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Bioremédiation des sols

par Timothy M. VOGEL


Professeur en Écologie microbienne à l’Université Claude-Bernard (Lyon 1)

1. Concept de génie des procédés........................................................... J 3 982 – 2


1.1 Milieu hétérogène........................................................................................ — 2
1.2 Caractéristiques des procédés.................................................................... — 2
1.3 Réacteurs in situ ou sur site........................................................................ — 3
2. Concepts de traitements biologiques ................................................ — 4
2.1 Micro-organismes........................................................................................ — 4
2.2 Biodégradation ............................................................................................ — 4
2.3 Écologie microbienne.................................................................................. — 4
2.4 Biostimulation.............................................................................................. — 5
2.5 Bioaugmentation ......................................................................................... — 5
3. Procédé de traitement biologique ...................................................... — 5
3.1 Bioventing .................................................................................................... — 5
3.2 Biosparging .................................................................................................. — 7
3.3 Bioslurping ................................................................................................... — 8
3.4 Traitement biologique aérobie in situ ........................................................ — 8
3.5 Biotertre........................................................................................................ — 9
3.6 Phytoremédiation ........................................................................................ — 10
3.7 Extraction des métaux................................................................................. — 11
4. Conclusions ............................................................................................... — 12
Références bibliographiques ......................................................................... — 12

e traitement biologique, qu’il concerne des terres excavées ou des sols et


L nappes phréatiques encore en place, consiste à utiliser des micro-organis-
mes pour transformer des substances chimiques toxiques en substances non
toxiques. Les micro-organismes sollicités sont souvent des bactéries bien que
les champignons jouent un rôle dans certains traitements ex situ. La bioremédia-
tion du sol et de la nappe phréatique implique la mise en œuvre, ou au moins la
participation, de processus divers tels que la diffusion et l’advection (qui en
somme sont souvent nommé la dispersion), la sorption et la désorption, et la
biodégradation. Pour que la dépollution biologique du sol ait lieu, les micro-
organismes spécifiques et les composés visés doivent se trouver en contact
pour initier la réaction. De plus, si le nombre de micro-organismes est insuf-
fisant, ou s’ils ne sont pas assez actifs, aucune ou peu de dégradation sera
constatée. Les traitements biologiques du sol ne dépendent pas seulement des
conditions favorables à la biodégradation des polluants, il faut également que
les techniques fonctionnent avec une efficacité, une vitesse et un coût accepta-
bles. Une bonne maîtrise des procédés demande donc des connaissances dans
les domaines des sciences du sol et du génie des procédés.
Les traitements biologiques ont l’avantage :
— d’être des procédés destructifs qui évitent donc les transferts de pollution ;
— de se situer parmi les traitements les plus rentables ;
— d’avoir un impact positif sur l’opinion publique.
Cette technique de dépollution n’est applicable :

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 3 982 − 1
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— que pour les composés biodégradables, non inhibiteurs et non toxiques, car
certains métabolites peuvent être plus toxiques (pour les micro-organismes et
pour l’homme) et parfois plus stables que le contaminant de départ ;
— que pour une application in situ, car il faut que la perméabilité du sous-sol
soit supérieure à 10 –6 m/s ;
— que lorsque la durée de traitement n’est pas gênante, car elle s’étend géné-
ralement sur plusieurs mois voire, dans certains cas, sur plusieurs années.

1. Concepts de génie Il y a différentes façons d’aérer un sol, la technique la plus simple


étant le labourage. Si le niveau hydrostatique est élevé, on peut
des procédés combiner le labour avec des techniques de drainage. Ceci augmente
la profondeur de sol capable d’échanger l’oxygène et les autres gaz
avec l’atmosphère.
Le labour n’est utile que pour la contamination de surface alors
1.1 Milieu hétérogène que l’injection sous pression ou l’injection aqueuse permet de trai-
ter plus en profondeur.
Il existe différents moyens pour maintenir l’environnement d’un
Le fait que le sol et la nappe phréatique soient très hétérogènes ne sol dans des conditions aérobies. L’air peut être introduit dans le
permet pas d’utiliser les applications préconisées par le génie des milieu poreux en créant une différence de pression soit positive par
procédés classiques, même en faisant appel aux approches hétéro- l’injection forcée, soit négative par extraction sous vide.
gènes comme celle des « réacteurs hétérogènes avec les cataly-
seurs hétérogènes », pour la simple raison que, dans le traitement
1.2.1.2 Injection d’eau saturée en oxygène ou en air
biologique du sol, l’hétérogénéité n’est pas ou très peu caractérisée.
La prédiction de la réussite de la technologie est donc dépendante L’aération du sol est une technique moins restrictive que l’injec-
de l’hétérogénéité naturelle du sol et du sous-sol, et de l’hétéro- tion d’eau dont la teneur maximale en oxygène, en équilibre avec
généité « artificielle » de la concentration du polluant (qui n’est pas l’oxygène de l’air, à la pression atmosphérique et à 10 °C, est de
sans relation avec l’hétérogénéité naturelle du sol). Il est impossible l’ordre de 10 mg/L.
de faire un descriptif statistique de l’hétérogénéité du polluant en
effectuant un grand nombre de mesures étalées sur toute la zone Exemple : dans le cas d’une pollution par les hydrocarbures et dans
polluée ainsi que sur la zone non polluée associée. Mais la transpo- la mesure où les micro-organismes sont capables d’épuiser totalement
sition de cette hétérogénéité sur la performance de la technologie l’oxygène dissous, la circulation d’un litre d’eau saturée en air permet
de traitement n’est pas évidente. De ce fait, la réussite du traitement de minéraliser au maximum 3 mg d’hydrocarbures. Cela signifie que
est plus incertaine sur les sites où l’hétérogénéité est élevée que sur pour des terres polluées avec 3 g d’hydrocarbures par kilogrammes, il
les sites où le sol et le sous-sol sont assez homogènes. Malheureu- serait nécessaire de faire circuler 1 m3 d’eau saturée en air par kilo-
sement, si les descriptions de l’hétérogénéité naturelle du sol sont gramme de terre afin de pouvoir éliminer totalement la pollution, soit
parfois effectuées pour les études scientifiques, elles ne le sont des volumes considérables.
jamais pour les sites à traiter. De même l’hétérogénéité «artificielle »
de la pollution n’est pas ou rarement étudiée. Cette technique n’est applicable que pour les nappes phréatiques
qui ne sont pas trop polluées. L’on peut augmenter la concentration
d’oxygène en utilisant de l’eau saturée avec de l’oxygène pur, cette
approche peut fournir 40 mg d’oxygène par litre d’eau.
1.2 Caractéristiques des procédés
1.2.1.3 Injection d’eau oxygénée
Les différentes mises en œuvre de la technologie nommée bio- Un oxydant tel que H2O2, employé à une concentration comprise
remédiation demandent souvent une maîtrise de paramètres de entre 200 et 1000 p.p.m. (0,02 à 0,1 % en volume), fournit des
contrôle tels que les taux d’oxygène, l’humidité, la température teneurs en oxygène supérieures à celles de la technique précédente
[3]… De plus, ces paramètres sont souvent liés à la bonne santé des (§ 1.2.1.2).
micro-organismes.
Avec l’eau oxygénée, la première difficulté concerne sa toxicité
vis-à-vis des micro-organismes, lorsqu’elle est employée à de fortes
1.2.1 Teneur en oxygène teneurs. Cependant, la microflore bactérienne est capable de
s’adapter lorsque les concentrations en H2O2 sont augmentées
progressivement. La réactivité chimique de H2O2 aboutit, dans
1.2.1.1 L’aération certains cas, à sa décomposition rapide dans le sol et à l’oxydation
La teneur des sols en oxygène est contrôlée par différents de substances inorganiques et organiques.
facteurs biotiques et abiotiques. Un minimum d’espaces occupés
par l’air (10 % en volume) est généralement considéré comme 1.2.1.4 Apport de nitrates
nécessaire pour l’activité microbienne aérobie. Les sols argileux
contenant 45 % (en volume) d’eau n’auront peut-être pas assez Les nitrates, apportés en solution, ne fournissent pas directement
d’espace pour l’air si le volume poreux n’est que de 50 %. La sélec- l’oxygène, mais ils peuvent agir comme oxydant dans des condi-
tion de la méthode d’oxygénation appropriée dépend de facteurs tions anoxiques. Ceci est intéressant lorsque les polluants en place
tels que la quantité de polluants, la perméabilité du sol et la facilité peuvent être dégradés dans des conditions microaérophiles ou
de transport. anaérobies. C’est le cas de certains alkylbenzènes et phénols.

