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La Pollution Marine
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LA POLLUTION MARINE
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David Goeury
Sorbonne Université
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All content following this page was uploaded by David Goeury on 25 September 2018.
LA POLLUTION MARINE
La pollution marine est définie comme l’introduction directe ou indirecte de déchets, de
substances, ou d’énergie, y compris de sources sonores sous-marines d’origine humaine, qui
entraîne ou qui est susceptible d’entraîner des effets nuisibles pour les ressources vivantes et
les écosystèmes marins, avec pour conséquence, un appauvrissement de la biodiversité, des
risques pour la santé humaine, des obstacles pour les activités maritimes, et notamment la
pêche, le tourisme et les loisirs ainsi que les autres utilisations de la mer, une altération de la
qualité des eaux du point de vue de leur utilisation, et une réduction de la valeur d’agrément
du milieu marin.
On distingue la pollution générée par les substances chimiques et celle produite par les
déchets aquatiques. Les déchets aquatiques comprennent tout solide ménager, industriel,
naturel qui se retrouve dans l’environnement maritime et côtier. Ils peuvent être de nature très
variée : déchets flottants en surface ou dans la colonne d’eau, déchets déposés dans les fonds,
déchets échoués sur les plages et sur le littoral.
80% de la pollution marine est d'origine terrestre. Les polluants sont transportés par le
ruissellement des eaux suivant la dynamique des bassins versants mais aussi par l'air du fait
du régime des vents, les surfaces marines recevant de nombreux dépôts atmosphériques. Or
des phénomènes de saturation génèrent des désordres écologiques grandissant au point de
menacer toutes les autres activités.
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Goeury D., 2014, "La pollution marine", in Woessner Raymond (dir.), Mers et océans, Paris : Atlande, Clefs concours.
l’humanité. Cette configuration amène la délocalisation des activités les plus polluantes vers
des États en voie de développement où la main-d’œuvre est à la fois peu coûteuse et où
l’administration et les habitants n’exigent pas un contrôle strict de la pollution. Ainsi, il est
possible de suivre les chantiers de démolition des navires mais aussi le déplacement des
déchets hospitaliers qui circulent d’Europe du Nord vers l’Europe du Sud puis vers des
territoires sous l’autorité d’États faillis comme la Somalie ou la Côte-d’Ivoire durant la guerre
civile.
Cette stratégie du déversement connaît aujourd'hui des limites. La croissance
démographique et économique se concentre sur les littoraux amenant à une saturation des
milieux marins en éléments exogènes au point d'altérer profondément les écosystèmes et de
menacer même le développement économique. Par ailleurs, par le jeu des courants marins et
atmosphérique, la pollution gagne l'ensemble des océans, se concentrant même dans des
angles morts de l'œcoumène, comme le gyre du Pacifique Nord.
Une origine à 80% terrestre
Les pollutions liées aux activités maritimes sont souvent les plus médiatiques, à l’image
des marées noires, mais elles représentent peu de choses vis-à-vis des pollutions d’origine
terrestre. Par ailleurs, leur impact est beaucoup plus faible à long terme.
La pollution principale est le fait des pollutions urbaines, industrielles ou agricoles. Ces
pollutions terrestres sont continues, concernent des volumes croissants et ont un impact
grandissant.
La première est le fait de la pollution urbaine. Les grandes agglomérations côtières ou
fluviales rechignent à s’équiper de systèmes de collecte et de retraitement des déchets et des
eaux usées performants. Elles doivent disposer d’un niveau de richesse suffisant pour investir
dans ce type d’équipement. Dans les pays avancés, le processus d’équipement des
agglomérations est très récent. Dans les pays en développement, il est toujours en cours. Ainsi
au Maroc, l’agglomération de Casablanca s’est équipée d’une structure dédiée aux rejets
industriels seulement en 2013. L’agglomération d’Agadir, station balnéaire internationale, ne
dispose pas de station d’épuration efficace en 2014. Dans les pays à très forte croissance
urbaine et économique comme la Chine, les infrastructures sont totalement insuffisantes pour
absorber la masse des rejets industriels. Les États doivent disposer d’un niveau de
développement suffisant pour mener des politiques de diminution des rejets en mer mais cela
passe aussi le plus souvent par la délocalisation des activités les plus polluantes. Le Japon fait
figure de cas d’école : les grandes baies dédiées aux complexes industrialo-portuaires comme
celle de Tokyo, de Nagoya ou d’Osaka étaient saturées d’agents chimiques avec les cas des
boues oranges notamment. Les mouvements d’habitants des années 1960 ont exigé une
réglementation plus stricte sur la pollution marine ; or celle-ci se met en place lorsque de
nombreuses activités débutent un processus de délocalisation dans d’autres États d’Asie.
