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b1280 Technique de L Ingenieur

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Optimisation des processus

énergétiques : gestion optimale


par Christian CHATELAIN
Ingénieur de l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers
Ingénieur-Chercheur à la Direction des Études et Recherches de Électricité de France (EDF)
Jean-Claude DUCROCQ
Ingénieur Civil des Mines
Ingénieur-Chercheur à la Direction des Études et Recherches de Électricité de France (EDF)
Benoît MIGNARD
Ingénieur Civil des Mines
Ingénieur-Chercheur à la Direction des Études et Recherches de Électricité de France (EDF)
et Michel COEYTAUX
Ingénieur de l’École Centrale des Arts et Manufactures
Chef de Produit SECI Manager et salles de contrôle de la société SERETE

1. Analyse des critères économiques ..................................................... B 1 282 - 2


1.1 Critères de choix d’un procédé................................................................... — 2
1.2 Optimisation d’un processus de fabrication ............................................. — 3
1.3 Problème des données................................................................................ — 8
2. Constitution et gestion optimisées des réseaux d’énergie
dans les industries................................................................................... — 8
2.1 Principes de la modélisation....................................................................... — 9
2.2 Formulation mathématique ........................................................................ — 10
2.3 Conclusion.................................................................................................... — 14
3. Optimisation des schémas de transferts d’énergie dans les
procédés industriels................................................................................ — 16
3.1 Position du problème .................................................................................. — 16
3.2 Une méthode d’optimisation...................................................................... — 16
3.3 Exemple d’un procédé de la chimie........................................................... — 18
3.4 Conclusion.................................................................................................... — 18
4. Gestion de l’énergie en temps réel ..................................................... — 19
4.1 Définitions .................................................................................................... — 19
4.2 Fonctions générales de gestion et leur hiérarchie.................................... — 20
4.3 Structure des systèmes de contrôle-commande ...................................... — 22
4.4 Logiciels........................................................................................................ — 23
4.5 Rentabilité d’une gestion optimale en temps réel .................................... — 23
4.6 Évolutions prévisibles ................................................................................. — 24
Références bibliographiques ......................................................................... — 24

’article Optimisation des processus énergétiques se compose de trois


L
2 - 1989

articles :
— Concepts [B 1 280] ;
— Applications [B 1 281] ;
— Gestion optimale [B 1 282].
Largement mise en œuvre dans la plupart des procédés industriels, l’énergie
B 1 282

est un bien précieux qu’il faut économiser, mais non sans comptabiliser
parallèlement les investissements et les frais qui s’attachent aux opérations dont
elle est l’objet.

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OPTIMISATION DES PROCESSUS ÉNERGÉTIQUES : GESTION OPTIMALE ___________________________________________________________________________

Ainsi la gestion de l’énergie se présente-t-elle comme un problème d’optimisa-


tion technico-économique qui se pose à différents niveaux :
— dans le choix de l’équipement qui permettra d’assurer une même fonction
globale de la façon la moins coûteuse ;
— dans le mode d’exploitation le plus judicieux de cet équipement, souvent
indissociable de son choix ;
— dans le meilleur compromis performance-prix attaché à chaque appareil
participant à la fonction ;
— enfin, dans le contrôle instantané du fonctionnement de l’ensemble pour le
maintenir en permanence au plus près de ses conditions optimales.
Les spécialistes qui ont traité, en collaboration, ce vaste sujet l’ont découpé
en quatre paragraphes :
— analyse des critères économiques ;
— constitution et gestion optimisées des réseaux d’énergie dans les
industries ;
— optimisation des schémas de transferts d’énergie dans les procédés
industriels ;
— gestion de l’énergie en temps réel ;
où se trouvent approfondis les différents aspects que l’on vient d’évoquer.

1. Analyse des critères au prix que le secteur productif est prêt à payer pour disposer de
moyens de financement supplémentaires et, réciproquement, au
économiques prix que la collectivité est prête à accepter pour renoncer à une
satisfaction immédiate.
Nota : le lecteur se reportera utilement à la rubrique Management de l’entreprise du
La majorité des individus préfèrent disposer d’un bien immédiate-
traité L’entreprise industrielle, et en particulier à l’article Choix des investissements ment au lieu d’en disposer seulement dans un ou deux ans. Cette
[A 4 450]. préférence n’est pas uniquement fondée sur l’incertitude de l’avenir
ou sur l’inflation, mais aussi sur la croissance économique. D’une
promesse ferme de recevoir 1 000 francs dans cinq ans, on peut
1.1 Critères de choix d’un procédé préférer les recevoir tout de suite, afin de faire travailler cet argent
pour en tirer profit.
Le comportement des entreprises est principalement axé sur le Plus la croissance est rapide, plus les besoins d’investissement
futur, puisqu’il concerne les projets d’investissements et les besoins sont grands, et plus le taux d’actualisation est élevé.
de capitaux. La technologie offrant, presque toujours, une diversité Pour des raisons de simplification, nous supposerons ce taux
de procédés pour une production donnée, un choix doit être fait entre d’actualisation a constant dans le temps, et les coûts seront exprimés
ces différents procédés. La plupart des décisions qui en découlent en francs de l’année 0. De plus, l’investissement est entièrement
nécessitent un arbitrage entre le présent et l’avenir. imputé sur cette première année, les coûts proportionnels
De deux projets, l’industriel choisira le plus rentable. Encore faut-il commençant l’année 1.
s’entendre sur ce terme ! Le coût économique repose sur deux De ce fait, on a la relation d’équivalence suivante :
facteurs : l’un est définitif, il s’agit de l’investissement et de son
financement pour lequel l’échelonnement des dépenses est bien 1
1 franc de l′année n = ----------------------- franc de l′année 0
connu ; l’autre, le coût d’exploitation, ne peut être qu’estimé selon ( 1 + a )n
les caractéristiques techniques probables et les conditions écono-
miques extrapolées à partir de la situation actuelle.
Le problème (rendre un procédé le plus économique possible) bute 1.1.2 Valeur du taux d’actualisation à choisir
sur un premier obstacle : comment concilier coût d’investissement
et coûts d’exploitation ? En effet, l’investissement est payé au tout ■ Si le décideur appartient à une entreprise privée, l’estimation de
début de la mise en place du procédé, tandis que les frais d’exploita- ce taux est, en général, subjectif.
tion sont à débourser pendant toute la durée de vie de l’installation.
Dans le cas où le financement se fait uniquement par un emprunt,
Il faudrait même, en toute logique, intégrer, à ces coûts, les frais de
le taux sera de l’ordre de :
déclassement et de remplacement.
Le choix peut se faire par le calcul de la valeur actuelle (ou bilan a = i (1 – b) + s
actualisé) de chacun des projets caractérisés par l’investissement et avec b t a u x d ’ i m p o s i t i o n d e s b é n é fi c e s i n d u s t r i e l s e t
par les dépenses et recettes prévisibles pour chaque année à venir. commerciaux,
i taux d’intérêt de l’emprunt,
1.1.1 Actualisation des coûts futurs s taux de risque ou coefficient de sécurité.
Dans le cas où une part d’autofinancement intervient, le calcul de
Pour exprimer ces dépenses dans une même unité, il est néces- ce taux d’actualisation est encore plus subjectif et arbitraire.
saire de disposer d’un indicateur global, le taux d’actualisation ; il
mesure la rareté des ressources de financement que la collectivité
peut mettre à la disposition du secteur productif [1] : cela correspond

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Entre deux projets dont l’un procure un bénéfice actualisé certain r est donc une fonction monotone décroissante du temps de récu-
et l’autre le même bénéfice mais moins probable, l’entrepreneur pération. Minimiser le temps de récupération revient donc à maxi-
préfère généralement le premier. Il existe deux possibilités de tenir miser le taux de rentabilité interne.
compte de cela : Par contre, bénéfice actualisé et temps de récupération ne sont
— soit alourdir les projets aléatoires d’un montant de sécurité ; pas toujours équivalents comme le montre l’exemple suivant : (0)
— soit augmenter le taux d’actualisation de ces projets
(+ 5 à 20 %).
Projet I Projet II
■ Si le décideur appartient à un service public, il n’a aucun choix : il
prend le taux d’actualisation fixé par le Commissariat au Plan à 9 %. durée de vie T ......................(ans) 10 10
En règle générale, ces bilans sont calculés en francs constants. investissement I .................... (kF) 1 000 2 000
bénéfice brut.....................(kF/an) 500 750
temps de récupération.......(ans) 2,0 2,7 → choix du projet I
Toutefois, si l’on désire constituer un échéancier en francs cou- taux de rentabilité r................(%) 49,1 35,7 → choix du projet I
rants, il faut alors intégrer l’inflation dans le taux d’actualisation : bénéfice actualisé B............. (kF) 2 209 2 813 → choix du projet II
1 + a′ = (1 + a ) (1 + i )
Cependant, la difficulté d’évaluer l’inflation future ne plaide Si les durées de vie des équipements sont différentes, il faut choisir
pas en faveur de cette méthode qui, de toute façon, n’apporte comme horizon de calcul le plus petit commun multiple des durées
aucune indication supplémentaire sur le choix à faire. de vie de chacun des projets, en procédant à des renouvellements
à l’identique. On comparera, par exemple, trois opérations succes-
Les calculs ultérieurs sont donc toujours réalisés en francs sives de centrales thermiques (durée de vie de 30 ans) et une opéra-
constants. tion de centrale hydraulique (durée de vie estimée à 90 ans).
On peut aussi prendre une durée T quelconque (la plus petite durée
Remarquons ici que francs constants ne veut pas dire prix de vie par exemple) et faire les comparaisons en tenant compte de
constants. Des dérives de prix peuvent être incluses pour certains la valeur résiduelle des équipements à la fin de cette période.
biens (l’énergie, par exemple).

1.1.3 Critère économique à utiliser 1.2 Optimisation d’un processus


de fabrication
■ Le bilan actualisé B (ou bénéfice net actualisé), le discounted
cashflow des Américains, est la différence entre la somme des
recettes Rn et la somme des dépenses Dn pendant la durée de vie T Choisir entre deux technologies différentes suppose que chacun
de l’installation : de ces deux projets est optimal à l’instant de la décision. Pour que
ce choix soit cohérent, il est indispensable que les critères qui régis-
T
( Rn – Dn ) VT sent l’optimisation de chaque procédé soient identiques non seu-
B = – I+ ∑ ---------------------------
( 1 + a )n
+ ----------------------
( 1 + a )T
(n = 1 à T ) (1) lement entre eux, mais aussi avec le critère de décision finale. Bien
n=1 que cette condition paraisse évidente, elle n’est pas toujours facile
avec I investissement, à respecter.
VT valeur résiduelle de l’investissement. Pour des raisons d’opportunité commerciale, les fournisseurs
peuvent, dans certains cas, avoir tendance à privilégier le court terme
D’autres critères de choix existent, mais présentent des défauts, (investissement minimal) au détriment des dépenses futures
comme nous le verrons au paragraphe 1.2.2. (énergie par exemple). Mais ce n’est pas la seule raison d’un manque
■ Le taux de rentabilité interne r est égal au taux d’actualisation qui d’optimalité de certaines installations.
annule le bénéfice actualisé. Une opération est rentable si son taux Les deux principales causes sont le coût supplémentaire de l’étude
de rentabilité dépasse le taux d’actualisation. d’optimisation et la dispersion des connaissances et des responsa-
bilités. L’ensemblier n’a pas toujours la possibilité de maîtriser la
■ Le temps de récupération est le temps nécessaire pour annuler le fonction investissement des éléments du procédé qu’il sous-traite ;
bilan précédent (en général non actualisé) : et il ne peut multiplier ses demandes de devis à l’infini. Quant au
Investissement sous-traitant, il est rarement informé de l’ensemble dans lequel son
Temps de récupération = ------------------------------------------------ (2) appareil s’imbrique. De plus, la fourniture des utilités (énergie)
Bénéfice annuel
n’entre généralement pas dans la limite des fournitures de l’appel
Son usage revient à privilégier les investissements, c’est-à-dire d’offre, ce qui fait que celles-ci sont rarement intégrées dans la fonc-
récupérer la mise de fonds le plus rapidement possible. tion économique à optimiser. On pourra voir l’influence de cette
dernière constatation dans les exemples traités au paragraphe 1.2.2.
■ Le temps de retour s’applique surtout à la comparaison de deux
projets entre eux :
1.2.1 Multitude de variantes économiques
– ∆ Investissement
Temps de retour = ------------------------------------------------------------ (3) pour une solution
∆ Coût d′exploitation
Les deuxième et troisième critères sont équivalents si les Tout acte industriel met en œuvre des matériels (la machine), de
recettes R et les dépenses D sont invariantes au fil des ans et si la l’énergie (ce qui la fait fonctionner) et du contrôle-commande
valeur résiduelle est négligée. En effet, dans ce cas, le taux de ren- (l’élément de décision : main-d’œuvre ou automatisme).
tabilité interne r se détermine par l’équation : Avant d’aboutir à cette machine industrielle, il a fallu étudier les
phénomènes mis en œuvre, les tester en laboratoire afin de valider
1 – 1 / ( 1 + r )T I
------------------------------------ = ---------------- (4) sa faisabilité, puis extrapoler ces résultats à l’échelle de la production
r R–D industrielle, souvent par l’intermédiaire d’un pilote semi-industriel.

