctionnements géodynamiques. Sur un autre plan, les érosions
mesurées sous jachère semblent surprendre vu les modes de gestion de la biomasse,
discutés plus haut. Les fortes pertes en terre, enregistrées sur parcelles labourées
montrent bien que cette pratique expose le sol à l'érosion, un constat déjà noté par de
nombreux chercheurs (Boli et Roose, 2004). Il faut noter que le labour ne permet pas
lH PDLQWLHQ G
XQ ERQ pWDW GH VXUIDFH HW IDYRULVH O¶pURVLRQ $ O¶RSSRVp OH WUDYDLO
minimum du sol (SDL) favorise l'accumulation de mulch à la surface du sol d'où une
meilleure protection contre l'énergie cinétique des pluies et de ruissellement et enfin
une SURWHFWLRQGXVROFRQWUHO¶pURVLRQ

4.4. Flux de carbone


/DQHWWHSUpSRQGpUDQFHGXFDUERQHSDUWLFXODLUHGDQVOHVSHUWHVPHVXUpHVjO¶pFKHOOH
parcellaire montre bien que le carbone est principalement entraîné avec les fractions
granulométriques du sol. CHV IOX[ GH FDUERQH SDUWLFXODLUH j O¶pFKHOOH GHV SDUFHOOHV
cultivées étant 30 à 80 fois plus forts que ceux mesurés dans le fleuve, on admet
TX¶LO \ D SLpJHDJH GH WHUUH RUJDQLTXH GDQV OHV GpSUHVVLRQV HW  YDOOpHV /HV VROVGHV
SHQWHV V¶DSSDXYULVVHQW SDU pURVLRQ WDQGLV TXH OHV VROV GHV SODLQHV V¶HQULFKLVVHQW HQ
terre fine et en matière organique.

4.5. Rendements des cultures


La comparaison des effets du labour et du semis direct sur les rendements des
cultures reste une question complexe. Sur ce point, les influences probables de la
quantité annuelle de pluie et du type de culture ont été signalées à propos du nord
Cameroun (Diallo et al, 2005). Les résultats sur sol brun vertique de Djitiko montrent
que les effets de ces techniques semblent dépendre aussi du type de sol.

5. Conclusion
La pratique du semis GLUHFW VRXV OLWLqUH V¶HVW PRQWUpH HIILFDFH SRXU UpGXLUH OH
UXLVVHOOHPHQW O¶pURVLRQ \ FRPSULV OHV SHUWHV HQ FDUERQH  F¶HVW PRLQV QHW SRXU OD
SURGXFWLRQGHVFXOWXUHVPDLVFHODSRXUUDLWV¶DPpOLRUHUavec le temps. En effet le semis
direct qui FRQGXLW j XQH DXJPHQWDWLRQ GX VWRFN GH FDUERQH GDQV O¶KRUL]RQ KXPLIqUH
des sols argilo-limoneux testés est presque aussi efficace que la jachère pâturée. La
richesse chimique des sols testés et leur résistance à O¶pURVLRQGpSHQGent à la fois de
ODWH[WXUHHWGXW\SHG¶DUJLOHGXVWRFNGHPDWLqUHRUJDQLTXHHWGHODOLWLqUe couvrant le
sol en permanence. &HVGHX[DQQpHVG¶H[SpULPHQWDWLRQRQWPRQWUpTXHOHODERXUHVW
UHVSRQVDEOH G¶XQH JUDQGH SHUWH GH FDUERQH par érosion et surtout par minéralisation
GHO¶KXPXV: cependant la poursuite des expérimentations est souhaitable en fonction
GH O¶LPSRUWDnce des variations climatiques. Les pertes de carbone soluble sont
FRPSDUDEOHV GH OD SDUFHOOH G¶pURVLRQ DX IOHXYH 1LJHU : toute la matière organique
VROXEOH HVW GRQF H[SRUWpH 3DU FRQWUH OHV ULYLqUHV Q¶H[SRUWHQW TXH  j  GHV
PDWLqUHV pURGpHV SDUWLFXODLUHV O¶HVVHQWLHO GH FHWWH IUDFWLRQ UHVWDQW SLpJp GDQV OH
SD\VDJH PLFURGpSUHVVLRQVHW]RQHVG¶pSDQGDJHGHVFROOXYLRQVHWGHV alluvions). A
long terme, le semis direct sous litière devrait améliorer le sol et sa productivité en
Afrique occidentale si on arrive à supprimer les feux de brousse et la pratique de la
vaine pâture (deux pratiques qui dégradent actuellement la couverture.

6. Références bibliographiques

Boli Z. , Roose E.(2004). Effets comparés du labour classique et du non labour sou
litière sur le fonctionnement de deux sols ferrugineux tropicaux sableux à Mbissiri,
Nord Cameroun, Bull. Réseau érosion 23 : 431-437

Diallo D. (2000). Erosion des sols en zone soudanienne du Mali. Transfert des
matériaux érodés dans le bassin versant de Djitiko (Haut Niger). Thèse de
GRFWRUDWGHO¶8QLYHUVLWp-RVHSK)RXULHUGH*UHQREOH : 202 p

Diallo D., Boli.,Z., Roose E. (2007). Influence of No-Tillage on soil conservation,


carbon sequestration and yield of Intensive rotation Maize-cotton: Research on Sandy
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special publication NO.3, 383-392

Diallo D. , Boli Z. , Roose E (2005). Labour ou semis direct dans les écosystèmes
soudano sahéliens (cas du Cameroun et du Mali). Actes des Journées scientifiques
GX5pVHDX(URVLRQHW*&(6GHO¶$8)pp 181-188

Diallo D., Barthès B., Orange D., Roose E. (2004). Comparaison entre stabilité des
DJUpJDWVRXGHVPRWWHVHWULVTXHVGHUXLVVHOOHPHQWHWGµpURVLRQHQQDSSHPHVXUpVVXU
parcelles en zone soudanienne du Mali. Sécheresse, 15, 1, 57-64.

Nkamleu G.B., Kamajou F., Gockowski J.(2000) La pratique de la jachère en Afrique


tropicale. Caractérisation comparée au Nigeria et au Cameroun In La jachère en
Afrique Tropicale- Ch. Floret, R. Pontanier John Libbey Eurotext. Paris 2000. pp 1-5

Roose E. (1996). Méthode de mesure des états de surface du sol, de la rugosité et


des autres caractéristiques qui peuvent aider au diagnostic de terrain des risques de
UXLVVHOOHPHQWHWG¶pURVLRQHQSDUWLFXOLHUVXUOHVYHUVDQWVFXOWLYpVGHVPRQWDJQHVBull.
Réseau érosion 16 : 87-97

Roose E. (1977). Erosion et ruissellement en Afrique de l'Ouest. Vingt ans de mesure


en petites parcelles expérimentales. Editions ORSTOM, Paris : 107p.
Evaluation des effets de systèmes de semis direct à couverture végétale
pérenne (SCV) sur l'érosion hydrique et la production agricole sur les
Hautes-Terres de Antsirabe (Madagascar)

Razafindramanana Norosoa Christine(1), Douzet Jean-Marie(2), Barthès Bernard(3),


Rabeharisoa Lilia(1), Albrecht Alain(1)

(1) LRI/SRA (Laboratoire des Radio Isotopes - Service Radio Agronomie), Université
d’Antananarivo et Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Route
d’Andraisoro, BP 3383, 101 Antananarivo - Madagascar.
(2) CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le
Développement)- PERSYST (Performances des systèmes de production et de
transformation tropicaux), URP-SCRiD (Unité de Recherche en Partenariat sur les
Systèmes de Culture et de Riziculture Durable), BP 230 Antsirabe 110 - Madagascar.
(3) IRD, UMR 210 Eco&Sols (Unité mixte de Recherche Ecologie Fonctionnelle &
Biogéochimie des Sols)-INRA-IRD-Montpellier SupAgro -2 Place Pierre Viala
(Bât.12), F-34060 Montpellier Cedex 1 - France.

Résumé
Cette étude vise à tester l’effet de systèmes de culture en semis direct sous couverture
végétale permanente (SCV) pour contrôler l’érosion hydrique et améliorer le rendement de
cultures pluviales sur versant des Hautes-Terres de Madagascar. L’essai a été entrepris sur un
dispositif expérimental d’érosion à Andranomanelatra, sous pluies naturelles. Le dispositif
comporte plusieurs traitements en SCV et en labour conventionnel (bêchage à l’angady) ainsi
qu’un témoin avec sol nu et un autre en jachère herbacée spontanée. Pendant quatre
campagnes, des mesures du ruissellement, des pertes en terre, de la hauteur de la pluie et de
son intensité maximale ont été effectuées à chaque événement pluvial érosif. Des mesures de
rendements ont également été réalisées à la fin de chaque campagne culturale.
Dans le contexte étudié, les résultats obtenus ont confirmé l’effet positif du système SCV sur
la réduction du ruissellement et de l’érosion. Les ruissellements sur les parcelles labourées et
sur la parcelle nue sont respectivement huit et quatorze fois plus élevés que sur les parcelles
SCV. Les pertes en terre sur les parcelles labourées et la parcelle nue sont respectivement de
7,6 et 22,1 t/ha/an alors que sur les parcelles SCV, elles sont d’environ 0,13 t/ha/ an.
En général, les rendements en maïs et en riz pluvial obtenus sur les parcelles labourées et en
SCV sous couverture morte ne diffèrent pas significativement. Mais les rendements en maïs et
riz pluvial sont significativement plus faibles en SCV avec couverture vivante de Brachiaria
ruziziensis que pour les parcelles labourées. En revanche, le rendement moyen en haricot est
nettement et significativement plus élevé sur les parcelles SCV que sur les parcelles
labourées.

Mots clés : semis direct, couverture du sol, labour, ruissellement, érosion, Madagascar
Introduction
Les Hautes-Terres malgaches sont connues pour les risques d’érosion hydrique (PCS,
1997). Les versants des collines à vocation agricole, appelés localement tanety, sont les plus
touchés. Ils portent généralement des ferralsols désaturés avec une teneur en matières
organiques peu élevée (Rabeharisoa, 2004). La pluviosité importante durant plus de six mois,
la pratique du labour traditionnel répétée, sur une pente plus ou moins forte, et la faible
utilisation des intrants agricoles contribuent à favoriser le phénomène d’érosion. Pour
protéger les sols de versants, des techniques mécaniques antiérosives et des dispositifs
biologiques de conservation des sols ont été proposés : bandes enherbées, terrasses en gradins,
fossés d'infiltration et/ou de diversion, jachères améliorées, paillages, murettes, haies. Or, la
dégradation de la production et l’érosion se poursuivent.
La question générale qui se pose est de gérer autrement les sols de tanety. Les
pratiques d’intensification écologique peuvent apporter une réponse à ce questionnement, en
particulier les systèmes de culture en semis direct sous couverture végétale permanente ou
SCV. Ces systèmes ont été introduits à Madagascar par le CIRAD au début des années 1990
(AFD, 2006 ; Husson & Rakotondramanana, 2006). Ils suivent trois principes fondamentaux :
l’absence de travail du sol, la présence en permanence de couverture végétale, et une rotation
culturale judicieuse (AFD, 2006). Le SCV contrôlerait fortement l’érosion hydrique (Séguy et
al., 1996), du fait notamment de la présence de couverture morte ou vivante, qui diminue le
ruissellement et l’érosion. La forte production de biomasse, issue de la restitution des résidus
de cultures laissés en surface, permet un enrichissement en matière organique de l’horizon
superficiel du sol (Six et al., 2002). Cette matière organique participe au maintien de la
structure du sol et améliore la pénétration de l’eau en profondeur (Jiao et al., 2006).
Le SCV permettrait donc de contrôler l’érosion hydrique et de restaurer la fertilité des sols, et
par voie de conséquence, améliorerait la production agricole. La présente étude est bâtie sur
cette hypothèse. Elle a pour objectif principal de tester l’effet du SCV sur l’érosion hydrique
et la production agricole dans la région du Vakinankaratra, sur les Hautes-Terres de
Madagascar.
Matériel et Méthodes
Site d’étude
L'expérimentation a été conduite à Andranomanelatra, près d’Antsirabe, Région du
Vakinankaratra, Hautes-Terres de Madagascar, à une altitude de 1640m, sous pluies
naturelles. Le climat est de type tropical d’altitude à deux saisons : (1) un été chaud et
humide, d’octobre à avril, durant lequel les précipitations sont abondantes, avec parfois des
passages de cyclones qui peuvent être exceptionnellement agressifs ; et (2) un hiver austral,
sec et frais, de mai à septembre, avec des précipitations occultes sous forme de rosées, de
brouillards, avec parfois des risques de gel. La température et la pluviosité moyennes
annuelles sont respectivement de l’ordre de 17°C et 1400 mm.
Le sol est de type ferrallitique argileux, variante andique, avec un taux d'argile souvent
supérieur à 60%, des pH inférieurs à 5, une teneur moyenne en matière organique de
35 mgC.g-1 de sol (à 0-20 cm), un rapport C/N de 12 à 14, une capacité d’échange cationique
de 7 à 14 cmol.kg-1 de sol, une teneur en macro-agrégats (> 0,2 mm) stables à l'éclatement
dans l'eau (0-5 cm) élevée, de l’ordre de 670g.kg-1 de sol (Rabeharisoa, 2004 ; Razafimbelo et
al., 2006).
Dispositif expérimental
Le dispositif a été installé en 2004 par le CIRAD et le Centre National de la Recherche
Appliquée au développement Rural (FOFIFA), regroupés dans l’URP-SCRiD. Le terrain du
dispositif est une ancienne jachère de six ans, il a été occupé par des végétations
graminéennes, dont Aristida sp (Kifafa en malgache) et Cynodon dactylon (Fandrotrarana en
malgache). Il est situé sur un versant exposé au nord, sur une pente variant de 10 à 13%.
Le dispositif comprend 20 parcelles élémentaires de 48 m² placées les unes à côtés des autres,
groupées en quatre blocs de cinq traitements ; deux parcelles d’érosion, considérées comme
témoins, l’une maintenue nue et l’autre en jachère herbacée naturelle.
Pour mesurer le ruissellement et l’érosion, quinze parcelles d’érosion (21 m²) ont été intégrées
sur les parcelles élémentaires. Chaque parcelle d’érosion (Figure 1) est ceinturée par des tôles
légèrement enfoncées dans le sol pour éviter les entrées d’eau de l’extérieur et les sorties des
eaux de ruissellement de l’intérieur. Par le biais d’un exutoire-tuyau, les eaux ruisselées dans
les parcelles d’érosion sont déversées directement dans des fûts collecteurs équipés de
partiteurs 1/5 (Hudson, 1993 ; Roose, 1994). Une partie de chaque parcelle élémentaire n’est
pas ceinturée de tôles, afin de réaliser des prélèvements et mesures sans perturber l’autre
partie de la parcelle, où est caractérisée la dynamique de l’eau et des sédiments.

Traitements
Le dispositif expérimental comporte plusieurs systèmes en SCV ou en labour traditionnel
(LAB) réalisé à l’aide de l’angady (sorte de bêche) jusqu’à 30 cm de profondeur. Pour évaluer
l'effet du mode de gestion, dans l’ensemble des parcelles cultivées, les doses des intrants
apportés sont les mêmes : fumier (5 Mg.ha-1.an-1) ; dolomie (0,5 Mg.ha-1.an-1) ; engrais
minéral N11P22K16 (0,3 Mg.ha-1.an-1) ; urée (0,1 Mg.ha-1.an-1).
Les cinq systèmes testés sont inspirés de ceux des paysans de la région du Vakinankaratra, et
sont basés sur une rotation biennale comportant en première année le maïs (Zea mays) associé
au haricot (Phaseolus vulgaris), et en deuxième année le riz pluvial (Oriza sp) en culture pure.
Les caractéristiques des systèmes testés sont les suivantes :
- LABexp : parcelles labourées à l’angady tous les ans, à partir de l’année 2006 les
résidus de récoltes sont exportés des parcelles ;
- LABenf : parcelles labourées à l’angady tous les ans, mais les résidus des récoltes sont
enfouis sur les parcelles;
- SCVlab : parcelles labourées à l’angady en 2004, puis dès la campagne 2005-2006, le
SCV à couverture morte est appliqué sur ces parcelles ;
- SCVm : parcelles SCV avec couverture végétale permanente morte, issue des résidus
de récolte de l’année précédente ;
- SCVv : parcelles SCV avec couverture végétale permanente vivante de Brachiaria
ruziziensis (graminée);
- NUE : parcelle témoin maintenue nue par un labour annuel et des sarclages réguliers ;
- JC : parcelle témoin entièrement couverte de végétation herbacée spontanée.
A

Figure 1. Une parcelle d’érosion (A et B) et station météorologique automatique CIMEL (C)


Prise de vues et croquis de Razafindramanana Norosoa C.
Mesures et prélèvements d’échantillons
Pendant quatre campagnes culturales consécutives, 2005-2006, 2006-2007, 2007-2008 et
2008-2009, des mesures de la hauteur de la pluie, de son intensité maximale (en 6 minutes),
du ruissellement et des pertes en terre ont été réalisées après chaque épisode pluvial érosif.
Hauteur et intensité maximale de la pluie
Sur la station météorologique automatique CIMEL (figure 1), installée à coté du dispositif
expérimental, l’intensité maximale de la pluie en 6 minutes (mm.h-1) et sa hauteur (mm) ont
été enregistrées. L’intensité de la pluie correspond au pic maximal de pluie enregistré sur six
minutes consécutives et ramené en mm.h-1.
Ruissellement
Le ruissellement est calculé en mesurant la hauteur d’eau collectée dans les fûts, qui fournit le
volume ruisselé (L). Le rapport entre le volume ruisselé et la superficie de la parcelle
d’érosion (m²) donne la hauteur ruisselée (mm). L’opération de mesure de ruissellement
s’effectue avant le nettoyage des fûts. La hauteur de ruissellement est ensuite cumulée sur la
campagne et rapportée à la hauteur de pluie pour calculer le taux de ruissellement (mm.mm-1).
Pertes en terre
Les pertes en terre correspondent à la masse de sol exportée par le ruissellement pendant un
épisode pluvial érosif pour une surface donnée (Mg.ha-1). Elles sont déterminées à partir du
rapport entre la quantité des sédiments recueillis dans les fûts et la superficie de la parcelle
d’érosion. Les sédiments grossiers ont été récupérés en nettoyant le réceptacle, le tuyau, et en
grattant le fond des fûts ; ils ont ensuite été pesés, puis une aliquote a été séchée à l’étuve puis
pesée à nouveau pour estimer le poids sec des sédiments grossiers. Les sédiments fins en
suspension ont été estimés en prélevant une aliquote de l’eau contenue dans les fûts, après
homogénéisation (agitation). Sur les fûts pleins, des prélèvements ont été effectués au fond,
au milieu et en haut (0,5 l de chaque), de telle sorte qu’une aliquote de 1,5 litre soit prélevée.
Sur les fûts remplis à moitié, un prélèvement d’aliquote de 1,5 l a été réalisé au milieu du fût.
L’aliquote de 1,5 l, considérée comme représentative des eaux du ruissellement, a été filtrée
sur un papier filtre d'une porosité de 0,45 µm. Le filtre a été séché à l'étuve à 105°C pendant
24 heures. Le rapport entre le poids de sédiments secs (grossiers et fins) et la surface d’une
parcelle d’érosion donne les pertes en terre en Mg.ha-1. Celles-ci sont ensuite cumulées sur la
campagne.
Rendements agricoles
Le rendement agricole (Mg.ha-1) a été déterminé à partir du poids de la matière sèche (MS) de
la biomasse végétale recueillie sur une surface connue. Pour le maïs et le haricot, une récolte
intégrale sur toutes les parcelles (48 m²) a été effectuée, et le poids de la matière fraîche a été
mesuré sur terrain. Les parties récoltables (grains) et non récoltables (pailles, feuilles, tiges,
etc.) ont été pesées séparément. Une aliquote a été recueillie, et mise à l’étuve durant 72
heures à une température de 60°C. Le rapport du poids de la matière sèche et de la surface du
prélèvement donne le rendement agricole. La même méthode a été appliquée pour la
détermination du rendement en riz (grains vannés et paille), mais les deux lignes de bordure
autour de chaque parcelle n’ont pas été prises en compte. Dans ce cas, la surface du
prélèvement s’est trouvée réduite à 36 m².
Traitement des données
Les données ont été traitées à l’aide du logiciel XLSTAT. Elles ont été comparées entre elles
par le test de Tukey (test de comparaisons multiples pour la variable Moyenne). Pour
l’acceptabilité ou le rejet de l’hypothèse nulle (H0), le seuil de probabilité a été fixé à 5 %.
Résultats
Caractéristiques des pluies
Les caractéristiques annuelles des pluies, hauteur et intensité maximale, sont présentées dans
le tableau 1. L’observation mensuelle du cumul de la pluie montre que la période la plus
arrosée se situe généralement entre décembre et janvier, durant laquelle les précipitations sont
abondantes et fréquentes. Pendant ces deux mois, le cumul des pluies peut dépasser 500 mm
(515 mm en 2007-2008) voire 1000 mm (1005 mm en 2006-2007). L’analyse de la pluviosité
annuelle durant quatre ans montre une alternance entre une année humide et une année moins
arrosée : 2006-2007 et 2008-2009 sont considérées comme des années humides, la
précipitation moyenne durant la saison des pluies s’élevant à 1530 mm ; 2005-2006 et 2007-
2008 sont des années moins arrosées, où la précipitation moyenne pendant la saison des pluies
est de 1065 mm.
L’intensité de la pluie varie également en fonction de l’année. La saison des pluies 2008-2009
se distingue des autres. Ainsi, l’intensité de la pluie moyenne (32 mm.h-1) et le nombre des
événements pluviaux érosifs (60 jours) sont plus importants par rapport aux autres années.
Tableau 1. Bilan des caractéristiques des pluies durant les quatre années de mesures.
Nbr Nbr
Hauteur de la pluie Intensité de la pluie 
jours pluies
Année 
-------mm-------  -------mm.h-1-------  de éro-
pluie  sives*
  Oct Nov Déc Jan Fév Mar Avr Mai Juin Total Max Min Moy
2005-06 0 108 462 118 107 209 67 0 0 1070 150 5 25 95 40
2006-07 25 155 306 699 206 83 51 17 0 1540 115 5 21 121 53
2007-08 3 189 278 238 185 111 44 13 0 1059 105 5 19 116 40
2008-09 129 228 248 336 227 224 114 0 15 1520 170 5 32 117 60
Max : maximale ; Min : minimale ; Moy : moyenne.
* L’analyse des données pluviométriques durant quatre ans indique que les pluies érosives sont celles ayant une
intensité maximale supérieure à 10 mm.h-1 et une hauteur supérieure à 7mm. 
Ruissellement et pertes en terre
Le ruissellement et les pertes en terre varient selon le mode de gestion (tableau 2). Le
ruissellement annuel moyen sur les parcelles labourées (LABexp et LABenf) et sur la parcelle
nue (NUE) est respectivement huit fois (8%) et quatorze fois (14%) supérieur à celui des
parcelles SCV (1%). Le ruissellement annuel moyen est plus faible sur SCV que sur jachère
naturelle (JC : 2 %).
La différence de pertes en terre entre système labouré et SCV est également significative. Les
moyennes obtenues indiquent clairement que les pertes en terres annuelles moyennes sur les
parcelles labourées (7,6 t/ha/an) et la parcelle nue (22,1 t/ha/an) sont plus élevées par rapport
aux parcelles SCV (0,13 t/ha/an). Les pertes en terre sur la parcelle sous végétation spontanée
herbacée sont les plus faibles (0,04 t/ha/.an).
L’analyse des données entre les systèmes SCV indique que le ruissellement annuel ne diffère
pas significativement sur les parcelles SCVlab, SCVm et SCVv. Les pertes en terre annuelles
sont significativement plus élevées en 2005-2006 sur les parcelles SCVlab (labourées en
début d’expérimentation) que sur les autres parcelles en SCV, mais la différence n’est plus
significative ensuite. Par ailleurs, ruissellement et pertes en terre annuels ne diffèrent pas
significativement entre types de labour (sauf les pertes en terre en 2006-2007, plus élevé avec
exportation qu’avec enfouissement des résidus).
Tableau 2. Ruissellement et pertes en terre selon les modes de gestion et les campagnes.
Taux de ruissellement annuel
Systèmes
––––––mm.mm-1 –––––– Moyenne sur
étudiés
2005-2006 2006-2007 2007-2008 2008-2009 quatre ans
LABexp 0,08 ±0,01 a 0,04±0,01 a 0,07±0,03 a 0,12±0,01 a 0,08±0,03
LABenf 0,07 ±0,01 a 0,03±0,00 a 0,08±0,01 a 0,11±0,02 a 0,07±0,03
SCVlab 0,01±0,00 b 0,01±0,00 b 0,01±0,00 b 0,02±0,00 b 0,01±0,00
SCVm 0,01±0,00 b 0,01±0,00 b 0,01±0,00 b 0,02±0,00 b 0,01±0,00
SCVv 0,01±0,00 b 0,01±0,00 b 0,01±0,00 b 0,01±0,00 b 0,01±0,00
NUE 0,10 0,15 0,12 0,19 0,14±0,04
JC 0,02 0,01 0,02 0,02 0,02±0,00
Pertes en terre annuelles
Systèmes
––––––Mg.ha-1 –––––– Moyenne sur
étudiés
2005-2006 2006-2007 2007-2008 2008-2009 quatre ans
LABexp 9,58 ± 1,82 a 2,70 ± 2,28 a 3,37 ± 1,04 a 15,28 ± 3,12 a 7,73±5,67
LABenf 9,44 ± 1,50 a 1,06 ± 0,32 ab 4,09 ± 0,84 a 15,25 ± 2,71 a 7,46±5,81
SCVlab 0,19 ± 0,03 b 0,12 ± 0,04 b 0,13 ± 0,04 b 0,28 ± 0,22 b 0,18±0,12
SCVm 0,07 ± 0,02 b 0,08 ± 0,03 b 0,12 ± 0,04 b 0,20 ± 0,11 b 0,12±0,08
SCVv 0,08 ± 0,03 b 0,06 ± 0,01 b 0,07 ± 0,04 b 0,10 ± 0,05 b 0,08±0,03
NUE 14,85 24,33 11,4 37,81 22,10±11,82
JC 0,08 0,04 0,02 0,03 0,04±0,03
Moyennes ± écart-types (n=3)
Une même lettre indique une absence de différence significative entre les systèmes étudiés pour une même campagne au
seuil de 5% (p < 0,05) d’après le test de Tukey.

Rendements agricoles
Les résultats sont réunis dans le tableau 3.
Tableau 3. Rendements agricoles pour les systèmes étudiés durant quatre campagnes
culturales.
Labour conventionnel Semis direct
Année Culture Rendement -------------------Mg.ha-1.an-1---------------------
LABexp LABenf SCVlab SCVm SCVv
Riz Grains 1,47 ±0,49 a 1,26 ±0,47 a 1,05 ±0,46 ab 0,76 ±0,31 ab 0,29±0,16 b
2005-2006
Paille 3,53 ±0,42 a 2,53±0,53 b 2,18±0,31 bc 1,45±0,39 cd 0,56±0,29 d
Maïs Grains 1,69±0,54 ab 2,15±0,10 a 1,51±0,23 ab 1,70±0,21 ab 1,32±0,31 b
Paille 2,87±0,48 a 2,79±0,62 a 2,46±0,94 a 2,52±0,43 a 2,93±0,35 a
2006-2007
Haricot Grains 0,48±0,20 b 0,47±0,17 b 0,83±0,09 a 0,86±0,06 a Brachiaria
Paille 0,83±0,16 ab 1,05±0,16 a 0,56±0,08 b 0,88±0,15 a Brachiaria
Grains 1,47±0,10 ab 1,57±0,18 a 1,69±0,43 a 1,80±0,28 a 1,06±0,32 b
2007-2008 Riz
Paille 7,08±2,64 a 4,54±0,25 ab 5,23±0,85 ab 6,63±2,05 ab 3,28±1,01 b
Grains 2,54± 0,40 a 2,87± 0,34 a 2,90± 0,67 a 2,89± 0,26 a 2,54± 0,47 a
Maïs
Paille 5,99± 0,87 a 7,04 ±0,65 a 7,15 ± 1,16 a 7,20 ± 0,40 a 6,61± 0,82 a
2008-2009
Grains 0,33±0,05 c 0,42±0,10 bc 0,48±0,05 b 0,69±0,10 a Brachiaria
Haricot
Paille 0,48±0,08 c 0,60±0,13 bc 0,70±0,17 ab 0,83±0,12 a Brachiaria
2005-2006
Moyenne Parcelles Parcelles en
au 2,21 ±1,94 2,17 ±2,01
MS total labourées SCV
2008-2009
Moyennes ± écarts-types (n=4).
Paille : parties non récoltables (feuilles, tiges, paille, etc.).
MS : matière sèche
Une même lettre indique une absence de différence significative entre systèmes pour une année au seuil de 5% (p < 0,05)
d’après le test de Tukey.

En général, les rendements en grains et en paille de riz ne diffèrent pas significativement entre
les parcelles labourées et les parcelles SCVlab et SCVm, sauf pour la paille en 2005-2006
(plus de paille avec labour qu’avec SCVlab et SCVm). Mais en général les rendements en
grains et paille de riz sont significativement plus élevés sur les parcelles labourées que sur les
parcelles SCV sous couverture végétale vivante (SCVv), surtout en 2005-2006.
Les rendements en grains et paille de maïs ne diffèrent pas significativement entre
traitements, sauf en 2007-2008, où les parcelles labourées avec résidus enfouis (LABenf) ont
produit significativement plus de grains que celles en SCV sous couverture vivante (SCVv).
En général, les rendements en grains de haricot sont significativement plus élevés avec SCV
qu’avec labour (sauf en 2008-2009 : pas de différence significative entre SCVlab et LABenf).
L’effet des traitements sur le rendement en résidus de haricot est moins net : ce rendement
tend à être plus élevé en labour qu’en SCV en 2006-2007, mais c’est l’inverse en 2008-2009.
L’analyse de moyennes en matières sèches sur quatre ans (rendement en grains et en paille) a
montré qu’il n’existe pas de différence significative entre le rendement sur les parcelles
labourées (2,21 ± 1,94 Mg.ha-1.an-1) et le semis direct (2,17 ± 2,01 Mg.ha-1.an-1) (tableau 3).
Bref, dans l’ensemble, les différences de rendement entre labour et SCV sont donc peu
significatives, surtout pour les grains, sauf (i) pour le haricot, plus productif avec SCV
qu’avec labour, et (ii) pour le SCV avec couverture vivante (SCVv), moins productif que le
labour surtout en début d’expérimentation.
Discussion
Ruissellement et pertes en terre
Les bilans des études antérieures sur l’érosion des Hautes-Terres malgaches montrent que les
pertes en terres sur les sols cultivés sans dispositif antiérosif varient, à l’échelle de la parcelle,
de 4 à 24 t/.ha/.an, avec une moyenne de 6,7 t/.ha/.an et une médiane de 4 t/.ha/.an (PCS,
1997 ; Ratsivalaka et al., 2007 ; Remamy, 2005). Par rapport à ces valeurs publiées, les pertes
en terre sous labour à Andranomanelatra, de l’ordre de 7,6 t/.ha/.an, avoisinent cette moyenne.
Avec semis direct et couverture végétale, le ruissellement et les pertes en terre ont diminué
d’une manière significative. Cette réduction a été observée dès la mise en place du dispositif
en 2004.
Plusieurs raisons peuvent être avancées pour expliquer cette différence. En effet, sur les
parcelles labourées, le sol fraîchement travaillé en octobre est exposé directement à
l’agressivité des premières pluies érosives d’octobre, novembre et décembre, ce qui
occasionne des pertes en terre et du ruissellement importants lorsque les plantes cultivées ne
sont pas encore suffisamment développées pour intercepter les gouttes des pluies.
À l’opposé, sur les parcelles SCV (SCVlab, SCVm et SCVv) et la parcelle en jachère
herbacée (JC), la couverture vivante ou morte intercepte les gouttes des pluies, dont une
fraction infime atteint directement le sol. Cette couverture piège aussi les sédiments érodés
qui pourraient être transportés par le ruissellement (Bochet et al., 2000) et maintient le sol en
place, grâce aux systèmes racinaires qui agissent comme un agent de liaison entre les agrégats
du sol (Angers & Caron., 1998) et améliore ainsi sa structure (Abernethy& Rutherfurd, 2000 ;
Six et al., 2002). Plusieurs études ont également rapporté que le système SCV augmente la
teneur en matière organique (MO) du sol. Cette augmentation de la teneur en MO sous
système SCV atténue aussi les risques d'érosion : Ekweue (1993) et Le Bissonnais &
Arrouays (1997) ont montré que l’érodibilité du sol est corrélée négativement avec sa teneur
en MO.
Arrière effet du labour sur le comportement du sol
A l’issue de cette étude, il a été également montré que parmi les trois systèmes SCV étudiés
(SCVlab, SCVm et SCVv) les pertes en terre sur les parcelles SCVlab sont significativement
différentes des autres en 2005-2006. Rappelons que les parcelles SCVlab ont été labourées en
2004, ce qui explique les différences observées en 2005-2006. Pour les autres années, l’effet
du labour n’est plus visible.
Mécanisme déterminant la réduction des pertes en terre sur les parcelles SCV à
Andranomanelatra
L’expérimentation menée à Andranomanelatra a confirmé l’effet positif du système SCV sur
la réduction du ruissellement et des pertes en terre. La relation entre l’intensité de la pluie et le
ruissellement d’une part et l’intensité de la pluie et la turbidité d’autre part permet de mieux
expliquer cette réduction (Figure 2).

Figure 2. Relation entre intensité de la pluie et ruissellement (Colonne 1)-Relation entre


intensité de la pluie et turbidité (Colonne 2)
L’étude de relation entre le ruissellement et l’intensité de la pluie, pour tous les épisodes
pluvieux de quatre campagnes a montré qu’il existe une corrélation significative entre les
deux variables. Ceci est valable pour les deux systèmes étudiés.
L’étude de relation entre l’intensité et la turbidité a montré que pour une intensité de 5 à 35
mm.h-1, il existe une corrélation significative entre les deux variables. Mais, entre 40 et 170
mm.h-1, les sols des parcelles labourées et les parcelles SCV se comportent différemment. Sur
les parcelles labourées, la turbidité des eaux ruisselantes dépend toujours de l’intensité de la
pluie. Sur les parcelles SCV, la turbidité tend toutefois à devenir constante.
Les résultats de nos expérimentations indiquent que la couverture sur les parcelles SCV
contrôle plus la turbidité que le ruissellement, surtout sous très forte pluie (intensité
supérieure à 40mm.h-1). Le SCV est donc une pratique antiérosive qui protège le sol agricole
contre les pluies abondantes et intenses, caractéristiques des pays tropicaux.
Rendement des cultures
Les analyses sur le rendement en grains du riz et du maïs ont montré qu’il n’existe pas de
différence significative entre les systèmes labourés (LABenf et LABexp) et les deux systèmes
SCVlab et SCVm. Mais il a été observé que le rendement sur les parcelles à couverture
végétale vivante à base de Brachiaria ruziziensis (SCVv) est le plus faible. Ce résultat est en
accord avec ceux rapportés par Naudin (2005), qui a observé que les rendements en maïs sont
plus faibles en SCV avec Brachiaria qu’en labour conventionnel. Cette réduction du
rendement sur les parcelles SCVv est expliquée en grande partie par la capacité de Brachiaria
ruziziensis à se développer très rapidement et à utiliser les éléments nutritifs contenus dans le
sol (Husson et al., 2008).  Cette situation créée un effet dépressif sur les autres plantes
cultivées dès le début du cycle, et a un impact négatif sur le rendement ultérieur. Toutefois,
lors de la dernière campagne (2008-2009), il y a une nette amélioration des rendements sur les
parcelles SCVv, et les différences avec les rendements sur labour ne sont plus significatives.
On peut supposer que l’enrichissement du sol en matière organique grâce à la couverture de
Brachiaria permet finalement de compenser la compétition exercée par cette couverture vive
sur les autres plantes cultivées.
Pour le haricot, les rendements en grains obtenus sur labour sont inférieurs à ceux obtenus sur
SCV avec couverture morte (SCVlab et SCVm). Cette différence a été observée dès la mise
en place du dispositif expérimental en 2004 (Remamy, 2005).
Conclusion
1. L’expérimentation menée à Andranomanelatra montre que le système de semis direct
sous couverture végétale permanente est une pratique conservatrice pour les sols et les
eaux. Elle réduit considérablement le ruissellement et les pertes en terre. L’effet de la
couverture est plus efficace sous des pluies intenses. Selon l’indication du quatrième
rapport du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’évolution du Climat (GIEC)
en 2007, le réchauffement climatique provoquera probablement une augmentation de
la fréquence des événements de forte précipitation sur la plupart des régions, avec un
risque accru d’érosion des sols. Le système SCV est un moyen de lutte antiérosif
adéquat pour faire face au problème climatique.
2. Après quatre années d’expérimentation, les différences de rendement en riz pluvial,
maïs et haricot entre labour et semis direct sous couvert sont faibles.

Remerciements 
Pour le soutien technique et financier de la présente étude, nous remercions vivement : l’IRD
(Institut de Recherche pour le Développement, le LRI (Laboratoire des Radio Isotopes), le
CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le
Développement), l’URP-SCRiD (Unité de Recherche en Partenariat sur les Systèmes de
Culture et de Riziculture Durable) à Andranomanelatra, le SCAC (Service de Coopération et
d’Action Culturelle), l’AUF (Agence Universitaire de la Francophonie) et l’IFS (International
Foudation for Science).
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PROPERTIES AND CROP YIELD IN THE RAIN FOREST OF
SOUTHEASTERN NIGERIA
F.N. Ikpe and L.D. Gbaraneh
Department of Crop/Soil Science, Rivers State University of Science and Technology,
Port Harcourt, Nigeria.
Email : fnikpe@yahoo.com

Abstract

In most of sub-Saharan Africa, there has been shortening of fallow periods to less than 10 years by
farmers. In southeastern Nigeria, fallow periods have been reduced to less than 5 years due to population
pressure. Marginal lands are being brought under cultivation. Under these circumstances, there is need
for soil and crop management options to improve productivity. The study site is in the humid forest zone
with an average elevation of 10m a.s.l. and receives a mean annual rainfall of 2400 mm, usually in a
monomodal distribution lasting from March to November. The soils are highly weathered and acidic with
Ultisols of pH ranging from 3.5 to 6.0 and mineralogy dominated by low activity clays with low cation
exchange capacity (CEC) and low base saturation. The soils have a low organic matter (0.5-3%) and
consequently low nutrient reserve. Two experiments were conducted between 1996 and 2000 with
improved fallow systems. Soil chemical properties under the improved fallow systems, were significantly
improved within a short period of time while cassava and maize yields were greatly increased. Although
the Tephrosia mulch showed a tendency of soil acidification in the present study, the lab lab fallow either
with or without sheep grazing, led to increases in soil pH, organic carbon (OC), nitrogen (N), phosphorus
(P), and potassium (K). The adoption of these fallow systems by farmers will depend on their profitability
and sustainability in these fragile tropical ecosystems.

Key words: SE Nigeria, Fallow type, grazing, sheep dung, nutrient recycling, humid
forest.

Résumé

Dans la majorité des zones subsahariennes d’Afrique, les paysans ont réduit la durée de la
jachère à moins de dix années. Mais dans le SE du Nigeria, la pression démographique est telle
que la jachère a été réduite à moins de 5 ans. Des terres marginales ont été mises en culture :
d’où la nécessité de définir des techniques de production capables d’améliorer la productivité
des sols. L’étude eut lieu dans une zone de forêts humides, à 10 m d’altitude et 2400 mm de
pluie monomodale, entre mars et novembre. Les sols sont des ultisols très acides,
profondément altérés, à argile kaolinitique à faible capacité d’échange de cations et faible
saturation en bases. Ces sols sont pauvres en matières organiques (0,5 à 3% de MO) et ont
par conséquent peu de réserve de nutriments. Deux essais ont été conduits de 1996 à 2000
comparant divers systèmes de jachères. Sous les jachères améliorées, les propriétés
chimiques des sols ont été significativement améliorées en une courte période et les
rendements en manioc et maïs largement augmentés. Bien que le paillage de Tephrosia a
entrainé une tendance à l’acidification dans cet essais, la jachère à Lablab, avec ou sans
pâturage par les moutons, a amené une augmentation du pH, du taux de MO, de l’azote, du P
et K. L’adoption par les paysans de ces techniques va dépendre de la rentabilité et de la
durabilité de ces techniques dans ces écosystèmes tropicaux très fragiles.

Mots-clés : SE Nigeria, forêt humide, type de jachère, parcours, recyclage des nutriments
Introduction

Soils of the humid tropics are highly weathered and acidic, with pH ranging from
3.5 to 6.0 and mineralogy dominated by low activity clays. The important characteristics
of low activity clay soils are low cation exchange capacity (CEC), which is normally less
than 8 cmol kg -1 of soil, and low base saturation (Juo and Adams 1986). The soils have
a low organic matter (0.5-3%) and consequently low nutrient reserve, and imbalanced
nutrient elements composition and toxic levels of microelements. Therefore, loss of
organic matter in these soils causes soil compaction, low water and nutrient retention,
low infiltration rate and accelerated run-off and erosion, leading to loss of the natural
resource base and decline in soil productivity (Hulugalle et al. 1998).

The dominant farming systems in the tropics for centuries have been based on
bush or forest fallow. The potentials, problems and the structural framework for this land
use system have been extensively discussed by Nye and Greenland (1960), Allan
(1965) and Nair (1986). Over the years attempts have been made to use annual and
perennial herbaceous legumes to enhance green manure input and thus recycle
nutrients (Webster and Wilson 1980).

This has led to the modification of fallow systems in quality and duration to suit
farmers’ needs in the management of soil fertility. Consequently, the annual legumes
are only suitable for use in relay fallowing (Ikpe et al. 2003) lasting for about six months.
Jaiyebo and Moore (1964) reported that trees and shrubs, such as Tephrosia candida
(Proxb.) D.C., which have deep roots, are more efficient agents of nutrient recycling and
thus are more suitable for fallow periods of between 1 and 5 years and longer.

During the fallow period, plant nutrients are taken up by fallow vegetation, either
trees or shrubs, from various soil depths. These nutrients are later released during litter
and biomass decomposition for the improvement of soil organic matter and sustainable
yields of food crops. This study thus evaluates the potentials of an indigenous,
leguminous, perennial, fast growing tree, Tephrosia candida, and lablab (Lablab
purpureus) an annual herbaceous legume for nutrient recycling in fallow systems of
southeastern Nigeria.
Materials and Methods

The experiments were conducted on-farm and on-station on an acid Ultisol at Kpite, 50
km from Port Harcourt (4045’ N, 7018’E ) and at Onne (40 51’ N, 70 03’ E), respectively
in southeastern Nigeria. Kpite and Onne are in the high rainfall, humid forest of the
Niger Delta region in southeastern Nigeria. The mean annual rainfall at the experimental
site is 2400 mm in monomodal distribution, lasting from March to November.
Temperatures are moderate. Relative humidity in the areas remains high throughout the
year, with mean values September ranging from 78% in February to 88% in July and
September. Monthly mean temperatures of the coolest (July and August) and hottest
months (February to April) are 25 and 27 0C, respectively.

Field trial

Experiment I

The experimental design was a split plot fitted into a randomized complete block. The
main treatment was fallow age (1 vs. 2 yr) and sub-treatment was fallow species
(Tephrosia candida vs. natural bush regrowth). The treatments were replicated four
times. At the peak of the rainy season T. candida seeds estimated to give 10,000 plants
per hectare were broadcast uniformly on the plots. These plots were kept free from
weed. At the end of the first year, plots designated for 1 yr fallow were cleared as T.
candida shoots were cut back at the soil surface. Wood, leaves and twigs were chopped
and distributed evenly on the plot to serve as mulch. The same procedure was applied
to plots designated for 2 yr fallow. Cassava was planted at 1 x 1 m (10,000 ha -1), and
-1
maize intercropped at 1 x 1 m as well (10,000 hills ha and 20,000 plants ha -1). On
each row, there was one cassava plant every meter, with one hill of maize plants at mid
distance. Plots were had weeded three times per year. Maize was harvested at 90 days
(maturity) while cassava was allowed to grow for one year. The cassava (Manihot
esculenta Crantz) variety used was var. TMS 9193, while maize (Zea mays L.) was var.
TZPB-SPW. One cassava cutting of about 25 cm was plated per hill, while two maize
plants were left per hill.
Soil sampling and analytical methods

At the onset of the trail, prior to sowing seeds of T. candida and after 1 yr of cropping in
the main plots (1 yr and 2 yr of fallowing) soil samples were taken. An auger was used
at 0-5, 5-15 and 15-30 cm depths. The soil samples were air-dried in the laboratory and
ground to pass a 2 mm sieve prior to chemical analysis. Soil pH was determined on a
1:1 soil: H2O solution with a glass electrode pH meter according to the procedure of Tel
and Rao (1982). Organic carbon was determined using a modification of the method of
Walkley and Black (1934). Total nitrogen was determined using a Technicon
autoanalyzer (Technicon AAII) after digesting the sample with a mixture of concentrated
orthophosphoric and sulphuric acid in a Tecator Digester. Available phosphorus in soil
was determined by the Bray-1 method (Bray and Kurtz 1945) using the Technico
authoanalyzer. Exchangeable cations were extracted with 1 N NH4)AC + 0.01M EDTA
at 20:50 fresh soil: extractant ratio. The extracts were determined with an Atomic
Absorption spectrophotometer (AAS), while the concentrations of potassium and
sodium were measured with a flame photometer. The effective cation exchange
capacity (ECEC) was calculated by sum of exchangeable cations and exchangeable
acidity, expressed in cmol kg -1 soil.

Analytical methods for plant nutrients

Dry matter of weed, litter and T.candida biomass were ground to pass a 1 mm sieve.
These ground plant materials were digested with a mixture of concentrated sulphuric
acid and hydrogen peroxide in presence of one Kjeldahl catalyst tablet in a Tecator
Digester for the determination of total nitrogen (Tel and Rao 1982). Total carbon content
was determined using the procedure of Amato (1983).

Extracts for the determination of phosphorus, calcium, magnesium and potassium in


plant materials were obtained after digesting samples using the procedure described in
the IITA laboratory manual (1979).

Experiment II

The experimental design was a split plot with three replications. Fallow systems and
grazing methods were the main and sub treatments, respectively. The main treatments
were improved (with lablab) and unimproved (natural) fallows and measured 30 x 15m
each. The sub treatments consisted of grazing with sheep, and no grazing with the plots
measuring 24 x 15m and 6 x 15m, respectively.

After land preparation, both main plots were annually cropped with maize (var. (TZ
DMR SR-W) to a population of 40,000 plants/ha in April, with a spacing of 1 x 0.25m
and seedlings thinned to one plant per stand 2 weeks after planting. However, the
improved plots were relay cropped with lablab (Lablab purpureus), 4 weeks after maize
planting at a population of 1333 (Gbaraneh, 1997). The unimproved plots were not
relay cropped with lablab. Rather weeds took over the plots after maize harvest to form
a dense bush cover until the commencement of grazing, three months later. At maize
harvest a 2m x 2m quadrat taken at random in four different locations within a paddock
(sub plot) was used for maize yield measurement. Maize cobs within the quadrats were
harvested, shelled and grain yield estimate at 13% moisture content. Other parameters
collected were maize stover and weed DM yields. At the onset of the dry season, in
December of each year, 3 West African dwarf (animal) sheep of average age and
weight of 8 months and 12 kg, respectively, were introduced to the grazing plots. They
were allowed to graze in situ for as long as biomass supply lasted (from early December
to late January). Harness and bags were fitted to the animals one day per week for
estimation of daily faecal output. Animal weight change was monitored weekly
throughout the grazing period. Mineral salt block and water were provided ad-lib.
Others parameters were forage available at grazing, forage disappearance (intake) at
the end of grazing, dung production and soil nutrients status.

Statistical analysis

Differences in the yields of cassava and maize, weed incidence, nutrient uptake and soil
chemical properties due to fallow age and type of fallows were estimated and tested by
analysis of variance (ANOVA) using the procedure GLM of SAS (SAS Institute 1998).
LSD at p<0.05 was used for mean comparisons.
Results and Discussion

Experiment I

Biomass yields of Tephrosia candida

After 2 yr of fallow under Tephrosia candida, litter was 150% higher than under natural
regrowth for the same period. After 1 yr of fallow under T.candida, litter was 33% higher
than under natural regrowth for the same period. Total biomass (wood and leaves) cut-
back after 2 yr of fallow under T. candida was double that harvested after 2 yr of fallow
under natural regrowth for the same period. Total biomass from T. candida fallowed for
1 yr was 30% higher than that harvested from natural regrowth of 1 yr (Table 1).

-1
Table 1: The effect of fallow age and fallow type on biomass yield (t ha ) in a humid tropical
environment, Kpite, southeastern Nigeria

Fallow Wood Leaves Total biomass (leaves + Wood) Litter


1 Year Natural 1.7 5.2 6.9 3.8
1 Year T. candida 3.5 6.5 10.0 5.7
2 Years natural 3.4 6.8 10.2 10.1
2 Year T. candida 8.5 13.0 21.5 25.0
LSD (0.05) 3.26 4.34 6.50 4.83

Nutrient uptake

Greatest uptake of N, P, Mg, and K in litter was recorded in plots fallowed with T. candida for 2 yr (Table
2). These were followed by nutrient yield in litter of plots fallowed naturally for 2 yr, then those fallowed T.
candida for 1 yr, and finally those fallowed naturally for 1 yr. Highest uptake of calcium was found in liter
gathered from plots fallowed naturally for 1 yr, followed by that in litter of 2 yr fallow with T. candida, then
in litter of 2 yr national fallow and lastly, in litter of 1 yr fallow with T. candida.

Nutrient uptake in leaves from fallow plots differed considerably from those in litter. Of al the nutrients, N
uptake was the highest and this was consistent across fallow age and type (Table 2). The uptake of N, P,
Ca, Mg and K was highest in leaves of T. candida fallowed for 2 yr. Nutrient uptake in leaves from other
fallow plots did not differ significantly between each other. A similar scenario is observed for nutrient
uptake in the woody part of this fallow species under study.
Table 2: Effect of fallowing on nutrient uptake in a humid environment, Kpite, southeastern Nigeria
Fallow Nitrogen Phosphorus Calcium Magnesium Potassium
-1
kg ha
Litter
1 Year Natural 64.8 33.3 99.8 10.4 3.5
1 Year T. candida 140.5 72.0 21.2 22.6 7.5
2 Years natural 204.2 104.6 30.9 32.9 11.0
2 Years T. candida 516.7 264.3 78.0 83.1 27.7
LSD (0.05) 101.7 52.1 15.4 16.4 5.5
Leaves
1 Year Natural 238.0 12.0 46.3 10.4 30.7
1 Year T. candida 191.4 14.9 57.6 12.9 38.2
2 Years natural 248.3 15.5 60.1 13.5 39.8
2 Years T. candida 479.0 29.9 115.8 26.0 76.8
LSD (0.05) 159.9 10.0 38.7 8.7 25.6
Wood
1 Year Natural 12.70 1.40 2.70 0.70 1.40
1 Year T. candida 26.20 2.80 5.70 1.40 2.80
2 Years natural 25.30 2.70 5.50 1.40 2.70
2 Years T. candida 62.80 6.80 13.60 3.40 6.80
LSD (0.05) 24.10 2.60 5.20 1.30 2.60

Crop yields
-1
Cassava tuber yield ranged between 6.8 and 18.3 t ha . The highest yield was
recorded in plots fallowed with T. candida for 2 yr, and the lowest in T.candida plots
fallowed for 1 yr. Maize grain yield showed a similar trend with that of cassava.

Results obtained in both experiments indicate that improved fallow systems gave
higher biomass dry matter for mulching and suppressing weeds. However, there were
no significant differences in soil chemical properties among treatments for all
parameters measured. Larger biomass and crop yields were obtained while more
nutrients were recycled after two years of fallowing compared with natural fallow.

In a companion study using litterbags to determine the decay rate of T. candida


biomass, consisting of wood, twigs and leaves, and the release of nutrients, it was
found that T. candida biomass has a slow decay rate of 0.13 wk and a half-life of 6 wk
(F.N. Ikpe), unpublished data). This makes the pruning of T. candida most suitable for
mulching under a humid tropical environment such as the Kpite site.

Consequently, the release of nutrients was also slow. After 98 days of decay, only 40%
of the initial nitrogen was released, followed by calcium 50%, phosphorus 70%,
magnesium 88% and potassium 90% (F.N. Ikpe, unpublished data). The comparatively
yields of cassava tuber and maize grain after fallowing for 2 yr with T. candida biomass
on soil physical properties (Gichuru 1991), (ii) soil faunal activities which improve the
chemical and physical properties of the soil (Tian 1992), and (iii) the recycling of
nutrients.

Changes in soil chemical properties

After two years of fallowing and cropping, total nitrogen increased significantly over the
initial T. candida fallow. Total nitrogen was higher in plots under T. candida than the
values one year after natural and plated fallow and with two years of natural in surface
soil (Table 3).

The soil pH decreased significantly after two years of fallow when compared with that
measured in plots one year after fallowing, fallow type notwithstanding. Organic carbon
was significantly higher in T. candida plots than in those with natural fallow. The
dynamics of available phosphorus followed the same trend as pH, decreasing
significantly when compared with initial and one year of fallowing (Table 3).

Table 3: Effect of fallowing with natural regrowth Tephrosia candida soil chemical
properties after two years of fallowing and cropping.
3+ +
Fallow pH Total N OC Bray - 1 P Ca Mg K Na Al H ECEC BS
-1
(1:1 (H2O) (%) (ppm) (c mol kg ) (%)
0-5 cm

Initial 4.5 0.100 1.13 46.13 1.10 0.36 0.19 0.16 0.92 2.73 66.2
2 Years Natural 4.9 0.100 1.28 31.50 1.03 0.30 0.10 0.20 098 2.60 59.15
2 Years T. candida 4.7 0.103 1.36 31.40 0.85 0.20 0.10 0.20 1.45 2.50 59.10
LSD (0.05) 0.14 0.006 0.08 12.99 0.13 0.04 0.00 0.00 0.36 0.24 11.69
5-15 cm
Initial 4.5 0.090 1.43 37.27 0.81 0.25 0.08 0.44 1.30 2.54 48.4
2 Years Natural 4.4 0.084 0.93 38.43 0.43 0.43 0.05 0.45 1.83 2.58 29.31
2 Years T. candida 4.0 0.087 0.97 26.88 0.50 0.40 0.04 0.48 1.93 2.76 30.58
LSD (0.05) 0.10 0.004 0.08 7.05 0.60 0.02 0.01 0.03 0.23 0.19 4.52
15 - 30 cm
Initial 4.5 0.150 1.04 23.85 0.59 0.17 0.11 0.08 1.53 2.43 30.7
2 Years Natural 4.6 0.066 0.75 20.40 0.53 0.10 0.05 0.20 1.95 2.82 31.19
2 Years T. candida 4.1 0.064 0.73 15.65 0.43 0.10 0.03 0.20 1.88 2.63 29.60
LSD (0.05) 0.25 0.004 0.07 5.52 0.07 0.00 0.01 0.00 0.27 0.29 3.32

All the exchangeable cations increased in concentration over the values observed one
year after fallowing. The concentrations of calcium and magnesium were, however,
considerably higher in the plots under natural fallow than in those fallowed under T.
candida plots than in the natural fallow plot. Values for ECEC and base saturation were
higher in plots fallowed for one year and also in T. candida plots than in natural fallow
plots. Soil chemical properties decreased with soil depth.

Experiment II

Maize Grain Yield

Maize grain yield was significantly influenced by fallow and grazing management
systems. In 1996, the first year of the experiment, yield did not differ significantly (p >
0.05) between the natural and improved fallow systems, although the improved fallow
slightly increased yield by 5% over the natural fallow system. Grain yield significantly (p
< 0.001) increased in the improved fallow treatment by 18% over the natural fallow
system in the second year (1997) attributed to improved soil nutrients status by the
previous lablab crop (Mohammed-Saleem and Otsyina, 1986). Grazing by sheep also
showed no significant effect in the first year of the experiment since grazing was done
after the maize harvest. There was a significant grain yield increase of 9% by the
grazed treatment over the no-grazing in the second year of the experiment. This yield
enhancement in the grazed plots could possibly be attributed to improved soil fertility by
the dung and urine (faecal output) deposited by sheep while grazing ad lib in the plots
(Powell and Ikpe, 1992; Ikpe et al., 1999).

Grazing effect became prominent in the second year of the experiment (Table 4), as the
grazed plots significantly increased total forage-on-offer by 1.20 t ha-1, representing
50%, over the yield in the un-grazed plots. Crude protein content of forage-on-offer also
increased by 1.42 g kg-1, representing 32% in the grazed plots as against the un-grazed
plots.
Table 4: Influence of grazing methods on yield of fodder-on-offer (t ha-1) and crude protein
content of forage (g.kg-1) at Onne, southeastern Nigeria.

-1
Year Fallow methods Forage-on-offer (t Crude protein (CP) g kg
-1
ha )
1996 Ungrazed 2.59 3.65
Grazing by sheep 2.57 3.80
LSD (p <0.05) ns ns
1997 Ungrazed 2.06 4.46
Grazing by sheep 3.26 5.88
LSD (p <0.05) 0.175 0.374

ns = not significant at 5% level of significance.

Dung Production

The dung production (faecal output) of sheep in the grazed plots is shown in Table 5.
Dung production was highest in the improved fallow-grazed plots than the natural fallow
- grazed plots across the years. Average daily faecal output sheep-1 day-1 was 67 and
81% higher in the improved fallow plots than the natural system in 1996 and 1997,
respectively. The high output in the lablab-improved fallow plots may be attributed to
the highly nutritious biomass and intake recorded as against the natural fallow plots.
Faecal output also showed a direct and positive relationship with total forage on offer
and intake.

Table 5: Forage intake (t/ha) and faecal output (g/sheep/day) by West African Dwarf
sheep in natural and improved fallow systems at Onne, southeastern Nigeria.

Year Fallow system Forage-on-intake Average daily faecal output


1996 Natural fallow 4.19 138
Improved fallow 8.76 231
LSD (p <0.05) 2.235 11.92
1997 Natural fallow 2.27 120
Improved fallow 6.82 217
LSD (p <0.05) 1.565 21.7

Conclusion

The results of this study show that T. candida and L purpureus can play a major role in
nutrient recycling in the cropping systems of southeastern Nigeria. However, strategies
to mitigate the soil acidifying tendency of T. candida need to be pursued. Furthermore,
the integration of crops and livestock based on sown forage legume in the intercropping
system can reverse the persistent decline in soil fertility under continuous cropping in
these diminishing fallow systems as well as providing high quality fodder. There is need
however, to adopt technologies that will recycle nutrients more efficiently for higher crop
yields.

References

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Apports organiques et pratiques de conservation de l'eau
comme clés de la restauration de la productivité des sols dégradés
dans la zone semi aride du Burkina Faso

E. HIENa, W.T. KABOREa,b, D. MASSEb, P. DUGUEc


a
Université de Ouagadougou, UFR/SVT, 03 BP 7021, Ouagadougou 03, Burkina Faso
Tél: + (226) 70 26 36 36; Fax : + (226) 50 31 03 85; E-mail: hien@ird.bf
b
IRD, UMR Eco&Sols INRA-IRD-SupAgro, Place Viala (Bt. 12), F-34060 Montpellier cedex 1, France
c
CIRAD TERA, BP 34398, Montpellier cedex 01, France

Résumé
La pression démographique et les changements globaux menacent la durabilité des
ressources naturelles dans la région sub-sahélienne de l'Afrique de l'Ouest. Les
dégradations et changements environnementaux peuvent être atténués par l'adoption de
pratiques agricoles adaptées qui permettent de restaurer durablement la productivité des
sols dégradés et d’assurer la sécurité alimentaire des populations rurales.
A Ziga, village situé dans la région du Yatenga, un programme de recherche a été conduit
entre 1980 et 1987. Le but de cette recherche était de décrire et d'analyser les pratiques de
gestion de la matière organique et de l’eau, d’appréhender leurs déterminants, pour déduire
leurs effets sur la durabilité des systèmes agricoles. En 2005, des enquêtes ont été menées
dans ce même village, pour évaluer l'évolution des pratiques agricoles. Selon les résultats de
ces enquêtes, deux pratiques, appelées «zaï» et «djengo", sont largement utilisées dans la
production de céréales. Les caractéristiques du «zaï» et du «djengo" ont été évaluées et
leurs effets sur les rendements des cultures de céréales mesurés.
Ces pratiques sont des systèmes de culture caractérisés par une concentration au niveau du
système sol-plante de l’eau et des apports fertilisants sous forme organique ou minérale. La
capture des eaux de ruissellement se fait au niveau de micro bassins creusés à la surface du
sol dans lesquels sont apportés des matières organiques et où sont semées les graines de
céréales. Elles sont associées à un contrôle des eaux de ruissellement et de l’érosion à
l’échelle de la parcelle mais également à celle du petit bassin versant par l’intermédiaire des
cordons pierreux disposés le long des courbes de niveau.
Alors que le zaï se pratique sur des sols encroûtés considérés comme dégradés, le
« djengo » basé sur les mêmes principes est appliqué sur des sols à texture sableuse. Cette
dernière pratique, qui porte le nom de l’outil utilisé pour sa mise en œuvre, une houe à long
manche, n'avait pas été décrite au cours des travaux antérieurs menés à Ziga.
Les observations réalisées ont révélé une régénération de la diversité de la strate
arborée associée aux cultures. Les principales contraintes de ces pratiques sont la quantité
de travail nécessaire, la disponibilité du fumier. Cette étude a par ailleurs démontré la mise
en œuvre d’une véritable stratégie d'intensification des systèmes de production agricole dans
cette région sahélienne.
L’ensemble de ces pratiques associant des mesures de conservation des eaux et des sols
du bassin versant au système sol-plante en passant par la parcelle cultivée permet aux
agrosystèmes d’entrer dans un cercle vertueux d’augmentation de la production agricole tout
en préservant les propriétés environnementales du milieu.

Mots clés : Afrique de l'Ouest, Sahel, Djengo, zaï, sols dégradés, productivité,
restauration, intensification agricole, sécurité alimentaire.
1. Introduction

Le maintien de la fertilité des sols est essentiel pour une productivité durable,
en particulier dans les pays pauvres en ressources naturelles (Hien, 2006 ; Yang,
2006). Les pays africains au sud du Sahara connaissent une augmentation
démographique continue ces dernières décennies de l’ordre de 3% par an, ce qui se
traduit par un doublement de la population tous les 25 ans (Jouve, 2005). Dans ces
conditions, quelle est la capacité des ressources naturelles comme le sol à
supporter cette croissance de la population et comment l'agriculture peut contribuer
à la sécurité alimentaire? Les observations depuis une trentaine d’années ont montré
une augmentation des zones exploitées pour l’agriculture et l’élevage. Cet
accroissement s’est fait au détriment des formations végétales naturelles et des
jachères de longue durée, pivots de la gestion de la fertilité des sols dans les
agricultures de savanes en Afrique de l’Ouest.
Les seules zones non cultivées se retrouvent sur les terres marginales aux sols
intrinsèquement peu favorables à la mise en culture. De plus, la pression de
pâturage et de prélèvement de bois a accentué la diminution du couvert végétal
laissant le sol face à l’agressivité des pluies intenses tropicales. Des processus de
dégradation et de pertes de fertilité des sols se sont alors déclenchés entraînant une
vulnérabilité accrue des systèmes de production.
Au Burkina Faso, dans les régions du Nord et du Yatenga en particulier, cette
dégradation des terres a été mentionnée par Marchal (1983) avec l’apparition des
«zipellés ». Du fait des phénomènes naturels (climat) et anthropiques, la dégradation
accentuée du sol dans le Yatenga a entraîné la formation de glacis dénudés dont
l’importance devient inquiétante devant la forte pression foncière (Dugué, 1986 ;
Kambou et Zougmoré, 1985).
Au cours des années de sécheresse de nombreuses familles de paysans sont
contraints de quitter leurs villages pour s'installer dans les régions de forte pluviosité
ailleurs au Burkina Faso (McMillan et al., 1990) ou dans les pays côtiers, en
particulier en Côte d'Ivoire, tandis que d'autres sont attirés vers les centres urbains
(Reij et al., 2005).
Ces dynamiques illustrent les relations entre population et environnement telles
qu’elles sont conceptualisées par les thèses néo-malthusiennes en opposition aux
thèses développées par Boserup. Les premières indiquent que l’augmentation de la
pression de la population sur le milieu entraîne des phénomènes de dégradation de
la productivité qui se résout par une migration ou exode rural. Ces mouvements de
population ont effectivement eu lieu à un certain moment entraînant le
développement des centres urbains et le peuplement de nouvelles zones agricoles
vierges généralement dans des régions plus au sud, malheureusement sujettes à
l’onchocercose. Cependant, une autre option face à la dégradation de la productivité
du milieu est d’adapter les pratiques d’exploitation des ressources naturelles (sols,
végétation) aux nouvelles conditions pédoclimatiques et socio-économiques
(Boserup, 1970). Ces changements de pratiques qui peuvent concerner la lutte
contre l’érosion et la conservation des eaux, l’intensification des systèmes de culture,
permettent de maintenir voire de restaurer la production agricole pour soutenir la
population rurale (Roose, 1994).
Au Yatenga, depuis une vingtaine d’années se sont développées des
pratiques de restauration des sols dégradés, dont le « zaï » et le « djengo », qui
allient la conservation de l’eau et une fertilisation organo-minérale localisées. Ces
pratiques ont modifié la productivité des terres dégradées, et conduisent
nécessairement à une réorganisation du parcellaire, de la gestion de la main
d’œuvre, des flux de matières organiques à l’échelle des systèmes de culture et des
systèmes de production.
Le village de Ziga dans le Yatenga a été l’objet d’étude de recherche développement
dans les années 1980-1985 (Dugué, 1989). Il semblait intéressant de revenir
quelques années après pour évaluer l’importance des changements des pratiques
agricoles rencontrées. Ces résultats permettront de contribuer au débat sur les
relations entre population et environnement. Les objectifs de cette étude sont : (1)
décrire et faire une analyse comparative de deux pratiques innovantes d’utilisation de
fumure organique (FO) ; (2) apprécier l’effet de ces pratiques sur les systèmes de
culture et les agro-écosystèmes.

2. MATERIELS ET METHODES

2.1. Site d’étude


L’étude a été menée en 2005 dans le village de Ziga (13°25’N, 2°19’W), situé dans le
Yatenga au Nord Ouest du Burkina Faso (figure 1). Ce village, peuplé de Peuls, de
Dogons et surtout de Mossis, fait partie d’une zone historique de fortes densités de
populations atteignant 70-100 habitants/km2.
Ziga, à l’image de l’ensemble du Yatenga est soumis aux aléas pluviométriques. Il
reçoit en moyenne annuellement entre 400 mm et 800 mm de pluies. Depuis 1921,
les moyennes pluviométriques annuelles n’ont cessé de baisser jusque dans les
années 90 et connaissent une légère amélioration cette dernière décennie. Les sols
sont en grande partie des sols ferrugineux tropicaux lessivés indurés plus ou moins
profonds (CPCS, 1967) ou leptosols ferriques ou pétroplinthiques (FAO, 1998) issus
d’un substratum géologique essentiellement formé de granites acides. Ce sont des
sols généralement peu profonds, pauvres en matière organique et à texture
déséquilibrée (riches en sables et limons grossiers) qui prennent facilement en
masse.

Figure 1 : Localisation du site d’étude


2.2. Dispositif d’enquête
2.2.1. Choix des exploitations et collecte de données
L’étude a porté sur 18 exploitations choisies de façon raisonnée dans ce village
après une phase de pré-enquête auprès de 44 chefs d’exploitation pris au hasard et
qui a permis de faire une distinction des exploitations agricoles (EA) selon leurs
capacités d’intervention. Les critères de choix des 18 EA étaient essentiellement : (1)
l’importance du parcellaire et la main d’œuvre ; (2) la taille du troupeau et la
disponibilité de la fumure organique ; (3) la disponibilité du matériel agricole. Dans
cet échantillon, on distingue 9 exploitations bien pourvues en facteurs de production,
et 9 autres beaucoup moins pourvues. Les EA intermédiaires ont été exclues.

2.2.2. Dispositif d’enquête exploitation


Il a consisté en l’administration d’un questionnaire d’enquête « exploitation » et du
suivi de ces exploitations dont les parcelles sont réparties sur les trois quartiers de
culture du village : Bossomboré-Yakin, Biingwéogo et Légoum. Les principaux
thèmes abordés sont les suivants : 1. Capital de l’exploitation : terres, matériels
agricoles et animaux de trait ; 2. Pratiques de fumure et restauration de la fertilité des
terres ; 3. Evaluation de la production de l’exploitation en 2005.

2.3. Description des pratiques à la parcelle


Pour la description des pratiques, nous avons procédé à la mise en place de carrés
de rendements de 3m x 3m, soit 9m2. Et sur chaque parcelle, trois carrés
(répétitions) sont placés pour prendre en compte la l’hétérogénéité intra parcellaire.
Ces carrés ont été placés sur diverses parcelles, de sorte à comparer ces différents
systèmes de culture avec diverses utilisations de la FO (différents zaï et djengo ),
ainsi qu’une comparaison entre zaï et semis direct ou semis après labour, et ce, pour
en évaluer les performances en terme de rendements. Les paramètres
agronomiques mesurés sont : i) La taille de la cuvette (largeur, profondeur,
diamètres) : dans chaque parcelle, trois carrés de 9mx9m sont placés au hasard. Sur
chaque carré, les tailles de tous les trous sont mesurées. Les trous étant ovales, le
plus grand diamètre (diamètre 1) est distingué du petit diamètre (diamètre 2) ; ii)
Quantité de fumure organique en matière sèche /ha : nous suivons le paysan
pendant l’apport de fumier dans les poquets, puis il est stoppé à un moment donné et
la quantité de fumier dans sa main est récupérée dans un sachet, séchée puis
pesée. Dans chaque carré, cette opération est renouvelée trois fois ; iii) Densité des
cuvettes /ha, temps mis dans l’aménagement, composantes du rendement.

3. RESULTATS

3.1. Caractéristiques des exploitations


Les grandes exploitations ont en moyenne 6,3 ha cultivés contre 3,7 ha pour les
petites exploitations. Mais il est à noter que les exploitations du quartier Légoum sont
plus étendues. Tout se passe comme si la superficie exploitée varie en fonction des
quartiers : elle baisse quand on passe de Légoum à Bingwéogo et enfin à
Bossomboré Yakin où les surfaces sont les plus faibles. Cela traduit sans doute une
plus forte pression foncière du côté de Bossomboré-Yakin, liée à la plus grande
accessibilité de cette zone. Le nombre d’actifs varie de 9 à 14 pour les grandes
exploitations contre 3 à 6 pour les petites exploitations. En moyenne, les grandes
exploitations disposent de 2 à 3 fois plus de main d’œuvre que les petites
exploitations.
La productivité du travail exprimée en surface cultivée par actif est plus élevée dans
une petite exploitation que dans une grande exploitation et ce, quelque soit le
quartier de culture. En effet, ces valeurs sont respectivement pour les grandes et les
petites exploitations de 0,5 ha et 0,93 ha (Bossomboré-Yakin), de 0,63 ha et 1,15 ha
(Bingwéogo), de 0,57 ha et 0,72 ha (Légoum). Ce qui porte à croire que les grandes
exploitations, avec la main d’œuvre et le matériel agricole dont elles disposent,
n’essayent pas d’étendre leurs surfaces mais travaillent sur des surfaces réduites.
Est-ce là un signe d’une intensification en cours ?

3.2. Pratiques d’implantation des céréales complémentaires du zaï


Le zaï ne concerne qu’une partie du parcellaire des exploitations agricoles pour des
raisons de disponibilité de FO, de main d’œuvre et compte tenu des caractéristiques
du sol. De ce fait, on a observé à Ziga trois autres pratiques d’installation des
cultures en plus du zaï (figure 2) : (1) le djengo : il s’agit d’une pratique qui se fait
suivant le même principe que le zaï, c’est-à-dire confection de cuvettes avec ajout ou
non de FO. Il se pratique exclusivement sur des sols sableux en saison pluvieuse, et
donc demande moins de temps; (2) le labour suivi d’un semis simple au « koutoiga »
(sorte de petite pioche) : il est pratiqué par des petites exploitations limitées en
matériel agricole à Bossomboré-Yakin et à Légoum; (3) le semis direct au
«koutoiga»(petite houe étroite) juste après le nettoyage de la parcelle, sans aucune
préparation du sol : à l’exception du quartier Bingwéogo, le semis direct persiste
dans les autres quartiers de culture, indifféremment de la taille de l’exploitation. En
somme, il n’y a pas une conduite unique de l’implantation de la culture de sorgho au
niveau des exploitations. Chaque exploitation pratique deux, trois ou toutes ces
quatre conduites sur ses parcelles.

Figure 2 : Variation d’effectifs de ruminants entre exploitations selon les quartiers de culture
en 2005
3.3. Pratiques d’utilisation de la fumure organique
Quatre pratiques d’implantation des cultures de céréale ont été observées sur les
exploitations agricoles enquêtées : les pratiques de conservation de l’eau et de
fertilisation organo-minérale que sont le « zaï » et le « djengo », le labour suivi d’un
semis simple et le semis direct sans aucune préparation préalable du sol.

3.3.1. Description de la pratique du zaï


La pratique la plus couramment observée (53% des parcelles de zaï) renvoie à la
définition courante du zaï : creusement de cuvettes, apport de FO en saison sèche.
Mais d’autres variantes de zaï ont été inventoriées. Cette diversité « des zaï » se
manifeste au travers de trois éléments majeurs : la période de creusement des
poquets, la période de semis et l’apport ou non de FO. On aboutit ainsi à 5 types de
zaï présentés à la figure 3. Cette diversité illustrée par la typologie peut s’expliquer
par le manque de FO et de temps pour certaines exploitations. La fréquence des zaï
de saison pluvieuse sera donc plus forte lorsque les pluies arrivent plus tôt. La
diversité des pratiques autour du zaï est aussi observée à travers son délai de retour
sur la même parcelle. En effet, l’analyse de la périodicité d’usage du zaï vient
renforcer l’idée selon laquelle il n’y a pas une seule pratique de zaï « standard » mais
de multiples variantes autour de cette pratique. On dénombre cinq modalités : a)
dans 37,5% des cas, les paysans pratiquent le zaï tous les ans sur la même parcelle
dans un poquet nouvellement creusé. Compte tenu du type de sol, les cuvettes de
l’année n-1 disparaissent. Ainsi, les cuvettes en année n sont confectionnées au
hasard, sans tenir compte des cuvettes précédentes ; b) ensuite, 37,5% des paysans
enquêtés font du zaï de façon permanente en conservant les mêmes cuvettes. Dans
ce cas, chaque année, les trous de l’année n-1 sont refaits et la FO est de nouveau
apportée ; c) certains paysans (12,5%) font du zaï une année sur deux dans les
mêmes cuvettes sur les mêmes parcelles. Ces derniers, après avoir pratiqué le zaï
en année n, se contentent de faire un semis direct en année n+1 ; d) enfin 6,25%
des paysans font du zaï deux années sur trois dans le même poquet et sur la même
parcelle. Ainsi, après deux années successives de pratique du zaï, ils effectuent en
3ème année un semis direct et ainsi de suite ; e) la modalité suivante (6,25% des
enquêtés) est liée au souci du paysan de faire apparaître une biomasse herbacée
sur un sol complètement dénudé, notamment dans l’espace entre les cuvettes. Ainsi,
ils creusent la cuvette de l’année n-1, épandent les débris de souche et la terre riche
en FO entre les trous pour enrichir les espaces inter-poquets. Ici également, la
localisation de la cuvette reste fixe d’une année à l’autre.
Le tableau 1 décrit quelques paramètres de parcelles cultivées en sorgho selon la
pratique du zaï. La densité de trous creusés est de 23 210 ha-1 sur les grandes
exploitations contre 33889 cuvettes.ha-1 pour les petites exploitations. Il faut en
moyenne 68 jours et 52 jours à un actif pour aménager une parcelle d’un hectare en
zaï, respectivement sur une grande et une petite exploitation. Par ailleurs, les
dimensions des cuvettes de zaï sont significativement différentes entre grandes et
petites exploitations. En effet, les petits diamètres mesurent 32,9 cm et 23,5 cm
respectivement pour les grandes et les petites exploitations. Les grands diamètres
sont de 36,4 cm et 26,6 cm respectivement pour les grandes et les petites
exploitations. Quant à la profondeur, elle est de 10,6 cm pour les grandes
exploitations et 10,3 cm pour les petites exploitations. Comme pour les dimensions
des trous, la quantité de FO apportée dans les cuvettes de zaï est plus élevée chez
les grands exploitants qui disposent d’une production importante de FO. Il y aussi
une relation entre taille du trou et quantité de FO apportée, les plus grandes cuvettes
recevant une quantité plus élevée. Elle est en moyenne de 542 g.cuvette-1 chez les
grandes exploitations contre seulement 230 g.cuvette-1 dans les petites exploitations,
ce qui correspond à des doses de 12,6 t.ha-1 et 7,8 t.ha-1, respectivement dans les
deux cas.

53 %

6%

18 %

6%

18 %

Figure 3 : Les différentes variantes du zaï pendant la phase de préparation des champs

3.3.2. Description de la pratique du djengo


L’autre pratique similaire au zaï mettant en œuvre une conservation de l’eau et des
sols et une FO que nous avons rencontrée à Ziga est le « djengo ». Le nom « djengo
» désigne l’outil, une houe à long manche, utilisé pour réaliser cette pratique. Il est
mis en œuvre sur des sols sableux dans la grande majorité des cas et se réalise
exclusivement après l’installation de la saison pluvieuse. Il existe aussi plusieurs
variantes dans la pratique du djengo qui sont les suivantes : a) Type 1 : « creusage
après la levée des adventices + semis + FO » (27% des cas) : dans le cas présent, il
s’agit de confectionner des cuvettes sur une parcelle déjà envahie par les mauvaises
herbes, et y apporter les semences et de la FO ; b) Djengo 2 : « creusage après
levée les adventices + semis sans FO » (33%) : cette variante est proche de la
précédente, sauf qu’elle exclut un apport de FO ; c) Djengo après un labour en
culture attelée + semis + FO (33%) : après un labour à plat (à la traction attelée), les
paysans confectionnent des cuvettes assez larges dans ce lit de labour. Ils y
apportent ensuite la FO ; d) Enfin Djengo après un labour en culture attelée +
semence sans FO (7%) : celle là est identique à la précédente, sauf que là le semis
se fait sans apport de FO.
En termes de périodicité interannuelle, la pratique de djengo a une seule modalité
chez tous les paysans enquêtés, la localisation des cuvettes étant variable d’une
année à l’autre. On observe également une relative homogénéité du nombre de
cuvettes (en moyenne 41481 et 38889 cuvettes.ha-1, respectivement pour les
grandes et petites exploitations) et du temps mis dans l’aménagement des parcelles
(15 et 24 jours.ha-1, respectivement pour les grandes et petites exploitations) dans le
cadre du djengo (tableau 1). De même, les dimensions des cuvettes dans le djengo
ne sont pas significativement différents d’un type d’exploitation à l’autre : (i) petits
diamètres : 26,7 cm et 22,5 cm pour les grandes et petites exploitations ; (ii) grands
diamètres : 26,9 cm et 27,1 cm pour les grandes et petites exploitations et enfin (iii)
les profondeurs : 7,7 cm et 8,3 cm pour les grandes et petites exploitations
respectivement. Les quantités de FO apportées dans le cadre du djengo atteignent
8,76 t.ha-1 au niveau des grandes exploitations contre 6,74 t.ha-1 dans les petites
exploitations.
Les différences zaï/ djengo sont synthétisées dans le tableau 2. Le zaï et le djengo
diffèrent avant tout par l’outil utilisé. L’instrument de confection des cuvettes de zaï
s’appelle le « boamboara » et est fait d’un court manche courbé prolongé d’une
douille et d’une lame. L’instrument du djengo, quant à lui (le « djengo ») est fait d’un
long manche. Cette différence de taille de manche induit de facto une différence de
position du praticien : le zaï se creuse en position « courbée en deux », tandis que le
djengo se fait en position débout. En outre, les trous de zaï sont plus grands que
ceux du djengo, quel que soit le type de sol. Cette différence se ressent
automatiquement sur la quantité de fumure par trou et donc la dose de fumure
organique par hectare (tableau 1). Aussi, le zaï se réalise généralement en saison
sèche sur des sols très massifs et encroûtés tandis que le djengo est fait
exclusivement sur des sols sableux après une installation de la saison pluvieuse.
Tableau 1 : Les différentes caractéristiques de zaï et du djengo
GE: grandes Exploitations; PE: Petites exploitations; CV: Coefficient de variation
Les nombres suivis de la même lettre dans la même colonne ne sont pas statistiquement
différent (P < 0,05) pour une même pratique

Tableau 2: Principales différences en zaï et Djengo

Eléments de différence Zaï Djengo


Les outils Boamboara Djengo
Densité des cuvettes 27 481a 39 753b
Temps mis/ha 62a 21b
Diamètre 1 des cuvettes (cm) 31,3a 25,8b
Diamètre 2 des cuvettes (cm) 35,1a 26,8b
Profondeurs des cuvettes 10,9a 7,4b
Quantités de MO (g/cuvette) 417,3 185,7
Quantité de MO/ha (t/ha) 10,7 7,4
Type de sol Majoritairement sur sols Exclusivement sur sols
massifs sableux
Période En saison sèche et Exclusivement en saison
pluvieuse pluvieuse

Les nombres suivis de la même lettre sur la même ligne ne sont pas statistiquement différents (P <
0,05)

3.4. Production du sorgho : rendements et composantes du rendement


Les données de production de céréales montrent que les rendements sont corrélés
au nombre de grains par panicule ou par épi dans le cas du sorgho et du mil (tableau
3.1). La comparaison des rendements du sorgho montre qu’il n’y a pas de
différences entre les rendements grain du zaï, du djengo et du semis simple
(tableau3.2). Néanmoins, les parcelles de zaï ont produit 1,1 t.ha-1 de grains de
sorgho contre 0,92 t.ha-1 et 0,93 t.ha-1 de grain de sorgho, respectivement pour les
parcelles en djengo et de semis simple. Les résultats des rendements sur le mil ont
permis de comparer les effets de deux pratiques : le semis simple et le djengo, le zaï
étant une pratique à laquelle est associée la culture du sorgho (Kaboré, 2005). Ces
résultats (tableau 3.3) montrent qu’il n’existe pas de différence significative entre les
deux pratiques, ni au niveau des rendements grain et paille, ni entre les
composantes du rendement. Toutefois, le djengo permet un gain léger de grain et de
paille par hectare, comparativement au semis simple.

Tableau 3a : Test de corrélation de Pearson (test paramétrique) entre le rendement et ses


composantes

Sorgho (n=52) Mil (n=15)


Composante du rendement Coefficient de p-value Coefficient de p-value
corrélation bilatérale corrélation bilatérale
-1
Nombre de poquets.ha -0.164 0.246 -0.801 0.0001
-1
Nombre de tiges poquet 0.293 0.036 0.497 0.056
-1
Nombre épis/panicule tige 0.630 < 0.0001 0.103 0.715
-1
Nombre grains épi 0.610 < 0.0001 0.753 0.001
-1
Masse grain (g) 0.277 0.048 0.38 0.162
Tableau 3b : Rendement (grain et paille) et ses composantes en sorgho (moyenne ±se) pour
les différentes pratiques culturales à Ziga, Burkina Faso. Anova et test de Newmans et Keuls
de comparaison des moyennes (les moyennes ayant la même lettre appartiennent au même
groupe)

Semis simple Djengo Zai


Variables F Fischer P value
(n=20) (n=9) (n=23)
-1
Nombre de poquets.ha 31107 ± 341 a 29336 ± 200 b 28884 ± 328 b 13.4 <0.001
-1
Nombre de tiges.poquet 3.09 ± 0.15 3.51 ± 0.22 3.69 ± 0.23 2.52 0.091
-1
Nombre panicules.tige 0.57 ± 0.05 0.47 ± 0.03 0.49 ± 0.04 1.522 0.228
-1
Nombre grains.panicule 716 ± 69 b 920 ± 127 ab 997 ± 77 a 3.54 0.037
-1
Masse grain (g) 0.023 ± 0 0.021 ± 0.001 0.021 ± 0 2.68 0.079
-1
Rendement grain (Mg.ha ) 0.93 ± 0.13 0.92 ± 0.16 1.1 ± 0.13 0.52 0.599
-1
Rendement paille (Mg.ha ) 1.82 ± 0.19 b 2.32 ± 0.49 ab 2.96 ± 0.35 a 3.69 0.032

Tableau 3c : Rendement (grain et paille) et ses composantes en mil (moyenne ±se) pour les
différentes pratiques culturales à Ziga, Burkina Faso. Anova et test de Newmans et Keuls de
comparaison des moyennes (les moyennes ayant la même lettre appartiennent au même
groupe)

Djengo Semis simple


Variables F Fischer P value
(n=6) (n=9)
-1
Nombre de poquets.ha 31423 ± 802 32943 ± 102 5.39 0.037
-1
Nombre de tiges.poquet 3.33 ± 0.13 2.78 ± 0.14 7.33 0.018
-1
Nombre épis.tige 0.53 ± 0.05 0.62 ± 0.05 1.39 0.26
-1
Nombre grains.épi 1350 ± 293 939 ± 79 2.62 0.13
-1
Masse grain (g) 0.011 ± 0.001 0.012 ± 0.001 0.32 0.579
-1
Rendement grain (Mg.ha ) 0.8 ± 0.17 0.59 ± 0.06 2.04 0.177
-1
Rendement paille (Mg.ha ) 1.68 ± 0.5 1 ± 0.11 2.61 0.13

3.5 Régénération du couvert végétal à l’échelle du terroir villageois


De cette étude, il ressort une reprise du couvert végétal. Toutefois, ce couvert reste
typique des savanes arborées et arbustives claires de la zone soudanienne.
L’inventaire des ressources floristiques présente effectivement la régénération de
diverses espèces (Azadirachta indica, Eucalyptus camaldulensis, Adansonia digitata,
Lannea microcarpa, etc.). A l’opposé, des espèces comme Vitellaria paradoxa
(karité), Ziziphus mauritiana (jujubier), Bombax costatum, etc. sont en régression.
Cette régénération a deux origines : la régénération naturelle et la plantation (surtout
pour Azadirachta indica, Eucalyptus camaldulensis et Bauhinia rufescens). Aux dires
des paysans, les cordons pierreux arrêtent les graines des espèces ligneuses et leur
procurent un milieu longtemps humide et riche en éléments nutritifs juste en amont
du cordon. La levée de la graine et la pousse de la jeune plante sont ainsi favorisées.
Par contre, une espèce comme Vitellaria paradoxa disparaît plus qu’elle ne se
régénère, ce qui fait d’elle une espèce menacée. Ainsi, en 20 ans sur une superficie
de 57 ha, près de 100 pieds de karité ont disparus. Tous les paysans enquêtés
attribuent la disparition du karité à la péjoration climatique ou à l’assèchement du sol.
En résumé : 1) les cordons associées aux pratiques décrites précédemment (zaï et
djengo) ont favorisé la reprise de la végétation ligneuse ; 2) les espèces régénérées
sont plutôt de type sahélienne, utiles pour le bois de feu et l’alimentation du bétail ; 3)
les espèces de type soudanienne, plus exigeantes (karité, néré, bombax, …) sont en
train de disparaître.
4. DISCUSSION

4.1. Déterminants des pratiques du zaï et du djengo


Les principes du zaï et le djengo sont d’augmenter le stockage de l’eau en limitant le
ruissellement et améliorer la nutrition de la plante cultivée par un apport localisé de
fumure organique et minérale. Les effets du zaï sur les sols et les rendements
agricoles sont largement documentés (Roose et al., 1993 ; Roose et al., 1999 ; Somé
et al., 2004).
La forte diversité des techniques autour des ces deux pratiques relevées dans cette
étude est liée aux contraintes de leur application. En effet, la pratique du zaï au sein
des exploitations est déterminée par plusieurs facteurs :
- Les types de sols : l’importance de ce facteur s’analyse à deux niveaux : (i) à
l’échelle de l’exploitation, le type de sol d’une parcelle va déterminer en partie
son aménagement en zaï ou pas. En général, les sols à consistance dure
(zipellés, sols graveleux) sont préférés aux sols sableux pour le zaï ; (ii) à
l’échelle d’un territoire, l’importance du zaï va être fonction de l’importance
spatiale de sols qui sont impropres aux autres pratiques d’implantation des
cultures. Dans ce cas, le zaï permet de conquérir des sols non cultivés.
- La main d’œuvre et le temps de travail : La présence d’une main d’œuvre
jeune, nombreuse et motivée, permet d’aménager des surfaces importantes
en zaï, en un délai assez court. Ainsi, face à la pénibilité du zaï et au peu de
temps disponible, une main d’œuvre nombreuse est importante. En effet, les
grandes exploitations disposent en moyenne de deux fois plus d’actifs
familiaux que les petites exploitations (11 actifs contre 5). Ce qui leur permet
d’aménager des cuvettes de plus grande taille dans leur zaï. De plus,
l’anticipation par rapport aux premières pluies détermine l’importance de
l’aménagement en zaï des parcelles d’une exploitation.

- La disponibilité des animaux : la disponibilité en bétail et donc en fumier, est


un facteur incontournable dans la pratique du zaï. On constate que les grandes
exploitations qui disposent de plus de fumier ont une propension à confectionner des
cuvettes de plus grandes tailles. Cela témoigne de la différence de stratégie qui
prévaut dans la gestion de la matière organique, car plus le trou est grand, plus on
devrait y apporter beaucoup plus de matière organique.

4.2. Localisation de la FO, une voie de l’intensification agricole ?


Les résultats ont montré que le zaï qui est généralement pratiqué sur des sols
médiocres (sols encroûtés), voire marginaux, pourrait donner des rendements aussi
bons ou mêmes meilleurs que ceux obtenus avec le semis simple, le djengo, etc., qui
sont souvent réalisés sur les meilleurs sols (sols de bas-fonds, sols non encore
encroûtés, etc.). Ainsi, à l’échelle du terroir, on peut parler d’extensification des
systèmes de culture. En effet, cette pratique de zaï a permis d’exploiter des sols
jusqu’ici inexploitables par les techniques culturales d’antan et d’augmenter l’offre
potentielle en terre. Cela est particulièrement fondamental dans des sociétés où la
pression démographique conduit à une insuffisance ou une réduction du parcellaire
des exploitations familiales. Toutefois, à l’échelle de la parcelle, on assiste à une
véritable intensification des systèmes de culture avec les pratiques de zaï et de
djengo, puisqu’on part d’un sol qui ne produit pratiquement rien à une production
identique aux « sols plus facilement cultivables ». La confection des cuvettes et des
cordons pierreux, la localisation de la fumure organique et minérale, constituent une
forme d’intensification du travail et du capital. Pourtant, pour être performants, le zaï
comme le djengo ont besoin de quantités de FO assez importantes disponibles
comme l’ont montré nos résultats. Mais la production de cette fumure suppose le
maintien et la sécurisation de l’élevage. De ce fait, des mesures d’accompagnement
de l’élevage s’imposent : approvisionnement en aliments concentrés à moindre prix,
assistance sanitaire, etc. Il se pose alors la problématique de la charge en bétail
dans un espace de plus en plus utilisé pour l’agriculture. En effet, le maintien des
troupeaux dans le territoire villageois implique de préserver des espaces de parcours
pour la saison des pluies. Ce que les agriculteurs de Ziga ont réussi à faire jusqu’ici.
Mais jusqu’où ces espaces pourront-ils supporter cette charge grandissante ?

4.3. Changements de pratiques et viabilité de l’agrosystème villageois


Les premiers travaux CES/DRS ont débuté à Ziga en 1960 avec le programme
GERES (1960-1964). Ce programme a eu un succès très limité au regard de
l’investissement consenti et de l’effet négatif des diguettes en terre. Suite aux
sécheresses des années 1984-85, les actions du programme RD vont être
réorientées vers l’aménagement du territoire en cordons pierreux et en bandes
enherbées. Ainsi, une superficie de 700 ha (18% de tout le territoire villageois) a été
aménagé en cordons pierreux entre 1987 et 1990 (Dugué et al., 1993) avec l’appui
logistique et technique du programme Recherche Développement (RD). Selon le
projet CORAF/CRDI (2002), 35% des champs étaient aménagés en cordons
pierreux. Nos résultats en 2005 montrent que 65% des superficies cultivées à Ziga
portent des cordons pierreux. Tous ces chiffres témoignent d’un changement
progressif et rapide des pratiques de lutte contre le ruissellement.
Dans ses travaux, Marchal (1983) ne mentionne aucunement la pratique de zaï mais
plutôt celle du buttage manuel qui avait pour fonction d’enfouir les mauvaises herbes
et d’accroître la rugosité du sol. En 1989, Dugué n’observait pas une ampleur
considérable du zaï à Ziga ainsi que le djengo. Visiblement, ces pratiques n’étaient
pas bien connues ou trop peu répandues dans ce village dans les années 80. Plus
récemment, divers travaux montrent toute l’importance du zaï à Ziga : près de 35%
(rapport du projet R3S, 2002) et 30% (Kaboré, 2005) des parcelles aménagées en
zaï. Ceci montre la diffusion rapide de ces pratiques de CES dans ce village, pour
faire face aux contraintes pédoclimatiques et démographiques de la zone.
A Ziga, nous avons mis en évidence une régénération de la strate arborée imputable
à l’évolution des pratiques des paysans et aux interventions diverses de conservation
des eaux et des sols (CES) (Kaboré, 2005). Les travaux de Roose et al. (1999) ainsi
que ceux de Reij et Thiombiano (2003) ont aboutit à des résultats similaires dans
d’autres villages du Yatenga. L’on est bien en présence d’une évolution significative
des pratiques agricoles sur le terroir de Ziga qui a permis un maintien de la
production agricole voire une amélioration de cette production. La conservation de
l’eau et des sols associée à une fertilisation organique et minérale semble
déterminante dans ces évolutions. Dans les années 1970 et 80, les populations
rurales du Yatenga et celles de Ziga ont connu de graves crises alimentaires qui ont
été jugulées par un exode rural massif vers l’Ouest du Burkina Faso et le Sud de la
Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, la situation semble tout autre. Comme nous montrent les
résultats de ce travail, visiblement Ziga est dans une dynamique de type
Boserupienne, dans un contexte favorisé par une légère augmentation des
moyennes pluviométriques depuis une dizaine d’années. Selon Boserup (1970),
l’augmentation de la population rurale dans les pays sous développés est un facteur
favorable à l’intensification agricole et aux processus d’innovation. La diversité des
techniques autour des pratiques de zaï et de djengo tend à confirmer la dynamique
d’innovation des paysans avec l’appui des acteurs du développement institutionnel
ou associatif. Il s’agit d’une pression créatrice, c’est-à-dire que les populations
rurales modifient leurs pratiques et les différents flux à l’échelle des terroirs et des
exploitations pour s’adapter aux nouvelles contraintes et pour mieux produire. Jouve
(2004) précise que dans les pays les moins avancés, le recours au capital est très
limité et l’intensification ne pourra se faire que si la densité de population est
suffisamment élevée pour fournir la force de travail qu’exige cette intensification. La
mise en place des cordons pierreux, des fosses fumières et façons culturales
décrites ici est très lourde en main d’œuvre. Les projets de développement ont
indéniablement permis ce processus de transformation (programmes de financement
des cordons pierreux ou des fosses fumières). A l’instar des travaux dans l’Est du
Burkina Faso de Mazzucato et Niemeyer (2000), les transformations sociales et leur
adaptation suite aux changements démographiques et environnementales sont pour
une grande part dans l’amélioration des conditions de la production agricole après
une phase de dégradation. Ces aspects sociaux de l’évolution de la gestion des
ressources naturelles par les populations devront être approfondis à Ziga.

5. Conclusion
Cette étude des pratiques agricoles sur le terroir de Ziga montre que l’on est dans un
processus de transition agraire tel que l’a défini Jouve (2004). Cette situation traduit
une sorte de résilience des sociétés rurales face aux contraintes socio-
démographiques et environnementales auxquelles elles sont confrontées. Cette
étude montre également que concentrer l'eau et un peu de biomasse est tout à fait
insuffisant pour obtenir des rendements optimums: Il est difficile dans un circuit
fermé comme un terroir d'apporter assez de nutriments organiques pour tirer le
meilleur parti de l'eau disponible. Il est indispensable de rajouter des engrais
minéraux (si possible NPK) en doses raisonnées et réparties en fonction des
besoins des plantes.
Les structures d’appui (Recherche et Développement) doivent favoriser cette
transition agraire et l’intensification agricole en valorisant les savoirs et savoir-faire
paysans, de façon à mobiliser les capacités endogènes des sociétés rurales pour
lutter contre la dégradation de leur environnement. Reste cependant une question
sur la capacité de ces terroirs agricoles à faire face à un besoin accru de production
agricole pour assurer non seulement une production de subsistance des populations
rurales mais pour également nourrir une population urbaine de plus en plus
importante. Mais le succès du zaï ne doit pas cacher une réalité : le zaï n’est pas la
solution à tous les problèmes des agriculteurs de Ziga. En effet, comme le disait un
paysan de Ziga, « le zaï ne fait pas pleuvoir ». C’est pourquoi, dans le souci de
limitation du risque, les paysans diversifient leurs pratiques (localisation des
parcelles sur différents types de sol), leurs variétés, etc. Il semble alors important
d’associer zaï et variétés précoces, pour mieux assurer la récolte dans le Yatenga.

6. Références
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Amélioration de la gestion paysanne de la fertilité des sols
des versants cultivés des collines, du bassin versant de Maniandro
(Madagascar)

Edmond ANDRIAMBELOMANGA(1), Simone RATSIVALAKA(1), Nicolas


ANDRIAMAMPIANINA(2), Jean-Chrysostôme RANDRIAMBOAVONJY(3),
Mparany ANDRIAMIHAMINA(1),
(1)
, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Département de géographie, BP 907 Ankatso, 101
Antananarivo, Université d’Antananarivo, Madagascar
(2)
, Centre National de Recherche pour le Développement Rural (FOFIFA), Département de Recherche
Forestière et Piscicole, Ambatobe, Université d’Antananarivo, Madagascar
(3)
, Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques, Département Forêt, Université d’Antananarivo, Madag
E mail : eandriambelo@gmail.com

Résumé : Le présent travail développe l’étude pour l’amélioration de la fertilité des


terres des flancs cultivés des collines dans le bassin versant de Maniandro, situé à
25km au nord d’Antananarivo, sur les Hautes Terres Centrales de Madagascar. Les
observations, les mesures d’érosion sur parcelles et les essais de fertilisation organo-
minérale permettent de dégager l’importance des problèmes d’érosion hydrique et de la
pauvreté physico-chimique des sols. Cette situation est aggravée par des contraintes
socio-économiques. La persistance d’un aménagement paysan et d’une stratégie
traditionnelle de gestion de la fertilité des sols ne permet que la survie des paysans. Elle
renforce la dégradation du milieu écologique et la précarité de la vie de la population. La
technique culturale sous couverture végétale morte ou vivante et l’utilisation des engrais
organiques à base de fumier de parc, de la dolomie, de guano et de troncs de bananiers
hachés sont les solutions préconisées. Mais cette initiative des chercheurs a ses limites
économiques et spatiales et donc nécessite l’intervention de l’Etat et des autres acteurs
de développement rural.

Mots clés : Madagascar, Aménagement, Erosion, Fertilité des sols, Tanety

Abstract: This paper reports the studies about improvement of soils fertility of tanety in
the watershed of Maniandro, located at 25 km North of Antananarivo in the Central
Region of Madagascar Highland. The research and measurements of soil erosion
underlines the importance of soil erosion problems, the physicochemical soils poverty
and the socio-economic constraints of poor farmers. The traditional strategy of
management of soils fertility allows only the survival of the farmers. It reinforces
population’s poverty and ecological degradation. The recommended solutions are the
farming technique under vegetation cover and the organic manures use: manure of
park, dolomite, and guano and trunks of banana trees. But this initiative of researchers
has economic and space limits and requires the intervention of State & other actors of
rural development.

Key words: Madagascar, Management, Erosion, Soils fertility, Tanety


INTRODUCTION

Ce travail s’inscrit dans le cadre du projet ‘’EROSION’’ financé par l’Agence


Universitaire de la Francophonie (AUF). Les organismes associés dans ce projet sont,
du côté malgache : le Département de Géographie de l’Université d’Antananarivo et le
Département Forêts de l’Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques (ESSA), le
Département de Recherche Forestière et Piscicole (DRFP) du Centre National de
Recherche pour le Développement Rural (FOFIFA), et du côté français : Département
de Géographie de l’Université J Moulin Lyon 3 et Maison de la Télédétection de
Montpellier.

L’étude est faite au niveau du sous bassin versant d’Ambohitsimeloka, dans le bassin
versant de Maniandro. C’est un espace humanisé dans lequel la problématique de la
dégradation des sols causée par un aménagement extensif des flancs cultivés des
collines ou tanety est plus importante. La problématique de notre étude est de savoir
quelles sont les améliorations qu’on peut apporter dans la gestion paysanne de la
fertilité des terres dans le cas des sols de tanety du bassin versant de Maniandro?
Ambohitsimeloka se trouve à 23 km au nord-ouest de la capitale Antananarivo. Il
s’étend de la latitude 18°45’S à 18°47’S et de la longitude 48°25’E à 48°27 E avec une
altitude comprise entre 1250m et 1450m (figure 1).

Figure 1 : Localisation de la zone d’étude

L’objectif de la recherche est de contribuer à une meilleure compréhension des


stratégies traditionnelles de gestion de la fertilité des sols et d’identifier les différentes
contraintes liées à cette gestion paysanne afin d’apporter des solutions d’amélioration
pour contrôler l’érosion et améliorer la fertilité des sols, pour pérenniser les activités
agricoles.
METHODOLOGIE

La méthodologie adoptée commence par des recherches bibliographiques réalisées en


2006. La documentation a permis de mieux connaître la zone d’étude et d’approfondir
nos connaissances sur le thème. Les études sur terrain combinent deux méthodes :
observation du paysage agricole et enquêtes sur les ménages réalisés en janvier 2007.
L’observation sur transect est une approche systémique nous permettant de ressortir
tous les problèmes d’érosion et de fertilité à l’échelle du paysage et des parcelles
cultivées, et tous les modes d’aménagement agricole existants. L’enquête sur terrain
s’est appuyée sur l’interview des exploitants à l’aide d’un questionnaire semi-structuré.
L’échantillonnage est basé sur le principe du choix au hasard avec une fraction de
sondage de 1/5 soit 45 ménages sur les 220 recensés issus de 1 200 habitants du
village d’Ambohitsimeloka dans le bassin versant de Maniandro, en 2006. Des données
quantitatives et qualitatives sur divers aspects de l’étude ont été collectées, puis
analysées en vue d’établir le présent article.
La méthode de recherche inclue aussi des mesures d’érosion, de la fertilité des sols
ainsi que des essais de fertilisation sur la culture des haricots.
- Trois parcelles d’érosion de 10m x 10m, délimitées par des tôles enfoncées dans
la terre ont été mises en place pour mesurer le ruissellement et la perte en terre. Le
dispositif de collecte des données est obtenu avec des cuves d’érosion composées de
deux fûts de 200 litres chacun et reliés entre eux par un partiteur à 11 fentes. La
méthode de mesure d’érosion porte sur l’évaluation des impacts des dispositifs
antiérosifs sur l’érosion et l’état de la fertilité des sols. Trois dispositifs de gestion des
sols et des eaux sont mis en place : Parcelle 1 : Paillage constitué de graminées
collectées sur place, Parcelle 2 : Parcelle témoin sans dispositif antiérosif, Parcelle 3 :
culture sous couverture végétale vivante de Stylosanthes gracilis.
- Les analyses chimiques du sol ont concerné des prélèvements de sol faits dans
l’horizon A1 (0-15cm) avec un échantillon issu de quatre répétitions de prélèvements
d’échantillons dans chaque placeau de 2m x 5m. Elles concernent le pH eau, les
cations échangeables : Ca, Mg, K (méthode d’extraction à l’acétate d’ammonium –
Lecture au spectrophotomètre d’absorption atomique), le P assimilable (méthode de
Bray II), l’Azote et l’Aluminium (méthode de Kjeldhal) et la Matière Organique (méthode
de Walkley Black).
- L’expérimentation agronomique consiste à faire deux essais de fertilisation :
Essai 1 : fertilisation minérale et organique du haricot par des engrais chimiques
(dolomie, K, P2O5) et du fumier de parc ; Essai 2 : fertilisation organique du haricot avec
de fumier de parc et de l’amendement dolomitique, de l’engrais phosphaté (guano) et de
tronc de bananier haché. L’expérimentation cherche à étudier l’effet de doses de ces
fumures sur le haricot. La production est évaluée en poids de graines sèches sur 10m2
et t/ha.
RESULTATS

Faible fertilité physico-chimique des sols des tanety


De par l’observation et l’analyse chimique des sols du bassin versant de Maniandro, on
note la présence des contraintes pédologiques. Les sols de versants sont ferrallitiques
rajeunis. Les observations sur terrain ont permis de décrire ces sols (figure 2).

Figure 2 : Profil pédologique des sols ferrallitiques rajeunis de Maniandro

- 0 – 10 cm : Horizon AH : l’horizon humifère de couleur rouge brun, la texture est limono-argileuse avec
une structure grumeleuse. On observe aussi une cohérence structurale grâce aux matières organiques.
- 10 – 30 cm : Horizon AB brun rouge, limon argilo-sableux, humide, meuble, structure grumeleuse,
présence de quelques grains de quartz
- 30 – 70 cm : Horizon B, de couleur brun rouge. Elle contient des minéraux. C’est un horizon à structure
massive et à texture limono-argileuse, en présence de quelques grains de quartz.
- 70 – 150 cm : Horizon C, de couleur rouge bariolé, à texture limono-sableux, structure primaire continue
et secondaire polyédrique. Présence de nombreux débris de roche altérée : feldspaths, quartz, minéraux.

D’après la figure 2, l’horizon humifère dans les sols de tanety a une épaisseur très
faible. Le ruissellement provoque le décapage de la couche superficielle. Or, la
faiblesse de l’horizon AH et la fragilité de la structure de l’horizon AB ne permettent pas
l’infiltration de l’eau et donc la nutrition minérale des plantes. A titre de comparaison, les
terrasses, en contrebas des tanety, ont de bons sols de colluvions apportés par le
ruissellement. L’horizon arable AH dépasse 40cm. Selon Rakoto-Ramiarantsoa (1995),
le sol mou non cohérent et la couleur sombre sont de bons signes de fertilité. Les sols
ont une structure stable et résistent aux impacts de gouttes de pluie.
Du point de vue chimique des sols, on constate une variabilité spatiale de la fertilité.

Tableau 1 : Caractéristiques chimiques des sols du bassin versant de Maniandro


(Ratsivalaka et al, 2007)
Unité topographique pH MO P ass. N C Ca Mg K S
% ppm % %
Sols des versants 5,13 1,13 4,47 0,071 0,88 1,20 0,13 0,14 1,47
cultivés ou tanety
Sols de bas de pente 6,14 4,18 17 0,28 - 3,11 1,03 0,69 4,48
ou terrasses
Les sols de tanety sont chimiquement pauvres. La somme en bases échangeables en
K, Ca et Mg est très déficiente : inférieur à 4 méq/100g de sol. Les analyses chimiques
mettent en évidence la faible teneur en P assimilable qui tourne autour de 5. Le pH du
sol, inférieur à 5 est acide. Les matières organiques (M.O) représentent moins de 1,5%
des sols, donc déficientes. En effet, les teneurs en N total et en C organique sont très
faibles. La teneur faible en M.O et le taux élevé de minéralisation ne permettent pas la
formation de complexe organo-minéraux plus stable pour le stockage des nutriments
assimilables (Terre-Tany., 1995). Dans ce cas, les sols ont une carence en nutriments
indispensables pour les plantes. Leur développement est donc mis en cause. En
revanche, les sols des terrasses sont fertiles : ils sont riches en bases échangeables en
Ca, Mg et K (avec une somme plus de 5méq/100g), en M.O (supérieure à 4méq/100g)
et en P assimilable (équivalent de 17ppm/100g). Le pH est presque neutre.

Gestion traditionnelle de la fertilité des sols


Les paysans gèrent la fertilité de leurs terres par trois méthodes complémentaires : la
gestion horizontale, la gestion verticale et la gestion intégrée de la fertilité des sols.
• La gestion « horizontale » de la fertilité des sols consiste en la régénération de la
fertilité provenant des transferts réalisés par des prélèvements d’éléments fertilisants
sur d’autres parties du terroir (Rollin, 1994). L’apport de fumier sur les parcelles illustre
la gestion horizontale de la fertilité. Le parc à bœuf constitue le centre de production de
fumier de parc (photo 1). Le prélèvement de la litière, une biomasse végétale constituée
de Aristida multicaulis ou bozaka (Rakoto-Ramiarantsoa, 1995), équivalent de 5
charrettes ou 500 kg/semaine est nécessaire pour produire du fumier. La production de
fumier dépend de la quantité de la litière apportée au parc et du nombre de bovins. Elle
varie de 0,5 à 1,5 charrette ou 300 à 500 kg/semaine de fumier. 7 et 10t/ha de cette
production sont apportés chaque année dans les champs cultivés de tanety. La plupart
de la production de fumier : entre 20 et 30t/ha, est réservée aux terrasses et rizières.
L’utilisation paysanne d’engrais montre une diversification des éléments fertilisants.
Mais, le fumier de parc reste le plus utilisé (figure 3).

Figure 3 : Engrais utilisés par les paysans de Maniandro (Andriambelomanga, 2007b)

• La gestion « verticale » de la fertilité est la régénération de la fertilité des sols qui


provient du milieu lui-même au niveau de la parcelle (Rollin, 1994). Ici, deux types de
gestion verticale sont adoptés par les paysans : aménagement du sol et jachère
naturelle. Le labour est la principale technique d’aménagement du sol des tanety. Il est
parfois suivi de l’aménagement des trous de plantation. La succession de ces
techniques permet de régénérer la fertilité des sols. La jachère est pratiquée sur les
parcelles de tanety. Après 2 à 4 ans de cultures, les paysans laissent en jachère leurs
parcelles pendant 1 à 4 ans suivant la vitesse de colonisation par les herbes. La
diversité d’herbes signifie une régénération de la fertilité. La jachère empêche l’érosion
et accroît l’humidité du sol. Mais la pression foncière réduit ou fait disparaître la jachère.

• La ‘‘gestion intégrée’’ des eaux, des sols et de la biomasse dans les parcelles et sur
l’ensemble du bassin versant consiste à cultiver des plantes pour freiner l’érosion et à
aménager des canaux ou trous collecteurs des eaux de pluie afin d’améliorer la fertilité
(photo n°3 et photo n°4).

La ‘’gestion intégrée’’ des sols et de la biomasse s’est traduite par la production des
plantes sur la parcelle et sur l’ensemble du bassin versant pour nourrir le bétail afin de
produire du fumier. Le fumier de parc produit est destiné à fertiliser les sols cultivés
(Figure 4).
Figure 4 : Schéma de la gestion intégrée de la biomasse et de la fertilité des sols

Dans les zones d’export : jachère et savane herbeuse, on prélève de la matière végétale soit pour nourrir
le bétail (30 à 50kg de fourrage/jour/éleveur) soit pour produire de la litière (500kg/semaine). Les zones
de culture produisent aussi de la biomasse de faible quantité : les résidus de cultures qui sont exportés
vers le parc des animaux pour y être recyclés. En se nourrissant, les animaux prélèvent de la matière
végétale, la transforment en matière organique décomposée pouvant facilement se minéraliser. Dans les
zones d’apport : espaces cultivés, on apporte de la biomasse transformée en matière organique sous
forme de déjection, fumier, compost...Tout apport de biomasse correspond à un enrichissement en
nutriments des sols, d’où le rôle important joué par la biomasse dans la gestion de la fertilité.

Cette notion d’intégration implique aussi une gestion intégrée des espaces agricoles.
Elle montre une différenciation et une complémentarité spatiales de l’utilisation des sols.
Les apports massifs d’engrais sur les cultures de riz et les cultures maraîchères de
saison et de contre-saison traduisent l’intensification agricole dans les terrasses et
rizières. Les produits agricoles dans ces unités : paddy, tomate, haricot, choux, pomme
de terre, courgettes,…sont faibles et n’arrivent pas à subvenir aux besoins alimentaire
et financier des exploitants. Ce qui les conduisent à l’aménagement extensif des tanety
pour la pratique des monocultures pluviales extensives de manioc, de patate douce et
du maïs, d’arachide et de pois de terre. Ces cultures sont caractérisées par la faible
productivité mais elles fournissent une alimentation complémentaire du riz pendant la
période de soudure. La vente d’une partie de ces cultures améliore le revenu des
exploitants. Mais l’extension de l’aménagement des tanety pose des problèmes.

Contraintes perceptibles sur les milieux écologique, social et économique


Sur le milieu naturel, les méfaits de la gestion paysanne de la fertilité des sols sont plus
importants. Ils se traduisent par la dégradation alarmante des ressources naturelles :
développement des mauvaises herbes appelées localement tangongonalika ou
Cyanthula uncinutala (Andriambelomanga, 2007a) et disparition progressive de la
couverture des sols. La dégradation des ressources végétales entraîne naturellement
l’importance de l’érosion des sols. L’érosion aboutit à la perte de fertilité chimique des
sols cultivés (tableau 2).
Tableau 2 : Erosion chimique des sols sur une parcelle cultivée (Ratsivalaka et al. 2007)
Echantillon du sol prélevé pH MO P N C Ca Mg K
sur la parcelle assim
d’expérimentation % ppm % % méq/100g
Sol à l’état initial (avant la 5,44 1,13 0,060 5,5 0,89 1,76 0,100 0,015
saison de pluie)
Sol en place (pendant la 4,81 1,27 0,076 5,7 1,00 0,99 0,106 0,066
saison de pluie)
Sol érodé (pendant la 5,30 1,16 0,060 5,4 0,91 2,60 0,125 0,046
saison de pluie)
Le décapage du sol entraîne une perte des éléments fertiles dans le sol. Eléments fins et fumier sont
ainsi emportés par le ruissellement qui s’y produit. L’érosion aboutit à un appauvrissement des sols en
place et l’exportation des éléments nutritifs avec les sédiments (Andriambelomanga, 2007a). D’après ce
tableau, on constate une acidification des sols, une perte en bases échangeable de 0,713 méq pour 100
g de sol (Ratsivalaka et al, 2007).

Cette perte d’éléments fertiles du sol entraîne la diminution considérable de la


production agricole. La baisse du revenu paysan va de pair avec ce déclin de la
production. La pauvreté s’accentue considérablement. Or, les paysans pauvres ne
peuvent pas améliorer les terres pauvres. Les paysans sont donc pris dans un cycle
irréversible de dégradation du milieu. La dégradation du milieu physique cause la
détérioration de l’économie paysanne. Un cercle vicieux de la dégradation des milieux
naturel, social et économique s’enclenche alors. Pour lever ces problèmes et pour
passer de la gestion traditionnelle destructrice du milieu vers une gestion conservatoire
de la fertilité des sols, il importe de proposer des solutions d’amélioration.

Les techniques d’amélioration de la fertilité des sols


Les principes généraux qu’il faudrait considérer comme éléments de base pour
améliorer la fertilité des sols des flancs cultivés des collines dans le bassin versant de
Maniandro sont :
• L’augmentation de la couverture des sols cultivés
Deux méthodes testées localement par Ratsivalaka et al. (2007) peuvent être
appliquées dans le bassin versant de Maniandro : d’une part, la couverture vivante des
sols par la culture de Stylosanthes gracillis intercalée avec les cultures et d’autre part, la
couverture morte des sols par le paillage ou mulching à base de matières végétales
mortes ou bozaka.
Cette technique permet la réduction de l’érosion des sols, l’augmentation de l’infiltration
des eaux de pluie, la réduction de la perte d’humidité par évaporation et l’augmentation
de l’humidité disponible, l’augmentation de la teneur en matière organique de la couche
superficielle. L’augmentation de la teneur en matière organique du sol améliore la
résistance des agrégats à l’érosion (Terre-Tany, 1995). Les techniques de culture sous
couverture végétale vivante ou morte permettent de lutter contre l’érosion des sols
cultivés. Le tableau 3 illustre l’efficacité de ces techniques de lutte antiérosive (LAE)

Tableau 3 : Rôles importants de la végétation dans la LAE (Ratsivalaka et al. 2007)


Pertes en terre (tonnes / hectare)
Parcelle
Culture de Sous - Sous Sous jachère Sous graminée
manioc sans couverture couverture naturelle de à Aristida
dispositif anti- végétale végétale morte Cynodon rufenscens
érosif vivante (paillage) dactylon
(stylosanthes
gracilis)
26,8 10 7 3,5 0,65

• L’amélioration de la fertilité chimique et la productivité des sols


Les mécanismes pour augmenter la fertilité chimique et la productivité des sols sont :
accroître le niveau de matière organique dans les sols ferrallitiques à faible fertilité, au
moyen d’application massive d’engrais organique surtout du fumier de parc. Ce dernier
apporte de l’azote (N) et des fertilisants majeurs : K, Ca, P, Mg donc il permet une
bonne production. Mais il ne corrige pas totalement l’acidité du sol. D’où il faut apporter
aux sols des amendements à base de la dolomie. L’amendement dolomitique agit de
façon spectaculaire dans l’augmentation du pH des sols ferrallitiques acides
(Ratsivalaka et al, 2007). On ne peut pas espérer un bon rendement sans l’apport de la
dolomie, source de Ca et Mg.

Tableau 4 : Rendement de haricot en grains obtenu à partir de l’essai de fertilisation


minérale et organique avec de la dolomie, de fumier de parc et des engrais minéraux
(Ratsivalaka et al. 2007)
Traitement Rendement Rendement
(g/2m2) (t/ha)
T1 (Témoin) 20 0,1
T2 (Dolomie : 1,5t/ha) 55 0,275
T3 (Dolomie : 1,5t/ha +Potasse : 80kg/ha) 70 0,350
T4 (Dolomie : 1, 5t/ha +Potasse : 80kg/ha + TSP : 80kg/ha) 80 0,400
T5 (Dolomie : 1,5t/ha +Potasse : 80kg/ha + Fumier : 15t/ha) 120 0,600
T6 (Dolomie : 1,5t/ha + Fumier : 15t/ha) 185 0,925
Les résultats obtenus ont fait ressortir que l’association Dolomie + Fumier (T5 et T6) donne les meilleurs
rendements.
Tableau 5 : Rendement de haricot en grains en g/10m2 et en t/ha avec de la
fertilisation organique avec de la dolomie, de fumier, de guano et de bananier haché
(Ratsivalaka et al. 2007)
Traitement Rendement Rendement
(g/2m2) (t/ha)
T1 (Témoin) 0 0
T2 (Fumier : 15t/ha) 165 0,165
T3 (Dolomie : 1,5t/ha+Fumier :15t/ha) 285 0,285
T4 (Dolomie : 1, 5t/ha+Fumier:15t/ha+Guano :500kg/ha) 260 0,260
T5 (Dolomie : 1,5t/ha+Bananier:10t/ha+Guano : 500kg/ha) 136 0,137
Les phosphates naturels : bananier, guano + dolomie apportent des éléments fertilisants naturels : N, P,
K, Ca et Mg…L’usage de la dolomie et du fumier permet donc d’améliorer la fertilité et d’accroître le
rendement. Le traitement Dolomie + Guano + Bananier (T5) présente aussi un rendement moyen.

Ces techniques d’amélioration de la fertilité et du rendement sont efficaces. Elles


présentent aussi des avantages en terme de coût. Ces éléments fertilisants sont
disponibles localement et ils sont à la portée de tous les paysans. Mais l’apport massif
de fumier organique reste indispensable. Cet apport n’est pas possible dans le contexte
écologique et économique actuel : la litière pour produire du fumier se raréfie, peu
nombreux sont ceux qui possèdent des bovins : le prix des engrais n’est pas à la portée
des paysans. Il est donc judicieux de proposer des solutions relatives à l’amélioration
des conditions de vie des ménages ruraux.

• Les améliorations socio - organisationnelles


L’amélioration de la gestion paysanne de la fertilité des sols doit tenir compte des
conditions socio-économiques et organisationnelles locales. Pour cela, il faut intensifier,
coordonner et réunir les efforts pour une action concertée qui vise l’encadrement des
paysans par :
- Le renforcement des capacités des paysans et la vulgarisation agricole notamment
en matière de gestion durable des sols et des techniques culturales intensives sur
tanety : semi-direct, production de compost...
- La mise en place des institutions de micro-finance (IMF) et des lignes de crédits
matériels et des banques de semences et d’intrants agricoles
- L’amélioration des infrastructures rurales : ouvrages hydro-agricoles, centre de
formation et d’appui des paysans....

CONCLUSION ET DISCUSSION

Les pratiques paysannes de gestion de la fertilité des sols ne permettent que


l’assurance des besoins quotidiens des paysans. Elles ne répondent ni aux exigences
de la pérennisation des activités culturales, ni aux conditions requises par ce qu’on
entend par gestion durable et rationnelle des sols. Cependant, certaines pratiques
paysannes sont prometteuses en terme de développement des activités paysannes.
Intégration de la gestion de l’eau, de la biomasse et de la fertilité des sols, et
interdépendance de l’aménagement des tanety, des terrasses et des rizières sont les
techniques paysannes prometteuses pour le cas de Maniandro. C’est là que les
développeurs doivent intervenir en apportant des améliorations. La mise en œuvre des
actions de gestion des sols doit tenir compte de ces stratégies paysannes rationnelles.

La préoccupation majeure des paysans reste l’assurance de leur besoin alimentaire


journalier sans tenir compte de leurs besoins futurs. L’amélioration de la fertilité des sols
constitue la seule garantie de la sécurité alimentaire de la population rurale à
Madagascar. Selon le principe socio-agronomique « nourris ta terre, elle te nourrira »,
les paysans doivent pouvoir nourrir leurs terres afin de pouvoir se nourrir eux-mêmes.
Mais la situation est ici très différente. Les paysans pauvres n’arrivent pas à nourrir les
terres pauvres. D’où, il faut l’appui des acteurs extérieurs. L’intervention extérieure
devrait s’orienter sur des actions ponctuelles qui touchent le problème majeur des
paysans : érosion et perte de fertilité des sols. Pour notre projet, les actions mises en
œuvres sont :
- étudier les stratégies paysannes existantes, leurs contraintes et leurs atouts,
- mener des essais agronomiques avec la participation des paysans en vue de
dégager des solutions d’amélioration. Dans ce cas, il est préférable de travailler
étroitement avec les paysans locaux en vue d’identifier leurs attentes et de pérenniser
les stratégies mises en œuvre,
- apprendre aux paysans à utiliser de l’engrais organique naturel disponible
localement à travers l’expérimentation réalisée en parcelles expérimentales, et en
même temps initier les paysans aux techniques culturales modernes, à moindre coût et
à la portée de tous. Cela facilite l’appropriation paysanne des techniques proposées.
Les expérimentations effectuées nous permettent d’identifier les meilleures solutions de
LAE, entre autres :
- l’augmentation de la couverture végétale des sols : paille, Stylosanthes gracilis,…qui
permettent de lutter contre l’érosion des parcelles cultivées,
- l’amélioration de la fertilité chimique et de la productivité des sols par des traitements
organiques à base de fumier, de dolomie et des engrais naturels tels que guano et
bananiers hachés. Cela donne aussi de meilleurs rendements pour le cas du haricot.

Pourtant, dans le contexte socio-économique rural à Madagascar où la pauvreté règne,


il est aussi nécessaire de mettre à la disposition des paysans les moyens leur
permettant d’adopter les différentes techniques proposées : crédit agricole, matériel
agricole, semence et engrais...Mais les projets de recherche n’ont pas les moyens de
mettre en place des centres de crédit, des banques de semence et des centres de
location de matériels agricoles. Dans ce cas, l’appui étatique par l’intermédiaire des
Ministères de l’Agriculture et de l’Environnement est crucial. Ce qui n’est pas encore le
cas pour le bassin versant de Maniandro.

Par ailleurs, les actions mises en œuvre par les projets de recherche restent souvent
limitées dans un site expérimental. Or, les zones touchées par la dégradation des sols à
Madagascar sont de vastes étendues. Elles s’éparpillent à travers la grande île et en
particulier sur les Hautes Terres. Il faut préciser qu’une masse de population paysanne
pauvre habite ces zones. Pour vaincre la pauvreté paysanne et conserver parallèlement
le potentiel de production dans ces zones, l’intervention extérieure est nécessaire. La
réussite de la mutation de la gestion traditionnelle vers la gestion moderne des sols
dans ces zones dégradées requiert en effet la participation active de tous les acteurs du
développement dans le cadre du partenariat public privée. Les stratégies d’action à
mettre en oeuvre devraient se concevoir dans un cadre d’une concertation entre les
acteurs exogènes : Etat, ONG, Projets, Centres des recherches, Bailleurs de fonds et
les acteurs endogènes : paysans.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1) ANDRIAMBELOMANGA E., 2007a : ‘’La gestion paysanne de la fertilité des sols


dans le bassin versant de Maniandro : l’exemple d’Ambohitsimeloka (Hautes Terres
Centrales de Madagascar)’’. Mémoire de maîtrise de Géographie, Faculté des
Lettres et Sciences Humaines, Université d'Antananarivo, 131p.
2) ANDRIAMBELOMANGA E., 2007b : ‘’ La gestion de l’eau et de la fertilité des sols
dans le terroir d’Ambohitsimeloka (sous-bassin de Torotosy, bassin versant de
Maniandro/Mahitsy). Rapport de mission, Département de Géographie, Faculté des
Lettres et Sciences Humaines, Université d’Antananarivo, 100p
3) RAKOTO RAMIARANTSOA H., 1995 : "Chair de la terre, œil de l'eau : paysanneries
et recompositions de campagnes en Imerina (Madagascar)". Collection A travers
champs, ORSTOM, Paris, 370 p.
4) RATSIVALAKA S., ANDRIAMAMPIANINA N., MIETTON M., PUECH C.,
ANDRIAMIHAMINA M., RANDRIAMBOAVONJY J.C., 2007 : "Restauration et
gestion de la fertilité des sols sur les Hautes Terres Centrales de Madagascar : cas
du bassin versant de Maniandro, nord-ouest d'Antananarivo, Madagascar". Réseau
des chercheurs EGCES de l’AUF. Rapport Scientifique de mi-parcours, 49p. Rapport
final, 41p.
5) ROLLIN D., 1994 : "Des rizières aux paysages: éléments pour une gestion de la
fertilité dans les exploitations agricoles du Vakinankaratra et du Betsileo Nord
(Madagascar)". Thèse nouveau régime de Géographie, Département de
Géographie, Université de Paris X Nanterre, 323p.
6) TERRE - TANY., 1995 : Terroirs et Ressources, spécial Hautes Terres Centrales,
vol 2. GDE, FOFIFA, 74p.
7) RATSIVALAKA S., SERPENTIE G., DE NONI G., ROOSE E., 2006. Erosion et
Gestion Conservatoire de l’eau et de la fertilité des sols. Actes des Journées
Scientifiques du réseau « Erosion et GCES », Editions AUF et GB, Paris, 310p.
Dynamique de l’érosion sous différentes utilisations du sol
au niveau d’un versant en zone méditerranéenne subhumide :
influence des cultures, des aménagements de GCES et des
couvertures forestières en Algérie.

Morsli B.1, Seladji A.1, Kaci O.2


1 2
INRF, BP. 88 Mansourah Tlemcen Algérie. Email : morbinrf@yahoo.fr, Laboratoire de CES et des
écosystèmes forestiers, Université de Tlemcen Algérie.
Résumé
Sur les versants des zones méditerranéennes subhumides du Nord ouest algérien, les
diverses formes d’érosion sont très actives : le décapage des terres entraîne une diminution de
la productivité tout en entraînant un déséquilibre entre eau -sol- végétation.
L’objectif de cette recherche est d’étudier la dynamique de l’érosion, dans cette zone agro-
sylvo-pastorale, sous différentes utilisations de sol et d’examiner les relations entre les facteurs
de cette dynamique et l’impact des aménagements, en particulier les actions de GCES par les
paysans. Pour atteindre ces objectifs, on a étudié un transect au niveau d’un versant de 4 km
de long. Le long de ce transect, on rencontre plusieurs utilisations et aménagements sur
un même type de sol. L’approche est basée sur la comparaison de certains
critères morphologiques et des indicateurs analytiques tels que pierrosité, infiltrabilité
(mesurée au simulation de pluies), matière organique, épaisseur du sol (évacuation et
accumulation des matériaux).
Les résultats montrent qu’à l'échelle du versant, la dynamique est sous l’influence de la
pente et surtout de l’utilisation du sol. A la variation d’occupation des sols (formations
arbustives, buissonnantes et des zones cultivées, arboriculture et céréales associées aux
aménagements de GCES) correspond une variation de la dynamique érosive, que l’on peut
suivre grâce aux indicateurs. En forte pente et sous couvert végétal faible, les sols sont érodés
par la pluie et ceci est bien démontré par la charge caillouteuse et le décapage de l’horizon A.
Par contre, Les sols très couverts sont mieux conservés malgré la présence de fortes pentes.
Cette stabilité trouve son explication dans la densité du couvert végétal (reboisement dense et
formation buissonnante) la litière et la richesse en matières organiques du sol, qui rendent la
structure du sol plus stable et qui facilite l’infiltration des pluies. Les aménagements (murets de
1 à 2 m) réalisés sur les zones cultivées par les riverains apparaissent comme une solution
ingénieuse. Ils permettent de cultiver des surfaces très pentues tout en limitant au minimum les
risques d'érosion. Ces techniques, parallèle aux courbes de niveau, ont bien montré leur
efficacité dans la réduction de l’érosion et le piégeage des sédiments. L’application de la
gestion durable de l’eau et des sols (GCES) dans certaines exploitations en amont du versant
(Intensification, cultures en étages avec arboriculture (cerisier) très valorisante et très
économique, fumier, emploi de techniques antiérosives) a bien montré son efficacité dans la
conservation du sol et dans l’amélioration des revenus.

MOTS CLES : Algérie, Montagne méditerranéenne subhumide, Erosion, Utilisations des


sols, Transect, GCES, Revenus.

Abstract
The study of erosion manifestations along a landscape transect with the same red soils
showed the importance of slope, land use and stone walls on the contour line. The topsoil
fertility & depth are in relation with the vegetation cover and the erosion intensity. The
application of intensive agricultural techniques (land husbandry, manure, crops under fruit trees
plantations) had a great effect on erosion reduction and the net income improvement.

KEYWORDS : Algeria, subhumid Mediterranean mountains, Erosion, land use, transect,


slope, vegetation cover, stone bunds
1. Problématique
Dans les montagnes méditerranéennes subhumides du Nord ouest de l’Algérie,
la dynamique de l’érosion hydrique est très active. La perte partielle ou totale du sol
entraîne une diminution de la productivité. A la suite d'une très longue pression
anthropique (surpâturage, défrichement, incendies) sur le couvert végétal, les sols se
dégradent profondément. Les processus érosifs se propagent plus vite là où le
couvert végétal a été détruit et peuvent causer des dégâts considérables en aval.

La dynamique érosive des versants s'analyse en terme de rapport de forces


(Derruau, 1999), entre des forces de traction et des forces de résistance qui sont liés
à des facteurs physiques et humains. L’Homme dispose d'une forte capacité de
destruction, mais aussi de conservation et d’amélioration des ressources naturelles.

A l'échelle d’un versant, homogène sur le plan lithologie où plusieurs


utilisations de sol se succèdent, nous avons étudié la dynamique de l’érosion du sol et
analysé la part de chaque facteur dans cette dynamique. D’autre part, une évaluation
de l’impact des actions de GCES paysannes pratiquées a été réalisée.

2. Matériel et méthodes
Pour atteindre ces objectifs, une démarche simple a été utilisée : l’étude d’un
transect au niveau d’un versant de 4 km le long duquel plusieurs utilisations et
aménagements se succèdent sur un même type de sol. L’approche est
basée sur le suivi de certains critères morphologiques et analytiques tels
que pierrosité, infiltrabilité (simulations de pluies), matière organique, épaisseur du
sol (évacuation et accumulation des matériaux).
La zone d’étude, qui se situe au niveau de Tlemcen - Algérie (fig.1), se
présente comme un ensemble qu’il est possible de percevoir globalement comme un
« système agro-sylvo-pastoral ». Ce système, en zone subhumide, se traduit par un
écosystème fragile et vulnérable où les impacts sont importants sur la végétation et
par conséquent sur le sol. La toposéquence, est occupée essentiellement de sols
rouges reposant sur des grès. Ce sont des reliques d’anciens sols rouges
fersiallitiques. Sur cette toposéquence, se succèdent différentes occupations de sol
(formations arbustives, formations buissonnantes et des zones cultivées
(arboriculture et céréales)). Les formations forestières qui couvraient toute la zone
régressent d’une année à l’autre. Les perturbations anthropiques sont pour une très
large part, responsables de l’état actuel de la végétation (Quézel et Barbéro, 1990).
Figure 1. Carte de
situation en Algérie.

3. Résultats
Les résultats montrent que le sol rouge qui couvrait tout le versant, change
d’un faciès à un autre sous l’influence de la pente et de l’utilisation du sol.

Le long du transect étudié, différentes occupations de sol se succèdent. A


cette variation d’occupation du sol, correspond également une variation pédologique.
Parmi les caractères morphologiques et analytiques différenciant les sols de cette
séquence, on peut citer: la couleur, la texture, la teneur en matière organique,
l’épaisseur, la différenciation des horizons et la charge caillouteuse. Ces variations
sont présentées sous forme synthétique dans le tableau 1.

1. Le transect est divisé en trois sites caractéristiques.

Tableau 1. Caractéristiques des sols de différents sites de la toposéquence

Charg. Infilt.
Site Occupation Pente Etat de M.O. Prof. Text. CaCo3 Cailloux Pi Erosion
% surface % (cm) % % % (mm)
Matorral Litière 2,5 LAS 1à2 Traces
I >20 (sol) 60 àA 2 10
Agriculture Meuble 1à2 > 80 LSA 2 -
intense+ GCES 3 à 10 poreux 15 --
Fermé 1 à 40 SL 2 30 décapage
II Steppe à Diss >25 et tassé 1,5 3 fort
Litière 4,5 >50 SL - -
Forêt dense 6 à 20 (sol) 25 --
Agriculture + Meuble 1,3 > 80 LS 3 2 colluvio
Aménagements 3à6 poreux 11 nnement
Matorral >20 Fermé 2,2 30 LS 2,5 15 décapage
III clairsemé Tassé 5 rigoles
Arboriculture 10 Fermé 1,5 60 LS 1,5 5 décapage
(Oliviers) 10 griffes
Céréales 6 Meuble 1,5 >80 LS 3 2 15 Griffes
Pi : Pluie d’imbibition, (pluie simulée de 50 mm/h pendant 30mn sur sol sec).
Partie sommitale (site 1)
La partie sommitale est une zone forestière relique (fig. 2) ; le pâturage
intensif et les incendies volontaires pratiquées depuis de longues années ont abouti
à la disparition de la chênaie primitive et son remplacement par une formation
arbustive dense dite maquis. Malgré la forte pente (fig. 4), le sol rouge a pu être
conservé par la couverture végétale mais il n’est pas hors d’atteinte de l’érosion.
Dans certains îlots dénudés, très localisés, le sol est décapé avec disparition de
l’horizon superficiel (sol rouge tronqué).

Figure 2 . Les différentes occupations de sol qui se succèdent au niveau de la


toposéquence :

La partie aval de cette partie sommitale, à faible pente (0 – 6 %), a permis la


sédimentation des éléments enlevés de la partie sommitale, principalement de
l’horizon de surface, riche en matières organiques. Le colluvionnement peut
dépasser un mètre d’épaisseur dans les replats. Peut être la faible pente et la
richesse de ces sols qui a fait que cette zone, située en pleine forêt, a été défrichée
et utilisée d’une façon intensive (cultures associées avec arboriculture très rentable,
irrigation, aménagements, savoir faire…) sans être dégradée. Les revenus sont
estimés à plus de cinq fois supérieurs à ceux obtenus en zone aval, utilisée d’une
manière extensive. L’homme qui contribue souvent à la dégradation des sols peut
quelquefois jouer un rôle décisif dans la réduction des processus érosifs.
Figure 3. Répartition des classes de pente au niveau de la toposéquence

Le domaine médian de la toposéquence (site 2)

Cette zone présente deux faciès écologiques nettement distincts

1- Faciès de dégradation : versant très pentu, occupé par une steppe à diss
(fig. 2) qui témoigne de la disparition de la chênaie primitive et son remplacement par
une association secondaire très dégradée. Cette dégradation est le résultat des
pratiques très anciennes qui se sont exercées aux dépens de la forêt tout au long de
l’histoire.

Suite à cette dégradation du couvert végétal, le sol a subi à son tour une
modification. Situé sur pente forte et occupé par une steppe à diss clairsemée (zone
de parcours), le sol est très affecté par l’érosion en nappe. Il en résulte un décapage
des horizons de surface, une charge caillouteuse importante de 15 à 50% (fig. 4), un
tassement du sol et une diminution d’activité biologique. La troncature du sol est si
importante que l’érosion a fini par provoquer l’affleurement de pavages de cailloux et
de la roche mère (grés), gênant ainsi fortement l’infiltration des eaux et la
régénération des végétaux surtout du couvert végétal primitif où le climat le permet
encore.
Figure 4. Charge caillouteuse au niveau de la toposéquence

2 – Faciès d’évolution : tout en aval de cette steppe à diss, sur le même faciès de
dégradation, un reboisement dense (futaie de Pin d’Alep de 40 ans) a permis au sol
de s’épaissir avec le temps par colluvionnement et surtout sous effet des matières
organiques (le sol est recouvert par une litière épaisse >5cm) surtout en aval du
reboisement où la pente est plus faible. La présence d’une futaie régulière et bien
couvrante (taux de couverture>80%) a permis l’enrichissement du sol en humus. La
porosité est plus favorable à la circulation des flux d’eau, l’infiltrabilité est plus
élevée (tab. 1).

Partie aval de la toposéquence, occupée généralement par l’agriculture (site 3)

A l’aval du faciès d’évolution (futaie de Pin), les terres ont été aménagées par
des ouvrages antiérosifs (murettes en pierres sèches), parallèle aux courbes de
niveau, qui ont évolués en terrasses (fig. 5). L’analyse des profils situés entre les
murettes montre que les sols sont très profonds (quelquefois l’épaisseur des
colluvionnements dépasse les 2m). Ils sont constitués de dépôts récents (colluvions)
qui se caractérisent par une texture hétérogène variable et une faible différenciation
du profil, alors qu’à l’aval de la murette où le sol est érodé, l’affleurement de la roche
mère témoigne encore de l’activité érosive. Avec ces aménagements, une nouvelle
dynamique pédogénétique s’est déclenché et qui dépend des matériaux déposés.
Figure 5. Aménagement en murettes, parallèles aux courbes de niveau, qui ont
évolués en terrasses progressives à pente réduite, mais jamais nulle.

Le matorral situé en bas de ces terres aménagées est constitué d’une


végétation bien couvrante mais la divagation très fréquente des animaux, a rendu le
sol très tassé favorisant ainsi le ruissellement. Le déséquilibre entre le rythme de
croissance biologique des pâturages et les besoins des animaux a fait que toute la
végétation herbacée a été détruite et a créé une discontinuité dans le couvert
permanent, rendant le sol découvert et moins perméable.

Tout en aval de la toposéquence des cultures se succèdent : arboriculture


(oliviers) et céréales. Sur cette zone cultivée, les sols sont très remaniés par
l’homme. Ces sols subissent actuellement une action de dégradation due à l’érosion
hydrique. Sur cette partie, la qualité agrologique s’est détériorée suite à la mise en
culture.

4. Discussion

En région de climat méditerranéen à saisons contrastées, comme celle de


la zone montagneuse de Tlemcen, les sols peuvent se distribuer d’une manière
régulière ou non au niveau des versants. Leur dynamique est fonction de plusieurs
facteurs de la morphogenèse et de la pédogenèse (climat, végétation et relief). La
végétation exerce une grande influence sur le sol. Les processus érosifs les plus
intenses se propagent habituellement dans des zones où le couvert végétal a été
détruit et peuvent causer des pertes en sol considérable (Morsli et Mazour, 2004). La
topographie oriente le plus la pédogenèse en favorisant le développement du sol ou
en favorisant la morphogenèse (érosion) et par conséquence la régression du sol.
Les horizons de surface des sols forestiers très couverts (P8 du site I et P5
du site II), sont non seulement les plus riches en matières organiques mais encore
très poreux et moins durs. Le P7 du site I, sol cultivé intensivement et bien
entretenu, a des caractères intermédiaires entre les sites forestiers et les autres
sites. Les sols des sites cultivés d’aval et ceux des zones dégradées se différencient
nettement des sols forestiers : ils sont relativement pauvres. Le taux de matière
organique varie en fonction de la richesse des strates végétales (Kadik, 1987).

Figure 6. Le long de la toposéquence étudiée, à la variation d’occupation du sol


correspond une variation pédologique.
Quant à la végétation, facteur important de la pédogenèse, elle permet de bien
conserver le sol et favorise la pédogenèse. Sous couvert forestier dense, le sol est
protégé par le feuillage des arbres et la litière. Il est stabilisé par l’enracinement des
plantes. Mais suite à l’ouverture du milieu (éclaircissement), le sol se retrouve
dénudé et fragilisé. Il est souvent admis que sur un versant partiellement végétalisé,
les zones dénudées peuvent être soumises à l'érosion alors que les zones
végétalisées sont protégées (Reid et al., 1999).
Les sols très couverts (maquis amont et futaie de pin d’Alep) sont plus ou
moins conservés malgré la présence de fortes pentes. Cette stabilité trouve son
explication dans la densité du couvert végétal, la litière et la richesse des horizons de
surface en matière organique qui rend la structure du sol plus stable et par
conséquent plus résistante à l’érosion. Dans ces cas, la pédogenèse est favorisée
surtout que la roche mère est facilement altérable.

Si la pédogenèse est favorisée par les substrats (grès altérables) et la


végétation quand cette dernière est conservée, la topographie et surtout l'utilisation
des sols dans la conjoncture actuelle entravent de plus en plus l'évolution
pédogénétique et dans la plupart des cas c'est la morphogenèse qui l'emporte.
Certains secteurs sont à tel point dégradés que la roche affleure à la surface. Dans
un tel milieu, pauvre en capacité de stockage de l’eau, aucun ligneux ne peut se
développer.
La topographie, dans une telle conjoncture, ne peut être que
négative, même si elle peut jouer un rôle important dans la pédogenèse par
l'orientation qu'elle donne au sol et aussi à la végétation. Dès que le sol est
dénudé, la pente accélère le plus souvent le décapage des sols par suite de la
forte déclivité. L’observation des profils complets et réguliers est rare. On
note l'existence de zones d'appauvrissement superficiel au sommet de
pente et une concentration en éléments dans les parties de faibles pentes.
L'érosion accélérée se pose donc ici non seulement en perte de terre, mais
encore en perte de fertilité et d'eau.

Figure 7. Les variations de la couverture pédologique s'ordonnent


principalement selon la pente, la couverture végétale et l’utilisation du sol.

A l'échelle du versant, les variations de la couverture pédologique


s'ordonnent principalement selon la pente. Les plus anciens sols occupent
les positions topographiques les plus élevées (les anciens sols rouges).
Puis viennent les sols bruns de bas de pente et des surfaces
d'aplanissement. Enfin les sols colluviaux les plus jeunes se développent
sur les accumulations récentes. Le relief apparaît comme l’un des facteurs
essentiel de dynamique actuelle des sols.
L’’homme joue aussi un rôle important dans cette dynamique. Par les
défrichements, le surpâturage, les incendies, il a accentué la dégradation des terres
tout en amplifiant la dynamique érosive, surtout dans la partie aval et dans la steppe
à diss. Mais il peut aussi jouer un rôle décisif dans la réduction des processus
érosifs, comme c’est le cas du site où il a développé un système intensif sur
terrasses et une gestion conservatrice et très valorisante (cultures associées avec
arboriculture très rentable (cerisier), irrigation rationnelle, aménagements). Les
revenus sont estimés à plus de cinq fois ceux obtenus en zone aval, utilisée d’une
manière extensive. D’autre part, les aménagements mis en place ont bien montré
leur efficacité dans le contrôle de l’érosion.

5. Conclusions
Cette étude a permis d’obtenir des données qualitatives relatives au
fonctionnement et au comportement des sols des versants en zones subhumides. A
l’échelle de la toposéquence, Ies variations du sol le long du versant sont dues à la
dynamique érosive. Les résultats montrent que ce sont surtout les caractères du
couvert végétal, de la pente (évacuation et accumulation), du mode d’utilisation et
des aménagements qui conditionnent cette dynamique. A la variation d’occupation
de sol (formations arbustives, buissonnantes et des zones cultivées, arboriculture et
céréales associées aux aménagements de GCES) correspond également une
variation de la dynamique érosive. Le suivi des différents critères met bien en
évidence cette différence de dynamique.
En forte pente et sous couvert végétal faible, les sols sont décapés par
l’érosion et ceci est bien démontré par la charge caillouteuse, l’épaisseur de l’horizon
A et la dénudation de la roche (grés séqualien décalcifié). Par contre, Les sols très
couverts sont mieux conservés malgré la présence de fortes pentes. Cette stabilité
du sol trouve son explication dans la densité du couvert végétal juste au-dessus du
sol et la richesse en matières organiques : celles-ci rendent la structure du sol plus
stable de telle sorte que l'eau de pluie s'y infiltre et s’y stocke plus facilement.
Les aménagements (murets de 1 à 2 m) réalisés sur les zones cultivées par
les riverains apparaissent comme une solution ingénieuse, ils permettent de cultiver
des surfaces très pentues tout en limitant au minimum les risques d'érosion. Ces
techniques ont bien montré leur efficacité dans la réduction du ruissellement et le
piégeage des sédiments.
L’application de la GCES dans certaines exploitations (Intensification, cultures
en étages avec arboriculture (cerisier) très valorisante, utilisation de fumier, emploi
de techniques antiérosives) en amont du versant a bien montré son efficacité dans
la conservation du sol au niveau des versants et dans l’amélioration des revenus
des paysans.

Bibliographie
Derruau M., 1999. Les formes du relief terrestre. Notion de géomorphologie, 8éme édition, Armand
Colin (Paris), 120p.
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dendrométrie, morphologie. O.P.U. Ben Aknoun (Alger), 313 p.
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sur les risques de ruissellement et d’érosion sur les versants semi-arides du Nord ouest de l’Algérie.
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Quezel P. et Barbéro M., 1990 – Les forêts méditerranéennes : problèmes posés par leurs
significations historiques, écologiques et leur conservation. Acta Botanica Malacitana 15 : 145-178.
Reid K.D., Wilcox B.P., Breshears D.D., MacDonald L., 1999. Runoff and erosion in a Pinon-
Juniper woodland: influence of vegetation patches. Soil Science Society of America Journal, 63 :
1869-1879.
Effets de la GCES sur la production agricole en moyenne montagne
méditerranéenne algérienne
Mourad ARABI* et Eric ROOSE**

*UR Érosion, INRF BP 193, Ain Dheb 26001, Algérie. ; Courriel: almouraddz@yahoo.fr
** IRD, BP 64501, F 34394, Montpellier, France ; Courriel :eric.roose@.ird.fr

Résumé

En Algérie du Nord, le développement agricole pose le problème de la conservation de


l'eau et de la fertilité des sols. Après quatorze années de gestion conservatoire de l’eau, de la
biomasse et de la fertilité des sols (GCES), les auteurs analysent les effets de la GCES sur le
ruissellement, l'érosion, l'amélioration des systèmes de cultures, la productivité des terres et
du travail dans des situations agro-écologiques diverses.
Dans quatorze sites expérimentaux de l’INRF (88 à 222 m2), situées en moyenne
montagne méditerranéenne (10 à 45 % pentes entre 400 à 900 m d'altitude et recevant 300 à
650 mm de pluie), les améliorations apportées aux témoins régionaux de 1986 à 1995 (labours
dressés grossiers, emploi de pesticides, graines sélectionnées, fertilisation équilibrée, jachère
fourragère de légumineuses, cultures associées en rotation sous verger), ont réduit les risques
d’érosion et de ruissellement au champ. Mais ce qui est encore plus important, c'est
l'amélioration très significative des rendements des cultures et des revenus des agriculteurs.
Les rendements augmentent en moyenne de six à dix fois. De plus, la paille, les feuilles des
légumineuses et autres résidus de culture ont aussi augmenté significativement de telle sorte
que la production animale et la disponibilité en fumier ou en résidus organiques peuvent, à
terme, améliorer la fertilité du sol et sa résistance à l'érosion. Le revenu net à l‘hectare est
multiplié par trois à vingt selon le système de production choisi.
Sur les hauteurs de l’oued Chélif en zone semi aride steppique (pentes 10 à 20%,
altitude 900 m), à 150 km au sud d’Alger, sur les champs des paysans (1 hectare) en combinant
les haies vives d’Atriplex aux cordons empierrés, le fumier et diverses matières organiques
indispensables à la croissance des cultures dans les rotations biennales blé-fèves, les essais
entrepris entre 2000-2004 ont confirmé que ces changements sont rentables pour le paysan.
Ces résultats démontrent qu'il est possible à la fois d'intensifier l'agriculture de montagne et de
réduire les risques de dégradation de l'environnement rural. Dans ces conditions, il est
possible d'intéresser les paysans à modifier leur système de culture et à améliorer leurs
méthodes culturales pour mieux conserver l'eau et la fertilité des sols.

Mots clés: Algérie - Montagne méditerranéenne - Semi-aride - Stratégie GCES -


Amélioration des techniques culturales - Érosion- Ruissellement - Rendement - Revenu
net.

Abstract

In northern Algeria, agricultural development poses the problem of water conservation


and soil fertility. After fourteen years of sustainable management of water, biomass and soil
fertility (GCES in french), the authors analyze the effects of GCES on runoff, erosion,
improvement of crop systems, productivity land and labor in various agro-ecological
situations.
In fourteen of the experimental plots (88 to 222 m2), located in mountainous
Mediterranean regions (10 to 45 % slopes between 400-900 m of altitude and receiving 300 to
650 mm of rainfalls), various improvements (coarse tillage, fertilization, high quality seeds,
pesticides, forage legumes fallow, cereals/legumes rotation, associated cultures with orchard)
have been made to regional control from 1986 to 1995. They reduced the risk of erosion and
runoff in the field. But what is even more important is the very significant improvement in
crop systems and incomes of farmers. The yields increased on average from six to ten times.
Moreover, the straw, leaves of leguminous and other crop residues also increase significantly
so that the animal production and the available manure or organic residues can, in the future,
to improve soil fertility and resistance to erosion. The net income per ha is increased by three
to twenty according to the selected production system.
On the high valleys of Chelif river in semi-arid area (slopes of 10 to 20 %, altitude of
900 m), 150 km to Algiers, from 2000-2004, tests combining hedge Atriplex on stone lines,
manure and organic matter in wheat/broad beans rotation, have confirmed that these changes
are profitable for the farmer. These results show that it is possible both to increase mountain
farming intensity and reduce the risk of degradation of the rural environment. In these
conditions it is possible to interest the peasants to modify their crop system and improve their
farming methods to better conserve water and soil fertility.

Keywords

Algeria - Mountain Mediterranean - Semi-arid - Strategy GCES- Improvement in cultivation


techniques - Erosion-Runoff -Yields - Net income.

Introduction

Depuis son indépendance en 1962, la sécurité alimentaire représente un enjeu sacré


pour l’Algérie qui compte une population en force croissance et des ressources en sol limitées
et dégradées par l’érosion hydrique. En dépit d’un vaste territoire, le ratio SAU par habitant,
de l’ordre 0,14 en 2008 est le plus faible des pays méditerranéens. Les zones de montagnes,
de steppes et de parcours restent les plus touchées par le phénomène de dégradation des sols.
La déforestation, le surpâturage, la mise en culture des terres sur fortes pentes sont parmi les
facteurs qui ont contribué le plus à cette situation. En conséquence, les rendements sont
faibles et souvent inférieurs à 4 quintaux/ha sur des sols pauvres en nutriments. Pour faire
face à ce problème alimentaire, le pays consacre depuis la période 1999-2008, en moyenne, 5
milliards de dollars annuellement pour approvisionner la population en denrées alimentaires
et agricoles de base. Cela représente 30 % des importations totales et fait du pays l'un des plus
gros importateurs mondiaux de produits agricoles (CNIS, 2009). Le maintien des populations
sur place est devenu un enjeu important pour les pouvoirs publics qui œuvrent depuis
quelques années au retour des agriculteurs dans les zones rurales. La situation de
l'approvisionnement en eau domestique, industrielle et agricole est encore plus critique. Les
études rétrospectives montrent que le pays est menacé à court terme par un grave déficit
hydrique du fait de l'envasement accéléré des barrages (REMINI et al., 2005). La recherche
de nouveaux modes de gestion agricole qui permettent d’accroître durablement la
productivité des terres sans dégrader l’environnement apparaît incontestablement comme
l'une des principales priorités pour trouver les solutions à ce problème complexe. Il s’agit de
systèmes de production qui auraient pour effet d'accroître le revenu des ménages, d'atténuer
les risques érosifs et qui reposeraient principalement sur une végétation pérenne, l'intégration
de l'élevage et des cultures associées dans le système d'exploitation sur de faibles superficies.
Figure 1-Localisation des parcelles expérimentales de l'INRF en Algérie

C’est dans ce cadre que les recherches ont été menées d'abord, dans les stations de
l'INRF de 1986 -1995 à la faveur d'une convention de coopération entre l'INRF et l'IRD dans
un réseau comprenant 50 parcelles d'érosion (80 à 220 m2) (ROOSE et al 1993). Ensuite,
lorsque la situation sécuritaire s'est améliorée, les recherches se sont déployées sur le champ
du paysan (1 hectare) sur les hauteurs du bassin versant du Chélif, près de Boughezoul (150
km au sud d'Alger) durant la période 2000-2004, grâce à un nouveau projet de recherche
financé par le Centre de recherche des régions arides (CRSTRA) (ARABI et al, 2007).
L'objectif est d'analyser les effets de la gestion conservatoire de l'eau de la biomasse et de la
fertilité des sols (GCES) dans des situations agro-écologiques diverses en vue d'une
exploitation intensive et durable des terres.

2. Dispositif expérimental.

Des essais ont été entrepris dans le réseau de parcelles d'érosion de l'INRF et chez les
paysans (figure 1).
Le réseau INRF comprend 50 parcelles de mesure de l’érosion à Médéa (KOUIDRI et
al., 1989; ARABI, 1991; ARABI et ROOSE, 1992), à Mascara (MORSLI, 1995), à Tlemcen
(MAZOUR, 1992 ; CHEBBANI et al., 1995) et au Projet Oued Mina (convention INRF-
DPAS) (BRAHAMIA, 1993). Ces parcelles mesurent 22,2 m de long et 4,5 à 10 m de large
et sont isolées par des tôles fichées en terre. Chez le paysan à Boughezoul, 3 parcelles
contiguës de 3200 m2 (80 x 40 m) ont été sélectionnées sur un champ agricole d'un hectare.
Ces parcelles sont isolées en amont de versant par un canal isohypse de dérivation des eaux de
ruissellement de 80 x 60 cm et séparées par des plaques de tôles fichées à 10 cm dans le sol
pour empêcher les écoulements latéraux. Des alignements de cyprès et filao marquent la
limite des parcelles aménagées (ARABI et al, 2000 à 2004; ARABI et al, 2007). Au bas des
parcelles, un canal dirige les eaux de ruissellement et leur charge solide vers deux à trois
cuves de stockage reliées par des partiteurs tarés sur le terrain. (ROOSE, 1968 ; ARABI,
1991; ARABI et al., 2000-2004).

Toutes les parcelles ont été équipées pour la mesure de la pluie (hauteur, intensité,
érosivité), des coefficients de ruissellement annuel moyen (KRAM %) et maximal (KRmax %),
de l'érosion en nappe et rigole (t/ha/an, comprenant les suspensions fines et les sédiments
grossiers) la production de biomasse (rendement exprimé en q./ha par an), les revenus nets (en
US $/ha/an) et les paramètres d’état de surface ( % de surface couverte, % de surface fermée
par la battance, % de cailloux et d’humidité des dix premiers centimètres).

Dans chaque station définie par un type de sol, une pente (longueur constante et
pourcentage fort, mais typique pour le sol considéré), un système de production en place
depuis plus de dix ans et une pluviosité moyenne, on compare le comportement d’un témoin
absolu (sol nu travaillé dans le sens de la pente) à un témoin régional (système de production
traditionnel) et à un ou deux systèmes améliorés. Le climat méditerranéen est subhumide à
Médéa à semi-aride dans les autres régions, sec et chaud en été, froid et pluvieux en hiver. Les
améliorations consistent en un sous-solage en courbes de niveau, la pratique du paillage,
l’emploi de semences sélectionnées, l’usage d’herbicides et de pesticides, des apports en
fertilisants organiques et minéraux, une jachère fourragère de légumineuses, des cultures
associées de blé et de fèves en rotation sous un verger d'abricotiers. A Boughezoul, on a
introduit sur la parcelle améliorée des cordons en pierres en courbes de niveau, espacés tous
les 20 m. Ces cordons sont consolidés par une plantation d'Atriplex. Les améliorations ont été
conduites sur les 10 derniers mètres derrière les cordons, le reste étant occupé par
l'impluvium.

2. Résultats et discussion

Le tableau 1 présente les principaux résultats des observations de 1988 à 1995 pour les
parcelles expérimentales de l'INRF et le tableau 2 ceux observés de 2000 à 2004 chez le
paysan à Boughezoul. Les répétitions pluriannuelles dans les stations de l'INRF et chez le
paysan donnent des résultats cohérents.

Les précipitations.

Toute la région a connu des pluies déficitaires de 60 à 280 mm par rapport aux
moyennes annuelles et peu agressives (Rusa inférieur à 50). La répartition des pluies est très
aléatoire de septembre à avril. L’augmentation de la variabilité interannuelle accentue l’aridité du
climat avec des années sèches de plus en plus nombreuses. Les intensités sont en général faibles.
Durant la période 1948-1999, les pluies supérieures 20 mm par jour représentent à peine 5 % des
averses. Les pluies maximales de l’année s’observent entre novembre et mai. L'indice d'érosivité des
pluies calculé d'après la formule de WISCHMEIER et al. (1978) n'a pas dépassé la valeur de
50 unités USA. En comparaison, en Europe cet indice varie de 20 à 150, il est compris entre
50 et 350 en région méditerranéenne et dépasse 450 en zone tropicale où les pluies sont plus
agressives (ROOSE, 1996).
Tableau 1- Effet de l’amélioration des systèmes culturaux sur le ruissellement,
l'érosion, le rendement et le revenu annuel net à Ouzera (Médéa) (1 dollar US = 72
dinars). D’après ARABI et ROOSE, 1992

Systèmes Kram % Érosion Rendements Revenus


t/ha/an (q/ha/an) nets
moyen max ($/ha/an)

Agropastoral * Traditionnel 2,4 14 0,23 7 b + 2,3 p 521


sur vertisol *Amélioré 0,9 5 0,05 48 b+22 p + 70 f + 27 rc 5208
Sylvopastoral *Dégradé 15 25 2,0 ---- 35
sur sol brun *Reforesté 0,6 2 0,05 --- forfait
* Enherbé 1,0 4 0,03 --- forfait
Verger *Traditionnel 5,0 12 0,9 11a 1250
sur sol rouge * Amélioré 0,7 3 0,1 10 a + 64 f +33 b+ 19 rc 6250
Vigne sur sol *traditionnel 2 8 0,2 29 r 2500
brun colluvial *Amélioré 0,2 2 0,01 37 r + 37 f + /29 b + 4 rc 5100

b = blé, p = paille, f = fèves, rc = résidu de culture, a = abricot, r = raisin.

Le ruissellement

Le ruissellement annuel moyen (KRAM) a été discret sous végétation naturelle de pin
d'Alep ou de jachères pâturées (0,6 à 4 %), modeste sous cultures, mais il peut dépasser 5 à 28
% sur sol nu même travaillé. Par contre, le ruissellement maximal (KRMAX) lors des averses
abondantes tombant sur des sols humides et peu couverts peut dépasser 30 à 80% et être
dangereux car il est à l'origine du ravinement des versants, des glissements de terrains qui
laissent des traces durables dans les paysages et des inondations qui reviennent tous 5 à 10
ans. A Boughezoul, certains orages sont assez violents pour précipiter une grande quantité
d’eau et provoquer des crues catastrophiques. C'est ainsi que plus de 90 % des pertes en terre
annuelles peuvent être enregistrées en une seule pluie (ARABI, 2006).

L'érosion

L'érosion en nappe et rigole a été modérée malgré l'état de dégradation de la


végétation sur les fortes pentes. Outre le faible indice d'agressivité des pluies, la résistance des
sols (K = 0,002 à 0,025), riches en argiles saturées de calcium et souvent caillouteux
explique pourquoi l'érosion en nappe, quoique sélective vis-à-vis des particules légères
(matière organique argile + limon) et des nutriments (ARABI, 1991), n'est pas le processus
dominant dans cette région méditerranéenne. Même en comptant les plus fortes pertes en terre
observées sur sol rouge fersiallitique et 35% de pente à Médéa, (soit 20 t/ha/an= 1,3 mm de
sol), il faudrait 2 siècles pour décaper l'horizon humifère sur 20 cm. L'érosion en rigole et
l'érosion aratoire, non sélectives, semblent bien plus actives (4 mm/an, ROOSE, 1991) dans
l'évolution de la couverture pédologique des versants montagnards méditerranéens : le
décapage de l'horizon humifère est plus fréquent que son appauvrissement en particules fines.
Le travail du sol participe activement à la formation des talus en bordure des champs. C'est ce
qui explique aussi pourquoi le verger d'abricotiers planté il y a de cela 30 ans a perdu 15 cm
d'épaisseur par rapport au niveau initial du sol. Ces résultats remettent en cause la pratique
systématique des terrassements dont l’écartement est calculé d’après la pente uniquement
(équations de RAMSER et SACCARDY ).

Effet des cordons empierrés sur le ruissellement et l'érosion

L’efficacité des cordons empierrés sur le ruissellement et l'érosion dépend de la


hauteur des averses. En effet, ils fonctionnent remarquablement bien pour des averses
inférieures au seuil de 50 mm de pluie. Ils agissent comme des filtres qui ralentissent la
vitesse des écoulements, provoquent une baisse de la compétence du ruissellement et
favorisent le dépôt des sables grossiers et des matières organiques en améliorant l'infiltration.
Si les pierres sont bien juxtaposées elles filtreront les pailles, les fèces et diverses matières
organiques flottantes, ce qui fait dire aux paysans que ce dispositif est bien adapté pour
restaurer la fertilité des sols. L’horizon de surface, qui présente une teneur en matières
organiques une fois et demi supérieure au sol en place s’épaissit d’une façon régulière dans
l’amont immédiat de la structure. Pendant quatre années d'observation les pertes en terre
accumulées derrière les cordons sont peu importantes (7 à 10 cm), tout au plus; signalant que
les apports en éléments érodés: pailles, résidus de cultures et excréments modifient
positivement et progressivement l’état structural du sol.

Il importe aussi de préciser que toutes ces pertes en terre sont à la fois le résultat
combiné de l’érosion aratoire et de l’érosion en rigole (ARABI, 2007). Ainsi, la nouvelle
couche superficielle semble moins vulnérable à la battance des pluies et à l’énergie du
ruissellement. Cela a pu être vérifié par BOIFFIN et al. (1986) sur sol enrichi en matière
organique. Seul l'excédent des eaux (averses supérieures à 50 mm) passe au-dessus du
premier niveau de pierres. Ce seuil peut être dépassé de 20 mm si l’intensité de la pluie est
faible (> à 20 mm.h-1) mais pour des pluies exceptionnelles assez fréquentes dans la région en
automne, les cordons peuvent être rapidement saturés. On a aussi observé qu’entre les tiges
des Atriplex, les filets d’eau peuvent, quand les conditions de pluies deviennent
exceptionnelles, se réorganiser en petites rigoles. Il semble que les herbes à rhizomes rampant
à la surface du sol et à tiges nombreuses renforcent d’avantage le dispositif antiérosif. Mais
cette solution a un prix: le risque d’une propagation rapide par voie de rejets ou de stolons tel
que Cynodon dactylon sur les champs cultivés que les paysans ont du mal à contrôler.

Influence de l'amélioration des systèmes de production combinés aux cordons en pierres

Les rendements des cultures.

Les tableaux 1 et 2 montrent également que les rendements en grains et en paille sur
parcelles améliorées de l'INRF sont supérieurs aux témoins régionaux et que les pertes en
terre et en eau sont réduites sur ces parcelles qui ont bénéficié d'apports en fumier et en résidu
de cultures. Ainsi les rendements observés sur des parcelles d'érosion de Médéa sont passés
de 7 à > 45 quintaux/ ha de blé, de 28 à 40 q/ha de raisin et de 8 à 10 q/ha d'abricots auxquels
il faut ajouter 30 quintaux de fèves ou de blé intercalaire. En même temps, la production de
paille et autres résidus de culture qui peuvent améliorer la production animale et le fumier, ont
aussi augmenté significativement (de 0,2 à 2 ou 3 t/ha/an). Les cultures intercalaires dans les
vignes et les vergers étaient pratiquées jadis mais un certain nombre de préjugés avaient fait
régresser cette pratique pour éviter la concurrence hydrique. Les rendements obtenus sont très
encourageants sans qu’on puisse observer une baisse de rendement de la culture fruitière qui
ne développe son feuillage que tardivement. La faible productivité des abricotiers provenant
d’un taux élevé de parasitisme (capnode, vers blancs et gommose surtout) et de la vieille
vigne de cuve a été largement compensée par la production de fèves durant les campagnes, le
blé tendre a également donné satisfaction. L’introduction du Médicago bisannuel dans la
rotation hivernale avec le blé, préconisé par les chercheurs de l’institut des grandes cultures a
également donné satisfaction en produisant 34 qx/ha de fourrage de haute qualité
(légumineuse). Si les semences étaient moins chères, cette culture pourrait servir à la
résorption de la jachère en Algérie. Il faut noter que le déficit pluviométrique de ces dernières
années n’a pas pénalisé la production grâce à une meilleure infiltration de l’eau, au travail du
sol et à sa fertilisation.
Tableau 2- Effet de l’amélioration des pratiques culturales sur le ruissellement (moyen
et max. en % des pluies), l’érosion (t/ha/an) et sur la biomasse et les revenus nets
Boughezoul, années 2000/2004. (1 dollar US = 72 dinars).D'après ARABI et al., 2007

Revenus Rendements Erosion Krmax Kram Pluie


Systèmes
($/ha/an) (q/ha/an) (t/ha/an (%) (%) (mm)

--- --- 0,8 32 6 230 Témoin absolu


--- --- 1,8 37 10 268 sol nu travaillé//P
--- --- 2,3 35 12 270
--- --- 3 38 15 275
--- --- 2 34 11 273 Médiane/4ans
3 b +1 p 0,6 12 4 230 Témoin Traditionnel blé/
--- 0,8 14 5 268 jachère travaillé//P
4b+1p 1,3 14 4 270 Sans Engrais ni Produit
=500
--- 1,9 16 4 275 Phytosanitaire
2b+1p 1,6 14 4 273 Médiane/4ans
0,5 3 2,5 230
T. Amélioré rotation:
0,2 2 2 268
21 b +10 p blé/fève, travail grossier x
0,2 1 1,5 270
60 f + 20 rc + 3 fr croisé ┴ P +Fumier +
0,6 1 2 275
33 b + 15 p + 4 fr +0,3ft (NPK); CE complantés en
=7000
75 f + 25 rc + 5fr + 0,6ft Atriplex et arbres fruitiers
Médiane/4ans
0.2 1,5 2 273

b = blé, p = paille, f = fève, fr = fourrage, ft = fruits, rc = résidus de culture.

A Boughezoul, en dépit de l'insuffisance des pluies, l'expérimentation sur le champ du


paysan a permis également de se rendre compte que les changements apportés aux systèmes
de production sont rentables pour le paysan et ont accru sensiblement les revenus nets. Les
rendements de production sont particulièrement plus élevés sur les dix mètres derrière les
cordons empierrés : huit fois plus que chez le paysan contre cinq fois sur toute la parcelle
(tableau 2). De plus les résidus de cultures augmentent nettement de telle sorte que la
production animale et la disponibilité en fumier, si importante pour améliorer la fertilité et la
stabilité des sols, peuvent ainsi s'améliorer. Dans la rotation bisannuelle fèves/blé, les fèves
ont été efficaces dans leur rôle de piège à nitrate ce qui améliore la fertilité du sol et entraîne
une plus vive réaction du blé à l'engrais phosphaté. Curieusement, la rotation céréale-
légumineuse en fin d'expérimentation, semble réduire l'infestation des cultures par les
adventices (folles avoines, Phalaris, Aulx, chiendents…..). Ainsi, une meilleure disponibilité
en éléments fertilisants libérés par les matières organiques piégées et l’amélioration notable
de l'alimentation hydrique par un sous-solage localisé derrière les barrières antiérosives ont
contribué positivement à accroître la productivité des terres. De plus, les fèves sont riches en
protéines et aident ainsi à assurer l'équilibre alimentaire. Les paysans ne pouvant pas se
permettre de manger des protéines animales régulièrement, peuvent améliorer leur régime
alimentaire en incorporant des fèves qui sont riches en protéines. Ce qui favorise
l'amélioration de leur nutrition et santé et contribue à la sécurité alimentaire des ménages.

Les revenus nets


La valorisation de la terre quand on intensifie la production végétale et qu'on améliore
le système de production a permis d'accroitre sensiblement le revenu agricole (tableaux 1 et
2). Une fois retranchés, les frais de graines, d’engrais, de produits phytosanitaires, il reste au
paysan un revenu nettement supérieur dans les parcelles améliorées que dans les parcelles
traditionnelles. L'expérimentation en plein champ chez le paysan confirme l'augmentation des
résultats obtenus dans les parcelles expérimentales de l'INRF. Ainsi, selon le système de
production retenu, le revenu peut être multiplié par 3 à 20 dans les parcelles de l'INRF et par 3
à 5 dans la parcelle expérimentale de Boughezoul. Avec un tel bénéfice, il n'est pas très
difficile pour les paysans de saisir l'intérêt pour eux de changer de système de production (du
blé extensif à la vigne intensive avec blé intercalaire) et d'adopter les techniques culturales
améliorées, parmi lesquelles sont proposées les techniques antiérosives les mieux adaptées
aux conditions écologiques et économiques du paysan.

Effet des cordons empierrés sur le foncier

On a constaté sur les premiers cordons encore à l’état juvénile une dégradation par la
divagation du bétail. Dans ces zones de parcours la densité d’implantation de structures
antiérosives doit tenir compte de la circulation du bétail depuis les pâturages jusqu’aux bas-
fonds, lieu de l’abreuvement du bétail. Tant que la végétation n'a pas atteint quatre à cinq ans,
il est recommandé que les gestionnaires des terres clôturent leur champ pour éviter le
piétinement. Le cloisonnement des parcelles par des lignes de brises vent avec Cupressus
sempervirens f. horizontalis, Casuarina equisetifolia a transformé le paysage en bocage et
protégé les cultures de l’érosion éolienne contrairement aux parcelles témoins où des dépôts
éoliens sont observés. Il faut noter que la méthode des cordons empierrés est assez bien
connue en zone méditerranéenne. Elle s’intègre facilement dans les paysages et son prix de
revient, de 111 à 179 $ USA par 100 ML (1 $ = 72 dinars algériens) selon la disponibilité de
la pierre, mobilisant 20 à 30 hommes jours, peut être supportée par la plupart des paysans de
la région.

CONCLUSION

L’objectif du travail est de trouver des systèmes de production durables pour doubler
la production agricole d'ici 2025; un défi que l'Algérie s'est fixée. La réalisation de cette étude
dans cinq sites bioclimatiques différents en milieu montagnard méditerranéen obéit à un souci
de confirmation et de validation de résultats précédemment obtenus à la station INRF de
Médéa en 1992. Notre démarche a reposé sur une gestion de conservation et de valorisation
optimale des ressources en eau, en sol et en végétation. Elle consiste à introduire dans les
systèmes de productions régionaux un ensemble de pratiques culturales cohérentes et
aménagements alternatifs comme solutions pour préserver les sols et rétablir leur capacité de
production. Les améliorations apportées (couvert végétal plus dense, pratique du paillage,
fertilisation minérale et organique adaptée aux sols et aux cultures, rotation biennale avec
légumineuses, cultures intercalaires sous verger d'abricotiers consolidés par des cordons
empierrés isohypses) et diversifications entre arboriculture fruitière, élevage (fumier),
pâturage et arbustes fourrager, ont permis de réduire l'érosion en formant des terrasses
progressives fertiles et de retarder le ruissellement. Mais elles ont surtout accru
significativement la productivité des terres et la valorisation du travail, condition essentielle,
pour inciter le paysan à préserver son "capital sol". En définitive, nous pouvons conclure qu'il
est techniquement possible d'intensifier la production agricole et d'améliorer significativement
les revenus des paysans sans dégrader l'environnement.

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Rehabilitation des sols volcaniques indurés d’Equateur et du Mexique:
Comportement avant et apres mise en culture
Christian PRAT1, Georges DE NONI2, Jorge ETCHEVERS3, Aurelio BÁEZ4, Claudia
HIDALGO5 et German TRUJILLO6
1 2 3
christian.prat@ird.fr, IRD-LTHE, France; georges.denoni@ird.fr, IRD Dakar, Sénégal; jetchev@colpos.mx,
4 5
COLPOS, Mexique; pbaez@colpos.mx, INIFAP, Mexique; hidalgo@colpos.mx, COLPOS, Mexique;
6
german_trujillo_yandun@hotmail.com, SAG, Equateur.

Résumé
En Amérique Latine, il existe des horizons volcaniques indurés qui couvrent de vastes superficies.
Ces matériaux sont appelés «cangahua» en Equateur, «talpetate» en Amérique Centrale et
«tepetate» au Mexique. Ce n’est qu’en arrivant au niveau des couches les plus dures, celles
constituées par les tepetates, que l’érosion trouve une limite momentanée. Ces horizons sont en fait
des tufs volcaniques, plus ou moins consolidés et indurés par des processus géologiques et
pédologiques. En l’état naturel, ces «sols» sont stériles. Pauvres d’un point de vue chimique, ils ne
sont pas plus attractifs au plan physique; leur induration et compaction limitent la circulation de l’eau
et de l’air, le développement des racines et des microorganismes. Toutefois, il est possible de les
convertir en sols productifs en l’espace d’une seule saison ! Pour cela, ils doivent être ameublis,
puis émiettés en éléments plus fins pour constituer un support minéral poreux qui évoluera ensuite
en sol grâce à l’apport de fertilisants organiques et/ou minéraux, et aux cultures.
Pour évaluer, le comportement au ruissellement et à l’érosion de ces matériaux, divers types
d’observations et de mesures ont été réalisées pendant plusieurs années, en particuliers au
Mexique et en Equateur. Plusieurs traitements traditionnels et améliorés ont été testés, de 1 à
1800 m2 avec un simulateur de pluie ou sous pluies naturelles. Sous ces climats tempérés de
montagne tropicale à saison sèche très marquée, les pluies sont localisées et brèves: 75% sont ≤30
mn et une intensité ≤5 mm h-1. Moins de 12 pluies par an, présentent des énergies importantes (200
à 700 J m-2 mm) et génèrent 80% du ruissellement et de l’érosion.
A l’état naturel, le ruissellement va de 60-70% dès les premiers millimètres de pluie à 100%. En
aval, les reports hydriques sont considérables et sont à l’origine d’érosion catastrophique. En haut
de versant et à cause de leur dureté et compacité, la perte en matériaux est faible (1 à 30 t/ha/an).
La mise en culture de ces matériaux après leur défonçage, change radicalement ce comportement.
Le ruissellement diminue considérablement mais l’érosion devient active, évoluant dans une très
large gamme de 1 à 200 t ha-1 an-1 selon le travail du sol.
Trois paramètres permettent de réduire l’érosion de ces nouveaux sols limoneux: un travail
préliminaire laissant suffisamment de fragments grossiers et limitant la part des fines, les cultures en
associations et une gestion adéquate des matières organiques afin d’augmenter au plus vite sa
teneur. Dans ces conditions, la production d’orge au Mexique, dès la 1ere année, dépasse de 20% la
moyenne régionale ! Ces tufs sans carbone, une fois convertis en sols, ont une capacité de capture
de cet élément dans de très grande proportion, qui doit être pris en considération dans le cadre du
réchauffement climatique. Au Mexique, en 4 ans, pour des cultures ayant très peu d’apports de C, la
concentration de C est passé de 0 à 5 gr kg-1 de sol, alors qu’un sol cultivé et recevant de forts
apports de C, a vu son stock s’élever à 20 gr kg-1 de sol. Dans ces pays, la transformation des tufs
volcaniques indurés en sols cultivables est donc possible si l’on suit quelques règles simples avant
et après la création de ces nouveaux sols limoneux. Reste que les coûts de ces transformations
sont très élevés et hors de porté du petit paysan. Dans la mesure où elles jouent un rôle socio-
économique (maintient de l’agriculture, réduction des inondations et destructions qui en découlent)
et environnemental (séquestration du C), l’état devrait assumer une grande part de ces frais. Il
pourrait se financer lui même en utilisant par exemple l’argent récupéré de cette capture du carbone
via le marché international du carbone.

Mots-clés : Équateur, Mexique, ruissellement, érosion, restauration, conservation, carbone,


sols volcaniques indurés.
Resumen

En América Latina, existen horizontes volcánicos endurecidos que cubren grandes áreas. Estos
materiales son llamados «cangahua» en Ecuador, «talpetate» en América Central y «tepetate» en
México. Los suelos que los cubrían fueron desgastados por la erosión. Es solamente al llegar a las
capas más duras, las conformadas por los tepetates/cangahuas, que este proceso destructivo
encuentra momentáneamente un límite. Estos horizontes son de hecho tobas volcánicas, más o
menos consolidadas y endurecidas por procesos geológicos y edáficos.
En su estado natural, estos "suelos" no son fértiles para la agricultura. Pobres desde un punto de
vista químico, tampoco son atractivos a nivel físico: su endurecimiento y compactación limitan la
circulación del agua y del aire, y el desarrollo de las raíces y los microorganismos. Sin embargo, es
posible convertirlos en suelos productivos en una sola temporada! Para esto, hay que aflojarlos,
luego molerlos en elementos más finos para conformar un soporte mineral poroso inorgánico que
luego evolucionará a suelo gracias a los aportes de fertilizantes orgánicos y/o minerales, así como a
los cultivos.
Para evaluar el comportamiento de la escorrentía y la erosión de estos materiales, se realizaron
varios tipos de observaciones y mediciones durante varios años, especialmente en México y
Ecuador. Se comprobaron tratamientos tradicionales y mejorados desde 1 hasta 1800 m2 con un
simulador de lluvia o bajo lluvia natural. En esta época seca templada a tropical de montaña
pronunciada, las lluvias son localizadas y de corta duración: 75% ≤ 30 minutos con una intensidad ≤
5 mm h-1. Son menos de 12 lluvias al año las que tienen alta energía (de 200 a 700 J m-2 mm) y
generan 80% de la escorrentía y la erosión.
En el estado natural, la escorrentía es de 60-70% a partir de los primeros milímetros de lluvia hasta
el 100%. Aguas abajo, las corrientes de agua pueden ser importantes y causar una erosión
catastrófica. Aguas arriba y debido a su dureza y compacidad, la erosión de estos materiales es
débil (de 1 a 30 t ha-1 año-1). Poner a cultivar estos materiales después de romperlos, cambia
dramáticamente este comportamiento.
La escorrentía disminuye significativamente, pero la erosión se activa, evolucionando en una gama
muy amplia, desde 1 hasta 200 t ha-1 año-1, de acuerdo al tipo de trabajo de suelo que se hizo. Tres
parámetros permiten minimizar la erosión al máximo de estos nuevos suelos francos: 1/un trabajo
preliminar que deja suficientes fragmentos gruesos y que limita la proporción de elementos finos , 2/
cultivos en asociaciones y 3/ una gestión y manejo adecuado de la materia orgánica para
incrementar lo antes posible su contenido. Bajo estas condiciones, la cosecha de cebada en
México, desde el primer año, superó el promedio regional de un 20%! Estas tobas sin carbono, una
vez convertidas en suelos, tienen la capacidad de capturar este elemento en una muy alta
proporción, lo cual debe tenerse en cuenta en el contexto del calentamiento global. En México, en 4
años, para cultivos con muy poco C, su concentración se incrementó de 0 à 5 g kg-1 de suelo,
mientras que con un nuevo suelo cultivado y que recibe altas tasas de C, el almacenaje de este
elemento llegó hasta los 20 g kg-1 de suelo. En estos países, la transformación de toba volcánica
endurecida en suelos de cultivo es posible entonces, siempre y cuando se sigan algunas reglas
simples antes y después de la creación de estos nuevos suelos francos.
Sin embargo, los costos de estas transformaciones son muy altos y fuera del alcance de los
pequeños agricultores. En la medida en que desempeñan un importante papel socio-económico
(mantenimiento de la agricultura, reducción de las inundaciones y la destrucción que conlleva) y
ambiental (captura de carbono), el Estado debería asumir la mayor parte de estos costos. Podría
financiarse gracias a los ingresos obtenidos de la captura de carbono a través del mercado
internacional de este elemento.

Palabras-claves : Ecuador, México, Nicaragua, escurrimiento, erosión, restauración,


conservación, carbono, suelos volcánicos indurecidos, cangahua, tepetate, talpetate.
Abstract

In Latin America, there are hardened volcanic horizons that cover large areas. These materials are
called "cangahua" in Ecuador, "talpetate" in Central America and 'tepetate" in Mexico. The soils
covering them were worn out by erosion. It is only by reaching the hard layers, formed by the
tepetates/cangahuas that this destructive process is temporarily capped. These horizons are in fact
volcanic tuff more or less consolidated and hardened by geological and soil processes. In their
natural state, these "soils" are not fertile for agriculture. Poor from a chemical point of view, they are
not physically attractive either; their hardening and compaction limit the movement of water and air,
and the development of roots and microorganisms.
However, it is possible to turn them into productive soil in one sole season! To do this, we must
loosen them, then grind them into finer elements to form an inorganic porous mineral support, which
will then evolve and turn into soil thanks to the contributions of organic fertilizers and/or minerals, as
well as crops. To evaluate the performance of the runoff and erosion of these materials, several
types of observations and measurements were made for several years, especially in Mexico and
Ecuador. Traditional treatments were tested and improved from 1 to 1800 m2 with rainfall simulator
or under natural rain.
In this temperate to tropical dry steep mountain season, rains are localized in certain areas and for
short periods: 75% ≤ 30 minutes with an intensity≤ 5 mm h-1. There are less than 12 rains per year,
of high energy (200 to 700 J m-2 mm), and generate 80% of runoff and erosion.
In natural state, runoff is 60-70% from the first millimeters of rain up to 100%. Downstream water
flows can be significant and cause catastrophic erosion. Upstream and due to their hardness and
compactness, the erosion of these materials is weak (1 to 30 t ha-1 yr-1). Cultivating these materials
after breaking them leads to substantial changes in their behavior.
Runoff decreases significantly, but erosion is active, evolving into a very wide range from 1 to 200 t
ha-1 yr-1 according to the type of tillage that was done. Three parameters are used to minimize
erosion to the best in these new loam soils: 1/ preliminary work leaving enough thick fragments and
limiting the proportion of fine elements, 2/ crop associations, and 3/ arrangement and proper
management of organic matter to increase its content as soon as possible. Under these conditions,
barley crop in Mexico, from the first year, surpassed the regional average of 20%! These tuffs
without carbon, once converted into soil, have the ability to capture this element in a very high
proportion, which should be considered in the context of global warming. In Mexico, in 4 years, in
crops with very little C, its concentration increased from 0 to 5 g kg-1 soil, while in a new cultivated
land, receiving high rates of C, the storage of C reached 20 g kg-1 soil. In these countries, the
transformation of hardened volcanic tuff into agricultural soils is then possible, provided some simple
rules are followed before and after the creation of these new loam soils.
However, the costs of these transformations are very high and unaffordable for small farmers. As
they play an important socio-economic (agriculture maintenance, reduction of flooding and the
destruction involved) and environmental role (carbon sequestration), the State should assume most
of these expenses. They could be financed with the proceeds of carbon sequestration through the
international carbon market.

Key words : Ecuador, Mexico, Nicaragua, runoff, erosion, restoration, conservation,


carbon, hardened volcanic soils, cangahua, tepetate, talpetate.
INTRODUCTION
Les Andosols sont des sols volcaniques qui couvrent environ 1% des surfaces
cultivées soit 110 millions d’ha (FAO/EC/ISRIC, 2003). On peut y associer d’autres sols
dérivés de matériaux d’origine volcanique classés comme Cambisols, Acrisols, Ferralsols,
Phaeozems, Leptosols et Regosols (IUSS WRB, 2007). Ainsi on peut estimer qu’environ
10% des surfaces cultivées sont d’origine volcanique ! Dans certains pays, comme ceux
d’Amérique Centrale, le Mexique et les pays andins, ce pourcentage peut varier de 20 à
90% des surfaces cultivées ! En outre, ces sols supportent des densités de population très
élevées allant parfois jusqu’à 90% de la population totale d’une région ou d’un pays ! En
règle générale, ces sols possèdent un ou des horizons indurés plus ou moins proches de la
surface et couvrent d’immenses surfaces: plus de 3 000 km2 en Equateur (Custode et al.,
1992); 2 500 km2 au Nicaragua (Prat et Quantin, 1992); environ 15 000 km2 en Colombie
(Faivre et Gaviria, 1991); 30 700 km2 au Mexique (Zebrowski, 1992). Ces matériaux sont
appelés toba au Chili (Casanova et al., 2009) et au Pérou (Nimlos & Zamora, 1992),
cangahua de la Colombie jusqu’au Pérou (Zebrowski, 1992), talpetate en Amérique
Centrale (Prat et Quantin, 1992) et tepetate au Mexique (Werner et al., 1988; Peña y
Zebrowski, 1992; Quantin et al., 1992). Talpetate et tepetate sont des termes d’origine
Nahuatl pour le Mexique et l’Amérique Centrale et signifie « lit de pierre » (Simeon, R, 1887;
Williams, 1992). En Colombie (Faivre & Gaviria, 1991) et Equateur (Colmet-Daage, 1969;
Winckell et Zebrowski, 1992) le terme Aymara cangahua, fait également référence à une
couche dure. Au Pérou et au Chili, ce sont les termes scientifiques hardpan et/ou toba (tuf,
en espagnol) qui sont utilisés. Par commodité et du fait de leurs caractéristiques similaires,
nous désignerons içi, sauf précision, comme tepetates/canguahuas ces matériaux indurés
d’origine volcanique.
Quand ces horizons indurés affleurent, notamment sous l’effet de l’érosion, il est
impossible de les cultiver. L’absence de fertilité de ces sols a de lourdes conséquences sur
les populations locales, déjà souvent marginalisées. De plus, l’imperméabilité de ces
matériaux provoque à l’aval en cas de fortes pluies, de graves inondations dans les parties
basses des vallées. Les tepetates-cangahuas, ont toujours fait l’objet d’un usage agricole
ou architectural. Au Mexique de nombreuses pyramides, comme la fameuse pyramide du
soleil (en fait de Tlaloc, dieu de la pluie !) à Teotihuacan ou le site de Cacaxtla (Tlaxcala),
ont été élevées avec des blocs de tepetates (Aliphat & Werner, 1994). Sur l’altiplano,
beaucoup de maisons rurales sont encore souvent construites avec ces matériaux.
Sous l’effet de la pression démographique, le manque de terre a conduit à travailler
ces matériaux affleurants et stériles afin de créer de nouveaux sols. Ils le furent d’abord à la
main à l’aide de pic. La mécanisation via des tracteurs puis des engins plus puissants
comme des bulldozers arrive en 1960. Le travail de défonçage devient alors plus rapide,
plus profond mais aussi bien plus érosif qu’autrefois. Quant aux coûts, ils sont impossibles
à assumer par des petits paysans sans aide financière.
En Equateur, à cause notamment des très fortes pentes, c’est le système des
terrasses progressives avec formation de bord de terrasse à partir de blocs de cangahua
qui est le plus souvent utilisé. Le défonçage se faisant le plus souvent à la main, les
fragments de cangahua sont relativement gros, générant ainsi un macro relief favorisant
l’infiltration des pluies et limitant les risques d’érosion hydrique. Au Mexique, par contre, les
pentes sont plus modérées et la formation de terrasses aplanies au bulldozer sont
privilégiées. Mais, si le nombre de passages et la vitesse des engins sont trop élevés, le
tepetate est réduit en poudre, ce qui favorise une érosion hydrique.
Il est donc très important pour les pays d’Amérique Latine situés sur la dorsale Andes-
Sierra Madre, de savoir ce que sont réellement les tepetates-cangahuas, de connaître les
conditions de leur dégradation afin de comprendre et de trouver des solutions pour éviter
leur destruction, de proposer leur réhabilitation agricole et forestière durable et ainsi réduire
les risques d’inondations en aval de ces zones.
Photos 1a) Toba (Chillán, Chili) 1b) Cangahua (Equateur) (Prat, C.)

Photos 1c) Talpetate (Masaya, Nicaragua) 1d) Tepetate (T) (S. M. Tlaixpán, Mexique) (Prat, C.)

Des propriétés physiques et chimiques conditionnées par leur origine


géologique et pédologique
Ces horizons volcaniques indurés sont associés à l’axe volcanique qui va de l’Alaska
jusqu’à la Terre de feu. Zone de subduction des plaques pacifiques sous les plaques
continentales américaines, le volcanisme le plus fréquent est de type explosif, et en
particulier phréato-magmatique. Celui-ci a la particularité d’émettre des coulées de boues
plus ou moins chaudes et liquides, qui peuvent couvrir des milliers de kilomètres carrés. Les
émissions de cendres qui suivent ces dépôts et qui les recouvrent, formeront les sols.
Les tepetates-cangahuas doivent donc leur consolidation et induration à des
processus géologiques sur lesquels peuvent se surimposer des processus pédologiques,
renforçant encore leur compacité et leur induration.
Sous l‘effet de l’altération initiale de ces matériaux pyroclastiques, il peut y avoir une
fusion des verres formant un squelette poreux et/ou des argiles de type halloysite ou
metahalloysite localisées en bordure des verres et/ou remplissant les pores occlus La
nature de ces matériaux, leur mode de dépôts, de dessèchement et de porosité, font qu’ils
deviendront massifs, compacts et peu perméables.
Cette structure massive initiale, peut être renforcée dans un second temps sous l’effet
de dépôts liés à des processus de dissolution et déposition. La calcite et/ou la silice, tout
comme l’altération des matériaux en argile peuvent jouer un rôle important. Les conditions
de température et la pluviométrie sont alors des facteurs clefs qui orienteront et
intensifieront ces processus : 1/ sous climat à saison marquée, les processus de
cimentation secondaire sont soient insignifiants, soient hérités de paléoclimats (Faivre y
Gaviria, 1992; Hidalgo et al., 1999; Prat et Quantin, 1994; Sedov et al., 2003; Zebrowski,
1997). Dans ce cas, se sont souvent des carbonates qui ont rempli les porosités internes
des agrégats et leur surface. L’induration peut alors être particulièrement marquée (Fedoroff
et al, 1994). 2/ sous climat humide, la dissolution en haut de profil et/ou de versant et le
dépôts de silice dans le profil et/ou bas de versant peut créer une induration pédologique
(Campos et Dubroeucq, 1990; Jongmans et al., 2000). Ces processus sont le plus souvent
encore actifs et concernent surtout des niveaux pédologiques relativement profonds.
Les tepetates non carbonatés ont une composition granulométrique où les argiles
représentent entre 35 et 42% (Penã et Zebrowski, 1992), alors que les talpetates au
Nicaragua (Prat et Quantin, 1992), les cangahuas en Equateur et les tepetates carbonatés
au Mexique (Quantin et al., 1993), n’en possèdent qu’une dizaine de pourcents.
Ces matériaux compacts ont une porosité faible et qui est de plus, constituée de bulles
occluses. La circulation de l’eau et de l’air ainsi que le développement des racines et des
microorganismes sont donc extrêmement limités au sein de la matrice de ces matériaux.
Tableau 1: Caractéristiques physiques des tepetates, talpetates et cangahuas (Sources : 1 Penã &
Zebrowski, 1992; 2 Prat et Quantin, 1992; 3 Quantin, 1997).
Argile Limon Limon Sable Sable Densité Densité Porosité
fin grossier fin grossier réelle apparente totale
% % % % % %
Min. 25,1 12,8 21,7 2,3 1,2 32
Tepetate1 Moy. 35,6 21,2 43,2 2, 4 1,5 50
(Mexique) Max. 42,0 41,8 60,4 3,0 1,6 64
Min. 12,5 39 14 24,5 10 2,7 1,0 50
Talpetate2 Moy. 13,3 38,5 13 28,3 7 2,8 1,1 65
(Nicaragua) Max. 14 38 12 32 4 3,0 1,3 70
Min. 6,9 15,2 5,1 18,2 9,7
Cangahua3 Moy. 12,7 26,6 8,7 26,0 24,3
(Equateur) Max. 23,6 40,7 11,3 35,2 40,3
Tableau 2 : Caractéristiques physico-chimiques des tepetates, talpetates et cangahuas (Sources :1 Peña
& Zebrowski, 1992; 2 Etchevers et al. 1992; 3 Prat et Quantin, 1992; 4 Quantin, 1997)
pH pH C N P CEC Bases échangeables S S/T Fe02
eau KCl tot assi Ca Mg Na K libre
% % ppm ------------ mg/100 gr de so l ------ % %
Min. 7,3 6,3 0,08 0,01 3≤ 17 6,7 4,5 0,4 0,6 58 1
Tepetate1,2 Moy. 8 7 0,15 0,02 3≤ 25 15 7 1 2 80 1
(Mexique) Max. 8,9 7,4 0,36 0,07 3≤ 41 45,3 11,9 3,9 3,4 100 3
Min. 6 4,4 tr 20 20
Talpetate3 Moy. 6,5 5 0,5 0,07 3≤ 30 20,4 5,4 0,2 2,5 50 5
(Nicaragua) Max. 7 5,4 40 ≥50
Min. 7,3 22.0 14.2 7.3 0.3 1.6 23.4 100
5
Cangahua Moy. 3≤ 16.2 9.1 5.7 0.5 0.4 15.7 97
La Tola Max. 8,4 16.2 9.1 5.7 0.5 0.4 15.7 97
(Equateur)
S/T : Taux saturation

D’un point de vue chimique, ces matériaux ont un pH neutre, à légèrement alcalin qui
peut être franchement alcalin (8,5 à 9) dans le cas d’encroutements calcaires. Les teneurs
en C et N ont des teneurs très faibles et sont réduits pratiquement à l’état de traces tout
comme le phosphore assimilable. Les teneurs en bases échangeables sont élevées avec
une capacité d’échange cationique élevée (≥ 25 meq 100 g-1). La vie microbienne est
extrêmement réduite tant en diversité qu’en nombre d’organismes vivants (Sánchez et al.,
1987, Ferrera et al, 1992). Ces matériaux ont donc une faible fertilité qu’il faudra
profondément améliorer si l’on souhaite voir pousser des plantes (Etchevers et al., 1998).
Les tepetates-canguahuas sont donc des matériaux géologiques altérés au cours de
leur mise en place ; il n’y a plus de processus d’induration actuellement (sauf exception en
zone perhumide). En d’autres termes, rompre ces matériaux n’entraine aucun risque de
reformation d’un horizon induré et massif.

Une distribution topographique particulière


L’origine géologique des tepetates-canguahuas explique la distribution topographique
de ces matériaux qui se répartissent de façon plus ou moins régulière, du sommet jusqu’à
la base du volcan qui les a émis. Toutefois, masqués par les cendres qui les recouvrent, ils
n’affleurent que lorsque l’érosion a décapé les niveaux sus-jacents. La cartographie de ces
affleurements via des observations de terrain et des traitements d’images satellitaires,
montre qu’au Mexique (Servenay & Prat, 2003), en Equateur (Custode et al., 1992; de Noni
& Viennot, 1997) ou au Nicaragua (Bice, 1985; Prat & Quantin, 1994) leur distribution est
liée à des conditions climato-topographiques et à certains usages agropastoraux.
Dans des zones climatiques ustic - isothermic (Soil Taxonomy, 2010) ayant des
périodes de sécheresse très marquée de 4 à 6 mois et dont la pluviométrie varie entre 500
et 800 mm an-1, les tepetates-canguahuas affleurent principalement dans les zones de
piedmonts dès que les pentes sont supérieures à 5%. Ces zones sont densément
peuplées, et les terres ont été ou sont cultivées de façon intensive et supporte une charge
animale importante. En Equateur, la zone concernée va de 2 400 à 2 800 m d’altitude alors
que pour le Mexique, elle est comprise entre 1 800 et 2 400 m, Les sols à horizon induré
“duric” et “calcaric”, proche de la surface ou en surface, ont des propriétés mixtes
“petrocalcic” (calcaire) et de “duripan” (silicifié) si l’on suit la classification de l’USDA (2010).
Au Nicaragua, entre 50 et 500 m d’altitude, le talpetate a les propriétés physiques d’un
“duripan“ sans être carbonaté.
Sous climat subhumide, caractérisé par une transition de régime ustic à udic et
isomésic avec une saison sèche de 3 à 4 mois et une pluviométrie de 700 à 1 200 mm an-1,
les horizons indurés apparaissent également mais de façon plus limitées. Les zones
concernées en Equateur, sont comprises entre 2 800 et 3 400 m, au Mexique, entre 2 400 et
2 600 m, et au Nicaragua entre 500 et 700 m, L’horizon induré est de type “fragipan”
(USDA, 2010) : dur à l’état sec mais friable et plastique à l’état humide.
Au delà de 3 400 m en Equateur, de 2 600 m au Mexique et de 700 m au Nicaragua, le
climat est humide à perhumide avec un régime udic-perudic et isomésic (limite à isofrigid),
une nébulosité diurne fréquente et une pluviosité de 1 200 à 1 500 mm an-1. C’est le
domaine des paramos, des forêts et des prairies d’altitudes. Les horizons indurés se
trouvent à plus de 50 cm de profondeur de la surface du sol qui sont des sols à caractères
andiques très marqués. Ils n’affleurent que très rarement. Ils sont plus épais, compacts
plutôt qu’indurés et extrêmement friables.

Des tufs pyroclastiques indurés ameublis pour être cultivés


Sous l’effet de l’érosion hydrique, le plus souvent d’origine anthropique, les sols
meubles sont érodés et les couches les plus dures et compactes apparaissent alors.
Impropres à l’agriculture et limitant de façon drastique la vie même de la végétation la
moins exigeante, ces terrains sont alors abandonnés. Seuls, de maigres pâturages
extensifs subsistent et sont utilisés par les membres les plus pauvres des communautés
rurales (Prat et al., 1997; de Noni et al., 2001). Quand les zones érodées couvrent de très
grandes surfaces, les conséquences sociales sont très graves : les paysans émigrent ou
vont cultiver toujours plus haut vers de nouvelles terres qui seront à leur tour soumises à
l’érosion (Gondard & Mazurek, 2001).
Il est toutefois possible d’inverser cette situation et revenir à des conditions plus
favorables à une agriculture rentable et durable. Si l’induration a une origine
essentiellement géologique ou paléoclimatique (ce qui est le plus souvent le cas), on peut
en effet envisager une décompactation mécanique sans craindre une réapparition de la
cimentation sous l’effet de processus pédologiques. On pourra alors, moyennant un
investissement plus ou moins important, convertir ces matériaux stériles en sols productifs,
et ce, en l’espace d’une seule saison !
Pour cela, les tepetates/cangahuas doivent être ameublis, puis émiettés en éléments
plus fins pour constituer un support minéral poreux. Les premiers travaux de réhabilitation
au Mexique ont visé à reforester les zones érodées, puis très rapidement, ce sont des
champs qui ont été créés (Navarro & Prat, 1996). Des apports de fertilisants organiques
et/ou minéraux permettent alors de faire évoluer en sols, ces matériaux meubles et inertes
(Cangás & Trujillo, 1997; Pimentel, 1992; de Noni et al., 2000). Les rendements agricoles
obtenus, seront à la hauteur des investissements consentis (Navarro & Zebrowski, 1992).
Encore faut il que tous ces efforts ne soient balayés par l’érosion qui emporterait ces
nouveaux sols. C’est pourquoi, de nombreuses études portant sur la compréhension de
l’origine de l’érosion, ses mécanismes d’actions et les moyens de la limiter ou de la réduire,
ont été menées dans ce contexte géo-pédologique (de Noni et al ., 1994). L’idéal, reste que
plutôt que de créer de nouveaux sols, mieux vaux protéger ce qui existe et ne pas arriver à
ces situations extrêmes.
Au Nicaragua, les études portant sur l’érosion ont été menées sur les sols recouvrant
les talpetates et non sur les talpetates eux-même. En effet, les affleurements de ces
matériaux étant pour l’instant encore très rares, les recherches portent sur les conditions de
conservation des sols en place et non sur les conditions de mise en culture des talpetates.
Nous ne présenterons donc içi que les résultats obtenus au Mexique et en Equateur,
portant sur les tepetates et cangahuas affleurants.

Photos 2a. Erosion sur cangahua, Equateur (de Noni). 2b : Versant pommes de terre avec
ruissellement concentrée, Equateur (de Noni).
Photos 2c. Erosion sur tepetate, Tlaxcala, Mexique.
2d : Erosion sur tepetate, en ravines Tlaxcala, Mexique (noter la succession de couches
indurées de tepetate et de paléosols) (Prat, 1994).

Des conditions climatiques favorisant l’érosion hydrique.


Les études ont été menées principalement dans la zone climatique de type tropical à
tempéré montagnard à saison sèche marquée. Ces climats associent une température
moyenne annuelle régulière (isomésic) de 17ºC, tempérée, avec de grandes variations
diurnes: la température moyenne des minimums est de 10ºC tandis que celle des
maximums est de 25ºC; mais une variation supérieure à 20ºC est couramment observée en
saison sèche, où les nuits claires de sérieuses gelées apparaissent. Le climat peut être
également tropical à tempéré semi-humide à saison sèche marquée par la faible amplitude
des températures moyennes journalières, mensuelles et annuelles et surtout par une
répartition bimodale des pluies (maximum en octobre à juin pour l’Equateur et de juin à
octobre pour le Mexique). Le total annuel fluctue autour de 700 mm et est extrêmement
variable non seulement d’une année sur l’autre mais aussi au sein d’une même année
pendant laquelle une période très pluvieuse peux succéder à une période très sèche. On
peux ainsi passer d’une valeur associée à un régime subaride (450 mm), à celle d’un
régime subhumide (1050 mm) l’année suivante !
Tableau 3. Pluviométrie moyenne annuelle La Tola et à Cangahua, Equateur: 1986-1991 et
1994-1996 (de Noni et al., 2000).
86-87 87-88 88-89 89-90 90-91 moy 86-91 94-95 95-96 moy 86-96
Cangahua 452 436 692 489 700 554 369 676 545
La Tola 688 706 692 628 777 685 750 1049 746
NB. une saison des pluies est répartie sur 2 années calendaires, d'octobre à juin.

Tableau 4. Caractéristiques principales des pluies de 1992 à 1996 à San Miguel Tlaixpán,
Mexique (Prat et al., 1997).
1992 1993 1994 1995 1996 ‘92-‘96
Nombre de jours avec pluies 126 81 105 120 90 105
Hauteur totale (mm) 654 411 736 768 587 627
% de la hauteur de pluies 100 96 81 69 72 83
enregistrées vs totales
R métrique 259 96 216 197 204 194
R us 149 55 124 113 118 112
Essais de classification de Normale Très Normale Irrégulière Sèche et Année
l’année pluviométrique et érosive sèche irrégulière moyenne
Sous ces climats à saison sèche très marquée, les pluies sont très localisées et très
brèves : 75% durent moins de 30 mn et ont une intensité très faibles (<5 mm/h). En fait,
seules quelques pluies dont le nombre est variable selon les années (de 5 à 20), présentent
une énergie suffisamment importante (de 200 à 700 t m ha-1 mm-1) pour être susceptible
d’éroder sévèrement les sols. Ces valeurs, bien que fortes, n’ont rien d’exceptionnelles au
niveau mondial. Reste qu’il faudrait plus d’années d’enregistrements pour être assuré
d’avoir mesuré les évènements les plus agressifs.

Figure 1. Quantité et intensité moyenne des pluies tombées entre 1993 à 1996 à San Miguel
Tlaixpan, Mexique (Prat et al., 1997).

Dans nos conditions d’études, l’énergie cinétique totale des pluies est un critère
explicatif de l’érosivité des pluies bien meilleur que leur intensité ou leur hauteur. A défaut,
l’analyse de la pluie sous ces climats, doit se faire sur la base de l’intensité durant 10 à
15 mn, et non 30 mn, temps trop long au regard de la courte durée des pluies (Prat, 1997).
Dans ce cas, l’érosivité moyenne des pluies baisse trop et ne reflète plus la réalité. L’indice
d’érosivité des pluies de Wischmeier basé sur une I30 et couramment utilisé en Amérique
Latine, sous estime donc largement la réalité et devrait être remplacé par l’énergie totale.
En plus de l’érosivité potentielle des pluies, la période de l’année et l’état de surface
s’y référant jouent un rôle déterminant quant aux processus générant ruissellement et
érosion. Ainsi, le second facteur important est l’état du sol, et en particulier, l’existence ou
non d’un couvert pouvant servir de protection aux impacts des gouttes de pluies (Roose,
1977; Casenave & Valentin, 1989). Or la plupart des pluies les plus intenses dans ces
régions, se produisent à la fin de la saison sèche, c’est à dire quand les sols sont
traditionnellement peu couverts et donc potentiellement très érodables. Ne pouvant agir sur
les pluies, il ne reste que la possibilité de développer des stratégies liées à la gestion du sol
et de sa couverture de surface pour réduire l’érosion hydrique.
Pour comprendre les processus en jeu, étudier et comparer les meilleurs systèmes
agraires vis à vis du ruissellement et de l’érosion hydrique, des campagnes de mesures et
d’observations ont été conduites à plusieurs échelles (depuis le cm2 jusqu'à plus de
1000 m2) en laboratoire comme en plein champs, sous pluies artificielles dont les
caractéristiques ont été fixées à partir de l’analyse des pluies naturelles et sous pluies
naturelles, et ce pendant plusieurs années et dans plusieurs sites.

L’étude des processus érosifs sous pluies simulées.