Ces pollutions hydriques sont doublées d’une pollution atmosphérique complexe. De
nombreux polluants industriels sont volatils et persistants : pesticide comme la toxaphène,
métaux lourds comme le plomb ou le mercure, les PCB ou polychlorobiphényles comme le
pyralène ou la dioxine (issue de la combustion des déchets). Leur usage et leur production ont
été limités mais ils sont peu biodégradables. Ces polluants se dégradent d'autant plus
lentement que les eaux sont froides amenant à une pollution très élevée de l’Arctique du fait
de la proximité des régions industrielles. De même, le nuage chinois couvre désormais toute
la mer de Chine.
Parallèlement, la pollution agricole prend une place croissante. L’intensification de la
production s’est traduite par l’usage croissant d’intrants et de pesticides. Or, souvent non
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Goeury D., 2014, "La pollution marine", in Woessner Raymond (dir.), Mers et océans, Paris : Atlande, Clefs concours.
consommés par les plantes, ils sont lessivés par les pluies et s’infiltrent dans les nappes
phréatiques avant des gagner les rivages par les cours d’eau.
Une mécanique de diffusion complexe
Les polluants circulent selon un double processus de diffusion horizontale et verticale. Les
courants et les vents portent les différents polluants sur des milliers de kilomètres.
Parallèlement, les polluants peuvent se sédimenter avant d’être remis en suspension. Les plus
légers sont transportés par les embruns. Enfin, certains peuvent connaître un processus de
volatilisation et ainsi regagner l’atmosphère. Certains produits considérés comme
biodégradables comme des plastiques se fragmentent en minuscules particules qui se
mélangent aux sédiments mais qui peuvent aussi être absorbés par le plancton. Ainsi des
prélèvements faits le long des côtes britanniques révèlent que tous les planctons contiennent
des fragments de nylon, polyester et polyéthylène.
Les plastiques composent plus de 80% des déchets océaniques. Ils ont longtemps été
considérés comme non dangereux car d’une très grande inertie chimique, donc a priori non
toxiques. Or, leur résistance pose des problèmes majeurs d’abord aux espèces animales
comme les tortues (85%) ou les oiseaux dont l’estomac est souvent rempli de plastique
générant de nombreuses occlusions intestinales. 100 000 mammifères meurent d’étouffement
et 1 million d’oiseaux.
Si le plastique est inerte, la plupart d'entre eux sont associés à des additifs qui représentent
jusqu’à 50% de la masse de l’objet. Or ces derniers sont très actifs (phtalates, ignifugeants,
bisphénol A…). Par ailleurs, les plastiques concentrent les polluants organiques persistants
comme les polychlorobiphényles (PCB). Ces molécules hydrophobes se fixent sur les
plastiques qui jouent alors le rôle de concentrateurs, certains plastiques présentant alors des
taux de plus d’un million de fois celui des eaux environnantes. Ce phénomène expliquerait
alors la concentration de nombreuses molécules dans la chaîne alimentaire. Ainsi, alors que la
substance est très faiblement concentrée dans l’eau, elle apparaît comme très fortement
présente dans des populations humaines isolées se nourrissant de nombreux animaux marins
comme les Inuits canadiens dont les taux de contamination sont très supérieurs à la moyenne
canadienne. Par ailleurs, malgré l’arrêt progressif de l’usage de certaines substances dans les
années 1980, les PCB persistent et se retrouvent encore dans l’environnement, du fait des
lents processus de diffusion entre sédimentation et remise en mouvement.
Enfin, les objets flottants de plastiques permettent la mobilité accrue de certaines espèces
invasives comme des hydrozoaires, mollusques ou vers polychètes. Ainsi, leur vitesse de
propagation aurait doublée dans les mers chaudes et triplée dans les mers froides du fait de la
plus lente décomposition du plastique.
