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Notes Pour Une Histoire Générale Du Cinéma
Notes Pour Une Histoire Générale Du Cinéma
Notes Pour Une Histoire Générale Du Cinéma
Sergue M. Eisenstein
Sommaire
Introduction
Naoum Kleiman
Do Touch Classics !
Principes de ldition franaise
Sergue Eisenstein
Notes pour une Histoire gnrale du cinma
Ouvrage publi avec le concours de lUniversit de Lausanne
Et laide du Centre National du Livre
Chapitre 1
Lhritier
Chapitre 2
Momification dynamique
Chapitre 3
Rvlation dans lorage et la tempte
Chapitre 4
Eloge de la cin-chronique
Chapitre 5
La place du cinma dans le systme gnral de lhistoire des arts
Chapitre 6
Pionniers et novateurs
Essais
Franois Albera
Eisenstein dans lhistoriographie du cinma
Antonio Somaini
Une histoire gnrale du cinma entre gnalogie, morphologie,
anthopologie des images et archologie des mdias
Naoum Kleiman
Do Touch Classics !
En 1997, lore du centime anniversaire de la naissance dEisenstein,
Alexandre Trochine, Nina Dymchits et moi-mme devions slectionner des
manuscrits indits et des documents darchives pour le numro commmoratif de Kinovedtcheskie Zapiski. Parmi les nombreux textes dEisenstein qui
navaient pas encore t publis lpoque, se trouvaient des notes manuscrites
datant de 1947-dbut 1948, lies aux projets du nouveau dpartement de
cinma de lInstitut dhistoire des arts de lAcadmie des sciences de lURSS.
Nous nignorions pas lexistence de ces notes. Lonid Kozlov et moi les
avions vues pour la premire fois la fin des annes 1950 et au dbut des
annes 1960, quand la majeure partie des archives se trouvait encore chez Pra
Atacheva, la veuve du cinaste, qui vivait alors boulevard Gogol. lpoque,
sous la responsabilit de Sergue Ioutkvitch, nous prparions une dition en
six volumes et, sous la direction de Pra Atacheva, choisissions parmi les textes
non publis qui avaient une chance dtre accepts par le comit de rdaction,
afin de les faire dactylographier. Ces feuillets ingalement rdigs, certains comportant des listes de noms et de dates, en lien plus ou moins troits avec lhistoire du cinma, furent perus comme des brouillons trop disparates et de
moindre importance dans lhritage dEisenstein, dans la mesure o cette
poque ses uvres fondamentales navaient pas encore t publies. En outre,
le dchiffrage de cette criture prcipite, quasi automatique , mlant
quatre langues, posait un problme textologique. Comme beaucoup dautres
manuscrits, ces feuillets furent mis de ct en attendant des jours meilleurs
Trente ans plus tard, la situation se rptait presque lidentique. Bien quil
sagt dun numro double la livraison de Kinovedtcheskie Zapiski, publie pour
ce centime anniversaire, ne put accueillir la totalit des manuscrits indits.
Parmi ceux-ci, attendant leur heure, se trouvaient des articles consacrs la vie
politique et sociale ou de circonstance ; des interviews ralises ltranger,
toujours pas traduites en russe, avec des commentaires dEisenstein sur ses propres films, ides et projets ; et il restait encore dans les tiroirs certains chapitres
thoriques carts par la censure ou par des rdacteurs, ainsi que la correspondance permettant de mieux cerner la biographie et la personnalit du cinaste.
INTRODUCTION
Les Notes pour une histoire du cinma , qui avaient galement refait surface, retinrent cependant notre intrt. Trois parties de cet ensemble furent
ainsi publies dans plusieurs numros successifs de la revue1. La publication des
notes restantes fut remise plus tard, notamment en raison de difficults de
dchiffrage. Mais Vladimir Trochine qui dirigeait alors la revue, tait absolument convaincu quil fallait les diter : Npargnons ni notre temps ni notre
travail : ces feuillets sont un vritable trsor ! scriait-il. Nul nimaginait alors
que ce travail serait ddi sa mmoire et ferait partie du centime numro de
la revue.
Aprs le dcs de Pra Atacheva, les manuscrits avaient rejoints les Archives
centrales dtat de littrature et dart de lURSS ( TsGALI, devenus RGALI
depuis 1990 ). Linventaire faisait tat dun ensemble de huit dossiers, classs
par G. Endzina sous le titre : Histoire du cinma sovitique ( plans, notes,
extraits ) , dats du 26 juin 1947 au 30 janvier 1948 ( on verra que dautres
notes lies celles-ci, dates de 1944-1946, figuraient dans dautres dossiers ).
Le programme officiel du dpartement de lAcadmie des Sciences avait, en
effet, prvu la rdaction collective dune Histoire du cinma sovitique , et
cest dans ce cadre que sinscrit une grande partie de ces notes. Mais, comme
toujours avec Eisenstein, sa curiosit, son rudition et son imagination outrepassrent le lit de Procuste du plan dEtat .
Longue dure
10
11
INTRODUCTION
phnomne qualitativement nouveau intriguait Eisenstein plus quelle ne linquitait, tant comme thoricien que comme praticien et historien du cinma.
Quand le Prsidium de lAcadmie des sciences de lURSS le nomma
la tte du Dpartement dhistoire du cinma de lInstitut dhistoire de lart,
Eisenstein dut sans doute se voir comme le vieil historien dun art nouveau.
Une note dans ses carnets datant du 25 juin 1947 voque ce moment :
que lhistorien ait dcid de consulter ces notes aprs les avoir trouves dans les
archives que Pra Atacheva avait transmises au Cabinet dhistoire du cinma
du VGIK.
Voici la premire dentre elles, date du 27 juillet 1945 :
12
LInstitut dhistoire des arts ( dpartement du cinma ). Lhistoire du cinma ( considre comme en chantier jusqu la fin de ma vie ).5
Cette esquisse de la thmatique de lhistoire principielle du cinma aboutit directement aux plans dtaills de lhistoire gnrale du cinma de 19478.
Des plans qui attendaient patiemment que, paralllement ldition des
uvres fondamentales, on leur prte attention
Deuxime naissance
La deuxime naissance dEisenstein eut lieu au dbut du XXIe sicle
( sinon dans la pratique du moins dans la thorie de lart pour linstant ). Fin
2008, Smolensk, parmi les nombreux jeunes chercheurs sintressant ses
films, textes et dessins, se trouvait Antonio Somaini, historien de lart pisan, qui
avait entrepris dtudier la place et le rle dEisenstein dans la thorie des massmedia en vue dun ouvrage paru depuis 9. Au cours dune conversation sur les
13
ides dEisenstein aprs la guerre, je lui parlai des notes pour une Histoire
gnrale du cinma que jtais alors occup dchiffrer. Il mapparaissait dj
clairement que la lave en fusion de ces brouillons provenait du mme sous-sol
que les ides, les exemples et les associations des textes inachevs comme
Mthode, la Non-Indiffrente Nature, Mmoires Ils constituaient des bauches
dune autre partie du livre sphrique quEisenstein imaginait et tentait de
raliser depuis des annes.
Pour Somaini ces notes entraient en lien direct avec des problmes que se
posent aujourdhui les historiens de lart du monde entier depuis que lhistoire
des thories de lart a laiss place la thorie des histoires elles-mmes. La
mthodologie dEisenstein devait faire lobjet dune discussion, non seulement
parce quelle tait originale, mais parce quelle pouvait avoir des retombes tout
fait productives !
Cest dans cette perspective que se tinrent successivement une confrence
Columbia University, New York, en 2010, sous le titre : Eisenstein le
cinma lhistoire 10, puis un sminaire franco-allemand, Paris, sur le thme
Interpositions. Montage des images et production du sens / Bildgrenzen.
Montage und visuelle Sinnproduktion 11 et, peu aprs, une journe dtude,
lInstitut national dHistoire de lart de Paris, intitule S.M. Eisenstein,
Histoire, Gnalogie, Montage , laquelle participaient des chercheurs de diverses disciplines et appartenant diverses institutions 12. Les Notes ont ainsi
engendr un ensemble dinterventions et darticles discutant et dveloppant
les ides dEisenstein en lien avec la thorie de lhistoire du cinma dont une
partie a t choisie pour cette la publication13.
Cest ainsi que commence se raliser le programme de recherche auquel nous
songions depuis longtemps : Do touch classics ! [Il faut toucher aux classiques !],
en opposition linjonction conservatrice des muses Prire de ne pas toucher!.
Paraphrasant une clbre chanson russe, on peut dire que, dans ces notes et
non seulement en elles, ni seulement avec Eisenstein, chaque ligne est pleine
de bourgeons 14 qui donneront des fleurs et des feuilles pour peu quon les
regarde avec des yeux non-indiffrents et quon sen saisisse avec des mains
nergiques.
Les notes pour une Histoire gnrale du cinma prsentes ici peuvent
stimuler les recherches, ouvrir un nouveau champ dinvestigation aux jeunes
chercheurs, aux spcialistes du cinma, aux historiens de lart, aux thoriciens
et praticiens des mass-media. Ils ne doivent pas forcment tre daccord avec les
classiques ils peuvent rfuter les hypothses, contester les suppositions,
proposer dautres conclusions.
14
Do touch classics !
INTRODUCTION
Notes de lIntroduction
1
Dans le n15 consacr au son au cinma, un texte intitul Rvlation dans lorage et la tempte ; dans le n 28 trois autres textes ( lHritier , Le cinma sovitique enfant de la culture
russe et Pour une histoire du cinma muet ) dans le cadre du centenaire de linvention du Cinmatographe Lumire ; dans le n 36-37, deux autres ( Plan de travail de la Section du cinma
et Place du cinmatographe dans le systme gnral de lhistoire des arts ).
2
De mme peut-on tablir de nos jours des rapprochements avec Walter Benjamin, Pavel Florenski, Aby Warburg et bien dautres prophtes de notre temps rcemment redcouverts qui pouvaient autrefois sembler opposs ou tout simplement trangers Eisenstein.
3
Cest moi qui souligne. Cf. S. Eisenstein, Neravnodouchnaa priroda 2, p. 7. [Ce passage, ni le
suivant, ne figurent dans ldition franaise de la Non-Indiffrente Nature qui est fonde sur ldition
russe des Izbrannye proizvedenia v chesti tomakh ( uvres choisies en 6 vol. ) de 1963-1971. NdE].
4
Ibid. p. 540.
5
Muse du cinma, fonds 40, op. 1. Dossier 12/1. F.1.
6
En franais dans le texte.
7
Il est possible quEisenstein fasse ici allusion Jean Renoir dont il apprcia peu les films parlants comme la Bte humaine et Toni ( voir plus loin ).
8
Dautres notes de 1944-1946 contenues dans ce dossier ainsi quau RGALI concernent essentiellement lhistoire du cinma sovitique ; elles demandent tre interprtes et commentes part.
Le corpus des crits dEisenstein comprend toute une srie darticles historiographiques et de discours
sur le dveloppement de notre cinma depuis les essais sur la vie sociale et politique ( par exemple,
en 1928, Pourquoi le cinma sovitique plit de faon catastrophique et Le Douzime )
jusquaux revues et conjectures datant de lanniversaire du Dcret sur la nationalisation de lindustrie et du commerce photo et cinmatographique ( dont la date est considre aujourdhui encore ! comme le dbut de lhistoire du cinma sovitique ). Des textes qui, au-del de la rhtorique
de lanniversaire, dveloppent un propos loin du discours officiel et mriteraient dtre tudis.
9
A. Somaini, Ejzentejn, Il cinema, le arti, il montaggio, Turin, Einaudi, 2011.
10
Du 30 septembre au 1er octobre 2010. Avec notamment Mikhal Iampolski, Iouri Tsivian,
Macha Salazkina, Philip Rosen, etc.
11
Du 1er au 3 fvrier 2011. A sa suite une petite partie des notes fut traduite en allemand, publies dans Zeitschrift fr Medienwissenschaft n 1, 2011.
12
28 mai 2011. Participrent notamment les historiens de lart Georges Didi-Huberman et Giovanni Careri, le slaviste Grard Conio, lhistorien du cinma Franois Albera, un conservateur du
Muse national dart moderne Philippe-Alain Michaud, de jeunes chercheurs comme Ada Ackerman
et Massimo Olivero, etc.
13
Les Notes paraissent simultanment en franais dans la prsente dition et en anglais Amsterdam University Press o elles sont suivies dune partie des communications voques ci-dessus.
14
Il sagit de la Chanson orientale de David Toukhmanov, Chaque ligne est pleine de points / Derrire la lettre A / Bien sr, tu comprendras / Tout ce que jai voulu dire / Tout ce que je nai pas su
dire ; point et bourgeon ne se diffrenciant que par une lettre en russe.
15
16
1
Lintervention de Georges Didi-Huberman a fait lobjet dune publication en franais dans
1895 revue dhistoire du cinma n 67, t 2012, sous le titre : Pathos et praxis : Eisenstein contre
Barthes .
PRINCIPES DE LDITION
documents visuels appels par les rfrences quy fait lauteur avec parfois des
renvois des sources prcises auxquelles on sest efforc de recourir partir,
notamment, de la propre bibliothque du cinaste. On a voulu cette iconographie instrumentale et non illustrative, elle a pour but de comprendre les
raisonnements dEisenstein qui demeurent souvent bauchs.
Concernant le texte, les principes et conventions adopts pour cette dition
franaise dans le but de permettre au lecteur sinon de sy retrouver du moins
de ne pas sgarer, sont les suivants :
Touchant la multiplicit des langues utilises par Eisenstein russe, franais, anglais, allemand, latin, espagnol et du passage au sein dune mme
phrase dune langue lautre, on a convenu des dispositions suivantes : a ) le
texte russe est traduit en franais et apparat en caractres romains ; b ) les mots
en langues trangres et graphie latine dans les manuscrits apparaissent en
italique et sont traduits entre crochets ; c ) les mots franais en graphie latine
apparaissent en italique assortis dun astrisque.
Les titres duvres ( films, livres, tableaux, etc. ) sont, dans le manuscrit,
traits de diffrentes faons ( guillemets, souligns, majuscules ) : on a respect
ces particularits et donn en revanche les rfrences compltes dans les notes
conformment aux conventions en usage.
Les mots ou groupes de mots souligns le sont par lauteur.
On a respect autant que faire se pouvait la disposition des textes, la graphie parfois fautive, en lindiquant quand cela simposait.
Toutes les interventions des diteurs dans le texte sont entre crochets ( mots
ou parties de mots rtablis ou proposs, traductions ).
Les quelques notes ou adjonctions apportes son texte par Eisenstein
apparaissent en bas de page, appeles par un chiffre romain.
Les autres notes, appeles par des chiffres arabes, sont les ntres. Elles sont
rejetes la fin de chaque chapitre. Le nombre trs lev de rfrences, de noms,
dappareils ou de titres duvres renvois appels tre dvelopps ultrieurement, par lauteur, pense-bte, rcapitulations, associations dides ou citations venir nous a conduit limiter autant que possible les commentaires
en dpit du caractre souvent lacunaire voire crypt de ces rfrences et renvois.
On sest efforc nanmoins dindiquer les renvois internes ce livre-ci comme
lensemble de luvre thorique dEisenstein afin de permettre au lecteur de
pouvoir sy reporter. Dans bien des cas Eisenstein ne fait ici que noter une
rfrence quil a dj dveloppe ailleurs, il est donc important de pouvoir sy
reporter pour comprendre le raisonnement qui est le sien ou les rapprochements quil opre.
Ces renvois dautres textes dEisenstein en cho ceux-l ou qui les clairent sont faits en priorit aux ditions franaises pour la plupart, malheu-
17
18
PRINCIPES DE LDITION
NB. Les articles ou extraits de textes publis dans des revues ( Cahiers du Cinma, etc. )
sont rfrencs en notes chaque occurrence.
1. en franais
Rflexions dun cinaste, ( tabli par Rostislav Iourenev ), Moscou, Editions du
Progrs, 1958 [Rflexions]
Ma Conception du cinma, ( reprise fautive de ldition Film Essays tablie par
Jay Leyda ), Paris, Buchet-Chastel, 1971 [Conception]
uvres 1. Au-del des toiles, ( tabli par Jacques Aumont ), Paris, 10 / 18, 1974
[Au-del des toiles]
Le Film : sa forme / son sens, ( tabli par Armand Panigel ), Paris, Christian Bourgois, 1976
uvres 2. La Non-Indiffrente Nature 1, ( tabli par Jacques Aumont ), Paris,
10 / 18, 1976 [NIN 1]
uvres 4. La Non-Indiffrente Nature 2, ( tabli par Jacques Aumont ), Paris,
10 / 18, 1978 [NIN 2]
uvres 5. Mmoires 1, ( tabli par Jacques Aumont ), Paris, 10 / 18-Editions
sociales, 1978 [Mmoires 1]
uvres 5. Mmoires 2, ( tabli par Jacques Aumont ), Paris, 10 / 18, 1980
[Mmoires 2]
Montage 1937 ( extrait, tabli par Michelle Brudny-de Launay ), Caf
Librairie, n2, 1983 [ Montage 1937 ]
uvres 1. Mmoires 3, ( tabli par Jacques Aumont ), Paris, 10 / 18, 1985
[Mmoires 3]
Le Mouvement de lart, ( tabli par Franois Albera et Naum Kleiman ), Paris,
Cerf, 1986 [Mouvement]
MLB plonge dans le sein maternel, ( tabli par Grard Conio ), Paris, Hobeke,
1999 [MLB]
Disney, ( anon. ), Strasbourg, Circ, 1991 [Disney]
Eisenstein dans le texte ( direction Franois Albera ), Cinmas vol.11, n2-3, printemps 2001 [Eisenstein dans le texte]
Dickens & Griffith, ( tabli par Grard Conio et Marina Berger ), Paris, Stalker,
2007
2. en anglais
The Film Sense, ( tabli par S. Eisenstein et Jay Leyda ) [New-York, Harcourt,
Brace & Cie, 1942] ; Londres Faber & Faber, s.d. ( circa 1968 ) [Film
Sense]
Film Form : Essays in Film Theory, ( tabli par Jay Leyda ), New-York,
Harcourt / Brace ; Londres, Dobson, 1963 [1949] [Film Form]
The Short Fiction Scenario, ( tabli par Jay Leyda et Alan Upchurch ), Calcutta,
Seagull Books / Eisenstein Cine Club, 1984 [Short Fiction Scenario]
Eisenstein 2. A Premature Celebration of Eisensteins Centenary, ( tabli par Jay
Leyda ), Calcutta, Seagull Books, 1985
Eisenstein On Disney, ( tabli par Jay Leyda ), Calcutta, Seagull Books, 1986
[On Disney]
The Psychology of Composition, ( tabli par Alan Upchurch ), Calcutta, Seagull
Bools, 1987 [Psychology of Composition]
Selected Works 1. Writings 1922-1934, ( tabli par Richard Taylor ), Londres,
BFI ; Bloominton, Indiana University Press, 1988 [SW 1]
Selected Works 2. Towards a Theory of Montage ( 1937-1940 ), ( tabli par
Richard Taylor ), Londres, BFI, 1991 [SW 2]
Selected Works 3 Writings 1934-1947, ( tabli par Richard Taylor ), Londres,
BFI, 1996 [SW 3]
Selected Works 4. Beyond the Stars. The Memoirs of Sergei Eisenstein, ( tabli par
Richard Taylor ), Calcutta, Seagull Books ; Londres, BFI, 1995 [SW 4]
The Eisenstein Collection, ( tabli par Richard Taylor ), Londres, Seagull, 2005
[Eisenstein Collection]
NB. Les articles ou extraits de textes publis dans des revues ( Studies in Russian &
Soviet Cinema, etc. ) sont rfrencs en notes chaque occurrence.
19
21
3. en italien
Opere Scelte 3. Il Colore, ( tabli par Pietro Montani ), tome 2, Venise, Marsilio, 1982 [OS 3/2]
Opere Scelte 4. Teoria generale del montaggio, ( tabli par Pietro Montani ), tome
1, Venise, Marsilio, 1985 [OS 4/1]
Opere Scelte 4. Il montaggio, ( tabli par Pietro Montani ), tome 2, Venise,
Marsilio, 1986 [OS 4/2]
Opere Scelte 5. La Regia, ( tabli par Pietro Montani ), tome 1, Venise, Marsilio, 1989 [OS 5/1]
Opere Scelte 5. Stili di regia ( tabli par Pietro Montani et Alberto Scioni ),
tome 2, Venise, Marsilio, 1993 [OS 5/2]
Il movimento espressivo. Scritti sul teatro, ( tabli par Pietro Montani ), Venise,
Marsilio, 1998 [Movimento]
4. en russe
Izbrannye proizvedenia v chesti tomakh, ( tabli par Pra Atacheva, I. Vassiliev,
I. Volkov, I. Krassovski, S. Frelikh, R. Iourenev et S. Ioutkvitch ),
Moscou, Iskousstvo, 1963-1971, 6 tomes [Iz pro]
Metod 1, ( tabli par Naoum Kleiman ), Moscou, Mouze kino, 2000
Metod 2 ( tabli par Naoum Kleiman ), Moscou, Mouze kino, 2002
Neravnodouchnaa priroda 1, ( tabli par Naoum Kleiman ), Moscou, Mouze
kino, 2004
Neravnodouchnaa priroda 2, ( tabli par Naoum Kleiman ), Moscou, Mouze
kino, 2006
NB. Les articles ou extraits de textes publis dans des revues ( Kinovedtcheskie Zapiski,
etc. ) sont rfrencs en notes chaque occurrence.
20
23
Chapitre 1
LHritier 1
22-26. X.1946
Le cinma est lhritier de toutes les cultures artistiques, tout comme le
peuple layant lev, pour la premire fois dans lhistoire, au rang dart aussi
bien du point de vue apprciatif que cratif est lhritier de toutes les cultures
des sicles prcdents.
Le cinma est lart de lURSS par excellence*, et ceci est naturel et organique.
Il faut construire lhistoire du cinma ainsi.
1. La place historique du cinma dans lhistoire des arts.
Son mergence sur les ruines du second baroque 2.
Les autres arts dgnrent jusqu totale disparition3.
Les ismes 4. A chacun son signe distinctif.
Leffondrement de la socit bourg[eoise].
Cest de zro que dmarre le cinma.
Une invention technique.
Un rgime social (lURSS) qui cherche un art de masses, etc.
Les conditions sociales et [the] technical [one] coincide [les conditions techniques concident].
En tant que nouvelle totalit, sociale et esthtique.
22
LHRITIER
La synthse non pas de la co-prsence mcanique ltat pur (ce qui tait le
comble des possibilits syntht[iques] du thtre).
Mais chacun dans sa nouvelle qualit est organiquement et intgralement
inclus.
Puis lanalyse, point par point , du destin de chaque art et de sa nouvelle
qual[it] lintrieur de la synthse.
Le phnomne du cinma
(History of the phenom[enon]) [Histoire du phnomne]
Les petits cadres 11 et la mthode du cinma12.
De la mosaque au pointillisme13.
Le contraste dynamique la place du mlange14.
Daumier* et Tintoretto en micro*.
Goya, [El] Margorotto
[Maragato] en macro*15.
Hogarth, [le] Mariage-la-mode* en scnes.16
Les coqs17
24
Dessins squentiels dcomposant une action de Wilhelm Busch (dans Plisch und Plum, 1882).
25
3. La mthode du cinma
Montage et contrepoint.
La mise en relief maximale des lois fondamentales de ltre21.
Le montage en tant quunit dans la diversit.
Luniversalit de la mthode :
travers lart.
travers la sociologie (question nat[ionale] et fdr[alisme]).
travers la science (vrit selon Marx22).
travers tous les phnomnes naturels (biologie : les vers)23.
travers la pr-science : Osiris24, Bacchus, le Phnix dmembrement et de
nouveau morcellement puis reconstitution un new level [ niveau suprieur].
Le montage en tant que reconstruction intentionnelle (tendancieuse),
soc[ialement] dtermine, idologiquement tendanc[ieuse] de la ralit en
images.
(Montrer dans lhistoire les hsitations entre deux ples : reconstruction et
reflet [de la ralit]. Renforcement et affaiblissement de lvidence du montage et de la nudit.)
LHRITIER
Aller de la momie (preservation of the self [du soi] la photo. Photos des
proches et des dfunts.
PHOTO
La Photo and the urge [le besoin] de fixer le phnomne.
Primrer [originaire] eidtisme25 lost paradise [paradis perdu] de leidtique avec le rveil de la conscience [the]urge [la ncessit] de remplacer ce qui
sest perdu through a mechanical device (great !!!). [par lintermdiaire dun
appareil mcanique (gnial !!!).] Lappareil photo et la rtine de lil : lappareil photo portrait de lil ( The Clansman ! [les hommes du clan])26.
La photo comme craft [technique artisanale] commence par les momies
gypte.
Le masque mortuaire Rome (le naturalisme du masque mortuaire).
La pyramide et lide de rsistance lphmre immortalit. Nostalgie de
limpr[issable].
In this photo is [de ce point de vue la photo est le] nec plus ultra.
26
CINMA
Le Cinma and the urge [le besoin] de fixer le processus.
Tous les jouets cinmatographiques.
Le dessous des poupes automatiques (lacteur immortalis), des thtres
mcaniques, etc., des jouets remontoir.
CINMA SON[ORE]
Le Cinma son[ore] and the urge [et la ncessit] de fixer les processus
sonores.
Balloons [les bulles] dans les dessins com[iques].
27
[Traduction du manuscrit]
O Yeah .
Les mmes au Moyen-ge.
Justicia [sic. Justitia, justice]
Les mmes chez les anciens
Maya[s].
Les hiroglyphes, mais pour
linstant encore dforms graphiquement pour rendre lintonation
(cest mon interprtation partir de
mes observations).
Llment photographique en
tant que nux [noyau] de lesthtique.
28
Si lon poursuit la ligne [of the] urge [le besoin] de fixer les phnomnes
(chronique, photographie, document), impressions (travelog[ue] [rcits, photographies et films de voyage]).
Objectivement : Homre.
Puis : tendancieusement (p. ex.* dj dans la disproportion entre la taille du
pharaon et celle des simples mortels)28.
Puis : motionnellement.
Le Dit de lOst dIgor 29.
Le[s] dsastres de la guerre 30 Callot*
(comme une cin-chronique squentielle)
Puis : pathtis.
Los Desastros [sic] de la Guerra Goya31
(comme des impressions pathtises non-squentielles cohrentes)
LHRITIER
Toutes sortes de dessins linaires comme drivs de l, avec moins des primren dynamischen Effektes [deffets dynamiques primaires] et plus dlments
nouveaux (comme dans leidtique le photographisme baisse, mais sajoute
un Gestalterisme [Gestaltisme mise en forme] conscient40).
Ossification en lments rectilignes. Fracture du contour, ruptures, etc.
Nouvelles voies de leffet dynamique.
Eug[enio] DOrs au sujet de Rembrandt et Watteau41 le tissu scintillant
des petites hachures, etc.
29
30
LHRITIER
Notes du chapitre 1
1
Ce texte est lun des premiers de lensemble des notes des annes 1946-1948 rdiges en vue
dune Histoire gnrale du cinma , mais il est en mme temps le fruit de nombreuses annes de
rflexions sur la gnalogie de toutes les formes cinmatographiques et de leurs antcdents dans
lhistoire des arts. Dans ses crits thoriques et dans ses cours du VGIK ( lEcole du cinma cre en
1919 Moscou ), Eisenstein a analys les potentialits cinmatographiques , le cinmatisme des
arts traditionnels, considrant le cinma comme leur hritier lgitime ( sur ce terme et sa mise en
application voir Cinmatisme et Mouvement ).
Source : RGALI 1923-2-993, pp. 19-29. Premire publication : Kinovedcheskie Zapiski n 28,
1995, pp. 115-119.
2
Il sagit ici sans doute du no-baroque ou baroque tardif ou encore rococo ( XVIIIe s. ),
dnomination des historiens de lart dsignant une priode o lornemental, le trompe-lil, etc.
confinent la surcharge et lexcs et dans lequel Eisenstein inclut toute lvolution de lart vers sa
dgnrescence la fin du XIXe sicle ( voir infra ).
3
Le thme de la dgnrescence des autres arts emports par la dgnrescence de la socit
bourgeoise est constant dans les textes dEisenstein des annes 1930-1940 ( voir la Non-Indiffrente
Nature, Cinmatisme, notamment ). Absent des textes des annes 1920, il nest pas quun tribut pay
au dogme stalinien du ralisme socialiste car on le trouve galement chez les marxistes Georg
Lukcs et Max Raphael. On verra plus loin que ce thme marxiste se combine avec les prophties
fin-de-sicle la Nordau.
4
Allusion au livre de Jean ( Hans ) Arp, El Lissitzky, Kunstismus, 1914-1924, Zurich-Munich-Leipzig, Eugen Rentsch, 1925. Dans le cadre dun dveloppement sur la pars pro toto, il y est fait rfrence
de manire dprciative dans Mthode : La pars triomphe du toto [] En peinture cela se marque par
le refus de lintgrit synthtique du tableau pris comme un tout et un lan vers les ismes dont
chacun constitue lhypertrophie dun lment isol. ( Dickens & Griffith, p. 198 ) ainsi que dans The
Psychology of Art ( Psychology of Composition, p. 13 ).
5
Richard Wagner solidaire des mouvements rvolutionnaires de 1848 ( il participe au soulvement de Dresde et doit se rfugier en Suisse ) a pass ensuite de lhostilit lallgeance Bismarck
aprs la victoire de 1870, assortie de nationalisme et dantismitisme. Dans Lincarnation du mythe
( 1940 ), Eisenstein crit de Wagner : le compositeur a pu exprimer sous une forme potique des
ides qui nous sont proches et chres, les ides qui linspiraient lpoque de la Rvolution de 1848
laquelle il avait pris part. () Wagner a, comme on sait, dsavou ces opinions de sa jeunesse
( Conception, pp. 112-113 ).
6
Theodor Lipps ( 1851-1914 ), philosophe allemand qui dveloppa une philosophie de lart et
une esthtique psychologique. Lun des premiers soutenir Sigmund Freud dans sa thorie de
linconscient. Il dveloppa la notion dEinfhlung ( empathie ) venue de Robert Vischer et que reprit
Wilhelm Worringer, puis sapprocha de la phnomnologie de Husserl. Outre son sthetik. Psychologie des Schnen und der Kunst ( 1903-1906 ), il est lauteur de Grundtatsachen des Seelenlebens ( 1883 ) ;
Raumsthetik und geometrisch-optische Tuschungen ( 1897 ) ; Komik und Humor ( 1898 ) ; Vom
Fhlen, Wollen und Denken ( 1902 ) ; Leitfaden der Psychologie ( 1903 ). Il fut trs influent en Russie
et en URSS ( on le trouve largement voqu en 1925 par Lev Vigotsky dans sa Psychologie de lart
[Paris, La Dispute, 2005] par exemple ). Eisenstein sy rfre plusieurs reprises dans la srie de
textes du dbut des annes 1920 rassembls sous le titre Le mouvement expressif ( Movimento,
pp. 212, 216 ).
31
32
LHRITIER
7
Denis Diderot introduit la notion de nuance comme diffrence presque imperceptible entre
un tre ou un objet et un autre. Ainsi : Lobservateur est forc de passer dun individu un autre :
mais lhistorien de la nature est contraint de lembrasser par grandes masses ; et ces masses, il les
coupe dans les endroits de la chane o les nuances lui paraissent trancher le plus vivement ; et il se
garde bien dimaginer que ces divisions soient louvrage de la nature ( art. Animal , Encyclopdie,
I, 471b ). Ou : Lunivers ne nous offre que des tres particuliers, infinis en nombre, et sans presque
aucune division fixe et dtermine ; il ny en a aucun quon puisse appeler ou le premier ou le
dernier ; tout sy enchane et sy succde par des nuances insensibles ; et travers cette uniformit
immense dobjets, sil en parat quelques-uns qui, comme des pointes de rochers, semblent percer la
surface et la dominer, ils ne doivent cette prrogative qu des systmes particuliers, qu des conventions vagues, qu certains vnements vagues, qu certains vnements trangers, et non larrangement physique des tres et lintention de la nature ( art. Encyclopdie , Encyclopdie, V, 640a
( commentaire analogue dans le discours prliminaire des diteurs de lEncyclopdie, ou dans larticle Bois , Enc. II, 297a. ). Cette galit entre les tres et les objets parat se relier, pour Eisenstein,
aux idaux dgalit sociale de la Rvolution franaise. Dans le chap. 2, Eisenstein cite LArt
potique de Verlaine dont les vers : Car nous voulons la Nuance encor, / Pas la Couleur, rien que
la nuance ! / Oh ! la nuance seule fiance sont omis ( voir infra ).
8
Cest, en russe, la traduction de lAufhebung hglienne.
9
Au XVIIe congrs du PC ( b ) de lURSS en 1934, Staline, dans son rapport, annonait la
suppression des classes parasites et donc de lexploitation de lhomme par lhomme , et la
construction dune socit sans classes ( repris dans les Questions du lninisme, Tome 3, pp. 151-2,
dition lectronique sur www.marxisme.fr. ).
10
Max Simon Nordau ( Sdfeld Simon Miksa ) ( 1849-1923 ), mdecin, essayiste, critique
sociologique, cofondateur de lorganisation sioniste mondiale avec Theodor Herzl ; auteur de livres
trs controverss dont Entartung ( 1892 [Dgnrescence, Paris, Flix Alcan, 1894] ), ddi Cesare
Lombroso, Die conventionellen Lgen der Kulturmenschheites ( 1883 [les Mensonges conventionnels de
notre civilisation, Paris, Flix Alcan, 1897] ), et Paradoxe ( 1885 [Paradoxes sociologiques, Paris, Flix
Alcan, 1896] ). Eisenstein a voqu les polmiques entre Nordau et Wagner dans Mthode ( chapitre Grundproblem [le problme fondamental], Metod 1, pp. 131-134 ; Psychology of Composition,
pp. 7-9 ). Il sy rfre galement dans Montage vertical ( juillet-aot 1940 publi dans Iskousstvo
kino n 9, septembre 1940 puis dans Film Sense et SW 2, p. 367 ).
11
Kadriki, petits cadres, cest--dire photogrammes. Voir Lerreur de Georges Mlis ( Sovietskoie kino, n 3-4, 1933, pp. 63-64 [SW 1, pp. 258-260] ).
12
La mthode du cinma renvoie au livre inachev Mthode qui synthtise la rflexion
dEisenstein sur les fondements du phnomne cinmatographique expose ds Dramaturgie de la
forme filmique ( 1929 ) puis dans Montage sous le nom de Ur-Phnomen des Film ( voir Cinmatisme, chap. I ) : la superposition de deux images immobiles [photogrammes] produit le concept
de mouvement dans la perception du spectateur.
13
Cf. la rfrence la reductio ad absurdum du pointillisme ( Seurat, Signac ) dans Laocoon
( SW 2, p. 155 ; OS 4/2 ).
14
Termes utiliss dans les thories des couleurs, de la perception colore, etc., appels par lvocation du pointillisme ( Signac, Chevreul, etc. ).
15
Sans doute est-il distingu ici le dtail ( micro chez Daumier et Tintoret ) et lorganisation
densemble des peintures chez Goya ( macro ). Daumier est lun des artistes les plus souvent voqus
par Eisenstein dans sa recherche des antcdents du cinma ( dcomposition du mouvement et
montage de diffrents moments dans la mme figure ds lors dynamise. Cf. La Dramaturgie de la
forme filmique , entre autres, dans Cinmatisme. Dans Le mouvement expressif [1923], il fait de
Daumier le versant reprsentatif en lithographie de la biomcanique [Movimento, pp. 214-6] et
33
34
LHRITIER
32
35
37
Chapitre 2
Momification dynamique
Notes sur une Histoire gnrale du cinma 1
2. XII. 46
Verweile doch, du bist so schn! [ Arrte-toi, [instant,] tu es si beau ]2
On peut considrer toute lactivit art[istique] als Auswuchs dieses Triebes
[comme excroissance de cette pulsion].
Qui commence mme en-de des limites de lart lui-mme. Woher dieser
Urtrieb ? [Do [vient] cette pulsion primaire ?]
Lhomme est ternellement soumis la puissance du devenir et de la
destruction, tout comme le sont la nature, lhistoire et la socit.
Son aspiration toujours inassouvie* est stabilit ternit.
Quil sagisse de limmortalit physique (VIEM3), limmortalit travers les
enfants, la vie ternelle travers la mtempsychose, en allant au paradis, par la
cration des valeurs imprissables, dans le cur du peuple, etc. (aspiration de
lAmricain la security [scurit])
Dans la grimace , cest le traumatisme, construit sur la reproduction sans
fin de la situation qui a caus le traumatisme, cest--dire la plus forte impression si forte, quelle remplit delle lessentiel de la psych.
Mais un traumatisme nest que la grimace pathologique de ce qui, par
rapport soi (comme tant de la plus grande valeur !) ou ce qui [est] le plus
prcieux dans lexprience, dans lhistoire de sa socit, exige une fixation
imprissable.
Celle-ci peut se produire de deux faons :
1) par la reproduction dun vnement ou dune personne (dynamiquement) ou
2) par la momification dune personne ou dun vnement,
ou, si lon veut, il y a aussi une troisime voie :
3) la fixation par le moyen dun signe (dune pyramide une pierre tombale,
ou linscription sur une croix dans un cimetire).
MOMIFICATION DYNAMIQUE
38
Les deux cas en accord avec la logique primitive sont ceux des vnements magiquement rpts cest--dire dun vnement qui existe nouveau, rellement.
Ensuite, les talonnant, viennent les thtres qui, dans les premires
phases, relvent des chroniques : la reconstitution dune histoire (mythique).
Promthe, dipe, etc.
La mme chose chez les Chrtiens : les mystres, cest--dire lhistoire du
Christ.
Et dans Shakespeare : les chroniques historiques7.
Et chez nous dans le cinma sovitique : la cin-chronique8 et par la suite le
film pique (le mien) avec la re-cration du Potemkine sur lescalier dOdessa
ou avec celle dOctobre, sur la place relle du Palais dHiver. Pour les rapports
entre cela et les mystres, voir Theatre Arts9.
Dans la deuxime catgorie, nous trouvons :
La momification du hros pour la prservation ternelle de son tre
physique (qui est, nouveau en accord avec la logique primitive, celle du hros
lui-mme) de lgypte nos jours.
La publication posthume des uvres comme mmoire cela a aussi un
rapport.
39
41
Tout cela se trouve de faon surprenante dans le Fils naturel de Diderot17. Ici,
nous avons un tableau complet de la rptition des sources , certes imaginaire, mais suivant absolument la tradition des vritables lois historiques.
Il est intressant que mme le thtre est circulaire (sans adresse
dentre, un peu comme une ronde), que cest un thtre o le spectateur et
lacteur sont une seule et mme chose (sans spectateur : pour soi-mme, comme
les plerins)18.
noter* :
Le Thtre pour soi-mme comme thorie est extrmement intressant
en ce sens (au seuil de la Rvolution et la fin de la soc[it] de classe) ici la
ronde (sans spectateur) est projete entirement en soi , dans lindividu.
La forme coll[ective] la plus prcoce est introduite dans une entit singulire19.
Kratovo, 20. VI. 4720
NB. Probablement, pour lhistoire du cinma.
La chronique comme berceau21.
Verbleibe [sic] doch, du bist schn [ Arrte-toi, tu es si beau ]
Sur la question des fondations commmoratives des origines de lart
(Le dithyrambe chronique dynastique reconstruction dune action
tlvision)
[Voir ci-contre une Coupure du magazine Newsweek, 12 mai 1947.
Note manuscrite en marge de la coupure :]
N.B. Mettre cela22 ct de lextrait au sujet des souvenirs et de leur incroyable culte chez la reine Victoria (daprs* sa biographie par Lytton Strachey*23).
Dans la section sur luniversalit et le caractre fondamental de cet urge
[besoin], montre par ces curieux exemples.
17. VIII. 47
40
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Histoire du cinma
couleur
Stro
couleur
42
43
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Histoire du montage39
17. VII. 47
Zeuxis (he came from Heracleia to Athens in 424 b.C.) most famous painter
of antiquity (painted grapes which birds tried to pick) :
At Crotone he agreed to paint a Helen for the temple of Lacinia Hera, on
condition that the five loveliest women of the city should pose in the nude for him,
so that he might select from each her fairest features and combine them all in a
second goddess of beauty
( Cicero and Pliny , p. 318, the Life of Greece by Will Durant)40.
Zeuxis (il vint dHracle Athnes en 424 avant Jsus-Christ) le plus
clbre peintre de lAntiquit (les raisins peints que les oiseaux tentaient de
picorer) : Crotone, il a accept de peindre une Hlne pour le temple de
Hra Lacinia, condition que les cinq plus belles femmes de la ville posent
nues pour lui, afin quil puisse prendre ce que chacune avait de plus beau et
lassembler pour crer une deuxime desse de la beaut 41
(Cicron et Pline, p. 138, La vie de la Grce de Will Durant)
Cf. le clbre passage de Koulchov sur le montage42.11. X. 47
44
Soudain, il sentit
une douleur
familire,
vieille,
sourde,
lancinante,
tenace,
calme,
profonde 47.
Bien sr, il simpose dajouter aux notions spontanment surgies du montage substantiv et adjectiv un montage verbal 48.
Montage, o ce qui est saisi par excellence*, est le mouvement-action.
Techniquement , il sagit du cadre papillotant action par action :
... Sudois, Russes embrochent, dcoupent, entaillent 49.
Visuellement, faisant pendant ce que Gauguin crit (extatiquement)
propos des Anglais (Turner ?) : Pas un train, mais le mouvement du train 50
(vrifier daprs le journal de Gauguin*51).
On pourrait citer ici, partir de Mauthner (Phylosophisches Wrterbuch
[sic]52), son avis sur les mondes [diffrents] : Verbale, Adjektivale, Substantive
Welten [les mondes verbal, adjectiv, substantiv].
Car ce sont ces mmes Welten [mondes] qui, pour ainsi dire, se refltent
dans la structure du spectacle.
Le Verbale Welt [le monde verbal] [se reflte] dans le monde du Je veux
de lacteur dans le systme de K. S[tanislavski].
Ladjektive Welt [le monde adjectiv] [se reflte] dans la structure dimages dune
uvre (limage de la mise en scne*, limage dun cadre, limage dun pisode,
limage de luvre dans son ensemble53) de mon systme en tant que ralisateur.
45
Le Substantive Welt [le monde substantiv] [se reflte ?] dans les conclusions
finales de la conception : un fil rouge thmatique (un pas plus loin, mme
au-del des limites du super-objectif 54 et du fil rouge de laction ).
P. ex*, lunit comme fil rouge thmatique chez S. M. [Eisenstein], ou les
fils rouges thmatiques chez Gogol, Pouchkine55.
Fils rouges thmatiques dans le policier as such [comme tel]56, etc.
47
MOMIFICATION DYNAMIQUE
12. X. 47
Deux positions
en une
se lit
comme
une position
unique
idem
une position
unique
Grecs
=
Deux positions
en une
la deuxime
en une
46
Picasso rpte ce principe de faon volontaire et tudie, plutt que pour des
raisons de limitation*, qui est, bien sr, flagrante ici [chez les gyptiens].
MOMIFICATION DYNAMIQUE
12. X. 194757
48
49
51
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Je pense quelle a raison : pour moi, cest typiquement la phase qui suit les
chants de Pques.
De ce point de vue-l, la ligature des deux lignes est intressante : la ligne
des sons et celle des images
Dessin et texte explicatif (repris ci-dessous) relatifs au Triptyque de Hubert et Jan Van Eyck.
Russes
N [M]
embrochent dcoupent entaillent
Tambours battants
clameurs
M [N]
61
ferrailles
53
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Elles concident une fois en M-N, comme chez les Eyck en o-p-q et o1-p1-q1[.]
On peut supposer que cette partie [flche] du tableau
(lAgneau)
constitue aussi une ligne sonore par rapport la partie
suprieure 1 : 3.
Le Triptyque de Hubert
et Jan Van Eyck ferm
52
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Anges chantant.
Dessin montrant lanalogie entre les processions de Pques comme squence de montage
et une suite de photogrammes sur un film.
[Ci-dessus :]
Quote that [Noter que]
we can effort to do that [nous pouvons nous efforcer de le faire]
[Ci-contre]
Orgue
ve
Processi[ons]
disposition en briques.
54
55
24. XII. 47 64
Histoire des problmes
Espace et temps dans la peinture
Le temps, which grows out [qui crot] au cours de la succession du montage !
(Sur le problme de la multiplicit des points [de fuite], non seulement dans
lespace mais aussi dans le temps).
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Anyhow [quoi quil en soit], toute la srie tend vers un changement des points
[de vue] et une multiplicit des points [de fuite].
24. XII. 47
Espace et son
Les liturgies de Pques, the singing pottery of Peru [la poterie chantante du
Prou], Siamese processions [les processions siamoises], Van Eyck et la reprsentation de [personnages] jouant de la musique, mais interrelated [lis] par
leurs positions dans le retable de Gand, comme un lien entre deux lignes.
iurlonis et la distortion [distorsion] de limage, according to music [en fonction de la musique].
Cf. Distortion [distorsion]dans le ton de lintonation des hiroglyphes, sortant de la bouche des personnages des bas-reliefs maya[s].
Schma des 3 points de fuite (S,
F1, F2) du Des poux Arnolfini
de Jan van Eyck, reproduit dans
The Film Sense.
56
57
MOMIFICATION DYNAMIQUE
piit piiti etc*. 75 va de pair avec la description de la reprsentation, sentremlant (alternant) avec elle.
Le Son en peinture
Un exemple de synchronisation avec super[im]position de lun et lautre (son
et objet) chez Verlaine :
58
Les violons
Longs
De lautomne
Mon cur
Dune langueur
Monotone* 76
Naturellement, la primaut de la musique est beaucoup plus facile mettre
en uvre en littrature que dans la reprsentation : car le son est un phnomne
dont on peut avoir une perception objective en littrature, alors quon ne peut
en donner quune reprsentation [picturale] suggestive.
De mme que la reprsentation en peinture est objective, le son est
suggestif !
(Le figuratif en musique nest que convention et abstraction [il nest ni
concret ni objectif ]).
Cest donc le pome de Verlaine qui est le plus lgitime [de ce point de
vue-l] en littrature :
De la musique avant toute chose,
Et pour cela prfre lImpair
Plus vague et plus soluble dans lair,
Sans rien en lui qui pse ou qui pose.
(...)
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envole
Quon sent qui fuit dune me en alle
Vers dautres cieux dautres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crisp du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littrature*. 77
Littrature sentend bien sr ici au sens figuratif et narratif, et non pas
musical et sonore.
59
MOMIFICATION DYNAMIQUE
60
61
MOMIFICATION DYNAMIQUE
n5
Composition audiovisuelle
Lunit de lintonation et du geste dans sa manifestation normale comme
berceau audio-vis[uel] du contrepoint et pour la tendance et pour la mthodol[ogie]96.
La synthse primaire dans le dithyrambe (mouvement et son).
Exultant XII-XIIIe s.97
Procession object[ive]-suggestive au Siam98.
Exemples religieux.
Ftes lies une musique spcif[ique].
vnements [lis] la chanson (mariages) et la [musique] religieuse
(funr[aire]).
[Ftes et vnements] sociaux et nationaux lis aux couleurs.
Relativit [de la signification de la couleur].
Mariage en blanc,
deuil en blanc chez les Chinois, deuil [chez les Europens] en noir et en
mauve.
[Robe] pourpre du cardinal.
Chasubles dores, argent[es], bleues, blanches [chez les prtres orthodoxes].
Fresques colores des thtres orientaux (pars pro toto)99.
Lorganisation rythmique du dfil et de la ligne sonore lors des ftes
municipales.
Entres.
Emblme de la guilde, couleur, son (hymne).
Couleurs nationales et hymnes.
63
MOMIFICATION DYNAMIQUE
n6.
Couleur stro tlvision
Bref aperu des problmes prc[dents].
(De la cin-chronique et du cin-spectacle au cin-film) ?
n2
[dveloppement de la photographie]
Le daguerrotype et linvention de la photographie.
Dag[uerre], Nadar, Talbot.