Les simulateurs de pluies utilisés le plus couramment au Mexique pour étudier les
tepetates, sont d’une part, le simulateur à disques giratoires de type Morin utilisé en
laboratoire sur des surfaces de 0,4 m2 (Delgadillo Piñon et al., 1989) et d’autre part,
l’infiltromètre à aspersion modèle Purdue qui teste des sols en place sur des parcelles de
7x1 m (Alcala & Oropeza, 1998). En Equateur, c’est essentiellement l’infiltromètre à
aspersion, modèle ORSTOM, qui a été utilisé sur des parcelles de 1 m2 et sur des pentes
variant de quelques % à près de 20% (De Noni et al. 1990, Leroux & Janeau,1997;
Podwojewski et al., 2008). Ces essais sont complétés par des tests de stabilités
structurales, d’infiltrométrie, des suivis des teneurs en eau, etc… Bien que les protocoles ne
soient jamais les mêmes, puisqu’adaptés à la réalité locale, il est malgré tout possible de
comparer les résultats obtenus et d’en dégager des tendances générales très significatives.
Nous ne considérerons ici par simplification, que les essais sur sols sec, avant le début de
la saison des pluies.
Une campagne de mesure de simulation de pluies avec le modèle Purdue menée au
Mexique (Rivera & Oropeza, 1998) a comparé le comportement d’un même tepetate ayant
subit 3 types de traitements différents: 1/ à l’état naturel, 2/ venant d’être préparé pour une
mise en culture après un défonçage sur 15 cm de profondeur et 3/ défoncé sur plus de
30 cm de profondeur et cultivé depuis 5 ans. Deux intensités ont été appliquées : la
première de 40 mm h-1 puis 60 mm h-1 pendant des durées variables (Tab. 5).
Tab. 5. Caractéristiques du ruissellement et du transport solide sous pluies simulées sur
tepetate sec et ayant subit différents traitements (D’après Rivera, P. & Oropeza, JL, 1998).
Traitement des Intensité Durée Hauteur Lame Coef Coef. Perte Perte
parcelles infiltrée infiltra Ruissel en en
tion lement terre terre
mm.h-1 mn mm mm % % g.mn-1 t.ha-1
Tepetate naturel 40 51 34 6,2 18 82 153 13,1
60 25 25 5,0 20 80 227 19,5
Tepetate venant 40 105 70 45,4 65 35 6 0,5
d’être mis en culture 60 56 56 24,7 44 56 27 2,3
Tepetate cultivé 40 45 30 12,9 43 57 63 5,4
depuis 5 ans 60 30 30 5,8 19 81 273 23,4

En Equateur, la cangahua a été testée selon deux protocoles : dans un cas, la


cangahua est fracturée manuellement, à l’aide de pic alors que dans l’autre, elle l’a été à
l’aide d’un bulldozer et est donc similaire aux cas testés au Mexique.
Dans le cas des essais menés par de Noni et al. (1990), chaque expérimentation
comporte une série de pluies successives d'intensité croissante : 20, 40, 60 et 80 mm h-1
pendant 20 mn chacune, soit une pluie totale de 67 mm pendant 80 mn. La 2ème pluie est
réalisée 2 h après la 1ère, et la 3ème l’est 24 h après la 2ème. Les résultats présentés ici,
correspondent aux moyennes de ces 3 pluies.
Tab. 6. Caractéristiques du ruissellement et du transport solide sous pluies simulées sur
cangahua séche et ayant subit différents traitements (D’après de Noni et al., 1990).
Pente Préparation du sol Culture Indice Humidité Pi Lame Lame Kr Sed
rugosité ruis. infiltrée
% % mm mm mm % gr
4 Tr ès fine 95% < 2cm Sans 10,1 13,4 19,9 4,5 46,9 10,8 16,5
12 Fine 70%<2cm Sans 10,8 13,7 17,5 0,2 67,7 0,3 0,0
16 Fine 70%<2cm Maïs 10,6 14,1 14,6 0,9 66,9 1,4 0,0
16 Grossière 50%<2cm Sans 11,3 12,0 25,1 1,4 65,4 2,2 0,0
21 Grossière et Maïs 12,2 9,2 21,6 0,3 55,9 0,6 0,0
6 Grossière 39%>5cm Orge 11,4 13,2 17,1 1,0 55,4 1,9 9,0
Pi : Pluies d’imbibition, Kru : Coefficient de ruissellement utile
Dans le cas des essais menés par Podwojewski et al. (2008), chaque expérimentation
comporte une série de pluies successives d'intensité croissante : 20, 40, 60 et 80 mm-1
pendant 15 mn chacune, soit une pluie totale de 50 mm pendant 1h. La 2ème pluie est
réalisée 3 h après la 1ère, et la 3ème l’est 8 h après la 2ème.
Tab. 7. Caractéristiques du ruissellement et du transport solide sous pluies simulées sur 1 m2
cangahua séche et ayant subit différents traitements (D’après Podwojewski et al, 2008).
Traitements Taille des Pi Kr Sed
particules ------------mm------------ ------------%------------ -----------gr m-2-----------
Pluie1 Pluie2 Pluie3 Pluie1 Pluie2 Pluie3 Pluie1 Pluie2 Pluie3
Matières Grossiers 15,2 3,6 3,8 49,5 76,0 82,7 85 96 103
Organiques* Fines 17,0 6,0 4,8 41,1 73,0 79,9 107 112 159
Engrais Grossiers 9,4 2,1 1,9 32,7 54,7 74,4 44 70 80
vert** Fines 12,6 3,5 3,2 38,7 76,2 83,4 93 118 176
Sans Grossiers 15,2 4,6 4,2 38,5 61,8 76,4 120 142 173
fertilisation Fines
minérale 15,9 2,7 2,4 37,6 62,3 69,5 62 58 46
Avec Grossiers 23,2 8,7 7,4 19,4 50,4 62,9 36 57 36
fertilisation Fines
minérale 21,3 8,4 5,8 26,9 54,8 65,0 28 44 49
En friche Grossiers 22,9 4,9 2,9 21,8 61,0 72,2 457 935 814
Fines - - - - - - - - -
-1
* Matières Organiques*=40 t ha fumier; **Engrais verts = résidus de cultures+ fertilisation minérale faible
Particules fines <10 cm; Particules grossières 20 cm

De l’ensemble de ces essais, il ressort qu’en situation naturelle où l’horizon induré


affleure, les pluies ne peuvent s’infiltrer du fait de sa dureté et de sa compacité. Les pluies
ruissellent donc très rapidement, une fois que le très faible microrelief de quelques
centimètres de haut, se retrouve saturé. Dans la mesure où ce phénomène apparaît après
les premiers millimètres de pluies, cela signifie que plus de 75% des précipitations
annuelles vont provoquer un ruissellement, plus ou moins important en fonction de
l’intensité et du volume des pluies.
Dans le cas des tepetates/cangahuas travaillés, le défoncage crée une très forte
porosité lié aux vides formés entres les blocs et fragments de matériaux. Les pluies, même
intenses, peuvent alors s’infiltrer immédiatement et profondément. Le macro relief de
plusieurs centimètres, voire dizaines de centimètres, diminue considérablement la
circulation de l’eau à la surface du nouveau sol.
Toutefois, au fur et à mesure des précipitations, de leurs intensités et du couvert du
sol, les tepetates/cangahuas cultivés vont progressivement voir des croûtes de battance se
former, leur porosité diminuer et leur ruissellement augmenter de façon proportionnelle.
L’importance et l’évolution de ces paramètres vont alors dépendre de la résistance à la
fragmentation de ces matériaux, du type de travail du sol effectué (à la main, tracteur avec
disques…), des apports de matières organiques (compost, fumier, résidus de cultures…),
du système de cultures (billons, planches,..), de la couverture végétale et des précipitations.
Pour l’érosion et le transport solide, on retrouve les 3 même aspects précédent. A
l’état naturel d’affleurement, la dureté et la résistance de ces matériaux font que très peu de
sédiments sont arrachés et transportés par l’eau. Leur défonçage et préparation pour leur
mise en culture ne changent rien vis-à-vis de l’érosion solide : elle est extrêment faible. Ce
n’est qu’une fois le sol travaillé et cultivé, que les sédiments commencent à être arrachés et
transportés par les pluies qui s’infiltrent de moins en moins facilement et qui ruissellent de
plus en plus, emportant dans leur élan, les particules instables.
Au final, la mise en culture des tepetates/cangahuas revient à gérer le comportement
d’un sol limoneux cultivé.
L’impact des cultures sur les processus érosifs des nouveaux sols.
Les données obtenues aux échelles du profil et de la placette sous pluies simulées,
ont permis d’orienter des stratégies visant à réhabiliter les tepetates/cangahuas de façon à
limiter les risques de dégradation de ces nouveaux sols tout en assurant une productivité
importante et rapide. Sur ces bases, des essais ont été menés sur des parcelles de
plusieurs dizaines à plusieurs centaines de mètre carrés, de 470 à 1 800 m2, tant au
Mexique qu’en Equateur pendant plusieurs années.
Quelle que soit la taille des parcelles testées de 20 m2 à près de 2000 m2 (Arias et al.
1992; Baumann & Werner, 1997; de Noni et al. 2001, Haulon et al., 2007; Podwojewski et
al, 2008; Prat et al., 1997; Reyes, 1987; Rivera & Oropeza, 1997) et une méthodologie qui
varie quelque peu, le principe est toujours le même : mesurer le ruissellement et les pertes
solides et/ou dissoutes pendant plusieurs années en fonction des paramètres du milieu
(pentes, sols, biologie..), des cultures et des pratiques culturales, et ce, après chaque
événement pluvieux.

Photos 3a. Parcelles d’érosion (1 000 m2 et 100 m2) sur cangahua, Equateur (de Noni)
3b. Parcelle d’érosion avec partiteurs sous la pluie, S.M.Tlaixpán, Mexique (Prat, 1993).

Tab. 8. Caractéristiques des traitements des parcelles à S. M. Tlaixpan, Mexique (Prat et al., 1997)
Traitements Ref. Surface Materiaux Prof* Pente 1993 1994 1995 1996
2
m m %
Tepetate non travaillé Tep. 1 800 Tepetate - 2 à 10 - - - -
état naturel
Défonçage profond Prof. 470 Tepetate 0.60 4.7 B+V M+S+b M+S B+L
Défoncé
Monoculture Mono. 775 idem 0.46 3.2 B M M B
Fertilisation organique Orga. 730 idem 0.43 3.4 B+V M+S+b M+S B+L
(+minérale en début de
culture)
Préparation fine du sol Prep. 790 idem 0.44 2.5 B+V M+S+b M+S M+S**
Tepetate cultivé de Ref. 1150 idem 0.40 4.4 B+V M+S+b - -
référence
Idem mais réduction “ 735 idem “ “ - - M+S M+S
taille parcelle en 1994.
Sol (vertic Phaeozem) Sol 715 Sol en place 0.53 5.9 B+V M+S+b M+S B+L
*Profondeur du défonçage ** Billons croisés,
B. Orge, V: Vesce M: Maïs, b : Haricot S : Fève L: Luzerne (Medicago polymorfa)
Tableau 9. Pertes cumulées de sols (Eros. en t ha-1 an-1 en sec) et indice de ruissellement
(Kr en %) pour les pluies produisant du ruissellement entre 1993-1996, San Miguel
Tlaixpan, Mexique (Prat et al., 1997)
Année Tep. Prof. Mono. Orga. Prep. Réf. Sol Culture
Eros. Kr Eros. Kr Eros. Kr Eros. Kr Kr Eros. Kr Eros. Kr
1993 9.5 29 4.7 14 2.0 8 1.0 4 0.8 6 0.6 4 0.6 5 Avoine
1994 28.5 49 15.2 31 12.1 33 4.0 17 1.5 14 1.6 14 0.1 1 Maïs
1995 20.9 36 7.5 27 4.2 26 1.5 21 1.0 17 0.3 5 0.0 0 Maïs
1996 17.6 49 10.6 46 8.2 50 1.6 30 0.1* 4* 0.8* 19* 2.6 29 Orge/Maïs
Moyenne 93+96 13.5 40 7.7 34 5.1 33 1.3 16 0.8** 6** 0.6** 4** 1.6 20 Orge
Moyenne 94+95 24.7 43 11.4 29 8.1 30 2.8 18 0.9*** 13*** 0.9*** 14*** 0.1 1 Maïs
Moyenne
19.1 42 9.5 31 6.6 31 2.0 17 0.8 11 0.8 11 0.8 12
93 à 96
* Essais avec maïs et fève; ** Moyenne de 1993; *** Moyenne de 1994 à 1996

Fig. 2. Pertes annuelles de soil (t ha-1) et Coefficient de ruissellement moyen (KR) annuel (%) en
fonction des traitements testés de 1993 à 1996, S. Miguel Tlaixpán, Mexique (Prat et al. 1997)

Fig. 3. Pertes cumulées de sols (Eros. en t ha-1 an-1) et indice de ruissellement (Kr en %) pour les
pluies produisant du ruissellement La Tola, Equateur (de Noni et al., 2001)

Globalement, ces résultats confirment ceux obtenus par les essais de simulation de
pluies. Mais il s’en ajoutent également d’autres, tel que le comportement lié à la longueur de
pente qui sont apparus au cours de ces essais.
Pour les tepetates/cangahuas à l’état naturel, non travaillés, l’infiltration est pratique-
ment nulle. Mais sous l’effet de la longueur de pente, l’eau de ruissellement se concentre,
prend de la vitesse et son énergie lui permet alors d’arracher des particules des matériaux
en quantités importantes. En bas de versant cette eau chargée provoque alors une érosion
régréssive de l’ordre de la dizaine, voire centaine de tonnes/ha. Elle creuse et marque le
paysage et entraîne des innondations qui peuvent être catastrophiques car extrémement
rapides et charriant d’énormes volumes d’eau chargée en sédiments.
Le travail du sol, en créant une macro et micro porosité et une rugosité du sol favorise
l’infiltration et limite par conséquent le ruissellement et le transport solide. Toutefois, plus le
défoncage est profond, et plus le bulldozer va repasser aux mêmes endroits. Avec son
poids et les mouvements de la terre, il va écraser les fragments grossiers de
tepetate/cangahuas ne laissant alors plus qu’un sol fin. Sur ce sol se forment très
facilement des croûtes de battance imperméables, il devient donc très fortement érodible. Il
faut donc travailler ces matériaux en adaptant profondeur du défonçage, vitesse et nombre
de passage de l’engin, a ses caractéristiques mécaniques. A l’inverse, le travail à la main,
tel que celui pratiqué en Equateur, maintient une plus forte rugosité du sol, et contribue en
cela à générer peu d’érosion. Il a l’inconvénient d’être particulièrement lent et pénible,
d’autant que ce sont souvent des femmes qui sont dévolues à ces tâches.
D’un point de vue agronomique, la monoculture traditionnelle sans incorporation de
résidus de culture, ce qui est de toute façon impossible la première année de mise en
culture de ces matériaux, ne protège pas assez le sol au cours de la saison des pluies, ce
qui génère un ruissellement et un transport solide important de plusieurs tonnes à dizaines
de tonnes ha-1 an-1. Dans le cas de cultures en planches (céréales), la surface plane et
compactée, les agrégats fins, l’absence de protection sont les facteurs explicatifs de cette
situation. Dans le cas du maïs, le phénomène du « steam-flow » le long des cannes de
maïs est important et il favorise la rupture des billons au niveau des pieds des plantes.
(Lauffer et al. 1997).
Les cultures associées et/ou ayant de fortes doses d’apports organiques et de résidus
de culture, protègent beauoup plus le sol vis à vis des pluies. Le microrelief rugueux et les
multiples résidus en interface sol/air limites la formation de croûtes de battance, favorisant
ainsi l’infiltration de la pluie et donc le transport solide (quelques centaines de kilos à
quelques tonnes ha-1 an-1).

Structure et matière organique des nouveaux sols.


Afin de préciser l’impact du travail des tepetates/cangahuas sur la stabilité de ces
nouveaux sols, deux axes ont été développés en particulier au Mexique. Le premier
concerne l’aspect structural et le second porte sur la matière organique.
Le défonçage au bulldozer puis le passage de disques avec un tracteur conduit à
briser le tuf induré en morceaux de taille très variable. Sous l’effet de processus bio-
physico-chimiques, ces fragments vont commencer à s’associer pour créer des agrégats.
C’est cet ensemble que l’on qualifie habituellement d’agrégats, or le comportement de
fragments est très différent de celui des vrais agrégats d’un point de vue bio-physico-
chimique. Dans le premier cas, ils sont très stables physiquement vis à vis de l’eau mais
l’absence de liens entre fragments, rend l’ensemble, très fragile en particulier, en cas de
ruissellement. De plus, ils ont très peu de réactivité chimique et biologique, ne retiennent
pas l’eau et ne servent pas de support aux activités biologiques du sol, contrairement au
second. Les tests de stabilités structurales sont à ce titre des indicateurs particulièrement
pertinents (Barthes et al., 2000). Ces différences, sont essentiellement dues à la M.O.
absente dans un cas et présente dans l’autre (Baéz et al, 2007; Velazquez et al., 2001).
Afin de préciser ces caractéristiques et évolutions, un travail d’enquêtes de terrain
avec les paysans couplé à des mesures physico-chimiques sur les sols des parcelles
concernées (plus d’une centaine), a permis de dresser une typologie des usages en
fonction du temps avec une durée allant de quelques années à parfois près d’un siècle
(Baez et al., 2007) (Fig.XX). Pour certains types de gestion des cultures tels que: (a) sans
travail du sol, (b) apports fréquents de fumier de bovins, (c) apports fréquents de
légumineuses dans la rotation, et (d) substrat à effet de serre, les teneurs en C sont les plus
élevées (2 à 4 Mg ha-1 de C). La vitesse de capture du C est extremement rapide au cours
des 2 ou 3 premières années de mise en culture, puis croit beaucoup plus lentement
ensuite. D’autre part, il ressort que la teneur en C organique est d’autant plus importante
que la taille des particules est petite. La plus forte accumulation de C a été ainsi trouvée
dans des particules <10 mm et plus particulièrement dans la fraction <0,25 mm. Sachant
que les tepetates sont pratiquement dépourvus de C, on peux en utilisant les systèmes
agricoles adécuates, arriver ainsi à un taux d’accumulation de 2,2 à 4,4 Mg ha-1 an-1 de C
atmosphérique pour un potentiel de stockage de 88 Mg ha-1 dans les 20 premiers
centimètres de sol dont 15% de ce C stabilisé provient de la glomaline1 (Baez et al, 2010) et
ce, dès les 2 ou 3 premières années de mise en culture.

Fig. 4. Teneur en C organique (%) en fonction des types de cultures et des années de culture (Baez
et al., 2007)
La proportion entre fragments et agrégats, s’inverse en fonction du temps et des
apport en carbone. Là encore, la cinétique est extrêmement rapide les premières années de
mise en culture pour être beaucoup plus lente ensuite (Fig. 5)

Fig. 5. Evolution de la proportion d’aggrégats (a) et de fragments (b) "3,36 mm dans un tepetate mis
en culture en fonction du temps (Baez et al., 2007)

Bien que ce type d’étude n’ait pas encore été menée avec les cangahuas, on peux
supposer que les résultats seraient les mêmes puisque ces tufs volcaniques ont la même
origine que les tepetates et sont donc tout autant dépourvus de carbone.
1
Glycoprotéine produite par les hyphes de mychorizes arbusculaires (González-Chávez et al., 2004; Wright y
Upadhyaya, 1996) et jouant un rôle protecteur dans la protection et la stabilité des agrégats du sol
Coûts de mise en culture.
La conversion des tepetates/canguahas en terres agricoles productives a un coût
élevé si l’on respecte les recommandations issues de nos travaux.
Le coût principal concerne l’utilisation d’un bulldozer suffisamment puissant pour
défoncer ces matériaux (double passage, le premier perpendiculaire au second) et effectuer
le terrassement. Cela implique de transporter l’engin à destination, de couvrir les frais de
main d’œuvre, de combustibles (huile et gazoil) et d’usure. Les travaux devant se faire à
vitesse réduite, ce temps a également un prix. Il faut ensuite avoir un tracteur avec des
disques qui convertira les gros blocs en fragments. Plus qu’avec le bulldozer, il est
fondamental que le passage du tracteur se fasse à une vitesse réduite afin de ne pas créer
de la poussière au lieu de fragments. Dans la situation idéale, il faudra prévoir d’apporter et
d’appliquer du fumier ou du compost. Dans tous les cas, une fertilisation minérale
raisonnée, dont la dose annuelle sera divisée et appliquée en 2 ou 3 fois.

Photos 4a et 4b. Défoncage au bulldozer muni de 3 dents du tepetate, S.M. Tlaixpán, Mexique (Prat).

Photos 4c et 4d. Tracteur avec disques. Profil de sol après 6 mois (Maïs) S.M. Tlaixpán, Mexique (Prat)

Photos 4e et 4d. Epandage du fumier de bovin sur le tepetate venant d’être travaillé et production
agricole après 4 mois de culture (amarante, vesce, maïs, orge) S.M. Tlaixpán, Mexique (Prat).
Photos 4f et 4g. Production agricole après 5 mois de mises en culture (orge). Formation de croûte de
battance après les premières pluies tombées sur sol sec et nu (Fève/maïs/haricot) en 2° année de
muise en culture du tepetate travaillé S.M. Tlaixpán, Mexique (Prat).
En Equateur, un nouveau programme de mise en culture des cangahuas qui couvrira
60 000 ha, vient d’être lancé en 2011. Avec un bulldozer type Caterpillar D6 équipé de
3 dents qui défoncent ces matériaux à environ 40 cm de profondeur, il faut compter 8 h
jour -1 ha-1 en moyenne pour effectuer le travail. En location dans le secteur privé cela
représente une somme d’environ 400 # ha-1 (contre 600 # ha-1 au Mexique). Il faut encore
rajouter la location d’un tracteur (15 # h-1). Il faut environ 4 h pour effectuer 2 passages
croisés avec un rotavateur et 2 autres avec une herse et une charrue, soit 60 # ha-1. Le coût
total tourne donc autour de 600 # ha-1 en Equateur et de 800 # ha-1 au Mexique.
Ces chiffres sont à comparer avec le coût de ce même travail fait entièrement à la
main : Il faut 100 personnes pour défoncer 1 ha de canguahua jour-1. Avec un salaire (2011)
d’environ 10 # jour-1 en Equateur (13 # jour-1 au Mexique), le coût en personnel s’élève
donc à 1000 # jour-1 ha-1 dans ce pays contre 1300 # jour-1 au Mexique. Il faut en plus
rajouter les 60 # ha-1 pour la préparation finale du sol. Au final, le coût de mise en culture de
ces matériaux indurés à la main est beaucoup plus élevé qu’avec un bulldozer. Reste que
ce travail extrêmement pénible, peux aussi être une source de revenus pour les
communautés les plus pauvres et marginalisées. L’idéal en fait, est d’associer travail
mécanique et travail manuel.
Indépendamment des coûts liés aux cultures (graines, engrais, etc…) qui s’ajoutent
chaque année, la production espérée en culture pluviale est de 2 à 3 t ha-1 de maïs et
autant pour l’orge ou le blé. Au Mexique, cela revient à recevoir 360 à 540 # ha-1 pour le
maïs et de 480 à 720 # ha-1 pour l’orge (prix mai 2011). On voit immédiatement que la mise
en culture de ces tepetates/canguahas n’est pas rentable à cours et moyen termes. Dans le
cas de cultures à très fortes valeurs ajoutées (arbres fruitiers, magueys/agaves…), il faut
attendre entre 5 et 12 ans avant de pouvoir commencer à récolter les fruits de ces travaux.
Cette immobilisation de capital, est incompatible avec les ressources dont peuvent disposer
les petits paysans de l’altiplano. Ainsi, dans tous les cas, une aide extérieure est
indispensable si l’on veut convertir en champs ces matériaux.

En conclusions, il est possible de convertir des tufs volcaniques indurés,


imperméables et stériles en des sols productifs, absorbant l’eau et peu érodables si
un certain nombre de règles et de précautions sont suivis
Les tepetates/canguahas sont des tufs volcaniques indurés qui sous l’effet de l’érosion
peuvent affleurer. Leur compacité, leur pauvreté physicochimique, la quasi absence de C et
de N, empêchent pratiquement le développement de la végétation, même à l’état naturel.
Les surfaces affleurantes étant imperméables, elles génèrent de grands volumes d’eau lors
du moindre évènement pluvieux. Cette eau, peut alors se révéler dévastatrice en aval, tant
sur le milieu que par les dégâts qu’elle peux occasionner sur les habitats situés en bas de
pente et en aval de ces milieux montagneux.
Pour éviter ces inondations, destructions et érosion des sols, on peut envisager une
mise en culture de ces matériaux, que ce soit de façon manuelle ou mécanique. De plus, la
pression anthropique sur ces terres, qui d’ailleurs constituent bien souvent la dernière
«frontière agricole interne » des communautés rurales, sont telles que de toute façon, les
paysans les mettent en culture. Cette conjonction d’intérêts environnementaux, sociaux et
économiques font qu’il y a une pression importante sur ces terres marginales et qu’il est
d’autant plus important de suivre quelques précautions pour que ces habilitations agricoles
se fassent dans les meilleures conditions possibles.
Il est indispensable, au moment du défonçage, de limiter le travail des
tepetates/canguahas afin de ne pas créer un sol de granulométrie trop fine, qui serait alors
particulièrement susceptible d’être érodé à la première pluie venue et de favoriser au
maximum la formation de petits fragments de quelques centimètres. D’autre part, afin de
protéger ces derniers, il est indispensable de protéger la surface du sol par un mulch. Enfin,
afin de créer de nouveaux agrégats il faut incorporer de fortes doses (minimum 10 t h-1 an-1)
de matières organiques. Il est préférable d’utiliser du fumier ou du compost, car les matières
organiques étant déjà stabilisées, elles permettront une association immédiate avec le
support minéral. A défaut, l’incorporation de résidus de culture en fin de cycle, restera une
opération indispensable et devra être renouvelée chaque année. On créera ainsi en
quelques années, une structure grumeleuse fine résistante aux pluies et sources de
nutriments pour les plantes.
Ces nouveaux sols, devront alors être gérés comme des sols à textures limoneuses,
c’est à dire se compactant facilement sous l’effet du poids des machines et se destructurant
relativement vite sous l’effet de l’énergie des gouttes d’eau. Une couverture morte (mulch)
ou vive est donc indispensable pour protéger ces sols, en particulier en début de saison des
pluies quand les sols sont dépourvus de végétation et/ou qu’ils viennent d’être travaillés.
Une couverture au minimum de 30% du sol permet de réduire drastiquement l’érosion. Le
labour minimum est aussi une option souhaitable car il laisse une bonne protection sur le
sol et maintient une bonne porosité biologique.
Les tepetates/cangahuas étant des roches et non des sols, ils sont pratiquement
dépourvus de matières organiques telles que le carbone et l’azote. Ce sont donc des
matériaux stériles qui, une fois mis en culture, doivent être approvisionnés en éléments
nutritifs immédiatement si l’on veut obtenir des rendements agronomiques acceptables pour
les paysans qui vont travailler ces nouvelles terres. Lors du premier semis, il est donc
difficile de ne pas utiliser des engrais minéraux. Ceux ci doivent être associés à des apports
de fertilisation organique sous forme d’apports de fumier, d’engrais vert, de compost etc…
dans ces conditions, et si l’ont n’utilise pas le mais les 2 premières années, toutes les
autres cultures aboutissent à des rendements dépassant la moyenne régionale dès la
premier année de mise en culture.
Reste que le coût des investissements et celui des bénéfices obtenus par la vente des
récoltes de cultures vivrières reste très en de ça d’un bilan économique positif à moyen
terme. Même dans le cas de cultures plus rentables, telles qu’arbres fruitiers, agave pour la
production de Mezcal ou de produits pharmaceutiques, il faut plusieurs années avant de
pouvoir compter sur un retour d’investissement. Il est donc indispensable qu’une partie des
travaux soient pris en charge économiquement par l’état, d’autant que celui ci peux
récupérer, via la taxe carbone, des financements internationaux. En effet, les
tepetates/canguahas constituent des pièges à carbone particulièrement efficaces en terme
de taux de séquestration puisque l’on passe de près de 0% à 3-4% en quelques années
seulement ! De plus, au delà de l’agriculture, il est possible de reforester ces zones en
général dénudées, et donc, là encore, capturer du carbone sous forme de bois. Dans le
cadre du réchauffement climatique global, l’habilitation agro-forestière constitue donc des
atouts importants qui doivent faire partie des négociations sur ce sujet.
D’autre part, la mise en culture de façon adéquate des tepetates/canguahas affleurant
va permettre une nouvelle régulation du cycle de l’eau dans ces régions. Grâce à
l’infiltration créée dans ces nouveaux sols, les nappes phréatiques vont pouvoir mieux se
recharger. Les inondations en aval générées par les eaux qui ne pouvaient pas s’infiltrer
dans ces matériaux imperméables à l’état naturel, vont avoir leur nombre diminuer
drastiquement. On aboutit ainsi à une mise en protection des biens et des personnes, des
améliorations et des économies pour les communautés rurales concernées. Tout ceci
représente aussi des coûts qui devraient être pris en considération par les autorités locales
et transférés pour financer en partie ou entièrement, des programmes de création de ces
nouveaux sols.

La mise en culture des tufs volcaniques indurés et stériles que sont les tepetates/
canguahas, est possible, relativement facile, productive et durable si l’on suit les quelques
règles simples énoncées précédemment. Mais, bien au de là d’un enjeux purement
agronomique, la conversion de ces tufs en sols limoneux génèrent une série de bénéfices
tant sociaux, qu’économiques et environnementaux depuis l‘échelle d’une famille jusqu’à
celle de communautés rurales et urbaines. Les états latino-américains concernés devraient
donc développer des programmes visant à mettre en culture ces matériaux en apportant
des appuis financiers et techniques aux petits paysans, tout en se faisant rembourser ces
travaux par des fonds liés au crédit carbone mis en place dans le cadre de la réduction du
réchauffement global et par les sommes économisées liées aux destructions évitées.

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Les techniques de cultures en terrasse dans les monts Mandara,
Extrême Nord Cameroun

Wakponou Anselme, Monique Mainguet et Frédéric Dumay

Courriel : frederic.dumay@univ-reims.fr; moniquemainguet@orange.fr; wakponouanselme@yahoo.fr

Résumé
Dans l’Extrême-Nord-Cameroun, les nombreuses populations des monts
Mandara avaient conscience, lors de leur installation, du caractère difficile de leur
milieu : difficultés climatiques, édaphiques et topographiques. Ces conditions se
détériorent avec les changements climatiques marqués surtout par un assèchement
généralisé et la pression croissante de la population sur des ressources très limitées.
De plus les stratégies séculaires de survie ont à peine évolué et se limitent à la
réalisation de terrasses de pierres sèches et de techniques associées telles que
l’alignement simple de pierres, le paillage, l’élevage en case et le fumier,
l’agroforesterie sur les pentes les moins fortes et le contrôle du ruissellement par
l’association des cultures et, dans une moindre mesure, le labour profond sur les
replats et dans les vallées.
L’objectif de notre communication est d’établir un inventaire des techniques de
gestion des sols et de faire ressortir leur niveau d’efficacité : on a montré que la
grande difficulté de ces milieux est avant tout le décalage entre la pression
démographique et la ressource. Les résultats de nos travaux sont étayés par des
observations et des enquêtes de terrain effectuées sur plus de deux décennies et
dans le cadre du programme de recherche AUF P2 – 2092RRR521 du réseau
érosion de l’AUF

Mots clés : Extrême-Nord-Cameroun, conservation des sols, développement,


eau, stratégies traditionnelles, pression démographique

Abstract
In the Extreme Northern Cameroon, physical, pedological , hydrological and
topographical conditions are difficult but numerous populations found a protection
against the Muslims coming from the peulh emirate of SOKOTO (NE of present
Nigeria) in 1904. The mountains were covered by lithosols and dry forest before the
populations built terraces quite everywhere, associated with agroforestry, stone lines,
breeding, manuring, mulching or deep plowing in the flat areas. This paper wants to
describe the terracing system, to analyze their efficiency and to show the difficulties
to nourish the increasing population in this difficult semi-arid environment.
The study is a synthesis of more than 20 years observations & inquiries on the
fields.

Keywords: Northern Cameroon, Soil and water conservation, traditional


techniques, efficiency of terracing, demographic pressure
Introduction
Dans le Nord Cameroun où toutes les populations sont confrontées à un
déficit chronique en eau, c’est probablement dans les monts Mandara, que le
problème de sa gestion conservatoire se pose avec le plus d’acuité en raison des
contraintes climatiques, topographiques et édaphiques.

Conscientes de leur environnement difficile, les populations (Mandara, Mafa, Mofou,


Kapsiki, Hina, Goudé, Daba et Njegn…) ont mis sur pied une technique séculaire de
cultures en terrasses de pierres sèches, pour lutter contre les effets du ruissellement
et assurer la rétention et l’infiltration des eaux de surface.

En prise à une démographie croissante et à l’accentuation des besoins alimentaires,


la pression sur les ressources est de plus en plus élevée et compte tenu des travaux
nécessaires à l’aménagement de nouvelles parcelles des tensions se font jour.

D’après les travaux de terrain, la description des dispositifs antiérosifs et des


enquêtes conduites auprès des populations locales, notre communication a pour
objectif d’analyser l’efficacité des terrasses dans ce milieu montagnard très peuplé
où le paysan est conscient que la dégradation des sols entraîne une baisse des
rendements agricoles et c’est pourquoi il lutte inlassablement en remontant la terre
sur les terrasses. Il s’agit dans ce travail de voir les effets de la technique des
terrasses sur la productivité du sol avant de montrer qu’elle reste somme toute
insuffisantes et requiert des mesures complémentaires.

I. Les monts Mandara et leurs contraintes physiques pour les activités rurales

Les monts Mandara forment un massif cristallin et cristallophyllien


profondément disséqué qui s’allonge sur 150 km selon un axe N - S entre N 9° 45’ et
N 11° à la frontière camerouno-nigériane et au Cameroun en direction de l’Est sur
une largeur de 50 km. Ils dominent la cuvette de la Bénoué au Sud et celle du Tchad
constituées de plaines à l’Est et au Nord par une dénivellation de 300 à 500 m.
Individualisées depuis la dislocation du continent de Gondwana au Crétacé, ces
montagnes appartiennent au vieux socle camerounais plissé, métamorphisé,
granitisé pendant les orogenèses précambriennes. Dans l’ensemble ils comportent 2
types de paysages géomorphologiques : les bourrelets montagneux et les plateaux
intramontagneux.

Les bourrelets montagneux sont divisés en trois unités :


- L’ensemble des massifs Mandja-Téléki-Ouroum disposé en arc de cercle au S-E et
au Sud surplombe les plateaux intérieurs par une pente de 18°. D’une altitude
moyenne de 900 m, cet ensemble incliné S-E (0° 9) est découpé en crêtes
rocheuses surmontées de collines aux versants linéaires à pente moyenne de 9°.
Ces collines sont séparées par des vallées parallèles orientées NO-SE, taillées dans
une mince pellicule d’arène.
- Les monts Matakam, aux versants à fortes pentes (27 à 30°), forment un
gigantesque fer à cheval autour du pédiment de Koza. Ils se caractérisent par leur
aspect massif et leurs hauts sommets dont le mont Oupay 1494 m, qui constitue le
point culminant des monts Mandara.
- Le bourrelet montagneux de la bordure orientale s’allonge de façon continue de
Mofou à Mora. D’une altitude moyenne de 950 m, ce bourrelet a des versants à
fortes pentes (24°) surplombant les plateaux intramontagneux et le piémont
(Boutrais, 1984).

Les plateaux intramontagneux sont à une altitude moyenne de 840 m avec une
pente moyenne de 1° 79. (tableau I, figure 1).

Tableau I. Les caractéristiques dimensionnelles de plateaux intérieurs dans les


monts Mandara

Plateau N° sur le trait Altitude Pente Roches affleurantes et / ou


de de coupe moyenne (m) moyenne (°) subaffleurantes

Mabourki 1 900 6 Granites d’anatexie,


anatexites et granites
calco-alcalins porphyroïdes

Bourrah 2 800 4 Granites à biotite

Kapsiki 3 950 4 Anatexites et granites


d’anatexie

Mokolo 4 800 2 Granites d’anatexie et


anatexites

Roua 5 750 2 Granites calco-alcalin à


biotite

Moyenne - 840 3,6 -

Dans l’ensemble, les fortes pentes et les affleurements rocheux constituent les
premières contraintes pour la pour la mise en valeur de monts Mandara. Même si la
fourniture abondante de matériaux rocheux permet de lutter efficacement contre
l’érosion, les cailloux de surface, si gênant soient-ils pour les travaux agricoles,
assurent une protection contre l’érosion en nappe et l’effet de splash (Humbel et
Barbery, 1974). C’est à ces contraintes que sont liés les reliefs squelettiques
susceptibles d’être érodés facilement du fait du caractère torrentiel des eaux de
ruissellement et de la gravité. Les versants rocheux sont nus dans leur moitié
supérieure et couverts à leur base de gros blocs et /ou d’un lithosol mince (2 cm)
alors que dans les aires à topographie plus ou moins calme une pellicule détritique
altérée voile un substratum sub-affleurant. Sur les petits replats larges d’une dizaine
de mètres et sur les plateaux intramontagnards où les arènes forment une
couverture colluviale autour des pointements rocheux, les faibles pentes inférieures à
4°, le socle cristallin alimente l’horizon d’altération en matériau grossier de taille
centimétrique. Epaisse sur le palier de Bourrah (150 cm environ), la frange
d’altération n’est plus que de 60 cm sur le gradin de Roua et de 10 à 30 cm autour
de Mokolo. Elle y alterne avec des dalles rocheuses nues. Son épaisseur dépend
toutefois de la nature de la roche-mère. Les granites se débitent en boules régulières
métriques à partir d’un réseau de diaclases orthogonales, fournissent une arène
abondante. Les roches métamorphiques telles que les anatexies comportant des
fissures plus diffuses donnent des blocs et des fragments irréguliers de taille
métrique. Les arènes quartzo-feldspathiques et de mica pris dans une matrice de
limon argileux constituent des lithosols et des sols régosoliques plus ou moins
médiocres comme support agricole même s’ils possèdent quelques caractères
chimiques favorables : pH neutre ou faiblement acide, réserves d’éléments
fertilisants (chaux, magnésium, potassium, sodium et phosphore). Cependant les
plantes ne peuvent disposer immédiatement de tous ces éléments fertilisants. La
décomposition se produit le plus souvent sous forme de feldspaths résistants aux
agents de destruction et même quand ils finissent par s’altérer en minéraux argileux
(rien que 10 %), les sols sur pente ne les reçoivent que très lentement (Boutrais,
1984).
Figure 1. Les monts Mandara et leurs piedmonts.

Avant l’intervention de l’homme, ces lithosols portaient une forêt claire. Cette
végétation soudano-sahélienne d’altitude à épineux colonisateurs qualifiée de
« végétation primitive » (Fotius et Letouzey, 1968), à cause de sa luxuriance
favorisée par des conditions climatiques plus humides qu’en secteur de piémont, se
rencontre plus que sur les grands chaos granitiques et les versants inaccessibles car
la quasi-totalité de l’espace est anthropisé. Ces reliques sont à l’abri des feux de
brousse et des défrichements. Elles sont à dominance de ficus, Lannea acida et
Microcarpa. Sur les roches plus ou moins dénudées, les quelques rares arbres
exploitent les anfractuosités. Les sols régosoliques des versants réguliers sont sous
couvert d’Acacia albida, de Parkia biglobosa, de Butyrospermum parkii, de
Tamarindus indica et de Ziziphus mauritiana.

Les monts Mandara, plus que les autres secteurs du soudano-sahélien et du


sahélien camerounais, constituent un milieu écologiquement vulnérable qui
s’explique par l’ampleur des contrastes thermiques saisonniers sur un fond général
de chaleur et de sécheresse récurrente (Suchel, 1987). L’assèchement actuel du
climat est marqué par la brièveté, la précarité et la variabilité de l’apport
pluviométrique (fig. 2). Cette dernière résulte plus des grandes irrégularités
temporelles et de la mauvaise répartition spatiale que des déficits globaux.

Cette situation engendre des conditions de sécheresse selon la classification


de Mainguet (1995) : un assèchement climatique (saison sèche de 7 à 9 mois sur 12
avec P / ETP déficitaire) ; un assèchement hydrologique avec les conditions
d’écoulement saisonnier spécifiques des milieux secs caractérisées par un
endoréisme sous-tendu par l’évaporation des eaux et l’infiltration dans un substrat
grossier ; un assèchement édaphique car les sols sont de texture macro-grenue
sableuse avec une faible capacité de rétention en eau et un assèchement agricole
puisque les années pluviométriques déficitaires et / ou des pluies « trompeuses » ou
interrompues sont récurrentes. La faible épaisseur des formations superficielles
favorise l’écoulement hypodermique (sub-superficiel).

Figure 2. Fluctuations de la pluviosité à Maroua en 82 ans de 1926 à 2008.


Les conditions structuro-topographiques, (substrat rocheux et pentes plus ou moins
fortes) accélèrent l’érosion et le ruissellement, la sécheresse accentue le caractère
xérophytique de la végétation qui laisse les sols nus, conduisant à leur
dessèchement et à leur déstructuration. Les terres minces et rocailleuses des
montagnes s’assèchent très rapidement rendant l’aménagement des versants
nécessaire avant toute mise en valeur agricole.

2. Caractéristiques des terrasses sur les monts Mandara


Les terrasses sont omniprésentes : chaque espace accessible est utilisé. Leur
hauteur dépend de l’inclinaison de la pente. Plus elle est accentuée plus la terrasse
est haute. Elles sont constituées de murets de pierres sèches de 40 à 50 cm voire
150 cm (Oudjila) de haut. Le tracé des murets linéaire, sinueux, brisé, arqué suit
grossièrement les courbes de niveau. Elles sont de plusieurs types :
- les murets de pierres sèches de taille inférieure à 40 cm forment des marches
d’escaliers délimitant des liserés de terre constituant des contremarches de 30
à 60 cm de large. Cet aménagement est propre aux pentes abruptes (50 à
80%). Le profil est brisé, (photo 1) ;
- sur des versants convexes à pente moyenne (5 à 10 %) les terrasses sont
espacées par des planches dont la largeur métrique et très variables. Le profil
d’ensemble est convexe (photo 2) ;
- des poches de terres sont retenues entre les blocs rocheux dans les secteurs
très chaotiques (photo 3) ;
- les versants sont constitués d’une alternance de plages rocheuses nues et de
poches de terre soutenues par des terrasses, (photo 4). Ce dispositif favorise
la collecte des eaux sur les plages rocheuses et donc enrichit l’alimentation en
eau des terrasses.

Dans les deux premiers cas, les terrasses sont soit construites ex-nihilo avec un
matériel varié : blocs de granite macro-grenu plus ou moins altéré, fragments de
quartz filonien de 10 à 40 cm ; soit elles sont arrimées à des blocs métriques en
place (photo 5 et 6).

Dans le paysage, soit tous les versants sont occupés par les terrasses et les
concessions (« sarés ») rejetées au sommet soit les cases sont noyées dans le
système de terrasse sur des replats.
Même si ce dispositif est efficace, fruit d’une très longue expérience ancestrale
révélant une bonne connaissance paysanne des unités des paysages, il reste
opportuniste, intuitif et empirique sans organisation systématique.

Photo 1 : Gadjawaï, 24 – I- 2007 Photo 2 : Gadjawaï, 22 - I – 2007


Terrasse en marches d’escaliers Terrasses hautes de 40-50 cm délimitant des
planches de plusieurs mètres de large
Photo 3. Hadala, 22 – I – 2007 Photo 4. Col de Koza, 23 – I – 2007
Terrassettes dans un chaos de blocs Alternance de plages de rocheuses nues
rocheux. Les cultures se devinent par
les éteules de mil coupées à mi - hauteur

Photo 5. Tokombéré, 23 – I – 2007 Photo 6. Karanchi, 24 – I – 2007


Terrasses avec murs de soutènement Terrasses construites dans des altérites,
arrimés à des blocs de roches en place. arrimées à de gros blocs rocheux
ennoyés par des colluvions
.

3. Les terrasses, un dispositif fastidieux et exigeant dans un milieu de


peuplement ancien et dense

Les premiers signes d’occupation humaine remontent dans l’Extrême-Nord-


Cameroun à l’Age de la pierre: Acheuléen évolué (Marliac et Gavaud, 1975). Ceci se
justifie par la découverte des artéfacts lithiques (avant 50 000 BP) tels que les
bifaces incrustés dans la cuirasse sur le plateau de Doyang. Les monts Mandara se
sont peuplés dès le 7ème siècle (Urvoy, 1949). Suite aux diverses migrations et aux
métissages entres différents clans, ils comptent à nos jours plus de 30 groupes et/ou
sous groupes ethniques.

Malgré le caractère hostile du milieu, les monts Mandara à l’instar de la plupart des
massifs d’Afrique soudano-sahélienne ont joué le rôle de refuge pour les populations
devant la fougue conquérante de grands empires tels que le Bornou mais surtout lors
des « jihad »* [Guerre Sainte des musulmans, lancée par Ousmane Dan Fodio à
partir de l’émirat peulh de Sokoto (au NE du Nigéria actuel) en 1904.. Les Monts
Mandara appartiennent à la province de l’Extrême-Nord, officiellement la plus
peuplée du pays. Selon le recensement de 1987, elle comptait 3 069 886 habitants
soit un tiers de la population du Cameroun, une densité de 87 habitants par km²
contre 54 pour le Nord Cameroun et 22 pour le Sud Cameroun. Ces moyennes,
calculées par unité administrative, sont le plus souvent des unités
géomorphologiques qui ont des contrastes très accusés avec des pôles de
populations très denses : les massifs* Mafa, Zoulgo, Mada, Ouldémé, Mouktélé et
Podokwo comptent plus de 200 habitants par km2. Avec un taux d’accroissement
naturel de 2,9, la population totale du Cameroun est estimée à 20,710 millions en
l’an 2010. La population des monts Mandara serait alors de 1 165 973 hbts pour une
densité 152,21 contre 43 hbts / km2 sur le plan national. Les estimations en 2007 lui
attribuent déjà une population de 1 072 901 hbts pour une densité de 140 hbts / km2
[(Rapport Ministère de l’Agriculture, 1992), (Archives de la Délégation Régionale du
Plan de L’Extrême-Nord)].
Les populations très nombreuses dans les Monts Madara s’évertuent depuis
toujours à s’adapter à leur milieu. Malgré la roche saine affleurante et subaffleurante,
l’essentiel des cultures vivrières de subsistance (mil pluvial, haricot niébé, wanzou,
pois de terre, arachide, l’éleusine, sésame, gombo, souchet, oseille de Guinée) se
pratiquent sur ces sols - que Sieffermann et Martin (1963) ; Humbel et Barbery
(1974) ont jugé incultes- grâce à la technique séculaire de terrasses, qui permet de
maintenir la terre (argile) et l’humidité sur les versants. Elle favorise l’infiltration de
l’eau et lutte contre les effets néfastes de l’érosion. En donnant plus d’épaisseur aux
murettes de pierres (massifs Podokwo), elle réduit l’assèchement des sols et retarde
d’autant l’arrêt de leur activité en saison sèche. Ce dispositif est la condition
nécessaire pour toute pratique agricole sur les versants pentus mais il est fastidieux
à construire et exigeant en entretien pour perdurer. En effet, pour étendre les
espaces agricole, la terre de remblai sur la roche nue derrière les murets de pierres
sèches est remontée parfois à tête d’homme ou dans le meilleur des cas à dos d’âne
depuis les plateaux intramontagnards et les plaines de piémont. Les travaux
d’entretien sont obligatoires chaque année au mois d’avril avant les semailles. En
effet, les terrasses sont en partie endommagées par le bétail en vaine pâture durant
la longue saison sèche ou par les torrents pendant la saison des pluies. Lorsque les
blocs rocheux sont trop gros pour être dégagés, on sème entre eux et même dans
les anfractuosités. La tendance actuelle est au regroupement des terrasses pour
avoir des planches de plus vaste surface, notamment sur les replats.
L’aménagement des pentes en terrasses rend les travaux agricoles moins pénibles,
puisque le cultivateur peut se tenir sur le niveau inférieur pour sarcler et nettoyer la
banquette supérieure. Pour aérer le champ, les arbres sont émondés tous les ans.
On choisit soigneusement les arbres et les branches à tailler : les arbres les plus
vieux sont taillés pour leur donner de la vigueur. Toute la famille participe au travail,
enfants et adultes. Les parcelles constituent les seuls biens à léguer ou à vendre en
cas de nécessité et se transmettent de génération en génération. La vie agricole
rythmée par des rites agraires est en harmonie avec la vie sociale et la vie religieuse
(Hallaire, 1984).

La fertilité de ces sols a pendant longtemps tenu aux remaniements incessants, à


leur réalimentation en éléments minéraux provenant de la roche-mère subaffleurante
et de l’approvisionnement en matières organiques : cendre, déjections d’animaux
domestiques (caprins et ovins) et déchets de cuisine, des herbes entassées et
brûlées, de l’enfouissement des herbes et des éteules de mil qui n’ont pas servi de
combustible, et de la pratique de la jachère. Certains paysans font du compost à
partir des feuilles. On pratique les cultures en rotation : 1ère année, mil pénicillaire ;
2ème année sorgho et 3ème année oseille de Guinée - haricot niébé – arachide. De
plus en plus les amendements se font par l’engrais chimique acheté à la Société de
développement du Coton (SODECOTON) et détournés pour la culture des plantes
vivrières. L’amendement naturel se fait par remplissage colluvial de terre en amont
des murets mais aussi et surtout par retombées de poussières éoliennes comme
apports édaphiques. Il est probable que le volume de cet apport est plus
considérable que l’on peut l’imaginer. L’origine de ces poussières éolienne est
probablement liée au courant éolien qui s’amorce dans le secteur du Tibesti et de
l’Ennedi, qui empreinte la Dépression de Bodelé jusqu’au lac Tchad et qui descend
jusqu’au Cameroun septentrional. Ce flux éolien est parfaitement repérable sur les
images Météosat. Ces grands volumes éoliens donnent une texture limoneuse
favorable par sa bonne capacité de rétention en eau et sa fertilité.

4. Une technique qui a fait ses preuves


Malgré le système de production s’apparentant au jardinage et caractérisé par
l’intensité de la mise en valeur de l’espace et la priorité donnée aux champs vivriers
(Boutrais, 1984), les besoins vitaux d’une population très dense ne sont plus
totalement assurés. Compte tenu de l’aspect décharné de certains champs et de la
vigueur des pentes où les paysans passent leur temps à gratter la pierre et où
malgré ces efforts les famines persistent, nous percevons les terrasses comme un
dispositif de résignation dans cette topographie difficile où il n’y a pas d’autre
alternative (photo 7).
En désespoir de cause donc, les paysans multiplient et/ou associent les
dispositifs de gestion conservatoire de l’eau et des sols. C’est ainsi que l’on peut
observer des cordons de pierres (photo 8), des levées de terre armées de pierres
(photo 9), des dispositifs antiérosifs de paillage (photo 10), des associations
terrasses-agroforesterie à Ziziphus mauritania, Acacia albida…. presque partout
(photo 11) et des labours profonds sur les replats et les bas-fonds (photo 12).
Malgré toutes ces initiatives, l’addition des populations refoulées et celles originelles
des montagnes a, combiné à l’accroissement naturel, créé une situation latente de
surpeuplement qui devient de plus en plus difficile à gérer. Les fortes densités de
population ont précarisé leur cadre de vie en intensifiant son exploitation. Ainsi
comprimées sur des reliefs exigus et en proie à des disettes à cause du manque
d’espaces cultivables, des ravages annuels des acridiens et l’impossibilité de
développer des cultures commerciales et d’accéder à une économie monétaire mais
aussi et surtout l’assèchement et les variabilités du climat poussent les montagnards
en nombre croissant à émigrer. Les populations sont descendues à la conquête des
basses terres plus généreuses, à la faveur de la sécurité revenue à l’époque
coloniale et plus encore depuis l’Indépendance (Boutrais, 1973)
Ainsi, en dehors de la volonté politique de faire descendre les montagnards
afin de mieux les contrôler et ce, depuis l’administration française, l’instinct de survie
qui a toujours animé ces populations se traduit dans les migrations. Ce sont des
migrations saisonnières de morte saison (6 à 7 mois de saison sèche) vers les
plaines intramontagneuses (Gawar) et les plaines de piémont où les paysans
peuvent pratiquer la culture de sorgho de contre saison (« muskwariculture) à leur
compte sur des parcelles louées ou comme ouvriers agricoles. Les migrations
saisonnières de la saison culturale sont limitées aux bas secteurs intramontagneux
où les ouvriers sont payés en argent ou en mil. Dans les deux situations, de
nombreux cas de métayage existent dans les plaines.
Dans tous les cas, les possibilités d’embauche sont très limitées et le
caractère harassant des travaux champêtres pousse l’excédent de la main d’œuvre à
une émigration de longue durée vers le Nigeria voisin et vers d’autres campagnes de
l’Extrême-Nord (plaines) et du Nord (autour de Garoua) mais surtout vers les villes
où, dans les meilleurs des cas, ils sont veilleurs de nuits, employés de maison,
cireurs de chaussures… ou ils pratiquent le commerce ambulant ou parfois
grossissent les rangs des délinquants urbains.

Photo 7. Dinglya, 23 – I – 2007 Photo 8. Zileng, 24 –I- 2007


Les lambeaux de sol perchés, témoins Alignement de pierres dans le
d’un récurage très actif favorisés par la champ
pente et le substrat cristallin affleurant,
étayent notre jugement de dispositif de
résignation

Photo 10. Kosséhone, 24 – I – 2007


Photo 9. Mawach, 22 – I- 2007
Dispositif antiérosif de éteules de mil
Bourrelets de terre renforcés par
ont été coupés à 80 cm du sol et
des coiffes de pierres non
couchées au sol (paillage).
jointives
Photo 11. Magra, 22 – I – 2007 Photo 12. Gadjawaï, 22 – I – 2007
Association terrasses – Les labours profonds sont pratiqués
agroforesterie.
. sur les sols assez lourds des bas-fonds
où l’on cultive quelques tubercules,
telles que la patate douce, taro, la
canne à sucre, les oignons

Les données sur les migrations sont sous-estimées car au Cameroun comme dans
beaucoup de pays en développement les migrations ne sont pas déclarées.
Toutefois, déjà en 1987 (dernier recensement général de la population et de
l’habitat) 88% des individus nés en montagne vivaient déjà dans une des 64 villes
d’au moins 10 000 hbts. En exemptant les déplacements à l’intérieur d’un même
arrondissement qui n’était pas considéré comme des migrations, on trouve que 4,8
% de la population des montagnes avaient émigré vers les villes de plus de 10 000
hbts autres que la ville de l’arrondissement concerné (Maroua, Mokolo, Mora,
Kousséri, Garoua.

5. Conclusion

La forte pression démographique dans les Monts Mandara créé une situation latente
de surpeuplement qui devient difficile à gérer. Les fortes densités de population ont
précarisé leur cadre de vie en intensifiant son exploitation. Les terrasses et les
techniques associées telles que l’alignement simple de pierres, le paillage,
l’agroforesterie et le contrôle du ruissellement par l’association des cultures et dans
une moindre mesure le labour profond sur les replats et dans les bas-fonds qui sont
des stratégies séculaires de survie sont aujourd’hui mises en péril par un fort
accroissement démographique et des sécheresses récurrentes. Compte-tenu des
faibles revenus des ces populations et des risques sanitaires, l’amendement du sol
par l’utilisation des engrais chimiques n’est pas une solution généralisable. Même si
pour ces populations partir semble la plus facile des solutions, il ne faut pas occulter
les problèmes d’intégration des migrants. Etant donné l’attachement des
montagnards à leur terroir d’origine, la solution idéale serait une gestion efficiente
des ressources en eau qui passerait par une appropriation et une gestion de la
ressource par les locaux et non pas comme par exemple à Mora et à Koza une
utilisation politique de l’eau.
Bibliographie

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166 p.
DES STRATEGIES TRADITIONNELLES DE LUTTE
CONTRE L’EROSION DES SOLS SUR LE PLATEAU
DE NGAOUNDERE (NORD CAMEROUN)
Michel TCHOTSOUA*
*Université de Ngaoundéré, Département de Géographie, tchotsoua@yahoo.fr

Résumé. L’Adamaoua est le domaine pastoral le plus important du Cameroun. Il est


marqué par une dégradation accélérée des terres dont les manifestations les plus
inquiétantes sont la perte de la fertilité et le ravinement. Les paysans, conscients de la
gravité du phénomène, ont développé un certain nombre de techniques pour tirer parti de
l’eau, de la biomasse et de la fertilité des sols. En nous basant sur les variétés culturelles
et éco-morphologiques de ce milieu nous avons étudié la diversité des stratégies
traditionnelles en vue d’un usage renouvelé. L'approche adoptée comprend deux
composantes :
• une analyse des images satellitaires complétée par des observations et des mesures de
terrain afin de déterminer les terroirs critiques ;
• une enquête directe auprès de 3 groupes d’acteurs : les paysans, les élus communaux et
les techniciens et ingénieurs agronomes. Les enquêtes et entretiens avec les paysans ont
été réalisés sous forme de discussions et de débats dans 7 villages représentatifs dont 3 en
plaine et 4 en montagne.
De ces observations et enquêtes, on relève que les paysans ont développé ou
réactivé les méthodes traditionnelles de gestion de la fertilité des terres et de lutte contre
l’érosion notamment : l’intégration agriculture-élevage bovin, les jardins de case, la
plantation du Musa nain, l’élevage de la volaille et des petits ruminants en cage avec
production de fumier. Bien que ces stratégies soient ingénieuses et efficaces, elles ne
s’appliquent que sur de petites superficies et ne permettent qu’une agriculture de
subsistance. Les chercheurs, en relation étroite avec les techniciens de l’Etat, doivent
étudier les possibilités d’améliorer ces techniques paysannes. Du dialogue entre ces
groupes d’acteurs, peut naître une prise en charge de l’environnement rural par les
communautés qui l’exploitent moyennant des aides techniques et financières
significatives de l’Etat.

Mots clés. Dynamique de l’espace rural, Nord-Cameroun, stratégies traditionnelles,


fertilité des sols, lutte antiérosive, ravinement.

Abstract. The Adamawa highlands are the most important pasture region of Cameroon.
It is facing an accelerated degradation which the most disturbing manifestations are loss
of fertility and gully erosion. In some villages, farmers, aware of the seriousness of the
phenomenon, have developed traditional techniques to manage water, biomass and soil
fertility. Basing ourselves on the cultural and eco-morphological varieties we have
studied the diversity of traditional strategies for renewed use. The approach includes two
components: * an analysis of satellite imagery supplemented by field observations and
measurements to determine the critical land; * a direct survey of 3 groups of actors:
farmers, elected municipal and agricultural engineers and technicians. Surveys and
interviews with farmers were made in the form of discussions and debates in 7
representative villages.From these observations and surveys, we observe that farmers
have developed or revived traditional methods of managing soil fertility and control
erosion including: the integration of agriculture and cattle breeding, home gardens,
clearing and burning, planting of Musa Dwarf, breeding poultry in small cage with
manure production. Although these strategies are ingenious and efficient, they can be
applied only to small areas and allow only subsistence farming. The researchers, in close
relationship with technicians should explore possibilities of improving the techniques
used by farmers. Dialogue between these groups of actors can rise to a support
environment for rural communities which operate by means of technical assistance and
significant financial state.

Keywords. Dynamics of rural, northern Cameroon, traditional strategies, soil fertility,


erosion control.

Introduction

Depuis les années 1980, le plateau de Ngaoundéré (Figure 1) subit


une évolution accélérée de son espace rural. Mais bien qu’elle soit en
profonde mutation, l’agriculture est toujours le moteur de l’économie de
la région. Cependant, la mise en culture d’espaces toujours plus grands et
la diminution des temps de jachère, provoquent le surpâturage et
favorisent la dégradation des sols dont la restauration par les engrais
chimiques ne peut plus être envisagée compte tenu de la paupérisation
généralisée des paysans.

La dégradation des sols ne s'exprime pas seulement par une baisse de


la fertilité mais aussi par une accélération des pertes en sol, les facteurs du
milieu physique étant naturellement fragiles: le régime des pluies, souvent
violentes, favorise le ruissellement, le ravinement sur les versants et
l’ensablement des cultures dans les bas fonds. Le corollaire de tous ces
facteurs est une baisse de la productivité du travail. La production de
charbon de bois apparaît alors comme une alternative à l'amélioration des
revenus agricoles. Cette production provoque un déboisement anarchique
qui accélère la détérioration des ressources végétales, véritable support
des exploitations agricoles.

La décapitalisation ainsi provoquée s'accompagne d'une perte de la


cohésion sociale et oblige les paysans à adopter une attitude de survie,
marquée par le retour aux anciennes techniques de restauration de la
fertilité des terres et de lutte contre l’érosion des sols que nous nous
proposons d’analyser dans cette communication après avoir présenté le
contexte éco-géomorphologique et la diversité des processus d’érosion en
cours dans la région.

 
1. Du milieu et des hommes

A une altitude moyenne de 1100 m, le plateau de Ngaoundéré est constitué de


molles ondulations aux
versants généralement
convexes. A partir du point
1
triple (Figure 1), il est drainé
par un réseau hydrographique
centrifuge. Deux types de
paysage géomorphologique
s’y distinguent : les massifs
granitiques résiduels aux
versants encombrés de blocs
rocheux et les constructions
essentiellement trachytiques
ou basaltiques du Tertiaire et
du Quaternaire. Cette
configuration topographique
est responsable d’un climat un
peu particulier à ces latitudes.
Figure 1. Localisation de la
Région de Ngaoundéré

Le climat du plateau de Ngaoundéré est caractérisé par une courte saison


sèche de 4 à 5 mois (novembre/décembre à mars/avril) et une longue
saison pluvieuse (avril/mai à novembre/décembre).

L’altitude de Ngaoundéré crée des conditions climatiques particulières


caractérisées par une modération très sensible des températures (moyenne
mensuelle de 20 à 26°C) et d’importantes précipitations annuelles (entre
1600 et 2 000 mm) inégalement réparties sur l’ensemble de la région.

Les sols de la région ont été étudiés par plusieurs auteurs (Laplante et
Bachelier, 1954 ; Humbel, 1966 ; Volger et al., 1982 ; Boutrais, 1995).
Même si Humbel (1966) y distingue quelques affleurements de sols
ferrugineux piégés entre les boules, ce sont essentiellement des formations
ferrallitiques issues de roches diverses ou acides qui dominent dans la
région.

                                                             
1
Le point triple (baptisé par Humbel, 1966) est le point de partage des eaux,
situé à environ 20 km à l’ouest de Ngaoundéré, entre les bassins de la Bini,
du Faro, de la Vina et de la Bénoué.

 
Au plan pédologique, l’Adamaoua central présente 2 ensembles plus ou
moins calqués sur le relief. Sur les inselbergs et les édifices volcaniques
du Quaternaire, les sols sont jeunes, peu épais aux horizons peu
différenciés ou tronqués par l’érosion tandis que sur les interfluves du
plateau, ils sont beaucoup plus évolués avec des horizons bien distincts.

Alternent ainsi, en surface, les cuirasses, les sols ferrallitiques jeunes ou


tronqués par l’érosion et les sols ferrallitiques évolués. Cette variation des
types de sols conditionne plus moins la répartition du couvert végétal.

La végétation de l’Adamaoua central est une savane soudano-


guinéenne arbustives ou arborées à Daniellia oliveri et Lophira
lanceolata. Sur les montagnes, elle est caractérisée par la grande taille des
individus qui la composent et par sa relative homogénéité. Aux monts
Nganha par exemple, vers Mbalang Djalingo et dans la vallée de la
Ndoubar, Daniellia oliveri et Lophira lanceolata forment de véritables
forêts claires, monospécifiques. Cette végétation, par sa morphologie,
contraste avec celle du plateau moyen et des basses terres qui les
entourent. C’est le domaine pastoral le plus important du Cameroun.

D’après les travaux de Podlewski (1971) et les traditions orales, les


premiers occupants de ces hautes terres seraient les Mboum, les Dii ou
Dourou (excellents forgerons) et les G’baya. Ces peuples sont
essentiellement des agriculteurs. Ils cultivent le mil, le maïs, le manioc et
l’igname, la patate douce, la pomme de terre et les fruitiers (manguiers,
orangers, goyaviers, citronniers et bananiers). A partir de 1830, l’arrivée
des Foulbé marque un tournant dans l’histoire démographique de la région
car, les agriculteurs sont très vite décimés ou réduits en esclavage. Les
traces de ces peuples sont matérialisées de nos jours par les ustensiles en
pierre notamment les meules dormantes. Malgré la croissance
démographique rapide, le plateau de Ngaoundéré reste faiblement peuplé.

2. Diversité des processus de dégradation

La grande diversité des milieux explique également la diversité des


processus de dégradation des sols sous l’effet du climat et des actions
anthropiques (Morin, 1998). Elle s'effectue en trois temps (Roose, 1992) :

- minéralisation continue et rapide des matières organiques non


compensée après le défrichement (peu ou pas d'enfouissement de M.O.) et
accélérée par l'érosion diffuse (sélective de l’argile, des matières
organiques et des nutriments associés) ;

 
- glissement progressif des couches superficielles par un travail répété du
sol sous les cultures vivrières occupant très temporairement le sol ;

- développement du ruissellement et du ravinement suite au tassement du


sol par le bétail, et surtout à la diminution de la capacité de stockage d'eau
dans les sols décapés par l'érosion aratoire.

L'érosion en nappe ne semble pas très importante dans les plaines: on


observe rarement de véritables croûtes de battance mais souvent le rejet
d'agrégats, l’affaissement des buttes et le tassement de la surface du sol.
Les sols argileux, bien structurés, calciques et caillouteux sont très
résistants: la battance de la pluie ne dégage que des agrégats.

L'érosion linéaire, par contre, est omniprésente sous forme de griffes


(canaux de quelques centimètres), rigoles (décimètres) évoluant
rapidement en ravines actives (mètres) si on n'intervient pas (Roose,
1992 ; Tchotsoua, 2008). En effet, les terres où la roche-mère affleure, les
chemins et les pistes, les jachères surpâturées et les sols sur substrat
granitique ou basaltique sont à l'origine du ruissellement dangereux sur les
fortes pentes.

Les mouvements en masse de terres s'effectuent lentement par


reptation et érosion aratoire (par le travail du sol) sur fortes pentes et par
érosion régressive sur pentes convexes à partir des réseaux de ravines
(Hiol Hiol et al.. 1997). L'érosion des berges est très active dans les
vallées en auge où les rivières surchargées de sédiments changent
fréquemment de lit.

3. Les stratégies traditionnelles paysannes de restauration de la


fertilité des terres et de lutte contre l’érosion.

Face à la double crise économique et environnementale, la paysannerie


adopte des stratégies qui varient dans le temps et l'espace.

3.1. Lutte contre l’érosion diffuse et maintien de la fertilité des terres

Sur le plateau de Ngaoundéré les paysans utilisent des techniques de lutte


traditionnelles mais dont l'efficacité est limitée. Elles ont toutefois
l'avantage d'être bien intégrées aux systèmes de culture et pourraient donc
être améliorées. On peut relever autour de Ngaoundéré:

 
- Les billons perpendiculaires à la pente, plus courant dans les plaines de
la Bénoué et du Diamaré, sont insuffisants pour enrayer l'érosion. Ils n'ont
qu'un impact limité sur le ruissellement et suivent rarement les courbes de
niveau. Aussi, lorsqu'ils sont trop longs, il se crée des points de rupture,
début d'érosion linéaire lors de très fortes pluies.

- Quelques haies vives constituées de diverses espèces pourraient avoir


une certaine efficacité. Cependant, elles ne concernent que les parcelles
proches des habitations, c'est-à-dire sur de faibles pentes et en propriété.
De plus, elles sont surtout établies en clôtures et ne sont donc pas
disposées en courbe de niveau. Leur principal rôle est de lutter contre le
vol et la divagation des animaux. Les espèces utilisées ne sont pas
appétées par le bétail et produisent peu de biomasse.

3.2 Lutte contre l’érosion linéaire

Pour éviter les rigoles ou les griffes, les techniques de clayonnage sont
également utilisées par les paysans, mais elles sont plus rares du fait que
ces formes d'érosion se manifestent surtout dans les secteurs où la
végétation n’existe plus.

Pour les petites et moyennes ravines, la plantation de Bananier nain


de part et d’autre du drain de la ravine permet de stabiliser le sol
et diminuer l’érosion à l’aide du système racinaire de cette plante
(Photo 1). Les agriculteurs construisent des petits seuils en matériel
végétal et/ou en pierres (Photo 2). Mais ces pratiques ne sont pas encore
courantes et nécessitent des précautions et de l'entretien: les plantes de
bananier ou les ouvrages, bien souvent fragiles, sont emportés lors des
grosses pluies.

Photo 1. Système traditionnel de lutte contre le Photo 2. Amélioration du système de lutte contre le
ravinement avec le Musa nain. ravinement par les haies associées aux cailloux.
Cliché M. Tchotsoua Cliché M. Tchotsoua

 
4. Intégration agriculture–élevage et recomposition de l’espace
rural

Devant la situation créée par la rareté des espaces cultivables, l’agriculture


itinérante sur brûlis n’existe plus. Il en est de même de la pratique de
l’élevage transhumant qui devient de plus en plus difficile. Suite à la
sédentarisation de la majorité des éleveurs et aux conflits récurrents entre
agriculteurs et éleveurs, la plupart des éleveurs ont accepté une
cohabitation avec les agriculteurs. Et la division de l’espace devient de
mise tant chez les agriculteurs que chez les agro-éleveurs.

On distingue désormais trois grands ensembles qui marquent le paysage et


se caractérisent par des transferts de fertilité de l'un à l'autre par
l'intermédiaire du bétail:

- Autour de chaque habitation,


le jardin de case s’étend
généralement sur 500 à 2000
m2. Il est constitué de
végétation anthropique dense
entourant la case et toujours
en propriété. Dans ce jardin
de nombreuses espèces
pérennes ou annuelles sont
associées et forment plusieurs
étages de végétation:
avocatiers, manguiers, Figure 2. Structuration de l’espace rural conditionnée par la
gestion de la fertilité des terres à l’ouest de Ngaoundéré
papayers, bananiers, macabo, d’après l’image satellite Ikonos de la région de Ngaoundéré
taro et igname se discutent du 22 septembre 2007.
l’accès à la lumière. Le
paysan soudano-sahélien est conscient du rôle des espaces boisés sur
l'environnement (meilleure infiltration des eaux de pluies, production de
biomasse, diminution des phénomènes de battance et de l'érosion en
masse). Mais les contraintes exogènes (pression foncière, revenu faible
d'où vente de charbon de bois) et endogènes à l'exploitation font qu'il lui
est souvent difficile de gérer et maintenir ce patrimoine.

- Au-delà du jardin de case se trouve les champs de tubercules et/ou de


céréales de proximité : leurs superficies varient entre 2000 m et 10000
m2: cette zone, non boisée, est délimitée par des haies vives d'arbustes afin
de marquer la propriété, abriter les cultures du vent et les protéger des

'%

%
animaux. On y cultive en association le haricot, le maïs, l'igname, la patate
douce, le niébé, le mil, le sorgho et/ou le manioc (Figure 2).

- Plus loin, et parfois à la faveur de la présence d’un karal (Seignobos,


1993) ou d’un bas fond, se trouve le champ de cultures céréalières
lointain. Avec des surfaces souvent supérieures à 10000 m2, ils sont
généralement protégés contre le bétail par des piquets et fils barbelés. Les
paysans y pratiquent une association de haricots et de patates douces ou
du maïs et des arachides pendant six mois. Ensuite, la parcelle peut être
laissée en jachère pâturée. La durée de la jachère varie de trois mois à
deux ans selon les types de champs et la disponibilité en terre du paysan.
Lorsque les jachères sont longues (un à deux ans), les animaux sont
laissés au piquet sans apport de fourrage, d'abord pour y manger les
résidus de récolte directement sur place (paille de maïs et de sorgho), puis
pour le pâturage (Photo 3). Il y a ainsi un recyclage directement sur place
de la matière organique en déjections animales qui, non fermentées et
exposées au soleil, subissent de fortes pertes en azote (Roose, 1992). Cette
technique provoque souvent un tassement du sol sur forte pente, ce qui
favorise le ruissellement. A coté se développe aussi le parcage, une des
grandes révélations de l’intégration agriculture-élevage dictée par la perte
de la fertilité générale des sols en milieu soudano-sahélien (Photo 3 et 4).

Photo 3. Intégration agriculture-élevage : parcage et Photo 4. Parcelle de 1 hectare fertilisée par un seul
fertilisation des sols pour la culture du maïs dans la troupeau de 67 têtes en 2 semaines dans la vallée de la
vallée de la Marza. Cliché M. Tchotsoua, mars 2009 Marza. Cliché M. Tchotsoua, mars 2009

Dans chaque parc à bétail de 200 m² environ, généralement situés sur les
pieds de versants un troupeau de 70 têtes en moyenne passe 10 à 15 nuits
après avoir brouté pendant la journée les éteules dans les champs de bas
fonds des agriculteurs. Après quoi, les piquets et le fil barbelé sont
déplacés et ainsi de suite jusqu’à ce que les bouses de vaches soient
déposées sur toute la parcelle (Photo 4).

 
5. Efficacité des stratégies de lutte antiérosive traditionnelle et
propositions pour leur amélioration

De l’analyse des techniques agricoles et des enquêtes auprès de ces


acteurs, il ressort que le maintien de la fertilité des sols est lié à l’intensité
des soins apportés à la terre, à l’adaptation au milieu, à la gestion de la
fumure, aux aménagements pour retenir l’eau et les nutriments.

Bien que ces stratégies soient efficaces, elles ne peuvent permettre


qu’une agriculture de subsistance. Le rendement est important mais la
productivité est très faible. Il ne peut en être autrement car la force du
travail n’est que celle des bras des paysans. La mécanisation du système
est nulle.

Toutes ces techniques traditionnelles de lutte antiérosive confirment que


le paysan soudano-sahélien est un artisan du paysage agraire. Mais si sa
faculté d'adaptation est remarquable, il faut reconnaître que la logique de
production par les sociétés rurales soudano-sahéliennes, induit des points
de rupture remettant en cause la reproductibilité de certains systèmes. On
distingue parmi les causes principales:

- Un espace agraire très contraignant exposé aux érosions de toutes


formes ;

- Des conflits fonciers, obstacles à l'aménagement de parcelles ou de


versants et favorisant également l'érosion.

Il est primordial, si l'on veut augmenter la productivité, de procéder à une


meilleure gestion de l'eau, mais aussi à une meilleure gestion des
nutriments et de la matière organique. Ainsi, pour améliorer le cycle des
nutriments, il convient de revoir l'utilisation de la biomasse disponible.
Celle-ci peut être considérablement augmentée avec la production des
haies vives qui doivent :

- améliorer l'infiltration par ralentissement des écoulements ;

- augmenter la production de biomasse (environ 3 à 5 tonnes/hectare/an si


la distance entre les talus est d'environ 10 mètres) par la plantation des
arbres qui peuvent être utilisés pour améliorer la fertilité par une
restitution organique en répandant sur le sol les résidus issus de la taille
des arbustes-légumineuses. Ainsi cette biomasse restitue rapidement et de
façon plus progressive les nutriments. Enfin, elle est très utile pour

 
l'alimentation du bétail (coupe des graminées et légumineuses), pour la
production de bois de feu, et, à plus long terme, pour la production de
fruits et de bois d'œuvre et pour améliorer la protection contre les vents et
la divagation des animaux.

Les actions d’accompagnement de ces stratégies sont indispensables et


concernent:

- l'introduction de cultures plus valorisantes notamment celle des cultures


maraîchères. Cette diversification des cultures dans les bas fonds est la
courroie de transmission entre aménagement, amélioration de la fertilité
des sols et augmentation de la productivité, le corollaire étant une
augmentation du revenu.

- l'augmentation de la production de lait qui passe par des actions


d'amélioration de l'alimentation, des conduites et des facteurs génétiques.

- la diversification des produits fruitiers: plusieurs campagnes de


surgreffage sur des arbres adultes de plus de 5 ans, ont été réalisées sur
l'ensemble du transect pour introduire des variétés améliorées (oranges,
mandarines et pamplemousses pour le marché américain) ou de contre
saisons (manguiers, avocatiers) pour les marchés nationaux et
internationaux.

- l'amélioration de la sécurité foncière: les aménagements proposés


constituent un investissement important en travail, parfois en argent. Pour
le paysan, ces aménagements dont la rentabilité n'est pas immédiate sont
d'autant plus importants que la sécurité foncière est bonne.

Conclusion

Au total, les paysans des hautes terres de l’Adamaoua ont développé ou


réactivé les méthodes traditionnelles de gestion de la fertilité des terres et
de lutte contre l’érosion. Ce sont : l’intégration agriculture-élevage bovin,
les jardins de case, la plantation du Musa nain, l’élevage de la volaille et
de petits ruminants en cage avec production de fumier.

Seulement, ces stratégies ne s’appliquent que sur de petites superficies et


ne permettent qu’une agriculture de subsistance. Une rénovation de
l’économie rurale qui nécessite une modernisation des moyens
d’exploitation, une amélioration des méthodes de culture et une création
d’autres sources de revenus pouvant faciliter la reconversion des terres et
10 

 
donner à la population des moyens de subsistance, est hautement
importante pour maintenir les jeunes sur place. Il faudrait, sans doute,
reconsidérer ces positions et, sans vouloir idéaliser les stratégies
traditionnelles, analyser leur aire de répartition, les conditions de leur
fonctionnement, leur efficacité, leur coût, leur dynamisme actuel, et
surtout développer les possibilités de leur amélioration avec l’appui de
l’Etat.

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11 

 
LES TECHNIQUES TRADITIONNELLES DE GCES ET DE RESTAURATION DE LA 
PRODUCTIVITE DES SOLS AU RWANDA 

Dr FRANCOIS NDAYIZIGIYE                                                                                      
Géographe,  Massey College, Université de Toronto                                                                
E‐mail: ndafranco@gmail.com 

Résumé :   Jusqu’au début du siècle dernier, le Rwanda était encore peu peuplé, et le problème de 
sol  ne  se  posait  pas  en  termes  de  disponibilité  et  de  productivité ;  il  y  avait  encore  de  nouvelles 
terres riches à coloniser et la sédentarisation restait aléatoire. Les sols fatigués étaient mis en jachère 
et se reconstituaient avec le temps. Avec la poussée démographique est apparue l’appropriation des 
terrains considérés depuis lors comme principale source de moyens de subsistance. Ne pouvant pas 
abandonner les sols fatigués, les agriculteurs apprirent alors à les aménager en les protégeant contre 
l’érosion  et  en  les  fertilisant  pour  les  rendre  encore  productifs.    Ainsi,  ils  eurent  recours  à  des 
techniques  visant  à  ralentir  et  à  infiltrer  les  eaux  de  ruissellement  (haies  vives  et  fossés),  des 
techniques  de  gestion  des  bas  fonds  inondés  (drains  et  sillons  séparant  des  billons)  et  différentes 
méthodes  de  gestion  du  sol  et  sa  fertilité  (labour  grossier,  buttes,  billons,  jachère,  utilisation  des 
résidus et déchets de toute sorte, agroforesterie). Par la suite, les pouvoirs publics, conscients de la 
gravité  du  problème  de  dégradation  des  sols,  ont  essayé  d’imposer  des  «nouvelles  techniques » 
(fossés isohypses et terrasses radicales). Mais cette intervention fut couronnée par un échec  parce 
que ces techniques ne répondaient pas à la principale attente des agriculteurs qui était d’augmenter 
la production des biens conséquemment à l’effort fourni. En plus d’être très exigeantes en main‐d’ 
œuvre (fossés : 250‐350 HJ/ha/an et terrasses radicales : 800‐1200 HJ/ha/an), ces techniques se sont 
avérées  catastrophiques    sur  certains  terrains  très  pentus  et  peu  profonds.    Des  études  faites  par 
différents  acteurs  (chercheurs,  services  publics  et  ONGs)  ont  permis  de  voir  qu’en  combinant  les 
pratiques  traditionnelles  avec  les  nouvelles  techniques,  on  peut  arriver  à  conserver  de  manière 
durable le sol et à lui assurer une productivité plus soutenue.   

Mots  clés :  Rwanda,  dégradation  des  sols,  érosion,  techniques  traditionnelles,  restauration  de  la  
productivité des sols.    

Abstract:   Until the beginning of the last century, Rwanda was still sparsely populated, and the 
problem of soil did not arise in terms of availability and productivity; there was still new rich land to 
colonize and settling was random. Tired soils were put fallow and were rebuilt over time. With the 
demographic  surge  appeared  the  appropriation  of  the  land  since  considered  main  source  of 
livelihood.  Could  not  abandon  the  tired  soils,  farmers  learned  then  to  manage  them  by  protecting 
against  erosion  and  by  providing  fertilization  to  still  make  them  productive.    Thus,  they  used 
techniques  to  slow  and  infiltrate  runoff  (hedge  rows  and  ditches),  techniques  for  managing  small 
marshes  (drains  and  furrows  separating  plots)  and  different  methods  of  soil  management  and 
fertility  (coarse  labour,  buttes,  ridges,  fallow,  use  of  residues  and  wastes,  agroforestery). 
Subsequently, the public authorities, aware of the gravity of the problem of land degradation, have 
tried  to  impose  "new  techniques"  (ditches  and  beach  terraces).  But  this  intervention  was  a  failure 
because these techniques did not meet the main waiting’s farmers was to increase the production of 
the  crops  accordingly  to  provide  effort.  Extra  to  be  very  labour  ‐  intensive  (ditches:  250‐350 
HJ/ha/year  and  beach  terraces:  800‐1200  HJ/ha/yr),  these  techniques  may  be  very  catastrophic  in 
some  very  steep  and  shallow  lands.    Studies  made  by  different  actors  (researchers,  public  services 
and NGOs) showed that combining traditional practices with new techniques, can maintain a stable 
soil and provide a more sustained productivity.    

Key words: Rwanda, soil degradation, erosion, traditional techniques, soil productivity restoration. 

Introduction 

Selon  les  rapports  des  premiers  missionnaires,  le  berceau  du  Rwanda  actuel  était  peuplé, 
déjà au début de ce siècle, de manière remarquablement dense. Malgré les famines et les 
guerres  intestines,  la  population  rwandaise  n’a  cessé  de  s’accroître  à  un  rythme 
extrêmement rapide. En 30 ans, la densité de la population s’est multipliée presque par trois 
partout  dans  le  pays,  passant  successivement  de  89  habitants  par  km²  en  1948    à  258 
habitants  par  km²  en  1978,  certaines  zones  étant  plus  peuplées  que  d’autres »  (F. 
Ndayizigiye, 1993). D’après les estimations de la Banque Mondiale, le Rwanda a connu une 
forte poussée démographique ces dix dernières années et serait aujourd’hui le pays le plus 
densément  peuplé  d’Afrique  avec  une  densité  moyenne  d’environ  400  habitants  au  km² 
comme le montre la figure suivante. 
 

 
 
L'une des caractéristiques marquantes de la société rwandaise est la très large dissémination 
de  l'habitat  d'une  grande    partie  de  la  population  (environ  82%)  sur  les  collines  et  les 
plateaux  du  pays.  Les  villes  ne  renferment  qu’environ  18%  de  la  population  totale.  Les 
vallées  et  les  bas  fonds,  longtemps  réservés  à  l’élevage  et  parfois  aux  reboisements 
d’eucalyptus, sont aujourd’hui colonisés par une agriculture très intensive (Photo 01).  
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1. Les techniques de gestion conservatoire de l’eau  
  
L’agriculture traditionnelle rwandaise est principalement pluviale. Ainsi, pour leur besoin en 
eau,  les  cultures  dépendent  essentiellement  de  la  pluie  même  si  dans  les  bas  fonds, 
certaines  pratiques  peuvent  être  assimilées  à  l’irrigation.  Le  fermier  doit  attendre  l’arrivée 
des  pluies pour faire des cultures ;  et à certaines périodes de l’année, il doit aussi faire face 
à une grande quantité d’eau qu’il faut gérer pour le bénéfice des cultures et la sauvegarde 
de l’environnement en luttant notamment contre l’érosion. Pour ce faire, il a eu recours à 
diverses  techniques  qui  ont  été  progressivement  améliorées  au  cours  des  années  pour 
donner les résultats que l’on connaît aujourd’hui. 
 
a) Des  chicanes  en  mottes  d’herbes  +  haies  d’arbustes  et  graminées  aux  bandes 
enherbées + haies vives d’arbustes  
 
En terrain incliné, les paysans réunissaient les herbes arrachées et la terre qui y adhérait en 
petites  mottes  disposées  en  chicanes  suivant  plus  ou  moins  les  courbes  de  niveau.  Ils  y 
plantaient  aussi  des  haies  d’euphorbes  (Euphorbia  tirucalli  =  umuyenzi)  ou  de  grandes 
graminées (Hyparhenia = umukenke)  pour renforcer le système. Après un certain temps, la 
pente s’atténuait et le paysan en cultivait la partie inférieure, après l’avoir protégée par un 
fossé. Ce qui ralentissait l’écoulement des eaux et empêchait le ravinement.  
Aujourd’hui, ce dispositif a été amélioré en installant, suivant les courbes de niveau et à des 
écartements différents selon le degré de la pente, des bandes enherbées avec des graminées 
fourragères  (Sétaria,  Tripsacum,  Vetiver,  Penisetum)  et  des  haies  vives  d’arbustes 
légumineux  (Leucaena,  Sesbania,  Calliandra)  à  usages  multiples  (bois  de  tuteurs,  fourrage, 
engrais vert, paillage).  
Ces  haies  arbustives  et  bandes  enherbées  utilisées  sur  des  terrains  à  faibles  pentes 
(inférieures  à  15%)  permettent  d’obtenir  progressivement  des  terrasses  planes  avec  des 
talus courts et stables après un temps relativement court (3 à 5 ans) quand les parcelles sont 
régulièrement  cultivées  dans  le  sens  de  la  pente  et  les  structures  bien  entretenues  (tailles 
et/ou coupes régulières) (Photo 03). 
 

   
Photo 03 : Bandes enherbées contre l’érosion 
 
b) Des  fossés  en  bordure  supérieure  des  champs  aux  fossés  isohypses  cloisonnés 
renforcés par des bandes enherbées 
 
 L’agriculteur a toujours utilisé des fossés soit pour capter et infiltrer l’eau de ruissellement, 
soit pour évacuer les quantités d’eau indésirables au niveau du champ. 
En haut de chaque parcelle, l’agriculteur terminait le labour par un fossé large d’environ 30 
cm  et  d’une  profondeur  de  la  hauteur  d’une  houe  (environ  20  cm),  dont  la  fonction 
principale était de capter et d’infiltrer des éventuels écoulements d’eau venant des parcelles 
situées  en  amont,  et  aussi  y  déposer  de  résidus  de  sarclage  qui  allaient  servir  de  fumure 
organique à la saison suivante. Ce fossé pouvait constituer une structure antiérosive même 
s’il ne suivait pas toujours la courbe de niveau comme le conseillent les spécialistes. Ce fossé 
était régulièrement détruit et remplacé par un nouveau fossé de même dimension à chaque 
labour de la saison. 
Aujourd’hui, l’amélioration qui a été portée à cette technique consiste en ce que les fossés 
suivent les courbes de niveau à des équidistances régulières, et sont plus larges (40 cm) et 
profonds  (30  à  50  cm),  cloisonnés  tous  les  5‐10  m  pour  forcer  l’eau  à  s’infiltrer  sur  place 
(Photo :  04);    et  ils  sont  protégés  en  amont  par  une  bande  enherbée  et/ou  une  haie 
arbustive qui retient les terres érodées sur la parcelle et permet la formation d’une terrasse 
progressive obtenue après 5 à 10 ans de culture continue (Photo 05).  
 

   
Photo 04 : Fossés isohypses cloisonnés              Photo 05 : Bandes enherbées sur fossés 
 
Cependant, cette technique ne peut être utilisée que sur des terrains dont la pente n’excède 
pas  35%    et  dont  la  profondeur  du  sol  atteint  1  m  au  minimum.  Elle  ne  peut  pas  être 
recommandée sur des terrains très pentus et argileux développés sur substrat schisteux ou 
volcanique.    Sur  ce  type  de  terrains,  l’expérience  a  montré  que  les  fossés  isohypses 
cloisonnés  entraînaient  d'importants  glissements  de  terrains  qui    provoquent  d'énormes 
dégâts sur leur passage et dans les bas fonds. Et en plus de son inefficacité à lutter contre 
l’érosion, cette technique demande un investissement considérable : environ 300 hommes‐
jours par hectare pour la mise en place, et 200‐250 hommes‐jours annuels par hectare pour 
l’entretien.  Cet  investissement    ne  peut  pas  être  rentabilisé  sans  apports  supplémentaires 
nécessaires pour la mise en valeur des terrains.   

Dans ces situations, il a été alors recommandé d'utiliser des haies d'arbuste et/ou d'herbes 
et  des  terrasses  radicales.  Ce  qui  a  été  jusqu'ici  bien  accueilli  par  les  agriculteurs  aussi 
longtemps qu'ils obtiennent un soutien (même sous forme de prêt) pour la mise en place de 
ces  structures  (production  de  plants  d'arbustes  et  terrassement)  et  leur  mise  en  valeur 
(fourniture d’intrants : fumure minérale, semences, produits phytosanitaires).  

Même  si  l'érosion  subsiste  sur  la  parcelle  entre  deux  haies,  le  risque  de  glissement  de 
terrains a été nettement réduit. Et là où ces structures sont bien entretenues, très peu de 
sédiments  érodés  arrivent    dans  les  bas  fonds.  Avec  les  terrasses  radicales,  l’érosion  est 
réduite  au  minimum  acceptable.  Ainsi  pour  toutes  ces  structures,  c'est  l'entretien  qui 
garantit la réussite (Photo 06 et 07). 

 
Photo 06 : Champs avec haies d’herbes                Photo 07 : Terrasses radicales en production 
 
c) Des fossés de captage des eaux 
 
Toute  l’eau  qui  tombe  sur  les  toits  des  maisons,  sur  les  cours  environnantes  et  sur  les 
chemins  ruisselle  vers  le  bas  côté  et  constitue  une  source  évidente  d’une  importante 
érosion.  Ces  eaux  forment  des  rigoles  qui,  peu  à  peu,  se  transforment  en  ravins  qui  à  leur 
tour,  quand  elles  arrivent  dans  des  terrains  friables,  forment  des  crevasses  béantes  qui 
rendent désormais la circulation très difficile. Pour limiter les dégâts, les paysans creusaient 
des  fossés  non  loin  de  l’habitation  pour  les  eaux  ruisselant  sur  les  aires  habitées  et  en 
bordure  des  chemins  dans  le  but  de  capter  et  d’infiltrer  le  maximum  d’eau,  et  piéger  les 
sédiments transportés par l’érosion (Photo 08).  
 
Photo 08 : Fossé de retenue d’eau ruisselant sur les toits et cours des maisons 
 
Les chemins sont alors modifiés et protégés par une haie d’herbes (Photo 09).  
 

 
Photo 09 : Chemin protégé 
 
Une fois que les eaux de ruissellement sont détournées, le ravin devient inactif et est ensuite 
colonisé par une végétation naturelle qui, cependant, ne bouche pas complètement le ravin 
(Photo 10).  
 
Photo 10 : Ravin colonisé par des herbes 
 
Ainsi  pour  corriger  correctement  les  ravins,  on  utilisera  des  haies  serrées  d’arbustes  à 
multiplication  rapide  et  implantation  par  boutures  (Euphorbia  tirucalli,  Dracaena 
afromontana,  bambous)  au  travers  du  passage  des  eaux.  On  y  associera  également  des 
herbes  et  des  branches  pour  piéger  d’éventuels  sédiments  transportés  par  les  eaux.  Les 
haies seront distancées en fonction du degré de la pente du terrain. 
 
d) Des fosses le long des chemins  
 
 Les  eaux  ruisselant  sur  les  chemins  qui  traversent  les  exploitations  sont  dirigées  dans  des 
fossés antiérosifs là où ils existent ou dans des fosses creusées le long du chemin à intervalle 
de 10 à 20 mètres selon l’ampleur du phénomène. Elles sont de dimensions modestes (1 à 
1.5 m de large et 0.40 à 0.70 m de profondeur) pour des raisons de faisabilité et d’entretien.  
Ces fosses sont généralement creusées au début de l’année culturale et servent à  capter les 
eaux de ruissellement et les sédiments transportés sur les pistes. Elles sont creusées à l’écart 
du  chemin  pour  la  sécurité  des  usagers  et  y  sont  reliées  par  une  petite  rigole.  Elles  se 
remplissent  en  général  au  cours  de  deux  saisons  de  pluies  (septembre‐décembre  et  mars‐
juin).  
Certains paysans préfèrent planter des rejets de bananiers ou des arbres fruitiers dans ces 
fosses à moitié remplies au milieu de la deuxième saison de pluie pour faire profiter le plant 
des  riches  sédiments  accumulés  et  des  eaux  des  pluies  restant  à  venir  dans  la  saison. 
D’autres fosses seront alors creusées ailleurs si cela s’avère toujours nécessaire.  
Pour d’autres agriculteurs, les fosses vont rester jusqu’à la prochaine saison culturale. Elles 
seront alors curées au moment du labour et les sédiments piégés seront enfuis dans le sol 
comme fumure organique.  
C’est    ainsi  que  l’on  peut  observer  des  paysages  densément  peuplés  où  les  chemins  qui 
relient  les  différentes  habitations  restent  stables  et  cachés  derrière  une  abondante 
végétation parce qu’ils sont minutieusement contrôlés et entretenus (Photo 11). 
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Photo 13 : Culture de manioc sur buttes 
 
c) La culture en billons  
 
Comme  les  buttes,  la  pratique  des  billons  est  utilisée  principalement  pour  les  tubercules 
notamment  le  manioc,  la  patate  douce  et  la  pomme  de  terre  mais  aussi  pour  les  cultures 
potagères  surtout  dans  les  bas  fonds.  Traditionnellement,  les  billons  sont  souvent  faits 
perpendiculaires  à  la  pente  sur  des  pentes  faibles  à  moyennes,  et  parfois  même  on  leur 
donne une légère pente dans les régions où la pluviosité est abondante (Photo 14). 
 
 

 
Photo 14 : Culture sur billons : manioc + patate douce 
 
Sur des terrains très pentus (pente supérieure à 35%), spécialement dans le Nord du pays et 
sur les coteaux des collines, certains agriculteurs font des billons carrément dans le  sens de 
la  pente  pour  donner  libre  cours  aux  eaux  de  ruissellement,  parce  que  les  billons 
perpendiculaires  à  la  pente  accumulent  les  eaux  qui,  quand  il  y  a  rupture  de  ceux‐ci, 
emportent tout sur leur passage et provoquent d’importants dégâts dans les bas fonds.  
 
d) Les terrassettes  
 
Dans la zone de montagnes du nord et de l’ouest du pays, sur des versants très raides, les 
paysans utilisent des terrasses étroites (utunyanamo) pour faire des cultures notamment les 
légumineuses  (haricots,  petits  pois,  pois  cajan),  le  blé  et  la  pomme  de  terre.  Il  s’agit  de 
labourer des petites bandes de terre perpendiculairement à la pente, larges d’environ 1 à 3 
mètres, séparées entre elles par un petit talus. Les cultures sont alternées tout au long de 
l’année sur différentes parcelles. Le ruissellement et les sédiments provenant des parcelles 
cultivées  en  amont  sont  piégés  par  les  cultures  sur  les  parcelles  en  aval.  Les  cultures  se 
succèdent  sur  les  différentes  parcelles  dans  une  rotation  que  les  paysans  maîtrisent  et  ils 
n’oublient pas de faire la jachère (courte jachère sur une saison) quand cela est nécessaire. 
Cette technique permettait de mieux gérer le sol et les eaux sur ces fortes pentes, mais le 
grand  handicap  reste  que  les  sols  s’épuisent  petit  à  petit  et  qu’il  faut  faire  appel  aux 
amendements principalement chimiques (Photo 15).  
 

     
Photo 15 : Terrassettes sur fortes pentes 
 
3. Les pratiques de restauration de la productivité des sols  
     
a) La jachère  
 
Elle consiste à laisser en repos un champ ou une parcelle pendant un certain temps pour lui 
permettre la reconstitution naturelle des éléments nutritifs du sol.  
Quand  un  champ  ne  donne  plus  assez  de  production,  il  est  laissé  au  repos  au  profit  d’une 
autre exploitation qui a bénéficié d’une jachère ou qui sera gagnée sur la forêt là où elle  
existe  encore.  La  jachère  se  fait  avec  une  végétation  naturelle  qu’on  laisse  pousser  à 
l’endroit où on a récolté  une culture ou au milieu d’une culture pérenne (arbres fruitiers) ou 
semi‐pérenne (manioc).  
 
‐  La  jachère  longue  permet  de  rétablir  à  la  fois  un  bon  état  structural  du  sol,  des  teneurs 
suffisantes en matières organiques et la disponibilité en éléments nutritifs pour les plantes. 
Les champs bénéficiant d’une jachère longue (plus d’une année culturale) servent aussi de 
pâturage  pour  le  bétail  attaché  ou  libre  mais  gardé.  Dans  ces  conditions,  les  déjections 
animales  laissées  par  le  bétail  en  parcours  améliorent  la  fertilité  du  sol  dans  une  certaine 
mesure.  L’érosion  y  est  aussi  limitée  par  la  végétation  à  condition  qu’il  n’y  ait  pas 
surpâturage (Photo 16).

 
Photo 16 : Jachère longue broutée par des chèvres en liberté. 
     
‐  La  jachère  courte  ne  dure  en  général  qu’une  saison.  Le  terrain  est  colonisé  par  une 
végétation  naturelle  mélangée  à  des  résidus  de  culture  (restes  de  maïs,  de  sorgho...).  La 
jachère  est  alors  utilisée  comme  pâturage  de  courte  durée  et  bénéficie  des  déjections 
animales du bétail qui y broute.  
La jachère courte est également faite avec des cultures semi‐pérennes, c’est‐à‐dire celles qui 
occupent le terrain plus d’une saison culturale et dont la technique de conservation consiste 
à  les  laisser  dans  le  sol  pendant  la  durée  de  leur  consommation.  Il  s’agit  notamment  du 
manioc,  de  l’igname  et  de  colocases.    Dans  ce  cas,  les  animaux  ne  seront  pas  autorisés  à 
paître  sur  la  parcelle.  S’il  y  a  assez  de  végétation,  elle  sera  coupée  et  donnée  comme 
fourrage  aux  animaux  au  piquet  et  à  l’étable.    Le  sol  sera  enrichi  principalement  par  des 
remontées chimiques et l’érosion est arrêtée par la végétation qui s’y développe (Photo 17). 
 
Photo 17 : Jachère courte avec manioc 
 
Avec    une  croissance  démographique  galopante  et  une  augmentation  sans  cesse  des 
besoins,  la  durée  de  la  jachère  a  progressivement  diminué  et  voire  même  disparu  avec 
l’émiettement  des  exploitations  dû  à  l’héritage.  Et  comme  toutes  les  terres  cultivables  ont 
déjà été défrichées, il faut maintenant protéger le peu de terre disponible et  intensifier sa 
productivité par tous les moyens.  
 
b) L’enfouissement des résidus et déchets  
 
Pour  les  agriculteurs  qui  n’ont  pas  de  bétail,  l'enfouissement  des  résidus  (de  culture  et 
labour)  et  des  déchets  de  ménage  (cendres  et  déchets  domestiques  et  autres  déchets 
pouvant donner des matières organiques) constitue la principale solution pour intensifier la 
productivité de leur sol. C'est une filière courte (1 à 3 mois) qui permet un recyclage rapide 
des  nutriments  contenus  dans  la  biomasse.  L’enfouissement  a  lieu  pendant  le  labour  au 
début de chaque saison culturale (Photo 18).   
 

 
Photo 18 : Labour avec enfouissement des résidus 
 
Il existe  diverses méthodes traditionnelles où l'on ramasse les résidus de labour après qu’ils 
aient été séchés au soleil, on les dispose en petits tas que l’on recouvre de terre en forme de 
butte, et que l’on plante ensuite de manioc ou de patate douce (voir plus haut photo 13). 
Quelquefois,  on  y  associe  des  cultures  à  faible  enracinement  comme  le  haricot  et  le  pois 
cajan.  A  la  récolte  ces  buttes  sont  détruites  et  la  terre  riche  en  matière  organique  est 
répandue  alentour.  Des  enfouissements  répétés  dans  l'année  fournissent  des  matières 
organiques  fraîches  qui  permettent  de  maintenir  un  certain  niveau  de  carbone  organique 
dans le sol, mais leur action sur la fertilité du sol et sur sa résistance à l'érosion, est limitée 
(E. Roose, 1993). 
 
c) L’utilisation d’excréments humains  
 
Pour  certains  agriculteurs,  les  déjections  humaines  sont  éparpillées  sur  la  parcelle  et  sont 
couvertes d’herbes pour ne pas attirer des mouches et pour garder la chaleur nécessaire à 
une fermentation rapide ; elles seront enfuies au labour de la saison suivante. 
Aussi, dans une bananeraie qui n’est pas régulièrement cultivée, les agriculteurs creusent de 
petits trous (environ 50 cm de diamètre et 50 cm de profondeur) au milieu d’une rangée de 
bananiers et les remplissent avec des excréments humains. Et une fois pleins, les trous sont 
bouchés avec de la terre et ils creusent d’autres un peu distancés. Au début de la saison de 
pluie, ils plantent de nouveaux rejets de bananiers dans les vieux trous après avoir mélangé 
les  excréments  avec  de  la  terre.  Ainsi  de  suite,  ils  arrivent  à  rajeunir  régulièrement  leurs 
petites plantations de bananeraie. 
Pour d’autres agriculteurs, ils creusent un trou un peu plus grand (50 cm de diamètre et 100 
cm de profondeur) à l’extérieur de l’habitation autour duquel ils construisent une hutte non 
couverte ;  parfois  même  ils  le  délimitent  avec  quelques  pieux  joints  entre  eux  par  des 
roseaux secs pour signaler sa présence. Le trou est utilisé comme latrine pendant environ 6 à 
12  mois  en  mettant  des  déjections  humaines  et  quelquefois  des  résidus  de  labour.  Et  une 
fois  rempli,  il  est  rebouché  avec  de  la  terre  et  couvert  de  paille.  Il  faut  alors  attendre  au 
moins 12 mois pour ouvrir le trou et avoir de la fumure prête à l’utilisation. Cette fumure est 
appliquée aux cultures de façon localisée. 
  
d) L’utilisation des cendres   
 
Les  agriculteurs  ont  longtemps  pratiqué  l’incinération  des  résidus  de  labour  parce  que  la 
cendre obtenue était sensée être riche en éléments minéraux profitables aux cultures. Après 
qu’ils  aient  fait  sécher  les  mauvaises  herbes  et  les  résidus  de  culture  au  soleil,  ils  les 
disposaient en petits tas circulaires éparpillés sur la partie la plus pauvre de la parcelle et y 
mettaient le feu juste avant les premières pluies de la saison. La cendre obtenue était alors 
mélangée avec le sol au moment du semis.  
Quelquefois,  quand  on  a  une  masse  importante  de  biomasse  après  le  défrichement  d’une 
parcelle, on préfère la brûler sur place et enfuir la cendre pendant le labour. 
 Cette  pratique  permet  de  remonter  le  pH  et  de  réduire  la  toxicité  aluminique,  mais  la 
productivité du sol reste toujours faible sans autres amendements organiques ou chimiques. 
Quant  à  la  cendre  provenant  de  la  cuisine,  elle  est  souvent  mélangée  avec  les  déchets 
ménagers pour faire le compost, mais elle est parfois utilisée directement pour amender les 
jardins domestiques.  
 
e) Le compostage de biomasse 
 
La pratique de compostage a été longtemps utilisée par les paysans les plus pauvres qui ne 
possèdent  pas  de  bétail.  Pour  eux,  les  compostières  au  champ  est  le  principal  moyen  de 
disposer de fumure organique pour remonter la fertilité  du sol. La biomasse provenant du 
défrichage et les résidus de labour, quand ils ne sont pas directement brûlés,  sont entassés 
dans un creux au milieu du champ ou à coté de celui‐ci pour faire le compostage. Plus tard, 
on  y  ajoutera  les  résidus  de  sarclage.  La  transformation  de  la  biomasse  qui  dépend  de  la 
nature de celle‐ci peut prendre de 6 à 12 mois, et malheureusement, le rendement est très 
faible  quelle  que  soit  la  qualité  de  la  biomasse.  Ainsi,  les  champs  qui  sont  amendés  de  la 
sorte  se  dégradent  progressivement  et  deviennent    incapables  de  donner  une  production 
suffisante  pour  subvenir  aux  besoins  élémentaires  des  paysans.  Aujourd’hui,  les  paysans 
apprennent à faire un compost amélioré qui est fait d’un mélange de résidus de toute sorte 
auquel on incorpore la cendre de cuisine, la bouse de vache ou le fumier organique et l’urine 
animale (Photo 19). Le compostage durera trois semaines et donnera un fertilisant gratuit et 
biologique alors que les engrais chimiques sont chers et polluants (Fanny, 2010). 
 

 
Photo 19 : Fabrication du compost avec les résidus de toute sorte/Rda 

 
Pour les agriculteurs disposant de bétail, le compostage était plus ou moins amélioré, mais 
demandait encore plus de travail. En effet, il faut creuser deux fosses assez larges (environ 
(4x2x1)  m)  près  de  l’habitation,  couper  et  transporter  la  biomasse  pour  la  litière  et  le 
fourrage des animaux, ramasser ensuite la litière mélangées avec les déjections animales et 
les  ordures  ménagères  et  les  mettre  dans  la  première  fosse.  Une  fois  la  fosse  remplie,  les 
déchets et les déjections animales seront  transférés dans la deuxième fosse en prenant soin 
de les mélanger uniformément et seront bien couverts pour garder la chaleur nécessaire à la 
fermentation. La compostière doit être couverte, mais quelquefois elle est creusée à l’ombre 
d’un arbre autochtone (Ficus, Markhamia, Erythrina…) pour entretenir une ambiance fraîche 
et humide qui favorisait la fermentation et la décomposition rapide du compost (Photo 20). 
 
 
Photo 20 : Une compostière près de l’habitation 
 
 Chez les agriculteurs disposant d’un nombre important de cheptel ou ceux qui ne pouvaient 
pas faire des compostières souvent par manque de main‐d’œuvre, la litière et les déjections 
animales étaient ramassées et directement déposées au champ et couvertes de paille pour 
entretenir  une  certaine  chaleur  qui  va  accélérer  la  décomposition.  Elles  étaient  ensuite 
réparties  uniformément  sur  le  champ  et    enfuies  pendant  le  labour  sans  attendre  qu’elles 
soient  complètement  décomposées.  Ainsi,  le  paysan  savait  bien  que  cette  fumure  ne 
profitera pas pleinement à la culture de la première saison, mais que les cultures de la saison 
suivante pourront en bénéficier (Photo 21).  
 

 
Photo 21 : Litière et déjections animales entassés au champ 
 
Notons  que  cette  pratique  était  souvent  utilisée  quand  l’agriculteur  voulait  associer  des 
cultures  parmi  lesquelles  il  y  en  a  celles  qui  ont  un  cycle  végétatif  dépassant  une  saison 
culturale :  par  exemple  une  association  incluant  le  manioc  ou  certaines  variétés  de  patate 
douce à très long cycle végétatif et les légumineuses (haricot, soja) et/ou les céréales (maïs, 
sorgho) . 
 
f) Le paillage 
 
  Au Rwanda, le paillage a toujours constitué la technique la plus répandue et la plus efficace 
dans la culture du bananier et du caféier depuis son introduction dans les années 1930. Ceci 
est  d’autant  plus  facile  que  le  bananier  produit  lui‐même  la  biomasse  nécessaire  à  son 
paillage : les feuilles mortes, troncs de bananiers récoltés ou résidus d’entretien fournissent 
une masse importante de biomasse utilisée pour le paillage de la bananeraie et du caféier;  
et quelquefois, une partie sert de fourrage pour animaux surtout pendant les mois très secs 
(Juillet‐Août) (Photo 22).  
 

 
Photo 22 : Bananeraie bien paillée. 
 
Là où le paillage est bien fait, la restitution des éléments  au sol est évidente de manière que 
les paysans font certaines cultures dans la bananeraie sans devoir procéder au labour. Par 
exemple dans  de l’Est du pays (Kibungo), certains agriculteurs sèment le haricot à la volée 
ou dans de petits trous dans une bananeraie bien entretenue ; ils ne sarclent pas parce qu’il 
n’y a pas de mauvaises herbes qui poussent, et ils reviennent seulement pour récolter, et la 
production est importante.  
Quand le paillage est épais, non seulement il restaure la fertilité du sol, mais aussi permet de 
lutter contre l’érosion du sol. C'est une filière courte pour restituer la totalité de la biomasse 
et les nutriments qui la constituent (K, Ca, Mg, C, d'abord par lessivage, N et P à mesure de la 
minéralisation et de l'humification à travers la méso et la microfaune). La disparition de la 
litière  est  30  %  plus  lente  que  lorsque  la  matière  organique  est  enfouie  par  le  labour  (E. 
Roose, 1992). 
Le  paillage  était  aussi  fait  avec  des  résidus  de  culture  notamment  de  haricot,  de  soja,  de 
petit  pois  que  l’on  utilisait  pour  couvrir  les  billons  après  la  plantation  du  manioc  ou  des 
ignames dans une association de légumineuses sur des parcelles se trouvant à proximité de 
l’habitat.  Ce type de paillage était très bénéfique parce que non seulement il maintient plus 
longtemps  une  bonne  infiltration  des  eaux  en  même  temps  qu'une  bonne  activité  de  la 
mésofaune,  mais  aussi  il  apporte  des  éléments  nutritifs  ainsi  que  des  matières  organiques 
fraîches au sol qui améliorent sa structure et réduit l’érosion. 
 
g) L’agroforesterie  
 
Depuis  longtemps,  l’agroforesterie  est  l’une  des  caractéristiques  du  paysage  rwandais. 
L’arbre  a  toujours  fait  partie  du  paysage  rural  avec  toute  l’importance  qui  lui  revient.  Il 
fournit du bois de construction et de chauffage, de la biomasse pour le fourrage, le compost, 
le  paillage  et  le  tuteurage  du  bananier  et  les  cultures  grimpantes,  des  écorces  à  usages 
multiples (cordage, vêtements traditionnels...)    
Traditionnellement,  on  laissait  des  arbres  et  arbustes  autochtones  se  développer  sur  les 
exploitations pour leurs qualités médicinales et leur capacité à produire du bois et assez de 
biomasse à chaque élagage qui a lieu annuellement dans le but d’améliorer la productivité 
des sols (Photo 23). 

   
Photo 23 : Agroforesterie traditionnelle avec des arbres à usages multiples 
 
Le  Ficus  thininguii  (Umuvumu)  est  l’arbre  autochtone  le  plus  rencontré  dans  le  paysage 
rwandais.  On  le  trouve  sur  les  enclos  et    au  milieu  des  champs  où  il  matérialise  un  ancien 
emplacement  d’une  habitation  ou  une  limite  de  l’exploitation.  Ses  branches  sont 
régulièrement coupées pour qu’elles ne fassent par ombrage aux cultures. La biomasse sert 
d’engrais  vert  ou  à  la  fabrication  du  compost  et  le  bois  obtenu  est  utilisé  comme  tuteurs 
pour les cultures grimpantes (haricot volubile, petit pois, igname, maracuja).  Une fois l’arbre 
coupé, le tronc servait à la fabrication des barques, des ruches, des mortiers‐pilon, des cuves 
de  fermentation  du  vin  de  bananes…  et  l’écorce  était  utilisée  pour  faire  des  vêtements 
(impuzu) et des cordes pour la construction des maisons des chefs. 
Beaucoup  d’autres  arbres  comme  Vernonia  amygdalina  (Umubilizi),  Markhamia  lutea 
(Umusave), Erythrina abyssinica (Umuko), Acacia hockii (Umunyinya)… sont maintenus dans 
le paysage pour leurs qualités médicinales en plus de leur bienfait sur les sols. 
Des  arbustes  autochtones  sont  utilisés  dans  des  haies  bordant  les  grands  chemins  et 
séparant les différentes propriétés (Photo 24).  
 
 
Photo 24 : Haies d’arbustes autochtones sur un chemin 
 
Les  espèces  souvent  rencontrées  sont  Dracaena  afromontana  (Umuhati),  Tetradnia  riparia 
(Umuravumba)  et  Euphorbia  tirucalli  (Umuyenzi).  Ces  haies  sont  régulièrement  taillées,  la 
biomasse  produite  est  retournée  au  sol  comme  engrais  vert  et  le  bois  est  utilisé  comme 
tuteurs pour les cultures grimpantes (haricot volubile, igname, petit pois).  
Notons que là où les haies sont orientées perpendiculairement à la pente, elles permettent 
aussi de fixer le sol et de lutter contre l’érosion. 
Aujourd’hui,  un  grand  nombre  d’arbres  et  arbustes  exotiques  sont  utilisés  dans 
l’agroforesterie.  Parmi  les  arbres,  le  plus  rencontré  est  le  Grevilea  robusta  qui  est  estimé 
pour  sa  croissance  rapide  et  ses  usages  multiples :  il  produit  une  grande  quantité  de 
biomasse pour le compost, du bois de chauffe et des tuteurs lors de ses nombreux élagages, 
et du bois d’œuvre une fois récolté. 
Parmi  les  arbustes,  les  plus  utilisés  sont :  Leucaena  et  Calliandra.  Ils  ont  une  croissance 
rapide  et  se  prêtent  aussi  à  de  multiples  usages.    Utilisés  dans  les  haies  antiérosives,  ils 
fournissent  une  importante  biomasse  riche  en  azote  (100  à  125  kg/ha/an  sur  des  haies 
distantes de 10m) qu’on peut soit enfouir directement dans le sol comme engrais vert, soit 
appliquer comme paillage ou mettre dans la compostière (Ndayizigiye, 1993). Dispersés sur 
la parcelle, ces arbustes fournissent aussi une grande quantité de biomasse, mais surtout du 
bois de chauffe et les tuteurs. 
 
Conclusion  
 
L’agriculture  au  Rwanda  reste  aujourd’hui  la  principale  source  de  moyens  de  subsistance 
pour une très grande partie de la population. Plus de 80% des gens vivent en milieu rural. Et 
pour  survivre,  ils  n’ont  que  très  peu  de  terre  (moins  d’1ha  par  famille)  et  les  techniques 
modernes  (mécanisation,  irrigation…)  sont  quasi  inexistantes.  A  cela,  il  faut  ajouter  la 
diversité du milieu caractérisée par des fortes pentes et des pluies quelquefois agressives.  
Depuis longtemps, les paysans ont cherché à maîtriser leur environnement pour en tirer plus 
d’avantages,  mais  les  techniques  utilisées  n’ont  pas  suffi  pour  maintenir  un  niveau 
acceptable  de  productivité  des  sols  face  à  la  croissance  de  la  population  et  le  manque  de 
terres cultivables. 
L’intervention des pouvoirs publics a souvent échoué parce qu’ils n’ont pas d’abord cherché 
à  comprendre  le  fonctionnement  du  monde  rural.  Confiant  dans  les  solutions  proposées 
(fossés  antiérosifs,  terrasses  radicales,  haies  arbustives),  ils  ont  sous‐estimé  les  techniques 
traditionnelles et surévalué la capacité paysanne pour l’adoption des innovations. Ce qui a, 
dans  la  suite,  amené  certains  agriculteurs  à  se  montrer  réticents  voire  hostiles  envers  ces 
réformes agraires (destruction des ouvrages antiérosifs : fossés et haies vives).  
Face  à  ce  constat,  des  études  approfondies  ont  été  menées  par  l’Institut  des  Sciences 
Agronomiques  du  Rwanda  (ISAR)  et  des  ONG  impliquées  dans  le  domaine  de  l’agriculture 
pour mieux comprendre le fonctionnement de ces différentes techniques traditionnelles et 
modernes.  Les  résultats  obtenus  convergent  vers  une  même  recommandation  à  savoir 
qu’aucune technique ou méthode culturale n’est en mesure d’appréhender le problème de 
gestion  conservatoire  de  l’eau  et  de  restauration  de  la  fertilité  des  sols  sur  l’ensemble  du 
pays,  une  combinaison  de  techniques  et  méthodes  traditionnelles  et  modernes  doit  être 
associées pour chaque situation.  
 
Références :  
 
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‐ Charlery de La Masselière, B., 1992.  Le resserrement de l'espace agraire au Rwanda. Les 
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‐ Fanny, B., 2010.  Rwanda. Formation des paysans à la fabrication de compost, sur 
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‐ Ndayizigiye F., 1992. Valorisation des haies arbustives dans la lutte contre l’érosion en zone 
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‐Ndindabahizi, I. et Ngabije, R., 1991. Evaluation des systèmes d’exploitation agricole pour 
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‐ Nyamulinda, V., 1989. Les méthodes autochtones de conservation des sols dans les régions 
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‐ Roose E., Ndayizigiye F., Nyamulinda V., Byiringiro E., 1988. La GCES, une nouvelle 
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de l’eau et la fertilité des sols (GCES) : une nouvelle stratégie pour l’intensification de la 
production et la restauration de l’environnement en montagne. Bulletin Réseau Erosion, 12. 

‐ Roose E., Ndayizigiye F., Sekayange L., 1993. L’agroforesterie et la GCES au Rwanda. 
 Cah. ORSTOM Pédol., 28, 2 : 327‐350. 
‐Roose, E., 1993. Capacité des jachères à restaurer la fertilité des sols pauvres en zone 
soudano‐sahélienne d’Afrique occidentale, sur 
http://www.documentation.ird.fr/hor/fdi:38729  
 
‐ Roose, E. et Ndayizigiye, F, 1997.  Agroforestery, water and soil fertility management to 
fight erosion in tropical mountains of Rwanda, in Soil Technology, vol.11:109‐119. 

‐ Wassmer, P., 1981. Recherches géomorphologiques au Rwanda: Etude de l'érosion des sols 
et de ses conséquences dans la Préfecture de Kibuye. Ph.D. thesis: Université Louis Pasteur, 
Strasbourg. 
 
Provenance des photographies : 

‐Photo 01 : http://www.radio.canada.ca/radio/radiomonde/index.asp? 

‐ Photo 02 : http/icra‐edu.org/page.cfm ?pageid=publicfrencrwanda 

‐ Photo 03 : in F. Ndayizigiye, 1993 : Thèse de doctorat, ULP, Strasbourg, France 

‐ Photo  04 : Diallo M.S., 2010 online http://blog.fdh.org/mamadou/ 

‐ Photos 05: http://blog.fdh.org/mondialisonsnossolidalités/?post/Au‐Rwanda%2C‐pes‐
paysans‐modèlent‐les‐collines‐pour‐y‐développer‐l‐agriculture‐paysanne‐! 

‐Photo 06 : http://lizandrichardsa.typepad.com/africa/e‐rwanda‐‐‐trekking‐to‐see‐the‐
gorillas/ 

‐Photo: 07 : 
http://www.ifad.org/operations/projects/regions/pf/rwanda/pgerb/gallery/pages/pgerb_c3
e.htm  

‐Photos 08, 09, 10 : http://blog.fdh.org/mondialisonsnossolidalités/?post/Au‐Rwanda%2C‐
pes‐paysans‐modèlent‐les‐collines‐pour‐y‐développer‐l‐agriculture‐paysanne‐! 

‐Photo 11 : http://www.beneluxnaturephoto.net/forumf/index.php?topic=75739.0   

‐Photo 12 : 
http://www.orinfor.gov.rw/printmedia/news.php?type=fr.&volumeid=135&cat=28&storyid=
3814 
‐Photo 13 : wn.com/uganda_cassava 

‐Photos 14 : labs.harvestchoice.org/.../   

‐Photo 15: http://www.linternaute.com/voyage/afrique/photo/un‐epoustouflant‐survol‐de‐
l‐afrique/un‐gout‐d‐asie‐shtml 

‐Photo 16 : 
http://www.orinfor.gov.rw/printmedia/news.php?type=fr.&volumeid=135&cat=28&storyid=
3814 

‐Photo 17 : BetucoCA>albums>Rwanda manioc cassava 

‐Photo 18 : Jihane, 2009 : http://blog.fdh.org/jihane/ 
‐Photo 19 : http://blog.fdh.org/mondialisonsnossolidalités/?post/Au‐Rwanda%2C‐pes‐
paysans‐modèlent‐les‐collines‐pour‐y‐développer‐l‐agriculture‐paysanne‐! 

‐Photo 20 : http://rwandaonthewing.blogspot.com/2011/01/organic‐agriculture‐and‐
composting‐in‐html  

Photo 21 : www.internationalreportingproject.org/.../ 1469/ 

‐Photo 22: http://www.orinfor.gov.rw/images/news/insinahat 

‐Photo  23 :  http//:www.guatemalapasopaso.blogspot.com/2011/04/un‐voyage‐dans‐un‐


voyage‐le‐rwanda.html 
‐Photo 24 : http://bachersblog.com/?p=868 
T h è m e 2

In flu e n c e d e la lu tte a n tié ro s iv e


s u r la d y n a m iq u e d e l’e a u
d e la p a rc e lle a u b a s s in v e rs a n t

L a m a jo rité d e s a m é n a g e m e n ts e t d e s te c h n iq u e s a n tié ro s iv e s o n t é té c o n ç u e s p o u r
d is s ip e r l’é n e rg ie d e s p lu ie s d e p e tite e t m o y e n n e im p o rta n c e : s o it e n a m é lio ra n t l’in filtra tio n ,
s o it e n s to c k a n t le s e a u x d a n s la ru g o s ité d e la s u rfa c e d u s o l o u d a n s d iv e rs e s c a v ité s s u r le
v e rs a n t e t/o u d a n s le s v a llé e s . M a is le s p ro b lè m e s m a je u rs d ’é ro s io n a d v ie n n e n t lo rs d e s
a v e rs e s m a je u re s , o u lo rs d e s p lu ie s ra re s o u c y c lo n iq u e s . C e s a m é n a g e m e n ts (fo s s é s ,
b a n q u e tte s , c a n a u x d e c o n to u r) g é n é ra le m e n t d é b o rd e n t e t e n tra in e n t d e s d é g â ts c o n s id é ra b le s
s u r le s v e rs a n ts e t e n a v a l.

D a n s c e tte s e c tio n , s o n t d é fin is le s p h é n o m è n e s p lu v ie u x e x trê m e s , a v e c le u r h a u te u r,


le u r d u ré e , le u r in te n s ité m a x im a le (d a n s le s C a ra ïb e s e t d a n s le V a r e n F ra n c e ). L e s
c o n s é q u e n c e s s u r le s c ô te s to u ris tiq u e s (M a rtin iq u e ), e n m ilie u x u rb a in s (e n A lg é rie , e n H a ïti) e t
s u r le s a m é n a g e m e n ts tra d itio n n e ls o u m o d e rn e s (e n A lg é rie ) s o n t d é c rite s .

E n fin , d iv e rs a u te u rs o n t é tu d ié l’in flu e n c e d e s a rb re s (a u S a h e l), le s u rp â tu ra g e e t d u


p a illa g e (s o u s b a n a n e ra ie e n M a rtin iq u e ) s u r la m a itris e d e s flu x h y d riq u e s e t d e l’é ro s io n s u r
fo rte s p e n te s (à M a d a g a s c a r). Q u a n t a u s u rp â tu ra g e , il e n tra in e la d é n u d a tio n e t le c o m p a c ta g e
d u s o l c e q u i a u g m e n te le s d é b its d e s c ru e s , le ra v in e m e n t, a in s i q u e le tra n s fe rt d e fe rtilité .
Caractéristiques des fortes pluies et des cyclones sur les Antilles
Perspectives en liaison avec le réchauffement climatique
Reyal Max
Direction Inter-régionale de Météo France aux Antilles-Guyane
Courriel : max.reyal@meteo.fr

Résumé
Le but de l’exposé est de présenter les caractéristiques des fortes pluies des Antilles à l’origine de
dégâts tels que inondations, glissements de terrain, forte érosion des sols.
• Une première partie présente rapidement les caractéristiques générales de la circulation
atmosphérique des Antilles, les saisons, les perturbations intéressant la zone telles que les
cyclones mais également les ondes tropicales, les perturbations pluvieuses d’inter-saison, ces
deux derniers types de perturbations pouvant générer (on l’oublie parfois) des quantités de
pluies plus importantes que les cyclones.
• Une deuxième partie donne quelques éléments statistiques concernant les pluies : normales,
cumuls extrêmes, durées de retour de cumuls extrêmes, de même que quelques éléments
statistiques sur les cyclones (période de survenance, pic de saison, durée de retour en fonction
de l’intensité du cyclone, etc…) .
• Une troisième partie fera le point sur ce qu’on peut dire pour la zone Caraïbes quant aux effets
du réchauffement climatique sur les caractéristiques des cyclones et des pluies extrêmes.

Mots clé : Antilles, cyclones, ondes tropicales, intensité, fréquence, changement climatique

Abstract
The objective of this paper is to present characteristics of cyclonic rainfalls at the origin of erosion,
floods and mass movements in the French West Indies.
In the first part the general conditions of atmospheric circulation are presented: seasons, cyclones but
also tropical storms and inter seasonal rainstorms which can produce more quantity of rains as
cyclones.
Then, some statistical characteristics of rains will be presented : normal and maximal values,
frequencies, period of cyclones occurrence and intensities.
Finally, we will conclude about the influence of climate change in the Caraibe area on the characteristics
of cyclones, hurricanes & other strong rainstorms

Keywords : West Indies, cyclones, tropical rainstorms, intensity, frequency, climate change
1. Caractéristiques générales des pluies aux Antilles
1.1. Généralités

Il est connu que les pluies tropicales sont généralement plus importantes en quantité
et en général plus intenses que celles des latitudes tempérées.
Il pleut par exemple environ 650 mm en moyenne à Paris, 723 mm à Nîmes (dont
120mm en octobre) contre environ 2000 mm sur un site comparable de basse
altitude comme celui de l’aéroport du Lamentin en Martinique.

En dépit de cumuls annuels en général plus faibles, on observe parfois dans


certaines régions tempérées comme les régions méditerranéennes soumises plus
fréquemment aux pluies convectives, des fréquences de forte intensité de pluie du
même ordre de grandeur que celle des latitudes tropicales.
Par exemple, les fortes pluies à durée de retour de 5 ans sont :
- à Nîmes : 71mm (soit 71 litres /m2) en 3h et 82mm mm en 6h
- à Fort-de-France (Martinique), 90 mm en 3h et 120 mm en 6h.
Avec une durée de retour de 10 ans, on enregistre :
- à Nîmes 90 mm en 3h et 109 mm en 6h
- à Fort-de-France 105 mm en 3h et 140 mm en 6h.

1.2. Variabilité spatio-temporelle des pluies tropicales : relief, convection, averses,


orages, tornades

Une caractéristique importante des pluies aux Antilles est la forte variabilité spatio-
temporelle du fait :
- du relief souvent accentué pour les îles montagneuses (Sainte-Lucie, Dominique,
Martinique, Guadeloupe pour les Petites Antilles, Grandes Antilles)
- de la nature le plus souvent convective des pluies, provenant donc de nuages dit
convectifs. Ces nuages à fort développement vertical mais de faible dimension
horizontale donnent des pluies sous forme d’averses qui ne concernent le plus
souvent que des régions limitées contrairement aux pluies de type stratiforme plus
classiques dans les pays de climat tempéré (pluies plus régulières dans le temps et
l’espace). Les plus actifs de ces nuages convectifs présentent un très fort
développement vertical (jusqu’à plus de 15 km d’altitude) et génèrent alors des
orages. Les plus violents de ces orages sont susceptibles de provoquer des tornades
ou des trombes marines.

La figure 1 montre la position des deux îles françaises de la Guadeloupe et de la


Martinique et donne une idée de leurs dimensions ainsi que les reliefs

La figure 2 indique le schéma de la convection classiquement forcée au vent des


reliefs. Elle se manifeste par des cumuls de pluie plus importants sur les flancs Est
des reliefs aux Antilles du fait des vents dominants d’alizé venant de l’Est.
Figure 2 : schématisation d’un nuage
Figure 1 : Position de la Guadeloupe et de la convectif et de la convection forcée au vent
Martinique et dimension spatiale de ces deux îles. du relief .

Figure 3 : Pluviosité moyenne annuelle en


Guadeloupe (en mm) sur la période 1971-
2000
Figure 4 Pluviosité moyenne annuelle en Martinique (en mm) sur la
période 1971-2000

Les figures 3 et 4 représentent la cartographie de la pluviosité moyenne annuelle en


Guadeloupe et Martinique et la nette corrélation entre relief et cumuls moyens
annuels de pluie.

1.3. Les saisons

La saison des cyclones ou saison des pluies va de juillet à novembre. Les mois de
février et mars constituent le cœur de la saison sèche ; les épisodes pluvieux
importants y sont extrêmement rares. Entre les deux, existent des périodes de
transition.
( saison sèche )

Figure 5
La figure 5 schématise les phénomènes météo (orages, cyclones etc.. )
susceptibles de se produire en fonction de la période de l’année.

Figure 6 : nombre
d’épisodes fortement
pluvieux en
Guadeloupe sur la
période 1971-2000.
Figure 7 : cumuls
moyens mensuels
de pluie
(normales) en mm
sur deux sites en
Guadeloupe :
Raizet (plaine) et
St Barth (site
côtier sec)

La figure 6 ci dessus visualise la répartition durant l’année du nombre d’épisodes de


fortes pluies avec plus de 100mm / 24h hors sites de montagne sur au moins 3
postes de la Guadeloupe hors région montagneuse sur la période 1971-2000.
La figure 7 indique les cumuls moyens de deux stations en Guadeloupe : Le Raizet
Aéroport (site de plaine « continental ») et la Désirade Météo (site côtier sec).
On constate que le mois de mai, même si il n’est pas très pluvieux en moyenne,
connaît un nombre très important d’épisodes de fortes pluies, supérieurs à des mois
de saison des pluies. Cela veut dire que les pluies, quand elles tombent, sont plus
intenses en moyenne. Ce mois de mai a donc des caractéristiques spéciales : il est
globalement assez sec mais il engendre aussi des épisodes de pluies dangereux
tout aussi fréquemment voire plus que les mois de saison des pluies.
Durant les mois de saison des pluies d’août à novembre, les pluies sont logiquement
plus fréquentes, avec de plus forts cumuls mensuels, mais avec en général des
intensités de pluies moins importantes en moyenne que mai. Les épisodes de fortes
pluies sont rares en saison sèche avec un seul cas en février de 1971 à 2000 (7
février 1991 avec chute de grêle au Raizet).

Il serait plus intéressant d’effectuer des statistiques non pas mensuelles, mais par
décade car des changements de temps importants se produisent en cours de mois.

1.4. Les perturbations potentiellement fortement pluvieuses intéressant les Antilles


Les ondes tropicales ou d’Est (du fait de la nature ondulatoire des vents et du
déplacement d’est en ouest) sont les perturbations potentiellement fortement
pluvieuses de la saison des pluies aux Antilles. Elles sont issues des lignes de
grains africaines. On en observe en moyenne entre 50 et 70 dans une année sur une
vaste zone de l’Atlantique tropical entre l’Afrique et les Antilles (cf figure 8 qui montre
4 ondes tropicales matérialisées par le trait rouge) mais seules 10 à 12 d’entre elles
donnent en moyenne de forts épisodes pluvieux sur les Antilles Françaises durant
une année.
Les plus actives des ondes tropicales se transforment en cyclones, terme générique
désignant les perturbations tourbillonnaires des latitudes tropicales générant des
vents forts (tournant autour du centre de basse pression) des fortes pluies, de la forte
houle et marée de tempête. Les figures 16 et 17 page 13 montrent la structure d’un
cyclone. Ces derniers donnent en général les intensités et les cumuls de pluie les
plus importants mais une onde tropicale forte peut donner des intensités et des
cumuls plus importants qu’un ouragan. On observe en moyenne 10 cyclones sur
l’Atlantique tropical, une très grande majorité provenant du renforcement d’ondes
tropicales.

La durée de retour du passage d’un cyclone (à partir du stade de tempête tropicale)


à moins de 150 km de la Guadeloupe ou de la Martinique est de l’ordre de 3 ans.

Mettre photo du cyclone Dean .

Figure 8 : quatre « ondes tropicales » (perturbation Figure 9 : le cyclone Dean le 19 août 2007 avec
classique de saison des pluies) matérialisées par les des vents de plus de 200 km/h.
traits rouges
La figure 9 montre le cyclone Dean le 19 août 2007, 48h après son passage sur les
Antilles Françaises au stade d’ouragan avec des vents moyens de plus de 200km/h.

Enfin, il ne faut pas oublier les perturbations d’intersaisons qui sont susceptibles de
donner des fortes intensités et des cumuls importants. Ces mois d’intersaisons
potentiellement dangereux le sont d’autant plus que les cumuls de pluies sont moins
importants en moyenne mais avec une forte variabilité d’une année à l’autre, cette
forte variabilité temporelle pouvant conduire à un relâchement de la vigilance.
Exemple, du 30 avril au 6 mai 2009, une perturbation a donné en Martinique des
cumuls de pluie exceptionnels de près de 600mm en 6 jours (durées de retour
supérieures à 50 ans), essentiellement en deux fois 24h , près 300mm dans la nuit
du 30 avril au 1er mai et près de 300mm à nouveau le 5. On a enregistré des
intensités exceptionnelles de près de 250 mm en 3h comparables à celle pouvant
être générée dans les cyclones. Tout ceci est à rapprocher d’une normale mensuelle
de l’ordre de 200mm.
Ceci donne une idée des intensités de pluie pouvant être générées par les
perturbations hors cyclone. On peut également citer mai 2004 en Haïti où des pluies
diluviennes ont provoqué des milliers de morts. Durant ce même mois de mai, la
Martinique a subi des pluies très importantes durant près de 10 jours.
Le mois de novembre est également propice aux fortes intensités hors cyclones : le
27 novembre 1999 on relève en Martinique jusqu’à 87 mm en 1h, 162 mm en 3h,
291 mm en 12 h et 293mm en 24 h.
2. Eléments statistiques concernant les pluies et fortes pluies aux
Antilles
2.1. Cumuls de pluies mensuels moyens aux Antilles Françaises

Le terme consacré est la normale mensuelle. Ce tableau visualise la variabilité des


pluies sur 4 sites d’un territoire exigu comme la Martinique qui ne fait que 1100 km2.
Les cumuls varient d’un facteur 4 pour des sites distants de moins de 30 km. Est
aussi inclus le site particulièrement pluvieux de haute altitude de Guadeloupe qui
connaît la même forte variabilité spatiale des pluies que la Martinique. Il s’agit du
poste de la Soufrière Dent-de-l’Est à 1450m d’altitude.
Site de montagne au vent du relief
Site de montagne très 450 m
Site de montagne mais un
pluvieux 1450 m peu sous le vent du relief à
d’altitude 510 m d’altitude

Site de plaine Site côtier sec

Tableau 1 : normales des pluies mensuelles sur 4 sites de la Martinique et 1 site très
pluvieux de montagne de la Guadeloupe

Site /caractéristiques Mois Total


1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
côtier sec Martinique 48 38 49 49 72 72 71 101 112 170 125 74 981 mm
(Caravelle)
Site plaine Martinique 123 89 90 100 113 153 182 267 239 263 267 160 2048 mm
(Lamentin)
Montagne Martinique 268 169 150 135 143 226 338 387 333 315 329 243 3036mm
Morne des cadets
Montagne Martinique 355 235 227 226 254 319 429 493 464 437 502 389 4329 mm
(Morne Rouge)
Montagne Guadeloupe 104 648 759. 702. 867 785 868 806 924 854 1121 864.4 10238mm
(Soufrère)

2.2. Caractéristiques des intensités de fortes pluies

L’intensité est un paramètre important pilotant les conséquences des fortes pluies :
érosion, inondation, glissement de terrain. Il est clair que 100mm tombés en 10 jours
n’ont pas les mêmes conséquences que 100mm tombés en 1h.
Les pluies précédemment tombées sont également à prendre en considération :
100mm tombés sur sol sec n’ont pas les mêmes conséquences que 100mm tombés
24h après 300mm. La durée de retour est le paramètre le plus utilisé pour
caractériser la fréquence des pluies intenses cumulées sur des pas de temps en
général de 1h à plusieurs jours. Il s’agit de la période de temps moyenne qui sépare
la survenance de la valeur. La nature des sols est également à prendre en compte
entre ruissellement et infiltration. Exemple, la tempête tropicale Jeanne en
septembre 2004 n’a pas eu les mêmes effets en Guadeloupe et en Haïti pour des
cumuls et intensités de pluies similaires.
Le tableau 2 donne les durées de retour pour un cumul sur 24 h de 5, 10, 20, 30, 50
et 100 ans pour les mêmes sites du tableau 1. Par exemple, pour le site de Morne
Rouge, la durée de retour pour un cumul de 244mm en 24h est de 20 ans.

Tableau 2 : durées de retour des cumuls en 24h pour 3 sites de la Martinique et 1


site de la Guadeloupe

Site Durée de retour en années


5 ans 10 ans 20 ans 30 ans 50 ans 100 ans
Côtier sec, Martinique 119 mm 144mm 169mm 185 mm 205mm 234mm
(Caravelle)
Plaine Martinique 138 mm 172 mm 210 mm 235 mm 270 mm 325 mm
(Lamentin)
Montagne Martinique côte 129mm 154mm 183mm 201mm 226mm 263mm
ouest
(Morne des Cadets)
Montagne Martinique 179mm 210m 244mm 267 mm 299mm 348mm
(Morne Rouge)
Plaine Martinique 138 mm 172 mm 210 mm 235 mm 270 mm 325 mm
(Lamentin)
Montagne très pluvieux en 310 mm 360 mm 425 mm 452 mm 480 mm 517 mm
Guadeloupe (Soufrière Dent de
l’Est)

Mais il est souvent nécessaire de descendre à des pas de temps de cumul inférieurs
à 24h pour qualifier les fortes pluies du fait en particulier de la taille (souvent petite)
et de la réactivité des bassins versants des îles des Antilles.
Les figures ci-dessous 10 à 13 indiquent les durées de retour pour des pas de
temps de cumuls allant de 6 minutes à 4 jours pour les sites déjà cités : 3 sites de la
Martinique - un site de montagne mais un peu sous le vent( Morne des Cadets) , un
site côtier relativement sec (Caravelle), un site intermédiaire de plaine (aéroport du
Lamentin), un site de montagne très pluvieux de haute altitude en Guadeloupe (La
Soufrière Dent de l’Est ).
Figure 10

Page 9 sur
Figure 11

Figure 12

Page 10 sur
Figure 13

5. Evolutions prévisibles compte tenu du réchauffement climatique


5.1. Généralités
En préambule, il faut savoir que la confiance dans la prévision climatique à long
terme est moindre s’agissant de la pluie que s’agissant des températures.
Avant d’essayer de dégager une tendance sur une longue période, il est nécessaire
de s’assurer de la cohérence des mesures utilisées et de disposer de données de
qualité dites homogénéisées au risque d’avoir des conclusions faussées. C’est
l’objectif de la procédure d’homogénéisation des données qui est utilisée à Météo-
France. Les postes les plus représentatifs sont sélectionnés, pour ensuite détecter
les éventuelles ruptures chronologiques et éliminer les valeurs aberrantes. Une fois
les anomalies filtrées, des corrections sont appliquées pour corriger ces ruptures et
conduire à des séries homogénéisées débarrassées des signaux parasites non
représentatifs de l’évolution climatique.

5.2. Les pluies


5.2.1 Observations :
Au cours de la période 1965-2005, on a observé une augmentation des pluies de
l’ordre +3% en moyenne en Martinique, ce qui n’est pas significatif. En
Guadeloupe, le travail est en cours pour homogénéiser les données et ainsi
calculer une tendance. Celle ci semble toutefois être à une baisse des
précipitations.

5.2.2 En prévision :
Il est attendu des pluies, toutes origines confondues, un peu moins fréquentes en
moyenne sur les Antilles, mais avec des intensités plus fortes du fait de
l’augmentation des températures.
5.3. Activité cyclonique
5.3.1 Observations :
Aucune tendance claire ne se dégage quant au nombre de cyclones tropicaux qui se
forment chaque année sur l’ensemble du globe et il est difficile de retracer avec
certitude une évolution à long terme, surtout avant 1970.
Concernant la région des Antilles, il est actuellement difficile de détecter, dans la
climatologie des cyclones sur l’Atlantique nord tropical, un signal d’augmentation de
l’activité depuis plusieurs décennies. En effet, les bases de données ne sont pas
assez fiabes et souffrent du manque d’homogénéité du aux évolutions
technologiques. On détecte plus de cyclones actuellement avec des moyens
plus sophistiqués dont les produits satellite nouvelle génération issus de
capteurs plus performants embarqués à bord des satellites. Il faut donc faire
attention à des conclusions hâtives. Même s’il est notable que depuis 1995, cette
activité est en progression, cela serait plus vraisemblablement dû à la variabilité d’un
cycle naturel de l’ordre de 20/25 ans(cf figure 14). La figure 15 montre un nombre
de cyclone sur l’ensemble du globe à peu près constant.

Figure 14 : nombre annuel de cyclones sur l’atlantique tropical et moyenne glissante sur 5 et 10
ans.
Figure 15 : nombre annuel de cyclone sur l’ensemble des bassins cyclonique de la planète entre
1989 et 2006.

5.3.2 Prévisions :
La hausse des températures pourrait vraisemblablement favoriser des cyclones
tropicaux un peu plus intenses en force de vent et en précipitations, mais pas
forcément en nombre.
On retiendra surtout que les conséquences en termes d’activité cyclonique devraient
être complexes avec peut-être peu de changements globaux mais des évolutions
régionales diverses (déplacement des trajectoires ou des zones de cyclogénèse) en
fonction d’autres facteurs tels que les changements de vents d’altitude (importance
du cisaillement) ou des courants marins (variation dans le Gulf Stream)
Figure 16 : schématisation et définition des termes concernant les
cyclones tropicaux (dépression et tempête tropicale, ouragan)

Bandes pluvieuses
Centre de basses pression :
œil du cyclone

Figure 17 : coupe verticale d’un cyclone tropical

Altitude :
L’Observatoire Caraïbe-HYCOS : exemple de coopération
transfrontalière sur les ressources en eau

Alain Laraque(1) , Jean Pierre Bricquet(2), Bernard Thébé(3)

(1) Institut de Recherche pour le Développement - BP 64501, 34394 Montpellier


Cedex 5, UMR 5563
Tél:+33 (0)4 67 91 72 60; Fax : +33 (0)4 67 91 72 69; Courriel : alain.laraque@ird.fr
(2) Institut de Recherche pour le Développement - BP 8006 - 97259 Fort de France,
France; UMR 5569
Tél: + 33 (0)5.96.59.17.18 ; Fax: +33 (0)5.96.50.32.61; Courriel : jean-
pierre.bricquet@ird.fr;
(3) retraité de l’IRD - bthebe@free.fr,

Résumé

Le projet Caraïbes-HYCOS est un observatoire concernant le suivi du cycle


hydrologique sur l’arc insulaire caribéen. Véritable programme de coopération
transfrontalière sur les ressources régionales, il a pour but d’évaluer ces dernières,
de suivre leurs évolutions spatio-temporelles, d’améliorer leur gestion au bénéfice
des populations locales et in fine de favoriser l’émergence d’une communauté
d’hydrologues caribéens, jusqu’alors inexistante.

Mots-clés : Caraïbes, observatoire hydrologique, ressources en eaux, risques

Introduction

La récente catastrophe (certes imprévisible) qui vient de s'abattre sur Haïti remet
en lumière à la fois le besoin de se doter de réseaux de surveillance de
l'environnement et de développer des coopérations régionales transfrontalières dans
ce secteur et en particulier dans celui touchant le cycle de l’eau. Cet exposé
concernant la création d’un réseau hydrologique caribéen, est un peu en amont des
préoccupations du colloque, mais comme nous le savons, la connaissance des
ressources en eau et de leur comportement est une composante clé pour la bonne
adaptation et application des techniques antiérosives. Le mode opératoire et les
difficultés de mise en route de cet observatoire pourraient avantageusement servir
au montage d’autres observatoires dans les domaines connexes de la pédologie,
comme pour favoriser l’émergence d’autres communautés scientifiques régionales.
La phase préliminaire du programme Caraïbe-HYCOS a débuté en mars 2008
après plusieurs années de préparation. Ce projet contribue à l’évaluation, au suivi et
à la gestion des ressources en eau (en quantité et qualité) de l’arc insulaire des
Caraïbes. A ce titre, il s’insère dans la constellation des programmes régionaux
HYCOS (fig. 1) menés à l’échelle mondiale dans le cadre du WHYCOS (World
Hydrological Cycle Observation System), sous l’égide de l’OMM (Organisation
Météorologique Mondiale).
Ce programme d’envergure régionale, soutenu par les Collectivités Territoriales de la
Martinique (Conseil Régional; Conseil Général) et par le FEDER (Fonds Européen
de Développement Régional gérés par la Préfecture), est piloté par l‘IRD en
Martinique. Le Centre Régional du Projet qui y est hébergé recueille les informations
provenant des îles partenaires, obtenues à partir d’un réseau de stations
hydrologiques de référence. Ces données sont homogénéisées puis centralisées
dans une banque régionale, facilement consultable par les utilisateurs. Leur
circulation sera promue ainsi que le transfert de technologies, la formation et par voie
de conséquence l’émergence d’une communauté d’hydrologues à l’échelle des
Caraïbes.
Cette nouvelle approche régionale des ressources en eau permet d’une part,
d’établir leurs « états des lieux » et d’autre part, de mieux étudier pour mieux les
prévoir, leurs évolutions spatio-temporelles. N’oublions pas que les cours d’eau sont
les témoins des perturbations naturelles (éruptions volcaniques, glissements de
terrain…), et anthropiques (pollutions diffuses et accidentelles…) ou d’origine mixte
(climat…). Leurs rejets dissous et solides affectent le « bassin » circonscrit de la mer
des Caraïbes d’environ 2 millions de km2, dont les fragiles écosystèmes littoraux
jouent un rôle crucial dans les économies locales (pêche, tourisme…). Il est à
espérer qu’une meilleure connaissance et compréhension des causes et des
conséquences de ces évolutions permettra d’en assurer une meilleure maîtrise au
bénéfice des populations locales.
Caraïbe-HYCOS œuvre ainsi dans le domaine de l’environnement et du
développement durable. Les questions autour de l’eau concernent en particulier les
dimensions environnementales « Pollution et qualité des milieux », « Ressources
naturelles », « Risques naturels et anthropiques » et constituent une composante
incontournable de tout dispositif de préservation des sols et des écosystèmes
terrestres.
A plus long terme, un des apports le plus porteur de Caraïbe-HYCOS est la
disparition des barrières nationales, facilitant ainsi l’approche intégrée de la gestion
des ressources en eau. Le partage de l’information, la création de centres
d’excellence régionaux et la mise en place de programmes de formation et
d’éducation amélioreront très significativement la manière dont la région Caraïbe
considérera les questions de ressources en eau au cours de ce nouveau millénaire.

I. Rappel du concept général de WHYCOS

Le concept de Système Mondial d’Observation du Cycle Hydrologique (WHYCOS


pour World Hydrological Cycle Observing System) a été développé par l’OMM afin de
renforcer, à leur demande, la capacité de ses états membres à acquérir, archiver et
utiliser les données sur leurs ressources en eau. L’objectif de développement de
WHYCOS est de fournir une base scientifique pour l’évaluation des ressources en
eau, leur développement et leur gestion sur un mode intégré, intersectoriel et
international. Il a pour but de faciliter les collaborations entre groupes régionaux
d’Etats membres. Le concept de WHYCOS est mis en place au travers d’une
approche à deux niveaux, totalement intégrés, dans laquelle WHYCOS fournit le
cadre et la stratégie générale et les différents HYCOS assurent la mise en œuvre du
projet au niveau d’un bassin ou d’une région, en réponse aux besoins spécifiques
des utilisateurs finaux des données hydrologiques. Un certain nombre de HYCOS
sont aujourd’hui opérationnels et d’autres sont en cours de conception. Les
composantes régionales de WHYCOS (fig. 1) – telles que Caraïbe-HYCOS doivent
agir comme outils pour l’amélioration de la collecte, de la diffusion et de l’exploitation
de données hydrologiques de qualité, standardisées et pertinentes au niveau des
états, des bassins, des régions et au niveau international. La quantité d‘eau
disponible, tout comme sa qualité sont importantes et les données collectées doivent
être facilement accessibles aux utilisateurs à partir d’une base de données reliée aux
réseaux de communication internationale (Internet) pour le bénéfice des différents
secteurs socio-économiques. L’initiative WHYCOS fournit une base idéale et un
cadre pour la coopération régionale dans le suivi et l’évaluation des ressources en
eau, pour le développement intégré et la gestion de ces ressources au niveau de la
communauté, du bassin, du pays, de la région, du continent et au niveau global.
WHYCOS contribue à l’acquisition des connaissances sur les processus
hydrologiques dans leur interaction avec le climat et l’environnement et encourage
l’échange de données entre les secteurs d’activités dans le but d’un développement
durable.

Fig. 1 – Constellation planétaire des programmes HYCOS

II. Le projet Caraïbe-HYCOS

Il a pour but de répondre aux problèmes nationaux et régionaux en termes de


suivi et d’évaluation des ressources en eau, de meilleure gestion de celles ci,
d’amélioration de la maîtrise des événements extrêmes et de leurs conséquences
(crues dévastatrices et étiages sévères). Ces actions seront menées en tenant
compte de la situation particulière de chacune des îles-états, et en prenant en
considération le fait que la mer des Caraïbes est l’exutoire naturel de nombreux
cours d’eau de ces îles.
Ce programme d’envergure régionale, rayonne sur l’ensemble de l’arc insulaire
caribéen de la plus grande (Cuba) des Grandes Antilles à la plus petite (Barbade)
des Petites Antilles en s’affranchissant des clivages linguistiques, jusqu’alors
principal frein aux échanges régionaux. Il intègre parfaitement les composantes
concernant le renforcement des coopérations transfrontalières (cas de l’île
d’Hispaniola qui possède les seuls bassins partagés), transnationales,
qu’interrégionales.
Il s’inscrit dans la politique d’évaluation et de gestion des ressources en eau de
chaque pays, et vient compléter les dispositifs existants de prévention des risques
naturels. Ce projet d’observatoire se situe en amont de tout projet de développement
rural ou urbain intégrant la gestion et les usages de l’eau, aussi bien que de tout
projet environnemental faisant en particulier la liaison entre le milieu terrestre et le
milieu marin côtier, on pense plus précisément aux massifs coralliens et à leur
conservation. Il intéresse en premier chef les secteurs touchant au développement et
à l’environnement et par conséquent aura un impact indirect sur les économies
insulaires.

2.1 Historique
La mise en place du projet Caraïbe-HYCOS a été proposée par le Groupe de
Travail sur l’Hydrologie de l’Association Régionale OMM IV en octobre 1995, elle a
été reprise par la Conférence sur l’Evaluation des Ressources en Eau et les
Stratégies de Gestion en Amérique Latine et aux Caraïbes (San José, Costa Rica,
Mai 1996) et par la douzième session de la AR IV de l’OMM (Mai 1997). Le projet
Caraïbe-HYCOS couvre la plupart des pays du Bassin de la Mer des Caraïbes, mais
il est divisé en deux composantes afin de prendre en compte les différences
physiographiques entre les pays d’Amérique Centrale et les îles des Caraïbes, ces
composantes sont : (i) la Composante Iles Caraïbes (CIC/Caraïbe-HYCOS)
[comprenant les Grandes et les Petites Antilles] ; et (i) la Composante Continentale
(COC/Caraïbe-HYCOS) [Mexique, Pays Centro-américains, Colombie, Venezuela et
Guyana]. Les deux composantes de Caraïbe-HYCOS feront partie intégrante du
projet global WHYCOS.

2.2 Pays d’application


L’archipel des Caraïbes est constitué d’un chapelet d’îles s’étirant des Bahamas
au Nord jusqu’à Trinidad et Tobago au Sud, et bordant la mer des Caraïbes au Nord
et à l’Est. Politiquement, l’archipel est divisé en vingt Etats et territoires. Les pays qui
ont exprimé leur intérêt à participer au projet Caraïbe-HYCOS sont : la Barbade,
Cuba, la République Dominicaine, les Antilles Françaises (Guadeloupe et
Martinique), Haïti, la Jamaïque et Trinidad et Tobago (fig. 2).
Fig. 2 – Région Caraïbe

2.3 Diagnostic et nécessité du Projet


Comme la mer des Caraïbes constitue une bonne partie de l’exutoire ultime des
eaux drainées par ce cordon insulaire, ces rejets présentent des impacts sur les
récifs coralliens, et à terme sur tout un pan des économies locales puisque le littoral
marin en représente un des principaux attraits touristiques. Et surtout, ces îles sont
affectées par des phénomènes récurrents extrêmement violent (cyclones, éruptions
volcaniques, glissements de terrain,….), certes sporadiques, mais qui provoquent
des transferts hydriques solides et dissous représentant bien souvent la majeure
partie des exportations annuelles de matières à la mer.
Basé sur le concept WHYCOS de l’OMM, la Composante Iles Caraïbes de
Caraïbe-HYCOS a été développée pour répondre aux problèmes énoncés ci-dessus,
en tenant compte de la situation particulière des îles-Etats. L’archipel des Caraïbes
est caractérisé par une grande diversité et hétérogénéité tant des points de vue
politique et socio-économique que des points de vue culturels et linguistiques…. Le
même constat s’applique aux Services nationaux gestionnaires des ressources en
eau quant à leur organisation, infrastructure, moyens disponibles, stratégies
opérationnelles, états d’avancement, etc,….
Une certaine homogénéisation de leurs mises à niveau et modernisation
s’impose donc pour faciliter et promouvoir l’émergence d’une communauté régionale
d’hydrologues caribéens.

2.4 Objectifs du projet

Le projet pourrait englober différentes composantes dans chaque pays


participant, qui, prises dans leur ensemble, participeront grâce à une coordination
régionale, à la construction de compétences nationales nécessaires à l’acquisition et
à la gestion de données sur les ressources en eau et à la prévention des
catastrophes naturelles.
Le projet Composante Iles Caraïbes de Caraïbe-HYCOS (CIC/Caraïbe-HYCOS)
présente les objectifs de développement suivants :

• Réduire les pertes en vies humaines et les dégâts matériels causés par les
catastrophes naturelles, à l’aide de l’exploitation de systèmes de prévision et
d’alertes de crues, et ainsi améliorer les compétences à prévenir les
conséquences des catastrophes naturelles.
• Soutenir le développement durable et la gestion intégrée de l’eau, sur la base
d’une connaissance fiable des ressources en terme de quantité, de qualité et
d’utilisation, et aboutir ainsi à un renforcement des compétences en gestion de
l’eau.
• Augmenter les échanges d’informations et d’expériences, plus
particulièrement lors des catastrophes naturelles, en suscitant des
coopérations régionales sur les ressources en eau et,
• Développer des compétences techniques (via la formation et le transfert de
technologies) adaptées aux conditions et aux réalités de chaque pays, en
promouvant la formation dans les instituts nationaux.

2.5 Objectifs immédiats

• Contribuer à la mise en œuvre du réseau mondial de stations hydro-


météorologiques de référence (fig. 3), avec télétransmission des données en
temps réel via satellites,
• Acquérir une meilleure connaissance des phénomènes hydro-
météorologiques régionaux et de l’évolution de l’environnement,
• Moderniser les réseaux hydro-météorologiques dans la région Caraïbes,
• Favoriser les échanges de données fiables et homogènes sur les ressources
en eau et l’environnement à des fins de recherche,
• Promouvoir les actions de coopération régionale, en particulier dans les
domaines suivants :
- échanges technologiques en matières d’acquisition et de traitement des
données (fig. 4),
- création de bases de données nationales et régionales,
- mise à disposition de systèmes d’information hydrologique,
- partage des données et de l’information dans la perspective d’études
régionales et globales,
- mise en place de programmes régionaux de formation (fig. 5).
Fig. 3 - Stations hydro-météorologiques de référence

Fig. 4 – Transfert de technologies (mesure de débits par effet Doppler)

Fig. 5 – Sessions de formation

Fig. 5 – Session de formation


2.6 Composantes du projet

Le projet CIC/Caraïbe-HYCOS est structuré en trois composantes principales :


(I - Prévention des catastrophes ; II - Base de connaissances sur l’eau, III –
Coopération régionale).
Bien que les coopérations régionales soient bien établies dans le domaine de la
météorologie, elles sont, à quelques exceptions près, quasiment inexistantes pour ce
qui concerne l’hydrologie. L’intérêt et les avantages potentiels de la coopération
régionale dans la gestion des ressources hydrologiques et la gestion de problèmes
communs de ressources en eau ne sont pas apparus clairement auprès de services
nationaux. Les phénomènes hydrologiques et météorologiques ne se limitent
pourtant pas aux frontières nationales. Les services d’observation et d’interprétation
de données de taille modeste, comme c’est le cas dans les Îles de la Caraïbe,
pourraient retirer des avantages importants du partage des données, et sans doute,
de la mise en commun des expertises à l’occasion de projets spécifiques. Etant
soumises à des problématiques communes, elles nécessitent des approches
communes et la mutualisation des moyens, comme par exemple, une banque de
données partagées.
Plus généralement, l’amélioration de la coopération régionale au sein des
Caraïbes, en termes de gestion des ressources hydrologiques et de problèmes
environnementaux, est un sujet d’importance majeure. En effet, les progrès qui sont
réalisés dans ce domaine peuvent avoir un impact considérable sur le
développement socio-économique de la région, bien au-delà des questions de
ressources en eau.

2.7 Gouvernance du projet


Le projet est mis en œuvre avec les ressources humaines et matérielles de
l’Agence d’Exécution (IRD), des Services concernés de la Martinique et des Services
Hydrologiques Nationaux (SHN) des pays participants au projet, sous la supervision
de l’OMM.
Le Comité de Pilotage du Projet est composé d’un représentant de chaque pays
membre du projet Caraïbe-HYCOS, d'un représentant de l'Agence d'exécution (IRD),
d’un représentant des bailleurs de fonds et d’un représentant de l’Agence de
supervision du projet (OMM).
L'Agence d’exécution du projet fournit l’assistance nécessaire aux SHN dans les
pays partenaires pour assurer le succès des installations de terrain du projet. Elle
accueille le Centre Régional (CR) et met en place une unité responsable de
l'exécution du projet. Cette unité d’exécution est constituée du coordinateur, d’un
ingénieur hydrologue, d’un ingénieur informaticien bases de données et/ou
électronicien et d’un(e) assistant(e) administratif (ve) (figure 6).
GOUVERNANCE DU PROJET

COMITE TECHNIQUE
DE PILOTAGE
BAILLEURS
DE FONDS
AGENCE
DE SUPERVISION
AGENCE
D’EXECUTION

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

DIRECTION DU PROJET

UNITE DE DIRECTION
DU PROJET
COORDINATION CENTRE
DU PROJET REGIONAL
(CR)
INGENIEUR
HYDROLOGUE
INGENIEUR
BASE DE DONNEES
ADMINISTRATION
DU PROJET

SERVICES
HYDROLOGIQUES
NATIONAUX
Pays Pays Pays Pays Pays
A B C D X

Fig. 6 – Mécanismes de gouvernance et d'exécution du projet Caraïbe-Hycos

III. Avancement, difficultés et orientations

3.1 Avancement

La phase 1, dite préliminaire, s’est réalisée avec succès et a été clôturée par le 1er
Comité de Pilotage (21-23 octobre 2008 à Fort de France), en présence de
l’ensemble des partenaires caribéens et de l’OMM.
Une cinquantaine de stations hydrométriques ont été sélectionnées pour bénéficier
des transferts de technologies de dernières générations, comme les transmissions
des données par GSM ou l’usage de l’effet Doppler pour les mesures de débits. Ces
actions tiennent compte de la situation particulière de chacune des îles-états, et
permettront à terme, de fournir des données fiables sur l'eau aux planificateurs des
ressources, aux décideurs, aux scientifiques et au grand public, tout comme
d’évaluer les flux tant liquides que solides et dissous rejetés à la mer des Caraïbes,
exutoire naturel de nombreux cours d’eau de ces îles.
Les diagnostics de chaque réseau hydrométrique des îles partenaires permettent
d’entamer la phase 2 dite de réalisation. Celle-ci consiste en l’équipement et la
modernisation des Services Hydrologiques Partenaires, tout comme en l’organisation
de sessions de formation et d’une banque de données partagées (résolution 25 de
l’OMM), afin de promouvoir la coopération régionale dans le domaine des ressources
en eau douce de l’arc insulaire caribéen.
Face au succès de cette entreprise, déjà trois nouveaux participants (Antigua &
Barbuda, La Dominique et Sainte Lucie) souhaitent intégrer le groupe initial, ce qui
totalise 11 îles caribéennes bénéficiaires des Grandes et Petites Antilles. Cela illustre
parfaitement l’intérêt, l’envergure et l’extension régionale de ce programme Caribéen
par essence.

Cette phase 2 vient d’obtenir l’appui des crédits de coopération européens


« INTERREG IV-Caraïbes - www.interreg-caraibes.org», afin de pouvoir
répondre au mieux aux besoins de des partenaires du projet.

3.2 Difficultés

Elles sont inhérentes à la grande hétérogénéité de ces milieux insulaires, tant en


termes des caractéristiques physiographiques (taille, relief, géologie, pédologie,
végétation, climatologie, hydrologie, etc., ) que socio-économiques, politiques et
linguistiques. Le réseau aérien est par exemple inadapté pour relier rapidement et
économiquement les iles entre-elles et constitue un frein aux échanges inter-iles, que
seule pourra lever une véritable volonté politique régionale.

3.3 Orientations

Ses actions de mise en oeuvre sont réalisées pour et par les pays partenaires. A la
différence des autres projets HYCOS qui concernent de grands bassins versants
internationaux, qui sont construits sur un modèle unique de mise en oeuvre, ce projet
est proposé de manière pragmatique en composantes principales et composantes
secondaires, compte tenu de l’hétérogénéité de ces milieux insulaires, chaque île-
état, en fonction de sa situation, prend à son compte la mise en oeuvre d’une ou
plusieurs composantes, les résultats obtenus pouvant être adaptés et transférés à la
situation particulière d’une autre île. Cette approche permet à moindre coût et en
fonction des spécificités reconnues de couvrir l’ensemble des thématiques d’une
étude intégrée des phénomènes hydro-météorologiques et des ressources en eau.
Ces informations peuvent également être transférées à d’autres milieux insulaires
hors de la région Caraïbe.

Un des rôles important du Centre Régional sera de faire en sorte que les actions qui
se développeront dans chacune des îles correspondent bien aux besoins exprimés
et que leur mise en oeuvre soit la plus coordonnée possible au niveau régional. Cela
devra être vérifié aussi bien pour les actions de terrain (installation, rénovation de
stations d’observation) que pour les actions de traitement et de dissémination de
l’information (bases de données, bases de connaissances, moyens de mise à
disposition de l’information : sites Internet). Cela conditionnera en particulier la mise
en oeuvre du programme de formation et le succès de ces formations.
Caraïbes-HYCOS veillera à développer des synergies avec les autres projets
nationaux ou régionaux afin d’optimiser au maximum leurs bénéfices attendus.

Conclusions / Perspectives

Caraïbe-HYCOS sous l’égide de l’OMM, est un observatoire environnemental à


connotation recherche/développement. Cet observatoire du cycle hydrologique a
pour objectif de contribuer à l’évaluation, au suivi et à la gestion des ressources en
eau (en quantité et qualité) de l’arc insulaire des Caraïbes, à moderniser les réseaux
hydrométriques avec du transfert de technologies de dernières générations, à
améliorer et homogénéiser la gestion des données en favorisant leur partage et in
fine, à développer la coopération régionale grâce notamment à la création et
promotion d'une communauté hydrologique caribéenne confrontée à des
problématiques communes.

L’évolution des ressources hydriques à la fois dans l’espace et le temps, tant en


termes quantitatifs que qualitatifs et l’étude de leurs causes (anthropiques,
naturelles, climatiques….) et de leurs conséquences constituent une problématique
intéressant en premier lieu la Société Civile. Tout comme pour la veille
climatologique, la veille hydrologique ne trouvera tout son intérêt et sa justification
que dans la durée. Ces véritables Observatoires des évolutions de l’environnement
doivent se pérenniser tant il est admis que la compréhension de leurs causes,
processus et devenir, ne peut s’établir qu’à l’aide de séries chronologiques longues
et de qualité. Il semble évident que la deuxième phase actuelle (2010-2012) de
réalisation de la composante insulaire (CIC) du projet Caraïbe-HYCOS devra se
poursuivre et s’améliorer par la suite. Il serait louable qu’elle soit complétée par le
lancement de sa composante continentale (COC) lors d’une deuxième période qui
cadrerait toujours parfaitement dans la thèmatique « environnement et
développement durable » des prochains Contrats Etat-Collectivités. Ainsi dans la
continuité de son expansion, la COC bénéficierait des acquis, compétences,
expériences de la CIC…
Comme le fonctionnement des bassins versant passe par une bonne
connaissance de leurs caractéristiques physiographiques, les deux composantes
insulaires et continentales de Caraïbe-HYCOS auront tout avantage à se rapprocher
du Projet SEAS Guyane «Surveillance de l’Environnement Assistée par
Satellite www.seas-guyane.org». En effet, il s’agit là d’une Plate forme technologique
d’acquisition et traitement des images des satellites SPOT 5 et ENVISAT qui est
opérationnelle depuis début 2006 pour favoriser la recherche, la formation et le
développement durable en Amazonie et dans les Caraïbes ainsi que le
développement de la coopération scientifique régionale transfrontalière entre
Guyane, Brésil et Caraïbes (fig. 7).
La mise en place par l'IRD de cette station de réception à haute résolution (2,5 m
au sol) est unique en Europe et en Amérique du Sud. Elle sera dédiée au
développement d'activités de recherche, de formation et de services opérationnels
en prise directe avec le développement régional et oeuvrera à travers un accès
gratuit des données pour la recherche, notamment pour favoriser des pôles de
compétence régionaux (Guyane, Brésil, OTCA, Caraïbes…).
Fig. 7 – Couverture régionale de la station de réception de SEAS
Guyane

Dans de telles approches liant recherche et environnement, Caraïbe-HYCOS


(www.caraibe-hycos.org) attendra beaucoup, notamment au travers de l’utilisation
des images satellites, de l’échange de données inter institutionnelles concernant les
risques naturels, la couverture végétale, l’urbanisation, la cartographie des
biocénoses marines, etc. Un croisement de ces informations implique la collaboration
des différents utilisateurs, chacun mesurant des paramètres spécifiques, mais
néanmoins interdépendants dans leur grande majorité.
L’interaction Caraïbe-HYCOS-SEAS paraît d’ores-et-déjà très fédératrice et
prometteuse.
Etat des lieux et proposition de restauration des sols
sur le Bassin versant de Tondi Kiboro (Niger)

Luc Descroix1, Ibrahim Mamadou2, Moussa Malam Abdou1-3, Abba Bachir3,


Ibrahim Bouzou Moussa3, Eric Le Breton2, Kadidiatou Souley Yéro1
1
IRD-LTHE, BP 53, 38041 Grenoble cedex 9, France ; luc.descroix@ird.fr
2
Laboratoire de Géographie Physique (LGP) / CNRS UMR 8591, 1 Place Aristide Briand 92195 Meudon
3
Département de Géographie, FLSH, Université Abdou Moumouni Niamey, BP 418, Niger;

Résumé
Le Sahel connaît une forte surexploitation des terroirs, du fait d’une forte croissance
démographique et de sols fragiles et peu fertiles. Les sols se dégradent et
s’encroûtent, ce qui provoque un accroissement du ruissellement et des débits des
cours d’eau, malgré la pluviosité toujours déficitaire (le « paradoxe hydrologique du
Sahel »). Les bassins versants de Tondi Kiboro à l’Ouest du Niger, avaient connu
des mesures hydrologiques dans les années 1990. On a recommencé les mesures
en 2004, et au bout de la quatrième année, l’un des bassins a été équipé de
dispositifs antiérosifs, l’autre restant en tant que témoin sans aucune correction (mais
probablement une poursuite de la dégradation). Des dispositifs classiques,
essentiellement des demi-lunes, ont été installés, puis rénovés en 2010. On montre
ici l’évolution des débits, toujours marqués principalement par un accroissement par
rapport à la décennie 1990 où le bassin était beaucoup plus végétalisé.

Mots clés : Niger, Erosion, ravinement, Sahel, demi-lunes, surexploitation des sols, encroûtement

Abstract
The West African Sahel suffers a strong soils overexploitation, due to the
demographic pressure and the low soil fertility. Soils degradation is characterized by
crusting, causing an increase in runoff and rivers discharge, although the rainfall
amount remains under the centennial average (this is the “Sahelian hydrological
paradox”). The experimental catchments of Tondi Kiboro, near Banizoumbou, in
Western Niger, were instrumented and hydrological measurements were carried out
from 1991 to 1994. Measurements were re-initialised in 2004, and from the fourth
year (2007), one of the two basins was equipped by antierosion devices, the other
catchment remaining as a control, without any correction, but with probably a
continuation of its progressive land degradation. Classical devices as “half moons”
were implemented, and rehabilitated in 2010. This work presents the evolution of
runoff and discharges, and the main trend is a continuation of the trend (increase in
runoff) initiated in the 1990, when the vegetation cover was much more important
than nowadays.

Key words: Niger, Erosion, gullying, Sahel, half-moons, soil overexploitation, soil crusting

Problématique
L’Afrique de l’Ouest est à l’heure actuelle la zone qui connaît la plus forte croissance
démographique au Monde : aux alentours de 3% par an, et elle est appelée à se
maintenir à ce taux là pendant encore une décennie (le taux de croissance
démographique continue à augmenter au Mali et au Niger, les deux plus grands pays
du Sahel) (PNUD, 2008). De ce fait, les changements d’usage des sols y sont très
rapides, et on note, malgré une augmentation récente de la pluviosité après 35 ans
de déficit historique sur l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest, une poursuite de la
diminution de la couverture végétale permanente : brousses, forêts, forêts galeries et
savanes « naturelles » ont presque totalement disparu au profit des cultures.
Ceci se traduit aussi, du fait de la pauvreté globale et relative des sols, par
une fatigue de ceux-ci, liée à l’accélération des rotations, au raccourcissement voire
à la disparition des jachères et au pâturage.
Cette forte baisse de la végétation permanente et de la biomasse (Loireau, 1998 ;
Hiernaux et al., 2009) a des conséquences hydrologiques importantes :
accroissement de l’érosion (Chinen, 1999), ensablement des bas fonds et des
vallées (Amogu, 2009), et surtout, apparition du « paradoxe du Sahel », mis en
évidence par Albergel (1987), qui a remarqué à ce moment là que le ruissellement et
les écoulements augmentaient au Sahel depuis les années 1970 alors que la
pluviosité avait très sensiblement diminué (de 20 à 40% entre la décennie 1960 et la
décennie 1970). Ce phénomène semble général dans tout le Sahel et on l’observe
de l’échelle locale à l’échelle régionale (Descroix et al., 2009, Amogu et al., 2010).
Dans certains secteurs endoréiques, cet accroissement du ruissellement a
conduit à une hausse de la nappe phréatique depuis plusieurs décennies, comme
cela a été observé dans le secteur concerné par cette étude, proche de Niamey
(Desconnets et al., 1997). Le site qui a servi à cette expérimentation est situé à 70
km à l’Est de Niamey (Fig.1).

Figure 1 : localisation du bassin de Tondi Kiboro

La hausse de la nappe phréatique y est liée à la multiplication des mares et


l’augmentation de leur durée en eau provoquée par le « paradoxe du Sahel » dans
ces secteurs endoréiques (Bouzou Moussa et al., 2009). Les mares sont en effet la
principale zone de recharge de la nappe. La région du Fakara est un des trois sites
expérimentaux du programme AMMA (Analyse Multidisciplinaire de la Mousson
Africaine), les deux autres sites étant situés au Mali et au Bénin.
Dans cette région précisément, il a été montré que les bas fonds s’ensablaient
du fait de l’accroissement de l’érosion en amont (Le Breton, 2005), que cela pouvait
provoquer des défluviations et des changements de cours des écoulements du fait
des dépôts encombrant bas fonds et versants très peu pentus (Mamadou, 2006) ; on
a pu obtenir des valeurs de ruissellement et d’érosion suivant les types d’états de
surface (Malam Abdou, 2008). Ces observations rejoignent celles réalisées
préalablement au nord du Burkina sous un climat semblable (Karambiri et al., 2005).
Plus récemment, on a pu constater dans que les régions proches de Niamey (le long
du fleuve et aussi dans le Fakara pourtant situé à 70 km de la capitale), l’auréole de
déboisement liée à la demande en bois de chauffe de la ville avait accru le
déboisement et l’érosion (Amogu, 2009), ce qui confirme les conclusions de Chinen
(1999). On y a trouvé des témoignages de plusieurs ruptures d’endoréisme récentes,
certaines s’étant produites ces dernières années, ce qui justifie le démarrage d’une
thèse de géographie cette année au département de géographie de l’Université
Abdou Moumouni (UAM) de Niamey. On décrit ici un dispositif de lutte antiérosive
proposé pour maintenir voire améliorer la qualité des sols.

Objectifs
Partant d’un diagnostic sur l’état dégradé des sols et de la végétation sur le
terroir des villages du Fakara, cette étude propose de tester des méthodes de
conservation des sols sur ces terrains dégradés. La figure 2 permet de constater
qu’en seulement 14 ans, le changement d’usage des sols peut être très rapide.

Figure 2 : évolution de l’occupation des sols sur les bassins de Tondi Kiboro entre 1993 et
2007
En particulier, on peut constater qu’une importante partie du bassin a vu ses sols se
dégrader ; la surface de sols encroûtés est passée de 17 à 40% de la surface du
bassin « nord » (aval + amont sur la figure 2).
A l’échelle un peu plus grande de l’ensemble du Fakara, une région d’environ 15 km
sur 40 (figure 3), on peut constater qu’entre 1986 et 2005, c'est-à-dire sur une
période récente, on observe une forte progression des cultures et des surfaces
dégradées.
1986 2005

Figure 3 : évolution de l’occupation du sol dans le Fakara entre 1986 et 2005 (d’après
Catherine Ottlé, programme AMMA)

Or comme le montre le tableau 1 (Le Breton, 2005 ; Mamadou, 2006), le


ruissellement est bien plus important sur les sols encroûtés,-qu’ils soient sous forme
de croûte d’érosion (ERO dans la nomenclature de Casenave et Valentin, 1989) ou
de croûte algale (ALG),- que sur les surfaces occupées par du mil ou de la jachère,
qui représentent l’essentiel de la surface au Sahel du Niger.

Tableau 1 : coefficient de ruissellement (Kr) et taux d’érosion (en kg/ha) sur les différents types
d’occupation des sols du Fakara (parcelles de 10 et 100 m!, 5 répétitions, 5 années de mesure)

Type de couvert ou d’ES Kr en % de la érosion en


pluie par an kg.ha-1.an-1
Mil 3,8 372
Jachère 10,5 881
Croûte ERO 59,5 5566
Croûte ALG 25,5 863
Ces valeurs ont été mesurées sur une vingtaine de parcelles de deux sites
expérimentaux du Fakara, pendant 5 saisons des pluies. Il s’agit de sols sableux sur
des pentes faibles (1 à 5% suivant les parcelles).
De fait, les travaux récents (Souley Yéro, 2008, Amogu, 2009) ont montré que du fait
de l’extension des surfaces encroûtées, on constate une hausse des coefficients de
ruissellement et aussi des débits observés. Ceci apparaît dans le tableau 2 entre les
périodes 1991-1994 et 2004-2010 pour les trois bassins dont le premier est emboîté
dans le second. C’est cet ensemble (aval + amont) qui constitue le bassin nord
représenté dans la figure 2, la limite de bassin intermédiaire représentée étant la
limite entre les deux parties amont et aval ; dans le tableau ci-dessous, le bassin TK
aval englobe TK amont. Le bassin « bodo » est celui situé au sud. La hausse des
débits et lames ruisselées est plus faible pour « TK aval » car une grande partie du
débit est infiltrée dans les dépôts sableux de fond de talweg entre les deux seuils
limnimétriques. Elle s’observe au niveau de la relation pluie/débit par évènement
mais pas sur le total annuel. Cela avait déjà été observé par Esteves et Lapetite
(2003).On distingue le coefficient de ruissellement global (3ème colonne) de celui par
évènement donné par l’équation pluie/débit. La dernière colonne montre que si les
débits augmentent, le temps pendant lequel ils se produisent s’est sensiblement
réduit, traduisant l’accélération des ruissellements et la baisse de la capacité de
rétention en eau des sols, dues à l’encroûtement des sols.

Tableau 2. Evolution des écoulements sur les bassins de Tondi Kiboro entre les périodes 1991-
1994 et 2004-2010 (d’après Souley Yéro, 2008, actualisé des donnée »s de 2009 et 2010).

TK amont Pluie Lame ruisselée Kr Relation Durée d’écoulement en


en mm heure par an
en mm Pluie/débit

Moyenne 1991-1994 513 180,3 0,35 R = 0,56 P – 2,61 39,6

Moyenne 2004-2010 499 217,3 0,43 R = 0,73 P – 4,5 34,2

TK aval Pluie Lame ruisselée KR Relation Durée d’écoulement en


en mm heure par an
en mm Pluie/débit

Moyenne 1991-1994 513 132,6 0,26 R = 0,43 P – 2,3 28,1

Moyenne 2004-2010 502 124,3 0,26 R = 0,46 P – 3,1 18,2

TK bodo Pluie Lame ruisselée KR Relation Durée d’écoulement en


en mm heure par an
en mm Pluie/débit

Moyenne 1991-1994 485 185,3 0,38 R = 0,53 P – 2,14 44,2

Moyenne 2007-2010 493,8 233,3 0,47 R = 0,85 P - 7 25,9

Ces bassins versants élémentaires de quelques hectares, équipés de stations


de jaugeage à leur exutoire, qui ont permis de mesurer les débits cités, sont ceux
qui serviront à évaluer l’évolution future des écoulements et des pertes en terre avec
et sans traitement

Matériel et méthodes
On se propose d’installer des parcelles de zaï, des demi-lunes, des cordons
pierreux, des reboisements, des haies, afin de limiter le ruissellement et l’érosion.
Trois bassins versants permettront de suivre les écoulements et les transports
solides dans le temps et de mesurer l’éventuel impact des actions de conservation
des sols sur ces éléments. Deux des bassins ont commencé à être équipés de ces
dispositifs expérimentaux (voir ci-dessus) : le bassin de TK amont (4,9 hectares) est
emboîté (partie amont) dans TK aval (11 ha) ; c’est celui-ci qui a été aménagé. Le
troisième bassin, TK Bodo (12 ha), reste inchangé, comme témoin. Ces bassins ont
25 m de dénivelée entre l’amont (plateau du Fakara, à l’est) et la petite cuvette
endoréique dans laquelle ils se déversent. L’altitude de la base est de 235 m.

Figure 4 ci-dessus : demi-lunes sur le versant


nord du bassin

Figure 5 en haut à droite : grande banquette


rectangulaire pouvant accueillir 3 arbres

Figure 6 ci contre : plantation de acacias


senegal (gommiers) en poquets (mini-zaï) sur
le versant sud du bassin

Résultats
Les expérimentations grandeur nature ont été initiées durant la saison sèche 2006-
2007 : mise en place d’une pépinière sur le site expérimental de Banizoumbou,
installation de « demi-lunes » et de « mini-banquettes » (5 m de long) sur les bassins
proches de Tondi Kiboro « Nord », amont (4.5 ha) et aval (11 ha).
La pépinière a, elle, été installée à côté du village de Banizoumbou, à 4 km à l’ouest,
dans l’enclos d’un centre technique du Ministère de l’Agriculture, afin d’être à l’abri
du bétail. Au début de la saison des pluies, plusieurs centaines de plants (acacias,
gommiers, prosopis africana) ont été repiqués sur ces bassins, le bassin TK Bodo,
au sud (12 ha) restant sans aménagement comme bassin « témoin ». Débits et
débits solides sont contrôlés depuis la Mousson 2004 comprise. En tout, moins de 1
hectare a été traité, mais il s ‘agit de la partie la plus dégradée du bassin, donc celle
où la moindre action est susceptible de porter le plus rapidement ses fruits.
Pour le moment, la pousse étant très lente en zone sahélienne, on n’attend
pas de modification des débits avant plusieurs années le temps que les arbres
poussent (il y a eu aussi beaucoup de pertes en plantation, plus de 80%, un taux
habituel au Sahel, qui oblige à de constants « regarnissages »). Il s’agit donc de
maintenir et entretenir le dispositif durant quelques années (5 années de plus peut
être, jusqu’en 2014 idéalement) de manière à s’assurer de son autonomisation avant
de le laisser se développer et jouer son rôle protecteur.
On montre, figures 7 à 9 quelques exemples de dispositifs LAE dans la sous-
région, installés à bon ou a mauvais escient.

Figure 7 : exemple de cordons pierreux bien réalisés (ici dans le bassin de la Sirba, au Burkina
Faso)

Figure 8 : exemple de plantation de Figure 9 : cordons pierreux installés


gommiers en cuvette réussie (Boubon, au nord inutilement sur un cône de déjection
de Niamey) (Boubon)
On attend, au bout de quelques années, une analyse de l’efficacité de
chacune des méthodes de conservation testées sur les bassins versants de Tondi
Kiboro, en termes de limitations de l’écoulement et des transports solides.
Avant la mousson 2009, un regarnissage partiel des arbres a été opéré, ainsi que
l’installation d’une vingtaine de nouvelles demi-lunes et terrasses ; en 2010, les
demi-lunes ont été recreusées, sans que soit effectué de regarnissage. Ceci permet
à l’avance de diagnostiquer quelques difficultés :
- les regarnissages doivent être opérés chaque année, et il faut
s’attendre à remettre chaque année au moins 80% de plants manquants,
voire plus de 90%; ce taux élevé est facile à expliquer par le fait que les
parcelles traitées, pas plus ici que lors des opérations menées par les
Eaux et Forêts ou les ONG, n’ont été ni clôturées ni surveillées, ce qui fait
que, au retour du bétail transhumant aux premières semaines de la saison
sèche, une grande partie des plants est broutées car ils sont appétants ;
- Les demi-lunes et autres tranchées destinées à aider l’infiltration de l’eau
et la pousse des arbres, malgré leurs dimensions honorables (40 cm par
40 cm de section), sont presqu’entièrement colmatées en deux moussons
par les eaux de ruissellement ; donc à entretenir régulièrement aussi ;
- Il faut donc prévoir un travail d’entretien annuel pratiquement aussi
important que celui de la première installation, et à réaliser juste avant la
mousson ou aux premiers jours de celle-ci.

Sur le bassin versant nord (station aval) où le traitement a été appliqué, on


observe une baisse des ruissellements les deux dernières années (2009 et 2010),
soit à partir de la troisième année de traitement antiérosif, avec des valeurs de
coefficient de ruissellement en diminution par rapport aux années antérieures et
nettement sous la moyenne (tableau 3), alors que ceux-ci restent au même niveau
pour les années 2009-2010 que pour 2007-2008 sur le bassin non traité, « bodo ».
Cependant, comme 2009 et 2010 sont aussi deux années déficitaires au niveau
pluviométrique, il est difficile d’affirmer que cette baisse est uniquement le fait du
traitement antiérosif appliqué au bassin nord.

Tableau 3. Evolution du coefficient de ruissellement sur le bassin « nord » traité de 2004 à 2010

TK aval Lame précipitée Lame ruisselée Kr


2004 533,00 170,97 0,32
2005 400,10 64,78 0,16
2006 560,67 131,99 0,24
2007 523,53 127,40 0,24
2008 610,70 193,28 0,32
2009 461,00 103,00 0,22
2010 424,00 78,60 0,19

Conclusion

Il est trop tôt pour se prononcer sur l’efficacité des dispositifs réalisés ; ce
qu’on a constaté, c’est la nécessité d’un entretien annuel, ou plutôt on a découvert la
nécessité d’un effort constant à partir de l’aménagement, indispensable surtout les
premières années. Celui-ci sera poursuivi jusqu’à ce qu’on se soit assuré que le
maintien des ouvrages ne nécessite plus d’entretien régulier, ce qui n’affranchira pas
l’équipe d’un contrôle périodique afin de s’assurer du bon déroulement du dispositif.
L’équipement hydrologique permettra de constater si l’aménagement des
versants se traduit en termes de coefficient de ruissellement et de temps
d’écoulement. On attend au bout de quelques années (une dizaine d’années ?) une
augmentation de l’infiltration et de l’évapotranspiration pouvant réduire les
ruissellements et écoulements et accroître les durées d’écoulement lors des
épisodes pluvieux.
Les deux dernières années de mesure (2010) ont connu une diminution du
ruissellement à l’échelle du bassin traité, mais il est trop tôt pour être sûr que cela
soit lié au traitement réalisé. Les observations seront poursuivies les prochaines
années afin de mieux cerner le rôle de ce traitement et de son évolution.

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Remerciements
Nous remercions le programme AMMA et l’ANR ECLIS pour le financement de
cette étude ; ainsi que Catherine Ottlé du LSCE qui nous a fourni la figure 3. Nos
remerciements vont aussi au PI CRECS qui a financé l’achat de 3 ordinateurs
pour les étudiants en veille sur le terrain.
Processus érosifs et transport solide en milieu tropical insulaire
Cas des bassins versants de la Baie du Robert, Martinique, FWI

Nicolas ROCLE1*, Xavier BRAY1, Anne-Claire NIVET1,


Julie GRESSER1, François-Xavier DE LA FOYE1
1
CEMAGREF, UR Agriculture et Espace insulaire,
Pôle de Recherche Agroenvironnementale de la Martinique, LAMENTIN, Martinique, FRANCE.
* Courriel : nicolas.rocle@cemagref.fr

Résumé :
Particulièrement vulnérable aux pressions d’origine anthropique, la Baie du Robert
en Martinique est marquée par une dégradation généralisée de ses écosystèmes.
L’envasement des fonds marins, les changements de bathymétrie et la dégradation
de biocénoses remarquables sont notamment les conséquences d’un apport excessif
de particules solides dans la baie. Sur certains sous-bassins versants de ce territoire,
nous avons caractérisé et quantifié le transfert de solutés dans les eaux
superficielles. Une première approche qualitative a permis d’établir un diagnostic
cartographié de la vulnérabilité des terres à l’érosion à l’échelle des bassins
versants. Dans un deuxième temps, un réseau de stations de mesures a été installé
pour évaluer quantitativement le régime hydrologique et la dynamique de transport
solide des cours d’eau instrumentés. Les principaux résultats de cette seconde étape
permettent de caractériser les variations spatiales et temporelles du transport solide
et d’estimer les quantités de matériaux entraînés en fonction des spécificités des
sous-bassins instrumentés.
Mots clés : Martinique, Baie du Robert, envasement, érosion, transport solide.

Abstract:
In Martinique (FWI), the Robert bay is characterised by some signs of eutrophication
and hyper sedimentation, inducing impacts on its natural ecosystems. This study has
allowed highlighting some of the main driving factors of erosion processes in the
catchment basins. Combination of agricultural practices and human settlements
uphill during the last decades is one of the phenomena of erosion amplification. A
first step was to build a diagnosis of erosion vulnerability in the catchment basins.
The second step was dedicated to design monitoring programmes, install equipment
and collect physical and chemical data on three different basins. First results allow
improving scientific knowledge on spatiotemporal variability of solid transport on
catchment basin scale and assessing contribution of solid transport in pesticides
contamination.
Key words: Martinique island, Robert bay, hyper sedimentation, erosion, solid
transport.
1. Présentation du contexte et de la zone d’étude

L’envasement des baies marines et la dégradation des biocénoses afférentes


représentent aujourd’hui un problème d’ordre majeur dans la plupart des pays
insulaires de la Caraïbe. A la Martinique, département français d’outre-mer de l’arc
des Antilles, l’aménagement du territoire de ces dernières décennies a entraîné un
changement dans l’occupation et la gestion des sols avec pour conséquence une
aggravation des phénomènes d’érosion. L’urbanisation grandissante et non
maîtrisée, l’absence ou la mauvaise gestion des eaux pluviales en lien avec ces
aménagements ainsi que les pratiques agricoles sur monocultures sont le siège de
phénomènes physiques qui présentent un impact majeur pour la gestion et la
conservation des sols.

Le Havre du Robert, situé sur la commune du même nom sur la façade Atlantique de
la Martinique, est une baie semi-fermée de 21 km², protégée par de nombreux îlets.
Le faible hydrodynamisme dont elle fait preuve maintient les pollutions d’origine
terrestre proches du littoral et la rend particulièrement sensible à l’eutrophisation et à
l’envasement. Le continuum terre/mer est lié à l’existence de 22 cours d’eau
tributaires qui drainent un bassin versant (23 km²) ramassé et soumis à de
nombreuses pressions anthropiques. Le secteur agricole représente 25 % de la
superficie totale du bassin et se caractérise par des cultures à forte consommation
d’intrants, dans un contexte physique et climatique favorable à leur usage (pression
parasitaire continue) et à leur transfert (pente moyenne de 27%). L’urbanisation,
diffuse sur tout le bassin, s’accélère avec la construction d’habitations individuelles
sur les hauteurs en amont des parcelles et d’infrastructures collectives sur les zones
aval. La coévolution entre activités humaines sur les parties terrestres et les milieux
littoraux s’en trouve dès lors renforcée. L’émergence ou le maintien d’activités
côtières à fort potentiel de développement (tourisme nautique, pêche, aquaculture…)
sont des enjeux de taille pour la collectivité. Depuis 2005, des organismes de
recherche (CEMAGREF, IFREMER et Université Antilles Guyane) et d’expertise se
sont associés à la collectivité afin de caractériser les impacts des activités terrestres
sur le milieu marin et proposer des actions de prévention ou limitation des impacts.
Deux enjeux prioritaires sont mis en avant : la diffusion des pollutions chimiques et
organiques, impliquant notamment une eutrophisation accrue de la baie, mais plus
encore le transfert des particules solides, qui accélère l’envasement du littoral et
détruit les récifs coralliens et biocénoses associées (Dao et al., 2008).

2. Diagnostic et spatialisation de la vulnérabilité à l’érosion sur le territoire

Le diagnostic des zones d’apports terrigènes a constitué la première étape de la


recherche-objet. Pour ce faire, la construction d’un indicateur de vulnérabilité
structurelle1 à l’érosion a été choisie, via une modélisation qualitative, où seule
l’érosion hydrique superficielle et non celle de masse (liée aux glissements de
terrain) fût traitée. L’approche par indicateur nécessite de choisir un nombre restreint
et pertinent de paramètres, afin d’établir des règles de décision (approche experte)
pour aboutir, à partir de paramètres indépendants, à l’indicateur composite final.

1
Par opposition à la vulnérabilité conjoncturelle, telle celle résultant d’un aléa climatique
particulier et de pratiques culturales à un instant t donné.
• Le premier paramètre est la couverture du sol2 : les surfaces imperméabilisées
ne sont pas génératrices d’érosion, mais sont impliquées dans la formation et
l’accélération du ruissellement. Le couvert végétal est un facteur clé puisque selon
Roose, 1994, l’érosion est multipliée par 1000 lorsque, toutes choses étant égales
par ailleurs, le couvert végétal diminue de 100% à 0%. Ainsi, pour hiérarchiser les
différences dans l’occupation du sol, nous avons retenu l’ordre relatif des valeurs
données par des modèles empiriques (Vigiak et al., 2005, Hessel et al., 2005, Hoyos,
2005). Par ailleurs, une étude sur l’érosion en parcelle expérimentale à la Martinique
(Khamsouk, 2002) a permis de discriminer deux types de couverts en banane (âge
de plus ou moins 2 ans). Les travaux de Roose (1994) permettent enfin d’estimer les
pertes en terre sous les couverts denses et complets toute l’année (prairies, bois,
savanes…).

• La topographie est le second paramètre classiquement utilisé, à deux niveaux :


- L’inclinaison de la pente : l’ensemble des auteurs ayant travaillé sur l’influence
de l’inclinaison de la pente s’accorde à dire que l’érosion croît exponentiellement
avec la pente pour des sols nus ou des sols recouverts partiellement par une
culture3. Toutefois ces résultats sur l’amplification de l’érosion avec la pente sont à
nuancer avec ceux obtenus pour le ruissellement, Hudson 1957, Lal, 1975, Roose,
1973 et Khamsouk en 2001 ayant observé que le ruissellement se stabilise autour de
20% de pente.
- La longueur de la pente : elle est connue comme étant un facteur aggravant
de l’érosion (Zing, 1940 et Hudson, 1973). Ce paramètre est pris en compte par le
calcul de l’accumulation des flux d’eau, via un algorithme « D8 » créé par Jenson et
Domingue, 1988, appliqué au Modèle Numérique de Terrain (MNT) de l’IGN.
L’utilisation du MNT et de cet algorithme permet de distinguer les zones où le
ruissellement se concentre à l’extrême, « traçant » ainsi un réseau hydrographique
théorique. Le paramètre « accumulation de l’écoulement » apporte donc une
information sur la vulnérabilité à l’érosion linéaire.

• Le dernier paramètre pris en compte est l’érodibilité des sols : de nombreux


paramètres peuvent la décrire mais ceux-ci sont très variables dans le temps et dans
l’espace. De manière à conserver le caractère qualitatif et générique du modèle,
nous avons utilisé le type d’argile des différents sols et leurs propriétés de
retrait/gonflement (carte pédologique au 1/20 000e de Colmet-Daage, 1969), de
manière à s’intéresser davantage à la stabilité structurale des sols qu’à l’érodibilité.
On rencontre sur le territoire d’étude une majorité de sols brun-rouge à
montmorillonite et ferrisols compacts.

Une fois ces paramètres identifiés4, l’approche de modélisation par arborescence


logique (Le Bissonnais, 2002) est proposée :

2 Acquise via le projet PARAGE « Evaluation de l’occupation Agricole des sols dans les Régions
Antilles et Guyane », sur trois périodes disponibles : novembre 2006, avril et mai 2007.
3
Lal (1976), a montré au Nigeria qu’entre 1 et 15% l’érosion est négligeable en présence de résidus
de surface, d’autres mesures laissent à penser que les pentes de 15 à 20% constituent un seuil à
partir duquel les phénomènes érosifs s’accentuent.
4
Le facteur ou l’aléa climatique n’est pas utilisé dans le modèle : une analyse fréquentielle des
épisodes pluvieux entre une station sur le littoral et une station « haute » de la zone d’étude ne montre
pas de différence significative du régime pluviométrique. Une homogénéité de l’aléa est ainsi posée
comme postulat.
- Pour chaque variable précédemment listée, on définit des classes en nombre limité.
Par exemple, pour la variable « occupation du sol », 10 classes représentant la
diversité spatiale de l’occupation du territoire sont proposées : habitat diffus, forêt,
savane, canne à sucre…
- On identifie ensuite les combinaisons possibles entre chaque variable. Une
combinaison fait donc référence à un jeu de quatre classes (une classe par variable).
Ainsi, si 10 classes sont données pour chacune des 4 classes retenues, nous
obtenons 104 possibilités. Ce chiffre est réduit par le nombre prédéfini de classes (2
à 4 classes seulement pour certains paramètres) et par l’élimination de combinaisons
inexistantes (pas d’agriculture sur des sols très pentus par exemple).
- Au final, l’arborescence fournit toutes les situations possibles, le recours à
l’expertise et à la connaissance du terrain réduit in fine le nombre de ces situations
en sept catégories différentes, représentées par un indice de sensibilité à l’érosion.

Le résultat cartographique permet alors d’identifier et de hiérarchiser des espaces


sur lesquels la vulnérabilité est supposée importante et où le diagnostic préalable
mérite d’être approfondi.

Figure 1 : Cartographie de la vulnérabilité à l’érosion du bassin versant du Robert, novembre 2006

Les secteurs considérés comme les plus contributifs à l’érosion sont donc mis en
évidence : il s’agit notamment des secteurs cultivés en banane et des zones
temporaires de travaux et chantiers. Notons que cette cartographie peut être
actualisée par acquisition d’images satellitaires et photo-interprétation de
l’occupation des sols du territoire. Les travaux sur la spatialisation de la vulnérabilité
à l’érosion permettent donc d’ores et déjà d’identifier les zones prioritaires sur
lesquelles cibler les efforts d’actions préventives. La mise en place de techniques de
lutte antiérosive (à la parcelle avec des itinéraires techniques adaptés et partagés,
aménagement des berges des cours d’eau, etc…) pourra utilement s’appuyer sur la
cartographie établie à l’échelle du bassin versant. Des travaux de recherche sur
l’origine des matières en suspension seraient alors à envisager pour affiner
l’expertise et les aménagements proposés en ce sens.

Si l’indicateur représente bien la sensibilité d’objets spatiaux de référence (résolution


5 m x 5 m) à des formes d’érosion hydrique superficielle, il n’exprime cependant pas
la quantité de terre réellement exportée vers le milieu marin. De plus, les voies
artificielles d’écoulement, tels que les fossés et réseaux de collecte des eaux
pluviales, n’ont pas été prises en compte dans la modélisation. Le risque de transfert,
faisant appel à la connectivité des zones érodées au réseau hydrographique
superficiel, a pu être appréhendé par la prise en compte de la proximité des
écoulements superficiels avec les zones contributives à l’érosion.

Les informations qualitatives obtenues suite à cette spatialisation sont ensuite


confrontées aux données de terrain. Ainsi, des sous-bassins versants ont fait l’objet
d’investigations poussées pour :
- Valider le modèle par des observations directes et des enquêtes auprès d’acteurs,
majoritairement des agriculteurs et résidents : le modèle reflète de manière
satisfaisante la réalité de terrain, ceci pour des intensités ou des durées de pluie
non extrêmes.
- Etablir des cartographies détaillées des zones de production de matières
terrigènes, des zones de transfert ainsi que des zones de dépôt.
- Instrumenter des stations de mesure pour acquérir des connaissances
complémentaires sur le transport solide des écoulements en présence.

3. Suivi du transport solide dans les eaux superficielles

3.1. Dispositif de mesures et protocole de suivi


Afin de caractériser la dynamique de transport solide dans les eaux superficielles et
ses variations spatio-temporelles, un dispositif de 4 stations de mesure a été mis en
place sur des secteurs préalablement diagnostiqués (figure 2), différenciés par les
facteurs suivants : superficie de l’impluvium, occupation du sol, pratiques
anthropiques (itinéraires techniques), nature des écoulements (une ravine temporaire
et deux cours d’eau permanents). La campagne de mesure s’est étalée de juillet
2008 au mois de mai 2009.

L’étude des transferts de polluants physiques et chimiques a fait appel à une


instrumentation ad hoc permettant de suivre les paramètres pluviométriques
(Campbell, ARG 100 à augets basculeurs : cumul de pluie, intensité, durée de
l’évènement), hydrologiques (sondes de pression Keller et Campbell : relation
hauteur d’eau / débit par construction de courbes de tarage) et physico-chimiques
(température, concentration en MES (turbidimètre) et polluants chimiques,
essentiellement pesticides) des cours d’eau concernés.
Figure 2 : Localisation des stations de mesure sur les mirco-bassins versants

Nous nous sommes intéressés au suivi du transport solide suivant ses deux
composantes : la suspension des particules les plus fines et le charriage des
matériaux plus grossiers. Pour ce faire, différents types de suivi ont été réalisés, en
fonction des contraintes d’ordres technique et organisationnel :
- Pour les matières en suspension (MES), un échantillonnage manuel sur quelques
périodes d’étiage et sur les crues, ainsi qu’un suivi en continu par sondes de
mesure in situ afin de mesurer les variations de concentrations en MES lors
d’événements pluvieux. Les mesures, effectuées au pas de temps de la minute,
sont alors enregistrées en continu dans la station d’acquisition et relevées toutes
les deux semaines.
- Des pièges à sédiments sur deux stations de mesure (ravine Mansarde, amont et
aval des parcelles agricoles) pour casser l’énergie hydraulique et favoriser le
dépôt des matériaux charriés. La mesure du volume des sédiments déposés se
faisant à la suite de chaque événement de crue.

3.2. Principaux résultats

a) Réponse des bassins versants aux évènements de crues

Afin d’appréhender au mieux la dynamique de transport des MES lors des crues, un
échantillonnage des crues est réalisé manuellement, en cherchant à obtenir un
nombre de couples [concentration – débit] le plus représentatif possible de
l’événement (figure 3a). Si on ne peut observer de relation univoque entre la
concentration et le débit pour l’ensemble des mesures de MES, on observe en
général une relation concentration-débit (figure 3b) qui présente une forme
d’hystérésis (Borges, 1993 ; Mathys et al., 1989, Williams, 1989).
3.a) Points d’échantillonnage
lors d’un événement de
crue : station Gaschette le
19 septembre 2008

3.b) Courbe d’hystérésis


obtenue suite à l’analyse
des échantillons

Figure 3 : a) Points d’échantillonnage lors d’un évènement de crue


b) courbe d’hystérésis lors de la crue du 19 septembre 2008, rivière Gaschette

Williams, en 1989, propose une typologie des crues selon l’allure de la courbe
traduisant les variations des concentrations en fonction de celles des débits pendant
la crue. Ainsi la réponse des hydrosystèmes est-elle différente d’un sous-bassin à
l’autre, en fonction notamment de l’occupation des sols et de la nature des
écoulements considérés :

- Une mobilisation conséquente des matériaux détritiques des berges proches de la


station de mesure (exutoire du sous-bassin) pour la rivière Voltaire, liée à
l’accélération des écoulements et l’augmentation de la force hydraulique par les
aménagements amont (imperméabilisation des surfaces) ;
- Une remobilisation des matériaux en abondance dans le lit de la ravine Mansarde,
confirmant l’hypothèse posée par Pinte, 2006, d’une mobilisation des matériaux
jusqu’à l’exutoire par reprise des matériaux déposés lors des crues précédentes ;
- Un fonctionnement plus complexe sur le bassin versant de la rivière Gaschette,
qui demande à chercher les régimes critiques de début de transport des différents
bassins pour les comparer entre eux. Une comparaison des réponses des bassins
de Voltaire et Gaschette nous a conduit à déterminer une plage de débits critiques,
voisins de 2 m3/s, à partir de laquelle les réponses exprimées en concentrations de
MES sont clairement différenciées et dont la tendance n’évolue plus.

Les courbes d’hystérésis nous permettent par la suite d’interpoler la valeur de la


concentration en chaque point de l’hydrogramme (méthode par « rating-curve »,
Mathys, 2006).
Figure 4 : Hydrogramme et sédimentogramme, crue du 19 septembre 2008, rivière Gaschette

Cette méthode présente l’avantage d’utiliser la précision de la mesure sur les débits
et leur variation au cours de l’évènement (débit enregistré au pas de temps de la
minute), pour appréhender celle des concentrations de matières en suspension. Le
calcul des flux de matières en suspension peut alors être effectué de manière à
quantifier le volume transporté lors de l’événement de crue (cf. infra).

b) Distribution du transport par suspension et par charriage sur Mansarde aval

Les observations démontrent que les composantes du transport solide ne sont pas
réparties uniformément sur les différentes périodes de l’année. Ainsi, en période
d’hivernage (août – décembre) sur la ravine Mansarde, le ratio entre transport par
suspension et transport par charriage évolue-t-il comme indiqué ci-dessous.

Figure 5 : Transport par suspension et par charriage sur la ravine Mansarde


Le taux de charriage, représentant 40 % du transport solide dans la ravine en début
de saison des pluies, indique une abondance de matériaux grossiers du lit. Ce taux
diminue sensiblement pour ne représenter plus que 5 % du volume solide total sur la
fin de l’hivernage. Nous pouvons relier cette observation avec le graphe ci-dessous,
représentant la dynamique de transport par charriage observée sur la même période.

Figure 6 : Cumul de répartition des éléments charriés puis déposés dans la ravine Mansarde

Plus de 80 % des matériaux se sont déposés dans la première moitié de la période


étudiée. Cette tendance peut s’expliquer par le fonctionnement morphodynamique de
la ravine Mansarde à l’échelle annuelle : sous l’effet des nombreuses alternances
humectation/dessiccation qui se déroulent en période de carême (janvier à juillet),
alors qu’aucun écoulement n’est visible dans la ravine, les agrégats du lit se
désagrègent et se fragilisent. Ils sont de ce fait faiblement liés entre eux et sont alors
fortement disponibles : le charriage est élevé en début de période des pluies. Ce
stock, facilement mobilisable en début d’année hydrologique, va diminuer au cours
de l’hivernage, lorsque la ravine est en eau, par épuisement de matériaux
mobilisables. Après une nouvelle période sèche ayant reconstitué le stock de
particules disponibles, la même tendance devrait s'observer sur la séquence
suivante d'épisodes de pluie (Lopez Periago and Soto, 2004).

c) Estimation des flux annuels de transport solide

Le traitement statistique des données hydrologiques acquises durant la campagne


de suivi, couplé aux mesures de transport par charriage et suspension, a permis, par
l’application d’un certain nombre d’hypothèses dans l’extrapolation et l’interprétation
des données, d’estimer les flux annuels à l’échelle des trois petits bassins versants
instrumentés (Nivet et al., 2009). Nous donnons ici quelques résultats sur le transport
solide évalué à partir des campagnes de suivi et des analyses statistiques réalisées.

Bassins versants Gaschette Voltaire Mansarde


Vulnérabilité estimée 8 à 15 t/ha/an 2 à 8 t/ha/an 8 à 20 t/ha/an

Figure 7 : Vulnérabilité à l’érosion sur les trois sites d’études,


en tonnes de matière sèche par hectare et par an
L’ensemble de ces estimations aboutit à un ordre de grandeur de 10 tonnes de
matières sèches par hectare et par an, dont nous faisons l’hypothèse qu’il s’agit
d’une estimation a minima, sans évènement climatique majeur5.

Nous avons enfin cherché à tester l’utilisation d’une formule simplifiée du transport
solide, en s’appuyant sur les différents coefficients donnés par Meunier (1999) et en
vérifiant les conditions de validité de cette formule dans nos conditions
expérimentales. Il s’avère que cette formule (Qs / Qcr = B IA, Qs étant le débit solide,
Qcr le débit critique de plein transport, I la pente moyenne du cours d’eau, B et A les
coefficients à déterminer et à confronter à la littérature) semble pertinente à nos
échelles d’observation pour une modélisation du transport solide à l’aide des
coefficients de Smart et Jaeggi (Meunier, op. cit.), où A = 2,5 et B = 1,6. Toutefois,
les faibles débits rencontrés sur la ravine Mansarde placent la formule à la limite de
son domaine de validité et l’étendue granulométrique des sols bruns appellerait des
mesures complémentaires afin d’apporter une réponse mieux argumentée. Nous
proposons pour conclure de discuter et critiquer les méthodes employées ici pour de
futures investigations sur le transport solide des cours d’eau des Antilles françaises.

4. Conclusion / discussion

La pression démographique à la Martinique entraîne des changements dans


l’organisation spatiale des activités humaines à l’échelle de territoires à enjeux.
L’imperméabilisation des surfaces ainsi générée modifie le cycle de l’eau,
notamment par une augmentation et une accélération des écoulements de surface
au détriment de l’infiltration dans les sols et le sous-sol. Les variations spatiales et
temporelles des processus érosifs et du transport solide doivent ainsi être
appréhendées pour comprendre ces mécanismes.

Au plan méthodologique, nous retiendrons que la fiabilité de la mesure optique et


surtout la sécurité des équipements vis-à-vis des aléas sont des critères
déterminants et sélectifs pour le choix des implantations (la détérioration et le coût de
tels appareils auront été rédhibitoires sur la durée de notre étude). Les sites
d’utilisation des turbidimètres et MES-mètres doivent donc répondre à certaines
conditions : permettre l’immersion permanente des sondes de mesure et le bon
positionnement de l’appareil dans le cours d’eau, l’ancrage du câble reliant l’appareil
à la station pour résister aux forts courants, la protection du câble de liaison vis-à-vis
des objets flottants ; et enfin disposer d’une alimentation électrique suffisante pour
éviter les trous de mesure. L’estimation relativement fiable obtenue sur la rivière
Gaschette met en évidence l’intérêt de disposer de préleveurs à déclenchement
automatique pour mesurer efficacement les régimes critiques de plein transport qui
sont des paramètres déterminants pour une évaluation juste du transport solide. Les
turbidimètres et les prélèvements manuels seuls ne suffisent pas à caractériser ces
régimes critiques essentiels. Par surcroît, une meilleure exploitation des mesures
opérationnelles doit être recherchée de façon à discriminer les composantes de la
vulnérabilité, dès lors que les mesures des évènements du cours d’eau seraient
réalisées en continu au pas de temps de la minute.

5
P. Saffache estime, sur le territoire de la baie du Marin, que 2 km² de parcelles cultivées en
maraîchage libèrent 26 000 tonnes de sédiments par an, contre 24 tonnes pour 3 km² de terres
pâturées (Desse, Saffache, 2005).
Au plan heuristique, les mesures réalisées sur ces bassins versants anthropisés au
relief énergique, dont les pentes varient entre 5 à 30 %, ont permis d’aboutir à trois
séries de résultats. Le comportement des bassins versants sur diverses classes de
crue a été approché de manière exploratoire. Les composantes par charriage et
suspension ont été discréditées sur la ravine Mansarde à l’échelle annuelle.
L’érosion mesurée par le transport solide en suspension, largement majoritaire dans
notre contexte, est évaluée par un ordre de grandeur de sa composante structurelle :
10 tonnes par hectare et par an, hors aléa climatique majeur. Les observations de la
surface du versant au moment des ruissellements érosifs n’ont pas été suffisamment
précises pour apporter davantage d’éléments. Par sécurité, nous avons retenu une
incertitude relative de 50 % sur les mesures de concentration de MES. Ceci nous a
amenés à conduire de front trois séries de calculs de façon à encadrer au mieux
cette estimation : l’estimation maximale de la vulnérabilité, assimilée à sa
composante structurelle, ne dépasse jamais 20 t/ha/an et l’estimation minimale ne
descend jamais en dessous de 2 ou 3 t/ha/an. Cet encadrement stabilise l’ordre de
grandeur estimé, mais ne prédispose pas des effets d'évènements climatiques
majeurs ou de flux localisés générés par les activités humaines.

BIBLIOGRAPHIE

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Risques d’inondation urbaine : cas d’une agglomération à l’aval de
versants argileux terrassés dans l’Ouest algérien

MORSLI Boutkhil 1, HABI Mohammed 2


1
INRF, BP. 88 Mansourah Tlemcen 13000, Algérie. Email : morbinrf@yahoo.fr
2
Université de Tlemcen – B.P. 230 Tlemcen, Algérie. E-Mail : moha.habi@gmx.de

Résumé
En Algérie, les terres sont soumises à des inondations répétées dont les
conséquences se traduisent par la dégradation des voies de communication,
l’inondation des terres agricoles occupant les dépressions et les terrasses alluviales,
et parfois même par l’inondation de certaines agglomérations entrainant quelquefois
des pertes humaines.
Les inondations des agglomérations résultent de pluies torrentielles dont les
effets sont souvent amplifiés par les facteurs naturels du relief et d’autres facteurs
liés à une urbanisation anarchique (construction en zones inondables) et non
maîtrisées (manque d’entretien des réseaux d’assainissement), bassin versant
dénudé, passage de feux de forêts sur le versant….
La petite agglomération du village Tafna –Tlemcen, situé sur la rive de l’oued
de Tafna présente un grand risque d’inondation par l’oued mais surtout par les
versants marneux dénudés qui surplombent le village. Dans le cadre de la lutte
contre les inondations, des techniques antiérosives ont été réalisées pour atténuer
le phénomène érosif sur les versants concernés et pour stopper et diriger en aval les
eaux de ruissellement afin de protéger l’agglomération se trouvant en aval. Les
versants sont traités par des aménagements de correction torrentielle (seuils en
gabions et en pierres sèches) en vue d’un traitement efficace et durable contre les
inondations. A l’aval des canaux (qui ressemblent beaucoup aux banquettes)
parallèles aux courbes de niveau les talus ont été ouverts pour évacuer les eaux de
ruissellement vers des exutoires naturels et où le bourrelet est renforcé par un muret
cimenté.
Cette étude a pour objectif l’évaluation de l’impact de ces aménagements sur
l’atténuation des inondations. La méthode repose sur des investigations de terrain et
sur des enquêtes auprès de la population locale.
Les résultats montrent que les aménagements ont bien fonctionné pour étaler
les pointes de crues et dans la rétention des sédiments, mais une fois remplis, les
eaux de ruissellement très chargées ont continué à menacer la population. Les
digues d’aval se sont rapidement envasées et le débordement des eaux a causé
beaucoup de ruptures ce qui a encore amplifié le phénomène d’inondation. Les
dispositions prise ne semblent pas bien adaptées à ce type de milieu argileux très
instable. Dans ce type de milieu, il est recommandé de prendre des mesures
préventives par : une conception d’aménagement globale (formulation et mise place
de vraies réponses bien structurées selon une démarche globale), le bon choix des
techniques adaptables (mécaniques mais surtout biologiques), l’entretien et le suivi
continu des aménagements et le respect des instruments d’urbanisme. Par exemple,
il faut interdire les constructions à l’aval des versants instables et en bordure des
oueds qui présentent de grands risques.

MOTS CLES : Erosion- inondation – Versants argileux- Aménagements antiérosifs –


Algérie.
Introduction
En Algérie, les terres sont soumises à des inondations répétées, d’intensité
plus ou moins importante, dont les conséquences se traduisent souvent par la
dégradation des voies de communication, l’inondation des terres agricoles occupant
les dépressions et les terrasses alluviales. Il s’en suit parfois l’inondation de certaines
agglomérations avec quelquefois des pertes humaines. Dans le Monde, les
inondations représentent plus de 50 % des catastrophes naturelles et causent en
moyenne 20 000 morts par an.
Les inondations des agglomérations résultent de pluies torrentielles dont les
effets sont souvent amplifiés par les facteurs naturels du relief et de la couverture du
sol ainsi que d’autres facteurs liés à une urbanisation anarchique (construction en
zones inondables) et non maîtrisée (manque d’entretien des réseaux
d’assainissement).
Les inondations en Algérie sont rarement dues à des perturbations
météorologiques de grande envergure mais sont le plus souvent causées par des
orages localisés. Ces orages sont souvent accompagnés de pluies torrentielles qui
ne durent pas longtemps mais qui peuvent être d’une extrême violence en
provoquant des ruissellements importants qui entraînent une érosion intense et des
inondations. En moyenne, on enregistre plus de 30 cas d’inondations par an (Tabet
Aouel, 2008).
La petite agglomération du village Tafna –Tlemcen, situé sur la rive de l’oued
de Tafna, est apparue comme un bon exemple pour mettre en évidence les causes
et les conséquences des inondations d’une part et pour l’analyse des aménagements
de lutte antiérosive sur versants, d’autre part. Le village est confronté à plusieurs
défis : risque d’inondation par les torrents qui se déversent des versants marneux
dénudés qui surmontent le village, risque d’inondation par l’oued de Tafna et risque
d’inondation par débordement du barrage de Boughrara situé en aval. Cette
agglomération est assiégée par les eaux qui dévalent des terrains marneux très
dégradés.
Dans le cadre de la lutte contre les inondations des techniques antiérosives
ont été réalisées pour atténuer le phénomène érosif dans les versants concernés et
pour diriger en aval les eaux de ruissellement afin de protéger l’agglomération. Les
versants sont traités par des aménagements de correction torrentielle (seuil en
gabions ou en pierres sèches) en vue d’un traitement durable contre les inondations.
A l’aval, des canaux de dérivation (qui ressemblent beaucoup aux banquettes)
parallèles aux courbes de niveau, ont été ouvertes pour évacuer les eaux de
ruissellement vers des exutoires naturels. Le bourrelet des canaux est localement
renforcé par un muret cimenté.
Dans cette étude nous nous sommes intéressés surtout au risque d’inondation
par les torrents qui se déversent des versants marneux dénudés, surmontant le
village. L’objectif de ce travail est d’évaluer l’impact de ces aménagements en
banquettes sur l’atténuation des inondations..