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Goeury D., 2014, "La pollution marine", in Woessner Raymond (dir.), Mers et océans, Paris : Atlande, Clefs concours.
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Goeury D., 2014, "La pollution marine", in Woessner Raymond (dir.), Mers et océans, Paris : Atlande, Clefs concours.
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Goeury D., 2014, "La pollution marine", in Woessner Raymond (dir.), Mers et océans, Paris : Atlande, Clefs concours.
Les passagers clandestins : une nouvelle menace aux effets locaux désastreux
La menace d’invasion écologique est considérée comme très importante par l’OMI. Les
eaux de ballast des navires transportent jusqu’à 7 000 espèces. Naturellement, le changement
de température entre les ports de départ et les ports d’arrivée, les contextes éco-systémiques
différents freinent le développement de ces nouvelles espèces. Cependant, régulièrement
certaines réussissent à s’adapter à ce nouvel environnement bénéficiant de condition
climatiques favorables et surtout de l’absence de prédateurs. En quelques années, elles
colonisent le nouvel espace transformant radicalement les équilibres écologiques. Ces
clandestins sont particulièrement redoutés notamment dans les milieux fragiles car fermés
(îles, mers fermées).
Un des premier cas étudié apparaît au milieu des années 1980 : une espèce américaine de
cténophore (Mnemiopsis leydii), animal proche de la méduse, est introduite en mer Noire.
Elle prolifère et consomme le plancton disponible et particulièrement les larves et œufs de
poissons. Les populations d’anchois, de sprats et de harengs chutent de 90%, ruinant des
milliers de pêcheurs privés de plusieurs centaines de millions de dollars de revenus. Il faut
attendre 1997 et l’arrivée d’un prédateur, un autre cténophore (Beroe ovata) qui se nourrit
essentiellement de Mnemiopsis pour que les populations se stabilisent.
Les espèces clandestines circulent aussi via les deux canaux artificiels, Panama et Suez.
Entre la mer Rouge et la Méditerranée, ils sont désignés comme des migrants lessepsiens
(référence à Ferdinand de Lesseps, le promoteur du canal de Suez). Leur progression est
observée notamment comme les emblématiques barracudas de la mer Rouge, aujourd’hui
présents au large des côtes provençales.
Le rôle de l’OMI, un arsenal juridique de plus en plus complet
L’Organisation maritime internationale créée en 1948 agit dans un premier temps contre la
pollution et notamment celle provoquée par le transport des hydrocarbures.
Elle adopte la première convention internationale pour la prévention de la pollution des
eaux de la mer par les hydrocarbures en 1954 et l’amende en 1962 et 1969. Cependant, ces
législations étant dépassées par les naufrages successifs, l’OMI élabore la Convention
internationale pour la prévention de la pollution par les navires en 1973, dite MARPOL (pour
marine pollution). Elle est régulièrement amendée et devient le cadre de référence. Elle traite
de toutes les formes de pollution intégrant les hydrocarbures à toutes les autres substances
nocives, liquides ou sous forme de colis, les eaux usées et les ordures des navires et la
pollution de l’air. Parallèlement, elle légifère sur les modalités d’intervention en haute mer en
cas d’accident de pollution par les hydrocarbures en 1969, puis sur le préparation, la lutte et la
coopération contre les événements de pollution par les substances nocives et potentiellement
dangereuses en 2000. Enfin, elle pose le cadre de la responsabilité civile en cas de dommage
dus à la pollution en 1969 créant le premier FIPOL*. Cette convention est complétée et
déclinée en 1971 pour le transport des matières ou du matériel nucléaire, puis en 1996 pour
tous les dommages liés au transport des substances nocives ou potentiellement dangereuses,
en 2001 sur la pollution par le pétrole de soute et enfin en 2007 sur l’enlèvement des épaves.
L’OMI développe aussi son arsenal juridique au fur et à mesure de l’affirmation de
nouvelles menaces pour l’environnement. Ainsi, en 1972, est signée la convention sur la
prévention de la pollution marine par immersion de déchets et d’autres matières. A partir des
années 2000, elle tente de généraliser la lutte contre les espèces invasives avec en 2001, une
convention sur le contrôle des nuisibles fixés aux coques des navires puis en 2004, une
réglementation sur les eaux de ballast et sédiments. Enfin, en 2009, le recyclage des navires
est contrôlé.
