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Conduite À Tenir Chez Le Sujet À Risque Hémorragique

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¶ 23-760-A-08

Conduite à tenir chez le sujet


à risque hémorragique
P. Larras, V. Ahossi, M. Freysz

La prise en charge de patients à risque hémorragique devient de plus en plus fréquente au cabinet
dentaire, compte tenu des prescriptions actuelles d’anticoagulants et/ou d’antiagrégants et du fait de la
fréquence des pathologies pouvant induire des saignements anormaux lors d’actes chirurgicaux. Le
chirurgien dentiste, confronté à ce risque doit apprécier préalablement au geste la faisabilité de celui-ci et
l’éventuelle gestion des complications per- et postopératoires. Après un rappel des recommandations
actuelles, le bilan préopératoire, les situations cliniques et leurs prises en charge et les techniques
d’hémostase sont précisées dans l’objectif de limiter le risque hémorragique grave.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Chirurgie buccale ; Hémorragie buccale ; Prévention ; Anticoagulants ; Antiagrégants ;


Troubles de l’hémostase

Plan • les coagulopathies héréditaires, avec la maladie de von


Willebrand, l’hémophilie A et B, les déficits en facteur XI, VII,
¶ Introduction 1 XII ;
• les coagulopathies acquises, avec un déficit en facteurs
¶ Recommandations de la Société francophone de médecine buc-
cale et chirurgie buccale (extrait) 1 vitamine K-dépendants, les affections hépatiques, la coagula-
Données 1 tion intravasculaire disséminée, le syndrome néphrotique,
Principes thérapeutiques 2 l’amyloïdose, etc. ;
¶ Conduite à tenir 2 • les médications antiagrégantes ou les antivitamines K (AVK),
Attitude préventive de l’odontologiste face à un patient à risque les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), l’aspirine, le
hémorragique 2 plus souvent en automédication.
Attitude préventive thérapeutique de l’odontologiste face à un Concernant les patients sous agents antiplaquettaires ou
patient à risque hémorragique 2 antivitamines K, la Société francophone de médecine buccale et
Attitude et possibilités thérapeutiques de l’odontologiste face à un chirurgie buccale, en collaboration avec la Société française de
accident hémorragique 3 cardiologie, ont édité des recommandations cadrant leur prise
en charge.

■ Introduction
■ Recommandations de la Société
Au cours de son exercice quotidien, l’odontologiste peut être francophone de médecine buccale
confronté à des phénomènes hémorragiques qui vont se tra-
duire par des effusions sanguines d’importance variable, au et chirurgie buccale (extrait)
niveau de la cavité buccale ou des tissus péribuccaux.
Qu’elles soient de nature iatrogène, traumatique, per- ou
postopératoires ou spontanées, voire provoquées sur des terrains
Données [1]
débilités, elles représentent une des urgences de notre pratique.
Un arrêt de traitement par agent antiplaquettaire (AAP)
Nous rappellerons en tout premier lieu les différents sujets à
entraîne une absence de prévention du risque thromboemboli-
risques hémorragiques per- et postopératoires lors d’un geste
que pendant une période minimum de huit à dix jours.
d’exodontie, de chirurgie parodontale, d’implantologie ou lors
d’un traumatisme ; à savoir les patients atteints de troubles de L’arrêt des AAP, même pour une courte durée, est responsable
la coagulation ou sous traitements, en particulier par d’une augmentation des événements athérothrombotiques
anticoagulants. (syndromes coronariens aigus, accidents vasculaires cérébraux,
C’est ainsi que l’on pourra décrire : claudications, etc.).
• les désordres plaquettaires, où l’on retrouve les thrombopé- En odontostomatologie, le bénéfice escompté par l’arrêt des
nies (diminution du nombre de plaquettes) et les thrombo- AAP semble mineur en regard de la gravité du risque de récidive
pathies (altération fonctionnelle des plaquettes) ; thromboembolique encouru.