2. Méthodologie
Compte tenu du manque de références bibliographiques sur lesquels pourrait
s’appuyer notre analyse, nous avons opté pour une série d’investigations de terrain
et d’enquête. La méthode repose d’une part sur l’analyse des facteurs causaux et
d’autre part sur des mesures et des constatations sur site du comportement des
différents ouvrages. Les témoignages ont été également très utiles pour la
compréhension de la dynamique et de l’impact du dispositif de lutte.

3. Résultats et discussion

Facteurs causaux et impacts


Les risques d’inondations sont révélateurs des dysfonctionnements de
l’espace. L’analyse de l’espace à l’échelle du bassin versant a permis de mieux
apprécier les conditions physiques à l’origine de ces phénomènes.

La région du village Tafna (Gaadi) a pour particularité de présenter à la fois


une étroite vallée particulièrement plane, celle de l’oued Tafna, et des systèmes de
montagnes à très fortes dénivellations et aux versants marneux et dénudés.
L’accroissement urbain du village de Tafna résulte de la croissance démographique
et des mouvements migratoires, transformant progressivement le petit hameau en
agglomération. Tout autour du village, l’espace est très dégradé pour des causes
multiples.

Le climat de la zone et en général de l’Algérie est caractérisé par une variabilité


annuelle et interannuelle, avec des années sèches, normales et quelquefois
humides. La quantité annuelle de précipitation à l’ouest de l’Algérie varie de 400 à
500 mm. Les précipitations se produisent principalement d’octobre à avril et sont
souvent concentrées sur quelques jours ou quelques heures. Les récentes
fluctuations climatiques au cours des trois dernières décennies, ont accentué cette
irrégularité, les précipitations annuelles d’une année humide peuvent être 8 fois
supérieures à celle d’une année sèche. Plusieurs événements de fréquence rare
sont survenus ces dernières années, causant des dommages conséquents et
marquant les esprits : la pluviosité a dépassé les 200 mm/jour. En 1969 on a observé
80 à 224mm/j entrainant plus de 50 morts. En 1974, avec 80 à 224 mm/jour on a
déploré 45 morts. En 2001, après 150mm/2h on a compté 800 morts …), ce qui
dépasse l’intensité d’un pays tropical comme la Martinique (Tabet Aouel, 2008).

L’étude du climat, permet d’expliquer en partie les formes d’érosion


spectaculaires observées dans la zone d’étude : l’aspect agressif des précipitations
(des orages à allure torrentielle) et l’existence d’une saison sèche très marquée
durant 6 mois. C’est un facteur essentiel de disparition de la végétation herbacée
laissant un sol nu et sans protection en automne. Les pluies d’automne sont
généralement plus violentes : c’est à cette période que la plupart des transports se
réalisent (Morsli et al., 2004 ; Laouina, 1998). L’intensité maximum annuelle en 10
minutes, dans cette zone, peut atteindre 100 mm/heure (Mazour, 2004). Tinthoin
(1948), a aussi noté que ces Monts enregistrent le plus de pluies torrentielles de tout
l’Ouest algérien.
Le degré de sensibilité d’un milieu à l’érosion est fortement lié à la nature
lithologique et pédologique. La zone de Gaadi, est occupée essentiellement par des
marnes. Les Vertisols formés sur marne, à texture argileuse lourde (tab. 1), se
caractérisent par un comportement hydrodynamique très particulier : le gonflement
des argiles en saison humide et le retrait en saison sèche rend la zone plus
vulnérable et provoque une dynamique érosive très diversifiée. En période sèche, la
tranche superficielle du sol est soumise à l’évaporation. Se produit alors un retrait des
argiles qui se traduit verticalement par un tassement du sol et horizontalement par
l’ouverture de fissures de retrait. Lorsque des précipitations tombent sur les versants
dénudés et fissurés, le ravinement et les mouvements en masse s’accentuent par
écoulement hypodermique. En période humide le sol est peu perméable, les eaux
ruissellent et se concentrent rapidement dans les ravines et les cours d’eau : d’où des
crues brutales dans les torrents. La nature du terrain rend la zone très vulnérable au
ravinement. Les averses intenses peuvent provoquer des ravinements de 100 à 300
t/ha/an, ou pire des glissements de terrain de plusieurs milliers de m3 de boue et des
inondations brutales (Roose et al., 2000).

Tableau n° 1 : Caractéristiques des sols de la zone de Gaadi (Tafna).

Profil Granulométrie MO CaCo3 pH Infiltration


A(%) LG(%) LF(%) SG(%) SF(%) Texture (%) (%) (eau) (cm/h)
1 60 14 20 2 4 Argileuse 0.5 49 8.45 12
2 53 23 13 6 4 Argileuse 2 22 8.25 9
3 23 26 24 11 16 LAS 2 37 8.55 13
4 55 17 23 2 3 Argileuse 1 17 8.11 12.5
5 59 16 23 0.5 1.5 Argileuse 2 18 8.35 8.5
6 53 9 12 12 1.4 Argileuse 1 25 8.17 10

Le taux de couverture du sol est très faible (taux de couverture < 20%). A
l'exception des quelques îlots de reboisement et de plantations d'arbres fruitiers, la
plupart des sols sont généralement dépourvus de végétation. L’Homme et les
animaux jouent un rôle capital dans l’extension de la géodynamique actuelle (Sari,
1977).

La discontinuité ou l'absence de la couverture végétale, l'ampleur


morphodynamique due à la faible résistance des terrains et de leurs pentes et la
pression humaine (défrichement, surpâturage) limite l’infiltration des pluies et
accentue le ruissellement, ce qui occasionne souvent des écoulements importants
et rapides qui se déversent des versants accentuant ainsi, la dynamique érosive et
les risques d’inondation.

4. Caractéristiques du dispositif de lutte contre l’inondation de l’agglomération

Le dispositif technique mis en place (travaux destinés à mettre le village à


l’abri des inondations) intégrait plusieurs aménagements antiérosifs au niveau des
versants (photo 1). Le dispositif fut complété par un autre dispositif de dérivation des
eaux.
Photo n°1. Une portion de versant marneux dénudé et tassé par le surpâturage,
provoque l’inondation de l’agglomération par les torrents. Dispositifs de lutte anti-
inondation : correction torrentielle et canaux de dérivation.

La première solution était de briser la force du courant et de sédimenter les


apports solides par des ouvrages mécaniques au niveau des ravines qui drainent les
versants pentus et qui se déversent dans le village. C’est une correction qui
comprend une succession de seuils en gabions et/ou en pierres sèches. Ces
derniers présentent généralement un déversoir dans leur partie centrale et sont
implantés en escalier. Cette disposition permet théoriquement la dissipation de
l’énergie des écoulements et conduit progressivement à une modification de la pente
du talweg évoluant théoriquement à long terme vers la pente d’équilibre du torrent
caractérisé par la disparition de tout phénomène d’arrachement et de dépôt.

L’autre envisageait de détourner les eaux qui dévalent du versant vers des
exutoires naturels plus stables en dehors du village, en creusant des canaux
perpendiculaires à la pente, ressemblant à des banquettes de dérivation. Ces
canaux ont pour objet de collecter, en temps de crue, toutes les eaux qui descendent
vers le village et de les conduire vers des exutoires naturels situés hors du village.
En cas des grands orages, pour éviter que les eaux débordent des fossés, le
bourrelet aval du fossé est renforcé dans certains endroits par un mur en pierres. Ce
renforcement a permis d'accroître la capacité de stockage du système.

Ces deux dispositifs combinés devaient contribuer au ralentissement des


écoulements et permettre d’atteindre l’objectif global de réduction du risque
d’inondation.

5. Analyse de l’efficacité des aménagements

L’analyse des facteurs du milieu a bien montré la sensibilité de la zone aux


risques d’érosion et d’inondation. Cette situation nécessitait des interventions
urgentes. Les aménagements réalisés dans cette zone rentrent dans ce cadre.

Les dispositifs mis en place ont permis d’engager un vaste programme


d’aménagements (volume total des seuils > 2500 m3) sur différents sous bassins.
L’idée de ce dispositif est bonne mais beaucoup de lacunes ont réduit les objectifs
escomptés.

D’une part, certains ouvrages ne se prêtent pas beaucoup à ce type de milieu,


les terrains argileux, caractérisés par un comportement hydrodynamique particulier.
Les seuils en pierres sèches ne résistent pas beaucoup aux terrains instables
comme ceux des marnes. La même chose pour les canaux de dérivation et les murs
de soutènement des bourrelets qui peuvent induire les risques de mouvements de
terrain. En effet, sous l’effet de la sécheresse, le phénomène de retrait - gonflement
des argiles entraîne localement des mouvements de terrain et la rupture des canaux.

D’autre part, les travaux se limitaient en général à des aménagements


ponctuels aux alentours du village (dispersion des aménagements). La réalisation
des travaux de lutte contre l’inondation, suivait presque systématiquement les
grandes inondations. La totalité du bassin, surtout les versants amonts, n’ont pas été
concernés par l’aménagement. Les ruissellements sont peu retenus par les versants
en amont et les systèmes de gestion des terres pratiqués ont tendance à envoyer
rapidement les eaux vers l’aval en absorbant peu de lame d’eau. La dynamique
hydrique des sols argileux vertiques est très particulière, l’infiltration est très liée à
l’état hydrique et structural du sol (fig.1). Les ruissellements et les torrents viennent
principalement des terrains d’amont, très dénudés et tassés (piétinement des
animaux). Sur ce point, les aménagements n’étaient pas bien pensés. L’absence
d’intégration spatiale de la lutte antiérosive, dans le cadre d’une politique globale de
l’aménagement se solde souvent par des résultats médiocres (Taabni, 1998).
Figure n°1 : Pluie d’imbibition (Pi en mm) des sols argileux sur marne en fonction de
l’intensité des pluies (30, 50, 80mm/h), de l’état de surface ( sec, humide, très humide)
et de la pente (en %).

Sur le plan technique, certains ouvrages (seuils), installés le long des talwegs
pour diminuer la vitesse du ruissellement, ont cédé ou sont contournés, en libérant
beaucoup de sédiments qui sont retenus derrière les ouvrages, accentuant ainsi la
dynamique érosive et l’ensevelissement des canaux de dérivation. En plus, la
conception des ouvrages de correction torrentielle n’était pas très efficace : les seuils
n’étaient pas assez rapprochés (pente de compensation > 10%). Il aurait été plus
ingénieux de mettre en place une densité plus élevée de ce type d’ouvrage et les
résultats auraient été meilleurs.

Les seuils en gabion se sont avérés plus stables, que ceux en pierres sèches
qui présentent un mauvais comportement sur les terrains marneux et pentus, surtout
vis-à-vis de l’érosion ravinante régressive. Dans beaucoup de cas, les sous
dimensionnements ont provoqué la destruction des ouvrages. Les décisions trop
hâtives de construction qui ont souvent pris le pas sur les études de faisabilité sont à
l'origine des anomalies et des endommagements. Ne devrait-on pas s’orienter vers
un dimensionnement supérieur des ouvrages accompagné d’une série de travaux
d’aménagement des zones de l’amont ? Les seuils de correction torrentielle réalisés
ont une chance (plus de 95 %) de résister aux crues maximales de fréquence de 20
% (Zekri, 2003).

La présence de ces aménagements a réduit la vitesse des torrents mais n’a


pas modifié considérablement les proportions d'eau de ruissellement qui parviennent
en aval et qui provoquent l’inondation de l’agglomération.

La lutte contre l’inondation ne doit pas être réduite aux travaux techniques,
réalisation d’ouvrages mécaniques de défense, mais doit allier des aménagements
agricoles et biologiques dans les espaces agricoles d’amont. Un aménagement
efficace, réside dans l’équilibre à trouver entre la protection du village et la
préservation des espaces naturels et agricoles qui constituent la source des eaux de
ruissellement. Ce dernier provenant des versants peut dépasser les 30% et atteindre
même 80% durant les fortes averses sur des sols très dégradés et tassés (ROOSE
et al., 1993 ; MORSLI et al, 2004). Les modifications de l'occupation du sol par des
pratiques non adéquates (déboisement, suppression des haies, surpâturage,
pratiques agricoles non appropriées, imperméabilisation) empêchent l’infiltration de
l’eau dans le sol et favorise une augmentation du ruissellement, un écoulement plus
rapide et une concentration des eaux. Il s'agit de passer de la lutte contre les torrents
et les crues, solution insuffisante et incomplète, à la gestion du risque inondation,
principe plus réaliste et plus efficace.

La tendance actuelle à des inondations fréquentes pourrait entraîner d’autres


risques au niveau des zones inondables : problèmes d’instabilité du terrain qui sont
déjà observés au niveau des habitations. Les inondations accentuent le phénomène
de retrait - gonflement des argiles, rendant les habitations plus vulnérables,
provoquant ainsi des tassements différentiels et des fissurations des habitations.

Dans ce type de milieu, les effets du ruissellement et de l'érosion, lors des


orages intenses, sont encore plus catastrophiques lorsque l'homme s'installe sur des
zones instables et inondables. Du ravinement accéléré, des inondations et des
mouvements en masse peuvent se produire en mettant en péril les infrastructures et la
vie des hommes.

6. Conclusions
La dynamique érosive au niveau de la zone d’étude est très active et présente
des risques majeurs et les impacts se font sentir à plusieurs niveaux. Les processus
érosifs sont exacerbés par l’agressivité du climat, la régression du couvert végétal,
la faible résistance des terrains marneux et aux fortes pentes et surtout à la pression
humaine (surexploitation des milieux, défrichement abusif, surpaturage incontrôlé,
habitations anarchiques…). Cette situation limite l’infiltration des pluies et accentue le
ruissellement, ce qui occasionne souvent des écoulements importants et rapides qui
se déversent des versants, accentuant ainsi, la dynamique érosive et le phénomène
d’inondation.

Implantées dans des environnements fragiles, les aménagements de lutte


contre les inondations dans cette zone, apparaissent comme des aménagements
innovants. Ils sont susceptibles d’assurer la protection de l’agglomération. Mais leur
efficacité et leur durabilité demeurent, cependant, fonction de nombreuses
conditions.

Les résultats obtenus montrent que les aménagements ont bien fonctionné
dans l’étalement des pointes de crues et dans la rétention des sédiments, mais une
fois remplis, les eaux de ruissellement très chargées ont continué à menacer la
population. Les canaux d’aval se sont rapidement envasés en créant le débordement
des eaux qui a causé beaucoup de rupture. Ceci a amplifié le phénomène
d’inondation dans certains endroits. Même si l’idée est originale, les dispositions
prises ne semblent pas bien adaptées à ce type de milieu argileux très instable.

Dans ce type de milieu, il est recommandé de prendre des mesures


préventives par : une conception d’aménagement globale (formulation et mise en
place de vraies réponses bien structurées selon une démarche globale), un bon
choix des techniques adaptables (mécaniques mais surtout biologiques), un entretien
et un suivi continu des aménagements et le respect des instruments d’urbanisme.
Enfin, il faut interdire les constructions à l’aval des versants instables et en bordure
des oueds qui présentent de grands risques.

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COMPORTEMENT DE CERTAINES TECHNIQUES
TRADITIONNELLES SUITE AUX EVENEMENTS PLUVIOMETRIQUES
EXCEPTIONNELS DE 2008-2009 dans le NW de l’Algérie

Mohamed MAZOUR1, Malika BENMANSOUR 1, Mostafia BOUGHALEM1,


1
Université de Tlemcen, BP 119 Tlemcen Algérie, Tél: 213 43 21 36 80 ; mohamed_mazour@yahoo.fr

Résumé:
L’érosion hydrique est un vieux problème dans les montagnes
méditerranéennes où l’homme a développé depuis des siècles des techniques de
LAE capables d’en réduire les effets néfastes. L’année 2008 – 2009 a connu une
pluviosité exceptionnelle : 300% du module pluviométrique annuel à certains endroits
des monts de Béni Snous et les montagnes côtières de Honaine et Zouanif (plus de
1100 mm de pluie). Les intensités maximales des événements pluvieux ont été aussi
très élevées (80 mm/heure durant 30 minutes à Béni Snous).
Cette étude a pour objectif de tester la stabilité, la fiabilité et l’efficacité
antiérosive de quelques aménagements antiérosifs dans les sites de Béni Snous,
Honaine et Zouanif à la suite des pluies exceptionnelles de cette année. La méthode
repose essentiellement sur l’évaluation des pluies (hauteurs, intensité, fréquence) et
l’analyse du comportement des aménagements traditionnels utilisés. Les terrasses
qui sont largement utilisées dans la région et qui ont montré en temps ordinaires une
bonne efficacité contre le ruissellement et l’érosion (Mazour, 2006) ont été fortement
endommagées cette année. Il en est de même pour la plupart des autres techniques
traditionnelles comme les structures en pierres agencées, les seuils en terres
compactées, les divers cordons et les ouvrages hydrauliques (Jboub, Madjène,
Séguia, Sed, etc.).
Il apparaît clairement que les aménagements traditionnels de conservation
de l’eau et du sol ont leur limite mais ceci semble être bien connu des populations
rurales qui prévoient de grands travaux de réfection des ouvrages et aménagements
antiérosifs après chaque évènement exceptionnel.
Mots clés : Algérie, Techniques antiérosives traditionnelles, Montagne, Pluies
exceptionnelles.

Abstract
Hydric erosion is an old problem in the Mediterranean mountains but peoples
developed many SWC traditional systems since centuries. The 2008-09 year, the
rains were exceptionally important (1100mm in some seaside mountains, about 3
times the normal annual amount) and the rainfall intensity as well (80 mm/h during 30
min). This study is concerned by the resistance of traditional SWC managements
observed in the mountains of Beni Snous, Honaine and Zouanif. The amount,
intensity & frequency of rains were analysed in relation to the behaviour of the
traditional SWC managements. Mediterranean terraces which resist well during the
normal rains were seriously damaged during the exceptional rainstorms of this year.
It was the same for others equipments like stone or compacted earth microdams,
stone bunds and various hydrolic managements like jboub, Madjene= mares, séguia,
canaux d’irrigation, sed, etc…We must conclude that the traditional managements
have some limits of resistance but rural populations are organised to restore these
managements after each exceptional rainstorm.
Keywords : NW.Algeria, traditional SWC systems ; exceptional rainstorms, SWC systems
restoration
1. Problématique

Certaines communautés rurales en zones montagneuses du nord ouest algérien


ont contribué d’une manière fort intéressante au développement et au
perfectionnement de certaines techniques traditionnelles de gestion de l’eau et des
terres qui ont servi de support à leur survie. Les ressources naturelles disponibles
sont souvent insuffisantes par rapport à une population trop nombreuse et toute
l’ingéniosité de ces populations a été mise à l’épreuve pour garantir une
autosuffisance alimentaire. Dans cette démarche, les aménagements traditionnels de
conservation de l’eau et de la fertilité du sol ont toujours joué un rôle essentiel
(Mazour et al, 2006). Mais ces aménagements ont aussi connu de temps en temps
des dégradations importantes et même des destructions à la suite d’évènements
pluviométriques extrêmes. Cependant, les populations rurales ont toujours su
réparer, reconstruire ou reproduire ces aménagements grâce à un savoir faire acquis
depuis des siècles et dans le cadre d’une organisation sociale performante.

La pluviosité de l’année 2008 – 2009 a été exceptionnelle : le cumul des pluies


oscille entre 200 et 300% du module pluviométrique annuel à certains endroits
notamment les monts de Béni Snous et les montagnes côtières de Honaine et
Zouanif où ont été enregistrés parfois plus de 1100 mm avec des intensités
maximales très élevées qui ont atteint à Béni Snous 75 mm/heure durant 30 minutes.

Les aménagements traditionnels de conservation de l’eau et du sol ont-ils pu


résister à ces évènements pluviométriques rares ? Comment ? Quels sont les
préjudices matériels et financiers ?

Les paysages ruraux que nous observons aujourd’hui sont justement le fruit
d’aménagements divers lentement élaborés par les agriculteurs et leur
comportement vis-à-vis des évènements pluviométriques surtout ceux intenses et de
fréquence assez rares qui marquent durablement le milieu naturel. Dans un milieu
semi-aride où la maîtrise des eaux est essentielle à la production agricole, où le sol
est fragile et constamment soumis à l’érosion, les aménagements traditionnels
pourraient répondre à un double objectif : la conservation de l’eau et l’augmentation
de la productivité des terres. Il est cependant nécessaire d’évaluer et de prendre en
considération les effets destructeurs, les dégâts et les surcoûts engendrés par les
pluies exceptionnelles. Ceci est déterminant quant il s’agit de choisir le type
d’aménagement le plus efficace, le plus reproductible avec un rapport coût/efficacité
des plus intéressant. Mais il est assez rare de rencontrer un même type
d’aménagement : il est souvent associé à d’autres techniques complémentaires dans
une répartition spatiale qui est loin d’être uniforme. Un des aspects intéressants des
techniques traditionnelles est justement leur diversité et la complexité dans leur
fonctionnement combiné.

2. Matériel et méthodes

Ce travail a pour objectif de tester le comportement du point de vue stabilité,


fiabilité et efficacité antiérosive de quelques techniques et aménagements antiérosifs
dans les sites de Béni Snous, Honaine et Zouanif à la suite des pluies
exceptionnelles de l’année 2008-9. Un premier travail (Mazour et al, 2006) a été
réalisé en 2004 dans la même zone et dans des conditions pluviométriques normales
et pour les mêmes objectifs à savoir l’évaluation de l’efficacité des aménagements
traditionnels, leur comportement, leur stabilité et le rapport coût/efficacité (Figure 1).

L’approche méthodologique demeure simple et repose sur l’évaluation et la


caractérisation des pluies (hauteurs, intensité, fréquence), les observations directes
sur les sites avec des repérages et un suivi rigoureux des paramètres à analyser.
Ensuite vient l’analyse du comportement des aménagements traditionnels utilisés
face aux évènements pluviométriques extrêmes enregistrés l’année 2008-2009.
Nous avons ensuite évalué l’intérêt de l’amélioration de certaines techniques
par des technologies modernes et des matériaux nouveaux pour les rendre plus
attractives économiquement (choix des cultures, fertilisation raisonnée, système
d’irrigation performant et adapté, gabion, béton, etc.).

Un certain nombre de facteurs sont appréciés directement et analysés à la


lumière de plus de 15 années d’observations, de mesures, d’expérimentation et
d’évaluation afin de comprendre les raisons de la pérennité et de la reproductibilité
de certaines techniques qui ont exigé des efforts considérables d’adaptation au cours
des siècles (tableau 1, 2, 3).
Il y a lieu donc de présenter les techniques traditionnelles les plus intéressantes
de la région montagneuse du nord ouest algérien, de mesurer leur efficacité et de
préciser leurs liens avec les conditions climatiques et agro-écologiques de la zone).
Nous avons choisi un échantillon d’une vingtaine d’aménagements
représentatifs des montagnes telliennes de la région de Tlemcen précisément aux
environs des localités de Béni Snous, Zouanif et Honaine , là où a été effectuée dans
une première étude, l’analyse du comportement et de l’efficacité de quelques
aménagements traditionnels dans des conditions pluviométriques normales ou
déficitaires.
Quelques aspects socio-économiques particuliers de ces zones ont été pris en
considération notamment l’organisation du travail collectif et l’implication de la femme
rurale dans l’entretien et la gestion des différents aménagements ruraux.

3. Le milieu naturel

Les conditions naturelles de l’Algérie (climat, relief, sol et couverture végétale)


associées à une société rurale bien particulière qui a toujours su mettre en œuvre
des formes de gestion communautaires ont contribué au développement et au
perfectionnement de techniques de gestion et de conservation de l’eau et des terres
qui ont servi de support à la survie d’une population souvent trop nombreuse par
rapport aux ressources disponibles.

Les trois sites expérimentaux sont situés dans le nord ouest algérien dans la
wilaya de Tlemcen. Les Béni Snous se trouvent à quelques 30 km au sud ouest de la
ville de Tlemcen, dans une zone enclavée et où les conditions de vie sont dures :
c’est en quelque sorte une oasis où les ressources naturelles sont gérées d’une
manière rigoureuse. Le relief très escarpé est fortement disséqué avec de fortes
pentes et un réseau de drainage assez dense ; le cours d’eau principal porte le
même nom que la localité. Béni Snous coule dans des gorges profondes et contribue
d’une manière importante à l’alimentation du barrage de Béni Bahdel situé à 8 km en
aval.
Le climat est de type continental semi-aride avec de fortes amplitudes
thermiques ; les pluies moyennes annuelles varient de 300 mm à 550 mm. Ces
pluies sont caractérisées par une irrégularité spatio-temporelle et par un régime de
courte durée et à forte intensité (l’intensité maximale peut atteindre 80 mm/heure
durant 30 minutes). La lithologie est constituée de roches calcaires et dolomitiques
assez altérées ce qui confère à ces zones une bonne résistance aux différents
processus d’érosion.
Les formations végétales naturelles sont pauvres et très dégradées
caractérisées par de faibles densités de recouvrement et de mauvaises conditions de
régénération. L’agriculture est constituée essentiellement d’arboriculture fruitière
rustique constituée principalement d’oliviers (qui ont fait la réputation de la région),
de cultures maraichères sur terrasses traditionnelles bien connues et d’élevage de
caprins et d’ovins.
A quelques 80 km plus au nord, se trouvent les deux autres sites de Zouanif et
Honaine sur des versants côtiers montagneux avec une autre physionomie du
paysage qui parait moins escarpé mais aussi moins travaillé.
Pour les deux sites le climat est de type méditerranéen semi aride où les pluies
moyennes annuelles oscillent entre 300 et 450 mm et sont irrégulièrement réparties
durant l’année : l’amplitude thermique est moins accentuée. L’influence maritime
adoucit et humidifie l’atmosphère et permet beaucoup de cultures sans irrigation.
Les sols à Zouanif sont assez riches et évoluent sur des faciès volcaniques. A
Honaine, les sols ont une texture complexe et ont parfois des influences volcaniques.
Ils ont souvent un bon potentiel de production.
Les techniques traditionnelles de conservation de l’eau et du sol ont toujours
accompagné toutes les activités agricoles dans la région. Bon nombre de ces
techniques furent cependant abandonnées avec le temps, suite à des évènements
historiques (invasions, colonisation, décolonisation, exodes,…) et des phénomènes
de changement d’usage des terres qui sévirent dans les zones montagneuses du
Nord de l’Algérie.

Figure 1. Carte de situation des monts du Tell occidental de l’Algérie


4. Résultats
Tableau 1. Comportement de quelques aménagements de conservation de l’eau et du sol en
fonction de certains facteurs dans le nord ouest algérien en conditions pluviométriques
normales 1991-2005 (Mazour, 2006)

Facteurs
analysés Nombre Efficacité pour Productivité Rapport
la Durabilité Reproduc- des terres Coût Coût /
Aménage- conservation tibilité aménagées efficacité
ments antiéro- bs z h * de l’eau du sol
sifs traditionnels**
Ouvrages et structures

Murets avec terrassettes 222 ++ ++ ++ +++ +++ + ++


Cordons :
en pierres 012 + + + ++ + +++ ++
végétal 121 + ++ ++ +++ ++ +++ ++
mixte 011 + ++ ++ ++ ++ +++ ++
Dérivation des eaux :
Séguia 220 +++ ++ ++ + +++ + ++
Sed 102 +++ ++ + + +++ + ++
Stockage des eaux :
Madjen 101 +++ + + ++ + ++ +
Jboub 000 +++ + + + + ++ +
Dayat 100 +++ ++ ++ + ++ +++ ++

Techniques culturales

Cultures en billons 121 ++ ++ + +++ +++ +++ +++


Travail à l’araire 01 1 ++ ++ + ++ ++ ++ ++
Mulching :
en pierres 0 11 ++ ++ +++ ++ ++ ++ ++
en paille 0 11 ++ ++ + +++ ++ ++ ++
Utilisation du fumier 1 11 ++ ++ ++ +++ +++ ++ ++
Cuvettes d’infiltration
et de ruissellement :
circulaire 2 00 ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
en demi-lune 3 11 ++ ++ ++ ++ ++ ++ ++
Tableau 2. Comportement de quelques aménagements de conservation de l’eau et du sol en
fonction de certains facteurs dans le nord ouest algérien sous pluies extrêmes 2008-2009

Facteurs
analysés Nombre Efficacité pour Dégâts Dégâts Destruction Coût des
la conservation partiels importants totale dommages
Aménage- X1000 DA
ments antiéro- bs z h * de l’eau du sol
sifs traditionnels**
Ouvrages et structures
2
Murets avec terrassettes 222 ++ ++ X 5/m
Cordons :
en pierres 012 + + X 1/ml
végétal 121 + ++ X 1/ml
mixte 011 + ++ X 1/ml
Dérivation des eaux :
Séguia 220 +++ ++ X 3/ml
3
Sed 102 +++ ++ X 20/m
Stockage des eaux :
3
Madjen 101 +++ + X 10/m
3
Jboub 110 +++ + X 10/m
Techniques culturales

Cultures en billons 122 ++ ++ X 1/ml


Mulching :
2
en pierres 0 11 ++ ++ X 1/m
2
en paille 0 11 ++ ++ X 1/m
Cuvettes d’infiltration
et de ruissellement :
3
circulaire 3 11 ++ ++ X 5/m
3
en demi-lune 3 11 ++ ++ X 5/m
* bs = Beni Snous : 15 aménagements ; z = Zoualef : 15 ; h = Honaine : 15
**Sed : ouvrage de stockage d’eau à l’amont d’une diguette réalisée généralement
en terre transversalement à un cours d’eau temporaire avec un déversoir latéral.
D’une capacité de quelques milliers de m3, il est généralement réparé ou
entièrement refait après chaque crue importante par la Touiza (chantier de
volontaires).
Séguia : canal de dérivation et de collecte des eaux réalisé en terre ou en pierres
agencées
Madjen : ouvrages de stockage d’eau utilisant des dépressions naturelles ou
creusées. L’eau sert à certaines activités domestiques telles que le lavage, l’arrosage
des jardins et potagers et l’abreuvage des animaux d’élevage.
Jboub : ouvrages de stockage d’eau de petite capacité réalisés au niveau de
certaines ravines. Ils servent surtout à l’abreuvage du cheptel.
Daya : dépression naturelle assez importante où s’accumulent les eaux de
ruissellement couvrant parfois de vastes étendues de plusieurs hectares.

Tableau 3. Ruissellement (Kram & Krmax %) et érosion (t/ha/an) sur parcelles


expérimentales à Tlemcen (1991-2005).
Parcelle nue Standard Système traditionnel Système amélioré
Pluies Kram Krmax Erosion Kram Krmax Erosion Kram Krmax Erosion
-1 -1 -1 -1 -1 -1
(mm) (%) (%) (t ha an ) (%) (%) (t ha an ) (%) (%) (t ha an )
Hériz
Système agropastoral (blé- jachère pâturée); sol vertique gris sur marnes.

Moyenne 330 6,2 20,3 2,0 5,6 16,7 1,36 4,7 14,6 0,95

Ecart type 97 2,23 10,8 1,8 1,8 7,30 1,2 2,3 5,9 0,88

Madjoudj.
Système sylvopastoral (matorral dégradé pâturé ou en défens); sol brun calcaire érodé.

Moyenne 387 3,9 22,4 3,55 2,4 10,9 0,52 2,2 11,2 0,4
Ecart type 77 1,3 11,7 1,42 1,6 4,6 0,26 1,4 4,6 0,27
Gourari.
Système pastoral (matorral très dégradé à Diss et Chamaerops humilis); sol rouge fersiallitique.

Moyenne 411 12,7 27,5 3,4 11,0 20,9 1,9 11,2 18,8 1,4
Ecart type
76 2,13 5,32 1,37 3,21 7,45 0,55 3,36 6,89 0,53
Kram : coefficient de ruissellement annuel moyen
Krmax : coefficient de ruissellement maximum

Nous présentons ci-dessus les tableaux de résultats des comportements des


différents aménagements traditionnels pour la période 1991-2005, périodes
caractérisée globalement par un déficit hydrique récurent comme le montre d’ailleurs
le tableau 4 ainsi que comportement de ces aménagements durant l’année
pluviométrique en cours 2008-2009 qui a été largement excédentaire et où la pluie
enregistrée a dépassé trois fois la moyenne annuelle (tableau 4). Il y a aussi le
tableau 3 qui comporte les valeurs des ruissellements et d’érosion mesurés dans la
région, où les conditions climatiques et agro écologiques sont proches, et ce en
fonction des systèmes d’utilisation des terres pratiqués par les populations rurales.
Tableau 4. Ecart des pluies annuelles par rapport aux moyennes annuelles
déterminées sur trois périodes de mesures et les pluies maximales journalières.

Année 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2009

Pluie max. Jour 31 45 26 35 42 34 25 36 20 27 28 31 34 118


mm/24h

Pluie moyenne
annuelle (mm) 371 243 268 256 541 260 349 260 253 413 422 326 289 1118

Ecart/moyenne
(%)
1913-1971 -25 -51 -46 -48 +9 -48 -30 -48 -49 -18 -16 -25 -38 +120
Moy=496 mm

Ecart/moyenne
(%)
1971-2005 +7 -30 -46 -23 -26 -48 +56 -25 -27 +11 +14 -8 -21 +205
Moy=347 mm

Ecart/moyenne
(%)
1990-2005 +12 -27 -19 -23 +63 -21 -5 -21 -24 +22 + 25 -4 -16 +230
Moy=331 mm

5. Discussion

5.1. Caractérisation des pluies exceptionnelles de l’année 2008-2009


Le climat de la région de Tlemcen est du type méditerranéen semi aride où le
régime pluviométrique est caractérisé par des pluies le plus souvent sous forme
d’averses de courte durée et d’intensité relativement élevée. Ces pluies sont très
inégalement réparties dans le temps et l’espace et leur impact sur les bassins
versants dépend de plusieurs facteurs, d’une part de l’état d’humidité des sols, la
nature du terrain, le relief, la végétation et des usages des terres et d’autre part des
caractéristiques intrinsèques de la pluie comme la hauteur et l’intensité de celle-ci.
Une pluie peut être caractérisée par plusieurs paramètres qui peuvent avoir,
au sein de la même pluie, des temps de retour très différents. Citons notamment :
• la hauteur totale de pluie,
• la durée,
• l'intensité moyenne,
• les intensités maximales sur des intervalles de temps quelconques,
• la distribution d'intensité instantanée i(t).

L'analyse des pluies a permis de définir deux lois générales de pluviosité qui peuvent
s'exprimer de la manière suivante :

• Pour une même fréquence d'apparition - donc un même temps de retour -


l'intensité d'une pluie est d'autant plus forte que sa durée est courte.
• Ou encore, en corollaire, à durée de pluie égale, une précipitation sera
d'autant plus intense que sa fréquence d'apparition sera petite (donc que son
temps de retour sera grand).
Ces lois permettant d'établir les relations entre les intensités, la durée et la
fréquence d'apparition des pluies peuvent être représentées selon des courbes
caractéristiques : on parle généralement de courbes Intensité-Durée-Fréquence
(IDF) (Figure 2.). La notion de fréquence est en faite exprimée par la notion de temps
de retour.

Figure 2. - Représentation schématique des courbes IDF

Les pluies enregistrées à la station de Tlemcen depuis plus de 20 ans oscillent


entre 240 et 540 mm, très inégalement réparties durant l’année, de courte durée et
avec des intensités élevées. Souvent ces pluies sont à l’origine de ruissellements
assez importants mais de faible érosion. Ce sont les averses intenses du début
d’automne qui génèrent le plus de ruissellement, les sols étant déstructurés en
surface, battant et compact quasiment imperméable. Ces évènements sont assez
bien régularisés et absorbés par les aménagement de conservation de l’eau et du sol
traditionnellement réalisés en montagne dans le nord ouest de l’Algérie.
Tous les 15 à 20 ans (fréquence de 0,07 à 0,05) en général, des pluies
exceptionnelles ont lieu à l’instar de celles qu’on a connu cette année et qui totalisent
prés de 1118 mm, soit plus de trois fois la pluie annuelle moyenne avec une intensité
maximale de presque 80 mm/h. Les pluies journalières maximales ont atteint prés de
120 mm en 24heures.
Les pluies sont tombées pratiquement sans discontinuité depuis octobre 2008
jusqu’à avril 2009 et l’impact sur les ruissellements et les risques de crue a été
important. Les sols étant gorgés d’eau n’infiltrent que très peu d’eau, les
ruissellements augmentent considérablement les crues qui dévalent des pentes et
emportent et endommagent tous les aménagements antiérosifs et de protection
contre les crues.
5.2. Comportement des ouvrages et structures traditionnels de
conservation de l’eau et du sol
Le village de Béni Snous dans les monts de Tlemcen, accroché à plus de 1000
mètres d’altitude, aux flancs de montagne est caractérisé par une sociologie
particulière étant donné son enclavement depuis des siècles et des conditions du
milieu naturel très difficiles. Ses populations sont passés maitres en aménagements
et techniques de conservation de l’eau et sol comme les fameuses terrasses
omniprésentes, les cuvettes aux pieds des oliviers en pierres soigneusement
agencées. Béni Snous est surtout connu pour ses olivettes, ses vergers célèbres et
ses terrasses cultivées. Ces terrasses verdoyantes atténuent les fortes pentes qui
dépassent les 60%. Les sols sont peu profonds sur un substrat calcaire et
entretiennent une végétation naturelle assez dense sous forme de maquis de chêne
et de résineux. Les pluies sont relativement abondantes et agressives en hiver et au
printemps de sorte que les risques d’érosion et de ravinement sont très élevés dans
cette région. Les agriculteurs ont su développer depuis longtemps des méthodes et
des techniques parfois simples mais efficaces leur permettant de contrôler les eaux
de ruissellement, les stocker et les utiliser pour l’irrigation des terrasses aménagées,
des oliviers et autres arbres fruitiers (grenadier, pommier, pêcher, prunier, poirier,
etc.). Au pied des arbres sont souvent confectionnées des cuvettes d’infiltration
circulaires ou en demi lune avec l’utilisation du "mulching" en paille mais parfois
aussi en pierres. Nous avons analysé 15 aménagements dans cette zone par rapport
à six facteurs (Tableau 1.) : 2 terrassettes, 1 cordons en arbustes et fourragers 2
séguia, 1 sed, 1 Madjen, 1 daya, 1 cultures en billon, 1 utilisation de fumier, 2
cuvettes d’infiltration circulaires et 3 en demi lune. Il en ressort tout d’abord le bon
rapport coût/efficacité pour toutes structures sauf les ouvrages de stockages d’eau
Madjen et Jboub. Mais ce sont les terrasses et terrassettes qui caractérisent la
région de Béni Snous depuis très longtemps comme en témoignent l’indice de
reproductibilité et aussi l’indice de productivité des terres aménagées. Ces structures
à l’amont des murets ou talus sculptent admirablement ce paysage montagnard. Du
fait de leur densité élevée et leur bonne répartition spatiale, ils permettent une
excellente conservation des eaux.

Fonctionnant en association avec les séguia, seds, madjen, jboub et cordons


en végétaux, leur efficacité est multipliée : les écoulements superficiels collectés, les
ruissellements atténués par les cordons et le travail du sol et canalisés par les
séguia, l’infiltration améliorée au niveau des terrasses. Les pertes de terre sont
diminuées en conséquence (Tableau 3) sur tous les versants aménagés. Les
techniques traditionnelles ont non seulement des liens étroits avec les conditions
agro écologiques de la zone mais aussi avec ses caractéristiques socio-
économiques ; c’est ainsi que plus au nord, sur les versants côtiers de la région, à
Zouanif à l’est et à Honaine à l’ouest, les terrasses, mêmes si elles sont toujours
présentes, leurs densités sont plus faibles et leurs répartitions assez irrégulières.
Ceci donne non seulement une autre physionomie au paysage qui parait moins
travaillé mais aussi une plus faible complémentarité avec les autres techniques de
conservation de l’eau et du sol. Les cordons en pierres en végétaux et mixtes sont
assez nombreux et semblent jouer leur rôle d’une manière assez isolée. Il y a peu
d’ouvrages de contrôle des écoulements superficiels et du ruissellement, ceci peut
s’expliquer en partie par le régime pluviométrique caractérisé par des averses peu
agressives, une influence marine qui atténue le déficit hydrique, des ressources
générées par la pêche qui font que la pression sur les terres agricoles n’est pas
importante et le système agricole moins contraignant.

5.3. Comportement des ouvrages et structures traditionnels de


conservation de l’eau et du sol suite aux pluies exceptionnelles de 2008-2009

Ces aménagements traditionnels bien efficaces en année normale, sont


toutefois très vulnérables aux évènements pluviométriques exceptionnels. Les
analyses de 45 aménagements au niveau des trois bassins expérimentaux de Béni
Snous, de Zouanif et Honaine ont montré récemment suite aux pluies importantes
(1118 mm) de l’année 2008-2009 que tous les aménagements ont été gravement
endommagés si ce n’est totalement détruits (tableau 2). Les ouvrages de contrôle
des eaux ont été complètement détruits, même les terrasses ont subi des dégâts très
importants. Seuls les aménagements des cuvettes aux pieds des oliviers ont plus ou
moins bien résisté.
Les populations rurales au niveau de ces différents sites connaissent bien la
situation et attendent en quelques sorte ces évènements catastrophiques de pieds
fermes ; ils ont développé des actions d’entre aides pour réparer ou reconstruire ce
qui a été détruit. Ces actions sont collectives appelées localement « touiza » et
permettent à tour de rôle d’effectuer les travaux nécessaires. Des quêtes sont
organisées si nécessaire pour aider au financement des différentes actions.
D’expérience, les paysans connaissent les périodes de retour de ces
évènements extrêmes, donc une certaine appréciation des fréquences d’apparition
de pluies dévastatrices. Ce sont des éléments bien compris qui ont permis à ces
populations de sélectionner les aménagements les plus utiles et en même temps les
plus efficaces et les plus durables. Ces évènements sont parfois exploités pour
mieux choisir les lieux d’implantation des ouvrages et les techniques les mieux
adaptées.
Certains aménagements sont très localisés, d’autres très éparpillés dans
l’espace (terrasse, terrassettes, murette, talus, cordons pierreux, haies vives,
cuvettes, madjens…). Ces aménagements sont réalisés souvent sur les bas de
versants et proches des lits des oueds. L’évaluation de l’état de ces aménagements
(tableau 2) suite aux évènements extrêmes montre que certains sont en voie de
disparition et d’autres en extension et ceci n’est pas dû à leur faible efficacité mais
plutôt aux changements dans certains rapports socio-économiques. L’efficacité des
techniques culturales est strictement liée aux conditions économiques des sociétés
(Roose, 2004).
Il semble par ailleurs que certains exploitants s’intéressent à certains
aménagements plus en tant que pratique d’amélioration de production, de protection
contre les animaux sauvages et de diminution des travaux pénibles qu’en tant que
pratique de conservation du sol. Certaines techniques bien qu’elles soient destinées
à l’origine à délimiter où à protéger les parcelles (talus, clôtures en haies vives ou en
pierres suivant les courbes de niveau), elles ont aussi un rôle très positif dans la
conservation de l’eau et du sol et la lutte contre les crues et les inondations issues de
pluies très intenses. Ces structures permettent de piéger des quantités importantes
d’eau et de sédiments.
Les dayas qui sont des dépressions importantes peuvent non seulement jouer
un rôle d’atténuation des crues mais aussi constituer des réserves d’eau non
négligeables qu’il faudra intégrer dans les systèmes de gestion des eaux en milieu
rural de même qu’elle permet de pratiquer une agriculture pluviale (céréaliculture et
arboriculture) et durable dans un écosystème très sensible.

5.4. Techniques culturales de CES et pluies intenses 2008-2009


Le système de culture peut être défini comme un ensemble constitué par la
succession des cultures sur une parcelle et les techniques culturales qui leur sont
appliquées. C’est un facteur important où l’homme peut intervenir pour protéger et
améliorer la productivité des ressources et en même temps lutter contre les facteurs
de dégradation de l’eau et du sol..
La répartition spatiale et temporelle des terres cultivées en zone montagneuse,
nous permet souvent d’observer des systèmes de gestion traditionnels caractérisés
par :
- une diversification de cultures : céréaliculture, arboriculture fruitière, culture
fourragère, et culture maraîchère ;
- un travail du sol traditionnel (araire, manuel) ;
- une utilisation de fumier et une matérialisation biologique des exploitations
(haies vives) ;
D’autre part, ce milieu montagnard aux fortes pentes reste très vulnérable aux
ruissellements dévastateurs issus de pluies diluviennes qui malheureusement restent
une caractéristique constante du climat méditerranéen. La fréquence de ces
évènements est variable est peut être parfois assez rare comme c’est le cas dans les
montagnes du nord ouest algérien.
Ce sont ces évènements qui façonnent le paysage qu’on connait aujourd’hui
Roose, 1994). Heureusement les hommes de ces régions, étant obligés pour
survivre, ont appris à lutter contre ces catastrophes et ont développé des techniques
ingénieuses et parfaitement reproductibles leur permettant de faire face à ces
évènements cycliques.
L’analyse des pratiques culturales dans les différentes zones étudiées a montré
que face aux pluies diluviennes, les dégâts sont toujours très importants et il
faut s’organiser pour effacer les impacts sur l’ensemble des terres aménagées
(tableaux 1,2,3).
Ce sont les techniques simples, peu coûteuses à la portée des exploitants
agricoles qui semblent convenir le mieux à ces situations. Ceci est confirmé par les
résultats d’analyse (rapport coût/efficacité et indice de productivité agricole
intéressant et bonne reproductibilité). Certaines pratiques culturales largement
répandues en Afrique du Nord sont de nature à minimiser les ruissellements
importants et favoriser l’infiltration.
Le travail du sol à l’araire sur les terres en pente présente moins de risque que le
travail mécanisé et même que celui des sols laissés en jachère pâturée. La jachère,
technique traditionnelle, si elle est bien gérée à une influence très marquée sur la
production et la réduction de l’érosion (Roose et al, 1996).
La pratique des cultures en billons, très répandue dans la zone, permet une
bonne gestion des eaux de ruissellement et une réduction de l’érosion. Par exemple
dans les monts des Béni Snous, sur un système traditionnel de culture en billons,
l’érosion et le ruissellement ont été réduits respectivement de 10 et 5 fois par rapport
au sol non billonné, mais devant les pluies extrêmes (intensité > 80 mm/hr),
toutes les techniques traditionnelles ne tiennent plus (tableau 2)
L’utilisation du fumier, même si le coût est relativement élevé, améliore
significativement la CES, la productivité et relativement la résistance aux crues
importantes.
Enfin, il y a lieu de noter que l’utilisation des techniques citées ci-dessus n’ont
d’impact positif que si elles fonctionnent ensemble et d’une manière combinée.

6. Conclusion
La région du nord ouest algérien et particulièrement les zones montagneuses
sont parsemées d’une multitude d’aménagements traditionnels de CES. Ils n’ont
commencé à être étudiés, inventoriés et évalués que depuis 2006 (Mazour, 2006).
En année normale ou déficitaire, leur impact est généralement positif sur la CES
et sur l’amélioration de la productivité des terres aménagées. Ce sont les techniques
simples, peu coûteuses et à la portée de l’exploitant agricole qui ont montré le plus
d’efficacité. Néanmoins ces aménagements restent très éparpillés et quelquefois
localisés. Certains sont abandonnés, d’autres au contraire sont largement utilisés,
vu le profit qu’ils procurent,. Il s’est avéré que l’association des techniques de CES
traditionnelles (mécanique, biologique, techniques culturales) combinée avec des
compléments de fertilisation a un impact très positif sur la production et la réduction
du risque de dégradation.
Dans un deuxième temps, nous avons analysé le comportement de ces
aménagements face aux pluies intenses de 2008-2009 où la hauteur cumulée des
pluies atteint 1118 mm et l’intensité avoisine les 80 mm/h.
Il apparaît clairement que l’ensemble des aménagements sont endommagés et
les ouvrages de contrôle des eaux sont complètement détruits. Il s’avère clairement
que les aménagements traditionnels sont très vulnérables aux pluies rares avec une
période de retour supérieure à 20 ans.
Mais ce sont des aménagements facilement reproductibles dans le cadre d’une
organisation sociale du travail collectif (touiza) qui garantit la pérennité de ces
aménagements en milieu rural étudié.
Il apparait donc intéressant aujourd’hui de privilégier, dans le cadre des nouvelles
stratégies de conservation de l’eau et du sol, toutes ces techniques ancestrales qui
ont prouvé leur efficacité à travers le temps, mais surtout celles que les agriculteurs
en montagne comme sur les collines ont adoptées, adaptées et maîtrisées.
Il y a lieu enfin, de signaler ici le rôle important de la femme rurale au niveau de
ces montagnes à qui reviennent le plus souvent l’entretien et la pérennisation de la
plupart des aménagements traditionnels.

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INFLUENCE DES ARBRES SUR LES EAUX SOUTERRAINES
(BURKINA FASO)
YAMEOGO Siaka
Courriel: yamzegre@yahoo.fr

Résumé
Les écosystèmes en Afrique de l’ouest et en particulier les pays au sud du sahara
demeurent fragiles et des indications objectives montrent que la dégradation de
l’environnement se poursuit à l’échelle régionale (CILSS, 2006). Dans cette situation
où se juxtaposent une crainte liée à un changement climatique global et une
tendance persistante au reboisement des terres agricoles marginales, la question du
rôle hydrologique des arbres revient de façon récurrente sur le devant de la scène
(Andréassian, 2002). Pour mieux comprendre la complexité de ce mécanisme des
eaux souterraines, notre objectif vise à quantifier les eaux de ruissellement et
d’infiltration sous des arbres munis de lysimètres dans un bassin versant au sud du
Burkina Faso dans une savane parc à karité. Des travaux antérieurs de certains
chercheurs tels que Roose (1967), Poulsen (1981),  Hugues et Philippe (1990),  ont
été d’un apport scientifique important dans la compréhension du sujet. Bien que le
niveau de compréhension scientifique des interactions entre les arbres et l’eau soit
sensiblement amélioré, le rôle des arbres dans la gestion durable des ressources en
eau reste variable en fonction du bilan hydrique régional. 

Mots clés : Burkina Faso, arbres, eaux souterraines, infiltration, environnement. 


 

Abstract

Ecosystems in West Africa, in particular to south Sahara countries remain unstable


and objectives instructions show that the damage of environment is going on regional
scale (CILSS, 2006). In this situation where a fear link to a climatic change and
persistent tendency to afforestation of marginal agricultural land, the question of
hydrological role of trees is becoming recurrent on the leading scene (Andreassian,
2002). To better understand the complexity of the underground water mechanism,
our objective aim at quantifying streaming of water and infiltration under trees provide
by to lysimeters in catchment basin in the south of Burkina Faso into savanna shea
tree park. The previous works of some searchers like Roose (1967), Poulsen (1981), 
Hugues & Philippe (1990) have been a scientific contribution in the understanding of
the subject. Despite the level of scientific understanding of the interactions between
trees and water has been sensitively improved, the role of trees in the lasting
management in water resources remains variable in relation to Regional
waterbalance.

Key words: Burkina Faso, trees, underground waters, infiltration, environment.

 
INTRODUCTION

Le Burkina Faso, à l’instar des pays de la boucle du Niger, est confronté à des
conditions climatiques austères (irrégularités des pluies, températures élevées, etc.).
Le pays vit des crises hydriques considérables au cours de certaines périodes de
l’année notamment en saison sèche (Loupe, 1980). Les ressources aquatiques se
limitent aux retenues d’eau de surface et souterraine. L’approvisionnement en eau
potable des populations est assuré, pour l’essentiel, à partir des eaux souterraines,
qui constituent les sources d’eau pérennes (Christian et Thierry, 2000). Toutefois,
alors que les conditions climatiques se sont dégradées avec une tendance à
l’aridification, l’augmentation sans cesse croissante de la demande s’est traduite par
une baisse continue du niveau des nappes d’eaux souterraines. La pression sur les
ressources naturelles et le besoin d’utilisation de celles-ci augmente d’année en
année. En effet, avec l’accroissement de la population, les ressources naturelles en
particulier l’eau est l’objet de multiples convoitises. Pour préserver cette ressource, il
s’avère nécessaire de comprendre son mécanisme d’accumulation afin d’être
capable d’établir son bilan hydrique. Qui dit bilan, dit comparaison entre les apports
(entrées) et les dépenses (sorties). Le devenir d’une pluie constitue une phase
transitoire entre les eaux de surface et les eaux souterraines. Pour une nappe d’eau
souterraine les entrées sont fournies par l’infiltration des eaux de pluie et de surface
tandis que les pertes correspondent d’une part aux pertes naturelles d’eau
(écoulement vers le réseau de surface, drainage par les aquifères sous-jacents et
évapotranspiration) et d’autres part aux débits soutirés par l’exploitation (Thirrot,
1979).
De nos jours, les ressources forestières et hydriques, de par leur multiple
fonctionnalité dans la vie quotidienne, sont sujettes aux pressions naturelles et
humaines. La relation entre le couvert végétal et l’eau souterraine est complexe. Le
couvert végétal a des fonctions de protection, de régulation et de production au
niveau de l’écosystème primaire. Ces fonctions peuvent revêtir une valeur utilitaire
pour l’homme et faire alors partie de l’écosystème culturel. Celles-ci se traduisent par
des influences au niveau de l’environnement, dont les plus importantes sont les
suivantes :
- la protection des sols par interception et réflexion des rayonnements, des
précipitations, et des vents, le maintien des concentrations de gaz carbonique et
d’humidité par suite de la réduction de la vitesse du vent;
- l’absorption et transformation de l’énergie lumineuse et chimique ; le
processus de régénération et d’autorégulation concernant la production du bois, de
l’écorce, des fruits et des feuilles et l’absorption, mise en réserve et émission d’eau
(ORSTOM-UNESCO, 1983).
Cette dernière fonction s’avère indispensable car les eaux souterraines accessibles à
faible profondeur, permettent de couvrir une grande partie des besoins en eau
potable, d’alimenter des industries et de contribuer à l’existence de milieux naturels
typiques. Les arbres de la forêt jouent alors un rôle essentiel dans les processus de
ruissellement, d'infiltration et d'évapotranspiration.
En conséquence, l’objectif général de notre travail de recherche vise à montrer
l'influence des arbres (en tant que couverture végétale) sur les eaux souterraines.
METHODOLOGIE
La recherche documentaire nous a amené un faire un constat selon lequel deux
grandes tendances se sont distinguées depuis le 19ème siècle sur la problématique
eau et forêt. Cette séparation en deux camps est un peu troublante mais elle a
l’avantage de clarifier le débat qui a eu lieu tout au long du 19ème siècle, et qui a
opposé les partisans d’une forêt qui régulerait les débits, augmenterait les pluies,
interdirait les crues et alimenterait les sources, à des ingénieurs qui ont pensé le
contraire (Andreassian, 2002). Ces deux tendances nous ont permis d’émettre les
hypothèses suivantes : les arbres contribuent à l’alimentation des eaux souterraines
ou à l’évapotranspiration réelle. Les hypothèses secondaires qui en découlent sont :
- la capacité d’infiltration est plus élevée sous les arbres;

- l’augmentation ou la diminution du niveau des eaux souterraines est liée à la


densité des arbres et à la profondeur de leur enracinement.
A travers ces hypothèses, nous voudrons mettre en relief l’objectif général de cette
étude qui s’articule autour du point suivant : la contribution des arbres dans la
recharge des eaux souterraines. Plus spécifiquement, il s’agira d’essayer de
répondre aux questions suivantes :
- quel est le devenir de l’eau de pluie dans un espace boisé?
- quel est l’impact de la densité des arbres sur le niveau des eaux souterraines ?
Afin de comprendre ce mécanisme hydrologique, les résultats suivants qui
sont l’œuvre de quelques chercheurs, élucident ces hypothèses.
RESULTATS ET DISCUSSION
Des travaux antérieurs de certains chercheurs ont été d’un apport scientifique
important dans la compréhension de notre sujet. Comme exemple, l’étude menée
par Roose (1981) a révélé qu’un sol à couvert forestier permet une infiltration quasi-
totale des pluies annuelles (2% seulement de ruissellement). A titre indicatif,
Hansson (2006) a montré la capacité d’infiltration de l’eau sous et entre les arbres
dans deux villages (Dossi et Bondokuy) à l’ouest du Burkina Faso à l’aide d’un
infiltromètre à membrane. Dans le village de Dossi, les mesures ont été faites avant
labour dans deux parcs agroforestiers à Vitellaria paradoxa et à Faidherbia albida.
Les résultats ont révélé que la capacité d’infiltration était plus élevée en dessous des
arbres (104 mm/h) qu’entre les arbres (69 mm/h) et encore plus élevée dans le parc
à Vitellaria paradoxa (117 mm/h) par rapport au parc de Faidherbia albida (58 mm/h).
Par contre, Selon Fournier et Sasson (1983), les taux d’interception de forêts
tropicales et subtropicales actuellement connus de par le monde sont également fort
variables : 3% au Nigeria, 5% au Costa Rica, 8% en Malaisie, 12% en Côte d’Ivoire
en forêt tropicale humide, 12 à 26% à Porto Rico, 18 à 20% au Zaïre en forêt claire,
31% à l’Ile Maurice, 35% en Ouganda, 38% en Inde en plantation de Shorea robusta
vieille de 37 ans. 
Sur de très petits bassins (1,5 à 2 ha) les chercheurs du Centre Forestier
Tropical (Bailly et al. 1974) ont observé à Madagascar que la forêt secondaire ne
laisse passer qu’un ruissellement de surface minime (3% de la pluviosité annuelle
sur 9 ans) considérablement plus faible que dans le cas des terrains défrichés
Dupriez et De Leenheer (1993) ont aussi comparé deux bassins versants, l’un nu et
l’autre arboré. Dans le premier cas, pour ces auteurs, lorsqu’il pleut, le ruissellement
est fort, l’érosion intense et l’infiltration faible. La nappe phréatique est alors mal
alimentée. Dans le deuxième bassin versant où le couvert végétal est présent, le
ruissellement est faible ou nul et l’infiltration forte. La nappe phréatique est
abondamment alimentée par l’eau d’infiltration. Schoch (1966) cité par Dupriez et De
Leenheer (1993), a utilisé l’évaporation pour montrer l’effet positif des arbres dans la
recharge des eaux souterraines. Ce chercheur a mis en exergue l’évaporation dans
deux grands champs arachidiers, l’un arboré et l’autre pas. Dans le champ
d’arachides sans arbres, l’évaporation annuelle mesurée est maximale et atteint
2230 mm. Par contre, dans le champ d’arachides arboré, les arbres protégeant les
réserves d’eau du champ, l’évaporation annuelle n’est plus que de 1820 mm, soit un
gain de 410 mm.

Le magazine ‘‘Métiers de l’eau du sahel’’(1986) aborde le problème sous un


autre angle. les arbres absorbent jusqu'à la moitié des précipitations annuelles au
sein même de la nappe, provoquant un appauvrissement hydrologique. Ces auteurs
affirment que les racines des arbres s’enfoncent beaucoup plus profondément dans
le sol que celles des herbes, et plongent tout droit dans la nappe phréatique. Ces
plantes pérennes puisent un peu d’eau durant la saison sèche, sans quoi leurs
bourgeons se dessèchent et elles ne peuvent pas reverdir lors de l’hivernage. Durant
cette période, l’alimentation en eau n’est possible qu’à partir des réserves d’eau de la
nappe souterraine qui doivent être accessibles aux racines dans ce qu’on appelle
frange capillaire

Il est évident que les zones forestières peuvent avoir une influence notable sur le
système hydrologique d’une région, et donc sur la production agricole. Ces barrières
d’arbres extraient l’humidité des nuages et du brouillard. Ce sont les arbres isolés ou
les bandes étroites d’arbres qui agissent le plus efficacement. Des travaux menés à
Hawaï ont permis de déterminer qu’un seul Araucaria heterophylla ajoutait 760 mm
de «précipitation horizontale» par an aux précipitations verticales normales de 2600
mm (www.fao.org). Cette humidité supplémentaire entre dans le système
hydrologique et accroît le niveau des eaux souterraines et le débit en surface. En
raison de leur hauteur et de leur grande surface d’échange, les arbres sont
beaucoup plus efficaces dans cette fonction de piégeage de l’eau que les autres
types de végétation. Il est donc vital pour la sauvegarde des régimes hydrologiques
locaux de maintenir la forêt dans ces zones. Réciproquement, là où des brouillards
ou des nuages persistants sont poussés par le vent sur les reliefs déboisés, planter
des arbres permet de réinstaurer un système de capture de l’eau atmosphérique. 
Figure 1: place de l'eau du sol dans le cycle de l'eau

                                                                   

 
 

                                                                         Source : CIPR, 2001 

                              Photographie 1 : champ de mil à saponé après une pluie 

   

                                                                                 

   

                                                                                                      S. YAMEOGO, juillet 2009

Sur cette photographie, on constate que dans les zones dénudées les eaux de
ruissellement ont une vitesse importante et l’infiltration est moindre.

L’établissement d’une plantation forestière aura tendance à réduire le débit des cours
d’eau. Plus le taux de croissance des arbres est élevé, plus cet effet est prononcé.
Une étude réalisée en Inde fait état d’une baisse de 28% après l’établissement de
plantations d’Eucalyptus. www.fao.org/docrep

En Casamance à climat soudanien à une saison sèche, le défrichement de 10 000Ha


de forêt sèche d’un seul tenant a provoqué la remontée de dix mètres de la nappe
phréatique et l’apparition de nouvelles sources car les cultures ont diminué
l’évapotranspiration réelle bien plus qu’elles n’ont augmenté le ruissellement
(Roose, et al, 1983)

Photographie 2 : Ruissellement sur un glacis après une pluie à Saponé.

S. YAMEOGO, JUILLET 2009

La rareté des arbres sur ce glacis entraine un ruissellement diffus et une infiltration
moindre. Ces assertions restent toujours à l’état embryonnaire et les travaux en
cours donneront davantage de résultats probants.

CONCLUSION

En définitive, il ressort de la plupart des travaux des chercheurs sur la question que
les arbres accroissent les disponibilités hydriques dans certains milieux mais
diminuent cette quantité dans d’autres bassins versants. En effet, le sujet est
encombré de mythes et de malentendus. Si les forêts peuvent certes jouer divers
rôles utiles, postuler qu’elles améliorent toujours l’approvisionnement en eau relève
de la simplification abusive. La profondeur du sol, les pratiques d’utilisation des terres
et toute une gamme d’autres facteurs comptent aussi pour beaucoup. Bien que la
compréhension scientifique des interactions entre les forêts et l’eau se soit
sensiblement améliorée, le rôle des forêts dans la gestion durable des ressources en
eau reste controversé. L’incertitude et, dans certains cas, la confusion demeurent,
car il est difficile de transposer les résultats des recherches à d’autres pays et
régions, bassins versants, types de forêts et essences et régimes de gestion
forestière.
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Opportunités et limites des techniques traditionnelles pour l’adaptation au
changement climatique1.
Georges SERPANTIÉ2 et Lovatiana Albert RAKOTONIRINA3
2. Agronome IRD BP 64501 Montpellier F 34394. courriel : georges.serpantie@ird.fr
3. Forestier et pédologue. Courriel: albert.rakotonirina@gmail.com

Résumé
Les Tanala, paysans de l’Est de Madagascar, pratiquent une agriculture temporaire sur
défriche-brûlis appelée tavy, généralement perçue comme une cause directe et principale de
l’érosion du sol. Les enregistrements climatiques récents et les projections semblent montrer
un accroissement de l’activité cyclonique, facteur d’érosion et d’inondations, justifiant
d’élaborer des stratégies d’adaptation. Supposant que le tavy comportait une stratégie pour
faire face aux contraintes érosives et d’inondations, nous avons cherché à étudier les sols et
processus d’érosion, les pratiques agricoles, et les savoirs locaux dans deux terroirs villageois
choisis selon l’importance des reliques forestières. Une bonne cohérence a été trouvée entre le
risque érosif et les pratiques, aux échelles parcelle et paysage, révélant une gestion de la
vulnérabilité à travers les « services du paysage », le choix des sols, et des pratiques
précautionneuses. Les interviews des paysans et la collecte de leurs classifications confirme la
profondeur de leur savoir sur leur environnement. Mais à long terme, et sous pression de la
population, les dernières forêts disparaissent, des écosystèmes dégradés apparaissent, et
l’érosion s’accroît. Ce savoir est désormais moins opérationnel. La politique de conservation
ou de restauration forestière actuelle apparaît seulement partiellement cohérente avec cette
gestion locale du paysage. Afin de faire face à la fois aux changements de population et de
climat, maintenir mais améliorer le système tavy sur pentes fortes et intensifier le riz de bas-
fond sont justifiés en tant que principaux moyens de subsistance. Renforcer la conservation ou
la restauration communautaire des forêts de sommets et des agro-forêts de bas de pente est
justifiée pour assurer des services environnementaux locaux, régionaux et globaux, et des
productions commerciales. Une diversification des moyens de subsistance est aussi
nécessaire.
Mots clé : Madagascar, risque érosif, culture sur brûlis, savoirs locaux, services
environnementaux, changement climatique.

Abstract
The eastern Malagasy Tanala people practise swidden agriculture called tavy, generally seen
as a main direct cause of soil erosion. Recent climate changes in Madagascar and projections
seem to increase the erosive and flooding factors, due to increasing cyclonic activity,
justifying an adaptation strategy. Assuming that tavy included a strategy to cope with erosion
constraints, we investigated soils and erosion processes, agricultural practices, and local
knowledge in two village territories selected on the basis of importance of forest. A good
coherence was found between erosive risk and practices, at plot and landscape levels,
revealing a possible management of vulnerability through “landscape services”, choice of
soils, and cautious practices. Interviews of farmers and collection of their classifications

1
Communication présentée en anglais au colloque ICARUS 2, Ann-Arbor, 5-8 mai 2011
2
Agronome ; chargé de recherches ; IRD 911 Avenue Agropolis BP 64501 34394 Montpellier cedex 5 France ; tèl 04 67 63
69 83 ; georges.serpantie@ird.fr
3
Soil science and forestry; ingénieur, albert.rakotonirina@gmail.com
confirmed an in-depth knowledge of their environment. But in the long run and under
population pressure, last forests disappear, degraded ecosystems appear, and erosion
increases. This knowledge is then less operative nowadays. Current community forest
conservation or restoration policy appear partially coherent to this local landscape
management. In order to face both population and climate changes, maintaining but
improving steep slope tavy systems and intensifying lowland rice are justified in so far as
main livelihoods. Reinforcing top-forests and agro-forests community conservation or
restoration is justified for ensuring local, regional and global landscape services, and cash
crops. A diversification of livelihoods is also needed

Key-Words: Madagascar, erosion risk, slash-and-burn, local knowledge, landscape


services, climate change

Introduction
La question du changement climatique (CC) est devenue un défi planétaire. La
dimension globale de cet évènement et ses répercussions locales font intervenir plus que
jamais l’information dans le débat public depuis l’invention de l’effet de serre par J.B.J.
Fourier (1827), les premières observations (Brown et Keeling, 1965), jusqu’à la convention-
cadre sur le changement climatique de 1992 (CCNUCC) et les rapports du GIEC4.
L’information environnementale est portée par différentes institutions et acteurs : globaux
(communauté scientifique internationale, GIEC), nationaux (les réseaux climatologiques, les
programmes nationaux d’adaptation5) et locaux (perceptions, savoirs locaux). Les preuves et
certitudes communes d’un dérèglement climatique global se sont accumulées. Après le débat,
l’identification d’actions pertinentes nécessite encore de nombreuses informations détaillées.
Il s’agit en premier lieu de documenter les effets, actuels et futurs du CC sur les
climats locaux, sur les écosystèmes et les conditions biophysiques de la vie et du bien-être
humain (en particulier les « services écosystémiques »(Daily et al., 1997 ; MEA, 2005), en
interaction avec d’autres enjeux d’environnement (biodiversité, érosion, etc).
Avec le CC, les sociétés font face en continu à de nouvelles conditions auxquelles
elles sont plus ou moins bien préparées. Il existe deux dimensions du CC, l’évolution
tendancielle des paramètres moyens (température, pluviosité..), et le risque d’évènements
climatiques extrêmes. Ces derniers posent le problème de la gestion prévisionnelle de ce
risque, et de la façon dont les sociétés doivent anticiper. La vulnérabilité de chaque société
rurale est un thème essentiel de la recherche sur les risques environnementaux (Scoones,
1998) et une notion centrale de la CCNUCC (Article 4.4). Comment se déclinent les
vulnérabilités des systèmes « socio-écologiques », selon les niveaux de pauvreté, les types de
pratiques, l’aménagement du territoire et la gouvernance des ressources ? Souvent on
considère la vulnérabilité corrélée au niveau de développement humain (GIEC, 2007). Ainsi
l’Afrique est régulièrement présentée comme particulièrement vulnérable au CC du fait de
son faible IDH6. En fait la vulnérabilité apparaît plurielle dans l’espace et le temps, du fait des
spécificités des impacts du changement climatique (Adger, 2006). Certaines publications
offrent des lectures moins pessimistes sur la capacité d’adaptation des socio-écosystèmes
africains. Les « paradigmes » de la dégradation des sols, de l’érosion, de la désertification et
de la déforestation ont ainsi été parfois contestés (Fairhead et Leach, 1998 ; Rossi, 1998 ;
Forsyth, 2003), avec l’exemple d’un certain reverdissement du Sahel (Olsson, 2005) et de

4
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été adoptée au cours du Sommet de
la Terre de Rio de Janeiro en 1992 par 154 États et la totalité des membres de la Communauté européenne.
5 Le mot adaptation est défini dans le glossaire du troisième rapport d’évaluation (GIEC, 2001) : L’adaptation au changement
climatique se réfère à l’ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse aux stimuli actuels ou attendus ou leurs
effets, qui modère les maux ou exploite des opportunités avantageuses.
6
Indice de développement humain (PNUD, 2011)
l’adaptation de l’agriculture (Mortimer et Adams, 2001) constatés depuis les sécheresses des
années 1970 et 1980. Il ne faut donc pas méconnaître ces modalités endogènes d’adaptation et
repérer quelles en ont été les conditions favorables.
C’est dans ce cadre de l’analyse de l’adaptation qu’il convient d’identifier la place
occupée par les savoirs naturalistes et techniques locaux, non seulement dans le diagnostic et
les adaptations locales, mais encore en tant qu’idées pour la recherche de pistes d’adaptation
future, ou pour d’autres régions.
La façon dont les sociétés rurales se sont déjà adaptées aux contraintes de leur milieu,
aux aléas bio-climatiques et aux mutations des conditions démographiques, socio-
économiques et politiques est une connaissance préalable indispensable. Cette communication
se propose donc de vérifier la pertinence de la mobilisation de savoirs locaux aux côtés des
autres sources d’information, en matière de diagnostic du changement climatique et de la
recherche d’adaptation.
Plusieurs projets de recherche-action se sont déjà emparés de cette question à
Madagascar. C’est le cas du projet IRG-USAID (2008) et du projet canadien-malgache
ACCA (CRDI, 2008, Raharinjanahary et al., 2010), qui abordent les perceptions des paysans
en matière de changement climatique, co-construisent des tactiques et stratégies d’adaptation
et apportent un appui pour leur mise en oeuvre. Nous utiliserons certains de leurs résultats
pour évaluer la pertinence des savoirs locaux sur l’évolution du climat, par comparaison à
d’autres sources d’information plus formelles.
Nous nous intéresserons ensuite à un cas exemplaire, la zone Tanala, qui a fait l’objet
du programme interdisciplinaire GEREM en 2005-2006 (Serpantié et al, 2007 ; Rakotoson et
al., 2010). Nous y avons étudié les savoirs locaux en matière de gestion de contraintes
érosives parmi les plus élevées de Madagascar, et les pratiques manifestant une bonne
adaptation à ces dernières.

1. Zone d’étude et hypothèses


Les pratiques agricoles des Hautes Terre malgaches, avec leur paysage « indonésien »
de rizières parfaitement étagées, contrastent avec la culture sur brûlis “basique” (appelée tavy
en malgache) des gens de l’Est vivant au pied du grand escarpement oriental (fig 1). Les
cycles répétés de tavy sont les principales causes directes de la déforestation à l’Est de
Madagascar (Green et Sussman, 1990). L’érosion du sol est un autre processus posant des
problèmes de durabilité dans plusieurs régions de l’Ile (Wells et al., 1997). Les zones de tavy
ont été généralement décrites comme des zones de forte érosion (Bailly et al. 1976; Rossi
1979; Raunet, 1997). Sous le climat tropical hautement érosif de l’Est (2500 à 3000 mm de
pluviosité annuelle, un à deux mois secs), les longues et fortes pentes des collines entraînent
un risque érosif majeur (Malvos et al., 1976). Plus récemment, Brand and Rakotovao (1997)
ont trouvé, sur une parcelle cultivée en riz pluvial, une perte en terre de 14,6 t/ha/an, contre
0,37 t/ha dans une jachère boisée. Ce contraste paraît confirmer le fort potentiel d’érosion
diffuse du tavy. Les glissements de terrain apparaissent comme une autre source importante
d’érosion dans cette région particulièrement sujette aux cyclones (Brand, 1997).
Pourtant, dans la région Tanala (Sud-Est), plusieurs géographes s’étaient étonnés de ne
pas relever de signes d’érosion dans les paysages, malgré la pratique systématique du tavy
dans des conditions physiques typiques de l’Est (Le Bourdiec, 1974; Battistini, 1965, cité par
Le Bourdiec, 1974). De ce fait, cette région pourrait apparaître comme une exception,
s’écartant de la proposition générale « le tavy induit nécessairement de l’érosion ».
Les Tanala anciennement attachés à leur indépendance étaient considérés comme “des
gens de la forêt », pratiquant la culture sur brûlis (Le Bourdiec, 1974; Rabearimanana, 1988).
Actuellement, leur forêt a pratiquement disparu, à l’exception de petits lambeaux et d’une
bande continue de 10 km de large au dessus de la falaise. Les Tanala sont aujourd’hui des
paysans pratiquant le tavy sur des jachères buissonnantes (riz pluvial, haricot, manioc), le riz
de bas-fond, et les cultures à couvert permanent représentant des cultures commerciales
(banane, café, canne à sucre). Leurs moyens de subsistance sont complétés par la collecte de
miel sauvage, le bûcheronnage, un petit élevage et le trafic de toaka gasy, un rhum artisanal.

Figure 1: Zone d’étude (Commune Tolongoina, région Tanala, Madagascar)

En hypothèse, la faible occurrence apparente de l’érosion dans la région Tanala


pourrait s’expliquer par une bonne adaptation des pratiques Tanala typiques à une forte
érosivité climatique, à une forte susceptibilité topographique à l’érosion, et à des érodibilités
variées des sols. Derrière ces pratiques adaptées, des connaissances spécifiques et une
organisation sociale peuvent exister. De tels savoirs et savoir-faire pourraient alors être perçus
comme une « pré-adaptation » au changement climatique. Ce savoir éventuel serait utile à
prendre en compte dans une stratégie d’adaptation au CC des sociétés rurales de l’Est.

3. Méthodes
Afin d’établir la pertinence de l’information disponible sur le changement climatique,
nous avons cherché à comparer les résultats climatologiques sur le CC et les perceptions
locales relevées par les rapports des projets de Recherche-Action présents à Madagascar. Le
niveau de pertinence a été déterminé à travers plusieurs critères, les variables retenues, la
rigueur de l’analyse, et la cohérence entre les résultats des diverses sources d’information.
Pour documenter le niveau de pré-adaptation des pratiques Tanala au CC que l’étude des
savoirs sur le climat a montré (qui met en exergue un risque d’érosion et de feux accru), nous
avons décrit et analysé leur mode actuel de gestion de l’érosion et du feu dans leur
environnement climatiquement et topographiquement très propice à l’érosion. Pour ce faire,
nous avons mis en oeuvre une investigation interdisciplinaire incluant les sciences du sol,
l’étude des pratiques agricoles (Milleville, 1987), une analyse du paysage de géographie
humaine (Blanc-Pamard, 1986), et une collecte de classifications locales des objets de la
nature et des techniques (Friedberg, 1992). Les résultats détaillés ont été publiés dans
Rakotoson et al. (2010).
Deux territoires villageois, au pied de la falaise Tanala, bordant le chemin de fer FCE,
furent sélectionnés dans la commune de Tolongoina (fig. 2). Ce choix a pris en compte le taux
de forêts restantes, un critère pertinent pour une étude de l’érosion en rapport avec la
déforestation (Ambalavero avec 31% de couvert forestier et sans écosystèmes dégradés, et
Ambodivanana avec 10% de forêt et 25% de « roranga »7).

Figure 2: Les deux villages d’étude et toposéquences d’étude.

4. Les changements climatiques à l’Est de Madagascar


Un changement climatique prononcé est attendu à Madagascar à l’horizon 2055
(Hewitson et Crane, 2006, Tadross et al., 2008, Hannah et al., 2008). Plusieurs sources
d’information sont disponibles pour préciser cette information en vue de la recherche
d’adaptation : projections de modèles planétaires, recueils et analyse d’observations
climatologiques et enfin, savoirs et perceptions locales.

Simulations de modèles climatiques


Les simulations à partir d’une extrapolation et du changement d’échelle de six
modèles de circulation permettent de prévoir pour 2055 un accroissement moyen de + 1,1°C
(Nord et zone côtières de l’Est) à +2,6°C au Sud (Tadross et al., 2008).
Pour la région Sud-Est, les projections prévoient un accroissement de pluie en saison humide
d’environ +100 mm/mois (janvier-avril) du fait de l’accroissement de la chaleur et de
l’humidité atmosphérique en été, favorisant les précipitations convectives, avec des
interactions probables entre mécanismes (par exemple un moindre nombre de jours de pluie).
Il y aurait en revanche une diminution des pluies en saison froide et « sèche » (environ -50
mm/mois) du fait du recul des tempêtes d’hiver vers le sud à cause de l’augmentation des
hautes pressions continentales.
Les changements en potentiel de génération cyclonique indiquent une baisse de
fréquence des cyclones en première partie de saison cyclonique, en revanche leur intensité est
susceptible d’augmenter à la fin du XXIe siècle (Tadross et al., 2008).

7
Les roranga sont des écosystèmes dégradés (graminées, fougères), au lieu de végétation arbustive (jachères kapoka) ou
arborée (forêts ala)
Données climatologiques d’observation : températures et pluies
Sur le XXe siècle, aucune tendance nette n’apparaît sur le signal température (fig 3),
selon les moyennes mobiles réalisées pour le Nord comme pour le Sud de Madagascar, à
partir des bases de données mondiales (Mitchell et al., 2004, cité par Tadross et al., 2008). Ce
signal fluctue cependant, l’intervalle entre maxima et minima lissés étant de 0,8°. Ces
graphiques font apparaître deux minima vers 1955 et 1970, encadrés par deux maxima,
autour de 1925 et 2000. Ces minima correspondraient à un refroidissement global,
(volcanisme et sulfates).
En examinant seulement la deuxième moitié du XXe siècle, et seulement la partie Sud
de l’Ile, Tadross et al (2008) mettent en exergue un accroissement régulier du signal
température (notamment T min) à partir du minimum de 1970 jusqu’à 2000, attribuables au
CC après prise en compte du refroidissement global (fig 3).
De même, il n’existe pas de tendance notable sur le signal pluie8. Il existe en fait de
multiples pics de pluies (1900, 1938, 1965, 1985) coïncidant au Nord et au Sud, et deux
minima, 1955 et 1975. Mais l’accroissement du signal pluie n’est de toutes façons pas attendu
avant plusieurs décennies (Christensen et al., 2007). Les données d’observation du XXe siècle
ne valident donc pas encore de façon parfaitement convaincante le scénario retenu par les
modélisateurs, ni en matière de températures, ni de pluies, qui restaient jusqu’en 2000 dans la
gamme observée antérieurement.

Figure 3: Moyenne glissante à pas de 6 ans de la température (°C) de l’air en surface mesures
1901-2000: a) Sud Madagascar (43-51°E, 27-20°S); b) Nord Madagascar (43-51°E, 20-11°S).
Source: Tadross et al., 2008, p12, base de données du Climate Research Unit (Mitchell et al.,
2004).

Autres composantes climatologiques représentant des conditions biologiques


L’agriculture, l’élevage ou les écosystèmes forestiers dépendent aussi d’autres
variables climatologiques. La variabilité des pluies (dates d’entrée de la saison des pluies,
poches de sécheresse en saison des pluies, etc), n’a pas été documentée par les climatologistes
du « rapport sur le changement climatique ». Mais les agronomes des programmes
d’adaptation, Alizany et al. (2010) montrent, à partir des données du Lac Alaotra, un retard
des pluies croissant, et un accroissement de la variabilité en cours de saison des pluies depuis
trois décennies.
Pour des biologistes de la conservation, les hivers ont été plus secs au parc de
Ranomafana pendant 1986–2005 en comparaison de 1960–1985, et la production de fruits et
la survie des lémuriens a diminué (Wright, 2007). Les météorologistes nationaux, Rabefitia et

8
L’intervalle min-max observé est de 85 à 105mm/mois au Sud, et 120 à 160 mm/mois au Nord
al, 2008, (cités par Raharinjanahary et al., 2010) indiquent que le nombre de cyclones violents
de catégorie 4-5 nés dans le Sud-Est de l’Océan Indien s’est accru de 1,5 par an (18% du
total) en 1975-1989 à 3,3 par an (34%) entre 1990-2004.
Il existerait donc une variation climatique sur les dernières décennies sur diverses
variables : fréquence et violence cyclonique accrue, irrégularités et retards de pluies, saisons
sèches plus longues et plus sèches, et température croissante depuis le minimum historique de
1970. Reste à savoir quelle serait la part du changement global anthropique, des variations
aléatoires naturelles, et de facteurs locaux (déforestation par exemple) dans cette évolution.

Perceptions actuelles du climat à Madagascar


Le début capricieux de la saison des pluies 2010-2011 a entraîné diverses
conséquences sur les filières agricoles. La filière des lichies d’exportation en a
particulièrement souffert par défaut de calibre, et la chaleur n’a pas permis aux actions
d’irrigation d’atteindre les résultats désirés. Ces contraintes sont nouvelles pour les paysans
(Saralea, 2010).
Les agriculteurs de la région Alaotra-Mangoro ont confirmé l'apparition de retards
croissants du début de la saison pluvieuse ainsi que de séquences sèches en pleine saison de
pluie, donnant une impression d’imprédicabilité du climat croissante (Alizany et al, 2010).
Pour la région Analanjorofo (Nord-Est), première région touchée par le risque
cyclonique, un programme de recherche-action a mis en évidence que la culture de giroflier
qui constituait jadis la principale source de revenu est actuellement sérieusement dégradée à
cause des cyclones croissants en nombre et intensité (Raharinjanahary et al., 2010).

Problèmes d’objectivité et de pertinence des variables analysées


Le rapport sur le changement climatique rattache la tendance de température des trois
dernières décades du XXè siècle, dans la région Sud, au changement climatique global, en
prenant en compte d’autres phénomènes (volcanisme). Cette méthode d’analyse consiste à
sélectionner variables, périodes et régions qui vérifient les hypothèses issues des scénarios
internationaux (croissance tendancielle des températures). Les analystes ne devraient ils pas
plutôt poursuivre leurs investigations le plus objectivement possible, par la mise à jour
régulière des données, leur analyse globale, et travailler aussi sur les variables d’analyse
intéressant les acteurs locaux ? Par exemple la variabilité des pluies en saison agricole (saison
des pluies), ou l’évolution observée du risque cyclonique au XXe, que l’on trouve dans les
rapports de recherche-action et dans les dires d’acteurs, sont les seules données absentes du
rapport « Climate Change in Madagascar ».
Bien que les perceptions des acteurs locaux soient toujours complexes à interpréter,
elles convergent mieux avec les analyses fréquentielles assurées par les ingénieurs des projets
de recherche-action (caractères de la saison des pluies) et des ingénieurs météo locaux
(fréquences cycloniques). De ce fait, les « savoirs locaux », apparaissent paradoxalement plus
objectifs et pertinents sur les évolutions récentes que les études officielles du changement
climatique, influencées par le « paradigme » du CC qui insiste sur la tendance thermique
séculaire. De plus, ils ont l’avantage d’être plus en prise avec les réalités locales.

Remarques conclusives
L’on doit retenir, pour l’Est de Madagascar, plus un accroissement de la variabilité
climatique et une aggravation de l’activité cyclonique sur les dernières décennies, qu’une
tendance séculaire nette sur les pluies ou la température.
Pour la région Sud-Est humide, à laquelle appartient la région Tanala, on attend pour
2055 des contrastes saisonniers plus accentués (plus de pluies en saison des pluies, plus de
sécheresse en saison sèche), conduisant à l’aggravation des aléas climatologiques auxquels les
gens doivent déjà faire face, tant vis-à-vis du risque érosif, que du feu.
Ces résultats invitent non seulement à une adaptation tactique de variétés moins sensibles,
comme les programmes de recherche action le proposent déjà, mais aussi, et en tout premier
lieu, sur des stratégies d’adaptation plus structurelles (et collectives). De telles stratégies
existent déjà. Ce sont celles que les populations ont déjà mis en oeuvre depuis longtemps pour
faire face aux lourdes contraintes récurrentes qui marquent leur environnement, mais aussi
certaines stratégies mises en place dans le cadre de politiques de conservation. Elles feront
l’objet de la partie 4 de cette communication.

5. La gestion Tanala du risque érosif


La gestion actuelle du risque d’érosion a été étudiée par une étude interdisciplinaire
des territoires de deux villages Tanala.

Paysages et sols
La zone de Tolongoina au pied de l’escarpement consiste en collines à pentes raides et
vallées étroites entre 300 et 800 m d’altitude (fig. 4). Les villages et les zones agricoles sont
établis à la base de l’escarpement et dans la zone des collines. Le pays anciennement forestier
des Tanala (c’est-à-dire les « gens de la forêt ») a été, pour une large part, peu à peu converti
en un couvert arbustif (kapoka), et ensuite, en quelques endroits, en un couvert herbacé
(roranga), par des tavy et des feux de brousse répétés (Linton, 1933; Serpantié et al. 2007b).
Les deux territoires villageois incluent le sommet forestier de la falaise (au dessus de 800 m),
la pente de l’escarpement (pentes de 30° à 60°), et la zone collinaire (relief disséqué « à
facettes » avec une altitude moyenne de 500m, des pentes de 20 à 40°et des sommets portant
des lambeaux forestiers.
Les territoires agricoles d’Ambalavero et d’Ambodivanana ont des densités de
population de 27 et 43 habitants/km² respectivement.

Figure 4 : Paysage d’Ambalavero (cliché A. Toillier)


Selon les cartes géomorphologiques disponibles au 1/500,000 (Riquier 1968; Delenne et al.
1980), la zone de Tolongoina présente les mêmes types de paysages et de sols que la région
Betsimisakara qui a fait l’objet de recherches expérimentales sur l’érosion (route N2, Nord-
Est, fig 1). Situées au pied du grand escarpement, ces deux régions présentent une roche-mère
gneissique, et sont marqués par un relief profondément disséqué, sous forme de collines aux
pentes raides couvertes d’un sol ferrallitique. La perméabilité de l’horizon de surface A est
toujours très élevée. Il existe en revanche un horizon B peu perméable sur les sommets et sur
les bas de pentes, mais rarement sur le milieu des pentes raides (Rakotoson et al., 2010). La
forêt améliore l’infiltration sur sols peu perméables.
Aucun symptôme d’érosion massive n’a été trouvé dans la zone d’étude (Rakotonirina, 2005).
Des épisodes d’érosion en masse (glissements de terrain) et d’érosion linéaire sont
observables localement, après les cyclones, mais ils ne sont ni invasifs, ni généralisés comme
on pourrait s’attendre en considérant les conditions physiques [relief accusé, 2500-3000 mm
de pluie, cyclones fréquents], les pratiques de tavy, et ce que la littérature décrit sur les effets
du tavy. Ces observations confirment les observations anciennes des géographes sur des
signes limités d’érosion dans cette région. Pourtant, les paysans ne pratiquent aucun
aménagement antiérosif fortement recommandés par les services techniques pour combattre
l’érosion sur les fortes pentes agricoles soumises à un climat érosif. Cependant une densité
plus grande de symptômes a été observée dans le territoire d’Ambodivanana, fortement
déforesté.

Pratiques culturales et de construction paysagère


Le tavy est le principal système de culture Tanala, appliqué aux pentes forestières des
collines et plus généralement aux pentes anciennement forestières et actuellement arbustives9.
Successivement, toute la végétation est défrichée, y compris les arbres ; les résidus étalés
sèchent pendant la courte saison sèche (octobre-novembre) avec un pare feu autour, puis sont
brûlés plus ou moins complètement selon la teneur en eau. Le riz et/ou les haricots sont alors
semés dans des trous réalisés avec un simple bâton pointu. Un désherbage manuel par
arrachage et la surveillance contre les oiseaux sont les seules opérations en cours du cycle de
riz. Après la récolte des panicules, les boutures de manioc sont plantées en début de saison
sèche, sans travail du sol (simple entaille) après un binage superficiel des tiges de riz et du
recrû avec une bêche usée. Le manioc sera superficiellement sarclé à une ou deux reprises
avec une bêche. Une fois ce dernier progressivement récolté après un ou deux ans de
croissance, le champ reste en jachère jusqu’à un nouveau tavy. Linton (1933) avait noté, pour
la zone dense d’Ikongo, une durée de friche de 5 à 10 ans. Actuellement 5 années serait plutôt
une moyenne.
Les paysans plantent aussi des bananiers et de la canne à sucre (qu’ils transforment en
rhum local, le toaka gasy) sur les bas de pente et les creux topographiques, du riz dans les
bas-fonds marécageux après drainage, et du riz irrigué sur les bordures de bas-fonds et
thalwegs mis en terrasses (fig. 4). Le riz et le manioc constituent les vivriers de base, tandis
que les bananes et la canne à sucre servent de cultures commerciales, ayant largement
remplacé le café. Un examen détaillé des pratiques actuelles (Rakotoson et al., 2010) met en
évidence de multiples dimensions: le positionnement des champs dans le paysage, la méthode
de préparation du sol, et les caractéristiques du cycle culture-jachère. Tous ces caractères du
système de culture sont inter-reliés, et peuvent être interprétés comme un système de règles
appliquées par chaque Tanala.
Principe 1: Mettre en oeuvre un système de gestion de l’espace. Autant que possible, éviter
de pratiquer le tavy dans les zones pourvues de risques de ruissellement ou de départs

9
Cette culture temporaire appartient soit à la classe des cultures itinérantes soit à jachère, en fonction des durées de cultures
et de jachère (Ruthenberg 1971)
d’érosion en masse : gouttières gebona, pentes très raides harana (>40°), et bas de pentes. Les
zones dégradées et appauvries roranga sont aussi évitées. Les sommets sont évités et restent
en forêt car les sols sont pauvres et les jachères s’y régénèrent mal (voir principe 3). Une
pratique additionnelle de réduction du risque érosif est la conservation active des jachères au
dessus d’un tavy. Les cultures à couvert permanent (banane, canne, café) sont réservées aux
zones à risque. Les bas-fonds inondables sont cultivés en deux cycles, successifs ou non pour
limiter le risque d’inondation cyclonique.
Principe 2: Ne pas perturber la structure du sol, ou si c’est nécessaire, le faire aussi
superficiellement que possible, le plus rarement possible, ou de manière progressive (récolte
du manioc par exemple), avec un étalement des résidus. Ceci minimise le risque qu’un sol
ameubli soit entraîné par un éventuel ruissellement ou que des cavités provoquent des sur-
infiltrations et des glissements de terrain10. Ceci permet aux jachères de mieux se régénérer
(cfr principe 3). Le terrassement, les canaux sont réservés aux terres les plus stables
(alluvions, pentes faibles, éboulis anciens).
Principe 3: Culture temporaire et longue jachère (plus de 5 ans autant que possible) : laisser
l’écosystème de pente cicatriser aussi longtemps que possible après défriche. Ainsi la
structure du sol reste meuble pour permettre la culture sur les sols non labourés (cfr principe
2).
Un quatrième principe a été enregistré par Le Bourdiec (1974) : Défricher des forêts
(primaires ou secondaires) de préférence aux jachères kapoka, les Tanala disant que l’érosion
se développe plus sur un tavy de jachère que de forêt. Ce principe impliquait la mobilité.
Actuellement, ce principe ne peut plus être suivi, depuis que les reliques forestières sont
protégées comme réserves, et depuis que les villages sont définitivement sédentaires.
Ces principes techniques reliés peuvent être qualifiés de “passifs” étant donné qu’ils
ne sont pas des actions en tant que telles, mais plutôt des actes passifs : abandonner les
champs, ne pas travailler le sol ni dessoucher, éviter certaines zones. Pourtant, ce sont bien
des principes implicites de gestion précautionneuse du milieu.

VOCABULAIRE
THEME
Malagasy tanala Français ou Latin
efitra, an-tety crêtes, plateau
Morphologie
amboditety pied de l’escarpement
générale
vohitra collines à pentes raides
harana pentes très raides
Pentes foringa pentes moyennes
harenana replats et pentes douces
gebona creux sur versants et vallons
Vallées farihy bas-fonds
horaka marais
Exposition mianatsimo loha exposition nord « tête au sud »
ala, Tanala, an ala forêt mature ; Gens de la forêt, pays tanala
tavy action de défriche-brûlis, champ sur d.b., syst. de culture sur d.b.
tovohindy jachère herbacée d’interculture riz-manioc
Végétation et
hibohibo jeune jachère arbustive (2-4 ans)
cultures
kapoka, k. antitra jachère arbustive (>5 ans), jachère boisée
roranga couvert herbacé après multiples tavy, feux, jachères courtes
am-patrana région sans forêt (pays betsileo de pseudo-steppes)

10
Par exemple, on ne dessouche pas, on ne laisse pas d’arbres dans les défriches, de peur qu’en remuant avec le vent, ils ne
déclenchent des fissures qui seraient autant d’entrées pour les eaux de ruissellement, entraînant des glissements de terrains
lors des cyclones.
hazo hambo arbres
Plantes
Longoza Aframomum angustifolium
indicatrices de
Harongana Harungana madagascariensis
terrains à riz
dingana vavy Psiadia altissima
Plantes Ringotra Dicranopteris linearis
indicatrices de Ampanga Pteridium aquilinum
terrains Anjavidy Philippia spp.
impropres au Radriaka Lantana camara
riz Tenina Imperata cylindrica
angady, miava bêche étroite, binage léger à l’angady mondro (usée)
Outils goro, mibioka, Serpe d’abattis à manche long, fauchage d’adventices au goro
agricoles et famaky, antsilahy, Cognée, hache d’abattis
forestiers Fitomboaka bâton à semer
Karima lame à récolter les panicules
Tany sol, terre, terre des ancêtres
tany mainty horizon “A0”, horizon organique (seulement sous forêt)
tany roaka horizon “A” après défriche-brûlis
Volondohan horizon “A” d’un sol cultivé ("cheveux de la tête ")
Description du tany mena mavo « terre rouge-jaune » (horizon B ou BC jaune sur rouge)
sol tany mena voalohany « première terre rouge » (horizon B ou BC)
andrin tany « pilier du sol » (horizon C)
tain kenkana turricules de vers
menaka, emboka « huile » (matière organique)
tsiron-tany « goût du sol », nutriments et propriétés du sol liées à sa fertilité
malemy / mahery meuble, gentil / dur, fort
tsara / ratsy bon / mauvais
mainty / mena noir / rouge
Propriétés du lonaka / maina arrosé / sec
sol mafana / manara chaud / froid
Maditra indomptable, têtu. Généralement associé à la végétation roranga
am-patrana A la steppe (sans forêt), région de sols durs
Masiaka rude, sévère, méchant, attaché à un interdit (fady)
tany toha glissement de terrain
tany miambaka fissures, décrochements
Erosion et
longeona, hady chenaux souterrains, rigoles profondes
ruissellement
Abolima éboulement des tranchées et des talus de la voie de chemin de fer
ranovohitra, sagoaka ruissellements massifs en période cyclonique, ruisseaux et crues
Tableau 1 : Vocabulaire des Tanala de Tolongoina en rapport à l’érosion (dérivé de
Rakotonson et al, 2010)

Seules les forêts des creux et des pentes ne sont pas ménagées, ces “gens de la forêt »
étant en fait, des paysans pionniers plus que d’authentiques forestiers. Cette technologie
rudimentaire n’est donc pas due à une ignorance agricole, mais plutôt à une forme d’économie
environnementale, en harmonie avec d’autres aspects de la culture temporaire tels que la
gestion de l’écosystème (le contrôle de l’enherbement, la disponibilité en nutriments, le
maintien de capacité de régénération), l’économie du travail, et une économie de
l’organisation (chaque paysan gérant une toposéquence). Ainsi, un système de gestion du
risque érosif existe bien, révélé autant par les caractéristiques du tavy, les discours techniques
et une connaissance fine du milieu que montre les classifications locales en rapport avec
l’érosion (tab 1).

Dépendance des processus érosifs vis à vis de l’état de l’écosystème


Selon nos observations que confirment les savoirs locaux, l’érosion peut se produire
dans les champs de tavy, mais rarement, et différemment selon les conditions d’écosystème et
de gestion. Le tavy conduit toujours à l’érosion de l’horizon de surface organique (A0) qui
peut être déjà partiellement détruit lors du brûlis. L’érodibilité de la plupart des sols
ferrallitiques de milieu de pente, très perméables, reste faible, tant que la végétation n’a pas
été dégradée par de multiples tavy, par des jachères trop courtes, et des feux de brousse, et que
les forêts des sommets n’ont pas été coupées.
Les pentes fortes sont, paradoxalement, les plus sûres pour des cultures annuelles
temporaires sans travail du sol. Le niveau de perturbation physique du sol est un facteur
impactant autant la capacité de régénération de la végétation (Randriamalala et al. 2007) que
le risque érosif (Brand et Rakotovao 1997) comme le savent les paysans. En pays Tanala, le
tavy reste heureusement sans travail du sol. Les mauvaises herbes sont arrachées ou binées
avec précaution avec une bêche usée. Les seuls endroits où les Tanala labourent ou creusent
des canaux sont les rizières sur alluvions Fluvisols et les terrasses sur des bas de pente peu
pentus. Ces travaux délicats sont souvent réalisés par des salariés Betsileo des Hautes Terres
au climat tempéré, où le labour, les canaux et le terrassement, posent beaucoup moins de
problèmes, et y sont devenues les normes techniques. Dans le cas d’écosystèmes dégradés ou
en l’absence de forêts de sommets, l’érosion diffuse s’accroît sous un faible couvert végétal.
Le nombre de brûlis de tavy et de feux de brousses, la position de la couverture boisée
dans le paysage, la durée de jachère, les pratiques culturales, le degré de pente, le type de sol
local et la texture du sous-sol, sont donc les multiples sources de variation du risque érosif
local. Aussi, le savoir scientifique, qui attache systématiquement le tavy à une érosion sévère
peut avoir été faussé par une généralisation hâtive des résultats des premières
expérimentations des années 1960. Celles des années 1990 fournirent de nouvelles
perspectives mais l’échantillonnage était aussi limité (une parcelle, un an). En 1995, à
Beforona, 144 t/ha/an de perte en terre ont été mesurées sur un champ labouré de gingembre,
tandis que le riz pluvial de tavy perdait 14,6 t/ha/an, une nouvelle jachère 5,5 t/ha/an, et une
vieille jachère boisée kapoka seulement 0,37 t/ha/an (Brand and Rakotovao 1997). Ces
données montrent le risque majeur lié au travail du sol. La valeur annuelle de perte en terre
sur l’ensemble du cycle du tavy serait seulement de 5 t/ha/an environ, soit 0,5 mm de sol.
Le type de couvert végétal et le niveau de perturbation du sol sont les deux seuls
facteurs testés dans les expérimentations en parcelle d’érosion. Nos études au champ montrent
que beaucoup d’autres facteurs devraient être pris en compte dans la gestion du risque érosif,
en premier lieu la position dans le paysage, ce que les paysans prennent précisément en
compte, comme une règle collective. Aussi, compte tenu de l’ensemble des précautions
observées, la moyenne de l’érosion dans les « jeunes » paysages de tavy est probablement
bien inférieure à 5t/ha/an, mais elle augmentera avec le temps.

Limites de la gestion du risque érosif en cas de pression démographique.


Le taux de paysans cultivant le riz pluvial à Ambalavero était de 44% en 2006, mais
de seulement 9% à Ambodivanana. Le facteur limitant contrôlant la production à
Ambodivanana est la fertilité. L’impact de la culture temporaire sur la fertilité dépend de
plusieurs variables, le plus important étant la durée de jachère et la réserve de forêts. La
croissance de population, et la rareté de forêts sous le climat favorable au riz pluvial (<800 m
sur l’escarpement, Serpantié et al., 2007b) ont d’abord contribué à réduire la période de
jachère. Le système de gestion contractualisée des forêts mis en place par le gouvernement
malgache à Tolongoina en 1999 a promu des règles de conservation et a rendu aux
communautés une responsabilité pour la gestion de leurs forêts. En échange de ce nouveau
droit, la communauté était obligée de s’engager à limiter le tavy aux jachères de moins de 5
ans. Aujourd’hui, les paysans ne défrichent plus ni forêts ni jachères de plus de 4 ans, et
n’osent pas laisser en jachère plus de 2 ans, de peur de perdre d’autres terres. Ils sont partagés
entre ces nouvelles règles qui leur font réduire les temps de jachères, leurs propres règles
(jachères de plus de 5 ans autant que possible) et la perte d’espace qui s’ensuit. A
Ambalavero, où n’existaient pas de terres dégradées, le système de culture a réduit sa
durabilité avec de telles jachères courtes. Localement de nouveaux rorangas sont observés.
Avec une densité de population plus forte, Ambodivanana avait été exploité pendant
une durée plus longue que Ambalavero, et montre un environnement dégradé avec 25% de
roranga (fig. 5). Il faut prendre en compte le nombre de cycles culture-jachère, chaque
nouveau recrû de jachère étant plus lent que les précédents (Pfund, 2000). De plus, la
dynamique régressive de la végétation des jachères tend vers une composition riche en
espèces favorables aux feux de brousse (graminées, fougères) caractéristique de la végétation
roranga. A Ambodivanana, il y a plus de signes d’érosion linéaire et les sols contiennent
moins d’argile, autre signe d’érosion. En cas de tavy sur une jachère trop courte ou sur un
roranga, les rendements de riz sont trop faibles et beaucoup de paysans y ont renoncé pour se
consacrer au seul manioc, dont le pouvoir érosif est supérieur du fait des perturbations du sol
(binage et récolte).

Figure 5 : Paysage cultivé à Ambodivanana. Crêtes déforestées à végétation dégradée roranga


(cliché G.Serpantié)

Bien que la dégradation du sol soit admise par la plupart des paysans
d’Ambodivanana, leurs techniques n’ont pas changé. A cause des besoins vivriers, les terres
de moins en moins fertiles sont paradoxalement destinées à être de plus en plus intensivement
exploitées. Comme dans tous les villages Tanala, ils n’utilisent ni engrais ni fumier. Les
options techniques de nouvelles variétés et systèmes de culture intensifs sont peu nombreuses,
ou non faisables eu égard aux risques additionnels, coûts d’investissement, ou conditions
requises (Serpantié et al. 2007c). De nouvelles filières commerciales (comme le Jatropha ou la
vanille) sont encore sans résultats probants, ou négligées par des gens souffrant à un niveau
plus élémentaire d’un accès réduit aux services de base (hôpitaux, écoles, barrages
d’irrigation, routes). Tolongoina, le plus gros village, avec un marché et un centre de soins,
est à trois heures de marche rapide, et ni Ambodivanana ni Ambalavero n’ont leurs propres
écoles.

6. Discussion
Nous nous proposons de discuter de la pertinence des savoirs locaux en matière de
climat et en gestion du risque érosif.
Madagascar donne un bon exemple des problèmes de compatibilité entre les multiples sources
d’information sur le CC. Nous avons montré la pertinence d’une approche travaillant
simultanément sur les savoirs et perceptions locales et une approche scientifique. Cette
dernière peut être divisée en un certain nombre de disciplines, d’approches, de pas de temps,
de variables. Chacune fournit une information utile pour autant que l’analyse reste objective
et relative à des problèmes concrets. Les études basées sur les données climatiques et les
savoirs locaux sont très utiles pour les tactiques et stratégies d’adaptation actuelles, d’autres
(simulations de modèles) sont nécessaires pour des politiques à long terme mais sont plus
difficiles d’emploi pour le court terme.
La richesse de savoirs que les paysans des Hautes terres ont de leurs sols et du contrôle
de l’érosion a été étudiée antérieurement (Rakoto-Ramiarantsoa, 1995; Blanc-Pamard et
Rakoto-Ramiarantsoa, 2006). En contraste, on savait encore peu de choses des populations
Tanala de l’Est, considérées longtemps plus comme un peuple forestier qu’un peuple de
paysans. Rakotoson et al. (2010), ont mis en évidence un profond savoir formel, sous forme
de classifications détaillées des objets d’environnement liés à la problématique de l’érosion,
tab. 1), ce qui confirme nos déductions, même si les règles que nous avons proposées ne sont
jamais formellement énoncées par les Tanala eux mêmes. Notre recherche s’est ainsi
appliquée à mettre au jour un système de gestion des terres sous-jacent aux pratiques, qui
pourrait expliquer la faible occurrence de symptômes d’érosion, dans un pays où l’érosion due
à un climat tropical pluvieux et pentes très fortes est un risque majeur. Bien que leurs outils
soient rudimentaires, les pratiques Tanala ont pu être interprétées comme de multiples
précautions pour prévenir les risques de pertes de terre. La manière des Tanala de conduire le
tavy et ses règles implicites, et la richesse de leurs savoirs sur leur écosystème, ont été des
clés de réduction de la vulnérabilité au risque érosif, en particulier cyclonique.
Bien que souvent diabolisé dans le monde scientifique et technique, le tavy, tel que
conduit par les Tanala, semble particulièrement adapté à la topographie accidentée et au
climat tropical très humide. Une telle « adaptation culturelle » à son environnement avait déjà
été notée par Kotak (1971).Cependant, adapté ne signifie pour autant ni « durable », ni
adapté à n’importe quelles conditions. Dénier un risque érosif dû au tavy serait aussi
fallacieux que dénoncer le tavy sur le fait du risque érosif qu’il accroîtrait. De plus, tous les
systèmes « tavy » ne sont pas égaux en perte en terre. Ainsi, les manifestations érosives
s’accroissent visiblement dans un village déforesté depuis longtemps. La proposition « le tavy
induit de l’érosion » a donc été confirmée à long terme, dans le cas de fortes densités de
population, et des populations sédentaires. Au contraire, dans les villages qui ont été
déforestés depuis moins d’un siècle, et dont la déforestation n’a pas atteint les crêtes, les
pratiques et les savoirs locaux permettent encore d’atténuer le risque érosif.
Une forte population résidente, une faible disponibilité en rizières, un temps écoulé
important depuis la déforestation, des pratiques moins précautionneuses par nécessité,
peuvent constituer des facteurs aggravants qui peuvent ne pas trouver de réponse dans les
savoirs locaux. Cependant emprunter à partir d’autres corpus cognitifs dans le but de
s’adapter à la densité de population ou à une aggravation des risques climatiques requiert de la
prudence. Adopter le système de gestion de la région Betsileo, reconnue pour ses savoirs-faire
sophistiqués, conduirait à des catastrophes pires, particulièrement avec le changement
climatique (fig. 6).
Figure 6 : Eboulement sur parcelle aménagée en « rideaux » par un migrant Betsileo (cliché
Serpantié)

7. Conclusion: Potentiel et limites des savoirs locaux dans la recherche de solutions de


consensus pour faire face à la pression démographique et au CC.

L’étude du détail des pratiques et des représentations des sols a permis de comprendre
pourquoi l’interdiction gouvernementale de défricher les dernières forêts de sommets de
colline et l’obligation de mettre en place des pare-feux au nom de la conservation de la
biodiversité ou des « services écosystémiques » était respectée voire encouragée par les
paysans d’Ambalavero. Cette injonction ne contredisait pas les savoirs locaux sur les
fonctions locales des forêts (protection des pentes et des sources, conservation des ressources
en bois, en miel de proximité, sur les besoins de faune du sol). Elle ne coûte pas cher
socialement, du fait que les forêts restantes se trouvent sur des sols ou des expositions peu
recherchés et que les pare-feux sont faciles à faire.
D’un autre côté, la conservation des jachères de 5 ans et plus restant sur les pentes est
contradictoire avec les 3e et 4e principes tanala de gestion des terres, et réduit fortement
l’espace disponible. Les gens n’approuvent pas cette mesure qui crée des effets pervers
(réduire la jachère à 2 ans interdit le riz pluvial, et encourage l’érosion).
Finalement, la politique de conservation communautaire dans le but de fournir des
“services environnementaux” ou « de la biodiversité » apparaît seulement partiellement
cohérente avec le système local de gestion basé sur les savoirs locaux. D’un autre côté, ces
derniers sont partiellement obsolètes quand la population dépasse un seuil de densité. Des
pratiques introduites auront de meilleures chances d’adoption si elles sont compatibles avec
les savoirs locaux, mais un nouveau savoir adapté aux nouvelles conditions de population
est aussi attendu. La croissance démographique, la pauvreté, et les restrictions foncières
suite à la conservation peuvent, par manque de connaissance d’alternatives, conduire les
paysans à mettre en oeuvre des techniques qu’ils savent être dommageables pour leur
environnement, et encore plus avec le changement climatique11.
Bien qu’atteignant ses limites de validité avec les conditions actuelles de population de
certains territoires, le savoir des Tanala semble particulièrement adapté à l’aggravation des
conditions climatiques, notamment cycloniques. Aussi il fournit une piste pour les
gestionnaires et la recherche agricole. Les principes et pratiques tanala, mettant en exergue
une perturbation minimale du sol et sa couverture par des résidus, la prise en compte des

11
A Ambodivanana en particulier, les tentatives d’étendre les rizières en terrasses avec des canaux ont conduit à des
effondrements. Sur les collines, le labour et le terrassement en vue d’accroître la surface cultivable peut aussi conduire à une
érosion massive. (fig 6)
sols et des plantes indicatrices, la culture temporaire ou à couvert permanent, et la gestion
du paysage, sont des principes compatibles avec l’agriculture de conservation et
l’agroforesterie promues par les centres agronomiques. L’agroforesterie doit cependant être
assez diversifiée, pour participer à la fourniture alimentaire, énergétique, et en fertilisants
(plantains, oléagineux, légumineuses) (Nambena, 2004).
Dans le but de faire face non seulement au changement climatique mais aussi à la
surpopulation, on attendrait donc un renforcement de la gestion forestière communautaire,
justifiée et éventuellement financée par des services environnementaux locaux, régionaux et
globaux, jointe à un tavy maintenu mais amélioré autant que possible (rendement et limitation
du feu), à une intensification du riz de bas-fonds, et à la diversification des moyens de
subsistance (nouveaux produits et activités).

Remerciements
Cette recherche a été conduite à travers les programmes GEREM (CNRE-IRD) et SERENA
(IRD-CIRAD-CEMAGREF). Il a bénéficié d’une aide de l’Agence Nationale de la Recherche
(programme SYSTERRA). Il a été réalisé par l’UMR GRED (IRD-Université Montpellier 3).

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Effets des systèmes de cultures bananières sur un sol brun tropical volcanique
sous des simulations de pluies cycloniques en Martinique.
Bounmanh Benoît KHAMSOUK1, Eric ROOSE², Eric BLANCHART², Marc DOREL3,
Luc RANGON4, Jean-José BANIDOL5
1
Agronome production végétale, rue Kong Deng wombo, BP 1478, Ouagadougou (Burkina Faso), e-mail : benoit.kamsouk@gmail.com
2
IRD Montpellier, Avenue Agropolis, BP 64501, 34 000 Montpellier (France), e-mail : roose@mpl.ird.fr ; blanchart@mpl.ird.fr
3
CIRAD-FLHOR, Neuf châteaux, 97 130 Capesterre Belle Eau (Guadeloupe), e-mail : marc.dorel@cirad.fr
4
IRD Martinique – Caraïbes (PRAM), Petit Morne, 97 232 Lamentin (Martinique), e-mail : luc.rangon@ird.fr
5
CIRAD-FHLOR (PRAM), Petit Morne, 97 232 Lamentin (Martinique), e-mail : jean-jose.banidol@cirad.fr

RESUME
Principale production végétale sur 9 000 ha en Martinique, la culture bananière d’exportation ‘Cavendish’
peut présenter un risque de dégradation pour l’environnement (érosion, pollutions aquatiques) en raison de ses
pratiques culturales, du relief accidenté des zones de production et de fortes pluies. Récemment, une étude en
parcelles expérimentales de 100-200 m² sur un sol brun tropical volcanique a démontré que les systèmes intensifs à
gestion de paillis protégeaient le sol de l’érosion hydrique à l’opposé de la culture traditionnelle d’ananas billonné,
entrant en rotation avec les bananeraies. Afin d’approfondir ces résultats, une campagne de simulations de pluies
cycloniques (19 tests sur des micro-parcelles de 1m² arrosées par une pluie artificielle d’intensité de 100 mm.h-1
durant trois heures) a donc été réalisée in situ avec pour objectif de mieux comprendre le fonctionnement hydrique
du sol, l’efficacité du paillage et de rechercher des liens hydrodynamiques remarquables entre les parcelles
expérimentales de 200 m² sous pluviosité naturelle et les micro-parcelles 1m² sous simulations de pluies.
Les résultats des pluies simulées sont bien conformes aux mesures observées en parcelles d’érosion sous
pluies naturelles, notamment à travers les hydrogrammes obtenus sur les différents traitements testés et à travers les
paramètres de ruissellement. Le sol brun tropical volcanique présente une forte capacité d’infiltration et même après
trois heures de simulation de pluie cyclonique, la saturation du sol superficielle n’est jamais atteinte (Hp<58%). Le
paillage protège efficacement le sol du ruissellement (et de l’érosion hydrique) en accentuant l’infiltration totale de
la pluie artificielle déversée, même après 180 mm de pluie en trois heures car celui-ci couvre bien la surface du sol
et augmente la rugosité superficielle. A l’inverse, les billons concentrent un ruissellement abondant après 40
minutes d’application. D’autres résultats remarquables sont soulignés : (i) – une grande stabilité des agrégats sur les
sols nus où la désagrégation n’est que partielle avec des mottes émoussées reposant sur une croûte inférieure formée
à partir de particules fines désagrégées ; (ii) - un changement de processus hydrodynamique sur le traitement « sol
nu » avec une diminution du ruissellement sur les plus fortes pentes (25 et 40%), provoquée par le maintien de
l’ouverture des macro-pores superficielles due à l’énergie décapante de la lame d’eau. Les résultats des pluies
simulées sur 1m² ont donc bien permis de préciser le fonctionnement hydrique du sol brun tropical volcanique et de
définir le rôle remarquable du paillage dans les systèmes de cultures intensives contre le ruissellement (et l’érosion
hydrique).

Mots clés : Martinique, simulations de pluies cycloniques, culture bananière, ananas, systèmes intensifs, sol brun
tropical volcanique, parcelles d’érosion, paramètres de ruissellement/infiltration.

1 - INTRODUCTION
En Martinique, île volcanique des Antilles françaises (14-16°N ; 60-62°W ; 1080 km²), la production
intensive de banane dessert « Cavendish » qui est un atout économique essentiel, occupe près de 9 000 ha des terres
agricoles.
En raison des pratiques agricoles (grande consommation d'intrants) sur un relief montagneux accidenté
soumis à de forte pluviosité 2000-5000 mm/an (tempêtes tropicales), les systèmes de cultures bananières peut
présenter des risques de dégradation pour l'environnement.
De 1998 à 2001, une étude en parcelles expérimentales sur un sol brun tropical volcanique ou « sol brun
rouille à halloysite » selon Colmet-Daage et Lagache (1965) a montré qu'en matière de dégradation du sol sur un
versant de pente moyenne 10%, les systèmes intensifs bananiers à gestion de paillis ou mulch protégeaient
efficacement le sol de l'érosion hydrique (E=0,6 t/ha/an) à l'inverse de la culture d'ananas billonné (E=17 t/ha/an),
en rotation avec les bananeraies ou du sol dénudé (E=85 t/ha/an) (Khamsouk et Roose, 2003).
Afin d'approfondir les résultats obtenus en parcelles expérimentales sous pluies naturelles et de déterminer
les facteurs explicatifs, des tests de simulations de pluies cycloniques (intensité 100 mm/h) ont été appliqués sur des
micro-parcelles de 1m² à l'intérieur des parcelles d'essais cultivés de 200 m² (Khamsouk et al., 2006).
Cet article va présenter les résultats obtenus sous les simulations de pluies cycloniques, notamment
l'influence du paillis ou mulch en surface du sol sur le comportement hydrique du sol testé.
2 – SITE, MATERIELS ET METHODES
2.1 – Le site d'étude
Le site d’étude est la station expérimentale Rivière Lézarde (110 ha), situé en région centrale de l’île avec
une pluviosité de 2000-2500 mm/an et caractérisé par un sol brun tropical volcanique cultivé en systèmes bananiers.
Six parcelles d’érosion (200 m²) sur différentes pentes ont été installées avec quatre traitements dont les
caractéristiques mesurées durant deux années sont récapitulées dans le tableau 1 :
- les sols nus Nu11, Nu25 et Nu40 ( sol dénudé, travaillé sur 20 cm) : traitement standard ou témoin sur trois
pentes 11-25-40%, permettant de déterminer le comportement du sol sous les averses érosives (Wischmeier et
Smith, 1978) ;
- la canne à sucre avec paillage de résidus organique Ca10 ( 13 lignes de cannes) : parcelle installée sur une
pente de 10%, proposée en rotation avec la bananeraie pour réduire les risques d’érosion et assainir le sol des
nématodes parasites ;
- la bananeraie établie avec paillis en bandes perpendiculaires à la pente Ba11 (36 pieds) : traitement situé sur
une pente à 11%, préconisée pour lutter contre l’érosion ;
- L’ananas mécanisé et billonné An7 (sept billons ; 850 plants) : système intensif traditionnel en rotation avec
la bananeraie et situé sur une pente de 7% - labour profond à 60 cm avec enfouissement des résidus et
billonnage en descendant la pente.

Tableau 1. Caractéristiques mesurées des six parcelles d’érosion installées sur le sol brun tropical
volcanique (sol brun rouille à halloysite).

Sur ces traitements, 19 simulations de pluies cycloniques (intensité : 100 mm.h-1) ont été appliquées sur des
micro-parcelles (1m²) durant trois heures. Les mesures de ruissellement à l’exutoire des micro-parcelles permettent
de déterminer les paramètres hydrodynamiques, bien représentatifs du comportement des surfaces de sol (Lafforgue,
1977 ; Collinet et Valentin, 1979) : la pluie d’imbibition Pi (mm) ou hauteur d’eau de pluie minimale et nécessaire
pour provoquer le ruissellement ; la lame ruisselée cumulée LR60’ et LR180’ (mm) correspondant à la hauteur du
ruissellement après 60 et 180 minutes de simulation ; le coefficient de ruissellement Kr60’ et Kr180’ (%) ou
rapport des hauteurs d’eau ruissellement/pluie après 60 et 180 minutes ; le palier de ruissellement Rx (mm.h-1) ou
intensité maximale et constante d’écoulement d’eau durant le régime permanent du ruissellement. A noter que tous
ces paramètres se retrouvent également dans les hydrogrammes ou courbes de ruissellement/infiltration durant la
durée d'application des pluies artificielles.
A chaque simulation, les conditions initiales et finales des micro-parcelles sont déterminées par cinq
mesures : la pente p (%) à l’aide d’un mètre, d’une règle et d’un niveau à bulle ; les humidités pondérales initiale
Hpi (%) et finale Hpf (%) par prélèvement du sol sur10 cm ; la rugosité de surface Rg par la méthode de la
chaînette (rapport de longueurs chaîne/mètre linéaire) ; la densité apparente du sol Dapp (g.cm-³) avec les cylin-
dres (1000 cm³); l’état de surface du sol comprenant : les surfaces ouvertes SO (%) ou mottes ; les surfaces cou-
vertes SC (%) regroupant la litière et les cailloux protégeant le sol ; les surfaces lisses et fermées SF (%) ou croûte.
Afin de déterminer des relations remarquables et facteurs explicatifs sur les résultats, des corrélations
binaires ont été appliquées sur les résultats : leurs coefficients sont dits « très significatifs » au seuil de 1%,
« significatif » au seuil de 5% et « non significatifs » dans les autres cas.
Photo 1 : évolution de l’état de surface du « sol nu » (Nu11) avant (a) puis après (b) la pluie cyclonique simulée.

Photo 2 : autres état de surface des traitements « canne à sucre paillé » Ca10 avant et après la simulation de
pluie cyclonique (a et b) et « ananas mécanisé et billonné an7 avant la pluie artificielle (c).

Tableau 2. Conditions initiales et finales des 19 micro-parcelles (1 m²) testées sous pluies artificielles.
III – RESULTATS ET DISCUSSION

1. Conditions initiales et finales des micro-parcelles


Ces résultats sont récapitulés dans le tableau 2 : au départ, le sol argileux est sec et peu dense. Les états de
surface reflètent bien les caractéristiques des traitements testés : un fort taux de surface couverte sur les essais
cultivés paillés (bananeraie et canne à sucre) et un fort taux de surface ouverte ou dénudée sur les sols nus (photos 1
et 2). Après l’arrêt des pluies cycloniques, la saturation du sol n’est jamais atteinte (Hpf<58%) : la forte capacité
d’infiltration du sol brun tropical volcanique est remarquable et elle s’expliquerait par la grande stabilité des
agrégats soumis à l’eau, résultats déjà démontrés lors d’un test de stabilité structurale en laboratoire (Khamsouk et
al., 1999). D’ailleurs, sur les trois sols nus, la réorganisation superficielle du sol après les pluies artificielles est
différent du comportement battant des sols sableux et limoneux : pas d’encroûtement lisse en surface et présence
d’agrégats émoussés reposant sur une croûte interne et continue formée par le dépôt des particules fines désagrégées
(photo 1b).

2. Hydrogrammes et paramètres hydrodynamiques des pluies simulées


Les hydrogrammes de ruissellement reflètent le comportement spécifique des traitements testés, avec la
distinction entre parcelle très infiltrant (systèmes paillés) et celles très ruisselant (figure 1).

Figure 1. Hydrogrammes moyens du ruissellement issus des traitements testés sous pluies simulées.

Ces comportements sous pluies cycloniques simulées sont bien conformes aux résultats de ruissellement
observés en parcelles d’érosion, à savoir :
! l'absence de perte en terre annuelle sur les traitements cultivés paillés bananeraie et canne à sucre
(photos 2a et 2b),
! une érosion hydrique favorisée par l'effet des sillons concentrant rapidement le ruissellement, même sur
pente faible 7% (ananas mécanisé et billonné (photo 2c)),
! un changement de processus hydrodynamique et d'érosion hydrique du sol dénudé quand la pente
dépasse 25%, c'est-à-dire une érosion hydrique linéaire pour des pentes <25% à une érosion hydrique par coulée
boueuse sur les pentes à 40% (Khamsouk et Roose, 2003).

Tableau 3. Paramètres hydrodynamiques des 19 simulations de pluies appliquées sur les 6 traitements.
Au niveau des paramètres hydrodynamiques (tableau 3), les résultats sont également conformes aux
mesures réalisées sur les parcelles d’érosion (Khamsouk et Roose, 2003) :
− pas de ruissellement observé sous traitements paillés, très couvert et très rugueux, et une infiltration
totale comme dans d’autres études références (Mannering et al., 1966 ; Roose, 1977 ; Helming et al., 1998),
− l'effet des sillons concentrant et évacuant le ruissellement, vecteur de la forte érosion et bien souligné
dans des études expérimentales sur andosols et ferrisols (Roose et Asseline, 1978 ; El-Swaify et al., 1982 ;
Winschester Chromec et al., 1989),
− l'influence négative de la pente sur le ruissellement sur les sols nus où l’infiltration augmente en raison
de l’ouverture du sol, provoquée par l’énergie décapante du ruissellement (Heusch, 1971 ; Poesen, 1986 ; Valentin,
1989 ; Roose et al., 1993 ; Janeau et al., 2003 ; Sabir et al., 2004).

Parmi les paramètres de ruissellement, deux principaux (Pi et LR60’) sont très représentatifs du
comportement hydrique des parcelles testées tandis que d’autres travaux analogues font référence au ruissellement
maximal Rx ou l'infiltration permanente Fn, obtenus après 60 minutes de pluies sur des sols sableux tropicaux
cultivés ou sur des sols limoneux (Roose et Asseline, 1978 ; Collinet et Valentin, 1979 ; Le Bissonnais et al., 1989).

3. Quelques relations remarquables


Les corrélations significatives établis entre conditions initiales et paramètres hydrodynamiques soulignent
bien le rôle très remarquable du paillage (couverture et rugosité au sol) contre le ruissellement (r²=-0,538 pour SC et
LR60’ ; r²=-0,695 pour Rg et LR60’ (Khamsouk et al., 2006)).
Par ailleurs, la corrélation significative entre ruissellements mesurés en parcelles d’érosion 100-200 m²
sous pluies naturelles et en micro-parcelles 1 m² sous simulations de pluies cycloniques confirme bien la similitude
du fonctionnement hydrique du sol brun tropical cultivé sur les deux surfaces différentes (r²=0,794 pour Cram et
Rx). Cela montre aussi la conformité exceptionnelle des simulations de pluies cycloniques avec la pluviosité
naturelle du site au niveau du comportement hydrique des traitements testés (Khamsouk et al., 2006).
Concernant les paramètres de perte en terre, les résultats obtenus ne permettent pas de dresser des relations
remarquables car les micro-parcelles 1 m² utilisés pour les simulations de pluies ne présentent pas d'exutoire aval
lisse, mais perforé et pouvant piéger les sédiments entraînés par le ruissellement (voir photo1b).

IV – CONCLUSION
Les résultats des pluies cycloniques simulées sont non seulement conformes à ceux mesurés sous pluies
naturelles, mais aussi et surtout ils ont permis de préciser le fonctionnement hydrique du sol brun tropical cultivé
(sol brun rouille à halloysite) et de déterminer les facteurs explicatifs intervenant dans l’installation du
ruissellement, principal vecteur de l’érosion hydrique du sol en Martinique. Dans les productions végétales
intensives (bananeraie et canne à sucre) sous climat tropical humide avec des tempêtes cycloniques, limiter le
ruissellement par le paillage organique bien couvrant et rugueux reste donc une bonne pratique agricole de lutte
antiérosive, combinant à la fois la conservation du sol et la disponibilité des résidus culturales.

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L'épisode pluviométrique du 15 juin 2010 dans le Var (France) :
précipitations, crues et inondations

Claude Martin
UMR 6012 ESPACE, CNRS et Université de Nice - Sophia-Antipolis.
Courriel : claude.martin0156@orange.fr

Résumé.
Le 15 juin 2010, des précipitations très abondantes et intenses ont provoqué des
crues violentes et des inondations catastrophiques dans la région de Draguignan et
dans la basse plaine de l'Argens. Vingt cinq personnes sont décédées et les dégâts
s'élèvent à un milliard d'euros. Certains aménagements (couverture de ruisseaux,
ponts) ont aggravé la situation dans les secteurs urbanisés en zones inondables par
crues rares ou exceptionnelles. Mais le risque doit être évalué au regard de la
probabilité de retour de ce type d'événement.
Mots clés : précipitations, crue, inondation, risque, Var, France.

Abstract.
During the 15th of June 2010, very strong and intensive rains have generated violent
floods and catastrophic flooding in the environs of Draguignan and in the low valley
of the river Argens. Twenty five persons have died and damages come to one
thousand of euros. Certain appointments (covering brooks, bridges) have increased
the condition in urban areas located in flooded zones during rare or exceptional
flood-events. The risk must be evaluated taking in account the return probability for
this type of event.
Keywords: rainfall, flood, flooding, risk, Var, France.

1. Introduction
L'épisode pluviométrique qui a touché le Var le 15 juin 2010, a causé le décès
de 25 personnes et se classe ainsi parmi les plus meurtriers en France au cours des
dernières décennies. Les précipitations abondantes et intenses du 15 juin ont
provoqué, le jour même et le lendemain, des inondations aux effets dévastateurs,
dont les dégâts (plusieurs ponts détruits ou endommagés, des routes défoncées, de
nombreux locaux d'habitation et professionnels dégradés, des exploitations agricoles
dévastées, des troupeaux et des élevages décimés, des centaines de voitures
emportées ou submergées…) se chiffrent à un milliard d'euros.
Laissant les investigations coûteuses aux équipes du Retour d'Expérience
(REx Var) commandité par le Ministère de l'Écologie et du Développement Durable
(CETE, 2011), j'ai choisi de m'appuyer largement sur des informations en libre accès
sur internet. Je résumerai ici les premiers résultats publiés (Martin, 2010), en leur
apportant quelques compléments.

2. Les précipitations
L'épisode est dû à une dépression d'altitude progressant d'ouest en est avant
de remonter vers le nord sur la Méditerranée. Les ascendances subies par l'air
chaud, humide et instable poussé par la dépression déclenchent alors des pluies
orageuses très abondantes sur le continent (Artigue et al., 2010). Ce type de
situation, fréquent dans la partie occidentale de la façade méditerranéenne française,
en particulier en Cévennes, est plus rare en Provence. Il se produit généralement en
automne (Vaison-la-Romaine, septembre 1992 ; Marseille, septembre 2000), très
rarement au printemps (Auribeau-sur-Siagne, juin 1994).
Une grande partie du département du Var, dans le secteur moyen du bassin
de l'Argens, a reçu des précipitations supérieures à 200 mm (Fig. 1). Les pluies ont
été particulièrement abondantes dans un large secteur autour de Draguignan, la
valeur maximale atteignant 461 mm à Lorgues (395 mm selon un poste amateur).
Trois sous-bassins importants ont été particulièrement touchés, ceux de la Florièye,
du Réal et de la Nartuby. On peut y ajouter les bassins de l'Aille et de l'Endre, mais
ces cours d'eau ne traversant aucun village ont causé moins de problèmes.

L'essentiel des précipitations est tombé le 15 juin (397 mm aux Arcs, 270 mm
à Draguignan, 304 mm à Canjuers… – mesures du 16 juin à 8h00), avec une forte
concentration de 11h00 à 19h00 : 338 mm à Taradeau (contre 384 mm pour
l'ensemble de l'épisode). Les précipitations du 15 juin sont les plus fortes jamais
enregistrées dans le secteur. Les précédents records étaient, par exemple, de
144 mm depuis 1946 au Luc (août 1983), de 164 mm depuis 1934 aux Arcs (octobre
1957) et de 185 mm depuis 1939 à Comps (6 km au nord de Canjuers – en 1957).
De 1958 à 2009 (http://pluiesextremes.meteo.fr/index.php – Météo France), le
réseau pluviométrique du Var n'avait enregistré que huit valeurs journalières
supérieures à 200 mm : cinq sur la côte ou à proximité immédiate, deux dans l'ouest
varois (maximum de 250 mm en janvier 2006) et une à Callas, au sud de Bargemon
(207 mm en décembre 1958). Deux seulement de ces valeurs ont été mesurées le
même jour (sur le littoral, en octobre 1973).
Pour un poste un peu éloigné, mais néanmoins représentatif, Collobrières,
Lang et Lavabre (2007) donnent des valeurs références de 185 mm pour la pluie
centennale et 240 mm pour la pluie millennale (loi de Gumbel sur la période
1966-2001). Dans le secteur Draguignan - Lorgues - Les Arcs, les pluies du 15 juin
2010 apparaissent donc bien plus que centennales. Leur caractère exceptionnel
serait encore plus marqué en considérant une durée plus courte que 24 heures.
Aux Arcs, les pluies horaires se sont maintenues entre 20 et 50 mm de midi à
22 heures ; à Lorgues, à la station CIRAME (461 mm sur l'épisode), les valeurs
horaires maximales ont été enregistrées de 14 à 16 heures : 69 et 79 mm (source :
http://pluiesextremes.meteo.fr/2010-06-15/catastrophe-de-draguignan.html – Météo
France). À Taradeau, l'intensité maximale en 60 minutes (valeur glissante) s'est
élevée à 69 mm/h à 14h49 et celle en 120 minutes à 56 mm/h à 15h44 (source :
Daniel Siloret, http://sud-meteo.pagesperso-orange.fr) (cf. Martin, 2010). Ces valeurs
sont élevées, mais moins exceptionnelles (sans doute décennales à centennales)
que les précipitations journalières.
Certes, l'épisode s'est produit à un moment de l'année où l'évapotranspiration
est déjà forte, mais les conditions hydriques étaient favorables aux écoulements :
année 2008-09 très arrosée (1253 mm à Taradeau) et année 2009-10 déjà assez
pluvieuse (760 mm depuis le 1er septembre ; 110 mm depuis le 1er mai).

3. Réponses hydrologiques et inondations


Les pluies se sont traduites essentiellement par des crues, responsables
d'inondations. Des mouvements de terrain assez importants se sont produits dans
les gorges de Châteaudouble, en amont de Rebouillon, où la D955 a été emportée,
mais même dans ce cas la déstabilisation du versant doit beaucoup à la crue de la
Nartuby, du fait de sapements de berge.
Lors de l'épisode, la plupart des stations hydrométriques ont été détruites
(Nartuby à Rebouillon et à Trans) ou mises provisoirement hors service (Argens aux
Arcs). Pour les autres (Aille, Argens à Roquebrune), les hauteurs d'eau atteintes sont
telles que l'extrapolation des courbes de tarage existantes n'aurait pas de sens. Je
fournirai donc des débits estimés selon des approches hydrauliques par le REx Var
ou par moi-même (mes estimations sont toujours plus basses que celles du REx).
3.1. Description des bassins versants
La Nartuby et la Florièye prennent naissance sur les hauts plateaux varois
(Plans de Canjuers) constitués de calcaires et de dolomies du Lias et du Jurassique.
Le bassin de la Nartuby culmine à la Montagne de Barjaude, à 1073 m d'altitude. Les
deux rivières descendent vers un plateau triasique (calcaires et dolomies) à
200-300 m d'altitude, avant de rejoindre la dépression permienne circum mauresque
où elles se jettent dans l'Argens, issu de l'ouest varois, calcaire et dolomitique.
Dans la partie amont du bassin de la Nartuby, celle-ci et son affluent la
Nartuby d'Ampus, qui confluent à Rebouillon, ont creusé des gorges encaissées. Au
niveau de Draguignan, la vallée est dominée en rive gauche par le massif du
Malmont (551 m). La ville a été construite sur les pentes basses de ce relief et ne
s'est étendue jusqu'à la Nartuby que récemment. En aval de Draguignan, le profil en
long présente deux ruptures de pente, la première à Trans même et la seconde en
amont de la Motte.
Le bassin du Réal (qui traverse Les Arcs) naît sur le plateau triasique et rejoint
l'Argens juste avant que celui-ci ne pénètre dans le massif cristallin des Maures.
Durant son parcours mauresque, l'Argens est surtout grossi par l'Aille, dont les eaux
viennent des Maures et de la dépression permienne. L'Argens ressort des Maures au
Muy, où il reçoit la Nartuby. En aval de la confluence avec l'Endre, il s'écoule jusqu'à
Fréjus et la mer dans une plaine alluviale à très faible pente.
3.2. Les petits bassins versants
Dans beaucoup de villages provençaux construits sur les bords d'un petit
ruisseau, celui-ci a été couvert pour faciliter les aménagements. Cette configuration a
eu des conséquences très négatives au Luc (une victime), à Lorgues, aux Arcs, à
Figanières… et même à Draguignan (une victime).
Aux Arcs, par exemple, le Réal qui draine un bassin d'une superficie inférieure
à 30 km2 en amont du village, s'écoule en tunnel sous deux places aménagées dans
les années 1840-1860. L'entrée du double tunnel dans lequel le ruisseau s'engage
montre une réduction considérable de la section offerte à l'écoulement par rapport à
l'arche d'un pont construit en 1724 (Photo 1-a). Mais les aménagements réalisés au
cours des dernières années à la sortie du tunnel n'ont rien arrangé, la construction
d'un théâtre de verdure et d'une promenade ayant conduit à n'offrir finalement aux
eaux qu'un chenal rectangulaire, d'une section de quelques m2, couvert de dalles de
béton qui ont été soulevées (Photos 1-a et 1-b). Avec un débit de pointe qui a peut-
être approché 100 m3/s le 15 juin 2010 (REx Var, in Boudevillain, 2011), les eaux se
sont écoulées à la fois en rive droite et par-dessus l'ancien pont, balayant la rue
principale et la place de la Mairie, et réduisant le théâtre de verdure et la promenade
en aval à l'état de ruines. Les débordements ont débuté à 15h30 et se sont
poursuivis jusque dans la soirée.
À Draguignan, au bas du Malmont, le ruisseau de la Riaille (bassin de
3,5 km2) entre dans une section couverte par une ouverture très étroite protégée par
des barreaux contre lesquels se sont arrêtés des matériaux qui ont fait bouchon. Les
eaux sont passées par-dessus bord et grossies d'autres apports (dont les pluies
urbaines), ont emprunté différents chemins, dévalant la rue qui descend vers le
centre-ville, d'une part, et inondant des immeubles et un lotissement construits dans
une zone en cuvette (Photos 2), d'autre part. Le phénomène a débuté à 17h00, soit
presque simultanément de ce qui s'est passé à Figanières, sur le versant oriental du
Malmont. Il a été ici beaucoup moins long qu'aux Arcs, mais les secteurs en cuvette
sont restés inondés, le réseau d'évacuation des eaux pluviales étant colmaté.
3.3. La Florièye et la Nartuby
La Florièye s'est manifestée violemment à Taradeau où des habitations
récentes proches de la rivière ont été inondées et pour certaines détruites. Avec un
débit de pointe de 350 m3/s environ (pour un bassin de 89 km2), la situation est
devenue critique. Le pont enjambant la Florièye ne permettant pas le libre passage
des eaux, le niveau est monté en amont jusqu'à submerger l'ouvrage. Vers 16h00, le
remblai de rive droite a cédé, aggravant brusquement la situation en aval.
Mais c'est la Nartuby qui a été la plus meurtrière (15 victimes). La forme en
entonnoir du bassin versant en amont de Rebouillon favorise la concentration rapide
des eaux. Vers 16h30, les écoulements sont devenus de plus en plus violents. La
perturbation provoquée par le pont joignant le hameau aux résidences de rive droite
a entraîné le dépôt des blocs charriés par la rivière. Le courant s'est déplacé en rive
gauche, creusant un nouveau lit. Une maison, malheureusement occupée, a été
emportée. Le débit de pointe a sans doute dépassé 300 m3/s (bassin de 149 km2).
De la sortie des gorges de Châteaudouble jusqu'en aval de Draguignan, les
débordements ont été spectaculaires. Le lit majeur de la rivière, encaissé de
plusieurs mètres, partout relativement étroit, ne pouvait pas évacuer tout le débit. Les
ponts ont en outre joué un rôle négatif, soit qu'un pilier et des aménagements
obstruent en partie le lit (pont vers Lorgues – qui avait déjà posé problème lors de la
crue de 1974 : 124 m3/s à Trans, Banque Hydro : www.hydro.eaufrance.fr), soit qu'un
tablier horizontal empiète sur le lit majeur. Aux ponts routiers s'ajoutent ceux de deux
voies ferrées désaffectées dont les remblais forment obstacle. En amont de
Draguignan, le pont d'Aups a ainsi accentué le débordement, mais en rive droite,
donc sans effet pour la ville. En aval de Draguignan, un autre pont ferroviaire et ses
remblais ont en revanche contribué à l'extension de l'inondation dans la zone
d'activité commerciale. Le débordement de la Nartuby s'est déclenché vers 17h15,
touchant toute la partie basse de Draguignan, la prison, une clinique, la
médiathèque, la caserne principale des pompiers, de très nombreuses habitations
(Photo 3) et commerces.

En amont de Trans (bassin de 195 km2), se trouve une portion de vallée


régulièrement inondée lors des fortes crues (débits de pointe supérieurs à 50 m3/s).
Une zone commerciale et des habitations y ont cependant été construites. Quelques
aménagements font en outre de ce secteur un bassin de rétention potentiel : route
surélevée en rive gauche, blocage des écoulements à l'aval par un pont dont le
remblai d'accès ferme la cuvette, passerelle située immédiatement en aval et en
contrebas du pont. Une partie des eaux ayant débordé en rive gauche ont contourné
le centre-ville par les quartiers est (Photo 4-a). Mais le cœur du village, au niveau de
la rupture de pente qui assure pourtant un écoulement rapide sous des ponts
anciens largement calibrés (Photo 4-b), n'a pas été épargné en rive droite. Le fait
qu'une l'arche latérale du Pont Vieux (XVIIème siècle) soit maintenant en grande
partie obstruée n'a pas été sans conséquences.
À la Motte, le vieux village est en retrait de la rivière, mais des lotissements
ont été bâtis à proximité. L'encaissement de la rivière offre ici une section importante
aux écoulements, si bien que le pont de la D254 n'a pas été submergé pour un débit
de pointe de 350 m3/s environ. Certaines installations en bord de rivière ont
cependant été touchées (station d'épuration, centrale hydroélectrique). Le
débordement d'un canal d'arrosage a creusé des ravines entre des maisons. Mais
surtout, un sapement de berge en rive convexe à provoqué dans la nuit
l'effondrement de deux maisons et la mise en péril de plusieurs autres (Photos 5).
Enfin, au Muy (bassin de 225 km2), les habitations et les commerces en bord
de Nartuby ont été inondés. Le pont de la D7 a constitué un élément d'autant plus
aggravant qu'il a été obstrué par un mobile-home, des voitures et divers débris.

3.4. L'Argens
Le débit de pointe à Roquebrune (bassin ≈ 2700 km2) est estimé à 2500m3/s
environ, plus de 50 % au-dessus du plus fort débit connu antérieurement (crue de
décembre 1959) (Philippe Lefort, communication orale). Comparée aux 115 m3/s
observés en aval de Carcès et de la confluence avec la Bresque (Banque Hydro –
bassin ≈ 1300 km2), cette estimation témoigne de l'abondance des écoulements
dans le secteur le plus touché par l'épisode.
Dans la basse plaine de l'Argens, aux crues rapides de l'Argens moyen et de
ses affluents se substitue une crue lente. Une grande partie de la plaine est inondée
(voir les photos aériennes sur le site : http://pluiesextremes.meteo.fr/index.php). La
montée des eaux devient préoccupante le 16 juin entre 2h00 et 4h00. Les dégâts
sont considérables (habitations, locaux commerciaux et industriels, campings,
exploitations agricoles…). Aucune alerte n'ayant été déclenchée, les populations
sont totalement surprises. Sept décès seront à déplorer (Roquebrune et Fréjus).

4. Caractérisation des crues


4.1. Les traits remarquables
Dans les bassins touchés par les précipitations les plus fortes, ce qui frappe
d'abord, c'est l'abondance des débits de pointe. Toutefois les valeurs spécifiques
sont restées généralement inférieures à 4 m3/s/km2, alors que des précipitations de
30 mm/h tombant en continu sont susceptibles d'assurer un débit de 8 m3/s/km2
après saturation totale du bassin versant. Pour les bassins les plus étendus, la valeur
maximale a été relevée sur la Florièye à Taradeau (près de 4 m3/s/km2, contre de 1,6
à 2 ou 2,5 m3/s/km2 sur la Nartuby à La Motte, Trans et Rebouillon), ce qui est en
relation avec la très forte intensité des pluies à Lorgues et à Taradeau de 14 à 16
heures. Le débit de pointe (en m3/s) a peu augmenté entre Rebouillon et La Motte,
du fait de l'expansion de la crue dans les zones inondées.
Après un début d'épisode hydrologique conforme aux fonctionnements
habituels, les cours d'eau ont connu une montée de crue forte et rapide, qui a
demandé une trentaine de minutes. Sur la Florièye, elle s'est produite vers 16h00,
après des précipitations de l'ordre de 200 mm et en réponse à des averses
particulièrement intenses depuis 14h00. Ici, comme sur la Nartuby et les autres
bassins, avec la saturation de zones de plus en plus étendues, les réponses aux
précipitations se sont faites très brutales, que les eaux ruissellent en surface où
qu'elles circulent dans les niveaux supérieurs de calcaires fissurés et karstifiés.
Dotés d'une très grande énergie, les cours d'eau ont arraché la ripisylve,
érodé les berges et charrié des quantités énormes de matériaux auxquels se sont
ajoutées un grand nombre de voitures en aval des secteurs urbanisés.
Autre fait marquant, le maintien de précipitations abondantes et intenses
pendant une douzaine d'heures. Elle explique l'importance de la crue de l'Argens à
Roquebrune et l'inondation de toute sa basse plaine, le fleuve ayant cumulé des
débits importants fournis par tous ses affluents en aval de Vidauban.
4.2. Les périodes de retour, cas de la Nartuby
La Nartuby avait déjà connu un épisode très violent, en juillet 1827, à la suite
d'un orage localisé sur le haut bassin versant. À Trans, le parapet du Pont Vieux a
été endommagé et une maison a été engloutie. Mais il est difficile de comparer les
situations. En effet, l'occupation du milieu était très différente en 1827, la forêt ayant
alors une extension limitée. De toute façon, seule une étude statistique peut établir la
probabilité de survenue d'un épisode d'ampleur donnée.
Beaucoup de méthodes sont disponibles pour le calcul des périodes de retour.
Elles fournissent des résultats très différents, si bien que leur choix n'est pas toujours
innocent. Pour la Nartuby, le PPR de Draguignan (2005) utilise la méthode du
Gradex : le débit moyen journalier vicennal est déterminé par la loi de Gumbel ; au
delà, on considère que toute nouvelle pluie est écoulée ; les débits de pointe de crue
références sont ensuite estimés en multipliant les débits journaliers références par la
valeur moyenne des rapports entre les débits de pointe et les débits journaliers
trouvés pour les plus grosses crues enregistrées. Je suis reparti des résultats de ce
document, mais en recalant les débits références de sorte que le débit de pointe
vicennal corresponde à celui fourni par la loi de Gumbel appliquée aux débits
instantanés. Par cette approche, la période de retour du débit de pointe de la
Nartuby à Trans le 15 juin 2010 (estimé avec beaucoup de prudence à 320-350 m3/s)
apparaît supérieure à 400 ans, sans risque systématique qu'elle soit surestimée, bien
au contraire. J'ajouterai que si les débordements sérieux ont débuté bien avant que
le débit maximal ait été atteint, la période de retour correspondant au début des
graves problèmes est au moins de 200 ans, que l'on considère le débit (de l'ordre de
250 m3/s) ou les précipitations (200 mm, avec des intensités très fortes dans les
dernières heures).
Bien sûr, en ajoutant un événement aussi exceptionnel que celui de juin 2010
à une chronique courte (depuis 1969 à Trans), les périodes de retour se trouveraient
sensiblement réduites. Mais la représentativité des résultats ne serait évidemment
pas satisfaisante.

5. Prévision et gestion de l'événement


Météo France avait parfaitement prévu un très fort épisode orageux sur la
façade méditerranéenne française et en avait progressivement affiné la localisation.
Des pluies pouvant atteindre jusqu'à 250 mm étaient annoncées, ce qui était logique
compte tenu des données anciennes. En revanche, les risques d'inondation étaient
sous-estimés, quelques débordements localisés étant envisagés. Mais Météo France
n'a pas de compétence dans ce domaine et le Service de prévision des crues
n'assurerait encore aucun suivi dans le bassin de l'Argens. Il est toutefois regrettable
que la mesure de la situation n'ait pas été prise dans l'après-midi du 16 juin, l'alerte
météo étant maintenue à l'orange alors qu'un passage au rouge s'imposait.
Localement, tous les services compétents ont été surpris, à l'image du Maire
de Draguignan en réunion au rez-de-chaussée de la caserne des pompiers
subitement inondée. Mais la réaction a partout été efficace. Près de 2500 personnes
ont été secourues (plus de 1300 par hélitreuillage), dont 300 dans une situation très
critique (Charaud et Paya, in CETE, 2011). Dans les jours suivants, l'armée est
venue en renfort pour aider à une certaine remise en ordre, sinon en état.
Cet épisode pose évidemment le problème de la transmission des
informations. En effet, alors que la situation à Trans et aux Arcs était très difficile
depuis 16h00, aucune disposition n'a été prise ailleurs pour que les populations
soient mises en sécurité. Beaucoup de personnes ont donc quitté leur travail et
emprunté les routes à 17h00, juste avant que la Nartuby connaisse sa montée de
crue brutale à Draguignan.
Plus surprenant, aucune alerte et aucun conseil n'ont été adressés aux
populations de la plaine inférieure de l'Argens. Certes, sur les cours d'eau affluents,
les débits les plus forts ont été atteints en début de soirée, mais les conséquences
de l'épisode en aval de Roquebrune étaient déjà prévisibles à 18h00. Aucune
réponse n'a été pour l'instant donnée à cette interrogation.
Presque une année après, les choses ont repris leur cours. Mais il reste
encore à faire. Les assurances n'ont pas tout remboursé, notamment dans le cas des
collectivités territoriales. Les aides promises par l'État sont loin d'avoir été
intégralement versées. Beaucoup de communes se sont lourdement endettées.

6. Conclusion
Le bilan humain et matériel de l'épisode pluviométrique du 15 juin 2010 est
très lourd. Il devrait inciter à prendre quelques dispositions pour améliorer la sécurité
des biens et des personnes dans l'avenir. Au delà d'une amélioration des prévisions
météorologiques et de connaissances plus fines des fonctionnements hydrologiques,
on peut espérer la mise en place d'un service d'alerte hydro-météorologique plus
efficace. Pour le reste, si les mesures bien connues en la matière (d'interdiction ou
d'obligation) seront peut-être appliquées, il n'en demeure pas moins vrai que mis à
part quelques cas particuliers, il sera impossible de modifier grand-chose. Bien sûr,
des efforts devront être faits pour faciliter et/ou accélérer la circulation des eaux dans
les secteurs où les implantations humaines sont menacées. Bien sûr, quelques
zones pourront être préservées pour l'expansion des crues, à supposer que des
espaces non occupés existent encore dans chaque bassin versant. Mais cela sera
bien peu, car beaucoup d'aménagements ont été réalisés sur lesquels il sera difficile
de revenir. L'État a décidé de fermer la prison de Draguignan plutôt que de la
réaménager, mais ce geste ne peut avoir qu'une portée symbolique… ou politique. À
quelques exceptions près, les habitations et les locaux professionnels resteront là où
ils se trouvent, et d'autres viendront sans doute s'y ajouter du fait de la pression
socio-économique, que ce soit dans le bassin de la Nartuby ou dans la basse plaine
de l'Argens.
Au demeurant, s'il a été catastrophique, l'épisode du 15 juin 2010 a aussi
comme caractère d'être exceptionnel. Chaque année, la probabilité pour qu'un
épisode au moins équivalent se produise est inférieure à 1/400 à Trans et elle est
encore plus faible à Rebouillon et à Taradeau. Pour l'amorce des problèmes sérieux,
la probabilité, dans tout ce secteur, reste en dessous de 1/200. Enfin, une inondation
comme celle observée dans la basse plaine de l'Argens en juin 2010 ne peut être
provoquée que par des précipitations extrêmement abondantes sur une grande
partie du bassin versant, suffisantes en tout cas pour entraîner une forte
concentration des écoulements. Contrairement à l'avis du REx Var (Fourmigué et al.,
in CETE 2011), qui avance pour l'instant une période de retour de 100 ans, il faut
certainement ici aussi considérer l'épisode de juin 2010 comme pluri-centennal.
Les décisions devront tenir compte à la fois de la nécessité de protéger la
population, des contraintes socio-économiques et de la réalité objective du risque. Il
n'existe pas de solution toute faite. Définir des actions pertinentes nécessite
d'examiner l'ensemble des enjeux et de chercher entre eux un équilibre qui permette,
en fonction des moyens disponibles, d'assurer un bon niveau de sécurité au regard
du risque, tout en ne bloquant pas le développement.

Remerciements : Je suis reconnaissant à la Mairie de Draguignan, à celle de Trans-


en-Provence et à l'association "Les Agités de La Motte" de m'avoir autorisé à puiser
dans leur fonds photographique, ainsi qu'à M. Didier Gauthe de ses remarques.

Références :
ARTIGUE, G., DUMAS, D., MERTZ, C. et WESOLEK, E., 2010. Retour d'expérience sur la prévision
météorologique et hydrologique d'un épisode diluvien exceptionnel. Édit. KERAUNOS, Observatoire
Français des Orages Violents et des Tornades : 20 p.
En ligne : www.keraunos.org/recherche_inondations_var_15_juin_2010_prevision.pdf.
BOUDEVILLAIN, B., 2011. Risque hydrométéorologique, crues et inondations. Université Joseph
Fourier / Diffusion des savoirs, Cours 1 : Introduction.
En ligne : www.lthe.fr/PagePerso/boudevil/ENS/DDS-364-cours1.pdf.
CETE, 2011. Présentations de la journée technique du 15 mars 2011 "Retour d’expériences sur les
intempéries des 15 et 16 juin 2010 dans le Var". CETE Méditerranée.
En ligne : www.cete-mediterranee.fr/fr/breve.php3?id_breve=70.
LANG, M. et LAVABRE, J., 2007. Estimation de la crue centennale pour les plans de prévention des
risques d'inondations. Édit. Quæ, collection "Update Sciences & Technologies" : 232 p.
MARTIN, C., 2010. Les inondations du 15 juin 2010 dans le Centre Var : réflexion sur un épisode
exceptionnel. Ét. Géogr. Phys., XXXVII : 41-76.
En ligne : www.physio-géo.fr (onglet E.G.P.).
PPR Draguignan, 2005. Plan de Prévention des Risques Prévisibles (PPR). Commune de
Draguignan. La Nartuby. 1 - Note de présentation. Direction Départementale de l'Équipement du Var
et Direction Régionale de l'Environnement Provence-Alpes-Côte d'azur : 22 p. + 5 annexes.
T h è m e 3

A s p e c ts a g ro n o m iq u e s
d e la g e s tio n c o n s e rv a to ire
d e l’e a u e t d e s s o ls ( G C E S )

P o u r re ta rd e r « la fa tig u e d e s s o ls c u ltiv é s » , o n p e u t fa ire a p p e l à l’a s s o c ia tio n d e s


p la n te s (c u ltu re s a s s o c ié s ), c e q u i ra le n tit la v ite s s e d e d é g ra d a tio n e t a m é lio re l’e x p lo ita tio n
d e s re s s o u rc e s d u s o l e t m a in tie n t p lu s lo n g te m p s le u r p ro d u c tiv ité e n ré d u is a n t le s ris q u e s
d ’é ro s io n o u d ’a tta q u e d e s n u is ib le s .

L ’a s s o c ia tio n o u la ro ta tio n d e s c é ré a le s a v e c d e s lé g u m in e u s e s (a ra c h id e , s o ja ,
h a ric o ts … ) a p p o rte d e l’a z o te d e l’a ir. M a is c e s te c h n iq u e s s o n t in o p é ra n te s s u r d e s s o ls d é jà
d é g ra d é s c a r p o u r s e d é v e lo p p e r c o rre c te m e n t, le s lé g u m in e u s e s e x ig e n t s u ffis a m m e n t d e
p h o s p h o re a s s im ila b le e t d e s p H p re s q u e n e u tre s .

L a g e s tio n d e s ré s id u s d e c u ltu re (c o m p o s t, fu m ie r, p a illa g e ) o u d e s d é c h e ts u rb a in s


e n tre tie n t le s b o n n e s c o n d itio n s p h y s iq u e s d u s o l e t lib è re d e s n u trim e n ts fa v o ra b le s à la
p ro d u c tio n d e s c u ltu re s . C e p e n d a n t, le s te n e u rs e n n u trim e n ts d e s m a tiè re s o rg a n iq u e s s o n t
fa ib le s p a r ra p p o rt a u x e n g ra is c h im iq u e s e t le s q u a n tité s d is p o n ib le s to u jo u rs tro p ré d u ite s . Il
fa u t d o n c p ré v o ir à la fo is u n e b o n n e g e s tio n d e s m a tiè re s o rg a n iq u e s d is p o n ib le s e t u n a p p o rt
c o m p lé m e n ta ire d e n u trim e n ts m in é ra u x (le p h o s p h o re , s o u v e n t l’a z o te e t c e rta in s o lig o ts -
é lé m e n ts ).

C e rta in e s c u ltu re s c o m m e le s b a n a n ie rs , le s a n a n a s e t la c a n n e à s u c re p ro d u is e n t u n e
a b o n d a n te b io m a s s e : le u r g e s tio n à la s u rfa c e d u s o l, c o m b in é e a v e c d e s a p p o rts d ’e n g ra is
m in é ra u x c o m p lé m e n ta ire s p e rm e t d e c o n s tru ire d e s s o ls h u m ifè re s fe rtile s (e x B u ru n d i,
M a rtin iq u e ).

E n fin q u a n d le s c o llin e s s o n t tro p é ro d é e s p o u r s o u te n ir d e s c u ltu re s , il e s t p o s s ib le d e


re te n ir le s s é d im e n ts ric h e s d a n s le s v a llé e s , d e c ré e r d e s s o ls a llu v ia u x fe rtile s e t d ’y s to c k e r
le s e a u x d e ru is s e lle m e n t d e s v e rs a n ts (s e u ils , c ite rn e s , p u its ) p e rm e tta n t d e s c u ltu re s
in te n s iv e s d é g a g e a n t s u r d e p e tite s s u rfa c e s d e s p ro d u its v iv rie rs a tte n d u s e n v ille e t d ’u n b o n
ra p p o rt p o u r le s p a y s a n s (e x p ro je t G ro s M o rn e e n H a ïti).
LES CULTURES ASSOCIEES TRADITIONNELLES A L’ECHELLE DU
CHAMPS : Une technique biophysique raisonnée de valorisation
des intrants et de gagner plus qu’en monocultures.

Valet Serge1
1
PASSERELLES, 9, rue du Bât d’Argent, 69001, Lyon France ; valet.serge2@wanadoo.fr.
Résumé
Les résultats de cette étude conduite sur les cultures associées traditionnelles multi
stratifiées et en relais dans la région des hauts plateaux de l’Ouest Cameroun
démontrent le « génie agricole » des paysans illettrés qui repose sur leur
connaissance empirique agropédoclimatique. Par rapport aux monocultures, les
associations culturales offrent un ensemble de services supérieurs dans de
nombreux domaines agronomiques et environnementaux, assurant une meilleure
conservation/réhabilitation de la structure du sol et infiltration avec limitation de
l’engorgement du sol, une meilleure protection du sol contre l’érosion ; un
enracinement plus important et plus efficace, une meilleure utilisation des réserves
en eau et nutriments ; une séquestration optimum du carbone. C’est ce qui explique
qu’elles fournissent des rendements maxima totaux (LER) pour des doses de
fertilisation minérale maximum de 20 à 50% plus faibles que pour les monocultures
maximisant les apports de fertilisation minérale. Grâce à l’économie d’intrants et de
sol, elles sont plus rentables que les monocultures. La maximisation de la biomasse
souterraine et aérienne explique la meilleure résistance à l’érosion hydrique. Les
savoirs bio-agro-pédologiques empiriques renforcés par les savoirs scientifiques
devraient concourir à la réhabilitation des agro-écosystèmes face à l’accroissement
démographique et au changement climatique.
Mots- clés : associations multi stratifiées, aggradation, biomasse, engrais minéraux et organiques,
lutte antiérosive, Cameroun.
Abstract:
The results of this study about the traditional mixed and relay cropping in the W-
Cameroon highlands proved the “agricultural genius” of the illiterate paysants which
is due to their empirical agro-pedo-climatic knowledges. With regard to the pure
cultures, mixed cropping offer some ecological services: best land
conservation/rehabilitation, soil infiltration and structural preservation, good manual
tillage, adequate soil erosion struggle, and optimal carbon sequestration… These
explain that the optimal mineral fertilizer doses are 20 to 50% less than these of the
pure cultures. So, because the nutrients and soil economy, and the more important
total yields (LER), than the same pure cultures, the mixed cropping make more
money. The aerial and subterranean biomass maximisation explains the best
resistance to the erosion. The empirical knowledge reinforced by the scientific
knowledge would contribute to secure the agro(eco)logical conservation/rehabilitation
face to the population increase and the climate change.
Key-words: Mixed cropping, soil aggradation, biomass, manure and mineral fertilizer, erosion,
Cameroon.
I. OBJECTIF
Les cultures associées traditionnelles recouvrent toujours de grandes surfaces
dans le monde et assurent l’alimentation de plus d’un milliard de paysans illettrés. Ils
pratiquent empiriquement ce type d’agriculture du sahel aux forêts tropicales (Hecq,
1958 ; Baldy, 1963 ; Valet, 1966 et 1970 ; Mazoyer, 1972). Les espèces et variétés
cultivées, de même que leur nombre, varient avec la latitude mais aussi avec
l’altitude, de même qu’avec les habitudes alimentaires traduisant l’adaptation aux
potentialités multiples des agro-écosystèmes (Valet, 1966-1971; de Ravignan, 1969 ;
Dupriez, 1980a). Pour les agronomes ces dernières « devaient tout naturellement
céder la place aux cultures intensifiées pures dès lors qu’elles auraient montré leur
supériorité » (Tardieu, 1970). Quant à d’autres chercheurs, qui croyaient cependant
à la supériorité des associations, ils pensaient que “la culture pérenne doit conquérir
normalement tout l’espace à l’exclusion des petites exploitations de subsistance
tournées d’abord vers les cultures vivrières ” (GRET, 1982). Les échecs de
l’intensification des monocultures (Révolution verte prônée dès 1950) et aussi des
techniques physiques de lutte contre l’érosion, sont reconnus et expliqués en partie
par M. Griffon : « Les agronomes ont été formés pour éradiquer les écosystèmes
pour créer un système artificiel, simplifié et forcé par l’introduction d’une grande
quantité d’engrais et de pesticides» (CIRAD, 2007). La nécessité de « nourrir la
planète » tout en la préservant oblige désormais à étudier les cultures associées
traditionnelles innovantes (Valet, 1966-71). Pour ce faire des essais sur les cultures
associées dans la région des hauts plateaux de l’Ouest-Cameroun qui représentent
le meilleur exemple et le plus complet des associations culturales par leur diversité
mais aussi par la possibilité d’en multiplier les arrangements ont été conduits.
L’objectif de cette étude doit répondre à plusieurs questions agro-
environnementales que pose cet apparent et abondant chaos végétal :
1) Quelles actions ces associations culturales ont-elles sur le sol qui « est une
ressource essentielle à l’activité humaine et à la survie des écosystèmes ?
2) Comment assurer une augmentation de productivité des associations de façon
soutenue sans pollution ?
3) Quels indicateurs retenir pour démontrer l’effet de ces associations face au
changement climatique ?
4) Quels bénéfices comparés à ceux des monocultures ?
2. METHODE ET MATERIEL
2.1. Localisation
L’étude a été réalisée dès 1966 dans l’Ouest-Cameroun en trois régions Nkondjock,
pays Bamiléké et Bamoun entre 9° et 11°E et de 5° à 6°N.
2.2. Le climat
La pluviosité moyenne annuelle diminue du sud-ouest au nord-est de plus de
3000mm à 1450mm (période 1921 à 1968) mais augmente au voisinage des plaines
et des massifs montagneux (Valet 1966). La diminution entraîne le raccourcissement
de la saison utile des pluies et une réduction du nombre de cycles annuels de
cultures. Les températures moyennes annuelles qui diminuent avec l’altitude, sont de
27,5°C au sud à moins de 19°C dans les monts Bamboutos. L’insolation a ugmente
de 1750 à 2400 heures inversement à la pluviosité. La région Bamoun est à risque
de sécheresse climatique.
2.3. Les sols
Les formations plus anciennes (socle granito gneissique et basalte ancien)
supportent les sols ferralitiques (rouges et jaunes) les plus altérés ; alors que les plus
récentes ont donné des sols faiblement ferralitiques sur la série éruptive moyenne et
sols jeunes noirs et bruns sur la série supérieure basaltique et des sols remaniés
caillouteux. Certains sols ferrallitiques et bruns enrichis en cendres volcaniques
basaltiques sont appelés «à profil complexe» (Sieffermann, 1973). Ces sols
présentent des sommes de cations échangeables de 1,8 à 31,5 m.éq./100g, de
Corg. de 1,8 à 10%, et des carences minérales en P et K de nulles à très fortes
(Valet, 1967).
Les sols sont caractérisés par trois régimes hydriques : Udic (bien alimenté en eau),
Aquic (engorgement) et Ustic (avec une période de sécheresse).
2.4. Essais de fertilisation
Des courbes de réponse (Urée & P205) ont été réalisés sur la monoculture de maïs
(Cuban yellow et Mexican V seules ou croisées, Z290) et sur des associations bi et
tri spécifiques comprenant des tubercules (Taro blancs: colocasia antiquorum et
Macabo blancs: xanthosoma sagittifolium) et des légumineuses (Soja –Cola, ISRA3/73
& SJ289 et Haricot local). Des apports suffisants de P2O5 (Phosphate bi calcique) et
de K (Chlorure de potassium) ont été ajoutés. Des essais de fertilisation organique
(fumier de bovins et écobuage) ont été réalisés.
3. RESULTATS
3.1. Techniques culturales
3.1.1. Densité des cultures ou IOS (Indice d’Occupation du Sol)
La densité des cultures est mesurée par l’ IOS qui varie de 1,40 pour l’association tri
spécifique, 1,30 à 1,95 pour les associations bi spécifique et varie de 1,04 à 3 pour 5
à 12 espèces dans l’association traditionnelle en fonction du climat et de la qualité du
sol (Valet, 1976 ; Salez, 1986 et 1990).
3.1.2. Travail du sol : billonnage
Les billons sont réalisés manuellement à l’aide d’un socle de pelle emmanché
comme une houe. Les mauvaises herbes et les résidus de récolte sont déposés
dans le sillon puis enfouis l’année suivante au sein du nouveau billon. Ce
déplacement latéral des billons d’une année l’autre assure une certaine succession
et assolement car les mêmes cultures ainsi ne se retrouvent pas en contact avec les
mêmes particules de terre. De plus en plus de paysans sur sol plan pratiquent le
labour mécanisé équin à plat suivi de billonnage.
- Dimension
Les billons sont espacés de 60 à 200 cm selon la nature du sol.
*Sur sol peu profond et caillouteux, notamment sur granite, ils sont peu épais
et rapprochés et de longueur réduite.
*Sur sol profond et limono argileux, sur basalte ou à profil complexe (enrichi
en cendre volcanique), leur taille et leur espacement sont grands.
* Sur sol profond, notamment en zone hydromorphe, les buttes sont
importantes et courtes.
- Distribution sur le versant
Les billons ont été réalisés perpendiculairement à ces pentes faibles.
- Ameublissement
Figure 1- Effet des techniques culturales
sur la profondeur d’ameublissement :

D : sol ferrallitique à profil complexe à Dschang ;


M : sol ferrallitique rouge gravillonnaire à
Dschang-Météo (25/04/70) ;
F : andosol noir à Foumbot (09/06/70).
(Mesuré par la pénétration d’une tige de fer de
1cm de diamètre sous une masse de 10kg).

(Cultural practice effect on the loose soil depth: D


complex ferrallitic soil (Dschang); M: eroded red
ferrallitic soil (Dschang-meteo); F: basaltic andic
soil (Foumbot).

Sur les sols très contrastés utilisés, sol ferrallitique à profil complexe, sol ferrallitique
rouge gravillonnaire érodé (Dschang) et sol noir andosolique sur cendres basaltiques
(Foumbot) les techniques culturales manuelles traditionnelles de travail du sol
provoquent, de façon hautement significative, un ameublissement plus important sur
une plus grande profondeur et une structuration meilleure que le labour mécanisé
même suivi d’un billonnage (Fig. 1). Ainsi, une force appliquée de 75kgm fait
pénétrer une tige métallique de 1cm de diamètre jusqu’à la profondeur de -25cm
pour le labour mécanique, -46cm pour le labour et billonnage mécaniques et de -
65cm environ pour le billon manuel traditionnel. Cet ameublissement favorise
l’enracinement très différent des multiples espèces latéralement et en profondeur.
3.1.3 Structure et porosité totale
Outre la différence observée sur l’ameublissement du sol, le billon manuel
traditionnel améliore significativement la porosité totale du sol en réduisant la densité
apparente par rapport aux labours mécanisés de 1.25 à 0,99 soit une amélioration de
la porosité totale de 49 à 61%. De plus, le sol laissé nu en monoculture, en
septembre pendant les plus fortes pluies très agressives, subit une plus grande
érosion que celle très importante mesurée en début de saison de culture (Valet,
1999). Un essai de paillage protecteur, épais de 30cm, contre l’érosion sur une
monoculture de maïs en saison des pluies a montré qu’il provoque une baisse de
rendement de 7 à 19% respectivement sans et avec engrais, car il maintient
l’humidité du sol au dessus de la capacité au champ (de 40% à 8% respectivement
de -2cm à -20cm de profondeur) et abaisse la température (à 12h. en moyenne de
9°C à 6°C respectivement de -2cm à -20cm de profondeur) ; Il ne peut donc pas être
conseillé en saison des pluies pour protéger le sol de l’encroûtement (Valet, 1999).
3.1.4. Déficit ou excès hydriques
Deux risques de déficit hydrique l’un climatique en région Bamoun et l’autre
édaphique dans les deux régions pour les sols qui présentent un régime hydrique de
type Ustic sur pentes fortes et en sols très sableux ou peu profonds ont été identifiés
(Valet, 2004). Mais le plus souvent au cours du premier cycle cultural c’est le
drainage qui domine. Il explique à la baisse de 54 à 66% la variance des rendements
du maïs pour les différents sols (Fig. 2). Cet effet dépressif du drainage est aussi
mesuré dans des essais conduits sur sol hydromorphe où il se caractérise par un
Figure 2- Relation entre le rendement du maïs
(Qx ha-1) et le drainage (mm) sur des sols de
différente qualité dans l’Ouest-Cameroun
(1965-1972).
-1
(Maize yield (Qx ha ) versus drainage (mm) for variable
quality of soils in West-Cameroun (1965-1972).

allongement significatif du cycle du maïs. Dans les deux cas, c’est l’engorgement du
sol avec le risque d’asphyxie racinaire et le blocage de la minéralisation de l’azote
qui ajoutent leurs effets pour allonger la durée de la croissance de la culture et
réduire sa biomasse. Avec l’installation de la sécheresse, à partir de 1970, le risque
d’engorgement s’atténuera et celui d’aggravation du déficit hydrique des associations
traditionnelles devrait s’accroître et accentuer la compétition entre espèces.
3.1.5. Fertilisation des associations culturales et des monocultures
A- Fertilisation minérale
- Associations tri spécifiques :
Les courbes d’apport croissant d’urée (avec doses satisfaisantes de P et K)
démontrent que le maximum se situe entre 60 et 80 U/ha de N pour le maïs, 40 à 60
environ pour le macabo et le taro pour des sols de qualité différente (Fig. 3). Les
rendements totaux pondéreux maximum enregistrés aux doses maxima d’engrais
varient de 10Tha-1 environ à Dschang à 23T à Foumbot.
Figure 3– Courbes de réponse à N de l’association Maïs-Macabo-Taro sur des sols
de qualité différente, Ouest Cameroun. (Maize-Colocasia-xanthosema vs N of soils with
different quality in West Cameroon).

- Association bi spécifique : Maïs-Soja & Maïs-Haricot


A partir d’essais conduits par Salez (1986, 1990) pendant 10 ans, on constate, pour
des doses de N-P de 0 à 80 U/ha, que l’association Maïs-Soja présente un net
antagonisme (Fig. 4A) au contraire de l’association Maïs-Haricot (Fig. 4B) quel que
soit le type d’arrangement spatial (mélangé ou intercalaire). Les rendements du maïs
sont nettement supérieurs dans l’association avec le haricot qu’avec le soja (1,6 à
6,5Tha-1 contre 0,9 à 3,3).
A B Figure 4- Relation
entre le
rendement du
maïs
et A) du soja et à
Dschang et
Foumbot.
B) du Phaseolus
à:
Dschang, Foumbot,
Bamendjou, Bandjou,
Bamendou.

- Monoculture de maïs
La dose maximum d’urée se situe entre 65 et 150 U/ha de N donc de 20% au double
de celle obtenue en association tri spécifique (Fig. 5). Les rendements obtenus en
Figure 5– Courbes de
réponse du Maïs à N sur
des sols de qualité
différente, Ouest
Cameroun.
(Maize yield vs N on soils of
different quality, West
Cameroun).

monocultures ne sont pas très supérieurs à ceux obtenus en association


trispécifique. Seuls quelques rendements avec Soja et haricot sont nettement
supérieurs mais avec une autre variété plus performante. La réponse pondérale du
maïs dans ses essais aux doses croissantes de N et sa variance locale dépendent
de la qualité des sols en fonction de leurs caractéristiques intrinsèques et du micro
climat comme le définit Karlen et al. (2001).
B- Fertilisation organique
- Ecobuage
L’écobuage, réalisé seulement tous les 5 ans, libère brutalement beaucoup plus de
P205 assimilable et de potasse que le témoin (Témoin = 30ppm contre 2030ppm de
P205 libérés) et provoque une augmentation de 79,5 % du rendement du maïs pour
200 U/ha de phosphate (forme bi calcique) (Fig. 6A). Il maintient de plus l’azote dans
le sol (Autfray, 1985).
A Figures 6– Corrélation entre
le rendement du maïs et le
P205 assimilable libéré par
l’écobuage
(Sol à régime hydrique Ustic).
B– Comparaison de l’effet de
la fertilisation minérale et
organique (fumier bovin) sur
le rendement du maïs
(Sol à régime hydrique Aquic).
B

- Fumier bovin
A dose de nutriments égale à la fumure minérale, le fumier a un effet identique sur le
rendement du maïs ; de plus il majore l’effet des apports (+27,3% avec 200 U/ha) de
N (Urée) (Fig. 6B).
- Jachère
La forte production de biomasse et le maintien de la jachère assurent efficacement la
restauration physique et chimique de la fertilité du sol. A Koumelap sur un sol
ferrallitique rouge sur basalte ancien, la jachère a permis au sol de recouvrer une
fertilité minérale et organique équivalente à l’enfouissement de stylosanthes, en
cations nettement supérieure, en phosphore légèrement inférieur à un apport de 200
unités ha-1 de P2O5 et une stabilité structurale supérieure à la monoculture intensifiée
sur 20-40cm (Valet, 1999b).
3.1.6. Haies vives et parc arboré
Les cultures associées implantées dans des parcs arborés (arbres et arbustes
divers) et entourées par des haies vives bénéficient de leurs apports organiques
(feuilles, brindilles, branches, racines, BRF) (Photo 1). Après 6 mois seulement ces
haies filtrent et retiennent 95% de la charge solide au Burundi (Duchaufour et al.,
1996). De plus, ces haies permettent une amélioration de la fertilité et du rendement
par remontée des nutriments et par la biomasse produite, 102 à 124kg ha-1 an-1 de
N, 6 à 9kg ha-1 an-1 de P2O5 et 18kg ha-1 an-1 de K et le CO (Ndayzigiye, 1993). A la
Réunion, sur fortes pentes une haie de calliandra calothyrsus améliore l’état
structural des Andosols très sensibles à l’érosion (Cattet, 1996). Dans l’Ouest
Cameroun, Kalemba et Ndoki (1995) ont vérifié l’effet des BRF (Bois Raméaux
Fragmentés : branches de diamètre inférieur à 8cm), produit de l’émondage des

Dschang- Granite
Photo 1- Cultures multistratifiées à Bansoa, Bafou, Foumbot et Dschang.

haies et des arbres, sur l’amélioration du rendement du niébé et sur l’aggradation du


sol. Ce rôle comme amendement organique efficace dans l’aggradation des sols
productifs (Lemieux et al., 1999) a été évoqué par Valet (2007).
3.2. Revenus comparés des cultures associées et des monocultures
Les bénéfices de divers systèmes de cultures associées traditionnelles et raisonnées
Figure 7- Evolution
des pertes et des
bénéfices (CFA) en
fonction des systèmes
de culture :
monoculture, bi-tri et
multi spécifique
traditionnel, raisonné
et intensifié (1970).

(Losses and gains


evolution of systems
vs crop number
(mono, bi, tri, multi
Cropping-1970).

comparés aux monocultures intensifiées ont été calculés aux valeurs de 1970 sur de
nombreux essais (Valet, 1972 et 1976 ; Salez 1986 et 1990). De déficitaire en
monoculture à l’exception des tubercules l’accroissement des bénéfices est
proportionnel au nombre de plantes par unité de surface (Fig. 7). De moins
18000CFA à 20000CFA en monoculture de maïs et arachide et 55000CFA pour les
Macabos on obtient des gains de 125000CFA en association. La fertilisation
raisonnée sur 3 espèces donne des bénéfices inférieurs à la pratique traditionnelle.
La dérégulation libérale obligeant le Cameroun a supprimer les subventions agricoles
dans les années 80, suivi en 1994 de la dévaluation de 50% du CFA imposée par la
BM, la disparition de la protection douanière puis de la baisse constante des cours
mondiaux due à la « mondialisation » devrait encore creuser l’écart entre les
bénéfices obtenus dans les associations traditionnelles et celles des monocultures
intensifiées au profit des premières (Valet, 2007).
4. Discussion
Les cultures associées multi spécifiques parce que conduites dans des parcs
arborés parfois denses, et entre des haies, bénéficient d’abondants apports
organiques, complétés par les adventices et résidus agricoles, mais aussi minéraux
soit directement soit par remontée d’horizons profonds qui leur assurent une bonne
qualité physico chimique et hydrique. Njoku et al. (1984.) ont démontré que les
associations culturales réduisaient le lessivage de l’azote et des nutriments. Cela
s’apparente assez à la conservation qu’aurait une jachère, des plantes de
couvertures associées à l’emploi d’un engrais vert dont les effets sur la productivité
des sols sont reconnus depuis longtemps sous toutes les latitudes (Etesse, 1932).
Cette forte quantité de matière organique et minérale et leur nature différente dont
les BRF expliquent le raccourcissement de la durée réparatrice des jachères comme
l’ont obtenue Salako et Tian (2001) au Nigeria et Autfray (2005) en Côte d’Ivoire
avec une seule plante de couverture à bon niveau de matière organique. La
préparation manuelle traditionnelle du sol qui crée un très bon ameublissement et
une porosité totale supérieure à celle du labour mécanique, favorise l’implantation
rapide des multiples systèmes racinaires en densité et en profondeur assurant une
utilisation supérieure de l’eau du sol diminuant encore plus les risques
d’engorgement mais aussi résistant mieux à la sécheresse. En effet, la compétition
entre cultures est réduite et ce d’autant plus que les « assiettes radiculaires »
présentent des caractéristiques morphologiques et physiologiques différentes et
complémentaires (Dupriez, 1980b). Ceci est confirmé par Hulugalle et al. (1987) qui
signalent que le RER (Root Equivalent Ratio) des associations est supérieur, de
l’ordre de 1,5 fois, à celui des mêmes monocultures et Autfray (2005) de 1.40 jusqu’à
100cm de profondeur de sol pour une association Sorgho-Bracharia. Le décalage
des semis et les longueurs de cycle différents déplacent les besoins nutritionnels et
hydriques qui ne se font pas aux mêmes époques, et les prélèvements en même
quantité aux mêmes profondeurs (Baldy et Stigter, 1997). Ainsi Reddy et Willey
(1981) ont démontré que deux plantes consomment seulement 10% de plus par
unité d’hectare que chaque monoculture et Sinha et al., (1985) quatre plantes 28%
de plus seulement. Trenbath (1976) a démontré que l’association culturale permettait
une meilleure aération des racines en période de saturation du sol. Dans l’Ouest
Cameroun chaque introduction de la monoculture a toujours été à l’origine, dès la
première année, de la dégradation accélérée du milieu provoquant la destruction des
équilibres bio-physico-chimiques avec apparition de ravines dans les écosystèmes
respectés par les associations culturales traditionnelles (Peltier, 1989 ; Valet, 1999).
L’ensemble de l’effet des techniques appliquées aux associations explique
l’économie en intrants observé dans les essais de fertilisation (Trenbath, 1976).
L’affinité maïs-haricot a été confirmée par Autfrey (1995) et Kleitz (1988) qui relèvent
même une affinité arachide-haricot. Par contre la répulsion maïs-arachide n’a pas été
notée par ces auteurs qui ne signalent qu’une répulsion de l’arachide avec les
arbres, musacées, café, taro et macabo. C’est cette même répulsion qui est
observée avec l’association maïs-soja. Cet antagonisme s’expliquerait
vraisemblablement par la concurrence pour la lumière et la photosynthèse (Clark et
Francis, 1985). C’est ce qui pourrait expliquer en partie que cette association n’est
pas été retenue par les paysans. Toutes ces caractéristiques de ces agro systèmes
assurent un large éventail de services mutuels écologiques à l’échelle du champ, un
fonctionnement accru des enzymes microbiens (Floch, 2008) ; des facilités
d’interconnections des mycorhizes (Hauggaard et Jensen, 2005) ; une meilleure
résistance à la sécheresse (Jackson and al., 1989) ; une protection efficace contre
l’effet érosif des pluies par leur interception par le feuillage et le couvert continu du
sol qui empêchent toute formation de croûtes (Aussanac et Boulangeat, 1980 ; Valet,
2004) ; un microclimat plus atténué par la protection contre l’ensoleillement élevé et
les fortes bourrasques (Cachan, 1963 ; Valet, 1974) ; la baisse et le contrôle des
attaques des nématodes, pucerons et sclérotes, des fongus et des insectes
(Chervonyl, 1999 ; Malézieux et al. 2009.) ; une économie de terre due à une
utilisation maximum des terroirs en surface et dans le temps (Hecq, 1958). Cela
concourre à une augmentation globale significative de la production agricole par
unité de surface. Ce système est à rapprocher du « jardin créole » et du « jardin
forestier indonésien » (Michon, 1985). Cet avantage des cultures associées multi
stratifiées et en relais a été vérifié par Norman (1973) qui démontre qu’en valeur
monétaire, dans les zones ou l’intrant majeur est la main d’oeuvre familiale (non
rémunérée), les cultures associées produisent en moyenne 62% de plus que les
monocultures intensifiée/unité de surface en revenu brut. Il souligne qu’une
association avec 4 composantes fournit un revenu brut supérieur de 15 à 20 fois
celui de la mono culture intensifiée. On enregistre également un meilleur rendement
nutritionnel (Dupriez, 1980a ; Salez, 1990 ; Dupriez et de Leener, 2003).
5. Conclusion
Cette étude confirme la supériorité des cultures multi stratifiées et en relais par
rapport aux mêmes mono cultures intensifiées et ce d’autant que les espèces sont
plus nombreuses, jusqu’à douze, ce qui avait déjà été démontrée sur tous les plans
(Valet, 1976 ; Dupriez, 1980b ; GRET, 1982 ; Egger, 1986 ; Baldy et Stigter,
1996).Très denses et conduites dans des parcs arborés, parfois denses, et entre des
haies, elles bénéficient d’abondants apports organiques qui permettent la réduction
considérable d’intrants (engrais et biocides) et le raccourcissement des jachères.
L’abondance d’espèces et de variétés de qualité différente apporte la meilleure
formule spécifique de lutte contre le changement climatique (déficit et excès
pluviométrique, tempête, nouvelles maladies et attaques), démographique et la
« mondialisation ». Elle confirme aussi que les pratiques traditionnelles empiriques
combinées à des pratiques savantes permettraient d’accroître voir de stabiliser des
rendements soutenus tout en assurant aux écosystèmes la biodiversité nécessaire à
leur conservation/réhabilitation. Toutefois, il est évident que tout « développement ne
peut se faire qu’à partir des cultures associées traditionnelles qu’il est impératif de
connaître, par la mise en place de niveau d’intensification et de niveau d’équipement
progressifs et adéquats (paliers technologiques) » (Valet, 1976). Il faudra éviter un
nouveau forçage de ces associations par une densité trop forte, des intrants
excessifs et des mélanges antagonistes. Mais ces systèmes agraires innovants
devront être choisis par les paysans et non subis. Ils devraient permettre également
de maintenir les jeunes au pays.
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Le soja: une option pour rassasier les sols et les fermiers au Kenya

Vandeplas Isabellea,b,c * , Bernard Vanlauweb, Joseph Deckersa, Roel Merckxc


a Tropical Soil Biology and Fertility Institute of the International Centre for Tropical Agriculture (TSBF-CIAT), United Nations
Avenue, P.O.Box 30677, Nairobi, Kenya
b Division Soil and Water Management, Department of Earth and Environmental Sciences, Katholieke Universiteit Leuven,

Celestijnenlaan 200 E, B-3001 Heverlee, Belgium


c Division Soil and Water Management, Department of Earth and Environmental Sciences, Katholieke Universiteit Leuven,

Kasteelpark Arenberg 20, B-3001 Heverlee, Belgium

*Correspondance: E-mail: isabelle.vandeplas@ees.kuleuven.be, Tel: +32.1632.9721, Fax: +32.1632.9760

Résumé

La dégradation des sols et la baisse de leur fertilité sont des facteurs critiques pour la sécurité alimentaire en Afrique
sub-saharienne. Les systèmes de productions basés sur des monocultures pures et exigeantes, comme le maïs, font
partie des causes de ce problème. Les systèmes de rotations de maïs avec du soja, offrent de la nourriture humaine
de qualité à court terme et nourrit le sol offrant des avantages à long terme. L’étude fut conduite au sud-ouest du
Kenya, dans la région de Migori de 2006 à 2008. Le rendement des systèmes de rotation de soya et maïs fut
comparé avec celui du maïs en monoculture, fertilisé ou non. Le soya fut planté en courtes saisons et fertilisé ou non
avec des engrais minéraux et organiques. Le maïs fut planté en longues saisons seul ou en association avec des
haricots ou du soya. La production en graines de maïs en longue saison du maïs non-fertilisé en rotation était
comparable à celle du maïs fertilisé en monoculture et 30% plus élevé que celle du maïs en monoculture non-fertilisé
en 2007, 90% en 2008. Vu qu’une autre variété de maïs fut utilisé à la demande des fermiers pendant les 2
années, nous ne pouvons pas tirer de conclussions définitives sur cette augmentation. L’impact de la fertilisation du
soja précédent sur le rendement du maïs suivant n’était visible que pour le soja fertilisé d’une combinaison
minéral+organique d’engrais, comme ½ DAP et ½ fumier ou ½ cendres et ½ fumier. Cette dernière étant facilement
accessible aux fermiers. L’association de haricots diminuait légèrement les récoltes de maïs mais était
économiquement plus intéressant et permet de partager les risques. Le soja en association ne diminuait pas les
récoltes de maïs mais n’était pas très productif en graines de soja. Des rotations de soja permettent donc aux
fermiers d’améliorer la qualité de leurs sols et de non-seulement de produire la même quantité totale de maïs par
année en une seule saison, mais de plus de produire des graines de soja riches en protéines.
Mots-clés : Kenya, Rotation maïs-soja, Restauration productivité du sol, Alimentation humaine

1 Introduction

La dégradation des sols et la baisse de leur fertilité sont des facteurs critiques pour la sécurité alimentaire en
Afrique Sub-saharienne. La pauvreté en est une des causes, car les petits producteurs n’ont pas le temps, les
ressources ou les connaissances nécessaires pour remplacer les substances nutritives prélevées des sols lors des
récoltes, ce qui se traduit par un déséquilibre négatif en substances nutritives. Aggravé encore par l’érosion rapide de
ces sols fragiles pauvres en matières organiques, il est estimé que 60-100 kg d’azote (N), phosphate (P) et
potassium (K) sont perdus par hectare chaque année (Stoorvogel et Smaling, 1990). De plus, la diminution de
matière organique dans le sol à la suite de l’absence de jachère est estimée à approximativement 4% par année
(Sanginga, 2003). Il est urgent de restaurer cet équilibre pour redresser la productivité et la qualité des terres à long
terme et ainsi aider les petits producteurs à sortir du cercle vicieux de la pauvreté. Pour ce faire, il est important
d’augmenter non seulement l’apport de substances nutritives (engrais minéraux) mais aussi d’ajouter de la matière
organique aux sols. Celle-ci permet d’améliorer la capacité de stockage des substances nutritives et d’eau dans le
sol, de réduire la fixation de phosphate et de réduire l’apparition de certaines pestes et maladies, et de stabiliser les
sols (Vanlauwe, 2002).
Depuis 1920, la recherche en fertilité des sols s’est concentrée sur le potentiel de légumineuses comme le pois
mascate (Mucuna pruriens) à récupérer les sols (Giller, 2001; Versteeg et al., 1998). Ces plantes fixent plus de 100
kg N ha-1 d’azote de l’atmosphère en seulement 6 mois, retourné ensuite à la terre sous forme de biomasse.
Néanmoins, l’adoption reste difficile pour les fermiers les plus pauvres car elle implique de sacrifier une partie de leur
terre pour y planter une plante non-comestible (Sanginga et al., 2003; Versteeg et al., 1998). Malgré la baisse de la
production de leurs terres, les technologies pour améliorer les sols ne sont pas la priorité des fermiers, mais plutôt
celles qui leur apportent une bonne production alimentaire et source de revenus pour une main d’œuvre limitée
(Snapp and Silim, 2002). Au début des années 70, l’IITA (International Institute for Tropical Agriculture, CGIAR)
proposa donc de substituer ceux-ci par des légumineuses à graines comestibles, comme le soja. Le soja offre des
graines riches en protéines de haute qualité comme source de nutrition équilibrée en plus de fixer l’azote de
l’atmosphère. Bien que moins efficace en amélioration des sols que le pois mascate, car une partie de l’azote fixée
est exportée du système sous forme de graines, le soja a été facilement accepté et apprécié par les fermiers dans
plusieurs pays, comme le Nigeria, le Zimbabwe (Chianu et al, 2008 ; FAO, 2009b ; Mpepereki and Pompi, 2003). Il y
a eu un impact significatif en amélioration de la nutrition, augmentation des ressources financières, du capital humain,
du bien matériel, et de l’équité sociale au sien des communautés (Sanginga et al., 1999). Les variétés de soja
« promiscue à double-but» sont capables de fixer de l’azote avec des rhizobes non-spécifiques pour éviter la
nécessité d’inoculer les sols. De plus, elles produisent non-seulement de bonnes récoltes de graines, offrant de la
nourriture de qualité riche en protéines, mais aussi de bonnes quantités de biomasse, pour mieux nourrir les sols
(Sanginga et al, 1996). Certaines variétés fixent peuvent produire jusqu’à 2.5 tonnes de graines, 2.5-3 tonnes de
biomasse et de fixer 44 to 103 kg N ha-1 par année (Sanginga et al., 2003). Les rotations de ce type de soja et de
maïs ont démontré pouvoir augmenter les récoltes de maïs d’1.2 à 2.3 fois comparé au maïs en monoculture (Carsky
et al., 1997; Sanginga et al., 2003). Une mesure supplémentaire pour protéger le sol de l’impact de la pluie est de
totalement couvrir la surface du sol en plantant une association dans le maïs. Les légumineuses comme le soja
(Glycine max) et les haricots sont de bonnes associations car ils ne forment pas de compétition trop intense avec le
maïs. Pour les fermiers, les associations offrent l’avantage additionnel d’offrir un tampon supplémentaire contre la
malnutrition en cas de mauvaises récoltes (Snapp and Silim, 2002).
La région de Migori, au relief vallonné, se trouve au sud-ouest du Kenya. 70% des terres sont considérées
arables, mais les sols sont pauvres en fertilité et peu profonds (Migori District Development Plan 2002-2008). De
plus, l’érosion est un réel problème à la suite de l’exploitation agricole ainsi que la déforestation des monts suite à la
grande demande en bois. Il est urgent de préserver la couche de sol encore présente, ainsi que d’améliorer la fertilité
des sols. Néanmoins, il est crucial de faire cela avec un minimum de ressources, car 48% de la population qui y vit en
dessous du seuil de pauvreté (Central Bureau of Statistics, 2003). L’accès aux engrais minéraux est limité à la suite
du transport en commun restreint et couteux, accentué par les prix des engrais qui ont presque triplé de mi-2007 à fin
2008 (IFDC, 2008 ; YARA International, 2009).
Nous avons pour cela aménagé des expérimentations de rotation de soja de type promiscue à double-but avec du
maïs, pour analyser l’éventuel augmentation des récoltes de maïs en rotation. De plus, nous avons analysé l’impact
d’associations de haricots, l’association traditionnelle dans la région, ou de soja dans ce système sur la productivité
du maïs.

2 Matériel et Méthode

2.1 Description de la région


La recherche s’est déroulée dans la région de Migori, au Sud-ouest du Kenya (13°60’E - 0°46’S à 34°32’E -
1°02’S), vallonnée de 1135 à 1700m d’altitude. Les sols typiques y sont les Plinthosols, Cambisols, Acrisols sur un
sous-sol de granite et Vertisols situés sur des intercalations de porphyrie et d’amphibolites (Custers and Deckers,
2007). La profondeur des sols y est limitée à la suite d’une couche de plinthite qui se situe à certains endroits à
seulement 40 cm de profondeur. Seuls les sols stables, sur les situations plateaux ou dans les vallons moins
exprimés, atteignent une profondeur de 1 à 1.5 mètres (Custers and Deckers, 2007). Le climat tropical (18-32°C toute
l’année) permet deux productions par an, pendant la longue saison des pluies (700-900mm) de févier à juillet et la
courte saison de septembre à décembre (400-600mm) (Jaetzold and Schmidt, 1982). Le maïs est l’alimentation de
base dans la région et les fermiers comptent surtout sur la longue saison de pluies pour en assurer la production.
Pour cela, nous avons choisi de planter du soja en septembre pendant les courtes saisons et le maïs en mars
pendant les longues saisons. La canne à sucre et le tabac sont les sources majeures de revenus des fermiers (Migori
District Development Plan 2002-2008).

Figure 1:
Localisation des 7 zones de
la coopérative de soja ainsi
que les 11 champs utilisés
dans l’expérimentation de
rotation en 2007. Zone
centrale : Bware (C Bw),
Korondo (C Ko), Mukuyu (C
Mu) ; zone de Kakmasia :
Ogango (K Og), Nyangaya
(K Ng), Nyakuru (K Nk),
Oboke (K Ob) ; zone
d’Osogo : Nyamage (O Ny),
Osogo (O Os); zone de
Rayudhi: Bonda (R Bo) et
Wasio (R Wa).

2.2 Dispositif expérimental et traitements


Le choix des champs, des traitements, des sujets d’expérimentation ont été fait en collaboration avec les fermiers
de quatre des sept zones d’activités de la coopérative « Uriri Farmer Cooperative Society » (Figure 1), Kakmasia,
Central, Rayudhi et Osogo. Pendant la première année, l’expérimentation a été conduite sur 11 champs. En 2008,
l’expérimentation fût continuée sur 5 champs restant. Les champs étaient composés de 16 à 25 parcelles, de 8 x 8 m
à 10 x 10m, dépendant de la taille du champ mit à disposition par le fermier. Les traitements consistaient de rotations
de soya pendant les saisons courtes et de maïs pendant les saisons longues, ou de monoculture de maïs.
Pendant les saisons courtes de 2006 et 2007, 2 des parcelles étaient plantés de maïs non-fertilisé de la variété
Kenya Seed Hybrid H513 à 25cm x 75 cm de densité pour servir de référence pour les rotations (Tableau 1). Une
parcelle était plantée en 2006 de soja de la variété locale Nyala et en 2007 de la variété TGx 1448-2E (SB20), tous
deux sans engrais. Les autres consistaient de soja de la variété Namsoy à 5cm x 45cm de densité, fertilisé de 20kg P
ha-1 ou non. Les traitements pour le soja Namsoy étaient 1) non fertilise; 2) di-ammonium phosphate (DAP); 3) ½
DAP et ½ fumier; 4) fumier; 5) cendres; 6) ½ cendres et ½ fumier. En 2007, le traitement de cendres (5) a été exclu.
Plus de détails sont disponibles dans Vandeplas et al. (soumis). Les résidus de soja étaient partiellement retournés
dans les champs.
Tableau 1: Traitements secondaires de rotation de soja et maïs, planté seul ou en association / (-) = sans
engrais / (+) = maïs fertilisé : application de DAP (20kg P et 20 N ha-1) en plantant et d’urée (46 kg ha-1 N) à 2
semaines après planter / DAP, fumier, et cendres appliquées sur le soja au moment de planter (20kg P) / (n) =
nombre de champs / CS = courte saison, de septembre à décembre, LS = longue saison, de mars à juillet.
CS 2006 (n = 9, sauf indiqué) LS 2007 (n = 9) CS 2007(n = 6) LS 2008 (n = 5)
Maïs H513 (-)  Maïs H513 (-)  Maïs H513 (-)  Maïs local (-)

Analyse 1:
- Rotation
Maïs H513 (-)  Maïs H513 (+)  Maïs H513 (-)  Maïs local (+)
Soja Nyala (-)  Maïs H513 (-)  Maïs local (-)
 Soja SB20 (-)
(n = 7)  Maïs + Haricot (-)  Maïs + Namsoy (-)
 Maïs H513 (-)  Maïs local (-)
Namsoy (-)  Namsoy (-)
 Maïs + Haricot (-)  Maïs + Namsoy (-)
Namsoy  Maïs H513 (-) Namsoy  Maïs local (-)

(Choix du fermier)  Maïs + Haricot (-) (Choix du fermier)  Maïs + Namsoy (-)

- Engrais soya
Namsoy Maïs H513 (-) Namsoy Maïs local (-)

- Association
 

Analyse 2:

(DAP)  Maïs + Haricot (-) (DAP)  Maïs + Namsoy (-)
Namsoy Maïs H513 (-) Maïs local (-)
 Namsoy 
(DAP+fumier) 
 Maïs + Haricot (-) (DAP+fumier)  Maïs + Namsoy (-)
Namsoy  Maïs H513 (-) Namsoy  Maïs local (-)

(fumier)  Maïs + Haricot (-) (fumier)  Maïs + Namsoy (-)
Namsoy  Maïs H513 (-) Namsoy  Maïs local (-)

(cendres+fumier) (n = 4)  Maïs + Haricot (-) (cendres+fumier)  Maïs + Namsoy (-)
Namsoy  Maïs H513 (-)
(cendres) (n = 3)  Maïs + Haricot (-)

Pendant les saisons longues, le champ entier était planté de maïs à 25cm x 75cm, de la variété Kenya Seed
Hybrid H513 en 2007 et à la demande des fermiers d’une variété locale en 2008. Vu que peu d’entre eux utilisent le
maïs hybride, ils trouvaient les expérimentations peu représentatives. Une des parcelles servant de référence pour le
maïs en monoculture, a reçu 20kg P et 20 N ha-1 sous forme de DAP en plantant et 46 kg ha-1 N sous forme d’urée à
2 semaines après plantation. Il en résulte donc trois traitements principaux de maïs : le maïs en monoculture sans
engrais « Maïs (-) => Maïs (-) », le maïs en monoculture fertilisé de 20kg P ha-1 et 66kg N ha-1 pendant les longes
saisons de pluies seulement « Maïs (-) => Maïs (+) » et du maïs non fertilisé en rotation avec du soja « Nams (-) =>
Maïs (-) », de variété Namsoy, Nyala ou SB20. En demande des fermiers, les parcelles de rotation soja-maïs ont été
divisées en deux demi-parcelles. La moitié supérieure plantée avec seulement du maïs, la moitié inférieure en
association avec une variété locale d’haricots en 2007 et avec du soja en 2008 à raison d’une graine de haricot ou
soja entre chaque 2 plants de maïs dans les rangs.

2.3 Collecte et analyse des données des récoltes


Les récoltes de grains et de biomasse maïs, soja et haricots ont été effectuées sur les demi-parcelles et analysés
séparément pour le maïs seul et en association. Dans chaque demi-parcelle le nombre de chaque plante a été
compté le jour de la récolte ainsi que le nombre de parasites Striga. L’analyse des rendements en grains et paille a
été effectuée en REML avec la procédure MIXED de SAS, ségrégée par année (SAS, 2004). La séparation des
moyennes a été effectuée avec le test de Tukey-Kramer au seuil de 5%. La première analyse inclut comme seul
paramètre du modèle le traitement complet du cycle de la rotation et concerne seulement les parcelles de maïs
planté seul, précédés par du maïs ou soja (Nyala, SB20 et Namsoy) non fertilisé (Tableau 1). La seconde analyse
concernait seulement le maïs en rotation, seul ou en association, précédé par le soya Namsoy sous différents
engrais. L’analyse comprend les paramètres « engrais », « association », et « engrais * association ». Les covariants
utilises dans le modèle incluent deux facteurs qui relatent de la chimie et texture des sols crées par analyse en
composantes principales (ACP) qui tiennent en compte 74% de la variabilité totale des caractéristiques des sols.
Le temps de travail nécessaire à la production du soja et du maïs a été mesuré dans les champs durant les
expérimentations. Le coût des engrais et le prix de vente des grains ont été collectés dans les marchés locaux et
auprès des fermiers. Le prix de la main d’œuvre a été demandé aux fermiers pour différents moments de l’année.
Ces prix ont été utilisés pour une analyse de coût et de profit, basée sur les récoltes du deuxième cycle de rotation
(CIMMYT, 1988).
Une réunion a été organisée avec les fermiers pendant la croissance du maïs en 2007 et 2008, dans chaque
zone d’expérimentation. Pendant cette journée les fermiers techniciens ont expliqué le dispositif expérimental et les
traitements différents à leurs voisins. Les fermiers ont ensuite voté avec des cartons de votes dans des boites, pour
le traitement qu’ils trouvaient le meilleur, le pire ou moyen : le maïs en monoculture sans engrais « Maïs (-) => Maïs (-
) », le maïs en monoculture fertilisé de 20kg P ha-1 et 66kg N ha-1 pendant les longues saisons de pluies seulement
« Maïs (-) => Maïs (+) » ou le maïs non fertilisé en rotation avec du soja « Nams (-) => Maïs (-) » Des cartons de
couleurs différentes étaient utilisés pour les hommes âgés, les jeunes hommes et les femmes. Les votes ont été
analysés visuellement, utilisant des moyennes de votes par groupe de genre et par zone. Pour l’analyse statistique,
les votes de « pire traitement » ont reçu une valeur « -1 », les votes de « meilleur traitement » une valeur « +1 », et
ont été analysé avec le procédure MIXED de SAS, avec comme covariant le « champ dans lequel le vote a été
effectué », et comme paramètres : « traitement de rotation », « traitement de rotation* genre/âge de la personne»,
«traitement de rotation* zone d’origine de la personne»; «traitement de rotation * année du vote».

2.4 Analyses des sols et du climat dans les champs d’expérimentation


Les sols dans les sites expérimentaux consistaient en plusieurs Plinthosols, quelques Acrisols, et des sols
associés, tous de caractéristique Magniferrique, plusieurs Pisolitiques et Plinthique, et la majorité peu profonds. Les
sols de 0-15 cm de profondeur étaient composés de limon, allant du limon sablonneux à argileux (Tableau 2). Les
analyses ont été effectuées selon les procédures de routine du TSBF-CIAT (Anderson and Ingram, 1993; Olsen et
al., 1954; Bouyoucous, 1951). Avant les expérimentations, les sols contenaient entre 0.76 et 1.41 mg N kg-1 et moins
de 10 mg P kg-1 dans la majorité des champs.
Tableau 2: Caractéristiques chimiques des sols de surface (0-15cm), texture et classe WRD des sites
d’expérimentation (adapté de Vandeplas et al, soumis)
pH Soil org C Tot. Soil Olsen P Exch Exch Ech K+ USDA WRD Soil WRB Soil Slope
(H2O) (g kg )
-1 N (g kg ) (mg kg ) Ca
-1 -1 2+ Mg 2+ (cmol texture* Class** , *** Qualifiers**, depth % ***
cmolkg- cmolkg- kg-1) *** (cm)***
1 1

Central zone
Bware 5.3 10.27 1.16 2.9 5.0 1.6 1.3 Loam Plinthosol Pisolithic 60 5%
(C Bw) Manganiferric
Korondo 5.5 12.57 1.41 2.6 5.8 2.2 1.2 Clay Acrisol Plinthic 90 5-8 %
(C Ko) Loam Magnaniferric
Mukuyu 5.6 13.85 1.44 17.5 6.5 1.9 1.2 Loam Plinthosol Endopetric 60-80 8-15
(CMu) Pisolithic %
Magnaniferric
Kakmasia zone
Nyangaya 5.2 9.92 1.11 1.3 3.0 0.7 0.4 Clay Fluvisol Stagnic 75 6%
(KNg) Loam
Nyakuru 6.2 7.85 0.84 11.8 4.6 1.0 1.1 Sandy Plinthosol Epiarenic 90 7%
(KNk) Loam Pisolithic
Manganiferric
Oboke 5.8 6.87 0.78 5.9 3.7 0.8 0.7 Sandy Arenosol Pisoplinthic 20-25 4-6 %
(KOb) Loam Endoskeletic
Manganiferric
Ogango 4.8 7.28 0.77 2.8 1.8 0.2 0.3 Sandy Leptosol Stagnic 10 8-16
(KOg) Loam Plinthic %
Manganiferric
Osogo zone
Nyamage 5.6 12.74 1.14 2.3 4.7 1.7 1.1 Sandy Plinthosol Pisolithic 100 10 %
(ONy) Clay Colluvic
Loam Manganiferric
Osogo 5.4 8.26 1.08 1.3 3.8 2.0 0.8 Clay Regosol 50 8-10
(OOs) Loam %
Rayudhi zone
Bonda 5.7 12.47 1.22 7.5 5.7 2.2 0.9 Loam Stagnosol Pisoplinthic 40-70 4%
(RBo) Albic
Manganiferric
Wasio 5.9 13.82 1.14 4.0 6.5 2.6 0.9 Clay Acrisol Manganiferric 130 10-13
(RWa) Loam %
* Soil Survey Staff USDA, 2006 // ** IUSS Working Group WRB. 2006 // *** Custers et Deckers, 2007

Les pluies des deux saisons de maïs étaient problématiques. En 2007, il y a eu une période de sècheresse en
juin (pluie < ET°), ainsi qu’un surplus de pluies au moment de la récolte en juillet (Figure 2). En 2008, Les pluies des
champs situés plus au Nord (zone de Kakmasia : K Ob, K Nk, K Ng) on eu une saison avec peu de pluies, et avec
exception du mois de mai, un déficit d’eau chaque mois (pluie < ET°). Les autres ont subi un manque de pluies en
juin. Le programme de simulation de récoltes AQUACROP (FAO, 2009a) a été utilisé pour évaluer si la variation des
pluies en 2007 et 2008 avait un impact différent sur les récoltes de maïs pendant ses deux années. Les paramètres
du maïs et des sols de référence du programme ont été ajustés par des valeurs indicatives de fertilité des sols,
profondeur des sols et phénologie. La simulation AQUACROP indique une perte de récoltes similaire due aux pluies
de 2007 et 2008.

Figure 2: Pluviosité et évapotranspiration dans les sites expérimentaux de 2006 à 2008, avec indication des
saisons de soja et de maïs.
En 2007, deux des 11 champs n’ont pas produit de maïs. Dans le champ d’Ogango (K Og) le maïs ne poussa pas
à la suite d’eau de pluie stagnante en début de saison sur le Leptosol peu profond (10cm). Dans le champ de
Nyangaya (K Ng) le maïs fût mangé par des vaches avant d’avoir produit des graines.
3 Résultats

3.1 L’impact de la rotation sur le rendement du maïs planté seul


Les rendements de maïs étaient en général très bas, probablement dus aux pénuries de pluies. La variété locale
de maïs (2008) produit moins que la variété Hybride 513 de Kenya Seed. Le traitement de rotation a eu un impact
significatif sur les récoltes de grains et paille de maïs en 2007 (Pr > F <0.0001) ainsi qu’en 2008 (Pr > F 0.0015 et
<0.0001 respectivement) (Figure 3). Le rendement en grains du maïs (1277 kg ha-1 en 2007; 999 kg ha-1 en 2008) en
monoculture fertilisé « Maïs (-) => Maïs (+) » était similaire au rendement du maïs (1212 kg ha-1 en 2007; 974 kg ha-1
en 2008) non-fertilisé mais précédé par le soja Namsoy « Nams (-) => Maïs (-) ». En 2007, le rendement du maïs
« Maïs (-) => Maïs (+) » et « Nams (-) => Maïs (-) » était plus élevé de +/- 300 kg ha-1 que celui du maïs en
monoculture non-fertilisé « Maïs (-) => Maïs (-) ». En 2008, cette différence devint +/- 460 kg ha-1 et statistiquement
significative pour « Maïs (-) => Maïs (+) » (Adj P 0.011) et « Nams (-) => Maïs (-) » (Adj P 0.037). Les rotations avec
les variétés de soja Nyala et SB20 n’offraient pas plus de récolte de maïs que « Maïs (-) => Maïs (-) ».
En analyse statistique, l’apparition de Striga dans les parcelles semblait significativement réduite par la rotation de
soya en 2008 (Pr>F 0.0002). Néanmoins, ceci était dû à une très grande différence en Striga entre les parcelles de
maïs et de rotation dans le champ de Bonda (Figure 4). Il est fort possible que cette différence ait d’autres raisons
que celle de la rotation.

Figure 3: Rendements de grains et paille de maïs (kg ha-1) pendant les longues saisons de pluies de 2007 et
2008, sous les différents traitements de rotation ou de monoculture. Maïs(-)=>Maïs(-): monoculture de maïs
sans engrais; Maïs(-)=>Maïs(+): monoculture de maïs sans engrais pendant la courte saison et fertilisé de
20kg ha-1 P et 66kg ha-1 N en saison longue; Nams(-)=>Maïs(-), Nyala(-)=>Maïs(-), SB20(-)=>Maïs(-) : rotation
de soja Namsoy/Nyala/SB20 en courte saison avec du maïs en longue saison sans engrais. SED = Erreur
Standard de Différence entre les traitements. Les chiffres indiquent l’AdjP de la comparaison avec Maïs (-) =>
Maïs (-) par le test de Tukey-Kramer au seuil de 5%.
Figure 4: Nombre de parasites Striga
par hectare dans les parcelles des
traitements de rotation ou de
monoculture au moment de la
récolte. SED = Erreur Standard de
Différence entre les traitements.
Maïs(-)=>Maïs(-): monoculture de
maïs sans engrais; Maïs(-)=>Maïs(+):
monoculture de maïs sans engrais
pendant la courte saison et fertilisé
de 20kg ha-1 P et 66kg ha-1 N en
saison longue; Nams(-)=>Maïs(-):
rotation de soja Namsoy en courte
saison avec du maïs en longue
saison sans engrais.