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Au niveau international désormais, aucune matière plastique ne peut être rejetée en mer.
Seuls certains déchets listés spécifiquement peuvent être rejetés à distance des côtes dans des
zones spéciales. Les navires (hors navires de pêche et bateaux de plaisance pouvant
transporter jusqu’à 12 personnes) doivent fournir la liste de leurs déchets au moins 24 heures
avant l’arrivée au port et les déposer dans des infrastructures mises à disposition. Les plus
gros navires doivent également tenir un registre des ordures, mentionnant la date et la position
de toutes les opérations de rejet, d’incinération, et mettre en place un plan de gestion des
déchets.
Enfin en 2010, à la conférence de Nagoya, les États s’engagent à réduire la pollution et à
lutter contre les espèces exotiques envahissantes et à mettre en œuvre dès 2015 des plans
d’action nationaux participatifs.
La régionalisation une étape avant la mondialisation
La difficulté d’établir des protocoles mondiaux de lutte contre la pollution a favorisé la
multiplication de conventions régionales : Atlantique du Nord-Est (Oslo 1972, Paris 1974,
devenue OSPAR en 1992), mer Baltique (Helsinki 1974), Méditerranée (Plan d’action pour la
Méditerranée en 1975 puis Barcelone 1976), Antarctique (1980), Mer Rouge et Golfe d’Aden
(Djeddah 1982), Caraïbes (Carthagène 1983), Afrique de l’Est (Nairobi 1985). Ces
conventions visent à la fois à lutter contre les pollutions notamment par les hydrocarbures
mais aussi à proposer un cadre raisonné d’exploitation des ressources halieutiques. Désormais
ces conventions sont intégrées dans le Programme des mers régionales sous le patronage du
PNUE.
Ainsi, les États bordiers d’un même espace maritime négocient directement entre eux. Les
rapports de force régionaux permettent aux États les plus puissants d’imposer une législation
aux États les plus faibles. Les coûts sont alors compensés par des accords commerciaux et des
aides publiques au développement.
Les États européens, dans le cadre du processus de construction d’une Union européenne
sont particulièrement actifs. La gestion des espaces maritimes entrant soit dans le cadre de la
politique communautaire ou de la politique de voisinage. Dans tous les pays européens, après
une évaluation initiale permettant d’évaluer la quantité et la nature des déchets en 2012, un
programme de surveillance doit être établi en 2014, et des mesures mises en œuvre en 2016.
Cette stratégie collective est déclinée par espaces maritimes. Ainsi, les pays de l’Atlantique du
Nord-Est (OSPAR) se sont engagés à analyser la quantité et la nature des déchets sur les
plages et à inciter les pêcheurs à développer le ramassage des déchets dans le cadre de leur
activité ou fishing for litter. La mer Méditerranée est la première mer régionale à disposer
d’un véritable programme de protection et de conservation. D’abord construit autour de
protocoles communs aux États bordiers, en 1995, il est constitué autour d’objectif de
réduction de la pollution, de développement durable et de solidarité entre les États. Le
différentiel de développement devait être compensé par des programmes conjoints.
Aujourd’hui, les partenariats sont suspendus par l’état de guerre qui règne dans plusieurs
États.
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Or, selon le PNUE, les pollutions marines par déversement d’hydrocarbures ne se limitent
pas aux spectaculaires marées noires, liées à un accident technologique. Ces dernières ne
représentent que 8% de la pollution et l’extraction offshore seulement 3%. L’essentiel de la
pollution est le produit des fuites naturelles (47%), du dégazage des navires (21,6%), des
sources terrestres (11%). Or, ces sources sont beaucoup plus diffuses et ne se voient pas
brutalement sur les côtes comme les accidents de navigation ou de plate-forme. Par ailleurs,
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Goeury D., 2014, "La pollution marine", in Woessner Raymond (dir.), Mers et océans, Paris : Atlande, Clefs concours.
selon les statistiques du Lloyd Register Fairplay, les normes internationales de plus en plus
strictes ont entraîné une diminution des accidents.