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Toutes ces étapes nous confortent sur le bon fonctionnement tech- L’énergie nécessaire au processus n’est généralement pas de
nique de notre machine ; mais qu’en est-il de sa performance l’énergie marchande comme le fuel lourd ou l’électricité haute
économique ? tension alimentant l’usine. Il faut la transformer par l’intermédiaire
Une fois le schéma du procédé retenu, il nous reste à déterminer de machines (chaudière, poste et transformateur électrique) en
ses paramètres techniques ; ce sont, par exemple, une vitesse de énergie utilisable (vapeur d’eau, électricité MT ou BT, etc.), puis la
rotation, un pincement d’échangeur, une pression de fonctionne- transporter dans un réseau interne jusqu’aux machines utilisatrices.
ment, une épaisseur de calorifuge, etc. Cet investissement producteur d’énergie ne doit pas être oublié. Il
varie dans le même sens que la consommation d’énergie, et donc
Presque tous les processus élémentaires de fabrication réalisent en sens inverse de l’investissement du procédé. L’investissement
un transfert et peuvent se réduire à une fonction de la forme : total présente, dans la plupart des cas, un minimum pour une valeur
F = kSEspécif (5) donnée du paramètre énergétique.
Bien entendu, les équations réelles à utiliser sont parfois plus
dans laquelle : compliquées ; mais en fin de compte, il est souvent possible, dans
Espécif est la variation du potentiel de transformation (consomma- une plage de variation déterminée, d’approximer celles-ci par des
tion d’énergie unitaire) nécessaire pour réaliser ce transfert, fonctions de type puissance [2] :
F est le flux, c’est-à-dire la production horaire de la machine, — investissement producteur d’énergie :
k est un coefficient technique qui dépend de la technologie Ipro = A + B · E α
employée,
S est une surface de transformation qui détermine la taille de — investissement consommateur d’énergie :
l’appareil et donc l’investissement consommateur Icon = C + D · E –β
d’énergie.
— coût annuel de l’énergie :
Les exemples de tels processus sont nombreux. Citons-en deux.
C ann = F · E
■ Alimentation d’un appareil de puissance électrique F (kW) sous une
tension continue U à travers un câble électrique de conductivité ρ et de avec α = 0,8 à 1 et β = 0,25 à 1 ;
longueur L. Si S est la section du câble, les pertes en ligne sont : A, B, C, D, F coefficients fonction du procédé envisagé ;
E consommation d’énergie.
L
W ( kW ) = 2 ρ ------ ⋅ ( F/U ) 2 Le coût total sur la période T est donné par :
S
1

 
F / U étant le courant consommé. 1 – ----------------------
( 1 + a )T
Cette équation peut se mettre sous la forme : C total = I pro + I con + C ann ⋅ ---------------------------------- (6)
a
U2
F = ---------- ⋅ S ( W/F ) avec a taux d’actualisation annuel,
2ρL
T durée de vie des équipements.
avec E = W /F consommation spécifique.
Prenons, comme exemple, un procédé de concentration :
■ Un module d’osmose inverse (par exemple, en concentration de — l’investissement producteur d’énergie (chaudière à fuel, par
lactosérum) se compose de membranes de surface S (m2 ), d’une exemple) est égal à :
pompe de débit Ft (m3/ h) créant une surpression de ∆p (bar). Si la pres- Ipro = 600 E 0,88
sion osmotique est faible vis-à-vis de la pression ∆p, le débit de perméat
(eau) est F (m3/ h) = hS ∆p, avec h coefficient de débit de la membrane. — l’investissement consommateur d’énergie (cas d’un évaporateur
L’énergie dépensée à la pompe est : multiples effets) est égal à :
Icon = 287 700 E – 0,75
W (en kWh/ h) ≈ 0,04 Ft ∆p
— le coût annuel de l’énergie (fuel lourd) est égal à :
Soit C i la concentration initiale du produit et C f sa concentration finale,
alors les débits F t et F sont liés par la relation : Cann = 120,3 E (en kF)
F = Ft (1 – C i / C f ) — E est la consommation de fluide énergétique et est exprimée en
tonnes de vapeur d’eau par heure.
Ces équations s’écrivent aussi :
Le coût total sur la période T est :
h
F = ( 1 – C i /C f ) ------------- ⋅ S ( W/F ) 1

 
0,04 1 – ---------------------T
– 0,75 (1 + a)
C total = 600E 0,88 + 287 700 E + 120,3 E --------------------------------
Dans tous les cas industriels qui nous intéressent, la production a
est fixée par le cahier des charges.
D’après la relation (5) et pour une production donnée, la
consommation spécifique d’énergie du procédé est inversement 1.2.2 Principe d’optimisation
proportionnelle au paramètre fixant la taille de l’équipement. De ce
fait, l’investissement de l’appareil consommateur d’énergie (facteur Comme nous avons un degré de liberté (l’énergie dans notre
d’échelle négatif) varie en sens inverse de la consommation exemple) pour notre processus, il est judicieux de choisir la meilleure
d’énergie. On retrouve ici le principe bien connu : économiser valeur de ce paramètre. Ce dernier n’est généralement pas directe-
l’énergie coûte cher en investissement. ment l’énergie consommée E, mais une caractéristique technique S
Le coefficient technique k dépend souvent du potentiel énergé- de l’appareil liée à cette consommation par la relation (5).
tique et introduit un élément de non-linéarité dans les équations. Par
exemple, le coefficient d’échange thermique diminue lorsque l’écart
de température diminue.

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Le premier critère est de rendre minimal le coût total F ( E )


[relation (6)], ce qui revient à annuler la dérivée de la fonction : Tableau récapitulatif des résultats obtenus
∂F (E )/ ∂E avec ∂ 2F (E )/ ∂E 2 positif. La relation (5) conduit à une rela- (base 100 = coûts au point A)
tion E = G ( S ). Le critère F ( E ) devient F ( G ( S ) ) que nous
notons H (S ). La minimisation de ce nouveau critère s’exprime par : Temps
Investisse- Coût de
∂H ( S ) ∂F ( E ) ∂G ( S ) Critère Énergie
ment total récupération
--------------------- = 0 soit -------------------- ⋅ ---------------------- = 0
∂S ∂E ∂S (ans)
∂ 2H (S) ∂F ( E ) ∂ 2 G ( S ) ∂ 2 F ( E ) ∂G ( S )
 
2
- > 0 soit ------------------- ⋅ ------------------------
et ---------------------- - ⋅ ---------------------
+ --------------------- >0 Coût total A 100 100 100 1,86
∂S 2 ∂E ∂S 2 ∂E 2 ∂S Coût hors utilités B 125 93 102 1,77
Deux cas qui respectent ces équations peuvent se présenter : Investissement C 200 86 119 1,81
• ∂F (E )/ ∂E est nul et le critère est vérifié ; Temps de récupération
• ∂G (S )/ ∂S est nul avec ∂ 2G (S )/ ∂S 2 de même signe que avec utilités D 150 89 106 1,75
∂F (E )/ ∂E. sans utilités E 415 103 192 2,99
Ce deuxième cas a très peu de chances de se produire, car il signifie
avec utilités D′ 138 90 104 2,47
qu’il existe un extrêmum de la consommation d’énergie pour une
valeur donnée du paramètre technique. sans utilités E′ 311 92 155 3,58
On peut donc dire qu’optimiser le critère selon un paramètre avec utilités D′ 158 88 108 1,35
technique ou selon l’énergie, comme dans notre exemple, aboutit sans utilités E′′ 519 115 230 2,67
à réaliser un même équipement.
Nous ne développerons pas ici le cas de plusieurs degrés de
liberté ; cela peut arriver avec des paramètres techniques
secondaires (par exemple, la pression d’aspiration au compresseur
pour une évaporation avec compression mécanique de vapeur est
un paramètre secondaire par rapport au taux de compression).
L’influence de ces paramètres, souvent du second ordre, doit
toutefois être envisagée lors d’une étude d’un projet réel. Cela peut
aussi se produire si le système étudié comporte plusieurs processus
élémentaires liés entre eux. Le principe appliqué reste cependant le
même, bien que sa résolution soit moins aisée.
D’autres critères peuvent également être pris en compte.
■ Minimisation du coût total (figure 1a ) ; lorsque l’on optimise un
processus, les recettes ne sont pas liées à la technologie employée,
mais à la vente du produit fini. Nous pouvons donc remplacer la
maximisation du bénéfice actualisé par la minimisation du coût total,
somme de l’investissement total et du coût actualisé d’exploitation
[relation (6)].
L’énergie consommée (point A) est de 20 t /h pour un coût total
de 54 200 kF. Si les utilités (investissement producteur d’énergie)
sont oubliées (point B), la consommation énergétique passe à
25 t /h, soit une augmentation de 25 % avec un coût total réel
(point B’) de 55 200 kF (+ 2 %) et un investissement réduit de 7 %.
■ Minimisation de l’investissement total (figure 1a) : si ce critère
permet de réduire l’investissement de 14 % (point C), il augmente le
coût actualisé de 19 % (point C ′ ) et la consommation d’énergie
de 100 % !
En comparant ces deux projets (A et C), on peut constater
(figure 1b ) que la solution à investissement minimal devient plus
onéreuse dès la deuxième année de fonctionnement ; ce second
critère est donc à écarter.
■ Minimisation du temps de récupération (figure 2) : comme nous
l’avons vu au paragraphe 1.1.3, cela revient également à maximiser
le taux de rentabilité interne. Ce critère pose une réelle difficulté
pour estimer correctement le montant de la recette annuelle, lequel
dépend surtout du marché et du circuit commercial du produit
fabriqué.
À titre d’exemple, on peut calculer les optimums lorsque cette
recette varie de + 25 % (points D′ et E′) ou de – 25 % (points D′′
et E′′). Si le temps de récupération optimal est supérieur à un an,
alors la consommation d’énergie est supérieure à celle du point A
(+ 50 % pour le point D). Avec ce critère, ne pas tenir compte de
l’investissement des utilités donne un optimum farfelu (point E)
puisqu’il coûte plus cher en investissement et en exploitation que
la solution correspondant à l’investissement minimal (point C). Figure 1 – Optimisation du coût d’un processus
Ce critère est donc, lui aussi, à écarter des processus d’optimisa-
tion et de décision finale. Seul le coût total, ou le bénéfice actualisé,
est utilisé par la suite. (0)

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Figure 2 – Optimisation du temps de récupération

Figure 3 – Influence du taux d’actualisation sur le coût total


Sur la relation (6), on constate que les paramètres fixant la
valeur de l’optimum sont au nombre de trois : le taux d’actualisa-
tion, la durée de vie des équipements et la variation relative des
prix de l’énergie par rapport au coût d’investissement.