Odontologie 1
23-760-A-08 ¶ Conduite à tenir chez le sujet à risque hémorragique

Principes thérapeutiques Tableau 1.


Bilan biologique.
De ce fait, les principes thérapeutiques sont les suivants : Examen Abréviation Valeurs normales
• pas d’arrêt du traitement par AAP avant des soins dentaires ;
Numération plaquettaire 150 000 à 500 000/mm3
• pas d’arrêt du traitement par aspirine (entre 75 mg/j et
325 mg/j) avant une intervention de chirurgie buccale, Temps de céphaline activée TCA 30 s à 40 s
parodontale ou implantaire ; Taux de prothrombine, TP, TQ 70 % à 100 %
• pas d’arrêt du traitement par clopidogrel avant une interven- Temps de Quick
tion de chirurgie buccale, parodontale ou implantaire ; International normalized ratio INR 1
• risque hémorragique sous AAP faible ;
• poursuite du traitement par AAP recommandée.
Concernant l’aspirine à forte dose, les principes sont les ou acquises) ou à des traitements spécifiques (médications
suivants : antiagrégantes, antivitamine K, anti-inflammatoires non stéroï-
• arrêt de l’aspirine à une dose totale journalière supérieure à diens, ou l’aspirine, le plus souvent en automédication).
500 mg (indication antalgique, antipyrétique, anti-
inflammatoire) ; Examen clinique
• possibilité de soins dentaires conservateurs, soins parodon- Il permettra de mettre en évidence différents signes cliniques,
taux non chirurgicaux ; comme des pétéchies palatines, des ecchymoses, des gingivorra-
• arrêt de l’aspirine pour la chirurgie buccale, parodontale ou gies spontanées ou provoquées. En outre, l’existence d’un
implantaire et report de l’intervention à cinq ou dix jours ; purpura cutanéomuqueux, d’hématomes ou d’hémarthrose,
• pas d’arrêt du traitement en urgence si une intervention nécessite des investigations complémentaires.
chirurgicale est impérative et même attitude que pour les
AAP. Examen radiographique
Concernant les antivitamines K, les principes sont les sui-
L’examen radiographique, par cliché rétroalvéolaire, ou
vants [2] :
orthopantomogramme, permet quant à lui d’évaluer, dans la
• pas d’arrêt d’un traitement par antivitamine K, à condition :
mesure du possible, l’importance du geste opératoire et sa
C de respecter un protocole opératoire strict,
faisabilité dans des structures conventionnelles de soins ou
C d’avoir un international normalized ratio (INR) stable
hospitalières.
inférieur à 4,
C d’utiliser systématiquement des moyens d’hémostase Bilan biologique
locale,
C d’assurer impérativement la continuité des soins ; Il est fondamental avant tout geste chez un patient supposé
• arrêt des antivitamines K avec instauration d’un relais par de à risque hémorragique. Il doit explorer toutes les voies de la
l’héparine (héparine non fractionnée [HNF] ou héparines de coagulation (Tableau 1). Tout patient présentant un déficit en
bas poids moléculaire [HBPM]) avant, pendant et après facteurs de la coagulation sera adressé en consultation au
laboratoire d’hématologie, afin d’apprécier la nécessité ou non
l’intervention chirurgicale. L’alternative est choisie en cas
d’un traitement substitutif et, par là-même, de définir une prise
d’intervention à risque hémorragique élevé ou si le patient
en charge classique ou hospitalière. En pratique de ville, la prise
n’est pas coopérant.
en charge d’actes sans risque hémorragique ou à risque modéré
est possible :
• pour un patient sous antivitamines K, si l’INR est inférieur ou
égal à 3 ;

▲ Attention • pour un patient sous antiagrégants plaquettaires ;