Les matres du portrait psychologique :
D. O. Hill, Cameron102.
Les matres de la photographie documentaire :
photographies de lpoque de la campagne de Sbastopol,
Matthew Brady et la guerre civile en NAUS103, le sige de Paris (1871) dans
les photographies de Nadar104.
Les matres de la nature morte photographique.
Les matres de limage photographique de lenvironnement.
Atget, Nadar, Stieglitz : le dbut de lurbanisme et du plein-air qui a suivi
(sur les nuages [ ?]105)
Lien avec les traditions picturales de lpoque.
Apport indpendant. Dgradation de lart photographique au tournant du
XXe sicle, [racines] sociales du phnomne.
Lcole russe de photographie.
Les matres du document. [Piotr] Otsoup106.
Les matres du portrait. Nappelbaum107, Sternberg.
64
n 7
LArt de lpoque de limprial[isme] et lapparition du kinematograph
[cinmatographe].
Les tendances esthtiques deviennent le point de dpart de possibilits
techniques.
Genre
Georg-Wilhelm Timm (1820-1895)109.
Images des murs russes
Les ntres, daprs nature
Physiologie de Saint-Ptersbourg 110.
Et des vues.
Les Matres du genre.
Le Genre en photographie.
Snapshot [Instantan] et dessins eidt[iques] rupestres111.
Snapshot [Instantan] et prdcesseur de la candid camera [la camra
candide] du journaliste (photo sans pose, de reportage) la future esthtique
de la vie limproviste au cinma112.
Le rle du dveloppement de la presse et des journaux illustrs comme
stimulant.
Vue du Crystal Palace de 1854 illumin lors de son inauguration113 :
65
MOMIFICATION DYNAMIQUE
William-Henry Fox Talbot, The Open Door (Porte ouverte), avril 1844.
67
28. XII. 47
Un Device [procd] de plus :
La mcanisation du mouvement
Silhouettes mobiles (ombres).
Jeu de mains.
Le Wayang119 deux dimensions et les transparents chinois en couleurs
[personnages].
Lanterne magique* avec parties mobiles (souvenir de mon enfance).
Mcanisme extrieur
Marionnettes en trois dimensions. Technique du marionnettiste.
Guignol* et Ptrouchka.
Animated threedimensional doll (by handmovement) [Poupe anime ( la
main) en trois dimensions]
Synchronized by changing voice of manipulator [synchronise par le changement de voix du manipulateur]
Mcanisme intrieur
Figures-automates.
Jouets mobiles (cages oiseaux du XVIIIe sicle). Jouets mcaniques.
Figures de cire mouvantes (Cloptre et aspic).
Mcanisme du mouvement la projection
Directement partir de ces personnages de dessins anims (trois dimensions). Starevitch. (Ptouchko)120.
68
Son mc[anique]
Botes musique.
Pianos mcaniques.
Rouleaux perfors.
1807 (Kymograph moving cylinder for recording continuous movement
(Young) [Kymographe cylindre mobile pour enregistrer le mouvement
continu]
1857 (Phonautograph. Voice vibrations recorded on revolving cylinder
(Scott121) [Phonautographe. Vibrations vocales enregistres sur cylindre
tournant]
69
MOMIFICATION DYNAMIQUE
marionnettiste
mcanisme
marionnettiste
Photographie en mouvement
Forerunners [Prcurseurs].
Avant eux : dans la peinture, etc.
Lanima[tion] et lhistoire du graphisme
Comic strip [Bande dessine].
Animation dans une srie de phnomnes lis au problme de la cration de
limage en mouvement
Problme de la reproduction de la dynamique des phnomnes reproduction par des moyens statiques
Reprs[entations] rupestres ;
- dessin linaire tire son origine de la silhouette rupestre ;
- lien avec la calligraphie chinoise ;
- illustration du livre la Renaissance, gravure sur bois et mtal ;
- gravure linaire allemande et franaise ;
- dessin au trait Empire (Schinkel, [Fdor] Tolsto,
Douchenka 126) ;
127
- Olaf Gulbransson
Problme de la capture de la dynamique des phnomnes
Problme de la reproduction dynamique dun phnomne en mouvement
zootropes, etc.
Epope animalire128.
Totmisme et animisme129.
Culte de lanimal domestique.
[Pices] satiriques.
Batrachomyomachia130.
Esope La Fontaine Krylov131.
Lien avec les reprsentations enfantines.
Andersen Lewis Carroll.
71
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Imagerie primitive.
Voyages faits la fin du XVIIIe s.
Scroll pictures [Rouleaux de peinture] chinois.
Loubok Image dEpinal*
70
Genre mythologique
en divisant le mythe en trois parties, selon les trois principaux lments qui
le composent :
llment religieux-cultuel
et le merveilleux-fantastique
et les conditions historiques.
A partir de l :
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Montage (?)
1) Etape automatique
2) Etape consciente :
a. tape de prise de conscience, de dsagrgation puis de remise en forme
b. tape de rinterprtation des phnomnes de montage dirig vers un
but
Etape statique
Etape dynamique
Racines de la reproduction dans la reproduction de quelque chose de
semblable soi-mme
Reflet et reproduction.
Tout dabord : aile dynamique : acte commmoratif ; qui est audio-visuel ;
le reflet se produit en lui-mme - dans limpersonization [personnification]
(lacteur joue il devient Dionysos). Reproduction seulement pour la dure
de laction.
Ensuite :
la premire tape nest pas le reflet, elle prserve lobjet lui-mme (momification), et pour toujours ;
la deuxime tape est le masque rel et physique (le masque commmoratif
est en fait le dbut. Egypte, Rome).
Le problme de la projection
(Muralit)
Le problme de la projection dune image fixe
Image fixe opaque : peinture rupestre, fresque, illusion spatiale de perspective (Pompi, trompe-lil* muraux).
Drap changeant.
Rhabillage des pices.
Chambre ardente*139
Dcoration de temples avec des branches selon [le principe de la] pars pro
toto cela les transforme en fort (mcanisation des dioramas de Daguerre).
72
Fresque interchangeables
Laccrochage de tapisseries figuratives p[ars] p[ro] toto.
Gobelins.
Vitrail (999).
Comme image transparente.
Comme moyen de jeter une tache de couleur.
Lanterne magique.
La dynamique de la projection.
Silhouette en mouvement.
Le thtre dombres.
Directement sur le mur.
Par le biais dun cran.
Thtre dombres animes.
Wayang javanais en couleur chez les Chinois.
Karagheuz tur[c].
La dynamique du reflet.
Prise en compte de la projection des vitraux en fonction des heures.
La combinaison inverse.
Le Palais de lIndustrie* de 1889 et le phare tournant.
Le feu dartifice comme criture de couleur dynam[ique].
[Liste des inventions]
(daprs* : Lewis Mumford, [Technics and Civilization, 1936, 4e dition141])
1558 Camera with lens and stop for diaphragm [Chambre avec lentille et
systme darrt du diaphragme] Daniello [sic] Barbaro142
1590 Compound microscope (Jansen) [Microscope compos143]
1714 Typewriter [Machine crire]
1719 Threecolor printing from copper plate [Impression trichrome sur plaque
de cuivre]
1796 Lithography (!) [lithographie]
73
74
MOMIFICATION DYNAMIQUE
1862 : Photographies de G.B. Duchenne (de Boulogne) pour le livre Mcanisme de la Physionomie Humaine, ou Analyse Electrophysiologique de lexpression des Passions 153.
Phonotype
Photo-graphie du son. Expriences de 1841.
Vers la dgradation154
Enfants ayant lapparence de Cupidons (1881)
Photographies avec des titres :
Dolce far niente [sic. douce oisivet] Innocence Contemplation
Rverie , etc.
Retouche. [Franz] Hanfstngl de Munich lExposition de Paris de
1855.
[Antoine Samuel] Adam-Salomon (1818-1881) est le plus fameux155.
Dcors pour la photographie (fonds)
Catalogues de la firme amricaine L. W. Seavey, 1870
(falaises en papier mch, enceintes de village et ainsi de suite).
1888 : plus de 800 dessins arbres, ponts, chemines, pilastres, ruisseaux,
rivires, ocan.
Intrieurs : boudoir, bibliothque.
Journaux illustr[s]
Apparaissent en 1840-1850
Illustrated London News 1841-1842.
159 photographies de Roger Fenton de la campagne de Crime156.
[Felice] Beato photos dune rvolte en Inde, 1855157.
[Matthew] Brady (1822-1896) 7 000 photographies de la guerre civile158.
Photo arienne
[Samuel] King et [James Wallace] Black vues ariennes de Boston
(1861)159.
Londres-[Henry] Negretti (1863)160.
Premire photo dans la brume, [Cf.] Chinois et Japonais avec brumes.
Whistler. Impressionists [les Impressionnistes].
75
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Certaines des premires photos avec un clairage prises par Nadar dans les
catacombes parisiennes (1860)162.
Lappareil Kodak invent [en] 1888 (en 1896, 100 000 sont vendus).
Eugne Atget* (1856-1927), anc[ien] acteur163
Paul Martin* (n en 1864)164
La strophotographie est connue partir de 1841.
David Brewster (1781-1868)165
pidmie stroscopique :
Exposition industr[ielle] de Lond[res] de 1851
et [Exposition] universelle de Paris, 1855.
La mode dure jusquen 1860.
Neue Sachlichkeit [Nouvelle Objectivit]
Portraits photographiques de Balzac, Hugo, Andersen, etc.
Premire exposition de photos
A Paris, 1844
A Londres, 1852
Ph[oto] Montage
76
77
78
MOMIFICATION DYNAMIQUE
81
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Photomontage
Reprsentations peint[es] composites.
Centaure. Portrait composite de Zeuxis174.
Grotesques .
La truie qui file*175.
Figures composites.
Bosch et Breughel.
Callot.
Passage aux vrais ciseaux et aux collages.
Collage partir de gravures du XVIIIe
sicle.
(Paravents, le paravent de Byron176)
Le collage des Cubistes (bois coll, journaux, lettres, etc., selon la pars pro toto :
Centaure simultan).
Le photomontage proprement dit.
Le ph[oto]m[ontage] lOuest. Le
Bauhaus et le montage de matriaux
(Bauhaus in Dessau)177.
Le photomontage politique (Heartfield)178.
Photographie trucs (double exposure
[double exposition], etc.)
82
83
MOMIFICATION DYNAMIQUE
84
85
86
Edgar Degas
Effet de linstantanit dans le comportement. Mais aussi le cadre.
Instantanit de la photographie instantane avec coupure du cadre (pour
la premire fois).
MOMIFICATION DYNAMIQUE
87
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Anyhow [Quoi quil en soit] lintrt pour cela, bien sr, repose sur un
fond archaque : lien entre la dom[ination] des btes sauvages (chasse et
domestication) et l[animal] totmique.
La bte au cinma.
Films de lions. Tarzan. (Comdies avec lions et lopards.)
Rin-Tin-Tin et Lassie chiens212.
Flicka213 cheval.
Animisme lanthropomorphisme en eux.
La tradition de Jack London, Sutton-Thompson, Kholstomer214. Et avant
eux la tradition des paraboles et des fables. La tendance rformiste.
Le Nouveau Centaure de la cin-pope amricaine (selon Sound and
Sight 215). Le cow-boy et son cheval, le totem du destrier .
Buffalo Bill in actions against Indians B.B. as show. [Buffalo Bill en action
contre les Indiens B. B. comme spectacle]216
Rodeo Shows [spectacles de rodo] Cowboy films [films de cowboys].
Photographie de la faade de lEnfer dEugne Atget en 1898.
88
89
Le Funambule219 et Deburau.220
Farce et frie.
De Deburau
Mlis (directement)
Charlie Chaplin (en principes)
90
MOMIFICATION DYNAMIQUE
91
MOMIFICATION DYNAMIQUE
92
Chronique
Les prdcesseurs des journaux illustrs. Pamphlets et tracts. (Maintenant au
Mexique llamentos [sic] [lamentations]).
Chronique par le moyen des Cabinets de figures de cire des moulages 238.
Lien avec les masques mortuaires et lart du portrait romain239. Naturalisme
de chronique.
Lien avec les crches de Nol dans les glises. Berceau*. Comme exposition
des actualit[s]*. Monsieur Tussaud* apporte une copie de cire de la tte de Louis
XVI et Marie-Antoinette, quelques jours aprs leur excution240.
[ lEden Muse sur la vingt-troisime rue New-York. Il y avait des uvres en cire et toutes sortes dhorreurs Le Prsident Garfield en train dtre
abattu, et les anarchistes de Chicago fabriquant des bombes (daprs
[Upton] Sinclair [prsente William] Fox, p. 32]251
Mme Tussauds [Chez Madame Tussaud]
Loubok :
Religieux
Criminel
Hroque
Servile (tsars)
Panopticon
Mme ligne
93
94
Panopticon
Le film de vulgarisation scientifique
Kunstkammern et cabinets de curiosits des puissants princes et aristocrates
des XVIIe-XVIIIe s.
La Kunstkamera de Pierre le Grand255.
Le berceau de futurs muses.
MOMIFICATION DYNAMIQUE
95
Bestiaires
et passage limportation de monstres. Faking them [leur contrefaon]
(Barnum)].
XVIIIe s. Le dbut du romantisme. Rousseau et Drang [la passion] pour les
voyages. Les Lettres dun voyag[eur] russe de Karamzine260. Arzrum de
Pouchkine261.
Travelogue [voyage] Ersatz de lenvie de changer de lieux. 262
Limportation de lieux .
Tavernes orientales et Nachtlokale [cabaret].
Les cottages espagnols et maures Hollywood.
La maison pompienne (et les toges romaines) du Prince Bonaparte du
([travelogue] dans lhistoire comme telle)263.
Thtre forain* bord dun train.
Panoramas.
Gewitter am Rhein [orage sur le Rhin] Kempinsky264.
Limportation directe dimages (par pars pro toto - qui est la participation
ces pays).
Les lphants et les lions lpoque dIvan le Terrible.
... Jenny Lindt et Barnums monsters [les monstres de Barnum] (cest du
pareil au mme !)265.
Villages ngres lExposition 1900 (et avant).
Chalet Suisse*266.
Scroll picture [rouleaux peints] chinois. Travelogue [voyage] des rivires le
passage du document limpression.
96
MOMIFICATION DYNAMIQUE
97
MOMIFICATION DYNAMIQUE
31.XII [47] - 1. I. 48
Degas et le cinmatographe
273
98
99
MOMIFICATION DYNAMIQUE
100
101
MOMIFICATION DYNAMIQUE
3. I. 48293
Faits concernant
les origines du journal
cf. A. de Chambure, A travers la Presse, Paris 1914*294
Trs bon recueil de textes.
Eugne Atget
Le Bois de Boulogne et Versailles :
Un matre de l atmosphre psychologique
Matrise de la composition
Peintres-photographes (Hill, Rejlander, Degas, Lautrec)
Hill matre de lclairage, caractristique par son choix de langle de pose
des personnages (pas encore [celui] de lappareil)295
Accent[u]er* les tapes historiques du dveloppement soc[ial] et
tech[nique]
3. I. 48
Fondus 296
Transformations, Mtamorphoses
Paris, Montmartre*
LEnfer* (Hell)297
Cabaret unique au Monde
Tous les soirs de 8 h 2 h du matin
Attractions Diaboliques
Supplice des Damns
Rondes de Sorcires
La Chaudire, Les Mtamorphoses de
Damns, etc. etc.
102
Prche Humoristique.
Les Dickinsons Sisters, les Femmes Camlons
Rve de Moine (scnes paradisiaques)
Le Mimoscope (cration unique), Le Printemps, la Confession.
Visions ariennes, Acrobatie Cleste
Transformation en Ange
dun Spectateur de bonne volont*
au programme en 1929 !
Et en gnral, il semble, de lExposition 1900.
4. I. 48298
Actualits reconstruites au studio*299
(par exemple, Potemkine 1905 [daprs] G. Sadoul ; ou exactement la
mme chose dans le Mlis )300.
Rpond la redite au rcit dun participant ou dun voyageur, transpos
en images.
Cf. Mlis , p. 199-200 : lhistoire du Couronnement [d] Edouard
VII 301.
Et ensuite (plus tard) ce nest pas le rcit qui est apport dans latelier mais
lappareil de prise de vues* dans les vnements.
Le Plain [sic] air* du Potemkine procde exactement comme cela pour la reconstruction de lhistoire.
Strike as well [La Grve de mme].
103
4. I. 48302
Perspective multiple
4. I. 48
104
MOMIFICATION DYNAMIQUE
105
107
5. I. 48
Titres de montage
Caractres de diffrentes tailles.
Caractres qui sagrandissent.
[Inter]titres savanant (as step from themII [comme sils faisaient un pas en
avant] 313.
Le Cuirass Potemkine : squence de lexcution pour lexemple dun groupe de marins et raction
de Vakoulintchouk : 1. Vakoulintchouk ragit ; 2. Feu ! ; 3. Frres ! ; 4 : Sur qui allez-vous tirer ?!314
106
II
Cf. La Ligne gn[rale]. Les chiffres dnombrant le total des membres de lartel utilisant
lcrmeuse deviennent de plus en plus gros. Frres FRRES dans le Potemkine, etc. etc.
(Note de SME)
MOMIFICATION DYNAMIQUE
graphique apporte par lusage que le Journal fit des caractres gants pendant
la guerre est visible dans presque chaque journal amricain prsent... 315
Alors quau mme moment dans le mme New York Tribune : Highly Important! [Trs important !] et The President Shot [Le prsident a t assassin]
na rien de comparable avec le Bombarded! [bombard !] de Hearst !
Cf. Stefan Lorant, Lincoln. His Life in Photographs [Lincoln, sa vie en photos].
Duel Sloan, NY, 1941III.
BOMBARDED!
2a
OUR FLEET ATTACKS a
Matanzas
CITY MAY BE IN RUINS 1 a
108
III
[A cette note est jointe une coupure de la revue Ogoniok (n2, 1948), contenant un article sur
les 225 ans de la presse russe et comportant en marge :] NB. Prcurseur de Hearst ! (note de
SME).
109
110
image
texte
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Judge introduced the one-line joke long before The New Yorker was in
existence. In fact, I can remember a time just before Christmas in 1923 (The New
Yorker started in 25) when Teddy Roosevelt Jr., called me up and asked me if he
could buy the original of a drawing hed admired in a recent Judge. He wanted to
give it to a friend as a present so I sent it over to him as a gift from us.
It was a picture by Dr. Seuss (Ted Geisel) and showed a drunk looking with
disdain at a nightmarish pink elephant, and saying: Ill take an aspirin and then
where will you be?
[ ... Je nai quun reproche faire au New Yorker. Dans leurs introductions
aux New Yorker Albums rditant les meilleures caricatures du journal, ils font
tout pour sattribuer le mrite davoir cr un nouveau type dhumour
moderne . Qui est connu dans la profession comme la blague en une ligne .
Lhumour vieillot tant le style [de la srie] Pat and Mike en deux lignes. On
parlait aussi dpoque des blagues type Elle et lui .
Non seulement ils se trompent, mais ils perdent la boule.
Le Judge a lanc la blague en une ligne bien avant que le New Yorker ne
vienne au monde. Je me souviens dailleurs que, juste avant Nol, en 1923
(The New Yorker est apparu en 25), Teddy Roosevelt Jr ma appel pour me
demander sil pouvait acheter loriginal dun dessin quil avait rcemment
admir dans le Judge. Il voulait en faire cadeau un ami. Je lui ai donc envoy
en cadeau de notre part.
Ctait un dessin du Dr Seuss (Ted Geisel) montrant un ivrogne en train de
regarder avec mpris un lphant rose cauchemardesque et de lui dire : Si je
prends une aspirine, tes fichu ! ]
Il est notable que cette construction de la synthse dlments opposs (le
texte et limage) est la reconstitution (en spirale) du stade syncrtique.
Les jeunes enfants dessinent de la mme faon (2 3 4 ans) : ils font des
taches et des traits puis en donnent ventuellement leur interprtation (cf. les
exemples chez Alschuler et Hattwick, Painting and Personality , Chicago Univ.
Press, 1947).
And herein lies the attraction [Cest ce qui fait toute leur force dattraction].
111
113
MOMIFICATION DYNAMIQUE
A
et
B
El Greco, le Christ au Jardin des Oliviers
6. I. 48321
Photomontage le pass
112
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Disposition des figures dans la scne de dfaite (au fond un incendie et une
potence)
J. Phoenix use paradoxalement du mme truc.
114
IV
[A cette remarque est ajout un extrait (pp. 75-76) de la traduction allemande des mmoires
dIsadora Duncan (I. Duncan, Memoiren, Amalthea, Zrich-Leipzig-Vienne, 1928) :]
Rodin tait petit, puissant, avec une tte tondue et une barbe abondante. Il me montra ses uvres avec la simplicit des trs grands. Quelquefois il murmurait un nom devant ses statues, mais
ces noms, on le sentait, avaient peu de sens pour lui. Il passait ses mains sur elles, il les caressait. Javais
limpression que sous ses caresses le marbre samollissait comme du plomb fondu. Il prit un peu de
terre glaise et la pressa entre ses paumes. Il respirait avec force. Le feu schappait de lui comme
dune forge. En peu dinstants, il avait form un sein de femme qui palpitait sous ses doigts. Il me
prit par la main, hla un fiacre et vint dans mon atelier. Je mis rapidement ma tunique et je dansai
pour lui une idylle de Thocrite, quAndr Beaunier avait traduite mon intention :
Pan aimait la nymphe
Echo aimait Satyre...
Puis je marrtai pour lui expliquer mes thories dune danse nouvelle, mais je compris bientt
quil ne mcoutait pas. Il me regardait de ses yeux brillants sous ses paupires abaisses, puis, avec
la mme expression quil avait devant ses uvres, il sapprocha de moi. Il passa sa main sur mon
cou, sur ma poitrine, me caressa les bras, passa ses doigts sur mes hanches, sur mes jambes nues,
sur mes pieds nus. Il se mit me ptrir le corps comme une terre glaise, tandis que schappait de
lui un souffle qui me brlait, qui mamollissait. Tout mon dsir tait de lui abandonner mon tre tout
entier, et je laurais fait avec joie si lducation absurde que javais reue ne mavait fait reculer, prise
deffroi, remettre ma robe sur ma tunique et le renvoyer plein dtonnement. Quel dommage. Combien de fois jai regrett cette incomprhension purile qui mta la joie divine doffrir ma virginit
au grand dieu Pan lui-mme, au puissant Rodin ! [Ma Vie, Paris, Gallimard, 1928] (note de SME)
115
MOMIFICATION DYNAMIQUE
21. I. 48
Lart de lanimation, cest--dire la confrontation de phases dessines de
dessins de moments isols dans la continuit du mouvement, a un forerunner
[prcurseur] dans le ballet (dailleurs, sous la forme la plus haute de lanimation : audiovisuelle !).
Au moins chez Diaghilev lpoque de Fokine.
Les poses sont trouves sur des vases.
La transposition de ces poses en phases du mouvement [sopre] par leur
runion par lhomme-danseur en mouvement.
Cf. lAprs-midi dun faune dans les rptitions telles que les comprenait
Nijinski chez Lifar ( Diaghilev )329.
Great [gnial] !
21. I. 48
Le phnomne de lobtention de la sensation du mouvement partir de la
confrontation de diffrentes phases est connue depuis fort longtemps. Cest
sur lui que repose le tour montrant un buisson apparaissant surgissant dune
graine. On prsente la suite au spectateur mme quand on utilise un
obturateur (qui recouvre chaque phase de la cape du magicien) des buissons de diffrentes tailles. Dans la perception du spectateur, ils sunissent pour
former une seule image dun buisson qui grossit !330
116
Programme douverture du thtre Robert Houdin reproduit dans ldition amricaine de ses Mmoires.
117
30. I. 48
30. I. 48
MOMIFICATION DYNAMIQUE
119
Notes du chapitre 2
1
120
MOMIFICATION DYNAMIQUE
11
Cf. Henri Asselin dans ses Paysages dAsie. Sibrie, Chine, Ceylan (Paris, Hachette, 1911) qui
voque les Bouddhas gants de Kia-ting, en Chine, taills mme la pierre du rocher, orns de
barbes et de chevelures vertes, et dont le plus haut mesure cent cinquante pieds anglais , ou ceux
du Gal Vihara, Ceylan, de 15 mtres de haut, sculpts dans les falaises de la cit-jardin de Polonnaruwa, capitale mdivale des XIe et XIIe sicles.
12
En russe : mizantsena.
13
Cf. ltude quEisenstein crit la mme priode, Du cinma en relief (ou strocinma ) (1947) (Mouvement, chap. 6). Dans sa note sur lhistoire du dessin linaire du 4 octobre
1940, Eisenstein crit que lil et le diapason du mouvement de la main produisant son mouvement
peuvent engendrer [une reprsentation] de diffrentes ampleurs allant du mouvement des doigts
[ou bien du mouvement] du corps + main jusqu la mobilisation du corps tout entier (Cf. Hokusai capable de dessiner sur un grain [de riz] tout autant que de dessiner avec un balai des figures
quon ne pouvait distinguer que depuis une tour ou des montagnes ou des arbres !) (Metod 2,
pp. 438-9).
14
Il sagit de pratiques o lon fait le tour du motif pour en donner les vues sous tous les angles.
Cf. la photosculpture de Franois Willme (1859-1860) dont sest inspir Villiers de LIsle Adam
dans lEve future pour la rplication de la jeune femme (F. Willme, La sculpture photographique , le Moniteur de la photographie, 15 mai 1861).
15
Balzac voque le daguerrotype dans le Cousin Pons et Nadar a rapport ses propos dans
Balzac et le daguerrotype . Pour lui chaque corps dans la nature se trouve compos de sries de
spectres, en couches superposes linfini, foliaces en pellicules infinitsimales, dans tous les sens
o loptique peroit ce corps , ds lors chaque opration daguerrienne venait donc surprendre,
dtachait et retenait en se lappliquant une des couches du corps object (Nadar, Quand jtais
photographe, Paris, Flammarion, 1900 [rd. Arles, Babel, 1998, pp. 17-18]).
16
Cette phrase claire la coupure du journal Vetcherniaa Moskva du 30 novembre 1946 reproduite dans le texte, annonant la premire du film les Matres de la scne (MKHAT) constitue de
fragments de spectacles thtraux classiques. Parmi les comdiens figuraient les acteurs dj morts
cette priode : N. P. Khmelev et I. M. Moskvine dont les noms taient entours dun cadre noir.
17
Le Fils naturel ou les Epreuves de la vertu, comdie en 5 actes de 1757. Jeu de doubles entre un
amoureux qui charge un ami dintercder auprs de la femme quil aime, laquelle tombe amoureuse
de ce dernier qui se rvle in fine tre son frre, fils illgitime de leur pre.
18
Cf. larticle Diderot a parl du cinma (Mouvement).
19
Eisenstein a voqu le monodrame et le thtre pour soi-mme de N. N. Evrnov dans
le chapitre Cinma et thtre Nikolai Evrinov de Mthode (Metod 1, pp.116-129).
20
Source : RGALI : 1923 - 2 - 1017, pp. 1-4.
21
Le terme de berceau revient de nombreuses reprises pour dsigner lorigine dun phnomne.
Ici la cin-chronique la base du cinma est appele se diffrencier dans lart, processus qui est
analys dans le chapitre 4, Eloge de la cin-chronique . La mme expression se trouve dans les
Notes pour un cours sur la psychologie de lart de 1947 avec un lien avec lornement (voir infra)
(Psychology of Composition, p. 16). Mais on trouve plus loin lusage de cette notion propos dautres
phnomnes (la musique notamment).
22
La coupure de Newsweek concerne un homme daffaires canadien, John M. Davis, qui fit
difier un mmorial la mort de sa femme comportant onze statues de marbre de son pouse et de
lui-mme.
23
Giles Lytton Strachey (1880-1932), crivain et critique britannique qui inaugura un type de
biographie mlant la sympathie et lirrvrence. Dans Eminent Victorians (Victoriens minents, 1918),
biographies de quatre grandes figures de lpoque victorienne (le Cardinal Manning, Florence
Nightingale, le Dr Thomas Arnold, le gnral Charles George Gordon), comme dans Queen Victoria (la Reine Victoria 1921), il met lhypocrisie victorienne au centre de son approche.
121
MOMIFICATION DYNAMIQUE
Voir plus loin chap. 4, Eloge de la cin-chronique et en son sein berganz zum television .
Miss Avisham, personnage central de Great Expectations (les Grandes Esprances, 1861) de
Charles Dickens. Abandonne par son fianc le jour mme de son mariage, elle fit arrter toutes les
horloges linstant prcis o elle apprit son malheur et demeura dans ltat o lavait surpris la nouvelle : elle restait habille de sa robe de marie et chausse dun seul soulier de satin blanc.
26
Florence Becker Lennon, Victoria Through the Looking Glass, New York, Simon & Schuster,
1945. Disciple de Freud, lauteur sinterroge sur le fait que le Reverend Charles Dogson, auteur de
traits de mathmatiques et de logique ait pu crire, sous le nom de Lewis Carroll, les aventures
dAlice au pays des merveilles.
27
Source : RGALI : 1923 2 - 1016, p.1.
28
Eisenstein utilise le pluriel en franais.
29
Source : RGALI 1923 2 - 1015, pp. 5-6.
30
Le doublet fotokamera/kinoapparat dsigne lappareil photo et la camra de cinma en inversant les termes par rapport au franais (appareil photo/camra de cinma).
31
Charles Baudelaire, Salon de 1859 : Le public moderne et la photographie dans Curiosits
esthtiques (Paris, Gallimard, La Pliade, 1932, p. 223). On peut relever que Baudelaire est caractris par Eisenstein comme dcadent .
32
Svetopis (criture pis de lumire sveto) est le calque russe de photo-graphie. Mais chez
Eisenstein lexpression ne dsigne pas strictement la photographie puisque peu aprs il lemploie
propos deaux fortes de Rembrandt. Il sagit plutt dvoquer, de manire plus large, le contraste
monochrome, le jeu de lumire et dombre dans les arts graphiques et en peinture dont hrite le
cinma (on trouve le mot svetopis chez Koulchov pour parler de limage cinmatographique).
Construit de la mme manire Tsvetopis, form sur les racines des mots couleur (tsveto) et criture (pis), dsigne les contrastes de couleurs. Grisaille , dsigne une peinture monochrome jouant
sur des nuances de gris. Dans Non pas color mais en couleur (1940), dans Le mouvement de
la couleur , partie de lessai inachev Montage 1940, et dans ltude Couleur , Eisenstein tablit
que les gammes de noir, gris et blanc du cinma classique ne sont pas absence de couleur mais
exploration finement nuance de la palette de couleurs de ces trois tons (voir Rflexions, pp. 137-143 ;
Mouvement, pp. 51-75 ; Neravnodouchnaia priroda 1, pp. 228-335).
33
Le mezzo-tinto (demi-teinte) ou gravure la manire noire.
34
Daguerrotype (1835-1839, Louis Daguerre), calotype (1841, William Fox Talbot), ambrotype
(1854, James Ambrose Cutting), procds photographiques successifs ayant chacun une caractristique propre (le daguerrotype est une plaque de cuivre recouverte dargent qui ralise directement
un positif et ne permet pas la reproduction ; le calotype est un ngatif sur papier permettant le
tirage de positifs par contact ; lambrotype est un ngatif sur verre au collodion que lon pose sur un
fond noir pour obtenir une image positive).
35
Svetopis est le calque russe de photo-graphie (voir supra note 32).
36
David-Octavius Hill (1802-1870), peintre dEdinburgh, auteur dun trait sur la reproduction
par la gravure de peintures de paysage ; associ Robert Adamson, il fut le premier mettre en
uvre linvention de Fox Talbot (ngatif/positif ) dans de nombreux portraits et paysages appels
calotypes. Dans le livre de Vladimir Nielsen quEisenstein prface, Izobrazitielnoe postroienie filma
(Moscou, Kino Foto Izdat, 1936 [The Cinema as a Graphic Art, New York, Hill & Wang, 1936]),
un chapitre entier est consacr la photographie et Hill est cit plusieurs reprises. Dans Mthode
Eisenstein lui consacre galement un passage concernant son tableau comportant les portraits de
400 prtres cossais de 1843 o il sest servi de la photographie : les photos taient admirables, mais
le tableau, lui, tait affreux car chaque photographie renvoyait un hors-cadre ce qui fit du
tableau densemble un chaos (Dickens & Griffith, pp.156-157).
37
Il y a plusieurs portraits de Charles Gounod par Nadar partir de 1859, cependant la photographie des deux yeux seuls est date de 1890. On voit se reflter dans ses pupilles le photographe
en train doprer.
38
Double portrait dit dArnolfini et son pouse ou des Epoux Arnolfini de Jan Van Eyck (1434).
Eisenstein lvoque dans El Greco y el cine (Cinmatisme, pp. 111-112) en disant que Van Eyck
dota dun miroir convexe lhabitat de Giovanni Arnolfini et de son pouse Jeanne, utilisant sa proprit optique avec humour pour se reflter lui-mme dans son tableau, entrant avec son lve dans
la pice reprsente. [] afin quil ne subsiste aucun doute ce sujet, le miroir suspendu au
mur est surmont dune inscription donnant la date du portrait : Johannes de Eyck fuit hic 1434
[a t l] . Il analyse galement ce tableau dans Montage vertical mais du point de vue de
lespace construit sur trois points de fuite (dans Film Sense ; en fran. le Film : sa forme/son sens,
pp. 271-272). Ce tableau est comment ici mme de multiples reprises.
39
Source : Muzei kino 40 I 12/4, pp. 9-11, 13.
40
Will Durant, The Life of Greece, New York, Simon & Schuster, 1939. Lauteur voque Zeuxis
dans le chapitre XIV de son livre, en particulier son got pour le trompe-lil obtenant des effets de
relief sur une surface plane, et sa rivalit avec Parrhasios.
41
Cf. Cicron, De Inventione II (1-3), qui parle de jeunes vierges remarquables par leur beaut
entre lesquelles, par dcret, le peuple donna au peintre la libert de choisir pour honorer la commande
quil lui avait faite de dcorer le temple de Junon : Il en choisit cinq ; () Zeuxis ne crut donc pas pouvoir trouver runies dans une seule femme toutes les perfections quil voulait donner son Hlne. En
effet, la nature en aucun genre ne produit rien de parfait : elle semble craindre dpuiser ses perfections
en les prodiguant un seul individu, et fait toujours acheter ses faveurs par quelque disgrce. Erwin
Panofsky a analys cet pisode partir des commentaires quen fait Bellori dans LIdea del Pittore, dello
Scultore e dellArchitecto [1664], manifeste de lart classique faisant valoir la dimension intellectuelle de
la cration par rapport la copie mimtique (voir Idea, Paris, Gallimard, Tel, 1983 [1924]).
42
Il sagit de la gographie cre : Rien que par le montage nous montrions une femme qui,
dans la nature, dans la ralit, nexistait pas, puisque nous avions film les lvres dune femme, les
jambes dune autre, le dos dune troisime, les yeux dune quatrime. Nous avons coll ces fragments
en observant un certain lien entre eux et nous avons obtenu un nouveau personnage en partant
dun matriau parfaitement rel. (lArt du cinma. Mon exprience (1929) dans L. Koulchov, Ecrits
1917-1932, Lausanne, LAge dHomme, 1995, p. 153).
43
Agafia Tikhonovna, personnage du Mariage de Nicolas Gogol (1835). Elle a quatre prtendants
et, au dbut du 2e acte, voudrait pouvoir combiner les qualits quelle reconnat chacun : le nez
de celui-ci, les lvres de lautre, la nonchalance du troisime et la solidit du quatrime. Eisenstein
a ralis des dcors et plans de scne pour une mise en scne de cette pice en novembre 1920 (voir
Esquisses et dessins, Paris, Cahiers du Cinma, 1978, p. 37).
44
Dans son Trattato della scultura (1565-1567), Benvenuto Cellini soutenait que la peinture est
lune des huit vues principales que contient la sculpture (Trait de la sculpture, chapitre VI, uvres compltes, Paris, 1847, pp. 398-399). Dans un texte sur Prokofiev, Le tlphone dnonciateur (1946), Eisenstein cite longuement une lettre de 1547 de Cellini Benedetto Varchi
[orthographi erronment Barchi dans le livre] o le sculpteur dveloppe largumentaire selon lequel
les huit points de vue des cinq faces de la sculpture deviennent quarante ds lors que lon se dplace
par rapport elle (Rflexions, pp. 180-181 ; une autre version de ce texte dans la NIN 2 Le tlphone rvlateur ne contient pas ce passage). Le spectateur est ainsi invit tourner autour de la
composition dans un mouvement cinmatique qui sapparente celui quEisenstein analyse dans
son texte Ermolova (Cinmatisme, chap. 8).
45
Voir les analyses des Tour Eiffel de Delaunay et des tableaux de Picasso dans Cinmatisme,
pp. 222-225, 232-233.
46
Personnage du roman de Lon Tolsto, Voskrechenie (Rsurrection, Paris, Gallimard, Folio ,
1994 [1899]). Lexemple se fonde sur ltude dEvelina Zadenchnour, Portret Katiouchi Maslovoi : k laboratorii tvorchestva Tolstogo ( Portrait de Catherine Maslov. Laboratoire de la cration
tolstoenne ), Sbornik Gosoudarstvennogo Tolstovskogo mouzeia, Moscou, 1937. Cette tude, qui exa-
24
25
122
123
124
MOMIFICATION DYNAMIQUE
mine les vingt variantes de la description physique de Catherine Maslov nez, front, yeux, joues,
cils, etc. en terme de montage, est explicite dans El Greco y el cine (Cinmatisme, pp. 94-96)
et voque galement dans un cours du VGIK profess en septembre 1941 et publi dans Short
Fiction Scenario (p. 16).
47
L. Tolsto, Smert Ivana Ilicha (la Mort dIvan Illitch, Paris, Gallimard, La Pliade, 1960 [1881-5]).
48
Au sujet de cette distinction voir lanalyse de la mthode de montage et de la verbalit de
la mtaphore chez Stanislavski, Whitman, Lessing, Homre, Mallarm, Shakespeare, Pouchkine et
Joyce dans Montage (Montaj, pp. 189-271 ; trad. partielle dans SW 2, pp. 109-202 et OS 4). Lune
des premires descriptions que fait Eisenstein de son propre style comme monde adjectiv se
trouve dans un article de la fin de 1925-dbut 1926 intitul Ob igre predmetov (Sur le rle des
objets) (Kinovedchevskie Zapiski, n36-37, 1997-1998, pp. 34-38). Le cinma intellectuel peut
tre considr comme une tentative de raliser le montage substantiv , qui accompagne une srie
darticles de 1928-1929 tels que A.I. 28 (Eisenstein dans le texte, pp.147-160), Perspectives
(Au-del des toiles, pp. 185-199), Dramaturgie de la forme filmique (Cinmatisme, pp. 21-42).
49
A. Pouchkine, Poltava , 3e Chant (dans uvres potiques, Tome I, Lausanne, LAge
dHomme, 1981, p.513 [trad. modifie]). Cit galement dans Montage 38 (le Film : sa forme/son
sens, pp. 235-242), Pouchkine monteur (Mouvement, p. 42).
50
Allusion probable Rain, Steam and Speed The Great Western Railway (Pluie, Vapeur et
Vitesse le chemin de fer du Grand Ouest, 1844) de William Turner.
51
Paul Gauguin, Noa-Noa, Paris, Bartillat Omnia , 2011 [1901]. Ce Journal de Tahiti de
Gauguin ne comporte aucun passage se rattachant la phrase cite ici. On trouve dans lanthologie
conue par Daniel Gurin sous le titre Oviri. Ecrits dun sauvage (1892-1903) une rfrence
Turner (Paris, Gallimard, 1974, p. 180). Eisenstein mentionne le rapport Gauguin-Turner dans une
parenthse de ses Conspectus of Lectures on the Psychology of Art (Psychology of the Composition,
p. 21) et sintresse plus longuement au peintre propos de la couleur dans Forme et contenu (le
Film : sa forme/son sens, pp. 282-283). Dans ce dernier texte il se rfre alors au Gauguin de John
Rewald (Paris, Hyperion, 1938) qui reproduit des Notes sur la peinture du peintre auxquelles il
emprunte ses citations ainsi qu des lettres cites par lauteur.
52
Wrterbuch der Philosophie. Neue Beitrge zu einer Kritik der Sprache, Munich-Leipzig, Georg
Muller, 1910 puis Leipzig, Felix Meiner, 1923. Fritz Mauthner (1849-1923), crivain juif tchque
de langue allemande, prolixe dans divers domaines (critique, parodie, posie, drame, bouddhisme,
philosophie), avait entrepris une analyse du nationalisme linguistique partir de la notion de langue
maternelle et une critique du langage avec notamment Beitrge zu einer Kritik der Sprache (Contributions une critique du langage, 1901), Die Sprache (le Langage) o il exprime une conception sceptique et nominaliste du langage inspire du Gorgias de Platon et de la philosophie de Nietzsche
(Vrit et mensonge). Cit par Wittgenstein dans son Tractatus logico philosophicus, il exera une
influence sur les avant-gardes littraires (des expressionnistes Dada) puis Borges ou James Joyce qui
le fit dcouvrir Samuel Beckett (voir Jacques Le Rider, Fritz Mauthner Une biographie intellectuelle,
Paris, Bartillat, 2012). Dans Dickens, Griffith et nous , Eisenstein le cite galement propos de
la mtaphore (le Film : sa forme/son sens, p. 400).
53
Image rend dans les trois cas le mot obraz.
54
Sverkhzadatcha : notion de Stanislavski dans An Actor Prepares (la Formation de lacteur, Paris,
Payot, 1982, chap. 15).
55
Au sujet de lunit et du thme sous-jacent (fil rouge) voir Lauteur et son thme (Metod 1,
pp. 225-249) et dans larticle inachev Pouchkine et Gogol (1946-9), la question du thme sousjacent chez les crivains russes (fragments publis dans Kinovedtchevskie Zapiski, n 36-37, 19971998, pp. 180-220).
56
Cf. On the Detective Story o il est question du secret de lhistoire mystre comme
mystre du saut de la pense prlogique la pense logique reprable dans la structure de
lintrigue policire indpendamment du matriau et des personnages (The Psychology of Composition, pp.57-84).
57
Source : Mouze kino, 40 - 1 -12/4, pp. 9-11. Le texte Eloge de la cin-chronique devrait
suivre cette note selon la chronologie. Il est publi sparment dans cette dition (voir infra chapitre 4).
58
Source : Mouze kino 40 I 12/9, pp. 1-6.
59
Natalia Mikhalovna Tchegodaeva (1907-1977), fille du philosophe Mikhal Gershenzon,
travaillait ce moment une thse sur Jan Van Eyck quelle soutint avec succs en 1949. Parmi les
Notes pour une Histoire gnrale du cinma dEisenstein se trouve une copie du rsum de la
thse o il a soulign les points suivants (indiqus ici en italique) : 8. Une section spare de luvre est consacre la description et lanalyse de luvre majeure des frres Van Eyck, le retable de
Gand. La prsence de deux ensembles stylistiques dimages est releve : lun, plus archaque, est
fond sur des corrlations linaires et rythmiques ; lautre est plus raliste et motionnel, avec des
lments spatiaux et plastiques la place dhonneur. Lunit de lensemble est souligne ; lunit la
fois de la signification et de la composition. 9. [] Dans le retable de Gand nous pouvons voir la
comparaison de limage de lenvironnement de lartiste (images des panneaux extrieurs avec leur
ralisme, clart et simplicit), interprt dans lesprit des nouveaux idaux bourgeois du XVe sicle,
avec limage de lunivers transfigur (dans les panneaux intrieurs), prsent dans la gloire du triomphe
et de lexultation [] . A cette dernire phrase, Eisenstein ajoute en marge : Cf. [lEnterrement du]
comte dOrgaz du Greco [source : Mouze kino, 40 1- 12/11, p.17]. Sur lEnterrement du comte
dOrgaz voir la partie intitule Pathos dans la NIN 1, pp. 251-270.
60
Voir le chapitre Mtre et rythme. Composition sur la base de limbriquement dans Montage (Montaj, pp. 311-326 ; ne figure pas dans SW 2 ni dans OS 4). Ces prmices sont dveloppes
dans la NIN 2 (pp. 265-275). Imbriquement , terme de maonnerie, dsigne la superposition
entre musique et image correspondant lenjambement en posie (op. cit., p. 244).
61
Dans le dessin dEisenstein lordre des lettres est invers.
62
Ligne illisible en raison de la dtrioration du papier.
63
Source : Mouze kino 40 I 12/II, p. 20 (verso).
64
Source : Mouze kino 40 I 12/10, pp. 1-6.
65
Voir galement la partie Montage cinma multiples point de vue dans Montage (Montaj,
pp. 156-295 ; S W 2, pp. 109-223), Montage et architecture et Ermolova (Cinmatisme,
chap. 2 et 8).
66
Dans le portrait du couple des Arnolfini de van Eyck il ny a pas moins de trois perspectives
partir de diffrents points de fuite crant notamment une tension entre des impressions de
profondeur en contraste (Voir Montage vertical dans Film Sense, repris dans SW 2, pp. 344345 ; le Film : sa forme/son sens, pp. 271-2 avec la reproduction du tableau que nous reproduisons
ici, omise dans les SW ).
67
Rfrence un portrait en pied de lactrice par Valentin Srov (1905). Largument de la supriorit de Srov sur Picasso et Delaunay figure galement dans Ermolova (Montaj, pp. 135-155 ;
SW 2, pp. 82-105 ; Cinmatisme, chap. 8).
68
Cf. l aussi Montage vertical : dans la Cne de Leonard de Vinci [], les objets sur la table
sont montrs sous une perspective partir dun point de fuite diffrent de la perspective sur laquelle
est construit le reste de la salle , SW 2, p. 344). Il est galement fait rfrence certaine gravure
de Drer utilisant la double perspective (dans The Film Sense est reproduite une gravure sur
bois de la srie Die kleine Passion 1509-1511 qui en comporte trente-sept, assorties de vers de
Benedikt Chelidonius [British Museum]).
69
Dans El Greco y el cine , Eisenstein analyse l lasticit des figures peintes par le Greco,
et explique leur postures parfois impossibles comme une forme de montage de diffrentes
phases dun mme mouvement distribu travers les diffrentes parties du corps. La toute petite
figure dessine par Eisenstein dans ces Notes pour une Histoire gnrale du Cinma , cependant,
125
126
MOMIFICATION DYNAMIQUE
83
Eisenstein a crit sur la combinaison de plusieurs vnements temporels dans le mme espace
dans le polyptique de Hans Memling, la Passion du Christ dans Montage ( Montage 1937 , p. 106
et le Film : sa forme/son sens p. 328).
84
Sandro Botticelli entreprit en 1481 dillustrer la Divine Comdie de Dante en gravure pour
une dition florentine, puis Lorenzo di Pier Francesco de Medici lui commanda la dcoration dune
dition manuscrite. Lartiste excuta 92 dessins la pointe de mtal sur parchemin repris lencre
et partiellement mis en couleurs. Ces dessins disposs sur le verso des feuilles permettent au lecteur
davoir sous les yeux le texte et lillustration correspondante. Les compositions qui enchanent les
situations jouent de la rptition des figures, en particulier dans les scnes de groupe, ce qui inspire
sans doute Eisenstein cette considration sur les phases des mouvements distribus entre les
divers personnages. Eisenstein les voque galement dans Mthode (Metod 2, p. 72).
85
Hritier du drame liturgique, le thtre mdival utilisait des dcors simultans en disposant
sur scne des mansions , compartiments juxtaposs reprsentant diffrents lieux de laction. Les
acteurs passaient dune mansion lautre pour signifier le changement de scne et de lieu. Lusage
en demeura jusqu Corneille et le thtre baroque perptua cette pratique jusqu limposition du
dcor unique autour de 1650.
86
Allusion la srie maintes fois voque du Mariage la mode (voir chap. I, note 16).
87
Srie de six petites peintures nommes La capture du bandit (surnomm) El Maragato .
88
Cf. Afin de rendre le mouvement de faon expressive, [le cinmatographe] recourt un artifice de mthode similaire ceux de Daumier et du Tintoret ( Ermolova , Cinmatisme,
p. 212). Voir aussi Montage ( Montage 1937 , pp. 105-106).