1.2.3 Influence du taux d’actualisation


Entre un processus optimisé à un taux de 9 %, et celui optimisé
pour un industriel peu confiant dans l’avenir (a = 25 %), la
consommation d’énergie du second est augmentée de 23 %
(figure 3).
À l’inverse, dans un pays à économie dirigée où le taux
d’actualisation serait nul, le processus consommerait 17 % d’éner-
gie en moins.

1.2.4 Influence de la durée de vie des équipements


Ce que l’on entend ici n’est pas la durée de la vie physique de la
machine, mais sa durée de fonctionnement économique. En effet,
une centrale électrique, par exemple, est prévue pour fonctionner
de nombreuses années car l’évolution de la demande future d’électri-
cité est bien cernée. Par contre, dans certaines branches industrielles,
l’évolution du marché et des techniques est telle que l’obsolescence
du produit ou de la machine est rapidement atteinte.
Cette durée de fonctionnement est donc très liée au type
d’industrie qui utilise l’équipement. Il n’est, ainsi, pas anormal de
trouver des équipements optimisés ayant des consommations très
différentes si les conditions d’utilisation sont elles-mêmes diffé-
rentes (figure 4).
À l’extrême, entre le secteur public (a = 9 % et T = 30 ans) et une Figure 4 – Influence de la durée de vie de l’installation sur le coût total
industrie en évolution très rapide et ne prenant pas de risques
(a = 25 % et T = 3 ans), la différence de consommation énergétique
d’un même processus est de l’ordre de 80 %.

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1.2.5 Influence de l’enchérissement de l’énergie Ici, nous n’avons qu’un combustible : le fuel lourd. Dans un cas
réel, plusieurs énergies sont nécessaires (électricité et combustible,
Le troisième élément modifiant l’optimum économique est la par exemple), ce qui fait autant de coefficients de dérive de prix.
variation du coût des énergies vis-à-vis du coût d’investissement. Une dérive a moins d’influence sur l’optimum que la modification
Il peut être regardé de deux manières. du prix de l’énergie car elle ne s’applique progressivement que sur
■ D’une façon statique : pour un même décideur et un même les années futures, elles-mêmes pondérées par l’actualisation. Cela
processus, l’optimum actuel est-il identique à celui d’il y a dix ans ? ne veut pas dire qu’il ne faut pas en tenir compte, comme le montre
la figure 6. En partant des coûts de 1982, on applique une dérive
Si l’on considère que les coûts de notre exemple sont ceux de 1982, sur le fuel variant entre – 12,5 % (retour au prix de 1973) à + 13,4 %
la figure 5 montre l’évolution du processus optimal entre 1973 (prix multiplié par 4 au bout de 11 ans). La consommation optimale
et 1984. Entre ces deux dates, le rapport prix du fuel lourd sur coût d’énergie est alors comprise entre + 23 % et – 25 % de la valeur
d’investissement a été multiplié par près de 4. De ce fait, le processus calculée sans dérive du combustible.
optimisé en 1984 consomme 36 % d’énergie de moins que celui
d’avant le premier choc pétrolier. Avoir une incertitude sur le prix futur de l’énergie est parfaite-
ment compréhensible, il ne convient pas pour autant de majorer le
Ceci montre bien qu’il ne suffit pas de reprendre des études anté- taux d’actualisation. En effet, cette incertitude n’affecte qu’une par-
rieures pour un nouveau projet et que la consommation d’énergie tie du coût total (le coût annuel de l’énergie en question).
d’un procédé n’est pas une constante universelle dépendant unique-
ment de la technologie mise en œuvre. Dans le tableau suivant, on calcule, à partir de l’exemple précédent,
les taux d’actualisation avec une dérive nulle [relation (6)] qui
■ D’une façon dynamique, c’est-à-dire en incluant une dérive d sur donnent le même optimum énergétique qu’une dérive de prix avec
le prix des énergies dans la relation (6) du coût total : un taux d’actualisation de 9 % [relation (7)]. Résultat : si l’énergie a
tendance à augmenter, alors il faut diminuer le taux d’actualisation,

    ⋅ --------------
1+d T 1+d c’est-à-dire prendre un taux de risque négatif ! (0)
C total = I pro + I con + C ann ⋅ 1 – --------------- - (7)
1+a a–d

Énergie à l’optimum a (pour d = 0 %) d (pour a = 9 %)


(t/h) (%) (%)
16,6 0 9
18,1 3,8 5
20,0 9,0 0
21,9 14,7 – 5
23,7 21,1 – 10
25,4 28,2 – 15
27,1 36,3 – 20

1.2.6 Limites des paramètres

Il peut arriver que la valeur optimale d’un paramètre corresponde


à une impossibilité technique. C’est le cas par exemple de l’écart
de température sur un évaporateur à flot tombant, qui crée des
instabilités de fonctionnement au-dessous de 1 ou 2 oC. Ces limites
évoluent avec le progrès technique.
Il arrive aussi que la limite de sécurité soit fixée par une norme,
comme par exemple pour la densité maximale de courant admis-
sible dans un câble électrique.

1.2.7 Discontinuités de l’investissement

Presque tous les matériels sont à choisir dans le catalogue d’un


constructeur. Cela veut dire que le paramètre technique varie par
paliers. C’est le cas des moteurs, des pompes, des câbles électriques,
des diamètres de tuyauterie, des chaudières, etc.
Dans certains cas, il y a même passage d’une technologie bon mar-
ché à une technologie plus sophistiquée. Au-delà d’un taux de
compression donné, il faut, par exemple, utiliser un compresseur
à deux étages qui coûte environ 50 % plus cher.
Si tous les appareils du processus sont de ce type, l’optimisation
se fait sur une variable discrétisée. S’il reste un appareil dont la taille
n’a pas ce type de contrainte (surface d’échange par exemple), la
recherche de l’optimum doit se faire dans chaque gamme de maté-
Figure 5 – Influence du coût des énergies
riels (figure 7).

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1.3 Problème des données


1.3.1 Coûts d’investissement
Étant donné toutes les approximations faites sur le taux
d’actualisation, la durée d’utilisation, la dérive du prix de l’énergie,
mais aussi l’allure assez plate du minimum de la courbe de coût total,
il n’est pas indispensable de rechercher une trop grande précision
pour l’établissement du coût d’investissement. Des formules de type
puissance sont généralement suffisantes : I = A + BE α (§ 1.2.1), par
exemple. Nombre de publications fournissent ces données. Pour les
matériels du génie chimique, citons le manuel d’évaluation écono-
mique des procédés [3] et, pour les matériels électriques, le recueil
d’Ampère 82 [4].
Utiliser ce type de formules apporte également l’assurance de ne
pas trop grever le coût d’étude du projet.

1.3.2 Coûts proportionnels


Par mesure de simplification, le coût d’entretien est souvent pris
égal à un certain pourcentage de l’investissement (3 à 6 % selon les
matériels).
Le coût des énergies est le coût actuel, auquel on peut appliquer
plusieurs scénarios de dérives. Pour les énergies dont les prix sont
saisonnalisés (tarifs), il suffit de prendre le coût moyen marginal car
la variation du paramètre technique ne modifie pas la répartition
d’énergie dans les différentes tranches de tarification. Dans ce cas,
il faut quand même vérifier que les contraintes du tarif restent
respectées (puissance souscrite en heures creuses inférieure ou
égale à la puissance en heures pleines par exemple).

Figure 6 – Influence d’une dérive d du prix des combustibles (fuel)

2. Constitution et gestion
optimisées des réseaux
d’énergie dans les industries
Le choix d’un investissement énergétique et la gestion optimale
de l’énergie sur un site industriel doivent être envisagés en prenant
en compte deux dimensions importantes du problème :
— l’insertion de l’équipement énergétique au sein d’un système
d’équipements interdépendants : c’est la dimension systémique du
problème à résoudre ;
— les variations au cours d’une année d’exploitation des tarifs des
énergies, des besoins des procédés de fabrication en utilités (vapeur,
énergie mécanique, etc.), des disponibilités des équipements : c’est
la dimension temporelle.
Illustrons qualitativement ces deux points sur le système
chaleur-force de la figure 8. On pourrait envisager l’installation
d’une compression mécanique de vapeur (CMV) substituant une
puissance électrique 2 MW à 20 t/h de vapeur basse pression dans
un atelier du process, induisant ainsi des modifications sensibles
au niveau du système chaleur-force. Le tonnage de vapeur écono-
misé conduit, en effet, à une baisse de l’autoproduction qui peut
être du même ordre de grandeur que la puissance de la CMV
elle-même.
Évaluer la rentabilité de la compression de vapeur à l’échelle de
l’atelier concerné conduit donc à une erreur de diagnostic par
non-prise en compte des interdépendances entre équipements liées
Figure 7 – Effets de la discontinuité des investissements. à l’aspect système. De la même façon, une modification des
Cas de deux optimums I et II différents besoins des procédés en vapeur haute, moyenne et basse

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Figure 8 – Exemple de système chaleur-force, auquel on envisage d’installer une compression mécanique de vapeur (CMV)

pression conduit à une modification de l’allocation de charge entre — le fonctionnement du procédé, généralement fixé par des
les turbines, les détentes statiques et les chaudières du système impératifs de production et par des contraintes techniques ; il n’est
chaleur-force si l’on désire minimiser le coût de l’ensemble des donc généralement pas sujet à optimisation au cours du temps, sauf
approvisionnements énergétiques du site. Une variation des prix en cas d’installation d’un nouvel équipement ; pour cette raison, le
relatifs des combustibles sous chaudières et de l’électricité du réseau procédé peut être représenté par la description de ses besoins en
conduit d’ailleurs à la même remarque. utilités au cours du temps ; un investissement au niveau du process
L’exemple de la figure 8 montre la nécessité d’un outil méthodolo- est alors traité au travers de la modification induite des besoins du
gique et de son support informatique permettant : procédé en utilités ;
— les sources d’énergie disponibles, ainsi que leurs tarifications
— l’optimisation des choix d’investissements énergétiques ;
respectives.
— la gestion optimale de l’énergie, moyennant la prise en compte
de l’ensemble du système énergétique et des différentes variations Le choix optimal des investissements puis la gestion de l’énergie
pouvant intervenir au cours d’une année d’exploitation. peuvent alors être posés dans les termes suivants : minimiser
l’ensemble des coûts énergétiques et des charges liées aux
investissements en respectant :
— les caractéristiques de fonctionnement des différents équipe-
2.1 Principes de la modélisation ments, c’est-à-dire les relations entre leurs entrants et leurs sortants ;
— la topologie du réseau énergétique ; cela peut être obtenu en
écrivant que la somme des productions de chaque produit doit être
Un système énergétique industriel et son exploitation peuvent être au moins égale à la somme de ses utilisations ;
caractérisés par les éléments suivants : — les capacités maximales et les minimums techniques des
— un ensemble d’équipements producteurs ou transformateurs différents équipements ;
d’énergie dont le but final est de fournir à tout instant les utilités — les besoins du procédé en utilités ;
(vapeur à différents niveaux thermiques, eau chaude, électricité, etc.) — d’éventuelles contraintes techniques propres au système
nécessaires au fonctionnement du procédé de fabrication ; étudié.
— la topologie du système chaleur-force, c’est-à-dire la façon dont
les équipements sont reliés entre eux ;