3.2 L’impact de la fertilisation du soja précédent et de l’association


En considérant uniquement les traitements de rotation de soya Namsoy et maïs seul ou en association on
observe que les engrais utilisés pour le maïs pendant la courte saison CS 2006 n’avaient pas d’impact significatif sur
le rendement de grain (Pr>F 0.6777 ;
Figure 5) ou paille (Pr>F ; non-illustré) de maïs pendant la longue saison LS 2007. Par contre pendant le
deuxième cycle de la rotation, l’application d’engrais sur le soya en CS 2007 avait un impact significatif sur le
rendement de grains (Pr > F 0.0277) et de paille (Pr > F 0.0181) du maïs suivant en LR 2008. La fertilisation du soya
par une combinaison d’engrais (fumier + DAP ou fumier + cendres) pendant les courtes saisons améliore le
rendement du maïs suivant (
Figure 5). Pendant les deux saisons le maïs précédé par la parcelle de soya géré par le fermier avait un
rendement légèrement inférieur à celui précédé par les parcelles de soya plantées selon les distances standard 0.25
cm x 0.05 cm. Les fermiers ont commenté qu’ils préfèrent l’espacement utilisé dans les expérimentations, mais que
celui-ci est plus difficile à obtenir en plantant avec des bœufs.
L’association de maïs avec des haricots pendant la LS 2007 réduit significativement le rendement de grains (Pr>F
<0.0001) et de paille (Pr>F <0.0001) de maïs. L’association de maïs avec du soya Namsoy pendant la LS 2008
n’avait pas d’impact significatif sur le rendement de maïs (
Figure 5).
Figure 5: Rendement en grains de maïs (longue saisons LS de 2007 et 2008) influencé par les engrais
appliqués sur le soja Namsoy précédent (pendant les courtes saisons CS de 2006 et 2007). Le maïs en LS
étant planté en association (avec des haricots en 2007 et avec du soya en 2008) ou planté seul; le soya en CS
étant planté par le fermier (choix du fermier), non-fertilisé (0), fertilisé d’un engrais (1 : DAP, fumier, cendres)
à 20kg P ha-1 ou d’un mélange d’engrais (2 : DAP+fumier, cendres+fumier). Ref. du fermier = une parcelle sur
laquelle le fermier était libre de planter du soya Namsoy à sa façon pendant les courtes saisons. SED =
Erreur Standard de Différence entre les traitements.

3.3 Analyse économique et préférences des fermiers


La production de soja est comparativement plus couteuse en main d’œuvre que la production de maïs (Figure 6,
courte saison). Par contre, cet investissement supplémentaire en main d’œuvre permet d’épargner un coût bien plus
élevé en engrais minéraux la saison suivante (Figure 6, longue saison : « Maïs (-) => Maïs (+) » comparé à « Soja (-)
=> Maïs (-) »). L’application d’engrais locaux (cendres et fumier) sur le soja pendant les saisons courtes permet, pour
quelques jours de travail en plus mais sans frais d’argent supplémentaire, de produire de plus grandes quantités de
grains et biomasse de soja pendant les courtes saisons (Vandeplas et al, soumis) et ainsi d’augmenter la production
de maïs pendant la saison suivante (« Soja (-) => Maïs (-) » comparé à « Soja (CF) => Maïs (-) »). L’association du
maïs avec des haricots ou du soja offre une opportunité pour augmenter les revenus totaux sur un même morceau de
terre.
Figure 6: Revenus de la vente des grains au marché et coût total de production en argent et en main d’œuvre
pour les courtes saisons et longues saisons de monocultures ou rotations. « Maïs (-) » : maïs (sans engrais);
« Maïs (+) » : maïs avec application de DAP et d’urée (20 kg ha-1 P et 66kg ha-1 N); « Maïs+S (-) » : maïs en
association avec du soja (sans engrais); « Maïs+H (-) » : maïs en association avec des haricots (sans
engrais); « Soja (-) » : soja Namsoy (sans engrais); « Soya (CA) » : soja Namsoy fertilisé avec 10kg P de
cendres et 10kg P de fumier. Les résultats sont basés sur les récoltes de maïs de variété locale en 2008. Le
prix du marché de 2008 a été utilisé pour l’achat des engrais et le prix de vente du maïs et les haricots. Le
prix d’achat par la coopérative a été utilisé pour le soja. Le coût de la main d’œuvre était considéré par
journée de 8 heures le plus bas au moment de la récolte et le plus élevé au moment du désherbage.

Les fermiers ont un avis partagé pour l’efficacité des systèmes de rotation (Figure 7). Il n’y avait pas de différence
significative entre les votes des hommes et des femmes (résultats non illustrés). La grande majorité des votes
négatifs étaient données au maïs en monoculture non-fertilisé. Nombreux sont ceux qui font confiance aux engrais
minéraux comme solution pour obtenir de bonnes récoltes. Néanmoins, le système de rotation de soya et maïs a
obtenu légèrement plus de votes positifs que la monoculture de maïs fertilisée. Les fermiers ajoutèrent que plusieurs
facteurs sont bénéfiques: premièrement la rotation en elle-même et l’introduction de N dans le sol par le soja,
deuxièmement une réduction de l’apparition du Striga, troisièmement un effet dû aux résidus d’engrais appliqués sur
le soja pendant les courtes saisons. Les explications des fermiers pour leurs votes négatifs pour l’engrais chimiques
étaient que le DAP stimule le Striga et que l’utilisation d’engrais chimique est bénéfique pour la saison à laquelle ils
sont utilisés mais réduit la récolte suivante. De plus, l’aspect financier est un problème. Des fermiers ajoutèrent que
en essayant de rassembler l’argent pour les engrais minéraux il y a le risque de planter trop tardivement et donc
manquer de pluies.
Figure 7 : Pourcentage des fermiers (n = 115)
qui ont voté pour le traitement qu’ils trouvaient
le pire ou le meilleur, en observant les plants
de maïs dans les champs pendant les saisons
longues en mai 2007 et juin 2008. M(-) => M(-) :
monoculture de maïs sans engrais; M(-) =>
M(+) : monoculture de maïs sans engrais
pendant les courtes saisons mais avec
application de 20 kg ha-1 P et 66 kg ha-1 N en
saison longue; S => M(-) : rotation de soja en
courte saison avec du maïs en longue saison
sans engrais. Les barres d’erreurs indiquent la
différence standard des pourcentages de votes
pendant les 5 sessions (3 en 2007 et 2 en
2008).

4 Discussion

4.1 Effet de la rotation avec le soja sur le rendement de maïs


Les récoltes de maïs hybride Kenya Seed H513 en 2007 suivant le soja Namsoy en rotation étaient similaires à
celles du maïs en monoculture fertilisé de DAP et urée (20kg P ha-1 et 66kg N ha-1) et 30% plus élevé que les récoltes
de maïs en monoculture non-fertilisé. En 2008, malgré les récoltes généralement plus basses de la variété locale,
cette différence était de 90%. Des augmentations de récoltes rapportées par d’études préalables à la suite de rotation
de soja et maïs sont similaires varient d’étude en étude. Sanginga (2003) et Sanginga et al. (2000) rapportent une
augmentation de 20-25%, Carsky et al. (1997) de 80% et Misiko (2007) de 100%. Misiko en tire la conclusion que
grâce aux rotations soja-maïs, la récolte de maïs normalement obtenue en 2 saisons peut être récoltée en une seule
saison. Cette étude-ci confirme cette observation (+90%) car le maïs planté en courte saison est généralement moins
productif qu’en longue saison de pluies. Le soya obtenu pendant la courte saison est donc un gain net du système. Il
n’y avait pas d’effet significatif de rotation avec des variétés de soja Nyala et SB20. Pour le soja Nyala, ce résultat
était prévisible, car cette variété locale n’est pas promiscue. Le soja « promiscue à double bût», comme Namsoy et
SB20, n’est capable de noduler effectivement avec les rhizobes indigène qu’à partir de la deuxième saison sur la
même terre (Sanginga, 2003; Osunde et al., 2003). Un deuxième cycle de rotation avec SB20 produirait
probablement plus de biomasse comme fût le cas pour le soja Namsoy (Vandeplas et al, soumis).
L’augmentation des récoltes de maïs à la suite de la rotation au soja est partiellement due seulement à la fixation
d’azote dans l’air par le soja. Des balances de N de - 8 à + 47 kg N ha-1 ont été rapportées par Sanginga et al.
(1997). La balance de N après la récolte du soja n’est pas toujours positive et dépends du génotype de soja utilisé
(Sanginga et al., 2003), de sa durée de croissance (Singh et al., 2003), de la présence ou non de rhizobes
appropriés, de la fertilité des sols, du climat, de la gestion du champ, et de la proportion de biomasse de soja laissé
sur le sol (Peoples et al., 1995). (Osunde et al., 2003) mesura une balance de N de -52 à -95 kg N ha-1 quand toutes
graines et biomasse étaient exportées des champs. Dans cette étude-ci, les résidus du soja n’étaient laissés dans les
champs que partiellement, pour imiter la pratique courante des fermiers. Pendant une réunion, 23% des fermiers ont
dit laisser tous les résidus dans les champs, 10% ont dit ramener les résidus chez eux pour nourrir les animaux et
60% ont dit laisser une partie seulement dans les champs (Vandeplas, non publié).
D’autres effets ont donc un impact sur l’amélioration des récoltes que le retour de N par les résidus de biomasse.
Premièrement, en utilisant une partie d’azote de l’atmosphère, le soja épargne le l’azote du sol (Peoples et al., 1995).
L’azote présent dans les racines du soja a été estimée à 10-19% de l’azote présent dans les parties aériennes. Elle
se libère partiellement pendant la croissance devenant disponible aux associations; partiellement pendant la
décomposition (Sanginga et al., 1997; Abaidoo et al., 1999). La rotation permet de réduire l’apparition de mauvaises
herbes (Chikoye et al., 2007), et du parasite Striga hermonthica (Carsky et al, 2000). La réduction du Striga n’était
pas conclusive dans cette étude-ci à la suite du nombre limité de champs utilisés pendant l’année 2008. Il est estimé
que le Striga réduit les récoltes de maïs de 80% (Ransom et al, 1990). L’accroissement des pratiques de monoculture
en Afrique Sub-saharienne, permet au parasite de se reproduire fréquemment et augmente le nombre de graines de
Striga dans le sol comparé aux systèmes de rotation (Oswald and Ransom, 2001). Finalement, il est supposé que
les légumineuses causent d’autres effets qui facilitent l’extraction de nutriments dans le sol par le maïs suivant
(Sanginga et al., 2002).

4.2 Rendre la rotation avec le soja plus effective et accessible


Deux options ont été testées pour rendre la rotation avec le soja plus accessible et plus bénéfique pour les
fermiers : ajouter des engrais locaux (cendres + fumier, à raison de 10kg P par hectare de chaque) ou ajouter une
association de soya ou haricots dans le maïs.
La fertilisation aux engrais locaux permet aux fermiers de produire des récoltes de soja 27%-51% plus élevés que
sans engrais et similaires à celles du soja fertilisé par des engrais minéraux (Vandeplas et al, soumis). Il était attendu
que le soja fertilisé et donc ayant une récolte de grains et biomasse plus élevée pendant la courte saison, ait aussi un
impact plus élevé sur le rendement du maïs suivant (Misiko, 2007 ; Ogoke et al, 2003). Néanmoins, cet impact n’était
visible que pour le soja fertilisé d’une combinaison d’engrais DAP + fumier ou cendres + fumier. De tous les engrais
testés en courtes saisons, les fermiers préfèrent combiner les cendres et de fumier, tous deux considérés gratuit
dans la région. Combiner deux type d’engrais est un avantage car 1) il leur est plus facile de trouver de petites
quantités de chaque engrais ; 2) les cendres sont plus légères que le fumier ce qui rend le travail moins laborieux ; 3)
le fumier apporte un effet à long terme et une bonne rétention d’eau et les cendres apportent du pouvoir fertilisant
plus rapide (Vandeplas et al, soumis).
La plupart des fermiers de la région ont l’habitude de planter des associations de haricots dans leur maïs. Depuis
le début du projet de soja, ils expérimentent l’association de soja dans le maïs (Vandeplas, non publié). L’association
du maïs avec du soja n’avait pas un effet significatif sur la récolte de maïs, en permettant de produire une petite
quantité supplémentaire de fèves riches en protéines sans compromettre la production de maïs, la nourriture de
base. L’association maïs-soja pourrait être encore améliorée en offrant plus de place au soya, avec le système mbili-
mbili ou (deux-deux en Swahili : 2 rangs de maïs, 2 rangs de soja) (Woomer et al., 2004) (ou en plantant le soja avant
le maïs pour éviter l’ombre (communication des fermiers). Par contre, l’association avec des haricots réduit les
rendements de maïs mais offrait une plus grande production de haricots, ayant un prix élevé sur le marché. Davis et
Garcia (1983) estimaient que pour chaque kilo de haricots produit en association, 1-2 kilo de maïs étaient perdus. Ici,
seulement 0.8 kg de maïs étaient perdus. Du point de vue économique, nutritionnel et de modération des risques,
ceci reste une option favorable pour les fermiers. D’autres études ont également trouvé qu’une association de
légumineuses, lorsque plantée suffisamment espacé, ne réduit pas ou presque les récoltes de maïs (Waddington et
al., 2007). Les avantages connus des associations de légumineuses incluent une maximisation de l’utilisation de
l’espace (Giller, 2001), de l’eau la lumière, et des nutriments, une réduction des risques de pestes. Le fermier à
Mukuyu a observé une diminution de Striga dans les parcelles en association de maïs et soya. Ces observations
n’étaient visibles que dans le champ de ce fermier. Oswald et al (2002) trouva que l’association avec du soya ou des
haricots réduit l’apparition de Striga seulement dans certaines conditions agro-environnementales. De par la
compétition plus grande en association, les récoltes et les capacités de fixation d’azote de la légumineuse sont
inférieures à celles obtenues en culture seule (Abaidoo and van Kessel, 1989). L’impact de la fixation de azote par la
légumineuse sur le maïs en association est encore douté, mais au moins la diminution de compétition pour le azote
du sol est visible (Giller et al., 1991 ; Giller, 2001). Néanmoins, plusieurs études démontrent une augmentation des
récoltes de maïs précédés par une association de maïs et légumineuses (Jeranyama et al, 2000; Mupangwa et al,
2003).

5 Conclusions

Les rotations de soya permettent d’augmenter la production de maïs de façon signifiante, de façon à produire la
récolte normale de deux saisons de maïs en seulement une saison. Ce système est donc très efficace du point de
vue économique et nutritionnel, offrant non seulement de plus grandes quantités de récoltes mais aussi un menu plus
équilibré et riche en protéines.
Deux systèmes ont montrées ajouter une valeur supplémentaire au système de façons facilement adoptables par
les fermiers. Premièrement, en fertilisant les champs de soja avec une combinaison d’engrais minéral et organique,
l’effet de la rotation augmente. En utilisant l’option de cendres + fumier, cette pratique devient fort accessible pour de
nombreux fermiers. Deuxièmement, intégrer une association dans le maïs en rotation permet de produire une
légumineuse supplémentaire sans perdre de récolte de maïs (quand inter plantée de soja) ou en perdant une partie
du maïs (avec les haricots). Ceci augmente encore les bénéfices économiques et nutritionnels. De plus, cette
pratique est commune pour les fermiers qui l’appliquent déjà dans la majorité de leurs champs.

Remerciements

La recherché a été co-financée par une bourse de doctorat du Conseil Interuniversitaire Flamand (VLIR-UOS),
par le Tropical Soil Biology and Fertility Institute (TSBF) du Centre International d’Agriculture Tropicale (CIAT), et par
la Division de Soil and Water Management of the K.U.Leuven. I want to thank the farmers of the Uriri Farmer
cooperative society for the fruitful collaboration. Most special thanks to Alfred Mdeizi Sagwa and Japhet Ababu
Asimba without whose hard work and determination this research would not have been possible.

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Impacts agronomiques, économiques et environnementaux de quelques
amendements organiques à Nkolondom (Yaoundé Cameroun)

SEH NGOUN Emmanuel1, OMOKO Michel2, SIMON Serge3

1. CRESA Forêt BOIS, Option Etude d’Impacts sur l’Environnement, de Nkolbisson Yaoundé
(rockgroup2005@yahoo.fr).
2. Université de Dschang, FASA, Département des Sciences du Sol (omokomich@yahoo.fr).
3. CIRAD représentation de l’Afrique centrale (serge.simon@cirad.fr).

Résumé

Dans le souci de mettre au point des stratégies et techniques de valorisation des déchets
urbains au Cameroun, les impacts agronomiques, environnementaux et économiques de deux
amendements organiques (fumier de poulet de chair et compost d’ordures ménagères) ont été
évalués sur la culture de la laitue (Lactuca sativa). Pour y parvenir, un essai au champ a été conduit
pendant deux cycles de culture en milieu paysan dans la zone maraîchère de Nkolondom, bas-fond
périurbain de Yaoundé. Huit traitements ont été comparés dans un dispositif à quatre blocs
complètement randomisés. Les travaux au champ ont été complétés par des analyses en laboratoire
des sols et des amendements organiques.
Les traitements ont influencé les rendements frais en laitue de manière très hautement
significative (p<0,0001) pendant les deux cycles de culture. Au premier cycle, ces rendements ont
varié de 1,7 kg/m2 (sur les parcelles témoins) à 3,1 kg/m2 (sur les parcelles fertilisées par une
combinaison fumier + engrais). Les rendements obtenus au second cycle sont compris entre 1,2
kg/m2 (sur parcelles témoins) et 4,4 kg/m2 (sur les parcelles fertilisées conformément à la pratique
paysanne). Sur la base des rendements cumulés Les observations montrent que les amendements
organiques donnent de meilleurs résultats lorsqu’ils sont associés aux engrais minéraux.
L’épandage du fumier ou du compost permet de restaurer la fertilité du sol, notamment en
azote et en matière organique. Néanmoins, le fumier augmente 10 fois plus la teneur en azote et 2,5
fois plus la teneur en matière organique que le compost. L’apport en matière organique qui en
résulte améliore la stabilité du sol ainsi que sa capacité de rétention en eau, le rendant par
conséquent moins sensible à l’érosion.
En dehors de ces atouts sur la fertilité du sol, l’usage des composts d’ordures ménagères
permet de transformer des déchets des villes en intrants agricoles. Ainsi en produisant un
kilogramme de laitue avec du compost, on recycle 21,3 kg d’ordures ménagères. Il a par ailleurs été
vérifié que ces amendements organiques ne contiennent pas de micro-organismes pathogènes, ni de
métaux lourds ; leur manipulation ne présente donc pas de risque.
Cependant, la rentabilité économique du fumier et/ou du compost est très faible
comparativement à celle de l’engrais minéral. En effet le recours au fumier coûte 2 fois plus et celui
du compost 20 fois plus que l’emploi de l’engrais minéral. Ces rapports seraient moindres avec
l’amélioration des techniques de production et le rapprochement des sites de fabrication près des
bassins agricoles.
Mots-clés : amendement organique, fertilisation minérale, compost, laitue, Cameroun,
Abstract

To finalize strategies and techniques of valuation of the urban waste in Cameroon, agronomic,
environmental and economic impacts of two organic amendments (poultry manure and compost of
household refuse) were estimated on the culture of the lettuce (Lactuca sativa). A trial was driven
during two cycles of culture in the periurban inland-valley of Nkolondom, (Yaounde, Cameroon).
Eight treatments were compared in a device with four blocks completely randomized. The works in
fields were completed by analyses in laboratory of grounds and organic amendments.
Treatments influenced the harvest in lettuce in a very highly significant way (p < 0.0001) during
both cycles of cropping. In the first cycle, these returns varied of 1.7 kg / m2 (on the standard plots)
in 3.1 kg / m2 (on the plots of land fertilized by a combination of poultry manure + mineral
fertilizer). The results obtained in the second cycle are included between 1.2 kg / m2 (on the
standard plots) and 4.4 kg / m2 (on the plots of land fertilized according to the farmer practices).
The observations show that the organic amendments give better results when they are associated to
mineral fertilizers.
The poultry manure or the compost allows restoring the fertility of the ground, in particular in
nitrogen and in organic matter. Nevertheless, the poultry manure increases much better the content
in nitrogen and in organic matter than the compost. The contribution in organic matter which results
from it improves the stability of the ground as well as its capacity of keeping back in water, making
it consequently less sensitive to the erosion.
Except these assets on the fertility of the ground, the use of compost of household refuse remove
waste of cities in agricultural entrants: by producing one kilogram of lettuce with compost, we
recycle 21,3 kg of household refuse. At the same time, analysis has confirmed that their
manipulation is safe: these organic amendments do not contain any pathogenic micro-organisms,
nor heavy metals.
However, the economic profitability of the fertilizer and\or the compost is very weak compared
with that some mineral fertilizer. Indeed the appeal to the fertilizer costs twice more and that of the
compost 20 times more than the use of the mineral fertilizer. These reports would be lesser with the
improvement of the techniques of production and the link of the sites of manufacturing near the
agricultural ponds.

Keys words: Cameroon, Organic manure, Mineral fertilizer, Compost, Lettuce,


INTRODUCTION

1. Problématique
Le diagnostic de la fertilité des sols du Cameroun fait ressortir d’une part une faible fertilité
due aux conditions naturelles et d’autre part, un déclin de la fertilité résultant du mode de gestion
inappropriée des sols qui, de manière insidieuse, induit la dégradation des caractéristiques
physiques, chimiques et biologiques de ceux - ci (GOLCHIN et al., 1995; TEJADA et al., 2006).
Parmi les causes les plus fréquentes de cette baisse de fertilité, on peut citer la pauvreté en éléments
nutritifs et notamment celle en matière organique. Cette dernière entraîne des conséquences
défavorables telles que la fragilisation de la structure des sols et l’augmentation de la susceptibilité
à l’érosion.
NGNIKAM (2000) estime la masse d’ordures ménagères produite dans la ville de Yaoundé
à 1076,4 tonnes par jour. Tous les acteurs impliqués dans la gestion de ces déchets cherchent des
moyens pour assurer la propreté de cette ville et préserver leur environnement. Par ailleurs
l’agriculture familiale camerounaise représente 95% des exploitations agricoles du pays
(MINADER, 2005). L’une des contraintes à cette activité est le renchérissement des engrais
minéraux sur le marché local. La mise sur pied des alternatives aux méthodes de fertilisation
conventionnelle (telle que l’usage des engrais minéraux), constitue un moyen de préserver la
sécurité alimentaire et de lutter efficacement contre le coût élevé de la vie.
Dans ce contexte, il serait judicieux de s’interroger sur l’intérêt de l’usage agricole des
déchets communautaires et notamment des amendements organiques (selon l’AFNOR ce terme
désigne, toutes matières fertilisantes composées principalement de combinaisons carbonées
d’origine végétale et/ou animale, fermentées ou fermentescibles, destinées à l’entretien ou à la
reconstitution du stock de matière organique du sol et à l’amélioration de ses propriétés physiques
et/ou chimiques et/ou biologiques).

2. Objectifs de l’étude

La présente étude se propose:

 d’évaluer l’impact agronomique de quelques amendements organiques ;


 d’en déduire l’impact sur le coût de fertilisation d’une culture ainsi que sur la masse de
déchets recyclés ou éliminés ;
 d’évaluer les risques sanitaires de ces amendements organiques.
3. Localisation de la zone d’étude

Cette étude a été conduite au Cameroun dans la zone périurbaine de Yaoundé (voir figure 1).
Les essais en champ se sont déroulés dans le bas-fond de Nkolondom (11°25’E – 11° 35’ E et
3°50’N - 4°00’N, altitude 750 m). Les sols dominants sont hydromorphes en fond de vallée et
ferralitiques rouges sur les pentes : le paysage est parsemé de grosses collines (alt. de 700m). Le
climat local est équatorial guinéen à quatre saisons, caractérisé par une pluviosité annuelle de 1510
mm et une température moyenne annuelle de 23°C (voir figure 2). La végétation est celle d’une
forêt dégradée par l’activité humaine. Le maraîchage constitue l’activité principale des agriculteurs
de la localité. On note aussi la pratique de l’élevage de la volaille dans quelques familles.

Le Cameroun

Zone d’étude
Légende

Figure 1 : Localisation de la zone d’étude Figure 2 : Diagramme ombro thermique de la zone d’étude

1. MATERIELS ET METHODES

Cette partie présente les matériels utilisés dans l’étude, puis décrit les procédures ayant
permis d’atteindre les objectifs fixés précédemment.

1.1. Matériels

Le matériel utilisé dans l’étude est constitué d’un matériel végétal, de matières fertilisantes,
d’outils aratoires, du matériel de laboratoire, d’un GPS, d’un appareil photo et de logiciels
informatiques.
Le matériel végétal utilisé est la laitue (Lactuca sativa) variété « Blonde de Paris ». Deux
amendements organiques et des engrais minéraux ont été également utilisés comme matières
fertilisantes. Il s’agit d’un compost issu d’ordures ménagères, d’un fumier de poulet de chair, d’urée
et d’engrais complexe NPK de formulation 20 10 10 et 12 14 19.
Les analyses des échantillons des sols et des amendements organiques ont été effectuées au
laboratoire d’analyse des sols, plantes, engrais et eaux (LASPEE) de l’IRAD de Nkolbisson et au
Centre Pasteur de Yaoundé. Les logiciels utilisés sont les suivants : Microsoft Word, Microsoft
Excel, Adobe illustrator 9.0, Minitab 15 et SAS.

1.2. Méthodes
Le potentiel agronomique et les risques environnementaux des matières fertilisantes ont été
évalués par la méthode décrite par DAVIDESCU et DAVIDESCU (1982). Cette méthode est basée
sur l’expérimentation au champ, complétée par des analyses chimiques de sol et des amendements
organiques.
Le potentiel agronomique des matières fertilisantes a été évalué à travers huit traitements
(tableau I) testés sur la laitue pendant deux cycles de culture, dans un dispositif en bloc complet
randomisé à quatre répétitions (figure 3). L’impact sur le coût de la fertilisation a été déterminé à
partir du ratio du coût de la fertilisation sur le rendement frais. L’évaluation de la masse de déchets
recyclés ou éliminés a été déterminée par la formule suivante :

Masse d’ordures ménagères éliminée ou recyclée (en kg)


M = Masse amendement organique utilisée (en kg/m2)
. M’= Masse d’ordures ménagères éliminée ou recyclée (en kg)
θ = Pourcentage fermentescible des ordures ménagères (en %)
. λ = Rendement matière de la transformation
r = Rendement cumulé (en kg/m2)

Les risques sanitaires ont été évalués à travers une analyse microbiologique afin de
rechercher les principaux pathogènes humains (Campylobacter, Escherichia coli et Salmonelle).
L’analyse des métaux lourds (Cuivre, Zinc et Plomb) a permis d’évaluer les risques de
contamination des sols où ces amendements sont épandus. Le choix de ces micro-organismes, ainsi
que des métaux lourds se justifie par le fait que l’activité agropastorale est dominante dans cette
localité.
Photo 3: Vue d’ensemble de l’essai

Figure 3: Dispositif expérimental


Tableau I : Composition des traitements expérimentaux
Traitement Code Premier cycle de culture Second cycle de culture
expérimental
Témoin T0 AUCUNE FERTILISATION AUCUNE FERTILISATION
Pratique T1 Fumure d’entretien: Fumure d’entretien:
paysanne 3,8 kg/m2 de fumier poulet de 3,8 kg/m2 de fumier poulet de
chair + 54,2 g/m2 de 20 10 10 chair + 54,2 g/m2 de 20 10 10

Fumier de poulet T2 Fumure de fond : AUCUNE FERTILISATION


de chair (F) 4,8 kg/m2 de fumier poulet de
chair

Compost T3 Fumure de fond : AUCUNE FERTILISATION


d’ordures 47 kg/m2 de compost
ménagères (C)
T4 Fumure de fond :
Engrais minéral 54,2 g/m2 de NPK 12 14 19
(E)
Fumure d’entretien: Fumure d’entretien:
37,5 g/m2 de NPK 12 14 19 37,5 g/m2 de NPK 12 14 19

Compost T5 Fumure de fond : 27,8 kg/m2


+ de compost
Engrais minéral Fumure d’entretien:
(C + E) Fumure d’entretien: 10 g/m2 10 g/m2 d’urée
d’urée

Fumier T6 Fumure de fond :


+ 2,8 kg/m2 de fumier de poulet
Engrais minéral de chair
(F + E) Fumure d’entretien :
Fumure d’entretien: 37,5 g/m2 de NPK 12 14 19
37,5 g/m2 de NPK 12 14 19

Compost T7 Fumure de fond :


+ 13,9 kg/m2 de compost +
Fumier 1,4 kg/m2 de fumier de poulet
+ de chair
Engrais minéral Fumure d’entretien :
(C + F + E) Fumure d’entretien: 10 g/m2 d’urée
10 g/m2 d’urée

L’unité expérimentale est une parcelle de 2 m x 1 m. La production de chaque parcelle


expérimentale était obtenue à partir de 12 plants récoltés au centre de la parcelle afin d’éviter l’effet
voisinage et l’effet bordure. Les échantillons de sol ont été prélevés sur un profil de 20 cm.
L’analyse de la variance et de la régression a été effectuée par le test de Fischer (1950).
L’analyse de la variance (ANOVA) a été effectuée selon la procédure GLM (General Linear
Model). La séparation des moyennes a été effectuée selon LSD (Least Significant Difference qui est
une application du t-test). Toutes les probabilités étaient appréciées au seuil de 5%.
2. RESULTATS ET DISCUSSIONS
2.1. Caractéristiques des sols des différents sites avant essai
Les résultats issus de l’analyse des échantillons de sol prélevés sur le site d’étude avant la
mise en place des essais sont présentés au tableau II.
Tableau II : Caractéristiques du sol avant la culture

Type d’analyse Caractéristiques Valeurs observées


Argile 26.9
Limon fin 5.9
Granulométrie Limon grossier 8.8
(en %) Sable fin 13.1
Sable grossier 43.1
Classe texturale (FAO) LAS
M.O.totale 4.64
C.O. 2.70
Matière organique N total 0.21
(en %) C/N 12.86

Acide phosphorique BRAY II Phosphore 3.29


(en mg/kg) Assimilable
Ca2+ 5.60
Mg2+ 1.05
Bases échangeables K+ 0.52
Na+ 0.05
(en cmol/kg)
S 7.22
CEC 8.79
S/ CEC 82.14
Acidité/Alcalinité pH-eau 6.5
(1 : 2,5) pH-KCl 6.2

Le sol sur lequel l’essai a été conduit est hydromorphe avec une texture sablo argilo
limoneuse. Conformément au guide proposé par BEERNAERT et BITONDO (1992), ce sol
présente un niveau de fertilité élevé, notamment en matière organique. Cependant la teneur en
phosphore assimilable reste très faible. Malgré cette richesse en matière organique, un apport
supplémentaire se justifie compte tenu de la minéralisation rapide de la matière organique en zone
tropicale.

2.2. Caractéristiques agronomiques des amendements organiques expérimentés


Les données du tableau III montrent que le compost de France (BRULA et al., 1995) est
meilleur par rapport aux composts africains. Ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’en France les
normes sont beaucoup plus rigoureuses qu’en Afrique. Comparé aux composts de Yaoundé
(NGNIKAM et al., 1995) et de Cotonou (WASS et al., 1996), les amendements organiques
expérimentés dans l’essai sont de mauvaise qualité, notamment en ce qui concerne la teneur en
matière sèche et la teneur en matière organique. La médiocre qualité de ces amendements a pour
origine la présence importante de terre sans doute introduite lors des retournements de tas
confectionnés sur sol nu et non sur une dalle bétonnée.
Tableau III:Caractéristiques agronomiques des amendements organiques expérimentés

Compost Fumier de Compost Compost de Compost de Norme AFNOR


d’ordures poulet de de Cotonou France 2006
ménagères chair Yaoundé WASS et BRULA et al.
Caractéristiques NGNIKAM al. ( 1996) (1995)
et al (1995)
MS % MB 86,11 70,62 < 30
MO en % MB 9.77 15.14 17,7 16 48,5 > 20
C.O. % MB 5.68 8.80 13,6 8,4 26,3
N total en % MB 0.52 0.61 0,85 0,30 0,96 Somme N,
N-NH4 en mg/kg 16 42,30 P2O5 et K2O
C/N 10.9 14.4 16 25 26,4 < 3%
P2O5 en mg/kg 36.10 14.59
K+ en 1.98 5.32
meq/100g
Ca2+ en 11.16 0.86
meq/100g
Mg2+ en 2.04 2.50
meq/100g
CEC en meq/100g 18.64 30.22
S en meq/100g 15.26 9.19
S/ CEC 81.87 30.41
pH-eau 7.4 7.9

2.3. Impacts agronomiques, économiques et environnementaux des amendements organiques


expérimentés
L’analyse de la variance montre qu’aucun effet bloc n’est pas mis en évidence au seuil de
probabilité de 5%. Au contraire les traitements expérimentés ont eu un effet très hautement
significatif sur le rendement frais de la laitue, sur le coût de fertilisation par unité de laitue produit
et sur la masse de déchets recyclés. Le tableau IV présente ces performances.
Tableau IV : Impacts agro économique et environnemental des traitements expérimentaux.

Rendement frais de laitue (en kg/m2) Coût de fertilisation Masse de


Cycle 1 Cycle 2 Cumul par unité de déchets recyclés
Types de fertilisation (1+2) production par unité de
(en FCFA/kg) production
Sans fertilisation 1,7 c 1,2 g 2,9 c 0,0 g 0,0 e
Pratique paysanne 2,7 b 4,4 a 7,2 a 45,6 d 1,1 d
Fumier (F) 2,7 b 2,8 c 5,6 b 32,2 e 0,8 d
Compost (C) 2,6 b 2,4 d 5,1 b 373,2 a 21,3 a
Engrais minéral (E) 1,9 c 1,7 f 3,7 c 17,4 f 0,0 e
C+E 2,6 b 2,2 e 4,9 b 229,3 b 13,1 b
F+E 3,1 a 3,4 b 6,6 a 21,7 f 0,4 e
C+F+E 2,7 b 2,1 e 5,5 b 129,3 c 6,6 c
Les valeurs suivies d’une même lettre dans la même colonne ne sont pas statistiquement différentes au seuil de
probabilité de 5%, selon le test LSD.

Sur la base du rendement cumulé, ces traitements sont classés comme suit :
pratique paysanne ≥ fumier + engrais > fumier ≥ compost ≥ compost + engrais ≥ compost +
fumier + engrais > engrais ≥ témoin. Ces résultats montrent que l’apport des amendements
organiques améliore le rendement frais de la laitue. Les meilleures performances sont obtenues
lorsque ceux-ci sont associés aux engrais minéraux. Les résultats similaires ont déjà été obtenus par
TERMAN et al. (1973), ainsi que par NZILA (2006) sur amarante potagère (Amaranthus cruentus).
Malgré les performances médiocres du compost par rapport au fumier, l’usage de cet amendement
revêt un intérêt dans la gestion environnementale des déchets des villes. En effet en produisant un
kilogramme de laitue avec du compost, on élimine environ 21 kg d’ordures ménagères. Cet effet est
très important pour les pays en voie de développement où la gestion des déchets est une contrainte
majeure et ou elle correspond à la solution anti-écologique du tout en décharge
Sur la base du coût de la fertilisation par unité de production on obtient le classement suivant :
témoin > engrais minéral ≥ fumier + engrais > fumier > pratique paysanne > compost + fumier +
engrais > compost + engrais > compost. Ce classement montre que l’engrais minéral est plus
rentable que les amendements organiques pour lesquels le rapport « prix/qualité » est défavorable
au compost.
Après deux cycles de culture de la laitue, des prélèvements de sols ont été effectués sur les
parcelles expérimentales. Après analyse, les résultats obtenus ont été comparés à la fertilité initiale
des parcelles. Les variations obtenues de cette comparaison sont présentées dans le tableau V.

Tableau V: Variation des caractéristiques du sol après épandage des traitements expérimentés.
Traitement Variation des caractéristiques du sol
expérimental MO N totale C/N P2O5 K2O S CEC pH-
(en %) (en %) (en g/kg) (en g/kg) (meq/100g) (meq/100g) eau
Pratique paysanne + 0,57 + 0,07 - 2,04 -3 + 0,39 + 1,28 + 2,70 0
Compost d’ordures + 3,34 + 0,13 + 0,79 - 23 - 0,26 + 16,74 + 4,60 + 1,2
ménagères (C)
Fumier de poulet de + 0,86 + 0,10 - 2,54 - 43 + 0,17 + 3,08 + 2,73 + 0,4
chair ( F )
Engrais minéral (E) - 0,34 + 0,03 - 2,44 - 20,5 - 0,20 + 0,03 + 2,43 - 0,1
C+E + 3,22 + 0,14 + 0,20 - 56 + 0,28 + 10,82 + 3,74 + 1,3
F+E + 0,73 + 0,06 - 1,31 - 55 + 0,18 + 0,28 + 2,91 - 0,4
C+F+E + 0,76 + 0,06 - 1,23 - 51 - 0,01 + 3,28 + 2,66 + 0,6

Ces résultats montrent que contrairement à l’engrais minéral, l’épandage des amendements
organiques permet de restaurer sur le long terme la fertilité du sol, notamment en azote et en matière
organique. Cet effet est meilleur avec le fumier qu’avec le compost. A masse égale, le fumier
améliore la teneur en azote 10 fois plus et la teneur en matière organique 2,5 fois plus que le
compost. L’apport de la matière organique qui résulte de l’épandage de ces amendements améliore
la stabilité du sol et réduit ainsi sa sensibilité à l’érosion. En plus, ces épandages améliorent la
capacité de rétention en eau du sol ainsi que sa perméabilité et sa cohésion. Cependant, il a été
observé une perte en phosphore sur tous traitements expérimentés. Ceci serait du à un mauvais
équilibre des matières fertilisantes constituant chacun de ces traitements.

2.4. Risques sanitaires des amendements organiques expérimentés


Quatre échantillons composites d’amendements organiques ont été analysés au Centre
Pasteur de Yaoundé. Les résultats de cette analyse sont présentés par le tableau VI.

Tableau VI: Mise en évidence de quelques microbes dans les amendements organiques expérimentés

Microbe pathogène Compost d’ordures ménagères Fumier de poulet de chair


Frais après conservation Frais après conservation
Campylobacter Absence Absence Absent Absent
Escherichia coli Absence Présent Absent Absent
Salmonella sp. Absence Absence Absent Absent

Les observations du tableau VI montrent que l’usage du compost ou du fumier ne présente


pas de risques microbiologiques, notamment pour les maraîchers. Néanmoins, la présence d’E coli
dans l’échantillon de compost après conservation doit inciter aux respects de normes strictes de
stockage pour éviter de telles contaminations.
Deux échantillons de fumier de poulet de chair et de compost d’ordures ménagères ont été
envoyés au LASPEE de l’IRAD pour analyse de métaux lourds (cuivre, zinc et plomb). Les
résultats de cette analyse sont présentés par le tableau VII.
Tableau VII: Teneur en métaux lourds (en mg/kg de MS) des amendements organiques expérimentés.

Compost d’ordures Fumier de poulet Valeur seuil dans les amendements


ménagères de chair organiques selon la norme AFNOR
Métaux lourds (2006)

Cuivre (Cu) 0.09 0.07 300


Zinc (Zn) 0.32 0.27 600
Plomb (Pb) 0.021 0.008 180

Les teneurs en métaux lourds sont très en dessous des seuils de l’AFNOR (2006). Ceci se
justifie par l’absence de toute activité industrielle importante dans les zones d’origine de ces
amendements. Par conséquent, l’épandage de ces amendements ne présente pas de risques de
contamination des sols en métaux lourds.
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
La présente étude a pour objectif d’évaluer les impacts agronomiques, économiques et
environnementaux de l’usage de quelques amendements organiques (fumier de poulet de chair et
compost issu d’ordures ménagères) sur la culture de la laitue à Nkolondom. Le traitement et
l’analyse des données d’un essai en champ complété par des analyses en laboratoire montrent
que l’épandage de ces amendements organiques présente un triple intérêt :
• Il permet d’améliorer le rendement frais de la laitue, notamment lorsque ses
amendements sont associés aux engrais minéraux ;
• Par une élévation des teneurs en azote et en matière organique, il permet de restaurer la
fertilité du sol, et d’améliorer la stabilité du sol et de réduire les risques d’érosion ;
• Il permet de recycler des déchets communautaires : les fientes issues des élevages
intensifs de volaille dans le cadre du fumier et une partie des ordures ménagères dans le
cadre du compost.
Les analyses de laboratoires ont mis en évidence qu’avec un minimum de précaution l’usage de
ces amendements ne présentait aucun risque sanitaire pour l’homme (absence de pathogènes) et
pour l’environnement (métaux lourds).
Le facteur limitant au développement de leur usage réside dans leur coût élevé comparé à celui
des engrais minéraux même si ceux-ci n’ont qu’un effet fugace sur la fertilité des sols. Afin
d’améliorer la rentabilité de ces amendements et favoriser leur adoption en milieu paysan, il est
indispensable:
- d’améliorer la qualité du compost d’ordures ménagères en respectant les normes de
production afin d’éviter en particulier les contaminations de terre ;
- de rapprocher les sites de production des bassins d’utilisation finale que sont les bas-fonds
agricoles.
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12. TEJADA, M., HERMANDEZ, M.T., GARCIA, C., 2006. Application of two organic amendments
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quartiers populaires des villes africaines. Genève- Suisse. Fonds Suisse de la recherche scientifique ;
Module 7, Développement et Environnement. CREPA, IAGU et SAN DEC. 50 p.
Aménagements hydro-agricoles permettant la conservation des
eaux et la restauration de la productivité des sols
de Gros Morne en Haïti.

Michel BROCHET1, Charles LILIN2 et Saintil CLOSSY3


Courriels : mibrochet@wanadoo.fr charles.lilin@free.fr et clossying@yahoo.fr

Résumé
Dans cet article, nous décrivons le projet de développement agricole durable de Gros
Morne. Il s’agit d’un projet relevant de la gestion conservatoire des eaux et des sols,
la priorité étant donnée simultanément à l’amélioration de la production agricole et à
celle du milieu. Dans une première phase, ce projet a privilégié la construction de
seuils en maçonnerie conçus pour durer. Leur objectif principal est de diminuer la
contrainte constituée par la pénurie de l’eau et de stocker des sédiments riches. Le
surgreffage du manguier et des plantations d’arbres fruitiers sont des volets
secondaires du projet. Une deuxième phase du projet donne maintenant une place
plus importante à l’utilisation de techniques biologiques pour traiter les versants et
surtout les ravines. L’originalité de ce projet réside moins dans les objectifs et les
principes affichés que dans les modalités de sa mise œuvre, dans une adaptation
permanente et fine d’aménagements faits « sur mesure » au terrain et à l’évolution
de la situation. L’article souligne que la diffusion des aspects innovants du projet est
surtout conditionnée par une évolution du projet de gestion conservatoire des eaux et
des sols ainsi que par des actions de formation continue développant les
compétences pratiques nécessaires s’appuyant sur un centre de ressources
national.

Mots-clés : Haiti, Gros Mornes, seuils en maçonnerie, conservation de l’eau,


restauration de la productivité des sols des bas fonds, formation.

Abstract
The objectives of the project related to sustainable agricultural development of Gros
Morne are to improve the agricultural production and, at the same time, to reduce soil
erosion. In it’s first stage, emphasis has been given to the construction of small
masonry dams in the gullys, in order to improve the water supply for agricultural
production during the dry season. Other aspects of the project are the grafting of
existing mango trees and the plantation of fruit trees. In the stage starting now, more
emphasis is given to the construction of biological structures on the slopes and in the
gullies. According to us, the way the project has been implemented is more important
than the adopted objectives and principles. The handcrafted technical decisions have
always been finely fitted to the characteristics of the landscapes and to the local
situation.

1
 Ing. général du GREF, ER, chargé de piloter le projet de développement rural de Gros Morne. 
2
Ing. général du GREF, ER, membre du comité de pilotage du projet de développement rural de Gros Morne.  
3
 Ing. De génie civil, responsable des chantiers d’aménagement du projet de développement agricole durable 
de Gros Morne.  
The dissemination of the described innovations depends on changes of the soil
conservation projects considered as “devices” crafted by their history and having their
own effects. The existing devices are not permitting the emergence of new practices.
Methodologies and principles will have little effect on the final results of a given
project as long as these devices are not amended. An on the job training of
practitioners and the implementation of a national resource centre will also be
necessary.
Key words: Haiti, Gros Morne watershed, masonry dams, water conservation,
soil productivity restoration in the valleys, education

1. Introduction
En Haïti, l’érosion des terres peut être considérée comme un sous-produit de
l’absence de développement dans les mornes. La volonté de la traiter comme un
aspect du sous-développement est ancienne. Elle se traduit dans les projets par la
priorité donnée à des aménagements qui doivent à la fois améliorer la production
agricole et maîtriser l’érosion. Elle conduit aussi à associer à de telles mesures des
actions d’accompagnement visant à faciliter le développement agricole.
Malgré ces intentions louables, la réalité des projets de conservation des eaux et des
sols est souvent décevante pour qui ne se contente pas de leurs évaluations
officielles, mais fait le point sur le terrain quelque temps après qu’ils soient terminés.
Cet article décrit le projet de développement agricole durable de Gros Morne qui
relève de la gestion conservatoire des eaux et des sols. Il privilégie l’amélioration
durable de la production agricole de la zone aménagée et constitue la diminution de
l’érosion en un sous-produit. Dans sa première phase, ce projet donne une place
importante à la construction de seuils en maçonnerie en vue de capter les eaux de
ruissellement venant des versants et de valoriser les sédiments dans les vallons.
Nous évoquons les conditions de la mise en œuvre de ces aménagements ainsi que
quelques uns des problèmes techniques rencontrés. Ensuite, au-delà de la question
des choix techniques, nous nous interrogeons sur d’autres aspects qui contribuent
au succès de l’innovation. Leur prise en compte nous semble nécessaire si l’on veut
introduire des innovations analogues dans d’autres projets de conservation des sols.
Nous apportons des éléments pour répondre à diverses interrogations. Comment
faciliter l’adoption au niveau d’autres projets de gestion conservatoire des eaux et
des sols d’innovations similaires à celles décrites ? Comment poursuivre
l’enrichissement de la panoplie des choix techniques de ces projets ?

2. Le projet de développement agricole durable de Gros Morne,


aspects techniques
Le projet de développement agricole durable de Gros Morne a trois axes
d’intervention principaux :
• La construction de seuils maçonnés et de leurs annexes (puits, bassins) dans des
ravines ;
• L’arboriculture fruitière : surgreffage du manguier, plantation d’arbres fruitiers ;
• La mise en œuvre de techniques biologiques dans les ravines (seuils) et sur les
versants (embocagement).
Ces interventions sont complétées par des actions transversales :
• La mise en place de pépinières ;
• La formation de greffeurs, d’agriculteurs et de techniciens ;
• Les activités d’éveil à l’environnement pour les enfants des écoles ;
• Le planning familial.

2.1. Les seuils en maçonnerie et en gabions


A Gros-Morne, le projet de SOS ESF4 a aménagé des ravines pour créer des îlots de
fertilité (fonds frais) et pour constituer des réserves d’eau de ruissellement en vue
d’arroser les cultures maraîchères et d’abreuver le bétail. L’association Zanmi
Lasanté Paris (ZLP) a utilisé une démarche similaire dans le Plateau Central à Caye
Epin5, après avoir bénéficié d’échanges de stagiaires avec le projet de SOS ESF à
Gros Morne.

Une priorité : améliorer la disponibilité de la ressource en eau


Des seuils en gabions ou en maçonnerie de gros blocs avec mortier au ciment ont
été construits dans des ravines là où les ressources en eau étaient critiques pour les
exploitants à certaines périodes de l’année. L’eau constitue un facteur qui limite
l’intensification agricole et les développements du vivrier maraîcher (bananier, patate
douce, malanga, gombo, légumes feuille) comme de l’élevage.
Certes, ces seuils retiennent aussi des sédiments et participent à la maîtrise du
ravinement, mais il s’agit d’effets secondaires d’une importance assez modeste.
L’effort du projet porte surtout sur l’amélioration des niveaux de la production
agricole. Il crée les conditions pour une diminution de la pression agricole sur les
versants et pour la mise en place d’autres aménagements, en élargissant la panoplie
des choix techniques, comme ce sera exposé plus loin.
En Haïti, ces techniques s’inspirent de réalisations paysannes comme les seuils en
terre construits pour créer des « lagons », zones aplanies créées en fond de talweg
utilisées pour la culture du riz. La construction de tels ouvrages est rapide et utilise
des moyens en outillage modestes, mais leur fragilité nécessite de fréquentes
interventions pour réparer les dégâts provoqués par des crues. Les seuils en
maçonnerie construits par le projet de développement agricole durable de Gros
Morne s’inspirent également des petites infrastructures d’hydraulique de montagne
réalisées par les agriculteurs dans les Cévennes et au Cap Vert.
Les seuils en maçonnerie ont deux objectifs principaux :
• Ils accumulent des sédiments riches en matière organique dans le fond de la
ravine traitée et infiltrent les eaux de ruissellement. Ils restaurent ainsi la fertilité
des fonds frais pour y reconstituer des micro-milieux humides, propices à la
plantation d’espèces à forte valeur ajoutée telles que le bananier, le malanga,
l’igname ou des arbres fruitiers. Il s’agit d’un investissement productif dont les
bénéfices pour l’agriculteur apparaissent rapidement et persistent dans la durée.
• Ils mettent à la disposition des agriculteurs une réserve en eau pour l’arrosage et
l’abreuvement du bétail. Pour faciliter l’utilisation de l’eau retenue, les seuils ont
parfois été complétés par des bassins situés en aval ou par des puits creusés
dans les alluvions retenues en amont.
Les seuils sont construits là où les conditions sont favorables (accès, proximité d’une
aire résidentielle, négociations fructueuses avec les agriculteurs concernés, tenure
4
 Ce projet bénéficie de financements de l’Union Européenne, du Ministère français des Affaires Etrangères et de
dons privés
5
Ce projet bénéficie de financements de l’Ambassade de France en Haïti et de dons privés
foncière peu conflictuelle). Des ravines peu pentues ont été privilégiées, car alors le
volume d’eau stocké est plus important et le risque de destruction par affouillement
est moindre. Des critères économiques ont été pris en compte afin de retenir des
sites où les seuils pourront efficacement supprimer un frein à l’augmentation de la
production agricole.

Des seuils destinés à durer


Le soin apporté à la conception et à la construction des ouvrages mis en place à
Gros Morne doit leur assurer une durée de vie importante : ils sont prévus pour
résister aux crues exceptionnelles. Ces seuils ont subi l’épreuve du feu : leur bonne
résistance aux crues liées aux cyclones de septembre 2008, dont la fréquence a été
centennale, donne des garanties en ce qui concerne leur longévité.
La solidité des ouvrages résulte aussi de l’attention apportée au choix des sites :
recherche d’une section rétrécie de la ravine, la roche-mère étant si possible située à
faible profondeur, afin de bien ancrer le seuil en maçonnerie. La maçonnerie a été
remplacée par du gabion lorsque ces conditions n’étaient pas réunies (lit large et
roche-mère à grande profondeur). L’identification de sites propices pour la
construction des seuils demande beaucoup de temps et ne peut se faire qu’en
saison sèche, quand la végétation est peu développée.
Pour ces aménagements, les débats techniques au sein de l’équipe du projet comme
avec des experts extérieurs ont été permanents et se poursuivent. Ils portent sur des
aspects conditionnant la solidité de l’ouvrage (dimensionnement, importance des
fondations et des ancrages, prise en compte des risques de contournement, de
renardage, d’affouillement, etc.). Ils portent aussi sur les techniques destinées à
améliorer la valorisation agricole du seuil : utilisation d’une chape de mortier pour
créer une surface de séchage, escalier facilitant le franchissement de l’ouvrage,
construction d’un puits dans les alluvions retenues et d’un bassin de dissipation en
aval, ce dernier permettant aussi de stocker de l’eau.

Les avantages comparatifs des seuils en maçonnerie à Gros Morne


Les seuils en maçonnerie construits à Gros Morne peuvent être comparés aux seuils
en pierres sèches ou en gabions construits dans les ravines par d’autres projets
ayant comme objectif principal la maîtrise de l’érosion.
Ils se distinguent d’abord de ces derniers par leur finalité, qui est d’améliorer
directement et rapidement la production agricole grâce à l’eau retenue derrière le
seuil, dans les bassins ou dans les alluvions accumulées.
Ils se distinguent aussi des seuils construits habituellement dans les ravines par leur
solidité, car ils sont prévus pour résister aux crues même en l’absence d’entretien.
En Haïti, les seuils ayant pour objectif de maîtriser l’érosion ont en règle générale
une durée de survie courte là où le ravinement est actif. La maçonnerie en pierres
sèches ne permet à l’ouvrage de résister ni au piétinement du bétail, ni à des crues
importantes, surtout lorsque les pierres utilisées ont de faibles dimensions. La
réalisation des seuils en gabions est souvent déficiente ; les problèmes sont
fréquents en ce qui concerne la qualité des gabions, l’ancrage du seuil, la prise en
compte du risque de contournement, etc. Ainsi, la plupart de ces seuils n’ont d’effets
importants et durables ni sur la production agricole, ni sur le ravinement.
Les seuils en maçonnerie construits à Gros Morne peuvent aussi être comparés avec
les retenues collinaires dont l’objectif principal est de créer des réserves d’eau pour
l’irrigation et pour l’abreuvement du bétail. Les premières évaluations disponibles sur
de tels aménagements construits sur le Plateau Central montrent un retour sur
investissement très faible. Une surface agricole importante est noyée par la retenue
créée et surtout, les difficultés rencontrées pour mettre en place une gestion
collective de l’eau d’irrigation qui soit efficace réduisent considérablement l’intérêt
des retenues collinaires. Celles-ci ne devraient être envisagées que lorsque les
conditions sociales permettront le façonnage d’institutions locales performantes.
Les effets positifs des économies d’échelle permises par les retenues collinaires sont
en partie gommés par la sous-utilisation de l’eau stockée. Les surfaces irrigables
situées en aval de la retenue sont souvent insuffisantes et mal organisées. Des
motopompes permettent d’irriguer des zones situées en amont, mais elles sont
coûteuses à l’achat comme en frais de fonctionnement. Par ailleurs, leur entretien est
aléatoire, ce qui constitue un facteur de risque pour les cultures irriguées.

2.2. Arboriculture fruitière


Le surgreffage du manguier
Les aménagements dans les ravines sont associés à d’autres actions visant à
améliorer la production agricole, en particulier le surgreffage des manguiers de la
variété Mango fil dispersés sur les versants. Ceux-ci sont bien adaptés aux sols
rencontrés, souvent superficiels, mais leurs fruits ne sont pas appréciés sur le
marché international. Leur surgreffage avec la variété Francique permet de tirer profit
de leur rusticité et d’obtenir dans un bref délai (3 ans) des fruits faciles à
commercialiser.
Le projet de développement agricole durable de Gros Morne a surgreffé un nombre
important de manguiers. Il a aussi détaillé les opérations nécessaires (prélèvement et
préparation des greffons, réalisation de la greffe en fente, conduite des arbres après
la greffe, etc.) et des actions de formation-action ont transféré les compétences
pratiques à des greffeurs locaux.
Le volet « surgreffage » du projet a permis de toucher directement un nombre
important d’agriculteurs et d’ouvrir un dialogue portant sur leur propre perception des
problèmes. Il a aussi facilité la familiarisation de l’équipe du projet avec le milieu
local.

La plantation d’arbres fruitiers


Le projet de Gros Morne a incité les agriculteurs bénéficiant d’un seuil à planter des
arbres fruitiers, en profitant de la protection assurée par les haies vives entourant
certaines parcelles afin d’empêcher l’intrusion du bétail. Les avocatiers ont été
plantés en bas de versant, là où le sol est le plus fertile et les plants ont été entourés
par une sorte de clayonnage constitué de tiges de gommier et de Leucaena afin de
les protéger contre la dent des chèvres. Ces tiges pourront être utilisées comme
macroboutures lorsque la protection des avocatiers ne sera plus nécessaire. Des
manguiers ont été plantés dans la partie moyenne des versants ainsi que des
citronniers plus haut, là où les sols plus superficiels sont moins bien alimentés en
eau.

L’amélioration de la production de la culture de la canne à sucre


Le projet a prévu d’améliorer la productionde la canne à sucre en levant la contrainte
constituée par la rareté et la vétusté des moulins. Cette culture est non seulement
intéressante sur le plan économique, mais également du point de vue de la maîtrise
de l’érosion. En effet, une plantation de canne dure plusieurs années et elle protège
bien le sol. En fond de ravine, elle freine les écoulements et s’oppose au creusement
lors de crues.

2.3. Les aménagements biologiques


Afin de tirer profit des nouveaux fonds frais, les agriculteurs font des efforts pour
clôturer avec des haies vives les espaces aménagés. Ainsi, l’investissement réalisé a
déclenché des travaux d’embocagement (ou enclosure ) et le projet a accompagné
cette dynamique.

Une enquête sur les savoirs paysans


Le projet a conduit une enquête portant sur les techniques paysannes de création et
de gestion des haies vives entourant souvent les parcelles cultivées. Elles sont
surtout à base de candélabres (Euphorbia lactea) et ont pour fonction de protéger les
cultures contre l’intrusion du bétail. Là où une telle haie de clôture traverse une
ravine, elle constitue de fait un seuil biologique sommaire, même si, en l’absence de
filtre, ce dernier ne provoque pas de dépôt de sédiments en amont. Ces haies sont
régulièrement taillées pour limiter leur développement et la décomposition des
résidus libère des éléments minéraux, notamment de la potasse. Les haies
améliorent ainsi la fertilité du fond frais. Ces sortes de « seuils » ont assez souvent
résisté aux crues provoquées par les 4 cyclones de septembre 2008 et les
agriculteurs ont spontanément colmaté les brèches ouvertes en y plantant du
candélabre et des macroboutures de gommier.

La construction expérimentale de seuils biologiques


En s’appuyant sur l’observation de telles réalisations paysannes, le projet a entrepris
de compléter la construction de seuils maçonnés par des seuils biologiques situés en
amont des premiers, en prévoyant la mise en place d’un filtre. Il a utilisé des espèces
diversifiées présentant un intérêt alimentaire, fourrager, mellifère et pour la
production de bois. L’appropriation des tels ouvrages par les agriculteurs impliqués
constitue un pari que le projet devrait pouvoir gagner. En l’absence d’une gestion
effective des seuils biologiques par les agriculteurs, en particulier pour colmater les
brèches et entretenir le filtre, leur survie est en effet problématique (alors que les
seuils en maçonnerie sont dimensionnés pour pouvoir supporter une absence
d’entretien).
Là où, du fait du creusement de son lit, la ravine coule sur la roche-mère, la création
de tels seuils biologiques devra s’étaler dans le temps. Dans une première phase, un
seuil en pierres sèches temporaire ou un seuil s’appuyant sur des boutures
implantées sur les deux rives permettra d’accumuler des alluvions. Une fois un
premier dépôt constitué, il sera possible d’y planter les macroboutures destinées à
constituer le seuil biologique définitif.
Par ailleurs, les seuils biologiques constituent un obstacle à la circulation à l’intérieur
de la parcelle cultivée, le long de la ravine. Le projet devra aider les agriculteurs à
créer des itinéraires de contournement des seuils biologiques ou à trouver d’autres
formules pour vaincre les réticences liées à ce problème.

La création de « rampes paille » et leur consolidation


Sur des versants cultivés, les agriculteurs construisent souvent des « rampes paille »
utilisant les résidus de récolte provenant du nettoyage de la parcelle. Ces rampes
sont provisoires et ont un effet négligeable sur l’érosion. A Gros Morne, le projet a
financé leur renforcement par la plantation de boutures de Gliricidia sepium (lilas
étranger ou pignon) et par le semis de benzolive (Moringa oleifera). Ce renforcement
rendra les rampes pérennes ; les haies vives ainsi constituées améliorent la
production agricole et diminuent l’érosion. Le fait de partir d’une technique
traditionnelle pour la faire évoluer devrait ici aussi augmenter les chances de voir
cette technique innovante appropriée par les agriculteurs.

Les difficultés rencontrées


L’utilisation de techniques biologiques (seuils dans les ravines, haies vives sur les
versants) s’est heurtée à l’absence de références, mais l’observation des pratiques
paysannes a fourni des informations précieuses, par exemple en ce qui concerne
l’utilisation du candélabre ou de divers bois-repousse.
La disponibilité de certaines macroboutures est limitée, surtout pour les espèces les
plus intéressantes. De ce fait, la montée en puissance de l’utilisation des techniques
biologiques doit être progressive et le projet doit organiser la multiplication végétative
des espèces peu répandues, par exemple en pépinière.
Un problème rencontré est lié à la « mémoire » des projets de CES antérieurs. Les
projets finissent par être considérés par l’ensemble des bénéficiaires comme des
sortes de vaches à lait, le principal intérêt des aménagements mis en place venant
des salaires ou de la distribution de vivres qui sont associés à leur construction.
Dans ce contexte, l’appropriation des ouvrages par les bénéficiaires constitue un
vœu pieux. Or, les aménagements biologiques ne peuvent pas faire l’économie
d’une gestion par l’agriculteur.
Une autre difficulté vient de ce que les aménagements à base de techniques
biologiques sont dispersés dans le bassin versant. La gestion des chantiers doit donc
être décentralisée, ce qui implique la formation de relais locaux.
Enfin, ces aménagements biologiques, s’ils sont assez peu coûteux tout en
améliorant la fertilité du fond frais et en stabilisant la ravine, ont l’inconvénient d’être
peu photogéniques, contrairement par exemple aux seuils en dur dans les ravines ou
aux canaux de contour qui strient tout un versant et sont visibles de loin.

Les perspectives d’avenir


S’inspirant de techniques paysannes validées en Haïti et valorisant un matériel
végétal d’une diversité exceptionnelle, les techniques biologiques présentent
probablement un potentiel important pour créer des fonds frais fertiles en améliorant
leur production agricole, pour traiter le ravinement et pour cloisonner les versants
(embocagement). Pour gagner le pari que constitue leur diffusion, le projet a
privilégié une introduction prudente et progressive, en complément de techniques
pour lesquelles la demande paysanne est plus évidente, comme les seuils en
maçonnerie. En effet, l’eau stockée par ces derniers réduit les risques liés aux
irrégularités climatiques pour les cultures en pluvial, ce qui est très apprécié. La
contrainte forte que constitue la pénurie d’eau pour l’arrosage et pour l’abreuvement
du bétail est clairement perçue par les agriculteurs.
Les seuils en maçonnerie répondent ainsi à des attentes paysannes faciles à
mobiliser même là où la mémoire des projets est prégnante. Pour ces ouvrages,
l’ambigüité d’une demande paysanne qui privilégie l’intérêt à court terme de
l’aménagement (en termes de salaires, par exemple) ne constitue pas un problème
majeur et, de ce point de vue, une rupture n’est pas nécessaire avec les projets de
conservation des sols habituels ; les chantiers ne sont pas très différents de ceux
auxquels les agriculteurs sont habitués. Le succès de tels aménagements en dur
n’est pas conditionné par un changement de la « culture de projet » paysanne ; une
appropriation limitée n’aura pas d’effet immédiatement visible dans la mesure où les
ouvrages sont conçus pour résister aux crues même exceptionnelles.
Maintenant que les paris relatifs à ces seuils en maçonnerie sont en bonne voie
d’être gagnés, le projet entre dans une phase où la diversification des techniques
utilisées passe au premier plan et où il faut répondre à de nouveaux défis.

3. Projet de développement agricole durable de Gros Morne :


aspects non-techniques

Si nous voulons que les projets de CES formulés en Haïti tirent profit de l’expérience
du projet de développement agricole durable de Gros Morne, il faut analyser
quelques innovations moins évidentes mises en œuvre par ce dernier. Une telle
analyse a été facilitée par l’implication dans les débats techniques d’un expert ne
faisant pas partie de l’équipe du projet, mais ayant une longue expérience en matière
de projets de gestion conservatoire des eaux et des sols en Haïti, en France et dans
d’autres pays du Sud. La mise en perspective du projet de Gros Morne considéré
comme un « dispositif » traduit en partie le point de vue de cet expert qui a porté un
regard extérieur sur ses aspects non-techniques.
L’intérêt du projet de gros Morne ne réside pas seulement dans les choix techniques
effectués, même s’ils constituent la partie la plus visible des innovations proposées.
D’autres changements sont plus discrets.

3.1. Un travail artisanal, des aménagements « sur mesure »


Un intérêt majeur de ce projet est lié à la mise en œuvre d’une démarche que l’on
peut qualifier d’artisanale et qui a permis de définir des aménagements « sur
mesure », finement ajustés aux sites et bénéficiant d’un retour d’expérience en
temps réel. A l’inverse, la recherche d’économies d’échelle conduit la majorité des
projets de CES a adopter une démarche que l’on peut qualifier d’industrielle, au
détriment d’un ajustement fin de chaque aménagement aux conditions d’un site et
d’une valorisation réelle du retour d’expérience.
A Gros Morne, l’adoption de cette démarche artisanale a été favorisée par la
modestie du projet (un budget de 500 000 € sur 3 ans) qui est à taille humaine, si l’on
peut dire. Mais la taille du projet n’explique pas tout. Sa réussite passe aussi par la
forte implication d’un « maître artisan » mobilisant un savoir d’expérience important
et manifestant un intérêt passionnel pour les petites infrastructures d’hydraulique des
mornes. Cette passion associée à une solide culture de terrain s’est traduite par une
sorte de fièvre expérimentatrice permanente. Ce maître artisan a été le porteur de
l’expérience de recherche-formation de Madian-Salagnac ; il a su faire parler les
paysages et écouter les agriculteurs avant de définir les aménagements à la suite de
ces diverses « conversations ».

3.2. Une disponibilité importante


La familiarisation avec les paysages, la recherche de sites possibles puis les
négociations avec les agriculteurs et le suivi des chantiers ont demandé une
disponibilité importante au « maître artisan ». Les techniciens6 qui ont suivi le projet
6
 Saintil CLOSSY et Jocelyn CANTAVE (pour le projet ZLP sur le Plateau Central). 
en étant sur place de façon permanente ont peu à peu pris sa relève, au fur et à
mesure que leur formation par compagnonnage a progressé. Pour un projet
artisanal, la formule « le temps, c’est de l’argent » n’a pas cours.
Les esprits pessimistes pourraient en déduire qu’un tel projet ne serait pas réplicable
ailleurs en Haïti, vu la rareté d’agronomes et d’ingénieurs civils possédant de telles
qualifications et une telle disponibilité. Mais, comme nous le verrons plus loin, les
outils modernes qui sont maintenant à notre disposition (orthophotoplan, photo
numérique, SIG, GPS, Internet) permettent d’envisager une formationrapide
d’agronomes « de terrain » maîtrisant des compétences similaires.

La qualité du leadership et du suivi


Le travail de formulation d’un projet de conservation des sols habituel est réparti
entre plusieurs spécialistes, ce qui conduit à des cloisonnements. Les efforts pour
intégrer les informations produites lors des études sont rarement efficaces. Une autre
coupure apparaît pour de tels projets entre leur formulation et leur mise en œuvre, le
passage de relais entre les deux équipes étant en général défaillant. Or, la réussite
d’un projet de gestion conservatoire des eaux et des sols est liée à une bonne
familiarisation avec la zone concernée de l’équipe chargée de sa mise en œuvre, le
succès ne peut pas être obtenu par l’application rigoureuse d’un devis détaillé et
d’une méthodologie participative donnée.
Les problèmes de pilotage et de suivi sont fréquents au niveau des projets de CES
importants de par leur taille. Le projet de développement agricole durable de Gros
Morne a bénéficié d’un leadership efficace. Son pilotage a été facilité par sa taille
modeste, mais aussi par le sens du terrain, le charisme et la disponibilité de
l’agronome responsable de sa formulation et de son suivi et des compétences
complémentaires du réseau mobilisé7. Grâce à ce leadership, le suivi des
réalisations a été bien assuré et la circulation de l’information fut bonne. L’utilisation
intensive de la photo numérique et de l’orthophotoplan a facilité un retour
d’expérience efficace et a permis d’impliquer le comité de pilotage dans les débats
techniques.

3.1. Une intervention évoluant par itérations successives


Comme déjà évoqué, les attentes paysannes concernant un nouveau projet sont
formatées par les projets de conservation des sols antérieurs ; la « mémoire des
projets » ainsi construite conduit à une « langue de bois » paysanne. La « demande
paysanne » est en grande partie déterminée par les spéculations sur les bénéfices
immédiats (en particulier sous la forme de salaires) procurés par la réalisation de
divers aménagements.
Les projets assurent aussi un formatage de structures locales pilotées par des
notables qui permettent à ces derniers d’en tirer des bénéfices et de renforcer leur
emprise sur la société locale, mais dans le cadre d’échanges fortement inégaux. Un
projet qui veut innover pour améliorer réellement la production agricole doit faire
avec la volonté de tels groupements et autres « organisations paysannes » de se
constituer en intermédiaires obligatoires entre lui-même et les agriculteurs.
Le déroulement dans le temps du projet de développement agricole durable de Gros
Morne a été pensé comme une succession de paris. Une conscience aigüe des

7
 Un comité de pilotage d’une douzaine de personnes a été constitué. 
risques de dérive liés à des paris irréalistes ou prématurés a stimulé un intérêt quasi
obsessionnel pour le suivi des aménagements et le retour d’expérience.
Ainsi, le caractère artisanal du projet se traduit par une prise en compte fine des
attentes et des contraintes, mais aussi de leur évolution au fur et à mesure de
l’avancement des travaux. Le succès du projet n’est pas en rapport avec l’application
d’une quelconque méthodologie, mais résulte plutôt d’une succession de paris
raisonnables portant sur ce qu’il est possible de faire à un moment et sur un site
donnés et sur ce qui relève encore de l’utopie. Autrement dit, le projet à mis en
œuvre une stratégie considérée comme l’art de définir à tout moment le meilleur
compromis entre le souhaitable et le possible, ce compromis évoluant en fonction
des résultats obtenus. La maîtrise de l’art de composer avec les opportunités et avec
les contraintes caractérise le praticien, elle est au cœur de son métier.
Ces ruptures par rapport aux projets de conservation des sols habituels permettent
de comprendre le succès des aménagements mis en place et de prévoir les
difficultés probables d’une diffusion plus large des innovations introduites.
L’expérience a montré que la différence fondamentale qui existe entre une démarche
de praticien pragmatique et celle mise en œuvre dans une majorité de projets de
conservation des sols est méconnue. Les modalités de l’ajustement des interventions
au terrain et de leur adaptation à l’évolution de la situation diffèrent de celles
observées dans les projets pensés comme l’application d’une méthodologie, même
si celle-ci prévoit la participation des bénéficiaires aux décisions.

4. Comment diffuser l’innovation ?

4.1. Un pari : dépasser les changements de mode


En Haïti, les projets de CES mettent en œuvre un ensemble de techniques qui ont
évolué avec les temps et avec les préférences de tel ou tel bailleur de fonds. Ces
projets constituent une mosaïque d’interventions assez disparates ; certaines
techniques (comme par exemple les canaux de contour ou fossés d’infiltration)
tombent en désuétude, d’autres comme les haies vives ont le vent en poupe.
Cependant, une longue connaissance des projets de CES montre que ces
changements résultent davantage d’effets de modes que d’une valorisation de
l’expérience acquise. Par ailleurs, même des techniques a priori intéressantes,
comme les haies vives, obtiennent rarement les effets prévus du fait d’un pilotage
déficient du projet sur le terrain.
Nous formulons l’hypothèse que l’évolution des choix techniques restera erratique
aussi longtemps que les conditions ne seront pas plus favorables à un remodelage
du projet considéré comme un dispositif et au retour d’expérience à partir des
interventions mises en place. En Haïti, le projet de conservation des sols donne
beaucoup de pouvoir aux spécialistes et aux experts, tout en mettant le paysan sur
un piédestal et en préconisant la démarche participative. L’agronome de terrain, situé
en position d’intermédiaire, est le perdant dans cette situation si l’on compare son
rôle avec celui qu’il a dans des pays où la culture de terrain existe. Il ne peut pas
remplir la fonction d’intermédiation qui devrait être la sienne, peu d’information
remonte du terrain, les débats techniques sont mal ancrés dans les réalités des
projets. Les enjeux de pouvoir sont très présents derrière les débats
méthodologiques. Bref, le praticien n’est pas en mesure d’assurer un pilotage en
temps réel de la mise en œuvre du projet, en valorisant les informations obtenues à
partir des premières réalisations.
4.2. Fragmenter les grands projets
Les bailleurs de fonds ont pris l’habitude de financer surtout de grands projets de
conservation des sols et il est difficile de revenir en arrière sur ce point. Le projet est
souvent pensé comme un supermarché où le paysan serait le client. Il faut alors le
convaincre d’acheter les articles disponibles en rayon, son choix étant limité à un
petit nombre de produits. Certes, de même que « le client est roi », « le paysan est
au cœur du projet », mais la réalité n’a qu’un rapport lointain avec ces nobles
intentions. La mise en œuvre d’une démarche plus « artisanale » va à l’encontre
d’une marchandisation constituant le praticien en prestataire de services et
l’agriculteur en client.
Pour réaliser des aménagements sur mesure ayant des effets durables, il sera
nécessaire de fragmenter les grands projets en un ensemble de sous-projets de taille
humaine et relativement autonomes. Ainsi, le projet global sera plutôt un programme,
le détail des interventions étant précisé au niveau de chacun des sous-projets.
Les procédures qui organisent la division du travail entre l’équipe de formulation du
projet et celle chargée de la réalisation sont adaptées à la réalisation de grands
travaux d’équipement. Elles devront être réaménagées pour tenir compte de la
spécificité des projets de gestion conservatoire des eaux et des sols. Des documents
multimédia seront produits lors de la formulation et ils faciliteront le passage de relais
entre l’équipe de formulation du projet et celle chargée de sa réalisation. Ainsi, en
plus du document de projet, des reportages photographiques géoréférencés et
commentés, complétés par les cartes et les orthophotoplans des zones
d’intervention, permettront une première familiarisation avec celle-ci lors d’un briefing
conséquent. Des descriptions des systèmes de production agricoles et de leur
dynamique compléteront ces reportages.

4.3. Conforter le statut du praticien leader d’un projet


Pour chacun de ces sous-projets, le rôle d’un praticien leader devra être clairement
défini. L’idéal serait qu’il soit impliqué dans la formulation du projet, mais compte-
tenu des procédures en vigueur, ce sera rarement possible. Un briefing permettra
alors une prise de contact avec la zone d’intervention du projet.
L’aspect « génie civil » est important lorsque le projet prévoit la construction de seuils
en maçonnerie. Le praticien leader devra alors compléter sa formation dans ce
domaine afin de pouvoir dialoguer avec le spécialiste en génie civil éventuellement
recruté. Sinon, l’un des risques est de voir ce spécialiste appliquer de façon rigide
des règles techniques établies ailleurs, pensées à tort avoir une valeur universelle.
Pour stimuler le débat technique et capitaliser les informations à partir des projets de
gestion conservatoire des eaux et des sols, il faut ainsi restaurer le rôle du praticien
et lui permettre d’être un relais avec le terrain, un médiateur. En Haïti, vu la rareté de
praticiens ayant une connaissance intime du terrain, les débats techniques sont
souvent interminables et stériles, car tout devient une question d’opinion et d’autorité.
Ainsi, dans le contexte actuel, un projet de CES (dont nous tairons le nom) a pu se
constituer en modèle grâce à une politique de marketing efficace et à quelques
soutiens, alors même que ses résultats sont désastreux pour qui les a observés sur
le terrain. La valorisation d’expériences réellement innovantes n’est pas facile dans
un tel contexte.
Des praticiens ayant acquis une connaissance du terrain (au sens étymologique de
« naître avec », ce qui implique la durée nécessaire à une familiarisation) sont en
mesure d’organiser un retour d’expérience efficace et de capitaliser les savoirs
acquis dans les projets, développant ainsi une intelligence collective. L’implication
forte d’un praticien expérimenté constitue un élément-clé du succès d’un projet de
gestion conservatoire des eaux et des sols ; la réussite n’est pas seulement une
affaire de méthodologie, contrairement à une opinion largement répandue.

4.4. Des actions de formation pour développer une culture de


terrain
Pour le praticien chargé du leadership d’un projet, l’acquisition d’un savoir
d’expérience résultera de stages de formation continue valorisant les reportages
photographiques déjà réalisés ainsi que d’autres documents de formation. Ces
stages alterneront des analyses menées sur le terrain sur le site de l’un des projets
de gestion conservatoire des eaux et des sols, le travail sur des reportages
concernant d’autres projets et l’acquisition des compétences nécessaires à la
réalisation de tels outils de suivi, parfois aussi appelés dispositifs facilitateurs. Un
stage de ce genre avait déjà été organisé à Marmelade en 2005.
La rareté en Haïti de « maîtres artisans » disposant d’un riche savoir d’expérience
constitue un obstacle important à la mise en œuvre d’une démarche adaptée aux
projets de développement. Mais cette difficulté doit être relativisée : l’alternance entre
le travail sur un site déjà aménagé et celui sur des terrains virtuels, en valorisant les
savoirs d’expérience déjà disponibles, permet maintenant un développement du sens
du terrain plus rapide que le compagnonnage à l’ancienne, qui assurait le partage
des savoir-faire entre un maître artisan et un compagnon. Les nouveaux outils (photo
numérique, orthophotoplan ou imagerie Google Earth, SIG, GPS, Internet)
constituent une opportunité dans ce domaine.
De tels stages de formation continue seront l’occasion de valoriser les expériences et
les connaissances produites par des projets de CES et de structurer un réseau des
praticiens. Cette structuration serait facilitée par la création d’un centre de ressources
national ayant précisément pour fonctions de stimuler les échanges d’expérience
entre les projets et de faciliter la capitalisation des connaissances produites. Il
permettrait ainsi de développer l’intelligence collective qui fait actuellement défaut.
Ainsi, d’un côté il semble nécessaire de fragmenter les grands projets de
conservation des sols en sous-projets à taille humaine, mais d’un autre côté, il
faudrait développer les échanges et les liens entre ces derniers, bref, favoriser la
formation d’un réseau de praticiens et stimuler l’intelligence collective.

5. Conclusion
Le contexte actuel en Haïti est caractérisé par une forte dégradation des ressources
et une importante pauvreté. Mais un autre aspect est tout aussi important. Depuis
plus d’un demi-siècle, les projets de conservation des sols se succèdent dans ce
pays, accompagnés de débats méthodologiques et de propositions souvent
intéressantes et généreuses. Mais pour qui a participé à ces débats, formulé des
propositions et analysé les effets des projets, un constat s’impose : les effets des
idées avancées sur les pratiques des projets sont analogues aux effets des projets
de conservation des sols sur le développement et sur la maîtrise de l’érosion, c’est-à-
dire dérisoires sinon contreproductifs. La nécessité d’analyser ces diverses
neutralisations s’est imposée à nous, elle nous a invités à dépasser le cadre d’un
article pour agir sur les cultures professionnelles comme sur les routines des projets.
En effet, les choix techniques et stratégiques qui sont illustrés par le projet de
développement agricole durable de Gros-Morne ou celui de Caye Epin ont de fortes
chances d’être considérées comme des opinions, comme des idées. C’est pour
éviter cette sorte d’enterrement qu’en liaison avec ZLP, l’IRC-SUPAGRO et le
Comité de Pilotage de SOS ESF rassemblant une dizaine de cadres haïtiens, nous
travaillons sur des outils multimédia et sur des récits pour faciliter le développement
d’une culture de terrain chez les praticiens. Mais une telle culture ne présente
d’intérêt que si, en parallèle, nous réussissons aussi à faire évoluer le dispositif
projet. Il s’agit là de paris ambitieux et cet article peut améliorer les chances de les
gagner, s’il réussit à associer d’autres acteurs à cette entreprise collective.

6. Bibliographie
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Influences de la fertilisation et de la gestion de la biomasse
sur la production de couverts permanents
en milieu montagnard tropical densément peuplé (Burundi)
Hervé DUCHAUFOUR
herve.duchaufour@wanadoo.fr

Résumé : Les exploitants burundais ont su se préserver des nombreuses crises qui se sont
présentées devant eux en développant la bananeraie agroforestière. Les agronomes belges
considéraient déjà à l’époque la « jachère » à bananeraie comme une technique de
conservation et de restauration des sols qui présente le double intérêt d’être productive et
totalement endogène.
Que son taux de couverture soit dense ou éclairci, les essais de l’ISABU, réalisés en
milieu réel, montre que la bananeraie a des répercussions économiques importantes sur
l’exploitation et contribue à la préservation et l’évolution de la fertilité organo-minérale des
sols. Une gestion optimale de tout le stock organique excédentaire de la bananeraie réduit
en moyenne de 3,6 fois les taux de ruissellement et de 3,3 fois les pertes en terre par rapport
à la même bananeraie conduite traditionnellement (déchets exportés vers la caféière). Les
travaux de l’IRAZ confirment ces résultats mais soulignent que la conservation des sols ne
se suffit pas à elle même pour maintenir la productivité. Une fumure organique de 10, 20
puis 30 t/ha/an est apparue nécessaire pour réduire les carences en NPK.
Les études de l’ADEPRINA menées sur l’ensemble du territoire burundais
démontrent la forte valeur ajoutée/actif de la bananeraie qui se trouve être la mieux placée
parmi les systèmes de culture et dépasse la caféière, culture de rente de prédilection. Cette
dernière immobilise de trop grande quantité de biomasse en raison du paillage obligatoire et
consomme une quantité de main d’œuvre (5,2 jours/are/an) bien supérieure à la bananeraie
qui ne demande que 1,7 jours/are/an ce qui monopolise davantage l’intérêt des barundi.
La production fumière a toujours suscité l’intérêt des exploitants par laquelle ils
valorisent leur journée de travail essentiellement par la concentration de la fertilité dont
bénéficient les parcelles. Les associations arbre-culture-élevage, pratiquées depuis des
temps séculaires, sont paradoxalement les plus souhaitées mais aussi les plus pratiquées
par les agriculteurs des régions où l’emprise sur la terre est la plus forte (300 à 600 h/km2).
Par le jeu de la densification du couvert végétal, notamment à travers la juxtaposition des
jardins multi-étagés qui ceinturent les rugo (habitations), les terres se trouvent mieux
protégées et plus productives jusqu’à un seuil où peut s’amorcer un processus de
décapitalisation irréversible, notamment dans les zones périurbaines (≥ 1000 hab/km2), faute
de capital productif et de moyens monétaires suffisants.

Mots-clés : Burundi, Bananeraie agroforestière, caféière, agriculture-élevage, paillage,


fumure organique, capital fertilité, valeur ajoutée/actif.

Influences of fertilization and biomass management on productivity of permanent


covers in highly populated tropical mountain environment (Burundi)

Summary: Burundi farmers had managed to protect themselves against the numerous crisis
they faced by developing banana plantation in agroforestery. At that time, Belgian
agronomists already considered, the banana fallow as a soil conservation and restoration
technique which presents the double interest to be productive and totally endogenous.
Whether the cover is dense or clear, the ISABU trials, carried out in the real world,
show that banana plantations have significant economic impacts on the farm and contribute
to the preservation and evolution of organo-mineral soil fertility. An optimal management of
the whole organic stock surplus from the banana plantation reduces water runoff rate in
average by 3.6 times and soil losses by 3.3 times compared to the same plantation
conducted in a traditional manner (waste exported to the coffee plantation). Those results are
confirmed by the works of IRAZ, while underlining that soil conservation cannot in itself
sustain productivity. Organic fertilizer, at a 10, 20 and 30 t/ha/year application rate, was
necessary to reduce deficiency in NPK.
ADEPRINA works, conducted throughout Burundi’s territory, show the high-added
value/assets of banana plantation as opposed to the other cropping systems, including
coffee, the most preferred cash crop. This latter immobilizes too large an amount of biomass
as a result of mandatory mulching and utilizes an amount of labor (5.2 days/are/year) well
above the banana plantation that requires 1.7 days/are/year, observation that meets the
most Burundi people’s interest.
Organic fertilizer production has always attracted farmers as it values their workday
essentially by the concentration of fertility to their lands. Paradoxically, the associations tree-
crop-livestock, in use since the most ancient times, are not only the most desirable, but also
the most practiced by farmers where the control on lands is the highest (300 to 600 h/km2).
Thanks to the densification of the vegetation cover, notably through the juxtaposition of the
multistoried gardens which surround the rugo (houses), the lands are better protected and
more productive up to a threshold where an irreversible decapitalization process can start,
notably in the suburban areas (≥ 1000 people/km2), due to lack of production capital and
sufficient monetary means.

Keywords : Burundi, Banana and agroforestery, coffee plantation, agriculture-livestock,


mulching, organic fertilizer, fertility capital, added value/assets.

Introduction
Soumis à des conditions climatiques tropicales chaudes et humides mais
tempérées par l’altitude, le Burundi possède des conditions agro-écologiques
favorables au développement d’une agriculture prospère. La population,
essentiellement paysanne (92 % de la population totale soit 7,2 millions d’habitants)
est cependant totalement dépendante des productions vivrières de ses terres et peut
se trouver en rupture avec son milieu : diminution des surfaces cultivées par
exploitation, disparition des jachères, mise en valeur des terres de plus en plus
marginales aux pentes fortes et aux sols moins riches.

Cette évolution pourrait avoir des conséquences dramatiques si les paysans


burundais n’avaient su adapter leurs méthodes de production au rythme des
changements du milieu, la densité de population n’étant pas un facteur défavorable à
l’environnement. Si la manifestation de l’érosion et la baisse de fertilité des sols ont
été souvent décriées, il n’en demeure pas moins que la mise en valeur des terres est
devenue pour les paysans burundais un enjeu dont peut dépendre leur propre
avenir. Ainsi, poussés par leurs propres initiatives, avec ou sans l’aide des
chercheurs et des projets, les paysans burundais ont démontré qu’ils pouvaient
adapter et faire évoluer leurs pratiques culturales traditionnelles en les perfectionnant
dans leur arrangement structural (différentes strates de production) et leur
complexité (associations arbres-herbacées-cultures dans un même espace). Les
couverts végétaux permanents de l’agriculture burundaise et les différents modes de
gestion de la fertilité qui y sont pratiquées constituent de la sorte de parfaits
exemples de mutation du monde rural burundais.

1. L’équilibre ressources – besoins – population est-il menacé ?


1.1. Le cumul du « capital fertilité » par la bananeraie

Les chiffres sur la densité de population présentent de fortes variations


interrégionales : certaines provinces approchent 500 habitants au km² alors que
d’autres sont encore en dessous de la barre des 100 ; certaines collines dépassent
même 1000 habitants/km². A en croire de nombreux écrits (trop nombreux pour les
citer) la relation entre la densité de population, l’érosion et les systèmes agraires
devrait suivre une logique : habitat très dispersé, agriculture « de rapine » extensive
peu productive, surpâturage, pratique déplorable des feux de brousse et
déforestation dans les régions les plus désertiques et inversement habitat regroupé
dans un paysage dégradé par la surexploitation des terres et exode vers les pools
urbains dans les régions à fortes concentrations humaines. Si cette version peut être
facilement contredite, c’est qu’il existe au sein des ménages ruraux burundais des
capacités d’adaptation remarquables qui contrecarrent tous les pronostics des
experts.

Depuis longtemps les Burundais ont en effet su écarter les nombreuses


crises qui se sont présentés devant eux en exploitant et gérant mieux leurs
ressources sans épuiser le sol. Ils ont augmenté la productivité par une gestion
élaborée et laborieuse (de génération en génération) du capital fertilité1 en
intensifiant la bananeraie agroforestière. Cette dernière permet de faire vivre et
monétariser des familles malgré les pentes fortes ; par sa couverture protectrice, elle
prévient les risques graves d’érosion hydrique et de glissement de terrain. Elle est
toujours entretenue avec tous les excédents organiques de l’exploitation, enfin elle
permet de regrouper et réduire les charges de travail lorsqu’elle est associée au
vivrier. Il n’est d’ailleurs pas rare d’observer sous le couvert des plus belles
bananeraies agroforestières, des systèmes de culture complexes associant sur la
même surface jusqu’à cinq à six cultures différentes. De même, d’autres
exploitations, de plus en plus rares, ont su préserver tous les avantages de
l’association agriculture-élevage malgré la réduction de la SAU par actif, la
diminution des surfaces pâturables consécutives à l’accroissement des surfaces
cultivées et des reboisements de crêtes.

Toutes ces transformations constituent des exemples d’évolution


remarquables qui démontrent l’ingénieuse adaptation des familles rurales qui ont su
par le biais de la bananeraie accumuler du capital au cœur de l’exploitation.
COCHET affirme même qu’au fur et à mesure de son extension, le bétail devient de
moins en moins indispensable au maintien d’un capital-fertilité durable : « Tout se
passe comme si l’extension de la bananeraie supplantait progressivement la
multiplication du troupeau comme mécanisme fondamental d’accumulation du
capital» (COCHET, 1993 - 2001). Des bananierculteurs disent souvent que la
bananeraie représente symboliquement leur vache (BENDJEFFAL et al, 1993,
COCHET, 2001). COCHET ajoute que les exploitants qui ont acquis récemment un
parcellaire de 2 hectares dans une des régions d’accueil de migrants (Moso ou
Buyogoma par exemple) sont en fait des semi-prolétaires car ils accusent un retard
considérable et un handicap de départ long à rattraper par rapport aux natifs de la
région. Ces gros propriétaires débarquent sans main d’œuvre abondante, sans
épargne, ni outils nécessaires pour commencer à travailler. N’ayant ni stock, ni
argent à leur arrivée, ils vendent leur force de travail sans prendre le temps de
valoriser leur terre et la bananeraie presque inexistante est très peu productive.
COCHET signale que huit années après leur installation, certains d’entre eux sont

1
Concept introduit par H. COCHET en 1993 et développé notamment dans COCHET 1996, 2001 et
2004
encore dans l’incapacité de subvenir à leurs besoins sans vendre à l’extérieur une
partie de leur force de travail (= 25 000 à 30 000 Fbu/actif/an en 1992)2.

Les ingénieurs agronomes belges du temps de la colonie avaient remarqué


également les bénéfices de la bananeraie sur l’évolution de la fertilité des sols. A la
station de Malungu (ex-Zaïre), les examens des sols des bananeraies de 10 ans
d’âge étaient meilleurs que la majorité des terres laissées en friche (HENDRICKX et
HENDERICKX 1948). Ils présentaient tous une couche arable très humifère,
spongieuse tel un véritable terreau constituant un obstacle efficace à l’érosion et
maintenant le sol dans un état de fraîcheur remarquable. L’épais horizon grumeleux
sous-jacent très humifère et très frais est parcouru par une multitude de racines ; il
représente l’ancienne couche arable. Tous les profils sous bananiers à forte densité
sont caractérisés par une grande fraîcheur. Sous la brousse naturelle, l’horizon de
surface est relativement grumeleux et humifère mais sec et l’horizon sous-jacent
forme une couche assez compacte, sèche et ne possède pas de racine.

Ces auteurs en concluent que la bananeraie présente d’importants avantages


par rapport à la friche :
• Apport considérable de matières organiques en surface (accumulation de
10 cm de terreau en 10 années soit 1 cm par an !). Cet enrichissement
superficiel constitue un obstacle puissant à l’érosion et une garantie contre
l’incinération ;
• Couche arable plus épaisse ;
• Horizon d’infiltration nettement caractérisé dans le profil sous bananiers. Il
est dû vraisemblablement à la pénétration en profondeur de matières
humiques formées en grandes quantités par la décomposition des déchets
organiques qui recouvrent le sol ;
• Présence de racines à 80 cm de profondeur sous le profil de la bananeraie
alors que le profil de la friche naturelle les radicelles sont présentes en
grand nombre dans la couche arable, mais rares dans les horizons
inférieurs.

La conclusion de cet examen va donc nettement en faveur de la bananeraie.


Les auteurs soulignent même, alors qu’à l’époque les éclaircies étaient
recommandées, que de toutes les cultures pratiquées par « l’indigène », celle du
bananier abîme le moins le sol. A l’exception du danger de l’alcoolisme, ils y
verraient avantage à étendre les bananeraies, ce qui éviterait la dégradation des
terrains et jouerait un rôle très important dans l’économie locale.

Ainsi, après avoir pris soin d’observer les effets de la bananeraie sur le terrain,
ces auteurs proposent la jachère à bananeraie comme une technique de
préservation du sol à l’érosion et de cumul de fertilité. Il s’agit en effet d’une
technologie endogène à l’exploitation burundaise que les agriculteurs burundais ont
adapté à leur manière dans l’idée bien entendu de cumuler la fertilité. HENDRICKX
et HENDERICKX suggèrent une mise en valeur d’une friche par débroussaillement
suivis de la mise en place de bananiers distants tous les 2 mètres (à farine et à cuire,
précise t-il) laquelle précède toute autre plantation. Les cultures suivant une rotation
se font entre les bananiers durant deux années en terminant par le haricot si le

2
En 1992, 42 Fbu ≈ 1 Franc Français ≈ 0,2 $US ☞ 275 Fbu = 1 euro ou 200 Fbu = 1 $US
couvert des bananiers n’est pas encore trop dense. Cette rotation assure au moins
dix-huit mois d’entretien aux bananiers et leur permet de se développer
normalement. Là où il est à craindre que les bananiers se développent trop
rapidement, l’écartement entre les stipes pourra être augmenté. Lorsque la
bananeraie est en production, il suffit à l’agriculteur d’établir les travaux d’entretien
courants et de récolter les régimes. Chaque année une nouvelle portion de terrain
destinée aux cultures sera mise en valeur et après une dizaine d’années environ
tous les bananiers de la première sole seront abattus en commençant une nouvelle
rotation. HENDRICKX et HENDERICKX n’ont en fait proposé que le terme de
jachère (productive) à bananeraie en empruntant la technologie à la coutume du
pays. Les agriculteurs l’ont amélioré en l’adaptant au système de production et de
monétarisation qu’ils ont choisi.

Les bienfaits de la bananeraie ont été démontrés avec un aperçu de l’état


qualitatif des sols rencontrés dans les deux bassins versants expérimentaux de
Cirisha et de Nyarumpongo de l’ISABU (DUCHAUFOUR, 1993, DUCHAUFOUR et
al, 2009). Les résultats des analyses de la carte pédologique et des suivis de
parcelles en milieu réel dans le Mumirwa central (cf. carte 1 en annexe) confirment
ce point de vue (CHANTRAINE, 1991, BIMENYUMUREMYI, NIJENAHAGERA,
LECUYER, 1991 à 1993 et DACHARY et RURIHAFI, 1992 et 1993). Cependant, la
fertilité naturelle de départ est prépondérante pour obtenir un effet optimal de la
jachère améliorée. En condition desséchante (sols superficiels) et peu fertile, la
restauration par la bananeraie ne sera pas aussi rapide ni bénéfique qu’en sol
profond et naturellement humifère. Les agriculteurs savent parfaitement qu’un
bananier ne répondra dans ce cas qu’après avoir apporté massivement de la matière
organique. Le bananier s’accommode en revanche parfaitement d’une terre
moyenne s’il fait l’objet d’un minimum de soins culturaux.

1.2. La bananeraie : comparaison de son couvert protecteur avec la caféieraie


et le couvert forestier

Trois couvertures pérennes ont fait l’objet de suivi expérimental : la caféieraie


avec sa couverture paillée rendue obligatoire dès la colonie belge, une pineraie avec
sa litière d’aiguille de pin et la bananeraie étudiée suivant deux conduites différentes.

De nombreuses études sur plusieurs continents et sous différents climats ont


démontré que sous couverts denses, l’érosion est toujours négligeable. Sous forêts
ombrophiles, jachères naturelles épaisses ou prairies permanentes non dégradées,
elle est de l’ordre de 0,01 à 1,5 T/ha/an avec des ruissellements compris entre 0,5 à
5% en moyenne, exceptionnellement plus pour les averses décennales. L’écran total
est bien le meilleur moyen de protéger le sol.
Tableau 1 : Comparaison des indices du couvert végétal (C) et protecteur (P) de trois principaux
couverts permanents burundais (bananeraie, caféière paillée et plantation de pin)

PEDO-PAYSAGES CULTURES PERENNES INDICE C DU


(par campagne) COUVERT
VEGETAL
RUSHUBI I/II - Bananeraie suivant conduite paysanne 0,03 à 0,24
PEDO-PAYSAGES CULTURES PERENNES INDICE P
(par campagne) PROTECTEUR
- Caféière avec paillis épais de 7 cm d’épaisseur 0 à 0,002
- Boisement de Pinus kesiya avec sa litière d’aiguille 0 à 0,006
RUSHUBI I - Manioc de 1 ère année sur buttes isohypses sous
pineraie fortement éclaircie et rangement des aiguilles 0,02
en courbe de niveau
RUSHUBI I/II - Bananeraie suivant conduite expérimentale 0,10 à 0,56

Figure 1 : Evaluation des pertes en terre en T/ha/an et de Ruissellement annuel moyen (Ram) sur parcelle
Wischmeier d’une bananeraie (300 m2) selon différentes modes de conduite (Station Rushubi I / II)

Estimation du décapage du sol en mm


3,5 mm 2,4 1,8 0,7 0

Perte en terre (en tonne par hectare)


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Bananeraie suivant conduite paysanne :


ère ème
Associée au haricot en 1 saison et 1 sarclage en 2 saison (Campagne 84-85)
ère ème
Associée au maïs en 1 saison et colocase + pomme de terre en 2 saison (Campagne 87-88)
Pas de culture et 3 sarclages (Campagne 86-87)
Pas de culture et 3 sarclages (Campagne 85-86)
ère ème
Associée au maïs (1 saison) et sarclage en 2 saison (Campagne 88-89)

Bananeraie suivant conduite expérimentale :


ère
Eclaircie, nettoyage et rangement des déchets en bandes isohypses associée au maïs en 1
saison et à la pomme de terre (Campagne 86-87)
Nettoyage et rangement des déchets en bandes isohypses. Associée au maïs-haricot tuteuré en
ère ème
1 saison et 1 sarclage en 2 saison (Campagne 87-88)
Nettoyage et rangement des déchets en bandes isohypses. Associée au maïs-haricot tuteuré en
ère ème
1 saison. Pas de culture et 1 sarclage en 2 saison (Campagne 88-89)
Certains couverts agricoles permanents du Burundi peuvent s’apparenter à ce
système dense dans lequel les actions humaines parviennent à minimiser les risques
de l’érosion hydrique. Il y a la bananeraie au taux de couverture variable mais avec
une tendance à se densifier au même rythme que celui de la population rurale
(planches photos 6b).

La bananeraie et son couvert (planches photos 6 a et b): Dans les régions


à forte densité humaine, elle occupe une place prépondérante de l’espace agricole
(Mumirwa, Buyenzi et Kirimiro  cf. carte 1 en annexe). Elle correspond à un
système cultural complexe où sont associés généralement colocase et arbres
agroforestiers pour les plus denses, haricot et céréales pour les bananeraies les plus
éclaircies et toutes cultures vivrières pour les bananeraies juvéniles.

Nos essais réalisés dans une bananeraie d’une vingtaine d’années en milieu
réel donnent des résultats intéressants en ce qui concerne l’évolution de l’érosion en
milieu rural puisque cette culture imprime de plus en plus le paysage agraire
burundais. Le sol de la station expérimentale (Rushubi I / II dans le Mumirwa
central), située au contact du schiste et de la quartzite, est constitué d’un épais
colluvionnement de sable de 35 cm (pH ≈ 4,5 à 5,0 et CEC ≈ 8 méq/100g de terre en surface)
recouvrant un horizon B argileux ferrallitique développé sur un substrat schisteux en
profondeur.

Au regard des résultats (tableau et figure 1 ci-dessus), il faut bien se dire et


accepter qu’une bananeraie peu intensive et moyennement productive ne protège
pas efficacement le sol. Les pertes mesurées sur des parcelles de 300 m² montrent
que le ruissellement est encore très important (entre 4 et 16 %). Associée ou non à
des cultures sarclées, les pertes sur cinq années expérimentales correspondent à
210 T/ha soit une moyenne de plus de 40 T/ha/an. En prenant comme critère
l’épaisseur érodée du sol, nous arrivons à 2,5 mm par an. En cinq années, 1,3 cm
de sol est retiré ; en un siècle, c’est toute la couche arable (25 cm) qui disparaît.
C’est bien au-dessus du seuil acceptable pour ces sites vulnérables et à durée de vie
très étroite (faible épaisseur de la couche arable sur très fortes pentes).
Théoriquement, aucun seuil ne devrait être toléré dans ces conditions, même en
climat peu agressif (R < 200). A l’inverse, les sols possédant une « longévité
productive » plus ou moins infinie, la limite supportable, sans risquer de trop polluer
les torrents et rivières et occasionner des dégâts en aval, serait de 10 à 12 T/ha/an.
Dans tous les cas, ces pertes se redistribuent dans le paysage et une partie
seulement est captée par le réseau hydrographique (DUCHAUFOUR, 1988 et 1993).

En se référant aux travaux du Programme d’Intégration des Petits Ruminants


à l’Agriculture (PIPRA / Facagro, NDIMUBANDI, 1992) et aux résultats de l’Atelier
Bututsi de l’ISABU (POZY et al, 1988 et 1993), les pourcentages moyens en matière
sèche des résidus de bananier sont de 7 % pour les stipes, de 18,5 % pour les
feuilles et de 88 % pour les peaux. Pour une bananeraie de production moyenne,
cela correspond entre 5 à 10 T/ha/an de biomasse fraîche soit environ 1 à 2 tonnes
de matières sèches par an. Ce phénomène de pertes peut donc être compensé par
les apports organiques (feuilles, peaux de banane et vieux stipes de bananier) qui
sont normalement restitués au sol. Comme cela vient d’être précisé dans le §
précédent, cette restitution des résidus organiques de l’exploitation bananière
contribue à l’entretien, voire au redressement de la fertilité organique et structurale
des sols. En revanche, le problème s’aggrave sérieusement lorsque cette biomasse
excédentaire est exportée en grande partie ou en totalité sur la caféière ou, dans une
moindre mesure, lorsqu’elle est destinée à l’alimentation non conventionnelle pour le
bétail.

Nous verrons plus loin que, pour plusieurs raisons, la bananeraie est une
culture affectionnée par les agriculteurs burundais qui la conduisent de manière
intensive autour du rugo en restituant une grande partie des résidus. De plus, elle
reçoit la majeure partie ou souvent la totalité du compost et/ou du fumier disponible
(RISHIRUMUHIRWA, 1996 et 1997). En condition intensive, (plus de 8 000 pieds par
hectare), son couvert est plus important donc plus protecteur. Dans ces conditions,
nous sommes loin des mauvais résultats évoqués ci-dessus mais plutôt de ceux du
modèle de conduite expérimentale (figure 1). Le modèle en question se rapproche de
celui qui est vulgarisé par un grand nombre de projet à savoir éclaircir la bananeraie
pour y cultiver du vivrier en association, disposer tous les déchets existants en
bandes isohypses en prenant le soin d’interchanger à chaque saison leur
emplacement et de pratiquer le labour en courbe de niveau. Les ruissellements sont
ainsi fortement atténués (de 0,5 à 5 %) de même que les pertes en terre. Nous
enregistrons sur trois années 36 T/ha soit une moyenne de 12 T/ha/an. De toute
évidence, la performance de ces résultats est due au rangement du paillis en bandes
(facteur P moyen de 0,17) et non pas le fait d’avoir pratiqué le labour différemment,
(le labour en courbe de niveau étant deux fois moins efficace que le billonnage,
ROOSE, 1994) ou de cultiver plus intensivement du vivrier sous une bananeraie
éclaircie. Nous devons au contraire nous poser la question si l’éclaircie n’aurait pas
été plus néfaste dans le cas d’une exportation des résidus sur la caféière ou dans les
fossés poubelles. Les Sociétés régionales de Développement (SRD), notamment
celle du Kirimiro, préconisaient en effet à l’époque une forte éclaircie des anciennes
bananeraies et 4 à 5 rejets par pied (planche photos 4 a et b). Les jeunes plantations
sont disposées dans des fossés isohypses (quelque fois simplement des trous :
planches photos 4a à 4c) équidistants de 5 à 10 m dans lesquels les vulgarisateurs
demandent d’y accumuler tous les déchets organiques. On assiste ainsi à un
véritable nettoyage du sol dans le souci du beau et de l’esthétisme. Il est certain, en
regard de tous les résultats précédents, que plus on pratique le nettoyage des
parcelles et plus on diminue la couverture végétale, plus on augmente les risques
d’érosion. En fin de compte, une bananeraie dense peu cultivée mais sarclée
régulièrement, disposant de tout son stock organique excédentaire pour maintenir la
fertilité du sol, est très certainement le sous-système cultural le plus protégé de tous
avec celui du café (DUCHAUFOUR, 1993 et 2009). Le cas est analogue pour la
bananeraie éclaircie à condition d’une gestion soignée des résidus comme l’attestent
les résultats des importants travaux de RISHIRUMUHIRWA (1993, 1997) dans la
région du Kirimiro (carte 1 en annexe), comparables à ceux de l’ISABU.

Les études de RISHIRUMUHIRWA ont porté sur des bananeraies denses


immédiatement autour des habitations et des bananeraies espacées associées à
d'autres cultures vivrières (haricot, maïs). Malgré les conditions pédologiques
contraignantes (sols ferrallitiques argileux acides et désaturés), les résultats ont
montré que le bananier est le principal producteur de biomasse dans l'exploitation,
suivi des pâturages et boisements familiaux ainsi que des céréales. A l’identique des
résultats de l’ISABU, l'utilisation de cette biomasse comme paillis permet de maîtriser
le ruissellement et de contrôler l'érosion selon différents modes de paillage
(RISHIRUMUHURWA et al, 1997). La comparaison montre la supériorité des
dispositifs en bandes (planche photos 3b) par rapport au paillage en couronne,
généralement appliqué dans les plantations de bananiers. La biomasse produite
dans et hors exploitation converge vers l'habitation où elle est transformée en fumier-
compost et en cendre pour être ensuite redistribuée sur les cultures. Cette
convergence génère des flux dont bénéficient prioritairement le bananier, le haricot
et le maïs ; ces associations culturales et rotations permettent à une fumure unique
de profiter à plusieurs cultures en même temps. La fumure organique, résultant du
recyclage de la biomasse, s'est révélée indispensable à une gestion durable des sols
après défrichement et à leur restauration après érosion. La conservation des sols
n'augmentant pas, à elle seule, la productivité des terres, l’auteur a donc tenté
d'améliorer le potentiel de ces sols par des apports de fumier, de dolomie et
d'engrais minéraux complexes. Ses résultats sur parcelles agronomiques, ont montré
qu'un apport de 10-20-30 t/ha/an de fumier (soit 3-6-9 t de M.S.) augmente
significativement les rendements des trois cultures et améliore quelque peu les
propriétés physicochimiques des sols ferrallitiques en réduisant les carences en N-P-
K et la toxicité aluminique. En revanche, plus étonnant car contradictoire aux
résultats du programme fertilité de l’ISABU (OPDECAMP, 1988, OPDECAMP et al
1998, GOURDIN et al, 1991), le chaulage ne s’est pas avéré justifié techniquement,
ni rentable économiquement dans les conditions de l'agriculture burundaise
(RISHIRUMUHURWA et al, 1997).

Là encore, le bananier apparaît comme un bon indicateur de la sédentarisation


des populations et un bon agent de l'intensification des productions agricoles rendue
nécessaire par une pression démographique de plus en plus forte.

La caféieraie (planche photos 6a) : Culture de rente de prédilection pour la


moitié des familles barundaises, elle est cultivée sur une surface moyenne de 5 à 6
ares par exploitation. Le paillage épais de 7 à 10 cm d’épaisseur est, comme nous
l’avons vu, obligatoire depuis l’introduction de la culture dans les années 20. Depuis,
aucune modification de son itinéraire technique n’a été apportée.

Le paillage épais constitue un écran protecteur total contre l’érosion. L’essai


sur pente expérimentale de 50 % durant six années consécutives n’a souffert
d’aucune perte, même en année très pluvieuse (Ram1983-1984 = 591). Les taux de
ruissellement annuels sont les plus bas de tous (< 0,3 %). Son effet tampon à l’égard
des précipitations est comparable à l’efficacité d’une forêt dense : il intercepte les
eaux de précipitation, retarde leur arrivée à la surface du sol, régularise dans le
temps et l’espace l’infiltration, diminue l’évaporation-transpiration du sol et l’alimente
en se décomposant.

Le principal problème est de s’approvisionner suffisamment en biomasse pour


garnir la surface du sol d’une couche de quelques centimètres. Les surfaces et les
biomasses immobilisées pour pailler le café sont à la fois démesurées dans le cadre
de la problématique actuelle des systèmes agraires burundais et génératrices de
dysfonctionnements internes à l’exploitation (V. METZLER, 1993, COCHET, 1993 -
2001) : transfert et concentration disproportionnée de la fertilité sur une seule
parcelle, surcroît de travail pour transporter le paillis sur le champ, surcoût de la main
d’œuvre salariée, augmentation du coût de revient du café. A titre d’exemple, sur la
colline de Sagara dans le Mumirwa central, une estimation a été réalisée par l’ISABU
avec hyparrhénia (planche photos 6a). Pour un paillage épais de 10 cm, les 4 500 kg
récoltés sur une surface de 1 300 m2 (jachère permanente coupée une seule fois
dans l’année) a permis de pailler une surface caféière de 2 340 m2 soit 624 pieds de
café. Il a fallu immobiliser l’équivalent d’une surface de 3,75 m2 de jachère
d’hyparrhénia par pied de café (RUPIYA, 1993, DUCHAUFOUR, 1993). Même si
elles n’atteignent pas encore la perfection recherchée, les alternatives sont connues
mais n’ont jamais été promulguées en milieu rural. Il serait urgent de lancer une
nouvelle approche de la culture caféière par le biais d’actions de recherche-
développement qui proposeraient des alternatives au paillage à l’exemple de
l’introduction de végétaux fixateurs associés aux caféiers (SNOECK, 1996). Cela
permettrait de concevoir une nouvelle stratégie de la politique caféière au niveau
national sans craindre des répercussions désastreuses sur l’économie du pays.

Boisement de pin (planche photos 6a) : La dernière couverture végétale


étudiée concerne un boisement de Pin. Il s’agissait de suivre un petit programme de
recherche avec la collaboration des forestiers du département des Forêts, soucieux
de démontrer de manière quantitative le bien-fondé des projets de reboisement
(reboisements de Pins et de Callitris visibles sur les planches 6 a et b) institués dans
les années 70 par la Banque Mondiale et le Fonds Européen de Développement
(FED)3. L’étude de l’érosion sous pineraie, avec son épaisse litière d’aiguille morte
obtenue dès la deuxième année de plantation, joue un rôle identique à celui du
paillage épais de la caféière : pas d’érosion et très peu de ruissellement malgré la
forte pente. Pour observer des valeurs assez proches sous un autre couvert
forestier, les espèces choisies doivent avoir une densité de plantation normale (au
moins 1 100 plants à l’hectare), correspondre à leur milieu pédo-climatique et fournir
une litière uniforme au moins sur 1 à 2 cm d’épaisseur.

Dans le cadre d’une expérience sur l’association forêt-culture, que nous


pourrions également appeler « d’agro-forêt », cette même pineraie fortement
éclaircie (280 arbres à l’hectare) cultivée sous son étage de manioc s’est montrée
toute aussi protectrice à condition d’amasser les aiguilles en andains. Les pertes et
les taux de ruissellement mesurés sont négligeables.

1.3. Performance économique de la bananeraie

Les principaux résultats des études réalisées par l’INA P-G au début des
années quatre-vingt-dix montrent que la bananeraie est parmi les mieux placés des
systèmes de culture et dépasse même en valeur ajoutée/actif la caféière, culture de
rente de prédilection (COCHET, 1993 - 2001) :
Tableau 3 : Valeur ajoutée/actif (en Fbu 93) de la bananeraie dans différentes régions du Burundi (in
COCHET,1993)

BANANERAIE CAFEIERE
REGIONS VA/are VA/jour VA/are VA/jour
de travail de travail
BUTUTSI (Bururi) 1 200 - 2 500 350
KUMOSO (Kinyinya) 1 800 - 2 000 -
MUMIRWA (Kanyosha) 2 700 1 600 1 600 300
KIRIMIRO (Gitega) 2 500 350 1 800 280
BUGESERA (Kirundo) 730 - 7 300 810 600 - 2 000 40
BUYENZI (Mwumba - Ngozi) 1 500 - 3 000 > 200 650 - 2 000 100 - 180
MUGAMBA NORD (Bukeye) 750 - 2 400 200 -530 750 - 1 750 50 - 90
BWERU (Muyinga) 800 - 4 600 500 - 1 300 500 - 3 000 50 - 400

3
Les preuves d’une argumentation bienfaitrice pour la protection de l’environnement étaient une façon
de gommer ou de faire oublier les critiques portant sur le coût prohibitif de ces vastes programmes
réalisés en régie par rapport à leur faible valeur ajoutée.
Ces résultats confirment l’intérêt que l’agriculteur burundais porte à sa
bananeraie. La valeur ajoutée/actif/are domine dans toutes les régions du pays,
même dans le Buyenzi, région caféicole par excellence. Ajoutons à cela que la
valorisation d’une journée de travail est bien plus rentable avec la bananeraie en
particulier dans les régions densément peuplées. PAULTRE (1992), lors de ses
enquêtes dans le Mumirwa, estime pour sa part que la bananeraie ne demande que
1,7 jours/are/an alors que la caféieraie exige 5,2 et le manioc 6,2 jours/are/an. Les
données du programme Erosion de l’ISABU corroborent les siennes : en
comptabilisant le labour destiné aux cultures associées (en général colocase et/ou
haricot), le suivi d’un hectare de bananeraie demanderait entre 120 à 150 jours de
travail + une vingtaine de jour de travail pour l’entretien courant.
On peut comprendre désormais pourquoi la bananeraie monopolise tant
l’intérêt des barundi. Ils en tirent de nombreux avantages aussi bien sur le plan
monétaire que sur le plan de l’accumulation du capital fertilité sans oublier celui des
relations puisque le vin de banane est le complément indispensable des fêtes et
cérémonies. En outre, la part du café dans la valeur ajoutée totale des exploitations
agricoles et le revenu des agriculteurs sont généralement orientés à la baisse
contrairement au cas de la bananeraie (COCHET, 1993 et 2001).
1.4. L’extension de la bananeraie et alcoolisme
Après avoir démontré les bienfaits de la bananeraie, beaucoup objectent son
extension qui se fait au bénéfice de la plante à « vignoble » et non de la plante
vivrière. Aucun travail récent n’a vraiment approfondi ce sujet. La bière de banane
(l’urgwagwa) est fabriquée à l’aide du jus de banane, additionné de malt de sorgho et
de cendres. C’est en réalité une « bouillie » alcoolisée qui contient de l’amidon, des
sucres, des protéines, des sels minéraux et des vitamines. Les seuls résultats
disponibles, datant de la période coloniale (HENDRICKX et HENDERICKX, 1948 ;
ADRIANES et LOZET, 1951) indiquent une teneur en alcool qui ne dépassent jamais
10 % en volume (voire même 5%).
En nous gardant bien de ne faire aucune propagande pour l’alcoolisme, il faut
soulever l’apport nutritionnel indiscutable de l’urgwagwa (tableaux 4a et b). D’après
TONDEUR (1947), le tonnage de bananes susceptibles d’être produit dans le pays
en généralisant son extension équivaudrait à 40 fois le tonnage total des vivres
cultivées à l’époque. Il ajoute que les agriculteurs pourraient même avoir de gros
surplus en les exportant sous forme de régime ou de farine ce qui est aujourd’hui tout
à fait le cas des grandes régions bananières (Buyenzi, Kirimiro et Mumirwa).
Tableau 4a : Analyses effectuées par DELVAUX au laboratoire de chimie de Malungu:

1er Jour 2ème Jour 3 ème Jour 4 ème Jour 6 ème Jour
Alcool en poids 1,022 1,019 1,007 1,007 1,006
Alcool en volume 1,94 2,94 4,0 4,31 3,41
Sucres réducteurs en maltose 2,34 3,69 5,0 5,39 4,27
Sucres après inversion (exprimés en intervertis) 5 1,66-1,73 1,33-1,37 0,57-0,58 0,08
Sucres totaux 2,33-2,31 1,72-1,78 1,71-0,73 0,015
Acidité totale après six jours: 10,5 cc. NaOH N/100 cc.
Acidité volatile après six jours: 2,46 cc. NaOH N/100 cc.
Acidité exprimée en acide acétique: 0,15 %.
Tableau 4b : Analyses exécutées au laboratoire de l’Institut pour la Recherche Scientifique en Afrique Centrale
à Astrida (Butare) du Ruanda. Les résultats sont les moyennes de différents échantillons de bières de famille
type. Les recherches sur les alcools ont été effectuées avec l’appui de l’IRSAC à la station d’Essais du Centre
d’Etudes et de Recherches des Industries Alimentaires à Bruxelles (in ADRIANES et LOZET, 1951)

Matière première BANANE pour 100 gr. Bière de BANANE (urgwagwa)


pour 1 litre
non mûres mûres non mûres mûres
Perte à l’épluchage 40,55 34,36
Séchage de la partie utilisée 43,54 50,94
Matières minérales totales 0,56 0,58 8,22 9,87
Matières azotées totales 0,60 0,60 4,91 3,15
Matières grasses 0,07 0,03
Matières cellulosiques 0,23 0,25
Sucres réducteurs (en glucose) néant 6,62 2,55 19,16
Saccharose 0,55 1,90 4,04 2,95
Hydrates de carbone (différence) 13,90 4,86
Extrait sec 36,40 52,63
Alcool à 15° G.L. 9°46 9°46
(Bière de sorgho = 6°4)
Alcools supérieurs 747 mg/l 722 mg/l
Acidité totale en acide sulfurique 4,36 4,21

N.B. : La présence d’alcool méthylique et d’alcool supérieurs a été recherchée sur les distillats des boissons
fermentées. Aucun échantillon obtenu ne contenait d’alcool méthylique. La teneur en alcools supérieurs des
boissons fermentées est sensiblement comparable à la moyenne des vins italiens de l’époque.

2. Agriculture – élevage – agroforesterie et gestion de la


biomasse

Au début du XXème siècle, la bananeraie n’occupait pas une place aussi


importante dans les exploitations agricoles. Les systèmes de culture étaient plutôt
caractérisés par les céréales et les légumineuses, cultures associées à l’élevage
bovin. A l’époque, les non-propriétaires de bétail pouvaient obtenir par l’ubugabire4
une ou deux bêtes en échange de services rendus. C’est ainsi que les petits
cultivateurs parvenaient à maintenir la fertilité en ramassant soigneusement la bouse
pour la répandre sur les terres autour du rugo.

Les grands éleveurs, quant à eux, cultivaient de grandes surfaces également


en proportion à leur ressource fumière. Ils occupent aujourd’hui encore une place
importante dans les systèmes de production du Mugamba-Sud et du Bututsi où les
vastes pâturages dominent toujours ces régions. Si autrefois, ces grands
propriétaires terriens disposaient d’une main d’œuvre en suffisance avec les
redevances de l’ubugabire, elle est devenue aujourd’hui la contrainte limitante pour
la plupart d’entre eux. Les transferts latéraux de fertilité se cantonnent aux surfaces
assolées ceinturant le rugo et le maintien des grands troupeaux commence à devenir
une lourde charge : gardiennage, régression des surfaces pâturables
communautaires et disparition des pâtures d’été, servitudes de passage engendrant
des conflits, concurrence des élevages rationnels, etc..

EL-OBEID (et al, 1991) et RASSE (et al 1991) les ont divisés en deux
groupes distincts:
• Un premier à valeur ajoutée par are relativement faible (300 à 500 Fbu/are
SAU=2 à 5 ha) qui traduit le caractère extensif du système de production. Ce

4
Contrat pastoral de la période de l’avant indépendance, ou « bail à bétail » appelé « ubugabire » en
Urundi ou « ubuhake » au Ruanda (MARCHI,1939 et ADAMANTIDIS, 1956 in DUCHAUFOUR, 1995).
sont des exploitations qui parviennent à dégager un revenu capable d’assurer
la reproduction de l’unité de production avec 120 à 130 ares/actif.
• Un deuxième, plus nanti (SAU >10 ha), ayant une valeur ajoutée plus élevée
(VA/actif >100 000 Fbu) et une disponibilité importante en fumier (500 à 600
kg/are cultivé). La VA/are de 200 à 300 Fbu est en revanche très faible.

Partout ailleurs, la valorisation d’une journée de travail sera déterminée par la


concentration de fertilité dont bénéficient les parcelles. Nous avons vu que la
bananeraie est un des moyens de cumuler de la fertilité et augmenter la production
par journée de travail (tableau 3). Lorsque le potentiel de fertilité naturelle est
insuffisant, les niveaux de productivité seront conditionnés par les apports organo-
minéraux ou par la mise en repos de la terre durant un certain nombre d’années.
Dans l’un ou l’autre cas, il faut disposer soit d’une quantité suffisante de fumier pour
emblaver pendant les deux saisons culturales et accroître les rendements, soit d’une
surface agricole suffisamment importante pour se permettre d’immobiliser des
grandes surfaces durant plus de cinq années consécutives (longues jachères de
jadis).

Les résidus de récoltes et les déchets de labour sont généralement mieux


valorisés sur place (mulch protecteur + biodégradation des matières organiques in
situ  planches photos 3b et 4a à 4c) que par le passage de la compostière
(planche photos 3a). L’étalement in situ de ces biomasses non transformées par
compostage favorise la volatilisation de l’azote. Mais la protection du sol de l’érosion
hydrique et de l’insolation compense sans aucun doute ces pertes azotées. Le mulch
est ainsi une voie simple pour restituer la totalité de la biomasse et les nutriments qui
le constituent (K, Ca, Mg et C par lessivage puis N et P par minéralisation et
humification à travers la méso et microfaune). Il peut même ainsi contribuer à un
léger gain en fertilisants par rapport à l’enfouissement de matériaux préalablement
compostés.

A l’inverse, un compost mal décomposé enfoui dans le sol « excite » l’activité


microbienne pendant quelques mois et accélère la minéralisation des réserves
organiques du sol et l’appauvrit en azote (les pailles enfouies directement dans le sol
entraînent une faim d’azote importante). C’est également le cas lorsque les
conditions de compostage sont mal appliquées ; les pertes azotées volatiles sont
importantes tout comme la potasse qui s’évacue pour 50% dans le fond de la
compostière au lieu d’être restituée au sol (ROOSE, 1994). Les pertes en azote sous
forme d’ammoniac sont en effet en étroite relation avec le mode de conditionnement
et bien souvent les conséquences d’un mauvais stockage entraînent une
transformation aérobie à froid de plus de 50 % de l’azote hydrolysable total
(ATALLAH, 1993).

A défaut d’études sur le devenir de l’azote en provenance de divers composts


et de travaux sur l’amélioration de sa gestion, on peut considérer que le fumier (ou
les simples déjections animales) est le principal effluent organique restitué au sol et
que sa production est plus privilégiée par les agriculteurs que le lait ou la viande
(planche photos 3a). Si un exploitant en dispose d’une quantité suffisante, cela lui
permet (COCHET, 1993) de faire une plus-value de 450 Fbu par panier (15 kg) soit
un supplément de production deux fois plus élevé que le montant de la valeur
ajoutée directement issue de l’élevage (NEUVILLE, 1992). A titre d’exemple, le
programme Erosion de l’ISABU a mené des études de suivi de la fertilité d’une
parcelle de 10 ares développée sur un sol ferrallitique acide (pH = 4,6) chez un
exploitant élevant un porc en stabulation permanente. Les résultats ont montré que
l’application régulière de la totalité du lisier récupéré équivalent à 2,2 t/ha par saison
culturale, contribue au maintien de la saturation de la CEC en surface (86%) par un
équilibre très satisfaisant en calcium, magnésium et potasse (DACHARY, 1992,
RURIHAFI, 1993). Tous ces facteurs réunis jouent sur la neutralisation de
l’aluminium dans l’horizon de surface (Indice de Kamprath Ik = 9%). Au delà des
trente centimètres de profondeur, les caractères alliques apparaissent (Ik = 71%).
Ces résultats démontrent l’intérêt de tous les ménages ruraux de disposer d’un
élevage-fumier. Ils sont prêts à allonger la durée de stabulation et à introduire des
arbustes fourragers associés à des graminées et légumineuses à condition de leur
donner les capacités d’accumuler le capital (crédit-paysan) et les moyens de
conduire un élevage amélioré (alimentation complémentaire, soins vétérinaires) et
d’organiser localement la collecte du lait (SIMONART, 1992, planches photos 2a à
2c)5. Ce type d’élevage amélioré, avec du petit ou du gros bétail, est paradoxalement
très recherché (et souhaité) par les cultivateurs des régions les plus peuplées où
l’emprise sur la terre est la plus forte (Kirimiro, Buyenzi, Mugamba Nord  cf. carte 1
en annexe). Dans ces régions, l’animal remplace la compostière en recyclant la
biomasse produite sur l’exploitation et les ressources fourragères des espaces
interstitiels (sentiers, bordures de parcelle ou talus  planches photos 1a à 1c et 5).
Les aliments dits non conventionnels (tourteau de palmiste, son de céréales, drèches
de brasserie  planche photos 2c) prennent alors une importance considérable dans
l’apport nutritionnel de l’animal mais sont bien trop souvent déconsidérés ou ignorés
lors des calculs des ratios alimentaires (POZY, 1993 ; SIMONART, 1992,
SIMONART et al, 1994). Ces espaces sont convoités par les petits éleveurs-
agriculteurs qui perçoivent cette biomasse extérieure comme un complément
fourrager qui supplée aux insuffisances de l’exploitation. Il est certain que si une
alternative au paillage des caféiers était diffusée, l’élevage se généraliserait à toutes
les exploitations agricoles. Ces projets à élevage « rationnel » ne sont toutefois pas
indéfiniment reproductibles car ils nécessitent un encadrement complexe et
l’instauration de petites unités de transformations ou de groupement qui assurent le
traitement du lait et la fabrication artisanale de produits laitiers. Ce système
d’organisation à l’échelon national est inexistant6. Il est intéressant de rappeler que le
déficit national en produit laitier dépasse le milliard de Fbu en 1995 et que leur
importation (République Démocratique du Congo, Tanzanie pour le marché parallèle;
Kenya, Zimbabwe et Europe pour le marché officiel) coûte de plus en plus cher à
l’Etat.

L’arbre agro-forestier ou agro-arboricole est aussi une autre source


d’accumulation de capital fertilité. Tous ces arbres associés au système des cultures
vivrières complètent la panoplie des plantes productives dont les usages artisanaux,
alimentaires et rituels sont multiples. Les arbres ou arbustes fruitiers (avocatiers,
agrumes, papayers, goyaviers, manguiers, palmiers à huile, fruits de la passion, ...)
et les essences forestières et fourragères (grevillea, eucalyptus, maesopsis, cedrella)
accompagnés d’espèces indigènes7 (ficus, érythrine, markhamia, albizia, polycias,
5
La production laitière prend alors toute son importance et profite aux enfants et personnes âgées. Le
litre de lait se vend facilement entre famille au prix de 150 Fbu mais en cas de grande quantité, son
écoulement sur le marché est plus difficile et conditionné par l’existence de petites unités de
transformation locale (microlaiterie, fromagerie,...).
6
Contrairement en Haïti, où le réseau Lèt Agogo avec ses quinze micro-laiteries couvrent une partie
du territoire national (2009).
7
Toutes ces espèces, d’introduction ancienne au Burundi, sont aujourd’hui bien naturalisées.
cassia, acacia, euphorbe, draceana, etc...) permettent une diversification de la
production sans trop affecter les plantes de basses strates. L’agriculteur connaît les
arrangements qui réduisent les compétitions culturales, anticipe le comportement de
son sol en effectuant les amendements suffisants lorsqu’il associe une espèce
forestière avec une culture.

Les associations arbre-culture sont pratiquées déjà depuis des temps


séculaires autour des rugo en recevant tous les déchets ménagers. Au fil des
générations, elles sont devenues de véritables agro-forêts de case (ou jardins multi-
étagés  planche photos 6b) à haute valeur ajoutée. Dans son étude sur la gestion
de l’arbre dans l’exploitation du Buyenzi, BERTHELOT (1993) précise qu’un
avocatier en production rapporte 2 500 Fbu annuellement, un grevillea sur pied 300
Fbu, le même débité en madriers 1 450 Fbu ou 1 800 Fbu en planches. Leur
multiplication dans les parcelles vivrières et caféières, après cernage des racines
(NDIKUMWAMI et al, 1991, planche photos 7), permet de produire de la biomasse
par transfert vertical des éléments minéraux prélevés dans les couches profondes au
profit de la surface du sol, de produire du bois à usage domestique (bois d’œuvre, de
construction et de chauffe) apportant une valeur ajoutée appréciable, d’enrichir
l’alimentation familiale en lipide et en protéine (avocat, huile de palme, arbres fruitiers
en général), de diversifier les ressources fourragères et d’ombrager les caféières
avec les espèces les moins concurrentielles (grevillea, maesopsis, albizia, acacia,
leucaena et calliandra).

Les pratiques agroforestières paysannes que ce soit au niveau des choix des
espèces, de leur distribution dans le paysage parcellaire ainsi que de leurs modes de
gestion peuvent éviter les pièges d’une distribution bien ordonnée des cultures en
couloir tant préconisées par la recherche même sur terrains dégradés (planches
photos 1a à 1c).

Les résultats de RISHIRURMIRWA et al (1997) ont ainsi conduit à proposer des


méthodes optimisées de production et de gestion des exploitations traditionnelles
basées sur la diversification des sources de résidus et l'intensification de la
production agricole. Ce qui suppose notamment l'introduction de l'agroforesterie
dans les systèmes culturaux, l’intégration du petit élevage dans le système
d’exploitation notamment pour le recours à la fumure organique et, si possible,
l’apport d’engrais minéraux. C’est, pour le rappeler, le concept de la GCES introduit
au Rwanda en 1988 par ROOSE et al (1988).

Conclusion

De tous les facteurs contribuant à la conservation des sols et maîtrisables par


les paysans, il en est trois qui se distinguent sans ambigüité : la gestion de la matière
organique (compost, fumier et donc fourrages et litière), le mode de conduite des
ruminants en stabulation et les aménagements biologiques (haie en courbe de
niveau d’arbustes légumineux et/ou herbacées, végétalisation des bordures de
parcelle et des chemins).

On peut opposer d’un côté un système traditionnel, lent et moins productif


(pâturages extensifs, stabulation libre, jachères) qui a permis aux générations
précédentes de subsister selon un système extensif mais qui n’est plus adapté aux
nouvelles contraintes de l’environnement et aux pressions exercées sur les terres.
S’en suit alors d’un autre côté, l’adoption d’un système non traditionnel plus rapide et
plus productif (stabulation permanente ou semi permanente du bétail, production et
gestion efficace de la biomasse végétale, investissement en main d’œuvre et
monétarisation) qui valorisent les potentialités des exploitations, utilisent plus
efficacement l’espace disponible et portent mieux les sols contre l’érosion grâce à
l’effet synergique entre production et conservation, condition sine qua non de la
perpétuation du système.

En revanche, les conditions de réussite et d’intégration de tels aménagements


dépendent fortement de leur adéquation avec le milieu et les situations individuelles.
Au lieu de systématiser toutes actions à l’échelle nationale, régionale, et même au
niveau du bassin versant ou du pan de versant, il est recommandé de s’adapter à
chaque situation ou à chaque type d’exploitation ce qui permet le plus souvent de
proposer des alternatives qui seront plus vite acceptées et éviteront bien des
déboires ou dépenses inutiles.

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Affouragement avec feuilles de
bananier et herbes sauvages - GITEGA
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Etable pour troupeau non stabulant


MABANDA - Kibimba

Pâturage libre d!un troupeau de vaches


locales (race Ankole).
GISOZI

Etable de stabulation permanente. Vache croisée


Sahiwal x Montbéliard (50-50)
GISOZI – Nyamihanga
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bananier et herbes sauvages - GITEGA
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Influence de la conduite de la bananeraie et du paillage sur l’érosion en
Martinique sur sols brun-rouille à halloysite.
Achard Raphaël1, Hubert Antoine1
1 CIRAD, UPR26, PRAM, Petit Morne, BP 214, 97285 Le Lamentin Cedex 2, France,
raphael.achard@cirad.fr

Résumé
En Martinique, le niveau d’érosion est considéré comme modéré en bananeraie
établie semi-pérenne ; par contre, une forte érosion a été constatée sur des
systèmes de culture intensifs régulièrement renouvelés. Une étude a été réalisée sur
un dispositif de cases d’érosion, où sont comparés le ruissellement et l’érosion sur un
système de bananeraie intensif conduit en double ligne dans le sens de la pente par
rapport à un système de type semi-pérenne, planté en quinconce. Durant une
première période, le paillis des résidus de culture a été concentré dans les inter-
rangs pour neutraliser les différences de gestion de paillis entre ces systèmes : dans
ce cas l’érosion observée est élevée, supérieure au témoin sur sol nu. Sur la parcelle
de bananeraie semi-pérenne, l’érosion est bien moindre que sur le témoin. Dans un
deuxième temps, on a dispersé le paillis sur toute la surface et observé une forte
baisse de l’érosion, même sur la parcelle intensive. Ces observations confirment que
l’érosion en bananeraie dépend de l’organisation spatiale de la parcelle, mais surtout
de la gestion des résidus de culture à la surface du sol.

Mots clés : Martinique, bananeraie, conduite de la culture, épandage des


résidus de culture, érosion

Abstract
In West Indies, Martinique Island, erosion is estimated moderate under semi-
perennial banana plantation but important under intensive regularly denuded
plantation system. A study in runoff plots showed that intensive plantation disposed
on two rows along the slope with cropping residues (banana leaves) concentrated in
between, showed a more intensive erosion that the standard. During a second
period, the leaves were spraid on the whole surface and erosion was much less
intensive, even on the intensive banana plantation plot. These observations
confirmed that erosion under banana plantation depends on the spatial organisation
of the plantation but, mostly on the way the crop residues are spraid on the soil
surface.

Keywords: Martinique Island, Banana plantation systems, mulching of crop


residues, erosion
1. Introduction
En Martinique, des études sur l’impact des systèmes de culture sur le
fonctionnement hydrique, le ruissellement et l’érosion sur sols bruns rouille à
halloysite ont montré que sur cannes et bananes (parcelle établie avec paillis de
résidus) les risques d’érosion étaient moindres que sur ananas et sol nu (Khamsouk,
2001). Néanmoins, le bananier, de part sa structure, concentre les pluies incidentes
et est susceptible de saturer rapidement la conductivité au pied du bananier et de
générer un ruissellement non négligeable (Roose et al., 1999, Cattan, 2009). Sur
bananeraie établie, nous avons antérieurement mesuré sur un système intensif
implanté en double ligne dans le sens de la pente, avec travail du sol profond et
localisation des résidus dans le grand rang un fort ruissellement et une érosion de 44
T/ha/an de pertes en terre. Dans le même contexte une bananeraie établie plantée
en quinconce avec paillis de résidu réparti sur toute la surface du sol génère une
érosion inférieure à 1t/ha. La différence de gestion du paillis qui a déjà été décrit en
bananeraie comme un facteur important de limitation de l’érosion (Rishirumuhirwa,
1993, Roose et al., 1999) pourrait expliquer en grande partie cette différence de
comportement.

2. Matériel et méthodes
L’objectif est de comparer en bananeraie établie le ruissellement et l’érosion sur
deux systèmes de culture sur sols brun-rouilles à halloysite (site de Rivière Lézarde,
centre de la Martinique) avec une pente de 10% :
- « Ban B » un système de cultures « intensif » parcelle établie de 3 ans replantée
après labour profond du sol et plantation en doubles lignes dans le sens de la pente,
paillage du grand rang avec les résidus de culture (localisation du paillage dans le
but de limiter sur cette zone la croissance des adventices),
- « Ban C » un système « semi-pérenne », parcelle plantée depuis plus de 8 ans en
quinconce après un travail du sol superficiel, déchets répartis sur toute la surface.

Durant une année, nous avons donc évalué le ruissellement sur ces deux systèmes
en conditions de paillis équivalentes en localisant des déchets végétaux sur le grand
rang dans le sens de la pente lorsque les bananiers sont plantées en double ligne,
en réalisant un andain avec les résidus au milieu de la parcelle dans le cas de la
parcelle semi-pérenne plantée en quiconque.

En début de deuxième année, à l’inverse de la pratique l’année précédente, le paillis


a été réparti sur toute la surface du sol sur les deux systèmes, afin de pouvoir
évaluer par comparaison l’effet direct du paillis sur le ruissellement et l’érosion.

Le dispositif d’évaluation du ruissellement et de l’érosion des bananeraies consiste


en une collecte sur une parcelle de 200m² (20m de longueur x 10m de largeur) isolée
du fonctionnement hydrologique du reste de la parcelle (par une tôle métallique
plantée dans le sol en amont et sur les côtés) collectant la lame ruisselée dans un
bac bétonné à (contenance du bac de 0,75 m3). Lorsque ce bac déborde, le flux est
divisé par un partiteur dont une des sorties est collectée dans un fût de 200 litres,
son contenu pouvant être converti en lame ruisselée (sur la base du calibrage du
partiteur). Le bac en béton collecte aussi les sédiments issus de l’érosion.
Ces parcelles seront comparées à un témoin international (Wischmeier and Smith,
1978), à savoir une parcelle de sol nu labouré de 5"20m avec le même dispositif
d’évaluation du ruissellement et de l’érosion.

3. Résultats
Ruissellement
En 2004 lorsque le paillis était localisé dans les inter-rangs, il est observé un plus fort
ruissellement sur la parcelle « intensive » par rapport à la parcelle « semi-pérenne »
plantée en quiconque. Ces deux parcelles montrent néanmoins un ruissellement
inférieur à celui observé sur le témoin sol nu.
De janvier à début février lorsque le paillis est réparti sur toute la surface, sur la
parcelle « intensive » le ruissellement apparait moindre qu’auparavant, sur la
parcelle « semi-pérenne » le ruissellement apparaît peu réduit (cf. figure 1).
Sur la parcelle intensive, le fort ruissellement est à rapprocher de l’orientation dans le
sens de la pente des lignes de plantations, où les flux d’eau ruisselant sur le tronc du
bananier forment en s’ajoutant d’importants flux d’eaux alors qu’à l’inverse avec un
dispositif en quinconce ces flux sont plus dispersés.

Figure 1 : Ruissellement en bananeraie en fonction du ruissellement sur sol nu

Erosion
Sur la période de l’étude, 2004 (figure 2), l’érosion sur les bananeraies est fortement
corrélée à celle présente sur le témoin sur sol nu, celle obtenue sur la parcelle
« semi-pérenne » étant moindre que sur le témoin. On constate sur la parcelle
« intensive » une plus forte érosion que sur la parcelle « semi-pérenne » (environ le
double). La faible érosion sur la parcelle semi-pérenne est conforme aux travaux de
Khamsouk pour une conduite similaire de la bananeraie. Sur la parcelle intensive, la
forte érosion est à rapprocher de l’orientation dans le sens de la pente des lignes de
plantations qui favorise le ruissellement. Il est aussi probable que les états des
surfaces plus favorables à la réinfiltration soit présent sur la parcelle « semi-
pérenne ». Il en résulte néanmoins, qu’indépendamment de la gestion du paillis, il est
constaté une érosion très supérieure sur le système bananeraie « intensive » que
dans des systèmes semi-pérenne plus traditionnels.
En présence de paillis sur toute la surface, l’érosion est drastiquement réduite dans
les deux cas. En plus du dispositif de plantation, la gestion du paillis, est donc un
facteur primordial à prendre en compte pour évaluer les risques d’érosion en
bananeraie établie, ce qui est tout à fait cohérent avec des travaux menés par
ailleurs (Rishirumuhirwa, 1993, Roose et al., 1999).
La forte érosion observée sur les parcelles conduites en « intensive » est donc à
relier à la combinaison d’un dispositif de plantation et d’une gestion des résidus tous
deux favorables au ruissellement et à l’érosion. Le risque d’érosion sur bananeraie
intensive pourrait donc être fortement réduit avec une localisation des résidus de
culture sur toute la surface.

Relation terre érodée sur sol nu / bananeraie avec et sans


2 paillis
Erosion sur
5
bananeraie R2 =
(kg
Pasdede
sol sec/100m²) 0.89 BanB 15Nov04-
2
0 paillis:
érosion ≥ sol 5Jan05
bananeraie nu BanC 15Nov05-
1 5Jan05
5 BanB 6Jan-
2
R =
5Fév05
1 0.91
0 BanC 6Jan-
5Fév05
5 Avec paillis de résidus sur toute la
surface:
moindre érosion/sol
0 nu
0 5 1 1 Erosion sur sol nu
0 5 (kg de sol
sec/100m²)

Figure 2 : Erosion en bananeraie en fonction du ruissellement sur sol nu

4. Conclusion et perspectives
Il a été mesuré une érosion très supérieure sur le système bananeraie « intensive »
qui dépasse l’érosion sur sol nu. Les bananeraies «semi-pérenne » plus vieilles,
plantées en quiconque et avec un paillage par les résidus répartis sur toute la
surface présentent à l’inverse des risques modérés d’érosion. La forte érosion
observée sur les parcelles conduites en « intensive » est donc à relier à la
combinaison d’un dispositif de plantation et d’une gestion des résidus tous deux
favorables au ruissellement et à l’érosion. Il est par ailleurs confirmé que c’est la
localisation des résidus de cultures ou leur dispersion sur toute la surface qui a un
effet prédominant.
A l’issue de ce travail, il apparait incontournable de prendre en compte le type de
conduite technique pour évaluer le risque d’érosion en bananeraie établie.
En prolongement de ces travaux, il est prévu d’évaluer l’intérêt, en termes de
limitation du ruissellement et de l’érosion d’une conduite des bananeraies en
association avec une couverture vivante permanente (ceci aussi dans un objectif de
limitation de l’usage des herbicides).

5. Bibliographie
- Cattan P., Ruy S., Cabidoche Y.-M., Findeling A., Desbois P., Charlier J.-B., 2009. Effect on
runoff of rainfall redistribution by the impluvium-shaped canopy of banana cultivated on an Andosol
with a high infiltration rate. Journal of Hydrology, 368 : 251-261.
- Khamsouk B. 2001. Impact de la culture bananière sur l'environnement. Influence des systèmes de
cultures bananières sur l'érosion, le bilan hydrique et les pertes en nutriments sur un sol volcanique en
Martinique (cas du sol brun rouille à Halloysite). 219 p. Thèse Dr : Science du sol : ENSAM.
- Roose E., Khamsouk B., Lassoudiere A. et Dorel M., 1999. Origine du ruissellement et de
l’érosion sur sols bruns à halloysite de Martinique. Premières observations sous bananiers. Bulletin
Réseau Erosion, 19, 139-147.
- Rishirumuhirwa, T., 1993. Potentiel du bananier dans la gestion et la conservation des sols
ferrallitiques du Burundi. Cah. ORSTOM., Pédol., 28, 2 : 367-383.
EFFETS DE L´ÉLEVAGE SUR LES RISQUES D´ÉROSION EN
COLOMBIE

Hermelin M., Aristazabal A.F.


U.EAFIT, Medellin, Colombie, courriel: hermelin@eafit.edu.co

Résumé : L´introduction des bovins dans les Andes colombiennes a été une des
causes de la destruction des forêts, mais aussi de l´invasion des Paramos qui se
développent a partir de 3500 m dans les régions humides. L´apparition de «terrassettes»
formées par piétinement entraîne un déplacement du sol et son tassement, donc une
augmentation du ruissellement et éventuellement des glissements de terrain. L´étude
préliminaire présentée ici a eu lieu dans les environs de Medellin (6° 30 N latitude)
entre 1800 et 2500 m d´altitude, sous un climat humide et sur des sols acides dérivés de
cendres volcaniques dacitiques et de roches cristallines. Après le choix des sites, les
mesures sur le terrain ont été réalisées à l´aide d´une tige métallique munie d´un niveau
et d´un distanciomѐtre. Les échantillons choisis ont été analysés quant à leur matiѐre
organique, leur humidité et leur densité. Les pentes à partir desquelles apparaissent les
terrassettes vont de 22.5° à 46°. Des différences significatives ont été observées sur les
densités, de 0.61 a 0.78 g cm-3, ces dernières d´échantillons ayant été prélevés sur les
zones tassées par le cheminement du bétail, dont les pattes produisent une pression
calculée entre 4.0 et 6.5 kg cm-2. Le travail préliminaire devrait être complété par des
études plus systématiques tenant compte du temps d´occupations des sols, des méthodes
d´exploitation et de la nature des roches sous jacentes. De plus les régions séches
doivent être étudiées en détail, car les processus peuvent y devenir plus prononcés.

Mots clés : Colombie, érosion, élevage, pente, pied de vache

Abstract
The implantation of cows in the Colombian Andes have caused the destruction of forest
but also the invasion of Paramos, which occur at altitudes of more than 3500 m in
humid regions. The occurrence of “terrassettes” formed by cattle trampling causes a
down slope displacement of soil and its compaction, thus an increase of runoff and a
possible evolution toward land sliding. The preliminary results presented here were
obtained around Medellin (6° 30 N latitude) at altitudes between 1800 and 2500 m a s l,
with a humid climate and on soils derived from dacitic volcanic ashes and weathered
crystalline rocks. Once the sites were selected, ground measurements were carried out
with a metallic rod equipped with a level and with a distance meter. Samples were
analyzed in laboratory for organic matter, water content an density. “Terrassettes” were
observed in slopes from 22.5° to 46°. Significant differences were observed in densities,
from 0.61 to 0.78, the latter in areas compacted by cattle sabot, which apply a pressure
calculated between 4.0 and 6.5 kg cm-2. .This preliminary paper should be completed by
more systematic studies including grazing procedures and the composition of
underlying rocks. Furthermore dry regions should be studied in detail as processes may
there become more important.

Keywords : Columbia, erosion, breeding, slope, cattle tracks


INTRODUCTION
Les animaux domestiques qui peuplent maintenant les Andes et les
terres basses d´Amérique Latine, vinrent d´Europe dans les bateaux des
Espagnols et des Portugais dès la fin du XV siècle et ont proliféré depuis cette
époque. Le cheval, symbole du pouvoir militaire des conquérants, mais surtout
des bovins, paissent maintenant dans tout le continent sud américain, ainsi que
les moutons et les chèvres moins répandues.
Cette implantation a amené un bouleversement total des pratiques
agricoles indigènes (Usselmann, 1987) ; dans beaucoup de cas les Européens
s´approprièrent des meilleures terres pour y bâtir leurs villes, mais surtout pour
y établir les pâturages réservés aux grands propriétaires terriens. Les
populations indiennes furent repoussées vers les pentes et l´exploitation
agricole intensive de terrains inappropriés provoqua, dans certaines régions,
des phénomènes d´érosion des sols et quelquefois leur complète destruction.
La forte diminution de la population indienne, bien documentée par les
historiens (Colmenares, 1975), amena un abandon de grandes zones de
cultures traditionnelles qui furent en partie remplacées par l´élevage extensif.
Celui-ci augmenta à partir du milieu du XIX siècle, à cause de la nouvelle
croissance de la population et de la demande de nouvelles terres, qui provoqua
le défrichement de grandes étendues de forêt, particulièrement sur les pentes
des cordillères : ce processus continue encore aujourd´hui (Khobzi et al., 1978 ;
Parsons, 1988).
Les conséquences de l´introduction du bétail et tout particulièrement du
bétail bovin sont nombreuses:
- sur les pentes mais aussi dans les plaines, la destruction de la forêt
originelle amène la suppression de la fourniture de matière organique et
d’engrais naturels à la surface du sol; un changement très net du cycle
hydrologique et une diminution de la capture de gaz carbonique de
l´atmosphère par photosynthèse, entre autres.
- dans les Páramos, formations végétales beaucoup plus susceptibles á
cause de la lenteur de la croissance des plantes et de l´accumulation de
matière organique dans les sols, les mêmes conséquences peuvent être
observées.
Une des premières manifestations du surpâturage est l´apparition de
terrassettes ou pieds de vache (cattle tracks, caminos de ganado) qui ont été
décrits sous les tropiques par de nombreux auteurs (Khobzi et al., 1978 ;
Moeyerson, 1989/1990 ; Poulemard et al., 1996 ; Aristizabal & Hermelin, 2008).
La formation de ces terrassettes entraîne un tassement du sol sous la zone de
piétinement, un déplacement du sol par glissement et surtout une modification
de la capacité d´infiltration de l’eau. Cela peut provoquer un ruissellement plus
ou moins diffus et la perte quelquefois totale des horizons supérieurs. (Fig.1).
Les travaux réalisés jusqu'à maintenant en Colombie sont basés sur la
télédétection, soit sur des photos aériennes (Khobzi et al., 1978, Malagón et al.,
1995) soit sur des Images satellitaires (IDEAM, 2008). Les comparaisons entre
les différents travaux donnent quelquefois des résultats très différents (Leon
Sicard, 2009).
Les études régionales des sols (par exemple Gobernación de Antioquia
& IGAC, 2008) décrivent pour chacune des unités pédologiques les
phénomènes érosifs associés, mais ne présentent aucune synthèse relative á
l´érosion elle-même.
Ce travail préliminaire a consisté à identifier dans certaines terres hautes
de la Cordillère Centrale de Colombie quelques caractéristiques des
terrassettes produites par le bétail bovin.

Aspects régionaux
L’étude se situe aux alentours de Medellín, département d’Antioquia, aux
environs de 6°.30’ de latitude nord et 75° 30’ de latitude ouest, à des altitudes
entre 1800 et 2500m. La vallée de Medellin, probablement d’origine tectonique,
est encaissée entre des hauts plateaux peu incisés situés entre 2000 et 2600m
d’altitudes et des versants dont les sommets atteignent 3050m (Fig. 3). Les
roches sous-jacentes sont des gneiss et des amphibolites, principalement
paléozoïques, et des quartz-diorites crétacées, généralement transformées en
altérites, recouvertes en partie par des cendres volcaniques andésitiques
quaternaires (probablement holocènes) (Gonzalez, 1996; Toro & Hermelin,
1993).
Le climat est humide et correspond, selon la nomenclature de Holdridge
(Espinal & Montenegro, 1977), à la forêt humide, dont les températures
moyennes varient de 12 à 24°C et les pluies annuelles ont des moyennes
comprises entre 1700 et 2100 mm. Les sols, qu’ils soient ou non dérivés de
cendres volcaniques, sont acides, non saturés et possèdent en général un
horizon organique épais, qui diminue progressivement par érosion mais aussi
par oxydation en contact avec l’atmosphère (IGAC, 1982). Le défrichement de
la région a commencé vers la fin du XVIII siècle, mais il a été impossible
d’établir des dates plus précises pour l´implantation de chacun des pâturages
étudiés.

Méthode
Le but de l’étude étant la détermination des caractéristiques des
terrassettes formées par surpâturage, il fallu d’abord procéder a la sélection des
sites ; celle-ci s´avéra délicate, car l´usage établi dans les Andes colombiennes
consiste, immédiatement après l’écobuage, à semer soit du maïs soit des
pommes de terre. La culture de ces dernières laisse des sillons plus ou moins
parallèles qui doivent être distingués des "pieds de vache". Après deux ou au
maximum trois récoltes, l’appauvrissement des sols en nutriments est tel que la
surface défrichée doit être transformée en pâturage. Il est donc possible de
confondre ces évidences ou de trouver des terrassettes d’origine bovine
superposées aux sillons agricoles préalables. (Fig. 5).
Les sites furent choisis en fonction de leur proximité des voies de
communication, mais surtout en tenant compte de la netteté avec laquelle on
pouvait s´assurer d´ une origine sans équivoque.
Les mesures se prirent sur le terrain à l’aide d’une tige métallique
graduée munie d’un niveau et d´un distanciomètre, (Fig 6). Les échantillons
choisis furent analysés (matière organique, humidité et densité) dans les
laboratoires de l’Université EAFIT.

Résultats
L’inclinaison des pentes à partir desquelles apparaissent les pieds de
vache dans la région étudiée est de 22°.5, valeur basée sur la tendance
centrale de 43 mesures, et ceux-ci se situent entre 22° et 46° (56 mesures)
(Fig. 7).
La pente transversale des terrassettes a donné une moyenne de 17°
(273 mesures) et la pente longitudinale moyenne est de 5° (180 mesures). Le
nombre de données est encore insuffisant pour déterminer s’il existe une
différence significative due aux variations de la roche sous-jacente, bien que
sur amphibolites et basaltes, les terrassettes semblent apparaître sur des
pentes un peu plus fortes. Les mesures de densité faites sur échantillons secs
donnent une moyenne de 0.78 g cm-3 pour ceux qui proviennent des "chemins"
et 0.61 g cm-3 pour les autres. La pression effectuée sur le sol par les pattes du
bétail a été calculée entre 4.0 et 6.5 kg cm-2.

Discussion
Ce travail ne saurait être qu’une première approche servant à déterminer
un paramètre pourtant crucial : la pente à partir de laquelle la détérioration des
sols dédiés au pâturage devient apparente et peut rapidement se transformer
en une série de phénomènes érosifs très destructifs. Cela ne signifie
évidemment pas que les versants moins pentus échappent aux conséquences
de ces activités, mais que celles-ci restent faibles, voire acceptables. Tout en
étant encourageants, les résultats obtenus sont limités. Ils ne tiennent pas
compte de variables comme le temps d´occupation des sols, l’intensité, les
espèces implantées, ni de l’exploitation et ses méthodes (rotation de pâturages,
engrais, etc.), bien que s’agissant d’élevage du type "extensif, ces variations
semblent être relativement peu importantes.
Une étude plus complète va être entreprise, basée sur l´emploi de
méthodes photogrammétriques qui devraient permettre l’obtention rapide et
sûre de données plus nombreuses afin d´améliorer l’analyse statistique.
D´autre part ces travaux ne peuvent évidemment pas se limiter aux
versants et aux collines humides. Les observations préalables faites sur les
versants des dépressions sèches des cordillères montrent que le phénomène
s´y présente d’une manière plus prononcée (Fig. 8) et peut dégénérer plus
rapidement en système érosif généralisé (Fig.9).
L’un des instituts régionaux du département d´Antioquia chargé de la
gestion l´environnement s´est intéressé aux résultats, ce qui permettra sans
doute de continuer cette ligne de recherche, qui pourrait fournir des données
très importantes pour réglementer l´usage des terrains d’une manière qui
ressemble un peu plus au développement durable. L’apparition qui se
généralise de modèles digitaux de terrain (DTM) devrait faciliter cette
démarche. Les commentaires des experts seront les bienvenus.

Bibliographie
Aristizabal, A, F, & Hermelin, M., 2008. Los caminos de ganado en las tierras alas del
departamento de Antioquia: una primera aproximación . Boletín de Ciencias de la Tierra,
Universidad Nacional, Medellín , No 24 ; 55-71.

Colmenares, G., l73. Historia económica y social de Colombia, 1537-1719


Ed. La Carreta y Ed. La Oveja Negra, Medellín, 477p.

Espinal, L. S. & Montenegro, E., 1977. Mapa de formaciones vegetales de Colombia. Instituto
Geográfico A. Codazzi, Bogotá, mapa 1:500 000, Bogotá.

González, H., 1996. Mapa geológico del departamento de Antioquia 1:400 000, Ingeominas,
Bogotá.
IDEAM, 2008. Procesos dominantes de la degradación de suelos y tierra en Colombia.
http://www.ideam.gov.co/publica/index4.html.

IGAC (Instituto Geográfico A.Codazzi), l982. Mapa de suelos del Departamento de Antioquia,
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Khobzi, J., Lecarpentier, C., Oster, R. & Pérez, 1978. L’érosion en Colombie
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Leon Sicard T., 2009, Relación agricultura-ambiente en la degradación de la tierra en


Colombia
http://www.virtual.unal.edu.co/cursos/IDEA/2007223/html/contenido.html

Malagón, D.C., Pulido, R.C., Llinás, R. R. & Chamarro, B.C., 1995


Suelos de Colombia. IGAC, Bogotá, 632p.

Moeyerson, J., l989/90. Les glissements de terrain au Rwanda occidental: leurs causes et les
possibilités de leur prévention. Cahiers ORSTOM, série Pédologie, 25, 1-2 : 131-149.
Murgueitío, E., 2003. Impacto ambiental de la ganadería de leche en Colombia y alternativa de
solución. Livestock Research for Rural Development V. 15 (10)
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LEYENDA DE LAS FIGURAS, Hermelin

Fig 1.Vue aérienne presque verticale d’un pâturage dans la région de Sta.
Rosa de Osos, 150 km au nord de Medellín, altitude 2600m (le bétail, coin
supérieur à droite, donne l’échelle)

Fig 2.Carte de la localisation de la région étudiée.


Fig 3.Unités géomorphologiques principales

Fig 4.Carte géologique régionale


Fig 5.Pieds de vache superposés à d’anciens sillons pour culture de pommes
de terre (Boquerón, 5 km au NW de Medellín).

Fig 6.Méthode employée pour la mesure des profils.


Fig 7.Distribution des pentes où l’on observe des terrassettes.

Fig 8.Profil à Sta Fé de Antioquia, 100 km à l’ouest de Medellin, altitude 600m,


pluie annuelle >1000mm (dépression sèche)
Fig 9.Évolution des terrassettes vers l’érosion géneralisée et les mouvements
de masse, Sta Fé de Antioquia
LES CULTURES ASSOCIEES TRADITIONNELLES MULTISTRATIFIEES
Une technique biophysique empirique d’exploitation écologique et de
protection de l’environnement (Montagnes de l’Ouest Cameroun).

Valet S.
Consultant. PASSERELLES, 9, rue du Bât d’Argent, 69001, Lyon France ; valet.serge2@wanadoo.fr.

Résumé
Les cultures associées multi stratifiées et en relais qui incluent les haies et l’agroforesterie
sont pratiquées sur tous les continents en toutes conditions pédoclimatiques et
géomorphologiques. Les paysans augmentent le nombre et la densité des espèces du
climat tempéré/sahélien (P=500mm) au climat équatorial (P=2000mm) en fonction de la
fertilité des sols et de la géomorphologie. Ces associations constituent des mailles
unitaires agro bio physiques qui ont été conceptualisées empiriquement à différentes
échelles : disposition ordonnée ou non sur billon ; variation qualitative et quantitative des
espèces en fonction de la qualité des sols des paysages agro géologiques. Cet
assemblage offre un ensemble de services écologiques : biologiques, physiques,
hydriques et nutritionnels complexes qui renforcent l’aggradation des sols. Il réduit
naturellement le risque d’érosion et du stress hydrique, économise les intrants, assure la
biodiversité et les besoins divers familiaux dont la nutrition et les revenus supérieurs à
ceux des systèmes mono, bi et tri spécifiques. Il reste à concevoir le « mariage
symbiotique » des savoirs empiriques paysans logiques et stratégiques des
paysan(ne)s et « des savoirs savants » analytiques et prédictifs des scientifiques pour
une agronomie écologique, soutenue, compétitive évoluant avec celle des contraintes
socio-éco-climatiques.
Mots-clés : Systèmes traditionnels innovants, associations culturales, biodiversité, service
antiérosifs, aggradation des sols, Cameroun.
Abstract
The multi specific and multi stratified mixed cropping which include the agroforestry and
the quick hedges are practiced on large surfaces in the world according to every pedo-
climatic and geomorphologic conditions. The paysants increase the species number and
the density from temperate/Sahelian (R=500mm) to tropical climate (R=2000mm)
according to the soil fertility and geomorphology. These mixed cropping form agro-
biophysical unitarian stitches which are thought empirically at different scales: mixed or
inter dispositions, species qualified and quantified variation according to soil quality in the
different agro geological landscapes. These associations offer a quantity of complex
ecological services: biological, hydric, nutritional… It is necessary to conceive a
symbiotical links between the logical and strategical “paysant empirical knowledge” with
the analytical and predictif “scientist knowledge” for an ecological, sustainable, and
competitive agriculture which evolve with the evolving of the socio-economist constraints.
Keywords: Traditional innovating mixed/inter cropping, biodiversity, multiple services, soil
aggradation, erosion struggle, Cameroon.
I. Problématique

Les cultures associées traditionnelles recouvrent toujours de grandes surfaces dans le


monde et sont pratiquées par plus d’un milliard de paysans, du sahel aux forêts tropicales
(Hecq, 1958 ; Baldy, 1963 ; Hénin, 1962; Valet, 1966 et 1970 ; Mazoyer, 1972 ; Mbomda,
1985 ; Dupriez et de Leener, 2003). Les espèces et variétés cultivées, de même que leur
nombre, varient avec la latitude mais aussi avec l’altitude, de même qu’avec les habitudes
alimentaires traduisant l’adaptation aux potentialités multiples des écosystèmes (Valet,
1966 et 2004; de Ravignan, 1969 ; Dupriez, 1980a). Elles ont été longtemps considérées
comme primitives et irrationnelles par les agronomes (Hurault, 1962). L’échec de la
révolution verte qui a été longtemps prônée comme la “ technique perfectionnée, la seule
existant dans les agricultures modernes, la seule permettant la mécanisation que tôt ou
tard les populations seront amenées à adopter ” (Tardieu, 1970) a été reconnu (Fotsing,
1993 ; Roose et al., 1993 ; Valet, 1999 ; Maleyzieu et al, 2009). M. Griffon (Lettre
d’Information du CIRAD, N°22, octobre 2007) a déclaré « Les agronomes ont été formés
pour éradiquer les écosystèmes pour créer un système artificiel, simplifié et forcé par
l’introduction d’une grande quantité d’engrais et de pesticides», mais « nous devons
plancher actuellement sur l’intensification écologique » en tablant sur les processus
écologiques mis naturellement à disposition par les écosystèmes pour produire plus.
Cette approche qui va de pair avec la préservation de l’environnement permettra de
réduire les nuisances, de mieux valoriser les ressources rares comme l’eau et les sols ou
encore de contribuer à la conservation de la biodiversité afin de reconstituer les services
écologiques que l’agriculture peut rendre à la société face au changement climatique,
démographique et à la « mondialisation » (Valet, 2007 ; Dupriez, 2006). Malézieu et al.
(2009) proposent dans leur synthèse d’analyser les paramètres de la diversité
fonctionnelle des écosystèmes cultivés pour l’optimisation des ressources, la diminution
des risques, la stabilité et la résilience des écosystèmes. Le regain d’intérêt pour les
cultures associées est du aussi à la limitation des risques d’érosion par une bonne
couverture du sol et par simplification des travaux culturaux et de pollution par les fortes
réductions d’intrants (azote, fongicides, herbicides) enregistrées ces dernières années.
Ces cultures ont été très peu étudiées jusqu’à ce jour.
Nous présentons quelques exemples mais surtout les résultats de la région des
plateaux et montagnes de l’Ouest Cameroun qui offrent le meilleur exemple de cultures
associées multi stratifiées et en relais car le plus complexe et le plus complet
conceptualisé empiriquement par des paysan(ne)s illettrés depuis plusieurs siècles.
2. Les cultures associées
2.1. Stratégie paysanne
La logique des prises de décision agricole concernant ces associations agro forestières
conjugue les impératifs alimentaires (autosuffisance, qualité organoleptique, conservation
et étalement des récoltes), économiques (cours, revenu et capitalisation) et les
contraintes du milieu (roches, sols, climat et géomorphologie) (Valet, 1967). Mais dès
qu’un impératif issu de ces trois ordres est limitant, toutes les situations d’associations
sont envisageables même celles les plus contraires aux exigences culturales édaphiques
sauf environnementales si possibles (Kleitz, 1988). Le paysan cherche à minimiser les
risques climatiques et économiques avant même l’obtention de rendement maximum.

2.2. Modèles
Mixed cropping ; Intercroping ou alley cropping ; Sequential cropping ; Agroforestry.
3. Variabilité des cultures associées

3.1. Cultures multi spécifiques : structure multi échelle


1- France : Climat tempéré :
A- Association des variétés 2 à 2 : avoine, orge, seigle, vesce, luzerne, blé dur/tendre,
colza, vigne et verger-prairie (Hénin, 1969). L'agroforesterie regroupe 5 techniques (haie,
culture boisée, pré boisé, bois pâturé, arbre fourrager) et 5 types d'arbres (chênes,
peuplier, feuillus, pins, épicéa et mélèze) sur toutes les grandes zones géo-climatiques
(plaine ou colline méditerranéenne et tempérée, montagne) (Etienne and Rapey, 1999).
B- Haie vive : Les haies comprennent plus de 30 espèces formant l’essentiel (brise-vent,
bois à usage divers, clôture de champs) mais récemment l’évolution des pratiques
agraires les détourne souvent vers d’autres objectifs (BRF) (Luginbühl, 1995).
C- Parc arboré : Depuis 2002, le retour des arbres dans les parcelles agricoles est encore
possible, souhaitable, mais aussi réaliste (Dupraz et Liagre, 2008). En Charente,
parcelles de merisier et noyers (70 arbres/ha) associés à une rotation de
blé/sarrasin/tournesol ; noyers et colza ou blé dur. Les plantations agro forestières, (100 à
160 arbres par hectare) en parc ou en haie, sont raisonnées en fonction de la position sur
le versant, des besoins agricoles et des conditions pédoclimatiques (Haeggström, 1998)
Par ex. : Peuplier (160 tiges/ha) en ligne et blé dur/tendre, colza et vigne entre les lignes.
2- Sénégal : Climat sahélien : mil-arachide et mil-sorgho de cycles différents semés avec
décalage et dans un parc arboré à Faiderbia ; ananas-papaye (Baldy and Stiger, 1993).
3- Lesotho : Abandon récent des monocultures au profit de la pratique du « système
Machobane » qui associe sept plantes (Le Courrier, 2002).
4- Bénin : Climat soudanien : sorgho tardif, manioc, mil hâtif, maïs, gombo, courges, riz,
patate douce, voandzou, piments, igname, haricot et arachide cultivés en association de 3
à 5 plantes par parcelle (Bokonon Ganta, 1991).
5- Sulawesi : Maïs, patate douce, arachide et Mucuna pruriens, (Schlosser et al., 2003).
6- Côte d’Ivoire : Climat sub-équatorial à 2 saisons des pluies : poivre-ananas/arbre,
poivre- banane, café sous ombrage, prairie sous palmier à huile.
7- Congo : Climat équatorial : Pays Bashi : maïs, sorgho, manioc, patates, patates
douces, haricots, macabo, arachide (Hecq, 1958).
- Cameroun : Climat équatorial de mousson à une saison des pluies :
A- Zone tropicale de plaine où seules les plantes tropicales peuvent pousser sur des sols
uniformément de faible qualité, ce qui limite leur nombre dans l’association de 5 à 6
plantes (de Ravignan, 1969 ; Leplaideur, 1978).
B- Zone tropicale des hauts plateaux et montagnes où les microclimats favorisent la
culture de plantes tempérées et d’altitude (Valet S., 1967ab & 1976). Située entre 1000 et
3100m d’altitude (de 9° à 11°E et entre 5° à 6°N) . Elle se caractérise par de nombreux
microclimats, types de sols et géomorphologies qui déterminent des paysages agro-
géologiques contrastés (Valet, 1985). Ceci explique la richesse particulière et variable de
ses agro(éco)systèmes.

3.2. Typologie
Le système multi-stratifié utilisé par les paysans comprend environ 46 espèces :
Etage arboré : 11 (colatier, safoutier, avocatiers, palmier raphia, banane douce et
plantain…) ;
Etage arbustif : 5 (café, Ndolé, piment, goyavier, et manioc) ;
Etage bas : 29 : 16 plantes maraîchères (gombo, tomate, épinard, choux, oignons, etc…),
2 céréales (maïs et canne à sucre), 5 légumineuses, 5 tubercules ; 2 fruits (ananas,
melon).
Presque chaque espèce est représentée par plusieurs variétés (de 2 à 6) de cycle de
longueur, de rendement différents et d’usages (alimentaires, commerciaux, sociaux). Les
variétés locales, moins performantes, sont plus résistantes et se conservent mieux (Kleitz,
1988). Les semis sont réalisés en première saison culturale dès mars et en seconde fin
août début septembre assurant assolement et rotation. Après défrichement l’association
est dominée par les tubercules ou l’arachide. La durée de culture (3 à 10 ans) avant mise
en jachères courtes (1 à 2 ans) est raisonnée selon la fertilité (naturelle et ajoutée) et son
épuisement. L’érosion même pour les billons dans le sens de la pente est très réduite,
alors qu’en mono-culture ou bi spécifique intensifiée elle démarre violemment dès le
semis (Valet, 1999). Ces associations constituent des mailles unitaires agro-bio-
physiques qui ont été conceptualisées empiriquement à différentes échelles (billon,
champ, bassin versant).
A- A l’échelle du billon : la disposition des pieds, ordonnée ou en désordre, tient compte
de leur taille respective et leur concurrence, principalement pour la lumière et l’eau
(Fig.1).
Disposition des cultures principales :
Ordre

Désordre

3m
Sol fertile Sol faiblement fertile Sol très fertile
Légende : Arachide MaÏs Haricot Musacées Macabo/Taro Café
Figure 1- Disposition sur le billon des plantes dominantes.
Beaucoup d’autres arrangements sont utilisés compte tenu du nombre élevé d’espèces et
de variétés. Certaines ignames ne sont cultivées que par les femmes des chefs ou le
voandzou par les femmes mariées (Hurault, 1962).
B- A l’échelle du champ : Les paysans font varier qualitativement et quantitativement le
nombre et la densité (IOS) des espèces vivrières, hors les arbres, entre les champs mais
aussi entre les deux régions de l’Ouest (Valet, 1976). Les IOS croissent de 1,04 à 2,91 en
pays Bamiléké pour 6 à 13 espèces et en pays Bamoun de 1,44 à 2,70 pour 10 à 13
espèces (Tableau 1). Autfray (1985) et Kleitz (1988) ont enregistré en région Bamiléké à

Tableau 1- Indice d’occupation du sol en régions Bamiléké et Bamoun (Valet, 1967a).

Régions Bamiléké Bamoun


Lieux Fotetsa Dschang Fotetsa Bafou Bansoa Fosset Kouoptamo Foumbot
Position Haut de versant Bas Plan Plan
Nbre espèces 6 11 10 13 8 13 10 11
Total IOS* 1,31 1,04 2,89 2,91 2,70 1,74 1,69 1,44
Climat Pluie=1900mm T°C= 20,3, Insolation=1680h P=1650mm, T°C= 22 Ins=2400h
è ème
* Indice d’Occupation du Sol= densité de la 1 re culture en association/densité de la monoculture + densité de la 2
culture en association/densité de la monoculture + etc…

(Bafou) des IOS qui variaient de 0,8 à 9, arbres et arbustes compris (50 à 250 par
hectare -Fotsing, 1993), avec une valeur moyenne de 3,2, une médiane de 2 et un
quartile faible de 1,1. En plaine (Centre Sud) de Ravignan (1969) a trouvé un IOS moyen
de 1,49 avec 6 espèces maximum. Alors qu’en d’autres zones tropicales les associations
se limitent à 5 ou 6 espèces avec des arbres (Hecq, 1958 ; de Ravignan, 1969 ;
Leplaideur, 1970 ; Dupriez, 1980b ; Rishirumuhirwa, 1993). Les photos 2-ABCDE
soulignent bien la variabilité des associations selon les conditions pédoclimatiques.

Photos 1- Types d’associations culturales de


l’Ouest-Cameroun : A- sur sol ferrallitique sur
granite ; B- sur sol ferrallitique « complexe » sur
basalte ancien sans arbres et D avec arbres et
arbustes ; C (champ de case) sur sol noir sur
cendre basaltique et E sur sol ferrallitique
humifère sur trachyte

(clichés Valet : 1968-A, B, C & 2000 D, E).

C- A l’échelle du Bassin Versant unitaire ou écorégions :


Trois systèmes agricoles traditionnels dominants, jachère vs pâturage (PA+JA), Cultures
associées vivrières évolutives (CV) et cultures associées vivrières évolutives plus café
(CV+Café) sont implantés selon les conditions pédoclimatiques et démographiques (Fig. 5
& photo 2-ABCDE). Auxquels il faut ajouter le maraîchage irrigué pratiqué soit dans les
thalwegs à côté ou à la place des raphiaies soit en grande parcelle en altitude (>1800m).
Photos 2- Paysages agro
géologiques de l’Ouest-Cameroun
– Modelés :
A : « pain de sucre » sur granite;
B- « Digité » sur basalte ancien ;
C- versant accidenté ;
D- plan sur cendre basaltique ;
E- plan incliné sur trachyte.
(Valet, 1985).

(Clichés Valet- A, B, C, D : 1968, E : 1999).

On observe une bonne corrélation entre les formes géomorphologiques, le substratum


géologique et les sols (Valet, 1985). Les paysans ont su adapter leurs systèmes agricoles
traditionnels enrichis de plantes introduites comme le café, le maraîchage à chaque
paysage agro-géologique (Fig. 5). La répartition des systèmes, en %, est étroitement
dépendante de celle de la fertilité des sols des versants et de l’importance du
ruissellement qui est bien représentées par le degré de déclivité des pentes (Fig. 6). Le
pourcentage de prairie et jachère (PA+JA) diminue du haut au bas de versant mais aussi
des bassins les plus élevées aux plus bas alors que les surfaces des cultures vivrières
avec (CV+Caf) et sans café (CV) augmentent proportionnellement. Les surfaces des
cultures vivrières avec café sont plus étendues à même altitude sur le basalte que sur le
granite à mi et bas versant.
Paysages agro-géologiques sur

1- granite (1200m) 2- basalte (1400m) 3- basalte (1600m) 4- trachytique (>1800m)

Jachère/Prairie Jachère/Prairie
Haie morte Habitation/Greniers Jardin de case Coulée
CV Irrigation canal d’irrigation

Haies vives
Haies vives Raphiaie Maraîchage CV+Caf CV Affleurement
BV 1 2 3 4
CV= Cultures vivrières associées ; CV+Caf = Cultures vivrières associées + caféiers
Arbres/arb
Arbres/arbustes Bv= Bassin versant
______________________________________________________________________________________
Figure 5–
5 Schéma de la répartition des types de systèmes agricoles traditionnels et
innovants en fonction des paysages agro-géologiques.

Figure 6- Corrélation entre la répartition des pentes !12% et les systèmes de cultures selon la fertilité des
paysages agro-géologiques : A : haut de versant ; B : mi versant et C : bas de versant. De gauche à droite :
Rouge : >2000m, trachytes et roches acides ; Noir : 1600-2000m, Basalte ; Vert : 1400-16000m, Granite ;
Bleu : 1400-1600m, Basalte. (Valet, 1985).

3.3. Facteurs discriminants de la variabilité des associations culturales


3.3.1. La géomorphologie
57% des superficies s’étagent de 1040 à 1520m d’altitude et 10% de 1520 à 2500m. La
morphogénèse commandée ainsi par la tectonique, le climat, la nature pétrographique et
chimique des roches et leur ancienneté de mise en place est à l’origine des nombreux
géofaciès ou « portion d’espace physionomiquement homogène » où les facteurs de
l’environnement sont dynamiquement liés entre eux (Valet, 1980). Ces géofaciès
s’individualisent en autant de bassin versant englobant un type de réseau hydrologique
spécifique. Ces bassins versants forment des « paysages agro-géologiques » (photos 2-
ABCDE). A l’intérieur desquels il est possible de caractériser des « strates homogènes »
ou écosystèmes (Tableau 2).
Tableau 2- Zonation écologique, extension et caractérisation morphopédoclimatique des
sites étudiés (Valet, 1967 & 1968, 1980).
Provinces Paysages Strates homogènes Alt. Pluie Tc° Aires
géoclimatiques & physiographiques à sols en moy. moy. en
Zones homoclimatiques m An. An. %
I-b- chaude et pluvieuse, Plateau brun (Basalte) 650 2600 27.5
d- pluvieuse, douce id à 2.8
a- pluvieuse et chaude jaune (Granite) 800
IIId- Douce, Vallons ferrallitique complexe 1400 1894
relativement Bas fond id hydromorphe (Cendres) 1350 id 20.2 19
sèche Pain de sucre ferrallitique rouges (Granite) 1450 id
IIIb- Très chaude, Plateau Sol noir (Cendre, lapillis) 1200 1674 1,2
très ensoleillée Digitation Ferral. rouges (Basalte) 1100 id 21.7 37
Maille héxagonale Idem (Gneiss)
Bas de versant Sols bruns colluv. (Granite) 1150 1620
IIIe- Très fraîche, brumeuse Plateau Ferrallitique rouges très 1600 2400 19.6 1
humifère (Trachyte)
IV- Climat varié Versant Pente >50% - - - 39

3.3.2. La fertilité du sol


Les paysans augmentent fortement l’IOS total avec la fertilité actuelle du sol en zone
Bamiléké et en zone Bamoun pour des sites choisis. En pays Bamoun les IOS restent
inférieurs à 2 malgré une somme des cations échangeables supérieure du double de celle
de la région Bamiléké (Fig. 7). Les paysans augmentent inversement les densités de
l’arachide et du maïs en fonction de la fertilité du sol (Somme des cations ou C%0) (Fig.8).
Figure 7- Relation entre l’IOS total et la fertilité actuelle
des sols (somme des cations échangeables en
m.éq/100g) en régions Bamiléké (Be) et Bamoun (Bm) en
1967.

(Whole SOR versus actual soil fertility (sum of exch.


Cations) of Bamileke (Be) and Bamoun (Bm) regions in
1967).

L’affinité maïs-haricot a été confirmée par Autfray (1995) et Kleitz (1988) qui relèvent
même une affinité arachide-haricot. Par contre la répulsion maïs-arachide n’a pas été
notée par ces auteurs qui ne signalent qu’une répulsion de l’arachide avec les arbres,
musacées, café, taro et macabo. Ce type de répulsion existe entre le Maïs et le Soja
(Valet, 1999 & 2007). Cet antagonisme s’expliquerait vraisemblablement par la
concurrence pour la lumière et la photosynthèse plus effective en pays Bamiléké que
Bamoun (Clark et Francis, 1985). L’IOS des phaseolus augmente avec celui des maïs
mais plus faiblement. Ceci est dû à l’effet symbiotique entre le maïs et les phaseolus. Il a
été vérifié que les légumineuses associées au maïs augmentent le nombre et le poids de
leurs nodosités qui assurent un transfert d’azote vers ce dernier représentant une
économie de fertilisant azoté (Thompson, 1970 ; Trenbath, 1976). Cette exploitation
complémentaire du milieu pour la plupart des espèces a été dénommée « phénomène
d’annidation » (Ludwig, 1950). Les paysan(ne)s augmentent les IOS des tubercules avec
la fertilité des sols dans les deux régions. La typologie des associations repose sur le
couple antagoniste maïs-arachide et non sur l’arachide seule comme pivot écologique et
Figure 8- Relation entre
l’IOS du maïs, haricot et de
l’arachide et des tubercules
en fonction de la fertilité
actuelle des sols (somme
des cations échangeables
en m.éq/100g e (CO%0)
en régions Bamiléké (Be)
Bamoun (Bm) - 1967.

économique de tous les types d’associations comme le rapporte Kleitz (1988). D’autres
sociétés ont comme pivot le taro ou le bananier (Dupriez, 1980b).

3.3.3. Effet de la fertilité du sol sur les rendements (LER)


Fertilisation minérale
Les essais de fertilisation conduits dans l’Ouest-Cameroun, de 1968 à 1972, sur
l’association ternaire basique (Maïs, taro et macabo), montrent une corrélation positive
entre les engrais minéraux et les rendements ou LER (Land Equivalent Ratio) (Fig. 9).

Figure 9- Relation entre le LER total, le LER du maïs, du


macabo et du taro et la fertilité actuelle des sols (somme
des cations échangeables en m.éq/100g) dans l’Ouest-
Cameroun (1968-1972). (Valet, 1968).
(P et K non limitant).
ère
LER (Land Equivalent Ratio) : rendement de la 1
culture en association/rendement de la monoculture +
ème
rendement de la 2 culture en association/rendement de
la monoculture + etc.

Pour seulement trois plantes, les LER varient, déjà, de 0,9 à 1,55 alors qu’en milieu
traditionnel avec un total de six à treize plantes les LER sont nettement plus élevés. La
dose maximum d’urée utilisée pour obtenir ces rendements est de 20 à 50% inférieure à
celle utilisée en monoculture pour des rendements maxima pas énormément supérieurs
(Valet et Motélica, 2009).
Fertilisation organique
- Ecobuage
L’écobuage est couramment pratiqué de préférence en sol hydromorphe sur grosse butte
tous les 5 ans. Cette technique libère brutalement beaucoup de P205 assimilable (Témoin
= 30ppm contre 2030ppm P205 libérés) et de la potasse. Il maintient de plus l’azote dans
le sol (Autfray, 1985). Il provoque une augmentation de 2,8 à 5,2 Tha-1 (+79,5%) de maïs
grain avec une dose de 200 unités ha-1 de N (Valet et Motélica, 2009). Sur macabo blanc
Schafer (1999) a obtenu une augmentation de 9,6 (±3,1) Tha-1 à 12,6 (±4,7) Tha-1
(+31,3%) en absence de fertilisation minérale complémentaire.

- Fumier (bovin porcin, caprin, de volailles)


A dose de nutriments égale à la fumure minérale, le fumier a un effet identique sur le
rendement du maïs ; de plus il majore l’effet des apports de N (Urée) de +27,3% avec 200
U ha-1 (Valet et Motélica, 2009).
- Jachère
Sous association culturale la forte production de biomasse et le maintien de la jachère
assurent efficacement la restauration physique et chimique de la fertilité du sol. A
Koumelap sur un sol ferrallitique rouge sur basalte ancien, la jachère a permis au sol de
recouvrer une fertilité minérale et organique équivalente à l’enfouissement de
stylosanthes, en cations nettement supérieure, en phosphore légèrement inférieur à un
apport de 200 unités ha-1 de P2O5 et une stabilité structurale supérieure à la monoculture
intensifiée sur 20-40cm (Valet, 1999).
3.3.4. Haies vives, haies mortes et parcs arborés
Les cultures associées multi spécifiques implantées dans des parcs arborés (arbres et
arbustes divers) et entourées par des haies vives bénéficient d’abondants apports
organiques (feuilles, brindilles, branches, racines, adventices, résidus de case) (Photo 1).
Au Burundi, après 6 mois seulement, ces haies filtrent et retiennent 95% de la charge
solide avec élimination du ruissellement (Duchaufour et al., 1996). De plus, ces haies
permettent une amélioration de la fertilité et du rendement par remontée des nutriments et
par la biomasse produite, 102 à 124kg ha-1 an-1 de N, 6 à 9kg ha-1 an-1 de P2O5 et 18kg
ha-1 an-1 de K (Ndayzigiye, 1993) et par le piégeage aussi du CO (Roose, 2004). A la
Réunion, sur fortes pentes une haie de Calliandra calothyrsus améliore l’état structural
des Andosols très sensibles à l’érosion (Cattet, 1996). Dans l’Ouest Cameroun, Kalemba
et Ndoki (1995) ont vérifié l’effet des BRF (Bois Raméaux Fragmentés de diamètre
inférieur à 8cm), produit de l’émondage des haies et des arbres, sur l’amélioration du
rendement du niébé et sur l’aggradation du sol. Cette utilisation comme amendement
organique supplémentaire efficace dans l’aggradation des sols productifs (Lemieux et al.,
1999) a été évoqué par Valet et al., (2007). Njoku et al. (1984.) ont démontré que les
associations culturales réduisaient le lessivage de l’azote et des nutriments. Cela
s’apparente assez à la conservation qu’aurait une jachère, des plantes de couvertures
associées à l’emploi d’un engrais vert dont les effets sur la productivité des sols sont
reconnus depuis longtemps sous toutes les latitudes (Etesse, 1932). Cette forte quantité
de matière organique et minérale, leur nature différente dont les BRF expliquent le
raccourcissement de la durée réparatrice des jachères observée dans l’Ouest Cameroun.
Ceci a été vérifié par Salako et Tian (2001) au Nigeria et par Autfray (2005) en Côte
d’Ivoire avec une seule plante de couverture riche en matière organique.
3.3.5. Le déficit hydrique climatique et édaphique
face au déficit hydrique lié à l’aridité en région Bamoun, les paysans limitent les IOS à 2 et
pour les deux régions à 1,50 pour la sécheresse édaphique (sols peu profonds,
caillouteux et/ou pentus). Cette sécheresse est un risque qu’accroît le changement
climatique depuis 1970 ; même si Sinha et al. (1985) indiquent que quatre plantes
consomment seulement 28% de plus par hectare que chaque monoculture et si Dupriez
(1980b) estime que la compétition hydrique et nutritionnelle est réduite car les “assiettes
radiculaires” présentent des caractéristiques morphologiques et physiologiques
différentes et complémentaires dans le temps et l’espace, et que le décalage des semis et
les longueurs de cycle différents déplaceraient les besoins nutritionnels et hydriques qui
ne se font pas aux mêmes époques (Baldy et Stigter, 1997). Cela explique que le
comportement et le fonctionnement hydriques (régime et bilan hydriques et réserve en
eau utile) des sols devraient servir de critères de classement pour caractériser chaque
écosystème (Valet, 1969 et 1974). Dongmo (1981) confirmait que chaque “ terroir est
défini par une structure particulière du complexe pente-sol-eau”.
3.3.6. Comportement photosynthétique
La photosynthèse des populations de plantes complexes dépend de l’effet de leur
étagement sur la modification à la baisse de la température et du maintien d’une humidité
plus élevée atmosphérique et du sol au cours de périodes/saisons sèches, de
l’importance des radiations solaires directes ou indirectes reçues et de l’interception des
vents violents (Valet, 1974 ; Barradas et Franjul, 1986 ; Baldy et Durand, 1970 ;
Stoutjesdijk, Ph., 1972).
3.3.7. Conséquences socio économiques
- Valorisation du travail : Elle porte non seulement sur le travail de défriche initial comme
dans le sud-Cameroun (Leplaideur, 1978), mais aussi sur la quantité de travail par unité
de surface cultivée (de Ravignan, 1969). Elle répond bien à l’accroissement
démographique par l’absorption de main d’œuvre qui serait excédentaire en monoculture
intensifiée sans assurance d’autosubsistance. Son rôle est un excellent régulateur socio-
politique.
- Valorisation spatio-temporelle : Grâce aux IOS élevés, les associations permettent de
tirer le maximum des terroirs spatialement et leur semis en relais temporellement comme
Hecq (1958) l’a démontré aussi chez les Bashis.
- Valorisation monétaire : En valeur monétaire, dans les zones ou l’intrant majeur est la
main d’oeuvre familiale (non rémunérée), les cultures associées produisent en moyenne
62% de plus que les monocultures intensifiée/unité de surface en revenu brut (Norman,
1973). En plus, les bénéfices de divers systèmes de cultures associées traditionnelles et
raisonnées comparés aux monocultures intensifiées sont toujours supérieures à ceux des
plantes seules par unité de surface (LER). Ces bénéfices sont très fortement
proportionnels au nombre de plantes de l’association de -20000CFA pour une
monoculture céréalière et de légumineuse à 122000CFA pour douze espèces (au cours
de 1970) ; ceci avant la dévaluation du franc CFA de 50% et la suppression des
subventions agricoles et la baisse des barrières douanières (Valet, 2007 et 2009).
4. Conclusion
Les associations culturales multi-stratifiées et en relais, et ce d’autant que les
espèces sont plus nombreuses, surpassent les monocultures sur tous les plans
agronomique, phytosanitaire, conservation de la fertilité, hydrique, antiérosif, économie en
eau et en intrants, biodiversité, alimentaire, organoleptique et monétaire. Cette réussite,
démontrée depuis longtemps, est due aux services écologiques mis naturellement à
disposition par les écosystèmes pour produire plus de façon soutenue. Il reste à concevoir
le « mariage symbiotique » « des savoirs empiriques paysans » logiques et
stratégiques et « des savoirs savants » analytiques et prédictifs pour une agronomie
innovante, écologique, soutenue, compétitive évoluant avec celle des contraintes diverses
connues qui nous menacent et celles à anticiper, contre lesquelles les systèmes actuels
paysans et modernes montrent leurs limites. Toutefois, tout « développement ne peut se
faire qu’à partir des cultures associées traditionnelles qu’il est impératif de connaître, par
la mise en place de niveau d’intensification et de niveau d’équipement progressifs et
adéquats (paliers technologiques) » (Valet, 1976 et 1980). L’« intensification
écologique » prônée par les « nouveaux agronomes » devra éviter un nouveau forçage
de ces associations par des IOS trop forts, des intrants excessifs, des associations
concurrentes, des plantes d’exportation au détriment du vivrier et des rendements
miniers. Ces systèmes agraires innovants devront être choisis par les paysans et non
subis.
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Potentiels de restauration de la qualité des sols sous agriculture de
conservation au Maroc
Rachid Mrabet 1 et Rachid Moussadek2

1*INRA, 78 Boulevard Sidi Mohamed ben Abdellah, Tanger 90010 Maroc


rachidmrabet@gmail.com
2*Département de Géologie et des Sciences du sol, Université de Gand, Belgique
moussa.inra@gmail.com

Résumé
Au Maroc, la céréaliculture est, avec l'élevage, l'irrigation et le travail du sol, une des activités
les plus anciennes pratiquées depuis des millénaires. Toutefois, cette filière ainsi que d’autres n’ont
pas connu une amélioration notable en productivité due essentiellement à une dégradation des
ressources en sols et à la sécheresse. Durant les trois dernières décennies, les travaux de recherche
effectués en zones semi-arides marocaines, ont montré la nécessité de recourir à des systèmes
agricoles à base de semis direct afin d'améliorer la qualité du sol et stabiliser les rendements à long
terme. Cet article concerne une réflexion sur le bilan de la recherche en matière de qualité du sol sous
agriculture de conservation au Maroc. En régime de semis direct ou de non travail du sol, la seule
cause de variation d'état du sol reste la structuration naturelle sous l'effet des cultures, du type de
gestion du sol (présence des résidus de récolte) et de la variation hydro-thermique qui dépend de la
fluctuation des conditions climatiques. Les qualités physiques et chimiques des horizons superficiels
du sol sont nettement améliorées sous le système de non travail du sol par rapport au labour
conventionnel. La séquestration de la matière organique sous semis direct s’est traduite par une nette
amélioration de la fertilité chimique du sol (niveaux d’azote, de phosphore et de potassium). Ces
changements positifs de la qualité des sols sous semis direct sont traduits par des augmentations de
rendements des cultures, même en années de sècheresse.

Mots clés : Maroc, semi-aride, semis direct sous litière, amélioration des SOM, stabilité
de la structure, NPK, rendements des céréales.

Abstract
In Morocco, cereal cropping is, with livestock, irrigation and tillage, one of the most ancient
activities practiced since millenniums. However, this sector as well as others did not know a
considerable improvement in productivity essentially due to degradation of natural resources and
drought. During the last three decades, the research conducted in Moroccan semi-arid zones, showed
the necessity to shift to conservation agriculture in order to improve soil quality and stabilize long-
term productions and returns. This article concerns a state of the art on assessing impacts of
conservation agriculture on soil quality and wheat production in dry areas of Morocco. Under direct
seeding systems, the only cause of variation of soil behavior is the natural changes in its structure
under the influence of the cultures and the crop residue management as well as the hydro-thermal
variation which depends on climate parameters and changes. Physical and chemical qualities of soil
surface horizons are sharply improved under no-tillage systems with regard to conventional tillage
systems. The retention and increase of the organic matter under direct seeding were translated by a net
improvement of the chemical fertility of the soil (higher levels of nitrogen, phosphorus and
potassium). These positive changes of the soil quality under direct seeding are translated by increases
of crop production and returns even in years of sever aridity.

Keywords: Morocco, semi-arid climate, direct seeding, soil organic matter, NPK,
aggregate stabilization, cereal yields.
Introduction
Etant donnée la nature de leurs sols et du régime des précipitations, les milieux
pluvieux semi-arides marocains sont, pour l’essentiel, des milieux fragiles, rapidement
dégradables si les modes de culture sont inadaptés. Ce sont aussi les régions où la population
croit le plus vite et où la pauvreté affecte le plus grand nombre. La demande croissante en
aliments et en matières premières d’origine agricole, tant interne qu’externe, a conduit le
Maroc à accélérer le développement de ce secteur, non seulement par l’augmentation de la
productivité, mais aussi par l’expansion de sa surface agricole. Pendant plusieurs décennies,
une bonne production n’était possible que si la terre est travaillée par des instruments aratoires
très diversifiés.

Le rôle essentiel du travail du sol est d’obtenir un état structural permettant une bonne
germination et un développement racinaire indispensable à une bonne alimentation de la
plante. Cependant, à travers le monde, les expérimentations de long terme ont révélé que
plusieurs cultures (blés, orge, maïs, soja, pois chiche, fève, lentille, tournesol, fourrages) ont
peu d’exigences en matière de travail du sol. En plus, au Maroc l’utilisation abusive et
inappropriée de matériels de travail du sol dans les exploitations agricoles engendre l’érosion
des sols, le ruissellement, l’appauvrissement en matières organiques et en pools nutritifs, la
dégradation de la structure et le dessèchement. Cette situation ne peut assurer une agriculture
durable.

En outre, l’agriculture marocaine subit, de manière de plus en plus accentuée depuis


quelques décennies, plusieurs phénomènes de dégradation des ressources mêmes qui sous-
tendent ses niveaux de production. En effet, face aux divers changements climatiques,
économiques et sociaux, l’agriculture marocaine doit connaître des modifications pour rester
le pilier de l’économie. La durabilité de l’agriculture, et particulièrement la céréaliculture
marocaine, est directement en liaison avec la nécessite de conserver le sol, d’améliorer
l’utilisation de la ressource hydrique et d’augmenter la plus-value des terres. C’est l’un des
objectifs principaux assignés à la nouvelle stratégie agricole marocaine dite Plan Maroc Vert.
Ainsi, depuis presque trente ans à l’Institut National de la Recherche Agronomique,
l’agriculture basée sur le labour et le travail du sol est remise en question alors qu’elle
apparaît incapable de répondre aux principaux challenges en matière de conservation des sols
et de l’eau, de protection de l’environnement, de sécurité alimentaire et de réduction des
coûts.

L'agriculture de Conservation (AC) aussi appelée Agriculture Ecologiquement


Intensive (AEI) est basée sur l'imitation progressive des systèmes naturels. AC ou AEI vise à
relancer la production agricole en optimisant l’utilisation des ressources agricoles et en aidant
à réduire la dégradation généralisée des terres par une gestion intégrée du sol, de l’eau et des
ressources biologiques disponibles, combinée à des apports externes.
 
Le semis direct est un système conservatoire de gestion des sols et des cultures, dans
lequel la semence est placée directement dans le sol qui n'est plus travaillé. Dans le système
de semis direct, les opérations se limitent à l’ensemencement de la culture. Le remaniement
mécanique du sol est confiné à la seule implantation de la semence. L'élimination des
mauvaises herbes, avant et après le semis et pendant la culture, est faite avec des herbicides,
les moins polluants possibles pour le sol qui doit toujours rester couvert.

Le semis direct est un paquet technologique qui repose sur quatre principes:
1) Supprimer les labours; 2) Couvrir en permanence le sol par une couverture morte
constituée de résidus de récolte ou vivante sous formes de couverture végétale; 3) Semer
directement à travers cette couverture protectrice à l'aide d'outils appropriés et 4) Contrôler les
mauvaises herbes sans perturbation du sol (Mrabet, 2008). De par la diversité des processus
modifiés par les systèmes d’AC, les indicateurs nécessaires à une évaluation intégrée des
performances de ces systèmes sont multiples et de natures diversifiées (Mrabet, 2008).

Cet article concerne une réflexion sur le bilan de la recherche en matière de qualité du
sol sous agriculture de conservation au Maroc. Les études sur les systèmes de semis direct ont
commencé en 1983 dans les régions de la Choauia (300-400 mm) et les Abda (200-250 mm)
sur les Vertisols uniquement pour être généralisées plus tard à d'autres régions agricoles.
Ainsi, les régions concernées par cet article sont très diversifiées de point de vue climatique
(allant de moins de 250mm dans les Abda à plus de 500 mm dans les régions du Gharb et des
Zaers) et en types de sols. Une nuance sur l’économie du semis direct et la problématique de
son adoption au Maroc est aussi présentée.

1. Productivité de la céréaliculture de conservation

Les conséquences de la sécheresse varient beaucoup selon l’intensification de


l’agriculture et les pratiques agricoles. Les pertes provoquées par une absence de pluies
pendant la saison de culture peuvent se traduire par une perte de l’ensemble de la récolte. Les
pratiques agricoles constituent la première couverture du risque face à la sécheresse.

Les avantages agronomiques et technico-économiques du semis direct par rapport au


travail du sol sont considérables. C’est une approche de gestion du sol qui cherche à limiter
les dégâts causés à la composition, à la structure et à la biodiversité naturelle des sols. Les
essais effectués confirment que l'absence de travail du sol n'entraîne quasiment aucune perte
de rendement malgré le taux de levée souvent réduit. Ces résultats confirment
l'impressionnant potentiel de compensation du blé sous semis direct dans la plus part des
régions agricoles marocaines. En effet, les rendements du blé sous semis direct sont
généralement supérieurs à ceux sous conditions de sols travaillés (Tableau 1).

De plus, la couverture végétale sous semis direct crée un environnement dans lequel
les variations climatiques sont amorties, en termes de température et d'humidité. En période
sèche, la couverture fait barrage à l'évaporation ; l'humidité résiduelle de la saison des pluies
est maintenue. Lorsqu'il pleut en abondance, elle évite le ruissellement, favorisant le drainage
de l'eau. Cet effet tampon permet de maintenir la production à un bon niveau d'une année à
l'autre. Ceci explique les performances du blé sous semis direct en conditions diversifiées de
systèmes de cultures, de sols et de pluviométries (Tableau 1).

La réduction du travail du sol s'avère souvent délicate à mettre en œuvre pour


l’agriculteur qui doit revoir l'ensemble de la conduite de son système de culture pour prendre
en compte l’impact des modifications du fonctionnement de l’agro-système. Cette technique
peut induire une diminution des rendements durant les premières années, si toutes les
conditions ne sont pas réunies. En particulier, l’augmentation de la biodiversité se traduit par
une augmentation de la pression des bio-agresseurs, notamment des adventices qui ne sont
plus enfouies par le labour. Ces multiples raisons en freinent la diffusion. Le désherbage
chimique peut masquer les problèmes de salissement et par conséquent il doit être associé à
une gestion appropriée de la rotation. Ainsi, sous semis direct, la gestion intégrée des
mauvaises herbes est primordiale pour la durabilité du système et son acceptabilité par les
agriculteurs et les décideurs. En revanche, le semis direct ne demande pas de mesures
spécifiques contre les maladies et ravageurs.

Pour réussir la conduite du semis direct, il est essentiel de disposer de semoirs adaptés.
Le semis est réalisé à l’aide d’un semoir spécial qui peut semer et déposer les engrais dans un
sol non perturbé et couvert de résidus de récolte (Figure 1). Une utilisation inappropriée ou
inadéquate du semoir peut entrainer des effets négatifs sur la culture et par conséquent sur sa
productivité. En effet, le choix du semoir semis direct est un paramètre critique qui exige une
adaptation selon la diversification des cultures et les types de sol. Le mauvais fonctionnement
ou la défaillance des semoirs sont des risques majeurs pour la réussite de l'implémentation de
l'AC.

Figure 1. Semoir pour semis direct marocain produit par INRA (encadré) et semoirs importés
du Brésil utilisés dans les programmes de démonstration chez les agriculteurs.
Tableau 1. Rendement du blé (Mg ha-1) sous semis direct et conventionnel dans plusieurs
régions agricoles du Maroc.

Région & Sol Rotation SDa SCb Années Références


pluie
moyenne
annuelle
Chaouia Calcimagnésique Blé Continu 2.47 2.36 4 Mrabet (2000a)
350 mm Vertisol Blé-Jachère 3.70 2.60 10 Bouzza (1990);
Vertisol Blé-Continu 1.90 1.40 10 Mrabet (2000b)
Calcimagnésique Différentes 2.21 1.90 9 Mrabet (2011)
rotations
Vertisol Blé-Pois chiche 1.87 0.76 3 Mrabet (2001)
Rendzine Blé-Pois Chiche 2.53 1.47 9 Mrabet (2010)
Sais Vertisol Différentes 2.55 2.49 4 Essahat A.
450 mm rotations (communication
Fersiallitiques Différentes 2.72 2.74 4 personnelle données
rotations non publiées)
Abda Vertisol Blé-Jachère 3.10 2.40 19 Mrabet (2008)
250 mm Vertisol Blé-Continu 1.60 1.60 19
Zaers Vertisol Blé-Lentilles 1.97 1.41 4 Moussadek R.
(550 mm) Isohumique Blé-Lentilles 2.99 2.72 4 (communication
Fersiallitiques Blé-Lentilles 2.71 2.49 4 personnelle données
non publiées)
Gharb Vertisol Blé-continu 2.80 2.26 3 Razine & Raguin
> 600 mm (2008)
a
= Semis direct sur tapis
b
= Travail du sol conventionnel

Les pertes de productivité peuvent provenir de sols compactés, ce qui n'a pas été le cas
de la concrétisation des systèmes de semis direct dans les sites de la région des Zaers et du
Gharb. En effet, selon le Tableau 1, malgré que ces sites présentent des formes de compaction
et de tassement, les rendements du blé sous semis direct avec litière sont supérieurs que ceux
réalisés sous conditions de travail du sol à base de charrue à disques et de stubble-plow et/ou
pulvérisateur à disques.
Dans la région des Zaers, une étude réalisée sur un Vertisol a révélé que le profil
d'impédance sous semis direct présente des zones de compaction (semelles de labour) aux
niveaux des horizons inférieurs. Par contre, le profil d'impédance sous système de travail du
sol conventionnel est plus uniforme et à des niveaux de résistances mécaniques à la
pénétration plus faible (Figures 2 et 6). Toutefois, cet état mécanique du sol n'a pas affecté les
rendements des cultures sous semis direct comme le montre le tableau 1 et figure 6.
Résistance Mécanique à la Pénétration
(MPa)
0, 0, 1, 1, 2, 2, 3, 3,
00 5 0 5 0 5 0 5

C
5 T
A
C

1
0

1
5

2
0

2
5 Profondeur
(cm)
3
0

Figure 2. Profils d'impédance d'un Vertisol soumis aux systèmes de semis direct (AC) et de
travail du sol conventionnel (CT) (Merchouch, Zaers) (Mrabet, 2008).

D’une manière générale, les pratiques agricoles basées sur les principes de
l’agriculture de conservation contribuent à lutter contre la sécheresse, puisqu’elles visent deux
grands objectifs : améliorer le stockage de l’eau dans les sols, et réunir les conditions
édaphiques d’une bonne croissance des plantes. Des cultures en « bonne santé » résistent
mieux au stress hydrique. Mais le potentiel biologique de celles-ci n’en est pas modifié, et
c’est bien là l’objectif de l’amélioration génétique sous semis direct (Ramdani et al., 2010).
Le pâturage et l’exportation des résidus de récolte et des chaumes sont considérés
comme des limitations à l’adoption du semis direct par les agriculteurs marocains. Les
résultats ont conclu qu’il est possible d’exporter jusqu’à 4 tonnes de biomasse de
l’exploitation sans pour autant affecter le rendement du blé. En d’autres termes, le sol peut
n'être couvert qu’à 70% ou 2 Mg ha-1 sans affecter la productivité de la culture. Parmi les
options conçues pour adapter le semis direct au contexte d’agriculture mixte (culture –
élevage), on peut citer:
• L’inclusion d’une sole fourragère dans les rotations;
• L’exportation partielle de la biomasse ou le pâturage contrôlé sur chaume ;
• La diversification des cultures sous semis direct (cultures de rente).

2. Stockage de la matière organique et fertilité chimique des sols

Le carbone est au cœur des débats internationaux, parce qu’il renvoie à deux enjeux
principaux, l’un de nature globale, le changement climatique et l’autre de portée locale, la
fertilité des sols.
Le critère le plus important de la dégradation du sol est la perte de la matière
organique du sol. L'agriculture marocaine basée sur le labour et l’exportation de la biomasse,
conduite généralement sans apport d'amendements organiques, a entraîné un abaissement
général du contenu en matière organique des sols en liaison avec une minéralisation du
carbone ainsi que la production de gaz carbonique (Figure 3). Les sols ont atteint des teneurs
très basses en matières organiques (entre 0.5 et 2%) et les conséquences s'en font sentir, d'une
part, sur l'agrégation, la stabilité de la structure et la sensibilité à l'érosion et, d'autre part, sur
la biodiversité et la vie biologique (Lal, 2002 ; Mrabet et al., 2001a). En d’autres termes, la
dégradation des sols cultivés est principalement due à l’absence de gestion de leur fertilité.
L'amélioration de la gestion de la fertilité du sol doit être une part importante de la politique
de développement du pays. Le défi principal doit, donc, de renverser l’appauvrissement des
sols en matières organiques (Tableau 2) et augmenter leurs stocks nutritifs et leurs états
physiques par des initiatives de recapitalisation. Il faut donc plaider pour une nouvelle
agriculture durable fondée sur la réduction des manipulations mécaniques du sol et la
protection par des couvertures végétales : les systèmes de semis direct. Ces derniers systèmes
permettent une réduction conséquente des taux d’émission du gaz carbonique par rapport aux
systèmes basés sur les labours et la préparation des lits de semences (Figure 3) et une
augmentation des taux de matières organiques dans le sol, surtout en surface.

Tableau 2. Effets des systèmes de travail du sol sur les niveaux de matières organiques du sol
dans différentes régions agricoles du Maroc.

Région Type de sol Horison Années SD SC References


(cm)
Zaers Vertisol 0-7 4 2.05 1.47 Moussadek et al.
(2011a)
Chaouia Calcimagnésique 0-2.5 5 1.73 1.66 Bessam & Mrabet
(2001)
Calcimagnésique 0-2.5 11 2.89 2.35 Mrabet et al. (2001a)

Le zéro-labour est l'une des techniques utilisées dans l'agriculture de conservation, qui
vise à renforcer et à maintenir la production agricole en préservant et en améliorant les
ressources en sols et en eaux ainsi que les ressources biologiques. En substance, cette
technique permet aux micro-organismes et à la faune d'assurer le travail du sol et l'équilibre
des éléments nutritifs - un processus naturel perturbé par le labour mécanique. Mrabet et al.
(2001a) ont trouvé que le semis direct séquestre 13.6% de carbone après 11 ans de son
adoption dans un sol argileux.

Afin d’assurer les rendements, il est recommandé d’augmenter légèrement les apports
d'azote durant la phase de transition. En effet, Bessam et Mrabet (2001) ont trouvé que le taux
de matière organique évolue de façon remarquable sous semis direct en fonction du temps,
alors que sous travail classique, le sol garde sensiblement les mêmes taux (Tableau 2). Cette
part de la fertilité gratuite construite en semis direct permet d'augmenter la productivité des
cultures avec moins d'engrais minéral et d'accroître le potentiel du sol. En effet, Mrabet et al.
(2001b) ont trouvé que les niveaux de phosphore, d'azote et de potassium s’améliorent en
semis direct par rapport au travail du sol conventionnel (Tableau 3). Selon Mrabet et al.
(2008), à l'exception d'une réduction du niveau du magnésium dans les conditions de semis
direct, les autres bases échangeables (Ca, K et Na) et la CEC n'ont pas été affectées par le
système de travail du sol après 15 ans d'expérimentation sur un sol calcimagnésique de la
Chaouia.
Tableau 3. Effets du système de travail du sol sur le niveau de phosphore, potassium et
d’azote dans les horizons de surface d’un sol calcimagnésique caractéristique du semi-aride
Marocain (Mrabet et al., 2001b).
Profondeur des Non-labour Labour Moyenne
horizons (mm) conventionnel
Azote Total (g kg-1)
0 – 25 1.84 1.33 1.59
25 – 70 1.49 1.34 1.41
70 - 200 1.20 1.20 1.20
P assimilable (mg kg-1)
0 – 25 29.9 18.0 23.9
25 – 70 19.3 16.5 17.9
70 - 200 8.7 10.9 9.8
K échangeable (mg kg-1)
0 – 25 476 284 380
25 – 70 292 257 274
70 - 200 149 178 163

Figure 3. Effet des systèmes de travail du sol sur l’émission du gaz carbonique en fonction du
temps (Moussadek et al., 2011b).

3. Contrôle de l'érosion et agrégation du sol

Notons que dans plusieurs pays (Etats Unis d'Amérique, Brésil, Australie), la lutte
contre les phénomènes d’érosion et de ruissellement est une des principales raisons de
promotion du semis direct. Les pratiques limitant l’érodibilité sont celles qui assurent à
l’horizon de surface un taux de carbone élevé et par conséquent une agrégation stable :
systèmes de non-labour et apports de matières organiques.

Les techniques mécanisées de travail du sol modifient les propriétés physiques du sol
en provoquant une réduction du degré de cohésion des agrégats. La déformation de l’agrégat
engendre le tassement, la compaction, la réduction de l’infiltration et permet par conséquent
une structure instable qui mène au développement d’une croûte de battance en surface
vulnérable à l’érosion. Le travail du sol intensif affaiblit donc la structure et détruit la
cohésion des agrégats. Cependant, au semis direct est souvent associé un état physique qui ne
pénalise pas les cultures et qui est efficace à réduire le développement des croûtes de battance
et du compactage.

Il est donc essentiel d'interrompre les facteurs de dégradation pour permettre au milieu
de retrouver naturellement la flore et la faune primitives et plus tard les propriétés physiques,
chimiques et biologiques des sols originaux (Aronson et al., 1993; Roose, 1993). L’état
physique favorable sous semis direct avec litière est lié à l’évolution de la structure du sol
(augmentation des agrégats hydrostables, de la porosité biologique, et de la conductivité
hydraulique à saturation). Le semis direct agit sur l'agrégation du sol à travers son action sur
les agents d'agrégation : la matière organique, les microorganismes, l'aération, la circulation
de l'eau, les réactions physico-chimiques, etc…. (Tableau 4).

Tableau 4. Effets du système de travail du sol sur l'agrégation du sol dans deux régions
agricoles marocaines.

Région Type de sol Horizon Années SD SC References


(cm)
Zaers Vertisol 4 0.97a 0.65 Moussadek et al.
(2011a)
Chaouia Calcimagnésique 0-2.5 4 65b 48 Lahlou & Mrabet
(2001)
Calcimagnésique 0-2.5 11 3.78c 3.21 Mrabet et al. (2001a)
a
= Mean weight diameter of aggregates (mm) according to Le Bissonnais (1996).
b
= Hydrostabilité des agrégats (en %: agrégats de 1-2 mm) according to Kemper and Rosenau (1986)
c
= Mean weight diameter of aggregates (mm) according to Youker and McGuinness (1956).

On peut remarquer au tableau 5, que pour le système de travail du sol à base de chisel,
le volume ruisselé et la détachabilité sont très proches de ceux obtenus dans le cas de
l'itinéraire technique à base de charrue à disques. La parcelle en semis direct par contre,
permet une diminution du ruissellement de 30 à 50% et surtout une protection contre les
pertes en terre, puisque la détachabilité diminue de 50 à 70% par rapport à la charrue à
disques. Ces résultats sont confirmés par Moussadek et al. (2011a) (Figure 4). Ces auteurs ont
trouvé que les résidus de couverture sous semis direct permettent des réductions importantes
des pertes d’eau par rapport à un système de travail du sol sur pente de 5% dans une zone
semi-aride (Région des Zaers).

Tableau 5. Pourcentage du volume ruisselé et de la détachabilité d'un sol isohumique sous


systèmes de semis direct et du "chiseling" par rapport à un système de travail du sol à base de
charrue à disques sur le site de Ras Jerri (région du Meknès, Maroc) (Dimanche, 1997).

Système de travail θv = 25% θv = 30%


du sol Intensité de pluie 50 80 50 80
(mm/h)
Charrue à disques Qr and De (%) 100 100 100 100
Chisel Qr (%) 103 96.3 102.4 93.8
De (%) 93.5 85.4 93.6 92.7
Semis direct Qr (%) 52.9 66.2 49.2 69.7
De (%) 28.9 38.9 30.0 49.4
θv = Humidité volumétrique du sol, Qr = Quantité ruisselée, De = Détachabilité.
Figure 4. Lames ruisselées cumulées en fonction du temps sous deux intensités de pluies
simulées sur sol en pente de 5% (Moussadek et al., 2011a).