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Le contrôle du pH par l’ajout de chaux est utilisé en agriculture et


Pour 1 mg de nitrates consommé par les micro-organismes,
dans les procédés de traitement de la pollution pour neutraliser les
environ 0,20 mg de composés aromatiques sont métabolisés,
substances toxiques. La quantité de chaux à apporter dépend de la
par litre d’eau introduit dans le sol.
texture du sol, du pourcentage de matière organique qu’il contient
et de la quantité de métaux échangeables. Le pouvoir tampon d’un
Souvent ce sont les mêmes bactéries qui utilisent l’oxygène molé- sol représente la capacité des composés du sol à garder un fort
culaire et les nitrates comme accepteur d’électron. nombre d’ions adsorbés ou en réserve.
L’adsorption ou l’inactivation des ions H+, ou la libération d’ions
1.2.1.5 Conditions réductrices adsorbés pour neutraliser les ions OH– entraîne une protection
D’autres polluants nécessitent des conditions d’anaérobiose contre les changements de pH quand des constituants acides ou
encore plus strictes que lors de la dénitrification. C’est le cas des basiques sont ajoutés au sol. Le pouvoir tampon, différent selon les
composés halogénés, en particulier des hydrocarbures chlorés très sols, est souvent le reflet d’une différence de capacité d’échange
substitués. Une méthode pour créer des conditions d’anaérobiose cationique qui influence directement la quantité de chaux ou d’acide
est d’inonder le sol en y ajoutant de la matière organique facilement nécessaire pour ajuster le pH. Le niveau d’ajustement du pH dépend
assimilable qui, lors de sa transformation, entraîne la disparition également de la profondeur de la contamination dans un site
des dernières traces d’oxygène [1]. (volume à traiter). Il est important de noter que des changements de
pH peuvent influencer la dissolution ou la précipitation de certains
Les sulfates sont utilisés comme accepteurs d’électrons lors de composés dans le sol. Il faut vérifier que l’augmentation ou la dimi-
processus de biodégradation anaérobie. Leur disparition peut servir nution du pH ne mobilise pas des composés dangereux.
d’indicateur de dégradation de polluants.

Pour 1 mg/L de sulfates assimilés par les micro-organismes, 1.2.4 Température


environ 0,2 mg/L de composés aromatiques sont détruits, par
litre d’eau introduit dans le sol.
La température, affectant la physico-chimie de l’environnement
des micro-organismes, est l’un des paramètres les plus influents sur
Cette réaction à pour effet secondaire la génération potentielle le taux de biotransformation.
d’hydrogène sulfuré ou de composés induisant des odeurs nocives.
Les communautés microbiennes présentes dans les couches les
Dans certains microcosmes, le fer ferrique agit comme accepteur plus proches de la surface du sol seront les plus exposées aux fluc-
d’électrons et est réduit en fer ferreux, plus soluble en phase tuations de températures quotidiennes et saisonnières. D’où l’inté-
aqueuse. rêt de réguler les radiations solaires et de changer les propriétés
thermiques du sol. La végétation joue un rôle important dans cette
1 mg de Fe (II) produit par les micro-organismes correspond à régulation. Un sol avec beaucoup de végétation se réchauffera
la disparition par voie biologique de 0,05 mg de composés aro- moins, en été, qu’un sol nu et se refroidira moins en hiver. En géné-
matiques, par litre d’eau introduit dans le sol. ral, les micro-organismes préfèrent une température ambiante
chaude.
Enfin, dans les conditions d’anaérobiose très stricte, le CO2 ou Exemple : si la température ambiante varie entre 0 et 20 °C, les
l’acétate sont utilisés comme accepteurs d’électrons par les bacté- micro-organismes indigènes ont souvent une vitesse de biodégrada-
ries méthanogènes. Le méthane produit est alors un indicateur de tion maximale à 20 °C.
biodégradation et chaque milligramme de méthane dégagé corres-
pond à la disparition de 1,3 mg de composés aromatiques. Mais pour les processus physique et chimique, les vitesses
augmentent avec la température et il n’y a donc pas vraiment de
vitesse maximale.
1.2.2 Humidité du sol
Le description quantitative de la phase liquide repose sur la
notion de teneur volumique en eau ou humidité volumique, calcu-
1.3 Réacteurs in situ ou sur site
lée par rapport au volume total du milieu. L’humidité varie entre une
valeur minimale, la teneur en eau résiduelle, et une valeur maxi- Le traitement biologique du sol nécessite de la place. Il peut se
male, la teneur en eau à saturation, égale en principe à la porosité. faire in situ, dans ce cas, le sous-sol lui-même joue le rôle du réac-
Toutefois, un sol ne parvient jamais à saturation totale, car il reste teur ou sur le site quand l’on excave le sol pour le mettre dans la
toujours des poches d’air occluses. configuration souhaitée.
La description qualitative de la phase liquide repose sur la Les processus les plus importants pour la compréhension des
connaissance des divers champs de forces (gravité, capillarité, procédés de bioremédiation sont liés à l’advection, la diffusion et la
adsorption) qui dépendent respectivement de l’organisation de dégradation (dans ce cas biologique) :
l’espace des pores du sol et de la surface spécifique des particules
constitutives. La teneur en eau d’un sol constitue une variable dC /dt = E d2C /dx2 – U dC /dx – kC
d’état, c’est-à-dire une grandeur variable dans l’espace et dans le
avec dC /dt la variation de la concentration avec le temps (la vitesse
temps. On notera qu’au-dessus du niveau de la nappe aquifère se
de la réaction),
situe la frange capillaire dont la hauteur est fonction du milieu (elle
est bien plus grande pour un limon que pour un sable grossier). E le coefficient de diffusion (en m2.L.g–1.s–1),
U le coefficient d’advection (vitesse en m2.s–1),
1.2.3 pH du sol k la constante de la réaction (premier ordre ; en s–1).
Ces processus sont souvent responsables de la diminution de la
Beaucoup de sols naturels sont trop acides pour avoir une activité concentration de polluant au cours du temps.
microbienne optimale et le problème est exacerbé par une forte En examinant les courbes de la figure 1, il est évident que la
fertilisation avec certains nutriments et par les pluies acides. La fixa- biodégradation entraîne une diminution de la pollution du sol. En
tion biologique de l’azote crée également une acidité par production revanche, si la dispersion réduit la concentration en polluant, elle ne
d’ions H+. diminue pas la quantité de pollution libérée dans l’environnement.