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La minimisation de la fonction économique proposée doit être 2.2.1 Modélisation du groupe turboalternateur
effectuée sur une année d’exploitation complète et les contraintes
précédemment listées doivent être vérifiées sur chacune des La courbe caractéristique du groupe turboalternateur, relation
périodes représentant : entre la puissance Z sur l’arbre et le débit de vapeur T2 (figure 10),
— les variations d’activité du procédé au cours du temps ; peut être modélisée par les relations suivantes :
— les variations des coûts des énergies en raison de l’existence
1 2
de structures tarifaires de certaines énergies (électricité, par  T 2 = b 1 t 1 ∆T 2 + b 2 t 2 ∆T 2
exemple). 
 Z = b 1 t 1 ∆Z 1 + b 2 t 2 ∆Z 2
Pour réaliser cet objectif, on peut utiliser les programmations
linéaire et mixte (article Optimisation des processus énergétiques :
concepts [B 1 280], dans le présent traité). Les contraintes citées sont
écrites sous une forme linéaire ou linéarisée par morceaux, puis avec b1  t1
dupliquées sur chacune des N périodes de la modélisation. À ces t2  b2
contraintes monopériodiques peuvent venir s’ajouter d’autres
b2 – b1  0
contraintes liant des périodes entre elles (phénomènes de stockage,
prime fixe de certaines tarifications énergétiques). On remarquera t 1  1, t 2  1
que les contraintes descriptives de la topologie du système
permettent l’intégration de la dimension systémique, tandis que la où b1 et b 2 sont des variables booléennes et t 1 et t 2 des variables
duplication des contraintes sur un ensemble de N périodes descrip- continues.
tives d’une année permet la prise en compte de la dimension tempo- 1 2
Les constantes ∆T 2 et ∆T 2 désignent les longueurs (en t/ h) des
relle du problème. deux intervalles de débit dont on prend les fractions t1 et t 2 .
Le recours à la programmation linéaire pour traiter ce type de Les variables booléennes b1 et b 2 ont pour rôle de n’autoriser
problème se justifie notamment par : 2 1
— la certitude de parvenir à l’optimum ; l’utilisation de l’intervalle ∆T 2 qu’une fois l’intervalle ∆T 2
— le nombre élevé de variables mises en jeu, ce qui poserait de complètement utilisé (t1 = 1). Dans ce cas, en effet, b1 = b 2 = 1, ce
sérieux problèmes pour les techniques d’optimisation non linéaire qui implique t1 = 1. Puisque b 1 = 1  t 1 et t 1  1 , il en résulte alors :
(plusieurs milliers de variables et de contraintes dans la pratique).
1 2
T 2 = ∆T 2 + t 2 ∆T 2

2.2 Formulation mathématique avec 0  t 2  1 (on a de même Z = ∆Z 1 + t 2 ∆Z 2).


Si b1 = 1 et b2 = 0, t 2  b 2 = 0 conduit à t 2 = 0, soit :
On considère le système énergétique de la figure 9 composé T 2 = t 1 ∆T 2
1
initialement d’une chaudière haute pression, d’un groupe
turboalternateur, d’une détente statique et d’un ballon de stockage
Par contre, la contrainte b 2 – b 1  0 interdit quant à elle des solu-
de la vapeur basse pression. On envisage l’investissement d’une
chaudière de capacité inconnue X 6 . L’année d’exploitation est repré- tions du type t1 = 0 et t 2 ≠ 0. Dans ce cas en effet, t 2  b 2 conduit
sentée par deux jours types comportant chacun trois configurations à b2 = 1, et b 2 – b 1  0 induit b 1 = 1  t 1 , soit t 1 = 1 ce qui contredit
θ t 1 = 0.
d’exploitation pour lesquelles les besoins du process en vapeur Q v
θ
et en électricité Qe ont été indiqués.
La version tarifaire de l’électricité comporte cinq postes qui
2.2.2 Modélisation de la tarification EDF
regroupent les périodes θ d’activité du système de la façon suivante :
Nota : le lecteur pourra se reporter à la rubrique Réseaux électriques. Planification et
heures de pointe : période 1 exploitation du traité Génie électrique.
heures pleines d’hiver : période 2
Comme l’indique la figure 11, une version tarifaire (ici à 5 postes)
heures creuses d’hiver : période 3
est modélisée par :
heures pleines d’été : périodes 4 et 5
heures creuses d’été : période 6 — des souscriptions incrémentales de puissance X1 , X 2 , ..., X 5
facturées respectivement aux coûts unitaires décroissants P1 , P2 ,
Avant de définir la fonction économique à minimiser et de lister ..., P5 , correspondant à une prime fixe ;
l’ensemble des contraintes du problème, deux points méritent des θ
— des utilisations V i , sur la période θ, de la puissance souscrite
explications complémentaires : la modélisation du fonctionnement sur le i ème poste tarifaire ; elles sont facturées aux prix Pei de
du groupe turboalternateur et la modélisation du tarif EDF. Les θ
l’énergie sur le i ème poste tarifaire ; l’appel au réseau T 4 sur la
autres contraintes énumérées au paragraphe 2.2.3 sont beaucoup θ
période θ est alors la somme des utilisations autorisées V i des diffé-
plus simples et ne nécessitent pas de commentaires particuliers. rentes puissances souscrites.

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Figure 9 – Exemple d’un système énergétique modélisé

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La puissance X1 souscrite en période 1 sera utilisée en période 2


puisque P1 est déjà payé. Tout supplément de puissance de la
période 2 sur la période 1 sera souscrit en X2 au coût unitaire P2 et
non en X1 supplémentaire car P2 est moins cher que P1 (le pro-
gramme minimise les coûts).
Les contraintes de prise en compte de la tarification électrique
sont alors :
1 1
T 4 = V1
 2 2 2
T 4 = V1+V2
 3 3 3 3
T 4 = V1 + V2+ V3
 4 4 4 4 4
T 4 = V1 + V2+ V3+V4
 5 5 5 5 5 5
T 4 = V1 + V2+ V3+V4+V5

1 2 3
 V 1  X1 V 2  X 2 V 3  X 3 Figure 10 – Courbe caractéristique d’un groupe turboalternateur
 2  3  4
 V 1  X1 V 2  X2 V 3  X3
 3  4  5
V 1  X 1  V 2  X2  V 3  X3
 4  5
V 1  X 1  V 2  X2
 5
V 1  X 1

4 5
 V 4  X4 V 5  X5
 5
 V 4  X4
θ
Les significations des différentes variables ( V i , X i ) sont expli-
citées sur l’exemple de la figure 12.

2.2.3 Liste des contraintes

Les différentes contraintes sont listées par type, avec entre paren-
thèses à gauche leur nombre. Les contraintes d’exploitation (auto-
production minimale de 1 MW, fonctionnement de la chaudière) sont
données à titre d’exemple ; d’autres types de phénomènes peuvent
être pris en compte.
Les structures tarifaires du gaz et de l’électricité retenues pour cet
exposé ne présentent qu’une valeur d’exemple pour l’écriture des
contraintes qu’elles engendrent. Il est évident que ces structures tari-
faires peuvent évoluer au cours du temps et que la présente Figure 11 – Modélisation de la tarification EDF : version à 5 postes
modélisation s’applique à toute forme d’énergie.
■ Bilans emplois-ressources des produits (pour  = 1, 2, 3, 4, 5, 6)
avec D θ (heures) durées respectives des périodes θ.
θ θ θ 1 θ θ 2 θ
(6) – T 1 + ( b 1 t 1 ∆T 2 + b 2 t 2 ∆T 2 ) + T 3  0
■ Capacités des équipements (pour  = 1, 2, 3, 4, 5, 6)
θ θ 1 θ θ 2 θ θ θ θ
(6) – (b 1 t1 ∆T 2 + b2 t2 ∆T 2 ) – 1,183 T3 – T5 – Rθ + Sθ – Qv (6) T 1  100
θ
θ θ 1 θ θ 2 θ θ θ (6) T2  75
(6) – ( b 1 t 1 ∆Z + b 2 t 2 ∆Z ) – T 4 + 0,652 T 5  – Q e θ
(6) T3  100
où 1,183 correspond à la quantité de vapeur basse pression θ
(6) T4  20
fournie par la détente-désurchauffe, pour 1 tonne de θ
vapeur haute pression, (6) T5 – X6  0
0,652 correspond à la consommation spécifique de la
chaudière électrique (en MWh/t de vapeur). Ces bornes supérieures correspondent aux limites de fonctionne-
ment à pleine charge des équipements.
■ Contraintes de stockage - déstockage
■ Contraintes spécifiques d’exploitation
(6) E θ + 1 = E θ + (S θ + 1 – R θ + 1) · D θ + 1 et E 1 = E 6 = 0
Autoproduction minimale :
(4) E θ  C s ( θ = 2 à 5 ) θ θ 1 θ θ 2
(6) – ( b 1 t 1 ∆Z + b 2 t 2 ∆Z )  – 1

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Figure 12 – Signification des variables V i et Xi dans la modélisation de la tarification EDF

Chaudière à charge non modulable sur la journée : ■ Structure tarifaire du gaz


1 2 1 3 4 5 4 6 1 1 2 2 3 3 24
(4) T1 =T 1 T1 = T 1 T1 = T 1 T 1 = T 1 ( 1 ) 0,75 [ T 1 D + T 1 D + T 1 D ] ⋅ -------------------------------------
- – X7  0
D1 + D2 + D3
■ Contraintes sur les variables entières (modélisation de la turbine)
4 4 5 5 6 6 24
θ θ ( 1 ) 0,75 [ T 1 D + T 1 D + T 1 D ] ⋅ -------------------------------------
- – X7  0
(6) b 1  t 1 D4 + D5 + D6
θ θ
(6) t 2  b 2
θ
(6) t11
θ
(6) t21
θ θ
(6) b2–b1 0