89
Le Sachsenspiegel (le miroir saxon) est la plus importante compilation mdivale de lois coutumires saxonnes datant du XIIIe sicle. Lun des manuscrits est conserv Heidelberg. Il comporte
des enluminures dont certaines montrent diverses positions simultanes dun mme personnage
(dot ainsi de plusieurs bras et de plusieurs ttes).
90
La rfrence au futurisme et la dmultiplication des jambes ou des pattes dun personnage
ou un animal en mouvement se trouve dj dans Dramaturgie de la forme filmique (1929)
(Cinmatisme, p. 27) puis dans Montage 1937 .
91
Cf. Francis Galton, Explanations by Composites of Muybridges photographs of the conventional representation of a galloping horse (la Nature, juin 1882) : le classement auquel se livre
Galton dans ce travail fusionne en une image composite plusieurs images dcomposes du mouvement du cheval.
92
Peremontaj : cette notion, utilise ici pour reconstruction , dsignait, en URSS, le travail de
remontage des films (de lpoque tsariste ou venus de ltranger) en vue de leur distribution.
Cette opration rpondait la fois des exigences techniques (adjonctions dintertitres en russe), pratiques (dures modifies des films, notamment dans le cas des serials) et idologiques (modifications
du contenu des intertitres et de certains pisodes par le montage dans les films de fiction et assemblage nouveau dun matriel documentaire ou dactualits anciens ou trangers). Voir Du thtre
au cinma (le Film : sa forme/son sens, pp. 120-121). Koulchov le pratiqua et en parle dans ses crits
(op. cit., pp. 64-67) ainsi que Viktor Chklovski ( Le montage pour la censure dans V. Chklovski,
Textes sur le cinma, Lausanne, LAge dHomme, 2011, p. 221).
93
Sur lornement anglo-saxon lpoque mrovingienne (500-750), voir Metod 2, p.107. Et ici
mme plus loin, note 182.
94
Sur le remontage du paysage de Tolde peint par le Greco dans Vue de Tolde (1609) et Plan
et vue de Tolde (1610), voir El Greco y el cine (Cinmatisme, pp. 67-73) et Montage vertical
(le Film : sa forme/son sens, pp. 273-274). Dans le second tableau en particulier, le Greco prsente en
une seule image une vue arienne de la ville dans laquelle un btiment important, lHpital
Tavera, a t tourn et agrandi, trait, dit le peintre, comme un modle , une maquette darchitecture, pour que sa faade soit visible pour le spectateur , et le plan de la ville. La perspective
127
128
MOMIFICATION DYNAMIQUE
linaire de la vue arienne est ainsi combine avec la projection orthogonale dun plan et produit une
image composite rsultant dun processus de montage.
95
Eisenstein compare la combinaison de perspectives multiples dans la Cne de Vinci avec la
possibilit de crer un effet de reprsentation perspectives multiples dans la perception dun film
travers le montage des diffrents cadres, chacun tant pris dun point de vue diffrent. La Cne a
donn lieu plusieurs exercices de dcoupage (raskadrovka) et montage dans le cadre des cours du
VGIK en 1934 et Konstantin Pipinachvili, qui fut son lve avant dtre cinaste, a montr dans son
tude Un dcoupage en cadres de la Cne de Lonard de Vinci la multiplicit des actions combines dans le tableau partir des jeux de mains et de regards (Iskousstvo, n 5, 1967, pp. 52-55),
rdit en brochure par Gaiane Alibegachvili ( Analyse des possibilits cinmatographiques dun
tableau ) (voir galement Edoardo Grossi, Pittura come cinema : la cinematizzazione del Ultima
Cena di Leonardo dans Pietro Montani, dir., Sergej Ejzentejn : oltre il cinema, Venise, La Biennale
di Venezia/Biblioteca dellimmagine, 1991, pp. 201-216). Dans Montage vertical , Eisenstein
parle des points de fuite diffrents dans la Cne entre les objets sur la table et la pice et cite galement van Eyck et Drer (le Film : sa forme/son sens, p. 271).
96
Cf. Montage vertical (dans Neravnodouchnaa priroda 1, pp. 84-163 ; SW2 pp. 327-399).
Sur la corrlation entre geste et musique, voir Le geste dcisif dans ldition russe de la NonIndiffrente Nature (Ibid, pp.164-199) et Quelques mots sur la composition plastique et audiovisuelle (Cinmatisme, chap. 5).
97
Exultant : ils exultent (du latin exsultare , sauter, tre transport dallgresse). Exulter, exultation, les termes reviennent frquemment pour qualifier les formes esthtiques mdivales tant en
peinture (murs peints et miniatures exultants et illumins), quen architecture (glises slanant vers
le ciel ; vitraux irradiant leurs couleurs), musique (polyphonies anciennes et hymnes), ou thtre
(dans les canons du comique et de genre qui prend fin au XIIIe sicle et fournit la base des genres
visuellement polyphoniques).
98
Allusion aux nombreuses processions religieuses en Thalande, notamment loccasion des
mariages.
99
Pars pro toto : notion centrale dans la thorie esthtique dEisenstein qui se rattache la
pense prlogique ainsi qu de nombreux prcds artistiques ou symboliques (synecdoque, grosplan, etc.). Voir Nouveaux problmes de la forme au cinma (1935) dans le Film : sa forme/son
sens, pp. 151-166, SW3, pp. 30-46, Dickens & Griffith, passim.
100
Voir ci-dessus.
101
Liste des leitmotivs dans Die Walkre (la Walkyrie, 1870) de Richard Wagner (le Pre, le
Destin, les Wlsungs) quEisenstein avait mis en scne en 1940 au Bolcho dans le cadre du Pacte
de non-agression germano-sovitique. Les Wlsungs sont une famille de hros de la mythologie scandinave descendant du dieu Odin, mentionne dans le Nibelungenlied (le chant des Nibelungen) et
qui forme une famille mythologique dans la ttralogie de Wagner. Les notes dEisenstein sur Wagner et la Walkyrie se trouvent dans son article Lincarnation dun mythe (Conception, pp. 110118) et dans ses notes de production de lopra (Metod 2, pp. 192-225). Extraits dans Jay Leyda, Zina
Woynow, Eisenstein at Work, New York, MoMA, 1982. Thomas Mann a crit une nouvelle sous le
titre Wlsungenblut.
102
David Octavius Hill, voir supra note 36. Julia Margaret Cameron (1815-1879). Voir infra.
103
Matthew Brady (ca 1823-1896), photographe amricain qui ralisa des milliers de photos
Durant la guerre civile amricaine tant des batailles elles-mmes (Antietam, Bull Run) que des cadavres qui en rsultaient. Eisenstein use ici de lacronyme SASSH (Severo-Amerikanskie Soedinnye
Chtaty) transcrivant lamricain NAUS (North America United States) en usage au moment de la
guerre civile amricaine.
104
Gaspar-Flix Tournachon dit Nadar (1820-1910), pionnier de la photographie arienne et
partisan des dplacements en arostat se mit au service du gouvernement lors du sige de Paris par
les Allemands (1870-1871) afin dobserver lennemi, tablir des relevs cartographiques et communiquer avec le pays. Il fit construire 66 ballons et permit lvacuation de Gambetta vers Tours pour
organiser la rsistance lenvahisseur.
105
Mots illisibles. On peut conjecturer quEisenstein veut voquer les photographies de ciel et de
nuages dAlfred Stieglitz (1864-1946) dans sa srie Equivalents (1931) ; le photographe ralisa
galement des vues urbaines et industrielles rompant avec le pictorialisme de ses dbuts.
106
Piotr Otsoup (1883-1963), photographe russe et sovitique, photo-reporter (guerre russojaponaise, rvolution de 1905, dOctobre). Photographe du Kremlin de 1918 1935.
107
Mosei Solomonovitch Nappelbaum (1869-1958), photographe russe de studio, auteur de
nombreux portraits de personnalits scientifiques, politiques et artistiques (Mandelstam, Essnine,
Blok, etc.) et notamment dun des plus fameux portraits de Lnine.
108
Thme de la dcadence abord ds LHritier dans la prsente dition. Dans son projet de
prface The Film Sense (1942), Eisenstein voque galement la voie de la dsintgration et de la
dsagrgation des arts aprs la Premire Guerre mondiale et leur relve par le cinmatographe :
expressionnisme. Suprmatisme. Dadasme. Surralisme. () Une course effrne en arrire,
retour au primitif. () Parvenu au plus haut point de son dveloppement, lart, subitement, sest
parpill jusquau point zro. () La cinmatographie seule, dans ses meilleurs modles, a su rsister cette bourrasque de dsagrgation. Et cela parce que le dernier-n de tous les arts, le cinma,
commence l o, dans leur dsintgration, ont abouti les autres arts. (NIN 2, pp.176-177).
109
Peintre, illustrateur et lithographiste russe (n Riga, mort Berlin). Dabord peintre de
scnes de batailles durant ses tudes Saint-Ptersbourg o il dessine dans une publication satirique
en 1840-1844. Influenc par Daumier, Gavarni et Venetsianov. Son style influena Aleksandr Agin
(1817-1875) et Pyotr Boklevsky (1816-1897). Proche dHorace Vernet, il voyagea avec lui en Algrie et vcut en France jusqu la Rvolution de 1848 qui lobligea rentrer en Russie. De nombreux
dessins de voyage servirent de base son plus important projet, Khoudojestvenii listok (lArt du journal), qui parut trois fois par mois entre 1851 et 1862, avec la participation de Vassili Chterenberg,
Grigory Gagarine, Ivan Ayvazovsky, Alekse Bogolioubov, Mihly Zichy and Mikhail Mikechine.
110
Fiziologiia Petersbourga (1845), recueil collectif de Nikola Nekrassov Belinski, Dal et quelques
autres avec des dessins de Timm.
111
Eidtique : voir chap. I, note 25 et infra.
112
Allusion la doctrine vertovienne de la vie limproviste [jizn vrasplokh] et celle de la
candid camera employe en 1929 propos de la pratique photographique dErich Salomon et
ses unsuspected moments par la revue The Grafic (voir Caroline Zau, lOffice national du film
et le cinma canadien, 1939-2003 Eloge de la frugalit, Berne, Peter Lang, 2006, pp. 268-269). Voir
aussi la pratique de Paul Martin (infra note 115) et dans le chap. 4 les rfrences Gan et Vertov.
113
Le Crystal Palace de Joseph Paxton a t difi Hyde Park Londres pour accueillir lExposition universelle de 1851 puis dplac. Sa construction tait fonde sur la fonte, le fer et le verre,
inspire des serres ossatures mtalliques. Il sert de modle la ville utopique de Tchernichevski dans
Que faire? et aux courants darchitectures du tournant du sicle (Bruno Taut). Eisenstein sest intress larchitecture de verre dans son projet de film Glass House (voir sous ce titre le scnario et les
notes du cinaste, Glass House) et dans plusieurs textes ultrieurs ( Le gothique , NIN1, pp. 351352 ; Rodin et Rilke , Cinmatisme, pp. 239-240).
114
Toutes ces rfrences (inauguration du Crystal Palace en 1854, photographie de deux jeunes
filles sur une balanoire, naissance de linstantan ) proviennent du livre Victorian Snapshots by Paul
Martin. The Birth of Candid Photography, introduction de Charles Harvard, Londres-New York,
Country Life-Charles Scribners Sons, 1939.
115
Paul Martin (1864-1942). Devenu photographe il se distingua, partir de 1892, par des
prises de vue limproviste dans les rues, sur les marchs ou les plages avec un appareil cach et par
des photographies nocturnes dans les villes claires au gaz et llectricit. Il est communment
129
130
MOMIFICATION DYNAMIQUE
considr comme un prcurseurs des reporters et de la candid camera (Cf. Bill Jay, Victorian
Candid Camera : Paul Martin 1864-1944, Londres, David & Charles Newton Abbot, 1973).
116
Voir supra note 103.
117
The Pencil of Nature (1844-46), premier livre illustr de photographies (24 calotypes).
118
En russe : obrez fotokadra, coupe du cadre photographique (Cf. la rflexion sur la proximit
tymologique des mots obraz [ forme ], obrez [ trancher ] et obnaroujni [dvoilement, manifestation] dans Perspectives, Au-del des toiles, pp. 189-190).
119
Wayang : voir supra note 82.
120
Ladislas Starvitch (1882-1965). Cinaste russe puis franais qui dirigea des acteurs (entre
autres Mosjoukine) mais ralisa aussi des films danimation dinsectes. Il migra en France pendant
la guerre civile et se spcialisa dans lanimation de poupes et de figurines (dont le Roman de Renart).
Alexandre Ptouchko (1900-1973), ralisateur sovitique de films danimation (poupes et dessins)
et de films friques , spcialistes des effets spciaux .
121
Edouard-Lon Scott de Martinville (1817-1879), ouvrier typographe, libraire, crivain
franais inventeur du phonautographe (brevet du 25 mars 1857) avec lequel il ralisa en 1860 un
enregistrement dAu clair de la lune, sans parvenir cependant le restituer.
122
Toute cette liste dinventions techniques est empruntes au livre de Lewis Mumford, Technics
and Civilization, New-York, Harcourt, Brace and Co, 1936 (4e dition), pp. 443-445. La date du
Phonautographe chez Mumford est 1858 ( la date 999 de la p. 73 en provient ).
123
Auguste Choisy, Histoire de larchitecture (Paris, Gauthier-Villars, 1899). Eisenstein a repris ses
analyses concernant lAcropole dans Montage et architecture (Cinmatisme, chap. 2), fond sur
le principe du dplacement du regard du promeneur. Il y revient dans son texte sur le Greco (Ibid,
chap. 3).
124
Voir supra sur les vitraux et, sur Chartres, Montage et architecture Cinmatisme, p. 50) et
Mmoires 1 ( deux voyages Chartres, p. 339).
125
Danse avec tambours et planchettes , [Bas-]Relief dun tombeau de Saqqarah, Egypte
(dans Joseph Gregor, Weltgeschichte des Theaters, Vienne, Phaidon, 1933.p. 85). Voir supra chap. 1
LHritier , dans Le phnomne du cinma .
126
Il sagit des illustrations du comte Fdor Tolsto pour le pome de I. Bogdanovitch, Douchenka .
127
Olaf Gulbransson : voir chap. I, note 36. Voir galement sur ce dessinateur Pair-impair
(Cinmatisme, pp.168-172) et Notes sur la ligne et lornement (Metod 2, pp. 440-441).
128
Voir sur le sujet de l epos animal et des liens avec les croyances animistes lessai On Disney
(pp. 48-49) et les Notes sur lart de Walt Disney dans Metod 2 (pp. 254-295, 506-529) (en
anglais dans The Eisenstein Collection, pp. 85-184).
129
Voir le dveloppement sur les trois stades du totmisme (unit de lhomme et de lanimal
de la mtempsychose la mtaphore) dans On Disney (pp. 49-53) et sur lanimisme partir de
Veselovsky et Lvy-Bruhl (Ibid, pp. 53-59).
130
Littralement la bataille des grenouilles et des rats , pome pique parodique de lIliade
attribu Homre par les Romains mais selon Plutarque uvre de Pigres dHalicarnasse, frre (ou
fils) dArtmise, reine de Carie et allie de Xerxs. Dautres chercheurs lont plus rcemment attribu un pote anonyme du temps dAlexandre le Grand.
131
Ivan Krylov (1769-1844), fabuliste russe prenant le relais dEsope et de La Fontaine dans le genre.
132
Serafim Sarovski (1754/59 1833), un des saints russes les plus rvrs; son hagiographie a
t peintes sur des icnes, miniatures et louboks.
133
Prince Bova (Bova Korolevitch), hros du folklore et de contes russes du XVIe sicle.
134
Lune des sries de louboks les plus populaires au XIXe sicle portait sur le sige de Sbastopol
par les troupes franco-britanniques durant la guerre de Crime (1853-1856).
135
Kozma Krioutchkov (1890-1919), Cosaque du Don qui sest illustr durant la Premire Guerre
mondiale et dont les exploits ont fait lobjet de louboks.
136
Jose Guadalupe Posada (1852-1913), graveur et dessinateur satirique mexicain qui influena
Diego Rivera et Jos Clemente Orozco. Eisenstein possdait une collection de ses dessins.
137
Fte populaire mexicaine quEisenstein a dfinie comme un mlange dhumour grotesque et
de dfi la mort (Metod 1). Cf. Anita Brenner sur le Mexique : la vasilada dsigne ltat dhilarit
que suscite la marijuana.
138
Lun des plus fameux louboks du XVIIIe sicle montrant un chat enterr par une procession
de souris. Il passait pour une caricature de Pierre le Grand.
139
La chambre ardente, pice tendue de noir, claire par des torches, tait rserve, aux XVIee
XVIII sicles, au jugement des hrtiques, criminels dEtat et empoisonneurs.
140
Problmatique aborde dans Rodin et Rilke. Pour une histoire du problme de lespace dans
lhistoire de lart (Cinmatisme, chap. 9), et dans la NIN 1 (pp. 351-352) ; abondamment explore dans Glass House.
141
Lewis Mumford, Technique et Civilisation, Paris, Le Seuil, 1976 [1934].
142
Daniel Matteo Alvise Barbaro (1514-1570), crivain, traducteur et diplomate a traduit en
italien et comment les dix livres darchitecture de Vitruve et composa un trait doptique, La
pratica della perspettiva ( Pratique de la Perspective , (1568) qui exera une grande influence tout
au long XVIe sicle. Il contient la plus ancienne description connue de lutilisation dune optique avec
chambre noire (que lauteur appelle camera obscura).
143
Zacharias Jansen (1580-1638), homme de spectacle hollandais associ linvention du tlescope et du microscope simple ( une lentille) et du microscope compos (de deux ou plus lentilles)
avec son pre Hans Jansen opticien.
144
Wilhelm Zenker (1829-1899) fut le premier proposer le principe de la slection des couleurs
en enregistrant les ondes stationnaires par le biais de la photographie.
145
Le phonautographe est le premier procd connu denregistrement du son. Invent par le
franais Edouard-Lon Scott de Martinville en 1857, il transcrivait les ondes sonores par une ligne
trace sur un papier ou un verre noirci par la fume.
146
Louis Arthur Ducos du Hauron (18371920), pionnier de la photographie en couleur. En
1864 il fit brevet un dispositif pour prendre et projeter des images en mouvement (sans pourtant
construire un appareil).
147
En 1872 John Wesley Hyatt (1837-1920) et son frre Isaiah nommrent cellulod un nouveau matriau de leur invention, constitu de camphre et de nitrate de cellulose.
148
Arthur Korn (1870-1945), physicien, mathmaticien allemand, inventeur en 1904 de la
tlphotographie ou photographie distance (par fil tlgraphique) appele Bildetelegraph.
149
Gustave Le Gray (1820-1884), sous le nom de ciels rapports , combinait plusieurs ngatifs dans
ses paysages, en particulier ses marines, afin dobtenir des ciels et des mers de mme intensit grce des
temps de pose diffrents accords chaque lment, impossibles obtenir sur un seul clich.
150
Camille Silvy (1834-1910). Pionnier de la photographie qui travaillait Londres sous le
patronage de la Reine Victoria. Le lien avec Paul Delaroche nest pas attest.
151
Voir plus loin p. 78, la partie consacre au photomontage o lon revient ces photographies
combines de Rejlander.
152
Darwin, lExpression des motions chez lhomme et les animaux, 1874.
153
Guillaume B. Duchenne de Boulogne, le Mcanisme de lanalyse lectro-physiologique de lexpression des passions applicable la pratique des arts plastiques, Paris, Baillire et Renouard, 1862. Il
est voqu dans Laocoon en rapport avec Rodin et Watteau pour ses expriences de stimulation
lectrique isole des muscles ( Montage 1937 , p. 107 ; SW 2, p. 114) et dans les programmes de
ses cours au VGIK sur les manifestations expressives (SW 1, p. 86).
154
Le manuscrit en cet endroit est particulirement confus, lordre qui apparat ne reflte sans
doute pas les liens que veut tablir Eisenstein entre les phnomnes voqus.
155
Franz Seraph Hanfstngl (1804-1877) peintre, lithographe et photographe allemand connu
131
132
MOMIFICATION DYNAMIQUE
pour ses portraits de la socit munichoise. Antoine Samuel Adam-Salomon (1818-1881), sculpteur
et photographe franais qui tudia avec Hanfstngl. Ses photographies taient fameuses pour leurs
effets de clair-obscur obtenus avec des techniques dclairage particulires.
156
Roger Fenton (1819-1869), photographe anglais, form la peinture (lve de Paul
Delaroche), il cre la Royal Photographic Society en 1853 et fait des portraits de la famille royale puis
obtient la mission de photographe officiel lors de la Guerre de Crime qui oppose la Grande
Bretagne la Russie. Il prend environ 400 photographies qui constituent le premier reportage
photographique du genre. Atteint par le cholra il est remplac notamment par Felice Beato.
157
Felice Antonio Beato (1832-1909), photographe italien puis britannique qui documenta la
rvolte des Cipayes en Inde (1857-1858). Connu pour ses photographies panoramiques de paysages
dans des rgions peu connues o il voyagea beaucoup.
158
Voir supra note 103.
159
Samuel Archer King (1828-1914) pionnier des vols en ballon aux Etats-Unis qui fit, dans les
annes 1850 et 1860, de nombreuses ascensions depuis New-York, la Pennsylvanie, le New Jersey,
le Connecticut, le Massachusetts. En 1879 il publia The Balloon : Noteworthy Aerial Voyages from
the Discovery of the Balloon to the Present Time, with a Narrative of the Aeronautic Experiences of
Mr. Samuel A. King. James Wallace Black (1825-1896) photographe amricain qui, en collaboration
avec Samuel Archer King, fit en 1860 les premires photographies ariennes aux Etats-Unis,
photographiant Boston 1 200 pieds daltitude.
160
Henry Negretti (1818-1879) photographe anglais qui prit en 1863 la premire photographie
arienne de Londres depuis un ballon pilote par Henry Coxwell.
161
Une photographie de William McLeish intitule Misty Morning on the Wear apparat
dans le catalogue de lexposition de la Royal Photographic Society en 1882.
162
Cf. Paris souterrain aux Catacombes et aux gouts (premiers essais de photographie aux
lumires artificielles (Flix Nadar, Quand jtais photographe, Paris, Flammarion, 1900). Nadar
prend une srie de 96 clichs, dont 73 consacrs lossuaire.
163
Eisenstein consacre des pages enthousiastes Eugne Atget dans Rejissoura Iskousstvo
misantsena (1934) et dans Montage (1937) (Montaj, pp. 264-267 ; pages non publies dans SW2).
164
Voir supra note 115.
165
David Brewster (1781-1868) physicien, mathmaticien, astronome, inventeur, crivain et
universitaire cossais, connus pour ses contributions dans le domaine de loptique, ses inventions
comprennent le kalidoscope et une bauche du stroscope.
166
Oscar Gustav Rejlander (ca 1813-1875), peintre sudois pass la photographie notamment
rotique. Ami de Lewis Carroll, il dveloppa les techniques de photos combines, photomontage,
retouche ; pionnier du tableau vivant photographique avec The Two Ways of Life (1857) qui combinait 32 ngatifs originaux pour obtenir une photographie de 41 cm sur 79 cm. En 1872 il illustra
le livre de Charles Darwin, The Expression of the Emotions in Man and Animals. Henry Peach
Robinson (1830-1901), photographe pictorialiste anglais, pionnier de la photo combine. En 1856
il fonda avec Rejlander la Birmingham Photographic Society. Il a publi de nombreux ouvrages dont
Pictorial Effect In Photography: Being Hints On Composition And Chiaroscuro For Photographers
(Londres, Piper & Carter, 1869).
167
La bibliothque dEisenstein conserve un petit livre de 20 photographies mises en squences
et illustrant diffrents vnements survenant durant le rve dune femme, intitul le Rve.
168
Librairie Nilsson, maison ddition fonde en 1885 Paris par le librairie sudois Per Lamm,
spcialise dans les ouvrages illustrs, albums dart et romans populaires grand tirage illustrs par
des phototypes.
169
Ou plus prcisment vignettes autocollantes (gommettes). Dans Torito il est question
du photomontage et en gnral du Klebebild le collage compos de fragments dautres images.
Dailleurs ils firent leur apparition bien avant les annes davant-guerre. On sait que ctait une
distraction trs populaire au XVIIIe s. Au Palais dHiver il y avait des paravents avec des montages
sous verre de cette sorte. (Mmoires 3, p.86).
170
Allusion possible la nouvelle Ein Damen Duell du recueil Liebesgeschichten und Novellen
de Leopold Sacher-Masoch (Berlin, von Neufeld & Henius, 1880, pp. 347-418) qui fait partie des
Russische Hofgeschichten [Histoires de cour russes] comportant galement une Katharina II. Sont
voqus les murs, les mentalits, la luxure et la dbauche qui rgnaient la cour de Catherine II.
Duel de Dames ou de Femmes est, par ailleurs, un thme rcurrent de la presse populaire du
XIXe - dbut XXe sicles (exemple Duel de femmes. Lamour qui tue Faits-Divers Illustrs,
7 septembre 1907 on trouve un sujet de ce type dans les premires vues Lumire).
171
On convient plutt de dater lapparition du photomontage comme genre potique et politique
de 1919 en Allemagne (dans la mouvance de Dada avec Heartfield, Grosz puis Haussmann, Hch)
et en URSS (Rodtchenko, Kloutsis, etc.) bien que sa pratique soit antrieure (cartes postales amusantes, trucages divers) gnralement utilis des fins illusionnistes. Le nom de Grosz associ celui
de Rodtchenko apparat dans Montage des attractions (1923) (Au-del des toiles, p. 118).
172
LArbeiter Illustrierte Zeitung (Journal illustr des travailleurs), cr en 1924 dans le cadre du
Secours ouvrier international par Willy Mnzenberg, devenu hebdomadaire en 1926 sous la direction de Franz Hllering, rvolutionna le graphisme et le reportage photographique. John Heartfield
y collaborait rgulirement avec des photomontages de premire page. Rfugi en Tchcoslovaquie
en 1933, le journal cessa de paratre en 1938 aprs les accords de Munich et lannexion nazie du pays.
173
Photogrammes : photographies obtenues sans prise de vue par la seule exposition la lumire
du papier sensible sur lequel on a dispos des objets, appels Fotogrammen ou Kameralose Aufnahmen par Moholy-Nagy et rayographs par Man Ray.
174
Voir supra notes 40, 41.
175
Enseignes sculptes de restaurants de Paris, Chartres et autres villes qui apparaissent partir
du XIVe s. comportant des images composites (une truie file sa quenouille pendant que ses petits
ttent. A Paris cest rue Saint-Antoine et non Saint-Jacques que se trouvait une telle enseigne).
176
Au XIXe s. avec le retour en grce des paravents, on avait coutume de dcorer leurs parois de
verre laide de gravures, dessins, morceaux de papier. Le pote Byron en a ralis un particulirement raffin. Voir supra note 169.
177
Cest--dire le Bauhaus plus orient vers les tches architecturales pratiques sous la conduite
de Hannes Meyer (qui se rendra en URSS aprs son viction par les Nazis). Eisenstein opre un rapprochement constructiviste entre le montage des matriaux en architecture et le photomontage.
178
Cf. Il est caractristique quun mme principe formel puisse tre porteur la fois douvrages
au mysticisme dlirant, confusment abstraits, dun surralisme dcadent, et des photomontagespamphlets toujours politiquement orients dun John Heartfield. Cest prcisment l que se reflte
la force sociale qui utilise une prdisposition psychologique universelle au montage de formes toutes
prtes, pour exprimer une orientation de classe. (Mmoires 3, p. 87).
179
LOST (Socit des artistes de chevalet), compose dartistes comme Deneka, Williams,
Pimenov, sest situe, dans la deuxime moiti des annes 1920, entre les positions des artistes nonobjectifs (suprmatistes) et constructivistes dune part et celles des ralistes proltariens de
lAKhRR dautre part jusqu sa dissolution en 1932 avec lensemble des groupes artistiques (voir
Ccile Pichon-Bonin, Peinture et politique en URSS. Litinraire des membres de la Socit des artistes
de chevalet (1917-1941), Dijon, Les Presses du rel, 2013). Certains tableaux de ce groupe souvent de grand format jouent de juxtapositions entre personnages et lments de dcor industriel
ou urbain et recourent des effets de contraste (C. Pichon-Bonin parle ce propos de montage
dans Ibid, pp. 150-156).
180
Peremontaj : voir supra note 92.
181
Cette Vue de Tolde est longuement analyse dans El Greco y el cine (Cinmatisme, chap. 3).
182
Suivant Louis Brhier, aprs larrive des Barbares faisant table rase des traditions artistiques
133
134
MOMIFICATION DYNAMIQUE
gallo-romaines, les artistes mrovingiens dvelopprent une esthtique nouvelle, loigne de limitation de la nature et de son idalisation en cultivant lornement pour lui-mme, stylis, gomtrique.
Cest avec les Carolingiens que revient la figure humaine (lArt en France des invasions barbares
lpoque romane, Paris, La Renaissance du Livre, 1930). Cet intrt dEisenstein pour lornement, le
dcoratif quAlos Riegl avait rhabilit se retrouve plus loin dans Eloge de la cin-chronique .
183
Eisenstein parle des portraits dacteur du Kabuki par Sharaku le Daumier japonais
dans plusieurs textes, expliquant les disproportions entre les diffrents lments du visage (yeux,
bouche, nez, etc.) comme relevant dune forme de montage de diffrents points de vue (voir HorsCadre [prface N. Kaufman, Du cinma japonais, Moscou, 1929], Cahiers dArt n1 et 2, 1930
et n9/10, 1931 et Cahiers du cinma, n 215, septembre 1969 ; Dramaturgie de la forme
filmique , 1929, Cinmatisme, p. 27, o il rattache cette interprtation aux commentaires de Julius
Kurth dans son Sharaku [Munich, Piper, 1922] ; Attaque entre camarades de classe Kino, 22 et
28 juin 1933; SW 1 p. 264).
184
Ce combat de coqs provenant dun vase grec et ces oies volant du rouleau 100 oies attribue au peintre chinois (et non japonais) Ma Fen (fin du XIe sicle) sont voqus galement dans
El Greco y el cine (Cinmatisme, p.85) en qualit de dcomposition et figuration du mouvement.
Voir galement dans ce volume Lhritier . Dans Nouveaux problmes de la forme au cinma
(1935), parlant du rapport entre pense prlogique et langue Eisenstein donne comme exemple de
construction phrastique o le verbe (laction) prcde le sujet (personnage ou objet qui se meut) :
es flogen die Gnse (volaient les oies sauvages) alors que la construction Die Gnse flogen (les
oies sauvages volaient) sonne froid et sec, informatif (le Film : sa forme/son sens, pp. 158-159).
185
Cf. les analyses de la dcomposition du mouvement chez Daumier et le Tintoret dans
Montage (SW2, pp. 111 et sq.).
186
Voir plus loin Eloge de la cin-chronique o ces thmes sont repris et dvelopps.
187
Eisenstein analyse le Baldaquin de Saint-Pierre du Bernin et en propose une lecture irrvrencieuse dans la deuxime partie de Montage et architecture en squentialisant les diffrentes
sculptures qui ornent le monument (Cinmatisme, chap. 2).
188
Il sagit des formes de montage utilises dans les journaux russes en 1905 pour commenter les
vnements rvolutionnaires sans tomber sous les coups de la censure tsariste : on publiait sparment dessins et lgendes contenant des commentaires politiques sur plusieurs numros, en invitant
le lecteur re-monter lui-mme les lments.
189
Dans Octobre les titres (intertitres) participent au montage en particulier dans la perspective du cinma intellectuel . Dans Dramaturgie de la forme filmique , Eisenstein tablit une
quivalence entre titre et cadre (intertitre et plan) (Cinmatisme, p. 28).
190
C. Guys (1802-1892). Le peintre de la vie moderne dcrit par Baudelaire est un reporter photographe ou d actualits avant la lettre, envoyant aux journaux ses aquarelles quil na pas
le temps dachever ou de parfaire, depuis le thtre des oprations ou les lieux quil visite, sans
rapport de matrise avec son travail.
191
Kinematografism.
192
Entre 1850 et 1872, Daumier ralise une srie qui comportera 1050 planches sous le titre le
titre Actualits.
193
Adolph Menzel (1815-1905) peintre et graveur allemand clbre Berlin dont il se fit le chroniqueur de la vie sociale (ftes, rues, usines). On lui reconnat des qualits aigus dobservateur.
Degas a ralis certaines de ses peintures partir de celles de Menzel.
194
Dans Histoire du gros-plan (Metod 2, pp. 110-112, 409-411), Menzel est qualifi de remarquable illustrateur cinmatographique, vritable matre du cadrage (Dickens & Griffith, pp.
205-206). Rapprochant implicitement les vignettes de Menzel du montage intellectuel , Eisenstein dit que la surprise plastique quelles suscitent rsulte du fait quelles se posent avant tout non
comme un travail plastique mais purement smantique , lincarnation dune ide (pp. 207, 208).
195
La notion de tableau de chevalet est au centre des dbats au sein des mouvements artistiques
sovitiques des annes 1920 : les constructivistes et les suprmatistes abolissent le chevalet (voir
Nikola Taraboukine, le Dernier Tableau, Paris, Champ libre, 1972), lOST le maintient. Lexpression semploie en dehors du cadre de la peinture pour marquer un positionnement dans le dbat sur
la reprsentation galement en littrature, cinma, photographie.
196
Daniel Nikolaus Chodowiecki (1726-1801), peintre et graveur allemand dorigine polonaise;
il a dpeint la vie quotidienne de la bourgeoisie et de la vie du peuple joueurs de cartes, scnes familiales (dans sa srie de douze gravures, la Danse macabre, la mort saisit des personnages ordinaires
une marchande de poissons, un mendiant, une fille de joie ou dans des situations prosaques
en usant dune sorte d arrt sur image ).
197
Voir chap. I, note 30.
198
Sur le cycle des Baigneuses de Degas voir Metod 2, pp. 338-348 (en fran. MLB).
199
Degas ne peignait pas sur le motif mais accumulait les notes et croquis pour travailler dans son
atelier.
200
Foto-glaz mot construit sur le modle du kino-glaz (Cin-il).
201
Cf. George Slocombe, Rebels of Art Manet to Matisse, New York, Robert McBride & Co, 1939.
202
Degas avait coutume de recouper ses toiles pour en modifier le cadrage.
203
Sur ces questions dangles de vue par rapport aux btiments, voir le projet Glass House qui propose des angles inhabituels, des vues de dessous ou de dessus en raison de la transparence des murs
(Glass House).
204
Lettres de Degas, recueillies et annotes par Marcel Gurin, prface de Daniel Halvy, Paris,
Grasset, 1931.
205
Hortense Howland, ne Louise-Marie Delaroche-Laperrire (1835-1920), femme du monde
qui tenait un salon, amie de nombreuses personnalits du monde de lart dont Maupassant,
Fromentin et Proust, photographie par Degas en 1895.
206
Eugne Fromentin, les Matres dautrefois. Belgique - Hollande, Paris, Plon, 1877.
207
Loe Fuller (1862-1928) danseuse amricaine moderniste devenue mondialement clbre aprs
sa venue en France, fameuse pour sa danse serpentine o elle faisait tournoyer des voiles autour
delle, se mtamorphosant en fleur, papillon, tourbillon, combine avec des techniques dclairage
thtrales innovatrices (projecteurs, couleurs changeantes). Elle donna corps aux thories sur la
lumire de Craig et Appia. Ses performances sur scne fascinrent Mallarm et le milieu symboliste,
Rodin, Camille Flammarion et Marie Curie (elle excute pour elle une danse au radium ).
Marcel LHerbier, Louis Delluc et Lon Moussinac, entre autres, crivirent sur elle et sur les films
quelle ralisa ds 1896.
208
Les cabarets dits artistiques LEnfer (53 boulevard de Clichy Montmartre) et Le Ciel
qui se faisaient face et Le Nant (34 du mme boulevard) se distinguaient par des faades fantastiques (diables, supplices, gueules bantes de monstres, squelettes, etc.). Mlis tait un habitu
de ces tablissements. Cest LEnfer quil recruta la chanteuse Bleuette Bernon qui apparat dans
cinq de ses films.
209
Le Palais des Mirages dEugne Hnard, conu pour lExposition universelle de 1900, fut
install au Muse Grvin en 1906. Ctait un kalidoscope gant produisant des illusions optiques
et des jeux de lumires.
210
Formule de Pouchkine dans son article A propos du drame populaire et de la pice Martha
Possadnitsa de M. Pogodine (1830) : Le drame est n sur la place publique et constituait un
divertissement populaire. Le peuple, comme les enfants exigent lintrt de laction (Pushkin on
Literature, Londres-Standford, The Athlone Press-Standford University Press, 1986, p. 263). Meyerhold cite galement cette phrase dans Chaplin et le chaplinisme (1936) (Ecrits sur le thtre,
Lausanne, LAge dHomme, 1980, tome 3, p. 223) aprs avoir discut des conceptions du thtre
de Pouchkine dans Benois metteur en scne (1915) (Ibid, tome 1, pp. 238-242).
135
136
MOMIFICATION DYNAMIQUE
211
Phineas Taylor Barnum exhibait une vieille femme noire, Joice Heth, quil faisait passer pour
la nourrice de Washington ayant atteint 161 ans.
212
Rintintin : nom dun berger allemand de larme amricaine vedette dans une trentaine de
westerns de 1922 1932 (date de sa mort) o il est alors suppl jusquen 1959 par plusieurs autres
chiens, notamment dans des sries radiophoniques et tlvises. Lassie : nom dun chien colley
dabord personnage du roman dEric Knight, Lassie Come Home (Lassie chien fidle, 1940), puis au
cinma (1943) et la tlvision (1954).
213
Voir Marie OHara, My Friend Flicka (Mon ami Flicka, 1941) et ses suites (le Fils de Flicka, le
Ranch de Flicka, etc.) ayant donn lieu des adaptations cinmatographiques ds 1943 (par Harold
Schuster), 1945 (par Louis King) puis tlvises (1956).
214
Dans un rcit de Tolsto de 1885 un hongre nomm Kholstomer raconte sa vie, rcit qui a
parfois pour titre en franais Le Cheval (dans L. Tolsto, Souvenirs et rcits, Paris, Gallimard, La
Pliade , 1960).
215
Pour Sight and Sound, revue de cinma britannique. Articles non reprs.
216
William Cody dit Buffalo Bill (1846-1917), claireur amricain au service des compagnies de
chemin de fer et tueur de bisons, conut par la suite un spectacle le Buffalo Bills Wild West (18821912) qui fit des tournes aux Etats-Unis et en Europe.
217
Cr en 1897 dans la salle qui porte ce nom le Grand Guignol donna naissance un genre
thtral consacr des sayntes macabres, fantastiques et la fois comiques par excs de dramatisme.
Lun de ses auteurs les plus fameux est Andr de Lorde ainsi que Charles Mr.
218
Teatr i echafot titre dune confrence donne Odessa pendant la guerre civile en 1918,
par le metteur en scne et thoricien du thtre Nikolai Evrenov (1879-1953). Il publia ensuite un
livre sous le mme titre (Mnemozina: Dokumenty i fakty iz istorii russkogo teatra XX veka [Mnmosyne: Documents et de lhistoire du thtre russe au XXe sicle], Moscou, Artist Rezhissr Teatr, 1996.
Voir son Histoire du thtre russe, Paris, Chne, 1947).
219
Funambule : danseur de corde. Le Thtre des Funambules fut construit en 1816 sur le
Boulevard du Temple Paris et dmoli en 1862 dans le cadre des travaux urbains dHaussmann.
Outre danseurs de corde, acrobates et clowns, il tait fameux pour son mime Jean-Gaspard Deburau (voir Louis Pricaud, le Thtre des Funambules ses mimes, ses acteurs et ses pantomimes depuis sa
fondation jusqu sa dmolition, Paris, Lon Sapin, 1897).
220
Jean-Gaspar Baptiste Deburau (1796-1846) et son fils Charles (1829-1873), mimes franais,
vedette du Thtre des Funambules sur le Boulevard du Crime ayant cr la figure du Pierrot
lunaire, amoureux transi que Carn et Prvert reprirent dans les Enfants du Paradis (1945) aprs
Sacha Guitry qui leur consacre une pice en 1918 (puis un film en 1951).
221
Jules Janin, Deburau. Histoire du Thtre Quatre Sous pour faire suite lhistoire du Thtre
franais, Paris, Librairie des Bibliophiles, 1832. Ouvrage que L. Pricaud juge fantaisiste .
222
The Great God Bogus , manifeste en faveur de Chaplin publi par le critique amricain
G. Seldes dans Seven Lively Arts (New York, Harper & bros, 1924), ouvrage mentionn par Eisenstein dans ses crits.
223
Georges Sadoul publia une filmographie de Mlis en 1947 (An Index to the Creative Work of
Georges Mlis (1896-1912), supplment de Sight and Sound, Index srie n11, aot 1947) reprenant
les synopsis des films daprs le catalogue anglais de la Star-Film, et lui consacra de nombreuses pages
dans le tome 2 de lHistoire gnrale du cinma : les Pionniers (op. cit.). La monographie dont il sagit
est sans doute celle de Maurice Bessy et Lo Duca, Mlis Mage suivi de Mes Mmoires par Georges
Mlis, Paris, Prisma, 1945, car celle de Sadoul est postrieure.
224
Les nickelodeons furent les premires salles de projection de films vers 1906 aux Etats-Unis.
Le Panopticon (outre le dispositif carcral prconis par Bentham) est un muse de cire cre
Hambourg en 1879 par Friedrich Hermann Ferber (1849-1908), Panoptikum, et le nom se retrouve
dans diverses baraques foraines prsentant des curiosits dont le Grand Panopticum de lUnivers
avec des cires anatomiques. A ne pas confondre avec le Pantoptikon, appareil de projection de la famille Latham (rival dEdison), avant lEidoloscope (1895) (Voir T. Ramsaye, A Million and One
Night. A History of the Motion Picture, New York, Simon & Schuster, 1926, pp. 167, 176-191 et
Georges Sadoul, Histoire gnrale du cinma, Tome 1, lInvention du Cinma, Paris, Denol, 1946,
1re dition, pp. 165-171). La ventriloquie, attraction foraine non appareille.
225
On appelait en Russie canonniers ou artilleurs les photographes de rues qui disposaient
des fonds et des dcors laissant passer la tte des personnes qui se faisaient photographier.
226
Les noms aligns ici, lexception de Deburau, ne sont pas srs. Il sagit manifestement de
baliser un certain nombre de cas de spectacles populaires par opposition la culture lgitime des
thtres officiels. Ainsi les farces obscnes des petits thtres napolitains.
227
Boulevard du Crime est le nom donn au XIXe sicle au Boulevard du Temple Paris, en
raison des crimes qui taient reprsents chaque soir dans les diffrentes thtres tels le ThtreLyrique, le Thtre de lAmbigu, le Cirque-Olympique, les Folies-Dramatiques, la Gat, les
Funambules, les Dlassements-Comiques, le Thtre des Pygmes, le Petit-Lazari, ainsi que dans
maints cabarets et cafs concerts. (Cf. les Enfants du paradis de Carn et Prvert).
228
Village de Haute-Bavire au bord de la rivire Ammer et au pied de la montagne Kofel,
clbre pour ses faades peintes de motifs religieux et son Jeu la Passion donne tous les dix ans
depuis 1633 pour dtourner le mal de la cit, auquel participent environ 2000 personnes.
229
Dioscore, satrape perse pre de Sainte Barbe (ayant vcu au IIIe sicle Hliopolis), ntant
pas parvenu prserver sa fille du christianisme fut charg par le gouverneur romain de la dcapiter
aprs quelle eut t torture. Il fut aussitt frapp par la foudre.
230
Urodle originaire du Mexique pourvu la fois de branchies externes et de poumons lui
permettant de quitter le milieu aquatique de sa naissance et dont le nom signifie eau et chien
en nahuatl, mais se rfre aussi au dieu de la tombe du jour aztque, Xolotl, frre jumeau de
Quetzalcoatl (serpent plumes) qui prit la forme de cet amphibien pour chapper lexil.
231
Lentilles simples et lentilles composes : on parle plutt de microscopes simple (une seule lentille) et compos (deux et plus).
232
Cette chronologie diffre de celle du Dr L. Mandl dans son trait sur le Microscope et son
emploi dans ltude des corps organiss (Paris, J-B. Baillire, 1839, 1re section) qui relve quau XIIIe
sicle ni Alhazen, ni son commentateur Vitellio, ni Roger Bacon ne pensrent loigner lobjet des
segments du globe de verre (les lentilles) quils posaient alors sur les lettres ou les objets et qui
permit linvention des lunettes au XVIIe sicle (Voir Arnaud Maillet, Prothses lunatiques (les lunettes
de la science aux fantasmes), Paris, Kargo, 2008).
233
Pi-Cheng ou Bi-Cheng (ca 990-1051), inventeur dun caractre mobile en argile (1041) auquel succda le caractre mobile mtallique durant les sicles suivants, en Core (1234) et en Chine.
234
Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845), peintre et graveur franais dopinion bonapartiste, auteur dune lithographie qui le rendra clbre, La Garde meurt mais ne se rend pas et de nombre de
scnes militaires (plus dun milliers de lithographies) et dillustrations populaires qui en font lun des
fondateurs de la lgende napolonienne.
235
Auguste Raffet (1804-1860), peintre et graveur franais, lve de Charlet et, comme lui, lun
des pourvoyeur de liconographie napolonienne, crateur du personnage du grognard et illustrateur de la retraite de Russie, la conqute de lAlgrie, des uvres de Thiers.
236
Reportages pour le Morning Chronicle raliss en 1840 par le journaliste Henry Mayhew sur
la vie des populations pauvres de Londres lpoque victorienne, parus ensuite en plusieurs volumes
illustrs (London Griffin, Bohn and Company, Stationers Hall Court, 1861).
237
William Blanchard Jerrold (1826-1884) London: A Pilgrimage (1872), illustrations de Gustave
Dor (18321883). Dans ses gravures lartiste dit avoir dpeint les vieillards les orphelins, les
boiteux et les aveugles .
238
Les cabinets ou muses de cire remontent 1779 avec lAllemand Curtz (Curtius) qui en
137
138
MOMIFICATION DYNAMIQUE
installa deux Paris comme forme de spectacle. Lorigine des figures de cire remonte cependant
lAntiquit, lembaumement des cadavres dans la cire puis aux portraits et bustes de cire, avant dtre
utilises pour confectionner des modles anatomiques (XVe-XVIe sicles). (Voir Paul Gilson,
Merveilleux. Paris, Calmann-Lvy, 1945).
239
Voir Julius von Schlosser, Histoire du portrait en cire, Paris, Macula, 1997 [1911].
240
La nice de Curtius, Marie Grosholtz, venue en France donner des leons de modelage Elisabeth de France, sur de Louis XVI, eut, aprs la Rvolution, prendre des empreintes des personnalits guillotines pour les placer dans un muse. Aprs avoir t suspecte et emprisonne, elle pousa
M. Tussaud et partit pour Londres avec ses moules, ses personnages et y cra le premier cabinet de cire.
241
Cr par Alfred Grvin, dessinateur du Journal amusant, en 1882 comme une sorte de journal plastique. Par la suite le muse se tourna vers la reconstitution historique avec, dans la mesure
du possible, les objets authentiques ayant appartenus aux figures de cire (ainsi la baignoire de Marat)
et des costumes dpoque.
242
Le Panoptikum das wachsfigurenkabinett Hambourg est le plus ancien et le plus grand muse
de cire dAllemagne, cr en 1879 par un sculpteur sur bois Friedrich Hermann.
243
Pavel Timofeevich Gorgoulov (1895-1932) migr russe blanc, pote nationaliste, qui assassina le prsident de la Rpublique franaise, Paul Doumer, en 1932 et fut guillotin.
244
Guy Fawkes (1570-1606), un des conspirateurs catholiques anglais ayant ourdi un attentat
contre le roi Jacques 1er laide de poudre canon ( conspiration des poudres ). Dcouvert,
tortur il chappa lexcution par pendaison en sautant de lchafaud et se cassant le cou.
245
Cf. The Execution of Mary Stuart (Edison, 1895).