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La présence du substrat en trop forte concentration ou d’un


Écoulement produit du métabolisme peut entraîner l’inhibition ou l’inactivation
piston d’une ou plusieurs enzymes intervenant dans le métabolisme
théorique microbien.
1
La biodégradation de certains produits organiques, qui nécessite

en polluant normalisée
Dispersion Sorption
0,8 et dispersion l’action de différentes espèces de micro-organismes, s’arrête

Concentration
lorsqu’une ou plusieurs espèces constitutives du système vient à
0,6 manquer.
Biodégradation
0,4 et dispersion
Biodégradation,
sorption et dispersion 2.2.1 Métabolisme et cométabolisme
0,2
2.2.1.1 Métabolisme des substances polluantes
0
0 1 2 3 4 5 6
Temps de séjour normalisé
Le métabolisme des micro-organismes est constitué du cata-
Le temps de séjour normalisé correspond au temps de séjour de l'eau bolisme et de l’anabolisme. Les réactions composant le catabo-
dans la nappe normalisée à 1 (il correspond à la dispersion). lisme ont pour but de produire de l’énergie. Cette énergie est
La concentration en polluant normalisée correspond à la concentration utilisée par la suite dans l’anabolisme afin de synthétiser les
maximale en polluant normalisée à 1. matériaux servant au maintien et à la reproduction cellulaire.
Figure 1 – Évolution des concentrations théoriques de la pollution
soumise aux différents processus de traitement Les réactions du catabolisme sont des réactions d’oxydoréduc-
tion. Elles utilisent donc des transferts d’électrons d’un composé à
un autre, l’énergie libérée étant stockée par les micro-organismes.
Ces réactions ont lieu en chaîne et seule une réaction bilan permet
2. Concepts de traitements d’identifier le donneur d’électron initial (également appelé substrat)
et l’accepteur d’électron final. Finalement, le donneur d’électron est
biologiques oxydé et l’accepteur d’électron est réduit.
Les réactions de dégradation biologique sont généralement divi-
sées en deux catégories : aérobies et anaérobies. Dans la première,
2.1 Micro-organismes l’accepteur final d’électron est l’oxygène alors que, par opposition,
dans le deuxième, l’accepteur d’électrons est un composé autre que

Les micro-organismes sont des organismes vivants, de taille l’oxygène [par exemple : nitrate ( NO 3 ), manganèse (Mn(IV)), fer
2–
microscopique et généralement unicellulaires, qui prolifèrent natu- ferrique (Fe(III)), sulfates ( SO 4 ), dioxyde de carbone (CO2) ou la
rellement dans tous les milieux et dans des conditions très variables molécule elle-même (fermentation)]. Le rendement énergétique du
(température comprise entre 0 et 80 °C, pression allant de 1 bar à catabolisme dépend de l’accepteur et du donneur d’électron utilisés.
plusieurs centaines de bars, pH de 1 à 12, milieu oxygéné ou stricte- Les substances polluantes peuvent être utilisées par les micro-
ment anoxique). Leur diversification et leur adaptation leur donnent organismes en tant qu’accepteur d’électrons ou en tant que
un caractère ubiquiste remarquable [5]. donneurs d’électrons. La dégradation de ces molécules est alors
Dès que des contaminants sont introduits dans un environnement partie intégrante du métabolisme et sert directement à la production
donné, ils interagissent entre eux et avec le milieu environnant. Ces d’énergie pour les micro-organismes. On dit que la substance est
interactions se traduisent par des changements dans leurs concen- métabolisée.
trations respectives et leurs distributions dans les différents
éléments environnementaux. 2.2.1.2 Cométabolisme des substances polluantes

2.2 Biodégradation Le cométabolisme est la biodégradation fortuite d’une subs-


tance chimique par des enzymes initialement synthétisées pour
dégrader une autre substance chimique.
Un composé est dit « biotransformable » lorsqu’il peut subir
des modifications par voie biologique au niveau de sa structure,
ce qui va se traduire par des modifications de ses propriétés Contrairement au métabolisme, le cométabolisme n’entraîne
physico-chimiques. Une autre définition, plus contraignante, aucun profit énergétique pour les micro-organismes.
établit qu’un composé est biodégradable lorsqu’il est complète-
ment transformé par les micro-organismes en CO2, H2O et en
biomasse cellulaire. La minéralisation correspond à la biocon-
version de la matière organique en produits minéraux (CO2,
2.3 Écologie microbienne
CH4, H2O, NH3, HCI…).
L’écologie microbienne a pour objet l’étude des interactions entre
Certaines molécules sont résistantes à toute action de dégrada- les micro-organismes et les composants de l’écosystème (micro-
tion sur de très longues périodes. La stabilité de ces molécules est système quand il s’agit d’une cellule isolée ou macrosystème quand
liée à leur structure chimique, à leur concentration et aux caractéris- on considère le comportement des communautés microbiennes
tiques du milieu environnant. telluriques au sein du rapport organique et minéral) où ils vivent [5].
Généralement, plus une molécule est substituée plus elle est Les actions coopératives d’une communauté sont relativement
résistante à la biodégradation. La position des substituants joue importantes quand il s’agit d’utiliser des substrats carbonés insolu-
aussi un rôle. Le remplacement du carbone par d’autres atomes bles ou d’élaborer des mécanismes de protection contre les facteurs
O, N, S, comme les branchements multiples sur un même atome de hostiles, ou encore de procéder à des échanges génétiques favora-
carbone, change la résistance à la biotransformation des produits bles au développement de mécanismes de dégradation, par exem-
organiques. ple, aux composés chlorés ou à la présence de métaux lourds

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toxiques. Dans tous les cas, ces actions de coopération sont La biostimulation est mise en échec, par exemple, lorsque les
d’autant plus fréquentes et importantes que la densité de popula- micro-organismes indigènes n’ont pas le patrimoine génétique pour
tion microbienne est grande. dégrader les contaminants ou lorsque le contaminant est présent à
Dans un habitat bien défini, il est reconnu que les différentes des concentrations toxiques pour ces micro-organismes.
communautés microbiennes autochtones ont eu la possibilité de La biostimulation est donc un concept plus qu’un procédé en tant
développer des interactions positives leur permettant de survivre, que tel. De nombreuses techniques l’utilisent : traitements biolo-
au contraire des micro-organismes allochtones que l’on souhaiterait giques in situ aérobie et anaérobie, biopiles, landfarming, bioven-
introduire dans cet environnement. ting, biosparging…

2.3.1 Interactions positives


2.5 Bioaugmentation
Le concept de commensalisme implique l’action normale d’une
population qui modifie l’environnement de telle façon que ces
modifications permettent le développement d’une deuxième
espèce. La bioaugmentation est l’adjonction de micro-organismes en
vue d’améliorer le taux de bioremédiation du sol ou de l’eau
Exemple : la neutralisation ou l’élimination d’un élément toxique souterraine (nappe phréatique).
par une espèce peut permettre le développement d’une ou de plu-
sieurs autres espèces préalablement inhibées.
Un autre concept est celui désigné sous le terme de synergisme Cette technique repose sur l’efficacité des micro-organismes et
qui traduit le résultat bénéfique de l’association de deux ou des techniques de mise en œuvre. Elle est parfois nécessaire, mais
plusieurs espèces de micro-organismes, lors de la synthèse d’un est souvent appliquée sans réelle utilité ; elle s’avère cependant
produit ou lors de la réalisation complète d’une voie métabolique. particulièrement intéressante dans les cas de bioremédiation de
polluants très lentement biodégradés [2][4].
Exemple : le cyclohexane peut être totalement dégradé par une
La bioaugmentation est un procédé pouvant s’appliquer à la fois
culture mixte de Nocardia et de Pseudomonas alors que chacune des
in situ ou ex situ. Il consiste à ajouter des micro-organismes dans la
espèces prises isolément ne peut le faire. Nocardia a la capacité de
zone polluée afin d’augmenter la biodégradation des contaminants.
métaboliser le cyclohexane en formant des produits qu’utilise ensuite
Les micro-organismes ajoutés peuvent être étrangers au sol ou indi-
Pseudomonas, qui génère à son tour de la biotine et d’autres facteurs
gènes. Dans le second cas, ils sont extraits du sol, acclimatés au
de croissance nécessaires au développement de Nocardia.
contaminant, cultivés ex situ puis réinjectés. Le procédé de bio-
augmentation est envisagé lorsque la biostimulation de la flore indi-
2.3.2 Interactions négatives gène ne parvient pas à augmenter les vitesse de biodégradation.
Pour que l’ajout de micro-organismes soit efficace, il faut s’assurer :
Parmi les interactions négatives existe le phénomène dénommé — du transport des micro-organismes jusqu’à la zone contami-
amensalisme ou antagonisme qui implique la production, par une née ;
espèce donnée, de métabolites inhibiteurs pour d’autres popula- — de la fixation des micro-organismes aux matériaux du sol ou
tions qui ne pourront ainsi venir coloniser l’habitat. Ce peut être le au milieu aquifère ;
cas de la production d’acides, d’alcools, d’antibiotiques et même de — de la survie et de la croissance des micro-organismes, ainsi
métabolites issus de la biodégradation des polluants (exemple : que de leur activité dégradante satisfaisante.
crésol qui est une métabolite de la dégradation du toluène), qui sont Parmi les paramètres ayant une influence sur les résultats de la
des substances inhibitrices pour de nombreux micro-organismes. bioaugmentation, on trouve :
— les propriétés du contaminant (biodisponibilité, concentration,
toxicité pour les micro-organismes dégradants) ;
2.4 Biostimulation — les propriétés du sol (taux d’humidité, taux de matière organi-
que, pH, capacité d’échange cationique) ;
— l’écosystème microbiologique (présence de prédateurs, com-
La biostimulation consiste à stimuler, au moyen d’adjuvants pétition interespèces) ;
chimiques ou biochimiques, la dégradation des polluants par les — la microbiologie (présence de cosubstrats, patrimoine généti-
micro-organismes indigènes. que des souches présentes, stabilité des enzymes, activité des enzy-
mes).