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■ Structure tarifaire de l’électricité immédiatement que le traitement d’un cas réel (plusieurs dizaines
1 1
d’équipements et de périodes) conduit à des problèmes de grandes
(1) T 4 – V 1 = 0 tailles nécessitant :
2 2 2 — le recours obligé aux programmations linéaire (algorithme du
(1) T 4 – V 1 – V 2 = 0
simplex) ou mixte ;
3 3 3 3
(1) T 4 – V 1 – V 2 – V 3 =0 — un programme générateur des contraintes et de la fonction
économique à minimiser à partir des informations caractéristiques
4 4 4 4 4
(1) T 4 – V 1 – V 2 – V 3 – V 4 = 0 du cas à étudier.
5 5 5 5 5
(1) T 4 – V 1 – V 2 – V 3 – V 4 = 0 L’exemple précédent a été résolu avec les données suivantes :
6 6 6 6 6 6
— enthalpie du réseau de vapeur haute pression : 770 th/t ;
(1) T 4 – V 1 – V 2 – V 3 – V 4 – V 5 =0 — enthalpie du réseau de vapeur basse pression : 650 th/t ;
— rendement de la chaudière existante : 85 % ;
1 4
( 6 ) V 1 – X1  0 V 1 – X1  0 — besoins du process en vapeur basse pression et en électricité
2 5 (en trait fort, figure 13) ;
V 1– X1  0 V 1 – X1  0 — tarif électrique retenu correspondant au barème du tarif EDF
3 6 5 postes de taille A (article Tarifs de l’électricité en France : barème
V 1– X1  0 V 1 – X1  0
des prix [D 4 935], dans le traité Génie électrique) en vigueur au
01/01/1987 ;
2 5
( 5 ) V 2 – X2  0 V 2 – X2  0 — charges annuelles d’investissement admises pour la chaudière
3 6 électrique : 100 kF/ MW, ce qui correspond à un temps de retour
V 2 – X2  0 V 2 – X2  0
d’environ 3 ans.
4
V 2 – X2  0 Nota : on rappelle que 1 th = 4,185 5 × 10 6 J, la thermie n’étant plus une unité légale.
Pour un prix du combustible fossile sous chaudière égal à
3
( 4 ) V 3 – X3  0 5
V 3 – X3  0 0,10 F/ th PCI, les résultats indiquent notamment que (figure 13) :
4 6 — en heures creuses d’été, l’exploitant a économiquement intérêt
V3 – X3  0 V 3 – X3  0 à détendre statiquement la vapeur et à acheter la totalité de l’énergie
électrique sur le réseau externe EDF ;
4
( 3 ) V 4 – X4  0 6 — sur les autres périodes tarifaires, la stratégie optimale consiste
V 4 – X4  0
5
à turbiner les besoins de vapeur du procédé et à acheter sur le réseau
V4 – X4  0 électrique externe le complément des besoins électriques de ce
même procédé ; il convient de remarquer que l’arrêt-démarrage du
6 groupe turbo-alternateur entre heures pleines et creuses d’été – donc
( 1 ) V 5 – X5  0 au cours de la même journée – est difficile à réaliser en pratique,
même si cela correspond à un optimum économique ; pour une
application réelle, il conviendrait donc d’adjoindre au problème une
2.2.4 Fonction économique à minimiser contrainte supplémentaire traduisant le minimum technique du
groupe turboalternateur en heures creuses d’été ;
Cette fonction comporte les termes suivants : — le prix du combustible fossile est trop bas pour justifier l’inves-
tissement d’une chaudière électrique.
— coût de l’énergie électrique ;
— prime fixe de souscription de l’électricité ; Lorsque le prix du combustible fossile sous chaudière est
— coût de l’énergie gaz : deux tranches de tarification de coûts de 0,20 F/ th PCI, on constate (figure 14) que :
Pc 1 , Pc 2 , la première tranche étant relative à une énergie donnée A — l’investissement d’une chaudière électrique de 20 t/h est
(valeur contractuelle) ; économiquement justifié ; elle fournit alors la totalité de la vapeur
— prime fixe de souscription du gaz FG et charge annuelle F liée basse pression en heures creuses d’été et une partie seulement en
à l’éventuel investissement de la chaudière électrique. heures pleines, le complément étant assuré par la détente statique ;
— l’exploitant a économiquement intérêt à stopper l’autoproduc-
■ Coût total à minimiser : tion électrique d’origine thermique pendant la totalité de l’été
1 1 2 2 3 3 tarifaire.
Min { [ Pe1 T 4 D + Pe 2 T 4 D + Pe3 T 4 D
4 4 5 5 6 6
+ P e 4( T 4 D + T 4 D ) + P e5 T 4 D ]
2.3 Conclusion
+ ( P1 X1 + P2 X2 + P3 X3 + P4 X4 + P5 X5 )
Parmi les résultats correspondant à l’exemple donné, on trouve
1 1 2 3 3
+ [ P c 2 ⋅ 0,75 ( T 1 D + T 1 D 2 + T 1 D notamment :
4 5 5 6 6 — la capacité optimale X6 de l’équipement dont on envisage
+ T 1 D 4 + T 1 D + T 1 D – A ) + A ⋅ 0,75 P c1 ]
l’investissement ;
+ ( FGX 7 + FX 6 ) } — le niveau des souscriptions de puissance X1 , ..., X 5 de l’énergie
électrique ;
θ θ
— les niveaux d’activités T 2 et T 3 du groupe turboalternateur
et de la détente statique ;
2.2.5 Résolution — les achats des différentes énergies au cours du temps en fonc-
tion de leurs prix et des besoins du procédé.
Cet exemple se présente donc sous la forme d’un problème La modélisation retenue permet donc de déterminer le choix et
d’optimisation en variables mixtes comportant 125 contraintes, le dimensionnement optimal d’un investissement énergétique, le
72 variables continues et 12 variables booléennes pour seulement choix optimal des souscriptions des différentes énergies, la gestion
4 équipements et une année composée de 6 périodes. On conçoit optimale des appareils producteurs ou transformateurs d’énergie,
ainsi que les achats d’énergie à l’extérieur du site étudié. Elle répond
donc bien aux objectifs annoncés dans l’introduction.

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Figure 13 – Besoins du process en vapeur basse pression


et en électricité

Figure 14 – Besoins du process en vapeur basse pression


et en électricité pour un prix du combustible fossile du double
par rapport à la figure 13

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3. Optimisation des schémas Chaque schéma énergétique devra être étudié dans son
ensemble : en effet, la valorisation d’une source d’énergie entraîne
de transferts d’énergie une modification du bilan thermique du procédé et ne peut donc
être étudiée isolément.
dans les procédés industriels Ces schémas énergétiques devront être complétés, le plus
souvent, par un apport d’énergie externe au procédé (production de
vapeur en chaudière, fours, énergie mécanique de compression,
3.1 Position du problème etc.).

Dans un procédé industriel, le schéma des transferts d’énergie est Lorsque les schémas de transfert d’énergie paraissant les plus inté-
conçu en essayant de maximiser le rendement énergétique global, ressants ont été sélectionnés, puis modélisés, il convient de déter-
miner le système d’affectation optimal des ressources aux besoins
c’est-à-dire en valorisant au mieux l’énergie utilisée dans le procédé.
Cette optimisation énergétique s’accompagne d’une optimisation d’énergie. Cette optimisation devra être réalisée sous certaines
contraintes, garantes des faisabilités technique et thermo-
économique tenant compte des investissements et des coûts de
fonctionnement. dynamique, et des possibilités d’adaptation des techniques
proposées au procédé :
Une connaissance précise du procédé et de ses contraintes opéra-
— contraintes de procédé (respect des températures et des
toires est nécessaire : en chimie par exemple, les températures et pressions de réaction, équilibre du bilan énergétique, etc.) ;
les pressions de réaction devront être respectées dans toute — contraintes techniques (limitation du taux de compression,
proposition de nouveau système de transferts d’énergie.
etc.) ;
Les procédés industriels comportent fréquemment de nombreux — contraintes thermodynamiques (compatibilité des tempéra-
besoins énergétiques. L’énergie peut être utilisée sous forme de force tures et des pressions du fluide décrivant un cycle dans une pompe
motrice (pompes, compresseurs), transformée en énergie chimique à chaleur ou une compression mécanique de vapeur, etc.) ;
(réaction endothermique) ou en énergie thermique (fours, — contraintes économiques (limitation de la surface d’échange,
chaudières). etc.).
Parallèlement à ces besoins, les effluents thermiques internes au La fonction objectif (fonction à optimiser) pourra être une fonction
procédé (condensation, refroidissement de produits, etc.) économique F tenant compte de l’investissement et du coût
constituent des sources d’énergie. Cela s’explique par le fait que les d’exploitation. On cherchera, par exemple, à maximiser la fonction
quantités d’énergie mises en jeu sont souvent très supérieures aux suivante :
besoins théoriques : dans une colonne de distillation, par exemple, F = τE – I
la séparation de deux corps nécessite un appoint d’énergie important
au bouilleur, alors que le travail minimal de séparation est le plus avec E représentant la diminution du coût d’exploitation par
souvent faible. La différence entre l’énergie pratiquement nécessaire rapport à la situation initiale (en francs/an) ; E dépend,
et celle théoriquement nécessaire se retrouve au niveau du entre autres, du coût des différentes formes d’énergie en
condenseur, à une température plus faible que celle à laquelle elle concurrence (gaz, électricité, fuel, charbon),
a été fournie au bouilleur. τ temps de retour marginal admissible, fixé au départ (en
Afin d’améliorer le rendement énergétique du procédé, on cherche années) ; en effet à l’optimum : dF = 0 donc τ dE – dI = 0,
à réutiliser cette énergie disponible, c’est-à-dire à l’affecter à un soit τ = dI/dE, ce qui correspond bien à un temps de
besoin interne au procédé ou appartenant à un autre procédé de la retour de l’investissement marginal,
même plate-forme industrielle. On conçoit ainsi de nouveaux I investissement dû aux modifications du procédé
schémas énergétiques ; ceux-ci peuvent être nombreux, variés et impliquées par le nouveau schéma énergétique (en
complexes car à la diversité des sources et des besoins d’énergie francs).
s’ajoute celle des techniques de transferts d’énergie (simple échan- Cette fonction économique, tout comme les contraintes ou les
geur si les températures des sources et besoins sont compatibles, équations de modélisation, peuvent présenter un caractère forte-
pompe à chaleur si le niveau de température doit être monté, etc.) ment non linéaire (une surface d’échange, par exemple, fait inter-
d’où l’intérêt de la modélisation de choix d’équipements énergéti- venir une fonction logarithme). La méthode adoptée devra donc offrir
ques (modèles d’aide à la décision). la possibilité de travailler en non linéaire.
Un schéma énergétique pourra être retenu si l’on démontre, dans La méthode du gradient projeté, dont un algorithme a été déve-
un premier temps, sa faisabilité technique et, dans un second temps, loppé par EDF (Direction des Études et Recherches), est présentée
son intérêt économique. sommairement (§ 3.2.2).
En ce qui concerne la faisabilité technique, de nombreux critères Nota : il est possible d’optimiser selon un autre critère : minimisation de la
doivent entrer en ligne de compte avant toute proposition de consommation d’énergie primaire, par exemple. Il suffit pour cela que la fonction objectif
puisse s’exprimer en fonction des variables retenues dans le système à optimiser.
nouveau schéma :
— la technologie pour le matériel proposé est-elle bien connue ? ;
— cette technologie peut-elle adaptée être au process (matériel
antidéflagrant, par exemple) ? Est-elle compatible avec les fluides 3.2 Une méthode d’optimisation
mis en jeu dans le procédé ? ;
— les performances souhaitées sont-elles réalisables (taux de 3.2.1 Modélisation - simulation
compression, densité de transfert de chaleur, tenue des
matériaux) ? ; Partant d’un procédé existant, il est nécessaire, dans un premier
— l’encombrement du matériel envisagé n’est-il pas rédhibitoire ? temps, de recenser et de décrire ses différents flux matière et énergie
Pour s’assurer de l’intérêt économique de ces récupérations à l’aide de données intensives (température, pression, fraction
énergétiques, plusieurs points devront également être résolus : vapeur, composition molaire, etc.) et de données extensives
(débit-masse, par exemple). On en déduit l’ensemble des sources
— l’exploitation d’une source d’énergie de faible puissance ou à
de chaleur disponibles, leur niveau de température, ainsi que les
trop faible température n’est pas forcément économiquement
besoins énergétiques du procédé.
justifiée ;
— la quantité d’énergie récupérée augmente si l’on diminue le Souvent, dans ce schéma de flux initial, des récupérations énergé-
pincement des échangeurs (écarts de température entre fluide chaud tiques existent déjà (réchauffage de réactifs par des produits, produc-
et fluide froid) ; cela implique une augmentation de la surface tion de vapeur dans une chaudière de récupération, etc.). La méthode
d’échange, et donc aussi de l’investissement : la récupération devra doit permettre de vérifier si le schéma actuel est le plus performant,
être poussée jusqu’à un optimum qu’il conviendra de trouver.