246
Malmaison : palais 20 km de Paris qui servit, de 1799 1802, de rsidence officielle Napolon et Josphine Bonaparte. En 1906 il fut transform en muse consacr lpoque napolonienne,
avec nombre de portraits de lEmpereur, son masque mortuaire et divers objets dont le lit de camp o
il trouva la mort. On a reconstitu dans les muses de cire certaines scnes situes dans la Malmaison.
247
Film de Le Bargy et Lavedan de 1908, lun des plus fameux de la srie des Film dArt (voir
Alain Carou, Batrice de Pastre, dir., Le Film dArt et les films dart en Europe, 1908-1911 , 1895
Revue dhistoire du cinma, n56, dcembre 2008).
248
Eisenstein avait t trs intress, lors de son sjour en France et ses innombrables tournes
par toutes les cathdrales connues de France , par limagerie religieuse des magasins dditions
catholiques (amulettes, ex votos, cartes postales, petits tableaux) o il voyait des manifestations
dgrades de lextase , problme partiel du pathos (Mmoires 1, p. 339). En ce qui concerne
Sainte Thrse de Lisieux, il crit : nous sommes alls tout rcemment Lisieux voir ce
temple de mauvais got de la petite sainte canonise il y a peu (Ibid.).
249
Les deux plus fameux des quatre gigantesques panoramas peints de lartiste et pote Jan Styka
(1858-1925) : Golgotha , galement appel La Crucifixion (1894), et Le martyr des Chrtiens
dans le cirque de Nron (1897). Le Sige de Sbastopol (1905), panorama de muse de Franz
Roubaud (1856-1928) qui dpeint la bataille de Malakoff, une des principales batailles de la guerre de
Crime de 1853-1856, cr pour commmorer le 50e anniversaire de la dfense de Sbastopol.
250
Allusions aux spectacles de masse tels ceux que mit en scne en 1920 Nikola Evrenov sous
le titre la Prise du Palais dHiver, pour le troisime anniversaire de la Rvolution dOctobre le 7 novembre 1920, devant un millier de spectateurs. Eisenstein sest rfr ces spectacles dont certains
avaient t films pour le tournage dOctobre en 1927-1928. Il en reparle dans Eloge de la cinchronique . Sur Evrenov, voir supra note 218.
251
Upton Sinclair, Upton Sinclair Presents William Fox, Los Angeles, Published by the Author,
1933. James A. Garfield (1831-1881) fut assassin le 2 juillet 1881 aprs quatre mois dexercice
comme prsident des Etats-Unis, par un illumin.
252
Muse connu sous le nom de Salon de cire . Sur Curtius et Mme Tussaud voir supra notes
238, 240.
253
Charles-Henri Sanson participa lexcution de Louis XVI. En 1793, Henri, son fils lui
succde et excute Marie-Antoinette.
254
Guiseppe Marco Fieschi, chef de la conspiration visant assassiner Louis-Philippe en juillet
1835. Il mit au point une machine infernale qui explosa Boulevard du Temple sur le passage du Roi
qui en rchappa. Fieschi fut guillotin lanne suivante.
255
Premier muse de Russie fond en 1719 par Pierre le Grand ( Saint-Ptersbourg) pour y
dposer les rarets quil acqurait en Europe, devenu au XXe sicle muse dethnologie et danthropologie de lAcadmie des Sciences.
256
Discours, en russe skaz, forme orale de la narration o laccent est mis sur le dialogue et surtout o llment narratif est remplac par llment reprsentatif : laction nest pas raconte au
lecteur (ce qui est le cas dans lpope), elle saccomplit devant ses yeux, comme sur une scne (Boris
Eikhenbaum, Leskov et la prose contemporaine [1927]). Cest ce retour la langue parle
vivante chez Leskov qui inspira Walter Benjamin son texte sur le narrateur . Eidtique, comme
on la dj vu supra (chap. I, note 25) dsigne un tat quasi naturaliste , pr-symbolique o la
reprsentation concide avec le rfrent sur le mode du moulage, de la vie limproviste , etc.
257
Vogouls, appels aujourdhui Mansi, peuple indigne de Khanty-Mansia, territoire autonome
de la rgion de Tioumen en Russie.
258
Dans la littrature russe voyage est un terme utilis pour dcrire les travelogues, rcits, confrences relatant un voyage, plus tard film de voyage : le plus fameux est celui du marchand Afanasii
Nikitin en India (A Journey Beyond the Three Seas or Khozhdenie za tri moria, 1468-1474).
259
Daniel de Kiev (le Plerin) (Daniil Palomnik) hegumen orthodoxe, le premier plerin russe
visiter Holy Land (en 1104-1106) et laisser la description de ses voyages. Cf. G. Le Cointe de
Laveau (dir.), Bulletin du Nord, Journal scientifique et littraire, Moscou, August Semen, 1828, p. 79
(on mentionne les prgrinations de Daniel Mnikh parmi les ouvrages conservs dans la
bibliothque de la Socit des historiens et archologues).
260
Nikola Karamzine (1766-1826) voque ses dix-huit mois de sjours en Europe et la France
de la Rvolution de 1789-1790 dans une srie de lettres adresses ses amis rests en Russie (Lettres
dun voyageur russe en France, en Allemagne et en Suisse 1789-1790, Paris, Mellier, 1867). La prcision des descriptions, les rencontres avec le monde intellectuel (Kant, Lavater), la recherche deffets dauthenticit firent limmense succs de ce premier rcit de voyage intellectuel russe et marqua
la littrature du pays en introduisant le sentimentalisme .
261
Alexandre Pouchkine Voyage Arzrum au cours de la campagne de 1829 , notes de son
voyage illgal en Turquie pour rejoindre larme russe qui prit Arzroum [Erzurum] dans la guerre
russo-turque en Transcaucase o plusieurs de ses amis ayant particip la rvolte de dcembre 1825
avaient t exils. (Voyage Arzrum, Toulouse, Ombres, 2009). Il est fait galement rfrence ce
texte dans Mmoires 2, p.112.
262
Dans Eugne Onguine dAlexandre Pouchkine le personnage principal est hant par le dsir
de changer de place ( okhota k peremene mest ) quivalent russe du Wanderlust allemand,
hros romantique typique.
263
En 1858 la maison parisienne du Prince Napolon (Napolon Joseph Charles Paul Bonaparte,
18221891), fils de Jrme Bonaparte, tait dcore comme une villa pompienne, crant lillusion
dun voyage dans lancienne Rome.
264
Rfrence possible une dcoration picturale romantique de lun des htels Kempinsky.
265
En 1841, P.T. Barnum acheta le Scudders American Museum (appel plus tard Barnums
American Museum) et plaa ensemble figures de cire et nains, gants et monstres vivants ( sirnes ,
centaures et autres), ainsi que des artistes de cirque. Il invita aussi le fameux chanteur sudois
Jenny Lind (1820-1887) pour 150 concerts au prix de 1 000 $ par reprsentation.
266
Lune des reconstitutions classiques des expositions universelles lie limage de lalpage suisse.
267
Hill : voir supra notes 36, 102.
139
140
MOMIFICATION DYNAMIQUE
268
Etienne Carjat, photographe franais, portraitiste de nombreux peintres, crivains et musiciens
(Rimbaud, Baudelaire, Courbet, Corot, Rossini, etc.).
269
Julia Margaret Cameron (1815-1879), photographe britannique qui sinspira de la peinture
pour ses portraits (clair obscur, flou artistique, cadrage) et de la peinture prraphalite anglaise pour
ses illustrations duvres littraires dans la perspective d ennoblir la photographie.
270
Voir supra note 173.
271
H. Th. Bossert, H. Guttmann, Aus der Frhzeit der Photographie 1840-70. Ein Bildbuch nach
200 Originalen, Francfort sur le Main, Societts, 1930. Cest le mme ouvrage auquel se rfre de
nombreuses reprises Walter Benjamin dans sa Petite histoire de la photographie (1931).
272
Ernest Meissonnier tait apprci pour la nettet et la prcision de sa peinture.
273
En russe : fotorakours, littralement raccourcis photographiques.
274
En russe : rakours.
275
Bespredmietnost, sans objet, notion centrale de la thorie suprmatiste de lart de Malvitch.
Ici aborde comme fuite de la ralit. Malvitch avait, de son ct, trait Eisenstein d Ambulants
(peintres naturalistes du XIXe sicle en Russie) dans ses articles sur le cinma et exalt, linverse, le
cinma de Vertov pour sa mise en uvre dune dynamique sans-objet (voir Les lois picturales
dans les problmes du cinma , Kino i Kultura, n7/8, 1929 [en franais dans Cinmathque, n 8,
1995, pp. 71-77]).
276
Voir supra note 232.
277
En russe : obraz.
278
Idem.
279
Eisenstein critique ici le mouvement factographique auquel participaient Alexandre Gan
et plusieurs membres du LEF (Levyi front isskoustva [Front gauche de lArt]) comme Sergue
Trtiakov avec qui il avait travaill au thtre, Chklovski, Brik. Cette tendance laquelle se rattache
galement Vertov (qui parle de cin-fait ), refusait la falsification du matriau lobjet film par
la mise en scne, le jeu, la fable et rclamait une littralit documentaire, la vie telle quelle est
[jijn kak ona est], rservant cependant au montage le soin dorganiser le matriau selon la construction du sujet. Voir le dbat publi dans le Novy Lef n 11-12, 1927 (dans la Revue Documentaire
n22-23, 1er trimestre 2010). Boris Arvatov considrait galement comme sectaire de considrer le
seul vritable cinma de gauche comme celui o lobjet est pris la main dans le sac (Novy Lef
n3, 1928 [dans Ibid]).
280
Littrature de reportage (voir S. Trtiakov, Dans le front gauche de lart, Paris, Maspro, 1977,
pp.119-142).
281
Vechtchisme (chosisme), prvalence accorde aux objets aux dpens du rcit. Chklovski accusa
Octobre de chosisme ( Des lois de construction des films dEisenstein , Sovietski kran n6,
1929, repris dans V. Chklovski, Textes sur le cinma, Lausanne, LAge dHomme, 2011, p. 185) et
prconisait quon ne filme pas tant les objets que le rapport ceux-ci, ce que la Ligne gnrale lui
paraissait annoncer ( La ligne frontire , Kino, n22, 22 mars 1927, repris dans Ibid., pp. 180-1).
282
LAmour de lart, revue mensuelle (fonde par Lon Rosenthal) dont le n7 (juillet 1931) tait
consacr Degas avec des tude de Ren Huygue ( Degas ou la fiction raliste ), Germain Bazin
( Degas sculpteur ), Marcel Gurin, etc. Le numro de dcembre publie un entretien de lartiste
avec E. Moreau-Nlaton ( Deux heures avec Degas ).
283
Les indications xx , xxx signifient important , trs important .
284
Madame Jeantaud au miroir (1875).
285
Georges Rivire, Mr Degas (Bourgeois de Paris), Paris, Floury, 1935.
286
Chodowiecki : voir supra note 196 ; Callot voir chap. I, note 30.
287
Extrait du pome de Ptrarque I trionfi [ Triomphes (1339), partie 1, Le triomphe de
lamour , III]. Eisenstein donne la traduction anglaise dans ses notes : My love of knowledge so
inflamed me/That my work was retarded by my very desire.
288
Eisenstein a plus dune fois voqu la contradiction entre sa pulsion rudite et sa cration que
la premire retarde ou bloque (voir ses Mmoires et Les Bolchviks rient [1937] dans Rflexions).
289
Claude Mellan (1598-1688), peintre, dessinateur et graveur franais. Parmi ses uvres religieuses son chef duvre est une Sainte Face du Christ sur le voile de Vronique ralise par une
taille unique en une spirale qui, par ses paississements, cre limage.
290
Jeu de mot sur le titre de luvre de Darwin. En loccurrence, le projet dEisenstein tait de
reconstruire la gense et lvolution du cinma sovitique partir de la cin-chronique.
291
Konstantin Stanislavski.
292
Pice de thtre de Sergue Trtiakov, la dernire mise en scne dEisenstein avant de passer
au cinma.
293
Source : RGALI 1923-2-1039, pp. 1-5.
294
A de Chambure, A Travers la presse, Paris, Th. Fert, Abouy, 1914.
295
Hill : voir supra notes 36, 102, 267.
296
Naplyvy, fondus (enchans) , dissolving views en anglais, employs propos des enchanements de plaques de lanternes magiques pour suggrer le mouvement, le changement dtat, et qui
sera repris dans le lexique du cinma.
297
Lnumration qui suit reprend un programme de spectacle en franais. Sur les cabarets Le
Ciel , LEnfer et Le Nant voir supra note 208.
298
Source : RGALI 1923-2-1021, pp. 62-64.
299
Lexpression usite alors tait actualits reconstitues . Linsistance sur la dimension constructive (reprises plus bas propos du Potemkine) est relever.
300
Georges Sadoul, Histoire gnrale du cinma II, les Pionniers du cinma 1897-1909,Paris,
Denol, 1947, pp. 330-3. Cette actualit ralise par Lucien Nonguet pour Path en juillet 1905
portait le titre : Les vnements en Russie. Les vnements dOdessa. La mention dun ouvrage intitul
Mlis qui parlerait galement de ce film renvoie Maurice Bessy, Lo Duca, Georges Mlis Mage et
Mes Mmoires par Mlis, Paris, Prisma, 1945 (voqu nouveau deux lignes plus bas avec une
rfrence de page) mais elle est, en loccurrence, errone. Sadoul en revanche fait un rapprochement
entre le personnage du vilain du film et Mlis : un officier barbu et gesticulant quon dirait
vad dun film de Mlis (op. cit., p. 332). Il existait en outre une tude consacre Mlis quavait
pu consulter Eisenstein : Iris Barry, Georges Mlis, Magician and Film Pioneer : 1891-1938 (Art
in Our Time, New York, Museum of Modern Art, 1939, pp. 361-366). Ainsi que des articles de
Sadoul ( Le fantme du Passage de lOpra , lEcran franais, 25 dcembre 1945 ; Les apprentis
sorciers : dEdison Mlis , Revue du cinma, n1, 1er octobre 1946 ; Georges Mlis et la premire
laboration du langage cinmatographique (Revue internationale de filmologie, n1, juillet-aot 1947).
301
M. Bessy, L. Duca, op. cit., pp. 13 et 199-200.
302
Source : RGALI 1923-2-1021, pp. 63-64.
303
Moralit, mot franais ici crit en cyrillique, est comprendre au sens du genre thtral
mdival mettant en scne vices et vertus.
304
Romance mexicaine, ballade. Les paroles concernent souvent loppression, lhistoire, la vie
quotidienne des paysans et dautres donnes sociales ; ces ballades taient particulirement populaires
lpoque de la rvolution.
305
Abram Markovich Efros (1888-1954), pote, traducteur, critique dart et de thtre russe et
sovitique. Dans la seconde moiti des annes 1940 il travailla lInstitut dHistoire des Arts et
enseigna lhistoire du thtre lInstitut dEtat du thtre et dans les ateliers du MKhAT.
306
Source : RGALI 1923-2-1039, pp. 6-16.
307
Allusion la thorie dductive de Georges Cuvier (1769-1832), fonde sur lanatomie
compare et la corrlation des organes. A partir dune dent et de sa forme on peut dduire la forme
des pieds, des mchoires, des intestins. Aprs Goethe, Sherlock Holmes, le hros de Conan Doyle,
se rclamait de cette thorie pour ses enqutes policires.
141
142
MOMIFICATION DYNAMIQUE
308
Eisenstein cite ici la Cne de Lonard de Vinci comme un exemple marquant de runion de
diffrentes perspectives dans un mme espace, supposes correspondre aux diffrents points de vue
dune scne de masse (voir plus haut o la fresque est dj cite dans le mme cadre).
309
Tableau de Jan Van Eyck dit des Epoux Arnolfini. Voir supra o il a dj t question
plusieurs reprises de ce tableau.
310
Voir supra note 44.
311
Rd. A. F. Korostine, Lithographies russes du XIXme sicle, Moscou, 1953, ill. en noir et blanc.
312
Clbre quatrain du pome A la mmoire du peintre Orlovski , crit en 1832 ou 1833 par
le Comte Piotr Wiazemski ddi Aleksandr Osipovich Orlovski (1777-1832), Peintre, dessinateur
et graveur romantique.
313
Voir ce sujet Lcrmeuse et le Graal dans Pathos (NIN 1, pp. 129-131). Voir aussi le
grossissement du mot Soudain au dbut de la squence des escaliers dOdessa dans le Potemkine
relev dans Mmoires 1, p. 284.
314
Toutes les copies ne comportent pas la disposition graphique originelle, ainsi la progression
dans la taille du mot Frres dans la copie utilise ici o il napparat quune fois.
315
Eisenstein cite ldition franaise du livre de John K. Winkler, William Randolph Hearst (Paris,
Gallimard, 1931) dabord publi en anglais (William Randolph Hearst, an American phenomenon,
New-York, Simon and Schuster, 1928).
316
Le problme du temps dans la peinture et Le problme de lespace devait constituer deux
parties importantes de lintroduction au projet dHistoire gnrale du cinma. Il ne reste cependant
dans le manuscrit que les deux ttes de chapitres suivies despaces blancs quEisenstein na jamais
remplis.
317
Paul Gavarni (Sulpice Guillaume Chevalier, 1804-1866), dessinateur et caricaturiste franais
fameux pour ses sries de dessins lgants et ironiques sur la vie parisienne, souvent accompagns de
lgendes.
318
Pavel Fedotov (1815-1852), un des peintres russes favoris dEisenstein qui inventa des titres
distancis pour ses peintures satiriques.
319
Eisenstein utilise lacronyme russe SASH pour Etats-Unis dAmrique du Nord, employ
depuis la guerre civile.
320
Ballyhoo [battage], magazine humoristique cr par George T. Delacorte et dit par Norman
Anthony entre 1931-1939. Anthony avait auparavant dit Life et Judge.
321
Source : RGALI, 1923 2 1021, pp. 70-80.
322
Ces deux tableaux sont analyss dans El Greco y el cine (Cinmatisme, pp. 82-83). La prire
Gethsmani se situe dans cette circonstance o les disciples se sont endormis laissant le Christ seul
(Marc 14, 32-42, Matthieu 26, 39-42, Luc 22, 44).
323
Rfrence la ballade : The Norfolke Gentleman his last Will and Testament : And how he
committed the keeping of his Children to his owne brother, who dealt most wickedly with them : and how
God plagued him for it. To the tune of Rogero (1635).
324
C. H. Firth, Ballads and Broadsides dans Shakespeares England (Oxford, 1910), vol. II,
pp. 510-538.
325
John Phnix (George Horatio Derby) (1823-1861), humoriste amricain qui ditait San
Diego un journal illustr, le Phnixs Pictorial (1853) o il utilisait des faits divers sensation, des
prsentations de personnalits, des anecdotes diverses jouant sur une imagerie prexistante dtourne. En loccurrence une catastrophe ferroviaire compose de vignettes typographiques juxtaposes
utilisant le montage cinmatographique avant la lettre. Voir aussi son Phoenixiana, or sketches and
burlesques (1859). Le texte auquel Eisenstein fait allusion figure brivement dans Montage 1937
(p. 107) puis de manire dveloppe dans Dikkens, Griffit i my (dans Amerikanskaa kinematografia: D. U. Griffit, Moscou, 1944, traduit sous le titre Dickens, Griffith, and the Film Today
par Jay Leyda dans Film Form, pp. 195-255 ; [ Dickens, Griffith et nous , le Film : sa forme/son
sens, pp. 388-390] ; Cahiers du cinma n233, novembre 1971), inclus dans les Iz Pro tome 5,
pp. 159 161 et aujourdhui dit dans une version augmente sous le titre Istoriia krupnogo
plana [Histoire du gros plan] (Metod 2, pp. 47 49 [en franais Dickens & Griffith).
326
Le terme de contre-relief (1914) est d Vladimir Tatline qui inaugurait par l une peinture cubiste spatiale poursuivant la dmarche de Picasso (collage) en sortant du tableau dans
lespace rel. Eisenstein voque cette dmarche dans Rodin et Rilke (Cinmatisme, pp. 232-235).
327
Voir la page manuscrite publie en tte du texte o les filiations du toucher la perception
et la pense sont voques.
328
Le comte Fdor Tolsto a illustr le pome Douchenka dIppolit Bogdanovitch (17431803).
329
Serge Lifar (1905-1986), chorgraphe et danseur, auteur de Serge Diaghilev. His Life, His Work,
His Legende : An Intimate Biography, New York, 1940 (publi en Russie en 1939), un des derniers
livres quait lus Eisenstein avant sa mort. La description de la chorgraphie et de la danse de Nijinski
dans lAprs-midi dun faune inspira Eisenstein dans sa srie de dessins Daprs son livre (voir
S. M. Eisenstein, Esquisses et Dessins, Paris, Editions de lEtoile, 1978, p. 95).
330
Rfrence possible au tour de manguier (mango tree trick), qui serait dorigine indienne. Le
magicien prsente une graine et la pose dans un pot. Il recouvre le pot dune cape ou dun panier
dosier pour couper la vision, aprs une passe magique on retire la cape et la graine a germ. Lopration est reproduite plusieurs fois. A certains moments un spectateur est invit regarder sous la
cape, en se baissant au niveau du sol et voir larbre grandir dans le pot. A chaque fois que le magicien retire la cape lensemble des spectateurs peut constater que larbre est plus grand, et semble
avoir pouss. On a donc limpression de voir germer la graine et larbre pousser partir de phases
successives. Houdini aurait prsent ce tour au dbut de sa carrire dans un spectacle o il incarnait
un magicien indien (Remerciements Frdric Tabet).
331
Harry Houdini, The Unmasking of Robert-Houdin, New York, The Publishers Printing Co.,
1908. Cet ouvrage de Houdini est trs critiqu car les tudes historiques quil prsente sont parfois
de mauvaise foi et volontairement fausses pour dmasquer limposteur quaurait t RobertHoudin. En 1931, John Clucas Cannell rdige The secrets of Houdini (Londres, Hutchinson & Co
[rd. New York, Dover, 1973]) o le truc du manguier est dcrit. (Remerciements F. Tabet).
332
Voir supra note 44.
333
LAmour ou Heilong Jiang est le plus long fleuve du monde formant la frontire entre la
Russie et la Chine. Eisenstein ici pense la rgion russe de lAmour.
334
F. Adama van Scheltema, Die altnordische Kunst: Grundprobleme vorhistorischer Kunstentwicklung, Mauritius Verlag, 1924.
335
Phyllis Ackerman, Ritual Bronzes of Ancient China, The Dryden Press, 1945. Sur lauteure
voire chap. III, note 5.
336
Tout ce passage fait cho aux textes publis dans Cinmatisme, Ermolova et Rodin et
Rilke o il est galement question des tests de Rorschach et des relations entre Rodin et Rilke. La
lettre de Rilke signale ici fait tat de la capacit du pote voque[r] surtout des femmes en
faisant soigneusement toutes les choses autour delles, laissant un blanc qui ne serait quun vide,
mais qui, contourn avec tendresse et amplement devient vibrant et lumineux, presque comme un
de vos marbres. (R.M. Rilke, Lettres Rodin, Paris, Emile-Paul Frre, 1931, pp. 127-8).
143
145
Chapitre 3
Notes et dessins sur la musique proches du texte suivant, tir des carnets dEisenstein.
144
146
[Les deux vases profonds, trouvs dans la grotte de Sha Kuo Tun, dune
taille peu prs quivalente aux bronzes rituels de lpoque Shang, taient vraisemblablement utiliss lors de rites anthropophagiques...
Ces vessels vases imitent des tambours. La bordure cannele reprsente le
dessus du tambour, les fils entrecroiss maintenaient la peau tendue. Sur lautre modle, la peau tait fixe sur le bord par une lanire ou une corde, et sur
les bords taient accrochs six crotales pour enrichir lensemble percussif.
On trouve le mme type de crotales sphriques en terre cuite dans lIndus,
et ces tambours expliquent les objets jusque-l mystrieux figurant sur les
sceaux hindous devant le taureau sacr : il sagit de tambours qui portaient parfois des crotales accrochs de la mme faon.
Dautres crotales ont t trouvs sur des poteries peintes du Kansu et prenaient la forme dune tortue et dun oiseau, parfois dun faisan, qui taient
tous des symboles de la Terre au dbut de la priode dynastique.
Le tout premier rituel dcrit par la lgende prhistorique chinoise exigeait
un tambour et un autre texte parle de deux tambours, dun sifflet en terre et
dinstruments pour marquer le dbut et la fin.
Des sifflets en terre cuite ont t trouvs sur les sites nolithiques chinois.
Au dbut de la priode dynastique, l[instrument de] dpart est une cloche
en bronze sans battant (devant tre frappe avec une baguette) et munie dune
poigne (potsong) ; plusieurs dentre elles, en argile rouge, ont t dcouvertes et
dataient peu prs de la mme poque que les vestiges de Sha Kuo Tun.
Les frappements sur un tambour reproduisent le tonnerre.
Dans la mythologie ultrieure, Lei Kung [Lei Gong], le dieu du Tonnerre,
tient un ensemble de tambours tandis quun autre esprit du tonnerre est debout
sur cinq tambours.
Dans le culte de Dionysos, pour produire ce son, on utilise un mugissement de taureau ou Knos, un objet ovode fait de bois ou dos, qui tournoyait au bout dune longue corde et qui avait t invent par les anctres dix
mille ans auparavant, dans le culte de Cyble, o les tambours jouaient un rle
important.
Les tigres ou autres grands fauves constituaient un attribut animal parce que
leur rugissement reprsentait lquivalent du tonnerre, et il en allait de mme
pour les ours et leur grondement, et les lphants (une figure courante sur les
sceaux de la valle de lIndus) et leur barrissement. Sur une amulette de la
valle de lIndus figure un homme jouant du tambour devant un tigre comme
pour expliciter la signification de lanimal. Le tonnerre exprime le Yin, lnergie-terre, et le crotale doit apparemment transmettre le son dun autre lment
Yin, le vent, comme un sifflet...]5
147
Ainsi :
The very first ritual [Le tout premier rituel] fait appel deux lments
sonores mett[ant] en sons llment des coups de tonnerre (drums [tambours]) et celui du sifflement du vent (whistle [sifflet]).
Ils sont exprims par le tambour et le sifflet (ainsi que le rattle [crcelle]).
Ce sont l les prmices des groupes dinstruments qui se sont ensuite toujours conservs : les percussions et les instruments vent, du point de vue de
lorchestration.
Mais il sagit aussi de la division, qui a elle aussi t toujours conserve par
la suite, entre accompagnement (les percussions par excellence*) et mlodie (les
instruments vent par excellence*), du point de vue de la structure musicaleI.
A noter* que les deux, et la structure de lorchestre, et celle de musique ellemme, dcoulent du mme principe visant reflter la ralit dans ses manifestations les plus impressionnantes du point de vue sonore, les phnomnes
naturels.
Effectivement, les sons les plus directement intelligibles dans la nature sont
les sifflements et les mugissements du vent, ainsi que les coups de tonnerre.
Le murmure dun ruisseau , le froissement des feuilles etc. sont moins
fondamentaux du point de vue de limitation quils suscitentII.
Mais ne pas oublier que le murmure dun ruisseau est la musique prfre... de lOuzbekIII 6.
Et prfre en tant questhtisation de la force pour lui vitale de leau, permettant la croissance. Ainsi, lagrment esthtique du murmure de laryk7
est un rflexe conditionn ce qui permet la vie de celui qui le possde.
Le got des Ouzbeks pour lindispensable murmure les contraint fabriquer obligatoirement des chutes deau miniatures. Afin dentendre en permanence que leau coule , en particulier quand ils se rveillent la nuit.
(Cest by itself [en soi] un exemple charmant de la faon dont les objets
148
Au piano, la cl de basse en bas de la porte, et la ligne mlodique, celle du violon, en haut. (note
de SME)
II
[Sur un feuillet spar, Eisenstein a inscrit une note pouvant se rapporter ce passage] La
Symphonie des sirnes (colonne dair remplace par colonne de vapeur) dArseni Avraamov (as
remarquable regressive reproduction [comme reproduction rgressive remarquable]), Moscou 1923.
Avec ma participation morale ! Sa rgression du piano au stade du retour ... la harpe aux cordes
verticales fonctionnant non pas avec des marteaux, mais la main. Les fontaines chantantes , des
instruments de Hron, me semble-t-il, dans lAntiquit, et aux XVIe et XVIIIe sicles (voir chez
Boehme Der Tanz , dans la partie sur les fontaines). (note de SME)
III
A propos du chant ouzbek. Mentionner que jai tudi cela en relation avec le canal de
Fergana, langoisse concernant leau et la lutte pour en obtenir. (note de SME)
149
150
teau de pierre tranchant des deux cts la lame mtallique, aiguise dun seul
ct (forge ou fondue).
Cest--dire une autre tape de pense.
De l viendrait le prototype du son des instruments cordes frottes, plutt que du cri de la victime transperce par un couteau (mouss) ?
Ou bien du bruit de la scie ? Deux lments nous orientent dans cette
direction : le bruit de la scie circulaire dans les datchas, pas trs loin de l o
je me trouve maintenant13, et... bien sr, un souvenir denfance, celui dune caricature que jai vue il y a trs longtemps dans une revue pour enfants SaintNicolas , que je recevais quand jtais petit.
A la place dun archet, on donnait un violoncelliste aveugle... une scie. Il
continuait son mouvement (de scie ?) et, tout en sciant le violoncelle, ne faisait pas la diffrence.
Est-ce que cela as so often [comme si souvent] - est drle non seulement
cause des associations entre lapparence de larchet sur les cordes et celle la scie
sur le bois, mais aurait... une origine gntique commune, lune engendrant
lautre ?
La scie est dailleurs un instrument trs ancien, dans un ouvrage allemand
sur la culture prhistorique, elle est date [14] et existe dabord comme un ensemble de petites pierres plates et tailles en pointe disposes et fixes dans une
sorte de mchoire de requin ou de brochet en bois, dans laquelle elles sont places comme... des dents (ne serait-ce pas l son prototype animal ?)
(Prciser les rfrences et les extraits).
Ltape de la scie est sans doute particulirement leve aprs la dcouverte de la possibilit du tranchant du couteau et son perfectionnement.
La scie est galement un moyen de production de la planche, etc.15
Jai vu un de ces instruments rudimentaires, du type cordes frottes , issu
des entrailles dHati.
151
Ou plutt : le stade dgalit primaire est prsent de fait, mais cest pour
cela quil ne peut tre pris en compte, car il nest pas soulign par lingalit.
L galit de tous les organes des sens est aussi polysensorielle au niveau
primaire. La lumire nest pas visible sans labsence de lumire-obscurit.
Et plus encore : la prsence du phnomne [est indispensable] aussi bien
sous forme synchrone quasynchrone.
Il est intressant que dans la pratique consciente du cinma lasynchronie du
son (la musique) et de limage ait t prsente avant la synchronie.
Banquet de la Motion Pictures Engineering Society, New York, oct. 1930.
Jentends (quelquun mais qui ?) raconter comment est apparu le premier rudiment de synchronicit cinmatographique de la musique et de limage :
sous la forme dun piano et dun film lpoque du cinma muet.
Il a donc fallu que se droule tout un pan de lhistoire du cinma avant que
quelquun se mette faire consciemment quelque chose dvident qui semblait
avoir toujours eu lieu : jouer du piano pendant le film !
Et cest pourtant vrai !
Avant, le piano jouait entre les tableaux et pendant quon les attendait.
NB. Je me souviens moi-mme des films sans musique et sans cartons, et de
louvreur qui se tenait ct de lcran et lanait les explications20 ; je me souviens encore de la phrase entendue lorsque je devais avoir environ 8 ans : Die
Damen werden aus dem Kaffee gehoben [On fait sortir les dames du caf]...
Il sagissait dune comdie o les dames se rvoltaient contre leurs maris.
Les suffragettes taient alors un thme la mode.
Les hommes taient transforms en hommes de mnage.
Ils faisaient la cuisine. Promenaient les enfants dans les landaus, etc.
Les dames fumaient au caf et dans des clubs. Elles faisaient de la politique, etc.
Les hommes fomentent une contre-rvolte.
Ils se prcipitent dans les cafs.
Et... Die Damen werden aus dem Kaffee gehoben .
Ce souvenir ma marqu sans doute parce qu ce moment-l, ma gouvernante a jug que le film ntait pas de mon ge , et que moi aussi, je devais
aus dem Kino gehoben , on ma fait sortir du cinma ( The Royal Bio ) et,
malgr mes hurlements de rage, on ma ramen la maison.
Et je me souviens du banquet des ingnieurs parce que cest l sous la prsidence de Bill Hays21 ! alors que jtais invit dhonneur, que [I] did break
the news [jai annonc] que je quittais la Paramount22.
Dune faon ou dune autre, il sest trouv [quelquun] pour dcider de mettre simultanment ce quil tait auparavant [convenu] de prsenter et de
percevoir successivement.
2
2. VII. 47
Le contrepoint audio-visuel
152
Le plus compliqu, car le plus fondamental pour les principes de lesthtique audiovisuelle au cinma tait (et, hlas, est toujours) la sparation de la
synchronie17 naturelle (telle quelle se produit dans lordre des choses ) et
linstauration dune synchronie propre lauteur et exprimant sa pense, entre
le monde des sons et celui des apparences.
De ce point de vue, le cinma parlant a d intgrer ce principe dans le montage ordinaire : o la volont de lauteur pour exprimer sa volont cratrice
spare le cours des phnomnes et le recre en fonction des lois quil lauteur a fixes.
Et, de ce point de vue, le cinma sonore a constitu un prambule la comprhension de la couleur. La couleur, qui, dans lesthtique cinmatographique,
ne devient comprhensible et assimilable qu partir du moment o lon comprend quil faut sparer les couleurs de lobjet de lobjet lui-mme et quil y a
une nouvelle union arbitraire, due lauteur, de la force des couleurs avec celle
des objets sous le signe de lexpression motionnelle et smantique quil
entretient avec eux et du traitement de la couleur qui en dcoule18.
On ne peut relire le principe de synchronie (mme au niveau le plus
trivial) quaprs avoir reconnu, vu, rencontr des cas dasynchronie.
(Engels considre que lide dgalit nest pas premire, mais [doit tre comprise] comme le rsultat de la perception de la prsence de lingalit19).
153
154
Il sest mis jouer du piano non pas entre les films mais... pendant le film.
Je crains de prciser quel moment a t introduit laccompagnement de
bruitage cest--dire, la diffrence dune synchronicit image (choix dune
musique adapte lhumeur et au sujet du film), donnant une synchronicit figurative (objectale), (bruit de train, bris de verre, fracas de vaisselle,
claquement de sabots, tirs, etc.)
Je pense que cela est probablement apparu avant le piano. On peut naturellement supposer que le bruit figuratif est plus vieux que le bruit imag.
Mais le plus vraisemblable est quen diffrents points du monde cinmatographique, les accompagnements musicaux et de bruitage soient apparus
diffrents moments et en se combinant de diffrentes faons.
(Le Colomb chinois a dcouvert lAmrique par lautre ct, du ct de
lAsie, pas en traversant lAtlantique, mais locan Pacifique ?!).
Il est mme probable que la musique ait englouti le figuratisme primitif au
nom de formes plus leves de lillustrativit motionnelle.
Quoi quil en soit, laccompagnement de bruitage disparat avant de renatre dans les principes de synchronisation mcanique rgnant, en particulier en
ce qui concerne les dialogues, dans le cinma parlant, hlas, pas seulement des
dbuts, mais dans le mauvais cinma parlant tout court ! (Le cinma sonore
sans contrepoint audiovisuel.)
En tout cas, il est intressant de noter quau stade de la pratique prconsciente, et mme prmusicale, la conception de lasynchronie et de la synchronie et des passages de lune lautre suit le tout premier prototype du tout
premier instrument de musique.
Linstrument dont il sagit est le tambour.
Et son prototype est le tonnerre.
Mais le tonnerre est li aux effets lumineux les plus puissants existant dans
la nature laveuglante foudre qui dchire le noir de la nuit ou de lorage !
Aujourdhui, chacun sait ds lenfance que le coup de tonnerre et la foudre
ne se produisent pas simultanment (de faon synchrone) en tant quincarnation sonore et visuelle du mme phnomne naturel ( les nuages se rencontrent comme on dit, sans entrer dans les dtails de la nature vritable de ce
phnomne).
Mais chacun sait galement quen ralit, le tonnerre et la foudre dans
notre perception ne concident pratiquement jamais.
Ou plutt, il concident une seule fois, au moment pour nous culminant de
lorage, suscitant en nous une terreur quaucun autre phnomne ne peut galer.
Avant et aprs ce coup de tonnerre synchrone, ont lieu des phases o
tonnerre et clairs sont asynchrones selon une ligne se rapprochant progressivement du point culminant puis sen loignant peu peu.
155
156
157
158
Citer le tambour et le sifflet comme les tout premiers moyens de reflter les
phnomnes sonores de la nature.
Comme origines du reflet des objets de la ralit, avant dapprendre reflter en objectivant le sifflement.
Objet de la ralit-ralit objectiveIV.
IV
A lhistoire du cinma se rattachera die ganze Lehre vom Ausdruck [toute la thorie de lexpressivit]. Le mot als Vorstufe Audio-Visual Contrapunto [comme anticipation du contrepoint audiovisuel]. (note de SME)
159
Notes du chapitre 3
1
160
Source : RGALI 1923-2-1017 pp. 9-32. Date : fin juin-dbut juillet 1947.
Les trois fragments de ce chapitre ont t publis une premire fois (en russe) sous ce titre en 1992
dans Kinovedcheskie Zapiski n15 (pp. 188-203). Eisenstein les a crits la suite de son travail sur
la Non-Indiffrente Nature. Il est possible quils aient t destins un projet de trait sur la
nouvelle phase du montage contrapunctique. Le titre d aux diteurs qui lont repris du texte
fait allusion Rvlation dans lorage et la tempte (1907) de Nikola Morozov.
2
Il est crit en russe oskolok , fragment, mais il est vraisemblable quil sagisse dune confusion de transcription avec le mot skolok , copie.
3
Cf. Les vases motifs sexuels du muse Larco de Lima, fond par larchologue pruvien Rafael Larco Hoyle. Ces vases, offrandes rituelles, sont de quatre thmes : reprsentation raliste de
scnes rotiques (fellation, cot, accouchement, masturbation), rotisme religieux (avec intervention
dune divinit), rotisme humoristique (reprsentations disproportionnes des organes gnitaux) et
rotisme moraliste (prsence dhommes morts, sous la forme de cadavres ou de squelettes).
4
Phalaris, tyran dAgrigente en Sicile, ayant demand Perillos dAthnes de concevoir un instrument de supplice, celui-ci construisit un taureau creux en airain dans lequel on enfermait les supplicis avant de le porter au rouge. Cf. Dante : Comme le taureau de Sicile qui mugit pour la
premire fois, et ce fut justice, les plaintes de celui dont la lime lavait fabriqu, et transformait la voix
du tourment en mugissements, de sorte que, quoique dairain, il semblait ressentir la douleur ;
(Chant XXVII de lEnfer (vers 5 12), premire partie de la Divine Comdie).
5
Phyllis Ackerman (1893-1977), auteure, ditrice, commissaire dexpositions, enseignante et
traductrice dans le domaine des tudes persanes (textiles), tapisseries europennes (dont elle tablit
lorigine orientale), bronzes chinois, iconographie et symbolisme. Assistante et collaboratrice
dArthur Upham Pope, diteur de Survey of Persian Art dont elle avait suivi les cours et quelle pousa
en 1920. Elle participa un congrs sur lart oriental Leningrad (1935) o elle fit la connaissance
dEisenstein. Dans ses recherches, elle mit en avant le symbolisme sexuel (iconographie phallique,
desse-mre). Pope (1891-1969), pionnier de ltude des arts du Moyen-Orient, spcialiste
darchologie persane, tait un compagnon de route du parti communiste amricain (il sattaqua
John Dewey et sa commission denqute sur les procs de Moscou de 1937).
6
Cf. Eisenstein, Commentaires au scnario du Grand Canal de Fergana , Voprosy Dramaturguii [Questions de dramaturgie], vol. 3, Moscou, Iskousstvo, 1959, pp. 291-353 et le scnario
dEisenstein et Piotr Pavlenko dans Studies in Russian and Soviet Cinema, vol. 5, n1, 2011, pp.123155. Sur ce film interrompu, voir NIN 1, pp.325-328.
7
Nom donn en Ouzbkistan aux petits canaux dirrigation qui traversent les localits et audessus desquels les habitants ont coutume de se tenir sur des plates-formes durant les grandes
chaleurs pour y boire du th et bavarder.
8
Solovei-Razboinik, monstre mi-homme mi-oiseau du folklore slave, vivant dans les bois et
dtroussant les voyageurs, qui possdait un sifflement mortel.
9
Batu Khan (ca 1205-1255), petit-fils de Gengis Khan fut le premier khan de la Horde bleue.
Il conduisit linvasion des provinces russes et de lEurope orientale parvenant non loin de Vienne. Il
fonde alors la Horde dOr ou khanat de Quiptchaq et reoit lhommage des princes russes dont les
territoires nont pas t annexs, notamment Alexandre Nevski, prince de Novgorod.
10
Karnay, corne de berger pouvant mesurer jusqu deux mtres, instrument vent traditionnel
ouzbek, devenu durant lpoque sovitique un instrument dorchestre de la famille des cuivres.
161
163
l son surnom : le Schlissebourgeois ). Cest l quil a crit Rvlation dans lorage et la tempte ,
o il expliquait les visions apocalyptiques de saint Jean lEvangliste de Patmos par des phnomnes
mtorologiques. Il travailla, aprs la Rvolution, lInstitut dhistoire naturelle jusqu sa mort.
Eisenstein utilise le titre de ce livre, littralement, par plaisanterie .
24
Dans le manuscrit du troisime fragment, le moins labor, vient ensuite le plan : You and
Heredity [Vous et lhrdit] 1. Limitation. 2. La virtuosit des dbuts et lhrdit des capacits
musicales .
25
Danse de claquettes.
26
Objectif 28 mm courte focale permettant de garder la nettet au premier plan et en profondeur et jouer de rapports plastiques contredisant la position dans lespace. Dans El Greco y el
cine , Eisenstein en explique lintrt : cest lobjectif extatique par excellence* (), il peut donner la forme la possibilit de sortir delle-mme, du rapport habituel de sa place dans lespace rel
et la vraie ralit ! . En outre il permet de restituer une dimension essentielle de notre exprience
psychologique dans le domaine optique pour lil. Cest la capacit de rendre simultanment
visible lextrmement lointain comme le trs proche. (Cinmatisme, pp. 105-106).
27
Dans une lettre son chef oprateur, Vladimir Nielsen, Eisenstein voque la question de la
perspective inverse [obratnaa perspektiva] au cinma, selon lexpression quon utilise pour qualifier le systme de reprsentation spatiale dans les icnes byzantines et russes (voir larticle de Pavel
Florenski sur le sujet, la Perspective inverse, Paris, Allia, 2013 [1919-1920]. Florenski enseignait la
perspective aux Vkhoutemas, il est donc probable quEisenstein ait eu connaissance de son travail).
Nielsen avait, au milieu des annes 1930, mis au point un systme de tournage par transparence
( rear projection ) quil exprimenta dans Vesselye rebiata (les Joyeux Garons dAlexandrov, 1934).
Eisenstein lincite dans cette lettre tourner des images composites dans le Pr de Bjine. Cest dans
Ivan le Terrible que la perspective inverse est implique dans son cinma sans recours, toutefois,
la prise de vue en transparence, grce aux fresques murales des palais et de la cathdrale.
28
Alekse (puis Alexandre) Granovski (1890-1937), metteur en scne de thtre russe, fondateur
du Thtre de chambre juif dEtat quil dirige jusquen 1928. Il ralise au cinma Evreiskoie schate
(le Bonheur juif, 1925). Il migre en France dans les annes 1930 o il tourne quelques films
russes (les Nuits moscovites, Tarass Boulba).
29
Nom du chien dEisenstein dans sa datcha de Kratovo.
30
La plonge intra-utrine rattach au Mutterleibversenkung ou MLB est un des thmes qui
traversent Mthode (Metod 2, pp. 296-349, 530-581 en particulier. Trad. fran. partielle dans MLB).
31
Le film de William Wyler Wuthering Heights (les Hauts de Hurlevent, 1939), daprs le roman
dEmily Bront, tait sorti dans la priode dcriture de ce texte.
Chapitre 4
loge de la cin-chronique1
7. XI. 47
Cest un travail sur la chronique en tant que forerunner [prcurseur] du film
artistique2.
En tant que domaine du cinma occupant la mme place que lornement
dans lhistoire des arts figuratifs.
Ici aura lieu une analyse dtaille des fondements psychologiques de lornement.
Du point de vue historique, cest ainsi que se forme le cinma.
Les dbuts : Potemkine .
Cette tendance ne va pas sarrter.
In which we serve 3 [Ceux qui servent en mer] de Noel Coward et lclectisme anglais.
Jean Renoir* et le naturalisme [ la Bte humaine , Tony *] pour compenser le superesthte Nana *4.
Roma, citt aperta 5 [Rome, ville ouverte] comme tentative de synthse.
Kliatva [Le Serment] et Molodaa gvardia [la Jeune Garde]6 comme
synthse formelle.
Ici aussi aura lieu une incursion dans le futur : la Television et son rapprochement avec... les Dionysies. (Daprs* lexpos de Cinma en relief n17).
* * *
162
LOGE DE LA CIN-CHRONIQUE
Ainsi taient les anciennes chroniques : faites sur un mme modle avant
la rvolution, celles du journal Path .
164
Il existe un systme plus ancien de shrinking [rduction] pour passer de la taille naturelle une
taille diminue : les ttes des ennemis sches au Prou. On en retire les os et le cerveau puis on les
saupoudre de sable brlant et on les let them shrink [laisse se rduire] au soleil jusqu ce quelles
aient la taille dune pomme, puis on les porte sur sa ceinture trophes (note de SME).
165
166
167
LOGE DE LA CIN-CHRONIQUE
Et la ligne ici est la trace dun collier ou dune ceinture autour de soi (du
cou ou de la taille).
Et le collier est lui-mme li au tatouage.
Sans doute, au dpart, le tatouage est-il automatiquement mouvement
autour de la forme du corps en reprsentant ce mouvement sur le corps
lui-mme.
Cest--dire que le mouvement-autour de la forme est la fois le reflet et le
fait, qui sont encore indissocis.
Le mouvement-autour du contour ne peut tre supprim, spar de lobjet
et transfr sur un autre la surface plane dun rocher, dun mur, du sable,
dune toile, dun papier ! Et le tatouage lui-mme est la trace (marque) du
mouvement autour de lapprhension tactile des formes de son propre corps
de sa conscience plastique comme ensemble darticulations.
(Cela se retrouve ensuite dans le
costume ce tatouage dont le corps
peut shabiller : les articulations du costume rptent les
schmas de mise en valeur du corps
par le tatouage, col avec les contours
du cou, ceinture, etc.*
LOGE DE LA CIN-CHRONIQUE
168
169
Encore :
(panier vase)
LOGE DE LA CIN-CHRONIQUE
De sorte que la chronique de type transitoire Cin-il occupe exactement la mme place que lornement entre la reprsentation rupestre et celle qui
est proprement figurative.
A noter*: Dans ses excs il [le Cin-il] tombe mme dans lornementalisme vritable, comme sil jouait au jonchet la dgnration et la
dcadence du jouet esthtique.
Jeu esthtis avec les plans de la ralit et larbitraire des oppositions sans recherche dune opposition des lments de la ralit au moyen de la reconstitution de son image, qui intervient dans la troisime phase du Potemkine : o
tous ces lments deviennent des moyens de crer une image20.
Nous avons vu :
1) Selon la mthode du mouvement-autour de lvnement (mouvement autour des articulations sur le corps, sur un objet, sur une architecture,
o la frise ornementale court autour de la corniche du btiment, etc.).
2) Comme moyen de conservation et daccumulation.
3) Selon la manifestation de la pars pro toto sous forme de proto-synecdoque
du gros plan informatif sur la voie du gros plan remplaant lobjet (synecdoque).
4) Selon le nux [noyau] du rythme ([similitude] rptition et rythme dans
lornement).
5) Selon sa pr-imagicit, pour laquelle il [lornement] prpare comme
proto-imagicit toutes les donnes.