• pour un taux de plaquettes supérieur à 80 000/mm3 ;
• pour un taux de prothrombine supérieur à 40 %.
La prise en charge des patients ayant une pathologie
cardiovasculaire non stabilisée et/ou possédant d’autres Attitude préventive thérapeutique
anomalies constitutionnelles ou induites de l’hémostase, de l’odontologiste face à un patient
ainsi que les patients traités par l’association antivitamine
à risque hémorragique
K/agents antiplaquettaires et ceux pris en charge en
urgence ne sont pas concernés par les recommandations De manière générale [4, 5]
générales et imposent une hospitalisation, une
concertation pluridisciplinaire et une hémostase Compte tenu du risque de saignement, les anesthésies
spécifique à chaque cas. locorégionales présentant des risques d’hématome sont formel-
lement contre-indiquées, et l’on appliquera des techniques
d’anesthésie locale strictes, administrées lentement et avec
utilisation de vasoconstricteurs. Une prescription anti-
infectieuse sera envisagée selon l’importance du geste à réaliser,
■ Conduite à tenir l’existence de foyers infectieux, les thérapeutiques adjuvantes
comme les anti-inflammatoires stéroïdiens ou les immuno-
suppresseurs.
Attitude préventive de l’odontologiste face La prescription d’acide acétylsalicylique est contre-indiquée
à un patient à risque hémorragique en raison de son activité antiagrégante plaquettaire. La prescrip-
tion d’anti-inflammatoires non stéroïdiens est également
Avant d’envisager un geste thérapeutique, l’examen clinique contre-indiquée.
d’un sujet à risque hémorragique est impératif [3].
Prévention du risque hémorragique
Anamnèse postextractionnel chez un patient
sous médication anticoagulante, présentant un
Elle permettra de connaître des circonstances de saignement
désordre plaquettaire modéré, une coagulopathie
antérieur, l’état de santé général du patient et de définir ainsi
une étiologie générale, se rapportant à des troubles de la
acquise
coagulation (désordres plaquettaires, coagulopathies héréditaires • Rinçage des alvéoles : Exacyl® 0,5 g/5 ml ou 1 g/10 ml.

2 Odontologie
Conduite à tenir chez le sujet à risque hémorragique ¶ 23-760-A-08

Tableau 2. d’Exacyl®. Il prendra contact systématiquement avec le centre


Prise en charge d’une hémorragie buccale peropératoire. de traitement référent et adressera son patient au service
Incision des tissus Saignements en jets Suture d’odontologie du centre hospitalier universitaire ou du centre
mous ou Compression osseuse hospitalier régional le plus proche.
ostéoectomie
Cire de Horsley
Surgicel® Hémorragies spontanées
Curetage de tissu de Saignements en nappe Suture
granulation ou lors Dans ce cas, il s’agit en premier lieu de comprimer les zones
Compression osseuse
de fracture alvéolaire intéressées avec de l’Exacyl®, puis de rechercher l’étiologie de
ou tubérositaire Surgicel®
Contrôle

• Mise en place au fond de l’alvéole d’un pansement hémosta-


▲ Attention
tique : Surgicel®.
• Bains de bouche passifs par trempage : Exacyl®, à raison de 3 La prise en charge hospitalière est obligatoire dans le
à 4 /j, pendant une minute, durant sept jours (en diluant une cadre de :
ampoule dans 20 ml d’eau froide). • désordre plaquettaire sévère ;
Une alimentation mixée et froide, des applications locales de • coagulopathie héréditaire ;
glace, une position nocturne semi-couchée et une activité • médications anticoagulantes multiples.
réduite ou le repos sont obligatoires et imposées au patient. Elle aura pour but :
• la prévention du risque hémorragique ;
• la prise en charge d’une hémorragie postextractionnelle ;
Attitude et possibilités thérapeutiques • en cas d’hémorragies spontanées, la mise en place de
de l’odontologiste face à un accident protocoles spécifiques en collaboration avec le centre
hémorragique régional de traitement de l’hémophilie, et l’utilisation de
produits spécifiques, comme les colles biologiques, non
Prise en charge d’une hémorragie buccale disponibles dans le secteur libéral.
peropératoire
Le Tableau 2 résume la conduite à tenir.

