Benjamin Quaro Enjeux Contraintes Limites Amenagement Paysages Patrimoniaux
Benjamin Quaro Enjeux Contraintes Limites Amenagement Paysages Patrimoniaux
Benjamin Quaro Enjeux Contraintes Limites Amenagement Paysages Patrimoniaux
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l'aménagement des
paysages patrimoniaux?
Un grand merci à M. Christophe MIGEON, pour sa disponibilité. Merci également aux membres
de l’agence DIGITALEpaysage pour leur accueil, l’accès aux ouvrages et aux projets de
l’agence, et le prêt de documentation.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 1
Table des matières
Table des matières
Glossaire : 4
Introduction 5
1. Les paysages patrimoniaux, entre valeur identitaire et atouts de déve-
loppement 6
1.1. Les paysages façonnés par les activités et les perceptions
anthropiques 6
1.1.1. Les paysages témoins d’une occupation et d’une exploitation
humaine 6
1.1.2. Une perception des paysages en évolution 7
1.1.3. Le développement de la notion de patrimoine 9
1.2. Les paysage patrimoniaux, le lien entre l’homme et son paysage 10
1.2.1. La mémoire collective, lien privilégié d’une communauté avec son
paysage 10
1.2.2. Le désir de dévoiler son patrimoine 14
1.3. Le tourisme, entre valorisation des paysages patrimoniaux et
exploitation de leurs atouts 14
1.3.1. Du voyage culturel ... 14
1.3.2. ... au tourisme : des voyages répondant à des intérêts personnels
divers. 15
1.3.3. Une recherche de nature en expansion 16
1.3.4. Des atouts touristiques de développement ... 16
1.3.5. ... aux transformations du paysage dues au tourisme 17
2. Les enjeux et les limites à la valorisation d’un paysage patrimonial 18
2.1. De l’échelle du territoire … 18
2.1.1. Accompagner le bon développement du territoire 18
2.1.2. Répondre à une demande locale interne 19
2.1.3. Dégager et développer le potentiel remarquable du territoire 20
2.2. … à l’échelle du site 22
2.2.1. Hiérarchiser les interventions 22
2.2.2. Protéger le site de l’impact du public 24
2.2.3. Positionner le public dans un souci d’observation et de sécurité 24
2.3. Des limites qui questionnent la légitimité d’un aménagement 26
2.3.1. La difficulté de cerner la période passée à laquelle se référer 26
2.3.2. L’impossibilité d’assumer une dynamique touristique 27
2.3.3. La contradiction avec le caractère du site 29
3. Les moyens de valorisation d’un paysage patrimonial 30
3.1. Des outils d’actions inhérents aux différents acteurs 30
3.1.1. Une législation à la base de la protection des paysages
patrimoniaux 30
3.1.2. Les limites de l’appareil législatif 32
3.1.3. Des labels et des concours au service de la valorisation des
paysages patrimoniaux 33
3.1.4. Les acteurs régionaux et leur capacité d’intervention 34
3.1.5. Des outils de communication destinés à un large public 36
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 2
3.2. Des partis d’aménagement du paysagiste 37
Table des matières
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 3
Glossaire :
Glossaire
Patrimoine culturel : patrimoine relatif à une création humaine, traduction ou héritage d’un
passé plus ou moins proche.
Paysage patrimonial : paysage porteur de notions patrimoniales, soit par la qualité de son
patrimoine culturel, soit par celle de son patrimoine naturel (voire des deux).
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 4
Introduction
Introduction
La France est la première destination touristique au monde (en nombre d’entrées internationales).
Elle doit son rang à la diversité de ses paysages, et à la richesse de son patrimoine historique,
culturel et artistique [1]. Le maintien d’une telle image de marque implique de prendre garde à
l’évolution des paysages, et de veiller à la conservation des empreintes patrimoniales.
Les paysages évoluent sans cesse, soumis sans relâche aux aléas naturels et à la pression
anthropique. Face à cette évolution, certains paysages tendent à s’effacer, voire à disparaître.
Parmi ces disparitions, certaines concernent des paysages remarquables, et impliquent une
perte d’éléments culturels forts, qui sont des témoignages de la mémoire collective, ou qui
fondent l’identité même du paysage. C’est face à cette perte de la teneur culturelle et patrimoniale
des paysages, que la conscience collective s’est éveillée, pour protéger et valoriser les points
de vue privilégiés sur le territoire, que l’on qualifie de paysages patrimoniaux.
Quels sont alors les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement de ces paysages
patrimoniaux?
De nombreux projets d’aménagement nous confrontent à cette problématique, car en touchant
physiquement au paysage, ils influent sur sa représentation, sur la sensibilité qu’il inspire, et
sur les témoignages du passé qu’il dégage, de manière positive ou dommageable. J’ai pu
me conforter dans cette idée au vu des projets que développe l’agence DIGITALEpaysage,
au sein de laquelle j’ai effectué mon stage de fin d’études. Elle intervient sur des projets très
variés, mais bon nombre d’entre eux sont axés sur la dimension patrimoniale que représente
le site d’étude, ou sur la mise en avant d’un potentiel culturel ou naturel délaissé par les
gestionnaires et les usagers du site. Les projets élaborés par l’agence s’étendent ainsi du
plan de paysage à destination de Parcs Naturels Régionaux, à l’aménagement de jardins
historiques, en passant par les études paysagères de sites historiques ou archéologiques. Le
présent mémoire tente à la fois d’identifier les valeurs portées par ces paysages patrimoniaux,
et d’évaluer les marges de manœuvre autorisées pour les acteurs du paysage, afin de cerner
les interventions qui peuvent ou non s’opérer sur ces paysages.
Il s’agit alors dans un premier temps de qualifier les paysages patrimoniaux, et de les inscrire
dans une définition de valeur identitaire et d’atout de développement. Ceci se décline par
l’étude de l’évolution des relations qui existent entre l’activité et la perception humaine d’un
côté, et les paysages de l’autre, et l’intimité qui lie les communautés locales aux paysages
patrimoniaux qu’elles habitent, et qui motivent l’attrait porté par les touristes pour ces paysages
patrimoniaux. Ensuite, il convient de porter son intérêt sur les enjeux que pose la valorisation
de ces paysages, à l’échelle territoriale et à l’échelle du site, et sur les limites qui en émanent.
Enfin, il sera présenté de manière non exhaustive certains outils qui se révèlent être des
moyens efficaces de valorisation de ces paysages, au niveau des acteurs du paysage, et au
niveau du paysagiste.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 5
1. Les paysages patrimoniaux, entre valeur identitaire et atouts de
développement
Dans un premier temps, il convient de s’intéresser aux processus d’évolution qui ont conduit
à l’apparition des paysages patrimoniaux. Comment sont-ils nés? Qu’ont-ils de particulier?
Quels rapports entretiennent les populations locales avec ces paysages? Quels sont les atouts
à l’origine de l’intérêt qu’on leur porte? Pour tenter de répondre à ces questions, il faut prendre
connaissance de l’évolution des paysages et de leur perception par l’homme, de l’attachement
de ce dernier au milieu dans lequel il évolue et dont il est acteur, et des dynamiques qui lient
ces milieux aux regards extérieurs, portés par le tourisme.
«Le paysage est la traduction physique, dans le temps, des relations de l’homme à son milieu».
Cette définition, issue de l’ouvrage «La charte paysagère», de la Direction Mairie-conseils et
de la fédération des parcs naturels régionaux (1995), entoure l’expression de paysage des
trois notions imbriquées que sont l’occupation anthropique de l’espace, le climat historique qui
lui correspond, et les modifications visuelles qu’elle engendre.
L’histoire d’un paysage est marquée par les évènements naturels (climatiques, géologiques,
hydrographiques ...) qu’il subit et par l’exploitation de l’homme. Cette dernière diffère à travers
le temps car l’adaptation de l’homme à son milieu a évolué en fonction du climat social dans
lequel il était contraint d’évoluer. Des premiers hommes, esquissant les prémisses de l’élevage
et de l’agriculture, aux industries du XIXème siècle, consommatrices d’espace, d’énergie et de
main-d’œuvre à loger, en passant par les sociétés médiévales préoccupées par leur survie,
luttant contre les famines et les guerres [2], chaque période historique a poussé l’homme à
exploiter dans son environnement les atouts pour lui permettre de vivre mieux. Cette quête dans
le paysage d’une réponse à un besoin anthropique s’est succédée à travers l’histoire, mais ne
s’est pas manifestée de la même manière selon les conditions dans lesquelles l’homme devait
se mouvoir. Les paysages ont donc été marqués différemment par l’empreinte de l’homme au
cours du temps.
L’impact de l’homme sur son milieu concerne en premier lieu l’exploitation des ressources
consommables que ce dernier peut lui offrir. En effet les sociétés humaines qui se sont
succédées sur le territoire français en ont tiré des ressources variées. Les sociétés agricoles
médiévales et modernes ont profité de la variété des milieux pour produire une grande variété
de ressources agricoles (céréales, vigne, fruits, fleurs, légumes...), sylvicoles (bois) et marines
(pêche...). Les sociétés industrielles du XIXe-XXe siècle (cf. Fig.1) ont mis en valeur les
ressources énergétiques et minières du sous-sol (charbon du Nord, fer lorrain...) et domestiqué
les cours d’eau pour en tirer de l’hydroélectricité [2].
D’autres usages, tels que la consommation spatiale des paysages, témoignent également
de l’adaptation des paysages aux besoins humains. Dictée notamment par la croissance
démographique et un besoin social de confort, traduit par l’extension des villes, et de
rentabilité, la consommation de l’espace touche entre autres l’installation des industries et des
entreprises, ou le rassemblement des parcelles agricoles en grands espaces cultivés, plus
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 6
facilement exploitables que les espaces de cultures réduits et morcelés, ainsi que la mise en
place d’infrastructures de transport. Le paysage est par conséquent le résultat d’interventions
multiples dont personne ne maîtrise l’ensemble.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 7
Alain Roger (2001) utilise l’exemple de la montagne, particulièrement instructif, parce qu’il nous
confirme qu’un paysage n’est jamais une réalité naturelle, mais toujours une création culturelle,
et qu’il naît dans les arts avant de féconder les regards. Jusqu’au bout du XVIIIème siècle, la
montagne n’est qu’un «affreux pays». Cette expression revient sans cesse dans les récits des
voyageurs, obligés de traverser les Alpes. «C’est aux écrivains - Haller, Gessner, Rousseau,
Saussure - et aux peintres graveurs -Aberli, Linck, Wolf - que l’on doit la première invention
de la montagne, au XVIIIème siècle. Ils vont, dans une sorte d’alpinisme à la fois athlétique et
esthétique, hisser le regard occidental jusqu’aux sommets alpins. Aux «pays affreux» feront
bientôt place les «sublimes horreurs» (cf. Fig.2). Mais la conquête définitive, la seconde et
véritable invention de la haute montagne sera assurée par les grands photographes, dans la
seconde moitié du siècle suivant.»