De fait, l’importance donnée à ces catastrophes vient avant tout de la complexité juridique
des dossiers. La prise en charge des frais de nettoyage et des dommages et intérêts versés aux
autres exploitants du milieu marin ont donné lieu à de longs débats amenant à une
modification des législations nationales et internationales.
Ces naufrages s’inscrivent dans un nouveau contexte économique. Le risque géopolitique
d’une fermeture du canal de Suez après 1956 pousse les armateurs au gigantisme des navires
pétroliers. Or, les conséquences de leurs naufrages sont mésestimées. Premièrement, ces
bateaux se révèlent difficilement maniables et surtout nécessitent de nouveaux moyens
techniques pour leur porter secours. Deuxièmement, les volumes transportés génèrent des
pollutions démesurées dans leur emprise spatiale impactant plusieurs centaines de kilomètres
de côtes. Outre les dégâts écologiques se pose aussi avec acuité la question de la coexistence
des différentes activités maritimes et des menaces que font peser les activités de transport ou
d’extraction d’hydrocarbures sur les activités côtières, pêche, ostréiculture et tourisme
principalement.
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États membres. Ce régime d’indemnisation des victimes vient pallier les carences observées
lors de l’accident du Torrey Canyon. Il est placé sous l’égide de l’OMI. L’ampleur et la
récurrence des catastrophes, amènent à une extension du FIPOL*. Il est complété par deux
autres organisations internationales, le Fonds de 1992 et le Fonds complémentaire pour
répondre à l’inflation des montants d’indemnisation notamment suite aux sinistres de l’Erika
et du Prestige.
Ces fonds sont financés par les entités qui reçoivent certains types d’hydrocarbures par
voie maritime au prorata des quantités reçues au cours de l’année civile concernée. Les
FIPOL* sont intervenus dans 147 sinistres de 1978 à 2014 (134 sont juridiquement considérés
comme clos). Il regroupe actuellement 113 États membres. Si les États enclavés ne se sentent
pas concernés, plusieurs États refusent toujours de rejoindre l’organisation : les États sous
embargo comme Cuba, la Corée du Nord, le Myanmar, mais aussi des États faillis comme la
Somalie et surtout la Thaïlande et les États Unis. Ce dernier État préférant conserver son
autonomie juridique.
Amoco Cadiz, réaction nationale et procès international
L’Amoco Cadiz, qui fait naufrage en 1978 sur les côtes bretonnes, amène les pouvoirs
publics français à proposer une nouvelle gestion du risque avec la création du plan POLMAR
(Pollution maritime). Le principe est d’assurer la mobilisation coordonnée de toutes les
ressources publiques et privées (pêcheurs, agriculteurs) pour contenir la pollution. 13 centres
de stockage et d’intervention sont créés, 8 en France métropolitaine, 5 en outre-mer. Ils
disposent d’un matériel d’intervention entretenu et assurent la formation des individus lors de
simulation. Parallèlement, un réseau d’experts est constitué autour du Cedre, Centre de
documentation, de recherche et d’expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux.
Cette association regroupe administrations d’État, collectivités locales, centre de recherche et
acteurs privés (syndicats, entreprises). Elle a pour objectif de soutenir les autorités lors de
catastrophes écologiques en diffusant les bonnes pratiques et les innovations technologiques
et organisationnelles.
Cependant, la mobilisation des moyens nationaux laisse ouverte la question du
remboursement des frais de dépollution. L’armateur Amoco étant américain et donc d’un État
non membre du FIPOL*, il faudra quatorze années de procès pour qu’en 1992, la Cour
d’appel fédérale américaine reconnaisse la responsabilité d’Amoco transport. En effet,
l’armateur a rechigné durant plusieurs heures à accepter l’aide du remorqueur le Pacific, du
fait des surcoûts entraînés. Il est condamné à verser 1 257 millions de francs d’indemnités aux
communes et à l’État français, soit la moitié du préjudice causé. La taille du navire et les
mauvaises conditions météorologiques avaient entraîné le déversement de près de 220 000
tonnes de pétrole brut, annihilant la production annuelle de produit de la mer de l’année pour
les riverains et réduisant de près de 50% le nombre de nuitées hôtelières.