Suivre dans lart le phnomne de rornementation comme rgression, cest-dire le retour des formes dveloppes de lart lornementation (les motifs
de tapisserie reprsentent la mme tendance, mais pas sur la pellicule, mais
dans un rectangle, un cercle. Comme, par exemple, Matisse).
1. Chez les psychopathes (voir, par ex. Prinzhorn. Bildnerei der Geisteskranken [lart des malades mentaux]21, n Art et Styles*, Kretschmer, Medizinische
Psychologie [Psychologie mdicale]22, tendance manifeste la gomtrisation
ornementale.
(Quand surmenage et Kritzeln [griffonnage] automatique. Je le sais par ma
propre exprience. Je le sais par Max Schtrauch.23)
2. A certaines phases deffondrement de lart bourgeois.
Jugend-Stil [de la revue Jugend ]. Prraphalites. Munch. (Der Schrei [le
Cri]) etc. Voir ce sujet Primitivism and Modern Painting [Primitivisme et
peinture moderne]24.
171
Typiquement
Yo [Je]
Remplissage
dun griffonnage
chez Max
( Ton Max )25
172
LOGE DE LA CIN-CHRONIQUE
[SME encercle la phrase suivante dans une coupure du Time Magazine :] It is devoted to that
fundamental of movie reality : picturing the way that places and things and people really look and act and
inter-act, and making the information eloquent to the eye. [Il est consacr ce fondement de la
ralit du film : dpeignant la manire dont les lieux et les choses et les gens apparaissent vraiment
et agissent et interagissent, et rendant linformation loquente pour lil.]
173
la tlvision
A propos dElectre, [The]Green Pastures 34 [les Verts Pturages], et News
of the Nation [les Nouvelles de la Nation35]
(daprs* ce qui est crit sur limagicit chez Gogol36).
Als Forderung und Aktualisierung des Verflossenen [comme prsage et actualisation du pass] :
Habiller la mode daujourdhui rendre contemporain.
Et linverse : mettre le pass la mode daujourdhui communier avec le
pass devenir contemporain et participer un vnement pass.
174
LOGE DE LA CIN-CHRONIQUE
Notes du chapitre 4
1
175
176
LOGE DE LA CIN-CHRONIQUE
8
Tout ce passage reprend en partie un texte dat du 19 octobre 1947 intitul Primitive and
Ornement [art primitif et ornement] qui explicite le stade ornemental comme Naturalistic
automatique Abklatsch des Eindrucks. Gedakenlos. Eydetisch (drawings start von beliebigem Punkte,
ohne Gesamtkonzeption . Sur le sens de eidtique voir supra chap. I, note 25.
9
Il sagit dune des expriences dAlekse Gan, qui a, entre autres, ralis Outro na dvore [Matin
dans la cour] selon la mthode de la vie limproviste envers laquelle Eisenstein se montrait
critique. Alekse Gan (1893-1942), graphiste, architecte dintrieur, photographe, ralisateur, a t
le premier thoricien du constructivisme (Konstruktivizm, Tver, 1922). Il lana le journal Kinofot (1922-1923) o publirent Rodtchenko, Stepanova, Vertov, Koulchov, aprs avoir collabor
Anarkhia (1917-1918), avec Rodtchenko et Malevitch, puis publia dans SA (Architecture sovitique). Mari avec Esther Choub il ralisa quelques films documentaires dont Ostrov pionerov (1924).
Il est arrt en 1935, et fusill en 1942.
10
Saul Steinberg (1914-1999), clbre caricaturiste amricain, matre du dessin linaire,
quEisenstein voque dans Les kangourous (NIN 1, p.399-410) et dans Disney daprs son recueil
All in Line (New-York, Duell, Sloan & Pearce, 1945) dont il avait reu un exemplaire de la part de
Jay Leyda (On Disney, pp. 86-90, 100 note 83).
11
Source non repre.
12
Johann Kaspar Lavater (1741-1801), thologien suisse, thoricien de la physiognomonie
laquelle Eisenstein se rfre de multiples reprises en lien avec sa thorie des types (voir Les nouveaux problmes de la forme au cinma , 1935, le Film : sa forme/son sens, p. 147) daprs son trait,
la Physiognomonie ou lArt de connatre les hommes daprs les traits de leu physionomie (Lausanne,
LAge dHomme, 1998).
13
Lotte Reininger (1899-1981), ralisatrice allemande de films danimation, raliss avec des
silhouettes , portes lcran grce la technique des ombres chinoises . Dans la Marseillaise,
Renoir recourt elle pour une squence dombres chinoises. Elle a ralis une quarantaine de
films dont Die Abenteuer des Prinzen Achmed (les Aventures du prince Ahmed, 1926)
14
Cf. Schatten (le Montreur dombres, Artur Robison, All. 1923).
15
Notions de la potique vertovienne. Celle de Cin-il (Kinoglaz) tant nettement prvalente sur la seconde, Cin-vrit (Kinopravda), lie la srie de journaux dactualits dont
Vertov eut la responsabilit en 1922-1923 et qui empruntait son titre au journal du parti communiste, la Pravda. Cependant, contrairement ce quon a longtemps cru, Vertov ne visait pas que le
titre de journal dans lexpression en question (Cf. La cin-vrit est un problme encore plus complexe [que la mise au point de la premire ampoule lectrique]. Mais quand le but sera atteint, rien
nira plus pour les menteurs et les hypocrites. Les masques seront arrachs. Nul ne russira chapper lil omnivoyant , Vertov, Carnet et journaux dans Articles, journaux, projets, Paris, UGE
10/18 , 1972, p. 339). Le lancement en 1960 du cinma-vrit en France par Edgar Morin
puis ladoption du terme par Jean Rouch, Mario Ruspoli et nombre de cinastes du direct ont
engag une controverse historico-doctrinale autour du terme (voir Sverine Graff, Le cinmavrit. Une approche discursive 1960-1970 , thse de lUniversit de Lausanne, 2013), laquelle
furent mls outre Morin et Rouch dont Chronique dun t se prsentait comme le prototype dun
film de cinma-vrit , Georges Sadoul, Joris Ivens, etc.
16
Antoine Girard (1584-1633) dit Tabarin, acteur franais du thtre populaire qui interprtait
des sketches de sa composition. Le texte original est le suivant :
Le Maistre. Qui est donc ce peintre si expert, Tabarin, qui a une telle addresse que tu vantes ?
Tabarin. Nest-ce pas une grande subtilit un peintre de broyer les couleurs et les appliquer en
un mesme temps ?
Le Maistre. A la vrit, cest une perfection qui se retrouve en peu de gens.
Tabarin. Il ny a donc au monde meilleur peintre que le cul, parce quen mme instant il broye
les couleurs dans le marbre de ses deux fesses et les applique sur la chemise ; et encore, ce qui plus
est, il ne peint que des choses confuses et qui apportent mauvais air, savoir les comettes : il est bien
plus expert peindre ces choses que dautres. Jouxte aussi quil ne crayonne jamais ses patrons. [...]
Secondement, quel meilleur imprimeur sauriez vous rencontrer quun cul ? dune seule lettre il
fait merde, la chemise ne luy est sitost applique quelle est imprime.) (uvres compltes de
Tabarin avec les rencontres, fantaisies et coq--lne factieux du Baron de Gratelard Et divers opuscules
publis sparment sous le nom ou propos de Tabarin, Paris, Chez P. Jannet, 1858).
17
Imagicit (obraznost). Notion lie lobraz, limage globale. Ici renvoye un stade antrieur
la reprsentation (izobrajni) mais qui peut aussi bien ltre au stade suprieur de cette image
globale, au-del de la reprsentation figure (voir De limagicit dans Mouvement o la rflexion
porte sur limage chez Pouchkine).
18
Le tressage est voqu galement dans la Non-Indiffrente Nature. Dans son histoire de lornement, Riegl soppose la filiation des techniques du tressage et du tissage et de lornement quil
impute aux extrmistes de lexplication matrialiste. Cest le second postulat quil combat (op. cit.,
pp. 20-37).
19
Kadriki : photogrammes.
20
Obraz : limage globale, gnralisante, quasi-concept.
21
Hans Prinzhorn (1886-1933), psychiatre allemand qui sintressa en particulier lart psychopathologique et constitua une collection de ces uvres que les nazis inclurent au premier chef dans
la catgorie d art dgnr en lui assimilant les tendances expressionnistes, cubistes, dadastes, etc.
Son livre Bildnerei der Geisteskranken (Expression de la folie, Paris, Gallimard, 1984 [1922]) joua un
rle important dans les milieux artistiques. Il est voqu plusieurs reprises par Eisenstein.
22
Ernst Kretschmer (1888-1964), psychiatre et psychologue allemand. Ses recherches sur les
corrlations entre le type physique les caractristiques psychologiques ont servi de fondement sa
typologie des caractres. Ses principaux ouvrages, dont la Structure du corps et le caractre, De
lhystrie, Psychologie mdicale, figuraient dans la bibliothque dEisenstein. Cet ouvrage est cit
galement dans Psychology of Composition (p.101) et dans Mthode.
23
Maxime Schtrauch (ou Schtraukh) (1900-1974), acteur, ami denfance dEisenstein (voir ses
souvenirs avec lui, dans Rencontres , Iskousstvo kino n1 et 2, 1940). Ils entrrent ensemble au
Thtre du Proletkoult, Eisenstein comme dcorateur, Schtrauch comme acteur (1921-1924). Ils
formrent avec Judith Glizer et Grigori Alexandrov un collectif inspir par les techniques des gens
du cirque, les acrobates et les clowns. Il joue dans le Journal de Gloumov, la Grve (un mouchard), le
Potemkine, Octobre, la Ligne gnrale. De 1929 1931 il joue au thtre de Meyerhold puis au
Thtre de la Rvolution o il incarne des personnages grotesques, satiriques. Il assure et l de
petits rles dans les films dEisenstein mais surtout joue le rle du dtective dans Privedenie kotoro
ne vozvratchaetsia [le Fantme qui ne revient pas, 1929] dAbram Room. Il a interprt le rle de
Lnine dans plusieurs films de Serge Ioutkvitch (Tchelovek s roujiem [lHomme au fusil, 1938],
Rasskazi o Lenine [Rcits sur Lnine, 1958], Lenin v Polche [Lnine en Pologne]. Il joue galement
dans le Dserteur, le Serment, la Chute de Berlin et la Bataille de Stalingrad (voir supra). Eisenstein
lvoque dans son texte consacr Judith Glizer de 1947, Judith (Movimento, pp. 143-183).
24
Robert J. Coldwater, Primitivism in Modern Painting, New York London, Harper & Brothers,
1938.
25
Signature de Max Schtrauch.
26
A la fin de la nouvelle de Pouchkine la Dame de pique, Hermann, le hros devenu fou, rpte
sans arrt Trois, sept, as ! Trois, sept, dame ! . Eisenstein prpara une adaptation de cette nouvelle
sur scne pour un ballet de Prokofiev en 1936 qui ne fut pas retenue par le Bolcho.
177
179
178
Chapitre 5
180
Obtention de la copie :
Nux [le noyau] pour tous. Everything keeping his [sic] imprint [tout conserve
sa trace]. Les costumes, la maison. National shrines [les lieux saints nationaux] :
la petite maison de Pierre, la maison de Roosevelt, les reliquaires (la mme
chose + pars pro toto). Souvenirs*. Autographes, etc. (Mrs Avischam. La reine
Victoria). Embrasser les traces de pas .
Conservation par le biais de la reproduction efficiente ( incarnation ) : rituel
commmoratif. Reflet dans le sens des pisodes dune pice de thtre. Reflet
par lincarnation dans le chorge [chur] du dithyrambe. Reproduction (image)
= vnement ( ce stade de la pense indiffrencie). Chur = Dionysos.
Reproduction seulement pendant la dure du spectacle.
Conservation de lobjet lui-mme au lieu de son reflet (momification).
Stade du moulage physique rel (en relief ). Masques mortuaires (Egypte,
Rome. Perptuation de la tradition jusqu nos jours). Rsonance avec le
cinma en relief (stro).
Stade du berceau du principe ngatif/positif. Fondement de la possibilit de
produire plusieurs copies.
Le problme de lobtention dune image plate.
Le reflet dans leau.
La substitution du miroir constitu par la surface de leau par la surface
dun miroir poli.
Se reflter dans un miroir.
La silhouette et le dessin du contour dun autre.
Le contour trac la main dun objet rel ou de la silhouette dune ombre
comme premire tentative de mcaniser le reflet dun profil rel. Part impor-
181
182
Impression directe.
Impression des mains dans les cavernes.
Empreinte dune plaque de bois grave sur les pains dpice russe imprims.
Renouveau de limpression dir[ecte]. Lautographe et son nec plus ultra.
Le thtre chinois de Sid Grauman Hollywood et les empreintes des
mains et des pieds des clbrits16.
Planchettes pour le tatouage.
Pochoirs .
183
Notes du chapitre 5
1
184
Ce court texte est lun des derniers brouillons rattachs au projet d Histoire gnrale du
cinma . Il avait, semble-t-il, pour objectif de rsumer les thmes essentiels du futur volume introductif de lensemble. Pour une part il reprend de manire succinte un ensemble de rfrences scientifiques, techniques et artistiques quon a vues voques dans les chapitres prcdents. Eisenstein
commence par lappareil psychologique humain , la structure de la conscience du spectateur
comme prototype de celle du cinma, son expression et ses moyens dexpression. Cela renvoie
directement aux ides exposes dans Mthode sur lequel Eisenstein travaille depuis plusieurs annes,
et contraste avec certaines de ses convictions datant du premier manifeste sur le montage des
attractions (1923), o le public forme le matriau fondamental de lart en tant quil sagit de le
faonner dans le sens choisi ( le cin-poing laboure le cerveau du spectateur ).
Source : RGALI fonds 1923-2-1020. Premire publication : Kinovedtcheskie Zapiski n 36-37,
pp. 100-103.
2
GIK : Institut dEtat du Cinma (plus tard VGIK).
3
Lide dune homothtie entre la structure psychique et la structure filmique (nonce dj par
Hugo Mnsterberg en 1916 dans The Photoplay : A Psychological Study) est galement affirme dans
la Non-Indiffrente Nature : [la composition] tire [les] lments [structuraux du phnomne
reprsent] de la structure du comportement motionnel de ltre humain, comportement li au fait
de ressentir le contenu de tel ou tel phnomne reprsent , NIN1, p. 33). Elle est cependant
absente de la pense dEisenstein dans les annes 1920, mme si le faonnage dans la direction
souhaite par le moyen du film doit, par dfinition, utiliser des formes discursives susceptibles de
trouver un cho dans le psychisme du spectateur (associations dides).
4
Lacune dans le manuscrit.
5
Nom dun appareil de prise de vue d Thomas Edison. Il est mentionn dans un article du
San Francisco Chronicle de janvier 1898 propos de lenregistrement du lancement du Chitosa,
cuirass de la marine japonaise sorti des chantiers navals de San Francisco (Launch of Japanese manof-war Chitosa ).
6
Sur le sens du mot eidtique en lien avec lautomaticit, voir notamment chap. I, note 25,
chap. II, note 256.
7
Il sagit dune machine sre et commode pour tirer des silhouettes crit Lavater dans son
Trait sur la physiognomonie qui consistait en un portique tendu dune feuille sur laquelle, par transparence, on traait la silhouette de la personne installe de lautre ct partir de son ombre. Cet
appareil est voqu galement dans Rodin et Rilke (Cinmatisme, p. 237).
8
Le physionotrace, invent en 1784 par Gilles-Louis Chrtien (1745-1811) est utilis massivement par son inventeur et Edme Quenedey des Riceys (1756-1830), peintre de portraits miniatures,
pour produire des portraits gravs et coloris. Le texte original parle par erreur de physiokotrace .
9
Technique de trompe lil figurant un verre bris comme en surface dune reprsentation afin
de crer un leurre. Voir Delphine Baron, Les Trompe-lil au verre cass au XVIIIe sicle
(Mmoire de matrise, Universit Paris 4, 1991).
10
Cf. Charles de Brosses, Lettres familires dItalie : lettres crites dItalie en 1739 et 1740, Paris,
Complexe, 1995 [1799]. La rfrence ne semble dsigner ni Tiepolo, ni les trompe lil au verre
cass.
11
Erazmus Ciolek Witelo ou Vitellion (ca 1230-1980), auteur dun trait doptique, De perspectiva qui exprimait, sur la lumire, des vues convergentes avec celles de Roger Bacon.
185
187
Chapitre 6
Pionniers et Novateurs1
1. I. 48
YO 2
Pas seulement [la relation de mon cinma] avec la chronique (pisodes de
chronique de la Grve, et plus encore du Potemkine qui constituent le calendrier
de lensemble), mais aussi la relation avec... le film scientifique et technique (et
de l avec les prcurseurs et de la chronique, et de ces types de film)3.
La Grve (tout le cycle Vers la dictature), aprs tout, a t ralise sur le mode
comment faire la rvolution, comme un film scientifique ou technique.
Elle a t prcd par la thorie du montage des attractions, labore sur le
mode comment faire une uvre permettant de reconstruire la conscience.
Les racines de lingnierie : [leons] comment construire un pont 4.
Et les racines des mathmatiques : recherches dune unit [de mesure] 5.
Quand on a fait la Grve, le thme a t approfondi :
de lexposition descriptive des symptmes des phnomnes (une sorte de
recherche scientifique anglaise), on est pass au fondement humain et motionnel de la rvolution ;
de l [est apparu] Potemkine, caractris par sa spontanit, son soulvement,
sa rvolte, et non pas par ldification de la rvolution planifie par le parti, qui
aurait d figurer dans Octobre et dans lAncien et le Nouveau6 la rvolutionnarisation de tout ce qui existe (la politique agricole et la reconstruction [des
campagnes])7.
186
PIONNIERS ET NOVATEURS
Lanalyse structurelle dune uvre (le mont[age] des attr[actions] est chez
moi prcde par lanalyse structur[elle] du mouvement expres[sif ] (Auswuchs
[dveloppement] de lempirisme de M[eyerhol]d ma propre thorie du
mouvement expressif )10.
Les racines de la chronicit et du documentarisme comme objectivisation
sont dans le fait que je mise sur... le cirque. Le travail physique concret du
cirque, et comme processus, et comme produit (le contenu dun numro = son
travail) sans le sens figur de lacteur ni la reprsentation de quelque chose,
cest bien sr, le documentalisme dans le domaine du jeu !!!11
Ltape intermdiaire de compromis cest le thtre de la convention : un
spectacle sans prtention la vraie vie , et la mise sur la reprsentation :
nous ne sommes pas les personnages vivants de la pice, mais des acteurs qui
les interprtent 12.
Lautre extrme aussi de compromis cest le MKhAT : devant vous la
vrit vraie des expriences exprience factuelle, correspondant aux situations de la pi-ce13 (next step [le pas suivant] aprs la reconstruction naturaliste
de lapparence dun phnomne la premire tape du MKhAT)14.
Le cirque purement et simplement. Vous voyez devant vous le travail au
trapze qui est... le travail au trapze.
Durchbruch [perce] vers cela chez moi lors de mon tout premier pas
indpendant : la boxe dans le Mexicain15 passant de la danse mtrorythmique 16 un combat rel (dans lequel en gnral le plus rel nest pas
seulement la prdtermination de la fin, mais trs souvent le scnario :
le numro sur le round quand la fin doit arriver, et lenchanement des
pripties !)
A nouveau, les origines se trouvent sur la place publique la foire : chez
les funambules et les haltrophiles. (Et avec le mme % de fakery [trucage] que
dans la chronique lgrement (cest invitable !) mise en scne. Les
haltres sont un peu truqu[es]*, etc.)
188
Le novateur est celui qui fait voler en clats le cours uniforme de lvolution
dans un saut novateur dune qualit nouvelle au sein du processus gnral de
dveloppement17.
189
PIONNIERS ET NOVATEURS
Cin-portrait.
Et l tout le reste du problme du portrait.
Et comme digression lautoportrait : direct.
Autobiographie et participation personnelle :
Chaplin depuis Une vie de chien jusqu Verdoux31 et Stroheim.
Autoportrait du type [Tempte sur Tolde32. Yo [Je].
Autoportrait lyrique Dovjenko.
Progressif de faon linaire et du point de vue de lhistorien de lart : emphase croissante mise sur le personnage du hros (Lapkina, Grozny26 il est
douteux que cela soit progressif : plutt une rechute).
Progressif : matire [construction] audiovisuelle, musicale-en couleur.
Le plus nouveau la Bataille de Stalingrad27 referme le cercle de la stylistique par un retour aux sources ( avec une qualit nouvelle ) : limage est
remplace par des figures selon le principe du panopticon (cest--dire un
retour total aux sources !!!) et non pas par linterprtation.
De ce point de vue, la faon dont les personnages font lobjet dun collage
citationnel dun film lautre est caractristique, abgesehen [ part] la manire,
le style, etc. Mme des pisodes entiers ! Gelovani ou Schtrauch28 passent dun
film lautre, comme sils taient pareils... les paysages dans le meilleur cas
sont films de faon diffrente, mais absolument pas interprts diffremment.
Et du point de vue technique, [le saut] du cinma la tlvision.
partir du trentime anniversaire [du cinma sovitique] nouveau point
de dpart.
Renaissance 29.
Des clairs, comme le [Cin-]vrit lniniste30.
A[lexandre] Nevski et le cinma audiovis[uel].
A[lexandre] Nevski et le film historique.
190
Ensuite : dveloppement
de la rvolution au thme du parti.
Au hros et du hros en gnral au hros du parti et au portrait.
191
Notes du chapitre 6
1
192
Ce court texte fait partie des brouillons rattachs au projet dune Histoire du cinma sovitique , tche assigne au Dpartement du Cinma au sein de lInstitut dhistoire de lart. Il a sembl intressant aux diteurs de linclure au sein des Notes pour une Histoire gnrale du cinma car
Eisenstein tente, selon ses propres termes, de [ret]racer [] la gnalogie gnrale du dveloppement progressif du cinma sovitique, en mme temps que le dveloppement individuel des principes et des buts essentiels des jeunes novateurs qui se sont engags dans le cinma au milieu des
annes 1920, la suite des pionniers. Le titre du texte, publi ici pour la premire fois dans son
intgralit, est dEisenstein. Source : RGALI, Fonds 1923, op. 2, dossier 1022 pp. 13-19.
2
Yo ( Je en espagnol) Eisenstein utilise ce mot dans ses mmoires o ses thories sont
relies la personnalit et sa biographie. Cest manifestement dans cette mme perspective que cette
note porte ce titre. Il tudie ici la gnalogie de sa position au cinma et les racines des uvres de Vsevolod Poudovkine et Dziga Vertov.
3
Dans les lettres quil crivait, enfant, de Riga, sa mre partie Ptersbourg, Eisenstein disait
aimer les films montrant des vues de diffrents pays, abordant des sujets scientifiques ou techniques, des films documentaires sur des vnements rels, etc., bien plus que les intrigues policires.
Au dbut des annes 1920, en URSS o une norme partie de la population tait illettre, le cinma
tait envisag avant tout comme un moyen dduquer le peuple, et les films de vulgarisation scientifique faisaient partie intgrante des sances de cinma. Les Kulturfilme allemands, distribus en
Union sovitique, en sont un bon exemple. Ainsi Lnine apprcia-t-il en particulier un film de vulgarisation technique sur lextraction hydraulique de la tourbe en tant que propagande pour le progrs technologique dans un pays attard . Il recommande plusieurs reprises lutilisation de tels films
dans divers textes comme ses Thses sur la propagande et la production (18 novembre 1920) (uvres en 47 volumes, Moscou, Editions du Progrs, 1959, T. 31), Rapport sur lactivit du Conseil
des Commissaires du Peuple (22 dcembre 1920, VIIIe Congrs des Soviets) (Ibid.), Directives
sur le cinma (17 janvier 1922) (Kinondlia, n4, 1925, repris dans uvres, op. cit., T. 42). Le
sous-directeur du Dpartement de lagitation et de la propagande du Comit central du Parti communiste pan-sovitique (bolchvik), Kirill Choutko (proche de Malvitch et de Vertov, prfacier du
recueil Potika kino des Formalistes russes, mari de Nina Agadjanova scnariste de lAnne 1905 dont
Eisenstein tira le Potemkine) avait propos de remplacer le terme de Kulturfilm par celui de cinma
dducation politique.
4
Cf. [ Serge Eisenstein ] dans Mmoires 1 (pp. 55-58) o le rapport construction dun pont/dun
film est voqu.
5
Eisenstein dtaille ce point dans le chapitre Avec prmditation (le Montage des attractions)
dans Mthode (Metod 1, pp. 49-62). Extraits dans Comment je suis devenu metteur en scne
(Rflexions, pp.15-16).
6
Titre propos et impos par Staline Eisenstein pour la Ligne gnrale ds lors que le film ne
concidait plus avec la ligne du parti qui venait de changer sur la question paysanne.
7
Ds le Cuirass Potemkine, certains reprochrent Eisenstein de navoir pas suffisamment montr le rle dorganisateur et de meneur jou par le parti communiste dans la rvolution . Octobre
fut plus encore critiqu sur ce point bien que le film portt en exergue une citation de Lnine, envoye par lInstitut dhistoire du parti, sur la direction de fer du parti (ce qui aurait d tre )
citation absente des copies disponibles actuellement de ce film , les hommes politiques du film
(y compris Lnine) ne se dtachant pas des masses rvolutionnaires. Eisenstein prsentait en effet son
PIONNIERS ET NOVATEURS
film comme retraant le processus intellectuel menant la rvolution, exposant la logique de la stratgie bolchvique ce qui est congruent avec la citation liminaire de Lnine et non comme une
illustration des vnements et un portrait des protagonistes, si minents quils fussent. La Ligne gnrale montre, elle, la rvolutionnarisation de la campagne moins sous limpulsion du parti
encore que la figure de lingnieur agronome en veste de cuir corresponde liconographie de la
direction politique que sous celle des contradictions de classes entre les diverses couches sociales
(paysans riches, paysans moyens et paysans pauvres). (Cf. A. Agranovski, Le pathos dun sparateur sans parti , Izvestia, 23 aot 1929). Cest lintervention de lInspection Ouvrire et Paysanne
(R.K.I), organisme cr par Lnine pour combattre la bureaucratie et les pesanteurs administratives
qui indique la place du politique dans le film. Au dbut des annes 1930, Eisenstein parlait de lvolution du cinma sovitique comme passage dune premire tape rvolutionnaire une seconde
incarne par le parti .
8
Allusion Velikii grajdanin (Un grand citoyen) de Fridrick Ermler (1938-1939) qui expose les
dbats au sein du parti bolchevik de Leningrad entre les diffrentes lignes politiques en prsence en
1925 puis 1934.
9
Vstrechnyi (Contre-plan), ral., scn. : Fridrick Ermler, Sergue Ioutkevitch, Lev Arnchtam ;
musique : Dimitri Chostakovitch ; prod. : Rosfilm, 1932. Laction est situe pendant la priode du
premier plan quinquennal (1929-1934) dans une usine de turbines. Devant des difficults de divers
ordres notamment des erreurs de calcul dlibres de la part dun ingnieur , un groupe de vieux
ouvriers emmen par le secrtaire du parti mettent en uvre un contre-plan (un plan alternatif
qui surenchrit celui en place) de travail plus intensif et productif. Le film, soutenu par le pouvoir
et la critique officielle, est considr comme lune des premires ralisations du ralisme socialiste .
10
Voir Le mouvement expressif co-crit avec Trtiakov en 1923 (Movimento).
11
Ici Eisenstein rejoint, vingt ans plus tard, les dclarations de Koulchov qui opposait le jeu de
lacteur (factice) la performance relle de lacrobate ou du jongleur avec les mmes arguments (voir
Cinma, cirque, thtre [1925] dans lArt du cinma), op. cit.
12
Il sagit l du thtre de Meyerhold ou de Brecht.
13
Graphie ironique transcrivant la prononciation esthte du XIXe sicle. Echo de sa vieille
dispute avec le thtre acadmique : pour lauteur du montage des attractions , le vritable
matriau du thtre nest pas la pice, mais le spectateur.
14
MKhAT : Thtre dart de Konstantin Stanislavski.
15
Le Mexicain, adaptation libre dun texte de Jack London par Boris Arvatov, mis en scne par
Valeri Smichlaev au Thtre ouvrier du Proletkoult, dont Eisenstein devait faire les dcors et les
costumes. Le metteur en scne voulait quun combat de boxe (auquel un rvolutionnaire mexicain
participe pour rcolter de largent) ft voqu in absentia, mais Eisenstein tint ce quil et rellement lieu sur un ring dress dans lespace thtral. Dans Film Form, il explique que son volution
vers le cinma prend sa source dans ce travail car il introduisait dans la reprsentation les vnements eux-mmes ce qui relve de la technique purement cinmatographique et non les ractions
aux vnements ce qui relve de la technique purement thtrale. ( Du thtre au cinma , 1934,
dans le Film : sa forme/son sens. Sur le Mexicain, voir pp. 116-177).
16
Mtro-rythme : thorie du rythme dans le jeu introduite par Boris Ferdinandov sur le modle
de la posie et de la mesure en musique (voir Teatr segodnia dans O Teatr, Tver, 1922). Ferdinandov inspira les mthodes de jeu de lacteur de cinma chez Tourkine et Koulchov (pour qui il
joue dans la Journaliste, 1928). Sur la place de ces thories et les dbats voir M. Iampolski, Les
expriences de Koulchov et la nouvelle anthropologie de lacteur (Iris, vol., n6, 1986).
17
Transcription la lettre du schma de la dialectique hglienne.
193
194
PIONNIERS ET NOVATEURS
18
Dans un texte rest indit, Eisenstein critiquait le film du collectif Koulchov le Rayon de la mort
(voir Rayon et gnle dans Eisenstein dans le texte, pp.73-108). De son ct Koulchov jugeait la
Grve mal mont (voir Volont, tnacit, il [1926] dans lArt du cinma, op cit., pp. 134137).
19
Mat (La Mre) (1926). Premier film de long mtrage personnel de Poudovkine, ralis pour
la Mejrabpom, considr comme un studio archaque (Protazanov y dominait) avec des acteurs
du MKhAT. Koulchov y vit une trahison de son enseignement et du travail antrieur (Voir
Lcran daujourdhui [1927] dans Ibid., p.142).
20
Iakov Protazanov, cinaste de lancien rgime, exil en France puis en Allemagne, revint en
1923 en URSS pour signer le premier film de fiction de prestige marquant le redmarrage de la production sovitique avec Alita (daprs Alexis Tolsto).
21
Niant-dpassant : cest lAufhebung hglienne, le dpassement dialectique.
22
Alexandre Khanjonkov (1877-1945), lun des pionniers du cinma russe devenu le plus important producteur de cinma avant la rvolution. Il sexile en 1920 et revient en URSS en 1923. Si
son nom est li au style du cinma de lancien rgime (avec Evguni Bauer notamment) et des
stars dalors (Mosjoukine, Kholodnaa), il fut aussi le promoteur dun cinma documentaire et de
vulgarisation scientifique (sur lagriculture, la zoologie, la mdecine, la gographie, etc.) Le fait que
Poudovkine soit entr la Mejrabpom en reniant lenseignement de Koulchov qui avait rompu
avec ce style la russe , le rapprochait de cette esthtique quincarnait encore Protazanov travers
le jeu des acteurs intrioris, psychologique et les rcits linaires. La mthode de Griffith dsigne le
recours au montage altern, aux gros plans et linfluence de la Grve avec sa dimension documentaire.
23
Allusion la 6e partie du monde de Vertov (1926) o est reprise la structure litanique des je
vois Walt Whitman dans son pome Salut au monde (dans Feuilles dherbe [Pomes et proses,
Paris, Gallimard, 1930]), pour donner une place exceptionnelle aux cartons crits attribus une
fonction de narrateur, voire de bonimenteur (voir F. Albera, Oralit de lintertitre : Vertov
bonimenteur dans Leonardo Quaresima, dir., Les Intertitres dans le cinma muet, Universit dUdine,
Edizione Forum, 1998). Sur les rapports entre Whitman et Vertov, voir Mikhal Kunichika, The
ecstasy of breadth : the odic and the Whitmanesque style in Dziga Vertovs One Sixth of the World
(Studies in Russian and Soviet Cinema vol. 6, n1, 2012).
24
Le premier film parlant de Poudovkine est Dezertir [le Dserteur], tourn pour la Mejrabpom
en 1933 (situ en Allemagne dans le milieu des dockers en lutte) qui comporte plusieurs applications
du Manifeste du contrepoint audiovisuel quil avait sign avec Alexandrov et Eisenstein en 1928.
25
Voir AI 28 dans Eisenstein dans le texte, pp. 147-160. Dans Nouveaux problmes de la
forme au cinma (1935), Eisenstein crit que le cinma intellectuel a bientt dvelopp une nouvelle conception sur le plan thorique ! () la thorie du monologue intrieur (le Film : sa
forme/son sens, p.149).
26
Marfa Lapkina est lhrone de la Ligne gnrale ; Grozny est Ivan le terrible.
27
Stalingradskaa bitva [la Bataille de Stalingrad, Vladimir Petrov, 1949). Le film tant sorti aprs
sa mort, Eisenstein avait d voir une copie de travail aux studios. Il apprhende, travers cet exemple, les films sovitiques dapparat de laprs-guerre comme relevant dune esthtique de
panopticon (les reconstitutions de batailles dans tous les grands films de guerre de cette poque
recherchent un effet panorama avec lusage prvalent de longs travellings latraux).
28
Mikhal Gelovani (1893-1956), acteur de thtre sovitique en Gorgie puis en Armnie, il
dbute au cinma dans Tri jizni (Trois vies) dIvan Perestiani en 1924 puis dans une dizaine de films
dont Vozvrachtchenie Maksima [le Retour de Maxim, 1937] de Kozintzev et Trauberg avant de lier son
nom linterprtation du personnage de Staline en 1938. Le premier film du genre est Diadi
Gantiadi [la Grande Aube] de Mikhal Tchiaoureli puis il tourne dans de nombreux films dont les
fameux Kliatva [le Serment, 1946], Padenie Berlina [la Chute de Berlin, 1950] et Nezabyvaemy-1919
[lInoubliable Anne 1919, 1952] du mme ralisateur, mais aussi pour Mikhal Romm, Koulchov,
Mikhal Kalatozov. Maxime Strauch : voir chap. IV, note 23.
29
Cette renaissance est celle de la potique novatrice des annes 1920 dans la priode qui a
suivi, en particulier dans Trois chants sur Lnine (1934) de Dziga Vertov qui dveloppe, dans le
cinma sonore, les principes de son Cin-vrit lniniste (1924), mais il est dautres films des annes
1930 qui attestent dune permanence de cette potique (comme Lioubov i nenavist (Amour et Haine)
de Gendelstein ou Granitsa (Frontire) de Doubson (1935).
30
Cin-vrit (kinopravda), nom donn par Vertov ses films de chroniques des annes 19231924 quand il assurait le journal des actualits hebdomadaires au cinma. Le terme vrit est
emprunt au titre du journal du parti communiste, la Pravda, mais Vertov lui donnait aussi un sens
plus gnral, au sein du Cin-il . En 1960, Edgar Morin reprit le terme pour lui donner une
nouvelle acception ( Pour un nouveau cinma-vrit , France Observateur n506, 14 janvier 1960)
puis une ralisation, avec Jean Rouch (Chronique dun t) qui impulsa la recherche autour de
Vertov de la part de Georges Sadoul (rassemble dans son livre posthume, Dziga Vertov, Paris, Champ
libre, 1971. Prface de Jean Rouch).
31
A Dogs Life (E-U., 1918), Monsieur Verdoux (E-U., 1947).
32
Cf. Ainsi dans le puissant dveloppement du tableau du Greco, nous navons pas une reprsentation recr limage et la ressemblance du modle une vue de Tolde par mauvais temps
, mais des fragments de nature recompose limage et la ressemblance de lauteur. [] De tous
les autoportraits du Greco, cest probablement le dernier et le plus percutant, le plus saisissant.
( El Greco y el cine , Cinmatisme, pp. 76-77). Eisenstein intitule ce tableau Tempte sur Tolde mais
on a coutume de lappeler plus sobrement aujourdhui Vue de Tolde.
195
197
Franois Albera
198
I.
Passons rapidement sur la dimension institutionnelle dont on ne sait pas
assez de choses lheure quil est : Eisenstein qui enseignait au VGIK depuis
1928 et stait particulirement investi dans cette tche dans les annes 1930194013 est nomm, paralllement, directeur du dpartement Cinma de
199
cinma mondial ( a serie of books under the title Materials on the History
of World Cinema ) la formule est reprise dans les quatre lettres aux cinastes
dont les deux premiers volumes paraissent ( Chaplin et Griffith )17.
A distance donc de ces diffrentes initiatives, ce sont lobjet, la mthode et
lcriture de ce projet d Histoire gnrale du cinma , tel quil se donne lire
dans ces Notes , qui offrent les aspects les plus intressants pour nous examiner : ils donnent les cadres dintelligibilit de lentreprise et ses modalits de
mise en uvre et sinsrent dans les grandes entreprises thoriques eisensteiniennes du moment ( en particulier Mthode dont larticle de 1944, Dickens,
Griffith et nous , donne un avant-got ).
II.
Quelle conception de lhistoire est-il propose et plus prcisment quelle
conception de lhistoire du cinma ?
Trois cercles concentriques aux temporalits diffrentes organisent lapproche historique, dfinissant trois objets et trois rgimes temporels : le premier trace un cadre gnral, qui appartient la vulgate marxiste et qui est
implicite ou parfois brutalement explicite dans tous les crits dEisenstein :
pour le dire vite, il relie les phnomnes culturels, artistiques, techniques et
lvolution des moyens dexpression, la lutte des classes18. Cest une histoire
longue, celle des modes de production, des formations sociales, avec des
accents singuliers qui sont dpendants de configurations politiques plus vnementielles ( Cf. le rapport Bismarck / Wagner, chap. 1, p. 24 ). Le deuxime
cercle concerne lvolution du mdium de ses origines son avnement et
son dveloppement pris dans un sens large : la lanterne magique, les jouets
optiques, la photographie, etc. Les dcouvertes et mutations techniques, lvolution technologique y occupent une grande place. Il relve dune temporalit plus fine ( chronologie ), plus homogne aussi ( engendrement ). Il inclut
ce quon a coutume dappeler le pr-cinma , mais il llargit la peinture,
larchitecture, la sculpture, le vitrail, la gravure, la typographie, dune part,
et lensemble des spectacles dautre part ( ombres chinoises, thtre, musichall, prestidigitation, muse de cire ). Le troisime cercle connat une autre
temporalit encore, celle de la psychologie humaine et de ses composantes de
base peur de la mort, besoin de fixer le temps, de conserver lapparence de
ce qui fut, etc. telles que les formulent les croyances ( mythologies ), les
rituels, au sein desquels sont privilgies des pratiques comme lembaumement, la momification, les masques mortuaires, les monuments funraires
Il relve dune anthropologie historique.
200
III.
On peut se demander si lun de ces trois niveaux ( et leurs sous-niveaux ) est
prminent dans lexposition choisie, dans lcriture de lhistoire qui est engage, et, ds lors, sil traite les deux autres en auxiliaires. Cest la question de
lobjet que se donne Eisenstein et de intelligibilit quil construit sous le nom
dhistoire gnrale du cinma. Est-ce lavnement dun art de masse concidant
avec le rgime socialiste et la nouvelle totalit sociale fonde sur lgalit ? Estce la gestation, les approximations puis lavnement dun 7e Art qui supplante tous les autres et occupe la place de lArt par excellence au XXe sicle
en raison de sa nature technique, industrielle ? Est-ce la poursuite de mmes
pulsions, de mmes besoins [urge] inhrents lhomme depuis toujours
quil dessine sur les parois rupestres, quil soit potier, peintre de cour ou pote
romantique ? Quelle place accorder laffirmation selon laquelle le cinma dpasse et englobe les autres arts en raison de sa concidence avec lpoque,
la modernit industrielle, technique, sociale, politique ? Ce thme des annes
192019 quon peut stonner de retrouver ici intact, pose les prmices du cadre
historique gnral : leffondrement de la socit bourgeoise, la dsintgration
des arts dans un second Baroque , la perte de lunit, de la synthse, et la
possibilit de les retrouver dans le cinma qui ne part de rien , nest quune
technique mais hrite de tout et, dans le cadre dune socit socialiste porteuse dunit sociale ( Proltaires de tous pays unissez-vous ! ), peut promouvoir ce tout en tant quart de masse, retrouvant lide de synthse des
Grecs ( les dithyrambes, les liturgies, etc. )20. Synthse ralise au sein dune
nouvelle totalit sociale et esthtique alors quen raison des fractures
sociales, il nexistait, au dbut du XXe sicle, que des rves de synthse ( les
Symbolistes ), un chec la raliser ( Picasso ) ou une hostilit celle-ci
( Dada )21.
On voit bien qu ces trois cadres conceptuels correspondent trois Eisenstein quon a pu voir construits par leurs commentateurs mmes : le marxiste,
le structuraliste, aujourdhui lintermdial, auxquels correspondent des proximits recherches avec des penseurs ( Hegel, Nietzsche, Lvi-Strauss, Bakhtine,
Warburg ) que le caractre la fois encyclopdique et lacunaire, totalisant
et inachev du corpus eisensteinien, cette uvre thorique ouverte , autorise voire encourage.
Les trois cercles, distingus ici dans une apparente hirarchie, ne cessent en
ralit de se croiser et dinteragir. Le syncrtisme du cinma qui dfinit le
niveau 2 ( cinma largi ) est le produit du niveau 1 ( tat des forces productives
et des rapports sociaux ) et procde du niveau 3 ( anthropologie ) auquel il
donne son expression la plus aboutie. Si la peinture du mouvement peut
201
figurer dans le deuxime cercle , cest sur la base des attendus du troisime
( rapport au temps ) tandis que le premier en explique la fonction sociale ( institutions, destinataires ). Il ny a pas, dans cette approche, de dtermination
univoque : ltat de la socit, le dveloppement des forces productives, des
techniques permettent des volutions artistiques, mais des effets en retour peuvent sobserver : Des tendances esthtiques deviennent le point de dpart de
possibilits techniques ( p. 64 ). Cependant il ny a pas non plus d histoire
autonome des formes, des mdias : lhistoire du medium nobit pas la
logique de lautonomie, de la spcificit, elle procde dune histoire compare.
Pour comprendre le cinma, non seulement il faut lenvisager en lien avec la
socit et le dveloppement technique et conomique, mais il faut examiner
dautres mdias, considrer des sries culturelles avec lesquelles il entre dans
des rapports dintersection, dappartenance, de concidence ou de diffrences,
dhybridation. A linverse, le cinma est un lecteur , un analyseur des
autres formes artistiques et spectaculaires, il est, pour le dire avec les mots de
Lev Manovich, la forme culturelle cl du XXe sicle 22.
A cet gard il nous faut revenir ladjectif gnral qui qualifie cette histoire du cinma projete. Il trouve un cho, en effet, dans la revendication
qunonce Michel Foucault au dbut de lArchologie du savoir, celle dune histoire gnrale justement, qui rcuse les postulats de lhistoire globale fonde sur des principes de causalit, danalogie et dhomognit, resserr[ant]
tous les phnomnes autour dun centre unique principe, signification,
esprit, vision du monde, forme densemble . Il lui oppose l espace dune dispersion qui nest pas une pluralit dhistoires juxtaposes et indpendantes
les unes des autres ( conomie, institutions, sciences, religions, littratures )
ni le seul reprage entre ces histoires diffrentes de concidences de dates, ou
danalogies de forme et de sens. La tche dune histoire gnrale est de
cinma dans des pistms mobiles, ductiles o lon peut mettre en relation tel
mouvement de fond de la reprsentation ( la perspective linaire ), tel ordre
social ( ses hirarchies ), tels procds de communication ( le caractre typographique mobile ) sans que lon donne ces assemblages conceptuels anachroniques la cohrence dun systme explicatif. A cet gard la nouvelle
histoire du cinma et surtout ses dveloppements visant relier le cinma
un contexte et un ensemble de dispositions culturelles, intellectuelles, symboliques, technologiques ( voie ouverte par Crary24 ), non seulement se trouve en
proximit avec cette dmarche mais peut y trouver lexemple dune audace
dcuple dans cette capacit mettre en relations des rgions que les cartographies disciplinaires du savoir laissent distance, se privant des effets dclairage
et dlucidation que ces reconfigurations permettent.
Le discours thorique dEisenstein ( son laboration gnralisante et, pourrait-on dire, surmoque ) snonce dans les formes dun discours historique
vectoris ( origine, volution, chronologie ) mais sa pratique thorique , son
historio-graphie, en revanche, ne cesse de recommencer de nouvelles chronologies provisoires, de relier des moments disjoints ou des phnomnes sans rapport vident entre eux. Prenons lexemple trivial des listes quil dresse, en
particulier celles des inventions techniques ici nombreuses car destines de
futurs dveloppements : il semble les recopier telles quelles du livre de Lewis
Mumford, Technique et civilisation ( 1934 ) ; en ralit il les rorganise en fonction de nouveaux itinraires ; lnumration chronologique initiale faussement neutre, il substitue des mises en relations signifiantes.
dterminer quelle forme de relation peut tre lgitimement dcrite entre ces diffrentes sries ; quel systme vertical elles sont susceptibles de former ; quel est, des unes
aux autres, le jeu des corrlations et des dominances ; de quel effet peuvent tre les
dcalages, les temporalits diffrentes, les diverses rmanences ; dans quels ensembles
distincts certains lments peuvent figurer simultanment23.
202
IV.
On a soulign la proximit de ces Notes avec des tendances rcentes de
lhistoriographie du cinma. De fait Eisenstein chafaude un programme que
la New History du cinma a, pour partie, entrepris de raliser, sans le savoir,
aprs 1978, et auquel les travaux de ces dernires dcennies nous ont habitus :
si lon ouvre aujourdhui lEncyclopedia of Early Cinema qua dirige Richard
Abel en 200525, on trouve traits la plupart des entres quenvisage Eisenstein dans ses Notes . Celui-ci, en effet, inclut non seulement les expriences
de vision, les machines et jouets optiques, les dispositifs visuels ( panorama,
diorama, stroscope ), linstantan photographique, la chronophotographie
dans sa perspective historique, mais aussi les spectacles visuels thtre dombres, fantasmagories, Grand Guignol, muses de cire, automates, Barnum, ombres chinoises du Chat noir , les spectacles de lumire et de jets deau, la
pyrotechnie, et propose mme des entres peine envisages depuis lors ( le
modle du vitrail, image transparente, ncessitant la projection lumineuse26
et suggrant des prolongements du ct des procds de la couleur ) et dont
203
204
le premier chapitre est consacr Aristote, Leonard de Vinci, Athanasius Kircher, Peter Mark Roget, Joseph Plateau, etc. Surtout lauteur croise par
avance quelques thmes eisensteiniens dans sa prface en examinant la question de lvolution de lcriture et de limage, en accordant des dveloppements
aux hiroglyphes, aux idogrammes et aux premiers alphabets ( quavait envisags avant lui Vachel Lindsay ). Le passage de limage figurative la pense
abstraite est quasiment identique dans chaque forme dexpression, crit-il. Cela
place limage en mouvement dans une lumire significative. 37
On peut se demander par ailleurs si toute une part des sources historiques
dEisenstein ne provient pas de ce livre auquel Georges Sadoul rend hommage
dans les premiers volumes de son histoire du cinma.
LHistoire gnrale du cinma de Sadoul
Prcisment, au moment mme o il rdige ses Notes , paraissent les deux
premiers tomes de lHistoire gnrale du cinma de Sadoul38.
Relevons demble quelle porte le mme titre que les Notes : celui dhistoire gnrale, posant par principe quil ny a pas dhistoire particulire, celle du
medium ou pire, celle de lart cinmatographique 39.
Cette position amne Sadoul, comme Eisenstein, sintresser de manire
dtaille tout un ensemble de spectacles et de mdias autres que le cinma
et proposer une srie darticulations entre conomie, technique, socit,
culture en remontant 1832.