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et, dans le cas contraire, il convient de déterminer ce qui est à


remettre en cause et par quoi le schéma énergétique peut être
complété.
La faisabilité des transferts énergétiques étant liée principalement
aux quantités d’énergie disponibles et requises et à leurs niveaux
de température respectifs, une analyse thermodynamique peut
permettre de suggérer de nouveaux systèmes de transfert d’énergie.
L’emploi de diverses techniques peut être envisagé. Leurs perfor-
mances doivent guider la conception des nouveaux schémas.
À ce niveau, une bonne connaissance du procédé et une maîtrise
des contraintes inhérentes à ce procédé sont indispensables.
L’opérateur, qui pourrait à terme être remplacé par un système
expert, doit choisir les grandes options de transferts d’énergie qui
caractériseront les schémas jugés plausibles. Tous les cas d’affecta-
tion des sources aux besoins avec les techniques existantes
pourraient être envisagés, mais le temps de calcul serait énorme ;
de plus, la majorité des cas simulés seraient irréalistes.
Les différentes techniques intervenant dans le schéma de trans-
ferts d’énergie sont décrites par un jeu de paramètres connus au
départ et des variables que la simulation déterminera.
Prenons l’exemple d’une compression mécanique de vapeur d’eau
après détente dans un ballon (figure 15).
Neuf équations régissent ce système : (0)

 calcul du bilan thermique


échangeur 
 calcul de la surface d′échange

 calcul du bilan thermique


ballon 
 calcul du bilan matières

 calcul de la température de sortie Figure 15 – Schéma d’une compression mécanique de vapeur d’eau
compresseur 
 calcul de la puissance
Reprenons l’exemple du système précédent : certains paramètres,
 calcul du bilan thermique
désurchauffe  fixés a priori, peuvent être considérés comme variables ; c’est le cas,
 calcul du bilan matières par exemple, du débit q1 et de la pression du ballon p 2 . Si l’on ajoute
ces deux variables (dites variables de contrôle) aux neuf variables
pompe  calcul de la puissance
initiales, le système d’équations comporte deux degrés de liberté.
On entre ainsi dans la phase d’optimisation, où l’on cherche à maxi-
Le jeu de variables peut être le suivant : miser un critère (ici économique) en respectant certaines contraintes.
S surface d’échange ; Dans le cas précédent, le jeu de contraintes pourrait être le
T1 température à la sortie de l’échangeur ; suivant :
T3 température à la sortie du compresseur ; p2  p1 : pression du ballon inférieure à la pression à
Wc puissance du compresseur ; l’entrée de l’échangeur ;
Wp puissance de la pompe ; q4  q3 : débit de désurchauffe inférieur au débit de
q2 débit de vapeur en sortie du ballon ; liquide sortant du ballon ;
q3 débit de liquide en sortie du ballon ; q v  q v max : débit de vapeur inférieur ou égal au besoin
q4 débit de désurchauffe ; total ;
qv débit de vapeur.
T 3  T 3 max : limitation de la température à la sortie du
Les autres grandeurs caractérisant le système sont disponibles compresseur ;
dans la description initiale des flux du procédé ou sont fixées T 1  T fe 
a priori. La simulation de l’ensemble des techniques composant le  compatibilité des températures échangeur-
schéma énergétique fournit ainsi les grandeurs caractéristiques du T1  T2  ballon ;
nouveau système de flux du procédé (températures, débits) et les S  S max : limitation de la taille de l’échangeur.
grandeurs caractéristiques des techniques choisies (surface
d’échange, puissance des pompes et compresseurs, etc.). D’une manière plus générale, si un système est modélisé avec
n e équations et comporte n v variables (n v > n e), il existe n v – n e
degrés de liberté.
3.2.2 Optimisation technico-économique Plusieurs méthodes d’optimisation non linéaire existent, mais
aucune d’entre elles n’est universelle : une adaptation de la méthode
Les grandeurs calculées lors de la simulation permettent a priori au problème traité est souvent nécessaire.
de déterminer approximativement les investissements et les coûts Les principaux types de méthodes existants (article Optimisation
énergétiques (si l’on a précisé, au préalable, un coût des différentes des processus énergétiques : concepts [B 1 280] dans ce traité)
formes d’énergie) ; il est donc possible de calculer la fonction objectif sont les suivants :
précédemment définie : F = τ E – I. — méthodes de pénalisation
— méthodes de gradient  relativement anciennes ;
— méthodes du lagrangien augmenté (1975) ;
— méthodes quadratiques séquentielles (1978).

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Les deux derniers types de méthodes, encore très jeunes, sont


promis vraisemblablement à un développement important, compte
tenu de la facilité de programmation pour le lagrangien augmenté
et des performances des méthodes quadratiques séquentielles.
Des améliorations sont toutefois à attendre.
Les méthodes de pénalisation ne sont pas très efficaces, et l’on
préfère généralement une méthode de gradient qui présente l’avan-
tage d’être particulièrement robuste.
Les méthodes de gradient ont souvent une convergence lente mais
certaines d’entre elles conviennent bien aux problèmes que l’on se
pose ici, comportant souvent de nombreuses équations (20 à 50) et
peu de degrés de liberté (2 à 5).
Présentons sommairement l’une de ces méthodes : le gradient
projeté.
Partant d’un point (x1 , x2, ..., xn ) [n étant égal au nombre de
degrés de liberté (n v – ne )] représentant les différentes variables de
contrôle du système, on calcule le gradient de la fonction objectif ;
celui-ci fournit la direction dans laquelle il est souhaitable de faire
varier le point de départ.
Un nouveau point est calculé, où le gradient est projeté sur un
hyperplan tangent à la contrainte limitante ; cela permet de ne
conserver que la composante du gradient qui représente la direction
dans laquelle la progression est possible tout en restant dans le
domaine réalisable. Le processus d’optimisation s’arrête lorsque les
variations du critère économique sont inférieures à une précision
définie au préalable.
Il convient de s’assurer dans cette méthode, comme dans bon
nombre des autres, que le résultat n’est pas un optimum local. Il
est conseillé de réaliser plusieurs optimisations avec des points de
départ différents afin de confirmer l’optimum.

3.3 Exemple d’un procédé de la chimie


Les procédés de la chimie sont souvent très complexes ; les
transferts d’énergie y sont nombreux :
— condensation en tête de colonne à distiller ;
— évaporation en fond de colonne à distilller ;
— refroidissement de produits d’une réaction exothermique ;
— etc.
L’ensemble de ces sources et besoins énergétiques peut être repré-
senté à l’aide d’un diagramme température-puissance (figure 16) ;
il est ainsi possible d’apprécier la faisabilité thermodynamique des
diverses récupérations de chaleur envisageables et d’effectuer une
première sélection des techniques de transfert.
Étant donné la diversité des produits que l’on peut rencontrer en
chimie, il est nécessaire, pour la simulation des transferts d’énergie,
de disposer d’une base de données thermodynamiques fournissant
les principales caractéristiques des produits intervenant dans le
procédé. De plus, le calcul des enthalpies pour l’écriture des bilans
thermiques nécessite l’emploi de modèles thermodynamiques ;
ceux-ci sont plus ou moins précis, plus ou moins compliqués à mettre
en œuvre et doivent souvent être adaptés aux produits.
Les schémas de transferts d’énergie, une fois simulés puis opti-
misés comme nous l’avons décrit précédemment, peuvent être Figure 16 – Analyse thermodynamique : diagramme température -
comparés d’un point de vue énergétique et économique. Divers puissance
corps d’hypothèses d’évolution des prix des différentes formes
d’énergie peuvent être envisagés : on détermine ainsi les coûts
seuils de ces énergies assurant l’intérêt économique des différents
schémas. présenter un intérêt. L’optimisation n’est possible que lorsque l’on
connaît l’expression des investissements en fonction des variables
de contrôle des techniques simulées. Elle est intéressante pour la
comparaison de différents projets entre eux, d’un point de vue
3.4 Conclusion économique.
Cette démarche doit être considérée comme un filtre : elle élimine
La méthodologie décrite est adaptée aux systèmes de transferts rapidement les schémas énergétiques sans intérêt et conserve ceux
d’énergie étroitement liés aux procédés. Elle permet de simuler un qui méritent une attention particulière et une étude d’ingénierie plus
grand nombre de ces systèmes et de sélectionner ceux qui peuvent fine.

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4. Gestion de l’énergie Le critère ne jouant pas le rôle de critère objectif, production auto-
nome dans le premier cas cité ci-dessus, coût d’exploitation dans
en temps réel le second, peut être éventuellement borné et jouer alors un rôle de
contrainte dans le calcul d’optimisation.

Depuis le milieu des années soixante dix, deux développements 4.1.1.2 Contraintes
ont donné une importance croissante au problème de la gestion de De natures variées, on peut distinguer :
l’énergie. D’une part, les industriels ont investi dans la transforma-
tion de leurs installations pour diminuer leurs consommations spéci- — les contraintes purement techniques liées à la conception et
fiques (récupération d’énergie) et pour les rendre aptes à utiliser au dimensionnement des équipements, telles que la capacité maxi-
plusieurs sources d’énergie primaire. D’autre part, la tarification des male d’une chaudière, la pression maximale admissible d’un réser-
énergies, dans un marché devenu très concurrentiel, en particulier voir ou le minimum technique d’un brûleur ;
depuis 1985, s’est considérablement affinée. — les contraintes d’exploitation imposées par le système de régu-
lation, telles que le démarrage en cascade de chaudières, le rapport
Dans ce contexte, la tâche de l’exploitant est devenue très débit d’air/débit de combustible ou la loi de variation du débit et
complexe. Ses libertés de choix, mais aussi ses contraintes de la température de départ d’un réseau de chaleur en fonction de
techniques, se sont accrues en même temps que les conditions la température extérieure ;
économiques devenaient plus variables, les prix relatifs des énergies — les contraintes de quantités d’énergie livrées aux consomma-
changeant toutes les semaines, voire tous les jours (électricité à bien teurs dont la satisfaction des besoins est en général imposée ;
plaire prix spot des quantités limitées de fuel). De stables à long — les contraintes d’approvisionnement du site en gaz, électricité,
terme et affichés, les prix des énergies sont devenus négociés et hydrocarbures, eau, etc., exprimées au travers des contrats conclus
éphémères. entre les fournisseurs et le site ;
La mise à disposition de l’exploitant d’outils informatiques puis- — les contraintes de qualité de la fourniture, telles que la siccité
sants et performants, l’aidant à effectuer en permanence les de la vapeur (exemple d’une opération de vaporisage en teinturerie),
meilleurs choix possibles, est aujourd’hui une nécessité dans la le niveau de température du fluide caloporteur (exemple d’une
mesure où ils permettent de tirer parti et rentabiliser au mieux les pasteurisation du lait).
investissements passés, en adaptant, en temps réel, les conditions Comme indiqué précédemment, la contrainte peut être de nature
techniques d’exploitation des installations à un environnement économique lorsque le coût ne constitue pas le critère objectif.
économique constamment changeant.
4.1.1.3 Libertés de choix
Par sa nature, un système ne peut être optimisé que s’il existe
4.1 Définitions un choix alternatif à la solution proposée initialement. Dans
l’exploitation d’un système énergétique global, l’allocation de charge
entre plusieurs chaudières, le niveau de température du dégazeur,
Avant toute chose, il apparaît nécessaire de préciser ce que la pression d’un collecteur de vapeur, l’entraînement d’une pompe
recouvrent certains termes couramment utilisés dans le domaine de ou d’un ventilateur soit par moteur électrique, soit par turbine, le
la gestion optimale en temps réel de systèmes énergétiques. démarrage ou l’arrêt de certains équipements, constituent autant de
variables sur lesquelles on peut agir pour optimiser le critère
d’évaluation retenu.
4.1.1 Optimisation
Au niveau d’un équipement comme une chaudière classique
équipée de son brûleur, l’optimisation du coût d’exploitation passera
Optimiser un processus de production énergétique ou autre n’a essentiellement par le réglage adéquat d’une seule variable, l’excès
de signification que si l’on précise : d’air.
— le critère d’évaluation retenu ;
— le cadre des contraintes techniques, d’approvisionnement de 4.1.1.4 Optimisation locale et optimisation d’ensemble
matières de base (combustibles, eau, électricité, etc.), de la qualité
de la fourniture, etc., dans lequel l’optimum est recherché ; Dans un système énergétique donné, on a coutume de distinguer
— les libertés de choix offertes à l’exploitant du système considéré deux niveaux d’optimisation :
pour atteindre cet optimum. — le premier dit local concerne les différents équipements,
composant le système, envisagés séparément ;
4.1.1.1 Critère d’évaluation — le second dit d’ensemble considère le système énergétique
comme un tout dont les éléments interagissent et éventuellement
Le critère d’évaluation ou encore critère objectif est nécessaire- s’opposent ; ce second niveau se justifie dans la mesure où la somme
ment unique. Il peut être de nature technique ou économique selon d’optimums partiels ne conduit pas, en général, à un optimum
les buts poursuivis. On pourra chercher, par exemple : global.
— à minimiser un coût d’exploitation ;
— à maximiser une production autonome d’énergie électrique ; ■ Optimisation locale : le cas typique d’une optimisation locale est
constitué par une chaudière. Son coût d’exploitation sera d’autant
ou encore : plus faible que la combustion sera mieux réglée, comme l’indiquent
— à minimiser un risque de défaillance d’un matériel ; les courbes classiques de pertes en fonction de l’excès d’air
— à minimiser la pollution acide émise par un site. (figure 17).
Chacun de ces objectifs correspond respectivement au souci Il s’agit bien d’un processus d’optimisation, car il existe :
d’assurer une production moins chère, plus forte, de meilleure — un critère objectif, qui est le rendement de la chaudière ; ce
qualité, moins polluante. critère apparemment technique est en fait économique puisqu’il est
Ces critères ne peuvent être en aucun cas optimisés simultané- une traduction directe du coût d’exploitation ;
ment : ou bien l’on recherche une production autonome d’énergie — au moins une contrainte, qui est la quantité de vapeur délivrée
électrique maximale au détriment du coût d’exploitation, par par la chaudière à une pression et à une température données ;
exemple en hiver lors d’une défaillance du réseau électrique — une liberté de choix, qui est l’excès d’air de combustion.
alimentant l’usine, ou bien l’on recherche un coût d’exploitation
minimal et la production autonome d’électricité est alors un résultat
fatal du calcul d’optimisation.