4. Economie du semis direct: de plus en plus d'agriculteurs abandonnent leurs charrues

Le semis direct n'est sans doute pas la panacée, mais il représente un espoir sérieux
pour beaucoup d'agriculteurs et pour l'agriculture marocaine en général. Les avantages du
changement au semis direct font plus que compenser le supplément de coût de la protection
des cultures (i.e. herbicides). Ces avantages sont: une augmentation de la surface exploitée,
une suppression des coûts des labours et des façons superficielles, et une économie du temps,
du carburant, de la main d’œuvre et des charges d’équipements.

Les systèmes en semis direct, consomment beaucoup moins de main d’œuvre que les
systèmes avec labour. En d’autres termes, le semis direct offre donc une très forte économie
de main d’œuvre par rapport au labour, justement sur les opérations les plus pénibles du
calendrier cultural, à savoir, les travaux du sol. Ainsi, les coûts de production sont
systématiquement plus faibles avec semis direct, grâce à la très forte réduction de main
d’œuvre. Ces économies compensent normalement le coût supplémentaire des méthodes de
conservation (application d'herbicides et matériel de semis direct).
Dans la plupart des situations, le semis direct réduit les temps de travaux et leur
pénibilité et entraîne une nouvelle répartition du travail au cours du temps qui écrête les
pointes de travail. D’autres retombées positives découlent de l’économie du temps,
notamment la possibilité de choix d’une humidité optimale et donc meilleure qualité du lit de
semences et coût de production plus faible. Ces avantages économiques augmentent avec la
durée d’adoption du semis direct (de la phase d’initiation à la phase de maturité du système).
Conclusions : Lever les barrières de dissipation et de généralisation des systèmes de
semis direct au Maroc

Malgré les progrès réalisés en agriculture marocaine, on prend conscience – de façon


latente mais grandissante – que les tendances actuelles du développement agricole et rural ne
sont pas durables. La pratique séculaire de retourner la terre avant de planter une nouvelle
culture est une des principales causes de la dégradation des terres agricoles au Maroc, en
Afrique du Nord et dans le monde. En d'autres termes, les tentatives de transfert d'outils
modernes de travail du sol de l'Europe vers le Maroc ont connu plus d'échecs que de succès et
n'ont pas été satisfaisante pour créer un environnement propice à la révolution agricole.

Le labour est progressivement remis en cause dans différents contextes et situations,


au Nord et au Sud, essentiellement pour des raisons d’ordre économique et environnemental.
Il y a une expansion rapide des superficies en semis direct, passant de 45 millions d'hectares
en 1999 à 117 millions d'hectares en 2010, ce qui représente 8 pour cent des superficies
agricoles mondiales. Les répercussions environnementales et économiques sont jugées
favorables en condition d'AC dans la plus part des situations et régions du Monde (Derpsch &
Friedrich, 2010).

Au Maroc, bien que des efforts très visibles aient été faits au cours des trois dernières
années en matière de semis direct, les institutions publiques devront tout mettre en œuvre pour
accélérer la pénétration de ces pratiques. L'adoption des systèmes de semis direct au Maroc
peut être retardée par un contexte défavorable: manque d'associations d'agriculteurs,
compétition avec le bétail dans l'utilisation des résidus de récolte; accès réduit aux intrants de
qualité et aux équipements; manque de connaissance; appui insuffisant de la part des
institutions en raison d'un manque de connaissances sur le semis direct ; droits et pratiques
agraires usuels; droits d'utilisation de la terre peu durables; politiques inopportunes qui
favorisent les pratiques conventionnelles, politiques trop pro-urbaines; infrastructures rurales
inadéquates et manque d'accès aux marchés.

En plus des conditions climatiques, les modalités de mise en œuvre des systèmes de
semis direct et les conditions de leur adoption en milieu agricole dépendent du contexte socio-
économique où ils s’appliquent. En effet, les conditions socio-économiques constituent bien
souvent un frein à leur adoption par les agriculteurs. Il est nécessaire de réaliser une analyse à
l’échelle des unités de production en considérant en simultanée les avantages agronomiques
visés, la possibilité d’intégration du semis direct au sein des systèmes d’exploitation
(équipement, main d’œuvre, intrants, élevage) et la faisabilité économique. Le système de
semis direct a été essayé en conditions de pente et les résultats préliminaires montrent une
nette supériorité de rendement par rapport au labour à l'araire (Figure 5).

Certaines contraintes à l’adoption des systèmes de semis direct se situent également au


niveau du fonctionnement des systèmes agraires (gestion du foncier, relations agriculture-
élevage, pâturage). Toutefois, les résultats dans plusieurs sites on montré que le semis direct
est techniquement transférable. La compréhension de ces différentes contraintes de processus
d’innovation qui vont bien au-delà d’une simple dichotomie « labour-non-labour » est sans
doute un enjeu essentiel pour permettre à l’agriculture marocaine de répondre aux enjeux
actuels et à venir (Tableau 6). En effet, l’objectif principal de la nouvelle politique agricole
marocaine, dite Plan Maroc Vert, est d’instaurer une agriculture à haute valeur ajoutée,
productive et respectueuse de l’environnement, qui peut être largement satisfait à travers une
transition réfléchie vers AC ou AEI.
Tableau 6. Les défis et les forces des systèmes de semis direct.

Forces Défis
• Erosion et conservation des sols.  • Pénétration  difficile  dans  le  tissu 
• Conservation de l'eau.  social agricole. 
• Amélioration de la qualité des sols.   • Investissement en équipement. 
• Réduction  des  couts  énergétiques  • Dépendance  (utilisation  accrue) 
et de main d'œuvre.  vis‐à‐vis des herbicides. 
• Gouvernance environnementale.  • Changements  importants  dans  les 
• Agriculture  durable  et  infestations  des  mauvaises  herbes 
développement.  et maladies. 
• Séquestration du carbone.  • Exigences  élevées  en  fertilisation 
• Atténuation  des  changements  azotée. 
climatiques.

Figure 5. Prototype de semoir semis direct utilisé dans les zones de montagne au Maroc (Rif
et Moyen atlas)

Références
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Figure 6. Blé sous semis direct avec litière dans la région des Zaers à différents stades.
T h è m e 4

R ô le s d e s a r b re s
d a n s la G C E S
e n fo n c tio n d u b ila n h y d riq u e ré g io n a l

L e s a r b r e s is o lé s d a n s le s c h a m p s c u ltiv é s , s u ite à u n d é fr ic h e m e n t s é le c tif o u à d e s


p la n ta tio n s fo r e s tiè r e s p r o tè g e n t à la fo is la d y n a m iq u e d e s e a u x d e s u rfa c e e t la fe rtilité d e
l’h o r iz o n h u m ifè r e p a r l’a p p o r t r é g u lie r d e litiè r e s d e fe u ille s e t d e r a m e a u x . P a r c o n tr e , m ê m e
u n e d e n s ité d e 2 0 0 a r b r e s p la n té s p a r h e c ta r e n e s u ffit p a s p o u r m a itr is e r l’é r o s io n e n n a p p e s u r
le s fo r te s p e n te s . E lle p e u t n é a n m o in s r é d u ir e le s r is q u e s d e g lis s e m e n t d e te r r a in lo r s d e s
p lu ie s s u r a b o n d a n te s .

P o u r o b te n ir à la fo is u n e b o n n e in filtr a tio n , l’a c c u m u la tio n lo c a le d e la fe r tilité e t d e s


m a tiè r e s o r g a n iq u e s e t la p r o te c tio n d u s o l, il fa u t o r g a n is e r d e s h a ie s v iv e s d ’a r b u s te s e t
d ’a r b r e s fr u itie r s à r a c in e s p r o fo n d e s q u i lim ite n t le s r is q u e s d e g lis s e m e n t d e te r r a in s tr è s
p e n tu s , p r o d u is e n t b e a u c o u p d e b io m a s s e e t r e m o n te n t d e s é lé m e n ts n u tr itifs d e s p r o fo n d e u r s
d u s o l.

D a n s la n a tu r e o u d a n s le s ja c h è r e s d e lé g u m in e u s e s a r b u s tiv e s , le s litiè r e s s o n t a s s e z
é p a is s e s p o u r p r o té g e r le s o l d e la b a tta n c e d e s g o u tte s d e p lu ie s , m a in te n ir u n e b o n n e
s tr u c tu r e e t u n e fo rte a c tiv ité b io lo g iq u e , u n e in filtr a tio n s a tis fa is a n te e t lim ite r l’é r o s io n .
P a r c o n tr e la p r é s e n c e d e s a r b r e s à r a c in e s p r o fo n d e s p e u t a u g m e n te r l’é v a p o tr a n s p ir a tio n
r é e lle e t a s s é c h e r le s n a p p e s p r o fo n d e s .

E n fin le s a r b r e s p r o d u is e n t to u te s s o r te s d e b ie n s te ls q u e d e s m é d ic a m e n ts , d e s fr u its
c o m e s tib le s , d e l’é n e r g ie (b o is d e fe u o u fr u its é n e r g é tiq u e s c o m m e c e lu i d u J a tr o p h a ).
S a tr a n s fo r m a tio n e n c h a r b o n d e b o is p e u t a m é lio r e r le s p r o p r ié té s d e s to c k a g e d e s n u tr im e n ts
d a n s le s h o r iz o n s d e s s o ls s a b le u x .
Influence de l’agroforesterie sur l’érosion hydrique
et la restauration de la productivité des sols ferrallitiques acides
du Rwanda

Dieter KÖNIG
Département de Géographie, IfIN, Universität Koblenz
Universitätsstraße 1, D-56070 Koblenz, R.F.A. e-mail : dkoenig@uni-koblenz.de
Résumé
Depuis 1985, différents systèmes agroforestiers ont été testés sur l’érosion et l’amélioration de la
productivité des sols sur le Plateau Central Rwandais. Les études ont été menées sur un sol ferrallitique
fortement dégradé, très acide (pH < 4) et pauvre en éléments nutritifs. Les conditions agro-écologiques peuvent
être caractérisées par une altitude de 1.700 m, une précipitation annuelle moyenne de 1.280 mm (régime
bimodal) et une température annuelle moyenne de 20°C. Les parcelles ont été cultivées selon les méthodes de
l’agriculture écologique agroforestière. Ses éléments principaux sont: l’intégration des arbres et des haies dans
les parcelles de cultures, la mise en place de cultures associées, la substitution de la jachère par l’emploi
d’engrais verts, l’intégration de l’élevage dans le système de culture, le recyclage de la biomasse dans un cycle
presque fermé et l’intégration des mesures pour la conservation des eaux et des sols.
Malgré une érosivité des pluies relativement faible (facteur R d’après WISCHMEIER et SMITH
autour de 350) on a constaté une érosion énorme sur les parcelles non protégées (468 t/ha/an sur sol nu (avec
un ruissellement autour de 15 % des précipitations annuelles) et 245 t/ha/an sous manioc (ruissellement environ
9 %) sur une pente de 28 %. Sous ces conditions, l’intégration des arbres et surtout des haies de Calliandra
calothyrsus, plantées en lignes isohypses, permettent une réduction de l’érosion et des pertes en matière
organique et en éléments nutritifs, à un niveau «tolérable» (1-3 % des valeurs initiales). Par l’intégration des
arbres et des arbustes dans le système de production agricole, l’agroforesterie permet une haute production en
biomasse même sur des sites dégradés. Des relevés dendrométriques qui ont été fait pour 32 différentes
espèces d’arbres plantées en novembre 1985 montrent que les meilleurs résultats ont été obtenus avec les
arbres autochtones Maesopsis eminii et Polyscias fulva. Si les arbres exotiques (p. ex. Grevillea robusta, Cedrela
serrata) montrent une bonne croissance initiale, les espèces autochtones sont, à la longue, plus productives et
concurrencent moins les cultures vivrières. L’agriculture agroforestière contribue non seulement à la sauvegarde
de la fertilité des sols, mais aussi a son approvisionnement en azote et en matière organique. Néanmoins, les
méthodes biologiques seules ne sont pas capables d'améliorer la fertilité du sol sur des sites déjà fortement
dégradés. Pour rétablir la fertilité de ces sols, un apport supplémentaire en éléments nutritifs qui ont été emportés
par l’érosion et par exportation des cultures pendant des décennies est inévitable. L’article présente les effets
positifs d’une application des cendres volcaniques et du travertin sur le rendement des cultures vivrières dans
des systèmes agroforestiers.

Mots clés : Agroforesterie, Conservation des sols, Amélioration de la fertilité des sols, Agriculture
écologique, Rwanda

Abstract
In densely populated areas in Rwanda, soil erosion and degradation are severe threats to agriculture. In
this situation, agroforestry can help to achieve a sustainable agricultural production (“ecofarming”).
Agroforestry systems also play an important role in climate change mitigation by storing important
quantities of carbon (10-20 t C/ha, which is equivalent to 35 to 70 t CO2/ha). Based on measurements of
runoff and soil losses, of biomass production and nutrient fluxes, the author resumes more than twenty
years of research experience from Projet Agricole et Social Interuniversitaire (PASI) at Butare, Rwanda
(1700 m a.s.l., mean annual rainfall: 1280 mm, mean temperature: 20° C) on a severely degraded
ferralitic soil (pH 4).

Keywords: Rwanda, Agroforestry, sustainable land use, soil conservation, alley cropping, ecofarming
1. Introduction
L’article donne un aperçu des études menées au sein d’un système
agroforestier au Rwanda depuis 1985. Les expériences ont été faites à Butare au
Sud du Plateau Central Rwandais sur un sol ferrallitique fortement dégradé, qui est
très acide (pH 3,8 à 4) et pauvre en éléments nutritifs. Les conditions agro-
écologiques peuvent être caractérisées par une altitude de 1700 m, une précipitation
annuelle moyenne de 1280mm en dix mois (régime bimodal) et une température
annuelle moyenne de 20°C.
Les parcelles sont cultivées selon les méthodes de l’agriculture écologique
agroforestière qui essaie de lutter, par une approche intégrale du problème, contre
l’érosion des sols et contre la dégradation de sa fertilité. Elle a pour but la
régénération et la stabilisation de la fertilité du sol dans un système de production
bien adapté aux conditions écologiques et humaines de la région. Ses méthodes se
ramènent à des expériences paysannes autochtones dans des régions d’Afrique
densément peuplées, ses éléments principaux sont: l’intégration des arbres et des
haies dans les parcelles de cultures, la mise en place de cultures associées, la
substitution de la jachère par l’emploi d’engrais verts, l’intégration de l’élevage dans
le système de culture, le recyclage de la biomasse dans un cycle fermé et
l’intégration des mesures pour la conservation des sols (KÖNIG, 1992).

2. Résultats
2.1. Érosion et conservation des sols
Malgré une érosivité des pluies relativement faible (facteur R d’après
WISCHMEIER et SMITH autour de 350), on a constaté une érosion énorme sur les
parcelles non protégées (plus de 400 t/ha/an sur sol nu et plus de 200 t/ha/an sous
manioc sur une pente de 28 %). Dans ces conditions, l’intégration des arbres et
surtout des haies de Calliandra calothyrsus, permet une réduction de l’érosion et des
pertes en matières organiques et en éléments nutritifs, à un niveau « tolérable » (1-3
% des valeurs initiales, voir fig. 1). Des résultats comparables (120 à 250 t/ha/an
sous cultures non protégées, 1 à 2 t/ha/an sur parcelles protégées par des haies
vives) ont été obtenus à Rubona, à une distance de 15 km de Butare (ROOSE,
NDAYIZIGIYE et SEKANYANGE, 1993 ; ROOSE et NDAYIZIGIYE 1996).
Les résultats sur l’érosion obtenus sur une parcelle agroforestière non-
protégée par des haies (voir fig. 1) montrent que la seule introduction des arbres et
des cultures associées ne suffit pas à réduire les pertes de terre à un niveau
acceptable (57 t/ha/an sous Grevillea). Seulement l’intégration des haies de
légumineuses fait de l’agroforesterie un système de production valable en vue de la
conservation du sol. Grâce au développement rapide de ces haies, l’érosion a été
réduite à moins de 12 tonnes par hectare et par an depuis la deuxième saison après
leur plantation et à moins de 3 t/ha/an depuis la cinquième année après la plantation,
c'est-à-dire à moins de 1,5% des pertes sur la parcelle témoin cultivée de façon
traditionnelle.
Les résultats les plus encourageants (une réduction durable de l’érosion à 0,2 % des
pertes mesurées sur la parcelle cultivée avec du manioc), ont été obtenus par la
méthode d’alley-cropping sur des microterrasses d’une largeur de 0,5 m et d’un
écartement de 5 m, plantées d’une ligne double de Calliandra calothyrsus.
Les lignes d’herbes, qui sont très efficaces pendant les deux premières
années, perdent leur efficacité (et leur productivité) après quelques années. Par
contre, les haies de Calliandra – une fois installées – sont toujours très efficaces,
même 20 ans après leur plantation.

Fig. 1 : Erosion moyenne annuelle mesurée sur parcelles d’expérimentation de 100 m2 de la


6ème à la 9ème année après l’installation des parcelles et du système agroforestier (PASI,
Butare 1991/92 à 1993/94)

2.2. Production de biomasse et séquestration du carbone


Par l’intégration des arbres et des arbustes dans le système de production
agricole, l’agroforesterie permet une haute production en biomasse même sur des
sites dégradés. Puisqu'il existe très peu d’expériences sur l’intégration d’autres
arbres que Grevillea robusta dans des systèmes agroforestiers, 32 espèces d’arbres
ont été plantées en novembre 1985. Des relevés dendrométriques qui ont été fait à
maintes reprises montrent que, à Butare, les meilleurs résultats ont été obtenus avec
les arbres autochtones Maesopsis eminii et Polyscias fulva (fig. 2). Pendant que les
arbres exotiques (p. ex. Grevillea, Cedrela) montrent une bonne croissance initiale,
les espèces autochtones sont – à la longue – plus productives et concurrencent
moins les cultures vivrières.
La production élevée des arbres garantit une séquestration du carbon
importante. La transformation d’une parcelle agricole en système agroforestier
permet une séquestration durable de l’ordre de 10 à 20 tonnes de carbone par
hectare (ce qui correspond à 35 à 70 t de CO2/ha). Dans cette estimation l’auteur ne
considère pas encore les changements probables des teneurs en matière organique
dans le sol et l’effet sur le bilan du carbone causé par la production du bois de
chauffage sur place qui diminue fortement la dégradation des forêts avoisinantes.
En ce qui concerne l’intégration des arbustes, les meilleurs résultats ont été
obtenus avec des haies de Calliandra calothyrsus plantées à un écartement de 0.5x5
m. Cela permet de produire jusqu'à 24 tonnes de biomasse par hectare et par an,
dont 15 tonnes de feuilles, qui donnent un fourrage excellent. Les feuilles produites
dans une haie de Calliandra (2000 m par hectare) coupée trois fois par an
contiennent jusqu'à 105 kg de N, 47 kg de P205 et 26 kg de K2O. La production de
Leucaena leucocephala est inférieure à celle de Calliandra, qui est mieux adaptée
aux sols acides et aux hautes altitudes. Ces remontées minérales biologiques sont
du même ordre que celles observées par Roose et Ndayizigiye à Rubona (1996).

Fig. 2: Diamètre moyen et hauteur moyenne des arbres de 10 ans sur le terrain
d’expérimentation du PASI ; le choix se limite aux espèces à forte présence
Malgré leur forte croissance initiale, les herbes produisent beaucoup moins de
biomasse que les arbustes. Cinq ans après leur plantation, les lignes d’herbes anti-
érosives (avec Pennisetum purpureum ou Setaria splendida) ont été fortement
dégradées ou ont disparues, tandis que les haies arbustives restent très productives.
L’association « arbres + herbes » dans des « lignes antiérosives » est à
déconseiller. Les effets de concurrence entre les herbes et les cultures vivrières et
les arbres sont importants, surtout quand ces lignes d’herbes sont composées des
espèces à croissance rapide comme Pennisetum purpureum ou Tripsacum
fasciculatum. Il en résulte une croissance tardive des arbres et une forte diminution
de leur production en biomasse. Même après la baisse de productivité des lignes
d’herbes et la disparition de la majeure partie des rhizomes d’herbacées, la
croissance des arbres continue à souffrir du manque d’éléments nutritifs. Ce résultat
souligne l’importance d’études à long terme. L’intégration de lignes d’herbes dans les
systèmes agro forestiers est souvent conseillée et justifiée en raison de la production
de biomasse supérieure et son effet antiérosif. La baisse de la productivité et de
l’effet conservatoire reste souvent méconnue, la période d’observation des travaux
de recherche étant souvent limitée à moins de trois ans.

2.3. Amélioration de la fertilité des sols


L’agriculture écologique agroforestière permet une production durable; elle garantit
la sauvegarde de la fertilité du sol à long terme. Les arbres et les haies de légumineuses
contribuent au recyclage des éléments nutritifs et à l’approvisionnement du système en
carbone et azote. Par le compostage, la haute production en biomasse du système
agroforestier peut être valorisée pour améliorer la production végétale.
Par contre, les méthodes « biologiques » seules ne peuvent pas rétablir la fertilité
d’un site déjà dégradé : un apport minéral supplémentaire (P et souvent Ca, Mg et oligo-
éléments) semble nécessaire. Ce résultat a été confirmé par les expériences de Ndayizigiye
à Rubona (ROOSE, NDAYIZIGIYE et SEKANYANGE, 1993). La valorisation de la biomasse
produite dans des systèmes agroforestiers est difficile. Selon nos expériences, la technique
de l’engrais vert n'a pas la capacité de régénérer des sols dégradés. Malgré une production
de biomasse de 18 à 25 tonnes par hectare, un engrais vert installé sans fumure améliorante
(N et surtout Phosphore) reste souvent sans influence significative sur la croissance des
cultures qui suivent. La fixation d’azote des légumineuses est entravée par les carences en
éléments nutritifs (en particulier P) rencontrées dans le sol; la reprise trop lente des engrais
verts traditionnels a eu pour conséquence de fortes pertes de sol même en deuxième saison
culturale.
Une alternative beaucoup plus prometteuse aux engrais verts est le système d’alley-
cropping qui est un système de « jachère simultanée ». Une haie isohypse de Calliandra ou
de Leucaena - une fois installée sur 10 à 20 pour cent de la superficie totale de la parcelle -
peut produire presque autant de biomasse par ha et par an que des engrais verts qui
occupent toute la parcelle. Une haie arbustive de légumineuses n'est pas seulement plus
facile à entretenir, mais aussi beaucoup plus efficace en ce qui concerne la fixation d’azote
et le recyclage des éléments nutritifs. Néanmoins, une amélioration de la fertilité des sols
déjà fortement appauvris en éléments nutritifs ne peut pas être atteinte par des
méthodes biologiques seules : sur ces sols, une application des engrais minéraux
semble indispensable.

3. Conclusion
L’agriculture écologique agroforestière représente une stratégie efficace pour
la conservation des sols. L’intégration des arbres (spécialement des espèces
autochtones) et surtout l’intégration des haies de légumineuses dans des systèmes
de production vivriers permettent à la fois de sauvegarder la fertilité du sol et de
couvrir le besoin en bois d’une population croissante de la superficie agricole. En
plus, elle contribue à une réduction de la dégradation des sols hors de la surface
cultivée et à une séquestration du carbone importante au-dessus et dans le sol.
Néanmoins, une amélioration des sols déjà fortement dégradés et appauvris
en éléments nutritifs ne peut pas être atteinte sans fumure minérale complémentaire
(en particulier du phosphore). Vu les ressources très limitées du pays, la
conservation des sols une fois améliorée et surtout la sauvegarde de la fertilité des
sols toujours productifs par des méthodes biologiques est indispensable.
Bibliographie
KÖNIG, D., 1992. L'agriculture écologique agro-forestière - une stratégie intégrée de conservation des
sols au Rwanda. Bull. Réseau Erosion, IRD-Montpellier, 12 : 130-139.
ROOSE, E., F. NDAYIZIGIYE et L. SEKANYANGE, 1993. L’agroforesterie et la GCES au Rwanda.
Comment restaurer la productivité des terres acides dans une région tropicale de montagne à forte
densité de population ? Cahiers Orstom, Pédol., 28, 2 : 327-349.
ROOSE E., NDAYIZIGIYE F., 1996. Agroforestry and GCES in Rwanda. Soil Technology, 11, 1 : 109-
119.
Performances de certaines légumineuses arbustives :
station INERA de Kipopo, République Démocratique du Congo

Jean-Pierre Jos MULAMBA


INERA Kinshasa : apukumul@yahoo.fr

Résumé
Aux alentours de la ville de Lubumbashi, la végétation est une savane arbustive en
voie de disparition suite au système d’exploitation combinant la culture itinérante, la
coupe de bois de construction et les feux de brousse annuels. Pour faire face à la
diminution de la productivité des sols et aux besoins en bois des zones urbaines on a
eu recours à la plantation de ligneux à usages multiples. Au système traditionnel
(culture itinérante), on a comparé la culture en couloir de maïs entre des haies de
deux variétés de Leucaena (leucocephala et diversifolia) et une variété d’Acacia
angustissima. Compte tenu de son importance alimentaire dans la région, le maïs a
été retenu comme indicateur de la fertilité du sol. Les Leucaena ont produit en un an
3,21 t/ha/an à 3,96 t/ha/an de biomasse pendant que l’Acacia en produisait
10,04t/ha/an. La production de maïs dans le système en couloir atteint 4,78 t/ha au
lieu de 4,59 t/ha sur le témoin. On voit qu’en plus de l’engrais vert, ces légumineuses
permettent des rendements très honorables en maïs sur des sols ferrallitiques
pauvres.

Mots clés : RDC Congo, production de biomasse, Leucaena, Acacia, maïs

1. Introduction

La station de recherche de l’INERA à Kipopo, est située à 25 km de la ville de


Lubumbashi (11°34’S et 27°24’E, 1.600 m d’altitude). La moyenne annuelle des
pluies enregistrées oscille autour de 1.250 mm. Le climat est du type Cws selon la
classification de Köppen, les températures moyennes mensuelles atteignent 16 à 18°
pour les mois les plus froids, et de 20 à 23° pour les mois les plus chauds, avec une
période sèche de 7 mois allant d’avril à octobre.
Le soubassement géologique de la région d’Elisabethville (Lubumbashi) est
rattaché au Précambrien recouvrant les terrains du complexe de base. La région se
retrouve placée sur une nappe de minerais. Le système schisto-dolomitique débute
par l’étage de Roan suivi de la série des mines fortement minéralisées par des
dépôts de cuivre, cobalt, uranium et, lors de minéralisation ultérieure de cuivre, zinc,
plomb, argent, cadmium durant l’orogénie kundelunguinéenne. La série supérieure
dite de Mwashya clôture l’ère précambrienne. Sur la carte des terrains superficiels de
la région on peut distinguer trois grands types de sols : les sols zonaux, les sols intra
zonaux et les sols azonaux. Le sol de la station de Kipopo se retrouve dans la série
des sols zonaux (Sys et Schmitz, 1959).
La végétation est une savane arbustive en voie de disparition suite à la
pression démographique et autres actions anthropiques tels que la culture itinérante,
la coupe de bois de feu et les feux de brousse (Sys et Schmitz, 1959). La
productivité des sols diminuant autours des villes et le prix des engrais étant hors de
portée des petits paysans, il est alors nécessaire de mettre en œuvre des mesures
biologiques pour rétablir et maintenir la productivité des sols. L’agroforesterie peut
jouer un rôle important, car l’intégration des ligneux dans les systèmes agricoles
permet de conserver la structure et la fertilité du sol, et de procurer une gamme de
produits ligneux et non ligneux tels que des fourrages en saison sèche, le bois de
feu, et le bois de service (L’agroforesterie aujourd’hui, janvier – mars 1989).
Les résultats obtenus dans d’autres environnements des pays tropicaux ont révélé
que la biomasse produite par les arbustes fixateurs d’azote peut être utilisée pour
améliorer le rendement des cultures par rapport au système traditionnel et pour la
restauration de la fertilité des sols (Kang et Reynolds, 1989 ; Roose, Ndayizigiye,
Sekayange, 1993 ; Koenig, 2006).

Cette étude présente les résultats d’un essai de culture en couloir localisé
entre les rangs de légumineuses arbustives, 12 mois après la plantation.

2. Matériels et méthodes

Les légumineuses utilisées dans l'étude sont : Leucaena leucocephala var K8,
Leucaena diversifolia var K156 et Acacia angustissima Klutz. Les semences ont été
fournies par le "Programme national de Maïs", situé à Lubumbashi.
Les graines des arbustes ont subi un prétraitement avant le semis, dans de l'eau
chaude pendant une minute. Le lit de semis était constitué de sols forestiers bien
tamisés dans des sachets en polyéthylène bien remplis. La germination est évaluée
pour les lots de semences à plus de 75%. La plantation a été faite 40 jours après la
germination. Chaque espèce arbustive a été plantée dans une allée composée de
deux haies de 8 m de long et 3,5 m entre les haies et de 0,5 m sur les haies. La
culture intercalaire est pratiquée dans toutes les parcelles conformément au
dispositif en place avec 16 parcelles dont 12 parcelles avec arbustes et 4 autres
sans arbustes. Le maïs est utilisé en association avec les arbustes et en monoculture
dans les autres parcelles. L’apport en engrais s’est fait avec de l’engrais composé
NPK (14-14-14) localisé au pied des plants 15 jours après le semis et de l’engrais
simple Urée au 30ème jour après le semis à l’ordre de 10g par pied, c’est une
fertilisation localisée. Ceci constitue un apport préliminaire sur toutes les parcelles
afin de ne pas perdre les frais engagés pour la main d’œuvre pour l’entretien du
dispositif. L'expérience a eu lieu en blocs complets randomisés avec 4 répétitions.
La croissance (diamètre et hauteur) des arbres et la production de biomasse ont été
évalués 12 mois après la plantation. Après la mesure de la hauteur et le diamètre à
50 cm du niveau du sol, les plantes ont été recepées et le poids de la biomasse
enregistré.

3. Résultats et discussions
Les résultats de la croissance et de la production de biomasse ligneuse (feuille et
rameaux) sont repris dans le tableau 1, et ceci 12 mois après la plantation. Les
différences entre les espèces sont élevées pour ce qui est de la biomasse, bien que
la croissance est statistiquement semblable pour les trois espèces, toutefois on note
une tendance d’amélioration de la croissance de Leucaena diversifolia avec un
diamètre de 2,3cm, comparé avec Leucaena leucocephala et Acacia angustissima
de 1,9cm et 2,2cm respectivement.
Le tableau n° 2 reprend la production du maïs dans les parcelles sous arbre et en
monoculture considérées comme témoin..
Tableau 1 : Moyenne des taux de croissance et poids de matière verte par
espèce 12 mois après la plantation

N° Espèces Diamètre Hauteur Biomasse Biomasse


(cm) (m) (kg)/parcelle t/ha
1 Leucaena 1,9 2,7 9,0 3,214
leucocephala
2 Leucaena 2,3 3,3 11,1 3,964
diversifolia
3 Acacia 2,2 3,6 28,1 10,035
angustissima
Moyenne 2,1 3,2 16,0
C.V. (%) 13,9 16,7 39,0 39%

On constate au tableau 1 que le diamètre et même la hauteur des arbustes varient


peu pour ces trois espèces. Par contre la production de biomasse est semblable
pour les Leucaena (9 et 11kg) mais nettement supérieure pour Acacia angustissima
(28kg), tel que confirmé par le test de Neuman – Keuls. Aucune maladie ni attaque
d’insecte n’a été observée pendant la période d’étude.

La recherche sur les cultures en couloir est relativement nouvelle à Kipopo,


comparativement à une longue expérience dans d’autres pays (Nigeria). Les
résultats de Kipopo peuvent être appliqués dans des aires de conditions écologiques
similaires, par exemple dans le Haut Katanga, en République Démocratique du
Congo. Dans le système agroforestier, il procure à la fois des productions et des
services : les plus importantes productions sont généralement le bois de feu, le
fourrage et les fruits. Pour ce qui est des services la première place revient sans
aucun doute à la conservation et la restauration des sols.

Les trois espèces présentent des différences et des potentialités


intéressantes. L’Acacia angustissima peut être utilisé dans la restauration des sols
pour sa grande production de la biomasse, il est également adapté aux sols acides
et infertiles, tolérant à la sécheresse, il conserve son feuillage vert au cours de la
longue saison sèche de la région (7 mois), et servira comme source de fourrage
pour cette période.

Le Leucaena leucocephala est apprécié principalement comme engrais vert,


fourrage et pour le contrôle de l’érosion. En association, l’Acacia angustissima et le
Leucaena diversifolia peuvent être utilisés comme une alternative à l’espèce
Leucaena leucocephala, car ils sont résistants à Leucaena psyllid (Heteropsyllid
cubana). Il reste à étudier le potentiel d’hybridation de Leucaena, par exemple
Leucaena palida et Leucaena diversifilia comme une alternative à l’espèce Leucaena
leucocephala très attaquée par l’insecte Heteropsylla cubana.
Tableau 2 : Poids du maïs sec à 12% d’humidité

REPETITION TRAITEMENT
A. a. L. d. L. l. S. a.
t/ha t/ha t/ha t/ha
I 4,821 5,436 2,100 4,543
II 5,007 5,443 4,486 8,927
III 5,579 6,136 5,179 3,475
IV 3,071 4,400 4,779 3,864

Légende : L. l. (Leucaena leucocephala), A. a. (Acacia angustissima),


L. d. (Leucaena diversifolia), S. a. (Sans arbuste)

Tableau 3 : Analyse de la Variance au seuil de 0,05

Source de variation d. l. Somme des Moyenne de somme des Test F Probalité F


carrés carrés
Bloc 3 8,377 2,792 2,26
Traitement 3 10,305 3,435 2,78 0,102
Résiduel 9 11,105 1,234
Total 15 29,788
Moyenne des Traitements
Traitement L. l. L. d. A. a. S. s.
6,041 4,841 4,465 3,839

Les rendements sont mesurés sur l’ensemble de la parcelle, y compris


l’espace situé sous les arbres. Pour les parcelles sous arbres, la superficie occupée
par le maïs est de 28 m², tandis que dans les parcelles sans arbres, la superficie
sous culture est de 56 m². Telle que reprise dans le tableau 2, la production de maïs
dans les deux cas n’a pas présenté de différence significative après analyse
statistique confirmée par le test F, avec un score de 4,78T/ha versus 4,59T/ha
respectivement.
Au regard de ce résultat statistique il y a lieu de constater que les meilleures
productions sont réalisées dans les parcelles pourvues d’arbres, on notera 6,041 et
4,841t/ha/an pour le Leucaena leucocephala et Leucaena diversifolia
respectivement, 4,465t/ha/an pour l’Acacia angustissima versus 3,839t/ha/an pour
les parcelles sans arbustes ; qui au départ n’était qu’une curiosité scientifique, révèle
les potentialités réelles que renfermeraient les ligneuses arbustives fixatrices d’azote
atmosphérique dans un système de cultures en couloirs. On ne sera pas loin
d’affirmer que ces résultats confirment une théorie selon laquelle les racines des
arbres puiseraient des éléments provenant de l’altération de minéraux contenus dans
les horizons B/C du sol et les introduiraient dans le système de recyclage par un
dépôt en surface sous forme de litière. Ces deux rendements démontrent qu’au-delà
de l’apport de l’engrais minéral substantiel dans les zones des cultures, le maïs
produit dans le couloir aurait subi une influence des arbustes à usage multiple
fixateurs d’azote atmosphérique, dans la mesure où cette composante dans les
systèmes d’association culture et arbuste peut accroître l’apport d’éléments
fertilisants provenant de l’atmosphère et des horizons B et C du sol
Conclusions

Les travaux de recherche de cultures en couloir doivent être soutenus : ils


montrent que c’est une solution de substitution pour les paysans, qui souvent se
trouvent confrontés aux problèmes pécuniaires pour l’achat de l’engrais minéral.
Au-delà de la fertilisation du champ avec l’engrais vert, le paysan a une valeur
ajoutée par la production de bois de service et de bois d’œuvre, de fourrage pour
l’alimentation du bétail pendant la période de soudure.
Les espèces arbustives fixatrices d’azote atmosphérique étudiées à la station
de recherche de Kipopo (Leucaena Leucocephala var K8, Leucaena diversifilia var
K156, et Acacia angustissima Klutz) sont prometteuses chacune prise isolement,
pour la croissance ou pour la production de biomasse. Les études seront poursuivies
pour déterminer les valeurs inter et intra spécifiques pour les espèces vivrières.

Références :
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tropics : proceedings of an international workshop held at Ibadan, Nigeria, 10-
14 march 1986. International Development Research Centre, Ottawa, Canada,
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2. Koenig D., 2006. De l’agroforesterie traditionnelle à l’agriculture écologique


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terres de l’Afrique de l’Est. In « Efficacité de la gestion de l’eau et de la fertilité
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Laouina, M. Sabir, eds. Scientifiques. AUF, IRD, ENFI, EAC, eds, Paris, 402 p

3. Roose E., Ndayizigiye F., Sekayange L., 1993. L’agroforesterie et la GCES


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région tropicale de montagne à forte densité de population.
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5. L’agroforesterie aujourd’hui janvier – mars 1989, volume 1, numéro 1, ISSN


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6. Gutteridge R.C. and H.M., Shelton, 1994. Forage tree legumes in tropical
agriculture, pp 389, CAB International, Wallingford, Oxon ox108DE, UK
Les avantages environnementaux et socio-économiques G¶XQ
reboisement de 8.000 hectares sur le Plateau des Batéké, Kinshasa,
République Démocratique du Congo
Nicolas SHUKU ONEM BA,M sc.
Courriel :nicolasshuku@gmail.com
Résumé
Ce mémoire reprend les avantages sur le plan environnemental et socio-pFRQRPLTXH G¶XQH
IRUrWSODQWpHJUkFHDXILQDQFHPHQWGHO¶8QLRQ(XURSpHQQHVXUOH3ODWHDXGHV%DWpNp.
&HSURMHWGRQWO¶REMHFWLISULQFLSDOpWDLWG¶DSSURYLVLRQQHUODville de Kinshasa en combustibles
ligneux de bonne qualité a eu des incidences positives VXUO¶HQYLURQQHPHQWHt sur la vie socio-
économique des villageois et citadins.
Sur le plan environnemental, la forêt artificielle ainsi réalisée par plantation, principalement à
base de Acacia auriculiformis et de quelques Eucalyptus sp.p. a influé positivement le micro-
FOLPDWGHODUpJLRQ(OOHDSHUPLVDXVVLG¶HQULFKLUOHPLOLHXVXUOHSODQGHODELRGLYHUVLWp, en
permettant le développement de nombreuses espèces végéWDOHVG¶RPEUDJHHWHQFRQVWLWXDQWXQ
refuge pour certaines espèces animales. La structure des sols a également été enrichie grâce à
O¶DSSRUWGHPDWLqUHRUJDQLTXHHWG¶D]RWHIL[pSDUODOpJXPLQHXVHSODQWpH
Sur le plan socio-économique, O¶accent est mis sur O¶LPSODQWDWLRQ GHV LQIUDVWUXFWXUHV
indispensables au développement socio-pFRQRPLTXH GH FHWWH UpJLRQ URXWH G¶DFFqV YLOODJH
etc..) et sur ODVpGHQWDULVDWLRQGHO¶DJULFXOWXUHHWGHVYLOODJHV

M ots clés : Congo RDC, combustibles-ligneux, environnement, plantation, sol,


reboisement , micro-climat.

Abstract

This paper takes the advantages from an environmental and socio-economic development of a
forest planted with funding from the European Union on the Bateke Plateau.
This project whose main objective was to supply the city of Kinshasa in good quality fuel-
wood has had a positive impact on the environment and the socio-economic life of the
villagers and townspeople.
On the environmental front, the artificial forest and carried out with the planting of trees of
mainly Acacia auriculiformis and few Eucalyptus sp.p. has positively influenced the micro-
climate of the region. She also helped to enrich the environment in terms of biodiversity by
enabling good development of many plant species shading and building a shelter for some
animal species. The soil structure has also been enriched by the contribution of organic matter
and nitrogen fixed by legume planted.
On the socio-economic emphasis is placed on the establishment of essential infrastructure for
socio-economic development of this region (access road, village, etc.), the settling of
agriculture and villages.

Keywords: Congo RDC, fuel-wood, environment, planting, soil, reforestation, micro-


climate.
1. I ntroduction
Cette étude présente OHV DYDQWDJHV TXH SHXW SURFXUHU XQH IRUrW SODQWpH SDU O¶KRPPH
dans le but de résoudre un ou plusieurs problèmes que rencontre une communauté humaine,
sur le plan environnemental et socio-pFRQRPLTXH &HV DYDQWDJHV VRQW WLUpV G¶XQ SURMHW GH
reboisePHQWUpDOLVpGDQVODYLOOHGH .LQVKDVD JUkFH DXILQDQFHPHQW GHO¶8QLRQ(XURSpHQQH
alors Communauté Économique Européenne (C.E.E) pour un montant de 12.000.000
G¶(&861.

1.1. Potentiel forestier de la République Démocratique du Congo


7URLVLqPH SD\V G¶ $IULTXH Sar son étendue2, la RDC couvre une superficie évaluée à 234,5
PLOOLRQVG¶KHFWDUHVGRQWPLOOLRQV GHODVXSHUILFLHWRWDOHGXSD\V VRQWRFFXSpHV
par des forêts denses et des forêts claires. La distribution naturelle de ces ressources est
fonction des conditions climatiques, avec par endroits des variantes édaphiques et des
PRGLILFDWLRQVOLpHVjODWRSRJUDSKLHHWjO¶DOWLWXGH

La superficie forestière de la RDC représente environ 10 % des forêts denses de la planète


(troisième rang) et 97 % des forêts africaines avec plus de 708 essences exploitables.

2. Projet de reboisement 8.000 hectares sur le Plateau des Batéké


2.1. Historique
La crise de l¶pQHUJLH GRPHVWLTXH D FRPPHQFpH GDQV OD YLOOH GH .LQVKDVD GDQV OHV DQQpHV
19803.
$YHF VHV  PLOOLRQV G¶KDELWants, la ville de Kinshasa avait, en 1987, un besoin calculé de
200.000 7DQ GH FKDUERQ GH ERLV HW O¶RQ SUpYR\DLW VHV EHVRLQV j HQYLURQ  T/an en
2002, YXO¶DFFURLVVHPHQWGHODSRSXODWLRQTXLpWDLWDORUVHVWLPpHjPLOOLRQVG¶KDELWDQWV
Pour satisfaire ses besoins en combustibles ligneux, la population avait déjà ravagé la majorité
des forêts galeries, ainsi que les quelques reliques de la forêt naturelle et ce, dans un rayon de
plus de 100 km de la Capitale. Cette déforestation avait été suivie par une culture itinérante
sur brûlis qui avait épuisé les sols en les laissant, après la mise en culture, à peu près
LPSURSUHVjO¶DJULFXOWXUH
Enfin, devant la pénurie en combustibles ligneux, le prix4 du bois de feu et surtout du charbon
de bois augmentait plus vite que celui des autres produits, tandis que la qualité de bois de feu
et/ou du charbon de bois utilisé était de moins en moins bonne.

2.2. Projet de reboisement 8.000 5hectares sur le Plateau des Batéké

Une étude de IDLVDELOLWpG¶XQSURMHWGHUHERLVement de 100.000 hectares pour approvisionner


la ville de Kinshasa en combustibles ligneux a été financé par le Fonds Européen de
Développement (FED), en 1987

1
CATEB(1997). Rapport annuel,
2
Franck Bisiaux et al (2009).Plantations industrielles et agroforestières au service des populations du
Plateau Batéké, Mampu,RDC. In revue Bois et forêt des Tropiques, n° 301(3), pp ;21-31.
5DSSRUWDQQXHOGHODFRPPLVVLRQQDWLRQDOHGHO¶pQHUJLH.
3

Nicolas Shuku Onemba(2000). « /¶pQHUJLH-bois » dans la commune de Lemba :


4

approvisionnement FRPPHUFLDOLVDWLRQHWFRQVRPPDWLRQLQUHYXH/H&DKLHUGHO¶,QVWLWXW6XSpULHXUGH
la Gombe. N°10, série A. Kinshasa. RDC, pp. 46- 58.
5
http://radiookapi.net/emissions-audio/2009/04/13/kinshasa-relance-des-activites-agroforestieres-au-
plateau-des-bateke/,consulté le 15 mars 2010
Suite à cette pré-étude, le Fonds Européen de Développement a décidé de financer,
G¶DERUG XQH première tranche-pilote de 8.000 hectares de plantation. Ainsi, fin 1987, des
études de sol et de coût de boisement ont pWpUpDOLVpSDUOHEXUHDXG¶pWXGHV=DwUH7UDGLQJDQG
(QJLQHHULQJ =7( HWO¶DSSHOG¶RIIUHVLQWHUQDWLRQDOODQFpDXFRXUVGHODPrPHDQQpe a permis
à la société Néerlandaise Hollande Agro-Industries b.v (HVA) de gagner le marché de
réalisation du projet de boisement de 8.000 hectares.Le coût de ce projet de reboisement était
GHG¶(FXV

Vue du reboisement en Acacia auriculiformis, sur le Plateau des Batéké. (Photo R. Peltier)
2.3. Environnement physique6

Localisation Le Plateau des Batéké commence à 80 km au Nord-(VWGH.LQVKDVD$O¶2XHVW il est longé par le fleuve Congo. Presque tout
le périmètre se trouve dans la régLRQ DGPLQLVWUDWLYH GH .LQVKDVD VDXI O¶H[WUrPH 6XG-Est qui est situé dans la Province de
Bandundu.

Climat Stations Altitude Pluviométrie annuelle % des pluies totales Températures Classification
météo Moyenne Minima Maxima tombant pendant la
période octobre-mai

Kinzono 700 m 1470 mm 1360 mm 1680 mm 94 % Moy. Min. Max. AW : Climat tropical
Mbali chaud avec une saison
25° 16° 34° sèche de 4 mois (fin
mai-fin septembre)

Sols (1) Géologie Profils Texture Fertilité Autres commentaires

Les matériaux du Type AC avec accumulation Variable PH de 5,0 à 5,6. Sols fragiles dans les
Plateau sont dans les couches supérieures Dans le Sud : sables Sols généralement de parties peuplées.
constitués de (M.O. = 1,3% en surface et 0,5 fins avec 2 ou 3% faible fertilité. Déboisement intense.
sables et de sables % en profondeur) G¶DUJLOH
limoneux de la Vers le Nord : sablo-
série du système argileuse.
du Kalahari (grès Dans les parties
tendres, sables septentrionales :
blancs et grès sables fins avec 5 à
polymorphes). G¶DUJLOH

6
Station météorologique de Kinzono Mbali 1993
Topographie Un vaste plateau entaillé de vallées raides et très profondes (dans la partie méridionale) et de vallées moins encaissées (dans la
(2) partie septentrionale). Les vallées plus importantes (Lufimi, Mbali inférieure et Kwango) sont creusées à 200-350 m sous le
niveau général du Plateau.

Végétation Savane arbustive Savane herbeuse Galeries forestières Autres particularités

Dans le Nord, assez Occupe la partie sud. Elles occupent les vallées Le long des rivières, on rencontre souvent
dense Hymenocardia Prédominance sables fins à principales des rivières des zones marécageuses. Une savane de
acida est encore WDX[G¶DUJLOHWUqVIDLEOH(OOH Mbali, Mwana, Kwango et transition occupe le centre.
dominant. Parmi les se caractérise par Loudetia Lufimi, les espèces
autres espèces, il y a arundinacea. caractéristiques sont
Erythrina tomentosa et Milletia, Uapaca et Xylopia.
Cussonia angolensis

Ressources en Le Plateau a une vocation pastorale certaine du point de vue agrostologique, mais il y a un problème sérieux en ce qui
eau concerne le ravitaillement en eau. Bien que le réseau hydrologique soit dense (100 km), le régime semi-SHUPDQHQW G¶XQH
ERQQH SDUWLH GHV ULYLqUHV Q¶D SDV SHUPLV O¶LQVWDOODWLRQ G¶XQH SRSXODWLRQ DVVH] GHQVH /¶HDX VRXWHUUDLQH H[LVWH /H SUREOqPH
pWDQWG¶HQGpWHUPLQHUODORFDOLVDWLRQHWOHVFDUDFWpULVTXHVG¶H[SORLWDWLRQ
Les rivières ci-DSUqVSUpVHQWHQWXQFHUWDLQLQWpUrWSRXUO¶DOLPHQWDWLRQHQHDX : Lufimi (+/- 4 m3 /sec),Vue (+/- 0,3 m3/sec),Mutshul
(+/- 0,3 m3/sec), Malu (0,005 m3/sec).
2.4. Réalisations du projet

7URLVUpDOLVDWLRQVLPSRUWDQWHVVRQWjPHWWUHjO¶DFWLIGHFHSURMHWjVDYRLU :

- La plantation de 7.200 hectares et la construction des infrastructures sociales.


- /¶DJURIRUHVWHULH
- La carbonisation.

a) 3ODQWDWLRQG¶DUEUHV

/H SURMHW DYDLW SURJUDPPp GH UpDOLVHU  KHFWDUHV GH SODQWDWLRQ G¶DUEUHV 0DLV
PDOKHXUHXVHPHQW OD UpDOLVDWLRQ HIIHFWLYH V¶DUUrWD j  KHFWDUHV j FDXVH GHV WURXEOHV
politiques de 1990

- Pépinière

8QHSpSLQLqUHG¶XQHFDSDFLWpGHSURGXFWLRQGHGHSODQWXOHVSDUDQpWDLWDPpQDJpH
VXU OH VLWH PrPH GX SURMHW DILQ GH IDFLOLWHU OHV WUDYDX[ GH SODQWDWLRQ HW GH V¶DVVXUHU GH OD
SURGXFWLRQHWGHO¶XWLOLVDWLRQGHVSODQWXOHVde bonne qualité.

Les plantules étaient produites pendant la saison sèche (fin-mai, début juin) afin de leur
SHUPHWWUHG¶DWWHLQGUHODWDLOOHLQGLTXpHSRXUODWUDQVSODQWDWLRQ -35 cm) dés le début de la
saison pluvieuse.

- Préparation du terrain
Les travaux de préparation de terrain (labour, hersage, dessouchage, etc.) se réalisaient à
O¶DLGHG¶engins lourds (rotavators et/ou rotadairons, herses et chaînes tractés), essentiellement
pendant la saison sèche et un mois avant la plantation des arbres.

Les étendues des terres labourées étaient étroitement liées aux superficies à couvrir par la
plantation au cours de la saison . Ainsi, une superficie minimale de 20 km² des parcelles à
reboiser (sans compter les pare-feux ) était labourée annuellement afin de permettre la
plantation de 2.000 hectares.

- Plantation + Ecartements
La plantation se faisait essentiellement pendant la saison pluvieuse. Elle démarrait à la mi-
RFWREUH JUDQGHVDLVRQGHVSOXLHV HWVHSRXUVXLYDLWMXVTX¶jODPL-ou fin février (petite saison
des pluies).
/HVSODQWXOHVjPHWWUHHQWHUUHGHYUDLHQWDYRLUXQERQSRUWHWDWWHLQGUHXQHKDXWHXUG¶DXPRLQV
30 à 35 cm.
/HWUDQVSRUWGHVSODQWXOHVVHIDLVDLWPpFDQLTXHPHQWjO¶DLGHGHVUHPRUTXHVjpWDJHVWUDFWpHV,
tandis que la mise en terre, quant à elle, était réalisée manuellement, JUkFH j O¶LPSRUWDQWH
main-G¶°XYUHTX¶XWLOLVDLWOHSURMHW
3OXVLHXUV W\SHV G¶pFDUWHPHQWV RQW pWp XWLOLVpV SDU OH SURMHW  P x 2m, 3m x 3m, 4m x 4m,
etc.). Ainsi, le nombre des plantules mise en terre par hectare variait de 625 à 1110.
(QILQ OD SODQWDWLRQ G¶DUEUHV VH IDLVDLW HQ SDUFHOOHV GH IRUPH UHFWDQJXODLUH GH  KHFWDUHV
chacune.
- Essences forestières utilisées

Deux essences forestières ont été utilisées par le projet pour la réalisation de 7.200 hectares de
plantDWLRQ,OV¶DJLW, pour la grande majorité de Acacia auriculiformis et de quelques parcelles
et lignes G¶Hucalyptus, dont E. camaldulensis.
Ces essences ont été introduites sur le Plateau des Batéké par le projet « Centre Forestier de
Kinzono » du MinistèrHGHO¶(QYLURQQHPHQWGDQVOHVDQQpHVHWVLWXpjSOXVRXPRLQV
km du projet FED. Elles avaient été sélectionnées à cause de leur rusticité, de leur croissance
rapide ainsi que de la qualité de leur charbon de bois.
Les semences utilisées pour la production des plantules en pépinière provenaient,
DFFHVVRLUHPHQWGHFH&HQWUHHWSULQFLSDOHPHQWG¶$XVWUDOLH
- Pare-feux
Des pare-feux ont été ouverts par labour avant la plantation des arbres, selon des largeurs
allant de 6 m (entre les parcelles ) et 12 m (entre les blocs). Ils servaient essentiellement à la
SURWHFWLRQ GHV SDUFHOOHV ERLVpHV PDLV DXVVL FRPPH URXWHV G¶DFFqV DX[ SODQWDWLRQV
DFKHPLQHPHQWGHVSODQWXOHVFRQWU{OHGHVWUDYDX[OXWWHFRQWUHOHVLQFHQGLHVHWF« 
Outre les pare-feux, la surveillance continue des parcelles boisées était assurée grâce aux
tours de guet (4) construits aux quatre coins du périmètre.

- Main-G¶°XYUH
Pour la réalisation des travaux du projet, environ 300 (trois cents) personnes ont été engagées
SDUO¶DWWULEXWDLUHHWSDUPLHOOHVO¶RQFRPSWDLWFLQTjVL[H[SDWULpVWUDYDLOODQWjWHPSVSOHLQ

- Autres réalisations du projet :


'¶DXWUHVLQIUDVWUXFWXUHVUpDOLVpHVSDUOHSURMHWVRQW :
- 8QHURXWHG¶DFFqVDXSURMHWGHSOXVRXPRLQVNPHWODUJHGHP
Un camp des travaLOOHXUVFRPSUHQDQWOHVPDLVRQVG¶KDELWDWLRQSRXUFDGUHVPDvWULVHVHW
PDQ°XYUHV DYHF SLVFLQH FKkWHDX G¶HDX JURXSHV pOHFWURJqQHV pFROHV GLVSHQVDLUHV
marchés, etc.

2.5. (VVDLVG¶$FFRPSDJQHPHQW%DWpNp ($%


Le Fonds Européen de Développement avait aussi financé, parallèlement au projet
susmentionné, un deuxième projet intitulé « (VVDLVG¶$FFRPSDJQHPHQW%DWpNp ($% ªSRXU
XQPRQWDQWGHG¶(FXV
Ce projet comportait 4 volets principaux, à savoir :
1. Les essais de carbonisation
2. Les essais de coupe
/HVHVVDLVG¶DJURIRUHVWHULH
/HVHVVDLVG¶LQWURGXFWLRQGHQRXYHOOHVHVVHQFHVIRUHVWLqUHV
/HV HVVDLV GH FDUERQLVDWLRQDYDLHQWFRQVLVWp jO¶XWLOLVDWLRQGHSOXVLHXUVW\SHVGHIRXUVGRQW
les fours traditionnels (meule traditionnelle, meule traditionnelle améliorée) et les fours
modernes (casamançais, brésilien, canadien, rabo-quente, etc.) et à la sélection de ceux qui
GRQQDLHQWXQUHQGHPHQWpOHYpHWGRQWOHFR€WG¶DFTXLVLWLRQpWDLWDERUGDEOH
A la suite de ces essais, les fours métalliques (canadien, à anneaux) et traditionnel amélioré
ont été sélectionné pour être diffusé à travers le territoire national.
Le bois coupé et carbonisé provenait des parcelles plantées en Acacia auriculiformis au
&HQWUH)RUHVWLHUGH.LQ]RQRkJpHVG¶XQHGL]DLQHG¶DQQpHV
(QILQ FHV HVVDLV DYDLHQW FRQQX OD SDUWLFLSDWLRQ GX &HQWUH G¶$GDSWDWLRQ GHV 7HFKQRORJLHV
Energie-%RLV &$7(%  GX 0LQLVWqUH GH O¶(QYLURQQHPHQW GX VHFWHXU SULYp FKDUERQQLHUV
privés) et de la Faculté Agronomique de Gembloux en Belgique.
Les essais de coupHPHQpVVRXVODVXSHUYLVLRQGHVH[SHUWVGHODIDFXOWp$JURQRPLTXHG¶(WDW
de Gembloux avaient pour but de tester plusieurs techniques de coupe de bois issu de la
plantation de deux essences forestières susmentionnées et de proposer celles qui seraient
mieux adaptées et plus rentables.
&HVHVVDLVQ¶RQWPDOKHXUHXVHPHQWSDVpWpPHQpVMXVTX¶DXERXWSRXUGHVUDLVRQVGpMj
évoquées (pillage). Néanmoins, ces essais ont abouti aux recommandations préliminaires ci-
après :
- O¶XWLOLVDWLRQ GH WURQoRQQHXVHV GH SHWLWH Gimension (lame de 50 cm longueur) pour
O¶H[SORLWDWLRQPpFDQLTXHGHVDUEUHVG¶$FDFLD ;
- O¶XWLOLVDWLRQ SRXU GHV QRXYHOOHV SODQWDWLRQV GHV VHPHQFHV GH O¶$FDFLD j WLJH XQLTXH
qui pousse naturellement dans certaines forêts australiennes.

Comme pour les deu[ SUHPLHUV OHV HVVDLV G¶DJURIRUHVWHULH RQW pWp DXVVL PHQpV GDQV OHV
parcelles plantées en Acacia auriculiformis DX &HQWUH )RUHVWLHU GH .LQ]RQR HW kJpHV G¶XQH
GL]DLQHG¶DQQpHV&HVGHUQLqUHVRQWG¶DERUGpWp H[SORLWpHV OHERLV FRXSpUpFXSpUpSRXUOHV
essais de carbonisation) puis mises en culture immédiatement après labour mécanique.
Pour mieux apprécier le fait enrichissant du sol en matière organique et en éléments minéraux
par Acacia auriculiformis en tant que légumineuse, des essais de mise en culture ont été
menés dans des parcelles anciennement plantées et dans la savane naturelle. Dans cette
GHUQLqUH FRPPH GDQV OHV SDUFHOOHV ERLVpHV OHV MHXQHV SODQWXOHV G¶acacia repoussaient
(régénération naturelle) et/ou étaient plantée à côté des cultures vivrières couramment
pratiquées dans la région à des écartements variant entre 4mx4m et 4mx3m.
Le dernier volet du projet « EAB ªjVDYRLUO¶LQWURGXFWLRQGHQRXYHOOHVHVVHQFHVIRUHVWLqUHV
Q¶DMDPDLVGpPDUUpjFDXVHGHVWURXEOHVSROLWLTXHVTXLV¶HQpWDLHQWVXLYL

2.6. Fondation Hanns Seidel (FHS)


Le programme mené par la FHS qui est inclus dans les 12 millions d'ECU, a eu pour effet
d'implanter des exploitants formés à l'exploitation agroforestière durable VXUO¶HQVHPEOHde la
plantation, à partir de 1994. Trois cent vingt (320) familles ont ainsi été installées et
encadrées.
D¶autre part, depuis 2009, la FHS participe avec de nombreux partenaires, à un nouveau
projet européen (projet Makala) dont un des objectifs est de développer les techniques mises
au point à Mampu, et de les adapter à la réalité de cinq villages du plateau Batéké.

3. Bilan des effets bénéfiques


2XWUHO¶REMHFWLI © approvisionnement de la ville de Kinshasa combustibles ligneux de bonne
qualité et à un prix abordable ªG¶DXWUHVDYDQWDJHVWLUpVGHODUpDOLVDWLRQ de ce projet sont :

3.1. Sur le plan environnemental :


a) Ecologique.
/¶LQWURGXFWLRQGHVQRXYHOOHVHVVHQFHVIRUHVWLqUHVGDQVODVDYDQHDFHUWHVSHUWXUEpOpJqUHPHQW
O¶pFRORJLHGXPLOLHXPDLVHOOHDEHDXFRXSSOXVFRQWULEXpjVRQHQULFKLVVHPHQWHWVXUWRXWjVD
tUDQVIRUPDWLRQHQXQHIRUrWFDSDEOHGHUHQGUHG¶LQQRPEUDEOHVVHUYLFHVjODFRPPXQDXWp.
Ainsi, les plantations réalisées dans le cadre du projet de reboisement de 8.000 hectares ont eu
un effet positif sur le micro-climat de la région et partant sur le milieu. Elles ont permis le
GpYHORSSHPHQWGHVHVSqFHVYpJpWDOHVHWDQLPDOHVG¶RPEUH, JUkFHjODFRXYHUWXUHGHO¶HVSDFH
DpULHQ SDU O¶LPSRUWDQW IHXLOODJH TX¶HOOHV RQW SURGXLW &HV SODQWDWLRQV RQW SHUPLV DXVVL j
certaines espèces animales, qui avaient fui la région car intensivement chassée en savane, de
trouver ainsi un refuge sûr, étant donné que la chasse est interdite sur tout le périmètre
reboisé.
(QILQ OD SODQWDWLRQ GHV DUEUHV D SHUPLV O¶DSSDULWLRQ VXU OH VLWH GX SURMHW GH nombreuses
espèces végétales ou animales comestibles, comme les chenilles riches en protéine animale,
OHVFKDPSLJQRQVOHVSRXVVHVG¶LJQDPHVVDXYDJHVHWF.

'pYHORSSHPHQWVSRQWDQpG¶LJQDPHVVDXYDJHVGDQVOHVSODQWDWLRQVG¶DFDFLD 3KRWR53HOWLHU

b) Sols
Les échantillons des sols prélevés sous Acacia auriculiformis et sous Eucalyptus sp. et
analysés au laboratoire de pédologie de Gembloux ont démontré que ces derniers ont été
enrichis en éléments minéraux indispensables à la croissance et au développement des
cultures vivrières. Aussi, ces sols, enrichis en matière organique présentent des
concentrations en azote assez élevées, par rapport à la savane naturelle.

2XWUHO¶HQULFKLVVHPHQWGHVVROVGXSpULPqWUHHQPDWLqUHRUJDQLTXHHWHQpOpPHQWVPLQpUDX[OD
SODQWDWLRQG¶DUEUHVDSHUPLVGHEDLVVHUOpJqUHPHQWO¶DFLGLWpGXVROHWGRQFG¶DXJPHQWHU
le pH du sol et de limiter, de façon considérable, le mouvement du sable sur le périmètre du
projet.

Après exploitation du boisement, récolte du charbon et brûlis superficiel des rémanents, le sol
est enrichi en matière organique, cendres et poussières de charbon, et de jeunes acacias
repoussent qui seront associés aux cultures de maïs et de manioc, puis qui constitueront un
nouveau peuplement (Photo R.Peltier)

c) Climat

Les fortes variations de certains facteurs climatiques, dont notamment la température, ont été
atténuée grâce à la présence des arbres plantés. Ainsi, la température sous arbres a
considérablement baissée, rendant ainsi la vie plus agréable pour les habitants et les visiteurs.
4XRLTXH QRQ HQFRUH YpULILp j FH MRXU O¶RQ VRXSoRQQH GpMj un probable effet positif des
SODQWDWLRQVVXUG¶DXWUHVIDFWHXUVWHOVTXHODSOXYLRPpWULH

d) Biodiversité

/D SODQWDWLRQ G¶DUEUHV D FHUWDLQHPHQW HQULFKL OH PLOLHX HQ HVSqFHV YpJpWDOHV HW DQLPDOHV
GLYHUVHV$LQVLSOXVLHXUVHVSqFHVYpJpWDOHVG¶RPEUDJHRXGe sous étage ont pu se développer
sans problème grâce au couvert végétal. Il en est de même de certaines espèces animales qui
avaient déserté le milieu à cause de la chasse effrénée et des feux de brousse incessants.
Comme susmentionné, le milieu a été colonisé par plusieurs espèces des champignons, des
FKHQLOOHVGHVUDWVGH*DPELHFRPHVWLEOHVSDUO¶KRPPH
(QILQ OD SODQWDWLRQ G¶DUEUHV D FRQWULEXp DX GpYHORSSHPHQW GHV PLFUR-organismes
QpFHVVDLUHVDXGpYHORSSHPHQWKDUPRQLHX[GHEHDXFRXSG¶HVSqFHVYpJpWDOes.
(QEUHIODSODQWDWLRQG¶DUEUHVDHQULFKLODELRGLYHUVLWpGXPLOLHXERLVp

3.2. Socio-économiques
La forêt naturelle créée dont il est ici question, a eu des incidences positives sur la vie des
populations, aussi bien riveraines que lointaines. Ainsi, le projet de reboisement de 8.000
hectares a non seulement permis la création des emplois au niveau de la région mais aussi
O¶LPSODQWDWLRQ GHV LQIUDVWUXFWXUHV LQGLVSHQVDEOHV DX GpYHORSSHPHQW VRFLR-économique de
cette région, telles que :
- ODURXWHG¶DFFqVTui a servi entre autre chose au désenclavement des villages situés autour du
périmètre boisé ;
- le village moderne construit avec des matériaux durables comprenant une polyclinique, une
pFROH SULPDLUH DLQVL TX¶XQH pFROH VHFRQGDLUH XQ PDUFKp des lieux de culte, un terrain de
foot, etc.
,O LPSRUWH DXVVL GH PHWWUH j O¶DFWLI GXGLW SURMHW OHV DXWUHV DYDQWDJHV TX¶LO DSSRUWH j OD
population riveraine, à savoir :
- la connaissance des nouvelles techniques de carbonisation. Ce projet a permis, grâce à la
réalisation des essais de carbonisation, la dissémination en milieu paysan, des fours à
rendement élevé par rapport à la meule traditionnelle. La technique de meule traditionnelle
améliorée a permis, non seulement, de doubler la production de charbon de bois par cuisson,
mais aussi et surtout G¶DPpOLRUHUODTXDOLWpGXFKDUERQGHERLV PRLQVG¶LPSXUHWpV $LQVL
donc, les paysans charbonniers ont vu leur revenu augmenter JUkFHjODYHQWHG¶XQSURGXLW
de meilleure qualité et en quantité suffisante (les fourVPHWDOOLTXHVWURSFKHUVjO¶DFKDWHWj
O¶HQWUHWLHQRQWpWpDEDQGRQQpV .
- /¶DXJPHQWDWLRQ GHV UHQGHPHQWV FXOWXUDX[ JUkFH j OD SUDWLTXH DJURIRUHVWLqUH /HV HVVDLV
G¶DJURIRUHVWHULH PHQpV GDQV OH SpULPqWUH GX SURMHW GH UHERLVHPHQW de 8.000 hectares ont
permis de sélectionner et de diffuser, en milieu paysan, des meilleures combinaisons
«essence forestière-culture vivrière» praticables à un moindre coût et donnant des
rendements relativement élevés. Ainsi donc, le rendement de la culture du manioc est passé
de jWRQQHVjO¶KHFWDUH FXOWXUHSUDWLTXpHDSUqVUHWRXUQHPHQWGHODVDYDQHQDWXUHOOHHW
sans engrais chimique) à 15-17 tonnes par hectare (culture associée manioc-Acacia sans
XVDJHG¶HQJUDLVFKLPLTXH 

En outre, O¶DXJPHQWDWLRQ GHV UHQGHPHQWV FXOWXUHV a entraîné ipso facto O¶DXJPHQWDWLRQ GHV
revenus des paysans ; la culture « associée ª D SHUPLV j FHV GHUQLHUV G¶DYRLU XQ UHYHQX
additionnel, grâce à la vente du bois et/ou charbon de bois provenant de leurs plantations
G¶DUEUHV

Enfin, la création de cette agro-forêt a beaucoup contribué à la sédentarisation de certains


villages de réfugiés ou de migrants HW SDUWDQW GH O¶DJULFXOWXUH LWLQpUDQWH VXU EU€OLV /D
SRVVLELOLWp G¶RIIULU GH OD PDLQ-G¶°XYUH DX SURMHW DLQVL TXH O¶DFFqV DX[ VRLQV PpGLFDX[
gratuits, maLVDXVVLjO¶HQVHLJQHPHQWVRQWOHVIDFWHXUVTXLRQWpWpjODEDVHGHODIL[DWLRQGHFHV
populations villageoises.
$XQLYHDXGHVSRSXODWLRQVXUEDLQHVXQHIRUrWDUWLILFLHOOHFUppHSDUO¶KRPPHFRPPHFHOOHTXL
nous intéresse dans cette étude, a eu des effets positifs sur la vie sociale au niveau de la
Capitale Kinshasa. Ainsi, la population a eu accés à un charbon de bois de bonne qualité et à
XQ SUL[ UHODWLYHPHQW EDV PDLV DXVVL DX[ SURGXLWV YLYULHUV SURYHQDQW GH SOXV HQ SOXV G¶XQH
pratique agricole sans utilisation des engrais chimiques.
Enfin, la réussite des travaux de réalisation de ce projet a amené certains citadins à acquérir de
des espaces innoccupés en milieu rural et à y créer leurs propres forêts artificielles ou forêts
Mise en sac du charbon et vente de manioc sur le périmètre de Mampu (Photo R. Peltier)

SODQWpHV HW FH GDQV O¶HVSRLU G¶REWHQLU à leur tour des profits, grâce à la production de
combustibles ligneux et de produits vivriers à un coût relativement bas.
Ce nouveau phénomène a été j OD EDVH GH O¶DSSDULWLRQ GHV QRXYHDX[ YLOODJHV DXWRXU GH FHV
grands domaines boisés. Ces villages spontanés sont généralement constitués de citadins à la
recherche de travail.
Sur le plan de la lutte antiérosive  OD PpWKRGH FXOWXUDOH O¶XVDJH GHV HQJUDLV verts et la
URWDWLRQGHVSDUFHOOHVjFXOWLYHURQWHVWRPSpO¶pURVLRQSURJUHVVLYHGDQVOe milieu. Les espaces
savanicoles sont colonisés par la forêt, ce qui diminuH O¶HIIHt de battance au sol et ralentit
O¶pFRXOHPHQWGHVHDX[HWOHUXLVVHOOHPHQW

4. Conclusion

La RDC dispose des vastes étendues forestières et d¶XQ potentiel hydro-électrique important.
0DOKHXUHXVHPHQW OH IDLEOH SRXYRLU G¶DFKDW GH OD PDMRULWp GH OD SRSXODWLRQ FRQVWLWXH XQ
REVWDFOH j O¶DFTXLVLWLRQ G¶pTXLSHPHQW PRGHUQH SRXU OD FXLVVRQ GHV DOLPHQWV HW G¶DXWUHV
besoins (éclairage, ventilation, etc.). A ce jour, cette population utilise plus des combustibles
ligneux 7 ERLVGHIHXHWFKDUERQGHERLV TXHO¶pQHUJLHpOHFWULque pour satisfaire ses besoins.
Pour la ville de Kinshasa, la création de cette forêt artificielle a permis non seulement
G¶DSSURYLVLRQQHU cette dernière en combustibles ligneux de bonne qualité mais aussi de
réduire assez sensiblement la pression exercée par la population sur les quelques formations
végétales existantes, tout en modifiant positivement le milieu et les conditions de vie de la
population riveraine.

1LFRODV6KXNX2QHPED  /¶pQHUJLH-bois dans la commune de Lemba : approvisionnement,


7

commercialisation et consommation. Mémoire licence. Institut Pédagogique national. Kinshasa-Binza.


Bibliographie

1. CATEB, 1997. 5DSSRUWDQQXHO0LQLVWqUHGHO¶HQYLURQQHPHQWFRQVHUYDWLRQGHOD


nature et tourisme de la RDC
2. Bisiaux F., Peltier R. et M uliele J-P., 2009. Plantations industrielles et agro
forestières au service des populations du Plateau Batéké, Mampu, RDC. In revue Bois
et forêt des Tropiques, 301 (3) : 31-31.
3. http://radiookapi.net/emissions-audio/2009/04/13/kinshasa-relance-des-activites-
agroforestieres-au-plateau-des-bateke/,consulté le 15 mars 2010
4. Shuku Onemba, N., 1993./¶pQHUJLH-bois dans la commune de Lemba :
approvisionnement, commercialisation et consommation. Mémoire licence. Institut
Pédagogique national. Kinshasa-Binza.
5. Shuku Onemba, N., 2000. « /¶pQHUJLH-bois » dans la commune de Lemba :
approvisionnement ; commercialisation et consommation.in revue. Le Cahier de
O¶,QVWLWXW6XSpULHXUGHOD*RPEH N°10, série A. pp 46-58. Kinshasa. RDC
6. 5DSSRUWDQQXHOGHODFRPPLVVLRQQDWLRQDOHGHO¶pQHUJLH, 1997
7. Station météorologique de Kinzono Mbali, 1993
Effets de diverses jachères arbustives légumineuses sur
l’amélioration de la conductivité hydraulique du sol et de sa
productivité (Manankazo-Madagascar)

Marie Antoinette RAZAFINDRAKOTO

Professeur au Département Eaux et Forêts de l’Ecole Supérieure des Sciences Agronomiques.


Univ. d’Antananarivo – Madagascar BP 175 – Tél : (261) 34 064 94 87
E-mail : razafindrakotomar@gmail.com ou maria-razaf@refer.mg

Résumé
La région nord-ouest des Hauts plateaux de Madagascar présente des problèmes d’érosion
importants dus à l’agressivité climatique élevée et à la dégradation de la végétation et des
sols par les feux de brousse annuels. Il en résulte une baisse de la productivité des sols
engendrant la pauvreté du monde rural.
Une recherche a été menée dans cette région afin d’évaluer l’efficacité de divers dispositifs
agroforestiers de buissons de légumineuses pour l’amélioration de la conductivité
hydraulique du sol et de sa productivité. Les espèces étudiées ont été : Tephrosia vogelii,
Flemingia congesta et Calliandra calothyrsus. Les résultats ont montré que les jachères
arbustives légumineuses de longue durée (en particulier l’espèce Tephrosia vogelii) ont
réussi à accroître fortement la dynamique d’infiltration de l’eau dans le sol, engendrant la
diminution importante de l’érosion et l’augmentation de la productivité des sols très
dégradés. Cette technique intéressante pourrait être appliquée dans diverses régions
tropicales afin de promouvoir le développement durable.

Mots-clés : Madagascar, infiltrabilité du sol, productivité, jachères arbustives


légumineuses, pédofaune, prairie dégradée, forêt naturelle

Abstract
The northwest region of the High Lands of Madagascar presents important erosion problems
due to the high climatic aggressiveness and the degradation of vegetation and soils by
annual bushfires. That involves a decrease of the soil productivity generating the poverty of
the peasants. A research has been carried out in this region in order to evaluate the
efficiency of different types of leguminous shrubby fallows for the improvement of the
hydraulic conductivity of soil and its productivity. The studied species were: Tephrosia
vogelii, Flemingia congesta and Calliandra calothyrsus. Results showed that the leguminous
shrubby fallows installed during 5 to 7 years (particularly the species Tephrosia vogelii)
succeeded to increase highly the dynamics of water infiltration, generating the important
reduction of the erosion on very degraded soils, and inducing the increase of soil
productivity. These techniques can be applied in various tropical regions in order to promote
a better development .

Keywords: Madagascar, soil infiltrability, productivity, leguminous shrub fallows, soil


fauna, degraded meadow, natural forest

INTRODUCTION
Le problème du changement climatique actuel se manifeste par une forte
agressivité des pluies dans les pays tropicaux, en particulier pour le cas de
Madagascar où la végétation est détruite intensément par les feux de brousse
annuels.
Dans la région nord-ouest des Hauts-Plateaux de Madagascar où l’érosivité
pluviale est forte et la végétation très dégradée, réduite en steppe graminéenne, il se
produit une érosion importante des versants pentus à sols dégradés. Il en résulte
une baisse de la productivité des sols aggravant la pauvreté du monde rural.
Une recherche a été menée dans cette région pour étudier l’effet de diverses
techniques culturales antiérosives sur l’amélioration de la dynamique d’infiltration de
l’eau dans le sol. Cette recherche a été effectuée dans le but de réduire l’érosion des
champs de culture et de restaurer la productivité des sols.
Différents types de dispositifs agroforestiers à arbustes légumineux ont été
installés pour évaluer et comparer leur efficacité pour améliorer la conductivité
hydraulique du sol dégradé (pratiques de jachère et de culture en couloir). Le témoin
de référence servant de comparaison est une prairie de steppe à Aristida sp à sols
dégradés par les feux de brousse annuels.

1- MILIEU D’ETUDE ET METHODOLOGIE


1.1 Présentation du site d’étude
La zone d’étude choisie Manankazo est située dans la partie Nord-Ouest des
Hauts-Plateaux de Madagascar. Elle se trouve sur le relief de Tampoketsa dont
l’altitude varie de 1 565 m à 1 580 m.
C’est une zone à contextes climatique, pédologique et socio-économique
défavorables aggravant la dégradation et l’érosion des sols.
Le climat est agressif du type tropical humide d’altitude à pluviosité moyenne
annuelle de 1823 mm, répartie sur 114 jours de pluies. La saison des pluies se situe
entre novembre et avril. La zone de Manankazo présente un indice d’érosivité
climatique de R usa = 508 : elle se trouve dans la zone d’érosion N° 2 à forte
intensité pluviométrique horaire de 110 mm/h (SOUCHIER, 1961).
Le relief de Manankazo est constitué par des collines à replats sommitaux et à
versants pentus avec présence de lavaka à certains endroits.
Les sols sont généralement classés dans le groupe de sols ferrallitiques jaune
sur rouge lessivés, à pH bas, sensibles à l’érosion.
En ce qui concerne le contexte socio-économique de la zone de Manankazo,
les pratiques des feux de brousse sont annuelles pendant la saison sèche, dans le
but d’obtenir un ruissellement sur les versants pour irriguer les rizières de bas fond
en saison des pluies ou pour renouveler les pâturages. Par conséquent, ces feux de
brousse de raison culturale, pastorale ou même politique ont dégradé gravement la
végétation jusqu’à une situation quasi généralisée de prairie à steppe de graminée
monospécifique (Aristida multicaulis), favorisant les phénomènes d’érosion des sols
dégradés sur les pentes. Ainsi, il ne reste actuellement qu’un certain nombre de
vestiges de forêt ripicole primaire, situés sur les zones à haute altitude.
Par ailleurs, les pratiques paysannes de cultures traditionnelles sans intrant
favorisent aussi la dégradation des sols.

1.2 Méthodes expérimentales


Dans notre expérimentation, les meilleures espèces légumineuses arbustives
ont été installées en jachère de longue durée de 5 à 10 ans, afin d’obtenir l’efficacité
maximale pour l’amélioration de la conductivité hydraulique à saturation du sol très
dégradé, de sa résistance à l’érosion et de sa productivité.
Le témoin de référence où on a installé ces jachères était une prairie
dégradée brûlée annuellement à steppe d’Aristida multicaulis, très fréquente dans la
région.
Ces dispositifs agroforestiers ont été comparés à l’écosystème de forêt
naturelle afin d’en déduire le dispositif le plus efficace pour améliorer les propriétés
du sol.

Photo 1 : Vestige de forêt naturelle ripicole et prairie dégradée à Aristida sp brûlée


annuellement

1.2.1 Dénomination des divers agroécosystèmes étudiés

Forêt Forêt naturelle


JT7 Jachère légumineuse arbustive à Tephrosia vogelii durant 7 ans
JCALL10 Jachère légumineuse arbustive à Calliandra calothyrsus de10 ans
JFP5 Jachère légumineuse arbustive pleine à Flemingia congesta de 5 ans
JFL2M Haies vives de Flemingia congesta 5 ans à deux rangées
JFC2M Espace cultural en couloir de 2m entre deux haies vives de Flemingia congesta
5 ans à double rangée
JFL1M Haies vives de Flemingia congesta 5 ans à une rangée
JFC1M Espace cultural en couloir de 1m entre deux haies vives de Flemingia congesta
à une rangée
PVD Prairie dégradée à steppe d'Aristida multicaulis sur versant pentu non brûlé
depuis 15 ans
PBA Prairie dégradée brûlée annuellement pendant 15 ans et mise en défens
depuis 6 ans (à steppe d’Aristida multicaulis)

Photo 2 : Jachère de Tephrosia vogelii âgée de 7 ans


1.2.2 Mesure de la conductivité hydraulique du sol à saturation
Pour mesurer la conductivité hydraulique du sol à saturation, nous avons
adopté la méthode du monocylindre de ROOSE et al (1997). Un cylindre de diamètre
10 cm et de hauteur 10 cm est enfoncé dans le sol à 2cm de profondeur. On le
remplit d’eau jusqu’à un niveau de 5 cm et on mesure avec une réglette et un
chronomètre la vitesse d’infiltration de l’eau dans le sol. On remplit à chaque fois le
cylindre quand le niveau d’eau atteint la surface du sol. L’expérimentation est
prolongée jusqu’à l’obtention d’une vitesse d’infiltration minimale constante qui donne
la conductivité du sol à saturation.
1.2.3 Evaluation de la pédofaune présente dans chaque agroécosystème
Pour évaluer l’importance de l’action de la pédofaune sur la conductivité
hydraulique du sol, la pédofaune présente dans chaque agroécosystème a été
déterminée et comptée. Des échantillons ont été prélevés dans la couche
superficielle du sol où la pédofaune est la plus abondante (0 - 10 cm) et dans la
litière. La pédofaune a été soumise à l’extraction par la méthode dérivée de celle de
Berlèze.
L’échantillon de sol est mis dans un récipient cylindrique au fond duquel est disposé
un tamis pouvant laisser passer la pédofaune dans un second récipient sous-jacent.
Au-dessus de l’échantillon de sol, a été disposée une source de lumière, engendrant
la fuite de la pédofaune vers le fond de l’échantillon. Le second récipient, contenant
de l’eau, sert à recueillir la pédofaune. La pédofaune recueillie est déterminée et
comptée à l’aide d’une loupe binoculaire.
1.2.4 Mesure des autres caractéristiques du sol
Les caractéristiques physico-chimiques du sol qui peuvent influencer la
conductivité hydraulique du sol ont été aussi évaluées (taux de matière organique du
sol, densité apparente, porosité, instabilité structurale).
Le rendement de haricot cultivé après enfouissement de la biomasse de jachère
légumineuse a été aussi mesuré pour évaluer la productivité du sol.

2- RESULTATS
2.1 Détermination de la conductivité hydraulique du sol à saturation et
des caractéristiques physico-chimiques du sol
De nombreux chercheurs ont développé un modèle mathématique exprimant
la décroissance de la vitesse d’infiltration de l’eau dans le sol en fonction du temps,
jusqu’à un régime de palier constant donnant la valeur de la conductivité hydraulique
à saturation du sol (Ks).

Intensité d’infiltration

KS Temps

Figure n°1 : Courbe de décroissance de la vitesse d’infiltration en fonction du temps


donnant la conductivité hydraulique à saturation Ks du sol
La conductivité hydraulique du sol à saturation Ks correspond à l’infiltrabilité
minimale du sol en régime saturé.

Nos résultats expérimentaux ont donné une équation empirique correspondant


au modèle de SWARTZENDRUBER, cité par SCHROEDER et al (1982) :
I = b (t – c) -1/2 + Ks
I : intensité d’infiltration de l’eau dans le sol ;
b et c : constantes
t : temps
Ks : conductivité hydraulique à saturation.

D’après ROOSE (1997), la forme des taches humides du sol renseigne sur les
différences d’infiltration des horizons successifs, sur la succion latérale, les risques
de drainage oblique et la résistance de chaque horizon à l’infiltration.
La mesure du diamètre moyen de la tache humide permet de corriger l’estimation de
l’infiltration en fonction de la succion latérale.
Ainsi, nous avons corrigé les valeurs d’infiltrabilité minimale mesurées en tenant
compte de la formule de ROOSE (1997) :
Fn corrigée = Fn mesurée x R2/25 où R = le rayon de la tache d’humectation du sol

Le tableau 1 présente les valeurs de la conductivité hydraulique du sol à saturation


Ks ainsi que les valeurs des caractéristiques du sol qui peuvent l’influencer (taux de
matière organique du sol, taux d’azote, porosité, densité apparente, instabilité
structurale) et le rendement de haricot sec, après enfouissement de la jachère.
Tableau n°1 : Caractéristiques physico-chimiques et hydriques du sol

Parcelle Po % Da Is Ks mm/h Mo% N% Rendement t/ha *Caractéristiques


Forêt 76,00 0,49 0,01 719,3 13,49 0,45
chimiques
MO : Taux de matière
JT7 63,04 0,89 0,12 512,7 8,56 0,37 3,83
organique
JCALL10 62,21 0,91 0,12 318,5 8,44 0,34 N : Taux d’azote
JFP5 61,83 0,92 0,14 152,4 8,23 0,29 4,76
*Caractéristiques
JT10 61,04 0,94 0,14 107,43 7,78 0,37 3,68 physiques
JFL2M 60,67 0,94 0,15 56,22 8,18 0,32
Po : Porosité totale
Da : Densité apparente
JFL1M 60,21 0,96 0,16 52,15 7,81 0,28 Is : Indice d'instabilité
JFC2M 59,58 0,97 0,18 48,37 7,43 0,29 structurale
JFC1M 57,92 1,01 0,20 37,57 7,27 0,26 1,63
*Caractéristique hydrique
PVD 55,71 1,06 0,34 27,14 5,39 0,20 0,68 Ks : Conductivité hydrique à
PBA 47,92 1,25 0,46 24,97 4,21 0,15 0,003 saturation

La valeur de KS varie de 25 mm/h pour la prairie dégradée brûlée


annuellement PBA à 512,6 mm/h pour la jachère de Tephrosia vogelii 7 ans
(accroissement de 1953% par rapport à PBA) et 719,3 mm/h pour la forêt naturelle
dense humide. La densité apparente du sol varie de 0,49 pour la forêt naturelle à
1,25 pour la prairie dégradée brûlée annuellement.
Le taux de matière organique du sol varie de 4,2% pour la prairie brûlée
dégradée à 8,6% pour la jachère de Tephrosia 7 ans et 13,5% pour la forêt naturelle.
Le rendement de haricot sec varie de 0,003 t / ha pour la prairie brûlée à 4,8 t / ha
pour la jachère de Flemingia congesta 5 ans, après enfouissement de la biomasse
(accroissement de 1 600 fois par rapport à PBA).
2.2 Evaluation de la quantité de pédofaune fouisseuse dans le sol 
Le tableau 2 présente la quantité de pédofaune fouisseuse (lombrics, termites,
fourmis) qui peut aussi influencer nettement la conductivité hydraulique du sol.
La quantité de pédofaune fouisseuse (lombrics, termites, fourmis) varie de 160 par
m2 pour la prairie brûlée annuellement à 2082 par m2 pour la jachère de Tephrosia 7
ans et 2351 par m2 pour la forêt naturelle.

Tableau n° 2 : Quantité de pédofaune fouisseuse (en N/m2) présente dans la litière et la


couche (0-10 cm) pour les divers agroécosystèmes

Agroécosystème NLombriciens NTermites NFourmis


Forêt 320 335 1696
JT7 350 340 1392
JCALL10 335 320 1280
JFP5 300 318 1296
JT10 225 248 1200
JFL2M 180 196 1040
JFL1M 164 175 912
JFC2M 148 160 688
JFC1M 126 150 656
PVD 0 0 240
PBA 0 0 160

3-DISCUSSION
3.1 Effets des dispositifs agroforestiers sur l’amélioration de la
conductivité hydraulique du sol
La conductivité hydraulique du sol est une caractéristique importante du sol
qui régit la capacité d’infiltration du sol, elle influence la susceptibilité du sol au
ruissellement et à l’érosion. Indirectement, en permettant une meilleur infiltration, et
accroît la productivité du sol.

3.1.1 Relation entre la conductivité hydraulique du sol et le taux de


matière organique du sol
D’après les résultats obtenus sur les dispositifs agroforestiers et les témoins
de référence étudiés, la figure 2 montre que la conductivité hydrique du sol Ks
augmente d’une manière exponentielle avec l’accroissement du taux de matière
organique. La vitesse d’infiltration de l’eau de pluie dans le sol est améliorée par
l’abondance de matière organique dans le sol, d’où les risques de ruissellement et
d’érosion dégradant le sol et abaissant sa productivité sont réduits ou annulés. Ce
fait est expliqué par l’accroissement exponentiel de la stabilité structurale du sol en
fonction du taux de matière organique (Fig.3).
Fig. n° 2 : Accroissement de la conductivité hydraulique à saturation du sol en
fonction du taux de matière organique

Taux de matière organique du sol MO en %

Fig. n°3 : Diminution de l’indice d’instabilité structurale du sol en fonction du taux de


matière organique

En effet, la stabilité structurale du sol est une caractéristique essentielle qui


détermine la résistance du sol à l’agressivité des gouttes de pluie et par conséquent
elle détermine sa résistance à l’érosion et au ruissellement.
Plusieurs auteurs ont affirmé l’influence positive de la matière organique sur la
stabilité structurale des agrégats (Le BISSONAIS, 1996 ; AMEZKETA, 1999 ;
ROOSE et al., 2004 ).

D’après GUCKERT (1973), TISDALL et OADES (1989), certains constituants


organiques et notamment les polysaccharides d’origine microbienne ont, par leur
structure moléculaire, leur liaison avec l’argile, leur localisation (paroi des plus gros
pores) une efficacité spécifique élevée en accroissant la cohésion des agrégats du
sol. D’autre part, la matière organique offre au sol une structure grumeleuse formée
d’agrégats argilo-humiques, édifiés par les lombrics, conférant au sol une bonne
stabilité structurale.
La figure 2 montre que le sol sous forêt naturelle et celui sous jachère de
Tephrosia vogelii 7 ans (JT7) présentent les plus grandes valeurs de conductivité
hydraulique à saturation. C’est dû à un taux de matière organique élevé du sol
engendrant une stabilité structurale élevée. Les autres agroécosystèmes à teneur en
matière organique moyenne présentent des valeurs de conductivité hydrique élevées
intermédiaires : les jachères de Flemingia congesta 5 ans (JFP5) et de Calliandra
calothyrsus 10 ans (J Call 10)
Les parcelles de prairie dégradées par les feux de brousse montrent les plus faibles
valeurs de conductivité hydrique du sol. Ainsi, elles sont très sensibles au
ruissellement et à l’érosion sous l’action des pluies

3.1.2 Relation entre la conductivité hydraulique du sol et la porosité du


sol
Il a été observé une relation croissante exponentielle entre la conductivité
hydraulique à saturation du sol et la porosité (voir figure 4)
La porosité du sol est un facteur essentiel qui régit la conductivité hydraulique du
sol. Ainsi l’amélioration de cette caractéristique du sol engendre l’augmentation de la
capacité d’infiltration du sol, ce qui réduit ou annule le ruissellement et l’érosion, puis
accroît la productivité du sol.
La figure 5 montre que la porosité du sol est liée étroitement au taux de matière
organique du sol d’une manière linéaire avec une pente positive forte.

Conductivité hydraulique du sol Porosité du sol en %


à saturation Ks en mm/h

1000 0,1514x
y = 0,0092e
900 2
R = 0,6668
800
700
600
500
400
300
200
100
0
0 20 40 60 80

Porosité du sol en %

Fig. n°4 : Accroissement de la conductivité Fig. n°5 : Augmentation de la porosité


hydraulique du sol en fonction de la porosité du sol en fonction du taux de matière
organique

On peut l’expliquer ainsi :


D’une part, la richesse du sol en matière organique favorise les activités
biologiques, augmentant la porosité du sol. En effet, la matière organique contribue
à la formation d’une structure grumeleuse du sol formée d’agrégats argilo-humiques
édifiés par les lombrics. Cette structure confère au sol une bonne porosité
(DUCHAUFOUR et al. 1994). D’autre part, l’abondance de matière organique dans le
sol permet le bon développement racinaire de la végétation. Ainsi, les racines
décompactent les couches du sol et améliorent la porosité du sol en surface et en
profondeur. En plus, elles favorisent aussi la formation d’une structure grumeleuse
par le phénomène d’alternance humectation - dessiccation du sol existant à leur
niveau. La présence des racines en grande quantité entraîne le développement de
nombreux macropores dans le sol.
Ainsi, les figures 4 et 5 montrent que la forêt naturelle et les parcelles de jachères
légumineuses de Tephrosia vogelii 7 ans (JT7), de Flemingia congesta pleine 5 ans
(JFP5), de Calliandra calothyrsus 10 ans (J Call 10) et de Tephrosia vogelii 10 ans
(JT10) riches en matières organiques présentent des valeurs élevées en porosité du
sol.
Les parcelles de prairie à Aristida dégradées par les feux de brousse (surtout PBA)
ont des sols très compacts à valeurs de porosité très faibles.

3.1.3 Relation entre la conductivité hydraulique du sol et la quantité de


pédofaune présente dans le sol
La pédofaune et les activités biologiques sont fondamentales pour
l’amélioration de la fertilité des sols et de la productivité agricole.
La pédofaune constitue les éléments moteurs du cycle nutritif dans la mesure où elle
régule la dynamique des matières organiques du sol, améliore la structure du sol et
les régimes hydrologiques, augmente la quantité et l’efficacité de l’acquisition des
éléments nutritifs par les végétaux. Ces activités biologiques constituent une
ressource importante pour la gestion durable des systèmes agricoles.
D’après la figure 6 il apparaît une relation croissante exponentielle nette entre la
conductivité hydraulique du sol et la quantité de pédofaune fouisseuse présente dans
les divers agrosystèmes étudiés (lombrics, fourmis, termites).

Conductivité
hydraulique
du sol Ks en
mm/h
Conductivité
hydraulique
du sol Ks en
mm/h

Fig. n° 6 : Acroissement de la conductivité hydraulique du sol en fonction de la quantité de


pédofaune fouisseuse présente dans le sol

Equation de régression des R2


courbes
Lombrics y = 20,173e
0,0082x
0,8328
Termites y = 19,087e
0,0081x
0,7992
Fourmis y = 13,575e
0,0021x
0,8344

Ces « ingénieurs de l’écosystème » contribuent d’une manière importante à


l’accroissement de la conductivité hydraulique du sol, grâce à l’amélioration de la
porosité du sol et de sa stabilité structurale.
D’après DEPRINCE (2003), en construisant les termitières et les fourmilières, les
termites et les fourmis participent à l’intégration de la matière organique dans le sol
et réalisent un travail de décompactage du sol. En outre, ils remontent les sols de la
profondeur vers la surface.
Les lombrics sont les plus efficaces des fouisseurs souterrains (BOUCHE, 1972).Ils
font des déplacements en profondeur. Ils creusent le sol en avalant la terre et la
rejettent sous forme de déjections.
En creusant des galeries, les lombrics augmentent la porosité du sol, ce qui améliore
la capacité d’infiltration d’eau du sol.
Ainsi, d’après LAVELLE (2001) ces organismes jouent un rôle prépondérant dans :
9 la structuration du sol
9 l’apport d’éléments en surface et l’enfouissement d’éléments organiques en
profondeur
9 la production d’agrégats organo-minéraux stables à partir des déjections.
La présence de la pédofaune dépend non seulement des propriétés du sol (en
particulier la texture) mais surtout de la qualité et de l’abondance de la végétation qui
conditionnent la nutrition et l’existence de la pédofaune.
D’après la figure 6, c’est la forêt naturelle et la jachère de Tephrosia vogelii de 7 ans
qui favorisent nettement les activités biologiques pour l’amélioration de la
conductivité hydraulique du sol (richesse en matière organique et en azote). Les
jachères JFP5 et JCALL10 suivent au second rang.
A l’opposé, les parcelles de prairie dégradées par les feux présentent des valeurs de
conductivité hydraulique du sol plus faibles à cause de la destruction de la
pédofaune par les feux et à cause de la dégradation de la végétation et du sol par
les feux (conditions hostiles à la pédofaune).

3.2 Effets des divers dispositifs agroforestiers sur l’amélioration de la


productivité du sol
L’établissement de la relation entre le rendement agricole et les
caractéristiques de fertilité du sol (hydriques et chimiques) permet d’étudier leur
influence sur la productivité du sol.

3.2.1 Influence de la conductivité hydraulique du sol sur le rendement


La figure 7 présente l’effet de l’amélioration de la conductivité hydraulique du
sol par les jachères légumineuses arbustives sur l’augmentation du rendement de
haricot après enfouissement de la biomasse.
La conductivité hydrique du sol influence le rendement agricole d’une manière
logarithmique croissante. En effet, une bonne capacité d’infiltration de l’eau de pluie
par le sol réduit ou annule les processus de ruissellement et d’érosion qui causent
les pertes d’éléments les plus fertiles du sol et la baisse de la productivité agricole.
Ainsi, ce sont les agroécosystèmes à meilleure conductivité hydrique du sol qui
produisent les meilleurs rendements agricoles (jachère de Tephrosia vegelii 7 ans
(JT7), jachère de Flemingia congesta 5 ans (JFP5), jachère de Tephrosia vogelii 10
ans (JT10)). Dans le cas contraire, la prairie brûlée dégradée PBA, ayant montré une
capacité d’infiltration du sol très faible, présente aussi une productivité médiocre
(0,003t/ha), puisque le sol compact est très susceptible à l’érosion.

Fig.7 : Relation d’accroissement du rendement en fonction de la conductivité


hydraulique du sol

Le rendement obtenu sur ces jachères légumineuses est très élevé et aurait
pu encore être meilleur, mais des maladies cryptogamiques ont attaqué les haricots
pendant tout le stade cultural. La jachère de Tephrosia vogelii 7 ans (JT7) a été
affectée gravement par l’Anthracnose, la jachère de Flemingia congesta (JFP5) a été
affectée par l’Isariopsis griseola, la jachère de Tephrosia vogelii 10 ans (JT10) par
Phaseoisariopsis griseola.

3.2.2 Influence des caractéristiques chimiques du sol sur la productivité


du sol

Fig.8 : Relation d’accroissement du rendement en fonction du taux de MO et de N du sol

La figure 8 montre que le rendement de haricot augmente fortement avec le


taux d’azote et le taux de matière organique du sol selon une courbe exponentielle.
Ces deux caractéristiques du sol influencent fortement la production agricole.
Ainsi, ce sont les agroécosystèmes qui enrichissent le sol en matière organique et en
azote qui produisent le meilleur rendement de haricot (jachère de Tephrosia vegelii 7
ans (JT7), jachère de Flemingia congesta 5 ans (JFP5), jachère de Tephrosia vogelii
10 ans (JT10). En effet, la caractéristique essentielle des légumineuses est l’aptitude

Photo n°3 : Jachère de Flemingia Photo n° 4: Prairie dégradée brûlée


congesta de 5ans enfouie annuellement enfouie
Rendement de haricot : 4,76 t/ha Rendement de haricot : 0,003 t/ha
à la fixation symbiotique d’azote (grâce aux bactéries Rhizobium), enrichissant le sol
en azote. La photo n°3 montre l’état du haricot au stade cultural proche de la
maturité.
La prairie brûlée annuellement PBA dont le sol est appauvri en matière organique et
en azote produit un rendement de haricot nul (photo n°4).

CONCLUSION
Cette recherche a montré l’efficacité des dispositifs agroforestiers (cultures en
couloir et surtout jachères légumineuses arbustives) pour l’accroissement de la
conductivité hydraulique des sols très dégradés, induisant l’amélioration de la
dynamique d’infiltration de l’eau de pluie. Il en résulte la réduction de la susceptibilité
des sols à l’érosion et l’augmentation de leur productivité.
Les espèces Flemingia congesta, Calliandra calothyrsus, et Tephrosia vogelii
apparaissent efficaces pour l’amélioration des propriétés du sol, mais c’est surtout
cette dernière espèce qui présente la meilleure aptitude à restaurer la fertilité des
sols fort dégradés jusqu’à un état proche de la forêt naturelle. Ce fait est dû à la
meilleure qualité (richesse en azote) et à l’abondance de la biomasse produisant
beaucoup d’humus labile de type Mull. En outre, ce milieu favorise la prolifération de
la pédofaune dont les activités biologiques contribuent d’une manière importante à
l’accroissement de la conductivité hydraulique du sol et de sa productivité.
La diffusion de ces techniques culturales améliorantes et antiérosives aux
paysans pourrait apporter des solutions efficaces pour augmenter leur production
agricole et réduire leur pauvreté. L’application de ces jachères légumineuses
arbustives peut être entreprise dans les autres zones à sols dégradés de
Madagascar, mais aussi dans les zones de même conditions pour les divers pays
tropicaux, afin de promouvoir le développement durable.

BIBLIOGRAPHIE
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Rôles de la haie vive antiérosive
sur la gestion de l’eau, du sol et le rendement des cultures
du centre sud du bassin arachidier sénégalais.

DIATTA Malaïny, FAYE Elhadji, GROUZIS Michel et PEREZ Pascal


ISRA, BP2312, Dakar Hann :hadjifaye@yahoo.fr ; djinkadiatta@yahoo.fr, pascal.perez@cirad.fr

Résumé
La surexploitation de la végétation du plateau cuirassé de Keur Dianko, terroir villageois de
la communauté rurale de Thyssé-Kaymor (13°45' N ; 15°40' O), et la réduction du temps de
jachère ont fragilisé les sols superficiels et donné naissance au ruissellement. Les haies
vives isohypses sont des aménagements de petite hydraulique agricole, utilisés au Sahel
pour limiter le ruissellement et l'érosion des terres agricoles. L'étude de son importance sur
la gestion de l'eau du sol et sur le rendement des cultures s'est déroulée dans les zones de
cultures situées sur le glacis de la toposéquence d'un bassin versant de Keur Dianko
confronté à un sérieux problème d’érosion. Après quatre années d'installation, le suivi du
réseau de douze haies vives constituées de onze espèces ligneuses (Acacia nilotica var.
adansonii VG.Perr, Acacia senegal (L.) Willd, Acacia seyal Del., Acacia mellifera, Bauhinia
rufescens Lam., Dichrostachys glomerata (Forsk) Chiov., Piliostigma reticulatum (D.C.)
Hochst., Ziziphus mauritiana Lam., Gliricidia sepium, Parkinsonia aculeata Lam., Prosopis
chilensis (Mol.) Stuntz), plantées à partir de 1988, a montré : une plus importante humidité
suivie d'un front d'humectation plus profond au niveau des profils situés entre 0,5 et 1 m de
la haie vive que ceux entre 2 et 5 m ; une meilleure infiltration de l'eau en amont qu'en aval
de la haie vive ; une forte différenciation des stocks hydriques en fonction des saisons et de
la distance à la haie (entre 0,5 et 1 m, le stockage est plus important en amont qu'en aval, et
entre les saisons humide et sèche, l'écart entre les profils est de 80 mm). Cette amélioration
du profil et du stock hydriques près de la haie s'accompagne curieusement de baisses de
rendement, plus fortes chez le mil que chez l'arachide. Les causes réelles de ce déclin
seraient liées à la concurrence exercée par les arbres sur les cultures ou à des phénomènes
de toxicité racinaire.

Mots-clefs : Sénégal, Haie vive, Infiltration, Humidité du sol, Rendement des Cultures

Abstract :
Overexploitation of the vegetation on the plateau of Keur Dianko, land of the villagers of
Thyssé-Kaymor (13°45’N, 15° 40°W) and the reduction of the fallow duration have reduced
the stability and the fertility of these superficial soils, susceptible to runoff. Living hedges on
the contour are used in the Sahel to reduce erosion & runoff risks. After 4 years of growing,
twelve hedges of eleven species of bushes (Acacia nilotica, senegal, seyal, mellifera,
Bauhinia rufescens, Dichrostachys glomerata, Piliostigma reticulatum, Ziziphus mauritiana,
Gliricidia sepium, Parkinsonia articulatum, Prosopis chiliensis) planted in 1988 have shown a
better infiltration in front of the hedge, a more important soil moisture around the hedge than
after 2 and 5 m apart, and a difference of water storage of 80mm between rainfall and dry
seasons. This improvement of water storage around the edges is curiously producing a
decrease in yields bigger on millet than on peanuts. This could be explained by nutrients or
light concurrence between bushes and crops or by roots toxicity.

Keywords : Senegal, hedges, influence on infiltration, on water storage, on


yields, concurrency, toxicity
Cadre d'étude et méthode
Unités du paysage
La région d'étude est située dans la partie sud du bassin arachidier du Sénégal, sur les terroirs
villageois de la communauté rurale de Thyssé-Kaymor (13°45' N et 15°40' O), à une trentaine de
kilomètres à l'est de Nioro du Rip. Cette communauté rurale, d'une superficie de 19 500 hectares, fait
partie de l'arrondissement de médina Sabakh, dans la région administrative de Kaolack (figure 1).

Figure 1. Carte de situation. A : Localisation de la zone d'étude dans le contexte bioclimatique du Sénégal, défini par les
isohyètes (1960-1990). Les limites bioclimatiques utilisées correspondent aux critères décrits par Le Houérou [10]. B :
Agrandissement de la zone d'étude.

Le climat de la région est de type soudanien à deux saisons fortement contrastées : une longue
saison sèche (novembre à mai) et une saison des pluies variant de 4 à 5 mois (juin à octobre). La
moyenne des pluviosités annuelles sur la série (1970-1992), réparties entre 60 et 45 jours de pluies,
est de l'ordre de 600 mm. La saison des pluies est centrée sur le mois d'août qui reçoit en moyenne
37 % des précipitations [11]. L'analyse de séries observées depuis 1932 à la station de Nioro du Rip
montre que la période actuelle s'inscrit dans une tendance générale de déficit pluviométrique. Cette
tendance à la baisse des précipitations annuelles a été plus marquée à partir des années 70. Durant
la période 1970-1992, la fréquence des années déficitaires s'est accrue.
Les caractéristiques géomorphologiques et édaphiques de la région sont connues grâce aux travaux
de Bertrand [12] et Angé [13].
Les différentes unités géomorphologiques identifiées dans la zone (figure 2) sont :
* Le plateau cuirassé compris entre 25 et 40 m d'altitude. La pente générale très faible, inférieure à 1
%, entraîne tout de même une érosion des horizons supérieurs. Celle-ci est relativement plus forte en
bordure de plateau. Les sols sont de type ferrugineux tropicaux peu épais sur cuirasse gravillonnaire à
lithosols sur le talus d'éboulis. Cette unité de plateau est utilisée essentiellement pour le pâturage, le
ramassage de bois et divers services (cueillette, chasse, etc.).
* Le glacis est une surface entaillée dans les altérites de grès cuirassé. Elle présente différents profils
transversaux suivant les secteurs convexo-concaves ou convexes [14]. La profondeur de la cuirasse
est très variable et dépend du modelé. Les sols sablo-limoneux sont ferrugineux tropicaux lessivés
moyennement profonds de série rouge. Ce sont des sols sensibles à l'érosion lors de leur mise en
culture. Cette unité géomorphologique est occupée par le parc agroforestier à Cordyla pinnata où
l'arachide, le mil et le coton constituent les soles principales.
* La terrasse correspond à des formations de colluvionnement et d'alluvionnement épaisses,
principalement sableuses, limoneuses en surface et argileuses en profondeur. Son modelé en coupe
est localement marqué par des traces d'érosion linéaire, parfois même par un ravinement intense,
notamment le long des pistes. Les sols sont ferrugineux tropicaux peu lessivés, profonds et de série
beige. La terrasse est occupée par le parc agroforestier à Parkia biglobosa. Cette zone est exploitée
essentiellement pour la culture des céréales (mil, maïs).
* Le bas-fond se décompose en une surface alluviale temporairement inondée et une aire colluvio-
alluviale latérale. Des traces d'érosion régressive et des indices d'hydromorphie apparaissent sur cette
dernière. La surface alluviale temporairement inondée correspond aux lits d'anciens bras du principal
axe de drainage de la zone, le Baobolon. Cette zone est occupée par la forêt-galerie. Elle est utilisée
pour le parcours du bétail, le maraîchage et la culture du riz.

Figure 2. Caractéristiques du bassin versant de Keur Dianko (d'après Diatta et al. [11]).

Dispositif expérimental
Les champs de culture situés sur le glacis du bassin versant de Keur Dianko d'une superficie de 60 ha
(figure 3) ont été retenus pour conduire cette expérience. Ceux-ci sont constamment menacés par le
ruissellement en provenance des surfaces dégradées du plateau cuirassé. Ces champs ont été
équipés de haies vives isohypses, dont l'amont et l'aval ont fait l'objet d'un suivi hydrique, et d'un suivi
agronomique des cultures.
La haie vive isohypse est une technique agroforestière simple de lutte antiérosive appropriable par les
paysans. Elle est une formation dense et alignée d'espèces ligneuses (arbustes ou arbrisseaux) et/ou
herbacées pérennes (Vetivera nigritania, Andropogon gayanus, Panicum maximum) dont l'objectif est
de limiter le ruissellement et l'érosion dans les champs de cultures.
Elle permet de réintroduire l'arbre dans le paysage agricole comme l'a proposé Roose [15] dans une
stratégie de revégétalisation de l'espace agraire. Plusieurs critères entrent en compte dans le choix
des espèces à utiliser en haie vive : adaptation aux conditions pédo-climatiques, facilité de
multiplication, croissance rapide, recouvrement et bonne ramification. Sur la base de ces critères et
des besoins des populations, onze espèces ont été retenues. Celles-ci ainsi que leurs
caractéristiques, taux de survie et hauteur (après trois saisons de pluie), sont reportées dans le
tableau I.
La réalisation des plantations en courbe de niveau nécessite un relevé topographique du paysage
agricole pour déterminer les lignes isohypses sur lesquelles seront plantés les arbres. Les contraintes
liées, d'une part, au parcellaire établi et, d'autre part, aux exigences de la culture attelée ont conduit à
lisser certaines courbes de niveau à la demande des propriétaires des champs. Toutes les
lignes repérées sont matérialisées par des piquets. Après le repérage, la préparation du chantier a
consisté à :
- creuser des tranchées de 50 cm de large sur une profondeur de 50 cm le long des lignes ;
- reboucher ces tranchées avant l'arrivée des premières pluies pour ameublir le site de plantation et
améliorer les conditions hydriques des plants.
Les haies vives ont été plantées entre 1988 et 1990 (plantations et regarnis) en fonction du plan de
masse reporté sur la figure 3 :
- 12 lignes de longueurs variant entre 150 et 700 m, perpendiculaires à la ligne de plus grande pente ;
- l'écartement est de 50 cm entre les plants sur la ligne ;
- l'écartement entre deux haies, compris entre 40 et 60 m, varie en fonction de la pente ;
- les haies vives sont plurispécifiques dans le but de diversifier et sélectionner les espèces ayant un
meilleur comportement dans le site (taux de survie, croissance).
La coupe en hauteur des haies en début de saison des pluies (juin) a pour objectif de limiter la
croissance, de favoriser la ramification et la densité à la base et de réduire l'incidence du houppier sur
la parcelle de culture. Les produits de cette coupe de gestion sont utilisés, au début, pour
colmater les brèches sur la ligne des arbres de manière à renforcer l'efficacité de la haie, puis pour
divers usages domestiques (bois de chauffe, fourrage, etc.).
%
Figure 3. Schéma du dispositif antiérosif du basin versant de Keur Dianko (60 ha).

Suivi hydrique et agronomique


Ce suivi a porté sur une seule ligne d'arbres composée de deux des onze espèces utilisées : Acacia
nilotica var. adansonii et Ziziphus mauritiana.
* Suivi hydrique
Les variations du stock hydrique du sol en fonction de la position et de la distance à la haie vive sont
d'abord appréciées. Pour cela, l'humidité a été mesurée sur des prélèvements faits à la tarière. Les
prélèvements ont été réalisés sur des sites en amont et en aval de la haie vive. Ces sites sont répartis
respectivement à 0,5 m (sous la haie), 1 m (limite de la frondaison), 2 et 5 m (extérieur de la haie)
suivant un dispositif en lignes perpendiculaires à la haie vive avec trois répétitions. L'écartement entre
deux lignes est de 10 mètres. Bien évidemment, les prélèvements ne peuvent être effectués au même
endroit. Le suivi des stocks hydriques réalisé avec un pas de temps d'environ 15 jours durant la
saison des pluies a débuté en saison sèche avant la première averse et s'est prolongé un mois après
la dernière pluie pendant les années 1991 et 1992. Le stock hydrique est évalué sur une épaisseur de
sol d'un mètre. Pour l'analyse, les observations provenant des sites situés en amont sont séparées de
celles réalisées en aval de la haie vive.
* Suivi agronomique
L'influence de la haie vive sur les cultures a été évaluée sur l'arachide en 1991 et le mil en 1992, dans
un système de rotation arachide/mil pratiqué dans la zone d'étude. Un dispositif en blocs randomisés
a été utilisé pour étudier la variabilité spatiale des rendements des cultures par rapport à la haie vive.
Le rendement a été mesuré sur des lignes d'un mètre de long pour l'arachide et dans des parcelles de
dimensions 1 x 2 m pour le mil, avec 3 répétitions par distance (1, 2 et 5 m en amont et en aval de la
haie vive).
La production totale des parties aériennes (gousses + fane) et la production de gousses pour
l'arachide aussi bien que la production totale des parties aériennes (épis + tiges + feuilles) et la
production d'épis pour le mil ont été quantifiées. Les données sont soumises à une analyse de
variance.

Résultats
Les prélèvements d'échantillons de sol effectués au cours des deux campagnes de mesures (1991 et
1992) donnent l'humidité en profondeur et les stocks d'eau par rapport à la distance à la haie vive.
Ces résultats reportés au tableau II et illustrés sur la figure 4 mettent en évidence une différence de
comportement hydrique probablement liée à la haie vive. À proximité immédiate des arbres (0,5 à 1
m), l'humidité du sol est plus élevée et l'humectation plus profonde. En revanche, l'humidité du sol au
niveau des profils éloignés (profils extérieurs) de la haie vive (2 à 5 m) est nettement moins élevée. Au
niveau de ces derniers, le front d'humectation est peu profond et affiche un retard de progression vers
les horizons sous-jacents. On peut, en comparant les différents profils en amont et en aval, observer
une légère tendance à un avancement plus profond du front d'humectation en amont, sans
toutefois observer de différence significative entre des profils situés à égale distance et de part et
d'autre de l'axe de la haie.
Figure 4. Profils hydriques en amont (A et C) et en aval (B et D) des haies vives le 28 juillet 1991 (A et B) et le 2
septembre 1992 (C et D).

Par ailleurs, le suivi au cours du temps des profils hydriques en relation avec la haie vive a montré
une forte variation des stocks d'eau par rapport à la distribution de la pluviosité (tableau III) et en
fonction de la saison (figure 5).

Figure 5. Influence des haies vives sur le stock hydrique du sol sur la tranche 0 à 100 cm.
Les stocks d'eau mesurés respectivement avant la première averse de la saison (15 juin 1991), au
cours de la saison des pluies (31 juillet et 28 août pour l'année 1991 ; 15 juin, 28 juillet, 29 août et 29
septembre en 1992) et après la dernière averse (7 octobre 1991 et 2 octobre 1992) sont reportés au
tableau II. Il faut souligner que, en 1992, à défaut d'une mesure avant la première averse, nous avons
considéré le profil du 2 novembre correspondant à un mois après la dernière averse (arrêt de la
saison des pluies) comme étant le profil de référence (profil sec). Ce tableau résume les principaux
résultats que l'on peut tirer de ces deux années de suivi du stock hydrique du sol en fonction de
l'éloignement de la haie vive et l'évolution de la pluviométrie. Il apparaît, en effet, une différence entre
le 15 juin 1991 et le 2 novembre 1992, dates de référence qui correspondent aux profils secs, et les
autres dates (profils humides) au cours des deux campagnes de mesure (1991 et 1992). L'analyse
des résultats portés sur le tableau II permet de constater que :
* en 1991, avec une pluviosité déficitaire de l'ordre de 482,5 mm en moyenne (normale de l'ordre de
700 mm), le stock hydrique entre le profil sec (15 juin) et le profil le plus humide (28 août) a augmenté
respectivement de 75 % à 0,50 m, 9 % à 1 m, 28 % à 2 m et 40 % à 5 m en aval et de 73 % à 0,50 m,
52 % à 1 m, 28 % à 2 m et 35 % à 5 m en amont de la haie vive ;
* en 1992, avec une pluviosité meilleure (tableau III), le stock hydrique entre le profil sec (2 novembre)
et le profil le plus humide (29 septembre) a augmenté respectivement de 40 % à 0,50 m de la haie
vive, 27 % à 1 m, 21 % à 2 m et 17 % à 5 m en aval ; et 52 % à 0,50 m de la haie vive, 44 % à 1 m, 25
% à 2 m et 5 % à 5 m en amont.

Ce résultat montre que, entre le profil sec et le profil le plus humide, le stock d'eau a augmenté
davantage au voisinage immédiat (0 à 2 m) de la haie vive qu'à l'extérieur de celle-ci (2 à 5 m).
Le stock hydrique a augmenté davantage en 1991 qu'en 1992. En revanche, en fin de saison des
pluies, on remarque une diminution importante du stock d'eau à proximité immédiate de la haie vive
(profil du 2 novembre 1992). Cette diminution est plus prononcée sous la haie (0,5 m).
La figure 6 résume les rendements des cultures d'arachide et de mil obtenus au cours des deux
années d'observations. L'examen de cette figure montre que le rendement des cultures a tendance
à décroître à proximité immédiate de la haie vive. On remarque cependant que cet effet dépressif
de la haie vive est plus sensible pour le mil.
Figure 6. Effets de la haie vive sur les cultures d'arachides 1991 (A) et de mil 1992 (B).

Ce résultat est confirmé par l'analyse de variance réalisée sur la production totale des parties
aériennes (gousses + fane et gousse) pour l'arachide, (épis + tiges + feuilles et épis) pour le mil. Les
résultats de cette analyse reportés au tableau IV montrent, au seuil de 5 %, une différence
significative pour le mil et non significative pour l'arachide.

Discussion
La différence observée entre le profil sec et le profil le plus humide suggère une capacité de stockage
d'eau importante à proximité de la ligne d'arbres. Perez et al. [16] montrent une différence de
l'évapotranspiration entre les zones proximale (0,5 à 1 m) et externe (2 à 5 m) de la haie vive. Ils
trouvent un ratio de 1:3 en faveur de la proximité à la haie vive. Cependant, le stock d'eau a partout
augmenté quelle que soit la distance à la haie en amont comme en aval. Les valeurs du stock
hydrique observées en 1991 sont plus élevées que celles enregistrées en 1992 malgré la pluviosité
nettement meilleure en 1992. Par conséquent, le profil du 2 novembre 1992 considéré comme
référence n'est en réalité pas un profil sec. Cela suppose qu'il y a encore un stock d'eau
relativement important sous la haie vive, un mois après l'arrêt de la pluie. Ce stock d'eau a
cependant fortement diminué à 0,5 m de la ligne d'arbres, ce qui traduit une augmentation de la
consommation en eau des arbres. Cependant, il faut souligner que, en saison des pluies, l'effet
perte d'eau au voisinage immédiat de la haie vive par évapotranspiration est atténué par l'apport du
ruissellement et l'infiltration.
Les stocks d'eau mesurés en aval et en amont de la haie vive entre les profils secs et humides pour
les deux années montrent des valeurs plus élevées en amont. En moyenne, ces valeurs sont de 48
et 31,5 % en amont et de 38 et 27,25 % en aval respectivement en 1991 et 1992. La réduction du
ruissellement par la haie vive se traduit par une augmentation de l'infiltration avec une amélioration
plus nette du profil hydrique sur une distance de 2 m en amont et de 1 m en aval de la haie. Kiepe [17]
a travaillé sur des haies de Cassia siamea au Kenya et trouve que celles-ci diminuent de 23 % les
pertes d'eau par ruissellement.
Il y aurait donc, pendant la phase pluvieuse, une capacité de stockage d'eau plus grande sur la ligne
d'arbres due probablement à l'amélioration de la structure du sol (bonne porosité) favorable à
l'infiltration.
Perez et al. [16] ayant travaillé dans la même zone indiquent, en moyenne, des vitesses d'infiltration
de 90 mm/h, quel que soit le type de sol.
Concernant les cultures, au bout de deux années d'évaluation, on observe un effet dépressif de la
haie vive sur le mil qui diminue à mesure qu'on s'éloigne du couvert ligneux. Ainsi, au voisinage
immédiat de la haie vive (0,5 m), le rendement de mil est des plus bas. Ce résultat obtenu est
corroboré par ceux des travaux antérieurs. En effet, la littérature agroforestière rapporte des cas de
concurrence entre arbres et cultures. Singh et al. [18] ont évalué l'effet de quelques espèces ligneuses
sur les cultures de sorgho et de pois dans un système de culture en couloirs. Ils ont montré des
valeurs d'indice de surface foliaire, de rendement en grain, de matière sèche totale de sorgho et
de pois plus élevées dans des parcelles de culture pure (sans arbres) et dans les parcelles
situées au milieu des allées de sorgho et de pois que dans celles qui avoisinent les arbres. De
même, Mouteith et al. [19] ont montré, avec une culture de mil en association avec des ligneux, que
les rendements ont fléchi dans les parcelles proches des arbres et peuvent dépasser 50 % des
rendements en monoculture selon certains auteurs. Aussi, Salazar et al. [20] ayant étudié les effets de
haies de Leucaena leucocephala et Erythrina sp. sur la culture du riz Oriza sativa var. Carolina
observent une réduction de 60 % des rendements à proximité immédiate de la haie vive (0,5 m).
En ce qui concerne la production d'arachide, il n'y a pas eu d'effet net de la haie vive. Pourtant cette
espèce (Arachis hypogea) est citée parmi celles qui s'adaptent le moins facilement à la culture
intercalaire.
La concurrence des arbres se marque à la fois par l'occupation des racines, la consommation
d'eau et de fertilisants, et par l'ombrage. L'effet dépressif de la haie sur le mil à faible distance alors
qu'il y a plus d'eau près de celle-ci conduit à des interrogations. Les cultures peuvent également subir
des pertes de rendement du fait de l'action phytotoxique des arbres. En effet, chez certaines
essences, il se produit des réactions allélopathiques provoquées par des substances contenues dans
les feuilles tombées à terre ou par des exsudats racinaires toxiques (phénols). Tian et Kang [7] ont
mis en évidence l'action phytotoxique de la litière de Gliricidia sepium sur les cultures. Ces auteurs ne
se sont pas intéressés aux rendements, mais se sont focalisés sur la croissance des plants de maïs et
de pois.
Le mil (plante C4) et l'arachide (C3) ont-ils les mêmes exigences en lumière et les mêmes efficiences
en eau ? À cette question, Annerose [21] et Fournier [22] ont montré que le mil est plus exigeant
que l'arachide pour la lumière. Les plantes C4 incorporent davantage de carbone avec une
utilisation plus efficace de l'eau, à ouverture stomatique égale, que les plantes C3. En effet, pour
l'eau, l'arachide est plus exigeant que le mil.
Pearcy et Ehlinger [23], ayant étudié l'assimilation de carbone de trois espèces herbacées désertiques
de type C4, ont trouvé une forte corrélation entre l'assimilation de carbone et l'énergie reçue par les
feuilles. Mordelet [24] trouve la même chose pour Hyparrhenia diplandra en Côte d'Ivoire. On pourrait
donc tenter d'expliquer la chute du rendement de mil par l'effet d'ombre des arbres qui réduit
l'efficience photosynthétique de cette plante.
Contrairement à l'arachide, le mil exploite-t-il la même zone racinaire que les arbres de la haie vive ?
Les résultats obtenus suggèrent qu'il y a suffisamment d'eau sous la zone d'influence de la haie vive
pour qu'il se pose un problème de compétition hydrique entre la culture et les arbres. En plus, dans la
même zone, la profondeur moyenne d'enracinement est de 1,5 m pour l'arachide et 1,7 m pour
le mil. Ces profondeurs de loin supérieures à celles considérées dans cette étude révèlent que les
cultures peuvent encore disposer de stocks d'eau en profondeur.
L'amélioration des profils hydriques par réduction du ruissellement peut s'accompagner d'une
lixiviation lors du drainage profond. La lixiviation importante à proximité de la haie vive entraînerait une
malnutrition minérale du mil dans une zone racinaire identique à celle des arbres [25]. Ces derniers
concluent que le drainage cause soit une lixiviation de l'azote, soit une asphyxie des racines.
En plus, Tian et Kang [7], sur les cultures de haricots et de maïs, trouvent que la concurrence des
racines est plus prononcée que celle pour la lumière. Des élagages des racines et des couronnes des
ligneux ont permis à ces auteurs de minimiser les concurrences. Mureithi et al. [5] ont été confrontés à
une baisse de 30 % des rendements en graines du maïs à proximité de la haie de Leucaena
leucocephala. Ces auteurs ont par la suite obtenu une hausse des rendements de 44 % en appliquant
le mulching de la totalité des feuilles des arbres.
Donc, le problème de ces interactions arbres/cultures se poserait davantage en termes de réactions
allélopathiques, provoquées par des substances contenues dans les feuilles tombées à terre ou par
des exsudats racinaires toxiques, ou de concurrence à la lumière, ou de lixiviation, selon les résultats
de Okorio et al. [6] et de Daouda et al. [25]. La concurrence racinaire est largement compensée
par l'épandage d'engrais vert de certaines espèces ligneuses [6]. Ces résultats posent des
interrogations sur le choix des espèces ligneuses à utiliser dans les associations arbre/culture.

CONCLUSION
L'efficacité de la haie vive sur les phénomènes du ruissellement et de l'infiltration est bien établie et on
observe :
- une réduction de ruissellement qui se traduit par l'augmentation de l'infiltration avec une amélioration
du profil hydrique sur une distance de 2 m en amont et de 1 m en aval ;
- une très forte diminution du stock d'eau à proximité immédiate de la haie vive (profil du 2 novembre
1992) un mois après l'arrêt de la pluie. Il semble donc que le gain d'infiltration soit en grande partie
utilisé par la haie vive pour les besoins des arbres en début de saison sèche.
Sur le plan de la production des cultures, on constate une baisse des rendements à proximité des
haies plus importante pour le mil que pour l'arachide.
En définitive, la haie vive isohypse permet de réduire la vitesse du ruissellement, d'augmenter
l'infiltration sous les arbres et de limiter en conséquence les transferts d'eau vers l'aval. Son
influence négative sur le rendement semble ne concerner que le mil, à proximité immédiate de
la haie.
Dans un écosystème de plus en plus menacé et fragilisé par une dégradation continue des
ressources ligneuses, il apparaît nécessaire de conserver, voire d'améliorer, et de gérer les
ressources existantes. Les apports dans ce domaine d'une haie vive isohypse à l'échelle du bassin
versant se situent à différents niveaux :
- un cloisonnement du paysage dégradé par la réintroduction de l'arbre dans le système de cultures,
pouvant conduire à un embocagement progressif ;
- un renforcement des capacités de gestion intégrée des ressources naturelles, en particulier
ligneuses à l'échelle du terroir villageois, des populations rurales ;
- une appropriation des techniques agroforestières, notamment la haie vive, par les populations, en
facilitant leur diffusion à différents niveaux d'échelles géographiques (bassin versant, terroirs
villageois, petites régions agricoles) et de type d'organisation sociale (ferme individuelle/familiale,
association villageoise/communautaire).
REFERENCES
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closely spaced Leucaena hedgerows on soil conservation and maize yield on a steep slope at Ntchen.
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5. Mureithi JG, Tayler RS.,1994. Thorpe W. The effects of alley cropping with Leucaena
leucocephala and of different management practicies on the productivity of maize and soil chemical
properties in lowland coastal Kenya. Agroforestry Systems ; 27 : 31-51.
6. Okorio J, Byenka S, Wajja N, Peden D. Comparative performance of seventeen upperstorey tree
species associated with crops in the highlands of Uganda. Agroforestry Systems ; 26 : 185-203.
7. Tian G, Kang BT., 1994. Evaluation of phytotoxic effects of Gliricidia sepium (Jacq) Walp prunings
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diversité génétique agrophysiologique : potenliatilités et contraintes pour l'amélioration génétique et
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Effets des plantations forestières sur banquettes sur le
ruissellement et l'érosion par rapport aux parcours dans les
montagnes semi arides du Haut-Atlas de Marrakech (Maroc)

CHEGGOUR Aouatif (1), SIMONNEAUX Vincent (2), ROOSE Eric (3)


1
Projet SudMed, Faculté des Sciences Semlalia, Marrakech, Maroc. a.cheggour@ucam.ac.ma
2
CESBIO - IRD, 18 Av. Edouard Belin, 31401 Toulouse Cedex 9, France.simonneaux@ird.fr
3
IRD- SeqBio, BP.64501, F34394 Montpellier, France. Eric.Roose@ird.fr

Résumé
L’érosion hydrique est un phénomène qui porte préjudice aux ressources en
eau et en sol des bassins versants du Maroc. L’objectif de ce travail est de quantifier
l’effet des aménagements (replantations forestières de pins essentiellement,
associées à la création de banquettes) à partir de mesures réalisées sur parcelles
d’érosion (150 m²) sous pluies naturelles installées sur deux types de sols contrastés
et importants dans le bassin versant de l’oued Rhéraya (argilites permo-triasiques
et substrat magmatique), situé dans le Haut Atlas Occidental du Maroc.
Cinq années d’observations ont montré que dans la majorité du bassin les
évènements provoquant du ruissellement sont rares et ne produisent que peu de
sédiments (entre 0.03 et 1.1 t.ha-1.an-1). Par contre, le ruissellement est plus fréquent
et l’érosion nettement plus importante sur le sol nu des ravines argileuses (340
t.ha-1.an-1). Les plantations de pins sur banquettes sur argilites rouges ont montré
leur efficacité pour le blocage du ruissellement et de l’érosion lorsqu’elles sont
encore fonctionnelles. Inversement, les banquettes non entretenues (banquettes
comblées de sédiments et sol sans végétation observées sur substrat magmatique)
augmentent le ruissellement et l’érosion.
Mots clés : Maroc, Haut Atlas, érosion, ruissellement, parcelles d’érosion,
replantations forestières, banquettes, entretien.

Abstract
Water erosion has a strong negative impact on soil and water resources in
Morocco. The objective of this work is to quantify effect of management (Pine
Plantation associated with the creation of graded terrasses) from measurements on
erosion plots (150 m²) with natural rainfall installed on two contrasting soil types in
the Rheraya watershed (red clay Permo-Triassic and magmatics rocks) in the
Western High Atlas of Morocco.
Five years of observation have shown that on the majority of the catchment,
rainfall events causing runoff are rare and produce little sediments (between 0.03
and 1.1 t.ha-1.an-1). Conversely, runoff is more frequent and erosion much higher in
gullies on red clay (340 t.ha-1.an-1). The pine plantations associated with
embankments and ditches showed their strong effectiveness for blocking runoff and
erosion when they are still functional. Conversely, those that were not maintained,
with ditches filled with sediments, have no more or even a strong negative effect.
Keywords: Morocco, High Atlas, erosion, runoff, erosion plots, pine plantation, graded
terraces, maintenance.
Introduction

Au Maroc, les problèmes d’érosion hydrique se sont accentués ces dernières


décennies à cause de la pression foncière : les défrichements et le surpâturage ont
entraîné la dégradation du couvert végétal et par la suite l’augmentation du
ruissellement et de l’érosion. Cependant les évaluations quantitatives sont rares,
notamment en montagne où l’érosion représente un enjeu d’un point de vue
agronomique et écologique, mais aussi du point de vue de l’envasement des
barrages, estimé annuellement à 60 Mm3 pour le Maroc, soit une perte annuelle de
0.5% de la capacité des réservoirs. Pour lutter contre ce problème, la direction des
Eaux et Forêts réalise depuis les années 1950 des plantations forestières de pins
essentiellement, associées à la création de banquettes (talus + fossé
perpendiculaires à la pente) qui bloquent le ruissellement et l’érosion et permettent
ainsi d’entretenir l’humidité nécessaire au développement des arbres. L’objectif est
également une fois ces arbres développés et couvrants, de protéger le sol contre
l’agressivité de la pluie. L’observation visuelle montre que bien souvent dans l’Atlas
ces aménagements ne semblent plus jouer le rôle escompté.
L’objectif de ce travail est de quantifier l’effet de ce type d’aménagement à
partir de mesures réalisées sur parcelles d’érosion sous pluies naturelles installées
dans le bassin versant de la Rhéraya, dans le Haut Atlas Occidental du Maroc.

Matériels et méthodes

L’étude concerne le bassin versant de l’oued Rhéraya (228 km²), situé dans le
Haut-Atlas de Marrakech (Maroc), dont les altitudes varient de 925m à 4165m. Le
climat est semi-aride, caractérisé par une grande irrégularité spatiale et temporelle
des précipitations, dont une partie tombe sous forme d’orages et une autre sous
forme de neige. L’hétérogénéité spatiale de la pluie est due au relief (de 300 à
900 mm.an-1, pour une moyenne de 360 mm.an-1).
Du point de vue géologique, les substratums affleurant dans le bassin sont très
variés. La zone aval du bassin comprend des argiles rouges permotriasiques
extrêmement érodibles lorsqu’elles sont nues, alors que les deux tiers amonts sont
constitués par des formations magmatiques nettement plus stables. La végétation
naturelle est constituée de quelques boisements plus ou moins denses de thuya au
nord du bassin, et de steppes à chaméphytes partout ailleurs, en général très
dégradées par le surpâturage et les prélèvements anthropiques (pour cuire le pain).
Sur les principales unités de paysage, des mesures d’érosion in situ sont
réalisées. Cinq parcelles d'érosion de 150 m2, installées sur deux types de sols
contrastés et importants dans le bassin (figure 1), soit du point de vue de surfaces
occupées (deux parcelles sur roches magmatiques: parcours, plantation), soit du
point de vue de la contribution à l’érosion (trois parcelles sur argilites
permotriasiques : parcours, plantation, sol nu (badlands). Ce dispositif permet de
comparer pour chaque situation des états avec ou sans aménagements.
Figure 1 : Localisation des parcelles d’érosion dans le bassin
versant du Rhéraya

Résultats et discussions

Cinq années d’observation ont montré que dans la majorité du bassin, les
évènements provoquant du ruissellement sont rares et ne produisent que peu de
sédiments (entre 0.03 et 1.1 t.ha-1.an-1). Inversement, le ruissellement est plus
fréquent et l’érosion nettement plus importante sur le sol nu des ravines argileuses
(340 t.ha-1.an-1).
Le coefficient de ruissellement moyen annuel varie de 1,4% à 8,1% sur toutes
les parcelles et elle est de 40 % sur la ravine nue (figure 2). A part la ravine qui reste
un cas particulier, ces chiffres montrent que le ruissellement de surface reste un
phénomène quantitativement faible et qu’une très grande proportion de la pluie
s’infiltre dans le sol. Ces résultats confirment les mesures effectuées par Heusch
dans le Rif (Heusch, 1970), qui a montré que le ruissellement moyen varie de 0 à
30% selon les situations, mais il reste en général inférieur à 10%. En revanche, le
ruissellement maximum a atteint des valeurs relativement élevées sur la ravine nue
jusqu’à 65%, ce qui est concordant avec les résultats trouvés par Roose et al., 1993,
puis par Morsli et al.(2004), et dont le coefficient de ruissellement a atteint 56% et
80% sur des sols nus en Algérie.
Les trois sites sur argilites illustrent bien les situations possibles selon l’état
d’entretien de l’environnement, on passe de 340 t/ha/an sur sol nu, à 1,1 t./ha/an
sous parcours et à 0,05 t./ha/an sous une plantation de pins de 40 ans sur
banquettes. Ces sols deviennent donc extrêmement sensibles à l’érosion quand ils
sont dénudés et ravinés, alors que les aménagements se montrent efficaces
lorsqu’ils sont entretenus. Face à ces risques d’érosion, il est possible de protéger
ces versants par des seuils et des banquettes et les stabiliser par des plantations.

Figure 2 : Résultats des parcelles d’érosion dans le bassin


versant du Rhéraya

Sur les substrats magmatiques, la parcelle sur parcours produit 4 fois moins
de sédiments que celle sous plantation de pins. Ceci, peut être expliqué par
l’absence de végétation herbacée sur la parcelle de pins suite au pâturage par les
chèvres et par le comblement des éléments de banquettes. Il semble ici que
contrairement à ce qui se passe sur les argilites, la plantation n’ait pas l’effet positif
escompté. Cela n’est pas surprenant si on regarde les états de surface, puisque le
sol ne comporte aucune végétation ni rugosité susceptible de freiner le ruissellement.
Cette différence illustre que, comme cela avait été constaté visuellement sur les
argilites, les plantations mal entretenues (strate herbacée broutée par les chèvres et
banquettes comblées) n’ont plus d’effet bénéfique sur la réduction du ruissellement.
Ici on est même arrivé à situation pire qu’avant l’aménagement car le parcours voisin
se comporte mieux : en effet les pluies sont interceptées à la limite de la plantation
de pins. Ces conclusions sont en accord avec celles de Lacombe (2007), qui
observe les mêmes problèmes en Tunisie. Les nombreuses banquettes réalisées
pour limiter les crues ont un effet négatif par rapport à la situation avant
aménagement si elles ne sont pas entretenues pour conserver leur effet de blocage
des ruissellements.

Conclusion

Les plantations de pins sur banquettes sur argilites rouges ont montré une
bonne efficacité pour le blocage du ruissellement et de l’érosion lorsqu’elles sont
encore fonctionnelles, mais leur non entretien montre un retour de l’érosion,
potentiellement plus fort qu’initialement étant donné la forte perturbation du sol
provoquée par l’installation de ces banquettes qui dégage la couche de colluvions
caillouteuses protectrices originales.
Sur terrain magmatique, les banquettes associées aux plantations n’ayant pas
été entretenues (banquettes comblées et sol sans végétation herbacée) montrent
une augmentation du ruissellement et l’érosion, car le sol sous plantation est lisse,
surpâturé par les chèvres et dégagé de toute végétation pouvant ralentir le
ruissellement. Sur le parcours, les touffes de Chamaephytes protègent des buttes de
sol tandis qu’entre ces buttes circule le ruissellement sur un glacis de cailloux
dégagés par le ruissellement concentré

Références bibliographiques
Heusch B. 1970. L’érosion du Pré Rif occidental : une étude quantitative de l’érosion hydrique. Ann
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ruissellement en montagne méditerranéenne algérienne. Cah.ORSTOM Pédol., 28, 2 : 289-308.
Potentiel du Jatropha curcas pour le développement économique,
le reboisement, et l’aménagement de bassins-versants en Haiti.

Gaël Pressoir
gael.pressoir@chibas-bioenergy.org
www.chibas-bioenergy.org

Résumé

Le Jatropha curcas comestible (variétés non-toxiques) est appelé à devenir une


culture multi-usage (alimentation animale et énergie) pouvant contribuer à la
réhabilitation de l’environnement (reboisement et conservation des sols) et à
l’extension de l’espace agricole (utilisation et valorisation des terres marginales). Il
permettrait de produire localement et donc de remplacer les importations de produits
pour lesquels il existe une forte demande en Haïti: (1) des briquettes de charbon à
partir des cosses (déchets du fruit et de la graine) ; (2) du tourteau pour
l’alimentation animale ; (3) du biocarburant pour les centrales électriques ; (4) du
biodiesel pour les réchauds, les lampes et les véhicules automobiles.

Le Jatropha peut pousser sur des terres sablonneuses et marginales impropres à


l’agriculture (on peut penser aux vastes étendues de mornes calcaires, par exemple
dans le Nord d’Ouest d’Haïti, qui ne sont pas cultivées et où pourrait être cultivé le
Jatropha). Le Jatropha est potentiellement un outil pour le reboisement puisque c’est
une culture pérenne qui pourrait fournir des revenus aux agriculteurs : c’est une
plante économiquement utile, elle ne fait pas de charbon de bois et elle ne craint pas
les animaux (le Jatropha est traditionnellement utilisé pour réaliser des haies vives et
maintenir les cabris à l’écart des cultures). Le Jatropha permet de lutter contre
l’érosion et la déforestation et de récupérer ainsi des terres mises à nu par le
déboisement sauvage et perdues pour l’agriculture.

Nous présenterons les résultats préliminaires sur la possibilité d’établissement d’une


filière autour du Jatropha en Haiti au travers : (1) des stratégies à mettre en place ;
(2) de la quantité de terres disponible pour l’établissement d’une telle filière ; (3) du
potentiel de création d’emplois de la filière.

Mots clés : Aménagement bassin-versant, Etude de filière, Jatropha curcas,


Sécurité alimentaire, Systèmes d’information géographique.
INTRODUCTION

Les deux premiers postes à l’importation en Haïti sont les produits pétroliers et les
produits alimentaires. Ensemble, ils représentent les deux tiers de nos importations ;
des importations sans cesse grandissantes qui creusent le déficit de la balance des
paiements (la valeur des importations est pratiquement quatre fois plus élevée que
celle des produits exportés). Cette dépendance sans cesse croissante vis-à-vis des
produits importés fragilise l’économie haïtienne.

Un autre défi à relever en Haïti, et qui n’est pas sans relation avec les deux
précédents, consiste à mettre un frein au désastre environnemental causé par le
déboisement. La coupe effrénée des arbres met en péril non seulement la sécurité
des vies et des biens du fait des inondations à répétition qui en découlent, elle
contribue également à la réduction de la production agricole par la perte des terres
arables ; on peut également souligner le non-renouvellement de la première source
de « bio »combustible utilisé dans le pays, en l’occurrence le bois et le charbon de
bois. Peut-on en Haïti adresser simultanément, les défis d’ordre environnementaux
liés au déboisement, la sécurité alimentaire, et la sécurité énergétique ?

Enfin, le deuxième marché dans le pays est le marché du diesel (juste après le riz).
Non seulement la moitié du parc automobile fonctionne au diesel, tout
particulièrement les véhicules de transport de marchandises, mais 75% de la
production électrique est aujourd’hui également produite par du diesel. Plus de 100
millions de gallons de diesel sont consommé chaque année alors même que le pays
est en situation de pénurie énergétique faute de devises pour l’achat d’équipements
et de produits pétroliers.

Le Jatropha curcas est une culture pérenne, un arbuste, dont l’huile présente la
qualité requise pour la production de biodiesel. Dans cet article nous analyserons à
la lumière des travaux présentés lors de la première conférence des acteurs et
parties prenantes de la filière Gwo Medsiyen (ou Jatropha) en Haïti les aspects
environnementaux, économique et les enjeux pour la sécurité alimentaire de la
promotion de la culture du Jatropha curcas en Haïti.

I. JATROPHA CURCAS ET GESTION DURABLE DES BASSINS VERSANTS

En Haïti, 60% des terres ont un taux d’inclinaison supérieur à 20%. La majeure
partie de ces pentes est fortement déboisée par la pratique présente ou passée
d’agriculture de plantes annuelles associées au labourage et souvent même à la
culture sur brûlis ; cette forme de déboisement s’accompagne ou est combinée à la
déforestation pour prélever du bois de chauffage ou pour la fabrication de charbon.
Ces pratiques conduisent à laisser les mornes à nus et du fait de l’érosion intensive
qui y est associée, à la perte de la fertilité et à l’abandon par les agriculteurs de toute
culture sur ces terres. 72% de l’énergie consommée en Haïti l’est sous la forme de
bois ou de charbon de bois et est directement liée à ses pratiques non durables
d’exploitation des ressources (BME, Bilan énergétique Haïtien, 2009). La pression
démographique et économique sur les zones concernées est telle que jusqu’à
présent, les projets de reboisement et d’aménagement des bassins versants n’ont
eu que peu d’impact au niveau national. Aussi, l’absence de travail sur les filières
économiques et la rentabilité associée aux projets d’aménagement des bassins
versants explique en grande partie l’absence de durabilité de ces projets (Jean
Chariot Michel, 2009). Les récentes inondations en Haïti, à la suite de la saison
cyclonique de 2008, illustrent la nécessité de promouvoir des solutions techniques
durables de reboisement des mornes d'Haïti tout en augmentant simultanément la
sécurité économique des cultivateurs.

Il apparaît donc essentiel de promouvoir des structures de conservation des sols


jouant en même temps un rôle productif (Jean Chariot Michel, 2009). Le Jatropha
curcas peut offrir une solution économiquement viable pour la restauration des sols
affectés par l’érosion tout en contribuant aux revenus des petits exploitants. Le
Jatropha curcas, étant un système de culture pérenne et durable, peut contribuer à
la reforestation d’Haïti. Le Jatropha curcas permettrait de relever le défi de la
sécurité énergétique tout en fournissant un revenu aux agriculteurs ; les parois des
fruits et les téguments de la graine peuvent êtres utilisés pour la confection de
briquettes de charbon, l’amande est riche en huile qui peut être utilisée pour la
fabrication de biodiesel ou être utilisé directement comme biocombustible pour des
lampes, réchauds ou le fonctionnement de moteurs à huile.

Le Jatropha curcas peut donc répondre à des besoins en combustible et se


substituer à l’utilisation du charbon de bois dont la confection est un des facteurs de
l’état de dégradation environnemental du pays. Le Jatropha curcas est aussi
potentiellement un outil extraordinaire pour le reboisement du pays puisque c’est
une culture pérenne, un arbuste, qui pourrait fournir des revenus aux agriculteurs :
c’est une plante économiquement utile, sa tige ne peut être utilisée pour la
fabrication de charbon de bois et elle ne craint pas les animaux (le Jatropha curcas
est traditionnellement utilisé pour réaliser des haies vives – lantouray et maintenir les
cabris à l’écart des cultures). Le Jatropha curcas permettrait de lutter contre l’érosion
et la déforestation et de récupérer ainsi des terres mises à nu par le déboisement
sauvage et préalablement perdues pour l’agriculture. Enfin nous pouvons mettre
avec le Jatropha curcas de la végétation là ou il n’y en avait pas et piéger une
quantité importante de dioxyde de carbone (CO2) et contribuer ainsi à la lutte contre
le réchauffement climatique.

Toutefois, du fait de la forte pression démographique et du déficit alimentaire


chronique en Haïti, il apparaît essentiel que la culture du Jatropha curcas ne mette
pas en péril la sécurité alimentaire. À ce sujet, Le développement de variétés de
Jatropha dont le tourteau est comestible pour les animaux d’élevage offre
l’opportunité d’encourager la production à la fois pour les produits alimentaires et les
biocarburants. Aussi Le Jatropha peut potentiellement pousser sur des sols
marginaux présentement non-cultivés. Nous devons donc établir des modèles
d’utilisation des sols à travers les Systèmes d’Information Géographiques minimisant
l’impact de la culture du Jatropha sur les cultures annuelles alimentaires
traditionnelles.

II. USAGE DES SOLS ET SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Du fait de la situation de pénurie alimentaire que connaît le pays, il est essentiel que
la culture du Jatropha curcas n’affecte pas la production alimentaire déjà limitée et
plus largement la sécurité alimentaire. La question de la disponibilité des terres en
minimisant les risques d’impact socio-économique et environnementaux est
essentielle à l’établissement d’une stratégie nationale de développement de la
culture du Jatropha curcas.

Une part non négligeable des sols ne sont pas cultivés en Haiti comme l’indique la
figure 1 réalisées à partir de la carte d’usage des sols disponible au CNIGS
(Figure 1).

Figure 1 : Carte d’usage des sols


(Pressoir modifié à partir des cartes
du CNIGS, 2009)

En rouge : zones présentant une


densité forte ou moyenne de parcelles
cultivées

Pour évaluer la quantité de terres disponible pour la culture du Jatropha tout en


minimisant les risques socio-économique, nous avons exclu les montagnes humides
(propice à l’arboriculture fruitière), les zones au dessus de 1000 m d’altitude, les
pentes d’inclinaisons supérieures a 40%, les sols a fort potentiel agricole (cultivés ou
non) et les zones cultivées (figure 1). Dans la figure 2A nous avons limité l’exclusion
à ces facteurs et dans la figure 2B nous avons de plus exclu toutes les plaines,
vallées ou plateaux avec une inclinaison inférieure à 12% (cultivées ou non et
indépendamment de l’aridité) et également l’ensemble des sections communales à
forte densité de population.

Figure 2 – Les deux modèles minimisent l’impact sur la sécurité alimentaire le modèle 2B de
surcroît exclu les zones à forte densité de population ainsi que les zones de pentes
d’inclinaison inférieure à 12%. En rouge les zones exclues pour minimiser les risques
environnementaux, agro-écologiques et alimentaires, en vert les zones aptes à la culture du
Jatropha. 2A : 934,803 hectares de terres disponibles pour la culture du Jatropha curcas ; 2B :
642,573 hectares disponibles.
Ces résultats préliminaires (Pressoir et al, 2009 ; une étude plus détaillée devrait
débuter en Septembre 2009) suggèrent qu’entre 600,000 et 900,000 hectares de
terres subhumides et semi-arides seraient appropriées pour la culture du Jatropha
sans affecter la sécurité alimentaire et sans empiéter sur les terres aujourd’hui
cultivées. Même le modèle le plus conservateur (qui réserve les montagnes
humides et l’ensemble des zones de faible inclinaison non cultivés aujourd’hui pour
accroître la production alimentaire) laisse une importante surface de terres
disponible pour la culture du Jatropha curcas. Seuls 350,000 hectares seraient
nécessaires pour satisfaire l’ensemble de la consommation actuelle haïtienne de
Diesel (BID et USAID/DEED, Etude de faisabilité de la filière Biodiesel, 2009). Il y a
donc suffisamment de terres en Haïti pour produire le Biodiesel nécessaire à notre
consommation interne tout en minimisant les risques d’impact sur la sécurité
alimentaire, l’environnement, et la disponibilité des terres pour accroître la
production alimentaire défaillante de l’île.

Les terres ressortant des deux modèles (Figures 2A et 2B) correspondent à ce que
l’on appelle en Haïti les « Terres Chaudes ». L’essentiel de ses terres se trouve
dans deux zones d’économie alimentaire correspondant à ce que la Coordination
Nationale pour la Sécurité Alimentaire (CNSA) défini comme « la zone agro-
pastorale sèche » et « la zone sèche d’agriculture et de pêche ». Dans ces zones, la
culture du Jatropha curcas n’affecterait que marginalement la disponibilité en
aliments et la sécurité alimentaire (Gary Mathieu CNSA, 2009). Il a été néanmoins
souligné par le porte parole de la CNSA à l’occasion, la nécessité de prendre en
compte le paramètre démographique (pris en compte dans la Figure 2B) et estimer
la proportion de la population qui bénéficieraient d’une augmentation de ses revenus
dans une zone donnée et l’importance de minimiser la diversion des parcelles
contribuant à la disponibilité alimentaire dans une zone donnée. Il est clair que les
Biocarburants ne résoudront pas l’insécurité alimentaire mais peuvent jouer un rôle
dans l’augmentation des revenus et donc de la capacité d’acquérir des aliments
dans des zones déjà fortement dépendantes du marché pour l’accès aux aliments

Figure 3 – Carte des Zone


d’économie alimentaire (CNSA,
2005)
Ceci souligne l’importance de réaliser une étude préalable à l’établissement d’un
projet biocarburants dans une région donnée. Ce type d’étude est en ce moment en
cours dans la commune de Saint Louis du Sud (Elie Y et Pressoir G, 2009).

Figure 4 – Carte des risques


socio-économique pour la culture
du Jatropha curcas sur la
commune de Saint Louis du Sud
(Elie et Pressoir, 2009).

4A : Commune de Saint Louis du


Sud ; 4B : en rouge la zone des
plaines et vallées fertiles ; 4C : En
rouge la zone de faible
accessibilité ; 4D : en rouge la zone
présentement cultivée et de
production vivrière ; 4E : en rouge la
zone de culture du Vétiver ; 4F : en
vert les zones proposées pour la
culture du Jatropha curcas

Nous avons donc réalisé sur la commune de Saint Louis un recensement des terres
propices à la culture du Jatropha curcas sans affecter la production alimentaire ou le
revenu des agriculteurs. La plus importante zone ne produisant pas de denrées
comestibles est la zone de production du Vétiver (Figure 4E). Bien que le Vétiver
soit en régression, il n’est pas souhaitable d’initier un projet dans cette zone avant
de démontrer que le Jatropha curcas peut procurer des revenus supérieurs à ceux
du Vétiver. Les méthodes de Culture du Vétiver dans le Sud d’Haïti sont très
destructrices de l’environnement et sont facteur d’aggravation de l’érosion du fait de
l’arrachage de l’ensemble des parcelles pour procéder à la vente des racines sont
est extraite une huile essentiel très prisée de l’industrie du parfum. Il est évident que
après démonstration d’un revenu comparable voir supérieur de la culture Jatropha
curcas ces zones pourraient être dédiées à cette nouvelle culture. Les deux zones
en 4F peuvent être recommandées pour la culture du Jatropha curcas et leur mise
en culture n’affectera pas négativement la disponibilité en aliments ou les revenus
des agriculteurs.

L’enquête de terrain couplée à l’analyse d’image satellite (Elie et Pressoir 2009)


indique que la zone indiquée sur les photos (Figure 5A et 5B) est propice à
l’établissement d’un projet de mise en culture du Jatropha curcas. Les agriculteurs
de cette zone sont demandeurs pour l’établissement d’un tel projet. Ces terres sont
à l’abandon depuis souvent plus de 20 ans et on y pratique en ce moment l’élevage
libre de très faible intensité. Ce sont des terres très fortement déboisées et aux sols
fortement dégradés (Figure 5A).
Figure 5 – Zones recommandées
pour l’établissement d’un projet de
mise en culture du Jatropha
curcas (Elie et Pressoir, 20009)

5A : Photo prise dans la zone en


question ; 5B : Photo satellite
délimitant (blanc) une zone de 350
hectares ; les terres dans cette zone
ne sont pas cultivées et ce souvent
depuis plusieurs générations

La mise en place de telles stratégies et l’analyse des situations locales peut


permettre l’établissement de projets de mise en culture du Jatropha curcas et de
mise en place d’une petite industrie de transformation des fruits en évitant d’affecter
négativement la production alimentaire ou le revenu des agriculteurs de la zone
étudiée.

III. VARIÉTÉS DE JATROPHA CURCAS COMESTIBLE

Le Jatropha comestible est consommé par de nombreuses populations indigènes du


Mexique et du Guatemala (observations personnelles). Sur place nous avons
observé que non seulement il était collecté par l’homme pour la préparation
d’aliments (amandes grillées ou pour la préparation de sauces) mais était également
consommé par des rongeurs et des oiseaux.

La teneur en protéines du tourteau de Jatropha curcas est de l’ordre de 60% avec


une composition satisfaisante en acides aminées pour l’alimentation animale
(Makkar et al, 1998, Martinez-Herrera et al, 2006). Le tourteau du Jatropha curcas
présente donc un fort potentiel pour l’alimentation animale. Les variétés comestibles
ont une faible teneur en Ester de Phorbols (Makkar et al, 1998, Martinez-Herrera et
al, 2006). Pour être incorporé à l’alimentation animale, les amandes (ou le tourteau)
doivent être cuites ou grillées et éventuellement de la phytase doit être ajoutée la
préparation obtenue (Makkar et al 1998). Une comparaison de la teneur en acide
aminées entre le Jatropha et le soja révèle une composition similaire pour tous les
acides aminés essentiels à l’exception d’une plus faible teneur en lysine et d’une
teneur plus élevées en méthionine et cystéine pour le Jatropha (Vasconceles et al,
1997).

Le tourteau, riche en protéines, des graines de Jatropha curcas comestibles


permettrait de nourrir des élevages de poissons et de poulets (l’un des principaux
problèmes de l’élevage avicole en Haïti est le coût prohibitif de la nourriture
importée).

Lors d’une intervention à la 1ere conférence des acteurs et parties prenantes de la


filière Gwo Medsiyen (Jatropha curcas en Créole), le secrétaire d’état à la production
animale, le Dr. Michel Chancy, a souligné l’état de dépendance de l’élevage vis-à-vis
soit de l’importation de viande ou d’œufs, ou sinon de soja et autres aliments
importés. Cette situation affecte particulièrement l’élevage des monogastriques
(cochons, volailles et tilapias). La culture du Jatropha curcas comestible pourrait
permettre de développer l’élevage des animaux monogastriques par la création
d’une filière nationale de production d’aliments pour ces animaux d’élevage. Il est
aussi important de noter que les rendements en protéines par hectare du Jatropha
curcas ne sont pas très éloignés de ceux des meilleures variétés de soja. La culture
du soja en Haïti exigerait les meilleurs terres arables ; le Jatropha curcas est une
culture pérenne, un arbuste, qui permet le reboisement et peut être cultivée sur des
sols fortement dégradés.

L’utilisation de variété de Jatropha curcas multi-usage (comestible) augmenterait les


débouchés possibles de la filière. Le Jatropha curcas nous permettra de détourner
les fonds utilisés à l’achat de carburant vers nos agriculteurs et grâce aux variétés
non toxiques, son tourteau riche en protéines permettra de réaliser des aliments
équilibrés pour nos élevages et ainsi contribuer simultanément à l’amélioration de la
sécurité alimentaire et énergétique du pays.

IV. RENTABILITÉ D’UNE FILIÈRE BASÉE SUR LE JATROPHA CURCAS

Une étude commanditée par la Banque Interaméricaine de Développement à


analysé dans le contexte Haïtien la rentabilité d’une filière autour du Jatropha curcas
(BID et USAID/DEED, Etude de faisabilité de la filière Biodiesel, 2009). Les
conclusions de cette étude semblent indiquer que l’exploitation du Jatropha toxique
comme non toxique peut être rentable (avec un avantage aux variétés comestibles si
un marché pour le tourteau et l’alimentation animale peut être mis en place).

La Figure 6 indique le nombre d’emploi créés par la culture du Jatropha curcas sur
65,000 ha ; cette superficie permettrait de créer plus de 22,000 emplois agricoles à
temps complet et entre 2600 et 3250 emplois dans les centres d’extraction de l’huile.
En tout, pour satisfaire la consommation actuelle de diesel de 100 millions de
gallons par an, la filière Jatropha pourrait créer plus de 150,000 emplois directs et
générer plusieurs centaines de millions de dollars de revenus dans le pays. Ce
modèle économique repose sur la valorisation de l’huile et de la fabrication de
briquettes de charbon avec les résidus (Jatropha toxique ou non toxique). On voit
que les revenus dans ce scénario sont de plus de 500 USD par ha pour l’exploitant
agricole et de plus de 1000 USD par ha si l’exploitant est propriétaire de l’unité de
pressage (CPJ dans la Figure 6). L’utilisation de variétés comestibles se traduit par
des revenus encore plus importants. Il est important de noter que la valorisation de
l’huile seule ne suffit pas forcément à assurer la rentabilité de la filière ; la
valorisation des coproduits (tourteau et/ou briquettes de charbon) est essentielle à
cette rentabilité.
Figure 6 – profits et nombre d’emploi crée pour 700 ha, 6,500 ha ou 65,000 ha. Source : Etude
de faisabilité de la filière Biodiesel, BID et USAID/DEED

Si cette filière peut être profitable pour nos agriculteurs, elle représente également
une formidable opportunité de créer une véritable agro-industrie génératrice
d’activités dans nos provinces. Pour presser l’huile de Jatropha, la transformer en
biodiesel, il faudra mettre en place une petite industrie qui aujourd’hui manque
cruellement aux régions reculées du pays. Le considérable avantage d’une culture
non destinée à l’exportation, c’est que nous créons non seulement des emplois
agricoles, mais également les emplois nécessaires à la transformation de ces
produits. L’autre avantage lié aux biocarburants, c’est que nous avons un marché
captif de plusieurs centaines de millions de dollars, un marché qui n’est pas près de
s’épuiser. L’industrie des biocarburants ne serait donc tributaire d’aucun choix
stratégique réalisé dans et par un quelconque autre pays. L’ensemble de la filière
économique (chaîne de valeur) trouverait sa place au cœur même de nos provinces
et y génèrerait des revenus (avec de l’argent qui autrement part dans des pays
exportateurs de pétrole). Si nous substituions la production nationale à nos
importations de carburant, cette filière pourrait créer plusieurs centaines de milliers
d’emplois et devenir le premier employeur du pays.

V. JATROPHA CURCAS ET ÉCONOMIE VILLAGEOISE


L’étude commanditée par la Banque Interaméricaine de Développement suggère la
rentabilité de la filière à la fois pour le Jatropha curcas toxique comme pour le non
toxique. Ceci est dans le cadre d’une filière intégrée à l’économie nationale ou axée
vers l’export. Mais une alternative économique est celle axée sur l’économie
villageoise (section communale ou même localité). Un exemple concret est le projet
réalisé par le GAFE sur la section communale de Belle Fontaine dans la commune
de Kenscoff (Hurtaud et Tilus, 2009) ; l’huile de Jatropha curcas peut fournir de
l’huile pour le fonctionnement de lampes et de réchauds dans un premier temps.
L’équipement nécessaire (petite presse hydraulique, lampe à huile, réchaud à huile)
est relativement simple de fabrication et peut être réalisé par des artisans locaux. Le
GAFE a récemment fait réaliser par des ferronniers/soudeurs locaux des presses,
lampes et réchauds. Les lampes et réchauds ont prouvés être tout aussi efficace
que la version fonctionnant au kérosène. Dans un deuxième temps, on peut aussi
mettre en place des générateurs basés sur des moteurs de type Lister à révolution
lente permettant d’électrifier une zone rurale dans le cadre d’un projet de
développement local (Echols et Pressoir, 2009). Le même type de moteur à huile
peut faire fonctionner des pompes pour l’irrigation, des moulins ou autre machinerie
pour la valorisation et transformation des produits de la région. Il y a un précédent
au Mali et au Niger ou ce type d’approche villageoise et de développement local a
permis une amélioration significative du niveau de vie des populations concernées
(Tilus, 2009).

Un autre aspect possible du développement des zones rurales est la possibilité


d’établir les centres de production d’huile de Jatropha et autres coproduits de la
filière dans les zones rurales. Deux avantages à cette approche sont la création
d’emplois et de valeur ajoutée dans les zones rurale et l’autre, sous réserve d’inclure
les acteurs locaux dans l’actionnariat et le fonctionnement de ces centres est
l’augmentation des revenus des plus démunis. Un possible exemple de modèle de
fonctionnement ayant fait ses preuves en Haïti existe à travers l’expérience des
laiteries Lèt Agogo ou les producteurs font partie de l’actionnariat de l’entreprise.
L’étude de la BID montre que l’établissement de centres coopératifs peut doubler le
revenu que les producteurs peuvent tirer de l’exploitation du Jatropha curcas (voir
Figure 3). En effet, l’étude montre que le revenu peut doubler si l’exploitant est aussi
copropriétaire du centre de transformation des fruits. Les centres de traitement des
fruits du Jatropha curcas pourraient donc être une composante du développement
des zones rurales en créant des emplois et de la richesse dans ces régions.

Les deux approches présentées ici peuvent aussi être combinées. En effet, l’huile
produite par les centres de transformation des fruits du Jatropha curcas peut
alimenter des moteurs/générateurs à huile qui produiraient de l’électricité à un coût
bien moindre de celle produite à partir de diesel et ainsi permettre l’électrification de
nos provinces. Environ 75% de l'électricité en Haïti est d’ores et déjà produite par
des moteurs diesel ou au mazout créant une forte demande potentielle pour l’huile-
combustible de Jatropha curcas. Cette huile pourra aussi être vendue localement
pour faire fonctionner les lampes, réchauds, pompes et moulins précédemment
mentionnés. Quant aux provinces où le diesel se vend souvent plus cher qu’à Port-
au-Prince, la production locale de carburant (notamment de biodiesel) permettrait de
diminuer sensiblement le coût du transport et permettrait ainsi de diminuer le coût
d’acheminement des denrées agricoles.

DISCUSSION
Nous pouvons développer une agriculture qui produira à la fois de l’énergie et des
aliments puisque l’espace à utiliser pour les cultures alimentaires traditionnelles et le
Jatropha curcas n’est potentiellement pas le même. Le Jatropha curcas nous
permettra de détourner les fonds utilisés à l’achat de carburant vers nos agriculteurs
et grâce aux variétés non toxiques, son tourteau riche en protéines permettra de
réaliser des aliments équilibrés pour nos élevages.
Le Jatropha curcas permettrait de valoriser des terres aujourd’hui mises à nu par la
déforestation et qui ne sont pas utilisées pour l’agriculture vivrière. Le Jatropha est
appelé à devenir une culture multi-usage (alimentation animale et énergie) qui
pourra contribuer à la réhabilitation de l’environnement (reboisement et conservation
des sols) et à l’extension de l’espace agricole (utilisation et valorisation des terres
marginales). L’huile de Jatropha curcas présente la qualité requise pour la
production de biodiesel (esters méthyliques ou éthyliques) et peut également être
utilisée pure et non transformée dans des moteurs diesels modifiés ou encore dans
des moteurs de type Lister (moteurs à révolution lente <1200tr/mn). Par ailleurs, le
tourteau, riche en protéines, des graines de Jatropha curcas comestible permettrait
de nourrir des élevages de poissons et de poulets (l’un des principaux problèmes de
l’élevage avicole en Haïti est le coût prohibitif de la nourriture importée). Le Jatropha
s’inscrit donc pleinement dans le cadre des efforts de relance de la production
agricole nationale car il permettrait de produire localement et donc de remplacer les
importations de produits pour lesquels il existe une forte demande en Haïti:

1) Des briquettes de charbon à partir de la paroi du fruit et téguments de la


graine
2) Du tourteau pour l’alimentation animale
3) Du biocombustible pour les centrales électriques, les lampes, réchauds et
moteurs
4) Du biodiesel pour les réchauds, les lampes et les véhicules automobile

La culture du Jatropha peut être une source de revenus pour les agriculteurs et un
outil pour le reboisement du pays.  

Enfin, la misère en Haïti est aussi une question de pouvoir d’achat. Augmenter le
pouvoir d’achat de nos cultivateurs, c’est leur permettre de mieux nourrir leur famille,
de payer l’école des enfants, de se vêtir et de consommer des biens de services et
de production.

La culture du Jatropha curcas ne contribuerait donc aucunement à l’insécurité


alimentaire. Au contraire ! La culture du Jatropha curcas nous permettrait de
produire des biocarburants et de l’alimentation pour l’élevage ainsi que lutter contre
l’érosion, le tout sur des terres non utilisées ou sous-utilisées à l’heure actuelle. On
estime aujourd’hui que près de 60 à 70% du territoire n’est pas cultivé en Haïti. Or
avec de bonnes variétés de Jatropha curcas, il ne faudrait pas plus de 10% du
territoire pour produire tout le diesel que nous consommons aujourd’hui !

RÉFÉRENCES
BID et USAID/DEED, 2009 Etude de faisabilité de la filière Biodiesel

CNSA, 2005. Profils des Modes de Vie en Haïti. http://www.cnsahaiti.org/national.pdf


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Echols S et Pressoir G, 2009. Génération d’électricité à partir d’huile de Gwo Medsiyen. 1
Conférence des acteurs et parties prenantes de la filière Gwo Medsiyen
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Elie Y et Pressoir G, 2009. Pwojè Gwo Medsiyen St Lwi (CHIBAS). 1 Conférence des acteurs et
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Hurtaud A et Tilus D, 2009. Projet Jatropha sur la commune de Kenscoff (GAFE). 1 Conférence
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Makkar HPS, Aderibigbe AO et Becker K 1998, Comparative evaluation of non-toxic and toxic
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Martinez-Herrera J, Siddhuraju P, Francis G, Davile Ortiz G et Becker K 2006, Chemical


composition, toxic/antimetabolite constituents, and effect of different treatments on their levels, in
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Michel J.Ch. 2009. Le développement de filières de cultures pérennes et semi-pérennes & la Gestion
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Durable des Terres (GEF/MDE/PNUD). 1 Conférence des acteurs et parties prenantes de la
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Tilus D, 2009. Dynamique de développement local au Niger autour de la valorisation du Jatropha


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(GAFE). 1 Conférence des acteurs et parties prenantes de la filière Gwo Medsiyen

Vasconcelos IM, Siebra EA, Maia AAB, Moreira RA, Neto AF, Carnpelo GJA et Oliveira. JTA
1997. Composition. toxic and antinutritional factors of newly developed cultivars of Brazilian
soybean (Glycine mar). Journal of the Science of Food and Agriculture. 75: 419-426.
MAMPU, sur les plateaux Batéké, en R.D. Congo, le projet qui
réconcilie Agroforesterie et production de bois-énergie.

8000 ha de jachères enrichies à Acacia auriculiformis


produisent plus de 8000 T de charbon/an pour la ville de Kinshasa.

Franck BISIAUX (1), Régis PELTIER (2) et Jean-Claude MULIELE (1)

1 : Projet Agroforestier Mampu. Fondation Hanns Seidel, Munich, Allemagne (siège local : 57 Avenue des Sénégalais, Gombé,
Kinshasa, R.D.Congo)%"mampu.fhs@gmail.com)

2 : CIRAD-ES, TAC-36/D, Baillarguet, 34398 Montpellier Cedex 5, France (regis.peltier@cirad.fr).

Image Google-earth situant le projet Mampu (flèche rouge) par rapport à Kinshasa (flèche bleue)

Avertissement : la présente communication au colloque %.U+L>3


 /=>6+<1/7/8>38=:3<He de
6U+<ticle suivant de la revue Bois et Forêts des Tropiques et est publiée avec son autorisation :

BISIAUX F., PELTIER R., MULIELE J-P., 2009. Plantations industrielles et agroforesterie au service
des populations des plateaux Batéké, Mampu, en République démocratique du Congo. Bois et Forêts
des Tropiques, 2009, 301 (3) : 21-31

Toutes les photos sont de R.Peltier


Résumé : Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo, a une
population estimée à 8 milOLRQVG¶KDELWDQWVTXLFRQVRPPHUDLWHQWUHHWPLOOLRQVGH
tonnes (MT) d¶pTXLYDOHQW bois-énergie par an (ce qui représenterait 0,6 à 1,2 MT de
charbon de bois/an, si tout le bois était carbonisé). Or cette ville est principalement
entourée de savanes et d¶vORWVIRUHVWLHUVGpJUDGpV

Pour faire face à la pénurie de bois et de charbon, le projet Mampu a été conçu
FRPPHODSKDVHSLORWHG¶XQSURMHWGHUHERLVHPHQWGH 000 hectares (ha) sur les
sols sableux du plateau Batéké. Malgré les guerres civiles, 8 000ha de plantations
G¶Acacia auriculiformis ont été réalisées, principalement entre 1987 et 1993.
A partir des années 1994, la plantation de Mampu a été divisée en lots de 25 ha qui
RQW pWp DWWULEXpV j  IDPLOOHV G¶DJULFXOWHXUV &HX[-ci doivent gérer leur plantation
suivant un modèle agroforestier inspiré du modèle traditionnel de culture sur brûlis.
Au niveau du massif, le calcul de la production totale de charbon varie, suivant les
sources, de 8 000 à 12 000 tonnes annuelles (T/an), à la quelle il faut ajouter
10 000 T/an de manioc, 1 200 T/an de maïs et 6 T/an de miel. Pour le seul charbon,
ceci correspond à un revenu brut annuel de 2,6 millions de dollars pour le pays, dont
au moins un quart revient aux propriétaires agrisylviculteurs. Actuellement quatre ans
de production de charbon couvrent presque les investissements initiaux faits par
O¶8nion Européenne (8,5 PLOOLRQVG¶Ecus).
/H SURMHW SHXW GRQF rWUH FRQVLGpUp FRPPH XQ VXFFqV HW FH PRGqOH PpULWH G¶rWUH
étendu sur les savanes des plateaux Batéké, en prenant en compte les droits
fonciers traditionnels et en poursuivant la diversification et la transformation locale
des produits. Ceci contribuera à couvrir une part plus importante des besoins urbains
en énergie renouvelable, tout en créant des emplois ruraux.
Cependant, LO QH V¶DJLW SDV G¶XQH SDQDFpH FDU G¶DXWUHV PRGqOHV GH V\VWqPHV
DJURIRUHVWLHUV PpULWHQW G¶rWUH WHVWpV RX GpYHORSSpV GDQV G¶DXWUHV FRQGLWLRQV
écologiques et socio-économiques du pays, par exemple en gérant le recru naturel
G¶HVSqFHV ORFDOHV à usages multiples FRPPH F¶HVW OH FDV GDQV OH système
traditionnel de jachères enrichies (Nkunku) du Bas-Congo.

Mots clés : Congo Démocratique, Reboisement, Agroforesterie, Charbon de bois,


Acacia auriculiformis
Mampu on the Bateke plateau, DR Congo, the project which reconciles
Agroforestry and fuelwood production.

With people leaving rural areas and fleeing insecurity, Kinshasa, the capital of the
Democratic Republic of the Congo, now has some 8 million inhabitants. The city is
mainly surrounded by savanna and patches of degraded forest. Estimated fuelwood
consumption is in the range of 3 to 6 million tonnes of fuelwood equivalent per year
(representing 0.6 to 1.2 MT of charcoal per year if all the wood were charcoaled). The
Mampu project was designed as the pilot phase of a reforestation project covering
100 000 hectares of sandy soil on the Bateke plateau and aiming to remedy wood
and charcoal scarcities. Despite the conflicts, about 8000 hectares of Acacia
auriculiformis were planted, mainly from 1987 to 1993. From about 1998, the Mampu
plantation was divided into 25 hectare plots for 320 farming families. Cultivation
mainly follows the agroforestry pattern based on improved fallows, which draws on
traditional slash-and-burn farming. Total charcoal production from the plantation
varies from 8 000 to 12 000 tonnes per year, in addition to 10 000 T/year of cassava,
1 200 T/year of maize and 6 T/year of honey. Gross annual revenue for the country
from charcoal alone amounts to 2.6 million US dollars, with owners of the
agroforestry plots earning at least a quarter. The success of the project is an
incentive to apply the model to the savanna lands on the Bateke plateau, taking
traditional land rights into consideration and continuing activities to diversify and
process production locally. This will help to cover a larger share of urban needs for
renewable energy while also creating rural employment. However, other agroforestry
systems deserve to be tested or developed for different ecological and social or
economic conditions across the country, such as management of the natural
regrowth of local multiple-use species as applied with the traditional system of fallow
enrichment (Nkunku) in the Lower Congo.

Keywords: Acacia auriculiformis, reforestation, charcoal, agroforestry, Democratic


Republic of the Congo.
Le contexte, Kinshasa et le plateau Batéké
La République DpPRFUDWLTXHGX&RQJRHVWOHWURLVLqPHSOXVYDVWHSD\VG¶$IULTXHHW
le plus peuplé d'Afrique centrale. Le nord du pays est un des plus grands massifs de
IRUrWpTXDWRULDOHDXPRQGHO¶HVWGXSD\VERUGHOHJUDQGULIWHVW-africain, domaine des
montagnes, des collines, des grands lacs et des volcans. Le sud et le centre, en
JUDQGHSDUWLHFRXYHUWVSDUGHVVDYDQHVDUERUpHVIRUPHQWXQSODWHDXV¶pOHYDQWYer le
sud. La forêt du Mayombe, au sud-ouest, et la forêt claire de type Miombo, au sud-
est, forment des massifs forestiers typiques, parmi les plus soumis à la pression
anthropique (Bisiaux et al, 2009).

Comparativement à sa taille, le Congo-Kinshasa est peu peuplé, la population se


concentre sur les plateaux, dans la savane près des fleuves et des lacs. Le nord et le
centre du pays, domaine de la forêt, sont pratiquement vides. Mais l¶H[RGH UXUDO,
DJJUDYp SDU O¶LQVpFXULWp HW OHV JXHUUHV FLYLOHV à gonflé les villes et en particulier
Kinshasa (population estimée à  PLOOLRQV G¶KDELWDQWV . Cette ville a des besoins
énormes en énergie. 6L RQ UHWLHQW O¶K\SRWKqVH FRXUDPPHQW DGPLVH dans les villes
G¶$IULTXH GH O¶2XHVW à forte pénurie (comme Niamey, par exemple), que chaque
habitant consomme, pour son énergie domestique (cuisson des aliments et
marginalement chauffage)  NJ G¶pTXLYDOHQW ERLV MRXU (Bertrand, 1991), Kinshasa
consommerait 8 000 000 x 365 x 0,001 = 2 920 000 T d¶pTXLYDOHQW bois/an, ou
O¶pTXLYDOHQW G¶environ 600 000 T de charbon/an. '¶DSUqV *D]XOO  FHWWH
consommation serait plus du double dans des capitales telles que Bamako (2,5 kg
G¶pTXLYDOHQW ERLV /hab./jour en 2004) et Tananarive (2,8 kg G¶pTXLYDOHQW ERLV
/hab./jour en 2009), O¶DXJPHQWDWLRQrécente étant due au passage du bois au charbon
de bois.

Or, dans un rayon de 150 km autour de Kinshasa, LO Q¶\ D que très peu de massifs
forestiers susceptibles de fournir ce bois-énergie. La majorité de cette zone est
occupée parle Plateau Batéké. Son relief PG¶DOWLWXGHPR\HQQH HVWIDLEOHPHQW
RQGXOp j O¶H[FHSWLRQ GHV YDOOpHV DVVH] ODUJHV GH OD 9XH OD 0ZDQD HW 0EDOL
VXSpULHXUH  j  P G¶DOWLWXGH  HW GHV YDOOpHV SOXV HQFDLVVpHV GH OD /XILPL OD
0EDOLLQIpULHXUHHWGX.ZDQJR jPG¶DOWLtude) (Ladmirant, 1964). Les flancs
de ces vallées et de leurs affluents portaient autrefois des forêts denses
(Duvigneaud, 1949), DXMRXUG¶KXLplus ou moins dégradées SDUO¶DJULFXOWXUHLWLQpUDQWH
EHDXFRXS G¶DXWHXUV TXDOLILHQW ces forêts de « galeries », bien qu¶HOOHV V¶pWHQGHQW
bien au-GHOj GX OLW PDMHXU GHV FRXUV G¶HDX FRPPH F¶HVW OH FDV HQ ]RQH
soudanienne).Le climat est tropical chaud avec une saison sèche de 4 mois (de juin
à septembre). Les températures annuelles moyennes varient autour de 25°C. Les
sols sont surtout sablonneux, acides, chimiquement pauvres et possèdent une très
faible capacité de rétention hydrique (Koy Kasango, 2005). La kaolinite est le
matériau le plus important de la fraction argileuse. Le Ph-H2O est en général
inférieur à 5,5 et varie avec la teneur en matière organique.
La savane est la formation naturelle dominante avec quelques galeries forestières
(Robyns, 1948):
ƒ Savanes herbeuses à Loudetia, caractérisée par Loudetia arundinacea et
Ctenium newtonii ;
ƒ Savanes arbustives dégradées à Digitaria, caractérisée par Digitaria
uniglumis, Hyparrhenia diplandra et Hymenocardia acida ;
ƒ Savanes arbustives, caractérisées par Hymenocardia acida et parfois
SDUVHPpH G¶DUEUHV QRWDPPHQW Erythrina abyssinica et Cussonia angolensis
(photo 1) ;
ƒ Galeries forestières, du type périguinéen, se trouvant sur les pentes raides et
les vallées des rivières Mbali, Mwana, Kwango et Lufumi (photo 2).
 
Photo 1 :
Savanes arbustives de plateau à
Hymenocardia acida

Photo 2 :
Galeries forestières
périguinéenne de bord de
vallée
Administrativement parlant, la zone du Plateau Batéké est située dans la Province de
Kinshasa. Historiquement, cette zone était peu densément peuplée SDU O¶HWKQLH
Téké : environ trois habitants au km². /¶DXWRULWp WUDGLWLRQQHOOH HVW H[HUFée par les
chefs coutumiers dont le rôle, en droit moderne, Q¶HVW SDV FODLUHPHQW SUpFLVp HQ
PDWLqUHV MXGLFLDLUH HW IRQFLqUH /¶RUGUH SXEOLF O¶K\JLqQH OD VDQWp O¶pGXFDWLRQ OHV
communications sont du ressort des autorités territoriales.

Les activités économiques sur le Plateau sont essentiellement orientées vers


O¶DJULFXOWXUHLWLQpUDQWH/¶LQIUDVWUXFWXUHURXWLqUHy est peu développée.

Le projet Mampu : un reboisement industriel qui a survécu à la guerre civile

En 1984, devant la pénurie de bois-énergie à Kinshasa, le projet Mampu fut conçu


FRPPH ODSKDVH SLORWH G¶XQSURMHW GH ERLVHPHQW j JUDQGH pFKHOOH KD TXL
devait poursuivre un objectif annuel de production de 126.000 tonnes de charbon/an,
jSDUWLUGHO¶DQ (Ducenne, 2009). Cet objectif de production devait correspondre
à 30-40% de la demande en charbon de bois totale estimée de la capitale (environ
400  7DQ j O¶pSRTXH  /D SKDVH SLORWH  KD  D pWp PLVH HQ °XYUH SDU OD
Société Hollandaise Agro-Industries (HVA) sous le contrôle de la Société Zaïre
7UDGLQJ (QJLQHHULQJ =7(  /H ILQDQFHPHQW GH FHWWH SKDVH SLORWH V¶DSSX\D VXU OHV
ressources du Fonds Européen de Développement (FED) à hauteur d¶HQYLURQ
8.500.000 d'Ecus.

Ce projet est situé sur le Plateau Batéké (4°20 S, 16°18 E), à une altitud e de 670-
 P ,O VH WURXYH j  NP j O¶HVW GH .LQVKDVD GRQW  NP GH SLVWH VDEOHXVH
depuis Mbankana).

/¶HPSODFHPHQW D pWp FKRLVL HQ UDLVRQ GH OD SUpVHQFH j SUR[LPLWp LPPpGLDWH GX
centre de recherche de Kinzono, initié en 1976 sur financements nationaux zaïrois et
DYHF O¶DLGH GH OD FRRSpUDWLRQ EHOJH 0 *HUNHQV FRP 3HUV  &H FHQWUH TXL DYDLW
WHVWp SOXV GH  HVSqFHV ORFDOHV HW H[RWLTXHV DYDLW PRQWUp O¶H[FHOOHQWH FURLVVDQFH
GHO¶HVSqFHAcacia auriculiformis. '¶DXWUHSDUWOHVFRQIOLWVIRQFLHrs avec les autorités
traditionnelles Téké y semblaient modérés.

Entre 1987 et 1993, la société HVA a boisé 7.262 ha de savane dégradée (photo 3),
SULQFLSDOHPHQWjO¶DLGHG¶Acacia auriculiformis (plus de 95% de la surface plantée) et
G¶HXFDO\SWXV GDQV XQH mesure très marginale. Pour cela, une pépinière de 6 ha
ayant une capacité de production annuelle de 4 millions de plants forestiers fut
aménagée (surdimensionnée en vue G¶H[WHQVLRQVRXKDLWpHGXSURMHW .
Photo 3 : Le reboisement de Mampu et son extension sur la savane, en 2009

Suite aux événements et aux pillages de 1991, la société HVA abandonna les
travaux en mars 1992. SRXFLHX[ GH O¶DYHQLU GX SURMHW le Gouvernement congolais
confia à la Fondation Hanns Seidel (FHS) la mission de maintenir les infrastructures
GX SURMHW MXVTX¶HQ GpFHPEUH  'H MDQYLHU  j PDL  OD )+6 HW &$',0
&HQWUHG¶$SSXLDX'pYHORSSHPHQW,QWpJUé de Mbankana) se virent confier le mandat
G¶DVVXUHU OD SURWHFWLRQ GH OD FRQFHVVLRQ $X WHUPH GH FHWWH SpULRGH XQ SURWRFROH
G¶DFFRrd a été signé entre le Gouvernement Congolais, la FHS HW O¶8QLRQ
Européenne, cette dernière accordant un crédit de maintenance des plantations à la
FHS (Ducenne, 2009).

Depuis 2003 et la reprise de la coopération de l'UE en RDC, deux nouveaux projets


européens (Contribution à la relance de la production agricole par la promotion de
O¶DJURIRUHVWHULHHWVDGLIIXVLRQHQPLOLHXYLOODJHRLVVXUOHSODWHDX%DWpNp RQWDSSX\p
le développement de MampuDYHFO¶DSSXLGHOD)RQGDWLRQ+DQQV6HLGHO.

A partir de 1994, XQHpYROXWLRQGpOLEpUpHYHUVO¶DJURIRUHVWHULH

Un modèle de jachère améliorée, inspiré du système traditionnel de culture sur


brûlis

A partir des années 1994, la plantation de Mampu fut divisée en lots de 25 ha qui ont
été attribués à des agriculteurs. Ceux-ci devaient gérer leur plantation, avec
O¶HQFDGUHPHQW WHFKQLTXH GH OD )+6 VXLYDQW XQ PRGqOH DJURIRUHVWLHU LQVSLUp GX
modèle traditionnel de culture sur brûlis.
En effet, si le terme « système agroforestier » a XQ VHQV WUqV ODUJH G¶DVVRFLDWLRQ
entre arbre, culture et élevage GDQV O¶HVSDFH HWRX GDQV OH WHPSV (Combe, 1979 ;
Nair, 1985 ; Baumer 1986 ; Lundgren, 1987), on peut parler de «système
agroforestier séquentiel » TXDQGLOV¶DJLWG¶DOWHUQDQFHGDQVOHWHPSVVXUXQHPrPH
parcelle, entre culture et foUrW &¶HVW OH FDV SRXU O'amélioration de l'agriculture
itinérante par la « jachère améliorée (improved fallow) » (Torquebiau, 1990). La
parcelle n'est pas abandonnée après les quelques saisons de culture, mais plantée
de ligneux utiles. On ensemence (ou plante ou facilite la régénération naturelle) la
jachère d'arbres fixateurs d'azote, qui rétabliront un sol de bonne qualité plus vite que
les espèces spontanées.

&¶HVWELHQOHFDVj0DPSXRHn théorie, cKDTXHDQQpHO¶ « agrisylviculteur » (nom


que nous dRQQRQV j O¶DJULFXOWHXU SUDWLTXDQW O¶DJURIRUHVWHULH SRXU OH GLVWLQJXHU GH
O¶DJURIRUHVWLHUQRPSOXVXWLOLVpSRXUOHVVFLHQWLILTXHV H[SORLWHXQHSDUFHOOHG¶HQYLURQ
deux hectares, transforme le bois en charbon, brûle les résidus en début de pluie et
met en place sa culture mélangée de maïs et de manioc. La surface de 2 ha est un
maximum théorique, compte-tenu des pare-feux et des pistes, mais dans la réalité la
FSH a limité à 1,5 ha, pour tenir compte des zones vides et pour éviter un pillage du
capital bois. Il faut noter que A. auriculiformis ne rejette pas de souche, après la
coupe. /H SDVVDJH VXSHUILFLHO GX IHX OqYH OD GRUPDQFH GHV JUDLQHV G¶DFDFLD TXL
germent en grand nombre (photo 4).

Photo 4 :
6RXFKHG¶A. auriculiformis
après le passage du feu et
jeuQHVHPLVG¶DFDFLD
/RUVGHVVDUFODJHVGHVHVFXOWXUHVO¶DJUisylviculteur les préserve sur les lignes qui
joignent les souches mortes. Au besoin, il peut regarnir les zones où les semis sont
trop rares. 4 mois après le feu, à la récolte du maïs, les acacias ont environ 1m de
haut ; 18 mois après le feu, à la récolte du manioc, les acacias ont environ 3 m de
hauteur (photo 5).  

Photo 5 6HPLVG¶DFDFLDkJpGHjPRLVDYDQWODUpFROWHGXPDQLRF

Ce gaulis obtenu par Régénération Naturelle Assistée (RNA) peut se développer


VDQV DXWUH LQWHUYHQWLRQ KXPDLQH HQ GHKRUV G¶XQH pFODLUFLH (dans les zones trop
GHQVHVRO¶RQQ¶REWLHQGUDLt que des gaulettes nombreuses mais trop fines pour être
carbonisées)GH OD SURWHFWLRQ FRQWUH OHIHXHW GH O¶pOLPLQDWLRQGHTXHlques espèces
arborées envahissantes. ,O SHXW V¶DJLU SDU H[HPSOH G¶Anthocleista schweinfurthii
(Mupuku-3XNX HQ .LNRQJR  TXH OHV DJULFXOWHXUV FRQVHUYHQW MXVTX¶j XQ FHUWDLQ
diamètre pour les abattre et cueillir des champignons sur le bois en cours de
putréfaction. Douze ans plus tard, il peut revenir à nouveau exploiter sa parcelle et
recommencer une nouvelle rotation.

,OIDXWQRWHUTX¶XQLQYHQWDLUHUpDOLVpHQGDQVGHVSDUFHOOHVSODQWpHVGHDQV
a fourni des volumes variant entre 190 à 340 m3/ha, soit un accroissement annuel
moyen de 10 à 18 m3 /ha/an et une moyenne de 12 m3/ha/an. En principe, une
parcelle de 12 ans pourrait contenir 144 m3KDVRLWHQYLURQ7GHERLVVHFjO¶DLU
qui donnerait 24 T de charbon/ha (avec un rendement de carbonisation de 20 %) ou
400 sacs de 60 kg de charbon/ha.
Des charbonniers de plus en plus performants
La carbonisation est de mieux en mieux maitrisée par les agrisylviculteurs de
Mampu. Une meule de 30 stères (4 x 3 x 2,5 m), soit HQYLURQ7GHERLVVHFjO¶Dir,
donne en moyenne 80 à 90 sacs de 60 kg, soit 5,1 T, ce qui correspond à un
UHQGHPHQWOpJqUHPHQWVXSpULHXUjGXSRLGVVHFjO¶DLU (photo 6).  
 

Photo 6 XQHPHXOHGHVWqUHVDXPRPHQWGHO¶HPSLODJHSXLVGHODPLVHjIHX

Ce rendement est satisfaisant par rapport aux rendements maximaux qXHO¶RQWURXYH


dans la littérature SRXUODFDUERQLVDWLRQHQPHXOH G¶DSUqV%ULDQHHWDO et
les accidents (incendie de la meule, brûlures des charbonniers) se font
heureusement de plus en plus rares.
Des agriculteurs très productifs, eut égard à la pauvreté initiale du milieu
$ORUVTXHO¶DJULFXOWXUHWUDGLWLRQQHOOHVXUEU€OLVGHW\SH7pNpQHV¶LQWpUHVVHTX¶DX[vORWV
de forêt dense et considère que les sols de savane sont trop pauvres pour être
valorisés, F¶HVWDXFRQWUDLUHVXUFHVVROVTX¶RQWpWpLQVWDOOpHVOHVSODQWDWLRQVSXLVOH
système agroforestier.
*UDFH j O¶DPpOLRUDWLRQ GHV SDUDPqWUHV GH IHUWLOLWp GX VRO VRXV SODQWDWLRQV G¶DFDFLD
comme le taux de Matière Organique (qui augmente de 1,9 % après 17 ans), le taux
G¶D]RWHOD&(&HWODVRPPHGHVEDVHVTXLDXJPHQWHQWHWOHUDSSRUW&1TXLGLPLQXH
DYHF O¶kJH GH OD SODQWDWLRQ OD FXOWXUH WUDGLWLRQQHOOH DVVRFLpH GH PDwV UpFROWH j -4
mois) et de manioc (récolte à 18 mois) devient possible après exploitation. Ceci est
SHUPLVSDUOD SUpVHQFH G¶XQH OpJXPLQHXVHDUERUpH O¶DFDFLD IL[DWULFH G¶D]RWH, dans
la jachère. Dans les conditions matérielles des agrisylviculteurs de Mampu (absence
G¶HQJUDLV GH FKDXODJH G¶KHUELFLGHV HW GH ODERXURX EUR\DJH PpFDQLTXH  FHFL est
grandement facilité par un brûlis des rémanents aériens (feuilles, brindilles), en début
des pluies et juste avant le semis du maïs (même si les scientifiques restent
dubitatifs sur la nécessité du feu : Louppe et al, 1998). Ce brûlis permet de faciliter
O¶DFFqVG¶éliminer les adventices et les parasites, de remonter le Ph et de libérer une
partie des éléments minéraux stockés dans cette biomasse. En conditions de sol
KXPLGHO¶HVVHQWLHOGHOD02GXVRO KXPXVHWUDFLQHV Q¶HVWSDVGpJUDGpHSDUOHIHu.
'¶DXWUH SDUW DYHF O¶DSSXL GX SURMHW OHV DJUisylviculteurs utilisent en très grande
majorité des semences de maïs et des boutures de manioc améliorées, et en
particulier des clones de manioc résistant à la mosaïque. De ce fait, un
agrisylviculteur (as) qui ouvre chaque année 1,5 ha, peut récolter 1,5 ha de maïs
(semé en année n : prod = 1,5 T/ha, soit 2,25 T/as) et 1,5 ha de manioc (bouturé en
année n-1 : prod = 20 T/ha, soit 30 T/as) (photo 7).  

Photo 7 :
Tubercules de manioc dans un champ en cours
de récolte, en limite de plantation pas encore
exploitée
La production totale du périmètre, pour 320 exploitations de 25 ha, peut ainsi être
estimée à environ 10 000 T/an de manioc et 750 T/an de maïs (chiffre majoré à
1 200 T/an, grâce à des cultures sur pare-feux ou autres).

Depuis 2004, un souci de diversification et de valorisation des produits du


système agroforestier
Depuis 2004, la nouvelle équipe du projet encourage la diversification et la
WUDQVIRUPDWLRQVXUSODFHGHVSURGXLWVGXSpULPqWUH&¶HVWDLQVLTXHO¶DSLFXOWXUHDpWp
introduite pour valoriser le fort potentiel
mellifère des acacias. La production de
miel du massif est collectée par le
Regroupement des Agriculteurs de Mampu
5$0$  TXL OH YHQGV j O¶21* &HQWUH GH
Développement Intégré de Mbankana
(CADIM). La production a rapidement
augmenté de 3 500 kg en 2005 à 8 000 kg
en 2007, pour se stabiliser autour de 6 000
kg en 2008, vendu à 2,1 dollar américain
par kg (USD/kg, monnaie utilisée
localement), soit un revenu brut de 12 600
USD/an. Alors que le manioc était vendu
en tubercules (très couteux à transporter
en raison de leur forte teneur en eau), le
séchage sous-forme de cossettes (3-5 cm
de diamètre) ou de micro-cossettes (2-3
mm de diamètre) a été encouragé (Photo
8).

 Photo 8 : Séchage du manioc après pelage, rouissage et broyage

Les micro-cossettes de manioc, sont fabriquées sur


place, après épluchage manuel, râpage mécanique,
rouissage et séchage des tubercules. Le rendement
(micro-cossettes sèches / tubercules frais) est estimé à
34 %.Les micro-cossettes sont vendues 1 USD/kg, en
sac de 25 kg (Photo 9) par le Groupement des
Producteurs de Manioc et CADIM mais ne représentent
HQFRUHTX¶XQHPLQRULWpGHODSURGXFWLRQGHPDQLRF.
 
Photo 9 : vente du manioc en sacs de cossettes de 25 kg
Des agrisylviculteurs aux revenus exceptionnels pour la RDC
En théorie, les meilleurs agrisylviculteurs de Mampu ont des revenus beaucoup plus
élevés que la moyenne des agriculteurs de la zone. La coupe de 1,5 ha/an permet la
fabrication de 600 sacs de charbon de 60 kg, dont 4,5 USD reviennent au
propriétaire, soit GHO¶RUGUHGH2 700 USD/an (Sur un sac vendu 18 USD à Kinshasa
(13 )&J RQSHXWHVWLPHUJURVVLqUHPHQWTXH86'YRQWjODPDLQG¶°XYUHHW
4,5 USD aux transports et taxes). A ces revenus, il faut ajouter les productions
agricoles de maïs (3,75 T/as/an) et manioc (30 T/as/an). Pour certains propriétaires,
LOIDXWpJDOHPHQWFRPSWHUOHPLHOHWGHVVXSSOpPHQWVGHUHYHQXVV¶LOVWUDQVIRUPHQW
leur manioc en micro- FRVVHWWHV RX V¶LOV UpDOLVHQW OHV FRupes, la carbonisation et la
vente du charbon par eux-mêmes, au moins en partie. Certains ménages peuvent
donc, du moins en théorie, gagner près de 4 000 USD/an, soit plus de 300
86'PRLVFHTXLHQ5'&HVWOHVDODLUHG¶XQFDGUH.
Une production de charbon qui rentabilise rapidement les investissements
faits par le projet
Au niveau du massif de 8000 ha, le calcul de la production totale de charbon varie,
suivant les sources, de 8 000 à 12 000 T/an, soit 1 T de charbon/ha/an ou 5 T de
bois/ha/an (6 à 7 m3/ha/an), si on considère un rendement de carbonisation de 20
%. Ceci correspond bien à 320 exploitations x 600 sacs x 60 kg/sac = 11 520 000 kg.
Mais cet accroissement semble faible, si on le rapporte aux 8000 ha du massif, par
rapport aux chiffres donnés GDQV OD OLWWpUDWXUH VXU O¶DFFURLVVHPHQW GH O¶A.
auriculiformis, dans ce type de conditions écologiques, souvent supérieur à 15
m3/ha/an (Bernhard-Reversat et al., 1993). Ceci est dû au fait que la FHS, par
prudence, ne laisse pas exploiter toute la production annuelle. 4XRLTX¶LOHQVRLWFHWWH
production correspond au moins à 130 000 sacs de charbon et à un revenu brut de
2,6 millions de dollars par an (MUSD/an) pour le pays, dont au moins un quart revient
aux propriétaires agrisylviculteurs. Par un calcul économique très simple (2,6 x 4 =
 086'   ¼ , on peut donc dire que seulement 4 ans de production de
charbon couvre presque les investissements initiaux IDLWV SDU O¶8( (8,5 millions
G¶(cus).
Un écosystème forestier qui se reconstitue
%LHQ TX¶LO Q¶\ DLW SDV HX GH PHVXUH VFLHQWLILTXH GH O¶pYROXWLRQ GH OD ELRGLYHUVLWp OD
perception des agrisylviculteurs HW GH OD SOXSDUW GHV YLVLWHXUVHVW TX¶XQ pFRV\VWqPH
forestier se reconstitue assez rapidement sur le périmètre du projet, en lieu et place
GHO¶DQFLHQpFRV\VWqPHGHVDYDQH'HQRPEUHuses espèces végétales et animales
TXLQ¶pWDLHQWSUpVHQWHs TXHGDQVOHVvORWVIRUHVWLHUVVHUHWURXYHQWDXMRXUG¶KXLGDQVOD
majorité des parcelles. Ceci est le cas, par exemple pour les ignames sauvages
(photo 10) et pour de nombreuses autres lianes et espèces arborées pionnières
comme Anthocleista schweinfurthii. Ceci incite les habitants à y développer des
pratiques de cueillette (champignons, chenilles, tubercules, etc.) et de chasse
(rongeurs, reptiles, céphalophes, etc.), autrefois limitées aux zones forestières.
Photo 10 8QHSODQWDWLRQG¶DFDFLDVsur savane, âgée de 20 ans, colonisée par la végétation forestière
spontanée (ignames sauvages, etc.)

Discussion : des incertitudes concernant les paramètres de durabilité du


système TX¶LOIDXWOHYHU
Paramètres de production et de fertilité
IOH[LVWHHQFRUHEHDXFRXSG¶LQFHUWLWXGHVVXUODVXUIDFHH[SORLWpHFKDTXHDQQpHVXUOD
croissance des plantations, avant et après régénération naturelle assistée, sur les
UHQGHPHQWVUpHOVjODFDUERQLVDWLRQVXUO¶pYROXWLRn à long terme de la fertilité sur les
différents types de sol (en raison des exportations de bois et de produits agricoles,
QRQFRPSHQVpVSDUGHVDSSRUWVG¶HQJUDLV 
Il faut noter que les cadres du projet et certains agriV\OYLFXOWHXUV HVWLPHQW TX¶LO HVW
très important de brûler les résidus par un feu courant de début de saison des pluies
TXL FDUERQLVH SOXV TX¶LO QH FRQVXPH  DLQVL TXH GH fabriquer le charbon sur les
parcelles elles-mêmes. Ceci permet de laisser au sol les cendres et les résidus de
charbons (fines) qui se dégradent très lentement et augmentent la fertilité du sol (en
IDLWOD&DSDFLWpG¶(FKDQJHGHV6ROV ,OVO¶observent, en particulier, par la taille des
cultures et des arbres sur les anciennes meules&HWDVSHFWPpULWHUDLWG¶rWUHFKLIIUp
HW LO IDXGUDLW FRQVHLOOHU DX[ FXOWLYDWHXUV G¶pSDQGUH FHV UpVLGXV VXU O¶HQVHPEOH GHV
parcelles, mais ceci pose le problème du transport, encore mal résolu, y compris
pour les produits agricoles (charrettes, pousse). Il faudrait également suivre la
composition biologique du sol (micro-faune, macro-faune, micro-flore), la comparer à
FHOOHGHODVDYDQHHWpYDOXHUO¶LPSDFWGXEU€OLVGHVUpVLGXV sur celle-ci.
Il est remarquable de constater que ces observations des agrisylviculteurs et des
techniciens de terrain TXL DOODLHQW FRQWUH O¶DYLV GHV VFLHQWLILTXHV GHV DQQpHV 
majoritairement opposé au brûlis des rémanents, rencontrent FHOOHV G¶XQH QRXYHOOH
génération de chercheurs. En effet, il était connu que le bénéfice des résidus
organique est de courte durée sous les tropiques (Jenkinson et Ayanaba, 1977).
&¶HVW SRXUTXRL GH SOXV HQ SOXV GH VFLHQWLILTXHV SUpFRQLVHQW OD JHVWLRQ GH FKDUERQ
organique (référencé sous le nom de « Bio-Char ª GDQVOHVVROVWURSLFDX[DILQG¶HQ
maintenir la fertilité (Glaser et al, 20  &HFL D pWp FRQILUPp SDU O¶pWXGH GH VROV GX
%DVVLQ $PD]RQLHQ DXWUHIRLV RFFXSp SDU GHV FDPSHPHQWV G¶DPpULQGLHQV Terra
Preta de Indios) qui ont conservé leur fertilité depuis 5 à 25 siècles, grâce à leur
teneur en charbon de bois (Lehmann et al, 2003). &¶HVW DLQVL TXH /HKPDQQ HW
Rondon (2006) préconisent la réhabilitation du système de Culture-sur-Brûlis ou
Abattis-Brûlis (Slash-and-Burn) sous le nom rénové et dé-péjoré de Culture-sur-
Charbon (Slash-and-Char).

Organisation sociale du site de Mampu


Spécialisée sXU OHV DVSHFWV VRFLDX[ HW SROLWLTXHV OD )+6 V¶LQWpUHVVH SDU DLOOHXUV j
O¶pYROXWLRQGHVRUJDQLVDWLRQVSD\VDQQHVHWà leur capacité à gérer cette nouvelle cité
de Mampu (qui compte maintenant près de 5000 habitants) et ses infrastructures
rurales (pistes, pare-feux), artisanales (ateliers à micro-cossettes de manioc et à
affinage du miel) et urbaines (marché, école, dispensaire, etc.). En effet, le statut de
Mampu UHVWHLQWHUPpGLDLUHSRXUO¶LQVWDQWHQWUHFHOXLGHFKDQWLHU DGPLQLVWUpSDUXQ
projet) HW FHOXLGH YLOOH DGPLQLVWUpH SDU O¶(WDW  La FSH étudie également l¶pYROXWLRQ
du foncier rural (transmission, vente, location, concentration), des filières de charbon
et de produits agricoles (organisation, prise de contrôle, taxation formelle et
informelle. Il reste enfin les difficiles problèmes GHO¶LQVpFXULWpgrandissante (illustrée
par O¶assassinat début 2009 G¶XQHFRPPHUoDQWHGHFKDUERQ HWGHODGLYHUVLILFDWLRQ
GHVSURGXLWVDXWRFRQVRPPpVRXYHQGXV IUXLWVSODQWVRXERXWXUHVG¶DUEUHVIUXLWLHUV
champignons, chenilles, bois non-carbonisé, etc.).
Incertitudes sur les prochains cycles de plantation/production (rotations)
G¶DFDFLDVREWHQXVSDUVHPLVQDWXUHODVVLVWp

La visite des parcelles en deuxième ou troisième rotation montre des situations bien
contrastées. Dans certaines parcelles, les arbres sont denses, avec une croissance
FRUUHFWHDORUVTXHGDQVG¶DXWUHVOHVDUEUHVVRQWFODLUVHPpVWUqVLUUpJXOLHUVHWWUqV
branchus. Il faudrait déterminer si la cause est principalement due au savoir faire de
O¶DJUiV\OYLFXOWHXU RX j GHV SUREOqPHV GH IHX G¶pSXLVHPHQW GX VRO RX G¶pURVLRQ
génétique des peuplements FDV GHV SODQWDWLRQV G¶HXFDO\SWXV K\EULGHV GH 3RLQWH
Noire en République du Congo).
.
Une base génétique des acacias trop étroite
On constate que la plupart des acacias sont extrêmement branchus, y compris dans
les plantations de première génération, HQGHKRUVG¶XQHSHWLWHSDUFHOOHROHVDUEUHV
sont très droits et monocaule (photo 8). Même si on peut considérer que, pour la
production de charbon, la fRUPHQ¶DSDVG¶LPSRUWDQFHHWTX¶LOFRQYLHQWG¶RSWLPLVHUOD
SURGXFWLRQ GH ELRPDVVH SOXW{W TXH FHOOH GH WURQFV UHFWLOLJQHV QRXV SHQVRQV TX¶LO
faudrait refaire de nouvelles introductions de matériel végétal, de façon à créer des
peuplements semenciers à base génétique large, dont les descendants pourraient
concilier forte production de biomasse et monocaulie (plus grande facilité de débit et
GH PLVH HQ WDV SRVVLELOLWp G¶XWLOLVDWLRQ HQ SHUFKH HW HQ SHWLW VFLDJH HQ FDV
G¶pYROXWLRQGXPDUFKpHWGHEHVRLQVORFDux).

Un projet de développement qui confirme les résultats de la recherche et qui


ouvre des perspectives régionales
Il est instructif de constater que les résultats actuels du projet Mampu, confirment à
grande échelle (près de 8 000 ha) les résultats obtenus de 1990 à 1994 à Oumé, en
&{WH G¶,YRLUH 5&,  SDU XQ SURMHW GH UHFKHUFKH HXURSpHQ j WUqV SHWLWH pFKHOOH GH
O¶RUGUHG¶XQKD OHVK\SRWKqVHVGHVFKHUFKHXUVGHO¶pSRTXH 3HOWLHUHWDO
et 1995) et celles émises par la suite (Harmand et al, 1997 et 2004). On peut
V¶pWRQQHUTXHFHVUpVXOWDWVVHVRLHQWWUqVSHXYXOJDULVpVHQ milieu rural en RCI (en
GHKRUV GH TXHOTXHV FHQWDLQHV G¶Kectares SUqV G¶2XPp HW GH .RUKRJR  HW TX¶LOV
Q¶DLHQW SDV pWp apparemment connus par les agronomes qui ont redécouvert le
système de Mampu en RDC.
'¶DXWUH SDUW LO H[LVWH DFWXHOOHPHQW XQ UHJDLQ G¶LQWpUrW FHUWDLQ SRXU OHV SODQWDWLRQV
multi-usages en Afrique Centrale (Marien et Mallet, 2004). Il est très probable que
plusieurs projets de plantations vont émerger dans les années à venir, que ce soit au
niveau régional (Congo-Brazzaville) ou thématique (bois énergie, restauration terres
dégradées en zone périurbaine, MDP et REDD,...). Ces plantations de Mampu sont
WUqVODUJHPHQWLJQRUpHVDXSODQLQWHUQDWLRQDODORUVTX¶HOOHVFRQstituent la seule vraie
référence en RDC (très peu de communication sur le projet).

Enfin, il IDXWQRWHUTX¶LOH[LVWHXQHLQLWLDWLYHUpFHQWHGHSODQWDWLRQG¶DFDFLDV 400 ha en


début 2009) à proximité de Mampu (Ibi village) pour la fixation de Carbone, par la
société privée NOVACEL. Cette entreprise utilise les techniques du projet Mampu.
La surface des plantations paysannes réalisées par les paysans eux-mêmes, en
périphérie du projet Mampu (dont le total est mal connu) VHUDLW GH O¶RUGUH GH 6
ha/famille et O¶REMHFWLI GH SODQWDWLRQ VHUDLW GH 1000 ha/an. Le total actuel des
plantations, dans cette zone approcherait donc 10 000 ha (100 km2).

Mampu couvre une part importante des besoins de Kinshasa qui restent mal
connus
,OHVWYUDLTXHVLO¶RQUDSSRUWHODSURGXction de Mampu (10 000 T de charbon/an), à la
consommation théorique minimum de Kinshasa (600 000 T/an), le taux de 1,6 %
SHXW VHPEOHU GpULVRLUH (Q IDLW LO HVW SUREDEOH TXH GX IDLW GH O¶H[WUrPH SpQXULH
G¶pQHUJLH HW GH OD IDLEOHVVH GHV UHYHQXV GH OD PDMRrité de la population, la
FRQVRPPDWLRQGH.LQVKDVDHQFKDUERQGHERLVVRLWVXUHVWLPpH'¶DLOOHXUVXQHpWXGH
FORAF sur le transport de charbon, en cours de réalisation, montre que pour
novembre et décembre 2008, Kinshasa aurait importé seulement 55 000 sacs de
charbon, dont 50  VXU O¶D[H (VW $pURSRUW-Mampu) O¶D[H VXG-ouest Kinshasa ±
Mbanza-Ngungu étant très mal documenté à ce jour 5DSSRUWp j O¶DQQpH SDU XQH
règle de trois (calcul FRPSRUWDQW XQ ULVTXH G¶HUUHXU pOHYp en raison des variations
annuelles et de la non prise en compte du transport de nuit), ceci donnerait environ
20 000 T de charbon / an. Il semble que beaucoup de familles trouvent des voies
G¶pFRQRPLH IRUFpH HQ QH SUpSDUDQW TX¶XQ UHSDV SDU MRXU HW HQ EDQQLVVDQW OHV
aliments à longue cuisVRQ KDULFRWVHWF '¶DXWUHVVRXUFHVG¶pQHUJLHVH[LVWHQWDXVVL
comme O¶pOHFWULFLWp SRXU OHV SOXV DLVpV HW OHXUV FRPPHQVDX[ O¶XWLOLVDWLRQ GH
O¶pOHFWULFLWp GDQV OHV TXDUWLHUV SDXYUHV HVW PDO FRQQXH FDU OHV EUDQFKHPHQWV VRQW
informels mais un survol de nuLWGHODYLOOHPRQWUHjO¶pYLGHQFHTXHPrPHOHV]RQHV
G¶KDELWDWVSRQWDQpVRQWpFODLUpHVHWil est bien connu que OHVSRVVLELOLWpVGHO¶pQRUPH
EDUUDJHG¶,QJDVXUOH&RQJRVRQWWUqVVRXV-utilisées). La sciure et les dosses de bois
de scierie, les fagots de perchettes de bois provenant de la périphérie de la ville
(photo 11).
  
 

Photo 11 :
Vente de fagots de
perchettes de bois
récoltées dans des
jachères dégradées en
périphérie de la ville de
Kinshasa

et divers déchets sont aussi récupérés. Plusieurs boulangers se fournissent


directement en rondins de bois par leur propre circuit (photo 12)
.  
 

Photo 12 :
Récolte de rondins par des
RXYULHUV XUEDLQV G¶XQ
boulanger, sur une parcelle
forestière dont la coupe a
été vendue par un chef
coutumier, sans bénéfice
pour les villageois
,O HVW GRQF SUREDEOH TXH 0DPSX DVVXUH SOXW{W GH O¶RUGUH GH 5 à 10 % de la
couverture des besoins en charbon de bois de la ville, ce qui est remarquable, si on
considère que ses 100 km2 ne couvrent que 0,3 % du demi-cercle de 150 km de
rayoQTXLFRQVWLWXHOHEDVVLQG¶DSSURYLVLRQQHPHQWGH.LQshasa.