Sil est vrai qu son mergence le cinmatographe est demble reli ses
antcdents par les commentateurs, le plus souvent scientifiques ou vulgarisateurs, au sein de revues comme la Nature ou la Science illustre, ainsi que
dans des manuels, y compris scolaires40, la partition entre histoire technique
et histoire artistique qui sopre par la suite, pour des raisons de lgitimation
du nouveau medium, fait disparatre cette proccupation ou la cantonne un
premier ge du cinma41. Or Sadoul conjugue une rflexion sur lvolution
du langage cinmatographique ( comme il lcrit propos de Mlis42 ) et
lvolution technique du cinma et est amen, dans cette recherche, rompre
des lances avec les partisans de la spcificit laquelle il oppose une intermdialit constitutive du cinma , et convoquer sans cesse les pratiques
spectaculaires, photographiques, graphiques, etc. lappui de ses constructions
historiques : Le cinma nest pas seulement un art spcifique crira-t-il
quelques annes plus tard en polmiquant avec Claude Mauriac. Lart du film
nest pas n dans une prouvette et ne se dveloppe pas en laboratoire. Il nest
pas la fabrication artificielle des alchimistes , il a emprunt[] la quasi-totalit
205
206
de ses moyens aux diverses formes de la culture universelle , a opr la synthse des autres arts et cette synthse tait indispensable pour crer un art nouveau, une spcificit 43. Sa spcificit, en somme, cest dtre une synthse.
Position explicitement eisensteinienne dveloppe notamment dans les notes
sur la Psychologie de lart .
Eisenstein connat lexistence de Sadoul par Moussinac , il la lu, et a correspondu avec lui jusqu la veille de sa mort44. On peut donc formuler lhypothse que sa lecture de Sadoul joue un rle de dtonateur dans la perspective
qui est la sienne et qui diffre de celle quil avait engage sous lgide de la
VOKS. Le 1er septembre 1946, il lui crit : Jai eu beaucoup de plaisir en
lisant votre premier volume de lHistoire du Cinma et jespre voir bientt
les volumes qui vont suivre. A-t-il lu le tome suivant ? Deux indices permettent de le penser. Dune part une note infrapaginale, destine aux ditions
anglaise et franaise de Dickens, Griffith et nous sur le gros plan chez
Mlis et la Brighton School anglaise, se rfre ce deuxime volume de
Sadoul 45. Dautre part, dans les Notes du 4 janvier 1948, une allusion au
Potemkine de 1905 de Lucien Nonguet ( une actualit reconstitue ) est rfre
Sadoul sans autre prcision46, ainsi qu un Mlis o elle ne figure pas47.
Sadoul qui publiait dans des journaux et revues communistes ou apparents tait accessible en URSS sans ( trop de ) difficults. Entre 1937 et 1947
toute une srie darticles ponctuels engagent son entreprise historienne avant
quelle ne se fixe, touchant linvention , les dessins anims , le son , Edison , Emile Reynaud , Mlis , Lcole de Brighton 48. Quand on lit ces
articles et rouvre les deux premiers tomes de son Histoire gnrale du cinma on
dcouvre quil dploie des stratgies historiographiques tout fait diffrentes
de ses prdcesseurs ( Coissac, Potonnie, Bardche et Brasillach, Vincent ), de
ses contemporains ( Jeanne et Ford, Toeplitz ), voire de ses successeurs ( Mitry,
Robinson ). Cette diffrence tient notamment lattention constante quil
porte non seulement aux dimensions techniques, conomiques de lpoque,
mais aux sries culturelles , aux spectacles visuels et audio-visuels qui appartiennent au contexte de lmergence du cinma ou qui en sont les avant-courriers : ainsi son premier chapitre intitul les prcurseurs du cinma est-il
consacr aux ombres chinoises et aux lanternes magiques ; il parle de Java, du
Wayang, du Karageuz et du dveloppement des ombres fin XVIIIe en Europe49,
attentif aux liens constants que ces mdias entretiennent avec le contexte ( sous
la Rvolution notamment o la chanson intervient ), comment ils voluent et
croisent dautres mdias ( les ateliers dimages dEpinal de Metz et Nancy ditent des ombres dcouper ), comment leur public se transforme et comment
ils nourrissent les premiers films, les trucs de Mlis avec leurs personnages qui
grossissent ou rapetissent, dont les nez sallongent, etc. et coexistent avec le
cinma ( le Chat noir de Salis, les frises de Caran dAche et Rivire avec des
effets de perspective, de foule et un accompagnement musical, chant, boniment ), de mme quil sintresse la prestidigitation, aux pantomimes, au
thtre optique et la photographie et ses trucages
Cest un aspect que reprendra Friedrich Zglinicki dans Der Weg des Films50
quelques annes plus tard : comme lindique le sous-titre de son livre, il inclut
les prcurseurs dans lhistoire du cinma. Or cette dmarche est loin daller
de soi puisque, peu aprs, larchologue Kurt-Wilhelm Marek ( qui signe de
lanagramme C.W. Ceram )51 postule, lui, quil convient prcisment de faire
dbuter le cinma avec la pellicule et la projection et que tout le reste ( jouets
optiques, ombres, lanternes, etc. ) est hors-sujet :
Nous signalerons ds maintenant dans cette volution, mais pour lexclure, une
autre filire, qui nintresse pas lhistoire du cinma, savoir la science des automates,
des jeux de personnages mobiles et des images de mouvement . Nous laisserons galement de ct les thtres dombres chinoises, indiennes et javanaises, les automates
de thtre et les jouets du baroque, ainsi que les thtres de marionnettes. De mme
les diableries de Porta utilisant la camera obscura , les fantasmagories de
Robertson, et les dissolving views de Child. [] Nentrent pas non plus dans notre
archologie, pour une raison purement technique, le thaumatrope et les images
coulissantes de la lanterna magica . En aucune faon le premier ne comporte de
mouvement ; il transforme, tout bonnement, en une seule image, par une identification illusoire, deux poses diffrentes. De mme les images coulissantes ne prsentent
pas de vritable mouvement, mais seulement un changement de position . 52
Si le premier argument de Ceram est assez commun, qui distingue le cinmatographe ( quipement technique du film ) et le cinma
( quelque chose de plus quune technique ), il est intressant de sattarder sur
deux autres distinctions qui lui permettent de dfinir ce qui entre ou non dans
une histoire du cinma. Il sagit, dune part, de la distinction entre la mcanique et la technique : la premire tant statique, la seconde dynamique et la
cinmatographie tant un produit ( une invention ) des sciences devenues
dynamiques . Il ny a pas ici dvolution de lun lautre, mais une mutation, de la pense mcanique la pense technique crit-il, ce qui lui permet
dexclure, on la vu, nombre de pratiques spectaculaires ou reprsentatives.
Dautre part, il distingue limage filmique, qui prsente un vritable mouvement , du changement de position des images de la lanterne ou de la transformation de deux poses diffrentes en une seule image par identification
illusoire dans le thaumatrope. Or sur ces diffrents points on peut relever le
positionnement inverse dEisenstein, en particulier sur la base de lUrphnomen
des Films qui part prcisment du fait que le film produit le concept de mouvement ( dans la tte du spectateur ) partir de deux immobilits qui se
207
208
succdent et se superposent. Cest un aspect que reprendra son compte lhistorien de lart Pierre Francastel lui aussi lecteur de Sadoul53 dans ses cours
sur le cinma54.
La New History a sans doute fait passer lhistoriographie du cinma de la
question de lorigine celle de la gense pour employer la distinction de
Georges Canguilhem , du rcit linaire et progressif larchologie et la
gnalogie pour parler comme Michel Foucault , mais on peut moduler
lampleur de la rupture pistmologique de 1978 quelle oprerait. Si les
noncs sadouliens suivent en plan gnral un vecteur volutif fond sur
lenchanement causal essentiellement dailleurs en raison dune proccupation ente sur lvolution du langage cinmatographique qui est son point
darrive, on la dit , ses analyses en gros-plan , par strates historiques, relvent dun autre rgime, en particulier sagissant des changes intermdiaux.
Ses rflexions sur la dialectique de linvention, de ltat des techniques et de la
demande sociale sont mal connues55. Comme Georges Friedmann dans les
Annales56, Andr Bazin dans Critique en pointait la nouveaut dans son
compte-rendu du premier volume de lHistoire gnrale du cinma, mais, dans
la version finale du texte la seule dsormais connue , il la dtournait son
compte et figurait Sadoul en marxiste stalinien 57. Ce qui distingue Sadoul
de Bazin et le rapproche dEisenstein, cest prcisment cet intrt pour les
objets matriels, les pratiques et les exprimentations. Position qui les amne
tous deux envisager sans cesse llargissement du cinma dautres possibles
technologiques dans la mesure o ils envisagent lun et lautre cette propension
la compatibilit plutt qu lhomognit pour employer le vocabulaire de Simondon58. Ainsi Sadoul, dans un petit livre de vulgarisation en 1957,
aborde-t-il lenregistrement magntique puis la transmission immatrielle des
images et leur transformation en courants lectriques moduls ( comme
Lon Moussinac avait voqu, en 1926, la transmission du film distance59 ).
Sans pour autant ngliger les effets en retour de ce que Sadoul appelle une
commande sociale ou le fait que, comme lcrit Eisenstein dans ses Notes ,
les tendances esthtiques peuvent devenir le point de dpart de possibilits
techniques.
Loin de souscrire la lutte de lide platonicienne du cinma contre les
pesanteurs de la matire, quvoque Bazin60, ils sinscrivent bien plutt dans ce
quAlthusser a appel le courant souterrain du matrialisme de la rencontre 61. Eisenstein lexplicite dans un texte tonnant, rattach par les diteurs
russes aux mmoires , intitul Torito 62 ( 1934 ), o il tudie les voies de
linvention partir de lexemple de Gutenberg tel que la analys Joseph-Marie
Montmasson dans son livre le Rle de linconscient dans linvention scientifique 63.
Il dveloppe une logique en trois tapes allant de l ide fixe au projet et
ses mise en uvre en passant par des assemblages , des analogies et des
extrapolations entre techniques diffrentes, parfois fort loignes, pour
rpondre lexpression du groupe social dont il partage les intrts et convergeant vers la mise au point dun appareil . Dans le cas de Gutenberg, le dsir
de concrtiser une ide dtermine () correspondant la demande de ceux qui
partagent sa foi ( diffuser plus largement la Bible, contribuer au succs des
plerinages dAix-la-Chapelle ) rencontre des traits fondamentaux dans des
techniques existantes : la reproduction des gravures, limpression par pression sur
le papier, la reproduction du dessin des lettres grce un moule. Ces trois
moments dcisifs naissent en sappuyant sur lexprience et le principe de trois
situations techniquement analogues : les cartes jouer et les images de saints
donnent lide dutiliser la technique dimpression de gravures pour reporter les
lettres ; la presse raisin et le sceau des moines suggrent dutiliser ltain comme
matriau pour les caractres dimpression ; enfin la frappe de monnaie et sa
frappe font natre un appareil analogue pour fabriquer les lettres. 64
Lanalogie, la slection de traits distinctifs dans des pratiques et des techniques et leur assemblage fusionnent ainsi en une nouvelle invention
autonome 65. Les emprunts mtonymiques monts produisent un saut qualitatif, celui de linvention, pourrait-on dire en employant le vocabulaire
hegeliano-marxiste dEisenstein lui-mme. Cela distingue enfin lamlioration
lente de la mutation en matire dvolution des objets techniques66.
Cette position dhistorien du cinma conduit Eisenstein des dveloppements nouveaux comme ceux sur la gravure, la photographie, le vitrail, la
typographie. Ne prenons que lexemple de la photographie. Dans ses crits la
place occupe par le photographique comme saisie des donnes profilmiques,
enregistrement, avait fait passer la trappe la photographie. On relve le mme
type descamotage chez les Formalistes. Il sagissait de faire advenir les procds constructifs, avant tout le montage, et la saisie photographique ntait vue
que comme la matire premire de cette opration67. Dans les Notes , la photographie est aborde dans une profondeur historique qui remonte aux momies
et aux masques mortuaires et repasse par lart photographique . Celui-ci est
abord en particulier avec Hill68, or ce dernier est associ une laboration de
limage via les temps de poses, limage composite, le montage dans le temps
( lumire ) et lespace ( 30 ngatifs pour une image ), comme Le Gray ( galement cit ) peut ltre dans la pratique du montage de deux ngatifs ( ciel et
mer ), soit le renversement du prjug de la photographie comme saisie de ce
qui est, empreinte telle quelle, automatisme Cest pourquoi le passage dat
du 2 dcembre 1946 sur la prservation ternelle de ltre physique via la
momification du hros, du masque mortuaire dans la mentalit prlogique
( pp. 37-38 ) peut sans doute tre rapproch de Lontologie de limage
209
210
restitution sur cran ne passent plus par la conservation de traces mais par
un calcul, les ambiguts de la perception ( voit-on limage qui se rflchit sur
la rtine ? est-ce lil ou lme qui voit ?75 ) et surtout du modle de la camera
obscura par rapport la perception se dissipent : notre il convertit les ondes
lectromagntiques en images 76. En outre la distance entre capture dimage
et de son est relativise : Wittgenstein observait le passage de la partition lexcution musicale puis lenregistrement de celle-ci dans les sillons dun disque en
mettant lensemble du processus sous la loi de la projection / traduction 77.
Un texte des mmoires, Les uvres de Daguerre 78, situe bien le positionnement dEisenstein. Il parle de sa visite un petit muse en Californie o
sont exposs en vitrine des daguerrotypes et toute son attention est requise par
la ralit matrielle de ces plaques mtalliques qui refltent ( miroir ) limage
de celui qui la regarde autant quelles supportent ( empreinte ) limage impressionne, selon langle que lon adopte79 , et par les couches dhistoricit quil
soulve une une :
Cest la premire fois que jai vu et compris des daguerrotypes.
Petits, presque compltement noirs, datant de lpoque o lon utilisait le zinc, ou
avaient une surface lisse qui clignait malicieusement en ma direction, il fallait les tenir
en orientant dune certaine faon la surface de verre pour laisser voir limage, lintrieur de petits mdaillons, entours dun fin cadre gaufr, en lamelles de cuivre, fines
comme une feuille de mtal.
Avec des bouquets estamps sur le petit couvercle extrieur.
Et lintrieur un fragment dimage vivante, comme un fragment de vie dune
poque, modle vivant du caractre national. []
Et par ailleurs le pass, mme sil nest pas trs ancien, cest un autre monde, un
autre sicle qui me regarde de ses yeux vivants, entre ces minuscules mdaillons ouverts
o, sur une moiti il y a un petit coussin de velours peine rp et fan, de couleur
orange, cerise ou chocolat, tandis que de lautre ct il y a les yeux, les raies, les kpis
et les barbiches coupes la Uncle Sam de gens innombrables, actuellement pour la plus
grande partie anonymes, mais qui furent un jour de ces gens de premier plan dans
leurs petites villes, connus et respectables, de ces Amricains des annes quarante, cinquante et soixante, actifs, pratiques et habiles en affaires ! []
Comme le petit miroir du laryngologue, la surface dun autre daguerrotype, plus
ancien, joue avec un rayon de soleil. Entre les clats de sa surface on saisit les contours
fugitifs de ples carreaux.
[]
Les poses des daguerrotypes sont presque aussi traditionnelles [que les portraits de
famille dus aux peintres itinrants que la mthode subtile de Daguerre et de Niepce
a peu peu supplants ]. Mais, mon Dieu, quelle diversit de visages, quelles traces
biographiques actuelles dans les rides de ces visages, les doubles mentons, les petites
rides autour des yeux, les nez triomphalement retrousss des gens qui ont russi ; dans
les tristes visages juvniles apparaissant sous les kpis de confdrs ; ils ont lair
dattendre leur mort prochaine dans les infirmeries, tels que les dcrivent, de faon si
211
212
Lun des chapitres les plus tonnants et aussi des plus difficiles apprhender que nous devons cette mthodologie d histoire gnrale est peut-tre
celui intitul Eloge de la cin-chronique . On pourrait discuter de sa place
parmi ces Notes car, premire vue, il est consacr un problme proprement sovitique o, Eisenstein a t et est impliqu personnellement ; il y
dfend la position artistique qui a t la sienne ( il nest question que des annes 1920 et daucun film ultrieur ; en particulier il nest pas question dIvan ).
Mais la dmarche relve bien de la logique historio-graphique de cette histoire gnrale et elle offre ds lors un cas dcole . Son objet, encore insuffisamment valu ce jour pour ce quil fut et pour les suites quil a connues
et pourra connatre, est celui du cinma documentaire et dactualit quon
appelle dune seule expression en russe la cin-chronique ( kino-khronika ou
simplement khronika ). Plus prcisment ce sont les dbats virulents de la fin
des annes 1920 autour de la factographie, du document, de larchive qui sont
au centre du propos. Lenjeu de linterrogation dEisenstein nest rien moins que
la pertinence ou non du choix quil fit contre les partisans du cin-fait , de
la non-fiction et de tout le courant qui stait approfondi au cours de la
dcennie autour de Gan, Vertov, Arvatov, Brik, Trtiakov et quelques autres,
dans la promotion du matriau contre le sujet et mme la fable ( qui dforment le premier dans la mise en forme quils lui imposent ). Lui-mme fit demble le choix dun cinma de re-cration, de re-mise en scne de ce matriau
factuel ( dans la Grve et le Potemkine ) dans lordre dun pathos rvolutionnaire ( cest ce quil appelle ici cinma pique 81 ). Vertov lui reprocha
213
214
215
216
lappareil de prise de vue ( y compris avec les accommodations aux codes qui
rglent la camra )102 et la chane de reproduction du film. Le cas C., non cit
ici mais qui est sous-jacent au raisonnement men, avec sa mmoire-machinale
( Cf. la rflexion de la fixation des images dans la mmoire ), est la vrification de lisomorphisme entre lappareil de cinma et la conscience humaine,
conviction qunonce plusieurs reprises Eisenstein cette poque103. Automatoscope ( le nom de cet appareil Edison assez peu rpandu est choisi parce
quil connote lautomaticit de la vue ), le cinma exprime techniquement le
phnomne de rflexion de la ralit qui se trouve au fondement de la formation et de la constitution de la conscience humaine .
Ds lors, travers C., on pourrait reprendre le rcit historique lhistoire du
cinma du point de vue de la mcanisation des moyens techniques du processus mme de rflexion et de fixation des rsultats de cette fixation : Du
phnomne eidtique la camra photographique. Limmdiatet automatique
de la rflexion des phnomnes de la ralit dans le phnomne eidtique. La
fixation de la rflexion de limage des phnomnes dans la mmoire. () la
reproduction par des moyens techniques des processus et lobtention dune
copie des phnomnes de la ralit par des biais mcaniques et sa fixation par
des moyens techniques. ( p. 180 )
Lornement, mouvement du corps
Cette gnalogie psycho-physiologique connat cependant une rupture
d automaticit avec une premire intellectualisation , celle de la diffrenciation. Cest le moment du kinopravda ou du kinoglaz vertoviens, o apparaissent la pars pro toto, la rptition, les analogies, et le rythme et qui
correspondent lornement dans lhistoire de lart.
Eisenstein reprend cet effet Riegl la problmatique du contour. Elment
distinctif pour lhistorien car reproduire par modelage dans largile un animal
ne mobilisait pas, crit-il, une grande ingniosit, linstinct dimitation suffisait ; tandis que tracer un trait, extraire une silhouette procde dun acte crateur : assigner une surface donne limage dun tre de la nature. Mais l o
lhistorien de lart viennois exaltait laplat et la linarit, arrachement au prjug de mimtisme ou dasservissement au matriau et aux usages, Eisenstein
va dvelopper une tout autre approche en envisageant le contour comme mouvement corporel : tourner autour de soi, se prendre comme support ( tatouage ),
puis tourner autour du motif, avant de lapprhender distance dans lordre
de la reprsentation. On est l dans lune des dimensions cardinales de la
rflexion esthtique dEisenstein, celle qui a concerne la ligne dont sa pratique
217
218
graphique offre une mise en uvre. Le trait continu, duno tenore, non comme
prouesse mais comme mouvement corporel. Lornement joue de la rptition
des motifs, dun enchanement ininterrompu, se trouve en proximit avec la
frise et lenchanement des figures sur la bande de pellicule ou sur les tambours
des phnakistiscopes.
En ce sens, Eisenstein pose que le point de dpart de la nouvelle re ( dans
les arts aussi ) de lart cinmatographique sovitique, tout comme de la culture de lhumanit en gnral , a t la chronique ( p. 173 ), mais quavec la
Grve et le Potemkine il la faite exploser en sen emparant et lui donnant une
nouvelle qualit expressive. Les reproches de Vertov selon lesquels la Grve
aurait plagi le Kinoglaz sont donc ici reconnus et revendiqus.
La limite et le risque de lornement sont ceux de lornementalisme ( Vertov ),
la r-ornementation, la rgression du ct de la rptition, de lassociation
dimages par assonance, analogie ( Eisenstein a peut-tre en tte les assonances
gestuelles mise en uvre dans lHomme la camra, ou les ornementations
chorgraphiques de Berceuse ). Mais le cinma de mise en scne peut lui aussi
revenir la re-mise en scne de la chronique avec les moyens de la fiction et
dgnrer en stylisation documentaire , un manirisme esthtique ( ainsi
Rossellini et le no-ralisme, Nol Coward et certains films de guerre ) comme
la tlvision naissante qui est soumise la chronicalisation cest--dire la
mise en scne du document contemporain.
Baroque et dcadence
Cette agilit comparatiste dont fait preuve Eisenstein, ces constructions provisoires, ces engendrements proposs, ces rapprochements insolites dessinent
une histoire du cinma centrifuge, cest le moins que lon puisse dire, qui se distingue de la plupart des entreprises qui se mnent alors sous ce nom, soucieuses
au contraire de se montrer centriptes. La mobilisation de la psychologie, lethnologie, lhistoire de lart, la philosophie et toute une srie dautres savoirs pose
cependant le problme de la pertinence de ces ressources, dont nombre dentre elles sont devenus obsoltes, et des effets en retour quelles peuvent oprer
sur le raisonnement dEisenstein courant le risque ddifier une potique des
origines comme lcrit Rmy Labrusse de Josef Stryzgowski104.
A rebours de ce caractre centrifuge, il faut dire un mot du cadre sociohistorique quil se donne et qui exerce parfois des effets de rigidit surprenants.
Ds lors quon souhaite replacer ces Notes dans lensemble de sa rflexion
thorique, on constate que larticulation entre les trois niveaux distingus tout
lheure quon saisit ici dans une phase de travail qui conjugue la collecte,
Partout o nous trouvons runies dans un seul geste plusieurs intentions contradictoires, le rsultat stylistique appartient la catgorie du Baroque. Lesprit baroque,
pour nous exprimer la faon du vulgaire, ne sait pas ce quil veut. Il veut, en mme
temps, le pour et le contre. Il veut [] graviter et senfuir. [] Il bafoue les exigences
du principe de contradiction.107
219
dun montage fond sur lhtrogne. Pour cela il sest, dailleurs, vu rattach
au baroque . Viktor Chklovski, critiquant Octobre, voyait chaque objet
se dsagrg [er], se mtaphoris[er] et le film crer un style baroque sovitique 114 prconisant par ailleurs une nouvelle simplicit pour les
cinastes115.
Dsormais Eisenstein lie la bonne fragmentation, le bon montage, la
socit socialiste tandis que la mauvaise fragmentation est un symptme de
dcadence116.
La caractrisation quil fait en termes socio-politiques est si peu de pure
forme affichage de conformit avec la doxa stalinienne qu propos dun
livre dart publi en 1938, 100 Details from Pictures in the National Gallery117,
il pose la question : avons-nous raison dessayer de voir dans cette entreprise
anodine, parfois plus proche du jeu de gages ou de cache-cache une tendance
idologique et le signe dune poque ? Avec quelques autres, dont celui de
Luc et Paul Haesaerts, Flandres118, ce livre de Kenneth Clark tmoigne dun
courant de pense et de pratique iconographiques quon rduit aujourdhui au
seul muse imaginaire de Malraux lequel, manifestement, en hrite et sen
inspire faisant un nouvel usage de la photographie des uvres dart et, en particulier, des dtails. Eisenstein, que les ouvrages de Legendre et Hartmann et
de Willumsen sur Le Greco avait fortement inspir pour son essai sur ce peintre119, reconnat lintrt de cette lection dlments laisss inaperus dans
lapprhension de limage complte, lmerveillement mme qui emporte le
spectateur dont la vision dun tableau est ainsi renouvele. Manifestement sil
ne sen inspire pas, du moins sy retrouve-t-il. Mais en mme temps, sa pratique
lui du dtail diffre : elle rpond des exigences de comprhension densemble partir dun fragment expressif du tout cest la thorie de limage
globale , lobraz. Chez Clark, dplore-t-il, les dtails sont regroups tout
fait indpendamment des tableaux auxquels ils appartiennent, et seulement
pour leur charme propre et leur caractre rnovateur 120, avant dlargir son
propos aux revues des annes 1920 et 1930 ( Querschnitt, Varits, Promthe )
et leur usage du montage photo 121.
Sagissant du dtail , il suffit de prendre des exemples de fragmentation
chez Eisenstein lui-mme pour saisir la diffrence. Ainsi, dans son analyse du
Martyre de Saint-Maurice du Greco, il isole un lment qui peut chapper premire vue : une partie minuscule du tableau dans le coin gauche qui reprsente lessentiel savoir la dcapitation du saint, tandis quau premier plan, le
mme saint sentretient avec des capitaines de larme romaine. Une composition [qui] semble dnue de fondement mais qui sexplique par sa mise en
srie de diffrents cadres , une cin-composition o, travers des dtails
lointains et secondaires, travers une action sans importance ou des person-
220
221
222
Notes
1
Signale dans les notes dditeurs des uvres choisies en 6 vol. ( Iz pro ) notamment dans le
tome 3 comportant une partie de la Non-Indiffrente Nature ( Moscou, Iskousstvo, 1964 ; NIN 2,
note 18bis p. 360 ) , elles ont t publies en partie dans la revue Kinovedcheskie Zapiski par N.
Kleiman ( n15, 1992, n28, 1996 et n36-37, 1997-8 ) et en partie dans Metod 2.
2
S. Eisenstein, Programme denseignement de la thorie et de la technique de la ralisation ,
Cahiers du cinma n 222, juillet 1970, n223, aot-septembre 1970, n 224, octobre 1970 et
SW 3 chap. 9.
3
Ainsi distingue-t-il des phases ce cinma dans Le deuxime des trois ( Sovietskoie kino, n1112, 1934 article qui lui valut de violentes critiques et dont la version complte a t rcemment
publie par Richard Taylor dans Studies in Russian & Soviet Cinema, vol.1, n 2, 2007, pp. 211-233,
connu galement sous le titre Du thtre au cinma et repris partiellement dans Film Form ) , ou
dans son Discours la Confrence des travailleurs du cinma sovitique ( 1935 ) pour le 15e anniversaire du cinma sovitique ( SW 3, pp.16-26 ; version plus courte dans Film Form ). Sans compter des interventions comme Le plus important ( Izvestia, 6 janvier 1935 ) ; Un et indivisible
( Rflexion sur lhistoire du cinma sovitique ) ( [1947], non publi de son vivant, dans SW 3, pp.
341-348 ), ou encore, plus ponctuels : Donnez-nous un plan dEtat ( Kinofront n14-14, 1927 ),
Ce que nous attendons de la Confrence du Parti sur les questions du cinma ( Sovietski kran n1,
1928 ), Vingt ( 20e anniversaire du cinma sovitique, 1940 ), etc.
4
La continuit culturelle de la dite spcificit cinmatographique [spetsifika kino] partir
dautres formes artistiques contigus est maintenant plus clairement reconnue que jamais. La thorie de la gnration [samozarojdenie] du cinma a maintenant fait long feu. ( Le deuxime des
trois , op. cit., p. 213 ; version franaise altre, Du thtre au cinma , le Film : sa forme / son sens,
pp. 113-114 ).
5
Im outgrowing films , he said to Hans Richter. The medium is too primitive for me
( Mary Seton, S. Eisenstein, a Biography, Londres, Dennis Dobson, 1978 [1952], p. 147 [dition
franaise altre, M. Seton, Eisenstein, Paris, Seuil, 1957, p. 168] ). Il crit ici mme que sa limite
a t le cinma intellectuel ( p. 190 ).
6
lart est et reste pour nous, quant sa destination la plus haute quelque chose de rvolu. []
Cest pourquoi la science de lart est bien plus encore un besoin notre poque quelle ne ltait aux
temps o lart pour lui-mme procurait dj en tant que tel une pleine satisfaction. Lart nous invite
prsent lexaminer par la pense, et ce non pour susciter un renouveau artistique. Mais pour reconnatre scientifiquement ce quest lart. ( Hegel, Cours desthtique, Introduction I. , Paris,
Aubier, 1995, pp. 18-19 ).
7
Lnine, Quelle hritage renions-nous ? , uvres compltes, Moscou-Paris, Editions du Progrs, 1959, T. 2, pp. 539-540.
8
W. Benjamin, Sur le concept dhistoire , dans Gesammelte Schriften, Francfort, Suhrkamp,
1980, vol. I-3, p. 1242 [ne figure pas dans les ditions franaises]. Il parle dans le mme sens des
nergies destructrices du matrialisme historique ( Ecrits franais, Paris, Gallimard, 1991, p.355 ).
9
Michel de Certeau, lcriture de lhistoire, Paris, Gallimard, 1975, pp. 63-120.
10
Cf. parmi bien dautres ces affirmations de Jacques Deslandes : [] lhistoire du cinma,
cest--dire des films, peut maintenant commencer ((Histoire compare du cinma, I, De la cinmatique au cinmatographe, 1826-1896 Tournai, Casterman, 1966, p.7 ) ; ou encore : partir de
1896, lhistoire du Cinma nest plus lhistoire dune invention, mais celle dun Art. ( Ibid, p. 277 ).
223
224
11
Le mot dont lorigine est scientifique ( la cinmatique est introduite par Ampre pour
dsigner la science renferm [ant] tout ce quil y a dire des diffrentes sortes de mouvements
indpendamment des forces qui peuvent les produire dans ses Essais sur la Philosophie des Sciences,
Paris, Bachelier, 1834, 1re partie, chap. 1, 3 avant de devenir une branche de la physiologie chez
Marey ) apparat en franais chez Eisenstein plutt sous sa forme adjectivale ( ainsi dans Dramaturgie
de la forme filmique en 1929 [Cinmatisme, p. 26] ). Il circule largement au dbut des annes 1920
chez les thoriciens et critiques de cinma franais comme Canudo, Moussinac ou le Russe migr
Andr Levinson, etc. Il peut mme avoir le sens de cinmatographique en opposition artistique
( ainsi dans le catalogue du Salon dAutomne de 1921, dans la prsentation des sances du Club des
Amis du Septime Art, on lit : Relever le niveau intellectuel de la production cinmatique franaise ). Lon Moussinac opposait les arts cinmatiques plastique mouvante aux arts statiques
( avant tout la peinture ) ( A propos du dcor au cinma , Cinmagazine n11, 17 mars 1922 ou De
linfluence des peintres sur le cinma , Art et dcoration, avril 1923, notamment ).
12
M. Merleau-Ponty, Le philosophe et son ombre dans Signes, Paris, Gallimard, 1960 ( repris
dans Eloge de la philosophie et autres essais, Paris Gallimard ides , 1966, pp. 242-243 ). Benjamin
reprend Andr Monglond une comparaison de ce retard avec la photographie : Le pass a laiss
de lui-mme des images comparables celles que la lumire imprime sur une plaque photosensible
et seul lavenir possde des rvlateurs assez actifs pour fouiller parfaitement de tels clichs ( Ecrits
franais, 0p. cit. p.354 ).
13
Dans Les nouveaux problmes de la forme au cinma ( 1935 ), Eisenstein dit vouloir dpasser les points de vue d coles , de programmes et de tendances qui opposaient les uns et
les autres dans les annes 1920, au profit de la recherche dune mthode, dun mode gnral pour
les problmes de la forme applicable tous les genres de ralisation dans le cadre gnral du ralisme socialiste , recherche ncessitant dlargir les questions en direction de la culture elle-mme
et de recourir la recherche scientifique acadmique . Il dit ainsi tre engag dans la mise sur pied
dune Acadmie du cinma ( le Film : sa forme / son sens, p. 165 ).
14
Voir Rostislav Yourenev, Eisenstein , Anthologie du cinma n1, 1966, pp. 60, 62 et Werner
Sudendorf, Sergej M. Eisenstein Materialen zu Leben und Werk, Munich, Carl Hanser, 1975, pp. 2012. Dans les Conspectus of Lectures on the Psychology of Art de 1947 il est fait rfrence la sollicitation du Prof. Alexandre Louria de lUniversit de Moscou de venir y donner un cours sur la
psychologie de lart ( Psychology of Composition, p. 16 ). ( sur les rapports Eisenstein-Louria voir infra ).
15
Voir notre introduction la Potique du film. Textes des formalistes russes sur le cinma,
Lausanne, LAge dHomme, 2008 [1995].
16
Cest dailleurs I. Grabar qui fut linitiative, en juin 1943, de la politique de compensation
des destructions culturelles causes en URSS par linvasion nazie sous forme de saisie duvres dart
en Allemagne.
17
Voir la publication de cette correspondance par Sergei Kapterev dans Studies in Russian &
Soviet Cinema vol. 4 n 2, 2010, pp. 245-253. Ldition ( Moscou, Goskinoizdat, 1945 ) se prsente
sous le titre Matriaux sur lhistoire de lart cinmatographique mondial sous la direction des Professeurs S. M. Eisenstein et S. I. Ioutkvitch, docteurs en sciences de lart . Les deux premiers volumes
appartiennent lensemble Cinma amricain , le vol. 1 est consacr Griffith et le 2 Chaplin et
comportent tous deux des essais sur les auteurs ( dont Dickens, Griffith et nous et Charlie the Kid
dEisenstein ) et une large partie documentaire avec des textes des cinastes. Un Chaplin de G. Avenarius paratra en 1959 aprs la mort de son auteur ( Moscou, Izdatelstvo Akademii Naouk SSSR ).
18
Cf. Gueorgui Plekhanov, Gyrgy Lukcs, ou, en histoire de lart, Arnold Hauser ou Max Raphal quEisenstein cite dans la Non Indiffrente Nature ( Max Raphal, Proudhon, Marx, Picasso.
Trois tudes sur la sociologie de lart, Paros, Excelsior, 1933 ). En 1939, Hauser a publi dans Sight and
Sound un important essai intitul The Film as a product of society ( vol.8, n 32, Hiver 1939-1949,
pp. 129-132 ) quil est fort probable quEisenstein a lu car il y est longuement question de son
cinma, et qui croise en plusieurs points ses propres rflexions.
19
Cf. Koulchov, Lart, la vie contemporaine et le cinmatographe , 1922 ( dans L. Koulchov,
lArt du cinma et autres crits 1917-1934, Lausanne, LAge dHomme, 1995 ).
20
Hauser voit dans le cinma russe lavnement dun classicisme ( the Russians become the first
classicists of the new art ) en raison de la correspondance entre la technique du montage court, de
lusage de la pars pro toto et du matrialisme historique et de la capacit de ce cinma dpasser son
poque. Aprs avoir cit la fameuse phrase de Marx sur la permanence duvres dart tels que lIliade
et lOdysse au-del des conditions sociales qui les ont vu natre, il crit que les uvres dEisenstein et
de Poudovkine, sont en quelque sorte les popes homriques du cinma ( The works of Eisenstein
and Pudowkin are really in some measure the Homeric epics of the cinema , art. cit., p.132 ). Cette
revendication dun classicisme ( qui contraste avec la condamnation du baroque et des diverses
dgnrescences artistiques ) apparat explicitement dans la confrence dEisenstein de 1935, Les
nouveaux problmes de la forme au cinma : notre cinma sovitique [] entre dans son re classique ; nous entrons dans la priode la plus remarquable de notre cinma celle du classicisme ( le
Film : sa forme / son sens, pp. 165-166 ). Elle donne dailleurs lieu un dbat nourri qui amne Eisenstein a prciser le sens quil donne ce terme : modle de la plus haute qualit ( Ibid, p. 172 ).
21
Cf. la rfrence Max Nordau qui lana le terme dEntartung [dgnrescence], en 1892,
contre Wagner faisant cho lexpression de Baudelaire voyant en Manet le premier dans la dcrpitude de son art ( lettre du 11 mai 1865 ). Voir aussi les passages repris Max Raphal sur Picasso
( op. cit. ) dans la Non Indiffrente Nature. On peut confronter ce diagnostic avec celui, divergent in
fine, que porte Walter Benjamin dans Luvre dart lpoque de sa reproduction mcanise : Les
extravagances et les crudits de lart, qui se produisent ainsi particulirement dans les soi-disant
poques dcadentes, surgissent en ralit de son foyer crateur le plus riche. ( Ecrits franais, Paris,
Gallimard, 1991, op. cit. p. 165 ). Diagnostic prononc, il est vrai, avant la Deuxime Guerre mondiale qua traverse Eisenstein quand il rdige ses notes ( le projet de prface The Film Sense quil rdige en 1942 est galement pntr de cette conscience historique des deux guerres mondiales et des
dsastres quelles ont gnrs. Cest l quil se montre particulirement dur avec les tendances la
dsintgration des ismes , rgression au point zro seul le cinma rsistant cette dcrpitude ).
22
the key cultural form of the twentieth century , L. Manovich, The language of the new
media, Cambridge Mas. / Londres, The MIT Press, 2001. Lauteur en tire que La thorie et lhistoire du cinma servent comme cl conceptuelle, de lentille travers laquelle je peux regarder les nouveaux mdias [The theory and history of cinema serve as the key conceptual lens through which I
look at new media]. ( pp. 8-9 ). Cette question de la place du cinma par rapport aux autres mdias
est dj pose dans lentreprise filmologique de Gilbert Cohen-Sat. Roland Barthes, qui avait
reconnu [le cinma] comme le modle des mass-media une anne plus tt, jugera, loccasion du
Congrs de filmologie de Milan de 1961, que la domination du cinma se justifie sans doute historiquement mais ne saurait le faire pistmologiquement ( Communications, n1, 1961,
pp. 223-224 ). Sur lInstitut de filmologie et ses perspectives et mthodes voir F. Albera, M. Lefebvre ( dir. ), La filmologie, de nouveau , Cinmas, vol.19, n2-3, 2009.
23
M. Foucault, lArchologie du savoir, Paris, Gallimard, 1969, pp. 17-19.
24
Dans le sillage de qui on peut citer dans des directions souvent tout autres Vanessa Schwartz,
Friedrich Kittler, Stefan Andrianopoulos, Ray Beth-Gordon, Andreas Mayer, Patrick Dsile, JeanLouis Dotte, etc. On a entrepris pour notre part douvrir cet espace pistmique avec la proposition dune pistm 1900 et une thorie des dispositifs ( F. Albera, Maria Tortajada dir., Cinema
Beyond Film, Amsterdam, AUP, 2009 ). Voir aussi First Discourses on Film and the Construction
of a Cinematic Episteme ( dans Andr Gaudreault, Nicolas Dulac, Santiago Hidalgo, dir., A
Companion to Early Cinema, Londres, John Willey, 2012, pp.121-140 ).
225
Richard Abel ( dir. ), Encyclopedia of Early Cinema, Londres-New York, Routledge 2005.
Sur ce point voir Mikhal Iampolski, Transparantnaa jivopis : ot mifa k teatrou , Sovietskoe
iskousstvoznanie, n21, Moscou, 1986 ( Transparency Painting : from Myth to Theater , Tekstura,
Chicago-Londres, The University of Chicago Press, 1993 ).
27
Andr Gaudreault ( qui, avec Tom Gunning, lui avait emprunt la notion d attraction , puis
celles de mise en cadre / mise en chane ), a pu tablir des rapprochements entre la pratique filmique
dEisenstein et le cinma des premiers temps ( voir Dominique Chateau, Franois Jost, Martin
Lefebvre, dir., Eisenstein : lancien et le nouveau, Paris, Les Presses de la Sorbonne, 2001 ).
28
Il faudrait ici introduire la rfrence aux travaux historico-critiques dAllan Sekula sur la photographie qui nont pas dquivalent dans lhistoriographie du cinma. Les croisements avec Eisenstein, qui accorde ici une place importante la photographie et voque aussi bien Galton que le
photomontage politique, le suggrent ( voir notamment Dfaire le modernisme, rinventer le
documentaire : note sur une politique de la reprsentation [1976] et Le corps de larchive [1986]
tous deux repris dans le recueil Ecrits sur la photographie ( Paris, Beaux-Arts de Paris, 2013 ).
29
Lon Moussinac, Naissance du cinma, Paris, Povolovsky, 1925, pp. 52-55. En fait il rassemble tout sous le terme de photognie . Ce livre est traduit en russe lanne suivante ( Rojdenie kino,
Leningrad, Akademia, 1926 ). Les Formalistes le citent. Ses rditions franaises dans lAge ingrat du
cinma ( Paris, Sagittaire, 1946, puis Editeurs Franais Runis, 1967 ) omettent les trois pages de
citation de Vinci. Eisenstein reprend son tour les descriptions de Vinci ( bataille, tempte, dluge )
dans Le cinma et la littrature ( de limagicit ) [1933] ( Mouvement, pp. 22-24 ) sous langle du
dcoupage cinmatographique.
30
Jean George-Auriol, Les origines de la mise en scne , Revue du cinma n1, 1946. Carlo
Ragghianti soutient ainsi que le cinma extriorise le facteur temps qui est intrinsque aux autres
arts ( Cinema Arte Figurativa, Turin, Einaudi, 1952 p. 77 ).
31
Nikola Lebedev, Otcherk istorii kino SSSR, Moscou, Goskinoizdat, 1947 ( trad. italienne : Il cinema muto sovietico, Turin, Einaudi, 1962. Prface de Guido Aristarco ).
32
Grce son rseau damis, Eisenstein suit de prs ce qui se publie on le constate la lecture de
ses textes et aux rfrences multiples quil fait. M. Seton insiste sur la boulimie de livres dEisenstein
dans ces annes-l, ses constantes sollicitations auprs de ses amis occidentaux ( Moussinac, Leyda,
Montagu notamment ) pour quils lui envoient des livres.
33
M. Bardche, R. Brasillach, Histoire du cinma, Paris, Denol et Steele, 1935 ( Maurice Bardeche
& Robert Brasillach [traduit et corrig par Iris Barry] History of the Film, Londres, George Allen &
Unwin, 1938 ). Eisenstein cite ldition franaise dans Comment jai appris dessiner ( dans
Mmoires1, Paris, UGE, 1978, p. 106 et Eisenstein, SW 4, p. 579 ).
34
Terry Ramsaye, A Million and One Night, New York, Simon & Schuster, 1926 ; Gilbert Seldes,
The Movies Come from America New York, Charles Scribners and Sons, 1937. Prface de Chaplin
( sous-titre : Movies for the Millions ). Eisenstein cite galement An Hour With the Movies and the Talkies, Philadelphia, Lippincott, 1929 et The Seven Lively Arts, New York, Harper & Bros., 1924 ; Eric
Elliott, Anatomy of Motion Picture Art, Territet, Pool, 1929 ; Lewis Jacobs, The Rise of the American
Film : A Critical History, New York, Harcourt Brace, 1939 ; Iris Barry, D.W. Griffith : American Film
Master, New York, The Museum of Modern Art, 1940.
35
G.-Michel Coissac, Histoire du cinmatographe, Paris, Cinopse / Gauthier-Villard, 1925 ;
Georges Potonnie, les Origines du cinmatographe, Paris, Paul Montel, 1928 ; Franz Paul Liesegang,
Zahlen und Quellen : zur Geschichte der Projektionkunst und Kinematographie, Berlin, Deutsches
Druck und Verlaghaus, 1926 ( trad. angl. Dates and Sources. A Contribution to the history of the art
of the projection and to cinematography, Londres, The Magic Lantern Society of Great Britain, 1986 ).
36
Ce cours examinera, pour la premire fois, dans lhistoire, la structure et les fonctions de
limage en mouvement comme art et comme industrie. De nombreux films, procds cinmatogra-
phiques et documents lis lmergence et lvolution du cinma seront montrs quand ce sera
ncessaire la conduite du cours. ( cit par Dana Polan, The Beginnings of the U.S. Study of Film,
UC Press, 2007, p. 94 ). La perspective de Ramsaye est, en revanche, lexemple mme du dfaut de
tlologie reproch aux premiers historiens du cinma. Pour lui non seulement la venue du
cinma tait invitable ( The coming of the motion picture was inevitable ) ( op. cit., p. 2 ) mais
tout annonce et prfigure ce dernier sous les espces de la camera obscura ( That hole in the wall of
a chamber in Hellas was the pinhole aperture which cast a true image of the sun, and that darkened
room was in truth a camera ( p. 2 ) ; Leonardo observed that if he cut a small circular hole in a
shutter of a darkened room the would be an image on the wall opposite [] : This room was in reality the camera obscura [] and it was indeed too the camera of to-day ( p.4 ).
37
The progression from the concrete picture to the abstract thought is nearly identical in every
form of expression. This places the motion picture in a most significant light. ( op. cit., p. lX ).
38
G. Sadoul, Histoire gnrale du cinma, Tome I. LInvention du cinma, 1832-1897, Paris,
Denol, 1945 ( 2e dition 1948 ), Tome II. Les Pionniers du cinma, 1897-1909, Paris, Denol, 1947.
39
Histoire spciale et histoire gnrale est une opposition que font Charles-Victor Langlois
et Charles Seignobos dans leur Introduction aux tudes historiques ( 1898 ). Sadoul va cependant
rapidement revenir une histoire particulire avec le volume synthtique quil publie en 1949 :
Histoire dun art le cinma. Des origines nos jours ( Paris, Flammarion, 1949 ), rgulirement rdit
mais sous le titre Histoire du cinma mondial. Des origines nos jours, jusquen 1990, ainsi quen livre
de poche sous le titre Histoire du cinma ( Paris, Jai Lu, Connaissance 1 , 1962 ). Cest malheureusement cet ouvrage qui sera le plus traduit et que mme des chercheurs commentent quand ils
veulent dfinir la dmarche de Sadoul ( ainsi Bordwell ou Lagny ).
40
Voir ce sujet F. Albera, Le Paradigme cinmatographique dans 1895 revue dhistoire du
cinma, n66, printemps 2012, passim.
41
Les Formalistes ( notamment Eikhenbaum et Tynianov ) reprennent leur compte ce schma
( voir les Formalistes russes et le cinma, op. cit. ).
42
Dans le premier numro de la Revue internationale de filmologie en 1947. Il annonce en 1951
quil va publier un volume consacr Origines et dveloppement de la syntaxe du film ( 1895-1930 )
qui ne verra pas le jour ( Histoire gnrale du cinma, Tome 3. Le cinma devient un art 1909-1920,
Paris, Denol, 1951, pp. VIII et X de lAvertissement ).
43
Les Lettres franaises, n477, 6 aot 1953, p. 5.
44
M. Seton fait rfrence lune de ces lettres ( Eisenstein, op. cit., p. 466 ) que Sadoul avait d
lui communiquer. Elles sont conserves, non classes, la Cinmathque franaise et jen ai publi
quelques-unes dans Eisenstein dans la ligne ( Colloque de Cerisy Lancien et le nouveau , 1996 ),
dans D. Chateau, F. Jost, M. Lefebvre ( dir. ) Eisenstein : lancien et le nouveau, op. cit., pp. 96-97. A
la mort dEisenstein Sadoul publie un passage de lune delles dans Cin-Club n5, mars 1948.
