L'homme qui voulait sauver son âme
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À propos de ce livre électronique
Une expérience dans le but de contrôler la pensée des animaux afin d’améliorer leurs capacités à servir les hommes. Le besoin d’un professeur de trouver une aide discrète pour ses recherches et d’un étu-diant surdoué.
Lorsque Fracasse, un éminent scientifique propose à Jacques, sous condition d’une loyauté sans faille de l’aider sur ses travaux en laboratoire, il accepte :
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L’expérience va emmener le jeune homme dans une aventure qu’il ne soupçonnait pas.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-François Zamboni écrit depuis plusieurs années, roman, BD. Il est l’auteur de "HELENA" un roman qui a été en vente au format numérique, de plusieurs projets BD avec Philippe Marin ; 1,2,3 samouraïs et les aventures de la princesse Ying. Mais aussi d’autres projets, notamment "DEPROFUNDIS" le livre du diable avec Frédéric Mené et Jean-Laurent Nijean
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Aperçu du livre
L'homme qui voulait sauver son âme - Jean-François Zamboni
Chapitre I
La chasse
« Les hommes ignorent leur place dans l’univers. »
Manifeste hédoniste de Michel ONFRAY.
Au petit matin, l’air frais du printemps glissait sur le 4x4 et s’échappait en petits tourbillons éphémères. À gauche de la banquette arrière, Jacques regardait son visage dans la vitre sous forme d’un hologramme qui se faufilait sur les arbres de la forêt solognote. Il avait accepté avec Julie l’invitation du professeur Fracasse pour connaître la culture de la chasse qui, au dire du professeur, reliait l’homme moderne à ses plus profondes racines.
–La chasse dévoile la bête cachée dans l’homme, son instinct primitif et son long parcours philosophique. Elle est le vrai visage entre la vie et la mort, avait dit Fracasse.
Le vrai visage entre la vie et la mort ! Julie et Jacques venaient voir ce visage qu’ils méprisaient et sans rien se dire, dans la Mercedes du professeur, ils pensaient la même chose. C’était il y a quelques jours, lors d’un cours de parasitologie du professeur où il comparait le plaisir de la recherche à celui de la chasse en citant Blaise Pascal.
–On aime mieux la chasse que la prise, et il ajouta laissant traîner les mots : Blaise... Pascal !
Pour le professeur, le chercheur avait le goût de la traque et devait avoir les stratégies du chasseur qui repère les défauts de la nature pour la maîtriser. C’est là que Julie et Jacques avaient critiqué la chasse et les chasseurs, arguant l’inutilité de leurs existences et citant, pour preuve, les fermes industrielles et les grandes surfaces, fournisseurs de chairs fraîches. Ils avaient piqué au vif Fracasse, mettant indirectement en cause le philosophe et sa morale. Le professeur de biologie moléculaire était un adepte de la chasse autant que de la philosophie, qu’il utilisait sans cesse auprès de ses élèves. Mais il n’acceptait pas la contradiction de ceux qu’il considérait comme inférieurs. Un élève n’était digne de respect qu’une fois diplômé, une fois que le récipiendaire pouvait transmettre et développer lui-même ses capacités, son autonomie scientifique à découvrir l’avenir. Les cours du professeur, malgré son côté irascible, étaient toujours pleins. Bon nombre de ses élèves étaient devenus à leur tour des scientifiques de renommée mondiale sans compter les étudiants venus de disciplines différentes qui s’étaient inscrits pour quelques cours ouverts sur des sujets de recherche pluridisciplinaire. Ainsi, se côtoyaient des disciplines comme la chimie, la médecine ou les mathématiques. C’est comme cela qu’ils s’étaient rencontrés avec Djamel, un jeune étudiant d’origine tunisienne, mince et élancé, d’un mètre quatre-vingts. Un véritable génie en informatique qu’il cachait derrière ses grosses lunettes pour corriger sa myopie. Trois amis aux études différentes qui aimaient se retrouver de temps en temps pour raconter leurs aventures, un verre à la main. Mais un jour nos jeunes tourtereaux avaient critiqué la chasse. Fracasse fronça ses sourcils épais et ses yeux se noircirent. Il parla de la chaîne alimentaire et de l’Homme au sommet, du ridicule de la place animale.