Prise en charge d’une hémorragie buccale


postextractionnelle chez un patient
sous médication anticoagulante, présentant
“ Point fort
un désordre plaquettaire modéré,
La poursuite du traitement par AAP est recommandée.
une coagulopathie acquise
Pas d’interruption ou de diminution de posologie des AVK,
Une alimentation mixée et froide, des applications locales de à condition :
glace, une position nocturne semi-couchée et une activité • de respecter un protocole opératoire strict ;
réduite ou le repos sont obligatoires et imposées au patient • d’avoir un international normalized ratio (INR) stable
(Tableau 3). <4;
• d’utiliser systématiquement des moyens d’hémostase
Prise en charge d’une hémorragie buccale locale ;
postextractionnelle chez un patient présentant • d’assurer impérativement la continuité des soins.
un désordre plaquettaire sévère, L’examen clinique préalable est impératif.
une coagulopathie héréditaire, La prise en charge hospitalière d’un patient présentant un
sous médication anticoagulante multiple désordre plaquettaire sévère, une coagulopathie
héréditaire, ou avec des traitements anticoagulants
Le geste à réaliser par le praticien traitant sera une simple multiples est obligatoire.
compression du site hémorragique avec une compresse imbibée

Tableau 3.
Prise en charge d’une hémorragie buccale postextractionnelle chez un patient sous médication anticoagulante, présentant un désordre plaquettaire modéré,
une coagulopathie acquise.
Position semi-assise du patient
Antisepsie exobuccale et endobuccale Polyvidone iodée (Bétadine® verte)
Élimination du caillot mal formé par aspiration ou tamponnement Curettes
Anesthésie locale stricte Avec vasoconstricteurs
Révision de la plaie alvéolaire Suppression de tous fragments osseux résiduels, toutes lésions apicales
Rinçage de l’alvéole Exacyl®
Mise en place dans l’alvéole Surgicel®
Sutures Résorbables
Compression Avec Exacyl® pendant 20 min
Bains de bouche passifs par trempage Exacyl®, à raison de 3 à 4 bains de bouche par jour, d’une durée d’1 min,
pendant 7 jours (en diluant une ampoule dans 20 ml d’eau froide)

Odontologie 3
23-760-A-08 ¶ Conduite à tenir chez le sujet à risque hémorragique

ces saignements. Cela pourra être une cause locale, comme une [2] Recommandations pour la prise en charge des patients sous traitement
gingivite, ou une cause générale si le patient présente des anti-vitamine K en chirurgie bucco-dentaire. Med buccale Chir buccale
troubles de l’hémostase ou des traitements anticoagulants. 2006;12:187-212.
Le premier cas relève curativement d’un simple traitement [3] Perrin D, Ahossi V, Larras P, Paris M. L’urgence en odontologie. Col-
local, alors que le second nécessite une prise en charge lection Mémento. Paris: CdP; 2005 (p. 101–12).
pluridisciplinaire.
[4] Semur F, Seigneuric JB. Complications des avulsions dentaires :
.

prophylaxie et traitement. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),


■ Références [5]
Stomatologie, 22-092-B-10, 2007.
Roche Y. Chirurgie dentaire et patients à risque : évaluation et précau-
[1] Recommandations : prise en charge des patients sous antiplaquettaires tions à prendre en pratique quotidienne. Médecine-Sciences
en Odontostomatologie. Med buccale Chir buccale 2005;11:55-76. Flamarion, 1998.

P. Larras, Praticien hospitalier.


V. Ahossi, Praticien hospitalier.
Service d’odontologie, Centre hospitalier universitaire de Dijon, 2, boulevard du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 21000 Dijon, France.
M. Freysz, Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service (marc.freysz@chu-dijon.fr).
Service d’anesthésie réanimation, SAMU 21, Hôpital général, Centre hospitalier universitaire de Dijon, 2, boulevard du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny,
21000 Dijon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Larras P., Ahossi V., Freysz M. Conduite à tenir chez le sujet à risque hémorragique. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Odontologie, 23-760-A-08, 2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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