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La mise en œuvre de cette optimisation sera plus ou moins bien Lorsqu’il s’agit de gérer des alarmes ou des sécurités, il est en
réalisée selon que l’on dispose d’un simple régulateur analogique général important de réagir dans des temps très courts, allant de
ou d’un contrôle numérique disposant d’algorithmes de calculs quelques millisecondes à quelques secondes.
sophistiqués. Il en est de même pour la plupart des fonctions de régulation telles
L’optimisation locale est de nature dynamique (article Optimisa- que :
tion des processus énergétiques : concepts [B 1 280] dans ce traité). — régulation de vitesse d’une turbine à gaz (une centaine de
■ Optimisation d’ensemble : dans l’exemple précédent, le proces- millisecondes) ;
sus d’optimisation est indépendant de l’environnement de la — régulation de pression d’une chaudière (quelques secondes à
chaudière. Que celle-ci alimente un échangeur ou une turbine à une minute).
vapeur, l’environnement reste identique. Dans tous ces cas, la rapidité de l’organe de gestion est impor-
Au contraire, si l’on considère un ensemble chaudière-groupe tante.
turboalternateur, la pression et la température de la vapeur délivrée Lorsqu’il s’agit d’optimiser le fonctionnement d’un équipement,
sont des paramètres importants du point de vue de l’optimisation la rapidité de réponse est moins fondamentale et se situe à des temps
du système : plus la pression et la température sont élevées, plus de l’ordre de la minute (exemple d’un réglage de l’excès d’air d’un
la turbine produira d’énergie mécanique à débit de vapeur donné, brûleur).
mais plus le rendement de la chaudière diminuera. Selon le coût de Une optimisation d’ensemble ne peut être, quant à elle, que
l’électricité à un instant donné, on aura intérêt à sacrifier le rende- relativement lente. Le temps de réponse nécessaire est alors de
ment de la production de vapeur au profit de la production d’électri- quelques minutes à une demi-heure, selon l’étendue du système
cité et, inversement, si l’électricité est peu chère, on aura intérêt à énergétique considéré.
baisser la pression et la température de la vapeur jusqu’à des valeurs
minimales compatibles avec la conception de la chaudière et à
arrêter le groupe turboalternateur, la vapeur étant détendue statique-
ment dans le by-pass. 4.2 Fonctions générales de gestion
Un problème d’optimisation d’ensemble suppose nécessairement et leur hiérarchie
que l’on crée un modèle mathématique de l’installation considérée
et que l’on dispose d’algorithmes de résolution et d’optimisation de 4.2.1 Fonctions
ce système d’équations représentant le fonctionnement de chaque
équipement et de leurs interactions. L’optimisation a alors pour objet La gestion d’un système énergétique met en œuvre différentes
de rechercher les valeurs de consigne des régulations, les conditions fonctions qui sont classées par niveaux de complexité croissante
de marche des équipements et l’utilisation des combustibles (figures 18 et 23).
disponibles conduisant à la meilleure valeur possible du critère
retenu. ■ Niveau 0 - Fonction d’acquisition de données, de régulation
simple (boucles PID), d’actions réflexes tout ou rien : à ce niveau,
les matériels utilisés sont essentiellement des capteurs-transmet-
4.1.2 Temps réel teurs- convertisseurs, des régulateurs et des automates simples ; ils
sont implantés localement. Les temps de réponse demandés sont
de l’ordre de 0,3 s.
La conduite d’installations en temps réel a souvent été associée
Nota : boucle PID (proportionnelle, intégtrale et dérivée), article Principes des chaînes
à la notion de rapidité de réponse des moyens de gestion mis en de régulation [R 7 090] dans le traité Informatique industrielle.
œuvre. En réalité, le fait qu’un système de contrôle-commande
réponde en temps réel à une perturbation dépend essentiellement ■ Niveau 1 - Fonction de contrôle avancé
de l’inertie de l’installation contrôlée. Celui-ci porte sur des variables élaborées (exemple, la puissance)
et comportent des fonctions de calcul plus ou moins complexes telles
que : algorithme de découplage, calculs prédictifs, compensation
dynamique (avance, retard, temps mort, etc.).

Figure 18 – Hiérarchie des fonctions de contrôle-commande

Figure 17 – Optimisation de l’excès d’air de combustion

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Le contrôle avancé repose sur des automates programmables certains consommateurs en fonction de seuils de puissance atteints
disposant de quelques kilo-octets ou quelques dizaines de et/ou selon des tranches horaires prédéfinies.
kilo-octets de mémoire vive implantés localement ou, éventuelle- Ces appareils programmables, dans leurs versions les plus
ment, en salle de contrôle pour de petites installations et selon la simples, ne travaillent qu’à partir d’informations du type tout ou rien
technologie utilisée. et ne comportent aucune fonction de calcul. Leur action est égale-
Les temps de réponse demandés sont de l’ordre de quelques ment du type tout ou rien.
secondes à environ 1 min. Des systèmes de ce genre permettent d’apporter des gains de
■ Niveau 2 - Fonction d’optimisation locale l’ordre de 10 %.
Celle-ci porte sur des équipements individualisés ou éventuelle-
ment un ensemble homogène (exemple d’une optimisation de 4.2.2.2 Niveau 1 : démarrage optimisé d’un four électrique
l’allocation de charge entre plusieurs chaudières). Elle met néces- La solution de référence I (figure 19) consomme 25 % d’énergie
sairement en œuvre un modèle de fonctionnement de l’équipement en plus de l’optimum thermique solution II et coûte deux fois plus
ou des équipements considérés. Le calculateur supportant cette cher que l’optimum économique solution III. La solution IV peut
fonction était jusqu’à présent implanté au niveau central compte tenu être considérée comme un optimum technico-économique car elle
de la puissance nécessaire des appareils du point de vue capacité évite les pointes de température tout en restant économiquement
de calcul et espace mémoire vive. Leur miniaturisation, la baisse des acceptable.
coûts et l’augmentation de leurs performances tendent aujourd’hui
Cet exemple illustre bien l’avantage qu’apportent les micro-
à décentraliser la fonction d’optimisation locale à proximité des équi-
processeurs reprogrammables, car ils peuvent s’adapter très
pements concernés.
rapidement à de nouvelles conditions d’exploitation, de tarification
Les temps de réponse demandés sont compris entre 1 min ou de contraintes technologiques.
et 20 min.
Les gains apportés par de tels équipements sont de l’ordre de 10
■ Niveau 3 - Fonction d’optimisation d’ensemble à 20 %.
Celle-ci est fondée sur un modèle élaboré du système énergé-
tique ; elle fait appel à des algorithmes de résolution et d’optimisa- 4.2.2.3 Niveau 1 : amélioration de la régulation du système
tion sophistiqués exigeant des ressources informatiques impor- énergétique d’une papeterie
tantes se situant, début 1988, à la frontière entre les mini- et les Dans l’industrie de fabrication du papier, il est relativement
micro-ordinateurs. fréquent qu’au cours de son séchage, le papier casse brutalement,
Des mémoires vives de plusieurs mégaoctets, des vitesses de ce qui conduit à un arrêt quasi instantané de la production et à une
calcul supérieures ou égales au Mips (million d’instructions par chute brutale des consommations de vapeur.
seconde) des microprocesseurs 32 bits sont alors nécessaires pour Il est, de plus, courant que ces industries disposent d’un groupe
mener à bien des calculs dont la durée peut être comprise entre 10 turboalternateur détendant la vapeur produite par des chaudières
et 60 min, ce qui reste compatible avec l’inertie des systèmes haute pression jusqu’à un niveau directement utilisable par les
physiques considérés. La fonction d’optimisation d’ensemble est par machines à papier.
nature centralisée dans la mesure où elle suppose une concentration
Les systèmes classiques de régulation étaient fondés sur le
de l’information.
principe suivant (figure 20) : peu de temps après la casse du papier,
Selon les dimensions et la complexité des installations énergéti- la pression en aval de la turbine a tendance à monter, ce qui a pour
ques envisagées et le degré d’élaboration de leur système de gestion, effet de fermer sa vanne d’admission entraînant à son tour une
on met en œuvre un ou plusieurs des niveaux précédents. Les augmentation de pression au niveau de la chaudière d’où il résultera
niveaux 0 et 1 suffisent pour gérer correctement de petites installa- une baisse des feux. En général, la brutalité du phénomène conduit
tions énergétiques. Les grandes plates-formes industrielles, raffine- invariablement à faire fonctionner les soupapes de la chaudière.
ries de pétrole, usines chimiques ou chauffages urbains importants
Le système de contrôle avancé indiqué sur la figure 20 va
ont intérêt à enrichir leur outil de gestion jusqu’au niveau 3.
permettre d’anticiper directement la réduction de la charge de la
Les niveaux 4 et 5 font partie, fin 1988, du domaine du futur et chaudière dans des conditions dépendant des niveaux de pression,
dépassent le simple domaine de l’énergie. débit, etc. existant au moment de la casse et d’éviter toute perte de
Le niveau 4 correspond à l’optimisation générale des conditions vapeur.
techniques d’exploitation (niveaux 1, 2 et 3) en relation avec les
contraintes d’approvisionnement de l’usine et surtout de livraison
des produits finis à la clientèle. À ce niveau, il est répondu à la
question : quel est le réglage de mes unités de production permettant
de satisfaire mon planning de livraison, à un coût minimal
d’exploitation ?
Le niveau 5 intègre, en plus, la dimension financière de l’entreprise
et correspond donc à une optimisation globale et complète de ses
différentes fonctions en tenant compte de toutes les interactions et
contraintes. Comme image on peut dire qu’à ce niveau, le réglage
du point de consigne de fonctionnement d’un équipement est
analysé en relation avec son impact sur le bilan de l’entreprise.

4.2.2 Exemples d’application


4.2.2.1 Niveau 0 : délestage/relestage de puissance électrique
Figure 19 – Diagramme de puissance de chauffage
Dans le but de suivre au mieux le contrat d’approvisionnement
d’un four électrique en heures creuses
en électricité souscrit auprès d’EDF, il est maintenant fréquent
d’utiliser un petit automate permettant de délester ou relester

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Les gains énergétiques dans un tel cas peuvent atteindre quelques Le problème peut être assez complexe à résoudre, puisqu’il doit
dixièmes de pour-cent de la consommation annuelle. prendre en compte des stratégies d’action qui sont en général diffé-
rentes selon les tranches horo-saisonnières, le fait que certains maté-
4.2.2.4 Niveau 2 : suivi optimisé du contrat EDF riels puissent être à l’arrêt pour des raisons de maintenance, etc.