–Il n’y a pas de philosophe, chez les animaux ! Votre moralité n’est pas la leur ! gronda-t-il.
Le professeur s’approcha des étudiants qui entouraient Julie et Jacques. La voix de Djamel résonna doucement à leurs oreilles.
–Ho, ho, ho !
Ce qui voulait dire que les choses allaient être plus compliquées que prévu. Ils regardèrent arriver le mètre quatre-vingt-quinze du professeur et sa tête se placer au-dessus d’eux. La bouche du géant s’ouvrit et déchargea l’anathème.
–L’ignorance est mère de tous les maux aurait dit François Rabelais !
Fracasse eut une moue de réflexion qui parcourut son visage professoral et se transforma en éclaircie laissant échapper la solution.
–Puisque vous ne connaissez pas la chasse, je vous propose de découvrir votre lien avec la nature ! La chasse est fermée, mais si vous surmontez vos préjugés, vous jugerez par vous-même !
Julie regarda Jacques avant de répondre :
–On ne changera pas d’avis, monsieur, mais nous viendrons.
Jacques avait appelé ses parents la veille, pour surtout rassurer sa mère et lui expliquer qu’exceptionnellement, il ne l’appellerait pas ce week-end. Samedi et dimanche, il serait avec Julie en Sologne, invité par leur professeur. Nantes était loin de Paris, même si le TGV transformait en banlieue les grandes villes entre elles. Pour les anciens comme ses parents, la distance était encore immense. Il avait dû leur expliquer que Fracasse s’occupait de leur transport depuis Paris. La voiture prit un petit sentier qui se faufilait à travers l’immense forêt où quelques arbres morts aux branches écartelées semblaient abandonnés par leurs congénères. Sur le sol, l’odeur de l’humus flottait et pénétrait dans le véhicule. Des branchages craquaient, des cailloux roulaient sous le passage des grosses roues. Le 4x4 paraissait fuir la lumière comme happé par des millions de feuilles accrochées dans tous les sens sur les géants de la forêt. De temps en temps, un pneu s’enfonçait dans la route sans ralentir le véhicule, rien ne perturbait leur progression vers le repaire des chasseurs. Julie cherchait dans la végétation qui défilait le moindre indice manifestant la présence d’un animal sauvage. Elle commençait à les croire tous morts, lorsqu’elle aperçut un faisan sortir d’une broussaille et s’envoler. Fracasse cria.
–Faisan à trois heures !
Jacques regarda du côté de Julie, mais l’animal avait disparu. Ils roulèrent encore un kilomètre et traversèrent une clairière.
–Lièvre à dix heures ! hurla Fracasse.
–Je ne vois rien ! pesta Jacques.
–Cela va venir, Jacques, les hommes ont la chasse dans le sang !
Julie et Jacques échangèrent leurs regards et ils pensèrent ensemble : « Il se trompe. »
–Nous sommes bientôt arrivés, dit Fracasse enthousiaste.
La voiture arriva au bout du sentier et pénétra dans une petite clairière où une grande flaque d’eau miroitait sous les assauts du soleil. Une gerbe de boue gicla sur le carreau. Julie recula devant la vitre voilée de mouchetis occultant son regard. Jacques, de son côté, voyait s’éloigner le miroir. Ils firent une courbe sur la droite et ils aperçurent une grande maison en rondins de bois construite de plain-pied. Un homme rondouillard de petite taille, d’une cinquantaine d’années, attendait devant la porte en treillis militaire. Fracasse s’arrêta devant lui et coupa le contact. Ils descendirent du 4x4, l’homme salua le professeur.
– Bonjour monsieur. L’homme prononça les mots avec déférence.
–Bonjour Étienne, je vous présente deux de mes étudiants, Julie et Jacques.
L’homme les salua.
–Étienne est le garde-chasse, précisa Fracasse.
–J’ai nettoyé et déposé les draps avec les couettes dans les chambres. J’ai aussi rempli le frigo et rentré du bois pour la cheminée. Je vais vous laisser et je repasserai demain soir, monsieur.
–Merci Étienne. Demain matin nous irons vers le grand mirador.
–La chasse n’a pas commencé, Monsieur, mais prenez votre fusil au cas où. J’ai repéré les traces d’un solitaire et il doit bien peser ses deux cents kilos !