Certains hommes ont effectivement beaucoup apporté à la modification des regards que l’on
porte sur l’environnement qui nous entoure. Les récits des premiers voyageurs correspondent
à des carnets de voyages mouvementés et dangereux, les quelques routes existantes étant
de très mauvaise qualité, traversant des paysages hostiles et/ou aux climats capricieux, qui
allongent les durées de trajets. Ce paysage est subi, sans intérêt esthétique, peu connu car
peu arpenté. Au siècle des Lumières, les écrivains se font l’avocat de ces paysages, avec une
vision un peu plus affranchie de la simple considération pratique de cet environnement. Ces
paysages font toujours peur, mais ils contiennent une dimension esthétique, qui impressionne
les artistes de l’époque. Relayés par les photographes puis les peintres impressionnistes du
XIXème siècle, ces paysages deviennent des éléments qui transmettent des impressions, des
sentiments. Ces changements de perception sont portés par les artistes, et étayés par l’évolution
des modes de transport. Ceux-ci engendre une autre relation aux paysages traversés. Comme
le souligne Bernard Lassus (1994), dans son article «Autoroute et paysages», «la mise en
place du réseau autoroutier devrait permettre à terme à chaque automobiliste d’accéder en
une demi-heure à une autoroute de quelque point que ce soit du territoire, mais aussi, de
donner une image inédite de notre pays». Les paysages sont de moins en moins vécus comme
des obstacles, et le confort des transports permet aux voyageurs de contempler l’extérieur
et d’appréhender le paysage avec un regard plus objectif. Les distances paraissent moins
longues, et les paysages acquièrent une échelle plus humaine.
D’autre part, la perception étant liée à l’univers dans lequel on vit, les évolutions technologiques
créent de nouveaux types de paysages. «L’invasion des moyens audiovisuels, l’accélération
des vitesses, les conquêtes spatiales et abyssales nous ont appris et obligés à vivre dans de
nouveaux paysages, souterrains, sous-marins, aériens, planétaires... Paysages sonores (les
sounscapes de Murray Schafer), olfactifs (les smellscapes de Nathalie Poiret), kinesthésiques,
coenesthésiques, pour ne pas évoquer les paysages virtuels» (Roger, 2001).
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 8
Fig. 2 : Le tableau de Caspar David Friedrich (1818), intitulé
«Le voyageur au-dessus de la mer de brume» traduit bien le
changement de vision que porte l’homme sur les paysages,
en les observant par le voyage, comme un élément vecteur
d’impressions, de sensations, de réflexion.
(Source : http://fi.wikipedia.org/wiki/Tiedosto:Caspar_David_
Friedrich_032_High_Resolution.jpg)
L’empreinte historique des activités humaines sur le paysage donne naissance à des sites
identifiés, caractéristiques, reflets d’une occupation ou d’une activité humaine. Ces paysages
témoignent de l’identité passée, ils ont atteint un état d’équilibre idéal qui les rend évidents.
Ceux-là appartiennent au patrimoine. Ils ont acquis une sorte de droit au respect (Gorgeu et
al., 1995). Cette notion de patrimoine apparaît en France au XVIIIème siècle, sous la forme
des monuments historiques comme fait de civilisation, un quart de siècle après son apparition
en Angleterre, et un siècle après sa qualification en Italie par des archéologues-architectes
(Borromini, Palladio, Pirro Ligorio) (Nys, 1999).
Depuis le début du XXème siècle et depuis Riegl (et Wölfflin), la notion de patrimoine s’est
élargie. Il a progressivement inclu le patrimoine industriel, puis s’est élargi à des ensembles
architecturaux, à l’habitat vernaculaire, aux parcs naturels (Yellowstone), aux jardins (charte
Icomos), à des sites naturels (îles Galapagos) avec leur patrimoine non humain, à des sites et
des paysages remarquables (Nys, 1999). Aloïs Riegl écrit également, dans la seconde moitié
du XIXème siècle qu’ «à l’action de la nature, y compris sous son aspect destructeur, perçu
comme le renouvellement ininterrompu de la vie, on semble concéder le même droit qu’à
l’action créatrice de l’homme» (Nys, 1999). Jules Destrée qualifiait d’ailleurs «l’œuvre de la
nature» «d’incessant sujet d’admiration, au moins autant que les œuvres des hommes» (Nys,
1999). La prise en considération des créations naturelles, et plus uniquement des créations
humaines, permet de développer la dimension identitaire et remarquable des paysages en
tant que tels.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 9
1.2. Les paysage patrimoniaux, le lien entre l’homme et son paysage
Eric Andrieu (1995), président du district de Mouthoumet dans l’Aude, définit la question du
paysage dans l’ouvrage «Charte paysagère» comme devant «être posée en terme écologique,
au sens étymologique, c’est-à-dire en tant que relation entre une population et son milieu».
En effet, le paysage patrimonial reflète le lien intime que l’homme partage avec l’environnement
qu’il touche directement. C’est un environnement dans lequel l’homme se reconnaît, auquel
il se sent appartenir, avec lequel il est en contact, parce qu’il le produit, l’utilise ou l’habite.
L’homme modifie son paysage, et évolue avec lui. C’est cette relation qui crée le sentiment
d’appartenance d’une communauté à un paysage. Pierre Donadieu complète cette relation
par sa définition : «Paysage et patrimoine servent à décrire les processus sociospatiaux selon
lesquels les sociétés donnent du sens au territoire en les inscrivant, l’un dans un mouvement de
qualification esthétique et symbolique, l’autre dans la mémoire collective» (Donadieu, 1998).
C’est concernant cette mémoire, justement, qu’Armand Fremont (2001), dans un article
où il traite de la reconversion des îlots Renault-Billancourt, se questionne à propos de la
dissociation qu’il faut faire ou non entre les notions d’histoire et de mémoire. Dans son article,
il justifie cette séparation pour les besoins de l’analyse, mais conclut que ces deux notions
finissent par se recouper et à converger dans une considération commune. Il décrit ainsi «une
véritable mythologie de Renault, de l’aventure personnelle qui s’y est développée à partir
du jardin d’Alfred Renault en bord de Seine, de l’épopée industrielle qui se confond dans
ses ateliers et sur ses chaînes de montage avec le siècle du taylorisme, de l’automobile,
du progrès technique, des sciences de l’ingénieur, enfin et surtout de l’histoire de la classe
ouvrière et de ses combats (...) au temps de la lutte des classes. (...) les travailleurs immigrés
affluaient dans les petits matins de l’embauche». Il expose ici un récit qui n’appartient plus à
l’histoire, d’un point de vue général, mais qui ressemble plutôt à des anecdotes qui font partie
du souvenir d’une petite communauté qui côtoyait les ateliers Renault avant la fermeture du
site. Les regards portés par ces groupes sociaux tendent à repérer le territoire de manière
identitaire, en le balisant d’espaces familiers ou inconnus (Nys, 1999).
La mémoire des conflits sociaux s’inscrit dans ces espaces localisés, et sont ancrés dans
le souvenir de ces groupes sociaux locaux. L’histoire personnelle de ces groupes s’exprime
au travers de leur paysage. Les éléments qui le composent sont autant de points de repère
qui évoquent le souvenir d’une action, d’une destinée, d’un évènement important pour la
communauté. Ils forment une entité qui fait appel à une valeur affective, voire spirituelle (cf.
Fig. 3).
L’observation du paysage met alors à nu un point sensible, qui submerge la mémoire et fait
réapparaître des choses du passé, des actes valeureux, des figures historiques, des victoires
ou des défaites (Nys, 1999). Ces souvenirs fondent le passé de cette communauté, et sont
avant tout identifiables par celle-ci, car elle interprète les éléments de l’environnement par des
références à son passé propre, là où un regard profane n’y trouverait qu’une valeur esthétique
ou pittoresque.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 10
Fig. 3 : Extrait d’un article paru dans «Le
Républicain Lorrain» du 9 octobre 1999.
Inauguration d’une stèle, dans la forêt de
Bruchwald, sur le ban de Lixing-lès-Rouhling
(57), dans un lieu de mémoire des habitants de
la commune.
Lors de la 2ème Guerre Mondiale, des bûcherons
du village de Lixing ravitaillent des évadés
russes cachés dans la forêt communale. Les SS
prennent connaissance des faits, et décident une
nuit d’encercler la forêt. Ils éliminent les soldats évadés, et déportent les trois bûcherons
vers un camp de concentration.
L’emplacement de la stèle devient alors un lieu de mémoire important pour la communauté
villageoise. Ceci est de l’ordre d’une anecdote dans l’histoire de la guerre, mais fait partie
d’une mémoire collective.
A Strasbourg, une volonté a par exemple émané de la part de la communauté juive. A
l’endroit où s’érigeait la grande synagogue de Strasbourg détruite par le régime nazi en 1940,
avaient été placées une plaque rappelant l’existence d’une synagogue en ces lieux, une stèle
commémorative de la rafle du Vel d’hiv’, et un monument dédié aux Justes de France (Français
ayant contribué à la protection des juifs durant la seconde guerre mondiale). Placé non loin
de halles commerciales, le site avait déjà fait l’objet d’une protection (classement en zone
non-constructible), mais les stèles n’étaient que très peu visibles. La Communauté Urbaine
de Strasbourg a donc chargé DIGITALEpaysage de concevoir un aménagement, destiné à
valoriser ce lieu de commémoration. Les aménagements effectués ont donc vu la mise en
place de panneaux d’informations historiques concernant la synagogue, dont l’assise est
réincarnée à travers un ruban au sol et des bancs, la mise en place d’une stèle double dédiée
aux Justes, et d’un mur bas présentant des photos anciennes du lieu, et servant à créer un
recoin d’intimité et de calme propice à la réflexion et au recueillement (cf. Fig. 6).
Les valeurs qui émanent des paysages patrimoniaux,
qu’ils soient culturels ou naturels, sont souvent une
reconnaissance pittoresque de l’appartenance de
ces paysages à un territoire, tels que les plantations
d’oliviers du Luberon, les vergers de pommiers de
Normandie, les marais salants de Guérande, les
plateaux dépaysants de l’Aubrac et, en Île-de-France,
les dernières prairies conservées au creux des vallées.
Ces paysages reconnus offrent plus de «prise au
regard» que d’autres, et sont regardés comme mettant
en œuvre les catégories du sauvage, du bucolique, du
rare, de l’exotique, de l’étrange ou de l’emblématique
(Donadieu, 1998).
Les éléments du paysage prennent alors la valeur
de monuments, appelant à une célébration, une
commémoration, un «culte», qui se traduit souvent par
des festivités (Nys, 1999). C’est ainsi que l’on célèbre
dans certains lieux la production issue du paysage
Fig. 4 : Affiche pour les Fêtes de local ou son élément emblématique, telles que la fête
la Mirabelle à Metz, en 2009, fruit de la mirabelle dans certains villages de Lorraine (cf.
emblématique de la Lorraine. Fig. 4), la fête de la mine dans le Nord, la Foire aux
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 11
Vins à Colmar ou la fête des Remparts dans la commune de Châtenois, qui abrite un quartier
médiéval entouré d’un rempart (cf. Fig. 5). Ce sont autant d’occasions de «garder vivante la
mémoire du passé» (Nys, 1999) et de renforcer l’identité commune qui lie un groupe social.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 12
Fig. 6 : Projet (2011), L’allée des Justes,
Strasbourg, le 30/07/2012 (B. Quaro). Lieu
de remémoration de l’ancienne synagogue
détruite par les nazis, et de commémoration
des Justes de France et de la rafle du Vel’
d’Hiv’.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 13
1.2.2. Le désir de dévoiler son patrimoine
Bertrand-Pierre Galey met alors en garde contre une observation du «paysage culturel comme
un objet à contempler plutôt que comme un territoire vivant» (Donadieu, 1998). Le paysage
devient finalement le lieu de rencontre des usagers de ce paysage, et des observateurs
extérieurs. D’où une certaine fierté des acteurs à montrer leur patrimoine et à le mettre en
valeur, en affirmant ce qui fait son authenticité et son unicité. Jean Viard (1993) n’hésite pas à
affirmer que le paysage est alors un enjeu d’une part pour ceux qui y habitent, mais aussi pour
ceux qui le regardent et se l’approprient de cette manière-là.