/HSURMHW0$.$/$XQDSSXLSRXUO¶DYHQLUGXSURMHW0DPSX

/DQFp HQIpYULHU j O¶RFFDVLRQGX VpPLQDLUH GH.LQVKDVD OH Projet MAKALA,


qui se propose de « Gérer durablement la ressource bois énergie en RDC » est
ILQDQFpSDUO¶8QLRQ(XURSpHQQHSRXUXQHGXUpHGHTXDWUHDQV (Marien, 2009). Avec
O¶DSSXL GH QRPEUHX[ SDUWHQDLUHV FRQJRODLV (dont le SNR pour les aspects
reboisement) et internationaux (dont la Fondation Hanns Seidel pour le reboisement
et le Cirad pour la coordination), il se propose, entre autre, de tirer un bilan plus
SUpFLVGHO¶H[SpULHQFHGH0DPSX HQSDUWLHVRXVIRUPH de thèses de Master ou de
Doctorat HWG¶HQSURPRXYRLUO¶H[WHQVLRQ auprès de diverses sources de financement.
Celle-ci pourra se faire, soit sous sa forme actuelle de grands blocs sur des plateaux
« vides ªVRLWVRXVGHVIRUPHVEHDXFRXSSOXVGLIIXVHVGDQVO¶HVSDFHUXUDODSSURSULp
et régulièrement cultivé.

Pour ce qui concerne un éventuel projet de recherche qui viendrait en appui aux
réalisations de Mampu (Harmand, 2008), on peut proposer les questions suivantes :

-/D FDUERQLVDWLRQ HW O¶H[SRUWDWLRQ GX FKDUERQ GH ERLV GH PrPH TXH OH EU€OLV HW OD
UHPLVH HQ FXOWXUH SURYRTXHQW XQH SHUWH GH & HW G¶pOpPHQWV PLQpUDX[ HW donc une
baisse de capital fertilité acquis au cours de la phase de jachère. Cette perte est±elle
préjudiciable au développement de la rotation suivante et donc au stockage de C à
O¶pFKHOOHGXPDVVLIHWjO¶HIILFDFLWpGHODQRXYHOOHMDFKqUHGDQVODUHVWauration de la
fertilité du sol ?

-4XHOOHHVWO¶LQIOXHQFHGHO¶kJHGHODSODQWDWLRQHQSUHPLqUHURWDWLRQVXUODSURGXFWLRQ
de biomasse et la restauration de fertilité ?

-$ SDUWLU G¶XQH FKURQRVpTXHQFH GH SHXSOHPHQWV GH  j -20 ans, quelle est la
dynamique G¶DFFXPXODWLRQ GH PDWLqUH VqFKH ELRPDVVH  HW G¶pOpPHQWV PLQpUDX[
GDQVODMDFKqUHODG\QDPLTXHGHIL[DWLRQG¶D]RWHODG\QDPLTXHGHSURGXFWLRQHWGH
GpFRPSRVLWLRQ GHV OLWLqUHV DpULHQQHV O¶DFFXPXODWLRQ GH & 1 HW pOpPHQWV PLQpUDX[
dans le sol ?

-Quels indicateurs biologiques tels que la faune du sol et les microorganismes


SRXUUDLHQWrWUHPHVXUpVGDQVFHVV\VWqPHVHQUHODWLRQDYHFO¶kJHGHODMDFKqUH ?

-'DQVOHIRQFWLRQQHPHQWGXSHXSOHPHQWTXHOOHHVWO¶LPSRUWDQFHGHO¶amas de racines
qui se développe peu à peu dans la litièrejSDUWLUGHO¶kJHGHDQV ?

-4XHOOH HVW O¶LQIOXHQFH GH O¶H[SORLWDWLRQ GH OD MDFKqUH VXU OD IHUWLOLWp du milieu et le
stockage de C?
(QSOXVG¶pYDOXHUODTXDQWLWpGHQXWULPHQWVH[SRUWpHSDUODFDUERQLVDWLRQRQpourrait
estimer ce qui peut être restitué par les cendres de la carbonisation ainsi que la
dynamique des stocks de C, N et des éléments minéraux du sol (0-1m de
profondeur) et de la litière entre deux périodes clé : avant exploitation de la jachère
et après abandon de la culture suivante. Un suivi dans le temps dans trois ou quatre
SDUFHOOHVSRXUUDLWrWUHIDLWGDQVO¶LQWHUYDOOHGHPRLVjDQV8QHFRPSDUDLVRQGHV
stocks avec celui des savanes environnantes serait également utile. Enfin, un
indicateur de fertilité serait lD FURLVVDQFH GH O¶acacia en deuxième rotation en
comparaison avec la première rotation.

'¶DXWUHVPRGqOHVDJURIRUHVWLHUVPpULWHQWG¶rWUHWHVWpVRXGpYHORSSpVHQ5'&

&HSHQGDQW G¶DXWUHV PRGqOHV GH V\VWqPHV DJURIRUHVWLHUV PpULWHQW G¶rWUH WHVWpV RX
développés GDQVG¶DXWUHVFRQGLWLRQVpFRORJLTXHVHWVRFLR-économiques du pays, par
H[HPSOHHQJpUDQWOHUHFUXQDWXUHOG¶HVSqFHVORFDOHVjXVDJHVPXOWLSOHV

Il apparaît une nécessite impérieuse de ne pas considérer l'agroforesterie, telle que


pratiquée à Mampu, comme le modèle unique d'agroforesterie pour tout le pays,
dans n'importe quelle condition.

Le modèle Mampu est une réussite adaptée aux plateaux Batéké, mais presque
partout actuellement en RDC, on se réfère hélas à ce seul modèle. On tente de
l'appliquer dans des régions où le couvert forestier naturel existe et où une simple
mise en défens suffirait pour retrouver une couverture végétale naturelle abondante.

Par exemple, les Nkunku sont un type de jachère améliorée ou assistée, résultat de
O¶LQWHUYHQWLRQVpFulaire des populations Bakongo habitant les Districts des Cataractes
et de la Lukaya. Celles-ci aboutissent, dans certains cas de protection continue sur
une longue période, à la création de véritables agroforêts. Celles-ci contiennent une
grande diversitp G¶HVSqFHV ORFDOHV HW SDUIRLV H[RWLTXHV  TXL \ VRQW SURWpJpHV HW
parfois réintroduites pour leurs multiples usages (production de fruits, feuilles
G¶HPEDOODJH IHXLOOHV FRQVRPPpHV SDU OHV DQLPDX[ GRPHVWLTXHV RX OHV FKHQLOOHV
comestibles (Latham, 2003), support de champignons, fleurs butinées par les
abeilles, pharmacopée, et, en éclaircie ou exploitation sanitaire, bois de feu et
G¶°XYUH  Le projet Makala étudie ces agroforêts traditionnelles et détermine les
conditions techniques et socio-économiques de leur enrichissement et diffusion.
'¶DXWUHSDUW sur le plateau Batéké, le projet européen Makala, a commencé à tester
les méthodes de RNA, dans les derniers lambeaux de forêts galerie, avec la
collaboration des populations qui les mettent en culture.

/¶DJULFXOWHXU GpIULFKH WRXW G¶DERUG OH VRXV ERLV HQVXLWH LO pYDOXH UDSLGHPHQW OH
SRWHQWLHOGHVOLJQHX[SUpVHQWVVXUVDSDUFHOOH,OV¶LQWHUURJHDLQVLVXUOHVHVSqFHVTX¶LO
souhaite conserver, soit pour leur rôle fertilisant, soit pour les diverses productions
TX¶HOOHV SHXYHQW OXL RIIULUDX FRXUVGHV SURFKDLQHV DQQpHV FKHQLOOHV IUXLWV ERLVGH
FKDXIIDJH ERLV G¶°XYUH SKDUPDFRSpH HWF  ,O pYDOXH O¶DERQGDQFH GH FKDTXH
HVSqFH VXU VD SDUFHOOH HW V¶LQWHUURJH VXU OD JrQH TX¶HOOHV SHXYHQW RFFDVLRQQHU DX[
culturesVXUOHVGLIILFXOWpVpYHQWXHOOHVGHVDXYHJDUGHDXPRPHQWGHO¶DEDWWDJHHWGH
OD PLVH j IHX )RUW GH FHWWH UpIOH[LRQ LO VpOHFWLRQQH OHV DUEUHV TX¶LO VRXKDLWH
FRQVHUYHU HQ HVVD\DQW GH OHV UpSDUWLU DX PLHX[ GDQV O¶HVSDFH HQ FRQVHUYDQW DX
moins un individu de chaque espèce utile et en limitant le recouvrement des
KRXSSLHUVSRXUpYLWHUO¶RPEUDJHH[FHVVLIDX[IXWXUHVFXOWXUHV ODGHQVLWpYDULHVXLYDQW
O¶RSDFLWp GHV KRXSSLHUV HW FRUUHVSRQG HQ PR\HQQH j  DUEUHVKD DVVXUDQW XQ
UHFRXYUHPHQWG¶HQYLURQ 

Il abat ensuite les autres arbres, en limitant les dégâts aux arbres conservés. Les
troncs sont débités en vue de la production de charbon ou sciés. La base des arbres
à conserver est dégagée de branchages sur un rayon de 2 m. Les rémanents ne
sont brûlés qu¶DSUqVRXSOXLHV PP /HVGpJkWVG¶DEDWWDJHHWOHSDVVDJHGX
feu réduisent la densité arborée à environ 20 arbres/ha. Le charbon est alors
fabriqué et la parcelle semée en céréales (maïs, etc.). Trois mois plus tard, les
céréales sont récoltées et le manioc bouturé. La parcelle est alors sarclée. Parmi les
MHXQHV UHSRXVVHV G¶DUEUHV VHPLV UHMHWV RX GUDJHRQV  O¶DJULFXOWHXU VpOHFWLRQQH
FHOOHVTX¶LOYHXWJDUGHU HQSDUWLFXOLHUGDQVOHVWURXpHV HWOHVGpVLJQHSDUXQSLTXHW
Elles seront conservées et pFODLUFLHV SDU O¶pTXLSH GH VDUFODJH $SUqV OD UpFROWH GX
manioc, la végétation conservée et spontanée pourra se développer pendant le cycle
de jachère (6-12 ans) (photo 13) /¶DJULFXOWHXU XWLOLVHUD FHW HVSDFH SRXU VHV
cueillettes, ainsi que pour le pâturaJHODFKDVVHO¶DSLFXOWXUHHWF

On espère ainsi mettre en place un système agroforestier, inspirée des pratiques


anciennes, qui conservera mieux les sols et la biodiversité, tout en augmentant les
ressources des agriculteurs.

Photo 13 : Jeune rejet G¶$OEL]]LDVpOHFWLRQQpSDUOD


méthode RNA, neuf mois après sa protection
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T h è m e 5

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d e s d iffé re n ts ty p e s d ’é ro s io n

L e s p a r c e l l e s d ’ é r o s i o n p e r m e t t e n t d ’ é v a l u e r p r é c is é m e n t l e s r i s q u e s é r o s i f s r e l a t i f s à
d iv e r s e s c u lt u r e s , t e c h n iq u e s c u lt u r a le s , s o ls , p e n t e s , c lim a t s , m a is p a s l’é r o s io n r é e lle d a n s
l’e s p a c e d e s b a s s in s v e r s a n t s .

P o u r é v a lu e r la ré p a r t it io n s p a t ia le d e s r is q u e s d e s d iv e r s t y p e s d ’é r o s io n , il f a u t
c o m b in e r :
- l’o b s e r v a t io n d e s é t a t s d e s u r f a c e e t le s t r a c e s d ’é r o s io n ,
- le s a lé a s c lim a t iq u e s e n f o n c t io n d e l’o r ie n t a t io n d e s v e n t s e t d e s v e r s a n t s ,
- l’a n a ly s e d ’im a g e s à d if f é r e n t e s é c h e lle s d e p u is d e s p o in t s é le v é s , d e s d r o n e s o u d e s b a llo n s ,
d e s a v io n s o u d e s s a t e llit e s ,
- l’a n a ly s e d e s t r a c e u r s r a d io a c t if s c o m m e d e c é s iu m o u le b é r y lliu m …

L ’u s a g e d e s im u la t e u r s d e p lu ie s p e r m e t d e d é f in ir p o u r c h a q u e z o n e la d y n a m iq u e
a c t u e lle d e l’e a u d e p lu ie , l’é v o lu t io n d e la s t a b ilit é d e la s u r f a c e d u s o l p r o t é g é p a r s a
c o u v e r t u r e v é g é t a le e t le s m e ille u r s in d ic a t e u r s .
L’intégration des familles paysannes haïtiennes dans la lutte
antiérosive à travers la cartographie participative.

DELERUE Florian
f.delerue@avsf.org

Résumé :
Cet article présente une expérience de lutte antiérosive intégrée dans le Sud-Est d’Haïti. Les origines
biogéographiques, économiques et sociales de l’érosion sont explicitées. La cartographie participative
est posée comme modèle pouvant faciliter la réussite de la Gestion Conservatoire de l’Eau et de la
Fertilité des Sols dans la zone face aux échecs courants des projets de lutte antiérosive.
Les caractéristiques agroécologiques du milieu sont présentées, distinguant les zones dégradées et
celles favorables à l’agriculture. Les familles paysannes utilisent déjà des pratiques de conservation
des sols et de gestion de l’eau et de la biomasse, mais elles restent insuffisantes. Une maquette en 3
dimensions de la zone est construite dans la communauté. Elle permet de créer un espace de
dialogue avec la population locale pour une utilisation plus rationnelle des terres. Elle présente les
services de base à la population dans la zone ainsi que les ressources disponibles, l’usage actuel et
l’état de fertilité / dégradation des terres. Des séances d’animation sont organisées autour de cette
maquette pour dynamiser les réflexions de la population quant à son territoire. Des consensus se
dégagent pour la mise en œuvre des structures antiérosives et des propositions globales pour le
développement et l’aménagement de la zone sont faîtes. Les résultats sont prometteurs pour le
traitement des ravines et pour la création de lots boisés mais l’implantation des structures antiérosives
dans les parcelles agricoles reste difficile. Les pratiques de fertilisation sont encourageantes mais
insuffisantes.
Finalement, les paysans deviennent acteurs de la réflexion concernant la lutte antiérosive et les
techniques sont mieux comprises, choisies et maîtrisées. Le modèle présenté peut être reproduit,
mais le développement d’un contexte socioéconomique plus favorable est aussi indispensable comme
la diminution de la pression démographique et l’utilisation d’énergies alternatives au charbon de bois.

Mots-clés : Haiti, projet GCES, cartographie des zones, discussion avec paysans,
aménagement ravines, terres dégradées, champs, fertilisation.

Abstract:
This article presents an integrated erosion control experience in the South-East of Haïti.
Biogeographical, economical and social roots of erosion are explained. Participatory mapping is
proposed as a model to help successful land husbandry in the area taking into account many erosion
control projects failures.
Agroecological characteristics of the environment are exposed, focusing on the differences between
erosion damaged areas and areas suitable for agriculture. Farmer’s families already use some erosion
control and water and biomass management techniques, but they are not very efficient. A 3
dimensional model of the area is built in the community. It helps to create a dialoguing space with the
local population to think about a more rational way of land use. It shows population basic services
access in the area as well as the available resources, current land use and land fertility / degradation
level. Brain storming meetings are organized around the model to strengthen population thinking
regarding his territory. General agreements are achieved about erosion control structures
implementation and global propositions about area development are made. Results are promising
concerning gullies treatment and creation of wooded areas but establishment of erosion control
structures in agricultural allotments is still difficult. Fertilization practices are encouraging but not
enough developed.
Finally, farmers become thinking actors in erosion control strategies and techniques are better
understood, chosen and mastered. This outlined model can be repeated, but the development of a
more favorable socioeconomical context is also needed like demographic pressure reduction and the
use of alternative energies to charcoal.

Keywords : Haiti, village territory management, maquette, gully, degraded areas &
fields management with villagers dialogue

Problématique :
Les racines de l’érosion en Haïti :
La république d’Haïti (partie occidentale de l’île d’Hispaniola) est dominée par un
relief montagneux occupant 75% de l’espace soit 20 000 des 27 750 km² du pays
(Bennani et Dory 2003). Située entre les 18ème et 20ème parallèles Nord, Haïti est
soumis à un climat tropical humide à deux saisons de pluies interrompues par deux
périodes sèches. Cette combinaison entre topographie accidentée et pluviométrie
importante crée un contexte géographique local favorable à l’érosion.
Dans cet environnement à risque, la paysannerie haïtienne a su développer des
méthodes et des techniques de cultures adaptées. Les parcelles à proximité directe
des habitations ou jardins ‘lakou’ sont caractérisées par un système agroforestier
dense où l’ensemble des strates de la végétation sont exploitées. Issus de la période
coloniale, les systèmes de cultures de café et dans une moindre mesure de cacao
sous couvert arboré ont longtemps permis une valorisation durable des terres de
montagnes. Mais suite à la baisse des cours du café avec la libéralisation du marché
à la fin des années 80 et les différentes crises économiques liées à l’instabilité du
pays, les surfaces caféières ont largement diminué au profit d’une agriculture
vivrière. En parallèle, la pression démographique est passée de 185 habitants / km²
dans les années 80 à près de 300 habitants / km² aujourd’hui avec plus de 8 millions
d’habitants (Bennani et Dory 2003).

Aussi, Haïti est détenteur du triste record du pays le plus pauvre de l’hémisphère
américain (rang IDH = 153ème place sur 177 classés) et la population (à 60% rurale)
vit en très grande majorité en dessous du seuil de pauvreté (IHSI 2003). Avec la forte
pression démographique, même les terres les plus pentues sont valorisées par une
agriculture vivrière de survie sans structure antiérosive et sur des surfaces très
restreintes souvent inférieures à 0,5 ha. Pourtant les sols en pente ont un potentiel
agronomique réduit et sont très sensibles à l’érosion.
Dans les zones rurales, les services de base à la population sont très rares (écoles
publiques, centre de santé, poste de police, tribunal, voix de communication,
marchés). L’accès à ces services est limité, nécessite souvent un déplacement en
ville, et représente des coûts supplémentaires pour les familles paysannes. Dans ce
contexte économique et social déprimé, avec la forte demande en charbon de bois à
travers tout le pays pour l’usage domestique, la coupe d’arbres s’accélère et atteint
des proportions extraordinaires. En effet, la vente de charbon permet aux paysans
de faire face au besoin urgent de liquidité. La couverture forestière actuelle en Haïti
est estimée inférieure à 2% (Michel 2005) (photo 1).
L’érosion et la crise environnementale actuelle :
La disparition de la couverture arborée entraîne une crise environnementale sans
précédent. L’érosion en nappe provoque un appauvrissement important des terres
mises en cultures (photo 2) et les rendements agricoles diminuent, fragilisant encore
plus les familles paysannes entrainées dans un cercle vicieux infernal : baisse des
rendements, baisse des revenus, coupe des arbres et vente de charbon,
augmentation de l’érosion, baisse des rendements…
Le cycle de l’eau est complètement perturbé, l’infiltration est minimale, le
ruissellement maximal. Le niveau des crues est anormalement élevé provoquant des
dégâts matériels et des pertes humaines importantes. A l’été 2008, après 3 cyclones
et une tempête tropicale 90 000 ha de productions agricoles ont été détruits (maïs,
haricot, sorgho…) et 300 000 têtes de bétail sont mortes (bœufs, chèvres, cochons)
(www.agriculture.gouv.ht). En période sèche, les cours d’eau et les sources
s’assèchent.

Un besoin de lutte antiérosive intégrée :


Les approches technicistes étaient privilégiées dans les années 50 – 70
(Conservation de l’Eau et des Sols (CES), Défense et Restauration des Sols (DRS)
(Smucker et al, 2006 ; Delerue, 2007). Depuis les années 80, les techniques
proposées s’intéressent plus aux systèmes agricoles des paysans et s’attachent à
améliorer parallèlement leurs conditions de vie par l’augmentation de la production et
des revenus (Smolikowski, 1993) : haies vives, bandes enherbées, traitement des
ravines et activités complémentaires : élevage, maraichage, greffage... Mais la
dégradation des mornes continue. Les techniques proposées sont souvent
pertinentes mais les populations rurales participent peu aux choix stratégiques
développés. L’appropriation des techniques proposées est limitée. Il convient alors
d’intégrer les communautés paysannes à une réflexion globale sur leur
environnement, débouchant sur l’aménagement de parcelles avec une bonne
compréhension et appropriation des techniques inspirées de la Gestion
Conservatoire de l’Eau de la biomasse et de la fertilité des Sols (GCES). Même si la
réussite d’opérations de lutte antiérosive dépend d’un contexte plus large (mesures
foncières, accès aux services de base, aux marchés, aux financements), des outils
de cartographie participative peuvent permettre cette participation et prise en charge
par les populations locales du devenir de leur territoire

Photo 2 : L’érosion en nappe entraîne un lessivage de matière


Photo 1 : Le déboisement des mornes haïtiennes
organique, les terres blanchissent.
Milieu :
Agronomes et Vétérinaires Sans Frontières (AVSF, ONG française), et la
Coordination Régionale des Organisations du Sud-Est (CROSE, mouvement social
haïtien), mettent en place depuis 2007 un projet d’aménagement du bassin versant
de la rivière Fond Melon (45 km²) situé dans le département du Sud-Est qui est
caractérisé par (Delerue 2009 a) :
- Une population de près de 12 000 habitants (IHSI 2003)
- Des services à la population très faibles : aucun dispensaire, une seule école
primaire publique dégradée, aucun poste de police ni de tribunal, aucune voie de
communication pénétrant dans la zone et un seul marché.
- De nombreuses organisations de base regroupant jeunes, femmes et paysans.
- Une topographie accidentée avec une majorité des terres présentant des pentes
de 10 à 40%.
- Une pluviométrie importante (>1500 mm/an, GRET-FAMV 1991) alimentant deux
saisons de culture principales. La saison cyclonique s’étend de juin à novembre.
- 5 zones agro – écologique principales :
- 1. Une zone pseudo plane fertile aux sols riches et profonds sur matériaux
colluvionnaires (vertisols, sols bruns vertiques) : le plateau de Michineau. Des
cultures exigeantes (igname, bananes, gingembre) et variées (maïs, haricots,
café) sont pratiquées ainsi qu’un élevage diversifié au piquet
- 2. Des versants orientés au Sud et à l’Est (ensoleillés) dégradés avec des sols
peu profonds et peu fertiles (rendzines) (photo 3). Sorgho, pois congo et patate
douce sont majoritaires et plantés pour la deuxième saison de culture. Les
caprins y sont élevés au piquet
- 3. Des versants orientés au Nord et à l’Ouest (moins ensoleillés) moins
dégradés et avec une bonne couverture arborée avec des rendzines riches en
matières organiques évoluant en sols bruns eutrophes (photo 4). Les parcelles de
café sont fréquentes ainsi que les parcelles agroforestières (cultures exigeantes
et arbres fruitiers et bois d’œuvre variés). Les bœufs sont majoritairement gardés
dans ces zones fraîches.
- 4. Une zone basaltique d’altitude avec des sols bruns fersialitiques sur les
pentes moyennes et quelques lithosols sur arène basaltique sur les pentes les
plus fortes. Ils sont sensibles à l’érosion et certaines zones sont en voie de
dégradation avancée. Des cultures exigeantes sont possibles lorsque les sols
sont assez profonds. La strate arborée est éparse sauf au niveau des parcelles
de café sous couvert. Les bœufs sont majoritaires dans cette zone fraîche.
- 5. Une zone de forte pente reliant le bassin versant à un vaste plateau adjacent
(le plateau de Cap Rouge) présentant des rendzines en voie de dégradation
(photo 4). La strate arborée est très peu présente et les cultures peu exigeantes y
sont pratiquées dans la deuxième saison de culture. Les caprins sont majoritaires
et gardés au piquet dans cette zone.

Hormis le plateau de Michineau, les pratiques agricoles dans des zones de fortes
pentes aboutissent à des processus érosifs (photos 5 et 6) largement répandus
surtout dans les zones 2, 4 et 5. Le ravinement y est particulièrement développé
(Photo 5).

Photo 3 : En haut zone de forte pente menant au plateau de


Cap Rouge. En bas, versant orienté Nord-Ouest boisé Photo 4 : Versant orienté à l’Est dégradé

Photo 6 : Erosion en nappe et perte de matière organique


Photo 5 : Erosion linéaire et ravinement

En conséquence, les paysans ont adopté quelques pratiques de gestion de l’eau, de


la biomasse et de la conservation des sols qui sont indiqués dans le tableau 1
suivant :

Tableau 1 : les pratiques de gestion de l’eau de la biomasse et de la conservation des sols dans la zone
Technique Description Utilité Limites
Quelques piquets soutiennent des
Structure non pérenne, barrière
feuilles de palmiers ou autres
Rampes de paille Barrière antiérosive perméable, non respect des
‘pailles’ formant des rampes dans
courbes de niveau
les parcelles.
Plantation en bandes d’herbes Barrière antiérosive, Non respect des courbes de
Bandes enherbées d’herbe de guinée (Panicum infiltration de l’eau et niveau. Structures interrompues
maximum) voire de cannes à sucre délimitation des parcelles pouvant favoriser l’érosion linéaire
Murs en pierre Empilement de roches formant des Barrière antiérosive, Créer Non respect des courbes de
sèche murs dans les parcelles agricoles plus d’espace cultivable niveau, pas de fondations solides
Favorise l’érosion dans les zones
Brulis de la matière végétale Préparation et fertilisation
Le brulis en pente. Non enfouissement de
résiduelle rapide des sols
la matière organique
Concentration de la
Enfouissement des herbes sarclées
matière organique et
Le buttage sous des buttes où sont plantées
améliore la structure du
patates douces et ignames.
sol
Production de matière organique là Transferts de fertilité vers les
La gestion des où le bétail est au piquet. Transport Enrichissement en matière zones riches et dégradation des
déchets animaux des déchets vers des parcelles organique zones pauvres. Pas de réelles
d’intérêt particulier pratiques de production de fumier
Méthodologie :
Intégration de la population et cartographie participative :
L’originalité de l’expérience présentée ici réside dans l’intégration des familles
paysannes à 4 niveaux d’analyse et d’intervention qui sont tous spatialisés, c'est-à-
dire concrètement localisés et raisonnés dans une vision globale du bassin versant:
- Le diagnostic du milieu : identification de ses potentiels et ses limites, des
phénomènes et risques érosifs
- La réflexion sur les alternatives à proposer pour une gestion plus rationnelle des
terres et de l’espace
- La prise de décision quant aux actions à mener
- L’exécution du travail identifié
Tous les paysans, quel que soit leur niveau d’éducation, ont une connaissance
partielle mais approfondie et spatialisée du milieu dans lequel ils évoluent chaque
jour (Flavelle 2002). Il s’agit donc de créer un outil adapté permettant de faire la
somme de ces connaissances individuelles et de créer un espace d’échange
adéquat en particulier avec les acteurs du développement rural (techniciens et
agronomes du projet). La réflexion est alors portée à l’échelle du bassin versant en
entier. Cette approche est directement issue de la discipline de la cartographie
participative.
Le taux d’illettrisme est très important dans la population rurale haïtienne. De plus les
cadres formés en Haïti sont peu habitués à manipuler des cartes classiques en 2
dimensions. Alors, la construction d’une maquette en 3 dimensions du bassin versant
est privilégiée. La 3ème dimension permet de développer une expérience sensorielle
(visuelle, tactile) permettant à tous, paysans, élus, techniciens, agronomes de bien
se repérer et de raisonner ensemble l’aménagement d’un même espace.

Construction de la maquette en 3 dimensions :


La construction participative de la maquette en 3 dimensions du bassin versant suit
une méthode déjà décrite que nous rappelons ici brièvement (Rambaldi et Callosa-
Tarr 2002 ; Gonda et Pommier 2008 ; www.iapad.org).
- La première étape consiste à construire le relief. Pour cela le travail se fait à
partir d’une carte de base présentant les courbes de niveau de la zone d’intérêt,
imprimée aux dimensions et à l’échelle de la maquette. Une épaisseur est redonnée
à chaque courbe de niveau créant la 3ème dimension, la hauteur, et faisant clairement
apparaître le relief. Pour cela, chaque courbe de niveau est retracée à l’aide de
papier carbone sur une couche de carton (photo 7) en commençant par le niveau le
plus bas. Puis le carton est découpé précisément selon la forme de la courbe de
niveau et collé sur la table où repose la maquette. Les couches de cartons,
correspondant chacune à une altitude, sont collées les unes sur les autres (photo 8),
du niveau le plus bas jusqu’au sommet de la zone.
Les formes en escalier liées à la méthode de construction sont atténuées en collant
plusieurs épaisseurs de papier crépon et créant aussi une surface adéquate pour
peindre par-dessus le relief. Cette première étape a été réalisée avec les élèves des
écoles de la zone.
- La deuxième étape consiste à inviter des représentants de toutes les zones
du bassin versant pour qu’ils viennent reporter des informations sur la maquette.
Deux types d’informations ont été sélectionnés : les services de base pour la
population : écoles, centre de santé… et l’environnement et ses ressources : usage
de la terre, sources... Chaque information est traduite par des symboles ponctuels
(aiguilles pour les écoles, marchés, sources…), linéaires (fil ou trait de peinture pour
les limites administratives, les cours d’eau, les ravines…), ou polygonales (l’usage de
la terre est peint sur l’ensemble de la surface avec un jeu de couleur prédéfini)
(photos 9 et 10). Les expériences ont montré qu’un utilisateur d’un modèle en 3
dimensions vierge peut dépeindre beaucoup plus précisément sa connaissance de
l’environnement spatial que sur une simple carte ou feuille blanche. La dimension
verticale fournis des repères stimulant la mémoire et permet d’établir des
associations spatiales. En fournissant une vue aérienne, un modèle en 3 dimensions
élargit la perception des références spatiales comme le lit des rivières, le lien entre
les écosystèmes, l’utilisation et l’accès aux ressources.

- Des photos de la maquette sont ensuite prises à la verticale et exploitées


dans un logiciel de Système d’Information Géographique (SIG). Grâce au système
de coordonnées indiqué sur les bords de la maquette, les photos sont
géoréférencées, puis chaque information est redessinée une à une pour produire des
cartes thématiques consultables en dehors de la zone d’action.

Photo 8 : Chaque couche de carton correspondant à un niveau


Photo 7 : Chaque courbe de niveau est repassée au crayon est collée sur le niveau précédant

Photo 9 : Report des informations : on commence par les Photo 10 : Report des informations : l’usage de la terre est peint
éléments les plus faciles à identifier (rivières en bleu) en dernier sur l’ensemble de la surface
Utilisation de la maquette pour la lutte antiérosive intégrée:
L’organe de prise de décision au sein du projet est le comité de pilotage. Des
représentants des organisations de base de toutes les localités de la zone, des
autorités locales, du ministère de l’agriculture, de la CROSE et d’AVSF se réunissent
pour décider des orientations à donner au projet. L’équipe technique fait des
propositions qui sont débattues jusqu’à obtention d’un consensus au sein du comité.
Les activités en relation avec l’aménagement du bassin versant et la lutte antiérosive
sont directement discutées autour de la maquette en 3 dimensions (photo 11).
Les zones d’intervention et les techniques choisies sont localisées sur la maquette.
Les caractéristiques du milieu et le zonage agroécologique présenté ci-dessus sont
visibles et compréhensibles pour les participants à l’aide des symboles et jeu de
couleurs utilisés sur la maquette. Alors les décisions sont bien l’aboutissement d’une
réflexion commune avec les représentants de la population en fonction des potentiels
de chaque zone et des limites et contraintes observées.

Tableau 2 : Choix des techniques et des zones à aménager en fonction des observations autour de la maquette en 3
dimensions.
Domaine Technique Méthodologie Objectif
Identification des zones sur la
Protection des parcelles agricoles
maquette (zone agroécologique 2, 4, 5,
avec des structures biologiques
Bandes enherbées en versants des ravines aménagées).
pérennes permettant le
courbe de niveau : Précision du choix des espèces en
développement d’une production
herbes de guinée, fonction du degré de dégradation /
rapide pour les exploitants.
cannes à sucres, fertilité. Délimitation de la zone (GPS)
Amélioration de pratiques déjà
ananas et rencontre de l’ensemble des
existantes : rampes de paille, bandes
exploitants de la zone. Planification et
enherbées.
exécution
Conservation
‘Bandes manger’ en
des sols
courbe de niveau : gros Identification des zones sur la Protection des parcelles agricoles à
dans les
sillon de bananes / Gros maquette (zone agroécologique 3). forte production mais soumis à un
parcelles
billon de patates douces Délimitation de la zone (GPS) et risque d’érosion avec des structures
agricoles
ou d’ignames / bandes rencontre de l’ensemble des exploitants biologiques développant une
enherbée de cannes à de la zone. Planification et exécution production rapide et variée
sucre ou d’ananas.
Identification des zones sur la
maquette (zone agroécologique 2, 3,4, Protection des parcelles agricoles,
Murs secs en courbe de 5, zones avec beaucoup de roches). augmentation de l’espace cultivable
niveau Délimitation de la zone (GPS) et et amélioration d’une pratique déjà
rencontre de l’ensemble des exploitants existante : murs sans fondation
de la zone. Planification et exécution
Priorisation des ravines à traiter sur la
Stabiliser le ravinement et recréer
Traitements maquette en 3 dimensions. Relevé
Seuils en pierres des espaces de cultures sur les
des ravines topographique des ravines. Planification
sédiments accumulés
et exécution
Identification des larges zones sur la
maquette (zone agroécologique 2, 4, 5.
Réhabiliter des versants entiers par
Délimitation et découpage parcellaire
la création de lots boisés avec des
de la zone (GPS). Calcul de la
espèces à bonne valeur ajoutée :
Plantation de lots boisés productivité économique des terres.
Réhabilitation bois d’œuvre, variétés fruitières
d’arbres forestiers et Rencontre de l’ensemble des
de zones intéressantes (contre saison,
fruitiers sur des grands exploitants de la zone et signature de
dégradées potentiel commercial). Changement
espaces contrat. Planification et exécution des
d’utilisation de l’espace de
plantations. Distribution d’une aide
l’agriculture vers une sylviculture
financière pour compenser la diminution
durable et productrice de revenus.
de la production et des revenus
pendant 10 ans.
Par la suite, les aménagements réussis sont reportés sur la maquette avec des
symboles adaptés pour un suivi régulier par la communauté et une actualisation des
données pour les réflexions futures (photo 12).
Les techniques antiérosives débattues au sein du comité sont résumées dans le
tableau 2 ci dessous Les pratiques paysannes observées, présentées plus haut, sont
valorisées et améliorées lorsqu’elles sont pertinentes. Rappelons que, dans le cadre
de la GCES, la conservation des sols n’est pas une fin en soi mais est intégrée à un
paquet technologique visant à améliorer leur condition de vie, notamment par
l’amélioration des résultats économiques des exploitations (Roose, 1994).

Dans le cadre du processus participatif d’identification des espaces à aménager, et


pour une meilleure compréhension des aménagements, de leur planification et
exécution, l’ensemble des relevés GPS effectués dans ce travail est exécuté
directement par des membres des organisations de base formés à cet effet.

Photo 12 : Le traitement d’une ravine (trait rouge) est indiqué


Photo 11 : Réflexion autour de la maquette en 3 dimensions avec le report des fils noirs.

La maquette, l’intensification agricole, la gestion des nutriments et de la fertilisation :


L’augmentation des rendements et des revenus pour les exploitations agricoles est
essentielle à la réussite de la lutte antiérosive. Elle implique des pratiques de
fertilisation inexistantes jusqu’à présent et qui sont développées à 2 niveaux :
- dans les aménagements à mettre en place identifiés sur la maquette. Les lots
boisés et les ‘bandes manger’ sont ciblés en particulier.
- Dans des parcelles d’intensification agricole et de cultures maraichères à
haute valeur ajoutée. Là aussi, l’identification des zones à bon potentiel
agronomique est effectuée directement sur la maquette (zone 1, 3 et 4)
Pour les lots boisés et les cultures maraichères, la fertilisation organique est
préférée. Dans 12 localités de la zone sont développées des expériences de :
- valorisation rapide des déchets animaux : mélange avec cendres et épandage.
- fabrication de compost à partir de tas de déchets de cuisine mélangés avec des
cendres et des résidus végétaux.
- fabrication de compost par lombriliculture à partir des déchets de cuisine.
Pour les parcelles de bananes, de maraichages et les ‘bandes manger’, des
amendements en engrais minéraux sont aussi pratiqués (engrais complet et urée).
Résultats :
Compréhension et analyse du milieu :
Une cinquantaine de personnes maîtrisent déjà l’outil de réflexion et d’analyse qu’est
la maquette en 3 dimensions. Elles sont capables de faire des propositions
d’aménagements adaptés et localisés, en particulier concernant les problèmes
d’érosion. Pour la mise en place du projet, des consensus se dégagent facilement au
sein du comité de pilotage démontrant qu’à travers la maquette, les potentiels et
limites dans l’ensemble du bassin versant apparaissent clairement à tous.
L’élevage est majoritairement pratiqué au piquet, libre dans certaines zones, pendant
que l’agriculture vivrière sans pratique de conservation occupe la très grande
majorité de l’espace. Des représentants des différentes organisations de base et des
autorités locales ont participé à plusieurs jours de réflexions autour de la maquette
pour préciser un plan de développement et d’aménagement couvrant la moitié amont
du bassin versant (Delerue 2009 b). Le mode d’exploitation des terres a été repensé
dans son ensemble ainsi que la création des services nécessaires à la population.
Les zones propres à la sylviculture, à l’agriculture et à l’élevage ont été redéfinies
pour un usage agrosylvopastoral des terres plus adapté qui aboutirait à une maîtrise
globale des processus d’érosion. Ces résultats ont été traduits sous forme de carte.

Les aménagements antiérosifs :


Concernant les aménagements antiérosifs, les résultats obtenus sont les suivants :
Le traitement des ravines :
En 2008, après identification sur la maquette, 2,6 km linéaires de ravines ont été
aménagés avec des seuils en pierres sèches. Après passage des 4 cyclones /
tempêtes tropicales en 2008, la grande majorité des seuils (plus de 90%) sont bien
restés en place. Les quelques dégâts ont depuis été réparés. Dans ces ravines,
considérant que l’ensemble des seuils sont aujourd’hui pleins en sédiments, nous
estimons qu’environ 640 m³ de terre ont été retenus soit près de 900 T de sédiments
(en comptant une densité moyenne de 1,4 kg/dm³ = densité de la terre tassée en fin
de saison agricole).
En 2009, 6,6 km linéaires de ravines supplémentaires ont été aménagés. Nous
prévoyons qu’environ 1 620 m³ de terre seront retenus soit 2 270 T de sédiments.
Les espaces de sédimentation déjà disponibles derrière et entre les seuils ont été
spontanément remis en culture par les agriculteurs. Une enquête sur 2 ravines
montre que :
- Les zones de sédimentation sont très fertiles et cultivées principalement en
bananes, mazombelle et tarot.
- Que pour 861 m linéaire de ravine traitée, 4 082 m² de surface cultivable ont été
recréés.
- Que de très bons revenus nets annuels sont obtenus à partir de ces nouvelles
surfaces agricoles avec 2 143 gourdes (soit 39 €) pour 100 m² ou 214 280
gourdes (ou 3 896 €) par hectare. Par comparaison, un hectare planté en
bananes dans les zones de plaines irriguées peut rapporter entre 250 000 et
300 000 gourdes par an (soit entre 4 545 et 5 455 €) (Aurélien 2007).
- Une projection de ces résultats sur les 9,2 km de ravines traitées donnerait plus
de 4,3 ha de surface cultivable recréée, mise en culture par 170 personnes pour
un revenu total annuel net de 934 000 gourdes (16 980 €) soit en moyenne 100 €
par personne.
Les ravines traitées, auparavant zones abandonnées, se transforment en oasis
linéaires à forte productivité comme le montrent les photos 13 et 14 suivantes.

Photo 13 : Ravine aménagée en janvier 2008. Plantation de Photo 14 : Ravine traitée en janvier 2008. Plantation de
bananes et tarots (Photo prise en Juillet 2009) bananes. (Photo prise en Juin 2008)

La réhabilitation des zones dégradées par la création de lots boisés :


En 2008, une première expérience de création de lot boisé a été menée sur une
surface de 3 ha. En 2009, 34 nouveaux hectares de plantations ont été effectués
pour un total de 197 exploitants engagés dans cette activité. Ce sont des versants
entiers qui sont identifiés autour de la maquette en 3 dimensions caractérisés par un
état de dégradation important, des pentes importantes et des rendements agricoles
très réduits. Les sols, bien que maigres doivent avoir une épaisseur minimale afin de
faciliter la prise des plantules.
En parallèle 16 500 plantules ont été produites en pépinière, avec des espèces
forestières et fruitières variées, adaptées aux différentes zones, déjà connues et
appréciées par les paysans pour leur importance économique.
Rappelons que sur la base des surfaces mises en jeu mesurées par des paysans
formés à l’utilisation du GPS et de la productivité économique de ces terres, une aide
financière est prévue pendant 10 ans pour compenser la diminution des revenus
agricoles.
Les visites récentes montrent un taux de réussite des plantules de plus de 80 %. Les
plantules non réussies vont être remplacées pour approcher les 100% de réussite.
Plusieurs mois après les plantations, elles sont toujours en terre et continuent à se
développer laissant envisager une bonne réussite dans la création de ces lots
boisés. Considérant la pression démographique et agricole sur les terres de la zone,
considérant la très faible réussite de ce type d’activité en général en Haïti, la
méthode et la démarche développées semblent prometteuses. Des versants entiers
pourraient passer d’une exploitation agricole destructrice et peu rentable à une
exploitation sylvicole stabilisant et enrichissant les sols et productrice de revenus.
Pour exemple, la valeur d’une plantation adulte d’un hectare de bois de chêne
haïtien (Catalpa longissimma) ou de cèdre acajou (Cedrela odorata) (photo 16) est
estimée entre 3,5 et 4,5 millions de gourdes (soit entre 63 600 et 81 800 €). Un
hectare de plantation de manguiers de variété francisque (Mangifera indica) (photo
15) peut rapporter chaque année entre 350 000 et 550 000 gourdes soit entre 6 300
et 10 000€). On ne pourra se prononcer définitivement sur la réussite des lots boisés
que dans quelques années lorsque les plantations auront un âge plus avancé.

Photo 15 : Plantation d’un manguier surgreffé en variété


francisque (2008)
Photo 16 : Cèdre acajou en développement (2009)

Structures antiérosives :
Les réflexions autour de la maquette en 3 dimensions sont axées sur le traitement de
2 types de zones :
- zones dégradées d’intérêt particulier : versant de ravines traitées, protection de
zones habitées. Des choix sont faits entre murs secs ou bandes enherbées.
- zones productives, en pente, en voie de dégradation pour faciliter l’augmentation ou
le maintien de la production. Des choix sont faits entre murs secs et ‘bandes
manger’.
Les aménagements suivant ont été réalisés :
• 2 hectares ou 2 600 m linéaires de murs secs. Des paysans ont reproduit les
aménagements dans quelques parcelles en respectant les normes techniques
enseignées (fondation, courbe de niveau). Par la suite, les structures devront
être réparées en cas de dégâts et rehaussées lorsqu’un terrassement
commencera à se former.
• 4 hectares ou 4 700 m linéaires de ‘bandes manger’. Suite à un retard dans la
livraison des drageons et des boutures, et suite à une incompréhension générale
de cette méthode nouvelle, l’implantation des ‘bandes manger’ a majoritairement
échoué. Les raisons ont été discutées par le comité de pilotage et une autre
expérience va être tentée.
• 32 hectares ou 40 700 m linéaires de bandes enherbées, principalement d’herbes
de guinée et de cannes à sucre. La technique d’implantation de ces structures est
maîtrisée (photo 17) mais par la suite, l’absence de contrôle sur les caprins
friands des jeunes pousses qui se développent dans les bandes reste
problématique. La localisation des bandes enherbées dans des parcelles
dégradées, souvent loin des habitations, ne facilite pas leur suivi et entretien. Le
taux de réussite est estimé à moins de 50%. Des parcelles sont cependant bien
protégées (photo 18). Une reproduction spontanée de cette technique dans
plusieurs parcelles est visible.
Pour 3 parcelles aménagées en bandes enherbées, les revenus obtenus ont été
calculés et comparés aux parcelles voisines non aménagées. L’augmentation
moyenne des revenus est de 60% et résulte surtout du développement d’une
nouvelle production (fourrage, canne à sucre) et dans une moindre mesure d’une
augmentation des rendements.

Photo 17 : Implantation de bandes enherbées par bouturage Photo 18 : Parcelle aménagée en bandes enherbées d’herbe
(ici herbe de guinée) de guinée

Pour mesurer l’impact des structures antiérosives sur l’érosion et l’infiltration des
eaux, des systèmes de recueils des eaux de ruissellement (FAO 1977) ont été
imaginés. Mais dans la zone reculée du projet, cette étude n’a pas été possible (pas
de courant permanent même en ville, récolte et transport régulier des échantillons de
sédiments vers l’étuve, coûts…)
Globalement, malgré des réussites et une réplication spontanée des techniques,
l’implantation des structures antiérosives dans les parcelles agricoles reste difficile.

La gestion des nutriments et les transferts de fertilités :


Les fertilisants organiques (compost, déchets animaux) sont bien utilisés dans le
cadre des lots boisés et des parcelles de maraichage, mais la production locale reste
insuffisante et la majorité du compost est acheminée à partir de centres de
production extérieurs à la zone. Les amendements en engrais minéraux pour les
cultures maraichères, les parcelles de bananes et les rares ‘bandes manger’ réussies
ont donné des résultats satisfaisants.
A ce jour, plus de 7 ha de parcelles agricoles sont intensifiés. Les parcelles de
bananes, choux, aubergines, poivrons et piments permettent d’améliorer
considérablement la productivité des terres et du travail avec une valeur ajoutée
nette de 200 000 à 300 000 gourdes / ha environ (3 640 à 5 450 €/ha) pour 300 à
700 gourdes / hj de travail ou (3,6 à 12,7€/hj). Les cultures maraichères étaient
inexistantes dans la zone avant le projet. Pour comparaison, sur ce type de terres
fertiles, une association courante de maïs-pois noir permet de dégager une valeur
ajoutée moyenne de 31 200 gourdes / ha (soit 567€) pour 74 gourdes / hj de travail
(ou 1,35€).
Habituellement, les transferts de fertilité se font des parcelles éloignées et dégradées
vers les parcelles plus productives près des habitations, en particulier vers les
‘jardins lakou’. Ici, un transfert de fertilité est aussi engagé dans l’autre sens : vers les
zones dégradées des lots boisées et vers certaines parcelles avec aménagements
antiérosifs. Des observations montrent aussi l’utilisation spontanée par certains
agriculteurs de déchets animaux épandus aux pieds des jeunes plantules, autre
signe encourageant pour la réussite de ces plantations.

Globalement, les pratiques de fertilisation organique restent peu développées et sont


à vulgariser à plus grande échelle sur toutes les parcelles aménagées. La mise en
place de boutiques d’intrants agricoles dans la zone facilitera aussi la disponibilité à
prix réduits d’engrais minéraux.

Discussion / Conclusion :
Cet article présente la démarche développée dans un projet de développement.
L’ensemble des résultats chiffrés ci-dessus sont issus de quelques enquêtes qui ne
satisfont pas aux règles d’échantillonnage et de traitement statistique d’une
démarche scientifique de recherche. Mais par rapport au temps et ressources
disponibles, ces enquêtes restent nécessaires dans la recherche d’indicateurs pour
estimer les résultats atteints.
Nous l’avons vu, la participation de la communauté est réelle pour la priorisation des
zones à traiter, notamment pour la recherche de l’augmentation de la production ou
des revenus via le développement des techniques antiérosives et de fertilisation
adaptées. Les paysans sont acteurs de la réflexion concernant ces techniques,
celles-ci sont alors mieux comprises, choisies et maîtrisées.
Mais la méthode présentée ici est un moyen, pas une fin. Il est clair que :
- la réussite des traitements de ravines est aussi le résultat d’une bonne exécution
technique de ces aménagements.
- la réussite des lots boisés est aussi liée à la démarche de compensation
financière des pertes agricoles précisée clairement par contrat.
- les difficultés pour les structures antiérosives dans les parcelles sont liées à des
problèmes multiples : fonciers (faire valoir indirect, atomisation des parcelles),
moyens de contrôle des aménagements (parcelles éloignées, élevage de
caprins), manque d’intérêt de certains exploitants…
L’érosion en Haïti résulte d’un contexte socioéconomique difficile pour la population
rurale. La lutte antiérosive ne peut pas être isolée d’actions complémentaires :
intensification agricole, maraichage, greffage, développement des services de base,
appui aux organisations de base… Grâce à la maquette, la lutte antiérosive est
justement intégrée à une démarche plus complète de développement et
d’aménagement, confortant l’approche de la GCES pour une amélioration globale
des conditions de vie des populations rurales. Là encore la population peut participer
à la proposition de plans achevés et ambitieux. Dans la zone, afin de rendre
accessible à la communauté le plan d’aménagement récemment défini, l’opportunité
de le retraduire sous forme de maquette est en discussion.
Même dans un bassin versant de petite taille (45 km²), fortement dégradé, quel peut
être l’impact réel des aménagements présentés ici sur le ruissellement et l’érosion à
l’échelle du bassin ? Un changement d’échelle s’impose. Aussi pour atteindre des
résultats plus probants, des problèmes sont à résoudre au niveau national :
Comment gérer la pression démographique : développement du secteur secondaire
et tertiaire pour diminuer la pression du secteur primaire ? Accès à la santé et à la
contraception ? Et comment diminuer la demande de charbon : développement
d’énergies alternatives au charbon ? Lesquelles ? Quelle politique énergétique ?
Même si ces dimensions dépassent le cadre de notre intervention, le modèle
développé et présenté ici pourrait être répliqué pour faciliter la lutte antiérosive en
Haïti ou ailleurs.

Références bibliographiques :
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Rouge - Département de l’Artibonite – Haïti. AVSF-GTIH. 51p.
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IHSI (Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique) 2003 : Quatrième recensement général de la
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Rambaldi G., Callosa-Tarr J., 2002: Participatory 3 dimensional modelling: guiding principles and
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Roose E., 1994 : Introduction à la gestion conservatoire de l'eau, de la biomasse et de la fertilité des
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Smucker G.R. et al., 2006 : Vulnérabilité environnementale en Haïti : Conclusions et
Recommandations. USAID. 146p.
www.agriculture.gouv.ht : site du Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du
Développement Rural en Haïti.
www.iapad.org : plateforme sur le développement et la cartographie participative (integrated
approaches to participatory development IAPAD).
EVALUATION DES PERTES EN TERRES EN REGION DE
MONTAGNE TROPICALE HUMIDE (cas du massif volcanique des
Bambouto - Ouest Cameroun)
LEUMBE LEUMBE Olivier1, BITOM Dieudonné², ASSAKO ASSAKO René3
leumbeleumbe@yahoo.com
1
Institut National de Cartographie
2
Université de Yaoundé I
3
Ecole Normale Supérieur de Yaoundé

Résumé
Le massif volcanique des Bambouto dans l’Ouest Cameroun, est un
écosystème de montagne tropicale humide particulièrement exposé à la dégradation
des sols en raison de son relief très accidenté, de la forte pluviosité et de la faible
densité de son couvert végétal. Sur un tout autre plan, les sols de la région, réputés
fertiles, attirent les populations et cette pression anthropique sur le milieu accroît
encore la vulnérabilité de cet environnement de montagne tropicale, avec pour
conséquence une intense érosion des sols.
Afin d’évaluer l’ampleur de ce phénomène dans la région, l’Equation
Universelle des Pertes en Terre (USLE) de Wischmeier et Smith (1978) a été mise à
contribution pour la quantification des taux d’érosion, estimée à 674 t ha-1 an-1 ; et
l’intégration des paramètres de cette équation dans un système d’information
Géographique a permis d’y spatialiser et d’hiérarchiser les pertes en terre.
Au vue de la vitesse de dégradation du couvert végétal naturel dans la région,
les taux d’érosion devraient croitre avec le temps et conduire à moyen terme à une
situation de crise alimentaire dans ce secteur peuplé à 90% d’agriculteur Bamiléké.
Mots clés: Montagne tropicale humide, Mt Bambouto, dégradation des sols, taux
d’érosion, système d’information géographique.

Abstract
The Bambouto volcanic mountains in the western Cameroon is an ecosystem of
humid tropical mountain particularly exposed to the degradation of soils because of
its accidented relief, high rainfall and the low vegetation cover. On the other hand,
the soils of the region with known fertility, attracts the population whose anthropic
pressure on the milieu increases the vulnerability of its environment with remarkable
degradation of soils through erosion.
In order to evaluate the rate of erosion in the region, the Universal Soil Loss
Equation (USLE) of Wischmeier and Smith (1978) was used for the estimation of
total soil losses due to erosion; evaluated at 674 t/ ha-1yr-1.
Considering the rate of degradation of the natural vegetal cover, the erosion
rate would rise and the fall in soil fertility demonstrated through severe reduction in
agricultural production, and in the medium term to a severe food shortage in this
sector populated to 90% by Bamileke farmers.

Key words: Tropical humid mountain, Mt Bambouto, soil degradation, erosion rate,
geographic information system.
INTRODUCTION
L’Agenda 21 de Rio de Janeiro en 1992 a démontré la fragilité des
environnements montagnards (Beniston, 2000), en raison de leur relief très
accidenté et de la faible densité du couvert végétal (Morgan, 1995). La fragilité de
ces environnements dans les régions tropicales humides est aggravée par la
pluviosité qui y est particulièrement élevée (Ngoufo, 1988 ; Chavez, 2003).
Compte tenu de ces facteurs extrinsèques, les sols de ces régions sont
potentiellement exposés à la dégradation, qui se manifeste principalement par
l’érosion hydrique, phénomène lent, continu et irréversible (Auzet et al., 1987 ; Bonn,
1998).
Par ailleurs, compte tenu des propriétés intrinsèques de ces sols,
particulièrement propices à l’agriculture (Tematio et Olson, 1997), ces milieux
subissent une forte pression anthropique qui accroît encore la vulnérabilité de ces
écosystèmes de montagne tropicale humide (Delannoy et Rovéra, 1996 ; Reusing et
al., 2000).
De nombreuses études ont déjà été faites en relation avec l’érosion des sols
dans plusieurs région du monde (Roose, 1977 ; Roose, 1981 ; Pierce, 1991 ; Jager,
1994). Cameroun cependant, les connaissances dans le domaine restent
parcellaires ; d’où une quasi impossibilité d’avoir une idée sur l’ampleur dudit
phénomène, conditions pourtant indispensables pour une prise de mesures
conservatoires adaptées et efficaces.
Le choix de la zone d’étude s’est porté sur les hautes terres de l’Ouest
Cameroun car, les observations faites par Fotsing (1989) qui y notait que l’érosion
constituait la principale menace pour les paysanneries de la région sont nettement
perceptibles aujourd’hui. Mais, dans l’impossibilité de mener ces travaux sur ce vaste
ensemble, le massif volcanique des Bambouto a été retenu comme site d’étude en
raison de sa grande diversité morphologique, climatique, géologique, pédologique et
phytogéographique (Schnell, 1977 ; Tchoua, 1974 ; Ngoufo, 1988 ; Morin, 1988 ;
Tematio et Olson, 1997).
L’objectif de la présente étude est donc d’une part, de quantifier les pertes en
terre sur les sols du massif volcanique des Bambouto à l’aide de l’Equation
Universelle des Pertes en Terre (USLE) de Wischmeier et Smith (1978) et d’autre
part, par intégration des paramètres de cette équation dans un système d’information
géographique, de spatialiser et d’hiérarchiser la répartition des pertes en terre sur
l’ensemble du massif. L’USLE expérimentée aux Etat Unis, est de plus en plus mise
à contribution sur les sols volcaniques en région de montagne tropicale humide par
de nombreux auteurs (Verbista et al., 2002 ; Miller J.D et al., 2003 ; Chavez, 2003 ;
Rakotoarison, 2003). Dans le massif volcanique des Bambouto, le modèle a été
appliqué sur les sols formés sur pentes comprises entre 2 et 25%, ce qui
représentent environ 75% de la superficie totale de la région (Leumbe Leumbe,
2008).

I- CADRE NATUREL ET METHODES D’ETUDES


1- Le milieu physique du massif des Bambouto
Le massif volcanique des Bambouto, situé entre 5°25’ et 5°45’ de latitude
Nord et entre 10°00’ et 10°15’ de longitude Est, culmine à 2740 m d’altitude au mont
Mélétan (fig. 1). Il présente quatre domaines morphologiques ; il s’agit de la caldeira,
de la zone haute, de la zone moyenne et de la zone basse.
La caldeira, d’altitude comprise entre 840 et 2740 m est caractérisée par un
relief très accidenté (fig. 1), un climat très frais et très brumeux marqué par des
températures très basses (moins de 10°C en moyenne) (Ngoufo, 1988). La pluviosité
est élevée (plus de 3500 mm d’eau par an). Le réseau hydrographique est
subparallèle, radiaire et très dense.
La zone haute, d’altitude supérieure à 2000 m, présente un relief accidenté
(fig. 1). Le climat y est frais, avec des températures basses (10 à 13°C) ; les brumes
et les brouillards sont fréquents. La pluviosité est élevée (2500 mm d’eau par an). Le
réseau hydrographique est subparallèle, radiaire (Tématio et al., 2004).

Figure 1 : Localisation, configuration et modèle en 3D du massif volcanique des


Bambouto.

La zone moyenne (1600 et 2000 m d’altitude) (fig. 1), a un relief vallonné. Le


climat y est frais et humide, avec une température moyenne de 18°C (Ngoufo, 1988).
La pluviométrie moyenne annuelle est de 1690 mm et le réseau hydrographique est
subdendritique.
La zone basse, d’altitude comprise entre 1400 et 1600 m présente un relief
ondulé. Le climat est chaud et humide, avec une température moyenne de 23,5°C.
La pluviométrie moyenne annuelle est de 1750 m et le réseau hydrographique est
subdendritique.
Sur le plan géologique, les trachytes sont les roches les plus répandues sur le
massif. Ils sont associés aux basaltes, aux phonolites, aux rhyolites et aux produits
de projections ; l’ensemble reposant sur un socle granito-gneisique (Tchoua, 1974 ;
Youmen, 1994).
Sur le plan phytogéographique, les domaines au dessus de 2400 m d’altitude
sont dominés par une prairie à graminées. En dessous de cette altitude,
apparaissent des formations forestières dans la caldeira, tandis que sur les versants,
se prolongent des prairies à sporobolus jusqu’à 1600 m. Les vallées plus ou moins
marécageuses sont colonisées par les raphiales. Cependant, cette végétation est
très fortement anthropisée.
Sur le plan pédologique, les sols andosols prédominent dans la caldeira et la
zone haute du massif (Tématio et al., 2004), la zone moyenne est le domaine des
sols andiques ferralitiques (Leumbe Leumbe et al., 2006) et la zone basse est
dominée par les sols ferralitiques typiques (fig. 1).
2- Matériels et méthodes d’études
L’évaluation des taux d’érosion s’est faite suivant l’Equation Universelle des
Pertes de Terre de Wischmeier et Smith (1978). Il s’agit d’un modèle dans lequel
l’érosion (A) est le produit de l’érosivité (R), l’érodibilité (K), la longueur (L) et
l’inclinaison (S) des versants, la couverture végétale (C) et les mesures antiérosives
(P) : A= R x K x LS x C x P.

a- Le Facteur de répartition des précipitations (R)


Le calcul du facteur de répartition des précipitations (R) s’est fait selon la
formule proposée par Roose (1981) : R = p x a
Avec : p = précipitation moyenne annuelle, a = 0,2 en région de tropicale.
La spatialisation de R s’est faite par krigeage sous ArcGIS 9.2, grâce aux
données pluviométriques recueillies sur au moins 30 ans dans les stations
météorologiques situées sur le massif volcanique des Bambouto et dans ses
environs immédiats (fig. 2).

Figure 2 : Carte de répartition des précipitations moyennes mensuelles sur le massif


b- Le Facteur d’érodibilité des sols (K)
Le facteur d’érodibilité est calculé selon la formule :
1000 K = 2,8 x 10-4(12 – MO (%)) x M1,4 + 3,25 (S – 2) + 2,5 (P – 3)
Avec : MO : matière organique, M = (% sables + % limons) x (100 – %argiles), S :
code sur la structure du sol (1<S<4), P : capacité d’infiltration (1<P<6).
Tableau 1 : Caractéristiques physico-chimiques sols du massif des Bambouto

NATURE DU SOL Profondeur MO A S L


Andosols très peu différenciés sur reliefs peu pentus 0 - 60 16,1 32,7 26 41,3
Andosols très peu différenciés sur reliefs pentus 0 - 40 20,0 13 29,4 57,6
Andosols bien différenciés 0 - 60 16,15 16,1 40,0 43,9
Sols andiques ferralitiques 0 - 20 5,64 60,1 31,7 9,8
Sols ferralitiques typiques 0 - 13 6,51 37 26,6 36,3
Lithosols 0 - 30 2,94 33,0 15,6 51,3
MO : Matière organique, A : Argile, L : Limon, S : Sable

Pour la détermination des codes sur la structure S, le diagramme textural de


Bouma et Van Lanen (1986) a été mis à contribution (fig. 3).
Figure 3 : Diagramme textural de Bouma et Van Lanen (1986) et signification des
codes sur la structure du sol (d'après Wischmeier et Smith, 1978).

Tableau 2: Signification des codes sur la perméabilité (d'après King et le Bissonnais


(1992))
CODE CLASSE DE TEXTURE PERMEABILITE (P)
1 Argile<18% et Sable>65 Rapide
18%<Argile<35% et Sable >15%
2 ou Moyenne à rapide
15%<Sable<65% et Argile <18%
3 Argile<35% et Sable<15% Moyenne
4 35%<Argile<60% Lente à moyenne
5 Argile>60% Lente

La spatialisation du facteur d’érodibilité sous ArcGIS 9.2 a permis d’obtenir la


carte d’érodibilité des sols du massif des Bambouto (fig. 4)

Figure 4: Carte d’érodibilité des sols du massif volcanique des Bambouto.

c - Le facteur du relief (LS)


Pour le facteur du relief, LS = (X/22,15)m x (66,41sin2S + 4,56 sin S + 0,065)
Avec: X : longueur de la pente et S : degré de la pente. m = 0,5 pour S>5%, m =
0,4 pour 3,5<S>4,5%, m = 0,3 pour 1<S>3% et m = 0,2 pour S<1%.
La spatialisation du facteur LS s’est faite sous ArcGIS 9.2, à partir du modèle
numérique de terrain (MNT) établie par numérisation manuelle des courbes de
niveau de la feuille Bafoussam 3a à 1/50 000 qui couvre l’ensemble de la zone
d’étude. Ensuite, les pentes obtenues ont été classifiées de manière à isoler les
classes qui ne sont pas prise en compte dans l’Equation Universelle des Pertes en
Terres de Wischmeier et Smith (1978) ; à savoir les pentes comprises entre 0 et 2%
et celles qui sont supérieures à 25% (fig. 5).
Figure 5 : Modèle numérique de terrain du massif volcanique des Bambouto.

d - Le facteur des pratiques culturales (P)


Le facteur des pratiques cultural (P) dépend de la pente ; il est inférieur à 1 si
les méthodes de lutte antiérosives sont prises en compte dans les processus de
gestion des sols (tab. 3), ou égale à 1 dans le cas contraire.

Tableau 3: Valeur de P-value et correspondance (Wischmeier and Smith


(1978).
Mode d’occupation Pentes P
du sol
2–5 0.1
5 – 10 0.12
Zone de culture 10 – 20 0.14
20 – 25 0.19
Autres 1
La spatialisation du facteur P s’est fait sous ArcGIS 9.2 (fig. 6).

Figure 6 : Carte du facteur pratique cultural

e- Le facteur du couvert végétal (C)


Pour ce paramètre, Roose (1977) a défini : C = 1 pour les sols nus, C = 0,5
pour les espaces agricoles et C = 0,001 en présence du couvert forestier.
La spatialisation de (C) a nécessité, sous ERDAS IMAGE 9.1, l’application
d’une classification supervisée sur une image satellite Landsat ETM+ de résolution
30 x 30 m acquise le 05 février 2001. Ensuite l’image a été reclassifiée suivant les
variables correspondantes sous ArcGIS 9.2 (fig. 7).
Figure 7 : Carte du facteur de couverture végétal.

III- RESULTATS
1- Evaluation des pertes en terre par unité pédologique
Les résultats de l’évaluation des pertes en terre sont résumés dans le tableau
4.
Tableau 4: Taux d’érosion (A) par unité pédologique dans le massif des Bambouto.
Paramètres R K LS C P A
-1 -1 -1 -1
Unités pédologiques (MJ.mm/ha.hr.an (MJ mm hr) (t ha an )
)
Andosols très peu différenciés 668,4 0,331 18,60 0,5 0,19 391
sur reliefs pentus sous culture
Andosols très peu différenciés 668,4 0,331 18,60 0,001 1 4
sur reliefs pentus sous foret
Lithosols 332 0,326 10,45 1 0,14 158
Andosols très peu différenciés 490 0,604 6,05 0,5 0,12 107
sur reliefs peu pentus
Andosols typiques 380 0,287 1,51 0,5 0,1 11
Sols ferrallitiques typiques 332 0,173 0,804 0,5 0,12 2
Sols andiques ferrallitiques 380 0,056 0,65 0,5 0,1 1
La multiplication de cartes obtenues par spatialisation des paramètres de
l’USLE sous le Raster Calculator d’ArcGIS 9.2 a permis d’hiérarchiser la distribution
de l’érosion des sols sur le massif volcanique des Bambouto (fig. 8).

Figure 8 : Carte de répartition des pertes en terres sur les sols du massif des
Bambouto.
Les taux d’érosion atteignent les valeurs très fortes sur les andosols très peu
différenciés sur reliefs pentus (391 t ha-1 an-1), sur les andosols très peu différenciés
sur reliefs peu pentus (158 t ha-1 an-1) et sur les lithosols (107 t ha-1 an-1) (tab. 4). Sur
les andosols typiques le taux est de 11 t ha-1 an-1 ; 4 t ha-1 an-1 sur les andosols très
peu différenciés sur reliefs pentus dans la caldeira, sous couvert forestier ; 2 t ha-1
an-1les sols ferralitiques typiques et 1 ha-1 an-1 sur les sols andiques ferralitiques. En
somme, les sols sur lesquels le taux d’érosion est faible représentent 68% de la
superficie du massif, contre 5% seulement pour les domaines à risques moyen à très
fort (fig. 8).

2- Caractérisation des principales figures d’érosion dans le massif


L'érosion se manifeste dans le massif sous forme de griffes, de rills, de rigoles
et de ravins. Les griffes sont observées sur les andosols très peu différenciés sur
reliefs peu pentus, sous culture. Ce sont des micro formes de profondeur inférieure
au lit des semences, large d’environ 15 cm et de dont la longueur est partout
inférieure à un mètre.
Les rills sont décrits sur les andosols très peu différenciés sur reliefs pentus,
sous couvert végétal naturel ou sous culture. Ils sont rectilignes, parallèles les unes
aux autres et orientés dans le sens de la plus grande pente. Ces incisions de
profondeur n’excédant pas 30 cm, ont une largeur moyenne de 90 cm et une
longueur pouvant atteindre 3,5 m.
Les rigoles sont observables sur toutes les unités pédologiques, sous couvert
végétal naturel ou sous culture. Elles se caractérisent par une profondeur atteignant
100 cm par endroit, pour une largeur moyenne de 80 cm.
Les ravins sont également décrits sur l’ensemble du massif, sous couvert
végétal naturel ou sous culture. Leur profondeur peut dépasser 2 m mètres et la
largeur atteindre 5 m.

4. DISCUSSIONS ET INTERPRETATIONS
- Validité de la méthode d’étude
L’Equation Universelle des Pertes en Terre (USLE) de Wischmeier et Smith
(1978), est un modèle très utilisé à travers le monde pour la quantification des taux
d’érosion (Laflen et Moldenhauer, 2003).
Cependant, la détermination des pertes en terre par l’USLE a nécessité
quelques adaptations au fil du temps (Moore et Wilson, 1992). Par exemple, la
disponibilité de données sur l’intensité de pluies maximales à intervalles de 30
minutes sur une période d’au moins 30 ans, nécessaire pour le calcul du facteur
d’agressivité des précipitation (R) n’est pas toujours évidente. Roose (1981) a alors
établi la formule R = p x a, dans laquelle le facteur « p » représente l’intensité des
pluies moyennes annuelles beaucoup plus accessibles et « a » un coefficient
variable d’un écosystème à l’autre. Dès lors, de nombreux auteurs ont pu appliquer
l’USLE de Wischmeier et Smith (1978) dans plusieurs régions tropicales du monde.
C’est le cas de Khan et al. (1992) et Chambers (1998) au Pakistan, de Verbista
(2002) dans la région de Sumatra en Indonésie, de Chavez (2003) dans la chaîne de
montagnes de Los Maribios au Nicaragua ou de Karine et al. (2006) au Viêtnam.

- Evaluation de l’importance des pertes en terre en milieu de montagne


tropicale humide
Les pertes en terre totales dans le massif volcanique des Bambouto sont
d’environ 674 t ha-1 an-1. Cette valeur montre que l’érosion y est considérable,
renforçant ainsi les observations faites par Chavez (2003) sur le massif volcanique
de Los Maribios au Nicaragua, ou celles de Rakotoarison (2003) sur les hautes
terres malgaches, ou encore Karine et Ferdinand (2006) au Vietnam.
Dans ces milieux, l’intensité des pertes en terre semble étroitement liée à
l’anthropisation. C’est ainsi que dans la caldeira du massif des Bambouto, sur les
andosols très peu différenciés développés sur relief pentus et à couvert forestiers
entièrement détruit, le taux d’érosion est maximal (391 t ha-1 an-1). Par contre, sur
des parcelles voisines de même nature pédologique, situé sur des pentes similaires
mais sous couvert végétal naturel conservé, le taux d’érosion tombe à 4 t ha-1 an-1.
Ceci correspond à une réduction des pertes en terres de près de 97%, confirmant
clairement le rôle déterminant du couvert végétal naturel dans la protection des sols
contre l’érosion hydrique. Ce rôle protecteur du couvert végétal avait été mis en
exergue par Elwell (1981), lorsqu’il démontrait sur les oxisols au Zimbabwé qu’il suffit
de recouvrir 40 % environ de la surface du sol par des cultures pour réduire les
pertes en terres de 80 %. De même, Roose (1981) a démontré que l’érosion sous
culture est 1000 fois plus élevée que sous forêt, quelque soit la pente.
Cependant, il est à relever que les conditions du milieu sont un facteur
également important. En effet, en comparant les taux d’érosion sur les andosols très
peu différenciés sur relief pentus (391 t ha-1 an-1) à ceux obtenus sur les sols formés
sur relief peu pentus (107 t ha-1 an-1), il apparaît qu’avec une réduction de moitié de
l’inclinaison des versants, les taux d’érosion baissent de 70% environ. Ces
observations sont en conformité avec celles faites par Roose (1981) et Tardy (1993),
qui ont démontré que l’érosion croit avec l’inclinaison et la longueur des versants.
Ainsi, les pressions anthropiques sans cesse croissantes qui s’exercent
depuis le début des années 1980 sur les sols du massif volcanique des Bambouto
s’accompagnent d’une destruction effrénée du couvert végétal naturel, exposant de
plus en plus les sols aux agents naturels du milieu, très propices à une intense
érosion hydrique. A ce rythme, dans ce milieu de montagne tropicale humide peuplé
à plus de 90% d’agriculteurs, l’érosion hydrique pourra conduire à moyen terme à
une situation de crise alimentaire grave. Pour y remédier, la principale action à
mener semble être la pratique de l’agroforesterie, peu onéreuse, qui a le mérite
d’assurer une bonne couverture du sol.

CONCLUSION
L’évaluation des pertes en terre (modèle USLE) sur les sols du massif
volcanique des Bambouto dans l’Ouest Cameroun a révélé que dans les régions de
montagne tropicale humide, la dégradation du couvert végétal naturel est le facteur
déterminant dans ce processus. Si des mesures conservatoires ne sont pas prises
en compte dans la gestion de ces écosystèmes naturellement fragiles, les taux
d’érosion devraient croitre au fil des années et la baisse de la fertilité des sols qui se
traduit déjà dans le massif des Bambouto par une diminution significative des
rendements agricoles, conduira à moyen terme à une situation de crise alimentaire.

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UTILISATION DES SIG POUR L’AMENAGEMENT DU
BASSIN-VERSANT DE L’ISSER (ALGERIE)

M. BOUGHALEM1, M. MAZOUR1 ET M. ZAAGANE2


Courriels : boughalem_2000@yahoo.fr, mohamed_mazour@yahoo.fr
1
laboratoire de conservation de l’eau, du sol et des forêts (Tlemcen) :
2
Laboratoire systèmes biologiques et la géomatique (Mascara)

Résumé :
Situé au nord-ouest de l’Algérie, le bassin versant de l’Isser, espace fragilisé par les
épisodes de sécheresse et caractérisé par des affleurements de marnes et d’argiles très
fragiles, présente une forte sensibilité à l’érosion hydrique. En plus de la détérioration de la
qualité de l’eau qu’il entraîne, le phénomène érosif dans cette zone, constitue l’accusé principal
de la dégradation du patrimoine sol. Il résulte de la conjonction de plusieurs facteurs :
agressivité des pluies, érodibilité des sols, dissection du relief, faiblesse du couvert végétal…
La reconnaissance des zones ravinées et la précision des caractéristiques climatiques et
hydriques de la zone d’étude, peuvent servir de base à l’élaboration d’un plan d’aménagement
antiérosif adapté aux conditions du milieu.
Pour ce faire, une carte de localisation des zones à haut risque, au niveau du bassin
versant, correspondant au croisement d’une série de cartes thématiques, a été établie. Cette
carte permet de mettre en évidence les zones nécessitant un aménagement prioritaire. La
synthèse de l'ensemble des résultats sous un système d’information géographique (SIG), nous
a encouragés à proposer des travaux d’aménagement antiérosifs techniques (correction
torrentielle) et biologiques (reboisement), visant à atténuer les effets négatifs des pertes en terre
aussi bien à l’amont qu’à l’aval. Le choix des ouvrages et les décisions à prendre doivent être
fondés sur l’action des facteurs biophysiques et anthropiques. Par ailleurs, ces travaux doivent
s’intégrer dans une nouvelle stratégie visant une meilleure gestion de l’espace dans une optique
de développement durable, en tenant compte des besoins et des perspectives de la population
rurale.

Mots-clés : Algérie, Erosion hydrique, SIG, Plan d’aménagement, ressource en eau.

Abstract
Located in Northwest Algeria, the watershed of Isser is an ecosystem weakened by
drought episodes and strongly sensitive to water erosion.
Erosive phenomenon, in this ecosystem, is the result of a combination of several factors:
aggressiveness of the rains; erodibility of the soils (marls); stiffness of the relief, weakness of the
vegetal cover.
Localising the gullied zones and specifying the climatic and hydric characteristics of the study
zone are prerequisites to the development of any sustainable erosion control strategy.
The overlaying of a series of thematic maps, fed into a Geographical Information system (GIS),
has led to the design of a map localising the gullied zones in the watershed requiring restoration
works, first and foremost. The antierosive operations suggested include technical measures
(torrential corrections) as well as biological measures (reforestation).
Such erosion control measures should however be integrated into a program whose main
objectives should be a better management of water and soil resources taking into account the
expectations and needs of the rural population

Keywords: Algeria, water erosion, GIS, planning, water resources.


Introduction
Le problème de l'érosion, de la conservation de l'eau et de la fertilité des sols est
très ancien puisque bien des civilisations ont disparu du fait des interventions
maladroites de l'homme sur les ressources en eau et en sols. C'est aussi une
problématique très moderne en Algérie car elle s'inscrit dans la perspective du
développement durable.
Les zones de montagnes en Algérie présentent aujourd’hui un enjeu socio-
économique important. Elles sont les plus vulnérables au phénomène de l’érosion
hydrique et les relations entre les ressources naturelles (végétation, sol et eau) sont
largement perturbées.
La dégradation du sol, support du développement des couverts forestiers et
agricoles, a par ailleurs un impact majeur sur la pollution diffuse dans les cours d’eau,
sur l’envasement des barrages et sur les infrastructures hydrauliques. En effet, en
Algérie, quelques 120 millions de tonnes de sédiments, en moyenne, sont emportés
annuellement par les eaux. Les pertes annuelles en capacité de stockage des eaux
dans les barrages sont estimées à environ 20 millions de m3 dues à l’envasement [11].
L’apport des aménagements agro sylvo pastoraux dans les bassins versants où la
dégradation des sols et les risques d’érosion sont les plus intenses aura d’autant plus
d’efficacité que les facteurs du milieu naturel sont bien connus étant donné qu’ils
constituent les fondements de l’aménagement du territoire.
Or, les problèmes de dégradation des ressources naturelles ne se posent pas
avec la même acuité dans les différentes parties de la zone. C'est pourquoi il est utile de
délimiter des zones dont l'aménagement est plus urgent que les autres, appelées zones
prioritaires. C’est un exercice délicat mais très important car les décideurs recherchent
ces données avant tout projet d'aménagement.
Plusieurs paramètres tels que la lithologie, les pentes et le couvert végétal doivent
être hiérarchisés et analysés. Leur traitement par la méthode classique (Equation USLE
(universal soil loss equation) de Wischmeier est long et souvent peu précis.
Dans ce travail, nous avons voulu tester une démarche méthodologique simple,
basée sur l’intégration et le traitement des données par les procédures de superposition
des SIG. Il en découle la production d'une carte faisant ressortir des zones homogènes
d’intervention par ordre de priorité.
Cependant, l’apport de ces techniques aux territoires traités n’aura de consistance
qu’en utilisant des données saisies en stations d’observation permettant une validation
des informations de synthèse obtenues par les SIG L'intervention dans ces zones
permettrait d’apporter des corrections aux aires où la dégradation des sols et les risques
d’érosion sont les plus intenses afin de promouvoir le développement durable.

Présentation du milieu

Située au nord du grand bassin versant de l’ Isser, à l’est de la wilaya de Tlemcen,


la zone d’étude est composée de deux sous- bassins versants (SBV) : Sidi Ahmed
Chérif et Sidi Bounakhla Hériz , d'une superficie globale de 2 060 hectares. (figure 1). La
région es²t caractérisée par :
- Un climat de type méditerranéen semi-aride avec des pluies annuelles qui
varient de 280 mm à 500 mm. Ces pluies sont déterminées par une irrégularité spatio-
temporelle et par un régime de courte durée et à forte intensité (l’intensité maximale
peut atteindre 84 mm/h durant 30 mn).
- Un relief très escarpé et fortement disséqué, ayant souvent de fortes pentes et
un réseau de drainage très dense.
- Une lithologie définie par des roches en majorité tendres (marnes et grés
tendre) ce qui prédispose ces zones aux différents processus d’érosion.
- Des formations végétales très dégradées, caractérisées par de faibles densités
de recouvrement et de mauvaises conditions de régénération.

Figure 1. Carte de situation de la zone d’étude.

L’approche méthodologique

Elle repose sur le croisement des cartes thématiques réalisé à l’aide d’un
Système d’Information Géographique (SIG) qui offre la possibilité de croiser les
différentes caractéristiques, physiques et agronomiques des parcelles selon une
démarche méthodologique comprenant deux étapes:
– l’élaboration des cartes thématiques ;
– le croisement des cartes thématiques
Elaboration des cartes thématiques, de synthèse et d’intervention

• Lithologie
Les sols des (SBV) sont bruns calcaires argileux. La lithologie est caractérisée
essentiellement par des marnes du miocène moyen (Helvétien) [2] et des alluvions
quaternaires (Rharbien et Holocène) (figure 2). Les sols marneux lorsqu'ils sont secs,
restent non érodibles mais, dès qu’ils atteignent une certaine humidité, leur sensibilité à
la détachabilité et au ruissellement augmente [3].

Figure 2. Carte lithologique des deux Sous Bassins V).

Cette carte nous montre que la majeure partie des micros bassins est constituée
de marnes, substrat très sensible à l’érosion, d’ autant plus qu’il repose sur des bancs
de grès. D'autre part, la dominance et l’importance des alternances de marnes et grès
classées en formation meuble, en pente augmentent les potentialités érosives du
bassin.

• Topographie
La carte des classes de pente (figure 3), montre que les pentes les plus abruptes,
très fortes à fortes, se concentrent dans les parties nord-ouest et sud des SBV. Elles
sont caractérisées par un relief accidenté. Les pentes modérées ainsi que les pentes
faibles à très faibles sont réparties sur l’ensemble des SBV. Des études antérieures [8]
et [10] ont montré que l'érosion devient active sur des pentes supérieures à 3 %.

Figure 3. Carte des pentes des 2 SBV.

• Couvert végétal
Les terres des sous bassins versants sont pour la plus part des terrains agricoles
La carte d’occupation du sol laisse apparaître quatre classes de couverture végétale
(figure 4) :
– couvert végétal non protecteur ;
– couvert végétal peu protecteur ;
– couvert végétal moyennement protecteur ;
– couvert végétal protecteur.

Le couvert végétal non protecteur correspond aux sols entièrement dénudés et


non cultivés (bad lands, pistes…).
Le couvert végétal peu protecteur comprend les cultures annuelles (céréales,
agriculture extensive)
Le couvert végétal moyennement protecteur appréhende les cultures intensives
pratiquées souvent selon les techniques de conservation de l’eau et du sol (CES).
Le couvert végétal protecteur comprend quelques espèces pérennes :
Chamaerops humilis ; Asparagus stipularis ; Lycium europoeum ainsi qu’une végétation
dégradée (Doum, jujubier).
Figure 4. Carte de végétation des deux SBV.

• Carte de sensibilité des sols à l’érosion hydrique


La carte de sensibilité des sols à l’érosion hydrique est obtenue par le croisement
de la carte d’occupation du sol, la carte lithologique et la carte des pentes. Le résultat du
croisement met en évidence quatre classes de sensibilité des sols (figure 5) :

– classe 1 : sensibilité très forte à l’érosion ;


– classe 2 : sensibilité forte à l’érosion ;
– classe 3 : sensibilité moyenne à l’érosion ;
– classe 4 : sensibilité faible à l’érosion.

Près de 85 % des sols présentent une forte sensibilité à l’érosion hydrique.


Figure 5. Carte de sensibilité des terres à l’érosion hydrique.

• Localisation des zones ravinées et priorités d’interventions


La carte de localisation des zones fortement ravinées (figure 6) résulte de la
superposition de la carte du réseau hydrographique (figure 7) sur la carte de sensibilité
des sols. L’ordre d’intervention prioritaire y apparaît. Les zones très sensibles
correspondent aux zones de ravinement. Elles affectent la presque totalité de la zone
d’étude ce qui reflète l’état actuel de dégradation des sous bassins versants.

• Validation du modèle
Après intégration des résultats par sous bassin versant, nous avons comparé les
valeurs de l’érosion estimée par les informations de synthèse obtenues grâce aux SIG à
celles mesurées en parcelles sur le terrain. Cette dernière qui traduit le mieux la réalité
doit valider les résultats estimés par les SIG. Il est toujours très difficile d’obtenir au
départ une bonne corrélation mais la connaissance des différents paramètres du terrain
(exposition des versants, longueur de pente …) permet de mieux appréhender l’érosion
par ces systèmes d’information géographiques et donner une meilleure efficacité des
modèles [14]. Le SIG apporte une appréciation spatiale de l’érosion que les mesures
habituelles ont du mal à fournir. En plus, les degrés de sensibilité de l’érosion sont
assez bien perçus. Ainsi, les systèmes utilisés décrivent beaucoup mieux l’érosion que
ce qu’on peut observer sur le terrain.
Figure 6. Carte de localisation des zones fortement ravinées.

Figure 7. Carte du réseau hydrographique.


L’exploitation des cartes de sensibilité à l’érosion issues du SIG

Il est important de souligner l’apport de la cartographie issue des systèmes


d’information aux questions d’aménagement antiérosifs des bassins versants. Ce
dernier est appréhendé dans son ensemble en dégageant assez facilement les
ensembles homogènes à traiter prioritairement et en évaluant les interactions avec les
autres ensembles et sous ensembles.
Le listing des aménagements à préconiser est long, il faut néanmoins choisir les
plus adaptés au terrain, les plus efficaces et les moins coûteux. Il faut intégrer le plus
possible les aménagements traditionnels et accorder une importance particulière aux
traitements biologiques. Il est évident que le traitement du ravinement peut faire appel à
certains ouvrages mécaniques qui exigent une technicité assez élevée, mais les
traitements au niveau des versants cultivés sont eux aussi à faire avec le plus grand
soin notamment le choix des techniques culturales appropriées, des systèmes
d’utilisation des terres et des assolements bien choisis.

• Aménagement des ravines


Les buts de cette opération sont de :
- diminuer l’activité de l’érosion linéaire (ravinement) qui connaît une évolution
dangereuse.
- protéger le barrage El Izdihar (Sidi Abdelli – Tlemcen) contre un envasement
accéléré.
- réduire les risques de glissements et d’éboulements qui menacent
continuellement les routes ainsi que le Village de Sidi Abdelli.
Vu la nature marneuse des terrains de la région, les types d’ouvrages préconisés
pour l’aménagement hydraulique des ravins sont des seuils en terre. Ils pourraient
permettre une bonne stabilisation des ravines en terrain marneux et une bonne reprise
de la végétation si seulement leur dimensionnement et leur réalisation se font
correctement.
Les sédiments captés par les seuils risquent d’être remis en suspension et de
continuer leur cheminement s’ils ne sont pas fixés rapidement, [4]. Les espèces à fort
enracinement et à fort pouvoir recouvrant sont envisagées ; leur rôle est d’améliorer
l’infiltration de l’eau dans le sol et de dissiper l’énergie du ruissellement et sa capacité
de transport. L’eau stockée dans les sédiments peut être utilisée par des plantations
d’espèces à développement racinaire dense et profond pour fixer le fond et les berges
des ravines. Ces espèces doivent être économiquement valorisantes, afin de retenir
l’intérêt des paysans qui auront par la suite la charge de les entretenir.

• Plantations fruitières
Comme l’arboriculture rustique répond positivement aux vœux de la population
riveraine et joue un rôle efficace contre la dégradation des sols tout en apportant un
revenu à la population locale, certains versants ont été choisis pour la plantation de
l’Olivier, l’Amandier et le Figuier.
L’introduction d’arbres fruitiers est recommandée. Ils jouent un rôle de protection du
sol contre l’érosion, et contribuent à l’amélioration des revenus des agriculteurs pour
écarter le risque d’abandon des terres par les jeunes générations en l’absence de
perspectives dans leur métier

Le choix des essences fruitières doit se faire en fonction des exigences agroclimatiques
des espèces et des voeux des riverains et des possibilités de valorisation des produits.

• Amélioration des systèmes de production


Actuellement, en Algérie où les terres font l’objet de modification majeure d’usage
des sols et de reconversion, les grands projets nationaux de développement rural
s’appuient sur la logique de la GCES, celle du développement rural avec la participation
des communautés rurales [12] : les plantations arboricoles, l’améliorations des
techniques culturales et de la gestion de l’eau. L’agroforesterie et les parcours
réglementés sont des actions à développer. L’efficacité des techniques culturales est
strictement liée aux conditions économiques des sociétés [13].
Les solutions éventuelles pour freiner la dégradation des terres se situeraient
surtout dans l’amélioration de la gestion de l’eau, facteur limitant, ( billons, cuvettes,
madjen/mares, retenues collinaires, couverture du sol par les résidus de récolte), et de
la production de la biomasse des sols (intensification et diversification des productions,
arboriculture, agroforesterie, cultures couvrantes et gestion des parcours) avec le
renforcement des techniques anti-érosives (aménagement biologiques et mécanique
des ravines et des versants : seuils, cordons en pierres, plantation en courbes de
niveau, barrages semi perméables).
La vraie solution consisterait à modifier en partie le système de production pour
rétablir un équilibre dans le paysage. Cela prend du temps (5 à 10 ans) mais c’est plus
efficace, plus durable et plus profitable pour les paysans.

Conclusion
Le bassin versant de l’Isser rencontre d’énormes problèmes liés à l’érosion
hydrique qui ravine les terrains marneux d’une manière spectaculaire et entraîne la
perte des terres arables. Le ravinement résulte de la conjonction de différents facteurs :
nature du substrat, raideur du relief, faiblesse du couvert végétal…
L’évaluation des risques d’érosion des sols du bassin versant a nécessité la
cartographie et l’analyse des facteurs déterminants de l'érosion. Ces derniers
interviennent à des degrés différents dans les processus d’érosion [5] ; [6] et [9].
La complexité et l'interdépendance de ces paramètres se prêtent très bien à une
analyse par croisements successifs de thèmes deux à deux. Elle permet aussi de mieux
approcher et apprécier la sensibilité à l’érosion des différentes unités de la région. Les
valeurs de l’érosion réellement observée sur le terrain, sont toujours prévues par les
systèmes d’information géographiques, par contre, les degrés de sensibilité ne sont pas
les mêmes. Ainsi, les systèmes utilisés décrivent beaucoup plus d’érosion qu’on a pu
en observer sur le terrain.
Tout cela nous conduit à penser que la détermination exacte des zones ravinées
est encore un objet de discussion qui varie suivant le nombre de facteurs retenus.
L’importance de chacun de ces facteurs doit être testée par des expérimentations sur le
terrain à l’aide de simulateurs de pluies ou de parcelles d’érosion de plus de 100m².
Dans presque tous les cas de détermination de l’érosion hydrique, on associe les
images satellitaires et les photographies aériennes avec des relevés de terrain. Ces
deux sources d’information se complètent. En effet, lors de l’élaboration des cartes, Il y
a des erreurs spatiales qui s’additionnent [1]. Il est donc indispensable d’y associer des
études de terrain pour l’initiation des systèmes et leur validation.
Si les SIG nous autorisent une mise à jour régulière, ils ne nous permettent pas,
par contre, de déterminer certaines propriétés telles que l’infiltrabilité, la cohésion des
sols et la stabilité structurale.

Références bibliographiques

1. Bonn F. 1998. La spatialisation des modèles d’érosion des sols à l’aide de la


télédétection et des SIG : possibilité, erreurs et limites. Sécheresse. 9, 3 :
185 - 192.
2. Centro Studi Ricerche. 1974. Étude des bassins-versants des Oueds Isser et
Sikkak. Alger : Secrétariat d’État aux forêts (SEFOR) : 3 volumes, 640 p.
3. Chebbani R., Djilli K. et Roose E., 1999. Etude à différentes échelles des risques
d'érosion dans le bassin versant de l'Isser, Algérie.
Bulletin du Réseau Erosion 19 : 85-95.
4. Combes F. 1992. Les plantations RTM. Bull Réseau Érosion. 12: 52-6.
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measurements (1981- 1996). Pedology, hydrochemistry and non metallic
mineral ressources. 5 : 17 p.
7. Mazour M., Roose E., 2002. Influence de la couverture végétale sur le ruissellement
et l’érosion des sols sur parcelles d’érosion dans les bassins versants du
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8. Mollenhauer, K., 1980. Land use in water protection areas. In: De Boodt M, Gabriels
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and sons Inc. 253p.
10. PNUE/PAM/PAP. 2000 : Directives pour la gestion de programmes de contrôle
d'érosion et de désertification, plus particulièrement destinées aux zones
côtières méditerranéennes. Split, Programme d'actions prioritaires.
11. Remini B., 2000 .L’envasement des barrages. Bull Réseau Erosion 20 : 165 - 171.
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gestion conservatoire de l‘eau, de la biomasse et de la fertilité des sols
(GCES). Sécheresse 15, 1 : 9-18.
13. Roose E., 1994. Introduction à la gestion conservatoire de l’eau, de la biomasse et
de la fertilité des sols (GCES). Bull Pédol FAO (Rome) 70 : 420 p.
14. Sadiki A. et al., 2004. Utilisation d’un SIG pour l’évaluation et la cartographie des
risques d’érosion par l’équation universelle des pertes en sol dans le Rif
oriental (Maroc) : cas du bassin versant de l’oued Boussouab Bulletin de
l’Institut Scientifique, Rabat, section Sciences de la Terre, 26 : 69-79.
Estimation du risque d’érosion dans un bassin-versant agro-sylvicole,
Province de Phu Tho (Nord Vietnam)
Thiet NGUYEN VAN (1), Simon POMEL (2) et Ha PHAM QUANG (1)
(1) Institute for Agriculture Environment Phu Do-Me Tri-Tu Liem -Hanoi (Vietnam)
thietnisf@yahoo.com - haphamquang@fpt.vn
(2) UMR 5185 ADES, Maison des Suds, 12 Esplanade des Antilles35607 PESSAC Cedex
(France) spomel@ades.cnrs.fr

Résumé
L’étude de l’érosion est une nécessité pour le Vietnam, comme pour tous les pays.
Indépendamment des facteurs physiques (climat, topographie et caractéristiques du sol), les pratiques
culturales et la sylviculture sont importantes dans le processus. Ceci explique en partie, les différences
qui existent entre les taux d’érosion estimés dans le district de Doan Hung. La croissance
démographique et économique a poussé les hommes à étendre le défrichement des terres fragiles,
comme les terres de pente, pour compenser la réduction des terres cultivables. Ces pratiques sont
hautement érosives et alimentent la spirale de la dégradation des sols et des eaux au Vietnam, dont
75% sont montagneux. Situé en bordure du croissant de hautes terres qui encadrent le delta du fleuve
Rouge, le district de Doan Hung est en majeure partie montagneux et forestier.
Le but de l’étude était de réaliser différentes cartes : pentes, usages des sols, risques d’érosion. Ces
documents sont un préalable à la protection environnementale et à la planification de l’utilisation
durable des sols. À partir de l’étude des états de surface des sols sous différents usages, des
estimations de l’érosion spécifique ont été effectuées dans un bassin-versant expérimental supposé
représentatif de la zone d’étude. Les pratiques d’exploitation de bois dans le bassin versant sont aussi
évaluées en terme de risques d’érosion. La validation de la méthode des états de surface par la
comparaison avec les mesures des stations hydrologiques n’est pas satisfaisante. Cependant la
méthode des états de surface permet d’estimer les taux d’érosion dans le compartiment amont de la
catena (zone de départ) et convient donc très bien à évaluer les risques d’érosion.
Les taux d’érosion sont en général assez bas sur la carte :
- très faibles sous forêt secondaire dense et cultures en terrasses (<1 t/ha/an) ;
- de 1 à 5 t/ha/an sous théiers, caféiers, co-plantation d’arbres avec haricots, soja et arachide ;
- de 5 à 20 t/ha/an sous la plantation forestière (Acacia, Eucalyptus,…) ;
- de 20 à 40 t/ha/an sous plantation annuelle (maïs, manioc, soja,…), mais peuvent dépasser 40
t/ha/an.
Mots-clés : Vietnam, risques d’érosion, états de surface, bassin versant, utilisation des terres,
pentes

Assessment of the erosion risk in an agro-forestry watershed, Phu Tho province


(North Vietnam)

Abstract

The soils in Vietnam are very fragile. Regardless of the physical factors (climate, topography and soil
characteristics), the sloping lands and the mountains are often used for agricultural practices , forestry
or pasture, increasing largely the risk of erosion. Indeed the population and economic growth has
pushed the inhabitants to extend the clearing of fragile lands, such as sloping lands to compensate the
reduction of farmland in the flat zones. These practices are highly erosive and feed the spiral of land
degradation and water in Vietnam, country of which 75% is mountainous. This study has been located
in the District of Doan Hung, on the edge of the crescent of high land that border the Red River Delta,
to illustrate the erosion risk due to the land use of the mountainous areas. Doan Hung district is largely
mountainous and forested.
The methodology used was to perform different maps: slope and land use impas to estimate a map of
erosion risks. These documents are a prerequisite for environmental protection and planning of
sustainable land use. From the study of surface soils under different uses, estimates of the specific
erosion have been conducted in a watershed assumed to be representative of the experimental study
area. The practice of logging in the watershed are also evaluated in terms of erosion risk. The
validation of the method of surface states by comparison with measurements of hydrological stations
is not significant. However, the method of surface states to estimate the rate of erosion in the upstream
compartment of the catena (departure area) and is therefore well to assess the risk of erosion.
The risks in term of erosion rates are generally:
- very low in dense secondary forest and terraced fields (<1 t / ha / year)
- 1 to 5 t / ha / year in tea, coffee, co-tree planting beans, soybeans and peanuts
- 5 to 20 t / ha / year under the forest plantation (Acacia, Eucalyptus, ...)
- 20 to 40 t / ha / year in annual planting (corn , cassava, soy ...), but can exceed 40 t / ha / year.

Keywords : Vietnam, Erosion risk, Surface states, Watershed, Land use, Slopes

1. Introduction
Plus de 600 millions de personnes vivent de l’agriculture itinérante dans le monde. Cette
pratique consiste à créer une clairière par abattage des arbres, à brûler la végétation et à ensemencer
ensuite la parcelle ainsi défrichée. En moyenne, après trois ou quatre années de culture, les sols sont
épuisés et l'agriculteur est contraint de déboiser une autre zone. Environ quatre décennies sont
nécessaires entre deux défrichements consécutifs pour permettre à la forêt de se régénérer
[BETEILLE, 2000], dans un contexte de gestion durable de la forêt. Les usages inappropriés des sols
sont reconnus depuis longtemps comme la cause principale des problèmes d'érosion [ECHOLMS,
1997]. L’érosion est la première origine des baisses de rendements dans les systèmes de production
des pays en développement [ECKHOLMS, 1997]. Chaque année, l’érosion rend improductifs 20
millions d’hectares dans le monde [UNEP, 1991]. Tous les ans, 75 milliards de tonnes de sol sont
érodés sur des terres agricoles. L’érosion des sols est très importante en Asie, en Afrique et en
Amérique du Sud, atteignant 30 à 40 t/ha/an (BARROW, 1991).
Au Vietnam, pays couvert de collines et de montagnes au 2/3, 13 millions d’hectares soit 40%
du territoire sont affectés par l’érosion des sols (VALENTIN, 1999). Dans ce pays, l’environnement
subit, depuis plusieurs années, de sérieuses dégradations, particulièrement en ce qui concerne la
qualité de l’eau et des sols. La croissance démographique s’accompagnant d’un accroissement des
besoins, cela a poussé les hommes à étendre les défrichements sur des terres fragiles comme les terres
de pente, pour compenser la réduction des terres cultivables, avec des conséquences sur tout le réseau
hydrographique. En aval des versants, les populations, souvent pauvres, sont victimes de nombreuses
inondations et glissements de terrain.
Ce texte se propose de participer à l’étude des risques d’érosion dans différents usages sur
pente dans un bassin-versant au Nord Vietnam, afin de développer la cartographie multiscalaire des
états de surface.

2. Matériel et méthode

2.1. Matériel
L’action est basée sur les données accumulées à l’Institute for Agriculture Envionment (IAE)
de Hanoi au Vietnam. Les données de télédétection (image aérienne du 07 mai 2000) ont été fournies
par l’Office Général de la Cartographie – Ministère des Ressources Naturelle et de l'Environnement du
Vietnam. Les cartes (carte topographique, carte des usages, carte du réseau hydrographique…)
utilisent la couverture végétale et les pratiques culturales. Les photos au sol ont été réalisées durant des
missions sur le terrain. Les missions ont été réalisées au début et à la fin de la saison de mousson. Les
images ont été analysées sur le logiciel Optilab Pro 2.6.3 au Laboratoire Environnement Tropical -
ADES – CNRS de l’Université de Bordeaux 3.
2.2. Méthode
2.2.1. Les états de surface des sols
Les états de surface des sols représentent une mémoire immédiate des sols (VALENTIN,
1999 ; POMEL, 2008). La surveillance de ces surfaces élémentaires permet d’étudier la fixation et la
déstabilisation des sols et de mesurer l’érosion. La surface des sols est occupée par une mosaïque
d’états qui traduisent le fonctionnement aux échelles spatio-temporelles élémentaires (POMEL, 2004
et 2008). Ces instantanés du sol enregistrent les déstabilisations du sol, assurent aussi une fonction de
fixation des paysages et sont indicateurs des types de gestion. Le PICS franco-allemand du CNRS n°
521 entre 1997 et 2000 a permis d’établir que l’érosion est estimable à partir des états de surface
(POMEL, 2004 et 2008). Photographies au sol, mesures de l’épaisseur de la perte en sol par an dans
les différentes formations et calculs de surface à partir d’une analyse d’images sont la base de la
méthode. L’érosion est quelquefois contrebalancée par les apports en litière et une redéposition des
particules fines (POMEL, 2003) ou par la remontée de terre par les vers et autres animaux fouisseurs.
À partir de la cartographie des états de surface des sols et du suivi de la perte en terre mesurée
chaque année sur des parcelles définies en fonction de la végétation et des usages du sol, une
cartographie est établie aux différentes échelles d’observation, centimétrique à métrique à partir
d’images au sol, décamétrique à partir d’une couverture aérienne et satellitaire. L’étude de l’érosion à
la surface du sol est privilégiée, en particulier le rôle des litières s’avère très important. Les états de
surface des sols sont des concentrations de matériel par des processus phytiques, biologiques,
minéralogiques, hydriques ou érosifs. On distingue cinq types (POMEL, 2004 et 2008).
- Les « bioconcentrations » (ou concentrations biologiques) par la microflore et la microfaune jouent
un rôle fondamental dans la décomposition de la matière organique.
- Les « duriconcentrations » (ou concentrations minéralogiques) procèdent de processus
minéralogiques avec formation de croûtes salées, sulfatées, carbonatées, ferrugineuses ou siliceuses.
- Les « satuconcentrations » (ou concentrations en turbides) sont des concentrations hydriques
d’argiles et de limons.
- Les « abruconcentrations » (ou concentrations par érosion) se définissent par un amaigrissement de
la surface du sol en éléments fins et par une concentration relative des éléments grossiers.
- Les « phytoconcentrations » (ou concentrations végétales) procèdent de nécroses végétales, les
thanato- ou rhizo-concentrations.

2.2.2. L’érosion spécifique des zones de départ


Les observations portent sur un suivi des états de surface, avec des mesures au sol et à partir
de photographies aériennes, et un suivi de chaque formation végétale et d’usages, avec une moyenne
de 20 mesures. Le calcul est effectué à partir du % des surfaces affectées par les abruconcentrations en
fonction de la densité du sol ramené à 1 hectare/an. La perte annuelle en mm est calculée à partir de
l’érosion des croûtes biotiques ou du déchaussement racinaire des plantes annuelles (POMEL, 2007).
Le calcul de l’érosion spécifique : Perte annuelle en sol en t/ha/an = densité apparente du sol x
% en abruconcentration x par perte annuelle en mm x 10.

3. Résultats et discussion
3.1. L’érosion dans les différents types d’usage du sol
Les systèmes bocagers, co-plantations, cultures sous couvert arboré ou arbres fruitiers sont
conservatrices des sols, et les taux d’érosion y sont relativement faibles, malgré de fortes pentes. Au
contraire, les monocultures (maïs et manioc) ou les plantations forestières d’Eucalyptus présentent des
risques d’érosion importants, en particulier d’érosion linéaire.

3.1.1. Sous forêt secondaire dense

Sous forêt de feuillus l’érosion est très faible, la litière occupe la surface des sols. L’horizon
supérieur du sol est fixé par la décomposition de l’humus sur plus de 10 cm.
Figure 1 : Etats de surface du sol sous forêt secondaire dense

Décomposition de la litière de feuillus et développement du mycelium, de nattes algo-


bactériennes et de polysaccharides empêchent l’érosion sous litière. Sous forêt dense, les
abruconcentrations représentent 1% des surfaces, l’érosion est de moins de 1 mm/an et les taux
moyens d’érosion sont de 0,13 t/ha/an.

3.1.2. Sous plantations forestières (Eucalyptus, Acacia,…)

L'usine à papier de Bai Bang est située dans la zone. La plantation forestière se caractérise par
des plantations d’arbres à croissance rapide et haute en productivité de bois, il s’agit principalement
d’Acacia mangium et d’Eucalyptus.

Les types d’arbres et l’âge des arbres ont un impact sur l’érosion des sols (figure 2). La figure
montre que l’érosion sous la plantation d’Eucalyptus est plus forte que sous plantation d’Acacia (de
9,7 à 16,1 t/ha/an sous Eucalyptus et de 2,3 à 10,1 t/ha/an sous Acacia). On peut expliquer comme suit
: sous Eucalyptus, la couverture des adventices de la surface du sol est faible. De plus, sous plantation
d’Eucalyptus, la litière n’empêche pas l’érosion, car elle se décompose très lentement et ne fixe pas le
sol. Cela est favorable à l’énergie de la pluie "splash" des gouttes d’eau sur la surface du sol qui est
plus forte et qui entraîne une forte détachabilité du sol. Enfin, le « splash » influe directement sur le
ruissellement de surface, sur l'écoulement des eaux de pluie et le transport des sédiments. La litière
n’empêche pas l’érosion du fait du tassement du sol. L’érosion en nappe sous litière est liée aussi au
ruissellement. Ces plantations ont été réalisées après labour ce qui explique que la litière n’ait pas été
préservée et les forts taux d’érosion.

3.1.3. Les autres types d’usage du sol


Selon les sources officielles, le district de Doan Hung comprend 30 différents types
d’utilisation des terres. Ils sont groupés en cinq catégories principales : agriculture, sylviculture,
habitation, autres terres, terres non-utilisées. Il en est de même dans tous les systèmes de la
classification d’utilisation des terres au Vietnam. Dans le bassin versant, les systèmes d’agriculture
sont multiformes, ce qui a entraîné des phénomènes érosifs aussi plus compliqués (tableau 1).
Types d’usage des sols Densité Abruconcen- Perte Nombre Risque
apparente tration (%) annuelle de d’érosion
du sol (mm) mesures maximum
(t/ha/an)
Cannelle 7 ans 1,22 29,2 3 20 10,7
Caféière 1,26 17,2 2 20 4,3
Cultures en bande
avec soja 1,35 39,5 6 20 32,0
Manioc 1,35 39,5 8 20 42,7
Maïs 1,28 33,5 8 20 34,3
Plantation de théiers 1,26 3,9 5 20 2,5
Arbres fruitiers et ananas 1,22 15,5 3 20 5,7
Coplantation d’arbres
avec haricots ou soja et
arachide 1,25 16,3 3 20 6,1

Tableau 1 : Mesures de l’érosion dans les zones cultivées (érosion spécifique en t/ha/an dans les zones
de départ) à partir des états de surface des sols.

Le tableau 1 montre que les risques d’érosion sous plantation de théiers et caféiers sont faibles
(moins de 5 t/ha/an maximum). À partir de la couverture végétale, il apparaît ici clairement qu’avec un
couvert déjà important, les taux de ruissellement dans les parcelles de plantation de théiers et de
caféiers sont peu importants. Ces couverts denses limitent considérablement le ruissellement ainsi que
la perte en sol (tableau 1 et figure 3). En effet, son couvert dense qui couvre rapidement le sol, lui
permet de limiter l’effet d’éclatement des gouttes de pluie. Son système racinaire est aussi celui qui est
le plus dense, les agrégats y sont piégés et l’infiltration favorisée.

Figure 3 : Risque d’érosion sous différents types d’usage du sol

L’érosion est forte sous plantation annuelle (culture du maïs, manioc et soja …) et peut
dépasser les 42 t/ha/an, au niveau des pertes en terres, du fait d’un couvert peu important mais surtout
à cause des pratiques culturales récentes, notamment durant la saison des pluies. Or, dans les zones de
montagnes du Nord Vietnam où la pluviosité est forte et mal distribuée, les plantations annuelles sur
pente, commencent à la fin de saison sèche jusqu'au début de la saison des pluies. Les plantations
annuelles, en particulier, le manioc, avec les grosses pluies, ne limitent pas l’érosion hydrique. Enfin,
au niveau des pratiques culturales, le labour sur terres en pente représente une condition favorable à
l’érosion, comme on le remarque avec la culture du maïs et du soja.
En lutte antiérosive, on a développé le système de co-plantation pour les zones montagneuses.
Quand les arbres de la forêt ne sont pas encore à feuillage fermé pendant la première année ou même
la deuxième année, les agriculteurs plantent souvent arachide, haricots et soja. Dans les autres cas,
arachide, haricots et soja sont remplacés par le riz, le manioc ou le maïs. Ces systèmes ont diminué de
façon appréciable les pertes en terre, notamment dans le système co-planté à arbres fruitiers et ananas,
dans le système co-plantation d’arbres avec haricots ou soja et arachide (tableau 1 et figure 3).

3.2. Le rôle de la pente


La distribution spatiale des pentes montre l’importance de cet élément dans la constitution du
relief du district de Doan Hung d’après le rapport du Soils and Fertilizers Research Institute (SRFI).
Pour illustrer cet état du milieu physique, une carte des pentes à l’échelle de 1/25.000, a été
réalisée. Le zonage des pentes ainsi obtenu montre que les pentes inférieures à 25 % sont très
largement dominantes (figure 4).

Figure 4 : Le facteur pentes dans le bassin-versant de Doan Hung

En superposant à la carte des pentes, une carte des grands types d’occupation du sol, un
certain nombre d’informations ressortent :
- Les plantations annuelles (maïs, manioc,…) se situent principalement dans les zones où les
classes de pente sont situées entre < 25 % et > 45 % ;
- Ces plantations correspondent à des milieux où l’occupation des sols est consacrée à
l’agriculture alors que, paradoxalement, quelques parcelles de forêt se situent sur les pentes douces (<
25 % de pente), les meilleures terres (< 15 % de pente), notamment dans les fonds de vallée.
Les données chiffrées obtenues sur les parcelles de forêt et de plantation annuelle montrent
également le rôle de la pente. Elles montrent qu’existe une dépendance entre les deux variables,
l’érosion croissant de façon linéaire avec la pente.
Cette conclusion rejoint un certain nombre de travaux, notamment ceux de POESEN (1987),
ROOSE (1981 et 1994), qui montrent que l’érosion croît avec la pente car l’énergie cinétique du
ruissellement augmente et l’emporte sur l’énergie cinétique des pluies dès que les pentes dépassent 15
%, ce qui est bien le cas dans le bassin-versant étudié.

3.3. Comparaison des méthodes d’estimation de l’érosion

Il s’agit ici de valider les résultats issus de la méthode des états de surface. Nous avons mesuré
les taux d’érosion aux déversoirs W2 et W3 dans deux sous-bassins du bassin-versant. Ces mesures
sont comparées à celles établies sur des parcelles d’érosion et dans les stations hydrologiques.

Corrélation des mesures l’érosion Corrélation des mesures l’érosion


dans le sous-bassin W2 dans le sous-bassin W3

Figure 5 : Les corrélations des mesures de l’érosion dans deux sous-bassins du bassin-versant

La figure 5 montre que :

L’équation linéaire y = ax + b à W2 et W3 signifie que dans les mêmes conditions (couverture


végétale, sol, pluviosité, intensité de pluie, pratique culturale,…) la perte en terre estimée par la
méthode des états de surface est supérieure à celle obtenue par la méthode de mesure dans la station
hydrologique à l’aval de bassin-versant de 261 kg sol/ha/an à W2 et 113 kg sol/ha/an à W3.

Les deux sous-bassins représentent une bonne corrélation entre les deux méthodes, avec un
coefficient de corrélation R2 = 0,98 à W2 et R2 = 0,80 à W3. Cela démontre que la méthode des états
de surface est applicable et peut remplacer les méthodes de mesure de l’érosion traditionnelle pour
estimer l’érosion des sols (POMEL et al., 2007). Néanmoins, le coefficient (b) dans l’équation linéaire
y = ax + b est un nombre positif. Dans ces conditions, il faut justifier significativement cette statistique
des données de mesures du coefficient (b). Si le coefficient (b) est un nombre positif et
significativement, dans ce cas la perte en terre estimée par la méthode des états de surface est
supérieure à celui de la méthode de mesure dans la station hydrologique à l’aval de bassin-versant. La
détachabilité du sol sur place puis le transport et la redéposition avec les barrières (racines des plantes,
relief…) ne sont pas pris en compte par la méthode hydrologique.

Cette validation de l’estimation du départ de terre sur les versants comparée aux transports
solides sur deux bassins-versants n’est pas satisfaisante. En fait, il n’y a pas de lien direct entre ces
deux estimations, car les transports solides dans le bassin-versant = érosion des fines des versants +
érosion des berges – les dépôts sur les versants (colluvions). Il est évident que nous sommes bien au
courant que ce n’est pas la même chose, mais nous ne disposons pas d’autres données comparatives.

La méthode des états de surface mesure des taux d’érosion dans la zone de départ (amont du
système), alors que la méthode de la station hydrologique mesure des taux à l’aval du système, zone
d’arrivée. La méthode des états de surface convient mieux à la prévision des risques d’érosion des
sols. Elle est une base essentielle pour la cartographie des risques d’érosion. De plus, la méthode des
états de surface vise principalement à la mise au point d’indicateurs de l’érosion des sols qui soient
rapides et faciles à mettre en œuvre pour tous les sols et les zones d’étude. Au contraire de la méthode
des états de surface, la méthode de la station hydrologique a besoin de valeurs sur le long terme et
celles-ci ne sont pas exactes pour tous les cas étudiés.

3.4. Essai de cartographie des risques d’érosion des sols

La cartographie préliminaire est un essai de représentation des différents usages des sols et des
risques d’érosion dans la région de Doan Hung. Elle est basée sur une couverture aérienne du
07/05/2000 et les mesures réalisées en mai 2005 dans le cadre d’un programme Vietnam du réseau
Érosion de l’AUF.
Les cartes ci-dessus présentent les types d’usage des sols et l’érosion spécifique par hectare et
par an. Ce sont des résultats, obtenus à l’issue du fonctionnement de la méthode des états de surface.
De cette façon, la variation annuelle dans la croissance de végétation est prise en compte. Le modèle
résultant consiste en une carte des types d'usage des sols dans le bassin versant (figure 6).

Figure 6 : Les types d'usage des sols dans le bassin versant de Doan Hung

Les taux d’érosion sont calculés à partir des états de surface des sols dans les différentes
formations végétales et d’usage. Une estimation de l’actuel risque annuel d’érosion est montré sur la
figure 7. La figure 7 est une carte d’érosion généralisée à tout le bassin-versant de Doan Hung. Pour
améliorer son apparence visuelle, la carte a été lissée en utilisant les données d’usage des sols de
l’actuel qui remplace les valeurs d’informations invalide sur l’image aérienne (07/05/2000).
Figure 7 : Risques annuels d’érosion dans le bassin versant de Doan Hung

Une validation convenable des résultats est difficilement possible à l’échelle utilisée.
Néanmoins, il est possible de faire quelques commentaires sur le motif général de la carte, pour
quelques aires particulières.
Premièrement, les taux d’érosion semblent assez bas sur la carte. En général les taux d’érosion
dans le bassin-versant sont inférieurs à 40 t/ha/an (figure 7). Une raison pour ces taux assez bas est la
valeur du facteur de la couverture végétale. La figure 6 a montré que, dans le bassin-versant de Doan
Hung, tous les terrains cultivés sont couverts par les végétaux, notamment durant la saison de pluie.
Les valeurs trouvées à partir des missions sur le terrain pour ces périodes sont beaucoup plus fortes.
Sur l’image aérienne, il existe des petites tâches de végétation très dense, forêt secondaire dense, forêt
plantée et maquis, qui devraient montrer une plus grande réponse.
Deuxièmement, le bassin versant de Doan Hung est situé dans des zones à relief en escalier. Il
y a une zone où les pentes sont moyennes et douces sur la carte des pentes (figure 4), ce qui donne un
taux d'érosion en marches.
De plus, les pratiques d’exploitation du bois dans le bassin versant influencent le terrassement
ou le drainage de surface. L’effet de pratiques d’exploitation du bois dans le bassin-versant est quasi-
impossible à estimer ici. Cependant, il faudrait réaliser que les pratiques d’exploitation du bois
peuvent être un des plus importants facteurs d’érosion.
4. Conclusion
Ce travail est dans la continuité des études précédentes menées au sein des projets AUF, qui
ont permis d’acquérir un grand nombre de données, et étudier l’impact de la culture sur pente sur
l’érosion.
Ce présent travail a permis de mettre en évidence l’importance du couvert végétal et des
pratiques culturales sur le risque d’érosion des sols. En effet, il a été montré que plus le couvert est
abondant, plus l'effet érosif de la pluie est atténué. En effet, sous forêt, en plus de la protection des
arbres, le sol est couvert de feuilles et d’arbustes, ce qui permet de limiter considérablement le
ruissellement et donc les pertes en sol, même lors de fortes pluies.
Les différents systèmes de mesures donnent des résultats différents car ils ne mesurent pas les
mêmes compartiments du géosystème érosif (Sécheresse, 2004 ; ORSTOM Actualités, 1998). La
méthode de mesure du taux d’érosion par les états de surface est une méthode qui a tendance à
surévaluer les pertes en terre, car elle mesure les pertes en terre au niveau de la zone de départ, amont
du géosystème. Elle est complémentaire des autres méthodes (mesure des turbides, bathymétrie)
qui ne mesurent pas l’érosion de la zone de départ, mais celui de la zone d’arrivée, aval du
géosystème, en ne tenant pas compte des redépositions sur les versants.
La validation de la méthode des états de surface par la comparaison avec les mesures des
stations hydrologiques n’est pas satisfaisante. Cependant la méthode des états de surface évalue des
taux maximum des zones de départ et convient donc très bien pour évaluer les risques d’érosion. Elle
est une base essentielle pour la cartographie des risques d’érosion.
Les pratiques de culture dans le bassin versant de Doan Hung (restes de forêt, plantations de
forêt, co-plantations et système de « mulching ») sont en général conservatrices pour les sols.
Toutefois, on peut se demander si la zone n’avait pas d’usines (usine à papier, usine à thé …), est-ce
que les paysans seraient prêts à planter par eux-mêmes ? En effet, l’agriculture et la sylviculture sont
relativement pénibles et nécessitent beaucoup de main d’œuvre, alors que l’industrie agro-sylvicole
n’est pas encore très développée dans la zone. Les agriculteurs trouvent avec peine une ressource
financière. La déforestation continue pour l’extension et l’intensification des cultures annuelles
(manioc, maïs, taro, maranta …). Là où n’existent pas de pratiques de conservation des sols, cela
entraîne une augmentation de l’érosion et des mouvements de terrain (glissements de terrain, coulées
de boue, …).

Bibliographie

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Evaluation qualitative et quantitative GHO¶pURGLELOLWpGHGLIIpUHQWHVXQLWpV
paysagères représentatives du Burundi : de la parcelle au micro bassin
H. DUCHAUFOUR et C. MIKOKORO
ISABU, Burundi
Courriel : herve.duchaufour@wanadoo.fr

Résumé

(QWUHHWOD&RRSpUDWLRQIUDQoDLVHDILQDQFpGHVWUDYDX[GHUHFKHUFKHVXUO¶pURVLRQ
des sols menés par une équipe de chercheurs franco-EXUXQGDLV GH O¶,QVWLWXW GHV 6FLHQFHV
Agronomiques du Burundi (ISABU). Cinq stations constituées de parcelles Wischmeier ont été
implantées dans différentes situations agraires et paysagères représentatives du pays. Le suivi des
expérimentations sur plusieurs années a démontré que tous les sols étudiés ont une bonne à très
ERQQHUpVLVWDQFHjO¶pURVLRQ .RVFLOODQWHQWUHHW /HXUFRPSRUWHPHQWYLV-à-YLVGHO¶pURVLRQ
varie en fonction de leurs propriétés structurale, porale et physico-chimique : la détachabilité et le
charriage des agrégats caractérisent plutôt les sols ferrallitiques argileux évoluant sur schiste du
Mumirwa central (Crête Congo-1LO  DORUV TX¶XQH GpJUDGDWLRQ FKLPLTXH VWUXFWXUDOH HW SRUDOH SDU
2+
dilution progressive des matières organiques et transferts sélectifs des cations basiques (Ca )
distingue les sols bruns eutrophes et sols en voie de ferrallitisation développés sur les séries volcano-
sédimentaires de la dépression orientale du Moso.

En condition cultivée avec amendement organique, les phénomènes de lixiviation des cations
basiques Ca et de Mg VRQWUDSLGHVHWLQWHQVHVHQFRQGLWLRQDFLGHHWVLJQLILFDWLIVG¶XQHGpJUDGDWLRQ
2+ 2+

accélérée de la fertilité avec une désaturation du complexe absorbant et inversement, une


augmHQWDWLRQGHO¶DFLGLWpHWGHO¶DOXPLQLXPpFKDQJHDEOH'DQVOHFDVGHVVROVDUJLOHX[HXWURSKHVGX
Moso, la mise en solution des nutriments des sols, proportionnellement plus importante que les sols
IHUUDOOLWLTXHVQ¶HVWLQTXLpWDQWHTXHVXUOHSODQGHODPDWLère organique (de 15 à 30 % supérieur au sol
en place) et plus encore du phosphore. Cette sélectivité agissant surtout sur les éléments fertiles du
sol constitue une contrainte réelle pour maintenir leur productivité.

Les résultats observés sur deux micro-bassins expérimentaux de 4 et 6,5 ha du Mumirwa


central montrent que les pertes mesurées au champ (sur parcelles Wischmeier) sont infiniment
VXSpULHXUHVDYHFGHVpFDUWVGHO¶pURVLRQHQWUHOHVGHX[pFKHOOHVGHSRXUOHVSHUWHVHQWHUUHHWGH
30 pour le ruissellement. Les études morpho-pédologique et hydrodynamique donnent une bonne
explication des processus pédogénétiques et érosifs qui se manifestent dans ces systèmes : une forte
disparité liée à la dense occupation du sol dans les zones les plus fertiles notamment dans la
concavité des pentes occupées surtout par une bananeraie dense et la colocase. Cette disparité se
WUDGXLW HQ L  XQ HQULFKLVVHPHQW j O¶DYDO DX[ GpSHQV G¶XQ DSSDXYULVVHPHQW HW G¶XQH GpJUDGDWLRQ HQ
amont et ii) une inversion des vitesseVG¶LQILOWUDWLRQHQWUHO¶DPRQWHWO¶DYDOHQSDVVDQWSDUXQRSWLPXPj
mi-parcours. Les variations topographiques et la diversité / densité du couvert biologique concourent
ainsi concomittament sur le fonctionnement écosystémique des deux bassins versants en
UHGLVWULEXDQW OHV UXLVVHOOHPHQWV OHV pOpPHQWV VROLGHV HW OHV QXWULPHQWV j O¶LQWpULHXU PrPH GH OHXU
périmètre.

Mots Clés : Parcelle Wischmeier, micro-EDVVLQ pURGLELOLWp FRHIILFLHQW.OLPLWHV G¶$WWHUEHUJ VWDELOLWp


structurale, transferts cationiques, pluviolessivats

Abstract

Between 1977 and 1985, the French cooperation has funded research on soil erosion led by a franco-
burundi team from the Burundi Institute of Agronomic Sciences (ISABU). Five stations made of
Wischmeier plots were established in different agrarian and landscaping situations representative of
the country. Follow up of the experimentation over several years, revealed that all the studied soils
had a good to very good resistance to erosion (K fluctuating between 0,003 and 0,15). Their behavior
with regard to erosion varies with their porosity, their structural and physicochemical properties:
detachability and aggregates drifting are rather characteristic of lateritic clayish soils developing on
schist of central Mumirwa (Congo-Nil ridge), while chemical, structural and porous degradation
2+
through progressive dilution of organic matter and selective transfers of base cations (Ca )
characterize eutrophic brown soils or on the track of ferrallitisation developed on the volcano
sedimentary series of the Moso eastern depression.
2+ 2+
In cropping condition with organic amendment, base cations Ca and Mg leaching is much more
rapid and intense in acidic condition and is symptomatic of an accelerated fertility degradation with de-
saturation of the absorbing complex, and inversely an increase in acidity and in exchangeable
aluminum. In the case of the eutrophic clay soils of Moso, soil nutrients dissolution, proportionately
more important than in lateritic soils, is alarming only in terms of organic matter (from 15 to 30% higher
than the soil in place) and even more in terms of phosphorus. This selectivity, acting mainly on fertile
elements in the soil, is a real constraint to maintain productivity.

The results observed on two experimental 4 and 6,5 ha micro-basins of Central Mumiwa show that
field losses (on Wischmeier plots) are much greater with differences in erosion between the two
scales, 60 for losses in soil and 30 for run-off. Morpho-pedagogic and hydrodynamic studies give a
good explanation of the pedogenetic and erosive process taking place in those systems: a high
disparity related to the dense occupation of the land in the most fertile areas mainly in the concave
slops occupied mainly by dense Banana and taro crops. This disparity is translated into: i) an
enrichment downstream to the expenses of an impoverishment and degradation upstream and ii) a
reversal of infiltration rates between upstream and downstream through an optimum at mid-way.
Topographic variations and diversity / biological cover density contribute to the functioning of both
watersheds by redistributing water run-off, solid elements and nutrient inside their own perimeter.

Keywords: Wischmeier plot, micro-basin, erosion, coefficient K, Atterberg limits, structural stability,
cationic transfer, pluviolessivates

Introduction

Classiquement, l¶pURVLRQest assimilée à un décapage plus ou moins rapide et


irréversible des versants par le ruissellement qui contribue à une baisse de la fertilité
des terres par épuisement progressif des richesses minérales et organiques. De
même, on détermine son origine dans la modification de la structure du sol sous
O¶HIIHWGHO¶pQHUJLHFLQpWLTXHGHVFKXWHVGHVJRXWWHVGHSOXLHHWGHVIDoRQVFXOWXUDOHV
En élargissant OD GpILQLWLRQ GH O¶pURVLRQ K\GULTXH j WRXWHV OHV YDULDEOHV TXL LQIOXHQW
GDQV OH WHPSV HW GDQV O¶HVSDFH SOXV RX PRLQV GLUHFWHPHQW VXU OH SURFHVVXV F¶HVW
O¶DQDO\VH GH WRXW XQ V\VWqPH FRPSOH[H TX¶LO IDXGUDLW pWXGLHU HW TX¶LO VHUDLW ELHQ
entendu impossible de cerner de manière exhaustive.

Dans le cas qui nous intéresse, nous QRXVSURSRVRQVG¶DQDO\VHU de plus près


les principaux facteurs du milieu physique qui sont considérés comme les causes
premières du déséquilibre du système avec son milieu et qui contribuent au transport
accéléré de la terre sur les versants escarpés et au ruissellement excessif. Des
travaux de recherche ont été ainsi menés de 1977 à 1995 1 sur plusieurs sites de
références du Burundi. LHVGLIIpUHQWVSURFHVVXVG¶pURVLRQREVHUYpVdans le contexte
montagneux du pays et l¶DQDO\VH de OHXUpYROXWLRQVHORQOHVVRXUFHVG¶pQHUJLHHWOHV
facteurV TXL PRGLILHQW OHXU H[SUHVVLRQ V¶DSSXLHQW des résultats expérimentaux sur
parcelles Wischmeier et sur deux micro bassins.

1
Travaux de la mission Forestière Crête Congo-Nil basée au Département des Forêts entre 1977 et 1984 puis de la Division
6\OYLFROHGHO¶,QVWLWXWGHV6FLHQFHV$JURQRPLTXHVGX%XUXQGL ,6$%8 HQGHYHQXH3URMHWGH5HFKHUFKHSRXUOD3URWHFWLRQ
GHO¶(QYLURQQHPHQWGHj.
1. Méthodologie

* Le modèle Wischmeier : :,6&+0(,(5 HW 60,7+ RQW PLV HQ pYLGHQFH O¶DFWLRQ
GHV GLIIpUHQWV IDFWHXUV TXL MRXHQW XQ U{OH GDQV O¶pURVLRQ SDU OD IRUPXOH TX¶LOV RQW
proposée et qui sert de référence internationale (« Universal loss equation »):

A = R x K x SL x C x P

A : OHV SHUWHV HQ WHUUH H[SULPpHV HQ WRQQHV SDU KD G¶XQH SDUFHOOH H[SpULPHQWDOH
durant un épisode pluvieux ou sur une année. Mesurées sur deux 2 échantillons de
ERXHGHOLWUHDSUqVSDVVDJHjO¶pWXYH T =90°C).

R : O¶LQGLFH G¶pURVLYLWp GHV SOXLHV ,O FRUUHVSRQG jO¶pQHUJLH FLQpWLTXH GHV SOXLHV TXH
multiplie I30 (intensité maximale des pluies durant 30 minutes exprimée en mm/h).

K : OHIDFWHXUGHVHQVLELOLWpGXVROjO¶pURVLRQŸ IDFWHXUG¶pURGLELOLWp,OHVWIRQFWLRQGHV
propriétés intrinsèques du sol notamment des matières organiques, de la texture, (cf.
ILJXUHGH.817=( GHODSHUPpDELOLWpHWGHODVWUXFWXUHGHO¶KRUL]RQ,OV¶pFKHORQQH
de 0,7 pour les sols les plus fragiles (les limons silteux) à 0,001 pour les sols les plus
stables. Le protocole de WISCHMEIER le mesure sur des parcelles nues de
référence de 22,2 m de long et des pentes de 9 %. Le sol, travaillé dans le sens de la
pente, ne doit plus recevoir de matières organiques depuis trois ans.

SL : le facteur topographique, 6WUDGXLVDQWO¶DQJOHG¶LQFOLQDLVRQGHODSHQWH HQ HW


L, la longueur de pente en pieds (1m = 3,2809 pieds). Les abaques établies selon le
SULQFLSHGHO¶8QLYHUVDOORVVHTXDWLRQ :,6&+0(,(5HW60,7+ SHUPHWWHQWGH
calculer le facteur topographique qui varie de 0,1 à 5 dans les situations de pente
faible et qui peut atteindre plus de 25 dans les conditions de fortes pentes des
montagnes du Burundi2.

C : le couvert végétal. Il inclue le niveau de production et les techniques culturales


qui y sont assRFLpHV &¶HVW XQ IDFWHXU IUHLQ SOXV RX PRLQV HIILFDFH j O¶pQHUJLH GHV
gouttes de pluies suivant la mise en valeur du sol. Une végétation permanente
(prairie ou forêt) ne découvrant le sol à aucun moment est nettement préférable à
une agriculture plus exposée laissant le sol dénudé pendant une longue période. Il
FRUUHVSRQGDXUDSSRUWHQWUHO¶pURVLRQREVHUYpHVXUODSDUFHOOHFXOWLYpHRXIRUHVWpHHW
O¶pURVLRQ HQUHJLVWUpH VXU VRO QX ,O V¶pFKHORQQH GH  VXU VRO QX HW  VRXV IRUrW
ombrophile.

P : O¶LQGLFH TXL UHQG FRPSWH GH O¶HIILFDFLWp GHV SUDWLTXHV SXUHPHQW DQWL-érosives
EXWWDJH FRQWLQX KDLH KHUEDFpH  &¶HVW XQ IDFWHXU IUHLQ DX UXLVVHOOHPHQW ,O
FRUUHVSRQG DX UDSSRUW HQWUH O¶pURVLRQ G¶XQH SDUFHOOH FXOWLYpH HW FHOOH G¶XQH SDUFHOOH
G¶XQHPrPH FXOWXUHDPpQDJpH/¶LQGLFHYDULHGHVXUSDUFHOOHQRQDPpQDJpHj f
en conditions anti-érosives très efficaces (paillage épais par exemple).

* Les limites du protocle Wischmeier : &H SURWRFROH V¶DSSOLTXH j O¶pURVLRQ HQ


nappe et au ruissellement linéaire qui prend naissance dans la parcelle

2
/HIDFWHXU6/VHFDOFXOHDXVVLjSDUWLUGHO¶pTXDWLRQGH:,6&+0(,(5—L/100 (0,76 + 0,53 S + 0,0076 S²).
expérimentale en se limitant exclusivement à son espace. Il exclut donc tous les
L2=C:4;4<BA D4<0<B 34 :Z0;=<B < =CB@4 24 ;=3M:4 0 LBL B4ABL 4F>L@8;4<BL 4B
vérifié dans des paysages de pente modérée des pla8<4A0;L@8208<4A8:<Zest donc
pas adapté au relief de montagne du Burundi où les pentes moyennes sont parfois
proches de 40 % et les sources de ruissellement plus fortes que les pluies. Enfin ce
modèle ne donne que des données indicatives sur le volume ruisselé et les pertes en
terre. Ces données ne devraient être AB0B8AB8?C4;4<B D0:01:4A ?CZ0>@MA C<4
succession de mesures sur une dizaine 3Zannées, voire même sur 20 années. A
:ZL274::434:Z0D4@A4:4C@8<B4@>@LB0B8=<4AB>:CA?C0:8B0B8D4?C4?C0<B8B0B8D4 du fait de
:Z8<B4@02B8=<34<=;1@4CF>0@0;MB@4A?CZ8:4AB3855828:43Z0>>@L284r et de mesurer sur
le terrain. '@L28A=<A L60:4;4<B ?C4 :4A A=C@24A 3Z4@@4C@ I :ZL270<B8::=<<064 <=CA
:08AA4<B C<4 ;0@64 3Z4@@4C@ 34  15 % sur le résultat final du calcul des pertes en
terre et des taux de ruissellement (DUCHAUFOUR et al, 1991). Cette incertitude
@4>=A4 4AA4<B84::4;4<B AC@ :Z8;>@L28A8=< 34A 70CB4C@A 3Z40C 4B 34 1=C4 ;4AC@L4A
30<A:4A2CD4A4BAC@:Z7=;=6L<L8A0B8=<34:02=::42B434A>@L:MD4;4<BA341=C4?C8
permet de mesurer la masse de terre sèche contenue dans un litre. Toutes les
3=<<L4A 2C;C:L4A AC@ >:CA 3ZC<4 ?C8<H08<4 3Z0<<L4A 34 ;4AC@4A I :Z!<AB8BCB 34A
Sciences Agronomiques du Burundi (ISABU) de 1975 à 1995, apportent néanmoins
des renseignements intéress0<BAAC@:4A>@=24AACA3ZL@=A8=<4<<0>>44B:8<L08@4I
:ZL274::434:0>0@24::4>0GA0<<4. Les résultats que nous avançons, peuvent même
NB@4 8<5L@84C@A I :0 @L0:8BL >C8A?CZ8:A <4 B84<<4<B >0A 2=;>B4 34 :Z02B8=< L@=A8D4 34A
0@@8DL4A3Z40CFACA-jacentes.

* Evaluation qualitative des pertes en terre : Pour avoir un ordre de grandeur sur
la sélectivité des éléments transportés par ruissellement, nous avons procédé à des
prélèvements systématiques des boues afin de comparer leurs propriétés physico-
chimiques avec celles des sols en place.

2. Contexte : Définition des pédopaysages et de leur représentativité

La méthodologie du protocole
de WISCHMEIER et SMITH, délicate
et onéreuse, ne pouvait être étendue
I :Z4<A4;1:4 34A @L68=<A <0BC@4::4A
du pays. Il nous importait donc de
choisir les sites qui représentaient le
mieux les conditions de sols et de
relief du territoire. La région du
Mumirwa de la crête Congo-Nil
5=@B4;4<B 4F>=AL4 I :ZL@=A8=<
hydrique tout en étant proche de
Bujumbura (facilité du suivi)
représentait le lieu de prédilection
pour le suivi expérimental de
parcelles en assez grand nombre. En
complément aux études menées sur
parcelles Wischmeier, deux bassins
versants élémentaires situés dans
:Z4A20@>4;4<BI10<0<84@3C$C;8@E0
Figure 1 : Situation des 5 stations de mesures
AC@>0@24::4A-8A27;484@AC8D8>0@:Z!)+
FHQWUDO RQW pWp pTXLSpV G¶XQ GpYHUVRLU j O¶DYDO SRXU pWXGLHU OHXU IRQFWLRQQHPHQW
hydraulique pWXGHV HW VXLYLV UpDOLVpV FRQMRLQWHPHQW DYHF OH  3URMHW 6XLVVH G¶$SSXL
aux Développement des Communes de Mubimbi, Kanyosha et Isale - PADC).
Rushubi I (figure 1, altitude 1750 m) : caractérise les zones de crêtes gréso-quartzitiques acidentées
G¶DOWLWXGH. Les sols, de type ferralsols humifères (> 2 % de Corg et 84 % de sable moyens et grossiers),

cm). Leur profondeur est variable et ils sont très acides (pH | 4,5). La CEC | 5-6 méq/100g de terre
sont de nature sablo-caillouteuse avec une charge de cailloux pouvant atteindre plus de 60% dès 30

est totalement désaturée en cations basiques (< 10 %) mais saturée en aluminium échangeable (Al 3+
| 80 - 90 % de la CEC). Ce pédopaysage constitue les milieux de faible productivité des
sommets quartzitiques qui sont largement répandus dans les massifs montagneux dHO¶LQWpULHXUGX
pays et réservés en général aux parcours ou aux boisements. Les conditions les plus aptes,
HVVHQWLHOOHPHQWUpJLHVSDUODSURIRQGHXUGXVROVRQWWRXWHIRLVXWLOLVpHVSDUO¶DJULFXOWXUH

Rushubi II (figure 1) : A proximité de la précédente, jPG¶DOWLWXGHFHWWHVWDWLRQSDUWLFXODULVHOHV


sols argileux des collines ferrallitiques en « demi-orange » de la région du Mumirwa de la crête
Congo-1LO IRUWHPHQW H[SRVpH j O¶pURVLRQ K\GULTXH /HV SHQWHV TXRLTXH IRUWHV VRQW UpJXOLqUHV HW
ininterrompues ; elles caractérisent les versants profondément altérés des schistes micacés intrudés
de roches basiques (facies schisto-basique), des granites et parfois des gneiss en altitude. Ces

décamétrique très peu altérables qui enrichissent les sols de bandes de cailloux r discontinues
derniers sont fréquemment traversés par des filons de pegmatite ou de quartz de taille métrique et

(« stone line ª  &¶HVW XQ GHV IDFLHV OHV SOXV IUpTXHQWV GX SD\V ,O UHSUpVHQWH OD PDMRULWp GHV VROV
cultivés des plateaux centrDX[HWGHO¶HVFDUSHPHQWGX0XPLUZD/DVWDWLRQH[SpULPHQWDOHGHRushubi
II caractérise ces pédopaysages à bon potentiel agricole des collines ferrallitiques représentés

20 cm ou plus) et à acidité modérée (pH | 5 - 5,5). Leur CEC est relativement élevée (12-16
par des ferralsols-ferrisols argileux généralement humiques (Corg > 1,16 % sur 10 cm ou > 0,59 % sur

PpTJ GH WHUUH  SOXV RX PRLQV VDWXUpH VHORQ OHV FRQGLWLRQV G¶H[SORLWDWLRQ DJULFROH /D
GpWR[LILFDWLRQ FRPSOqWH GH O¶DOXPLQLXP QH VH SURGXLW TX¶HQ UpJLPH LQWHQVLI HW FRQWLQX GH IXPXUH
organique ou mieux encore, par des amendements organique et calcaire.
La pluviométrie annuelle moyenne (Han) de la station Rushubi II est de 1 692 PP HW O¶DJUHVVLYité
annuelle moyenne (Ran) de 550 (Rapports annuels PRPE / ISABU).
/HV GHX[ VWDWLRQV GH 5XVKXEL , HW,, VRQW UHSUpVHQWDWLYHV GH OD JpRORJLH GHO¶RFFXSDWLRQ GHV VROV HW
GHVIRUPHVG¶pURVLRQREVHUYpHVGDQVODUpJLRQGXEDVVLQG¶,VDOH FIOHEORFGLDJUDPPHGX0XPLUZD
central en annexe I)

Kanyosha (altitude : 1160 m) : Ce troisième site se distingue des précédents SDU OH IDLW TX¶LO HVW
UHSUpVHQWDWLI GHV YHUVDQWV DEUXSWV UDMHXQLV SDU O¶pURVLRQ GHV FRQWUHIRUWV JQHLVVLTXHV GX 0XPLUZD
central. Les sols se définissent par leur minceur et leur petite capacité de productivité concentrée
dans la couche arable superficielle. Leur fertilité est bien souvent médiocre voire nulle lorsque la
couche huPLIqUHDGLVSDUX,OV¶DJLWGH sols récents, FRQVWDPPHQWUDMHXQLVSDUO¶pURVLRQdéveloppés
VXU SHQWHV IRUWHV !    UHSUpVHQWpV PDMRULWDLUHPHQW SDU OH FRPSOH[H G¶DVVRFLDWLRQ GH lithosols,
UpJRVROV OLWKLTXHV UpJRVROV HW VROV G¶DOWpUDWLRQ UpFHQWH r eutrophes (pH = 5,0 - 6,0 ; CEC | 5-10
méq/100g de terre et Corg = 0,5 - 1% sur 10 à 20 cm au plus). Ces versants gneissiques sont souvent
traversés par des filons basiques de gabbro et de dolérite; dans ce cas, les sols sont plus profonds et
fertiles (sols bruns tropicaux eutrophes) et marqués dans le paysage par un adoucissement du relief.
Nous le dénommerons le pédopaysage des versants abrupts de KANYOSHA (figure 1).
La pluviométrie DQQXHOOH PR\HQQH +DQ  GH OD VWDWLRQ HVW GH  PP HW O¶DJUHVVLYLWp DQQXHOOH
moyenne (Ran) de 280 (Rapports annuels PRPE / ISABU).

Muzinda : Les sols évoluant sur les séries des quartzophyllades de la station de Muzinda (altitude
1250 m, pluviométrie moyenne annuelle de 1350 mm) présentent des similitudes avec la station de
Rushubi I (ferralsols humifères). Ils évoluent sur des pentes de collines au relief plus atténué (entre 20
et 30 % de pente en moyenne), situées sur le contrefort occidental du Mumirwa central. Leur texture
sablo-argileuse se développe sur de plus grande profondeur ce qui leur confère un potentiel agricole
supérieur. Les potentialités agraires du pédopaysage de MUZINDA (figure 1) se situeraient entre
celles de Rushubi I et II.

Moso : Ce dernier site dépeint un paysage particulier de la plaine du Moso (altitude 1350 m),
personnalisé par les ravinements spectaculaires qui dénudent et entaillent les collines de la région de
Bukemba-*LKRIL &¶HVW XQ IDFLHV XQLTXH DX %XUXQGL LVVX GHV ODYHV DP\JGDORwGHV GH OD VpULH GX
3
Kabuye du Moso (basalte ancien du Malagarasien ). Les sols sont en voie de ferrallitisation mais leur
potentiel agronomique est encore très satisfaisant et supérieur aux autres sols des pédopaysages
précédents. Leur fragilité toute particulière au ravinement nous a amenés à nous y intéresser
30D0<B064 %=CA :Z0>>4::4@=<A le pédopaysage des collines basaltiques du Moso (figure 1)

ferrisols eutrophes à argile lourde (80 à 87 %), de type 2/1 pour une partie (CECargile quelque fois  16
caractérisé par des ferrisols humiques eutrophes et des sols bruns kaolinitiques humiques intergrade

méq/100g de terre et CEC oscillant entre 12 et 21 méq/100g de terre, saturée en ions Ca2+ et Mg2+).
C2C<40<0:GA4AB@C2BC@0:44B;L20<8?C4<Z0LBL@L0:8AL4#Z8<B4@>@LB0B8=<34:Z0;>:4C@3C>7L<=;M<4
34 @0D8<4;4<B <Z0 >0A LBL L:C283L4 Z4AB C< >@=24AACA 4<2=@4 B@MA 02B85 34 <=A 9=C@A 4B ?ui date
depuis des décennies. WALEFFE signalait déjà en 1965, dans son étude géologique du Sud-Est du
Burundi, la présence de bad-lands sur schiste calcaire et de ravins de 15 à 20 m de profondeur sur les
collines basaltiques de Bukemba, ce ?C8<Z4AB6CM@4 différent aux profondeurs actuelles.
La pluviométrie annuelle moyenne (Han) de la station est de 1 
 ;; 4B :Z06@4AA8D8BL 0<<C4::4
moyenne (Ran) de 450 (Rapports annuels PRPE / ISABU).

3. Résultats
3.1 Données sur parcelles Wischmeier
3.1.1 Le protocole WISCHMEIER détermine une faible érodibilité des sols
La détermination du facteur K (tableau 1 et figure 2) des principaux
pédopaysages burundais indique une bonne à trèA1=<<4@LA8AB0<24I:ZL@=A8=<

Pédo-paysage et pente Nombre Agressivité Pertes en terre Ruissellement Coefficient


expérimentale en %    annuelle annuelles annuel moyen  

expéri- moyenne moyennes en en % (KRAM ) annuel moyen
mentales (RAM) T/ha (A) (KAM)
RUSHUBI I (45 - 50%) 6 466 429 5,2 0,035

0,15  0,02
RUSHUBI II (27 %) 7 530 693 10,8 0,10
MUZINDA (35 %) 2 > 130 (*) 445 5,6
KANYOSHA (57 - 75%) 1 200 636 33,1 0,06
MOSO (25 %) 3 360 57 2,1 0,015

#0>@4;8M@40<<L434;4AC@4<Z03L;0@@L4?CZI>0@B8@3C;=8A34novembre de la campagne 84 Y 85

Tableau 1 et Figure 2 : ,0:4C@A ;=G4<<4A 34A 2=4558284<BA 3ZL@=3818:8BL "am et des coefficient de
ruissellement KRam en % des différents pédopaysages burundais

Les valeurs obtenues sont semblables à celles observées en Afrique sur sols
ferrallitiques (ROOSE et SARRAILH, 1989) :
Sols ferrallitiques issus de schiste et granite: K = 0,15 à 0,18

3
6-&+3(')-+(*3%*"&&+
2%"$$"'&+6&&3+*(*3+&,3--*-&"
Sols ferrallitiques issus de schiste micacé (Rushubi II): K = 0,075 à 0,13
Sols ferrallitiques sableux avec charge caillouteuse ou gravillonnaire au sein du
profil: K = 0,01 à 0,05
Sols ferralitiques sablo-caillouteux sur quartzite (Rushubi I): K = 0,02 à 0,065

Sols ferrallitiques sablo-argileux issus de schiste arénacé (Muzinda): K = 0,15 


Sols ferrallitiques sablo-argileux: K = 0,12

0,02

=;;4 24A 0CB4C@A :Z=<B 3L9I 2=<AB0BL :4A ;4AC@4A 38@42B4A 34 :ZL@=3818:8BL
3ZC<A=:"AC@34A>0@24::4AAB0<30@3AC<8D4@A4::4A@45:MB4<B:4A4554BA2=;18<LA34
toutes les propriétés qui influencent significativement la facilité avec laquelle un sol
particulier est érodé par la pluie (battanc4 4B :4 @C8AA4::4;4<B @86=:4 AZ8: <Z4AB >0A
couvert. K varie ainsi suivant les propriétés qualitatives et quantitatives du sol,
notamment le taux de matière organique (1) la texture du sol (2) (en particulier les
A01:4A34
I

W=C:0>@LA4<243ZL:éments grossiers) et la teneur en alumine et


fer libre qui joue significativement sur la cohésion de la structure du sol (3)
(DUCHAUFOUR Ph., 1991; SINGER et al, 1980, cité par ROOSE, 1994). La
perméabilité (4), bonne à très bonne pour chacun de ces sols, ne devrait pas
intervenir beaucoup dans leur différenciation.

3.1.2 Les principaux paramètres du sol   rodibilité des sols
(Observation des mécanismes sur les parcelles nues de Rushubi I et II et du Moso)

En tenant compte de la classification de BOLLINE et ROUSSEAU (1978) et


des critères de différenciation des pédopaysages, nous observons un comportement
;=G4< >=C@ 3855L@4<BA LB0BA 34 AC@5024 4B 3Z7C;838BL et pour toute une gamme
3Z0D4@A4A caractéristiques de la région (figures 2 et 3 + tableau 1).

La figure 3 fait allusion au caractère évolutif du coefficient K au cours du


B4;>A4<5=<2B8=<34:Z7C;838BL3CA=:34AD0@80B8=<A34A0@C6=A8BL4B34:0D8B4AA4
de décomposition des matières organiques.
Figure 3 : Les variations GXFRHILFLHQWG¶pURELOLWpK en fonction des paramètres des sols

Dans le cas des sols à forte pierrosité de Rushubi I, la présence de 10 % de


FDLOORX[UpGXLWO¶pURGLELOLWpGH, celle-ci diminuant fortement au delà de 40 % de
charge (DUMAS, 1965; POESEN, 1990; ROOSE, 1994). L¶LQGLFHGpFURvWGHHQ
trois ans au fur et à mesure du dégagement de la pierrosité en surface alors que le
taux de ruissellement annuel reste identique entre 5,5 et 7 %. La position du caillou
dans le sol a donc un effet ambivDOHQW VXU O¶LQILOWUDWLRQ HW sur la génération du
ruissellement. Pour un même pourcentage, les cailloux bien incorporés dans la
FRXFKH VXSHUILFLHOOH HQFUR€WpH GLPLQXHQW OD YLWHVVH G¶LQILOWUDWLRQ HW DFFpOqUHQW OH
UXLVVHOOHPHQW /¶pQHUJLH FLQpWLTXH GH O¶HDX Uuisselée, brisée par la forte charge
caillouteuse de surface, est cependant insuffisante pour transporter de grosses
quantités de terre (cf. diagramme de Kuntze de la figure 4).
Figure 4 : Variation de
:Z8<382434A4<A818:8BL"
des sols en fonction
de leur propriété
organo - minérale
(Kuntze et al, 1988)

Pour les sols ferrallitiques argileux à limono-argileux à bonne stabilité


structurale de Rushubi II, le mécanisme évolue différemment. Durant les deux
premières années, les matières organiques se dégradent progressivement et
affectent la stabilité de la structure en surface. Les valeurs de K deviennent
maximales en fin de deuxième année pour se stabiliser ensuite de manière
relativement proportionnelle au taux de ruissellement enregistré. Une forte diminution
34:Z8<3824A4508B@4AA4<B8@C<45=8A:Z7=@8H=<7C;85M@43L20>L?C8:08AA40>>0@0OB@4:0
structure plus grossière sous-9024<B4 4B :Z0>>0@8B8=< 3ZC< 7=@8H=< >:CA 2=7L@4<B 4B
compacte. La détachabilité des agrégats de ces sols et leur charriage sont donc
3L>4<30<BA34:ZL<4@68434:Z40C@C8AA4:L44B34:028<LB8?C43418=3L6@030B8=<34:0
;0B8M@4=@60<8?C4#0B4<4C@278;8?C434A1=C4AAZ0>>0@4<B4I24::434:0>0@24::4
ce sont en général les propriétés intrinsèques des agrégats qui y sont mesurées.
0<A :Z0<0:GA4 34A 1=C4A <=CA <Z0D=<A >0A 38AB8<6CL 34 @L4::4A 2=<24<B@0B8=<A
8AAC4A3ZC<4L@=A8=<AL:42B8D4#4C@2=;>=A8B8=<=@60<=-;8<L@0:4AZ0>>0@4<B4I24::4
du sol initial.

Le cas est légèrement différent pour les sols très argileux des matériaux
volcaniques du Moso #Z0C6;4<B0B8=< <=< <L6:86401:4 3ZC<4 0<<L4 I :Z0CB@4 34
:Z8<38243ZL@=3818:8BLAZ4AB508B401A=:C;4<B8<3L>4<30;;4<B3CB0CF34@C8AAellement
qui est resté constant. $N;4 AZ8: AZ068B 34 27855@4A ?C8 >4CD4<B NBre sujets à des
4@@4C@A@4:0B8D4A:Z8<38240B=CB34;N;43L2C>:L4<B@=is ans. Cet accroissement est
fort probablement lié à une lente et progressive dégradation chimique du sol qui le
5@068:8A4 34 >:CA 4< >:CA I :ZL@=A8=< #0 B@MA 5081:4 L@=dibilité des deux premières
0<<L4A AZ4F>:8?C4 >0@ :Z4F8AB4<24 34 1=<<4A >@=>@8LBLA =@60<=-minérales du milieu
4B:0>@LA4<243ZC<@LA40C@028<08@4>@8;8B858<AC558A0;;4<B3L2=;>=AL!:AZ068B en
>@4;84@B4;>A3ZC<simple processus mécanique au cours duquel le détachement et
le transport solide se font au gré des variations de la résistance du sol et des
concentrations de ruissellement. Une fois les fibres végétales décomposées, les
matières organiques se diluent. Le pH et la concentration organique des boues
deviennent sensiblement plus élevés que les teneurs organiques des parcelles
@4A>42B8D4A 4BB4 0C6;4<B0B8=< AZ=1A4@D4 L60:4;4<B 0C <8D40C 3C 0 2+ et de la
20>028BL 3ZL270<64 20B8=<8?C4 )0<A 0D=8@ B=CA :4A L:L;4<BA 4< <=B@4 >=AA4AA8=<
(résultats analytiques en sé@84 AC@
 0<<L4A 3Z=1A4@D0B8=< 0C ;=8<A 4B LBC34 34
:ZLD=:CB8=<@L6C:8M@434A>@=>@8LBLA>7GA8?C4A4B;L20<8?C4A34:Z7=@8H=<34AC@5024
<=CA>=CD=<A<L0<;=8<AAC>>=A4@?CZC<43L6@030B8=<>7GA82=-chimique affecte les
propriétés organo-minérales au fil des années par une décalcification lente et
progressive dans laquelle des ions Ca 2+ et une certaine forme de matière organique
agglomérés en complexe organo-métallique de type humo-calcique seraient
entraînés sous forme de micelles < 2 µ par dilution et ruissellement (DUCHAUFOUR,
1995 1RXVSRXYRQVpPHWWUHDXVVLO¶K\SRWKqVHTX¶XQHGestructuration de la surface
croît au fur et à mesure que cette dégradation affecte les agents de liaison des
agrégats. En outre, les argiles gonflantes favoriseraient la fermeture de la porosité de
surface et le ruissellement en nappe qui lui même est plus sélectif vis-à-vis de la
mise en solution des éléments nutritifs.

3.1.3 Propriétés physico-chimiques des matériaux solides charriés et


analyses des processus de sélectivité (Observation des mécanismes sur les
parcelles cultivées de Rushubi II et du Moso)

Pour avoir un ordre de grandeur sur la sélectivité des éléments transportés


par ruissellement, nous avons comparé le pédopaysage de Rushubi II qui
représente la majorité des sols cultivés du milieu rural à celui du Moso, dont la
fertilité est supérieure 1RXV IRUPXORQV O¶K\SRWKqVH TXH OHV UpVXOWDWV VRQW
extrapolables aux sols argileux acides de type ferralsol naturellement pauvres en
cations basiques de Rushubi II et aux sols argileux eutrophes de type ferrisol,
naturellement riches en ces mêmes cations du Moso et aux sols récents superficiels
acides de type régosol développés sur pentes très fortes, particulièrement pauvres
en matière organique (Kanyosha).

Le sol de la parcelle WISCHMEIER de Rushubi II (parcelle 18) est un ferralsol


W\SLTXHIRUWHPHQWDFLGHTXLQ¶DUHoXDXFXQDSSRUWRUJDQLTXHDYDQWHWGXUDQWWRXWHOD
SpULRGH GH O¶HVVDL /D FDSDFLWp G¶pFKDQJH HVW WRWDOHPHQW GpVDWXUpH HW OD WR[LFLWp
aluminique trqVIRUWH$O¶LQYHUVHODSDUFHOOH cultivée (parcelle 16) a reçu en octobre
1990 une quantité importante de fumier bovin (110 T/ha). Ce redressement
organique était absolument nécessaire après 4 années de cultures consécutives
sans apport. Les analyses réalisées après fertilisation révèle que le sol est moins
DFLGHSRVVqGHXQHERQQHWHQHXUHQSKRVSKRUHHWD]RWHHWXQHFDSDFLWpG¶pFKDQJH
FDWLRQLTXH VDWXUpH HQWUH  HW   'H SOXV OD GpWR[LILFDWLRQ GH O¶DOXPLQLXP
échangeable par la matière organique fraîche apparaît efficace au moins pendant les
GHX[SUHPLqUHVDQQpHVGHODURWDWLRQSXLVTXHO¶LQGLFHGH.$035$7+HVW 4.

Le manioc (septembre 90 à juin 92), cultivé sur billon isohypse et légèrement


paillé de déchets de labour, profitant pleinement de cette fertilisation, a enregistré
des pertes en terre insignifiantes (moins de 3 T/ha). La baisse progressive de fertilité
que nous observons entre mars et septembre 91 (figure 5 Q¶HVWSDVOLpHDXWUDQVSRUW
GH PDWpULDX[ VROLGHV PDLV j O¶H[SRUWDWLRQ GHV fertilisants par la culture et à leur
OHVVLYDJH&HVVROVRQWGRQFXQHFDSDFLWpG¶pSXLVHPHQWWUqVUDSLGHHWGHPDQGHQWj
être entretenus régulièrement par des apports de matières organiques fraîches
préalablement compostées. Lorsque les pertes en terre sont très fortes, comme cela
a été le cas par la suite avec la campagne du maïs et du haricot (156 T/ha), les
EDLVVHV GH IHUWLOLWp Q¶RQW SDV pWp VLJQLILFDWLYHPHQW SOXV pOHYpHV /D EDLVVH WRXMRXUV
progressive, est atténuée par rapport à la campagne précédente.

4
Indice de KAMPRATH (Ik.) = Al3+ / Sommes des bases + H+ + Al3+3OXVO¶LQGLFHHVWpOHYpSOXVODWR[LFLWpSDU
O¶DOXPLQLXP pFKDQJHDEOH HVW IRrte. Le seuil de tolérance pour la plupart des cultures vivrières est de 30%
(OPDECAMP, 1988).
Figure 5 : Evolution de la sélectivité en nutriments des terres érodées sur parcelle cultivée entre 1990
et 1994 (rotation Manioc-Manioc-Maïs-Haricot-Jachère cultivé sur billon isohypse et légèrement paillé
de déchets de labour).

Une des explications relève de la forte minéralisation du fumier en première


année qui libère des nutriments en abondance. Ils sont en grande partie assimilés
par le manioc qui voit sa production tripler comparativement à une situation non
fertilisée. Les récoltes des campagnes 85-87 et 87-89 ont donné une moyenne de
11,5 T/ha et la campagne 90-92 avec fumure, une moyenne de 35 T/ha.

Nous pouvons VXSSRVHUTX¶XQHDXWUHSDUWLHHVWPLVHHQVROXWLRQSXLVOHVVLYpH


par les eaux gravitaires et les écoulements hypodermiques du sol. Nous verrons
dans le § 3.2.2 que le lessivage interne par drainage latéral ou vertical, mesurée
qualitativement sur percolat, Q¶HVWHIIHFWLYHPHQWSDVQpJOLJHDEOH. Une fois que les «
H[FpGHQWV PLQpUDX[ªRQWpWpH[SRUWpVG¶XQH PDQLqUHRXG¶XQHDXtre, les quantités
UHVWDQWHV VRQW UHWHQXHV VXU OH FRPSOH[H G¶pFKDQJH HW OLEpUpHV HQ IRQFWLRQ GHV
besoins de la végétation.
Les matériaux charriés ont pour ainsi dire les mêmes propriétés que les
colloïdes (cf. indice de sélectivité du tableau 2). Les éléments migrent surtout sous
forme solide (terre de fond et suspension). Cela confirme ce que nous avons observé
pour un sol argileux, à savoir que le ruissellement, essentiellement de type linéaire,
pYROXH SURSRUWLRQQHOOHPHQW j O¶LQGLFH G¶pURGLELOité en détachant et transportant les
agrégats. La sélectivité observée concerne les cations dont la migration se fait
également en solution. Les éléments calco-magnésiens évoluent de manière
proportionnelle à la minéralisation des matières organiques humifiées. Ce processus
entraîne une désaturation du complexe absorbant par élimination plus rapide des
deux principaux cations basiques, Ca 2+ et Mg2+ et une augmentation de O¶DFLGLWp
G¶pFKDQJH ++ et Al3+ FRQVpFXWLYHjODGLPLQXWLRQGHO¶HIIHWQHXWUDOLVDQWGu Ca2+. Ce
UpVXOWDWHVWODORJLTXHG¶XQlessivage des cations basiques plus intense en condition
acide. Les précipitations tropicales abondantes et à haute température provoquent
une rapide minéralisation des matières organiques peu évoluées, une dissociation
des complexes humo-calciques et le lessivage des cations calco-magnésiens. Le
SRWDVVLXP LRQ PRLQV PRELOH VHPEOH DX FRQWUDLUH rWUH SOXV VWDEOH j O¶pJDUG GX
transport solide et en solution.

Si on compare la qualité des terres érodées et des eaux ruisselées recueillies


jO¶DYDOGH la parcelle WISCHMEIER au sol en place sur ces 10 premiers cm (tableau
2), on en tire des conclusions identiques. La croissance des pertes chimiques est
presque parallèle à celle des pertes en terre. Elle est donc fonction inverse du
couvert végétal. Nous constatons aussi que les concentrations en éléments nutritifs
RQWWHQGDQFHjEDLVVHUORUVTXHO¶pURVLRQFURvWHWOHVROHVWSOXVDSSDXYUL H[HPSOHGH
.DQ\RVKD PDLVOHVWHQHXUVGpFURLVVHQWPRLQVYLWHTXHQ¶DXJPHQWHQWOHVYROXPes de
WHUUHHWG¶HDX
Tableau 2 : Pertes sélectives en nutriments sur les deux sites de Rushubi II et du Moso durant la
campagne 90-93.

EROSION TOTALE en Kg/ha/an INDICE DE SELECTIVITE par


rapport au sol en place
(10 cm)
Campagnes Sol nu Cultures peu Sol nu Cultures peu
1990 - 1993 protectrices * protectrices *
Rushubi II Moso Rushubi II Moso Rushubi II Moso Rushubi II Moso
Carbone org. total 16 780 831 1 270 175 0,8 1,35 1,0 1,1
Azote org. totale 1 570 81 140 17,6 0,9 1,15 0,9 1,25
Phosphore org. 19,2 1,4 5,6 0,15 0,85 1,3 0,8 5
total
CaO échangeable 108 126 59 28,2 3,3 1,6 2,6 1,7
MgO échangeable 12,6 32,4 10,5 8,1 0,9 0,9 1,4 1,0
K2 O échangeable 26,3 20,3 2,1 3,7 0,8 1,1 0,4 1,0

Argiles 0-2 µm en
T/ha 488 49 33,7 8,4 0,95 0,9 0,9 1,0
Erosion annuelle
moyenne en T/ha 694 56 53 9,8 0,60** 0,045 0,05** 0,008
Ruissellement
annuel moyen en 1845 229 689 82 -- --
3
m /ha

pH 4,9 6,5 5,6 7,0 1,2 1,1 1,2 1,1


Conductivité 0,017 0,053 0,037 0,057 0,24 2,6 0,55 4,8

bovin en tête de rotation: pertes manioc (90-92) = 1,5 T/ha/an; pertes maïs-haricot (92-93) = 156 T/ha Ÿ
* Rushubi II: Moyenne des pertes sur une rotation Manioc-Manioc-Maïs-Haricot avec forte fumure de fumier

moyenne de 53 T/ha/an

T/ha/an; pertes maïs-jachère (92-93) = 8,8 T/ha Ÿ moyenne de 9,8 T/ha/an


Moso: Moyenne des pertes sur une rotation Manioc-Manioc-Maïs-Jachère : pertes manioc (90-92) = 10,3

** Calculé par rapport à 10 cm de sol (densité apparente = 1,15 pour Rushubi II et 1,24 pour le Moso)
2+ 2+
Remarque : 1 meq Ca /100 gr. = 20,04 mg de Ca /100 gr. = 28 mg de CaO /100 gr.
2+ 2+
1 meq de Mg /100gr. = 12,154 mg de Mg /100 gr. = 20 mg de MgO /100 gr.
+ +
1 meq de K /100gr. = 39,103 mg de K /100 gr. = 47 mg de K2O /100 gr.

Au Moso, les pertes sont proportionnellement plus riches en éléments nutritifs


que le sol en place, ce qui le distingue absolument des terres acides du pédo-
paysage de Rushubi II&¶HVWQHWSRXUOHFDUERQHO¶D]RWHOHFDOFLXPHWHQFRUHSOXV
pour le phosphore sous culture. /¶pURVLRQDX0RVRHVWGRQFSOXVVpOHFWLYHYLV-à-vis
des nutriments probablement parce que le ruissellement en nappe est le processus
GRPLQDQW VXU XQ WHO VRO R OD SUpVHQFH G¶DUJLOH  HW OHV IRUWHV WHQHXUV HQ DUJLOH
contribuent au colmatage des pores en surface. La concentration des pertes en
cations assimilables: K+, Ca2+ et Mg2+ est respectivement 10, 15 et 30 fois supérieure
à celle analysée dans les boues de Rushubi II. La mise en solution des fertilisants,
PDQLIHVWHPHQW SOXV LPSRUWDQWH DX 0RVR TX¶j 5XVKXEL HW SOXV HQFRUH TX¶j
.DQ\RVKD HVWG¶DXWDQWSOXVPDUTXpHTXHOHYROXPH érodé est faible. &¶HVWDXVVLOH
FDVORUVTXHO¶RQSDVVHGXVROQXjODFXOWXUH&HFRQVWDWQHSHUPHWSDVG¶H[SOLTXHUOH
phénomène de ravinement observé dans ce pédo-SD\VDJH PDLV LO Q¶HVW SDV
LPSRVVLEOHTX¶LO\FRQWULEXHHQSDUWLH.

En accord avec ROOSE (  FHOD V¶H[SOLTXH GH GHX[ PDQLqUHV 3OXV OD
compétence du ruissellement en nappe est faible, plus sa vitesse est ralentie par la
rugosité de la surface du sol, des tiges et des racines découvertes et de la litière.
/¶pURVLRQ pYDFXH HQ SULRULWp OHV PDWières légères et son écoulement plus lent et
aréolaire favorise la mise en solution des éléments fertilisants les plus solubles. A
O¶LQYHUVH SOXVOD YLWHVVH GHUXLVVHOOHPHQW FURvW SOXV HOOH SURYLHQW GH ULJROHVGH WHOOH
sorte que les terres décapées sont sélectivement moins enrichies.

Les pertes pondérales en cations du sol du Moso Q¶RQW ULHQ GH


FDWDVWURSKLTXH pWDQW GRQQp TXH OHV UpVHUYHV DSSDUDLVVHQWLQpSXLVDEOHV ,O Q¶HQ HVW
pas de même sur le plan de la matière organique (C org et Norg) et du phosphore qui
peuvent devenir rapidement déficients et constituer une contrainte préoccupante
après quelques années de culture intensive sans restitution organo-PLQpUDOH &¶HVW
ce qui explique la mauvaise récolte de maïs en 93 (non mesurée car insignifiante)
succédant à une excellente récolte de manioc (35,5 T/ha non écorcé). Quant au sol
de Rushubi II, la démonstration des pertes par lixiviation, érosion et exportation par
les cultures a été faite.

Les analyses effectuées sur le site de Kanyosha montrent que sur de telles
SHQWHV OD YLWHVVH HW O¶pQHUJLH GX UXLVVHOOHPHQW OLQpDLUH charrient de préférence des
PDWpULDX[ SOXV JURVVLHUV HW LQHUWHV &HV PDWpULDX[ VRQW G¶DXWDQW SOXV ULFKHV HQ
VDEOHVVLOLFHX[TX¶LOVVRQWSDXYUHVHQpOpPHQWVQXWULWLIV LQGLFHGHVpOHFWLvité moyen =
0,5-0,6 excepté pour le phosphore). Cette non sélectivité montre le déséquilibre
accéléré du bilan des nutriments et des matières organiques au niveau du sol en
place. Si les argiles ne sont pas, elles aussi, emportées de manière sélective, il Q¶HQ
GHPHXUH SDV PRLQV TX¶HQ UpJLPH G¶pURVLRQ LPSRUWDQWH ! 7KDDQ  FH PLOLHX
évolue rapidement vers une squelettisation par accumulation relative des particules
grossières à la surface (cailloux et sables grossiers). Dans tous les cas, il importe de
pratiquer régulièrement une fumure organo-minérale.
3.1.4 /¶pURVLRQ OLQpDLUH HVW FRQGLWLRQQpH HQ SULRULWp SDU OH IDFWHXU
topographique

D¶DXWUHV IDFWHXUV caractéristiques des paysages agraires burundais, ont une


influence et une interaction complexe sur le comportement de sols vis-à-vis de
O¶pURVLRQ K\GULTXH LO V¶DJLW SDU RUGUH G¶LPSRUWDQFH GX IDFWHXU WRSRJUDSKLTXH GX
couvert végétal et des averses exceptionnelles.

/¶HIIHWORQJXHXUHWLQFOLQDLVRQGHSHQWHjO¶pFKHOOHGHODSDUFHOOH : /¶LPSRUWDQFe
GH O¶pURVLRQ HVW FRQVLGpUDEOHPHQW LQIOXHQFpH SDU O¶LQFOLQDLVRQ GH OD SHQWH &¶HVW XQ
IDLWELHQFRQQXGHVDJULFXOWHXUVEXUXQGDLVTXLFKHUFKHQWjGpYLHUSDUQ¶LPSRUWHTXHO
moyen les écoulements parfois torrentiels qui laminent leurs champs fortement
exposés.

Son ampleur est caractéristique des versants gneissiques pentus du


pédopaysage de Kanyosha constitués de sols récents de profondeur variable (10 à
80 cm au plus). Les ménages qui occupent ces sites cultivent le manioc sur un cycle
de cinq années: travaux du sol et bouturages réalisés généralement en fin de saison
des pluies, deux sarclages effectués dans les huit mois suivants, récolte échelonnée
durant la deuxième et troisième année, puis abandon à la jachère les deux dernières
DQQpHVGXF\FOH&¶HVWle facies « manioc en friche » défini par PAULTRE (1992).

Les pentes ainsi cultivées peuvent atteindre pour les extrêmes 100 % (45°);
F¶HVW OD OLPLWH VXSpULHXUH FXOWLYpH REVHUYpH GDQV OH SD\V /H GpFRXSDJH SDUFHOODLUH
en lanières est également typique des paysages de fortes pentes et leur allongement
HVW G¶DXWDQW SOXV PDUTXp TXH OD SHQWH HVW IRUWH /D ORQJXHXU GH SHQWH DXWUH
paramètre relié au facteur topographique, peut dépasser les longueurs normales du
pays et atteindre ordinairement une quarantaine de mètres de long. Le découpage
GHV SDUFHOOHV HQODQLqUHVUHVVRUW HQ SUHPLHUOLHX G¶XQHORJLTXH GX WUDYDLOGX VRO VXU
de telles pentes. Le labour de bas en haut en bande étroite est moins difficile; il
permet un retournement plus complet de la motte et facilite le rejet des pierres et des
racines du chiendent de parW HW G¶DXWUH en alignements verticaux. Cela demande
moins de travail à une époque en général surchargée (COCHET, 1993). En second
OLHXOHV\VWqPHG¶KpULWDJHpFKHORQQpFRQWULEXHDXVVLjVDPDQLqUe au morcellement.
'DQVXQVRXFLG¶pTXLWpOHSDUWDJHVHIHUDGDQVOHVHQVGHODORQJXHXUDILQTXHOHV
KpULWLHUV DLHQW FKDFXQ XQH WHUUH GH IHUWLOLWp pTXLYDOHQWH O¶DPRQW pWDQW VRXYHQW SOXV
pURGpTXHO¶DYDOHQUDLVRQGXFUHHSLQJHWGXFROOXYLRQQHPHQW 

NoV HVVDLV RQW GRQF UHVSHFWp j OD IRLV O¶LWLQpUDLUH WHFKQLTXH SUDWLTXp SDU OHV
agriculteurs et les conditions topographiques de ce pédopaysage. Deux années de
mesure sur le site de Kanyosha ont permis G¶LGHQWLILHUO¶HIIHWGHO¶LQFOLQDLVRQ j
80 %) et de ODORQJXHXU GH SHQWH   HW PqWUHV  VXU O¶pURVLRQ GX PDQLRF GH
2ème année et de la première année de jachère.
Tableau 3 et figure 6 : Ruissellement et perte en terre annuels sur parcelle Wischmeier de différente
inclinaison et productivité du manioc

N° Parcelle et surface Pente expérimentale Ruissellement Perte en terre Production de


en m² en % annuel (KRa) (A) en T/ha manioc en T/ha
en %
5 x 20 = 100 57 à 75 (convexité) 33,1 636 -
Parcelle Wischmeier
[ ([)
[ ([ )
10 x 10 = 100 40 22,0 (4,8) 5,2

69,1 ( [)
10 x 20 = 200 45 32,6 (1,7) 4,9
10 x 40 = 400 42 5,2 (1,1) 3,7
[ ( [)
47,5 ( [)
10 x 10 = 100 66 11,5 (6,8) 7,8
10 x 20 = 200 59 à 70 (convexité) 34,1 (4,5) 6,9
10 x 40 = 400 78 12,3 (2,7) 120 (21,4) 7,5

(...) = première année de jachère [ = petite perte non quantifiable

La littérature scientifique rapporte que lorsque O¶LQFOLQDLVRQ GH OD SHQWH


DXJPHQWHO¶pQHUJLHFLQpWLTXHGXUXLVVHOOHPHQWV¶DFFpOqUHHWDFFURvWOHWUDQVSRUWGHV
matériaux. De nombreux auteurs ont montré en effet que les pertes en terre
FURLVVHQWGHIDoRQH[SRQHQWLHOOHDYHFO¶LQFOLQDLVRQ(Q$IULTXHFHQWUale, HUDSON et
JACKSON (1959, in ROOSE, 1994) proposent une formule, E = K Sn où n varie entre
1,63 sur des rotations complètes (y compris prairies et jachères), 2,02 sur sols
argileux et 2,17 sur sols sableux cultivés en maïs de façon intensive. Plus tard,
HUDSON (1973) préconise un coefficient de 2 pour les conditions africaines en
V¶DSSX\DQWVXUXQSOXVJUDQGQRPEUHGHUpVXOWDWV

Cela se confirme plus ou moins exactement sur les versants pentus du


contrefort gneissique de la crête Congo-Nil (avec 1,75  Q    R O¶RQ REVHUYH
SOXV G¶pURVLRQ VXU OHV SDUFHOOHV FXOWLYpHV OHV SOXV H[SRVpHV LQFOLQDLVRQ !    j
FRQGLWLRQGHWHQLUFRPSWHG¶XQHORQJXHXUGHSHQWHVXSpULHXUHjP

Nos essais (tableau 3 et figure 6) PRQWUHQWTXHOHVULVTXHVV¶DJJUDYHQW au fur


HW j PHVXUH TXH OD SDUFHOOH V¶DOORQJH FH TXLHVW XQ FDV IUpTXHQW GDQV FH SD\VDJH
rural. Les ruissellements et les pertes diminuent considérablement dès que la
parcelle est laissée en jachère, mais néanmoins, sur ces mêmes parcelles allongées,
nous avons encore enregistré plus de vingt tonnes de perte en terre avec pourtant
PRLQVGHGHUXLVVHOOHPHQW/¶HIIHWORQJXHXUGHSHQWHLQIOXHGRQFPDQLIHVWHPHQW
VXU O¶DFFpOpUDWLRQ GX UXLVVHOOHPHQW $X-delà de 25- PqWUHV G¶pFRXOHPHQW VXU XQH
pente de plus de 50 -55%, il prend une énergie suffisamment puissante pour charrier
des matériaux solides que ce soit sous manioc ou jachère. Sur les pentes moins
fortes (< 50 %), son énergie est stoppée par la végétation de la jachère. Ce n'est
pas le cas avec le manioc.

,O HVW pJDOHPHQW LQWpUHVVDQW GH UHOHYHU TXH OD TXDQWLWp G¶HDX UXLVVHOpH Q¶HVW
pas proportionnelle aux poids des pertes en terre, ni à la longueur, QLjO¶LQWHQVLWpGH
la pente. /¶pQHUJLH FLQpWLTXH GX UXLVVHOOHPHQW GpSHQG LFL SOXV GH VD YLWHVVH
G¶pFRXOHPHQW HW GH VD FKDUJH VROLGH WRWDOH TXH GX YROXPH G¶HDX OXL-même. Plus la
pente est longue et forte, plus les volumes ruisselés ont tendance à se départager en
GHX[ FDWpJRULHV SDUOH IDLW TX¶XQH SDUWLH GHV YROXPHV GLPLQXH HQ V¶pWDODQWGDQV XQ
UpVHDX G¶pFRXOHPHQW SOXV YDVWH HW PDO KLpUDUFKLVp DORUV TXH O¶DXWUH DX FRQWUDLUH
V¶RUJDQLVH DX WUDYHUV G¶XQ UpVHDX SOXV RUJDQLVp HW VH FRQFHQWUH SRXU DFFURvWUH VRQ
pQHUJLH &¶HVW XQH VLWXDWLRQ SDUDGR[DOH GpMj REVHUYpH SDU G¶DXWUHV DXWHXUV /$/
1976, ROOSE, 1967 à 1980, VALENTIN, 1978) dans laquelle les écoulements les
SOXVIDLEOHVHWOHVPRLQVFKDUJpVRQWGHVSRVVLELOLWpVG¶LQILOWUDWLRQSOXVpOHYpHVFDULOV
deviennent plus dépendants des propriétés hydrodynamiques du sol que de la pente
elle-même. Quant aux écoulements les plus concentrés, même si leur volume en eau
HVW SHX LPSRUWDQW OHXU pQHUJLH V¶DPSOLILH DYHF OD SHQWH SRXU FUHXVHU DUUDFKHU HW
briser les agrégats et les transporter hors de la parcelle. En général, lorsque la pente
FKDQJH OHV IRUPHV G¶pURVLRQ change. Dans certaines conditions de sol aux
structures fragiles et fines, les pentes faibles peuvent occasionner de très forts taux
de ruissellement et de faibles pertes après que les effets splash et les premiers
ruissellements en nappe ont colmaté les pores de surface. En revanche, sur pente
forte, la rugosité des sols est plus durable (effet du labour ou du binage) et les
SKpQRPqQHVG¶HQFUR€WHPHQWSOXVH[FHSWLRQQHOV7RXWODLVVHjSHQVHUTXHODVXUIDFH
porale est plus importante et permet une plus grande infiltration sauf lorsque la pente
hydraulique excède un seuil. Dans ce cas, les ruissellements se concentrent,
FKDUULHQWGHODWHUUHHWDFFURLVVHQWO¶pURVLYLWp ( ò09ð 

'DQV OD UpJLRQ GHV FRQWUHIRUWV GX 0XPLUZD QRXV SRXYRQV FRQILUPHU TX¶LO
existH GHV VHXLOV G¶LQFOLQDLVRQ HW GH ORQJXHXU GH SHQWH HQ GHVVRXV GHVTXHOV OD
FURLVVDQFH GH O¶pURVLRQ LQWUDSDUFHOODLUH  HVW IDLEOH RX QXOOH PrPH VL OHV YROXPHV
G¶HDX UXLVVHOpH VRQW pOHYpV HW DX-GHVVXV GHVTXHOV O¶pURVLRQ V¶DFFpOqUHQW
brusquement. On constate par exemple, les particularités suivantes:
- 3HXRXSDVGHULVTXHG¶pURVLRQVLODSDUFHOOHFXOWLYpHHVWLQIpULHXUHj-12 m
de long, même en condition de pentes extrêmes. Un simple obstacle tous les dix
mètres suffirait donc à empêcher tout transport de charges solides. Nos études ont
HQ HIIHW PRQWUp TX¶XQH VLPSOH UDQJpH G¶KHUEH IL[DWULFH réduit considérablement
O¶pURVLRQGHPDWLqUHVROLGHGHVSDUFHOOHVDOORQJpHVGDQVOHVHQVGHODSHQWH.
- Pas ou peu de risque si la peQWHQ¶H[FqGHSDVXQVHXLOGHHWODSDUFHOOH
 PqWUHV GH ORQJ 2Q SHXW FRQVLGpUHU TX¶LO V¶DJLW GX VHXLO WRSRJUDSKLTXH RSWLPDO
toléré. Au-GHOjOHVULVTXHVV¶DFFURLVVHQWEUXVTXHPHQW
- Les longues parcelles continues sur pente excédant 50 % entraînent
systématiquement un transport solide.

En se référant à certains auteurs (WISCHMEIER et al, 1958; WISCHMEIER,


1966; HUDSON, 1957-=,1* QRXVDGPHWWURQVDXVVLTXHO¶pURVLRQHWOD
ORQJXHXUGHSHQWHSHXYHQWSOXVYDULHUG¶XQHDQQpHjO¶DXWUHTXH G¶XQVLWHjO¶DXWUHHW
TXHO¶LQIOXHQFHGHODORQJXHXUVXUOHUXLVVHOOHPHQWHVWHQFRUHPRLQVQHWWHFDUHOOHHVW
IRQFWLRQGHO¶KXPLGLWpSUpDODEOHHWGHO¶pWDWGHVXUIDFHGXVRO
6XUOHVEDVHVGHQRVPHVXUHVHWjWLWUHG¶H[HPSOHOHVWRQQHVPHVXUpHV
sur la parcelle de manioc de 40 m de long correspondent à un décapage de 7,5 mm
GHO¶KRUL]RQGHVXUIDFHFHTXLHVWFRQVLGpUDEOHSRXUOHW\SHGHVROFRQVLGpUp 5. A ce
rythme, les dix à vingt cm de la couche arable de ces versants disparaîtront entre 13
et 25 DQV V¶LOV VRQW FXOWLYpV HQ FRQWLQX URWDWLRQ GX PDQLRF VXU OXL-même sans
jachère). Cette même parcelle laissée en jachère enregistre 21,4 tonnes de perte soit
encore un décapage de 1,5 mm. Dans le système du « manioc en friche », chacune
des rotations quinquennales contribue à un décapage moyen de 2 cm de sol. La
GXUpHGHYLHGHO¶KRUL]RQRUJDQLTXHHVWDORUVG¶XQGHPL-siècle seulement, ce qui est
WRXWGHPrPHGHX[jTXDWUHIRLVPRLQVLPSRUWDQWTX¶HQUpJLPHLQWHQVLI Ce bilan ne
tient pas compte de la baisse SURJUHVVLYHGHODIHUWLOLWpGXVROGRQWO¶HIIHWDJLWGHSOXV
en plus sur la diminution du couvert végétal due aux carences hydriques et
minérales. Ce système de culture pratiqué est donc en partie adapté aux conditions
extrêmes de ce pédopaysage, mais le U\WKPHG¶pURVLRQREVHUYpHQpFHVVLWHTX¶LOVRLW
DPpOLRUpG¶XUJHQFH 1RXV devons nous poser aussi la question de sa rentabilité au
regard des productions très médiocres de manioc relevées sur nos essais (5,8 T/ha).
Il V¶DJLW SOXV G¶XQH QpFessité pour la famille paysanne TXH G¶DFFXPXOHU GHV VXUSOXV
sur des terres « dites » marginales.

3.2 Données sur bassins versants élémentaires

 'HVSURFHVVXV G¶érosion et G¶DFFXPXODWLRQ complexes conditionnés par


la morphologie du terrain

1RXV YHQRQV G¶DQDO\VHU OH FRPSRUWHPHQW GH O¶pURVLRQ j O¶pFKHOOH G¶XQH


parcelle, elle même quadrillée dans son contexte expérimental par des planches
SRXU pYLWHU WRXWHV FRQWDPLQDWLRQV GHO¶DPRQW 0DLV TX¶HQ DGYLHQW-LOORUVTX¶LO V¶DJLW, à
O¶pFKHOOHG¶XQEDVVLQYHUVDQWpOpPHQWDLUH de pentes dépassant 50, voire 100 mètres
de longueur avec des variations dans sa morphologie et une hétérogénéité du
milieu ?

,O HVW GLIILFLOH G¶HVWLPHU O¶LQIOXHQFH GHV IRUPHV G¶XQ YHUVDQW VXU OHV SURFHVVXV
G¶pURVLRQ /HV PXOWLSOHV YLVDJHV GX SD\VDJH combinés avec les variations
qualitatives des sols (rugosité et perméabilité) sont soumis à des phénomènes
hydrologiques qui leur sont propres. En règle générale, la présence des pentes
concaves et de replats de versant sont le lieu de colluvionnements sédimentaires et
de piégeages de nutriments. Au contraire, la convexité et la régularité des pentes
DX[TXHOOHVLOIDXWDMRXWHUO¶LQFOLQDLVRQVRQWGHVIDFWHXUVTXLLQWHUDJLVVHQWVXUO¶pURVLRQ
Des zones de décapage préférentiel et de ravinement (ou de glissements) coïncident
avec les sites où plusieurs paramètres de milieu (texture et structure sensibles à
O¶pURVLRQSODQVGHJOLVVHPHQWRXGLVFRQWLQXLWpVVWUXFWXUDOHVHWSRUDOHVDYHFLQYHUVLRQ
des caractéristiques hydrodynamiques,...) interfèrent entre eux et accentuent les
ULVTXHVG¶pURVLRQ&HODUHYLHQWGRQFjGLUHTXHODSRVLWLRQGDQVODWRSRVpTXHQFHHVW
VRXYHQW SOXV LPSRUWDQWH SRXU O¶pURVLRQ TXH OH VHXO IDLW GH O¶LQFOLQDLVRQ HW GH OD
longueur de pente ou du ruissellement. Nos études menées sur les deux petits
bassins versants élémentaires le confirment tout à fait.

&HV GHX[ EDVVLQV YHUVDQWV GH  HW  KD VLWXpV GDQV O¶HVFDUSHPHQW j
bananier du Mumirwa central sont représentatifs du pédopaysage de Rushubi II
5
/DGHQVLWpDSSDUHQWHPR\HQQHGHVPDWpULDX[WUDQVSRUWpVHVWGHHWFHOOHGHO¶KRUL]RQGHVXUIDFH
(facies des collines en « demi-orange » sur schiste SpOLWLTXHGHO¶DQQH[H). Les deux
déversoirs avaient été proportionnés en fonction des résultats obtenus
antérieurement sur les parcelles expérimentales de Rushubi II&¶pWDLWPDODSSUpFLHU
OHV PpFDQLVPHV G¶pURVLRQ et leur fonctionnement qui sont intimement liés à la
diversité morphologique du paysage HWjO¶RFFXSDWLRQGXVRO. Les résultats des pertes
en terre et des ruissellements enregistrés sur plusieurs années ont en effet contredit
tous les pronostics qui se sont avérés infiniment exagérés par rapport à la réalité.

Tableau 4 : Comparaison des pertes en terre et ruissellements annuels moyens des deux
dispositifs expérimentaux (parcelles et bassins versants)

Nombre Agressivité Pertes en terre Ruissellement


G¶DQQpHV annuelle annuelles annuel moyen
expérimentales moyenne moyennes en en % (KRam)
(de 1987 à 1990) (Ram) Kg/ha (A)
BV N° 1 "Cirisha" 2 475 108 0,065
(4 hectares)
BV N° 2 "Nyarumpongo" 2 408 33 0,03
(6,5 hectares)
Parcelles de 200 m² 4 536 4350 1,24
cultivées (Rushubi II) *

(*) Moyenne des parcelles de Rushubi II sur lesquelles ont été expérimentés du manioc sur buttes
LQGLYLGXHOOHVHWGXPDQLRFVXUELOORQVLVRK\SVHVDVVRFLpVRXQRQjGHVEDQGHVGHWULSVDFXPG¶PGH
large et équidistantes de 7 m.

Les écarts de O¶pURVLRQHQWUHOHVGHX[pFKHOOHVGHSRXUOHVSHUWHVHQWHUUH


et de 30 pour le ruissellement, montrent que les pertes au champ sont infiniment
supérieures (tableau 4) (OOHV QH VRQW SDV H[WUDSRODEOHV j O¶HQVHPEOH G¶XQ EDVVLQ
versant. Dans le cas de nos deux bassins expérimentaux, leur morphologie, leur
fonctionnement hydraulique, la différenciation de la fertilité naturelle des sols et la
GHQVLWp G¶RFFXSDWLRQ VRQW DXWDQW GH IDFWHXUV TXL LQWHUDJLVVHQW VXU OH FRPSRUWHPHQW
hydraulique des différentes unitéVpOpPHQWDLUHVTXLOHVFRPSRVHQW/¶pWXGHPRUSKR-
pédologique et hydrodyQDPLTXH j O¶pFKHOOH GX   ème des deux bassins
(DUCHAUFOUR et PARTY, 1988) explique cette disparité (figures 7 à 11) :

ƒ La forte occupation du sol dans les zones les plus fertileVRO¶RQREVHUYH


une densité élevée avec 5 à 7 associations culturales différentes (figures 8
et 9). Cette densité est remarquable dans la concavité des pentes
occupées surtout par une bananeraie dense et la colocase. Elle assure un
excellent couvert végétal continu dans le tiers inférieur du bassin qui
DEVRUEHO¶pQHUJLHFLQpWLTXHGHVJRXWWHVGHSOXLH
ƒ Au niveau du fonctionnement hydraulique, on constate une inversion des
YLWHVVHV G¶LQILOWUDWLRQHQWUHO¶DPRQW HWO¶DYDO HQ SDVVDQW SDU XQ RSWLPXP  j
mi-parFRXUV ILJXUHVHW 8QHJUDQGHSDUWLHGHO¶HDXGHSOXLHV¶LQILOWUH
en amont et circule dans les couches en profondeur pour alimenter la
nappe phréatique des bas-fonds ou déboucher à la surface sous forme de
VRXUFHjO¶H[WpULHXUGHVEDVVLQV
ƒ La fertilité des sols associée à ses caractéristiques morphologiques donne
une bonne idée des processus pédogénétiques et érosifs qui se déroulent
dans les bassins. On observe un début de dégradation des hauts de
bassin abrupts par appauvrissement physico-chimique (acidification,
GpVDWXUDWLRQGXFRPSOH[HDEVRUEDQWDSSDULWLRQG¶XQHWR[LFLWpDOXPLQLTXH 
et enrichissement des thalwegs concaves à profil arrondi et des replats
dans lesquels les pH (6 à 7,5), les concentrations organiques (5 à 8 %) et
les CEC (>20 méq/100 g de terre, saturées) sont élevées (figure 7).
/¶HIIHWGXFKDQJHPHQWG¶pFKHOOHVXUOHVSHUWHVJOREDOHVHVWpYLGHQWPDLVFHOD
QHYHXWSDVGLUHTXHO¶pURVLRQK\GULTXHQHVHPDQLIHVWHSDV0rPHV¶LOHVWGLIILFLOHGH
quantifier les pertes au niveau parcellaire, il est possible malgré tout de porter un
MXJHPHQWVXUO¶pYROXWLRQGHO¶pURVLRQGHVEDVVLQV(QVHUpIpUDQWjODGHVFULSWLRQGHV
profils pédologiques et à leur analyse physico-chimique, nous avons ainsi constaté le
UpDUUDQJHPHQW j O¶LQWpULHXU PrPH GX V\VWqPH DYHF HQULFKLVVHPHQW j O¶DYDO DX[
GpSHQVG¶XQDSSDXYULVVHPHQWHWG¶XQHGpJUDGDWLRQHQDPRQW :
ƒ (URVLRQ HQ QDSSH DX QLYHDX GH O¶DUrWH VRPPLWDOH LPSOXYLXP  UHSULV WUqV
UDSLGHPHQWSDUO¶pURVLRQOLQpDLUHHWOHFUHHSLQJVXUOHVSHQWHVIRUWHV0LFro-
glissements successifs et petites coulées boueuses (de quelques dizaines
de mètres) favorisés par la faible profondeur de la roche mère en zone
amont (figures 7 à 11).
ƒ Accumulation organique avec saturation des complexes absorbants dans
les replats et pentes concaves et baisse de fertilité sous cultures peu
couvrantes dans le tiers supérieur des bassins (figures 7 à 11).

Figure 7 : Toposéquence géomorphopédologique du BV de Nyarumpongo (N°2)


Figures 8 et 9 : Fonctionnement des systèmes-VROVHQIRQFWLRQGHO¶RFFXSDWLRQGXVRO et de la géomorphologie et Figures 10 et 11: Conductivité hydraulique
20 des horizons
positionnement des dispositifs lysimétriques des deux BV de Cirisha (L1 à L3 : BV1) et Nyarumpongo (L1 à L5 : BV2) pédologiques et fonctionnement hydrique des deux BV
Depuis le démarrage du suivi expérimental des bassins en 1987, la densité du
FRXYHUWV¶HVWDFFUXHFRQVLGpUDEOHPHQW/DEDQDQHUDLHFRXYUHDXILOGHVDQVGHSOXV
en plus les parties sommitales et les hauts de pentes (de plus de 60 %) tandis que
les systèmes culturaux ont tendance à se complexifier. /¶pWXGH GH &+$175$,1(
 Q¶DSXPRQWUHUXQHFRKpUHQFHHQWUHOHVDSSRUWVUpJXOLHUVGHFRPSRVW-fumier
HW O¶pYROXWLRQ GHV FULWqUHV FKLPLTXHV HW SK\VLTXHV GHV SDUFHOOHV &HSHQGDQW LO HVW
probable que cette densification accompagnée de méthodes intensives (apports
UpJXOLHUV GH IXPXUH RUJDQLTXH  FRQWULEXHUD GDQV OH WHPSV HW GDQV O¶HVSDFH j
restaurer la fertilité des sites les plus dégradée et à maintenir le niveau de fertilité
des zones les plus riches6. La densification culturale des hauts de versant
Q¶DWWpQXHUD SDV IRUFpPHQW OHV ULVTXHV GH JOLVVHPHQWV HW GH FRXOpHV ERXHXVHV (Q
QRXVDYRQVREVHUYpTXHO¶LQVWDOODWLRQG¶XQHVLPSOHEDQGHKHUEDFpH 6HWDULD D
été à O¶RULJLQHG¶XQHFRXOpHERXHXVH 20 à 30 mètres). /DEDQGHG¶KHUEHDIUHLQpOH
UXLVVHOOHPHQW HW DFFHQWXp O¶LQILOWUDWLRQ FH TXL D HQJHQGUp XQH VDWXUDWLRQ HQ HDX DX
contact du plan de glissement (cf. profils hydrodynamiques des figures 10 et 11) et
un déferlement de boue lorsque la limite de liquidité a été atteinte. Il est donc
important de considérer également le type de végétation (arbres à enracinement
pivotant profond tels que les eucalyptus, Grevillea et Cedrela en système cultivé,
etc..) afin de diminuer les risques de ce genre.

5HWHQRQV DYHF O¶H[Hmple de ces bassins versants que, dans le contexte du


pédopaysage de Rushubi II, les zones à forte perméabilité correspondent aux
pentes les plus fortes et aux sols les plus fragiles au décapage (sols G¶DOWpUDWLRQ
récente kaolinitiques à horizon organique concentré en surface des figures 7 à 9).
%LHQTXHFHWWHSHUPpDELOLWpVRLWjO¶RULJLQHGHFLUFXODWLRQVK\SRGHUPLTXHVIDYRULVDQW
les risques de glissement et de lessivage des nutriments, elle a au moins le mérite
GHIDYRULVHUO¶LQILOWUDWLRQG¶alimenter en eau les plantes HWSDUFRQVpTXHQWG¶atténuer
les concentrations de ruissellement en surface.

En pratique, sur le terrain, les multiples variations du facteur topographique


VXU OHV SKpQRPqQHV G¶pURVLRQ UHPHWWHQW HQFDXVH OD JpQpUDOLVDWLRQGHV WHFKQLTXHV
anti-érosives qui ont été appliquées sans discernement quelle que soit la forme du
paysage, la nature du sol et le couvert végétal. Si des mesures anti-érosives se
justifient dans bien des cas, les techniques à utiliser ne peuvent quant à elles être
limitées à une ou deux seulement. La protection par le couvert végétal a lui aussi de
PXOWLSOHV IDoRQV G¶rWUH XWLOLVp SRXU LQWHUYHQLU HIILFDFHPHQW VXU OH UXLVVHOOHPHQW HQ
nappe et rigole et la restauration des sols. La diversité et la densité du couvert
biologique observée sur les deux bassins versants ont une incidence globalement
SRVLWLYH VXU OHXU IRQFWLRQQHPHQW pFRV\VWpPLTXH SXLVTX¶HOOHV FRQWULEXHQW JUkFH DX
couvert protecteur à la redistribution des ruissellements et des éléments solides à
O¶LQWpULHXU PrPH GX périmètre des bassins versants ; elles participent en outre
implicitement et indirectement à la restauration de la fertilité des terres.

6
$XMRXUG¶KXLXQHYLQJWDLQHG¶DQQpHVDSUqVLOUHVWHUDLWjYpULILHUO¶LQFLGHQFHGHFHWWHGHQVLILFDWLRQFXOWXUDOHVXU
O¶pYROXWLRQSK\VLFR-chimique des sols.
3.2.2 Evaluation qualitative des pertes par écoulements hypodermiques

En 1988, un suivi lysimétrique simplifié (figures 8 et 9) a été installé sur les


bassins expérimentaux de Cirisha et de Nyarumpongo (DUCHAUFOUR et PARTY,
1988) qui représentent des
sites idéaux pour évaluer en
milieu réel les pertes de
nutriments par drainage et
lixiviation. La collecte des eaux
de lessivage (figure 12) nous
SHUPHW G¶DSSUpFLHU OHXU
FRQFHQWUDWLRQ HW G¶DYRLU XQH
idée, plus qualitative que
quantitative, des transferts
FDWLRQLTXHV j O¶LQWpULHXU GX
EDVVLQ DYDQW G¶rWUH pYDFXpV j
O¶H[WpULHXU DSUqV FKDTXH SOXLH
Les pluviolessivats sont
récupérés au contact des
Figure 12 : Dispositif lysimétrique adopté sur les Bassins
horizons organiques et des
versants expérimentaux de Cirisha et Nyarupumgo.
horizons minéraux (35 à 50 cm
de profondeur) soit légèrement
en-dessous de la plus forte
densité racinaire des principales cultures vivrières. Nous donnons les résultats en
kg/ha de sol drainé pour une campagne de mesure (88-89) sur chacun des bassins
versants étudiés (tableau 5) en admettant, comme hypothèse, que les flux latéraux et
verWLFDX[ VRQW FRQVWDQWV GH SDUW HW G¶DXWUH GX GLVSRVLWLI HW TXH OHV O\VLPqWUHV QH
constituent pas un cône de drainage préférentiel (excepté les lysimètres N°2 de s
deux bassins).

3RXUGHVIDFLOLWpVGHVXLYLHWGHFROOHFWHOHVDQDO\VHVQ¶RQWSRUWpTXHVXUOes
FDWLRQV EDVLTXHV TXL UHVWHQW VWDEOHV GDQV OHWHPSV (WDQW GRQQp O¶LPSUpFLVLRQ GHOD
méthode de collecte sur le terrainFHVYDOHXUVQHVRQWGRQQpHVTX¶jWLWUHLQGLFDWLI

En comparant les pertes des écoulements hypodermiques des bassins


versants avec FHOOHV GHO¶pURVLRQ GH VXUIDFHGHV SDUFHOOHV FXOWLYpHV GH Rushubi II,
nous constatons que les valeurs sont en général de 5 à 10 fois inférieures pour le
calcium et le magnésium et légèrement supérieures pour le potassium. Les pertes
enregistrées par les lysimètres N°2 (BV1) et N°3 (BV2) sont enc ore plus
significatives. Elles correspondent à la moitié du transport de chaux en surface et au
double voire au triple de la magnésie et de la potasse entraînées par le ruissellement
de surface. Ces deux lysimètres, disposés dans une dépression concave de pente,
UpFXSqUHQW XQ PD[LPXP GH YROXPH G¶HDX j FRQFHQWUDWLRQ j SHX SUqV pJDOH DX[
DXWUHVSOXYLROHVVLYDWV&HVVLWHVG¶pFRXOHPHQWVK\SRGHUPLTXHVSUpIpUHQWLHOVVRQWHQ
quelque sorte les drains naturels des 2/3 supérieurs des bassins et débouchent dans
OHV]RQHVG¶DFFXPXODWLRQHQFRQWUHEDV
Tableau 5 : Résultats des pluviolessivats des bassins de CIRISHA et de NYARUMPONGO

BASSINS N° CaO MgO K2O Matière Ecoulement


VERSANTS Lysimètre en susp. hypodermique annuel
en kg/ha/an
Campagne 88-89 (Cf. figure en pH moy. % de la pluvio
(pluviométrie) en annexe 1) kg/ha/an métrie annuelle
B.V. N° 1 N° 1 5,4 2,6 3,2 970 6,6 14,5
CIRISHA N° 2 25,4 24,0 7,9 2170 6,6 45,0
(1535) N° 3 4,2 2,2 3,4 345 7,0 3,1
N° 1 8,3 11,0 3,2 350 6,6 27,0
B.V. N° 2 N° 2 9,2 7,8 1,3 115 7,0 10,2
NYARUMPONGO N° 3 27,5 15,9 10,2 215 7,3 22,0
(1570) N° 4 3,8 3,1 0,71 50 7,1 3,3
N° 5 n.d. n.d. n.d. n.d. n.d. n.d.

1 000 mm de PLUIE * 4,2 2,0 4,7 0 6,8

* Les sRXUFHV G¶HUUHXU peuvent être importantes en raison des faibles concentrations mesurées par
pFKDQWLOORQG¶HDX GHJUpGHSUpFLVLRQLQVXIILVDQW GHVPpWKodes de collecte et des diverses pollutions
extérieures (poussières). Nous avons préféré de ne pas en tenir compte sur le plan du bilan des
importations / exportations. Néanmoins, il faut considérer que la pluie, qui récupère la poussière de
O¶DWPRVSKqUHQ¶HVWSDVHQWLqUHPHQWGpPLQpUDOLVpH

Le résultat à la fois intéressant et logique concerne la concentration en


meq/litre des pluviolessivats qui augmente progressivement de haut vers le bas. Plus
le sol est riche en nutriments, plus la solution du sol est élevée, celle-FLYDULDQWG¶XQ
IDFWHXU GH  j  VXLYDQW OD QDWXUH GH O¶pOpPHQW /H lessivage des cations suit donc
une logique irréfutable déjà analysée auparavant laquelle est déterminée par
O¶HQULFKLVVHPHQW GHV ]RQHV FRQFDYHV HW GHV EDV GH YHUVDQW HW SDU OD GpJUDGDWLRQ
physico-chimique des hauts du bassin par acidification, désaturation du complexe
échangeable, toxicité aluminique et appauvrissement organique. Les éléments
cationiques provenant du lessivage de la partie sommitale sont redistribués à
O¶LQWpULHXUPrPHGHVEDVVLQVYHUVDQWVSOXVH[DFWHPHQWDXQLYHDXGHVUHSODWVRXDX
confluent des petits vallons dans lesquels les sols ont accumulé de forte épaisseur
de colloïdes (argiles et composés humiques des sols bruns isohumiques eutrophes
de la figure 7). Avec leur faible porosité en surface (caractère gleyique) et leur fort
pouvoir G¶DGVRUSWLRQOHVVROXWLRQVGXVRORQWWHQGDQFHjVHFRQFHQWUHUHWOHVSHUWHV
par lixiviation à diminuer quantitativement malgré les fortes concentrations
HQUHJLVWUpHV ,O Q¶HVW GRQF SDV pWRQQDQW G¶\ WURXYHU OHV PHLOOHXUV VROV GX
pays FDUDFWpULVpVG¶XQHacFXPXODWLRQGHSOXVG¶XQPqWUHGHPDWLqUHRUJDQLTXHG¶XQH
teneur moyenne de 5%, G¶une CEC totale de 30 meq/100gr. saturée entre 80 et 85%
avec des concentrations exceptionnelles de potasse, calcium et magnésium. Ce type
de sol, localisé à ces sites particuliers du pédo-paysage de Rushubi II, est fréquent
dans le Mumirwa. Ces sols sont occupés par une bananeraie dense à colocase dont
OHVSURGXFWLRQVWRXMRXUVpOHYpHVQ¶RQWMDPDLVFHVVpGHGLPLQXHU

Les sources (BV2, analyse en annexe 2) et les circulations en grande


profondeur (> 1,3 m) qui alimentent la nappe phréatique sont les principaux exutoires
souterrains de ces bassins versants élémentaires.
 /HV WHVWV GH VWDELOLWp VWUXFWXUDOH HW OHV OLPLWHV G¶$WWHUEHUJ LQGLTXHQW GH
bonnes propriétés mécaniques des sols argileux

Si les résultats obtenus sur parcelles WISCHMEIER donnent une bonne


DSSUpFLDWLRQ GH O¶pURdibilité de différents sols du pays, la reproductibilité de ce type
G¶H[SpULHQFHVUHVWHHQUHYDQFKHRQpUHXVHcontraignante et surtout incomplète pour
estimer toute la diversité des milieux et des sols ainsi que leur résistance et leur
FRPSRUWHPHQWjO¶pURVLRQdans le contexte du relief burundais.

Différents tests, faciles à réaliser en laboratoire, peuvent venir compléter le


dispositif de PHVXUH GH O¶pURGLELOLWp GHV VROV ,O V¶DJLW HQ SUHPLHU OLHX GX West de
stabilité structurale de HENIN qui détermine la résistance des agrégats soumis à
différents tests de mouillabilité et de cohésion selon un mode opératoire précis en
présence de trois liquides dispersants (eau, alcool et benzène). '¶DSUqV9$/(17,1
 FLWp SDU 5226(  O¶LQGLFHGH VWabilité structurale est en bonne relation
DYHFOHVSHUWHV HQ WHUUHHWOD UpVLVWDQFHGX VROjO¶pWDW VHF RX SHX KXPHFWp SDUOHV
pluies (début de saison des pluies). Le deuxième test réalisé in situ consiste en la
mesure de la perméabilité laquelle est G¶DXWant plus faible que la structure est moins
favorable (cf. figures 8 et 9). LHV OLPLWHV G¶$77(5%(5* quant à elles conviennent
mieux pour évaluer la résistance des sols humides de fin de saison de pluie car elles
définissent les teneurs en eau qui caractérisHQW OHV FKDQJHPHQWV G¶pWDW G¶XQ VRO et
leurs différents domaines de consistance (dure, friable, plastique et liquide) qui
YDULHQW GDQV GH ODUJHV OLPLWHV DYHF G¶XQH SDUW OD TXDQWLWp G¶HDX LQWHUVWLWLHOOH TXH
FRQWLHQQHQWOHVSRUHVGXVROHWG¶DXWUHSDUWO¶pSDLVVHXUGHVFRXFKHVG¶HDXDEVRUEpHV
qui enrobent les grains.
/HVDQDO\VHV WHVWGHVWDELOLWpVWUXFWXUDOHHWOLPLWHVG¶$WWHUEHUJ HIIHFWXpHVVXU
TXHOTXHV pFKDQWLOORQV SUpOHYpV GDQV OHV GHX[ EDVVLQV YHUVDQWV VROV G¶DOWpUDWLRQ
récentes kaolinitiques et ferrisols argileux anthropiques et humifères, figure 13)
montrent de très bonnes qualités physiques des terres qui caractérisent le
pédopaysage de Rushubi II :
ƒ Une structure très stable pour tous les horizons de surface testés (6),
ƒ Une bonne aptitude du matériau au travail du sol O¶indice de plasticité variant
GH  j  HW IDFLOLWpV G¶LQWHUYHQWLRQ FXOWXUDOH GX IDLW GH O¶pORLJQHPHQW
LPSRUWDQWGHO¶KXPLGLWppTXLYDOHQWH(He) de la limite de plasticité située entre

Figure 13 :
Résultats des
OLPLWHVG¶$WWHUEHUJ
effectuées sur cinq
échantillons des
deux BV

GHV SODJHV G¶KXPLGLWp GH 15 et 25 % (DUCHAUFOUR et PARTY, 1988). Il


faudrait une saturation en HDXVXSpULHXUHGHjjO¶+HSRXUOLPLWHUOHV
interventions culturales et atteindre la limite de plasticité et une saturation
double vis-à-vis de He pour atteindre la limite de liquidité.
Ce dernier cas Q¶LQWHUYLHQWTX¶H[FHSWLRQQHOOHPHQWHQFDVGHVXUVDWXUDWLRQGHV
horizons liée à certains aménagements mécaniques inadaptés qui favorisent
O¶HPPDJDVLQHPHQW GH O¶HDX HW HPSrFKHQW VRQ GUDLQDJH ODWpUDO IRVVpV
isohypses aveugles, canaux de contours cloisonnés).

Conclusion

Au niveau du protocle de recherche : Le protocole de Wischmeier


expérimenté entre 1977 et GDQVFLQTVWDWLRQVUHSUpVHQWDWLYHVGX%XUXQGLV¶HVW
révélé un processus de recherche long et coûteux. Ces données désormais acquises
pour le pays peuvent être couplées avec différentes études de cartographies
détaillées de la couverture morphopédologique mais aussi avec la connaissance
précise des profils structuraux (stabilité structurale, détermination des domaines de
FRQVLVWDQFH SDU SODJH G¶KXPLGLWp pYROXWLRQ GX SURILO VWUXFWXUDO GDQV OH WHPSV
analyse du profil hydrodynamique avec test de perméabilité par horizon), du taux de
matière organique et de son turn over, des teneurs de fer et alumine libre et du type
G¶DUJLOH /¶DQDO\VH GH WRXWHV FHV GRQQpHV SHUPHWWUDLW de mieux apprécier le
fonctionnement de l¶pURVLRQHQQDSSHHWULJROH qui sévit dans le pays.

Au niveau des mécanismes observés : /¶pURVLRQ HW OH UXLVVHOOHPHQW


modifient plus ou moins progressivement les propriétés physico-chimiques du sol par
sélectivité des éléments fertiles ou par transport des colloïdes et des micro-agrégats.
Par ailleurs, plus le sol a son potentiel concentré en surface, plus rapidement il
perdra sa potentialité. /RUVTXH QRXV VDYRQV TXH O¶pURVLRQ SHXW DWWHLQGUH HQ XQH
année plus de 150 tonnes sous couvert très peu protecteur, on imagine bien que la
situation devient critique. On peut donc se poser la question si les observations et les
calculs réalisés en station et qui respectent les itinéraires classiques du milieu rural,
VH JpQpUDOLVHQW GDQVOD FROOLQH HW VL F¶HVWOHFDV FRPPHQW VH IDLW-il que les familles
DUULYHQWHQFRUHjV¶DXWRVXIILUH"

Pour avoir un impact positif sur la productivité des terres, il apparaît évident
TX¶LO IDXW DXMRXUG¶KXL RULHQWHU OHV LQWHUYHQWLRQV VXU OHV WHUUHV R OHV SHUWHV GH
SURGXFWLRQ VRQW FRPSHQVpHV SDU O¶HPSORL G¶LQWUants à doses modérées mais
UpJXOLqUHV/DGLIIpUHQFLDWLRQG¶XQVROjO¶DXWUHV¶DYqUHGRQFLPSRUWDQWHVDFKDQWTXH
le travail de conservation et de restauration peut demander soit de simples mesures
à la portée de la plupart des familles rurales avec des rendements immédiats à la clé
ou au contraire des moyens plus onéreux mais pas forcément durables sur le plan
agronomique.

Là encore, les familles rurales burundaises sont les meilleurs experts de leur
terre. Ils connaissent le comportement de leur sol et savent comment il réagit par
rapport à une culture déterminée et à différentes doses de fumure organique.
/¶DFFURLVVHPHQW GH OD UHQWDELOLWp GHV WHUUHV SDU OD YDORULVDWLRQ GH OD SURGXFWLRQ
agricole est entre les mains de chacun d¶HX[jFRQGLWLRQGHleur donner les moyens
de produire mieux.
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Annexe 1

GéolRJLHRFFXSDWLRQGHVVROVHWILJXUHVG¶pURVLRQGDQVODUpJLRQG¶,VDOH
(Mumirwa central)
(in Duchaufour et Party, 1988).
T h è m e 6

A s p e c ts s o c io é c o n o m iq u e s

d e la lu tte a n tié ro s iv e

L a p e r c e p t io n d e s r is q u e s e t d e s m o y e n s d e lu t t e a n t ié r o s iv e p a r le s p a y s a n s e s t
f o n d a m e n t a le p o u r c o n c e v o ir d e s s y s t è m e s d e p r o d u c t io n é q u ili b r é s a c c e p t a b le s .