–Ne vous inquiétez pas, je n’ai pas envie de perdre mes meilleurs étudiants !
Julie et Jacques se regardèrent avec un petit sourire, Fracasse venait de faire un compliment et cela tenait du miracle. Le garde-chasse les salua et s’en alla vers la forêt où il disparut mystérieusement. Fracasse ouvrit la porte du relais de chasse et fit un signe de la main pour inviter Julie et Jacques à entrer. Le bruit d’un moteur de quad se fit entendre, puis disparut au loin. Le grand salon faisait office d’entrée. C’était une pièce à vivre où la cuisine était intégrée et éclairée avec des ampoules tenues par de simples douilles. L’ameublement disparate était néanmoins de qualité et posé en direction d’une cheminée qui pouvait recevoir au moins quatre personnes. Il y avait, en face, un canapé en cuir craquelé, accompagné d’une chaise Voltaire aux tissus cloutés portant l’emblème de la fleur de lys et d’un rocking-chair en rotin agrémenté d’un gros oreiller pour adoucir son confort spartiate. À l’arrière du canapé, une table rectangulaire en chêne était entourée de six chaises. Sur les murs, des trophées de chasse aux regards vitreux, aux poils à demi poussiéreux peignaient l’ensemble des animaux chassables sous des formes taxidermiques. Julie et Jacques imaginaient les animaux vivants et leurs morts atroces. Un chevreuil, une biche, un cerf au trophée à sept branches. Et deux énormes têtes de sanglier armées de deux défenses sortant de leurs mâchoires inférieures de plus de trente centimètres. Elles étaient usées sur le bord intérieur de leurs extrémités. Julie eut un sentiment de peur et se figea devant, Jacques prit sa main et sentit son angoisse.
–Impressionnant ! dit Fracasse.
Il s’approcha de ses étudiants et posa sa main sur la plus grosse des têtes de sanglier, sa voix résonnait...
–Nos deux mâles représentent cent quatre-vingts kilos et deux cent vingt kilos ! Quatre cents kilos à eux deux ! Il vaut mieux qu’ils soient accrochés là que de les rencontrer dans la forêt !
–Vous les avez tués ? dit Jacques.
–Mon grand-père a tué celui de deux cent vingt kilos. Mon père celui de cent quatre-vingts kilos. Un jour peut-être que je pourrais les imiter ! Mon plus gros cochon était de cent-quarante kilos, il serait ridicule à côté !
–Votre cochon ? dit Julie étonnée.
–Les chasseurs disent « cochon » pour sanglier. Demain, lorsque vous découvrirez la forêt, j’espère pouvoir vous montrer différentes traces de sangliers.
–Vous ne craignez pas que nous en rencontrions un ?
Jacques imaginait, en questionnant Fracasse, voir le sanglier de deux-cent vingt kilos foncer vers lui en pleine forêt.
–Non, les sangliers se cachent, sauf si vous trouvez des marcassins, la laie devient féroce pour défendre ses jeunes enfants !
–Comme toutes les mères !
Julie regarda le chasseur dans les yeux affirmant ainsi son soutien féminin à la mère animale.
–Il y a des femmes qui abandonnent leurs enfants et même qui les tuent chez les humains ! Lorsque cela arrive chez les animaux, c’est pour la survie. Une symbiose naturelle fait évoluer la nature. Mais certains humains refusent d’écouter la nature. « Les hommes ignorent leur place dans l’univers », a si bien écrit Michel Onfray.
–L’animal meurt rarement de manière naturelle ! Avez-vous songé à votre vie, si vous étiez un animal ? Je suis à la fin de mes études de médecine et je peux vous dire que tous les êtres vivants souffrent.
–Julie, l’anthropomorphisme « chez l’animal » n’existe que dans l’esprit des hommes ! Bien sûr que personne ne veut mourir. Mais un animal n’est pas doué de conscience comme nous. Il a la sensation de la douleur ou du plaisir, mais pas du bien ou du mal. Il défend son groupe quand il est attaqué par le danger qu’il ressent. Il y a une symbiose dans la nature et les animaux la suivent, c’est ce que nous appelons l’instinct ! L’homme, lui, arrive à maîtriser une partie de cette nature, et peut-être demain encore plus ! Nous avons la conscience par le savoir, c’est notre responsabilité, pas l’animal ! Nous sommes les maîtres sur terre et non les animaux !