L’attractivité culturelle de ces paysages dépasse la seule mémoire collective des acteurs de
ce territoire qui s’identifient aux paysages dans lesquels et avec lesquels ils évoluent, pour
atteindre les regards extérieurs, avides d’aménités et de pittoresque, qui se l’approprient par la
contemplation, et se font le relais de l’identité de ces paysages. Ces regards sont la traduction
de la recherche touristique de dépaysement.
L’attractivité culturelle d’un lieu est à la base de l’intérêt touristique qu’il dégage (Desportes,
2005). En effet, dès la Renaissance, les voyages réalisés ont pour objet la curiosité des
hommes, tels que les villes, ou le Nouveau Monde, terre inconnue et de découvertes. A
la fin du XVIIème siècle, les jeunes aristocrates anglais se lancent dans le Grand Tour, né
en Angleterre, qui consiste à voyager de ville en ville sur le continent, afin de parfaire son
éducation. Le siècle des Lumières est une période propice à l’épanouissement intellectuel, et
les voyages s’orientent vers des destinations au passé culturel riche et aux témoins du passé
abondants. L’une de ces destinations est l’Italie, patrie des arts, de la peinture à l’architecture,
et héritière de l’Antiquité, par la richesse de ses vestiges archéologiques. Les voyages trouvent
leur justification dans le désir d’apprendre, d’élargir sa culture, de se rencontrer et de partager.
En cette période d’ouverture intellectuelle, le voyage est une manière de découvrir des choses
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 14
nouvelles, d’acquérir des connaissances dans les domaines les plus variés, de se rapprocher
des philosophes antiques, ou d’échanger sur la perception du monde, afin de développer une
vision plus fine de celui-ci. Le goût du voyage se propage au plus grand nombre par les récits
et les correspondances tenues par les voyageurs.
Le tourisme évolue ensuite avec la société, s’adaptant aux préoccupations de celle-ci, en étant
également très liée à l’évolution du niveau de vie et des conditions sociales des foyers. Pour
illustrer l’évolution des motivations du tourisme, on peut s’intéresser au tourisme balnéaire en
Europe occidentale entre le XVIIIème siècle et le XXème siècle. Au départ, le tourisme balnéaire
se résume à la recherche des bienfaits et des vertus thérapeutiques du bain de mer. Puis se
développe la recherche de lieux de repos et l’attrait pour les endroits ensoleillés où l’on peut
pratiquer toutes sortes d’activités (Vidal, 2005). L’attrait pour les activités nautiques et de plage
est également renforcé par l’amélioration des conditions de vie des classes moyennes, qui
mettent à profit les congés payés et l’augmentation des salaires pour s’octroyer des périodes
de détente hors de leur lieu d’habitat (cf. Fig. 7).
Le tourisme et les voyages ne sont alors plus réservés aux classes les plus aisées, mais
s’élargissent à une grande majorité de la population française, les intérêts et les types de
tourisme recherchés et pratiqués par les différentes catégories sociales ne présentant pas
forcément de buts similaires. L’expansion du tourisme et son élargissement au plus grand
nombre est fortement associé à l’évolution des modes de transport, les stations balnéaires de
la côte sud-ouest de la France sortant de terre au fur et à mesure de la progression du réseau
ferré.
Un autre exemple, celui de la campagne, conforte l’existence de cette relation entre les intérêts
touristiques et l’évolution des conditions socioprofessionnelles. L’exode rural ayant provoqué
la migration d’une grande majorité de Français vers les villes, ces citadins tendent à renouer
avec leurs origines, ou avec la nature. La ville, autrefois symbole de progrès, est devenue
synonyme de pollution(s), de stress du travail, de promiscuité. Les citadins trouvent dans la
campagne les attributs antidotes que sont la beauté des paysages, le calme des champs et
des villages, la liberté de déplacement, la diversité des plantes et des animaux, la qualité de
l’eau (Donadieu, 1998). De plus, les descendants de la paysannerie qui profitent des vacances
de masse après 1950, retournent, faute de moyens, dans leur campagne d’origine, créant un
mouvement touristique important (Vidal, 1993).
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 15
1.3.3. Une recherche de nature en expansion
Lorsque le coût n’est pas l’élément essentiel (voir unique) de destination, on assiste à une
recherche de dépaysement de la part des voyageurs. Ce dépaysement concerne plusieurs
éléments de l’environnement. La recherche première concerne les caractéristiques climatiques
du lieu, qui doivent être favorables au repos et à la pratique d’activités. Ensuite, le rapport à la
nature sauvage est lui-aussi recherché. Baden écrit en 1854 «dans un petit espace, tous les
plaisirs du monde et de la nature. Ici, de beaux hôtels, de charmantes villas (...); là, à quelques
pas seulement, une végétation merveilleuse, des promenades faciles et variées, des cascades
ou des lacs dans des forêts presque vierges» (Fabiani, 1999). Cela traduit une relation à la
nature, qui est à la fois une perception de la nature impressionnante, car sauvage, et à la
fois une nature mise au contact, favorable à la pratique de loisirs. Yves Luginbühl (Fabiani,
1999) précise ce contact à la nature en avançant que les paysages naturels ne sont plus
seulement appréciés pour la nature en temps que tel, mais pour un «spectacle de la nature»,
mise en scène quotidienne des processus biologiques, tels que la nidification des oiseaux.
Ces propos sont complétés par Lydie Goeldner-Gianella (2008), qui qualifie l’intérêt social
pour le «pittoresque écologique» d’ordre ludique et esthétique, et non d’ordre biologique.
L’attrait pour la nature qui s’exprime à travers le paysage est avant tout visuel, mais peut
amener à l’esprit de celui qui la regarde des sentiments de bien-être, de ressourcement, de
détente. Les ressources extraites de cette nature, si elles sont mises en valeur, peuvent devenir
également une source de pittoresque lié aux paysages dont elles sont issues.
L’association au paysage des produits agricoles a fait naître des notions de qualification des
paysages rencontrés (cf. Fig. 8), tels que le sel des marais de Guérande, les élevages du
Beaufortin, les claires de la Seudre, les châtaigniers de Saint-Pierreville et les hortillonnages
d’Amiens (Donadieu, 1998).
Plus un paysage développe son image pittoresque, plus il attire le tourisme, et plus le tourisme
engendre un engouement pour ce paysage qui va encore accentuer son attrait touristique.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 16
Fig. 8 : Marais salant, Île de Ré, 08/07/2009 (B. Quaro).
L’extraction du sel a fait naître sur l’île des paysages caractéristiques, qui sont attachés à
une image de qualité de ce produit. Le bénéfice est donc double, puisqu’il attise les regards
avides de pittoresque, en valorisant les producteurs locaux et leur produit.
Si l’on considère à nouveau le cas des stations balnéaires créées en France au courant des
XIXème et XXème siècles, on observe plusieurs conséquences à leur création. S’étant pour la
plupart fondées ex nihilo, la contrainte première à leur implantation est la réalisation de bases
stables, pour combler la friabilité du terrain dû au caractère sableux du sol en place. De plus,
pour lutter contre l’inconfort engendré par la profusion de moustiques, des marais entiers sont
comblés (Audouy et Mourier, 1998). Ces modifications du milieu aboutissent évidemment à
une transformation des écosystèmes, et par là même, des paysages qu’ils constitu(ai)ent.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 17
Certaines modifications sont indirectement dues au tourisme, car résultant de choix politico-
économiques décidés par certains acteurs. Ainsi, certains élus de station balnéaires, comme à
Sable-d’Or-les-Pins, plantée à l’origine d’espèces indigènes, dans un soucis des concepteurs
d’afficher une image de station bien intégrée dans son environnement, préfèrent se tourner
vers des solutions plus «artificielles» pour créer auprès des touristes un dépaysement plus
important ou exacerber l’aspect exotique du lieu. Ainsi, la politique de la commune s’est orientée
vers la plantation de palmiers, au détriment des pins, qui sont pourtant une espèce présente
naturellement au niveau régional (Audouy et Mourier, 1998). Cette action de banalisation
implique un appauvrissement de la qualité paysagère du site, qui se rapproche de l’apparence
des autres stations, et engendre la perte d’un élément qui façonnait son identité.
Le tourisme et les paysages patrimoniaux sont donc liés par des interrelations qui touchent aux
notions esthétiques, économiques, politiques et identitaires. Le tourisme influe sur le paysage,
sur ce que ce dernier produit et sur les acteurs qui l’exploitent. Le tourisme se fait le relais des
atouts pittoresques et productifs pour valoriser le paysage, et le rendre plus attrayant encore.
Au cours de l’histoire, les paysages ont donc évolué en fonction de dynamiques naturelles, et
des interactions humaines, traduites par leur occupation et une exploitation des ressources
naturelles qu’offrent les paysages. Ces interactions ont donné naissance à des paysages
remarquables, reflets d’une identité fondée autour de la mémoire collective des populations
locales, et témoins de l’attachement de ces populations à leur milieu. On peut alors distinguer les
paysages patrimoniaux culturels, et naturels. La valeur patrimoniale portée par les populations
autochtones se sont alors exportées aux regards extérieurs, désireux d’assouvir une soif de
pittoresque et de désirs touristiques de dépaysement. Cette ouverture patrimoniale au tourisme
est le vecteur d’un développement économique au niveau territorial, mais la mise en tourisme
engendre des transformations esthétiques et physiques dans ces paysages patrimoniaux.
Ces paysages qui fondent l’identité d’un site, d’un espace territorial, présentent des enjeux de
valorisation multiples, mais certaines limites doivent être posées à cette valorisation.
La valorisation des paysages patrimoniaux n’est pas innocente. Elle suppose une réponse
à des enjeux divers. On peut alors se demander quels sont ces enjeux? Qui concernent-ils?
A quelles échelles d’intervention sont-ils mobilisés ? A qui est destinée la valorisation des
paysages patrimoniaux ? Les enjeux sont-ils transcriptibles à n’importe quel paysage ? Les
réponses tiennent dans la relation économique et sociale qu’entretiennent les communautés
d’un territoire avec leurs paysages, et aux liens qui se créent entre ces mêmes paysages et
un public extérieur au territoire. Mais si la valorisation est porteuse d’enjeux forts, elle dégage
également des limites qu’il convient de cerner et d’identifier.
«Dans les paysages d’aujourd’hui sont présents les paysages d’hier et ceux de demain.» Selon
l’ouvrage La charte paysagère (Gorgeu, 1995), «prendre en compte le paysage c’est préserver
un patrimoine, créer ou renforcer une identité, favoriser la création paysagère, assumer des
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 18
choix en matière d’aménagement, donner de nouveaux atouts au développement, et favoriser
la responsabilité de chacun».
La notion de paysage patrimonial ne veut pas dire que le territoire doit rester figé dans son
aspect originel, cantonné au passé et ne plus évoluer. Ce sont les transformations successives
qui ont fait l’identité du lieu, et qui ont fait naître ce paysage particulier. Les modifications qui
contraignent le paysage doivent donc être relativisées. Il est évident qu’il convient de faire des
choix, et d’accompagner le développement du territoire autour de ces paysages d’intérêt.
L’enjeu premier concerne le territoire. Il faut envisager son développement dans une optique de
protection du pittoresque, sans tomber dans un phénomène de sanctuarisation (Roger, 2001).