Exxon Valdez, une législation américaine et un procès fleuve
Les États-Unis se dotent d’une législation spécifique après la catastrophe de l’Exxon
Valdez en 1989. Le congrès proclame l’Oil Pollution Act en 1990 qui est amendé en 1992
pour imposer une structure de double coque à tous les pétroliers circulant dans les eaux
territoriales américaines. Parallèlement, s’ouvre une importante séquence juridique sur la
question de l’amende que doit verser Exxon. Il faut préciser que toutes les parties prenantes
sont américaines. Immédiatement après l’accident, Exxon tente d’assumer les conséquences
de la catastrophe en employant onze milles personnes dans une zone peu accessible et peu
peuplée, auquel s’ajoute la mise à disposition de matériel pour les dizaines de milliers de
volontaires. L’entreprise débourse donc 135 millions de dollars en 3 mois. Au final, en 1996,
Exxon aura dépensé pas moins de 2,5 milliards de dollars. Cependant, cette stratégie
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Goeury D., 2014, "La pollution marine", in Woessner Raymond (dir.), Mers et océans, Paris : Atlande, Clefs concours.
n’empêche pas la compagnie d’être poursuivie par le gouvernement fédéral, l’État d’Alaska et
de nombreuses parties civiles. Tout le débat porte sur l’ampleur de l’amende visant à
sanctionner Exxon. Si dans un premier temps, Exxon est condamné à une amende de 5
milliards de dollars, l’entreprise se lance dans une intense bataille juridique, mobilisant son
réseau politique via le lobby pétrolier pour obtenir une annulation de cette sanction par la
Cour suprême en 2008. Dès lors, les sanctions seront limitées à 507 millions de dollars
incluant les frais de justice et les intérêts. Exxon obtient gain de cause en plaidant l’absence
de volonté de nuire et surtout son implication dans la prise en charge des frais de dépollution.
L’entreprise signe parallèlement un accord avec les professionnels de la mer et ainsi se
retrouve en position de force vis-à-vis des associations écologiques qui souhaitent des
amendes dissuasives sanctionnant lourdement les pollutions par hydrocarbures.
Erika et Prestige, la question du préjudice écologique, un débat toujours ouvert
Les catastrophes au large de côtes très touristiques amènent à des batailles juridiques de
grande ampleur et à un durcissement de la législation. Pourtant, en Europe, les catastrophes de
l’Erika en décembre 1999 et du Prestige novembre 2002 connaissent des destins divergents.
Dans le cas premier, le rapport de force entre le groupe Total et les pouvoirs publics prend
une dimension hautement politique. Les régions touchées, les départements et les communes
se sont constituées parties civiles. La pression de l’opinion publique est très forte. Plusieurs
candidats à la présidentielle de 2007, dont certains sont des élus locaux des régions touchées,
assistent à l’ouverture du procès. Total est condamné en première instance à la peine
maximale. Il doit prendre en charge l’intégralité des frais de nettoyage et de pompage du
pétrole et surtout à payer 200 millions d’euros au titre des dommages et intérêts dont 13
millions au titre du préjudice écologique. La société soucieuse de préserver son image accepte
de prendre en charge l’intégralité des frais de nettoyage et d’indemniser les parties civiles
lésées, mais elle tente de faire annuler sa responsabilité en plaidant que l’Erika se trouvait
dans la zone économique exclusive et que le procès aurait dû, selon la convention MARPOL,
se tenir dans l’État du pays du pavillon, soit Malte et non la France. En 2012, la cour de
cassation rejette cette demande et condamne définitivement l’entreprise. Le procès a donc
reconnu le principe des préjudices écologiques en France. Cependant, cet acquis reste fragile.
A contrario, dans le cas du Prestige, les parties civiles françaises ne peuvent pas se
prévaloir du principe du préjudice écologique absent de la législation espagnole. Par ailleurs
en 2013, malgré 1 500 plaignants regroupés en 55 parties civiles, les demandes des États
français et espagnol de 4 milliards d’euros d’indemnisation, le tribunal de La Corogne rejette
les demandes d’indemnisation au titre des dommages et intérêts, en l’absence de responsable
reconnu. Les États se sont pourvus en en cassation devant la Cour suprême espagnole. Cette
décision juridique révèle les fragilités de la législation espagnole et le manque de convergence
juridique à l’échelle européenne.