–La terre n’appartient pas qu’aux hommes ! Je ne pourrai jamais comprendre !
Julie finit de répondre et tourna le dos à Fracasse. Jacques alla vers elle et posa son bras avec tendresse sur ses épaules. Elle était en colère et s’en voulait d’être venue. Il lui parla à voix basse.
–Nous rentrons demain soir Julie, ça va aller, hein ?
–Oui, Jacques, ça va aller.
Fracasse se déplaça devant eux, et ostensiblement leur offrit un sourire forcé pour montrer à Julie que tourner le dos n’était pas un comportement d’adulte. Il leur montra la direction d’une porte au fond du salon.
–Il y a une suite dans cette maison et c’est par là. Le petit couloir pour aller vers les trois chambres, mais aussi les toilettes et une salle de bains avec une grande douche à l’Italienne !
Les chambres étaient petites et identiques. Un lit au matelas épais équipé d’un oreiller et d’une couette, une petite table de chevet et un tabouret occupaient chaque espace de ce confort spartiate. Dans les trois entités, une lucarne, faisant office de fenêtre, logée à mi-hauteur sur le mur face au lit, était équipée d’une moustiquaire. « Certains arrivent à sentir le cochon en se levant !» dit Fracasse avec amusement. La largeur des lits ne donnait pas à imaginer plus d’une personne, les chambres étaient conçues seulement pour dormir. Fracasse attribua les chambres. Il prit la première près du salon, Julie la seconde et Jacques se retrouva au bout du couloir. Chacun déposa sa valise sur la table de nuit. Fracasse termina la visite par la salle de bains. Julie et Jacques furent étonnés par le contraste, car autant les chambres étaient petites et sobres, autant la salle de bains était grande et spacieuse, presque un deuxième salon.
Tout avait l’air neuf carrelé d’un blanc crème. Les chromes brillaient, aucun robinet entartré. Un lavabo immense et rectangulaire, une grande douche à l’Italienne, un WC installé entre deux murets d’un petit mètre de haut où étaient entreposés, au-dessus sur une étagère, des rouleaux de papier toilette. Enfin, une grande baignoire avec un pommeau de douche extensible « C’est pour nettoyer ses affaires après la chasse », leur explique Fracasse. Une buanderie, qui servait également de dressing, occupait le fond de la salle de bains constituée de cinq grands chariots équipés de cintres, dont l’un portait des serviettes de bain. « Vous choisirez la serviette que vous voulez et après vous la déposerez dans le panier. » Fracasse montra le bac à linge qui était caché derrière les chariots avec la machine à laver et le sèche-linge. Il y avait même des radiateurs porte-serviettes.
–La visite est terminée, je vais préparer le repas. Si vous voulez en attendant faire un brin de toilette, ne vous gênez pas ! On se donne rendez-vous dans trente minutes pour passer à table.
Julie et Jacques suivirent les conseils de Fracasse et se retrouvèrent dans la salle de bains.
–Je me… demande... ce que… nous allons… manger ?
Le dentifrice lui parcourait la bouche et les mots. Elle le regardait assise sur le rebord de la baignoire, l’air déconfit.
–Tu ... n’as… pas… l’air… en forme, mon cœur.
–J’ai un peu mal au ventre.
–Tu es… un peu… stressée. C’est tout.
–J’espère que je ne me suis pas trompée avec ma pilule !
–Tu n’es pas… enceinte ?
Du dentifrice coulait sur le côté de la bouche de Jacques. Il attendait la réponse suspendue aux lèvres de Julie.
–Non, je ne crois pas, juste que j’aurais dû avoir mes règles hier.
–Cela n’empêche pas… de se faire un… câlin ?
Jacques regrettait sa réponse.
–Tu ne penses qu’à toi et à te brosser les dents tout le temps !
Jacques se rinça la bouche.
–J’ai lu un article sur la santé par un dentiste qui disait que pour garder les dents blanches, il fallait les laver même avant le repas !
Puis, il regarda son sourire dans la glace et continua sa phrase.
–Mais ne fais pas la tête, je disais ça… comme… ça, excuse-moi !
–Ici, avec toutes ces bêtes accrochées aux murs du salon, non ! J’aurai l’impression de faire l’amour dans un cimetière !