La biostimulation est à la base de toute technique biologique ne


nécessitant pas l’adjonction de micro-organismes spécifiques sélec-
tionnés. C’est une des techniques les plus utilisée du fait du coût
très bas de mise en œuvre.
3. Procédé de traitement
Une fois les contaminants identifiés, les différentes voies de biologique
dégradation biologique possibles sont connues. Des tests en labora-
toire permettent ensuite de déterminer, parmi ces voies, lesquelles
peuvent avoir réellement lieu sur le site considéré et comment opti-
miser les performances de ces voies en terme de rendement, de 3.1 Bioventing
cinétique et de coûts. La biostimulation consistera à concevoir un
système capable d’établir, dans le sous-sol ou dans les terres exca-
vées, les conditions favorables à la réaction de biodégradation 3.1.1 Principe
ciblée. Parfois, agir sur un seul paramètre est suffisant pour obtenir
une amélioration significative des performances. De plus en plus de Cette technique consiste à amener l’oxygène nécessaire à la
systèmes séquentiels (procédé anaérobie suivi d’un procédé aéro- biodégradation et est souvent confondue avec le venting basé sur la
bie) sont utilisés afin d’obtenir une biodégradation du contaminant volatilisation des polluants. Le bioventing présente des coûts très
la plus complète possible [2][4]. faibles (traitement très réduit des gaz en sortie et matériel de

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tion géométrique du système (extension et type de contamination,


Purification de l'air pollué profondeur et variations du niveau statique de la nappe phréa-
tique…) et les caractéristiques hydrodynamiques de la zone insatu-
rée (perméabilité à l’air…). Ces mêmes paramètres vont influencer
le choix du type (volumétrique, intermédiaire, centrifuge…) et de la
puissance de l’extracteur. Les sites privilégiés d’application de ce
procédé étant les stations-service et les dépôts des produits pétro-
Ventilateur lier. La totalité de l’installation est généralement enterrée.
Les points d’extraction peuvent être des puits verticaux (aiguilles
Béton/bentonite d’extraction) ou des puits horizontaux (drains d’extraction). La
profondeur et la longueur des crépines (massif filtrant) dépend des
Tube de rallonge caractéristiques géologiques et de la répartition spatiale de la pollu-
tion.

Crépine En pratique, le rayon d’influence d’un ouvrage est défini


comme la distance entre le puits d’extraction et le piézomètre de
contrôle où l’on mesure une dépression significative dans le sol.
Le rayon efficace d’un ouvrage est défini comme la distance
Graviers maximale du point d’extraction sur laquelle il est possible
d’apporter une quantité d’oxygène suffisante pour entretenir la
biodégradation sur une période de temps compatible avec la
durée du traitement proposé.
Forage

Le rayon d’influence d’un point d’extraction est directement lié à


la perméabilité intrinsèque du milieu, aux caractéristiques des
Plancher du filtre ouvrages et aux débits extraits. L’efficacité du traitement est mesu-
rée par des techniques permettant d’évaluer la respiration, car la
Niveau le plus biodégradation aérobie se caractérise par une consommation
haut de la nappe d’oxygène et une production de CO2. L’estimation de la quantité de
polluant dégradé peut donc être estimé en comparant les teneurs en
Figure 2 – Principe du bioventing O2 et CO2 avant et après passage dans le sol.

pompage moins important que pour le venting classique). Cette 3.1.2 Performances
technique est utilisée depuis une vingtaine d’années et restera très
employée pour les sites fortement pollués par des hydrocarbures
rapidement biodégradables. Le rendement de ce procédé varie avec les polluants, mais peut
atteindre plus de 90 %. Les coûts unitaires de cette technique se
situent entre 70 et 80 F HT/m3 (de sol traité).
Le bioventing (figure 2) est un procédé in situ permettant Les performances du « bioventing » sont d’autant meilleures que
d’aérer la zone insaturée afin que les micro-organismes du sol la répartition du flux d’air sur la zone contaminée est homogène
puissent mieux respirer et dégrader les polluants. Cette techni- autour du point d’extraction. Ceci est directement lié à l’homo-
que consiste soit à mettre en dépression la zone insaturée et à généité du sol. La présence d’hétérogénéités entraîne des passages
induire des circulations d’air centrées sur et en direction de cha- préférentiels à travers les zones les plus perméables à l’air. Ces
que point d’extraction, soit à injecter l’air (ou l’oxygène pur) zones sont alors traitées en premier lieu et les zones environnantes
dans les zones polluées. sont décontaminées à la fois par volatilisation et par diffusion des
contaminants jusqu’aux passages préférentiels déjà contaminés.
La circulation d’air engendrée par le système de bioventing La biodégradation aérobie de certains polluants, comme les
assure l’apport d’oxygène gazeux aux micro-organismes indigènes hydrocarbures, est parfois limitée par un manque de nutriments
présents dans la zone contaminée. Ainsi, le bioventing permet de (N, P…). Ces éléments pourront être apportés sous forme liquide,
stimuler la biodégradation aérobie de certains contaminants. Autre- par injection dans des puits superficiels ou par un réseau de drains.
ment dit, quand la biodégradation joue un rôle plus important que
Le procédé est largement utilisé en France.
la volatilisation dans le traitement de la zone contaminée, le
système est décrit sous le nom de bioventing. Exemple industriel : une fuite de fioul, causée par des fûts corro-
dés enterrés, a contaminé environ 11 000 m3 de sol jusqu’à 20 m de
profondeur où se trouve la nappe phréatique. La couche géologique
3.1.1.1 Type de pollution traitée
constituée d’un mélange de sable et de limon contenant des lentilles
Le bioventing s’applique de façon optimale sur des composés d’argile a une humidité variant entre 2 et 11 % (en volume).
organiques semi-volatils imprégnés dans la zone insaturée Au début, le problème constaté a été la présence d’odeurs de fioul à
(gasoil…). Le facteur le plus contraignant, qui limite l’utilisation de la surface du sol et dans les bâtiments. Le procédé de bioventing utilisé
ce procédé, est la cinétique de biodégradation. fait aussi, par le biais du mouvement d’air, du venting sans biodégrada-
tion, il est donc impératif de minimiser les débits d’air. Dans ce cas, le
3.1.1.2 Moyens techniques débit d’air total sur tout le site a été 170 m3/h. Le traitement a duré 30
mois pour atteindre les objectifs (réduction de 60 % de la pollution et
Même si, en Europe, l’on peut injecter l’air au lieu de l’extraire, de 90 % des gaz du sol), sa vitesse annuelle a été d’environ 300 g de
dans la plupart des cas, l’extraction est employée. La zone insaturée fioul/kg de sol. Les mesures du fioul éliminé, adsorbé sur charbon actif,
est traitée à partir de multiples points d’extraction. Le nombre, ont permis le calcul du pourcentage du fioul dégradé (90 %) et du fioul
l’espacement et la profondeur des points sont dictés par la défini- volatilisé (10 %). Le coût a été 150 F/m3 de sol traité.