Le patrimoine fait partie des éléments qui fondent les atouts d’un territoire, et qui sont un outil
essentiel de valorisation. Leur protection doit concourir à conserver l’héritage du passé, et à
le transmettre à travers le temps. Le profit des potentialités qu’offre le paysage (spéléologie,
plongée sous-marine, réservoir de biodiversité faunistique et floristique, ...), permet de donner
une envergure plus importante de sensibilisation et de respect à la nature, aux populations
résidantes et au paysage. Pierre Donadieu remarque qu’à la fin du siècle dernier, les Français
sont désireux de voir s’immobiliser les paysages, comme troublés, voire angoissés par la
disparition de leurs repères visuels. Intégrer ces repères permet de maintenir l’identité dans
laquelle les populations locales se reconnaissent, en leur montrant que leur territoire évolue
en prenant en compte leur histoire commune.
Dans certains cas, la valorisation trouve pour but d’endiguer les mécanismes d’évolution
indésirable des paysages (enfrichement, fermeture visuelle), en intervenant de manière
ponctuelle pour réguler la menace de dégradation du paysage (Donadieu, 1995). Ces travaux
d’entretien étant de moins en moins assumés par les agriculteurs, ils ont généré une nouvelle
offre, en employant par exemple les centres de réinsertion de chômeurs. Ces actions de
maintien d’un état esthétique et paysager satisfaisant, alliées à la valorisation du patrimoine
existant concourent à l’obtention d’une image de marque du territoire. Cette image de marque
permet d’attirer à la fois des touristes, mais aussi et surtout des nouveaux habitants, et de
nouvelles entreprises, qui privilégient les territoires de bonne qualité paysagère, et dans
lesquels les gens (les futurs clients) désirent s’installer.
A ces enjeux de développement s’ajoutent les enjeux relatifs à une demande interne au
territoire, émise de la part de la population locale et/ou des acteurs. La qualité du cadre de
vie est un élément important du sentiment de bien-être des habitants d’un site, de même que
l’offre d’activités ludiques, de loisirs, de promenade (cf. Fig. 9). D’autre part, de la valorisation
d’un paysage d’intérêt découle un certain nombre de réflexions qui favorisent la concertation
entre les acteurs, pour identifier notamment les activités «à risques» pour le paysage, et celles
à encourager. Le rassemblement des acteurs autour d’un objectif commun de valorisation de
leur patrimoine paysager a pour conséquence une plus grande prise en considération de celui-
ci, et un sentiment d’appartenance identitaire renforcé, voire créé. En effet, la direction fixée
au sujet du paysage permet de créer de nouveaux éléments culturels et économiques. Une
requalification territoriale autour des potentialités paysagères permet de conduire l’économie
vers les activités patrimoniales (agriculture, artisanat) rentables, et touristiques, et de promouvoir
la découverte culturelle des activités régionales. Enfin, les demandes liées au tourisme étant
très diverses, et les intérêts variés, la mise en valeur des paysages remarquables conduit à
la réponse à un type de tourisme, orienté vers le potentiel qu’offre le territoire (tourisme vert,
randonnée, rafting, ...).
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 19
Fig. 9 : Maubeuge, Quartier de l’Epinette, 13/01/2012 (B. Quaro)
Quartier sensible de Maubeuge, l’Epinette a affiché un nouveau visage, suite au
réaménagement et la remise à neuf de l’ensemble des espaces extérieurs. Dans ce
quartier où les dégradations sont courantes, la commune de Maubeuge a constaté que
l’aménagement avait amélioré la perception des habitants du quartier sur leur cadre de vie,
et que les dégradations avaient fortement diminué, les habitants respectant beaucoup plus
leurs espaces communs.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 20
Fig. 10 : Communauté de communes du bassin de Pompey, 06/06/2012 (B. Quaro et B.
Steiner). Le fond de vallée est très marqué par des industries, des zones d’activité, et les
axes de transports.
De plus, certaines communes bénéficient d’un patrimoine historique et culturel discret, qui
gagnerait à être mis en avant, au niveau du territoire.
Un autre exemple, tiré de l’ouvrage de Y. Gorgeu et al. (1995), relatif celui-ci à un choix
économique imposé, et non accepté par la population locale, est la mise en place en 1974
par l’IIBRBS (Institut Interdépartemental des Barrages Réservoirs du Bassin de la Seine) au
nord-ouest de la Champagne humide d’un barrage-réserve artificiel destiné à alimenter en eau
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 21
la région parisienne et à réguler le débit de la Marne et de la Seine. La création de ce barrage
donne naissance au Lac du Der Chantecoq, vivement contesté, car il perturbe considérablement
la qualité des milieux environnants et modifie complètement le paysage local, impliquant entre
autres l’immersion de trois villages et d’un millier d’hectares de forêt. Cependant, les vidanges
annuelles du lac découvrent d’immenses zones marécageuses, favorables au développement
d’écosystèmes particulièrement attrayants pour les populations d’oiseaux migrateurs, qui
trouvent ainsi une escale dans leur périple. Ainsi, ce lieu tout d’abord vécu comme une tragédie
locale, a finalement vu les populations s’adapter, et se le réapproprier. C’est ce nouvel attrait
qui a motivé une démarche de (re)valorisation qui a conduit le site à se transformer en lieu
d’intérêt esthétique. Le site a ainsi trouvé dans son évolution brutale un intérêt ornithologique,
et du même coup une compensation écologique (classement en Réserve nationale de chasse)
et touristique (développement du tourisme lié aux activités nautiques, de celui lié aux activités
de découverte de la nature et du patrimoine, accompagné de la vente de produits touristiques,
de l’accroissement d’hébergements tout au long de l’année, ...).
L’un des enjeux essentiels de l’aménagement d’un site est sa protection. Celle-ci passe par
différentes interventions. Il s’agit en premier lieu d’organiser la gestion du site autour d’une
priorisation des intérêts. Identifier les dangers, les risques, qui pourraient bouleverser l’équilibre
du lieu, ou causer des dommages.
C’est un enjeu auquel est confronté en 2000 Yannis Tsiomis, architecte et urbaniste, face
à l’aménagement de l’Agora d’Athènes. Le but principal en ces lieux est la protection des
fouilles archéologiques et des vestiges mis à jour. Cependant, la question de la flore pose
problème. En effet, certaines espèces végétales présentent des caractéristiques racinaires
contraignantes, car elles risquent de porter préjudice aux monuments exhumés, et les arbres
traditionnels sont pour la plupart des résineux, comme les pins, qui présentent une menace
d’incendie non-négligeable. A ces contraintes s’ajoutent encore l’aspect esthétique du lieu,
planté dans les documents d’époque de cyprès, qui permettent de plus d’offrir de l’ombre aux
touristes (Tsiomis, 2000).
Ces aspects ne sont pas forcément compatibles entre eux, et imposent donc un parti pris des
aménageurs, qui s’appuie sur les données historiques, techniques, archéologiques, écologiques,
économiques du lieu, et de faire ressortir un choix hiérarchique de priorités d’aménagement.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 22
Des projets d’aménagements d’envergure ressortent également de nombreuses contraintes
d’intérêt. C’est le cas pour des infrastructures lourdes, telles que les Lignes Grande Vitesse,
dont le tracé rectiligne impacte fortement l’environnement qu’elle traverse, ou le projet de
construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dont l’installation devrait bousculer le
système de zones humides en place.
Le quartier médiéval des Remparts de Châtenois, est à la fois un site touristique à valoriser,
mais aussi un quartier de ville, avec des habitations et des bâtiments paroissiaux (église,
presbytère), qui génèrent un fonctionnement qu’il est important de prendre en compte et de
respecter dans l’accompagnement du développement touristique du site (cf. Fig. 11).
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 23
2.2.2. Protéger le site de l’impact du public
Le tourisme engendrant des flux importants, un deuxième enjeu de protection se cadre autour
de la gestion de ces flux à l’intérieur du site. Les visiteurs sont-ils libres, ou doivent-ils être
parqués dans un balisage strict, quelles sont les restrictions à mettre en place, par rapport au
pique-nique, au camping, à la protection des espèces, ...
Un certain nombre de questions se posent, qui doivent être étudiées au cas par cas en
fonction de la nature du site, de sa situation, de sa géomorphologie. Ces questions concernent
certains points essentiels, qui permettent de limiter l’impact de la fréquentation du site sur sa
dégradation. L’impact touristique concerne par exemple l’érosion de certains sites fragiles, tels
que les falaises de la pointe du Raz, ou les dunes de sable de bord de mer (Nys, 1999), ou les
monuments historiques fragilisés par l’action du temps. En ces endroits, il devient intéressant
de canaliser les déplacements, afin d’éviter une destruction rapide du site.
Dans les sites qualifiés naturels, il est important de tenir compte de la faune et de la flore
sauvage en place au niveau du site. A nouveau, les sentiers balisés permettent d’éviter
le piétinement d’espèces fragiles, et la mise en place de panneaux pédagogiques permet
d’informer les visiteurs des espèces animales ou végétales présentes sur le site, de celles
protégées, et de leur expliquer le comportement à observer lors de leur passage sur le site.
Ceci peut concerner aussi bien la cueillette de fleurs ou de fruits dans des aires sensibles, le
dérangement occasionné lors des périodes de nidification, reproduction, la pollution sonore ou
l’abandon de déchets, voire la pollution de l’air.
C’est ce qui est advenu pour la grotte de Lascaux, dont les peintures rupestres, très sensibles
aux variations de température et d’humidité, se sont détériorées par la simple présence et le
nombre des visiteurs respirant dans la grotte.
Outre les enjeux de protection du site, les aménagements doivent également être conçus pour
les visiteurs. D’abord, il est nécessaire de protéger le visiteur contre les dangers présents
durant sa visite. Des aménagements pertinents doivent garantir la sécurité du visiteur. Une
signalisation des zones dangereuses (marécages, falaises instables, monuments en ruine)
permet au public d’identifier les dangers, et ainsi de les éviter (cf. FIg. 13). Il est nécessaire
d’anticiper la curiosité des badauds, ou l’inattention due à l’observation du paysage environnant,
qui peuvent les mettre en difficulté. On peut prendre l’exemple de sentiers de randonnée à
flanc de montagne, ou les creux d’eau bouillante d’où jaillissent les geysers, ou encore la
rapidité des fluctuations du niveau marin lors des marées.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 24
Fig. 12 : Tour Eiffel, Vue du Trocadéro, avril
2010 (B. Quaro)
Le Trocadéro offre un point de vue très prisé
des touristes sur la Tour Eiffel.
Au-delà de cette accessibilité physique, c’est le positionnement du public qui est important.
Augustin Berque précise cette pensée, en affirmant : «c’est parce qu’on la regarde en tant que
paysage que la nature devient belle à regarder» (Berque, 1998). Il s’agit de placer le public
dans une position qui lui donne à voir le paysage d’un certain angle (cf Fig. 12). Le Corbusier,
d’ailleurs, ne pouvait concevoir la notion de paysage sans l’enfermer dans un cadre, tel un
tableau de peintre (Boudon, 1998). Il faut délivrer à l’observateur une vision toute faite, ou
lui donner la possibilité d’avoir le bon regard sur le paysage. De même, un aménagement
judicieux permet d’offrir la nature à portée de main, de la mettre en spectacle, en créant un
éclairage privilégié sur certains éléments d’intérêt, qui garantissent la visibilité de certains
phénomènes. Les spectateurs avertis se passent de ces «prothèses» d’observation de la
nature, mais ces aménagements permettent de s’adapter aux regards profanes, et d’ainsi
favoriser tous les types de regard. Pour prendre un exemple ornithologique, l’aménagement
suppose une culture du regard autre de celle du professionnel ou du passionné, qui ne suppose
pas d’effort préalable, et qui permet d’observer en même temps et d’assez près une grande
quantité d’individus (Fabiani, 1999).