Jacques se mit de penser au lendemain soir. Quand ils seront rentrés, ils pourront partager leurs corps. Julie se rapprocha de Jacques et l’entoura de ses bras.
–Tu n’y es pour rien ! dit Julie.
Jacques déposa de petits baisers qui parcoururent le corps de Julie en recherche de réconfort et finit par se poser sur sa bouche. La voix de Fracasse résonna…
–Le repas est prêt dans cinq minutes !
Elle sourit, Jacques fit une grimace et retira sa main qui était partie dans l’entrejambe de Julie améliorer la volupté de leurs baisers. Lorsqu’ils arrivèrent dans le salon, une odeur d’épices à base d’ail, d’oignons, de thym et de laurier flottait dans l’air.
–Je vous ai préparé une recette qui est dans ma famille depuis plusieurs générations : carottes, topinambours, quelques noisettes avec des morceaux de cèpes, un peu d’huile d’olive et un bouquet garni, petit secret de la maison et ce n’est que l’accompagnement ! Goûtez, je vous dirai la suite après !
Il n’y avait pas de nappe sur la table en chêne clair, mais le bois brillait de propreté. Les couverts étaient en inox et ils ne faisaient pas de doute sur leur provenance. Il suffisait d’avoir été un jour en grande surface au rayon vaisselle pour en reconnaître les modèles. Les assiettes provenaient d’un vieux service en porcelaine de Limoges décorées finement, sur le bord, de petites fleurs des champs. Au centre, une bergère attendait, le regard au loin, tandis que deux moutons, devant elle, broutaient paisiblement. << Les assiettes viennent d’une vieille tante>> leur annonce Fracasse en commençant à les remplir. Julie et Jacques prirent place comprenant qu’il n’y aurait pas d’entrée. La vieille marmite en fonte, au ventre bien plein, était posée sur deux briques. Lorsqu’il eut fini de servir, Fracasse, leur donna un verre à eau et un verre à vin, en s’excusant de ne pas les avoir mis plus tôt. Il servit l’eau et posa la bouteille en plastique sur la table. Il alla chercher le vin, qu’il avait déjà débouché. Il porta le goulot à deux centimètres de son nez pour en apprécier les effluves tout en regardant ses étudiants.
–Jeunes gens, je vous propose de ne pas faire attendre ce délicieux repas et d’honorer ce vieux bordeaux !
Julie lança un regard de reproche et commença à prier, Jacques hésita n’étant pas croyant, mais pour ne pas la laisser seule, il la rejoignit dans le bénédicité.
–Oh ! Bien sûr, allez-y ! Je ne suis pas croyant, mais je respecte la foi !
Il servit du vin de nouveau, puis, lorsque les deux regards se tournèrent vers lui, son couteau, ostensiblement, marqua le dos du pain de campagne d’une croix. Il découpa des tranches pour chacun. Fracasse humecta ses lèvres et sa bouche à la manière d’un baiser et laissa rentrer l’âpreté de la vigne sur sa langue, puis, la rondeur du vin éblouit son visage.
–Le petit Jésus en culotte de velours !
Devant les regards incrédules, il ajouta :
–C’est une expression du coin, le vin est excellent !
Le tanin colora la bordure des lèvres de Julie qui toussota quand l’alcool rougit son visage. Jacques but le vin cul sec et il sentit remonter de son estomac une chaleur qui se propageait en lui. Ses vêtements lui semblaient serrés, il eut la sensation d’être un radiateur. Il chercha à se contenir, mais ses oreilles le trahirent. Fracasse fit semblant de ne rien voir et avec délectation du coin de l’œil, il regarda les deux tourtereaux découvrir le plaisir de la vigne. Un silence passa et les assiettes qui avaient été remplies laissèrent apparaître leur fond. Fracasse proposa un second service à ses invités. Jacques reprit une pleine assiette suivant ainsi l’appétit de son professeur. Julie se contenta de quelques légumes agrémentés de sauce.
–Professeur, vous êtes un sacré cuisinier !
–Merci Jacques. Je vous ai fait un sauté de chevreuil à la solognote.