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3.2 Biosparging Deux types de pollution peuvent être traitées par air sparging :
— les zones source ;
3.2.1 Principe — les contaminations dissoutes en aval de la source. Une
« barrière » de puits d’injection est alors installée perpendiculaire-
L’injection d’air dans l’eau souterraine pour volatiliser les compo- ment à l’écoulement afin de mettre un terme à la migration des
sés volatils (l’air sparging) est une technique très utilisée depuis une contaminants plus en aval.
dizaine d’années dans des cas où le sol présente une géologie
simple.
Cette technique est souvent en concurrence avec le pompage de 3.2.1.2 Moyens techniques
la nappe et d’autres traitements in situ. L’air sparging est fréquem-
ment couplé avec le venting (figure 3). La zone saturée est traitée à partir de points d’injection. Le
nombre, l’espacement et la profondeur des points sont dictés par la
L’air sparging est un procédé in situ permettant de traiter loca- définition géométrique du système (l’extension et le type de conta-
lement la zone saturée (dissoute, adsorbée). Cette technique mination, la profondeur et les variations du niveau statique de la
consiste à injecter de l’air, au-dessous du niveau de la nappe nappe, la profondeur du substrat), les caractéristiques hydrodyna-
d’eau souterraine à traiter, par des puits verticaux ou horizon- miques de la zone saturée (perméabilité, coefficient d’emmagasine-
taux. L’air se propage ensuite à travers la zone saturée en créant ment) et les conditions aux limites appliquées sur le système
des canaux d’air. (limites à charge constante, à charge variable).
Tous ces paramètres vont influencer le choix du type de surpres-
En instaurant une interface air/phases du sol (air/eau, air/sol, air/ seur (volumétrique, intermédiaire, centrifuge…) et de sa puissance.
produit), l’air sparging favorise le dégagement des substances Sur les sites en activités, le réseau et l’installation sont générale-
chimiques volatilisables présentes dans la zone saturée ainsi que de ment enterrés.
celles présentes à l’état pur au-dessus de la frange capillaire
La concentration en oxygène dissous dans l’eau souterraine est
aqueuse.
couramment utilisée sur le terrain pour contrôler l’efficacité du
système.
En parallèle, la dissolution de l’oxygène de l’air dans la phase
aqueuse permet d’augmenter la biodégradation aérobie de cer- La répartition homogène des canaux d’air est cruciale pour le bon
tains contaminants (biosparging). fonctionnement de l’air sparging. Cette répartition dépend forte-
ment des hétérogénéités du sol dans la zone à décontaminer.
L’air sparging est souvent couplé à un réseau de récupération des
vapeurs installé dans la zone insaturée. Les vapeurs peuvent ensuite Exemple : un sol stratifié ne pourra être traité par air sparging que
être traitées en surface. si la perméabilité à l’air des différentes strates augmente en se rappro-
chant de la surface du sol. De même, des lentilles de sol peu perméa-
3.2.1.1 Type de pollution traitée bles à l’air ne seront pas décontaminées.
L’air sparging permet de traiter des contaminants volatils [cons- Afin d’évaluer si le traitement est terminé, le système de sparging
tante de Henry supérieure à 0,01 à 20 °C et/ou pression de vapeur est arrêté et la concentration en contaminant est suivie dans des
saturante supérieure à 0,5 mm Hg (≈ 67 Pa) à 20 °C]. Il est le plus puits de contrôle. Typiquement, cette concentration est faible lors
couramment utilisé pour éliminer des solvants chlorés et des hydro- de l’arrêt du système, puis une augmentation est observée due à
carbures pétroliers volatils (essences, kérosène…). une remobilisation du contaminant. Ce phénomène est appelé
« rebond ». Plusieurs mois peuvent s’écouler avant d’observer le
rebond. Les phénomènes de rebond doivent être pris en compte
Compresseur Décontamination
dans l’évaluation du temps de traitement.
de l'air du sol
Réglage de
Aspiration
la pression 3.2.2 Pratique
de l'air du sol
Débitmètre Débitmètre
Le rendement de ce procédé peut atteindre 99 %. Les coûts unitai-
res de cette technique entraînent une plus value de 30 à 50 F HT/m 3
de sol traité par rapport au coût unitaire d’une extraction sous vide
Sol
simple.
Le procédé est au stade de commercialisation. En outre, des
Étanchéité
recherches sont encore menées afin d’améliorer la technologie et
son suivi.
Crépine
Exemple industriel : un ancien site d’usine automobile est conta-
Graviers miné par des hydrocarbures constitués en majorité d’essence.
L’essence contient plusieurs composés très volatils et assez solubles
Surface de la nappe dans l’eau tel que le benzène, le toluène et les éthyls benzènes.
Le sol est composé de craie et la nappe phréatique est à 30 m de
Zone polluée profondeur. Le système de biosparging est lié à un système de venting
pour éviter l’échappement du gaz vers la surface. Les puits sont utili-
sés pour l’injection des nutriments avant le début de l’injection d’air et
sept aiguilles de sparging sont installés sur une surface de 0,8 ha.
L’injection d’air est assez faible pour réduire le risque de la volatilisation
de l’essence. Par contre, le système de venting est assez puissant
(500 m3/h) pour assurer la capture de tout le gaz dans la zone insatu-
rée. Le traitement a duré 18 mois et a coûté environ 200 F HT/t de sol
Figure 3 – Principe du biosparging couplé avec un venting traité.

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3.3 Bioslurping Tous ces paramètres vont influencer le choix de la puissance de


l’extracteur. Les sites d’application privilégiés de ce procédé sont les
3.3.1 Principe stations-service et les usines chimiques : la totalité de l’installation
est donc généralement enterrée.
Le bioslurping est basé sur le slurping. La technique est sou- Souvent, la nappe est mise en dépression à partir d’une ou de
vent utilisée dans le cas de polluant flottant. plusieurs aiguilles de diamètre compris entre 100 et 750 mm, selon
les paramètres du sol.
L’avantage du slurping réside dans la possibilité qu’il offre de
récupérer le polluant sous trois formes différentes (gaz, liquide, Par ailleurs, la dépression dans chaque canne et les diamètres de
dissous). Avec le bioslurping, la récupération du polluant flottant est celles-ci doivent permettre d’atteindre des vitesses suffisantes pour
la même que pour le slurping, mais l’extraction du gaz se fait par entraîner un mélange [air/eau/produits purs] jusqu’à la surface.
bioventing et la fraction de polluant dissous est éventuellement trai- Le mélange [air/eau/produit pur] pompé par les cannes d’extrac-
tée comme dans le cas du procédé aérobie décrit au paragraphe 3.4. tion est envoyé dans une cuve de séparation gaz/liquide. De là, la
Le système de bioslurping se compose comme le slurping d’un phase liquide est décantée (séparation produits purs et eau). L’eau
puits de rabattement (ou aiguille d’extraction) et d’un tube rigide (ou est ensuite rejetée tandis que la phase gazeuse, est « asséchée »,
« canne ») placé à l’intérieur de l’aiguille. L’ouverture supérieure de puis traitée (réacteur biologique). Le produit « pur » (liquide) est mis
la canne est connectée à un extracteur afin d’y appliquer une en fûts.
dépression (figure 4).
Dans un premier temps, le débit instauré dans la canne permet la 3.3.2 Pratique
mise en place d’un cône de rabattement indispensable à la récupé-
ration des produits purs. Les performances du bioslurping dépendent des critères gouver-
Une fois le rabattement stabilisé au niveau de l’ouverture de la nant les performances du rabattement-écrémage et du bioventing.
canne, cette dernière extrait alternativement un mélange [eau/ L’efficacité du bioslurping, en terme de confinement d’une pollution
produit pur] (lorsque l’ouverture est juste en dessous du niveau libre, est supérieure à 98 %.
d’eau) ou de l’air (lorsque l’ouverture est juste au-dessus du niveau
Exemple industriel : le site d’une raffinerie en activité est conta-
du liquide ou du polluant flottant).
miné par des hydrocarbures divers (gasoil et supercarburant) qui pol-
3.3.1.1 Type de pollution traitée luent le sol et la nappe phréatique. Le milieu géologique est fin,
argileux et de faible perméabilité. La technique mise en place consiste
Ce procédé s’applique de façon optimale sur des composés orga- au rabattement de la nappe avec un traitement biologique in situ effec-
niques, biodégradable au sens large, imprégnés dans la zone insa- tué par les puits d’injection d’air et de nutriments (voir biosparging,
turée et libres à la surface de la nappe. § 3.2), à récupérer le gaz entraîné par l’aération du sol pour aider le bio-
venting et à écrémer la phase flottante qui est récupérée en surface
3.3.1.2 Moyens techniques
dans un séparateur. La mise en œuvre du procédé a nécessité 50
Le volume contaminé est traité à partir de multiples points aiguilles disposées en barrière hydraulique en bordure de raffinerie et
d’extraction. Le nombre, l’espacement et la profondeur des points 50 aiguilles d’extraction reliées à deux unités d’extraction double phase
sont dictés par la définition géométrique du système (l’extension et dans un réseau enterré. La durée du traitement a été de deux ans et le
le type de contamination, la profondeur et les variations du niveau coût d’environ 150 F/m3 de sol traité.
statique, la profondeur du substrat de la nappe), les caractéristiques
hydrodynamiques de la zone insaturée (perméabilité à l’air…) et de
la zone saturée (perméabilité à l’eau, coefficient d’emmagasine-
ment…), et la tension de vapeur du polluant. 3.4 Traitement biologique aérobie in situ