45
Close shots of heads and objects were not so rare in the pre-Griffith film as is generally assumed ; close shots can be found used solely for novelty or trick purposes by such inventive pioneers
as Mlis and the English Brighton School ( as pointed out by Georges Sadoul ) ( Film Form,
p. 224 ). On trouve ce passage dans ldition italienne ( Forma e tecnica del film, Turin, Einaudi,
1964, p. 196 ) ainsi que dans ldition franaise dArmand Panigel ( le Film : sa forme / son sens, p. 408 :
Les gros plans ntaient pas si rares quon le prsume dans les films antrieurs Griffith. On peut
trouver des gros plans, mais seulement utiliss des fins dattraction et de nouveaut dans les films
de pionniers ingnieux comme Mlis et la Brighton School anglaise ), mais pas dans ldition
russe des Iz pro 5, pp. 129-180] ). Ldition de Richard Taylor des S W 3 en donne une autre version :
The logically informative close-up can be found even earlier, e.g. in the same Porters The Life of
an American Fireman [USA, 1903] where the fire alarm is shot in close-up ( p. 215 ). Ecrit en 1942
et publi en 1944, Dikkens, Griffit i my a t revu par Eisenstein en 1946-7 quand Leyda
25
26
226
227
228
prparait Film Form ( voir M. Seton, op. cit., p. 472 ) ; il en va de mme que pour les textes quil
adresse Panigel en vue de ldition franaise chez Jacques Melot ( Seton, op. cit., pp. 464-5 ). Seule
la consultation des manuscrits respectivement adresss Leyda et Panigel permettrait de savoir ce quil
en est, mais lexprience quon a eue de certains manuscrits de Film Form ( conservs dans le fonds
Leyda du MoMA ) et de ceux de The Film Sense ( que possdait Ivor Montagu ), nous a convaincu
que les variantes que lon peut reprer dans ces ditions de langue anglaise par rapport des ditions en russe antrieures ou des manuscrits rests Moscou, sont bel et bien de la main dEisenstein
qui tenait actualiser sans cesse ses textes et les adresser aux lecteurs des diffrentes aires culturelles avec le plus de prcision possible.
46
Il sagit de lHistoire gnrale du cinma, 2e tome, op. cit., pp. 330-332 ( 3e dition, 1978,
pp. 303-4 ).
47
Il sagit du livre de Maurice Bessy, [Guiseppe Maria] Lo Duca, Georges Mlis : Mage. Suivi de
Mes mmoires, par Georges Mlis ( Paris, Prisma, 1945 ) auquel il est fait allusion peu aprs. La rfrence ce livre richement illustr ( en couleur ) offrant une documentation bien au-del des seuls films
( le Mlis caricaturiste, illusionniste, metteur en scne du Thtre Robert-Houdin ) est, elle seule,
significative : Eisenstein y a manifestement puis galement une incitation son approche largie
et plusieurs renseignements prcis, dont la reconstitution anticipe du couronnement du roi Edouard
VII en 1902 ( pp. 199-200 ) auquel puise galement Sadoul semble-t-il ( Histoire gnrale du cinma,
2e tome, op. cit., pp. 229-232 ). En revanche louvrage ne parle pas du Potemkine de Nonguet.
48
Un demi-sicle de cinma parlant ( 1889-1939 ) , le Point Cinma , n XVIII, dcembre 1938, p. 248-258 ; Naissance de la photographie , Regards n 262, 19 janvier 1939, pp. 20-21 ;
Les origines du cinma amricain , Regards n 267, 23 fvrier 1939 ; Le rle de la France dans la
naissance du cinma amricain , Regards n 268, 2 mars 1939, p. 19 ; Le cinma est parlant depuis
le dbut , Regards n 269, 9 mars 1939, p.18 ; Les premiers pas du cinma. Linvention des premiers appareils dessins anims. 1824-1853 , la Pense n2, janvier-mars 1945 ; Lcole de Brighton ( 1900-1905 ). Les origines du montage, du gros-plan et de la poursuite , Cinma, no 2, Paris,
IDHEC-Jacques Melot, 1945 ; Linvention du cinma , Labyrinthe, n 13-14, septembre 1945 ;
G. Sadoul, Paul Reynaud, Emile Reynaud peintre de films ( 1888-1918 ), Paris, Cinmathque franaise, 1945 ; Le Fantme de lOpra , lEcran franais, 25 dcembre 1945 ; Les apprentis sorciers.
DEdison Mlis , la Revue du cinma n1, 1946 ; Early Film Production in England : The Origin of Montage, Close-ups, and Chase Sequence , Hollywood Quarterly n3 avril 1946 ; Louis
Lumire metteur en scne , Intermde, juillet 1946 ; Georges Mlis et la premire laboration du
langage cinmatographique , Revue internationale de filmologie, n1, 1947 ; Lart et lindustrie du
cinma au temps des pionniers , Europe, vol. 25, n 19, juillet 1947 ; British Creators of Film Technique, Londres, British Film Institute, 1948.
49
Dans les Lettres franaises du 20 aot 1953, lorientaliste Maxime Rodinson publie un article
intitul Un anctre du cinma le thtre dombres oriental , le Wa-yang, quil ddie Sadoul afin
denrichir son premier tome de lHistoire gnrale du cinma ( p.7 ). On sait par ailleurs quen 1908
le Tchque Vaclav Tille tablit une gnalogie du cinma partir des thtres dombres ( Kinema
trad. fran. dans les Dossiers de la Cinmathque [Montral], n4, 1979 ).
50
Friedrich von Zglinicki, Der Weg des Films. Die Geschichte der Kinematographie und ihrer Vorlufer, Berlin, Rembrandt, 1956. Les treize premiers chapitres ( sur 36 ) sont consacrs aux prcurseurs ( Vorlufer ), partir des peintures rupestres et un tableau de lvolution des espces dimages
est propos ( p. 193 ).
51
Ecrivain amateur darchologie serait plus exact. Marek avait uvr sous le 3e Reich dans les
services de la Propagandastaffel, ce qui explique sans doute le recours un pseudonyme.
52
C.W. Ceram, Archologie du cinma, Paris, Plon, 1966, pp. 16-17 ( dans ldition amricaine
antrieure : Archaeology of the Cinema, New York, Harcourt Brace & World, 1965, p. 17 ).
53
Cf. P. Francastel, Histoire gnrale du cinma. Tome I. Linvention du cinma, 1832-1897.
Tome II. Les pionniers du cinma, 1897-1909 par Georges Sadoul , lAnne sociologique, vol. 3,
n3, mars 1949, pp. 878-879.
54
Voir F. Albera, Pierre Francastel, le cinma et la filmologie dans Cinmas vol. 19, n2-3,
printemps 2009, pp. 287-316 ainsi que les indits de Francastel publis en annexes ( pp. 317-331 ).
55
Ainsi la taxinomie pdagogique de David Bordwell et Kristin Thompson dans Film History :
An Introduction ( New York, McGraw-Hill, 1994 ) ou de Bordwell seul dans On the History of Film
Style ( Cambridge, MA, Londres, Harvard University Press, 1997 ) distingue une Standard
Version suivant la Basic Story , purement numrative, qui adopterait une perspective tlologique, par opposition au Dialectical Program de Bazin et l Oppositional Program de Burch,
fait-elle bon march de la ralit des travaux et des rflexions de Sadoul qui nont manifestement pas
t lus par ces auteurs.
56
Georges Friedmann, Sur une histoire du cinma , Annales. Histoire, sciences sociales, vol.1,
n3, pp. 275-277.
57
Le Mythe du cinma total et les origines du cinmatographe , Critique n 6, 1946 et Le
Mythe du cinma total dans Quest-ce que le cinma ?, Paris, Cerf, 1958, tome 1 ( voir F. Albera,
Trois intrigues de Georges Sadoul , Cinmas, vol. 21, n1, 2011, p. 56 ). Georges Friedmann ( art.
cit. ) relve, parmi les mrites de lentreprise, lattention porte aux dcalages et aux inversions
de dterminations ( entre sciences, techniques, conomie, besoins sociaux ).
58
Considr lorigine comme une formalisation de la vision du mouvement, [le cinma] a
successivement admis le son, puis la couleur, en dcouvrant des modes de compatibilit de leur emploi simultan ; chaque nouvelle incorporation, une raction de puristes, au nom de lhomognit de chaque art, a proclam le vrai cinma dtruit ; cet art, pourtant, sest dvelopp ; il est en train
de dcouvrir en ce moment la logique de sa compatibilit avec le mode nouveau de transmission et
de production quest la tlvision, et avec une technique autorisant cette compatibilit troite, celle
de lenregistrement dimages sur une bande magntique. Gilbert Simondon, Imagination et invention ( 1965-1966 ), Chatou, La Transparence, 2008, pp. 157-160.
59
L. Moussinac, Anticipations ncessaires , lHumanit, 18 juin 1926 et G. Sadoul, les Merveilles
du cinma, Paris, Editeurs Franais Runis, 1957.
60
Dont Erwin Panofsky est galement loign dans sa fameuse confrence de 1934, Style et
matire du septime art : It was not an artistic urge that gave rise to the discovery and gradual perfection of a new technique ; it was a technical invention that gave rise to the discovery and gradual perfection of a new art [ On ne se trouve pas, avec le cinma, dans le cas o un besoin artistique mne
la dcouverte et au perfectionnement progressif dune nouvelle technique mais dans celui o une
invention technique mne la dcouverte et au perfectionnement progressif dune nouvelle forme
dart , dans Trois Essais sur le style, Paris, Editions Gallimard, 1996, p. 109. ]. On trouve le mme
terme dont use Eisenstein dans ses Notes urge quon trouve aussi chez Ramsaye ( The
urge of art , op. cit., p. 5 ) mais lun et lautre prennent en compte lvolution de la socit aux plans
conomiques et des mentalits ( idologie ) ainsi que certaines dterminations anthropologiques.
61
L. Althusser, Ecrits philosophiques et politique, Tome 1, Paris, Stock, IMEC, 1994.
62
Le torito est un feu dartifice traditionnel des ftes populaires mexicaines parodiant la course
de taureaux ( Mmoires 3, p. 65 ).
63
Jean-Marie Montmasson, le Rle de linconscient dans linvention scientifique, Paris, Alcan, 1928
( rfrence omise dans les ditions allemande YO et anglaise Beyond the Stars des
mmoires ).
64
Mmoires 3, pp. 55-87.
65
Ibid, p. 80.
229
230
66
Cf. Andr Leroi-Gourhan, Evolution et techniques, Tome 2, Milieu et techniques, Paris, Albin
Michel, 1945 et Milieux et techniques et Gilbert Simondon, lInvention dans les techniques. Cours et
confrences [1968-1974], Paris, Seuil, 2005.
67
Cf. Par les moyens de la photographie nous fabriquons des empreintes factuelles du phnomne et des fragments de ralit ce qui correspond au documentaire , ces empreintes si vous
voulez les reflets photographiques sont combins dans un certain ordre ce qui correspond au
cinma de mise en scne ( Le milieu des trois , op. cit., p. 213 ).
68
David-Octavius Hill ( 1802-1870 ), peintre dEdinburgh, auteur dun trait sur la reproduction par la gravure de peintures de paysage, associ Robert Adamson, fut parmi les premiers utiliser linvention de Fox Talbot ( ngatif / positif ) dans de nombreux portraits et paysages appels
calotypes. Dans le livre de Vladimir Nielsen oprateur sur Octobre quEisenstein a prfac, Izobrazitielnoe postroienie filma ( La construction de la reprsentation au cinma. Trad. angl. The Cinema
as a Graphic Art, New York, Hill & Wang, 1936 ), un chapitre entier est consacr la photographie
et Hill est cit plusieurs reprises ( Moscou, Kino Fotoizdat, 1936 ). Dans Mthode, Eisenstein consacre plusieurs pages Hill propos des images composites quil a labores partir de centaines de
photographies de portraits runis ensuite dans un tableau densemble.
69
Publi dans le recueil rassembl par Gaston Diehl, Problmes de la peinture ( Lyon, Confluences,
1945 ) et repris modifi dans Quest-ce que le cinma ? en 1958 ( publi en URSS [Chto takoe kino ?
Moscou, Iskousstvo] en 1972 avec dintressants commentaires critiques de lditeur ).
70
Lun est titr Linvention de la photographie . Sur les dessins de corrida, voir nos Notes sur
lesthtique dEisenstein, op. cit., pp. 81-87.
71
Lequel a sa propre gnalogie : Girard-Cordonnier, le Christ dans sa passion rvle par le saintSuaire de Turin, Paris, Dillen, 1935 ; Paul Claudel, La Photographie du Christ dans Toi, qui estu ? Paris, Gallimard, 1936, et plusieurs articles dEsprit dans les annes 1930 sur la photographie
( dont Ren Schwob, Art potique de la photographie sur les morts successives des 24e de
seconde, la supriorit de la photographie sur le photogramme arrt ).
72
G. Sadoul, Peinture et photographie , Arts de France n19 / 20 et 21, 1947. Transcription
dune confrence Travail et Culture ( o Bazin officiait galement ). Il avait publi auparavant
dans Regards en 1937 une Naissance de la photographie .
73
Cf. lexpression de Baudelaire dans Le public moderne et la photographie : Daguerre fut
son Messie ( Salon de 1859 dans Curiosits esthtiques, Paris, La Pliade, 1932, p. 223 ). Le texte
de Bazin fait manifestement cho celui de Baudelaire dont il retourne la condamnation en en
conservant lisotopie religieuse.
74
Dans son texte de Quest-ce que le cinma ?, Bazin distingue trs nettement la peinture qui cre
lillusion par le moyen de la perspective ( un dispositif de gomtrie illusionniste ) de la photo et
du cinma qui ne relvent plus dune construction code, permise par lappareil. Le rapport indiciaire
annulant la construction iconique au nom du contact, du transfert de ralit, lobjectivit simpose
hors de toute dtermination culturelle, historique, technique, etc. Dans les annes 1969-1970,
Marcelin Pleynet, Jean-Louis Baudry ( dans Cinthique ) puis Jean-Louis Comolli ( dans les Cahiers
du cinma ) et mme Christian Metz ( dans le Signifiant imaginaire ) rintroduisent linstance de la
perspective dans limage photo-cinmatographique pour mettre en vidence sa dimension illusionniste ( idologique, alinante ou plus simplement imaginaire ).
75
Questions dbattues et cartes par Descartes, dans sa Dioptrique.
76
Voir Franois Dagognet, Philosophie de limage, Paris, Vrin, 1984, p.55.
77
Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Paris, Gallimard, 1961, p. 46.
78
Texte non dat que les diteurs des Mmoires situent entre 1943-1946 ( S W 4, pp. 290-298 )
( Mmoires 2, pp. 98-107 ).
79
Le reflet du regardeur sur la plaque du daguerrotype est lun des sens de la phrase de
Baudelaire : la socit immonde se rua [nt] comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale
image sur le mtal , op. cit., p. 221. )
80
S. Eisenstein, op. cit., pp. 101-104.
81
A distinguer de lopposition pique vs dramatique dans Dramaturgie de la forme filmique
( 1929 ) o le principe pique est rattach Poudovkine et lassemblage linaire par opposition au
montage dialectique fond sur le conflit quil revendique ( Cinmatisme, p. 25 ). Sur le pathos, voir
ltude de Georges Didi-Huberman, Pathos et Praxis : Eisenstein contre Barthes , 1895 Revue dhistoire du cinma, n67, 2012.
82
Voir S. Eisenstein, Glass House, et son texte sur lAttraction intellectuelle ( A.I. 28 )
dans Eisenstein dans le texte. Voir ici mme supra : Ma limite est le cinma intellect[uel]
( p. 190 ).
83
Voir Le LEF et le cinma ( 1927-8 ) dans La Revue Documentaires n22-23, 2010, pp. 4170. Pour le mouvement densemble, voir avant tout les travaux de Maria Zalambani, Larte nelle produzione : avanguardia e rivoluzione nella Russia sovietica degli anni20, Ravena, Longo, 1998 ; La
morte del romanzo : dallavanguardia al realismo socialista, Roma, Carocci, 2003 ( dition russe :
Literatoura fakta : ot avangarda k sotsrealismou, Petersbourg, 2006 ) ; pour le cinma et la littrature,
voir Elizabeth Papazian, Manufacturing Truth : the Documentary Moment in Early Soviet Culture,
Dekalh, Nothern Illinois University Press, 2009 et pour le cinma, le journalisme et la photographie,
voir Aya Kawamura, La cration collective dans le documentaire sovitique : photographie, cinma
et correspondants-ouvriers , 1895 Revue dhistoire du cinma n63, 2011.
84
Psychology of Composition, p. 1. Dans Lorganique et le pathtique , il crit que le secret du
Potemkine cest que la marche chronicale des vnements y est adapte la stricte composition
dune tragdie () les vnements pris quasiment en tant que faits nus sont diviss en cinq actes
dune tragdie ( NIN 1, p. 51 ).
85
Cf. Lhistoire grecque est un pome, lhistoire latine un tableau, lhistoire moderne une chronique ( Alphonse de Chateaubriand, Essai sur la littrature anglaise et considrations sur le gnie des
hommes, des temps et des rvolutions, Paris, Gosselin et Furne, t. 2, 1836, p. 239 ).
86
Dnonc ds 1924 dans le n1 du Lef avec le slogan : Ne faites pas commerce de Lnine ! et
qui sera discut propos de la reprsentation de Lnine dans Octobre reproche Eisenstein par les
Lfistes. Vertov comme Rodtchenko opposeront larchive vivante du film limagerie morte de la
peinture et des effigies diverses ( voir Rodtchenko, Protiv summirovannogo portreta za momentalnyi snimok , Novy Lef n4, 1928, p. 14 [repris dans Ecrits complets sur lart, larchitecture et la
rvolution, Paris, Sers, 1988, p. 135 ).
87
La Convention, dans sa sance du 28 floral an II ( 17 mai 1794 ), adopte un dcret relatif
lorganisation de ftes publiques. Robespierre en parle comme du plus magnifique de tous les spectacles , celui dun grand peuple assembl . Dans les ftes nationales de la Grce, dit-il on voyait
un spectacle plus grand que les jeux, ctaient les spectateurs eux-mmes, ctait le peuple vainqueur
de lAsie, que ses vertus rpublicaines avaient lev quelquefois au-dessus de lhumanit. On voyait
les grands hommes qui avaient sauv ou illustr la Patrie : les pres montraient leurs fils Miltiade,
Aristide, Epaminondas, Timolon, dont la seule prsence tait une leon vivante de magnanimit,
de justice et de patriotisme. ( cit par Ernest Lalanne, les Ftes de la rvolution, Paris, Socit ddition et de publication, 1900, p. 8-9 ).
88
Alos Riegl, Stilfragen. Grundlegungen zu einer Geschichte der Ornementik, Berlin, Siemens,
1893 ( Questions de style. Fondements dune histoire de lornementation, Paris, Hazan, 1992 ).
89
Cette pulsion, ce besoin trieb , quil voque constamment, a quelque proximit avec le
Kunstwollen ; le mouvement historique allant dune vision proche, haptique, une vision lointaine,
optique ( prsent dans Rodin et Rilke et ici mme propos du passage du contour au tatouage et
la reprsentation ( p. 167 ).
231
232
90
Il se rfre notamment Die Entstehung der Barockkunst in Rom ( Vienne, 1908 ; lOrigine de
lart baroque Rome Paris, Klincksieck, 1993 ) dans la Non Indiffrente Nature ( NIN 2, pp. 295-6 ).
91
Dans la Non-Indiffrente Nature, Eisenstein sappuie sur Die Anfnge der Kunst ( Fribourg, 1894
[les Dbuts de lart, Paris, Alcan, 1902] ) dErnst Grosse pour mettre le tressage lorigine de lornementation ( NIN 2, pp. 134-5 et 325, note X ).
92
Chez Platon limage visible et ressemblante ( licone de la smiologie ) sappelle eidlon ( idole ).
Licne ( eikon ) est un symbole, une figure de rhtorique ( ainsi lallgorie de la caverne dans la
Rpublique ).
93
Dans Tempte sur Tolde, le Greco a adopt un point de vue impossible gographiquement parlant pour peindre la ville, le pont dAlcntara et le Tajo en se situant imaginairement sur une hauteur inexistante. Dautre part il a chang les proportions et les emplacements des lieux. Eisenstein
parle ce propos de tche supra-figurative, eidtique , de recration eidtique dun paysage
naturel (Cinmatisme, p. 73).
94
Entames en 1928, les relations dEisenstein avec Vygotsky et Louria, puis, aprs la mort du
premier en 1934, de Louria seul, ont dur jusqu sa disparition. Les deux psychologues taient trs
intresss par les questions de psychologie de lart et notamment les rapports du spectateur au film
( Louria ouvre un laboratoire dans lenceinte du VGIK cette fin, avec la production de films exprimentaux et dexpriences qui annoncent celles de lInstitut de filmologie ) ; de son ct Eisenstein puisait dans les rsultats dexpriences et les prsentations de cas des enseignements pour la
comprhension des mcanismes de rception des uvres dart, le fonctionnement du langage, de la
mmoire, de la perception ( voir Les nouveaux problmes de la forme au cinma [1935], le Film :
sa forme / son sens, p.159 ). Il doit en outre Louria davoir pu entrer en contact avec Kurt Lewin et
les psychologues de la Gestalt lors de son sjour en Allemagne en 1929. Eisenstein est sollicit par
Louria en dcembre 1940 de concevoir un cours et le 19 novembre 1947, ce dernier, dsormais professeur lUniversit de Moscou lappelle au tlphone pour linviter venir donner des cours sur la
psychologie de lart lInstitut de Psychologie ( Psychology of Composition, p. 16 ).
95
S. Eisenstein, le Film : sa forme / son sens, pp. 302-303 ( en anglais dans Vertical Montage
[1940] SW 2, p. 368 ).
96
A. Luria, The Mind of a Mnemonist, London-New York, Basic Books, 1968, p. 41 ( Alexandre
Louria, Une prodigieuse mmoire dans Lhomme dont la mmoire volait en clats, Paris, Seuil,
1994 ).
97
Les thories de Jaensch sont reprises en France par Pierre Quercy ( qui publie des articles sur
l eidtisme , les hallucinations et sintresse au cas Thrse dAvila ), discutes par Edmond
Claparde. Andr Breton dans son Dictionnaire abrg du surralisme ( co-Eluard ) ( 1938 ) reprend
la dfinition de Jaensch et ses disciples franais. Jaensch, qui se rclamait pour partie de L. LvyBruhl, sengagea assez tt du ct de lhitlrisme et seffora de justifier sur des bases anthropologiques
lidologie raciale nazie. G. Simondon, qui consacre plusieurs pages aux images eidtiques dans son
cours sur Imagination et invention , suit Robert Woodworth ( Psychologie exprimentale, Paris, PUF
1949 [1938] ) qui remonte, avant Jaensch, Viktor Urbantschitsch ( 1907 ), mais discute plutt
Taine, Binet, etc., et envisage ce type dimage mentale en opposition limage immdiate ( proche
de lhallucination ) et comme propice lexploration mentale , ne ressemblant pas une photographie car donnant lieu une srie doprations tendant au symbolisme abstrait, une sorte de pense sauvage ( Imagination et invention, op. cit., pp. 110 ).
98
Cette interaction infrentielle entre lanalyste et le patient ( sur une trentaine dannes ) a t
analyse par Abdelhadi Elfakir dans Mmoire et autisme : de la neuropsychologie la psychanalyse.
Le cas de Cherechevski , lInformation psychiatrique, vol.81, n9, novembre 2005.
99
Toute une part des explications de Cherechevski concide dailleurs avec le programme
iconologique de Franois David tel quil lexpose en 1911 dans son Nouveau systme de compo-
sition des Scnes cinmatographiques ( Cin Journal n 160, 16 novembre 1911 ). On a commenc
dexposer ltonnante utopie pdagogique et encyclopdique de David dans Voir le procs de pense : le cinma intellectuel de Franois David Eisenstein ( en passant par Godard ) ( dans Leonardo Quaresima, Alessandra Raengo, Laura Vichi, dir., I Limiti della rappresentazione. The Bounds
of Representation. Censorship, the Visible, Modes of Representation in Film, Udine, Forum, 2000 ).
100
Cf. Architecture et cinma et El Greco y el cine ( Cinmatisme, chap. 2 et 3 ). Lemploi
cibl de ladjectif eidtique qui est fait propos de Tempte sur Tolde clair par lusage quen fait
Louria conduit mieux souligner la dimension subjective de ce paysage. Eisenstein parle mme
dautoportrait et reprend la phrase de Zola, la nature vue travers un temprament ( ou
d ouragan motionnel dans Montage vertical , le Film : sa forme / son sens, p. 274 ).
101
Il tait le modle vivant et en consquence beaucoup plus tonnant du Mr Memory de The
Thirty-Nine Steps dHitchcock ( Ibid, p. 303 ).
102
On jouxte l certaines affirmations baziniennes dans Lontologie de limage cinmatographique qui partent pourtant dun autre socle philosophique ( la phnomnologie ) et situe son objet
ailleurs ( viser le rel des choses mmes sans linterfrence de lhumain qui interprte et sinterpose,
tout en rintgrant lartiste crateur qui transcende le medium sans y toucher ).
103
Dans la Non-Indiffrente Nature notamment et dans Mthode. Son intrt pour les diffrents
types dimages mentales dans les visions des mystiques quil trouve numrs et analyss par le RP.
Auguste Poulain ( Des Grces doraison. Trait de thologie mystique, Paris, Beauchesne, 1922 [1907] )
quil lit et annote en dtail en 1932 sattache l aussi aux phnomnes dautomaticit ).
104
R. Labrusse, Dlires anthropologiques : Josef Strzygowski face Alois Riegl ( Histoire de
lart et anthropologie, Paris, INHA / Muse du Quai Branly, 2009 ). Strzygowski, historien de lart
viennois ( qui participa la revue Documents de Georges Bataille et Carl Einstein et qui intervint sur
un mode que Malraux poursuivra aprs la guerre en pratiquant des rapprochements inattendus entre
les uvres et les poques de lart ) a t lun des adversaires les plus rsolus de Riegl ( Voir Georg
Vasold, Riegl, Strzygowski and the development of art , ARS Journal of the institute of art
History of SAS n1, 2008 ).
105
Les rfrences quil fait ici mme, comme dans dautres de ses textes, Nordau est un indice
de cette pathologie sociale quil diagnostique. Dans son Entartung celui-ci stigmatise limmoralit fin de sicle notamment dans le domaine artistique ( art dgnr ) sur une base qui se veut
scientifique ( fonde sur la psycho-physiognomonie mdicale ) : Dans le temprament fin de sicle,
dans la tendance de la posie et de lart contemporains, dans la vie et la conduite des hommes qui
crivent des uvres mystiques, symboliques et dcadentes, dans lattitude prise par leurs admirateurs, dans les gots et instincts esthtiques de la socit la mode, on observe la confluence de deux
conditions de maladies bien dfinies, familires au docteur, la dgnrescence et lhystrie dont la
phase bnigne est appele neurasthnie . Le livre prsente de nombreuses tudes de cas dartistes,
crivains et penseurs ( Ibsen, Wagner, Wilde, Nietzsche ), avec, comme principe de base, que la
socit est en dgnrescence et que lart reflte cet tat. Eisenstein cite Entartung dans Montage
vertical ( propos de la symbolique des couleurs ), dans Metod 1 ( Grundproblem , pp. 131-134 )
et ses notes pour une Psychologie de lart ( Psychology of Composition ).
106
Le terme revient rgulirement ds lors quclate ce que Tomaso Montanari appelle une
conception vague de la thtralit et un hyperdcorativisme ( voir son rcent Il Barocco, Turin,
Einaudi, 2012 ). Pierre Francastel avait combattu ce recours vague au terme ( Baroque et classique :
une civilisation , les Annales vol. 12, n2, 1957, pp. 207-222 ).
107
E. dOrs, Du Baroque [Lo Barroco], Paris, Gallimard, 1935 ( rd. 1968, p. 29 ). W. Benjamin
crit de son ct que comme lexpressionnisme, lge baroque est plutt celui du vouloir artistique
acharn que dun vritable exercice de lart. Il en est toujours ainsi dans les priodes dites de dcadence. ( Origine du drame baroque allemand, Paris, Flammarion, Champs , 1985 [1928], p.54 ).
233
234
p.125. Pour elle, en effet, la syntaxe le montage comme mise en relation des lments offre une
base mtonymique ( celle de lcriture ) un effet mtaphorique ( smantique ) car lcriture produit
le texte non le reprsent. Ou, pour le dire avec Jacques Derrida, tandis que la mtaphore subordonne
le syntaxique au smantique, il sagit de chercher dans la rsistance syntaxique une des voies de lautodestruction de la mtaphore ( La mythologie blanche , cit par Ropars, op. cit., p. 127 ).
124
Cette question mriterait un dveloppement quon ne peut engager ici. Reprenons simplement
lexemple fameux des trois lions du Potemkine pour la faire comprendre ( ce montage a dj t
analys par V. F. Perkins [Films as Film. Understanding and Judging Movies, Baltimore, Penguin
Books, 1972] et Herbert Marshall [Sergei Eisensteins The Battleship Potemkin, New-York, Avon Books,
1978] dans une autre optique ). Dans le dcoupage du film et dans la conception qui gouverne lesthtique eisensteinienne dans la Grve et le Cuirass Potemkine ( a fortiori dans Octobre o pullulent
les statues ), ces trois lions de marbre assoupi, rveill, effray-redress ont une fonction mtonymique. Le cuirass tire sur des btiments incarnant le pouvoir imprial Odessa ( le thtre-opra
que ltat-major militaire avait rquisitionn et un btiment dfendu par un imposant portail ),
en raction la rpression du peuple qui stait solidaris avec les mutins ( pisode de lescalier ).
Des grilles de fer forg, un groupe sculptural sur le btiment du thtre ( figure fminine nue sur un
char tir par quatre lionnes est-ce Cyble ? Herbert Marshall parle de panthres [op. cit., p. 269]
et Richard Taylor de lopards [The Battleship Potemkin, Londres-New-York, IB. Tauris, 2000,
p. 52] ), des angelots sont ainsi bombards et, dans cette srie demblmes impriaux, arrivent in
fine les lions ( trois lions comme il y avait eu, peu avant, quatre lionnes et trois angelots ),
emprunts au Chteau Aloupka en Crime mais que le spectateur ne peut pas dissocier du lieu et
rattache au thtre ou tous le moins la ville dOdessa. Or les commentaires en sont venus, y compris sous la plume dEisenstein ds 1929, leur faire signifier la colre, la rvolte du peuple, en un
seul animal qui se dresse ( mme les pierres rugiront ), cest--dire leur faire assumer une fonction mtaphorique ( la peur du lion deviendrait rugissement, deffray il deviendrait effrayant.
Taylor conclut : Symboliquement, lesprit de la rvolution sest rveill [op. cit., p.54] ). Eisenstein
parle, dans la Non-Indiffrente Nature, de mtaphore sculpturale ( NIN 2, p. 211 ). Impensable
dans les annes 1920 ( que domine le constructivisme : assemblage dlments fragmentaires ), cette
imagerie mtaphorique devient pensable dans le contexte du ralisme socialiste ( auparavant dj,
dans lAigle blanc [1928], le vtran Protazanov, dans la scne de la manifestation rprime devant
la rsidence du gouverneur, utilise cinq reprises une statue de lion, fortement intgre la digse,
avec une fonction mtaphorique puissance et cruaut du pouvoir ). Alors que Koulchov, en 1926,
parle du bombardement du thtre dOdessa avec les lions effrays ( Volont. Tnacit. il , repris dans lArt du cinma et autres crits, op. cit, p. 136 ), cest Poudovkine, demble du ct de la
mtaphore dans son cinma ( la pendule de la Mre, la dbcle des glaces et la manifestation du
1 er mai ), qui commente ce passage du Potemkine en ce sens dans ses crits ( Film Technique and Film
Acting, New York, Lear, 1949, pp. 87-89 ), ainsi que Chklovski qui voit les trois lions devenir un seul
qui bondit et rugit ( Leur prsent, 1927, repris dans V. Chklovski, Textes sur le cinma, op. cit.,
p. 114 ; galement dans Des lois de construction des films dEisenstein , Ibid., p. 184 ). Eisenstein
analyse ce passage de son film dans le sens dune explosion pathtique dans Mmoires 1, p. 284.
235
237
Antonio Somaini
Gnalogie, morphologie,
anthropologie des images,
archologie des mdias*
238
mdium qui nous propose une forme de participation intense et immdiate aux
vnements raconts qui trouve son origine dans les dithyrambes chants par
lesquels on commmorait et on revivait, dans les rites dionysiaques, les tapes
de la vie et du destin tragique de Dionysos. Ces rapprochements, ces comparaisons anachroniques, quon trouve dans toutes les lignes 7 gnalogiques
traces dans ces Notes , taient pour Eisenstein la seule manire de rendre
compte dune histoire des images, des formes artistiques et des mdias comme
histoire discontinue, non-linaire et stratifie. Face cette histoire, seule une
criture capable de mettre en place une jumping chronology 8 faite de dplacements en avant et en arrire 9 pouvait, selon lui, spcifier, analyser et
montrer les manifestations pr et extra-cinmatographiques des moyens
expressifs 10 du cinma et les formes et mdias ayant rpondu aux mmes urges
et aux mmes Triebe que le cinma.
De ce projet d histoire gnrale du cinma nous analyserons ici les prsupposs, la structure, les buts et les enjeux, en le mettant en relation soit avec
le reste de luvre thorique et filmique dEisenstein11, soit avec les ides de
toute une srie dauteurs qui, dans les annes 1920, 1930 et 1940, rflchissent
aux relations entre cinma, montage, temps et histoire : Jean Epstein, Aby
Warburg, Siegfried Kracauer, Ernst Bloch, Walter Benjamin, Andr Bazin.
Nous soulignerons aussi ce qui nous parat constituer lintrt actuel de ce projet, dans une phase de lhistoire des thories du cinma et des mdias dans laquelle on sinterroge plusieurs reprises sur le statut du cinma comme
mdium, sur les relations entre le cinma et les autres arts, et sur les modles
historiques auxquels on doit faire recours pour comprendre lhistoire du
cinma dans le cadre dune plus vaste histoire des images et des mdias.
1. Thorie, histoire, cration : a flash in slow motion travers
des sicles dvolution
Le projet pour une Histoire gnrale du cinma fut dvelopp par un ralisateur dont les films achevs, inachevs, ou rests ltat de projet staient
concentrs pour la plupart sur lhistoire russe et sovitique12. La Grve ( 1924 )
et le Cuirass Potemkine ( 1925 ) avaient port lcran certains des vnements
qui avaient conduit la Rvolution dOctobre, dont les phases cruciales
furent voques dans Octobre ( 1927-28 ). La Ligne gnrale ( commenc en
1926, paru finalement en 1929 sous le titre lAncien et le nouveau ) et le Pr de
Bjine ( 1935-1937 ) avaient mis en scne les conflits sociaux accompagnant
les politiques de collectivisation et dindustrialisation de lagriculture dans
lUnion Sovitique des annes 1920 et 1930. Alexandre Nevski ( 1938 ) et Ivan
239
le Terrible choisirent deux figures lgendaires de lhistoire russe, tandis que des
projets rests inachevs comme Moscou dans le temps ( 1933 ), le Grand Canal
de Fergana ( 1939 ) et Moscou 800 furent conus comme de grandes fresques
historiques qui auraient d traverser des sicles dhistoire pour reprsenter certaines des tapes conduisant au prsent glorieux de lUnion Sovitique, de sa
capitale et de ses conqutes dans lindustrie et la technologie.
Quel fut limpact de tous ces films ou projets de films historiques sur la
faon dont Eisenstein conut son histoire gnrale du cinma ? Quelles
leons tira-t-il de son engagement dans lhistoire russo-sovitique quand vint
le temps dcrire lhistoire du mdium avec lequel il avait ralis la plupart de
ses uvres depuis plus de vingt ans ? La rponse peut tre cherche dans un film
inachev qui ne traite pas de lhistoire russo-sovitique mais stait confront
une situation de co-prsence et de co-existence de formes sociales, religieuses
et artistiques appartenant des couches temporelles diffrentes ressemblant
la condition de la Russie peu avant et peu aprs la Rvolution dOctobre. Il
sagit de Que Viva Mexico !, tourn au Mexique entre dcembre 1930 et
fvrier 1932 mais jamais mont par Eisenstein car les rushes ne furent jamais
envoys en Union sovitique par celui qui avait financ le projet, lcrivain
amricain Upton Sinclair13.
A partir de ce que nous lisons dans les cahiers dEisenstein, le scnario et
les textes o le ralisateur revient aprs coup, avec beaucoup de nostalgie, sur ce
film inachev, le trait de la culture mexicaine qui lavait le plus frapp tait quau
Mexique, comme il lcrit dans un commentaire sur le Grand Canal de Fergana
( 1939 ), la gographie s[tait] substitue lhistoire , tel point quen voyageant travers le territoire mexicain on avait limpression de voyager simultanment dans le temps et travers les sicles de lhistoire 14. Cette mme ide
revient dans un chapitre de Montage, dans lequel Eisenstein crit que
Mexique. Une situation qui conditionna Que Viva Mexico !, conu comme un
film o le montage non seulement cinmatographique mais aussi graphique,
si lon considre la grande quantit de dessins qui accompagna le tournage
tait envisag non seulement comme forme de composition de cadres, de plans
et de squences, mais aussi comme instrument pour analyser, dmonter et
remonter une culture elle-mme monte, pourrait-on dire, avec ses mlanges,
ses croisements et ses superpositions de traditions iconographiques et religieuses
issues de stratifications temporelles successives : les cultures prcolombiennes
des Aztques et des Mayas, le catholicisme import et impos avec la violence
par les conquistadores espagnols, la rpression des indios sous le rgime dictatorial de Porfirio Diaz ( le Porfiriato, 1876-1910 ), la guerre civile ( 1910-20 ),
et finalement le nouveau Mexique des annes 1920, dfinitivement affranchi
de la domination coloniale.
Envisag dans cette perspective, le voyage mexicain et le travail cinmatographique et graphique autour de Que Viva Mexico ! se prsentent comme un
tournant dcisif dans le parcours dEisenstein. Cest partir de cette exprience
qui peut tre compare pour plusieurs raisons avec le voyage dAby Warburg
au Nouveau Mexique en 1895-1896, comme on va le voir quEisenstein
comprend que, tant dans le domaine de la rflexion thorique que dans celui
de la cration cinmatographique, aucune solution de montage ne peut tre
thorise ni ralise sans passer par lhistoire : sans bien saisir et comprendre tous
les chos, toutes les rsonances que chaque forme de montage pouvait trouver
dans une histoire des arts et des rites considre non comme un pass rvolu
mais plutt comme un terrain stratifi dans lequel rien ne disparat. Sur ce
point, la vision de lhistoire de la culture labore par Eisenstein au Mexique
entre 1930 et 1932 et dveloppe ensuite dans les chapitres de Mthode peut
tre mise en relation avec la clbre mtaphore archologique que Freud introduit dans Malaise dans la culture ( 1929 ) afin de prsenter unevision de la
mmoire quEisenstein aurait pu tout fait partager :
240
241
rien de ce qui sest une fois produit na disparu, dans lequel, ct de la dernire phase
de dveloppement, subsistent encore galement toutes les phases antrieures. Cela
signifierait donc pour Rome que sur le Palatin les palais impriaux et le Septizonium
de Septime Svre slvent encore leur hauteur ancienne, que le chteau Saint-Ange
porte encore sur ses crneaux les belles statues dont il tait orn jusquau sige des
Goths, etc. Mais davantage encore : lemplacement du Palazzo Caffarelli se dresserait
de nouveau, sans quon ait besoin de raser cet difice, le temple de Jupiter Capitolin
et celui-ci dailleurs, pas seulement sous sa figure dernire, comme le voyaient les
Romains de la priode impriale, mais aussi sous sa toute premire figure, alors quil
offrait encore des formes trusques et tait par dantfixes en terre cuite. L o maintenant se dresse le Colise, nous pourrions admirer aussi la Domus aurea de Nron, qui
a disparu ; sur la place du Panthon nous ne trouverions pas seulement le Panthon
actuel, tel quil nous fut lgu par Hadrien, mais aussi sur le mme terrain la construction originelle de M. Agrippa ; bien plus, le mme sol porterait lglise Maria sopra
Minerva et lancien temple par-dessus lequel elle est construite. Et alors, il suffirait
peut-tre lobservateur de changer la direction de son regard ou la place quil occupe
pour faire surgir lune ou lautre de ces vues.17
242
Sur Balzac descendit la conception unitaire de la Comdie Humaine. Sur moi descend
la conscience quen substance, depuis dj de nombreuses annes, je suis en train dcrire
une histoire such as [ainsi qu] elle mapparat. Presque tous mes articles sur les questions
du cinma sapprofondissent par des excursus historiques. Griffith et lhistoire de la
pense du montage. Lhistoire du gros plan pars pro toto est une section qui en drive
comme par germination. Disney et la multitude dinfluences prlogiques sur lui.
Stro et lhistoire des actions scniques. Chronique et les actions commmoratives
243
conscutives se dploie from today backwards [daujourdhui en arrire], vers ces mmes
phases : et devant nous il ny a pas une image [obraz] in a flash [en un clair], mais le
frisson caus par le fait de contempler et de vivre ce flash in slow motion through centuries of evolution [cet clair au ralenti travers des sicles dvolution].
Lecstasy in touching ( simultaneously ) both poles the thrill [lextase de toucher
( simultanment ) les deux ples lexcitation] est la mme.
Mais tandis quil y a beaucoup de gens capables de crer, il ny a presque personne
capable de rvler ce processus historique as I do see it [comme je le vois]. Et history
[lhistoire] devient un troisime anneau de la chane. La pratique de la cration. La
thorie de la cration. Lhistoire ( Belegmaterial und bersicht durch Jahrhunderte )
[documentation et perspective travers les sicles]. En substance, presque tout ce que
jai crit dans ces dernires annes ( et mme depuis 1929, sur les hiroglyphes japonais ) est in a certain basic way [au fond, dune certaine manire] non seulement la
thorie, mais aussi lhistoire des questions qui suscitent mon intrt : theory being
history [la thorie tant lhistoire], comprime dans la conception des phases, tandis que
la cration artistique rside dans la runification phylogntique simultane de toutes
ces phases de dveloppement en un acte.21
244
une vraie efficacit, une capacit dagir sur le corps et lesprit du spectateur
quEisenstein a toujours cherch et thoris dans son uvre, comme il le
reconnat dans un passage de Mthode :
Jai toujours eu devant moi le dessein dagir sur les sentiments et les penses, au
moyen deffets : dinfluer sur le psychisme et, en linfluenant, former la conscience
des spectateurs dans une direction voulue, ncessaire, choisie [] Lart mest toujours apparu comme un des moyens de la violence , comme instrument ( arme ) de
transformation du monde travers llaboration de la conscience des gens23.
Cette double thse, selon laquelle le vrai objet de lesthtique est la question de lefficacit des images, et la source de cette efficacit doit tre cherche
dans plusieurs formes de rgression vers des lowest layers en mme temps
biologiques, psychiques et culturels, constitue le noyau thorique du livre inachev Mthode, qui peut tre considr comme une tentative de situer la thorie du cinma lintrieur dune thorie de lart plus vaste fonde sur un point
de vue la fois biologique, psychologique et anthropologique24. Un livre inachev et probablement inachevable, vue la quantit et le caractre indisciplin
et ingrable des drives que prend largumentation eisensteinienne, dont la
thse principale fut prsente en public par Eisenstein une seule fois, lors de son
intervention la Confrence des travailleurs du cinma de toute lUnion en
janvier 1935. Dans ce texte, connu sous le titre La forme du film : nouveaux
problmes , Eisenstein discute toute une srie de formes de pense sensorielle [tchouvstvennoe], prlogique [dologuitcheskoe] ou encore protologique [praloguitcheskoe] tires des langues et des cultures archaques analyses par Wilhelm Wundt et Lucien Lvy-Bruhl, mais aussi du langage
intrieur de lenfant analys par Lev Vygotski et du monologue intrieur
de Joyce, afin de montrer comment les formes plus efficaces de composition
artistique et de montage cinmatographique peuvent tre labores travers
une rgression bien calcule vers les lowest layers de la conscience et de la
culture. Cette thse affirmant la ncessit de la rgression qui fut violemment critique par dautres cinastes prsents la Confrence de janvier 1935,
en raison de sa nature tout fait excentrique et presque hrtique dans le
contexte sovitique dalors est prsente par Eisenstein dans la partie finale
de son intervention, et constitue une rfrence fondamentale pour comprendre le sens de la note que nous venons de citer :
La dialectique de luvre dart est btie sur la plus curieuse des dyades . Leffet
[vozdestvie] de luvre dart repose sur le fait quun double processus se droule en elle
simultanment : un lan progressif ascendant en direction des ides au plus haut degr
de la conscience et simultanment, au moyen de la structure formelle, une plonge
dans les couches les plus profondes de la pense sensorielle [tchouvstvennoe mychlenie].
245
Les ples opposs de ces deux courants crent la tension remarquable de lunit de la
forme et du contenu qui caractrise les uvres dart authentiques. Toutes la possdent.25
246
247
tique : soit dans les jeux des enfants , qui sont trs souvent fonds sur des
conduites mimtiques , soit dans tous les formes de savoir des peuples
anciens , comme lastrologie, fondes sur la recherche de correspondances
et d analogies magiques entre les tres. Des formes de savoir fondes sur un
pouvoir dimitation qui survit dans la modernit, selon Benjamin, dans les
ressemblances non sensibles qui sont caches dans la part mimtique du
langage , et qui peuvent apparatre aux hommes avec la soudainet de lclair
[] comme une illumination instantane [qui] surgit et svanouit aussitt .33
La thse selon laquelle le regard de lhistorien tudie des phnomnes qui se
droulent through centuries of evolution , finalement, signale la prsence, dans
la note dEisenstein, dun autre modle encore de dveloppement historique
que nous retrouverons dans les Notes : celui de lvolutionnisme darwinien,
mentionn explicitement dans plusieurs passages de Montage et de la NonIndiffrente Nature. Dans ces textes, Eisenstein qui, en 1929, avait mme
projet de faire un film sur le mouvement expressif des plantes [Ausdrucksbewegung der Pflanzen] tout fond sur le dessin anim , une forme de reprsentation qui, comme un instrument danalyse morphologique, aurait permis
de saisir les mtamorphoses des formes vgtales et de comprendre le langage
des fleurs 34 parle du dveloppement des formes de montage, ou de la relation entre dveloppement des formes artistiques et dveloppement des formes
de pense et de socit, en termes dvolution35. Ce paradigme revient dans
Du cinma en relief o Eisenstein prsente une vision de lhistoire des
formes artistiques qui rappelle la lutte pour lexistence et la slection
naturelle darwinienne :
Seules sont vivaces les varits dart dont la nature mme reflte, en ses traits, les lments de nos plus profondes aspirations. [] Et si lon ne trouve pas, incarnes dans
ce qui fait la particularit de lun ou lautre art, certaines aspirations ancres au plus profonde de nous-mmes en tant que branche artistique, celui-ci est vou la mort.
Seules survivent les branches dont la structure et les proprits trouvent cho dans
les tendances et les besoins organiques profondment ancrs chez le spectateur comme
chez le crateur.36
248
La justesse dune mthode qui est valide pour lensemble ainsi que pour chaque
petit dtail. La premire tentative est celle de la formuler dans la forme dune srie de
propositions axiomatiques, qui peuvent nous servir de guide ( thorique et pratique )
pour la plupart des questions dans notre profession.
[]
Chaque doctrine coexiste dans notre profession. Mais dans nos ttes chacune delles
existe sparment [individualno]. Dfinir le moment de leur intrusion et par o
dans la thorie de notre activit principale est une seconde tentative. Je nai pas invent la sublimation, la notion de rflexe, linteraction entre ordre social et individualit crative , le principe de lunit chez Darwin et James. Mais rassembler tout
a, linsrer dans un contexte particulier, lun en relation avec lautre je considre
cette tche comme ambitieuse.
Le principe du contexte est valide ici un fragment [Bruchstck] dune discipline
scientifique nest rien il est comme un fragment de montage, un verbe sans complment, un lment primordial dans un mouvement qui a t dcompos.38
Dans ses crits des annes 1930 et 1940, cette vision dune thorie comme
montage de fragments conceptuels tirs dautres thories mme si elle perd
les traits constructivistes et conflictuels quelle avait encore dans le passage que
nous venons de citer, pour devenir plutt le principe dlaboration dune mthode dans laquelle Eisenstein cherche synthtiser tous les concepts et les
fragments de thorie quil extrait dune histoire de la culture conue comme
une grande archive ouverte et disponible contribue donner forme la
vision complexe de lhistoire qui constitue la toile de fond de lHistoire gnrale du cinma. Une histoire qui, on va le voir maintenant, avait pour but de
rpondre trois questions cruciales qui se trouvent au centre de toute la
rflexion thorique dEisenstein :
1. Comment spcifier la place du cinma dans lhistoire des arts ;
2. comment identifier les prcurseurs [forerunners] du cinma dans cette
mme histoire ;
249
250
251
art capable de retrouver et ractiver en lui-mme toute une srie de formes prcinmatographiques de montage qui ont survcu travers le temps et qui peuvent encore relcher leur nergie. Dernier des arts ( selon la perspective
historique dun auteur qui crit en 1946 ), le cinma procde en avant en se
tournant constamment en arrire, afin dtudier des prcurseurs qui souvent ont produit des formes de montage exemplaires, des modles qui peuvent
tre transposs et reformuls en termes cinmatographiques.