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 25
Les enjeux d’aménagement des paysages patrimoniaux intègrent donc des notions de
protection et de valorisation du site et des acteurs locaux, et une facilitation d’accès aux
visiteurs, en permettant à un public large et diversifié d’observer le paysage ou les phénomènes
qui s’y déroulent, en des points de vue ou d’observation privilégiés. Mais tous les paysages
patrimoniaux doivent-ils pour autant être systématiquement aménagés?
Tout d’abord, Philippe Nys (1999) évoque le point de vue de Viollet-le-Duc sur les principes
d’intervention sur les monuments patrimoniaux, en faisant le parallèle avec les paysages
patrimoniaux. La position interventionniste de Viollet-le-Duc consiste à considérer le passé
comme déjà mort, et à ne pouvoir envisager une quelconque restauration ou conservation
(faussement) vivante; la seule solution pour lui est de recréer l’édifice comme dans un état
passé qui n’a peut-être jamais existé.
Lorsque l’on transcrit cette pensée au paysage, on comprend qu’il n’est pas forcément utile de
vouloir reconstruire à tout prix les éléments passés qui ont fondé ce paysage, et les prolonger
dans le futur, car l’idée du paysage parfaitement ancré dans son passé, tel que le petit village
bucolique avec son pittoresque clocher d’église, est erronée. Il est préférable dans ces cas de
réenvisager une idée du paysage tourné vers le futur, dont les vestiges en l’état témoignent
du passé, mais sans rester obstinément enfermé dans une volonté de retour vers ce passé, et
d’être capable d’évoluer dans un contexte contemporain.
C’est le cas par exemple pour le cloître de l’abbaye de Neumünster, au Luxembourg, dont
la conception a été attribuée à DIGITALEpaysage (cf. Fig. 14). La demande était de rendre
la cour intérieure du cloître accessible et attrayante, tout en permettant ponctuellement d’y
organiser des réceptions (apéritifs de mariage) ou des expositions (vernissage). L’absence
d’informations historiques ou d’images fiables d’époque a donc poussé l’agence à inscrire
l’aménagement en rupture avec le site en s’appuyant sur une dynamique moderne.
Lydie Goeldner-Gianella (2008) s’intéresse, dans un article paru dans les Carnets du
Paysage, aux paysages de polder et leur perception au XXIème siècle, suite à des projets de
dépoldérisation naissants. Ici, l’intervention vise à rendre à la mer les terres gagnées sur elle
quelques siècles auparavant. Mais ce désir écologiste de retour à un état passé «naturel» fait
s’élever des voix chez les populations locales. En effet, les polders sont le synonyme d’un
passé culturel riche d’avancées techniques, d’un besoin de protection contre les aléas de
l’océan, et de souffrances de mise en place, les travaux de poldérisation très risqués ayant
demandé beaucoup de temps et de main-d’œuvre. La communauté locale s’interroge donc sur
la nécessité d’un retour vers un passé écologique pour lequel elle ne ressent aucune attache,
qui se fait au détriment des paysages d’un héritage patrimonial qui fonde son identité.
Les notions de copie et d’original portées par la pensée interventionniste posent également
question. Peut-on en effet considérer que Lascaux 2, réplique fidèle d’une partie de la grotte
d’origine, et des fresques qu’elle renferme, peut encore avoir la même valeur en n’étant qu’une
réplique? Dans un autre registre, le travail du temps qui s’exerce sur les paysages (érosion)
entraîne une dégradation de ces paysages. Est-il pertinent de vouloir à tout prix empêcher
son action, pourtant naturelle, qui tend vers la transformation ou la disparition d’un type de
paysage?
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 26
Fig. 14 : Cloître de l’abbaye de Neumünster
(Luxembourg), juin 2004 (DIGITALEpaysage).
En l’absence d’informations historiques,
l’aménagement s’incrit en rupture avec le site, en
adoptant une matérialité et une esthétique très
contemporaines.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 27
Fig. 15 : L’île de Surtsey, en Islande,
est apparue en 1963 à la suite d’une
éruption sous-marine qui a duré
quatre années. L’île est classée au
patrimoine mondiale de l’UNESCO,
et n’est accessible qu’à une poignée
de scientifiques, qui y étudient
l’implantation de la faune et de la
flore. Une mise en tourisme serait
ici inconcevable. (Source : http://www.
umhverfisraduneyti.is/forsida-stjr/nr/775)
Le regard extérieur diffère en effet du regard interne au territoire, car le regard étranger
n’est pas sensibilisé aux éléments douloureux de la mémoire collective. Philippe Nys (1999)
s’interroge sur la place de la valorisation des paysages patrimoniaux, et écrit : «Faut-il et peut-
on, de manière fétichiste, rappeler tous les actes du passé? Tout le passé doit-il être rappelé
au souvenir des vivants (...)? Le paradoxe et l’impossibilité apparaissent immédiatement, les
manipulations idéologiques et les intérêts aussi».
C’est le cas notamment pour les traumatismes liés aux guerres. Lorsque Pierre Donadieu
(1999) s’intéresse à Beyrouth, ville de culture et de paysages pittoresques, il met en valeur
les problématiques soulevées par la fin de la guerre. Beyrouth, désireuse de survivre et de
se relever, entame des projets d’urbanisation. La question des traces à conserver se pose
très vite. Faut-il reconstruire en oubliant toute marque du passé, ou faut-il privilégier certains
lieux de mémoire? Il décrit lors de son passage des impacts de tir résiduels sur les façades,
des bâtiments démolis laissés en état. Faut-il alors conserver le souvenir de la violence des
combats, ou plutôt se tourner aveuglément vers un futur instable et fragile, qui tente malgré tout
de faire le pari d’une paix durable? Il évoque d’autre part François Le Bruel, personnage central
du roman de Jacqueline Massabki «La mémoire des cèdres», qui en 1976, en découvrant
«les ruines» de la ville de Beyrouth, «les pierres noircies, les façades crevées, les trottoirs
défoncés, les rideaux de fer des boutiques arrachés par les explosions et dressés comme des
écorchés», trouve que «tout n’était que beauté» (Donadieu, 1999). Il place ici le regard étranger
du personnage, qui contemple les empreintes de la guerre sans l’avoir vue, sans y avoir
participé, et qui n’est nullement horrifié, mais qui y trouve plutôt une sorte de beauté, peut-être
une tranquillité silencieuse après les ravages des bombardements et des combats. En fait, on
peut distinguer le patrimoine assumé par les populations locales, du patrimoine non-assumé,
qui réveille les souvenirs difficiles et ne porte pas d’intérêt de valorisation extérieure.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 28
2.3.3. La contradiction avec le caractère du site
Enfin, le respect du site est un dernier élément de réflexion sur la nécessité d’un aménagement.
Cet aménagement ne doit pas nuire au site, c’est-à-dire qu’il ne doit pas dénaturer le paysage,
ou rendre celui-ci illisible. Les mises en scène liées aux aménagement ne doivent pas conduire
à une perte de qualité des paysages du site.
Le risque est un surdimensionnement ou un sous-dimensionnement de l’échelle du site, qui à
terme pourrait être fatale à son image. Il ne faut pas en faire trop, car cela risque de dénaturer
le site en lui-même.
La valorisation des paysages patrimoniaux est porteuse d’enjeux, qui se déclinent à des échelles
différentes. A l’échelle du territoire, la valorisation de ces paysages patrimoniaux permet
d’accompagner le développement économique, en renforçant l’identité des communautés
locales, tout en orientant la dynamique territoriale sur les potentialités qu’offre le territoire. A
l’échelle du site, il s’agit de hiérarchiser les aménagements, dans un souci de priorisation des
multiples intérêts qui peuvent exister dans ce site. Il est également indispensable de développer
des relations entre le public et le site, qui soient conçus dans un respect mutuel : respecter le
site en cadrant les visiteurs, tout en protégeant ces derniers des dangers éventuels qu’affiche le
site, et permettre à tout public l’accès au sein du site et un positionnement optimal pour observer
les paysages, tout en adaptant les infrastructures d’accueil aux capacités du site. Cependant,
la valorisation des paysages patrimoniaux ne peut sombrer dans une standardisation, être
applicable à n’importe quels paysages, et doit pour cela faire l’objet d’une considération au cas
par cas. La limite d’une valorisation réside dans la difficulté de cadrer le passé auquel on tente
de faire référence, et dans l’identification de certains paysages patrimoniaux non-valorisables,
car reflets d’un passé non assumé par les communautés locales. Elle s’identifie également
par l’incapacité de certains lieux à assumer l’impact touristique, car celui-ci perturberait le
fonctionnement du site, ou contredirait son caractère.
Analyser finement les potentialités et les risques liés à l’aménagement d’un paysage patrimonial
permet de distinguer les paysages à préserver en l’état, et les paysages sur lesquels intervenir.
Dans ce cas, certains outils de valorisation sont disponibles.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 29
3. Les moyens de valorisation d’un paysage patrimonial
La valorisation des paysages patrimoniaux fait appel à des moyens variés, qui ne s’appuient
pas sur les mêmes notions, les mêmes acteurs, et qui n’ont pas la même influence dans le
projet d’aménagement. Il est important de s’interroger (de manière non exhaustive) sur l’identité
des acteurs, sur l’échelle de leur intervention, sur la nature de leur intervention. Ensuite, il faut
identifier le rôle qu’endosse le paysagiste à l’échelle du territoire, du site, et déterminer les
orientations qu’il est en capacité de dégager.
L’un des outils de la protection des paysages patrimoniaux est la législation, qui permet de
définir un cadre réglementaire autour du développement du territoire, et de l’évolution des
paysages assimilés.
Les prémices de l’intervention législative ont vu le jour grâce aux premiers textes de lois de
protection des paysages, dont celle, votée en 1906, qui protège les «monuments naturels», et
dans laquelle le paysage s’impose comme objet patrimonial, dans la mesure où il se rapproche
d’une œuvre peinte. C’est dans une volonté de protection face aux ravages menaçants de
l’industrialisation que la grande loi de protection des sites est votée en 1930, qui bénéficie
aux «Monuments Naturels et sites dont la conservation présente au point de vue artistique,
historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt public». Ce texte s’inspire de la loi
de 1913 sur les Monuments Historiques, et en emprunte les termes, auxquels s’ajoutent des
notions esthétique (pittoresque) et naturelle, notion écologiste dont l’intérêt s’accroît après les
années 1950 (Heaulmé, 2005).
Ce texte distingue deux degré de protection : le classement, contraignant, qui correspond à
la dénomination de «sites classés», et la simple inscription, sans contrainte particulière («site
inscrit).
Les sites classés sont des lieux dont le caractère exceptionnel justifie une protection au niveau
national. L’objectif est de conserver les caractéristiques du site en le préservant de toute atteinte
à l’esprit des lieux. Le classement étant porté au départ sur des éléments remarquables isolés
et menacés de dégradation, ils se sont élargis à de plus vaste étendues : massifs, forêts, îles
(Gorges du Tarn, massif du Mont-Blanc, île de Ré). Les lieux de mémoire, comme le champ de
bataille de Verdun, font aussi l’objet d’une protection au titre de l’Histoire.