Air
3.4.1 Principe

Eau + polluant Le traitement biologique aérobie in situ consiste à aérer des


parties polluées (souvent pauvres en oxygène) afin de favoriser
la dégradation aérobie des polluants par les micro-organismes
(figure 5).

Cette technique est actuellement utilisée sur un grand nombre de


sites contaminés par des hydrocarbures.

Nutriments Oxygène
Arrivée
d'eau
Phase liquide
non aqueuse (flottant) Puits Rampe
d'injection d'aspersion
Sol

Zone Niveau
Eau de nappe Eau de nappe polluée de la nappe

Sens d'écoulement de la nappe

Figure 4 – Principe du bioslurping Figure 5 – Principe de la biodégradation aérobie

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Le traitement biologique, qu’il concerne des terres excavées ou proportions C:N:P égales à 100:10:1. Les autres sels minéraux tels le
des sols encore en place, utilise des micro-organismes pour trans- fer, le magnésium et les sulfates ne sont alors nécessaires que sous
former des substances chimiques toxiques en substances moins forme de traces.
toxiques. Les micro-organismes sollicités sont souvent des bacté- Lors des traitements in situ, des solutions contenant l’oxygène,
ries bien que les champignons jouent un rôle prédominant dans les sels minéraux et le carbone sont injectées au cœur du panache
certains traitements ex situ. de pollution. Des puits d’injection sont répartis de manière homo-
Lors de la biodégradation aérobie, l’oxygène est utilisé comme gène sur la zone polluée et quelques puits d’extraction sont chargés
accepteur d’électron final. Le contaminant est donc le donneur de récupérer l’eau de la nappe en aval. Cette eau est traitée, si
d’électrons. Il peut être métabolisé ou cométabolisé. nécessaire, en surface amendée et réinjectée dans la nappe aqui-
L’utilisation de l’oxygène par les micro-organismes est toujours fère. Un problème souvent rencontré lors de tels ajouts est la crois-
préférée lorsque ce dernier est disponible. En effet, les vitesses de sance microbienne aux environs immédiats du puits d’injection.
dégradation engendrées sont généralement bien supérieures aux Ceci a pour effet de colmater les espaces interstitiels, empêchant
procédés anaérobies. De plus, en règle générale, les procédés aéro- ainsi la solution de s’écouler dans la nappe aquifère. Diverses solu-
bies aboutissent plus souvent à la dégradation totale du polluant tions sont apportées au problème : nettoyage mécanique (brosses),
que les procédés anaérobies. injection brutale d’air (air lift), injection de bactéricides (acide,
chlore), utilisation d’injections alternées carbone/nutriments.
Les micro-organismes nécessitent, pour une dégradation par voie
aérobie, la présence d’oxygène, de contaminants accessibles, de Les performances des traitements biologiques in situ dépendent
nutriments, et d’un inducteur spécifique s’il s’agit d’un cométabo- fortement des conditions rencontrées sur site et des contaminants
lisme. présents. Les coûts des biodégradations in situ s’étendent de 100 à
300 F/t (de sol traité).
3.4.1.1 Type de pollution traitée Le procédé de traitement biologique aérobie est commercialisé.
En France, le traitement ex situ est beaucoup plus répandu que le
Quasiment tous les hydrocarbures sont biodégradables par voie traitement in situ.
aérobie. Les composés les plus facilement biodégradables sont les
alcanes C10 à C24 et les composés aromatiques à un seul cycle Exemple industriel : dans un dépôt en activité sur un aéroport, la
[notamment les BTEX (benzène, toluène, éthylbenzène, xylène)]. En présence de kérosène dans la nappe phréatique s’étend sur un volume
règle générale, plus la masse moléculaire des hydrocarbures de 8 500 m3 de sol type limons. Le traitement demande essentielle-
augmente et plus les vitesses de dégradation aérobie diminuent. ment la mise en place de 17 piézomètres d’injection de nutriments tel
Une exception est à noter pour certains hydrocarbures très légers que le peroxyde d’hydrogène, sa durée a été d’environ 18 mois pour un
qui peuvent être toxiques par effet « solvant ». coût de 180 F/m3 de sol.
Il est à noter que les pollutions par hydrocarbures sont dans la
majorité des cas des pollutions mixtes contenant une vaste gamme
de substances chimiques. Ceci explique pourquoi une communauté 3.5 Biotertre
microbienne très diversifiée se développe généralement sur de tels
sites, chaque souche étant spécialisée dans la dégradation d’un type
de composés. 3.5.1 Principe
Certains solvants chlorés peuvent être dégradés par métabolisme
ou cométabolisme aérobie. Les composés pouvant être utilisés en La technique demande la mise en tas du sol avant son traitement
tant que donneurs d’électrons sont, entre autres, le chlorure de biologique (figure 6). Cette technique est fortement utilisée pour les
vinyle, le 1,2-dichloréthane et le chloréthane, l’oxygène étant alors sols hétérogènes contaminés par des gazoils, des PCB, et permet
d’accepteur d’électron final. La dégradation s’effectue par une réac- une meilleure gestion du traitement que les techniques in situ. Elle
tion de substitution d’un atome de chlore par un groupement restera encore longtemps utilisée malgré le faible coût des techni-
hydroxyle. Les composés pouvant être cométabolisés sont les ques in situ et l’accroissement de leurs performances.
dichlorométhane, le chloréthane, le chlorure de vinyle, le dichloré- Cette technologie a pour objectif la biodégradation des composés
thène (DCE), le trichloréthène (TCE). Les enzymes responsables de organiques présents sous forme d’imprégnation dans les sols et
ce cométabolisme sont les mono-oxygénases et des dioxygénases. peut admettre deux principes très différents : la biostimulation et la
Les inducteurs cométaboliques suivant peuvent être utilisés : bioaugmentation. D’une manière générale, cette technique consiste
méthane (stimulation des micro-organismes méthanotrophes), à utiliser des micro-organismes pour dégrader des composés orga-
propane, phénol, toluène et ammoniaque. niques.
Il a été montré que d’autres composés peuvent être dégradés par
voie métabolique/cométabolique aérobie : les PCB (polychlorobi-
phényle) faiblement chlorés, les HAP (hydrocarbures aromatiques
polycycliques), les phénols, les crésols, certains pesticides et herbi- Sol contaminé Couverture Drain
cides (Dichlorprop, Silvex). plastique d'injection
d'air