Cest pour cette raison que dans les Notes Eisenstein insiste sur lide
selon laquelle la synthse opre par le cinma ne serait quune des recurrences de lide de synthse des arts dans lhistoire :
252
Recurrence [Rcurrence] de lide de synthse [issue] des Grecs ( synthse morphologique dabord dans le dithyrambe ) des liturgies ( architec [ture], orgue, vitrail, plain
chant*, fusion du public avec laction ) Diderot Wagner Scriabine nous. 56
253
Lunivers ne nous offre que des tres particuliers, infinis en nombre, et sans presque
aucune division fixe et dtermine ; il ny en a aucun quon puisse appeler ou le
premier ou le dernier ; tout sy enchane et sy succde par des nuances insensibles ; et
travers cette uniformit immense dobjets, sil en parat quelques-uns qui, comme
des pointes de rochers, semblent percer la surface et la dominer, ils ne doivent cette
prrogative qu des systmes particuliers, qu des conventions vagues, qu certains
vnements vagues, qu certains vnements trangers, et non larrangement physique des tres et lintention de la nature.63
254
255
stroscopique, avec ses images qui sortent de lcran pour se projeter vers le
spectateur, est prsent comme une forme de synthse et de fusion qui est en
mme temps le dernier dveloppement des possibilits cinmatographiques
et un retour vers les origines du thtre et du cinma dans les dithyrambes.
Quelques annes aprs la premire prsentation publique du premier film
sovitique en 3D Kontsert : Zemlia molodosti ( 1941 ) de Semion Ivanov dans
la salle Kino Moskva de Moscou69 Eisenstein crit son texte sur le cinma stroscopique et y voit une forme de reprsentation doue dune double capacit : la capacit daspirer intensment, avec une force jusqualors inconnue,
le spectateur attir dans ce qui tait autrefois la surface de lcran ; et celle de
dverser sur lui, de faon non moins relle et ahurissante, ce qui autrefois restait aplati sur le miroir de sa surface .70
Ce cinma en relief tait pour Eisenstein le dveloppement presque ncessaire dune longue histoire de formes artistiques qui avaient cherch produire
un lien ou mme une fusion entre espace de la reprsentation et espace du
spectateur les dithyrambes, les rituels collectifs du Siam ou de Bali , le lien
entre la scne et la salle assur par le hanamichi du thtre Kabuki, la profondeur de champ dans les tableaux de Degas et Toulouse Lautrec, ou encore la
profondeur de champ cinmatographique de Citizen Kane dOrson Welles, ou
celle quEisenstein avait exprimente dans ses films aprs la dcouverte de
lobjectif 28mm et sa place historique devait tre cherche, son avis, dans
les pripties historiques et dans les mandres de linterrelation et de linteraction du spectacle et du spectateur 71.
Lhistoire prsente par Eisenstein dans ce texte est une histoire dialectique
en trois grandes phases A-B-A, dans laquelle la troisime ( A) est un retour
la premire phase ( A ) mais sur un autre niveau :
Du stade primitif de lexistence indissocie dun spectacle ignorant encore la division en acteur et spectateur, [on passe] son ddoublement en contemplateur et
participant.
Et de cette phase une nouvelle union de laction et du public en un tout organique
dans lequel le spectacle semble pntrer une masse de spectateurs quil attirerait
simultanment en lui.72
256
Plusieurs passages des textes des annes 1930 et 1940, aussi bien que des
Notes , nous laissent penser que ce cinma qui tait, pour Eisenstein, en
mme temps dveloppement dialectique des formes artistiques prcdentes et
retour aux origines, ntait pas selon lui la dernire forme possible de synthse,
mais plutt une forme de reprsentation, un spectacle, un mdium destin
tre lui-mme dpass par dautre formes encore plus complexes de synthse :
la tlvision , sur laquelle on reviendra, mais aussi des spectacles synthtiques
257
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261
En 1932 javais essay de mettre ordre dans mes crits thoriques pour les rassembler dans un livre, et quinze ans aprs je veux encore le faire. Quelque part, jai crit
que je voudrais que mon livre soit sphrique, un livre dans lequel tout est en contact
avec tout, et tout peut tre transform en tout. La seule forme qui peut donner cette
possibilit est la sphre, puisque de chaque mridien on peut se dplacer vers tout autre
mridien. Et jai encore la nostalgie dun livre de cette forme, aujourdhui plus que
jamais 82
262
Pour comprendre limportance de ce modle dans le double projet d histoire gnrale du cinma et d histoire du cinma sovitique , un dtour
simpose travers Montage, la Non-Indiffrente Nature et Mthode, parce que ces
trois livres, tout comme les Notes publies dans ce volume, taient conus
comme des parcours travers des squences de variations morphologiques dun
nombre trs limit de principes esthtiques fondamentaux pouvant tre considrs comme le centre de la sphre et dont Eisenstein cherchait les racines dans
les sciences naturelles, la psychologie et lanthropologie.
La rfrence au modle de la morphologie de Goethe avec ses tudes sur
la plante originaire [Urpflanze], la vertbre originaire [Urwirbel], et plus
en gnral sur les phnomnes originaires [Urphnomene] qui, mme sils
ne sont jamais donns dans la nature en tant que tels, peuvent tre considrs
comme les types originaires et transcendentaux dont tout phnomne naturel est
une variation83 est particulirement vidente dans Montage, un livre o
Eisenstein utilise explicitement lexpression allemande Urphnomen afin de
nommer le phnomne originaire ou fondamental du montage [en russe
osnovno fenomen, pervitchny fenomen, prafenomen] dont le livre prsentait les
variations travers lhistoire des arts.
Tout comme dautres auteurs ( historiens de lart et des images, sociologues,
philosophes, critiques de la culture ) actifs entre la deuxime moiti du XIXe et
les premires dcennies du XXe sicle on peut rappeler, entre autres, Semper,
Burckhardt, Wickhoff, Riegl, Wlfflin, Simmel, Warburg, Balzs, Kracauer,
Benjamin Eisenstein avait trouv dans la morphologie de Goethe un paradigme pistmique, un tendre empirisme [zarte Empirie] 84 avec lequel
sorienter dans le monde des phnomnes et y chercher des formes de ressem-
Les mythes et les mystres de Dionysos. Dionysos, dont le corps est dmembr,
mais dont les membres sont ensuite runifis dans un Dionysos transfigur. Le seuil
duquel provient lart du thtre, qui deviendra ensuite lart du cinma. Le seuil
partir duquel le rite se transforme graduellement en art. Laction concrte du culte
devient symbole dans le rite, pour ensuite devenir image [obraz] dans lart.89
Dans la Non-Indiffrente Nature, Eisenstein avait attribu le statut d hyperobjectivit [sverkhpredmetnost] et de super-historicit [nadistoritchsnost]
263
264
ou Trieb, parfois Urtrieb, pulsion originaire , que le cinma, comme toute une
longue srie de mdias avant son apparition, aurait cherch de satisfaire.
Dans cette section des Notes , photographie, cinma, cinma sonore et
chronique cinmatographique sont prsents comme des mdias et des
formes de reprsentation qui rpondent une mme urge de fixer les phnomnes : quil sagisse de phnomnes statiques, de processus de phnomnes
en mouvement, de phnomnes audiovisuels ou encore de phnomnes penss comme documents historiques, cest toujours une mme urge ou
pulsion que tous ces mdias et ces formes de reprsentations rpondent.
La photographie, en particulier, est prsente comme rponse technique
une perte traumatique : le lost paradise dun idtisme originaire [primrer edetizm], perdu avec le rveil de la conscience et qui, grce la photographie, est remplac through a mechanical device , par lintermdiaire dun
appareil mcanique . Une ide qui enthousiasme tel point Eisenstein quil
laccompagne dune exclamation dauto-congratulation : great !!! .
Mais qutait cet idtisme originaire remplac par la photographie ?
On trouve une rponse dans Rodin et Rilke , crit en relation avec Mthode.
Eisenstein y affirme que dans luvre du sculpteur et dans celle du pote on
peut trouver deux exemples paradigmatiques de deux mthodes artistiques diffrentes, opposes, quoique dialectiquement lies lune lautre : celle qui produit la forme artistique en allant de lintrieur vers lextrieur, et celle qui,
linverse, va de lextrieur vers lintrieur94. Cette distinction Eisenstein lavait
formul aprs avoir lu une lettre de Rilke Rodin, date 29 dcembre 1908,
dans laquelle Rilke crit :
En faisant de la posie on est toujours aid et mme emport par le rythme des
choses extrieures ; car la cadence lyrique est celle de la nature : des eaux, du vent, de
la nuit. Mais pour rythmer la prose, il faut sapprofondir en soi-mme et trouver le
rythme anonyme et multiple du sang. La prose veut tre btie comme une cathdrale ;
l on est vraiment sans nom, sans ambition, sans secours : dans des chafaudages, avec
la seule conscience.
Et pensez quen cette prose je sais maintenant faire des hommes et des femmes, des
enfants et des vieillards. Jai voqu surtout des femmes en faisant soigneusement toutes
les choses autour delles, laissant un blanc qui ne serait quun vide, mais qui, contourn
avec tendresse et amplement, devient vibrant et lumineux, presque comme un de vos
marbres.95
265
266
Dans Rodin et Rilke ces deux mthodes sont ramenes deux diffrentes
faons de faire lexprience du monde des phnomnes qui, leur tour, peuvent tre ramenes deux phases diffrentes du dveloppement de lindividu :
lexprience du ftus lintrieur du ventre de la mre, qui connat le monde
extrieur seulement travers une perception en contre-relief , cest--dire
travers les empreintes que les objets de ce monde produisent ventuellement
dans la paroi intrieure du ventre et donc dans son propre corps ( et celui-ci est
l idtisme originaire mentionn plus haut, lexprience originaire de la
forme imprime vcue du ct de la matire qui reoit limpression ), et lexprience de lenfant qui touche les objets qui lentourent. Si dun ct le ftus
est touch par une forme qui est une contre-forme ou un contre-relief ,
cest--dire un ngatif , de lautre ct lenfant touche la forme comme volume
part entire, en positif .
Comme dans plusieurs autres passages de ses textes des annes 1930 et 1940,
Eisenstein se rfre au paralllisme entre ontognse et phylognse pour tirer
des phases du dveloppement de lindividu un certain nombre de conclusions
qui concernent le dveloppement de lespce. Le passage ontogntique de lexprience des formes en ngatif par le ftus celle des formes en positif
par lenfant trouve ainsi un paralllisme phylogntique dans lhistoire des
formes artistiques avec le passage du monde des formes tactiles celui des
formes optiques : des premires empreintes tactiles sur les parois des cavernes
primitives et des calques des masques funraires, vers des formes de reprsentation censes tre vues plutt distance. Une ide du dveloppement des
formes artistiques qui rappelle les ides de Riegl et de Wlfflin sur le dveloppement historique de lhaptique loptique ( Riegl ) ou du linaire au pictural
( Wlfflin ), et qui souligne encore une fois la proximit de la conception
eisensteinienne de lhistoire des formes avec celle de certains des protagonistes
de lhistoire de lart des premiers dcennies du XXe sicle.
Cela dit, le dveloppement historique des formes thoris par Eisenstein
nest en rien un parcours linaire : il est caractris par des quasi retours lantique , une expression de Lnine qui est cit plusieurs fois dans Montage97. La
dernire phase de ce parcours historique dernire par rapport au point de
vue dEisenstein est en effet prsente comme un retour aux formes en
ngatif du dbut : des formes qui nont jamais disparu, qui ont survcu
travers les sicles, et qui rapparaissent avec deux formes de reprsentation
entirement fondes sur la production dune image en ngatif, la photographie et le cinma.
Lapparition de ces deux mdias au XIX e sicle est interprte par Eisenstein
dans Rodin et Rilke comme la rponse un besoin, une ncessit, une soif
[jajda] que les hommes ont toujours eue de transposer ou traduire leurs
actions physiques et leurs processus psychologiques travers des appareils techniques98. Du marteau qui remplace le poing, au mtier qui remplace
le tissage la main, on arrive la forme de reprsentation, l appareil le
plus avanc, le cinma, qui se relie aux toutes premires formes : la technique
de la leve du masque afin de produire le masque funraire, rapparat ainsi
dans la technique du super-masque [tekhnika supermaski] quest le cinma99.
On retrouve toutes ces ides dans le passage des Notes cit plus haut, l
o Eisenstein met en relation la technique photographique avec les masques
funraires et les momies, dans une concidence inattendue avec les thses dAndr Bazin dans son Ontologie de limage photographique ( 1945 ) sur
laquelle il faudra revenir : La photo comme craft [technique artisanale] commence par les momies gypte. Le masque mortuaire Rome ( le naturalisme
du masque mortuaire ). [] Aller de la momie ( preservation of the self ) la
photo. Photos des proches et des dfunts 100.
La ligne gnalogique qui suit ( La pyramide et lide de rsistance lphmre immortalit. Nostalgie de limpr [issable]. In this photo is [de ce point
de vue la photo est le] nec plus ultra ) introduit la relation entre urge de fixer
les phnomnes et nostalgie de limprissable , entre besoin de prserver les
apparences et dsir dimmortalit, un dsir quEisenstein synthtise dans dautres passages des Notes travers la citation dun vers clbre du Faust de
Gthe, Verweile doch, du bist so schn ! [Arrte-toi, [instant,] tu es si beau].101
Dans ce passage, toute lactivit artistique peut-tre considr comme rponse une pulsion primitive ou originaire [Urtrieb] vers la stabilit et
l ternit . Le terme Trieb, qui remplace ici le urge des passages antrieurs,
indique ici une pulsion qui traverse lhistoire en trouvant toute une srie de
rponses comme lespoir de sapprocher limmortalit travers les enfants ,
les croyances dans la mtempsychose ou dans le paradis , la cration de
valeurs imprissables , les recherches scientifiques sur les maladies et limmortalit dveloppes dans lInstitut Sovitique de Mdecine Exprimentale
( VIEM ), pour arriver enfin aux spculations utopiques sur limmortalit
formules par les Cosmistes Russes et notamment par Nikola Fiodorov.
Toutes ces tentatives de fixer ou d immobiliser les phnomnes sont
reconduites par Eisenstein, dans une srie de notes crites le 2 dcembre 1946,
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Six ans aprs The Art of the Moving Picture, dans Bonjour cinma ( 1921 ),
cest Jean Epstein qui sinspire encore une fois des pratiques dembaumement
pour aborder la question de lexprience cinmatographique. En dcrivant la
simple vision dun homme qui se promne, un homme quelconque, et la faon
dont le cinma la rend ternelle, il crit :
Nachleben du ralisme et du naturalisme qui taient propres des masques mortuaires et des portraits en cire. Un ralisme et un naturalisme qui, daprs
Schlosser, prenaient leurs racines dans lAntiquit la plus obscure , dans un
ensemble de figurations, troitement apparentes, de la vie primitive de lme ,
caractrises par un lment dmonique 111 et dont la photographie tait
lhritire directe.
Tout est gonfl dattente. Des sources de vie jaillissent de coins quon croyait striles
et explors. Lpiderme tale une tendresse lumineuse. La cadence des scnes de foule
est une chanson. Regardez donc. Un homme qui marche, cet homme quelconque, un
passant : la ralit daujourdhui farde pour une ternit dart. Embaumement
mobile.110
270
Son destin historique, dans son ensemble, tait tout trac : avec sa tendance inne
au naturalisme, le portrait de cire pouvait rendre des services que lart bourgeois par
excellence de lpoque moderne, la photographie, allait offrir dune manire encore
plus vidente, moins sensuelle, plus scientifiquement objective, plus ressemblante par
dfinition, et surtout bien plus conomique : transmettre de la personnalit une image
fidle , vivante et aussi vraie que possible.112
271
de plaisir, 1920 ) de Freud, apparat dans un passage qui propose cette dfinition de l instinct : an instinct [Trieb] is an urge [Drang] inherent in organic
life to restore an earlier state of things 114.
Dans Mthode Eisenstein avait utilis le terme urge pour parler de toute
une varit de pulsions rgressives vers des tats primaires dun point de vue
en mme temps psychique, organique, formel et social dont, son avis, on
pouvait trouver des traces dans lhistoire des arts. Entre ces pulsions rgressives, une place particulirement important tait accorde la urge de revenir
vers la condition du ftus, cette plonge dans le sein maternel quEisenstein appelle en allemand Mutterleibversenkung ( MLB ), en se rfrant deux
ouvrages parus en 1924 dOtto Rank ( Trauma der Geburt ) et Sandor Ferenczi
( Thalassa. Versuch einer Genitaltheorie ).
Dans le cas de la MLB, tout comme le cas des autres pulsions , la rgression avait pour Eisenstein une valeur politique, puisque la urge de revenir vers
un tat de diffrenciation tait aussi une urge davancer vers un tat de dpassement de toute division, de tout partage social, et les formes artistiques qui
avaient t capables de visualiser ces urges pouvaient tre considr comme des
exemples de forme as urge vers labsence de classes [forma as urge k besklassovosti] 115. Cest dans cette perspective que, dans le texte sur Disney, Eisenstein
voit dans les Silly Symphonies la manifestation dune urge rgressive vers un
monde de formes protoplasmatiques qui est un monde de libert totale, en
mme temps originaire cest--dire situ aux origines de la vie et au stade
primaire de lchelle volutive , comme un Rck-Rck ( un saut en arrire )
dans lvolutionnisme praehistory 116 et projet vers un futur utopique.
Dans le texte Rve de vol plan , en analysant les rcurrences dans
lhistoire de lart des formes circulaires et des figures flottant dans lespace,
Eisenstein affirme que lart sefforce invariablement [] dallumer chez les
gens cette soif [jajda] incessante des tats idaux davant la socit de classe .
Un Eden-Paradis qui
dans la biographie sociale des peuples, [] est le stade qui prcde celui de la
socit de classes, le stade o il ny a pas encore eu dexploitation de lhomme par
lhomme, de servitude. Dans la biographie individuelle et biologique de lhomme, il y
a ltat utrin bienheureux de lembryon libre des conditions de la lutte pour la vie et
qui existe dans ltat de bien-tre repu et serein, de chaleur et de prmunition envers
toutes sortes de dsagrments.117
272
Il faudrait introduire ici une psychologie de la relique et du souvenir qui bnficient galement dun transfert de ralit procdant du complexe de la momie. Signalons seulement que le Saint Suaire de Turin ralise la synthse de la relique et de la
photographie.126
273
sur sept films de propagande amricains raliss entre 1942 et 1945 sous la
supervision de Frank Capra ( Why We Fight ). Ici Bazin attribue au cinma la
capacit de recueillir et denregistrer sur la pellicule les dpouilles dun
monde qui se dsquame et fait la mue de sa propre image quotidiennement face des milliers de camras, en saisissant les faits historiques en chair
et en os , et en en produisant une histoire totale jusqualors impossible avant
lavnement du cinma :
274
275
sophes et critiques de la culture actifs entre les annes 1920, 1930 et 1940,
qui, dans leur ensemble, constituent un rseau dauteurs, douvrages et dides
par rapport auquel luvre dEisenstein peut tre situe.
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7. Un parcours travers les stations des prcurseurs : l histoire gnrale du cinma et la tradition des atlas
labri dune grotte, celui dun homme lintrieur dune tente et aprs dune
cathdrale ( Interior ), pour sachever en fin avec lexpression Raumkunst ,
art de lespace . Une deuxime squence, appele convex line , commence
toujours au-dessus de la femme enceinte et tourne vers la droite un mettant en
srie une autre femme enceinte qui touche son ventre ( In You ), la figure dun
homme qui touche une pomme, le calque dun visage ( allusion aux masques
funraires ), une reprsentation schmatique de la perspective comme mthode
pour la reprsentation de la profondeur, les Contre-reliefs de Tatline, les vides
dans les volumes des sculptures dArchipenko, larchitecture de verre ( glass
architecture ) de Frank Lloyd Wright et Le Corbusier, le cinma en relief
( strokino ), pour sachever encore une fois avec lexpression Raumkunst .
Les deux lignes, convex line et concave line, semblent donc arriver un mme
art de lespace travers une concidence entre lintrieur de la cathdrale dans
lequel la lumire colore passe travers les vitraux ( bien visibles dans le dessin
dEisenstein ) et le cinma stroscopique comme production de formes colores
flottantes dans lespace. droite du corps transperc du dieu, une nouvelle
squence, autre convex line , met en srie lempreinte dune main dans le sol,
lempreinte des doigts, un objet entaill ou incis ( eingeritzt ), un bas-relief
( en relief ), une statue vue de front ( frontal statue ), une main qui touche un
objet rond comme exemple de volume sculptural en ronde-bosse, une statue qui
peut tre vue de plusieurs points de vue ( polipoint statue : Cf. Benvenuto
Cellini ), et finalement le cinma comme possibilit de reprendre et dvelopper,
travers le montage, la multiplicit de points de vue de la sculpture ( film as
multi project. plates ) : une ide quEisenstein montre en dessinant une forme
sculpturale qui peut donner lieu plusieurs projections bidimensionnelles (a + b
+ c + d ) 157. partir de langle en bas gauche, une autre squence rend
visible sur la page les exemples discuts par Eisenstein dans Montage et architecture: des dessins denfants dans lesquels chaque marge de la feuille est considr comme un sol sur lequel se posent des figures (plantes, btiments); on passe
aux dessins gyptiens avec leur montage de vision frontale et vision de profil
(Egypt drawing) pour continuer ensuite avec un art dambulatoire (ambulatory art, successif [sic] impression in art) qui se manifeste soit dans les dessins raliss par Hokusai dans le paysage (auquel semble faire allusion la petite figure qui
parcourt, avec laide dun bton, un grand profil trac par terre), soit dans la disposition des temples sur lAcropole (Acropolis), qui est lie avec une flche au
montage de photogrammes dans une pellicule cinmatographique (film). Une
dernire ligne, finalement, met cet ambulatory art en relation avec une figure
dansante partir de laquelle sont mis en srie les mots gestation , danse ,
song , music , dithyramb , theatre , ces deux termes tant juste endessous du corps transperc du dieu, ce qui souligne quil sagit de Dionysos.
On peut considrer tous les projets de livre auxquels Eisenstein travaille dans
les annes 1930 et 1940 comme des parcours travers des squences dexemples
qui senchanent page aprs page. Convaincu du fait que le parcours [pout] dun
spectateur en mouvement travers une srie de vues pouvait tre considr
comme analogue lexprience de la vision dun film, et que, dans cette perspective, non seulement les processions chrtiennes travers les douze stations
de la Passion du Christ, mais aussi le parcours travers les temples sur le sommet de lAcropole pouvaient tre considrs comme lquivalent dune squence
de montage lAcropole dAthnes reprsente le modle le plus parfait dun
des films les plus anciens 152 partir des annes 1930, Eisenstein donne son
criture une dimension presque dambulatoire, produisant des textes qui invitent le lecteur faire une sorte de voyage 153 dans le temps et dans lespace,
pour suivre une srie de stations qui traversent lhistoire universelle des arts.
Cette ide dun parcours spatial qui est en mme temps un parcours travers lhistoire est au centre du dessin ralis par Eisenstein dans les annes o
il travaille aux Notes ( voir ci-dessus, p. 22 ) : un dessin qui se propose en
mme temps comme une sorte de carte gographique pour sorienter dans les
mandres de la gnalogie que ce projet tait en train dtablir, et comme
lbauche dun atlas des prcurseurs du cinma154.
Au centre se trouve la figure dun corps transperc par plusieurs coups de couteau : le corps sacrificiel dun dieu dmembr dont Eisenstein avait trouv des
exemples dans le Dionysos de Nietzsche, dans les dying gods du Rameau dor
de Frazer, et dans le pathos du dieu dcrit par Winterstein dans son analyse
psychanalytique de lorigine de la tragdie, qui parle du pathos du dieu comme
sacrifice ou mort rituelle pendant laquelle Adon ou Attis sont tus dans la personne de lanimal totmique ; le farmakos est lapid ; Osiris, Dionysos, Penthe
et Hyppolite sont mis en morceaux ( sparagmos ) 155. Dans ces rites qui commmoraient le dmembrement dun corps sacrificiel comme fondateur dune
communaut, Eisenstein voyait lorigine du montage en tant que mthode du
dmembrement et de runification 156. gauche du corps transperc du dieu,
une femme enceinte avec un ftus recueilli dans son ventre rond est le point de
dpart de deux squences qui trouvent ses rfrences principales dans les deux
mthodes dcrites dans Rodin et Rilke et dans dautres textes dEisenstein.
Une premire squence, appele concave line , commence au-dessus du corps
de la femme enceinte et tourne vers la gauche en mettant en srie un corps
contenu lintrieur dun sac ( You in ), le corps dun homme ou dun animal
281
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283
que la trace, plus ou moins parfaite, de la marche relle dune perception de lvnement reconstitue travers le prisme dune conscience et dune sensibilit dartiste.
L, il deviendra cette marche mme linstant prcis o le processus se droule. On assistera au stupfiant aboutement de deux extrmes. Maillon initial de la chane des
formes historiques du mystre thtral, lacteur thaumaturge charg de transmettre au
spectateur la matire de ses penses et de ses sentiments au moment mme o il les
prouve tendra la main au matre des formes suprieures du mystre de lavenir, au
mage cinaste de la tlvision qui, vif comme un clin dil ou comme le jaillissement
de la pense, jonglant avec les foyers dobjectifs et les profondeurs de champ, imposera
directement, instantanment son interprtation esthtique de lvnement pendant la
fraction de seconde o celui-ci se produit, au moment de notre premire, unique et
bouleversante rencontre avec lui. Est-ce invraisemblable ? Est-ce impossible ? Est-ce
irralisable une poque qui attrape dj au vol lcho-radar mis de la lune, et expdie des avions la vitesse du son par-del la coupole bleue de latmosphre ? 161
Un tel passage nous montre bien lattitude ouverte et tourne vers le possible
quEisenstein a toujours eue par rapport au mdium cinmatographique quil
a toujours considr comme modifiable, mallable et peut-tre mme destin
un jour tre dpass par dautre mdias capables, mieux que lui, de rpondre
aux mmes urges auxquelles il avait essay de rpondre. Du Manifeste sur le
cinma sonore de 1928, sign avec Poudovkine et Alexandrov, la confrence
Le Carr dynamique donne Hollywood en 1930, des rflexions sur le
montage audiovisuel comme montage vertical aux crits sur la couleur et le
montage chromatique, du texte sur le cinma stroscopique aux remarques sur
la tlvision contenues dans les Notes et dans dautres textes des annes
1946-1948, juste avant sa mort, Eisenstein a toujours considr le cinma
comme le terrain dexprimentation dun ensemble de possibilits qui pouvaient aussi tre exprimentes au-del de son primtre daction. Des possibilits qui pouvaient tre saisies seulement avec un double regard de Rckblick
et Ausblick, tourn en mme temps, aurait crit Benjamin, vers la Vorgeschichte
et la Nachgeschichte du cinma : vers ses prdcesseurs et ses successeurs ,
avec une vise en mme temps morphologique, gnalogique, anthropologique
et archologique.
284
Notes
* Je tiens remercier ici pour laide quils mont apporte Franois Albera, Olga Kataeva, Naoum
Kleiman, Marie Rebecchi et Elena Vogman.
1
PS. PS. PS. , Mmoires 1, p. 213.
2
Ibid., p. 37.
3
Voir dans ce volume, p. 28.
4
Cit par Naoum Kleiman dans ce volume ( Introduction , p.13 ).
5
Voir dans ce volume, pp. 42, 68, 90, 181-182, 187.
6
SW 2, p.154.
7
Le terme russe linia , ligne, parat plusieurs fois dans les Notes pour indiquer des lignes
gnalogiques de mdias qui partagent des caractristiques semblables ( par exemple, p. 170 ).
8
Couleur et musique. Gnalogie de la couleur dans Moscou 800 ( Iz Pro 3, pp. 568-578 ).
9
Le Film : sa forme / son sens, p. 160.
10
Voir dans ce volume, p. 101.
11
A ce sujet voir B. Amengual, Que viva Eisenstein !, Lausanne, Lge dHomme, 1980 ; F. Albera,
Eisenstein et le constructivisme russe, Lausanne, Lge dHomme, 1990 ; O. Bulgakowa, Sergej
Eisenstein Drei Utopien. Architekturentwrfe zur Filmtheorie, Berlin, Potemkin Pressi, 1996 ;
N. Kleiman, Formula finala, Moskva, Eisenstein-tsentr, 2004 ; J. Aumont, Montage Eisenstein, Paris,
Images Modernes, 2005 [1979] ; D. Bordwell, The Cinema of Eisenstein, New-York-Londres,
Routledge, 2005 ; G. Conio, Eisenstein. Le cinma comme art total, Gollion, Infolio, 2007.
12
Cf. J. Goodwin, Eisenstein, Cinema and History, Urbana, University of Illinois Press, 1993.
13
Sur les enjeux du voyage mexicain dEisenstein et du film inachev Que Viva Mexico !, voir
M. Salazkina, In Excess. Sergei Eisensteins Mexico, Chicago, The University of Chicago Press, 2009.
14
Commentaire sur le Grand Canal de Fergana , cit par N. Kleiman, Il tempio messicano di
Ejzentejn , dans C. Bassotto, S. Cavagnis ( dir. ), Que Viva Mexico !, Mestre, Cineforum italiano,
1999, p.30.
15
SW 2, p. 43.
16
Cf. Les cinq poques ( 1926 ) [en italien Le cinque epoche ( a proposito della realizzazione
del film La lingea generale ) , dans F. Pitassio, dir., La forma della memoria. Memorialistica, estetica,
cinema nellopera di Sergej Ejzentejn, Udine, Forum, 2009, pp.193-200].
17
S. Freud, Malaise dans la culture, Paris, PUF, 1995, pp. 10-12.
18
Neravnodouchnaa priroda 2, p. 7.
19
De Dickens, Griffith et nous ( 1942 ) ( le Film : sa forme / son sens ) aux textes sur lhistoire du
gros plan comme forme de reprsentation du type pars pro toto contenus dans les Mmoires ( Histoire du gros plan , dans SW 4, p. 461 [ne figure pas dans ldition franaise. Extraits dans S.M.
Eisenstein, Paris, Chne, 1972 ) ; du texte sur les formes danimisme et de totmisme qui survivaient
dans les animations de Disney ( 1940 ) ( Disney ) lessai sur le cinma stroscopique intitul Du
cinma en relief ( 1947 ) ( Mouvement, pp. 97-158 ) ; de lanalyse des lments de pense archaque
et prlogique dans la culture chinoise prsentes dans Pair et impair ( 1934 ) ( Cinmatisme, pp.155184 ), aux remarques sur la musicalit de la peinture chinoise de paysage contenues dans la NIN 2
( pp. 72-81 ) ; des textes sur la couleur ( Mouvement, pp. 51-76 ; Au-del des toiles, pp. 271-310 )
jusquaux rflexions sur les liens entre les dithyrambes dionysiaques, le cinma historique ( une forme
de chronique ) et la tlvision quon trouve dans ce volume.
285
40
On trouve ce mme thme de la corrlation entre effondrement de la socit bourgeoise et
capitaliste et dgnrescence ou dsintgration des arts des avant-gardes europennes ( les
ismes ) dans Montage ( SW 2 pp. 275-276 ).
41
Auteure de la fameuse sculpture en acier inoxydable de 25 m. de hauteur qui surmontait le
pavillon sovitique lExposition Universelle de Paris en 1937, lOuvrier et la kolkhozienne.
42
Voprosy sinteza iskusstv : Matetiali pervogo tvorcheskogo sovetschania arkhitektorov, skoulptorov i
jivopistsev, Moscou, Izogiz, 1936, p. 104.
43
Ibid., p.9.
44
Ibid., p. 22.
45
Sur cette ide d amiti ou de coopration entre les arts comme manire dinterprter
la synthse des arts selon une perspective diffrente du Gesamtkunstwerk wagnrien, voir
P. Montani, Synthesis of the Arts or Friendly Cooperation between the Arts ? The General History
of Cinema According to Eisenstein , dans S.M. Eisenstein, Notes for a General History of
Cinema , op. cit.
46
Voir dans ce volume p. 24.
47
Sur la notion de synthse, outre les textes cits dans la note 11, voir H. Lvgren, Eisensteins
Labyrinth : Aspects of a Cinematic Synthesis of the Arts, Stockholm, Alquist & Wiksell, 1996.
48
Cinmatisme, pp. 28-31.
49
Pour une interprtation du statut des dessins mexicains dans lensemble de luvre dEisenstein
et de sa rflexion sur le sens du montage, voir A. Somaini, Ejzentejn. Il cinema, le arti, il montaggio,
op. cit., pp.141-186.
50
NIN 1, p.103.
51
Pour une vue densemble des voies de la rgression quEisenstein thorise dans Mthode, voir
A. Somaini, Ejzenstejn, op. cit., pp. 216-261.
52
Le mouvement expressif ( Metod 1, p. 181 ).
53
Moja sistema ( Kinovedchevskie Zapiski, n36-37, 1997-1998, p. 24 ).
54
Friedrich Engels Socialisme utopique et socialisme scientifique, Paris, Editions sociales, 1950, p. 45.
55
Voir dans ce volume, p. 22.
56
Ibid.
57
Cf. par exemple Montage vertical ( 1940 ), SW 2 p. 337.
58
F. Nietzsche, Naissance de la tragdie, Paris, Librairie Gnrale Franaise, 1994, pp. 51-52.
59
Ibid, p. 81.
60
Voir dans ce volume, p. 38.
61
Ibid.
62
Mouvement, pp. 77-96.
63
Article Encyclopdie , Encyclopdie, V, 640a ( commentaire analogue dans le discours prliminaire des diteurs de lEncyclopdie, ou dans larticle Bois , Enc. II, 297a ).
64
On peut rappeler aussi que en 1930-1932 Eisenstein avait labor un projet de film, jamais ralis, intitul Gtterdmmerung [le Crpuscule des dieux], qui, en reprenant le titre du dernier drame
musical du cycle du Ring de Wagner, aurait trait de la chute de certains grands titans de lindustrie et de la finance des annes 1920 comme Zacharoff, Lwenstein, Kreuger, Deterding, suite la
crise de la fin des annes 1920. Cf. W. Sdendorf, Sergej M. Eisenstein. Materialen zu Leben und
Werk, op. cit., p. 222.
65
Cf. Lincarnation dun mythe ( Conception, pp. 110-118 ). Sur la mise en scne de la Walkyrie par Eisenstein, voir S. M. Eisenstein, Die Walkre. Regienotizen , dans O. Bulgakowa ( dir. ),
Eisenstein und Deutschland. Texte Dokumente Briefe, Berlin, Akademie der Knste -Henschel Verlag,
1998, pp. 55-64. Voir aussi D. Thom, Totalitt und Mitleid. Richard Wagner, Sergej Eisenstein und
unsere ethisch-sthetische Moderne, Francfort, Suhrkamp, 2006.
20
21
286
287
91
Sur linterprtation extatique du Greco voir NIN 1, pp. 251-270. Sur Warburg et latlas
Mnmosyne, voir G. Didi-Huberman, lImage survivante. Histoire de lart et temps des fantmes selon
Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002. Sur Warburg et Eisenstein, voir S. Sasse, Pathos und Antipathos.
Pathosformeln beu Sergej Ejsenstejn und Aby Warburg , dans C. Zumbusch ( dir. ), Pathos. Zur
Geschichte einer problematischen Kategorie, Berlin, Akademie Verlag, 2010, pp.171-190 ; A. Somaini,
Ejzentejn. Il cinema, le arti, il montaggio, op. cit, pp.350-381.
92
Cit dans lIntroduction de N. Kleiman ldition russe de Mthode ( Metod 1, p.27 ).
93
Je remercie Elena Vogman de mavoir fourni ces renseignements.
94
Cinmatisme, p. 229.
95
R.M. Rilke, Cher Matre : Lettres Auguste Rodin ( 1902-1913 ), Paris, Alternatives, 2002, p.76.
96
Cinmatisme, p. 219.
97
SW 2 p.97.
98
Cinmatisme, p. 237.
99
Ibid., p.241.
100
Voir dans ce volume, p.27.
101
Voir dans ce volume, pp. 37, 40, 42.
102
N. Tumarkin, Lenin Lives ! The Lenin Cult in Soviet Russia, Cambridge ( Mass. )-Londres,
Harvard UP, 1997.
103
Pline lAncien, Naturalis Historia, XXXV, 4, dans lequel lexpression imaginum pictura ,
peinture des imagines , indique la tradition de peindre en couleur les masques funraires des
anctres, afin de prserver une maxima similitudo , une ressemblance maximale , par rapport
loriginal. Sur ce sujet, voir G. Didi-Huberman, La Ressemblance par contact. Archologie, anachronisme et modernit de lempreinte, Paris, Minuit, 2008, pp. 52-70.
104
Voir dans ce volume, p.39.
105
Idem.
106
A. Bazin, Montage interdit , dans Quest-ce que le cinma ?, Paris, Cerf, 1958, pp.117-130.
107
Gaston Diehl, Problmes de la peinture ( Lyon, Confluences, 1945 ).
108
V. Lindsay, The Art of the Moving Picture, New York, MacMillan, 1916, p. 252 ( De la caverne
la pyramide. Ecrits sur le cinma 1914-1925, Paris, Klincksieck, 2012 ).
109
Ibid., pp. 254-260, passim.
110
J. Epstein, Bonjour cinma ( Paris, La Sirne, 1921 ), repris dans crits sur le cinma 19211953, Paris, Seghers, 1974, tome 1, p. 92. Voir aussi H. Joubert-Laurencin, Embaumement , dans
A. de Baecque, P. Chevallier ( dir. ), Dictionnaire de la pense du cinma, Paris, PUF, 2012, pp. 270272.
111
J. Schlosser, Histoire du portrait en cire, Paris, Macula, 1997 [1911], p.13.
112
Ibid., p.142
113
Cf. G. Didi-Huberman, Viscosit e sopravvivenze. La storia dellarte alla prova del materiale ,
dans J. Schlosser, Storia del ritratto in cera, Macerata, Quodlibet, 2011, pp. 7-30.
114
Dans la traduction franaise de S. Janklvitch revue par Freud : Un instinct ne serait que lexpression dune tendance inhrente tout organisme vivant et qui le pousse reproduire, rtablir
un tat antrieur auquel il avait t oblig de renoncer, sous linfluence de forces perturbatrices
extrieures ; lexpression dune sorte dlasticit organique ou, si lon prfre, de linertie de la vie
organique. ( Au-del du principe du plaisir, Paris, Payot, 1968, p. 34 ).
115
S.M. Eisenstein, Metod / Die Methode, Berlin-San Francisco, Potemkin Press, 2008, vol. 1, pp.
259-268.
116
Disney, p. 86.
117
MLB, p.58.
118
A. Bazin, Ontologie de limage photographique , op. cit., p. 11.
66
67
288
289
290
119
Bazin se rfre la premire publication de lEsquisse dune psychologie du cinma en 1940 :
Dans son article de Verve, Andr Malraux crivait que le cinma nest que laspect le plus volu
du ralisme plastique dont le principe est apparu avec la Renaissance, et a trouv son expression
limite dans la peinture baroque ( Ibid., p.12 )
120
A. Malraux, Psychologie de lart. Le Muse imaginaire, Genve, Skira, 1949.
121
A. Bazin, Ontologie de limage photographique , op. cit., p.12.
122
A. Malraux, Esquisse dune psychologie du cinma, Paris, Nouveau Monde, 2003, p.38.
123
A. Bazin, Ontologie de limage photographique , op. cit., p. 12.
124
Ibid., pp. 14-18.
125
Cf. Vincenz Hediger, Das Wunder des Realismus. Transsubstantiation als medientheoretische Kategorie bei Andr Bazin , montage AV n18, vol.1, 2009, pp.75-107.
126
A. Bazin, Ontologie de limage photographique , op. cit., note 1 p.16. Dans Le cinma et
lexploration Bazin fait allusion une autre image acheiropote typique de la tradition chrtienne,
le Voile de Vronique . En dcrivant le documentaire sur la descente du massif de lAnnapurna des
alpinistes franais Maurice Herzog et Louis Lachenal, dont les mains et les pieds taient gels, Bazin
crit : Alors commence le long calvaire de la descente, Herzog et Lachenal ficels comme des momies
sur le dos de leurs Sherpas, et cette fois le cinma est l, voile de Vronique sur le visage de la souffrance humaine ( Ibid., p. 54 ).
127
Ibid., note 1, p.14.
128
Ibid, p.16.
129
A. Bazin, op. cit., pp. 21-26.
130
Ibid., pp. 32-36.
131
SW 2, p.3.
132
S. Kracauer, lOrnement de la masse, Paris, La Dcouverte, 2008, p. 38.
133
La notion de montage anachronique utilise ici doit beaucoup la rflexion de Georges
Didi-Huberman autour de la notion danachronisme dveloppe partir de lexposition lEmpreinte
( 1997 ), puis dans ses ouvrages : Devant le temps. Histoire de lart et anachronisme des images ( Paris,
Minuit, 2000 ), lImage survivante. Histoire de lart et temps de fantmes selon Aby Warburg ( Paris,
Minuit, 2002 ), la Ressemblance par contact. Archologie, anachronisme et modernit de lempreinte
( Paris, Minuit 2008 ), Quand les images prennent position. Lil de lhistoire 1 ( Paris, Minuit, 2009 ),
Atlas ou le gai savoir inquiet. Lil de lhistoire 3 ( Paris, Minuit, 2011 ), Peuples exposs, peuples figurants.
Lil de lhistoire 4 ( Paris, Minuit, 2012 ).
134
Eisenstein parle en particulier de la possibilit de concevoir la forme filmique comme lieu de
conflits entre lvnement et sa nature temporelle [zwischen dem Vorgang und seiner Zeitlichkeit],
atteints par le ralenti et lacclr [durch Zeitlupe und Multiplikator] ( Dramaturgie de la forme
filmique , dans Cinmatisme, op. cit., p.30. Texte original allemand avec ses variantes dans F. Albera,
Eisenstein et le constructivisme, op. cit., pp. 31-54 ).
135
Cinmatisme, p.33.
136
S.M. Eisenstein, Annexe [Stuttgart] , dans F. Albera, Eisenstein et le constructivisme
russe, Lge dHomme, Lausanne 1990, p. 94 ( texte franais ) p.260 ( texte russe ).
137
Cf. L. Lvy-Bruhl, les Fonctions mentales dans les socits infrieures, Paris, PUF, 1910.
138
C. Einstein, la Sculpture ngre, Paris, Presses de la Sorbonne, 2002 [1915], p. 52.
139
Sur Warburg, le voyage au Nouveau Mexique, et limage en mouvement, voir Philippe-Alain
Michaud, Aby Warburg et limage en mouvement, Paris, Macula, 1998.
140
Cf. Neravnodouchnaa priroda 2, pp. 238-249
141
E. Bloch, Hritage de ce temps. Paris, Payot, 1978 [1935], p. 9.
142
Ibid, pp. 95.
143
W. Benjamin, Paris, capitale du XIX e sicle. Le Livre des passages, Paris, Cerf, 1989, p. 477.
Ibid., p. p.476.
W. Benjamin, lettre Wiesengrund-Adorno du 31 mai 1935 ( Correspondance Adorno-Benjamin 1928-1940, Paris, La Fabrique, 2002, p. 140 ).
146
W. Benjamin, Paris, capitale du XIX e, op. cit., p. 847 [L 6].
147
Ibid, p.491.
148
Ibid, p. 479 [N 3, 1]
149
Ibid., p. 412 [K 3, 3]
150
Voir supra, note 6.
151
W. Benjamin, crits franais, Paris, Gallimard, 1991, p.180.
152
Cinmatisme, p.45.
153
Mmoires 3, pp. 55-56.
154
Sur la tradition des atlas dimages, Voir G. Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet, op. cit.
155
Alfred Winterstein, Der Ursprung der Tragdie, op. cit. pp.159-161, cit dans Montaj, p.225
( ce passage nest pas inclus dans ldition anglaise dans SW 2, mais figure dans ldition italienne :
OS 4/1, p.230 ).
156
Cf. supra, note 88 et le chapitre Dionysos et Osiris dans Montage.
157
Sur Eisenstein, le montage et la sculpture, voir G. Careri, Ejzentejn e Bernini. Montaggio
e composto , dans P. Montani ( dir. ), Sergej Ejzentejn. Oltre il cinema, Venezia, Biblioteca
dellimmagine-La Biennale di Venezia, 1991, pp. 263-276.
158
Cf. supra, note 73.
159
Mouvement, p. 98.
160
Voir dans ce volume, p.173.
161
Rflexions, pp. 3-4.
145
291
293
292
7
15
16
18
Chapitre 1: LHritier
23
23
23
23
23
24
24
26
27
27
Dessin anim..................................................................................................................................
Le trait ............................................................................................................................................
Dessins paritaux, xylographie, estampe, dessins fin de sicle
(Gulbransson, Beardsley) ........................................................................................
Le dessin linaire ...................................................................................................................
LEpope animalire (Disney, Andersen, La Fontaine, Esope, le
totmisme) ...........................................................................................................................
29
29
31
24
26
26
27
28
29
29
30
294
295
37
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38
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43
43
43
44
44
46
48
49
56
49
56
57
58
59
60
60
60
60
60
N 4 Linvention de la camra cinmatographique : remontage (ornements mrovingiens, Le Greco, Vinci, Van Eyck, Delaunay) ..............
63
63
64
64
64
Les Matres du genre en photographie : instantans et dessins rupestres, Candid Camera,le reportage, paysages et natures mortes ............
Les Matres du portrait psychologique : Hill, Cameron, Nadar ..............
65
67
La mcanisation du mouvement : ombres, Wayang, lanterne magique, marionnettes, automates, jouets, dessin anim ....................................
Le son mcanique..............................................................................................................................
68
68
69
69
69
69
Lanimation et lhistoire du graphisme : peinture rupestre, calligraphie chinoise, gravure Renaissance, dessin au trait, bande dessine
69
70
Problme de la reproduction dynamique dun phnomne en mouvement (du totmisme au zootrope) ...............................................................................
70
70
70
72
72
73
297
74
77
84
85
86
87
88
88
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90
90
91
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93
93
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101
102
102
103
104
104
105
Photomontage Le pass..........................................................................................................
(Le Greco, illustrations de Shakespeare) .................................................................
Le contre-relief : relief, facture, couleur ..................................................................
(Rodin, Isadora Duncan) .....................................................................................................
Lart de lanimation: les phases dessines, le ballet, Robert Houdin
Le montage points de vue multiples (projection) : lornement,
Cellini, le pointillisme ......................................................................................................
Sur lhistoire du Positif-ngatif : lornement, les bronzes chinois,
Rilke et le test de Rorschach .......................................................................................
112
112
114
114
116
106
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118
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163
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166
166
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299
180
181
182
182
Yo [Je] ........................................................................................................................................................
La relation de la Grve et du Potemkine avec la Chronique et le film
scientifique et technique. Le rapport au cirque comme travail
effectif vs le jeu factice............................................................................................................
Le novateur et le pionnier : le novateur fait voler en clat le cours de
lvolution, le pionnier est le premier dans lutilisation dune technique. .....................................................................................................................................................
( SME, Poudovkine, Vertov, Koulchov, Ptrov, Chaplin, Stroheim,
El Greco, Dovjenko) ................................................................................................................
187
187
188
189
ESSAIS
Quel hritage renions-nous ? Eisenstein dans lhistoriographie, par Franois Albera ....................................................................................... 197
Notes ........................................................................................................................................................ 223
Gnalogie, morphologie, anthropologie des images, archologie des medias, par Antonio Somaini..................................................... 237
Notes ........................................................................................................................................................ 285
Le prsent ouvrage
sur une mise en page de Plein Chant
a t achev dimprimer en fvrier 2014
sur les presses de limprimerie Renon
Ruelle-sur-Touvre (Charente).
Dpt lgal premier trimestre 2014.