Les apprentis chasseurs se regardèrent comme s’ils venaient de commettre un crime. Leurs regards glissèrent en direction de la tête de chevreuil naturalisée, la beauté de l’animal paraissait les accuser. Ils recroisèrent leurs regards et sans rien dire, ils finirent leurs assiettes comme des condamnés.
–Allez-y, les enfants, régalez-vous ! Ce n’est pas de la viande de supermarché !
Le supermarché, là où l’animal n’a jamais été pour le consommateur un être vivant. L’endroit où l’on choisit son cadavre à consommer. Julie imaginait le chevreuil perdu dans les rayons. Les clients et leurs Caddies remplis de têtes d’animaux empaillés et Jacques qui la regardait nue devant le rayon boucherie, les pieds dans le sang et les mains faisant des signes désespérés au chevreuil pour qu’il s’éloigne. Jacques voyait Julie perdue dans ses pensées, la fourchette en sustentation au-dessus de son assiette. Un morceau de topinambour embroché et une rondelle de carotte oubliaient le temps. Jacques fixait la bouche indécise. Il pensa à leur premier baiser et cette première fois où la nourriture les avait réunis. C’était à une soirée entre étudiants, ils avaient dévoré ensemble toutes les olives noires. Julie lui avait parlé de sa passion pour la nature et il lui avait proposé de cultiver des oliviers. Elle avait ri et sa voix sensuelle avait pénétré son âme. Elle connaissait le chant des sirènes et Jacques accepta le sort du marin. Un écho retentit et il retrouva la table, Julie s’était mise à manger et il sentait sur son épaule le poids pesant de la main de Fracasse.
–Tu rêveras tout à l’heure, Jacques ! Ce soir il faut prendre des forces, demain nous nous levons à cinq heures du matin !
Le plat liquidé, ils eurent droit à un plateau de fromages où un grand camembert normand au lait cru offrait le présage de la force et de la douceur. Il était légèrement coulant sur le bord et son odeur rappelait la traite des vaches. Six crottins de Chavignol en robe blanche pigmentée de bleu l’accompagnaient. Ils sentaient la noisette et la fraîcheur de l’humus. Les arômes envahissaient la pièce. On eût dit qu’un caprin venait tourner autour de la table. La Normandie et la Beauce trouvèrent à nos convives un appétit qu’ils pensaient combler. En dessert, Fracasse apporta une petite tarte aux pommes et leur proposa un limoncello fabriqué par un ami Napolitain. <
–Pourriez-vous me donner vos sensations ?
Julie ne répondit pas à Fracasse. Elle le regarda et laissa couler le liquide doucement entre ses lèvres. Le spiritueux s’installa dans son corps. L’odeur du citronnier frôla son nez et quelques millimètres cubes envahirent sa salive. Sa langue baigna dans un champ de citronniers jaunes. Le goût sucré alcoolisé descendit dans sa gorge et la chaleur de l’été napolitain l’inonda par capillarité. Le verre de vin et l’alcool de citron firent venir la fatigue. Elle était portée par du coton et pensait à son lit. Dormir pour récupérer demain sera toujours trop tôt. Jacques avala à son tour le limoncello et contrairement à Julie, il en ressentit une force. Il regarda les seins de son amie, puis plongea son regard dans ses yeux. Elle comprit son désir. L’assurance portée par l’ivresse faisait penser à Jacques que malgré les animaux empaillés, ils pourraient faire l’amour. Il s’imaginait sans retenue, leurs peaux dans la fusion des sens. Jacques posa sa main sur celle de Julie et il sentit l’abandon, puis elle lâcha :
–Je suis crevée, je sais que cela ne se fait pas, mais je vais vous laisser là, tous les deux. Désolée, monsieur Fracasse !
–Ne t’en fais pas Julie, il faut que tu sois en forme demain. Nous allons débarrasser avec Jacques et après nous irons nous coucher. Nous aussi nous devons être en forme ! Levez à cinq heures et à six nous serons dans la forêt !
–Bonne nuit, Julie ! dit Jacques déçu.
Le temps que les hommes eussent fini de débarrasser la table et laver la vaisselle, Julie dormait déjà à poings fermés. Fracasse installa sur la table les bols pour le petit déjeuner et parla sans détour à Jacques.
–Julie est une fille super-sympa. Elle fera sûrement un bon médecin. En plus, elle est bien gaulée, si tu me permets, comme c’est ta petite amie. Mais tu as un grand avenir comme chercheur et tu le sais. Jacques, tu as la recherche dans le sang.