L’importance des primes de puissance souscrite a conduit certains


4.2.2.5 Niveau 2 : allocation de charge entre chaudières
gros consommateurs d’électricité disposant de moyens leur
permettant de moduler leur appel de puissance sur le réseau (par Dans la mesure où une installation comporte plusieurs chaudières
exemple, groupes turboalternateurs, process de fabrication adap- de caractéristiques différentes, il existe un optimum de répartition
table) à s’équiper d’outils sophistiqués de suivi du contrat EDF. de la production entre ces différentes unités pour satisfaire un besoin
EDF ne comptabilisant la puissance appelée qu’à partir de l’énergie donné de vapeur. Le réglage correspondant n’est pas toujours intui-
moyenne consommée sur une période de 10 min (figure 21), il est tif, comme le montre le cas détaillé ci-après.
alors possible d’établir des programmes de calcul et des stratégies Considérons deux chaudières fonctionnant en parallèle (figure 22)
d’action qui, en fonction de l’allure de la courbe de consommation utilisant le même combustible dont les caractéristiques sont :
à l’intérieur de cette période et de différents paramètres d’exploita- — chaudière A : débit compris entre 40 et 100 t/h de vapeur avec
tion (niveau de charge des groupes turboalternateurs et temps de un rendement compris entre 90 et 92 % ;
réponse à des échelons de puissances par exemple), vont permettre — chaudière B : débit compris entre 20 et 50 t/h de vapeur avec
de moduler la consommation sur le réseau EDF pour tangenter le un rendement compris entre 88 et 90 %.
contrat.
La quantité de vapeur à produire est de 120 t/h.
Intuitivement, l’exploitant charge la chaudière de plus faible rende-
ment à son minimum. Dans ces conditions, la chaudière A produit
100 t/h et la chaudière B 20 t/h.
En fait, ce résultat n’est pas optimal comme le montre un calcul
suffisamment fin tenant compte du fait que l’évolution des rende-
ments n’est pas linéaire en fonction de la charge.
En effet, le résultat obtenu par une optimisation non linéaire est
le suivant : la chaudière A doit être chargée à 78 t / h et la
chaudière B à 42 t/h.
Cette situation correspond au fait qu’au point considéré les coûts
marginaux de la vapeur pour les deux chaudières sont identiques
ce qui, mathématiquement, s’exprimera par l’égalité des dérivées
partielles du coût de la vapeur par rapport aux débits de chaque
chaudière, traduisant bien l’existence d’un optimum au point
considéré.

4.3 Structure des systèmes


de contrôle-commande

Les systèmes modernes de contrôle-commande sont caractérisés


par une structure décentralisée et hiérarchisée (figure 23).
Aux niveaux inférieurs, les fonctions d’acquisition et de régula-
tion, qu’il s’agisse d’ensembles simples (régulateurs PID) ou relati-
vement élaborés (régulation prédictive), sont réparties localement
et réalisées au moyen de microprocesseurs situés en général à
proximité des unités.

Figure 20 – Contrôle amélioré du système énergétique


d’une papeterie

Figure 21 – Allure des consommations lors d’un suivi optimisé Figure 22 – Allocation de charge entre chaudières
du contrat EDF

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On peut cependant considérer que les possibilités des matériels


sont souvent très fortement sous-employées en raison de l’absence
de logiciels d’application adaptés aux cas concrets rencontrés.

4.4 Logiciels
Tous les constructeurs disposent de logiciels standards permettant
de configurer facilement les différentes boucles de régulation, aussi
complexes soient-elles, ou de programmer leurs automates.
Les logiciels plus sophistiqués, permettant d’établir des bilans
masse et énergie détaillés et fiables, d’optimiser des équipements,
voire d’optimiser un système énergétique complet, sont beaucoup
plus rares.
En pratique, sauf exceptions (contrôle de l’excès d’air de combus-
tion, par exemple), chaque cas est traité séparément et individuelle-
ment : de nombreux élèves-ingénieurs au cours de leurs stages de
fin d’études auront ainsi écrit des programmes d’application spéci-
fiques à un site, en langage FORTRAN ou BASIC. L’inconvénient de
cette méthode est que, en général, eux seuls connaissent les limites
Figure 23 – Structure décentralisée et hiérarchisée du programme et que, les sites évoluant, il devient rapidement
des grands systèmes de contrôle-commande inapplicable.
De grands efforts sont faits actuellement pour créer des logiciels
ou plutôt des progiciels facilement configurables en fonction de la
Les petites installations, en particulier celles que l’on rencontre réalité d’un site donné et donc permettant de s’adapter aux évolu-
dans les petites et moyennes entreprises, ne nécessitent pas en géné- tions inévitables de celui-ci.
ral de sophistiquer davantage le système de contrôle-commande.
La société SERETE, en collaboration avec les sociétés Elf,
Seule une centralisation des informations pour s’avérer utile pour
CGEE-Alsthom et l’Institut Français du Pétrole, a fait des efforts
mieux suivre certains ratios de consommations et donc agir au mieux
importants dans ce domaine pour élaborer un logiciel configurable
à moyen terme.
d’optimisation globale de systèmes énergétiques complexes,
Au contraire, les plates-formes énergétiques complexes ne logiciel dénommé SECI-Manager. Basé sur des principes d’optimisa-
peuvent plus être exploitées à partir du simple bon sens comme l’a tion non linéaire avec prise en compte intégrale de variables
montré l’exemple du paragraphe 4.2.2.5. Des moyens puissants de discrètes, représentatives en particulier des états marche ou arrêt
calcul, exigeant des quantités importantes d’informations, d’équipements, celui-ci est opérationnel de manière industrielle
deviennent nécessaires. depuis 1986 après cinq années de développement.
Le système de contrôle-commande doit alors s’appuyer sur une Le choix de logiciels industriels, opérationnels et intégrables dans
interconnexion générale des équipements au moyen d’un câble des systèmes de contrôle-commande reste encore extrêmement
coaxial (bus) qui va permettre : restreint. Il en résulte un sous-emploi des matériels disponibles dont
— d’une part, un échange permanent et intense d’informations la puissance de traitement est souvent bien supérieure à ce qui est
(1 à plusieurs Mbit / s) entre les différents microprocesseurs qui réellement utilisé.
auront alors la possibilité d’intégrer dans leurs logiques de contrôle
des variables externes aux sous-ensembles qu’ils contrôlent ;
— d’autre part, un renvoi d’informations vers un poste central qui, 4.5 Rentabilité d’une gestion optimale
après un traitement approprié de ces données, par exemple des
calculs d’optimisation, renverra des consignes élaborées vers les en temps réel
différents microprocesseurs installés sur le site.
Jusqu’au tout début des années 80, pratiquement toutes les fonc- La rentabilité que l’on peut escompter d’une gestion optimale en
tions de calcul d’optimisation de fonctionnement d’équipements ou temps réel d’un système énergétique a deux origines bien distinctes.
de sous-ensembles d’équipements étaient effectivement réalisées ■ Un premier bénéfice peut être obtenu par la mise en œuvre de
au niveau central. La baisse du coût des mémoires vives, l’accroisse- fonctions de niveau 0, 1 et 2 décrites au paragraphe 4.2.1. Celles-ci
ment des vitesses de calcul, le durcissement des matériels vis-à-vis ont, en effet, pour conséquence de réduire les variations des para-
d’environnements industriels agressifs font que l’on tend actuelle- mètres de conduite de l’installation de ce qui permet de les maintenir
ment à déporter ces fonctions à un niveau local. à proximité de valeurs spécifiées ou de valeurs limites (exemples
Le poste central tend en contrepartie à s’enrichir de fonctions cités au paragraphe 4.2.2.
d’optimisation globales qui nécessitent l’utilisation de logiciels L’installation travaillant en permanence dans de bonnes condi-
lourds et donc des matériels informatiques puissants. tions, il en résulte une première économie d’exploitation. Pour
Une dizaine de constructeurs (CGEE-Alsthom, Hartmann et Braun, quantifier cette économie, il est bien entendu nécessaire de disposer
Foxboro, etc.) proposent aujourd’hui des systèmes numériques de d’un cas concret et d’une situation de référence par rapport auxquels
contrôle-commandes capables de traiter toutes les fonctions de il y a lieu de raisonner. Le temps de retour peut être compris entre
contrôle-commande. quelques mois pour une installation neuve et trois ans lors du
remodelage d’une installation existante.
Dans de telles installations, l’écran vidéo couleur et des claviers
spécialisés ont entièrement éliminé les traditionnels boutons- ■ Un second bénéfice peut être obtenu par la mise en œuvre d’une
poussoirs, lampes témoins et verrines d’alarme équipant les fonction de niveau 3 (§ 4.2.1) qui va permettre de définir des points
panneaux de contrôle traditionnels. La totalité du dialogue de consigne d’exploitation optimums grâce à l’utilisation d’un
homme-machine passe par l’intermédiaire de moyens informatiques modèle d’ensemble reliant les performances économiques de l’ins-
utilisant des codes alpha-numériques et des symboles graphiques. tallation à ses variables de contrôle.

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Dans ce cas, il est en général bien difficile de déterminer ou Simultanément, le poste central dispose de microprocesseurs de
même d’estimer a priori les gains que l’on peut attendre d’une telle plus en plus puissants permettant une extension des fonctions de
optimisation, le résultat étant rarement intuitif même dans des cas calcul d’optimisation et de traitement des données. On tend à
apparemment simples et parfaitement délimités (exemple cité au connecter ces systèmes avec des ordinateurs de gestion, les bases
paragraphe 4.2.2.5). de données devenant communes aux différentes fonctions tech-
L’expérience pratique montre cependant que les gains se situent niques et financières de l’entreprise.
entre 0,5 et 5 % selon les cas et la complexité du problème posé. Dans le domaine des logiciels, ceux facilitant le dialogue
homme-machine ne sont fortement développés. Ils ont pour consé-
quence de faire disparaître en partie le clavier qui se spécialise de
plus en plus, l’écran tactile s’imposant progressivement avec une
4.6 Évolutions prévisibles imagerie et une définition s’améliorant constamment.
Dans le domaine de matériels, la gestion optimale en temps réel La configuration des systèmes s’appuie sur des logiciels plus
des systèmes énergétiques a pu prendre son essor au début des souples et plus faciles d’emploi.
années 80 grâce au développement considérable de la micro- Des logiciels de calcul d’optimisation configurables s’intéressant
informatique et surtout à l’amélioration constante des matériels en à tout ou partie du système énergétique devraient faire progressive-
matière de robustesse, fiabilité, prix, performances et résistance à ment leur apparition.
des environnements industriels. Enfin, des logiciels plus globaux, n’envisageant le système éner-
Des systèmes de contrôle entièrement centralisés du début des gétique que comme un sous-ensemble du processus global de
années 70, on est passé dans les années 80 à l’utilisation de micro- fabrication de l’entreprise, devraient voir le jour d’ici quelques
processeurs locaux possédant des capacités mémoire et des puis- années.
sances de calcul étendues. Il est probable qu’il sera alors nécessaire de disposer de matériels
Les années 90 devraient voir une dissémination de l’intelligence informatiques nettement plus performants qu’actuellement si l’on
jusqu’au niveau des capteurs, l’ensemble des équipements étant veut que la gestion optimisée que l’on pourra réaliser avec eux soit
reliés entre eux par un bus unique. effectivement en temps réel compte tenu de la taille des logiciels
qu’il y aura alors lieu de mettre en œuvre.

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