3.4.2 Pratique
Tuyau
Les besoins des micro-organismes en oxygène peuvent être esti- d'évacuation
Drain
més d’après la stœchiométrie générale de la minéralisation des d'air
d'irrigation
hydrocarbures, variable suivant les molécules.
Le traitement biologique aérobie est limité essentiellement par la
faible solubilité de l’oxygène dans l’eau et différentes techniques Ventilateur
sont utilisées pour assurer le transfert de l’oxygène dans l’eau. Couche Drain de Membrane
Les nutriments sont indispensables à l’activité des micro-organis- de graviers récupération plastique
mes et doivent donc leur être fournis pour permettre une biodégra- imperméable
dation optimale. Les deux constituants principaux des nutriments
(l’azote et le phosphore) sont généralement ajoutés dans des Figure 6 – Principe du biotertre

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Cette dégradation est le plus souvent aérobie, mais peut être Exemple industriel : un site agroalimentaire (stockage de céréa-
anaérobie. Les micro-organismes nécessitent une source de les) en activité a eu une fuite accidentelle sur une cuve de fioul. La
carbone, de nutriments et d’oxygène pour dégrader les hydrocar- technique utilisée est l’excavation et le traitement sur site en biopile
bures qui sont ainsi transformés en dioxyde de carbone et en éner- par biostimulation. L’objectif du traitement est d’extraire 1 000 mg de
gie. Dans les sols contaminés, la source de carbone est suffisante, fioul par kilogramme de sol. Environ 1 000 m3 de sol [alluvions récen-
mais les nutriments et l’oxygène sont manquants ou déficitaires. tes, grossières (sables et graviers)] sont mis dans les alvéoles étan-
Les modalités d’apport de ces éléments sont la principale clef du chées par du PEHD de 1 mm d’épaisseur, avec des tuyaux pour
procédé. l’aération forcée et le réseau d’injection de nutriments. Le traitement a
Avant de démarrer un procédé de biodégradation, on doit bien duré 18 mois pour un coût de 450 F HT/m3 de terre.
considérer que les micro-organismes peuvent dégrader tout ce qui
peut être assimilé à de la « nourriture ». Leur métabolisme est assez
élémentaire et les micro-organismes préfèrent consommer comme 3.6 Phytoremédiation
nourriture une source énergétique. Si un organisme doit choisir
entre une molécule de glucose et une molécule de benzène, le
glucose sera dégradé préférentiellement parce qu’il libère plus 3.6.1 Principe
d’énergie pour un « effort » équivalent.
L’eau contient, dans les meilleures conditions, 15 à 20 mg/L La phytoremédiation emploie des végétaux pour traiter le sol
d’oxygène dissous. contaminé en surface par des molécules organiques ou des
Exemple : la dégradation de 1 kg d’isopentane de formule C5H12 métaux (figure 7).
(hydrocarbure simple représentant environ 15 % (en masse) d’une
essence) nécessite théoriquement 4,879 kg d’oxygène contenus dans Cette technique est parmi les moins coûteuses et les plus longues
15,11 m3 d’air. Dans la pratique, pour réaliser cette opération, il faut (jusqu’à trois ans). La phytoremédiation est au stade de l’industriali-
approximativement 287 m3 d’air par kilogramme de produit à dégrader. sation (plusieurs unités pilotes ont déjà été réalisés). Elle devrait se
Même si ce volume semble important, il est très facile à produire avec développer de manière importante dans les années à venir.
un simple surpresseur.
La phytoremédiation regroupe toutes les technologies utilisant
Outre l’apport d’oxygène, le procédé de dégradation biologique les plantes pour transformer, dégrader, concentrer, stabiliser ou
requiert des macro-éléments sous une forme biodisponible, c’est-à- volatiliser des polluants. Il s’agit d’une technologie scientifiquement
dire directement assimilables par les micro-organismes. Les nutri- complexe ne se réduisant pas à l’ensemencement de graines.
ments les plus utilisés sont l’azote, sous forme de sels d’ammo- Les technologies existantes ou en cours de commercialisation
nium, et le phosphore, sous forme d’orthophosphate. comprennent [2] :
3.5.1.1 Type de pollution traitée — la phytoextraction : utilisation de plantes accumulatrices pour
extraire, transporter et concentrer les polluants du sol dans les par-
Ce procédé s’applique de façon optimale sur des composés orga- ties récoltables de la plante. Pour que cette technique soit efficace, il
niques biodégradables absorbés sur un sol excavé. Les facteurs faut que le polluant soit disponible pour les racines et que celles-ci
limitant l’utilisation de cette technique sont la nature du contami- puissent le tolérer et l’absorber ;
nant et le pourcentage de fines contenues dans le sol. Les polluants — la phytostabilisation : utilisation des plantes pour réduire la
classiquement traités par biodégradation sont : les gasoils, les biodisponibilité, la mobilisation ou le lessivage des polluants et, par
fiouls, les kérosènes, les pétroles bruts et certaines coupes pétro- conséquent, leur entrée dans la chaîne alimentaire ou les nappes
lières lourdes (HAP, huiles organiques…). phréatiques ;
— la rhizofiltration : utilisation des racines pour absorber,
3.5.1.2 Moyens techniques concentrer ou précipiter les polluants d’un effluent liquide.
Le sol est disposé, en plate-forme de traitement, sur des épais-
seurs de 0,5 m à 1,5 m selon le volume à traiter et la surface dispo-
nible. L’étanchéité est assurée par une membrane PEHD
(polyéthylène haute densité) posée sur une couche antipoinçonne-
Photodégradation
ment. L’ancrage de cette membrane est effectué par des tranchées
ouvertes en tête de merlon. Biosynthèse
La plate-forme est instrumentée pour permettre l’injection d’eau,
de nutriments, d’oxygène et de micro-organismes. On distingue un
réseau d’extraction permettant d’assurer l’aération et la collecte des
lixiviats, et un réseau d’aspersion permettant de réinjecter ceux-ci Volatilisation
Métabolisme
après l’addition de nutriments.
L’ensemble fonctionne en système clos. Cependant, il est possible
d’ajouter de l’eau par un puits afin de maintenir le taux d’humidité
Adsorption
(de l’ordre de 40 à 60 % de la capacité de rétention) adapté au déve-
loppement des bactéries. La gestion des flux (eau-air) dépend des Entraînement par l'eau
paramètres intrinsèques du milieu à traiter (perméabilité à l’eau, et apport à la mort de la plante
perméabilité à l’air, vitesse de percolation…). Les injections de nutri-
ments ou de micro-organismes sont calées sur l’évolution biochimi- Dépôt Translocation
que du tertre biologique.