Jacques fut surpris du compliment de Fracasse, mais les propos sur Julie le perturbèrent. Il se demandait ce que son professeur insinuait. Il aimait ce qu’il apprenait. La chimie et la biologie moléculaire le fascinaient et le passionnaient. Fracasse posa ses deux mains sur ses épaules et continua.
–Je suis sur l’étude du nématomorphe Spinochordodestellinii.
–Un drôle d’asticot mi- bernard-l’hermite, mi-sorcier vaudou !
–Oui, tu as raison Jacques ! Un drôle d’asticot ! Le philosophe Michel Onfray en parle dans son livre Cosmos. Et j’ai réussi à en extraire la molécule de contrôle et même à la garder en parfait état !
Jacques buvait les paroles du professeur.
–Professeur ! Vous allez être le prochain prix Nobel !
–Pour l’instant, il faut garder le secret. Je voudrais réaliser une expérience.
–Si je peux vous aider, professeur ?
–Je te fais confiance Jacques, je t’expliquerai cela dans mon laboratoire. Mardi matin, rejoins-moi à neuf heures, tu comprendras. L’après-midi, nous avons cours ensemble, tu ne diras rien aux autres élèves. Je te promets de mettre ton nom dans mes remerciements lorsque je vais révéler au monde scientifique ma découverte. Maintenant, allons-nous coucher ! Le territoire de chasse nous attend ! Même si nous n’y allons pas pour chasser, il faut se lever tôt pour mériter Dame nature.
Jacques était invité par Fracasse à rentrer au cénacle de la science. La chimie moléculaire, maîtresse du feu, de l’eau, de la terre et du vent. Le secret de l’alchimie moderne. Mais malgré cette nouvelle, il devait aller se coucher. Demain, il irait avec Julie découvrir le territoire des chasseurs. Pourtant, son esprit était comme enflammé. Une fièvre montait en lui, une force mystérieuse, sa passion l’emportait. C’était quelque chose à l’intérieur de lui qui avait toujours existé. Une addiction, une drogue de l’esprit, cela n’avait d’autre logique que le plaisir intense d’être l’explorateur d’un pouvoir potentiel. La folie du chercheur d’or à la vue d’une simple paillette. Lorsqu’il s’allongea dans son lit, la molécule de contrôle du nématomorphe Spinochordodestellinii se promena un long moment dans ses rêves sous forme de question. De quelle expérience Fracasse avait-il besoin avant de publier ses recherches ? Il pensa aussi aux possibilités de ce parasite qui dirige sa victime en envoyant des codes chimiques à son cerveau, contrôler un animal, mais sans risquer de le tuer. Juste, le soumettre à la volonté de l’homme, c’était peut-être faisable. Fracasse avait-il ce projet ? Pourrait-on éloigner les sauterelles des champs, dresser un chien à ne pas mordre, transformer les singes en auxiliaires de vie. Améliorer le monde des Hommes à la condition de ne pas se brûler, car tout rêve a son Icare. Mais, c’étaient ses hypothèses, quel but avait Fracasse ? Jacques eut du mal à trouver le sommeil. Toutes les questions qu’il se posait et le bruit de la forêt solognote murmurant son mystère retenaient sa conscience. Il se leva plusieurs fois pour aller aux toilettes et boire de l’eau dans un verre à moutarde. Il entendit au milieu de la nuit un cri strident, qu’il pensa être celui d’une chouette. Il regarda sa montre, les aiguilles indiquaient trois heures et quart. Il bâilla profondément et le sommeil l’emporta. Julie a les fesses rondes. Jacques les regardait et répétait avec plaisir : « Julie a les fesses rondes ! ». Elle était nue sur le clic-clac, les draps abandonnés gisant au sol. La lumière traversait les vitres de la fenêtre, sans rideau ni volet de son petit studio parisien. Leurs cœurs battaient, tels deux métronomes enlacés, et il sentit sa verge prendre place entre ses jambes. Ils échangèrent des murmures, et c’est alors qu’il entendit Fracasse, le sortir de son rêve.
–Debout, les enfants ! Le petit déjeuner est prêt !