Deepwater Horizon, 2010, une victoire pour le tourisme balnéaire américain
La catastrophe Deepwater Horizon pose la question du forage pétrolier. Suite à une
explosion le 20 avril 2010, la plate-forme coule, libérant un flux de pétrole continu dans le
golfe du Mexique, au rythme de plusieurs millions de litres par jour. Une nappe se déploie sur
des milliers de kilomètres carrés pour atteindre 24 000 km² au bout de deux semaines et glisse
progressivement vers l’Est pour se déverser dans l’océan Atlantique, menaçant alors les côtes
de Floride et ses stations balnéaires. Outre les dommages écologiques, ce sont l’ampleur des
dommages économiques qui vont dominer les débats.
Le cas du procès Deepwater Horizon est emblématique car le lobby pétrolier a dû affronter
non pas le lobby écologiste mais le lobby des hôteliers et des propriétaires de parcs à thème de
Floride. Le recours aux SIG et aux modèles développés après le naufrage de l’Exxon Valdez
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Goeury D., 2014, "La pollution marine", in Woessner Raymond (dir.), Mers et océans, Paris : Atlande, Clefs concours.
montrèrent que les courants pouvaient faire dériver les hydrocarbures le long des côtes de
Floride et tout particulièrement vers la pointe sud. Les professionnels du tourisme balnéaire se
sentirent directement menacés par la récurrence de ces catastrophes dans un contexte
d’exploitation croissante des gisements du golfe du Mexique. Ils estimèrent les pertes
annuelles potentielles en milliards de dollars. Ils se lancèrent alors dans une intense activité de
lobbying faisant basculer le rapport de force qui venait de permettre à Exxon de sortir à
moindre coût des poursuites judiciaires. La confrontation de ces deux secteurs de l’économie
américaine finit par aboutir à une législation plus stricte et à des amendes record.
En 2012, British Petroleum a conclu un premier accord avec les victimes de 7,8 milliards
de dollars, puis a négocié un accord pour mettre un terme aux poursuites pénales en payant
une amende de 4,5 milliards de dollars aux autorités américaines. Pour les poursuites civiles,
il risque une amende de 20 milliards de dollars au titre des réparations des dommages causés.
Parallèlement, Le groupe Transocean, propriétaire de la plate-forme, a accepté de payer 1,4
milliard de dollars pour mettre un terme à l’ensemble des poursuites en janvier 2013.
On assiste à un glissement progressif des rapports de force. L’indemnisation des autres
activités maritimes ne porte plus seulement sur les préjudices effectifs mais aussi sur le
préjudice d’image. Dès 1967 après le Torrey Canyon, le nettoyage est motivé par des raisons
économiques de préservation de la valeur paysagère et touristique des côtes. L’image des
oiseaux mazoutés a un effet dévastateur sur les touristes qui craignent d’être directement
affecté par la pollution. Ainsi, les professionnels de la mer (pêcheurs, ostréiculteurs) sont
progressivement dépassés par ceux du tourisme qui constituent un lobby de plus en plus
puissant. Par ailleurs, s’affirme un nouveau principe qui est que le responsable de la pollution
ne doit pas prendre en charge uniquement les frais de nettoyage mais peut être aussi
condamné au nom du préjudice écologique posant alors la question de la valeur de la nature
en soi.
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Par ailleurs, la faune connaît toujours une surmortalité dont il est difficile de connaître
l’origine. Ils estiment que les écosystèmes retrouveront leur état antérieur plus de 30 ans après
la catastrophe. Enfin, les modalités d’interventions de dépollution jouent un grand rôle par le
choix des méthodes de dilution et de traitement des déchets. Désormais, les technologies de
biorestauration sont imposées. Par ailleurs, le suivi par système d’information géographique
en temps réel permet d’identifier les zones menacées et de mobiliser les moyens
d’intervention selon la dynamique des courants et la fragilité des écosystèmes. Aux États-
Unis, l’expérience d’Exxon Valdez a permis de réduire l’impact écologique de Deepwater
Horizon en 2010.
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