Les sites inscrits, permettent eux une garantie minimale de protection pour des sites qui,
sans présenter une valeur ou une fragilité telles que leur classement soit justifié, possèdent
néanmoins suffisamment d’intérêt pour que l’Etat en surveille l’évolution. Leur rôle est d’alerter
les pouvoirs publics des intentions d’aménagement des propriétaires. La nature des sites est
très diverse, et englobe des ensembles communaux, des monuments, des sites naturels, des
points de vue, ou de vastes ensembles (lacs d’Annecy, Plaine de France).
C’est en 1976 que la loi relative à la protection de la nature pose les bases de la protection
des espèces et des milieux en France. «La protection des espaces naturels et des paysages,
la préservation des espèces animales et végétales, le maintien des équilibres biologiques
auxquels ils participent et la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de
dégradation qui les menacent sont déclarés d’intérêt général» [3]. Les travaux et les projets
d’aménagement sont alors soumis à des études d’impact, qui imposent au minimum une
analyse de l’état initial du site et de son environnement, ainsi que l’étude des modifications
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 30
que le projet engendrerait, accompagnée des mesures qui permettraient de les supprimer,
les réduire ou les compenser. C’est également dans le cadre de cette loi que sont créées les
réserves naturelles.
Les parcs nationaux, rassemblés en 2006 sous la tutelle de l’établissement public Parcs
Nationaux de France, ont pour mission, depuis la loi du 14 avril 2006, de protéger la biodiversité
et son patrimoine culturel souvent remarquable, d’assurer une bonne gouvernance, dans un
souci de meilleur fonctionnement des institutions, et qui inclue le renforcement des liens avec
les acteurs locaux, et d’exceller dans la gestion du patrimoine et de l’accueil des publics [4].
Ces critères obligent les parcs nationaux à se tenir à la hauteur de la dimension symbolique
qui les distingue des autres formes de protection et des milieux naturels ordinaires.
«A ce paysage de plus en plus culturel répond un «monument» de plus en plus territorial». Le
monument, protégé par la législation par rapport aux adossés, aux abords, et à la covisibilité,
s’élargit dans la législation pour être qualifié dans un premier temps à des ensembles urbains,
des secteurs sauvegardés, des zones de protection du patrimoine architectural et urbain, et
dans un second temps, à des zones de protection du patrimoine paysager.
La création en mars 1967 des parcs naturels régionaux, dont l’objectif de protection du
patrimoine naturel et culturel ne leur est assigné qu’en avril 1988 par décret, protège et met
en valeur de grands espaces ruraux habités. Ces mesures visent à classer un territoire à
dominante rurale, dont les paysages, les milieux naturels et le patrimoine culturel sont de
grande qualité, mais dont l’équilibre est fragile. Le parc mène alors en concertation un projet
de développement durable du territoire, en se basant sur la protection et la valorisation de
son patrimoine culturel et naturel (cf. Fig. 16). Il ne dispose pas d’un pouvoir règlementaire
spécifique, mais les collectivités du parc adoptant la charte s’engagent à mettre en œuvre
les mesures que celle-ci décrit (boisement, gestion de l’eau, des déchets, ...), et le parc est
systématiquement consulté pour avis lorsqu’un projet d’aménagement est entrepris, qui
nécessite la réalisation d’une étude d’impact [5].
La loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages autorise l’Etat à
prendre des directives de protection et de mise en valeur des paysages sur des territoires
remarquables par leur intérêt paysager [6]. Ce texte donne une base juridique à une véritable
politique du paysage aux collectivités locales (Donadieu, 1995).
Le Conservatoire du littoral, établissement public créé en 1975, mène une politique foncière qui
vise à protéger définitivement des espaces naturels et des paysages sur les rivages maritimes
et lacustres. Leur mode de protection consiste à acquérir des terrains fragiles ou menacés
pour les remettre en état et confier leur gestion, étudiée et définie par des spécialistes aux
communes, collectivités locales ou à des associations, qui doivent respecter les orientations
arrêtées de gestion.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 31
Bien que sans pouvoir législatif, le réseau Natura 2000 s’est développé en Europe, dans une
optique de préservation de la diversité biologique, et de valorisation du patrimoine naturel des
territoires, autour notamment, des directives «Oiseaux» et «Habitat faune flore». Le réseau
encourage les Etats membres à prendre librement les mesures règlementaires, administratives
ou contractuelles, pour atteindre un objectif de conservation et de survie à long terme des
espèces et des types d’habitats protégés.
Fig. 16 : Parc Naturel Régional des Vosges du Nord, 10/05/2012 (B. Quaro et B.
Steiner). Le Parc Naturel Régional des Vosges du Nord, classé Réserve de Biosphère
par l’UNESCO, axe ses actions sur la nature (réserve, programmes, ...), les paysages
(enfouissement des réseaux, gestion écologique des friches, ...), les patrimoines (musées,
châteaux, archéologie, ...), l’économie (produits du Parc, industries, ...) et l’environnement
(convention Parc-ONF, liaison verte, ...).
3.1.2. Les limites de l’appareil législatif
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 32
Les limites du cadre réglementaire sont l’aspect trop contraignant qui peut parfois émerger,
et empêcher toute possibilité d’intervention, ou limiter trop fortement les propositions
d’aménagement du territoire. Michel Audouy et Pierre-François Mourier (1998), en s’intéressant
à la Grande Motte, station balnéaire «exceptionnellement verte», en comparaison des
ensembles urbains de type balnéaires aménagés à la même époque, reconnaissent que le
succès engendré par les espaces verts peut être vécu comme un handicap.
En effet, le classement des pinèdes et des espaces naturels entourant la station empêchent
toute extension urbaine. Les concepteurs de la station eux-mêmes s’accordent à dire, avec les
élus, que l’attention portée aux arbres et aux zones naturels est «extrême», voire «excessive»,
car ils paralysent totalement le développement de la ville.
Pierre Donadieu (1995) évoque lui deux effets pervers de la protection juridique des paysages.
Le premier, c’est qu’une telle protection suppose implicitement que l’environnement est
menaçant, et par pessimisme, elle entretient un refus de la part de la société d’anticiper son
propre avenir. Le deuxième, c’est qu’elle ne révèle d’aucune façon la manière d’anticiper
l’advenir du site protégé, sinon en l’inscrivant dans un futur passé, entraînant alors l’apparition
de nouveaux textes de loi, ou dispositions pratiques et juridiques, pour prévoir les modalités
de gestion des espaces et de leurs paysages.
Certaines appellations de qualité sont décernées au niveau national en France, relayées à une
échelle plus large par des organismes européens ou internationaux.
Le label Grand site de France (cf. Fig. 17), créé par l’Etat et attribué par décision ministérielle au
gestionnaire des sites pour une durée renouvelable de six ans, a pour objectif de reconnaître
la qualité de la préservation et de la gestion d’un site classé de grande notoriété et de forte
fréquentation [8].
De son côté, l’UNESCO consacre la notion de «paysage culturel» en 1992, et donne ainsi
corps à une notion jonction entre monument et territoire, (Galey, 2001) qui place le paysage
en tant que forme sensible d’une interaction dynamique du naturel et du social (Heaulmé,
2005). La limite d’action de cette mesure se situe dans l’absence d’effet contraignant. En
effet, l’UNESCO ne peut qu’encourager la protection du patrimoine culturel et naturel, en
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 33
sensibilisant les populations, mais sans pouvoir imposer de cadre légal de gestion. Cependant,
c’est l’image de marque délivrée par le label du patrimoine mondial qui facilite les protections
et la prise de conscience des populations. C’est ainsi que le Bassin minier du Nord-Pas-
de-Calais économiquement touché par la fin de l’exploitation charbonnière, s’est vu valorisé
par l’inscription au patrimoine mondiale de l’UNESCO. Cette inscription, soutenue par un
arsenal juridique, règlementaire et territorial complexe, permet au bassin minier de trouver
une nouvelle source de revenus, non plus par la rentabilité d’extraction de la mine, mais par
son intérêt historique remarquable, et par la manière dont elle a modifié les paysages (terrils,
chevalements, cités ouvrières, ...).
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 34
les projets de développement du territoire, les réflexions stratégiques sur son devenir, et
l’élaboration des plans globaux d’action paysagers, pour l’intégration du paysage dans les
choix d’aménagement de l’espace et les projets de développement.
Le rassemblement des communes en communautés de communes permet de disposer
de moyens d’actions plus performants, et de mobiliser les moyens techniques, humains et
financiers qu’une commune isolée n’a pas la possibilité de réunir. De plus, l’intercommunalité est
un niveau d’intervention dont les projets sont soutenus en priorité par l’Etat, les départements
et les régions, et elle permet d’identifier un interlocuteur pour les habitants ou les associations
afin de gérer au mieux les contraintes de concertation.
En plus de la rédaction de ces documents d’urbanisme, les élus ont vu leurs pouvoirs en
matière d’urbanisme et leur responsabilité à l’égard de l’aménagement s’accroître suite à la
décentralisation. Ils possèdent des moyens d’intervenir par la règlementation (arrêté interdisant
de faire du feu dans les régions sensibles en période de sècheresse) et par la sensibilisation et
la concertation avec l’ensemble des partenaires concernés (cf. Fig. 18). Ils délivrent également
les permis de construire et sont souvent les maîtres d’ouvrage d’aménagement de l’espace
communal. Les associations telles que la Ligue de Protection des Oiseaux par exemple,
peuvent participer aux concertations, et donner leur avis sur les impacts d’un aménagement
sur l’avifaune, ou les Associations Foncières Pastorales, qui aménagent et louent des terrains
champêtres à des exploitants locaux, font participer ces terrains à l’économie agricole,
pastorale et forestière.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 35
3.1.5. Des outils de communication destinés à un large public
Les paysages sont également fortement valorisés par les moyens de communication. Ainsi,
les films sont un moyen de valorisation des paysages non-négligeable, car ils utilisent les
sensations liées aux paysages pour influer les ambiances du film (les ambiances grandioses de
la Nouvelle-Zélande du «Seigneur des Anneaux», les vastes étendues solitaires canadiennes
de «Into the Wild», ...). Le petit écran ou les affiches sont également utilisés pour valoriser
des paysages ou des produits. Ainsi les publicitaires n’hésitent pas à se servir des paysages
pour valoriser leurs produits (eau naturelle de Volvic issue d’une région volcanique, paysages
de montagne pour les produits laitiers). En 1992, l’Etat mena même une politique volontariste
de valorisation des produits d’un territoire, associant des produits agricoles de qualité aux
paysages dont ils sont issus (sel de Guérande, lavandaies du Vaucluse, vignobles du
Languedoc), (Donadieu, 1998) qui a inspiré de réelles politiques de qualification des produits
et des paysages.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 36
3.2. Des partis d’aménagement du paysagiste
A l’échelle du territoire, il est le médiateur entre le territoire, les acteurs, les paysages, les enjeux
et les intérêts. Il observe en tant que professionnel, d’un regard à la fois sensitif et objectif,
sans subir les émotions influencées par des intérêts propres plus ou moins inconscients. Une
analyse approfondie lui permet de comprendre le fonctionnement du territoire, et d’envisager
son développement, grâce à l’étude des atouts, des faiblesses, mais également du potentiel
des territoires. Il est à la fois le médiateur entre les élus, les acteurs locaux, les habitants (cf.
FIg. 19), et fait converger leurs perceptions avec son regard extérieur.