Jacques passa dans la salle de bains, le plus rapidement qu’il put, sans prendre le temps de nettoyer son lit imbibé de son rêve érotique. Lorsqu’il arriva dans le salon, Julie et Fracasse déjeunaient.
–Dépêche-toi Jacques !
–Désolé professeur, il fallait que je me lave le visage pour bien me réveiller.
Julie le regarda, cherchant s’il n’avait pas une quelconque maladie cachée.
–Tu vas bien ?
–Oui, Julie ne t’inquiète pas, tout va bien !
Il se pencha vers elle, et l’embrassa sur les lèvres. Le bruit sec de la culasse du 300 Verney Carron attira leurs regards. Fracasse était devant eux en habit de chasseur, la carabine à la main.
–Vous nous avez dit que nous allions découvrir votre zone de chasse, sans chasser !
–Oui, tu as raison Julie, mais il faut toujours prévoir, un animal enragé ou un braconnier ! Il fit un petit sourire et rajouta : « Mes balles sont dans ma poche ! »
Les étudiants se vêtirent pour leur sortie avec des bottes en caoutchouc et de gros blousons d’hiver. Fracasse, leur fournit des gilets fins fluorescents orange, qu’ils mirent avec difficulté sur leur blouson. Ils reçurent chacun, du professeur, un petit sac à dos en toile de jute marron contenant une bouteille d’eau et un paquet de gâteaux secs.
–Gardez les sacs de chasse en souvenir et ne vous privez pas de manger les gâteaux et de boire de l’eau !
Quelques minutes après, ils marchaient entre les arbres de la forêt où la nuit régnait encore. Fracasse précédait le groupe dans l’humidité fraîche et glacée du matin. Julie regrettait la chaleur de son lit et Jacques bâillait à répétition.
–Plus on avance, plus il fait froid !
–Tu as raison Julie, on rentre dans un frigo !
–Oui, Jacques, un frigo !
Fracasse s’arrêta et les regarda. Il leva son index droit sur ses lèvres, puis ouvrit sa main en direction du sol. Alors, Julie et Jacques s’efforçaient au silence, malgré le refus de leurs pas. Au sol, la décomposition des feuilles et des brindilles ressemblait à la fin d’une bataille où l’odeur de mort sentait l’humus. Quelques branches éventrées pourrissaient çà et là en cadavres abandonnés par les grands chênes qui semblaient vouloir fuir le charnier en regardant vers le ciel. Des champignons aux formes biscornues se rassemblaient par genre en survivalistes entre la terre et les sommets abandonnés par la sève des arbres en fin de vie. Julie et Jacques découvraient, sur le chemin sinueux qu’ils empruntaient, des petits sentiers qui apparaissaient et se faufilaient dans des ronces de différentes hauteurs, vers de mystérieux passages. De hautes herbes infestées de jeunes branches boutonneuses avaient élu domicile dans les endroits où passait la lumière. Le soleil donnait ainsi la vie au pied des arbres à un labyrinthe d’herbes folles escortées par des régiments de fougères. Les chaussures qui soulevaient par endroits la terre révélaient les rhizomes qui unissaient les plantes et apportaient au sinus un parfum de bruyère. Des toiles d’araignée emprisonnaient la rosée et leurs locataires à huit pattes les regardaient passer. Un geai des chênes au bec noir se posa sur la branche d’un arbre. La beauté de son plumage coloré brun rosé aux ailes et d’un bleu étincelant à pointe blanche attira les regards de Julie et Jacques. L’oiseau poussa un cri. La forêt rendit un écho. Quelques bruissements au loin disparurent aussi vite qu’ils étaient venus. Il y eut le sentiment d’une attente, une scène devait se jouer dans un théâtre à ciel ouvert et le geai des chênes venait de taper les trois coups. Fracasse bifurqua dans un petit chemin qui descendait d’une dizaine de mètres dans une pente douce, où de grosses pierres aux trois quarts enfoncées tachetaient dans la verdure du sous-bois. Les deux étudiants cherchaient les zones où leurs chaussures ne glissaient pas. La terre se fit plus compacte et les arbres plus espacés, ils arrivèrent dans une grande allée où l’herbe devenait plus dense et plus verte. Un murmure d’eau grossit pour devenir un petit ruisseau sifflant à travers les cailloux et les feuilles mortes.