3.5.2 Pratique Dégradation


microbienne
Le rendement de ce procédé peut atteindre 99 % si le temps de
traitement est suffisamment long. Les coûts unitaires de cette tech- Adsorption Prélèvement
nique varient en fonction des volumes de sols mis en jeu.
Ce procédé est actuellement commercialisé. Figure 7 – Principe de la phytoremédiation

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D’autres procédés sont en cours de développement : — dans le cas de la phytoextraction, il faut disposer, le cas
— l’activité dégradatrice de la rhizosphère : utilisation de plantes échéant, de filière d’élimination des biomasses contenant le pol-
pour stimuler les micro-organismes de la rhizosphère caractérisée luant ou ses métabolites, par exemple incinération, lixiviation, dés-
par une communauté microbienne plus nombreuse, plus diversifiée hydratation.
et, par conséquent, par une activité biodégradatrice plus élevée. Les Le coût de la phytoremédiation a été estimé à 1 000 à 50 000 F/ha
interactions entre plantes et micro-organismes sont nombreuses et pour un système « récoltable », ce qui représente un coût de 0,2 à
complexes. Certaines peuvent créer des synergies facilitant la trans- 15 F/m3 de sol (avec une profondeur de racine de 0,33 m).
formation des composés organiques ;
Le procédé est actuellement au stade de développement avancé.
— la phytovolatilisation : stimulation de la volatilisation par
De nombreux sites pilotes ont été réalisés de par le monde avec des
l’intermédiaire de la plante qui va absorber puis éliminer, par trans-
résultats concluants et les brevets sont nombreux.
piration, les polluants ;
— la phytodégradation : métabolisme du polluant dans la plante Exemples industriels : un site anciennement occupé par une acti-
au niveau des racines ou des parties aériennes. Les plantes contien- vité liée aux batteries, et de ce fait contaminé par le plomb, est traité
nent de nombreuses enzymes responsables de réactions biochimi- par phytoremédiation, type phytoextraction. Il s’agit d’une pollution de
ques variables capables de transformer les composés organiques. surface d’une profondeur de 30 cm sur un hectare. Les concentrations
en plomb varient entre 300 et 2 000 p.p.m. (0,03 et 0,02 % en masse)
3.6.1.1 Type de pollution traitée et le seuil de traitement visé est 100 p.p.m. La plante utilisée est le
Brassica juncea (moutarde indienne). Trois récoltes par an pendant trois
La phytoremédiation peut s’appliquer tout aussi bien à l’air, aux ans ont amené le niveau de pollution au-dessous du seuil visé. La plan-
sols, aux composts, aux effluents liquides et aux eaux de drainage. tation est traitée comme tout terrain agricole, mais, après la récolte, les
Ce procédé présente un avantage certain lors de contaminations plantes sont séchées et incinérées dans un four pour récupérer le
peu profondes (de 50 cm à 3 m de profondeur) et de grande superfi- plomb.
cie. Néanmoins, compte tenu du temps de traitement élevés, la
phytoremédiation est généralement utilisée dans le cas de contami-
nations présentant peu de risque à court terme pour la santé
humaine et l’environnement. 3.7 Extraction des métaux
Les polluants traités sont :
— par phytoextraction, les métaux et les radioéléments ; Tout d’abord, il semble indispensable de préciser que les métaux
— par rhizofiltration, les métaux, les radioéléments et le trinitro- n’inhibent pas systématiquement toute activité microbienne. Au
toluène (TNT) ; contraire, de nombreuses enzymes indispensables au métabolisme
— par activité dégradatrice de la rhizosphère, le TCE, l’atrazine, le microbien contiennent des métaux et une carence en métal peut
pyrène ; limiter le développement des micro-organismes. Au laboratoire, un
— par phytovolatilisation, le sélénium. milieu restreint de culture contient toujours de nombreux métaux
La phytoremédiation est un procédé envisageable sur l’ensemble sous forme de trace.
des contaminations par les métaux lourds, les substances inorgani-
ques (CO2, SOx, NOx, ozone, fertilisants) et organiques [TNT, RDX
(composé explosif : cyclotriméthylènetrinitramine), pesticides, 3.7.1 Principe
hydrocarbures, phénols, solvants chlorés…].
Lorsque les métaux sont en forte concentration, une toxicité peut
3.6.1.2 Moyens techniques apparaître. Dans un sol, la toxicité et la biodisponibilité d’un métal
Plusieurs moyens permettent de mettre en œuvre la phytoremé- dépend fortement de sa spéciation, c’est-à-dire de sa distribution
diation : la culture en champs, les lits de gravier (seules les racines sous différentes formes chimiques qui donnent ensemble la
sont immergées) ou les lagunes (une partie ou la totalité de la plante concentration totale de l’élément dans l’échantillon. La spéciation
est immergée). dépend de nombreux paramètres physiques et chimiques comme
les équilibres entre l’adsorption et la désorption, entre la dissolution
Actuellement, sur le marché, plusieurs espèces de plantes sont et la précipitation, eux-mêmes régulés par les variations du pH et du
proposées. potentiel d’oxydoréduction.
Exemple : les peupliers ont montré leur efficacité pour réhabiliter Dans l’environnement, les micro-organismes interviennent large-
des sites contaminés par des nitrates, des pesticides (atrazine) ou du ment dans les cycles biogéochimiques naturels des métaux et la
nickel. compréhension de ces phénomènes a abouti à la mise au point de
techniques d’extraction minières (cuivre, or, uranium…). Cette
extraction biologique consiste à utiliser la capacité des micro-orga-
3.6.2 Pratique nismes indigènes à transformer directement (par oxydation ou par
réduction) ou indirectement (modification du pH, modification de
l’équilibre redox) les formes métalliques insolubles en composés
Les avantages de la phytoremédiation sont :
solubles pouvant être récupérés dans les lixiviats. Lorsque le mine-
— des coûts de traitement modérés par rapport aux autres tech- rai est pauvre en métal, les procédés chimiques classiques de
nologies de traitement ; concentration sont économiquement inadaptés et l’utilisation des
— un traitement adapté pour les grandes surfaces contaminées ; micro-organismes s’avère particulièrement performante. Ces procé-
— une technologie visuellement attractive ; dés biologiques, couramment utilisés aujourd’hui, démontrent
— une faible perturbation du milieu contaminé ; l’activité des micro-organismes en milieu fortement chargé en
— une bonne image auprès du public. métaux.
Par contre, la phytoremédiation présente quelques inconvénients : Plus récemment et sur les mêmes principes, la microbiologie a
— le procédé est limité aux surfaces colonisées par les racines ; naturellement trouvé des applications en dépollution des sols. Le
— le temps de traitement est généralement long ; traitement des différents métaux par biolixiviation reporté dans de
— le procédé dépend de la météorologie, des attaques des insec- nombreuses études fondamentales ou appliquées ne peut pas être
tes, des micro-organismes et des substances phytopathogènes ; abordé. Plusieurs travaux rapportent la transformation bactérienne
— la superficie des sites doit être suffisamment importante pour en condition anoxique d’une forme insoluble de l’arsenic en une
l’utilisation des techniques agricoles ; forme soluble lixiviable.

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BIOREMÉDIATION DES SOLS ____________________________________________________________________________________________________________

Exemple : citons la réduction dissimilatrice de l’arsenic (V) en


arsenic (III) lixiviable, ou la transformation de As2S3 en condition Tableau 1 – Concentrations en polluant dans le sol avant
méthanogène en arsenic lixiviable. et après traitement biologique anaérobie

Concentration initiale Concentration finale


3.7.2 Pratique Composé
Exemple industriel : sur un site contaminé par de nombreux pol- (p.p.m.) (p.p.m.)
luants organiques [HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), Arsenic ................... 11 < 0,1
PCB (polychlorobiphényle), BTX (benzène, toluène, xylène), PCE (per-
chloréthylène ou tétrachloréthène), TCE (trichloréthène)] et inorgani- Baryum .................. < 0,1 < 0,1
ques (métaux lourds : As, Ba, Cd, Cu, Hg, Ni…), l’application de
conditions anaérobies par saturation en eau et l’ajustement des Cadmium ............... 8 < 0,1
concentrations en nutriment a permis la biolixiviation des différents Chrome .................. 80 10
métaux en présence (tableau 1).
Cuivre..................... 600 220
Plomb..................... 350 90
4. Conclusions Mercure.................. 1 < 0,1

Le traitement biologique du sol et de la nappe phréatique « bio- Nickel ..................... 65 30


remédiation » est maintenant bien accepté par les spécialistes de la Sélénium................ 1 < 0,1
dépollution et par les gouvernements européens. Il s’agit toutefois
d’un traitement long mais peu coûteux qui nécessite les compéten- Argent .................... < 0,1 < 0,1
ces dans les domaines de la géologie, de la microbiologie et de la
science du sol, et, également, en génie de procédés. Zinc......................... 800 130

Références bibliographiques

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