A l’aide d’outils tels que la charte paysagère, le plan de paysage, le Plan de Paysage et de
Développement Durable ou encore l’Atlas des paysages, le paysagiste peut définir les enjeux
de valorisation, les sites d’intervention, le type d’action à envisager, les partenaires à inclure
à la réflexion. De plus, la compréhension de l’histoire d’un territoire permet de mieux cerner
les évolutions des sites, et ce qui contribue à créer l’aspect remarquable de leurs paysages.
«Il ne s’agit pas de fixer l’existant, ni de copier ce qui a été fait, mais d’ajuster les paysages
du troisième millénaire dans une modernité respectueuse de leur identité territoriale et des
valeurs traditionnelles sur lesquelles se fonde une société» (Donadieu, 1998).
Ces observations vont permettre de déterminer la pertinence de la mise en place d’un projet
d’aménagement, et le niveau d’intervention à mettre en œuvre pour parvenir à une valorisation
des paysages du lieu qui (r)établisse une certaine stabilité sur le site.
Ainsi, la demande de construction à Pontarlier (25) d’un complexe touristique, à 1180m,
impose de respecter la loi Montagne, à savoir de préserver les espaces, les paysages et
les milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard, en sensibilisant les
touristes à l’environnement de la station. Le bâti en bois tente de s’intégrer au mieux à son
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 37
environnement, et une expérimentation est proposée par DIGITALEpaysage pour la mise en
place du jardin d’altitude. Il s’agit de ne prélever que la terre du site, et de la replacer dans le
cadre du jardin, et d’ainsi laisser à la banque de graines du site l’occasion de se développer et
de faire apparaître d’elle-même un jardin représentatif des milieux autour du site. Un entretien
léger est réalisé pendant les deux premières années, afin d’éviter un envahissement par les
plantes les plus concurrentes.
L’aménagement doit être pensé sur le long terme, en envisageant les perspectives les plus
favorables pour le site en lui-même, tout en prenant en compte en parallèle les moyens
du gestionnaire du site. C’est de l’analyse que découlent les perspectives «d’advenir» des
paysages du site. Elle permet de fixer un cadre de réflexion autour du devenir du site, qui
développe une cohérence au niveau des interventions successives que subira le site dans le
futur. Le paysagiste peut alors décider de l’ampleur et du type d’intervention : la restauration,
caractérisée par la capacité de résilience du système (il faut pouvoir disposer d’un minimum de
références) et l’autolimitation de l’intervention savante (déterminer l’état de référence auquel
on veut revenir); la réhabilitation, plus lourde, qui implique des démarches de forçage et de
franchissement de seuils d’irréversibilité (dépoldérisation); la réaffectation, qui correspond
plutôt à un changement d’orientation et de fonction du site (carrières d’extraction de minerais
transformées en lacs) (Fabiani, 1999).
Les éléments sur lesquels doivent porter l’analyse, dans le contexte d’une mise en valeur
des paysages patrimoniaux concernent avant tout l’histoire du site et du territoire dans lequel
il s’inscrit. C’est en premier lieu cette histoire qui doit émerger, qui fonde l’identité du lieu,
et qui justifie qu’on lui prête attention. Le passé qui a façonné le site doit être retracé, car
il peut être très complexe. Les outils les plus souvent utilisés, outre la visite sur le terrain,
sont les documentations littéraires, les illustrations (photographies anciennes, cartes postales
anciennes), les cartes d’Etat-Major, ...
Dans le cas du projet d’aménagement de l’Agora d’Athènes, Yannis Tsiomis (2000) refuse
d’engager une réflexion en dehors d’un cadre historique ou de partager des points de vue qui
ne s’appuient pas sur les données tirées de la littérature. Ceci est particulièrement important
dans une ville comme Athènes, dont les héritages de l’histoire depuis l’Antiquité sont nombreux,
et où les civilisations se sont succédées en laissant des empreintes qui font aujourd’hui partie
du patrimoine athénien, et fondent la difficulté de définition des repères historiques auxquels
faire appel dans le projet d’aménagement.
Valoriser, d’accord, mais face à une telle multitude d’éléments d’attrait, que valoriser, sans
risquer de créer une sorte de grand fourre-tout historique? Ceci relève souvent d’un choix
de l’aménageur, d’un parti pris du concepteur, qui décide de privilégier l’un ou l’autre aspect
particulièrement évocateur à son sens, susceptible d’avoir le plus d’attrait pour le public le
plus large, et qui conserve ou conforte la relation identitaire avec les populations et les acteurs
locaux. Cela n’empêche évidemment pas de prendre en compte plusieurs repères du passé
du site, mais en conservant toujours une certaine mesure, car la trop grande multitude de clins
d’œil implique une perte de lisibilité et de qualité de compréhension du site.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 38
3.2.3. Etablir les relations entre le site et son environnement
L’analyse permet de définir les limites du périmètre d’action. En effet, les paysages d’un site sont
en interrelations avec l’environnement du site. Il est important de ne pas omettre les éléments
qui gravitent autour du site, et de bien considérer les différentes échelles d’observation. Elles
sont à la base de la bonne intégration du site dans son territoire, et de la mise en relation du
site avec la mémoire territoriale.
Le site ne doit pas être perçu comme décousu, ou en décalage par rapport à une identification
désirée par les habitants. Cela permet d’une part d’envisager l’avenir du site en fonction de
l’évolution prévue pour les ensembles qui l’entourent (programmes de renaturation, extension
urbaine, ...). On évite ainsi d’autre part d’être redondant dans les aménagements au niveau
d’un même territoire. On observe ce phénomène en Alsace, avec la multitude de sentiers
viticoles, de découverte du vignoble et de l’activité viticole. La demande étant forte, une telle
quantité de sites semblables peut être tolérée, mais cependant, certains gestionnaires de
sentiers expriment leur désir de se démarquer et de sortir du lot, en mettant l’accent sur une
signalétique originale, ou en s’appuyant sur des éléments du patrimoine local.
Il est important pour le développement du territoire et l’attractivité du site, de créer une relation
avec les autres sites touristiques environnants. Ceci peut alors concourir à une tentative de
développement d’une unité entre ces «spots», afin que le réseau soit identifiable, mais le
risque est la dérive vers une uniformisation des aménagements. L’objectif est en effet de
rechercher des points de repère communs à l’ensemble du territoire, et identifiables par les
regards extérieurs, en favorisant en contrepartie la diversité propre à chaque espace. Il est
opportun de profiter des liens existants ou potentiels à développer, comme à Châtenois (cf.
Fig. 20), inscrit d’une part dans le programme des «10 jardins médiévaux des communes
touristiques du Haut-Koenigsbourg», rassemblant des communes dans lesquelles sont mis en
place des jardins médiévaux à thèmes (plantes tinctoriales, plantes médicinales, ...), et situé
d’autre part idéalement le long de la route des Vins, et offrant des vues intéressantes sur des
sites touristiques à flanc de montagne (fortifications).
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 39
Fig. 21 : Plan de Paysage (2012),
Route des crêtes, 10/05/2012 (B.
Quaro). Le manque d’unité dans la
signalisation, et de continuité tout
au long de la route des Crêtes, ne
permet pas d’identifier clairement les
tronçons routiers qui appartiennent
à cette route. DIGITALEpaysage fait
donc des propositions de signalétique
adaptable aux différentes informations
à communiquer (sommet, toponymie,
arrêt de la navette des Crêtes, fermes-
auberges, ...).
Route des crêtes, (B. Steiner). Les sources d’inspiration émergent des paysages de la
route des Crêtes, et des activités qui s’y déroulent. Cela se décline par un skyline, qui
détoure la silhouette des sommets, par la carte de randonnées qui décrit des plis, et par les
rondins de bois, rappel à la fois des versants boisés, et des grumes d’exploitation. Ainsi,
la signalétique pourrait se traduire par des stères autour desquels s’enroulerait un ruban
(d’un matériau différent), qui indiquerait les informations géographique, toponymique, ...
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 40
L’étude paysagère de la communauté de communes du Béthunois envisage de tisser les liens
entre ces entités touristiques par des traitements spécifiques des différentes infrastructures.
L’exemple qui est détaillé dans l’étude est une identification par les essences végétales, qui
caractériseraient les routes, les entrées de villages, pour donner vie à la route des pommiers,
celle des saules ou des ginkgos.
Lors de notre visite de terrain sur la Route des Crêtes (68, 88) du massif vosgien, dans le
cadre de l’élaboration d’une étude pré-opérationelle, le manque d’unité et de cohérence dans
la signalisation ne nous a pas permis d’identifier clairement les tronçons se trouvant sur cette
route, de ceux annexes, de même que les éléments qui s’y raccrochent (fermes auberges,
départs de randonnées, …). Une solution de signalétique propre à l’ensemble de la route est
alors proposée par DIGITALEpaysage, afin de retrouver une continuité sur l’ensemble du tracé
des crêtes (cf. Fig. 21).
Un autre enjeu de la relation du site avec son environnement porte sur la dynamisation du
territoire qui l’entoure. En effet, si les structures d’hébergement ou de restauration ne se
trouvent pas sur le site, elles encouragent les visiteurs à se déplacer, et à découvrir d’autres
lieux qui peuvent se révéler attractifs (centres-bourgs pittoresques, ...). Les concepteurs
de l’aménagement de l’Agora d’Athènes ont délibérément fait le choix de retirer de l’Agora
l’ensemble des équipements de services aux touristes. Seuls quelques équipements légers
ont été conservés en nombre limité (buvettes). Les visiteurs trouvent dans la ville tout ce dont
ils ont besoin, et ainsi, on évite de créer une enclave au sein même de la ville, en favorisant les
flux. «L’Agora nourrit la ville et le marché de la ville nourrit l’Agora» (Tsiomis, 2000).
Outre les touristes, il est important de prendre en compte les acteurs («actifs» comme les
exploitants, ou «passifs», les habitants) du paysage local, et c’est à ce moment qu’intervient
le rôle de médiation du paysagiste. Il s’agit d’assimiler les besoins et les revendications de
chaque partie et de synthétiser les éléments sur lesquels on ne pourra influer et les points
de vue intéressants, et d’intégrer au mieux les protagonistes dans l’aménagement. Cette
analyse permet d’appréhender le fonctionnement du site, de l’évaluer, et de décider des axes
à privilégier (pression touristique, commerces destinés aux locaux, vie quotidienne à maintenir,
...).
La concertation peut s’organiser autour de réunions ou d’ateliers, et relève souvent d’une volonté
des élus de satisfaire la majorité, et de maintenir une transparence, qui pousse les acteurs
à s’engager dans la réflexion de l’évolution de leur environnement, et de les impliquer dans
une démarche commune. La synthèse des études et des discussions peut être communiquée
à la population, par le biais de réunions publiques, d’ateliers-rencontres ou de dépliants. En
effet, si celle-ci se reconnaît dans son territoire et dans les axes de développement qui sont
envisagés, elle portera le projet d’aménagement.
Toutes ces considérations poussent le paysagiste à agir par compromis. On l’a vu, le paysagiste
s’atèle à faire des choix d’aménagement en fonction des acteurs et des populations engagés.