L ’h is t o ir e d e la m is e e n v a le u r d e s t e r r e s , la c u lt u r e p a y s a n n e ( a g r ic u lt e u r s o u é le v e u r s ) ,
le s é c h e c s e t le s c o n s é q u e n c e s s o c io - é c o n o m iq u e s d e l’é r o s io n , la p r e s s io n d é m o g r a p h iq u e e t
le s r e la t io n s a v e c le s m a r c h é s o ù é c o u le r le s p r o d u it s s o n t a u t a n t d e f a c t e u r s d o n t il f a u t t e n ir
c o m p t e p o u r a m é n a g e r e t v a lo r is e r d u r a b le m e n t u n t e r r o ir o u u n b a s s in v e r s a n t .

L a p r o x im it é d e s v ille s e t d e s m a r c h é s m o d if ie la p o s s ib ilit é d e v e n t e d ’u n e x c è s d e
p r o d u c t io n r u r a le m a is p e r m e t a u s s i d e r é c u p é r e r le s d é c h e t s d e s c o n s o m m a t e u r s u r b a in s .

E n f in le m a r c h é d u t r a v a il, la t a ille d e s f a m i lle s , l e s m o y e n s f in a n c ie r s e t m é c a n iq u e s


d is p o n ib le s v o n t a v o ir u n e in f lu e n c e s u r le c h o i x d e s s y s t è m e s d e p r o d u c t io n e t s u r le s
a m é n a g e m e n t s a n t ié r o s if s .
Perception paysanne de la dégradation des terres et des types
d’érosion : impacts des programmes de LAE sur la restauration de
la productivité des sols à Madagascar

Simone Randriamanga RATSIVALAKA


Université d’Antananarivo, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Département de Géographie,
BP 907 Ankatso, 101 Antananarivo Madagascar
Courriel : baratsiv@moov.mg

Résumé
Le paysan des Hautes Terres malgaches a su mettre en œuvre des techniques de
gestion et de conservation de son terroir face aux contraintes du milieu. Conscient de
l’état de dégradation de celui-ci, perçu à travers les variations du milieu naturel, le
paysan « vit » avec l’érosion et s’est servi de techniques simples pour la gérer. Il a
bénéficié des projets de développement agricole dans l’amélioration de la production
des terres aménagées, celle de conservation ou de restauration des sols. Il adhère
aux techniques modernes en général. Mais leur pratique est souvent limitée dans le
temps, ponctuelle et demeure à l’état d’expérimentation. Ces actions souffrent en
outre de l’instabilité politique. Ce qui explique les résultats mitigés quand elles sont
mises en œuvre dans l’amélioration des conditions de vie à la campagne. Quant au
paysan, il est constaté qu’il ne peut pas être livré à lui-même. Son plus grand
handicap réside dans l’insuffisance de ses moyens financiers et techniques. La
meilleure stratégie de développement préconisée commence alors par une véritable
éducation des ruraux pour les rendre autonomes et réellement aptes au
développement.

Mots clés
Madagascar, Sol, Dégradation, Types d’érosion, LAE, Développement rural,
Perception paysanne

1. Introduction
Les composantes paysagères des Hautes Terres malgaches sont constituées de
quatre éléments principaux : le bas fonds, toujours humide à cause de la proximité
de la nappe phréatique et des sources, est voué à la riziculture irriguée. Les
terrasses alluviales et les bas de pente à sols de colluvions sont occupés par la
riziculture et les cultures maraîchères. Les « tanety » ou flanc de colline constituent
la zone de pseudo steppe et de cultures pluviales. Le sommet des collines est
réservé au reboisement et à la forêt (Photo 1).
Le paysan a su s’adapter aux contraintes naturelles qu’offre chacune de ces entités
paysagères en aménageant et en occupant les parcelles les plus fertiles. De
nombreux programmes de gestion, conservation ou restauration des sols,
confessionnels, non gouvernementaux ou étatiques se sont inspirés des pratiques
paysannes pour améliorer les techniques agricoles. Tel est le cas des « tatatra » ou
canaux utilisés pour protéger les cultures des effets de l’érosion. Ils ont inspiré
l’utilisation des fossés de garde et d’infiltration contre le ruissellement sur les
versants et l’inondation des cultures des bas fonds. Cette technique permet en outre
la formation d’une couche humifère. Mais face aux résultats parfois mitigés, le bilan
des actions semble ne pas avoir atteint le développement escompté alors que tout
fut mis en œuvre pour la réussite des projets. Les résultats des campagnes de
vulgarisation agricole menées par l’Etat dans les années 80 par exemple n’ont atteint
leurs objectifs qu’à 50% en général. On s’interroge si le fait d’appréhender la
perception paysanne de son milieu en particulier l’érosion, ses impacts et les
diverses tentatives d’amélioration de la production pourrait contribuer à un meilleur
développement des campagnes ?

Photo. 1 : Les composantes paysagères des Hautes Terres malgaches


Cliché C. Puech, Source : Ratsivalaka et al, 2007

Différents sites pris sur les Hautes Terres sont étudiés. Outre leur
appartenance à des milieux montagneux (alt>1000m), ces sites ont pour points
communs d’être ou d’avoir été une zone végétalisée ayant connu des formes de
dégradation plus ou moins intenses entraînant érosion et épuisement des sols :
secteur de la cuvette intramontagnarde d’Andapa et environs situé dans le Nord Est
de Madagascar ; Régions Alaoutra, Mangoro, Analamanga et Vakinankaratra, sur les
Hautes Terres centrales, le Moyen Ouest et la falaise orientale de l’île. Tous ont fait
l’objet d’actions de développement, de conservation ou de restauration de la fertilité
des sols.
Les données ici reportées sont les résultats des enquêtes, observations,
analyses et mesures sur les sites d’étude.

2. Le paysage agricole des Hautes Terres malgaches


La riziculture représente l’activité prépondérante du paysan, suivie des
cultures pluviales : manioc, patate douce et maïs. Elle est surtout pratiquée dans les
bas fonds ; le rendement demeure faible, en moyenne 1,5 à 2t/ha/an de paddy. Les
techniques sont restées traditionnelles et rudimentaires. Les travaux débutent par le
labour et la préparation des pépinières qui sont pratiqués à la même période.
L’angade ou bêche est utilisé pour retourner les mottes de terre ainsi que quelques
petits matériels agricoles : charrue poussée par l’agriculteur ou herse tirée par un
bœuf. Suivent l’épandage manuel des fumiers organiques en provenance du zébu,
mélangés à de la paille, l’irrigation et le piétinement de la rizière par les bœufs.
Le système d’irrigation est très précaire. Les canaux de fabrication artisanale
(Planche 1) sont très vulnérables aux crues et à l’ensablement. L’utilisation des
engrais minéraux est quasi nulle à cause de leur prix et l’absence de vulgarisation.
Après avoir séjourné deux mois en pépinière le riz est repiqué généralement « en
foule » rendant difficile l’utilisation d’une sarcleuse. Le désherbage se fait à la main.
La variété la plus cultivée est en général le riz rouge. Le riz est essentiellement
destiné à la consommation. Une partie du paddy peut cependant être vendue pour
subvenir aux besoins des ménages en produits de première nécessité (PPN) et
financer les cultures maraîchères.

Planche. 1 : Rizières des Hautes Terres et canal d’irrigation


Source : Ratsivalaka et al, 2007 et Randriamanga et al 2005

Les cultures maraîchères (tomates et légumes de contre saison : pomme de


terre, petits pois), sont aussi pratiquées dans les bas fonds. Elles sont destinées à la
vente et constituent les seules sources de revenu permanent du paysan. Ce dernier
y consacre beaucoup de soin. Les terrasses maraîchères sont situées sur les bas de
pente ou sur les têtes de vallon. Leur sol est en général pauvre. C’est pourquoi ils
bénéficient d’engrais organiques pouvant atteindre 20t/ha et d’engrais minéraux.
L’usage de la cendre en provenance du brûlis des bois morts et des branchages
d’Eucalyptus est aussi une technique pratiquée pour fertiliser le sol. Le paysan y
cultive les brèdes et les légumes principalement : chou de chine, chou fleur, poireau,
carotte destinés à la vente. Ce sont les hommes qui construisent la terrasse, les
femmes et les enfants s’occupent de l’arrosage et du désherbage.
Les cultures de contre saison occupent la rizière après la récolte du riz. Le
paysan cultive en général la pomme de terre et le haricot. Les cultures de contre
saison ne sont pas encore très répandues à cause des investissements nécessaires
pour les semences et aussi par ce que les techniques ne sont pas tout à fait
maîtrisées.
Les cultures pluviales (manioc, arachide, maïs) occupent les versants qui ne
sont pas aménagés en terrasses même sur les pentes raides. La préparation du
terrain est faite au début de la saison pluvieuse. Le paysan utilise la bêche pour le
labour. Il n’y a pas d’apport de fertilisant faute de moyens alors que les sols sont en
général médiocres. Les rendements moyens sont faibles et varient autour de 6000
kg/ha pour le manioc et 4000 kg/ha pour la patate douce selon les enquêtes. Une
jachère de 2 à 4 ans est pratiquée dès que le sol est épuisé. Les canaux placés en
amont du champ, sont les seuls moyens de lutte utilisés contre le ruissellement.
Aucun soin particulier n’est apporté aux cultures.
La forêt ou le reboisement d’Eucalyptus occupant le sommet des collines
ne fait l’objet d’aucun soin spécifique.
L’élevage bovin est utilisé pour l’exploitation agricole : traction de charrettes
et charrue, piétinement des rizières, production de fumier. L’élevage porcin est un
placement pour les grandes occasions : mariage, jour de l’an. Les poules, les
canards et les oies procurent un complément de revenu appréciable et permettent de
faire face aux imprévus.
L’artisanat est une activité temporaire car la matière première n’est pas disponible en
toute saison. Les femmes confectionnent les nattes et les paniers, les hommes se
réservent la menuiserie et la maçonnerie.

Tableau 1. Les activités paysannes dans le bassin versant de Sahasarotra

Activités Jan Fév Mar Avr Mai Jun Juil Août Sept Oct Nov Déc
Riziculture ¤ ¤¤¤ ¤ ¤¤¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤¤¤ ¤ ¤¤¤ ¤¤¤
Cultures ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤
maraîchères
Cultures ¤¤¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤¤¤
pluviales
Culture de ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤
contre saison
Récoltes ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤¤¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤ ¤
Vente des ¤¤¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤
produits
agricoles
Transport des ¤¤¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤
produits par car
brousse ou
camion
Transport des ¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤¤¤ ¤¤¤ ¤ ¤ ¤¤¤
produits par
charrette
Production de ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤
charbon de
bois
Reboisement ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤

Périodes de : surcharge ¤¤¤, charge moyen ¤¤ ou charge faible ¤ de travail

Les exploitations agricoles sont essentiellement familiales ou individuelles ou


par métayage ou fermage. Ce mode de faire valoir indirect, permet au propriétaire de
valoriser ses terres sans aucun investissement et le protège d’éventuels aléas
climatiques. L’appropriation des terres se fait la plupart du temps par héritage. Ce qui
est cause de leur grand morcellement en relation avec la forte pression
démographique. A cela s’ajoute l’exiguïté des bas fonds d’où l’existence des paysans
sans terre obligés de louer leur rizière ou de quitter leur terroir pour vivre en ville.

3- Perception paysanne de la dégradation des terres et des types d’érosion


Le paysan est en général conscient de l’état de dégradation de son terroir qu’il
perçoit à travers des variations du milieu naturel : tarissement des sources et
ensablement des bas fonds... Plusieurs causes reviennent souvent entre autres : les
variabilités climatiques qui entraînent des perturbations dans les pratiques culturales.
L’arrivée tardive des pluies remet en cause le calendrier cultural. La chute de
la production agricole qui en résulte a pour effet d’aggraver les problèmes
économiques déjà existants renforçant ainsi l’appauvrissement à la campagne. Le
paysan est alors obligé de s’adapter à l’érosion et de gérer la fertilité des sols de
façon plus ou moins aléatoire et notamment de changer ses habiitudes culturales et
son système de gestion de l’eau.
Le paysan « vit » avec l’érosion et utilise des techniques simples pour la gérer.
Il a mis au point un système de captage des eaux de source pour l’irrigation qui
consiste à capter la source en amont et à entraîner l’eau sur la terrasse par un
système gravitaire. Il a développé un réseau de canaux de protection des rizières et
parcelles de culture en amont pour détourner le ruissellement et arrêter
l’ensablement des bas fonds. Il utilise divers intrants et des engrais organiques et
minéraux pour gérer la fertilité des sols sur les terrasses. Face aux variabilités
climatiques actuelles, il s’est adapté par l’utilisation de semences plus appropriées.
Mais certaines pratiques ont des effets négatifs tel l’usage de l’Eucalyptus pour le
charbon de bois (Photo 2). Faute d’arbres le paysan se sert des taillis au risque de
gêner la régénération naturelle.

Photo. 2 : Forêt, bois d’Eucalyptus et four à charbon dans le bassin versant de


Sahasarotra Source : Randriamanga et al 2005
Après la coupe et le séchage du bois, le foyer à charbon est préparé pour le brûlage

3.1- Types d’érosion et dégradation des sols


L’érosion se manifeste sur toutes les unités topographiques et plus
particulièrement au niveau des cultures pluviales localisées sur les versants à
pseudo steppe et à sols ferrallitiques acides des collines (Planche 2). Ces derniers
tendent à s’appauvrir chimiquement et se dégrader physiquement dès les premières
cultures. Labourés, ils sont vite saturés au moment des fortes pluies et leur pouvoir
d’infiltration est réduit. L’eau ruisselle très vite de façon diffuse et se concentre à la
limite des champs. L’érosion diffuse entraîne une dégradation due au décapage
important des sols. Celui ci se traduit par le départ des éléments nutritifs et des
atterrissements sableux en aval. L’épuisement des sols est renforcé par les pratiques
culturales préconisées par le système traditionnel. Le niveau de fertilité des sols n’est
plus maintenu car la restitution du point de vue minéral et organique n’est plus
satisfaisante. Le passage répété des feux ainsi que le prélèvement de la litière
favorise cette érosion des versants.
L’ensablement n’est manifeste qu’en l’absence de structure de défense des
sols même rudimentaire. Simple entassement de sable sur les rochers le long des
cours d’eau ; il peut devenir important et concerner les bas fonds aménagés en
rizières qu’ils recouvrent d’une couche épaisse de sable pouvant atteindre 50 cm
d’épaisseur dans le bassin versant d’Antsaharatsy situé au nord-est d’Antananarivo,
soit 60% des surfaces cultivées en riz. Cet ensablement est cause d’une perte de
terre cultivable de l’ordre de quelques ares à plusieurs ha chez les paysans
enquêtés, réduisant les chances de production paysanne. Evaluée en coût la perte
peut atteindre l’équivalent de plusieurs milliers d’Ariary en monnaie locale, dans les
zones étudiées. Ceci est considérable pour le paysan qui, du fait de la faiblesse de
son pouvoir d’achat, est plus porté sur le troc de sa production.

Erosion des versants Atterrissement sableux en aval des cultures

Planche 2 : Formes d’érosion dans les bassins versants de Sahasarotra et


Maniandro
Sources : Randriamanga et al 2005 et Ratsivalaka et al 2007

Ensablement des rizières Erosion hydrique en lavaka


L’érosion des versants peut prendre des formes plus spectaculaires quand
des lavaka les affectent. Qualifiée d’érosion en U dans la typologie des ravines
établie par Roose et al. (2000), l’érosion hydrique en lavaka est provoquée par les
eaux de ruissellement et caractérise les mouvements de masse les plus fréquents
des zones étudiées. Elle s’observe surtout sur les zones dénudées ou fragilisées à
mi versant des collines. Le lavaka se présente en général comme un vaste
amphithéâtre aux parois abruptes rétrécies dans sa partie aval où se localise le plus
souvent un chenal d’évacuation des eaux. Ses formes varient : de la grande ravine
profonde en forme de poire, il peut prendre l’aspect de griffe, cuiller, rigole, devenir
coalescent ou digité quand plusieurs se côtoient. Il peut constituer des unités
grandes de 30m X 60m X 10 m et peut remanier jusqu’à 500 tonnes de matériaux.
Le lavaka évolue par effondrements verticaux et successifs de ses parois. Deux
processus suivant le sol et la géologie sont observés dans les zones étudiées quant
à sa formation.
L’érosion linéaire par ravinement est due au ruissellement. Elle favorise le
creusement de chenaux se développant en rigoles et en ravines qui évoluent dans le
sens de la largeur. L’érosion par mouvement de masse est caractérisée par des
glissements rotationnels pouvant s’emboîter et entraîner vers l’aval le processus
érosif. L’évolution de ces affaissements aboutit à l’élargissement du lavaka. Brenon
cité par Chaperon (1993) évoque des volumes de lavaka équivalents à 500 000 m3.
Le lavaka est la principale source d’approvisionnement en sable des bas fonds et
fournit une partie des sédiments aux rivières. Les grands cours d’eau comme la
Betsiboka ont leurs eaux teintées en rouge à cause des quantités importantes de
sédiments. Mais c’est surtout l’érosion en nappe prédominant dans l’Ouest qui
apporte la grande majorité des matériaux en suspension dans les fleuves. D’après
Robequain Ch., cité par Chaperon P., (1993) la Betsiboka a un débit solide de
100 000 m3 à son embouchure ce qui correspond à environ 2 mm d’érosion pour
l’ensemble du bassin.
L’homme et l’élevage constituent une autre source d’érosion à la campagne.
Le passage répété des paysans sur le même axe, celui quotidien des bœufs entre
l’étable et la zone de pâture et les traces laissées par les charrettes finissent par
creuser, durcir et compacter le sol. Il se crée des sillons qui se creusent avec le
ruissellement pour donner des rigoles de 25 à 50 cm de large et profondes d’environ
50 à 100 cm. Ces rigoles peuvent devenir de véritables « crevasses ». Elles
accentuent le ruissellement en rapport avec les précipitations. Ces dernières sont
particulièrement agressives en début des saisons de pluie. Mais si dans ce sens,
l’élevage présente des aspects négatifs il faut reconnaître que le fait d’élever des
bœufs est un plus pour le paysan car les bovidés apportent leur force musculaire
dans le travail des champs, celui des rizières et le transport d’hommes et des
marchandises. Ils fournissent en outre le fertilisant à moindre coût et à la portée du
paysan. Le fumier de ferme est en effet le fertilisant le plus utilisé à la campagne. Le
paysan s’en sert dans les rizières des bas fonds, sur les cultures maraîchères des
terrasses alluviales ou des bas de pente.

3.2- Les impacts de l’érosion dans les sites tests.


Les impacts de l’érosion sont essentiellement sociaux et économiques. Nous
reportons ici quelques exemples significatifs. L’érosion est un problème sérieux pour
la production. Elle occasionne des quantités importantes de perte en terre. La
simulation effectuée à ce propos dans le bassin versant d’Antsaharatsy
(Andrianavalona et Randriamanga, 2008) a montré que le ruissellement reste fort
après un brûlis. La perte en terre n’apparaît qu’après le passage d’un feu. Elle varie
considérablement avec la pente. Elle est estimée à 2,1t/ha/an et 4,1t/ha/an avant et
après le passage d’un feu. Plusieurs hectares de terres cultivables disparaissent
ainsi chaque année. Cette perte en terre s’accompagne en outre de la baisse des
rendements agricoles. Aucune mesure de protection n’est pratiquée par les paysans.
Or l’étude montre qu’on peut réduire les pertes en terre à 0,4t/ha/an rien qu’à travers
une action de protection au niveau de la couverture végétale (Tab. 2).

Tableau 2 : Répartition et évolution des pertes en terre suivant l’intensité de la pente


à Antsaharatsy

Pente (%) ≤2 2 - 12 12 - 36 ≥ 36
Perte avant feu (t/ha/an) 0,07 0,40 1,69 9,16
Perte après feu (t/ha/an) 0,15 0,74 3,28 17,23
Perte probable sans feu 0,01 0.07 0,32 1,65
(t/ha/an)*
Surface (%) 25,7 6,5 54,9 12,9
Source : Andrianavalona H et Randriamanga S., 2008

Il s’agit d’une perte en terre simulée dans le cas où la couverture végétale devient de plus en plus
dense.

Des mesures effectuées sur trois parcelles test dans le bassin versant de Maniandro
au nord-ouest d’Antananarivo (Ratsivalaka et al, 2007) ont montré l’importance du
ruissellement sur un sol non couvert de végétation (Tab. 3). Des études similaires
menées à Manankazo et dans la région de l’Alaotra respectivement au nord-ouest et
au nord nord-est d’Antananarivo, confirment ce constat. On retient que le couvert
végétal de densité suffisante même sur une pente forte, réduit l’érosion.

Tableau. 3 : Le ruissellement dans le bassin versant de Maniandro pendant la


campagne 2006-2007

Volume de Hauteur de
ruissellement ruissellement Coefficient de ruissellement
(m3) (en mm) (en %)

Pluie Parcelle Parcelle Parcelle


Mois (mm) 1 2 3 1 2 3 1 2 3
Octobre 33 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Novembre 259 6,4 6,5 6,5 63,7 65,2 65,3 24,6 25,2 25,2
Décembre 290 7,2 7,8 7,2 71,6 78,4 72,2 24,7 27,0 24,9
Janvier 561 9,7 9,8 9,7 96,8 98,3 97,5 17,3 17,5 17,4
Février 234 2,7 4,5 3,3 27,0 45,1 33,4 11,5 19,3 14,3
Mars 87 0,2 0,3 0,2 2,4 3,0 1,7 2,8 3,5 2,0
Avril 6 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0
Année 1464 26,2 29,0 27,0 261,5 290,0 270,1 13,5 15,4 14,0
Source : Ratsivalaka S., et al., 2007
Les taux de ruissellement sont quasi identiques (13,5 à 15,5 %) pour les trois parcelles. Ces taux sont
faibles à moyens, compte tenu de l’importante pluviosité. Ces résultats sont dus au fait que les
parcelles 1 et 3 sont efficacement protégées. La parcelle 2 est un peu moins protégée et les risques
de E+R légèrement plus élevés.
Les travaux effectués dans plusieurs sites étudiés notamment à Antsaharatsy
(Andrianavalona et Randriamanga, 2006 et 2008) ont montré que le phénomène
d’érosion touche tous les terrains de culture et les ouvrages et infrastructures
agricoles : ensablement des rizières, obstruction des canaux d’irrigation, destruction
des terrasses maraîchères suite à une pluie agressive du début de la saison. Les
impacts de l’érosion au niveau du ménage sont durement ressentis car les dégâts
coûtent très chers au paysan et peuvent anéantir la production d’une saison entière.
Le budget alloué à la dépense d’un ménage est revu à la hausse. Les travaux
d’intérêt communautaire (réhabilitation des routes et des canaux d’irrigation,
construction des digues et des fossés) et les travaux de réparation des parcelles
atteignent des sommes importantes par rapport au revenu d’un ménage ; soit
350 000 « Ariary » équivalent à environ 150 € dans le cas de réparation d’une
terrasse maraîchère sur les Hautes Terres. Cette somme est très importante par
rapport au revenu annuel des paysans.
La période de forte précipitation et de crue coïncide souvent soit au moment
du repiquage soit au moment de la formation des grains de riz, des phases critiques
au niveau de la production. Il y a très peu de ménages qui réussissent à terminer les
travaux de réhabilitation des parcelles de culture en l’espace d’une année. De plus,
les enquêtes ont révélé qu’il faut au moins trois saisons pour qu’une rizière victime
d’ensablement retrouve ses capacités de production. Les terrasses de culture
retrouvent par contre leur fertilité initiale dès leur réhabilitation. Mais l’abandon de
certaines terrasses est fréquent quand les canaux d’irrigation sont fortement
endommagés. Le grand problème de l’agriculteur est de trouver la somme
nécessaire pour effectuer les travaux. Pour maintenir la productivité, le paysan
aménage de nouvelles terrasses, même loin du village. Le coût de cet aménagement
est élevé car l’érosion diffuse et en nappe charrient une grande partie de l’humus où
se concentrent les éléments fertiles du sol. La détérioration des voies de
communication perturbe les échanges commerciaux et la diffusion de nouvelles
techniques au niveau des ménages. La capacité d’investissement du paysan reste
très faible et le coût de l’enclavement est énorme. Les ventes à perte sont fréquentes
au niveau de l’agriculteur car le prix du transport est mal évalué.
L’impact de l’érosion des sols affecte donc tous les acteurs de développement et
concerne tous les domaines : social, économique, et politique. Face à cette situation,
le paysan s’est adapté.

4- Les actions menées dans le cadre de la Lutte Anti Erosive (LAE)


4.1- Gestion traditionnelle de l’érosion et restauration de la fertilité des sols
Le paysan gère l’érosion au niveau de chaque champ par l’usage d’un canal
de protection « tatatra » d’environ 40 cm X 40 cm X 40 cm qu’on place en amont de
la culture contre le ruissellement (Planche 3). Des canaux sont placés sur les côtés,
pour préserver les bas fonds de l’ensablement. On aménage parfois ces canaux d’un
rebord surélevé « tentitra » pour améliorer leur efficacité, surtout quand les pentes
sont fortes. Des canaux permanents « tata-belona » complètent ce dispositif pour
évacuer les eaux. Ils assurent la protection de l’ensemble des parcelles cultivées.
Leur entretien est collectif.
Pour diminuer les effets de ruissellement, le paysan cultive des arbres fruitiers,
bananiers sur les rebords des champs. Ces fruitiers constituent d’ailleurs un
complément alimentaire par leur fruit et subviennent aux besoins du paysan par leur
bois et la biomasse fourragère…
Le paysan « vit » avec le lavaka et l’exploite dès qu’il est stabilisé. Ce sont les
propriétaires des terrains affectés par les lavaka qui les récupèrent pour pratiquer
des cultures d’oignons, brèdes ou maïs (Planche 3) quand les risques d’éboulement
sont moindres, profitant du sol remanié et humide. Ils nivellent alors les matériaux
déposés par effondrement pour pouvoir cultiver. Il capte les eaux de ruissellement
pour alimenter un système de canaux d’irrigation creusés dans le lavaka. Il le
stabilise par la plantation d’Eucalyptus, de Pins ou par des arbres fruitiers. Quand
aucune source ou écoulement superficiel n’est apparent, le lavaka est colonisé pour
les cultures pluviales : manioc ou patate douce. En amont sont plantés des
Eucalyptus associés le plus souvent à des bananiers. Dans l’Ouest, l’espèce la
plus utilisée est le manguier, à la fois pour son ombrage et ses fruits. Quoi qu’il en
soit, en aménageant le lavaka le paysan contribue sans le chercher à le stabiliser et
entretenir la source par le reboisement. La valorisation du lavaka se traduit par un
gain de surface cultivée, la diversification des cultures maraîchères et celle des
cultures pluviales. Elle se traduit comme un gain de production donc une
augmentation potentielle du revenu du paysan. Les mesures correctives des
lavaka pratiquées aujourd’hui par différents organismes non gouvernementaux
cherchent à les stabiliser par des techniques mécaniques simples associées à des
techniques biologiques. Les dispositifs antiérosifs sont alors installés suivant les
courbes de niveau pour éviter la concentration de l’eau.
L’attitude du paysan étonne parfois face à l’ensablement des bas fonds : il comble de
terre la zone ensablée pour pouvoir y cultiver. Considérant cet ensablement comme
une situation temporaire, n’empêchant l’exploitation de la rizière que sur un temps
limité, il attend de pouvoir de nouveau y cultiver dans les deux ou trois ans à venir.
C’est le cas souvent observé dans le Moyen Ouest à Tsiroanomandidy.
Plusieurs techniques sont pratiquées par le paysan pour gérer la fertilité des sols,
notamment l’utilisation d’intrants et engrais organiques. L’amendement le plus utilisé
est la fumure du zébu. La plus grande partie de fumure est destinée à la riziculture et
aux cultures maraîchères des terrasses. Le paysan peut mettre jusqu’à 20 t/ha de
fumure. La collecte des bouses est faite le matin dans les parcs ou fosses à bœufs.
Mais la quantité de fumure demeure insuffisante car la taille du cheptel est trop
petite. Cela n’empêche pas la vente de fumure au début des grands travaux.
L’association de cultures de légumineuses est aussi pratiquée sur les terrasses et
les bas de pente : maïs et haricot, patate douce et haricot. Cela permet d’avoir divers
types de cultures sur la même parcelle et de bénéficier du haricot comme fertilisant.
Cette connaissance empirique du paysan sur l’utilisation du haricot est justifiée : le
haricot est en effet une plante fixatrice d’azote.
La rotation de cultures ou la pratique de la jachère ne concerne en général
que les flancs des collines.
La fertilisation des sols est aussi directement assurée par les bœufs qui pâturent sur
les terrains en jachère en laissant la bouse sur le terrain. Cela permet d’éviter le
transport du fumier. Le troupeau est ensuite déplacé sur un autre terrain dans le
même but. Après quoi, le paysan y cultive du manioc. Aujourd’hui cette pratique est
abandonnée à cause de l’insécurité dans les campagnes, consécutive au vol des
bœufs.
Les feux de végétations sont importants dans la zone de savane et
représentent une autre forme de gestion traditionnelle des sols.
Planche 3 : Gestion des champs contre l’érosion
Source : Randriamanga et al 2005

Aménagement d’un lavaka


Source : Randriamanga et al 2005
4.2- L’intervention des associations, organismes étatiques, confessionnels et
privés
Les techniques traditionnelles de gestion de l’érosion, sont en général reprises
et améliorées par les acteurs de développement dans les campagnes malgaches
afin d’aider les paysans à faire face à la dégradation des sols et les aider dans la
restauration de la fertilité en plus des techniques modernes.
La stratégie globale de lutte antiérosive pratiquée à ses débuts au cours des
années 1950 est surtout mécanique. Elle vise à retenir les sols, freiner la vitesse
d’écoulement de l’eau en diminuant sa force érosive et assurer le dépôt des
sédiments avant leur arrivée dans les canaux et les rizières. Elle s’est référée aux
connaissances acquises aux Etats Unis et en Afrique qu’on a cherché à adapter au
cas malgache. Ces mesures mécaniques ont un effet temporaire. Il s’agit de
fascines, cordon de pierres ou de pailles, diguette en terre, gabion et fossé de
protection à placer avant la saison des pluies. Plus tard des mesures
agrobiologiques portant sur la végétalisation par des haies vives ou des pratiques
de l’agroforesterie sont appliquées. Elles doivent être réalisées au début de la
saison des pluies.
Au départ, c’est le Centre de Technique Forestier Tropical (CTFT) qui a
effectué différentes mesures d’érosion en parcelles élémentaires et en bassin
versant. D’autres organismes se sont ensuite impliqués successivement : Bureau
des Sols du Service des Eaux et Forêts/Bureau d’Étude du Service des Eaux et
Forêts et de la Conservation des sols, CTFT /Division de Lutte contre
l’Érosion.,ORSTOM, Centre national de recherche pour le développement rural
(FOFIFA)/Département des Recherches Forestières et Piscicoles/Programme
Conservation des Sols et Programme National de Lutte Antiérosive (PLAE).
Des projets de conservation sont menés par FOFIFA, CIRAD et Office National de
l’Environnement (ONE). Il s’agit surtout de campagnes de sensibilisation et de
responsabilisation des paysans pour la protection des sols et la lutte contre l’érosion.
Ce sont aussi des programmes de vulgarisation des techniques qui sont diffusés
dans le pays. Des centres de formation agricole sont ouverts. Des parcelles témoins
sont implantées dans différents sites et des « vitrines » créées pour sensibiliser,
entraîner et inciter le paysan à adopter les techniques modernes de l’agriculture. Des
concours agricoles sont lancés pour récompenser les meilleurs producteurs,
notamment la production de riz par le système de riziculture améliorée.
Les dispositifs de Défens et Restauration des Sols (DRS) sont réalisés en fonction de
la pente. On pratique le système de cultures en courbes de niveau sur les versants
à pente<12%. Il s’agit de limiter les actions érosives du ruissellement par des lignes
isohypses d’absorption totale ou des fossés de diversion. Les cultures sont
placées entre les lignes. Là où la pente>12% le terrain est classé en zone de
protection. Le reboisement est conseillé pour rompre la vitesse d’écoulement des
eaux et canaliser les superflus vers des exécutoires.
Des aménagements sont faits sur les lavaka pour stopper les phénomènes d’érosion
régressive, éviter le sapement à la base des talus d’éboulement issus de
l’effondrement des parois ou des glissements des altérites et maintenir la stabilité du
lavaka. Les interventions visent à diminuer les apports d’eau supplémentaire en
créant tout un système de canaux de diversion cimentés ou tout simplement creusés
dans le sol. Les petits barrages en pilier de bois morts et feuillages placés au niveau
de l’exutoire, disposés par les paysans pour piéger les sédiments ou empêcher
l’ensablement des rizières situées en aval sont remplacés par des ouvrages plus
perfectionnés. La revégétalisation du lavaka vise la stabilisation de l’érosion.
Les sites de reboisement sont multipliés pour protéger le sol du ruissellement,
atténuer le phénomène de l’érosion par la couverture végétale et permettre une
meilleure infiltration des eaux de pluie dans le sol. Ces reboisements avaient aussi
pour objectifs de ravitailler la capitale en charbon et en bois de construction pour
préserver le patrimoine forestier. C’est le cas des reboisements sur l’axe Nord Est
d’Antananarivo vers Anjozorobe.
Les actions de restauration de la fertilité des sols sont orientées dans la
recherche de pratiques culturales qui visent l’augmentation des rendements et
limitent les effets de l’érosion. L’expérimentation a porté sur la rotation culturale :
pomme de terre, arachide, maïs et pois dans la station de Nanisana dans la banlieue
d’Antananarivo ; blé, légumes, maïs, jachère naturelle ou améliorée à Manankazo
dans le Tampoketsa d’Ankazobe. En même temps on a comparé les effets de
cultures à plat et en billons. Il résulte que le billonnage réduit l’érosion jusqu’à 10 fois
dès la deuxième année.
La culture sous couverture des sols par végétaux vivants ou paillage sous forme
de résidus de culture et herbes mortes « voly rakotra » vise la réduction des effets
des gouttes de pluie sur le sol en freinant le ruissellement par les végétaux tout en
restaurant et conservant les sols.
La jachère améliorée expérimentée à Manankazo utilise des espèces tel que
Tephrosia vogelii ou Phaseolus lunatus pour protéger le sol de l’érosion par la
végétation, augmenter la matière organique, améliorer la structure et la fertilité du sol
par fixation de l’azote.
La pratique du compostage résulte de la formation dispensée par le Ministère de
l’Agriculture en 2005 et des apports des Projets agricoles, notamment d’une agence
japonaise de coopération agricole internationale : JICA. Quelques paysans le
pratiquent d’eux-mêmes aujourd’hui. Le compost est réalisé avec les déchets
ménagers et organiques agricoles : épluchures de légumes, tiges, feuilles, fanes de
maïs auxquels sont ajoutés du Tephrosia ou du Crotalaria. Le tout est mélangé puis
déposé dans un puits de fermentation en intercalant fumier de ferme, bouse de
vache, fiente de poulet avec la terre arable. Il est prêt en l’espace de deux mois et
demi. Il est utilisé pour le jardinage et les cultures maraîchères.
L’entretien de la fertilité de la rizière après la récolte est maintenu par le biais de la
culture de contre saison. Elle résulte de l’action des vulgarisateurs agricoles et des
ONG. Les cultures les plus pratiquées sont la pomme de terre et le haricot. La culture
de contre saison a pour effet de diminuer l’apport en fertilisant dans les rizières. Sa
pratique se heurte à l’adhésion des paysans et à la faiblesse de leurs moyens
financiers.
L’agroforesterie est pratiquée dans les zones forestières, les recherches sont
menées pour limiter les dégâts causés par l’érosion des sols lors des cultures sur
brûlis, la dégradation par lessivage et la lutte contre les adventices.
On a cherché à encadrer le paysan sur la pratique des embroussaillements des
terrains dégradés et menacés par l’érosion, les arbres fruitiers et la pratique des
haies vives.

5- Bilan des actions de LAE


L’expérience est réussie en matière de prairie naturelle, culture en courbes de
niveau, utilisation des terrasses et gradins, reboisement et agroforesterie à l’exemple
de l’utilisation des plantes comme Tephrosia en jachère améliorée.
L’embroussaillement de la jachère avec Grevillea banksü a permis de lutter contre
l’érosion et fournir une biomasse importante à la parcelle. Au Moyen Ouest,
Stylosanthes gracilis a réussi comme espèce fourragère. La pratique des haies vives
a donné de bons résultats sur les falaises orientales notamment à Beforona. La
stabilisation des lavaka n’est pas complète dans les zones affectées par l’érosion
mais les résultats sont positifs en matière de sédimentation et l’action mérite d’être
poursuivie. Les formations paysannes en techniques agricoles reçues sont restées.
Les pratiques améliorées et modernes sont cependant entravées par de
nombreux problèmes. Le paysan n’a pas les moyens financiers et matériels de les
appliquer et l’absence de structuration des organisations paysannes gêne la mise en
place de ces techniques. L’insécurité foncière, les feux de brousse et l’insuffisance
d’encadrement contribuent aussi à empêcher leur réalisation. De plus les actions
entreprises sont fortement tributaires des Projets. Quand ces derniers se terminent
tout ce qui a été fait cesse en même temps. C’est le cas en 1993 du projet Bassin
Versant de la FAO (Food Agriculture Organisation). Plusieurs techniques de Gestion
Conservatoire de l’Eau et de la fertilité des Sols (GCES) ont été initiées mais en fin
de programme les résultats et les efforts déjà réalisés sont entravés faute de suivi.
Le paysan a repris les anciennes techniques traditionnelles de GCES. L’insuffisance
de moyens de l’Etat malgache est aussi un facteur de blocage. Enfin la portée des
programmes de développement est souvent limitée aux sites d’expérimentation. Leur
impact ne permet pas un développement généralisé du pays. Ainsi, seules quelques
zones profitent des apports des Organismes Non Gouvernementaux (ONG) à
l’exemple de TAFA (Terre et Développement) qui intervient sur les Hauts plateaux, le
Moyen Ouest, le Lac ALaotra, le Sud Est et le Sud Ouest.

6- Discussion et conclusion
Le plus grand handicap du paysan réside dans ses pratiques culturales
orientées vers l’autosubsistance et dans ses systèmes de production demeurés
traditionnels, entretenant de la sorte la faiblesse des rendements. Ses activités sont
peu tournées vers l’économie de marché. Les sources d’argent ne sont pas variées.
D’où l’impossibilité d’investir et en conséquence de diversifier ses cultures et
innover ses pratiques culturales. Les entrées d’argent demeurent faibles et instables
ce qui amène le paysan à s’occuper d’abord du nécessaire, à porter l’effort sur la
riziculture et l’entretien des bœufs assurant respectivement la subsistance et les
travaux des champs. Les autres investissements : culture maraîchères et de contre
saison tiennent compte de sa capacité d’épargner.
La défaillance de l’éducation à la campagne explique le besoin souvent
exprimé du paysan pour une assistance continue devant toutes nouveautés
technologiques. C’est pourquoi, il est désemparé quand il lui faut poursuivre seul les
actions arrivées en fin de projet.
La croissance démographique constitue un autre problème à résoudre dans
la mesure où son impact se fait sentir au niveau du milieu naturel, de l’utilisation et la
répartition des terres. Comme les zones de culture occupent les bas fonds et les bas
de pente, l’exiguïté de ces dernières et la surcharge démographique poussent le
paysan à remonter les versants des collines. Dans le cas de la cuvette intra
montagnarde d’Andapa dans le Nord Est de l’île, où de nombreux appuis du Fonds
Européen de Développement (FED) ont aidé le paysan, c’est la chute de production
qui a entraîné l’exploitation des versants montagneux environnants. Les moyens et
techniques utilisés, demeurent traditionnels et fragilisent les versants menaçant
d’érosion les zones de bas fonds. L’accroissement de la population entraîne en outre
un morcellement des surfaces cultivées à cause de l’appropriation des terres qui
se fait dans la majorité des cas par héritage. Les propriétés sont morcelées à
l’extrême en fonction du nombre des héritiers. Les chances de production diminuent
en conséquence accentuant la pauvreté.
Si le paysan perçoit bien les problèmes afférant à l’érosion et à la restauration
de la fertilité des sols, il ne se montre pas assez combatif, et ne fournit pas d’effort en
matière d’agriculture à cause de son fatalisme. Il se montre souvent impatient face
au gain car il veut des résultats et avoir tout rapidement. Il change difficilement
d’habitude. Exemple, pour faire face au danger des variations climatiques actuelles,
la politique de l’Etat vise à promouvoir les variétés de riz à cycle court dans le milieu
paysan. Mais la majorité des agriculteurs préfèrent toujours planter des variétés qu’ils
connaissent bien. Tel le « Makalioka » dans l’Alaotra Mangoro, un riz blanc apprécié
pour la longueur de ses graines. Concilier la politique proposée par l’Etat, la
demande réelle émanant des paysans et les aléas climatiques ; constituent alors une
véritable source de difficultés quant au choix des semences.
Toutes ces considérations expliquent les difficultés rencontrées par les actions de
développement à Madagascar. La faiblesse des moyens financiers, techniques et
matériels constitue l’un des premiers handicaps à surmonter. Le manque d’initiative
et le besoin d’assistance du paysan amène à reconsidérer son éducation et oblige
les organismes de développement à faire une approche participative pour
responsabiliser le paysan face au problème de développement. C’est le cas du
Programme de Lutte Anti érosive (PLAE) qui intervient à Marovoay.
L’amélioration de la vie dans la campagne ne peut donc se faire que sous
certaines conditions : maîtriser le milieu naturel pour assurer un développement
durable, augmenter le revenu de la majorité pour assurer une réelle amélioration des
conditions de vie. Il doit intégrer les aspects socio culturels car le développement de
la campagne dépend beaucoup du paysan lui-même : sa faculté de changer de
pratiques, de penser et d’adopter les techniques modernes.
En conclusion, l’état de dégradation de l’environnement et le maintien des pratiques
ancestrales contribue à pérenniser le non développement de la campagne. Si le
paysan a pu bénéficier des techniques de LAE vulgarisées par différents organismes
de GCES, il les a bien acceptés en général. Mais elles sont ponctuelles et demeurent
souvent à l’état d’expérimentation. Elles souffrent en outre de l’instabilité politique de
Madagascar et sont en conséquence limitées dans le temps. Le paysan quant à lui,
ne peut pas être livré à lui-même. Il a besoin d’un soutien constant si on veut la
poursuite et la réussite des actions menées. Il faut en conséquence développer
l’éducation à la campagne et intéresser le paysan à l’économie du marché en l’aidant
à accéder à une culture de profit. Ainsi, la meilleure stratégie de développement
préconisée commence par une véritable éducation des ruraux pour les rendre
autonomes et réellement aptes au développement.

Références bibliographiques

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l’aménagement du bassin versant d’Antsaharatsy, Hautes terres centrales de Madagascar, in Erosion
et gestion Conservatoire de l’Eau et de la Fertilité des sols, dir. S. RATSIVALAKA, G. SERPANTIE, G.
DE NONI et E. ROOSE, Actualité Scientifique, éditions scientifiques GB, Agence universitaire de la
Francophonie, pp. 153-158

ANDRIANAVALONA HM et RANDRIAMANGA, 2008 : Evaluation des pertes en terre sous SIG et


perspectives d’aménagement d’un bassin versant de Madagascar, Annales de la faculté des Lettres et
Sciences Humaines, Université d’Antananarivo (sous presse)
CHAPERON P., DANLOUX J., FERRY L., 1993 : Fleuves et rivières de Madagascar, Monographie
hydrologique 10, IRD éditions, Ministère de la Recherche Scientifique, Ministère des Transport et de la
Météorologie, Paris, 874p., édition cédérom 2005

RANDRIAMANGA S., 2005 : Application de la télédétection et des SIG dans la gestion des sols d’un
bassin versant des Hautes Terres Centrales malgaches, in S. RATSIVALAKA, G. SERPANTIE, G DE
NONI, E. ROOSE, Les Actes courts des Journées scientifiques régionales du Réseau Érosion et
GCES de l’AUF, 25, 26 et 27 octobre 2005. pp 77-80

RATSIVALAKA S., ANDRIAMAMPIANINA N., MIETTON M., PUECH C., ANDRIAMIHAMINA M.,
RANDRIAMBOAVONJY J.C., 2007 : "Restauration et gestion de la fertilité des sols sur les Hautes
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Madagascar". Réseau des chercheurs EGCES de l’AUF. Rapport Scientifique de mi-parcours, 49p.
Rapport final, 41p.

ROOSE E., CHEBBANI R., BOUROUGAA L., 2000: Ravinement en Algérie. Typologie, facteurs de
contrôle, quantification et réhabilitation. Synthèse, Sécheresse 2000, n°11, pp. 317 -326.
Perception de la banquette antiérosive fruitière
par les utilisateurs dans le Moyen Atlas (Maroc)
Régis PELTIER*, Mohamed SABIR**, Charles LILIN***, Anaïs ODDI***, Frank
SCHNEIDER***, Florence AMIA***, Daniel KÜBLER***, Thea-Katharina
WIESINGER***, Armand-Yvon MENGOME-ANGO***
* CIRAD-ES-UPR36, TAC-36/D, Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5, France (regis.peltier@cirad.fr) ** École
Nationale Forestière d’Ingénieurs, BP 511, Salé, Maroc *** AgroParisTech-ENGREF, BP 7353, 34086
Montpellier cedex 4, France

Résumé :
La banquette fruitière » est une méthode qui consiste à creuser des fossés d’environ 50 cm de largeur
et de profondeur, en courbe de niveau, au fond desquels sont plantés des arbres fruitiers. Elle a été
largement utilisée au Maroc depuis des décennies et diffusées par le projet européen de
développement participatif du Moyen Atlas Central, qui en a fait installer 97 km sur 212 ha, entre 2005
et 2007.
Méthode : Au cours du mois de février 2007, des enquêtes ont été réalisées auprès de 16 paysans
de la région de Khénifra, Moyen-Atlas, pour déterminer quelle était leur perception de la technique et
quelles améliorations ou alternatives ils pouvaient proposer. Les enquêtes ont été croisées avec
autant de visites de terrain et avec des entretiens avec des personnes ressource.
Résultats : Les paysans, dans leur ensemble, portent un grand intérêt aux fruitiers. En effet, ces
agro-pasteurs « berbères », assez récemment sédentarisés, vivent traditionnellement de l’élevage du
mouton et de la culture des céréales. L’arboriculture des pommes, des amandes et des olives peut
leur permettre d’obtenir des revenus monétaires beaucoup plus importants.
C’est en raison de cet intérêt pour l’arboriculture que les agriculteurs acceptent le creusement des
banquettes par le projet, dans leurs champs, d’autant plus qu’il subventionne également l’achat des
plants et leur mise en place.
Mais très peu sont convaincus par l’efficacité antiérosive des banquettes qui, étant en courbe de
niveau, sont mal adaptées à l’irrigation gravitaire et qui se révèlent sensibles, en cas de fortes
précipitations et de piétinement du bétail, en particulier sur fortes pentes.
Lorsqu’ils réalisent eux-mêmes les travaux, certains arboriculteurs préfèrent entourer les arbres par
un fossé peu profond en demi-lune, dont le bourrelet aval est renforcé par un mur en pierres sèches,
ce qui forme une terrasse individuelle pour chaque arbre. Elles peuvent alors être disposées le long
de fossés d’irrigation en légère pente. En cas de fortes pluies, l’eau en excès peut s’écouler entre les
terrasses individuelles, sans les détruire. On remarque, en outre, que seuls les plus aisés des
arboriculteurs, en particulier d’anciens émigrés, peuvent assurer l’irrigation, la taille et les traitements.
Discussion et conclusion : Il apparaît ainsi que le « paquet technologique banquette +
arboriculture », apporté par le projet, a été bien accepté en raison de sa quasi-gratuité, malgré les
inconvénients voire les dangers de la technique antiérosive choisie. Ce faisant, le projet a
certainement accéléré l’évolution des systèmes agraires traditionnels et leur ouverture vers l’économie
de marché. Il reste à espérer que ces néo-arboriculteurs sauront développer des techniques plus
diversifiées et donc plus durables, après la fin du projet. Au niveau de l’approche projet, les auteurs
pensent qu’il aurait été plus efficace de dissocier les messages portant sur l’érosion et sur
l’arboriculture, et de travailler sur une plus longue durée, en tenant compte des savoirs traditionnels et
en assurant l’accompagnement et la formation des agriculteurs.

Mots clés :
Maroc, Banquettes fruitières, Érosion, Développement rural participatif, Moyen-Atlas,
GCES, Perception paysanne, Résilience des systèmes socio-écologiques.
Abstract:

Perceived view on fruit arboriculture terrace by their users in Middle-Atlas (Morocco)


Terrace orcharding (banquette fruitière) is a method which consists of digging ditches of
approximately 50 cms in both width and depth, in contour lines, at the bottom of which fruit
trees are planted. It has been used extensively in Morocco for decades and become more
widespread thanks to the European Project for Participative Development in the Central
Middle Atlas region, which duly planted 97,000 m of them over a 212 ha area between 2005
and 2007
During the month of February 2007, a survey was carried out with the cooperation of 16
farmers from the Khenifra region (Middle Atlas), in order to determine how they perceived the
technique and what improvements, if any, or possible alternatives they might be able to
suggest. The surveys were combined with and equal number of on site visits and numerous
interviews with key resource persons
The farmers, in general terms, attach great importance to fruit trees. In fact these Berber
agropastoralists, relatively recently sedentarised, live traditionally from the breeding of sheep
and the planting of cereal crops. Orcharding of apples, almonds and olives could enable
them to enjoy significantly higher income.
Its because of this interest in fruit arboriculture that the farmers were willing to accept the
project’s terrace digging in their fields, in addition to the fact that it was responsible for
subsidising both the purchase and planting of the fruit trees.
Yet few were convinced of the erosion control effect of the terraces which, being in contour
lines, were badly adapted to gravitational irrigation and which in any event proved itself to be
rather oversensitive, to both heavy rainfall and the cattle trampling and this was especially
true in those areas with steep slopes.
When they carried out the work themselves, certain farmers demonstrated a preference for
surrounding the trees by a shallow crescent-shaped ditch, whose dyke was reinforced by a
wall made from dry stones. In this way they could be set out right along the entire length of
the irrigation ditches in a slight slope. It is also worth pointing out that only the better off, in
particular former settlers could afford to pay for irrigation, pruning and the various requisite
treatments.
It would seem, then, that the advisory package, as developed by this project, was well
accepted because of its virtual absence of cost, and despite the drawbacks (and possibly
even dangers) of the selected erosion control technique. That said, the project undoubtedly
accelerated the change of traditional rural systems and assisted in their opening up to the
market economy. One can but hope that these” neo-arboriculters” will know how to develop
more diversified (and thus more sustainable) techniques upon completion of the project. In
terms of project approach, it remains an open question as to whether or not it might have
been better to distance oneself from the feedback given in relation to both erosion and fruit
arboriculture.

Keywords: Fruit Arboriculture Terrace, Erosion control, Participatory rural


development, Middle Atlas, Morocco, Soil conservation and reclamation,
Conservative management of water and soil.
Introduction
Le « Projet de Développement Rural Participatif du Moyen Atlas Central » (dit
« Projet Khénifra » ou également « Projet MEDA ») a pour objectif l’amélioration des
conditions de vie des populations rurales, à travers l’augmentation des revenus et la
mise en œuvre d’une gestion rationnelle des ressources naturelles. Il s’agit
également de poursuivre le projet de développement rural « Oued Srou » de la GTZ
(Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit, coopération technique allemande
pour le développement) qui, de l’avis de nombreux observateurs, a obtenu des
résultats très satisfaisants. Il concerne 12 communes rurales de la province de
Khénifra, Maroc, couvrant une surface de 235 000 ha. Le budget total s’élève à
environ 20 millions d’Euros (Schlaifer, 2005). La réalisation du projet s’étend de 2002
à 2009.
Les mesures de Défense et de Restauration des Sols (DRS), conçues dans une
logique de développement rural intégré et participatif, s’inscrivent dans ce projet.
Différents types de mesures de DRS, de Gestion Conservatoire de l’Eau, de la
biomasse et de la fertilité des Sols (GCES) et de gestion durable de l’environnement
sont prévus, sur une surface totale d’environ 235 000 ha et, en particulier, 97 km de
banquettes fruitières sur 212 ha et 2200 m3 de murets en pierres sèches. Le maître
d’ouvrage des mesures de DRS et de GCES est le Service Provincial des Eaux et
des Forêts de Khénifra. La réalisation des travaux a été sous-traitée à des
entreprises.
Pour le projet Khénifra, le principal objectif reste de faciliter la valorisation agricole
des terres considérées comme marginales.

La « banquette fruitière »
(Photographie 1) est une méthode
qui consiste à creuser des fossés
d’environ 50 cm de largeur et de
profondeur, en courbe de niveau,
au fond desquels sont plantés des
arbres fruitiers. La hauteur du
bourrelet se situe entre 30 et
70 cm.

Photographie 1 :
Banquettes fruitières au moment de la
plantation

En février 2007, l’Unité de Gestion du Projet a demandé une contribution à


« l’évaluation à mi-parcours » de la pertinence technique et socio-économique des
mesures intégrées de DRS dans la région et, plus particulièrement, de la banquette
fruitière. Il s’agissait d’effectuer une enquête auprès d’un échantillon d’utilisateurs de
cette technique antiérosive, couplée à des plantations fruitières, pour étudier leur
perception et rendre ainsi intelligible les écarts observés ou prévisibles entre les
objectifs initiaux et ceux atteints. De nombreuses études sur l’efficacité antiérosive
des banquettes existaient déjà (Roose, 1994, Sabir, 2003) mais il s’agissait ici
d’étudier l’efficacité de la diffusion, à grande échelle et sur un temps limité, du paquet
technologique « banquette + arboriculture fruitière ».

Matériel et méthode

Zone d’étude
La province de Khénifra se localise dans le Moyen Atlas Central du Royaume du
Maroc (Figure 1). Sur une surface totale de 1 341 000 ha, elle a une population de
465 061 habitants. Sa densité est d’environ 38 habitants par km². La population est
généralement jeune : environ la moitié des habitants est âgée de moins de 20 ans.
Le taux d’accroissement moyen annuel est de l’ordre de 2,3 %, avec une disparité
considérable entre l’espace rural (0,5 %) et les centres urbains (5 %) en raison de
l’exode rural.

Figure 1 :
Le Maroc et la région de Khénifra
(source Geomatic, 2007)

Au niveau économique, 75 % de la
population active vit de l’agriculture
et de l’élevage. Seulement 12 %
de la population active est
employée dans le secteur tertiaire
(transports, commerces et
administration). L’industrie et
l’artisanat n’occupent que 3 % de
la force de travail.

Le climat de la zone est de type


méditerranéen continental de
montagne, froid et pluvieux en
hiver, chaud et sec en été. Les
chutes de neige sont fréquentes en
hiver. La province de Khénifra connaît des spécificités telles que la gelée, la grêle et
la sécheresse. La moyenne des pluies annuelles dans la zone d’étude est de l’ordre
de 600 à 800 mm (Sabir, 2003).
L’altitude de la zone de travail s’échelonne entre 1000 et 1500 m. Le relief de la zone
est accidenté et les douars (hameaux de montagne) se trouvent souvent enclavés
dans les vallées ou isolés dans les montagnes, toujours à proximité d’une source
(Photographie 2).

Deux types de sols sont surtout présents dans la zone d’étude :

– Les sols fersiallitiques peu profonds sur dolomies et calcaires sont les plus
présents. Par leur texture, nature, roche mère, ils sont souvent associés à la
culture ou portent les forêts de chênes verts.
– Les sols rouges fersiallitiques méditérranéens sur argilites rouges du Trias.
Face à l’érosion, ce sont les sols qui présentent la plus grande fragilité.

Photographie 2 :
La zone d’étude : habitations (douars)
entourées de champs de blé enneigés en
haut et à droite, vergers d’oliviers et jardins
maraîchers dans la vallée

Des vertisols se rencontrent plus


rarement dans les dépressions.
Pour des raisons de temps et de
moyens disponibles, la zone d’étude a
été limitée aux douars de la commune
de Sidi Yahya ou Saâd et
accessoirement à la commune d’El
Kebab au sud de Khénifra. Elle se situe au niveau du flanc occidental des causses
moyens atlasiques et de la vallée d’Oued Srou. Cette dernière est caractérisée par
des pentes fortes, une couverture végétale faible et un substrat souvent friable
(schistes et argilites rouges du Trias). Différentes formes d’érosion hydrique (en
nappe par ravinement ou solifluxion) sont observées.
La zone est habitée par des agro-pasteurs amazigh (« berbères »), assez
récemment sédentarisés, qui vivent traditionnellement de l’élevage du mouton, de la
culture pluviale des céréales et d’un petit maraîchage irrigué de vallée. Les arbres
fruitiers et la vigne, plantés sporadiquement autour des habitations et en bordure de
jardin, ne servaient traditionnellement qu’à l’autoconsommation. Cependant, depuis
une dizaine d’années, avec le développement des marchés urbains, l’ouverture de
pistes carrossables de plus en plus nombreuses et l’apport de nouvelles techniques
par les projets et les émigrés, certains agriculteurs ont réalisés que l’arboriculture
des pommes, des amandes et des olives pouvait leur permettre d’obtenir des
revenus monétaires beaucoup plus importants.

Méthode d’enquête
Le travail de terrain a consisté en la réalisation d’entretiens semi-directifs ainsi qu’en
l’observation technique d’aménagements antiérosifs, en général en présence du
propriétaire du terrain et de membres du projet « Khenifra » (Oddi et coll., 2007).
La préparation des entretiens s’est organisée autour de :
 la prise de contact et les concertations diverses avec le personnel du projet,
les autorités locales, les membres de l’ « Associations de Gestion et
d’Aménagement des Terroirs » (AGAT), en particulier l’association « Atlas
pour le Développement » de Sidi Yahya ou Saâd et les agriculteurs ;
 la planification des rencontres ;
 la conception d’un guide d’entretien semi-directif pour la bonne conduite des
enquêtes sur le terrain (Mary et coll., 1999).
Deux entretiens collectifs (en présence de la totalité des membres du groupe de
travail) ont permis de tester la pertinence du guide d’entretien et d’affiner les
rubriques thématiques qu’il comportait. A la suite de ces premières enquêtes, les
hypothèses de départ ont été reformulées en fonction des informations recueillies,
d’analyse et de réflexion ainsi que du temps imparti (Mutel et Sibelet, 2006).
Au total 25 entretiens ont été menés. En général, ceux-ci se sont déroulés pour
partie dans la résidence de l’intéressé (ou dans son bureau) et pour partie sur le
terrain, pour stimuler la discussion, croiser les informations orales avec l’observation
visuelle, faciliter la compréhension et mettre en évidence des contradictions ou des
oublis éventuels. Les catégories de personnes interrogées et leur nombre sont
donnés dans le tableau 1.

Catégories de personnes Nombre d’entretiens

Agriculteur 16

Autorités administratives locales 3


Président de l’AGAT 1

Cadre du projet 4

Garde forestier 1

Tableau 1 : Nombre d’entretiens réalisés par catégorie de personnes

Résultats

Les enquêtes réalisées auprès des paysans se déroulant dans des conditions
souvent difficiles, du fait de l’isolement des douars (accessibilité à pieds seulement),
des aléas climatiques (neige et brouillard) et compte tenu de certaines difficultés de
traduction (amazigh / arabe / français), seuls douze entretiens ont pu être
entièrement notés et analysés. Ceux-ci ont permis d’identifier et de catégoriser les
différents types d’agriculteurs sur la base d’un certain nombre de critères indicateurs.
Ces critères traduisent à la fois la capacité d’investissement, les choix dans les
activités agricoles, mais aussi les difficultés auxquelles les agriculteurs sont
confrontés.

Types d’agriculteurs retenus :


 Les paysans aisés (sept sur douze entretiens analysés) :

Dans cette catégorie figurent des agriculteurs ayant des surfaces d’exploitation
importantes et pratiquant l’élevage. Leurs plantations sont en général réalisées dans
des secteurs profitant de l’irrigation ; celle-ci semble être une condition très
importante de la rentabilité économique de l’arboriculture. Ces exploitants sont moins
pénalisés par la faiblesse des mesures d’accompagnement du projet Khénifra et de
l’administration car leur formation de base est plus solide et ils ont plus facilement
accès aux conseils techniques. Ces exploitants ont parfois recours aux informations
auprès des techniciens qualifiés (de la Direction Provinciale de l’Agriculture (DPA)
par exemple). Ils ont également un meilleur accès à l’information sur l’état des
marchés. Ils savent, en particulier, que la demande nationale de fruits et d’huile est
en accroissement, en raison du développement urbain. Ils n’ignoraient pas, par
exemple, que la demande européenne était élevée en 2007, au moins
temporairement, en raison des gels d’oliviers, en Espagne, durant l’hiver 2005-2006.
Ils mettent en vente des quantités de fruits plus importantes et vendent ainsi au
niveau local et lointain à des prix plus rémunérateurs. Ils emploient fréquemment de
la main d’œuvre et disposent de la possibilité d’investir (achat de matériel,
creusement de puits, équipement de pompes et de tuyaux d’irrigation, système de
goutte-à-goutte, etc.) et d’entretenir leurs parcelles (irrigation, fertilisation, taille,
récolte, etc.). Pour effectuer la taille ou les traitements, ces exploitants disposent plus
facilement du matériel nécessaire (pulvérisateurs, sécateurs, etc.). Ils ont en outre
souvent commencé à planter ou à faire des essais de plantation d’arbres à titre
« expérimental » avant le projet Khénifra. Ils ont une bonne connaissance des
principales variétés disponibles et de leur prix sur les marchés en fonction des
saisons. Il faut noter que plusieurs de ces agriculteurs ont pu « s’élever
économiquement et techniquement au dessus du groupe » grâce à la pluriactivité
(commerçants, maçons, etc.) ou à l’immigration temporaire en Europe (récolte de
fruits en Espagne, bûcherons ou maçons en France).

 Les moyens (2/12) et petits paysans (3/12) :

Contrairement aux plus aisés, les moyens et petits agriculteurs ont des exploitations
de petites tailles en termes de superficie. Ils possèdent parfois quelques animaux
d’élevage. Leur revenu agricole est bien souvent insuffisant par rapport à leurs
besoins, ils vendent ainsi fréquemment leur force de travail. Ils emploient quelquefois
une main d’œuvre dans les périodes de travail intense, comme par exemple durant
la récolte. Ces agriculteurs manquent de moyens pour investir (construction de puits,
de systèmes d’irrigation, etc.) et pour entretenir leur(s) parcelle(s) (irrigation, taille,
fertilisation, etc.). Pour pallier partiellement à cette situation, l’AGAT met
occasionnellement à leur disposition le matériel nécessaire et des techniciens pour la
taille des arbres. Ils ont des difficultés d’accès à l’information et vendent leurs
produits sur le marché local.

 Les métayers (information informelle ou indirecte en raison des difficultés de


contact) :

Ces derniers ne possèdent pas de terre (ou quelques ares de céréaliculture hérités
de leurs parents) et ils travaillent principalement pour un propriétaire détenteur du
titre foncier (résidant parfois en ville ou à l’extérieur du pays). Ils n’ont évidemment
pas la liberté de décision sur une terre sans l’autorisation de son propriétaire. Ces
paysans manquent de moyens pour investir et d’accès à l’information.

Perception et appréciation des banquettes fruitières suivant les types


d’agriculteurs
- Pour les paysans aisés, l’appropriation et l’acceptation des arbres fruitiers
semblent très satisfaisantes. Les banquettes fruitières sont bien acceptées par la
majorité d’entre eux. Mais la plupart disent qu’ils apprécient surtout le fait que le
travail de creusement des banquettes est effectué gratuitement par le projet.
Plusieurs ont déclaré que s’ils avaient eux-mêmes à réaliser le travail à leurs
frais, ils préféreraient des demi-lunes, moins chères à installer, plus faciles à
entretenir et présentant moins de risque de rupture en cas d’orage, ainsi que de
dégradations progressives par le passage des animaux et des hommes. Pour
eux, les banquettes fruitières :
• permettent une valorisation de leur terre ;
• sont plus rentables que la céréaliculture pluviale, malgré les besoins
plus importants en main d’œuvre et les frais plus élevés qu’elles
nécessitent ;
• génèrent des revenus supplémentaires sur le long terme ;
• permettent d’aménager plus facilement un système d’irrigation par
goutte-à-goutte.

Pour les petits et moyens paysans, les enquêtes directes demandent plus de temps
pour une mise en confiance. Etant donné le court temps imparti pour l’étude et
parfois la difficulté d’accès à l’information, le nombre de personnes interrogées reste
faible. De ce fait, il a été nécessaire d’obtenir des informations indirectes auprès de
personnes connaissant bien la commune. Cette catégorie d’agriculteurs rencontre
plus de difficultés que le groupe précédent. Ces agriculteurs sont conscients des
avantages qu’apporte la réalisation des
banquettes fruitières dans leur parcelle. Ils
ont cité notamment la meilleure rentabilité
de l’arboriculture via la valorisation de la
terre mais également celle du travail. Le
travail sur le chantier entraîné par la mise
en place de tels aménagements et celui
que dégagent les arbres fruitiers au
moment de la récolte sont également des
profits directs. Ces agriculteurs sont
souvent dans l’incapacité d’entretenir et
d’irriguer leur terre. L’accès à l’irrigation
est plus difficile pour ces petites
exploitations :

• ils ne peuvent utiliser que l’irrigation


gravitaire par canaux (séguias)
(Photographie 3) mais ne disposent
pas toujours des droits d’eau, ou en
quantité et en durée hebdomadaire
insuffisante.
Photographie 3 :
Irrigation gravitaire d’une banquette fruitière et semis de blé intercalaire

Ceci compromet la rentabilité économique de la plantation fruitière, en particulier


pour les espèces exigeantes en eau comme les pommiers et, dans une moindre
mesure, les oliviers. Ces agriculteurs manquent clairement de moyens techniques
comme financiers pour s’investir dans de tels aménagements. Ils considèrent parfois
que leur surface de production agricole est trop faible pour réaliser des banquettes
fruitières. De plus, ces petits exploitants vendent souvent une part importante de leur
temps de travail en ville ou comme ouvriers sur d’autres exploitations. Ils manquent
alors de temps pour se consacrer à leur propre exploitation et évidemment pour
s’investir dans de nouvelles cultures. En effet, la gestion d’un verger demande un
investissement en temps et en autres ressources qui ne sont pas toujours
disponibles sur une petite exploitation en difficulté. L’arboriculture entraîne un surplus
de travail et de frais qu’ils sont dans l’incapacité de gérer. Ils préfèrent donc se
contenter de la céréaliculture. Enfin, pour d’autres agriculteurs, réaliser ces ouvrages
représente un risque ; or, étant en limite de survie, ils ne peuvent s’en permettre
aucun. Ils sont réticents face à la nouveauté et au changement de leurs pratiques
agricoles. Ils préfèrent « voir chez les autres » avant de s’engager. On peut constater
que la plupart des paysans les plus pauvres qui acceptent de planter les arbres
fournis par le projet ne se les approprient pas vraiment. Cette acceptation est en effet
liée aux salaires versés par l’entrepreneur pour leur participation à la construction
des banquettes, les arbres étant ensuite fournis gratuitement.
-Pour les métayers, l’appropriation et l’acceptation des banquettes sont différentes.
N’ayant pas de propres terres, ils n’ont pas de pouvoir de décision sur
l’aménagement des banquettes et ne peuvent pas en installer pour eux-mêmes. En
revanche, les banquettes génèrent des opportunités de travail à courts termes
(chantier) et à longs termes (entretien des vergers et récolte). Ces agriculteurs les
trouvent donc bénéfiques dans le cadre de leurs revenus sans pouvoir juger de leur
pertinence.

Limites des effets antiérosifs des banquettes


Les agriculteurs constatent majoritairement que les banquettes contribuent à la lutte
antiérosive puisqu’elles piègent l’eau de ruissellement et facilitent son infiltration, au
moins dans un premier temps. Elles sont plus efficaces durant les orages intenses et
courts qu’en périodes de longues pluies. Par contre, sur le long terme, leur efficacité
n’est assurée qu’à la condition qu’elles soient entretenues régulièrement. En effet,
une banquette mal entretenue peut entraîner la création de nouvelles rigoles qui
engendrent la formation de ravines (Photographie 4). De plus, des systèmes
d’irrigation avec des seguias
sont souvent installés par les
agriculteurs pour arroser les
arbres plantés sur les
banquettes. Si ces systèmes
ne sont pas maîtrisés
durablement, ils peuvent
accélérer gravement les
processus de ravinement,
comme cela a pu être observé
chez deux agriculteurs, sur
des pentes supérieures à
50%, à Sidi Yahya et à El
Kebab.

Photographie 4 :
Banquettes sur forte pente, non entretenues et ravinées
Perception économique de
l’introduction de
l’arboriculture
D’après la majorité des
personnes interrogées,
l’arboriculture est une activité
agricole fortement génératrice
de revenus. Ainsi, le débat
portant sur le choix entre
céréaliculture et arboriculture
est d’actualité chez les
agriculteurs du Moyen-Atlas.
Ce choix n’est pas toujours
évident et beaucoup d’entre
eux se sont interrogés sur
leurs productions et sur les
autres possibilités de revenus.
Photographie 5 :
Murette non entretenue installée par un ancien projet

Il leur semble que les plus grosses contraintes pour passer de la céréaliculture à
l’arboriculture sont la possibilité d’irrigation et la disponibilité de moyens financiers.
Pour le choix des espèces fruitières, les critères mis en avant par les agriculteurs
sont la valeur commerciale des fruits et la possibilité de les commercialiser, ainsi que
les exigences écologiques des différentes espèces (besoins en eau, minéraux,
altitude, ensoleillement …).

Perception de l’effet antiérosif du système arboriculture / céréaliculture


En terme de lutte antiérosive, agriculteurs et techniciens pensent tous que l’arbre a
un effet direct sur l’érosion grâce à son couvert et à ses racines mais que celui-ci
reste néanmoins faible. Par contre, les effets indirects du passage de la
céréaliculture pluviale à l’arboriculture sur l’érosion sont jugés importants.
L’agriculteur introduit parfois dans les parcelles irriguées des espèces fourragères
comme la luzerne. Ainsi, l’augmentation des ressources fourragères disponibles sur
l’exploitation favorise le développement d’un élevage bovin intensif et facilite la
diminution du cheptel ovin qui participe souvent à la dégradation de la forêt de chêne
vert et au surpâturage des chaumes et jachères. De plus, après la première récolte
donnée par les arbres fruitiers, la pratique de la céréaliculture entre les arbres est
normalement arrêtée. Le sol peut ainsi s’enherber, ce qui diminue l’érosion hydrique
et supprime l’érosion aratoire liée au labour du sol dans ces parcelles. D’autre part,
la valorisation du travail et de la terre entraînée par l’installation des arbres fruitiers
permettent l’obtention de bénéfices plus élevés. Il semble que l’abandon de la
céréaliculture dans les parcelles les plus pentues en soit facilité. La végétalisation
des pentes raides (installation d’une végétation pérenne) en résulte.
Propositions paysannes d’alternatives à la banquette

En matière de lutte contre l’érosion, certains agriculteurs donnent la priorité à des


aménagements plus légers, à savoir les murettes en pierres sèches construites avec
les pierres résultant de l’épierrage, comme cela a pu être vu chez trois agriculteurs.

Il s’agit d’une technique d'aménagement des pentes. Elles sont installées en courbes
de niveau. Leur fonction antiérosive consiste à diminuer l’érosion aratoire, à réduire
la pente (facilitant la culture des parcelles) et à disperser le ruissellement en surface.
Néanmoins ces rôles divers ne sont assurés qu’à condition que les murettes soient
régulièrement entretenues et contrôlées après chaque averse. La Photographie 5
illustre la non-appropriation d’une murette installée lors d’un projet, car on peut voir
que la base et le sommet n’en ont pas étés renforcés depuis sa création, si bien
qu’elle menace ruine, au risque de relancer, très prochainement, une forte érosion
régressive.

Les seuils en pierres sèches constituent une variante des murettes dans
l'aménagement des talwegs. De la même façon que pour les murettes, ils retiennent
la terre et maintiennent la fertilité du sol. Leur fonction consiste également à
disperser l'eau qui a naturellement tendance à se concentrer au milieu du talweg et à
éviter ainsi l’incision à ce niveau. Selon la force du ruissellement, des variantes plus
ou moins lourdes, avec ou sans semelle parafouille, sont préconisées par les
techniciens du Projet. Les ouvrages sont constitués de pierres plus ou moins
massives. Ils s’accompagnent ou non d’une végétalisation de l’atterrissement du
seuil pour améliorer sa résistance. Pour les plus petits talwegs, des alternatives
moins coûteuses existent : abandon du labour du fond du talweg, enherbement du
talweg, petits seuils biologiques …

En matière d’arboriculture, plusieurs agriculteurs estiment que la technique de la


« demi-lune » est moins coûteuse que la banquette (deux agriculteurs à Sidi Yahia et
un à El Kebab ont réalisés des travaux remarquables par la construction de demi-
lunes dont le bourrelet aval est renforcé par un mur de pierres sèches (Photographie
6). De plus, au moment de l’irrigation des arbres plantés par séguias, elle ne pose
pas de problèmes, contrairement à la banquette. Le diamètre de la cuvette varie de 1
à 3 mètres en fonction de la densité de plantation. Il est estimé qu’un ouvrier peut
confectionner environ 5 cuvettes par jour.
Photographie 6 :
Plantation d’oliviers sur demi-
lunes renforcées par un
solide mur de pierre

Confusion entre l’intérêt des banquettes et celui de l’arboriculture


La majorité des agriculteurs, quelques soient leurs catégories, sont conscients du
phénomène d’érosion. « Les eaux de pluies entraînent ma terre » et « les ravines
creusent mes terrains », disent-ils. Cependant, en matière de lutte antiérosive, pour
la plupart d’entre eux, les banquettes ne constituent pas le moyen le plus efficace et
ils trouvent les aménagements de types murs de pierres et gabions plus efficients et
plus adaptés à leurs problèmes.
En revanche, lorsque les banquettes fruitières leur sont proposées dans le cadre
d’un programme de lutte antiérosive, ils acceptent d’en installer chez eux. En effet, ils
sont lucides, l’arboriculture représente une valorisation de la terre et un apport de
revenu sur le long terme. Pour les agriculteurs, il est évident qu’ils ont tout à gagner
dans la mise en place de banquettes financées par l’Etat ou un projet.
Ainsi, il semble que les paysans associent à l’image de la « banquette » celle de l’
« arboriculture » sans faire de distinction réelle entre les deux. L’action antiérosive de
la banquette n’apparaît quasiment pas, voire pas du tout dans leur discours et donc
dans leur perception.
Il existe donc une forte dynamique de développement de l’arboriculture. Le degré
d’acceptation de l’arbre fruitier est élevé mais il est important de le dissocier de
l’acceptation de la banquette en elle-même.

Discussion
Les banquettes fruitières, du fait de leur influence sur la valorisation de la terre et du
travail rémunéré des paysans bénéficiaires, apparaissent plus comme un outil de
développement rural que comme un moyen de lutte antiérosive. L’intérêt
économique de l’arboriculture semble évident par rapport à la céréaliculture. Il est
confirmé par le fait que dans la zone d’étude, beaucoup de paysans aisés plantent
des arbres fruitiers en dehors de l’aide d’un projet.

Les projets de DRS « à


l’ancienne » imposaient le
remodelage de versants
entiers (Photographie 7), sans
trop prendre en compte le
point de vue et les limites de
parcelle des paysans qui les
mettaient en valeur (appelé
l’approche impérative au
Maroc) (PNABV, 1996).

Photographie 7 :
Aménagement en banquette de
tout un versant

Au contraire, le projet Khénifra s’est appuyé sur une demande paysanne clairement
identifiée. De plus, la distribution d’arbres fruitiers n’a pas été limitée aux seuls
paysans ayant accepté la construction de banquettes sur leurs terres. La rupture
avec les projets antérieurs, où la banquette apparaissait surtout comme un
aménagement réalisé par l’Etat, est importante. Cependant, le projet est resté à mi-
chemin entre un projet de DRS à l’ancienne et un projet de développement rural.
Ainsi, il aurait peut être été préférable de faire d’abord réaliser des banquettes par
quelques agriculteurs aisés, d’observer les résultats obtenus et de constituer ainsi
des références crédibles avant d’organiser une diffusion plus large de la nouvelle
technique. Mais une telle stratégie de développement demande plus de temps, une
ressource dont le projet ne disposait pas. Ainsi, même si l’appropriation est
probablement meilleure que dans les anciens projets, il est possible qu’elle ne soit
que peu acquise pour les petits et moyens agriculteurs.
Évaluer l’appropriation de la banquette fruitière par les agriculteurs nécessite de
travailler à la fois sur leur perception de la banquette comme outil de lutte contre
l’érosion et sur leur perception de l’arboriculture associée à la banquette. Or, au
Moyen Atlas comme un peu partout ailleurs, la problématique de l’érosion des sols
est avant tout une problématique importée par les projets. Cela ne signifie pas qu’il
n’existe pas de préoccupation paysanne par rapport à certaines manifestations de
l’érosion, préoccupation qui se traduit que par de rares aménagements. Mais ce
thème a surtout été importé de l’extérieur, associé tantôt à la stigmatisation de
certaines pratiques agricoles et tantôt à d’intéressantes possibilités de rémunération
lors de la réalisation d’aménagements antiérosifs. Pour accéder à des informations
sur la préoccupation initiale d’un agriculteur par rapport à l’érosion, il faut mener
l’enquête sur le terrain, face à des signes de l’érosion ou, mieux, face à de petits
aménagements paysans réalisés par eux-mêmes ou par leurs voisins. Lors des
enquêtes menées en chambre, le risque est élevé de les voir répondre en fonction
de leurs intérêts pour des aménagements sources de revenus immédiats (salaires).
Autrement dit, la fiabilité des informations fournies est incertaine.
D’autre part la construction d’une banquette fruitière nécessite l’acceptation du
propriétaire du terrain. Lorsque ce propriétaire est en ville ou à l’étranger, l’exploitant
de la parcelle peut avoir du mal à obtenir cet accord. L’acceptation de la banquette
par le paysan semble souvent plus liée au salaire que lui verse l’entrepreneur, plutôt
qu’à une perception claire de l’intérêt de la banquette en elle-même. Certains
agriculteurs refusent la construction de banquettes parce que les inconvénients dus
à la diminution de la surface cultivée et la gêne apportée aux travaux est supérieure
aux bénéfices tirés du salaire fourni. D’autres agriculteurs peuvent aussi refuser la
construction d’une banquette parce qu’elle constitue quelque chose de nouveau
(contrairement à la demi-lune) et qu’ils préfèrent attendre « pour voir » les résultats
que donnent les plantations.
Enfin, plusieurs agriculteurs ont également insisté sur la qualité du travail
topographique (horizontalité) dans la confection des banquettes fruitières et la qualité
douteuse des plants y étant associés. Certains se sont plaints du travail trop rapide
des ouvriers, de certaines défectuosités dans la confection des banquettes, etc.
Malheureusement, la durée de l’étude a été trop courte pour réaliser des
reconnaissances plus approfondies sur le terrain et des enquêtes en plus grande
quantité auprès des agriculteurs.
Quelques difficultés restent à souligner. Il semble que les agriculteurs apprécieraient
un encadrement technique plus important. La faiblesse des mesures
d’accompagnement serait une raison majeure de la mauvaise valorisation
économique des plantations. Les agriculteurs ont notamment insisté sur
l’accompagnement en termes d'entretien (taille des arbres, fertilisation, traitements
phytosanitaires, irrigation), et de commercialisation. Mais le financement de l’AGAT
n’est pas garanti et dépend de sa capacité à mobiliser des fonds pour de nouveaux
projets. Les structures administratives « classiques », comme la DPA, sont chargées
d’assurer le suivi sur le long terme. Toutefois, ces structures administratives ne
semblent pas disposer de ressources financières, humaines et techniques
nécessaires. Il semble que la DPA n’ait été que faiblement associée au projet. Dans
le cadre d'un tel projet, la
mise en place d'un volet de
formation en arboriculture et
des fonds prévus pour
appuyer les administrations
dans leurs tâches pourraient
améliorer l'aide portée par les
bailleurs de fond en matière
de développement rural.

Photographie 8 :
Technicien faisant une
démonstration de taille chez un
« néo-arboriculteur »
Plus de mesures d'accompagnement encourageraient davantage les agriculteurs
dans la bonne réalisation de leurs travaux. Le projet fournit certains de ces services
par l’intermédiaire de l’AGAT (par exemple, la formation des techniciens pour la
taille) (Photographie 8) et il favorise la commercialisation par l’amélioration du réseau
routier

A cause de contraintes économiques et temporelles, un projet travaille dans le court


terme et apporte des techniques standardisées souvent mal connues de la
population. La vitesse de ce changement de pratiques agricoles est forcément plus
rapide que celle du développement. Les efforts mis en œuvre dans le projet Khénifra
ne seront réellement effectifs dans le développement rural qu'à la condition que ce
dynamisme soit maintenu sur le long terme.
D’autre part, l'aménagement des systèmes d'irrigation constitue également une
difficulté car les banquettes fruitières ne sont pas prévues pour l’irrigation. Même si
les agriculteurs profitent de l'aptitude des banquettes à piéger l'eau de ruissellement,
ils aménagent également des canaux qui peuvent entraîner des processus de
ravinement. La demi-lune, avec acheminement de l’eau par la création de petits
chenaux intermédiaires, peut être une alternative compatible avec le besoin
d’irriguer.
Enfin, il faudrait certainement que les techniciens chargés de la lutte antiérosive
(LAE) admettent que, dans les montagnes méditerranéennes, sujettes à des
épisodes pluvieux épisodiques de plus en plus violents, il est impossible de vouloir
faire infiltrer toute l’eau de pluie dans le sol des parcelles agricoles. Les
dangers pour le sol, lors des épisodes extrêmes sont supérieurs aux avantages, en
période de pluviométrie modérée. Des systèmes de LAE doivent obligatoirement
inclure un robuste système de débordement de l’eau en cas d’excès de pluie, qui
peut se confondre avec le système d’irrigation, en cas de sècheresse, du moins là où
cela est possible.

Conclusion
Le projet de développement rural participatif de Khénifra a eu pour objectif
d’améliorer les conditions de vie des populations rurales des zones concernées. La
réalisation des banquettes fruitières par le projet a rempli cet objectif et s’est inséré
également dans une stratégie de lutte antiérosive.
Les arbres fruitiers des banquettes ont été acceptés par les agriculteurs ; mais en
termes de mesures de DRS, ceux-ci n’ont pas tous vu l’intérêt des banquettes. Ainsi,
pour les agriculteurs comme pour le projet, les banquettes fruitières, apparaissent
plus comme un outil de développement rural qu’un moyen de lutte antiérosive.
En fonction des objectifs à atteindre, lutte antiérosive ou valorisation agricole,
d’autres alternatives moins onéreuses sont techniquement envisageables.
Cependant, à l’échelle temporelle et économique d’un « projet », raisonnant sur le
court terme, ces alternatives sont peu compatibles.
Un projet travaille avec des budgets considérables. Il apporte des changements
rapides. Pour que ses effets bénéfiques soient durables, il est important de s’assurer
de la capacité des agriculteurs à poursuivre les actions entreprises.
Au niveau de l’approche de vulgarisation d’un projet de développement rural, les
auteurs pensent donc qu’il aurait été plus efficace de dissocier les messages portant
sur la lutte antiérosive de ceux qui concernent l’arboriculture. Pour une meilleure
résilience des systèmes sociaux- écologiques (Walker et coll., 2009), il aurait fallu
travailler sur une plus longue durée, en tenant compte des savoirs traditionnels et en
assurant l’accompagnement et la formation des agriculteurs.
Remerciements
Les auteurs remercie particulièrement les collègues du projet Khénifra qui les ont conseillé et
accompagné tout au long de la phase de terrain et, en particulier, les agents de développement
Rabach Lahcen et Hamou Bouifrane, le directeur Hamid Stitou et le conseiller technique Manuel
Courtieux, sans oublier, à Montpellier, Gilles Mille et Alain Billand.
Ils tiennent également à remercier les membres de l’AGAT de Sidi Yahya ou Saâd et en particulier
son président Haddou Mghari ainsi que le traducteur Boulahcen Elhoussaine.

Bibliographie :
Geomatic , 2007. (http://www.geomatic.ma/)

Mary F., Sibelet N. et Smektala G., 1999. Guide méthodologique pour la conduite d'une étude en
milieu rural. Cours de l'ENGREF, Montpellier, France, 33 p.

Mutel M. et Sibelet N. , 2006. Méthode d'enquête socio-économique en milieu rural et base de


l'épistémologie. Cours de l'ENGREF, Montpellier, France.

Oddi A., Schneider F., Amia F., Kübler F., Wiesinger T-K., Mengome-Ango A-Y., Lilin C., Peltier R. et
Sabir M. , 2007. Contribution à l’évaluation de la pertinence technique et socio-économique des
mesures de Défense et Restauration des Sols (DRS) dans la région de Khénifra (avec accent sur la
banquette fruitière). Agro-ParisTech-Engref Montpellier, France et ENFI Salé Maroc, 30p.

Peltier R., Sabir M., Lilin C., Oddi A., Schneider F., Amia F., Kübler D., Wiesinger T-K.,Mengome-
Ango A-Y. 2010. La banquette antiérosive fruitière dans le Moyen Atlas marocain : le projet Khénifra.
Vertigo-Regards/Terrain 2010. Institut des Sciences de l’Environnement, Université du Québec,
Montréal, Canada.

PNABV, 1996. Plan National d'Aménagement des Bassins Versants, Rapport de Synthèse (Phase II).
16 p. (http://www.eauxetforets.gov.ma/pabv.htm)

Roose E., 1994. La Gestion Conservatoire de l’Eau, de la biomasse et de la fertilité des Sols (GCES).
FAO, Rome, 420p.

Sabir M., 2003. Identification, priorisation et budgétisation des travaux de ces dans la zone d'action du
projet Khénifra. ENFI, Salé, Maroc, 60 p.

Schlaifer M, 2005. Assistance technique à l'unité de gestion du projet "Développement rural participatif
dans le Moyen Atlas Central" Khénifra, Maroc. Khénifra, Maroc.

Walker B., Sayer J. and Andrew N., 2009. Resilience in practice: Challenges and opportunities for
natural resource management in the developing world. Background paper to the CGIAR 2009 Science
Forum workshop on: “Resilient natural resource systems”. 30 p. ht t p: / / w w w .sciencefor um 2009.nl 
Aspects socio-économiques des
techniques traditionnelles et modernes de conservation de l'eau et
des sols dans la région de Béni Snous
(Wilaya de Tlemcen- Nord Ouest Algérien)

ZEKRI-BELLAHCENE N., MAZOUR M., SALHI B. et TRANDJI M.


Email : nadia_z1978@yahoo.fr

Résumé
La région de Béni Snous dans la wilaya de Tlemcen (NO Algérien) se
caractérise par la présence de techniques traditionnelles de GCES mises en place
par les paysans depuis plusieurs siècles, et de techniques modernes (DRS)
récemment mises en place par l'Administration des Forêts.
Cette étude a comme objectif l'analyse du comportement actuel des deux
techniques utilisées et la comparaison entre elles sur le plan coût, efficacité, maîtrise
de l'érosion et de l'influence socioéconomique vis-à-vis des populations rurales.
L'observation et l'analyse des techniques traditionnelles permettent de
constater une stabilité et une efficacité vis-à-vis de l'érosion remarquables. Les
techniques modernes sont par contre souvent abandonnées malgré un coût de
réalisation très élevé.
Il est donc plus intéressant économiquement d'intervenir dans la lutte
antiérosive par des techniques simples adaptées aux conditions agro écologiques et
aux caractéristiques socioéconomiques des régions lors des premiers stades du
phénomène érosif et assurer continuellement leur entretien que d'intervenir
tardivement par des moyens qui affectent lourdement le patrimoine foncier du pays
sans une efficacité satisfaisante sur la productivité des terres aménagées.
Mots clés : Algérie NO, Gestion durable, Rapport coût/efficacité, Techniques
antiérosives traditionnelles et modernes, Maintenance des aménagements.
Abstract
The region of Béni Snous which is situated in Tlemcen’s department (Algerian
NO) is characterized by the presence of traditional management built by farmers for
several centuries and of modern management (DRS) recently imposed by the central
Administration of Forests.
This study is an analysis of the current behaviour of both techniques and the
comparison between them cost efficiency, control of the erosion and the socio-
economic impact on the rural populations.
The observation and the analysis of the traditional techniques allow to a direct
observation of stability and efficiency against erosion. On the other hand, the modern
techniques are often abandoned although their high results in the domain.
So it is more interesting economically to intervene in the antierosive struggle by
simple techniques adapted to the conditions agro ecological and in the socio-
economic characteristics of the regions during the first stages of the erosive
phenomenon and to assure constantly their interview that to intervene late by means
which affect heavily the land heritage of the country without a satisfactory efficiency
on the ground.
Keywords: Algeria NO., Sustainable management, Ratio cost / efficiency, anti-
erosive traditional and modern techniques, Maintenance.
Introduction
Malgré les lourds investissements que l’état Algérien a consenti pour lutter
contre l’érosion hydrique, les sols continuent de se dégrader et les barrages à
s’envaser à des rythmes accélérés. Le coût global d'un seul projet d'aménagement
antiérosif atteint des millions d’Euros mais l'efficacité reste souvent insuffisante.
La région de Béni Snous dans la wilaya de Tlemcen (NO Algérien) se
caractérise par la présence de techniques traditionnelles de GCES (terrasses,
murettes, cordons en pierres… avec certaines techniques de gestion des eaux)
mises au point par les paysans depuis plusieurs siècles et de techniques modernes
(DRS) récemment mises en place par l'Administration des Forêts.
Le présent travail a comme objectifs, l’analyse du comportement actuel des
deux techniques citées ci-dessus, la comparaison entre elles sur le plan
coût/efficacité, maîtrise de l'érosion et de l'impact socioéconomique vis-à-vis des
populations rurales.

Matériels et méthode :
La zone d’étude d’une superficie de 25,3 km2, fait partie de la commune de
Béni Snous et se trouve dans le bassin versant d’oued El Khemis à 12 km au Sud-
Ouest du barrage de Béni-Bahdel. Le relief est très accidenté : la pente moyenne
varie entre 20 et 60% et les altitudes sont compris entre 500 et 1700m. La nature des
terrains présente une dominance de sols bruns à substrat calcaire. Le reste sont des
sols rouges très riches en matière organique et à texture argilo-sableuse. L’étage
climatique est de type semi-aride à hiver frais. Cette région est fortement menacée
par l’érosion. La vigueur du relief et l’agressivité du climat intensifient énormément ce
phénomène, sans oublier la pression anthropique localement très élevée.
La méthodologie de travail utilisée est basée sur des observations directes sur
le terrain en avril et juin 2008 sur l’état actuel des dispositifs, ainsi que sur les travaux
scientifiques et les informations recueillies sur la région d’étude. Lors des sorties sur
terrain, nous avons élaboré des dialogues avec les paysans pour nous aider à
expliquer certaines situations.
Nous avons distingué les techniques traditionnelles et modernes
suivantes (tableaux 1 et 2) :
Tableau n°1 : Comportement de quelques aménagements traditionnels de la
conservation de l’eau et des sols en fonction de certains facteurs dans la
région de Béni-Snous

Facteurs

Productivité des
Analysés Efficacité coût Rapport

aménagées
Durabilité
pour la Reproductibilité coût /

terres
conservation efficacité
Aménagements de l’eau et
antiérosifs du sol
traditionnels

- Murets avec ++ ++ +++ +++ + ++


terrassettes
- Cordons en + + ++ + +++ ++
pierres
- Culture en ++ + +++ +++ +++ +++
Billons
- Travail à l’araire ++ + ++ ++ ++ ++

- Mulching en ++ + +++ ++ ++ ++
paille
- Jachère cultivée ++ + +++ ++ ++ ++

- Utilisation du ++ ++ +++ +++ ++ ++


fumier.
- Dérivation des
eaux :
Séguia ++ ++ + +++ + ++
Sed ++ + + +++ + ++
-Stockage des + + + + ++ +
eaux ( Jboub)

Légende :
Pour les quatre premiers critères : +++ bonne ; ++ assez bonne ; +médiocre.
Coût : +++ plus chère ; ++ chère ; + moins chère.
Séguia : canal de dérivation et de collecte des eaux réalisé en terre ou en pierres
agencées.
Sed : ouvrage de stockage d’eau à l’amont d’une diguette réalisé généralement en
terre transversalement à un cours d’eau temporaire avec un déversoir latéral. D’une
capacité de quelques milliers de m3
Jboub : ouvrage de stockage d’eau de petite capacité réalisé au niveau des ravines.
Il sert surtout à l’abreuvement du cheptel.

En observant le tableau ci dessus, nous remarquons que les techniques


traditionnelles ont généralement un impact positif sur la conservation du sol et sur
l’amélioration de la productivité et la fertilité des terres aménagées.
Photo 1 Terrasses cultivées en Photo 2 Terrasse en
arboriculture (prunier, pommier, noyer). gradin méditerranéen

Photo 3 Cuvette d’infiltration en


demi-lune autour d’un olivier
Photos 4 et 5 Terrains aménagés par des cordons en pierres.

Photo 6 Champ de blé clôturé par des Photo 7 Culture de pois chiche selon
résidus de jujubier (pour le protéger les courbes de niveau (L.A.E.).
contre le pâturage et l’érosion).
Tableau n°2 : Comportement de quelques ouvrages de correction torrentielle
dans la zone d’étude.

Dimension

Bassin de dissipation

l’amont de l’ouvrage
de l’ouvrage

Reprise biologique
Atterrissement à
Type de seuil

Volume (m )
3

Fondation

efficacité
Ancrage

Coût/
Coût
L I H
(m) (m) (m)
Seuils en gabions

30 4 2 240 +++ +++ +++ +++ +++ ++ ++


25 3.5 2 175 +++ +++ +++ +++ + + +
30 4 2 240 +++ + +++ +++ ++ ++ ++
20 3 1.5 90 +++ ++ +++ + + ++ +
30 4 2 240 +++ +++ +++ + + + +++
Seuils en pierres

30 3 1.5 135 + + + ++ + + ++
12 6 2.5 315 +++ +++ +++ ++ ++ ++ ++
sèches

12 6 6 423 +++ ++ ++ +++ +++ + ++


30 5.5 5.5 753 +++ + + + + ++ +++
8 6 6 120 ++ +++ + + + + +

Légende :
L : longueur ; I : largueur ; H : hauteur.
Fondation et l’ancrage : +++ bonne ; ++ assez bonne ; +médiocre.
Reprise biologique (installation de la végétation à l’amont de chaque seuil) :
+++ bonne ; ++ assez bonne ;+ absente.
Atterrissement : +++ bon ; ++ assez bon ; + absent.
Bassin de dissipation : +++ bon ; ++ assez bon ; + absent.
Coût : +++ plus chère ; ++ chère ; + moins chère.

En observant le tableau ci-dessus où les coûts des différents seuils ont été
évalués et comparés nous constatons que les seuils en gabions sont les plus chers
et ceux qui exigent le plus de technicité. Malgré leur faible efficacité, les seuils en
pierres sèches sont en surnombre ce qui engendre des surcoûts importants.
Photo 8 Série de seuils en gabions
(taux d’atterrissement moyen à faible, érosion active).

Photo 9 Seuil en pierre sèche surdimensionné


avec peu d’efficacité et de stabilité.
Résultats et discussion :
L’étude des différentes techniques antiérosives rencontrées dans la région de
Béni Snous, nous a permis de dégager les constatations suivantes :

Pour les techniques traditionnelles :


En observant ces techniques présentes depuis longtemps (dés l’époque des
Andalous d’après la population locale) dans la région de Béni Snous nous avons
constaté une stabilité et une efficacité remarquables.
Ces techniques présentent une parfaite adaptation aux conditions agro-
écologiques et socio-économiques de la région. Leur présence jusqu’à nos jours
prouve que les agriculteurs ont toujours entretenu ces aménagements.
Néanmoins, ces derniers restent éparpillés : dans certaines terres ils sont
carrément délaissés suite aux héritages successifs des terres, à l’exode rural et à
l’abandon des activités agricoles.

Pour les techniques modernes :


En étudiant les techniques récemment mises en place par l’Administration des
Forêts (correction torrentielle, plantation de fruitiers rustiques) on a remarqué :
 un choix très limité dans les types d’ouvrages installés (seuils en gabions et
seuils en pierres sèches seulement) parfois inadaptés au terrain en place ;
 une densité de seuils parfois exagérée ;
 un atterrissement à l’amont des ouvrages moyen à faible ;
 une remonté biologique insuffisante à l’amont des ouvrages;
 une efficacité incertaine vis-à-vis de l’érosion ;
 Il faut aussi signaler les coûts très élevés de ces ouvrages : les seuils en
gabion ont été réalisé avec un prix unitaire de 30euros/m3 et les seuils en
pierres sèches avec 23euros/m3. Avec un nombre de seuils en gabions plus
important que celui des seuils en pierres sèches et sans oublier les autres
types d’aménagements installés (plantation rustique, talus, fixation des
berges…), le coût global des aménagements atteint des millions d’euros.
 Les coûts sont très élevés, mais malheureusement l’efficacité des techniques
sur terrain est limitée et ne justifie certainement pas ces investissements.

Cela peut être dû à :


 l’emplacement des séries de seuils est surtout sur les ravines les plus proches
du barrage de Béni Bahdel ou des villages, alors que les ruissellements les
plus importants proviennent des parties situées plus à l’amont qui sont
pratiquement dénudées (affleurement de la roche mère) ou des sols peu
profonds tassés par le parcours et où la pente est forte ;
 certaines malfaçons dans la conception des ouvrages nécessitant une
technicité élevée (mauvais ancrage, déversoir ou un bassin de dissipation mal
construits ou absents…) et parfois tout le seuil épouse mal le terrain (surtout
les seuils en pierres sèches) et cela va certainement se répercuter sur la
stabilité et la durabilité de l’ouvrage car il devient plus fragile et plus vulnérable
aux crues.
 au surpâturage qui engendre une dégradation sévère de la végétation et des
sols par le tassement de la couche superficielle suite au piétinement par les
troupeaux ;
 l’absence d’entretien et de suivi des techniques installées; les techniques sont
souvent mises en place puis abandonnées à elles mêmes. La population
locale, non convaincue de leur intérêt, et non intégrée dans leurs réalisations,
ne donne pas un bon accueil à ces mesures imposées par les autorités
administratives.

Conclusion :
Au terme de ce travail, il apparaît clairement qu’il est nécessaire de privilégier,
dans le cadre des nouvelles stratégies de conservation de l’eau et du sol, toutes les
techniques ancestrales qui ont prouvé leur efficacité à travers le temps, mais surtout
celles que les agriculteurs ont adoptées, adaptées et maîtrisées.
Il est plus intéressant économiquement d’intervenir dans la lutte antiérosive par
des techniques simples lors des premiers stades du phénomène érosif et assurer
continuellement leur entretien que d’intervenir tardivement par des moyens qui
affectent lourdement le patrimoine foncier du pays sans une efficacité satisfaisante
sur le terrain.
Il est prouvé, actuellement après plusieurs années de recherche, que les
techniques de la L.A.E. ne peuvent être durables et efficaces que par l’intégration de
la population locale ainsi que leurs intérêts. La communauté rurale, convaincue par
les apports des mesures antiérosives sur le maintien des terres et des eaux, va
probablement les entretenir et assurer leur pérennité.

Références bibliographiques

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Département Foresterie, université de Tlemcen, 70p.
Agriculture sur pentes au Vietnam:
une nécessité pour la sécurité alimentaire
et un risque pour la durabilité du système agricole

Didier Orange(2), Pham Quang Ha(1), Tran Duc Toan(3), Floriane Clément(2),
Pascal Jouquet(2), Nguyen Duy Phuong(3) et Nguyen Van Bo(4)

(1) IAE, Institute for Agricultural Environment, VAAS, MARD, Hanoi; (2) IRD/IWMI, MSEC program,
UMR211-Bioemco, Hanoi ; (3) SFRI, Soils and Fertilizers Research Institute, VAAS, MARD, Hanoi;
(4) VAAS, Vietnamese Academy for Agricultural Science, MARD, Hanoi, Vietnam
Correspondant et conférencier: Dr Pham Quang Ha, haphamquang@fpt.vn

Résumé :
Tandis que les zones de montagne moins peuplées apportent les ressources en
eau qui permettent aux plaines de prospérer, les habitants des zones
montagneuses continuent à souffrir de pauvreté, de faibles productivités agricoles
accompagnées de dégradation environnementale. Une solution à ce paradigme
semble être la mobilisation mutuelle de toutes parties prenantes via des
mécanismes incitatifs de type PES (Payment for Environmental Services). L’idée
est de relier politiques agricoles et stratégies individuelles dans une même action
répondant aux contraintes physiques, économiques et culturelles des milieux
physiques et humains en même temps qu’aux contraintes institutionnelles pour
une bonne gouvernance. Un meilleur lien entre terres de pente et plaines devrait
garantir un usage durable des terres de pente sans risque pour les plaines.

Mots clés: Vietnam, Montagnes, Système agricole, Actions incitatives, Gestion de


Bassin versant, Asie du Sud-est

Abstract :
While the mountainous area few populated provides the water resources to enrich
the flat lands, the livelihoods of inhabitants in the mountainous area remain still
poor, with weak agricultural productivity and environmental degradation. A solution
to this paradigm could be the mutual involvement of each stakeholder by some
incentive mechanism based on the sustainable development. The PES (Payment
for Environmental Services) could then link agricultural policies with individual
strategies to address both to the physical, economic and cultural constraints and
to the institutional constraint for a best governance. One can expect by this way a
better link between sloping lands and plains to guarantee a sustainable use of the
sloping lands without risk for the flat lands.

Key words: Mountain, Farming system, Incentive Mechanisms, Watershed


management, Southeast Asia
INTRODUCTION
Sur les deux dernières décades, le Vietnam a connu sur tout son territoire
d’énormes changements liés aux réformes agraires et à la croissance économique
qui en a découlé (Le Trong Cuc, Rambo 2001 ; Castella J.C., Dang Dinh Quang,
2002 ; Castella et al., 2005 ; Tran Duc Vien, 2003). L’agriculture est passée d’un
système agricole collectiviste géré par des coopératives à un système
d’exploitations agricoles privées dirigées par des décisions individuelles. Le
changement de la répartition des terres qui a suivi cette libéralisation économique
s’est accompagné d’une importante augmentation de la productivité agricole et
d’une diminution de la pauvreté (Le Trong Cuc, Rambo 2001). Cependant,
l’amélioration n’a pas été uniforme (Tran Duc Vien, Rambo, 2001). Le
développement économique dans les zones de pente (montagnes et collines) a
été plus lent, laissant encore aujourd’hui des régions où la pauvreté est toujours
présente, bien que le développement économique des terres de pente ait été
souvent placé comme prioritaire dans les programmes de soutien des décideurs,
bailleurs et organisations internationales non gouvernementales (ONG).

Or les terres de pente sont nécessaires pour le développement


économique harmonieux du pays. En effet, le Vietnam compte aujourd’hui plus de
80 millions d’habitants et ne possède que 11 millions d’hectares de terres
agricoles, faisant craindre la perte de capacité du pays à se nourrir, d’autant que
le Vietnam est l’un des pays qui pourrait être le plus affecté par le changement
climatique (Dasgupta et al., 2007). Les deux deltas (du Mékong et du Fleuve
Rouge) qui constituent les zones majeures de production agricole du pays se
transforment en zones industrielles et mégapoles. Dans le reste du pays, les
plaines, dédiées initialement aux productions agricoles, sont de plus en plus
fortement peuplées et industrialisées aux dépends des surfaces agricoles
(Dasgupta et al., 2007). Dans le même temps, l’intensification et la densification
de l’usage des terres de pentes a conduit à des impasses environnementales,
malgré les programmes techniques de soutien aux politiques d’agriculture de
conservation. D’une part, ces programmes avaient pour objectif d’améliorer ou de
remplacer les systèmes supposés non adaptés des paysanneries traditionnelles.
D’autre part, de nombreux programmes ont promus la reforestation pour la
protection des sols et la gestion des bassins versants amont. Mais le succès de
ces initiatives n’a jamais été celui escompté, aussi bien en ce qui concerne
l’amélioration des conditions de vie que les bénéfices environnementaux
(Sunderlin et Huynh Thu Ba, 2005 ; World Bank, 2008).

Ainsi tandis que les zones de montagne moins peuplées apportent les
ressources en eau qui permettent aux plaines de prospérer, les habitants des
zones montagneuses continuent à souffrir de pauvreté, de faibles productivités
agricoles accompagnées de dégradation environnementale (Lang, 2001 ; Tran
Duc Vien et Rambo, 2001 ; Tran Duc Toan et al., 2003 ; Valentin et al., 2008), qui
en retour affecte de plus en plus les usages de l’eau et les populations des zones
basses (Lundqvist, 2009). En effet, en dépit des efforts de soutien et des
innovations technologiques, l’érosion continue à diminuer la fertilité des sols sur
les terres de pente affectant le revenu des agriculteurs (Lestrelin et al., 2005 ;
Valentin et al., 2008) et créant un risque écologique et économique pour les
communautés d’en-bas du fait d’eaux polluées en nitrates et d’apports en
sédiments qui comblent les retenues d’eau destinées à l’irrigation (Grandidier et
Orange, 2008 ; Orange et al., 2008a ; Pham Quang Ha et Orange, 2008). Aussi un
des grands défis actuels du Gouvernement Vietnamien est le développement de
systèmes agro-écologiques économiquement rentables et durables qui
permettront l’utilisation des terres de pentes par les petits agriculteurs (Orange et
al., 2008b).

Par ailleurs, même si les technologies nouvelles peuvent être une solution
technique efficace, il est reconnu depuis longtemps que les conditions d’adoption
par les agriculteurs peuvent être un blocage important (Lestrelin et al., 2005;
Noble et al., 2006; Clement et al., 2007 ; Clement et Amezaga, 2009) et nécessité
des approches complexes, directes ou indirectes (Aldy et al., 1998 ; Haberl et al.,
2004 ; Noble et al., 2006 ; Clement, 2008 ; Clement et Amezaga, 2008 ; Orange et
al., 2008c ; Hayashi et al., 2009). En effet, une étude exhaustive de par le monde
(de l’Afrique à l’Asie, des Amériques à l’Europe) des projets agricoles à succès a
relevé que les facteurs clés de la réussite pouvaient se classer selon quatre
catégories majeures : les contraintes individuelles, les contraintes sociales, les
contraintes techniques et enfin les contraintes extérieures (Joshi et al., 2005 ;
Noble et al., 2006).

Dans cet article, nous proposons une analyse des principaux requis pour
promouvoir le développement agricole sur pente dans le Nord Vietnam afin de
répondre à la fois aux contraintes de sécurité alimentaire et de réduction de la
pauvreté d’une part, et aux contraintes de conservation des ressources en eau et
en sol d’autre part. Notre discours est basé sur l’expérience de plusieurs projets
de recherche menés au sein du Soils and Fertilizers Research Institute (SFRI)
avec le programme international de recherche MSEC (Management of Soil
Erosion Consortium) géré en collaboration entre l’IWMI et l’IRD (Maglinao et al.,
2001 ; Valentin et al., 2008), notamment à partir d’un suivi à long terme de
l’évolution des pratiques agricoles dans les zones montagneuses du Nord Vietnam
basé sur des mesures hydrologiques et de pertes en sol par érosion couplées à
des actions agricoles participatives. De ces expériences, il sera introduit la notion
d’approches incitatives pour lier politiques agricoles et stratégies individuelles.

AGRICULTURE SUR PENTE : LES CONTRAINTES

Dans le Nord Vietnam, les collines et petites montagnes ont été


déforestées dans les années 1970 pour l’usage agricole ; cela a eu pour
conséquence un rapide appauvrissement des sols liés surtout aux pertes de
nutriments par lessivage et induisant des changements des caractéristiques
physiques et biologiques des sols. La situation actuelle des pentes est souvent
dramatique, ne permettant plus que la culture de manioc avant d’aboutir à la
jachère ou forêt.

Les activités de recherche de MSEC au Vietnam ont notamment concerné le suivi


journalier à long terme (de 1999 à nos jours) des exportations de matières par les
eaux d’écoulement de surface à l’échelle de petits bassins versants agricoles sur
pente (de 1 ha à 50 ha) (Tran Duc Toan et al., 2003a, b ; Phan Ha Hai An et al.,
2008 ; Orange et al., 2008b). Dans le bassin d’étude, les terres cultivées ont des
pentes de 40% à plus de 100%. Le couvert végétal majeur est passé
progressivement de la culture de manioc sur tous les versants (40% du couvert en
2001 à moins de 0,5% en 2004) à la plantation d’arbres pour pate à papier (Acacia
mangium) et de fourrage tropical (Bracharia ruzziziensis) (Photo 1). Après 5 ans
de suivi continu, les taux d’érosion mesurés sur des versants de 5 à 10 ha, ont
confirmé que le nettoyage des sols (défrichage, labour, sarclage) générait les plus
fortes pertes en terre (pouvant être supérieures à 10 t/ha/an) et que la forêt ou le
couvert pluriannuel, tel le fourrage, éliminait toute érosion dès la deuxième année
pour après 3-4 ans réduire l’érosion à moins de 0,5 t/ha/an (fig. 1).

Phot o 1: I llust r at ion du changem ent d’usage agr icole ent r e 2001 et 2005 dans la zone
d’ét ude du pr ogr am m e MSEC ( basin v er sant de Dong Cao, pr ov ince de Hoa Binh,
Nor d Viet nam ) .copy r ight @ : D. Or ange

Fig. 1 : I nfluence de l’ut ilisat ion des t er r es sur l’ér osion. Ev olut ion de 2001 à 2007 de
la pluie m ensuelle ( en hist ogr am m e) et des cour bes de cum ul m ensuel des per t es en
t er r e de fond ( bedload) m esur ées sur 4 sous- bassins de 5 à 10 ha ( Dong Cao
Village, Hoa Binh Pr ov ince, Nor t her n Viet nam ) . Ex ut oir es: Weir 1 ( for êt ) , Weir 2
( plant at ion int er annuelle, four r age de Br achar ia à par t ir de 2003) , Weir 3 ( m anioc et
agr ofor est er ie à par t ir de 2003) , Weir 4 ( v ieille j achèr e > 10 ans) .
Cependant dans le détail (Podwojewski et al., 2008), nous avons montré
que ces valeurs d’érosion étaient directement liées à la capacité d’infiltration due
aux modalités d’usage du sol. La comparaison de ces résultats avec les autres
bassins versants expérimentaux MSEC (réseau de mesures réparti sur 5 pays
d’Asie du Sud-est) confirme que l’érosion est effectivement plus expliquée par
l’absence de couvert végétal que par son existence (Valentin et al., 2008). Ainsi,
on confirme que la pratique agricole sur pente à une influence directe sur
l’exportation de matière à l’exutoire de petits bassins versants agricoles inférieurs
à 1 km2. Et on démontre que le meilleur indicateur de ces pertes en terre est le
pourcentage de culture de maïs surtout, et en général de cultures annuelles, et
non le pourcentage de forêt ou encore de couvert végétal.

Le suivi des pratiques culturales mené auprès des villageois de Dong Cao
montre que les stratégies paysannes sont avant tout opportunistes, très liées aux
lois du marché. Ainsi on voit depuis 2008 une recrudescence des cultures de maïs
du fait de la demande économique tendue par le marché international. Même si
l’agriculteur a conscience de la baisse de fertilité des sols de pente après des
cycles de cultures annuelles (e.g. les rendements de manioc sont passés de 20
t/ha/an à moins de 10 t/ha/an en moins de 10 ans) et des risques de pertes en
terre par érosion, ces deux contraintes n’influencent pas en priorité sa prise de
décision (Clément et al., 2007).

EXEMPLE D’IMPACT D’UNE POLITIQUE AGRICOLE : LA REFORESTATION

Dans beaucoup de pays du monde, la réponse politique à une telle


situation a été l’aménagement d’une politique volontaire de reforestation dans les
zones montagneuses, i.e. le programme 5MHRP au Vietnam (MARD & 5MHRP
Partnership Secretariat, 2001). Le projet MSEC s’est intéressé à mesurer l’impact
d’une telle politique à l’échelle d’une grande région du Nord Vietnam (i.e. la
Province de Hoa Binh) et au niveau individuel (Clement, 2008 ; Clement et al.,
2007, 2009). Pour cela, une méthodologie originale d’analyse a été utilisée :
Institutional Analysis and Development (IAD) largement documentée dans
Clément (2008). Cette méthode permet de mettre en relief l’analyse du
changement d’usage en prenant en compte à la fois les aspects institutionnels
avec une perspective historique et les aspects liés à la perception des acteurs et
leur discours concernant la gestion des terres et la forêt (fig. 2).

Les résultats montrent que les politiques nationales ont interféré fortement
avec les facteurs locaux, conduisant localement à une compétition complexe entre
la prise de décision et l’action (Clement et Amezaga, 2008, 2009). Ainsi la
plantation d’arbres n’est pas une réponse des agriculteurs à la politique incitative
de reforestation mais plutôt un résultat non attendu d’un dysfonctionnement des
institutions locales vis-à-vis de cette politique du fait d’une exagération des
croyances et discours non fondés de la part des commanditaires nationaux. Cette
déformation de la réalité a engendré un conflit de perception conduisant à des
résultats non prévisibles et localement dépendants.
Fig. 2 : Schém a d’analy se de la m ét hode I AD ( I nst it ut ional Analy sis and
Dev elopm ent ) . Sour ce: Kiser and Ost r om , 1982; E. Ost r om et al., 1994

Une étude de la dynamique spatiale de la reforestation dans la Province de


Hoa Binh par une méthode statistique spatiale croisée avec une imagerie
satellitale confirme cette analyse (Clement et al., 2009). Il apparait que les
facteurs ayant eu le plus d’impact sur la reforestation sont d’abord la proximité
d’industries du bois, la distance à la grande route, puis seulement l’allocation des
terres aux agriculteurs (Clement et al., 2009). Par ailleurs, la comparaison des
valeurs de couvert végétal dans la Province de Hoa Binh entre 1993 et 2000
indiquent qu’on doit être extrêmement prudents quant à l’utilisation de ces
données. Sur la base de l’imagerie satellitale, nos estimations sont deux à dix fois
moins fortes que les chiffres délivrés par le gouvernement. La question de
l’extension de la forêt est donc bien à remettre en cause. Pourquoi une telle
déformation ?

Nos résultats tendent à montrer que le programme 5MHRP a été mal


adapté aux conditions socio-écologiques du Nord Vietnam, ne permettant pas
alors l’implication des agriculteurs locaux dans la dynamique finale du projet qui
consistaient à l’obtention d’une allocation à long terme de la terre à la forêt. Les
agriculteurs ont effectivement planté la forêt comme une opportunité au
remplacement d’une culture annuelle devenue non rentable sur des sols
appauvris, mais cette forêt a été coupée après 3 à 6 ans sans continuation
obligatoire. Aussi ce décalage entre l’action et la demande nous a conduit aux
recommandations suivantes (Clement et al., 2009) : (1) l’augmentation de la
responsabilité de l’administration vis-à-vis du gouvernement et des populations ;
(2) l’amélioration de la formation des décideurs quant à la diversité et la
complexité des conditions socio-écologiques d’un milieu naturel ; et (3)
l’adaptation des institutions concernées à cette complexité pour la gestion des
terres et de la forêt par l’attribution d’une plus grande responsabilité aux acteurs
locaux.
STRATEGIES INDIVIDUELLES : LECONS D’UNE APPROCHE
OPPORTUNISTE DANS LE VILLAGE DE DONG CAO

Revenons dans le village expérimental de Dong Cao. En 2001, toutes les


pentes étaient cultivées en manioc (photo 1). En 2004-2006, la majorité des
pentes de la zone étaient plantées en forêt avec des parties de fourrage. A partir
de 2007, les fourrages disparaissent, les forêts sont coupées sans être
remplacées, on retrouve le manioc et le maïs qui dominent à nouveau le paysage.
Dans les exploitations agricoles, au cours de la même période, l’élevage (surtout
porcin, un peu bovin) s’est développé. Le paysage s’est clôturé et les plus riches
ont investi dans un bio-digesteur destiné à la production de gaz de cuisine.

En 2003, l’intérêt de la culture du fourrage sur pente comme une bonne


alternative aux cultures annuelles (telles que le manioc et le maïs) pour le contrôle
de l’érosion sur pente a conduit les chercheurs à promouvoir l’intégration de
l’élevage dans les systèmes d’exploitation agricole. Dans le même temps, la
réussite économique du développement de la filière porcine dans tout le Vietnam
depuis la fin des années 90 a stimulé l’écoute des agriculteurs quant à l’intérêt du
fourrage. Ils ont vu là un avantage direct pour un retour sur investissement plus
rapide et plus important que la reforestation. Sur cette base, le projet Duras-
CropLivestock se développait sous la responsabilité du SFRI pour accompagner la
demande des agriculteurs dans le développement de l’intégration de l’élevage et
la gestion de la fertilité des sols (Orange et al., 2008c). Le projet MSEC a
commencé en 2004 la culture de fourrage d’espèces locales sur pente avec 5
agriculteurs dans un village. En 2006, le projet Duras démarrait en concertation
entre la demande scientifique des chercheurs et la demande de développement
des agriculteurs assistés par les agents techniques et scientifiques du SFRI (du
ministère de l’Agriculture Vietnamien). En 2007, on comptait 300 agriculteurs qui
pratiquaient la culture de fourrage répartis sur 7 communes (i.e. plus de 50
villages). Une évaluation vient d’être faite en 2009 (en cours de rédaction), il n’y a
pratiquement plus de cultures de fourrage. Cette enquête récente confirme ce que
nous écrivions fin 2007 dans les conclusions du projet Duras : “The impact on the
erosion was immediate. Afforestation and the fodder crops stopped soil losses on
sloping lands within the studied area. However, a wish to decrease soil erosion
was not the driving force that led to the adoption of these more conserving
approaches by farmers. Improved incomes associated with forestry and fodder
production (i.e. an additional farming element in the form of livestock production)
were the main reasons for adoption”.

L’engagement initial des agriculteurs et des agents vulgarisateurs durant la


phase de montage du projet a été un pré-requis important à la diffusion de la
technique fourragère via leur implication directe dans l’établissement de champs
de démonstration prêtés sur les zones communales des villages. Par ailleurs, la
nature des essais (type de techniques culturales, type d’espèces fourragères,
calendrier de fertilisation…) était entièrement déterminée à partir de rencontres
agriculteurs, décideurs locaux et chercheurs. La principale idée était de laisser
libre l’initiative locale. Ainsi l’expérimentation de fourrages tempérés (de type
avoine) sur les champs de riz laissés libres l’hiver fut une proposition des
agriculteurs afin de répondre à l’une de leur contrainte majeure qui est de pouvoir
nourrir leurs animaux durant l’hiver. En effet, dans le Nord Vietnam l’hiver peut
être rude, avec des températures inférieures à 10°C et donc une productivité
végétale des espèces tropicales quasi nulle. Après 1 an, 80% des agriculteurs des
3 villages tests cultivaient du fourrage dans leur champ de riz durant l’hiver. C’est
aujourd’hui la seule culture de fourrage qui reste encore un peu, la désaffection de
cette pratique est liée à la non production des graines d’avoine par les services
compétents de l’Etat. Il y a eu donc cette fois un manque d’appropriation du côté
des services gouvernementaux.

En effet, si la diversité des institutions impliquées dans ce projet (de la


recherche au village en passant par les services agricoles de l’Etat) a assuré de
répondre à la diversité des problèmes liés au développement agricole, un autre
facteur qui doit aussi être pris en compte, est la durée du projet (ici, deux ans
seulement !). Le manque de temps crée non seulement un manque d’occasion de
partages mais aussi une fatigue latente de l’agriculteur vis-à-vis du message
continu des services agricoles concernant le besoin de développement.

Enfin, il faut également retenir de cette expérience l’opportunisme de la part


des chercheurs, et non seulement des agriculteurs, pour développer une
collaboration (i.e. le projet Duras-CropLivestock) qui a permis le développement
de leurs essais agricoles pour l’amélioration de leurs modèles (Jouquet et al.,
2007 ; Valentin et al., 2008).

DISCUSSION : MAITRISE TECHNIQUE OU ATTENTE SOCIALE ?


APPROCHES INCITATIVES

De tout cela, il faut retenir l’opportunisme de situation et le


pragmatisme qui peut conduire d’une part à des changements d’usage rapides et
spectaculaires de la part des agriculteurs, et d’autre part à des collaborations
fructueuses entre agriculteurs et scientifiques, chacun y trouvant ce qu’il
recherche. Les changements sont donc possibles, encore faut-il en trouver la
voie ?

Cette voie interroge à la fois l’idée du développement durable (chacun


ayant sa propre représentation) et les notions d’efficacité et de stratégie fortement
liées aux contraintes culturelles qui pèsent sur chaque individu (Jullien, 2005). Ce
n’est pas le lieu d’en discuter ici. On retiendra simplement que le déterminisme
technologique posé comme d’une part « naturellement bon » et d’autre part
capable de créer un « monde meilleur », est passé (Robin J., 1989 ; Roco et
Bainbridge, 2002 ; Heisbourg, 2007). Au lieu de se focaliser sur des finalités
technologiques, il convient de placer sur un même plan les défis sociaux et
écologiques comme moteur de la réflexion et les technologies comme moyen. La
méthode IAD évoquée en début de cet article permet justement de considérer la
participation sociale pour orienter les priorités techniques. En bref, ce n’est pas la
société qui s’adapte aux avancées techniques mais l’inverse. Sur ce sujet, il est
remarquable de constater que l’analyse statistique croisée des résultats du
programme MSEC sur 27 bassins versants expérimentaux répartis entre
l’Indonésie, la Laos, les Philippines, le Laos et le Vietnam montre que l’adoption
des technologies de gestion des sols de pente n’est pas fonction du degré
d’intensification des systèmes d’exploitation ni du niveau des revenus (Valentin et
al., 2008).

Le maitre mot est donc bien l’attente sociale et non la maitrise technique
(Jasanoff, 2007 ; Clement et al., 2009). Cependant, il reste à trouver la bonne
« formulation » pour motiver les différents dépositaires.
Aussi au lieu de construire l’intervention du projet de développement sur
une distinction entre connaissances locales et connaissances scientifiques, qui est
en fait une construction abstraite souvent diffusée par la communauté scientifique
(Forsyth, 1996), notre hypothèse de travail fut que les différents intervenants (de
l’amont et de l’aval, et les décideurs) promeuvent -- aient pour volonté -- la
durabilité des fonctions écosystémiques de leur région, se traduisant
concrètement en terme de rentabilité des terres et des eaux (« gagner plus ? »),
d’accès à la modernité (électricité, chauffage,…) et à la santé (« vivre mieux »).
C’est dans cette optique que chercheurs, décideurs et agriculteurs se sont
retrouvés à promouvoir ensemble, chacun dans sa sphère de compétence et
d’intérêt, un même moyen technologique que représente le bio-digesteur (Orange
et al., 2008c ; projet AFD Biogas&PES, Hanio, Vietnam).

Fig. 3 : Com paraison des sy st èm es PES ( Pay m ent for Env ironm ent al Serv ices) av ec les
aut res approches de conserv at ion. Cet t e figure range les approches de conserv at ion
selon deux crit èr es : ( 1) le degr é du lien av ec une incit at ion économ ique, ( 2) le degr é
d’im port ance appor t é à la not ion de conserv at ion ( I CDP : I nt egr at ed conser v at ion and
developm ent pr oj ect s ; SFM : Sust ainable For est m anagem ent ) .
Sour ce: Wunder , 2005

L’idée a été de promouvoir la technologie du biodigester via le concept de


PES. A la suite du rapport Bruntland (1987) et de la Conférence de Rio (1992), les
programmes de conservation des sols et des eaux en monde tropical sont de plus
en plus orientés vers la prise en considération des personnes, considérant que
l’éradication de la pauvreté était l’unique voie pour conserver et protéger
l’environnement. Les incitations économiques, comme moyen à la fois de
conservation de l’environnement et d’apport de revenus additionnels aux pauvres,
sont au cœur de cette nouvelle approche pour le développement. Dans ce cadre,
le concept de PES, Payment for Environmental Services, a été défini par Wunder
(2005) selon les 5 critères suivants : (1) une transaction volontaire où (2) un
service environnemental bien défini est (3) acheté par un acheteur (4) fourni par
un fournisseur (5) si et seulement si the fournisseur du service environnemental
garantit la durabilité de ce service. Le concept de PES cumule donc à la fois la
notion d’incitation économique et la notion de volontariat partagé entre deux
parties prenantes. Il se situe entre un système directif d’attribution des terres ayant
pour but d’éliminer les usages problématiques, i.e. les politiques dirigistes de
reforestation par expropriation, et les systèmes à taxes et subventions sur base
environnementale (fig. 3). La différence est que le PES essaye de mobiliser les
acteurs plus sur la notion de conservation que sur celle de production économique
à partir de l’usage d’une ressource.

Le montage imaginé et actuellement en préparation est représenté en


figure 4. On voit que la structure permet de faire un lien entre des décideurs de
même niveau (agriculteurs et décideurs ont égale importance), la structure étant
renseignée par un « mécanisme de supervision » qui produit de l’information aussi
bien technique que sociale et économique (i.e. gouvernance). Cela rappelle les
systèmes mis en place pour les activités de micro-crédits (Yunus, 1997).

Fig. 4 : Pr oposit ion d’un schém a d’un sy st èm e de polit ique agr icole basé
sur un sy st èm e PES.

CONCLUSION

Les exemples discutés dans ce papier ont souligné que l’impact des
politiques agricoles dépendait non seulement de la politique elle-même et des
facteurs macro et/ou méso économiques mais aussi des conditions locales
sociales et biophysiques. Bien sûr, d’autres auteurs ont déjà mentionné ce
problème, dans des cas aussi spécifiques que l’étude de l’érosion (e.g. Lal, 1983 ;
Valentin et al., 2008), ou encore que l’étude de la fertilité des sols et de la gestion
des fertilisants (e.g. Pierce and Larson, 1993 ; Doran, 2002 ; Van Keulen, 1995).
Mais ce papier a aussi souligné que l’opportunisme d’action n’était pas seulement
du fait de l’agriculteur mais aussi du chercheur et du décideur. Il y a bien partage
complet des responsabilités (Yunus, 1997 ; Sanders et al., 1999 ; Orange et al.,
2002 ; Clement et al., 2009).

On a vu que les raisons qui font que les agriculteurs s’investissent sont
liées à la faculté d’appropriation et de partage de l’information entre toutes les
sphères de partenariat. En effet, chacun doit répondre à son propre intérêt : une
valorisation économique et un libre choix pour l’agriculteur, une meilleure
compréhension et diffusion des technologies agricoles sur le terrain pour le
technicien agricole et le décideur, des résultats scientifiques probant en terme de
gestion de la ressource pour le chercheur.

Finalement, la notion de durabilité environnementale est peut-être la seule


notion qui puisse réunir un intérêt mutuel commun. Le nouveau concept de PES
(Payment for Environmental Services) a été construit sur cette base (Pagiola et
Platais, 2004 ; Tomich et al., 2004). Le challenge de cette approche est alors de
mixer intérêt économique et engagement mutuel (George et al., 2009). Par ce
biais, le concept permet d’assurer l’adaptation des politiques agricoles aux
contraintes et surtout aux demandes locales. L’idée est de relier politiques
agricoles et stratégies individuelles dans une même action répondant à la fois aux
contraintes physiques, économiques et culturelles des milieux physiques et
humains en même temps qu’aux contraintes institutionnelles et de gouvernance.
Mais au-delà de la notion abstraite de développement durable (George et al.,
2009), il semble nécessaire de pouvoir renseigner l’attente sociale via un objet
technologique. Dans le cas du Nord Vietnam où les conditions de développement
exigent une mise en agriculture des terres sur les pentes, le bio-digesteur comme
objet d’intérêt mutuel entre agriculteurs et décideurs pourrait être une des
solutions pour garantir une agriculture durable sur les terres de pente sans risque
pour les terres de plaine.

Remerciements
Cette action de recherche est réalisée dans le cadre du programme MSEC de l’IWMI coordonnée
par l’unité de recherche IRD-UMR211 (BIOEMCO) de Christian Valentin. Nous devons remercier
les nombreux bailleurs qui ont permis le développement de ce programme pluridisciplinaire. On
citera dans l’ordre chronologique le projet Duras-Croplivestock du MAE-GFAR, le projet PES du
Challenge Program for Water and Food (contrat C-056-07), le projet Biogas&PES de l’Agence
locale AFD de Hanoi.

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3) jan.degraaff@wur.nl ; Wageningen University, the Netherlands

Résumé
Le gouvernement de Jamaïque a acquis une grande expérience en conservation
des sols ces dernières décennies. L’approche développée par la Land Authority a été
recommandée en 1945 pour réhabiliter des bassins versants (projet pilote de la Yallahs
Valley). Les techniques les plus simples furent recommandées mais elles disparurent
graduellement. En 1967, le Gouvernement a lancé le projet d’aménagement de bassin
défini par les forestiers FAO : Ils ont préparé un programme national de conservation
des sols et un centre de démonstration et d’entrainement (Smithfield). Leurs
recommandations aboutirent à deux grands projets de développement rural intégré
dans la zone ouest et centrale de l’île en 1870 et 1980. Le premier s’est consacré à la
polyculture sur terrasses en gradins. Le second projet a renforcé les institutions de
planning de développement des bassins versant en 1980-82. Ce projet a fourni des
formations pour les gens du service et a dressé les plans pour six bassins majeurs et
leur suivi (IFAD Hillside Farmers Support Project (1988-94). D’autres projets ont été
développés apres les dégats causés par les cyclones (ex: Hope River Project 1988-91).
La plupart des projets avant 1987étaient orientés vers des techniques physiques
basées sur des critères de land capability : pour lutter contre l’érosion sur les pentes
fortes des collines, on a développé des terrasses et la reforestation. Cependant, à
cause de l’absentéisme des propriétaires, les terrasses n’ont pu couvrir tout les bassins
et ont été insuffisamment entretenues. Les généreux subsides de l’Etat (75% des frais
de terrassement) ont permis à certains fermiers de s’enrichir. Une analyse cout-
bénéfices a montré que les terrasses en gradins n’étaient pas rentables financièrement
ni économiquement (de Graaff, 1996). Le projet IFAD s’est alors orienté sur la culture
du cacao dans les plaines et du café en altitude. Le MYADP project a aussi tenté
d’intégrer les pratiques de GCES dans les systèmes de production existants.
Entretemps, les fermiers impliqués dans la CES ont développé des techniques
traditionnelles simples comme les barrières végétales et les haies vives qui s’adaptent
mieux aux systèmes de culture. Cette communication donne un apercu historique des
projets de conservation des sols durant les dernières décennies en Jamaique et discute
des retombées économiques des mesures de CES impliquant les effets de l’érosion au
champs et en aval.

Mots clés : Jamaique, projets de CES, historique, aspects économiques.

Abstract
The Government of Jamaica has gained considerable experience with soil
conservation activities over the last decades (Edwards, 1995; Kent, 2002). In 1945 the
Land Authority approach was recommended for rehabilitating watershed areas with the
Yallahs Valley as pilot project. The simpler soil conservation measures were favoured,
but most of them gradually disappeared. In 1967 the Government initiated a FAO
Forestry and watershed management project, which prepared a national soil
conservation programme and established the Smithfield training and demonstration
centre. Its recommendations were followed up by two large integrated rural
development projects in the western and central parts of the island in the 1970s and
early 1980s. The project in the central region focused on multiple cropping systems
on terraced land. Attention to the eastern part of the island was given by a second
FAO Project, that was involved in institutional strengthening and watershed planning
from 1980-1982. This project provided in-service training courses, made plans for six
major watersheds and prepared a follow-up project, which in adapted form was
implemented as the IFAD-Hillside Farmers Support Project (1988-1994). Meanwhile
some other soil conservation projects and activities were implemented, in some cases
following the damage caused by hurricanes (e.g. Hope River Project, from 1988-1991).
Most of the projects implemented before 1987 focused in their approach on
physical land capability criteria, and because of the steep terrain the emphasis was on
terracing and on reforestation. However, because of absentee land owners and
disinterest, the terraces could not be executed on a micro-watershed basis and were
often insufficiently maintained. And the generous subsidies (up to 75% of all terracing
costs) allowed farmers to make profits by hiring local labourers (Blustain, 1982). A
cost-benefit analysis showed that bench terracing was not financially nor
economically viable for the great majority of farmers with their traditional and
intermediate level of management (de Graaff, 1996). The IFAD project therefore
decided to focus on the treecrops cocoa (at lower altitude) and coffee (at higher
altitude). And farmers involved in annual cropping have gradually improved simple
conservation measures, such as trash barriers, which fit better in the farming systems.
This paper provides an historical overview of soil and water conservation projects and
activities in the past decades in Jamaica and it discusses some financial and economic
analyses of several SWC measures with their on-site and off-site effects.

Key words: Jamaica, history, economics, SWC

1. Background

Jamaica, land of wood and water


Jamaica was called ‘Land of Wood and Water' by its early Arawak inhabitants. One
wonders whether the island still merits this title. Most of the watershed areas remained
in fact under natural forest until after the British occupation of the island, in 1655. The
introduction of coffee after 1717, applying fire clearance and clean weeding, caused
much man-made erosion and this was aggravated when ex-slaves acquired small plots
of land after 1838, and population pressure increased (McGregor and Barker, 1991).
With its 11,425 square kilometres Jamaica probably contains a greater variety of
landscapes than any other island or country of comparable size. The terrain varies from
towering mountains to coastal plains. Some 65% of the land is composed of hilly
limestone areas used for bauxite mining and extensive cattle raising. Another 15%
comprises alluvial plains, traditionally devoted to sugar and banana plantations for
export. The final 20% comprises three areas, developed on cretaceous deposits, which
have been used for intensive, small-scale hillside farming and have produced food
crops for local consumption and some tree crops (Ramsay et al., 1982). These three
areas are located in the Western region (south of Montego Bay), in the central part of
the island (around Mandeville) and around the Blue Mountains in the eastern part of the
island. Much of these lands are either too steep or have soil too thin to support intensive
agriculture. The predominant soil types in these steep hillsides are derived from granite
porphyry, from conglomerates and shales and in the lower parts from limestone. All of
these soils are shallow, with rapid internal drainage, rapid runoff and high erodibility.
Most have a low fertility (Vernon and Jones, 1959). Jamaica has a tropical climate,
influenced by the sea-wind. Annual rainfall varies, and is highest on the northern side of
Blue Mountains in Portland parish (Table 1). The capital Kingston and the watersheds
around it are situated on the leeside of the Blue Mountains and have an average
annual, bimodal, rainfall of less than 2,000 mm. The island is regularly ravaged by
hurricanes. The hurricanes Charlie (1951), Flora (1963), Allen (1980), Gilbert (1988),
Ivan (2004), Dean (2007) and Gustav (2008), were accompanied by severe flooding
and caused considerable damage in both rural and urban areas.

Table 1. Mean monthly rainfall (1931-1980)


Town/Parish j f m a m j j a s o n d Tot
────────────────────────────────────────────────────────────────────────────
Kingston/St-Andrew 53 49 56 103 180 123 50 168 215 287 187 112 1583
Port Antonio/Portland 321 236 185 273 321 278 231 245 273 373 477 457 3670
Montego Bay/St-James 91 77 62 111 223 203 145 182 202 253 138 104 1791
Mandeville/Manchester 60 52 85 134 237 175 102 169 213 291 118 70 1706
────────────────────────────────────────────────────────────────────────────
Source: Metservice, Jamaica.

Socio-economic situation
More than one third of Jamaica's relatively large population of 2.8 million lives in and
around the capital Kingston. The town has attracted many people from the rural areas
seeking work. The agrarian structure is highly uneven: 80% of all farms have less than
2 ha and control only 16% of the land, while the very large farms constitute less than
1% of the total and control 57% of the land (Rao, 1990). The former, called mini-farmers
by Wright (1979), are the main suppliers of staple food and vegetables in the country,
but because of the steep terrain the production is not sufficient to meet the needs of the
people. Soil erosion will also eventually destroy the basis of this important form of
agriculture and livelihood system.

Figure 1. Map of Kingston watersheds (southern part of Blue Mountains)

In a household survey, carried out in the watersheds around Kingston (Figure 1), only
about a quarter of the small and medium farm households were considered to be full-
time farmers with an “advanced' level of management, keen on further developing their
farm. Most other farmers, classified as having a traditional or intermediary level of
management, were either much involved in off-farm activities or too old or not much
interested in farm development. Some of these latter farmers keep part of their land
uncultivated or under “food forest', a multi-storey mixture of trees and crops, which
provides good protection against erosion and requires relatively little labour input.

Jamaican economy and the agriculture sector


The Jamaican economy's performance since 1975 has been adversely affected by a
series of external shocks. Oil prices increased, while the prices of bauxite, alumina and
agricultural export commodities declined. Agriculture now contributes only 5 % of GDP
against not less than 60 % for the services sector. Half of the original population of
Jamaica does live abroad and remittances account for nearly 20% of GDP and are
equivalent to tourism revenues. The economy faces serious long-term problems: high
but declining interest rates, increased foreign competition, exchange rate instability, a
sizable trade deficit, large-scale unemployment and underemployment, and a debt-
to-GDP ratio of 135%. And almost 15% of the population has an income below the
poverty line. Jamaica's economy also frequently suffers economic setbacks from
damages caused by hurricanes, as mentioned above (CIA World fact book, 2008).
Other obstacles faced by the Jamaican agricultural sector over past decades
include: - Highly skewed land ownership, with the small farms concentrated on steep
land; - Insufficient land tenure security of in hillside areas; - Despite unemployment,
a continued disenchantment with agricultural work, and consequently a chronic
shortage of agricultural labour; -A lack of agricultural support services to farmers (e.g.
extension, credit); - Inadequate measures and organisation to conserve the limited soil
resources.

2. Soil and water conservation programmes and natural resource


management

The Government of Jamaica has gained considerable experience with rural


development, soil conservation and afforestation activities over the last decades
(Edwards, 1995). In 1945 the Land Authority approach was recommended for
rehabilitating watershed areas, with the Yallahs Valley as pilot project. The simpler soil
conservation measures were favoured, but most of them gradually disappeared,
although some farmers continue to use such traditional practices. An example are the
annually renewed trashbarriers on vegetable fields, shown in Figure 2 and
described by Kent (2002).
The Government initiated in 1967 a first FAO forestry and watershed management
project, which prepared a national soil conservation programme and established the
Smithfield training and demonstration centre in the western part of the island (Figure 3).
Because of the very steep terrain, the national soil conservation plan gave much
emphasis to land capability in the planning and implementation of watershed
development activities (Sheng, 1972). The recommendations based on the
demonstrations were followed up in the 1970s by two large integrated rural
development projects in the western and central parts of the island. Initially these
projects focussed much on terracing activities. However, because of absentee land
owners and disinterest, these terraces could not be executed on a micro-watershed
basis and were often insufficiently maintained (Blustain, 1982). Besides, the generous
subsidies (up to 75% of all terracing costs) allowed farmers to make profits by hiring
local labourers. The project in the central region focused on multiple cropping
systems on the terraced land. A similar approach was followed by other soil
conservation projects in that part of the island, e.g. the IICA project with its Allsides pilot
implementation area (Johnson, 1984).
Attention to the (south-)eastern part of the island was given by a second FAO
Project (JAM 78/006), that was involved in institutional strengthening and
watershed planning from 1980-1982. The project provided in-service training courses
to 20 counterparts, made detailed plans for six major watersheds (Figure 1) and
prepared a follow-up watershed development project, which was for financing taken up
by IFAD. This implementation project eventually started in 1988 as the IFAD-Hillside
Farmers Support Project, and focussed largely on the tree crops cocoa and coffee.
There was also the Hillside Agriculture Project (HAP), financed by USAID, focusing on
agronomic measures. A separate soil conservation project was established in Hope
River watershed, where much damage was done by hurricane Gilbert in 1988. In the
Blue Mountain areas, Japanese financed projects were engaged in large scale coffee
plantations, and the CIDA Trees for Tomorrow project was involved in reforestation
(World Bank, 1993).

Human influence on ecological systems


As a result of the high rainfall intensities, steep slopes and erodible soils, natural rates
of soil erosion are quite high in Jamaican watershed areas (Barker and McGregor,
1988). But human-induced soil erosion is more important, since hillside farmers are
mostly involved in small scale cultivation of erodible staple crops, as yam and other root
crops, and vegetables (e.g. shallots, cabbage, carrots). Of the 33 watersheds, 19 are
badly eroded (World Bank, 1993). On the basis of land use mapping and the USLE
formula, the second FAO project estimated the overall soil erosion rate for the
Kingston watershed areas at about 100 t/ha/year (FAO, 1982). More than half of this
erosion was assumed to be derived from the 10% of the area under annual crops, part
of which was rented land. Other land use consisted of perennial crops, ‘food forest',
mixed plantings, grassland, fallow or ‘ruinate' and governmental forest land. More
recent small scale erosion research in the upper watershed areas suggested that the
erosion rates were over-estimated. This research found (sheet) erosion rates for farm
land and natural forest of 16 and 1 t/ha/yr respectively (McDonald et al., 1993). And on
the basis of suspended sediment data in the Hope River over 1988-1990 a mean
annual sediment yield of 13.7 t/ha was calculated. A sediment delivery ratio of 0.5
would then give an erosion rate of about 30 t/ha in this small and steep watershed.
However, since soils are derived from shales and other materials with high soil
formation rates, farmers do not mind much about erosion (Lindsay and Douglas, 1993).
However, soil conservation is also needed for down-stream interests, in particular in the
areas upstream the water supply reservoirs.

The water supply situation


Since 1930 the Jamaican Government has had difficulties coping with the water
demand of Kingston, in particular after years of severe droughts. Soil erosion has led to
sedimentation in the Hermitage reservoir, and surface and ground water contamination
have reduced water supplies over the years. In 1980 domestic water for Kingston was
supplied by surface water and by 18 deep wells, supplying 104,000 and 68,000 m3 per
day respectively. Surface water was obtained from the Hermitage- and Mona-
reservoirs (with storage capacities of 1.8 and 2.7 million m3) and from three rivers
outside the area. Watershed management is needed to induce a more continuous flow
of surface water, without reducing the supply to the wells.
Some investments have already been made, such as the 30 km pipeline (including
a tunnel) between the Yallahs river and the Mona reservoir (Porter, 1990). In 1989 the
Water Resources Development Masterplan analyzed the water supply and demand
situation up to the year 2015. It drew up water balances for ten areas regrouping the
island's 26 watersheds. It foresaw water scarcity in 2015 and the likely need for a
costly pipeline through the Blue Mountains.

3. Soil and water conservation activities and their financial viability

Soil and water conservation activities on trial basis


The second FAO project prepared detailed soil and water conservation plans for six
watersheds surrounding Kingston (Figure 1). Since 80% of the area constituted
private land operated by mini-farmers, the emphasis was on small farm
development. To test the technical feasibility, economic viability and social
acceptability of the various soil conservation measures (developed at Smithfield) the
FAO project established two pilot zones of about 40 ha in 1980, where two different
approaches for implementation were followed. The attempt to implement a conservation
plan for a whole sub-watershed in Rosemount (Wagwater watershed) failed for various
reasons: several landowners were living in town and the active farmers were old and in
fact also living outside the small sub-watershed, and as a result of that there was also
little collaboration between the farmers. The concentrated individual approach in Mount
Charles (Upper Yallahs) was more promising. Tree crop planting (coffee, cocoa and
citrus) with eyebrow terraces (cuvettes en demi-lune) was the most successful
activity.

The target farm households


Experiences of projects in other areas and socio-economic survey data showed that the
mini- or hillside farmers were facing many constraints, and that it was important to
differentiate between farm households. From the ten farm types distinguished in the
Kingston watershed areas (based on a sample survey of 360 households), only two
farm types constituted full-time, progressive farmers, interested enough to participate in
terracing their land for annual cropping and/or engage in tree crop plantations (de
Graaff, 1996). These (advanced) farmers were using considerable amounts of
fertilisers allowing them to grow two or even three annual crops (often vegetables) a
year, and some of them also used simple irrigation methods. The financial analysis
indicated that for such farmers these activities were viable on moderately sloping land
(Table 2). Three other farm types represented farmers with an intermediate level of
management with low off-farm earnings and some land of their own. These farmers
used only small amounts of fertilisers and were growing usually one, sometimes two,
annual crop(s) a year, often rootcrops or peas. The financial analysis indicated that for
such farmers terracing would not be a viable option, but that tree crops would be an
attractive investment.
Of the other five farm types, with low levels of farm management (often still some
form of shifting cultivation), two were having quite high off-farm earnings, one was
mainly engaged in livestock and two others had only rented land on steep slopes.
These farm types were also characterised by old age and low interest in farming.
Financial analysis of soil and water conservation activities
In the framework of the watershed planning activities of the FAO Project, a detailed
cost-benefit analysis was undertaken for the major conservation and production
activities, tested in the pilot-implementation areas (de Graaff and Sheng, 1994). These
included: hillside ditches and bench terraces with annual crops, tree crops
(coffee, cocoa and citrus) with individual basins, and forestry. The forest species
were Leucaena leucocephala, Pinus caribbae and Blue Mahoe (Hibiscus elatus).
In the analysis special attention was paid to differences in costs and benefits of the
activities, when applied on land with different slopes and soil depths (de Graaff and
Sheng, 1994). A distinction was also made between public and private land and
between the three levels of management of private land users discussed above:
advanced, intermediate and traditional. For all interventions an economic lifetime of 20
years was considered and the downstream benefits of the conservation measures were
not yet included. Table 3 shows the results of the financial analysis of watershed
activities on private land, by means of their internal rate of return on the investment.
The ‘without' case was defined as a continuation of annual cropping on the slopes,
with a declining production due to on-site erosion. Erosion increases with slope.
Therefore each activity shows a peak at a particular slope, in which situation the
efficiency (cost/benefit relationship) is highest. For farmers with a relative advanced
level of management the optimal land use is to cultivate annual crops and establish
hillside ditches on land with a slope below 19%, to grow annual crops on bench
terraces on land from 19 – 33%, to grow coffee (or cocoa) on land from 33 – 58%,
and to plant Leucaena on land from 58 – 63%. Steeper land should not be planted
at all. Such recommendations correspond with the recommendations made in the land
capability classification (Sheng, 1972). For farmers with an intermediate level of
management the benefits of bench terracing only exceed the costs at slopes less than
19%, when hillside ditches provide sufficient erosion control and are more cost
effective. These farmers could apply hillside ditches with annual cropping on slopes
less than 27%, plant tree crops on slopes between 27 – 53%, and plant Leucaena on
slopes from 53 – 63%. For traditional farmers with low labour availability and low
interest in farming, only low input farming activities (e.g. food forest) would be financially
attractive.

Table 2 Financial analysis of soil and water conservation activities by slope degree and for two
levels of farm and crop management on private land (in terms of internal rates of return: %)
Advanced level of management Intermediate level of
management
Slopes in percentage Slopes in percentage
9 19 33 43 53 63 9 19 33 43 53 63
Annual cropping
Hillside ditches 40 22 7 - - 36 16 2 - -
& grass barriers
Bench terraces 30 22 15 12 - 15 11 5 3 -

Perennial crops +
eyebrow terraces
Coffee (Bl Mt) - - 19 23 19 - - 17 20 15
Coffee (P.W.) - - 15 18 15 - - 12 15 12
Cocoa - - 13 14 13 - - 11 13 11
Citrus - - 12 13 11 - - 8 10 8

Forest plantations
Leucaena - - - 5 11 13 - - - 4 12 15
Pine - - - 6 8 9 - - - 6 8 9
Blue Mahoe - - - 4 6 6 - - - 4 6 6
Source: de Graaff, 1996. Note: cut-off rate for annual and perennial crops is 12 % and for forest
plantations 6.5 %

For public land the analysis is different. Government land is acquired for protection
purposes and is always steep. Annual cropping is not considered on such land and
squatters are prevented from doing so. The ‘without' case is defined as a situation of
gradual deforestation and unproductive natural vegetation, of importance for
erosion control. Therefore the efficiency of interventions is declining by slope. The
Government was interested in investing in tree crops (coffee and citrus) and forest
plantations. For the latter a credit line was available from the Commonwealth
Development Corporation (CDC) at an interest rate of 6.5%. The analysis showed
that it would be attractive for the Government to plant tree crops on slopes from 33-
53%. In the higher zones with steep slopes Blue Mountain coffee can be planted.
This fetches premium prices on the world market. For reforestation Pinus could be
considered on very steep slopes. The firewood species Leucaena could be an option
on lesser slopes (de Graaff, 1996). The analysis showed why fierce discussions were
held about the choice between coffee and pine plantations on public land. Intercropping
of coffee in pine plantations was tried, but not successful.

Kingston watershed development plan.


Following this financial analysis for the respective watershed development activities, the
FAO project prepared a US$ 13 million (1982 prices) follow-up implementation project
with various watershed development activities, focusing on a target group of about
1,200 full-time and interested farm households.
An IFAD mission visited Jamaica in 1983 and made several changes in the project
design. The project was to focus mainly on coffee and cocoa plantations, and on small
scale rural enterprises. This ‘Hillside Farmers Support Project' (HFSP) was appraised in
1987 and started in 1988 for a first period of six years, focusing on the Kingston
watershed areas and thereafter on a much wider area. Not much attention was paid to
soil conservation in critical areas, but a specific watershed management project was
undertaken in the Hope River Watershed. This UNEP project implemented various
physical erosion control measures on both public and private lands and undertook a
public awareness campaign.

(IFAD) Hillside Farmers Support Project (1988-1998)


This project was aimed at providing credit for coffee and cocoa planting and
rehabilitation and starting up small-scale enterprises, in order to enhance income and
employment and to reduce soil erosion. Project coordination was in the hands of the
Agricultural Credit Bank (ACB), which channelled funds through six People Cooperative
Banks (PCB's) in the rural areas. Technical extension support was provided by the
Coffee Industry Development Corporation (CIDCO) and the Cocoa Industry Board
(CcIB). The small-scale rural enterprise credit programme was promoted through the
National Development Foundation of Jamaica (NDFJ). This small-scale industry
development component assisted until 1994 only 45 small enterprises, mostly dealing
with grocery retail and other services. The target group for coffee and cocoa
development were hillside farmers, who live in the project area and own or operate 1 to
5 ha. IFAD estimated that 35% of farm families would participate in the programme.
Until 1993 tree crop development was slower than planned, except for Blue Mountain
coffee. Only 14 % of farm households were engaged in the project (Table 3): about 400
ha of trees were planted and 60 ha rehabilitated in the original project area.
There were both external and project related reasons for this. Firstly, prices of
coffee and cocoa were very low over the period concerned. Secondly as result of high
inflation, all credit interest rates were adjusted to commercial levels after 1990,
increasing up to 24%.
Thirdly rumours spread about tree crop diseases (e.g. coffee leaf rust), and
fourthly farmers complained about the inadequacy of the delivery of inputs. For this
reason the ACB took control of the field operations in 1994.
Table 3. Number of participants planned and realized under IFAD Hillside Farmers Support
Project, in original project area only.

Households HFSP - Participants Perc. of


Total rural Farm - Rehabilitation Planting of Farm
Coffee Cocoa Coffee Cocoa households
Planned in 1988 10,800 6,200 1,020 300 630 190 35 %
Realized in 1993 81 92 570 129 14 %
Source: IFAD, 1988; ACB, 1994.

Having switched the focus to tree crop development, no significant activities or


resources for soil conservation were included in the project. In order to fulfil the
erosion control objective 160 ha of hillside ditches were established. The project further
benefited from soil conservation education efforts of previous projects and to some
extent from technical advice provided to farmers by project development officers,
which promoted the use of simple soil conservation measures, with individual basins
for tree crops and contour planting being the most common (Kent, 2002). While it is
not possible to measure the HFSP's (or other coffee development projects) effects on
soil erosion, the Mid term review mission suggested to assign a more definitive
position on this matter to the project's extension service (IFAD, 1994). A very
valuable soil conservation study was produced by the Caribbean Agricultural
Research and Development Institute (CARDI; Lindsay and Douglas, 1993), but it has
not been put into use, despite its high potential value.

Other watershed development activities in Kingston watersheds (1987-1993)


In the period 1988-1991 the UNDP/UNEP funded Hope River project was aimed at
increasing ground cover and reducing erosion and sedimentation. On public land
different forms of checkdams, retaining walls and landslide rehabilitation
techniques were demonstrated, while on private land various conservation activities
were demonstrated, whereby farmers contributed 50% of the costs. The project
started in early 1988, but because of the damage caused by hurricane Gilbert, it only
became effective in 1989. The project made extensive use of local (waste) materials,
such as so-called ‘Gilbert logs and poles' and discarded rubber tyres.
Meanwhile the USAID supported Hillside Agricultural Project (HAP), mainly
operating in adjacent areas, chose and campaigned for agronomic soil conservation
measures;
More or less irrespective of the above projects, the following major changes have
occurred in the watershed areas in the period 1982 - 1993:
-The highest part of the Yallahs watershed became part of the Blue Mountain National
Park;
-A Japanese supported project planted some 1,150 ha Blue Mountain coffee, of which
part (about 400 ha) is located in the Hope River and Upper Yallahs watersheds;
-Another 400 ha ruinate land was reforested;

5. Effects of watershed development activities in Kingston Watershed area

Total costs of the IFAD project amounted to US$ 14.2 million (1987 prices), 41% of
which for investment in coffee and cocoa and 10% for small scale enterprise
development. Foreign exchange costs were estimated at US$ 5.5 million for the IFAD
project in 1987. Unfortunately world market prices for coffee and cocoa were depressed
from 1986-1994, but they rose again in 1994. The main product, Blue Mountain
coffee, is sold to Japan and receives a 50% premium price. Both tree crops and
Pinus plantations suffered from hurricane Gilbert, which reduced export earnings.

Changes in land use


To assess the eventual impact of watershed development activities on soil erosion,
downstream sedimentation and the water supply one should first assess the land use
changes. In 1982 aerial photo interpretation was undertaken for all six Kingston
watersheds, but in 1993 aerial photos were only available for Hope River and Upper
Yallahs watersheds. Photo interpretation was difficult because of the slight differences
between degraded natural forest, fallow land and food forest, the heavily shaded cocoa
and the tiny isolated plots of annual crops (Riksen and Versteeg, 1994). Table 4 shows
that an increase in coffee area went at the expense of natural and degraded forest.
The deforestation rate was in fact about 2% per year. The newly planted cocoa has
been considered under food forest. Table 4 also shows that the pressure on the land
is not that high, with annual crops and coffee in 1993 only covering 15 % of the area.

Table 4 Estimated land use changes in two watersheds (1982-1993; in ha)

Land use categories Hope River Upper Yallahs Both areas


1982 1993 1982 1993 Change % area % area
in ha in 1982 in 1993
Natural forest 2,217 1,820 2,880 2,400 - 877 49 41
Plantation forest 295 392 716 836 + 217 10 12
Ruinate, fallow, bamboo 890 809 1,426 1,235 - 272 22 20
Food forest, bananas 477 545 580 610 + 98 10 11
Annual crops 135 205 495 550 + 125 6 7
Pure stand coffee 23 238 125 571 + 661 1 8
Urban, water, bare rock 57 85 95 115 + 48 1 2

Total 4,094 4,094 6,317 6,317 0 100 100


Sources: FAO, 1982; Hope River Project, 1990; IFAD, 1994. Riksen and Versteeg, 1994.

Changes in soil erosion


The coffee plantations had few positive effects on erosion, since they on balance
replaced forest and ruinate land. And in their soil conservation study for the IFAD
project, Lindsay and Douglas (1993) found that 42% of farmers did not apply any soil
conservation measure and that others often applied simple contour barriers. It is
therefore unlikely that soil conservation measures have had much impact on soil
erosion in the watersheds (except in Hope River).

Changes in river discharge


The gradual deforestation and increased plantings of annual and perennial crops
shown above would normally lead to an increased total discharge and possibly to a
lower well distributed stream flow throughout the year. However, Table 5 shows that the
annual mean daily discharge of the rivers has clearly decreased in two of the three
watersheds. This may well relate to the long term gradual decrease of annual rainfall as
discussed by Eyre (1987), but it is remarkable that it affected Hope River watershed
much less. There the discharge distribution over the year deteriorated. The Qmin/Qmax
(month with lowest and highest mean daily discharge) ratio became less favourable in
Hope River and Rio Pedro watersheds. However, because of large fluctuations in the
annual and monthly discharge it is not possible to draw firm conclusions from this. In all
three watersheds water holding capacity and base flow are low, since conglomerates
and shales do not allow much groundwater storage within the catchments.

Table 5 Main rivers and changes in annual and (wet and dry) seasonal mean daily discharge in
two periods (m3/s)
River: Yallahs Rio Pedro Hope River
Station: Llandewey Harkers Hall Cooperage
Annual Wet Dry Annual Wet Dry Annual Wet Dry
1970 – 1979 3.89 4.79 3.00 1.98 2.92 1.04 0.69 0.87 0.49
1)
1980 – 1990 2.71 3.12 2.31 1.16 1.72 0.60 0.67 0.94 0.38
1986 – 1991 2.03 2.50 1.56
Qmin/Qmax Qmin/Qmax Qmin/Qmax
1970 – 1979 0.206 0.154 0.241
1)
1980 – 1990 0.213 0.122 0.231
1986 – 1991 0.071
1) For Yallahs period 1980-85; since 1985 water was detracted by pipeline.
Sources: FAO, 1982; Underground Water Authority; pers. comm.

Effects on reservoirs and water supply


Of the two reservoirs, the Hermitage reservoir is the most affected by sedimentation.
The watershed of 1,300 ha upstream the reservoir is for 80% owned by the National
Water Commission, but it has been encroached upon by squatters. In less than 40
years the reservoir capacity declined by half, and after dredging the reservoir lost
again much of its capacity after the Gilbert hurricane in 1988. Despite this, the
average yearly supply of water to Kingston increased by about 54% between 1977 and
1992, but this was largely due to the pipeline from Upper Yallahs.

6. Discussion and conclusions

In the period 1960-2000 various soil conservation and watershed development projects
were executed in Jamaica. Demonstration and pilot implementation activities were
followed by attempts towards large scale implementation. Because of the very steep
terrain and erodible soils the initial focus was on physical conservation measures,
such as bench terraces. These top-down approaches failed, since not enough
attention was given to the circumstances under which most small farmers operate (e.g.
off-farm work, old age, not much extension support). A financial cost-benefit analysis
showed that these conservation measures would only be efficient for a limited number
of full-time farmers with advanced level of management. It also showed that tree
planting would be financially attractive for a larger number of farmers. The
subsequent projects focussed indeed more on agro-forestry and planting of coffee
and cocoa. Coffee planting was successful, thanks to the high prices of Blue
Mountain coffee. But even these projects fell short of expectations and did eventually
not contribute much to erosion control and to reducing sedimentation in water supply
reservoirs. An attempt to stimulate off-farm activities in the watershed by the HFS
project was also not successful. Many of the small farmers in the watersheds are older
farmers, who see hillside farming as a way of life, also after a career elsewhere
(Woodsong, 1994). They are content with their traditional farming methods and
simple conservation measures and do not care about the gradually increasing
downstream effects, which are anyhow usually overshadowed by the severe damage
caused by the more and more frequent hurricanes. And simple annually renewed
measures as trash-barriers have the advantages that the trash also contributes to
soil fertility. It is clear that in the past 50 years insufficient attention has been paid
to farmer’s perceptions of soil erosion and to their simple traditional practices.
But, as stated by Reij et al. (1996) that technology adoption is a product of multiple
influences, some farmers in the Yallahs valley have indicated that they have adapted
their more or less indigenous technologies also under influence of policies and
extension work as from the time of the Yallahs Valley Authority (Kent, 2002).

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Wright, C.,1979. The Caribbean minifarmer as the recipient of agricultural technology.
Consultant paper, FAO, Rome.
Figure 2: Trashbarriers in the Upper Yallahs Figure 3: Bench terraces at Smithfield
Demonstration Centre

Figure 4. Coffee plantation on steep slope.


Aspects socio-économiques et démographiques du
développement durable de la société rurale du Burundi

Hervé DUCHAUFOUR
herve.duchaufour@wanadoo.fr

Résumé : Les autorités belges de l’époque coloniale exposaient des scénarios


catastrophiques soulignant l’impact des densités de population sur la dégradation des sols et
sur la baisse de la consommation alimentaire. Ils prévoyaient les pires famines si des
mesures d’intensification et de redistribution des terres n’étaient pas opérées. Des calculs de
superficie cultivable basés sur une alimentation d’une famille moyenne, ont donné lieu à
diverses projections relatives à la politique de transfert des populations. Le législateur visait
le développement économique de nouvelles régions vides de population et improductives
par l’installation d’entreprise agricoles et le déplacement de populations rurales vers ces
nouvelles terres.
Il est apparu qu’il valait mieux être circonspect sur l’utilisation des statistiques
foncières. Le monde rural burundais évolue indépendamment des schémas malthusiens par
le perfectionnement d’une agriculture conservatrice intégrant l’élevage, par le
développement d’une activité artisanale ou encore, pour les situations les plus marginales,
par un exode vers des régions vacantes. L’évolution dynamique des systèmes agricoles,
basée sur l’activité agricole traditionnelle, a permis le doublement de la production en moins
de 30 ans principalement sous l’effet de la pression démographique. Cette dynamique se
traduit par une mutation des systèmes et pratiques culturales et l’adoption d’innovations dont
l’objectif est le cumul du capital fertilité des terres pouvant accroître la productivité par unité
de surface et par individu.

Mots-clés : Burundi, pression démographique, schéma malthusien, migrations, terres


vacantes, crise paysanne, mutation, agriculture conservatrice

Socio-economic and demographic aspects of sustainable development of Burundiʼs


rural society

Summary: Belgian authorities of the colonial era formulated catastrophic scenarios


highlighting the impact of population density on soil erosion and reduction of food
consumption. They forecasted the worst famines if there was no measure taken to intensify
and redistribute lands. Cropping area calculations based on alimentation of an average
family have given rise to various projections related to population transfer policy. The
legislator aimed to the economic development of new unpopulated and unproductive areas
through the installation of agricultural enterprises and displacement of rural populations
towards these new lands.  
As it appeared, researchers needed to be cautious about the utilization of land use
statistics. Burundi rural society evolves, independently from Malthusian schemes, through
the improvement of a conservative farming integrating livestock, the development of
handcrafting or, for the most marginal cases, through an exodus towards free lands areas.
The dynamic evolution of the farming systems, based on traditional agriculture, allowed, in
less than 30 years, to double production, mainly due to the effect of demographic pressure.
This dynamics results in the mutation of the farming and cropping systems and the adoption
of innovations with prospect to increase the capital ‘’soil fertility’’ that can improve productivity
per unit area and per individual.

Keywords: Burundi, demographic pressure, Malthusian scheme, migrations, free lands,


peasant crisis, mutation, conservative farming
Préambule
Cet article est le fruit d’un ouvrage rédigé par l’auteur en avril 1995, intitulé « Le
malaise social du Burundi rural : réalités historiques et actuelles de l’érosion ». Il fait
l’objet d’un travail de synthèse d’une recherche menée par le Programme de
Recherche pour la Protection de l’Environnement à l’Institut des Sciences
Agronomiques du Burundi entre 1990 et 1995. Quelques données ont été
réactualisées mais l’essentiel des résultats relate une situation au Burundi d’avant
les années 2000.

Introduction
Tout document traitant des problèmes de conservation et de restauration des
sols font, dès leur introduction, une comparaison entre les terres protégées par un
couvert forestier naturel et les terres exploitées par l’homme pour l’agriculture. Le
bilan est toujours en défaveur du dernier cas. Pourtant l’homme s’est toujours
entraîné à en réduire les effets néfastes. Si la mise en culture des terres augmente
généralement les risques de dégradation, les sociétés rurales ont cherché à élaborer
progressivement des méthodes pour maintenir à long terme leur productivité. Mais si
les besoins évoluent trop vite, se développe une crise à laquelle les sociétés rurales
ne pourront répondre. Le rôle de l’Etat et de l’aide bilatérale devient alors primordial
pour aider cette société à surmonter cette crise en lui donnant les moyens financiers
et techniques de produire mieux et différemment. En allant un peu plus loin que la
thèse simplificatrice de l’homme destructeur et pilleur de biens environnementaux,
nous verrons aussi la manière dont il combat pour empêcher qu’une terre ne meurt
sous les effets déséquilibrants d’une exploitation outrancière et maladroite.

1. L’expansion démographique est-elle vraiment l’ennemi n°1 de


la conservation du sol et du patrimoine naturel ?

1.1 Le schéma malthusien et ses solutions orthodoxes : bref aperçu de la


colonie à nos jours.

En évoquant les deux théories antagonistes de MALTHUS et BOSERUP,


nous sommes amenés à réfléchir sur le problème de l’expansion démographique au
Burundi, l’un des pays le plus peuplé d’Afrique avec le Rwanda. Y a-t-il un danger
réel de crise alimentaire exercé par la pression sur la terre et autrement dit,
surpopulation est-il synonyme de sous-développement ?

A ce sujet, LE BRAS cité par GUIZOL (1993) fait remarquer que les faibles
densités de population ne semblent pas plus propices au développement que le sont
les pays surpeuplés. La réalité est plus complexe. Selon lui, 5% de l’humanité vivant
dans les pays faiblement développés avaient en 1990 une densité de 16,4 hab/km²,
les 10 % suivants une densité de 33,7 hab/km² alors que la densité moyenne
mondiale était de 54 hab/km². Quant au continent africain, il est caractérisé par une
densité démographique globalement faible avec ses 28 hab/km² (ONU, 2009). Pour
ce même auteur, il n’y aurait pas de relation directe entre sous-développement et
surpopulation. Les crises alimentaires du continent africain auraient davantage à voir
avec des désordres politiques intérieurs sans oublier pour autant, les conditions
climatiques défavorables qui touchent les pays sahéliens. En revanche, il souligne
que la croissance démographique et les fortes densités locales ont un impact sur la
dégradation des sols et sur la baisse de la consommation alimentaire.

Au temps de la colonie, les ingénieurs belges analysent la situation en regard


des problèmes du moment : multiplication des famines, persistance de la sous-
alimentation, déficience de la productivité vivrière et du bétail. A ces maux, les deux
principaux remèdes proposés sont l’émigration du surplus de population et la
réduction du cheptel bovin pour accroître la superficie cultivée. TONDEUR en 1948,
ajoute l’autre alternative de maintenir la totalité de la population en place sous
réserve de quatre conditions :

• Une intensification maximum des cultures impliquant l’usage massif de fumier


et de compost, voire d’engrais minéraux ; des dispositifs anti-érosifs efficaces,
une amélioration des plantes cultivées ;...
• Une intensification maximum des élevages avec stabulation, une saturation de
l’espace par les cultures fourragères, le recours aux aliments concentrés et la
fumure minérale des surfaces pâturées (avec ces deux propositions,
TONDEUR avançait déjà à cette époque les bienfaits d’une gestion
conservatoire de la biomasse et de la fertilité des sols) ;
• Une redistribution rationnelle des terres au sein des localités ;
• Un ralentissement de l’accroissement de la population.

Il estime cependant que ces mesures d’intensification et de redistribution des


terres n’apporteront qu’un soulagement qui sauvera temporairement le Ruanda-
Urundi d’une évolution catastrophique. Pour lui, elles seront insuffisantes pour
assurer un large développement des revenus de l’agriculteur en raison de l’exiguïté
des surfaces par exploitation. En considérant le Ruanda-Urundi dans son ensemble,
il trouve par habitant 57 ares de terres arables et 0,24 bête bovine. GUICHAOUA
(1989) rapporte qu’en 1948, les superficies cultivées (topographiques) dénombrées
par les autorités belges représentaient 30 % da la superficie du Ruanda-Urundi, alors
qu’elles n’atteignaient que 1% au Congo. Par ailleurs les documents de synthèse du
ministère de l’Agriculture du Burundi retiennent en 1982 une surface de 39 ares par
personne, c’est à dire une réduction de 2/3 par rapport à 1948.

De ses calculs, TONDEUR (1948) confirme que chaque habitant disposerait


de 16 grammes par jour de viande et de 0,045 litre de lait soit environ 2,6 grammes
de matières grasses : « Si on considère en effet que le cheptel assure au maximum
une petite bouchée de viande et un dé à coudre de lait par habitant et par jour, on
doit conclure logiquement à la nécessité d’augmenter la productivité du cheptel si
pas sa quantité ». Etant donné qu’il est difficile d’intervenir sur la croissance
démographique, il propose finalement de réduire par émigration la densité de la
population, d’intensifier rationnellement l’exploitation du bétail et d’accroître et
maintenir « la relation cheptel / habitant ». En fin de compte, la superficie par
habitant doit être suffisante pour assurer, outre sa propre alimentation, la production
de produits qui peuvent être vendus en permanence au marché local.

Le transfert envisagé d’une partie de la population rurale vers d’autres régions


peu densément peuplées permettait de réaliser une amélioration sensible de la
situation par une redistribution artificielle de l’occupation humaine. TONDEUR
considère que la proportion de la population qui pourrait trouver de nouvelles terres
de cultures ne dépasserait pas 5% de la population du Ruanda-Urundi (3,5 millions
en 1948). Il estime également que l’émigration proprement dite ne pourrait absorber
plus de 4,2%. De ces chiffres, il conclut: « les diverses mesures de déplacements de
populations, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du Ruanda-Urundi, en utilisant au
maximum les régions vacantes, ne parviendraient donc pas à absorber plus de 9,2 %
de la population totale du territoire...//. Si nous considérons maintenant que l’indice
démographique est de 1,22 % au Ruanda-Urundi, nous pouvons conclure que
l’efficacité des plus vastes programmes de transplantation de populations se
limiterait à absorber pour une période de quelques sept années le croît annuel de la
population. Si d’autre part nous considérions théoriquement que la population reste à
son niveau actuel, le résultat obtenu se limiterait à augmenter de 9% la superficie de
terres disponibles par tête d’habitant, ce qui n’apporterait qu’une amélioration bien
minime à la situation misérable des populations rurales ».

En exposant de manière tragique le problème social créé par la surpopulation


combinée avec la dégradation des terres, les conclusions les plus pessimistes
pourraient se justifier. Mais très vite, il apparaît qu’il vaut mieux être circonspect sur
l’utilisation des statistiques foncières.

A la même époque, GOUROU (in GUICHAOUA, 1989) a évalué la superficie


nécessaire par « mâle adulte valide » au Ruanda-Urundi à 3,5 hectares pour
permettre la reproduction d’une famille moyenne. Ces résultats repris par le
gouvernement belge, puis amplifiés dans un rapport des Nations Unies, donnent lieu
à diverses projections relatives à la politique de transfert estimant qu’un total de
1 494 330 personnes seraient à transplanter hors du territoire d’ici 1959 pour
maintenir des densités agricoles à la limite de la couverture des besoins vivriers.
Mais ces chiffres sont ensuite tombés rapidement à 2,2 ou 5 hectares selon la
pluviosité puis à 1,7 hectare en 1972 et certains auteurs proposaient même pour le
Rwanda 1,07 hectares par exploitation en 1970 (SIRVEN, 1984). La notion de
superficie cultivable semble être finalement relativement extensible et les chiffres
bien aléatoires.

BOUDERBALA dans son rapport pour « l’appui à la conception d’un code


rural » (mission FAO, 1993) pose la question sur la définition de terre libre : « Est-ce
une terre libre de tout droit réel ou d’une terre non exploitée ou insuffisamment
exploitée ? ». Le concept, instauré par la législation coloniale, visait avant toute
chose à créer des noyaux de populations dans des zones improductives que l’on
désirait ouvrir à l’installation économique par l’installation d’entreprises agricoles
européennes (TONDEUR, 1948). Depuis, ce concept a donné lieu aux abus que l’on
sait. « Il parait inévitable de partir de ce que les agriculteurs locaux considèrent eux-
mêmes comme terres non utilisées et donc de négocier avec eux la définition des
critères et les modalités de leur application » (BOUDERBALA, 1993).

GUICHAOUA rapporte qu’en 1987, pour le Burundi, il restait encore quelques


560 000 hectares disponibles pour l’agriculture, les pâturages et les lotissements,
soit de quoi lotir avec 1,7 hectares par ménage environ 325 000 exploitations
nouvelles (tableau 1). Cela représente 11 ans de marge en reprenant le système
d’hypothèses du ministère du Plan.
Tableau 1 : Disponibilité en surface par région naturelle du Burundi en 1987

Bugesera Buragane Bututsi Buyenzi Buyogoma Bweru Imbo Kirimiro Moso Mugamba Mumirwa Burundi
Terres
encore 42 671 57 857 941 14 999 158 944 45 522 9 040 8 090 160 495 2 531 57 510 558 600
disponibles (*)
En % de la 25,6 56,4 0,70 8,0 41,8 22,1 5,4 3,2 62,5 1,20 25 24,4
SAU
Nombre
d’années de 14 25 (-) 1 4 27 12 2 1 47 (-) 1 11 11
marge

* 42 000 hectares sont exploités par les éleveurs du Bututsi


Source : Données du Ministère du plan (in GUICHAOUA).

Il faut retenir de ce tableau


que les terres vacantes sont
toujours aussi nombreuses vers la
fin des années 80 qu’elles ne
l’étaient quelques décennies
auparavant. Les projections
statistiques du début des années
50 qui semblaient prévoir une
saturation des terres en moins de
dix années doivent être révisées à
la baisse ou même être
abandonnées. Aujourd’hui, si
aucune autre étude n’apporte des
chiffres sur les terres arables
disponibles, il suffit de traverser les
trois régions les moins peuplées du
pays (Buragane, Buyogoma et
Moso) pour se rendre compte de la
vacance de grandes surfaces
(savane arborée). Cela est
d’ailleurs surprenant pour un pays
à très forte densité rurale et qualifié
de surpeuplé.

En accord avec
BOUDERBALA (1993), il serait
toutefois inconvenant de se Figure 1 : Les onze régions naturelles du Burundi
reposer sur ce potentiel vacant
pour suppléer la crise foncière
dans certaines régions. Sa prolongation n’est pas indéfinie et a tendance à se
réduire comme une peau de chagrin.

Un autre aspect déjà mentionné par les colons, et toujours d’actualité,


concerne la façon de présenter la croissance démographique comme la cause
première des problèmes d’érosion et de dégradation. Un scénario connu que
COCHET (1993) a caricaturé volontairement dès la première page de son étude sur
la dynamique des systèmes agraires de la manière suivante : « L’ “explosion
démographique”, en provoquant un accroissement considérable de la pression
foncière aurait entraîné : une extension des surfaces cultivées au détriment des
pâturages et des terres laissées en jachère, une régression consécutive de l’élevage,
la diminution de la surface moyenne par exploitation agricole, la mise en culture de
terrains à forte pente et l’aggravation des phénomènes d’érosion, une baisse
généralisée de la fertilité et une chute des rendements, la généralisation du sous-
emploi à la campagne ». Ce scénario interprétatif suit bien les traces de MALTHUS.
Si déjà par le passé la catastrophe était imminente, que devrait-on dire aujourd’hui....

Il faut reconnaître que la situation démographique du pays est particulièrement


importante. S’il est difficile de donner un chiffre exact du croît annuel, nous savons
que la croissance de la population est très forte: 1 500 000 en 1913 (SIRVEN, 1983),
2 millions en 1947-1948 (TONDEUR, 1948), 4 millions en 1979 (recensement
général), 6 millions en 1995, 9 millions en 2009 (Ministère du Plan). La population
urbaine restant toujours relativement faible mais en légère augmentation depuis une
quinzaine d’année (de 5 à 6 % en 1995 à 10,9 % de la population en 2008), la
pression s’est donc exercée surtout sur les zones rurales et les terres agricoles. Il
n’est par conséquent pas étonnant qu’on estime aujourd’hui que la plupart des
familles disposent de moins de 1 hectare, soit par personne 20 à 30 ares. Mais c’est
aussi avec de tels propos et des manipulations de chiffres que les grandes idées de
dégorgement des régions surpeuplées ont fait leur chemin avec, comme but
recherché, de donner à chaque habitant une superficie de terre suffisante.

1.2 Les migrations: une solution ?

A l’époque, le déplacement des masses humaines était envisagé sous deux


angles différents : une partie pouvait passer vers une classe ouvrière ou artisanale et
rejoindre les grosses industries d’exploitations minières et de traitement de minerai
du Haut Katanga. Ces industries recrutaient dans les zones surpeuplées
d’importants effectifs de main d’œuvre avec leur famille. Cependant le prélèvement
opéré ne représente qu’une toute petite minorité en admettant que les industries et
les grandes plantations du Kivu puissent absorber quelques 5 000 personnes par an
(chiffre avancé par TONDEUR). Le passage d’une partie de la population vers la
classe ouvrière ne suffit donc même pas à compenser l’augmentation annuelle de la
population. Une autre partie pouvait recourir au déplacement vers des régions peu
ou pas occupées en considérant que ces populations déplacées devaient trouver
dans leur nouvel habitat des conditions générales leur permettant d’y poursuivre les
mêmes activités agro-sylvo-pastorales. Mais très vite une autre politique se justifia
plus rentable en regroupant les populations en villages. Elle devait contribuer « à
l’éclosion d’une vraie vie sociale et devait se substituer à la mentalité individualiste
des populations dispersées » (Gouverneur PETILLON, 1951, in GAHAMA, 1983).

BOUDERBALA (1993) distingue deux catégories de migrations : les


migrations internationales et les migrations internes. Les premières se produisent
sous la pression de la violence dans un contexte de crise grave aux conséquences
dramatiques durables (réfugiés politiques). Il y a abandon forcé des terres durant une
très longue période. Les recompositions foncières provoquent des tensions et des
conflits qui se réactivent à l’occasion du retour des réfugiés. BOUDERBALA ajoute
que la situation économique et foncière des ruraux aggrave les conséquences de
ces crises sans en être la véritable cause. Les agriculteurs ne quittent pas leur terre
en raison de la pression foncière ou de la baisse de production. Le retour est lié au
rétablissement de la sécurité et de la confiance. Ces problèmes fonciers sont graves
et demandent d’y réfléchir lors des procédures de retour en se posant la question sur
le droit et l’équité de restituer les terres qui ont été abandonnées de force. La
réponse ne peut être qu’apportée sur place, mais bien souvent des motifs
rédhibitoires empêchent la réinsertion des réfugiés sur leur ancienne terre.

Les migrations internationales volontaires, à caractère économique, sont


frontalières avec la Tanzanie et l’ex-Zaïre (aujourd’hui République Démocratique du
Congo). Elles alimentent elles aussi des tensions entre immigrés et terres d’accueil ;
elles n’apparaissent pas, dans la conjoncture actuelle, comme une solution
significative à la surpopulation rurale (BOUDERBALA) même s’il existe à quelques
dizaines de kilomètres des frontières, des zones totalement désertes.

Les migrations internes existent depuis tous les temps. Si autrefois, elles ont
été provoquées artificiellement et vouées à l’échec (villagisation pré et post-
coloniale), aujourd’hui elles font l’objet d’initiatives personnelles mais leur ampleur
est modérée. Dans les régions les plus densément peuplées (Muramvya, Ngozi,
Kayanza et Gitega), lorsque cela s’avère nécessaire, les Burundais se résignent à
partir en direction des régions les moins peuplées, dites régions pionnières (Moso,
Buragane et Buyogoma). La région du Bugesera oriental (zone de Ruzo sur la
commune de Giteranyi en province de Muyinga) est ainsi passée d’une densité de
20 habitants à la fin des années 70 à plus de 250 en 1993, les migrants venant tous
de la région de Kayanza et Ngozi (BENDJEFFAL et al, 1993). La première
génération de migrant ont bénéficié d’un octroi de 2 ha de terre jusqu’en 1983.
Depuis la terre s’achète à des coûts de plus en plus élevés.

Certains « professionnels de la migration » ont pu obtenir en toute gratuité


jusqu’à 14 hectares (7 attributions de lot de 2 hectares) et revendent leurs terres au
compte-gouttes et à prix d’or après les avoir travaillées et améliorées. Ils ont apporté
avec eux un savoir-faire technique et les variétés végétales de leur région. Le
grevillea et l’eucalyptus font ainsi partie du paysage agraire alors qu’ils étaient
totalement absents quelques décennies auparavant. A l’inverse, dans les régions
forestières peu peuplées (Buyogoma) occupées par des natifs, l’introduction des
essences forestières exotiques a été un échec, les habitants ayant l’habitude de
prélever directement dans la nature le bois de chauffe ou de construction dont ils ont
besoin. Le Projet des Services des Travaux Publiques à haute intensité de main
d’œuvre (PSTP-HIMO) qui a œuvré dans la province de Ruyigi dans les années 90
est le seul projet à avoir donné les plants agroforestiers (coût de revient = 15
Fbu/plant, sans compter la diffusion !) et à avoir des difficultés d’écoulement des
stocks. La population ne s’est jamais sentie concernée parce qu’elle n’éprouve
aucun problème en bois de feu ou de construction (savanes à Brachystegia et forêts
relictes en relative abondance).
Les migrations saisonnières sont quant à elles très importantes. Elles se
produisent pour plusieurs raisons différentes bien qu’elles aient toutes un intérêt
économique important pour le migrant : transhumances vers les bons pâturages des
zones peu peuplées (Moso), recherche de travaux saisonniers, commerce de
longues distances. 25 % des hommes de 15 à 35 ans d’après BOUDERBALA, se
déplacent surtout pour les travaux saisonniers agricoles ou extra-agricoles. Les
mouvements sont fonctions de la spécialité de la région comme la pomme de terre
dans le Mugamba Nord, le haricot dans le Bweru et le Bugesera, le paillage du café
dans le Buyenzi,... ou les travaux artisanaux des zones d’agglomération. Ces
migrations sont d’autant plus importantes qu’elles sont proches d’un pool
économique urbain (DRION, 1992, DUCHAUFOUR, 1993, NDAYIKENGURUKIYE,
1993).

Le Burundais est profondément attaché à la terre, elle-même étant signe de


prospérité et de pérennité. Mais il n’est pas pour autant l’homme sédentaire que l’on
a trop tendance à lui attribuer. Il sait être flexible et trouver des réponses devant une
situation nouvelle. Il n’hésitera pas à partir s’il considère sa terre d’origine trop exiguë
et insuffisante pour faire vivre sa famille. Le paysan burundais n’hésitera pas à céder
la totalité des terres à ses fils pour éviter d’engendrer une compétition au sein de
l’enclos familial. Mais aucune statistique ne permet de dire que la pression
démographique exerce et exercera une forte mobilité des Burundais au risque de
voir un jour les villes se surpeupler, les campagnes vides se remplir et les
expatriations s’amplifier. Depuis un siècle, les schémas malthusiens prédisent les
pires catastrophes en montrant une sorte d’évidence à nos yeux : familles
nombreuses vivant sur un lopin de terre, milieu fragile et pauvre (pentes fortes +
acidité) brutalement agressé par les méfaits de l’érosion, détérioration de l’équilibre
besoins et ressources... Cette catastrophe s’est au contraire transformée en
intensification, diversification et complexification agricoles avec lesquelles les
agriculteurs burundais ont démontré leur capacité à doubler leur production en moins
de 30 ans. Les performances paysannes énumérées par l’équipe de l’Institut
National Agronomique Paris-Grignon1) et l’analyse de leurs objectifs propres en sont
un vibrant témoignage (COCHET, 1993 et 2001). De même, les enquêtes agricoles
du Service National de Statistiques montrent que l’on n’observe pas de baisse de la
satisfaction des besoins alimentaires malgré la diminution de la taille des
exploitations et le maintien d’une économie de subsistance (POUPART, 1987).

En définitive, il en découle que le monde rural évolue lui-même de différentes


manières soit en perfectionnant une agriculture conservatrice qui intègre un élevage
en adéquation avec ses moyens, soit en développant des activités artisanales ou en
se déplaçant vers des régions vacantes. Nul n’est besoin de lui dicter des mesures. Il
est en revanche plus judicieux de mettre à profit ses initiatives d’intensification des
cultures et des élevages ou son déplacement pour réaliser une amélioration foncière,
matérielle, sociale et morale (à l’exemple des projets de développement rural intégré
de Kinyinya et de Nyanza-lac).

1.3 Crise paysanne ou modernisation de l’agriculture

En se bornant à la théorie de MALTHUS, les projections sur l’avenir du


paysannat burundais seraient automatiquement pessimistes et sombres si d’autres
alternatives autres que celui du secteur primaire ne venaient à se développer.
Certaines études scientifiques présentent d’ailleurs la croissance démographique
comme la cause majeure de toutes les crises rurales.

Dans sa réflexion sur l’évolution des systèmes d’exploitation agricole au


Burundi, HUBERT (1990) propose d’étudier à partir d’une typologie des exploitations
(enquête dans la région peuplée du Kirimiro au centre du pays, figure 1) et à la suite
de nombreuses discussions entre collègues, des hypothèses d’évolution du monde
rural. Il établit un classement basé sur l’âge de l’exploitant dans lequel il met ainsi en
évidence une évolution dynamique entre l’âge, l’amélioration des revenus et les

1
Actuellement AgroParisTech
besoins de l’exploitation. Comme tout exploitant souhaite améliorer son sort par
l’accroissement progressif de ses ressources et de ses moyens de production,
l’exploitation connaîtra donc en général une dynamique, laquelle démarre par des
valeurs basses (au moment des premières acquisitions de parcelle = icibare) qui
vont s’accroître vers des valeurs hautes, jusqu’à la division de l’exploitation lors des
héritages et mariages. C’est le cycle de vie des exploitations défini par BERGEN
(1988) et repris par d’autres auteurs dans leur typologie (DRION, 1992 et 1993;
DUCHAUFOUR, 1993). Cette dynamique est propre à une économie basée
essentiellement sur l’activité agricole traditionnelle. La question que se pose
HUBERT est de savoir si les conditions actuelles permettent encore aux jeunes
d’améliorer leur situation de départ à travers l’activité agricole dite « traditionnelle »
alors que, sous la pression démographique principalement, les disponibilités en
terres cultivables et fertiles s’amenuisent ?

Pour HUBERT, l’exploitant agricole seul parvient avec de plus en plus de


difficulté à couvrir les besoins et que sous l’effet de ces besoins, une mutation se
crée vers, non seulement une monétarisation complexe du système mais aussi vers
des activités lucratives hors-exploitation. La dynamique de cette mutation se traduit
également pour d’autres cas par l’adaptation de systèmes et pratiques culturales
pouvant accroître la productivité par unité de surface et par individu (mutation
identifiée par toute une série d’auteurs notamment : BERGEN, 1988 et 1992 ;
NOBERA, 1989 ; VERHAEGEN et al 1990 ; NDIMIRA, 1991; BARANTWARIRIJE et
HABONIMANA, 1992 ; DRION, 1992 ; COCHET, 1993 – 2001 – 2004 ;
DUCHAUFOUR, 1993).

HUBERT conclut que le schéma de vie d’une exploitation tendra à se


déformer par bipolarisation en deux catégories. La première réunira les valeurs
basses qui s’accroîtront par le jeu des héritages, des morcellements et de la pression
sur les terres. Cette pression devient à ce moment-là, un des principaux facteurs de
déformation. La seconde est caractérisée par les valeurs hautes qui se réduiront à
leur tour jusqu’à disparaître puis reparaître en suivant un nouveau mouvement des
valeurs basses vers les valeurs hautes ; et ainsi de suite tant que le développement
du pays restera axé sur l’exploitation agricole traditionnelle. Pour l’auteur, le
glissement entre les deux catégories est permanent et les situations les plus
marginales engendrent des exodes vers d’autres régions agricoles moins peuplées
ou vers les centres urbains. Les analyses de VERHAEGEN et al (1990) penchent
tout à fait dans ce sens en employant les mêmes termes de « bipolarisation et
dualisation » du système agraire. Ils ajoutent que la marginalisation des exploitations
les plus démunies ne pourra jamais déboucher sur une accumulation sensible si des
facteurs d’accélération ne viennent pas amplifier le processus. L’émigration définitive
constitue la voie douloureuse de sortie en entraînant la séparation des membres
d’une même famille et la dislocation de la propriété rurale : « L’émigration ne
constitue qu’une solution transitoire et à effet temporaire qui reporte à demain un
problème devenu aujourd’hui préoccupant : la forte croissance de la population du
Burundi face à une production agricole relativement stagnante » (NDIMIRA, 1991).

En l’absence de secteurs d’activités extra-agricoles qui absorbent le surplus


du secteur primaire, il apparaît que seul l’accroissement de la productivité agricole
est viable à condition de bâtir une activité économique à l’intérieur du monde rural
en donnant les chances à tous de développer des activités secondaires (amélioration
des infrastructures ; activités tertiaires organisant l’épargne et le crédit paysan, les
soins de santé, associations professionnelles, petites unités artisanales ou
industrielles telles que les scieries, menuiseries, moulins, forges,...). Elles
présenteront l’avantage de moderniser l’agriculture et de créer des opportunités
extra-agricoles (HUBERT, 1990). Si au contraire, on bloque toutes tentatives de
création et si on ne donne pas les moyens de mieux produire, la crise paysanne
finira par voir réellement le jour.

2. Tendances évolutives entre la densité de population et les


systèmes agraires au Burundi
La figure 2 qui suit, inspirée et modifiée de ROOSE (1994) et complétée des
résultats des travaux coordonnés par COCHET (1993), est une interprétation des
grandes tendances évolutives régionales en se basant sur l’équation population /
ressource dans lequel le raisonnement agro-économique apparaît assez conforme
au calcul théorique.

Figure 2 : Tendances évolutives entre la densité de population et les systèmes agraires au Burundi

“Crises paysannes”
et risques d’érosion

20 à 40 80 à 100 250 à 400 800 à 1000 Hab/km²

Densité de population
< 80 habitants /km² 100 à 300 300 à 600 > 600 hab/km²
REGIONS CONCERNEES
Secteurs collinaires du BURAGANE BUYENZI MUMIRWA CENTRE
BUYOGOMA MOSO MUGAMBA NORD (Bujumbura rural)
MOSO BUYOGOMA KIRIMIRO BUYENZI (périphérie de
BURAGANE MUGAMBA SUD (et NORD) MUMIRWA CENTRE et NORD Ngozi)
BUGESERA KIRIMIRO (périphérie de
BUTUTSI Gitega)
BWERU
MUMIRWA SUD
IMBO
SYSTEMES DE CULTURE
Cultures extensives sur brûlis Cultures extensives sur de Cultures intensives sur de petites Culture intensives et
sur de très grandes surfaces ( > moyennes à très grandes surfaces ( < 1 ha) Agroforêts sur jardin de case
2,5 ha) surfaces ( > 1 ha) Cultures diversifiées ( < 0,5 ha)
Céréales, arachide, pois cajan et Tubercules, céréales, arachide Associations complexes et Bananeraie dominante associée
tubercules Associations simples imbrication des cycles culturaux à un système vivrier dense
Caféieraie absente ou à faible Caféieraie de rente ou théieraie Maïs et sorgho (paillage) Fruitiers
effectif importante (effectifs ) Bananeraie ou caféière de rente Caféieraie ou maraîchage
Pas ou peu d’agroforesterie Petite surface bananière et agroforêts
Microboisements Maraîchage
Parcours pâturés
SYSTEMES D’ELEVAGE
Absent ou petit élevage peu Petit élevage extensif Petit bétail à l’étable ou au piquet Petit bétail en stabulation
développé (parfois en (gardiennage/pâture libre) Bovin (1 à 2 têtes) en stabulation permanente ou au piquet
gardiennage) Gros troupeaux transhumants en semi-permanente sur parcours ½ Abreuvement à l’étable
Pâture libre saison (gardiennage journée
communautaire) ou sur parcours
extensifs journaliers.
Stabulation nocturne
AGROFORESTERIE
Cueillette dans la savane (bois à Défrichement et mise en culture Cueillette dans boisement Arbres fruitiers et haie de
usages domestiques) progressive des prairies communal + boisements privés ceinture denses: jardin à trois
Défrichement accéléré avec Boisements privés Saturation de l’espace interstitiel étages
réserves d’arbres isolés non Haies fourragères et quelques en cultures fourragères et Bananeraie agroforestière
concurrentiels champs fourragers (tripsacum) légumineuses Pas/peu d’arbres à l’intérieur
Fruitiers et agroforesterie des parcelles vivrières sauf pour
diversifiée (quadrillage de l’ombrage des caféiers
l’exploitation)
Ombrage des caféiers

GESTION DE LA FERTILITE
Brève durée des rotations avec Augmentation des durées de Cycles culturaux continus durant Cultures continues en étage
vivrier suivies d’une jachère de cultures avec jachère saisonnière les deux saisons avec déchets jetés autour du
saison ou annuelle Courte jachère saisonnière rugo ou compostés
Jachère arbustive de longue Fertilisation organique (jusqu’à Gestion équilibrée de la biomasse Engrais NPK (rare)
durée (3 à 7 ans) 500 kg/are cultivé) (aliments non conventionnels, Gestion équilibrée de la
Défriche – sarclage – brûlis Compostage et parfois adventices fumier et compostage, biomasse (aliments non
Compostage inexistant in situ adventices, mulch) conventionnels, fumier et
Mulch (café) composé de Fertilisation en poquet avec compostage, adventices, mulch)
graminées ligneuses (éragrostis techniques culturales améliorées Mulch (café) : déchets de
ou hyparrhénia) NPK + chaux à titre expérimental bananiers
(doses homéopathiques)
Mulch (café) : déchets de
bananiers et de céréales
VALEUR AJOUTEE année 93 / ACTIF / ARE (COCHET, 1991-1993)
VA/are/an = 100 à 200 Fbu VA/are/an = 200 à 500 Fbu VA/are/an = 1300 à 1800 Fbu VA/are/an = 1000 Fbu
VA/actif/an = 15 000 Fbu VA/actif /an = 35 000 à 125 000 VA/actif = 40 000 à 50 000 Fbu VA/actif = 10 à 15 000 Fbu +
+ salaires Fbu + salaires salaires
Suivant situation
financière : vente du
capital productif
REMARQUES PARTICULIERES
REGIONS d’ACCUEIL MIGRATIONS
Migrants récents: recherche de travail journalier:
faible surface cultivée, terrain restant majoritairement
en friche
SAU / actif > 40 ares SAU / actif = 10 (proximité ville) à 30 ares
Un actif travaille 60 ares de surface développée par an Un actif travaille 25-30 ares de surface développée par an

On y retrouve le phénomène des petites crises paysannes développées par


HUBERT au cours desquelles les agriculteurs parviennent à adopter différentes
innovations en fonction de l’évolution des contraintes exercées par la pression sur la
terre. Il est indubitable que dans l’esprit des agriculteurs, tant qu’il y aura
d’importantes réserves en terre (et de matières premières comme le bois), la notion
de valeur, au sens économique du terme, a peu de signification puisqu’une terre (ou
un matériau) peut se remplacer par une autre encore en friche. Lorsqu’il n’est plus
possible de la remplacer à peu de frais voire même gratuitement, la notion de rareté
amène à considérer la terre suivant une valeur vénale qui incitera l’agriculteur à
conserver les ressources de fertilité dont il dispose et à intensifier son lopin de terre
de plus en plus petit de façon à en tirer le maximum de bénéfice et à lui donner une
plus-value foncière. Il se pourrait même, en raisonnant ainsi, que la valorisation
agricole d’une région s’amplifie une fois que la totalité de ses réserves foncières soit
épuisée.
Nous revenons ainsi sur l’idée que surpopulation ne signifie plus exploitation
outrancière et destruction mais plutôt conservation et restauration de la fertilité par le
fait que les familles consacrent de plus grands moyens de production (travail et
technologies innovantes : fumure, semences, bétail) sur une plus petite unité de
superficie en vue d’accroître le rendement et la rente.

Envisagé sous cet angle, on pourrait penser que la limitation de la libre


disposition des terres vierges favoriserait le développement de l’agriculture intensive
des terrains exploités en système extensif. Cela n’est guère concevable dans le
contexte burundais car il est de plus en plus fréquent que des exploitants atteignent
un seuil critique de viabilité et finissent par migrer vers des régions peu occupées.
C’est le cas lorsque les méthodes d’intensification exigent tout un arsenal de
productions supplémentaires, à la fois coûteux et rare (engrais, bétail amélioré,
semences de qualité, cultures de rente) afin d’obtenir une valeur ajoutée /actif
toujours de plus en plus élevée sur une SAU de plus en plus petite. Les études
réalisées par l’INA P-G, le Projet de Recherche pour la Protection de
l’Environnement de l’ISABU (PRPE), l’Atelier Régional du Buyenzi (DRION, 1992) et
l’ICRA (BENDJEFFAL et al, 1993), ont montré que certaines catégories d’exploitation
des régions densément peuplées, après avoir atteint la limite d’un potentiel travail-
production, ont amorcé un processus de décapitalisation dans lequel, faute de
moyens monétaires et de capital productif performant, elles perdent de manière
irréversible leur capacité d’intensifier et d’innover dans l’agriculture. Leurs ressources
sont alors de plus en plus dépendantes de l’extérieur.
De la même manière, nous observons depuis les années 80, l’explosion d’une
catégorie d’exploitations qualifiée de rurbaines en périphérie des grandes villes au
sein de laquelle l’agriculture est définitivement marginalisée au profit des activités
rémunérées (cf. les profils 2b et 4 de la typologie de fonctionnement des
exploitations des bassins versants de la Ntahangwa et de la Muha de la figure 3,
DUCHAUFOUR, 1993).

Cette catégorie de travailleurs salariés, encore très attachée à la terre, conserve leur
rugo sur la colline avec femmes et enfants qui travaillent les quelques champs et
gardent le maigre cheptel. Ces rurbains sont subordonnés à la stabilité du
développement du secondaire et du tertiaire urbain. Ceux qui expriment le plus de
difficultés à se maintenir dans un environnement de plus en plus hostile à
l’agriculture, n’hésitent pas à partir s’installer définitivement sur d’autres terres vers le
Bweru, le Moso et le Buyogoma. NDIMIRA (1991) avance le chiffre de 10 % de son
échantillon des exploitations étudiées (région de Remera, Mugamba Nord, colline
proche de Kayanza) qui aurait migré entre 1985 et 1990 vers le Nord-Est du pays.
Curieusement, il poursuit en disant qu’il y a peu de chance que le processus
s’accélère à moins d’imaginer des émigrations massives de populations orchestrées
par les autorités politiques.
Figure 3 : Trajectoire d’évolution des exploitations des bassins versants de la Ntahangwa et de la
Muha surplombant la capitale Bujumbura (DUCHAUFOUR, 1993)

1a: Stratégie d’accumulation avec injonction du capital dans l’agriculture (expansionnisme par
appropriation foncière)
1b : Stratégie d’accumulation sans injonction de capital dans l’agriculture (spéculation et épargne
monétaire destinées à l’amélioration de l’habitat et de la qualité de la vie)
2: Stratégie d’autarcie (agriculture diversifiée pour la suffisance alimentaire)
3: Stratégie de survie (dysfonctionnement ou instabilité du système d’exploitation agricole)

Conclusion

Pour l’instant, le monde rural est en pleine mutation mais la très faible
efficience des moyens de production locaux (crédits absents, engrais prohibitifs,
conditions d’élevage délicates,...) apporte aucune amélioration tangible des
systèmes de production et provoquerait même un recul du développement et une
régression économique dans certains secteurs du pays. Le besoin de capital
apparaît sous de nombreuses formes (capital foncier, cheptel vivant, besoins sociaux
et alimentaires) et nécessite des financements multiples qui permettraient
d’augmenter l’efficience du travail des ménages par l’accroissement du profit
individuel. Le développement et le perfectionnement de l’agriculture sont avant tout
une énorme entreprise d’investissement qui à moyen terme doit répondre aux
préoccupations micro-économiques des systèmes d’exploitation sans négliger sur le
long terme le développement des autres secteurs d’activités qui influe sur les
composantes socio-économiques et culturelles du milieu rural. HUBERT (1990)
propose quelques actions à moyen terme qui répondent aux urgences du
développement rural et de mutations en cours : protection, restauration et mise en
valeur du patrimoine foncier ; intensification de la production agricole par unité de
surface (intrants, techniques culturales) ; développement du crédit-paysan ; politique
globale de fertilisation (moyen et long terme) ; émigration accompagnée de
remembrement ; encouragement des activités secondaires et tertiaires et
organisation socio-professionnelle du monde rural.

Il est aujourd’hui impérieux de créer des marchés financiers durables


décentralisés qui offrent des opportunités équitables aussi bien aux épargnants
qu’aux emprunteurs et qui n’excluent aucune catégorie sociale. Parvenir à un
système financier flexible, solidaire (DOLIGUEZ et al, 1993), adapté, diversifié et
replacé dans son environnement pour mieux adapter les modalités (GENTIL,
1993, COLLIOT et al, 1993) c’est le pari du Burundi rural de demain. Le cadre de la
recherche de solutions alternatives serait le moyen de relever le défi du
renouvellement d’une politique sociale. Le point essentiel qui devrait être recherché
est la pérennité du crédit-paysan tout en satisfaisant les plus démunis. Les
possibilités d’épargne et de crédit devraient être définies au préalable sur le terrain
en mettant en jeu les relations de confiance et d’influence (implication des
bashigantahe : les notables qui s’expriment sur la sagesse et le sens des
responsabilités) dans les relations, les décisions, les réglementations et les conflits
internes, les garanties par pressions sociales, l’implication des bénéficiaires dans le
montage, la définition du protocole et la gestion du système financier.

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Effets des crises politiques au Burundi sur les processus érosifs
dans la région du Mirwa Central

par
Théodomir RISHIRUMUHIRWA
Adresse postale : courriel : agrobiotec2002@yahoo.fr
Résumé :
Le Burundi a traversé, de 1993 à 2005, une crise politique grave qui eu comme
conséquence des massacres interethniques à répétition, des vols et pillages, un déplacement de
populations et l’abandon des exploitations agricoles.
Cette crise a particulièrement touché la région du Mirwa Central (contreforts
surplombant la ville de Bujumbura à l’Ouest du Burundi) en raison de la persistance des
rébellions armées, très actives autour de la capitale. Elle a été à l’origine d’une crise érosive
très grave avec de lourdes conséquences tant à l’amont (fortes pertes en terres dans les
champs et les pistes rurales, érosions des berges et ravinement) qu’à l’aval (envasement des
embouchures des rivières, inondations et destructions des infrastructures dans la plaine de
l’Imbo et dans la ville de Bujumbura).
En effet, la région du MIRWA présente de très hauts risques d’érosion en raison de sa
géomorphologie avec des pentes très escarpées (dépassant en moyenne 50 %), très longues
(plusieurs centaines de mètres), une pluviosité abondante (plus de 1100 mm/an) et à fortes
intensités, des sols fragiles exposés aux ravinements, aux glissements de terrains et aux pertes
en terre très importantes.
Dans ce contexte, RISHIRUMUHIRWA (1997) a évalué les risques d’érosion sous
cultures entre 3 et 978 tonnes de pertes en terre par hectare et par an, avec des indices C de
l’équation de Wischmeier variant de 0,1 à 0,7 selon les systèmes d’exploitation.
D’autre part, DUCHAUFOUR (1991) a montré que les systèmes agricoles à très fortes
densité bananière, comme on les rencontrait avant la crise dans le Mirwa central, étaient
particulièrement efficaces en gestion et conservation des sols avec des pertes en terre
insignifiantes (0,1 t/ha/an) dans des bassins versants de pentes moyennes de 50% et plus.
Ces systèmes ont été laissés partiellement ou complètement à l’abandon pendant plusieurs
années en raison des déplacements de populations avec comme conséquence, le manque
d’entretien des cultures et la régression du couvert végétal. La réduction de ce manteau
protecteur a livré les sols à une érosion intense (qu’on peut estimer à plus de 500 tonnes/ha/an
avec un indice C voisin de 0,5).
Face à cette situation, les autorités politiques tentent de résoudre timidement les
problèmes à l’aval pour protéger la ville de Bujumbura en aménageant, partiellement, les
rivières qui la traversent. Une solution durable ne peut se concevoir sans un vaste programme
de réhabilitation des bassins versants du Mirwa Central impliquant le retour à une paix
durable, la réhabilitation des exploitations agricoles, le reboisement et une sensibilisation des
communautés locales à une gestion durable des écosystèmes et des exploitations agricoles.
Mots clés : Erosion, changements climatiques, systèmes culturaux, déplacements de
populations, réhabilitation
1. Le milieu physique
1.1. Géomorphologie
La région naturelle du Mirwa couvre
les escarpements surplombant la plaine de
la Ruzizi (Plaine de l’Imbo) et s’étendant à
l’Ouest du Burundi sur une bande allant de
la frontière rwandaise à une quarantaine de
km au Sud de la ville de Bujumbura. Elle
est limitée à l’Est par la crête Congo-Nil.
Le Mirwa central en occupe la partie
centrale, forme un arc de cercle à l’Est de
la ville et couvre la province administrative
de Bujumbura Rurale.
Du point de vue géomorphologique,
Le Mirwa central fait partie du système du
grand Rift valley africain qui s’étend de la
corne de l’Afrique au Sud du lac Malawi
: Région Mirwa
après avoir traversé l’Ethiopie, le Kenya,
l’Ouganda, l’Est du Congo, le Rwanda, le : Mirwa Central
Burundi, la Tanzanie et la Zambie.

Ce système se caractérise au niveau du Burundi par le fossé d’effondrement occupé par


la plaine de la Ruzizi et le lac Tanganyika à l’Ouest.
La région du Mirwa dont la partie centrale est occupée par la zone étudiée, est formée
par les escarpements qui surplombent cette plaine sur une bande large de +/- 20 km de large à
l’Est avec des altitudes variant de 1100 au contact avec la plaine à 2000 m au niveau de la
ligne de partage des bassins du Congo et du Nil. Cette région accuse des pentes généralement
supérieures à 50% et pouvant dépasser 90% (RISHIRUMUHIRWA, 1997).
1.2. Climat, sols, population et végétation
Le climat de cette région est de type Aw4 aux altitudes inférieures vers la plaine et le
lac Tanganyika pour tendre vers le Type Aw3 en altitude et Cw3 au contact de la crête
Congo-Nil. Les températures moyennes y varient de 20° à 16° et les précipitations de +/- 1100
à 1800 mm par an en allant de l’Ouest vers l’Est.
Les sols les plus couramment rencontrés dans la région du Mirwa Central sont des sols
récents tropicaux et des kaolisols, décrits comme des ferrisols et ferralsols (ISABU, 1990) à
dominance argileuses, dérivés de schistes micacés s’érodant en rigoles et ravines. Les
glissements de terrains y sont tout aussi fréquents que spectaculaires.
Sur le plan humain, la région du Mirwa central est une des plus peuplée du Burundi.
Elle avait une densité de population comprise entre 400 et 590 habitants/km2 selon le
recensement générale de la population (1990). On peut l’extrapoler actuellement de 650 à
1000 habitants/km2 si l’on tient compte du taux d’accroissement de la population qui double
tous les 25 ans au Burundi.
Cette région était jadis occupée par une végétation naturelle forestière en prolongement
des forêts de montagne caractéristiques des zones de hautes altitudes de la crête Congo-Nil.
Le peuplement de cette région a vu cette végétation régresser et laisser place à des systèmes
culturaux très complexes à forte dominance bananière surtout sur des sols à bonne fertilité.
2. Risques d’érosion
Les risques d’érosion ont été étudiés
pour l’ensemble du Burundi
(RISHIRUMUHIRWA, 1997) sur base des
caractéristiques du climat (érosivité), de la
nature des sols (érodibilité) de la longueur
et du degré de pentes, des caractéristiques
de la végétation naturelle et des systèmes
culturaux. (USLE de Wischmeier et Smidt,
1978)
Selon cette étude, les risques sont
modérés en plaines, inférieurs à 50 tonnes
par ha et par an, mais augmentent
considérablement avec les pentes, le
climat, les sols et les systèmes culturaux.
Dans le cas de la région du Mirwa, il
est apparu que l’indice climatique est
parmi les plus élevés de ceux observés au
Burundi avec une moyenne de 475 et une
érodibilité des sols assez modérés (0,07 à
0,14) comme la plupart des sols du pays.
Le facteur pente, est sans conteste, le facteur explicatif de l’érosion le plus important
dans le Mirwa, en général, et dans le Mirwa central en particulier. L’indice de pente atteint
facilement 21 lorsque la déclivité dépasse 50% et la longueur des champs de l’ordre de 40 m.
La combinaison des différents facteurs montre que les risques d’érosion de la région du
Mirwa peuvent atteindre 950 tonnes par ha sur des terres nues à très fortes et longues pentes.
Cette étude confirme les résultats de l’ISABU (1990) qui ont démontré que l'agressivité des
pluies varie de 400 à 650 avec une moyenne de 550 à Mwisare (Rushubi1), situé à 1750 m
d’altitude et où les précipitations moyennes annuelles sont de l’ordre de 1650 mm.
L’érodibilité observée dans la même station et région varient de 0,08 à 0,13 sur sols
ferrallitiques développés sur schistes.
Il est apparu que dans ce contexte, la bonne résistance des sols à l’érosion est liée aux
pratiques culturales des agriculteurs très complexes où le bananier constitue un pivot des
systèmes traditionnels d’exploitations.
3. Erosion des terres dans le Mirwa Central avant la Crise
L’étude de l’érosion dans le Mirwa central a été menée par l’ISABU aux stations de
Rushubi 1 et 2 en commune d’Isale et en commune de Kanyosha.
Les objectifs poursuivis portaient notamment sur le fonctionnement hydrodynamique
des sols des sites étudiés ; les mesures des pertes en terre et le ruissellement ; le
développement des techniques de GCES adaptées à la région et assurant un meilleur
fonctionnement des exploitations agricoles.
Les pertes en terre sur sol nu atteignent plusieurs centaines de tonnes par an avec des
pics d’une centaine de tonnes/hectare pour une seule pluie à très forte érosivité.
L’importance de ces pertes en terre a été confirmée à la station Rushubi 2, située dans la
même région mais à plus basse altitude où on a observé 4000 tonnes de terres perdues sur sol
nu en 5 ans, soit une moyenne de 800 tonnes par hectare et an (ISABU, 1983).
3.1. Méthodes de lutte antiérosive et leur efficacité
3.1.1. Méthodes mécaniques
Les résultats obtenus ont confirmé l’efficacité des terrasses radicales. Leur mise en
place nécessite une forte main-d’œuvre (500 à > 1000 h. jours), perturbe les horizons de
surface dont la fertilité ne peut être maintenue que par un apport important de fumure
organique. Dans le contexte du Mirwa central, ces terrasses présentent de forts risques de
glissements de terrains surtout sur des matériaux schisteux, sur micaschistes ou gneiss très
fréquents dans la région. Dans ce contexte, les terrasses progressives constituent une bonne
alternative.
L’autre technique très courante, introduite déjà du temps colonial, est l’aménagement de
fossés isohypses. Ces fossés doivent être associés aux bandes enherbées pour la production du
fourrage. Une variante intéressante est de les utiliser comme "compostières" où on accumule
des déchets végétaux avant d’y planter des cultures pérennes comme le bananier.
Les autres techniques pratiquées à petite échelle par les agriculteurs sont les lignes de pierres
et des déchets de labours. Leur efficacité est très mitigée si les espaces entre les pierres ne
sont pas colmatés. Il est dès lors conseillé d’utiliser les déchets de labour comme paillis.