Il prend garde à ne pas perturber le fonctionnement du site si celui-ci est bien rôdé, et à ne pas
privilégier aveuglément l’activité touristique aux dépens des habitants ou acteurs locaux. Les
aménagements doivent aussi être élaborés pour le public local, et non pas uniquement pour
les touristes. Un parc naturel peut ainsi être un lieu de promenade pour les familles, de même
qu’un lieu de découvertes pour des visiteurs externes.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 41
3.2.5. Concilier la mise en tourisme et le respect de l’intégrité du site
Des compromis sont à établir concernant la mise en place des infrastructures. La mise en
valeur d’un site, souvent liée à la mise en tourisme du site, implique de prévoir des services
minimum d’accueil pour les visiteurs. Il est essentiel d’envisager une bonne intégration de ces
équipements dans le paysage. Il faut pour cela identifier la vocation du site, pour déterminer
le type d’architecture à mettre en place. Celle-ci peut s’intégrer discrètement dans son
environnement, et disparaître face aux attraits du lieu (zone naturelle, monuments historiques),
ou être assumé en tant que telle, afin de marquer l’identité de ce site, ou de servir de repère pour
son entrée par exemple. C’est le cas de la réponse au concours de requalification culturelle et
touristique du château du Hohlandsbourg (68) proposée par DIGITALEpaysage, qui propose
d’assumer une modernité visible mais intégrée dans le site, à travers une entrée-passerelle et
une tour observatoire en acier Corten, afin de distinguer avec conviction les éléments ajoutés
des réelles constructions d’origine.
Il faut cependant prendre garde à ce que les aménagements ne prennent pas le pas sur les
paysages eux-mêmes. Il est dommageable qu’un site se dégrade par la trop grande présence
des aménagements, ou par leur mauvaise qualification. Il est de plus préférable que les
aménagements soient en adéquation avec l’image du site (bâtiments HQE en zone naturelle
protégée, toilettes sèches, ...).
L’aménagement de la zone de loisir du lac de Vaivre, dans l’agglomération de Vesoul (70)
par DIGITALEpaysage a permis de donner une nouvelle écologie au lieu (ancien marécage),
en requalifiant par exemple l’assainissement des parkings par des noues plantées et des
phragmitaies.
Dans le cas des paysages à forte déclivité, une prise en compte des covisibilités semble
essentielle, afin que les transformations n’aboutissent pas à une pollution visuelle du paysage.
C’est une problématique récurrente du stationnement en montagne. Le respect du site passe
également par l’utilisation réfléchie des essences végétales. Il est peu convaincant de favoriser
des variétés exotiques ou horticoles, dans le simple but de dépaysement ou de fleurissement
excessif (palmiers en bord de mer, fleurissement des entrées de village).
La mise en tourisme impliquant des mises en scène du paysage, celles-ci ne doivent pas aller
à l’encontre du respect du site. C’est un travail de codification qui délimite en chaque lieu ce
qui est à voir, et par où il faut passer pour le voir (Viard, 1993). C’est le but de la signalétique,
de l’aménagement d’aires d’observation, de points de vue, du tracé des cheminements, de
l’orientation des lignes directrices de l’aménagement. Il faut, pour bien mettre en valeur les
paysages, se demander la manière dont on les donne à voir (Boudon, 1998). Philippe Boudon
(1998) distingue le «moment de la conception, où l’architecte travaille sur ce qui regarde» (le
point de vue), et «celui où il travaille sur ce qui est vu» (depuis le point de vue). Il appelle alors
«échelle de visibilité l’opération de conception par laquelle est constitué un point de vue, et
échelle optique l’opération ayant pour but ce qui est regardé».
Car les deux échelles ont leur importance. Il faut faciliter le regard du visiteur en lui offrant
des lieux à partir desquels le paysage qui s’offre à lui est remarquable, mais il faut également
réfléchir à l’échelle optique, qui caractérise le lieu où se trouve le visiteur, d’où il observe le
paysage, l’aménagement qui est vu. Quoi qu’il en soit, face à l’abondance des informations que
doit traiter le paysagiste, et sur lesquelles il se fonde pour établir le projet d’aménagement, il
est obligé, afin d’assurer une bonne lisibilité du site, de prendre parti dans les aménagements,
et d’assumer des choix décisionnels.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 42
La valorisation des paysages patrimoniaux fait appel à des moyens de natures différentes. En
premier lieu, la législation offre un cadre règlementaire à la valorisation et à la protection du
patrimoine à la fois culturel et naturel, et trouve certains échos au niveau européen. Ensuite,
dans une optique de stimulation des maîtrises d’ouvrage à inscrire leurs projets d’aménagement
dans le respect des sites, certains labels se sont développés, de même que des concours. Leur
objectif est d’attribuer à certains sites ou à certains aménagements remarquablement adéquats,
des récompenses, qui apportent de la substance à l’image de marque d’un site patrimonial.
A l’échelle du site, la protection est souvent soutenue financièrement et politiquement par les
conseils (Régional ou Général), et relayée sur le site par les associations. En second lieu, le
paysagiste apporte un œil professionnel à la fois sensible et objectif, qui lui permet de réaliser
une analyse fine du territoire, en considérant les acteurs internes et externes, en identifiant
les liens existants ou à créer entre le site et son territoire, et en conciliant la mise en tourisme
du site avec l’esprit du lieu et son bon fonctionnement. En effet, l’aménagement d’un paysage
patrimonial ne doit en aucun cas modifier l’essence même du site, et ne pas brouiller son
identité. Il doit s’engager avec cohérence dans l’évolution de ce paysage, et en accompagner
en douceur le développement.
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 43
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 44
Conclusion
La valorisation des paysages patrimoniaux découle d’une prise de conscience de leur fragilité,
accompagnée d’une crainte de perte irréversible des témoins d’un héritage culturel passé,
ou des éléments écologiques qui façonnent les monuments naturels. La valorisation de ces
paysages implique un développement territorial basé sur des notions d’ordre économique,
identitaire, écologique, politique, et touristique. C’est face à la diversité et la subjectivité des
regards portés sur les paysages, qu’il est important d’avoir recours à l’œil professionnel du
paysagiste, à la fois sensible et objectif, et à sa capacité de conciliation entre les intérêts des
acteurs d’une part, internes ou externes au paysage concerné, et les intérêts de respect de
l’intégrité physique et spirituelle du site d’autre part. Le paysagiste doit être capable d’envisager
des compromis viables, mais il doit également user de la notion de parti pris. En effet, face à
la grande variété d’éléments à prendre en compte (histoire, acteurs, nature, ...), il est essentiel
de dégager des lignes directrices à l’aménagement, qui cernent clairement les orientations
du projet, selon des axes de réflexion définis, afin d’éviter une trop grande dispersion des
références dans le site, qui engendre immanquablement un manque de lisibilité, et donc de
qualité générale.
La valorisation des paysages tend à s’étendre des paysages patrimoniaux aux paysages
banals, en s’attachant aux éléments de «paysage ordinaire» (bosquet, verger isolé, ...). Dans
un sens, il est bon de penser que les paysages qui ne sont qualifiés par aucune interprétation
remarquable puissent bénéficier d’un attrait, et qu’il est pertinent de les intégrer dans le cadre
d’un projet d’aménagement porté sur un site patrimonial annexe, mais d’un autre côté, il est
sensé de s’interroger sur la réelle valeur que portent ces ensembles territoriaux. Car ces
paysages méritent-ils d’être valorisés dans leur banalité, ou ne doivent-ils pas plutôt exister par
eux-mêmes, et fonder justement leur attrait sur leur existence discrète qui anime le quotidien
de leurs contemporains? Une volonté de mise en valeur de ces paysages n’est-elle pas en
réalité un moyen d’espérer valoriser une région peu attractive du point de vue patrimonial,
qui ne présente d’intérêt que pour les habitants, et qui devrait donc s’adresser uniquement
à cette population? Dans ces cas, les axes d’aménagement ne sont pas à orienter vers une
valorisation, mais plutôt vers une réponse aux besoins et aux envies de la population locale.
Ensuite, si les paysages banals sont valorisés au même titre que les paysages patrimoniaux,
ces derniers peuvent-ils encore être considérés avec les mêmes valeurs d’attrait et de
particularité? De plus, les mesures de protection règlementaire qui découleraient d’une
valorisation n’engendreraient-elles pas des contraintes juridiques qui sur des espaces aussi
éparses, se traduiraient inévitablement par un figeage du paysage dans une configuration
conservatrice sans fondements, et sans possibilités d’évolutions?
Conclusion
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 45
Bibliographie :
Audouy M., Mourier P.-F. (1998), L’invention d’un espace public : La Grande Motte. Les Carnets
du paysage n°2, Le paysage entre art et science, 1, Acte Sud, Ecole nationale supérieure du
paysage, hiver 1998, pp. 21-29
Berque A. (1998), A l’origine du paysage. Les carnets du paysage n°1, Le paysage comme
espace public, Acte Sud, Ecole nationale supérieure du paysage, printemps 1998, pp. 129-
139
Boudon P. (1998), Paysages perçus, paysages conçus. Les Carnets du paysage n°2, Le
paysage entre art et science, 1, Acte Sud, Ecole nationale supérieure du paysage, hiver 1998,
pp. 105-113
Donadieu P. (1995), Pour une conservation inventive des paysages. In : Alain Roger, La théorie
du paysage en France (1974-1994), Seyssel, Champ-Vallon, pp. 400-423
Donadieu P. (1998), L’agriculture peut-elle devenir paysagiste? Les carnets du paysage n°1, Le
paysage comme espace public, Acte Sud, Ecole nationale supérieure du paysage, printemps
1998, pp. 100-117
Donadieu P. (1999), Beyrouth ou la mémoire des pins. Les carnets du paysage n°4, Désirs
de patrimoine, Acte Sud, Ecole nationale supérieure du paysage, automne/hiver 1999, pp.
97-109
Fabiani J.-L. (1999), L’écologie de la restauration considérée comme une mise en spectacle
du patrimoine naturel. Les carnets du paysage n°4, Désirs de patrimoine, Acte Sud, Ecole
nationale supérieure du paysage, automne/hiver 1999, pp. 80-95
Gorgeu Y., Jenkins C., Direction Mairie-Conseils, Fédération des Parcs naturels régionaux de
France (1995). La Charte paysagère, outil d’aménagement de l’espace intercommunal, Paris,
Bibliographie
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 46
Heaulmé E. (2005). Les modèles paysagers de la politique des sites de 1906 à nos jours. In :
Colloque final de restitution, Programme de recherche « Politiques publiques et paysages » ,
Saint-Malo, 19-21 octobre 2005, pp. 6-7
Nys P. (1999), Fatale attraction? Les passions du patrimoine. Les carnets du paysage n°4,
Désirs de patrimoine, Acte Sud, Ecole nationale supérieure du paysage, automne/hiver 1999,
pp. 67-79
Roger A., Qu’est-ce qu’un paysage culturel? (2001). In : Patrimoine et paysages culturels.
Chouquer G., Renaissance des cités d’Europe, éditions confluences, pp. 55-63
Viard J. (1993), Le conflit social, gardien du paysage, Pages Paysages n°4, 1992/1993, pp.
32-37
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 47
Sitographie :
3. Legifrance (1993). Loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature http://
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000541949&dateTexte=&cate
gorieLien=id (Consulté le 07/07/2012)
6. Legifrance (1993). LOI n° 93-24 du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des
paysages et modifiant certaines dispositions législatives en matière d’enquêtes publiques
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000541949&dateTexte=
&categorieLien=id (Consulté le 07/07/2012)
8. Réseau des Grands Sites de France (2003). Le label Grand Site de France
http://www.grandsitedefrance.com/fr/label.html (Consulté le 20/06/2012)
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 48
Quels sont les enjeux, les contraintes et les limites à l’aménagement des paysages patrimoniaux? 49