3.1.2. Dispositifs biologiques


Les méthodes biologiques se révèlent bien plus intéressantes que les dispositifs
mécaniques. Le reboisement avec des espèces produisant une litière abondante est
particulièrement efficace même sur de fortes pentes (perte en terres d’une tonne/ha/an en
première année et un ruissellement annuel moyen de 0,1 % d’après le rapport de la MFCZN,
(1983). Dans la région du Mirwa, les espaces pour des reboisements en blocs font défaut en
raison de l’exigüité des exploitations. Des bandes de boisements et l’agroforesterie sont de
bonnes alternatives qu’on rencontre chez les agriculteurs.
Les haies vives où l’on associe les graminées et arbustes légumineux, fixatrices
d’azote freinent le ruissellement et les pertes en terres, fournissent du fourrages, des tuteurs
pour les cultures volubiles et du bois de feu.
3.1.3. Bananeraies et autres cultures vivrières
La région du Mirwa est l’une des plus productrices de banane. L’importance de cette
culture est particulièrement significative dans les sols fertiles (ferrisols humifères et
anthropiques). Elle joue un rôle capital dans la gestion et la conservation des sols par
l’importance des déchets organiques qu’elle produit (stipes et feuilles mortes). Ces déchets
sont en partie laissés dans les bananeraies, jouant de ce fait le rôle de paillis dont l’efficacité a
été confirmée et par l’ISABU (1992) et par RISHIRUMUHIRWA (1997). C’est l’une des
cultures les plus intéressantes au regard des résultats résumés dans le tableau ci-après.
Type de végétation Indice C Type de végétation Indice C
sol nu 1 sol nu 1
Bananeraie + paillis abondant 0.001 culture paillée/pinède 0.001
Bananeraie + paillis en bandes 0.03-0.06 bananeraie 0.07-0.14
Bananeraie + paillis en couronne 0.1 - 0.2 manioc traditionnel 0.10-0.16
patate douce traditionnelle 0.53
association haricot-maïs 0.62
Source: Rishirumuhirwa, T., 1997 Source: Rapport annuel ISABU 1989-1990

Ce tableau met clairement en évidence l’importance du bananier à côté des autres


cultures dont l’efficacité est dépendante de l’espèce considérée, de la fertilité des sols et de la
prévalence des maladies qui influent sur la production de biomasse susceptibles d’être mis à
profit en gestion et conservation des sols.
4. Les bassins versants expérimentaux
L’ISABU (1992) a étudié les pertes en terre dans deux bassins versants expérimentaux,
respectivement de 4,5 et de 6,5 ha, situés dans cette région. Les résultats montrent des pertes
en terre inférieures à 100 kg/ha/an.
L’explication majeure de cette efficacité est attribuée aux pratiques agricoles des
fermiers basées sur des associations complexes des cultures, à la redistribution des terres
érodées qui finissent par être piégées dans les zones à forte occupation bananière.
Ces résultats tendent à démontrer que les cultures traditionnelles ont une efficacité
variable. Les bananeraies semblent jouer un rôle de premier ordre dans le piégeage des
sédiments et dans la conservation des sols.
Avant la crise de 1993, la gestion et la conservation des sols dans le Mirwa central
étaient liées aux pratiques agricoles associant les cultures traditionnelles, les bananeraies
l’agroforesterie et l’élevage. Si, au niveau des parcelles, des phénomènes d’érosion étaient
observables et dépendantes de l’efficacité des systèmes d’exploitation mis en place par
chaque ménage, la forte présence de bananeraies denses et des haies productrices de fourrage,
réduisaient considérablement les pertes en terre au niveau des bassins versants.
5. La crise politique de 1993 et ses conséquences
5.1. Conséquences sociopolitiques
La crise politique a débuté en octobre 1993. Elle s’est caractérisée par des tueries à
grande échelle que d’aucun ont assimilé à un génocide comparable à ce qui a prévalu au
Rwanda en avril 1994. On a ensuite assisté à un déplacement des populations vers des camps
de réfugiés à l’intérieur du Burundi ou à l’extérieur (exil).
Il s’en est suivi la constitution de bandes armées qui ont été particulièrement actives
autour de la capitale en province de Bujumbura Rurale. Les confrontations régulières entre
ces bandes et l’armée nationale ont été à l’origine de déplacements incessants des populations,
aux pillages du bétail et des champs des agriculteurs, à la collecte d’impôts par
l’administration légale (effort de guerre) et de l’administration parallèle.
Cette situation a été à l’origine d’un recul des activités champêtres, à la régression de
l’élevage et des bananeraies mal entretenues. L’augmentation de la population est une autre
cause aggravant l’érosion. Il a été mis en évidence que les toitures des maisons concentrent
les eaux collectées sur le toit qui sont responsables de ravinements.
5.2. Conséquences sur l’érosion hydrique
5.2.1. Effets en amont
La déstructuration des exploitations, le recul de l’élevage, des cultures en général, et de
la bananeraie, en particulier, ont conduit à une forte aggravation des phénomènes érosifs. Le
contexte de guerre civile n’a pas permis d’en mesurer l’importance et d’en établir le bilan en
amont. On a pu relever des effets tant au niveau de quelques champs que sur certains versants.
Photo 1 : Squelettisation du sol après disparition couvert végétal dans le Mirwa

Le déplacement des populations conduit à l’abandon des exploitations qui sont peu ou
pas entretenues. Il s’en suit une forte érosion qui met à nu les rochers.
Photo 2 : Glissement de terrains

Les zones qui sont restées relativement calmes et où les exploitations sont encore bien
tenues (bonne couverture végétale et bonne occupation par les cultures), on observe les
phénomènes classiques caractéristiques de cette région comme les glissements de terrains.
Photo 3 : Erosion liée aux mauvaises pratiques culturales

En plus de l’érosion aratoire liée au déplacement des terres vers l’aval par le labour, on
observe une érosion à la limite des parcelles. Le brûlis des mauvaises herbes détruit les
déchets organiques dont le rôle protecteur antiérosif n’est plus à démontrer.
5.2.2. Effets à l’aval
Les effets observés à l’aval des champs sont multiples et portent surtout atteinte aux
infrastructures et à la qualité de l’eau. Les principaux sont :
1° L’envasement du port de Bujumbura dont le dragage sera financé par la Belgique ;
2° Les inondations dans la plaine de la Ruzizi et dans la ville de Bujumbura ;
3° Les fortes crues des rivières qui traversent la capitale ;
4° Les risques de destruction des infrastructures (ponts, bâtiments).

Photo 4 : Rue inondée du centre ville de Bujumbura après une averse

Ces inondations sont encore plus spectaculaires vers le lac. Le quartier du port qui abrite
les principales industries est régulièrement sous-eaux, parfois pendant plusieurs heures/jours
après une forte pluie. Il en va de même de la route vers l’aéroport et d’une partie de la plaine
de la Ruzizi inondée après de fortes averses.
Photo 5 : Inondations dans la plaine de la Ruzizi

Ces inondations deviennent de plus en plus graves et fréquentes. Les environs de


l’aéroport sur la route Bujumbura – Cibitoke restent parfois inondés pendant plusieurs jours,
voire des semaines.
3° Fortes crues des rivières
Les inondations observées en plaines traduisent un coefficient de ruissellement très
élevé dans les bassins versants s’accompagnant de fortes crues des rivières qui les drainent
comme le montrent les photos 6 et 7.

Photos 6 : Crue de la rivière Muha vers l’avenue


Photo 7 : Crue de la Muha en aval du pont sur la route Rumonge

Les crues des rivières s’accompagnent de fortes érosions des berges qui peuvent être
spectaculaires.
4° les destructions des infrastructures (ponts, bâtiments).
Plusieurs bâtiments ont été construits le long des rivières qui traversent la ville
comme la Ntahangwa au Nord, la Muha à la lisière Sud du centre ville et la Kanyosha au
Sud de la ville. Avec l’aggravation des phénomènes érosifs, les berges s’érodent
rapidement, les glissements de terrains deviennent fréquents et menacent les bâtiments et
les ponts.
C’est notamment le cas du Lycée Clarté N.D. de Bujumbura, construit vers les années
1960. Cette école menace de s’effondrer suite à l’érosion des berges et aux glissements de
terrains, très actives ces 10 dernières années, comme le montre la Photo 8.
Photo 8 : Bâtiments menacés d’effondrement – Lycée Clarté N.D. de Bujumbura
Photo 9 : Bâtiment en cours de construction au dessus du ravin de la Ntahangwa
menacé par un glissement de terrain

Les crues des rivières s’accompagnent régulièrement de fortes érosions des lits et des
berges déplaçant d’importantes quantités de terre charriée vers le lac. La Photo 10 montre le
décapage du lit de la Muha lors d’une averse exceptionnelle. Ce phénomène s’accompagne
d’un affouillement des bases des ponts et de la destruction des ouvrages d’aménagement
comme les barrages en gabions (photo 11).
Photo 10 : Erosion du lit de la rivière Muha lors d’une pluie exceptionnelle
Photo 11 : Affouillement des bas-côtés des ponts lors de la même pluie

5. Conclusions et recommandations :
Le Mumirwa est sans conteste, l’une des régions du Burundi à très haut risque
d’érosion (pentes, climat et sols). Elle a été longtemps protégée par sa végétation naturelle et
des systèmes d’exploitation très complexes à très forte densité bananière.
La destruction partielle ou totale des végétations naturelles et des boisements
artificiels par une exploitation incontrôlée ainsi que la déstabilisation des systèmes
d’exploitation ont aggravé les processus érosifs avec des effets graves sur le fonctionnement
des BV et des rivières qui les traversent.
En aval, les inondations et la menace sur les infrastructures se sont considérablement
accrues. Les mesures prises pour y faire face sont incomplètes, mal orientées et surtout
inefficaces. Elles négligent ou ignorent les causes qui se situent surtout en amont et ne
s’occupent que partiellement des conséquences à l’aval.
Cette approche ne résout que ponctuellement les problèmes d’inondation et de manière
très limitée dans le temps.
Il est urgent de réorienter les approches de GCES de cette région en s’attaquant aux
vrais problèmes et aux causes qui se situent à l’amont sur les versants. Cette approche passe
impérativement par la réhabilitation des systèmes traditionnels d’exploitation, par le
reboisement des berges et des pentes trop fortes et par une approche de gestion durable des
écosystèmes. Ceci ne sera possible que dans le cadre d’une stabilité politique durable et une
implication plus importante des pouvoirs publics en charge de l’agriculture.
C’est la seule approche qui permettra de relancer l’agriculture tout en réduisant la
pauvreté pour le bien des populations paysannes des zones, des collines et des citadins qui
sont à l’aval et qui en subissent les conséquences.
BIBLIOGRAPHIE

BIZIMANA M., DUCHAUFOUR H., MIKOKORO C., 1992. : Les acquis de la recherche à
l’ISABU en matière de protection et de restauration des sols
DUCHAUFOUR H. et PARTY J.P., 1988 : Etude de la conservation des eaux et des sols dans
le Mumirwa. Cas de deux bassins versants en Commune Isale. Mission d'Appui
technique à l'ISABU.
LASCOUX D.M., BITOKI O. et BIZIMANA M. : Lutte contre l'érosion : Synthèse des essais
après la campagne 1985. Bujumbura. 30 p.
MFCZN, 1984 : Rapport annuel 1983.
I.S.A.BU, 1991, Département des études du milieu et des systèmes de production. Programme
Agroforesterie Sylviculture et Erosion : Rapport annuel 1989-1990, partie érosion.
I.S.A.BU, 1989 : Rapport des Recherches Agronomiques 1988-1989.
I.S.A.BU, 1987 : Rapport des recherches agronomiques 1987.
RISHIRUMUHIRWA, T., 1992 : Ruissellement et érosion sous bananier au Burundi, in
Bulletin Réseau Erosion n° 12.
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sols ferrallitiques du Burundi. Cah. Orstom, sér. Pédol., 28, 2 : 367 - 383.
RISHIRUMUHIRWA, T., 1993. - Contribution des résidus du bananier en conservation de
l’eau et du sol.- Bul. Réseau Erosion n° 13, IRD, Montpellier, 63 - 70.
RISHIRUMUHIRWA, T., 1997 : Rôle du bananier dans le fonctionnement des exploitations
agricoles sur les hauts plateaux de l’Afrique orientale (application au cas de la région du
Kirimiro – Burundi). Thèse n°1636, EPFL, Lausanne, 302 p.
WISCHMEIER W.H., SMITH D.D. 1978. : Predicting rainfall erosion losses. A guide to
conservation planning. USDA, Agriculture handbook n° 537, 58 p.
Notion de transfert Ville-Campagne à Port-au-Prince (Haïti) : en quoi la
ville peut-elle apporter une valeur ajoutée pour la campagne par la
gestion de ses déchets organiques et la campagne vers la ville par la
production de produits alimentaires ?
FERNANDES J-C. (✝)1,3, JEAN DENIS S.2, EMMANUEL E.1, LACOUR J.
DUCHAUFOUR H.2, VERMANDE P.3 et BAYARD, R. 3*
1
LAQUE - Laboratoire de Qualité de l'Eau et de l'Environnement. Université Quisqueya
BP796 Port-au-Prince, Haïti : evemm1@yahoo.fr
2
Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV)
Route Nationale # 1, Damien, BP 1441 - Port-au-Prince, Haïti
herve.duchaufour@wanadoo.fr, allosardou@yahoo.fr
3
LGCIE - Laboratoire de Génie Civile et d'Ingénierie Environnementale, Institut National des Sciences
Appliquées. Université de Lyon – BP 69621 Villeurbanne, France
paul.vermande@insa-lyon.fr …remy.bayard@insa-lyon.fr

* Correspondant

Résumé : Depuis de nombreuses années, la communauté urbaine de Port-au-Prince doit faire face
à la gestion des déchets ménagers produits par ses 2.2 millions d’habitants. Malgré les efforts des
institutions nationales et internationales, aucune solution pérenne n’a pu être proposée pour
résoudre les nombreuses difficultés rencontrées : taux de collecte rarement performant, décharge
non contrôlée, création de dépôts sauvages, obstruction des canalisations impliquant inondations
et risques sanitaires élevés, peu d’intervention dans les zones « bidonvillisées ». Or, compte tenu
des caractéristiques physico-chimiques des déchets produits (faible teneur en produits
compressibles, masse volumique très élevée, matières organiques (60 %) et humidité des déchets
(de 60 à 80 %) très élevées, PCI faible), le compostage constituerait a priori une solution adéquate.
Ce compost peu utilisable en zone urbaine pourrait être transféré dans les agro-systèmes
maraîchers périurbains de montagne distants de quelques dizaines de kilomètre de Port-au-Prince. Il
s'agit donc d'établir des modèles socio-économiques de transférabilité ville/campagne en utilisant les
déchets organiques produits en zone urbaine, de les transformer puis de les valoriser dans une zone
rurale proche des sites de compostage. La meilleure fertilité des terres se traduira par un
accroissement de la productivité par unité de surface et par individu et par une consommation des
produits, au final, dans la ville.

Mots clés : Haïti, déchets ménagers, inondations, compostage, valorisation.

Abstract : Among all the problems the urban area of Port-au-Prince has to face, the management
of the wastes produced by more than 2.2 million Haitians living in the capital appears as one of the
biggest and most complicated one for which no one - local or international institutions - seem to
have a clear solution (low waste collecting rate, non controlled landfill, creation of non authorised
waste deposits in the city, canalisation obstructions implying floods and high sanitation risks, few
intervention in slams). However, according to physical and chemical characteristics of the wastes
produced in the capital (high percentage of organic matter (around 60%), high humidity (between
60 & 80%), low percentage of compressible wastes), using compost processes appears as an
adequate solution. The compost produced, hardly usable in urban areas, could be transferred to
agricultural systems close to the city. Therefore, socio-economical models for the transferability
« citycountryside » can be settled using the organic wastes produced in urban areas, converted
into compost and finally used in rural areas close to the compost plants. The better fertility of the
ground will be accompanied with a better productivity per surface unity and per peasant for a final
consumption of the products in the city.

Key words : Haïti, household wastes, flooding, compost, valorisation


Préambule

Cet article est issu du travail de Sardou Jean-Denis dans le cadre de son Projet de Fin
d’Études de cycle d’ingénieur agronome de la FAMV et de Jean-Christophe Fernandes,
dans le cadre de son doctorat en cotutelle (LGCIE. INSA-Université de Lyon & LAQUE -
Laboratoire de Qualité des Eaux et Environnement de l’Université Quisqueya). Le
programme de thèse portait sur le développement de la collecte, le traitement et la
valorisation des déchets dans les quartiers pauvres de Cité-Soleil avec pour objectif
scientifique de définir les conditions de mise en place et de développement de structures
artisanales pérennes de valorisation des déchets ménagers d’un quartier défavorisé.
Jean-Christophe Fernandes est décédé lors du séisme survenu le 12 janvier 2010.

1- Introduction
Depuis les années 1950, Haïti souffre d'une dégradation accélérée de ses sols et de ses
ressources naturelles. Cette dégradation de l'espace rural s'exprime essentiellement par
une baisse de la fertilité et par l'accélération des pertes en sol dues en partie aux facteurs
du milieu naturellement fragiles : d'une part 60% des terres cultivées sont situées en
montagne sur des pentes très fortes (de 20 à 80%), d'autre part le régime violent des
pluies favorise le ruissellement (Smolikowski, 1993).
La dégradation des sols est également le bilan négatif d'une mise en culture de plus en
plus rapprochée, impliquant des temps de jachère de moins en moins importants et, en
conséquence, des situations de surexploitation agricole.

Cette mauvaise gestion des ressources naturelles a pour effet la baisse de rendement des
terres cultivées et donc des revenus agricoles. Démunis, les paysans se tournent vers des
activités plus rémunératrices telles que la production de charbon de bois, impliquant un
déboisement anarchique et une pression encore plus forte sur les ressources naturelles.

Les campagnes doivent ainsi faire face à des problèmes de malnutrition, de baisse des
exportations (les produits locaux souffrant des importations « bon marché » en
provenance des pays voisins), d'exode rural très important, d'incapacité des familles à
épargner, de pression foncière due à une démographie trop élevée, de revenus agricoles
très faibles empêchant le renouvellement du capital animal et outil. Ce cycle de
décapitalisation s'exprime par une perte de cohésion sociale d'où résulte souvent une
attitude de survie de la part des paysans.

Par ailleurs, la mauvaise gestion des surfaces agricoles et la déforestation des espaces
naturels ont conduit à l’érosion des terres cultivables (Smolikowski, 1993). Malgré les
recherches sur cette problématique, force est de constater la faiblesse des résultats en
terme de lutte antiérosive, d'amélioration des rendements et du revenu agricole à court
terme. Ainsi, face à une telle situation d'échec et à une population qui ne cesse
d'augmenter, la recherche d'outils pour la défense et la restauration de la fertilité des sols
doit nécessairement se tourner vers l'amélioration de la productivité des sols par
l’utilisation de techniques agricoles et d’élevage durables.

Dans ce sens, l'utilisation de composts en milieu rural pourrait constituer une solution pour
lutter contre l’appauvrissement des sols haïtiens. Outre l'amélioration de la nature physico-
chimique des sols de montagne (sols calco-magnésiens et sols fersiallitiques) par
l’augmentation de la réserve en nutriments, le compost améliore la structure de l’horizon
de surface en contribuant à la génération d'humus participant ainsi à sa stabilité
structurale. Or, en conditions de pluies cycloniques et d’orages aux agressivités
exceptionnelles, ces sols de montagne sont soumis à une dégradation accélérée. La
déstructuration de la surface croît au fur et à mesure de la dégradation des agents de
liaison de la microstructure argilo-humique des sols (Duchaufour. Ph. ABREGE DE
PEDOLOGIE. Sol, végétation, environnement, 5ème édition 1997). Nous pouvons
supposer que l’amincissement de la couche d’humus souvent constaté en zone de
montagne et le déséquilibre du complexe humo-calcique affectent les propriétés organo-
minérales de ces sols au fil des années ce qui les fragilisent de plus en plus à l’érosion et
au lessivage des éléments nutritifs.

Au delà de ces avantages agro et éco-pédologiques, les techniques de compostage


permettent la valorisation d'un excédant de matière organique produite par les ménages
mais aussi par les marchés des grandes villes, et notamment de Port-au-Prince. Peu
utilisable en zone urbaine, le compost pourrait être transféré dans les agro-systèmes
maraîchers périurbains de montagne distants de quelques dizaines de kilomètres de Port-
au-Prince.

Il s'agit donc d'établir un modèle socio-économique de transférabilité ville/campagne en


utilisant les déchets organiques produits en zone urbaine, de les transformer en compost
puis de les valoriser dans une zone rurale proche des sites de traitement des déchets. La
meilleure fertilité des terres se traduira par un accroissement de la productivité par unité de
surface et par individu et par une consommation des produits, au final, dans la ville.

Ainsi, une nouvelle approche s'appuyant sur des logiques de développement rural visant à
résoudre les problèmes immédiats des populations (sécurité alimentaire, améliorations
des revenus, valorisation du travail) doit être développée à travers une meilleure gestion
des déchets en zone urbaine et une utilisation de techniques adaptées au contexte
haïtien.

2- Matériels et méthodes
2.1- Zones d'études
La communauté urbaine de Port-au-Prince se trouve face à la difficulté de collecter et traiter
les déchets ménagers produits par une population estimée à 2 164 000 habitants en 2009.
Le taux d'accroissement de la population a été récemment à environ 2% chaque année
(Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique, 2009) et la production journalière de
déchets ménagers a été estimée à 0,83 kg.hab.-1.jour-1 (Bras, 2009).

Le taux de collecte des déchets est rarement performant, si ce n’est dans certains
quartiers privilégiés (centres commerciaux, zones touristiques, quartiers résidentiels de
haut standing). Il varie généralement de 30% à 40% (Bras, 2009), mais il peut-être
beaucoup plus faible, voire nul, dans certains quartiers précaires. Parmi ces déchets,
approximativement 1 000 m3 arrivent quotidiennement sur le site de Truitier, décharge non
contrôlée proche de la mer et entourée de bidonvilles (cf. Figure 1).

Compte tenu de l'évolution de la consommation, partiellement conditionnée par la


proximité des États-Unis et de ses produits, il est prévisible que la production annuelle
globale des déchets dépasse en 2016 les 5 millions de tonnes (Samper et al., 2006).

2.1.1- Les quartiers cibles


Deux plateformes expérimentales de compostage artisanale ont été mises en place au
cours de l’année 2009. Les plateformes sont situées dans deux quartiers précaires de la
capitale haïtienne : Cité Soleil (quartier de Bois Neuf, comptant environ 10 000 habitants) et
Carrefour Feuilles (cf. Figure 1). Elles sont équipées d’une ligne de compostage et de
dispositifs de tri pour la séparation des déchets non putrescibles en vue de la valorisation
matière des différentes fractions.

Dé c ha rge de T ruit ie r A

Cit é Sole il

Ca rre four Fe uille s

P é t i o n -v i l l e

K e nsc off

B Furc y
Légende :
Extension de l’agglomération urbaine de Port-au-Prince

Zone maraîchère périurbaine des hauts de Pétion-ville et de Fermathe - Thomassin

Zone maraîchère de Kenscoff – Furcy (zone de l’étude du transfert de fertilité ville campagne)

Zone d’expansion de l’agglomération de Port-au-Prince

A – B : Transect de Port-au-Prince à Furcy (figure 2)

Figure 1 : Situation géographique des quartiers cibles.

Le quartier de Carrefour Feuilles, réputé pour être une zone de tension sociale, est
présentement en voie d’apaisement mais la sécurité de la zone demeure fragile. Le PNUD a
en conséquence mis sur pied le projet pilote « Gestion des déchets solides Carrefour
Feuilles » dont l’objectif est de contribuer à la consolidation du processus de réduction de la
pauvreté à travers la création d’emplois, la préservation de l’environnement et le tissage de
liens sociaux dans le quartier. Le site traite chaque jour 40 m3 de déchets collectés dans les
rues du bidonville par des équipes de balayage et de ramassage employées par le PNUD.

Cité Soleil, véritable « ville bidonville », comptant parmi les quartiers les plus peuplés et les
plus denses au monde (presque 40 000 habitants/km!), a connu de longues périodes de
violences. Le retour au calme depuis le début de l’année 2007 a permis l’intervention
conjointe de la Police Nationale Haïtienne (PNH) et de la Mission des Nations Unies pour la
Stabilité d’Haïti (Minustah). Ce retour de l’ordre s’accompagne d’actions visant à redonner
confiance aux populations vis-à-vis des pouvoirs publics et à améliorer leur cadre de vie. Le
projet de valorisation des déchets a été mis en place en collaboration avec une association
locale. L'unité expérimentale, en fonctionnement de juin 2009 au 12 janvier 2010, a permis
de traiter quotidiennement 5 tonnes de déchets collectés par les services de ramassage de
la ville de Cité Soleil.

2.1.2- Transfert Ville-Campagne


Dans le cadre de l'étude du transfert ville-campagne, la diversité des systèmes agraires a
été étudiée depuis les unités de compostage installées dans les quartiers précaires proches
du niveau de la mer (Cité Soleil) jusqu'aux zones de maraîchage de montagne périurbaine
des hauts de Pétion-ville (1 000 m d'altitude) et de Kenscoff et Furcy (1 400 - 1800 m
d’altitude) (cf. Figures 1 et 2).

La toposéquence de la figure 2 (transect A-B) résume les caractéristiques géo-pédologiques


et agro-écologiques du transect Port au Prince jusqu’à Kenscoff Furcy où sont concentrées
les cultures légumières. Elle fait apparaître une grande diversité des milieux naturels, des
systèmes de production et de l'occupation des sols. Cette diversité résulte de l'interaction de
plusieurs facteurs dont les plus importants sont le gradient climatique lié à l’altitude, la
pression foncière inégale selon les zones et liée à l’expansion de la ville vers les zones de
montagnes périphériques, la disponibilité en main d'œuvre et en capital-bétail, la nature des
matériaux géologiques et des sols en place et la topographie.
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Figure 2 : Toposéquence agroécologique schématique « Port au Prince - Kenscoff - Furcy ».

2.2- Identification des pratiques de rejet et jeu d'acteurs

L'étude de l'identification et de la caractérisation des différents problèmes posés par la


gestion des déchets solides à Port-au-Prince s'est principalement focalisée sur la
compréhension du système des acteurs institutionnels et de leurs actions, sur
l'observation des pratiques de rejet des ménages dans les quartiers précaires et sur la
complexité du fonctionnement des services d'assainissement (publics, privés, informels,
organisations internationales...). Les résultats ont été obtenus à partir d'entretiens auprès
des institutions étatiques du pays, des organisations internationales, des bailleurs de
fonds et des opérateurs privés. Ils ont également été complétés par l'observation directe
dans les quartiers ciblés, des pratiques de rejet et par une enquête par questionnaire
auprès de 200 ménages dans le quartier de Bois-Neuf à Cité-Soleil. Ainsi, plusieurs
entretiens collectifs ont eu lieu avec les personnels des structures de santé, éducatives,
politiques, religieuses, paysannes ; collectifs, associations locales, individuels et
« chiffonniers » des quartiers cibles afin d'apprécier l'écho des discours officiels dans les
quartiers pauvres, l'importance des croyances populaires et la réalité du terrain.

2.3- Caractérisation des déchets dans les quartiers cibles

Les déchets ménagers solides d'une ville forment un mélange complexe de produits aux
propriétés physico-chimiques différentes. Leur composition est variable et dépend de la
nature des produits de consommation, des habitudes, du niveau social de la population, et
enfin, des caractéristiques de l’habitat et des infrastructures collectives. La connaissance de
la composition des déchets ménagers est essentielle pour la détermination des filières de
traitement, valorisation et élimination telles que le compostage, la méthanisation, le
recyclage et la mise en décharge.

2.3.1- Échantillonnage

La constitution de l'échantillon de déchets ménagers et assimilés arrivant quotidiennement


sur le site de traitement de Carrefour-Feuilles a été réalisée en juillet 2009 selon la norme
française NF X 30-413 (2006) conçue spécialement pour la préparation d’un échantillon
partir d'une benne à ordures ménagères.

A Bois-Neuf, une cinquantaine de familles ont été sélectionnées pour réaliser la campagne
d’échantillonnage en juillet 2009. Des sachets plastiques ont été distribués et les déchets
collectés quotidiennement pendant une semaine. Chaque sachet a été pesé afin d'évaluer
la quantité de déchets produits par habitant et par jour. Après une semaine, les déchets
recueillis ont été caractérisés.

2.3.2- Analyse globale des déchets

L’analyse globale d'un gisement de déchets ménagers et assimilés consiste à déterminer


sur l’échantillon représentatif :
− la part pondérale des catégories et des sous-catégories ;
− l'humidité globale, l'humidité par catégories et sous-catégories ;
− la densité apparente des déchets ;
− La détermination de la teneur en matière organique totale (MOT) de la fraction
fermentescible.
La classification des déchets a été effectuée manuellement en plusieurs catégories à
savoir : matière organique, plastiques souples, plastiques rigides, papiers/cartons, verres,
métaux, textiles et divers selon la norme Française NF XP X30-408 (1996).

La détermination du taux d'humidité (%H) a été conduite conformément à la norme NF U


44-171 (1982). La densité apparente est calculée afin de déterminer l’évolution de la
dégradation et le volume occupé par les déchets. Un seau de 10 L est pesé vide, puis
rempli avec un échantillon. La valeur de la densité fournie est le rapport entre la masse de
l'échantillon et le volume du seau. La Matière Organique Totale (MOT) a été mesurée
expérimentalement par la perte au feu (uniquement sur la part fermentescible) selon la
norme NF U 44-160 (1985).

2.4- Compostage et caractérisation des composts produits

La procédure de compostage a été développée sur la base des recommandations du


CEFREPADE sur le compostage décentralisé dans les pays en voie de développement
(CEFREPADE, 2008). Triée, la fraction organique des déchets collectés est mise en
andains trapézoïdaux de longueur approximative de 9 mètres, de 3 mètres de largeur à la
base et de 2 mètres de hauteur, correspondant à environ 3 jours d'activité dans chacun
des deux centres. Les tas sont retournés chaque semaine, à la pelle, pendant le premier
mois puis chaque mois jusqu'à obtenir un produit final, le compost. Le compost se
caractérise visuellement par sa couleur noir foncé, l’absence d'odeurs, une température
stable et voisine de la température extérieure.

Sur le site de Bois-Neuf, un lot de compost maturé d’environ 25 kgMH a été échantillonné
par quartages successifs sur un tas de compost après trois mois de traitement. Ce lot a
ensuite été de nouveau quarté afin de préparer plusieurs échantillons d’1 kg,
représentatifs du compost maturé. Pour assurer leur bonne conservation, les échantillons
ont été séchés au soleil pour réduire leur teneur en eau et minimiser leur potentielle
évolution biologique au cours de leur transport jusqu’au laboratoire d’analyse en France.
Plusieurs programmes d’analyse ont été proposés pour permettre d’évaluer les
caractéristiques du compost. Il s’agit de l’analyse des qualités agronomiques, l’analyse
des teneurs en éléments traces métalliques, la mise en évidence d’éléments indésirables
tels que les éléments métalliques, le verre et les plastiques. Les analyses réalisées par le
Centre Scientifique Agricole Régional, le CESAR, sont présentées dans le Tableau 1. Les
résultats d’analyse seront comparés aux valeurs réglementaires de conformité des
amendements organiques de la norme NFU 44-051 (2006) indiqués dans ce même
tableau. Par ailleurs, l’analyse des agents pathogènes, œufs d’helminthes viables et
salmonelles, a également été effectuée sur l’échantillon de compost réceptionné.

Tableau 1 : Analyse agronomique, éléments métalliques, inertes et impuretés du compost.


Valeur agronomique Symboles et unités Valeur limite (NF U44-
051)
Matière Sèche MS (%MB*) ≥ 30%MB*
Matière Minérale MM (%MS) -
Matière Organique MO (%MS) et C = MO/2 ≥ 20%MB
-1
Azote Total N-tot (g.kg MS) > 1%
2.5- Diagnostic des systèmes agraires

Le diagnostic des systèmes agraires depuis la ville (Bois-Neuf à Cité-Soleil et Carrefour


Feuilles jusqu'aux zones maraîchères d’altitude de Kenscoff, Fermathe et Furcy) s'est
déroulé en trois phases :
− Réalisation d'un diagnostic du milieu : Cette première étape consiste à identifier les
potentialités et contraintes du milieu physique, de déterminer ou d’apprécier les
processus de dégradation de la fertilité des sols et d’identifier les techniques
paysannes existantes en matière de gestion de la fertilité des sols. Ce diagnostic
permet aussi de collecter avec précision les informations de l’historique des
systèmes d’exploitation dans les mornes de Kenscoff et Furcy et de leur mode de
fonctionnement : la SAU, les systèmes de production, les conduites culturales et
d’élevage, le statut économique des familles paysannes, les modes de gestion de
la main d’œuvre familiale, gestion de la biomasse produite (résidus de cultures,
déchets de labour, fumure organique et déchets ménagers), les critères
d’acceptation du compost par les exploitants en tant qu'amendement organique, les
conditionnements nécessaires (étiquetage particulier) et prix de vente. Cette étude
est en cours de réalisation et fait l’objet d’un travail de mémoire de fin d’étude
d’ingénieur de la Faculté d’Agronomie de Port au Prince.
− Expérimentation en milieu réel : Une fois le diagnostic terminé, il s'agira de tester
l’impact du compost sur divers systèmes sols de la zone d’étude. Dans un premier
temps, les expérimentations porteront sur la mise en valeur des sols alluviaux de la
plaine du Cul-de-Sac à proximité de la plateforme de compostage de Cité-Soleil.
L’influence des apports répétés de compost sera mesurée afin de déterminer son
impact sur la détoxification de la salinité (diminution de l’alcalinité de surface et des
caractères sodiques en profondeur) et d’apprécier le bénéfice lié à ces
améliorations sur la productivité de ces sols de plaine par la pratique d’un système
d’irrigation-drainage adéquat. Dans un deuxième temps, les expérimentations
porteront sur les sols pentus de montagne entre Fermathe et Furcy lesquels sont
soumis à un régime d’exploitation intensive (forte fertilisation minérale des cultures
légumières sans aucune restitution de matière organique), à une érosion hydrique
importante (érosion en rigole et déstructuration des agrégats en surface
fréquemment observées  pente atteignant 100% de déclivité) et à un lessivage
des nutriments pour le cas des sols acides (sols fersiallitiques). Là encore, les
effets bénéfiques du compost sur les propriétés biologiques, mécaniques et
chimiques des sols seront mesurés sur des parcelles expérimentales paysannes
représentatives des conditions agro-écologiques et édaphiques de la zone d’étude
(cf. Figures 1 et 2).
− Évaluation des résultats par les paysans et les techniciens. Cette dernière étape
permettra d'établir un référentiel technico-économique de transformation des
déchets organiques produits à Port-au-Prince en vue de leur valorisation dans les
zones maraîchères de montagne. L’analyse socio-économique et l’évaluation
systémique de l’opération dans sa globalité seront des critères déterminants pour
identifier le ou les modèles de transférabilité ville/campagne les plus appropriés.
L’étude s’appuiera sur l’analyse de quelques critères - indicateurs clés comme la
pénibilité des techniques proposées, le coût de revient de la transformation et du
compost conditionné et transporté, les améliorations sur la restauration de la fertilité
et la productivité des sols et une estimation de la plus value économique pour le
paysan suite au compostage.
3- Résultats et discussion
3.1- Complexité du système de gestion des déchets à Port-au-Prince

Force est de constater une cacophonie autant de la part des autorités nationales que des
opérateurs privés. Du fait de la défaillance du Service Métropolitain de Collecte des Résidus
Urbains (SMCRS) et d’un urbanisme non maîtrisé (les quartiers précaires de la capitale
occupent 75% des espaces bâtis de la région métropolitaine), l’ensemble du système
repose sur un nombre significatif d’ONG. Un flou certain et de grandes interrogations
entourent la coordination et la pérennité de ces initiatives ; il est impérieux de mettre en
place un cadre général concernant la gestion des déchets pour Port-au-Prince.

Les pratiques et les usages des ménages ne sont pas uniformes sur l'ensemble de la ville
de Port-au-Prince. Toutefois, le déversement des déchets dans les ravines constitue,
quelque soit le milieu urbain, un exutoire des déchets ménagers variant de 25% dans les
quartiers de standing élevés à 90% pour les quartiers de bas standing (Bras, 2009). Il est
également fréquent d’observer les habitants déposer leurs ordures dans les terrains vagues
provoquant ainsi la création de dépôts sauvages. Plus grave encore, l’accumulation des
déchets dans les drains et les caniveaux obstrue les canalisations ce qui crée de sérieux
problèmes d’évacuation des eaux pluviales (nombreux embâcles), d’importantes
inondations et par la même, des risques sanitaires élevés. Cette situation est d'autant plus
dramatique dans les zones dites « bidonvillisées » (Cité-Soleil et Carrefour-Feuilles) qui ne
connaissent aucun système d'assainissement effectif aussi bien pour les résidus liquides
que solides. Enfin la récupération informelle n'est pas à négliger puisqu'elle mobilise un
nombre important de récupérateurs à travers les dépôts sauvages et au sein de la décharge
de Truitier.

3.2- Choix de la filière d'élimination des déchets

3.2.1- Composition moyenne des déchets humides dans les deux quartiers
cibles

Les résultats obtenus après caractérisation des déchets ménagers et assimilés à Carrefour
Feuilles sont présentés dans la Figure 3.

Figure 3 : Composition moyenne des déchets humides à Carrefour Feuilles.


Les déchets humides générés à Carrefour Feuilles présentent une part importante de
déchets fermentescibles (51%), ce qui est caractéristique des pays en développement avec
une situation socio-économique similaire : 64,6% à Mostaganem (Guermoud et al., 2008),
70% à Agadir (ONEM, 2001), 63% à Amman (Abu-Qudais, 2000), 68% Tunis (Hafid et al.,
2002). Par ailleurs, le compostage de la part fermentescible des ordures ménagères
produites ne résoudra qu'une partie du problème, la matière organique ne représentant que
51% de la masse totale de déchets humides. La pérennité d'une telle filière de traitement ne
passera donc que par la diversification des activités autour de la gestion des déchets
(valorisation énergétique et/ou matière des autres fractions).

3.2.2- Valorisation des déchets produits

Étant caractérisés par une faible teneur en produits compressibles (emballages en


particulier, ne dépassant pas les 15-20% de la masse humide) et une masse volumique très
élevée (de 0,5 à 0,7 T/m3), le compactage des résidus n'est pas nécessaire voire même
impossible ou tout du moins se traduira par une efficacité marginale du tassement par la
benne en décharge. Par ailleurs, le procédé d’incinération n'apparaît pas non plus comme
une solution viable puisque les teneurs élevées en matières organiques (50%) et l’humidité
des déchets (de 60 à 80%) font que leur PCI 1 est souvent inférieur à 1 400 ou même à 1
000 mth.kg-1, ce qui n’assure pas leur auto-combustion et au contraire oblige au rajout de
combustible.
Le compostage constitue donc a priori une solution adéquate. Il permettrait en outre la
valorisation d'un excédant de matière organique produite par les ménages mais aussi par
les marchés de la capitale.

3.3- Qualité des composts produits

En tant que technique de valorisation biologique, le compostage permet de transformer


radicalement des déchets en un matériau utile et non polluant. Mais encore faut-il que la
technique soit correctement appliquée et que les déchets utilisés soient de qualité
correcte. Ainsi, sur chaque site, des équipes participent au tri rigoureux de la matière
organique afin de ne pas retrouver plastiques, verres et autres indésirables dans le produit
final. La réussite d'une unité de compostage, son efficacité économique et technique
imposent donc de mettre au même niveau l'objectif de traitement des déchets et celui de
production de compost. Pour obtenir un compost de qualité, c'est à dire capable de i) fixer
l'eau dans le sol et ii) apporter des éléments nutritifs et oligoéléments, il faut s'assurer de la
sélection des intrants et de la composition du substrat afin de répondre au besoin de
fertilisation des sols.

Par ailleurs, dans les conditions d’essais de compostage (un retournement chaque semaine
le premier mois, puis une fois par mois ; arrosage lorsque le corps de l'andain s'assèche),
un temps de compostage minimum de 90 jours est nécessaire pour obtenir une matière
suffisamment sèche et mature pouvant être affinée et commercialisée. Ce temps peut être
réduit significativement en améliorant notamment le système de ventilation pour pallier à la
diminution de l'espace lacunaire liée au tassement de la matière au cours du compostage.

Le suivi de la température au cours des essais de compostage sur les sites de Carrefour-

1
Le pouvoir calorifique est défini comme la quantité de chaleur dégagée par la combustion de l'unité de poids en ordures brutes. Il
s'exprime en millithermie par kilogramme d'ordures (mth/kg). Le pouvoir calorifique supérieur (PCS) suppose que la vapeur d'eau
formée pendant la combustion est revenue à l'état liquide. Le pouvoir calorifique inférieur (PCI) quant à lui, s'obtient si l'eau est formée à
l'état vapeur. C'est donc la vapeur du PCI qui permet de proposer ou de refuser l'incinération des ordures. Il varie dans les régions
équatoriales entre 800 et 2500 mth /kg.
Feuilles et Cité-Soleil a permis de constater l’atteinte de températures élevées, comprises
entre 70 et 80°C, maintenues sur plusieurs jours. Le maintien d’une température supérieure
à 60°C sur une semaine est généralement préconisé pour l’élimination des germes
pathogènes (hygiénisation du compost) présents dans les composts (ADEME, 2008). La
norme française sur les amendements organiques considère deux critères biologiques :
quantification des œufs d’helminthes et quantification des Salmonelles. Ces deux analyses
effectuées sur le compost de Bois-Neuf ont permis de constater l’absence totale de ces
deux agents pathogènes. Toutefois, ce résultat obtenu sur un échantillon de compost
relativement sec (séchage au soleil avant conditionnement et expédition au laboratoire
d’analyse, humidité de 11%) devra être confirmé sur d’autres échantillons de compost
collecté sur les plateformes expérimentales.

Les résultats d’analyse du compost produit au cours de l’essai de compostage sur le site
expérimental de Bois-Neuf sont présentés dans le Tableau 2.

Tableau 2 : Résultats de l’analyse agronomique, des éléments métalliques, des inertes et


impuretés du compost de Bois-neuf.
Valeur agronomique Symboles et unités Sur sec Sur produit brut
Matière Sèche MS (%) 88,8
Matière Minérale MM (%) 57,3 51,3
Matière Organique MO (%) et C = MO/2 42,2 37,5
-1
Carbone organique C (g.kg ) 267,6 237,6
-1
Azote Ammoniacal N-NH3 (g.kg ) 0,04 0,03
-1
Azote Organique N-org (g.kg ) 22,5 19,9
-1
Azote Nitrique N-NO3 (g.kg ) 1,45 1,28
Rapport C/N C/N 11,2
-1
Phosphore P2O5 (g.kg ) 9,34 8,30
-1
Potassium K2O (g.kg ) 28,63 25,43
-1
Calcium CaO (g.kg ) 117,05 103,94
-1
Magnésium MgO (g.kg ) 11,89 10,55
pH pH 7,54
Eléments traces Symboles Sur sec
-1 Sur produit brut
métalliques (ETM) Unité : mg.kg (% de la valeur limite)
Cadmium Cd 1,50 (50%) 1,33
Chrome Cr 40,90 (34%) 36,22
Mercure Hg 0,09 (5%) 0,08
Nickel Ni 27,80 (46%) 24,69
Plomb Pb 62,00 (34%) 55,06
Sélénium Se < LQ (LQ = 2,5) < LQ
Arsenic As < LQ (LQ = 2,5) < LQ
Symboles
Cuivre et zinc -1 Sur sec Sur produit brut
Unité : mg.kg
Cuivre Cu 464,80 (155%) 412,74
Zinc Zn 362,20 (60%) 321,63
Granulométrie des
éléments indésirables Sur sec
(% de la valeur limite)
(NF U44-164)
6,00% sur > 5 mm
Cailloux 11,00% sur 2-5 mm
1,34 sur < 2 mm
0,11% sur > 5 mm
Verres
0,00% sur les 2 autres fractions
Métaux 0,00% sur les 3 fractions
Films et Polystyrène expansé
0,00% sur les 3 fractions
(PSE)
Autres plastiques 0,03% sur 2-5 mm et 0,00% sur les 2 autres fractions
Agents pathogènes
Œufs d’helminthes viables Absence
Salmonelles Absence
3.3.1- Teneur en matière carbonée et azotée et autres éléments fertilisants

Le compost de Bois-Neuf se caractérise par un pH de l’ordre de 7,5, valeur qui confirme la


bonne maturation de la matière organique. La teneur en matière organique est de 37,5%MB
(correspondant à 27%MS de carbone organique), teneur supérieure à la valeur seuil de la
norme NF U44-051 (> 20%MB). Par conséquent, ce compost peut être considéré comme un
amendement organique dont la teneur en matière organique élevée permettra d’enrichir un
sol pauvre en matière organique.

La teneur en azote total de 2,4%MS conduit à la détermination du rapport C/N de l’ordre de


11, soit un équilibre C-N satisfaisant et proche des données citées sur les composts urbains
(Matejka et al., 2001). Néanmoins, l’analyse détaillée de l’azote (azote organique,
ammoniacal, et nitrique) tend à indiquer que l’azote total présent dans le déchet n’est pas
totalement disponible. En effet, près de 94% de l’azote est sous forme organique. En
conséquence, l’usage de cosubstrats riches en azote tels que des déjections animales
permettrait d’augmenter les propriétés fertilisantes de ce compost.

Par ailleurs, l’analyse de P2O5 et K2O, permet d’évaluer le potentiel d’apport en phosphore
et potassium, éléments chimiques nécessaires à la croissance végétale. L’apport en
phosphore est faible, et inférieur au seuil conseillé par la NF U44-051 (> 1%Ms) pour un
amendement avec engrais. Pour le potassium, la teneur est également faible. De même que
pour l’azote, l’usage de compléments locaux est également conseillé pour enrichir le
compost en phosphore et potassium avec par exemple respectivement, de la poudre d’os et
des cendres. Enfin, les teneurs en magnésium et calcium semblent suffisantes pour garantir
un apport complémentaire nécessaire à la croissance végétale.

Par conséquent, le compost produit sur la plateforme de Bois-Neuf dispose de propriétés


satisfaisantes en terme de teneur en carbone et azote, qui tendent à supposer qu’il s’agit
d’un produit favorable à la restructuration d’un sol appauvri. Toutefois, ses qualités
agronomiques sont probablement faibles, avec des teneurs en azote disponible, phosphore
et potassium faibles. Des essais agronomiques d’utilisation de tels composts urbains, avec
ou sans compléments d’engrais chimiques ou naturels, permettraient de confirmer nos
hypothèses.
C’est le cas par exemple des essais en plein champ rapportés par Vanai (1995), qui
permettent de confirmer la valeur fertilisante de composts urbains en améliorant les
rendements de plusieurs cultures maraîchères. Les résultats ont confirmé par ailleurs que,
plus le sol est appauvri en matière organique plus l'action du compost urbain sur le
développement de la plante est importante. Enfin aucune manifestation d'action toxique n'a
été observée sur la plante, malgré l'incorporation de quantités très élevées de compost
urbain.

3.3.2- Teneurs en éléments trace métalliques et éléments indésirables

Les teneurs en éléments trace métalliques (ETM) et éléments indésirables sont présentées
dans le Tableau 2. Nous constatons des concentrations non négligeables en métaux lourds
telles le chrome et le plomb (34% du seuil de la norme NFU 44-051), le cadmium (50% du
seuil) et nickel (46% du seuil). Ces teneurs encore acceptables, s’expliquent d’une part par
l’origine urbaine des déchets traités et, d’autre part, par la localisation également urbaine du
site expérimental de Bois-Neuf. Par ailleurs, la faible teneur en plomb est à souligner, étant
donné le niveau de pollution atmosphérique de la région métropolitaine de Port-au-Prince.
La faible teneur en mercure et l’absence de sélénium sont de bons arguments pour
supposer que ce compost se caractérise par un faible potentiel de toxicité. Toutefois, cette
hypothèse doit être nuancée par les concentrations particulièrement élevées en zinc
362 mg.gkg-1MS, et surtout en cuivre, 465 mg.gkg-1MS, correspondant respectivement à
60%MS et 155%MS de la valeur seuil préconisée par la norme NFU 44-051. La présence
élevée de ces deux métaux n’est pas encore élucidée. La raison la plus probable serait la
forte teneur en cuivre et zinc dans le sol sur lequel se trouve la plateforme de Bois-Neuf.
Cette hypothèse devra être vérifiée. Toutefois, et malgré le dépassement pour le cuivre de
la concentration seuil tolérée de la norme NFU 44-051, le compost de Bois-Neuf ne
présente pas de risque pour la santé humaine.

Enfin, l’analyse des inertes indésirables révèle de faibles teneurs en cailloux, métaux,
morceaux de verre et plastiques. Les teneurs sont nettement inférieures aux seuils indiqués
par la norme française sur les amendements organiques. Les faibles teneurs en
indésirables sont bien évidement liées au soin apporté à la phase de tri sur le compost
maturé lors de l’essai de compostage réalisé sur la plateforme de Bois-neuf.

3.4- Effets escomptés du compost urbain sur les propriétés des sols

Les premières observations faites sur les sols de montagne entre Kenscoff et Furcy
montrent que le couple érosion - ruissellement combiné à l’exploitation légumière intensive
(forte fertilisation minérale + exportation des résidus de récoltes) modifie plus ou moins
progressivement leurs propriétés organo-minérales. Il s’agit d’un simple processus
mécanique au cours duquel le détachement et le transport solide se font au gré des
variations de résistance du sol et des concentrations de ruissellement. Mais il est
vraisemblable que leur potentiel de fertilité est également affecté par la sélectivité des
éléments fertiles ou par transport des colloïdes et des micro-agrégats ce qui contribuerait
ainsi à accélérer la décomposition du réseau racinaire et des fibres végétales et la dilution
des matières organiques.

La plupart de ces sols ont leur potentiel concentré en surface (couche arable mince) ce qui
les rend encore plus vulnérables à l’érosion et au processus de glissement (en particulier
pour les sols développés sur matériau volcanique). Ces sols sont par ailleurs cultivés sur
pentes fortes à très fortes (qu’ils soient développés sur calcaire ou basalte) subissant
parfois un décapage de surface sévère faute de dispositifs antiérosifs et de méthodes
culturales adaptés. Ils perdent alors, dans un laps de temps relativement court, leur
potentiel de productivité. Face à ce constat, nous formulons plusieurs hypothèses pour
pallier en partie ce type de problèmes récurrents en supposant les impacts positifs du
compost sur les propriétés intrinsèques du sol suivants :

- L’association des apports réguliers de compost avec un paillage léger (déchets de


labour, résidus de récolte, litière d’aiguilles de pin ou autres composants arbustifs, BRF,
etc.) régule et favorise l’infiltration des eaux de pluie, diminue les risques de lessivage et la
dilution des matières organiques et augmente significativement la Capacité d’Echange
Cationique (CEC) de l’horizon de surface ainsi que son taux de saturation ;

- L’amélioration de la fertilité de sols contribue à la production de biomasse et à une


meilleure disponibilité en eau surtout durant les périodes critiques de la plante (floraison et
maturation). De ce fait, la réduction du ruissellement entraîne une augmentation de
l’infiltration et contribue à une légère amélioration de l’évapotranspiration réelle.

- L’apport de la matière organique fraîche du compost et du paillage contribue à maintenir


une stabilité structurale en surface et à réactiver l’activité microbiologique de l’horizon
humifère. Au fil des années et sur le long terme, ce processus influe sur la restauration
des propriétés organo-minérales des sols par une recombinaison des ions Ca2+ avec une
certaine forme de matière organique agglomérés en complexe organométallique de type
humo-calcique (Duchaufour et al, 1996). Les propriétés porales et structurales des sols
ainsi améliorées participent à leur résistance mécanique au ruissellement (résistance à la
déstructuration, détachabilité et charriage des agrégats) ce qui diminue en conséquence
leur érodibilité.

Les effets bénéfiques du compost sur la résistance mécanique des sols mériteraient une
série d’études scientifiques poussées. Toutefois, il nous apparaît peu intéressant de
renouveler l’expérience des parcelles Wischmeier de certains pays africains (Madagascar,
Côte d’Ivoire, Kenya, Burundi, Rwanda, etc.…) dont la méthodologie est trop onéreuse,
trop rigoureuse, contraignante et incomplète dans le contexte du relief haïtien. Nous
chercherons plutôt à apprécier l’érodibilité de ces différents sols de montagne par de
simples tests, notamment celui de la stabilité structurale des agrégats (test de HENIN) et
de son évolution dans le temps. La mesure de la perméabilité, d’autant plus faible que la
structure est moins favorable, complèterait les résultats obtenus. D’après Valentin (1989),
l’indice de stabilité structurale est en bonne relation avec les pertes en terre et la
résistance du sol à l’état sec ou peu humecté par les pluies (début de saison des pluies).
Egalement, les limites d’ATTERBERG2 conviendraient mieux pour évaluer la résistance
des sols humides de fin de saison de pluie.

Avec la connaissance précise des profils structuraux (stabilité structurale, détermination


des domaines de consistance par plage d’humidité, évolution du profil structural dans le
temps, analyse du profil hydrodynamique avec test de perméabilité par horizon), du taux
de matière organique et de son turnover, des teneurs de fer et alumine libre et du type
d’argile, il sera alors possible de mieux apprécier l’érodibilité des sols dans la zone d’étude
et de mesurer l’influence du compost sur leur résistance à l’érosion. Par ailleurs, pour
rendre l’action du compost plus efficace et pertinente, différents aménagements antiérosifs
(mécaniques et biologiques) devront également être mis en place pour le cas des
parcelles fortement exposées au ruissellement concentré et situées sur un versant
accidenté.

Précisons toutefois que suivant le normographe de Wischmeier (1971), l’élévation de 1 %


du taux de matière organique ne réduit l’érodibilité que de 5%. Cependant, des études
(Duchaufour et al, 1996) ont montré que sur sol cultivé, une très forte fumure organique a
non seulement élevé le taux de matière organique de 1% mais a permis aussi le
développement d’un couvert végétal dense. L’action de l’érosion a été stoppée totalement
une fois que le taux de couverture maximum fut atteint. Des études ont également montré
que des apports de carbonate de chaux améliorent de 5 à 10 % la résistance d’un sol
acide à l’agressivité des pluies (Roose, 1994). Les expérimentations menées en milieu
réel tiendront donc compte de l’ensemble de ces facteurs.

3.5- Retombées socio-économiques

3.5.1- En milieu urbain

La mise en place des deux plateformes de compostage artisanales a contribué au maintien


de l'équilibre social dans les quartiers grâce notamment à la création d'emplois voués à être

2
Les  limites  d’ATTERBERG  définissent  les  teneurs  en  eau  qui  caractérisent  les  changements  d’état  d’un  sol.  Il  s’agit  d’un  test  sur  échantillons 
remaniés. 
pérennes (390 emplois créés par le PNUD à Carrefour Feuilles, une quinzaine à Bois Neuf)
et au nettoyage des zones habitées. De plus, l'existence d'alternatives à la « mise en
ravine », permet de ne plus considérer ces lieux comme le réceptacle des déchets
ménagers et de s'affranchir ainsi de nombreux problèmes environnementaux (obstruction
des canalisations, inondations), sanitaires (proliférations d'insectes, foyer pour d'éventuelles
épidémies) et politiques (difficultés à intégrer ces zones dans des systèmes de planification
urbaine).

3.5.2. En milieu rural

En Haïti comme dans la plupart des pays du Sud, les engrais sont utilisés de manière
anarchique, souvent de manière disproportionnée avec pour première conséquence la
pollution des nappes phréatiques et l'endettement de certains paysans. Il est possible de
donner au compost en tant qu’intrant organique, une valeur nutritive globale positive sur le
plan agronomique. Outre son impact bénéfique sur les propriétés physique et chimique des
sols, son utilisation présente d'importants avantages sur les plans alimentaire par
l'augmentation des rendements et monétaire par l'augmentation des revenus des paysans
(Ngnikam, 1993).

Plus difficile à évaluer, l'utilisation de composts pourrait avoir un impact positif sur la non-
récurrence de catastrophes écologiques telle que celle de Hanna en septembre 2008
(cyclone le plus violent des 20 dernières années faisant perdre la vie à plusieurs centaines
d'Haïtiens et laissant derrière lui des dégâts matériels estimés à plusieurs millions d'euros)
grâce à sa participation à la végétalisation des sols, à la lutte antiérosive, à l'amélioration
des rétentions en eau et indirectement, à une élévation du revenu agricole des familles
rurales.

3.6- Modèles socio-économiques de transférabilité ville-campagne

Les études et diagnostics en milieu paysan étant actuellement en cours, il est difficile pour
l'instant d'établir des modèles de transférabilité ville-campagne. Néanmoins, la
connaissance des zones périurbaines maraîchères et les apports de la bibliographie, ont
permis d'esquisser plusieurs hypothèses sur ces modèles socio-économiques. La Figure 4
présente de manière synthétique une comparaison de la relation ville campagne entre un
système de production d'amendements organiques grâce à la valorisation des déchets
urbains et un système de non gestion et/ou de mise en décharge des déchets. Si ces
hypothèses se confirment, les effets bénéfiques directs et indirects de l’utilisation du
compost en milieu rural, mêmes s’ils sont difficilement mesurables, devraient permettre une
meilleure protection des ressources naturelles (pression moins importante sur les
ressources ligneuses, protection des sols...) et augmenter les revenus des agriculteurs à
court terme ce qui répondrait ainsi à l’une de leur préoccupation majeure.
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Figure 4 : Modèle socio-économique de transférabilité ville-campagne.

4- Conclusion
Le monde rural haïtien se trouve depuis plusieurs années dans une position difficile et doit
faire face à de nombreux problèmes : dégradation des sols, déforestation, malnutrition,
incapacité des familles à épargner, pression foncière due à une démographie trop élevée,
revenus agricoles très faibles, incapacité de renouveler le capital animal et outil et exode
rural très important. Face à ce constat, les paysans sont à la recherche d'activités
rémunératrices à court terme lesquelles sont souvent contradictoires avec les politiques
d'aménagement du territoire (restauration des sols par exemple) dont les bénéfices
s'évaluent après plusieurs années.
Il est donc aujourd’hui primordial de mettre en place des logiques de développement rural
visant à résoudre les problèmes immédiats des populations. Dans ce sens, l'utilisation des
composts, si les hypothèses sont vérifiées, pourrait satisfaire cette demande en participant à
l'augmentation des revenus paysans à court terme, notamment grâce à l'amélioration des
rendements. Dans un modèle de transférabilité ville-campagne, les villes pourraient profiter
de ces meilleurs rendements pour répondre à leurs besoins alimentaires et éviter les crises
à récurrence que le pays traverse régulièrement.
Toutefois, l'intérêt du compostage est à relativiser pour les déchets de ville, puisque la
matière organique ne concerne qu'à peine 51% des ordures ménagères. Il faut donc
imaginer aussi des filières de revalorisation pour les 49% de déchets restants. L'objectif
principal étant de mettre en place des filières durables, il est fort vraisemblable que la
pérennité ne passera que par la diversification des activités autour de la gestion des
déchets : vente et utilisation de compost, mais sans doute aussi d'autres fractions telles que
la valorisation énergétique des papiers-cartons et du bois, la valorisation matière pour les
plastiques, les tissus, les métaux et le verre.
A relativiser aussi, l'impact du compost enterré lors du labour sur l'érodibilité des sols. Il est
en effet difficile de remonter le taux de carbone du sol en milieux tropicaux chauds et
humides. L'effet du compost ou fumier ne dure en moyenne que de un à deux ans et influe
essentiellement sur les rendements des cultures, très peu sur l'érosion et l'infiltration. Des
parcelles expérimentales de 100 m² ont été retenues dans le cadre de la poursuite de cette
étude afin de vérifier l'effet du compost à la fois sur les rendements de culture, sur
l’évolution des propriétés bio-géochimiques des sols de montagne et enfin sur la durabilité
du système.
En cas de réussite de l’opération sur le plan économique et sociologique, ce modèle
évoquerait la transmutation du négatif (à l’exemple des déchets) en positif (à l’exemple de la
restauration de la fertilité et de la productivité) dont Haïti a tant besoin ; cette transformation
vers la fertilité que les Haïtiens doivent opérer eux-mêmes (Sauval, communication orale).

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Le paysan haïtien et la lutte antiérosive depuis 50 ans :
un bilan

Glenn R. Smucker,
Anthropologue, email : grsmucker@aol.com
Résumé :
Le problème de la conservation des sols en Haïti est fondamentalement un problème
social et l’une des conséquences de la pauvreté extrême des paysans de morne. La forte
densité et le mode d’occupation de la terre constituent des entraves majeures à la conservation
des sols et de l’eau. En général les petits cultivateurs haïtiens utilisent des techniques de
production originaires de la plaine telles que le brûlis qui crée de l’érosion dans les champs
agricoles montagneux. Les paysans haïtiens sont conscients de la dégradation des sols et
appliquent certaines pratiques traditionnelles de conservation. Pour arriver à un meilleur
résultat de la lutte antiérosive, il est impératif d’adapter l’expertise des techniciens à la réalité
quotidienne du paysan.
Depuis 1950, toute une série d’approches de la conservation des sols se sont
succédées : des approches équipement du territoire, la construction de murs secs par des
projets « nourriture pour le travail », des approches au niveau de parcelles éparpillées, des
approches collectives au niveau du micro bassin versant, et des approches économiques : la
production durable pour des nouveaux marchés et récemment, la protection des bassins
versants en amont et en aval.
Les leçons qu’on peut tirer d’une lecture des éléments d’histoire. Approche
économique : Identifier des cibles d’opportunité économique comme le point de départ à la
lutte antiérosive. Adapter l’approche au contexte réel. L’innovation réussie se construit sur
des pratiques déjà familières aux paysans et accessibles par application de la main d’œuvre
avec très peu de coût monétaire, et surtout avec le résultat tangible d’une augmentation
significative des revenus à court et moyen terme. Incitations intrinsèques : Faire la
vulgarisation des techniques de conservation à base des incitations intrinsèques, et surtout
économiques, tout en évitant la dépendance sur des incitations extrinsèques et artificielles de
projet. Zonage hydrographique : Pour maximiser l’impact il faut concentrer les efforts
géographiquement, atteignant une masse critique de planteurs d’une zone et ciblant des sites
prioritaires d’opportunité économique aussi bien que des sites de risque élevé. Utiliser une
approche participative à base de subsidiarité : Pour des actions collectives ou publiques et
pour les plans locaux d’aménagement, la responsabilité organisationnelle doit être allouée à la
plus petite entité capable de résoudre le problème, par exemple les parties prenantes d’une
ravine, un micro bassin versant, un petit périmètre irrigué.

Mots clefs : Haïti, paysan, conservation des sols, érosion, stratégies, bilan

Abstract
From 1950 a lot of SWC strategies have been tested in Haïti. The author tried to extract
lessons. Develop strategies adapted to local context, test techniques familiar to farmers, adopt
economic intrinsic incitement but avoid dependence of extrinsic incitements. Concentrate the
efforts of management on geographical areas like watersheds or gullies or one hydrological unit
where people usually are working together: you will get better participation

Keywords: Haiti, anthropologic evaluation, SWC approaches, recommendations


1. Introduction
Du point de vue de l’anthropologue, le problème de la conservation des sols et
de l’eau en Haïti est fondamentalement un problème social et l’une des conséquences
du niveau aigu de la pauvreté. Le taux élevé d’érosion des mornes d’Haïti reflètent des
décisions agricoles de milliers de petits paysans face aux réalités sociales et
économiques de la vie quotidienne. Malgré le taux fortement élevé de l’exode rural en
Haïti, la population rurale appauvrie continue à croître sans cesse. La forte densité
d’occupation de la terre et le mode d’occupation constituent des entraves majeures à la
conservation des sols.
Près de 80 percent du territoire d’Haïti est composé de collines (mornes) qui
n’ont pas de vocation naturelle pour la production de denrées annuelles alors que la
vaste majorité des cultivateurs du pays travaillent ces pentes fortement accidentées. La
production principale sur ces pentes à haute risque d’érosion est un mélange de
cultures sarclées. À peine 28 percent des terres en Haïti est techniquement arable
alors que près de deux tiers des terres cultivées se trouvent en pente et c’est là le
problème fondamentale d’érosion.1
Les commentaires médiatiques parlent sans cesse du charbon de bois comme le
problème fondamental des désastres écologiques en Haïti. C’est faux. Au fond le
problème de conservation en Haïti est tout simplement la réalité de trop de cultivateurs
occupant des terres érodées de morne, un niveau d’occupation qui dépasse
beaucoup la capacité de charge des terres et qui impose une pression énorme sur
les ressources naturelles du pays.

2. Le paysan et la conservation
Du point de vue agricole, Haïti a un régime de petits cultivateurs et surtout des
cultivateurs de montagne qui constitue globalement un système de minifundia composé
de trois ou quatre parcelles non contigües par exploitation agricole. Ces parcelles sont
gérées d’une façon variable selon les caractéristiques de chaque parcelle notamment la
pente, le type du sol, l’humidité des sols, la mode formelle d’accès à la terre et aussi la
durée probable d’accès qui peut varier considérablement quelque soit le mode d’accès.
La plupart des petits paysans haïtiens sont propriétaires de certains terrains
agricoles mais d’une façon générale les exploitations paysannes incluent aussi d’autres
parcelles de condition d’accès variable. Le mode d’accès aux parcelles éparpillées des
exploitations paysannes est gouvernée par tout un mélange de règles formelles et
coutumières et de modes de faire valoir direct et indirect. Des études de terrain ont
révélé que la durée de temps d’accès à la parcelle est assez souvent le facteur
déterminant d’utilisation et d’investissement conservationnistes, quelque soit le mode
formelle d’accès (comme propriétaire par achat ou héritage ou bien par le métayage
monétaire (fèm, potèk, plann) ou non monétaire (demwatye ou usufruit).2

1
Pour le potentiel agronomique de la terre voir Ehrlich et al (1985), les cartes d’USTIG traitant du risque d’érosion
du sol (2001) et de l’occupation du sol (2001) à partir des images de satellite, et Smucker et al (2007a) qui a fait une
analyse de risque de tous les 54 bassins versants et principaux sous-bassins du pays.
2
Voir McClain et al (1988), Bloch et al (1988) traitant du foncier en Haïti.
Étant donné qu’au moins 58% de la population rurale tombe en dessous de la
ligne de pauvreté extrême3, ce n’est pas étonnant que la tendance prédominante des
décisions agricoles paysannes en Haïti découle nécessairement de la gestion des
risques plutôt que de la maximisation des revenus. 4 Par exemple, en parlant de
l’association classique du mais-pois un planteur paysan de Bellefontaine a remarqué:

Pwa bay plis kòb, L’haricot génère de l’argent en plus,


mayi bay plis garanti pou nou manje mais le maïs donne une meilleure
garantie de nourriture à manger (moins
aléatoire)

En général les petits cultivateurs haïtiens utilisent des techniques de production


originaires de la plaine telles que le brûlis qui crée de l’érosion dans les champs
agricoles montagneux. Le paysan fait la polyculture en exploitant tout un mélange de
cultures annuelles et pérennes inter-plantées et avec des récoltes étalées. C’est un
système de « grappillage » selon le géographe Paul Moral et c’est un système assez
complexe.5 Pour la conservation du sol et de l’eau et dans l’absence des agents
agricoles de l’état, l’acteur principal est le petit cultivateur lui-même qui applique parfois
certaines pratiques conservationnistes traditionnelles par exemple la jachère et la
rotation de cultures.
Le petit cultivateur fait face à des décisions incontournables qu’il doit prendre et
les techniques recommandées ne sont pas toujours applicables dans le contexte réel
des exigences paysannes. Néanmoins les paysans haitiens sont conscients du
phénomène de la dégradation des sols et appliquent certaines pratiques
conservationnistes avant l’arrivée des techniciens. Pour arriver à un meilleur résultat en
terme de conservation de l’eau et des sols, il est souhaitable d’adapter l’expertise des
techniciens à la réalité du paysan. Dans certains projets de vulgarisation on ne fait
qu’améliorer des structures déjà connues en utilisant la courbe de niveau et par
augmentation de la biomasse de structures vives et la construction de barrières plus
durables.
C’est ainsi que l’on peut rencontrer aux champs paysans des structures
traditionelles de conservation telles que :
 des « ranpay » ou rampes de pailles sur courbe approximative de niveau,
 ranpay améliorée avec terre empilée
 des petites haies vives de vetiver sur courbe approximative de niveau,
 des clôtures vives d’espèces variables,
 la construction artisanale des lagons de riz (terrain plat inondé),
 des petits périmètres d’irrigation artisanale,
 le sarclage « an woulo »,

3
La pauvreté extrême est définie ici selon Verner (Banque Mondiale, 2008) et la Carte de Pauvreté (MPCE/BID,
2004) à EUA$1 par jour par personne. A raison de $2 PPP, 81% de la population rurale tombe en dessous de la
ligne de pauvreté simple selon MPCE/BID.
4
Voir Smucker, White et Bannister (2002) traitant du foncier et l’adoption des technologies agricoles, Wiens et
Sobrado (1998) et Verner (2008) pour la distribution de la terre paysanne en Haïti et l’analyse des revenus.
5
Paul Moral (1961), Le paysan haïtien : étude sur la vie rurale en Haïti.
 des digues de ravine (seuils) composées de bananiers, de malanga,
d’ignames,
 des digues de ravines améliorées en utilisant le clissage ou « kleonaj »,
 des « bit » (buttes) de patates douces,
 le « siyon »(sillon) et le « biyon »(billon) ou buttes allongées,
 le « tram » espèce de butte élaborée et devenu « plak bann » (plate bandes)
pour la production de légumes.

3. Techniques adaptées au contexte paysan


Bien qu’accusé parfois d’une certaine méfiance, le paysan haïtien s’est montré
ouvert à l’innovation à condition que l’innovation rapporte des bénéfices concrets dans
l’immédiat ou moyen terme : « Abitan di fòl wè » qu’on peut traduire comme « le paysan
dit qu’il doit voir d’abord des résultats ». Là il y a un partenariat à faire du point de vue
technique entre l’agronome et le paysan pourvu que l’agronome cherche à comprendre
d’abord la logique du comportement du cultivateur afin de proposer en partenariat avec
le cultivateur des solutions appropriées au contexte.
Par exemple le paysan utilise depuis longtemps une sorte de terrasse qui
s’appelle « bit » en créole. Une espèce de butte améliorée est fortement utilisée à
présent aux environs de Kenscoff et Fermathe en association aux murs secs et à la
culture maraîchère, des nouveautés introduites par un agronome de Damien. Les petits
cultivateurs de la zone appliquent actuellement ce paquet de technologies sur grande
échelle et avec leurs propres ressources indépendantes des projets de développment.
Ce « paquet conservationniste » diffusait de lui-même par adoption spontanée en
dehors de toute subvention artificielle, car c’était une réponse pratique du paysan au
marché de légumes. Pour le cultivateur l’investissement considérable de la main
d’oeuvre pour les structures de conservation a été justifié, surtout pour la protection de
son investissement coûteux en engrais, incitation que priorise le paysan sur la
conservation proprement dit des sols et de l’eau.

4. Expérience historique de conservation


Haïti est un véritable laboratoire de lutte antiérosive. Historiquement il y avait
plusieurs tendances à la conservation et à la vulgarisation agricole dans des milieux
paysans. Le Ministère de l’Agriculture avait depuis longtemps des services de
vulgarisation agricole et de conservation des sols. Ces services étaient chroniquement
sous financés et ne pouvaient pas atteindre une masse critique de paysans. Avant la
chute de Duvalier un réseau assez répandu d’agents forestiers utilisait des mesures
coércitives pour contrecarrer le brûlis et la coupe anarchique d’arbres. Certains de ces
agents ont été efficaces mais une bonne partie est devenue en effet des agents de
déboisement à raison des incitations économiques liés à la coupe plutôt que la
protection des arbres.
Depuis 1950 on a vu toute une série d’approches à la conservation qui se sont
succédées.6 Par exemple :

6
Pour les tendances historiques voir aussi Murray (1979), Murray et Bannister (2004), Smucker et al (2005, 2007),
Smucker (2001, 2002, 2003), White et Jickling (1992).
4.1. L’approche « équipement du territoire »
Au courant des années 1950 -70, il y avait certains projets bilatéraux avec le
Gouvernement utilisant une approche d’équipement du territoire imposée sur des terres
privées et publiques. Cette approche fortement dirigiste ciblait la zone géographique
comme unité d’action et construisait des structures de conservation sans tenir compte
des conditions foncières ni les intérêts des propriétaires impliqués et des paysans. Pour
cette approche, la conservation était purement un problème technique à base de
l’expertise d’ingénieur et de la construction sur grande échelle des structures
mécaniques. On utilisait les murs secs à courbe de niveau et des canaux de contours.
C’était une activité de travaux publics en payant les travailleurs. Cette approche a été
fortement marquée par l’absence quasi totale de la durabilité et de l’entretien des
structures.

4.2. L’approche ONG et la « nourriture pour le travail »


Les années 1970 ont vu l’émergence d’un certain nombre d’organisations non
gouvernementales (ONG) qui travaillaient surtout avec des membres de Conseils
d’Action Communautaire reconnus par l’Etat. Les ONG de cette époque utilisaient
souvent le « food for work » comme mode de paiement pour la construction de murs
secs et des canaux de contours. Ç’était toujours une approche de travaux publiques
utilisant des structures mécaniques sur les terres privées de petits cultivateurs.
À l’époque de « food for work » il y avait un écart entre la théorie de ces
investissements du coté du bailleur/ONG et la réalité de terrain. Pour le bailleur c’était
une question de mobiliser un travail bénévole avec un peu d’encouragement, alors que
pour le cultivateur le paiement en nature était un véritable salaire qui dépassait
largement le prix courant du journalier agricole. C’était le salaire qui intéressait le
cultivateur et non le mur sec en soi. De ce fait le site le plus indiqué à protéger par les
murs secs n’a pas été le critère déterminant selon le cultivateur. Au contraire le mur
sec paraît le plus souvent comme une nuisance au cultivateur parce que cela faisait
concurrence avec sa production. Il y avait aussi beaucoup de problèmes de durabilité
de ces structures et de leur entretien et des défauts techniques qui avaient tendance à
créer de l’érosion supplémentaire.

4.3. Approche parcellaire


A partir des années 1980, il y eu un changement de politique de certains des bailleurs
tels que l’USAID en faveur des ONG et des contractants privés comme agents
d’exécution de programmes de conservation et de vulgarisation agricole. Au courant
des années 1990 les Ministères de l’Agriculture et de l’Environnement ont établi aussi
des contrats d’exécution avec des ONG conservationnistes.
A cette époque on a vu l’émergence des programmes de reboisement et de
toute une gamme d’interventions diversifiées au-delà des structures mécaniques des
programmes précédents. Ces interventions visaient au début la parcelle paysanne
comme cible d’investissement et dans une certaine mesure tenait compte des
préoccupations paysannes vis-à-vis de son exploitation agricole. EG : Pwoje Pyebwa
de la PADF et de la CARE et plus récemment le Projet PLUS ont élaboré des
techniques biologiques adaptées aux sites d’intervention par exemple la plantation
d’arbres comme denrée (Pwoje Pyebwa) et l’établissement de la bann manje (Projet
PLUS) à la fois une structure biologique de conservation et un micro site de production.
La Faculté d’Agronomie (Damien) et la coopération française ont fait aussi des
interventions innovatrices aux environs de Madian-Salagnac (citernes captant les eaux
de pluies et ruissellement sur pistes pour produire des légumes irrigués).
Ça a été une période intéressante du point de vue technique tout en tenant
compte du système agricole paysan et de l’établissement des relations de partenariat
entre technicien et cultivateur. Cependant du coté conservationniste et
environnementaliste l’approche parcellaire bien qu’utile ne représentait pas une solution
fondamentale au problème de fond de la conservation qui dépassait largement la lisière
de parcelles et surtout des parcelles eparpillées.

4.4. Approche participative dépassant la parcelle isolée


A partir des années 1980 on voit des expériences de vulgarisation conservationniste qui
dépassent le niveau des parcelles éparpillées. L’unité de travail est d’abord le petit
groupement de cultivateurs. L’approche utilise des petits groupes de planteurs
comme point de contact et source de main d’oeuvre non payée. Cette approche vise
l’amélioration des pratiques traditionnelles comme base d’intervention. L’unité de
traitement technique est parfois le micro bassin versant et/ou des jardins associés
aussi bien que des parcelles éparpillés. Le technicien agricole travaille de pair avec
l’animateur spécialisé en formation non-formelle et utilise lui-même des techniques
d’animation comme moyen de faire passer des informations techniques.
Cette approche s’est montrée performante surtout au niveau des petits groupes
de planteurs utilisant l’échange traditionnel de main d’oeuvre comme la clef d’un
entretien auto-soutenu des structures de conservation. L’intervention au niveau de
micro bassin versant et des jardins associés est une innovation remarquable en
dépassant l’approche parcellaire du passé. Quelques exemples d’approches
participatives incluent des programmes à base de mouvements des petits groupements
de producteurs à Maissade, Gros-Morne et Papaille des années 1980 et les Projets
PLUS et ASSET (surtout vers la fin du projet) des années 1990.

4.5. Une approche économique


Cette approche vise d’abord l’augmentation des revenus des petits planteurs à
partir des nouveaux marchés. La stratégie de marketing a comme objectif de générer
des bénéfices adéquats pour couvrir les dépenses des agriculteurs et augmenter leur
revenus agricoles en général – des revenus permettant d’amortir les investissements en
conservation de sol et en germoplasme amélioré (voir l’expérience de PADF-PLUS et
du DAI-HAP par la suite à partir des années 1990)7. Cette approche est basée sur
l’incitation du marché pour justifier les investissements couteux et conservationnistes tel
que la plantation de cultures pérennes, le greffage d’arbres fruitiers, la correction
des ravines et l’utilisation des haies vives du type bann manje pour atteindre des
revenus supérieurs, ce qui permettrait à l’exploitant d’amortir les investissements dans
des intrants et la main d’œuvre couteuse de la construction et l’entretien des structures
de conservation. Historiquement le modèle type comme référence remonte à l’époque
de l’évolution de la culture maraîchère aux environs de Fermathe, Kenscoff et Furcy.

7
Voir Smucker (2001, 2005) sur les expériences de PADF-PLUS et DAI-HAP.
4.6. De l’approche économique à la protection des bassins versants
Plus récemment des bailleurs tels que l’USAID et la BID en partenariat avec l’état
Haïtien visent la protection des bassins versants en vue du rythme croissant des
catastrophes écologiques à partir des inondations sévères, cyclones et tempêtes
tropicales. Cette phase d’évolution des investissements conservationnistes date de la
tempête tropical Jeanne en septembre 2004 et la série de quatre cyclones qui ont
frappés Haïti en septembre-octobre 2008 avec des conséquences dévastateurs, des
milliers de morts et la destruction de quartiers urbains, berges de rivières, périmètres
irrigués et d’autres exploitations agricoles.
L’approche de certains projets courants tel que le Programme National de
Gestion des Bassins Versants (PNGBV), le Développement Économique pour un
Environnement Durable (DEED) et tout dernièrement l’Initiative de Bassin Versant pour
les Ressources Naturelles Nationales (WINNER) se basent conceptuellement sur
l’aménagement des bassins versants comme unité d’intervention. Ces investissements
utilisent l’incitation du marché à promouvoir des cultures pérennes comme
alternative aux cultures érosives afin de protéger les bassins versants et réduire le
niveau de pauvreté des agriculteurs. Ces investissements en cours sont prometteurs
mais il reste encore à savoir si cette approche peut aboutir à la protection tangible des
bassins versants tout entiers.

5. Conclusion

Les leçons qu’on peut tirer d’une lecture des éléments d’histoire des programmes de la
conservation des sols et de l’eau en Haiti sont les suivantes :
• L’économie paysanne de conservation : coûts et bénéfices : La conservation du
sol et la protection de l’environnement ne sont pas forcément les objectifs du
premier ordre des paysans de morne en Haïti et surtout quant il s’agit d’investir de
leur propres ressources limitées. Par contre, les paysans de morne se sont montrés
prêt à adopter assez rapidement des pratiques antiérosives quand ces pratiques
génèrent des bénéfices tangibles économiques à court et moyen termes.
• Donc le grand défi n’est pas la conscientisation générale en faveur le la protection
de l’environnement mais tout simplement la rentabilité des approches durables.
Le technicien qui propose des innovations doit faire preuve au cultivateur du lien
pratique entre l’investissement de conservation et l’augmentation des bénéfices
dans l’immédiat.
* Proposer des innovations à partir des éléments familiers aux paysans ou bien qui
sont compatibles avec les pratiques courantes paysannes.
• Proposer des techniques économiquement accessibles au petit cultivateur en
évitant autant que possible des dépenses en argent liquide.
• Gestion des risques. La technique proposée devra être gérable du côté paysan ne
débordant pas sa capacité de risque comme facteur primordial des décisions
agricoles paysannes.
• Identifier des cibles d’opportunité économique comme point de départ de la lutte
antiérosive, alors des îlots de production supérieure par exemple les sites de
production les plus producteurs aux environs de l’habitat tel que les jaden nan lakou
et jaden prè kay, des ravines humides de plantations pérennes, des champs
irrigués, et des poches de fertilité en ravines corrigées.
• Pour maximiser l’impact il est impératif de concentrer les efforts
géographiquement, atteignant une masse critique de planteurs d’une zone et
ciblant pour le traitement antiérosif des sites de haute priorité économique aussi
bien que des sites de risque élevé.
• Faire la vulgarisation des techniques de conservation à base des incitations
intrinsèques, et surtout économiques, tout en évitant la dépendance sur des
incitations extrinsèques et artificielles de projet.
• Comme méthode d’organisation à la base, utiliser une approche participative
auprès des bénéficiaires et parties prenantes.
• Utiliser le principe de subsidiarité pour des actions collectives ou publiques et
pour les plans locaux d’aménagement, c’est-à-dire, la responsabilité
organisationnelle doit être allouée à la plus petite entité capable de résoudre le
problème, par exemple les parties prenantes d’une ravine, d’un micro bassin
versant, d’un petit périmètre irrigué.
* Les paysans haïtiens et projets ont eu historiquement un certain succès parfois à
l’établissement et l’entretien des cultures pérennes et des structures de conservation au
niveau parcellaire. A raison de la fragmentation des parcelles paysannes, le défi
primordial rarement achevé est le traitement de toutes les parcelles contiguës
d’un flanc de morne, d’une ravine, d’un micro bassin versant ou d’un bassin
versant au sens plus large.
• Le charbon comme opportunité au reboisement des pentes. Le marché de
charbon n’est pas forcement l’ennemi à la transformation des paysages. La gestion
durable des boisements destinés à la fabrication du charbon et d’autres produits
peut inciter le reboisement, surtout dans des zones semi-arides.

D’une façon générale l’innovation antiérosive peut réussir dans des circonstances où
les innovations se construisent sur des pratiques déjà familières aux paysans et sont
accessibles par application de la main d’œuvre avec très peu de coût monétaire, et
surtout avec le résultat tangible d’une augmentation signifiante des revenus.
Un facteur critique est la mobilisation de la main d’œuvre nécessaire à
l’établissement des structures de conservation. Pour la grande majorité de petits
paysans la stratégie de mobilisation de main d’œuvre la meilleure réussie est
l’exploitation des groupes rotatoires tels que les eskwad, petits groupements indigènes
de cultivateurs qui travaillent régulièrement ensemble par rotation et qui partagent
également entre eux les bénéfices et les risques du travail de groupe.

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Bank.
Stratégie de lutte anti-érosive dans la
Sierra Madre Occidentale (Mexique)
Jose Luis Gonzalez Barrios1, Luc Descroix2
1
INIFAP, CENID-RASPA, A.P. 225-3 Parque Industrial, Gómez Palacio Durango
35071 México gonzalez.barrios@inifap.gob.mx
2
IRD, LTHE, BP53, 38041 Grenoble, France. luc.descroix@ird.fr

Résumé
'HVWUDYDX[PHQpVGHSXLVOHVDQQpHVRQWPLVHQpYLGHQFHXQHSKDVHG¶pURVion accélérée
dans de nombreuses régions de zone aride et semi-aride du Nord du Mexique. Ces zones
UHSUpVHQWHQWGXWHUULWRLUHPH[LFDLQHWWRXWOHQRUGGXSD\V/HVFKDQJHPHQWVG¶XVDJHGHV
VROV HW GHV VSpFLDOLVDWLRQV VSpFXODWLYHV DLQVL TX¶XQ pOHYDJH Sarfois « prédateur » ont
fortement dégradé de grandes étendues de ses milieux fragiles. Cette dégradation est notoire
dans les zones de montagne pourtant plus humides, car la pente entraîne un ruissellement
accru et celui-FLV¶DFFRPSDJQHGXGpSDUWGHVpOpPents fins, les plus fertiles, des sols.
&HW DSSDXYULVVHPHQW GHV VROV HW GHV FDSDFLWpV SURGXFWLYHV GH FH FKkWHDX G¶HDX D SRXU
conséquences :
- O¶pPLJUDWLRQGHVKDELWDQWVGX1RUGYHUVOHVSULQFLSDOHVYLOOHVRXYHUVO¶pWUDQJHU
- la réduction des ressources des populations rurales ce qui aggrave leur marginalisation,
- XQHPRGLILFDWLRQGXELODQGHO¶HDXHWXQHPHQDFHSRXUO¶DSSURYLVLRQQHPHQWGHV]RQHVDYDO
DULGHV(QHIIHWO¶pURVLRQGHVVROVUpGXLWOHXUFDSDFLWpGHUpWHQWLRQHQHDXGHVVROVHWUHQGOHV
écoulements plus irréguliers, en accélérant les écoulements immédiats (écoulement de crue) et
HQUpGXLVDQWO¶pFRXOHPHQWGHEDVHFHOXLTXLHVWOHSOXVXWLOHHQDYDO
- le colmatage des retenues hydroélectriques,
- la diminution des infiltrations en amont pourrait donc réduire la recharge naturelle de
O¶DTXLIqUHGHOD/DJXQDDXVXGGXGpVHUWGH&KLKXDKXD %URXVWH 
Des mesures de conservation ont commencé à être appliquées dans certains secteurs pilotes et
montrent des résultats encourageants. Nous montrons ici un exemple de ce que peuvent être
des « services éco-systémiques », appelés au Mexique des « services environnementaux
hydrologiques ªHWOHXUPLVHHQ°XYUH

M ots clés : Sierra Madre Ocidentale, lutte anti-érosive, surpâturage, déboisement, ravinement,
érosion en nappe

I ntroduction

'HVWUDYDX[PHQpVGHSXLVOHVDQQpHVRQWPLVHQpYLGHQFHXQHSKDVHG¶pURVLRQDFFpOpUpH
dans de nombreuses régions de zone aride et semi-aride du Nord du Mexique. Ces zones
représentent 53% du territoire mexicainHWWRXWOHQRUGGXSD\V/HVFKDQJHPHQWVG¶XVDJHGHV
VROV HW GHV VSpFLDOLVDWLRQV VSpFXODWLYHV DLQVL TX¶XQ pOHYDJH SDUIRLV © prédateur » ont
fortement dégradé de grandes étendues de ses milieux fragiles. Cette dégradation est notoire
dans les zones de montagne pourtant plus humides, car la pente entraîne un ruissellement
accru et celui-FLV¶DFFRPSDJQHGXGpSDUWGHVpOpPHQWVILQVOHVSOXVIHUWLOHVGHVVROV
&HW DSSDXYULVVHPHQW GHV VROV SRXUUDLW DFFpOpUHU O¶pPLJUDWLRQ GHV KDELWDQWV GX 1RUG YHUV OHV
princiSDOHVYLOOHVRXYHUVO¶pWUDQJHUHQWRXWFDVLOUpGXLWOHVUHVVRXUFHVGHVSRSXODWLRQVUXUDOHV
et peut aggraver leur marginalisation. Par ailleurs, les montagnes, et en particulier la Sierra
0DGUH 2FFLGHQWDOH FRQVWLWXHQW GHV FKkWHDX[ G¶HDX 2Q SHXW GRQF VXpposer que la
surexploitation des terres et les modifications de leurs propriétés physiques pourraient à terme
PRGLILHU OH ELODQ GH O¶HDX HW PHQDFHU O¶DSSURYLVLRQQHPHQW GHV ]RQHV DYDO DULGHV (Q HIIHW
O¶pURVLRQ GHV VROV UpGXLW OHXU FDSDFLWp GH UpWHQWLRQ Hn eau et rend les écoulements plus
irréguliers, en accélérant les écoulements immédiats (écoulement de crue) et en réduisant
O¶pFRXOHPHQWGHEDVHFHOXLTXLHVWOHSOXVXWLOHHQDYDO3DUDLOOHXUVOHVPDWpULDX[DUUDFKpVjOD
montagne tendent à colmater les retenues hydroélectriques et réduit leur capacité de stockage
dont dépendent des grands périmètres irrigués, tant sur la plaine côtière du Pacifique (désert
du 6RQRUDHWVHVDERUGV TXHVXUO¶DOWLSODQRQRUG±central (désert de Chihuahua). De plus, une
grande partie des eaux souterraines de cet altiplano provient aussi de la Sierra Madre
Occidentale ; la diminution des infiltrations en amont pourrait donc réduire la recharge
QDWXUHOOHGHO¶DTXLIqUHGHOD/DJXQDDXVXGGXGpVHUWGH&KLKXDKXD %URXVWH).
'HV UHFKHUFKHVPHQpHV GHSXLV DQVRQW SHUPLV GHPHVXUHUO¶pURVLRQDFWXHOOHGDQVOHKDXW
EDVVLQGX1D]DV 6LHUUD0DGUH2FFLGHQWDOH0H[LTXH 2QDDLQVLPHVXUpGHVWDX[G¶pURVLRQ
de plusieurs mm par an dans les secteurs les plus dégradés. La dégradation est causée
SULQFLSDOHPHQW SDU OH VXUSkWXUDJH /H VHXO SLpWLQHPHQW GX EpWDLO V¶HVW DYpUp HQWUDvQHU XQ
tassement notoire du sol, en modifiant la structure et facilitant le ruissellement et le départ de
VHV pOpPHQWV ILQV 2Q DSX PRQWUHU TXH O¶pURVLRQ DUpRlaire était de deux ordres de grandeur
VXSpULHXUH j O¶pURVLRQ FDXVpH SDU OHV UDYLQHV VRLW  PPDQ GH ODPH pURGpH SDU pURVLRQ
DUpRODLUHFRQWUHPPDQSDUpURVLRQOLQpDLUH 'HVFURL[HW DO   FHTXL Q¶HPSrFKH
pas la formation de ravines profondes (voir photos ci-dessous).
Des mesures de conservation ont commencé à être appliquées dans certains secteurs pilotes et
montrent des résultats encourageants. Nous montrons ici un exemple de ce que peuvent être
des « services éco-systémiques » appelés « services environnementaux hydrologiques » et
OHXUPLVHHQ°XYUH

/D]RQHG¶pWXGH
/D]RQHG¶pWXGHHVWOHKDXWEDVVLQGX5LR1D]DVHQDPRQWGXUpVHUYRLUGH3DOPLWRDXF°XU
GHOD6LHUUD0DGUH2FFLGHQWDOH(OOHV¶pWHQGVXUNPðGDQVO¶pWDWGH'XUDQJRHntre 24°
et 26.5° de latitude nord et 106.5° à 105° de longitude Ouest. La topographie y est assez
accidentée sur les Hauts versants HW SOXV RQGXOpH YHUV O¶HVW HQ V¶DSSURFKDQW GH O¶DOWLSODQR
/¶DOWLWXGH PD[LPDOH GpSDVVH j SHLQH  P  P  DORUV TXH OH barrage de Palmito est
situé à 1500 m environ figures 1 et 2).
Le climat est continental semi-aride et comprend une saison des pluies importante de juin à
VHSWHPEUHSXLVXQHSHWLWHVDLVRQGHVSOXLHVG¶KLYHUG¶RFWREUHjMDQYLHUELHQSOXVLUUpJXOLqUH
que la première. La période de février à mai est très sèche. La pluviométrie annuelle varie de
900 mm sur les crêtes à 400 mm dans le fond des vallées.
Les sols sont essentiellement des phaeozems, des cambisols et des leptosols, développés sur
des roches volcaniques éruptives (ignimbrites, rhyolite et tufs associés).
/D YpJpWDWLRQ HVW XQH VDYDQH G¶DOWLWXGH DYHF DFDFLDV SURVRSLV HW pSLQHX[ GDQV OHV ]RQHV
VqFKHV SHX j SHX UHPSODFpH SDU XQH IRUrW FODLUH SXLV SOXV GHQVH GH FKrQHV MXVTX¶j 
mètres, puis de chênes et de pins ; ces derniers demeurent seuls au dessus de 2500 mètres.
Le haut bassin du Nazas est constitué des deux branches GHFHFRXUVG¶HDXOHULR6H[WLQDX
nord et le rio Ramos au Sud  FHV GHX[ FRXUV G¶HDX HW OHXUV DIIOXHQWV FRXOHQW GDQV GHV
dépressions souvent larges orientées NNO-66( FRPPH O¶D[H GH OD FKDvQH D[H VWUXFWXUDO HW
tectonique commandé par la formation de la Sierra Madre (figure 2). Pour sortir de ces
GpSUHVVLRQVHWVHGLULJHUYHUVO¶DOWLSODQRFHVFRXUVG¶HDXRQWFUHXVpGHVJRUJHVjWUavers les
HPSLOHPHQWV pSDLV GH UK\ROLWHV 8QH IRLV VRUWLV GH FHV GHUQLHUV OHV FRXUV G¶HDX FRXOHQW j
travers la zone ondulée vers le bassin endoréique de la Laguna. Au confluent des deux cours
G¶HDXSULQFLSDX[OHVHDX[VRQWEORTXpHVSDUOHEDUUDJH/i]DURCárdenas qui retient le lac de
Palmito dont la capacité totale est de 4 milliards de m3 G¶HDX
Le haut bassin du Rio Nazas connaît une activité essentiellement agro-pastorale, tirant profit
de grandes étendues de pâturages ; les cultures sont concentrées dans certaines dépressions
DX[ VROV SOXV pSDLV HW SURGXLVHQW VXUWRXW GX PDwV HW GH O¶DYRLQH GHVWLQpHV j FRPSOpPHQWHU
O¶DOLPHQWDWLRQGXEpWDLO ; ce dernier est la principale spéculation de la région, et consiste en un
pOHYDJHQDLVVHXUHWG¶HPERXFKHGHYHDX[ destinés essentiellement au marché états-unien.

&HVGHUQLqUHVGpFHQQLHVFHWWHUpJLRQDpWpDIIHFWpHSDUXQWUqVIRUW FKDQJHPHQWG¶XVDJHGHV
VROVTXL V¶HVW WUDGXLWSDU une augmentation des surfaces occupées et déboisées, et une forte
DXJPHQWDWLRQ GH O¶Xtilisation des ressources eau, sol et végétation. Cela a provoqué un
déséquilibre entre la capacité du système et la charge réelle imposée aux pâturages. Ce qui a
conduit à une dégradation sévère du patrimoine naturel et des ressources, du fait de
surpâturage. On remarque depuis une très forte érosion des sols et la diminution des
pFRXOHPHQWV GHEDVHGHVFRXUVG¶HDX OLpHjODEDLVVHGHODFDSDFLWpGHUpWHQWLRQ HQHDXGHV
sols liée à leur surexploitation), ceux là même qui sont si utiles lors de la longue saison sèche.

Problématique : I mpacts des systèmes productifs et du changement climatique

/DYXOQpUDELOLWpGXPLOLHXSK\VLTXHGHOD]RQHG¶pWXGHDIDLWO¶REMHWGHQRPEUHX[WUDYDX[GH
recherche (Descroix & Nouvelot, 1997; Descroix et al., 2000a; González Barrios et al., 2004).
/HV UHFKHUFKHV OHV SOXV UpFHQWHV VH VRQW FRQVDFUpHV j O¶pWXGH GH OD VXUIDFH GX VRO HW OD
FRXYHUWXUHYpJpWDOHTXLMRXHQWXQU{OHGpWHUPLQDQWGDQVO¶K\GURG\QDPLTXHGHO¶HDXGHSOXLH
HWOHVSURFHVVXVG¶LQILOWUDWLRQGHUXLVVHOOHPHQWHWG¶pURVLRQ 'HVFURL[HWDO*RQ]iOH]
Barrios et al., 2008; González Barrios et al., 2009b).
/HVpWXGHVFRQVDFUpHVDX[FKDQJHPHQWVG¶XVDJHGHVVROVHWOHXUVFRQVpTXHQFHVVXUOHVpWDWVGH
surface ont montré que la diminution de la couverture végétale augmentait logiquement la
VHQVLELOLWp DX[ SURFHVVXV G¶pURVLRQ HW DX UXLVVHOOHPHQW JpQpUDOLVp 'HVFURL[ HW DO E
Descroix et al, 2001; Descroix et al, 2004).
/HVUpVXOWDWVGHFHVWUDYDX[UpDOLVpVVXUGHSHWLWHV]RQHVG¶REVHUYDWLRQ YHUVDQWVHWEDVVLQV de
0,2 à 20 km²) ont permis de mesurer une perte en sol annuelle par érosion aréolaire (en nappe)
GHNJSDUPðVRLWXQHODPHpURGpHGHPPSDUDQ/¶pURVLRQOLQpDLUHHQUDYLQHVH
chiffre à 1,27 tonnes par m² si on ne prend en compte que la surface de la ravine, soit 91 cm
SDUDQG¶DEODWLRQ  *RQ]DOH]%DUULRVHWDO 0DLVO¶HVSDFHRFFXSpSDUGHVUDYLQHVHVW
PLQLPH SDU UDSSRUW j O¶HQVHPEOH GHV SkWXUDJHV TXL VRQW HX[ SUHVTX¶LQWpJUDOHPHQW VRXPLV j
O¶pURVLRQHQQDSSH2QDSXPRQWUHUTXHGans les sols comportant la plus forte proportion de
limons, et pour les grands bassins versants (de plusieurs milliers de km²), la valeur de
O¶pURVLRQHQQDSSHSHXWrWUHMXVTX¶jGHX[RUGUHVGHJUDQGHXUSOXVIRUWHTXHO¶pURVLRQFDXVpH
par les ravines (DescrRL[HW DO  2QREVHUYHSOXV UDUHPHQW O¶H[LVWHQFHGHWXQQHOV GH
suffosion dans les pâturages.

Mais ces valeurs présentent une forte variabilité spatio-temporelle en fonction de la


SOXYLRPpWULHDQQXHOOHHWGHO¶pWDWGHVXUIDFHGXVRO 'HVFURL[ 3RXOHQDUG /¶pWXGHGH
O¶pURVLRQK\GULTXHHQQDSSHHWHQUDYLQHVDGRQQpOLHXjGHVSURSRVLWLRQVGHPHVXUHVGHVXLYL
plus adaptées aux processus érosifs (Descroix et al., 1997b; González-Barrios et al., 2007),
DLQVL TX¶j OD UHFRPPDQGDWLRQ GH PHVXUHV SDlliatives et correctives à court et moyen terme
(Sánchez Cohen et al., 2009a; Gonzalez Barrios, et al., 2009a).

/HVUHFKHUFKHVVHVRQWLQWpUHVVpHVDXVVLDX[IRUPHVHWLQWHQVLWpVGHO¶DFWLYLWpG¶pOHYDJH ; elles
permettent de mettre en relation les zones lHV SOXV GpJUDGpHV GH O¶HVSDFH DYHF FHOOHV R OD
FKDUJHEpWDLOOqUHDpWpODSOXVIRUWHMXVTX¶jTXDWUHIRLVSOXVpOHYpHTXHFHOOHDXWRULVpHSDUOD
FDSDFLWpQDWXUHOOHGHVSkWXUDJHV 9LUDPRQWHVHWDO /¶pURVLRQHVWGXHSULQFLSDOHPHQW
au surpâturage et au piétinement du bétail qui provoquent un tassement et une compaction du
sol, en modifiant ainsi la structure et facilitant le ruissellement et le départ des éléments fins
(Descroix et al, 2005).

Ont aussi été étudiées les caractéristiques naturelles du milieu physique qui expliquent
O¶DFFpOpUDWLRQGHODGpJUDGDWLRQSK\VLTXHGXPLOLHX,OV¶DJLWHVVHQWLHOOHPHQWGXW\SHGHVROGH
ODWDLOOHGHODVXUIDFHGUDLQpH RXDLUHFRQWULEXWLYH GHO¶LQWHQVLWpGHODSOXLHHW GHVpWDWV GH
surface.
Les recherches VH VRQW RULHQWpHV DXVVL YHUV O¶pWXGH GHV YDULDEOHV K\GUR-climatiques et leurs
UHODWLRQV DYHF O¶XVDJH HW OD JHVWLRQ GH OD UHVVRXUFH HQ HDX VRO HW YpJpWDWLRQ /HV DOpDV
climatiques comme les gelées, les grêles, le début ou la fin de la saison des pluies, la
variabilité spatio-temporelle de la pluviométrie et de son intensité, les températures extrêmes
ont pu provoquer une succession de conséquences sur le milieu physique et humain de cette
région (Descroix et al., 1997a; Descroix et al., 2002a; Sánchez Cohen et al., 2008; Sánchez
Cohen et al., 2009b).

Objectifs
&HV WUDYDX[ RQW LQVSLUp O¶LQVWUXPHQWDWLRQ GHVWLQpH DX[ SURJUDPPHV G¶DFWLRQ GHVWLQpV j
FRQWU{OHUOHSUREOqPHGHO¶pURVLRQDYHFXQHYLVLRQHQYLURQQHPHQWDOHHWVRFLR-économique. Il
V¶DJLW GH GRQQHU XQ UHvenu aux agriculteurs qui acceptent de construire des ouvrages de
FRQVHUYDWLRQ GX VRO HW GH O¶HDX SRXYDQW GpJDJHU XQH SOXV YDOXH HQYLURQQHPHQWDOH HW
hydrologique. Le but de tous ces aménagements est multiple ; iOV¶DJLWHQSDUWLFXOLHUGH :
- UpGXLUHO¶pURsion des sols
- maintenir les sources, les débits de base et la qualité des eaux
- contenir les risques de crue et inondation
- préserver la capacité de recharge des aquifères
Cela tout en maintenant la population sur place et en lui proposant du travail.

M atériel et méthodes
Le PSAH (Programa de Servicios Ambientales Hidrológicos, ou Programme de Services
Environnementaux en Hydrologie) est porté par le service des forêts, le ministère de
O¶HQYLURQQHPHQWHWO¶(WDWGH'XUDQJR/HVRXYUDJHVHWDFWLRQVTX¶LO finance sont :
- la constitution de bourrelets de déchets végétaux sur les versants et suivant les
courbes de niveaux pour freineU OH UXLVVHOOHPHQW HW O¶pURVLRQ et augmenter
O¶LQILOWUDWLRQHWO¶KXPLGLWpGXVRO
- la construction de seuils ou petits barrages en matériaux divers (pierres,
résidus végétaux, pneus usagés, sacs de terre ou de sable) sur les têtes de
ravines et les ruisseaux afin de piéger les sédiments ;
- la SUpVHUYDWLRQ GH VHFWHXUV ERLVpV RX DUEXVWLIV SRXU OLPLWHU O¶pURVLRQ HW
IDYRULVHUO¶LQILOWUDWLRQGHO¶HDXHWODUHFKDUJHGHO¶DTXLIqUH

Le tableau 1 donne le coût unitaire des différents travaux de LAE (lutte anti-érosive) tels que
proposés et effectués à ce jour.
Figure 1 : localisation du bassin Nazas-Aguanaval dans le contexte nord-mexicain

Figure 2 : carte du haut bassin du Nazas,


avec la localisation des villages dans le
terroir des quels ont été effectués les
travaux de LAE

Tableau 1 FR€WGHFKDTXHW\SHG¶RXYUDJH
de LAE
pesos euro
barrage de branches d'arbres (2 X 1 m) 74 3,85
1 m3 de barrage de pierres 423 22
1 m3 de barrage en sacs de sable 259 13,5
1 m3 de barrage de sacs de sable en géotextile 429 22,3
barrage de pneus 331 17,2
1 m3 de barrage en maçonnerie 922 47,9
barrage en gabions 614 31,9
100 m de terrasses en pierres sèches 443 23,0
100 trous pour plantation d'arbres 180 9,4
100 m de tranchée/talus  388 20,2
100 m de haie coupe vent  végétale 1623 84,4
100 m de bourrelets de déchets végétaux 169 8,8
1 ha de reboisement 895 46,5
200 m de cordon pierreux 136 7,1
6 m² de pavage de tête de ravine 69 3,6
Résultats

En 2005, le gouvernement fédéral me[LFDLQDLQVLTXHO¶pWDWGH'XUDQJRVHVRQWPLVG¶DFFRUG


pour mettre en route le programme de services environnementaux hydrologiques (PSAH)
GDQVOHEXWGHUHVWDXUHUOHPLOLHXQDWXUHOSDUODUpDOLVDWLRQG¶RXYUDJHVGHFRQVHUYDWLRn testés
DYHF VXFFqV SRXU UHWHQLU OH VRO O¶KXPLGLWp HW GH FHWWH PDQLqUH IDFLOLWHU OD UHSULVH GH OD
YpJpWDWLRQPDLQWHQLUODTXDOLWpHWODTXDQWLWpG¶HDXG¶pFRXOHPHQWHWUHGUHVVHUODUHFKDUJHGHV
nappes phréatiques.

Le programme PSAH comprend la participation de la Commission nationale forestière


&21$)25 pTXLYDOHQWH GH O¶21) - Office National des Forêts français), le ministère de
O¶(QYLURQQHPHQW 6HFUHWDUtD GH PHGLR DPELHQWH \ UHFXUVRV QDWXUDOHV 6(0$51$7  OH
service en charge de la protection de la Nature (Procuraduría de protección al ambiente,
PROFEPA), le ministère des ressources naturelles HWGHO¶HQYLURQQHPHQWGHO¶(WDWGH'XUDQJR
(Secretaría de Recursos Naturales y Medio Ambiente del Gobierno de Durango, SRNYMA),
les municipalités concernées par les zones traitées par le programme (Unidades de
DSURYHFKDPLHQWRIRUHVWDOGHODVFRPXQLGDGHVIRUHVWDOHV F¶HVWjGLUHFHOOHVTXLRQWVRXKDLWp\
participer et ont soumis au programme la candidature de secteurs de leur commune propices
pour réaliser les ouvrages proposés. Ces derniers sont décrits dans un manuel des "ouvrages et
pratiques" proposé par la CONAFOR, coordinatrice du programme. Les étapes du programme
VRQWVXLYLHVVXUOHWHUUDLQSDUXQUHVSRQVDEOHGX%XUHDXG¶pWXGHSUHVWDWDLUHGHVHUYLFHV

Le tableau 2 liste O¶HQVHPEOHGHVRXYUDJHVUpDOLVps durant le programme PSAH.

Tableau 2 : liste des actions réalisées de 2006 à 2010 par le programme PSAH

ouvrages 2006 2007 2008 2009 Total


panneaux d'information 63 8 0 4 75
aménagements en cordons végétaux (ha) 2380 2522 1926 956 7784
Clôtures (km) 52 12 104 0 168
équipements pour brigades de pompiers 0 9 1 1 11
tranchée (X 250 ha) 0 0 192 20 212
cordons pierreux (m3) 0 0 350 4010 4360
Barrage filtrant en pierre (m3) 2320 2620 3530 3524 11964
Barrage filtrant en pneus (m3) 0 0 900 160 1060
empierrements têtes de ravines (m2) 880 1250 1550 2885 6565
reboisement (ha) 0 0 2508 0 2508
traitement anti-incendie (mois de travail) 6 36 45 48 135
débranchages préventifs (ha) 0 0 30 0 30
lutte contre les plaies (journées de travail) 300 316 16 39 671
tranchées pare feu (km) 0 0 15,6 56 71,6

Le programme a commencé modestement en traitant une surface de 4000 hectares (une


communauté rurale, en 2006). Devant le succès et la réponse importante obtenue auprès des
KDELWDQWV GHV FRPPXQDXWpV D\DQW EpQpILFLp GX SURJUDPPH LO D SULV GH O¶DPSOHXU SRXU
concerner 8 communautés et 14 500 hectares de plus à fin 2009.
/DPDLQG¶°XYUHDpWpSD\pHSRXUH[pFXWHUOHSURJUDPPHDYHFXQERQVDODLUH O¶pTXLYDOHQW
G¶HQYLURQ  HXURV SDU MRXUQpH GH WUDYDLO  FH TXL D pWp DWWUDFWLI HW D SHUPLV GH PRELOLVHU
O¶HVVHQWLHO GH OD IRUFH GH WUDYDLO GLVSRQLEOH GDQV FHV FRPPXQDXWpV ; des hommes et des
femmes de 16 à 70 ans y ont participé.
Les ouvrages et actions suivants ont été réalisés :
- mise en andains de matière végétale, branchages et déchets végétaux
SURYHQDQW GH OD WDLOOH G¶DUEUHV HW G¶DUEXVWHV GHVWLQpH j UpGXLUH OD YLWHVVH
G¶pFRXOHPHQW GH O¶HDX DXJPHQWHU O¶KXPLGLWp GX VRO GLPLQXHU O¶pURVLRQ HW
créer les conditions favorables à la régénération naturelle de la végétation
- construction de petits barrages et seuils en matériaux divers (pierres, matériel
végétal, pneus usagés, sacs de sable et de terre) pour réduire la vitesse de
O¶pFRXOHPHQWGHO¶HDXHWOHVSHUWHVHQVRO ;
- LQVWDOODWLRQGHGLVSRVLWLIVGHFRQWU{OHGHO¶pURVLRQHQQDSSHHWGXUDYLQHPHQW :
DPpQDJHPHQWVGHWHUUDVVHVHWG¶DQGDLQVGHERLVVHFHWPRUWHWGHEULQGLOOHVHW
autres déchets végétaux, traitement des têtes de ravines et couverture des talus
de sol nu par des manteaux de pierres ;
- SURPRWLRQGHODFRQVHUYDWLRQG¶DLUHVGHYpJpWDWLRQQDWXUHOOHRXUHERLVpHDILQ
G¶pYLWHU OD SHUWH GH YpJpWDWLRQ HW GH IDFLOLWHU XQH LQILOWUDWLRQ PD[LPDOH GH
O¶HDXGDQVOHVRO ;
- installation de panneaux enseignant les bonnes pratiques agro-forestières et la
convivialité des activités agro-sylvo-pastorales avec le milieu forestier et
appelant à venir en aide au programme pour la conservation et la protection
de la forêt en évitant OHVFRXSHVHWWDLOOHVVDXYDJHVOHGpS{WG¶RUGXUHVHWOHV
incendies de forêts ;
- LQVWDOODWLRQ GH SDQQHDX[ G¶DYHUWLVVHPHQW SRXU XQH PHLOOHXUH YLJLODQFH
SHUPDQHQWHGXPLOLHXIRUHVWLHUSDUO¶DXWRULWpHQFKDUJHGHO¶HQYLURQQHPHQW

Ce programme de services environnementaux a débuté avec un financement et une durée


déterminés qui ont servi à aider et appuyer les communautés pendant cinq ans (2006-2010).
La surface initiale de 4000 hectares a été étendue ensuite comme signalé plus haut.
Les photos ci-dessous montrent quelques uns de ces ouvrages, réalisés dans différentes
communautés rurales ainsi que le travail de ces villageois, organisés en équipes de travail, qui
aident à récupérer progressivement le patrimoine naturel qui était en perdition.

A ce jour, le programme, qui porte sur 8 villages de la région, a pu assurer le traitement de


18500 hectares de terrain. Les photos ci-dessous montrent les travaux en cours ou achevés :

- Cordons pierreux (photo 1)


- Empierrement de têtes de ravine (photo 2)
- Barrages en pneus (photo 3)
- Barrages végétaux (photos 4)
- Cordons de débris végétaux (photo 5)
- Terrasses empierrées (photos 6 et 8)
- Barrages en pierres (photo 7)

/¶pYDOXDWLRQGHVHIIHWVGHFHVRXYUDJHVGHFRQVHUYDWLRQGHVVROVHWGHO¶HDXHVWHQFRXUVPDLV
les résultats qualitatifs sont évidents dès la première saison des pluies. En effet, le programme
36$+YLHQWGHV¶DFKHYHU ILQ GDQVFHVFRPPXQDXWpVUXUDOHVSLORWHVDYHFGHVUpVXOWDWV
satisfaisant qui sautent aux yeux sur le terrain : rétention de sol eW G¶HDX UHJDLQ GH OD
YpJpWDWLRQUHVWDXUDWLRQSURJUHVVLYHGHO¶pFRV\VWqPHXQLIRUPLVDWLRQHWUHVWDXUDWLRQGH]RQHV
IUDFWLRQQpHV SDU OD GpJUDGDWLRQ OLPLWDWLRQ GH O¶H[RGH UXUDO SDU PDLQWien des paysans sur
place«
Photo 1 : cordon
pierreux

Photo 2 : empierrement
de tête de ravine

1 2

Photo 3 : barrage en
pneus usagés

Photo 4 : barrages
végétaux

3 4
Photo 5: cordon de
débris végétaux

Photo 6 : terrasses
empierrées

5 6

Photo 7 : barrages en
pierre

Photo 8 : équipe de
travail posant devant des
terrasses empierrées

7 8
Conclusion

Le travail est trop récent pour avoir des estimations chiffrées PDLVO¶DPpOLRUDWLRQTXDOLWDWLYH
des secteurs traités est manifeste en termes de rétention des sols et des eaux, ce qui est positif
et encourageant.
Toutefois, le programme doit céder sa place dès 2011 à une phase différente et autofinancée
GHV WUDYDX[ GH FRQVHUYDWLRQ DILQ GH SRXYRLU PDLQWHQLU OHV VXSHUILFLHV UHVWDXUpHV HW G¶HQ
étendre le périmètre aux communes et communautés voisines afin de pérenniser ces services
environnementaux. Cela VLJQLILHLPSOLTXHUSOXVGHPDLQG¶°XYUHmais aussi la recherche de
moyens financiers pérennisables pour les mener à bien.

Remerciements
Nous remercions le PSAH Programa de Servicios Ambientales Hidrologicos qui a fait appel
à notre expertise et nous a fourni les données chiffrées des travaux réalisés et les coûts de ses
réalisations
L¶INIFAP HWO¶,5'RQWVRXWHQXILQDQFLqUHPHQWFHWWHpWXGH

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Sánchez Cohen, I., J. L González Barrios, G. Díaz Padilla, M. Velásquez Valle (2009b)
Cambio climático y vulnerabilidad ecológica: Impacto en las variables hidrológicas de las
cuencas. En: Manejo Comparado de Cuencas Hidrológicas; Incertidumbre Climática,
Vulnerabilidad Ecológica y Conflicto Social (Comp. by J.L. González Barrios e I. Sánchez
Cohen) 23-45. Ediciones SMCS CONACYT RETAC INIFAP RNIAS. Torreón Coahuila,
México
Synthèse des principaux éléments des bilans effectués durant les quinze
dernières années

Alex Bellande
Expert freeland, 16380 SW 293 STHomestead, FL 33033, USA.
Courriel : Abellande@aol.com

Depuis 1990, plusieurs bilans des expériences d’aménagement de bassins versants à


l’échelle nationale ont été réalisés. Ils ont été commandités par différentes institutions
bilatérales et multilatérales (principalement l’USAID et les agences du système des
Nations-Unies) ou sont le produit d’universitaires et techniciens impliqués dans ce type
d’intervention dans le pays. Pour les besoins de cette étude, nous en avons consulté sept.
Nous retiendrons ici certains points de concordance entre ces différentes analyses sur des
questions d’ordre technique, économique, social et institutionnel.

Les agriculteurs adoptent des techniques de culture protectrices de l’environnement


quand elles génèrent des bénéfices économiques à court terme qui justifient
l’investissement supplémentaire en travail ou en capital. Dans les conditions actuelles, la
conservation des sols et la protection de l’environnement ne sauraient constituer des
objectifs prioritaires pour les agriculteurs. Les structures antiérosives exigent un travail
important (200-500 jours/ha.). On a donc intérêt à intégrer la promotion de cultures à forte
valeur marchande et offrant des opportunités de revenu à court terme aux programmes
d’aménagement.

Par rapport aux structures antiérosives établies sur les flancs de montagne,
l’aménagement des ravines présente des avantages dans ce sens. Il permet dans un
premier temps de « récolter » l’érosion et de créer rapidement des micro-milieux plus
fertiles et humides qui peuvent être plus facilement rentabilisés. Certaines expériences
récentes vont plus loin et associent des aménagements de ravines en maçonnerie à des
petits ouvrages de stockage de l’eau (puits et citernes).

Le matériel végétal de départ pour les cultures à forte valeur marchande est toutefois
souvent coûteux pour des agriculteurs disposant de faibles ressources. On a intérêt à en
offrir gratuitement ou à des prix fortement subventionnés dans la plupart des situations.
L’offre de matériel végétal doit aussi tenir compte des objectifs de minimisation des
risques et de diversification des revenus des producteurs.

Les projets qui ont fourni gratuitement des espèces d’arbres adaptés aux conditions
écologiques et aux différents besoins des exploitations paysannes ont connu certains
succès. Les paysans plantent des arbres pour l’alimentation familiale, l’alimentation des
animaux, la production de combustible, pour régénérer des espaces dégradés, pour
constituer une épargne à long terme...Les arbres greffés particulièrement sont en forte
demande, car ils permettent d’obtenir une production rapide et d’étaler les périodes de
production quand il s’agit de variétés d’avant ou arrière saison.
Le développement de débouchés plus larges et de circuits commerciaux plus fluides et
efficaces pour certains produits doit être considéré comme une composante importante
d’une politique d’aménagement. On doit s’intéresser non seulement aux filières
d’exportation, qui tendent à s’élargir avec le développement des échanges avec la
République Dominicaine, mais aussi aux possibilités importantes qu’offre actuellement le
marché local pour l’extension de cultures utiles sur le plan de la préservation de
l’environnement. Depuis les années 1980, la demande urbaine en fruits à valeur calorique
élevée (avocat, véritab, mangue...) est forte ainsi que celle de bois pour la construction et la
fabrication de meubles.

D’autres opportunités de développement de filières rentables et durables doivent être


investiguées. L’une d’entre elles pourrait être la culture de la canne à sucre en zone de
basse montagne et sa transformation en sucre artisanal, sirop et clairin (alcool). On peut
citer également le lait et ses produits dérivés, le maraîchage, la production d’huiles
essentielles...La production de charbon peut aussi être développée à travers des systèmes
d’exploitation durables.

Jusqu’à présent, les projets, même ceux qui comptent certaines réussites, n’ont jamais
permis l’aménagement de l’ensemble d’un bassin versant. Un engagement des autorités
nationales et locales en faveur d’actions sur le long terme et à différents niveaux sont
nécessaires pour parvenir à ce résultat. On compte par contre de nombreux exemples de
situations où les agriculteurs eux-mêmes, sans l’aide de projets, mettent en place des
systèmes agro-forestiers plus ou moins denses au niveau de petites régions. Il est important
de saisir les facteurs qui favorisent ou freinent l’extension de ce type de culture dans
chacune des situations particulières.

L’intégration de groupements locaux existants ou la création de groupements


spécifiques pour les aménagements peut faciliter le passage de l’échelon parcelle à un
échelon supérieur. Par exemple, en regroupant les exploitants d’un micro-bassin versant
ou ceux qui exploitent des tronçons sur la longueur d’une ravine. Les diverses formes
d’échange de travail et d’autres services à l’intérieur des groupes peuvent faciliter la mise
en place des aménagements. Toutefois, dans des situations où les rapports sociaux sont
fortement hiérarchisés, certains groupements qui se posent en intermédiaires obligés des
interventions peuvent aussi constituer un frein pour l’action.

La structure « projet » est mal adaptée aux exigences de la tâche. L’horizon de trois à
cinq ans de la plupart des projets est trop court pour parvenir à des résultats significatifs. Il
n’existe aucun exemple historique d’aménagement de bassins versants sur 5 ou même 10
ans. Les projets se caractérisent aussi souvent par des lourdeurs institutionnelles qui
freinent l’action sur le terrain, un manque de continuité et sont sensibles aux « effets de
mode ».

Il faut établir des priorités. Aménager les 350.000 has de pentes comprises entre 20 et
50% au rythme de 5.000 has. par an exigerait 70 ans. L’étude BDPA-SCETAGRI financée
par la Banque Mondiale en 1990 proposait de définir des zones prioritaires en fonction de
trois critères : zones au plus fort potentiel agronomique, pentes les plus faibles nécessitant
moins d’investissement, bassins versants où l’érosion risque d’avoir les effets les plus
négatifs sur les infrastructures et l’activité économique. Le MARNDR et l’USAID ont
également effectué des études dans ce sens.

Les questions foncières doivent être bien comprises. La sécurité de tenure est un facteur
important dans la prise de décision d’un exploitant d’aménager une parcelle et constitue
une contrainte significative à terme. Des nuances s’imposent toutefois. Même dans le cas
de statuts qui théoriquement ne favorisent pas les investissements (fermage, métayage,
certaines formes d’indivision), c’est en fait la perception qu’a l’agriculteur de la durée de
sa jouissance qui est le critère primordial. La nature des rapports entre propriétaires et
exploitants peut prendre diverses formes. Dans le court terme, il y a une marge importante
pour l'aménagement de terrains où la sécurité de tenure est satisfaisante.

Il y a un besoin important de formation dans le domaine de l’aménagement des bassins


versants. La complexité des problèmes à résoudre fait que les responsables et techniciens
impliqués dans l’exécution des interventions doivent posséder un savoir et des savoir-faire
qui relèvent de plusieurs disciplines : génie rural, agronomie, sciences sociales... La
formation paysanne devrait faire une large part aux échanges entre agriculteurs de
différentes régions.

Il n’y a pas toujours pas de solutions « prêt à porter ». Il y a effectivement des principes
et des réussites dont on peut s’inspirer. Cependant, il convient d’adapter les interventions
aux caractéristiques particulières à chaque situation et de continuer à évaluer et à
capitaliser sur les résultats. Les différentes instances étatiques concernées ont un rôle
important à jouer dans ce domaine.

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Department of Forest Resources, Univ. of Minnesota, Working Paper no. 17.
Récupération des terres dégradées dans les communes de
Bitinkodji et Namaro (Niger) par approche participative des
populations locales

AMADOU Issaka, M. SEYNI Seydou, M. ABBA Mamane Laouali


Programme de Lutte contre l’Ensablement dans le Bassin du Niger-
Courriel : amadou@abn.ne ; plce@abn.ne

1. Problématique
Le bassin du Moyen Niger concentre une population de plus en plus importante, qui doit
faire face à des besoins croissants dans un environnement soumis à une intense
dégradation des ressources en terres et en eau. On assiste à une extension des dunes
et des glacis érodés, contribuant ainsi à la formation et au développement de nombreux
« koris »(oued) responsables des pertes en terres productives.
Les solutions techniques en matière d'aménagement de bassin versant existent et sont
adaptées aux différents faciès du paysage (plateaux nus, glacis encroûtés ou sableux,
cordons dunaires), et sont généralement bien maîtrisées. En revanche, elles n'ont pas
été développées à grande échelle dans la vallée du fleuve Niger afin de lutter
efficacement contre son ensablement.
2. Présentation de la zone de l’étude
La zone de l’étude est située dans la partie sahélienne du bassin du Moyen Niger et
concerne le bassin versant constitués de plateaux encroûtés et le front dunaire situés en
rive droite du fleuve en amont de Niamey (13,58 N ; 1,92 E). Les sols pour la plupart
pauvres en matière organiques, sont incapables d’assurer une production agricole et
pastorale suffisante.
3. Matériels et méthodes
La méthode est basée sur l’approche participative à toutes les étapes du processus :
identification et planification des activités, exécution des travaux. La démarche a
consisté à mobiliser la population locale autour de divers techniques d’aménagements
antiérosifs (cordons pierreux, banquettes, fixation des dunes, mise en défens) en les
équipant de petits matériels agricoles peu coûteux et disponibles dans le terroir (dabas,
pelles, pioches, gants). Après deux années, la biomasse herbacée et les productions
agricoles ont été évaluées sur les différents sites traités.
4. Résultats et discussions
Après évaluation de la biomasse herbacée, nous avons obtenu 680kg MS/ha sur les
dunes fixées ; 1 447kg/ha sur les plateaux traités par la techniques de banquettes ; 545
kg/ha sur les glacis. Quant à la production céréalière, les rendements du mil
(Pennisetum sp.) et de sorgho (Sorghum vulgare) sont passés respectivement, de moins
de 50 kg/ha à plus 850 kg/ha sur les zaï, 248kg/ha sur demi-lunes. Ces résultats
corroborent ceux obtenus en station dans des conditions climatiques et pédologiques
similaires.
5. Conclusion
L’expérience a montré qu’avec peu de moyens, les populations sont capables
d’augmenter les productions agricoles et pastorales tout en protégeant leur
environnement. Par ailleurs, l’approche participative convient mieux aux aspirations des
populations dans la mesure où elles décident elles mêmes du mode d’aménagement de
leur terroir.
Mots clés : Niger, Zai, banquettes, demi-lunes, rendements céréales.
Pratiques paysannes et gestion du terroir d’Antanikarefo
(périphérie urbaine d’Antananarivo)

Mamonjisoa Tolotra ANDRIATSARAFARA et Simone RATSIVALAKA


Université d’Antananarivo, Faculté des lettres et Sciences Humaines, Département
de Géographie, 101 Antananarivo, Madagascar, Courriel :
andriatsarafaradoda@yahoo.fr

Résumé : Les dangers de l’érosion sont très marqués dans les pays tropicaux. Les
pertes en terre sont estimées en moyenne entre 1000 et 2000 ha/an à Madagascar
suivant le rapport sur l’état de l’environnement à Madagascar (Office National de
l’Environnement, 1999). Cette érosion reste conditionnée par les facteurs
climatiques, la densité de la couverture végétale et surtout par les activités de
l’homme sur les versants du terroir d’Antanikarefo telles que l’exploitation forestière
et l’extension anarchique des bâtis.
Le terroir d’Antanikarefo est situé sur la rive droite du fleuve Ikopa par 19°55 S et
41°28 E sur les Hautes terres Centrales le l’Imerina à 10 Km environ à l’ouest
d’Antananarivo. Il s’étend sur une superficie de 42 ha.
La problématique est la suivante : «Dans quelle mesure l’évolution des stratégies
paysannes de mise en valeur de l’espace agricole permet t-elle sa gestion
rationnelle?»
L’objectif est d’évaluer les réactions paysannes de la lutte contre l’érosion et de
spatialiser les risques d’ensablement.
Une carte topographique d’Ambohidrapeto publiée par la Foiben Taosarintanin’ny
Madagasikara (FTM) au 10.000è, une carte géologique TANANARIVE –
MANJAKANDRIANA au 100.000è, et des photographies aériennes missions 1967 au
25.000 è, et 2003 au 16.000 è, ont facilité la localisation et la spatialisation de la zone
d’étude.
La méthode d’enquête par sondage a été adoptée au niveau de chaque collectivité
de base en rapport avec le nombre des ménages avec un taux d’échantillonnage de
30%, soit 50 ménages sur les 630 recensés. L’approche par changement de
productivité a été procédée afin d’estimer la perte monétaire due par l’ensablement
sur la production agricole.
Les résultats montrent que la pratique paysanne décrite dans cette étude est
différente de celle du monde rural malgache en général. Les stratégies de gestion du
terroir ont évolué dans le temps et dans l’espace et se traduit par la mutation du
milieu rural vers une agriculture périurbaine. Les conditions naturelles du milieu :
climat tropical à saisons contrastées, régime hydrologique excédentaire et la fertilité
des sols ; offrent des options stratégiques aux activités agricoles. L’adoption
paysanne par étape, des techniques de gestion efficace des terres, a permis une
amélioration considérable de la production agricole. Par ailleurs, les disgrâces de la
gestion du terroir sont surtout liées aux problèmes d’inondation et d’ensablement
entraînant la baisse de la production agricole. Ils se manifestent par l’envasement et
l’inondation des parcelles du fait de la sédimentation des canaux d’irrigation.
Des programmes de lutte contre l’érosion devraient être entreprises par tous les
acteurs de développement. Les effets de l’érosion comme dans le cas d’Antanikarefo
causent en effet des pertes non négligeables au niveau de la production agricole.

Mots clés : Erosion, agriculture périurbaine, terroir, aménagement


INFILTRATION CAPACITY OF MINED SOILS
REFORESTED WITH ACACIA AND CASUARINA
IN THE DOMINICAN REPUBLIC

CRUZ César
ccruz@isa.edu.do
 
Abstract
The purpose of reforestation of ferronickel-mined soils is to restore its quality.
Soil infiltration capacity is among the soil physical properties expected to be
recovered. Many authors have associated soil infiltration capacity to the type of
land use. The objectives of this research were to evaluate the effect of
reforestation with two forest species acacia (Acacia mangium) and casuarina
(Casuarina equisetifolia), and a natural forest which was the control; and the
age of the plantation (acacia of 3, 6 and 12 years of age and Casuarina of 3, 7,
13 and 20 years of age) on the infiltration capacity (cumulative infiltration and
infiltration rate) of reclaimed mined soils in the Dominican Republic. The results
showed that infiltration capacity was higher for the soil covered by the natural
forest than for the soils covered by the planted species (acacia and casuarina).
The soil covered by casuarina resulted with a higher infiltration capacity than
that of the soil covered by acacia. The infiltration capacity of the soil covered by
casuarina was lower in the soil covered by the plantation of 3 years of age, and
increased for the casuarina-planted soils of 7 years. The infiltration capacity
was highest for the soils covered by casuarina of 13 and 20 years, with no
significant difference between them. The effect of the age of acacia on the soil
infiltration capacity was not so evident. The infiltration capacity is the lowest for
the soil covered by acacia of 6 years, followed by the infiltration capacity of the
soil covered by acacia of 12 years. The soil infiltration capacity was highest
when the soil was covered by acacia of 3 years. The reason for this was
probably due to the fact that the soil covered by acacia of 3 years was growing
in terraces, which appears to contribute to the improvement of soils physical
conditions such as the infiltration capacity. The results of this study show that
the reforestation of mined soils with casuarina is more effective than with acacia
for the re-establishment of the infiltration capacity. The results also show that
the increase of the age of the casuarina plantation contributes to the
improvement of the infiltration capacity of the soil. For the case of the acacia
cover, the establishment of terraces contributes to the improvement of the
infiltration capacity of the soil. The soil infiltration capacity contributes to the
reduction of surface run-off.

Key words: Dominican Republic, infiltration capacity, soil characteristics,


Acacia mangium, Casuarina equisetifolia , restorated mined soils.
Le bassin versant : institutionnaliser et
planifier la GCES en Haïti

Yves Jamont Junior Duplan


Au moment où l’insécurité alimentaire affecte une grande partie de la population
haïtienne, l’agriculture demeure l’un des secteurs productifs prioritaires. La relance
agricole s’impose comme une urgente nécessité. Or, cette relance risque de butter
sur l’érosion des sols qui se manifeste déjà dans l’ensemble des bassins versants.
Liée à des facteurs topographiques, agro-écologiques et socioéconomiques,
l’érosion des sols en Haïti est essentiellement hydraulique. Autrement dit, pour
assurer la conservation des sols, la gestion des eaux est primordiale.

Outre l’insécurité alimentaire, la vulnérabilité aux inondations et l’indisponibilité de


l’eau sont des problèmes préoccupants. A cet égard, la conservation des eaux
associée à la maîtrise du ruissellement se révèle indispensable. Or, les objectifs de
conservation ne peuvent être atteints que si la capacité d’infiltration et de stockage
du sol est maintenue à un niveau suffisant. Par conséquent, la conservation des
eaux passe par une bonne gestion des sols.

Eau et sol se lient de façon organique. Ainsi, dans l’optique de conservation, il


convient de distinguer et relier la gestion des eaux et la gestion des sols. Encore
faut-il les assurer simultanément dans un cadre organisationnel et de planification
cohérent. Tel doit être le souci de la gestion conservatoire des eaux et des sols
(GCES).

La conjonction de la gestion des eaux et des sols n’est pas reflétée dans la
planification et l’organisation des institutions qui en sont responsables. L’eau et le
sol sont gérés par des institutions distinctes. De plus, comme dans la gestion des
eaux, différentes institutions interviennent dans la gestion des sols, et ceci sans
concertation ni organisation d’ensemble. Une telle dispersion est un obstacle à la
planification rationnalisée et implique l’inefficacité et l’inefficience des actions. Dans
ce contexte, l’harmonisation et la coordination institutionnelles de même qu’une
planification intégrée sont cruciales pour qu’une GCES soit soutenable c’est-à-dire
pour s’assurer de la pérennisation des résultats des projets et de leur effectivité sur
le long terme.

Se réclamant de la GCES, la nouvelle approche de lutte antiérosive en Haïti néglige


la dimension institutionnelle. Pour combler ce vide, un autre principe à intégrer à la
GCES serait de renforcer les capacités institutionnelles pour la conservation des
eaux et des sols. C’est ainsi que, partant des principes de la GCES qui privilégient la
participation, l’échelle du bassin versant et le long terme pour l’aménagement de
l’espace, nous proposons un système intégré de gestion des eaux et des sols. Dans
le cadre de l’aménagement du territoire et des bassins versants, ce système met en
cohérence les différents niveaux de décision et de planification et favorise la
participation à tous les échelons.

Mots-clés : Système organisationnel, planification et gestion des eaux et des sols,


niveaux de décision
Modifications du ruissellement et des pertes en terres suite à
l'abandon d'une culture annuelle (manioc) au profit de plantations
agroforestières dans des périmètres villageois sur forte pente au
Nord Vietnam.
Pascal Podwojewski1a, Didier Orangea, Pascal Jouqueta, Thierry Henry Destureauxa,
Van Thiet Nguyenb , Pham Van Rinhb, Do Dui Phaib, Tran Duc Toanb
1: Correspondant : Pascal.Podwojewski@ird.fr ; a : IRD, UMR 211 BIOEMCO ; b : SFI (Soils and
Fertilizers Institute, VAAS, MARD), Dong Ngac, Tu Liem District, Hanoi, Vietnam.

Résumé
Un bassin versant de 50ha localisé sur fortes pentes au Nord Vietnam a été
équipé depuis 1999 pour suivre le bilan hydrique ainsi que les pertes en terres et
la qualité des terres et des eaux. Quatre sous-bassins ont été délimités pour
suivre les effets de la mise en usage des sols comme les plantations d'arbres
(principalement Acacia mangium, Venitia montana, Styras tonkiniensis or
Eucalyptus sp.), les cultures annuelles représentées principalement par le manioc
(Manihot esculenta Cranz) ou les plantations de fourrage (Bracharia ruziziensis) et leurs
effets sur le ruissellement de surface et l'érosion. Trois parcelles d'érosion de 1m2
ont été installées pour contrôler durant 2 années consécutives le ruissellement et
le détachement après chaque évènement pluvieux sur les cinq principaux types de
mise en usage : culture annuelle de manioc, plantation de fourrage de Bracharia
ruziziensis suivant une culture de manioc, une plantation d'arbres de type Acacia
mangium, une jachère de 3 ans suivant une culture de manioc et une jachère avec
des repousses d'eucalyptus régulièrement coupées. La pente varie de 40 à 100%
sur les versants cultivés. Les sols sont des Acrisols désaturés et acides. Ils sont
profonds, argileux, très poreux avec une densité apparente < 1 g cm-3, et une très
forte activité biologique.
Grace à une initiative gouvernementale, un changement d'usage des sols a été
constaté par l'abandon de la culture de manioc qui occupait 40% de la surface à
moins de 2% au profit d'une jachère, de plantations d'arbres et de fourrage. Après
6 années de mesures, la quantité de sédiments exportés dans le Bassin versant
principal est passée de 3,5t ha-1 à moins de 0,3t ha-1 et de 9,5 à moins de 0,5t ha-1
dans le sous bassin sous forêt.
L'érosion est principalement active au début de la saison des pluies lorsque les
sols sont à nu pour la plantation du manioc après le travail du sol, après le
désherbage, et aussi après les principaux évènements pluvieux.
Cette étude confirme que les cultures annuelles comme le manioc sont les
principales responsables de l'érosion. Sous manioc, le ruissellement (16%) est
également le plus fort. Il est le plus faible sous les plantations arborées (<5%). Les
plantations de fourrage ne diminuent pas immédiatement le ruissellement mais
diminuent fortement le détachement. Six années après l'abandon des cultures,
cette érosion peut être considérée comme négligeable. L'activité biologique
lombricienne, avec une production abondante de turricules sous les plantations
arborées et sous jachère est presque absente sous manioc. Elle peut être
considérée comme un facteur fortement limitant de l'érosion. D'une part l'activité
biologique favorise la structuration du sol et la stabilité de cette structure d'autre
part elle augmente fortement la rugosité de surface ce qui réduit le ruissellement.

Mots clés : Vietnam, érosion, détachement, couvert végétal, cultures


annuelles, activité biologique.
Influences des arbres sur le stock de carbone du sol et les risques d’érosion et
de ruissellement dans les montagnes du Maroc.
SABIR Mohamed1 & ROOSE Eric2
1. ENFI, BP 511 Salé, Maroc. Courriel : sabirenfi@wanadoo.net.ma
2. IRD, BP 64501, 34394 Montpellier cedex 5, France. Courriel : roose@mpl.ird.fr

Résumé
Dans le Rif et le Moyen Atlas, montagnes aux pentes raides, se posent des
problèmes graves d’érosion et de protection de l’environnement. La pression démographique
a transformé les paysages forestiers (sylvo-pastoraux) en une mosaïque de parcelles
céréalières imbriquées avec un matorral dégradé. La réduction du couvert végétal est quasi
généralisée, aboutissant au déclenchement de phénomènes d’érosion spectaculaires. Les
rôles environnementaux de la forêt ne sont plus assurés. L’eau produite est de mauvaise
qualité et les barrages s’envasent. Le stockage du C dans les sols est réduit au minimum.
Cette étude a porté sur l’influence de l’utilisation actuelle des terres (forêt, matorral, céréale,
agroforesterie, reboisement) sur la capacité du sol à stocker du carbone dans l’horizon
humifère (stock C t/ha) et sur les indicateurs des risques de ruissellement (infiltration finale If
mm/h, pluie d’imbibition Pi mm) et d’érosion (stabilité des macroagrégats du sol MA %).
Les zones d’études situées dans le Rif sont à climat subhumide et à végétation
(subéraie) dégradée. Un matorral de cistes surpâturé existe encore avec des reboisements
de pins (40 ans). Les pentes sont moyennes à fortes (15-60%). Les sols sont
essentiellement peu évolués d’érosion, avec deux textures : sablonneux sur grès et argileux
vertiques sur marnes ou argilites.
Les zones d’études du Moyen Atlas sont à climat semi-aride sous chêne vert et
subhumide sous chêne liège. La végétation forestière est relativement bien conservée. Les
matorrals sont pâturés. Les sols étudiés sont brun forestier, brunifié, fersialitiques,
calcimagnésique, vertisols, isohumique, hydromorphe et sablonneux. Les pentes sont
moyennes (20 à 35%).
Un irrigateur a été développé pour simuler des pluies de 80 mm/h d’intensité et de 50
mm de hauteur sur 130 placettes (1m²) représentant des répétitions (>3) selon le type de sol,
et l’utilisation des terres (forêt, matorral, céréaliculture). L’état de surface du sol a été
caractérisé selon la méthode des points quadrats : Surface ouverte (SO %), surface couverte
(couvert végétal au ras du sol CV %), résistance à la pénétration (PEN kg/cm²), densité
apparente (da g/cm 3) et humidité de surface (H %). Le stock de C du sol a été calculé pour
les 30 premiers cm à l’aide de 5 mesures de da et d’une mesure du taux de matière
organique (MO %) pour chacune des 130 placettes.
Dans les montagnes du Rif sous chêne liège, le stock de C du sol atteint 95 t/ha sous
forêt, 70 t/ha sous matorral pâturé (- 26%) et 53 t/ha sous culture (- 46%). Dans le cadre des
tentatives de restauration des sols, l’association d’arbres fruitiers à la céréaliculture
(agroforesterie) ramène le stock de C à 71% et le reboisement des terres dégradées en pins
à 93%, après 40 ans..
Dans les montagnes du Moyen Atlas, sous chênes liège et vert, les sols sont plus
poreux (da 0,6 à 1,4 g/cm3). Les taux de matière organique (8 à 13,8%) et des agrégats
stables à l’eau (35%) sont plus élevés. Les infiltrations finales sont importantes (70 mm/h).
Les coefficients de ruissellement (10 à 15%) et les détachabilités (0 à 20 g/m²/h) sont faibles.
La réduction du stock de C par la mise en culture est plus importante dans les sols à
texture sablonneuse qu’argileuse. La corrélation entre le stock de C et le couvert végétal au
ras du sol n’est pas significative et peu significative avec les indicateurs d’infiltration (Pi et If).
Le taux d’infiltration finale est lié positivement à la MO et à la surface ouverte du sol et
négativement à la cohérence et à la densité apparente du sol de surface. La pluie
d’imbibition est positivement liée à la MO et à la surface ouverte du sol. La stabilité des
macro-agrégats est liée significativement à la MO, notamment pour les sols argileux.
La forte pression démographique, se manifestant par une mise en culture et un
surpâturage des terres forestières, entraîne en quelques années, une chute de moitié du
stock de C et un tassement de la surface du sol. Les risques de ruissellement et d’érosion
augmentent avec la dégradation du couvert végétal. La reforestation permet de restaurer la
situation, mais elle est rarement acceptée par les paysans dont on soustrait une partie de
leur parcours. L’agroforesterie, notamment les arbres fruitiers, en améliorant le stock du C et
les caractéristiques hydrodynamiques des sols, permet une agriculture de montagne durable
et mieux acceptée par les paysans.

Mots-clés : Maroc, Sols, Utilisations des terres, Stock de carbone du sol,


Indicateurs, Infiltration finale, Pluie d’imbibition, Macro-agrégation,
Simulation de pluies.
Analyse des facteurs d'érosion des sols selon le modèle USLE de
Wischmeier et Smith, 1960. Cas de Laplate, 1ère section
communale de Bassin Bleu (Département du Nord’Ouest, Haïti).

SADRACK Désir
desirsadrack@yahoo.fr

1. Problématique
En Haïti, la dégradation de l’environnement constitue un problème majeur (Frère,
2002). Le Ministère de l’Environnement dans son plan d’action pour
l’environnement souligne que les problèmes de l’environnement en Haïti sont
identiques aux grands problèmes mondiaux de déboisement de forêts naturelles,
de pollution, de sédimentation du littoral et d’érosion des sols.
La section communale « Laplate», située dans le département du Nord Ouest
d’Haïti n’échappe pas à cette problématique. Dans cette zone, la décapitalisation
des exploitations agricoles jointe au manque d’encadrement technique sont parmi
des facteurs de dégradation des terres causée par l’érosion hydrique (Jeudi,
1997). L’objectif de cette étude consiste à analyser les facteurs d’érosion des sols
au niveau de Laplate.

2. Présentation du milieu
Laplate est la première section communale de Bassin Bleu et s’étend sur 68,52
km² (IHSI, 1998). Elle est située à plus de 600 m d’altitude et reçoit annuellement
1000 à 1200 mm de pluie (Frère et Goutier, 1966). Les sols sont de type limono-
sableux.

3. Méthodologie
La méthodologie est axée d’une part sur des mesures (pente, superficie des
parcelles) et une enquête de terrain d’autre part. Cette enquête a été menée au
niveau des trois localités de Laplate (Nérou, Dérac et Odigé) à raison de 25
planteurs par localité, avec pour chaque planteur une parcelle considérée. Soit un
nombre de 75 parcelles sur un total de 1230 parcelles agricoles que compte
Laplate pour 420 planteurs. Ensuite, nous avons consulté des documents traitant
de la situation foncière à Laplate. En outre, le calcul des pertes en sols au niveau
parcellaire a été effectué au moyen de l’équation universelle de pertes en sols
(USLE). Pour ce faire, sur chaque parcelle inventoriée, les données enregistrées
concernaient les facteurs pluviométrie, texture du sol, pente de terrain, cultures et
pratiques agricoles. Enfin, nous avons effectué une analyse de corrélation entre
ces différents facteurs de l’équation USLE dans le logiciel de traitement
statistiques Statistica.

4. Résultats
Les mesures effectuées sur le terrain montrent que la pente des 75 parcelles
inventoriées se situe dans la fourchette allant de 12 à 25% et celui de la superficie
oscille entre 2.000 à 24.000 m². L’enquête réalisée montre aussi que les cultures
se retrouvent le plus souvent en association. La culture dominante est le maïs. La
situation foncière est dominée par des terres en faire valoir indirect avec des
contrats de fermage allant de 6 à 12 mois entre le propriétaire et l’exploitant
(Pierre, 2005). De plus, le calcul des pertes en sols effectué au niveau des
parcelles inventoriées est compris entre 4 à 140 tonnes/ha/année comparé à la
perte en sols tolérable qui est de 4 tonnes/ha/année pour les sols sableux
(Xanthoulis, 2009).
A Laplate, la majorité des parcelles cultivées (75%) se trouvent dans des pentes
supérieures à 10%, où la végétation naturelle a été détruite au profit des cultures
sarclées (le maïs par exemple) et où les méthodes culturales sont inadaptées
comme par exemple l’agriculture sur brulis et le défrichement. Enfin, l’analyse de
corrélation effectuée entre facteurs dans le logiciel Statistica montre que les
pratiques culturales sans structures conservationnistes et la pente de terrain
influencent le plus les pertes en sols à Laplate. Dans cette zone, les agriculteurs
exploitent leurs parcelles sans aucune norme technique de conversation. Ce qui
entraine au moment des fortes pluies l’érosion hydrique des sols. Par ailleurs, les
cultures sarclées pratiquées sur des pentes supérieures à 10% ne font
qu’accentuer le processus de dégradation des terres causé par l’érosion hydrique.

5. Discussion/conclusion
L’analyse effectuée entre différents facteurs montre que les mauvaises pratiques
agricoles ainsi que la pente entrainent l’érosion hydrique des sols à Laplate. Pour
mieux cerner ce problème, il convient de former les planteurs et d’améliorer la
sécurité foncière. La formation à l’intention des planteurs devrait se porter sur les
techniques conversationnistes et culturales simplifiées. Celles conversationnistes
consisteraient à initier l’agriculteur à mettre en place des bandes enherbées, des
haies vives et des terrasses sur courbe de niveau au niveau parcellaire
complétées par l’installation de structures biologiques (clayonnage/fascinage) et
mécaniques (seuils en pierres sèches) dans les ravines. Les bandes enherbées
ainsi que les haies vives devraient s’établir sur des parcelles dont leur pente est
inférieure à 12%. Elles protègent le sol contre l’érosion hydrique en réduisant la
vitesse de l’eau et en retenant des sédiments. La mise en place des terrasses
devrait s’effectuer sur des pentes comprises entre 12 et 50%. L’aménagement
des ravines au niveau parcellaire permet d’éviter les dégâts en aval et favoriser
l’infiltration de l’eau dans le sol. Quant aux techniques culturales, elles auraient
pour objectif à initier l’agriculteur à implanter sur courbe de niveau et dans le sens
perpendiculaire de la pente des cultures intercalaires (le haricot par exemple)
dans les rangs des cultures sarclées. Ce qui va permettre une bonne couverture
du sol.
Pour améliorer la sécurité foncière, les contrats de ferme entre le propriétaire et
l’exploitant devraient s’étendre sur une période allant de trois à cinq ans. Ce qui
permettrait à ce dernier d’effectuer des travaux de protection de sols comme par
exemple l’incorporation à la parcelle des résidus de culture et aussi de pouvoir
tirer profit de sa production.

Mots clés : Haiti, Laplate, USLE, sécurité foncière, pente, LAE


Aspects socio‐économiques de la lutte antiérosive au Sénégal 
SENE Ibra 
Courriel : seneibson@yahoo.fr

Problématique La zone du plateau de Thiès est caractérisée par la prédominance de


formations lithologiques friables telles que les sols squelettiques (Landing Mané, 19941).
Pendant certaines périodes de l’année, on note des écoulements de type torrentiel
débordant des chenaux pour inonder de larges espaces. La brutalité des écoulements
entraîne souvent des ravinements intenses dans les paysages des forêts et des terroirs
villageois. Les ravins font partie des indices de l’état de dégradation avancé de la zone
du plateau. Ils sont particulièrement visibles dans la zone de Allou Kagne à Mont
Rolland, à Kissane, dans le Diobass etc. En relation avec des ONG ou associations de
base, plusieurs initiatives de lutte antiérosive sont notées dans cette zone.

Présentation de la zone : La zone du Plateau de Thiès se situe à l’Ouest du Sénégal,


dans le bassin sédimentaire Sénégalo-mauritanien sur un substratum essentiellement
composé de dépôts du crétacé et du tertiaire. Cette zone recouvre la totalité de la zone
éco-géographique appelée zone des massifs qui intègre le horst de Ndiass et le plateau
de Thiès. Elle couvre une superficie approximative de 2 160 km², abrite 10
communautés rurales et 3 communes. Sa population en 2006 est de 665 130 habitants
qui sont répartis dans les trois départements (Thiès, Mbour et Tivaouane). L’ensemble
de la zone du Plateau de Thiès est un écosystème composé et défini par le Plateau de
Thiès au sens strict, le massif de Ndiass et leurs zones d’influences respectives.

Méthodologie : Revue documentaire, visite de terrain, guide d’entretien avec les


bénéficiaires : Participation des acteurs, degré d’implication et système d’implication
(motif de la participation), -guide d’entretien exploratoire pour les responsables des
projets, grille d’observation participante

Résultats : - participation massive (75%) des femmes aux actions de lutte antiérosive,
- la participation rémunérée est source de motivation, faiblesse des moyens financiers
de la LAE,
- dissymétrie entre acteurs locaux (analphabétisme) et partenaires,
- logique de concurrence entre responsable de projet,
- manque de concertation avec les populations sur les zones cibles de la lutte
antiérosive,
- manque d’articulation des niveaux de décision, - incohérences institutionnelles,

Mots-clés : Sénégal, aspects socio-économiques, projet de LAE

                                                             
1
MANE, Landing (1990) études et cartographie des milieux biophysiques du terroir de Kissane
(région de Thiès Sénégal), UCAD .mémoire de maîtrise, .133p
 
Conclusions générales
Par Eric ROOSE et Hervé DUCHAUFOUR.
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Thèm e 1. R estauration de la productivité des sols
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
1.1. La dégradation de la productivité des sols . (Roose, Hien e t a l. , Prat et De Noni)
Quelques années après le défrichement et la mise en culture des sols tropicaux (3 à 15 ans
selon la texture et le type d’argile), on constate une baisse de la capacité du sol à produire les cultures.
Les causes sont nombreuses (acidification et envahissement par les adventices, tassement et manque
d’oxygène des racines, lessivage des nutriments, salinisation, carbonatation, empoisonnement par les
métaux lourds) dont on ne retiendra ici que l’érosion sélective, l’exportation par les récoltes,
l’acidification de l’horizon superficiel et surtout la minéralisation des matières organiques du sol (MOS)
et la baisse d’activité de la faune du sol. Les causes étant complexes, on ne peut espérer restituer et
encore moins améliorer le potentiel de productivité du sol « fatigué » en n’intervenant que sur l’une des
causes (conservation des sols ou fertilisation minérale ou travail du sol par exemple).

1.2. Les techniques traditionnelles d’entretien de la fertilité des sols (IKPE, Diallo, Seignobos)
Traditionnellement, la jachère longue, ou l’abandon du sol dont les rendements ne suffisent
plus, permet progressivement l’envahissement de la surface du sol par une succession de végétaux, qui
accumulent en surface des litières améliorant l’infiltration et réduisant l’érosion, tirent des profondeurs
des nutriments et les accumulent dans l’horizon superficiel. L’abondance des litières et des MOS
permet une diminution des fuites de nutriments, une amélioration de la stabilité structurale du sol et du
stockage de l’eau et des nutriments indispensables à la croissance des plantes et des activités de la
faune et de la microflore du sol. Au bout de 4 à 40 ans selon le milieu, le sol recouvre la majorité des
qualités d’un sol témoin en milieu naturel.
Mais les sociétés rurales qui ont connu une certaine pression foncière ont développé diverses
techniques pour prolonger la durée de productivité des sols cultivés, en réduisant les pertes par
ruissellement et érosion par le terrassem ent des versants (ex. les terrasses des Dogons du Mali ou
des Mofu du Cameroun : Seignobos , Tchotsoua , Wakponou e t a l .), par l’apport de fum ier (N.-
Cameroun, Burkina Faso, voir Seignobos, Hien e t a l. ), par le m aintien d ’une couverture du sol par le
paillage et par les résidus de culture (Seignobos et Tchotsoua au N. Cameroun, Diallo au Sud-Mali, à
Madagascar, voir équipe FOFIFA, Univ. Tana et ESSA), par le développem ent de légum ineuses
(IKPE au Nigéria, Morsli, Arabi et Roose en Algérie, Prat et De Noni en Amérique latine), par le buttage
et le billonnage en courbe de niveau qui rassemblent la terre humifère peu disponible pour produire
des racines et des cultures au-dessus du niveau des sillons où croissent des adventices (vu au Togo,
Côte d’Ivoire, Casamance, Mali, Madagascar, etc.). On verra plus loin que le système si décrié du brûlis
sur jachère permet en définitive de valoriser des sols pauvres mais enrichis en charbon de bois , très
efficace dans les sols pour améliorer le stockage de l’eau et la capacité d’échange des sols sableux à
kaolinite (Peltier e t a l, Serpantié e t a l. ).Cet effet des charbons de bois a été observé également au Laos
(Valentin e t a l. ). Le travail profond du sol avec enfouissem ent des adventices, des résidus de culture
et éventuellement de fumier, a été longtemps préconisé malgré l’importante consommation d’énergie
exigée. On verra plus loin qu’on en revient au profit du labour minimum.
Au lieu d’alterner des courtes périodes de culture suivie de longues périodes de repos/ jachère,
les chercheurs ont aussi étudié des techniques traditionnelles de gestion du paysage à l’aide de haies
vives de légum ineuses arbustives qui non seulement réduisent le ruissellement et l’érosion à des
valeurs acceptables, mais remontent dans leurs feuilles des minéraux lixiviés par les eaux de drainage
profond (> 100 kg de N, 10 kg de P et 40 kg de bases/ha) et apportent des matières organiques riches
qui peuvent servir de fourrage en saison sèche et de paillis en saison culturale. La sélection d’espèces
de légumineuses arbustives bien adaptées localement (L e u c a en a le uc o c ep h a la , C a llia n dra ca lo th y rs u s ,
T e p h ros ia vo g e lii, C a ja nu s c a ja n) permet de fournir du bois de chauffe, du paillage et du fourrage en
réduisant la surface cultivable de 10 à 20 % mais en sécurisant l’horizon humifère, l’alimentation
hydrique (suppression du ruissellement) et une abondante biomasse de qualité (IKPE, Hien e t a l. ,
Edmond e t a l. , Prat et De Noni, Seignobos et Tchotsoua, Ndayizigiye e t a l. au Rwanda, Duchaufour e t
a l. au Burundi). Voir § 4 Effets des arbres.

1.3. La restauration rapide des sols dégradés (Roose, Hien et al. , Arabi, Prat et De Noni)
L’étude de diverses techniques de restauration de la productivité des sols tropicaux, en
particulier du zaï en Afrique de l’Ouest et des sols volcaniques indurés, a montré qu’il fallait respecter
six règles pour récupérer rapidem ent (1 à 2 ans) la capacité d’un sol tropical à produire des céréales.

1. Introduire un systèm e de gestion des eaux de surface pour alimenter les besoins des plantes
sans engorger le sol : ex. cordons pierreux, terrasses drainantes, haies vives ou bandes enherbées,
cuvettes limitant le piégeage du ruissellement selon les précipitations locales.
2. R ecréer la m acroporosité du sol et un drainage rapide : broyage des tepetate et des croûtes
calcaires, labour profond favorisant un enracinement profond dans les sols dégradés, tassés.
3. Stabiliser la structure et revitaliser l’horizon superficiel par apport de matières organiques
fermentées (fumier, compost) ou, à défaut, de résidus organiques riches en azote (légumineuses ou
litières décomposées).
4. C orriger le pH du sol (entre 5 et 7) pour éviter les toxicités métalliques (aluminique), faciliter les
activités microbiennes (fixateur de l’azote de l’air) et la libération de nutriments facilement assimilables
par les plantes (surtout pour le phosphore).
5. N ourrir les plantes cultivées pour leur permettre de valoriser directement le potentiel du milieu
(fonction du climat, du type de sol, des cultures) : le sol, les plantes et les MO naturelles sont
généralement carencées et demandent un complément de nutriments minéraux pour atteindre leur
potentiel.
6. C hoisir des p lantes à forte production de bio m asse , adaptées aux conditions locales de pauvreté
des sols et de dureté du climat, de préférence d’origine locale ou à potentiel génétique large, non
invasives.

1.4. Création de sols issus de roches (Seignobos et Tchotsoua au N. Cameroun, coulée


volcanique en Martinique, Roose et Khamsouk).
En plus des techniques décrites pour la restauration rapide des sols meubles, il faut introduire
des m oyens pour fissurer la roche ou broyer l’horizon induré pour accélérer la dégradation
physico-chimique des roches et la libération des minéraux nutritifs, la néoformation de colloïdes argileux
qui augmentent le stockage de l’eau et des nutriments. Au Mali, les Dogons apportent sur des dalles de
grès des sables qu’ils fertilisent avec des composts, fumiers et résidus de culture (Roose). Au Nord-
Cameroun sur les Monts Mandara, les Mofus sélectionnent les arbres sauvegardés, plantent des
graines et des fougères dans les fissures des roches, après les avoir fait éclater par le feu. Ensuite, ils
rassemblent des pierres pour construire progressivement un muret pour capter et stocker les eaux de
pluie dans un néo-sol formé de sables des altérites du granite et des MO. Tout un ensemble de plantes
rustiques (fougère, cynodon, sorgho, millet, souchet, arachide, pois de terre) et d’arbustes fixateurs
d’azote et producteurs de fourrages sont implantés dans ce système de terrasses jardinées qui permet
d’enrichir progressivement ce milieu très pauvre, de stocker les eaux de surface et de gérer la
circulation des eaux dans les ravines des montagnes (bassins entre seuils empierrés). En Martinique,
un glissement de terrain n’a laissé qu’un versant rocheux d’altérite de coulée volcanique acide. Non
seulement il a fallu couvrir le versant de déchets de l’industrie de la canne à sucre, mais il a fallu piéger
les eaux de ruissellement dans des cuvettes et enrichir les altérites décapées à la barre à mine avec du
compost et des nutriments minéraux complets pour que les arbustes locaux s’installent, couvrent le sol
et arrêtent l’érosion.

Thèm e 2. Influence de la LAE sur la dynam ique de l’eau : de la parcelle au bassin


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2.1. Caractéristiques des cyclones et pluies tropicales exceptionnelles
Dans les Caraïbes, on observe une très forte variabilité spatiale des pluies en fonction du relief,
de la proximité de la mer et des pluies convectives localisées. Les précipitations annuelles varient de
1 500 mm dans les plaines maritimes à plus de 4 500 mm sur les sommets des volcans et 10 000 mm
sur la Soufrière en Guadeloupe (Real). Lors de la dizaine de tempêtes tropicales importantes par an, le
vent peut atteindre 100 à > 200 km/heure, ce qui aggrave les dégâts dûs aux pluies qui peuvent
atteindre 90 mm/heure, 300 mm/jour et 600 mm en 6 jours. En moyenne, la hauteur des pluies
mensuelles dépasse 380 mm pendant 5 mois consécutifs : avec des ETP de 150 mm/mois, on imagine
facilement l’énorme quantité d’eau qui draine sur ou à travers le sol (> 1200 mm de drainage).
L’énergie, l’intensité et l’abondance des averses tombant sur des sols volcaniques pentus et très
perméables entraînent des risques majeurs de ravinements et de glissements de terrain.
Si on analyse l’évolution des précipitations durant ces trois dernières décennies, on observe
des variations de 3 %, non significatives. De même, le nombre de cyclones est constant, mais
l’augmentation de la température de l’air et de l’océan fait craindre une augmentation de la vitesse et de
la force du vent et l’augmentation de l’intensité et de l’énergie des pluies (Réal).
Pour améliorer l’analyse et la prédiction de l’évolution du climat, il est nécessaire de disposer de
données plus nombreuses et plus sures. C’est pourquoi l’Unesco a lancé le programme « Medhycos »
en vue d’améliorer le réseau de capture de données climatiques fiables et leur interprétation à l’échelle
régionale et mondiale (Laraque).

2.2. Influences de l’aménagement des bassins versants


A u N iger , sur des sols ferrugineux sableux, on a instrumenté des bassins pour mieux
comprendre l’impact des aménagements et des cultures sur les écoulements et les transports solides.
Les premiers résultats ne montrent pas nettement de différence entre les BV témoins cultivés et le
bassin cultivé aménagé partiellement en cordons pierreux ou en demi-lunes. En effet, le terrain est si
instable qu’il a fallu réhabiliter les aménagements au bout de 3 années.
A u B urkina Faso , Serpantié et Lamachère ont montré que les cordons pierreux ne réduisent
pas beaucoup le volume ruisselé des champs aménagés, mais réduisent le débit de pointe et les
transports solides. Le labour grossier et le billonnage piègent les petites pluies, mais au bout de 200
mm, la capture diminue en même temps que la rugosité de la surface du sol. Associés, le labour
grossier et les cordons de pierres isohypses augmentent l’infiltration au champs et étale les
écoulements dans la vallée.

En M artinique, la baie du R obert subit un ensablement accéléré dangereux pour la protection


de la biodiversité du milieu corallien et pour le tourisme (Rocle e t a l. ). On a classé les terres du bassin
en sept classes en fonction des indicateurs de leur vulnérabilité (couvert végétal, topographie, érodibilité
des sols). La mesure des débits liquides et solides dans les ruisseaux a mis en évidence la fragilité des
berges, la mobilisation des fonds de rivières lors des pluies dépassant certains seuils (> 2m3/ sec) qui
dépendent de l’imperméabilisation de la surface du sol par l’habitat, les pistes, les sols nus encroûtés,
les parcours des animaux. Les transports solides varient de 2 à 20 t/ha/an avec une érosion en nappe
moyenne de l’ordre de 10t/ha/an. Le charriage correspond à 40 % des transports solides au début de la
saison des pluies mais régresse à 5 % en fin de saison quand les sols sont couverts (formation de
croûtes de battance et tassement de la surface du sol par les nombreux passages des ouvriers dans les
bananeraies). Les glissements de terrain n’ont pas été pris en compte.
En M artinique, les bananeraies occupent souvent des fortes pentes (10 à > 40 %) dans des
zones très pluvieuses. Dans les plantations modernes où les bananiers sont plantés dans le sens de la
pente en rangs doubles avec un plus large espace maintenu nettoyé, l’érosion est importante (40 à
100t/ha/an. Cependant, dans les plantations en quinconce semi-pérenne, les pertes en terre ne sont
importantes que les six premiers mois de plantation, car ensuite les résidus de culture s’amoncellent au
pied des bananiers. Il suffit de disperser les résidus perpendiculairement à la pente, pour réduire à des
taux négligeables le ruissellement et les pertes en terre (1 à 3 t/ha/an) (Khamsouk e t a l. ,2008 ; Achard
e t a l. , 2011). L’effet radical du paillage sous toutes ses formes a également été démontré au Burundi
(Rishirumuhirwa), en Côte d’Ivoire (Roose, 1973) et dans le Parc Naturel de la Martinique (Roose et
Venumière e t a l. ). A Rivière Lézarde, on a soumis le sol brun rouille issus de cendres volcaniques bien
structurées à des pluies sim ulées extrêm es (Intensité de 100 mm/h et hauteurs de 300 à 600 mm en
quelques heures). Sur sol nu entre les bananiers, on a observé après une pluie d’imbibition très
importante (Pi > 50 mm) le développement du ruissellement en même temps que la formation d’une
croûte particulière sous une couche d’agrégats arrondis par la battance, qui ont tendance à migrer par
flottation dans la lame ruisselée. Par contre, les parcelles couvertes de paillage de résidus de culture
(bananier, canne à sucre ou ananas) ont pu absorber quasi tout le volume de pluie, le ruissellement
restant très peu abondant et peu chargé. Cette expérience démontre clairement l’effet déterminant de la
litière à la surface du sol sur la dynamique de l’infiltration conjuguée avec l’éclatement des agrégats et
les pertes en terre (Khamsouk et Roose, 2008-11).

En A lgérie, en milieu semi-aride, sur des sols argileux rouges méditerranéens, ou bruns
calcaires et vertisols, le labour grossier et le billonnage en courbe de niveau (avec des doubles
dérayures en travers du champ) réduisent le ruissellement au champ à 10 % du témoin labouré aux
disques en année normale (Morsli). Par contre lors des pluies importantes de fréquence 1/5ans, les
champs cultivés sont griffés de rigoles évoluant en ravines et les aménagements (cordons pierreux,
terrasses, banquettes), généralement efficaces lors des pluies normales, débordent, ravinent
profondément les versants, détruisent les seuils dans les ravins et provoquent des glissements de
terrains sur des pentes fortes et le long des oueds (Mazour, Morsli). L’aménagement en éléments de
banquettes d’un versant argileux en amont d’une ville n’a pas résisté plus de 4 ans suite à
l’ensablement des cuvettes et du canal. De même, les terrasses en gradins, les cordons de pierres, les
seuils en terre compactée, les jboub, megden, sed et seguia, aménagements traditionnels qui ont fait
leur preuve en années normales, ont été éradiqués ou dégradés lors d’une averse de fréquence 1/20
ans. Cependant, les populations rurales sont habituées à les réparer après chaque événement rare
(Mazour) car ces aménagements n’exigent pas des moyens mécaniques importants : le travail
communautaire permet de les maintenir en fonction aussi longtemps qu’il reste assez de main-d’œuvre
au village.

En Tunis ie, les équipes IR D (Albergel, Touma, Zante, Collinet) et tunisiennes (Nasri, Baccari,
El Ali, El Faleh, etc.) ont démontré que les banquettes isohypses, les cordons de pierres et les cuvettes
individuelles avaient une influence remarquable sur le ruissellement alimentant les barrages collinaires
lors des pluies ordinaires : ces aménagements mécaniques captent jusqu’à 50 mm de pluie qu’elles
infiltrent en totalité : les versants sont donc localement engorgés et le barrage collinaire risque par
ailleurs de recevoir beaucoup moins de ruissellement des versants. Mais lors des pluies de fréquence
rare, ces aménagements débordent, concentrent les eaux stockées dans des ravins et sont détruits au
bout de 4 à 10 ans selon leurs dimensions. Leur coût est élevé et leur efficacité limitée dans le temps si
ces techniques mécaniques ne sont pas soutenues par des couvertures végétales. Voir « Efficacité de
la gestion de l’eau et de la fertilité des sols en milieux semi-arides » de Roose e t a l. , 2008, Edition AUF,
EAC, IRD, ENFI, 402 p.
A M adagascar , les Tamala vivent au pied de la falaise qui borde les hautes terres. Ils brûlent
la forêt puis les recrus arbustifs (ta vy ) pour assurer leur subsistance (riz de montagne et manioc) sur
des sols ferrallitiques très perméables mais très pauvres des versants. Ils ont développé une série de
techniques agricoles pour ralentir la dégradation et l’érosion des sols sur les fortes pentes très arrosées
(>2500mm) du Nord-Est de Madagascar : choix des terres perméables initialement bien couvertes
d’arbres, maintien des arbres en amont des parcelles pentues cultivées, travail du sol réduit au
minimum (semis au bâton pointu), sol bien couvert pendant toute la culture (associée) (Serpantié,
2011).
Sur les Hautes terres de Madagascar , les aménagements commencent par la rizière dans les vallées.
Ensuite, si on dispose d’une source d’eau, les paysans aménagent les colluvions de bas de pente et
terrasses en gradins irriguées pour étendre la rizière. Enfin, pour compléter les réserves alimentaires,
les paysans grattent les versants jusqu’à isoler des terrasses progressives (ta n e ty ) sur lesquelles ils
cultivent les plantes qui survivent sur des sols pauvres et acides (manioc, arachides, pois de terre,
sorgho, épinards, etc.). Un fossé de protection isole la parcelle cultivée des eaux de ruissellement
provenant du haut de versant. Les hauts de pente et les sommets sont réservés aux arbres et parcours
communautaires souvent brûlés juste avant la saison des pluies, ce qui fournit de l’eau et des cendres
aux pépinières de riz.
A l’échelle du bassin élémentaire, la plantation de pins et d’eucalyptus réduit les débits de
pointe au dixième de celui d’un parcours brûlé annuellement et à la moitié d’un champ cultivé en
courbes de niveau. Mais au cours des pluies extrêmes de fréquence 1/50 ans, le sol est saturé quels
que soient la couverture végétale et l’aménagement de telle sorte qu’au final les écoulements de pointe
se ressemblent, mais les transports solides sont largement moindres sous forêt (voir Manankazo,
Roose, 1987).

En H aïti, nous n’avons malheureusement reçu aucun document scientifique analysant


l’efficacité des aménagements antiérosifs sur le fonctionnement hydrique des bassins versants
élémentaires. Les rapports d’évaluation des ONG concernent le plus souvent l’importance quantitative
des aménagements : kilomètres de fossés et de canaux de contour, de haies vives, nombre de seuils
dans les ravines, d’arbres élevés en pépinière et plantés en bosquets ou en courbe de niveau,
kilomètres de pistes rurales, nombre de dispensaires, de barrages collinaires, de mares rizicoles,
d’arbres fruitiers, tonnage de légumes commercialisés, etc. Nous aurions aimé souligner que les canaux
de contour et autres terrasses en gradin ou banquettes d’absorption totale ou même cuvettes ou
éléments de banquettes ne sont fonctionnelles que pour les pluies petites et moyennes ; mais lors des
cyclones déversant 300 mm/jour à 600 mm en une semaine, le sol est complètement saturé, les fossés
et canaux débordent, ravinent les versants ou provoquent des glissements de terrain très dangereux, en
particulier pour les villes construites dans les vallées (comme dans le Maghreb ou les montagnes
africaines). Aucun aménagement antiérosif mécanique ne peut résister à de tels volumes de pluie. De
plus, il faut tenir compte du vent qui augmente considérablement l’énergie des pluies et des séismes qui
bousculent la structure du sol humide et favorise les glissements de terrains.
Les projets de Salagnac-Aquin et Pratic dans les collines du sud de l’île ont testé l’approche de
gestion conservatoire de l’eau et de la fertilité des sols tout en veillant à la participation des intéressés,
à leur formation et à l’amélioration de leurs revenus (voir Smolikowski, Roose et Brochet, 1993). Les
interventions visaient à favoriser l’intensification et la diversification des productions agricoles tout en
stabilisant les versants et les fonds de vallées primaires : création de pistes de montagne pour évacuer
les nouvelles productions (maraîchage), création de citernes captant les eaux de pluies sur les toits et le
ruissellement concentré sur les pistes bétonnées, valorisation des eaux de ruissellement par le
développement du maraîchage, reconversion des terres fragiles en cultures pérennes (arboriculture
fruitière et forestière), amélioration de l’élevage (au piquet ou à l’étable), contractualisation des
opérations proposées par le projet, choix en priorité des zones qui conservent un haut potentiel de
production (bas-fonds, vallons) plutôt que les terres mortes complètement dégradées, stabilisation des
fonds de vallons par des seuils-citernes bétonnés pour y développer des jardins créoles, des cultures
maraichères associées aux arbres fruitiers regreffés pour étaler la saison de production.
Parmi les projets visités en juin 2010, les aménagements de Gros Mornes tiennent compte des
besoins immédiats de revenus des paysans en même temps que des possibilités limitées
d’investissement, de la difficulté de fixer dans l’immédiat les versants arides. Ce projet concentre les
efforts sur les vallons, ravines ou vallées primaires pour y stocker une partie des eaux ruisselants en
surface (seuils + citernes + puits) et des terres humifères qu’elles transportent, pour y développer un
tissu d’arbres fruitiers/fourragers surplombant des cultures intensives, associées et couvrant le sol toute
l’année. En plus des seuils résistant aux débits de pointe des ruisseaux, tout un réseau de haies freine
les écoulements et produit de la biomasse nécessaire pour améliorer l’élevage et les sols. Des
exemples sur le terrain ont démontré que ces aménagements démarrant en aval et remontant
progressivement sur les versants peuvent résister aux pressions énormes et multiples des énergies
développées par les pluies cycloniques dévalant sur ces pentes raides et souvent arides, aux sols
superficiels. En captant une bonne partie des crues de ruissellement et en ralentissant les vitesses de
pointe, ce type d’aménagement réduit sérieusement les risques d’inondation et d’envasement des villes
situées en aval. Ces aménagements ont résisté aux trois derniers cyclones et aux séismes de 2010.
De jeunes entreprises ont vu le jour qui développent ces systèmes d’aménagement partant des vallons
pour progresser progressivement vers les versants.

Thèm e 3. Les aspects agronom iques de la gestion durable de l’eau,


de la biom asse et de la fertilité des sols (G C ES)
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3.1. La nutrition des plantes et la fertilité des sols
L’exportation des récoltes, des résidus de culture et des fourrages, des fruits et du bois, de
même que le parcours sur les pailles des céréales entraînent forcément une perte du stock de
nutriments assimilables du sol. Par ailleurs l’érosion, la volatilisation par les feux et la lixiviation par les
eaux de ruissellement et de drainage accélèrent cet épuisement. Pour maintenir une bonne couverture
du sol et un niveau satisfaisant de production végétale, il faut rétablir l’équilibre du bilan et prévoir des
apports de matières organiques pour maintenir la stabilité des propriétés physiques et des compléments
minéraux pour nourrir les plantes cultivées. Les sols dégradés stockant généralement assez mal les
nutriments (N et bases lessivées, P fixés par le fer, l’alumine et les carbonates), il est plus rentable de
calculer au plus près les nutriments nécessaires pour atteindre le niveau de production ciblé par la
disponibilité en eau et les potentialités climatiques et économiques régionales.
La sim ple conservation des sols ne suffit donc pas !

3.2. La culture des légumineuses en rotation ou en association


Les rotations céréales-légum ineuses sont connues depuis des siècles par les agronomes.
Par divers mécanismes biologiques, les légumineuses fixent l’azote de l’air, le combinent avec la sève
carbonée et laissent dans le sol avec les racines 50 à 200 kg de N/ha/an. (Vandeplas e t a l. , Brochet e t
a l. , Roose, 1994, etc.). Plus complexes sont les cultures associées qui occupent plus efficacement
l’espace aérien et souterrain au cours des saisons et produisent jusqu’à 30 % de plus que les cultures
isolées (Valet, Brochet, Duchaufour) : on estime qu’il se passe des échanges directs entre les racines
des légumineuses et des autres cultures.
Les haies vives formées de buissons de légumineuses apportent aussi leur quota estimé à
plus de 110 kg de N/ha/an à travers le fourrage, le paillage et les bois de feu produits lors de chaque
coupe (Ndayizigyié et Roose ; Koenig, 1993).
Cependant, dans les milieux pauvres en phosphates assimilables (sols ferrallitiques, ferrugineux
tropicaux, calco-magnésiens, volcaniques ou sableux), sans apport de phosphates calciques, les
activités microbiennes ralentissent et la fixation d’azote est réduite.
3.3. Les amendements organiques et la fumure m inérale (Seh , Brochet, Duchaufour, 2011)
Les matières organiques du sol sont une clé de la fertilité physique (stockage de l’eau,
agrégation, infiltration) et chimique du sol (stock d’azote, phosphore assimilable et divers oligo-
éléments). La première démarche doit donc consister à maintenir le taux de MO à un bon niveau (seuil
de MO variant de 0,5 % sur sols sableux à 2 % sur sols argileux). C’est pourquoi la gestion de la
biomasse produite est un des éléments majeurs des systèmes de production. Les paysans du monde
ont des approches différentes de la gestion de la biomasse disponible, chacune ayant des avantages et
des inconvénients. Le feu accélère la minéralisation, produit des charbons de bois très efficaces pour
stocker les nutriments et l’eau, mais gaspille la majorité du carbone et de l’azote sous forme gazeuse.
La transformation de la biomasse par le bétail laisse divers types de fum iers , améliore le taux de C/N et
apporte rapidement (après 6 à 12 mois de maturation) une amélioration aux terres où on le concentre.
Cependant, son action positive est limitée à 2 années, il exige beaucoup de travail et d’eau, il ne
restitue qu’une faible partie des végétaux prélevés (40 à 50 % au mieux), il suppose un nombre
important de têtes de bétail et de surface de parcours (pour produire 3 t/an de poudrette, il faut 5
vaches et 20 ha de brousse ou 2 ha de culture fourragère). Enfin, l’élevage entraîne la production de
gaz à effet de serre. Le com post a un rendement pire encore puisqu’il exige beaucoup de travail
(double déplacement, eau) et perd environ 80 % de la biomasse compostée sous forme gazeuse ; de
plus, il ne produit pas de viande ni de lait qui justifient l’élevage (Roose, 1994).
Le recyclage des déchets urbains com postés (Fernandes et al, Seh et al.) par contre est un
bon moyen de se débarrasser écologiquement d’une partie des déchets urbains fermentescibles, tout
en restituant dans les campagnes périurbaines une partie des nutriments exportés avec les fruits et
légumes, les céréales et les combustibles vers les villes. Mais cette technique a un coût : ramassage,
triage, hachage, fermentation anaérobie avec production de gaz ou compostage aérobie et
redistribution aux horticulteurs. Au final, le produit composté ne représente que 20 à 30 % des déchets
soit moins de 10 % de la biomasse extraite des campagnes. Les expérimentations de Seh e t a l, au
Cameroun montrent que le coût du compost par kilo de salade produit est nettement plus élevé que le
coût des engrais minéraux : l’optimum consiste à utiliser à la fois le compost urbain (qui améliore le taux
de MOS) et un complément des nutriments minéraux (N+K et surtout P) trop peu concentrés dans les
composts. Encore faut-il vérifier que les composts ne contiennent ni germes dangereux, ni métaux
lourds, ni pesticides.
Le paillage et les litières m ortes ou vives régulièrement rabattues protègent très efficacement
le sol contre l’agression des pluies, du vent, du soleil et améliorent beaucoup les activités de la faune
qui augmentent la macroposité, la stabilité de la structure et l’infiltration des horizons superficiels, les
plus importants pour lutter contre l’érosion. Le paillage apporte non seulement une protection contre
l’érosion mais aussi restitue progressivement (en 1 à 3 ans) l’ensemble des nutriments constituant la
biomasse et séquestre le carbone (MO soluble) (Roose, 1994 ; Achard e t a l. , Khamsouk, 2003). C’est le
mode de recyclage le plus proche des litières forestières.
Toutes ces approches ont leur intérêt mais la biomasse disponible sur un hectare en production
ne couvre que 20 à 30 % des besoins minéraux du sol et des cultures. Il faut donc utiliser au mieux
toutes les ressources en biomasse disponibles localement mais compléter les apports soit par des
prélèvements hors champs (apport des boues de décantation des eaux usées et des déchets ménagers
urbains ; voir Seh et Fernandes et al., 2011), (parcours des bêtes sur les chemins ruraux, les forêts, les
jachères, les cultures fourragères, etc.), soit par le développement sur place de cultures associées en
particulier de systèmes agroforestiers apportant un complément de biomasse et de nutriments prélevés
en profondeur dans le sol (Valet, 2011, Brochet e t a l , Peltier e t a l. , 2011), soit par des apports
complémentaires de nutriments minéraux (plus concentrés, plus faciles à transporter, mais plus
dangereux à gérer) (Roose, 1994, Duchaufour 2011, Brochet, 2011). L’apport judicieux de MO et de
minéraux complémentaires doit être calculé et étalé dans le temps et dans l’espace en fonction du
potentiel de production économique du milieu, des risques climatiques et des besoins physiologiques
des cultures : en effet les sols à argile kaolinitique ont une faible capacité à stocker les cations, l’eau et
les MO.
Les engrais m inéraux ont une mauvaise réputation d’acidifier les sols et de produire des sols
tassés et peu vivants. Il est vrai que les nitrates, chlorures, sulfates et autres phosphates se
décomposent dans l’eau en acides forts et que les cations (Ca+ Mg+ K) sont délogés des sites
échangeables du sol par l’hydrogène, entraînant la baisse du pH du sol. Mais il faut rappeler que les
plantes ne se nourrissent pas des molécules organiques sans leur minéralisation par les microbes du
sol. La gestion intensive de la fertilité des sols suppose donc un apport de matières organiques,
complété par des apports fractionnés de minéraux pour optimiser la production végétale (et la protection
du sol). La faune et la microflore du sol, indispensables, ont besoin de l’apport de matières organiques
pour entretenir une ambiance favorable du sol (Roose, 1994).

3.4. Les cultures à forte production de biomasse et l’agroforesterie (Duchaufour)


Il est généralement admis que la forêt plurispécifique et multi-étagée non seulement protège
bien le sol contre l’érosion mais accumule en surface des éléments nutritifs puisés en profondeur près
des roches altérées ou captées en surface en solution dans les pluies ou dans les poussières et
cendres que l’air véhicule.
Mais avec le développement de la population, les paysans sont forcés de défricher les forêts
et développent des systèm es de cultures associées dans l’espace et dans le temps (Valet) ou des
cultures particulièrement productives de biomasse et protectrices du sol. C’est le cas « des jachères
bananières » ou agroforestières au Burundi qui accumulent la fertilité dans la végétation et le sol
(10 cm de terreau en dix ans) au point de nourrir plus de 600 habitants par km! sur les pentes raides
des collines. Il n’est pas rare de trouver sous ces bananeraies agroforestières plus de six cultures
associées. Il semble dans ces cas que l’extension de la bananeraie supplante progressivement la
multiplication du troupeau comme mécanisme d’accumulation du capital (Duchaufour). La canne à
sucre et les ananas sont aussi capables de produire des masses impressionnantes de biomasse (> de
100 t/ha/2 ans). Il est clair que cette production n’est atteinte que sur des bons sols humides et
beaucoup plus lentement sur des sols pauvres et superficiels (techniques des pots de fleurs). En Haïti,
a été développée une technique d’aménagement antiérosif appelée « bande d’arrêt à m anger » : il
s’agit d’une bande cultivée en courbe de niveau où l’on concentre la fumure pour produire des végétaux
dont on tire les fruits mais dont on laisse la biomasse sur place (ex. canne à sucre, bananiers, ananas,
etc.).
De nombreux systèmes agroforestiers partent des mêmes principes de cultures associées à
des lignes d’arbres élagués pour porter peu d’ombre et dont les racines sont taillées (par un labour
profond à 50 cm des pieds) très tôt pour qu’elles se développent en profondeur sans trop concurrencer
les cultures occupant le sous étage : c’est le cas des haies vives qui sont plantées très serrées (50 cm
en quinconce) et taillées 3 à 4 fois l’an, au début pour enrichir le sol sous la haie, mais ensuite pour
produire du fourrage en saison sèche et du paillage durant les pluies. La litière produite par ces
arbustes/arbres couvre la surface du sol, protège et renforce les agrégats contre l’agressivité des pluies
et alimente en nutriments assimilables les cultures associées.

3.5. Le travail du sol et les techniques culturales


Le travail profond du sol a été longtemps préconisé pour augmenter la production, enfouir et
maîtriser les mauvaises herbes, approfondir l’enracinement des cultures et favoriser la nutrition
hydrique et minérale des cultures. Depuis une vingtaine d’années, des opinions divergentes prétendent
que le labour, en aérant les horizons profonds, brûle les matières organiques du sol et accélère la
minéralisation des MOS, augmente temporairement leur production mais aussi leur érodibilité et leur
vitesse de dégradation. En effet, les sols des forêts ne sont jamais labourés et pourtant leur porosité,
leur MOS et leur fertilité augmentent grâce aux remontées biologiques par les racines, le travail des
insectes et la minéralisation des litières. Dans les systèmes traditionnels de culture sur jachère brulée,
le travail du sol est très réduit les premières années (Serpantié). Des systèmes modernes de travail du
sol réduit au m inim um et sem is sous litières ont été développés en zones tropicales (surtout en
Amérique latine) qui commencent par améliorer la porosité du sol (par labour mécanique ou éclatement
du sol), puis développent des rotations alternant légumineuses et céréales, les unes étant semées sous
la litière des précédentes ou même entre les rangs des autres avec un décalage d’un à deux mois.
L’accumulation des résidus de culture laissés à la surface du sol après la récolte accélère l’activité des
vers de terres, termites et autres fouisseurs qui au bout de quelques années retournent l’horizon
humifère, creusent une macroporosité plus stable que le labour, très efficace pour améliorer le drainage
et aérer les couches tassées par la battance des pluies et le poids des tracteurs. Au Maroc, sur des
terres semi-arides, Mrabet a observé que le système de semi direct sous litière (même réduite à 40 %
de couverture) améliore les qualités physiques et chimiques (MO, azote, phosphore et potassium) des
horizons superficiels et à moyen terme le rendement des cultures. Des plantes de couverture (de
préférence des légumineuses) assurent la protection contre l’érosion et la lixiviation des nutriments par
les eaux de drainage : elles peuvent parfois réduire la concurrence des adventices lors des premières
années de mise en place du système. L’usage d’herbicides chim iques rem place le labour mais
entraîne une sélection des mauvaises herbes résistantes, ce qui oblige de changer souvent d’herbicide.
Ces systèmes testés sur sols ferrallitiques sableux au Nord-Cameroun et Sud-Mali ont confirmé la
réduction du ruissellement et de l’érosion mais l’augmentation du drainage durant les semaines les plus
pluvieuses ; ils ont obligé les paysans à apporter 20 unités d’azote complémentaire pour compenser les
pertes par lixiviation des nutriments solubles (N et bases) (Diallo, Boli et Roose, 2004). Alors que la
production du coton s’est maintenue, la récolte du maïs a accusé une perte de 10 à 30 % par rapport au
système du labour conventionnel, en année humide, mais le coût du système de semis sous litière est
moins élevé que la technique de labour conventionnelle. La principale difficulté en Afrique tient aux
droits de parcours des champs dès qu’ils ont été récoltés, au pâturage et aux feux de brousse qui ne
permettent pas de garder les résidus de culture sur les champs en saison sèche. Il faut donc
développer un système de gestion des paysages en bosquets et clôtures de haies vives . En milieu
semi-aride méditerranéen, les résidus de culture sont valorisés par le bétail qui rapporte beaucoup plus
que la culture de céréales (Mrabet). On peut douter que ce système enthousiasme les paysans
éleveurs qui vont consacrer à la couverture du sol 40 à 80 % des résidus généralement utilisés par le
troupeau après la récolte.

3.6. L’élevage et les risques d’érosion (Hermelin, Sabir, Brochet e t a l. , 2011)


L’élevage est l’une des ressources financières importantes des paysans en particulier sur les
terres ingrates : c’est la caisse d’épargne des petits paysans des régions tropicales. Mais son impact
sur l’environnement n’est pas que positif (concentration des nutriments de la biomasse pâturée des
parcours dans le fumier disposé sur les cultures intensives). Hermelin montre comment en Bolivie, les
grands élevages remplacent les forêts, participent à la dégradation du couvert végétal, au tassement de
l’horizon superficiel (Thèse de Sabir) et à la naissance du ruissellement et des glissements de terrain
(terrassettes nommées pieds de vaches). Par ailleurs, le déplacement régulier des troupeaux depuis
les parcours vers les sources d’eau entraîne la formation de ravines profondes sur les terres en pente
(Roose, Sabir et Laouina, 2010. « L a g es tio n d u rab le de l’e a u e t d e la fe rtilité d e s s o ls a u M aro c . » IRD,
Montpellier, France, 350 p).
Par contre, l’élevage familial en enclos (ex. porcherie familiale, bergerie, poulailler) permet un
recyclage des résidus de culture et des ménages, la production de biogaz et de compost. Les contrats
de pâturage des résidus de culture et de parcage la nuit sur les champs à fumer ont l’avantage d’éviter
tout transport et manipulation du fumier : ce sont les animaux qui se déplacent et recyclent à la fois les
urines et les fèces : le labour rapide est alors indispensable pour éviter les pertes en azote gazeux. Ce
transfert de nutriments et de matières organiques favorise la croissance rapide des végétaux (et des
adventices) et par conséquent le recouvrement de la surface du sol et la dissipation de l’énergie des
pluies et du ruissellement.

Thèm e 4. Rôle des arbres sur la gestion durable de l’eau et de la fertilité des sols.
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4.1 La richesse des sols sous forêts
Quand les paysans cherchent de nouvelles terres, ils choisissent de préférence des terres
forestières sachant qu’elles seront plus productives que les terres sous savane. En effet les analyses
montrent qu’elles sont plus poreuses, plus perméables, mieux structurées, plus riches en une faune
diversifiée et en matières organiques, en azote, bases et phosphore assimilable, et plus résistantes à
l’érosion (Cruz en Dominique, Serpantié à Madagascar, Sabir et Roose au Maroc). La forêt est en effet
l’un des rares systèmes de production qui accumule des matières organiques et minérales dans sa
biomasse et dans les horizons superficiels du sol. Grâce à un double système racinaire superficiel et
profond, il recycle très rapidement les minéraux disponibles en surface (pluie et litière) et en profondeur
(eaux de drainage et altération des roches). De plus, la famille des légumineuses fixe l’azote de l’air. Le
sol n’étant remué que par la faune du sol, les matières organiques et les nutriments se concentrent
dans les horizons superficiels qui, avec la litière, protègent le sol contre l’agression des pluies, du
ruissellement et du soleil.
Le défrichement des sols forestiers entraîne une exportation des bois, le brûlage des fins
rameaux et de la litière, la minéralisation brutale des nutriments accumulés pendant des décennies, leur
exportation par le feu, le drainage, le ruissellement et l’érosion, un réchauffement et un dessèchement
du microclimat. En quelques années (2 à 20 ans selon la teneur en argile), le stock de MO accumulé
pendant des décennies est épuisé et le rendement des cultures baisse.

4.2 La restauration des sols et des forêts.


La démarche classique des forestiers devant des sols dégradés par les cultures et par l’élevage
est de rétablir la couverture forestière en choisissant des essences à croissance rapide (20 à 40 ans)
comme les pins, les eucalyptus, ou, plus récemment, des légumineuses comme les A c ac ias m a n g iu m ,
A . a u ric u lifo rm is , o u A . S e n e g a l, A . s e y a l, A . M e llife ra , B a u h in ia , P ilio s tig m a , o u de s C a su a rina
e q u is e tifo lia : elles sont choisies localement pour leur croissance rapide, leur forte production de
biomasse et l’amélioration du sol, en même temps que leur capacité à couvrir le sol d’une litière
protectrice contre l’érosion.
Plus récemment, on a démontré dans le R if au M aroc sur terres argileuses (sols bruns
calcaires ou vertisols) que les forêts naturelles de chênes du Rif séquestraient jusqu’à 100 t de C/ha sur
30 cm de profondeur, alors que le matorral parcouru par le bétail ne stockait plus que 74 %, les cultures
de céréales ou de cannabis que 54 %. Pour restaurer ce taux de stockage de carbone dans le sol, le
choix des forestiers se porte sur des plantations de pins ou d’eucalyptus (94 %) et celui des paysans
sur l’agroforesterie fruitière (71 %) (Sabir et Roose).
D ans le Haut A tlas de M arrakech , on a comparé sur cinq parcelles d’érosion (de 150 m!),
l’influence de la plantation de pins (40 ans) sur éléments de banquettes sur l’érosion et le ruissellement
en fonction du substrat rocheux magmatiques ou sur argiles permo-triassiques. Alors que le niveau
d’érosion est modeste (E= 0,2 à 2,5 t/ha/an) sur la majorité des versants rocheux à fortes pentes (25 à
60 %), elle atteint 350 t/ha/an sur ravine nue sur argile rouge, 1,1 t/ha/an sur parcours et 0,05 t/ha/an
sur plantation de pins sur banquettes bien entretenues. Lorsque les banquettes sont peu entretenues et
ensablées, le ruissellement et l’érosion reprennent aussitôt. (Cheggour e t a l .).
En R épublique D om inicaine, la capacité d’infiltration d’un sol minier planté en C a s u arin a
e q u is e tifo lia augmente avec l’âge de la plantation, mais reste inférieure à celle de la forêt naturelle
témoin. Sous A c a c ia m a n g iu m , l’infiltration reste plus faible et dépend de l’aménagement en terrasse
(Cruz César).
A u N ord-Vietnam , le gouvernement a favorisé l’abandon des cultures sur brûlis de manioc sur
les fortes pentes (acrisols argileux acides) pour des plantations d’arbres (A c ac ia m an g iu m , V e n itia
m o n ta n a , S ty ra s to n k in ie ns is o u E u c a lyp tu s ) et de fourrages. Après 6 années, les transports solides
d’un bassin sont passés de 9,5 à 0,5 t/ha/an. Le ruissellement est passé de 16 % sous manioc à < 5 %
sous les plantations arborées. L’activité des vers, très élevée sous les arbres et les jachères, est quasi
nulle sous manioc : les turricules semblent un facteur limitant le ruissellement et l’érosion car les vers
favorisent la structure et la rugosité de la surface du sol (Podwojewski et al.).

4.3 Création d’un système mixte forestier et agricole (taungya ou jatropha)


Il s’agit d’installer un systèm e forestier à rotation courte (12 ans) en vue de produire du bois
de chauffe, du charbon de bois ou des perches pour les habitations, à l’abri duquel on accepte la
culture de plantes (maïs, manioc, arachides, haricots) servant de nourriture aux populations locales.
Une fois les arbres couvrant la majorité du sol, l’exploitation agricole en couloir entre les jeunes arbres
n’est plus permise par les forestiers qui n’ont plus besoin de l’entretien de la plantation. Le but essentiel
des plantations d’arbres à croissance rapide est de produire de la cellulose, du bois de chauffe ou de
service, de protéger le sol contre l’érosion et d’améliorer ses propriétés. Des recherches ont eu lieu au
Nord-Cameroun pour montrer l’intérêt de jachères forestières plantées (Harmand, Peltier, 2011).
Un cas particulier est la production de biocarburan t à partir de la plantation de J a tro p h a
g u rc as (Pressoir en Haïti) ou de Palmier à huile en Indonésie (E la e is gu in e e ns is) sur des terres pauvres
ou dégradées peu utiles à l’agriculture. Durant les premières années, les cultures basses sont tolérées
en échange du sarclage de la plantation à but industriel. En H aïti, le Jatropha gurcas comestible
pourrait devenir une culture arbustive qui contribue à valoriser les terres sableuses marginales ou
dégradées impropres à l’agriculture, à protéger les mornes dégradés contre l’érosion et les chèvres
(haies vives) tout en produisant du biocarburant pour les centrales électriques, les réchauds, les lampes
et les véhicules, et du tourteau pour les animaux. Reste à démontrer que cette filière est rentable sur les
mauvaises terres et qu’elle ne va pas concurrencer les cultures vivrières sur les terres privées.
(Pressoir)

4.4 Systèmes agroforestiers


Il s’agit cette fois de développer des systèmes de production agricole qui s’appuient sur la
capacité des arbres ou des haies vives de protéger le sol, de produire des biomasses utiles comme
fourrage, bois de feu ou comme paillage ou engrais verts.
Sur les hauts plateaux de M adagascar , les sols ferrallitiques sont très pauvres et la
végétation réduite à une steppe graminéenne. Pour améliorer les divers paramètres de la fertilité, on a
installé des jachères à arbustes légumineuses (T e p hro s ia vo g e lii, C a llia n d ra c a lo th y rs us , F le m in g ia
c o n g es ta ) ;elles furent comparées à une steppe naturelle à Aristida. Au bout de 5 à 7ans de repos, on
a enfoui la biomasse dans le sol. La jachère à Tephrosia paraît la plus efficace pour améliorer
l’infiltration, la masse de pédofaune, la MOS, la porosité et le rendement en haricots (Razafindrakoto e t
a l. )
Sur les hautes collines du R w anda, Koenig a comparé pendant plus de 20 ans des systèmes
agroforestiers comportant jusqu’à 200 arbres par hectares cultivés sur des terres ferrallitiques très
pauvres du Rwanda. Parmi 32 espèces, G rev ille a ro bus ta e t C e d re lla s erra ta , espèces introduites, ont
poussé très vite au début, puis elles ont été dépassées par quelques espèces locales (M a e so p s is e t
P o ly s c ias fu lv a ). Ces plantations n’ont pas suffi à réduire suffisamment les risques d’érosion hydrique
(E= 250 t/ha/an sous culture de manioc + 200 arbres). Par contre, la plantation tous les 7 à 10 m,
perpendiculairement à la pente, de haies vives de L eu c a e n a le u c oc e ph a la , ou mieux sur ces terres
acides d’altitude, de C a llia n dra c a lo th y rs us a réduit le ruissellement à moins de 2 % et l’érosion à moins
de 2 t/ha/an. Ces arbustes ont été plantés en quinconce tous les 50 cm sur une étroite terrasse en
courbe de niveau. Dans un premier temps, la plantation de graminées (P e n n is e tu m , S e ta ria , etc.) en
amont a ralenti plus vite l’érosion (comme au Burundi), mais à moyen terme ces graminées ont réduit la
croissance des arbustes. Dès la première année, on taille non seulement les branches mais aussi les
racines superficielles (labour à 50 cm des troncs) des jeunes arbustes pour les maintenir très denses à
la base et on enrichit la terre entre les deux lignes par un « filtre » composé des déchets de labour, des
produits de la taille et des résidus de culture. Dès la seconde année, les haies réduisent le
ruissellement et l’érosion à des valeurs acceptables (1 % de l’érosion sur sol nu), mais le rendement
des cultures n’augmente pas tant qu’on n’y apporte du fumier/compost (10 à 20 t/ha/an en humide) et
des compléments minéraux (surtout N et P). Dans la zone de Butare, les haies sont taillées deux fois en
saison sèche pour produire du fourrage et deux fois en saison des pluies pour produire du paillage
répandu sur les champs une fois semés. Ces apports organiques protègent la surface du sol, boustent
les activités de la faune dans l’horizon humifère et la litière et recyclent des nutriments puisés en
profondeur. Entre ces « lignes de défense », le travail du sol en courbe de niveau pousse la terre vers
l’aval et crée en 4 à 6 ans des terrasses progressives et des talus protégés par les haies (Roose et
Ndayizigyié, Koenig, Diatta e t a l, ).
D ans un bassin arachidier du centre du Sénégal sem i-aride , un réseau de douze haies
vives, formées de onze espèces d’arbustes fréquemment utilisées, a été installé. Au bout de 4 ans, on a
observé que le stock d’eau du sol a été augmenté en amont des haies sur 1 m, mais les rendements en
arachides et surtout en mil sont rabaissés du fait d’une concurrence pour la lumière et les nutriments
par les arbres.

Thèm e 5. Spatialisation des risques des différents types d’érosion


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Tout projet d’aménagement antiérosif s’appuie sur un diagnostic du milieu, une analyse des
risques de divers types d’érosion qui aboutit à une spatialisation des risques d’érosion au niveau des
parcelles et des rivières. Il met en route une approche participative où les paysans intéressés sont
consultés et formés (Attia e t a l. , Delerue, Roose).
5.1. Diagnostic : accumulation d’informations
A Bibliographie. La première démarche dans l’organisation d’un projet est d’accumuler les
informations disponibles dans la littérature sur la situation géographique, le climat, la géomorphologie,
les sols, la lithologie et l’hydrologie de la zone du projet, la situation démographique et socio-
économique, l’origine et les compétences des populations, etc.
B. Une enquête auprès des villageois et des hommes ressources pour préciser les systèmes de
culture, d’élevage, d’énergie, de commerce, les types de sols associés à leurs usages, à leur potentiel
et leurs fragilités.
C. Une visite de terrain avec les exploitants permet de définir les segments fonctionnels des
toposéquences, les usages des terres, les types d’érosion et les techniques de gestion de l’eau et de la
fertilité des terres.
D. On organise alors une restitution des connaissances sur une première carte par village ou
groupe d’exploitants d’un versant ou d’un petit bassin versant (Delerue).

5.2. Définition des techniques de gestion de l’eau et de la productivité des sols (GCES)
A Enquête : types d’érosion observés, où sur la toposéquence, à quel moment de la saison,
comment se développe l’érosion ?
B. Recherche d’indicateurs des risques de ruissellement et d’érosion : pente, types d’érosion et
importance de chaque type, surface du sol dénudée, fermée par les croûtes de battance ou par
tassement, % de graviers et cailloux, couvert végétal, dénudation des tiges et troncs d’arbres (Thiet,
Pomel et al.)
C. Enquête sur l’efficacité des techniques de LAE, de gestion de l’eau, d’entretien ou de
restauration de la fertilité des sols : ce que font les paysans depuis longtemps, ce qui a été tenté
récemment, ce qu’on propose pour le futur.
D. Restitution et discussion.

5.3. Estimation des risques : USLE, interprétation d’images, SIG .


- Estimation des risques en fonction des indicateurs par simulations de pluies (Roose, Sabir, Cheggour,
Simonneaux).
- Estimation des risques par modélisation ( Leumbe, Desir, Duchaufour).
- Erosion en nappe (USLE)= Rpluies x Ksol x SLtopo x Couvert végétal x Ptech. Cult.
- Erosion en ravines (Daoudi+ Ozer).
- SIG cartes des paramètres intégration des classes de facteurs Carte intégrée des risques.
- Restitution et validation de la carte des risques.

5.4. Propositions d’aménagements spatialisés


- Plan en trois dimensions du terroir à aménager sur lequel on reporte les aménagements pour chaque
segment fonctionnel, (Leumbe)… + participation des intéressés à toutes les étapes.
- Proposition de l’usage ou du changement d’usage des terres.
- Cartes issues des SIG sur laquelle on propose divers aménagements possibles en fonction des
objectifs et des moyens des propriétaires des parcelles sur chaque segment fonctionnel (Boualem/
Mazour, Abdelbakhi, Attia e t a l. ).
- Restitution et discussion des cartes d’aménagement Plan d’aménagement par micro-bassin.

5.5. Suivi et évaluation.


- Avant chaque saison, définition des aménagements dont la réalisation est prévue en priorité.
- Apres chaque saison, on reporte sur le plan d’aménagement, les aménagements réalisés.
- Evaluation de la mise en place (sérieux du travail) et de l’efficacité des aménagements.
- Reprise et renforcement des travaux qui n’ont pas résisté aux averses, ou choix d’un autre
aménagement.
- Evaluation du coût de chaque aménagement (temps de travaux + matériels + consommables) et des
bénéfices dûs aux aménagements.
- Projet des réalisations souhaitables pour la saison suivante.
- Bilan après chaque saison culturale.

Thèm e 6 : les aspects socio-économ iques de la lutte antiérosive (LAE)

Les problèmes d’érosion ne sont pas seulement techniques : ils dépendent largement de la
façon dont les paysans et les techniciens perçoivent les problèmes et les solutions proposées en
fonction de leur histoire (sont-ils agriculteurs, éleveurs, péri-urbains ?), de la difficulté de leur vie
(pauvreté, instruction limitée), des moyens économiques dont ils disposent et des pressions socio-
économiques et culturelles auxquelles ils sont soumis.

6.1. Perception paysanne des problèmes d’érosion et de dégradation des sols


Les paysans vivant sur les collines constatent clairement que les sols cultivés sans
investissement deviennent pauvres et incapables de les nourrir. Du fait de leur pauvreté (Smucker), ils
sont amenés à prendre des décisions qui entraînent la dégradation du milieu (par ex. réduction de la
durée de la jachère, brûlis des zones boisées trop pentues pour des cultures annuelles). Les causes de
cette dégradation (l’énergie des gouttes de pluie, l’érosion en nappe et la minéralisation des MO) sont
mal perçues. Ce n’est que lorsque le sol est déjà fort dégradé (rigoles), qu’ils discernent les effets de
l’érosion : amaigrissement de la couche humifère, instabilité de la structure et tassement, ruissellement
abondant et ravinement, assèchement et perte de productivité de la terre. Devant les glissements de
masse, le petit paysan est encore plus démuni. L’érosion apparaît comme une fatalité liée aux excès
d’intensité des pluies plutôt qu’au mode de gestion des terres fragiles, car de toute façon il n’a que le
choix d’étendre ses cultures à des terres marginales (Ratsivalaka, Smucker).

6.2 Perception paysanne des solutions aux problèm es d’érosion


Les sociétés rurales ont développé de nombreuses techniques antiérosives traditionnelles plus
ou moins efficaces selon la zone écologique et acceptables surtout lorsque les travaux sont réalisés
dans le cadre de groupement d’intérêt local (versant, petit bassin, petit projet d’irrigation). Pour que des
innovations puissent être acceptées, il faut qu’elles comportent peu d’investissement financier (rôle très
discuté des incitations), que leur efficacité soit rapide (démonstrations en situation paysanne), que le
supplément de travail soit rentable à court terme, que l’appui technique et financier soit durable
(renforcement des structures) (Duplan, Ratsivalaka, Smucker, Peltier, etc.).
La plupart des évaluations à postériori ont montré que les paysans préfèrent les techniques
traditionnelles qu’ils connaissent (Zeckri , Peltier et al., Ratsivalaka, Amadou, Duchaufour) ou tout au
moins des techniques traditionnelles améliorées, moins chères, discontinues et semi-perméables
(cuvettes et cordons de pierres ou haies plutôt que banquettes) et plus facilement entretenues par les
groupements paysans exploitant une même niche. Pour que ces aménagements soient efficaces sur la
prévention des inondations, il faut qu’ils soient généralisés à l’ensemble d’un bassin versant et qu’ils
ouvrent la voie à des nouveaux débouchés entraînant l’amélioration du niveau de vie des populations
(Smucker, Walker e t a l. , Peltier e t a l. , Ha e t a l , Sene) et, en particulier, des femmes qui assurent
souvent plus de 75 % des travaux et sont en recherche de ressources financières pour la survie de leur
famille.

6.3. Les pressions démographiques et foncières


Les pressions démographiques et foncières sont souvent citées comme la cause de l’extension
des cultures à des terres marginales (trop pentues, trop fragiles) entraînant forcément une
augmentation des risques de dégradation par les divers types d’érosion (Smucker, Ha e t
a l. ,Ratsivalaka, Descroix e t a l. ). Le mode d’exploitation des terres est aussi important car si chaque
paysan a hérité d’un lopin de terre, il est obligé de louer un complément de surface pour assurer sa
sécurité alimentaire.
D’autres voix clament qu’au contraire (thèse Bosrup), plus il y a de monde à la campagne et
plus la terre peut être soignée, exploitée intensément aboutissant à une excellente couverture végétale
du sol (cultures associées, agroforesterie, parcs arborés cultivés, rotations rapides, cultures pérennes
associées à des cultures sarclées, concentration des soins à la terre et recyclage des déchets de toute
sorte). L’exemple des bananeraies du Burundi et du Rwanda montre que sur les terres riches
(volcaniques) ou tout au moins sous des climats suffisamment humides (montagnes), plus la population
est abondante et moins on observe d’érosion (Duchaufour). Par ailleurs, si pour diverses causes (ex.
guerre civile au Burundi), les populations émigrent et que la terre retourne à l’état sauvage, on observe
une baisse de la densité de population et une recrudescence des problèmes d’érosion et d’inondation
(Rishirumuhirwa).
Enfin, ce sont dans les zones les plus densément peuplées, généralement les plus salubres et
agréables (zones montagneuses, volcaniques ou semi-arides), qu’on observe la plus grande diversité
de techniques traditionnelles de gestion de l’eau, de la biomasse et de la fertilité des terres (ex. Haut
Atlas, Rif, Burundi).

6.4. Evolution historique des stratégies de lutte antiérosive (LAE)


Depuis l’époque coloniale, les stratégies de protection des ressources en eau et en sol ont
beaucoup évolué (Walker e t a l. , Smucker, Lilin, Roose). Jusque vers les années 1960, c’est le pouvoir
central qui imposait des techniques mécaniques de petite hydraulique rurale (banquettes, terrasses,
seuils dans les ravines) en vue de réduire l’érosion sur les versants, la destruction des équipements
urbains, les inondations dans les plaines et l’envasement rapide des barrages. Vu l’absence d’entretien
par les bénéficiaires, les ONG ont commencé à prendre en compte l’efficacité des techniques
biologiques mieux connues des paysans. Mais tant que le choix des opérations ne vise que la LAE, les
paysans s’intéressent aux projets (trop courts) mais cessent d’entretenir les aménagements dès la fin
du financement. Une troisième étape commence vers les années 1990, lorsque les projets sont basés
sur le développement participatif du milieu rural comportant un diagnostic fin des processus en cause et
des besoins des paysans, l’expérimentation des solutions affinées par les groupements de paysans en
dialogue avec des animateurs, le choix de systèmes de cultures mieux rémunérés, l’intensification de la
production en relation avec une amélioration des conditions environnementales et évaluation par les
paysans et les spécialistes (ex . Brochet, Lilin, Roose). Devant l’impossibilité de traiter toute la surface
des bassins versants, la tendance actuelle est de commencer par capter le ruissellement et les
sédiments érodés dans les ravines humides où est installé un système de production très intensif qui
améliore les revenus des paysans (arbres fruitiers, élevage et cultures associées) et réduit les risques
d’inondation des plaines. Par la suite, la stabilisation des versants est entreprise progressivement avec
des méthodes biologiques. Les interventions s’adressent à un groupement de paysans valorisant un
site aménagé (qui a intérêt à l’entretenir) ; le projet prend en charge la formation des entrepreneurs,
assure le commerce des intrants et oriente la production vers un marché d’avenir et vers la sécurité
alimentaire. En retour, les déchets des agglomérations pourraient être compostés et améliorer le bilan
des MO des terres cultivées en faveur des villes (Fernandes e t a l. ) : cependant, vu le poids du compost
et sa pauvreté chimique (coût par unité de nutriments), il est nécessaire de compléter le bilan nutritif par
un apport complémentaire d’engrais minéraux plus concentrés.
CD-ROM
MAC - PC
Mots-clés
Zones tropicales montagneuses, lutte antiérosive, restauration
des sols, protection contre les pluies cycloniques, agroforesterie,
techniques culturales, gestion de la biomasse, dynamique de
l’eau, spatialisation des risques, aspects socio-économiques.

Face à la pression démographique et foncière dans les pays en développement, la


productivité des terres connaît actuellement une forte baisse dans de nombreuses
régions tropicales. Par ailleurs, la succession rapprochée des tempêtes cycloniques
entraîne l’appauvrissement extrême de certaines populations du fait de la dégradation
des terres et des inondations des plaines où se développent les principales agglomérations.
Telles sont les problématiques étudiées par l’IRD et le réseau Érosion de l’AUF dont
ce CD présente les derniers travaux. Initialement réunies dans la perspective d’un
colloque à Haïti (annulé suite au séisme de 2010), les contributions publiées ici
portent sur des études de cas à Haïti, mais aussi à Madagascar, au Maghreb ou au
Vietnam, soit au total une soixantaine de communications et une série de
documents récents issus des réflexions des experts. Structuré en six thèmes, ce CD
constitue ainsi une source bibliographique précieuse pour les décideurs, les experts,
les ONG, les acteurs de la société civile et les chercheurs concernés par la gestion
durable de l’eau et la restauration de la productivité des sols (GCES).

ISBN 978-2-7099-1728-5
IRD
ISSN 0767-2896
44, bd de Dunkerque
13572 Marseille cedex 02
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